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(Neuf heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
député d'Abitibi-Ouest, s'il vous plaît.
Alors, Je vais rappeler le mandat de la commission. La commission des
affaires sociales se réunit afin de procéder à une
consultation générale et tenir des auditions publiques sur le
document de consultation intitulé «Partenaires pour un
Québec compétent et compétitif» et sur le projet de
loi 408, Loi sur la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre.
Alors, nous allons poursuivre nos audiences, ce matin. Je demanderais
à M. le secrétaire s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Joly
(Fabre) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert); Mme Loiselle
(Saint-Henri) par M. Beaudet (Gaspé); M. Williams (Nelligan) par M.
Tremblay (Rimouski); M. Trudel (Rouyn-Noran-da-Témiscamingue) par Mme
Harel (Hochelaga-Maisonneuve) et Mme Juneau (Johnson) par M. Gendron
(Abitibi-Ouest).
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le secrétaire. Maintenant, nous allons entendre, ce matin, l'Association
des cadres scolaires du Québec. Je présume que vous avez
déjà pris place, messieurs. Est-ce qu'il y a moyen de vous
identifier, s'il vous plaît, M. le président ou le porte-parole,
ainsi que les personnes qui vous accompagnent, également?
Association des cadres scolaires du
Québec
M. Godin (Guy): Absolument, M. le Président. Dans un
premier temps, j'aimerais vous remercier de nous entendre en commission. Disons
que c'est pour nous un temps important pour vous souligner l'apport que
l'éducation veut apporter dans le projet de loi. Je m'identifie. Je suis
Guy Godin, président de l'Association des cadres scolaires du
Québec; dans le quotidien, je suis directeur des ressources
financières à la commission scolaire régionale de Yamaska.
À mon extrême gauche, M. Normand Legault, président de la
commission de l'enseignement professionnel de notre association; dans le
quotidien, M. Legault est directeur des services de la formation
professionnelle à la commission scolaire Chomedey de Laval. A ma gauche,
le premier vice-président de l'Association des cadres scolaires, M. Paul
Labrecque, qui est coordonnâtes à l'éducation des adultes
à la Commission des écoles catholiques de Québec. À
ma droite, M. Jean-Pierre Simard qui est directeur des ressources
matérielles à la commission scolaire de Sherbrooke et le
vice-président à la mission professionnelle de notre association.
À mon extrême droite, M. Jacques Fortin qui est notre directeur
exécutif.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. le président, je vous remercie de ces
présentations. Dois-je vous rappeler que vous avez une heure pour vous
faire entendre. Cette heure-là pourra être répartie en
trois parties distinctes, à savoir: votre présentation de 20
minutes, 20 minutes au parti ministériel et 20 minutes à
l'Opposition. Alors, si vous voulez répartir votre temps de cette
manière-là, ça pourra aller. Dépendamment de votre
goût, vous pouvez dépasser les 20 minutes et la période de
questions sera diminuée d'autant.
M. Godin, nous vous entendons.
M. Godin (Guy): D'accord, je vous en remercie. Je vous fais la
lecture de notre mémoire, M. le Président. L'Association des
cadres scolaires du Québec existe depuis 1972 et regroupe plus de 2200
administrateurs scolaires oeuvrant dans les commissions scolaires et
spécialisés dans les grands domaines de la gestion scolaire dont
l'éducation des adultes. Notre expertise s'appuie, entre autres, sur
l'expérience de travail de plus de 200 directeurs et adjoints de
formation des adultes dont un grand nombre s'occupent de la formation de la
main-d'oeuvre et des premiers responsables de la formation professionnelle dans
les commissions scolaires.
En résumé, ce qu'on vous dit dans notre mémoire:
les points mis en évidence font ressortir tout l'intérêt
que nous portons à cette réforme de la main-d'oeuvre et à
la place que nous revendiquons. De façon schématique, ce que nous
voulons, c'est occuper une place importante au niveau du développement
économique régional; oeuvrer à titre de partenaires
véritables; que notre flexibilité, que d'aucuns ont appelé
«précarité», soit reconnue comme un des
éléments moteurs de notre capacité d'adaptation; que nos
compétences soient mises à contribution.
Nous croyons fermement que ces aspirations n'ont rien d'excessif. Au
contraire, elles s'intègrent tout à fait dans un plan de
réforme globale de développement de la main-d'oeuvre basée
sur un partenariat véritable.
Introduction. L'Association désire, par le présent
mémoire, apporter quelques précisions au regard du projet de loi
408, Loi sur la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre,
ainsi que du document complémentaire Énoncé de politique
sur le développement de la main-d'oeuvre, intitulé très
ambitieusement «Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif». Bien que, d'une façon générale,
ces documents soient bien structurés et solidement étayés,
l'ACSQ éprouve le besoin de nuancer quelque peu certains aspects
Jugés pour le moins discutables et qui méritent qu'on y porte une
attention particulière.
Comme vous pourrez le constater à la lecture de ce document,
seules quelques questions ont retenu notre attention. Mais ces questions sont
à l'origine des restrictions que l'Association émet au regard du
projet de loi 408 et qu'elle se sent le devoir de transmettre au ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle, M. André Bourbeau. Ce mémoire se veut une
réflexion que nous élaborerons dans les pages qui suivent, sous
forme de commentaires, de suggestions ou de recommandations.
Le premier point: Commentaires sur l'énoncé de politique
sur le développement de la maln-d'oeuvre. La question du défi de
l'emploi. Le facteur de vieillissement. La main-d'oeuvre active vieillit. On
n'a peut-être pas porté suffisamment attention aux
conséquences qu'un tel constat entraîne forcément. En
effet, si la main-d'oeuvre active vieillit, cela signifie, sans l'ombre d'un
doute, qu'il faut de plus en plus composer avec une clientèle de
personnes plus âgées dont les compétences risquent
d'être dépassées à plus ou moins longue
échéance. Par conséquent, II faudrait plus que jamais
mettre l'accent sur l'éducation des adultes. C'est une attitude que la
nouvelle société compte développer et c'est, à
notre avis, la clé de voûte de cette réforme.
D'entrée de jeu, nous tenons à indiquer que depuis le 1er
juillet 1989, date de la mise en oeuvre de la nouvelle Loi sur l'instruction
publique, la mission des commissions scolaires s'est considérablement
élargie. Il leur appartient maintenant d'assumer la
responsabilité de la formation des adultes. Toutefois, les commissions
scolaires n'ont pas attendu la nouvelle Loi sur l'instruction publique pour
offrir des services de formation aux adultes et ce secteur de la formation a
connu une croissance exceptionnelle au cours des 10 dernières
années, preuve évidente que les commissions scolaires savent
relever les défis. Elles ont su s'Impliquer totalement et cette
implication mérite d'être reconnue honnêtement et
encouragée vivement. Mais des liens encore plus étroits
pourraient se créer entre le monde scolaire et le monde du travail. Pour
ce faire, nous préconisons que des commissaires puissent
représenter l'entreprise au sein des commissions scolaires. Cela
encouragerait également une plus grande Implication des commissions
scolaires au niveau du développement économique
régional.
La main-d'oeuvre qualifiée. Par ailleurs, on constate
également d'importantes pénuries de main-d'oeuvre
qualifié. Puisque, conséquence de ce constat, les entreprises
doivent recycler leur personnel d'une façon continue, les commissions
scolaires sentent l'importance de leur implication. Il est évident que
les changements des besoins des entreprises s'effectuent très rapidement
et que seule la capacité d'adaptation de la main-d'oeuvre à ces
changements peut assurer la croissance de l'entreprise. Mais il y a un noeud.
C'est que les infrastructures existantes créées fondamentalement
pour la formation initiale ne sont pas conçues pour répondre aux
besoins de formation pointus des entreprises.
Il faut d'ailleurs se demander s'il serait souhaitable que les
commissions scolaires se munissent de ces infrastructures. À la
vérité, nous ne le croyons pas. C'est que la
variété des champs d'activité, d'une part, et les
coûts très élevés des équipements
technologiques, d'autre part, contribuent a rendre la formation
spécifique prohibitive en milieu scolaire. Ce que nous recommandons
plutôt, c'est de créer des liens étroits avec les
entreprises de façon à les faire profiter de notre expertise et
qu'en retour nous profitions de leurs ressources.
Il convient également de souligner que si la nouvelle
Société peut créer des cours dans des domaines où
une main-d'oeuvre qualifiée est recherchée, elle semble passer
sous silence le problème des secteurs où la main-d'oeuvre est
surabondante. Le problème de l'aiguillage reste donc entier, ce qui
confère à cette Société une double mission:
d'abord, favoriser la formation spécialisée dans les secteurs
clés; ensuite, désengorger certains secteurs, entre autres, en
adoptant des mesures de contingentement. Est-Il nécessaire de souligner
ici que le réseau des commissions scolaires est fort conscient de cette
situation et qu'il se trouve mieux placé que quiconque pour poser les
gestes qui s'imposent? Quoi qu'il en soit, les administrateurs scolaires que
nous représentons sauront se montrer à la hauteur du défi
à relever.
La question du sous-financement. Le financement comme tel. Parmi les
moyens cités ci-haut, il faut mentionner que la gestion du financement
reste au tout premier plan. Il est bien évident que le gouvernement ne
peut assumer la totalité des dépenses qu'entraîne la mise
en place de programmes de perfectionnement. Certes, le crédit
d'impôt remboursable peut apporter un élément de solution
à ce problème, mais cette mesure semble favoriser davantage les
grandes entreprises que les PME souvent rebutées par une paperasserie
déroutante. Pour en faire un système alléchant pour ces
petites et moyennes entreprises, il y aurait donc lieu d'y apporter des
améliorations concrètes comme on le propose d'ailleurs dans
l'énoncé de politique aux pages 38 et 39.
L'Association a, pour sa part, le sentiment
qu'un tel crédit d'impôt se révélerait
insuffisant comme mesure incitative puisque encore 45 % des PME n'offrent
à leurs employés aucun programme de formation spécifique.
Ce que nous recommandons, c'est d'aller plus loin, quitte à imposer une
contribution obligatoire à un fonds collectif de perfectionnement
adapté aux besoins de l'entreprise. Cette contribution pourrait
être variable, proportionnelle au chiffre d'affaires de la PME, ou au
nombre de ses employés, ou à son secteur d'activité, ou
à tout autre facteur susceptible d'inciter l'entreprise à
investir dans des programmes de formation à long terme où tout le
monde y trouverait son profit.
La volonté de perfectionnement. Parmi les problèmes
liés au sous-financement, celui du perfectionnement doit être
étudié à sa source même, c'est-à-dire la PME.
Il faut se rendre à l'évidence, plusieurs PME ignorent que leur
problème de non-croissance est intimement lié à la
volonté de perfectionnement du personnel de l'entreprise. C'est pourquoi
il sera de toute première importance de mettre sur pied des campagnes de
sensibilisation où le problème de perfectionnement sera mis en
lumière et reconnu comme un élément fondamental du
succès économique de l'entreprise. Nous estimons que cette
sensibilisation est à la base de la volonté des PME d'offrir ou
de participer à des programmes de recyclage et de perfectionnement de
leur main-d'oeuvre. Suite à cette sensibilisation, il deviendra plus
facile de proposer les mesures coercitives de financement mentionnées au
paragraphe 2.1.
La question du partenariat. L'engagement réel des employeurs et
de la main-d'oeuvre active est certes la condition essentielle pour une
réalisation d'un partenariat efficace. Mais il nous paraît
évident que l'éducation, par le biais des commissions scolaires,
doit compter parmi les partenaires les plus actifs des discussions entourant la
mise en place des stratégies de développement de la main-d'oeuvre
et ce, à tous les niveaux de la pyramide décisionnelle. Il nous
paraît inacceptable que l'éducation ait été
évincée lors de l'élaboration des mandats dont il est
question à la page 40 de l'énoncé de politique.
Par ailleurs, les mandats qu'auront à assumer les
sociétés régionales sont pour le moins ambitieux. De plus,
une base mal établie au niveau provincial ne pourra qu'engendrer la
confusion au niveau régional. C'est pourquoi nous insistons pour que
notre expertise soit mise à contribution et ce, pas uniquement au niveau
régional, comme on le mentionne à la page 47 de
l'énoncé de politique, mais également au niveau provincial
où nous sommes sous-représentés.
Ainsi, lorsqu'on parle de décentralisation des
responsabilités, il faut comprendre que cette décentralisation
doit s'effectuer à tous les niveaux. C'est, en effet, par le
mécanisme de la consultation régionale que pourra s'amorcer une
véritable révision de la carte des options, de façon
à la rendre plus dynamique, capable de suivre les fluctuations de
l'offre et de la demande en matière de formation.
En un mot, ce que nous revendiquons, c'est d'oeuvrer à titre de
partenaires véritables. Nous ne voulons pas uniquement jouer les
observateurs que l'on consulte à l'occasion ou les pourvoyeurs de
formation. Nous voulons, au contraire, faire partie intégrante de tout
le processus méthodologique qui implique les expertises du gouvernement,
du patronat et des syndicats. Ceci étant dit, il nous faut
déplorer que, d'une façon générale, les
comités regroupant le secteur de l'éducation et celui de la
main-d'oeuvre soient inexistants. Entre autres, dans la mise en place des
quatre grands programmes - page 52 de l'énoncé - il faudrait que
chacun de ces programmes soient gérés par un comité
conjoint éducation-main-d'oeuvre. Ce que nous réclamons
ultimement, c'est que notre expertise en éducation soit reconnue pour ce
qu'elle vaut et utiisée à bon escient dans un partenariat
véritable.
La question de ¦ la double administration. L'association n'entend
pas s'Immiscer dans le débat qui oppose le réseau de la
maln-d'oeuvre fédérale à celui du niveau provincial. Nous
n'avons, en fait, aucune prétention politique en matière de
gestion et si nous souhaitons ardemment que la lourdeur administrative dont il
est question dans l'énoncé s'atténue, c'est que nous
visons l'optimalisatlon de l'efficacité de notre système
d'éducation. On ne peut passer sous silence les méandres
administratifs que la gestion partagée engendre et qui contribue
à ralentir considérablement le début d'efficacité
auquel nous aspirons tous.
Un des objectifs poursuivis par l'Association des cadres scolaires du
Québec est de contribuer à promouvoir l'efficacité des
programmes de formation. Il nous semble évident que tout effort accompli
dans le but d'unifier les politiques gouvernementales en matière de
formation de la main-d'oeuvre ne peut être qu'un pas dans la bonne
direction, c'est-à-dire vers un Québec compétent et
compétitif, comme le précise le titre de l'énoncé
de politique.
Toutefois, cette unification administrative constitue en elle-même
un objectif à atteindre. Il ne faudrait pas qu'elle devienne une
condition sine qua non à la réforme de la main-d'oeuvre. Nous
sommes convaincus que le débat politique peut s'effectuer en
parallèle de cette réforme.
La question de l'arrimage. La formation initiale. L'énoncé
de politique souhaite que le secteur de l'enseignement demeure très
attentif aux besoins de main-d'oeuvre et qu'il se reconnaisse une
responsabilité dans le défi de la compétitivité de
l'économie. Comment atteindre un tel objectif lorsqu'on nous
considère comme de simples pourvoyeurs de programmes d'éducation?
C'est sans aucun doute cette dichotomie entre l'implication du monde de
l'éducation et les
besoins du marché au niveau du perfectionnement qui est à
l'origine du malaise généralisé dans les entreprises.
En effet, nous ne pourrons jamais fournir une réponse
adéquate aux attentes du marché du travail si nous ne sommes pas
invités à participer aux questionnements qui naissent au sein des
entreprises. Il nous faut donc une place au niveau de l'entreprise même,
particulièrement au niveau régional, afin de contribuer à
déterminer quels seront les besoins futurs de compétences. Nous
sommes conscients, ce disant, de soulever le problème de l'enseignement
en tant que tel. Il faut l'avouer, les conventions collectives de travail
n'encouragent guère nos enseignants à parfaire leur formation et
à l'ajuster aux besoins du marché. Leur charge de travail est
déjà très importante et les structures existantes ne les
incitent pas à faire des stages en milieu de travail, lesquels stages
leur permettraient de se hausser à la fine pointe des
développements des entreprises. «Apprendre pour
entreprendre» est certes un slogan enjôleur, mais apprendre
auprès de qui? Si les compétences recherchées ne sont pas
disponibles chez les enseignants eux-mêmes, comment arrive-t-on à
former cette main-d'oeuvre spécialisée qu'on réclame
à cor et à cri? Nous sommes convaincus cependant qu'en joignant
leurs efforts, les ministres du MMSRFP et de l'Éducation sauront trouver
une solution à cette épineuse question qui passe
nécessairement par une révision des conventions collectives de
travail. En effet, ces conditions de travail s'appuient actuellement sur la
formation académique et sur l'expérience, ce qui fait qu'un
professeur désirant parfaire sa formation dans un secteur de pointe ne
bénéficiera d'aucune accréditation lui permettant
d'actualiser ses nouvelles connaissances pratiques. Il va sans dire que pour
assurer une meilleure compréhension de cette situation, il nous semble
essentiel que la Centrale de l'enseignement du Québec soit
expressément représentée au niveau de l'organisation de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre.
La formation de la main-d'oeuvre. Il nous apparaît opportun de
souligner que, si les services de l'éducation des adultes des
commissions scolaires ont fait oeuvre de pionniers dans le domaine de la
formation de la main-d'oeuvre, c'est précisément à cause
de leur souplesse incontestable. Il faut donc s'appuyer sur ces modèles
performants et prendre garde de tomber dans le piège des structures trop
serrées qui pourraient réduire considérablement la
flexibilité nécessaire pour suivre le mouvement du marché.
C'est là la condition essentielle d'une intervention efficace.
Une avenue mérite d'être déblayée davantage,
celle de l'évaluation des acquis. Le ministère de
l'Éducation a comme mandat permanent de sanctionner les apprentissages
des élèves reliés au programme de formation alors que la
Société, quant à elle, supervise la qualification des
travailleurs. Ces deux approches sont complémentaires l'une de l'autre.
Nous souhaitons rappeler au ministre Bourbeau notre disponibilité
à jouer en ce domaine notre rôle nécessairement
complémentaire dans le grand mécanisme d'évaluation des
acquis.
Commentaires sur le projet de loi 408. Au regard de la loi 408, il nous
faut apporter certaines restrictions quant à notre
représentativité. L'article 5, paragraphe 3, nous indique en
effet que seuls 2 membres sur un total de 19 proviendront du secteur de
l'enseignement primaire et secondaire. La même situation prévaut
à l'article 37, paragraphe 3, où il apparaît que notre
représentativité n'est que de 2 membres sur 13. Notons bien qu'il
ne s'agit pas ici de diminuer la participation des patrons et des syndicats,
mais bien d'augmenter la nôtre de façon à la rendre plus
expressive du rôle actif que nous comptons jouer au sein de cette
nouvelle Société.
L'article 22 a aussi attiré notre attention d'une façon
toute spéciale. On y dit en effet que: «La Société
doit soumettre ses programmes à l'approbation du gouvernement et ne peut
les modifier ou y mettre fin sans une telle approbation. Elle doit de plus
mettre fin à un programme existant à la demande du
gouvernement». Après mûre réflexion, il nous est
apparu que cet article aurait sans aucun doute l'effet bénéfique
d'empêcher la prolifération des programmes qui pourraient
entraîner l'encombrement du système. Il reçoit donc notre
entière approbation à condition qu'il ne signifie pas que la
Société soit sous la tutelle du gouvernement.
En conclusion, M. le Président, le projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, ainsi que son complément, l'énoncé de
politique sur le développement de la main-d'oeuvre, «Partenaires
pour un Québec compétent et compétitif», nous
présente un projet ambitieux qu'il convient de saluer respectueusement
dans son ensemble. Nous ne doutons pas que le ministre Bourbeau portera
à nos observations toute l'attention voulue puisque ces observations
s'appuient sur le constat d'une faiblesse généralisée au
niveau du partenariat. (10 heures)
D'autre part, il nous faut préciser une fois de plus que notre
position n'a rien de politique et que notre souhait le plus cher est de pouvoir
travailler auprès d'une seule administration. Bref, réformer les
programmes de formation de la main-d'oeuvre, c'est bien; faire en sorte que ces
programmes relèvent d'une seule autorité, c'est encore mieux;
mais nous confiner à des rôles de pourvoyeurs de programmes
d'éducation, c'est inacceptable. C'est pourquoi nous exigeons, dans les
faits, la reconnaissance de la responsabilité véritable des
commissions scolaires au regard du développement économique
régional. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Godin. Je vous remercie de votre présentation. Maintenant, je vais
reconnaître la partie ministérielle. Je demanderais au ministre de
réagir à vos propos. M. le ministre.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Alors, je souhaite la
bienvenue à nos amis de l'éducation. Vous venez justement de dire
que vous craignez que la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre ne tombe sous la tutelle du
gouvernement. Alors, je vous demande: Quel rôle croyez-vous que le
gouvernement du Québec devrait jouer relativement au
développement de la main-d'oeuvre?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. Godin, vous pouvez réagir à ce
questionnement.
M. Godin (Guy): Je pense, M. le Président, que le
rôle que le gouvernement doit jouer, c'est d'abord d'établir une
politique provinciale en développement de la main-d'oeuvre. Je pense que
le gouvernement doit donner des indications claires, nettes et précises
pour faire en sorte qu'on puisse développer pour un avenir prochain, je
dirais même à court terme, des programmes de formation qui soient
adéquats pour l'ensemble des Québécoises et des
Québécois.
M. Bourbeau: Bon. Alors, vous soulignez qu'il existe un
problème d'offre de formation dans des secteurs où il y a des
surplus de main-d'oeuvre. Tantôt, vous avez même parlé de la
nécessité d'un certain contingentement, si j'ai bien compris. Ces
propos sont passablement différents de ceux qu'on entend
généralement des milieux de l'éducation, qui sont
plutôt à l'effet de répondre aux besoins de formation de la
main-d'oeuvre, sans établir nécessairement de liens avec les
besoins du marché du travail. C'est la position un peu traditionnelle,
ça, du ministère de l'Éducation, en tous les cas.
Trouvez-vous acceptable que le secteur de la main-d'oeuvre puisse affecter en
priorité ces crédits à la formation de la main-d'oeuvre
active en fonction des surplus et des pénuries de main-d'oeuvre?
M. Labrecque (Paul): Ici, M. le ministre....
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous
pourriez vous identifier, s'il vous plaît?
M. Labrecque: Mon nom, c'est Paul Labrecque, je suis premier
vice-président de l'Association des cadres scolaires.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
bien.
M. Labrecque: Et je suis coordonnateur des services
d'éducation des adultes à la commission scolaire de
Québec.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): C'est seulement pour
l'enregistrement des minutes.
M. Labrecque. Ça va. Nous sommes conscients que, dans
certaines options professionnelles, nous formons des futurs travailleurs qui ne
trouveront pas d'emploi. Et nous sommes conscients, également, qu'il y a
des problèmes dus à la révision de la carte des
enseignements dans les différentes commissions scolaires. Ce que nous
voulons ajouter, c'est que nous sommes prêts à contribuer à
nous établir dans un véritable partenariat pour favoriser
l'adaptation de ces cartes d'enseignement en rapport avec les besoins effectifs
de la main-d'oeuvre, et aussi en ne faisant pas abstraction des pénuries
de main-d'oeuvre.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui. Vous estimez que le secteur de l'enseignement
primaire et secondaire devrait être représenté d'une
façon plus importante à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre.
Pourriez-vous préciser quelle sorte de représentation vous
envisagez?
M. Labrecque: Dans un premier temps, nous voyons, au niveau du
conseil d'administration de la Société québécoise
de développement de la main-d'oeuvre, qu'un seul représentant
pour le volet secondaire, c'est-à-dire pour les commissions scolaires,
sur dix-neuf, ça nous apparaît très peu pour établir
un véritable partenariat au sein de cette Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Donc,
nous voulons, d'abord au niveau du conseil d'administration, une plus grande
représentativité.
M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais me
référer à un passage du mémoire. En page 9, vous
vous référez aux programmes de main-d'oeuvre que nous proposons,
la simplification, le regroupement de nos programmes en quatre grands
programmes. Vous dites: «Entre autres, dans la mise en place des quatre
grands programmes - que nous proposons - il faudrait que chacun de ces
programmes soit géré par un comité conjoint
éducation-main-d'oeuvre.» Êtes-vous prêts aussi
à suggérer la même chose, la gestion conjointe
éducation-main-d'oeuvre, pour les programmes du ministère de
l'Éducation?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. Labrecque, est-ce que vous voulez réagir?
M. Labrecque: M. le ministre, lorsque le
ministère de l'Éducation... Je ne veux pas parler pour
lui, nous sommes plutôt du réseau des commissions scolaires, mais
nous avons été grandement mis à contribution, nous, du
réseau, dans la revalorisation de la formation professionnelle, dans
tout le processus de relance de la formation professionnelle. Vous savez sans
doute que, parmi la révision de tous les programmes de formation, il y
avait un vaste mécanisme de consultation qui a été mis en
place par le ministère, de manière à consulter le milieu
du travail et à les considérer, effectivement, comme de
véritables partenaires dans la révision des programmes initiaux
de formation professionnelle.
M. Bourbeau: M. le Président, je décèle une
certaine équivoque dans les propos des gens qui sont devant nous. Vous
parlez toujours de formation professionnelle. Ici, c'est une commission
parlementaire qui ne porte pas sur la formation professionnelle. On propose une
politique de développement de la main-d'oeuvre et non pas un
débat sur une politique de formation professionnelle. Si on voulait
faire une politique de formation professionnelle, là, vous auriez
quelqu'un d'autre probablement à ma place; en tous les cas, j'aurais
probablement deux collègues à ma place, probablement que le
ministre de l'Éducation serait à ma droite et la ministre de
l'Enseignement supérieur qui est à ma gauche, mais pas parce
qu'on fait un débat sur la formation professionnelle, c'est parce qu'on
va avoir les cégeps tantôt qui vont venir nous visiter. Notre
intention n'a jamais été de lancer un grand débat sur les
structures du ministère de l'Éducation ou de l'Enseignement
supérieur, en fait, sur la problématique de l'enseignement. Je
pense que c'est très clairement établi dans le document
d'orientation. Si vous regardez dans l'avant-propos, on a spécifiquement
dit que ce débat-là, on le fera peut-être plus tard, mais
certainement pas aujourd'hui.
Mors, c'est pour ça que j'ai de la difficulté à
voir dans vos propos où ça commence et où ça finit.
Nous, dans notre esprit, on n'est pas ici pour faire une revue des programmes
de l'enseignement professionnel. On prend pour acquis que l'enseignement
professionnel est bien fait, que le ministère de l'Éducation, les
professeurs et l'Enseignement supérieur forment bien des travailleurs.
On compte sur eux pour qu'ils soient capables de remplir les emplois sur le
marché du travail.
Nous allons identifier les besoins sur le marché du travail et
les formateurs vont former. Ça ne veut pas dire, ça, qu'on ne
peut pas se parler. On doit se parler certainement. Il doit y avoir une
intercommunication entre le marché du travail et l'éducation.
J'ai dit très souvent qu'il fallait que l'éducation se mette le
nez un peu dans le marché du travail pour voir ce qui se passe là
et j'ai aussi dit qu'il fallait que les milieux de travail se mettent le nez
dans l'édu- cation pour voir comment les programmes sont faits et s'il
n'y a pas moyen d'aider à mieux les aligner. Mais il ne faudrait quand
même pas voir dans la politique que l'on propose, de développement
de la main-d'oeuvre, ce qu'elle ne prétend pas être et ce qu'elle
ne doit pas être non plus.
Maintenant, vous prétendez que les institutions scolaires sont
confinées à un rôle de pourvoyeur de programmes
d'éducation et je suis d'accord avec vous qu'il ne faudrait pas qu'il en
soit ainsi, que vous ne soyez que des pourvoyeurs. Ne pensez-vous pas, par
contre, que ce sont les milieux économiques qui doivent définir
leurs besoins? Et, dans cette perspective, la présence éventuelle
de deux représentants de l'enseignement au conseil d'administration de
la Société et dans les conseils régionaux, ne pensez-vous
pas que ça représente un juste équilibre et, en tous les
cas, certainement un net pas en avant par rapport à ce qui existe
présentement où il n'y a pas vraiment de présence du monde
scolaire dans les commissions de formation professionnelle?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président, M. Godin.
M. Godin (Guy): Vous comprendrez, M. le ministre, que je pense
qu'on fait un pas qui est grand en suggérant qu'il y ait tel commissaire
qui représente les parents à la commission scolaire. On se dit,
dans les milieux régionaux, que dans les commissions scolaires il
devrait y avoir un commissaire qui représente aussi l'industrie, les PME
et ainsi de suite. Donc, je pense que déjà, nous, on
suggère qu'il y ait un véritable partenariat à partir de
cet énoncé-là. Donc, pour nous, si on s'avance, d'une
part, en vous disant qu'on aimerait, qu'on suggère fortement aux
commissions scolaires de venir ajouter un commissaire de ce type-là, on
pense, d'autre part, à l'inverse, qu'on devrait être aussi en
début de planification des besoins de main-d'oeuvre pour qu'on puisse
préparer nos programmes en fonction de cet effet.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre... Si
vous me permettez de réagir à votre propos. Vous savez que les
commissaires d'écoles sont des commissaires élus. Comment
voulez-vous que ce soit une personne qui vienne du secteur Industriel, s'il est
élu démocratiquement?
M. Godin (Guy): Oui...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Quel
mécanisme? Vous allez le nommer arbitrairement?
M. Godin (Guy): Écoutez, dans une commission scolaire, il
y a des commissaires élus et il y a des commissaires qui sont
nommés aussi. Il y a un commissaire qui vient des parents. C'est un
commissaire qui n'a pas droit de vote mais qui peut quand même
apporter de fortes suggestions à la commission scolaire. Dans un premier
temps, nous, on préconise qu'il y ait un commissaire semblable dans une
commission scolaire pour Justement suivre les développements à
cet égard.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
monsieur. M. le ministre.
M. Bourbeau: II y avait la question de la CEQ. Vous
suggérez que la CEQ ait une place au conseil d'administration. Vous
savez qu'il va y avoir un secteur, une partie des membres du conseil
d'administration qui vont représenter le secteur du monde syndical.
Alors, II va falloir que les milieux syndicaux s'entendent entre eux pour nous
proposer des représentants à la Société
québécoise de développement de la main-d'?uvre.
Avez-vous une idée à savoir comment les grandes centrales
syndicales vont réagir par rapport à la présence de
quelqu'un de la CEQ dans leur contingent? Il y a aussi d'autres syndicats qui
demandent de participer; par exemple, l'UPA demande un siège aussi
à la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, affirmant représenter un grand
nombre de membres qui ont des intérêts très évidents
dans le secteur de la formation. Alors, à un moment donné, on va
avoir pas mal de demandes de syndicats ou de dirigeants syndicaux qui
représentent des secteurs et qui ne sont pas nécessairement
distribués dans toutes les sphères de l'activité
économique. Je prends, par exemple, la FTQ qui a des travailleurs dans
toutes les sphères de l'activité économique; on comprend
très bien qu'elle soit représentée. Mais quand on arrive
à des syndicats qui sont sectoriels, qui ne représentent qu'un
segment, est-ce que vous ne pensez pas que ça peut créer des
problèmes?
M. Godin (Guy): M. le ministre, je voudrais vous dire, dans Un
premier temps, que nous, on représente l'éducation. On parle au
nom de l'éducation. Vous disiez tantôt: Ne croyez-vous pas que les
autres syndicats devraient être là ou pas? Nous, on
représente le secteur de l'éducation, donc, on parle de nos
besoins. Vous mentionniez tantôt qu'on parle trop de formation
professionnelle. C'est vrai en soi, mais pour nous la formation
professionnelle, c'est un secteur de l'éducation et, pour nous, c'est ce
qui fait qu'on va, si vous voulez, donner de l'enseignement aux gens qui sont
dans une PME; donc on va former la main-d'oeuvre. En terminologie, on appelle
ça, chez nous, de la formation professionnelle. C'est pour ça que
notre mémoire est fait directement en fonction de l'enseignement par
rapport au projet de loi 408. Donc, on ne parle pas des autres champs; on est
spécifique à l'enseignement uniquement.
M. Bourbeau: Oui, j'ai bien saisi. D'ailleurs, c'est pour
ça que j'en ai parlé tantôt. Par contre, on n'est pas ici
à une commission parlementaire qui étudie l'enseignement.
Ça ne porte pas là-dessus et, dans ce sens-là, le
rôle que vous pourriez jouer au sein de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre serait
certainement beaucoup plus important si c'était une
société québécoise de l'enseignement professionnel,
disons, visant à contrôler, gérer ou superviser
l'enseignement professionnel au Québec. Là, vous seriez au coeur
de l'action, mais ce n'est pas de ça dont il s'agit. (10 h 15)
Les activités de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre sont
autres. Je peux vous les rappeler: assurer l'application des dispositions des
normes des programmes découlant des politiques de main-d'oeuvre
élaborées par le gouvernement; assurer la disponibilité
des services d'accueil, de référence et d'enregistrement des
usagers, que ce soient des entreprises ou des individus, des programmes et
services de main-d'oeuvre; intervenir, en collaboration avec les organismes ou
les établissements concernés par ces programmes, afin d'assurer
l'accessibilité des programmes de main-d'oeuvre et la
disponibilité des cours de formation; favoriser la participation aux
activités de développement de la main-d'oeuvre des
établissements publics et privés d'enseignement et soutenir les
initiatives, notamment privées, dans le développement de la
main-d'oeuvre; effectuer les achats de cours en priorité auprès
des établissements publics d'enseignement; faire la promotion des
programmes de main-d'oeuvre et, sur l'autorisation du gouvernement, conclure
avec le gouvernement du Canada tout accord portant sur l'administration et
l'application, en tout ou en partie, d'une loi du Parlement du Canada,
d'où découle un programme de main-d'oeuvre.
Comme vous voyez, il ne s'agit donc pas là de traduire en
objectifs de formation les besoins préalablement identifiés ni
d'élaborer comme tel des programmes de formation professionnelle, non
plus que de dispenser, d'évaluer ou de sanctionner cette formation. Ces
responsabilités relèvent des ministères de l'enseignement
et de leurs réseaux, à l'exception du régime
d'apprentissage qui, lui, sera élaboré conjointement par le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle et le ministère de l'Éducation.
Mais, à part celui-là, les autres programmes de formation
relèvent de la responsabilité des ministères du secteur de
l'enseignement et des réseaux et ce n'est certainement pas la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre qui va venir fabriquer des programmes de formation ou vous dire
comment les concevoir. Ce n'est certainement pas elle, en tout cas, qui va, non
plus, concevoir les régimes pédagogiques. Donc, dans ce
sens-là, la présence de représentants du secteur de
l'éducation est importante au sein de la Société
québé-
coise de développement de la main-d'oeuvre, mais elle ne doit pas
être prépondérante parce que les objectifs sont tout
à fait différents.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Labrecque.
M. Labrecque: M. Bourbeau, vous le dites dans votre
énoncé d'orientation «Partenaires pour un Québec
compétent et compétitif», relever le défi de la
main-d'oeuvre des Québécois va nécessairement passer par
ses ressources humaines, va nécessairement passer par fa
compétence de ses travailleurs beaucoup plus que par la
compétence de ses structures. Et ici, nous aussi, en matière
d'éducation, en matière de formation professionnelle et en
matière de perfectionnement professionnel, en matière de
recyclage professionnel, parce que nous associons très
étroitement la formation professionnelle et le perfectionnement des
travailleurs dans les entreprises, étant donné que nous utilisons
la même main-d'oeuvre pour ce faire, nous sommes conscients que notre
défi passera également par nos ressources humaines et nous sommes
conscients que nos ressources humaines devront faire des efforts importants
pour se perfectionner aussi, pour se soucier du besoin du travailleur et pour
acquérir aussi de nouvelles connaissances de manière à
suivre l'évolution technologique. C'est la raison pour laquelle nous
revendiquons une collaboration des syndicats et particulièrement des
syndicats d'enseignement de manière à ne pas s'établir
avec eux en position de négociation pour obtenir leur participation,
mais de manière également à les sensibiliser dès le
départ à ce grand défi que nous devons relever tous
ensemble.
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, il
vous reste deux minutes.
M. Bourbeau: ...un dernier commentaire. Je retiens de notre
entretien que vous avez une préoccupation constante, celle d'être
associés étroitement à la mise en oeuvre des propositions
que contient l'énoncé de politique. Laissez-moi vous rassurer et
également dissiper vos inquiétudes en vous
réitérant ma volonté de considérer le monde de
l'enseignement comme un partenaire, un partenaire important dans la mise en
oeuvre de la politique de développement de la main-d'oeuvre. Votre
implication au sein de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre sera importante à cet
égard, j'en suis convaincu.
Maintenant, il y a plus important encore que le nombre de sièges
qui est dévolu à un groupe spécifique. Il y a certainement
aussi la qualité des interventions sur la base desquelles il s'acquitte
de son mandat. Je veux rappeler que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre et ses
mandataires régionaux devront s'occuper non seulement de formation de la
main-d'oeuvre, mais aussi autant de placement, de normes du travail, de
remplacement de revenu, de reclassement, etc. Je persiste à croire que,
dans ce contexte, le monde de l'éducation est équitablement
représenté au sein des instances de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, Je
vous remercie. Je vais maintenant reconnaître le parti de l'Opposition,
en l'occurrence, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve,
porte-parole officiel de l'Opposition, Mme Harel.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je salue les
porte-parole de l'Association des cadres scolaires du Québec. Vous
représentez 2200 administrateurs scolaires dont 200 d'entre eux sont
directeurs ou adjoints aux centres de formation des adultes. J'irai au plus
pressé, parce que mon collègue, qui est responsable du dossier de
l'éducation au sein de l'Opposition, aimerait également
échanger avec vous ce matin. Moi, mon inquiétude s'est
aggravée en entendant le ministre de la Main-d'?uvre nous dire que,
lui, la formation professionnelle, ce n'était pas son affaire, qu'il y
en a d'autres qui s'en occupaient puis qu'il prenait pour acquis que
c'était bien fait.
Ça m'a d'autant plus inquiétée que je me suis dit
que si, d'une part, il y a 155 fonctionnaires à la Direction
générale de la formation professionnelle au ministère de
l'Éducation puis qu'il y en 192 à la Direction
générale de la formation professionnelle du ministre de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, c'est à peu
près, au total, 350 personnes, mais je ne suis pas certaine qu'à
ce niveau-là il y ait beaucoup de collaboration. Mais sur le terrain -
puis c'est de ça dont on va se parler ce matin - c'est quoi,
finalement... Est-ce que la formation initiale, la formation de base, c'est
l'éducation et puis, la formation sur mesure, c'est la main-d'oeuvre?
C'est comme ça, dans le fond, que c'est vu avec les lunettes du
ministre.
Mais qu'est-ce qu'on fait? Vous savez, le milieu d'affaires qui vient
nous en parier encore ce matin, le Conseil du patronat, dans son
mémoire, viendra dire: Qu'est-ce que vous faites pour
l'analphabétisme? Ah! le ministre va dire: Ça, ça ne me
regarde pas! Mais il y a de 23 % à 28 % de la main-d'oeuvre qui a des
problèmes d'analphabétisme fonctionnel. Qu'est-ce que vous faites
en matière d'apprentissage? L'énoncé ne parle que d'un
programme d'apprentissage pour des adultes à l'écart du
marché. Mais le Conseil du patronat viendra dire: L'apprentissage, c'est
pour des jeunes. Qu'est-ce qu'on fait avec un secteur de formation
professionnelle pour jeunes qui, de 1985-1986 à 1990-1991, a
diminué de 47 620 à 13 351?
Alors, qu'est-ce qu'on fait? Finalement, c'est qu'il va y avoir une
sorte de politique curative à la main-d'oeuvre, pour essayer de corriger
puis de remédier au problème de l'abandon scolaire, au
problème de la diminution des effectifs du secteur professionnel, etc.
Tout ça parce que les arbitrages fondamentaux ne se font pas entre les
ministères de la Main-d'oeuvre et de l'Éducation. On peut dire
que tout le monde est partenaire, quasiment, au Québec, sauf ces
ministères qui s'occupent de main-d'oeuvre et d'éducation.
Mais je reviens avec une question de fond qui, pour mol,
m'inquiète énormément. C'est la direction dans laquelle
ça s'en va, à savoir que, de plus en plus, la formation
professionnelle n'est offerte qu'à temps plein. Ça, je veux vous
en entendre parler. Vous avez une expertise là-dessus. Et cette
formation professionnelle est offerte à temps plein, parce qu'à
temps partiel les enveloppes sont fermées. N'est-ce pas? Ça, je
voudrais que vous nous en parliez. À temps plein, les enveloppes sont
ouvertes, mais à temps plein les programmes sont subventionnés
pour des prestataires de quelque chose.
Si vous n'êtes pas prestataire de quelque chose, prestataire
d'assurance-chômage, prestataire d'aide sociale, prestataire de quelque
chose, est-ce que je me trompe en pensant que c'est quasiment difficile d'aller
chercher la formation professionnelle de base dont on peut avoir besoin, parce
qu'on n'a pas... Il faudrait quasiment attendre d'être sur le
chômage ou sur l'aide sociale pour avoir un accès à cette
formation-là.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Labrecque ou M. Godin.
Une voix: M. Labrecque.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Labrecque va répondre? O.K. M. Labrecque.
M. Labrecque: Ça me fait plaisir, Mme Harel, de
répondre à votre question. Sur le terrain, les commissions
scolaires ont associé - je le disais tantôt à M. le
ministre Bour-beau - très étroitement la formation
professionnelle au développement de la main-d'oeuvre. Ce sont les
services de formation professionnelle, les services d'éducation des
adultes qui, dans les commissions scolaires, ont développé des
services aux entreprises. Ils se sont préoccupés du
développement économique régional et ils utilisent les
mêmes structures, les mêmes Infrastructures pour ce faire et les
mêmes ressources humaines pour ce faire.
En ce qui concerne la formation initiale, la formation professionnelle
à temps plein, il est vrai que nos modalités budgétaires
favorisent davantage la formation à temps plein que la formation
à temps partiel. Même, je dirais que la formation à temps
partiel financée par le ministère de l'Éducation est quasi
inexistante.
Mme Harel: C'est un problème. Il y a un problème,
là.
M. Labrecque: Actuellement, la clientèle de la formation
professionnelle à temps plein, elle est de trois ordres. Il y a une
clientèle de gens qui vivent de l'assistance sociale, qui
reçoivent des prestations d'aide sociale et de gens qui reçoivent
des prestations d'assurance-chômage. À ce titre, la modification,
l'année dernière, à la Loi sur l'assurance-chômage a
favorisé bon nombre de chômeurs à retourner aux
études. La porte ne leur est pas fermée, sauf qu'ils n'ont
peut-être pas les moyens de subsistance particulière pour se payer
une année sabbatique pour fins d'études, mais la porte n'est pas
fermée à tout citoyen qui désire prendre un cours de
formation professionnelle à temps plein. Elle leur est ouverte.
Mme Harel: Alors, vous nous dites que la formation à temps
partiel est presque inexistante. Moi, j'aimerais revenir là-dessus parce
que je me pose la question. Il y a quand même une main-d'oeuvre de 3 000
000 de personnes. L'individu qui, de façon autonome, veut
améliorer ses compétences, mais qui travaille, on ne peut pas lui
suggérer de laisser son emploi ou d'espérer être en
chômage pour pouvoir avoir la possibilité d'aller à temps
plein. Qu'est-ce qui lui est offert en matière de formation
professionnelle s'il n'est pas dans les programmes de main-d'oeuvre qui eux,
finalement, sont des programmes de formation sur mesure surtout? S'il a
vraiment besoin d'aller chercher une compétence dans des formations de
base ou initiale, qu'est-ce qu'il peut faire?
M. Labrecque: Je dois m'expliquer quand je dis que la formation
professionnelle à temps partiel est quasiment inexistante. C'est celle
qui vise l'apprentissage d'un métier initial, d'un métier de
base, qui est pratiquement inexistante. Nous avons une formation
professionnelle qui, quand même, est très florissante. C'est celle
des services aux entreprises, celle commanditée directement par les
commissions de formation professionnelle.
Mme Harel: Oui. Donc, à même des programmes
où il faut être prestataire de quelque chose ou à
même des programmes où l'entreprise utilise un crédit
d'impôt, c'est ça?
M. Labrecque: Exact.
Mme Harel: Mais dans le cas d'individus qui travaillent dans une
pharmacie, une épicierie ou le chauffeur de taxi - il y a certainement 1
000 000 de personnes, là - qu'est-ce qu'on fait
pour ces gens-là?
M. Labrecque: je peux laisser à mon collègue, qui
est responsable d'un service de formation professionnelle, le soin de
répondre à cela.
M. Legault (Normand): Normand Legault. Concernant la formation
qui va mener à des formations initiales, mais à temps partiel,
actuellement, les règles d'organisation font qu'une personne qui
voudrait aller chercher une formation qualifiante au niveau d'une sanction d'un
diplôme, à temps partiel, c'est un minimum de 15 heures par
semaine. Ça veut dire qu'il faut qu'une personne s'embarque presque a
temps plein. Actuellement, au niveau du temps partiel, une personne qui demande
des services de formation, que ce soit au niveau secondaire ou
collégial, les règles budgétaires de l'autre
ministère, la Main-d'oeuvre, font qu'il y a eu diminution effective en
1991-1992 des enveloppes pour la prestation de services, de sorte qu'on observe
dans le réseau, soit au secondaire ou au collégial, une
diminution de services subventionnés par l'État. Donc, il faut y
aller avec de l'autofinancement et ce n'est pas tout citoyen
québécois qui est en mesure de payer, dans une période
difficile, sa formation autofinancée.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que je
comprends qu'elle n'est pas inexistante? Elle est existante, la
formation...
M. Legault: Ce qu'on pourrait dire, c'est que le principe est
là, sauf que, dans les modalités, c'est très difficile
d'accès.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Vous nous avez parlé de la nouvelle Loi
sur l'instruction publique qui est en vigueur depuis le 1er juillet 1989, la
conscience exceptionnelle au niveau de la formation des adultes. Finalement,
j'ai compris que ce que vous recherchiez, peut-être pas encore d'une
façon précise au niveau des modalités, mais vous
recherchez qu'il y ait une plus grande intimité, je dirais, avec
l'entreprise. C'est ça qu'il faut comprendre. Pourtant, de plus en plus
- et c'est ma dernière question - on sait que le marché de
l'emploi va exiger des renforcements, des contenus théoriques de
formation. C'est une tendance, paraît-il, qui va aller en augmentant.
C'est une tendance qui s'observe dans l'industrie, dans les secteurs de
services et ça va de plus en plus demander un contenu élargi
à la formation plutôt que le training à
l'américaine. Est-ce que vous pensez que présentement
l'entreprise est prête a évaluer ses besoins en matière, si
vous voulez, de moyen et long termes, plutôt que uniquement à
très très court terme? Première question. (10 h 30)
Deuxième question: Est-ce que ce n'est pas justement dans cette
intimité de l'entreprise et du milieu de l'éducation qu'il
pourrait y avoir un échange qui serait souhaitable, finalement, pour les
deux parties? Je reviens donc à cet exemple que vous nous donniez
tantôt de services aux entreprises dans les commissions scolaires.
J'étais sur la Côte-Nord en fin de semaine et des personnes
disaient que des entreprises sont sollicitées par cinq, six, sept
personnes responsables, soit dans la commission scolaire, soit au niveau du
cégep, soit au niveau de la Commission de formation professionnelle,
soit au niveau du Centre d'emploi du Canada. Elles sont sollicitées par
des fonctionnaires qui viennent leur faire connaître les
possibilités mais, au bout de la ligne, c'est comme un mirage, ça
finit toujours par rien. Alors, je ne sais pas comment faire pour que toute
cette énergie-là ne se perde pas en structures.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Labrecque, voulez-vous réagir?
M. Labrecque: Oui, s'il vous plaît. En ce qui concerne les
entreprises, vous savez que notre économie québécoise
repose en grande partie, je dirais en majeure partie, sur les petites et
moyennes entreprises. Les petites et moyennes entreprises n'ont pas d'autre
choix actuellement que de prévoir plutôt à court terme
leurs besoins de main-d'oeuvre. C'est la raison pour laquelle nous insistons
dans notre mémoire sur une campagne afin de sensibiliser tous ces petits
entrepreneurs à la nécessité d'investir et de s'investir
dans la formation de la main-d'oeuvre. C'est aussi la raison pour laquelle nous
préconisons la mise en place d'un fonds collectif de perfectionnement
pour faire en sorte que toutes les entreprises puissent collaborer, parce que
nous ne croyons pas que les petites entreprises ont l'habitude de
prévoir à long terme leur formation de la main-d'oeuvre, leurs
besoins de main-d'oeuvre et qu'elles se reposent beaucoup sur les
épaules du gouvernement du Québec et des commissions scolaires
à cet égard.
