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(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Joly): À tous et toutes, bienvenue
à cette commission. Je vous rappelle le mandat de la commission. En
fait, la commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à des consultations particulières et des
auditions publiques sur le mandat intitulé "Les régimes de
retraite: le partage équitable des excédents d'actif. Mme la
secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chevrette
(Joliette) est remplacé par M. Bois-clair (Gouin); M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témis-camingue) est remplacé par M. Bourdon
(Pointeaux-Trembles).
Le Président (M. Joly): Alors, je vous fais la lecture de
l'ordre du jour. Nécessairement, nous aurons les déclarations
d'ouverture. Nous entendrons Alcan Aluminium Itée, le Syndicat des
Métallos (FTQ), le Barreau du Québec, la
Confédération des syndicats nationaux, l'Association
québécoise de défense des droits des retrattés-es
et préretraités-es et, finalement, la Centrale des syndicats
démocratiques.
Je vous rappelle la répartition du temps de parole dévolu
à chacun. Au niveau des déclarations d'ouverture, nous aurons 30
minutes au total dont 15 minutes pour M. le ministre et 15 minutes pour le
porte-parole de l'Opposition. Par après, chacun des organismes qui se
présentera devant nous aura une heure, dont 20 minutes pour
l'exposé de l'organisme et 40 minutes pour les échanges avec la
commission. Ces 40 minutes sont nécessairement réparties en temps
égal entre les deux formations.
Alors, M. le ministre, j'imagine que vous avez des remarques d'ouverture
et que vous aimeriez sans doute nous présenter les gens qui vous
accompagnent.
Remarques préliminaires M. André
Bourbeau
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Alors, vous me
permettrez de vous présenter, à ma droite ici, M. Claude Legauit,
qui est président de la Régie des rentes du Québec. Il est
accompagné, derrière lui, de M. Jacques Gagné, qui est
vice-président de la Régie des rentes, et de M. Yves Slater, qui
est actuaire, également haut fonctionnaire à la Régie des
rentes du Québec. Il y a derrière moi, bien sûr, les gens
de mon cabinet, mon directeur de cabinet, M. Jacques
Dupuis, Mme Aline St-Amand, qui est attachée politique
rattachée à ce dossier-là. Il y a des espions du bureau du
leader qui nous surveillent et puis il y a des députés membres de
la commission.
M. le Président, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue
à tous et à toutes. Je suis heureux d'accueillir les
représentants des organismes qui ont répondu à
l'invitation de la commission des affaires sociales de nous faire part de leurs
observations et de leurs commentaires sur le document "Les régimes de
retraite: le partage équitable des excédents d'actif'. Je tiens
à les remercier bien sincèrement.
En novembre 1990, j'ai demandé au gouvernement de donner le
mandat à la commission des affaires sociales de convoquer des
représentants d'employeurs, des représentants de personnes
salariées participant à un régime complémentaire de
retraite, des administrateurs de régimes, des gestionnaires de caisses
de retraite et certains experts, afin d'entendre leurs points de vue sur une
proposition de partage des excédents d'actif dans les régimes de
retraite. En guise de préparation à cette consultation, j'ai
rendu public, le 11 décembre 1990, un document qui expose la
problématique des excédents d'actif et qui propose une solution
pour lever le moratoire qui a cours depuis le 15 novembre 1988 sur
l'utilisation des surplus accumulés dans les régimes
privés de retraite comme on le dit familièrement.
Au cours de l'année 1988, vous avez assisté, comme moi,
à l'apparition d'un climat de confrontation dans la gestion des
régimes de retraite au sujet justement des excédents d'actif.
Face à cette situation, le gouvernement a présenté devant
l'Assemblée nationale la Loi modifiant la Loi sur les régimes
supplémentaires de rentes par laquelle il imposait un moratoire sur
l'utilisation des excédents d'actif. Cette intervention fut une mesure
sévère, rigide et tout à fait exceptionnelle. Elle impose
aux régimes de retraite les contraintes majeures suivantes:
l'interdiction de modifier les clauses d'excédents d'actif contenues
dans les textes de régimes; l'interdiction de verser de
l'excédent d'actif à un employeur; enfin, l'obligation de
répartir, au pro rata des crédits de rente, l'excédent
d'actif attribué aux participants lors de la terminaison du
régime.
Au moment de la présentation de ce projet de loi, j'avais
précisé que le gouvernement procéderait à une
importante mise à jour de la loi sur les régimes privés de
retraite. L'Assemblée nationale a en effet adopté, en juin 1989,
la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Cette loi, en
plus de prolonger la durée du moratoire, prévoit des
améliorations aux
droits des participants, de nouvelles exigences concernant la
solvabilité des régimes de retraite et le droit des participants
d'être informés de l'état de l'excédent d'actif du
régime.
Parallèlement à l'adoption de la nouvelle loi, la
Régie des rentes du Québec a poursuivi les travaux afin de lever
le moratoire dans les meilleurs délais. Ce mandat comportait deux lignes
directrices chères au gouvernement. Premièrement, la recherche
d'une solution équitable tant pour les participants que pour
l'employeur. Dans le document de consultation que j'ai publié en
décembre dernier, cette orientation est exprimée par le principe
du respect de la contribution de chaque partie au financement du
régime.
La seconde est la sauvegarde de la confiance des travailleurs et des
employeurs envers le régime de retraite comme instrument
privilégié de planification financière de la retraite.
Dans le document de consultation, cette orientation est exprimée par le
principe du maintien de la sécurité financière des
régimes de retraite. Je crois fermement que ces deux orientations
représentent l'attitude raisonnable qu'il convient d'adopter, compte
tenu des positions quelquefois irréconciliables affichées
publiquement par les parties sur la question de la propriété des
excédents d'actif.
Je demeure convaincu que, si la question de la propriété
des surplus accumulés dans les régimes complémentaires de
retraite est solutionnée à la lumière de ces deux lignes
directrices, l'objectif du gouvernement d'apporter une solution
définitive et de long terme se réalisera.
Je suis heureux de constater que la plupart des organismes
invités ont accepté de présenter leurs points de vue et
commentaires sur le document publié en décembre 1990. Ce document
présente non seulement des lignes directrices mais aussi des
modalités d'application d'une proposition. Je ne m'attends pas à
ce que les suggestions des invités à cette commission fassent
l'unanimité sur un sujet aussi controversé que la
propriété des excédents d'actif. Qu'il y ait des
questionnements sur la proposition ou sur ses implications, cela
m'apparaît sain et tout à fait normal. Je suis ouvert aux
aménagements à apporter à la proposition dans le respect
des lignes directrices que je viens de présenter. Somme toute, par cette
consultation, le gouvernement compte vérifier la recevabilité de
sa proposition pour les parties qui réclament un droit de
propriété sur les excédents d'actif, enrichir sa
proposition de nouveaux éléments d'application et, enfin,
discuter de tout élément particulier qui devrait être
inclus dans le projet de loi relatif aux excédents d'actif.
Quant à l'objet principal de la proposition énoncée
dans le document de consultation, je répète que le gouvernement
veut apporter une solution définitive et donc durable au problème
de la propriété des excédents d'actif. C'est pour cela que
j'ai proposé le partage des excédents accumulés à
la date de levée du moratoire, ainsi que le partage des excédents
à venir, lors d'événements futurs. Dans l'immédiat,
je vise un dénouement rapide des litiges en cours. Pour l'avenir, la
proposition fait en sorte que de tels litiges ne surviendront plus.
Voilà pour les assises du document de consultation.
Je passe maintenant aux modalités d'application de la proposition
contenue dans le document de consultation. Pour ma part, je distingue
clairement dans la proposition trois phases de partage d'excédents
d'actif. La première est le partage à la levée du
moratoire. La deuxième est le partage en cours d'existence du
régime. La troisième est le partage lors de la terminaison d'un
régime.
Le partage de l'excédent d'actif à la levée du
moratoire. Pour le gouvernement, la levée du moratoire doit
s'accompagner d'une distribution d'excédents d'actif. Les clauses
relatives aux excédents contenues dans les textes des régimes
n'auront plus d'application à compter de l'adoption du projet de loi qui
mettra fin au moratoire. Ce n'est pas avec gaieté de coeur que le
gouvernement consent à agir ainsi. C'est cependant l'avenue la plus
équitable et la moins risquée pour les parties, étant
donné l'imprécision des clauses des régimes privés
de retraite sur les excédents d'actif et les nombreux changements qui
ont pu être apportés à ces clauses au fil des
années. À ce moment-ci, le gouvernement n'a pas encore
arrêté la date de levée du moratoire. S'agira-t-il d'une
journée précise, d'une date rattachée à la
transmission d'un rapport relatif à une évaluation actuarielle
à la Régie, d'une date de fin d'année financière,
ou d'une autre date? Je compte grandement sur l'expertise des invités
à cette commission pour m'éclairer sur le choix d'une date qui
comporterait le moins de contraintes administratives pour les régimes.
