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(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour à tous et à
toutes. La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à des consultations particulières et de tenir des
auditions publiques dans le cadre de l'examen de la situation qui
prévaut à la Corporation d'urgences-santé de la
région de Montréal Métropolitain. Mme la
secrétaire, avons-nous des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci. Aujourd'hui, nous
entendrons le Rassemblement des employés techniciens ambulanciers du
Québec, le RETAQ, la Corporation d'urgences-santé de la
région de Montréal Métropolitain, le Dr Pierre Frechette.
Je vois que, déjà, les représentants du Rassemblement des
employés techniciens ambulanciers du Québec ont pris place. Je
vous rappelle la procédure. Vous avez environ une demi-heure pour nous
exposer votre mémoire et, par après, les parlementaires vont
avoir le plaisir d'échanger avec vous sur une base de temps
partagé.
M. Cotton, pourriez-vous nous présenter les gens qui vous
accompagnent, s'il vous plaît?
Auditions
Rassemblement des employés techniciens
ambulanciers du Québec
M. Cotton (Mario): Merci, M. le Président. À ma
droite, M. Gaétan Coulombe, vice-président du RETAQ; à ma
gauche, M. Uoyd Léger, ainsi que M. Marcel Lapensée.
Le Président (M. Joly): Merci. La parole est à
vous, M. Cotton.
M. Cotton: Merci. Dans un premier temps, nous aimerions souligner
une situation qui nous a pour le moins laissés perplexes. En effet, le
jeudi 5 décembre dernier, nous avons été
étonnés de recevoir une convocation qui nous invitait à
venir faire nos représentations ici aujourd'hui, cette demande
étant entrée à nos bureaux par télécopieur
au moment même de notre retour d'une rencontre avec les autorités
du ministère où, essentiellement, les mêmes questionnements
nous étaient soulevés. Était-ce là une
stratégie pour permettre à Urgences-santé de
préparer le questionnement d'aujourd'hui? Pour cela, une réponse,
qui laisse à tout le moins penser qu'Urgences-santé est
inquiète face à ses différents groupes qui oeuvrent en son
sein. Mais qu'à cela ne tienne, si cette journée permet de faire
un pas de plus vers l'avant, nous sommes prêts et disposés
à y participer.
Dans ce cadre, une première remarque générale nous
permettrait de positionner le RETAQ dans toute cette question de réforme
touchant Urgences-santé. C'est sûrement le manque ou l'absence de
consultation de la part des autorités et, plus précisément
dans ce cas-ci, de la part d'Urgences-santé à qui la tâche
en avait été dévolue; en effet, le RETAQ étant le
représentant des vrais intervenants, des vrais dispensateurs de services
auprès de la population que sont les techniciens ambulanciers. Nous
pouvons toujours nous questionner aujourd'hui sur la pertinence d'avoir des
infirmières à la réception d'appels, nous pouvons toujours
nous questionner d'avoir des médecins sur la route, nous pouvons
toujours nous questionner de remplacer les répartiteurs par un
ordinateur, mais une chose est certaine, nous aurons toujours besoin de
techniciens ambulanciers. Peu importe si on redéfinit leur rôle,
il en restera que la présence des techniciens ambulanciers sera toujours
nécessaire. Mais pourtant, une chose assez incroyable, on décide,
on planifie, on projette un fonctionnement qui les englobera sans les
consulter, sans leur demander leur avis, eux qui, pourtant, possèdent
l'expertise qui permettrait d'engendrer des solutions aux problèmes les
plus criants évoqués lors de cette réforme.
Donc, nous ne pouvons que présenter nos commentaires sur les
points les plus criants et plus aigus, avec une vision de praticien et non pas
de théoricien.
Quant à la réception des appels à
Urgences-santé, depuis longtemps le RETAQ souhaite une réforme en
profondeur à ce chapitre des opérations à
Urgences-santé. En effet, par la pratique de tous les jours, nous avons
été à même de constater les délais de
plusieurs minutes engendrés par une évaluation
téléphonique souvent décriée comme de la
médecine au téléphone, et ce, pour être, à
plusieurs reprises, arrivés auprès de patients qui avaient eu
à téléphoner ou à requérir les services
d'Urgences-santé et qui s'étaient fait répondre par des
conseils judicieux, par une évaluation médicale orientée,
et qui, après l'évolution de leur pathologie, s'en trouvaient
d'un diagnostic de toute autre nature. De plus, pour juger de cette
problématique, il faut être à même de comprendre ou
de visualiser ou encore de concevoir l'état dans lequel, se retrouve
l'appelant. Combien de gens avons-nous transportés qui n'étaient
point capables de décrire adéquatement leurs
signes et symptômes, soit par méconnaissance ou encore par
gêne et indisposition à exprimer clairement leurs
problèmes, entre autres par orgueil? Combien de fois avons-nous
rencontré un homme dans la quarantaine en parfaite forme jusqu'alors,
soudainement en diaphorèse, nous décrivant sa douleur
rétrosternale comme une mauvaise digestion? Une grand-maman ou un
grand-papa en train de nous décrire son rhume d'estomac ou, tout
simplement, nous décrivant un mal, une douleur, une sensation qui n'a
rien à voir avec la douleur ou le siège de la douleur
réelle? Comment peut-on s'imaginer, avec les guides d'évaluation
les meilleurs ou avec les recettes d'évaluation les meilleures qui
soient, être capable de faire l'évaluation de ces patients au
téléphone, sans risquer leur vie?
Il ne s'agit pas là de faire le choix entre une
infirmière, un médecin, un technicien ambulancier, un
répartiteur, ou encore M. Tout-le-Monde, pour faire la réception
de ces appels. Il ne s'agit pas de titre d'emploi, il ne s'agit pas de groupe,
il s'agit de fonction. Il est vrai, à notre avis, que de placer une
infirmière ou un médecin dans cette position qu'est celle de
recevoir les appels d'urgence, c'est d'user de compétences
surqualifiées pour le travail qu'on a à demander à ce type
de personnel. Quant à nous, le personnel idéal pour faire la
réception des appels à Urgences-santé ou dans tout autre
centre de répartition médicale préhospitalier d'urgence,
vous allez naturellement dire que nous prêchons pour notre paroisse, mais
qu'à cela ne tienne, le technicien ambulancier serait le niveau de
personnel idéal pour répondre à cette fonction.
Pourquoi un technicien ambulancier? Afin qu'il ait une conception de ce
que l'appelant décrit. Si le receveur de l'appel peut se transposer
à côté du bénéficiaire par son
expérience, il aura une évaluation téléphonique
sûre. Donc, nous pensons réellement que les autorités
doivent continuer à aller de l'avant dans l'implantation de cette
réforme qui, à notre avis, réparera un accident de
parcours qui, à son tour, avait engendré une réception
hautement surmédicalisée, où les centres hospitaliers et
les CLSC se sont déchargés de leur rôle d'information
médicale qu'ils effectuaient auparavant, et qui fit en sorte que les
gens n'appelaient plus Urgences-santé pour une ambulance parce que
c'était urgent, mais appelaient pour savoir combien d'aspirines donner
à leur enfant, à deux heures du matin; quel dentiste était
ouvert; si tel ou tel médicament faisait effet pour telle ou telle
maladie, etc. Donc, il est important de ramener la réception d'appels
d'Urgences-santé à un mode beaucoup plus simple, un mode de base
d'évaluation sans carnet compliqué avec du gros bon sens, comme
ça s'est toujours fait et comme ça se fait un peu partout
à travers le monde.
Quant à Info-Santé, vu le type de réception
d'appels utilisé par Urgences-santé et opérationa-
lisé depuis 1981, ce mode a développé un besoin
auprès de la population, celui de la consultation médicale
téléphonique. Nous pensons que cette présente
réforme doit compenser en instaurant Info-Santé où les
infirmières et les médecins pourraient donner des conseils
à la population qui est desservie. Nous croyons que c'est un besoin
utile qui évite beaucoup un surachalandage de nos centres hospitaliers
et autres ressources du réseau.
Médecins, oui ou non. Depuis 1978, la population du Grand
Montréal métropolitain, soit les lies de Montréal et de
Laval, a un niveau de qualité de services supérieur à
l'ensemble des services de soins préhospitaliers d'urgence de la
province de Québec. Pourquoi? Parce que depuis 1978, l'existence de
Télé-Médic a engendré un système de
médecins mobiles appelés à répondre aux appels
d'urgence, de concert avec des équipes de techniciens ambulanciers,
équipe appelée auprès de bénéficiaires, en
urgence, afin de stabiliser et alléger l'aggravation de leurs
traumatismes. Depuis lors, avait été reconnue la
nécessité de maintenir ce service indispensable à la
population. En 1981, lors du sabordage de Télé-Médic par
les autorités de l'époque et avec la naissance
d'Urgences-santé, on perpétua et institutionnalisa, pour employer
ces termes, les médecins d'urgence en préhospitalier. Comment se
fait-il qu'aujourd'hui on remette en question leur présence?
Question de coûts? Difficile à croire. Un médecin
coûte annuellement la même charge sociale; peu importe s'il
travaille à Urgences-santé, en cabinet privé ou en centre
hospitalier, son salaire sera le même.
La pertinence de leur présence? Aucune démonstration n'est
maintenant à faire à ce sujet; les preuves sont faites. Donc,
pourquoi, aujourd'hui, veut-on enlever les médecins à la
Corporation d'urgences-santé? Ce sera à vous d'y répondre.
Ce que nous savons, nous, comme techniciens ambulanciers, qui sommes les vrais
intervenants, nous le sommes aussi avec les médecins de la Corporation
qui sont aussi des vrais praticiens de la route avec qui nous formons
réellement, et avec eux seuls d'ailleurs, ce qu'on appelle à
Urgences-santé l'équipe soignante. Le "team" existe à
Urgences-santé entre les médecins et les techniciens
ambulanciers.
Les médecins ont aussi permis de profes-sionnaliser les
techniciens ambulanciers par un apport constant d'éléments de
formation sur le terrain. Contrairement à bien des systèmes
canadiens, les techniciens ambulanciers d'Urgences-santé pratiquent, sur
95 % de leurs appels, à l'évaluation de leurs
bénéficiaires, soit l'histoire de cas, la prise de signes vitaux,
tout ce qui fait en sorte d'être capables de comprendre ce qui arrive
à leurs patients afin d'être capables de leur apporter les soins
auxquels ils ont droit. Cela est dû à la présence des
médecins. Aujour-
d'hui, qu'on remette en question leur présence et qu'on annonce
déjà l'heure de leur disparition, ça nous apparaît
tout à fait loufoque et dangereux.
Dans quelques années, quand réellement les
autorités gouvernementales auront mis leurs culottes afin que soit
dispensée la formation aux techniciens ambulanciers et que cette
formation sera acquise, pas en cours d'acquisition, mais acquise, nous pourrons
alors faire un grand forum de tous les vrais intervenants du milieu avec les
autorités et nous pourrons alors nous questionner sur le rôle du
médecin dans un service d'urgence de soins préhospitaliers, un
rôle que nous pourrions envisager dès maintenant, comme leader
médical, comme chef d'équipe médical. Aujourd'hui, s'il
vous plaît! ne touchez pas aux médecins; grâce à eux,
les techniciens ambulanciers évoluent dans un contexte de savoir
médical, de connaissances médicales, et ils permettent aussi
à un très grand bassin de population d'avoir des soins de haute
qualité, ils permettent de sauver des vies, ils permettent aussi
à la Corporation d'urgences-santé de se comparer, donc
d'améliorer sa performance, en équité avec les meilleurs
systèmes à travers le monde.
Enfin, vous qui décidez ou qui aurez à décider, ne
vous laissez pas influencer par les autres groupes de pression qui jalousent
les médecins d'Urgences-santé parce qu'ils n'ont pas eu, eux,
à participer à la vraie pratique des soins
préhospitaliers, les vrais soins préhospitaliers d'urgence au
Québec qui sont dispensés à Urgences-santé. Laissez
donc aller ce qui fonctionne et attaquez-vous plutôt à ce qui ne
fonctionne pas ou ce qui est déficient.
Système de communications. Les énoncés de la
réforme à Urgences-santé ont éveillé
auprès de la direction une vieille question que sont les communications
avec ses intervenants sur le terrain. En toute hâte, l'été
dernier, suite aux sorties de De Coster, le ministre demanda d'équiper
les techniciens ambulanciers d'un système de communications permettant
de les rejoindre en tout temps dans l'éventualité de sinistre
majeur ou de catastrophe. Naturellement, pour nous, le système de
communications portatif devrait non seulement permettre à la
répartition de rejoindre les techniciens ambulanciers pour de telles
éventualités, mais aussi permettre aux techniciens ambulanciers
de rejoindre la répartition ou un centre de communications mobile lors
d'interventions majeures afin de rendre la coordination des activités
réalisable sur un tel site. Vous avez juste à vous rappeler les
événements de la Polytechnique où, après être
entrés à l'intérieur du périmètre de
sécurité, les effectifs médicaux n'étaient plus
sous aucune gestion de sinistre vu l'absence de
télécommunications. Qu'est-ce qui arriverait aujourd'hui? Est-ce
qu'encore une fois l'on ferait porter le blâme aux techniciens
ambulanciers? De plus, un vrai système de communications portatif
devrait nous permettre de communiquer avec notre centre de répartition
pour l'ajout d'effectifs lors de nos interventions, la demande d'assistance
policière lors d'interventions à haut risque d'agression
auxquelles nous avons de plus en plus à faire face, en cela notre
conception d'un système de communications portatif.
L'été dernier, lorsque nous avons vu apparaître la
demande du ministre, nous avons bien cru que, pour une fois, quelqu'un avait
constaté l'urgence et la pertinence de tels équipements tels
qu'en possèdent les pompiers, les policiers pour leurs
différentes interventions. Mais non! Encore une fois, on a réussi
à nous passer des lanternes pour des vessies. On a trouvé un
moyen adapte à la demande du ministre, soit l'utilisation de
téléavertisseurs qui ont une capacité très
très très limitée, entre autres, de ne recevoir les
données que dans un seul sens, tel que le sont malheureusement beaucoup
de communications à Urgences-santé.
Transport urgent versus transport non urgent. Le profane ou le
non-praticien en perd souvent son latin à entendre parler de la
séparation de la flotte en transport urgent et non urgent. En effet, la
dissociation entre transport urgent et non urgent est beaucoup plus complexe
que d'en faire un simple énoncé. Dans un premier temps, ils
devront catégoriser les appels en différents groupes: l'appel du
domicile, en urgence; l'appel des établissements du réseau
à être effectué en urgence; l'appel des domiciles pour des
visites cliniques, ainsi que l'appel pour les établissements du
réseau pour des visites cliniques, aussi appelées appels
interétablissements.
À Urgences-santé, vers les années 1986-1987, nous
avons vécu une opérationalisation des ressources terrain en deux
flottes, soit une affectée à lïnterétablissements
pour les appels dits non urgents et une seconde flotte affectée aux
appels d'urgence, les urgences vitales, les vraies. Rapidement cette situation
a généré différents problèmes. Entre autres,
en ayant utilisé le même nombre de véhicules pour les deux
opérations, il s'en est trouvé un temps-réponse
augmenté vu la diminution des effectifs à l'urgence et la
non-possibilité d'utiliser les opportunités. Les
opportunités, c'est simplement de se servir de l'ambulance la plus
près au moment où survient l'appel. Par exemple, le
système de répartition étant ainsi affecté à
deux opérations différentes, et au moment où survenait un
appel d'urgence près d'un lieu donné, si l'ambulance qui se
trouvait à ce lieu était une ambulance du groupe
interétablissements, nous ne pouvions utiliser ce véhicule parce
que le répartiteur ne l'avait pas à sa disposition dans sa
gestion d'appels. À ce moment, il devait faire appel à une
ambulance qui, souvent, était beaucoup plus loin que l'ambulance
affectée à l'interétablissements, et ce, pour les appels
non urgents eu égard aux appels urgents.
Une autre problématique générée
par ce type d'opération est une dégradation non
négligeable de l'intérêt porté par les techniciens
ambulanciers à faire un travail pour lequel ils n'avaient pas choisi de
faire carrière, soit celui de faire du transport horizontal, et surtout
uniquement du transport horizontal.
Par contre, si la volonté gouvernementale est
d'augmenter la flotte de plus de la moitié de ses effectifs afin de
créer réellement une nouvelle flotte affectée à
l'interétablissements, que l'on demande au personnel désireux de
se porter volontaire d'être affecté à cette
opération, sans toutefois diminuer fa flotte actuelle, que l'on comble
le manque d'effectifs de la flotte des appels non urgents par des ouvertures de
nouveaux postes et, enfin, que le gouvernement et les autorités soient
intéressés à injecter les fonds nécessaires
à une telle opération, naturellement, dans ce cas, il y aurait un
avantage certain à permettre l'implantation de ce type
d'opération spécialisée.
De toute façon, un élément important
est à considérer en parlant de réformer l'opération
appels urgents-non urgents. C'est celui de ne jamais perdre de vue que les
patients transportés en interétablissements non urgents sont des
gens qui ont besoin d'une assistance médicale, des gens à
risques, moins élevés, nous le concevons, mais quand même
à risques, sinon ils ne seraient pas hospitalisés, et que peu
importe la solution retenue, des guides très stricts, des règles
très sévères devront être imposées aux
décideurs d'utilisation de ce type de transport parallèle afin
d'éviter que l'on choisisse un risque plus élevé pour un
bénéficiaire, en compensation d'un coût moins
élevé et à la merci du budget du centre hospitalier
requérant.
Nous tenons à souligner et à renforcer cette
affirmation, car nous avons souvent vu des gens transportés dans des
fonds de boîte de camion non aménagée, ou dans des taxis
avec un sérum physiologique en fonction, ou encore un patient en
jaquette d'hôpital monter à bord d'un taxi, il y va là
d'une pratique indécente pour un système de soins tel que le
Québec en est doté.
Relations du travail à Urgences-santé. Nous
profitons de l'occasion de la tenue de cette commission parlementaire pour les
souligner, même si cela ne fait pas partie explicitement des
éléments de la réforme annoncée par le ministre,
mais ce qui, à notre avis, englobe l'ensemble des opérations
d'Urgences-santé en ce que sont et ce que doivent être les
relations du travail à la Corporation. Naturellement, le fait de n'avoir
plus qu'un seul employeur maintenant, qu'est la Corporation
d'urgences-santé, contrairement à l'époque où nous
en avions 18, donc autant d'employeurs, autant d'interprétations et,
surtout, autant de caractères... Oui, depuis cette époque, les
relations du travail dans le système préhospitalier de
Montréal se sont améliorées. Par contre, au cours des
derniers mois, nous avons senti une dégradation dangereuse. En effet, la
Corporation est en train de détruire le moral, de détruire
l'énergie de ses techniciens ambulanciers. À ce jour, plus de 200
griefs et plus d'une quarantaine de suspensions et congédiements sont
à la solde des ressources humaines d'Urgences-santé. Depuis
quelques mois, un climat de terrorisme disciplinaire s'est installé. Il
n'est pas dans notre but de dire que les techniciens ambulanciers
concernés sont tous blanc comme neige, mais nous voulons quand
même souligner que la Corporation d'urgences-santé ne devrait pas
traiter de mesures disciplinaires au simple visionnement des nouvelles de 17
heures. En effet, des mesures disciplinaires ont été
initiées à la simple vue de clips pris lors d'interventions de
techniciens ambulanciers sur la route, où l'on voit possiblement un
technicien ambulancier en train de commettre une erreur, on initie
là-dessus une mesure disciplinaire sans même avoir eu la
décence de rencontrer les techniciens ambulanciers pour leur poser les
questions pertinentes à leur cas. (10 heures)
Sous un autre angle, nous pensons que l'approche
disciplinaire dans les cas de pratique médicale déficiente est
tout simplement inconcevable. Nous avons souvent souligné à
Urgences-santé qu'une approche formatrice devrait remplacer l'approche
disciplinaire, surtout dans ces cas.
Si des mesures importantes au niveau des relations du
travail ne sont pas mises en place dès maintenant, nous n'en faisons pas
la menace, mais notre évaluation à la lumière des derniers
mois nous laisse croire que les situations conflic-tuellles que nous avons
déjà rencontrées dans le passé à
Urgences-santé seront de retour. C'est pourquoi nous soulignons qu'il
est urgent d'agir. Nous ne voulons pas que soit perpétué le
passé.
Formation des techniciens ambulanciers. Depuis les tout
débuts, à la naissance même des syndicats de techniciens
ambulanciers au Québec, ce qui fut d'ailleurs l'une de leurs
premières revendications, la volonté des techniciens ambulanciers
d'acquérir une formation supplémentaire... depuis ce temps, bien
peu de choses se sont produites au Québec. Pourtant, beaucoup d'annonces
de la part des autorités, beaucoup d'annonces ministérielles,
beaucoup d'écrits, beaucoup de comités se sont penchés sur
cette question, mais jamais, jusqu'à ce jour, les autorités n'ont
donné le coup de barre nécessaire afin que soit dynamisée
la formation des techniciens ambulanciers.
Naturellement, Urgences-santé, de par ses budgets et
suite au contenu du rapport Marois de 1985, a procédé à
élever la formation de tous ses techniciens ambulanciers à 336
heures. Pour le reste du Québec, la règle écrite est
encore de 150 heures. Les syndicats, les techniciens ambulanciers revendiquent
un niveau de base sans même contenir d'actes à caractère
invasif ou plus précisément d'actes à caractère
délégué, consi-
dèrent qu'un niveau minimal acceptable serait de 825 heures, soit
le nombre d'heures requis dans l'obtention de l'attestation d'études
collégiales, dans l'espoir qu'un jour, enfin, un diplôme
d'études collégiales soit disponible en techniques
ambulancières au Québec.
Encore une fois, jusqu'à ce jour, et contrairement à
beaucoup d'autres secteurs, là où ce sont les employeurs qui
revendiquent la formation... mais, dans le cas des techniciens ambulanciers,
c'est l'employeur qui fait tout en son pouvoir pour éviter qu'une telle
formation soit dispensée. Nous savons tous que la réforme
provinciale annoncée dans le cadre du système ambulancier fera en
sorte que, dans quelques mois, le ministre annoncera différents
éléments concernant les techniciens ambulanciers. Mais nous
tenons à souligner dès aujourd'hui que, peu importent les
décisions prises, la formation sera élevée de toute
façon. Jusqu'à quel niveau? Impossible de le dire aujourd'hui,
mais ce sera élevé. Donc, sans prendre de risque aujourd'hui, les
autorités pourraient enclencher la formation et la dynamiser en mettant
les ressources nécessaires à sa disposition.