En ce qui concerne votre deuxième question, pour ce qui est de
l'implication des commissions scolaires dans les services aux entreprises, ce
que nous disons dans notre mémoire, c'est que nous ne voulons pas
être uniquement à la fin de la chaîne pour recevoir une
commande de formation, une commande de formation dite théorique; nous
serions peut-être sujets à perdre conscience du véritable
besoin qui était initialement au départ de cette commande. Donc,
nous nous sommes aperçus que ce qui est le plus profitable, c'est
lorsque nous collaborons étroitement avec les entreprises, que nous
sommes à l'origine même de l'énoncé du besoin de
formation et que nous contribuons à élaborer une
réponse éducative pour perfectionner les travailleurs de
manière à ce qu'ils puissent rencontrer ce besoin.
Alors, nous ne voulons pas d'une structure qui donne un mandat à
quelqu'un et ensuite qui passe le mandat à quelqu'un d'autre, au risque
d'y perdre tout l'aspect pratique.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Je
vais maintenant reconnaître le député d'Abitibi-Ouest et
ex-ministre de l'Éducation qui va nous apporter, j'en suis sûr, un
éclairage nouveau. M. le député d'Abltibi-Ouest.
M. Gendron: Vous êtes censé être uniquement
président de séance, vous, là.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Enfin, je peux déborder un peu.
M. Gendron: Bonjour. Oui, ce n'est pas dans les sept, huit
minutes qui me restent mais... D'entrée de jeu, je suis porté
à dire que j'ai été un peu estomaqué, mais ce n'est
pas la première fois que le ministre de la Main-d'oeuvre réussit
à m'estomaquer. Quand il a mentionné tantôt que nous
étions ici pour regarder les réalités liées au
développement de la main-d'oeuvrer et non - et là, je le cite au
texte - «sur la formation professionnelle», j'ai l'impression que
ça justifie pourquoi vous êtes ici et pourquoi nous sommes ici.
Avec un ministre qui a une telle compréhension de son mandat, ça
ne peut pas faire autrement qu'on ait des problèmes majeurs au niveau de
la main-d'oeuvre québécoise. Sincèrement, je n'en reviens
pas.
On ne peut pas dissocier ces deux éléments-là. Au
nom de quelle logique voudrions-nous que le Québec se dote d'une
meilleure politique de main-d'oeuvre si on n'est pas conscient que ça
doit nécessairement passer par une formation professionnelle plus
adéquate, plus pertinente, plus significative et surtout plus
véhiculée par les formateurs, les dispensateurs? Moi, je n'en
reviens pas qu'on cherche constamment à dire... Écoutez, comme si
c'était cloisonné! Ce n'est pas des barrages, le ministère
de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu puis le
ministère de l'Éducation. Ça me renverse à chaque
fois parce qu'on sait qu'il y a eu des difficultés avec les
«ex». Rappelez-vous l'ex-ministre de l'Éducation, ses
débat épiques avec le même ministre de la Main-d'oeuvre et
de la Sécurité du revenu. Est-ce que c'a l'air d'aller mieux de
ce temps-ci? On n'en entend pas parler. Ce n'est pas parce qu'on n'en entend
pas parler que ça va mieux.
Un problème majeur, de fond, c'est qu'effectivement, avec le
ministre actuel, on tente de «discarter» les intervenants
éducatifs. Et à titre d'ancien professeur, j'ai oeuvré
dans ce milieu-là pendant 10, 12 ans, je connais ce milieu-là
encore parce que j'ai des contacts très étroits avec lui. Je suis
le porte-parole de l'Opposition officielle en matière
d'éducation. Et j'estime que c'est heureux que de plus en plus
d'intervenants éducatifs se présentent à cette commission
et disent au ministre: On voudrait être plus actifs, plus présents
parce qu'on pense qu'on a un rôle majeur à jouer dans
l'identification du «quoi faire» pour que la main-d'oeuvre
québécoise soit plus qualifiée, réponde mieux aux
aspirations de l'entreprise.
Et qu'on arrête, dans n'importe quel mémoire, de commencer
par des constats de problématique disant: Notre main-d'oeuvre ne
répond pas aux besoins de l'industrie. Notre main-d'oeuvre n'est pas
qualifiée. On a des taux de chômage effarants et si on avait une
main-d'oeuvre plus appropriée, plus qualifiée, on pourrait
peut-être dans six mois corriger le taux de chômage de la
moitié. Au moins, on pourrait aller vérifier si c'est vrai, parce
qu'il y a un paquet d'entreprises qui prétendent qu'elles ne peuvent
même pas embaucher alors qu'elles auraient le goût de le faire,
sous prétexte qu'il n'y a pas de main-d'oeuvre qualifiée. Si ce
n'est pas relié, vous avez un problème, M. le ministre. C'est un
problème majeur, sérieux. J'espère qu'à force de
reprendre le même message au niveau des intervenants de
l'éducation vous allez comprendre que ce n'est pas en les
«discartant», ce n'est pas en les considérant comme
étant des dispensateurs de cours qu'on va améliorer la
qualité de notre main-d'oeuvre par une formation professionnelle plus
adéquate.
Moi - parce que j'ai peu de temps - j'estime que vous avez posé
les bons problèmes. Votre mémoire est assez clair à
certains égards. Il y a une couple de clés que je veux relever.
C'est évident quand vous dites, par exemple, à la page 8, que
dans l'élaboration des mandats de la Société - je viens de
les relire à la page 40 - vous avez été
complètement «discartés». Et le ministre a le culot
de vous le relire, comme si vous ne l'avez pas lu. La page 40, c'est
évident que vous l'avez lue puisque vous êtes ici. Et à la
page 40, quand on lit: «La Société québécoise
de développement de la main-d'oeuvre aura le mandat de définir
les besoins de développement de la main-d'oeuvre», si elle
continue à le faire toute seule, on va continuer à avoir des
problèmes. Alors, c'est ça que vous venez dire aujourd'hui et il
n'a pas l'air de comprendre ça.
Deuxièmement, «conseiller le gouvernement sur les
politiques de développement de la main-d'oeuvre», c'est
fondamental. Pensez-vous que ça appartient uniquement aux instances du
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu
d'être conseillers? Écoutez, là, ce n'est pas de même
qu'on va corriger les problèmes de la main-d'oeuvre. Donc, il m'est
apparu que dans les mandats qu'il y a là, c'est, à ce
chapitre-là, les deux éléments les plus significatifs sur
lesquels vous voulez être présents, et non pas jouer un
rôle de bout de ligne, de fin de chaîne de montage, parce
que ça ne corrigera pas les problèmes.
Et là il a continué à lire. Oui, mais
écoutez, ils vont développer un système
intégré de placement. Vous n'avez pas parlé de ça.
Il s'arrangera avec sa gang et ils feront ça. «Assurer,
après entente avec le gouvernement fédéral, la gestion du
régime d'assurance-chômage», je ne vous al pas entendu
parler de ça dans votre mémoire. Ça, c'est des mandats que
la Société exercera, mais il y a une partie de mandat conjoint,
et je pense que vous l'avez rappelé. Donc, mol, je vous dis, vous avez
une clé là, importante. Je vais revenir sur une question
après ça.
Vous avez également une autre clé importante à la
page 11, dans votre mémoire, quand vous dites: L'énoncé de
politique souhaite que «le secteur de l'enseignement soit très
attentif aux besoins de main-d'oeuvre et qu'il se reconnaisse une
responsabilité dans le défi de la compétitivité de
l'économie». Vous dites: «Comment atteindre un tel objectif
lorsqu'on nous considère comme de simples pourvoyeurs de programmes
d'éducation?» Moi, je ne change pas d'avis. Vous avez raison de
marteler ça. J'ai toujours dénoncé le fait que la lecture
des besoins soit faite uniquement par les gens du ministère de la
Maln-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle alors que les dispensateurs de formation, dans les contenus de
cours, sont constamment en lien avec les gens de l'Industrie, ils sont
constamment en lien, dans les lectures qu'ils sont obligés de faire,
avec les besoins modernes. Pourquoi donne-t-on tel type de formation si on n'a
pas pris connaissance des besoins dans quatre, cinq ans?
Mais, qui fait ça? C'est les agents éducatifs, c'est les
dispensateurs de cours, c'est les formateurs. Et, dans ce sens-là,
quelle est la logique de les «discarter»? Ça n'a pas de
sens. Il me semble que ces deux messages, vous les avez très bien
rappelés.
Question. À la page 9, vous dites: «Ce que nous
réclamons ultlmement, c'est que notre expertise en éducation soit
reconnue...» Là, je ne parle pas nécessairement de
l'Association des cadres. Je sais que c'est vous autres qui faites le
mémoire, mais vous ajoutez: «...pour ce qu'elle vaut - en parlant
de l'expertise - et utilisée à bon escient dans un partenariat
véritable.»
Là, j'aimerais ça, pour le bénéfice du
ministre et de l'avenir, si on veut changer des choses, que vous soyez un petit
peu plus explicite, un peu plus concret, un peu plus précis, pas dans le
sens de l'objectif, dans le «comment». Comment réaliser
ça pour s'assurer, effectivement, que vous soyez un véritable
partenaire, pour que, dorénavant, les politiques de main-d'oeuvre
tiennent davantage compte de votre expertise en formation professionnelle?
Comment vous voyez ça, concrètement?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. Godin ou M. Labrecque.
M. Godin (Guy): Je demanderais à M. Labrecque, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Labrecque, je suis obligé de vous limiter au niveau de votre
réponse. On a vraiment dépassé, on achève notre
temps, II reste une minute.
M. Labrecque: Ici, en ce qui concerne notre véritable
partenariat, vous remarquez que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre n'a pas,
comme les sociétés régionales, le mandat de rechercher
activement la collaboration des commissions scolaires, donc vraiment du
réseau scolaire. On volt que la Société
québécoise, la société provinciale ne se soucie pas
de cette collaboration avec le réseau; on semble la reléguer au
niveau régional. Donc, ce que nous voulons, nous, c'est être
présents dans toute la chaîne administrative pour éviter
qu'il n'y ait des discordances, des dichotomies et que notre réponse
puisse s'intégrer dans un lien tout à fait logique.
Quand on demande, également, un véritable partenariat au
niveau local, c'est que nous vouions, effectivement, être associés
dans toute la logique de la structuration d'un programme. On ne veut pas
être obligé de recommencer un programme une fols que la commande
nous arrive sur le bureau, parce que c'est ça qu'on est obligé de
faire actuellement. On est obligé de retourner auprès des
entreprises, refaire clarifier les besoins de formation pour s'assurer que la
réponse soit efficace.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
monsieur. Alors, une courte réaction du ministre et nous terminons.
Mme Harel: ...cette faveur, mais son temps est
écoulé.
M. Bourbeau: M. le Président, il me restait encore une
minute tantôt, je n'ai pas pris tout mon temps.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Vous êtes
magnanime.
M. Bourbeau: Heureusement que la démagogie ne fait pas
mourir, M. le Président, parce qu'il y a des gens qui seraient
très malades chez mes amis d'en face. Après avoir dit, m'avoir
fait dire plutôt, qu'ici on ne portait pas d'attention à la
formation professionnelle... M. le Président, ce n'est absolument pas
ça que j'ai dit. Au cas où on n'aurait pas compris mes propos, ce
que j'ai dit ici, c'est que l'objet de cette commission n'est pas de faire le
procès ou l'étude de l'action de scolarisation - je vais le dire
en d'autres
mots pour qu'on comprenne - au niveau de l'enseignement professionnel.
Ça ne veut pas dire qu'on ne se préoccupe pas de l'enseignement
professionnel. C'est très important, c'est une composante essentielle,
sauf qu'ici, à la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, il n'y a aucun professeur qui va
enseigner; elle n'a pas pour mandat de fabriquer des cours, des régimes
pédagogiques ou d'engager des professeurs et d'enseigner. Ce n'est pas
son mandat du tout. C'est dans ce sens-là que je disais que le
débat, ici, ne porte pas sur l'enseignement professionnel comme tel,
sans pour autant dire que ce n'est pas important; c'est extrêmement
important.
M. le Président, j'aimerais simplement revenir sur un mot. Tout
à l'heure, vous avez dit, ou le député d'Abitibi-Ouest a
dit qu'il fallait absolument que le secteur de l'enseignement participe
à l'identification des besoins. Je suis bien d'accord et je dis que,
présentement, même dans le système actuel, il n'y a pas que
les CFP qui font l'identification des besoins; le ministère de
l'Éducation aussi en fait, présentement, de l'identification des
besoins. Et plus on en fait, mieux c'est, d'ailleurs, pour tenter de cerner
avec précision quels sont les besoins de formation dans les
régions du Québec, quels sont les métiers en
pénurie.
Mais la contrepartie de ça, ii ne faudrait pas l'oublier, et
j'attire l'attention du député d'Abitibi-Ouest
là-dessus...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, si
vous voulez conclure, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: Oui. Il y a une contrepartie à
ça. Si c'est vrai que le système d'éducation veut
participer à l'identification des besoins dans les entreprises, il va
falloir qu'il l'accepte aussi, et que les entreprises, par voie de
conséquence, se mettent le nez aussi dans les régimes
pédagogiques et dans les programmes d'éducation pour s'assurer,
elles aussi, que ce qu'on enseigne dans les écoles, dans les
cégeps corresponde aux besoins du marché du travail. Il n'y aura
pas de meilleure place pour faire cette rencontre-là...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
bien.
M. Bourbeau: ...qu'à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le ministre. Alors, malheureusement, nous devons mettre fin à ces
échanges fort intéressants. Je remercie l'Association des cadres
scolaires du Québec pour leur présentation. Bon voyage de retour.
Merci, messieurs.
M. Godin (Guy): merci, m. le président, de votre
écoute.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Mmes, MM. de la commission, nous allons reprendre nos travaux. Nous
allons entendre maintenant la Fédération des cégeps.
Alors, messieurs, madame, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît
et vous identifier, dans un premier temps. (10 h 45)
Fédération des cégeps
M. Sanssouci (Yves): Oui, M. le Président. Mon nom est
Yves Sanssouci. Je suis président de la Fédération des
cégeps du Québec. J'ai avec moi ce matin Mme Mado Desforges,
directrice de l'éducation des adultes du cégep de Drummondville,
M. Perry Fournier, directeur des services pédagogiques du cégep
de Matane et M. Gaétan Boucher, directeur général de la
Fédération des cégeps.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, très bien, M. Sanssouci. Nous vous remercions de votre
présentation. Nous vous demandons maintenant de nous présenter
votre mémoire en tenant compte que vous avez exactement une heure,
répartie comme suit: 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire, si possible; 20 minutes pour le parti ministériel; 20
minutes pour le parti de l'Opposition. Et la partie ministérielle sera
partagée avec Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de
la Science, Mme Robillard, qui prendra la parole en temps et lieu. Alors, M.
Sanssouci.
M. Sanssouci: Nous allons tenter d'être efficaces, M. le
Président. Nous voudrions aborder quatre points: les objectifs et les
buts poursuivis par ce projet, le rôle des partenaires, la mission et les
pouvoirs de la Société et le rôle des conseils
régionaux.
Tout d'abord, permettez-moi, en quelques minutes, de vous parler un
petit peu des cégeps. Vous savez que les cégeps ont
été créés il y a 25 ans. Ils ont pris la suite des
instituts de technologie, des collèges classiques, des écoles
normales, donc ils ont une grande expérience en formation
générale et en formation professionnelle. Depuis 15 ans - un peu
plus longtemps, mais plus spécifiquement 15 ans - les services
d'éducation aux adultes ont vu le jour dans les collèges et,
depuis une dizaine d'années, des services de formation sur mesure et le
service aux entreprises. Donc, les collèges ont développé
dans leur milieu une grande expertise dans le domaine de la concertation, dans
le domaine du développement régional et ils se sont de plus en
plus identifiés comme des partenaires actifs; ils ont pris contact avec
les entreprises, avec les chambres de commerce et avec les organisations
à but non lucratif. Bref, ils se sont implantés dans leur milieu
et ils ont joué un rôle très actif.
Dans le domaine plus spécifique de la
formation aux adultes et de la formation sur mesure, les cégeps,
je le répète, ont depuis quelques années mis sur pied des
services qui se destinent exclusivement aux adultes et aussi aux entreprises.
Ils ont mis sur pied des comités-conseils où on retrouve des gens
de l'entreprise, des gens du milieu socio-économique, des intervenants
de la région, des professeurs, bref, tous ceux et celles qui ont quelque
chose à dire dans le domaine du développement.
Cette expertise que nous avons acquise, en participant avec les
entreprises au développement des plans de ressources humaines, à
l'élaboration de programmes et à l'identification des besoins,
nous a amenés à certaines conclusions. Les entreprises, vous
l'avez sans doute lu un peu partout et je ne vous apprends rien en vous disant
qu'elles ont compris que l'avenir passera par le développement de leurs
ressources humaines.
De plus en plus, on réalise, surtout dans les grandes
entreprises, que quelqu'un de bien formé est bien formé pour
longtemps. Les décideurs nous disent maintenant qu'ils ont besoin de
personnes capables de s'adapter, capables de lire, capables de comprendre ce
qu'elles lisent, capables de s'exprimer et aussi capables d'habiletés
manuelles, techniques et professionnelles. Dans le cas des petites entreprises,
c'est moins évident; une petite entreprise n'a souvent pas beaucoup de
ressources et son premier objectif, c'est de livrer la commande qu'on lui a
confiée. Donc, elle va être plus Intéressée par les
besoins de formation pointue, de formation sur mesure.
À la lecture du document, nous avons de la difficulté
à voir la place qu'occupe la formation Initiale. On salue l'Initiative
parce qu'il y a quelqu'un qui ose suggérer que les patrons, les
syndiqués et le gouvernement s'assoient à une table pour mettre
en commun des problèmes et surtout des solutions, pour faire en sorte
que les énergies convergent vers des solutions acceptables au meilleur
coût possible.
On constate cependant que le document s'adresse surtout aux besoins en
main-d'oeuvre et laisse un peu de côté les besoins de la
main-d'oeuvre, donc les besoins des individus. Nous sommes conscients que, dans
un document comme celui-là, dans une telle politique, on ne peut pas
tout couvrir. J'ai lu l'avant-propos, j'ai vu les réserves qu'on y fait
en disant: C'est un premier pas dans une bonne direction. Il appartient
peut-être à d'autres de faire ces choses-là. Cependant,
nous, de notre côté, on s'adresse au gouvernement en disant: II
faut que cette politique soit comprise comme une partie d'un tout. J'imagine
que le développement régional que le ministre Picotte est en
train de mettre en place, les grappes suggérées par le ministre
Tremblay, tout ça doit s'imbriquer dans un tout. C'est ce que l'on
souhaite.
On constate cependant, à la lecture même du document -
puisque c'est à ce document qu'on réagit - qu'il semble y avoir
un vide. Nous sommes conscients cependant qu'il y a des besoins urgents et
pointus dans certains domaines et qu'au moment où une machine doit
fonctionner, ce n'est pas le temps de parler de philosophie, de français
ou d'histoire. Je pense que tout le monde est conscient de cela. Ce n'est pas
une raison de l'évincer pour autant parce que l'individu que l'on forme
pour trois mois, qui sera capable d'opérer une machine dans trois mois,
si la machine n'est plus requise, l'individu sera désuet. Alors, c'est
le comportement qu'il faut adopter lorsqu'on est en présence
d'installation de robots. Et lorsqu'il s'agit de mettre sur le marché du
travail des citoyens et des citoyennes, il faut leur donner un bagage, un
bagage global qui leur permettra de devenir de bons citoyens, au-delà du
travail qu'ils ou qu'elles ont à accomplir.
La Fédération demande donc au gouvernement de ne pas
oublier les individus. Le développement de l'employabilité et le
potentiel que représentent les jeunes travailleurs doivent être
pris en considération. Oui aux besoins de main-d'oeuvre; oui aussi et
d'abord aux besoins de la main-d'oeuvre; surtout, en partie, lorsque c'est
lié aux besoins des entreprises, c'est couvert ici. Mais lorsque ce
n'est pas nécessairement lié à un besoin exprimé
par une entreprise ou relevé comme étant une pénurie
d'emplois, on pense qu'il y a un manque, que ce n'est pas couvert.
Peut-être qu'on a mal lu.
Un deuxième point, le partenariat. La Fédération,
je le disais, ne peut qu'applaudir à cette initiative de mise en commun
des partenaires. On y retrouve les patrons qui dirigent les entreprises avec
qui nous traitons régulièrement, les syndiqués qui
représentent les personnes que nous formons, le gouvernement avec qui
nous traitons puisqu'il est notre principal fournisseur de fonds.
Malheureusement, on trouve qu'il manque une roue à la charrette. Il
manque donc un partenaire majeur, un partenaire à qui on confie depuis
toujours la formation des jeunes et, depuis 15, 20 ans, la formation des
adultes; un partenaire qui a développé une expertise en
évaluation des besoins, en élaboration de programmation, en
technologie éducative; un partenaire qui a développé, lui
aussi, des relations régionales importantes et efficaces; un partenaire
à part entière, donc un partenaire qui s'appelle
l'éducation, et j'ai nommé les collèges et les commissions
scolaires. Des gens de terrain, donc, qui détiennent une expertise qui
va au-delà de la distribution des cours. Il ne faut pas que le
gouvernement se prive de tant d'expertise et réduise au simple
rôle de dispensateurs de services les collèges et les commissions
scolaires. Il faut que le réseau collégial soit présent
à titre de partenaire à part entière à la
Société de développement de la main-d'oeuvre. Ce qui
m'amène donc à parler de cette Société.
À première vue, elle semble être réduite
à
un rôle d'exécutant. Nous souhaitons que cette
Société, à l'instar d'autres organisations comme la
Société de l'assurance automobile, les collèges... Donc,
une société qui détient des pouvoirs réels, ce qui
n'enlève absolument pas au gouvernement et au ministre responsable le
pouvoir de réglementation et le pouvoir même de la mettre en
tutelle. On a déjà vu des cas où le ministre avait mis en
tutelle des organisations qui ne se conformaient pas aux règlements, aux
directives ou aux lois.
On est conscients aussi - et je pense que tout le monde le constatera -
que l'autonomie et l'imputabilité engendrent l'excellence alors que la
dépendance, généralement, va engendrer la bureaucratie et
l'inertie. Nous pensons comprendre, à la lecture de ce document, qu'on
veut faire une place, un réel pouvoir à cette
Société en termes d'orientation. On dit: Elle devra
définir, faire des expertises, donner des contrats, bon, bref, mais il
me semble qu'il y manque un petit pas, une garantie juridique de pouvoirs
réels qui n'enlèverait rien au gouvernement ou au contrôle
nécessaire que le ministère doit avoir.
Le Conseil régional ne peut, lui non plus, être
réduit à un rôle d'exécutant. On ne pense pas
nécessairement que la solution, c'est de créer une
société pour que cela arrive. Il y a une vertu
intéressante au regroupement qui est prévu: c'est un seul
système. Pas 25 systèmes; un seul vérificateur, un seul
directeur général. Mais il y a peut-être moyen de donner
des pouvoirs réels, des pouvoirs qui vont donner de la cohérence
au projet puisque ça lui permettrait de ressembler davantage à ce
qui semble vouloir être fait ailleurs au niveau du développement
régional.
Donc, en conclusion, parce que je voudrais laisser du temps pour les
questions et l'échange, nous pensons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne
direction et nous sommes d'accord avec la création d'une telle
Société. Nous indiquons cependant qu'il y manque un partenaire
majeur sans lequel elle va toujours boiter, un partenaire qui va apporter
l'expérience, une longue expérience, une longue expertise dans le
domaine de l'éducation.
Les défis que nous aurons à relever au cours des
prochaines années de ce siècle qui se termine - et je vous fais
grâce des ouvertures de marché, etc., je pense qu'on s'entend
là-dessus - vont devoir passer nécessairement par
l'éducation et la communication. La formation, c'est plus qu'un mot
à la mode, c'est une nécessité de notre
société. Ceux qui détiennent l'expertise sont prêts
à la mettre au service de la population, et nous pensons, nous croyons
qu'il est indispensable que nous ayons un mot à dire comme partenaires
à part entière.
Pour ce qui est des sociétés régionales, nous ne
pensons pas, comme certains l'ont prétendu, qu'il faille créer
une autre société, mais on voudrait leur voir décerner des
pouvoirs réels.
Merci, M. le Président. Nous sommes prêts à
répondre à des questions et j'inviterais mes partenaires à
y répondre si je n'ai pas la réponse.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le président. Je vous remercie de votre présentation. Je vais
maintenant reconnaître le ministre de la Main-d'oeuvre, M. Bourbeau, pour
10 minutes, laissant le temps à Mme Robillard de réagir
également. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
la Fédération des cégeps et son président qui a
cette distinction de provenir de la même région que moi. Alors,
une qualité additionnelle.
Des voix: Ha, ha, ha! (11 heures)
M. Bourbeau: Ça s'ajoute. Ce qui me fait un peu sourire
dans une de vos demandes, c'est que vous demandez d'être reconnu comme le
quatrième partenaire à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre avec le
patronat, les syndicats et le gouvernement. Or, cette demande a
déjà été faite hier, et même que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve a endossé le
quatrième partenaire qu'auraient constitué les groupes
communautaires qui voulaient aussi être la quatrième roue du char.
Alors, je dois donc corriger votre demande puis dire que vous allez devenir la
cinquième roue, parce qu'on en a déjà quatre qui ont
été accréditées, du moins par nos collègues
et ma collègue de l'Opposition officielle. Alors, vous comprenez qu'on
risque de se retrouver avec un char à plusieurs roues, parce qu'on n'en
est qu'à la deuxième journée d'audition des
mémoires, et je vois que ça va devenir une demande un peu plus
fréquente.
Peut-être qu'on pourrait régler le problème en
disant que les cégeps, la Fédération des cégeps,
enfin, le monde des cégeps pourrait être représenté
non pas comme étant la quatrième roue, mais partie de la
troisième roue. Et c'est ce que nous avons voulu faire avec le projet de
loi en indiquant très spécifiquement qu'il y aura une place tout
à fait spécifique pour le monde de l'éducation à la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre dans la délégation gouvernementale en
aménageant une place spéciale pour les cégeps, par
exemple, et une autre pour l'éducation, enfin, l'enseignement primaire
et secondaire.
Je voudrais revenir sur un autre point. Ce qui m'a toujours
intéressé en discutant avec les gens de votre
fédération, c'est l'attitude très positive que vous prenez
par rapport au développement de la main-d'oeuvre et votre engagement
dans le milieu de l'industrie à former des gens, des travailleurs, en
concertation avec les milieux
de l'industrie. Nous avons, dans la politique de main-d'oeuvre,
énoncé le principe du choix du formateur à l'entreprise.
C'est la première fois, à ma connaissance, que le gouvernement
sanction officiellement ce principe de laisser à l'entreprise le
formateur de son choix, même si la formation est subventionnée,
c'est-à-dire par le crédit d'impôt à la
formation.
La question que je voudrais vous poser, c'est: Est-ce que ça vous
cause des problèmes que l'entreprise ait le choix du formateur et est-ce
que ça vous fait peur un peu?
M. Sanssouci: Si vous permettez, j'aimerais revenir à
l'analogie des roues quelques instants pour vous dire que, depuis tout temps,
j'ai compris que plus il y avait une charge à porter, plus il fallait
que le camion ait de roues et que peut-être, à l'occasion, une
cinquième ou une sixième pourrait être intéressante,
vu le poids global de la charge à porter!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Sanssouci: Enfin, je ne sais pas ce que les autres ont dit.
Nous, ce qu'on croit, c'est que la formation est née avec le genre
humain. Les collèges et la formation professionnelle ont vu le jour la
journée où un expert a pris avec lui un apprenti. Et on a
copié de tout temps ces modèles. Donc, on a un héritage
collectif, un patrimoine sur lequel il faut composer et on pense que la vision
gouvernementale et la vision des réseaux doivent être
complémentaires. Je ne voudrais pas être placé dans le
choix difficile de vous dire: Est-ce que c'est le ministère ou les
cégeps? Nous, on pense que les cégeps doivent y être et
j'imagine qu'à juste titre les fonctionnaires doivent penser qu'ils
doivent y être aussi.
Pour ce qui est du choix du formateur, nous vivons dans un contexte qui
est celui du libre choix, celui de l'entreprise privée, de plus en plus,
ce qui amène une considération qui n'y était pas avant.
Peut-être que cela nous fera sortir du protectionnisme à
outrance.
Par ailleurs, il y a une limite, à mon avis, et il y a une
espèce de pas à ne pas franchir. Il y a une expertise qui a
été développée, il y a des équipements qui
sont là depuis toujours et il y a des programmes qui ont
été faits et qui sont prêts à être
adaptés. Alors, je ne pense pas qu'il faille passer d'une
économie protégée complètement à une
économie ouverte complètement. Mais donner aux entreprises une
forme de choix devient pour ceux qui ont à évaluer et à
dispenser des services un défi supplémentaire que nous devrons
être prêts à relever. J'aimerais mieux une priorité
plutôt qu'une exclusivité aux services qui existent
déjà, parce qu'une exclusivité nous amènerait
peut-être à la complaisance qui, je pense, est moins stimulante.
J'hésiterais cependant à dire qu'il faut que tout soit ouvert du
jour au lendemain parce que, les lois du marché étant ce qu'elles
sont, je ne suis pas certain que le Québec tirerait profit de tant
d'investissements au cours des années.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Mme Desforges, vous voulez réagir, peut-être?
Mme Desforges (Mado): Je veux ajouter... Il y a des choses que je
trouve similaires, que je ne répéterai pas...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui. Allez donc!
Mme Desforges: ...mais je pense, entre autres, parce qu'on est
des experts dans la formation, c'est ça notre spécialité
et, dans ce sens-là, quand on va donner une formation sur mesure dans
une entreprise, on peut aussi, en même temps, être centrés
sur la personne qui va apprendre et avoir une vision plus globale pour que
cette personne-là chemine à l'intérieur de ça. Je
ne veux pas dénigrer les firmes privées, parce que certaines font
de l'excellent travail et je pense aussi que la concurrence, c'est sain, mais
il y a un avantage à traiter avec les établissements publics
s'ils font du bon travail. Je pense que les collèges font de l'excellent
travail.
Un autre aspect aussi. Quand on dit «le libre choix de
l'entreprise», c'est beau, ça, mais vous savez que, des fois, on
leur suggère où se diriger, n'est-ce pas? Alors, les CFP,
actuellement, voudraient bien désigner autant la firme privée que
l'établissement public et, dans ce sens-là, je pense que ce n'est
pas nécessairement, règle générale, le libre choix
de l'entreprise a priori. C'est souvent un choix qui leur a été
proposé et moi, enfin, j'ai une lumière rouge qui est
allumée.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M.
le ministre.
M. Bourbeau: Je faisais référence, entre autres,
à plusieurs entreprises, surtout les plus grosses entreprises qui ont
leurs propres formateurs maison, qui ont même leur service de formation
propre ou qui font de la formation à même des travailleurs
spécialisés qui sont déjà à leur emploi.
Alors, c'est déjà ça de pris. Quand une entreprise a, sur
place, ses formateurs et ses équipements, on peut considérer
qu'elle est susceptible de faire un bon travail. Mais pour moi, l'idéal,
c'est que l'entreprise vienne au cégep parce qu'elle est convaincue que
la meilleure formation est au cégep et non pas parce qu'on se situe dans
un monde ayant un monopole en faveur d'une institution d'enseignement, qui fait
qu'on n'a pas le choix d'aller ailleurs si on veut avoir les subventions
gouver-
nementales. Moi, je pense qu'il faut donner la meilleure formation. Il
faut trouver le meilleur formateur à des coûts compétitifs
et, dans ce sens-là, je pense que les cégeps sont
particulièrement bien placés pour relever ce
défi-là, ayant la compétence et ayant aussi les
équipements, bien sûr, ce qui leur donne un gros avantage sur la
concurrence.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Sansfaçon, vous voulez réagir?
M. Sanssouci: Si vous saviez la différence entre
Sansfaçon et Sanssouci, M. le Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Excusez! Excusez!
M. Sanssouci: On m'a aussi appelé Sansre-gret.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je m'excuse pour cet
impair, monsieur.
M. Sanssouci: Ça fait 50 ans que ça dure, M. le
Président.
Une voix: II a une belle façon mais il est sans souci.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, on va vous écouter, M. Sanssouci.
M. Sanssouci: Des entreprises qui font de la formation et qui la
font bien, il y en a beaucoup. Elles la font généralement pour
leurs propres employés. Les grandes entreprises, Hydro-Québec,
Bell, ceux et celles qui ont presque un monopole, vous devez savoir que, de
plus en plus, ces entreprises se tournent vers les établissements
scolaires pour aller chercher de l'expertise ou pour la compléter. Nous
accueillons cela avec plaisir. Ça donne lieu à des nouveaux
partenariats qui sont très créatifs.
Ce que nous craignons, c'est que si tout à coup on
annonçait qu'il s'agit d'un libre marché et qu'on se mette
à voir surgir de terre de toutes petites boîtes, j'ai l'impression
qu'on déstabiliserait le réseau. Ça placerait les maisons
d'éducation dans une situation, oui, de concurrence, mais pour toutes
sortes de pressions, certaines entreprises diraient: Bien, oui, c'est quelqu'un
qui a déjà été ici. Il «a parti» une
boite, donc je vais lui donner un contrat. Qu'est-ce qu'on va faire de
l'expertise qui existe à côté? Donc, oui à la
complémentarité, oui à l'ouverture du marché. Il
faut absolument, je pense, sortir d'un protectionnisme qui ne nous aide pas,
mais il ne faut pas non plus aller trop loin. C'est une médecine qui se
prend à petites doses, je pense.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): alors, m. le
ministre, votre temps est maintenant terminé. je voudrais
reconnaître mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la
science.
M. Bourbeau: Une petite question seulement.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Une petite question.
Je me méfie de vous un peu. Vos questions sont toujours longues.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Non, rapidement. Vous semblez regretter, dans votre
exposé, qu'on ne tienne pas compte des besoins de la main-d'oeuvre en
disant qu'on traite exclusivement des besoins en main-d'oeuvre. Pourtant, il y
a deux mesures dans l'énoncé de politique qui s'adressent
spécifiquement à la main-d'oeuvre, c'est-à-dire le
programme d'intervention individuelle en développement de la
main-d'oeuvre et, d'autre part, un programme d'aide à la formation des
personnes actives sur le marché du travail, qui font partie des quatre
programmes regroupés qu'on propose. Alors, est-ce que vous n'estimez pas
que ces mesures sont quand même un gros pas en avant et qu'elles
pourraient certainement être suffisantes et adéquates? Enfin,
j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Desforges.
Mme Desforges: Si je pars de la réalité actuelle -
je ne parle pas de la mesure qui va être accessible aux individus; on ne
sait pas ce que ça va donner comme accord de la part des gens - dans ce
que j'appelle la formation professionnelle à temps partiel, pour
quelqu'un qui vient chercher un perfectionnement, actuellement, il y a un
vacuum. Personne ne s'occupe de ces gens-là, ni l'Éducation ni la
Main-d'oeuvre, dans le sens où ces gens-là... Ça, je vous
dis que c'est au moins 75 % de la clientèle adulte qui vient suivre des
cours le soir. D'abord, ces gens-là ne viendront jamais à temps
plein, sinon un petit nombre pour certaines mesures puis, encore là, je
voudrais voir. Alors, la majorité ne vient pas pour ça. Donc, du
côté de l'Education, on dit que la diplomation, ce n'est pas ce
que les gens viennent chercher, mais par contre, du côté de la
Main-d'oeuvre on dit: Souvent, ce n'est pas identifié comme des
métiers en pénurie, ou ce n'est pas le résultat de
l'estimation des besoins que les CFP ont faite. Donc, c'est un programme qui
est en diminution. On nous a annoncé qu'il mourrait en juin. Je parle du
programme recyclage-perfectionnement. Et je dois dire qu'on s'aligne sur trois
grands programmes: programme aux individus, aux entreprises et un autre. Sauf
qu'on sent très bien depuis quelques années que c'est un pro-
gramme qui est en perte de vitesse, où il y a de moins en moins
d'argent de mis.
Autre chose aussi, c'est qu'actuellement ces petites
entreprises-là n'ont pas les moyens de se payer de la formation.
Qu'est-ce qu'elles font? Ces entreprises-là envoient la personne,
l'employé, s'inscrire à des cours à temps partiel. Et,
là, ces cours à temps partiel sont en train de ne plus exister;
et quand ils existent encore on est tellement réglementés! Si on
veut être subventionné, par exemple, parce que je vous parle du
terrain, il faut que ce soit telle, telle, telle catégorie de personnes
qui suivent les cours, de tel, tel, tel métier. Si ce n'est pas
ça, on se fait refuser alors qu'il y a des besoins criants qui sont
là et pour lesquels il n'y a pas de réponse. Et ça, c'est
dramatique, je dirais.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
Mme Desforges. Maintenant je vais reconnaître Mme la ministre de
l'Enseignement supérieur. Mme la ministre Robillard, vous avez
exactement sept minutes cinquante secondes.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Ça me fait
un très grand plaisir de voir les représentants de la
Fédération des cégeps ici présents à la
commission parlementaire de mon collègue. Je pense qu'il est très
clair que l'énoncé de politique qui porte sur le
développement de la main-d'oeuvre, comme le dit mon collègue, a
aussi un lien évident avec toute la formation professionnelle qui se
donne. Nos cégeps au Québec sont vraiment devenus, je pense, au
fil des années, des experts dans ce domaine-là pour la formation
technique qui se donne à l'intérieur de leurs institutions
d'enseignement.
Et j'en profite aussi pour dire aux membres de cette commission combien,
depuis que je suis en poste, je perçois de la part des entreprises et
des employeurs une satisfaction importante par rapport à la formation
qui est dispensée par les cégeps. Il faut le noter, le lien
cégep-entreprise est là, il est présent. On doit
l'améliorer, l'augmenter, l'intensifier, oui, mais il est
déjà là. Et ça, je tiens à le
préciser et à dire aux cégeps combien, pour le
gouvernement aussi, ça demeure important que vous demeuriez en lien
direct avec les besoins de l'entreprise.
Maintenant, si vous me le permettez, M. le Président, j'aurais
peut-être des questions plus précises à poser à
partir de votre mémoire. Ma première question porterait sur votre
recommandation no 1. Au contraire de mon collègue qui a vu une
quatrième roue s'ajouter, j'avais l'impression, par votre recommandation
no 1, que vous demandiez qu'il y ait toujours trois roues. Je m'explique. Toute
la conception de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre a été basée sur
un partenariat tripartite. D'un côté les employeurs, d'un
côté les syndicats et, de l'autre côté, le
gouvernement et les représentants gouvernementaux.
Dans le projet de loi qui a aussi été
déposé, pour le troisième partenaire, soit les
représentants gouvernementaux, on voit qu'il va y avoir six autres
membres nommés dont deux représentent le milieu de
l'enseignement, l'un pour le secteur collégial et l'autre pour le
secteur secondaire, mais que ces deux derniers vont être choisis
après consultation des ministres concernés, en l'occurrence le
ministre de l'Enseignement supérieur et le ministre de
l'Éducation. Donc, parmi ces six représentants gouvernementaux,
ce que vous, vous nous suggérez par la recommandation no 1, c'est qu'il
y en ait deux de nommés, mais par la Fédération des
cégeps ou par la Fédération des commissions scolaires.
Est-ce que c'est bien ça? Est-ce que je comprends bien? Et si c'est
exact, vous allez me permettre de vous dire que la ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science ne sera pas d'accord avec vous. (11 h 15)
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Alors, M.
Sanssouci.
M. Sanssouci: Oui, c'est exact. Nous souhaiterions
désigner une personne qui pourrait siéger comme
représentant...
Mme Robillard: Parmi les représentants
gouvernementaux.
M. Sanssouci: ...le réseau des collèges, qui
pourrait être désignée par la Fédération.
À la rigueur, qui pourrait être suggérée par la
Fédération. L'important, c'est que les collèges y
soient.
Mme Robillard: Alors, parmi les représentants
gouvernementaux, vous voulez des sièges pour la Fédération
des cégeps. C'est ça que je comprends, parce que c'est une
société tripartite, M. le président de la
Fédération des cégeps. Je ne sais pas si vous pourriez
négocier des sièges avec l'association des employeurs, n'est-ce
pas?
M. Sanssouci: nous, ce que nous souhaitons, au-delà des
structures, au-delà du comité tripartite ou quadripartite ou
à cinq ou à six roues pour la charrette, c'est que les
collèges puissent désigner un ou une des leurs pour devenir
membre à part entière et représenter le réseau
collégial au sein de cette société. c'est ça que
nous souhaitons. peut-être l'avons-nous exprimé de façon
malhabile, mais le fond de notre pensée, c'est ça.
Mme Robillard: Ce qui est clair, c'est que les collèges
eux-mêmes sont présents dans toutes les sociétés
régionales. Il y a des sièges d'assurés par le projet de
loi, mais au niveau de la Société québécoise, le
troisième partenaire, c'est six représentants gouvernementaux. En
tout cas, vous me permettrez de vous dire que concernant
votre recommandation no 1, telle que libellée, moi, je ne pourrai
pas l'acheter en tant que telle.
J'aurais une deuxième...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Un moment, madame.
M. Boucher.
M. Boucher (Gaétan): J'aurais un commentaire additionnel
à vous faire, Mme la ministre. Ce que nous constatons, c'est que le
libellé du paragraphe 3°, à l'article 5, est certainement
issu de certaines négociations de votre collègue M. Pagé
et de vous-même avec M. Bourbeau pour faire en sorte que, dans le bloc
gouvernemental, les gens des commissions scolaires et des collèges y
soient. Sauf que le libellé de l'article, ce qui est
spécifiquement visé, c'est la chose suivante.
Vous noterez que le paragraphe 3°, à l'article 5, dans son
libellé, est très différent du paragraphe 3° de
l'article 37. Et dans le fond...
Mme Robillard: Article 37?
M. Boucher: Article 37. Ce que vous noterez à 37,
paragraphe 3°, c'est que le libellé fait en sorte que seuls des gens
de collèges peuvent siéger aux conseils régionaux alors
que le libellé du paragraphe 3° de l'article 5 fait en sorte que
ça peut être un fonctionnaire. Et notre prétention,
à nous, c'est un fonctionnaire ou quelqu'un de collège.
Et nous, ce qu'on souhaiterait, c'est que le ministre, M. Bourbeau,
amende le projet de loi pour le libeller tel que nous l'avons formulé ou
d'une autre manière. Mais on croit qu'il est Important que, comme les
associations d'employeurs auront leurs propres représentants, comme
effectivement ce sont des gens d'entreprises qui y siègent, ce soient
des gens de terrain qui siègent à la Société
nationale.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la ministre.
Mme Robillard: Oui.
M. Boucher: C'était juste ça, le sens de la
proposition qui est faite.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
bien.
Mme Robillard: M. le Président, merci. Je tiens seulement
à vous dire, M. Boucher, que vous avez tout à fait raison. Les
deux libellés sont différents et sont volontairement
différents. C'est exactement ça que le gouvernement veut. Vous
avez très très bien lu. Votre analyse est exacte.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Desforges, voulez-vous réagir sur le même propos?
Mme Desforges: Oui.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, allez donc.
Mme Desforges: Justement, la Société nationale,
dans cette loi-là, en tout cas, a beaucoup de pouvoirs. S'il n'y a rien
qui change, elle a tous les pouvoirs. Dans ce sens-là, on pense qu'il y
a quelqu'un du réseau qui devrait être présent. Qu'est-ce
que ça donne d'être là au niveau régional si,
finalement, le pouvoir est tout au niveau national? Et on pense que, de la
même façon que les représentants d'employeurs ou
d'employés vont pouvoir apporter la réalité de leur
milieu, c'est quelqu'un du réseau qui peut le mieux le faire. Ça
ne veut pas dire qu'un délégué de la ministre ne peut pas
apporter une autre réalité, mais au niveau des
réalisations on pense que c'est quelqu'un du réseau.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, Mme la ministre, je dois malheureusement vous interrompre et
donner le temps nécessaire à l'Opposition pour apporter son point
de vue. Je vais reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Dois-je comprendre, M. le Président, que les
ministériels ont terminé le temps qui leur était
imparti?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): II ne reste pas
grand temps, dois-je vous dire.
Mme Harel: Combien en reste-t-ll? Une voix: Trois
secondes.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Trois secondes.
Mme Harel: Trois secondes. Bon. Alors, M. le Président, je
vais y aller rapidement parce qu'il y a aussi mon collègue
d'Abitibi-Ouest qui aimerait échanger avec vous. J'ai eu l'occasion de
dire à votre directeur général que votre mémoire
est l'un des meilleurs mémoires qui aient été
présentés devant cette commission - en tout cas, de tous ceux que
j'ai pu lire Jusqu'à maintenant. Je souhaite la lecture de votre
mémoire à tous les intervenants qui viendront devant nous. Il
inspire beaucoup, et je suis contente de pouvoir vous le dire.
Moi, je ne veux pas tomber dans les problèmes de structures.
Savez-vous pourquoi? Parce qu'on n'a pas encore déterminé les
objectifs qu'on veut atteindre. C'est ça, le problème de cette
commission, finalement. Je ne sais pas si vous y étiez, juste au moment
où le conseil
des cadres scolaires est venu nous parler de formation professionnelle,
et au moment où le ministre a dit «la formation professionnelle,
ça, c'est le ministère de l'Éducation; moi, c'est la
formation de la main-d'oeuvre». Écoutez, le problème, c'est
que tant que cette Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre ne discutera pas des objectifs
à atteindre en matière, par exemple, de correction de la
sous-scolarisation de la maln-d'oeuvre, ne se donnera pas des objectifs
à atteindre dans ces domaines-là, vous allez être
écartés systématiquement; on va dire que vous n'avez pas
de place là.
Moi, il y a deux aspects sur lesquels J'aimerais échanger avec
vous. Le premier, c'est, évidemment, ce dont vous avez parlé, Mme
Desforges. Vous nous avez rappelé que 75 % de la clientèle adulte
est à la recherche d'une formation à temps partiel. Les
entreprises du secteur que je connais bien, l'est de Montréal, dans une
étude récente, surtout pour les petites et moyennes entreprises,
ont fait savoir qu'elles préféraient une maln-d'oeuvre
formée plutôt que des programmes où elles ont à la
former. Il y a là quelque chose qui est un peu incontournable par
rapport à la PME. Ce que vous nous dites, c'est ce que le cégep
que je connais bien, le cégep de Maisonneuve, m'avait déjà
dit: la formation à temps partiel a presque disparu. Étant
donné les modalités budgétaires, on est obligé de
procéder avec de la formation à temps plein. Ça
écarte une très large partie de la main-d'oeuvre,
présentement. Là-dessus, j'aimerais vous entendre, et
également sur le fait, comme vous le mentionnez dans votre
mémoire à la page 19, que les coûts de gestion de la
formation professionnelle, cégep et CFP, sont énormes
actuellement, dites-vous, plus de la moitié des budgets de formation des
adultes. C'est donc dire que 50 % des budgets de formation des adultes passent
en coûts de formation. Je suis convaincue qu'on doit en parler pour
identifier les obstacles à lever pour qu'un état de situation
comme celui-là ne demeure.
D'autre part, et ce sera là ma deuxième question, à
défaut de favoriser le rapprochement entre le milieu de
l'éducation et le milieu du travail - parce que, finalement, c'est
ça que le ministre ne veut pas faire avec son projet de loi - à
défaut de favoriser ce rapprochement, vous avez dit quelque chose de
très important. Je sais qu'il chemine, lui aussi, mais ce que vous avez
dit tantôt, c'est qu'il y a un cheminement de part et d'autre, et pour
les établissements en étant en contact avec le milieu du travail,
entreprises et travailleurs, mais aussi pour l'entreprise il y a un
cheminement, une sorte d'élargissement de sa conception des besoins de
formation. Et à défaut de favoriser ce rapprochement-là,
ça vous oblige, vous, à dépenser sans doute de
l'énergie et de l'argent pour ne pas être continuellement
déphasés et le faire, ce contact avec l'entreprise. Est-ce qu'il
n'y a pas là un gaspillage de ressources dans notre
société, du fait que, dans des régions - tantôt, je
donnais l'exemple de la Côte-Nord - une entreprise soit sollicitée
par du personnel d'un centre d'«entrepreneurship» du cégep,
par la commission scolaire, par la CFP, par Emploi et Immigration Canada, etc.?