Le document de consultation fournit, par alleurs, des précisions sur la
méthode de détermination de l'excédent d'actif. Ma ligne
directrice à cet égard a été de préserver la
confiance qu'ont les travailleurs envers leur régime de retraite. Non
seulement faut-il s'assurer du respect des règles de capitalisation et
de solvabilité prévues à la loi, mais il faut s'assurer
que les régimes puissent faire face aux fluctuations
conjoncturelles.
À la lumière des autres législations
équivalentes, j'ai proposé le maintien d'une réserve de
sécurité avant toute distribution d'excédents d'actif
égale à 25 % du passif ou au double de la cotisation patronale
d'exercice, selon le plus élevé des deux montants. Seules les
sommes supplémentaires à cette réserve seront
partagées entre les participants et l'employeur, à la date de
levée du moratoire. Afin d'éviter des disparités dans la
détermination de l'excédent, le gouvernement envisage de
prescrire les modes et les hypothèses actuarielles. Je souhaite que
cette orientation puisse être enrichie des suggestions
et des commentaires des invités à cette commission. Le
document de consultation établit en outre que l'excédent d'actif,
une fois déterminé, doit être réparti
équitablement entre les participants et l'employeur. L'excédent
sera distribué proportionnellement à la contribution de chaque
partie aux engagements du régime. Cette mesure de calcul doit tenir
compte de la disponibilité des données contenues dans les
registres des régimes. C'est pour ce motif que le document a
suggéré de retenir le rapport de la valeur des cotisations des
participants actifs à la valeur des engagements du régime
à leur égard. Cette règle, toute imparfaite soit-elle, a
le mérite de minimiser les problèmes d'application pour les
régimes. Toute suggestion qui enrichirait cette mesure dans le respect
du principe de la contribution de chaque partie au financement du régime
sera examinée avec beaucoup d'attention.
À l'égard des régimes non contributifs,
c'est-à-dire les régimes où seul l'employeur contribue
à la caisse de retraite, il serait incorrect de statuer que les
employés ne participent aucunement au financement du régime. Dans
bien des entreprises, si les parties n'avaient jamais convenu d'établir
un régime de retraite, les travailleurs auraient
bénéficié - sinon réclamé - d'un ajustement
salariai à la hausse. D'ailleurs, il est fréquent de constater
ces dernières années que, lorsqu'un régime
complémentaire de retraite est remplacé par un régime
enregistré d'épargne-retraite avec arrangements collectifs, il en
est résulté souvent un ajustement salarial immédiat pour
compenser la cotisation patronale qui était versée au
régime de retraite. C'est entre autres pour refléter cette
réalité que le gouvernement a suggéré une part
minimale d'excédents d'actif attribuable aux participants dans ces cas.
Cette part minimale, il faudra bien la fixer. Le gouvernement souhaiterait
alimenter sa réflexion à ce sujet de propositions venant des
experts qui participeront à cette commission.
En général, un régime de retraite est établi
sur une base volontaire et par la libre négociation. Dans cet esprit, le
document de consultation propose de laisser place à des arrangements
plus avantageux pour les participants, par exemple, un arrangement qui
prévoirait une part d'excédent aux participants plus
élevée que ce qui serait accordé en appliquant la
proposition gouvernementale.
Quant à l'utilisation que les parties peuvent faire des sommes
distribuées, je vous rappelle que le gouvernement avait indu des
dispositions dans la Loi sur les régimes complémentaires de
retraite obligeant l'immobilisation des bénéfices aux fins
exclusives de la retraite. Le document de consultation établit
qu'à la levée du moratoire, entre autres, les sommes
allouées aux participants actifs, bénéficiaires
retraités et ayant droit à une rente différée
doivent demeurer dans le régime sous forme de cotisations
volontaires
Immobilisées ou, au choix de la personne, être
transférées dans un compte de retraite immobilisé. Il
semble, à première vue, que ces règles d'utilisation
puissent poser quelques difficultés d'harmonisation avec les exigences
fiscales. À la suite de la présente consultation, des discussions
administratives avec les autorités fiscales auront lieu afin de trouver
les accommodements nécessaires. Enfin, quant à la part de
l'excédent attribuable à l'employeur, nous prévoyons
qu'elle lui serait retournée en espèces.
Pour ce qui est du partage de l'excédent d'actif après la
levée du moratoire, mais en cours d'existence du régime, j'ai
proposé qu'un tel partage ait lieu chaque fois que se produira un
événement susceptible de changer la contribution des parties au
financement du régime. De l'avis du gouvernement, des
événements tels que la fusion de régimes, la scission d'un
régime qui a pour effet d'en faire deux régimes d'employeurs
distincts, la transformation du type de régime, la demande de
l'employeur de partager l'excédent d'actif et les modifications
favorisant certains participants sont indicatifs d'un nouvel arrangement
à l'égard du financement du régime. S'il y a
excédent d'actif distribuable lors de tels événements, il
doit donc profiter aux deux parties selon l'entente initiale relative au
financement du régime. (10 heures)
Ces événements sont présentés dans le
document de consultation à titre d'exemple. Il n'est pas dit que la loi
retiendra tous ces événements ou n'en précisera pas de
nouveaux. Je serai très attentif à toute suggestion sur ces
questions. Ma préoccupation première, à cet égard,
est d'éviter de fendre plus complexe l'administration des régimes
tout en respectant le principe de la contribution de chaque partie au
financement du régime. Il n'est certes pas dans l'intention du
gouvernement d'imposer des règles de partage des excédents
d'actif qui auraient pour conséquence que les comités de retraite
doivent administrer les régimes en fonction des règles de partage
des excédents d'actif.
Concernant les autres modalités de la proposition du partage des
excédents d'actif en cours d'existence du régime, soit la
méthode de détermination de l'excédent, l'allocation de
l'excédent distribuable, l'utilisation des sommes allouées et la
possibilité d'entente entre les parties, elles sont sensiblement
identiques à celles qui s'appliqueront à la levée du
moratoire. Comme je viens d'en exposer l'essentiel il y a quelques minutes, je
passe immédiatement à la question controversée du droit
à la suspension des cotisations patronales, mieux connue sous
l'expression "congé de cotisation".
Les dispositions de la nouvelle Loi sur les régimes
complémentaires de retraite permettent toujours à l'employeur de
se prévaloir d'une réduction ou d'une suspension de sa cotisation
d'exercice à un régime de retraite. De l'avis du
gouvernement, l'exercice de ce droit ne met pas en danger la
santé financière d'un régime. Celui-ci doit être
capitalisé et solvable avant que l'employeur puisse suspendre sa
cotisation d'exercice. Ce droit, présent dans tous les régimes de
retraite au Canada, représente une sorte de compensation pour la
responsabilité qui incombe à l'employeur de verser les sommes
pour amortir les déficits actuariels.
En toute logique, si le droit à la suspension des cotisations
était limité ou aboli, il faudrait questionner le maintien de la
responsabilité unique de l'employeur à l'égard des
déficits actuariels et de la dette lors de la terminaison du
régime. À moins que la consultation actuelle m'indique un
consensus allant dans la direction d'une responsabilité partagée,
il n'est pas dans l'intention du gouvernement, pour le moment, de remodeler en
profondeur les règles d'amortissement des déficits actuariels et
de la dette de l'employeur dont certaines ne sont en vigueur que depuis le 1er
janvier 1990.
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le ministre, nous
avons dépassé déjà de quelques minutes le temps
imparti.
M. Bourbeau: J'en ai pour trois ou quatre minutes.
Le Président (M. Joly): Un consentement des deux
côtés.
M. Bourdon: Puis on prendra le même temps.
Le Président (M. Joly): Parfait. Merci. M. Bourbeau:
Je vous en sais gré.
Le Président (M. Joly): Le même temps sera
dévolu. Merci.
M. Bourbeau: À la terminaison d'un régime, tant
partiel que total, les règles d'une distribution d'excédent
d'actif doivent être davantage clarifiées. Lors d'une terminaison,
les droits de tous les participants visés par la terminaison doivent
être établis et l'excédent d'actif distribué. Le
document de consultation propose un partage de l'excédent entre les
participants et l'employeur dans le respect de la contribution de chaque partie
au financement du régime.