Nous tenons à rappeler que, simplement au niveau de la
réanimation cardiorespiratoire, les techniciens ambulanciers du
Québec n'ont pas été recertifiés depuis plus de
trois ans, alors que la Fondation canadienne des maladies du coeur ainsi que sa
section québécoise recommande une recertification minimale
à chaque année pour les non-praticiens, tandis que, de leur
côté, les spécialistes en enseignement en techniques
ambulancières parlent d'un minimum de recertification à tous les
deux ans pour les techniciens ambulanciers. Il est inconcevable que les
autorités gouvernementales cautionnent et surtout engendrent une telle
négligence quant à la formation.
En conclusion, nous sommes conscients qu'il est important de remettre en
question nos organismes publics tels que la Corporation
d'urgences-santé. Mais faisons attention à une chose, celle de ne
pas saborder ou d'oublier l'excellent travail fait par l'ensemble des
intervenants à l'intérieur de ses organisations. À
Urgences-santé, malgré les problèmes qui s'y vivent,
malgré les situations engendrées à l'intérieur
d'une jeune corporation telle qu'Ur-gences-santé, en comparaison avec ce
qui existe ailleurs au Québec, Urgences-santé peut en sortir la
tête haute et fière. Malgré les critiques que nous avons
apportées, les quelques critiques ou questionnements que nous voulons
constructs à l'intérieur de ce mémoire, nous voulons
souligner par-dessus tout que nous sommes fiers comme techniciens ambulanciers
de faire partie de la Corporation d'urgences-santé et que les
éléments que nous avons apportés s'Inscrivent en ce
sens.
Nous demandons donc aux autorités et décideurs de
permettre à Urgences-santé de vivre, de continuer à
évoluer et de lui laisser prendre ses décisions, et aussi de la
copier dans les autres régions du Québec, car nous croyons que
tous les citoyens du Québec méritent un tel service. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Cotton. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Matapédia. M.
le député.
M. Paradis (Matapédia): Oui, merci, M. le
Président. Tout d'abord, pour répondre à votre
première impression dans le premier paragraphe où vous dites que
vous avez été convoqués sur le tard un petit peu,
après avoir rencontré le ministère, il faut bien
comprendre que la commission des affaires sociales, c'est une commission
indépendante du ministère. C'est une commission composée
de parlementaires qui, lors d'une séance de travail le 4
décembre, ont convenu d'entendre les différents intervenants
d'Urgences-santé. Alors, ça n'a rien à voir avec les
consultations que le ministre a pu faire à l'intérieur du
ministère en vous convoquant de toute façon. Ceci étant
dit, ces invitations-là ont été faites par le biais de
notre secrétaire et j'espère que tout s'est fait dans les
règles de l'art.
Je voudrais aussi, comme premier commentaire, excuser notre ministre qui
est aux Îles-de-la-Madeleine pour faire des consultations et des annonces
intéressantes, je l'espère bien, pour les gens des
Îles-de-la-Madeleine. Alors, ce n'est pas son manque
d'intérêt pour les groupes que nous allons recevoir aujourd'hui,
mais ce sont ses obligations ministérielles.
Ceci étant dit, je trouve quand même intéressant
que, dans votre conclusion, vous souligniez, jusqu'à un certain point,
votre fierté de faire partie d'Urgences-santé malgré les
problèmes rencontrés. Je trouve ça intéressant de
voir que, malgré les difficultés de travail qu'on nous a
mentionnées - pas juste par votre groupe, mais par d'autres groupes -
vous avez cette volonté de faire avec Urgences-santé ce qu'elle
doit faire, c'est-à-dire desservir le citoyen et la citoyenne. Ce qui
m'amène à ma première question. Les autres groupes ont
été beaucoup plus souples en ce qui concerne, entre autres, les
appels téléphoniques, où on défendait,
jusqu'à un certain point même, que ce soient les
infirmières qui les fassent, et vous, vous nous dites: Non, ça
devrait être les techniciens. J'aimerais vous entendre davantage
là-dessus.
Le Président (M. Joly): M. Cotton.
M. Cotton: Bien, c'est assez simple. Contrairement,
peut-être, aux autres groupes, c'est les techniciens ambulanciers qui
arrivent dans les maisons et qui mangent le voyage de la part des citoyens.
Lorsqu'on arrive dans les domiciles et que les gens ont appelé quatre,
cinq fois à
Urgences-santé, et que les trois, quatre fois avant d'avoir eu
l'ambulance, ils se font dire: Écoutez, prenez donc un petit bout de
temps, là, puis ça va peut-être se calmer, ou: Vous n'avez
pas moyen d'y aller par vos propres moyens à l'hôpital? on pense
que ça, c'est dangereux. On ne peut pas quantifier, nous autres, le
nombre de fois qu'on est arrivés dans les maisons et que la personne
était en arrêt cardiorespiratoire, parce qu'on n'a pas toutes les
données statistiques et, d'ailleurs, il n'y a personne qui peut les
avoir. Quand la personne a appelé deux, trois fois auparavant a
Urgences-santé pour se faire dire: C'est peut-être juste votre
digestion - et on sait, parce qu'on rencontre souvent des patients, un peu
comme on le souligne à l'intérieur du document, que l'orgueil,
surtout dans le cas des hommes qui ne veulent pas avouer qu'ils ont une douleur
rétrosternale ou qui ont peut-être quelque chose en-dedans qui ne
marche pas, bien, souvent, ils vont dire à leur famille: Ah non! c'est
ma digestion, ou: Non, je n'ai rien; ne me transporte pas sur la
civière, je suis capable de me rendre... Bien, c'est des gens qui vont
appeler par inquiétude à Urgences-santé, mais la
première chose qu'ils disent à l'infirmière, c'est: Ce
n'est rien, c'est une petite affaire, j'ai déjà eu ça
auparavant, mais ça s'est passé, puis... C'est difficile pour
quelqu'un - et on souligne bien que ce n'est pas une question
d'infirmières ou de médecins - au bout de la ligne, d'être
capable de comprendre et de visualiser toutes ces situations-là. Et tu
as beau avoir le document le mieux fait, la maille la plus serrée, si tu
n'as pas des gens qui vont voir sur les lieux, bien, tu risques d'en
échapper quelques-uns et, dans ce cas-là, ce n'est pas des
boutons à quatre trous, c'est des patients, c'est des êtres
humains et qui en meurent. C'est par l'expérience des techniciens
ambulanciers qu'on est à même de constater ces
situations-là quand on arrive dans les domiciles. C'est pour ça
qu'on comprend que le système doit être ramené à un
système de base, tel qu'il en a existé auparavant et tel qu'il en
existe partout à travers la province de Québec.
M. Paradis (Matapédia): La direction
d'Ur-gences-santé, hier, nous apprenait ou nous disait que le temps de
réponse entre un appel et la présence des techniciens, où
le répartiteur dit qu'il faut un déplacement, que ça
prenait une minute et qu'en six minutes on se rendait au domicile. Est-ce que
vous jugez ça correct?
M. Cotton: Le temps externe est de cinq minutes à
Urgences-santé; le temps de transmission est d'une minute, mais le temps
de triage d'appels, des appels qui sont vraiment envoyés - parce que je
vous ai parlé aussi des autres appels où on dit à la
patiente de prendre son mal en patience ou d'essayer par elle-même
d'aller à l'hôpital; ceux-là, on ne les quantifie pas, par
exemple... Et le temps que l'infirmière réponde...
Premièrement, l'appel rentre du 911, donc il y a un premier
répondant au 911 qui décroche la ligne, et là, la
personne, tout dépendant de sa facilité à s'exprimer, va
commencer à expliquer au gars du 911 ou à la fille du 911 ce
qu'elle a. Du moment qu'on s'aperçoit que c'est médical, on
pèse sur "transfert d'appel", ça s'en va à
l'infirmière d'Urgences-santé et là, l'infirmière
d'Urgences-santé dit: Bonjour, madame, bonjour, monsieur... Là,
le questionnement commence. Mais ce temps-là, où est-il? Sur le
triage interne? Est-ce qu'on le prend à partir du moment où
l'infirmière décroche? C'est ça, le temps de
réponse. Mais la première partie du 911, ça non plus, on
ne le fait pas.
M. Paradis (Matapédia): Comme ça, vous êtes
d'accord pour séparer Info-Santé du 911...
M. Cotton: Tout à fait.
M. Paradis (Matapédia): ...d'Urgences-santé.
M. Cotton: Tout à fait, parce que, avant et ailleurs au
Québec, à part Urgences-santé, quand les gens appellent
pour avoir une ambulance, ils n'appellent pas pour avoir une information
médicale, parce qu'ils savent que les gens qui répondent aux
appels sont là pour envoyer des ambulances. Ça fait qu'il faut
ramener la notion du système d'urgence aux vraies urgences, pas à
toutes sortes d'autres affaires. Essayez, à Montréal, de
téléphoner à un hôpital dans le milieu de la nuit
pour avoir une information médicale. La première réponse
qu'ils vont vous faire, c'est: Téléphonez à
Urgences-santé, ils vont vous donner l'information. Avant, ils faisaient
ça dans les hôpitaux. Quand vous appeliez, avant
Urgences-santé, dans les hôpitaux, l'infirmière ou le
médecin vous donnait l'indication dont vous aviez besoin. Maintenant,
ça ne se fait plus. On dit: Téléphonez à
Urgences-santé, eux autres, Ils vont vous répondre. Mais
là, il s'est développé un système parallèle
où il y a une demande. Je pense que la demande est d'à peu
près 200 000 appels par année des citoyens, et juste pour
information médicale, qui ne se traduisent pas en transport. Donc, c'est
des gens - il y a un besoin là - qui seraient normalement
acheminés dans les hôpitaux, parce que les citoyens ont besoin de
ressources. Étant donné qu'on a habitué le citoyen
à ça, c'est bien difficile aujourd'hui d'enlever quelque chose.
Ça fait que c'est important, aujourd'hui, de créer
Info-Santé pour compenser un mode plus simple de réception
d'appels.
M. Paradis (Matapédia): Et pour réduire votre temps
d'intervention et éviter ce que vous appeliez tout à l'heure le
temps de réaction, compte tenu qu'il faut passer par 911 et, par la
suite, par l'infirmière, que pensez-vous de l'implantation du
Clawson?
M. Cotton: Écoutez, le système Clawson, appelez-le
comme vous voulez... Quand on parie de système réduit au niveau
des outils d'évaluation, bon, par rapport aux grilles qui ont
déjà existé à Urgences-santé, qui ont fait
un bout et qui ont été abolies parce que c'était trop
compliqué, Clawson, c'est une autre forme de grille, d'arbre de
décision plus simple. Mais ça s'est déjà fait sans
arbre de décision, sans dépenser d'argent pour ça et il y
avait des gens qui, avec leur gros bon sens, quand ils savaient que
c'était un appel au moindre risque, envoyaient un effectif sur les
lieux. C'est la meilleure façon de le savoir. Avant même de
toucher à ça, il faudrait peut-être avoir un système
de visualisation spatiale, à savoir où sont les ambulances sur la
route, ce qu'on appelle la répartition assistée par ordinateur,
où, là, le transfert d'appel et le suivi du guide de route
seraient informatisés. Juste le temps que l'ambulancier reçoive,
à bord de l'ambulance, l'appel du répartiteur, que le
répartiteur réussisse à avoir les ondes et qu'on puisse
affecter à l'ambulancier l'appel, bien, il y a a peu près une
minute, une minute et demie de délai, juste pour transmettre l'appel.
Après ça, l'ambulancier doit chercher, parce qu'on n'est pas
sectorisé, ça, c'est un grand problème aussi, parce que si
tu es sectorisé, bien, tu connais le sens de tes rues, tu connais les
raccourcis. Mais là, à Urgences-santé, tu te
promènes dans deux Iles. Tu commences un matin dans le nord de Laval et
tu finis à Sainte-Anne-de-Bellevue ou dans l'est de la ville. Tu ne sais
pas où tu finis. Ça veut dire que tu couvres les deux îles
au complet. Tu n'as pas de territoire sectorisé comme les policiers ou
les pompiers. Tu connais les raccourcis quand tu es sectorisé, donc tu
sauves des minutes. Si on n'a pas au moins la chance d'être
sectorisé pour améliorer le temps de réponse, il faudrait
peut-être envisager d'avoir au moins le guide de route informatisé
pour nous indiquer quelle rue prendre rapidement. Parce qu'il y a à peu
près, encore là, 45 secondes à une minute juste pour
orienter l'ambulance dans le bon sens quand c'est un appel venant de rues qui
sont moins connues. (10 h 15)
M. Paradis (Matapédia): Hier, le groupe des
répartiteurs nous disait que 35 % des transports - vous pouvez le
confirmer peut-être - est non urgent. 35 %, oui?
M. Cotton: Ça, ça dépend à quelle
heure de la journée.
M. Paradis (Matapédia): Mais enfin, de façon
générale?
M. Cotton: Ça ne peut pas se prendre de façon
générale. Le soir, c'est en majorité des appels d'urgence.
La nuit, ce n'est quasiment que des appels d'urgence. C'est dans la
période de jour, l'avant-midi principalement, le retour en début
d'après-midi, des patients qui s'en vont dans des cliniques pour un scan
ou en médecine nucléaire, ou d'autres examens
spécialisés dans des centres qui ne sont pas
équipés, des centres d'accueil. Mais la majorité, ce sont
des appels d'urgence. Peut-être qu'aujourd'hui c'est à peu
près alentour de ça, 35 %, 40 %, de jour, mais dans les autres
quarts de travail, ce n'est pas ça.
M. Paradis (Matapédia): Mais comment concilier à ce
moment-là... Si on cible mieux notre appel, le temps de réaction
est meilleur, dans l'hypothèse où Info-santé est
retiré du 911, et qu'on fasse, par contre, 35 % à 40 % de
transport non urgent, comment concilier qu'on aurait besoin d'autant de
véhicules?
M. Cotton: Regardez. Je pense qu'on pourrait peut-être en
déplacer pour améliorer le temps de réponse. Sur la plage
horaire, c'est possible d'en déplacer. Mais avant ça, je dois
juste vous souligner que, selon nous autres et selon les interventions qu'on
fait, on est déjà, à cause de la grandeur et la
façon que c'est fait à Montréal, parce qu'il y a une
montagne en plein centre, il y a des trains, il y a des ponts, tu ne passes pas
où tu veux pour traverser... Donc, à cause de la
géographie de la ville et des deux îles, ça prend des
ambulances qui sont un petit peu partout pour être capable d'avoir un
périmètre qui soit raisonnable au niveau du temps d'intervention.
On pense qu'à cause de ces éléments-là on est
accotés - excusez l'expression - mais on est accotés à
l'os et on n'a pas d'excédent, parce que, au centre-ville de
Montréal, les hôpitaux sont tous dans un même
périmètre; on a ce problème-là. Ils ne sont pas
bien répartis, alors, on a le problème du centre-ville. Quand
vous avez une ambulance qui part de l'est de la ville ou du moyen-nord, dans le
bout de Henri-Bourassa et Saint-Denis ou Berri, pour avoir des soins
spécialisés, il faut qu'elle descende dans le centre-ville.
Alors, la pénétration du centre-ville et, après ça,
la récupération de ces effectifs-là vers le nord,
ça demande des véhicules en disponibilité.
M. Paradis (Matapédia): Peut-être une
dernière question avant de permettre à mon collègue de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue d'intervenir, quitte à ce que, M. le
Président, je puisse revenir par la suite. On parle beaucoup de premier
répondant, style pompier, entre autres, qui se fait déjà,
dans le West Island; il y a beaucoup d'expériences qui nous sont
rapportées aussi de l'étranger. Quelle serait votre attitude, vos
commentaires face à cette façon de faire?
M. Cotton: Regardez. Nous, on vit, depuis plusieurs
années, avec les pompiers de Pointe-Claire comme premiers
répondants, justement parce qu'il manque d'effectifs et qu'ils nous
rendent service dans Pointe-Claire, parce que Urgences-santé
affecte moins de véhicules dans cette région-là. Les
quelques minutes qu'ils arrivent avant nous dans les cas d'arrêt
cardiorespiratoire, c'est des chances de plus pour le patient. Quant à
nous, la question du premier répondant, les pompiers, les policiers, les
chauffeurs d'autobus, les chauffeurs de taxi, les gens des municipalités
devraient tous être des premiers répondants, avant de commencer
à enseigner à la population. Tous les gens qui ont à
véhiculer à travers la ville dans une journée devraient
tous être des premiers répondants dans un cas spécifique:
les arrêts cardiorespiratoires. C'est là que le temps de
réponse est important. On a deux à trois minutes pour donner
l'intervention nécessaire pour ne pas que la situation du patient se
détériore, si on veut avoir des chances de le ramener. Ce qui se
passe avec Pointe-Claire: quand on arrive sur les lieux, on prend charge du
patient; eux ont commencé les manoeuvres, ils nous donnent un coup de
main, comme ça se fait un peu partout. Nous autres, on est d'accord avec
le système de premier répondant, à condition que les
règles soient écrites et qu'on s'entende bien sur le
fonctionnement et la responsabilité du bénéficiaire.
M. Paradis (Matapédia): Vous seriez prêts à
faire des expériences dans ce sens-là?
M. Cotton: Tout à fait.
M. Paradis (Matapédia): M. le Président, quitte
à revenir, je vais laisser la parole à mon collègue de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de Matapédia. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. À mon tour, je
veux souhaiter la bienvenue à M. le président et à
l'équipe qui l'accompagne ce matin, ainsi qu'aux autres membres de votre
syndicat des techniciens ambulanciers qui sont venus nous rencontrer ce matin.
Vous avez bien précisé qu'à l'occasion de la communication
qui vous a été faite pour vous demander de vous présenter
devant cette commission... Le mandat de la commission est d'examiner le
fonctionnement à Urgences-santé. Il est évident que, dans
les circonstances actuelles, on a beaucoup focalisé la question d'un
nouveau système de triage, mais la question que se pose la commission,
c'est relativement à l'ensemble du fonctionnement à
Urgences-santé et à un certain nombre de problèmes,
auxquels vous faites référence d'ailleurs dans votre
mémoire, pour lesquels la commission veut avoir l'esprit le plus clair
possible en vue de faire des recommandations, d'apporter un certain nombre de
recommandations au gouvernement pour en arriver à une situation qui soit
la plus transparente, la plus efficace possible.
Allons-y tout de suite parce que, vraiment, vous êtes sur le
terrain, oui, effectivement. Avec l'instauration d'un nouveau système de
triage, est-ce que vous avez l'impression qu'on va vraiment avoir suffisamment
de ressources actuellement pour répondre à la demande qui va se
présenter avec l'installation de Clawson?
M. Cotton: Premièrement, on pourrait bien difficilement
vous répondre à partir de Clawson, on ne le connaît pas.
C'est gardé dans des voûtes secrètes parce que nous autres,
on n'est pas consultés là-dessus. Qu'on pense que les ambulances,
actuellement, à Montréal, pour aller répondre aux appels
qui rentrent, avec un système de triage et qu'il y a l'installation
d'Info-Santé, par exemple, et que la publicité soit faite pour
que les gens qui veulent appeler Urgences-santé pour une ambulance...
Les citoyens sont assez intelligents pour faire la différence quand ils
ont besoin d'une ambulance et quand ils ont besoin d'une consultation
médicale. On pense que, oui, on est capables de répondre à
la demande. Mais il faut que les gens appellent pour une ambulance quand
ça va mal, pas quand ça va à peu près mal.
M. Trudel: Dans la mesure où on dit: Avec Clawson, ce sera
un tri très élémentaire - vous y faisiez
référence vous-même tantôt - ce serait
extrêmement élémentaire le type de questionnement et
même - on y reviendra tantôt - le type de ressources humaines qui
seraient appelées à effectuer ce travail-là, il y a
à parier qu'il y aura une augmentation des déplacements pour des
appels, pour des urgences vraiment. Je ne parie plus de l'autre partie,
Info-Santé, où on s'entend tous que, oui, c'est une bonne
décision de développer ce service-là. Actuellement, c'est
80 ambulances par jour, nous dit-on, 80 véhicules qui seraient
disponibles le jour, 70 le soir et 60 la nuit. On nous disait, par exemple,
que, déjà dans la situation actuelle, avec du triage par des
professionnels, dans la semaine du 5 au 8 décembre, on a
été 18 heures 40 minutes en "priorisa-tion" de véhicules.
On m'a dit hier qu'il ne faut plus employer ce terme-là à
Urgences-santé, c'est maintenant de la réévaluation.
M. Cotton: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Hier soir, si ma mémoire est fidèle...
Pas hier soir, mais lundi soir, à 19 heures, il y avait une ambulance
disponible pour les urgences sur l'île de Montréal, quand on a
parlé au répartiteur hier. Est-ce que vous pensez qu'avec le
nouveau système qu'on va installer, tantôt, assez rapidement, la
première demande qui va tomber sur la table, c'est: Ça prend un
nombre; ça prend un nombre d'autres millions pour ajouter des
véhicules à la flotte?
M. Cotton: Excusez. Moi, ça me fait un petit peu rire
quand on parie de "priorisation" ou d'une ambulance à telle heure
précisément dans la semaine. Ce n'est pas comme ça que
ça marche. Ça, c'est pour faire peur au monde. Ceux qui vous
content des affaires de même, c'est pour faire peur au monde. De la
"priorisation", tout le monde en fait dans la vie, hein? Vous rentrez à
l'hôpital à l'urgence, on vous fait attendre une heure parce que
vous avez une petite coupure à un doigt et on vous fait passer avant
celui qui a eu un infarctus, c'est faire de la "priorisation". Ils en font, eux
autres. Quand on arrive sur les lieux d'une intervention, nous autres, et qu'il
y a trois patients, on fait de la "priorisation", on soigne celui qui est plus
à risque avant de soigner celui qui est moins à risque. Tout le
monde en fait de la "priorisation". Vous-même, dans vos dossiers, ici,
vous devez faire de la "priorisation". C'est normal à
Urgences-santé, quand on fait un triage, quand on a trois, quatre
appels, qu'on essaie d'envoyer les ambulances aux appels les plus urgents, sans
ça, on aurait besoin d'une ambulance à tous les coins de rue.
Faire de la "priorisation", c'est normal, puis que le monde lâche un peu
là-dessus.
Puis de vous dire qu'hier soir il y avait une ambulance, ce
n'était pas vrai, ça. Il y avait peut-être des ambulances
qui étaient en direction d'autres points de service, parce que le
répartiteur, étant donné qu'il n'y a pas de système
assisté par ordinateur, il ne le sait pas que l'ambulance est rendue
à son point de service. Mais elle est sur les ondes, l'ambulance. Qu'il
y en ait trois qui soient en train de sortir de l'hôpital... S'il y avait
un système de communications portatif, on aurait toujours la flotte, en
tout temps, à portée de la main. Ça, ce sont des
éléments qu'on souligne parce qu'on sait que ça va
être efficace à partir de là. Qu'on vous dise qu'il y avait
une ambulance hier soir, ça, c'est de la poudre aux yeux.