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, également.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. Sanssouci.
M. Sanssouci: Je ferai un premier commentaire et je demanderai
à Mme Desforges de compléter, si vous me permettez. Sur les
grands objectifs poursuivis, j'ai cru voir, à la page 37, qu'il y a
quatre grands objectifs: développer la culture, instaurer à
plusieurs niveaux, simplifier, obtenir, etc. Nous les retenons comme une
intention très louable; il nous semble y avoir là, sans qu'on
soit entré dans beaucoup d'analyse, des intentions, du moins
exprimées clairement, au niveau d'un certain nombre d'objectifs.
Ce que j'ai dit au début de ma présentation, c'est que
dans la mesure où il y a un certain nombre d'objectifs qui semblent
absents et dans la mesure où c'est un projet qui est
présenté par un ministère, je dis: Je souhaite que cela
soit partie d'un tout. Or, je considère donc cela comme la partie d'un
tout et nous souhaitons que cette Société existe parce qu'il est
vrai qu'il y a des difficultés sur le terrain actuellement et on pense -
c'est ce qu'on lit dans ce document et on veut bien le croire - que cette
façon va permettre d'éliminer une certaine bureaucratie, que je
ne blâme pas, qui a dû se développer au cours des
années, mais il est vrai qu'il est temps que cela cesse et qu'on
devienne plus efficaces.
En ce qui a trait au cheminement des entreprises et des collèges,
je ferai un premier commentaire et je demanderai à Mado de continuer. Il
y a quelques années, les collèges et les entreprises
étaient deux - j'allais dire deux solitudes, je n'ose pas dire cela -
entités qui ne se parlaient pas beaucoup. Il y avait aux collèges
à faire un pas, et aussi aux entreprises. Les collèges ont ouvert
les portes. Les collèges ont accepté de descendre de leur grande
tour et de recevoir des entrepreneurs qui viennent maintenant s'asseoir avec
nous autour de tables pour discuter des programmes, pour discuter de
façons de faire, de moyens d'améliorer les choses. Et les
entreprises ont aussi ouvert leurs portes à des formateurs, à des
stagiaires élèves, à des stagiaires profs. Donc, il y a un
cheminement intéressant qui s'est fait. Et lorsqu'on demande
d'être partie prenante à une organisation, d'être un membre
à part entière, on veut tout simplement que soit reconnu
officiellement ce qui se fait déjà à plusieurs niveaux.
Donc d'être capables de poursuivre cette démarche-là
à un autre niveau.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme Desforges.
Mme Desforges: Sur la première partie de votre question,
je dirais un peu ça au niveau de la bureaucratie: Prenons l'estimation
des besoins. Si, très souvent, elle était faite conjointement,
bien, il y aurait peut-être du temps de sauvé, et pour
l'entreprise aussi parce qu'elle n'a pas de temps à perdre
là-dedans, l'entreprise. Je pense que ça, c'est important. Mais
je dirais surtout que c'est peut-être au niveau des mentalités
qu'il y a des changements à faire dans le sens où si, comme
collèges, on était reconnus comme des partenaires à part
entière du côté des gens de la Main-d'oeuvre, bien, il y a
peut-être des choses, des fois, qui seraient plus faciles. Je ne
généralise pas, mais des fois, ça serait plus facile.
Si je reviens aux entreprises, je pense que la grande entreprise... Moi,
j'étais dans l'est de Montréal. J'étais à
Maisonneuve, donc je peux vous parler de la pétrochimie. Tout le monde,
vous en avez entendu parler. Ce sont les entreprises qui sont venues chercher
les gens de collèges parce qu'elles ont constaté que ça
prenait une formation de base qui correspondait à leurs besoins. La
formation pointue, ils vont s'en occuper après, mais pour la formation
de base, ils voulaient quelque chose d'élaboré conjointement.
Bell Canada est en train de faire la même chose. Et peut-être que
ces entreprises-là ont justement les moyens financiers pour faire
ça. Et ça, il y a de plus en plus de partenariat comme ça
qui existe. Et moi, professionnellement, je dis que c'est merveilleux.
Ça ne devrait jamais se faire autrement que comme ça,
conjointement, entreprises et éducation.
Mais je reviens toujours à la petite entreprise parce que je
pense que c'est elle qui est pénalisée là-dedans, c'est
elle qui est laissée pour compte, c'est là où il n'y a pas
de budget. Les crédits d'impôt à la formation, c'est
très beau, c'est très intéressant, sauf que ça
n'ajoute pas d'argent de plus pour faire de la formation. Et, en tout cas, moi,
je pense qu'il y a un manque de ce côté-là.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M.
Fournier, vous voulez réagir?
M. Fournier (Perry): En complément à l'information
relativement à la formation à temps partiel, je pense qu'il est
important de mentionner que c'est par ce biais-là, d'abord, qu'on
rejoint la majorité de la clientèle, en termes de per capita.
Mme Harel: Présentement?
M. Fournier: Oui. Parce que le besoin est principalement
là. On connaît les exigences personnelles, familiales,
professionnelles de la majorité de la main-d'oeuvre. Tout le monde n'est
pas chômeur, et la formation à temps partiel répond
beaucoup plus à leurs besoins. Il y a un caractère
pédagogique très important dans la formation à temps
partiel. Il y a des analyses, des études qui l'ont
démontré. C'est que les connaissances et habiletés qu'on
recherche dans la formation sont beaucoup mieux intégrées par les
personnes et la transférabilité dans les fonctions de travail est
beaucoup plus forte et importante. Donc, les effets positifs sont beaucoup plus
grands dans cette démarche-là que dans la stratégie d'une
formation à temps complet où les personnes passent 30 à 35
heures par semaine en formation. (11 h 30)
L'autre aspect, c'est peut-être un peu en réponse à
M. Bourbeau lorsqu'il disait tout à l'heure qu'on a un programme qui
prévoit rejoindre les besoins individuels. Il faut dire qu'à la
page 54 de l'énoncé de politique il est dit également que
ces besoins individuels là devront cependant correspondre à des
besoins du marché du travail, donc, à des besoins en
main-d'oeuvre.
Alors, où est-ce qu'ils sont identifiés, les besoins en
main-d'oeuvre? C'est par la structure, les CFP, ou, bientôt, la
Société québécoise, mais en relation très
étroite avec l'employeur. Or, beaucoup de gens qui suivent la formation
à temps partiel avec nous sentent le besoin d'actualiser leurs
connaissances pour rester compétitifs et productifs. Mais si l'employeur
juge cette personne-là... Bien, moi, elle m'appa-raît correcte
comme ça. Moi, je ne vois pas pour quelle raison, je ne sais pas, elle
irait chercher une formation en AutoCAD. Moi, je ne considère pas que
cette personne-là, dans mon entreprise, a besoin de ça
actuellement. Alors, qu'est-ce qui se passe? Donc, ça ne correspond pas
à un besoin identifié comme un besoin en main-d'oeuvre. C'est
«discarté» et, automatiquement, c'est
considéré comme un besoin personnel au même titre que le
macramé. En tout cas, II m'apparalt qu'il y a un lot important de
personnes qu'on ne touche pas par ce biais-là et ça vise
principalement la formation à temps partiel.
Mme Harel: En fait, ce que vous nous dites, c'est qu'il n'y a pas
d'objectif d'éducation permanente.
M. Fournier: Exact.
Mme Harel: Tantôt, M. le président de la
Fédération, vous nous rappeliez, à la page 37, les
objectifs et les moyens. On y voit, comme premier objectif, une formation
continue. Mais une formation continue suppose un projet d'éducation
permanente et un projet d'éducation permanente suppose, à ce
moment-là, la présence nécessairement de la formation
professionnelle comme préoccupation au sein de la société
elle-même, donc, la présence du milieu de l'éducation.
Finalement - et ça va être là mon seul
commentaire - à la page 55 du programme d'intervention
individuelle que le ministre offrait en réponse à votre
intervention de tantôt, pour signaler qu'il y aurait encore, donc, de
l'intervention Individuelle, on peut lire: «Ce programme devra permettre
aux participants de bénéficier du soutien prévu au nouveau
régime d'assurance-chômage.»
Mol, ça m'a inquiétée énormément.
Est-ce qu'il va falloir passer par les filières? En fait, tout le monde
n'est pas chômeur. Est-ce qu'on va avoir un projet pour les individus
à qui on dit: II faut que vous fassiez un effort pour relever votre
niveau de compétence? Même s'ils travaillent dans une pharmacie ou
dans une épicerie, qu'ils ne sont pas dans un milieu où
l'entreprise souhaite, par exemple, relever le niveau de compétence,
est-ce que ces individus, on va offrir un projet de société
à l'ensemble des Québécois pour augmenter leur
compétence? Vous avez dit tantôt qu'en juin, selon les
règles budgétaires... Je voudrais vous entendre là-dessus.
Est-ce qu'on peut s'inquiéter, d'autant plus que vous n'aurez plus les
moyens d'offrir une formation à temps partiel?
Mme Desforges: Bien, nous, on s'inquiète. Je peux vous
dire que, depuis cinq ans, entre autres, ce programme-là, il se
réduit de plus en plus, c'est-à-dire que de plus en plus on est
dans des corridors étroits. Avant, c'étaient des champs. Par
exemple, prenons le champ administration, l'Informatique ou bon... À
l'intérieur de ce champ-là, les gens de l'éducation
pouvaient identifier quels étaient les besoins de la clientèle
parce qu'il reste que c'est chez nous qu'ils viennent suivre les cours. Mais
là, de plus en plus, suite à l'estimation de besoins, ce qui se
passe, c'est qu'on dit que, dans tel champ, il y a tel sous-champ et il y a
même tel cours que vous allez offrir et, dans ce cours-là, il y a
telle catégorie de travailleurs qui peut le suivre et si ce n'est pas le
cas, on met de côté le financement de la formation.
Mme Harel: Donc, c'est en fonction... Il faut être
prestataire de quelque chose.
Mme Desforges: Non.
M. Foumler: Pas nécessairement.
Mme Desforges: Ça peut être des gens qui sont des
travailleurs.
Mme Harel: Ah! D'accord.
Mme Desforges: Mais, par exemple, prenons un exemple très
pointu, mais AutoCAD. Alors, chez nous, AutoCAD, dernièrement, il
fallait que ce soient des ingénieurs ou des dessinateurs. Alors, si ce
n'étaient pas ces deux catégories d'emplois, eh bien, on s'est vu
refuser... On avait quand même 12 participants, mais on s'est vu refuser
le financement du cours.
L'autre aspect là-dessus auquel je pense, c'est qu'au niveau de
l'estimation des besoins je ne dis pas qu'elle est mal faite, mais je pense
que, des fois, il y a peut-être des choses qui ne sont pas vues. Un autre
exemple, les agents de sécurité. Dans des entreprises, souvent,
il va y avoir des agents de sécurité, mais il y en a un et,
très souvent, il n'y en a pas une douzaine. Alors, ce ne sont
peut-être pas des besoins qui sont mis sur la table comme des choses
importantes, mais cette catégorie-là de travailleurs a besoin
aussi de perfectionnement dans son emploi. Ce n'est pas en pénurie, ce
n'est pas... Sauf que, moi, je pense qu'il y a aussi des catégories de
travailleurs qui sont mises de côté là-dessus.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
bien.
Mme Harel: en fait, ce qu'on peut conclure à vos propos,
c'est que vous êtes vraiment traités comme des dispensateurs de
bout de ligne...
Mme Desforges: C'est ça.
Mme Harel: ...et non pas comme des partenaires.
Mme Desforges: Mol, je trouve qu'on est traités comme si
on était des sous-traitants et je pense que, le jour où
ça, ça va changer... Ça arrive que ce n'est pas comme
ça; je ne dis pas que c'est toujours comme ça. Quand c'est
différent... Je reprends toujours l'exemple de la pétrochimie
parce que c'est tellement un bel exemple...
Mme Harel: Que je connais bien.
Mme Desforges: ...où tous les partenaires se sont assis
ensemble. Ça donne un résultat extraordinaire.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, je vais reconnaître le député d'Abitibi-Ouest
pour cinq minutes. M. le député.
M. Gendron: Non, dix minutes.
Une voix: Six.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Cinq minutes. La
disposition du temps, M. le député...
M. Gendron: Rapidement, M. le Président, ça va,
ça va. Alors, ce qu'il faut dire rapidement, d'entrée de jeu,
c'est que les intervenants de l'éducation ont de la suite dans les
idées, de la continuité logique. Moi, je le savais. C'est
peut-être intéressant de le rappeler à d'autres.
Très clairement, vous dites: On ne veut pas être dans
l'antichambre, on ne veut pas être en bout de ligne, comme je l'ai
mentionné à l'autre. C'est vraiment les éléments
qui rassortent le plus au-delà des structures, au-delà de jouer
un peu avec la représentativité qui est importante, mais la
ministre nous a réglé ça vite. Elle ne veut rien savoir.
Sur votre demande fondamentale, vous dites: On veut être de plain-pied
parce que vous avez la conviction - et c'est la même pour nous que pour
vous - que la formation professionnelle par l'éducation et le
développement de la main-d'oeuvre, c'est intimement lié. On ne
peut pas séparer ça quand on parle véritablement de
partenariat.
Je veux vous rappeler, d'ailleurs - et c'est ma première question
- que je pense que vous avez fart bien dans votre mémoire, à la
page 19. J'espère que le ministre sera attentif. À la page 19 de
votre mémoire, vous avez rappelé un mémoire que vous avez
déjà produit à la ministre de l'Enseignement
supérieur en disant: Nous en sommes, que ce soit les CFP qui aient
l'autorité et la compétence dans le domaine de l'estimation des
besoins, et vous avez continué votre phrase. Donc, ce n'est pas
important. Là où c'est important - et j'ai l'impression que
ça, ce n'est jamais pris en compte - vous avez ajouté: Nous
soutenons - c'est vous autres qui parlez - que c'est la responsabilité
des établissements de formation de traduire les besoins en objectifs et
en contenus de formation ou d'apprentissage. Ce que j'ai toujours
pensé.
On ne peut pas recevoir une commande et dire: Bien, nous, on est un
livreur de pizza. Voilà la pizza qu'il faut aller livrer à telle
entreprise parce que c'est ça qu'ils ont identifié comme besoin
de formation. Ce n'est pas de même qu'on va améliorer la formation
professionnelle et la qualité de la main-d'oeuvre. Moi, dans mon esprit,
c'est clair.
Question: Est-ce que vous croyez que la dimension sur laquelle vous
insistez énormément, à savoir qu'il est de votre
responsabilité que les établissements de formation traduisent les
besoins et les objectifs de contenu... Est-ce que vous croyez que c'est
présent, ça, dans la réforme du ministre Bourbeau? Est-ce
que vous avez vu ça comme objectif? Est-ce que vous voyez cet
objectif-là, oui ou non?
M. Sanssouci: Nous avons cru y voir des intentions, mais ce que
nous souhaitons, c'est plus que des intentions. Nous souhaitons que ce soit
écrit clairement. Vous avez, je pense, évoqué à
juste titre que, dans certaines circonstances, nous avons été
traités comme des dispensateurs de services, pas toujours, comme l'a dit
Mme Desforges, et avec raison.
L'analogie que je vais faire, je la prends dans le monde industriel.
Entre le marketing et la production, il y a toujours des chicanes et ça
se règle généralement quand ces gens-là
décident de se parler. Alors, le marketing dit un peu quelque chose sur
la production et (a production se met le nez un petit peu dans le marketing.
Donc, ce qu'on a dit, c'est qu'on a reconnu qu'il appartenait à un
ministère de faire l'évaluation des besoins. On a dit:
Peut-être que ce n'est pas exclusif. On voudrait y participer de la
même façon que nous sommes prêts à ouvrir nos classes
et nos écoles à ceux et celles qui ont quelque chose à
redire sur les finalités qui sont poursuivies. Nous sommes les experts
en élaboration de programmes, en dispensation d'enseignement et on ne
voudrait pas que le ministère vienne faire ça, et ce n'est pas
son intention non plus, a-t-on lu dans le document. Mais, par ailleurs, on ne
voudrait pas que la porte soit hermétiquement fermée. On veut
participer un peu plus et devenir un partenaire à part
entière.
M. Gendron: Deuxième question, ça va être
court. Vous pouvez ajouter après ma deuxième question. La
deuxième question, c'est que pour ceux qui en auraient pris
connaissance... J'espère que c'est le plus grand nombre parce que, moi
aussi, j'ai été non pas surpris, mais content de voir la
qualité de votre mémoire et de votre prestation. Mais en
conclusion, regardez bien ce que vous dites: Sans la participation pleine et
entière du système d'éducation - et là, vous
ajoutez des collèges; ça, c'est légitime, c'est
très légitime...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Mais vous ajoutez que les objectifs de
compétitivité et de qualification élevée des
ressources humaines qui sont contenus dans le projet de développement de
la main-d'oeuvre ne pourront être atteints. C'est un objectif que je
partage, mais c'est une conclusion sévère.
Question: Est-ce que vous croyez... Parce que vous avez dit: C'est un
bon pas - je prends vos commentaires d'entrée - une bonne direction, il
y a des aspects intéressants, mais on n'est pas là et
l'éducation est tassée. Question: Est-ce qu'il n'y a pas
là un jugement d'échec anticipé de la réforme si on
ne corrige pas ça? Il faudrait peut-être se parler franchement et
dire au ministre... Que 25 groupes disent: Ça va bien, c'est un bon
pas... Vous êtes les premiers à dire: Si on mettait tout ça
ensemble, ça avancerait à quelque chose. On ne réglera pas
grand-chose s'il n'y a pas plus d'éléments de politique et plus
de garanties, comme vous le dites, pour éviter l'échec et pour
permettre d'atteindre les objectifs afin que vous soyez associés d'une
façon très, très étanche.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Sanssouci, il vous reste une minute exactement pour répondre.
M. Sanssoucl: Je vous dirais que vous êtes plus
sévère que nous. Je ne pense pas qu'on puisse, d'emblée,
dire que si on n'est pas là le monde va arrêter de tourner.
M. Gendron: Non, le monde de l'éducation.
M. Sanssoucl: On pense que si on n'est pas là, le
Québec va se priver de grandes ressources. Nous avons des ressources
complémentaires. Il faut que ces ressources soient mises à
contribution dans l'identification des projets, l'élaboration des
programmes, la dispensation des cours. On ne veut pas faire ce que d'autres ont
l'obligation de faire. On veut être considérés pour ce que
nous sommes et on pense que ce sera incomplet si nous n'y sommes pas.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Un
petit mot de la fin, Mme Desforges.
Mme Desforges: Peut-être pas le mot de la fin, mais
là-dessus, peut-être que ça coûterait moins cher,
entre autres, si on était associés. Je pense que ça
coûterait moins cher. Il y a une autre chose que je veux ajouter, c'est
que quand on est spécialiste de formation, on sait que dans
l'entreprise, quand on établit le diagnostic, quand on fait l'analyse
des besoins, c'est déjà un premier pas dans la formation, dans
l'appropriation par l'entreprise de ses besoins. Je pense que si on arrive
juste après, des fois, il faut refaire ce qui a été fait
avant.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Alors, madame et messieurs de la Fédération des cégeps,
nous vous remercions de votre prestation ici et bon voyage de retour.
Merci.
Nous allons entendre, immédiatement après, le Conseil du
patronat. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de prendre place
immédiatement pour qu'on ne retarde pas Indéfiniment la
séance. alors, mesdames, messieurs de la commission, s'il vous
plaît, on vous demande de prendre place. nous allons entendre
immédiatement les prochains... alors, je demanderais aux
représentants du conseil du patronat, s'il vous plaît, de bien
vouloir prendre place. messieurs du conseil du patronat, nous allons vous
entendre et je demanderais au président, m. ghlslain dufour, s'il vous
plaît, de présenter les personnes qui l'accompagnent. bienvenue
à cette commission, m. dufour.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Mes
collègues: à ma gauche, M. Aubert Tremblay, qui est directeur des
relations du travail à l'Association des manufacturiers de bois de
sciage; à ma toute droite, M. Jacques Garon, qui est directeur de la
recherche au Conseil du patronat, et M. Julien Michaud, qui est directeur des
relations du travail à l'Association des Industries
forestières.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): très bien, m.
dufour. nous avons une heure à consacrer à votre association. si
vous voulez, s'il vous plaît, présenter votre rapport et,
après, le questionnement.
M. Dufour (Ghislain): C'est évidemment un
résumé parce que notre mémoire fait au-delà de 20
pages. Nous voudrions d'abord remercier la commission de bien vouloir recevoir
nos commentaires et suggestions. Notre présentation se fera en deux
temps. Nous analyserons d'abord l'énoncé de politique puis le
projet de loi 408.
Disons, d'entrée de jeu, que nous recevons bien le
dépôt de l'énoncé de politique de
développement de la main-d'oeuvre, même si nous y voyons plusieurs
irritants et que nous nous interrogeons sur certaines orientations. Il nous est
cependant difficile de souscrire aux moyens d'action que veut se donner le
gouvernement pour mettre en oeuvre son énoncé de politique,
à savoir la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. (11 h 45)
Sur l'énoncé, quelques considérations sur les
constats. Nous partageons le point de vue de l'énoncé en ce qui a
trait à la situation économique du Québec dans un contexe
de mondialisation des marchés. Le portrait qui nous est
présenté met en évidence notre retard sur le pian de la
productivité, souligne que nos coûts unitaires de main-d'oeuvre
ont été et demeurent plus élevés que chez nos
principaux partenaires commerciaux et insiste sur la difficulté de
passer d'une économie axée sur le développement des
ressources naturelles à une économie de valeur ajoutée. Il
s'agit là d'un portrait généralement réaliste.
Nous sommes également pleinement d'accord avec cet extrait de
l'énoncé gouvernemental, et je cite: «Pour continuer
à prospérer et à réduire le taux de chômage,
le Québec n'a d'autre choix que d'investir davantage dans le
développement des compétences.» Il y a de moins en moins de
place, dans nos économies changeantes, pour des personnes non
qualifiées. La formation, sans être le garant absolu d'un
accès à l'emploi, n'en représente pas moins le meilleur
moyen de lutter contre le chômage. Accord également avec cet
énoncé que pour pallier en quelque sorte aux faiblesses
structurelles de la formation professionnelle et pour atténuer les
déséquilibres que l'on retrouve sur le marché du travail,
les interventions des deux niveaux de gouvernement se sont traduites, à
ce jour, pour l'essentiel, par des mesures passives, principalement les
prestations d'assurance-chômage et celles de la sécurité du
revenu.
Malgré les difficultés que nous connaissons tous,
cependant, ou peut-être à cause de ces
difficultés, les partenaires du milieu du travail sentent bien
qu'ils devront établir, dans le domaine de la formation de la
maln-d'oeuvre, un dialogue constructs qui leur permettra de surmonter les
difficultés identifiées. Cet esprit de concertation, M. le
Président, existe et il faut le développer, mais comme le dit
l'énoncé, les gouvernements ont, jusqu'ici, refusé de
partager avec les principaux intervenants du marché du travail, et
l'élaboration des politiques, et la gestion des programmes et des
activités de développement de la main-d'oeuvre, d'où la
nécessité d'une grande concertation entre l'État, le
patronat et les syndicats.
Sous réserve d'analyser la structure des réseaux
institutionnalisés et les moyens d'action proposés, nous
endossons donc pleinement les constats suivants. Premièrement, la
présence, sur le même territoire, de deux administrations
gouvernementales offrant chacune des programmes et des services se traduit par
une lourdeur et une bureaucratie que les utilisateurs dénoncent depuis
longtemps, mais qui ne seront pas nécessairement solutionnées par
la nouvelle approche. Deuxièmement, pour de nombreux individus et
entreprises, la complexité et la diversité des programmes de
maln-d'oeuvre expliquent, en partie au moins, le manque d'intérêt
qu'ils y portent. Troisièmement, il n'y a pas de défi plus
pressant et plus exigeant que celui d'endiguer radicalement le
décrochage scolaire. Quatrièmement, il est essentiel de
revaloriser les métiers et les techniques. Cinquièmement,
l'école n'est pas le seul lieu d'acquisition ou de perfectionnement des
compétences. Les entreprises pourraient participer plus activement
à la formation professionnelle.
Malgré ces points d'accord, il nous faut cependant regretter
trois choses: premièrement, que le document ne fasse aucune analyse de
nombreuses initiatives de formation professionnelle, tant dans le réseau
scolaire que dans les entreprises, initiatives qui ont donné de bons
résultats; deuxièmement, que le document ait une perspective
à courte vue, qu'il soit axé plutôt sur
l'employabilité et qu'il néglige donc la gestion
prévisionnelle de la main-d'oeuvre et tout le volet recyclage;
troisièmement, que le document privilégie trop l'approche
régionale par rapport à l'approche sectorielle que nous
favorisons, pour notre part. Nous pensons que c'est dans les secteurs que
ça se passe et non pas nécessairement au plan régional.
C'est d'ailleurs essentiellement pour ces trois raisons qu'on ne peut qualifier
ce document d'énoncé de politique de la main-d'oeuvre. Comme le
dit bien d'ailleurs son titre, cet énoncé ne porte que sur le
développement de la main-d'oeuvre.
Quelques mots au sujet de la stratégie maintenant
préconisée par le gouvernement. Le gouvernement et son document
identifient quatre grands objectifs en matière de développement
de la main-d'oeuvre. Nous serons d'accord avec ces objectifs dans la mesure
où les initiatives des entreprises et des dispensateurs de formation ne
seront pas assujetties au pouvoir paralysant des fonctionnaires, que les
programmes seront plus efficaces, que l'on reconnaîtra davantage la
formation sur mesure et que l'on permettra vraiment la collaboration
patronale-syndicale en ce domaine. Notre mémoire reprend et commente en
détail les quatre objectifs identifiés au document.
Vous me permettrez de retenir ce matin, compte tenu du temps qui nous
est alloué, trois éléments: le premier, le congé
éducation; le deuxième, la gestion de l'assurance-chômage;
et le troisième, la création d'un fonds d'aide aux
employés licenciés. Ce n'est pas au ministre que je vais dire que
la question du congé de formation ne sera pas facile à
résoudre. Ainsi, nous sommes d'avis que les formations
considérées aux fins d'un congé de formation doivent
être reliées aux besoins de l'entreprise. Par exemple, la
formation générale ou les cours d'alphabétisation
devraient en être exclus, à moins qu'ils n'aient été
l'objet de négociations spécifiques dans le cadre d'une
convention collective ou d'ententes spéciales. En somme, nous pensons
que c'est généralement à l'employeur que revient la
décision d'accorder ou non un congé de formation, puisqu'il est
le seul en mesure de juger de la nécessité de la présence
au travail de la personne salariée.
Le congé de formation, pour nous, n'est pas un droit et c'est ce
qui conduit le Conseil à préconiser une approche d'incitation
dans ce dossier. Pourquoi, par exemple, le congé de formation ne
ferait-il pas l'objet d'une déclaration ministérielle
présentant les grands principes auxquels le gouvernement inciterait les
partenaires du monde du travail à adhérer? Deuxième
question: Pouquoi le Québec prendrait-il en charge l'administration du
régime d'assurance-chômage? Nous croyons toujours fermement
à la participation du Québec au régime
d'assurance-chômage canadien. Nous ne sommes par ailleurs pas convaincus
que l'administration du régime par le Québec apporterait des
bénéfices intéressants aux prestataires de
l'assurance-chômage. Le régime d'assurance-chômage a
été et demeure en effet bénéfique pour le
Québec puisque nous retirons, bon an mal an, plus d'un milliard de
dollars de plus que nous n'y contribuons. Il est en outre difficile de voir ce
qu'on gagnerait en efficacité simplement du fait que le Québec
prendrait en charge l'administration du régime. Comme le dit fort
justement l'énoncé, l'unification n'est pas en soi un gage
d'efficacité.
Programme d'aide aux personnes licenciées. C'est évident
qu'on ne peut qu'être d'accord avec l'intention annoncée du
gouvernement de donner une attention spéciale aux travailleurs qui sont
victimes de licenciement. À cet égard, nous recevons
poslvltlvement l'idée de maintenir et de renforcer la participation des
employeurs et des
salariés au comité de reclassement, tout comme l'intention
de rendre plus accessibles aux personnes licenciées les mesures de
main-d'oeuvre requises, notamment les mesures de perfectionnement et de
recyclage.
Nous trouvons cependant discutable l'idée d'instaurer un
programme d'aide aux personnes licenciées qui obligerait les entreprises
à s'engager davantage en termes financiers dans le processus de
reclassement des personnes licenciées. Devant l'état
déplorable dans lequel se trouvent actuellement de nombreuses
industries, le gouvernement fédéral a récemment pris la
décision de ne pas imposer une nouvelle taxe sur la masse salariale aux
entreprises et de financer lui-même le fonds spécial qui sera
créé pour payer les salaires des employés d'entreprises
faillies. Nous croyons qu'à court et à moyen terme, obliger les
entreprises à s'engager financièrement dans le processus de
reclassement des personnes licenciées ne serait pas une formule qui nous
rendrait bien sûr davantage concurrentiels.
Je résume donc ce premier volet de la façon suivante:
l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre constitue un bon document de travail, une bonne réflexion
visant l'établissement d'une politique de développement de la
main-d'oeuvre. Il y a également lieu, en dépit de plusieurs
réserves, d'être d'accord avec les constats relatifs à la
situation actuelle, même si on fait beaucoup plus de formation dans les
entreprises que ne le laisse entendre le document. Nous ne souscrivons pas, par
ailleurs, à certaines propositions, notamment les trois que Je viens
d'énumérer. Mais, de façon générale, nous
pensons que la démarche globale proposée, à savoir rendre
le Québec plus compétitif, mérite le soutien des
Québécois.
Au sujet maintenant de l'outil que le gouvernement veut se donner pour
gérer sa politique, nous avons déjà eu l'occasion de le
dire au ministre: Nous demeurons profondément mal à l'aise, non
pas avec le principe de la création d'un organisme qui serait
chargé d'améliorer la gestion de la formation professionnelle,
mais avec les modalités qui sont contenues au projet de loi 408. Ce
malaise est d'ailleurs tel que nous ne pourrions endosser le projet de
création de la Société s'il n'était modifié
en profondeur, notamment pour responsabiliser davantage les parties que l'on
entend associer au processus de la formation professionnelle au Québec.
Nous nous interrogeons, notamment, sur les responsabilités que nous
aurons réellement confiées à cette Société,
sur sa marge de manoeuvre par rapport au pouvoir politique, sur la composition
de son conseil d'administration, et je reprends très rapidement
ci-après quelques-unes de ces préoccupations.
Sur le conseil d'administration, nous souhaiterions en connaître
davantage au moment où on débat le projet de loi. On dit
même que la répartition des sièges au conseil
d'administration devra être décidée au moment du
débat du projet de loi et non pas après. En somme, il est utile
de savoir qui dirigera un organisme avant de lui donner son accord. Je sais que
la CSN, cet après-midi, va arriver avec des propositions tout à
fait nouvelles. On a entendu, tout à l'heure, les représentations
de la Fédération des cégeps. Si vous avez 45
mémoires et 45 visions différentes, nous aimerions savoir quel
genre de conseil d'administration vous entendez proposer.
Nous sommes favorables, en ce qui nous concerne, à la
participation de groupes, telle la CEQ, telle la Fédération des
cégeps, telle la Fédération des commissions scolaires. Il
nous importe de savoir si ces organismes qui représentent les vrais
dispensateurs de la formation professionnelle... En somme, nous, on le dit
honnêtement: Ceux qui connaissent ça vont siéger avant que
nous donnions notre accord à la structure du conseil
d'administration.
Deuxièmement, et c'est plus important, missions et pouvoirs. Les
pouvoirs de la Société sont absolument limités et
assujettis pour l'essentiel au bon vouloir du pouvoir politique. Ici, le
bât blesse vraiment et le projet de loi devra être amendé en
profondeur. En effet, selon nous, l'article 22 consacre pratiquement la mise en
tutelle a priori de la Société. Est-ce vraiment ce que souhaitent
le gouvernement et le ministre? Qu'en est-il de la responsabilisation des
parties dont on nous a longuement entretenu tout au long de
l'élaboration du projet de loi?
Par exemple, la Société doit soumettre ses programmes
à l'approbation du gouvernement et ne peut même pas les bonifier,
ne peut même pas y mettre fin sans une telle approbation. Le
contrôle du gouvernement sur la Société est ici tout
à fait absolu. Ce n'est pas ainsi que l'on va responsabiliser les
principaux Intervenants qui voudront bien se joindre à la
Société. En fait, quand on connaît la lenteur de la machine
gouvernementale, cette prévision empêchera les gestionnaires de la
Société d'adapter des programmes au contexte changeant des
régions et des secteurs d'activité économique.
Cet encadrement gouvernemental trop serré aura un effet
désastreux sur les mécanismes de prise de décision et les
moyens d'action de la Société. Imaginez, la Société
ne pourra même pas mettre fin à un programme que tous les
administrateurs auront jugé ou inefficace, ou inutile, ou trop
coûteux sans obtenir l'accord du gouvernement. La question: Combien de
mois plus tard? Si l'on veut que la Société fasse appe! vraiment
à la responsabilisation des partenaires, il faut qu'elle dispose des
moyens de s'acquitter de son mandat avec efficacité et transparence.
Simplement pour illustrer cette marge absolument considérable de
contrôle du gouvernement sur la Société, vous retrouvez
à la page 16 la liste des articles qui donnent un pouvoir
discrétionnaire ou réglementaire au gouverne-
ment, au Conseil du trésor, au ministre responsable. Il y en a
une vingtaine. On avait dit, cet été, avec le projet de loi sur
l'enseignement privé, que c'était probablement celui qu'on avait
vu à ce jour qui comportait le plus de pouvoirs discrétionnaires
pour le ministre, par règlement du Conseil du trésor.
Celui-là est pire. C'est le deuxième dans la même
année. Il y a vraiment là un problème auquel il faut
apporter des solutions si l'on veut vraiment aller plus loin dans la discussion
sur ce dossier. (12 heures)
Une dernière disposition, M. le Président, du projet de
loi, avant de conclure. Les employés de la Société et des
sociétés régionales seront assujettis à la Loi sur
la fonction publique. Il s'agit donc, essentiellement, de créer un
organisme typiquement étatique dont le conseil d'administration n'aura
qu'un pouvoir très limité en matière de gestion des
ressources humaines, pouvoir qui se résumera, au départ à
tout le moins, à simplement assigner des fonctions aux employés
actuels du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité
du revenu et de la Formation professionnelle, qui seront
transférés à la Société.
Non seulement, donc, le projet de loi, dans sa forme actuelle,
impose-t-il un véritable carcan au pouvoir décisionnel du conseil
d'administration de la Société en matière de programmes et
de politiques, mais de plus, il ne lui donne pratiquement aucune
autorité en matière de gestion de ses propres ressources
humaines. L'article 89 est révélateur à cet effet quand il
dit: «Un employé mis en disponibilité suivant l'article 88
demeure à la Société jusqu'à ce que l'Office des
ressources humaines puisse le placer» ailleurs.
Par ailleurs, outre les dispositions de l'article 11, l'article 93
précise bien que c'est le Conseil du trésor qui détermine
- et là, écoutons ce qu'il détermine - «toute
règle, toute norme, toute politique relative au classement, [...]
à la permanence ou à toute autre condition de travail applicable
aux employés». De telles dispositions risquent de marquer
profondément la personnalité de la Société avant
même sa naissance. Si les utilisateurs de services de la
Société la perçoivent comme n'étant qu'une
superstructure administrative à culture bureaucratique, il sera
très difficile, sinon impossible, de susciter chez eux une participation
importante. Pourtant, toute cette restructuration est entreprise
essentiellement pour eux et non pour l'appareil étatique.
Je conclus, M. le Président. Premièrement, tel que
proposé par le projet de loi 408, le fonctionnement de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, outil d'implantation de la politique de développement de
la main-d'oeuvre du gouvernement, nous met profondément mal à
l'aise en ce qu'il ne responsabilise nullement les parties en matière de
gestion de la formation professionnelle au Québec. Deuxièmement,
ce mode de fonctionne- ment ne laisse aucune place à l'initiative et
permet au pouvoir politique de s'ingérer régulièrement
dans l'action de la Société.
Troisièmement, la structure administrative proposée, qui
sera chargée d'exécuter des politiques gouvernementales et de
gérer un certain nombre de programmes, outre le fait qu'elle sera
excessivement coûteuse, ne reflète d'aucune façon
l'intention affirmée en maintes occasions par le gouvernement et
même par le ministre de responsabiliser davantage le patronat et les
syndicats dans l'établissement d'une politique efficace de
développement de la main-d'oeuvre.
Quatrièmement, il ne s'agit évidemment pas, ici, de
demander au gouvernement d'abdiquer face à ses responsabilités.
La Société est, en effet, un mandataire du gouvernement. Mais si
les membres du conseil d'administration de la Société ou des
conseils régionaux n'ont pas une marge de manoeuvre suffisante et
relativement indépendante du pouvoir politique, leur rôle ne sera
guère différent de celui qu'ils jouent actuellement au sein des
commissions de formation professionnelle. Or, ce rôle est actuellement
remis en question par le pouvoir politique.
Cinquièmement, le gouvernement manque Ici une fichue de belle
occasion d'innover, de procéder à une véritable
décentralisation des pouvoirs qu'on demande au fédéral et
de faire confiance au partenariat qu'il prêche. La structure
proposée ne réduira en rien les critiques des utilisateurs
à l'égard du système actuel. La beauté politique de
la démarche réside, cependant, dans le fait que le pouvoir
politique y gagnera, en sachant maintenant vers quel bouc émissaire
diriger les critiques.
Sixièmement, le projet de loi 408 doit être
profondément bonifié pour y asseoir les fondements
véritables d'une collaboration patronale-syndicale
responsabilisée dans le domaine de la formation professionnelle au
Québec.
En résumé, M. le Président, tout en reconnaissant
la nécessité de se doter d'un outil d'implantation d'une
véritable politique de développement de la main-d'oeuvre au
Québec, axée notamment sur la formation professionnelle, que cet
outil soit une société, une commission, une régie - pour
nous, ça n'a pas d'importance - nous ne saurions souscrire à
celui qui nous est actuellement proposé, à moins qu'il ne subisse
des modifications profondes. Je vous remercie.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le président. Alors, je vais maintenant reconnaître M. le ministre
de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: De la Main-d'oeuvre...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): De la
main-d'oeuvre.
M. Bourbeau: ...de la Sécurité du revenu...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Mettez-en.
M. Bourbeau: ...et de la Formation professionnelle, M. le
Président.
Je vous remercie, M. le Président, et député de
Rimouski. M. le Président, je tiens à saluer les
représentants du Conseil du patronat du Québec qui sont des
partenaires majeurs du gouvernement et du ministre au sein de la
conférence permanente sur la main-d'oeuvre. Ce n'est pas la
première fois que j'ai l'occasion de discuter de ce sujet-là avec
le président qui, au cours des derniers mois, a participé
à de nombreuses réunions traitant de ces sujets-là. Ce
sont des dossiers qui me sont familiers. Les positions aussi exprimées
par le Conseil du patronat, Je ne vous surprendrai pas en disant qu'elles ne
m'étonnent pas beaucoup. On les connaissait pas mal.
Je voudrais simplement dissiper une équivoque, cependant. Il ne
faudrait pas en mettre plus que le client en demande. Le projet de loi ne donne
pas aux employés de la Société québécoise la
sécurité d'emploi de la fonction publique. Je pense qu'il y a une
erreur d'interprétation, là. Vous vous référez
à l'article 89. Ce sont des mesures transitoires, ça, l'article
89, qui se réfèrent, si vous regardez l'article 89, à un
employé mis en disponibilité suivant l'article 88. Or, l'article
88, lui, vise des employés visés à l'article 85, et
l'article 85 dit: «Tout employé transféré à
la Société en vertu de l'article 84», et l'article 84 parle
des employés du ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle qui, eux,
seraient transférés à la Société, à
l'occasion du début.
Donc, on ne se réfère, dans ces articles-là, qu'aux
employés qui, présentement, ont la sécurité
d'emploi en vertu de la fonction publique, qui seraient
transférés à la Société
québécoise et qui, eux, auraient, en vertu de leurs droits
acquis, la protection. Mais la clause, la vraie clause, c'est la clause 11 du
projet de loi qui dit: Les employés de la Société sont
nommés, non pas en vertu de la Loi sur la fonction publique, mais
nommés de la manière qu'elle prévoit, que la
Société le prévoit, par règlement et selon le plan
d'effectif qu'elle établit.
Donc, il y a ici une marge de manoeuvre à la
Société que d'aucuns n'ont peut-être pas tellement
remarquée. On dit également que les normes et les barèmes
de rémunération ainsi que les autres conditions de travail de ces
employés sont établis par la Société et soumis
à l'approbation du gouvernement. Donc, les employés de la
Société sont soumis aux règles de la
Société, sont nommés par elle, selon son plan d'effectif,
et n'ont pas la sécurité d'emploi de la fonction publique
québécoise. Bon, alors, un point... Disons, un point en notre
faveur, si vous voulez.
Maintenant...
Je voudrais revenir à un des sujets que vous abordez, que nous
avons déjà abordé, d'ailleurs, et qui... C'est une prise
de position que je trouve un peu étonnante, je dois dire. Vous nous
dites essentiellement: Nous ne donnerons pas notre accord à la
Société québécoise avant de savoir qui va diriger
l'organisme. J'ai de la difficulté à vivre avec une position
comme celle-là parce que je me dis: Ou bien on est d'accord avec la
nécessité de l'institution, on trouve que cette
institution-là est essentielle et alors, à ce moment-là,
on donne notre accord au principe de l'institution, ou bien on ne le fait pas.
Ou bien l'institution n'a pas sa place, et à ce moment-là, quels
que soient les vertus et les mérites de ceux qu'on pourrait y nommer,
s'il n'y a pas de place pour une institution, il ne devrait pas y avoir de gens
pour la diriger.
Mais à partir du moment où on convient de la
nécessité d'avoir une entreprise ou une Institution, pourquoi
refuser d'y donner son aval au stade de l'adoption de la loi sans demander au
gouvernement: Désignez d'avance les gens qui seront membres du conseil
et là, on vous dira si on est d'accord avec l'institution? En fait,
c'est ça que je comprends de votre position. Moi, je dis ceci:
Techniquement, ce serait même un outrage à l'Assemblée
nationale que de présumer de l'adoption d'une loi en disant: On va
nommer M. Untel, Mme Unetelle, etc., à tel poste, tel poste et
même le directeur général, sans savoir si
l'Assemblée nationale va donner son aval à la loi. Ce serait, en
tous les cas, assez surprenant de procéder comme ça. Ce serait
certainement une première. Je n'ai jamais vu ça, moi,
personnellement.
Donc, il me semble qu'on devrait, dans un premier temps, débattre
de l'importance ou de la nécessité d'une institution comme la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, y donner son aval ou non et, une fois que l'Assemblée
nationale aura confirmé ou infirmé - mais j'espère
confirmé - l'adoption de cette loi-là, la naissance de cette
institution, après ça, dans un deuxième temps, on
s'attaquera à la tâche de désigner les dirigeants et ceux
qui pourront siéger au conseil d'administration.
Le Président (M. Marcil): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Bon, sur le premier, je pense que vous
devriez faire par mémo l'exercice que vous venez de faire à
l'effet que les travailleurs de la Société ne seraient pas
couverts par la loi de la fonction publique. Parce que vous vous
référez à tellement d'articles que je pourrais vous
référer à autant d'autres qui pourraient nous amener
à une conclusion différente. C'est loin d'être clair. Mais
ce n'est pas un problème pour nous qu'ils relèvent ou non de la
fonction publique. C'est très marginal dans tout le débat, sauf
qu'on l'a souligné parce qu'on
ne sait pas exactement quel est le statut de ces
travailleurs-là.
Le deuxième dossier, pour nous, est beaucoup plus important.
Encore là, je dois dire que la composition du conseil d'administration
est loin d'être aussi importante que le dossier du mandat. C'est le
mandat qu'on voudrait d'abord voir clarifié; d'autre part, son autonomie
par rapport au ministre, au Conseil du trésor, au gouvernement, etc. Il
y a 20 articles qui réfèrent à des pouvoirs et ça,
pour nous, c'est important.
Une fois que ça, c'est clarifié, la deuxième
préoccupation, c'est carrément le conseil d'administration. Je ne
vous demande pas de nous donner des noms. On ne veut pas savoir si ce sera
monsieur X, monsieur Y ou monsieur Z. On veut savoir qui va siéger
là. Le Conseil du patronat veut savoir s'il va siéger avec des
dispensateurs; puis il est intéressé de savoir s'il va être
avec la Fédération des cégeps, la CEQ puis les commissions
scolaires, les vraies gens de ce monde-là. Il est
intéressé de savoir, dans la composition gouvernementale, si
ça va être des officiers seniors, des ministres ou des commis.
C'est important. La délégation syndicale aussi, c'est important;
même la délégation patronale est importante. Alors, vous
allez avoir cet après-midi - je l'ai dit tout à l'heure - la CSN,
parce qu'ils ont eu l'amabilité de nous donner l'essentiel de leur
mémoire, dans lequel elle veut demander que d'autres groupes se
joignent. Bon, eh bien, nous autres, on voudrait faire le débat si,
avant d'aller à la Société, on veut aller travailler avec
les groupes que la CSN va identifier, et il y en a beaucoup.
Ce ne sont pas des noms, comprenons-nous bien. On ne veut pas savoir les
noms, puis c'est évident que le gouvernement a toujours la
responsabilité de décider ce qu'il va faire, sauf que si tu vas
siéger sur un conseil d'administration, tu veux savoir ce que c'est. Et
surtout, on veut savoir en principe si cette société-là va
fonctionner parce qu'il y a tellement d'interférence gouvernementale
que, de toute façon, ça ne fonctionnera pas, c'est
évident. Mais, deuxièmement, qui va la gérer, avant de
donner un accord? Ça, on vous en a aussi déjà
parlé, M. le ministre, et, pour nous, c'est un point majeur. Vous savez
aussi qu'il y a certaines centrales syndicales qui vont débattre
fermement devant vous de ce dossier-là, en termes purement de
répartition des sièges entre le monde syndical.
Moi, je veux savoir, par exemple, si nous, comme Conseil, on y va,
est-ce que le Conseil va représenter simplement les manufacturiers?
Est-ce qu'il va représenter la construction? Est-ce qu'il va
représenter le secteur parapubllc? Est-ce qu'il va représenter le
commerce? On parie de formation de main-d'oeuvre dans tous ces
secteurs-là. Ce n'est pas vrai qu'on va y aller avec une personne, pour
se faire planter quand ça va mal.
M. Bourbeau: M. le Président, là-dessus, bon, il me
semble que le projet de loi va quand même assez loin. On dit qu'il va y
avoir six membres représentant les associations de salariés les
plus représentatives. Donc, on sait de quels secteurs d'activité
on parie. Six membres des associations d'employeurs et des organismes du milieu
coopératif, donc, c'est un secteur aussi qui est assez circonscrit et,
finalement, six membres nommés par le gouvernement, dont deux provenant
du milieu de l'enseignement... Donc, ça répond un peu à
votre question.
Même on va même plus loin: deux provenant du milieu de
l'enseignement, un pour le collégial et un pour le secondaire. Bon,
là, on a, en toile de fond, la composition. Moi, je comprendrais qu'on
me dise: Nous ne siégerons pas à la Société
québécoise si nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui vont y
être nommés. Je comprendrais une position comme ça. Mais de
dire: Nous ne donnerons pas notre aval à l'adoption d'une loi
créant une société si nous ne connaissons pas la
composition du conseil d'administration, il me semble que c'est un peu mettre
la charrue devant les boeufs, et je vois ça en deux étapes, moi.
