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(Quatorze heures douze minutes)
La Présidente (Mme Marois): Si vous le permettez, nous
allons maintenant ouvrir nos travaux. Je vais d'abord rappeler le mandat de la
commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et tenir des
auditions publiques sur le document de consultation intitulé
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. Je vais maintenant demander au secrétaire s'il y a des
remplacements. M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente, on m'a
confirmé que M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est
remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); M. Joly (Fabre) par M.
Doyon (Louis-Hébert); Mme Loiselle (Saint-Henri) par M. Beaudin
(Gaspé); M. Paradis (Matapédia) par M. Bergeron (Deux-Montagnes)
et M. Williams (Nelligan) par M. Tremblay (Rimouski).
La Présidente (Mme Marois): Alors, je vous remercie.
Évidemment, je vais souhaiter la plus cordiale bienvenue à mes
collègues de l'Assemblée et aussi à ceux et à
celles qui, tout au long des travaux de notre commission, vont venir nous
donner leur point de vue. Vous comprendrez que, pour des raisons diverses, ce
débat m'intéresse d'une façon tout à fait
particulière. Je souhaite aussi qu'il soit le plus fructueux possible
parce que je suis très consciente du fait que c'est en partie de
l'avenir du Québec dont nous parlons lorsque nous discutons de questions
de main-d'oeuvre.
Alors, je vais souhaiter à tout le monde bonne chance.
Malheureusement, des travaux à l'extérieur de cette commission,
dans d'autres commissions vont m'empêcher de suivre d'une façon
aussi assidue que je l'aurais souhaité la présente commission,
mais je suis persuadée que mes collègues, soit à la
présidence ou autrement, assumeront, évidemment,
l'entièreté du mandat et, dès qu'il me sera possible de le
faire, je me joindrai régulièrement à la commission.
Cela étant dit, on va regarder ensemble un petit peu l'ordre du
jour. D'abord, évidemment, des interventions préalables de la
part du ministre et de la porte-parole de l'Opposition officielle. Je crois que
ce qui a été entendu c'est qu'il y avait une intervention de 15
minutes chacun, 15 minutes respectivement. Par la suite, les organismes qui ont
été convoqués aujourd'hui, soit l'Association des
manufacturiers du Québec, la Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec, MM. Frisque et Hamel, la Corporation
professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation du
Québec, la Confédération des organismes provinciaux de
personnes handicapées de même que l'Administration
régionale Kativik seront entendus dans l'ordre dans lequel je vous les
ai identifiés.
Il est prévu que nous consacrions une heure par organisme; 20
minutes pour l'exposé de l'organisme et 40 minutes ensuite pour les
échanges avec les membres de la commission, ces 40 minutes étant
partagées à parts égales entre les deux groupes
parlementaires en tenant compte de la présence du député
indépendant, s'il y a lieu.
Mémoire déposé
Avant d'inviter le ministre et Mme la députée à
faire leur intervention de départ, j'aimerais déposer le
mémoire présenté par le groupe Emploi et Immigration
Canada qui nous a demandé de le faire parce qu'il ne compte pas venir se
présenter devant les membres de la commission, mais, d'autre part, il
veut bien s'assurer que ce mémoire sera aux minutes de notre commission.
Alors, M. le secrétaire, j'imagine qu'avis est pris que ce
mémoire est déposé et, à partir de ce moment-ci,
évidemment, il va de soi qu'il est officiellement public.
J'inviterais maintenant M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle à
nous faire part de ses commentaires.
Déclarations d'ouverture M. André
Bourbeau
M. Bourbeau: Mme la Présidente, en publiant en
décembre dernier «Partenaires pour un Québec
compétent et compétitif», le gouvernement a
décidé de participer activement à un débat public
sur le développement de la main-d'oeuvre. Ce débat a cours depuis
quelques années au Québec. Dès que l'énoncé
de politique fut rendu public, de nombreux organismes se sont exprimés
sur le diagnostic que posait le gouvernement et sur la stratégie
proposée. Des groupes de travail ont été constitués
au sein de plusieurs organismes pour analyser les orientations gouvernementales
et réfléchir aux bonifications qui pourraient y être
apportées.
Personne ne s'étonnera que cette réflexion et ce
débat culminent en quelque sorte à l'As-
semblée nationale. Au cours des prochaines semaines, de nombreux
organismes viendront exprimer ici leur conception du développement de la
main-d'oeuvre, leurs attentes à l'égard des politiques
préconisées par le gouvernement et les préoccupations
particulières des divers secteurs économiques, des
clientèles et des régions. Plusieurs viendront aussi nous faire
part de la contribution qu'ils voudraient apporter au défi du
développement optimal de la main-d'oeuvre québécoise.
Nous accordons donc à cette consultation une importance toute
particulière. Bien sûr, des positions divergentes nous seront
présentées et, au terme de cet exercice, il sera bien difficile
de les concilier toutes. Nous décelons néanmoins dans les
mémoires soumis à cette commission parlementaire une remarquable
convergence de vues sur les objectifs poursuivis par le gouvernement en
matière de développement de la main-d'oeuvre, sur l'urgence
d'agir, sur la nécessité de rapatrier les budgets
fédéraux et de travailler en partenariat.
Ce large consensus de base donne certes place à l'expression de
nuances, de plusieurs demandes particulières et même de
désaccords sur certains moyens envisagés ou sur l'importance que
l'énoncé de politique accorde à tel ou tel groupe ou
institution. Mais, dès lors que nous partageons la conviction que la
prospérité du Québec d'aujourd'hui et de demain passe par
le développement de sa main-d'oeuvre, dès lors que nous convenons
de la nécessité d'accroître, à tous les niveaux, les
investissements dans le développement des compétences, les
divergences sur les moyens, toutes importantes qu'elles soient, ne nous font
pas dévier de l'essentiel.
Nous avons entendu, au cours des dernières semaines, une voix
singulièrement discordante qui a condamné sans réserve
l'énoncé de politique sur le développement de (a
maln-d'oeuvre. Rien dans la stratégie gouvernementale ne convient
à cet organisme qui, par une conversion aussi soudaine que surprenante,
se prétend le défenseur le plus acharné d'une conception
dépassée du système d'éducation. Sa diatribe
cinglante contraste étonnamment avec les commentaires somme toute
positifs qu'expriment les milieux de l'enseignement à l'égard de
l'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre. Vous me permettrez, Mme la Présidente, d'affirmer que
nous assistons là à un douteux excès de zèle.
À une autre époque, lorsque les croisés sont
devenus plus catholiques que le pape, ce ne fut pas pour le plus grand bien de
l'Église. Cette position ne ressemble-t-elle pas au refus de participer
à une concertation institutionnalisée, au refus de s'associer
véritablement aux partenaires du marché du travail? On serait
partenaire seulement quand ça nous arrange, dans des mécanismes
pas trop engageants?
L'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre reconnaît sans équivoque l'importance de la
formation la plus complète et la plus poussée. Personne n'a
avantage, dans un contexte de compétition internationale, à
diminuer les standards en éducation. Ceux qui voient dans
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif» une stratégie pour réduire les exigences
du système d'éducation souffrent, ma foi, de strabisme
intellectuel.
De même, il est faux de prétendre que le rapprochement
entre l'école et les milieux de travail se fait au détriment de
la formation initiale. Le ministère de l'Éducation a
effectué sa réforme de l'enseignement professionnel de 1987
après avoir abondamment consulté les représentants de
l'industrie qui ont, à une forte majorité, plaidé en
faveur du relèvement de la formation de base.
Enfin, on peut revendiquer une plus grande accessibilité à
la formation professionnelle pour les personnes actives sur le marché du
travail et un assouplissement des pratiques d'enseignement sans pour autant
nier l'importance d'une éducation complète et continue.
Par ailleurs, il importe de préciser, avant que ne s'engagent les
discussions avec nos invités, que l'énoncé de politique
sur le développement de la main-d'oeuvre ne repose pas sur une approche
clientèles, si vous me permettez l'expression. C'est à l'ensemble
de la main-d'oeuvre que nous nous adressons, qu'elle soit jeune ou
âgée, masculine, féminine, autochtone ou handicapée,
qu'elle travaille dans le secteur agricole, minier, technologique ou dans des
emplois standard. Dans une large mesure, les programmes et les services de
main-d'oeuvre devraient être universels, avoir la souplesse
nécessaire pour répondre aux besoins variés de la
main-d'oeuvre active.
Alors, si on veut évaluer l'importance que l'énoncé
de politique accorde à une clientèle particulière ou
à son secteur économique donné en mesurant le nombre de
lignes qui lui est consacré, on fait fausse route. Bien sûr, il
faut s'attendre à ce que les organismes qui représentent des
clientèles ou des secteurs d'activité viennent nous rappeler leur
singularité et nous faire part de leurs attentes particulières.
Nous avons effectivement besoin de cet éclairage. Est-ce à dire
qu'il faut que cette diversité d'organismes soit nommément
représentée aux structures de partenariat que nous envisageons?
Doit-on pousser la préoccupation des clientèles jusqu'à
truffer les programmes de main-d'oeuvre de nombreux critères
spécifiques? Nous allons donc débattre de l'équilibre
judicieux qu'il faut rechercher entre la représentativité la plus
large et l'efficacité d'une organisation, entre la souplesse des
programmes et leur spécificité à des clientèles et
des régions.
Ce débat m'apparaît essentiel. L'énoncé de
politique sur le développement de la main-
d'oeuvre repose en effet sur le partenariat qu'il faut absolument
raffermir. Nous proposons que ce partenariat s'exerce dans l'action et qu'il
mette en présence les agents économiques qui, par leurs actions
et leurs décisions, influencent le fonctionnement du marché du
travail et peuvent concourir à son équilibre. Je conçois
très bien que le choix de ces agents du nouveau partenariat puisse faire
l'objet de discussions. J'insiste simplement pour dire qu'il faut
préserver la dynamique que nous voulons insuffler en instaurant ce
partenariat.
Ce sont les entreprises qui décident de créer des emplois.
La main-d'oeuvre est constituée de travailleurs et de travailleuses dont
les représentants organiquement structurés sont les syndicats. Le
gouvernement joue aussi un rôle crucial dans la dynamique du
marché du travail. Nous croyons fermement qu'au lieu de maintenir
isolés ces trois grands agents économiques que constituent le
patronat, les syndicats et le gouvernement, il faut les faire travailler
ensemble. C'est la raison pour laquelle nous proposons de créer la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre. On a abondamment parlé, au cours des derniers mois, de
cette Société, pas toujours de façon très
éclairée. Vous me permettrez, Mme la Présidente, de m'y
attarder quelque peu.
Avant toute chose, il faut savoir que les politiques et les programmes
québécois de main-d'oeuvre sont présentement
élaborés par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Le
ministère chapeaute un réseau de 11 commissions de formation
professionnelle dans autant de régions du Québec qui sont
chargées de gérer les programmes de main-d'oeuvre et d'estimer
les besoins de formation de la main-d'oeuvre.
Ceux qui parlent de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre en la qualifiant de structure
bureaucratique oublient de dire que cette structure bureaucratique existe
déjà. C'est précisément cette structure que nous
voulons changer. J'insiste pour dire qu'en créant la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre nous n'ajoutons aucun fonctionnaire à l'organisation
actuelle.
Le grand changement que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre instaure,
il réside dans le partenariat. Désormais, ce ne sera plus un
ministère qui élaborera et gérera les programmes de
main-d'oeuvre. Cette fonction cruciale sera exercée par les partenaires
du marché du travail.
Le gouvernement se déleste, au profit de ses partenaires,
d'instruments précieux pour établir les priorités de
développement de la main-d'oeuvre, pour mettre en place des programmes
et des services en réponse à ces choix prioritaires, pour moduler
les interventions dans le domaine de la main-d'oeuvre aux besoins particuliers
des divers secteurs économiques et des régions. Ces
décisions se prendront à trois, en concertation.
Il faut réaliser le changement de dynamique que ce virage
introduit. Les décisions relatives au développement de la
main-d'oeuvre doivent, dans toute ia mesure du possible, résulter d'une
volonté commune de s'attaquer au défi de la
compétitivité, chacun dans son milieu. Nous n'avons plus les
moyens de gaspiller nos énergies dans des luttes
employeur-employés. Face aux impératifs de la concurrence
internationale, il faut savoir mettre cartes sur table et, en véritables
partenaires, élaborer des stratégies qui permettent à
l'entreprise et à la main-d'oeuvre à son emploi de tirer leur
épingle du jeu et de sortir gagnantes.
Le gouvernement est souvent interpellé par ces stratégies.
Jusqu'ici, en matière de développement de la main-d'oeuvre, il a
dû arbitrer entre des demandes trop grandes pour les ressources dont il
disposait. En acceptant d'être une des trois composantes du partenariat
au sein de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, le gouvernement reconnaît qu'il
n'est probablement pas le meilleur juge des priorités, le meilleur
concepteur de programmes et le meilleur dispensateur des services de
main-d'oeuvre. Il prend le pari de s'associer véritablement aux agents
économiques du marché du travail pour partager la
responsabilité de définir les priorités et d'offrir les
services.
La réalité du marché du travail change
considérablement d'une région à l'autre du Québec.
C'est pourquoi les programmes de développement de la main-d'oeuvre
doivent pouvoir être adaptés aux particularités des
régions. Les sociétés régionales disposeront de ce
mandat important. Elles succéderont aux actuelles commissions de
formation professionnelle. Des responsabilités plus larges leur seront
confiées. C'est ainsi qu'elles pourront intervenir non seulement en
matière de formation, ce qui constitue l'unique mandat des CFP
présentement, mais aussi dans les domaines nettement plus étendus
du développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi. C'est en ce sens
que ces sociétés vont jouer un rôle plus actif et plus
important dans le développement régional. (14 h 30)
On convient aisément de la nécessité de coordonner
les activités des sociétés régionales de
développement de la main-d'oeuvre tout en leur accordant les marges de
manoeuvre nécessaires à l'adaptation des politiques de
main-d'oeuvre dans leur région respective. Présentement, les
commissions de formation professionnelle voient leurs activités
très encadrées par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle de qui les
CFP dépendent au plan financier.
Cet encadrement présente la rigidité inhérente
à tout ministère. Nous proposons que
les sociétés régionales ne soient plus
chapeautées par le ministère, mais par les partenaires du
marché du travail réunis au sein de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Bien
malins ceux qui voient dans ce changement un affaiblissement du rôle des
partenaires ou l'émergence d'un monstre bureaucratique symbolisant la
propension des fonctionnaires à grossir les organisations
étatiques. Trêve de clichés. il faut aussi voir la
société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre dans la perspective du rapatriement de l'ensemble des budgets
fédéraux consacrés à la main-d'oeuvre. au fur et
à mesure que ces budgets seront ramenés au québec, c'est
la société qui les gérera et qui étendra ses
programmes et services à la main-d'oeuvre québécoise.
Je me réjouis de l'appui très solide - j'allais dire de
l'unanimité - que reçoit le projet de rapatriement. Nos
concitoyens ont compris que la gestion unifiée des programmes et
services de main-d'oeuvre, sans être en soi un gage absolu de
succès, constitue une prémisse essentielle à
l'efficacité des interventions gouvernementales en matière de
main-d'oeuvre. Dans les prochains mois, nous aurons besoin de la
solidarité dont font preuve les partenaires économiques et
sociaux du Québec sur cette question du rapatriement des budgets
fédéraux.
Conformément à nos règles de fonctionnement, nous
allons écouter respectueusement les points de vue exprimés ici
par les organismes. Nous n'engagerons pas de polémique avec nos
invités. Nous tenterons, cependant, de faire clarifier certaines de
leurs prises de position et d'en voir la compatibilité avec les
objectifs que nous poursuivons.
Mme la Présidente, vous savez pertinemment que cette politique de
développement de la main-d'oeuvre est attendue depuis fort longtemps;
depuis au moins 20 ans, n'est-ce pas? C'est dire à quel point on en a
parlé. Nous allons encore en parler au cours des prochaines semaines.
Immédiatement après cette ultime consultation, nous passerons
à l'action. J'espère que l'Opposition officielle partage la
même hâte. La main-d'oeuvre québécoise nous presse en
effet d'agir. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Je
passe maintenant la parole à ma collègue, Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve et porte-parole pour
l'Opposition officielle. Vous avez environ 18 minutes, Mme ia ministre.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. C'est un lapsus
significatif.
La Présidente (Mme Marois): Qu'est-ce qu'elle a dit? Ah,
moi? Excusez-moi. Ha, ha, ha! Peut-être... Je m'excuse, M. le ministre et
madame.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Je voudrais d'abord, Mme la Présidente, saluer
les membres de la commission parlementaire. Nous aurons quelques heures sinon
quelques semaines à passer ensemble et je veux les assurer, comme ce fut
le cas dans le passé, de toute ma collaboration et vous en assurer tout
autant.
La lecture de l'énoncé de politique terminée, un
fait d'évidence s'impose. Avec trois ans de retard, le gouvernement du
Québec vient enfin de se pencher sur le sort des salariés
affectés par le traité de libre-échange et l'ouverture des
frontières, mais c'est en fait tout ce dont il s'agit.
Après avoir négligé durant toutes ces années
de mettre en place les mesures d'adaptation tant réclamées,
aggravant durant ces trois ans l'exclusion du marché du travail et la
déqualification de milliers d'hommes et de femmes qui ont depuis perdu
leur emploi, le ministre essaie maintenant de nous faire croire que ces
mesures, nécessaires mais partielles, vont tenir lieu de politique
globale de développement de la main-d'oeuvre.
Comme l'indique le titre même du communiqué publié
par le cabinet du ministre à l'occasion de la publication de
l'énoncé le 11 décembre dernier, il s'agit - et je cite le
titre de ce communiqué - «d'une approche sectorielle
répondant aux besoins du développement industriel». La
lettre d'accompagnement, signée par le ministre lui-même, est
aussi explicite: pas un mot ni sur l'emploi ni sur une véritable
politique intégrée de développement de la main-d'oeuvre
qui permette au Québec d'atteindre ses objectifs de développement
économique et social. Le ministre offre son document à la seule
réflexion des défis qui se posent à l'économie, pas
un mot de l'emploi, Mme la Présidente. On sait maintenant que ces
changements technologiques peuvent bénéficier à
l'économie qui est inversement proportionnelle à la croissance de
l'emploi.
Malgré l'utilisation souvent confuse et mal définie des
concepts d'adaptation de la main-d'oeuvre, de formation professionnelle et de
formation continue, le document écarte l'investissement dans le
développement de l'individu au profit strictement de formations à
caractère opérationnel et à très courte
portée. L'approche essentiellement curative est d'abord centrée
sur les besoins d'adaptation des entreprises et les secteurs d'activité
exposés à la mondialisation des marchés.
Comme le signalent fort justement des dizaines de mémoires qui
seront déposés devant la commission, l'énoncé de
politique se préoccupe des besoins des entreprises en main-d'oeuvre.
Mais qui donc va se préoccuper des besoins de la main-d'oeuvre? C'est
à tort d'ailleurs que le ministre prétend effectuer le même
choix que le gouvernement du Parti québécois dans sa
réforme
de 1984. C'est ce qui est d'ailleurs prétendu dans
l'énoncé.
J'ai relu attentivement cet énoncé d'orientation et plan
d'action en éducation des adultes intitulé, justement, «Un
projet d'éducation permanente», publié conjointement par le
ministre de l'Éducation de l'époque, la ministre
déléguée à la Condition féminine et la
ministre de la Main-d'oeuvre et Sécurité du revenu qui est
actuellement présidente de notre commission.
Tout en confirmant clairement la maîtrise d'oeuvre et le transfert
au ministère de la Main-d'oeuvre de l'orientation, de
l'élaboration, de la mise en oeuvre des interventions gouvernementales
visant le développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi et de la plus
grande partie des crédits alloués à l'éducation des
adultes, le plan d'action retenait trois orientations fondamentales, à
savoir: les programmes de développement professionnel de la
main-d'oeuvre doivent répondre aux exigences du développement
économique; deuxième orientation, les programmes doivent aussi
contribuer à diminuer l'inégalité des chances sur le
marché du travail et servir d'instrument de développement et de
démocratisation sociales et, troisième orientation, la formation
professionnelle de la main-d'oeuvre doit être étroitement
imbriquée dans une formation de base large et solide. On ne trouve rien
de cela dans l'énoncé de politique actuel. Il n'est jamais
question de développement de l'emploi.
Les trois orientations de cette époque continueront à
être celles de l'Opposition durant tout le présent débat.
Lors d'une entrevue très inspirante qu'il accordait au
«Point» en novembre dernier, Riccardo Petrella, de la Commission
des communautés européennes, cité dans certains
mémoires d'ailleurs, signalait: «Pourquoi sommes-nous devenus
économiquement riches, nous les pays développés? Parce que
nous avons mis en place le principe de l'égalité, le principe de
l'universalité, le droit à l'éducation, le droit au
travail et à la sécurité sociale. C'est parce que nous
avons fait cela que nous sommes devenus riches. L'économie s'est
développée grâce au fait que les sociétés
sont novatrices sur le plan social. Ce n'est pas l'inverse. On ne fait pas de
l'innovation quand on est riche, on devient riche quand on fait de l'innovation
sociale. L'histoire du monde le démontre.» C'est une des graves
lacunes de cet énoncé que de l'oublier. Le ministre aura beau
dire, sa réforme en est d'abord une de structures, les objectifs
étant laissés à l'idéologie de
compétitivité qui tient lieu de vision globale dans le
développement de la main-d'oeuvre.
Avant d'ailleurs d'aborder cette réforme des structures, je
voudrais encore une fois insister sur le maintien d'un des vices actuels de la
gestion des ressources humaines québécoises, à savoir
l'accessibilité à la formation professionnelle non pas en
fonction de la capacité de la personne, de ses aspirations et des
efforts qu'elle est prête à y consentir, mais en fonction de son
admissibilité a l'un ou l'autre ou aucun des programmes de remplacement
de revenu que sont l'assurance-chômage, l'aide sociale et le
régime de prêts et bourses. Souvent, les formations
demandées vont être celles, plus courtes, qui rendent
éligibles aux allocations d'aide plutôt qu'aux prêts et
bourses.
Il est tout à fait inadmissible d'écarter, comme le fait
l'énoncé, les prestataires de la sécurité du revenu
des programmes de formation de main-d'oeuvre par incapacité de faire les
arbitrages requis avec le ministère de l'Éducation qui assume les
coûts de la formation générale et professionnelle ou encore
pour refiler une partie de la facture au Régime d'assistance publique du
Canada, le RAPC, qui partage les coûts de bien-être social et
d'assistance publique. Qu'arrive-t-il au chauffeur de taxi ou à la
caissière d'une pharmacie qui veut améliorer son sort
professionnel et qui n'est dans aucune des grappes industrielles
identifiées par le ministre de l'Industrie et du Commerce? Le
ministère de l'Éducation du Québec a de l'argent pour les
étudiants adultes réguliers, des enveloppes fermées pour
le temps partiel et surtout des préalables académiques
très élevés. Les mêmes programmes du
ministère de la Main-d'oeuvre n'exigent, eux, que des préalables
fonctionnels, mais il n'y a pas d'argent dedans.
Il est, par exemple, particulièrement odieux qu'année
après année, depuis 1986, les budgets et le nombre de
participants du seul programme offert à temps partiel aux personnes en
emploi, le programme de recyclage et de perfectionnement, aient
été constamment diminués par le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle. Des 32 000 000 $ alloués pour 174 000 participants en
1986, nous ne retrouvons plus, sans tenir compte de l'inflation, que 28 000 000
$ et 139 000 participants en 1990-1991, une diminution de 35 000 participants.
À chaque nouvelle session, comme cela s'est encore passé en
janvier pour l'avoir personnellement vérifié, des milliers de
travailleurs et travailleuses ont été refusés, faute de
place dans les centres qui offrent du recyclage et du perfectionnement.
Dans l'énoncé de politique, à la page 55, on y lit
que le programme d'intervention individuelle devra permettre aux participants
de bénéficier du soutien financier prévu au régime
d'assurance-chômage. Va-t-il falloir, en plus, être sans emploi
maintenant pour avoir droit à du recyclage et du perfectionnement?
L'arbitrage avec le ministère de l'Éducation du Québec et
celui de l'Enseignement supérieur et de la Science est
complètement esquivé parce que le débat de fond sur le
projet d'éducation a complètement été
écarté de l'énoncé de politique.
Qu'en est-il maintenant des programmes de main-d'oeuvre du gouvernement
fédéral? L'enjeu est de taille puisqu'il serait
complètement
surréaliste de mettre en place les nouvelles structures
souhaitées par le ministre pour gérer tout au plus le modeste
budget d'à peine 120 000 000 $ du ministère de la Main-d'oeuvre,
de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
Imaginez-vous tout ce brassage de structures pour gérer un budget qui ne
fait même pas celui du rattrapage scolaire du MEQ à l'égard
des prestataires de la sécurité du revenu.
Malheureusement, le retrait d'Emploi et Immigration Canada des auditions
de la commission ne nous permettra pas d'élucider
l'ambiguïté qui persiste, à savoir s'il est exact, comme le
souligne toujours leur mémoire déposé cet
après-midi même devant notre commission, que «les fonds
d'assurance-chômage, consacrés aux mesures actives, sont
entièrement dédiés aux prestataires
d'assurance-chômage» et que - poursuit le mémoire, et je
cite - «dans l'hypothèse du rapatriement au Québec des
programmes fédéraux et, en particulier, des fonds
d'assurance-chômage, des ajustements devraient être requis aux
priorités énoncées par le gouvernement du
Québec». (14 h 45)
Est-ce cela que le ministre ne souhaitait pas se faire dire de vive voix
par les porte-parole d'Emploi et Immigration Canada, à savoir que les
normes et les critères fédéraux allaient venir avec les
fonds? De quel rapatriement parle donc le ministre? J'ai bien
écouté ce qu'il nous a dit lors de son discours d'ouverture il y
a quelques minutes et il n'a exclusivement parlé que du rapatriement des
fonds fédéraux. Est-ce que l'opération ne consisterait pas
tout simplement à mettre en place le pendant de la Commission canadienne
de mise en valeur de la main-d'oeuvre afin de légitimer le transfert de
fonds fédéraux à une structure provinciale
accréditée, la nouvelle Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les
références au partenariat de l'Allemagne, de la Suède et
de l'Autriche ayant, en définitive, moins inspiré le ministre que
le voisin canadien à la recherche de structures légitimes pour
transiter des fonds, des normes et des critères qui resteront du ressort
fédéral?
La mise en tutelle des partenaires syndicaux et patronaux par diverses
dispositions très décriées du projet de loi sur lesquelles
nous reviendrons, de même que l'exclusion du secteur communautaire comme
partenaire, de même que l'insertion in extremis du secteur de
l'éducation illustrent le peu d'intérêt manifesté
par le gouvernement pour un véritable partenariat.
Mme la Présidente, il faut peut-être rappeler que cette
Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, cette Commission
est composée de 22 personnes qui sont choisies dans divers secteurs: le
secteur syndical, le milieu des affaires, le secteur de l'action sociale, et le
secteur des établissements de formation.
Est-ce qu'il n'est pas, d'autre part, par- ticulièrement
inadmissible de voir l'énoncé de politique brandir l'effet de
péréquation favorable de la fédération canadienne,
compte tenu du record de chômage québécois - autour de 30 %
des chômeurs canadiens pour 23 % de la population - et le 1 000 000 000 $
de prestations que nous recevrions en plus de nos contributions? Est-ce que le
ministre sait que cette tendance ira en s'aggravant tant que la structure des
dépenses fédérales du Québec interviendra au
détriment de l'emploi et de la croissance de notre économie?
Sait-il ce que l'étude des premiers ministres des provinces Atlantique a
pourtant clairement dévoilé, à savoir que le Québec
arrive au dernier rang de toutes les provinces canadiennes, y compris des
Territoires du Nord-Ouest, en regard des investissements fédéraux
créateurs d'emplois?
Est-ce que, à ce 1 000 000 000 $ que l'on brandit pour maintenir
le Québec dans la participation canadienne au régime
d'assurance-chômage, l'envers de la médaille, ce n'est pas
justement 19 % en matière d'achats en biens et services du gouvernement
fédéral? Est-ce que le ministre sait qu'il y a là un
manque à gagner qui s'établit à 1 000 000 000 $? Est-il
nécessaire de rappeler qu'avec les 22 % de revenus puisés au
Québec le gouvernement fédéral n'a dépensé
chaque année qu'à peu près 19 %, c'est-à-dire 5 800
000 000 $ des 30 000 000 000 $ d'achats en biens et services? Même dans
le régime fédéral actuel, le gouvernement fait une grave
erreur en ne réclamant pas le transfert de la juridiction de la
main-d'oeuvre accompagné d'une compensation fiscale équivalente.
Est-il encore nécessaire de rappeler les conclusions à l'analyse
économique de la commission Bélanger-Campeau à l'effet
qu'avec la souveraineté le Québec pouvait maintenir les
mêmes services publics fédéraux, y compris les prestations
d'assurance-chômage, sans réellement hausser les impôts?
Mme la Présidente, le Québec assiste présentement
à une prolifération sans précédent de
réformes de structures qui ont toutes comme principal objet
caractéristique d'être sans véritable objectif de
changement. Les nouvelles régies régionales d'une réforme
de la santé et des services sociaux, adoptée sans objectifs de
santé publique ont vu s'affronter les médicaux et les sociaux.
Les nouveaux conseils régionaux, à la recherche d'une politique
inexistante de développement régional, voient maintenant
s'affronter les élus municipaux et les fonctionnaires régionaux.
Le nouvel office en matière d'environnement va changer une structure
sans rien insuffler de plus en matière de protection de
l'environnement.
Finalement, cette autre réforme de structures en matière
de développement de la main-d'oeuvre, assujettie, dès le
départ, à une trop étroite conception des ressources
humaines, limitée à un nombre trop restreint de partenaires et
encore sans véritable mesure de décentralisa-
tion en région, verra, justement, s'affronter les tenants du
sectoriel et du régional sans même l'ombre d'une politique de
l'emploi.
Je termine, Mme la Présidente, en vous signalant que,
contrairement à ce que le ministre a invoqué, à part
l'urgence d'agir, l'ensemble des mémoires dont j'ai pris personnellement
connaissance font grief au ministre de n'avoir pas su présenter
véritablement une politique avec une vision d'ensemble qui, à ce
moment-ci, Mme la Présidente, nous permettrait de relever les
défis qui attendent la société québécoise.
Je vous remercie.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
députée. J'inviterais maintenant les représentants de
l'Association des manufacturiers du Québec à bien vouloir prendre
place à la table de la commission. Je vais inviter, sans doute, M. Le
Hir, le vice-président, à nous présenter son
équipe, à faire la présentation - ou les membres de son
équipe - du mémoire qu'ils veulent défendre devant la
commission. Par la suite, il y aura échange avec les membres de la
commission. Bienvenue, donc, à notre commission.
Auditions Association des manufacturiers du
Québec
M. Le Hir (Richard): Merci, Mme la Présidente. MM. les
députés, M. le ministre. Alors, l'Association des manufacturiers
du Québec est heureuse de vous présenter aujourd'hui son
mémoire. Je tiens à vous présenter les personnes qui
m'accompagnent. Il s'agit de Mme Michelle Otis, qui est directrice de la
formation chez Camco Générale Électrique; M. Laurent
Bergeron, qui est directeur d'usine pour la compagnie Alcatel Câbles
Canada, et M. Gaston Charland, qui est directeur des relations industrielles et
des ressources humaines à l'AMQ. Ces personnes, en compagnie d'une
vingtaine d'autres, travaillent depuis deux ans et demi à l'examen de
nos politiques de formation professionnelle et de gestion de la main-d'oeuvre.
Ce comité dont je vous parle est responsable du document que vous avez
devant vous.
D'abord, je veux souligner tout de suite combien il nous apparaît
important que votre commission reconnaisse l'enjeu que constitue la
compétitivité industrielle. Pour nous, comme vous le savez, c'est
quelque chose d'essentiel, de déterminant, de vital même pour
l'avenir du Québec, quels que soient les choix qu'on fasse
éventuellement. Il nous apparaît primordial qu'une commission
comme celle-ci se penche sur cette question.
Depuis la première rencontre de la conférence de la
main-d'oeuvre, l'Association des manufacturiers du Québec a
été représentée pour faire valoir le point de vue
des manufacturiers. Notre association tient à exprimer au gouverne- ment
sa satisfaction devant le dépôt de son énoncé de
politique sur le développement de la main-d'oeuvre et le projet de loi
relatif à la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre. Les défis auxquels fait face
maintenant la société québécoise rendent
indispensable la mise en place d'une politique de développement de la
main-d'oeuvre.
L'AMQ a eu l'occasion d'exprimer publiquement au cours des deux
dernières années ces préoccupations à ce sujet en
raison de l'importance que ces défis revêtent pour ses membres.
L'importance de développer une culture de la formation, la
revalorisation des métiers, le développement de l'apprentissage
et l'élimination de la bureaucratie de l'application des programmes
gouvernementaux ont été identifiés comme étant les
principales recommandations des manufacturiers dans un rapport de travail que
nous publiions en juin 1989. Notre association s'engageait, en contrepartie,
à travailler à ('implication des entreprises dans tout ce
processus de développement des ressources humaines. Elle se
déclarait prête à s'impliquer dans le développement
d'un processus de relation client-fournisseur de services entre les entreprises
et les milieux institutionnels.
Sur un autre plan, il nous faut également mentionner les
préoccupations des manufacturiers relativement à la
compétitivité du secteur industriel et, par voie de
conséquence, de l'économie québécoise dans son
ensemble. Dans notre revue de fin d'année des perspectives du secteur
manufacturier pour 1991-1992, nous identifiions que notre
compétitivité s'était sérieusement
détériorée au cours des 10 dernières
années.
Un des éléments de la compétitivité est
relié à l'utilisation optimale des ressources humaines. De plus
en plus, les entreprises manufacturières se préoccupent de leurs
investissements en ressources humaines. La formule présentée par
notre association, adoptée par le Forum pour l'emploi en novembre 1991
pour déterminer le mode de calcul des investissements en ressources
humaines, illustre bien la volonté des manufacturiers de traiter cette
dépense comme un investissement dont la rentabilité doit
être mesurée. Cette rentabilité doit se traduire par une
augmentation de notre capacité concurrentielle qui, à son tour,
augmentera le niveau d'emplois disponibles. En ce sens, l'énoncé
et le projet de loi doivent s'inscrire dans un contexte d'objectifs
précis, reposant sur une notion d'investissement dont la
rentabilité sera source de création d'emplois.
Pour fins de discussion des deux documents, nous avons l'intention, en
premier lieu, d'aborder l'énoncé de politique; ensuite, nous
commenterons le projet de loi. Je crains, hélas, que le temps ne nous
permette pas d'entrer dans le détail du projet de loi et je veux tout de
suite vous dire que les remarques que nous ne faisons pas de
vive voix, mais qui sont consignées dans le texte, sont
extrêmement importantes et qu'il ne faudrait d'aucune façon croire
que nous accordons une moindre importance aux secondes qu'aux remarques qu'on
vous fait au début.
D'abord, l'énoncé de politique de développement de
la main-d'oeuvre constitue un effort très louable pour préciser
la pensée du gouvernement sur le sujet. Il tient compte de plusieurs
préoccupations exprimées par le milieu manufacturier. Nous
soumettrons tout d'abord à votre attention quatre principes de base qui
soutiennent notre réflexion sur le document, puis nous apporterons
quelques brèves remarques sur des points particuliers.
Le premier principe auquel nous tenons est celui de valeur
ajoutée que nous souhaiterions pouvoir retrouver dans cet
énoncé de politique. Il faut, en effet, être en mesure de
développer des politiques dont les résultats seront mesurables.
Les investissements que nous consentirons dans le domaine des ressources
humaines doivent correspondre à une valeur ajoutée. Il ne s'agit
donc pas, dans ce contexte-ci, de mettre sur pied des politiques sociales
quoique, par ailleurs, de telles politiques puissent être pertinentes.
Des règles claires nous éviteront de créer des attentes
qui pourraient, par la suite, être amèrement
déçues.
Le deuxième principe est lié à la
nécessité de se doter de moyens appropriés pour
évaluer nos objectifs d'administration de la main-d'oeuvre, au
Québec, en termes de coûts. Pendant longtemps, les manufacturiers
ont cru que la présence des deux ordres de gouvernement dans la
formation professionnelle leur garantissait la possibilité de pouvoir
traiter avec des filières concurrentes et de choisir la meilleure.
Aujourd'hui, l'escalade des coûts rend cette duplication
fédérale-provinciale prohibitive. Cependant, les manufacturiers
souhaitent conserver une certaine flexibilité quant à leurs
choix, flexibilité qui se traduira par la possibilité de choisir
entre un système public et un système privé de formation
professionnelle. Cette coexistence des systèmes aurait une incidence
très favorable sur la qualité des services dispensés et
leurs coûts. D'autre part, nous souscrivons au fait que la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre offre aux employés actuels des CFP et du ministère
de conserver leur emploi, quoiqu'il faille trouver des moyens de diminuer les
coûts d'administration. À cet effet, la Société
devra pouvoir dresser un bilan des économies réalisées.
Les manufacturiers souhaiteraient obtenir un engagement ferme du gouvernement
du Québec à cet égard.
Le troisième principe que nous retenons est lié à
la notion de relation client-fournisseur de services. L'approche
souhaitée est de favoriser au maximum une relation basée sur le
concept de qualité totale. Le fournisseur de services doit s'adapter aux
exigences du client. Voilà l'essen- tiel de ce message dont la
réalité nécessite toute une philosophie de fonctionnement
proactive.
Le quatrième principe est lié à la
nécessité d'établir un réseau d'information rapide
et efficace entre les besoins de développement de la main-d'oeuvre en
regard du marché du travail et les résultats accomplis dans
l'application des divers programmes. Ce réseau permettra de tenir la
direction informée de l'évolution des programmes et de mesurer
l'efficacité des actions entreprises. Il assurera également la
promotion des réussites et la correction des programmes qui n'atteignent
pas les objectifs visés.
Ces quatre principes de base pourraient compléter habilement,
nous le croyons, l'énoncé de politique. Nous nous permettrons de
vous apporter quelques remarques sur le document lui-même. Tout d'abord,
en ce qui concerne la définition, nous souscrivons pleinement à
celle qui est contenue dans l'avant-propos qui mentionne que
l'énoncé de politique de la main-d'oeuvre demeure centré
sur le développement de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire sur les
actions à prendre pour porter les compétences de la main-d'oeuvre
à un niveau sans cesse plus élevé dans la perspective de
l'utilisation optimale de l'ultime ressource du Québec, sa
main-d'oeuvre. La compétence constitue un facteur clé pour le
maintien et la croissance des emplois dans un environnement de plus forte
concurrence.
Deuxièmement, nous voulons vous manifester notre
intérêt pour le développement d'un instrument mieux
adapté pour bien identifier les surplus et les pénuries de
main-d'oeuvre. En cette période de chômage élevé,
nos manufacturiers doivent pouvoir compter sur une main-d'oeuvre bien
formée pour faire face à cette concurrence. Quoique les
études des divers organismes sur ce sujet se soient
avérées fort pertinentes, il nous semble approprié de
créer une méthode de suivi des mouvements de main-d'oeuvre dont
l'effet prévisionnel serait plus grand. C'est un investissement
essentiel pour se retrouver rapidement en position de mettre en oeuvre les
programmes d'adaptation de la main-d'oeuvre. (15 heures)
Troisièmement, un changement d'orientation majeur doit être
apporté aux divers programmes reliés au marché du travail.
L'adoption de mesures dites actives est un élément majeur de la
nouvelle approche que nous souhaitons voir se concrétiser.