M. Trudel: Et dans ce contexte-là, lorsqu'on s'est
entretenu, hier, avec la direction d'Urgen-ces-santé et se rapportant au
chapitre de votre mémoire, ce matin, au niveau des problèmes de
relations du travail - mon collègue de Joliette a fait un certain nombre
d'affirmations - le président-directeur général
d'Urgences-santé, M. Lamarche, a employé un certain nombre
d'expressions qui nous décrivaient que le... Je pense qu'on ne peut pas
le décrire comme le climat étant au beau fixe à
l'intérieur de la boîte, le moins que l'on puisse dire. Quand vous
avez à décrire le climat à l'intérieur de la botte
actuellement, vous le saisissez comment, vous, au niveau du syndicat? Comment
pouvez-vous décrire la situation? Hier, on a parié de
contraintes, on a parié d'énormes difficultés de
relations, on a parié de violence à certains points, on a
parié de port d'armes à feu, on a parié de dif-
ficultés avec la base. Quand vous décrivez la situation - parce
que, M. Cotton, vous êtes une institution là-dedans; c'est clair,
là; je ne referai pas l'histoire, là; vous êtes une
institution... Et là, on est inondé de papiers au niveau des
techniciens ambulanciers, il y a toutes sortes de gens qui nous disent toutes
sortes de choses qui sont vraiment inquiétantes pour la population. En
tout cas, nous qui représentons un certain nombre de citoyens et
citoyennes, ça nous rend vraiment inquiets de la situation, et c'est
pour ça qu'il faut l'examiner. Vous, vous la décrivez comment, la
situation, avec ce qui se passe depuis, appelons ça, vous avez
appelé ça le sabordage de Télé-Médic?
Aujourd'hui, ça se présente comment, chez vous, pour les
techniciens ambulanciers?
M. Cotton: Vous soulignez deux choses là-dedans. Vous me
parlez des relations du travail à l'intérieur
d'Urgences-santé, puis vous me pariez aussi de l'inquiétude pour
les services auprès de la population. Il y a eu, à mon avis, un
sondage qui est sorti il y a quelques mois, pas fait par nous autres, mais par
les propriétaires d'ambulances - on ne peut pas plus se servir des
outils de nos vis-à-vis - où la population était
satisfaite du service ambulancier, puis très satisfaite dans une
proportion de 95 %. Je pense que ce sont des performances, ça. La
population est très heureuse du service ambulancier au Québec.
Nous autres, entre nous autres, on peut se questionner. Qu'il y ait des
problèmes de relations du travail et de relations humaines à
l'intérieur d'Urgences-santé, c'est possible. C'est possible,
parce qu'on vient d'intégrer un groupe, qui s'appelle les techniciens
ambulanciers, à une corporation où les gens vivaient en vase
clos, les répartiteurs, les infirmières, le personnel de
l'interne, et ce qui n'a pas réussi à se faire actuellement,
c'est le branchement des deux groupes. On est en train de travailler
là-dessus actuellement, qu'il y ait des canaux de communication entre
l'interne et l'externe. Actuellement, il y a les médecins et les
ambulanciers à l'externe qui font leur job, qui se rendent très
rapidement auprès des patients, donnent une qualité de soins
à la population qu'on n'est pas gênés de décrire. La
population est très bien servie. Qu'il y ait des troubles de relations
humaines avec le monde de l'interne, c'est une autre affaire, ça. Puis,
actuellement, on a des comités qui travaillent sur différents
aspects, puis ça revient tout au même problème: c'est le
manque de consultation. Quand la direction ou les gens de la direction
établissent des protocoles, puis disent à la répartition:
Vous allez appliquer tel protocole, mais que ce protocole-là fait en
sorte de changer un paquet d'affaires dans la vie des techniciens ambulanciers
et dans leurs opérations, et les ambulanciers n'ont pas
été questionnés - ou, en tout cas, on n'a pas
demandé leur avis dans l'application de ce
protocole-là - bien, c'est sûr que ça amène
des conflits.
(10 h 30)
M. Trudel: Bien, sur cet aspect-là, justement, des
relations du travail, chez nous, du côté de l'Opposition, c'est
quelqu'un que vous connaissez bien qui poursuit le dossier dans ce
sens-là, c'est le leader parlementaire, M. Chevrette. M. le
Président, je vais vous inviter à reconnaître le
député de Joliette sur cet aspect pour poursuivre
l'échange.
Le Président (M. Joly): M. le leader de l'Opposition, M.
le député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je
dois dire qu'après avoir lu le mémoire du RETAQ et avoir suivi un
peu les événements des derniers mois, les amours ne sont pas ce
qu'elles étaient entre M. Cotton et M. Lamarche. Je me souviens avec
quelle fierté M. Cotton pataugeait avec M. Lamarche allègrement
dans les corridors pour négocier la loi 34 et avec quelle fierté
il l'avait présenté comme le conseiller du RETAQ, maintenant leur
boss à Urgences-santé. Ça s'était fait au centre
Paul-Sauvé, je pense. Et à la cabane à sucre, tous les
deux assis l'un à côté de l'autre, au moment où ils
convainquaient le ministre Dutil de leur accorder la loi...
M. Cotton: M. Chevrette, on va vous inviter; vous étiez
quasiment là.
M. Chevrette: Vous m'aviez invité?
M. Cotton: non. la prochaine fois, on va vous inviter. de la
manière dont vous en parlez, vous étiez quasiment là.
M. Chevrette: La prochaine fois? Ça me fera plaisir d'y
aller. Je ne me placerai pas en conflit d'intérêts, par
exemple.
Je dois vous avouer que je me souviens avec quel... Je dois vous
féliciter pour votre habileté et pour avoir réussi
à gagner sur tous les plans. Je me souviens du mémoire que vous
aviez présenté, M. Cotton, en disant que seule
l'étatisation de tout réglerait les problèmes, et que
c'était votre objectif. Vous avez réussi très habilement
à embarquer le ministre Dutil. Il a signé ça avec une
naïveté et une candeur infantiles. C'est un dossier, à mon
point de vue, qui... Si aujourd'hui on s'interroge dessus, c'est parce que,
précisément, on n'a pas voulu prendre la peine de bâtir un
projet de loi qui avait un petit peu d'allure au départ, à mon
point de vue. Mais je dois vous reconnaître une très grande
habileté, une très grande force d'avoir réussi ça,
d'avoir embarqué un gouvernement dans ce bateau-là, d'avoir
réussi à étatiser, très habilement. Ça doit
être vous qui avez négocié; j'en suis sûr, moi. C'est
vous qui avez négocié le contrat, par exemple, pour le
métal, le matériel roulant. Ça a tassé tout le
privé. Vous avez réussi. J'avais prédit que, deux ans
après, vous lui remettriez les clés. C'est exactement ce qui est
arrivé. Je vous félicite de votre habileté pour avoir su
si bien embarquer à la fois le gouvernement et
Urgences-santé.
Ceci dit, je voulais vous poser la question. Vous aviez dit que vous ne
répondriez pas. Je vous aurais demandé où en sont vos
amours avec Lamarche, mais vous m'auriez répondu que vous ne vouliez
pas. Donc, j'ai présumé que vos amours semblent changées
un peu. Je ne sais pas pourquoi. Je l'ignore et je sais bien que ce n'est pas
l'endroit pour le faire, mais j'aurais eu le goût de m'entretenir assez
longtemps avec vous pour voir ce qui a cassé entre vous deux. Ça
baignait tellement dans l'huile, cette histoire-là, que je suis surpris
qu'actuellement les amours ont l'air d'avoir rompu un tantinet.
Ceci dit, moi, M. Cotton, j'aurais des questions précises. La
première question que je voudrais vous poser, c'est d'abord sur les
relations du travail. Vous dites qu'il y a du terrorisme. J'ai lu ça
dans votre mémoire à une certaine page - si je m'y retrouvais,
parce que je viens de l'autre côté.
Une voix: Page 8.
M. Chevrette: Page 8. À un moment donné, ça
m'a frappé. Vous dites qu'il y a du terrorisme. 50 griefs. C'est
épouvantable!
M. Cotton:...
M. Chevrette: Pardon?
M. Cotton: 200 griefs.
M. Chevrette: 200 griefs, oui. 50 suspensions, plutôt.
c'est ça, hein? d'ailleurs, m. lamarche en a lu quelques-unes hier et il
avait l'air fier de ça. il a eu l'air de s'être ressaisi devant
vous et il avait l'air brave, hier. mais, moi, je voudrais vous poser une
question. je lis beaucoup vos petits dépliants. j'ai la chance, des
fois, de lire votre courrier. mais, de votre côté, vous,
savez-vous qu'il y a du chantage et qu'il y a du tordage de bras
vis-à-vis des techniciens ambulanciers? êtes-vous au courant,
comme président?
M. Cotton: Vis-à-vis des techniciens ambulanciers?
M. Chevrette: Vis-à-vis de certains de vos travailleurs
qui ne suivent pas à la lettre vos ordres.
M. Cotton: Écoutez, il y a 1000 techniciens ambulanciers
à Urgences-santé. Je ne suis pas leur père.
M. Chevrette: Pardon?
M. Cotton: II y a 1000 techniciens ambulanciers qui oeuvrent
à Urgences-santé. Je ne suis pas leur père. Je ne peux pas
les suivre.
M. Chevrette: Non, mais vous semblez assez bien contrôler
les événements.
M. Cotton: Oh!
M. Chevrette: Vous n'êtes pas au courant qu'il y en a qui
brassent les autres des fois?
M. Cotton: C'est votre prétention, ça, M.
Chevrette.
M. Chevrette: Non, mais je vous pose la question. Êtes-vous
au courant de ce qui se passe?
M. Cotton: On est au courant de certains événements
de temps à autre, quand on les apprend après coup.
M. Chevrette: Intervenez-vous dans ce temps-là?
M. Cotton: Oui, on...
M. Chevrette: Dites-vous que ça n'a pas d'allure?
M. Cotton: Oui, on intervient auprès des techniciens
ambulanciers qui sont concernés.
M. Chevrette: Pourquoi écrivez-vous, par exemple, dans
votre petit document, dernièrement, là, que vous espérez
que les 80 % organisent les 20 % qui ne marchent pas? Ce n'est pas un appel
à la violence, ça, indirectement, quand vous écrivez ceci:
"Devrais-je un jour écrire cette liste d'incapables, de nuisibles, afin
que ces 80 % vous organisent votre cas? Qu'en sais-je..." Vous avez
écrit ça, vous?
M. Cotton: Là, vous sortez un document d'il y a deux ans,
qui est complètement hors contexte si vous lisez le texte au
complet.
M. Chevrette: Ah! je l'ai lu au complet!
M. Cotton: Non, mais c'est parce qu'ici vous ne le lisez pas au
complet, le texte.
M. Chevrette: Bien, écoutez, je ne suis pas pour
prendre 10 minutes pour vous lire le texte.
M. Cotton: Ça serait peut-être bon.
M. Chevrette: Je pourrais vous lire des lettres aussi, où
vous dites que "le passage de cet individu sera très court. Votre sortie
rapide du système ambulancier..." Ce ne sont pas des menaces, ça?
C'est dans vos lettres, ça. C'est signé "Mario Cotton". Vous n'en
faites pas, de ça?
M. Cotton: Non.
M. Chevrette: Vous ne faites pas de menaces du tout? Il n'y a pas
de vos gars, là - un petit noyau; je ne dis pas tout le monde - qui vont
brasser un peu la cage de certains, de temps en temps?
M. Cotton: II faudrait le demander aux techniciens ambulanciers,
M. Chevrette.
M. Chevrette: Oui, mais ils nous le disent, justement. Ils ont
peur. Savez-vous ça qu'ils ont peur? Savez-vous qu'il y en a qui nous
disent, M. Cotton...
M. Cotton: C'est votre interprétation, M. Chevrette.
M. Chevrette: O.K. M. Cotton, je vous sais très
intelligent et très habile, mais quand vous affichez les noms des
individus qui ne marchent pas selon vos ordres, qu'arrive-t-il? Vous affichez
les noms en public pour faire du terrorisme sur ceux qui ne partagent pas votre
point de vue. Par exemple, vous savez qu'il y a du monde qui a même
empêché des gens d'aller aux toilettes des autres, pour les
ridiculiser. Vous trouvez ça normal dans un syndicat, vous?
M. Cotton: M. Chevrette, qu'est-ce que vous dites là?
M. Chevrette: Non, non, je dis ce que...
M. Cotton: Non, mais, là, donnez des faits, là,
parce que...
M. Chevrette: C'est des centaines, ça, M. Cotton. Faites
attention.
M. Cotton: Là, vous faites des accusations gratuites.
M. Chevrette: Non, M. Cotton. S'il y avait une enquête
publique, M. Cotton - je l'ai dit à M. Lamarche hier - puis si on
garantissait la sécurité à des gens, ça
ressemblerait de plus en plus à ce qui s'est produit à la FTQ et
à la CSN-Construction.
M. Cotton: Mais, M. Chevrette, dans votre demande d'enquête
publique, je serais prêt à signer en arrière pour la
demande, étant donné que vous faites des accusations de ce
genre-là.
M. Chevrette: Vous aimeriez?
M. Cotton: Tout à fait.
M. Chevrette: Vous aimeriez qu'il y en ait une?
M. Cotton: Tout à fait.
M. Chevrette: Parfait. C'est ce qu'on propose à la fin de
la commission.
M. Cotton: Tout à fait, aucun problème.
M. Chevrette: et je peux vous dire que j'en ai rencontré;
j'en rencontre très régulièrement, et vous le savez. et
les gens nous confient des choses.
M. Cotton: On n'a aucun problème avec ça.
M. Chevrette: Vous n'avez aucun problème avec ça?
Parfait! Moi, j'ai hâte, dans ce cas-là, et j'espère que le
gouvernement en place comprend, là, que même Mario Cotton est
d'accord avec une enquête publique. Et ça, je pense, ça va
faire du bien pour tout le monde. Ça va rétablir les faits,
ça va permettre à des gens...
M. Cotton: Tout à fait d'accord avec ça.
M. Chevrette: O.K. Maintenant, quand vous avez
négocié le contrat de services, c'est vous qui étiez
là. Quand vous avez décidé...
M. Cotton: Le contrat de services?
M. Chevrette: Le contrat de location des ambulances, là.
Le contrat avec le Trésor... la Corporation.
M. Cotton: Non, monsieur, je n'étais pas là. M.
Chevrette: Vous étiez où?
M. Cotton: j'étais où? quand le contrat s'est
négocié entre la coop et les autorités gouvernementales,
j'étais à la présidence du syndicat.
M. Chevrette: Puis vous n'étiez pas au courant que la
coopérative négociait tel contrat, de telle nature?
M. Cotton: Non. Le groupe-conseil de la Montérégie,
qui est un groupe de spécialistes, avait été engagé
par le conseil d'administration de la coopérative pour négocier
avec les membres du conseil d'administration de la coopérative un
contrat.
M. Chevrette: Mais vous avez pris le contrôle de la
coopérative par la suite.
M. Cotton: Non.
M. Chevrette: M. Cotton, quand vous avez négocié
avec M. Lamarche pour créer l'obligation, parce que vous saviez que pour
obtenir vos 2 400 000 $ de la SOC, ça vous prenait beaucoup de
coopérants, vous avez signé un petit contrat et une formule
d'adhésion. Vous avez même été aidé par la
direction d'Urgences-santé.
M. Cotton: Rappelez-moi les événements, là.
M. Chevrette: Vous n'êtes pas au courant? M. Cotton:
Non.
M. Chevrette: C'est effrayant! Pourtant, vous en avez beaucoup
pour d'autres choses. Quand vous avez...
M. Cotton: Vous m'avez prêté tout à l'heure
des qualités que je n'ai pas. Vous, vous avez peut-être des
talents de devin ou de médium...
M. Chevrette: Non, non.
M. Cotton: ...pour lire dans l'avenir, mais vous m'avez
prêté des talents que je n'ai pas.
M. Chevrette: Votre habileté va même jusqu'à
perdre la mémoire, M. Cotton. Mais quand vous avez créé
les coopératives, vous étiez à l'origine de tout
ça.
M. Cotton: Oui. Le syndicat était à l'origine de la
création des coopératives. Ça, c'est vrai.
M. Chevrette: Bon, voilà au moins un départ sur
lequel on s'entend. Vous avez toujours été l'homme clé de
ça.
M. Cotton: On a initié les idées. Le syndicat a
initié les idées.
M. Chevrette: Oui, puis c'était dans votre mémoire
déposé ici, en commission parlementaire, tout ça. Mais
quand vous avez décidé de créer la corporation, vous avez
acheté deux ou trois compagnies privées pour créer la
corporation.
M. Cotton: Non, la coopérative a acheté.
M. Chevrette: La coopérative, la CTSAM, c'est bien
ça.
M. Cotton: Oui, oui.
M. Chevrette: Là, la CTSAM s'est présentée
pour obtenir des subventions. Il n'y avait à peu près pas de
coopérants, très peu. Là, ça vous a pris, à
ce moment-là, plus de coopérants, parce que M. Dutil avait l'air
fou de se présenter devant son collègue de l'Industrie et du
Commerce et de dire: Soutiens un dossier de subvention de 2 400 000 $. Mais
oui, mais il n'y a pas
de coopérants. Là, vous vous êtes organisé
avec la direction de la Corporation d'urgences-santé. Et Mme Louise
Lecours, je pense, signe une lettre obligeant même ceux qui ne voulaient
pas en faire partie, sous menace de perdre leurs droits, à
adhérer à la coopérative. Vous avez lu ça, ces
lettres-là?
M. Cotton: Oui, j'ai eu la lettre de Mme Rancourt, à
laquelle vous faites allusion, mais ce n'est pas dans ce sens-là.
M. Chevrette: Dans quel sens?
M. Cotton: C'est que si je me souviens bien de la loi - je ne
suis pas un spécialiste de la loi - la loi disait que seuls les gens qui
travaillaient pour une corporation ayant signé le contrat
d'opération avec Urgences-santé pouvaient être
intégrés à Urgences-santé.
M. Chevrette: L'article 29, ce n'est pas ça qu'il dit.
M. Cotton: Est-ce que vous avez compris ce que j'ai voulu
dire?
M. Chevrette: Oui.
M. Cotton: O.K., c'est parfait.
M. Chevrette: L'article 29, je m'en vais le lire. Non seulement
je l'ai bien compris, mais c'est moi qui l'ai sorti hier. Je me rappelle cette
loi-là et vous devez vous en rappeler vous aussi; il y a des
journées où j'étais au coton.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: "Les salariés à l'emploi..."
M. Cotton: Juste une journée?
M. Chevrette: Ah! Peut-être une couple de jours. "Les
salariés à l'emploi, le 12 mai 1988, d'une personne
mentionnée à l'annexe et qui sont des techniciens ambulanciers
deviennent, à la date de l'entrée en vigueur des contrats conclus
en vertu de l'article 26, des salariés de la corporation." Donc, les
salariés qui étaient à l'emploi... L'annexe, c'est quoi?
L'annexe, c'étaient toutes les compagnies qui faisaient du transport
ambulancier sur l'île de Montréal. Tous les employés qui
étaient techniciens ambulanciers, que ce soit pour Pèrlmutter,
S.O.S., Baldwin-Cartier, CTSAM, n'importe qui, vous deveniez, en autant que
vous étiez à l'emploi le 12 mai 1988, membres de la nouvelle
corporation. Oui ou non?
M. Cotton: M. Chevrette, il me semble aussi que vous oubliez
certaines règles qui existent dans la Loi sur les coopératives.
Pour être membre d'une coopérative, pour être
salarié, il faut que tu adhères à la coopérative
comme coopérant.
M. Chevrette: Oui, mais depuis quand un boss peut-il obliger un
employé à adhérer à une coopérative?
Expliquez-moi donc ça.
M. Cotton: non, écoutez, je ne vous parle pas de ce que
le boss a fait. moi, je vous explique ce que j'ai su par rapport à la
lettre qui a été écrite.
M. Chevrette: Mais à l'époque, "c'est-u" vous qui
avez négocié avec le boss pour qu'il vous aide à faire
adhérer à la coopérative?
M. Cotton: Si on a négocié avec le boss? M.
Chevrette: Pour qu'il vous aide. M. Cotton: Jamais dans 100
ans!
M. Chevrette: Comment ça se fait qu'ils vous ont
donné ça, ce fruit-là, spontanément, sans que
personne ne leur demande? Vous avez des boss gentils. Comment ça se
fait?
M. Cotton: J'ai l'impression, M. Chevrette, que cette
lettre-là a été émise dans le but d'informer les
techniciens ambulanciers des articles de la loi 34, pour ne pas qu'ils restent
pris entre deux chaises s'ils n'avaient pas adhéré à la
coop. Donc ils devenaient des vrais travailleurs de la coop. Sinon, ce qui se
serait produit s'ils n'avaient pas été avertis, bien là,
ils se seraient retrouvés entre deux chaises et ils n'auraient plus eu
leur statut de salariés.
M. Chevrette: Tous les employés, que ce soit de
Pèrlmutter, que ce soit de Durocher, que ce soit de Grant Weiler ou
n'importe qui, là, ils avaient la protection légale en vertu de
l'article 29 de la loi 34. En autant qu'ils travaillaient pour l'une de toutes
ces compagnies-là le 12 mai 1988, ils étaient assurés d'un
emploi, oui ou non?
M. Cotton: Je n'ai pas regardé les dates, mais s'ils ne
travaillaient pas, si la coopérative était le possesseur, par
achat, des entreprises de Weiler et compagnie, si les salariés qui
étaient transférés dans ces achats-là ne devenaient
pas membres coopérants en vertu de la Loi sur les coopératives,
ils se retrouvaient comme dans un trou juridique où ils n'avaient plus
de statut de salariés à l'intérieur de la
coopérative. Donc, au moment du transfert à
Urgences-santé, le fait de la loi 34 faisait en sorte que ces
gens-là seraient restés à l'extérieur. Sinon, en
vertu des conventions collectives et en vertu de la loi, tout le monde aurait
pu prétendre - vous savez, le jeu de l'ancienneté, ce que
ça fait, hein? -ceux qui auraient été les plus anciens ou
les
moins anciens auraient pu prétendre, déposer un grief, et
dire: Ce gars-là n'est même pas salarié chez nous.
Ça faisait juste en sorte de protéger leurs postes.
M. Chevrette: Et, comme par hasard, le décret
gouvernemental... Si je suivais votre raisonnement, là...