Premièrement, si on est d'accord qu'une société doit
être formée avec les objectifs qu'on connaît, on pourrait
donner son aval à la Société et dire: Nous retiendrons
notre participation si nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui y
siégeront. Mais enfin, là-dessus, j'ai mon point de vue, vous
avez le vôtre et on n'est pas pour passer toute la période de
questions là-dessus. Mais si vous voulez revenir là-dessus, je
n'ai pas d'objection non plus. (12 h 15)
Je voudrais quand même vous poser une autre question qui va
peut-être vous permettre de répondre à tout ça. Vous
venez de dire que vous vous déclarez favorable à la participation
de groupes comme la CEQ, la Fédération des cégeps, les
commissions scolaires, etc. Je voudrais vous demander dans quelle
délégation les voyez-vous, ces gens-là? Nous, on les met
dans la délégation gouvernementale. Il y a également
d'autres groupes qui demandent de participer aussi au conseil d'administration,
par exemple, les clientèles spécifiques comme les
non-syndiqués, les femmes, les personnes handicapées, les
communautés culturelles, les mouvements communautaires.
On a même parlé, hier soir, d'une quatrième roue, un
quatrième groupe qui pourrait représenter les groupes
communautaires. Ce matin même, j'ai cru percevoir que la
Fédération des cégeps nous demandait d'être la
quatrième roue. Le monde de l'éducation pourrait être la
quatrième roue. Donc, on aurait une structure quadripartite plutôt
que tripartite. Mais il est fort possible que dans les semaines qui viennent,
on ait d'autres groupes qui nous demandent aussi d'être la
quatrième ou la cinquième roue du chariot.
Comment voyez-vous ces demandes-là, vous?
Est-ce que vous seriez d'accord qu'on ait une quatrième roue,
autrement dit, qu'on amende la structure pour qu'elle ne soit plus tripartite?
Sinon, dans quelle délégation voyez-vous tous ces groupes qui
nous demandent de participer?
Le Président (M. Marcil): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Et pourquoi pas une cinquième roue,
M. le ministre? Quand vous entrez, vous entrez et voilà le
problème. Voilà pourquoi, tant et aussi longtemps que vous
n'aurez pas décidé, et face à tous ces groupes-là
qui vous demandent d'être présents, nous, on s'abstient, parce
qu'il faudrait savoir avec qui on va aller siéger. Face à nos
trois propres propositions, nous, on ne change pas le conseil d'administration.
Pour l'instant, II est de 18. C'est déjà beaucoup 18 personnes.
Vous dites que les représentants gouvernementaux, il y en aura six.
Pourquoi doivent-ils être six politiques? Pourquoi n'y aurait-il pas
trois dispensateurs là-dedans? Alors, la Main-d'oeuvre,
l'Éducation, l'Enseignement supérieur, les trois politiques, les
trois dispensateurs étant les commissions scolaires, les cégeps,
peut-être les universités. La CEQ, elle va là ou elle va
dans le groupe syndical? Il n'y a pas de problème pour ces
agents-là. On veut d'abord savoir si vous êtes prêt à
les intégrer. Vous répondez carrément à notre
préoccupation quand vous dites que vous êtes soumis à toute
une série de demandes. Ce que je veux savoir, c'est qu'est-ce que vous
allez accepter? C'est là que nous, on va décider si, oui ou non,
on y participe. Mais ça, probablement que dans votre projet de loi
modifié beaucoup, beaucoup, beaucoup, II y aura aussi cette
modification-là. Alors, on le saura avant que le projet soit
accepté.
M. Bourbeau: Pour être modifié, il va certainement
être modifié, M. le Président, parce que je n'ai jamais vu
un projet de loi à l'Assemblée nationale qui n'a pas
été modifié à partir de sa présentation
jusqu'à son adoption, sauf un projet de loi qui avait un seul article.
J'en ai vu un, je pense, il y a deux ans, qui a passé sans modification,
mais il y en a peut-être un sur 100 qui passe sans modification. C'est
d'ailleurs l'objet de l'étude que nous faisons présentement, de
voir comment on peut bonifier le projet de loi.
Pour l'instant, la proposition gouvernementale, c'est un organisme
tripartite. Je n'ai pas l'intention de changer ça, à moins que je
ne sois convaincu du contraire par ce que j'entendrai ici à la
commission parlementaire. Pour l'instant, oui, nous avons l'intention d'inclure
des représentants du milieu scolaire, les cégeps, le secondaire.
C'est même dans la loi. Donc, là-dessus, on répond à
vos préoccupations déjà avec le projet de loi.
M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, comprenons-nous bien. C'est
dans la loi au niveau des sociétés régionales. Nous, on le
demande au niveau de la Société au conseil d'administration.
M. Bourbeau: Là, je vais vous corriger, M. Dufour. Si vous
regardez l'article 5, c'est très clair que la société
nationale, si je peux dire, entre guillemets, ou québécoise, il y
a deux représentants du monde scolaire, l'un pour le secteur
collégial, l'autre pour le secteur secondaire. Ça, c'est à
la société centrale, deux sur six dans la
délégation gouvernementale. C'est clair. L'article 5...
M. Dufour (Ghislain): Non, mais est-ce que ce sont les
dispensateurs ou ce sont des politiques?
M. Bourbeau: écoutez, le texte de la loi dit «deux
représentent le monde de l'enseignement, l'un pour le secteur
collégial et l'autre pour le secteur secondaire» et...
M. Dufour (Ghislain): Voilà! Alors, le ministre de
l'Éducation et le ministre de l'Enseignement supérieur.
M. Bourbeau: Non, ce ne seront pas des ministres, certainement
pas.
M. Dufour (Ghislain): Non, ou des hauts fonctionnaires.
M. Bourbeau: ce n'est pas dit du tout. ce sont des gens qui vont
être nommés par le gouvernement, d'ailleurs, après
consultation. mais au moins, ces milieux-là vont être
représentés. dans les sociétés régionales,
la proportion est encore plus grande. il y en aura deux sur quatre dans la
délégation gouvernementale, donc, 50 % de la
délégation gouvernementale proviendra des milieux scolaires.
enfin, disons certainement qu'on va tenir compte de tous les points de vue. le
vôtre est très clairment exprimé. je conclus de vos propos
que vous n'êtes pas en faveur d'avoir un quatrième partenaire au
conseil d'administration qui serait issu de groupes communautaires, par
exemple.
M. Dufour (Ghislain): Bien, c'est parce que quand vous commencez
à élargir... C'est un problème syndical-patronal, de
façon générale, ça, même avant
gouvernemental, la formation dans l'entreprise, le recyclage, etc., dans lequel
vient s'associer l'État. C'est le trio parfait dans ce
dossier-là. Si vous ajoutez toute une série d'intervenants
autour, la question, c'est: Quand arrêtez-vous? Parce que quand vous
commencez avec les non-syndiqués, c'est structuré, ça, au
Québec, les non-syndiqués. Bon, nous autres, on accepte partout
que les syndicats puissent
représenter les non-syndiqués. Ils représentent 40
% des travailleurs au Québec.
Alors, quand on embarque là-dedans, on n'en sort pas.
Rappelez-vous d'autres débats qui ont été faits au
Québec dans ce domaine-là. Ça nous crée des
problèmes. Mais simplement, je ne veux pas qu'on fasse tout le
débat autour de ça. Pour nous, l'autonomie et le mandat sont plus
importants que le dossier du conseil d'administration.
M. Bourbeau: Bon, en ce qui concerne le mandat, bien sûr,
oui. Je reçois vos commentaires à l'effet que vous estimez que la
Société n'a pas une marge de manoeuvre suffisante. On en avait
déjà discuté. Le projet de loi va être
regardé de nouveau à la lumière de ces
commentaires-là. Je voudrais revenir sur un point, sur la question de
l'assurance-chômage. Vous savez que vous émettez de
sérieuses réserves sur le bien-fondé de rapatrier la
gestion même de l'assurance-chômage. Vous dites qu'il est difficile
de voir ce qu'on gagnerait en efficacité si le Québec prenait en
charge l'administration du régime d'assurance-chômage.
Pensez-vous qu'on peut avoir une réelle maîtrise d'oeuvre
des mesures actives de main-d'oeuvre sans avoir, en même temps, la
gestion de l'assurance-chômage, étant donné qu'une partie
fort importante du financement des mesures actives proviendra justement,
dorénavant, de la caisse d'assurance-chômage? En corollaire, je
vous demanderais, en ce qui a trait aux services de placement, estimez-vous
qu'ils devraient être offerts, dorénavant, par Emploi et
Immigration Canada ou être récupérés par la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre?
M. Dufour (Ghislain): Sur la question de
l'assurance-chômage, je vais demander à M. Garon, qui a
regardé le dossier, parce que là, on ne parle pas des programmes
de main-d'oeuvre à l'intérieur du régime
d'assurance-chômage; on parle de la caisse d'assurance-chômage.
M. Garon (Jacques): Oui, M. le ministre. On a déjà
fait, je pense, au Conseil de développement de la main-d'oeuvre... on a
un petit peu amorcé ce débat. La question essentielle, c'est de
savoir si on rapatrie, en fait, une structure administrative, parce que c'est
de ça dont il s'agit, non pas des moyens de financer les programmes.
Ça, ça veut dire qu'il y a 6000 fonctionnaires
fédéraux ou à peu près, au Québec. De quelle
façon est-ce que le gouvernement entend les intégrer dans la
fonction publique québécoise pour avoir une meilleure
efficacité de dispensation des programmes? Ça, ce n'est pas clair
qu'en faisant ce cheminement, on va avoir, au Québec, une
société et la dispensation des programmes qui va être
beaucoup plus efficace qu'avant.
Dans l'énoncé de politique, pourtant, on dit bien et vous
en faites l'analyse: On pourrait économiser 200 000 000 $. Mais comment
va-t-on les économiser ces 200 000 000 $? On n'a pas de réponse
à ça. Alors, on se pose des questions à savoir si c'est
simplement un échange de pouvoirs pour pouvoir dire au Québec:
Nous avons maintenant l'entière mainmise sur la structure administrative
qui s'occupe du développement de la main-d'oeuvre. Est-ce qu'en bout de
ligne les utilisateurs de ces programmes vont avoir des services plus
efficaces? C'est là qu'on se pose une question.
M. Bourbeau: II me semble...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, je
dois malheureusement mettre fin à votre interrogation.
M. Bourbeau: Je vais répondre à sa question.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): 30 secondes.
M. Bourbeau: II m'a posé une question. En réponse
à la question, il me semble qu'en simplifiant les structures, en ayant
un seul réseau plutôt que deux réseaux, forcément,
il y a des économies d'échelle qui permettraient, justement, de
dégager des fonds pour les consacrer davantage au marché du
travail.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Garon, brièvement, ou M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Ce n'est jamais sûr - et vous le
dites vous-même dans l'énoncé - que l'unification conduit
à une réduction de coûts. Vous le dites vous-même
dans l'énoncé et on le cite dans notre mémoire. Votre
question, par ailleurs, appelle une autre réponse. Quand vous parlez du
transfert de la caisse d'assurance-chômage, bien, soyons
réalistes. La caisse, actuellement, nous avantage de 1 000 000 000 $ au
Québec. Il n'y a pas bien, bien de Québécois - et
ça n'a rien à voir avec le dossier constitutionnel -
actuellement, qui voudraient se voir privés de 1 000 000 000 $ dans la
conjoncture actuelle. La question des bureaux de placement, moi, je n'ai aucune
espèce de problème avec le fait d'avoir des bureaux de placement
québécois. On en a déjà eu. Mais pourquoi ont-ils
disparu? C'est parce qu'ils subissaient d'aucune façon la comparaison
avec les services de placement fédéraux. Ils étaient
inefficaces. Alors, les employeurs allaient dans les fédéraux et
là, on avait une duplication qui coûtait très, très
cher. Mais si le Québec veut se donner des bureaux de placement
efficaces où les entreprises vont pouvoir aller, aussi efficaces que
ceux du gouvernement fédéral, on n'a aucun problème.
Il
faut éviter la double structure.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le président. Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je souhaite
également la bienvenue au porte-parole et à M. Dufour, avec qui
j'ai eu le plaisir de siéger à la commission
Bélanger-Campeau. Je sais que vous êtes un
fédéraliste enthousiaste, en fait... Je ne sais pas, mais
très...
M. Dufour (Ghislain): Vous ne savez pas? Des voix: Ha, ha,
ha!
Mme Harel: Je ne le sais plus. En fait, je ne le sais plus,
là, mais vous nous en parlez avec enthousiasme en ce qui regarde le
milliard dont le Québec bénéficie au titre des prestations
d'assurance-chômage. Je trouve ça un peu odieux, d'une certaine
façon, de considérer que le fédéralisme est
rentable parce qu'on a 30 % des chômeurs canadiens au Québec.
Sachant que vous aviez suivi si assidûment tous les travaux de
Bélanger-Campeau, je me demandais si vous vous rappeliez
également que le Québec était, par exemple, perdant en
matière d'investissements fédéraux créateurs
d'emplois et qu'au seul chapitre de l'achat des biens et services par le
gouvernement fédéral, c'était un manque à gagner
qui s'établissait à plus de 1 000 000 000 $ encore l'an dernier.
Est-ce qu'il est nécessaire de le rappeler qu'avec les 22 % de revenus
que le gouvernement fédéral puise au Québec il a
dépensé à peine 19 % en achat de biens et services,
c'est-à-dire à peine 5 000 000 000 $ sur les 30 000 000 000 $
d'achat de biens et services?
Moi, je crois que même pour un fédéraliste
convaincu, je me demande s'il n'y a pas lieu d'examiner plus
sérieusement le transfert de toute la juridiction parce que ce que
demande le ministre, il demande simplement une délégation de
fonds en matière d'assurance-chômage. La législation, la
réglementation, les normes qui resteraient en vigueur seraient celles du
niveau fédéral et à ce moment-là, ça fait un
peu pique-assiette, si vous me permettez cette comparaison, que de vouloir,
d'une certaine façon, garder nos prestations de chômage mais, par
ailleurs, de ne pas regarder l'envers de la médaille,
c'est-à-dire ce qu'on perd en termes d'investissements qui seraient
créateurs d'emplois.
Je me demande si on n'aurait pas intérêt, même comme
fédéraliste, à souhaiter ce transfert de juridiction
accompagné d'une compensation fiscale équivalente, et si ce ne
serait pas là une manière de sortir de cette situation qui
s'aggrave au fil des années et d'une structure des dépenses
fédérales au Québec qui a un Impact direct au
détriment de l'emploi et quant à la décroissance de notre
économie, en fait.
M. Dufour (Ghislain): Vous vous le demandez à vous ou si
vous me le demandez à moi?
Mme Harel: À vous. Moi, ma réponse, vous la
connaissez.
M. Dufour (Ghislain): Bon, nous, on n'a pas de problème
avec le fait qu'éventuellement l'assurance-chômage soit
récupérée. Je veux dire que c'est ce que véhicule
assez pour l'essentiel, je pense, ce document-là:
récupérer l'ensemble. Pour l'instant, on fait déjà
le débat sur les programmes de formation. Il y a déjà
tellement de difficultés que ça ne donne rien de penser qu'on va
transférer la caisse. Mais moi, Mme Harel, indépendamment des
transferts dans les autres dossiers dont on pourrait débattre longtemps,
je ne suis pas prêt à dire aux Québécois
actuellement qu'ils doivent se priver d'un milliard. Je ne suis pas prêt
à dire ça.
Vous pouvez leur dire. Moi, je ne suis pas capable. Parce qu'ils ont
payé des prestations. À certains moments, c'est en plus, en
moins, etc. Il y a un avantage plus actuellement. Je sais qu'en recherche et
développement, on n'a peut-être pas notre pourcentage. Faisons le
débat sur la recherche et le développement, mais dans le cas de
l'assurance-chômage, je ne peux pas, moi, pénaliser les
Québécois d'un milliard actuellement.
Mme Harel: Vous savez, M. Dufour, ce n'est pas simplement en
recherche et développement. Je vous donnais simplement l'exemple de
l'achat de biens et services. Moi, je me demande si les Québécois
n'auraient pas intérêt à savoir qu'ils y gagneraient en
création d'emplois pour ce qu'ils y perdraient, comme vous nous le
dites, en prestations de chômage. Est-ce qu'au bout du compte ils ne
seraient pas gagnants? (12 h 30)
L'autre question que j'ai à vous poser concernant la composition
de fa Société... C'est un échange que vous avez eu avec le
ministre. Mais le modèle canadien justement de cette Commission
canadienne de la mise en valeur de la main-d'oeuvre, est-ce que ce n'est pas
justement un modèle où on retrouve des gens d'affaires, des
syndicats, des groupes d'action sociale et des établissements de
formation? C'est donc un modèle à quatre roues, si on me permet
cette comparaison. Je sais que souvent ces modèles canadiens vous
inspirent. Est-ce qu'il n'y aurait pas là à aller chercher une
inspiration?
M. Dufour (Ghislain): Je veux bien qu'on se comprenne. On ne
s'oppose pas à la quatrième roue. J'ai dit au ministre: C'est
quoi la cinquième roue? Je veux juste connaître les règles
du jeu avant d'embarquer dans le chariot. C'est tout. Je
fais une précision quand même qui est importante, Mme
Harel, c'est que la commission nationale de formation à laquelle vous
vous référez n'a pas les pouvoirs que le ministre veut y donner.
C'est un organisme consultatif. Alors, ici, on s'en va ou, en tout cas, on nous
propose quelque chose de décisionnel qui, dans notre tête à
nous, ne l'est pas, mais c'est très clair que c'est une commission de
formation qui a des objectifs de consultation et de concertation et non pas
décisionnels.
Mme Harel: Par ailleurs, elle détermine les
priorités globales en matière de formation, les normes de
formation professionnelle. J'aimerais peut-être revenir là-dessus
parce qu'il y a tellement d'aspects intéressants dans votre
mémoire. Vous nous avez signalé dans ce mémoire que vous
considériez que l'énoncé de politique ne rendait pas
justice aux efforts de formation professionnelle des entreprises. Vous avez
sûrement pris connaissance, dans l'énoncé, de ces
informations qui nous sont transmises à l'effet que c'est surtout la
très grande entreprise, celle qui représente 500 employés
et plus, qui aurait fait la moitié des efforts de formation; que 30 %
des entreprises de moins 100 employés offraient finalement des
activités de formation, et qu'au Québec, 45 % des PME n'avaient
offert l'an dernier aucune activité de formation.
Je sais que vous êtes plus représentatif... je crois que le
Conseil du patronat du Québec est représentatif des grandes
entreprises. C'est ce qu'on m'a signalé. Je ne sais pas si c'est le cas
des entreprises surtout de 500 employés et plus. Est-ce que ce n'est
pas, finalement, cette réalité de vos membres qui vous masque un
peu la réalité de la non-intervention des entreprises dans la
formation professionnelle?
M. Dufour (Ghislain): Je vais me permettre de vous donner la
bonne information sur ce qu'est le Conseil. C'est vrai qu'on a les grandes
entreprises. Il y en a une centaine, sauf que notre structure, c'est d'abord et
avant tout une fédération d'associations où on en a 130,
où vous avez les maîtres-électriciens, les
maîtres-plombiers. Vous ne me ferez pas accroire que c'est des
multinationales, ça! Par exemple, on a les manufacturiers de bois de
sciage qui sont des PME. Est-ce qu'ils font de la formation M. Tremblay?
M. Tremblay (Aubert): On a un gros problème de
comptabilisation, Mme Harel. Je ne prendrai pas un exemple à travers mon
secteur. Je pourrais en prendre à travers mon secteur. Prenons l'exemple
des professionnels en consultation qui ont tous bureautisé leur
secrétariat. Ils n'ont pas pour autant changé leur personnel. Ils
l'ont fait a même le personnel qu'ils avaient, qu'ils ont formé
graduellement sur le tas, avec ou non l'aide ou l'assistance des institutions
de formation existantes. Or, à travers notre secteur, ce fut la
même chose.
Prenons l'exemple de nos hommes de métier. Le ministre, dans son
document, dans son projet, dans son énoncé de politique, parle
d'apprentissage. On en parle, en tout cas, quant à moi, pas suffisamment
avec vigueur; on ne met pas suffisamment d'ampleur sur tout l'aspect de
l'apprentissage. Nos hommes de métier, on les a bâtis sans
nécessairement faire appel à des programmes formels de formation,
mais c'est à travers... La petite entreprise ne change pas
nécessairement de ressources et de main-d'oeuvre chaque fois qu'un
changement technologique vient modifier ses opérations. Elle forme sur
le tas, avec i'aide ou non des outils qui existent, et il s'en fait beaucoup,
de ce type de formation, là, qui est non comptabilisée,
finalement.
Mme Harel: Et est-ce que...
M. Dufour (Ghislain): En fait, je pense que c'est le mot
clé: non-comptabilisation. On connaît tous nos PME autour de nous.
Ce n'est pas calculé. Mais au-delà de ça, ce constat de
l'énoncé à l'effet qu'on en fait moins que d'autres pays
est tout à fait correct, et nous, on se fait les dispensateurs de cette
information-là, puisqu'il faut en faire plus. Je veux dire que c'est une
question de concurrence, puis on n'aura pas le choix. Ça, on est
d'accord avec ça, sauf qu'on aurait voulu que l'énoncé
dise qu'il y a quand même des affaires qui se font.
Mme Harel: Est-ce que ce ne serait pas finalement souhaitable
qu'il y ait ce fonds obligatoire dont une entreprise pourrait se voir
épargnée si elle-même investissait dans la formation de ses
employés? Est-ce que ce ne serait pas une manière qui
favoriserait justement la comptabilisation des efforts qui se font et qui
pourraient, finalement, beaucoup mieux encourager l'entreprise qui en fait en
regard de celles, parce qu'elles sont quand même nombreuses, qui n'en
font pas et qui sont traitées toutes sur le même pied
d'égalité.
M. Dufour (Ghislain): Juste un mot et je vais demander à
Jacques Garon. La difficulté avec ça, cette approche du 1 %,
disons, qui a été l'objet d'un débat lors de la
dernière campagne électorale, c'est que,
généralement, la grande entreprise en fait pour 1 %. Il n'y a pas
de problème, là. C'est la PME qui ne le fait pas. Or, comment
vous comptabilisez ce que moi, je fais dans ma petite boîte de 15 pour le
1 %? Ce n'est jamais comptabilisé, ça, et là, on embarque
dans des structures gouvernementales épouvantables.
Mme Harel: M. Dufour, me permettez-vous juste une question
là-dessus? Par ailleurs, la petite entreprise comme la grande, elle est
coti-
sée par l'assurance-chômage présentement, dont une
partie qui peut aller jusqu'à 15 % est prélevée pour
être consacrée à la formation professionnelle. C'est donc,
dans le fond, un peu hypocrite; ce n'est pas directement comme tel, mais c'est
par le biais de l'assurance-chômage qu'il y a une taxe sur la masse
salariale pour les programmes dit actifs.
La PME, ce qui est injuste en plus de ça, c'est que celle qui
fait de la formation, elle a en plus à payer, par le biais de la caisse
d'assurance-chômage, ses politiques de formation. Elle ne peut même
pas s'en dispenser, comme le proposait la politique du 1 %. En plus, ce sont
des incitatifs parce que c'est une taxe sur la masse salariale, vous savez,
avec un plafond au niveau de l'assurance-chômage.
M. Dufour (Ghislain): Je donne la parole à M. Garon, mais
juste là-dessus, je suis d'accord avec vous. Il y a un paquet d'affaires
dans l'assurance-chômage qui ne sont pas correctes. Quel est le
pourcentage qu'on paie pour les congés maternité? Quel
pourcentage pour la formation professionnelle? Quel pourcentage pour la
préretaite? Quel pourcentage vraiment pour le remboursement? Ça,
vous avez parfaitement raison. Je suis d'accord avec ça.
M. Garon (Jacques): Oui. Le problème, Mme Harel, avec ce
genre de solution, c'est qu'il a été expérimenté
depuis 1971, en France, où toutes les entreprises, quelle que soit leur
taille, se sont vu imposer une taxe sur la masse salariale uniquement
destinée à un fonds pour la formation professionnelle de toutes
les entreprises. Or, les résultats que j'ai lus à ce jour
montrent que 90 % des PME et des P de la PME n'ont jamais trouvé le
moyen d'aller chercher de l'argent, de la formation ou des ressources humaines
pour donner de la formation. Ce sont les gens qui étaient
déjà formés qui ont profité de ce fonds, et les
moyennes et les grandes entreprises.
Mme Harel: C'est pour ça qu'une politique comme
celle-là doit s'accompagner du fait que si l'entreprise la fait, si la
PME la fait, cette formation, elle peut se voir dispenser d'avoir à
verser ce 1 %, ce qui n'est pas le cas en France. Je pense qu'ils viennent
même...
Une voix: Oui.
Mme Harel: ...de le hausser à 1,5 % dernièrement.
Vous savez, Emploi et Immigration Canada a déposé un
mémoire devant la commission. Ils ne viendront pas le présenter,
mais il a été déposé officiellement. Il y a un
certain nombre de questions qui sont posées dans ce mémoire.
J'aimerais vous les relayer, notamment la suivante: Est-ce que les fonds
fédéraux concernés passeraient directement à la
Société québécoise ou par le biais du gouvernement
du Québec? Je ne sais pas, là... Cette question n'a pas encore
été mise sur la table, mais c'est toute la différence. Le
projet de loi prévoit les crédits votés par le
gouvernement. Est-ce à dire que les fonds fédéraux
passeraient par le Trésor public avant d'être transités
à la Société, auquel cas la Société pourrait
s'en voir, si vous voulez, diminuer une portion dans le passage.
L'autre question qui était également dans ce
mémoire: Quel sera le processus décisionnel de la
Société québécoise? Je sais que vous vous
intéressez au mandat. Vous dites qu'il y a une sorte de mise en tutelle
dont on veut se dégager, mais l'autre question, c'est: Est-ce qu'il va y
avoir des décisions par consensus? Le gouvernement représente
déjà, dans le projet de loi, le tiers de voix. Est-ce que
ça va être, finalement, le président qui va trancher les
différends, mais ces différends, est-ce que c'est à la
majorité des voix qu'ils vont s'exprimer ou à la majorité
des blocs, etc.? Ça, c'est finalement d'autres questions certainement
importantes.
Il y en a une dernière. C'est que Emploi et Immigration Canada
dit au ministre: Dans l'entente provisoire que vous avez signée au mois
de novembre, vous nous donnez une place dans les CFP. Est-ce que vous nous en
donnez une aussi dans les sociétés régionales? Cette
question-là aussi, finalement, est restée en plan. En regard de
toute cette question du mandat de ces sociétés régionales,
est-ce que vous ne craignez pas que ces mandats, étant donné
qu'ils se situent au niveau régional, parce que vous savez qu'il y
aurait des bureaux locaux dans le projet, Emploi et Immigration étant
transféré... Dans les bureaux locaux qui, finalement, sont au
niveau des MRC, n'est-ce pas, est-ce que ce n'est pas là où
ça devrait se passer? Est-ce que la décentralisation, ça
ne devrait pas aller vraiment sur le terrain, là où les gens
connaissent leurs besoins, autant les entreprises que les travailleurs?
M. Dufour (Ghislain): Je n'ai pas lu le mémoire. Je sais
qu'ils ont décidé de ne pas venir devant vous. Mais les questions
qui sont plus faciles, celle du transfert comme tel des sommes d'argent, je
pense qu'il y a un article qui prévoit ça, que c'est le ministre
qui négocie avec son homologue fédéral. En tout cas, pour
nous, ça devrait aller au gouvernement et, ensuite, être
transité à la Société parce que c'est lui qui va
acheter les programmes, c'est lui qui va donner le budget. Donc, ça
devrait être transité vers le gouvernement du Québec. C'est
intéressant ce que vous posez comme question, le caractère
décisionnel, parce que, oui, vous avez justement, au départ, huit
personnes. Si ce ne sont pas des dispensateurs, donc, si ce n'est pas le
président de la Fédération des cégeps ou le
président de la Fédération des commissions scolaires, qui
sont des hommes politiques ou des
fonctionnaires, vous venez de prendre un tiers et de le mettre
carrément en faveur du président qui, lui, sera choisi par le
gouvernement. Donc, on part au départ avec 7-12. Comment se fera le
processus décisionnel? Vous avez parfaitement raison. Dans les
boîtes tripartites, c'est excessivement difficile parce qu'on ne sait
où le bloc gouvernemental se positionne. D'ailleurs, il y avait un
conseil comme ça avant, qui était le conseil qui a
précédé le CCTM, le Conseil du travail, qui était
tripartite. Ça n'a jamais marché parce que c'était
tripartite.
Sur la question du mandat des bureaux régionaux, nous, on a un
problème avec la société régionale parce qu'on
croit beaucoup plus - je l'ai dit dans mon exposé - à l'approche
sectorielle. C'est dans les pâtes et papiers que ça se fait. Ce
n'est pas dans les régions... C'est dans les régions, mais je
veux dire qu'il faut impliquer l'association sectorielle, les syndicats au
niveau sectoriel. C'est ce qui se passe justement dans les pâtes et
papiers actuellement, où le président de l'AIFQ rencontre M.
Larose. Ça n'a rien à voir avec la région., Alors, dans ce
sens-là, je pense qu'on va rencontrer des problèmes. Les mesures
d'adaptation de la main-d'oeuvre qu'on aurait dû avoir et qu'on n'a pas
eues, suite au traité de libre-échange, auraient dû se
faire dans le textile, n'auraient pas dû se faire dans la région
X. C'est dans des secteurs qui sont plus directement atteints. Je pense qu'ils
auraient dû venir devant vous parce qu'ils ont de bonnes
préoccupations.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je vais
reconnaître M. le député d'Abitibi-Ouest pour deux minutes
d'intervention et nous allons terminer cette rencontre.
M. Gendron: Quelle générosité!
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, mais c'est le
temps qui m'oblige.
M. Gendron: C'est bien. M. Dufour, rapidement, je pense que c'est
important que vous soyez la. Il y a des éléments de consensus
dans votre mémoire, c'est évident. En tout cas, moi, en ce qui me
concerne, même si j'ai encore entendu l'explication du ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu à l'effet que oui,
il y aurait un représentant de l'éducation, un secondaire et un
du collégial, de deux choses, l'une: ou bien il ne veut pas comprendre,
ou il n'écoute pas quand sa collègue parle. Sa collègue a
dit: Ça ne sera pas la Fédération des cégeps, alors
que votre demande, c'est ça, et moi, je veux juste rappeler que vous
avez raison. Si les dispensateurs de formation ne sont pas là-dessus, on
se gargarise et ils ont tellement d'autres occasions sur d'autres sujets que je
ne voudrais pas le faire là-dessus. C'est trop important.
Quand, dans votre mémoire, à la page 10, vous insistez sur
le fait qu'encore là, on fait erreur, d'après moi, si on pense
que tout le régime d'apprentissage qu'on peut développer, pour
l'essentiel, selon le ministre, il est pour les adultes, il est dans les
patates et vous faites bien de lui rappeler que ça ne marche pas. Ce
n'est pas pour l'essentiel chez les adultes. Il doit d'abord et avant tout
être pensé en fonction des jeunes étudiants, et vous l'avez
développé.
Sur les éléments de consensus, je pense qu'il n'y a pas de
problème. À la page 14, vous insistiez sur l'approbation du
gouvernement, tout le volet... La société est au niveau
régional, mais elle ne peut rien faire et vous avez raison de dire que
ça peut être très long avant d'avoir les approbations,
même pour mettre fin à des programmes.
La seule question que je voudrais développer dans la minute qui
me reste, c'est que je suis resté un peu surpris que, dans votre
mémoire, ce qui vous touchait particulièrement, après
avoir dit que vous faites des efforts pour le financement des mesures de
formation professionnelle... Ce qui n'est pas vraiment le cas pour la PME,
soyons de bon compte. Ça ne vous enlève rien pour les grandes
entreprises, mais pour la petite PME, je ne pense que vous fassiez bien de la
formation. Ce n'est pas ce que les chiffres démontrent. Vous avez
ajouté: On ne souscrit pas aux propositions de création d'un
fonds de licenciement collectif financé par les employeurs.
Vous n'êtes pas plus d'accord pour que les entreprises aient
l'obligation du droit de congé de formation. Il m'apparaissait que
c'étaient quand même deux aspects de fond. Si on sort des
structures et qu'on regarde la réflexion du ministre, il y a quand
même des éléments majeurs. Je trouve que c'en est deux.
Vous, vous dites: Vous repasserez. Alors, supposons qu'à la place de ces
deux mesures-là, si j'essayais d'identifier votre part, au nom de
l'organisme que vous représentez, où serait la part du Conseil du
patronat du Québec dans une contribution majeure à une
réforme concernant de meilleures mesures d'employabllité?
M. Dufour (Ghislain): Ça ne me surprend pas du tout que
vous soyez en accord avec ces deux propositions-là de
l'énoncé. L'inverse m'aurait surpris. Sur le congé de
formation, remarquez bien qu'on ne le rejette pas. On dit que ça ne doit
pas être coercitif. Selon quel paramètre on le fera? D'ailleurs,
on a le problème actuellement qui est posé. Dans le dernier
budget de M. Gérard D. Levesque, il y a déjà des sommes
d'argent qui sont prévues pour les fins du congé de formation. On
a, à la conférence permanente, à discuter et à
donner des paramètres au ministre dans l'application de cette
prévision budgétaire. Donc, on va être obligés de
l'aborder. Mais on va plaider le plus possible que ça devrait être
le moins coercitif possible.
Quant à la mise sur pied, encore là, c'est évident
que vous ne pouvez pas être en désaccord, vous, avec ça, un
fonds de licenciement collectif. Ce qu'on dit, c'est qu'au plan
économique actuel, ce n'est pas le meilleur temps. Il y a eu des
périodes où certains gouvernements auraient pu le mettre sur pied
alors que ça allait financièrement mieux. Ce n'est pas une bonne
période. Comme ça s'applique sur toute ...le problème
c'est toujours les PME là-dedans. C'est ces PME-là qui ont le
plus de difficultés actuellement. Il y a eu un projet aussi de
donné à la conférence permanente: de limiter les sommes de
l'entreprise par ailleurs à 500 $ ou à 1000 $. On n'est pas
fermés à tout prix à ça, là, sauf que ce
n'est pas notre priorité actuellement.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le Président. Je vous remercie de votre présentation ainsi que le
Conseil du patronat du Québec. M. le ministre, peut-être pour
trente secondes.
M. Bourbeau: Tout en remerciant les membres du Conseil du
patronat, j'aimerais profiter de l'occasion pour bien souligner, au cas
où on aurait mal saisi, que la proposition en matière
d'assurance-chômage ne vise pas à faire perdre au Québec le
milliard de dollars de la péréquation canadienne. Ça,
c'est entendu dans notre proposition que nous ne voulons pas que ce
milliard-là soit perdu. La proposition, telle que nous la formulons, en
tout cas, fait conserver aux travailleurs québécois les effets de
la péréquation.
M. le Président, je veux remercier les gens du Conseil du
patronat du Québec pour leur contribution.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures, cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 48)
(Reprise à 14 h 12)
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Nous allons
reprendre nos travaux.
Je demanderais au Syndicat de professionnelles et professionnels du
gouvernement du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît. Alors, M. le président, M. Giroux, je vous demanderais de
nous présenter les personnes qui vous accompagnent, dans un premier
temps, et de nous livrer votre message. Le temps sera réparti comme
suit: vous avez une heure, dont 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire, 20 minutes au part) ministériel et 20 minutes au parti
de l'Opposition. Cependant, ce temps pourra être dérangé,
dépendamment de votre goût de raccourcir votre temps de
présentation ou non.
Alors, M. le président, allez-y gaiement.
Syndicat de professionnelles et professionnels du
gouvernement du Québec
M. Giroux (Daniel): Merci beaucoup. Alors, en commençant
par ma droite, M. Rénald Desharnais, du ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu; à mon
extrême gauche, de la Commission de formation professionnelle de la
Montérégie, Denis Rancourt; M. Yves Guertin, du ministère
de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle; Mme Isabelle Albernhe, également du même
ministère et vice-présidente au Syndicat, à
l'exécutif.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Bienvenue, messieurs, dames.
M. Giroux: On voudrait, d'abord, vous remercier de nous recevoir.
Nous représentons, le Syndicat de professionnelles et professionnels du
gouvernement du Québec, 12 000 professionnels, c'est-à-dire des
personnes dont l'emploi exige un diplôme universitaire, qui oeuvrent dans
l'ensemble des ministères et organismes régis par la Loi sur la
fonction publique, mais aussi dans un certain nombre d'établissements de
santé et de services sociaux et dans un certain nombre,
également, de commissions de formation professionnelle. Le
mémoire dont je vais vous livrer les grandes lignes et que nous vous
avons adressé a reçu, également, l'appui du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec qui endosse entièrement le
point de vue que nous allons vous livrer.
Notre présentation va recouper quatre éléments:
d'abord, le premier, des éléments juridictionnels avec le
gouvernement fédéral, avec Ottawa; le mandat de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre; ensuite, son organisation et, enfin, son rattachement au
réseau de la fonction publique.
En premier lieu, donc, la juridiction, les éléments de
juridiction avec Ottawa. On aura tous compris que la capacité du
Québec d'intervenir dans le domaine de l'emploi est, en partie, fonction
de l'argent disponible. En cette période où l'argent se fait
très rare, il faut regarder toutes les sources disponibles.
Quand le ministre Bourbeau dit qu'il veut récupérer la
juridiction complète de la main-d'oeuvre et de l'emploi et administrer,
sur le territoire du Québec, les caisses d'assurance-chômage, nous
devons dire et admettre qu'il va dans la bonne direction. Cependant, pour faire
les choses proprement et au meilleur des besoins de notre population, II nous
semble qu'on devrait exiger un changement à la Constitution pour
rapatrier, par un amendement constitutionnel, les 4 500 000 000 $, environ, qui
représentent la part de prestations d'assurance-chômage au
Québec livrée dans le dernier bilan fédéral au
Québec. 4 500 000 000 $, c'est énormément d'argent
qui permettrait au Québec non pas d'être une simple succursale du
fédéral pour appliquer des règles construites pour des
impératifs d'un océan à l'autre, mais pour établir
ses propres règles en fonction des besoins de chacune des régions
du Québec en matière d'emploi, de main-d'oeuvre et de support aux
personnes qui vivent des problèmes de mise à pied. Premier
élément, donc, ne pas se contenter de rapatrier de l'argent pour
l'administrer, mais bien l'entière juridiction qui est actuellement
fédérale.
Quant au mandat de la Société québécoise de
développement de la maln-d'oeuvre, nous sommes d'accord avec la
création d'une société qui réorganise nos
énergies pour les rendre plus efficaces, qui suscite une meilleure
implication des intervenants. Nous souhaitons cependant que cette
Société soit accompagnée d'une autre réforme qui
aurait mené à la création d'un ministère de
l'emploi dont la principale tâche aurait été d'être
responsable d'une politique du plein emploi au Québec.
La formation, l'adaptation de la main-d'oeuvre qui est le mandat qu'on
veut décerner à la Société
québécoise, est un élément d'intervention fort
important pour éviter que des gens ne perdent leur emploi, mais il y a
beaucoup plus que cela. Avec le taux de sans-emploi actuel au Québec, il
nous semble qu'on aurait dû inscrire au coeur des préoccupations
gouvernementales celle de l'emploi, l'incarner dans un ministère et dans
un porte-parole au niveau du Conseil des ministres.
Par ailleurs, le mandat, dans son articulation actuelle, de la
Société québécoise nous apparaît Incomplet.
Le projet de loi met l'accent sur la protection et sur le développement
de la main-d'oeuvre. Nous préférerions qu'il s'agisse de
protéger et de développer l'emploi car adapter et former la
main-d'oeuvre, c'est, au fond, la rendre capable de répondre à
l'offre d'emploi des entreprises, mais ce n'est pas oeuvrer sur l'offre
d'emploi des entreprises et cela nous apparaît tout aussi important.
On pourra dire que le ministère de l'Industrie et du Commerce
s'occupe de développer nos entreprises. Certes, il le fait par des
actions structurantes en cherchant les créneaux qui seront les plus
performants, en cherchant les effets d'entraînement, en réglant
les problèmes financiers ou un nantissement que peuvent rencontrer les
entreprises québécoises, mais il nous semble qu'on ne peut
intervenir dans les entreprises pour adapter la main-d'oeuvre que dans le cadre
d'une approche globale de la situation de l'entreprise elle-même à
l'égard de son emploi, de ses emplois. Si l'entreprise est dans des
difficultés en raison de mauvaise gestion, de mauvais plans de marketing
ou de mauvaise organisation, on aura beau travailler pour adapter sa
main-d'oeuvre, ce seront souvent des énergies purement perdues.
Donc, élargir la mission de la Société
québécoise pour lui permettre des interventions qui ne seront pas
limitées qu'aux seules ressources humaines de l'entreprise, mais dans un
cadre global pour que toutes les entreprises qui ont des chances de survivre au
Québec le fassent, maintiennent et créent des emplois.
Quant à la structure de la Société, maintenant.
Nous vous livrons un certain nombre de recommandations. D'abord, que les
représentants des employeurs, du mouvement coopératif et des
syndicats soient désignés par ces organisations, mais
également d'intégrer au niveau du conseil d'administration des
représentantes et des représentants statutaires d'autres groupes
de notre société, qui sont également des intervenants
particuliers: les femmes, les autochtones, les personnes handicapées,
immigrantes, non syndiquées ou sans emploi. Il est important que ces
différents groupes puissent être représentés au
conseil d'administration de la Société au niveau central, mais
aussi dans chacune des régions du Québec et
désignés - j'y reviens - par les groupes qui représentent
ces différentes clientèles.
Nous sommes d'accord pour qu'il n'y ait qu'une seule entité
juridique, mais nous insistons pour que les services régionaux de
planification et d'estimation des besoins demeurent dans les régions
pour que celles-ci puissent apporter une contribution active aux politiques et
aux programmes, une contribution active fondée sur le vécu de
chacune des régions pour que les programmes, (es politiques cadrent bien
aux besoins des personnes, des entreprises. Nous insistons aussi pour qu'il y
ait deux centres administratifs régionaux, l'un à Montréal
et l'autre à Québec. Ce sont deux pôles importants de l'Est
et de l'Ouest qui demandent des ressources pour articuler les politiques.
Dernier élément, nous nous questionnons beaucoup sur le
fait qu'on ne soumette pas cette Société à l'application
d'un certain nombre de règles, de lois qui font partie de notre
consensus social pour encadrer des interventions que nous faisons avec l'argent
des citoyens. Nous sommes en présence d'une société qui,
à terme, pourrait gérer quelque 6 000 000 000 $ à 7 000
000 000 $, employer de 7000 à 8000 personnes, c'est-à-dire 15 %
du budget annuel du Québec, de l'argent qui appartient aux citoyennes et
aux citoyens. Or, cette Société, dans l'état actuel du
projet de loi, ne serait pas assujettie à la Loi sur l'administration
financière, ni au Vérificateur général, ni au
Protecteur du citoyen, ni à la Loi sur la fonction publique, autant de
grands encadrements que notre société s'est donnés pour
encadrer celles et ceux qui les servent, celles et ceux qui gèrent leur
argent. Car, contrairement à d'autres sociétés qui ne
relèvent pas non plus du Vérificateur général ou de
la Loi sur l'administration financière comme Hydro-Québec, comme
SOQUIP,
par exemple, ces autres sociétés produisent des biens.
Elles ont une clientèle immédiate à servir, elles sont
situées dans un marché. Or, ici, nous sommes devant une
société qui est au coeur de la mission publique, qui applique des
politiques, des programmes, qui distribue de l'argent. Il faut que cela soit
fait avec équité, impartialité, transparence. Cela impose
des contraintes, certes, mais des contraintes nécessaires. Mais ces
contraintes laissent suffisamment de place à d'autres grandes
organisations qui gèrent également des caisses importantes, comme
l'assurance-maladie, l'assurance auto, les assurances agricoles, la Commission
de la santé et de la sécurité du travail où le
partenariat est plus présent et qui, toutes, ont des comptes à
rendre publiquement de l'utilisation qu'elles auront faite de l'argent qu'on
leur aura confié.
On nous dira qu'ainsi la Société aura moins d'autonomie.
Oui, un peu seulement, car même la Loi sur la fonction publique permet
des délégations maintenant quant à l'embauche qui
permettent à la Société de recruter des gens dont elle a
vraiment besoin.
Le fait aussi que cette Société soit régie par la
Loi sur la fonction publique serait un grand plus, à notre avis, pour
les ressources humaines, en ce sens que la mobilité entre des
ministères et les employés qui sont à leur emploi, qui
travaillent déjà dans des champs connexes au ministère de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, à la
Société de développement industriel, au ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, au ministère
des Forêts, au ministère des Affaires internationales et à
la CSST, puissent, à un moment ou à un autre, muter dans cette
Société, ou inversement, autant de personnes qui ont
déjà des habiletés d'Intervenir dans les entreprises et
qui pourraient ajouter leurs connaissances à la Société,
mais également dans leur propre développement personnel.
Quant à l'embauche, je vous le souligne à nouveau, le fait
de relever de la Loi sur la fonction publique, à notre avis, n'est pas
une entrave, mais une garantie d'impartialité dans l'embauche, qu'on
engagera les personnes les plus compétentes, selon des règles
connues, mais avec une pleine délégation des pouvoirs pour le
faire.
À cet égard, on vous souligne également dans notre
mémoire qu'en Ontario le Conseil ontarlen de formation et d'adaptation
de la main-d'oeuvre dont on parle dans les politiques gouvernementales
ontariennes, le COFAM, serait assujetti à la Loi sur la fonction
publique de l'Ontario. Voilà, M. le Président, qui
complète notre mémoire. Au fond, nous sommes en accord avec la
création de la Société, mais nous pensons qu'il y aurait
lieu de revoir certains grands éléments de son mandat, de sa
structure, de son fonctionnement. Je vous remercie.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M.
le président, je vous remercie de votre exposé. Je vais
maintenant demander au ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle de
réagir à vos propos. M. le ministre.
Ml. Bourbeau: Merci, M. le Président. J'aimerais demander
à nos visiteurs ce qu'ils entendent quand ils demandent que la
Société ait la maîtrise d'oeuvre de l'ensemble des
fonctions des entreprises qui influencent l'adaptation de la main-d'oeuvre et
la protection de l'emploi.
M. Giroux: Excusez-moi, j'ai de la difficulté à
vous entendre.
M. Bourbeau: Je m'excuse. Je crois que vous demandez, dans votre
mémoire, que la Société québécoise de la
main-d'oeuvre ait la maîtrise d'oeuvre de l'ensemble des fonctions des
entreprises qui influencent l'adaptation de la main-d'oeuvre et la protection
de l'emploi. Qu'est-ce que vous entendez par l'expression «l'ensemble des
fonctions des entreprises»? Enfin, c'est un résumé que j'ai
devant mol Ici.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous
voudriez vous identifier, s'il vous plaît?
M. Desharnais (Rénatd): Oui. Rénald Desharnais, du
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle. J'oeuvre depuis de nombreuses années
dans ce qu'on appelle les CAMO, les comités d'adaptation de la
main-d'?uvre.
Le point qu'on veut soulever ici, M. le Président, MM. et Mmes
les parlementaires, est le suivant. C'est qu'il nous apparaît que la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, l'objectif principal qu'elle doit poursuivre, c'est le maintien
et le développement de l'emploi. Il nous apparaît que, dans de
nombreuses entreprises, le problème central que ces entreprises
rencontrent, à première vue, n'est pas toujours un
problème de développement des ressources humaines. Il peut y
avoir un problème au niveau des marchés, il peut y avoir un
problème au niveau de l'organisation de la production ou au niveau de la
gestion. Il est bien sûr qu'il y a d'autres organismes, au gouvernement
du Québec, le ministère de l'Industrie et du Commerce, la
Société de développement industriel, mais ces
ministères et organismes ont des critères et plusieurs
entreprises ne sont pas capables de rencontrer les critères. La
situation qu'on rencontre en pratique, de façon assez fréquente,
c'est qu'à un moment donné une entreprise est aux prises avec un
problème de survie. Ce problème-là, le fondement du
problème n'est pas au niveau des ressources humaines. Il est soit au
niveau du financement ou au niveau du marketing et les autres ministères
ne peuvent
pas intervenir.
Il nous apparaît que, dans ce cas-là, il faille qu'un
organisme comme la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre puisse suppléer au fait que
d'autres intervenants ne puissent pas combler les besoins du client. En bout de
ligne, si chacun se replie sur les normes qu'on gère de façon
étroite, ce qui va se passer, c'est que l'entreprise va nous glisser
entre les mains et, quand l'entreprise nous glisse entre les mains, bien, c'est
des dizaines ou des centaines d'emplois qui tombent. Donc, dans ce
sens-là, on recommande d'avoir une approche globale, que la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre adopte une approche globale un peu du type qu'on utilise dans
l'intervention qu'on appelle communément les comités d'adaptation
de la main-d'oeuvre. (14 h 30)
M. Bourbeau: Vous proposez la création d'un
ministère de l'emploi. Je suis toujours un peu perplexe devant une
proposition comme celle-là. On est habitué à relier un
ministère à une fonction précise: l'Agriculture s'occupe
d'agriculture, l'Environnement de l'environnement, nous, de la main-d'oeuvre.