Bien entendu, lors d'une terminaison totale, l'ensemble de
l'excédent d'actif est partageable. Cela implique qu'il n'y a pas de
réserve de sécurité à conserver. Concernant
l'allocation de l'excédent distribuât^, l'utilisation des sommes
allouées et la possibilité d'entente entre les parties, les
modalités décrites précédemment s'appliquent,
compte tenu des adaptations nécessaires à un contexte de
terminaison de régime.
Bien sûr, la proposition de partage des excédents d'actif
doit s'appliquer à tous les participants québécois
couverts par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.
Pour les régimes regroupant des participants non
québécois, les règles d'application de la proposition
devront être précisées dans le cadre des ententes de
réciprocité interprovinciales.
La Loi sur les régimes complémentaires de retraite confie
à la Régie des rentes du Québec le mandat de conclure de
telles ententes. Par ailleurs, il faut prévoir une certaine souplesse
quant à l'obligation de distribuer de l'excédent d'actif. En
effet, j'ai fait état, dans le document de consultation, de deux
situations où la distribution ne serait pas pertinente ou encore
pourrait être suspendue. Ce sont les cas où les seuls coûts
administratifs de la distribution accapareraient une bonne partie de
l'excédent distribuable et où la santé financière
d'un régime serait mise en péril à court terme,
étant donné une conjoncture économique défavorable.
D'autres situations semblables pourraient commander la même souplesse. Je
suis disposé à entendre et à analyser toute suggestion en
ce sens dans un esprit d'ouverture et de pragmatisme.
Enfin, M. le Président, je m'en voudrais de passer sous silence
le rôle de la Régie des rentes dans l'application de la
proposition de partage des excédents. J'ai toujours eu comme
préoccupation de préserver l'équilibre entre le rôle
de surveillance d'un organisme comme la Régie, la
nécessité de protéger les droits des salariés et
l'objectif de favoriser l'établissement et le maintien des
régimes privés de retraite. La surveillance de l'application de
la proposition doit être imprégnée de cet équilibre.
Si vous croyez que la proposition introduit des contraintes
supplémentaires trop lourdes à la gestion des régimes, je
serais heureux de recevoir toutes les suggestions concrètes permettant
d'atteindre cet équilibre. Sur ce, M. le Président, je laisse la
parole à mes collègues et aux invités, et je vous
remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Pointe-aux-Trembles
en remarques préliminaires.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, je veux d'abord dire que je
suis heureux d'être ici ce matin pour regarder ce que le ministre nous
propose pour régler un problème important qui est vécu par
des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs du Québec.
Je remplace, ce matin, la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui
est retenue par les travaux de la commission Bélanger-Campeau. Je pense,
M. le Président, que ce qui est contenu dans le document du ministre sur
le partage équitable des excédents d'actif en matière de
régime de retraite s'est fait attendre
très longtemps. Ça fait, M. le Président, 28 mois
qu'on attend que le ministre accouche de quelque chose et, après une si
longue attente, on aurait pu s'attendre à un résultat
intéressant. Mais je démontrerai au cours de mon intervention que
le remède est pire que le mal et que les travailleuses et travailleurs
vont se retrouver plus mal pris après la réforme qui est
proposée par le ministre; à moins qu'il en amende la substance,
ils vont se retrouver plus mal pris après qu'avant.
On se rappelle à l'automne 1988, M. le Président, les cas
scandaleux d'appropriation de caisses de retraite par certains employeurs. Je
pense à Simonds, de Granby, qui a déjà été
à Saint-Henri aussi. Je pense à Singer, de Saint-Jean, qui disait
bonjour au Québec un peu comme Fry Cadbury en 1976 et qui en profitait
pour se mettre des millions dans les poches au détriment des
pensionnés de ces entreprises-là. Dans le cas de Simonds,
l'appropriation du surplus par l'employeur faisait que les gens avaient une
pension de 200 $ par mois au lieu de 700 $. Moi, j'ai beau comme
député avoir un régime de retraite fort avantageux que je
serai peut-être appelé à bonifier par une loi à un
moment donné, je trouve que les travailleurs de Simonds à Granby
ne méritaient pas ça, ni ceux de Singer à Saint-Jean.
Après, il y a eu Kik-Cola qui appartenait à une entreprise
autochtone, la mine Bell à Thetford Mines, la mine Lac d'amiante dans la
même région qui, là, appartenait à une
société d'État. La société d'État
procédait à quelque chose qui avait été
préparé par les entreprises étrangères qu'elle
avait achetées, à un moment donné.
À cet égard, M. le Président, M. Jean Francoeur,
éditorialiste au journal Le Devoir, avec qui je ne suis pas
toujours en accord, a écrit des choses que j'ai eu tendance à
partager hier. M. Francoeur disait et je cite: "C'est une fausse solution qui
hypothèque un avenir déjà sérieusement compromis."
Un peu plus loin, M. Francoeur, dans son éditorial d'hier, dans son
analyse d'hier, dit que l'exposé de politique du ministre, et je le
cite: "...porte un titre frauduleux: Le Partage équitable des
excédents d'actifs." Il ajoute, et je cite toujours M. Francoeur: "La
formule mise de l'avant n'a rien à voir ni avec la justice ni avec
l'équité." Fin de la citation. Un peu plus loin dans l'article
d'analyse que visiblement le ministre a lu, M. Francoeur dit ceci et je cite:
"Pour justifier le cadre de partage qu'il propose, le ministre soutient que les
prestations de retraite sont un salaire différé. C'est pur
sophisme. D'ailleurs, M. Bourbeau n'ose pas tirer toutes les
conséquences de la définition qu'il avance. Si l'argent de la
caisse constitue un salaire différé alors, en bonne logique, tout
excédent appartient aux employés, et aux employés
seulement, actifs ou retraités." Je cite toujours M. Francoeur qui
ajoute: "C'est ainsi que le conçoit le gouvernement
néo-démocrate de l'Ontario. L'hésitation du gouvernement
québécois à suivre son voisin illustre bien la
fragilité du principe sur lequel il prétend s'appuyer. M.
Bourbeau sait bien qu'une femme est à demi enceinte, mais il se
résigne mal à cette absence de situation intermédiaire. Il
en créera donc une, véritable nirvana de l'antilogique où
une chose pourra être et ne pas être, en même temps et sous
le même rapport." Fin de la citation.
M. le Président, il y a un débat quasi théologal
sur cette notion: Est-ce que les contributions d'un employeur à une
caisse de retraite sont ou ne sont pas du salaire différé? Dans
les mémoires qu'on a reçus, il y a un des groupes, assez bien
doté en termes de régime de retraite puisqu'il l'administre
lui-même, qui nous dit ne pas succomber à la tentation de retenir
l'hypothèse du salaire différé. M. le Président, je
pense qu'à cet égard-là la réalité est
beaucoup plus simple. Je ne demande pas au ministre de décider si les
contributions des employeurs sont ou ne sont pas du salaire
différé parce que dans son Conseil des ministres il y a un seul
ministre qui est infaillible; il a failli partir et il est revenu. Le ministre
qui est devant nous n'est pas, lui, infaillible.
Ce que nous disons, nous de l'Opposition, c'est que toutes les sommes
qui vont dans une caisse de retraite, M. le Président, doivent servir
à donner des retraites. Si on consultait la population, c'est ça
qu'elle nous répondrait. À cet égard, c'est scandaleux que
le ministre propose que les entreprises, d'une certaine façon, fassent
ce que certains individus font avec leurs REER, c'est-à-dire boire le
fonds de pension de leurs employés. À cet égard, M. le
Président, je dirais que le document du ministre "Les régimes de
retraite: le partage équitable des excédents d'actif' envers
lequel M. Jean Francoeur du Devoir est très
sévère... moi je suis moins sévère que M.
Francoeur. Je pense que le document, c'est un peu comme le congrès
libéral en fin de semaine, ça commence bien, puis ça finit
mal.
Je lirai le début, M. le Président, il est dit,
écrit, signé par le ministre, à la page 2, ceci et je le
cite: "Le régime complémentaire de retraite constitue, pour des
milliers de personnes salariées, un instrument d'épargne
privilégié destiné à leur assurer à la
retraite un niveau de vie comparable à celui qu'elles ont connu
jusqu'alors. Il est donc essentiel que les salariés aient pleinement
confiance en ces régimes et que les employeurs soient invités
à maintenir ceux qui sont en place et à en créer de
nouveaux." Fin de la citation.