M. Cotton: Bien moi, je...
M. Chevrette: Je pensais qu'il y avait une entente juste entre le
syndicat et Urgences-santé. Mais là, je m'aperçois qu'il y
a même le gouvernement. Comme par hasard, les décrets ont
été passés une journée ou deux jours, maximum,
après que ça a été mis sur pied.
M. Cotton: Vous parlez de quoi, là?
M. Chevrette: Le 17 juillet. Vous n'êtes pas au courant du
dossier?
M. Cotton: Bien, je suis au courant du dossier mais, là,
vous me parlez des dates, là. Vous parlez de quel
événement? (10 h 45)
M. Chevrette: Quand vous me dites, si j'ai dit... Si je suivais
votre raisonnement... Parce que vous dites: Ils auraient été
placés entre deux chaises.
M. Cotton: Oui.
M. Chevrette: Mais, fondamentalement, s'il n'y avait pas eu
décret gouvernemental, les employés de Durocher ou de Desrochers
- S.O.S., en tout cas - ils étaient protégés par la loi.
Urgences-santé aurait été obligée de les prendre.
Si Durocher était resté, oui.
M. Cotton: S'ils restaient chez S.O.S. Oui, mais S.O.S. a
décidé de vendre à la coop.
M. Chevrette: Oui, je le sais qu'ils ont décidé de
vendre à la coop après la signature d'un contrat qui leur offrait
moins que ce qui était déjà promis. Ça, je sais
ça. Ce qu'ils avaient promis, ça, je suis au courant. C'est
passé de 24 à 21 pour pouvoir mieux faire étouffer
ça à court terme et que ça disparaisse. Ça, je
comprends la "game". Elle est très belle, mais ce n'est pas
là-dessus que je veux discuter. Je veux discuter sur le fait qu'en vertu
de la loi... Le ministre n'a jamais rien compris à l'époque;
ça, j'en suis sûr. Il ne comprend pas plus aujourd'hui. Mais,
à l'époque, il n'a jamais compris qu'on voulait donner une
sécurité au travailleur qui travaillait individuellement pour un
employeur, quel que soit son employeur. Je vous rappellerai que c'est nous
autres qui avons fait mettre l'amendement, à part ça, parce que
ça n'y était pas, en plus. Ceci dit, je m'expli- querai à
un autre niveau - au niveau d'une enquête publique - sur les dates.
Ça, je comprends que ça ne vous regarde pas
nécessairement, les dates; ce n'est pas à vous de les fixer. Mais
je comprends la subtilité du décret par rapport au transfert.
Maintenant, vous avez envahi massivement la coopérative,
même ceux qui n'en faisaient pas partie. Avec l'aide du patron, vous leur
avez fait assez peur pour aller chercher une majorité. Moi, je voudrais
savoir ceci. Vous avez émis des T-7 sans enlever... Ça, c'est un
fameux papier que votre coopérative émettait aux travailleurs
sans percevoir de l'argent et sans le prévoir sur ie salaire. Exemple:
Je gagne 30 000 $ comme technicien ambulancier, je reçois un T-7 de 644
$. Donc, normalement, si je veux déduire mon capital-actions quand je
fais mes rapports d'impôt, je devrais avoir 30 644 $. Vous allez
m'expliquer. Est-ce que ça ne constitue pas une fraude fiscale envers le
gouvernement?
M. Cotton: Mais, là, vous me parlez d'une situation...
Vous connaissez mieux les lois des coopératives que moi, je pense. Parce
que vous parlez d'une situation à laquelle nous autres, comme syndicat,
on n'est pas mêlé pantoute. Vous me parlez d'un T-7...
M. Chevrette: Oui, mais votre coopérative est...
M. Cotton: Oui, mais notre coopérative... Ce n'est pas
notre coopérative. C'est la coopérative où j'étais
coopérant comme tous les techniciens ambulanciers de Montréal
étaient coopérants, au même titre. Il y a un conseil
d'administration. Vous inviterez le conseil d'administration de la coop
à venir siéger ici si vous avez des questions à leur
poser, à eux autres. Mais ça n'a aucun rapport avec nous autres.
On n'est pas les bonnes personnes ici, là.
M. Chevrette: Bien, mais c'est le même monde. Tu peux avoir
deux chapeaux, le chapeau de syndicat et le chapeau de coopérant. Si
vous vouliez forcer tout le monde à faire partie de la
coopérative...
M. Cotton: Si j'étais sur le conseil d'administration de
la coopérative, peut-être, là.
M. Chevrette: II y a bien rien que là que vous
n'êtes pas. Comme ça, vous n'êtes pas au courant de ce qui
se passe dans la coopérative? Vous n'êtes pas au courant de ce
jeu-là?
M. Cotton: Bien, je ne suis pas au courant de ce que la
coopérative peut faire.
M. Chevrette: Non, mais c'est parce que, moi, je suis
obligé de représenter aussi les Québécois, ici,
dans leur ensemble. Si, moi, je ne
paie pas une somme et que je reçois, en plus, un papier me
permettant de déduire cette somme, je vole en double. Il faut bien se
comprendre.
M. Cotton: Tout à fait.
M. Chevrette: Et la preuve écrite de ça? Il y a des
techniciens ambulanciers qui m'ont fourni la preuve. Ils ont dit: Monsieur, ils
ne m'ont jamais enlevé un cent sur mon salaire, et voici, j'ai
reçu deux T-7 qui m'ont permis de déduire quand j'ai fait mon
rapport d'impôt. Donc, non seulement on n'a pas déclaré le
salaire en conséquence, mais plus que ça, on a dit... Je
comprends que ça s'est fait dernièrement avec certains dossiers
comme à Hydro-Québec, mais si on donne des ristournes à
tout le monde, tantôt, il y en a qui vont payer des taxes quelque part,
hein? Moi, c'est pour ça que je vous dis ça. Vous n'êtes
pas au courant de ça, vous?
M. Cotton: Écoutez, vous me parlez d'une situation
où il y a un conseil d'administration et une administration auxquels le
syndicat n'est pas mêlé. Moi...
M. Chevrette: o. k. quel était l'objectif, m. cotton, de
publier le nom de ceux qui refusaient d'adhérer a la coopérative
dans les locaux syndicaux?
M. Cotton: Vous parlez de quoi, donc?
M. Chevrette: Quel était votre objectif de publier les
noms de ceux qui refusaient d'adhérer à... Vous savez, toute la
liste des noms de ceux qui refusaient d'adhérer à la
coopérative.
M. Cotton: Là, vous parlez de quoi? Publier...
M. Chevrette: ça, c'est le retaq qui faisait ça.
vos listes de noms que vous avez publiés sur vos babillards. c'est pris
dans vos propres locaux, les photos.
M. Cotton: Dans nos propres locaux. Est-ce que vous parlez...
Vous êtes en train de mêler le monde pour rien, là.
Parlez-vous des listes que la coopérative a affichées ou des
listes que le syndicat aurait affichées?
M. Chevrette: Les mêmes 20 % dont vous parlez dans votre
journal, vous devez les connaître?
M. Cotton: Ça n'a aucun rapport avec ça, M.
Chevrette, ce qu'il y avait d'écrit dans le journal qui est dans une
autre époque. Vous parlez des listes que la coopérative a
affichées pour ceux qui restaient à venir signer, auprès
de l'administration, leur...
M. Chevrette: Qu'est-ce qui arrive à ces 20 % là?
Quel est le traitement qu'on leur fait subir?
M. Cotton: Vous parlez au présent, M. Chevrette, et vous
parlez d'une affaire qui est arrivée en 1989?
M. Chevrette: Bien, "quel traitement on leur fait subir",
ça, c'est du présent. Ce n'est pas du passé et ce n'est
pas du futur: "qu'on leur fait subir".
M. Cotton: Bien, là, vous allez me l'expliquer.
M. Chevrette: II n'y a pas de chantage? M. Cotton: Mais
quelle sorte de chantage?
M. Chevrette: II n'y a pas d'intimidation qui se fait
présentement?
M. Cotton: En aucun temps et en aucun cas.
M. Chevrette: En aucun temps. Comment pouvez-vous faire pression
pour faire adhérer du monde quand la majorité du monde n'a pas
payé un cent pour adhérer à la coopérative, sauf
les premiers vraiment coopérants? Comment justifiez-vous ça,
vous, comme président?
M. Cotton: C'est quoi, votre question?
M. Chevrette: Je vais la reprendre. Comment pouvez-vous faire
pression? Vous affichez des noms pour dire: Voici ceux qui n'adhèrent
pas, alors qu'il y en a qui ont adhéré...
M. Cotton: M. Chevrette, je viens de vous dire que c'est des
listes... Vous me parlez des listes que la coopérative a
affichées pour dire aux gens qui n'avaient pas... Parce que je me
souviens d'une époque où c'était une grande
opération de dire a tous les gens de venir signer leur formule, parce
que l'intégration s'est faite rapidement. Dire aux gens: Untel, Untel,
Untel, vous n'avez pas signé vos formules; passez au secrétariat,
vous allez les signer. Ça se fait partout, ça.
M. Chevrette: oui? ça se fait partout, ça,
afficher sur le mur: regardez, gang de 20 % de pas bons, et qu'il y ait des
pressions et qu'ils disent: lui, il ne rentre pas, il ne s'est pas
conformé?
M. Cotton: Mais vous semblez avoir des photos, là.
M. Chevrette: Oui.
M. Cotton: Est-ce que c'est marqué que
c'est une gang de pas bons?
M. Chevrette: Ça, c'est marqué dans votre
propre...
Le Président (M. Joly): Excusez, M. Cotton, M. le
député. Je dois vous dire que votre temps est terminé.
M. Chevrette: J'en aurais pour deux jours.
M. Cotton: Ça serait plus intéressant de faire la
commission d'enquête, là.
M. Chevrette: Bien, on pourrait la faire, c'est vrai. Je pourrais
peut-être terminer, M. le Président, si vous m'accordez une
minute.
Le Président (M. Joly): Oui, oui, je vous l'accorde, M. le
député.
M. Chevrette: C'est parce que je me souviens que, quand vous
êtes passé devant nous, vous aviez dit que vous étiez
d'excellents administrateurs, M. Cotton. Et j'ai mis la main sur un papier,
encore hier, où vous donnez une prime de séparation à un
nommé Gagnon, qui totalise 125 000 $; une prime de séparation
pour 9 mois de travail! Et, bien organisé, il rentrait, comme par
hasard, à la corporation tout de suite comme cadre supérieur.
M. Cotton: M. Chevrette...
M. Chevrette: Trouvez-vous que c'est de la bonne gestion pour les
deniers publics?
M. Cotton:... vous êtes en train de vous mêler dans
votre psychose.
M. Chevrette: Ah! Je ne me mêle pas et je ne suis pas
"psychose", mon grand.
M. Cotton: Bien, mon cher monsieur... M. Chevrette...
Le Président (M. Joly): Je m'excuse...
M. Cotton:... je m'excuse, là, mais on ne va pas dire
n'importe quoi.
Le Président (M. Joly): D'accord, mais...
M. Chevrette: Bien, je l'ai lu noir sur blanc. Veux-tu les photos
de chèque?
M. Cotton: M. Chevrette, vous venez de dire ici: Comment
ça se fait que vous donnez 120 000 $, vous avez dit, à un M.
Gagnon?
M. Chevrette: Ça doit totaliser 125 000 $.
M. Cotton: Bien, là, je vous mets au défi de sortir
une signature...
M. Chevrette: 112 918 $
M. Cotton:... de ma part, prouvant que j'ai donné 120 000
$ à quelqu'un.
M. Chevrette: Bien, écoutez une minute: Entente intervenue
entre la Coopérative des travailleurs et le Rassemblement des
employés et techniciens, RETAQ...
M. Cotton: M. Chevrette, ce n'est pas moi. la
coopérative.
M. Chevrette: Le RETAQ?
Le Président (M. Joly): Bon! Alors... On aura
sûrement d'autre temps, d'autres tribunes...
M. Chevrette: Non, je veux montrer, M. le Président, au
public...
M. Cotton: Est-ce que vous avez ma signature là-dessus, M.
Chevrette?
M. Chevrette: Bien, vous êtes président du
syndicat.
M. Cotton: Oui, mais est-ce que c'est la coopérative,
ça?
M. Chevrette: Coopérative, syndicat, je ne suis pas
capable de lire le nom.
M. Cotton: Ah bon!
M. Chevrette: Serge Gagnon, et ça totalise 112 918 $ pour
9 mois de travail. C'est toute une prime de séparation, ça!
M. Cotton: M. Chevrette, est-ce que je suis là-dessus?
Le Président (M. Joly): Bon) Alors, si vous voulez... Je
me dois de trancher. Il y aura sûrement d'autres tribunes qui seront
présentées à tous les intéressés. Alors, je
vais reconnaître maintenant M. le député de
Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Très rapidement, en
terminant, tout à l'heure, vous avez, dans votre mémoire,
présenté ou donné l'impression qu'on voulait retirer les
médecins d'Urgences-santé. Je pense que ce n'est surtout pas le
cas. Qu'on se questionne sur le nombre, sur les effectifs, comme on se
questionne dans tous les hôpitaux et CLSC sur les effectifs
médicaux, je pense que c'est important de le faire, mais je ne veux pas
vous laisser sous l'impression ou vous donner l'impression que le gouvernement
s'apprête à sabrer dans les effectifs médicaux
auprès d'Urgences-santé.
M. Cotton: Très heureux de l'entendre. M. Paradis
(Matapédia): Très bien.
Le Président (M. Joly): Merci. Alors, au nom des membres
de la commission... Est-ce que vous auriez...
M. Chevrette: Oui.
Le Président (M. Joly): Le temps de votre formation est
épuisé.
M. Chevrette: De 9 h 30 à 11 heures, l'autre. C'est
ça qu'on vous a dit?
M. Paradis (Matapédia): Non, ça, c'est moi.
Le Président (M. Joly): Non, mais, écoutez, je
pense que c'est nous, ici, qui n'avons pas tout à fait utilisé
toute la période, alors...
M. Chevrette: Oui, mais si elle n'est pas utilisée,
l'autre parti en prend.
Le Président (M. Joly): Non, écoutez ce que
l'entente était. Au niveau de la répartition du temps, vous aviez
30 minutes. Vous avez utilisé vos 30 minutes. Alors, partant de
là, je me dois de trancher. Si vous avez une remarque à
faire...
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Président (M. Joly): Allez, M. le député,
je vous reconnais.
M. Chevrette: Vous avez le droit de trancher, mais à
l'intérieur du règlement. Et il est toujours dit que, quand il y
a entente sur le partage de temps, si une formation ne l'utilise pas, il est
transféré à l'autre. C'est ça qui est dit dans tous
les règlements de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Joly): Ce qui n'avait pas
été entendu entre nous. Alors, écoutez...
M. Chevrette: Ce n'est pas une question d'entente, c'est une
question de règlement.
Le Président (M. Joly): J'ai été assez
libre, assez ouvert. Si vous aviez une remarque de clôture, je suis
prêt à la reconnaître, là, mais je pense qu'il y aura
d'autres tribunes qui seront fournies à tous les
intéressés pour pouvoir échanger davantage.
M. Chevrette: C'est parce qu'on aurait pu parler de
formation.
Le Président (M. Joly): Non.
M. Trudel: Alors, je vais remercier les techniciens
ambulanciers.
Le Président (M. Joly): Alors, s'il vous plaît, M.
le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Je vais remercier les techniciens ambulanciers, M. le
Président. Les inquiétudes que je soulevais au début de
mon intervention se sont renforcées. Je pense que c'est important, ce
que mon collègue de Joliette soulignait. M. le président du
syndicat dit qu'il serait d'accord avec cette question d'enquête
publique. Pas uniquement sur ce que certains appellent les activités au
niveau des techniciens ambulanciers, mais sur l'ensemble. Par exemple, il a
été impossible, ce matin, de convoquer la coopérative,
parce qu'on nous dit qu'elle n'existe plus. Et pourtant, vous l'avez
vous-même souligné, il y a un ensemble d'éléments
particulièrement nuageux qui entourent une opération de la
coopérative: le transfert des actifs, l'acquisition même de ces
actifs-là. Je ne suis absolument pas rassuré avec les nouvelles
méthodes, avec le nouveau système qu'on veut installer. Je pense
que je vais prendre le conseil du répartiteur d'hier soir à qui
on disait: Qu'est-ce que vous pensez de l'ensemble de la situation à
Urgences-santé? Il a dit: Vous êtes mieux de rester à
Québec qu'à Montréal. C'est inquiétant qu'on ait
cette situation-là. Alors, merci de votre présence.
Le Président (M. Joly): Alors, je vous remercie, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue. Juste de
façon à ce qu'il n'y ait pas d'équivoque pour M. le leader
de l'Opposition, l'article 155 dit: 'Toute commission peut, du consentement
unanime de ses membres, déroger aux règles relatives aux temps de
parole." Nécessairement, il n'y avait pas eu d'entente, alors c'est la
raison pour laquelle je me devais de statuer. Alors, si vous voulez, pour les
prochaines séances, on peut peut-être s'entendre à ce
niveau-là mais, pour le moment, c'est ça.
Alors, au nom des membres de cette commission, je tiens à
remercier M. Cotton et les membres de son groupe et je vous souhaite un bon
voyage de retour. Merci.
J'appellerais maintenant la Corporation d'urgences-santé de la
région de Montréal Métropolitain, s'il vous
plaît.
Nous suspendons quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 heures)
(Reprise à 11 h 10)
Corporation d'urgences-santé de la
région de Montréal Métropolitain
Le Président (M. Joly): La commission re-
prend ses travaux. Je vois que M. Lamarche et son groupe ont
déjà pris place. Alors, M. Lamarche, s'il vous plaît de
nous présenter les gens qui sont avec vous. M. Hudon...
M. Lamarche (Pierre): M. le Président, je ne vous donnerai
pas les motifs pour lesquels encore plus de personnes qu'hier sont absentes,
mais je vous dirai que je suis toujours accompagné, aujourd'hui, par Mme
Marie-Claude Chartier qui est membre du conseil d'administration, qui y
siège à titre de représentante, répartiteur et
employée de bureau et qui est également membre du comité
de vérification de la Corporation. Et j'ai à mes
côtés M. Claude Desrosiers. M. Claude Desrosiers est un infirmier
licencié, membre de diverses associations de sauvetage. C'est la
personne qui est responsable du module de triage des appels et de
répartition. C'est la personne, en quelque sorte, qui est chargée
de piloter l'implantation du triage médicalisé des appels.
Le Président (M. Joly): Je vais vous laisser quelques
minutes pour, peut-être, vous resituer dans le débat.
M. Lamarche: Oui. Je voudrais peut-être, tout simplement,
en partant, ramasser un certain nombre d'éléments. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue m'a dit hier qu'il
voulait aussi poser des questions d'un point de vue administratif, ce matin. Je
pense devoir vous donner un certain nombre d'informations vous permettant de
comprendre. J'ai demandé que soit déposé un cas
Urgences-santé, qui est un cas dépersonnalisé, et j'ai
l'intention de le garder d'une façon dépersonnalisée. Je
le dépose parce qu'il traduit adéquatement le traitement des
appels et le niveau d'intervention qui s'effectue à l'intérieur
d'un procédé d'appel pour un appel d'urgence à
Urgences-santé, mais je tiens à vous souligner tout de suite
quelques points qui vont m'aider à vous mieux faire comprendre ce que
nous voulons instaurer.
Alors, à la page 2, le sommaire du cas. Il s'agit d'un appel
réel qui est sous traitement. C'est une plainte qui a été
déposée par une plaignante et qui est actuellement sous
traitement. Alors, à 23 h 09, l'infirmière, après une
évaluation qui dure environ 2 minutes - enfin, qui dure 1 minute 55
secondes - envoie l'ambulance. Le répartiteur, à 23 h 12, affecte
l'ambulance et, à 23 h 18, les techniciens ambulanciers arrivent
à la résidence de la patiente, donc 9 minutes après la
réception de l'appel. À 23 h 45, les techniciens ambulanciers
demandent une réévaluation de l'appel, environ 27 minutes
après leur arrivée à domicile. Et à 23 h 53, on
décide de ne pas transporter la patiente.
Il s'agit d'une patiente qui a dû se rendre elle-même
à l'hôpital où elle fut hospitalisée 4 jours et fut
traitée pour risques majeurs d'accouchement prématuré. Cet
appel a été logé à
Urgences-santé un lundi soir d'automne, à un moment
où, donc, la circulation n'est pas dense, c'est-à-dire entre 23
heures et minuit. Le domicile de la patiente est à environ 10
kilomètres du centre hospitalier où elle devait être
transportée et où elle s'est rendue. Et si la personne avait
été transportée en centre hospitalier pour recevoir les
traitements qui étaient nécessaires, l'ambulance serait
arrivée au centre hospitalier vers 23 h 30 et aurait été
ainsi rendue disponible pour répondre à d'autres appels 23
minutes plus tôt que dans tout le système de contestation du
transport de la patiente. Je ne vous dirai pas grand-chose; je vous dis que
l'infirmière a pris une décision adéquate mais je vous
souligne, en page 4, que l'avant-dernière question de
l'infirmière - donc après à peu près 1 minute 45
secondes de conversation - c'est: "Alors, c'est tout ce qu'on fait? Elle est
bien consciente? Elle respire bien?"
Alors, je vous invite à les mettre en parallèle, à
la page 13, avec... La page 13, elle suit quatre pages qui ne sont pas
numérotées, où on montre l'utilisation du système
médicalisé de "priorisation" des appels d'urgence. Je vous prie
de vous rendre compte que la première question qui est posée,
c'est: "Est-elle consciente?". La deuxième qui est posée, c'est:
"Respire-t-eile?".
Je vous le souligne parce que le jugement professionnel comprend cet
élément que les patients - par un médecin ou par une
infirmière, et c'est normal, ça fait partie de la pratique - sont
questionnés d'une façon aléatoire et que le jugement
clinique s'effectue en fonction d'un ensemble de données qui ne sont pas
codifiées. Je vous invite également à prendre connaissance
de ce document, à la page 9, où, dans la
réévaluation par le médecin, qui dure quelque 8 minutes,
le médecin, au milieu de la page, dit: "Ça sort par là? Il
s'agit de savoir si c'est une perte d'urine ou une perte de liquide amniotique.
Ça sort par là? C'est comme si vous aviez de la misère
à vous retenir, c'est ça?" Alors, la patiente dit: "C'est
ça." Alors, le médecin dit: "O.K. Ce n'est pas les eaux qui sont
rompues, là, comme c'est votre premier bébé, hein?"
Alors ça, Clawson appelle ça, justement, des "leading
questions". C'est-à-dire que le médecin qui a une
"préidée" d'un diagnostic pose des questions qui tendent à
confirmer son diagnostic alors que, dans son système organisé et
médicalement approuvé, il n'y a pas ces "leading questions".