L'énoncé de politique nous dévoile que plus de 90 %
des dépenses reliées au marché du travail visent des
mesures passives, dont l'effet ne permet nullement de favoriser chez le
travailleur l'acquisition de compétences additionnelles. Il faut mettre
l'accent prioritairement sur les programmes reliés au
développement des ressources humaines pour les travailleurs
présentement en emploi afin de leur permettre de faire face à la
présente situation. Le congé pour fins
de formation peut être un outil intéressant pour
réaliser cet objectif dans la mesure où l'employeur pour
l'adapter aux réalités de son entreprise. le secteur
manufacturier connaît depuis quelques années une diminution de ses
effectifs, passés de 24,1 % en 1975 à 19,1 % du total de la
main-d'oeuvre en 1990. parallèlement, le secteur des services, lui, a vu
sa participation passer de 65,5 % à 72,1 %. cette tendance, en partie
due à la progression de l'automatisation dans le secteur manufacturier,
n'en constitue pas moins une source de préoccupation importante dans la
mesure où le secteur manufacturier demeure le principal moteur de la
croissance économique et que son affaiblissement met en cause notre
capacité de créer de la richesse et, partant de là, de la
redistribuer.
Ce changement de l'orientation des dépenses constitue une
opportunité pour questionner les coûts reliés aux divers
programmes. Des objectifs de réduction de ces coûts doivent
être identifiés et réalisés dans des
échéanciers précis. Des indicateurs permettraient de
suivre l'évolution des économies de gestion
réalisées. Est-il nécessaire, donc, d'investir, toutes
proportions gardées, le double des dépenses moyennes
correspondantes dans les pays de l'OCDE? N'y a-t-il pas lieu d'identifier un
objectif de pourcentage des frais d'administration en regard des
dépenses totales?
Quatrièmement, nous tenons à préciser que nous
souscrivons aux cinq conditions pour la réalisation du partenariat. Nous
nous permettons, par contre, d'insister sur la décentralisation des
responsabilités. Cet objectif de responsabilisation n'est
réalisable que dans la mesure où les responsables ont de
véritables pouvoirs de décision. Les personnes siégeant
tant au niveau de la société québécoise que des
sociétés régionales et des organismes sectoriels doivent
exercer un contrôle maximal sur les instruments qui leur permettront
d'atteindre leurs objectifs. Ainsi, elles seront entièrement imputables
des résultats obtenus. Cette implication constitue un gage d'une
administration de qualité. Il n'existe pas de meilleure motivation pour
un administrateur que celle d'être reconnu pour ses efforts et ses
résultats.
Cinquièmement, nous sommes très inquiets face au
phénomène de désaffection vis-à-vis de la formation
professionnelle. Il faut, en dehors de toutes les contraintes des
ministères, trouver le moyen de valoriser les jeunes en formation
professionnelle et les travailleurs en emploi dans l'industrie. Il faut
travailler collectivement à promouvoir la formation professionnelle, les
métiers de l'industrie et ceux qui les exercent.
Sixièmement, dans le même ordre d'idées, pour
favoriser le rapprochement entre les secteurs privé et public, nous
demandons d'identifier dans l'énoncé de politique que le
crédit d'impôt pour la formation professionnelle soit applicable
au régime d'apprentissage, y compris les stages, déjà en
vigueur dans certaines régions du Québec. Ce programme incitatif
constituerait un élément motivateur fort important pour
accélérer, entre autres, la mise sur pied de programmes
d'apprentissage.
Septièmement, nous aimerions apporter notre soutien à
l'idée de favoriser l'approche sectorielle. Les manufacturiers insistent
sur le fait que celle-ci doit être mise en place avec un maximum de
flexibilité en réponse aux exigences particulières d'un
secteur donné et en tenant compte des réalités bien
différentes qui peuvent coexister au sein d'un même secteur.
Cette approche remplacera avantageusement, croyons-nous, les conseils
consultatifs régionaux dans la mesure où elle s'appuiera sur les
conditions suivantes: l'existence de mandats réels, la
représentativité des intervenants et l'absence de lourdeur
administrative dans le processus opérationnel. L'expérience des
CCR a malheureusement laissé une image négative dans l'industrie
parce que ces conditions que nous venons d'énumérer
n'étaient pas réunies.
Par ailleurs, nous aimerions apporter une précision relativement
à notre position sur la gestion du régime
d'assurance-chômage. L'AMQ a appuyé, sans aucune
hésitation, la demande du gouvernement du Québec pour
réclamer que les fonds de l'assurance-chômage relatifs à la
formation professionnelle lui soient transmis. Il y avait, à notre avis,
un effort important à faire pour diminuer les coûts
d'administration applicables à ces fonds et ceux-ci correspondaient
à une mission d'éducation et de formation professionnelle que
nous estimons être de compétence provinciale.
Quant au régime d'assurance-chômage lui-même, en
l'absence d'une réforme en profondeur de notre régime politique,
nous ne pouvons souscrire présentement à une telle
démarche. En effet, les Québécois en retirent
présentement bien davantage que ce qu'ils y contribuent. À
l'heure actuelle, on parle d'une somme d'environ 1 000 000 000 $.
Enfin, vous nous permettrez de conclure par quelques commentaires sur
l'opération de simplification des programmes. En principe, nous ne
pouvons qu'apporter notre appui à une telle démarche. Il y a, par
contre, certaines particularités auxquelles nous ne pouvons
souscrire.
Le Programme de développement des ressources humaines ne doit pas
tenir compte du type de relation entre les salariés et l'employeur pour
déterminer le droit de l'entreprise à l'aide technique et
financière. Il faut respecter la réalité et la culture des
entreprises. le programme d'aide aux personnes licenciées a deux
objectifs que la réalité du vécu quotidien ne justifie
pas. prenons d'abord l'objectif de maintenir et renforcer la participation des
employeurs et des salariés aux comités de reclassement. plusieurs
situations de licencie-
ment s'«opérationalisent» sans qu'il y ait des
comités de reclassement. Nous ne voyons pas d'avantage à ce que
cette procédure soit systématisée. Quant au
deuxième objectif, il faut être bien conscient que les entreprises
ne peuvent se permettre d'investir davantage dans les programmes d'aide
qu'elles ne le font à l'heure actuelle. Pour redevenir ou pour
être compétitives, les entreprises doivent réduire leurs
coûts, pas les augmenter.
Les programmes d'intervention individuelle en développement de la
main-d'oeuvre posent tout le problème de la reconnaissance des acquis.
Ces programmes doivent être un service à la disposition des
entreprises dont les instruments d'évaluation auront été
conçus, validés et révisés en collaboration
étroite avec les spécialistes de l'industrie. D'autres
préoccupations doivent être adressées, tels le
référentiel d'évaluation des compétences et ta mise
à jour des permis et des certificats de qualification.
L'énoncé de politique devrait prendre des engagements
précis à cet égard.
Tout progrès sur la reconnaissance des acquis facilitera
l'évolution vers un régime d'apprentissage que les employeurs
perçoivent d'une façon positive. Ces services de reconnaissance
doivent être intégrés le plus possible aux activités
de la Société. Est-il possible que les deux ministères
mandatés pour agir sur ce dossier considèrent
l'établissement de centres d'évaluation des compétences?
L'intérêt des entreprises pourrait être influencé par
une telle approche et par d'autres facteurs, tel le degré de
flexibilité et de polyvalence. Il doit, en quelque sorte, être
orienté sur les besoins de l'industrie.
La Loi sur la Société québécoise de
développement de la maln-d'oeuvre, maintenant, constitue une
réponse à la demande quasi généralisée que
le Québec se dote d'outils appropriés pour faire face au
défi pressant qu'il doit relever en matière de ressources
humaines dans le contexte actuel de développement de la concurrence et
d'amélioration de notre compétitivité.
Dans un tel contexte, les dispositions de la loi constituent des
éléments déterminants de la capacité de la
Société québécoise d'atteindre les objectifs pour
lesquels elle est créée. La stratégie
québécoise vise essentiellement quatre points
généraux: une meilleure utilisation des investissements, la
création d'un partenariat efficace, l'élimination de la
complexité et de la gestion des programmes de main-d'oeuvre et un
meilleur arrimage de la formation et du marché du travail. Dans ces
conditions, quels sont les principes à privilégier pour atteindre
les buts visés? Selon l'AMQ, la loi devra: premièrement,
responsabiliser au maximum les diverses instances de la Société
en leur donnant tous les pouvoirs raisonnables pour prendre leurs
décisions; deuxièmement, privilégier un système
flexible permettant de répondre aux caractéristiques locales et
régionales du Québec; troisièmement, limiter au maximum
les interventions extérieures à la Société, dans la
mesure qu'elle agit dans le cadre des pouvoirs qui lui sont
conférés. Le respect de ces principes de base nous amène
à réclamer des modifications importantes à ce projet de
loi. En effet, l'AMQ entretient de fortes réserves sur les chances de
succès de la nouvelle Société dans le cas où ces
principes ne seraient pas respectés.
Nous tombons maintenant dans l'examen article par article. Vu le temps
qui nous est alloué, je préfère consacrer le reste, avec
votre permission, à la discussion et laisser les analystes faire leur
travail.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, M. Le Hir,
d'avoir procédé avec diligence, ce qui permettra d'avoir un
échange peut-être plus en profondeur. J'inviterais M. le ministre
à ouvrir la discussion.
M. Bourbeau: Mme la Présidente, permettez-moi, dans un
premier temps, de saluer les représentants de l'Association des
manufacturiers du Québec, plus précisément le
vice-président exécutif et directeur général, M.
Richard Le Hir, qui siège au conseil de la Conférence permanente
sur la main-d'oeuvre - il y a tellement d'organismes maintenant qu'on forme,
parfois on en oublie les noms - et qui joue un rôle très,
très actif au sein de cette Conférence permanente sur la
main-d'oeuvre.
Nous avons eu, au cours des derniers mois, de nombreux rapports avec les
membres de la Conférence. Le document d'orientation que nous avons
devant nous, «Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif», a été évoqué, à de
nombreuses reprises, lors des travaux de cette Conférence. Je dois
remercier M. Le Hir et tous ceux qui siègent sur la Conférence de
la contribution importante qu'ils ont apportée à ces projets,
sans pour autant vouloir prétendre que le document représente, en
totalité, la pensée de chacun des représentants.
Dans le mémoire que vous nous proposez, que vous déposez
devant nous, vous faites état - vous en avez tantôt fait mention -
d'un passage de l'avant-propos du document dans lequel nous tentons de
circonscrire un peu le champ d'action de la politique. Nous disons, en page 9
du document d'orientation, au troisième paragraphe, que le document
«demeure centré sur le développement de la main-d'oeuvre,
c'est-à-dire sur les actions à prendre pour porter les
compétences de la main-d'oeuvre à un niveau sans cesse plus
élevé.» Un peu plus loin, on dit que l'énoncé
de politique «ne traite pas directement de l'action
générale de scolarisation et de rehaussement des qualifications
poursuivie par les politiques éducatives de l'ensemble du système
d'enseignement, s'attardant plutôt à viser le développement
de la main-d'oeuvre», et c'est ce
que vous soulignez en page 7 de votre mémoire. Ça touche
un peu à une des critiques que l'on entend - aussi bien le mettre sur la
table tout de suite - à l'effet que, dans le document, on aurait
écarté un débat de fond sur le système
d'éducation du Québec ou sur le projet d'éducation et sur
l'action générale de scolarisation.
J'aimerais savoir quel est votre point de vue sur cette
question-là. Est-ce qu'on aurait dû aller à fond dans un
débat général sur l'éducation et sur l'enseignement
professionnel ou si on a bien fait de s'en tenir à ce que couvre le
rapport sur ce sujet-là?
M. Le Hir: En fait, il y a deux questions dans votre question. Il
y a une première question: Est-ce qu'à l'heure actuelle il serait
opportun qu'il y ait un débat, au Québec, sur l'éducation?
Il est évident qu'a cette question-là la réponse est oui.
La deuxième question, c'est: Est-ce qu'il était opportun que ce
débat ait lieu dans le cadre d'un énoncé de politique sur
la main-d'oeuvre? Je suis obligé de répondre non, étant
donné qu'il y a, à l'heure actuelle, des urgences en
matière de développement de la main-d'oeuvre au Québec
qu'il faut traiter et, aussi, parce que plus on s'attaque à de grosses
bouchées, plus on risque de laisser des morceaux sur la table. Je
préfère qu'on ait une approche un petit peu plus
sélective; même si, bien sûr, la philosophie d'ensemble en
prend un petit peu pour son rhume, l'efficacité y gagne beaucoup.
M. Bourbeau: C'est en quelque sorte la théorie des petits
pas qui était chère à l'ancien ministre américain
qui disait qu'en politique on est mieux de faire de petits pas que de tenter de
faire un grand pas qui n'avance pas, et c'est vraiment ce que nous avons
tenté de faire aussi.
L'apprentissage. Vous appuyez la démarche qui est proposée
par l'énonce de politique en ce qui a trait à la mise en place du
régime d'apprentissage. Selon vous, quels secteurs pourrait-on
identifier dès maintenant comme pouvant être
intéressés à démarrer un régime
d'apprentissage? Dans le document d'orientation, nous avons dit que nous
n'avions pas l'intention de lancer d'un seul coup un régime
d'apprentissage à l'ensemble du Québec, dans tous les secteurs,
mais que nous commencerions par les secteurs qui manifesteraient un
intérêt pour la chose. Est-ce que vous êtes personnellement
au courant de certains secteurs qui auraient un intérêt suffisant
pour démarrer un régime d'apprentissage chez eux?
M. Le Hir: Disons tout de suite, a priori, qu'en fait la
démarche d'apprentissage intéresse plus particulièrement
les gens de l'industrie que ceux d'autres secteurs de l'économie. Quant
à des réponses spécifiques, je vais laisser mes
collègues Gaston Chariand et Laurent Bergeron, qui est lui-même
directeur d'usine, répondre à votre question sur la base de leur
expérience et des travaux qu'ils ont menés dans leur
comité.
La Présidente (Mme Marois): Pourriez-vous vous identifier,
pour les fins du Journal des débats?
M. Charland (Gaston): Gaston Chartand.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Charland.
M. Charland: Je peux peut-être ouvrir la discussion en
disant que toute la potttique d'apprentissage, c'est une philosophie qu'on
essaie d'inculquer dans l'entreprise présentement. On a des exemples qui
sont d'ordre général. On a un exemple dans le domaine de la
pétrochimie où les travailleurs se sont regroupés avec les
entreprises et ont parti l'Institut de chimie et de pétrochimie,
où une partie de l'apprentissage se fait, d'une part, avec des cours et,
d'autre part, avec des stages qui se font en industries. Maintenant, il y a
peut-être un exemple. C'est difficile de tenter de quantifier et de
limiter présentement quelles sont les initiatives qui peuvent être
prises dans ce secteur-là. Laurent Bergeron peut nous donner un exemple
dans son industrie de l'effort qu'il a fait de ce côté-là
et de la façon dont on pourrait appliquer une telle politique si on en
avait les moyens.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Bergeron. (15 h
15)
M. Bergeron (Laurent): Merci beaucoup. Évidemment, je
pourrais parler du sujet pendant des heures et des heures de temps. Au cours de
ma carrière, j'ai fait huit compagnies différentes. Dans le
moment et depuis six ans, je suis directeur d'une usine d'Alcatel Câbles
Canada, anciennement une division de Noranda. L'usine comporte seulement une
centaine d'employés et on a une indépendance assez
complète. On a une machine; elle vaut 50 000 000 $. On a 100
employés pour la faire fonctionner. C'est tout ou rien. On produit ou on
ne produit pas de la tige de cuivre. Il y a 10 ans, lorsqu'on a fait le
placement, on a été obligés par les circonstances de faire
travailler les employés qu'on avait par séniorité, etc.
Dans l'espace de cinq ans, on a réussi à détruire cette
technologie moderne, complète, au point où on ne pouvait produire
qu'avec des efficacités de 40 % et 50 % seulement.
Depuis ce temps, nous avons réalisé qu'un de nos
problèmes était que les gens qu'on avait ne pouvaient pas
absorber cette technologie-là; qu'ils pouvaient apprendre pas à
pas les éléments pour la faire fonctionner, pour éteindre
les feux, pour finalement en perdre le contrôle. Depuis quelques
années, on a commencé de la formation parce que l'usine en
question est la seule au
Canada. On n'a pas de compétition et on est
protégés par les barrières de douane. Nos coûts: 150
$ la tonne; les coûts américains: 100 $ la tonne; les coûts
européens: 100 $ la tonne. Le nombre d'employés pour faire
marcher notre usine, il y a quatre ou cinq ans: 140 employés; le nombre
d'employés pour faire fonctionner une usine pareille avec des gens
compétents, des gens bien instruits, des gens technologiquement à
point: 90 à 100 employés. On est rendus à 111
employés dans le moment. On a réussi à faire un grand bout
de chemin.
Moi, dans ma carrière, ma politique a été de ne pas
faire de mises à pied. Dans six ans, j'ai réussi à ne
faire aucune mise à pied chez mes employés. L'économie
présente fait que c'est très, très difficile de continuer
avec des politiques semblables. Lorsqu'on vient d'être acheté par
une compagnie européenne, une multinationale à l'échelle
mondiale, on doit être compétitif à l'échelle
mondiale.
Donc, l'année passée, on a réduit le nombre de
personnes pour opérer le moulin. Les gens qui étaient en surplus,
on en a choisi un certain nombre, basé sur des critères
très précis d'éducation, etc., pour prendre un cours
d'apprenti régleur, pour devenir mécanicien d'entretien dans
notre entreprise; mécanicien d'entretien très, très
spécifique à nos besoins à nous. Un an d'instruction, un
an complet de salaire, un an complet de formation, uniquement pour ces
gens-là, 50 % dans les institutions scolaires à
l'extérieur de l'usine et les autres 50 % chez nous. Il y a quelques
mois, j'ai été obligé de dire: C'est regrettable, je suis
obligé de cesser le programme de la réforme actuelle parce que je
suis obligé de faire des mises à pied. 7 personnes mises à
pied sur 120. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est quand même un fort
pourcentage de ceux intéressés.
Le système fait que j'ai été obligé de
laisser aller les plus jeunes. Parmi les plus jeunes, certains ont
été sur un cours d'apprentissage pendant un an de temps et la
balance ont été réintégrés à leur
ancien poste. Plus capable de continuer le programme de formation de la
façon dont on avait prévu. Donc, je cherche, par les moyens qui
vont venir, je l'espère, à ce que ce genre de programme
institué ait une permanence parce que notre avenir est là-dedans
et on est obligés de le détruire. Les gens impliqués sont
démoralisés totalement à l'idée de retourner
où ils étaient. Pire que ça, les systèmes de
séniorîté, etc. font que ça devient très,
très difficile de continuer ce genre de programmes. J'espère que,
dans ce qu'on présente, etc., on pourra trouver les mécanismes
qui vont permettre cette formation sans léser les droits de qui que ce
soit, mais pouvoir nous amener où on veut aller. Dans trois ans d'ici,
il n'y aura plus de barrière en ce qui concerne notre produit et le
marché va nous être ouvert. On va se faire laver
complètement d'un coup; on va passer à travers, mais ça va
être de la formation, de l'éducation et une rentabilisation
complète de notre situation pour le faire. Merci beaucoup.
M. Le Hir: Je pense que vous avez une réponse très
sentie, très vécue à votre question. Effectivement, ce
n'est pas un manque d'intérêt pour les programmes d'apprentissage,
c'est simplement une question de conditions.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui. J'aimerais tenter de cerner, selon vous,
à qui devrait s'adresser, préférablement ou en
priorité, un régime d'apprentissage. Est-ce que vous voyez
ça, par exemple, comme devant s'adresser surtout à des adultes
sans qualification professionnelle reconnue qui ressentent le besoin de
développer en entreprise une compétence qui est recherchée
sur le marché du travail ou à des décrocheurs du
système scolaire, par exemple? Est-ce que ce seraient des candidats
idéaux pour ça...
M. Le Hir: Là-dessus...
M. Bourbeau: ...ou des étudiants qui terminent leur cours
de formation professionnelle et qui ressentent le besoin de parachever, si je
puis dire, leur formation scolaire déjà acquise?
M. Le Hir: Là-dessus, M. le ministre, la réponse
est assez simple. Les exigences de la technologie d'aujourd'hui sont telles
que, pour être en mesure de la maîtriser et avant même de la
maîtriser, d'acquérir cette technologie, ces
connaissances-là, il faut disposer de bonnes bases, de bases solides en
mathématiques, de solides bases techniques en physique, en chimie, en
biologie, quel que soit le type de base scientifique nécessaire à
la formation en question, et je ne pense pas que ce soit le moment de rescaper
soit les décrocheurs ou les gens qui, pendant des années, n'ont
pas complété une formation.
On note des situations assez dures à l'heure actuelle. Je peux
vous citer que, pas plus tard que la semaine dernière, j'étais
dans la région de Trois-Rivières pour rencontrer des gens qui ont
été mis à pied dans le cadre de la fermeture de Produits
forestiers Canadien Pacifique. C'est des gens qui ont 30, 35 ans parfois, 40
ans, même, et plus à l'occasion, qui sont sortis de l'école
il y a une quinzaine d'années avec, des fois, une septième
année forte, comme on disait à l'époque, et qui, pendant
15 ans, ont été sur le marché du travail, lis n'ont pas
eu, de leur propre chef, à compléter leur formation d'aucune
façon; les tâches qu'ils occupaient n'exigeaient pas une formation
plus poussée que celle qu'ils avaient, mais aujourd'hui ces
gens-là vont avoir de sérieux problèmes de recyclage. Je
ne pense pas qu'on soit en mesure, à moins de les envoyer
à l'école recommencer tout un cours, de les
intégrer dans des programmes d'apprentissage.
M. Bourbeau: Évidemment, vous, vous venez du secteur
manufacturier, donc c'est un secteur qui commande une main-d'oeuvre quand
même assez éduquée; ce sont des techniciens en
général...
M. Le Hir: Et ce sera de plus en plus le cas.
M. Bourbeau: Oui. Il reste que, dans un secteur comme, par
exemple, le secteur des métiers qui demande forcément des
connaissances de base moins élaborées, II est possible qu'on
puisse rapatrier des decrocheurs du système scolaire par un
système d'apprentissage, par exemple, pour apprendre le métier de
- je ne sais pas, moi - boucher, de cordonnier, des trucs qui demandent
peut-être une qualification technique moins importante.
M. Charland: Je pourrais peut-être répondre à
ça. Il est évident que, dans notre mémoire, on a
décrit en priorité que ça devait se faire en premier,
l'ouvrage, au niveau de l'entreprise. Notre position est de sensibiliser les
entreprises à développer des initiatives de ce genre. Je pense
qu'une initiative comme celle que vous a décrite notre confrère
est excessivement utile. Maintenant, est-ce qu'on peut penser être
capable de rapatrier des decrocheurs et de les ramener sur le marché du
travail par des initiatives d'apprentissage? Nous sommes portés à
croire que c'est quelque chose de très réaliste. Il est
évident que, s'il y a une collaboration des divers intervenants - et
lorsque je parle de divers intervenants, je parle autant du ministère de
la Main-d'oeuvre que du ministère de l'Éducation du Québec
- il nous est possible de réintégrer, à travers des
programmes d'apprentissage, ces jeunes-là pour être capables de
leur donner une formation de base. D'après les informations que nous
avons, il est évident qu'il est impossible pour ces personnes-là
de croire à un avenir prometteur si elles n'ont pas au moins une
formation de base dans l'industrie. Et, en travaillant, peut-être que, si
on est capable de les ramener sur le marché du travail, les institutions
seront en mesure de leur donner la formation académique qui leur
permettra d'aller chercher les diplômes appropriés. Mais, au
départ, on pense que le régime d'apprentissage peut être
une initiative qui peut apporter des résultats.
M. Bourbeau: Si vous le voulez, j'aimerais passer à un
autre sujet. Vous avez traité du congé de formation dans votre
mémoire et, en ce qui a trait à ce congé de formation,
vous demandez qu'il soit adapté aux réalités de
l'entreprise. Seriez-vous favorables à ce qu'un droit au congé de
formation soit accordé dans la Loi sur les normes du travail, par
exemple, et que les modalités d'accès au congé tiennent
compte des contraintes liées à la production?
M. Le Hir: C'est toujours une question délicate lorsqu'il
s'agit d'accorder des droits. L'expérience que nous avons eue dans le
passé avec la reconnaissance de droits, c'est qu'il faut être en
mesure de pouvoir en assurer l'exercice. La réalité que nous
vivons, autant dans les grandes que dans les petites et moyennes entreprises,
nous amène à croire que le congé de formation demeure un
objectif valable, mais que l'exercice d'un tel droit compliquerait
singulièrement la tâche des gestionnaires. À ce
moment-là, sans exclure complètement la possibilité
qu'effectivement on puisse en arriver à une définition d'un tel
droit et à une modulation de son exercice qui puisse permettre qu'on le
qualifie de droit, nous pensons quand même qu'il vaudrait peut-être
mieux parler d'un avantage et que cet avantage-là soit discuté
dans le cadre de conventions collectives ou bien fasse l'objet tout simplement
d'un accord de la part de l'employeur là où il n'y a pas de
syndicat.
M. Bourbeau: J'aimerais passer maintenant à la question de
l'assurance-chômage parce qu'il en a été question un peu
dans les propos d'ouverture. Il y a une certaine confusion qui règne
présentement quant à la position que j'ai pu prendre et que le
gouvernement a pu prendre dans ce dossier-là, quant au rapatriement de
l'assurance-chômage et à la délégation au
Québec de l'administration du régime accompagnée du
rapatriement des budgets fédéraux qui sont consacrés
à la main-d'oeuvre.
Le rapatriement de l'assurance-chômage signifie que la loi
fédérale de l'assurance-chômage deviendrait caduque pour le
Québec et que, notamment, la péréquation du programme,
c'est-à-dire que le Québec deviendrait responsable d'un
déficit de 1 000 000 000 $ par année de plus qu'il n'y contribue.
Tout ça disparaîtrait, bien sûr, si on rapatriait la
compétence constitutionnelle sur le chômage. On deviendrait, dans
ce cas-là, la seule autorité législative en matière
d'assurance-chômage, autant sur le plan du remplacement du revenu que sur
celui des mesures actives de main-d'oeuvre. Je tiens à dire que ce
scénario-là n'est pas envisagé présentement par le
gouvernement du Québec.
En revanche, la proposition que nous avons dans l'énoncé
de politique, soit la délégation au Québec de
l'administration de l'assurance-chômage, implique que le gouvernement
fédéral conserverait les pouvoirs de légiférer, de
réglementer et de taxer au terme de la loi fédérale sur
l'assurance-chômage. Le Québec deviendrait le maître
d'oeuvre des mesures actives et administrerait l'assurance-chômage dans
le cadre d'un réseau unifié résultant du fusionnement
des
centres d'emploi d'Emploi et Immigration Canada et des commissions de
formation professionnelle, c'est-à-dire la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre.
D'une façon plus précise, Emploi et Immigration Canada
n'assurerait plus aucune fonction de main-d'oeuvre au Québec. Elle
continuerait de gérer les fonds de l'assurance-chômage au niveau
canadien et ces fonctions, exercées dans les autres provinces,
demeureraient intactes, mais pas au Québec. Au Québec, c'est le
ministère de la Main-d'oeuvre, le MMSRFP, qui assumerait
entièrement tes responsabilités relatives au développement
des orientations, des politiques et des lois en matière de
développement des ressources humaines et de l'emploi. Le
ministère fédéral conserverait entièrement ses
responsabilités relativement à la législation, à la
réglementation, au financement de l'assurance-chômage et à
la définition d'éventuelles normes nationales.
En outre, Emploi et Immigration Canada définirait la part des
fonds de l'assurance-chômage qui est allouée aux mesures actives.
Finalement, cette délégation administrative préserverait
donc la péréquation du régime. Une entente devrait
être conclue avec le fédéral pour tenir compte des
coûts d'administration supplémentaires au Québec. Cette
proposition, en mettant fin au dédoublement des structures des deux
ordres de gouvernement, libérerait des ressources financières
considérables qui pourraient être réaffectées
à des mesures d'intervention directe auprès des sans-emploi.
En gros, M. le Président, c'est la proposition que nous avons
dans le document et qui s'écarte de celle qu'on a entendue
précédemment. Je crois comprendre que vous êtes d'accord
avec la proposition que nous faisons quant au rapatriement de
l'assurance-chômage selon cette formule. (15 h 30)
M. Le Hir: Si on y va selon cette formule, c'est sûr que,
finalement, l'objectif, qui est de s'assurer que le Québec n'en sorte
pas perdant, est atteint. Je vous dirai quand même qu'il y a d'abord un
doute quant à la possibilité de réaliser ça dans le
cadre de la réforme constitutionnelle parce qu'il faudrait quand
même être en mesure d'obtenir un arrangement là-dessus
à l'intérieur d'un ensemble. À l'heure actuelle, vous
savez comme moi qu'on ne sait pas trop au juste ce qu'on peut en attendre.
La deuxième chose qui est importante pour nous, c'est que toute
modification doit atteindre un objectif primordial pour nous, celui de
réduire les coûts. En fait, la compétitivité, c'est
l'enjeu numéro un. Si nous aboutissons avec des résultats qui ne
se traduisent pas par un gain net, par une économie nette de coûts
et un allégement de la charge des industriels, c'est une modification
pour une modification, en ce qui nous concerne.
M. Bourbeau: Bien entendu, M. le Président - je termine
là-dessus; ce n'est même pas une question, mais seulement une
réflexion -dans le scénario que j'ai évoqué
tantôt, il est entendu que la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre verrait
à mettre en oeuvre les mesures actives de main-d'oeuvre dont les
services de placement, par exemple. Elle serait aussi chargée de
l'application de la loi et des règlements relatifs à
l'assurance-chômage au Québec même.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je me permets, de mon
côté, de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'AMQ,
particulièrement à M. Le Hir. J'ai l'occasion de le lire
tellement souvent. Même pendant les vacances de Noël, vous nous
écrivez à nous, les députés de l'Assemblée
nationale, et je dois vous dire qu'on apprécie. Également les
personnes qui vous accompagnent, j'ai eu l'occasion de connaître leur
implication dans ce dossier de la formation professionnelle lors du
congrès que vous aviez organisé il y a déjà deux
ans maintenant ou un peu plus même, je crois.
Je dois vous dire que, d'une certaine façon, je suis un peu
surprise. Tantôt, je vous écoutais, M. Le Hir, et vous mentionniez
que vous... Par exemple, dans votre énoncé, à la page 8,
vous signalez que «l'énoncé de politique nous
dévoile que plus de 90 % des dépenses reliées au
marché du travail visent des mesures passives dont l'effet ne permet
nullement de favoriser chez le travailleur l'acquisition de compétences
additionnelles. H faut, ajoutez-vous, mettre l'accent prioritaire sur les
programmes reliés au développement des ressources humaines pour
les travailleurs présentement en emploi afin de leur permettre de faire
face à la présente situation.»
Je reprends la proposition que le ministre vient de clarifier par les
propos qu'il nous a tenus sur son rapatriement. Dans le rapatriement qu'il
projette, la législation, la réglementation et les normes
nationales restent canadiennes. Peut-être n'en avez-vous pas pris
connaissance encore ou le ferez-vous incessamment, mais, dans le mémoire
présenté devant la commission par Emploi et Immigration, il est
dit de façon très claire qu'en vertu de l'assurance-chômage
les prestations sont attribuées aux personnes prestataires
d'assurance-chômage, sont dédiées, c'est la même
expression qu'ils utilisent. Vous, vous parlez de mesures actives pour des
travailleurs en emploi. La mesure projetée par le ministre, ce n'est pas
celle qui va vous permettre d'aller chercher des fonds pour... En tout cas, pas
ces fonds qui vont venir, qui viendraient, il faudrait mettre ça au
conditionnel... Vous savez, j'ai déjà
siégé en commission parlementaire pendant des semaines de
temps, en 1988, sur une loi qui avait été adoptée à
ottawa, projetant de verser 1 000 000 000 $ aux services de garde du
québec, et la ministre déléguée à la
condition féminine avait déjà, comme perrette et le pot au
lait, établi toute une politique sur cet argent qui n'est finalement
jamais venu. alors, des fois, je sens que c'est un peu surréaliste, ce
qu'on fait, parce qu'on est en train, comme perrette et le pot au lait, de
distribuer de l'argent dont on ne sait même pas si, de toute
façon, on en verra la couleur. il ne faudrait surtout pas oublier que
cette distribution va se faire selon des règles qui ne seront pas celles
que souhaiteront les membres de la société
québécoise dont vous ferez partie.
M. Le Hir: Mais on n'a pas dit qu'on acceptait les règles
telles qu'elles existaient.
Mme Harel: Oui. Si je comprends bien, vous dites que vous
aimeriez les changer. Mais le ministre vient de nous indiquer que c'est un
rapatriement de fonds, que c'est une délégation, mais que normes,
législation et réglementation resteront du ressort canadien.
M. Le Hir: On a eu l'occasion, le 14 décembre dernier, de
faire une critique des politiques économiques fédérales.
Dans cette critique, il y avait un volet qui était consacré aux
politiques de main-d'oeuvre. Je crois, d'ailleurs, vous avoir fait parvenir
copie de cette critique. On critiquait, dans les politiques de main-d'oeuvre,
le fait, justement, qu'on privilégiait trop les mesures passives et pas
suffisamment les mesures actives. Il n'y a pas de doute qu'il y a là un
débat à livrer. Dans l'hypothèse où le
Québec devrait assumer la gestion de ces politiques, il faudrait qu'il
puisse en même temps en renégocier le contenu.
Mme Harel: Alors, si je comprends bien ce que vous nous dites, ce
n'est pas simplement les fonds fédéraux avec les critères
et les normes. Vous voulez les fonds, mais avec vos propres critères et
normes. C'est ça qu'il faut comprendre?
M. Le Hir: II faut réorienter nos politiques pour qu'on
privilégie davantage les mesures actives.
Mme Harel: Privilégier davantage les mesures actives, donc
pour les travailleurs en emploi, parce qu'on peut privilégier les
mesures actives pour les travailleurs sans emploi. Vous, vous nous dites: On en
voudrait pour des travailleurs en emploi. Pour les travailleurs en emploi, je
vous pose bien naïvement la question, ne pensez-vous pas que l'entreprise
a un investissement à faire en termes de formation?
M. Le Hir: C'est entendu que l'entreprise a un investissement
à faire en matière de formation, mais, pour que l'entreprise
puisse investir en matière de formation, il faut que,
déjà, elle soit dans une position de compétitivité
telle qu'elle puisse dégager les ressources nécessaires à
cet investissement. À l'heure actuelle, vous l'avez sans doute vu ces
derniers jours, au cours des dernières années, des deux
dernières années, pour prendre celles-là, les profits des
entreprises ont été à leur plus bas niveau depuis la
grande dépression. Ce n'est pas dans un contexte comme celui-là
qu'il est facile de dégager les sommes nécessaires à des
investissements, non seulement des investissements en matière de
formation, mais également des investissements en matière de
nouvelles technologies, de recherche, de développement ou autres.
Autrement dit, il faut réaliser que la position concurrentielle dans
laquelle se trouvent les entreprises canadiennes et québécoises,
depuis plus de 10 ans, est telle qu'elle les prive de toute marge de manoeuvre,
compte tenu de ce qu'est la structure de coûts de production, chez nous,
quant à la possibilité de dégager les sommes
nécessaires à l'investissement dans la formation professionnelle
comme dans le reste d'ailleurs.
Mme Harel: À combien évaluez-vous les chances, soit
de réaliser le plan du ministre qui consiste à obtenir une
délégation...
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je peux
interrompre une seconde la députée de Hochelaga-Maisonneuve?
Mme Harel: Oui.
M. Bourbeau: Simplement, je suis très mal à l'aise
quand la députée de Hochelaga-Maisonneuve me pointe du doigt.
Ça fait trois ou quatre fois qu'elle fait ça. Je ne sais pas si
c'est une habitude. Je lui demanderais, s'il vous plaît, de cesser de
faire ça. Je ne pense pas que ce soit dans les coutumes parlementaires
et ça me met dans une position un peu délicate.
Mme Harel: Ah oui! Bien, certain!
M. Bourbeau: Je préférerais que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve ne me pointe plus du doigt.
Mme Harel: Bien certain, M. le Président. Je ne le ferai
plus.
M. Bourbeau: Ça me dérange.
Mme Harel: Je ne le ferai plus certain.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Ça a toujours l'air
d'un geste accusateur, Mme la députée.
Mme Harel: Ah non! Écoutez, je peux promettre au ministre
que je ne le ferai pas. Je reprends ma question. M. Le Hir ou les personnes qui
vous accompagnent, à combien pensez-vous, à quel pourcentage
évaluez-vous les chances de succès de la proposition du ministre
d'obtenir une délégation? Vous, quelles sont les chances que vous
avez de modifier les règles du jeu?
M. Le Hir: on n'est pas des joueurs, alors je ne peux pas
répondre à votre question. il faudrait que je contrevienne
à mon éthique personnelle.
Mme Harel: Vous ne gagez jamais quand vous êtes
supposé être perdant?
M. Le Hir: Non, je ne parie jamais. Une voix: Gagnant ou
perdant.
Mme Harel: Vous parlez de congé pour fins de formation et
vous le proposez dans le contexte d'une mesure gérée par
l'employeur. Vous insistez, en fait, pour que ce soit un congé de
formation déterminé par les besoins de l'employeur. C'est bien le
cas. Je ne pense pas me tromper. C'est ça? Par ailleurs, ce congé
de formation, quand on y regarde de près, on se rend compte que c'est le
travailleur qui s'endette, finalement, théoriquement, sur papier, parce
que, si l'entreprise a de ces problèmes de liquidités dont vous
nous faites part, le travailleur a aussi des problèmes
équivalents.
M. Le Hir: Non. Mme Harel: Non?
M. Le Hir: Je ne pense pas que vous puissiez faire ce
raisonnement-là. M. Bergeron, tout à l'heure, vous a parlé
du cas de son entreprise où les salaires étaient versés
aux employés. Tout dépend de la conjoncture. La conjoncture, elle
n'est pas la même pour toutes les entreprises, même en même
temps, et peut-être que je pourrais les laisser répondre de part
et d'autre. Ils vont vous communiquer la réalité de leur
entreprise et ça va vous permettre d'avoir une idée.
Mme Harel: Bon, alors je vais peut-être être plus
précise. C'est du crédit à la formation que je veux
parler.
M. Le Hir: Ah bon! Ça, c'est autre chose.
Mme Harel: En fait, c'est un crédit qui pourrait suivre un
congé. C'est un crédit à la formation qui, depuis le 1er
janvier de cette année, sur papier du moins, s'adresse aux travailleurs,
mais encore faut-il avoir été pendant 6 ans actif sur le
marché du travail, encore faut-il pouvoir s'inscrire pour une formation
qui dure un maximum de 12 mois et qui donne lieu à un diplôme.
Alors, vous voyez évidemment qu'il y a une série d'obstacles
à franchir. Mais, encore là, l'endettement, c'est quand
même un prêt représentant 40 % du revenu disponible, alors
il y a quand même un endettement, et sans garantie de retour à
l'emploi.
M. Le Hir: Sur ce programme-là, je veux juste vous dire
une chose. On n'est pas du tout convaincus que ce soit un programme
particulièrement pertinent, et on a le soupçon - quoiqu'il
s'agisse bien, et je le précise, d'un soupçon -que ce soit un
moyen pour masquer les réalités assez sombres, à l'heure
actuelle, relativement au niveau de l'emploi. Je vais laisser mes
collègues vous apporter des précisions
supplémentaires.
Mme Harel: D'accord.
M. Charland: Lorsqu'on parle que ça doit être
adapté aux réalités des entreprises, c'est que, comme
Richard l'a dit tantôt, on pense que ça peut être soit
considéré comme un avantage, soit négocié.