À la page suivante, le ministre écrit, et je le cite:
"Étant donné les contraintes budgétaires des
gouvernements, l'accroissement du coût des programmes
généraux de sécurité du revenu et de santé
pour les personnes âgées et la croissance rapide du nombre de
retraités, il est impérieux que la part des régimes de
retraite continue à augmenter." Fin de la citation. Le ministre
écrit
qu'il est impérieux que la part des régimes de retraite
continue à augmenter, et après ça il nous dit qu'il faut
commencer par la diminuer afin qu'elle puisse augmenter. La diminution, M. le
Président, elle est dure à chiffrer parce qu'on pariait, il y a
un an et demi, d'à peu près 900 000 000 $, la part serait de
l'ordre de 900 000 000 $. En Chambre, le ministre disait: N'ayez pas peur,
l'argent est dans le coffre-fort. Nous, de l'Opposition, nous disions: Non, il
est dans un bain et le bouchon est en partie levé parce que, par des
congés de contribution, les employeurs peuvent s'approprier les
excédents d'actif. (10 h 15)
Alors, je ne sais pas de combien c'est, et le ministre ne dit pas aux
employeurs de tout prendre et de tout boire, mais j'estime que c'est à
peu près 300 000 000 $, avec la réforme qui nous est
proposée, qui seraient siphonnés de ces fonds-là. Or on
sait, M. le Président, que les aînés au Québec,
émargent à 76 % au secteur public pour leur garantir un niveau de
vie décent, Régie des rentes, caisses de retraite publiques -
elles ne sont pas aussi généreuses qu'on le dit, les caisses de
retraite publiques - et, évidemment, la pension de vieillesse et le
supplément de revenu du fédéral.
Je m'en voudrais ici de ne pas parier de Jeanne, une citoyenne du
comté de Pointe-aux-Trembles qui est venue me voir pour m'exposer son
problème. C'est qu'elle avait prévu, à la retraite, avoir
un revenu de 900 $ par mois. On n'est pas au niveau d'une caisse de retraite de
député, là, on est du monde ordinaire. Or Jeanne a comme
problème ceci: Elle a contribué pendant 25 ans à la
Régie des rentes du Québec et pendant 15 ans au RREGOP parce
qu'elle était fonctionnaire. Elle s'attendait à toucher 900 $ par
mois, elle va toucher 800 $ par mois parce que la CARRA, la Commission
administrative des régimes de retraite et d'assurances du Québec
lui coupe 100 $ vu qu'elle reçoit la Régie des rentes. Je sais
que ça a fait l'objet d'un arrangement en termes de cotisations, cette
chose-là.
Mais M. le Président, c'est le comble qu'une personne qui a
contribué pendant 25 ans à la Régie des rentes voie
diminuer sa rente du RREGOP pour la seule raison qu'elle a aussi la
Régie des rentes. Je comprends qu'on puisse se faire refuser par le
fédéral le supplément à cause des autres revenus,
mais là c'est un régime contributoire qui vous déduit d'un
autre régime auquel vous avez contribué. Le résultat, pour
elle, c'est qu'elle a d'abord 100 $ par mois de moins que prévu. Moi,
j'ai beau être député et ne pas être dans le
même dilemme, elle, il lui manque 100 $ par mois. Moi, je dépense
100 $ par mois de plus que je gagne. Mais ça, ça peut se financer
quand on est député. Mais quand le 100 $ par mois, c'est la
différence entre 800 $ et 900 $... Elle paie un loyer de 365 $ par mois
pour un deuxième étage de duplex dans mon comté, ce n'est
pas un loyer excessif. Sa première demande... les personnes se sentent
tellement impuissantes... elle ne me parlait même pas de son
problème de fonds de pension au sujet duquel j'ai écrit à
M. Legault, évidemment, et à la CARRA. Elle me parlait qu'elle
voulait un HLM et je disais: Votre logement, 365 $, ce n'est pas si pire et
ça nous coûte cher, comme contribuables, un HLM. Elle a dit: Oui,
mais je ne pourrai plus parce qu'il faudrait que je cède ma voiture et
Pointe-aux-Trembles, c'est un peu loin du centre-ville. Mais le centre-ville va
finir par se rapprocher de nous.
Elle disait: Si je ne change pas de logement pour aller dans un HLM,
autrement dit, si elle ne devient pas la 401e sur la liste d'attente pour un
HLM, elle ne pourra pas arriver. Alors,, les régimes de retraite au
Québec, les régimes privés, ils sont en dessous de tout.
Écoutez, même avec un taux de chômage officiel de 10 % et
officieux de 15 %... On peut quand même se dire que, quand les gens sont
actifs, ils retirent de leur travail 80 % de la rémunération. Le
20 % qui vient de l'État est très lourd, le ministre en sait
quelque chose, je parle du 6 000 000 000 $ par année à peu
près que l'aide sociale et l'assurance-chômage versent aux
chômeurs.
Mais, quand Ils deviennent retraités, ça dépasse
l'entendement, les régimes privés ne leur garantissent que 25 %
de leur rémunération. C'est le secteur public, Régie des
rentes et autres, pension de vieillesse du fédéral et son
supplément qui garantissent 76 % des retraites des gens. Ce que le
ministre met de l'avant va diminuer ça. Ce que le ministre propose est
un bris de contrat manifeste. Un régime de retraite privé, c'est
un contrat par lequel employés et employeur conviennent de mettre des
sommes dans un fonds pour se donner une retraite convenable. Là-dessus,
il y a des contradictions phénoménales, M. le
Président.
Premièrement, dans les régimes contributoi-res, les
employés fournissent 50 %. C'est la situation actuelle et le ministre ne
veut pas la changer. Eux, il n'est pas question qu'Hs aient des congés
de contribution, même si le surplus vient à 50 % de leurs
contributions. Eux, il n'est pas question qu'ils disposent des excédents
d'actif, même si les excédents viennent à 50 % de leurs
contributions. Autre contradiction, M. le Président, le ministre nous
dit: Quand un régime est non contributoire... Là, je veux mettre
ça en meilleur français parce que la crainte qui pourrait nous
arriver, ici, c'est d'avoir un débat de spécialistes où
finalement une chatte y perd ses petits. Soyons concrets, dans un régime
non contributoire où l'employeur verse toute la somme dans la caisse de
retraite, le ministre dit... à un pourcentage que j'établirai, et
fiez-vous sur moi, je suis généreux, c'est du salaire
différé. Non, non, mais je lui prête la
générosité. La générosité comme la
bonne foi se présument. Mais le ministre dit: Si l'employeur est seul
à
verser dans le fonds de pension les excédents d'actif,
l'employé en aura une partie parce que c'est en partie du salaire
différé. Du même souffle, il dit: Quand il est
contributoire, le régime, quand, par exemple, l'employeur donne 50 % et
l'employé donne 50 %, l'employeur a juste sa part. Là, la part de
l'employeur, soudainement n'est plus partiellement du salaire
différé.
M. le Président, la question qui se pose est la suivante: dans
les années quatre-vingt, il est arrivé que les régimes ont
ramassé des surplus. Pourquoi? Parce que l'inflation a fait augmenter
les taux d'intérêt, ce qui a frappé les gens dans mon
comté. Il n'y en a peut-être pas dans les autres comtés,
mais les gens dans mon comté qui, par exemple, payent une
hypothèque sur un cottage. Ça frappait le monde ordinaire.
Ça avait comme conséquence possiblement positive, par exemple,
que les hauts taux d'intérêt donnent des surplus à leur
fonds de pension qu'on pourrait indexer ou bonifier, ce qui est notre position
comme celle des néo-démocrates de l'Ontario. On indexe ou on
bonifie. On ne laisse pas les entreprises boire la retraite de leurs
employés, ni quand elles terminent le plan, ni quand elles le modifient,
ni suite au moratoire, ni lorsqu'elles ferment pour déménager
ailleurs. Jamais. L'argent qui est là doit rester pour les
employés, pour bonifier les retraites et pour leur donner un revenu plus
décent pour qu'on arrête d'avoir des aînés sous le
seuil de pauvreté, en nombre infiniment plus grand que les personnes
qui, avant la retraite, sont sous le seuil de pauvreté.
L'autre facteur qui a occasionné les surplus, M. le
Président, ce sont les départs suite aux pertes d'emploi de 1982.