Parce qu'on ne cherche pas à poser un diagnostic, on cherche à
gérer une urgence.
Je vous invite, après la page 12, à lire deux paragraphes
de la deuxième page, sur la façon dont le médecin à
qui est rapporté le cas - et qui a le droit d'expliquer, dans le
système des plaintes que nous avons - traduit la situation: "En
conclusion, cette patiente aurait pu aller à l'hôpital en
ambulance ou par ses propres
moyens, selon la facilité qu'elle avait de se faire conduire ou
non par les membres de sa famille. La patiente a accepté ma
recommandation de se rendre à l'hôpital par ses propres moyens,
sans manifester la moindre réticence. Il est possible que l'irritation
de cette patiente provienne plutôt de l'attitude du technicien
ambulancier qui, à l'écoute de la conversation, semblait un peu
arrogant, expliquant qu'il avait fait des accouchements et que la dame ne
présentait évidemment pas de contractions mais plutôt des
douleurs thoraciques. "En ce qui concerne l'absence de documentation du 1003,
il est possible que la paperasse se soit égarée dans le feu de
l'action."
Ce que je veux dire, c'est qu'il faut voir le type de contrôle de
la qualité qu'on a maintenant quand on a un jugement professionnel.
Parce que, en quelque sorte, ce qu'on demande au médecin, c'est de
justifier s'il a, oui ou non, exercé correctement sa profession. Il ne
s'agit plus de savoir si l'action a été prise comme dans le cas
d'un système où il y a un contrôle de la qualité qui
s'effectue par un répertoire de questions auxquelles on a répondu
adéquatement ou non adéquatement et où on est capables de
mesurer d'une façon ordonnée la qualification et la "calibration"
de l'urgence. Je vous invite à lire les deux pages qui suivent. "Je te
transmets, ci-joint, la réponse écrite du docteur au sujet de la
plainte dont il a été récemment l'objet. J'aimerais
distinguer quatre niveaux de réponse. "Le diagnostic. Ni
l'infirmière ni le médecin n'étaient en effet convaincus -
convaincus -qu'il s'agissait d'un travail prématuré. D'autres
hypothèses étaient présentes et la décision prise
d'une réévaluation en centre hospitalier était correcte."
Mais la question posée, c'était le transport ou le non-transport,
n'est-ce pas? "Les moyens de transport. La patiente requérait-elle un
transport ambulancier? À mon avis, cette personne pouvait fort bien, et
de façon sécuritaire, se rendre au centre hospitalier par ses
propres moyens, ce qui est le moyen de transport choisi par la
quasi-totalité des femmes présentant ce type de symptômes.
La dame n'a fait aucune mention d'un empêchement technique, telle la
non-disponibilité d'un véhicule automobile, et n'a exprimé
aucune réticence, bien au contraire." Donc, une victime, en quelque
sorte, consentante. Je tiens à vous souligner, là, qu'il s'est
passé 35 minutes dans cette réévaluation alors que
ça aurait pris 10 minutes pour amener la patiente à
l'hôpital. "Problème d'attitude. Alors que les interactions entre
les intervenants de la centrale, infirmières et médecins, et la
patiente sont courtoises et professionnelles, il n'en va pas de même de
l'attitude du technicien ambulancier qui fait apparemment part d'une
présomption dangereuse quant à sa propre capacité
diagnostique. Sa formation ne lui permet d'aucune façon, nonobstant les
quelques accouchements qu'il a pu faire sur la route, de procéder sur
place, avec ou sans contrôle médical à distance, à
l'évaluation d'une éventualité de travail
prématuré. Cette attitude est condamnable." Mais si cette
attitude est condamnable, pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas transportée?
Et qui a pris la décision de ne pas la transporter? "Documentation. Le
docteur reconnaît ne pas avoir inscrit sa décision sur la
fiche-appel. Cependant, l'enregistrement documente de façon claire sa
décision et ne contredit nullement la version de la plaignante."
Bon. Alors, ce que je voudrais vous souligner, c'est que c'est une
plainte à propos d'une patiente qui dit qu'elle aurait dû
être transportée en ambulance, parce qu'elle était à
risque de perdre son enfant et sa vie était à risque, et qu'on ne
l'a pas transportée. Dans tout l'examen du jugement professionnel, la
question qu'on se pose, c'est: Est-ce qu'on était capable ou non de
savoir si c'était du liquide amniotique ou de l'urine au
téléphone?
On ne s'est pas posé la question à savoir pourquoi on est
arrivés à une décision semblable, ce qui constitue, pour
Urgences-santé, une erreur, et qu'allons-nous faire pour changer?
Ça, le système Clawson le permet d'une façon
immédiate. C'est ça, la différence, entre un jugement
professionnel et un système médicalisé de "prio-risation"
des appels.
Deuxièmement, je tiens à vous dire que... Je ne veux pas
parler contre la demeure, mais il ne faut pas parler comme si ça ne
coûtait rien non plus, ce type d'évaluation
ultraspécialisée qui s'effectue uniquement sur le territoire de
Montréal métropolitain, qui est d'ailleurs le seul territoire de
service préhospitalier où on peut être rendu à
l'hôpital en dedans de 10 minutes partout. Le service infirmier a un
coût d'opération de 3 500 000 $ par année. Le service
médical a un coût d'opération de 9 500 000 $ par
année, payé en partie par la RAMQ en vacation et en partie par
nous. Il y a un coût à l'utilisation de ce type de filtrage.
Maintenant, je tiens également à vous rappeler un certain
nombre de chiffres qui peuvent vous aider à comprendre la situation. Il
y a, en moyenne, 1000 appels par jour. En moyenne, 1000 appels. Les chiffres
sont gros, même si c'est ceux qu'on utilise à peu près tout
le temps quand on veut parler de la maison. Il y a 1000 appels qui nous
parviennent par jour.
Le Président (M. Joly): M. Lamarche, j'apprécierais
beaucoup si vous pouviez peut-être essayer de faire ça le plus
concis possible.
M. Lamarche: Oui. J'en ai pour 30 secondes.
Le Président (M. Joly): Autrement, il n'y aura plus de
temps pour les parlementaires pour
vous questionner.
M. Lamarche: C'est correct. J'en ai pour 30 secondes, mais c'est
très Important. Il y a 1000 appels par jour. Il y en a 520 qui sont des
appels d'Info-Santé, donc qui ne sont pas des appels de demande de
ressources, ce qui en laisse 480 pour les transports, parmi lesquels il y en a
130 qui sont des interétablissements, donc qui ne sont pas
évalués à travers le 911, qui sont évalués
par l'hôpital qui appelle directement parce qu'il a besoin de faire faire
un transport. Ce qui signifie qu'il en reste, en moyenne, toujours, 350 qui
nous parviennent via le 911. 350 appels par jour, en moyenne, je
répète, parmi lesquels 60 % sont des urgences et 40 % sont des
besoins de transport, mais moins urgents. Ce qui veut dire qu'il y a 210
demandes par jour, par 24 heures, de transport d'urgence à
Urgences-santé, auxquelles s'ajoutent 140 transports moins urgents.
Si le système Clawson ne vaut absolument rien, qu'il ne trie
absolument rien et qu'il envoie une ressource par appel, la différence,
c'est une progression entre 210 et 350 transports, qui se font quand
même, mais, là, qui se font d'une façon urgente. Pour faire
face à cette demande-là, à tous les jours, on programme
200 quarts de 8 heures d'ambulance par jour. Le taux d'utilisation des
ambulances dans les transports à Urgences-santé, pour une
période de 8 heures, c'est 2,4 patients. et je tiens à vous
souligner que, dans un système qui permet constamment de
réévaluer comme ça, de parler 8 minutes au médecin
et de parler 20 minutes à la patiente pour savoir si elle a vraiment
besoin d'un transport ou si c'est une assistée sociale qui veut avoir
une ambulance parce ça ne coûte rien et que, si elle prenait le
taxi, elle serait obligée de débourser, avec toute cette attitude
où on met en procès les patients qui nous sont confiés, si
on procédait d'une façon qui soit "protocolisée", on
prendrait, comme la moyenne nationale, moins de 35 minutes pour faire le
transport. là, on fait 2,4 transports et on prend 66 minutes, à
peu près. j'ai déposé ces chiffres-là hier. alors,
la seule chose que je veux vous souligner, c'est que si on utilisait ce
moyen-là on serait capable, sans même diminuer d'une minute la
disponibilité, de faire deux fois plus de transports. je vous
remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Lamarche. M. le
député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Je remarque, depuis qu'on est
assis ici, en commission parlementaire, depuis hier, et je vous pose la
question bien précise: Tous les groupes de travailleurs ou de
travailleuses qui se sont présentés devant nous, incluant les
médecins, nous ont carrément dit qu'il n'y avait pas eu de
consultations pour le système clawson à urgences-santé.
alors, je pose ma question: y a-t-il eu des consultations auprès de ces
groupes de travailleurs? et, si oui, quelles sont-elles?
M. Lamarche: Sur Clawson, il y a eu une consultation plus
particulière et plus soutenue avec les médecins. D'ailleurs, je
tiens à vous souligner que le Dr Clawson est venu les 4 et 5 septembre
1991 à Montréal, la première fois. Et le comité
médical d'Urgences-santé était invité et a
participé à une présentation. Étaient aussi
présents les médecins qui ont des mandats dans le cadre de la
réforme du préhospitalier ou du GTI et ils ont pu assister, donc,
à la présentation de Clawson et lui poser toutes les questions
qu'Us voulaient.
Le 5 septembre, à 17 h 30, le Dr Clawson, avec le Dr Bastien, a
voulu se rendre à la salle des services Infirmiers pour passer la
soirée parmi les infirmières, parce qu'une des choses qui
l'intéressaient, non seulement en termes de compréhension de
notre système mais en termes de ressources alternatives probablement
souhaitables et qu'il serait sans doute possible de développer dans
certaines villes américaines qui voudraient le faire, il voulait voir
quel était un peu ce système d'Info-Santé. Il avait
demandé la permission d'y passer de 17 h 30 jusqu'à minuit pour
être présent, écouter et discuter avec les
infirmières qui voudraient discuter avec lui. La présidente du
syndicat s'est présentée et à dit au Dr Bastien que s'il
pénétrait dans la salle des infirmières en compagnie du Dr
Clawson, les infirmières se débranchaient. Bon. C'est un peu un
problème pour entreprendre une consultation.
Et l'ensemble des discussions qui se font avec les groupes... Et je
pense que vous pouvez en être témoins parce que, finalement,
n'ayant assisté que sporadiquement aux présentations des groupes
devant la commission, je crois comprendre qu'à peu près tout le
monde dit: Bien, les médecins, les infirmières, bon, laissez-nous
là, mais mettez une répartition assistée par ordinateur.
Et les répartiteurs, eux autres, disent: Bien, ne mettez pas une
répartition assistée par ordinateur, mais augmentez d'à
peu près 150 % nos postes de travail en sectorisant et ajoutez cinq
imprimantes. C'est-à-dire qu'on est prêts au changement, mais
ailleurs.
Je pense que c'est Lester Thrurow qui parlait de la tyrannie du statu
quo. Si la consultation porte sur le fait que la directive ministérielle
est interprétable, on "peut-u" s'entendre pour l'interpréter? Je
le sais qu'elle est interprétable. Je le sais qu'une directive
ministérielle - et c'est un signe d'intelligence, à mon avis - ne
fixe pas d'une façon rigide une chose à faire. Sauf que
l'interprétation de la directive ministérielle en
démocratie, à mon avis, ça relève du
ministère, ça relève des ministériels, ça
relève de ceux qui l'émettent. C'est eux qui disent: Oui, je suis
satisfait du rendement et de l'interpréta-
tion qu'on y apporte. Et d'ailleurs, pour ajouter à ça, le
ministre a désigné une personne spécifiquement
attachée au conseil d'administration d'Urgences-santé pour voir
de quelle façon, pour voir si c'était de façon
satisfaisante.
La consultation - j'ai déposé un document - on en fait
beaucoup. Et, à mon avis, on en fait plus que beaucoup de compagnies
qu'on pourrait me nommer ici ou beaucoup d'entreprises du secteur public. Mais
elle ne porte pas sur la remise en question des directives, elle ne porte pas
sur le fait qu'on va traiter dans une minute ou pas, qu'on va laisser les
médecins sur la route ou pas, qu'on va faire ou pas une
répartition assistée par ordinateur. À mon avis, si le
conseil d'administration ou si les membres du conseil d'administration ne sont
pas d'accord avec les directives qui ont été transmises, ils
n'ont qu'une chose à faire, c'est de rendre leur démission. Et je
ferais la même chose. Si on est d'accord, il faut les implanter.
M. Paradis (Matapédia): On est d'accord là-dessus.
Si, à un moment donné, les directives ministérielles ne
sont pas appliquées, bien, il y aura un problème et, là,
on s'ajustera au problème si ça devait être le cas. Mais ce
que je veux vous dire, ce que j'ai senti hier, c'est qu'effectivement tout le
monde était pour la vertu, mais pas dans ma cour. Et, à ce
niveau-là, je pense qu'il y aura des efforts à faire pour essayer
de rendre tout le monde heureux dans la boite. Ceci étant dit,
j'aimerais vous faire préciser - ça a été
soulevé tout à l'heure avec M. Cotton - davantage le fameux
article 29 de la loi 34. (11 h 30)
M. Lamarcne: L'article 29 de la loi, je n'ai pas le texte devant
moi mais, de mémoire, il comprend une première condition pour
l'intégration des techniciens ambulanciers à la Corporation
d'urgences-santé, qui s'effectuait le 17 juillet 1989 par une
décision adoptée le mercredi précédent. Alors,
ça, c'était un dimanche. Je pense que le mercredi
précédent, c'était un 12 juillet. Le Conseil des ministres
adoptait un décret et décidait que pour tous ceux qui avaient
conclu des ententes avec la Corporation, ententes qui avaient été
entérinées par le Conseil des ministres, après approbation
du Conseil du trésor - ça, ça demande beaucoup de
conspirateurs, comme vous le voyez, là - il y avait intégration
à une première condition: c'est que les personnes aient
été là avant le 12 mai 1988, parce que le 12 mai 1988,
c'était la date de présentation, en Chambre, du projet de
loi.
L'objet de cette disposition-là, c'était pour
empêcher qu'on fasse ou que les entreprises ou que les compagnies qui
étaient nommées en annexe fassent du "featherbeddlng", comme
disent les Parisiens. C'est-à-dire que là, ils embauchent leur
beau-frère, leur belle-soeur, leur frère, leur voisin, dans leur
compagnie, pour que, finalement, on les refile au gouvernement. Donc, on a dit
- en tout cas, l'Assemblée nationale a dit - Ah! Ceux qui étaient
là le 12 mai. Ceux qui n'étaient pas là le 12 mai, ils
devront avoir l'approbation de la Corporation, c'est-à-dire dans le
cadre d'un autre élément, aussi, qui était compris dans la
loi, d'un plan d'effectif que le Conseil du trésor surveille. Il fallait
que cette personne-là soit un salarié à la date de
l'application du contrat, c'est-à-dire, le 17 juillet 1989, à
minuit, un dimanche soir, le dimanche, pour que les gens puissent avoir leur
fin de semaine de congé.
Je l'ai dit tantôt, c'est le 12 mai que le Conseil des ministres a
promulgué le contrat. Les entreprises, un certain nombre d'entreprises,
qui étaient nommées en annexe, le 12 mai, se sont rendues partout
dans les offices gouvernementaux pour demander que la vente à la
coopérative puisse être réalisée et elle s'est
réalisée en catastrophe, le 14 juillet, qui était un
vendredi, et elle s'est terminée à 23 h 55. Et là,
à 23 h 55, un vendredi soir, les employeurs d'un certain nombre
d'employés n'existaient plus. Il y avait de ces personnes-là qui
étaient en vacances, il y avait de ces personnes-là qui
étaient en congé, il y avait de ces personnes-là qui ne
savaient pas quel était leur horaire de travail. Mais, à compter
du 17, ils étaient chez un nouvel employeur. Comme ils n'étaient
pas à l'emploi d'une compagnie qui existait et qui transférait,
par un contrat, et que le personnel, donc, qui était à son
emploi, transférait, il fallait, pour ne pas qu'il y ait un vide
juridique, que ces personnes-là aient été maintenues
à l'emploi. N'importe qui aurait pu représenter mais, si vous ne
vous êtes pas présentés à la coopérative,
vous ne vous êtes pas présentés pour travailler. Si vous ne
vous êtes pas présentés, vous êtes
présumés avoir démissionné.
Si - je ne sais pas, moi, une hypothèse improbable - Molson et
O'Keefe se fusionnent et que quelqu'un qui était chez O'Keefe hait
tellement la Molson qu'il décide de ne plus se présenter, bien,
il est réputé avoir démissionné, hein? Bien,
c'était un peu la même situation qui pouvait se présenter.
De quelle façon juridique est-ce qu'il pouvait être
sécurisé que cette personne-là avait effectivement
été transférée? La seule façon qu'elle
puisse être à l'emploi et qui était conforme avec les lois
du Québec, c'était qu'elle devienne membre de la
coopérative. Ça, c'était le signe par lequel elle pouvait
démontrer, devant tout le monde, y compris a posteriori et hors de tout
doute raisonnable, qu'elle était devenue membre. S'il n'y avait pas
ça qui se passait, n'importe quel travailleur pouvait contester
l'ancienneté de la personne en disant: II y a eu rupture du lien
d'emploi le 14 juillet. Le 15 juillet, le 16 juillet, le 17 juillet, dans la
journée, ce monsieur n'était pas à l'emploi de la
coopérative. La preuve, c'est que jamais il n'a été
membre. S'il n'était pas à l'emploi de la coopérative, il
ne pouvait pas être
intégré.
Si Urgences-santé, vous l'avez acceptée, vous l'avez
acceptée le 17 juillet avec une journée d'ancienneté; le
18 juillet, avec 2 jours d'ancienneté; le 19 juillet, avec 3 jours
d'ancienneté. C'est ça que ça voulait dire. Ça veut
dire que des travailleurs qui avaient accumulé une ancienneté,
parfois de 15 ans, qui était même antérieure a l'existence
d'Urgences-santé, dans certains cas, risquaient de se retrouver à
zéro. Et là on aurait favorisé, et ça aurait
été un moyen extraordinaire, si la Corporation avait voulu
favoriser la coopérative, de punir ceux qui ne voulaient pas.
Ce que la Corporation n'a pas voulu faire et ce qu'elle a cherché
à faire, c'est de leur demander de prendre des mesures, comme on dit en
droit, des moyens conservatoires; de prendre les moyens les plus sûrs
pour ne pas se placer en situation qu'une chicane apparaisse. Nous, comme
corporation publique, on n'était pas bien, bien,
intéressés non plus à ce que naisse une chicane entre 200
techniciens ambulanciers Intégrés telle date et 500 techniciens
ambulanciers intégrés antérieurement. Or, c'est pour
ça que pour apaiser, on a écrit. On n'a pas négocié
et on n'a pas eu besoin de négocier et on n'a pas besoin de
négocier pour savoir l'interprétation de la loi 34,
l'interprétation du Code du travail et l'interprétation de la Loi
sur les coopératives.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Chevrette: M. le Président, je vais y aller.
Le Président (M. Joly): Ah! Parfait, M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: C'est vrai que vous n'aviez pas besoin de
négocier, vous aviez tout négocié avant, je le reconnais.
Mais ce que je veux dire... Les questions qui devraient être
répondues dans une enquête publique: Pourquoi avoir attendu au 15
en catastrophe? Pourquoi avoir menacé l'enlèvement d'un permis
à S.O.S? Pourquoi avoir négocié de nuit, pratiquement?
Pourquoi ils ont été obligés de vendre? Il y a une
série de choses qui sortiraient, M. Lamarche, qui vous feraient
redresser le peu de cheveux qu'il vous reste, comme moi.
Donc, à partir de là, moi, j'aurais une seule question
à vous poser. Vous avez dit tantôt, dans votre rapport, que les
techniciens ambulanciers, dans un des cas que vous avez déposés,
avaient peu de formation. Vous rappelez-vous ce qu'on a fait avec les
salariés? On leur a promis 825 heures de formation quand on leur a fait
gober la 34. Et il n'y a rien qui se fait ou peu. Il y a jusqu'à quelque
300 heures, me dit-on, qu'on peut aller chercher. Si vous voulez
sécuriser les gens, qu'est-ce que vous attendez pour organiser les cours
de formation?
M. Lamarche: II faut distinguer deux choses. Les 825 heures de
formation, c'était la recommandation qui était faite par les
groupes de travail qui existaient à l'époque et les CLSC sur
lesquels et la CSN et le ministère - et il y avait même une
déclaration ministérielle à cette époque -
étaient d'accord. C'est une formation qui doit être donnée
dans le cadre d'un programme du ministère de l'Éducation dont,
à mon information, le dossier progresse. Moi, je ne veux plus
connaître de situation comme celle qu'on a connue dans un état de
pénurie où on a été obligés nous-mêmes
d'organiser de la formation avant que les techniciens ambulanciers aient
à intervenir parce que ce n'est pas notre mission.
Sur la formation, c'est effectivement un dossier que l'on va faire et
c'est effectivement un dossier que l'on doit faire parce que la directive
ministérielle dit: II doit y avoir retrait des médecins. Il doit
y avoir formation, réallocation des ressources. Ce qu'on veut discuter
avec les médecins, et même, pour être plus précis,
même si vous n'aimez pas ça après, négocier avec les
médecins, c'est de quelle façon on est capable de prendre...
M. Chevrette: Vous avez la chair de poule à rien,
vous.
M. Lamarche: Pardon?
M. Chevrette: Vous avez la chair de poule à rien, vous.
Répondez donc aux questions et ramassez-les un peu, parce qu'on a
seulement 10 minutes, à part ça.
M. Lamarche: C'est parce que vous avez dit tantôt que tout
était négocié.
M. Chevrette: Mais c'est long, là, aboutissez!
M. Lamarche: J'aime autant donner tous les éléments
de réponse, citer tous les éléments de la loi et comme
ça, c'est clair pour tout le monde et ça ne porte pas à
des confusions.
M. Chevrette: Là, ce n'est pas dans la loi, c'est une
promesse. Ce n'est pas dans la loi, ça!
M. Lamarche: Là, je parie de ce que nous avons l'intention
de faire dans le cadre du mandat, qui est confié par directive, du
retrait des médecins. Ce qu'on a l'intention de faire, c'est d'organiser
une discussion avec les médecins pour déterminer quels sont les
actes, quels sont les gestes, quels sont les protocoles, quelles sont les
manières de faire et nécessaires d'établir
avant qu'il y ait retrait des médecins sur la route. Quelle est
la formation qu'on doit faire? Le type de formation, la façon dont on
veut faire la formation, c'est une formation en cours d'emploi.