Peut-être aussi peut-on aller plus loin. Nous autres, ce qu'on souhaite
un petit peu, c'est qu'on n'arrive pas avec un autre programme qui va avoir une
base obligatoire et qui va être une source de conflits ou de
difficultés d'application. Lorsque vous accordez un avantage à un
employé à l'intérieur d'une entreprise, il faut
considérer aussi, dans l'application, quels sont les effets que
ça va causer. Ce qu'on pense présentement, c'est qu'on ne voit
pas les raisons pour lesquelles, dans le cadre d'une politique proactive, les
employeurs ne pourraient pas être simplement favorables à de
telles politiques, compte tenu que, comme vous l'avez précisé,
l'employé va faire certains efforts personnels. Nous pensons que
ça peut se régler dans le cadre de discussions entre l'employeur
et l'employé. D'autre part, est-ce qu'il y a possibilité que,
conjointement, au niveau, s'il y a lieu, d'une société
québécoise ou d'une commission permanente, il y ait une certaine
forme de déclaration ou qu'on encourage le ministre à faire une
certaine déclaration favorisant un tel type d'initiative? C'est quelque
chose de possible. C'est le consensus que nous avons rencontré du
côté patronal en faisant le sondage auprès d'entreprises
pour voir l'applicabilité d'une telle politique à ce
moment-ci.
M. Le Hir: Excusez-moi, si vous me permettez d'ajouter, c'est
que, dans l'exemple que M. Bergeron vous a donné tout à l'heure,
sans même qu'il y ait d'obligation d'aucune sorte, en tant que directeur
d'usine, lui, il avait pris l'initiative de le faire.
Mme Harel: Étant donné l'expertise que vous avez,
qu'est-ce que vous identifiez comme étant les principaux obstacles
actuellement que vos membres, à l'AMC, rencontrent dans leur
désir de relever le niveau de compétence de leurs
employés?
M. Charland: À niveau de l'AMQ, ce n'est pas la
difficulté d'élever le niveau de compétence des
employés. Ce que vous devez réaliser, c'est qu'à
l'intérieur d'une usine, lorsque vous permettez à un
employé de s'absenter, ça a des conséquences sur
l'organisation du travail pour les autres employées. C'est dans ce
sens-là qu'il est difficile de donner une définition
générale et large de l'applicabilité d'un tel
système à travers le Québec. Je pense que c'est pour
ça qu'on doit le tenir au niveau de l'entreprise.
Permettez-moi de vous ramener un petit peu à la philosophie que
nous préconisons, qui est essentiellement proactive. Nous disons que les
parties doivent s'impliquer et nous croyons que la meilleure façon de le
faire, c'est par un engagement de la direction en regard de ces
politiques-là. Nous ne pensons pas qu'il soit utile d'adopter un cadre,
une approche plutôt légaliste pour régler ce type de
problème. Nous croyons qu'au contraire c'est quelque chose qui peut
être réglé par une base de communication appropriée.
(15 h 45)
Mme Harel: Vous vous rappellerez que, juste un peu avant la mise
en vigueur du traité de libre-échange, le comité De
Grandpré, le Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre, avait
notamment conclu à la nécessité d'un partage plus grand de
l'effort d'adaptation par les travailleurs et les employeurs. Il avait
également conclu à la nécessité de préavis
de licenciement avec indemnité. Il en est question de façon un
peu nébuleuse dans l'énoncé de politique. Qu'est-ce que
vous envisagez comme devant devoir se faire en matière de
licenciement?
M. Charland: Nous pensons que, dans le domaine du licenciement,
il y a déjà une politique claire et précise qui existe,
l'article 45, comme vous le savez. Nous ne prévoyons pas, à ce
moment-ci, demander ou suggérer que cette politique-là soit
révisée.
Mme Harel: L'énoncé de politique est à
l'effet qu'il y aura une révision. Vous savez sans doute que cette
révision a eu lieu, notamment en Ontario, où, selon un certain
nombre de critères quant au nombre de travailleurs ou quant au chiffre
d'affaires de l'entreprise, l'entreprise doit verser par année de
service une certaine indemnité, jusqu'à concurrence de 26
semaines, je crois. Certains considèrent qu'au Québec,
actuellement, les licenciements peuvent se faire au rabais et que, dans les
choix de reconversion qui se font, ces fermetures au rabais, au Québec,
en regard de l'Ontario, seraient un facteur parmi d'autres, sans doute, mais un
des facteurs qui pourraient amener une entreprise à considérer
que ça coûte moins cher de fermer ici qu'ailleurs.
M. Le Hir: Là-dessus, je peux tout de suite vous dire que
ce n'est pas le cas. En fait, il commence à se creuser un écart
dans la structure des coûts de production en Ontario et au Québec
qui bénéficie substantiellement au Québec. Je pourrais
vous faire parvenir de la documentation qui vous montrerait qu'à l'heure
actuelle les industriels de l'Ontario cherchent justement à exporter
leurs activités de production, soit au Québec ou ailleurs.
Mme Harel: Si on revient à la Société
québécoise comme telle, à sa composition et à son
mandat, qu'est-ce que vous pensez de l'ajout d'un quatrième partenaire?
Vous savez sans doute que c'est là une demande qui est
répétée dans un grand nombre de mémoires
d'organismes qui viendront se présenter devant la commission à
cet effet.
M. Le Hir: Écoutez, tout notre mémoire est
basé sur la nécessité de développer une approche
client-fournisseur. Nous sommes les clients et l'administration scolaire,
comment dirais-je, les gens qui sont responsables de la dispensation du service
sont le fournisseur. Qu'est-ce que vous voulez? On ne peut pas faire participer
tout le monde et sa belle-soeur à cette affaire-là.
Mme Harel: Mais il n'y a pas un danger que, plutôt que du
partenariat, ce soit un cartel, que cette Société? Quand je
pense, peut-être, à ce quatrième partenaire... Vous, vous
référiez au milieu de l'enseignement, je crois. Moi, je
réfère à un quatrième partenaire qui est aussi
constitué d'une clientèle, c'est-à-dire celle qui est sans
emploi, que vous ne représentez pas, que les centrales syndicales ne
représentent pas comme telles non plus, étant donné que
c'est une clientèle qui, parfois, a été codée
à une situation chronique de chômage.
M. Le Hir: écoutez, je ne pense pas que cette
catégorie de gens là fasse partie des clients. ils sont des
demandeurs, mais pas des clients, au sens strict du terme.
Mme Harel: Oui, oui. Vous avez raison, malgré le fait que,
quand vous dites «demandeurs», vous voulez dire par là que
l'ensemble de ce que vous concevez comme politique de développement de
la main-d'oeuvre s'adresse à l'entreprise d'abord?
M. Le Hir: Bien sûr que non. Il est clair qu'il y a un
partenariat social et que ces gens-là font partie de ce partenariat. Il
s'agit, ici, de déterminer de quelle façon on va pouvoir
admi-
nistrer une fonction. Je ne pense pas que ce sort minimiser la
contribution de qui que ce soit en disant que cet apport-là ne serait
pas de nature à favoriser nécessairement même l'orientation
des programmes en faveur d'eux ou une meilleure administration des sommes et
des politiques en question.
Mme Harel: Pourtant, la Commission canadienne de mise en valeur
de la main-d'oeuvre, qui est composée de membres représentant les
syndicats, le monde des affaires, les groupes d'action sociale et les
établissements de formation, fonctionne en établissant, en fait,
des normes de formation professionnelle, même l'élaboration du
plan de dépenses annuelles. Ce qui est le fait de cette Commission
canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre devrait être
écarté en regard de la Société
québécoise?
M. Le Hir: Je pensais que la philosophie même de votre
parti vous amenait à réfuter la comparaison au modèle
canadien.
Mme Harel: Pas nécessairement, puisque, comme vous le
savez... Mais je vous repose la question. Vous n'allez pas vous esquiver comme
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: À moins que vous ne préfériez le
modèle suédois, ou le modèle autrichien, ou le
modèle allemand...
M. Le Hir: Je préférerais franchement un
modèle québécois.
Mme Harel: Alors, le modèle québécois. Dans
le modèle québécois, il n'y a pas encore - je ne sais pas
si on va en convenir, vous et moi - de structures qui, sur le plan de la
représentativité patronale, sont à l'abri de tout
reproche. Est-ce que vous en convenez?
M. Le Hir: Écoutez, c'est entendu. Mais, à l'heure
actuelle, il s'agit de savoir si, oui ou non, on veut faire avancer les choses.
Il faut se poser la question bien concrète, bien pragmatique: Qu'est-ce
qu'on peut faire qui va nous permettre de le faire avancer le plus vite? C'est
sûr qu'on n'aboutira pas nécessairement à l'idéal.
L'idéal est peut-être d'un autre monde. Mais, dans
l'immédiat, il y a des défis à relever et je ne pense pas
qu'on puisse les relever en multipliant les débats.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Le Hir, de
même que les personnes qui vous ont accompagné. C'est tout le
temps que nous avions pour ce groupe. Donc, je demanderais au groupe de la
Fédération des travailleurs du Québec également de
s'approcher immédiatement puisqu'on a un petit peu de temps à
reprendre.
Je demanderais aux gens de prendre place, s'il vous plaît.
J'appellerais les députés à leur place également.
Donc, nous accueillons la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec, représentée par: M. Fernand
Daoust, président; Mme Lauraine Vaillancourt, vice-présidente;
Jean-Guy Frenette, conseiller politique; Mme Johanne Deschamps, permanente
à la FTQ, de même que M. Guy Cousineau, Conseil du Travail de
Montréal; M. Marc Bellemarre, membre de l'AFPC; Mme Suzanne Wattier,
représentante du CFP, c'est-à-dire des employés. Donc,
immédiatement, M. Daoust, nous allons vous écouter pour 20
minutes; ensuite, nous procéderons aux échanges.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec
M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup, M. le Président. Vous
avez fait les présentations, je n'ai pas à les
répéter. La FTQ est heureuse de pouvoir faire entendre
aujourd'hui son point de vue sur les orientations que doit prendre le
développement de la main-d'oeuvre au Québec.
Comme le révèle le titre de notre mémoire,
«La primauté de l'individu dans le développement de la
main-d'oeuvre», la FTQ entend souligner à cette commission les
conditions qu'elle juge essentielles pour que les orientations, les services et
les structures répondent aux besoins des personnes en emploi autant
qu'à ceux des demandeurs d'emploi. Nos réflexions se basent sur
les expériences que nous avons vécues depuis plus de 25 ans dans
les milieux de travail, dans les concertations sectorielles et sur les tables
régionales de développement.
La FTQ, ses 450 000 membres vivent quotidiennement, dans le secteur
privé et dans le secteur des services, les bouleversements de notre
économie en mutation. Notre mémoire vous présente le point
de vue de ces hommes et de ces femmes. C'est un mémoire qui affirme
notre volonté de nous engager dans un développement harmonieux de
toute la main-d'oeuvre québécoise, mais qui affirme tout aussi
clairement la nécessité de la participation syndicale dans
l'orientation des politiques et des services de main-d'oeuvre. C'est pourquoi
nous soutenons la mise sur pied de la Société
québécoise et des sociétés régionales, mais
en exigeant d'avoir de réels pouvoirs à la Société
québécoise, d'avoir une meilleure coordination entre cette
dernière et les sociétés régionales et, enfin, que
celles-ci aient un large rôle d'initiative.
Pour la FTQ, les mesures proposées dans l'énoncé de
politique sont des éléments importants à intégrer
dans une véritable politique de développement de la main-d'oeuvre
qui, selon nous, doit absolument prendre en considération les
aspirations des personnes en emploi et des demandeurs d'emploi. À cet
égard, l'énoncé de
politique propose des efforts de redressement vers la primauté
des compétences. Cependant, les moyens pour supporter cet objectif
pourraient être enrichis. Nous croyons qu'il est grand temps de corriger
les déséquilibres du marché du travail, de définir
clairement une politique de main-d'oeuvre et de mettre en place des mesures et
des services pour la main-d'oeuvre québécoise.
À notre avis, une politique de main-d'oeuvre doit remplir les
fonctions suivantes.
Premièrement, permettre une connaissance approfondie du
marché du travail par un inventaire continu de la situation et de
l'état de la main-d'oeuvre.
Deuxièmement, offrir une formation et une qualification
professionnelle de qualité et accessible à tous et à
toutes. Il est donc question d'établir, en ce sens, un système
québécois de reconnaissance des compétences et des acquis
pour lequel nous ne retrouverons pas de confusion entre les ministères
concernés. C'est aussi l'occasion de bâtir un régime
d'apprentissage qui revaloriserait plusieurs emplois et qui tracerait des voies
simples et qualifiantes pour y accéder.
Troisièmement, apparier l'offre et la demande de main-d'oeuvre
par des services d'orientation et de reclassement qui répondent aux
besoins des demandeurs d'emploi. Réussir à apparier l'offre et la
demande d'emploi est fondamental pour créer un dynamisme pour l'emploi
dans les régions et les secteurs. C'est aussi essentiel pour redonner
l'espoir aux personnes, jeunes et adultes, qui se cherchent un emploi. C'est
enfin nécessaire pour développer des services d'orientation et de
reclassement qui soient de qualité et pour développer des
contenus de formation qui collent aux réalités des besoins des
individus. Ces services doivent être financés adéquatement.
(16 heures)
Quatrièmement, prévenir et corriger les licenciements, les
brusques réorganisations industrielles et régionales. Il faut
réussir, au Québec, à contrer le défaitisme qui
entoure les licenciements et les fermetures. Il nous faut nous engager
résolument dans la planification des emplois. On peut le faire
localement par la création de comités paritaires. On peut le
faire sectoriel-lement dans les comités de main-d'oeuvre et les
comités aviseurs du MICT. On peut le faire ré-gionalement par les
comités consultatifs et les sociétés
régionales.
Cinquièmement, offrir les services d'intégration et de
réintégration au marché du travail qui répondent
aux besoins et à la réalité des sans-emploi et des
catégories spéciales de travailleurs et de travailleuses. Ces
personnes ont besoin de se sentir partie d'un ensemble qui les invite au
marché du travail et non qui les exclut ou les marginalise. Nous croyons
que le réseau des services de main-d'oeuvre des sociétés
est tout indiqué pour assurer leur développement et leur
qualification.
Pour la FTQ, ces cinq grandes fonctions d'une politique de main-d'oeuvre
doivent se concrétiser dans des services et des programmes
adéquats. C'est pourquoi nous traitons dans notre mémoire les
programmes proposés par l'énoncé de politique.
Essentiellement, nous croyons que le Programme de développement
des ressources humaines doit s'accompagner de mesures concrètes pour
augmenter la participation des femmes et doit également comporter des
engagements clairs pour favoriser la participation des syndicats à ces
plans de développement. Le Programme d'aide aux personnes
licenciées doit être élargi pour traiter avec une approche
préventive les licenciements et leurs effets. Le Programme
d'intervention individuelle en développement de la main-d'oeuvre doit
être mis en oeuvre par une concertation serrée des
ministères impliqués et doit être géré par
les sociétés régionales.
Enfin, nous soulignons l'initiative gouvernementale en ce qui a trait au
Programme d'aide aux organismes du milieu engagés dans le
développement de l'emploi. Consolider leur travail est
révélateur du type de dynamisme que l'on veut insuffler dans les
régions et les quartiers.
Quant à l'approche sectorielle proposée dans
l'énoncé de politique, la FTQ considère qu'elle
complète positivement les programmes. Pour réussir à
renouveler la structure industrielle au Québec le recours à la
concertation sectorielle est essentiel. C'est, d'après nos
expériences, un moyen pour pallier les faiblesses de chaque entreprise
et pour mettre en commun des expertises au niveau de la recherche et du
développement, au niveau technologique, au niveau de la connaissance des
marchés, au niveau de la gestion et de la formation.
Nous croyons que le maintien des comités consultatifs
régionaux vient enrichir le travail des comités sectoriels
provinciaux et qu'à cet égard des liens doivent exister entre les
deux niveaux de société. Tous ces services et programmes pour la
main-d'oeuvre doivent inviter les personnes touchées à s'inscrire
dans une démarche de formation «qualifiante». Nous devons
déployer tous les efforts nécessaires pour instaurer au
Québec une réelle culture de la formation professionnelle et
tendre ainsi vers la formation continue.
Quant à sa pratique, la FTQ est à même de proposer
dans le présent mémoire quelques grands principes qui doivent
guider l'établissement d'une telle culture: la formation est un droit;
la formation doit être négociée; la formation doit
être accessible; la formation doit être de qualité et,
enfin, la formation doit être financée publiquement et
collectivement. Nous espérons que cette commission sera sensible
à l'approche que la FTQ a décidé de privilégier
pour aborder l'énoncé de politique gouvernemen-
tale.
En ce qui concerne le projet de loi, la FTQ considère que la
structure proposée nous permet d'atteindre les objectifs décrits
précédemment dans la mesure où le gouvernement
décidera d'accorder à la Société plus de pouvoir et
d'autorité en matière de développement de la
main-d'oeuvre. Les partenaires sont mûrs, au Québec, pour assumer
un rôle de leadership en la matière. Ainsi, la FTQ
considère que le gouvernement devra nommer les représentants des
partis selon leur choix. Nous croyons, de plus, que le gouvernement devra
déléguer au conseil d'administration de la Société
des représentants des ministères concernés qui auront des
pouvoirs de décision et d'action. Nous croyons, enfin, qu'une
représentante des groupes de femmes devra également y
siéger.
La FTQ demande que le mandat de la Société soit enrichi
à deux égards: posséder un rôle
complémentaire à celui des régions sur la question de
l'emploi et posséder une responsabilité sur la
problématique touchant les besoins de formation et d'intégration
des bénéficiaires de la sécurité du revenu. Elle
devra, de plus, établir des mécanismes de coordination avec les
sociétés régionales, particulièrement pour
l'approche sectorielle. Enfin, nous croyons que la Société devra
intégrer la problématique du secteur de la construction et celle
des secteurs public et parapu-blic.
Quant aux sociétés régionales, nous demandons le
renforcement de leur mandat d'adaptation des programmes de façon
à assurer une meilleure réponse aux besoins des individus et des
organismes. Nous rappelons, enfin, notre demande de création obligatoire
de comités consultatifs régionaux et l'élargissement de
leur mandat.
Quelques mots, forts importants évidemment, sur les dispositions
transitoires. Notre mémoire ainsi que l'avis des professionnels des CFP
en traitent en détail. Je vous mentionne qu'on annexe à notre
mémoire celui du groupe FTQ-SCFP dans les commissions de formation
professionnelle. Nous soulignons tout de même que l'intégration de
tout le personnel doit passer par la négociation de protocoles avec les
parties impliquées, et ce, dans le respect des associations syndicales
actuelles. Nous croyons que le défi est grand, mais que ce processus
impliquant même le transfert des fonctionnaires fédéraux
doit se faire harmonieusement et dans une perspective
d'équité.
La mise en oeuvre de nouveaux mandats des sociétés exigera
beaucoup d'énergie. C'est pourquoi nous souhaitons que ces
transformations soient faites dans des délais réalistes et en
tenant compte des individus autant qu'en s'ins-pirant des grands principes qui
doivent animer une telle réforme.
Et, en conclusion, nous insistons aussi sur la participation des
syndicats, je le répète, dans la mise en oeuvre des politiques de
développe- ment de la main-d'oeuvre. À cet égard, nous
souhaitons que le gouvernement donne un statut juridique à la
Conférence permanente, afin que la responsabilité qu'on veut lui
confier quant à l'élaboration des politiques ait tout son sens.
Nous croyons que le débat public qui s'ouvre aujourd'hui sur le
développement des compétences de nos ressources humaines aidera
le Québec à se doter de moyens pour faire face aux marchés
internationaux.
La FTQ tient à rappeler que le Québec ne pourra toutefois
pas amorcer ces transformations majeures s'il ne se donne pas aussi les moyens
d'obtenir une pleine juridiction québécoise en matière de
main-d'oeuvre. Nous devons mettre fin au dédoublement des structures et
à la confusion des services. Nous devons aussi avoir la maîtrise
de tous les outils pour façonner le Québec de demain.
Nous avons peu couvert, dans notre mémoire, les recommandations
gouvernementales concernant l'éducation comme telle. Nous avons, en
effet, abordé le thème par le biais des besoins de la
main-d'oeuvre. Nous croyons que de graves problèmes se sont
développés au Québec dans notre système
d'éducation. Le décrochage scolaire, la disparition de la
spécificité des adultes, l'isolement et la dévalorisation
de certains enseignements, l'absence des femmes dans les sciences et la
technologie, le manque d'investissements dans le perfectionnement du personnel
ne sont que quelques exemples. Nous croyons qu'un meilleur arrimage de
l'éducation et du marché du travail peut atténuer les
obstacles que vivent les adultes et contribuer à donner un certain
espoir aux jeunes.
La FTQ croit que le Québec doit se doter d'une nouvelle politique
éducative et, en ce sens, nous suggérons qu'un débat
public s'entame sur le sujet. Sinon, nous risquons de faire jouer à la
future politique de la main-d'oeuvre un rôle qui n'est pas le sien, en
plus de noyer des arguments valables dans la plus grande des confusions.
Quelques mots, en autre conclusion, M. le ministre. Nous... Oui, j'y
arrive, je regarde quelques notes.
Le Président (M. Marcil): Vous n'êtes pas
obligé de prendre tout votre temps. Ça va nous laisser un peu
plus de temps pour échanger. Comme vous avez déjà conclu,
là... Mais, si vous voulez continuer, ne vous gênez pas.
M. Daoust: Non, ça va aller. Je les reprendrai dans les
questions.
Le Président (M. Marcil): Dans les échanges.
Ça va. Merci beaucoup.
M. Daoust: Oui.
Le Président (M. Marcil): Je vais reconnaître
maintenant M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait extrêmement
plaisir de saluer les représentants de la FTQ et son président,
M. Fernand Daoust, avec qui j'ai aussi le privilège de siéger
à la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre. La FTQ,
reconnaissons-le, est certainement le plus gros syndicat au Québec
puisqu'elle représente tout près de 54 % des personnes
syndiquées dans le secteur privé, d'où l'importance que
nous lui accordons. Et je suis particulièrement heureux de voir que la
FTQ est un des premiers intervenants à se présenter devant la
commission, ce qui est susceptible de donner le ton aux travaux.
Et, M. le Président, je vais me permettre, à
l'égard de la FTQ, de poser une question semblable à celle que
j'ai posée tout à l'heure aux représentants de
l'Association des manufacturiers du Québec, parce que, en début
de commission, j'aimerais bien qu'on puisse clarifier un certain nombre de
points importants.
Dans certaines critiques qu'on a entendues, on nous a demandé,
à toutes fins pratiques, de refaire nos devoirs, en nous disant que le
document qu'on a devant nous n'est pas une vraie politique de main-d'oeuvre,
que le gouvernement aurait dû plutôt élargir le spectrum de
son champ d'activité, de son champ d'étude, plutôt, et
inclure dans ce document-là les éléments portant, par
exemple, sur le système d'éducation au Québec, sur le
système des relations du travail, faire en sorte de faire une
étude globale de tout ce qu'il peut y avoir d'intéressant sur le
marché du travail ou qui touche de près ou de loin au
marché du travail, de façon à arriver avec une politique
générale, globale, portant non plus seulement sur la
main-d'oeuvre, mais sur la totalité de l'enseignement professionnel et
toute la réalité du marché du travail.
Nous avons choisi de ne pas faire ça et on l'explique dans
l'avant-propos. En fait, ce qu'on nous reproche... Dans certains milieux, on
nous dit que la montagne a accouché d'une souris. Bon! J'aimerais savoir
ce que vous en pensez, êtes-vous d'avis qu'on aurait effectivement
dû procéder de cette façon-là, donc qu'on a raison
de dire: Mettons de côté le document et fouillons davantage
à gauche et à droite de façon à en arriver à
un document qui serait beaucoup plus large et beaucoup plus englobant?
Le Président (M. Marcil): M. Daoust.
M. Daoust: Nous insisterons sur l'urgence d'agir. Le
Québec est tellement déclassé sur le plan de la formation
de sa main-d'oeuvre que nous ne souhaitons pas, nous ne souhaitons plus qu'il y
ait quelque tergiversation que ce soit dans les débats, et surtout dans
les actions et les décisions qui doivent se prendre au sujet de la
main-d'oeuvre québécoise. Le diagnostic, il est posé. On
est inondés de statistiques. On sait tous les drames que vit la
main-d'oeuvre québécoise.
On connaît toutes les difficultés que rencontrent ces
hommes et ces femmes sur le marché du travail ou en recherche d'emploi.
On connaît tous les écarts qui nous distancient, qui nous
séparent des pays industrialisés. Il faut, à ce moment-ci,
poser des gestes.
Évidemment, de façon idéale, on aurait
souhaité une véritable politique de plein emploi fixant les
grandes orientations, posant les jalons, créant les institutions, les
organismes, les outils nécessaires, mais ces débats-là ont
lieu au sein de la société québécoise depuis
déjà fort longtemps et, nous, on est impatients à ce
moment-ci. On veut que ça bouge. Vous l'avez mentionné dans
l'énoncé de politique, il y a déjà un quart de
siècle que le gouvernement du Québec s'interroge,
réfléchit, chemine sur les problèmes de main-d'oeuvre. Des
livres de toutes les couleurs ont été publiés. Du
côté syndical, il en est de même chez nous à la FTQ.
Ça fait au moins 30, 35 ou 40 ans. On parle de 25 ans dans notre
mémoire, mais c'est un sujet qui a toujours été d'une
très, très grande actualité et, de toute part, nous
pressions le gouvernement du Québec d'agir.
Alors, à ce moment-ci, c'est bien beau de faire des critiques
à l'égard de cet énoncé de politique, mais, quant
à nous, nous ne sombrerons pas dans quelque cynisme que ce soit à
l'égard d'un des problèmes les plus fondamentaux de la
société québécoise. Ce n'est pas le seul,
incidemment, et je ne veux pas déborder sur d'autres problèmes
que vous pouvez imaginer. Mais les lacunes sont tellement évidentes et
les volontés sont tellement manifestes aussi! Je ne vous rappellerai pas
le Forum pour l'emploi qui, depuis deux ou trois ans, aborde ces
sujets-là et insiste pour qu'enfin on voie poindre à l'horizon
les éléments d'une politique de main-d'oeuvre. Alors, on en a
ici.
Quant à nous, je reviens à ce que je disais au
début, l'urgence d'agir fait que... Je ne dis pas qu'il faille
éviter les débats, loin de là, nous sommes en commission
parlementaire, mais nous souhaitons... C'est avec soulagement, soit dit en
passant, qu'enfin on a pris connaissance de cet énoncé de
politique et qu'on a examiné le projet de loi qui est devant nous. Tous
les cris d'alarme ont été lancés et ils sont entendus
à ce moment-ci. Peut-être tardivement, M. Bourbeau, vous le savez;
je vais vous rappeler la Table nationale de l'emploi, mais pas trop, trop
longtemps. Mais ces cris d'alarme, ils commencent à provoquer des
réactions; ils sont entendus. Il y a un projet qui est devant nous et,
à cet égard-là, nous souhaitons qu'il y ait un coup de
barre énergique qui soit donné, et irréversible. (16 h
15)
Commençons par faire le premier pas indispensable. Après
ça, on fera de grandes enjambées et on pourra rejoindre ceux qui,
je vous le répète, nous ont déclassés. Nous sommes
lamentablement équipés dans ce domaine-là,
alors commençons à faire les choses qui sont
indispensables pour enfin doter le Québec des éléments
d'une politique de plein emploi qui devra prendre place éventuellement.
Peut-être que Jean-Guy...
M. Frenette (Jean-Guy): Oui. M. le ministre, ici, je n'ai pas
à vous demander l'autorisation pour prendre la parole? Ça va,
ici?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Frenette: Nous nous sommes posé la même question,
évidemment, dans toutes les assemblées et réunions de
discussion que nous avons eues sur l'énoncé de politique et sur
le projet de loi: Est-ce qu'il faut avoir des politiques exhaustives et bien
définies de main-d'oeuvre et de développement de la main-d'oeuvre
avant de commencer à mettre en place la Société
québécoise et d'oeuvrer à l'intérieur de la
Société? Notre réponse a été assez simple.
On a affaire ici à un problème de logique. Si vous voulez
impliquer les partenaires, alors on vous dit: Définissez les grandes
politiques et les grandes orientations avec les partenaires. Vous avez
commencé à le faire au niveau de la Conférence permanente;
l'énoncé de politique dit que cette Conférence va
être maintenue et que c'est là que doivent se définir les
grandes orientations et les grandes politiques de développement de la
main-d'oeuvre.
Alors, nous disons: Nous n'avons pas besoin à ce moment-ci des
grandes politiques puisque nous sommes appelés à les
définir ensemble et nous serions plutôt mal à l'aise que
vous nous demandiez de participer dans une structure qu'on veut permanente et
de concertation si vous nous attachiez, si vous nous ficeliez les pieds et les
mains avec des politiques que vous auriez déterminées seul, sans
consultation, sans concertation, qu'on serait pris tout simplement à
administrer plus tard. Ce serait illogique lorsqu'on fait appel à la
concertation ou au partenariat des parties pour définir les grandes
politiques et pour s'impliquer ensemble dans le développement et la mise
en oeuvre d'une politique de main-d'oeuvre.
Le Président (M. Marcil): Ici, c'est le président
de la commission qui donne les autorisations.
M. Frenette: Ah! Excusez-moi. Excusez-moi! Des voix: Ha,
ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Ha, ha, ha! Non, c'est en
réponse à M. Frenette, tantôt.
M. Bourbeau: M. le Président, ce sont des règles
internes que nous nous sommes données et M. Frenette sait fort bien
qu'en aucune façon je n'aurais voulu le bâillonner, d'autant plus
que ses propos sont tellement intéressants qu'on pourrait passer la
journée à les écouter. Mais, comme il y en a d'autres qui
doivent suivre, on va être obligé de poursuivre rapidement.
Vous nous dites donc que vous souhaiteriez que la Société
québécoise puisse participer à l'élaboration des
politiques et des orientations gouvernementales; je pense qu'il n'y a pas de
problème avec ça. Même dans le document d'orientation, on
donne comme un des mandats de la Société de conseiller le
gouvernement sur ces choses-là, sur les politiques et les orientations.
Donc, c'est vraiment l'intention du gouvernement de faire de la
Société québécoise son principal confident, si je
puis m'exprimer ainsi, en cette matière. D'ailleurs, l'expertise sera
là. L'expérience nous a prouvé qu'il est bien difficile de
concevoir des politiques et des orientations en vase clos quand on n'a pas de
racines dans le milieu, dans le monde ordinaire, dans les lieux de travail. Et
je ne vois pas vraiment comment les fonctionnaires du gouvernement, assis dans
leur tour d'ivoire, entre guillemets, pourraient concevoir des politiques sans
vraiment se référer à des situations concrètes et
à des gens qui sont dans l'action d'une façon quotidienne. Donc,
à mon avis, ça ne crée pas de problème et on
devrait avoir une belle synergie entre la Société
québécoise et le gouvernement à ce chapitre-là.
Mais vous réclamez également plus de pouvoirs pour la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, et là le problème qui se pose, c'est qu'on est en
face d'une société dont le financement proviendra essentiellement
de fonds gouvernementaux, de fonds publics ou de fonds dont les élus
sont responsables. Alors, comment concilier une grande marge de manoeuvre, ou
une indépendance même, pour la Société
québécoise avec le fait que les fonds sont des fonds qui viennent
du produit des impôts et qui, donc, sont sous la responsabilité
des élus, d'où l'importance pour le gouvernement d'avoir un mot
à dire, si je peux m'exprimer ainsi, dans la gestion ou, enfin, dans les
normes qui vont prévaloir à l'égard des programmes de la
Société?
Le Président (M. Marcil): M. le président.
M. Daoust: Dans notre mémoire, à la page 25, entre
autres, nous le mentionnons: «La FTQ s'oppose à la latitude du
pouvoir gouvernemental face à la Société
québécoise [...] articles 21, 22, 23, 24, 30.»
Nous ne souhaitons pas qu'on multiplie les paliers de décision et
ça peut nous sembler être paralysant, le fait qu'il faille aller
à tout moment et à toute occasion voir le ministre, obtenir de
lui des autorisations. Ce dernier devra s'en remettre au Conseil des ministres
et, quelquefois, devra même, je ne dis pas s'en remettre mais faire
état de ses directives - entre autres, je pense à l'article 30 -
qui doivent être déposées
à l'Assemblée nationale.
Nous, on a toujours souhaité que cette
société-là ait une très grande autonomie de gestion
qui lui donnerait toute la liberté de manoeuvre indispensable pour
accomplir les tâches qui sont les siennes. Qu'elle puisse avoir des
pouvoirs, des pouvoirs d'initiative ou, enfin, qu'elle puisse avoir ses
coudées franches sans subir quelque forme de tutelle que ce soit, dans
le sens pesant du mot, de la part du gouvernement, du ministre ou de quelque
structure gouvernementale que ce soit.
Il y a une inquiétude à l'égard des pouvoirs qui se
manifeste à ce moment-ci dans notre milieu et on voudrait que,
là-dessus, il y ait une réflexion qui se fasse au sein du
gouvernement afin de dissiper ce type d'inquiétude et de malaise que
nous avons à ce moment-ci à l'égard de ces pouvoirs que
s'arroge le ministre dans les dispositions de la loi.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Bourbeau: Disons que le mot «s'arroger»
m'apparaït un peu fort. Disons que c'est encore un projet. Donc, c'est une
velléité, une intention de partager les pouvoirs d'une
façon qui tienne compte de la responsabilité du gouvernement en
matière de fonds publics.
Si vous voulez, j'aimerais qu'on parle du dossier du système
d'apprentissage. Vous déclarez dans votre mémoire qu'en principe
vous appuyez le projet de la mise en place d'un système d'apprentissage
et vous faites cependant remarquer que l'entrée de stagiaires dans les
milieux de travail a souvent, dans le passé, inquiété les
syndicats qui ont parfois réagi un peu négativement à
l'arrivée de stagiaires. Quel statut voyez-vous pour les travailleurs ou
pour les stagiaires qui participeraient à ce programme
d'apprentissage?
M. Daoust: Notre inquiétude, si je peux reprendre un
peu... pas reprendre ce que vous avez dit mais commenter un peu votre remarque
à l'égard de ces inquiétudes, est largement
justifiée par le fait que nous ne sommes à peu près jamais
consultés sur - on le mentionne dans notre mémoire à la
page 8 - la nature des stages, leur durée, le type de stagiaires, alors
que nous sommes appelés à les encadrer, à les accompagner
et à les former, le «nous» étant les travailleurs et
les travailleuses qui se retrouvent dans les milieux de travail de toutes
sortes où des gens viennent faire des stages.
C'est un peu ça qui provoque le malaise, et il y a tout le
phénomène que vous savez à l'égard de l'utilisation
de ces stagiaires pour des fins de production et qu'on caractérise,
nous, comme étant des gens qui forment une main-d'oeuvre à bon
marché dans certains cas. Alors, il y a une très vive
inquiétude de ce côté-là et je pense bien que, par
ailleurs, il y a une très grande ouverture d'esprit dans nos
milieux.
On est conscients et on est un peu au courant de ce qui se passe dans
certains pays où la formule travail-école et l'apprentissage en
milieu de travail sont un des fondements de la qualité de la
main-d'oeuvre. On pense, entre autres, à l'Allemagne, puis sans
décrire un peu tout ce qui s'y passe - vous le savez aussi bien que nous
- on voit là une espèce de complicité, pour ne pas dire
plus, entre le milieu de travail, les travailleurs, les travailleuses qu'on y
retrouve et les apprentis qui viennent y séjourner quelques jours par
semaine.
Évidemment, là, il y a une culture, on ne cesse de le
rappeler. Il y a des habitudes mais il y a une intensive participation,
consultation et implication des syndicats qui sont les porte-parole des
travailleurs et des travailleuses de ces milieux-là. Or, voilà un
sujet, soit dit en passant, qui, à l'intérieur d'une
société dans tout le Québec et des sociétés
régionales, devrait être discuté en profondeur, avec
rigueur, avec compétence et qui pourrait permettre de dégager des
politiques. Mais, fondamentalement, au-delà de tout ça, non
seulement veut-on être informé mais on veut être partie
prenante dans toute décision concernant l'apprentissage ou le recours
aux stages en milieu de travail.
M. Bourbeau: Une question, M. le Président. Vous souhaitez
que les représentants des groupes communautaires siègent aux
conseils régionaux. En verriez-vous aussi au conseil d'administration de
la Société et est-ce que leur présence, d'après
vous, serait compatible avec le partenariat qui est au coeur même de
l'énoncé de politique? Et les travailleurs qui sont non
organisés, est-ce que vous prétendez aussi que vous les
représentez?
M. Daoust: À l'égard de votre dernière
question, j'aime toujours citer ce qu'un bon vieux syndicaliste nous disait de
temps à autre - c'est Emile Boudreau - c'est que le propre des
travailleurs non syndiqués, c'est justement de ne pas avoir de voix. Et
ils ne sont pas syndiqués, ils ne sont pas regroupés. Mais je
pense que, traditionnellement, dans tous les pays où le mouvement
syndical a une certaine présence, un enracinement, il est le
porte-parole le plus normal de l'ensemble de la classe ouvrière, que ce
soient des travailleurs en emploi ou sans emploi. La classe ouvrière
s'exprime par bien des groupes, de bien des façons, sans aucun doute,
mais elle a un véhicule d'expression sur tous les plans, d'abord en
milieu de travail mais sur le plan politique aussi. Le mouvement syndical a
dans les fonctions qu'il s'est données, et c'est tout à fait
normal, la tâche de parler au nom de la classe ouvrière. Je ne
vois pas qui d'autre que le mouvement syndical pourrait, avec
légitimité dans une certaine mesure, parler au nom des
non-syndiqués et justement parce qu'on
ne les retrouve pas dans les organismes comme tels.
À l'égard de la présence au conseil
d'administration d'autres groupes que ceux qui sont identifiés dans
votre projet de loi, d'une part le mouvement syndical, le mouvement patronal et
un nombre de personnes - il est question de six personnes qui feraient partie
du bloc gouvernemental - quant à nous, on estime, en s'ap-puyant
peut-être sur des expériences étrangères ou des
modèles étrangers - mais, encore une fois, il ne s'agit pas de
traduire quelque modèle que ce soit de façon précise mais
de les adapter dans une large mesure - en s'appuyant d'une part sur ce que nous
savons de certains pays, en voyant ce qui se prépare ici au
Québec, que, dans un premier temps tout au moins, il est indispensable
que les grands partenaires socio-économiques puissent, autour d'une
même table, au sein d'une même société, s'apprivoiser
de part et d'autre. (16 h 30)
C'est déjà commencé, on parle de concertation, mais
Dieu sait qu'on a un joli bout de chemin à faire dans ce
domaine-là. Et il y a unanimité dans tous les milieux à
l'égard des pas qu'il faut faire pour en arriver à enraciner la
concertation au Québec, qui n'est pas du tout la compromission ou la
complaisance à l'égard de qui que ce soit mais qui est un moyen
pour être en mesure d'aborder les problèmes qui nous sont soumis
et de dégager des orientations.
Alors, quant à nous, on souhaite - et là-dessus il n'y a
pas d'ambiguïté dans notre position - que ce soient les grands
partenaires socio-économiques qui se retrouvent dans de telles
sociétés, surtout la Société
québécoise, celle qui existera à l'échelle de tout
le Québec - et je ferai une distinction à l'égard des
sociétés régionales - au niveau de la
société globale comme telle avec, évidemment - c'est la
formule du tripartisme - le bloc gouvernemental. Et, dans le bloc
gouvernemental, on le dit dans notre mémoire, on souhaite qu'il y ait
une personne qui puisse représenter les groupes de femmes et que ces
derniers, évidemment, ça va de soi, soient appelés - les
différents groupes de femmes - à désigner cette personne
qui pourrait les représenter.