Quand on sait que, dans les 12 derniers mois, dans l'industrie
manufacturière au Québec, il s'est perdu 109 000 emplois sur 654
000, ces pertes d'emplois vont venir grossir... parce que l'employé ne
peut pas toujours récupérer la part de l'employeur et que sur sa
part à lui il touche un intérêt minable, très
souvent. Donc, ça va grossir encore les régimes. On dit: II y en
a qui profiteront du chômage. Mieux vaut être riche et en
santé que pauvre et malade.
Dernier point qui a occasionné les surplus des régimes, M.
le Président, les salaires ont progressé moins que prévu.
Quand les salaires progressent moins que prévu, les pensions qui sont
toujours en pourcentage - pas toujours 3,5 % par année de service comme
pour les députés - mais les pensions qui sont en pourcentage du
salaire se mettent à coûter moins cher. Donc, inflation,
chômage et bas salaire sont des facteurs qui expliquent l'a peu
près 900 000 000 $ de surplus accumulés. Ceux qui ont subi le
chômage, les bas salaires... Depuis 10 ans, les salaires progressent
moins vite que le coût de la vie et un syndiqué du secteur public
va apprendre que ce n'est pas fini, qu'être gelé, c'est juste la
façon légèrement différente d'être
coupé. Avec l'inflation qui les touche, en provoquant notamment des
hauts taux d'intérêt sur les hypothèques, là le
ministre se retourne et dit: On va régler ça en faveur d'une
seule partie contractante, l'employeur. M. le Président, à cet
égard-là, ça n'a aucun bon sens.
Je terminerai sur un fait, c'est que les contribuables payent pour
ça, payent très très cher. Comme on n'a pas, comme en
Europe de l'Ouest, des régimes de retraite publics et privés qui
ont de l'allure parce que le régime public, avec le plafond, ne donne
pas tout ce qu'il pourrait donner... Les caisses de retraite des
fonctionnaires, je le découvre, ne sont pas si mirobolantes qu'on nous
le fait voir à l'occasion. Quand l'État continuera de contribuer
76 % de tout ce que touchent les retraités, eh bien, comme
contribuables, à même des budgets qui ne sont pas
élastiques, on va payer, en aide sociale et autrement, de plus en plus
cher pour nos retraités. Ce que je veux dire, M. le Président,
c'est que le président du Conseil du trésor devrait
considérer - j'essaye de lui tendre la perche, mais notre amitié
est trop récente pour que j'aie vraiment une grande influence sur lui -
le président du Conseil du trésor... Il y a le ministre qui est
devant nous, avec qui je suis en meilleurs termes, il faut bien le dire,
qu'avec le président du Conseil du trésor, jusqu'à
maintenant. Tout ça est toujours fragile...
Le Président (M. Joly): Ça peut se ruiner.
M. Bourdon: Oui, une amitié récente peut se ruiner
l'espace d'une intervention, M. le Président. Mais le président
du Conseil du trésor, et le ministre devrait lui passer le message,
devrait être sensible au fait que si on fait vraiment en sorte que les
caisses de retraite privées s'améliorent... en commençant
par dire que l'argent qui va là, c'est du vol de le prendre pour se
financer, et qu'une caisse de retraite ce n'est pas un compte de banque, ce
n'est pas de l'épargne stable. Une caisse de retraite doit servir
exclusivement à verser des bénéfices de retraite. À
cet égard, je répète au ministre que je ne lui demande pas
d'entrer dans le débat - est-ce du salaire différé ou une
dépense d'entreprise? - c'est à peu près comme le sexe des
anges, c'est intéressant à considérer, là, mais en
bout de ligne ça ne donne rien. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne doit pas -
pardonnez l'anglicisme, M. le Président - "flusher" les régimes
privés de retraite. Ce que le ministre propose va avoir des
conséquences terribles pour les salariés, une perte de confiance
dans le régime. Ils vont dire: On sait bien, l'actuaire, il fait un
pronostic trop conservateur pour faire un surplus dont l'entreprise va
profiter, sans compter que le ministre nous propose de permettre aux
entreprises - pas juste en cas de fermeture, il l'élargit à tous
les cas - de se donner des congés de contribution et
de s'approprier les surplus à mesure. Il y a une entreprise qu'on
ne peut pas soupçonner d'être social-démocrate à
outrance, l'Alcan, qui dit que ça va avoir comme conséquence -
comme on fera le calcul presque à tous les ans des excédents
accumulés et qu'on devra se les approprier - que les placements des
régimes de retraite vont devenir des placements peu rentables à
court terme, alors qu'en Bourse, au Québec, au Canada ou aux
États-Unis, on peut placer d'une façon profitable pour avoir un
rendement à long terme.
En bref, M. le Président, on a attendu longtemps, et on pensait
qu'on attendait quelque chose d'extraordinaire. Il y avait un problème
grave d'équité, de justice sociale et de tension sur les finances
publiques. Quand les aînés n'ont pas une pension qui a de
l'allure, indexée si possible, quand ils n'ont pas ça, c'est
à bien des égards le secteur public qui passe au "cash". On nous
indique, de toutes sources, que le trésor public n'est plus florissant.
Autrement dit, si on prend les moyens, et ce qui est devant nous n'est pas la
seule chose, M. le Président... Quand je m'aperçois qu'une
personne qui a contribué 25 ans à la Régie des rentes et
15 ans au RREGOP se retrouve avec une pension de 800 $ alors qu'elle attendait
900 $ par mois... En passant, ça nous rappelle qu'elle, dans le secteur
public, gagnait un gros salaire de 17 000 $ par année. Celle qui va la
remplacer va être gelée ou plafonnée pendant trois ans,
nous dit-on. 17 000 $, là, c'est à peine le quart du salaire d'un
député, M. le Président. Mais, à cet égard,
on a des régimes de retraite privés et publics-privés
quand il s'agit du RREGOP parce que c'est public, mais à l'égard
d'une prestation de travail et d'un salaire qui sont insuffisants. Bien, en
bout de ligne, l'aide sociale intervient. Dans le cas de Jeanne, j'y reviens,
même si le ministre trouve qu'il ne faut jamais trop parler des
personnes, dans le cas de Jeanne...
Le Président (M. Joly): Excusez, en conclusion, M. le
député.
M. Bourdon: Oui, dans le cas de Jeanne, M. le Président,
qu'est-ce que ça coûterait de lui procurer un HLM parce qu'il lui
manque 100 $ de sa pension? Les HLM coûtent légèrement plus
aux fonds publics que 100 $ pas mois. Alors, il y a quelque chose qui n'a pas
d'allure là-dessus et on est contre le document que le ministre a fait
parce que les conclusions ne sont pas conformes à l'exposé
général. C'est comme si ça avait été deux
équipes différentes qui avaient fait les deux. Je ne dirai pas
que le titre - et je cite - "Le partage équitable des excédents
d'actif', est "frauduleux" comme disait Jean Francoeur du Devoir. Je
dirai que le document commence en disant que le partage devrait être
équitable, et conclut en nous proposant un partage qui est
foncièrement inéquitable.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de Pointe-aux-Trembles. Je vais maintenant inviter les représentants...
S'il vous plaît, je vais vous demander de, peut-être, retenir tout
geste de manifestation parce que c'est censé être tout à
fait neutre. Alors, partant de là, si vous voulez qu'on s'entende bien
jusqu'à la toute fin, je vais être obligé d'être
assez rigide à ce niveau. J'invite les gens qui représentent
Alcan Aluminium Itée, s'il vous plaît, à bien vouloir
prendre place.
M. Bourdon: M. le Président, j'ai vu à l'ordre du
jour que le député indépendant parlerait cinq minutes. (10
h 30)
Le Président (M. Joly): Non, M. le
député...
M. Bourdon: Ah! Il parle...
Le Président (M. Joly): ...M. le député
indépendant savait que vous aviez beaucoup... Il vous a donné son
temps.
M. Bourdon: C'est parce que les droits des minorités, on
est sensibles à ça.
Le Président (M. Joly): Alors, je vous rappelle que vous
avez 20 minutes pour présenter votre mémoire;
j'apprécierais que la personne représentant le groupe puisse
s'identifier et nous présenter aussi les gens qui l'accompagnent. S'il
vous plaît? C'est automatique, monsieur...
Une voix: D'accord.
Le Président (M. Joly): Ça s'ajuste.
Auditions Alcan Aluminium itée
M. Bougie (Jacques): Merci, je me présente, Jacques
Bougie, président et chef de l'exploitation, Alcan Aluminium
Itée. À ma gauche, M. Roger Chiniara, qui est président
d'Alcan Admin-co, la société qui gère nos fonds de
retraite à travers le monde, et, à ma droite, M. Michel
Méthot, qui est vice-président et actuaire en chef d'Alcan
Adminco.