C'est une formation, je vous ai dit tantôt... Il y a 200 quarts de
travail par jour qui sortent. Ces 200 quarts de travail par jour, ils sortent
dans 5 points de service différents. Il y a donc 40 départs par
jour qui sont répartis en 9 départs: 3 le matin, 3
l'après-midi et 3 le soir. Ce qu'on veut faire, c'est retenir un certain
nombre d'équipes, pendant 3 heures, pendant 4 heures, de la route pour
les garder dans le point de service où serait présent un
médecin et où, là, on leur enseignerait des techniques,
des protocoles pendant le nombre d'heures nécessaires. À la suite
de cette formation-là, le médecin prendrait la route avec ces
équipes pour faire un contrôle et un suivi.
On organiserait cette formation de telle sorte qu'on ne soit pas
obligé de retirer les gens de la route, les envoyer dans un
cégep, payer le cégep, payer leurs remplaçants et faire en
sorte que ça nous coûte des millions pour faire la formation. Ce
qu'on veut faire, c'est recourir à une formation professionnelle en
cours d'emploi en utilisant la capacité qu'on a de pouvoir programmer
nos départs et en utilisant les ressources médicales que nous
avons et que nous pouvons réallouer autrement.
M. Chevrette: Je vous remercie. Je veux donner une chance
à mon collègue de poser une question. Je reviendrai une minute
à la fin pour vous formuler un voeu.
Le Président (M. Joly): Oui, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Rapidement, sur Clawson, ce qu'on a appris au cours
des audiences des différents groupes, c'est bien plus au niveau de la
gestion de la flotte que se situe le problème. Ce n'est pas qu'il n'y a
pas de problème au niveau du triage. C'est bien plus inquiétant
quand le répartiteur nous dit qu'il a été obligé
d'appeler la compagnie de taxi pour savoir où s'en aller. M. Cotton
disait ce matin que le temps, juste le temps d'aller à la
répartition, c'est quelque chose comme une minute et demie. Là,
on est en train de virer le monde à l'envers au niveau du triage, s'il
va être professionnel ou s'il va être mécanisé. C'est
assez évident que c'est au niveau de la répartition que se situe
le problème. Avez-vous l'impression sur le plan administratif, M.
Lamarche, que vous allez vraiment avoir les éléments et le climat
nécessaires pour implanter un système assisté par
ordinateur au niveau de la répartition, au niveau de l'affectation des
véhicules? Avez-vous cette ferme impression là que le climat est
à ça et qu'on va y arriver?
M. Lamarche: Je pense que oui. Je suis optimiste de nature, mais
j'ai connu des situations, j'ai même presque uniquement connu dans mon
métier antérieur des situations qui étaient difficiles.
Alors, ça ne me désespère pas. Je cherche des documents
parce que je veux répondre à votre question.
D'abord cliniquement... Vous savez, on a donné un fonctionnement
actuel et on a donné un fonctionnement prévu. Le temps le plus
Important et le temps où il faut absolument couper le plus cliniquement
- je ne vous parle pas administrativement, je vous parle cliniquement - c'est
entre la réception de l'appel et l'arrivée sur les lieux parce
qu'il faut porter secours. On ne peut plus comprimer le temps externe à
plus que là où on en est parce qu'on est à cinq minutes.
C'est à peu près ce qui s'observe partout en Amérique du
Nord. Pour pouvoir prendre moins de cinq minutes, il faudrait faire plus que
doubler les véhicules de la flotte et ça devient donc prohibitif
comme coût. là où on peut encore couper et où on
peut couper d'une façon singulière, c'est dans le traitement de
l'appel et l'affectation. on peut couper à une minute avec un
système médicalisé. c'est-à-dire que si, comme je
l'ai déposé ce matin, on utilise une manière anarchique de
questionner la patiente et on suit un peu son raisonnement, on revient... si on
suit une méthode très programmée, dans tous les cas on est
capable d'arriver à une décision en dedans d'une minute.
L'autre élément qui est conséquent de ça, M.
le député, et qui est très important, c'est que si on est
dans un système qui comporte un jugement professionnel, une
réévaluation, une capacité de rappeler, on est dans un
système qui prend, comme temps de transport moyen, 67 minutes. Premier
élément de la gestion de la flotte. Il faut gagner du temps pour
être capable de retrouver de la disponibilité. C'est vrai aussi
que la localisation spatiale et l'identification des statuts des
véhicules, ça devient très important. Mais ce que va
pouvoir faire une répartition assistée par ordinateur, si on
n'est pas capable de donner les éléments intrants traités
par ordinateur pour qu'ils puissent être interprétés, c'est
50 % de la performance d'une répartition assistée par ordinateur
uniquement. Je ne veux pas que ça soit cité mal à propos,
mais les informaticiens parlent de "garbage in, garbage out".
Voilà le problème. S'il s'agit d'un jugement
professionnel, ça ne peut pas être mis sur une méthode de
traitement par ordinateur à moins d'accepter de prendre encore plus de
temps. Là, on perd le temps clinique important et on installe une
répartition assistée par ordinateur qui va avoir une
efficacité que de 50 % parce que la moitié des intrants ne pourra
pas être gérée par l'ordinateur. Les deux doivent se
faire.
Donc, on doit pouvoir avoir une méthode de traitement des appels
en dedans d'une minute qui est ordonnée, qui permet le traitement par
ordinateur et qui transfère immédiatement à la
répartition qui, elle, a trouvé la localisation spatiale
réelle des véhicules, qui est capable de transmettre la
géomatique, qui est capable de transmettre les dossiers - je l'ai dit
dans ma première intervention au mois de septembre - et qui juxtapose
les deux. Et là, on vient de franchir une étape importante; on
vient de couper de la moitié le temps de transport, donc on vient de
doubler la flotte que nous avons. (11 h 45)
M. Trudel: Ça, c'est à condition que tout le monde
entre dans les petites cases, c'est-à-dire que tout le monde ait un
comportement, que l'appelant en détresse ait un comportement, qu'il
réponde bien aux questions qui sont standardisées. Si tout le
monde entrait dans la petite case et avait un comportement de malade
modèle, là, on y arriverait à ça. Mais regardez le
reste du système, puis là, je vous amène sur une autre
piste parce que, malheureusement, on n'a pas beaucoup de temps. Je vais
l'analyser, votre réponse.
Quand les 1000 techniciens ambulanciers parient de terrorisme
disciplinaire, je ne veux pas que vous me donniez vos jugements. Je ne veux pas
que vous me donniez votre jugement. Je vous dis: Comment allez-vous me faire
accroire, à moi, qu'on va diminuer le temps de la répartition,
qu'on va diminuer le temps, dans ces cinq ou six minutes essentielles? Mon
collègue en a parlé aussi hier soir, par exemple, dans le cas des
arrêts cardiovasculaires. C'est vrai que c'est un temps essentiel pour
permettre de sauver la personne. Mais comment, dans ce climat-là,
à travers ces affirmations-là et avec un ensemble de
problèmes qui ont l'air à être vécus dans la
boîte, on va en arriver à ce que tout le monde ait un comportement
modèle? Vous n'avez absolument pas les conditions pour implanter
ça.
Comment pensez-vous que vous allez pouvoir arriver à ce que tout
le monde, y compris - puis je l'ajoute - la séparation de l'urgent et du
non-urgent au niveau d'Info-Santé... Il va falloir éduquer, avoir
un comportement pour que tout le monde fasse le chiffre à sept
numéros pour appeler Info-Santé. Ça ne sera pas
automatique que tout le monde n'appelle pas au 911. Ça fait 10 ans ou 12
ans qu'on modèle le comportement social de la population en disant:
Quand il y a de l'urgence, de la détresse, vous appelez 911. Ça
ne se fera pas de même, cette histoire-là. Mais, nous autres, on
va avoir le système mécanique au départ. La question,
c'est: Quand j'entends dans le mémoire des 1000 techniciens ambulanciers
qui sont sur la route et que c'est eux qui ont affaire aux personnes, comment,
dans un climat décrit comme étant du terrorisme disciplinaire, on
va pouvoir arriver à implanter cette méthode scientifique
où toutes les variables sont contrôlées, sauf la
détresse?
M. Lamarche: Votre spécialiste en relations de travail me
fait un sourire.
M. Chevrette: C'est parce que vous avez souri. Voulez-vous que
j'aie l'air bête. Ça ne me forcera pas. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): M. le député de
Rouyn, une dernière intervention, s'il vous plaît.
M. Lamarche: II y a un élément auquel je veux
absolument répondre parce que c'est très important. Vous nous
dites: Comment est-ce que les patients, comment est-ce que tes appelants vont
être capables de pouvoir répondre? C'est ça, le
système Clawson. C'est une prise en charge du traitement de l'appel. Ce
n'est pas le patient qui s'exprime, ce n'est pas... Le patient est
questionné d'une manière médicalement approuvée et
donne donc les réponses nécessaires.
Je ne veux pas parler contre la demeure, je l'ai dit tantôt, mais
je trouve singulier qu'il y ait juste dans le Montréal
métropolitain, ce qui exclut même Joliette, ce qui exclut
même Matane, ce qui exclut même Rouyn-Noranda, où les
citoyens ne sont pas capables de faire la différence entre un
numéro de téléphone à sept chiffres... Je sais
qu'il y a des habitudes qui s'acquièrent. Je sais qu'on va devoir faire
une campagne de publicité. Je peux vous dire que, dans les enveloppes de
Bell Canada, dans les enveloppes de Gaz Métropolitain, dans les
enveloppes d'Hydro-Québec, sur les autobus, on va faire un affichage. On
va dire: Si vous avez besoin d'information, appelez tel numéro, si vous
avez besoin...
M. Trudel: Parlez-moi plus du climat.
M. Lamarche: bon, le terrorisme, là, je suis
habitué avec les syndicats. j'ai passé 24 ans de ma vie dans les
syndicats. j'ai passé 17 ans à négocier, parmi lesquelles
les 10 dernières années à négocier au niveau du
bureau du président de la csn, donc, c'est à peu près tout
ce qu'il y avait de plus... c'est évident qu'une présentation
d'une situation difficile entraîne des compromis nécessaires de la
part de l'employeur et on sait qu'on est sollicités pour faire des
compromis. on va en faire. moi, je suis prêt à m'entendre avec le
retaq.
Quand les techniciens ambulanciers, certains techniciens ambulanciers ne
transportent pas des patients sur civière et que les infirmières
des salles d'urgences ou les médecins des salles d'urgences nous
appellent pour nous dire: Le patient était en infarctus et les
techniciens ambulanciers l'ont fait marcher, actuellement, pour la
première situation, on suspend deux semaines. On dit que c'est trop
grave. Est-ce que
le syndicat veut s'entendre avec nous pour dire qu'une semaine, ce
serait raisonnable, puis que ça cesserait d'être du terrorisme?
Ça serait juste, disons, un contrôle disciplinaire
nécessaire pour assurer le bien des patients.
La deuxième fois, on pourrait suspendre deux mois, puis la
troisième fois ça pourrait être un congédiement.
Ça ne prend pas bien, bien longtemps, ça, à s'enseigner
à un technicien ambulancier que, hormis des situations exceptionnelles
qui sont décrites dans tous les protocoles, un patient, ça se
transporte couché parce qu'il peut être en infarctus, parce qu'il
peut être en hémorragie, parce qu'il peut être en fracture.
Cest ça, les cas d'intervention disciplinaire qu'on a.
Vous appelez ça du terrorisme, je ne sais pas si suspendre deux
semaines... Moi, j'aurais plutôt tendance à penser que c'est
facile à comprendre ça, qu'on transporte couché.
M. Trudel: Le moins qu'on puisse dire, c'est que la situation est
perçue comme telle...
M. Lamarche: Oui, oui.
M. Trudel: ...par, mettons, un grand nombre de personnes à
l'intérieur de votre boîte.
M. Lamarche: Perçu, perçu au niveau des...
Le Président (M. Joly): Je ne voudrais pas... Au niveau
des perceptions, là, je pense qu'on pourrait en dire beaucoup. Le temps
qui nous a été dévolu a été
entièrement consommé.
M. Trudel: Entièrement consommé?
Le Président (M. Joly): Entièrement
consommé.
M. Trudel: C'est que tout à l'heure je n'ai pas pu
l'interroger sur le contrat secret avec Clawson pour l'achat de ce
système-là.
Le Président (M. Joly): Vous aurez d'autres occasions
sûrement, M. le député.
M. Trudel: Le coût, puis les autres modalités.
Le Président (M. Joly): Alors, je pense qu'en conclusion
je dois remercier M. Lamarche et les gens qui l'accompagnent pour avoir
largement contribué à l'avancement, disons, de ce qu'on
cherchait. Votre collaboration de dernière minute, encore une fois, est
hautement appréciée. Alors, merci beaucoup, M. Lamarche.
M. Chevrette: Je veux lui souhaiter d'être capable
d'asseoir son monde, parce que les répartiteurs hier ont
été clairs: Vous manquez de transparence, disaient-ils.
Aujourd'hui, c'est les techniciens, ça a été les
infirmières. Y a-t-il moyen que vous parliez au monde? Vous étiez
proche du monde avant. Vous pourriez peut-être revenir à vos
anciennes amours.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, au plaisir, M.
Lamarche. M. Hudon, Mme Chartier, merci.
Alors, je demanderais maintenant au Dr Pierre Frechette, responsable du
groupe sur les services préhospitaliers et de traumatologie, de bien
vouloir prendre place, s'il vous plaît. Je vous souhaite la bienvenue, Dr
Frechette. Je ne pense pas que j'aie à vous expliquer notre
procédure. Vous avez un temps d'une trentaine de minutes, si vous le
désirez, ou moins, si vous le jugez à propos, et la balance du
temps sera répartie pour les deux formations. S'il vous plaît,
ceux qui ont à quitter la salle... S'il vous plaît. Alors, Dr
Frechette, la parole est à vous.
M. Pierre Frechette
M. Frechette (Pierre): Merci, M. le Président. Je vais
tenter d'être bref, les gens dans la salle en ayant déjà
entendu passablement au cours des deux dernières journées. Je
tiens d'abord à faire remarquer que ce qu'on a entendu jusqu'à
maintenant reflète un souci à peu près
général du patient, de la qualité des services et de la
qualité des soins que tous les intervenants, à tous les niveaux,
ont exprimé; un souci de qualité de soins, un souci de
disponibilité pour le public qui semble, du moins à ce que j'ai
entendu, unanime.
Dans ce même ordre d'idées, les différents
intervenants nous ont dit qu'ils acceptaient, dans l'ensemble, les
recommandations ministérielles suite au rapport De Coster. Bien
sûr on a émis quelques réserves. Bien sûr on a
émis des inquiétudes. Mais ces réserves et ces
inquiétudes étaient généralement à l'endroit
de certaines directives particulières qui touchaient plus directement
les groupes qui avaient des réserves. Je n'ai pas entendu, au cours des
deux dernières journées, des remarques à l'effet que
certaines des directives ministérielles qui touchaient d'autres groupes
d'intervention que ceux qui étaient à la table ici devraient
être suspendues, modifiées, appliquées de façon
prudente, etc.
Le questionnement des intervenants, de la base d'Urgences-santé,
se centre beaucoup plus sur le comment. On est d'accord pour les changements,
mais on est inquiet quant à comment ce changement va pouvoir
s'opérer. Et, à mon avis, c'est tout à fait normal. Tout
changement comporte, par essence, un certain degré d'incertitude, qui,
lui, va générer nécessairement un certain degré
d'inquiétude. On est tous des humains et quand on est inquiets, on tente
par toutes sortes de moyens de se rassurer.
Dans le cas qui nous préoccupe ici, l'inquiétude vient de
l'incertitude, et on va tenter
d'éclaicir le plus possible ce qui est incertain.
Malheureusement, dans un dossier de l'envergure des soins
préhospitaliers - et là je parle peut-être non seulement
pour les soins préhospitaliers du Montréal métropolitain,
mais peut-être à l'échelle du Québec... C'est un
dossier tellement complexe, qui touche tellement d'intervenants, de tellement
de niveaux, et de tellement d'autorités administratives
différentes qu'il est à peu près impossible de clarifier
avec précision, à ce moment-ci de l'étude du dossier, tous
les aspects qui sont susceptibles de générer une incertitude,
quelle qu'elle soit.
Je peux donc dire sans équivoque que oui, les gens qui dispensent
les soins préhospitaliers d'urgence à Montréal, ainsi que
les personnes qui administrent le système de soins
préhospitaliers d'urgence à Montréal ont accepté
les recommandations ministérielles et ont déjà
commencé à travailler à les implanter avec tous les
problèmes qui y sont reliés.
Jusqu'à quel point Urgences-santé est-Il avancé
dans la mise en place des recommandations du ministre? On a pu entendre, bien
sûr, qu'il y avait des problèmes de communication, de
consultation, de gestion de personnel, de relations de travail, en fait, des
problèmes de relations humaines entre la direction
d'Urgences-santé et tes différents groupes d'intervenants, et,
plus souvent qu'autrement, les groupes d'intervenants entre eux.
Personnellement, je ne vois pas là une problématique absolument
extraordinaire et scandaleuse. J'y vois beaucoup plus une problématique
profondément humaine qui reflète un très haut niveau
d'incertitude et d'inquiétude face à des changements qui - il
faut bien l'admettre - sont profonds et qui touchent tout le monde.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que ces
changements-là touchent aussi et peut-être d'abord et avant tout
la direction d'Urgences-santé. Ils touchent aussi, bien sûr, les
intervenants à tous les niveaux. Ils comportent un
échéancier qui est d'une longueur tellement courte que même
l'échéancier comporte un facteur de stress pour tout le monde. Le
degré d'avancement de réalisation de l'implantation est difficile
à évaluer de mon point de vue. (12 heures) je voudrais rappeler
aux membres de la commission que je suis actuellement en travail à titre
de fonctionnaire, en prêt de service au ministère de la
santé à trois jours par semaine, sur deux dossiers qui sont: la
traumatologie majeure et les soins préhospitaliers d'urgence pour le
québec. mon véritable statut, c'est d'être directeur
adjoint des services professionnels dans un hôpital de québec et
mon employeur, c'est encore l'hôpital. j'ai accepté, de bon
gré, d'aller au ministère, pendant un temps encore non
précisé, mais qui sera relativement court, pour tenter de mettre
sur pied une réorganisation efficace des soins préhospitaliers
d'urgence pour le Québec et la mise sur pied d'un système de
traitement des traumatismes qui est à la hauteur de l'attente de notre
population.
Les travaux vont bon train. Je suis en service depuis le 15 octobre 1990
et je peux vous dire qu'au niveau de la traumatologie majeure, qui touche, en
passant, les soins préhospitaliers d'urgence, il y a deux grands
comités qui ont été mis sur pied. On a commencé
à visiter l'ensemble du territoire québécois pour en faire
un inventaire respectable face à la traumatologie. On a établi
déjà des critères de désignation de centres de
traumatologie et on a, bien sûr, établi une stratégie pour
venir en aide à la clientèle des traumatisés majeurs.
Pourquoi on a mis tout ce branle-bas de combat là au point sur la
traumatologie? Qu'est-ce qui est en dessous de tout ça? Ça rime
à quoi? Qu'est-ce qui se passe avec ce dossier-là? On rejoint,
bien sûr, la problématique des soins préhospitaliers. On
touche aussi à des éléments plus profonds que ça
dans le système. Je prends cinq minutes pour faire le tour de cette
question-là pour revenir sur le préhospitalier, parce que je
considère ça comme capital.
Notre système de santé, qui évolue comme l'ensemble
des systèmes de santé nord-américain, qui a ses
particularités, bien sûr, qui a ses caractéristiques qui
nous rendent fiers du système, mais qui a une composante de base qui est
identique un peu à celle que toutes les autres sociétés
nord-américaines ont, dans le fond, est basé sur l'organe.
Les groupes qui défendent les intérêts des patients
défendent généralement les intérêts d'un
organe. Les cardiologues se battent pour le coeur, le cholestérol,
l'hypertension, la crise cardiaque, l'infarctus. Les infirmières qui
travaillent dans les unités coronariennes avec les cardiologues se
battent aussi pour le coeur. Ces gens-là rêvent au coeur, mangent
du coeur, pensent au coeur, ils en vivent. Les pneumologues vivent des poumons.
Les néphrologues vivent des reins. Les neurochirurgiens vivent du
cerveau, et ainsi de suite. On est comme ça un petit peu partout.
Ça amène à une problématique un petit peu
particulière: l'accidenté, le vrai. Je ne vous parie pas de la
fracture simple d'une jambe en ski; ce n'est pas ce qu'on appelle la
traumatologie. La traumatologie, c'est le citoyen pluriblessé,
mul-titraumatisé. Il est pris en charge par qui dans le système
actuellement? Par quoi? Qui défend le polytraumatisé? Et d'abord,
qui est ce polytraumatisé? c'est tellement l'affaire de tout le monde,
la traumatologie, que ça devient l'affaire de personne. il n'a pas de
porte-étendard. le traumatisé, il dérange. et ce qui n'est
pas connu dans le public - et pour vous qui êtes des représentants
du peuple, je pense que c'est important de vous livrer ces messages-là -
c'est que les traumatismes sont la première cause de
décès chez la population de 40 ans et moins. Les
traumatismes, au Québec, pour le groupe des 15-24 ans, ça tue
plus de monde que toutes les autres causes mises ensemble. Les traumatismes au
Québec, pour la population de 65 ans ou moins, c'est responsable de plus
d'années de vie perdues que le cancer et les maladies de coeur mises
ensemble. Mais on ne s'en occupe pas; c'est l'affaire de tout le monde. Le
ministère est conscient de cette problématique-là. On a
commencé à s'attaquer au problème majeur des traumatismes
au Québec, et vous verrez bientôt les choses qui vont être
mises de l'avant là-dessus.
À l'intérieur de la problématique de la
traumatologie, il y a toute une question qui est reliée à la
chaîne d'intervention auprès des victimes de traumatismes et c'est
là qu'on rejoint le préhospitalier. Lors d'un accident, grave
toujours, où des personnes sont en péril, où la vie est en
danger, où la perte des membres est critique, on a un premier
problème au Québec auquel on ne s'est pas vraiment attardé
au niveau de la santé: C'est le problème de
l'accessibilité. On est 6 500 000 habitants sur un territoire de 1 500
000 km2 dont 85 % vivent dans le Sud, sur le bord d'une petite rivière
qui s'appelle le Saint-Laurent. On a un problème géographique
épouvantable.