Mais quand on arrive à un ministère de l'emploi, là, c'est
une fonction qui est un peu plus horizontale. On a de la difficulté
à relier ça à des fonctions très concrètes.
Est-ce que vous n'auriez pas peur que la création d'un tel
ministère puisse faire double emploi avec toute une série de
ministères qui, présentement, ont des responsabilités en
matière de développement économique et d'emploi,
justement, comme le ministère de l'Industrie et du Commerce, le
ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère des
Forêts, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation et même le ministère de la Main-d'oeuvre qui joue
un rôle également dans le développement
économique?
Je présume que vous ne suggéreriez pas que ces
ministères-là soient abolis pour être remplacés par
un ministère de l'emploi. Alors, selon vous, quelle serait la mission de
ce nouveau ministère?
M. Giroux: II s'agirait d'une mission horizontale un peu de la
même nature que celle de l'Environnement. Donc, non pas d'enlever des
champs d'intervention catégorielle au ministère, mais bien de
s'assurer qu'on couvre tout le champ de l'emploi, ce qui n'est pas certain, et
de sensibiliser l'ensemble des interventions de l'État pour qu'elles
améliorent la situation de ('emploi. L'une des grandes
difficultés, entre autres, de notre société à
venir, c'est comment on va réussir à articuler l'environnement et
l'emploi. On peut essayer de le faire dans chacun des secteurs industriels,
mais il nous semble que d'avoir une organisation dont ce serait la mission de
se préoccuper de l'emploi, d'intervenir au Conseil des ministres sur ces
questions-là raffermirait les actions gouvernementales qui de- vraient
être prises par l'ensemble des organisations ministérielles.
M. Bourbeau: Une autre question ici. Vous proposez quelque part
d'accueillir d'autres partenaires au conseil de la Société
québécoise, divers groupes issus des milieux communautaires. Les
principaux partenaires du gouvernement à la Conférence permanente
sur la main-d'oeuvre, du moins ceux qu'on a entendus jusqu'à
présent, nous disent qu'au contraire ils préféreraient
s'en tenir aux trois groupes qui sont identifiés dans le projet de loi,
voulant prendre le temps d'apprendre à travailler ensemble - ce qui
n'est pas encore acquis - avant de penser à accueillir un
quatrième bloc ou une quatrième roue, selon l'expression qu'on
veut bien prendre, qui pourrait être formé des
représentants des organismes communautaires. Comment
réagissez-vous par rapport à cette vision des choses?
M. Giroux: Vous avez quand même, dans le projet de loi, des
sièges qui ne sont pas réservés à l'un ou l'autre
des partenaires actuels pour lesquels le gouvernement pourra désigner
des personnes. Alors, il nous semble que le gouvernement devrait s'engager
à ce que ces personnes représentent d'autres catégories
puisque recueil qu'on pourrait rencontrer, à notre avis, avec la
Société, c'est qu'on ne s'occupe que des gens déjà
à l'emploi. C'est une vision main-d'oeuvre. Comment faire pour que les
personnes à l'emploi le demeurent le plus longtemps possible avec la
formation nécessaire. C'est bien.
Mais il y a aussi des gens qui ont quitté leur emploi il y a peu
de temps, qui sont devenus sans emploi ou alors il y a des personnes qui ont
certaines difficultés à demeurer ou à atteindre le
marché du travail. C'est donc dans cette même problématique
de l'emploi en général qu'on verrait de grands avantages à
impliquer d'autres partenaires, sans remettre en question l'équilibre
entre le monde patronal et les représentants syndicaux.
M. Bourbeau: sauf que, sur le plan pratique, il risque d'y avoir
beaucoup d'appelés, mais peu d'élus parce que le nombre de
sièges est quand même très restreint. il y en a
déjà deux qui sont réservés, dans le projet de loi,
au milieu de l'éducation. donc, il resterait quatre sièges pour
la partie gouvernementale. on pourrait peut-être penser que ce ne serait
pas trop, surtout... comme il y a très peu d'entre vous qui ne viennent
pas du ministère de la main-d'oeuvre, alors, vous allez être
d'accord qu'il devrait probablement y avoir au moins un représentant du
ministère de la main-d'oeuvre à la société
québécoise. probablement qu'un ministère comme celui de
l'industrie et du commerce voudrait aussi avoir quelqu'un qui puisse
siéger là. si on doit admettre, après ça, je ne
sais pas moi, tous les groupes constitués, des groupes de pression
comme, je ne sals pas, les handicapés, les femmes, les
communautés culturelles, tous ceux qui ont défilé devant
nous, on va se retrouver avec un très grand nombre de candidats pour
très peu de sièges.
M. Giroux: Rénald.
M. Desharnais: Oui. Rénald Desharnais. Ce que j'aimerais
dire là-dessus, c'est que, dans l'énoncé de politique que
vous avez soumis, II y a tout de même certains chapitres qui portent sur
des programmes qui visent d'autres clientèles que ceux qui sont en
entreprise ou qui viennent de perdre leur emploi. On parle, entre autres, de
développement économique local et c'est là qu'on arrive
dans des mesures qui sont plus de développement de
l'employabiltté. Il nous apparaît que, si on identifie une
clientèle particulière, à un moment donné, les gens
qui sont issus de ce milieu-là et qui travaillent avec ces
organisations-là, avec cette problématique-là, on doit
leur faire une place au niveau du conseil d'administration et au niveau des
sociétés régionales.
C'est bien certain qu'à un moment donné ces organismes
sont beaucoup plus nombreux que les associations patronales et le mouvement
syndical. Par ailleurs, on a pris connaissance, on échange avec
différents organismes, via des propositions qui vont vous être
faites dans le futur où on va recommander à un organisme du type
de l'ICEA, Institut canadien d'éducation des adultes, d'agir un peu
comme un forum qui pourrait sélectionner des candidats et des candidates
qui pourraient être présentés pour représenter cette
clientète. Je pense que ce n'est pas au SPGQ de dire: Voilà,
c'est l'Association pour la défense des droits sociaux qui doit
être là. C'est à eux de discuter et de dire quel est le
meilleur organisme ou la meilleure personne qui peut nous représenter
dans le cadre de cet organisme-là.
Et c'est quelque chose qui existe. Naturellement, on ne veut pas
importer tout ce qui se passe au Canada ou en Ontario, mais c'est quelque chose
qui existe là-bas. Les partenaires patronaux et syndicaux se sont
entendus et ont fait une place à ces organisations-là. Je vous
remercie.
M. Bourbeau: Dans votre mémoire, en page 6, vous
suggérez que la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre soit liée quotidiennement au
ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la
Formation professionnelle afin que celui-ci puisse jouer un rôle
d'interface avec ses collègues. Ça m'étonne un peu, une
suggestion comme celle-là. Remarquez que, d'une certaine façon,
ça ne me déplairait pas d'être lié quotidiennement
parce que c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup et probablement que
mon successeur ou ma succes-seure aussi, sauf que ça contredit
carrément l'état d'esprit qui prévaut présentement
au sein des partenaires majeurs du gouvernement dans ce dossier-là, tant
le patronat que les syndicats, à l'effet de tenter d'accorder à
la Société québécoise une marge de manoeuvre. On
prétend même que le projet de loi tel que libellé, certains
prétendent qu'il donne trop de pouvoirs au gouvernement et pas assez
à l'organisme. Nos partenaires nous implorent de desserrer les liens et
de rendre les administrateurs vraiment responsables.
Ne craignez-vous pas de briser, justement, l'équilibre entre
l'efficacité et le contrôle en renforçant l'encadrement du
gouvernement sur la Société?
M. Giroux: J'espère que votre question ne signifie pas
que, lorsqu'une organisation relève de la Loi sur la fonction publique
et donc d'un ministre, elle est inefficace. Je suis certain que ce n'est pas ce
que vous avez voulu dire.
M. Bourbeau: Je ne crois pas avoir dit ça, non. Je me
faisais le porte-parole de nos partenaires du marché du travail...
M. Giroux: Oui.
M. Bourbeau: ...de bien citer leur point de vue.
M. Giroux: II nous semble, à nous, que c'est tout à
fait conciliable que des partenaires tracent les grandes orientations, fassent
des choix, arrivent à des arbitrages entre eux, qui, s'ils vont dans le
sens du bien commun, seront entérinés par le ministre. Mais le
ministre ou le gouvernement, comme il s'agit d'une mission qui nous
apparaît gouvernementale, ne doit pas non plus se départir de ses
responsabilités et de son intégration de cette mission dans
l'ensemble des autres gestes, des autres programmes, des autres politiques
gouvernementales. L'emploi, la main-d'oeuvre, ce ne sera jamais
séparé de l'éducation; ça ne sera jamais
séparé du développement de l'entreprise, du financement de
l'entreprise. Nous plaidons, nous, pour des gestes intégrés, tout
en souhaitant qu'il y ait un partenariat efficace pour donner des orientations
à la Société. Je vous rappelle que ce n'est pas
incompatible, c'est complémentaire. Nous n'y voyons pas de
problème.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, il
vous reste exactement six minutes.
M. Bourbeau: Merveilleux! Si vous voulez, nous allons aborder un
sujet extrêmement délicat que vous abordez vous-même dans
votre mémoire, sera-ce Montréal ou sera-ce Québec? Vous
tranchez la question d'une façon tout à fait salomo-nlenne en
disant que - salomienne, à Salomon -vous souhaitez que les services
administratifs
centraux de la Société soient maintenus à
Québec et à Montréal. Ça m'apparaît un peu
difficile. C'est peut-être facile de le dire comme ça, c'est une
bonne façon de s'en sortir, mais, en pratique, c'est difficile de
concevoir qu'un organisme puisse répartir presque équitablement
ses services centraux entre deux endroits. Sur le plan de l'efficacité,
ça ne m'apparaît pas être la meilleure solution que d'avoir
la principale place d'affaires d'un organisme à deux endroits
également répartie, par exemple. Je dois avouer que c'est un
dilemme pour moi. J'aimerais bien savoir comment vous entendez nous sortir de
ce dilemme-là.
M. Giroux: Nous n'avons pas choisi le siège social. Nous
avons parlé de centre administratif.
M. Bourbeau: Oui, c'est bien ce que j'ai dit.
M. Giroux: Oui. Alors, il y aura un choix qui vous appartiendra
quant au siège social. Ce pourquoi nous avons parlé de centre
administratif, c'est en raison, probablement, de deux missions. D'abord, une
première mission qui est celle d'articuler l'ensemble des interventions
avec les ministères qui sont à Québec. Le siège
social du gouvernement, j'espère, va demeurer à Québec.
Par ailleurs, une bonne partie de la clientèle, main-d'oeuvre,
entreprises, est plutôt dans le pôle de la région de
Montréal. Alors, naturellement, en raison de cette double approche, il
devrait y avoir des centres administratifs importants dans l'une et dans
l'autre pour s'assurer des deux articulations.
M. Bourbeau: M. le Président, je vais laisser l'Opposition
poser des questions, peut-être que je reviendrai tout à
l'heure.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Alors, je vais reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve. Madame, si vous voulez y aller de vos questions.
Mme Harel: merci, m. le président. alors, m. giroux, m.
desharnais et vous tous qui représentez devant nous, aujourd'hui, le
syndicat de professionnels du gouvernement, je vous souhaite la bienvenue
à cette commission. dès la réception de votre
mémoire, j'ai lu que vous insistez, avec raison, sur la dimension de
l'emploi, dimension qui est absente du projet de loi. par exemple, pour donner
suite à vos recommandations, il faudrait notamment modifier les articles
16 et 17 du projet de loi qui prévoient, de façon limitative, la
mission de la société uniquement en matière de gestion de
ressources humaines et non pas en termes de développement de l'emploi.
vous avez dû, comme moi, trouver assez paradoxal que les
sociétés régionales aient un mandat de
développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi, mais que la
société québécoise, dont elles relèvent,
n'ait qu'un mandat de développement de la main-d'oeuvre et non plus de
l'emploi. Alors, II y a une sorte de réconciliation à faire. Je
ne sais pas comment le ministre va répondre à vos attentes.
Il y a peut-être un aspect important aussi, c'est cette confusion
- tantôt, vous en parliez - de la main-d'oeuvre comme n'étant que
la main-d'oeuvre active. On perd de vue complètement, dans
l'énoncé, je dirais même dans les propos du ministre...
Quand il parle de main-d'oeuvre, ça se réfère toujours
à la main-d'oeuvre en emploi, il y a aussi la main-d'oeuvre sans emploi
qui fait partie de la main-d'oeuvre. Votre mémoire n'en parle pas. Je me
demandais ce que vous pensiez de l'ajout, à la Société, de
cette clientèle qui, dans l'énoncé de politique, est
prévue rester dans les centres Travail-Québec,
c'est-à-dire tous les prestataires de sécurité du revenu
qui seraient écartés du bénéfice des programmes de
la Société et qui retourneraient dans les mesures
d'employabilité, donc un dédoublement de réseau pour des
clientèles qui sont distinctes. Je ne sais pas si vous avez
réfléchi à cette question-là.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président. (14 h 45)
M. Giroux: Vous pariez donc surtout de ce qu'on appelle les aptes
au travail dans la clientèle de l'aide sociale, qui est une
clientèle de dernier recours qui a recours ultimement aux ressources de
l'État pour vivre. Évidemment, tout le support économique
qu'on fournit à ces gens doit demeurer, nous semble-t-il, à
l'intérieur d'un ministère. Cela ne fait pas de doute dans notre
esprit. Quant aux mesures de support pour que ces personnes, celles qui sont
aptes à l'emploi, aient, un jour, une jonction avec les besoins des
entreprises en matière de main-d'oeuvre et puissent avoir une formation
adaptée, alors là, il y a des ponts qui nous semblent un peu
ténus, effectivement, dans la politique gouvernementale. On parie
d'ententes entre le ministère et la Société, à ce
moment-là.
La pratique que nous avons actuellement avec les commissions de
formation professionnelle et le ministère ou le gouvernement
fédéral qui finance et qui a des critères de financement
fait en sorte que cette clientèle passe en dernier dans la formation.
Sans enlever quoi que soit à l'autre clientèle... Il nous semble
qu'on devrait être un peu mieux organisé. Peut-être est-ce
à cause du fédéral - et je ne veux pas lui mettre tous les
torts, on administre actuellement son argent à partir de
critères, de programmes qui lui appartiennent - mais il y a là
une faille dans notre approche de l'emploi.
Mme Harel: Vous pensez donc que ces mesures
d'employabilité font partie des mesures de développement de la
main-d'oeuvre, c'est ça
qu'il faut comprendre, et que le mandat devrait être confié
à la Société québécoise de gérer ces
mesures. C'est ça qu'il faut comprendre.
M. Desharnais: Là-dessus, je pense qu'il faut faire le
lien avec le ministère de l'emploi. Nous, on comprend que lorsque,
à un moment donné, le citoyen perd tous les recours privés
- l'assurance-chômage, c'est un régime, c'est une
assurance-chômage, on paie des prestations pour qu'à un moment
donné, lorsque le risque nous tombe dessus, on puisse recourir à
l'assurance - lorsque la personne perd tous ses recours, il nous apparaît
qu'il y a une responsabilité sociale là-dessus et que ça
doit demeurer sous la responsabilité du gouvernement du
Québec.
Néanmoins, on est conscient aussi que ces gens-là, les
bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail, font partie de
la population active et, à terme, si on poursuit une politique pour le
plein emploi, c'est des gens qui ne demandent pas mieux que de s'inscrire dans
la production de la richesse au meilleur profit de l'ensemble de la
société. Dans ce sens-là, si on avait un ministère
de l'emploi, II nous apparaît qu'un peu tous les morceaux du puzzle
tomberaient à leur place au niveau de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les aptes
au travail, la politique de développement industriel, le
ministère de l'Éducation, etc.
C'est pour ça qu'une de nos recommandations est de mettre un
chapeau à tout ça. La Société
québécoise, c'est un pas dans la bonne direction, mais je pense
qu'on ne peut pas lui demander d'être au coeur du programme
gouvernemental pour une politique de... non pas être au coeur, mais
être le maître d'oeuvre d'une politique gouvernementale visant au
plein emploi. Elle peut être au coeur, mais elle ne peut pas être
le maître d'oeuvre; comme mon président le disait, c'est une
mission horizontale, puis qui touche un ensemble de ministères. Je pense
que c'est un peu comme ça qu'on le voit, à ce stade-ci de nos
discussions.
Mme Harel: En vous écoutant lors de l'échange que
vous avez eu avec le ministre, je me disais qu'une des confusions qui
subsistent, c'est celle de considérer que, quand l'économie va
bien, l'emploi va bien. Je relisais encore la lettre d'accompagnement que le
ministre signait, en décembre dernier, pour transmettre son document,
dans laquelle il disait souhaiter que le dépôt de son
énoncé serve à s'interroger sur les défis qui se
posent à l'économie du Québec. Je pense que beaucoup de
gens, quand on parle d'économie, croient qu'on parle d'emploi. Il y a
cette... Tantôt, le ministre vous demandait à quoi servirait un
ministère de l'emploi. Je me dis qu'il y a eu, pendant... On a toujours
vécu en pensant que, quand l'économie allait bien, l'emploi
allait bien. Pourtant, on a connu des périodes de croissance
économique continue, où l'emploi se portait mal. On a connu six
belles années, jusqu'à 1989, où l'économie
était en croissance, avec un taux de chômage de 9 %. Là, au
moment où on se parle, l'emploi se porte mal et l'économie se
porte mal, mais ça ne fait pas si longtemps que l'économie se
portait bien, l'emploi se portait mal. Alors, c'est comme si parler de l'un,
c'était comme parler de l'autre. C'est là qu'il y a, finalement,
toute l'ambiguïté dans le projet de développement de la
main-d'oeuvre tel qu'il nous est présenté. Il nous est
présenté comme un projet pour pouvoir relancer l'économie,
mais ce n'est pas du tout évident que la relance de l'économie...
Au contraire même, la croissance de l'économie est souvent
inversement proportionnelle à la croissance de l'emploi. On l'a
vécu encore... Vous êtes en main-d'oeuvre, je pense, vous qui
accompagnez M. Giroux. Je vous remercie de nous avoir rappelé l'article
qui, dans la loi constitutive du ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, attribue
la mission au ministère de promouvoir l'emploi de toute la maln-d'oeuvre
disponible au Québec. On est bien loin de ça.
M. Giroux: En mots d'aujourd'hui, ça aurait pu
s'écrire «le plein emploi.»
Mme Harel: Oui.
M. Giroux: Vous avez raison. Quand on fait des bilans
économiques simplement en fonction d'emplois créés ou
d'emplois perdus - en bonnes années ou en mauvaises années - on
est tout aussi loin du plein emploi très souvent parce qu'on tourne
autour des 10 %. Les emplois qu'on ajoute, c'est pour les personnes qui
arrivent sur le marché du travail très souvent et notre taux de
chômage n'a pas changé. Il n'a fait que croître, II n'a que
rarement diminué. Alors, c'est tout un défi que celui du plein
emploi et c'est celui qu'on devrait essayer de relever de toutes nos
énergies.
Mme Harel: À la page 6 de votre mémoire, vous dites
ceci: «Les partenaires patronaux et syndicaux ainsi que les
administrateurs de la société doivent résister à la
tentation de se replier sur eux-mêmes pour gérer un capital
social.» Dans d'autres mémoires, vous savez, on retrouve une
critique assez sérieuse, qui appelle justement ce groupe qui fait
actuellement partie de la Conférence permanente d'adaptation de la
main-d'oeuvre, le groupe des sept en référence avec le Groupe des
Sept au niveau, évidemment, des États industrialisés.
Alors, vous, vous dites: Ce groupe des sept doit s'ouvrir à d'autres et,
entre autres - M. Desharnais, vous nous donniez l'exemple - doit s'ouvrir
à ceux qui sont sans emploi et ceux pour qui des interventions sont
faites en termes de communautaire ou d'Intervention sociale. C'est ce qu'il
faut comprendre?
C'est ce groupe-là, en particulier, dont vous parlez quand vous
souhaitez une représentation plus large. C'est ça?
M. Desharnais: Oui, c'est exactement ça. C'est certain
que... Comment dire? Si je le dis rapidement, la plupart des emplois se
créent ou se perdent en entreprise, mais ce n'est pas le seul lieu
d'intervention pour mener la lutte contre le chômage. Il y a plein
d'initiatives qui ont été prises par les gouvernements, les deux
paliers de gouvernement, tout particulièrement, depuis quelques
années, sur le développement local. Moi, j'interviens dans un
quartier du sud-ouest de Montréal et c'est assez impressionnant de voir
ce que ces organismes peuvent dégager d'imagination pour résoudre
des choses qui, à première vue, quand on est habitué
d'intervenir au niveau des entreprises, semblent absolument insurmontables. Il
nous apparaît que ces gens-là doivent avoir leur place au sein de
la Société québécoise pour être capables
d'apporter leur contribution et qu'ils ne soient pas relégués un
peu comme dans la partie congrue du train de mesures que les gouvernements
investissent pour ces clientèles. Il nous apparaît qu'on doit les
inscrire au coeur de l'organisation, donc au niveau où se prennent les
décisions, aux C.A. et dans les sociétés
régionales.
Mme Harel: Vous nous faites valoir également dans votre
mémoire, à la page 10, M. Giroux, que la Loi sur la fonction
publique permet une délégation des pouvoirs au niveau de
l'embauche. Donc, vous indiquez par là que chacune des
sociétés régionales - est-ce que c'est ce qu'il faut
comprendre? - pourrait avoir... ou, plutôt, la Société
québécoise pourrait avoir sa politique d'embauché. C'est
bien ça?
M. Giroux: C'est-à-dire que l'Office des ressources
humaines qui est responsable de l'embauche dans l'ensemble des
ministères et organismes, si la Société est assujettie
à la Loi sur la fonction publique, c'est l'Office qui serait donc
responsable de l'embauche. Mais l'Office délègue, à partir
de grands cadres qui sont très bien connus, la tenue même des
concours et ce sont les gens de la Société qui
décideraient ultimement des personnes qu'ils engagent, pourvu qu'on
respecte des règles d'engager les personnes selon la règle du
mérite, donc les personnes les plus compétentes pour occuper les
emplois qu'on a ouverts.
Mme Harel: À ce moment-là, l'accréditation
syndicale qui couvrirait ces personnes serait celle soit des fonctionnaires
provinciaux ou du syndicat que vous représentez. C'est ça qu'il
faut comprendre?
M. Giroux: Oui, vous avez raison. On est un peu dans un
régime d'exception à la fonction publique. Les
accréditations syndicales sont données en vertu de la loi,
vraisemblablement parce que le gouvernement a voulu organiser les parties
négociantes devant lui dans la fonction publique, donc, ne pas
accroître le nombre d'accréditations syndicales. Si c'était
le cas, oui, les accréditations actuellement en place dans la fonction
publique se retrouveraient également dans la Société.
Mme Harel: Mais d'autres groupes font valoir devant la commission
qu'il vient d'y avoir, il y a peu de temps, une période de maraudage
syndical qui serait survenue de façon assez récente, semble-t-il.
Donc, les employés eux-mêmes ayant décidé et tous
ces changements devant avoir lieu avec, comme première priorité,
le service à la clientèle, il vaudrait mieux laisser les choses
dans l'état où elles sont depuis ce récent maraudage et,
donc, attendre à la période d'ouverture d'accréditation
pour reprendre tout ce débat-là. Est-ce que ça vous
semblerait raisonnable?
M. Giroux: Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression qu'on
voudrait que la Société soit régie par la loi simplement
pour une question d'accréditation syndicale. Ce n'est pas le cas, pas du
tout. Quant à l'accréditation syndicale, il faut comprendre que,
dans l'état actuel du projet de loi, si des employés de la
fonction publique, comme il est prévu, vont travailler dans la
Société, la convention collective de la fonction publique, celle
des fonctionnaires, la nôtre et d'autres groupes éventuellement
s'appliquera, de même que le caractère représentatif des
syndicats de la fonction publique, à côté de conventions
collectives qui ont été signées dans les commissions de
formation professionnelle.
Je pense qu'on peut vivre pendant un certain temps, effectivement, avec
cet ensemble de règles, mais qu'à un certain moment il faudra
trancher. Est-ce qu'il faut attendre le renouvellement des conventions
collectives, comme le laisserait croire le Code du travail normalement? C'est
peut-être une période assez longue, parce que ce n'est qu'à
l'échéance des prochaines conventions collectives qu'il y aura
à nouveau changement d'allégeance possible.
Peut-être qu'il vaudrait mieux rapprocher cette période.
Nous, on est prêts à vivre avec les conséquences, les choix
que les gens feront.
Mme Harel: Les raisons que vous énoncez sont
intéressantes. Vous dites que ça donne plus de garanties qu'il
n'y aura pas d'ingérence dans les nominations. Mais le résultat,
malgré tout, c'est un résultat d'une seule accréditation
syndicale, le fait que ce soit assujetti à la fonction publique?
M. Giroux: Oui, par le régime d'exception qui existe dans
la fonction publique, vous avez
raison.
Mme Harel: Je vous pose une dernière question. Il y a un
certain nombre d'organismes qui viendront devant la commission signaler que,
finalement, ce n'est pas au niveau de la grande région administrative.
C'est beaucoup plus au niveau local qu'il devrait y avoir
décentralisation. C'est plus là que ça se passe, là
où sont, finalement, les bureaux d'Emploi et Immigration Canada, ces
bureaux qui couvrent à peu près le territoire d'une MRC et que,
finalement, une vraie réforme au Québec, celle qui permet un vrai
guichet, un guichet autant pour le placement que pour pouvoir bien identifier
les besoins de la main-d'oeuvre en pénurie ou bien identifier tous ces
besoins ou des besoins d'aide à l'emploi, c'est plus au niveau de la MRC
qu'au niveau de la grande région administrative. Pour donner un exemple,
prenons-le comme ça, au hasard, c'est plus à Mont-Laurier
qu'à Saint-Jérôme où se trouve le siège de la
grande région administrative, mais qui est quand même assez
éloigné de là où se trouve, par exemple, le secteur
du bois, qui est bien différent du secteur manufacturier autour de la
région de Mirabel. Est-ce que ça vous semble raisonnable
d'envisager qu'à terme une vraie réforme en matière de
développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi, ça doit aller
jusqu'au niveau du territoire MRC ou au niveau d'un bureau local? (15
heures)
M. Desharnais: Là-dessus, écoutez, on n'a pas
beaucoup centré nos discussions sur ce point-là. Moi,
l'élément de réponse que je voudrais soulever est le
suivant. J'ai mon collègue, ici, Denis Rancourt, qui travaille à
la CFP de la Montérégie. À ma connaissance, à la
CFP de la Montérégie, ils ont sept points de services. C'est
ça?
Une voix: Sept bureaux locaux.
M. Desharnais: Sept bureaux locaux. Donc, ce n'est pas parce
qu'on a une entité régionale qu'automatiquement les
sous-régions sont évacuées. Par ailleurs, le fait -
comment dire - que les associations patronales, communautaires, syndicales et
régionales seront représentées dans les
sociétés régionales, il me semble qu'elles vont
débarquer dans la Société avec leurs
intérêts, avec les problèmes qu'elles ont soit à
Mont-Laurier, soit à Granby ou soit à Lac-Mégantic. Donc,
dans ce sens-là, je pense que - là, j'irais plus personnellement
- II ne faut pas trop disséquer des fois. On est à
Montréal. Et quand on entend parier des régions de Laval, de
Laurentides-Lanaudière, de Montréal, c'est le même bassin
d'emplois. Il y a plein de gens qui demeurent, je ne sais pas, sur ITle de
Laval, qui vont travailler soit au nord, soit au sud. Donc, dans ce
sens-là, ne multiplions pas trop la base de notre structure parce que,
de toute façon, on pourrait avoir des bureaux locaux. Ceci étant
dit, il ne s'agit pas de mettre un x sur le local. Je pense qu'à
l'Intérieur d'une société régionale, le local peut
très bien se retrouver et on pourrait lui faire une place.
Mme Harel: Vous-même travaillez au niveau du sud-ouest de
Montréal.
M. Desharnais: Oui.
Mme Harel: La CFP du Montréal métropolitain adresse
ses services à l'ensemble de l'île de Montréal. Quand vous
dites que vous y travaillez, êtes-vous situé au niveau de la CFP
sur la rue Masson ou si vous travaillez vraiment dans le sud-ouest de
Montréal, physiquement?
M. Desharnais: Moi, mon bureau est au ministère de la
Main-d'oeuvre. Je suis sir Crémazie. Je travaille avec mon
collègue de la CFP qui est sur la rue Masson, mais qui, lui, travaille,
tout comme moi, exclusivement sur l'arrondissement du sud-ouest; tout comme mon
collègue du ministère de l'Industrie et du Commerce.
Mme Harel: Et vous y mettez souvent les pieds, dans le
sud-ouest?
M. Desharnais: Au minimum, nos réunions statutaires... On
a un programme de soutien aux entreprises. C'est au minimum des réunions
statutaires mensuelles et, après ça, plein de réunions -
comment dire - ad hoc, dépendam-ment des besoins.
Mme Harel: Sur le terrain.
M. Desharnais: C'est vrai que le sud-ouest, c'est tricoté
serré. Les organisations communautaires, là-bas, sont très
actives et je pense qu'elles ont réussi à créer une
complicité assez serrée de la part des fonctionnaires
gouvernementaux ou des gens des CFP.
Mme Harel: Le ministre vous a parlé de son dilemme quant
au siège social. Mol, je pensais qu'il était résolu du
fait qu'il est membre de la commission ministérielle permanente sur le
Grand Montréal et son collègue, le président du Conseil du
trésor, et président de ce comité permanent sur
Montréal, a déjà annoncé, dans son
énoncé d'action pour Montréal, que le siège social
allait être à Montréal.
M. Bourbeau: non, m. le président, c'est inexact. le
siège social n'a pas encore été déterminé,
la loi dit que ce sera par décret. on a annoncé que la principale
place d'affaires serait à montréal, mais non pas le siège
social. le siège social, ça n'a pas été
déterminé encore.
Mme Harel: Alors, la place d'affaires peut être à
Montréal et vous pourriez envisager que le siège social soit
à Québec.
M. Bourbeau: Le siège social peut être à
Montréal ou à Québec. Le gouvernement n'a pas encore
décidé.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, je dois vous arrêter.
Vous avez dépassé d'au-delà de deux minutes ie temps qui
vous était imparti. Alors, je suis dans l'obligation de vous couper la
parole, malheureusement, et de mettre fin à cette audience. Je remercie
le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du
Québec pour sa prestation. Alors, merci, mesdames et messieurs.
Une voix: Merci beaucoup.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Nous demandons maintenant à la Confédération des syndicats
nationaux de prendre place, s'il vous plaît, dans les meilleurs
délais.
Mesdames et messieurs de la commission, nous allons continuer nos
travaux. Je demanderais au président de la Confédération
des syndicats nationaux, M. Larose, de nous livrer son message et, en
même temps, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. M.
Larose.
Confédération des syndicats
nationaux
M. Larose (Gérald): Merci, M. le Président. Je vous
présente, à ma gauche, Mme Céline Lamontagne,
vice-présidente à l'exécutif de la CSN, responsable
politique du dossier de la formation de la main-d'oeuvre; à ma droite,
François Lamarche, du service de la recherche de la CSN, qui est un
collaborateur pour l'élaboration de nos politiques en formation
professionnelle.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président, vous avez une heure à votre disposition
répartie en temps égal entre votre présentation de
mémoire, le parti ministériel et le parti de l'Opposition.
M. Larose: Je vous remercie, M. le Président. La CSN est
contente d'être de ce débat. Depuis le temps que nous souhaitons
l'existence d'une politique en formation professionnelle, pour une fois, un
gouvernement s'est commis dans une approche plus globale en mettant au centre
de ses préoccupations ou en affirmant que la main-d'oeuvre doit occuper
une place importante dans le développement durable. Aussi, pour une des
premières fois, le Québec est à l'offensive sur cette
question. On a longtemps déploré être à la remorque
notamment du palier fédéral.
La proposition qui est devant nous est perfectible et je pense que c'est
le sens du débat que vous voulez que nous fassions avez vous. Il y aura
une présentation en deux temps. D'abord, la vice-présidente
responsable du dossier va livrer quelques commentaires sur
l'énoncé de politique, plus particulièrement sur les
points qu'on estime être les plus importants et, dans un deuxième
temps, j'aborderai la question de la Société
québécoise. Alors, je vais demander à Céline de
présenter le point de vue de la CSN.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Lamontagne.
Mme Lamontagne (Céline): Bonjour. Je pense qu'il est
important de dire d'entrée de jeu que nous considérons que c'est
un premier débat sur l'énoncé de politique et que
ça doit se poursuivre au-delà de la commission parlementaire. Je
pense que notre volonté de faire beaucoup collectivement en formation ne
doit pas nous empêcher de faire bien et surtout de développer
l'adhésion au changement que ça va nécessiter un peu
partout dans la société québécoise.
Alors, quelques remarques sur l'énoncé qu'on a entre les
mains. D'abord dire que nous endossons pleinement l'objectif de se donner une
culture de formation continue, mais on considère que les mesures qui
sont proposées sont beaucoup trop timides, si on veut atteindre cet
objectif-là. Alors, on s'est permis de proposer d'autres mesures.
D'abord, on trouve important qu'on crée l'obligation pour les employeurs
d'investir en formation professionnelle, d'investir à tous les niveaux,
mais particulièrement au niveau de l'entreprise, et on s'est
avancé jusqu'à proposer de dire que ce montant-là devait
être environ 2 % de la masse salariale.
Deuxièmement, on trouve important aussi, pour développer
cet objectif de formation continue, de modifier les situations afin d'inscrire
des droits pour les individus: droit à cette formation, droit au
congé éducation, finalement, droit à la reconnaissance de
la formation. Il y a un autre élément important: II faut aussi
s'assurer que la formation qu'on donne, la formation qui est reçue, soit
une formation qui soit de qualité, qui soit transférable. On
tient beaucoup à ce que, même dans le cadre de reconnaissance des
expériences acquises en milieu de travail, ce soit des attestations
reconnues par les institutions publiques d'enseignement qui certifient cette
formation-là parce que ça va davantage servir à tout le
monde et surtout aux travailleuses et aux travailleurs.
Nous répétons aussi qu'il est important d'investir dans
des mesures pour les femmes parce que l'égalité en emploi,
l'équité salariale passent par des mesures de formation, des
mesures privilégiées de formation.
Il est important de rappeler - et le gouvernement devrait être
clair sur cette question-là - que les institutions publiques
d'enseignement
doivent être responsables de la dispensation de la formation
professionnelle. Alors, je pense qu'on peut en parler un peu. Nous, notre
organisation n'est pas dupe des intentions véritables de la chambre de
commerce quand elle prétend qu'il ne faut pas de Société.
On n'est pas d'accord avec elle. Nous, ce qu'on pense - c'est peut-être
une question à lui poser - c'est qu'elle voudrait être la
dispensatrice de la formation. Alors, moins c'est coordonné, mieux
c'est. On est inquiets de ce côté-là et on n'est pas dupes
des grandes déclarations, mais on dit que le gouvernement doit
être clair, que la formation doit être dispensée par les
Institutions publiques d'enseignement.
Sur un aspect qui est intitulé dans l'énoncé de
principe, «L'instauration d'un meilleur partenariat», il y a des
lacunes. C'est sûr que la Société est un
élément, mais la lacune principale, c'est au niveau local. Je
pense qu'on a négocié depuis des années des comités
conjoints de formation professionnelle au niveau local, mais ça va comme
ça. Des fols, ce n'est presque pas praticable et il faut
reconnaître le niveau local au niveau d'ententes syndicales-patronales et
aussi au niveau local, pas seulement reconnaître le niveau national ou le
niveau régional. C'est pour ça, entre autres, qu'on propose que
quand on appuie des investissements en formation au niveau local, quand il y a
des fonds publics, il faut que ce soit conditionnel à une entente
patronale-syndicale.
On salue également la mise en place de comités sectoriels,
mais on souhaite qu'à l'avenir les comités sectoriels qui
traitent de formation, des développements de main-d'oeuvre, ne soient
pas mis sur pied juste en temps de crise ou en temps de crise du secteur.
Qu'ils regardent vers l'avenir, qu'ils soient imbriqués aux grappes de
stratégie industrielle, mais qu'ils ne soient pas non plus
dépendants seulement des grappes et qu'ils aient un travail permanent au
niveau sectoriel national. Ça nous semble majeur.
On est aussi en accord sur tout le chapitre sur la confusion et la
complexité des programmes. Cependant, on se demande pourquoi on n'a pas
intégré les mandats de Travail-Québec sur les programmes
d'employabilité, qu'ils ne soient pas intégrés à la
Société. Nous, le danger qu'on y voit de les laisser en marge,
c'est qu'encore une fois on va marginaliser un type de clientèle et
ça devrait être intégré dans l'ensemble des
politiques de main-d'oeuvre. Et quand on parle de marginaliser un type de
clientèle, on sait que c'est particulièrement les assistés
sociaux parmi lesquels il y a beaucoup de femmes aussi. Alors, je pense que
ça ne devrait pas être à côté des autres
politiques de main-d'oeuvre.
Un dernier élément très important aussi, c'est
l'image études-travail. On souscrit également à cet
objectif, mais il nous apparaît qu'il doit y avoir un débat
beaucoup plus large sur l'ensemble de ce qu'on a appelé les mesures
contenues dans un projet éducatif. On parle d'apprentissage. On parle de
stage en milieu de travail. On parle d'alternance études-travail. Oui,
il faut regarder vers les nouvelles formules pédagogiques, mais,
à notre avis, il ne faut pas non plus faire une soupe à
l'alphabet de toutes sortes de mesures qu'on a Importées de
l'extérieur et il faut faire un débat sur cette
question-là pour que ce soit intégré dans un projet
d'ensemble.
Je termine sur un autre aspect. On croit que la formation
professionnelle et le développement de la main-d'oeuvre, c'est important
dans le contexte économique actuel, mais ce n'est pas la seule solution,
la seule mesure. Par ailleurs, on croit qu'il faut, dans ce sens-là,
modifier la législation sur les licenciements collectifs. Merci.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Merci, madame. (15 h 15)
M. Larose: Alors, sur le projet de loi 408, comme c'est pour
adoption, on va vous soumettre des commentaires et des propositions
précises. Ça va se diviser en cinq blocs. D'abord, la
Société nationale... la Société
québécoise. Oui, nationale aussi, ça ne se contredit pas.
Alors, là-dessus d'abord, la question de la mission et des pouvoirs. Il
y a un accord de principe, quant à nous, à l'existence d'un
guichet unique, d'ailleurs, en prévision du rapatriement total de
l'ensemble des politiques en matière de main-d'oeuvre. On
reconnaît que c'est là une société publique qui doit
rendre des comptes au gouvernement et au ministre et qui doit fonctionner dans
le cadre des politiques gouvernementales. Mais l'encadrement proposé par
les articles 21, 22, 27, 28, 29 et 30, à notre avis, nous conduit
directement vers une hyperbureaucratisation et une hyperstérilisation.
Même, on soupçonne que c'est plus rigide dans le cadre de cette
Société que ça existe pour d'autres
sociétés. Pour nous, il y a là une question centrale. Si
on appelle à la barre les partenaires, ce n'est pas pour qu'ils fassent
partie dans les estrades, c'est des gens qui doivent être
responsabilisés. On doit faire appel à leur capacité
d'initiative, d'innovation, de créativité. On doit, bref, faire
une opération de démocratisation.
Pour nous, seul l'article 30 devrait être maintenu, c'est
largement suffisant pour que le gouvernement puisse se faire rendre des
comptes; le reste, ça doit être une opération pour faire en
sorte que les partenaires soient responsabilisés. Ça rejoint,
d'ailleurs, une préoccupation que nous avons en termes d'organisation du
travail. Il faut s'organiser pour aplatir les pyramides hiérarchiques.
Il faut s'organiser pour exploiter les capacités d'initiative que les
partenaires ont dans un certain nombre de domaines, donc, biffer ces articles,
sauf l'article 30.
Deuxièmement, nous voulons qu'on reformule, de façon plus
large, la mission pour inclure
tous les programmes concernant la main-d'oeuvre, y compris les
programmes d'employabilité, y compris les programmes
d'intégration du travail, également, en y ajoutant la
précision qu'il nous faut favoriser une coordination avec le palier
régional.
Un mot sur l'article 45. Pour nous, il n'est pas question de tarifer aux
individus des services, ça devrait être interdit. Sur l'article
18, nous ne voyons pas du tout la pertinence de référer aux
établissements privés ou régis par la Loi sur
l'enseignement privé, compte tenu que nous voulons valoriser et rendre
nos ressources publiques tout à fait aptes à remplir toutes les
missions qu'on va leur confier. sur la composition du conseil d'administration
- c'est mon deuxième point - nous voulons l'ajout d'un quatrième
bloc. nous sommes d'accord pour le bloc patronal, le bloc syndical, le bloc
gouvernemental; nous voulons l'ajout d'un quatrième bloc composé
de trois postes: un pour les femmes, un pour les jeunes, un pour les
communautés culturelles, puisque ce sont là des groupes cibles et
des groupes qui ont développé aussi, à travers leurs
organismes, une certaine expertise.
Un mot sur l'article 5 concernant la nomination du P.-D.G. Nous voulons
que cette nomination se fasse à partir d'une liste composée par
le conseil d'administration de la Société. Quant aux
vice-présidences, compte tenu de l'expérience qui existe dans
d'autres sociétés, nous souhaitons que ce soit des
vice-présidences nommées par le conseil d'administration de la
Société et non pas par l'autorité gouvernementale.
Compte tenu que nous souhaitons un élargissement des pouvoirs de
la Société, qui pourrait et qui devra remplir aussi les fonctions
de consultation et de concertation, nous souhaitons l'abolition de la
Conférence permanente qui a rempli un rôle valable à venir
jusqu'à maintenant, mais on pense que ce serait faire du
déboulement que de poursuivre l'existence de cette Conférence
à côté de celle de la Société.
Troisième point, sur les régions. Nous souhaitons que les
pouvoirs des régions soient mieux campés de deux manières:
d'abord, préciser à l'article 44, au deuxième
alinéa - vous avez ça à la page 32 du mémoire; je
le lis parce que c'est important... Nous souhaitons qu'on puisse lire cet
article de la manière suivante: «De définir les
modalités d'application des programmes en fonction des
réalités, besoins et priorités spécifiques de sa
région.» Autrement dit, le palier régional est là
aussi pour ajuster les programmes aux réalités des
communautés et de la région. Deuxièmement, nous souhaitons
que ce palier régional, ces institutions régionales soient
incorporées comme le sont les CFP à l'heure actuelle. Ça
leur donne une certaine autonomie, mais surtout ça va favoriser le
fonctionnement, notamment, quant à l'intégration des
salariés que nous verrons dans un dernier point.
Sur la composition des C.A., des conseils d'administration des
régions, nous souhaitons l'ajout d'un quatrième bloc sans ajouter
le nombre de postes, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir trois blocs de
quatre personnes, on aurait trois blocs de trois personnes et les trois blocs
restant, nous voulons que ce soit occupé par des
délégations en provenance des organismes de développement
économique, de développement communautaire, des organismes qui
oeuvrent au niveau de l'intégration au travail, plus
particulièrement avec les groupes cibles.
C'est mon dernier point. Concernant l'intégration des
salariés, je pense qu'on pourrait procéder de façon
beaucoup plus simple que ce qui est proposé aux articles 82, 83 et 92,
93. Nous souhaitons qu'on fasse un transfert intégral des
salariés et des CFP existantes aux nouvelles sociétés
régionales et qu'il n'y ait pas de période au quatrième
mois, comme c'est prévu à l'article 92, une période de
maraudage qui vient juste d'être faite. On pense que ça serait
inutile. Ça se fera en temps et lieu. Donc, qu'il y ait tout simplement
un transfert des anciennes CFP au palier régional.
À l'article 93, où il est question du transfert de
ressources en provenance du fédéral, on identifie que le Conseil
du trésor va régler le tout. Je sais que vous avez confiance en
cet organisme respectable, mais ça a le don de se comporter un peu comme
l'État dans l'État. On voudrait s'assurer que ce transfert se
fasse dans le plus grand respect des salariés et aussi de leurs
organisations. Au minimum, il faudrait prévoir une négociation
entre les associations représentatives de ces salariés et le
Conseil du trésor. Donc, prévoir une dimension de
négociation là-dedans.
L'ensemble des positions de la CSN - et ça, on tient à le
réaffirmer - fait qu'on ne veut pas «absolutiser» la
politique de la formation de la main-d'oeuvre comme étant le seul et
principal outil pour le développement économique et social du
Québec. Ça demeure un outil important, mais ça ne doit pas
être le seul élément. On sait que le Québec est en
réflexion sur plusieurs aspects. On parle notamment des
stratégies industrielles. Il y a aussi des politiques de
développement régional. Nous souhaitons qu'il y ait articulation
de ces différentes politiques pour faire en sorte que, pour les
défis de l'avenir qui sont plus nombreux que moins nombreux, on soit en
meilleure position pour les relever collectivement. Alors, ça
terminerait notre présentation.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Larose.
Maintenant, je vais passer la parole à M. le ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle.
M. Bourbeau: II me fait plaisir de souhaiter
la bienvenue aux gens de la CSN, principalement au président, qui
est un des partenaires importants de la Conférence permanente sur la
main-d'oeuvre, qui a travaillé très fort à la
préparation des éléments qui, éventuellement, se
sont retrouvés, en partie, dans le document. Parlant justement du
document d'orientation - je pense bien qu'il convient de poser cette
question-là en premier lieu - on a devant nous ce que, nous, nous
appelons un projet d'énoncé de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre. Il y a un organisme qui nous a
demandé de refaire nos devoirs en disant que ce document-là n'est
pas complet, qu'on aurait dû plutôt élargir
considérablement le champ de nos recherches, de nos études et de
nos analyses de façon à inclure tout le spectre en partant du
domaine de l'enseignement, la structure de l'enseignement, la façon dont
l'enseignement est structuré, le domaine de la main-d'oeuvre, le domaine
des relations du travail, enfin, l'ensemble de ce qui, de près ou de
loin, est rattaché au milieu du travail, en nous disant «refaites
vos devoirs et vous reviendrez nous voir plus tard», donc, en
écartant également le projet de loi sur la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Quant
à moi, j'ai toujours pensé que qui trop embrasse mal
étreint, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Larose: Je ne veux pas dire du mal de personne; vous me
connaissez. Non, moi, je pense qu'on est à l'étape où, en
ayant une approche globale, on est en présence d'une approche
intéressante à ce niveau-là. Il faut savoir atterrir et
accoucher. Je pense qu'en matière de main-d'oeuvre on s'est
éjarré de façon extraordinaire, non seulement sur le
territoire, mais au plan juridictionnel. C'est le cafouillis milliardaire qu'on
a à plusieurs reprises, nous, dénoncé. Ceux qui sont
préoccupés par une certaine rationalisation de l'utilisation des
fonds publics, qui font ce genre de proposition, devraient être aussi
alertes pour s'assurer que, très rapidement, on puisse s'articuler de
façon différente pour être plus efficace.
À travers la réflexion ou l'analyse que nous avons faite
du projet de loi 408 comme de l'énoncé de politique, il est
évident que, nous, on poursuit un projet de société, sauf
qu'on ne pense pas qu'on soit obligés de répéter nos
promesses du baptême chaque fois qu'on dispose d'une question. Alors, on
est intéressés à débattre au mérite chacun
des points qui ont été présentés devant nous. Le
plus important, c'est qu'on accouche. Avec la mondialisation des
économies, les transformations très rapides du marché du
travail et les nouveaux besoins exprimés par le bassin de la
main-d'oeuvre, il est impardonnable, d'ailleurs, que nous ayons tant
retardé. Et s'il fallait qu'on passe encore une année, je pense
qu'on écoperait de retards qui seraient toujours plus difficiles
à rattraper.
Alors, dans ce sens-là, nous, on est plutôt d'accord pour
qu'on atterrisse le plus rapidement possible.