Le Président (M. Joly): Alors, merci. Alors, la parole est
à vous.
M. Bougie: M. le Président, Mme et MM. les membres de la
commission, au nom d'Alcan Aluminium Itée, nous vous remercions de votre
invitation à commenter le document de consultation portant sur le
partage équitable des excédents d'actif.
Alcan Aluminium Itée emploie 55 000 personnes réparties
dans plus de 20 pays, dont 16 000 personnes au Canada et 10 000 au
Québec.
Malgré la variété et la complexité de nos
activités dans huit provinces, deux régimes de retraite suffisent
à couvrir la presque totalité de nos employés canadiens.
Ces régimes, qui sont enregistrés auprès de la
Régie des rentes du Québec, ont des actifs totalisant 1 800 000
000 $ et versent annuellement plus de 90 000 000 $ en prestations à
environ 7500 retraités au Canada. Alcan et ses filiales sont
également promoteurs de plus de 30 autres régimes de retraite,
dont six au Canada.
Les deux principaux régimes de retraite canadiens d'Alcan
garantissent, dans un cas, une pension basée sur le salaire en fin de
carrière et, dans l'autre cas, une pension négociée
régulièrement sur la base du salaire courant. Des revalorisations
ponctuelles des rentes différées et en cours de paiement sont
effectuées régulièrement et compensent une bonne partie de
l'inflation. Les deux régimes sont contributifs. Les participants
versent un pourcentage fixe de leur salaire et la société verse
le solde du coût des prestations. Les actifs de ces régimes sont
investis en vertu de politiques de placement qui privilégient les
placements en actions, principalement d'entreprises canadiennes.
Alcan souscrit à l'effort entrepris par le gouvernement du
Québec pour lever le moratoire. Toutefois, la proposition de permettre
et même d'obliger la distribution d'excédents d'actif en cours
d'existence du régime est une mesure draconienne qui vient briser une
pratique vieille de 25 ans. De nombreux arguments plaident en faveur du
maintien de cette pratique. La proposition du document visant à
solutionner le problème à court terme de quelques régimes
aura un impact néfaste à long terme sur tous les régimes
complémentaires de retraite. Notre mémoire en fait la
démonstration en utilisant notre principal régime de retraite
à titre d'illustration.
Dans un premier temps, je résumerai brièvement les points
soulevés dans notre mémoire qui nous ont amenés à
rejeter la proposition du document. Je conclurai en vous soumettant des
éléments de solution visant la levée du moratoire. Nos
propositions s'accordent mieux, selon nous, aux deux principes fondamentaux du
gouvernement, soit la sauvegarde de la sécurité financière
des régimes de retraite et le respect de la contribution des parties au
financement du régime.
La proposition du document est fondée, à notre avis, sur
un faux postulat à l'effet que la cotisation qui garantit la prestation
constitue la rémunération différée. Notre
mémoire illustre ce point de vue par l'étude de la variation des
cotisations patronales effectuées dans nos caisses de retraite. On
remarque que la société a dû verser des cotisations
spéciales substantielles au cours de la période 1975 à
1984, mais qu'elle a pu bénéficier d'une suspension de sa
cotisation au cours de la période 1985 à 1990. Sur une base
cumulative, la société a contribué pour 245 000 000 $,
dont plus de 100 000 000 $ aux fins d'amortissement de déficit de la
caisse, comparativement à 106 000 000 $ versés par les
participants, soit un rapport de 2,3 sur 1.
La société n'a jamais prétexté - elle aurait
eu tort de le faire - que les cotisations importantes effectuées au
cours de la période 1975 à 1984 constituaient de la
rémunération différée additionnelle et que,
à ce titre, elle pouvait ajuster les échelles salariales en
conséquence. Pour les mêmes raisons, les suspensions de cotisation
n'ont pas été le prétexte a un ajustement à la
hausse des échelles salariales.
Au cours de toute la période, la rémunération
différée provenant du régime de retraite a
été constituée uniquement de la valeur des prestations
acquises par chaque participant. L'étalement du financement de ces
prestations, soit la cotisation, n'est qu'un estimé basé sur des
hypothèses et une politique de capitalisation. En conséquence, le
niveau d'excédents d'actif en cours d'existence du régime est une
question d'opinion. Seul le niveau d'excédents d'actif en cas de
terminaison totale du régime est une question de fait et peut être
déterminé lorsque toutes les obligations du régime ont
été liquidées. Cette opinion, basée sur des
projections portant sur plusieurs dizaines d'années, ne peut pas
être exacte, pas plus que celle de l'économiste portant sur le
prochain cycle économique ou celle du ministre des Finances portant sur
les prochains exercices financiers.
La proposition du document prévoit qu'une partie de ces
excédents d'actif, mais non le déficit, doit être
partagée lors de certains événements. Dans le cas d'Alcan,
ces événements sont fréquents. Au cours de la
période étudiée, ils se sont succédé
à une moyenne supérieure à un par année. La
proposition d'effectuer un calcul quant à l'existence d'un
excédent à partager lors de chaque événement est
inacceptable. Il s'agit là d'un exercice coûteux. Notre
mémoire illustre à quel point sa répétition ira
à l'encontre de la promotion des régimes à prestations
déterminées, découragera la prudence dont ont fait preuve
les promoteurs de régimes, minera la sécurité des
prestations et modifiera négativement les politiques de placement
privilégiant les titres de compagnies canadiennes et
québécoises.
En effet, notre étude effectuée sur le principal
régime d'Alcan et portant sur la période de 1975 à 1990
démontre que les excédents d'actif sont principalement le
résultat d'une capitalisation rapide des déficits techniques.
L'assurance donnée au promoteur du régime de pouvoir utiliser les
excédents d'actif aux fins d'ajuster son taux de cotisation ou
d'améliorer les prestations est une condition sine qua non d'une
capitalisation prudente. La proposition du document de décaisser et
partager les excédents d'actif lors de certains événements
détruit cette
assurance.
Notre étude démontre également que le conservatisme
dans le choix des hypothèses actuarielles, qui a pour effet d'augmenter
la cotisation patronale, est un autre facteur qui explique les excédents
d'actif. Cette pratique n'est pas unique à Alcan. Il s'agit là
d'une gestion prudente que le législateur doit encourager. La menace
d'un décaissement du régime lors de certains
événements hors du contrôle de l'entreprise aura pour effet
de décourager ie conservatisme pratiqué dans le passé, de
diminuer la sécurité financière des régimes et
d'augmenter les déboursés liés aux améliorations
régulièrement apportées au régime. Il est illusoire
de croire que les promoteurs de régimes financeront à la fois les
distributions d'excédents et les améliorations qui auraient
été financées par ces excédents.
Notre mémoire démontre également qu'une
réserve de sécurité de 25 % du passif actuariel sur une
base de solvabilité est nettement insuffisante et Hlustre à quel
point les excédents d'actif pouvant être partagés sont
volatiles. L'existence d'un tel excédent n'a duré, dans le cas de
notre principal régime de retraite, qu'une période d'environ cinq
années. Si un tel partage avait été effectué en
1985 ou en 1988, le régime de retraite serait en situation de
déficit plutôt que d'équilibre à la fin de 1990,
compte tenu des améliorations récentes apportées au
régime.
La proposition entraînera infailliblement des modifications
à la politique de capitalisation et de gestion des caisses de retraite.
Il s'ensuivra une diminution des excédents. Dans un tel contexte, que
vaudra le droit à un partage des excédents d'actif? Le droit de
constituer des réserves dans les caisses de retraite aux fins
d'améliorations ultérieures des prestations, sanctionné
par les récents changements à la Loi sur les impôts,
n'est-il pas préférable au droit à une distribution
aléatoire d'excédents d'actif?
La constitution de telles réserves sera rendue impossible dans un
contexte où les excédents d'actif doivent être
partagés lors de certains événements alors que, au
contraire, la constitution de telles réserves doit être
encouragée, particulièrement dans le cas de régimes de
retraite où l'employeur ne peut s'engager à indexer
automatiquement les rentes et/ou à garantir une formule de régime
salaire-fin de carrière.
Notre mémoire illustre également comment un partage d'un
excédent d'actif, au moment où le marché est à la
hausse ou à son sommet, constitue une iniquité à
l'égard des promoteurs des régimes de retraite,
particulièrement des régimes qui ont une politique de placement
privilégiant les titres de compagnie.