Imaginez-vous qu'on pourrait embaucher les plus grands docteurs du monde
dans le meilleur centre hospitalier du monde mis dans le centre-ville de
Montréal avec le plateau technologique le plus sophistiqué qu'on
peut imaginer, puis imaginez un de vos parents qui a un accident de voiture sur
l'autoroute 73, entre Sainte-Marie-de-Beauce et Saint-Georges-de-Beauce, le 12
février à 2 heures le matin. Qu'est-ce que ça donne, le
grand centre de traumatologie au centre-ville de Montréal? On a un
problème fantastique là, qui est l'accessibilité. Il va
falloir qu'on se penche sur la problématique pour que le citoyen qui est
en péril soit au moins capable d'aviser le système qu'il a un
problème pour le faire intervenir. On est en plein coeur du
préhospitalier. Une fois l'alarme sonnée, une fois qu'on aura
réglé une problématique, qui est celle de
l'accessibilité, il va falloir qu'on mette en branle un système
pour assurer une qualité de soins dans le préhospitalier avant de
se rendre à l'hôpital, dans le réseau.
Je vous ferais remarquer une chose qui est assez, elle aussi,
faramineuse dans notre société de 1991. À
l'intérieur de nos hôpitaux, comme dans toutes les
sociétés modernes, il y a différents intervenants de la
santé, dont les médecins. Les médecins sont des individus
relativement scolarisés qui ont tous un diplôme universitaire.
Plusieurs d'entre eux sont surspécialisés. Ils sont reconnus pour
leur compétence. Et, malgré cette reconnaissance de
compétence, on les oblige à tenir un dossier. Les docteurs dans
les hôpitaux n'ont pas le droit, légalement, de soigner le monde
sans tenir un dossier. En plus, ils sont tenus de rédiger leurs dossiers
selon une forme préétablie et préapprouvée.
Pourquoi fait-on ça? Pour être capables de contrôler la
qualité des actes médicaux qui se posent chez les citoyens
malades et blessés. Ça permet à des pairs ou à
d'autres organismes de jeter un oeil sur ce qui s'est fait auprès des
patients et sur ce qui a été omis chez d'autres patients.
Dans le domaine ambulancier au Québec, il n'y a pas de dossier.
En plus de ne pas avoir de dossier, les techniciens ambulanciers sont
laissés à eux-mêmes, deux personnes par véhicule,
habituellement, sans surveillance, sans encadrement, sans documentation de ce
qui se fait ou de ce qui ne se fait pas. Et ça, ça suppose en
théorie que quelque part, il est possible d'avoir un technicien
ambulancier qui, par ignorance, ou par mauvaise volonté, ou pour toute
autre raison, pose de façon systématique certains actes qui sont
inappropriés et qui peuvent être délétères
pour les citoyens, incluant la provocation de décès. Et personne
n'y regarde.
On reprend notre problématique de la chaîne d'intervention.
On avait des problèmes d'accessibilité. On a encore des
problèmes d'accessibilité. On avait des problèmes avec la
qualité de ce qui se fait en préhospitalier et on en a encore.
L'exemple du dossier n'est qu'un des éléments. Dans le
système actuel de soins préhospitaliers, il n'existe pas, sauf
à Montréal, de centrale de coordination des appels. Ça
veut dire quoi, ça? Ça veut dire que si vous allez demain matin
à Trois-Rivières et que vous vous sentez mal ou que vous avez un
accident, vous êtes obligé de consulter les pages jaunes à
la rubrique "ambulance" pour pouvoir trouver un numéro de
téléphone pour rejoindre une compagnie d'ambulances. Comme vous
allez tomber sur trois compagnies différentes, ce n'est pas sûr
que vous allez tomber sur la bonne, ça veut dire celle qui est le plus
proche d'où vous êtes. Ça ne veut pas dire que celle que
vous allez appeler va transmettre votre message à la compagnie la plus
proche non plus. C'est laissé, actuellement, à l'initiative
locale, régionale, particulière, sans chef d'orchestre.
On a un problème. Les soins qu'on va donner à partir de
cette ambulance-là -. et ne prenez pas l'exemple de
Trois-Rivières comme péjoratif, on pourrait nommer n'importe
quelle ville au Québec... On ne mesure pas nécessairement d'une
façon appropriée les temps que l'on met à répondre
aux urgences. Combien de temps ça prend pour recevoir l'appel? Combien
de temps ça prend pour traiter l'appel? Combien de temps ça prend
pour rejoindre le véhicule? Combien de temps ça prend pour
rejoindre les techniciens ambulanciers? Combien de temps ça prend pour
aller chercher le malade? Et dans combien de temps on est rendu à
l'hôpital? On a des données, actuellement, qui sont très
approxi-
math/es et qui sont, à toutes fins pratiques, non
contrôlées et non mesurables.
Le système de soins préhospitaliers mérite un
traitement majeur, et ça inclut Urgences-santé. Certains
principes de base ont déjà été établis par
le comité aviseur provincial, qui a remis son rapport au
ministère, comme vous le savez, en février 1990. Ce
rapport-là a été adopté par les autorités du
ministère de la Santé et des Services sociaux à
l'été 1990. On est en train de bâtir les
éléments qui vont permettre sa mise en application.
Très sommairement, le système de soins
préhospitaliers d'urgence au Québec est basé sur deux
principes fondamentaux qui sont: l'universalité et la
complémentarité. Ces deux principes fondamentaux devront guider
toutes les interventions et toute la planification au fur et à mesure de
l'élaboration des programmes. Il va falloir s'appuyer aussi sur quatre
objectifs importants qui sont: l'accessibilité - je vous en ai
parlé - l'efficacité, la qualité et la
continuité.
Le système préhospitalier est actuellement
déconnecté du réseau de la santé. On a, dans le
système de soins préhospitaliers actuellement, des
coopératives ambulancières, des compagnies d'ambulances, un
organisme qui s'appelle Urgences-santé et tous ces
éléments-là sont un peu disparates dans le champ. On a, en
parallèle à ça, un réseau d'établissements:
les hôpitaux, les CLSC, les centres d'accueil. On a les CRSSS, le
ministère, mais tout ce beau monde là ne se parle pas beaucoup.
(12 h 15)
Au niveau de la continuité, je vous fais aussi une
parenthèse que je considère comme extrêmement importante.
On a touché, hier, entre autres, et ce matin encore, la
problématique des premiers répondants. Je vais aller un peu plus
loin pour vous soulever un élément que je considère comme
capital. M. Cotton y a d'ailleurs fait allusion ce matin. En plus de
l'existence éventuelle ou de l'utilisation des premiers
répondants, on a peut-être à se regarder pour savoir ce
qu'on pourrait faire avec les premiers intervenants, ce que les Anglais
appellent les "bystanders". Qui sont les "bystanders"? C'est le public, c'est
Jos Tout-le-Monde.
À titre d'exemple, dans nos hôpitaux, on voit passer les
gens qui souffrent de problèmes cardiaques, d'infarctus, de gros
infarctus majeurs, souvent chez des gens d'un âge très productif.
On sait très bien que chez ces gens-là le risque d'un arrêt
cardiaque dans les cinq ou dix ans qui suivent est de beaucoup supérieur
à la moyenne de la population. On sait aussi, scientifiquement parlant,
qu'advenant un arrêt cardiaque, si quelqu'un intervient en dedans des
quatre premières minutes, on a des chances de le ramener à la
vie. On sait aussi scientifiquement, sur un plan statistique, que dans 80 % des
cas d'arrêt cardiaque, l'arrêt se produit à la maison, donc,
devant les proches, devant les parents.
Notre système de santé n'a pas encore trouvé le
moyen génial d'inciter les familles à apprendre les techniques de
réanimation cardiaque, des techniques simples, pas compliquées,
où on n'a pas besoin de donner un cours de médecine à tout
le monde, pour augmenter de façon fantastique les chances de survie de
la personne atteinte d'une maladie cardiaque. Quand j'étais petit - et
j'ai l'impression que ça n'a pas changé encore - à
l'école on nous disait: Si vous voyez un accident quelque part ou si
quelqu'un tombe quelque part, il ne faut surtout pas y toucher pour ne pas lui
nuire.
Avant de travailler comme DSP adjoint dans mon hôpital, j'ai
travaillé pendant 16 ans en médecine d'urgence et j'ai
été à même de voir les catastrophes associées
au fait que le public se fait dire: N'y touche pas pour ne pas nuire. Combien
de fois ai-je eu à traiter des enfants qui ont été
éjectés d'un véhicule lors d'un impact, en plein hiver,
qui se sont ramassés inconscients à une dizaine ou une vingtaine
de mètres du site de l'accident, couchés dans le banc de neige
par des froids de -20°, -25°, avec des curieux qui étaient sur
les lieux, les mains dans les poches, qui se disaient: Ce n'est pas
drôle, hein? Personne n'avait eu l'idée d'aller mettre une
couverture ou un drap sur le petit enfant qui était inconscient dans le
banc de neige et, dans notre beau système, qui devait attendre
au-delà d'une demi-heure pour avoir un transport en ambulance.
On a eu à traiter ces enfants-là à l'hôpital
pour des fractures, des lésions des organes internes, des
hémorragies, mais aussi pour de l'hypothermie. Ces enfants-là ont
grandi, pour ceux qui ne sont pas morts, et ont aujourd'hui des
séquelles plus importantes à cause de l'hypothermie qu'à
cause des fractures dont ils étaient porteurs. Tout ceci parce qu'on a
dit au public: Ne touchez pas pour ne pas nuire. Je regrette. On a un coup de
barre à donner tout de suite et à ce niveau-là. en ce qui
regarde les premiers répondants, je vous donne quelques chiffres pour
une région que je connais bien: la ville de québec. je peux vous
dire que la situation est comparable ailleurs. en 1990, les pompiers de
québec ont été utilisés dans 4 % de leur temps pour
combattre les incendies. ça laisse à ces gens-là 96 % de
leur temps pour faire autre chose. ce sont des gens de carrière qui
retirent déjà un salaire, qui sont financés par la
municipalité, qui sont essentiels, mais dont les activités de
prévention des incendies ont rapporté des fruits. il y a beaucoup
moins d'incendies qu'il n'y en avait. ça va toujours nous prendre des
pompiers. par hasard, les pompiers de québec, comme bien d'autres, ont
une carte de compétence dans leur poche en réanimation cardiaque.
ils ont aussi une formation en premiers soins. et le temps de réponse
des pompiers de québec, qui est bien documenté, est de 3 minutes
22 secondes. vous me suivez?
Bien sûr, ramasser des fonds pour la Fondation des grands
brûlés, c'est une vocation qui est noble. Bien sûr,
réparer des vieux jouets abimés pour les enfants pauvres dans le
temps de Noël, c'est noble aussi. Bien sûr, le lavage des camions,
il faut que ça se fasse. Mais peut-être qu'on pourrait se faire
aider, dans le préhospitalier, avec des premiers répondants qui
sont de toute façon là et disponibles.
Je peux vous parler d'un autre type de premiers répondants: les
policiers. Dans 96 % des cas, les policiers sont sur les lieux d'un accident
avant d'autres intervenants formés. Tous les policiers ont un cours de
premiers soins et de réanimation dans leur cours qui se donne à
Nicolet. Une fois qu'on est sorti de l'école de police, on est
embauché soit par la Sûreté du Québec au niveau du
gouvernement provincial, soit dans une municipalité.
Les corps de police que je connais actuellement insistent beaucoup pour
garder leur maln-d'oeuvre à jour dans le maniement des armes à
feu, dans la maîtrise des individus violents, dans la condition physique
et dans la connaissance des lois. Aucun rafraîchissement en premiers
soins. Ça donne ce qu'on voit de temps en temps sur le site d'un gros
accident: des véhicules tout brisés, des blessés à
l'intérieur, parfois des morts, et le véhicule de police qui est,
selon la norme et la directive, bien stationné en diagonale avec les
gyrophares pour aviser le public de ralentir pour ne pas créer d'autres
accidents. Et puis on s'affaire autour du site de l'accident avec un galon
à mesurer et puis un rapport. On n'a pas regardé sur le banc d'en
arrière si ça saigne. Il y aurait là des vies à
récupérer facilement, avec des manoeuvres très
simples.
Il va falloir à tout prix que le système de soins
préhospitaliers du Québec englobe l'harmonisation de
l'intervention de l'ensemble de ces intervenants, sans qu'il soit
nécessaire, bien sûr, de changer toute la structure administrative
qu'on connaît. Demain matin, les pompiers et les policiers vont continuer
de relever de l'autorité municipale. Et il faut que ça reste
comme ça. Bien sûr, il y a d'autres intervenants qui pourront,
éventuellement, être utilisés. On pense aux
bûcherons, par exemple, dans les camps de bûcherons, en
forêt, très loin. La Commission de la santé et de la
sécurité du travail a commencé à déblayer le
terrain là-dessus, et puis ils s'en viennent bien. On a pris la
décision de former un travailleur sur dix en premiers soins. Ça
permet, ça aussi, de sauver des vies d'une façon efficace, sans
être obligé de rajouter des véhicules ambulanciers partout.
Ça fait partie de la philosophie d'approche qu'on est en train de mettre
sur pied.
Je dois vous dire qu'actuellement il y a une dizaine de
sous-comités techniques qui sont au travail et qui devraient remettre
leur rapport d'ici à juin 1992. Ces sous-comités traitent de 15
éléments qui ont été identifiés très
clairement pour permettre l'opérationnalisation d'un système de
soins préhospitaliers d'urgence.
Ces 15 éléments, je vous les énumère sans
élaborer. C'est d'abord l'encadrement médical. Les docteurs ont
trop longtemps considéré que les citoyens tombaient malades sur
le seuil de porte de l'urgence. Il va falloir briser les coquilles, puis qu'il
y ait un souci médical qui va se rendre au domicile et dans la rue. Les
centrales de coordination: je vous ai illustré une problématique
tantôt. Les communications: M. Cotton vous en a parié un petit peu
ce matin en faisant état des communications hors véhicule. Des
effectifs appropriés: c'est en termes de qualité de personnes qui
interviennent et de leur formation. Des interventions par paliers: ce n'est pas
vrai de penser que pour toute personne qui appelle pour avoir un transport
d'ambulance on a besoin toujours du même niveau de connaissances, de
compétences et d'appareillage. Des protocoles: fini le temps de la
dispensation de soins par des méthodes folkloriques où tout est
laissé au bon vouloir et à la formation personnelle de chacun des
intervenants. Il va falloir protocoliser. Les autres sociétés
dans le monde ont compris ça aussi à bien des endroits et c'est
la seule façon de contrôler le système, tant sur le plan de
la qualité que de son efficacité.
Il va falloir s'occuper des centres de réception. Ce n'est pas
vrai de penser que, parce qu'un établissement a mis une pancarte
à la porte "CLSC", on peut rentrer dans cette boîte-là
n'importe quelle sorte de malades ou n'importe quelle sorte de blessés.
Je pense aux régions périphériques en particulier.
Concernant les centres de soins spécialisés, c'est la même
chose. Ce n'est pas vrai de penser qu'on peut rentrer un polytraumatisé,
un blessé grave qui saigne dans la tête dans n'importe quel
hôpital, même pas à Montréal, et il va falloir
identifier ces hôpitaux-là. Il se perd un temps fou actuellement
à transférer des gens d'un hôpital à l'autre
simplement parce qu'on ne l'a pas acheminé dans le bon hôpital au
départ. Et on se plaint après ça qu'on manque
d'ambulances.
Les dossiers, je vous en ai parlé tantôt. Il va devoir y
avoir un dossier clinique en préhospitalier. Si on utilise dans
certaines municipalités ou dans certaines régions des premiers
répondants, ils vont devoir eux aussi compléter un dossier. Le
transport: on n'a pas regardé encore de façon sérieuse au
Québec d'autres méthodes de transport que le transport par
ambulance terrestre.
Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous
plaît, docteur.
M. Frechette: Oui, monsieur. On va devoir regarder des moyens de
transport plus variés, incluant peut-être
l'hélicoptère, les avions, qui vont être adaptés au
territoire du Québec. On va devoir parler de l'appréciation de la
qualité, qui
ne se fait pas actuellement, de l'information et de la formation du
public - je vous en ai glissé un mot - de l'aide mutuelle entre les
régions et de la planification des interventions en cas de
désastre.
En conclusion, on est en train de tenter de mettre sur pied un
véritable système intégré de soins
préhospitaliers et on a l'intention de sensibiliser tous les
intervenants, à partir des décideurs de l'Assemblée
nationale jusqu'aux citoyens dans chacune des régions en passant par
tous les intervenants que vous avez entendus depuis deux jours. Je vous
remercie.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Dr Frechette. M.
le député de Matapédia, s'il vous plaît.
M. Paradis (Matapédia): Oui, merci, M. le
Président. Il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit, mettons.
C'est difficile de prendre un point précis pour commencer notre
conversation, mais je vais en tenter un qui m'apparaît important et qui
est au coeur de nos discussions ici depuis deux jours. C'est l'incertitude, pas
de ce que pourraient être les soins préhospitaliers, mais
l'incertitude des gens, des hommes et des femmes qui travaillent
déjà, notamment, dans Urgences-santé de Montréal et
l'incertitude quant à, notamment, l'implantation du fameux Clawson. Ma
question est fort simple, Dr Frechette, vous qui avez travaillé, qui
vous êtes informé de façon plus particulière, est-ce
que Clawson, c'est bon? Et, si oui, comment pourrait-on l'implanter avec la
problématique que vous avez entendue tout comme moi au cours des deux
derniers jours? (12 h 30)
M. Frechette: Je vais tenter de répondre le plus
clairement possible à votre question. Est-ce que Clawson, c'est bon? La
réponse, c'est oui. Comme: Est-ce que le sirop d'érable, c'est
bon? La réponse, c'est oui. Est-ce que deux gallons de sirop
d'érable pour un enfant d'un an et demi, c'est bon avant de se coucher?
Bien, là, il faudrait moduler. Clawson est un système qui,
techniquement, peut répondre aux besoins de la population de
Montréal. Là-dessus je suis catégorique. C'est un
système qui a fait ses preuves ailleurs. L'instauration de la
méthode Clawson à Montréal peut-elle amener une
problématique qui peut mettre en danger la population de
Montréal? La réponse est aussi oui. À mon avis, pour
quelle raison le système Clawson pourrait-il mettre la population de
Montréal en danger? C'est que si on implante Clawson envers et contre
tous et qu'on se ramasse avec des moyens de pression de la part de 80 % des
intervenants pour bousiller sa mise en application, effectivement, on risque de
prendre la population en otage, et il y a là un danger.
Les inquiétudes qui ont été soulevées face
à Clawson sont justifiées compte tenu du fait qu'à mon
avis la très grande majorité des intervenants actuels
d'Urgences-santé ne connaît pas Clawson. Et je reviens à
mon exposé de base. La non-connaissance, donc l'incertitude,
génère une inquiétude qui est incroyable et, comme ces
gens-là ont fondamentalement le désir de desservir leur
population et que cette inquiétude se transmet sur cet
élément-là, on a tendance à y résister assez
fortement.
Le système Clawson a un but, c'est de répondre à la
demande de soins sans pour autant l'augmenter. Contrairement à ce qui
vous a été dit ici, il n'est pas vrai que, pour Clawson, un coup
de téléphone veut dire une ambulance. C'est faux. Le
système Clawson prévoit l'analyse des demandes. D'un autre
côté, (a réponse téléphonique au 911 ne peut
généralement pas tolérer d'aléatoire et, pour
être clair, les corps policiers et les corps de pompiers ont compris
ça. Je peux vous dire que la province est en train de se mettre au
diapason. Il n'est pas vraiment nécessaire d'être un policier pour
répondre à un appel 911 de violence ou de crime ou de meurtre. Il
n'est pas non plus nécessaire d'être un pompier pour
répondre au téléphone qui sonne pour avertir qu'il y a un
incendie qui fait rage quelque part. La réponse
téléphonique aux situations d'urgence ou aux situations de
catastrophe n'est pas nécessairement une question de compétence
professionnelle dans le domaine de l'urgence en question.
Pour ce qui est de la réponse sur le terrain, c'est autre chose.
Je verrais mal des docteurs aller éteindre un feu. Je verrais mal des
policiers assumer le transport ambulancier, quoique ça se soit
déjà vu. Clawson préconise aussi l'utilisation de
protocoles stricts et validés. U faut comprendre que les protocoles de
la méthode Clawson n'ont pas été élaborés en
catimini dans une garde-robe. Ça a fait l'objet d'études, de
discussions et de validation à l'usage partout en Amérique du
Nord depuis 14 ans. Ces protocoles-là permettent - et c'est
démontré - un contrôle efficace de la réponse du
système préhospitalier. Ces protocoles-là permettent aussi
de mesurer l'efficacité du système parce que tout y est Inclus.
On ne peut pas passer à côté des protocoles. Par contre, il
est faux de prétendre que le système Clawson exclut tout
professionnalisme dans la réception des appels. Ce que ça exclut,
c'est l'interprétation professionnelle préalable. Ce que
ça peut inclure, c'est l'interprétation personnelle après
coup. Quand on sait qu'un appel n'est pas nécessairement urgent, quand
un appel ne colle avec aucun des protocoles qu'on a, on peut, avec Clawson, et
c'est bien connu, faire appel à une expertise professionnelle. Ce n'est
pas exclu.
Le système Clawson n'est pas un système bête,
méchant et robotisé. Ce n'est pas non plus un système qui
permet à n'importe qui, n'importe quand - et j'inclus dans ça
peut-être le plus grand chirurgien du monde - d'aller s'interfacer
dans une situation de catastrophe au gré de son humeur, de sa
connaissance, de ses sentiments et de sa perception. C'est un système
standardisé. Comme quelques-uns vous l'ont dit, dont, ce matin, M.
Lamarche, le système Clawson a comme principale vertu de pouvoir prendre
en charge la situation d'urgence. Non seulement il n'a pas la prétention
d'établir un diagnostic, mais il s'y oppose, en principe.
En tant que professionnel de la médecine d'urgence, je peux vous
dire que de tenter d'établir des diagnostics par
téléphone, c'est une erreur fondamentale pour qui que ce soit.
Les hôpitaux et les salles d'urgence commettent des erreurs diagnostiques
alors qu'ils ont le malade devant les yeux, alors qu'ils disposent d'un plateau
technologique, sur place, élaboré, et on va s'imaginer être
capable de faire une job supérieure à ça par
téléphone. Le système de soins préhospitaliers ne
devrait pas permettre à quelque organisation que ce soit de poser un
diagnostic au téléphone.
Par contre, tout système de soins préhospitaliers se doit
de répondre à la demande de ses citoyens. Il faut que je vous
dise que pour l'ensemble du Québec, à l'exception de
Montréal - quand je dis l'ensemble du Québec, comprenez toutes
les régions rurales que vous pouvez imaginer et tous les autres centres
urbains de la province - quand les citoyens appellent, au Québec, pour
avoir une ambulance, ils ont une ambulance. On ne sent pas le besoin
d'étudier au téléphone si c'est vrai, pas vrai,
peut-être à moitié vrai ou partiellement vrai. Quand il y a
une demande d'ambulance, il y a une ambulance qui est envoyée. Il n'y a
qu'à Montréal qu'on pense comme ça. Je dois vous faire un
petit aparté là-dessus.