Alors, c'est notre position, à ce moment-ci, et on y a
songé. Ce n'est pas un rejet de quelque groupe que ce soit. Il n'y a
aucune attitude d'éloignement ou d'indifférence, loin de
là. On a toujours salué le rôle que jouent de multiples
groupes au Québec pour l'avancement des idées qui sont les
nôtres et qui sont les leurs aussi, mais, pour l'avenir d'une
société comme celle-là, dans un premier temps tout au
moins, faisons l'apprentissage de la concertation, dégageons les grandes
orientations. C'est tout de même décisionnel, les choses qui
seront convenues. Il y aura des décisions qui vont être prises,
des votes qui vont être dégagés. Alors, on estime, encore
une fois, qu'il est souhaitable de maintenir le même type de composition
que celui qu'on retrouve dans le projet de loi.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. Daoust. Je vais
reconnaître Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir,
évidemment, de saluer l'importante délégation de la FTQ
venue cet après-midi présenter le mémoire. Alors, M.
Daoust et toutes les personnes qui vous accompagnent, j'ai lu assez rapidement,
parce qu'on ne l'a eue qu'au début de l'après-midi, finalement,
la copie du mémoire de la FTQ. Je ne vous en fais pas grief parce que je
crois qu'il y a eu un changement de programme. Vous deviez venir seulement
demain. Quoi qu'il en soit, je comprends donc que vous souhaitez des
modifications importantes au projet de loi. L'une de celles-là consiste
à ajouter un mandat à l'égard de l'emploi au mandat du
développement de la main-d'oeuvre qu'a la Société
québécoise. C'est bien le cas?
M. Daoust: Oui.
Mme Harel: II y a un paradoxe dans l'énoncé de
politique. Les sociétés régionales ont un mandat de
développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi, mais la
Société québécoise n'a pas ce mandat à
l'égard de l'emploi. Alors, les sociétés régionales
sont des créatures de la Société québécoise
et elles auraient un mandat plus élargi que la Société qui
les chapeaute.
Ceci dit, vous étiez sûrement présents lorsque le
ministre a expliqué au groupe qui vous a précédés
quelle sorte de rapatriement il souhaitait pour le Québec. Sans doute
avez-vous pris connaissance du fait qu'il s'agirait purement d'une
délégation de fonds étant donné, comme l'a
signalé le ministre, que la législation, la réglementation
et les normes nationales resteraient fédérales. Alors,
tantôt, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'écoutais
l'échange que vous aviez avec le ministre sur l'urgence d'agir. Pour
faire quoi? C'est là la question qui m'est venue suite à la
réponse que le ministre vous donnait en vous signalant, notamment, que
la provenance des fonds serait surtout publique - pour justifier, notamment, le
fait qu'il garde un peu la mainmise - mais c'est 80 % des fonds publics qui
vont venir du fédéral. Ça va être quoi, la marge de
manoeuvre, finalement? 80 % des fonds vont venir du fédéral dans
le cadre d'une délégation de transfert de fonds, mais sur des
programmes élaborés ailleurs. Donc, il y aura quelque chose comme
20 % de marge de manoeuvre, réellement. Là, je crois comprendre
qu'il y aura encore dédoublement de programmes, parce qu'il y aura les
programmes en fonction de la provenance du remplacement de revenu. Si le revenu
vient de la prestation d'assurance-chômage, les programmes
seront différents de ceux offerts à des personnes dont les
revenus proviennent de l'assistance sociale via le Régime d'assistance
publique du Canada, différents, etc. Alors, c'est quoi, finalement, ce
que vous souhaitez que cette Société-là fasse dans ces
circonstances?
M. Daoust: Bon, écoutez, pour faire quoi? C'est entendu
qu'on souhaiterait que ce rapatriement soit le plus complet possible. De fait,
vous et nous, on souhaite à peu près les mêmes choses
à l'égard du devenir du Québec et on souhaite bien qu'on
puisse en disposer quelque part avant le 26 octobre. Bon. Il nous reste neuf
mois. Entretemps, qu'est-ce qu'on fait? Ou bien on continue à se
réunir comme on le fait au sein de la Conférence permanente - et
Dieu sait qu'on a fait un bon bout de chemin à l'intérieur de
cette Conférence permanente au sujet des convergences de vues sur des
projets et des orientations, tout comme on a fait un bon bout de chemin
à l'intérieur du Forum pour l'emploi - ou bien on veut le tout
absolument, sans aucune espèce de nuance. Et là on va continuer
encore pendant je ne sais trop combien d'années - mais on voudrait qu'on
règle l'autre problème rapidement - pendant je ne sais trop
combien de temps, à faire ce qu'on a fait depuis une vingtaine
d'années. Ou bien on se met à la tâche avec... Nous aussi,
à la FTQ, on souhaiterait bien que cette Société-là
ait tous les pouvoirs, puisse décider de toutes les orientations, qu'il
n'y ait pas qui que ce soit qui vienne mettre des bâtons dans les roues.
On ne veut même pas que le ministre nous en mette plus qu'il ne le faut,
des bâtons dans les roues. Mais c'est tout de même de l'argent ou
des fonds publics. Là, là-dessus, on n'est pas en
désaccord fondamentalement.
C'est pour ça qu'on dit: Bien, commençons. Écoutez,
ce n'est pas la politique des petits pas, mais, pendant que le Québec,
si vous me permettez une image, jouait au lièvre à l'égard
de la formation professionnelle et de la main-d'oeuvre, folâtrait un peut
partout depuis une vingtaine d'années, tenait les plus beaux discours
qu'on puisse imaginer, bâtissait les plus belles structures, la tortue
qu'on retrouve dans un tas de pays industrialisés, elle, s'approchait de
la ligne d'arrivée. De telle sorte qu'aujourd'hui, je l'ai
mentionné, c'est désastreux la situation de la main-d'oeuvre au
Québec et de sa formation professionnelle. Les statistiques sont
écrasantes. On ne cesse d'en rappeler un peu partout. Il y en a dans le
document, mais il y en a partout. Alors, on se dit: Commençons à
nous réunir, à dégager des orientations et à peser
à l'intérieur d'une structure comme celle-là, dotée
de tous les renseignements, où l'information va circuler abondamment,
où on va avoir l'occasion d'en parler à tout moment et à
toute occasion. Commençons à le définir, ce modèle
québécois, parce que, là, c'est un petit morceau de tous
les éléments qu'on voudrait bien mettre en place
éventuellement - bien, c'est un morceau; je ne veux pas en diminuer
l'importance, loin de là, mais c'est un morceau - et puis
commençons à agir.
Bon, je ne suis pas en désaccord qu'il va y avoir des
flammèches, mais ça va permettre à un groupe de 19
personnes d'avoir l'expertise indispensable. On l'a un peu partout, mais on va
la rapatrier. Là-dessus on n'a pas à demander la permission
à qui que ce soit. On va la rapatrier, on va se parler abondamment, on
va faire état - je répète des mots que j'ai dits un peu
plus tôt - de nos convergences, de nos divergences, on va se donner des
stratégies, et ça va être un petit peu plus efficace que ce
qu'on a fait depuis de nombreuses années ici, au Québec.
Mme Harel: Vous n'avez pas une inquiétude que...
M. Daoust: Oui, excusez-moi, si vous me permettez...
Mme Harel: Certainement, certainement, avec plaisir.
M. Daoust: M. le Président, M. Marc Bellemare.
Le Président (M. Marcil): M. Bellemare.
M. Bellemare (Marc): Merci, M. le Président. Soit dit en
passant, AFPC, ça signifie l'Alliance de la fonction publique du Canada,
c'est-à-dire que je représente tous les fonctionnaires
fédéraux. Dans un deuxième temps, M. le ministre, on est
bien heureux que, pour une fois, votre gouvernement nous ait
considérés comme des Québécois et des
Québécoises à part entière et on vous en
remercie.
Maintenant, pour continuer avec la question de Mme Harel, quand Mme
Harel parle de gros sous, elle a raison, dans un sens. Effectivement, en termes
de prestations d'assurance-chômage, on parle de 4 500 000 000 $ par
année au Québec, actuellement. En termes de fonds destinés
aux initiatives, c'est-à-dire programmes d'employabi-lité,
support au développement, achats, formation en établissement, on
parle d'un autre montant de 700 000 000 $; donc, on parle de 5 250 000 000 $.
C'est effectivement des gros sous. Si le gouvernement du Québec ne
détermine pas ce qu'il veut en faire, le gouvernement
fédéral, lui, va le faire, et c'est peut-être là un
gros problème.
Effectivement, tout le monde serait heureux si, demain matin, on pouvait
rapatrier en totalité toute cette juridiction-là, mais ce n'est
pas demain matin qu'on va voir la fin des débats constitutionnels. M. le
ministre lui-même a souligné dans ses déclarations
publiques l'été dernier que sa première aspiration
était le rapatriement total. Bon! Maintenant, on voit le
rapatriement administratif. C'est bien clair qu'il ne faut pas
s'objecter à ça. C'est bien clair, Mme Harel, que,
personnellement, je partage votre point de vue là-dessus aussi. Mais,
quand on parle de l'urgence d'agir, je vous inviterais, M. le Président,
ainsi que tous les membres de cette commission, à venir passer une
journée dans un centre d'emploi du Canada. Vous allez voir qu'il y a
urgence d'agir: 1 100 000 demandes de chômage dans un an, 500 000
chômeurs! Une société peut-elle se permettre une telle
situation très longtemps? Non! C'est bien certain qu'on vise aussi
à obtenir une politique d'employabilité, mais, comme mon
président le dit, sans nécessairement parler de politique de
petits pas, il faut commencer à agir. Il faut commencer à agir et
c'est grave.
Bien entendu, M. le ministre, nous questionnons aussi les pouvoirs
relatifs qui pourraient vous être donnés. Je travaille dans un
bureau d'assurance-chômage et mon expérience me prouve que, quand
les pouvoirs d'un ministre sont très élevés, bien, la
politique change quand tu changes de ministre, la politique change quand tu
changes de gouvernement et ce n'est pas nécessairement le travailleur ou
la travailleuse, ou la société qui en bénéficie le
plus.
Il est bien certain qu'il faut absolument, absolument, absolument
maintenir, prendre cette politique de pas là.
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez conclure, pour
permettre à Mme la députée... Soit dit en passant, pour le
décorum, on n'interpelle pas les députés par leur nom mais
plutôt par leur titre de député de comté.
Mme Harel: Sauf quand on se connaît.
Le Président (M. Marcil): Sauf quand on se connaît,
oui. Allez-y.
Mme Harel: La loi, aux articles 17 et 18, je crois, le projet de
loi 408 prévoit un mandat très restreint à la
Société québécoise en fonction des ressources
humaines seulement. Alors, je comprends donc que vous demandez, M. le
président de la FTQ, une modification au projet de loi de manière
à ce que ces articles soient modifiés et que la
Société ait un mandat de l'emploi. Je comprends bien?
M. Daoust: Oui, oui.
Mme Harel: Vous n'avez pas une inquiétude que, finalement,
au détour, si vous voulez, de ce transfert de fonds - on parle toujours
pour parler parce que, en fait, on n'y est pas arrivé - ça masque
une sorte de sous-investissement chronique et du gouvernement du Québec
et des entreprises elles-mêmes, auquel on continue à ne pas faire
face en allant faire de la fuite en avant et chercher l'argent d'Ottawa qui se
dépense déjà maintenant? Il n'y aura pas d'argent neuf
là-dedans. Vous n'avez pas peur un peu de ça? (16 h 45)
M. Daoust: Oui. À l'égard des fonds consentis par
l'entreprise à la formation professionnelle, nos positions sont connues.
Là aussi, nous nous appuyons sur des statistiques fort connues qui nous
rappellent que le Canada, globalement, investit deux fois moins que les
Américains, quatre fois moins que les Australiens, je crois, cinq fois
moins que les Japonais et huit fois moins que les Allemands dans les
entreprises. On trouve qu'au Canada, au Québec, ça dort
être la même chose. Les entreprises ne font pas le bout de chemin
qu'elles devront faire éventuellement.
J'ai bien entendu la réponse que donnait M. Le Hir à votre
question, mais, quand les entreprises font - ou faisaient, ou feront - des
profits, on ne les voit pas se battre pour investir dans le domaine de la
formation professionnelle. C'est désastreux dans ce domaine-là.
L'énoncé de politique le rappelle, je ne sais trop à
quelle page, mais il est mentionné qu'une bonne partie des entreprises
québécoises - je pense que c'est 40 % - n'ont contribué
d'aucune façon à la formation professionnelle au cours des
dernières années. On peut retrouver ça... 45 % des PME,
à la page 23 de l'énoncé de politique: «Une
enquête menée en 1990 par le ministère de la Main-d'oeuvre,
de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle
auprès de 400 entreprises québécoises du secteur
manufacturier et du secteur des services révèle que 45 % des PME
engagées dans ces secteurs ne feraient aucune activité de
formation organisée.» 45 %! Et on sait que c'est dans les PME que
se crée le plus grand nombre d'emplois. il y a donc une très,
très grande responsabilité que les entreprises devront assumer.
J'y reviens toujours - mais je vais répondre à votre question -
il faut qu'il y ait des lieux où on puisse se parier franchement et
rappeler à ceux qui sont devant nous, les entreprises, les employeurs,
l'AMQ, le CPQ et d'autres que, dans ce domaine-là, il y a un très
profond désaccord et qu'une pratique comme celle-là n'est pas
admissible. Et on a bien hâte d'entendre leurs réponses. Tout
ça peut être le résultat de négociations, aussi.
Mme Harel: Merci.
M. Daoust: Non, mais ce que je voulais vous dire, c'est
qu'on...
Mme Harel: C'est intéressant.
M. Daoust: ...souhaite que les entreprises contribuent. On a
déjà parlé, lors de la commission Jean, d'un montant de 1
% ou 2 %, si je me souviens bien, de contribution des entreprises à
même la masse salariale pour des fins de forma-
tion de toutes sortes à l'intérieur de l'entreprise.
Mme Harel: M. Daoust, dans le résumé qui nous est
parvenu de votre mémoire - je pense que vous l'avez repris, d'ailleurs,
tantôt - vous souhaitez l'ajout au mandat de la Société de
la responsabilité à l'égard des prestataires de l'aide
sociale. Il faut donc comprendre que vous souhaitez que les mesures de
formation qui seraient mises en place par la Société soient
également disponibles pour les prestataires de l'aide sociale. C'est ce
qu'il faut comprendre?
M. Daoust: C'est absolument ce qu'il faut comprendre. On ne veut
pas de ghettoïsation ni de ségrégation à
l'égard d'un groupe de personnes dans notre société, qui
sont aptes à travailler, qui ont des besoins de formation et qui doivent
recevoir tous les appuis, peut-être plus que d'autres, sur le plan de (a
formation. Alors, oui, on veut que la Société puisse intervenir
à l'égard de l'employabilité de l'ensemble de la
main-d'oeuvre québécoise et on ne veut pas que qui que ce soit
puisse en être écarté.
Mme Harel: En matière de licenciement, vous en pariez sans
indiquer de façon précise ce que vous souhaiteriez comme
intervention. Le ministre annonce qu'il fera une révision. Dans quel
sens la souhaitez-vous?
M. Daoust: Ah! Mon Dieu! Là-dessus aussi, nos positions
sont connues. De temps à autre, notre modèle n'est pas toujours
européen; des fois il est ontarien et, dans ce cas-là, c'est un
bon modèle.
Mme Harel: Ha, ha, ha!
M. Daoust: Le Québec est lamentablement en arrière.
En Ontario, vous le savez - vous l'avez dit, je pense, un peu plus tôt -
l'indemnité de licenciement dans les cas de fermeture d'usine, c'est une
semaine par année d'ancienneté jusqu'à concurrence de 26
semaines. Ça fait déjà quelque temps que l'Ontario nous
précède là-dessus. C'est entendu qu'on trouve ça
épouvantable que le Québec traîne de la patte. Je pense que
c'est même scandaleux. Il y a tellement de travailleurs et de
travailleuses. Ce n'est pas votre faute ni la nôtre - quoique c'est plus
votre faute que la nôtre - s'il y a des fermetures d'usine.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Daoust: Enfin! C'est un véritable scandale. On pourrait
vous en citer des cas, quasiment à la douzaine, où il a fallu se
battre. Je me souviens du cas de Simmons, Simmons Bed, les lits et les matelas
Simmons. Là-dessus, on a toutes sortes de politiques. On a eu des
colloques, des congrès à ce sujet-là. On a fait
connaître notre point de vue. On voudrait bien que le ministre ne tarde
pas. Aussitôt que le projet de loi sera voté, qu'on puisse revenir
et amender la loi sur les normes minimales d'emploi pour prévoir un
minimum de ces correctifs-là.
Mme Harel: M. Daoust, vous avez parlé tantôt du fait
que vous ne souhaitiez pas un quatrième partenaire communautaire ou
représentant les non-syndiqués. Je me référais
surtout à cette vaste coalition des organismes qui représentent
les non-syndiqués mais surtout à cette coalition mise en place
par l'ICEA, dont vous avez sûrement entendu parler, l'Institut canadien
d'éducation des adultes, qui souhaite mobiliser l'opinion publique pour
obtenir ce quatrième partenaire; quatrième partenaire
communautaire ou représentatif des groupes d'action sociale,
pourrions-nous dire. Vous avez fait état d'expériences de
partenariat qui se mènent ailleurs. Est-ce que le niveau de
représentativité, tant syndicale que patronale, n'est pas
beaucoup plus élevé, justement, dans ces pays? Je pense à
la Suède. Je me faisais sortir hier les niveaux de syndicalisation dans
des pays où on parie sérieusement de partenariat. C'est 88 % dans
le secteur privé. Les patrons sont organisés dans des
associations représentatives avec «membership» et mode
d'élection, etc. Est-ce qu'on peut, nous, s'inspirer des mêmes
structures sans avoir les mêmes composantes?
Le Président (M. Marcil): Une réponse courte, M.
Daoust, compte tenu du temps.
M. Daoust: Pardon?
Le Président (M. Marcil): Une réponse courte,
compte tenu que le temps est déjà terminé.
M. Daoust: Oui. Ce n'est pas facile d'être court pour une
réponse comme celle-là parce que c'est fondamental, si vous me
permettez. On a, à l'égard de tous ces groupes-là, les
plus grandes amitiés et de grands moyens de collaboration. J'essaie de
répondre rapidement. Au Québec, le phénomène de la
syndicalisation est tout de même assez élevé. On est tout
près de 50 % bientôt de l'ensemble des travailleurs au
Québec.
Mme Harel: Dans le secteur privé, ça dépasse
à peine 20 %.
M. Daoust: Moi, je prends l'ensemble des travailleurs
syndiqués. Qui peut s'autoriser à parier au nom de ceux qui n'ont
pas de voix, bien qu'ils puissent se regrouper dans toutes sortes
d'associations? Juste une seconde! Par ailleurs, ces groupes-là - et on
les connaît tous - on veut les associer à la démarche qui
est collective dans le domaine de l'emploi. Il y a bien des lieux où on
souhaiterait qu'ils puissent
prêter concours à notre réflexion, des
comités; il y a de multiples lieux au sein des sociétés
régionales, on en a fait état, des groupes communautaires. Mais
est-ce qu'il faut toujours se retrouver partout, partout, dans toutes les
structures? Quant à nous, on pense que non. Notre position
là-dessus, je vous avouerai qu'elfe n'est pas facile non plus. Mais on
pense aux finalités d'un organisme comme celui-là, à son
fonctionnement, aux débats qui doivent avoir lieu et on ne veut pas
qu'ils aient lieu ailleurs que dans des endroits comme ceux qui sont
décrits à ce moment-ci. On pense que ce serait plus positif de
fonctionner de cette façon-là que de prendre le modèle
canadien, comme quelqu'un d'autre l'a souligné avant qu'on soit ici.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Daoust. Au
nom des députés des deux partis, on remercie les
représentants de la FTQ de leur présentation et des bons
échanges qui ont eu lieu entre les intervenants.
Nous allons prendre deux petites minutes et nous allons inviter
immédiatement après M. Georges Frisque et M. Jean Hamel.
(Suspension de la séance à 16 h 56) (Reprise à 16 h
58)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je demanderais à nos invités de prendre place. M. le
ministre, Mme la députée de Hoche-laga-Maisonneuve. Ça
va?
Eh bien, nous souhaitons la bienvenue à M. Georges Frisque et M.
Jean Hamel. Donc, vous avez 10 minutes pour résumer votre mémoire
et, ensuite, nous procéderons à un échange de 30 minutes:
15 minutes pour le côté ministériel et 15 minutes pour le
côté de l'Opposition. Nous vous écoutons.
MM. Georges Frisque et Jean Hamel
M. Hamel (Jean): Merci. Notre document est préparé
en deux sections: la première touche la formation et la seconde touche
la productivité de la main-d'oeuvre. Nous allons présenter chacun
notre partie.
Notre mémoire est presque un résumé en
lui-même puisque, selon les moyens dont nous disposons comme
gestionnaires de PME, propriétaires d'entreprises, nous n'avons pas les
moyens de construire une énorme documentation. Cependant, chacune des
parties a été tellement bien pensée et concise que je vous
en fais une brève lecture.
Considérant que toute politique de développement de la
main-d'oeuvre exige impérativement que les élèves et les
étudiants possèdent préalablement à leur
entrée sur le marché du travail les connaissances de base
nécessaires à la maîtrise du français, le
mémoire propose d'ajouter à l'énoncé de politique
une recommandation visant à maintenir le test de français
organisé par les universités et d'en relever la note de passage
à 60 % dans un délai de cinq ans.
La deuxième section de notre mémoire touche les
considérations suivantes: l'amélioration de la
productivité de la main-d'oeuvre doit constituer une priorité
pour le gouvernement dans le cadre d'une politique de relance de la croissance
économique. Le mémoire propose de modifier en ce sens le chapitre
II du projet de loi 408 définissant la mission et les pouvoirs de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre.
Nous débutons avec une première critique du postulat.
L'énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre se fonde sur le postulat que les nations s'enrichissent dans la
mesure, précisément, où elles contribuent à
enrichir leur capital humain.
D'un autre côté, l'énoncé constate:
premièrement, que le Québec a consenti des dépenses
d'éducation, de formation et de développement de la main-d'oeuvre
extrêmement importantes au cours des 30 dernières années;
deuxièmement, que la croissance de la productivité du Canada
s'est considérablement ralentie au cours de la décennie 1979-1988
par rapport à celle de ses principaux concurrents pendant la même
période dans un contexte de libre-échange accru;
troisièmement, que le taux de chômage se maintient à un
niveau élevé depuis plusieurs années.
Aussi, ces constats paradoxaux doivent nous amener à rediscuter
le postulat sur lequel repose l'énoncé de politique. Posons-nous
la question suivante: Comment se fait-il que l'accroissement des
dépenses consenties pour enrichir le capital humain ne se traduit pas
ipso facto par un supplément de croissance économique? Notons, en
passant, que le même genre de paradoxe existe dans le domaine de la
santé où l'accroissement des dépenses n'engendre pas
nécessairement une espérance de vie plus longue. Or, on sait
combien ces deux postes budgétaires, l'éducation et la
santé, pèsent lourdement sur le déficit des finances
publiques qui constitue aussi un problème lancinant en raison de ses
multiples effets pervers.
On peut se poser deux ordres de questions. Les dépenses
d'éducation, de formation et de développement de la main-d'oeuvre
sont-elles efficaces en elles-mêmes? Deuxièmement, ces mêmes
dépenses sont-elles productives, c'est-à-dire contribuent-elles
réellement à réduire la quantité de facteurs de
production incorporés au produit national brut?
Évidemment, tel que je l'ai annoncé au début, nous
n'avions pas l'intention de faire un inventaire total de tout ce qu'il y avait
comme mesures à corriger. C'est largement une affaire d'experts qui sort
du cadre de la présente consultation.
Nous voulons cependant attirer l'attention de la commission des affaires
sociales sur un point dont l'importance est manifeste pour le succès
d'une politique de développement de la main-d'oeuvre, à savoir
l'acquisition préalable à l'entrée sur le marché du
travail des connaissances de base nécessaires à la maîtrise
de la langue française.
Le journal La Presse décrivait dernièrement, dans
une série d'articles fort bien documentée et intitulée
«Le français à la dérive», l'état
déplorable des connaissances de base des élèves et des
étudiants en ce qui concerne la langue maternelle. Ce cr! d'alarme
appuyé sur une enquête fouillée n'est pas le premier et ne
fait que confirmer ce que beaucoup, dans l'entreprise et dans le système
scolaire, savent depuis longtemps. Pensons aux résultats obtenus par les
étudiants au test de français qu'imposent les universités
à leurs nouveaux inscrits. À l'Université Laval, par
exemple, 67 % des étudiants seulement réussissent le test de
français dont la note de passage est de 43 %!
Un autre chiffre fait frémir: la moitié des adultes qui
suivent le cours par correspondance «Du français sans
faute», organisé par le ministère de l'Éducation
lui-même possèdent un diplôme collégial ou
universitaire. Mieux encore, cet argument de vente est utilisé par le
ministère lui-même dans ses annonces publicitaires à la
télévision, capitalisant sur l'échec du système
scolaire sous sa responsabilité. Quelle réaction appelle cette
situation? Un coup de barre énergique dans la conception des programmes
dans le sens de leur enrichissement, dans le domaine des méthodes
pédagogiques dans le sens de plus de rigueur, dans le domaine de la
formation des maîtres dans le sens d'une sélection plus
sévère.
Or, comment réagit le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science? Par une décision visant à
supprimer l'instrument de diagnostic pour mieux dissimuler le mal au lieu de le
guérir. C'est comme enlever le thermomètre au patient pour ne pas
y voir la température. Ça ne soulage pas tous ses maux. C'est
ainsi que, dans un communiqué daté du 27 novembre 1991, Mme la
ministre Robillard annonce que le test de français des
universités sera remplacé par une rédaction «avec
accès à des outils de référence familiers»
qui sera administrée à la fin du collégial. En fait, il
s'agit de remplacer une épreuve objective portant sur des connaissances
précises et mesurables par une autre mesure plus facile parce que la
rédaction de 500 mots sera réalisée avec grammaire et
dictionnaire, parce que, dans une rédaction, l'auteur peut éviter
les mots et les tournures qui lui posent problème et plus facile enfin
parce que la grille de correction proposée prévoit qu'avec 44
fautes de grammaire, d'orthographe ou de ponctuation les étudiants
pourront obtenir 60 % des points.
Ainsi, le petit mémoire que nous présentons a environ 1000
mots. M. le Président trouverait-il agréable de voir 88 fautes
dans ce document que nous présentons? C'est le genre de
diplômés universitaires que nous avons dans nos entreprises.
D'ailleurs, Mme la ministre Robillard a ajouté, récemment, que le
nombre de fautes passait de 44 à 48. Alors, ce serait 96 fautes dans
notre document. C'est l'entreprise qui devra encore payer pour remédier
aux insuffisances du système éducatif en inscrivant ses
employés au cours du ministère, comme le fait la
société Digital citée dans le journal La Presse.
C'est l'entreprise qui devra engager des rédacteurs, des correcteurs
spécialisés. C'est l'entreprise qui perdra des clients parce que
son image sera ternie par des textes mal écrits. Inévitablement,
ces coûts seront répercutés dans le prix, ce qui diminuera
d'autant plus sa compétitivité déjà largement
entamée par des prélèvements de toute nature, dont les
impôts qui auraient dû servir à former les jeunes
convenablement, du premier coup, pour reprendre le credo de la qualité
totale propagé à grands frais par le gouvernement.
Nous recommandons d'ajouter, à la page 60 de
l'énoncé de politique, le point suivant en tête de la
liste, après les mots «le gouvernement entend donc»:
recommander aux universités de maintenir le test de français et
d'en augmenter progressivement la note de passage afin qu'elle atteigne 60 %
d'ici cinq ans. Comme je l'ai mentionné, dès le départ,
nous n'avons pas voulu faire un inventaire complet de toutes les
déficiences qu'il y a, mais toutes les entreprises, nous subissons les
manques et les déficiences du système d'éducation des
jeunes et des nouveaux diplômés qui arrivent sur le marché
du travail.
Nous, notre petite entreprise, avons environ 38 employés. Nous
nous engageons dans des programmes de formation de la main-d'oeuvre. Cependant,
on s'aperçoit que ce à quoi on est amenés dans la
formation de la main-d'oeuvre, c'est à pallier à des
déficiences incroyables qu'ont les jeunes que nous engageons. Sur 38, il
y a 3 employés, chez nous, qui ont énormément de
difficultés à lire. Lorsqu'on arrive avec des procédures
de contrôle de la qualité, il faut commencer par leur montrer
à lire avant d'être en mesure de leur donner des outils de mesure
de contrôle de qualité.
La seconde partie touche la productivité des entreprises et M.
Frisque va vous faire la présentation.
M. Frisque (Georges): Alors, merci. Je souhaiterais donc
poursuivre la présentation de ce mémoire en rappelant, tout
d'abord, le point de départ d'une réflexion
générale sur la notion de productivité. Dans
l'énoncé de politique, on écrit: Les nations
s'enrichissent dans la mesure, précisément, où elles
contribuent à enrichir leur capital humain. La petite phrase qui suit ce
postulat dit: C'est une chose qui, jusqu'à présent,
a été incontestée.
Alors, dans le mémoire qui vous est présenté, il ne
s'agit pas de contester ce principe d'une manière radicale, mais
peut-être de le tempérer par une autre dimension qui nous semble
totalement absente du projet de loi 408, à savoir la notion de
productivité, et de revenir, à ce sujet-là, à une
notion - évidemment, rien que le mot semble souvent faire un peu peur -
en essayant d'éliminer, d'évacuer tout aspect, toute dimension
Idéologique.
Finalement, la productivité, c'est quoi? Elle est
indissolublement liée à l'amélioration du niveau de vie
d'une société puisqu'il s'agit, finalement, de manière
continue et dans tous les secteurs d'activité, de dégager des
ressources en augmentant le produit intérieur brut tout en diminuant la
quantité de facteurs de production nécessaire.
Alors, ça, c'est quelque chose qu'on a eu tendance à
oublier pendant les 30 glorieuses, mais c'est quand même l'abc de
l'amélioration du niveau de vie.
Dans l'économie politique classique, on accordait une importance
primordiale aux facteurs capital et travail. Aujourd'hui, d'ailleurs, dans les
théories économiques, certains économistes ont reconnu
l'importance d'autres facteurs de production, et il est indéniable que
la connaissance comme telle est de plus en plus considérée comme
un facteur de production important. Donc, s'il est vrai que le produit en
valeur absolue dépend d'une manière ou d'une autre de la
quantité de facteurs disponibles, il est aussi vrai que le simple
accroissement des facteurs ne suffit pas à garantir une meilleure
productivité, donc un niveau de vie supérieur.
Ici, en prenant en considération la notion de productivité
technique, on apporte un autre éclairage au postulat de base qui se
trouve énoncé dans le document qui nous est soumis.
Appliqué au facteur particulier de la connaissance, cela signifie que
l'enrichissement des ressources humaines par la formation au sens le plus large
est évidemment une condition nécessaire à la croissance
économique, mais non suffisante. Ce qui est donc décisif pour la
croissance économique, c'est la manière dont les facteurs sont
combinés et mis en oeuvre afin que la quantité de facteurs
dépensés soit la plus petite possible par rapport au produit
obtenu. C'est donc à l'entreprise qu'il incombe de réaliser les
augmentations de productivité qui sont la condition même de la
croissance. Il ne suffit pas de raisonner en termes d'accroissement de moyens,
il faut subordonner les moyens que l'on met, que ce soit la formation ou
d'autre chose, à l'atteinte d'un résultat. Ce résultat, au
niveau macro-économique, c'est le produit national brut par emploi.
L'entreprise a donc pour objectif, en ce qui concerne le facteur
particulier de la main-d'oeuvre, de réduire le nombre d'heures travail-
lées par rapport au volume produit. M. Bergeron, tout à l'heure,
dans la première intervention, a bien expliqué comment, à
son corps défendant, il avait dû réduire le nombre
d'heures, c'est-à-dire en fait améliorer sa productivité,
pour rester compétitif. Cet objectif est donc contradictoire avec celui
formulé dans l'énoncé de politique d'équilibrer
l'offre et la demande sur le marché de l'emploi. L'entreprise doit
rester libre, à notre avis, de toutes ses décisions
d'investissement et de restructuration, à moins de vouloir freiner la
croissance.
Dans cet esprit, il nous paraît dangereux de lier, comme le fait
l'énoncé de politique, toute aide financière du
gouvernement à un engagement ferme de l'entreprise à investir
dans la formation de la main-d'oeuvre au sens le plus large. Ce qui ne veut pas
dire qu'on ne reconnaît pas l'importance de la formation comme facteur de
production, mais cela veut dire que les deux éléments, à
notre avis, ne doivent pas être liés, surtout pour les PME qui
sont déjà sous-capitalisées et qui, si elles devaient
s'engager à dépenser une partie de leurs profits à faire
de la formation, tout simplement - M. Bergeron vous l'expliquait aussi tout
à l'heure - se trouveraient dans des situations tout simplement
impossibles.
L'État et la productivité. Face à
l'impératif de l'amélioration de la productivité,
l'État doit donc gérer des exigences contradictoires. D'une part,
il doit assumer les dépenses d'éducation, de formation et de
développement de la main-d'oeuvre de manière efficace et
productive. Il doit venir en aide par des mesures actives et passives aux
victimes des programmes de productivité. Mais, d'autre part, il doit
aussi créer en faveur des entreprises les conditions favorables à
l'amélioration de la productivité au sein des entreprises, sous
peine de détruire le moteur de la croissance. En plus, étant
lui-même un employeur de main-d'oeuvre extrêmement important, il
doit gérer de manière productive, une main-d'oeuvre
extrêmement importante. Ce que je veux dire par là... À
titre d'exemple, quand on parle du déficit des services de santé
ou que l'on parle des déficits en matière d'éducation, on
a toujours l'air de dire que, si on fait des coupures, le niveau de services
doit diminuer nécessairement. Mais ça, c'est une illusion, ce
n'est pas vrai. On peut très bien concevoir que les moyens restent ceux
qui sont, par exemple, et que la quantité de services augmente,
c'est-à-dire que l'on s'engage dans une politique résolue
d'amélioration de la productivité. On a l'air de dire, de
raisonner comme si on avait atteint une productivité maximale à
l'heure actuelle, tout simplement parce qu'on ne veut pas considérer, je
pense, les rigueurs et les disciplines qui découlent
nécessairement d'une politique d'amélioration de la
productivité. (17 h 15)
Le Président (M. Marcil): En conclusion, M.
Frisque. En conclusion.
M. Frisque: Alors, en conclusion, nous pensons qu'étant
donné que la notion centrale de productivité manque dans le
projet de loi nous proposons d'en modifier - j'ai conscience que c'est une
modification qui modifie véritablement la philosophie et
l'économie du projet - l'article 16 qui définit la mission de la
Société en disant: «La Société a pour mission
de promouvoir et de soutenir l'amélioration de la productivité et
le développement de la main-d'oeuvre dans les secteurs public et
privé et de favoriser l'équilibre entre l'offre et la demande sur
le marché du travail au Québec». De cette
manière-là, la Société se donnerait la
possibilité d'entrer également dans des programmes et dans des
mesures visant à l'incitation de la productivité de la
main-d'oeuvre qui nous semble être aussi une considération
essentielle pour la croissance économique, comme je pense l'avoir
démontré.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je crois qu'il y
avait trois autres petites recommandations, également. Je vais
reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Vous affirmez que le
projet de loi, à toutes fins pratiques, esquive toute la notion de
productivité. Vous affirmez également que la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre devrait avoir ce mandat spécifique, de voir à
l'augmentation de la productivité. Mais ne croyez-vous pas, justement,
que le relèvement des compétences, le recyclage et l'acquisition
de savoir pratique et théorique relié à un métier
ou à une profession, tout ça constitue des atouts
indéniables pour hausser le taux de productivité dans une
entreprise?
M. Frisque: Alors là, comme je le disais, je ne mets
absolument pas en doute le fait que ces atouts-là soient
indéniables. C'est bien ce que je voulais dire en disant: Les
dépenses de formation, de développement et d'éducation
sont une condition nécessaire. Mais, après avoir oeuvré
pendant des années dans les entreprises, sur le plancher avec les
employés, ce que je veux dire aussi, c'est qu'il faut apprendre aux
employés à travailler d'une manière productive. Je trouve
que, dans les programmes tels qu'ils sont conçus actuellement, cette
dimension n'est pas prise en considération. Elle vise, d'ailleurs,
peut-être, dans l'entreprise, des personnels différents. Dans
l'entreprise, ce sont les cadres, au sens le plus large, depuis le
contremaître, le surintendant, le directeur de production, ou, dans les
services, disons, les fonctions équivalentes, ce sont ces
personnels-là qui sont plus directement responsables de la
productivité. C'est au niveau de la formation de ces catégories
que j'ai pu constater, dans ma pratique quotidienne, des lacunes
extrêmement graves.
Tout ce que l'on vise à faire par la proposition, c'est à
ajouter une dimension et non pas à remettre en question, d'une
manière radicale, comme je l'ai dit en commençant, le postulat
sur lequel vous avez basé l'énoncé de politique.
M. Bourbeau: Vous exprimez des réticences sur le fait de
lier l'aide financière du gouvernement du Québec, lors d'une
restructuration industrielle, à un plan de développement de la
main-d'oeuvre. A priori, ça apparaît un peu étonnant, une
affirmation comme celle-là, compte tenu de l'importance qu'il faut
accorder au développement de la main-d'oeuvre. C'est en page 8 de votre
document.
M. Frisque: Oui, oui. Je viens, d'ailleurs, de le dire dans mon
exposé.
M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez être un peu plus
explicite sur ce sujet-là?
M. Frisque: Encore une fois, je crois que le lien entre le
facteur formation et son accroissement avec un supplément de
productivité est loin d'être réalisé. J'ai
l'impression qu'il y a certaines arrière-pensées dans cette
condition qui serait mise à l'octroi de toute aide publique, qui
seraient de dire: Puisque le déficit des finances publiques est tel, il
faut absolument reporter une partie du fardeau financier sur les entreprises.
Mais, encore une fois, les entreprises ne peuvent investir que l'argent
qu'elles ont gagné et, pour en gagner, elles doivent améliorer
leur productivité. Donc, il y a une espèce de cercle vicieux qui
se manifeste. Je pense qu'on doit faire aussi confiance à l'entreprise
qui se trouve être, à mon avis, très bien placée
pour apprécier ses besoins. Et Dieu sait si, dans d'autres
évaluations sur la politique de formation de la main-d'oeuvre, on a mis
ce point, je crois, en évidence à plusieurs reprises, de
l'adaptation des programmes qui sont offerts aux entreprises qui les utilisent.
Il y a un hiatus qui est parfois très large.
Ce que je suis en train de dire, c'est non pas que l'entreprise ne doit
pas investir, mais faisons-lui confiance et ne lions pas les aides de
l'État qui sont, par ailleurs, fort nécessaires à
l'entreprise et souvent dans des contextes de temps différents. Le plan
de formation, on peut le concevoir à moyen et à long terme,
tandis que la recapitalisation de l'entreprise, ça peut être une
nécessité de survie à court terme. Alors, on est dans des
types d'intervention qui sont différentes et qui, à mon avis, ne
peuvent pas être mariées. C'est pour ça que je critique le
fait d'en faire une condition, mais je suis tout à fait d'accord,
évidemment, pour reconnaître et proclamer aussi avec vous qu'il
est absolument nécessairement que l'entreprise ne perde pas de vue ses
besoins de formation. Ça ne me semble pas devoir être lié
directement. Vous allez
encore créer des inflexibilités
supplémentaires.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je vous remercie, je vous
salue. Messieurs, ma première question, ce serait pour connaître
les motivations qui vous amènent à venir présenter ce
mémoire devant nous. Est-ce que c'est la première fois que vous
venez en commission parlementaire déposer un tel mémoire?