Dans la mesure où une correction du marché à la
baisse suit le partage, le promoteur serait obligé, non seulement de
rembourser à la caisse sa part du décaissement sous forme de
cotisation spéciale, mais également celle qui aura
été allouée au participant. En de telles circonstances, un
décaissement constitue également un risque financier pour le
régime, particulièrement si les événements donnant
droit à un partage sont fréquents.
Les caisses des régimes de retraite canadiens et
québécois constituent des investisseurs importants du
marché boursier et une source importante de capital pour nos
entreprises. À titre d'exemple, les titres de sociétés
canadiennes ont constitué, en moyenne, 45 % du portefeuille des caisses
des régimes de retraite d'Aican au cours des années 1975 à
1990. Au cours de la période de 1959 à 1989, le taux de rendement
net des actions a été de 5,2 %, comparativement à 2 % pour
les placements à court terme. La menace d'un partage des
excédents aura pour effet la réduction des investissements dans
les actions de sociétés et, éventuellement, du rendement
des caisses de retraite. Une telle modification des politiques de placement se
ferait au détriment de la caisse, du promoteur, des participants et des
économies québécoise et canadienne. Malgré toute la
bonne volonté qu'on apportera à la prescription des
hypothèses actuarielles, celles-ci s'avéreront arbitraires dans
la plupart des cas, compte tenu des fluctuations économiques, de la
politique de capitalisation de chaque promoteur et des dispositions du
régime de retraite.
Par ailleurs, les modes de partage proposés sont incompatibles
avec les régimes à prestations déterminées et
créeront d'insurmontables problèmes fiscaux. Pour les
régimes nationaux, une législation obligeant le partage et le
décaissement des surplus en cours d'existence du régime est
impraticable sans une révision importante du présent accord de
réciprocité requérant l'approbation de huit gouvernements
provinciaux et du gouvernement fédéral. L'augmentation des
coûts administratifs, y compris les coûts de surveillance
liés à l'application de la proposition, sera importante. Elle
s'ajoutera aux augmentations de coûts liés à l'application
de la loi et à celle, substantielle, récemment imposée par
la Régie des rentes du Québec. Ces coûts improductifs sont
imposés uniquement aux employeurs offrant un régime de
retraite.
Mme et MM. les membres de la commission, il ne faudrait pas que la
solution du problème d'excédents d'actif résulte en une
situation où plusieurs régimes se retrouveront avec un
problème de déficit, ayant auparavant solutionné leur
problème d'excédents sous le couvert d'une législation qui
aurait obligé à un remboursement. C'est pourquoi nous
recommandons la levée du moratoire, le maintien des dispositions de la
loi prohibant les retraits d'excédents d'actif en cours d'existence du
régime et le maintien du droit des parties de conclure des ententes
à l'égard de leur contribution au financement des parties.
Comme le souligne le document de consultation, les améliorations
aux droits des participants prévues par la loi réduiront les
sources d'excédents, de sorte que les régimes seront moins
susceptibles d'en accumuler par la suite. La création des comités
de retraite, de nouvelles normes beaucoup plus strictes portant sur les
communications aux participants et la tenue des assemblées annuelles
sont des arguments additionnels qui plaident en faveur d'une levée du
moratoire, respectant le droit des parties de conclure des ententes, notamment
à l'égard de la contribution des parties au financement du
régime. (10 h 45)
Si, malgré les arguments soulevés dans notre
mémoire justifiant un rejet de la proposition, le gouvernement choisit
de légiférer sur les excédents d'actif, nous soumettons
les recommandations suivantes: Premièrement, qu'on limite les
événements donnant droit à un partage des excédents
d'actifs. Un partage triennal lors de l'évaluation actuarielle du
régime simplifierait grandement l'application de ces dispositions.
Deuxièmement, que la marge de sécurité soit, dans tous les
cas, exprimée en pourcentage du passif actuariel déterminé
sur une base de continuation du régime, et non sur une base de
solvabilité. Il s'agit là d'une simple mesure
d'équité à l'égard du promoteur qui s'est
engagé à cotiser sur la base de continuation du régime,
afin d'assurer la sécurité, à long terme, des prestations.
Le pourcentage doit être suffisamment élevé pour
éviter des situations comme celles illustrées dans notre
mémoire. Troisièmement, que la part revenant aux participants
soit utilisée exclusivement, pour ce qui est des participants actifs, au
financement des nouvelles normes minimales de la loi 116 appliquées
à toute prestation de retraite acquise avant le 1er janvier 1990 et,
à l'égard des participants non actifs, au financement
d'ajustements des rentes en cours de paiement et des rentes
différées, pour compenser la perte du pouvoir d'achat entre la
date de terminaison d'emploi ou de retraite et la date du partage
d'excédents d'actif. Quatrièmement, que la part revenant au
participant en excédent du coût de financement de ses prestations
constitue une réserve pour des ajustements subséquents de rentes.
Et, cinquièmement, que le problème des excédents d'actif
excessifs de certains régimes lors de la levée du moratoire soit
régie ponctuellement. Merci. Nous sommes disponibles pour les
questions.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Bougie. Nous allons
maintenant reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
les représentants de la compagnie Alcan, M. Bougie le président,
M. Chiniara, M. Méthot, tous des gens qu'on a eu l'occasion de
rencontrer à quelques reprises. Je dois dire qu'on a toujours
considéré qu'Alcan était une compagnie - j'ose à
peine dire modèle, entre guillemets - en ce qui concerne le traitement
des fonds de pension. Lorsque nous avons passé la loi qui
réformait l'ancienne Loi sur les régimes supplémentaires
de rentes, la loi 116, nous avions également fait appel à
l'expertise d'Alcan. J'avais personnellement rencontré les dirigeants
d'Alcan - comme, d'ailleurs, j'ai rencontré beaucoup de groupes, mais
dans le domaine privé, des fonds de pension privés - pour
discuter de ces problèmes-là. J'ai eu l'occasion de rencontrer de
nouveau les gens d'Alcan récemment - ça indique l'importance que
nous accordons à l'opinion d'une compagnie aussi sérieuse et
aussi responsable qu'Alcan - et c'est pourquoi nous avons également fait
en sorte de vous inviter à venir nous faire voir votre point de vue.
Manifestement, votre point de vue n'est pas exactement conforme au
nôtre... Une voix: C'est le moins qu'on puisse dire.
M. Bourbeau: ...ce que j'avais d'ailleurs déjà
remarqué lors de nos rencontres précédentes. Ce qui me
frappe un peu quand je regarde le mémoire - et là je mets de
côté les dernières recommandations que vous avez faites
à la fin, qui vont un peu plus dans le sens de ce que nous proposons -
en fait, ce que vous nous dites, c'est que vous souhaitez conserver le statu
quo; mais, s'il n'y a pas moyen de le conserver, c'est bien à regret que
vous nous suggérez des modifications. Mais, en fait, vous nous dites que
vous êtes d'accord pour lever le moratoire inconditionnellement et vous
préconisez l'interdiction de distribuer les excédents d'actif en
cours de régime. En fait, le seul point avec lequel vous êtes
d'accord, c'est le droit à la suspension de la cotisation. Ça, on
est d'accord là-dessus. Il y a au moins un point sur lequel on est
d'accord.
Mais si on acceptait, à toutes fins pratiques, le statu quo, de
ne pas permettre de distribution d'actif en cours de régime, de lever le
moratoire, "business as usual", qu'est-ce que je pourrais faire? Qu'est-ce que
je devrais faire relativement aux problèmes qui sont survenus, comme par
exemple les cas de Simonds, Singer, Kik-Cola? Ce sont des cas qui sont
survenus, ça, dans le cadre de la législation telle qu'elle
existe. Ce sont des compagnies qui avaient des régimes à
prestations déterminées, comme le vôtre, qui, souvent,
n'ont pas beaucoup investi d'argent. Le problème qui se pose dans un
régime à prestations déterminées, c'est que
l'employeur n'est pas obligé de mettre de l'argent à tous les
mois, à toutes les années. Son obligation, c'est de faire en
sorte qu'un jour, dans 25 ans, dans 35 ans, une rente sera là, une somme
d'argent sera mise là par lui pour payer la pension de M.
Untel. Bien sûr, en cours de route, on va surveiller pour
être sûr qu'il ne manque pas d'argent dans le régime.