À mon avis, il ne faut pas tirer sur les intervenants
là-dessus. Il y a un historique derrière ça.
Urgences-santé est née de la condamnation de
Télé-Médic. Je vous rappellerai qu'à
l'époque, Télé-Médic générait de plus
en plus d'appels de la part de la population pour obtenir des docteurs à
domicile. On était parti dans le cercle vicieux des saucisses La Belle
Fermière: plus j'en ai, plus j'en veux; plus j'en veux, plus j'en ai. On
ne regardait pas et on n'était plus capable de contrôler cette
demande. Que les citoyens aient besoin de soins, c'est un
élément, mais que les citoyens qui ont besoin de soins
nécessitent la présence d'un docteur à leur domicile,
c'est une autre question. Urgences-santé a été
créée pour terminer ça, avec un mandat à peine
voilé de limiter la demande. Ce mandat, à cette
époque-là, a laissé des séquelles, des cicatrices
profondes. À l'intérieur d'Urgen-ces-santé, le groupe des
médecins, le groupe des infirmières et bien d'autres ont
l'impression que, si on ne fait pas attention et si on ne met pas les freins
à la population, ça va être la catastrophe. Ça va
prendre des milliers d'ambulances, des millions de techniciens ambulanciers et
on n'en viendra pas à bout.
Je veux simplement vous rappeler qu'ailleurs au Québec on ne
freine pas cette demande-là et il n'y a pas de problème de
disponibilité de flotte. L'exposé que M. Lamarche vous a fait ce
matin - et j'y souscris - est à l'effet que, si on perd du temps dans
les missions pour rappeler, pour canceller, pour recommencer, pour
étudier et qu'une mission totale prend un nombre important d'heures ou
de minutes, ça diminue la disponibilité de la flotte. Je peux
vous dire aussi qu'au niveau des craintes concernant le manque d'effectifs
toujours...
Le Président (M. Joly): Dr Frechette, je veux juste vous
expliquer que plus la réponse est longue, plus c'est le temps du
parlementaire qui pose la question qui est débité et, par
après, dû au fait que l'horloge continue d'avancer, c'est sur le
temps de l'autre formation qu'on est en train d'empiéter. Alors, il
faudrait peut-être arrêter votre exposé sur ce sujet et que
M. le député de Matapédia... avec une réponse
rapide.
M. Paradis (Matapédia): Une réponse rapide, Or
Frechette. Dans l'hypothèse souhaitable qu'on puisse implanter un
système pour gérer davantage et offrir un meilleur service aux
gens qui en ont besoin, dans l'hypothèse où on diminue
l'incertitude, donc l'inquiétude, qu'est-ce qu'on fait avec le
non-urgent?
M. Frechette: Le non-urgent doit absolument être
dissocié de l'urgent - je pense que tout le monde était d'accord
là-dessus - c'est fondamental. Il faut absolument libérer les
lignes du 911 de toutes les questions d'Info-Santé et pour ce, bien
sûr, il y a du travail à faire, mais les gens peuvent avoir assez
d'imagination pour créer ça. Le principe fondamental qui a
été émis par la directive ministérielle, c'est
qu'il fallait dissocier l'urgent du non-urgent et Info-Santé de la ligne
911 d'Urgences-santé. Les modalités de ça peuvent encore
être précisées, discutées. Je pense qu'il n'y a pas
seulement une seule formule acceptable là-dessus, mais je pense qu'il
faut que ça se fasse.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député d'Abitibi... excusez-moi, pas
d'Abitibi, de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: J'ai assez grand de territoire, je ne veux pas avoir
tout...
Le Président (M. Joly): C'est un grand territoire, mais je
sais que vous êtes déjà débordé.
M. Trudel: II l'a dit, le Dr Frechette, c'est grand le
Québec. C'est vrai. D'abord, merci, Dr Frechette. C'est
extrêmement intéressant de
vous entendre. On reconnaît le spécialiste et, disons-le
carrément, ma perception, c'est que vous connaissez vos affaires.
Évidemment, dans le cadre de ce qu'on fait aujourd'hui, je souhaite,
moi, par ailleurs, qu'on puisse revenir sur votre exposé sur les
services préhospitaliers, la continuité. Il y a là un
exposé qui est extrêmement clair et il y a un bon nombre de gestes
à poser. Mais parce qu'on s'intéresse à
Urgences-santé, à ce qui concerne 2 000 000 de population, allons
plus directement à ça. On est toujours poigne dans les affaires
de temps.
N'avez-vous pas l'impression qu'avec le degré d'incertitude ou
d'inquiétude qui s'est créé, on est obligé
d'arriver à votre conclusion, c'est-à-dire que Clawson est bon,
mais Clawson peut être néfaste si les conditions d'implantation et
d'exploitation ne le permettent pas? Je ne porte pas de jugement sur personne,
moi non plus, mais je suis bien obligé de constater que le niveau
d'inquiétude et d'incertitude est assez élevé pour dire
que le risque pénalisant que vous avez décrit va se
présenter. Est-ce que, ça aussi, c'est votre opinion?
M. Frechette: Je dois vous dire, M. le député, que
mon opinion claire, en ce qui regarde la problématique d'implantation
des mesures à Urgences-santé, est assez limitée. Je n'ai
pas été associé de près à l'implantation de
ces mesures-là à Urgences-santé. Pour illustrer un petit
peu ce que je veux vous dire, on m'a demandé mon opinion sur la
méthode Clawson, la direction d'Urgences-santé m'a demandé
mon opinion sur la méthode Clawson. Elle m'a demandé de
réunir un certain nombre de médecins, et d'Urgences-santé
et du Québec, pour émettre une opinion sur la méthode. Mon
intervention à date, au sein d'Urgences-santé, dans toute la
dynamique d'implication des mesures, s'est limitée à ça.
(12 h 45)
M. Trudel: Je trouve la démarche - c'est une
réflexion que je fais - un peu aseptisée, si vous me permettez
l'expression. Hier, le Dr Kalina disait, quand les médecins sont venus
témoigner: Nous, la question qu'on nous a posée à
Sherbrooke à propos de Clawson, c'était: Est-ce que Clawson est
un système adéquat? Il me semble qu'il manquait un
complément dans la phrase: adéquat pour l'urgence à
Montréal, adéquat dans les circonstances, adéquat quant
à révolution des services préhospitaliers d'urgence
à Montréal. Je comprends que vous me répondiez comme
spécialiste. Quand moi, je regardais tantôt... Tout le monde
défend son organe. Vous, c'est tout; c'est le "superpoqué", c'est
le "tout poqué" que vous défendez. Alors, vous dites: Est-ce que
Clawson est un bon système, un système adéquat pour les
"poqués", pour les "multipoqués", mais les "multipoqués"
à Montréal? On ne peut pas, et je ne vous le dis pas
méchamment, Dr Frechette... Je regardais la fin de la réunion de
Sherbrooke où c'est vous, comme spécialiste en traumatologie, qui
faites la proposition pour dire que la procédure Clawson est
adéquate. Vous n'avez jamais dit, sauf erreur, qu'elle est bonne pour
Montréal, qu'elle est bonne pour les circonstances à
Montréal, qu'elle est bonne et que ce qui se fait actuellement n'est pas
bon. Je ne pense pas que vous ayez dit ça.
Alors, ça augmente, ça aussi, le niveau d'incertitude au
niveau de l'implantation, puis ce n'est pas à vous que je vais reprocher
un ensemble de phénomènes qui se produisent autour de
l'implantation du système. Mais n'avez-vous pas l'impression qu'au
niveau des directives du ministre - et je ne vous demande surtout pas de juger
votre patron, votre ministre, j'essaie de voir le spécialiste - on a
comme inversé, c'est le moins qu'on puisse dire, les directives en
commençant par vouloir traiter le problème du triage plutôt
que tout le problème de la communication et de la répartition?
Est-ce que ce n'est pas ça. d'abord, qu'on devrait traiter, dans les
circonstances, compte tenu de la situation à Montréal? Ça
n'arrive pas, ça, dans un livre, en disant: Ce matin, on commence. Il y
a toujours de l'histoire. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est une
histoire complexe, à Montréal, admettons. Alors, n'avez-vous pas
l'impression que les étapes sont mal ordonnées?
M. Frechette: Je pense qu'on peut peut-être questionner
l'ordre, si on s'en tient à un ordre strict. Il reste que la
problématique du préhospitalier, à l'intérieur
d'Urgences-santé comme ailleurs, est une problématique
extrêmement globale et que, si on s'attaque à un seul
problème à la fois et exclusivement à ce
problème-là, on risque fortement de manquer le bateau. J'ai
l'impression que les gens à Urgences-santé, tout le monde
à Urgences-santé est conscient de ça. Les intervenants,
étant conscients de ces problématiques, ont tendance à
demander que ce qui se fasse en premier, ce soient les choses qui ne les
touchent pas, groupe par groupe. En tout cas, je pense que vous l'avez vu,
ça.
Je ne pense pas qu'on doive mettre sur les épaules de Clawson
toutes les vertus et mettre sur les épaules de tout ce qui reste autour
de ça tous les vices, au contraire. Une méthode comme Clawson
peut être efficace même à Montréal, même dans
la ville particulière de Montréal. Clawson a été
implanté dans un paquet de villes particulières qui avaient
toutes leurs problèmes particuliers et il a démontré sa
pertinence, et je pense qu'à Montréal on peut le faire. Bien
sûr, on ne peut pas le faire n'importe comment. Bien sûr, on ne
pouvait pas le faire n'importe comment à Los Angeles non plus. Dans ce
sens-là, les directives ministérielles s'en remettent à la
direction d'Urgences-santé, du moins pour l'instant, et c'est à
la direction de cet organisme-là de prendre les mesures pour que,
lorsqu'on implante quelque chose, que ce soit Gawson ou
n'importe quoi d'autre, dans toute la réforme du système
de soins préhospitaliers, on assure le suivi des soins à la
population qu'on dessert, qu'il n'y ait pas de brisure, que la population ne
soit pas prise en otage, que ça ne fasse pas tout un gâchis sur la
place publique, avec zéro résultat. Dans ce sens-là,
à mon avis, la méthode Clawson peut être effectivement
implantée à Montréal, à court terme.
M. Trudel: Ce que je comprends, c'est que vous dites: On va
remettre l'horloge à zéro et on va repartir. Mais l'histoire est
tellement difficile que j'ai l'impression qu'on va... Le risque est
élevé qu'on se retrouve avec plus de problèmes que ceux
qu'on veut corriger actuellement et que nous devrions, dans les circonstances,
puisque - si vous me permettez l'allusion - le traumatisme organisationnel est
fait maintenant, qu'est-ce que vous voulez, il est fait... Là, on n'a
pas entendu... Ce n'est pas des anges, ce n'est pas des esprits
éthérés qu'on a entendus devant la commission. Ça
existe et c'est là et ça s'est cristallisé autour de
Clawson. Est-ce que pour tout ça, chaque fois qu'il y a du stress, qu'il
y a de l'inquiétude, qu'il y a des changements dans une organisation et
qu'il y a de la résistance aux changements, on doit toujours
arrêter? On le sait, c'est non. Mais dans les circonstances, compte tenu
du secteur dans lequel on est, est-ce qu'on ne devrait pas prendre soin de
réévaluer l'implantation de ce qui actuellement cristallise
l'inquiétude, l'incertitude, la résistance, etc.? par ailleurs,
il me semble qu'on connaît assez bien la source majeure de la longueur de
temps et de la difficulté d'aller vers l'usager. est-ce que ça ne
serait pas te temps de mettre beaucoup plus d'efforts dans la période
intérimaire de gestion du changement? parce que ça existe aussi
en administration, la gestion planifiée du changement. est-ce qu'on ne
devrait pas travailler d'abord sur la répartition assistée par
ordinateur, en n'oubliant pas nos objectifs de triage, de séparation -
et ça, ça va bien, de toute façon - de l'urgent et du
non-urgent avec la création d'info-santé? on a un
élément qui risque de foutre tout le restant par terre. moi, cet
argument-là, je comprends mal aujourd'hui - je ne fais pas de reproche -
il y a trois semaines, un mois, qu'il ait pris une telle importance en termes
de "il faut le faire absolument". quand même les infirmières, au
mois de mars 1991, quand les journaux citaient des cas sur la longueur de temps
de ia décision et sur les difficultés d'administration sur ces
affaires de temps-même la direction d'urgences-santé avait
aidé les infirmières, avait demandé aux infirmières
de rédiger un communiqué pour dire qu'à toutes fins utiles
les infirmières faisaient leur tri en dedans d'une minute. la
"découlante" de ça, c'est que les difficultés... je ne
blâme personne, mais tout le monde travaille à l'âge de
pierre là-dedans, ça n'a pas de bon sens! Tout le monde travaille
avec des dominos collés sur un tableau et puis la ville qui est
divisée en deux secteurs. Il y a un gars qui est obligé de tenir.
Où sont les 30 ambulances? 30 ambulances, dans sa tête: Est-ce que
je l'ai envoyé là? Qu'est-qu'il fait? Est-ce qu'il est parti au
lunch? C'est archaïque, ça n'a pas de bon sens. C'est plutôt
là, le problème. Puisque, moi, je constate qu'actuellement il n'y
aurait pas de drame national majeur à Montréal sur le triage,
est-ce qu'on ne devrait pas réévaluer nos directives et dire: On
va mettre beaucoup plus l'accent sur la fonction répartition
assistée par ordinateur et - permettez l'expression - "fine-tuner"
ça au maximum?
M. Frechette: à mon avis, non. la répartition
assistée par ordinateur est un outil supplémentaire permettant
une meilleure gestion de la flotte à urgences-santé. ça,
ça ne fait aucun doute dans l'esprit de tous les intervenants qui sont
passés ici et, bien sûr. dans l'esprit du ministère. par
contre, c'est un élément qui est en soi indépendant de la
gestion de la prise d'appels. quand on a expliqué, au cours des deux
derniers jours, l'efficacité du sytème actuel de la prise
d'appels, de la prise de décision qui est rendue maintenant dans des
délais très courts, il s'est fait effectivement
énormément de travail. on a mentionné à plusieurs
reprises que la sensibilité du système clawson était
très élevée. elle est tellement élevée
qu'elle est à 100 %. que sa spécificité, par contre,
laissait peut-être à désirer parce que ça permet
d'envoyer, dans certains cas, des ambulances alors que ce n'est pas vraiment
parfaitement requis; en tout cas, ce n'est pas évident. on n'a pas
étudié ça. il n'y a pas de chiffres là-dessus. la
sensibilité du système actuel, elle n'est pas de 100 %. ça
veut dire quoi, ça? ça veut dire que quand un citoyen appelle au
secours parce qu'il est en panique, peu importe, dans notre système
actuel qui opère à urgences-santé, il arrive, dans
certains cas, que la décision prenne du temps. on a vu dans le rapport
du gris que certains cas d'urgence qualifiée de majeure ont pris
jusqu'à plus de 15 minutes de traitement d'appel parce qu'on exerce un
jugement professionnel, parce que, comme humain... encore une fois, je ne tire
pas sur les infirmières, mais je vais vous dire honnêtement que,
si on voulait étirer le temps de réponse
téléphonique, à urgences-santé, il faudrait
remplacer les infirmières par les docteurs. ce serait pire. ces
personnes-là qui ont une qualité professionnelle très
grande, qui ont une formation particulière qui est orientée vers
la prise en charge globale des besoins biopsychosociaux du malade, une approche
diagnostique de comprendre exactement ce qui se passe à domicile, vont,
dans un système qui est non protocolisé comme on a actuellement,
un jour ou l'autre, pénaliser
un malade, deux malades, pas des masses. Mais pour ces
personnes-là qui présentent effectivement des urgences majeures,
c'est catastrophique et on ne doit pas laisser évoluer un système
comme ça. C'est capital pour la sécurité de la population
de la région de Montréal.
M. Trudel: En tout cas, je ne peux pas... Sur la
répartition, je ne peux pas faire autrement qu'être en
désaccord avec vous là-dessus tout en acceptant très bien
une partie de votre réponse. C'est global. Il faut s'occuper de toutes
les phases. Mais ça, c'est dans le livre. C'est dans le livre. Vous
êtes un scientifique aussi.
Je reviens à cet exemple. Vous l'avez entendu, vous étiez
derrière. L'école du beha- viorisme avec Skinner, ça
marchait partout, cette affaire-là. C'était la méthode. On
donnait des stimuli et tu avais tes réponses. Si tu voulais qu'il y ait
tel comportement, tu n'avais qu'à donner tel choc. Tu n'avais
qu'à lui faire un choc électrique et tu avais rien qu'à
lui donner... Alors, on avait découvert la méthode. Le maudit
problème là-dedans, c'est que le monde réfléchit.
C'est qu'ils sont intelligents. C'est qu'ils n'obéissent pas
automatiquement, et heureusement. Alors, c'est pour ça que ça
n'est pas... Votre façon d'aborder le problème doit être
incluse dans le raisonnement, sans ça... Écoutez, on n'est pas
pour tirer n'importe où n'importe comment. Mais il ne faut pas oublier
l'histoire, les facteurs humains et la gestion du processus.
Le Président (M. Joly): En conclusion, M. le
député.
M. Trudel: Et il me semble qu'on est bien mal parti. En
conclusion, parce qu'on ne peut pas s'empêcher de parler de ça,
sur les premiers répondants, voulez-vous me dire pourquoi on ne fait pas
ça? Pourquoi faire qu'on ne le décrète pas? Pourquoi
n'est-on pas allé sur les premiers répondants? Là, il y a
un taux de contribution assez exceptionnel, tel que vous l'avez décrit
et qu'on peut retrouver dans la littérature. Deuxièmement,
seriez-vous d'accord avec une mesure qui dirait, par exemple... Parce qu'il y a
un endroit où à peu près tout le monde passe, dans les
actifs, ça s'appelle avoir son permis de conduire... Est-ce que vous
seriez d'accord qu'on rende ça obligatoire, la formation de premier
répondant RCR, à l'occasion du permis de conduire? Est-ce que ce
serait de nature à instaurer dans la continuité un
élément majeur au niveau des services d'urgence
préhospitaliers ou des services préhospitaliers?
M. Fréchette: Ça peut être un
élément, effectivement. Je pourrais endosser une mesure comme
celle-là, bien qu'il y ait peut-être d'autres étapes
préalables à ça qui pourraient rapporter plus. Quand on
parlait de RCR, je vous parlais des personnes à risques, tantôt,
dans nos propres hôpitaux, on pourrait peut-être taire un petit peu
de promotion auprès des familles qui ont un cardiaque. Ça serait
moins coûteux. Ça toucherait moins de monde que de parler de faire
faire du RCR à tout le monde qui a un permis de conduire et on ciblerait
déjà une population à très haut risque. Maintenant,
ça ne veut pas dire que je suis contre la formation.
Je voudrais peut-être ajouter un élément à
mon témoignage...
Le Président (M. Joly): Oui. S'il vous plaît!
M. Fréchette:... 30 secondes, si vous le permettez.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît,
docteur.
M. Fréchette: II n'est pas dans les visées
actuelles au ministère de remplacer le professionnalisme qu'il y a
à Urgences-santé par de la mécanique, pas du tout. Il
n'est question que de remettre à sa place chacun des composants, chacun
des éléments. Il n'est pas dans l'intention du ministère
actuellement de retirer les médecins d'Urgences-santé. Il n'est
pas question non plus de les retirer de la route. On pense qu'il y a de la
place pour l'intervention médicale sur la route dans une ville comme
Montréal, peut-être pas de la façon dont elle se fait
actuellement, et la même chose pour les infirmières.
Le Président (M. Joly): Merci, docteur. M. le
député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Oui. Rapidement, M. le
Président, pour remercier bien sincèrement le Dr Frechette pour
son témoignage. On reconnaît là sa grande sagesse, son
expertise indéniable à la cause de la traumatologie et des
services préhospitaliers. On aura bien hâte de voir son rapport
final, pour la mise en place de ces mesures-là, notamment à
Montréal. Merci, docteur.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, Dr Frechette. Vous avez entendu ma conclusion.
On ne peut pas se passer d'expertise comme la vôtre, au Québec,
dans la réorganisation de tout notre système. On va essayer de
trouver aussi, quant à moi, les autres spécialistes des
polytraumatismes organisationnels et administratifs pour faire en sorte qu'on
puisse peut-être arriver à votre objectif parce qu'on va avoir
besoin de ces docteurs "multipoqués" administratifs. Merci, docteur.
M. Fréchette: Merci, monsieur.
Le Président (M. Joly): Merci. Au nom des
membres de la commission, docteur, je vous remercie sincèrement.
La commission ayant exécuté son mandat, à moins que...
M. Trudel: M. le Président, compte tenu de l'heure...
Le Président (M. Joly): Compte tenu de l'heure...
M. Trudel: ...c'est ce qu'on avait dit. Vous vous souvenez
cependant qu'on a commencé 10 minutes en retard. Les membres de la
commission... En tout cas, moi, je souhaite avoir au moins cinq minutes pour
tirer une conclusion générale. Pour l'instant, dans les
circonstances, on n'est pas à cinq minutes près, on a
commencé une dizaine de minutes en retard ce matin, sans blâmer
personne, surtout pas vous, M. le Président. Je ne sais pas si, du
côté ministériel, ils ont des conclusions à
tirer.
M. Paradis (Matapédia): Ce dont on avait convenu hier, que
je sache, c'est qu'on réentendrait ce matin la Corporation
d'urgences-santé, de telle sorte que, par la suite, on pourrait se
retrouver en séance de travail la semaine prochaine pour, effectivement,
faire nos recommandations. C'est ça qui a été convenu
hier.
M. Trudel: je m'excuse. hier, j'avais entendu que nous nous
retrouverions après les fêtes, mais s'il est convenu que c'est la
semaine prochaine...
Le Président (M. Joly): Oui, oui,
définitivement.
M. Trudel: ...en séance de travail... Non, non, non.
M. Paradis (Matapédia): Je veux dire que ce n'est pas
aujourd'hui; c'est ça que je veux dire.
M. Trudel: Si c'est effectivement la semaine prochaine, je
conviens qu'on pourrait ajourner nos travaux tout de suite, pour revenir en
séance de travail la semaine prochaine. C'est bien ce qui est entendu
publiquement ici.
Le Président (M. Joly): Nous définirons la date.
Ensemble, on pourra convenir d'une date qui peut satisfaire tous les
parlementaires.
La commission, ayant exécuté son mandat, ajourne sine
die.
(Fin de la séance à 13 h 3)