M. Frisque: En ce qui me concerne, oui.
M. Hamel (Jean): moi, dans le passé, il y a une dizaine
d'années, sur un autre sujet qui touchait également la commission
de la santé et de la sécurité du travail.
Mme Harel: Est-ce que vous travaillez en collaboration ou...
M. Hamel (Jean): C'est-à-dire que non, je suis
président de ma propre entreprise et M. Frisque est également
président de sa propre compagnie. Cependant, nous avons eu, dans le
passé, des liens d'affaires et c'est de même que nous avons
décidé de... Nous avons pensé que même des petites
PME avaient peut-être le droit de s'expliquer étant donné
que, nous aussi, on a des difficultés de contexte à vivre avec la
formation de la main-d'oeuvre. Il nous faut, nous aussi, se convaincre qu'on va
avoir un succès avec la formation de la main-d'oeuvre.
Moi, je suis propriétaire d'une petite PME dans laquelle, depuis
des années, on investit dans de la machinerie de haute technologie
à tour de bras. Un moment donné, on se dit: Comment se fait-il
qu'on ne réussit pas à améliorer plus notre
productivité? Qu'est-ce qu'il y a comme déficience? J'avais
écouté des conférences sur les programmes de
main-d'oeuvre, ces choses-là, et je ne voyais pas du tout clairement
quelle formation on allait donner à mon employé, mieux que moi
qui ai acheté un appareil fait sur demande, extrêmement
compliqué. Moi, je lui enseigne comment l'opérer et je ne voyais
pas beaucoup plus que de lui donner des cours de contrôle
numérique. Qu'est-ce que ça aurait amené de mieux dans
mon... J'ai fini par comprendre après persévérance, je
dirais, de ma part, il y a environ six mois, que les cours de formation qu'on
avait donnés à mes employés touchaient également
des lacunes fondamentales qu'ils avaient dans leur formation
académique.
Je parlais tout à l'heure, dans l'introduction, au niveau de la
langue française, mais ça touchait tout simplement la
compréhension d'un individu qui travaille pour moi, qui devrait
également avoir une pensée pour l'entreprise, avoir une attitude
positive pour l'entreprise. Là, j'ai compris, à un moment
donné, que la forma- tion qu'on allait lui donner, entre autres, en
consultant les employés, allait toucher ses déficiences
personnelles. Alors, on ne lui donnera peut-être jamais de cours de
contrôle numérique d'appareils de presse automatique que nous
avons chez nous. Mais, il a peut-être des déficiences
personnelles, lui, qui font que... Si l'employé ne sait pas administrer
son petit budget personnel, s'il a des difficultés personnelles qui se
transmettent dans le milieu du travail, évidemment, son
efficacité va diminuer. Alors, j'ai fini par comprendre que la formation
de la main-d'oeuvre, ça touchait grandement l'aspect humain de
l'individu.
J'ai pensé, à un moment donné, que les
propriétaires de petites PME comme nous, on n'a pas tous les moyens de
préparer des mémoires ou le temps à y consacrer. Je vous
jure que, chez moi, on est relativement occupé comme directeur
général. Mais, ça valait la peine de se faire entendre.
Enfin, on m'avait promis, il y a déjà deux élections
passées, qu'on réviserait certaines choses et ce n'est pas encore
fait. Alors, on est venu le dire une fois de plus, encore une fois, mais devant
un auditoire qui sera plus attentif que...
Mme Harel: Écoutez, moi, je trouve ça vraiment
intéressant des gens qui, comme vous, représentez des petits
employeurs, de petites et moyennes entreprises - c'est bien le cas - des
PME.
M. Hamel (Jean): Nous avons 38 employés, dans mon cas.
Mme Harel: Bon, enfin, ça commence à être une
moyenne, ce n'est pas une petite. Cela étant dit, je ne pense pas
partager... Il y a des choses très, très intéressantes,
par exemple l'expérience que vous nous décrivez,
l'expérience d'apprentissage du français dans votre
entreprise.
M. Hamel (Jean): Un simple exemple.
Mme Harel: Oui. Cette expérience-là va se
répéter si se poursuit cet abandon scolaire de 38 % des jeunes
qui quittent avant d'avoir complété leur secondaire V. Alors,
imaginez, quand on sait maintenant que deux emplois sur trois
nécessitent l'équivalent d'une formation postsecondaire et que
l'équivalent de deux jeunes sur cinq quittent avant le secondaire, on
voit très bien un problème qui va aller en s'inten-sifiant.
Là, où j'ai des problèmes à vous suivre - je
vous le dis bien simplement - c'est quand vous nous dites, justement à
la page 8 de votre mémoire, que, pour ne pas freiner la croissance, il
ne faut pas établir des règles du jeu: «L'entreprise doit
rester libre de toutes ses décisions d'investissement et de
restructuration à moins de vouloir freiner la croissance.» C'est
votre
postulat.
Je me réfère à des sociétés où
il y a une croissance que je souhaiterais que l'on ait dans la nôtre. Je
pense en particulier à l'Autriche. Je pense au Japon où la
prestation, si vous voulez, au niveau des caisses de remplacement de revenu
à l'assurance-chômage est sans plafond. Alors, imaginez-vous, quel
que soit notre niveau de revenu, c'est en proportion qu'on contribue. Je pense
à toutes ces sociétés dont on parle
régulièrement parce qu'elles présentent un taux de
croissance qui est absolument phénoménal, et, pourtant, la
Finlande, la Norvège, la Suède, le Danemark, l'Autriche et autres
ont des règles extrêmement importantes sur le plan de l'emploi.
Tantôt, je vous écoutais... Je pense que c'est monsieur...
M. Frisque: Frisque.
Mme Harel: ...Frisque, n'est-ce pas? Je me disais... Si les
pâtes et papiers et tout ce secteur qui ont fait des profits colossaux,
qui sont maintenant en extrême difficulté parce qu'ils n'ont rien
réinvesti et que la majorité des machines à papier au
Québec datent d'avant 1920... Dans les facteurs de productivité,
il y a aussi le fait d'avoir laissé cet équipement se
détériorer, c'est même un facteur prédominant.
Alors, je ne sais pas, moi, si l'État n'a pas à déterminer
des règles du jeu.
M. Frisque: Bon, alors, je vais répondre à cette
question-là. Je connais bien le cas de la Suède pour y avoir
travaillé, et je connais aussi bien le cas de l'Allemagne pour y avoir
travaillé aussi. Ce que je suis en train de dire, ce n'est pas de
remettre en question le fait qu'il faut investir dans la formation de la
main-d'oeuvre. Ce que je suis en train de dire, c'est qu'on a
intérêt à placer les mécanismes de financement le
plus près possible des besoins. Par exemple, en ce qui concerne le
système d'apprentissage allemand, il faut savoir qu'il n'y a pas un
pfennig de l'État allemand qui rentre dans le programme d'apprentissage.
Les programmes d'apprentissage sont gérés par les entreprises et
les syndicats directement, entreprise par entreprise, secteur par secteur, ce
qui permet une beaucoup plus grande adaptabilité et une beaucoup plus
grande flexibilité que quand on passe par un processus - n'ayons pas
peur du mot - un peu bureaucratique.
En ce qui concerne le cas de la Suède, je dois quand même
vous faire remarquer que pour la première fois, aux élections
récentes, le Parti socialiste au pouvoir a quand même reçu
un certain désaveu de ses politiques. C'est dû à quoi?
C'est dû au fait qu'il y a eu une certaine sédimentation des
institutions et, tout simplement, que les programmes ne sont plus vraiment
adaptés aux besoins des entreprises. C'est pour ça que je
revendique une certaine, pas totale, mais une grande liberté d'action
dans les entreprises pour qu'elles puissent définir elles-mêmes
leurs besoins et peut-être financer, à ce moment-là, les
programmes de formation nécessaires avec des mécanismes de
financement plus souples. (17 h 30)
C'est pour ça que le point qui est critiqué, c'est
simplement le fait de faire une condition, de dire à l'entreprise: Vous
n'aurez plus de capital pour investir dans vos équipements si vous
n'investissez pas dans le domaine de la main-d'oeuvre. Mais les
bénéfices que vous allez avoir en finançant des programmes
d'amélioration et de développement de la main-d'oeuvre sont
à plus long terme que les nécessités de recapitaliser les
entreprises à court terme. Donc, il y a encore là un hiatus,
déjà dans le temps, qui risque de créer encore plus de
difficultés aux PME qui sont sous-capitalisées parce qu'elles ne
peuvent pas à la fois investir pour recapitaliser, c'est-à-dire
développer, par exemple, des équipements, et faire le
développement de la main-d'oeuvre en même temps. Donc, c'est cet
aspect de lier les deux. C'est simplement une question... Je crois justement
que, si on parle vraiment d'un partenariat, c'est presque contradictoire avec
la notion de partenariat, d'imposer ce genre d'obligation. On introduit
là encore une rigidité supplémentaire de type
réglementariste.
Mme Harel: Vous le remplaceriez par quoi?
M. Frisque: Je la supprimerais.
Mme Harel: Complètement?
M. Frisque: Je supprimerais cette...
Mme Harel: Vous pensez que...
M. Frisque: ...condition-là.
Mme Harel: Alors, comment réagissez-vous à
l'exemple que je vous donne dans les pâtes et papiers?
M. Frisque: Écoutez, une partie de ce profit-là a
quand même été ponctionnée par l'État et a
quand même été réinjectée déjà
dans les programmes existants. Il ne faut quand même pas oublier que les
budgets de la formation, de développement actuels sont quand même
déjà financés par de l'impôt. Évidemment, il
n'y a pas que les entreprises qui paient des impôts, mais, là, il
faudrait peut-être faire des études secteur par secteur et voir
exactement... Mais je ne pense pas qu'on puisse quand même dire que les
profits ont été gaspillés et n'ont servi à rien. Il
y a quand même une croissance économique de 30 ans qui s'est
manifestée. Mais ce qu'il y a, et vous me parliez tout à l'heure
des motivations...
Mme Harel: Vous dites que l'État doit
subventionner sans, en retour, s'attendre à ce qu'il y ait des
règles du jeu auxquelles participe l'entreprise.
M. Frisque: Absolument pas. Il doit s'attendre à ce qu'il
y ait un retour dans un véritable partenariat. C'est ça qui doit
se passer. Mais je vois un grand danger dans la condition formelle et
administrative de dire à l'entreprise: Tu n'auras pas les 50 000 $ ou
les 100 000 $ pour investir dans une machinerie dont j'ai besoin tout de suite
pour me sortir, sur le plan de la stratégie d'entreprise, d'une
situation difficile, si tu n'investis pas en même temps dans la
main-d'oeuvre, ce qui aura des retours, j'en conviens et il faut le faire, mais
à moyen et à long terme. Autrement dit, on répond à
un besoin réel, à mon avis, avec une mauvaise politique. On
s'empêche de donner à l'entreprise la flexibilité... C'est
une question de priorité. Ce n'est pas une question de noir et blanc.
C'est de la gestion administrative, c'est de la gestion bureaucratique.
Mme Harel: Vous savez, en Allemagne, vous nous parliez
tantôt du système d'apprentissage, c'est un système qui est
- je sais que le ministre l'a visité de près, il le connaît
encore mieux que moi qui ne le connais que par les études que j'ai pu en
lire - dual, c'est-à-dire que l'apprentissage ne se fait pas que dans
l'entreprise, il se fait aussi dans l'établissement d'enseignement.
C'est l'alternance, finalement, des deux, mais une alternance qui est bien
intégrée. Donc, même les enseignants sont à la fois
des gens de l'entreprise et des gens de l'établissement.
Là, où il y a un intérêt dans votre point de
vue, c'est de rappeler avec force que, s'il n'y a pas la qualité totale
lors même des investissements qui se font par l'État dans la
formation, au moment même, par exemple, de la formation de base, de la
formation initiale, il va y avoir, par la suite, beaucoup de curatif pour faire
en sorte qu'on y remédie. Ça, je considère que c'est
vraiment un point de vue important qui s'exprime ici, devant cette
commission.
Par ailleurs, je n'arrive pas à considérer que la
croissance de l'entreprise doive se faire en dehors d'une politique d'emploi
dans uno société. Bon, eh bien, c'est le Brésil. Si c'est
ce modèle-là que vous me proposez, moi, il ne m'intéresse
pas parce que je l'ai vu de près. Il y a 30 000 000 de personnes qui en
profitent. Le Brésil connaît une croissance
phénoménale, c'est le huitième pays industrialisé.
Mais 100 000 000 qui vivent en enfer, ce n'est pas vraiment le genre de
société que je souhaite.
M. Frisque: Alors, là, je crois qu'on va parler des
concepts un peu globaux. Je voudrais revenir à cette notion que vous
venez de livrer concernant la qualité totale. La qualité totale,
ce n'est pas la productivité. Alors, là, c'est quelque chose
qu'il faut dire avec force parce qu'on n'arrête pas de développer
un discours de qualité totale et on croit qu'on a résolu tous les
problèmes avec ça. Alors, en quoi est-ce que la qualité
totale, l'approche par la qualité totale est différente de
l'approche par la productivité? Moi, je partage le point de vue de ceux
que j'appelle d'ailleurs les «qualitativistes» totalitaires. Je
partage leur avis à 80 %. Autrement dit, tout ce qu'ils font, c'est
chanter des cantiques de Noël. On ne peut pas être contre.
Ça, c'est absolument clair, surtout quand je vois se développer
ça dans le secteur public. Donc, ça ne peut pas faire de mal.
Mais, est-ce que ça fait vraiment du bien? Je dis: Oui, ça fait
du bien. Mais, est-ce que ça fait le bien là où il le
faudrait? Là, j'émets des grandes réserves parce que, vous
savez, quand on aura réuni les employés pendant des heures autour
d'une table, qu'on aura fait des groupes de qualité... On parle toujours
des Japonais là, mais les Japonais, ils ont une structure patronale, ils
ont une culture sociale basée sur l'autorité. Alors,
qualité totale et autorité, c'est déjà quelque
chose qui ne se marie pas très bien ensemble.
La productivité implique que l'on amène la démarche
de qualité totale à son terme ultime qui est
nécessairement de produire plus avec moins de moyens,
nécessairement. Tant qu'on n'a pas affecté le rapport entre le
volume produit et les facteurs de production, que ce soit en maintenant la
connaissance, le travail ou le capital, on ne progresse pas. Moi, ce qui me
semble extrêmement dangereux dans la philosophie de la qualité
totale, c'est qu'elle ne mobilise pas. Au contraire, elle démotive parce
qu'elle ne se traduit pas, elle ne met pas, au point de départ de sa
réflexion, le primat fondamental qui est l'atteinte d'un
résultat, d'une amélioration de productivité.
Vous parliez tout à l'heure de ma motivation. J'en ai deux
motivations. J'en ai une qui est un peu égoïste. Comme
professionnel et gérant d'une compagnie de consultation qui travaille
dans le domaine de la productivité, il y a l'intérêt
immédiat. Mais il y a une motivation plus large, c'est que je trouve
justement que, dans le débat public, on escamote la notion de
productivité parce qu'elle est entourée d'une connotation de
difficulté, de rationalisation. Ça va faire mal. Bien oui,
ça va faire mal. Si on n'ouvre pas les yeux là-dessus, on va
continuer à chanter des cantiques de Noël, on va continuer à
faire des programmes de qualité totale extrêmement coûteux,
mais on ne va pas mettre le fer où ça fait mal. Voilà.
Le Président (M. Marcil): Une dernière question,
Mme la députée de Bourget.
Mme Boucher Bacon: Oui. Est-ce que vous avez lu en entier le
document?
M. Frisque: Oui.
Mme Boucher Bacon: Alors, si je me reporte à votre
mémoire, M. Frisque, en page 7, vers la fin, paragraphe b,
«L'entreprise et la productivité de la main-d'oeuvre», en
page 8 en haut, vous dites que «l'entreprise doit rester libre de toutes
ses décisions d'investissement et de restructuration à moins de
vouloir freiner la croissance». Est-ce que vous avez lu en page 38
où on parle du crédit, troisième paragraphe, après
le 3.1.1? «Le gouvernement fonde beaucoup d'espoirs sur les effets
qu'aura le crédit d'impôt remboursable sur le comportement des
employeurs - dont vous êtes - à l'égard de la formation et
du développement de la main-d'oeuvre. Il travaille à rendre le
crédit d'impôt encore plus accessible à l'ensemble des
employeurs. Le gouvernement entend également simplifier l'administration
du crédit d'impôt remboursable en limitant au strict minimum les
renseignements demandés aux employeurs. Il veut aussi en faire une
vigoureuse promotion auprès des entreprises.» Qu'est-ce que vous
en pensez?
M. Frisque: Moi, je pense que cette formule-là,
très précise, est certainement un grand progrès par
rapport à tous les programmes antérieurs qu'on a vus se
manifester parce que, précisément, elle réduit les
délais administratifs, elle rend l'administration plus facile, elle est
moins lourde à administrer et, finalement, elle rend une certaine
liberté de manoeuvre à l'entreprise. Dans cet esprit-là,
c'est certainement ce genre de formule là qui, à mon avis, doit
être privilégiée à l'avenir. Moi, j'applaudis des
deux mains à la formule de crédit d'impôt.
Le Président (M. Marcil): Ça va? Eh bien,
messieurs, nous vous remercions beaucoup, MM. Frisque et Hamel, de vous
être présentés aujourd'hui. La place appartient à
tous ceux et celles qui voulaient se faire entendre, autant les petites et les
moyennes entreprises que les grosses entreprises, que les grandes corporations
syndicales. Ça a été très apprécié,
votre présentation, et nous allons tenir compte de vos recommandations.
Donc, on vous remercie de vous être présentés
aujourd'hui.
J'inviterais immédiatement les membres de la Corporation
professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation du
Québec à s'approcher de cette table.
Mme Landry, qui êtes la présidente, je vous inviterais
à présenter et à nommer également les personnes qui
vous accompagnent pour les besoins de notre Journal des
débats.
Corporation professionnelle des conseillers et
conseillères d'orientation du Québec
Mme Landry (Louise): Mme Martine Lacha-rité,
secrétaire générale de la Corporation, et
Mme Diane Levasseur, qui est administratice au bureau de direction et au
comité administratif de la Corporation.
Le Président (M. Marcil): bon, nous allons vous entendre
pour l'équivalent de 10 à 15 minutes et, ensuite, on va
procéder aux échanges. la parole vous appartient.
Mme Landry: D'abord, on aimerait vous remercier de nous avoir
permis de présenter le mémoire de la Corporation. Comme vous le
savez, notre organisme est une corporation professionnelle à titre
réservé, régie par le Code des professions du
Québec qui nous confère un mandat de protection du public. Nous
comptons actuellement un peu plus de 1500 membres dont plus de la moitié
travaillent auprès des adultes.
Nous accueillons favorablement l'énoncé de politique sur
le développement de la main-d'oeuvre. Nous entérinons
d'emblée l'idée de considérer la main-d'oeuvre comme
étant l'ultime ressource du Québec et ne pouvons que souscrire
à l'idée de rapatrier dans un seul organisme les principaux
leviers organisationnels du développement de la main-d'oeuvre.
L'énoncé de politique présente l'ampleur du
problème et fait clairement ressortir la nécessité d'agir.
Cependant, nous croyons que certains aspects du projet de loi et de
l'énoncé de politique risquent de compromettre l'atteinte des
objectifs fixés par le gouvernement, et nous ne pouvons les passer sous
silence en vertu de notre mandat de protection du public.
L'objectif de notre mémoire consiste à démontrer la
nécessité d'offrir de réels services de planification et
de gestion des carrières tant aux individus qu'aux entreprises, pour
assurer un développement de la main-d'oeuvre durable et optimal. Ne pas
prévoir explicitement de tels services compromettrait
sérieusement l'atteinte des objectifs du gouvernement et de toute la
société, à savoir le développement d'une
main-d'oeuvre compétente et compétitive.
Aussi, pour le bénéfice de la commission, nous
rappellerons sommairement en quoi consistent la planification et la gestion des
carrières et le processus d'orientation qui les sous-tend. La
démarche d'orientation vise essentiellement à aider la personne
à organiser son expérience individuelle pour l'intégrer et
en arriver à identifier les compétences qu'elle peut et veut
développer. Bien que le but ultime de l'orientation soit
d'intégrer le marché du travail, il faut bien comprendre que,
pour l'individu, s'orienter ne signifie pas seulement obtenir un emploi, mais
constitue plutôt une projection de son identité personnelle dans
une activité professionnelle. Chaque métier se présente
comme une structure d'exigences définies par les activités qu'il
nécessite, les outils utilisés, les objets sur lesquels il porte,
le lieu où il se déroule et les
buts qui y sont poursuivis. Chaque métier représente un
potentiel de satisfaction dans la mesure où sa structure d'exigences
correspond à la structure personnelle de l'individu. La
compétence, tout autant que fa satisfaction et fa stabilité au
travail, dépend largement de la congruence entre la personnalité
de l'individu et l'environnement dans lequel il travaille.
Les différentes étapes d'une démarche d'orientation
se présentent le plus souvent comme suit. D'abord, faire un bilan de ses
expériences de vie de travail de façon à évaluer
ses intérêts, ses habilités, ses valeurs de travail, ses
besoins et conditions de vie. C'est une étape qui se termine
généralement par un bilan de compétences et par
l'identification d'habilités transférables. Ensuite, on prend
connaissance des possibilités du marché du travail pour
intégrer ces informations de façon à identifier des
métiers qui conviennent à la personne. Ensuite, on évalue
les conséquences des choix possibles en tenant compte à la fois
du bilan de compétences, des informations sur les métiers et des
facteurs de réalité auxquels l'individu est confronté.
Puis, on se fixe un objectif professionnel, on formule des choix de rechange,
on se prépare à un plan d'action à court, moyen et long
terme pour atteindre son objectif et gérer sa carrière. Cette
étape se termine généralement par l'élaboration
d'un projet personnalisé de formation et de démarches à
entreprendre.
En plus d'aider à se fixer des objectifs de carrière plus
immédiats, la démarche d'orientation développe aussi la
capacité de choisir à nouveau d'une façon adéquate
et ajustée à la réalité tant personnelle que
contextuelle. C'est une démarche qui favorise le développement
optimal de ses compétences et la capacité d'adaptation dont les
travailleurs et les travailleuses ont tant besoin pour faire face aux nombreux
et constants bouleversements du marché du travail. Dans le contexte
actuel, on doit continuellement se réajuster quand ce n'est pas se
réorienter complètement. Mais la vie professionnelle étant
une constituante fondamentale de l'identité de la personne, de tels
changements ne vont pas nécessairement de sol sans une aide
appropriée. (17 h 45)
Offrir des services d'orientation correspond à offrir un bilan de
santé professionnel qui permet à l'individu d'analyser ses
compétences professionnelles et individuelles ainsi que ses
potentialités mobilisables dans le cadre d'un projet professionnel ou
d'un projet de formation.
L'énoncé de politique fait état qu'«une
partie importante de la main-d'oeuvre active est appelée à
changer d'emploi chaque année, ce qui pose avec une acuité
grandissante le défi de l'adaptation à des conditions nouvelles
d'exercice en emploi». Cependant, il n'est aucunement question de la
problématique des travailleurs et des travailleuses qui devront
affronter les bouleversements du marché du travail, lacune qui nous
apparaît fondamentale dans la problématique d'ensemble. la
difficulté à se fixer un objectif professionnel est un
problème majeur qui affecte le développement de la main-d'oeuvre,
au même titre que le décrochage scolaire, le manque de
qualifications et le fouillis des programmes gouvernementaux. lorsque les
personnes salariées elles-mêmes ne considèrent pas la
formation comme un investissement, on peut dire aussi que c'est directement
relié à l'absence d'objectifs professionnels. sans objectif
professionnel, on ne s'inscrit pas à un programme de formation
qualifiante ou on en décroche à la moindre difficulté.
dans le but de maximiser le potentiel de nos ressources humaines, nous devrons
reconnaître que le manque de connaissance de leurs intérêts,
de leurs aptitudes, de leurs compétences génériques et
spécifiques et le manque de connaissance des métiers en
pénurie reliés à leur profil personnel contribuent
grandement au gaspillage de ces ressources humaines.
L'énoncé de politique laisse croire qu'une meilleure
information sur les emplois en pénurie et une revalorisation sociale des
métiers suffiront pour que les individus s'inscrivent dans les
programmes de formation concernés. C'est méconnaître
à la fois la dynamique de l'individu et celle du travail. Encore faut-il
avoir les aptitudes requises et un minimum d'intérêt envers un
métier pour envisager de s'y diriger. Encore faut-il qu'un tel choix ait
un minimum de sens dans sa vie et représente un potentiel de
satisfaction pour susciter une motivation en lien avec ses besoins et sa
réalité, une action subséquente et le développement
de compétences appropriées. Une bonne orientation est un
prérequis essentiel pour que toute personne devienne un employé
compétent et productif. La main-d'oeuvre est d'abord la personne avec
son profil personnel. Il est essentiel d'avoir la bonne personne à la
bonne place si on veut développer une main-d'oeuvre compétente et
compétitive. La planification, à courte vue, comporte des risques
importants.
On parle beaucoup du problème du décrochage scolaire des
jeunes, mais on parle très peu du décrochage des adultes,
prestataires d'assurance-chômage ou d'aide sociale, dans des programmes
de formation ou des mesures d'aide à l'emploi inappropriés pour
eux. Il ne suffit pas de créer des mesures pour inciter les individus
à réintégrer rapidement le marché du travail. On
pense au programme PAIE, Stages en milieu de travail, aux programmes de
formation professionnelle en établissement, de formation sur mesure. Il
faut aussi que ces individus aient l'occasion d'identifier la mesure ou le
programme qui convient le mieux à leur situation. Il serait
beaucoup plus bénéfique de permettre à l'individu
de faire une démarche d'orientation pour identifier d'abord un objectif
professionnel réaliste, de planifier les démarches de
réalisation et, ensuite, d'identifier la mesure ou le programme
approprié pour s'y engager activement. C'est extrêmement dangereux
de faire ces choses-là de façon uniquement administrative, de
prendre des mesures, des critères extérieurs à l'individu
parce que c'est la personne qui occupe l'emploi qui développe les
compétences.
Les changements d'orientation deviennent encore plus difficiles pour les
personnes qui n'ont pas pu occuper un emploi pour une période
prolongée, comme un certain nombre de bénéficiaires d'aide
sociale ou d'assurance-chômage. L'absence prolongée d'emploi
engendre des conséquences désastreuses et provoque d'importants
déséquilibres et des périodes de transition
particulièrement difficiles pour l'individu. Le profil
d'employabilité de ces individus a tendance à se
détériorer progressivement et l'aide dont ils ont besoin pour
réintégrer le marché du travail risque de prendre de
l'ampleur au fur et à mesure que le temps passe.
Par ailleurs, les entreprises ne se sont pas suffisamment
préoccupées de la planification de leurs besoins en ressources
humaines et de la gestion des carrières de leurs employés. Ce
manque de planification et de services à offrir à leurs
employés a contribué grandement au manque de personnel
qualifié auquel nous avons à faire face comme
société. La planification organisationnelle des carrières
opère de la même façon que la planification d'une
carrière individuelle, c'est-à-dire en faisant un bilan des
compétences existantes, des ressources disponibles, des
développements à venir, compte tenu des informations sur le
marché, et des compétences à développer en fonction
des besoins de l'entreprise et des objectifs qu'elle s'est fixés pour en
venir à élaborer un plan d'action réaliste et s'y engager.
Les entreprises ont tout autant besoin de services d'orientation que les
individus. Les deux vont de pair pour un développement optimal de la
main-d'oeuvre. Malheureusement, il n'existe aucune recette miracle permettant
d'arrimer parfaitement les compétences des individus de toute une
société avec les besoins des employeurs de cette même
société. Cependant, nous pouvons affirmer qu'une bonne
orientation individuelle et une planification organisationnelle des
carrières constituent des prérequis essentiels pour que toute
personne devienne un employé compétent et productif et pour que
les entreprises bénéficient d'une main-d'oeuvre
qualifiée.
La question de l'orientation est devenue une préoccupation
constante à tous les moments de la carrière des individus. Ce ne
sont pas uniquement les jeunes, mais bien l'ensemble des travailleurs et des
travailleuses qui se voient actuellement affectés par l'absence de
services adéquats en orientation. Il est impensable qu'une politique du
développement de la main-d'oeuvre ne tienne pas compte des dimensions
réelles de l'orientation. Les mesures ayant des incidences sur les
carrières individuelles et sur la gestion organisationnelle des
carrières doivent pouvoir prendre appui sur une politique
générale reconnaissant les objectifs et les particularités
de la planification et de la gestion des carrières.
Une chaîne n'étant jamais plus forte que le plus faible de
ses maillons, les efforts que le gouvernement entend consacrer pour porter les
compétences de la main-d'oeuvre à un niveau sans cesse plus
élevé doivent nécessairement s'accompagner d'efforts
identiques du côté de l'orientation professionnelle. Le meilleur
moyen d'obtenir la collaboration de la main-d'oeuvre dans le haussement de ses
compétences est de lui permettre de se trouver une place qui lui
convient et qui convient à la société. Il est
impératif de fournir à la main-d'oeuvre les moyens de s'orienter
adéquatement pour apporter une contribution à la pleine mesure de
ses compétences. C'est seulement à ce prix que le Québec
deviendra compétent et compétitif.
En guise de conclusion, nous désirons réitérer que
le développement durable et optimal de la main-d'oeuvre doit se faire en
considérant ce que chaque individu peut faire. Tous les partenaires
sociaux s'entendent actuellement pour dire qu'une bonne orientation est
essentielle pour assurer une main-d'oeuvre qualifiée. Pourtant, ces
services ne cessent de diminuer dans le réseau public, tant pour les
jeunes que pour les adultes en emploi. Aussi, nous avons voulu analyser
l'énoncé de politique et le projet de loi pour identifier les
éléments qui contreviennent à l'orientation et recommander
des mesures qui, au contraire, faciliteraient l'orientation scolaire et
professionnelle et développeraient chez les travailleurs et les
travailleuses la capacité de se réajuster constamment sur le plan
professionnel. Notre recommandation fondamentale, vous l'aurez deviné,
est de prendre en considération le spectre plus ou moins étendu
de ce que chaque individu peut faire, de rendre les services d'orientation
accessibles à tous, individus et entreprises, et d'inscrire clairement
ce rôle dans le mandat de la Société. Nous vous invitons
à vous référer à notre mémoire pour les
recommandations plus spécifiques. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup de votre
présentation. Je vais maintenant reccon-naitre M. le ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. La Corporation
prétend que les personnes sans emploi devraient recevoir de l'aide
financière et professionnelle pour réintégrer le
marché du
travail. Est-ce que vous suggérez par là que l'action de
nos CTQ, de nos centres Travail-Québec, devrait être
intégrée en tout ou, en tous les cas, sinon en partie à la
nouvelle Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre? Dans votre opinion, est-ce que la seule présence de
conseillers d'orientation dans nos centres Travail-Québec serait
suffisante aux yeux de la Corporation?
Mme Landry: II y a deux éléments. D'une part,
ça améliorerait la situation, c'est sûr, pour
éviter, comme on disait, que les mesures soient choisies uniquement sur
des critères administratifs, pour choisir des mesures qui conviennent
à l'individu. Cependant, si la structure des CTQ demeure telle quelle,
que les bénéficiaires d'assurance-chômage ou d'aide sociale
n'ont pas accès directement aux services et doivent être
référés dans les programmes et les mesures, c'est
continuer à les traiter aussi en citoyens de seconde zone. C'est
considérer qu'ils ont une situation particulière, en tant que
main-d'oeuvre, qu'il faut qu'il y ait des gens qui décident pour eux
autres, qu'ils passent par toutes sortes de détours pour avoir
accès aux programmes. C'est aussi entretenir les préjugés,
auprès des employeurs et des gens, que ces gens-là, dans le fond,
ce n'est pas sûr qu'ils veulent travailler. On va les occuper. Ce n'est
pas toujours efficace ces choses-là. La main-d'oeuvre en potentiel,
c'est tout le monde. Alors, il faut aussi donner la chance à tout le
monde, mais il y a des gens qui ont besoin d'un coup de pouce, qui ont besoin
d'aide aussi pour se mobiliser ou pour faire une démarche pour voir ce
qu'ils peuvent apporter dans ça. Il y a beaucoup de gens qui ont une
attitude très négative face à eux-mêmes, qui ont
l'impression qu'ils ne sont pas capables de faire quelque chose ou qui ont
toujours été traités de façon un peu
particulière et qui ne se voient pas comme un potentiel de
main-d'oeuvre. Ils ne voient pas leur force de travail, ils ne volent pas ce
qu'ils peuvent apporter. Là-dedans, ils ont besoin d'aide. Ils ont
besoin d'intervention directe pour changer leur attitude avant de pouvoir
bénéficier d'une mesure. Souvent, ces gens-là vont entrer
dans une mesure, ils vont le faire d'une façon technique, surtout quand
c'est relié au fait de ne pas être coupé au niveau des
prestations. On le fait pour ne pas être coupé parce qu'on veut
aussi manger, de préférence jusqu'à la fin du mois,
même si ça n'arrive pas toujours jusque-là. On essaie le
plus possible, dans ce temps-là. Alors, il y a des gens qui n'en
bénéficient pas réellement. Ils vont le faire de
façon très technique, ils n'y croient pas pour eux. Alors, il y a
beaucoup de gaspillage de ressources à ce niveau-là. C'est
extrêmement dommage, on n'a pas les moyens de gaspiller. Ça fait
des gens qu'on occupe sur une courte période, mais ça ne fait que
retarder la solution du problème.
M. Bourbeau: II y a des conseillers en orientation ou des
conseillères en orientation qui oeuvrent présentement dans les
CFP ainsi que dans les centres d'emploi du Canada. On n'a pas l'intention
d'apporter de changement à ça. Mais pourriez-vous nous proposer
ou nous suggérer une façon de développer ces rôles,
sans qu'il n'y ait duplication ou dédoublement avec ce qui se fait dans
le réseau scolaire, par exemple?
Mme Landry: Dans le réseau scolaire, ce n'est pas vraiment
les mêmes clientèles. Dans le réseau scolaire aussi, si on
parle de l'éducation des adultes, les services en orientation ont
énormément diminué. Si on regarde ce qui se fait au niveau
de l'orientation, au cours des dernières années, on doit
malheureusement constater que le sort de beaucoup de personnes se joue en
à peu près 45 minutes de rencontre. Dans le réseau
scolaire, il y a tellement de listes d'attente! Dans les CFP aussi, on constate
que les listes d'attente sont énormes. À Montréal, c'est
presque la caricature, c'est la Loto-CO parce qu'il faut que les gens appellent
le 15 du mois, et très tôt le matin, pour avoir un rendez-vous,
sinon ils sont reportés au mois suivant. Ils ont décidé de
ne plus gérer de listes d'attente parce que c'était une
aberration. Alors, c'est vraiment la Loto-CO. Dans le réseau scolaire,
c'est un peu ça aussi. Alors, il y a des milieux où on a
l'impression qu'il y a des services, mais ils sont très, très
limités. Les gens n'ont pas vraiment accès à des services;
ça amène des conditions absolument incroyables.
M. Bourbeau: Vous suggérez de mettre en place des moyens
de faire le recensement des compétences professionnelles qui sont
disponibles par région. Est-ce que, selon vous, il s'agit là
d'une meilleure utilisation des dossiers de Statistique Canada ou si vous avez
autre chose en tête?
Mme Landry: II y a déjà un certain recensement qui
existe, au niveau des dossiers des centres d'Emploi et Immigration Canada, des
centres Travail-Québec, aussi des gens à la recherche d'emploi.
Il y a un certain nombre de dossiers dans bien des endroits. Ce n'est pas
évident qu'ils sont complets parce que c'est le genre de chose, souvent,
où ça va être uniquement le diplôme, s'il y a un
diplôme, ou quelques expériences de travail qui sont
mentionnées. On ne peut pas toujours parler des compétences
réelles des gens à partir de ça. C'est des
éléments encore là très limitatifs.
Idéalement, ce serait de monter un système beaucoup plus
complexe que cela, avec plus d'informations, parce qu'il y a des bassins de
main-d'oeuvre inutilisés aussi. Quand on parle des régions
éloignées, entre autres, même pas juste dans les
régions éloignées, il y a un paquet de gens... Les
entreprises ne cessent pas de dire
qu'on manque de diplômés qualifiés en sciences et
technologie. Je vous mets au défi de me dire qu'il n'y a aucun
chômeur qui est formé dans un domaine scientifique. Les
diplômés en biologie sur le chômage, il y en a. Il y a des
gens qui ont déjà des qualifications en sciences et technologie
et on ne s'en préoccupe pas non plus. Ils sont en chômage ou ils
sont bénéficiaires d'aide sociale. On ne regarde pas vraiment les
compétences qu'ils pourraient utiliser parfois simplement par une
formation sur mesure qui leur permettrait de se recycler dans un autre secteur
qui est connexe, ou dont une partie de l'expérience ou des
compétences spécifiques pourraient être
transférables, utilisables dans un autres domaine. (18 heures)
II y a aussi, parmi ces gens-là, des fois... On dit, dans une
région: On va utiliser la montagne, c'est la montagne qui est la
ressource naturelle. Si on regardait le bassin des gens qu'il y a là,
qu'on les mettait ensemble et qu'on disait: Parmi les compétences de ces
gens-là, je pense qu'il y a bien des fois où on pourrait, avec un
peu d'imagination, en voyant ce qu'on peut faire avec ce que les gens ont
déjà, aussi mettre sur pied des projets et des entreprises sans
chercher des gens uniquement à l'extérieur parce que la base de
la main-d'oeuvre, ça reste les individus. La force de travail est chez
les individus. C'est vrai que ça prend des capitaux et d'autres
éléments, mais le travail, c'est les individus qui vont le
faire.
M. Bourbeau: Une dernière question, M. le
Président. La Corporation propose de développer - je pense
même que vous travaillez présentement à le
développer - un système de reconnaissance des compétences
générales, génériques et spécifiques.
Comment entrevoyez-vous un tel système? Référez-vous
à un rôle des orienteurs professionnels? Pourriez-vous être
un peu plus spécifique?
Mme Landry: Entre autres, c'est commencé dans le
réseau scolaire, mais particulièrement dans les CFP. Il y a des
conseillers et des conseillères d'orientation qui sont allés se
former dans d'autres régions, dans d'autres pays, à partir
d'approches qui avaient déjà été
développées, et qui ont commencé à
expérimenter une approche en essayant de faire un bilan des
compétences génériques des gens, c'est-à-dire des
compétences qui peuvent être transférables d'un secteur de
travail à l'autre. L'esprit d'analyse, on peut l'utiliser dans
différents domaines et certaines habiletés manuelles aussi, on
peut les utiliser dans différents domaines. Dans les compétences,
finalement, il y a une partie qui est des connaissances pointues sur un secteur
et une partie qui est des habilités plus générales qui
peuvent être utilisées dans d'autres secteurs. C'est d'essayer de
décortiquer ça pour donner le plus d'ouverture possible aux gens.
Il y a des expériences de commencées à ce
niveau-là. Je ne sais pas si mes collègues peuvent en parler
plus.