M. Bourbeau: Bon. Je suis content de vous l'entendre dire. Une
question un peu plus pointue. Selon vous, les employés de la nouvelle
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre devraient-ils être assujettis ou non à la Loi sur la
fonction publique?
M. Larose: Non. Ils doivent avoir le droit de se syndiquer comme
n'importe quels salariés dans la société
québécoise et, pour nous, la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre n'est pas
un appendice ministériel, c'est une société autonome et,
donc, elle devrait être soumise au Code du travail comme tous les
travailleurs.
M. Bourbeau: Bon. Alors, ça contraste avec ce qu'on a
entendu précédemment. Parlons donc maintenant de la CEQ qui
demande d'avoir un siège au conseil d'administration de la
Société. Compte tenu de son champ d'intérêt et du
rôle névralgique de ses membres en matière de formation
professionnelle, êtes-vous d'avis que la CEQ devrait faire partie du bloc
syndical qui est prévu au sein du conseil d'administration de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre?
M. Larose: J'aurais envie de vous répondre par l'article
de votre projet de loi qui est inexistant. C'est un problème qui n'est
pas posé dans l'actuelle loi que la répartition des
sièges. Quant aux organismes syndicaux, je vous dirai que, pour nous,
c'est une question facilement débattable. Nous n'avons pas d'objection
de principe.
M. Bourbeau: Est-ce que vous auriez la même réaction
par rapport à l'UPA, par exemple, qui nous fait la même demande.
Est-ce qu'on devrait l'inclure aussi dans le contingent syndical?
M. Larose: Je vous dirai que c'est à débattre. Je
ne voudrais pas répartir les sièges au moment où on se
parle. Moi, je suis disposé à ce qu'on regarde ça compte
tenu du caractère représentatif, compte tenu aussi des objectifs
qu'on poursuit par l'existence de cette société. C'est à
voir. (15 h 30)
M. Bourbeau: Bon. Très bien. J'aimerais parler du
quatrième bloc. C'est un sujet qui est très à la mode
depuis hier. On a parlé de la quatrième roue; alors, là,
c'est le quatrième bloc. Bien sûr, il y a des groupes qui sont
venus ici, qui nous ont demandé d'avoir un autre bloc, une autre roue au
chariot. Même, je pense qu'à un moment donné, ce matin, on
était rendus à cinq
roues. Quelqu'un nous a fait remarquer que plus il y a de roues, plus
ça soutient solidement la charge.
Vous suggérez d'ajouter dans ce quatrième bloc, ou un
quatrième partenaire plutôt, trois sièges: un pour des
groupes de femmes, un pour des groupes de jeunes et un pour les
communautés culturelles. Pourtant, dans les groupes cibles qu'on
reconnaît généralement, il y a aussi d'autres groupes. Il y
a, entre autres, les handicapés. On a eu, ce matin, des
représentants des handicapés qui nous ont fait la même
demande. Il y a aussi, je présume, les autochtones qui vont le faire. Il
y a aussi les personnes sans emploi, qui demandent d'avoir un siège, et,
hier, il y avait les organismes communautaires qui demandaient également
un quatrième bloc pour représenter les organismes communautaires.
Seriez-vous d'accord pour ajouter des sièges pour ces groupes-là
aussi?
M. Larose: je pense qu'il faut revenir un peu à notre
philosophie de base. nous identifions comme partenaires quatre blocs, oui,
quatre groupes. dans le quatrième groupe, nous ventilons, si je peux
dire, la représentation de deux manières. il y a une
représentation ciblée en termes de groupes au plan national et il
y a une représentation au plan régional qui touche davantage des
organisations qui oeuvrent en matière de formation professionnelle.
alors, oui, je vous dirai que sur la question des handicapés,
peut-être qu'il faut y réfléchir. nous, ça ne nous
est pas apparu évident, mais peut-être qu'il faut y
réfléchir. sur la question des autochtones, je pense qu'il va
certainement y avoir au plan régional, vraisemblablement, une couverture
particulière pour la dimension amérindienne. alors, dans ce
sens-là, on n'a pas voulu, nous, ouvrir un bloc, je dirais, pour tous
les groupes discriminés en s'inspirant de la commission des droits de la
personne. on y est allés par groupes cibles. on sait que concernant les
femmes, concernant les jeunes, concernant les communautés culturelles,
il y a un gros travail en termes d'accessibilité et d'intégration
à l'emploi. au plan régional, l'ouverture qu'on fait, c'est aux
groupes qui oeuvrent. alors, dans ce sens-là, je dirais, les
partenaires, à mon avis, on les couvre à peu près
intégralement.
J'ajoute, parce que ça fait partie de la philosophie de la CSN
depuis fort longtemps, nous, on se méfie du développement d'une
concertation qui pourrait rapidement se développer en corporatisme de
groupes. Le mouvement syndical, j'ai beaucoup de respect pour le mouvement
syndical. Il porte des intérêts. Le mouvement patronal est
beaucoup moins organisé. Ce n'est pas une critique qu'on fait, mais si
ça peut les encourager à mieux s'organiser, ça sera une
contribution aussi. Il y a la responsabilité de l'État. Mais en
matière de formation professionnelle, ça ne regarde pas que le
monde patronal et syndical. C'est pour ça qu'on souhaite, nous,
l'intégration de l'ensemble des politiques de main-d'oeuvre et, donc,
visant des groupes qui ne sont pas couverts par les organisations syndicales,
et plus particulièrement les groupes communautaires qui, souvent, sont
aussi des ressources alternatives. S'il y avait un arrimage fait au plan
territorial avec ces groupes-là, on pense que ça pourrait
être intéressant pour la dynamique même des
sociétés régionales et de la société
nationale. C'est un petit peu comme ça qu'on voit la composition.
M. Bourbeau: Concernant les mandats d'employabilité dont
madame parlait tantôt, qui sont présentement confiés au
réseau Travail-Québec, à l'égard des
clientèles à la sécurité du revenu que vous
voudriez voir intégrer à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre,
pourriez-vous nous expliquer de quelle façon vous verriez cette
collaboration entre la Société québécoise et le
réseau Travail-Québec dans l'éventualité où
la Société assumerait la responsabilité des programmes
d'employabilité?
M. Larose: Céline.
Mme Lamontagne: On n'a pas fait l'organigramme des
sociétés ou de la Société mais je pense que,
d'ailleurs, il était question que Travail-Québec soit
déjà Intégré aux commissions de formation
professionnelle et assume les mandats, les programmes qui visent
l'employabi-lité. Alors, nous, on pense que ça doit être
intégré à la fois au niveau national de la
Société, mais aussi au niveau des régions, parce qu'il y a
des services de Travail-Québec dans les régions et ce sera la
responsabilité des sociétés de faire en sorte que ces
programmes se fassent sur le terrain. On sait qu'ils sont souvent mis en
application par d'autres groupes, des groupes communautaires, des groupes
à but non lucratif, mais que la responsabilité des programmes, de
cette mise en oeuvre soit assumée par les sociétés, c'est
un peu comme ça qu'on le voyait.
M. Bourbeau: J'aimerais revenir sur une autre proposition-choc de
votre document qui traite de l'abolition de la Conférence permanente sur
la main-d'oeuvre, que ma collègue appelle le «groupe des
sept», à la blague, bien sûr! Ça
m'étonne...
Mme Harel: Je dois vous dire, la paternité de cette
expression appartient à l'UPA...
M. Bourbeau: Ah bon!
Mme Harel: ... qui, dans son mémoire, la reprend
abondamment.
M. Bourbeau: Et qui voudrait bien en faire partie. Disons que
ça m'étonne un peu dans le
sens que la Conférence permanente a toujours servi de groupe qui
permet au gouvernement de discuter sur les grandes orientations dans un spectre
assez large qui peut même déborder, à l'occasion, les
dossiers dont aura à traiter la Société
québécoise. Par exemple, tout le problème des surplus
d'actifs dans les fonds de pension, ç'a fait l'objet de discussions
à l'occasion, etc.
Est-ce que vous ne pensez pas que si on abolit la Conférence
permanente au profit de la Société québécoise, on
pourrait priver le gouvernement ou le ministre d'un lieu de discussion au plus
haut niveau avec les partenaires du gouvernement et le marché du travail
pour traiter de sujets qui sont très variés et qu'on risquerait
de diluer un peu ou peut-être même de rendre cette consultation
inefficace, jusqu'à un certain point?
M. Larose: Ça me permet de développer un peu sur la
philosophie de base sur laquelle on veut que la Société se
construise. Comme je le disais, on souhaite, nous, une société
qui soit en même temps un organisme démocratisé et
responsabilisé. On serait chagrinés si ce n'était qu'un
organisme exécutant et articulant un certain nombre de programmes qui
seraient massivement cogités en dehors et à l'extérieur
d'elle-même. Dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on a
proposé un élargissement de ses pouvoirs, avec une
capacité d'initiative différente de celle qui existe dans les
autres sociétés pour que, précisément, elle se
sente responsable de, je dirais, s'autocri-tiquer et d'évoluer avec les
besoins.
On ne voit pas, en matière de formation professionnelle, à
ce moment-là, la pertinence d'un organisme qui serait un peu le
chaperon, qui serait un peu l'oeil ou le préfet de discipline qui
regarde évoluer ses enfants. Nous, on veut responsabiliser le monde et
les personnes qu'on va déléguer - je peux vous en donner
l'assurance - ça va être du monde qui va connaître ça
et qui va avoir à coeur les intérêts de cette
société dans sa mission.
Ça ne nous empêche pas - et, là-dessus, je vous
dirai, M. le ministre, que j'ai rarement refusé une invitation à
aller débattre avec les collègues et les gens d'en face, du
côté patronal, un certain nombre de questions. Mais
l'institutionnalisation d'une conférence, à notre avis,
banaliserait la mission de la Société elle-même. C'est pour
ça que nous préférons plutôt, s'il y a des
opérations ad hoc qu'on peut faire, qu'on puisse le faire sur
invitation. Et je souligne, au passage, qu'il existe un autre organisme
où nous souhaitons, d'ailleurs, une certaine réforme, qui est le
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
M. Bourbeau: Mais qui ne relève pas de moi, M. le
Président.
M. Larose: Bien, techniquement, vous savez...
M. Bourbeau: En partie.
M. Larose: ... le ministre de la main-d'?uvre est quand
même aussi un ministre titulaire de cet organisme, mais il ne vient pas
souvent, je l'avoue.
M. Bourbeau: Ha, ha, ha! Disons que je vais plutôt à
la Conférence permanente et je laisse mon collègue, le
ministère du Travail...
Le Président (M. Marcil): Ça va?
M. Bourbeau: Est-ce que j'ai encore droit à une
question?
Le Président (M. Marcil): Une dernière question, M.
le ministre.
M. Bourbeau: Alors, je vais laisser parler l'Opposition et je
reviendrai à la toute fin.
Le Président (M. Marcil): Ça va. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Préskient. Alors, il me fait
plaisir de saluer la délégation de la CSN, Mme Lamontagne, M.
Lamarche et son président. Je reprends là où le ministre a
laissé. En fait, ça illustre bien le vide qui est
créé par l'absence d'un ministre de l'emploi. Moi, je ne
l'appelle pas «G-7», finalement, la Conférence, je l'appelle
le «club privé du ministre». Le ministre dit: Oui, il en
existe un comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais,
ça, c'est le club privé du ministre du Travail, et certainement
que le ministre de l'Industrie et du Commerce souhaite aussi le plus possible
se rapprocher quant à sa politique industrielle. Alors, là,
j'imagine que les présidents de centrale vont devenir des gens qui, pour
la majorité de leur temps, vont avoir à participer à des
comités mis en place par des ministres différents.
Moi, d'abord, je veux vous remercier et vous féliciter de votre
position sur la question des groupes cibles parce que, sans vouloir accabler le
mileu du travail, qu'il soit patronal ou syndical, II n'est pas sans reproches
à l'égard de cette question-là, sinon on n'aurait pas
besoin d'une approche systémique pour tenter de corriger une certaine
discrimination systémique qui s'est produite sur le marché de
l'emploi. Votre position, Je la trouve courageuse et je veux vous en
féliciter.
D'autre part, tout de suite, d'entrée de jeu, j'aimerais vous
signalez que, ce matin, le ministre ne vous en a pas parlé, mais, moi,
je vous dis qu'il était très fier d'annoncer au Conseil du
patronat que, pour la première fois, son projet de loi sanctionnait le
libre choix en matière de formation. Donc, il ne s'agit pas du tout
d'une dispensation de la formation professionnelle par le secteur public. Le
ministre dit, finalement,
qu'il va sanctionner exactement le contraire. C'est ce qu'il nous
indiquait, en fait, ce matin, d'une part. D'autre part, il ne s'agit pas non
plus d'une approche globale, que celle présentée dans
l'énoncé, parce que, encore une fois - et, ça, vous le
notez, d'ailleurs, dans votre mémoire, je pense que c'est aux pages 19
et suivantes - vous insistez pour qu'il n'y ait pas de clivage de
responsabilités selon la situation des personnes en regard du
marché du travail, selon qu'il s'agisse d'une personne qui a un
chèque d'assistance ou d'assurance-chômage, mais il y a aussi une
autre sorte de clivage.
Ce matin, par exemple, les gens des cégeps sont venus nous dire
que pour 75 % de la clientèle adulte à l'emploi, qui cherche dans
des programmes de recyclage et de perfectionnement, à temps partiel,
à améliorer, si vous voulez son sort professionnel, bien, ces
programmes-là sont en diminution budgétaire constante, les
programmes à temps partiel, ceux qui permettent à des individus,
de leur propre gré, si vous voulez, sans appartenir à un secteur
d'activité qui est identifié comme faisant partie de la grappe ou
sans appartenir à une entreprise qui, elle, a décidé
d'utiliser les services de la CFP ou sans être prestataire d'un
chèque ou de l'autre, là où il y a des programmes, parce
qu'il y a des filières possibles, mais c'est à temps plein. Pour
les travailleurs à temps partiel, ce qu'on est venu nous
démontrer ce matin, c'est que, contrairement à ce qu'on pourrait
penser, le recyclage et le perfectionnement à temps partiel diminuent
constamment, au point où if sera quasi inexistant. Est-ce que ces
fatts-Jà ont été portés à votre
connaissance?
Mme Lamontagne: Je pense qu'il y a deux questions qui sont
soulevées. Quand on parle de ceux ou de celles qui, volontairement, .
s'inscrivent à des cours pour essayer d'améliorer leur sort au
niveau de l'emploi, pour essayer d'avoir des promotions, etc., il y a de plus
en plus de personnes dans le milieu du travail qui, effectivement, ne
s'Intègrent pas dans un programme. Je pense qu'il y a deux
problèmes, deux difficultés majeures que rencontrent ces
personnes-là. Oui, il y a une baisse des ressources au niveau de
l'ensemble du système d'éducation, que ce soit au niveau
collégial ou au niveau secondaire. Il y a eu des coupures de ressources
assez importantes dans les dernières années. Donc, ça ne
permet pas d'adapter les programmes, ça ne permet pas de souplesse pour
faire en sorte que ceux qui travaillent, qui ont un horaire, s'inscrivent
à des programmes. (15 h 45) l'autre problème, on l'a aussi un peu
touché dans notre mémoire, c'est que les employeurs n'encouragent
pas non plus, financièrement ou par des types de congés, par des
crédits d'heures au niveau de leur travail. je parlais des
comités conjoints qui existent. les budgets des entreprises sont
très très minces, et ce, même dans le secteur public, dans
les affaires sociales ou dans le milieu de l'éducation. donc, ça
ne permet pas, par exemple, de dégager un horaire pour permettre
à des travailleurs d'y aller. ça ne permet même pas des
fois de payer la scolarité qui est nécessaire. ça, c'est
un problème qui est vécu. donc, c'est vraiment sur une base
personnelle que les gens doivent y aller, doivent se perfectionner.
Mme Harel: Même sur cette base personnelle, ce qu'on nous
indique, c'est que même quand les gens y consentent, qu'ils sont
même prêts à payer le cours, même là, à
temps partiel, il y en a de moins en moins de cours qui ne sont pas faits en
fonction de ce que l'entreprise a identifié comme étant ce dont
elle a besoin, avec des gens qui sont sélectionnés en fonction de
critères précis pour pouvoir être inscrits. Et, finalement,
sur la formation professionnelle... Parce que c'est de formation
professionnelle dont je vous parle. Je ne vous parle même pas de
formation de base ou de formation initiale, là on sait les
problèmes qu'il y a, mais c'est de formation professionnelle dont je
vous parle.
Dans votre mémoire, vous proposez, à la page 18, un
débat là-dessus. Vous dites: «Le milieu de
l'éducation devrait prendre l'initiative de cette consultation, en
coordination avec les parties concernées». Il s'agissait bien
là d'une consultation, pas seulement sur la formation professionnelle
des jeunes, mais des adultes également. C'est ce qu'il faut
comprendre?
Mme Lamontagne: oui et une consultation aussi sur l'ensemble de
ce qui est avancé dans le document de l'énoncé de
politique, c'est-à-dire qu'on parle d'élargir le régime
d'apprentissage à d'autres métiers que le secteur de la
construction, ce qui existe en ontario. on parle de plus en plus d'alternance
études-travail. on parie de plus en plus d'étendre la pratique
des stages de façon plus large qu'aux secteurs qu'on connaît. bon.
il y a toute la question de l'intégration, du problème de la
spécificité de l'éducation des adultes ou de
l'éducation pour ceux qui ne sont pas des jeunes. il y a des
problèmes aussi au niveau secondaire, surtout quand on a mixé les
deux vocations des systèmes d'enseignement. alors, c'est l'ensemble de
ce projet éducatif, parce que l'inquiétude, même la
question des stages, à la fois de ceux qui sont les enseignants et les
enseignantes et aussi de ceux qui ont à recevoir ces nouveaux
stagiaires-là, ils ont à discuter comment ça va se faire
puis comment ça va s'intégrer dans la formation.
C'est beau, je pense qu'il y a un objectif louable et ce qu'on recherche
nous aussi, c'est de rendre plus fonctionnels l'école et le milieu du
travail, mais il ne faut pas que ça se fasse tous azimuts, en important
toutes sortes de recettes qui existent dans d'autres provinces ou
dans d'autres pays. C'est l'ensemble de ça et ça comprend
aussi, évidemment, le problème que vous soulevez, à savoir
la difficulté des adultes qui sont déjà sur le
marché du travail d'aller chercher du perfectionnement ou même de
réorienter leur profession sur une base volontaire.
Mme Harel: Dans votre mémoire, à la toute fin, vous
dites: «une politique de main-d'oeuvre doit être plus qu'un strict
ajustement des qualifications et compétences de la population active aux
nouvelles caractéristiques du marché du travail et aux exigences
de la concurrence, de la productivité, etc.» Et vous terminez en
disant: «une politique de main-d'oeuvre doit viser une plus grande
équité au niveau social également». On en parle
très très peu. Vous avez dû prendre connaissance de
l'énoncé. En fait, l'énoncé est beaucoup
centré sur une adaptation. C'est comme si, trois ans plus tard, on avait
enfin la politique qui aurait dû être mise en place au moment du
libre-échange. C'est un peu cette politique d'adaptation des secteurs
qui sont exposés à la concurrence. C'est un peu de ça
dont... C'est surtout de ça, finalement, les secteurs qui sont en
pénurie ou qui ont besoin d'une main-d'oeuvre avec une compétence
relevée du fait de la concurrence et de la mondialisation des
marchés. Tout est beaucoup centré là-dessus, dans cette
approche. Même ce matin, le ministre nous a dit: Ici, ce n'est pas un
lieu pour faire un débat sur la formation professionnelle, c'est un lieu
pour faire un débat sur la formation de la main-d'oeuvre, centré
sur la pénurie, centré sur les secteurs aussi en déclin.
Alors, est-ce que ça vous semble suffisant, une approche comme
celle-là, un mandat ou une mission comme celle-là qui serait
attribuée à la Société?
M. Larose: Écoutez, globalement, le régime
nord-américain, qui a connu 30 ans de gloire parce que, rapidement,
ayant occupé et dominé au plan mondial, on en connaît
maintenant, depuis une dizaine d'années, toutes les limites. Le
régime nord-américain est en train de se faire déclasser
par les Allemands, par le Japon. Pourquoi il se fait déclasser? Parce
qu'il n'a pas su investir de façon systématique dans ses
ressources humaines, dans l'organisation du travail, dans des technologies qui
puissent devancer. Et, en fait, on hérite maintenant d'une culture qui
est déficiente, qui est insuffisante, notamment au niveau de la
formation tout court.
Moi, quand je vois qu'en moyenne les travailleurs allemands ont droit
à 170 heures de formation par année et que les Canadiens s'en
paient 2 heures, que 48 % des PME, c'est 0 heure, on court tout droit à
la catastrophe. Le drame, c'est qu'entre les partenaires le sentiment d'urgence
n'est pas le même. Le ministre se rappellera un peu les débats
qu'on a faits rien que pour essayer d'aménager potablement le programme
pour les itinéraires personnels: quelqu'un qui décide de se payer
lui-même de la formation professionnelle. Il voudrait se libérer
de son emploi sans le perdre, etc. Eh bien, je vous dis: On est encore à
l'âge de pierre avec nos employeurs là-dessus. Pourtant, ça
ne leur coûte pas un sou. C'est les travailleurs qui vont payer. Sauf que
même si c'est les travailleurs qui vont payer, eux autres, ils veulent
décider à la place du travailleur. Je trouve qu'ils prennent le
beurre à la pognée! Plus que ça, ils se tirent dans le
pied. Ils sont incapables de consentir un minimum de flexibilité.
Pourtant, c'est des gens qui vont nous faire des discours vibrants,
passionnés sur la flexibilité des autres. Mais quand vient le
temps de faire les vrais investissements, pour être capables comme
société de relever le défi de la
compétitivité, de la productivité, qui sont maintenant des
mots, je dirais, incantatoires dans leur discours, ils sont incapables
d'aménager un minimum de conditions pour le permettre aux individus qui
veulent se payer de la formation professionnelle.
Ceci étant dit, oui, collectivement, nous souffrons d'une
carence: d'inculture. Nous sommes victimes d'un régime qui doit
rapidement maintenant mettre les bouchées doubles s'il ne veut pas
sombrer davantage. J'insiste un peu là-dessus parce que là, on en
discute sur la formation professionnelle, mais, moi, je suis prêt
à revenir discuter avec vous autres de la révolution qu'on doit
faire en termes d'organisation du travail. Mais ça suppose que les
parties, et la partie patronale en particulier, reconnaissent les travailleurs
comme étant peut-être les principaux artisans du relèvement
économique, les principaux artisans d'une organisation du travail plus
efficace. Mais si c'est pour asseoir un autoritarisme et prolonger les
perspectives tayloristes d'une division du travail entre ceux qui pensent et
qui dirigent et ceux qui veulent exécuter, non, c'est vrai qu'on va s'en
aller tout droit à la catastrophe.
Mme Harel: Ici même, le débat autour de
l'énoncé et l'énoncé lui-même ne dit mot, par
exemple, sur la question de la sous-scolarisation, ne dit mot sur la question
de l'analphabétisme fonctionnel dans le milieu de travail, et il est
communément répandu que ce n'est pas de ça dont la
Société va s'occuper.
M. Larose: Oui, mais, ça, nous, c'est très
exactement nos perspectives. Nous, on veut un instrument où les
principaux partenaires vont être attablés et où la
matière sur laquelle ifs vont se pencher, ça va être une
matière large, y compris l'employabilité, l'intégration au
travail. Et, pour nous, ça suppose qu'on va se préoccuper de
l'analphabétisme ordinaire et de l'analphabétisme fonctionnel.
Bref... Enfin, je ne suis pas un spécialiste de ces questions-là,
mais on va se préoccuper d'équiper la main-d'oeuvre,
d'équiper
ceux qui sont capables de travail.
Mme Harel: Ça supposerait que vous obteniez le retrait
d'un certain nombre d'articles du projet de loi qui déterminent un
mandat très précis à la société en fonction
des programmes que souhaite le gouvernement.
M. Larose: Oui, oui.
Mme Harel: Parce que, déjà, les programmes ont
été regroupés. Vous les connaissez, c'est dans ces quatre
grands regroupements. Il y a très peu de place qui est laissée
aux travailleurs que vous pouvez représenter dans un secteur qui ne sera
pas les pâtes et papiers, par exemple. Vous savez, les travailleurs du
secteur des commerces ou... Une caissière de pharmacie,
d'épicerie ou un chauffeur de taxi, il n'y a pas de place dans
l'énoncé pour eux.
M. Larose: Mais vous aurez remarqué qu'on fait quand
même des propositions très précises, notamment pour
l'existence de comités sectoriels, enfin de regroupements sectoriels
pour qu'ils se préoccupent de ces questions de façon permanente,
pas seulement quand on est dans la dèche et que le secteur est tout en
train de se «décon-crisser». Qu'on ait des statégies
de moyenne portée, ça, c'est la proposition qu'on fait. Et on
pense que la Société, avec le monde qu'on mettrait autour de la
table et un mandat aussi large que celui qu'on définit, on pense qu'elle
est capable d'assumer cette fonction-là dans notre
société.
Mme Harel: Dans le mémoire, vous nous dites - et je crois
que c'est le seul mémoire où on parle du territoire que devraient
couvrir les services en région - à la page 30: «Beaucoup de
préoccupations s'expriment concernant le territoire que couvrent les
services en région.» Ce sont des préoccupations qui ont
été traduites, j'imagine, dans votre organisation, mais
j'aimerais vous entendre là-dessus parce que vous demandez que soit
précisée la division territoriale des sociétés
régionales.
M. Larose: Écoutez, c'est un problème qui n'est pas
typique à la loi 408, mais il y a un problème au Québec,
c'est que chaque ministère travaille sur ses territoires. Si on est dans
le transport, c'est 9; si on est en formation professionnelle, c'est 11; si on
est en santé, je pense que c'est 14; si on est dans l'administration
générale, c'est 16. Pour du monde qui veut faire de la
concertation, c'est déjà très compliqué de savoir
avec qui on va parler. Y aurait-il moyen qu'on découpe le territoire
d'une manière et que tout le monde travaille dans les mêmes
frontières? Même que ça nous complique la vie. Nous autres,
on est encore éjarrés sur 22, mais quand on fait le débat
sur les territoires, là, ça dépend du secteur dont on
parle. Il y en a qui veulent fonctionner avec les administrations, d'autres
avec la santé, d'autres avec l'éducation, etc. Je pense qu'il y a
un débat là. À un moment donné, il va falloir que
quelqu'un dise: C'est fini la récréation, on divise ça de
cette façon-là.
Mme Harel: Et le siège social, vous le voulez à
Québec ou à Montréal?
M. Larose: Attendez... Ça a été
débattu et ça a été laissé sur table chez
nous.
Mme Lamontagne: Déposé sur la table. Des voix:
Ha, ha, ha!
Mme Lamontagne: La proposition de dépôt a
été faite par Québec. Ha, ha, ha!
M. Larose: Montréal a proposé que ce soit
Montréal, mais Québec a proposé de le laisser sur table.
Alors vous arbitrerez notre débat.
Mme Harel: Ce ne sont pas les grandes questions qui sont toujours
les plus difficiles à régler finalement, non?
M. Larose: Mais on a dans le Code de procédure quelque
chose qui nous permet d'être moins long que vous autres,
c'est-à-dire qu'un «laisser sur table», ça ne se
débat pas.
Mme Harel: Et les licenciements. D'entrée de jeu, dans
votre mémoire, vous nous parlez de cette question. Le ministre est un
peu évasif dans son énoncé. Il dit qu'il va réviser
parce que, là, c'est simplement la partie FP qu'il révise de la
loi 69, mais tout le reste qui est anachronique est encore là, ça
n'a pas bougé. Alors, sur cette question de la révision de la Loi
sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre
concernant les licenciements, qu'est-ce que vous souhaitez? Dans quel sens
souhaitez-vous que le ministre légifère?
Le Président (M. Marcil): Ce sera votre dernière
question, Mme la députée.
M. Larose: II me semble que, précisément, on
déplore dans le mémoire qu'il n'en soit pas fait mention.
Mme Harel: Oui.
M. Larose: Ça, ça rejoint d'autres
préoccupations qu'on va avoir l'occasion de débattre dans le
cadre notamment de l'articulation des grappes et d'une réforme des
normes du travail. À un moment donné, oui, il va falloir
réviser l'ensemble de ces législations pour se donner une
cohérence stratégique pour assumer le mandat. (16 heures)
Mme Harel: Et une caisse d'indemnité?
M. Larose: Oui, une ou des caisses. Je vous dirai que c'est un
peu le débat qu'on aurait à faire. Moi, j'ai hâte qu'on ait
réglé la question constitutionnelle pour qu'on puisse
débattre l'ensemble de nos outils. Le jour où on aura
rapatrié l'ensemble de nos politiques de main-d'oeuvre, y compris la
caisse d'assurance-chômage... Là-dessus, je diverge de nos patrons
qui, eux autres... Ah! si c'est déficitaire! J'ai, des fois,
l'impression que c'est le syndrome Malenfant qui les a agressés: les
profits pour moi et les pertes pour les autres! Il me semble que lorsqu'on
décide d'assumer ses responsabilités, on tes assume totalement.
Donc, rapatrions l'ensemble des instruments, l'ensemble des politiques,
l'ensemble des juridictions et, à ce moment-là, on se donnera une
cohérence pour que tout ce qui est support au revenu puisse être
combiné dans des stratégies actives, notamment en formation
professionnelle, mais vraisemblablement aussi en recyclage ou autres
politiques.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée. M. le ministre, il vous reste quatre minutes.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. On vient de parler du
fonds de licenciement collectif ou d'une législation en matière
de licenciement collectif. C'est vrai qu'on n'a pas revu ça au
Québec depuis... Enfin, on n'a pas révisé cette Loi sur la
formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. Ce n'est
pas parce qu'on a chômé depuis une couple d'années.
Après avoir réformé l'aide sociale, on a quand même
réformé, après ça, les régimes
supplémentaires de rentes, la Loi sur les normes du travail. Maintenant,
on est dans la main-d'oeuvre. Il ne faut pas se décourager, on les prend
un par un. C'est un dossier important, je le reconnais, et il va falloir que le
Québec se dote d'une législation un peu plus moderne à ce
sujet-là. Je peux vous assurer qu'on n'est pas indifférents a
ça du tout.
Je voudrais revenir sur certains points qui ont été
débattus tout à l'heure. La question du monopole de la formation,
si vous voulez, que certains voudraient voir donner au système
d'enseignement public québécois. J'ai dit que, dans le document
d'orientation, on sanctionne à l'égard des entreprises le libre
choix du formateur. Ça nous apparaît une politique correcte parce
que, premièrement, les entreprises forment souvent leurs travailleurs
elles-mêmes sans aucune subvention. On serait assez malvenu de leur
imposer des formateurs quelconques.
D'autre part, parfois, les entreprises vont faire appel au crédit
d'impôt à la formation, par exemple. C'est encore elles qui
paient. Elles paient mais, éventuellement, elles peuvent, dans leur
rapport d'impôt, réclamer le remboursement d'une certaine partie
des frais. Là, on pourrait peut-être insister pour qu'on n'utilise
que des formateurs du réseau public. Mais il nous est apparu, encore
là, que ce qui compte, dans le fond, c'est que l'entreprise se sente
à l'aise avec le formateur, qu'on aille vers le meilleur formateur
possible. Pour moi, ce qui est important, c'est qu'on ait le meilleur
formateur, quel qu'il soit. Bien sûr, si on a le choix entre deux
formateurs d'égale qualité, je serais toujours porté
à donner la préséance au formateur qui fait partie du
réseau public parce qu'on investit là-dedans. C'est la
philosophie qu'on a adoptée à l'égard des individus.
Là, c'est vraiment le formateur public qui est privilégié.
On a notre priorité au réseau public d'éducation,
«public» s'entendant tout ce qui est subventionné. Ça
peut être des formateurs privés, publics, reconnus
d'intérêt public. Bref, c'est la politique du gouvernement en
cette matière-là. Moi je continue à dire que ce qui est le
plus important, c'est d'avoir le formateur le plus compétent et à
des coûts raisonnables. Je fais confiance au secteur public qui est
là, qui a des équipements tout payés, fournis par
l'État. Donc, ça lui donne une situation concurrentielle
importante par rapport à des formateurs privés qui auraient
à se doter eux-mêmes, à leurs propres frais,
d'équipement.
Je voudrais revenir aussi sur l'affirmation à l'effet que nous
diminuons les budgets à l'égard de la formation des individus. Il
faut bien réaliser qu'on n'a pas des milliards de dollars à
dépenser dans la formation au Québec. On n'est pas le
gouvernement fédéral. Notre déficit n'est pas de 31 000
000 000 $ au Québec. On est quand même limités un peu dans
nos fonds. C'est pour ça, qu'au ministère de la Maln-d'oeuvre, on
concentre nos effectifs, nos ressources sur la formation qui mène vers
le marché du travail. C'est notre vocation comme ministère de la
Main-d'oeuvre. Si un chauffeur de taxi décide, par exemple, de prendre
des cours qui vont dans le sens de perfectionner son travail, j'en suis. S'il
décide de prendre des cours, je ne sais pas, moi, de littérature,
je n'ai pas d'objection, mais je ne veux pas que le ministère, chez
nous, subventionne ça. Si vous avez un technicien qui décide de
prendre des cours de coupe de viande pour meubler ses week-ends, ce n'est pas
notre «bag», comme on dit. On ne subventionnera pas ce genre de
formation là. Si c'est pour perfectionner son métier ou permettre
de mieux vaquer à ses occupations professionnelles, on y est. C'est la
nuance qu'on doit faire.
Là-dessus, je dois dire que nous avons prévu un programme
spécifique pour les individus, dans la refonte de nos programmes. Nous
aurons un programme qui va s'adresser uniquement à la formation des
individus. Donc, je pense qu'on ne peut pas dire qu'on entend négliger
la formation individuelle.
Finalement, il y avait aussi un autre...
Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le
ministre.
M. Bourbeau: Oui, je voudrais parler d'un autre point, en
terminant. C'est qu'on ramène toujours, du côté de
l'Opposition... On me fait dire que j'aurais déclaré qu'ici on
n'est pas intéressé - je ne veux pas vous mettre les mots dans la
bouche - à la formation professionnelle. J'ai dit, et je le
répète, que, pour nous, le débat qu'on fait
présentement, ce n'est pas le débat de l'enseignement au
Québec, y compris, bien sûr, l'enseignement professionnel.
L'action de scolarisation, ce n'est pas l'objet de la commission parlementaire
qu'on a devant nous. Je ne dis pas que l'enseignement au Québec est
parfait, on peut porter des jugements sur la qualité de l'enseignement -
je ne le ferai certainement pas cet après-midi - on peut se poser des
questions.
Il y aura certainement lieu de faire un débat sur l'enseignement
au Québec, éventuellement. Après 25 ans du système
dans lequel nous évoluons présentement... D'ailleurs, c'est,
cette année, le 25e anniversaire de la fondation des cégeps.
Alors, c'est un bon temps pour en parler. Mais qu'est-ce qu'on fera? Il est
évident qu'il va falloir regarder, à un moment donné, la
façon dont l'enseignement professionnel est administré, les
structures de l'enseignement professionnel. Autant de sujets qu'il faudra
regarder, mais ce n'est pas ici, aujourd'hui, notre propos.
Je ne voudrais pas qu'on glisse vers un débat sur l'enseignement
au Québec. C'est pour ça, d'ailleurs, que je résiste
à ça énergiquement parce que, là, on va se noyer
littéralement dans des considérations qui vont nous faire oublier
l'objet du document qu'il y a devant nous, et qui est l'adaptation de la
main-d'oeuvre. C'est pour ça que je tiens à faire ces mises au
point régulièrement. Moi, je suis partisan du règlement
des problèmes un par un. Je voudrais bien les régler dans
l'ensemble, mais je sais que ça fait 25 ans, au Québec, qu'on en
parle et qu'on n'arrive pas à régler tous les problèmes en
même temps. Alors, aussi bien les prendre un par un. Là, on en a
un, problème, qui est bien circonscrit, et on a des solutions
concrètes à proposer. C'est pour ça que je
m'évertue à tenter de faire ces distinctions. Je vous
remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre, c'est
tout le temps que nous avions.
Mme Harel: Peut-être une réaction, là.
Le Président (M. Marcil): Malheureusement, on a
déjà dépassé notre heure...
Mme Harel: Non...
Le Président (M. Marcil): ...on aura toujours
l'opportunité de le faire.
Mme Harel: ...je ne parle pas de la mienne, j'aurai l'occasion
d'en... C'est parce que là, c'est plus, M. le Président...
Le Président (M. Marcil): Non, Mme la
députée...
Mme Harel: Je parle d'une réaction de nos
invités.
Le Président (M. Marcil): ...sans ça, M. Larose va
répliquer. Ensuite, vous allez répliquer, on va répliquer.
Donc, on a déjà dépassé notre temps. Je vous
remercie, M. Larose, au nom de la deputation, membres de cette commission, de
même que les gens qui vous accompagnent. Soyez assurés que les
propositions, recommandations faites dans votre mémoire seront
particulièrement étudiées. Donc, nous allons suspendre
pour une minute. Nous invitons immédiatement l'Union des producteurs
agricoles, dont M. Jacques Proulx est le président-directeur
général.
(Suspension de la séance à 16 h 9)
(Reprise à 16 h 11)
Union des producteurs agricoles
Le Président (M. Marcil): Nous reprenons
immédiatement nos travaux. M. Proulx, nous vous souhaitons la bienvenue
à cette commission parlementaire. Nous savons que vous êtes devenu
un habitué des commissions parlementaires, compte tenu que l'Union des
producteurs agricoles a pris une place prépondérante dans notre
société. Si vous voulez nous présenter les personnes qui
vous accompagnent, ensuite, vous pourrez procéder immédiatement
à l'exposé, en synthèse, si vous voulez, de votre
mémoire, compte tenu que tout le monde l'a lu. Ensuite, on pourra
procéder aux échanges.
M. Proulx (Jacques): Merci bien, M. le Président. Alors,
je vous présenterai M. Gilles Besner qui est directeur de la DDO, la
Direction développement organisationnel à l'UPA, et M. Pierre
Rhéaume qui travaille au service de l'éducation et de la
formation. Il est responsable, entre autres, de toute la question de la
formation de la main-d'oeuvre, etc. alors, m. le ministre, mesdames et
messieurs, je voudrais vous remercier, dans un premier temps, de nous donner
l'occasion de se faire entendre devant vous dans le cadre de cette consultation
générale sur le document intitulé «partenaires pour
un québec compétent et compétitif» et sur le projet
de loi 408, loi sur la société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre.
Très rapidement, je présenterai l'organisme que je
représente, qui est l'UPA et qui, en fait,
depuis 1972, est accréditée par une loi gouvernementale
pour représenter l'ensemble des producteurs et productrices agricoles
qui sont au nombre de 48 000. La Fédération des producteurs de
bois aussi, qui est affiliée à l'UPA, regroupe quelque 120 000
propriétaires forestiers, dont 35 000 sont également producteurs
agricoles.
Le rôle de l'UPA, c'est évident, c'est de défendre
et de promouvoir les intérêts économiques, sociaux et
moraux des producteurs et productrices agricoles du Québec. Ses
structures, c'est 180 syndicats de base, 16 fédérations
régionales, 145 syndicats spécialisés et 17
fédérations spécialisées. Plus de 90 % de nos
membres participent à plus de 20 plans conjoints, c'est-à-dire de
mise en marché collective. En 1991, les recettes monétaires du
secteur agricole se sont situées à 3 700 000 000 $.
La profession de producteur ou de productrice agricole, comme toutes les
autres, n'échappe pas à la nécessité de
l'élaboration, l'adaptation et l'acquisition de connaissances nouvelles.
Posséder les outils techniques nécessaires à sa
profession, en suivre l'évolution et mieux saisir la nouvelle
réalité socioéconomique exigeront toujours des ajustements
et du recyclage. La possibilité d'accès à des
activités de formation professionnelle formelle et surtout
créditée est d'autant plus nécessaire. Ces mêmes
possibilités doivent être fournies à la travailleuse et au
travailleur agricole salarié qui doit avoir les moyens d'augmenter son
niveau de compétence. Nous, agriculteurs et agricultrices du
Québec, nous participons à part entière au
développement de la société québécoise; nous
voulons y jouer un rôle actif. Comme toute la société
québécoise, nous sommes confrontés au défi de
composer avec un nouvel environnement économique à
l'échelle de la planète.
Le libre-échange, le GATT, nous en vivons les conséquences
aux premières lignes. Nos entreprises doivent déjà
gérer le changement. Il nous faut prévoir les conséquences
financières sur nos fermes des modifications qui seront introduites au
niveau des politiques agricoles mondiales. Le meilleur moyen pour continuer de
nous développer et augmenter notre compétitivité est de
nous inscrire dans un processus de formation continue, d'augmenter nos
capacités de gestionnaires, d'améliorer notre formation
professionnelle.
Pour prévoir et répondre aux nouveaux besoins de nos
entreprises, il faudrait que l'offre de formation puisse répondre
à notre demande. À ce titre, l'énoncé de politique
sur le développement de la main-d'oeuvre contient, pour le secteur
agricole, beaucoup plus de facteurs d'exclusion qu'une réelle
volonté de nous y inclure. Comment s'harmonise l'énoncé de
politique avec les nouvelles stratégies de grappes industrielles et de
développement régional ainsi qu'avec l'actuel projet
d'éducation ne nous apparaît pas très clair.
Avant de trouver une solution économique au développement
du Québec, il faudrait trouver une solution humaine à
l'enrichissement de notre société. Il ne s'agit pas que de mettre
des structures en place, il faut qu'elles soient soutenues par un projet
collectif. Ces structures doivent être démocratiques et permettre
à chacun de participer au développement de son secteur
économique et de sa région.
Le fonctionnement actuel des commissions de formation professionnelle
nous permet de le faire. Nous croyons que les comités consultatifs
régionaux doivent être maintenus pour garantir que l'offre de
formation s'orientera en fonction des besoins régionaux. La
concentration de pouvoirs qui risque de s'opérer dans le cadre de la
réforme proposée n'est pas acceptable pour le secteur agricole.
Le pouvoir d'intervention politique du ministre dans la définition
même des orientations de la future Société
québécoise de développement et l'emprise grandissante de
l'appareil bureaucratique sur le fonctionnement de la Société
sont un net recul selon nous. Pour chaque entreprise agricole dont le
développement et la rentabilité se concrétisent et
augmentent, il y a des hommes et des femmes, agriculteurs et agricultrices, qui
s'impliquent au niveau régional dans des comités consultatifs
régionaux, qui sont membres de conseils d'administration, de commissions
de formation professionnelle. L'agriculture y a sa place comme un
véritable partenaire.
Nous ne sommes pas intéressés à n'être que
des spectateurs, comme d'autres groupes d'ailleurs; je pense ici, entre autres,
aux travailleurs non regroupés, aux chômeurs, aux
bénéficiaires de l'aide sociale et à toutes les
catégories de travailleurs qui sont exclus de l'actuelle réforme.
La composition du conseil d'administration de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre ressemble
beaucoup trop à un club privé. On y retrouvera un petit groupe
d'organismes gouvernementaux, patronaux et syndicaux qui vont avoir la
prétention de définir les besoins des régions et des
industries.
Il ne nous a pas été long à comprendre que, pour
être un véritable partenaire dans l'actuel énoncé,
il faut être membre - avec toutes les réserves qui s'imposent,
j'en al mentionné quelques-unes - du conseil d'administration de la
future Société. Sinon, vous devez vous contenter d'être un
spectateur, d'être un souffleur dans l'oreille d'un autre. La
Société pourra vous imposer un tarif pour ses services. Vous
devez financer 50 % du coût de votre formation et vous n'avez pas droit,
comme agriculteur ou agricultrice, au crédit d'impôt remboursable
aux entreprises.
Pour ce qui est des quatre programmes simplifiés qui seront
disponibles dès la mise en place de la réforme, nous avons
été incapables d'obtenir une réponse quant à leur
accessibilité pour les agriculteurs et les agricultrices. Si c'est cela
la définition d'un partenaire, dans le cadre
de l'énoncé de politique, nous n'arriverons pas à
nous entendre. pour nous, être partenaire signifie être partie
prenante au processus décisionnel quand les décisions qui sont
prises ont un effet direct sur l'avenir de nos entreprises, surtout dans le cas
des changements radicaux qui devront être opérés au cours
des prochaines années. le volet le plus important de
l'énoncé de politique doit être du côté
humain. il doit faire une grande place aux hommes et aux femmes qui font le
québec économique d'aujourd'hui et de demain. la
société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre ne doit pas se réduire à n'être qu'un club
privé. elle doit avoir un effet mobilisateur valorisant sur l'ensemble
de notre société. l'agriculture doit y avoir sa place comme elle
doit ouvrir la porte à tous les exclus de l'actuel projet. quand on veut
élever une société au rang des nations les plus
compétitives du monde, on ne peut favoriser 40 % des travailleurs au
détriment des autres 60 %. une véritable politique de formation
professionnelle doit s'ouvrir à toutes les réalités qui
composent la société québécoise. nous croyons que
l'agriculture jouera un rôle important dans l'avenir de cette
société, et nous ne demandons rien d'autre que la justice et
notre juste part. merci, m. le ministre et m. le président.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président de l'UPA, M. Proulx, je vous remercie de votre exposé.
Maintenant, je vais reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président, il me fait plaisir de
saluer les représentants de l'Union des producteurs agricoles, son
président, d'autant plus que j'ai l'honneur d'être un de leurs
membres, un des rares autour de cette table, j'en suis convaincu. N'est-ce pas,
M. le député?
M. le Président, dans le projet de loi, à l'article 5, on
dit: «Les affaires de la Société sont administrées
par un conseil d'administration composé de dix-neuf membres, dont un
président. «Le gouvernement nomme le président. Il nomme
également: - et là, on le dit - «1° six membres
après consultation des associations de salariés les plus
représentatives».
Alors, ma question: Est-ce que vous vous considérez comme une
association de salariés parmi les plus représentatives?
M. Proulx: Je vous ai déjà donné une
réponse à ça, M. le Président. Nous sommes un peu
tout: nous sommes des patrons, nous sommes des salariés. On a certaines
difficultés. Je vous dirai - je pense que vous le savez - que je ne suis
pas très très à l'aise avec le patronat. Je pense que je
ne serais pas tellement a l'aise, non plus, d'être avec un autre syndicat
d'ouvriers.
Pas mal à l'aise dans le sens d'être honteux, mais je ne me
sentirais pas...
Je pense que les agriculteurs et les agricultrices sont une classe un
peu spéciale en ce sens qu'ils sont des entrepreneurs, des
propriétaires de petites et moyennes entreprises. Ils gèrent des
budgets de plus en plus importants, mais qui, en même temps, à
cause de la nature de la structure qu'on a développée, en sont
les travailleurs et les travailleuses.
Alors, c'est pour ces raisons-là que je continue à vous
dire qu'on doit être représenté, qu'on doit être
spécifié à l'intérieur de ça. On ne doit pas
être mis dans un tout qui ne tiendra pas nécessairement compte des
Intérêts qu'on peut représenter au niveau du Québec.
N'oublions pas que l'agriculture est la base du secteur le plus important au
Québec. SI vous n'aviez pas d'agriculteur ni d'agricultrice, ce
secteur-là existerait, mais il n'existerait pas avec la force qu'il a
aujourd'hui.
M. Bourbeau: Je suis d'accord avec vous que c'est un secteur
extrêmement important. Vous me dites que vous n'êtes pas tout
à fait à l'aise non plus avec le secteur des associations
d'employeurs. Mais, à ce moment-là, votre syndicat est
plutôt un syndicat d'employeurs que de salariés, si je comprends
bien.
M. Proulx: C'est sûr qu'on est davantage un... Non, on
n'est pas un syndicat d'employeurs. On a beau être régis par une
loi, la Loi sur les syndicats professionnels... On n'était pas pour se
mettre à faire 36 lois au Québec pour tenir compte... Ce n'est
pas là qu'est le problème, c'est qu'en utilisant une loi qui
existe au Québec pour régir et pour se donner une structure... On
est un cas assez spécial qui compose avec ça, mais qui n'est pas
si particulier. Vous pouvez avoir des employés de la construction, des
plombiers ou, d'un autre côté, des propriétaires de
moyennes et grandes entreprises d'ordre général.