Mme Lacharité (Martine): Ou permettre aussi aux clients
d'avoir accès à ce genre de processus là qui, à la
limite, est un petit peu plus long, par exemple, qu'un processus d'orientation
ou qui peut être aussi différent, ce qui fait qu'à un
moment donné, avec les ressources en orientation dans les CFP, les gens
qui ont même été formés ne sont pas
nécessairement capables de les utiliser, faute de temps, par manque de
ressources.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: C'est une contribution extrêmement importante
que celle que vous faites aujourd'hui au nom de la Corporation. Vous nous
rappelez qu'en matière de gestion de la main-d'oeuvre il ne peut pas y
avoir de gros oeuvre. Il faut que ça se fasse dans la singularité
de chaque destin finalement. On ne peut pas, à moins d'imaginer qu'une
société puisse fonctionner à partir de la coercition
sociale... On en a déjà un exemple avec la réforme de
l'aide sociale et vous nous dites que l'impact de ça, c'est que les gens
deviennent «instrumentais». C'est ce que vous avez utilisé?
Vous nous dites que, finalement, ils vont obtempérer, mais qu'ils ne
s'impliqueront pas pour faire en sorte qu'il y ait un apprentissage ou une
motivation qui conduise, j'imagine, à des acquis. C'est ça que
vous nous dites?
Vous avez parlé dans votre mémoire
d'analphabétisme. Vous nous rappelez que, lors même que les
personnes sont en emploi - 23 % à 28 %, je pense, sont les chiffres que
vous mentionnez...
Mme Landry: Ce sont les chiffres que nous avons pris dans
l'énoncé de politique.
Mme Harel: C'est ça, à la page 31, je crois. 23 %
des personnes en emploi sont donc en situation d'analphabétisme
fonctionnel. Qu'est-ce que vous envisagez par rapport à ces personnes?
Si elles sont en emploi, là, il y a tout le problème de
l'accès à des formations, par exemple, comme
l'alphabétisation, qui se donnent surtout à temps plein. Y a-t-il
une formation à temps partiel? Je ne le sais pas, je ne connais pas,
moi, de formation à temps partiel en alphabétisation. Vous en
connaissez?
Mme Levasseur (Diane): Je pourrais peut-être
répondre. Il y a deux types d'analphabètes: il y a des
analphabètes qui sont dans des entreprises, on dit que ce sont des
analphabètes fonctionnels; il y a des analphabètes qui sont
peut-être prestataires de la sécurité du revenu
ou autres. Pour ceux qui sont dans les entreprises, je pense que c'est
extrêmement pressant de faire quelque chose pour eux, c'est-à-dire
d'essayer de développer un programme pour les amener à être
fonctionnels dans leur travail le plus rapidement possible pour qu'ils
atteignent les compétences que leur employeur ou leur tâche exige.
Ça s'est vu...
Mme Harel: Excusez-moi. Ce programme, vous le voyez offert sur
place, dans l'entreprise? Vous le voyez offert dans un établissement
d'éducation? Où est-ce que ça devrait se donner?
Mme Levasseur: Idéalement, ça doit se faire
à temps partiel, probablement, à moins que l'employeur accepte de
libérer le travailleur. Je pense que, dans la réalité des
entreprises, ça va plutôt se faire à temps partiel. Ce qui
serait idéal, c'est que ça se fasse sur le temps de travail parce
que, pour un travailleur qui doit faire des pas dans ce sens-là, je
pense que c'est bien important qu'il ne soit pas obligé de parfaire sa
formation en dehors des heures de travail. En tout cas, moi, je travaille dans
une commission de formation professionnelle et on a des cas actuellement sur la
table. Il y aurait une certaine participation de l'employeur dans ce
sens-là, de libérer les travailleurs d'une façon
peut-être à temps partiel. On est aussi en train de
développer un programme pour amener justement les travailleurs qu'on a
identifiés à devenir le plus rapidement possible fonctionnels
dans leur tâche, pour qu'ils répondent aux standards que
l'employeur demande.
Mme Harel: Pour utiliser le jargon à la mode,
considérez-vous qu'il puisse y avoir une valeur ajoutée pour
l'employeur, que de permettre à un travailleur de
bénéficier d'un temps d'études, par exemple?
Mme Levasseur: Absolument.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a une valeur ajoutée?
Mme Levasseur: Absolument, c'est essentiel. Si l'entreprise
poursuit des buts de développement de la compétitivité de
son entreprise, ii faut absolument que ces travailleurs-là aient de la
formation, c'est évident. Ou sinon, à courte
échéance, ils seront mis à pied.
Mme Landry: Ne serait-ce que de réduire les accidents de
travail - parce que des travailleurs analphabètes fonctionnels ne
peuvent même pas lire les mesures de sécurité, les
avertissements, etc. - ce serait déjà énorme. En
considérant, évidemment, qu'une fois qu'ils ne sont plus
analphabètes fonctionnels, ils peuvent aussi progresser dans
l'entreprise et suivre plus facilement les nouvelles technologies, recevoir un
mémo et être capables de le lire, de le déchiffrer, des
petites choses quotidiennes dans le milieu du travail aussi.
Mme Harel: Dans le mémoire du Conseil du patronat du
Québec que nous recevrons demain, il est fait grief à
l'énoncé de politique de n'avoir proposé aucune solution
à cet égard, à l'égard de ce problème
d'analphabétisme fonctionnel qui est identifié par le Conseil du
patronat du Québec comme étant un problème important pour
les entreprises. Donc, ça rejoint quand même la
préoccupation des travailleurs. Mais l'énoncé de politique
est muet sur tout ce qui est formation de base ou formation initiale.
Finalement, ça n'est qu'en matière de formation sur mesure qu'il
y a un peu plus de solutions qui sont entrevues.
Mme Levasseur: Pour compléter, je pourrais peut-être
dire ceci. Pour un problème comme celui-là, je pense que c'est
extrêmement important de monter un programme de formation mais
très adapté aux travailleurs et à l'entreprise, mais pas
nécessairement un programme de formation pareil à celui qui se
passe dans les écoles, par exemple. Un programme de 2000 heures,
ça ne serait pas vraiment pertinent.
Mme Harel: On m'a rapporté cette semaine, à
Montréal, qu'il y a beaucoup de travailleurs qui s'inscrivent à
des cours de français, langue seconde, qui, normalement, devraient
être offerts à des immigrants, mais qui, à l'occasion de
ces cours de français, langue seconde, vont chercher les cours
d'alphabétisation dont ils ont besoin et qu'ils ne pourraient pas
obtenir par d'autres moyens. D'une certaine façon, le problème
entier est celui de l'accessibilité à un cours
dépendam-ment de l'admissibilité à un programme de
remplacement de revenu. Il est plus facile d'aller chercher une formation en
alphabétisation sur l'aide sociale que sur l'assurance-chômage,
par exemple. Je ne sais pas si vous, qui travaillez dans un CFP, est-ce
que...
Mme Levasseur: Je sais qu'actuellement Emploi et Immigration
Canada est en train de développer des programmes justement pour les
analphabètes qui sont sur l'assurance-chômage.
Mme Harel: Ce sont des programmes d'achat direct à ce
moment-là?
Mme Levasseur: Oui.
Mme Harel: Parce que ces programmes-là sont en diminution
constante.
Mme Levasseur: Oui, ce serait probablement achat direct.
Mme Harel: Alors, les programmes d'achat
direct diminuent par rapport à ceux de formation sur mesure,
finalement.
Mme Levasseur: Oui.
Mme Harel: Mais, au bout de la ligne, la question que je me pose,
moi, c'est: Qui va s'occuper des problèmes de la main-d'oeuvre qui n'est
pas dans des entreprises de pointe ou dans des entreprises exposées
à la mondialisation, de ces millions de personnes qui travaillent dans
toutes sortes de jobs, qui ne sont pas dans le secteur manufacturier en
concurrence avec d'autres? Qui s'occupe de ces personnes-là?
Mme Landry: En dehors de la grappe, point de salut!
Mme Harel: En dehors de la grappe, point de salut! Oui.
Mme Landry: Ce n'est pas évident. Je pense que c'est un
problème. De fait, il y en a beaucoup qui sont mis de côté
par certaines politiques. Qu'on puisse favoriser certains secteurs pour un
développement économique en même temps, oui, sauf qu'il y a
évidemment des travailleurs qui sont laissés de côté
dans tout ça. Il y a aussi des gens sans emploi qui ne sont pas sur
l'assurance-chômage ni sur l'assistance sociale; on les oublie,
ceux-là, souvent. Mais il y a beaucoup de gens en cavale.
Mme Harel: Ce sont des personnes dont les conjoints
travaillent.
Mme Landry: Oui, des jeunes qui sont retournés...
Mme Harel: Parce que le revenu du conjoint les écarte
à la fois du test de dernier recours de l'assistance sociale et elles
peuvent ne pas avoir été admissibles à
l'assurance-chômage compte tenu des nouvelles exigences.
Mme Lacharité: Et il y a aussi le bassin de la
clientèle licenciée à 45 ans et avec une neuvième
année. Ça va peut-être prendre trois ans avant qu'elle
n'atteigne le secondaire V ou le secondaire IV qui serait alors
préalable pour une formation technique. Quand vous comptez
peut-être cinq ans de formation pour quelqu'un qui a besoin d'un revenu
rapidement, cette clientèle-là ne pourra jamais aller travailler
dans vos entreprises de pointe ou chez les manufacturiers à la recherche
de travailleurs formés et qualifiés. Cette
clientèle-là aussi est laissée pour compte dans ce
système.
Mme Harel: II y a le tiers, nous dit-on, des personnes
licenciées durant la récession de 1982-1983 qui n'ont pas encore
trouvé de travail, donc une personne sur trois. Dix ans après,
est- ce qu'elles ont encore des chances de réintégrer le
marché de l'emploi?
Mme Landry: C'est une bonne question. Mme Harel: Oui.
Mme Landry: II y a sûrement beaucoup de travail à
faire de ce côté-là. De toute façon, en partant, ces
personnes-là n'ont plus tendance à croire non plus qu'elles ont
une chance de réintégrer le marché de l'emploi. Alors,
elles ne partent plus à zéro, elles partent vraiment en dessous
de zéro, dans le rouge. Il y a beaucoup de travail à faire dans
ce temps-là au niveau personnel avec elles avant même d'envisager
ce qu'elles pourraient faire de façon précise. Et, actuellement,
comme on est aussi dans une vague de licenciement collectif, je pense qu'il
faut s'occuper de ces gens-là maintenant, parce que plus on attend, plus
c'est difficile pour eux de réintégrer le marché de
l'emploi.
Mme Harel: Et j'imagine qu'il y a une sorte de transmission de ce
défaitisme à leurs proches, à leurs enfants, et c'est une
sorte de culture qui se propage.
Mme Landry: On reçoit même des jeunes maintenant,
à qui on demande ce qu'ils veulent faire dans la vie - la traditionnelle
question - et qui répondent: Je vais être sur le BS, moi. Ils sont
sur le BS de père en fils ou de...
Mme Harel: Ce que vous nous dites, c'est qu'il faut qu'il y ait
une sorte de motivation, qu'on se projette comme réussissant quelque
chose pour pouvoir se sortir de cette dynamique-là.
Mme Landry: Oui.
Mme Lacharité: Oui. Et ça prend peut-être
plus qu'une heure d'entrevue avec quelqu'un pour l'aider à passer
à travers tout cet enracinement dans ça. Je pense que ça
prend des ressources et des gens pour les aider à faire cette
démarche-là, à se fixer un objectif professionnel et
à trouver la motivation pour aller soit chercher une formation et
retourner sur le marché du travail.
Mme Harel: Mais, à ce moment-là, vous nous dites et
vous proposez au ministre de ne pas traiter les personnes sur l'aide sociale
comme des citoyens de seconde zone et, les services qui seront offerts à
la main-d'oeuvre active, de les offrir aussi à la main-d'oeuvre qui est
inactive et qui serait sur l'aide sociale. Ça supposerait à ce
moment-là sans doute que la personne ne soit plus sur l'aide sociale
à partir du moment où elle peut participer à des
programmes de formation, ou bien vous concevez toujours qu'elle pourrait
avoir le même remplacement de revenu qui lui vient de l'aide
sociale tout en ayant les programmes de formation offerts, au même titre
que ceux offerts aux autres personnes? (18 h 15)
Mme Landry: Au même titre que ceux offerts aux autres.
Mme Harel: II y a une chose peut-être dont il faut se
parler. C'est le ministère de l'Éducation du Québec qui
paie les programmes de formation générale ou professionnelle,
comme le rattrapage scolaire. Alors, comme c'est le ministère de
l'Éducation et comme la Société ne va pas gérer les
budgets qui sont affectés à la formation pour ces
personnes-là, comme il n'y a pas eu ces arbitrages-là de faits,
c'est sans doute un des motifs qui a écarté la clientèle,
parce que, finalement, la Société aurait peut-être plus de
difficultés à arbitrer cette question avec le ministère de
l'Éducation qu'à se faire transférer les budgets
fédéraux en matière de caisse
d'assurance-chômage.
Mme Landry: Ça, ça devient, à notre sens, en
tout cas, un problème de plus en plus grand. Il y a vraiment un manque
de concertation entre les programmes et les ministères. Ça
devient très compliqué. Comme professionnels, on a souvent de la
misère à s'y retrouver. Alors, évidemment, les
clientèles, s'y retrouver, là, il faut presque les prendre par la
main et leur dire: Tu vas là, parce qu'il n'y a plus moyen de s'y
retrouver. Alors, évidemment, au niveau du MMSRFP, qu'il y ait un
guichet unique, ça va considérablement améliorer la
situation, mais, s'il y a encore plein de contentieux et de complications
versus... Bon, ça c'est un programme de tel ministère, alors tu
n'y as pas droit; l'autre est à tel ministère. Si tu vas à
celui-là, tu vas perdre ça. Bon, le droit à la formation,
est-ce que ça en est un ou si ça n'en est pas un? Ce n'est
peut-être pas le même ministère, mais ça reste le
même gouvernement. Si le gouvernement ne peut pas se concerter non plus
entre ministères, la concertation qu'on peut penser avoir au niveau
d'une société entre le gouvernement, les partenaires
socio-économiques, patronaux, syndicaux et aussi les deux autres
ministères un petit peu là, bien, on peut se demander ce que
ça va donner en bout de ligne.
Mme Harel: Vous savez qu'à l'égard des prestataires
de la sécurité du revenu, la formation professionnelle,
étant donné justement que les coûts de cette formation sont
assumés par le ministère de l'Éducation, il en
détermine aussi les préalables, les conditions d'admission
académique requises. Ces conditions-là sont différentes
parce qu'elles obligent, par exemple, la connaissance des mathématiques
ou de la langue seconde, du français secondaire III ou IV; donc, ces
préalables sont plus élevés que pour les programmes de
main-d'oeuvre du ministère de la Main- d'oeuvre qui, eux, n'exigent que
des préalables fonctionnels. On se trouve à être devant des
clientèles qui se voient exiger finalement des conditions d'admission
différentes dépendamment de la source de financement de la
formation et qui, d'ailleurs, sont elles-mêmes liées à des
sources de financement de leur remplacement de revenu qui déterminent
aussi l'admissibilité ou pas.
Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de ce document. Vous avez
sans doute déjà eu ce document qui s'appelle «Document
d'information, édition provisoire, septembre 1991. La formation de la
main-d'oeuvre. Les programmes et mesures du gouvernement provincial et du
gouvernement fédéral à l'intention de la main-d'oeuvre
québécoise.» Et vous avez, à la fin de ça,
des tableaux. Il faut voir ces tableaux-là, ce n'est pas possible. Il y
a des pages et des pages de tableaux de tous les programmes, des conditions qui
sont exigées pour les uns, qui ne le sont pas pour les autres. Juste
ça nous indique un peu l'état de la situation, et je comprends
que, même si l'énoncé de politique va pouvoir permettre
à bien du monde de mieux se parler, et de se parler franc, tout
ça va quand même rester en place si on maintient des
filières différentes. Les programmes, par exemple, du CTQ, les
programmes d'employabilité avec le CTQ vont rester différents de
ceux que le MEQ finance pour ses prestataires, etc.
Mme Landry: C'est sûr que, si tout reste différent,
ça ne va pas... Ça prendrait une certaine harmonisation ou, en
tout cas, une certaine simplification de l'ensemble des programmes et non pas
juste d'une partie; idéalement, ça c'est sûr.
Mme Harel: La dernière question sur le placement. Il est
question qu'ultimement, une fois la réforme mise en place et une fois
tous les transferts fédéraux réalisés, les centres
locaux puissent faire du placement. Ce placement, vous le voyez comment? Vous
pensez qu'il doit se faire dans un contexte d'orientation?
Mme Landry: Oui. Ce qu'on constate aussi, pour avoir offert des
services du type placement à des clientèles aussi finissantes
dans le réseau scolaire des collèges et des universités
où j'ai travaillé, c'est que beaucoup ont un diplôme. Ils
regardent le titre de leur diplôme et cherchent un emploi qui porte le
même titre. Ils n'ont pas nécessairement, en partant,
l'idée de regarder autre chose qui ne porte pas du tout le même
nom. Des fols, ils ne regardent même pas la description de tâche,
ils regardent juste le titre de ce qui est offert puis ça ne correspond
pas à leur formation. Alors, il y a beaucoup d'éducation à
faire dans ce sens-là aussi.
Et il y a des gens qui sortent d'un programme de formation - surtout de
la façon dont
certains programmes sont faits - qui donne des crédits
académiques et non pas une reconnaissance en termes de
compétence, et ça n'oriente pas beaucoup les gens. J'ai fait des
maths, j'ai fait ci, j'ai fait ça, ça me mène à
quel emploi? Mon papier porte tel nom. Alors, c'est souvent très
limitatif dans la façon de regarder ça. Évidemment, il y
en a qui ont des problèmes aussi pour faire les démarches et ne
savent pas trop comment s'y prendre, et tout ça, là, parce que le
«counselling» d'emploi comme tel reste important. Mais il y a des
gens aussi, des fois, qui ont dit: Bon, j'ai fait ce programme-là de
formation, je n'ai pas aimé ça dans le fond, je ne veux pas
travailler là-dedans, je vais recommencer dans autre chose, au lieu de
regarder à partir de ce qu'ils ont fait qu'est-ce qu'ils pourraient
faire aussi, comment ils peuvent l'utilliser autrement. Il y a bien des gens
qui ont une formation de base qu'ils utilisent tout à fait autrement sur
le marché du travail. Il y a des voies très diversifiées.
Là-dedans, il y a aussi beaucoup de travail et ça aiderait les
gens à se placer beaucoup plus rapidement, de faire les liens entre tout
ça.
Le Président (M. Marcil): Merci. Mme la
députée.
Mme Harel: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Marcil): On parle de formation et de
programmes, mais, moi, ce que je trouve dramatique, aujourd'hui... Je
reçois des candidats et des candidates à mon bureau de
comté, dont un qui est ingénieur, qui arrive à sa 52e
semaine de chômage à la fin du mois de mars, qui a toujours
travaillé. Il a 52 ans. Il est ingénieur civil. J'en ai un autre
qui est docteur en chimie, un ancien directeur d'usine qui a à peine 50
ans. C'est des gens, ça, qu'on rencontre à tous les jours. On
parle de formation et j'imagine que ces gens-là ont une formation de
haut calibre. Il y en a un autre qui a un bac en commerce de
l'Université d'Ottawa, bilingue. Ce sont tous des gens tout près
de la cinquantaine, tous des gens, du moins, de très bonne
formation.
J'ai reçu une lettre, la semaine dernière - et j'ai bien
envie de l'apporter la semaine prochaine - d'une mère de famille dont je
connais l'enfant qui est un étudiant qui a terminé son bac en
sciences politiques et en histoire, qui a fait du journalisme et qui, parce que
le poste de radio a été vendu, n'a jamais pu se trouver un
emploi. Il s'en est allé à Washington, en immersion en anglais
et, là, sa mère m'a écrit une lettre de trois pages pour
me dire: Cessez donc de passer du temps à vous occuper des
décro-cheurs. Essayez donc de passer du temps à trouver des jobs
à ceux qui ont déjà des diplômes.
Sur ce, je vous remercie beaucoup de vous être
présentées. Nous allons donner un intérêt
particulier à votre mémoire. Merci beaucoup.
Donc, je suspends les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 24)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Marcil): Nous allons reprendre nos
travaux. Simplement pour vous dire que cette commission tient des audiences
publiques sur le document de consultation intitulé «Partenaires
pour un Québec compétent et compétitif».
J'appellerais immédiatement le groupe de la Confédération
des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec. Je
vous inviterais à prendre place en avant.
Le groupe est représenté par M. Richard Geoffrion et par
M. Jérôme Di Giovanni, vice-président aux affaires
internes. Nous allons vous entendre pour 10 à 15 minutes et, ensuite, on
procédera aux échanges. Nous vous souhaitons la bienvenue
à cette commission parlementaire et nous allons procéder
immédiatement à l'audition de votre mémoire.
M. Di Giovanni (Jérôme): Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Marcil): Vous êtes M. Di Giovanni,
c'est ça?
Confédération des organismes provinciaux
de personnes handicapées du Québec
M. Di Giovanni: C'est ça. Mon nom est Jérôme
Di Giovanni. Mmes et MM. les députés, nous sommes très
heureux, au nom de la Confédération des organismes provinciaux de
personnes handicapées, d'être ici pour vous présenter notre
problématique à l'accès à l'emploi. Je suis
accompagné par Richard Geoffrion, qui est le directeur
général de la Confédération.
La Confédération est un organisme de personnes
handicapées qui existe depuis 1981, avec le sommet
socio-économique sur la situation des personnes handicapées
où les personnes handicapées ont ressenti la
nécessité de se regrouper en confédération. La
Confédération regroupe 28 organismes provinciaux de personnes
handicapées qui comprennent au-delà de 160 organismes locaux et
qui, grosso modo, représentent environ 500 000 Québécois
et Québécoises dans toutes les régions du Québec.
Nous sommes un organisme multidéficience, c'est-à-dire que nous
regroupons des personnes qui ont des déficiences visuelles, auditives,
intellectuelles, socio-affectives, physiques et organiques. Nous
représentons donc vraiment toute la gamme des personnes
handicapées du Québec avec nos organismes membres.
Le dossier accès à l'emploi et à la forma-
tion professionnelle est un dossier crucial pour la
Confédération et pour l'ensemble des personnes
handicapées. Nous sommes le groupe de Québécois et de
Québécoises qui avons le taux de chômage le plus
élevé au Québec. Les statistiques nous
révèlent qu'environ 95 % des personnes handicapées n'ont
pas d'emploi. Nous sommes impliqués dans ce dossier-là, et
j'aimerais citer quelques exemples de notre implication: implication de
coordination, de concertation avec les partenaires, c'est-à-dire les
employeurs, le patronat, l'État et les divers spécialistes qui
gravitent autour de l'emploi et de la formation professionnelle. à titre
d'exemple, en 1989, on a organisé un colloque sur la gestion de la
diversité, à savoir comment, à l'intérieur de la
gestion des ressources humaines, on pouvait gérer toute la
problématique personne handicapée-employé-personne
handicapée. ce fut un colloque, à montréal, qui
était axé sur les résultats, qui était axé
sur la connaissance et l'application d'une gestion des ressources humaines qui
pouvaient répondre aux besoins de l'employeur et aussi aux besoins des
personnes handicapées qui étaient soit en recherche d'emploi ou
à l'intérieur des entreprises.
Nous avons également participé, en collaboration avec
l'Office des personnes handicapées du Québec, à une
consultation appelée «Plan d'embauché»,
c'est-à-dire qu'à l'intérieur de la Loi assurant
l'exercice des droits des personnes handicapées, il y a l'application du
plan d'embauché qui est un outil de sensibilisation pour l'emploi des
personnes handicapées. Nous en parlerons un peu plus tard, du plan
d'embauché. Nous étions des partenaires, avec l'Office des
personnes handicapées, pour analyser les résultats du plan
d'embauché, qui fut créé en 1978, avec les
réalités d'aujourd'hui, avec le Programme d'accès à
l'égalité et les obligations contractuelles.
Nous sommes en voie de développer aussi un guide de gestion des
ressources humaines à l'intention des employeurs en termes de formation
professionnelle, en termes d'embauché des personnes handicapées -
recrutement, sélection et Intégration organisationnelle. Nous
collaborons avec les syndicats, notamment la FTQ, où on siège
à un comité permanent sur l'accès à l'emploi - et
syndicats et FTQ - pour les personnes handicapées.
Nous venons juste de compléter une enquête au
Québec, en collaboration avec nos partenaires canadiens, sur les
services d'Emploi et Immigration Canada en termes de services
d'employabi-lité, de services de formation professionnelle et de
services d'accès à l'emploi par rapport aux personnes
handicapées. Et cette enquête-là nous a conduits à
un comité permanent à la CEC, où, au nom des personnes
handicapées, je copréside ce comité-là pour mettre
en oeuvre les recommandations.
Et, en dernier lieu, à titre d'exemple de notre implication dans
tout ce dossier-là, nous participons à la commission canadienne
sur la valorisation de la main-d'oeuvre où nous sommes en tant que
COPHAN. Nous collaborons avec les organismes canadiens de personnes
handicapées pour, à la fois nommer un représentant au sein
de la Commission canadienne et aussi au niveau d'un comité technique en
support à notre représentant au siège permanent pour les
personnes handicapées au sein de la Commission canadienne de mise en
valeur de la main-d'oeuvre. Ça donne un survol de notre implication dans
le domaine du travail en pointant quelques actions majeures pour les personnes
handicapées.
Le projet de loi sur la Société québécoise
de développement de la main-d'oeuvre. Nous voulons, dans un certain
sens, dire que nous sommes d'accord avec l'énoncé de politique,
qu'il faut qualifier, qu'il faut aussi harmoniser tout le développement
de la main-d'oeuvre en termes de compétence et de
compétitivité pour assurer un meilleur développement
économique de la Société québécoise.
Secundo, nous sommes d'accord avec le rapatriement des moyens, des
pouvoirs et des ressources au Québec. Il est important qu'au
Québec on puisse avoir cet outil-là pour favoriser, en fin de
compte, le développement économique, le développement
social et assurer une plus grande compétitivité au Québec,
tant à l'interne qu'à l'externe.
Mais, ceci dit, nous sommes d'accord, mais pas à n'importe quel
prix. Nous sommes d'accord, mais pas au prix de laisser de côté
les droits que nous avons en tant que Québécois et
Québécoises. Et, là, je m'explique en parlant de la
composition du conseil d'administration de la Société
québécoise de développement, un conseil d'administration
qui a exclu, en fin de compte, tous ceux qu'on appelle les groupes cibles
à l'intérieur du conseil d'administration, qui a exclu un
siège par rapport aux personnes handicapées et qui a exclu un
siège par rapport aux femmes, aux minorités visibles et aux
autochtones. On ne parle pas au nom des autres groupes ici, on vient seulement
parler au nom des personnes handicapées. Si, à la Commission
canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, on a cru bon d'identifier un
siège permanent pour les personnes handicapées, on ne comprend
pas comment, à l'intérieur du projet de loi de la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, on ignore cette réalité-là, on ignore qu'il
y a toute une majorité de la population québécoise qui est
incluse dans la main-d'oeuvre et qui est exclue au sein de la
Société québécoise.
La conception qu'on peut percevoir au niveau de la main-d'oeuvre, c'est
une conception très réduite, très restreinte. En ne
nommant que des syndicats, que le patronat et que des par-
tenaires au niveau de l'État, on vient dire que la main-d'oeuvre
québécoise est une main-d'oeuvre strictement syndiquée. La
main-d'oeuvre québécoise, ça comprend à la fois des
travailleurs syndiqués et non syndiqués, ça comprend aussi
des gens qui possèdent de l'emploi et des gens qui sont en recherche
d'emploi, ça comprend, en fin de compte, une bonne partie de la
population du Québec, dont les personnes handicapées. Lorsque
nous disons qu'on est d'accord avec l'énoncé de politique mais
pas à n'importe quel prix, on sera d'accord tant et aussi longtemps
qu'on aura un siège permanent au sein de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre.
C'est tellement important, parce que la problématique d'une
personne handicapée, c'est une problématique spécifique.
On doit parler d'adaptation, on doit parler en fin de compte
d'intégration organisationnelle et on veut avoir des programmes de
formation professionnelle réels, collés à la
réalité, et non pas des programmes de formation professionnelle
qui se rapprochent plus de l'occupationnel que d'autre chose. Pour nous, c'est
capital, c'est central dans tout le débat de l'accès à
l'emploi parce que c'est via la formation professionnelle qu'on va pouvoir
avoir accès à des emplois. Si on est exclus du mécanisme
de prise de décision, on craint fort que notre taux de chômage,
qui est de 95 %, va se perpétuer.
Lorsqu'on parle de compétitivité, lorsqu'on parle aussi de
développement, c'est pour toute la société
québécoise. Ce n'est pas uniquement à la main-d'oeuvre,
aux Québécois et Québécoises qui possèdent
un emploi et qui sont soit en voie de perte d'emploi ou de restructuration
à l'intérieur de leur usine que la formation professionnelle
s'adresse, elle s'adresse à tout l'ensemble de la population
québécoise.
Deux points qu'on voudrait aborder pour compléter notre
présentation et ensuite amorcer les questions et réponses. Dans
un premier temps, c'est le plan d'embauché, le plan d'embauché
qui a été créé en 1978-1979 et qui, pour nous, est
un outil de sensibilisation pour favoriser l'accès à l'emploi des
personnes handicapées. Le plan d'embauché a été
créé en 1978-1979 et, aujourd'hui, l'environnement de
l'accès à l'emploi a changé. Aujourd'hui, on parle de
programmes d'accès à l'égalité pour les femmes, les
minorités ethniques visibles, les autochtones, sauf pour les personnes
handicapées. On parle de l'obligation contractuelle qu'est la politique
de l'État québécois pour les femmes, les minorités
visibles et les autochtones, sauf pour les personnes handicapées. Parce
qu'il y a un plan d'embauché, parce qu'il y a un outil de
sensibilisation à l'emploi, lorsqu'on arrive à concrétiser
cet emploi-là, on ignore les personnes handicapées.
La COPHAN propose de modifier le plan d'embauché en un programme
d'embauché actif qui se rapproche du Programme d'accès à
l'éga- lité ou du Programme d'équité en
matière d'emploi au niveau fédéral. Il est important de le
comprendre dans ce sens-là parce que le Programme d'accès
à l'égalité est orienté vers des résultats,
vers des objectifs, vers des mesures de redressement d'une situation de
discrimination et vers des échéanciers. Ce n'est pas un outil de
sensibilisation mais plus un outil de correction d'action. Vous avez au
fédéral le Programme d'équité en matière
d'emploi qui comprend les personnes handicapées et, au niveau du
Québec, le Programme d'accès à l'égalité les
ignore, et vous avez un plan d'embauché, un outil de sensibilisation.
Lorsqu'on parle d'harmonisation, il faudrait commencer à parler
d'harmonisation au niveau de cet outil extrêmement important, qui est, en
fin de compte, la lutte contre la discrimination systémique.
L'autre volet dont on voudrait parler, c'est au niveau des contrats
d'intégration au travail, ce qu'on appelle dans le jargon les CIT. Les
CIT, c'est important de les voir dans le cadre de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre parce que
c'est un outil, un outil qui comprend plusieurs volets: un volet de formation,
un volet d'adaptation de postes, un volet d'intégration
organisationnelle et le développement de l'employabilité. Donc,
il existe déjà un outil extrêmement important à
considérer, à explorer, à exploiter et même à
intégrer à l'intérieur de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Et, pour
nous, il est extrêmement important que, le jour où le projet de
loi va être modifié, il considère les personnes
handicapées comme une ressource très importante de
développement économique du Québec, qu'on rapatrie, qu'on
intègre les CIT, qu'on corrige en fin de compte le plan
d'embauché en programme d'embauché actif et qu'on puisse
commencer à travailler, au niveau de la formation professionnelle
réelle, pour les personnes handicapées.
En gros, c'est ce que contient notre mémoire et c'est le message
qu'on voulait vous livrer ce soir. On est tellement sérieux en termes
d'avoir un droit au niveau du conseil d'administration que, pour nous, c'est
capital, c'est primordial; nous avons un réseau, nous avons une
structure et nous avons la connaissance et l'expertise pour développer
des programmes de formation professionnelle, et c'est important. Le
Québec ne peut pas se permettre d'exclure ou d'ignorer cette
expertise-là au niveau de sa planification du développement de la
main-d'oeuvre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Di Giovanni.
Maintenant, on va passer à la période de questions. M. le
ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la
Formation professionnelle.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Dans
votre mémoire, sur les six sièges que le gouvernement aura
à sa disposition - dans la délégation du gouvernement, si
vous voulez, sur les six sièges, il y en a deux qui sont
déjà réservés dans le projet de loi pour les
représentants du monde de l'éducation, de l'enseignement
supérieur et de la science; il reste donc quatre sièges - vous
demandez que ces quatre sièges à pourvoir au conseil
d'administration de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre soient réservés à
des représentants des quatre groupes cibles. Votre organisme est-il
conscient que l'acceptation de cette demande signifierait que des
décideurs économiques et sociaux majeurs se trouveraient alors
exclus d'une participation, dont, entre autres, le ministère de la
Main-d'?uvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle qui n'aurait aucun représentant sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre? Est-ce que votre organisme ne craint pas que cela affaiblirait
la capacité de la Société québécoise de
mener une politique efficace et sa capacité d'améliorer les
perspectives des personnes handicapées sur le marché du
travail?
M. Di Giovanni: En réponse à ça, M. le
ministre, je crois que votre ministère a un droit de parole et à
un siège à l'intérieur de la Société
québécoise de développement, on ne nie pas cela. Que ce
soit ces quatre sièges-là qu'on utilisera pour les groupes cibles
ou bien en identifier ou en ajouter d'autres, ce qui est important, c'est de ne
pas exclure 500 000 Québécois et Québécoises qui
ont des déficiences, de ne pas exclure cette expertise que nous avons,
tout en reconnaissant que, oui, bien sûr, les syndicats peuvent toujours
parler au nom des personnes handicapées. Il ne faut pas oublier que les
représentants syndicaux, leur première responsabilité,
c'est leurs syndiqués. Notre première responsabilité
à nous, la COPHAN, ce sont nos membres et ce sont nos 500 000 personnes
handicapées membres de la COPHAN.
Et il est important, si vous êtes vraiment sérieux en
termes de planification, de développement et de mise en commun des
ressources québécoises, que vous accordiez des sièges et
une participation a la décision à la majorité des
Québécois. Si on mettait bout à bout les personnes
handicapées, les femmes, les autochtones et les minorités
visibles, c'est-à-dire les groupes cibles qu'on appelle
communément, ça composerait la majorité de la
main-d'oeuvre du Québec.
M. Bourbeau: Je ne sais pas si on pourra réserver le
nombre de sièges dont vous parlez aux groupes cibles dont vous parlez
également, parce qu'il faut bien penser que le gouvernement va
certainement vouloir qu'il y ait un représentant de la main-d'oeuvre,
probablement un représentant de l'Industrie et du Commerce, étant
donné la relation très étroite qu'il y a entre le
développement économique et le développement de la
main-d'oeuvre. Ça fait partie intégrante d'un
développement de la main-d'oeuvre. Est-ce que vous pourriez, à
défaut d'une représentation aussi importante que celle que vous
suggérez, nous suggérer un mécanisme institutionnel
alternatif qui ferait que les intérêts et les besoins des
personnes handicapées seraient exprimés et entendus par les
autorités de la Société ou du ministère de la
Main-d'oeuvre? (20 h 30)
M. Di Giovanni: Ce que nous proposons, c'est le même
modèle qui existe au fédéral avec la Commission canadienne
de mise en valeur de la main-d'oeuvre où une personne handicapée
a un siège et est supportée, secondée par un groupe de
référence, un groupe de soutien, composé d'organismes de
personnes handicapées avec un budget. C'est ça qu'on demande. On
est bien conscient qu'il y a possiblement d'autres organisations qui, à
un moment donné, en cours de route, pourraient parler de personnes
handicapées, mais, pour nous - et ça ne vient pas du conseil
d'administration de la COPHAN, ça vient de nos membres - il est non
négociable. Ça nous prend un siège parce qu'on a des
intérêts à défendre. Ça nous prend un
siège parce que, depuis 1978, avec la création de l'Office, le
plan d'embauché, on a un taux de chômage de 95 %. On a
participé à une foule de programmes d'employabilité,
d'intégration au travail qui ont abouti, en fin de compte, à des
espèces de programmes occupationnels. On veut un véritable
accès à l'emploi. On veut un véritable programme de
formation professionnelle. On ne voit pas comment d'autres structures, d'autres
organismes, qui ont comme mandat premier de défendre les
intérêts de leurs membres, pourront, à un moment
donné, venir défendre les intérêts des personnes
handicapées.
M. Bourbeau: Ce que vous souhaitez, là, c'est un
siège dont le représentant serait nommé par vous.
M. Di Giovanni: C'est ça.
M. Bourbeau: Désigné par vous?
M. Di Giovanni: C'est ça, par les 500 000 personnes
handicapées.
M. Bourbeau: En fait, par la COPHAN.
M. Di Giovanni: Vous avez des représentants qui sont
nommés par les syndicats, par les centrales syndicales. Vous avez des
représentants qui sont nommés par les associations patronales.
Nous, on demande la même chose.
M. Bourbeau: Oui, je comprends que vous
demandez la même chose, mais il faut bien penser que, si on
embarque dans cette probléma-tique-là, il va falloir ajouter un
bon nombre de sièges à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre parce
qu'on va avoir d'autres groupes. Il va y avoir des groupes de femmes qui vont
demander d'avoir un représentant. Il y a les communautés
culturelles, sûrement, qui vont le demander. Il y a les jeunes qui vont
le demander.
On peut, comme ça, compartimenter la Société
québécoise en groupes de pression qui, sûrement, ont tous
des bonnes raisons de vouloir être représentés. Je
comprends qu'à la Société canadienne de mise en valeur de
la main-d'oeuvre, on a procédé comme ça, mais c'est un
organisme qui est seulement consultatif. Il n'est pas décisionnel. Il
n'a pas à gérer des dossiers et des programmes. Il peut augmenter
indéfiniment ses effectifs, parce que, quand on consulte, ce n'est pas
important qu'on soit très nombreux. Mais, quand on est dans l'action,
plus le cercle est grand, plus c'est difficile d'arriver à une action
efficace. Dans ce sens-là, si on met un siège pour chacun des
groupes dont vous parlez, les quatre groupes cibles, par exemple, plus toute
une série d'autres, on risque de se retrouver avec une très
grosse société.
M. Geoffrion (Richard): Au début de notre mémoire,
on énonce clairement qu'on est intéressés et d'accord pour
que cette Société-là résolve certains
problèmes au niveau du marché de l'emploi et participe, dans ce
sens, à la résolution de problèmes au niveau
économique. Ce qu'on semble oublier dans le projet de loi que vous
déposez, M. le ministre, c'est tout le volet qui doit être
développé pour le rattrapage qui doit être fait pour les
quatre groupes cibles qui ont été traditionnellement
identifiés. On n'en demande pas 10. On pense qu'il y a quatre groupes
cibles qui ont été identifiés, tant au niveau canadien que
québécois, qu'il y a des mesures de rattrapage,
d'équité en emploi au niveau des personnes handicapées. On
vient de sortir de sept années de croissance économique, au
Canada, et on n'a pas constaté de résultats avec les mesures qui
existent présentement.