M. Bourbeau: Si on réussissait à vous incorporer -
je mets ça au conditionnel - parmi les membres de la
Société québécoise, est-ce que vous abandonneriez
le qualificatif de club sélect à ce moment-là?
M. Proulx: Pardon?
M. Bourbeau: Si on faisait...
M. Proulx: Si je continuerais à dire que c'est un club
sélect?
M. Bourbeau: Ha, ha, hal
M. Proulx: Si vous incluiez uniquement nous autres, je
continuerais à dire qu'on vient d'intégrer un club sélect.
Je vous l'ai dit, j'ai ouvert
beaucoup plus grand que ça, M. le ministre. J'ai dit que je
déplore qu'on n'y soit pas. C'est sûr que je suis là pour
le faire, on me paye pour ça. Mais, en même temps, je vous dis que
je trouve malheureux qu'une bonne partie de notre société,
c'est-à-dire ceux qui ne sont pas organisés... Les
chômeurs, c'est eux autres qui ont besoin de l'avenir, encore plus que
ceux qui ont une job à l'heure actuelle, on les ignore. Les
«bien-être social», on les ignore. On dit: On va penser
à vous autres. Alors, oui, je ferais partie du club sélect et je
continuerais à dire que c'est un club sélect. Je serais tout de
même un petit plus heureux parce que j'en ferais partie là,
mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Oui. C'est bien sûr qu'on ne peut pas
élargir à l'infini les cadres d'un conseil d'administration. Tout
le monde nous dit que plus c'est gros, moins c'est efficace. Donc, à un
moment donné, il faut quand même que ce soit à une
échelle qui permette cette efficacité-là.
Maintenant, si on revient à votre mémoire, vous affirmez
d'entrée de jeu que le secteur agricole est négligé dans
le document d'orientation. Par contre, vous vantez pas mal les mérites
des conseils consultatifs régionaux qui sont présentement en
place à la base de nos commissions de formation professionnelle. Vous
semblez supposer que, dans la nouvelle loi, les CCR, les comités
consultatifs, seraient abolis. Or, l'énoncé de politique ne
prévolt, à ma connaissance en tout cas, rien de tel, mais laisse
plutôt cette question aux conseils régionaux. On laisse ça
facultatif un peu aux conseils régionaux de maintenir ou non des
comités consultatifs. Quant à moi, je pense que la
présence de ces comités consultatifs régionaux est
très importante et qu'on devrait les conserver, que les régions
devraient les conserver. Maintenant, je vous pose la question suivante: Est-ce
que vous croyez que la loi devrait rendre ces comités consultatifs
régionaux obligatoires, notamment dans le secteur agricole? Si oui,
quels seraient le rôle et les pouvoirs de ces comités consultatifs
régionaux?
M. Proulx: Je demanderais à Gilles Besner de
répondre, parce qu'il s'occupe d'une façon plus
particulière de cette partie de dossier.
M. Besner (Gilles): Je pense que la question est cruciale. On
l'aborde dans le mémoire. Le rôle des comités consultatifs.
Ils ont le rôle concret d'aller identifier les besoins de formation et de
faire les recensements, mais ils ont trois grandes fonctions qui sont
différentes ou qui risquent d'être différentes. Vous l'avez
dit, ils ne sont pas exclus par la loi, nommément par la loi, mais ils
ne sont pas prévus non plus. C'est-à-dire que c'est possible de
le faire, ça reste à la discrétion des futures
sociétés régionales. C'est là qu'on s'interroge
parce qu'il y a trois grands rôles qui revenaient aux CCR, tels qu'on les
connaît actuellement. Ça ne veut pas dire que tout est parfait.
Nous, ça nous a pris comme deux ans avant de s'ajuster, le secteur
agricole, pour trouver notre place dans les CCR, compte tenu du modèle
paritaire qui est toujours existant sur toute la ligne.
On est pris avec à la CSST, on est pris avec partout où on
va, dans le fond, surtout dans le bout de vos responsabilités. On est
toujours coincés de la même manière. De tous les ministres
avec qui on a jasé - vous n'êtes pas le premier - et
indépendamment des partis, on a respecté la volonté des
ministres de ne pas ouvrir la loi pour ne pas briser le modèle paritaire
qui avait été négocié au début des
années soixante-dix, patronal et syndical. On a réussi à
composer là-dedans, on a réussi à trouver, et les CCR sont
devenus une espèce de terrain de compromis où on les organisait
pour que ce soit fonctionnel au niveau des régions, mais avec toutes
sortes d'aberrations. C'est-à-dire qu'on décrétait une
partie employeur et une partie travailleur, et il fallait voir ce que ça
donnait rendu au bout de la ligne. Il ne fallait pas que ça passe au
peigne trop fin.
Dans ce sens-là, on dit: La loi est ouverte, profitons-en pour
nous faire une place, à ce moment-là, dans ce
décor-là. Les rôles essentiels d'un CCR, c'est, entre
autres, de garantir. En étant obligés de les avoir, les CCR,
ça garantit à des regroupements plus spécifiques de
différentes natures - c'est vrai pour nous autres, mais ça peut
l'être pour d'autres - une espèce de lieu garanti à
l'intérieur des sociétés régionales. C'est aussi
l'espèce de garantie de démocratie qui existe pour les
sociétés, dans le fond, comme ça existe pour les CFP
actuellement.
Le conseil d'administration émerge, dans le fond, des membres qui
aboutissent dans les CCR. Ça, ça garde la garantie de rester
connectés avec le milieu en même temps que c'est une garantie de
démocratie aussi qu'on offre actuellement aux CFP, et qui va
disparaître avec les sociétés régionales. Même
si la société se donne des CCR, elle peut les faire
disparaître, elle peut les remettre en place. Elle n'est plus liée
- comme actuellement les CFP sont liées par la loi - et ça
crée une espèce de bassin pour constituer le conseil
d'administration. Ça garantit un lien avec le milieu, un lieu
d'expertise et une garantie de démocratie à l'intérieur de
ça. Mais tout ça, il faut le resituer dans l'ensemble de la loi
où il y a des pouvoirs qui appartenaient aux CFP qui vont être
rapatriés par le ministre dorénavant.
M. Bourbeau: Oui. Bien sûr, quand on fait des changements,
II y a des choses qui changent et la société évolue. Je
reconnais qu'il y a des changements dans la loi par rapport à la
situation actuelle. Tout n'est pas parfait, non plus, dans la situation
actuelle. On fait une réforme,
mais je considère, moi aussi, que les comités consultatifs
régionaux jouent un rôle important et qu'on devrait continuer
à les conserver et à les consulter puisque, de toute
façon, leur but premier c'est d'être consultatifs.
Une dernière question. Comment voyez-vous, vous, la formation du
conseil d'administration de la Société puisque vous dites que
vous aimeriez qu'on y fasse entrer d'autres organismes? Actuellement, on le
construit sur le mode tripartite, un peu à l'échelle de ce qu'on
a pu voir dans les pays où ça fonctionne extrêmement bien,
comme en Allemagne, dans les pays Scandinaves, par exemple,
patronat-syndicats-gouvernement. Pourriez-vous nous donner une idée de
la façon dont, vous, vous verriez l'architecture de cette
société? (16 h 30)
M. Proulx: Écoutez, M. le ministre. Un peu partout, on a
beaucoup de beaux discours. C'est toujours assez simple,
particulièrement ces années-ci, quand on a une pensée...
On est très ouverts à donner de l'espace à à peu
près tout le monde, dans le discours. Quand on arrive pour mettre en
application, on a toujours beaucoup de facilité à trouver des
raisons pour ne pas inclure tout le monde. On parle énormément de
partenariat, mais c'est quoi, du partenariat?
À mon avis, du partenariat, c'est vraiment impliquer toutes les
forces qui peuvent exister dans notre société. C'est de les
mettre à contribution, de responsabiliser. C'est à partir de
ça qu'il faut former un conseil d'administration ou qu'il faut le former
pour aller chercher toutes les idées nécessaires, toute
l'expertise dont on a besoin et, surtout, mettre en place la possibilité
des gens de s'impliquer. Je suis d'accord qu'on regarde ce qui peut se faire
ailleurs, je suis d'accord qu'on essaie d'en tirer le meilleur parti possible,
mais arrêtons d'avoir peur d'avoir des idées nouvelles,
d'inventer, d'inventorier des choses nouvelles.
Vous parlez de partenariat dans ça, mais je me demande pourquoi
la peur de ne pas vouloir faire de véritable partenariat et de donner
l'occasion à cet ensemble de personnes de discuter, échanger,
mettre de l'avant des nouvelles choses, des nouvelles formes, ainsi de suite.
Pour ça, vous avez besoin de tout le monde au Québec. Ce n'est
pas le fait de rapatrier des pouvoirs d'Ottawa ou des sommes d'argent d'Ottawa
que ça va donner la science infuse à quelques personnes.
Dans mon langage, je dis souvent: être mordu par un chien ou par
une chienne, ça fait mal, ça. Tu es mordu. Je pense qu'il ne faut
pas oublier que parce qu'on rapatrie, on va devenir, à un moment
donné... On va recevoir le Saint-Esprit un peu comme à la
Pentecôte. Ce n'est pas ça qui va arriver. On continue un peu avec
le même modèle, les privilégiés. Là, je tiens
à m'expliquer. Je ne veux pas exclure ceux qui sont là à
l'heure actuelle, bien loin de ça. Mais je ne veux pas que ceux qui sont
là parlent à ma place, parce que j'ai des choses à dire.
Je suis certain que les chômeurs ont des choses à dire que, moi,
je ne peux pas dire pour eux autres, puis que Gérald Larose, qui y
était avant moi, peut dire pour eux autres. Les assistés sociaux
ont aussi des choses à dire. Arrêtons d'avoir peur de les
écouter. Donnons-leur un espace, une place, une tribune - pas une
tribune en arrière où ils attendent leur tour avec un
numéro pour venir parler - en avant. Puis, vous allez voir que vous
allez en trouver des idées de ça. Ce ne sera pas si
dérangeant que ça. Ce ne sera pas si dangereux que ça, M.
le ministre.
Là, vous mettez le vieux modèle retapé en place.
C'est ça que vous faites. C'est uniquement ça que vous faites. Tu
as la vieille auto, mais elle est reluisante, tu lui a donné une bonne
peinture. Tu as modelé quelque affaire. Vous ne changerez rien avec
ça, M. le ministre, parce que vous allez continuer à laisser en
place l'agressivité de certains groupes. Donnons de la fierté
à notre monde, puis il va en faire des choses.
Je ne vous dirai pas qu'il faut que vous en mettiez 10 d'une sorte, puis
3 de l'autre. Je vous dis: Soyons Imaginatifs et utilisons les forces qu'on a
au Québec. N'en laissons pas de côté. C'est peut-être
bien du gouvernement que vous êtes trop, je ne sais pas. S'il n'y a plus
moyen de mettre plus que ça, essayons de faire un autre
«mix».
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, si
vous voulez réagir, brièvement.
M. Bourbeau: Avant de passer la parole au député de
Berthier, il reste quand même une chose, M. Proulx. Il faut être
pratique. On ne peut pas amener 75 personnes dans un conseil d'administration
parce qu'elles représentent des groupuscules ou des groupes bien
importants de la société. Il faut se limiter à quelque
chose. Alors, on a aménagé des lieux pour entendre et consulter
les groupes. Vous parlez des assistés sociaux, je peux vous en parler.
Je connais bien ce secteur puisque j'en suis responsable. On a
créé, nous, au ministère, la Commission consultative des
groupes d'assistés sociaux, justement. On se réunit
régulièrement, à peu près tous les mois, avec eux
pour les consulter. On met les problèmes sur la table avec eux, puis on
trouve des solutions. Alors, moi, je suis très à l'aise de vous
dire qu'on les consulte régulièrement. Ils participent à
des séances où on évoque tous les problèmes, et on
tente de trouver des solutions. Cependant, je ne peux pas les amener à
tous les conseils d'administration qu'il y a au gouvernement. Il faut
être pratique aussi. M. le Président.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): très bien. je
vais reconnaître le député de berthier. si vous n'avez pas
d'objection, m. proulx pourra peut-être réagir en même temps
à la première
question du député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. Permettez-moi de saluer
les gens de l'UPA, un secteur que je connais très bien. Vous dites, dans
votre mémoire, que les programmes de formation de la main-d'oeuvre ne
sont généralement pas accessibles aux producteurs agricoles. Vous
donnez l'exemple des mesures s'adressant aux licenciements collectifs. Vous
dites, pourtant, que les besoins existent puisque de nombreuses fermes
disparaissent chaque année. Vous avez raison là-dessus. Comment
pourrait-on intervenir pour aider ces producteurs à se recycler dans
d'autres domaines? Comment pourrait-on adapter la formule des comités de
reclassement au secteur agricole? C'est ma première question.
M. Besner: Dans le fond, on est toujours dans le même bout
du problème, là. Ce qu'on vous signale dans le mémoire,
c'est l'aspect massif ou l'aspect spectaculaire. Si on écoute les
mêmes nouvelles à tous les soirs, quand Petro-Canada ou Esso
annonce une fermeture d'usine, ça va à coups de 300, à
coups de 1500. C'est spectaculaire. Dans le monde agricole, c'est un à
un qu'ils disparaissent. Ils font un encan ou ils s'en vont ailleurs. C'est un
à un. Souvent, même, pour nous, ce n'est pas facile de les
regrouper. Dans le fond, ils ne sont plus membres, chez nous. C'est tout
ça qu'on essaie de poser comme problématique. Comment faire en
sorte de réussir à trouver les mécanismes, justement, pour
récupérer ce monde-là, pour trouver une espèce de
mécanisme collectif pour être capable de les
récupérer et de leur donner une voie quelque part? Parce que un
par un, ils n'en ont plus de voie. Ils se perdent dans des masses, soit
d'assistés sociaux, soit de chômeurs.
Dans le monde agricole, à moins d'avoir été
organisé en société ou en compagnie, et d'avoir
été salarié de l'entreprise, tu n'as même pas
accès au chômage. On se dit, à ce moment-là: Comment
va-t-on faire pour que ce monde-là... Il y en a, des disparitions de
fermes. Si on regarde aller toutes les négociations actuelles sur le
GATT, on peut en anticiper encore d'autres dans l'avenir. On dit: Ce
monde-là, il n'est pas ni mieux ni pire que le monde ouvrier à
Montréal, sauf qu'ils disparaissent un par un des villages et, souvent,
on ne le sait pas. On veut s'organiser pour le savoir et, dans les prochaines
années, on va savoir où ils sont, où on les amène,
avec qui on va jaser là-dedans.
M. Houde: Pour compléter votre réponse, quand vous
dites que, dans certains coins, on a des cultivateurs qui disparaissent, c'est
vrai jusqu'à un certain point. Mais, d'un autre côté, je
pense que dans d'autres coins, c'est nécessaire qu'ils se regroupent.
Quand ils disparaissent, c'est parce que c'est d'autres producteurs qui ont
acheté leurs fermes. Ils se regroupent pour être plus efficaces,
pour faire face à la compétition et devenir encore plus
efficaces. Je pense que c'est ça, dans l'agriculture.
M. Besner: Ça, je n'ai pas de problèmes avec
ça. C'est un discours qu'on connaît bien.
M. Houde: O.K.
M. Besner: Mais, ça, ça ne répond pas
à la question. Celui qui est plus efficace, il reste membre chez nous et
on s'en occupe. Si on a une place à la Société, on va
pouvoir parler pour lui. Mais celui qui est le plus efficace dans le jargon
qu'on décrit, qui s'en occupe, là? C'est ça, la question
que vous posez. Ce n'est pas celui qui continue d'être efficace, qui va
tenir le coup encore un bout, c'est celui qui ne l'est plus, qui est
défini comme n'étant plus efficace. Il n'y a pas de mesures, il
n'a pas de comité d'entreprise, lui, pour regarder le recyclage. Il n'y
a pas de programmes spéciaux, il n'y a pas de fonds
d'assurance-chômage. Il n'y a pas le fédéral ni le
provincial qui sont disponibles à la porte pour aller l'aider. C'est
dans ce sens-là qu'on dit: Faites au moins une place à la
Société, dans le sens que toutes les lois, par après, sont
essentiellement - ce n'est pas un reproche - sont fondamentalement faites pour
le monde ouvrier. Avec l'infrastructure et le style d'organisation qu'on a dans
le monde agricole, on y trouve quand même notre place, dans le fond. On
dit: Ce n'est pas grave qu'ils soient faits pour le monde ouvrier, on ne lui en
veut pas d'être organisé, mais faites nous aussi une place.
M. Houde: Je suis d'accord avec vous. On ne dérivera pas
trop d'abord. Ma deuxième question.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Une autre
question?
M. Houde: Oui, s'il vous plaît.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): La
dernière?
M. Houde: Oui, M. le Président. Vous dites, un peu plus
loin dans votre mémoire, craindre pour l'existence des services
d'emplois agricoles dans le cadre de la Société. Vous brossez,
dans votre mémoire, un tableau sommaire des ressources dont ce
réseau dispose. Vous fournissez aussi quelques statistiques sur ses
opérations. Pourriez-vous élaborer davantage sur son mode de
fonctionnement, sur les liens entre les services et les centres d'emplois
agricoles et le soutien que fournit, en général, Emploi et
Immigration Canada au réseau? Quels seraient les liens fonctionnels
à établir entre le réseau des centres d'emplois agricoles
et la Société?
M. Besner: Une autre bonne raison pour être à la
Société et en jaser.
M. Houde: On va s'en tenir à ça aujourd'hui.
M. Besner: Dans le fond, c'est une question qu'on vous pose, dans
le mémoire.
M. Houde: Bien, c'est pour ça...
M. Besner: Nous, on vient ici... On a bien compris
l'énoncé de politique et la loi. Si le rapatriement fonctionne,
ce qu'on appuie, c'est de tout rapatrier Québec, y compris la fonction
de placement. Nous, ce qu'on vous dit là-dedans, ce qu'on vous pose...
C'est aussi de la sensibilisation, et on aimerait avoir une réponse de
la part du ministre, cet après-midi. Dans le fond, on dit: Dans le
rapatriement, y compris la fonction de placement, il y a le réseau CTQ.
On ne l'évalue pas cet après-midi, on dit: II est là.
Nous, on vous dit: On a un réseau de centres spécialisés,
emplacements agricoles, on gère 15 centres d'emplois agricoles.
Qu'est-ce qui risque d'arriver? La question que vous posez est bonne, mais il
faudrait la poser plutôt à votre collègue qu'à nous
autres, parce que c'est celle-là qu'on vous pose dans le mémoire:
Qu'est-ce qui risque d'arriver aux SEA? Une fois rapatriée la fonction
de placement et redéfini le rôle des CTQ, le Québec va-t-il
continuer de supporter le réseau des services d'emplois agricoles qu'on
a développé depuis 15 ans?
M. Houde: Merci.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je vais maintenant
reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mme la
députée.
Mme Harel: À moins que le ministre ne veuille
répondre à la question de l'UPA.
M. Bourbeau: Je ne veux pas lui enlever son droit de parole, pour
commencer.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
important, M. le ministre.
Mme Harel: Alors, M. le Président, vous allez d'abord me
permettre de saluer les personnes de l'UPA qui sont avec nous aujourd'hui,
particulièrement le président avec lequel j'ai eu le plaisir de
siéger à la commission Bélanger-Campeau. Je veux lui dire
qu'il m'a semblé avoir retrouvé son style incisif dans la
rédaction même du mémoire, cette formule, comme la formule
«G-7», la formule du club des sept, en fait, pour identifier la
Conférence permanente de la main-d'oeuvre et l'éventuelle
Société.
Plus sérieusement, il y a, dans l'introduction, une constatation
que vous faites qui est extrêmement Importante. En l'espace de deux
lignes, ce que vous dites, c'est que vous exigez une véritable politique
de formation professionnelle plutôt que de se limiter au strict
développement de la main-d'oeuvre, comme le fait l'actuel
énoncé de politique, ajoutez-vous. Ça, je pense que
ça reste quand même au coeur de l'échange que nous avons
depuis le début de la commission. Cet après-midi, je ne sais pas
si vous y étiez quand le ministre a clarifié l'intervention qu'il
avait faite ce matin, où il a parlé de formation professionnelle
en disant que ce n'était pas ça le débat qu'on avait
à faire ici. Cet après-midi, il a parié d'enseignement
professionnel. Alors, il y a déjà une amélioration parce
que l'enseignement professionnel, c'est supposé être ce qui se
fait par le ministère de l'Éducation. Lui, il est quand
même ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu
et de la Formation professionnelle, mais la formation professionnelle ça
se passe aussi au ministère de l'Éducation, puis de ça on
n'en parie pas. Alors, on ne parie pas de la formation de base, on ne parie pas
de la formation initiale, on ne parie pas de la sous-scolarisation, on ne parie
pas d'analphabétisme fonctionnel, on ne parie pas de ça. On
centre ça sur les mesures d'adaptation, surtout dans les secteurs plus
affectés par le libre-échange ou par la concurrence de la
mondialisation des marchés. Normalement, dans ces secteurs-là,
vous devriez y être, même dans cette logique-là.
Alors, c'est ça finalement. Même dans la logique
restrictive de mettre tous nos oeufs dans le panier de la
compétitivité pour instrumenter nos équipes qui vont aller
compétitionner avec les autres, même dans cette logique-là,
ce que vous nous dites, c'est que vous devriez être là-dedans.
C'est ça?
M. Prouix: C'est évident que même si on n'est pas
d'accord pour qu'on utilise cette unique logique dans notre monde, si on
l'utilise, il faut être là. Il faut être doublement
là parce qu'il faut être doublement préparé. C'est
là que devient très importante toute la question de
l'harmonisation. On lance beaucoup de choses Intéressantes, sauf qu'il
n'y a plus rien qui se tient à un moment donné, II n'y a plus
d'harmonisation. Il y a du dédoublement, il n'y a plus personne qui sait
où on va. C'est intéressant le projet, au niveau de
l'éducation, de M. Pagé. C'est intéressant les grappes
Industrielles. C'est bien intéressant les principes du
développement régional, mais avec ce dont on parie aujourd'hui,
il faut que ça se tienne parce que c'est tout interdépendant les
uns des autres. C'est là qu'il faut que les partenaires soient. Quand je
parie de partenaires, c'est d'aller chercher de l'expertise et on ne la
retrouve pas là. On souhaite qu'elle existe, mais on ne la retrouve pas.
Pourquoi ne pas le mettre très clair? Pourquoi ne pas se donner les
moyens immédiatement, pour
qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, pour qu'on puisse par
après aller un peu selon que ça va peut-être faire
l'affaire ou rapporter à court terme? C'est ça nos
inquiétudes autour de ça.
Mme Harel: Vous dites, à la page 12 du mémoire:
«Quand l'énoncé de politique aborde tout l'aspect du
développement régional, - écrivez-vous - II le fait sans
lien avec le Secrétariat au développement régional et les
secrétariats régionaux qui seront mis en place pour
succéder à l'actuel réseau de l'Office de planification et
de développement du Québec. Il nous apparaît essentiel que
des liens soient faits pour que l'arrimage souhaité puisse se
réaliser.» En fait, on se rend compte que les
sociétés régionales auraient un mandat de
développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi. Par ailleurs, la
question reste encore en suspens. Qu'est-ce qui arrivera avec les nouveaux
conseils régionaux de M. Picotte? Quel lien vont-ils avoir avec ces
sociétés régionales de M. Bourbeau? Ça reste, en
fait, en suspens. (16 h 45)
M. Proulx: C'est évident que ça reste en suspens.
On ne voit pas comment H peut y avoir des liens autour de ça, d'autant
plus qu'avec l'exercice qu'on a fait l'année dernière -
États généraux et Solidarité rurale qui est en
place, qui est justement composée d'une multitude de partenaires, de
tous les partenaires du milieu... Alors, il serait drôlement
intéressant qu'on puisse préciser des choses, qu'on puisse
justement arrimer tout ça, utiliser, et arrêter de
dédoubler et de remettre en place des nouvelles choses. Il y a des
choses qui existent. Par les États généraux du monde
rural, on a regroupé ça. On a permis à ces gens-là
de redécouvrir qu'ils sont capables de faire des choses ensemble. Alors,
arrêtons de vouloir réinventer d'autres choses quand ça
existe. C'est prêt, et il y a moyen de réaliser et d'atteindre
surtout les objectifs qu'on peut mettre ensemble, prévoir ensemble.
Mme Harel: Tantôt...
M. Proulx: Peut-être que... Gilles, tu veux
compléter?
M. Besner: Exactement dans le même sens, il y a comme deux
aspects. Il y a toute la cohérence des politiques. On s'est
présenté ici. Tantôt, vous avez Introduit le
président en remarquant qu'il participait à beaucoup de
commissions parlementaires. Effectivement, on en suit beaucoup. Mais, une
après l'autre, on se demande où tout ça s'en va, dans le
fond. On s'est présenté à l'Immigration où la
question... Ce n'est pas drôle quand on se présente Ici parce
qu'on est relancé après, et ça ne finit plus de recevoir
des délégations des ministères pour savoir, dans la
politique de l'immigration, le rôle qu'on était prêt
à jouer dans la régionalisation.
On dit en même temps qu'on ne pourra pas prendre des
immigrés qui arrivent ici pour les envoyer dans des campagnes où
les Québécois ne veulent pas rester. Ils s'en viennent à
Montréal. C'est un peu la même question qu'on pose tout le
temps.
Il y a une question d'harmonie et de cohérence. En même
temps qu'il y a un bout qui est un peu décourageant... J'entendais le
ministre, tantôt, répondre à la CSN en disant: Nous, c'est
la main-d'oeuvre. Ce n'est pas la politique de formation professionnelle qui
nous Intéresse. On a été capable de vous suivre un bout.
On est encore capable de vous suivre un autre bout. Tant que ça se passe
entre le fédéral et le provincial... On a compris - depuis 15
ans, 20 ans, pour ceux qui ont suivi le dossier en masse - que pour jouer des
«games» avec le fédéral, on fait des distinctions
à n'en plus finir. La formation, c'est provincial, c'est par ce
bout-là qu'on se présente au fédéral. Le
fédéra! dit: C'est ia main-d'oeuvre, c'est dans mon bout.
On comprend que ça, compte tenu du régime constitutionnel
dans lequel on est, et des «games» qui sont jouées -
fédéral-provincial -on a été capable de vivre avec
ça un bout. Mais on dit qu'il ne faudrait surtout pas que ça
recommence une fois tout revenu au Québec. On n'a rien gagné.
Quand on disait: Ce qui n'est pas drôle, c'est de se faire mordre. Le...
de ce qui mord, ça n'a pas grand chose à faire là-dedans.
C'est un peu à ça qu'on se réfère en masse. Ce
serait bien le désespoir si, entre les ministères de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Main-d'oeuvre,
on reprenait le même genre de débat qu'on avait quand
c'était fédéral-provincial. Nous autres, on dit: Qu'est-ce
qu'on a gagné de plus, bien honnêtement?
Au moins, avant, quand il y en a un qui faisait une gaffe, on pouvait en
profiter peut-être bien pour un bout de temps, jusqu'à temps
qu'ils se parlent entre eux autres. Mais là, en plus, ça va se
passer dans la même cour, et il n'y a rien de plus de
réglé. Quand on regarde la loi, quand on entend une
réponse comme celle d'après-midi, c'est presque déprimant
de dire: On va recommencer? On n'aura plus le prétexte des deux niveaux
de gouvernement pour dire: Vous autres, c'est la formation, nous autres, c'est
la main-d'oeuvre. Entre les deux, on ne peut pas se parier. On va être
«pognés» à regarder les possibilités
d'intégrer tout ça? On dit: Faites votre bout, cette
fois-là, parce qu'on ne vous suivra pas longtemps.
Mme Harel: Je pense que le message est bien dit. Vous avez
parlé d'un vieux modèle retapé par rapport au
modèle, dirions-nous, de concertation. Le fait est, et ça m'a
rappelé que les sociétés régionales dont on parle
maintenant, c'est pour remplacer des commissions de formation professionnelle
qui, à l'origine, étaient des commissions paritaires. Alors,
c'est vraiment plus
un modèle corporatiste. C'est le modèle des années
trente qu'on a traîné Jusqu'en 1969. Là, en 1969, on l'a un
petit peu retapé. On le retape encore, mais c'est finalement le
modèle corporatiste qu'on traîne avec nous dans le secteur de la
main-d'oeuvre.
Une voix: Oui.
Mme Harel: D'autre part, j'aimerais vous entendre sur la question
du nouveau programme. J'aimerais bien ça si vous pouviez être un
petit peu plus explicite, À la page 17, vous dites: «Des quatre
programmes proposés, seul le programme d'intervention individuelle en
développement de la main-d'oeuvre est adaptable en partie aux besoins du
secteur agricole, mais il ne couvre que le champ occupé jusqu'ici par le
programme Recyclage et perfectionnement». Vous savez que ce programme
Recyclage et perfectionnement était en diminution constante de budget.
Là, vous continuez: «Le nouveau programme aura deux volets, l'un
industriel et l'autre personnel». Moi, ce ne sont pas des informations
que j'avais. Je ne sais pas, peut-être que vous en avez eu, des
privilégiées. Vous dites: «Nous croyons que des
précisions sont nécessaires de la part du ministère sur
cet aspect de la question» qui serait que vous devriez, vous, comme
secteur agricole, vous intégrer au volet personnel. Qu'est-ce que
ça a été, votre expérience avec le programme
Recyclage et perfectionnement? Qu'est-ce que vous attendez d'un programme de
cette nature-là, dans le cadre d'une opération de simplification
des programmes du ministère? Qu'est-ce que vous aimeriez avoir?
M. Rhéaume (Pierre): Je Vous dirai que le principal
élément à la base de notre réflexion, quant
à l'analyse qu'on fait des quatre programmes, c'est que ce qu'on
questionne d'abord et avant tout, c'est l'accessibilité. Actuellement,
le programme Recyclage et perfectionnement est utilisé beaucoup par les
agriculteurs et les agricultrices pour des activités de perfectionnement
qui sont certaines. Qu'on pense à l'augmentation des capacités de
gestion des agriculteurs et des agricultrices.
Ce qu'on interroge, à la lecture de l'énoncé de
politique... Il faut aussi comprendre que nous ne nous sommes pas
contentés de lire l'énoncé, nous avons aussi
questionné les fonctionnaires du ministère fréquemment. La
plupart des réponses que nous avons obtenues, au niveau de ce
programme-là, le programme 3, le troisième, celui qui concerne
l'intervention individuelle en développement de la main-d'oeuvre, c'est
qu'on ne sait pas ou qu'on dit: Oui, possiblement que... Alors, nous, ce qu'on
souhaite ardemment, c'est qu'on réussisse à nous ouvrir une porte
parce qu'il semblerait que, même au niveau de l'application des
programmes, les hauts fonctionnaires sont incapables, actuellement, de nous
dire si, oui ou non, l'agriculture a une place dans l'application de ces
programmes-là et la capacité qu'on va avoir, nous autres,
à pouvoir les utiliser.
Mme Harel: Oui, ça devient inquiétant. À la
page 15, vous dites: «II est grand temps que le MMSRFP arrête de
regarder le problème de la main-d'oeuvre agricole seulement dans
l'optique des travailleurs étrangers». À part ce
dossier-là des travailleurs étrangers, est-ce qu'il y a d'autres
dossiers que vous avez en discussion avec le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle, évidemment, à part les services de placement
agricole, d'emplois agricoles? Avez-vous d'autres comités conjoints ou
discussions avez le ministère de la Main-d'oeuvre?
M. Besner: Pas de façon directe et bilatérale.
Mme Harel: Même pas en pénurie de main-d'oeuvre? Il
y a une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, n'est-ce pas?
M. Besner: Oui.
Mme Harel: Dans les serres, par exemple. Pourquoi fait-on venir
des personnes de l'étranger pour travailler dans les serres?
M. Besner: II y a deux choses, là. On dit: On n'est pas en
interaction directe avec le MMSR. Par ailleurs, le MMSR siège à
ce qui s'appelle le comité de concertation pour le secteur agricole avec
le MAPAQ, avec le fédéral et nous. Dans ce sens-là, il y a
beaucoup de choses qui se passent. Mais, en termes de lien direct et sur des
dossiers sectoriels, Jules suggérait, jusqu'à l'an passé,
finalement... On avait, nous, l'impression que la préoccupation, des
fois, l'unique préoccupation, c'était toute la question des
travailleurs mexicains qui venaient. On dit: C'est vrai que c'est important, la
question des travailleurs mexicains, mais c'est 700 personnes qui viennent. Il
ne faut pas en faire un drame. Dans ce sens-là, toutes les autres
questions, la formation des ouvriers agricoles, la formation des producteurs
à la gestion agricole, à la gestion de la main-d'oeuvre, toutes
les questions de pénurie de main-d'oeuvre en main-d'oeuvre
qualifiée - et ce n'est pas si simple que ça en a l'air, vite,
vite - il y aurait des endroits pour le faire, et on ne les a pas, ces
endroits-là, sauf au comité de concertation, avec toutes les
limites qu'il y a au comité de concertation. Souvent, advenant qu'on
pose la question au comité de concertation - ils ont changé de
responsable deux fois, au niveau du ministère - la réponse est de
dire: On peut regarder les programmes pour voir s'il n'y a pas moyen de vous
faire une place dedans. C'est un peu la
question à laquelle Pierre répondait tantôt. Chaque
fois, le programme... et on comprend, dans le fond. C'est un peu la même
chose qu'avec la Société, c'est la même chose qu'avec la
CSST. Chaque fois, le modèle est fait pour le monde ouvrier,
organisé. Nous, il faut toujours essayer d'aller se faire un trou
là-dedans et ce n'est pas si simple que ça. Habituellement, on ne
trouve pas notre place, sinon par la bande, sinon par les biens Informels.
Tantôt, on disait: II y en a des comités? On dit: II y
aurait moyen de mettre des comités. Le ministre disait: II y aurait
moyen de mettre un comité consultatif. Il y en a eu un comité
consultatif pour le secteur agricole, un peu marginal. Un peu à cause de
la bonne volonté du monde qui le faisait marcher, ça a
marché pendant quatre, cinq ans jusqu'à voilà un an, un an
et demi où le ministère a dit: Nous, on n'a plus d'argent. On va
le référer au MAPAQ. Le MAPAQ dit: Ce n'est pas notre rôle
nécessairement. Bon, bien ça, des comités de même,
dans le fond, ce n'est pas une grosse garantie qu'on a. Quand le ministre dit:
Est-ce qu'on devrait inscrire dans la loi l'existence des CCR? On n'a
peut-être pas répondu directement tantôt, mais c'est oui, la
réponse. Les comités consultatifs ou les comités
sectoriels qu'il y a là, on se méfie de ça comme de la
peste, dans le fond. C'est-à-dire que c'est les CAMO actuels
changés de nom. Ça, c'est temporaire, c'est ad hoc. C'est
à la volonté du ministère ou selon la disponibilité
des fonds. Une fois que c'est fini, te secteur n'a plus d'occasion de se
retrouver. On se l'est fait faire la passe avec le comité consultatif.
On en a eu un. On était les seuls à en avoir un. On avait
réussi à le bâtir de peine et de misère pour se
faire dire à un moment donné: Ce n'est plus une priorité
au ministère. On n'a plus les fonds. On renvoie tout ça au MAPAQ
qui ne l'avait pas vu venir. Le MAPAQ nous dit: Non non, nous autres, on ne
peut pas supporter ça. On n'a plus rien. Bon, bien, c'est cet
arbitraire-là qu'on veut sortir.
M. Proulx: Je voudrais peut-être compléter, mais en
revenant un peu au départ de votre question. C'est qu'on a
énormément de difficultés à faire reconnaître
les besoins qu'on a en main-d'oeuvre spécialisée. On a
parlé tout à l'heure de 700 Mexicains, ce n'est peut-être
pas bien changer le monde, mais il reste quand même que ça
changerait des choses si c'était 700 Québécois. Pourquoi,
des Mexicains? Parce que, justement, ils sont spécialisés dans
certains travaux, dans des productions qui sont en plein développement.
C'est incroyable, la demande qu'on a, par notre service de placement, à
laquelle on n'est jamais capable de répondre parce qu'il n'y a pas de
programme. Il n'y a pas d'accessibilité à des programmes de
formation ou d'adaptation et, surtout, tout le secteur du maraîchage,
qu'on appelle, qui est un secteur d'avenir pour le
Québec, à partir des serres - toutes les
possibilités qu'on a là - à aller en plein champ et ainsi
de suite. C'est beaucoup de possibilités au Québec pour
ça, dans l'avenir encore plus, tant au niveau de fournir les besoins
internes que de fournir les besoins externes, l'exportation.
C'est pour ça que, de plus en plus, même si on s'est battus
pendant fort longtemps contre la venue de travailleurs ou de travailleuses
d'autres pays, à cause d'un taux de chômage élevé -
on disait que c'est de l'aberration parce que c'est nos taxes qui paient
ça - on a été obligés de céder un bon matin
parce que, même si on revenait à la charge continuellement, il n'y
avait pas d'accessibilité, pas de possibilité. Alors, pendant
qu'on a un beau discours - Écoutez, il faut s'adapter, il faut relever
les défis, il faut se préparer - il n'y a rien en place pour
aider tant soit peu - je parle du niveau agricole, toujours - au niveau de
l'agriculture. C'est pareil comme si ce n'était pas nécessaire,
ça.
Ça, c'est un grave problème. C'est un très grand
problème - moi, je vous dis, à part de ça, ce qui nous est
dit continuellement par nos gens qui sont dans ces productions-là -
c'est un frein, le frein le plus important au développement d'une
multitude de productions au niveau maraîchage, je vous le dis tout de
suite.
Je voudrais, si vous me le permettez, M. le Président... Je n'ai
pas eu la chance, je n'ai pas eu une réponse pour compléter
l'autre question.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, allez.
M. Proulx: J'aurais une réponse et une question qui n'a
pas été répondue. À la suggestion du ministre, je
lui rappelle qu'il y a 19 membres sur son conseil d'administration. Il sait
très bien, depuis fort longtemps, que l'UPA, à plusieurs
occasions, autant au niveau de ses fonctionnaires qu'à son niveau, lui
avait demandé d'avoir une place, même si on comprenait que ce
n'était pas possible dans le passé, mais quand viendraient des
changements, d'avoir une place. Je pense que ce n'est pas à moi à
lui donner la réponse - quoi faire avec 19 personnes - c'est à
eux autres de trouver, je pense, puis d'avoir tous les partenaires à
cette table-là. (17 heures)
J'aimerais bien que M. le ministre nous réponde sur la question
qui est posée. Ce n'est pas à nous de répondre. C'est quoi
qui est prévu, pour qu'on ait rapatrié, au niveau du service de
placement agricole, les SEA? Elle a été posée par son
collègue, tout à l'heure, par un député. M. Besner
a répondu à une partie, mais il a reposé la question. Pour
nous, c'est extrêmement Important parce que c'est un service qu'on donne
depuis 16 ans, si ma mémoire est bonne. C'est un service qui est
extrêmement apprécié et il n'a jamais été
possible de le donner, ni par les centres du Québec ni par le
fédéral. C'est un
service spécialisé, c'est un service peu coûteux -
et ça, c'est prouvé hors de tout cloute. Alors, pour nous,
ça s'ajoute à plusieurs incertitudes. Est-ce qu'il y a de quoi de
prévu à l'heure actuelle advenant que la loi soit mise en place
et appliquée?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): très bien,
m. le président. je vais demander à... mme la
députée de hochelaga-maisonneuve, je peux présumer que
votre temps est fait, alors je vais demander au ministre de réagir de
façon très brève, s'il vous plaît, parce que nous
avons dépassé quelque peu notre temps. m. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, quand on propose de
rapatrier du gouvernement fédéral des budgets et des pouvoirs en
matière de main-d'oeuvre, ce n'est certainement pas pour faire en sorte
que le Québec soit moins bien organisé après qu'avant. Au
contraire, on prétend que, présentement, il y a une duplication,
une multiplication des réseaux, des frais d'administration
excédentaires inutiles, enchevêtrement des programmes,
dédoublement, etc. Bon. On en a largement parlé. Mais une fois
qu'on aura mis fin à ces dédoublements-là, je ne veux
quand même pas qu'on se retrouve dans une situation où on serait
moins bien organisé et moins efficace que maintenant. Et, dans ce
sens-là, je peux vous dire qu'il n'est absolument pas - dans mon esprit
- question de démanteler votre service de placement qui fonctionne bien
et qu'on connaît. Alors, il s'agira simplement de voir dans quelle mesure
ce service-là pourra continuer à être efficace. Est-ce
qu'il sera rattaché à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre?
Peut-être. Comment? On verra. Mais moi, je peux vous dire personnellement
qu'il n'est pas question de faire des changements à ce
sujet-là.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Alors, messieurs de l'UPA, nous vous remercions de votre présentation et
vous souhaitons un bon voyage de retour. Je demanderais au Conseil scolaire de
l'île de Montréal de se présenter immédiatement,
s'il vous plaît.
Conseil scolaire de l'île de
Montréal
Alors, mesdames et messieurs de la commission, nous allons reprendre nos
travaux et je demanderais au Conseil scolaire de l'île de Montréal
et à son président, M. Jacques Mon-geau, de nous présenter
son rapport et, du même coup, de nous présenter les personnes qui
l'accompagnent. M. Mongeau, la parole est à vous.
M. Mongeau (Jacques): M. le Président, mesdames et
messieurs les membres de cette commission, il me fait plaisir de vous
présenter, à ma droite, le directeur général du
Conseil scolaire de 111e de Montréal, M. Raynald Laplan-te, et, à
ma gauche, M. Jules Levasseur, conseiller cadre en pédagogie au Conseil
scolaire de l'île de Montréal.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le président.
M. Mongeau: M. le Président, mesdames et messieurs, c'est
avec intérêt que le Conseil scolaire de l'île de
Montréal présente à la commission des affaires sociales
son avis sur l'énoncé de politique sur le développement de
la main-d'oeuvre soumis par le gouvernement à une consultation
générale. le conseil scolaire, qui regroupe les huit commissions
scolaires de l'île de montréal, s'intéresse au dossier de
la formation professionnelle depuis ses tout débuts. en effet, la loi de
1972 qui créait le conseil scolaire de l'île de montréal
faisait à ce dernier l'obligation d'assurer la planification et le
développement du réseau scolaire montréalais, notamment en
formation professionnelle. pour donner suite à cette mission, le conseil
scolaire s'est doté dès ses débuts d'un comité
spécial chargé de se pencher sur les problèmes de la
formation professionnelle. par la suite, la mise sur pied d'un comité de
coordination de l'enseignement professionnel formé de
représentants des huit commissions scolaires de ihe et du conseil
scolaire lui a permis d'apporter une contribution significative au
développement ordonné de la formation professionnelle dans les
écoles secondaires de son territoire, plus particulièrement en
établissant, en 1978 une première carte régionale des
options professionnelles sur l'île. c'est inspiré par cette
initiative du conseil que, plusieurs années plus tard, le
ministère de l'éducation dotait l'ensemble du québec d'une
carte des enseignements.
C'est également au niveau du partenariat, dont il est abondamment
question dans l'énoncé de politique sur le développement
de la main-d'oeuvre, que le Conseil scolaire a fait oeuvre de pionnier.
Conscient que le développement et la valorisation de la formation
professionnelle ne pouvaient s'effectuer sans l'engagement des employeurs et
des employés, le Conseil, avec des moyens limités mais une foi
inébranlable dans les mérites du partenariat, a porté ses
efforts sur l'établissement de liaisons permanentes et fonctionnelles
entre le monde de l'éducation et celui du travail. Ainsi, suite à
un colloque qu'il organisait en avril 1980 et dont le thème était
«L'école à l'écoute du monde du travail», il
procédait à la fondation, sur une base paritaire
éducation-travail, du Secrétariat de l'enseignement professionnel
du Montréal métropolitain, devenu par la suite le
Secrétariat de l'enseignement professionnel du Québec, puis le
Conseil de la formation professionnelle du Québec.
Enfin, le Conseil scolaire de l'île de
Montréal s'est toujours montré vivement
Intéressé aux diverses prises de position gouvernementales et
ministérielles visant la formation professionnelle. À chaque
occasion, il a voulu apporter au débat sa contribution, fruit de sa
réflexion et de ses actions dans ce dossier en particulier. Ainsi, il a
réagi en 1978 au livre vert du ministre de l'Éducation touchant
l'enseignement professionnel, l'éducation technologique et le
professionnel court; puis, en 1979, au Plan de développement de la
formation professionnelle de la Direction générale du
développement pédagogique du MEQ et au document du ministre,
«L'école québécoise, énoncé de
politique et plan d'action». En 1983, il préparait un dernier
mémoire sur le document ministériel «Propositions de
relance et de renouveau de la formation professionnelle des jeunes», et
c'est avec grand intérêt qu'il a suivi, depuis ce jour,
l'implantation du nouveau régime de la formation professionnelle dans
les écoles secondaires et les centres de formation pour adultes.
C'est donc fort d'une longue tradition en formation professionnelle et
d'une position privilégiée comme pôle de concertation des
commissions scolaires de l'île de Montréal que le Conseil scolaire
se permet aujourd'hui de s'exprimer une fois de plus en cette importante
matière.
Au départ, le Conseil scolaire tient à souligner la
qualité du document soumis à la consultation du milieu. Bien
structuré, appuyé sur une analyse fouillée de la situation
actuelle de la main-d'oeuvre au Québec, II présente clairement la
stratégie que le gouvernement du Québec entend poursuivre dans
les prochaines années pour assurer le développement de la
main-d'oeuvre.
Le Conseil scolaire partage le point de vue du gouvernement qui conclut,
dans la première partie de son énoncé de politique, que
pour continuer à prospérer dans un contexte d'économie
changeante, le Québec n'a d'autre choix que d'investir davantage dans le
développement des compétences. Compte tenu de sa vocation et de
son implication en formation professionnelle, le Conseil serait mal venu de ne
pas corroborer les propos du gouvernement à l'effet que «La
formation, sans être le garant absolu d'un accès à
l'emploi, n'en représente pas moins le meilleur moyen de lutter contre
le chômage et devient de plus en plus une condition déterminante
de la création d'emplois».
De façon générale, le Conseil souscrit
également à l'analyse faite par le gouvernement dans la seconde
partie de son document quant au redressement à déployer face au
sous-investissement dans le développement de la main-d'oeuvre, à
la timidité du partenariat, à la complexité des programmes
de main-d'oeuvre et au difficile arrimage de la formation et du marché
du travail.
De cette seconde partie de l'énoncé de politique, le
Conseil voudrait mettre en exergue le texte suivant: «Tout en
reconnaissant d'emblée que la mission éducative de l'État
va au-delà de la préparation du marché du travail, il
importe que les autorités chargées de mieux équilibrer
l'offre et la demande d'emploi sur le marché du travail,
c'est-à-dire le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et ses
partenaires patronaux et syndicaux, développent, avec les responsables
des réseaux d'enseignement, des mécanismes de coordination afin
que le secteur de l'enseignement demeure très attentif aux besoins de fa
main-d'oeuvre et qu'il se reconnaisse une responsabilité dans le
défi de la compétitivité de l'économie». Nous
y reviendrons un peu plus loin.
C'est vraiment sur le troisième et dernier chapitre de
l'énoncé de politique «Une stratégie
québécoise à implanter» que le Conseil tient
à intervenir. Nous avons regroupé sous deux thèmes
l'ensemble des commentaires, suggestions et propositions que nous vous livrons
sur un des objectifs et sur un certain nombre de moyens retenus par le
gouvernement dans cette dernière partie de son énoncé de
politique. Premièrement, le partenariat; deuxièmement, l'arrimage
de la formation et du marché du travail.
Le partenariat. Parmi les quatre grands objectifs poursuivis par le
gouvernement pour répondre aux impératifs de la
compétitivité, celui concernant le partenariat a
particulièrement retenu l'attention du Conseil.
Le gouvernement indique qu'il entend instaurer, à plusieurs
niveaux et sous diverses facettes, un véritable partenariat entre le
gouvernement, le patronat et les syndicats en faveur du développement de
la main-d'oeuvre. Le gouvernement aurait-il oublié une facette?
Où situe-t-il, entre autres, les commissions scolaires, les
collèges d'enseignement général et professionnel, leurs
fédérations respectives? Les associations syndicales du milieu de
l'éducation sont-elles incluses parmi les syndicats dont il est question
dans la formulation de cet important objectif gouvernemental?
Pourtant, nous l'avons déjà fait ressortir dans la partie
précédente de ce mémoire, le gouvernement reconnaît
dans son analyse de la problématique l'importance que le ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle et ses partenaires patronaux et syndicaux développent,
avec les responsables des réseaux d'enseignement, des mécanismes
de coordination afin que le secteur de l'enseignement demeure très
attentif aux besoins de main-d'oeuvre et qu'il se reconnaisse une
responsabilité dans le défi de la compétitivité de
l'économie.
Pour atteindre l'objectif fixé, pour responsabiliser comme il se
doit le milieu de l'éducation et plus particulièrement les
organismes démocratiques mis en place pour gérer le
système
éducatif, il faut absolument que le gouvernement ajoute la
facette manquante à son objectif et parle de partenariat entre
lui-même, le patronat, les syndicats et le milieu de l'éducation
en faveur du développement de la main-d'oeuvre. Le Conseil scolaire
souhaite donc que, dans un premier temps, le gouvernement reconnaisse cet
état de fait et modifie en conséquence le libellé de son
objectif.
D'autre part, pour s'assurer que ce véritable partenariat puisse
se concrétiser, le gouvernement se propose de créer la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre qui traduira dans l'action le partenariat recherché en
faveur du développement des compétences. Il entend
également mettre en place des sociétés régionales
de développement de la main-d'oeuvre, à la fois instances de
concertation avec les partenaires du marché du travail sur les
priorités de développement de la main-d'oeuvre et entités
administratives chargées de rendre accessibles les programmes et les
services.
Responsabiliser les partenaires du monde du travail, conjuguer leurs
efforts, exiger d'eux un engagement concerté, créer une nouvelle
dynamique pour assurer le développement de la main-d'oeuvre, mettre en
place des institutions possédant un mandat stratégique pour le
développement du Québec, voilà qui ne manque pas d'audace.
Le Conseil scolaire se réjouit de ce que le gouvernement veuille, en
quelque sorte, institutionnaliser ce partenariat par la création de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre et par les sociétés régionales qui y seront
greffées.
Cependant, le Conseil constate, au plan des moyens, les mêmes
lacunes qu'à celui des objectifs. S'il souscrit tant au mandat de la
Société québécoise qu'à celui des
sociétés régionales, il voit mal comment ces mandats
peuvent être pleinement remplis sans la pleine et entière
participation des partenaires du milieu de l'éducation.
La définition des besoins de développement de la
main-d'oeuvre, la mise en place et la gérance des programmes, la
concertation élargie, le soutien des initiatives dans le
développement des compétences, responsabilités de la
Société québécoise, ainsi que
l'établissement des priorités régionales de formation et
de développement de la main-d'oeuvre, le développement et la
concertation régionale, la collaboration avec les institutions
d'enseignement, responsabilités des sociétés
régionales, ne peuvent être confiés à des organismes
d'où, à toutes fins pratiques, sont absents les
représentants du milieu de l'éducation.
C'est en élargissant le concept du partenariat, tant au niveau de
la Société québécoise qu'à celui des
sociétés régionales de développement, que ces
sociétés pourront pleinement s'acquitter des mandats qui leur
sont confiés. Bien sûr, on nous rappellera que les articles 5 et
37 du projet de loi 408 prévoient la présence au conseil
d'administration de la Société québécoise de deux
membres représentant le milieu de l'enseignement, l'un pour le secteur
collégial et l'autre pour le secteur secondaire, et au conseil
d'administration des sociétés régionales de deux membres
représentant les mêmes ordres d'enseignement.
Cela nous apparaît bien peu. De fait, cette timidité quant
à la représentation du milieu de l'éducation au conseil
d'administration des sociétés n'est qu'une suite logique de
l'absence du milieu de l'éducation à titre de véritable
partenaire dans le développement de la main-d'oeuvre
québécoise, absence que nous avons dénoncée plus
tôt. Non seulement le Conseil scolaire trou-ve-t-il cette
représentation au conseil d'administration inadéquate quant au
nombre de représentants de l'éducation, mais il déplore
également la façon qui est retenue pour choisir ces membres. (17
h 15)
En effet, pour le conseil d'administration de la Société
québécoise, les deux représentants du milieu de
l'enseignement sont choisis après consultation des ministres
concernés, et pour les conseils d'administration des
sociétés régionales ils sont choisis après
consultation des milieux concernés. Le gouvernement aurait-il
oublié que, dans le milieu de l'éducation, il a comme
partenaires, entre autres, des commissions scolaires dont les dirigeants sont
élus démocratiquement par la population et qui sont très
majoritairement regroupées au sein de deux fédérations,
des collèges d'enseignement général et professionnel
dirigés par des conseils d'administration aussi regroupés au sein
d'une fédération et des associations professionnelles que l'on
soupçonne de ne pas être incluses sous le vocable
«syndicat» tel qu'utilisé dans l'énoncé de
politique.
Le Conseil est porté à croire que, trop souvent, on
considère le milieu de l'éducation comme monolithique et que,
très injustement, on ne donne pas à de véritables
partenaires du gouvernement dans ce domaine la place et le mérite qui
leur reviennent. Aussi, et en congruence avec sa première demande sur le
libellé de l'objectif concernant le partenariat, le Conseil souhaite que
la représentation du milieu de l'éducation aux conseils
d'administration soit portée à six membres pour la
Société québécoise et à quatre membres pour
les sociétés régionales de développement de la
main-d'oeuvre et qu'au surplus, ces membres soient désignés
après consultation des fédérations des commissions
scolaires, de la Fédération des collèges d'enseignement
général et professionnel et des associations professionnelles du
milieu de l'éducation.
Le Conseil croit que ces deux propositions bonifieront le projet
gouvernemental sur le développement de la main-d'oeuvre et permettront
l'émergence d'un véritable partenariat où les organismes
responsables de l'éducation québé-
coise trouveront leur place et contribueront comme il se doit à
cette audacieuse proposition gouvernementale.
L'arrimage de la formation et du marché du travail. Dans son
énoncé de politique, le gouvernement propose un effort
concerté de revalorisation de l'enseignement professionnel, le
décloisonnement des institutions et l'assouplissement des pratiques
d'enseignement et de formation des adultes afin d'assurer le
développement de la formation d'une main-d'oeuvre capable de
répondre aux besoins de la société
québécoise, tant pour les jeunes que pour les adultes. Pour y
parvenir, il entend poser dix-huit gestes précis. Le Conseil aimerait
apporter certains commentaires sur quelques-unes de ces propositions.
Le gouvernement entend associer les employeurs, les syndicats, les
associations sectorielles et le gouvernement dans un effort concerté de
valorisation sociale des métiers et des techniques et rechercher un mode
d'organisation adapté au secteur de l'enseignement professionnel.
Valoriser la formation professionnelle, changer les mentalités,
voilà un discours qui n'est pas de fraîche date. En effet, tant
dans son livre vert de 1977 que dans ses Propositions de relance et de
renouveau de 1982, le ministre de l'Éducation établissait que la
valorisation de la formation professionnelle devenait une priorité. Et
pourtant, l'énoncé de politique le constate, nous en sommes
toujours à vouloir changer la perception sociale à l'égard
des métiers et des techniques et cela, particulièrement au
secondaire.
Tout comme le gouvernement, le Conseil scolaire croit aussi que des
efforts concertés du gouvernement, des employeurs, des syndicats, des
associations sectorielles et - il ne faut pas les oublier - des commissions
scolaires et des collèges arriveront à faire connaître aux
filles et aux garçons la diversité des fonctions
professionnelles, le rôle économique des métiers et des
techniques, les conditions de travail de ces corps d'emploi et les
possibilités de promotion et d'avancement qu'ils permettent.
Le Conseil scolaire connaît bien les dangers de l'isolement en ce
domaine. En 1986, il entreprenait pour une période de trois ans une
campagne de valorisation de la formation professionnelle dans toutes les
écoles secondaires de IHe de Montréal au moyen d'affiches et de
dépliants publicitaires de haute qualité et largement
diffusés. Cette campagne eut un succès plutôt mitigé
dû justement au fait qu'un étroit secteur de l'éducation
avait agi seul et dans les limites de ses capacités. Nul doute
qu'à l'époque, une action nationale en ce domaine, une action
à laquelle auraient été conviés l'ensemble des
partenaires: gouvernement, patronat, syndicats et établissements
scolaires, aurait donné de meilleurs résultats. Il n'en demeure
pas moins que, selon le Conseil, ces nouvelles initiatives de valorisation,
même concertées, risquent de demeurer insuffisantes tant que le
ministère de l'Éducation ne décidera pas une fois pour
toutes d'offrir l'ensemble des programmes de formation professionnelle
après la cinquième année du secondaire.
Le Conseil scolaire a toujours prétendu, et cela depuis 1978, que
pour permettre une formation professionnelle assez poussée pour faire
face aux changements technologiques, mais assez large et polyvalente pour
permettre l'adaptation, la mobilité, le recyclage et le
perfectionnement, il faudrait que les programmes de formation professionnelle
soient offerts uniquement après la cinquième année du
secondaire. Ainsi, l'étudiant ayant acquis une formation de base riche
et solide aurait accès soit à une école de métiers
spécialisée gérée par une commission scolaire,
semblable à celles que l'on crée actuellement et dont le
réseau devrait couvrir le plus rapidement possible l'ensemble des
secteurs de la formation professionnelle, soit à un cégep, en
formation générale ou professionnelle, soit, plus tard, à
l'université.
La distinction entre les écoles de métiers et les
collèges d'enseignement professionnel ne se ferait que par la
complexité des apprentissages, les deux formations étant de
niveau postsecondaire et reconnues comme telles.
Selon nous, ce changement de cap, associé à d'autres
mesures proposées dans le présent énoncé de
politique, est davantage susceptible de valoriser la formation professionnelle
que toutes les initiatives de marketing que l'on voudrait bien entreprendre. De
plus, il permettrait de donner au secteur de l'enseignement professionnel un
mode d'organisation adapté où les centres de formation
professionnelle ressembleraient davantage à des lieux d'exercice d'un
métier qu'à des établissements d'enseignement
général.
L'organisation de l'école secondaire a été de tout
temps conçue en fonction des besoins et des finalités de
l'enseignement général. La formation professionnelle n'y est
jamais très à l'aise, même lorsqu'elle est donnée
dans des centres spécialisés. En formation professionnelle, le
régime de travail des élèves et celui des enseignants
devraient être semblables à ce que l'on retrouve en industrie.
L'implantation d'écoles de métiers spécialisées
postsecondaires faciliterait les modifications aux conventions collectives, au
régime d'embauché, au régime de sécurité
d'emploi, à la définition de la tâche de travail, aux
échelles de rémunération des enseignants, etc. Elle
permettrait d'abolir les barrières pouvant bloquer l'accès
d'ouvriers ou de techniciens spécialisés au rôle de
formateurs ou de tuteurs d'élèves ou d'apprentis et de modifier
le calendrier scolaire afin d'adapter l'enseignement professionnel à la
réalité du monde du travail.
Le gouvernement entend poursuivre l'amena-
gement de passerelles entre les divers niveaux de formation
professionnelle de manière à permettre aux étudiants de
l'enseignement professionnel de pouvoir accéder sans contrainte inutile
à des études supérieures. Le Conseil scolaire rappelle
encore ici que cet objectif de passerelles entre divers niveaux de formation,
présent dans tous les textes ministériels produits depuis 1978,
s'est réalisé davantage au niveau des organigrammes du
système de l'éducation que dans la pratique. Le Conseil est
conscient des limites du système actuel quant à l'utilisation des
passerelles et croit que sa proposition de créer des écoles de
métiers spécialisées postsecondalres permettrait tout
naturellement la mise en place des passerelles désirées.
En effet, l'élève qui a complété sa
formation générale de niveau secondaire pourrait facilement
choisir, selon ses affinités ou ses capacités d'abstraction,
entre l'école des métiers spécialisée que
gère une commission scolaire et le collège d'enseignement
général et professionnel. Si, à titre d'exemple,
après s'être inscrit à l'école des métiers un
étudiant souhaitait passer au cégep général ou
professionnel, il pourrait sans problème y accéder ayant en main
son passeport, c'est-à-dire son diplôme d'enseignement secondaire
général.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président, je ne voudrais pas vous ralentir, mais vous avez
déjà dépassé le temps qui vous était
imparti. Je ne sais pas, si vous pouviez, peut-être, passer à la
conclusion.
M. Mongeau: Ceci étant dit, M. le Président, je
vais donc passer à la conclusion.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je ne veux pas vous
presser. Vous pouvez prendre le temps que vous voulez, sauf que la
période de questions sera écourtée d'autant.
M. Mongeau: D'accord. Alors, je m'en vais donc à la
conclusion.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Vous étiez
bien parti.
M. Mongeau: J'étais bien parti, hein?
Donc, en conclusion, le Conseil scolaire reconnaît la
qualité de l'énoncé de politique soumis à la
consultation du milieu, la pertinence des objectifs fixés et l'audace
des gestes que le gouvernement entend poser pour assurer le
développement de la main-d'oeuvre. Il souhaite cependant faire trois
recommandations au gouvernement: 1° Le gouvernement doit faire une place au
milieu de l'éducation dans l'énoncé de son objectif sur le
partenariat. 2° Le gouvernement doit s'assurer que la représentation
du milieu de l'éducation au conseil d'administration soit portée
à six membres pour la Société québécoise et
à quatre membres pour ies sociétés régionales de
développement de la main-d'oeuvre et qu'au surplus, ces membres soient
désignés après consultation des fédérations
des commissions scolaires, de la Fédération des collèges
d'enseignement général et professionnel et des associations
professionnelles du milieu de l'éducation 3° Le gouvernement doit
décider, une fois pour toutes, d'offrir les programmes de formation
professionnelle après la cinquième secondaire et de créer
un réseau complet d'écoles de métiers
spécialisées gérées par les commissions scolaires.
Il parviendrait ainsi à atteindre les buts suivants qu'il poursuit: la
valorisation de la formation professionnelle, l'instauration d'un mode
d'organisation adapté à l'enseignement professionnel,
l'aménagement de passerelles entre les divers niveaux de formation, la
flexibilité pour assurer aux adultes l'accès à des formes
variées de formation et l'élargissement du régime
d'apprentissage comme procédé de formation.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le président, je vous remercie. Je vais maintenant reconnaître M.
le ministre de la Formation professionnelle, de la Sécurité du
revenu et de la Main d'oeuvre. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, vous avez péniblement
réussi à décliner le nom de mon ministère, mais
dans le désordre, je dois dire.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Bourbeau: II me fait plaisir de saluer les
représentants du Conseil scolaire de 111e de Montréal, et plus
particulièrement son président que j'ai eu l'occasion et
l'honneur de connaître il y a quelques années alors que, comme
juge municipal, il - j'allais dire sévissait, mais je dois dire -
oeuvrait dans la municipalité où je demeurais. Je dois même
dire que j'ai eu le bonheur de comparaître devant lui à quelques
reprises, mais je m'empresse de dire que ce n'était pas des dossiers
criminels.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Vous avez un mémoire qui est un peu
étonnant et original, je dois dire, parce qu'on n'en a pas vu tellement
qui se rendent aussi loin que ça dans certaines de vos conclusions. En
premier lieu, j'aimerais parler de votre deuxième conclusion, celle
où vous demandez rien de moins que six membres au conseil
d'administration de la Société. Bon, alors je présume que
ces six membres-là ne seront pas pris à même la
délégation syndicale, ni à même la
délégation patronale. Alors, il en reste une, la
délégation du gouvernement. La question que je vous pose, c'est
qu'est-ce qui va rester, si on
vous donne six places, pour les gens de la Main-d'oeuvre, par exemple,
ou pour l'Industrie et Commerce si vous prenez les six postes de la
délégation gouvernementale?
M. Mongeau: M. le Président, M. le ministre,
écoutez, tout part de l'énoncé que nous faisons quant
à l'objectif. Ou le monde de l'éducation est partenaire ou il ne
l'est pas. Et s'il l'est, il l'est sur le même pied que les autres. Si la
loi dit qu'il y a six représentants de tel monde, nous, on dit qu'il
doit y avoir six représentants du monde de l'éducation. Si vous
voulez qu'il n'y en ait que cinq, on va dire rien que cinq. Quand vous dites
qu'il y en a quatre, on dit quatre. Autrement dit, ce qu'on traduit par
là, c'est ce qu'on a dit à propos de l'énoncé de
l'objectif: le milieu de l'éducation doit être un partenaire de
plein pied parce que, voyez-vous, la formation de la main-d'oeuvre, M. le
ministre, ça relève de l'éducation.
Il va peut-être falloir, une fois pour toutes, le dire
carrément que ça relève de l'éducation, en
concertation et en partenariat. Ça, on le comprend et on est d'accord
avec ça, avec le monde des affaires et avec les syndicats et le
gouvernement. Bon. Voilà les quatre grands partenaires au niveau de la
formation de la main-d'oeuvre, quant à moi. Alors, si ce sont les quatre
grands partenaires et s'il y a une Société nationale
québécoise, des sociétés régionales et que
des représentants de ces milieux-là doivent siéger, ils
doivent siéger en nombre égal pour chacune des
délégations.
Autrement, c'est traduire dans les faits que le gouvernement ne
considère pas que l'éducation est un partenaire très
important dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre. Pourtant, c'est
lui, le monde de l'éducation, qui la fait, la formation de la
main-d'oeuvre. On l'a assez dit. C'est dans ce sens-là, M. le
ministre.
M. Bourbeau: Oui, sauf que là on fait une commission
parlementaire non pas sur la formation de la main-d'oeuvre mais sur le
développement de la main-d'oeuvre, ce qui est beaucoup plus vaste que la
formation pure, de sorte que le mandat de la Société
québécoise va être un mandat qui va être beaucoup
plus large que le simple mandat de la formation de la main-d'oeuvre, et la
formation initiale, en plus. On parie du développement de la
main-d'oeuvre, on parle du placement, on parle du reclassement, on parle des
comités d'adaptation sectorielle, de toute la problématique
sectorielle, par exemple. Et là vous me permettrez de vous dire que vous
n'êtes pas les seuls à avoir une compétence
là-dedans. Je dirais même que dans certains domaines vous n'avez
pas la compétence du tout.
Alors, pourquoi vous seriez les seuls représentants de la partie
gouvernementale à la Société? Je ne comprends pas.
M. Mongeau: Bien, je ne veux pas répéter ce que je
viens de dire mais je vous dis que c'est à cause de l'importance que le
gouvernement doit reconnaître au monde de l'éducation.
Évidemment, dans la formation de la main-d'oeuvre, il y a aussi le
développement de la main-d'oeuvre, je veux bien. Le développement
de la main-d'oeuvre, je veux dire, il y a aussi beaucoup de formation
là-dedans. Il n'y a absolument aucun doute. Écoutez.
M. Bourbeau: L'aide à l'emploi, par exemple.
M. Mongeau: Écoutez, regardez ce qui se passe, M. le
ministre - si vous permettez, M. le Président - regardez ce qui se
passe, M. le ministre, dans d'autres pays; et je sais que vous l'avez
regardé. On cite toujours en exemple le modèle de l'Allemagne.
Regardez les grands partenaires à ce niveau-là et regardez
où est le milieu de l'éducation et vous allez voir qu'il est en
première place et en première ligne avec les autres. (17 h
30)
M. Bourbeau: Ici aussi. On a un tiers de la
délégation gouvernementale, au niveau national,
québécois, qui est de l'éducation; donc, un sur trois, ce
n'est pas si mal. Et dans les sociétés régionales, ce
serait 50 %; deux sur quatre de la délégation gouvernementale
seraient des gens du milieu de l'éducation. Il me semble que c'est
déjà pas mal. Il va falloir faire de la place pour les gens de
l'industrie et du commerce. On parle du marché du travail; ça
prend des spécialistes en marché du travail. Des
économistes régionaux, par exemple, vont devoir se pencher sur
les besoins en maln-d'oeuvre. On a tous les gens de la main-d'oeuvre. Le
ministère de la Main-d'oeuvre pourrait peut-être avoir au moins un
représentant quelque part là-dedans, aussi; il me semble que ce
n'est pas trop demander. Alors, je vous trouve gourmand, un peu.
M. Mongeau: M. le Président, si vous permettez. M. le
ministre, l'éducation dort y avoir sa place comme partenaire
égal. C'est le point de vue que je défend, que nous avons
toujours défendu et que nous allons continuer à défendre.
Je ne sais pas si on fait partie de la délégation gouvernementale
mais, nous, on veut être reconnus comme délégation du monde
de l'éducation et dont les membres sont choisis par le monde de
l'éducation et non pas par le ministre.
M. Bourbeau: Bon. Écoutez, vous parliez tantôt de
l'Allemagne. On a fait un petit voyage dans ce coin-là, nous aussi.
M. Mongeau: Mais moi, je ne suis pas allé, M. le
ministre.
M. Bourbeau: La société qui chapeaute tout
le secteur de la main-d'oeuvre, en Allemagne, est tripartite, comme
celle qu'on propose. Alors, H y a trois groupes: il y a les employeurs, les
travailleurs et l'État, l'État comprenant le gouvernement
fédéral, les Lander et les municipalités. Je ne me
souviens pas que le secteur de l'éducation ait eu un tiers de
représentants dans l'organisme. Il n'est pas dans les employeurs ni dans
les travailleurs, il est dans l'État. Il fait partie du contingent
étatique qui comprend aussi les municipalités et les Lander.
Donc, il me semble que, comme je vous le disais tantôt, c'est beaucoup
par rapport à ce qu'on a à offrir. Je ne voudrais pas qu'on
évacue tous les autres ministères du gouvernement pour faire une
place au milieu de l'éducation qui, par ailleurs, a déjà
sa place de prévue à l'article 5.
Enfin, on va passer à un autre sujet, si vous voulez. Vous dites,
dans votre document que le gouvernement devrait offrir les programmes de
formation professionnelle après la cinquième année du
secondaire. Alors, là, vous allez encore plus loin que la réforme
de l'enseignement professionnel qui a été effectuée au
Québec II y a à peine quelques années. Ne croyez-vous pas
que le report des études professionnelles après la
cinquième année du secondaire serait un facteur qui contribuerait
davantage au décrochage scolaire?
M. Mongeau: Oui et non.
M. Bourbeau: Vous n'avez pas changé depuis les
années soixante-dix. Ha, ha, hal
Des voix: Ha, ha, hal
M. Mongeau: En cette matière-là, non. Oui et non.
Non, dans le sens suivant. C'est que l'entreprise passe son temps à nous
dire que ce qu'elle retrouve dans les nouveaux employés, dans les gens
qu'elle recrute, elle passe son temps à nous dire qu'elle leur reproche
un manque de formation de base, de formation générale, de
culture. Ils ne savent pas écrire leur français, ils savent mal
compter, ils savent... Bon! Hein? Et elle dit: Nous, ce qu'on veut? Donnez-nous
des gens qui ont une bonne formation de base, une bonne formation
générale et, après ça, au niveau de la formation de
la main-d'oeuvre, on peut s'entendre ensemble et y arriver. Dans ce
sens-là, ma réponse est non.
Oui, si, évidemment, je dis: Doivent aller absolument dans le
domaine de l'enseignement professionnel tous les élèves qui ont
de la misère à réussir leur cours général.
Là, on revient dans les années soixante-dix, on revient au
professionnel court, on revient à ce qu'on a appelé la voie de
garage, c'est-à-dire: Quelqu'un a de la misère à
réussir ses études, on va l'envoyer en formation professionnelle.
Lui, il est bon pour faire des métiers parce que, sans ça,
qu'est-ce que vous voulez, il va s'en aller, il va devenir un
décrocheur. Moi, je dis que la solution au décrochage scolaire,
ce n'est pas nécessairement l'enseignement professionnel; c'est
peut-être ça, la réponse. Peut être que si, comme
société, on se penchait véritablement sur les causes du
décrochage scolaire, peut-être que la réponse, ce ne serait
pas d'envoyer tout ce monde-là en enseignement professionnel à
partir du secondaire I ou du secondaire II. Ce serait peut-être autre
chose, la réponse. Je comprends que je ne suis peut-être pas
devant la bonne commission parlementaire pour dire ça, mais c'est
peut-être le régime pédagogique qu'il faudrait remettre en
question pour ces élèves-là, au niveau secondaire. C'est
peut-être bien d'autres choses.
Écoutez, dans la vie, il y aura toujours des gens qui ont un
niveau de capacité qui va jusque là et un autre qui va plus haut.
Ce n'est pas à ces gens-là de s'adapter à un régime
pédagogique et à un système, c'est au système de
s'adapter à eux. Tout le domaine de l'enseignement professionnel, je
veux dire, ce n'est pas une voie de garage pour ce monde-là. On a fait
ça pendant je ne sais pas combien d'années. On a vu le
résultat que ça a donné. On a dit, tout le monde, on n'en
veut plus de ça. C'est pour ça que notre recommandation
était celle-là, M. le ministre, déjà il y a
quelques années.
Finalement, le ministre de l'Éducation, dans sa réforme de
l'enseignement professionnel, s'est rendu jusqu'en secondaire IV. Là on
a grimpé. Mais, nous, depuis le début qu'on dit que ça
doit commencer... Dans le fond, on appelait ça un secondaire VI,
l'enseignement professionnel; c'est un secondaire VI, un secondaire VII, et
surtout aujourd'hui, on est en train de tenter d'arrimer l'éducation des
adultes avec ça, en formation professionnelle. Là, combien de
plaintes au niveau, peut-être, des adultes, des jeunes adultes à
l'effet que le système d'enseignement n'est pas assez flexible quant
à eux?
On ne doit pas traiter une population de jeunes adultes ou
carrément d'adultes qui suivent des cours d'enseignement professionnel
dans une école secondaire sous le même régime qu'un
élève de secondaire I ou de secondaire II. C'est tout ça,
dans le fond, si vous avez bien compris ce que j'ai voulu dire.
M. Bourbeau: J'essaie de vous suivre, là.
M. Mongeau: Ou si je me suis assez bien exprimé.
M. Bourbeau: J'essaie de vous suivre, mais II me semble y avoir
une certaine contradiction dans vos propos parce que vous parlez de la
capacité des individus et vous dites que le système doit
s'ajuster à la capacité. Je vous suis là-dessus. Il y a
des individus qui ont une capacité intellectuelle qui leur permet de
suivre des études secondaires, au cégep, à
l'université sans problèmes et ils ont le gabarit pour ça.
Il
y a d'autres individus qui ne sont pas moins intelligents mais qui n'ont
pas, parfois, la capacité d'apprendre selon les formules usuelles, avec
les cours magistraux, avec le professeur qui enseigne, etc. et qui,
probablement, ne se rendront pas jusqu'en secondaire V; ils vont
décrocher - on en a quand même un bon nombre qui décrochent
- mais ils ont des habiletés manuelles. Ce n'est pas parce qu'ils sont
parfois moins doués, mais ils ont des dons différents. Ils ont la
capacité d'apprendre par induction plutôt que par
déduction.
Ces gens-là, si on les oblige tous et toutes à passer par
un diplôme de secondaire V avant de bifurquer vers la formation
professionnelle, on risque de voir le taux de décrochage augmenter
peut-être à 50 % plutôt qu'à 35 % ou 40 % parce que
ces gens-là sont parfois incapables de continuer dans le secteur
général. Alors, pourquoi être aussi exigeants et faire en
sorte que, dans tous les cas, on doive tenter d'obtenir un secondaire V
général avant de bifurquer vers la formation professionnelle? Ce
ne serait pas préférable, dans ces cas-là, de laisser
quelqu'un aller chercher un diplôme, ne serait-ce qu'un diplôme de
mécanicien? Au moins, l'individu serait assis sur un diplôme, sur
une formation qualifiante. Il pourrait gagner sa vie.
Mais je vais vous dire que les gens qui ont un diplôme de
secondaire V et qui se retrouvent sur le marché du travail avec
ça, ça vient très souvent gonfler les listes de l'aide
sociale parce que ça ne donne pas beaucoup accès à
grand-chose comme occupation sur le marché du travail. Mieux vaut un
diplôme professionnel d'un métier que pas de diplôme du
tout, ou un diplôme général de secondaire V qui, vraiment,
n'ouvre pas grand-chose comme débouché sur le marché du
travail. Je ne dis pas que vous n'avez pas raison; on doit tendre vers la
formation générale la plus poussée possible et la plus
longue possible, je suis absolument d'accord avec vous, sauf qu'il faut
regarder la situation. Dans un contexte où ça décroche
à 30 %, 40 % ou 50 %, peut-être qu'il y a des cas - même
qu'il y a beaucoup de cas - où on devrait peut-être commencer
à bifurquer avant plutôt que de monter la barre tellement haut
que, finalement, personne ne va passer par-dessus. Enfin, il va y en avoir un
bon nombre qui ne réussiront pas. C'est une autre façon de voir
les choses.
De toute façon, je n'ai pas de question là-dessus, c'est
plutôt un commentaire pour répondre au vôtre. Oui?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): II reste une minute,
M. le ministre.
M. Bourbeau: Ahl mon Dieu que le temps passe vite! Une
dernière chose. Vous mettez en cause les structures. Vous
suggérez une structure propre, je crois, pour l'enseignement de la
formation professionnelle. Ça, c'est intéressant, là. Vous
semblez suggérer un retour à l'ancienne structure des
écoles d'arts et métiers ou des instituts de technologie, tout
ça chapeauté par les commissions scolaires, bien sûr.
Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus par rapport à la
structure actuelle qui, évidemment, est différente?
M. Mongeau: Je vais laisser un peu mes gens... M. Laplante?
M. Laplante (Raynald): Évidemment, on a connu, jusqu'aux
années soixante, dans les structures, les enseignements
spécialisés. Il y avait des écoles pour le commerce, il y
en avait pour l'agriculture, pour les métiers, les techniques, et tout
ça. Alors, je ne sais pas si ce qu'on décrit dans notre
mémoire c'est nécessairement un retour à ça, mais
il y a une chose qu'on a vue dans ce temps-là, c'est que les
élèves qui fréquentaient ces institutions-là, qui
avaient un régime pédagogique et un régime
étudiant, un régime de vie qui leur était propre, avaient
une fierté de les fréquenter. Vous parliez, dans votre document,
de valorisation de l'enseignement professionnel. Ces jeunes-là - puis
ça, je me rappelle parce que j'enseignais dans ce temps-là - ils
étaient fiers. Aller à l'école de métiers et aller
à l'école technique de Trois-Rivières, de Thetford ou de
Montréal, c'était important. Et le personnel enseignant, la
direction de ces écoles-là - dans ce temps-là, ça
relevait directement du ministère de l'Éducation - Ils
étaient un peu traités comme des fonctionnaires, je pense. Il y
avait vraiment un esprit. Et quand on a fusionné tout ça,
évidemment, autant au niveau secondaire que collégial, il est
arrivé que, là, c'est l'enseignement général qui a
eu le haut du pavé, autant dans l'administration que dans
l'organisation. Et ce qui avait été acquis dans ces
centres-là, je pense, a été perdu, pour une bonne
part.
Alors, je pense qu'il ne faut pas Interpréter nos propos comme
une nostalgie du passé mais il faut ramener dans des centres qui leur
sont propres... Puis, il y en a à Montréal. On a
créé, je pense, l'École des métiers de l'auto.
Ça revient, là, un peu, des endroits où la direction est
compétente dans ce domaine-là, ce qu'on n'a pas vu au cours des
dernières années. Qui était compétent dans
l'enseignement des métiers techniques au niveau des directions
d'écoles? C'était assez rare de voir des gens qui origi-naient de
ce milieu-là et du personnel... Parce que c'est un personnel
particulier. On parlait, dans notre mémoire, des normes
d'embauché, et tout ça. Il faudrait, si quelqu'un a une longue et
solide expérience de l'industrie, que ça puisse être
reconnu lorsqu'il devient enseignant. Actuellement, les normes ne sont pas
faites pour ça; elles sont faites pour l'enseignement
général.
Alors, il ne s'agit pas de plaider pour un retour au passé. Je ne
pense pas qu'il faille faire
ça mais il s'agit de dire: oui, les centres
spécialisés pour certains enseignements particuliers, que ce soit
commerce, que ce soft bureautique, h faut revenir à ça parce que
l'aspect de valorisation dont vous parlez dans votre énoncé de
politique, c'est un aspect important, ça.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Je
veux limiter le temps parce qu'on a déjà dépassé,
là. Je vais maintenant reconnaître la critique de l'Opposition,
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la
bienvenue à notre commission. Je suis abonnée au bulletin du
Conseil scolaire et je suis attentivement tous les travaux. Il y a beaucoup
d'innovations qui se sont faites grâce à l'initiative du Conseil
scolaire depuis sa création. Ça va faire 20 ans bientôt, je
crois?
M. Mongeau: L'an prochain.
Mme Harel: l'an prochain. en écoutant l'échange que
vous aviez avec le ministre, je me suis demandé si on n'en est pas
arrivés, finalement, à une situation comme celle qui se
présente du fait qu'il n'y avait pas de ministère de
l'éducation à ottawa et qu'ottawa a commencé à
dépenser son argent en matière de formation de la main-d'oeuvre
par le biais de son ministère de l'emploi et, là, c'est devenu la
justification. la main-d'oeuvre, ce n'est pas de l'éducation. c'est
comme ça que ça a commencé. parce que si c'avait
été de l'éducation, alors... québec a plaidé
le contraire. québec a toujours plaidé que la formation de la
main-d'oeuvre, ça relève de l'éducation, mais
c'était aux fins d'aller chercher les budgets de manière à
pouvoir assujettir ça à sa compétence en vertu de l'acte
de l'amérique du nord britannique. alors, on disait que ça
relevait de l'éducation mais, par ailleurs, on en est à un point
maintenant où on va... en tout cas, croisons-nous les doigts, touchons
du bois, parce que c'est à peu près tout ce qu'on peut faire,
mais on en est là, au moment où on se parle, à vouloir
tout rapatrier. (17 h 45)
Mais quand on va rapatrier, on ne va pas rebrasser toute la question
pour se demander où ça doit aller, avec qui ça doit
être partagé. On va reprendre le modèle, le modèle
qui a été développé depuis, si vous voulez, les
années soixante. Finalement, c'est en 1966 qu'Ottawa adoptait sa loi.
Alors, on va reprendre le modèle et on va dire: Main-d'oeuvre, c'est
MMOSRFP, et formation professionnelle, dans le style enseignement
professionnel, ça va être l'Éducation. Puis on va repartir
avec ce modèle-là sans s'être posé de questions.
Pour moi, c'est le danger présentement, un très grand
danger, à moins qu'on accepte de rebrasser vraiment les cartes; et les
rebrasser, ça, ça veut dire vraiment tout mettre sur la table. Il
y a 300 000 000 $ de l'éducation des adultes au ministère de
l'Éducation chaque année. Il faut remettre sur la table la
formation professionnelle qui se fait au ministère de l'Éducation
et remettre sur la table... Mais le faire vraiment à fond, et non pas en
reprenant, si vous voulez, les vieilles attributions qui se faisaient dans les
chicanes fédérales-provinciales parce que, sinon, tout le monde
va être partenaires sauf les ministères. Et en n'étant pas
partenaires, ça se continue dans la vraie vie, sur le terrain. le
danger, évidemment, que je trouve à tout ça, c'est qu'on
regarde les expériences d'ailleurs. il y a un petit livre qui a
été publié par la ceq - moi, c'est de cette
manière-là que j'essaie de comprendre les expériences - et
je lisais qu'en allemagne, c'est assez phénoménal, mais c'est
très très étroitement imbriqué le milieu de
l'éducation et le milieu de l'entreprise. c'est la
caractéristique de leur secteur. c'est que ça commence
très jeune, leur filière. ça commence, paraît-il,
après la quatrième année, sauf que le métier
conduit à la technique, la technique conduit finalement à
être ingénieur. la majorité des ingénieurs ont
commencé, imaginez-vous, par être dans un métier. on n'en
est pas là, nous, hein! c'est compartimenté puis
fragmenté.
Alors, sur cette question, finalement, je pense sincèrement qu'il
faut revoir vraiment les relations avec le monde de l'éducation. Je
pense sincèrement qu'il faut le faire, pas entre les ministères
mais sur le terrain. Je pense sincèrement qu'il faut le faire parce que,
présentement, c'est vraiment la Main-d'oeuvre qui achète des
cours. C'est ça, le rôle, finalement, de l'Éducation et on
n'ira pas loin avec ça; moi, je suis convaincue de ça. Si on ne
revoit pas ce partenariat, ça ne pourra pas... Ça
m'apparaît assez évident, parce que la Main-d'oeuvre va être
obligée de corriger, par ses programmes de main-d'oeuvre, le fait que
l'Éducation est déphasée, que l'enseignement professionnel
ne va nulle part puis que la formation professionnelle ne va nulle part. Elle
sera toujours déphasée si la Main-d'oeuvre se réserve les
contacts avec l'entreprise; tout le milieu de l'éducation ne va-t-il pas
finir par être complètement déphasé? Enfin, je ne
sais pas. C'est une réflexion que je veux simplement, à la fin de
cette journée, après ces deux jours de commission, partager avec
vous.
Vous proposez des écoles de métiers
spécialisées. D'abord, pourquoi spécialisées? Les
écoles de métiers, vous proposez qu'elles soient
gérées... Commençons par ça avant de voir qui
pourrait... si ce sera après le secondaire V ou après le
secondaire III. En fait, la question, c'est: Faut-il des écoles de
métiers gérées par les commissions scolaires? Ces
écoles de métiers, en quoi ça ajoute quelque chose
d'ajouter le mot «spécialisées»? Faites-vous une
distinction entre les techniques puis les métiers? Grosso modo, je
ne suis pas une spécialiste dans tout ça, mais on me dit:
Les techniques, c'est le cégep, les métiers, c'est les
commissions scolaires. C'est quoi, un métier spécialisé?
C'est quelque chose de différent du métier puis de la
technique?
M. Levasseur (Jules): Non, la spécialisation, c'est
seulement la question des familles de métiers. Ce sont des
métiers... On parle d'ouvriers spécialisés. C'est dans le
sens d'ouvriers spécialisés, les écoles de métiers
spécialisées.
Mme Harel: Donc, on pourrait dire «des écoles de
métiers gérées par les commissions scolaires», puis
on se comprendrait?
M. Levasseur: Oui. Elles sont spécialisées, par
exemple, parce que l'on connaît à Montréal... Si on pense a
l'École de commerce et de secrétariat, c'en est une qui est
vraiment spécialisée, comme école. Elle ne fait que
ça. Elle ne fait pas d'école de l'automobile. Il y en a une autre
qui ne fait que ça, une école de l'automobile. On parle d'une
école du plastique. Enfin, il y a d'autres centres semblables à
Montréal.
Mm» Harel: Ah! des écoles, donc, de métiers,
qui n'ont pas le caractère de la formation initiale théorique
exigée par les techniques? C'est ça qu'il faut comprendre?
M. Levasseur: C'est ça, oui. Les techniques, c'est
véritablement le niveau cégep.
Mme Harel: Oui, parce que, là, on en est à un
projet plus ou moins d'instituts au niveau des cégeps. Vous devez
connaître l'institut de chimie, pétrochimie, dans l'Est. Et il y a
plein d'autres instituts maintenant qui se sont développés
à travers le Québec dans toutes sortes d'autres domaines. Les
écoles de métiers, ça, c'est la première question,
parce qu'on pourrait aussi concevoir ces écoles de métiers
gérées par les commissions scolaires comme accessibles
peut-être après le secondaire III dans certains métiers, ou
après le secondaire V dans d'autres métiers. Est-ce que,
ça, c'est envisageable pour vous?
Mol, j'en suis. Je ne suis pas une experte; je m'informe puis je lis
tout ce que je peux, mais je me demande si on n'aurait pas intérêt
- puis je pose la question; mon Idée n'est pas finie là-dessus -
à introduire un diplôme après le secondaire III. Je ne sais
pas ce que vous en pensez.
M. Mongeau: Si vous permettez, vous avez quasiment lu dans ma
pensée, madame. C'est exactement ce que j'ai dit encore récemment
au conseil d'administration de la Fédération des commissions
scolaires. Je pense que je l'ai dit aussi au Conseil scolaire de l'île de
Montréal. En prenant un petit peu de la courte expérience de ma
courte vie où, dans le temps où j'allais à
l'école... évidemment, ç'a bien changé depuis mais,
à l'école primaire où j'allais, l'école primaire
durait neuf ans mais il y avait un diplôme à la fin de la
septième année puis un diplôme à la fin de la
neuvième année. Et les élèves qui avaient leur
diplôme de septième année, il y en a qui arrêtaient
et qui s'en allaient sur le marché du travail à ce
moment-là. Évidemment, on parle d'il y a quelques années,
madame, vous avez compris ça.
Mais j'ai dit exactement la même chose. Pourquoi on n'aurait pas
un diplôme de secondaire III pour les élèves qui ne peuvent
pas aller plus loin que le secondaire III au niveau d'une formation de base,
d'une formation générale? Avoir un diplôme, ça
valorise quelqu'un. Il l'a, son papier. Il dit: Moi, j'ai mon papier. Hein? Et
il est reconnu dans une société avec son papier. Et là,
à partir de ce moment-là, probablement qu'il n'y a rien qui
pourrait s'objecter à ce qu'il entre dans un centre de métiers
spécialisé, à son niveau à lui, de métier.
Moi, je pense que, oui... C'est pour ça, tantôt, quand j'ai
parlé de la réforme, peut-être, ou de revoir le
régime pédagogique, c'était exactement ce à quoi je
pensais.
Mme Harel: D'accord. À ce moment-là, il faut
comprendre que ces écoles de métiers qui seraient
gérées par les commissions scolaires, ça ne signifie pas
pour autant construire des bâtisses. Ça pourrait fort bien se
retrouver dans la même polyvalente. Ça pourrait très bien
être une aile, par exemple, qui serait convertie en école de
métiers gérée. C'est ça qu'il faut comprendre.
M. Mongeau: Oui, oui.
Mme Harel: Qu'est-ce que ce serait, la différence? Est-ce
qu'elle aurait un conseil d'administration? Est-ce que des gens
siègeraient, de l'entreprise, par exemple, ou du métier
concerné? Est-ce que quelque chose la rendrait plus visible?
M. Mongeau: elle pourrait avoir, oui, son propre directeur ou sa
propre directrice. ça, il n'y a absolument aucun doute là-dessus.
Et elle pourrait surtout avoir...
Une voix: Son régime de vie à elle.
M. Mongeau: Hein! Qui pourrait être un régime
beaucoup plus flexible que celui d'une école, de l'école à
temps plein normal, tu sais, de telle heure à telle heure; étant
donné qu'il y a des adultes qui sont intégrés à
ça, et tout ça, peut-être qu'on pourrait dire: Bon,
l'école pour l'enseignement de tel métier ou de tel autre
métier va commencer plus tard dans la journée et va se terminer
plus tard parce qu'il y en a
que... Vous avez raison, il n'est pas question de se mettre à
construire d'autres écoles au Québec, pas du tout. Mais on a les
infrastructures, on a les équipements. Il s'agit d'avoir le
régime, maintenant, qui nous permettra d'être plus flexible. C'est
ça, dans le fond.
Mme Harel: Et, à ce moment-là, est-ce que vous
envisagez, par exemple, que la convention collective soit
différente?
M. Mongeau: Oui, définitivement.
Mme Harel: Et qu'à ce moment-là il pourrait y avoir
un système d'apprentissage?
M. Mongeau: Oui, oui. Mais oui, tout à fait.
Mme Harel: Avez-vous quelque chose à dire, M. le
Président? Un commentaire serait...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Madame, Je vous
écoute.
Mme Harel: ...approprié.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui. Alors, Mme la
députée, je voudrais vous...
Mme Harel: Parce qu'il est très actif à
l'éducation. Alors...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): C'est un discours
qu'on tient depuis nombre d'années. Ça fait 25 ans, je pense,
qu'on entend ces discours-là. Mais, finalement, on a
évolué, c'est sûr, dans ce domaine-là, et on est en
train de refaire nos devoirs au niveau des centres spécialisés.
Comme vous l'avez dit si bien tout à l'heure, il y a des écoles
spécialisées dans l'automobile. Alors, c'est un retour graduel
vers ce qui a été enseigné autrefois et ce n'est pas
mauvais. On a expérimenté les écoles polyvalentes.
Maintenant, on est rendu à ce stade-là, et peut-être que ce
sera pour le mieux-être de tout le monde. Je l'espère. Et votre
diplôme de secondaire III... À l'heure actuelle, il y a des
certificats qui se donnent en enseignement professionnel, mais ça n'a
pas la même valeur qu'un diplôme, c'est sûr. Mais est-ce
qu'on doit baisser en secondaire III le diplôme? Là est toute la
question. Il faudrait tenir un grand débat là-dessus.
Mme Harel: J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Mongeau: Ce que je veux dire, M. le Président, c'est
que, quand on parle d'un diplôme de secondaire III, on ne baisse pas le
diplôme. Il y a un diplôme de secondaire III...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): ...une
obligation.
M. Mongeau: ...pour ceux qui auront réussi leur cours
secondaire jusqu'en secondaire III. Et comme on sait que ceux-là ne
peuvent pas se rendre plus loin, eh bien, Ils ont un diplôme attestant
qu'ils ont fait des études secondaires de secondaire III.
Mme Harel: Je vous arrête ici, justement. «Qui ne
peuvent pas se rendre plus loin». Ça, c'est une question qui me
préoccupe beaucoup parce qu'il n'est pas dit qu'ils ne pourront jamais
se rendre plus loin. Il est possible qu'à l'adolescence, compte tenu des
circonstances, compte tenu de l'incapacité, d'un problème pour
s'identifier, se motiver, savoir ce qu'on veut dans la vie, il est possible
qu'à ce moment-là ils ne puissent pas mais il n'est pas dit
qu'ils ne pourront jamais.
Et la question que ça pose... Je prenais connaissance la semaine
dernière d'une sorte de proposition d'harmonisation des formations
professionnelles secondaire et collégiale qui a été
préparée par le Conseil des collèges. Je ne sais pas si
vous avez été informé de ce projet. Ça leur
apparaissait comme une condition essentielle à un développement.
Est-ce que ça ne devrait pas justement permettre que ce diplôme
éventuel en secondaire III ou en secondaire V et cette école de
métiers gérée par les commissions scolaires, dans la
mesure où on pourrait penser à un système
harmonisé... Parce que le danger n'est-il pas justement qu'on fasse le
contraire de ce qui se passe dans des systèmes qui marchent bien comme
en Allemagne?
Imaginez, en Allemagne, 63 % des ingénieurs avaient reçu
au début de leur carrière une formation d'ouvrier. Cette
proportion passe à 73 % pour le diplôme de technicien et à
100 % pour celui de contremaître. Alors, plutôt que de
déprécier, si vous voulez, ce genre de métiers-là,
eux, ils commencent par ces métiers-là. Alors, vous voyez comment
c'est différent. Mais au bout de la ligne aussi il faut voir qu'il y a
toute une différence parce qu'il est très très bien
payé, le métier d'ouvrier. Très très bien
payé. Alors, au bout de la ligne, ça joue, ça, hein! La
reconnaissance sociale qui se vit par la rémunération fait que
les écarts salariaux sont très faibles en Allemagne entre les
divers techniciens, ouvriers qualifiés et autres. Ça, ça
joue, évidemment. Mais est-ce qu'il n'y a pas lieu de penser comme
ça plutôt que de dire: Toi, tu n'es pas capable d'aller plus loin,
on va t'envoyer dans un métier?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. le président, une courte réaction à cette
proposition de Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve, avant de
terminer.
M. Mongeau: Mol, je ne suis pas capable de dire que quelqu'un va
dans un métier parce qu'il
n'est pas capable d'aller plus loin en formation. Je ne suis pas capable
de dire ça parce que j'ai trop peur qu'on retombe dans la philosophie de
la voie de garage, à partir de ce moment-là.
Mme Harel: C'est ça, moi aussi.
M. Mongeau: je ne suis pas capable de dire ça.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): C'est le danger qui
nous guette, d'ailleurs.
M. Mongeau: C'est le danger qui nous guette.
Mme Harel: Ça veut donc dire...
M. Mongeau: c'est la solution de facilité. un
élève réussit moins bien, il a de la misère, bon,
je m'excuse, je pense que toi, tu es fait pour un métier, vas-y
donc.
Mme Harel: C'est ça.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): au moins, on est
d'accord sur ce principe. alors, on va terminer sur cette belle note
d'unanimité. m. le président, je vous remercie de votre
prestation et je vous souhaite bon voyage de retour. la commission ajourne ses
travaux au mardi 11 février, à 14 heures. je vous remercie.
(Fin de la séance à 17 h 59)