On pense que l'occasion est bien choisie, en mettant en place une
société comme celle que vous projetez, de joindre à la
mission économique et aux problèmes du marché de l'emploi
et de la formation le rattrapage qu'il est nécessaire de faire pour ces
quatre groupes-là. Si ce n'est pas fait au niveau du conseil
d'administration, on a des réserves et on a des doutes que ces groupes
vont pouvoir diminuer leur condition de précarité et de
pauvreté. En tout cas, on pense que, si les personnes handicapées
sont exclues, vous n'y arriverez pas. Si vous avez pensé à
structurer ça avec six représentants du monde syndical et six
représentants du milieu patronal, je vous dirais qu'il y a pas mal plus
de person- nes sourdes qu'il n'y a de membres à la CSD. Vous pouvez
essayer d'aligner six représentants syndicaux, mais vous savez
très bien qu'il y a une disproportion épouvantable entre les six
représentants qui vont venir des six centrales syndicales. Je n'ai rien
contre la CSD, mais, quand on essaie de composer une équipe et qu'on
veut atteindre des résultats, je pense que l'objectif est d'avoir
l'expertise et le réseau derrière cette expertise-là pour
agir et prendre des décisions éclairées. Je pense que ce
sont les résultats que vous voulez obtenir.
Ce que nous vous disons, c'est qu'il y aurait du rattrapage à
faire. Il y a un aspect clientèle qu'il faut développer, une
préoccupation en termes de clients qu'il faut développer dans
cette Société-là. Il y a des programmes qui doivent
être faits pour ces gens-là et cette main-d'oeuvre va participer
au développement économique. Si c'est simplement un
problème de chaises, je vous le répète, il y a plus de
personnes sourdes que de membres à la CSD, et on pourrait sortir
d'autres exemples comme cela.
Alors, je pense qu'on peut atteindre des résultats
d'efficacité, mais je pense aussi que vous devez vous interroger sur la
nécessité de développer une approche en termes de
clientèle et de rattrapage par rapport à ces groupes cibles. Ce
n'est pas vrai que les personnes handicapées vont avoir une bonne
formation si elles ne participent pas à ces discussions, à ces
échanges et à ces décisions.
M. Di Giovanni: L'expérience nous démontre, M. le
ministre, qu'à chaque fois qu'il y a eu des programmes, des services ou
des structures qui ont été mis sur pied et qu'on a exclu les
personnes handicapées, qu'on a tenté de mettre sur pied des
programmes ou des services sans les inclure dans la prise de décisions,
ça a été un échec. Il est vrai que la commission
canadienne est une structure consultative, mais il est également vrai
que pour les Commissions provinciales qui doivent être mises sur pied, la
Commission canadienne pousse sur l'idée qu'il doit y avoir des
sièges pour les quatre groupes cibles. Nous parlons
spécifiquement pour les personnes handicapées. Les femmes vont
sûrement venir parler pour leurs intérêts, mais nous sommes
ici spécialement pour les personnes handicapées. Tant et aussi
longtemps qu'ils sont des partenaires économiques, je crois que les
centrales syndicales et les diverses associations patronales sont d'accord pour
dire qu'on ne peut pas exclure un pan complet de la main-d'oeuvre dans la prise
de décisions.
M. Bourbeau: Votre organisme, la Confédération des
organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec,
affirme, dans le document: «Nous croyons fermement que les instances
décisionnelles, en matière de main-d'oeuvre, se doivent
d'être, géographiquement,
politiquement et financièrement, le plus rapprochées
possible de leur champ d'action et de leur clientèle.»
Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par ça? Quel partage
de pouvoirs devrait, selon vous, alors s'effectuer entre la
Société québécoise et les sociétés
régionales?
M. Di Giovanni: dans un certain sens, c'est pour... il est
important d'avoir ce réseau régional pour identifier les besoins
régionaux en termes de formation professionnelle pour avoir une
planification régionale de la main-d'oeuvre et pour développer
des programmes efficaces, des programmes qui vont répondre à la
fois à un besoin immédiat et à un besoin dans le futur.
c'est dans ce sens que nous disons qu'il doit y avoir un rapport, un lien avec
une structure régionale.
Nous, on parle par expérience du fait qu'on a des structures
locale, provinciale et régionale. Il est important d'être
branché sur ces besoins-là et même de permettre aux
régions de développer leurs propres programmes de formation
professionnelle parce que ce sont les régions elles-mêmes qui
connaissent les besoins, qui peuvent faire une planification. Il est important
aussi de voir la Société québécoise comme un outil
de coordination, un outil de mise en commun, un outil, en fin de compte,
facilitateur de ces programmes régionaux et de ce développement
de la main-d'oeuvre. Les régions québécoises sont
diversifiées, elles ont des besoins différents, elles ont des
besoins, en fin de compte, spécifiques. Les clientèles aussi sont
diversifiées et elles ont des besoins spécifiques. Il faut
répondre à cela.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. Je vais
reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, II me fait
plaisir de vous saluer, M. Di Giovanni. J'ai eu l'occasion, je pense, de vous
recevoir avec les commissaires de la commission Bélanger-Campeau. Vous
accompagniez à ce moment-là, je crois, un organisme qui venait
réclamer une représentation accrue pour les membres des
communautés culturelles?
M. Di Giovanni: C'est ça, oui. Mme Harel: C'est
bien ça, hein? M. Di Giovanni: Oui, c'est ça.
Mme Harel: Je veux saluer également M. Geoffrion. Vous
êtes trésorier de la COPHAN, je crois.
M. Geoffrion: Non, je suis directeur général.
Mme Harel: Ah! vous en êtes le directeur
général, excusez-moi. Alors, bon, j'ai pris connaissance de votre
mémoire avec beaucoup d'intérêt. J'aimerais bien, M. Di
Giovanni, que vous puissiez nous faire connaître votre expertise à
l'égard de ce qui se passe dans les autres provinces canadiennes. Vous
nous avez dit qu'il allait y avoir des commissions provinciales et qu'il allait
y avoir éventuellement également dans ces commissions une
composition similaire, semble-t-il, à celle de la Commission canadienne.
Faut-il comprendre que, dans ces commissions provinciales... Est-ce qu'il y en
a qui sont déjà en opération? Est-ce que, parmi celles qui
le sont, certaines ont déjà nommé des représentants
de personnes handicapées? Qu'en est-il au juste?
M. Di Giovanni: O.K. Il faut comprendre ceci. C'est qu'au niveau
canadien les quatre groupes cibles sont représentés...
Spécifiquement, par rapport aux personnes handicapées, il y a un
délégué qui est nommé, qui vient juste d'être
nommé parce que le délégué a changé.
C'était un délégué québécois, mais,
dû à des raisons personnelles, il a démissionné.
Actuellement, il y a un délégué qui est nommé comme
délégué permanent pour l'ensemble des personnes
handicapées, avec un substitut, substitut, en fin de compte, comme
soutien au délégué à cause de la quantité de
travail. Ce délégué-là est secondé par un
groupe d'experts composé d'organismes de personnes handicapées,
dont la COPHAN qui participe à un siège permanent au niveau du
comité d'experts, et représentant toutes les catégories de
personnes handicapées, de déficiences et toutes les
régions. Il a actuellement...
Mme Harel: Qu'est-ce qui se passe dans ce comité
d'experts?
M. Di Giovanni: Dans ce comité d'experts, on parle de
formation professionnelle. On échange l'expertise que nous avons entre
nous. On est en soutien à notre délégué permanent
à la Commission canadienne en termes de revendications, en termes de
développement de programmes. Ce comité d'experts aussi retourne
dans les provinces et dans les régions - parce qu'il y a des
représentants des régions et provinces - afin de mettre sur pied
des programmes de formation professionnelle, de partager l'expertise et
d'amener l'expertise aussi au conseil canadien. Actuellement, en Ontario, la
structure est en voie d'être mise en place - suite, effectivement,
à des représentations de personnes handicapées - et on est
en voie de constituer un comité d'experts spécifiquement pour la
problématique des personnes handicapées en Ontario.
Donc, ce n'est pas une demande sortie des nues qu'on vous fait, c'est
une demande qui vient d'une expérience qu'on vit actuellement à
l'échelle canadienne, d'une expérience qui est en train
d'être vécue - ou bientôt - en Ontario. De
façon générale, le mot d'ordre à travers le
Canada, par rapport aux personnes handicapées, c'est que, s'il y a des
commissions sur la formation professionnelle provinciales qui doivent
être mises sur pied, il est important d'avoir des sièges pour les
quatre groupes cibles et, pour nous, il est important d'avoir un siège
pour les personnes handicapées. C'est ça qu'on demande en fin de
compte. (20 h 45)
Mme Harel: Cette commission ontarienne, elle est
déjà en opération?
M. Geoffrion: Elle est en voie de formation. Il faut comprendre
que les commissions provinciales se forment à partir du moment où
il y a une entente fédérale-provinciale sur les objectifs
à poursuivre. Alors, ça se situe dans un contexte
fédéral-provincial d'échanges, d'accords
bilatéraux. C'est en Ontario que ça a débloqué le
plus rapidement. C'est en négociations dans d'autres provinces. Je ne
vous cacherai pas qu'il y a maintenant une espèce de moment
d'incertitude parce que, dans le cadre des conférences du débat
constitutionnel, le fédéral propose de transférer tout le
champ de la main-d'oeuvre. Alors, il y a des gens qui, au niveau de certaines
provinces, attendent de voir comment va se régler le dossier.
Nous, ce qu'on dit et ce qu'on voit, quand on participe à ces
travaux-là, c'est assez simple. C'est qu'il n'y a personne dans ces
provinces-là, il n'y a personne dans ces discussions-là qui remet
en question la nécessité de conjuguer le développement
économique, la résolution des problèmes au niveau de la
main-d'oeuvre et la problématique de rattrapage au niveau des groupes
cibles. Les gens s'entendent au niveau patronal et syndical, et au niveau
gouvernemental aussi. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il y a un modèle
canadien. Il y a peut-être des raisons qui font qu'on
préfère s'approprier les pouvoirs et gérer ça au
niveau du Québec, mais il ne faut pas, en même temps, laisser
tomber une partie du concept au détriment du seul objectif
économique.
Mme Harel: Je dois vous signaler, M. Geoffrion, que le ministre,
cet après-midi, nous a fait part qu'il n'était pas question de
rapatrier des pouvoirs; il était question de rapatrier des fonds
fédéraux. L'entente qui a fait, semble-t-il, l'objet d'un accord
- en tout cas, ou je ne sais trop, si ça a fait l'objet d'un accord - ce
qu'il nous a indiqué de façon plus précise, c'est que la
demande du gouvernement du Québec consiste à obtenir une
délégation de fonds, mais que la législation et la
réglementation resteraient sous l'autorité
fédérale.
M. Di Giovanni: Si cela est vrai, si c'est cela qui se passe,
à ce moment-là on a encore plus de raisons de réclamer le
même modèle qu'il y a au fédéral. On regrette
beaucoup, là, mais, s'il y a un transfert de fonds... Il est
inconcevable qu'on puisse s'approprier des fonds mais pas ce qu'il y a de bon
en termes de modèle. C'est ça, en fin de compte, qui est en train
d'être négocié au niveau des autres provinces, si vous
voulez, s'approprier des fonds. En fin de compte c'est ça. La Commission
canadienne, c'est un transfert de fonds avec des modèles. À ce
moment-là, il faut aussi avoir le même modèle pour
favoriser cette participation-là. Ça, ça va être
capital.
Ecoutez, à la fin de mars, il va y avoir un symposium
extrêmement important sur la formation professionnelle où on
regroupe environ 70 à 80 personnes. À l'intérieur de
ça, on a invité des personnes handicapées expertes pour
parier de formation professionnelle, aussi bien que des femmes, des
communautés culturelles, des autochtones et d'autres groupes. Ça
signifie qu'il est important qu'on y participe, et pas uniquement au niveau de
la philosophie, mais au niveau de la prise de décisions et au niveau
aussi du développement des programmes et de l'application de ces
programmes-là. C'est la seule façon d'avoir une formation
professionnelle collée à la réalité, collée
aux besoins, sinon ça ne marchera pas, sinon ça va être des
programmes d'en haut qui vont descendre vers la base et, lorsqu'ils vont
arriver vers la base, ça va se dégonfler, ça va
échoir. On va se réveiller dans une dizaine d'années et on
va dire: Bien oui! On a encore manqué le virage. Pourquoi? C'est parce
qu'on n'a pas inclus les premiers intéressés. Et les premiers
intéressés, en fin de compte, c'est la main-d'oeuvre dans son
ensemble.
Mme Harel: Pour votre bénéfice, là, je pense
que vous pouvez retrouver, dans le Journal des débats, qui sera
certainement publié - nos travaux de cet après-midi - l'essentiel
de ce qui semble constituer la demande québécoise. Alors, il y
avait au moins une ambiguïté qui a été
dissipée. Il y a peut-être une majorité des
mémoires, au moins la moitié, qui félicitent le
gouvernement de réclamer le rapatriement des pouvoirs, de la
compétence et de l'autorité en matière de main-d'oeuvre.
Alors, il y a une ambiguïté de dissipée parce que, en fait,
ce n'est pas de ça dont il s'agit. Ça ne sera que des fonds
fédéraux. C'est une délégation finalement.
J'apprécierais beaucoup, si vous pouviez obtenir des informations sur
l'implantation de cette commission en Ontario, que vous nous les fassiez
parvenir ici au Secrétariat pour le bénéfice des membres
de cette commission...
M. Di Giovanni: Avec plaisir.
Mme Harel: ...quant à la composition et quant au mandat
également.
M. Di Giovanni: Avec plaisir.
Mme Harel: Une autre question. Vous parlez de 95 % de
chômage chez les personnes handicapées. Vous qualifiez ça,
évidemment, de hors de proportion. Je ne crois pas qu'aucun groupe cible
dans la société, y compris, je pense, même les
minorités visibles, n'a un tel taux de chômage. C'est un taux de
chômage dont vous êtes certain? Vous avez pu vérifier? 95 %,
ça me semble vertigineux.
M. Di Giovanni: Nous avons des études préliminaires
en termes de statistiques via nos réseaux de contacts qui nous
révèlent que nous sommes dans les bons taux, à quelques
pour cent près, mais on parle de ces taux-là de plus en plus au
niveau des personnes handicapées et avec forte raison. En
réalité, on n'a pas beaucoup de mesures pour corriger ce que de
plus en plus de personnes handicapées appellent de la discrimination
systémique. Ce n'est pas le plan d'embauché qui va venir corriger
ça du fait que le plan d'embauché est un outil de sensibilisation
et du fait qu'on a été exclus des programmes d'accès
à l'égalité.
Mme Harel: Quel est le niveau de scolarité moyen?
Avez-vous une indication à cet effet, chez vos membres?
M. Geoffrion: Je n'ai pas... Il n'y a pas de statistiques
précises.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a du rattrapage à faire en
termes de scolarisation?
M. Geoffrion: En termes de proportion, pour vous situer, le taux
de scolarisation des personnes handicapées est inférieur, et de
loin, à la moyenne par rapport aux minorités visibles, aux
autochtones et... Bon.
Mme Harel: Aux autres groupes cibles. M. Di Giovanni: Aux
autres groupes cibles.
M. Geoffrion: Le peu de personnes handicapées qui peuvent
travailler sont toujours dans les échelles de salaire
inférieures. Les personnes handicapées, simplement, globalement
sont les plus pauvres des pauvres.
M. Di Giovanni: . Les emplois qu'ils obtiennent sont des emplois
temporaires, précaires, des six mois, des trois mois. Ça cause un
problème parce que, lorsqu'on parle d'accès à l'emploi, on
doit obligatoirement parler d'adaptation de postes, d'adaptation de l'emploi.
Lorsque vous embauchez une personne handicapée pour trois mois ou six
mois, c'est évident que vous n'êtes pas intéressé en
tant qu'employeur, même en tant que syndicat, d'investir à faire
adapter un poste, sachant qu'au bout de trois mois ou six mois cette
personne-là va être congédiée. Elle vit le cycle
traditionnel: quelques mois d'emploi, congédiement,
assurance-chômage, bien-être social, quelques mois d'emploi,
assurance-chômage, bien-être social. Même lorsqu'elles vont
dans des pseudo-programmes de formation professionnelle, la grosse critique,
disent-elles, c'est que ce sont des programmes qui ne collent pas à la
réalité, qui ne débouchent pas sur des emplois et que
c'est plus de l'occupationnel qu'autre chose. Ce n'est pas parce qu'on ne veut
pas travailler, c'est parce qu'on a besoin des outils nécessaires.
Mme Harel: J'ai pris connaissance de la lettre que vous faisiez
parvenir au ministre le 20 décembre dernier, demandant le transfert du
plan d'embauché de l'OPHQ au ministère de la Main-d'oeuvre.
Est-ce que vous avez reçu une réponse?
M. Geoffrion: On n'a pas reçu de réponse
encore.
M. Bourbeau: ils ne peuvent pas l'avoir reçue, m. le
président, la réponse est ici. je viens de la signer et je vais
vous la remettre tout à l'heure.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Peut-être peut-on bénéficier de
votre passage à Québec pour connaître la position du
ministre à ce sujet.
M. Bourbeau: Je vous envoie la réponse par messager.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Peut-être que M.
Geoffrion...
Mme Harel: Est-ce que c'est une réponse positive, M. le
ministre?
M. Bourbeau: C'est pour économiser un timbre. Vous savez
comment le gouvernement fait attention pour ne pas faire de dépenses, M.
le Président.
Le Président (M. Marcil): Bon, sauvons des timbres.
M. Di Giovanni: Sauvons des timbres.
M. Geoffrion: Je pense que, pour le bénéfice de
tous, c'est important qu'on prenne conscience que l'ensemble de la
problématique des personnes handicapées, dans le cadre de la
politique «À part... égale»... Que le
ministère qui est responsable de la Main-d'oeuvre et de la Formation
professionnelle soit aussi responsable des personnes handicapées. On
s'interroge, on se pose des questions: Pourquoi est-ce que ce
dossier-là reste de façon spécifique à
Drummondville à l'Office des personnes handicapées du
Québec?
On sait qu'il y a un mécanisme de transferts présentement
qui est opéré au niveau du transfert des responsabilités
de cet Office-là vers les ministères responsables qui desservent
les citoyens ordinaires. Ce qu'on veut finalement, c'est que les personnes
handicapées aillent dans les ministères qui s'occupent de tout le
monde et d'elles aussi.
Dans ce contexte-là, on pense que le plan d'embauché
devrait être sous la responsabilité... qu'on devrait
procéder au transfert des fonds, des ressources et développer
l'expertise au ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle pour
travailler avec cette clientèle-là et que les contrats
d'intégration au travail éventuellement, qui étaient
prévus d'ailleurs dans les recommandations de la conférence
«À part... égale», soient transférés au
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle. Ça n'a pas encore été
fait. Il y a du retard là-dessus, c'est évident. Alors, ce qu'on
dit, finalement, c'est que les ministères qui sont responsables de ces
dossiers-là prennent leurs responsabilités.
M. Di Giovanni: Je voudrais ajouter quelque chose. Lorsque le
ministre dit que la Société québécoise de
développement c'est une société axée sur l'action,
axée sur l'implantation de programmes, je suis d'accord avec lui qu'il
faut que ça le soit et que ce soit axé sur les résultats.
Du fait que c'est axé sur les résultats, il devient capital et
primordial que nous ayons un siège permanent à cette
Société parce que vous aurez besoin de notre expertise, de notre
connaissance pour savoir quel type de programmes de formation professionnelle
il faut développer et surtout comment adapter ces programmes pour
permettre aux personnes handicapées, indépendamment de leur
catégorie ou de leur type de déficience, d'y avoir accès.
On ne donne pas un programme de formation professionnelle à une personne
handicapée comme on pourrait le donner à une personne non
handicapée. Il y a des adaptations qu'il faut faire et il y a des
ajustements qu'il faut faire. Il est important qu'on y participe. Vous avez
besoin de cette expertise et de ces connaissances-là afin de vous
assurer d'un véritable succès dans les résultats.
Mme Harel: M. Geoffrion, peut-on connaître votre
réaction suite à la réponse du ministre à votre
demande?
M. Geoffrion: C'est une réaction...
M. Di Giovanni: Est-ce que c'est possible que vous la lisiez?
Parce que j'ai une déficience visuelle. Je ne vois pas votre
réponse, M. le ministre. Comme premier élément
d'adaptation, j'aimerais bien ça que quelqu'un me la lise.
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez la lire, M.
Geoffrion.
M. Geoffrion: Je n'ai pas d'objection. Le Président (M.
Marcil): Allez-y.
M. Geoffrion: Alors, je vous lis ça. C'est adressé
à Mme France Picard, présidente de la COPHAN, en date
d'aujourd'hui: «Mme la Présidente, j'ai lu avec beaucoup
d'intérêt la lettre que vous m'avez fait parvenir récemment
qui porte sur le transfert au ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle des
services du plan d'embauché et des centres de travail adapté de
l'Office des personnes handicapées du Québec. «Lorsqu'il a
accepté le principe du transfert des programmes de l'Office aux
ministères ou organismes concernés, le Conseil des ministres a
créé un comité de coordination pour analyser toutes les
implications de cette décision et faire des recommandations sur son
application. L'Office des personnes handicapées du Québec
procède par ailleurs à l'évaluation de certains de ces
programmes, notamment celui du plan d'embauché. Dans ce dernier cas, un
comité de travail, composé de représentants des personnes
handicapées du monde du travail, a été formé pour
identifier les orientations à privilégier pour optimiser
l'intégration au travail des personnes handicapées. Les
résultats de ces travaux nous permettront de poursuivre les discussions
déjà amorcées avec l'Office sur toute cette question.
«Il me semble donc prématuré dans les circonstances de
mettre sur pied à ce moment-ci, comme vous le suggérez, un
nouveau comité pour assurer le transfert des services du plan
d'embauché et des centres de travail adapté au ministère.
Nous suivons attentivement l'évolution de ce dossier et nous informerons
tous les intervenants concernés des développements qui pourraient
les intéresser. «Veuillez agréer, Mme la Présidente,
l'expression de mes sentiments les meilleurs. Le ministre, André
Bourbeau.»
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Maintenant, M.
le ministre, vous aviez une question encore à poser.
M. Bourbeau: Oui, j'ai une observation et une question. Je
voudrais clarifier une chose, là. La députée de
Hochelaga-Maisonneuve a laissé entendre tout à l'heure que le
gouvernement, dans son énoncé de politique, ne réclamait
pas le rapatriement des programmes de main-d'oeuvre, les normes de
main-d'oeuvre ou les programmes de main-d'oeuvre. Je veux que ce soit clair:
nous demandons le rapatriement de tout le secteur de
la main-d'oeuvre sans aucune exception. Les demandes du Québec
sont claires et formelles. D'ailleurs, ce que nous réclamons, dans le
fond, ce sont les budgets de main-d'oeuvre.
En ce qui concerne les programmes fédéraux, nous n'avons
pas l'intention de poursuivre ces programmes-là au Québec. Nous
sommes en train présentement de simplifier, de regrouper nos programmes
dans quatre grands programmes. Nous pensons que tous les programmes de
main-d'oeuvre pourront rentrer dans nos programmes. Enfin, tous les besoins de
main-d'oeuvre pourraient être satisfaits par nos programmes de sorte que
nous n'avons pas besoin de ramener au Québec les programmes
fédéraux. On va ramener l'argent, le fric, les fonds
nécessaires et puis on aura nos programmes québécois qui
seront, comme vous le savez, un programme pour les entreprises, un programme
pour les travailleurs licenciés, un programme pour les travailleurs
individuels et un programme pour les organismes. (21 heures)
En ce qui concerne l'assurance-chômage, c'est différent.
L'assurance-chômage, nous ne réclamons pas la juridiction
constitutionnelle sur l'assurance-chômage. Nous disons: Le
fédéral peut garder la juridiction, la Loi sur
l'assurance-chômage, les normes pancanadiennes, percevoir les
cotisations. Nous voulons garder le fonds pancanadien de
péréquation, un fonds qui fait en sorte que, bon an mal an, le
Québec retire à peu près 1 000 000 000 $ de plus du fonds
d'assurances qu'il n'y met. Étant donné que le taux de
chômage au Québec est plus élevé qu'ailleurs, les
cotisations des Québécois sont inférieures d'à peu
près 1 000 000 000 $ par rapport aux prestations qui en sont
retirées. Il serait donc un peu ridicule de mettre fin à ce fonds
de péréquation là en disant: Faisons notre propre fonds
québécois. On se retrouverait, bien sûr, avec 1 000 000 000
$ de moins. Je ne pense pas que les travailleurs québécois
seraient gagnants.
Donc, en résumé, j'aimerais dire qu'il y aurait lieu de
préciser que le maintien des critères et des normes
fédérales, ça ne vaut que pour l'assurance-chômage,
ça ne vaut pas pour les programmes de développement de la
main-d'oeuvre. Il n'y aura que des programmes québécois en
main-d'oeuvre après le rapatriement. Ça, c'est pour
l'annonce.
Mme Harel: M. le Président, vous allez me permettre de
poser une question au ministre. Là, il prétend réagir
à ma déclaration.
M. Bourbeau: Non, moi, je n'ai pas d'objection. Il n'y a pas de
problème.
Mme Harel: À ce moment-là...
Le Président (M. Marcil): Ça va être la
dernière question compte tenu que nous sommes à la fin de notre
temps.
M. Bourbeau: Mais, j'ai dit que j'avais une question,
là.
Mme Harel: Bon. J'y reviendrai parce que je n'avais pas...
Le Président (M. Marcil): Vous avez une question à
poser et je vais permettre une question de votre part, Mme la
députée.
Mme Harel: C'est ça. Je n'avais pas terminé.
M. Bourbeau: Oui, oui. Moi, je peux dialoguer avec la
députée de Hochelaga-Maisonneuve toute la nuit.
Le Président (M. Marcil): j'aimerais que vous posiez ia
question à nos invités et, ensuite, entre nous, on pourrait se
poser nos questions.
Mme Harel: C'est ça.
M. Bourbeau: O.K. Alors, toujours au sujet de la
possibilité d'une représentation au conseil d'administration, le
problème qui se pose, on en a discuté tout à l'heure,
c'est qu'il y a quatre sièges disponibles pour l'ensemble de la
délégation gouvernementale et vous demandez quatre sièges,
ce qui risque de causer de très gros problèmes, à toutes
fins pratiques. Alors, c'est impossible de satisfaire votre demande, ne nous
leurrons pas. On ne peut pas penser que les seuls quatre sièges qui
restent vont aller au quatre groupes cibles et qu'il n'y aura pas d'autres
places pour le gouvernement et ses mandataires. Mais, entre ça et rien,
il y a peut-être des possibilités.
Il y a aussi une autre avenue de solution. Vous savez que nous avons
l'intention de maintenir des comités consultatifs régionaux, ce
qu'on appelle des CCR, sur lesquels s'appuient présentement les CFP, les
commissions de formation professionnelle, qui, vraisemblablement, continueront
à aviser, à conseiller les sociétés
régionales. Alors, là, il y aurait peut-être une
possibilité d'avoir un conseil consultatif régional
représentant les groupes cibles. À ce moment-là, on
pourrait obtenir le même résultat, c'est-à-dire que les
personnes handicapées, par exemple, pourraient conseiller les
sociétés régionales par l'intermédiaire de cette
structure-là. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je vous laisse
ça un peu comme sujet de discussion.
Le Président (M. Marcil): Ce sera la dernière
réponse.
M. Di Giovanni: Une réponse... Nous voulons vous remercier
pour l'invitation, mais on réitère la demande: On veut un
siège au niveau de la prise de décisions. En tant que
collectivité québécoise, c'est-à-dire personnes
handicapées,
on est consultés à tout bout de champ. on est
consultés à gauche, on est consultés à droit, on
est consultés au centre, on est consultés en avant, on est
consultés en arrière, on est consultés en braille, on est
consultés en signes gestuels, on est consultés,
surconsultés. mais, au niveau de la prise de décisions, lorsque
arrive le moment de décider, eh bien, on oublie la consultation. notre
expérience nous démontre que, tant et aussi longtemps qu'on ne
sera pas au niveau de la prise de décisions, la situation ne changera
pas.
On peut ajouter - je fais une autre contre-offre au ministre - quatre
sièges de plus. Si le ministre ne veut pas ajouter quatre sièges
de plus, que le gouvernement aille siéger au niveau des comités
consultatifs. On est très sérieux dans cette demande-là.
On est très sérieux parce que c'est l'expérience qui nous
le démontre, l'expérience qui nous demande d'être aussi
ferme que ça dans notre demande.
Le Président (M. Marcil): M. Di Giovanni de même que
M. Geoffrion... Oui, Mme la députée.
Mme Harel: Oui. Pour le bénéfice justement de nos
invités, peut-être serait-il souhaitable, avant qu'ils nous
quittent, qu'ils aient une réponse la plus complète possible des
pouvoirs qui pourraient être confiés à cette
Société. Alors, je reviens sur l'intervention que le ministre
faisait juste précédant la question qu'il posait à nos
invités. Donc, le ministre nous dit, en matière de
stratégie de mise en valeur de la main-d'oeuvre... parce que c'est
ça le programme canadien, ça s'appelle «Une
stratégie de mise en valeur de la main-d'oeuvre». Cette
stratégie de mise en valeur de la main-d'oeuvre consiste à
réorienter une partie importante des fonds de l'assurance-chômage
vers des mesures dites actives pour la main-d'oeuvre. Tous ces fonds sont
dédiés, comme on l'a déjà signalé,
uniquement pour les prestataires d'assurance-chômage. Et c'est - on le
sait maintenant - de ce côté-là qu'on va retrouver les
fonds les plus importants puisque, d'une certaine façon, le
ministère de l'Emploi et de l'Immigration du Canada diminue,
année après année, une partie de ces fonds qui sont
relayés par des fonds en provenance de la caisse
d'assurance-chômage.
Ce que le ministre nous dit c'est qu'à l'égard des fonds
fédéraux du ministère de l'Emploi et de l'Immigration du
Canada qui sont en «facing out», pour utiliser l'expression
grecque, le ministre veut réclamer l'entière juridiction. C'est
bien ça? C'est-à-dire qu'en regard de ces fonds il ne voudrait
plus que la Commission canadienne soit responsable, comme c'est le cas
présentement. La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada et
le ministère de l'Emploi et de l'Immigration sont responsables de tous
les programmes relatifs à l'assurance-chômage, à l'emploi
et à l'immigration.
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Hochelaga-Maisonneuve confond deux choses. Emploi et Immigration Canada, c'est
une chose; la Commission de mise en valeur de la main-d'oeuvre, c'est une autre
chose.
Mme Harel: Oui.
M. Bourbeau: Les fonds du gouvernement du Canada qui ne sont pas
des fonds d'assurance-chômage, les fonds gouvernementaux du
ministère fédéral, ça ferait partie du transfert au
Québec de ces fonds-là dans le dossier. Si le
fédéral se rend à nos demandes, ça ferait partie du
transfert de juridiction du fédéral au Québec en
matière de main-d'oeuvre. Le fédéral, à la fin de
l'exercice, à la fin du transfert, ne conserverait plus au Québec
aucun juridiction en matière de main-d'oeuvre.
Mme Harel: Ça, c'est quoi? C'est 138 000 000 $ à
peu près?
M. Bourbeau: Ah! beaucoup plus.
Mme Harel: C'est la formation sur mesure en
établissement?
M. Bourbeau: C'est 460 000 000 $ actuellement dans le secteur de
la main-d'oeuvre au Québec du gouvernement fédéral,
oui.
Mme Harel: Mais ça comprend les remplacements de
revenu.
M. Bourbeau: Non.
Mme Harel: Ce montant comprend des prestations pour le
remplacement de revenu.
M. Bourbeau: On ne parie pas d'assurance-chômage, on ne
parle que des fonds fédéraux de main-d'oeuvre provenant du
ministère de la Main-d'oeuvre du fédéral...
Mme Harel: Sans allocation fédérale? M.
Bourbeau: ...sans les fonds... Mme Harel: Sans allocation de...
M. Bourbeau: ...d'assurance-chômage. Quand on parle
d'assurance-chômage, c'est autre chose. Ce sont des fonds de la caisse
d'assurance-chômage et c'est avec ça que s'amuse la
société nationale de mise en valeur de la main-d'oeuvre ou la
société...
Alors, quand on parie du budget du gouvernement fédéral,
c'est a peu près 459 000 000 $, 460 000 000 $ qu'il dépense au
Québec depuis quelques années. Là-dedans, il y a de
l'achat direct. Vous connaissez un peu tous les programmes. Il y a de la
formation. Il y a aussi des
fonds pour les assistés sociaux dans l'entente qu'on a avec eux.
Nous réclamons le transfert de ça au Québec et, à
la fin du transfert, le fédéral, selon nos demandes, n'aurait
plus un mot à dire dans les programmes. Ce seraient les programmes
provinciaux, les programmes du Québec qui s'appliqueraient puis les
fonds seraient dépensés au Québec.
Si on regarde maintenant l'assurance-chômage, comme nous ne
réclamons pas le rapatriement de la juridiction
d'assurance-chômage, c'est donc dire que les normes
fédérales continueraient à s'appliquer.
C'est-à-dire que le fédéral pourrait continuer à
légiférer ou à décréter quelle serait la
période requise pour avoir droit, combien de semaines de travail,
combien de semaines de prestations, etc. Québec serait sujet à
ces normes-là, mais on demande au gouvernement fédéral de
nous transférer les fonds, la partie québécoise de ce
fonds-là. Supposons que le Québec a droit à 30 % de 20 000
000 000 $ - parce que c'est rendu 20 000 000 000 $, la caisse
d'assurance-chômage - ça pourrait être 6 000 000 000 $ qui
seraient, évidemment, déboursés en payant des prestations
d'assurance-chômage et une partie irait aussi sur la formation
professionnelle. Présentement, le fédéral perçoit
15 % ou 10 % de la caisse pour des fins de formation. Donc, là aussi, le
Québec pourrait utiliser ces sommes-là pour les mêmes
fins.
Le Président (M. Marcil): C'est des échanges
très intéressants. On pourrait toujours utiliser, poursuivre dans
d'autres...
Mme Harel: M. Geoffrion, je pense, avait un commentaire avant de
terminer.
Le Président (M. Marcil): Ça sera le dernier
commentaire parce qu'on est en train de dépasser le temps.
M. Geoffrion: Un dernier commentaire, ce ne sera pas long. C'est
qu'en fait on s'aperçoit qu'il y a énormément de sous qui
sont en jeu. On s'aperçoit qu'il y a des sous qui vont venir du
gouvernement fédéral et que ce gouvernement fédéral
a cru bon de créer un concept, une organisation dans laquelle on se
préoccupe des personnes handicapées et qui a mis en place un
financement même pour structurer l'intervention des groupes de personnes
handicapées pour rendre plus efficace la résolution de ces
problèmes-là. Ce qu'on est en train de comprendre, finalement,
c'est que le Québec veut rapatrier les budgets, veut rapatrier certains
pouvoirs, mais laisser tomber la partie clientèle et l'expertise en
termes de clientèle des groupes qui sont concernés. Mors, en
fait, on procède à un transfert de responsabilités,
à un transfert de fonds, on compose son conseil d'administration, au
niveau du Québec, selon ses paramètres et on exclut, au passage,
les groupes qu'on représente.
Alors, en bref, au niveau des obligations contractuelles du gouvernement
du Québec, les personnes handicapées ne sont pas
concernées présentement. Au niveau du plan d'embauché qui
est géré par l'OPHQ, qu'on demande d'être pris en charge
par le ministère de la Main-d'oeuvre, vous nous dites que vous allez
attendre qu'il se passe des choses et qu'on va regarder ça un peu plus
tard. On sait que les mesures, sur le plan d'embauché, dans les sept
années de croissance économique qu'on a vécues au Canada,
au Québec aussi, n'ont pas donné de résultats. On sait que
les contrats d'intégration au travail qui sont gérés dans
un programme qui est à l'OPHQ devraient aussi faire partie d'un
ministère comme le vôtre. C'est votre ministère qui est
responsable de la formation professionnelle et vous nous dites que vous allez
attendre. Alors, on attend.
Une voix: C'est ça, la consultation. M. Geoffrion: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Marcil): M. Geoffrion, M. Di Giovanni, on
vous remercie beaucoup de vous être déplacés pour
participer à cette commission parlementaire. Soyez assurés que
nous allons porter une attention très particulière à vos
propositions. Merci beaucoup. Je suspends pour une minute afin de permettre aux
invités de l'Administration régionale Kativik de s'avancer, s'il
vous plaît.
(Suspension de la séance à 21 h 13)
(Reprise à 21 h 16)
Le Président (M. Marcil): Si vous le voulez, nous allons
inviter Mme Solange Loiselle de même que M. Darky Gagné, chef du
Département emploi et formation, représentant l'Administration
régionale du Kativik. Mme Loiselle, vous êtes l'agente de liaison
avec l'Administration régionale Kativik, c'est ça?
Mme Loiselle (Solange): C'est ça.
Le Président (M. Marcil): Donc, nous vous laissons de 10
à 15 minutes d'exposé et, immédiatement après votre
exposé, nous allons procéder aux échanges.
Administration régionale Kativik
M. Gagné (Darky): Je voudrais d'abord mentionner aux
membres de la commission que ça a été impossible pour
notre président, M. Eli Weetaluktuk de se présenter ici parce
qu'il n'était pas disponible pour les audiences et pour notre membre de
l'exécutif, qui est M. Paul
Alaku, qui est aussi membre du comité d'examen du projet
Grande-Baleine du côté Inuit. Donc, les deux personnes
n'étant pas disponibles avant la première semaine de mars, ils
nous ont demandé de les représenter ici pour le
mémoire.
Il y avait aussi la question des problèmes de traduction, parce
qu'on fonctionne en inuktitut et en anglais. C'était impossible d'avoir
l'ensemble des documents traduit dans les deux langues pour faire une
présentation ici. J'ai une lettre du président ici que je vais
soumettre aux membres de la commission.
Mme Loiselle (Solange): j'aimerais peut-être vous faire
connaître, dans un premier temps, très brièvement, les
caractéristiques de la région kativik qu'on appelle le nunavik.
on a une population de 6500 habitants, en grande majorité inuit, dont la
majorité a moins de 20 ans. on a une proportion de 53, 5 % de la
population qui a moins de 20 ans. sur nos 14 communautés, nous
retrouvons de 113 à 1300 habitants par communauté, ce qui
représente, comme superficie globale, environ le tiers du québec.
trois emplois sur quatre se retrouvent dans l'administration publique et on a
aussi 53 % de nos emplois qui sont à caractère saisonnier,
à temps partiel ou occasionnel.
On a très peu de secteurs primaires. On a une mine
présentement qui est en développement. Il y a des
négociations pour Grande-Baleine, mais c'est loin d'être fait.
Notre secteur secondaire est inexistant. On n'a aucune industrie. On n'a
absolument pas de secteur secondaire, puis le secteur tertiaire, à part
des emplois dans l'administration publique, le reste se concentre dans des
petites entreprises ou des entreprises qui sont un peu plus grosses, comme Air
Inuit ou First Air, des entreprises qui appartiennent à notre filiale
Makivik. Il y a 42 % de notre main-d'oeuvre présentement qui est
importée du sud. On en est deux exemples frappants, je crois. Il y a 60
% de notre population qui a moins de neuf ans de scolarité,
comparativement à 24 % pour l'ensemble de la province de Québec
actuellement. Notre taux de sous-emploi est d'environ 26 % et touche surtout
les femmes et les jeunes.
Au niveau d'autres caractéristiques géographiques sur le
territoire, il y a l'éloignement, l'éloignement non seulement du
sud - le sud, pour nous, c'est Montréal et Québec - mais aussi
des communautés entre elles. Par exemple, nos villages sont
dispersés sur deux côtes: la côte de l'Ungava et la
côte de l'Hudson. Pour se rendre de Kuujjuarapik, de la côte de
l'Hudson vers l'Ungava, à Kuujjuaq, c'est neuf heures d'avion, ce qui
fait que ça demande une grande planification au niveau des
réunions entre organismes régionaux et entre personnes des
communautés.
Je pourrais simplement terminer en disant que la langue principale sur
le territoire est l'inuktitut. Il y a beaucoup de gens qui sont unilingues
inuktitut. Donc, autant que possible, on fonctionne en inuktitut.
M. Gagné: La langue seconde est l'anglais comme vous le
savez probablement. Si on se rapporte au texte de l'énoncé de
politique sur le développement de la main-d'oeuvre qui a
été soumis par le ministre, de notre côté, c'est
assez difficile d'être contre les grands principes qui sous-tendent cet
énoncé de politique là parce qu'on travaille dans la
région Kativik depuis une dizaine d'années dans ce sens. Quand le
ministre parle de guichet unique, nous utilisons un autre terme qui est
«réseau intégré d'emploi et formation», pour
lequel d'ailleurs on attend toujours une approbation du gouvernement provincial
concernant la signature d'une entente de transfert de responsabilités de
Emploi et Immigration Canada à l'Administration régionale
Kativik. Donc, on a déjà des démarches qui sont faites
depuis plusieurs années dans le sens de l'établissement sur le
territoire d'un réseau intégré en emploi et formation.
quand on parle de simplification des mesures, c'est évident qu'on
travaille aussi dans ce sens-là, simplification des mesures
d'employabilité. c'est impossible, sur un territoire comme le
nôtre, de maintenir deux types de programmes ou deux prestations de
programmes ou de mesures d'employabilité, une fédérale et
une provinciale. ces programmes-là doivent être adaptés aux
clientèles et aux particularités régionales qu'on vit chez
nous. d'ailleurs, dans les ententes de transfert entre emploi et immigration et
l'administration régionale kativik et ce qui est en train de se
négocier entre le mmsrfp et l'administration régionale kativik
pour ce même type de transfert de responsabilités là, on a
demandé - avec eic c'est déjà acquis, et la même
demande va être faite du côté provincial - qu'on puisse
avoir une flexibilité dans l'administration des différents
programmes et des mesures d'employabilité. donc, ça va nous
permettre justement d'avoir des mesures qui sont un petit peu plus
adaptées aux réalités qu'on vit nous autres dans le
territoire, qui sont très différentes des réalités
qu'on vit au sud. donc, c'est un autre principe qui sous-tend votre
réforme sur lequel on travaille aussi.
Concernant le principe de partenariat, bon, c'est évident qu'on
ne peut pas établir le même type de partenariat dans notre
région que celui qui est proposé dans votre énoncé
de politique, sauf qu'il existe depuis huit ans un comité de
coordination qui regroupe les principaux partenaires et qui travaille justement
dans ce sens-là. Donc, pour les principes, on travaille dans le
même sens. Par contre, dans la façon qui est proposée dans
la réforme d'appliquer concrètement ces principes-là,
c'est là que ça cause certains problèmes qu'on va
développer un petit peu plus loin.
Je voudrais juste mentionner, avant de terminer sur ce point-là,
que la clientèle, c'est-
à-dire que... Quand on lit l'énoncé de politique,
c'est sûr que, quand on parie de la clientèle ici, au sud, on
parle de problèmes de licenciement collectif, de mesures pour soulager
ce genre de problèmes là. On parle de compétences
désuètes de certains travailleurs. On parie de secteurs
industriels en perte de vitesse. Nous, dans le Nord, on ne parle pas tout
à fait des mêmes problèmes au niveau de notre
clientèle. C'est-à-dire que notre défi, c'est de former
des gens, de mieux les former dans des emplois qu'ils occupent
déjà dans les municipalités, en grosse partie. C'est
souvent aussi de transférer des compétences à des Inuit
pour des emplois qui existent présentement mais qui sont occupés
par des Blancs traditionnellement. Solange mentionnait qu'il y a plus de 42 %
des emplois qui sont dans cette situation-là.
Un autre de nos défis, c'est de former, de rendre cette
main-d'oeuvre inuit là prête pour les projets de
développement qui vont venir sur le territoire dans les années
futures. On parlait d'un projet de mine et éventuellement, par exemple,
du projet de Grande-Baleine.
Mme Loiselle (Solange): Je pense qu'au niveau du commentaire sur
le document je ne voudrais pas trop m'attarder là-dessus parce que,
finalement, je veux seulement démontrer pourquoi ça ne s'applique
pas dans la région la. Vous gardez toujours en tête les
particularités que je vous ai citées auparavant.
Je vais commencer par la société régionale. Une
société régionale, pour nous... Premièrement, les
mandats qu'on retrouve dans le document qui concerne la société
régionale, ce sont les mêmes mandats que l'ARK a
présentement en emploi et formation. On ne peut qu'être d'accord
avec ça, on n'a pas de problème là-dessus. Par contre,
naturellement, on ne pourrait pas appliquer ça sur notre territoire
parce que la composition de la Société, qui est basée sur
un modèle tripartite de syndicat, d'association patronale et de
gouvernement, ne peut pas fonctionner. Pourquoi elle ne peut pas fonctionner?
Bien, on n'a pas de syndicat, on n'a pas d'association patronale puis on
oriente notre développement des ressources humaines d'une autre
façon avec un comité où tous les organismes importants de
la région, qui sont aussi les gros employeurs, sont impliqués
dans tout ce qui concerne la «priorisation» des besoins puis le
développement des ressources humaines. On n'est pas d'accord non plus
avec la nomination des membres par le gouvernement. Ça va à
l'encontre de toute autonomie gouvernementale réclamée par les
Inuit. au niveau de la société provinciale, on ne voudrait pas,
nous autres, relever de cet organisme-là puisque sa composition, encore,
ne représentera absolument pas les intérêts de notre
région. les syndicats ne nous représentent pas et les
associations patronales ne nous représentent pas. étant
donné que, dans le document, il y a juste un petit paragraphe sur les
autochtones, bien, on a peur qu'il nous arrive la même chose avec la
société provinciale, qu'on soit noyé dans la masse, puis
qu'on ne considère pas du tout nos besoins, parce qu'on est quand
même juste 6500 habitants.
Aussi, ce qui nous fait peur là-dedans, c'est qu'on a le
même problème avec la CCQ, la représentation de la CCQ,
où on retrouve les syndicats, les patrons, où on fait des
revendications, nous autres, depuis 1984. Finalement, on prêche dans le
désert parce qu'il n'y a personne seulement qui lève le petit
doigt pour faire des dérogations mineures qui auraient besoin
d'être faites pour une minorité d'employés inuit dans notre
région.
Ça fait qu'on a peur un peu de tout ça, de ces grandes
sociétés provinciales là, gérées par des
syndicats et des patrons, qui, finalement, ne connaissent pas du tout les
besoins du territoire. Elles vont d'ailleurs élaborer des politiques qui
ne s'appliqueront pas sur notre territoire. Un peu comme - je vais parler un
petit peu plus loin des programmes - les programmes qu'on retouve d'ailleurs
dans le document.
Au niveau de la reconnaissance des compétences, on est d'accord
avec ça et on pense que c'est le temps que le gouvernement reconnaisse
l'acquisition de compétences en milieu de travail, sauf qu'on a une
grande inquiétude quant à la manière dont ça va
être fait. On aimerait être consultés au fur et à
mesure de l'élaboration de ce processus-là pour éviter les
mêmes problèmes que l'on retrouve avec la CCQ. Les dynamiques sur
notre territoire sont très différentes. L'évaluation est
faite de façon différente. On ne peut pas du tout être
normalisés avec l'ensemble du Québec. C'est un peu le
problème qu'on a dans la construction avec les carnets d'apprenti. On
est pris dans un cadre rigide. On ne vient pas à bout de faire bouger
quelque chose. C'est une bonne chose, la reconnaissance des compétences,
mais il faudrait qu'elle s'applique sur notre territoire et puis, au fur et
à mesure de son élaboration, qu'on en tienne compte.
Au niveau des programmes, malheureusement, dans les quatre programmes
proposés dans le document, il n'y a pas grand-chose qui va s'appliquer
pour nous autres. Le Programme de développement des ressources humaines
en entreprise ressemble drôlement au programme d'acquisition de
compétences qu'on n'utilise pratiquement jamais. Ce sont des besoins
spécifiques d'entreprise qui ne s'appliquent pas vraiment dans la
région. Je dis ça, naturellement, tout dépendant des
critères qui seront élaborés et dont on n'a pas encore le
détail. Le Programme d'aide aux personnes licenciées; bien
ça, il n'y en a absolument pas. Le Programme d'intervention individuelle
en développement de la main-d'oeuvre, ça nous fait penser au
programme Pénuries de main-d'oeuvre. Dépendant des cri-
tères qui seront élaborés, encore là, sur ce
programme-là, on pourra peut-être l'utiliser un peu plus que les
trois autres. Mais, encore là, ça reste à vérifier.
C'est mitigé. Au niveau du Programme d'aide aux organismes du milieu, on
va être reconnus sous peu par le gouvernement fédéral comme
collectivité désignée. On travaille depuis plusieurs
années avec tous les organismes de notre milieu. C'est un programme qui
ne pourrait pas être utile présentement pour augmenter
l'interaction des organismes dans le milieu.
Ce qu'on trouve dommage, c'est que les programmes d'employabilité
demeurent dans les réseaux centres Travail-Québec, parce que
ça détruit complètement l'effort de guichet unique qui est
d'ailleurs notre cheval de bataille. Je pense que nous autres aussi on
prône exactement la même chose. Le guichet unique, pour notre
région, c'est exactement ce qu'il nous faut. Dans ce sens-là,
d'ailleurs, Darky va expliquer un peu plus loin qu'on espérait rapatrier
les mandats aussi, les responsabilités des centres
Travail-Québec, entre autres, les programmes d'employabilité.
tantôt, à l'exposé des autres intervenants, vous disiez que
les programmes du fédéral ne suivraient pas. c'est une mauvaise
nouvelle pour nous autres parce que les programmes du fédéral
sont ceux qu'on applique le plus sur le territoire, ceux qu'on peut utiliser et
ceux d'ailleurs où on a du budget. non seulement les programmes de la
province ne s'appliquent pas, mais on n'a pas de budget non plus pour faire
quoi que ce soit. ça règle le problème. on a de grands
besoins au niveau du développement des ressources humaines, mais notre
bassin de population étant très restreint, quand vous nous
arrivez avec des programmes spéciaux de bénéficiaires
d'aide sociale, on ne peut pas les mettre sur pied parce qu'on n'a pas assez de
monde. ça fait qu'on périme des budgets que d'autres
régions, elles, ne périment pas parce que, bon, elles fittent
dans le contexte des programmes. nous autres, bien, on passe en dessous de la
table à chaque fois.
Finalement, ce dont on a besoin c'est de la latitude pour adapter les
programmes vraiment aux besoins de la région puis la possibilité
aussi de créer de nouveaux programmes, si c'est nécessaire.
M. Gagné: Je vais vous expliquer un petit peu comment
ça fonctionne. Je vais prendre cinq minutes pour vous expliquer comment
ça fonctionne sur le territoire et ce vers quoi on s'en va dans les
prochaines semaines et même dans les prochains mois. Disons que, par la
Convention de la Baie James et du Nord québécois,
l'Administration régionale Kativik a un mandat en main-d'oeuvre, en
emploi et formation, un mandat de coordination et de développement
aussi. (21 h 30)
Pour remplir ce mandat-là, comme je l'exprimais tout à
l'heure, on a un comité, qui s'appelle le Comité sur l'emploi et
la formation Kativik, qui établit justement ce genre de partenariat
là dont le ministre parle dans son énoncé de politique. Ce
comité-là regroupe des gens de l'Administration régionale
Kativik. Il regroupe des gens du Conseil régional de
développement Kativik qui représente l'entreprise privée
sur le territoire. Il regroupe des gens du Conseil régional de la
santé et des services sociaux Kativik qui regroupe tout le réseau
de la santé avec les deux hôpitaux. Il regroupe aussi des gens du
Kativik Investment Fund qui, finalement, représente le système
bancaire parce qu'il n'y en a pas, de système bancaire, dans le Nord.
Donc, eux soutiennent, finalement, le départ de petites entreprises.
Makivik est aussi représentée sur ce comité-là,
Makivik avec ses filiales comme First Air, Air Inuit. Est
représentée sur ce comité-là, la
Fédération des coopératives du Nouveau-Québec, tout
le réseau des coops au nord, et aussi l'institut culturel Avataq. La
commission scolaire Kativik est aussi membre de ce comité-là. Ce
sont tous des intervenants concernés par l'emploi et la formation et, en
même temps, les principaux employeurs du territoire, à eux seuls
regroupant - je n'ai pas de chiffre - une bonne partie déjà des
emplois qui sont dans l'administration publique.
On a négocié, il y a environ trois ans, une entente avec
le gouvernement fédéral dans laquelle entente le gouvernement
fédéral va nous transférer les fonds de programmes et les
budgets d'opération pour gérer ces fonds de programmes là.
On est toujours en attente, comme je mentionnais tout à l'heure. Cette
entente-là est liée à l'approbation du gouvernement
provincial parce que l'Administration régionale Kativik est
considérée comme une entitée municipale et provinciale. On
est toujours en attente d'une approbation du gouvernement provincial
là-dessus et il semblerait que ça devrait se régler ces
jours-ci, à ce qu'on nous dit depuis plusieurs semaines. Je voudrais
seulement mentionner qu'en attendant on perd environ 700 000 $ en fonds de
programmes à chaque année d'attente et qu'on perd 17 nouveaux
emplois qui vont être créés dans la région,
reliés à cette entente-là.
Ensuite, on a entamé avec le gouvernement provincial des
négociations - on avait une rencontre d'ailleurs ce matin - pour obtenir
le transfert des mandats des CFP et du MMSRFP sur le territoire. On gère
présentement des activités du MMSRFP et des CFP par des contrats
de services annuels. Ce qu'on veut, c'est que les ressources nous soient
transférées avec les programmes aussi, le même type de
transfert qu'on obtient du gouvernement fédéral. On demande aussi
au MMSRFP de nous donner le transfert des centres Travail-Québec pour
éviter justement de maintenir deux prestations de
service dans un territoire comme le territoire Kativik. Dans une
communauté comme Opaluk, qui regroupe 113 personnes, c'est assez
délicat de mettre un agent fédéral et un agent provincial
qui vont s'occuper chacun de deux types de programme différents.
Donc, tout ça, finalement, c'est dans le but de rationaliser
aussi l'argent et les ressources parce que déjà les centres
Travail-Québec ont des agents locaux dans la majorité des
communautés et l'entente avec EIC va nous permettre de mettre en place
des agents locaux dans l'ensemble des communautés aussi.
Pour terminer sur ce point-là, je citerais la dernière
phrase que le ministre n'a probablement pas écrite mais à tout le
moins signée: «Au terme de ce processus, il n'y aura qu'un seul
réseau de main-d'oeuvre offrant l'ensemble des services de placement,
d'aide à l'emploi, de soutien à la formation pour les individus
et les entreprises, de soutien aux organismes du milieu,
d'assurance-chômage et de création locale d'emplois.» C'est
une phrase qu'on a écrite plusieurs fois dans des documents
précédents. Disons qu'on est heureux de la retrouver dans cette
politique-là, mais c'est pour vous expliquer qu'on travaille exactement
dans ce sens-là depuis plusieurs années.
Pour ce qui est de l'assurance-chômage, seulement une
précision, c'est que le gouvernement fédéral ne nous
transfère pas les fonds d'assurance-chômage. Par contre, on va
être responsables, dans l'entente avec EIC, de tout le travail
clérical relié à l'assurance-chômage via des agents
locaux. La détermination de l'admissibilité va être faite
par EIC et le paiement des chèques d'assurance-chômage va
continuer d'être fait par EIC.
Donc, ce même genre d'entente là pourrait facilement
s'appliquer pour ce qui est des prestataires de la sécurité du
revenu, c'est-à-dire que l'ARK pourrait obtenir le mandat de tout le
travail clérical et la détermination de l'admissibilité et
le paiement pourraient continuer d'être faits par les bureaux d'aide
sociale. Merci beaucoup.
Mme Loiselle (Solange): Je pense qu'en ce qui concerne cette
proposition-là que Darky vient d'expliquer et, finalement, toutes les
solutions qu'on va proposer il y a un document qui devrait être remis au
MMSRFP et, entre autres, au SAA aussi, dans le cadre des renégociations
de la Convention de la Baie James, d'ici environ deux semaines. Je pense que
ça termine notre présentation.
M. Gagné: Un dernier petit point.
Le Président (M. Marcil): Un dernier petit point. Allez-y.
Une minute ou quoi?
M. Gagné: Oui, une minute. Pour la gestion de ces
transferts de fonds de programmes et de responsabilités, on va mettre en
place une commission de l'emploi et de la formation Kativik, une
résolution qui a été adoptée par le conseil
régional l'an dernier. Cette commission-là, pour les
durées de l'entente, parce qu'on parle d'entente de trois ans avec EIC
et l'entente avec le provincial va probablement couvrir trois ans... Pendant
les trois ans, cette commission va être sous-chapeauté par le
conseil régional de l'Administration régionale Kativik.
Après les trois ans, on verra peut-être soit à maintenir
cette structure-là ou à créer une commission
complètement indépendante qui signera les ententes avec les deux
niveaux de gouvernement, à ce moment-là.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup de cet
exposé. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, entre-temps, en ce qui
concerne les ententes à être signées avec le gouvernement
fédéral, comme vous le savez, comme vous êtes une structure
municipale ou supramunicipale, ça prend une autorisation du gouvernement
du Québec. Je note cependant que le fédéral est plus
rapide pour vous transférer des responsabilités ou des pouvoirs
qu'il ne l'est avec nous, parce que vous êtes déjà plus
avancés que nous en matière d'assurance-chômage, si je
comprends bien.
Vous avez fait des commentaires tout à l'heure sur la
générosité des programmes fédéraux. Je n'ai
jamais nié que le gouvernement fédéral a beaucoup plus
d'argent que le gouvernement du Québec dans le dossier de la
main-d'oeuvre et de la formation professionnelle, d'autant plus qu'il a
accès librement à la caisse d'assurance-chômage et d'autant
plus, également, que leur déficit est tellement plus
élevé que le nôtre aussi.
J'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup
d'intérêt. Je l'ai trouvé fort éclairant quant
à la situation particulière que vivent les communautés
inuit sur le territoire du Nunavik. Je peux dire que ça m'a porté
à réfléchir un peu sur le dossier et je peux vous assurer
que nous sommes très sensibles à vos attentes. D'ailleurs, j'ai
eu l'occasion de visiter votre territoire à quelques reprises il y a
quelques années lorsque j'étais responsable des Affaires
municipales et de l'Habitation. J'ai fait le tour, je crois, de tous les
villages à cette occasion-là.
Je crois que vous pouvez témoigner que le gouvernement du
Québec est passablement actif dans les villages qui forment l'ARK. Les
travaux qui sont effectués là à chaque année en
infrastructures municipales, la construction d'habitations que le gouvernement
du Québec effectue dans votre territoire, c'est assez impressionnant.
C'est tellement impressionnant d'ailleurs que j'ai même eu l'occasion
d'accélérer le programme de
construction de logements lorsque j'étais ministre de
l'Habitation de sorte que, d'ici peu de temps, à toutes fins pratiques,
chaque famille inuit aura sa propre résidence assez confortable et assez
bien construite. Est-ce que je me trompe en disant ça?
Mme Loiselle (Solange): Là, je ne suis pas tellement au
courant du dossier de l'habitation, mais, effectivement, ça a beaucoup
évolué. Il y a de plus en plus de gens... Disons que les listes
d'attente dans les communautés sont de moins en moins longues.
M. Bourbeau: Ces maisons-là coûtent très cher
à construire évidemment à cause de l'éloi-gnement
des lieux. Je dirais que le gouvernement du Québec fait un travail
exemplaire en matière d'habitation chez vous, en ce qui concerne les
infrastructures municipales aussi, de sorte que ça vaut la peine de le
dire. On peut parfois se plaindre quand ça ne va pas bien, mais il ne
faudrait pas hésiter à le dire quand ça va très
bien.
M. Gagné: Disons que c'est un dossier qui va assez
bien.
M. Bourbeau: C'est un dossier qui va même très bien,
je peux vous le dire. Maintenant, pour ce qui est d'une entente à
être signée entre l'ARK et le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle, je peux vous dire que je suis présentement à
examiner ce dossier qui est sur mon bureau et que je communiquerai très
bientôt à mon collègue, le ministre des Affaires
municipales, des commentaires sur ce sujet-là, des commentaires qui
seront positifs, je dois vous le dire, ce qui permettra au ministre des
Affaires municipales de faire modifier la Loi sur l'Administration
régionale Kativik afin de pouvoir donner suite à vos
attentes.
M. le Président, ne faisant pas l'objet de la présente
commission parlementaire, je pense qu'il n'y a pas lieu d'aborder davantage
cette question-là parce qu'on est là pour parler de
main-d'oeuvre. À ce sujet-là, je vous demanderais de
reconnaître mon collègue, le député de
Trois-Rivières.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Philibert: Merci, M. le Président. Dans votre
énoncé tantôt, vous avez été
catégorique. Vous avez dit: On ne pourrait pas appliquer une
société régionale à cause des particularités
de notre territoire. Ça me surprend un peu dans la mesure ou quand
même, à la page 41 de l'énoncé de politique, on
prévoit la création de sociétés autochtones qui
pourraient être constituées. Les conseils régionaux
découlant de ces sociétés régionales pourraient
avoir recours, pour approfondir leurs connaissances des besoins de
développement de la main-d'oeuvre dans les régions, à la
collaboration de comités consultatifs régionaux comparables
à ceux qui regroupent présentement les représentants
patronaux et syndicaux. Vous disiez: Chez nous, il n'y a pas de patrons, il n'y
a pas de syndicats, mais ils pourraient avoir recours quand même à
des comités qui pourraient être comparables à ceux qu'ils
regroupent présentement. Donc, c'est flexible. Je me demande comment il
se fait que vous soyez aussi catégorique et qu'il n'y ait pas une
ouverture possible dans la mesure où il y a quand même de la
souplesse.
M. Gagné: Ce qu'on dit, en fait, c'est que... Si on prend
la page 41, que vous citez, on dit: «Des sociétés
autochtones pourront être constituées, sur le modèle des
sociétés régionales», le modèle des
sociétés régionales proposé étant un
modèle tripartite. Nous, on dit que ça ne s'applique pas chez
nous, c'est-à-dire qu'on n'a pas d'associations patronales ni
syndicales. Par contre, on a déjà un comité qui travaille
depuis huit ans, qui regroupe les principaux intervenants, qui sont en
même temps des employeurs, et qui fait déjà ce
travail-là, qui agit déjà comme une société
régionale. ce qu'on veut, en fait, c'est de ne pas être
obligés de créer une nouvelle société sur le
modèle qui est proposé ici. nous on dit tout simplement: peu
importe cette réforme-là, cet énoncé de politique,
on a déjà des choses qui fonctionnent dans ce sens-là. ce
qu'on veul, c'est que ces choses-là soient tenues en compte et qu'on
puisse continuer dans ce sens-là et que ce kretc, comme on l'appelle en
anglais, le kretc, soit reconnu comme une société
régionale de développement de la main-d'oeuvre qui ne
fonctionnera pas sur le modèle tripartite parce que ça ne
s'applique pas chez nous, mais sur un autre modèle qui est adapté
à notre réalité à nous autres.
Mme Loiselle (Solange): Le problème avec ça, c'est
que les comités consultatifs régionaux, ce sont les CCR qui
existent finalement déjà dans les CFP, puis ce sont des
revendications qu'on a faites depuis 1984 aussi à l'effet qu'on voulait
avoir un statut particulier de commission d'emploi et de formation sur le
territoire justement parce que les CCR ne s'appliquent pas. On ne peut pas
avoir des comités consultatifs sur des secteurs en particulier parce que
la personne va probablement être toute seule à se parler. C'est
que le nombre ne le justifie pas. C'est très restreint. C'est
très, très restreint.
M. Philibert: Actuellement, vous devez composer avec neuf
organismes qui sont dans le domaine de l'emploi et de la formation sur votre
territoire. Compte tenu de ce que vous disiez
précédemment, est-ce que c'est exact de conclure que vous
souhaiteriez, évidemment à l'intérieur de cette
réforme-là, avoir une sorte de statut particulier dans la mesure
où on pourrait s'inspirer de la structure que vous avez
actuellement?
Mme Loiselle (Solange): Exactement.
M. Gagné: Oui, et on demande finalement que le lien avec
ce qui existe déjà chez nous ne soit pas avec la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre mais directement avec le ministère.
Mme Loiselle (Solange): D'ailleurs, s'il y a quelque chose
à prévoir dans la loi qui est proposée, qu'on le fasse
avant qu'elle soit adoptée, sinon on voit que ça prend du temps
changer des lois.
M. Philibert: Vous voulez composer avec rien de moins que le
ministre.
M. Gagné: Rien de moins.
Mme Loiselle (Solange): C'est ça.
M. Philibert: Alors...
M. Gagné: C'est pour la raison qu'on mentionnait tout
à l'heure. C'est qu'on ne voit pas - il y a une phrase sur les
autochtones dans un document de 65 pages - quelle place on pourrait avoir dans
une société québécoise de développement de
la main-d'oeuvre dans laquelle on aurait quoi, finalement, comme
représentativité, au sein de cette Société
québécoise là, dont les membres sont nommés par le
gouvernement. Quelle serait notre place en tant que groupe représentant
les Inuit du territoire? C'est pour ça que...
M. Philibert: La commission scolaire Kativik, est-ce qu'elle
transige directement avec le ministre ou s'il y a des instances
régionales où elle doit se référer?
M. Gagné: Je ne pourrais pas vous répondre pour la
commission scolaire. (21 h 45)
Mme Loiselle (Solange): La commission scolaire Kativik, à
ma connaissance, à chaque fois qu'ils ont des réunions pour des
budgets ou quoi que ce soit, ils viennent à Québec rencontrer les
gens du MEQ directement. Je pensais que c'était comme ça pour
toutes les autres commissions scolaires, par exemple. Je ne suis pas au courant
des... Eux autres, je sais qu'ils viennent directement à Québec.
Je ne pourrais pas dire si c'est normal ou pas.
M. Philibert: Merci.
Mme Loiselle (Solange): ils ne font pas affaire avec une autre
instance régionale. de toute façon, c'est la seule commission
scolaire sur notre territoire comme telle.
Le Président (M. Marcil): Je vais reconnaître
maintenant Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de saluer les représentants de l'Administration régionale
Kativik. Alors, dans le fond, vous réclamez un amendement au projet de
loi 408, amendement qui aurait pour effet d'octroyer un statut spécial
à votre territoire. C'est ça qu'il faut comprendre,
finalement?
Mme Loiselle (Solange): Oui. C'est peut-être ça que
ça prend. Peut-être que ça ne prend pas l'amendement
à la loi. Je veux dire que ça serait à étudier. Je
pense que c'est plutôt votre décision, mais ce qu'on dit c'est
que, s'il y a un amendement à la loi qui doit être fait, s'il vous
plaît, faites-le avant qu'elle soit adoptée. On va éviter
beaucoup de complications.
Mme Harel: J'ai noté que vous aviez des problèmes
avec la Commission de la construction en regard des permis des apprentis,
j'imagine pour compléter le nombre d'heures requis aux fins d'obtenir la
carte de compétence.
Mme Loiselle (Solange): Mais ce n'est pas juste ça. Aussi,
c'est que notre région est divisée en deux au niveau de la CCQ.
La côte de i'Ungava relève de la Côte-Nord tandis que la
côte de l'Hudson relève de l'Abitibi-Témiscamin-gue. Il y a
des quotas d'apprentis finalement pour chacun des territoires, mais ça
ne vient jamais dans notre territoire. Eux s'occupent de leur région
avant de s'occuper d'une qui est à des kilomètres de chez eux, et
je les comprends. On ferait probablement pareil. Sauf que nous sommes
sous-représentés pendant ce temps-là, puis on a aussi le
problème des heures, des ratios d'apprentis versus les menuisiers. Il y
a un paquet de problèmes au niveau de la construction qui va faire
l'objet de... C'est une chose qu'on va déposer au MMSRFP à part,
la construction, parce que le volet est volumineux, ça traîne
depuis longtemps puis on n'a aucune collaboration de la CCQ, vraiment
aucune.
Mme Harel: Ça relève du ministère du
Travail, à ce moment-là.
M. Gagné: Oui, on a fait des représentations
auprès de la CCQ, du conseil d'administration et du ministre du Travail,
M. Cherry, pour être entendu en septembre dernier. Finalement, on n'a
jamais eu de...
Mme Loiselle (Solange): On n'a même pas
eu de réponse.
M. Gagné: ...nouvelles de tout ça. Finalement, on
ne sait plus à quel saint se vouer ou à quelle porte cogner pour
ce dossier-là.
Mme Harel: À la page 3 de votre mémoire, au premier
paragraphe, on peut lire: «Avant la signature [...] et l'arrivée
de lois inopportunes de la CCQ, les Inuit construisaient eux-mêmes leurs
maisons. Maintenant, ce sont les allochtones». C'est une nouvelle
expression, «allochtones», que je...
Mme Loiselle (Solange): Allochtones, ce sont des Blancs, des
anglophones, des francophones.
Mme Harel: C'est une manière intéressante de dire
les Blancs. C'est ça?
Mme Loiselle (Solange): C'est ça.
Mme Harel: Alors, «les Inuit contruisaient eux-mêmes
leurs maisons. Maintenant, ce sont les allochtones qui occupent le
marché et qui sont protégés par ces employeurs et ces
syndicats qui gèrent la CCQ.» Je me posais la question en regard
de la politique de construction de logements à laquelle le ministre
faisait référence tantôt. Est-ce que ce sont des
autochtones ou des allochtones qui ont fabriqué ces maisons?
Mme Loiselle (Solange): Ce qui arrive avec la SHQ, dans les
contrats qu'elle donne aux différents contracteurs, elle a une exigence
au niveau d'un certain emploi autochtone. Je ne me souviens plus, là, si
c'est 8 %...
M. Gagné: C'est 8 % du montant total de la
main-d'oeuvre.
Mme Loiselle (Solange): C'est 8 % du montant total de la
main-d'oeuvre, justement. Ça fait que les Inuit, ils sont quoi? Ils font
du ménage, ils sont journaliers, ils font un peu à manger, ils
gardent le camp, mais ils ne sont pas nécessairement apprentis
menuisiers. Ils ne sont surtout pas apprentis en électricité.
Souvent, ce qui arrive, c'est que les contracteurs font venir de la
main-d'oeuvre du sud, souvent des gens qui travaillent au noir, qui n'auraient
même pas le droit, en réalité, de travailler. Quand un
inspecteur de la CCQ monte peut-être, je ne sais pas, une fois par
année, ne vous inquiétez pas, aussitôt qu'il
débarque à Kuujjuaq, la côte au complet le sait. Le gars a
juste à ne pas travailler. C'est aussi simple que ça.
On a demandé que ces responsabilités-là soient
transférées. À cette époque-là, on n'avait
même pas demandé de les transférer à l'ARK; on avait
demandé de les transférer aux centres Travail-Québec et il
n'en était absolument pas question de la part de la CCQ. La SHQ fait de
bons efforts depuis environ trois ans au niveau de la formation des
employés inuit. On a un programme de construction d'habitations. Elle
nous réserve des lots de maisons et c'est des apprentis, des
étudiants, c'est la commission scolaire qui gère le projet, qui
monte la maison et les jeunes, les personnes étudient en même
temps. Après ça, bien, on essaie, dans les contrats, que ces
personnes-là soient embauchées en priorité, sauf qu'il n'y
a pas de collaboration de la CCQ. Même avec la SHQ, il n'y a personne, je
pense, qui a l'air d'avoir de collaboration avec la CCQ. Elle fonctionne
vraiment en vase clos. C'est justement les petits patrons, les petits syndicats
et le reste, ça lui passe haut pardessus la tête. Ce qu'on demande
pour le territoire, on ne parle pas de 500 emplois, là, on parie
peut-être de 100 ou 200 emplois.
M. Gagné: Au gros maximum. Mme Loiselle (Solange):
C'est rien.
M. Gagné: Si on regarde le programme auquel vous faisiez
référence, on a construit de très belles maisons. On
achève en 1992. Le programme se termine. Ce sera sa dixième
année l'an prochain. On a manqué une belle opportunité, en
10 ans, de former des ouvriers de la construction qualifiés. Je pense
qu'on aurait pu, sur une période de 10 ans, avec une collaboration plus
efficace, comme Solange le mentionnait, sortir avec des ouvriers
qualifiés dans le domaine de la construction. Après 10 ans - le
programme se termine l'an prochain - on n'en a aucun, pour vous donner une
idée. C'est sûr que les maisons sont très belles et
très confortables, mais je pense qu'on a manqué une belle
occasion au niveau de la main-d'oeuvre.
M. Bourbeau: quand j'y suis allé à quelques
reprises, j'ai vu des inuit qui travaillaient sur le chantier de construction
comme apprentis, certainement.
M. Gagné: Certains apprentis, éventuellement, mais
les chiffres qu'on reçoit à chaque année de la SHQ nous
démontrent que les 8 % sont, la plupart du temps, dépensés
pour de la main-d'oeuvre inuit, sauf que, dans 90 % des cas, sinon plus, c'est
des travaux de manoeuvre non spécialisés. Ça, c'est la
réalité.
Mme Loiselle (Solange): On ne dit pas qu'il n'y en a pas, mais
disons que, dans le moment, elle est loin d'être favorisée et
ça devrait être des postes qui devraient être occupés
à 100 % par des Inuit. Il n'y a pas de raison que des Blancs montent sur
le territoire pour aller construire des maisons. C'est une chose qu'ils sont
vraiment capables de faire, vous savez. Là, le problème va se
poser encore plus et je pense qu'à un moment donné la CCQ va
devoir se
pencher sur le problème et nous écouter.
Éventuellement, avec le projet Grande-Baleine, c'est certain que les
Inuit vont exiger d'avcir le maximum d'emplois dans la construction. Je pense
que c'est légitime.
Mme Harel: Est-ce que les personnes qui habitent ces maisons sont
en mesure de les entretenir, par exemple sur le plan de la plomberie et de
l'électricité?
M. Gagné: Bien, disons que, dans chaque
municipalité, on a un responsable du «housing» qui est
financé par la Société d'habitation du Québec et
qui s'occupe, en collaboration avec la municipalité, de faire les
réparations nécessaires. Nous, à l'Administration
régionale, on a un service d'assistance technique aux
municipalités avec une section habitation qui s'occupe de donner du
support technique, justement, à ses responsables de
«housing».
Mme Harel: Tantôt le ministre vous répondait en vous
soulignant qu'il entendait transmettre une appréciation favorable
à son collègue, le ministre de l'Habitation et des Affaires
municipales, j'imagine donc responsable de l'approbation de cette entente qui
vous lierait de manière à modifier la loi constituant la
société Kativik. J'aurais aimé ça que le ministre
nous indique s'il reçoit favorablement votre demande de guichet unique,
y compris pour les centres Travail-Québec. Là, il n'a pas besoin
d'en parler à aucun de ses collègues, il a juste à s'en
parler à lui-même.
Mme Loiselle (Solange): La réponse nous intéresse,
naturellement.
Mme Harel: ii vaudrait mieux avoir une réponse ce soir que
de l'attendre. ça peut vous prendre du temps. ce n'est pas parce qu'il
n'est pas vite, mais c'est parce que vous êtes loin.
Mme Loiselle (Solange): II est occupé. C'est ça, on
est loin aussi. C'est difficile de nous rejoindre.
M. Bourbeau: M. le Président, je fais mes discussions avec
les clientèles, mais pas nécessairement par le biais de
l'Opposition officielle.
Le Président (M. Marcil): Ça va pour les
questions?
Mme Harel: Alors, si on comprend bien, il vaudrait mieux que vous
lui écriviez parce que, vous savez, tantôt, le groupe qui vous a
précédé a au moins reçu une réponse par
écrit.
Mme Loiselle (Solange): Oui, c'est ce qu'on va faire aussi,
d'ailleurs.
M. Bourbeau: J'ai donné une réponse tantôt.
Elle est verbale, mais elle est consignée aux procès-verbaux de
la séance.
Mme Loiselle (Solange): Je pense que c'est quand même un
point important que vous souligniez le transfert des centres
Travail-Québec. Je sais qu'il y a peut-être des réticences
au niveau du ministère, mais je pense que, s'il y a eu moyen de trouver
des arrimages pour l'assurance-chômage, il y a certainement moyen d'en
trouver aussi pour la sécurité du revenu. On ne vous demande
quand même pas le transfert global. On ne vous demande pas l'argent que
vous dépensez directement sur le territoire. Vous gardez
l'émission des chèques, vous pouvez garder une certaine
éligibilité. Ça, on en avait parlé avec des
représentants de votre ministère. Nous, on
préférerait pouvoir en faire le plus possible au niveau
clérical mais si, pour vous satisfaire, on devait garder un
fonctionnaire dans nos bureaux de l'ARK, on lui fera une petite place et il
statuera sur l'éligibilité des candidats au fur et à
mesure qu'on les aura. Ça pourrait toujours se faire aussi. Mais
l'important, c'est le guichet unique dans les communautés au niveau de
la population et des employeurs.
L'autre chose qui est importante pour nous... Vous soulignez que vous
allez donner un avis favorable au ministre des Affaires municipales sous peu.
Est-ce qu'on peut espérer qu'EIC ou que l'ARK, éventuellement...
enfin, que tout va être réglé pour qu'on puisse, nous
autres, mettre en opération notre entente pour le 1er avril? Le
problème qu'on a dans le moment c'est que, bon, on fait notre
recrutement, on a des gens qui vont entrer en formation le 9 mars, sauf que le
1er avril, si ce n'est pas signé avec EIC, EIC ne nous
transférera pas des fonds pour payer nos employés. Là, si
on forme des gens, on leur dit: Là, on vous forme, mais peut-être
qu'au 1er avril on ne vous embauchera pas parce qu'on ne sait pas si on va
avoir de l'argent ou pas. Pensez-vous que ça va pouvoir être
réglé pour le 1er avril?
Le Président (M. Marcil): M. le ministre va s'empresser
à répondre à vos attentes, probablement.
M. Bourbeau: Je ne peux pas donner de garanties officielles, mais
ce que je peux vous dire, c'est que c'est l'intention du ministre des Affaires
municipales de déposer un projet de loi dès la reprise de la
session...
Le Président (M. Marcil): C'est-à-dire au
début de mars, vers le 10 mars.
M. Bourbeau: ...au début de mars, projet de loi
consécutivement à ce dont on a parié tantôt. Un
projet de loi, ça peut prendre un an à passer, ça peut
prendre trois mois. Avec le
consentement de l'Opposition, ça peut prendre un jour. Est-ce que
ça pourrait être prêt pour le mois d'avril? Il faudrait
voir... Je ne sais pas ce qu'il y aura en début de session, mais il y a
toujours quelques journées de débats parlementaires en
début de session. Si vraiment c'était très urgent
là, ce n'est pas impossible qu'un projet de loi comme ça puisse
être adopté très rapidement. Ce n'est pas un projet de loi
compliqué. Il s'agit simplement de donner à l'Administration
régionale Kativik le pouvoir habilitant dans le domaine de la
main-d'oeuvre. Je pense que ça pourrait être fait rapidement.
Le Président (M. Marcil): Une dernière
question.
Mme Harel: Moi, c'est simplement pour vous féliciter
d'être venus devant la commission. En fait, vous transmettrez mes
félicitations à la direction de Kativik. Je crois que c'est
toujours très important parce que vous nous rappelez des
réalités qui sont incontournables mais auxquelles on n'a pas
nécessairement accès si on n'y est jamais allé.
Mme Loiselle (Solange): Oui, effectivement. Merci.
Mme Harel: Je vous remercie. M. Gagné: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Marcil): M. Gagné, Mme Loiselle,
merci beaucoup de votre présence. Nous ajournons nos travaux à
demain matin, 9 h 30.
(Fin de la séance à 21 h 58)