Mais vous savez comme moi que, surtout pour les régimes qui ont
existé jusqu'à maintenant, il arrivait parfois, à cause
des départs fréquents d'employés et des taux
d'intérêt élevés dus à la conjoncture
économique, que des surplus étaient générés
par la conjoncture, de sorte que l'employeur, souvent, n'était pas
obligé de mettre beaucoup d'argent à chaque année, parfois
même pas du tout. Et, à un certain moment, l'employeur
décidant de fermer le régime - parce qu'il a le droit de fermer
le régime à sa volonté - des surplus apparaissaient; et
l'employeur, dans bien des cas, a tenté de s'approprier ces
surplus-là, et se les est appropriés. Il y a même des cas,
je vous en cite un, le cas de Newberry, où l'employeur n'a même
pas investi un seul dollar dans le fonds de pension pendant tout le temps du
régime et s'est approprié le surplus de 5 000 000 $. Ça,
ça s'est passé dans un cas de statu quo, selon la
législation qui existait.
Alors comment, moi, je peux arriver et puis dire: Je ne gèle pas
les surplus; j'ai fait un moratoire, je n'aurais pas dû,
dépêchez-vous de lever le moratoire, "business as usual", on
continue? Comment est-ce que le gouvernement peut accepter de
réinstaurer un système qui a donné de si mauvais
résultats? Alors, je vous pose la question.
Le Président (M. Joly): M.Bougie.
M. Bougie: M. le ministre, je suis loin d'être un expert
dans ces matières-là. Cependant, on dit souvent que l'exception
ne fait pas la règle, ou la règle ne fait pas l'exception. Mais
la plupart des cas que vous avez mentionnés, je crois, font appel
à des situations où il y avait terminaison de régime,
c'est-à-dire des employeurs qui fermaient une usine, qui quittaient la
province et qui profitaient de surplus au niveau des régimes de retraite
afin de les encaisser. Et la plupart de nos recommandations visent les cas de
régimes lors de continuité du régime. Nous
représentons une société qui est au Québec depuis
le début du siècle - 1902 - nous avons l'intention d'y rester
fort longtemps, avec 10 000 employés au Québec. Alors, nos
principales recommandations sont pour le régime, en continuité de
régime.
Je crois que si vous aviez certaines mesures visant les cas de
terminaison de régime, à ce moment-là, notre actuaire en
chef pourrait peut-être faire des recommandations
supplémentaires.
M. Méthot (Michel): Une des nouvelles dispositions de la
loi 116 vise à assurer un financement maximum, de la part des
employés, de 50 % de la valeur de la rente. Je réponds à
votre question par une autre question. Les nouvelles normes de la loi 116 ne
visent-elles pas, à long terme, justement à régler le
problème de ces caisses de retraite où l'employé
finançait la presque totalité de la rente, en imposant un
financement minimum de la part de l'employeur, de 50 %?
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je pensais que
c'était moi qui posais les questions, mais ça ne me fait rien de
répondre. Effectivement, vous avez raison.
M. Méthot: Ça semble être un
échange.
M. Bourbeau: Vous avez raison, M. Méthot, et je suis
très fier de rappeler à tout le monde que nous avons mis fin
à un régime, avec la loi 116, qui avait créé
beaucoup d'iniquité. Et je suis très confiant, quant à
moi, que les travailleurs de l'avenir vont être beaucoup mieux
protégés que ceux du passé, en ce sens que la nouvelle loi
que nous avons fait voter - que je suis fier d'avoir fait voter, je dois le
dire - va maintenant faire en sorte que les employeurs vont devoir
obligatoirement cotiser, en dépit de ce qu'on a dit tantôt,
régulièrement chaque année, au moins 50 % de la valeur du
crédit de rente; et ça, ça va éviter probablement
des situations.
D'autre part, le fait qu'on ait aussi permis dans la nouvelle loi que
les travailleurs aient droit à la rente après deux années
et non pas après dix années de travail chez l'employeur, et qu'on
ait éliminé l'âge de 45 ans comme étant un âge
minimum pour avoir droit à la rente, tout ça va favoriser les
travailleurs. Mais ça n'empêche pas que, pour le passé, on
a présentement des situations d'excédents d'actif. L'ancien
régime a généré des excédents d'actif
très, très importants dans certains cas, des dizaines de millions
de dollars dans certains comptes.
Vous nous dites: Nous, à l'Alcan, on est des gens responsables et
on sait quoi faire avec nos surplus; la preuve, on a revalorisé souvent
la rente de nos travailleurs. Je vous dis: Bravo! J'aimerais donc ça
qu'on puisse avoir des Alcan partout au Québec. Probablement qu'on ne
serait pas ici aujourd'hui pour légiférer et je n'aurais pas le
député de Pointe-aux-Trembles à mes trousses pour me citer
le cas de Kik-Cola, Simonds et toute la ribambelle des employeurs qui ne sont
pas responsables. J'ouvre une parenthèse pour vous dire que c'est
très facile d'être dans l'Opposition. J'y ai été,
moi aussi; je sais ce que c'est et j'envie parfois le travail de mes
collègues, ici, qui tirent à boulets rouges sur le gouvernement
en disant: C'est épouvantable ce que vous faites, vous... mais c'est
drôle, le parti québécois avait tenté de
réglementer le domaine, il y a quelques années. il avait
déposé un avant-projet de loi, la loi 58, pour réformer
l'ancienne loi sur les
régimes supplémentaires de rentes. Et c'est drôle,
il n'avait pas osé toucher au dossier des surplus d'actif dans les
compagnies. Il savait que ça existait, mais il n'avait pas de formule,
il ne savait pas quoi faire. Donc, plutôt que de proposer quelque chose,
il avait simplement été muet. Donc, j'en conclus que le Parti
québécois qui, aujourd'hui, nous blâme de tenter de
régler le problème, lui, n'avait pas réussi à
trouver une solution et ne s'y était pas attardé.
De sorte que, si on avait... Si, malheureusement pour le Québec,
on était encore dans l'Opposition, vous auriez un gouvernement qui
n'aurait même pas touché aux surplus d'actif. Simonds et les
autres, comme Singer, auraient fui avec la caisse de retraite et on n'en aurait
pas entendu parier. Bon. Alors, M. le Président, je dis que c'est facile
de critiquer, mais j'attends toujours les propositions de l'Opposition et
j'attends même les propositions de M. Francoeur. Parce que le
député de Pointe-aux-Trembles, évidemment, s'est permis de
citer certains extraits - extraits - de l'article de M. Francoeur. Il l'a bien
dit, d'ailleurs; je vous disais qu'il a dit que c'étaient des extraits.
Mais, entre ces extraits-là et la totalité de l'article, il y a
des différences.
Qu'est-ce que M. Francoeur... Le député de
Pointe-aux-Trembles nous cite les critiques qui font l'affaire de la partie
syndicale - parce que tout le monde sait que M. le député de
Pointeaux-Trembles est un ancien chef syndical - et puis, M. Francoeur, sa
solution... La solution, la voulez-vous, la solution de M. Francoeur? Vous
êtes d'accord avec ça? Vous ne l'avez pas dit: Rendre leur
liberté aux parties contractantes et, le cas échéant,
laisser aux tribunaux le soin de trancher leurs différends. C'est le
contraire de ce que vous me dites depuis le début. Vous nous
blâmez de ne pas avoir agi et vous nous dites: La liberté aux
parties. C'est ça qui a amené les cas de Simonds, de Singer...
Les parties étaient libres, mais c'est une liberté - comment
dit-on ça, en droit? - léonine. Un lion. C'est quand il y en a un
gros d'un côté et un petit. La liberté... Oui, c'est
ça.
La liberté qu'on a actuellement, c'est que, dans certains cas -
ce n'est pas le cas d'Alcan, je le répète et je veux mettre Alcan
en dehors de ça - vous avez un patron qui a tous les pouvoirs dans sa
main, qui a formé le régime de retraite et qui peut l'abolir
à sa volonté, et les travailleurs, souvent non syndiqués,
sont à la merci du patron. Et ça, on nous dit: Rendez la
liberté aux parties. Bien, rendre la liberté aux parties, c'est
générer les mêmes problèmes qu'on a eus; et, belle
solution, laisser aux tribunaux le soin de trancher; bien, c'est ça qui
arrive. Les tribunaux se sont maintenant emparés de ça et, quand
tout sera fini, M. le Président, les seuls qui en auront probablement
profité, ce seront les avocats. (11 heures)
Une voix: Les actuaires...
M. Bourbeau: Je n'ai rien contre les avocats et les actuaires,
mais je dois dire que je respecte beaucoup l'opinion de M. Francoeur, par
ailleurs. Mais, cette fois-ci, je diffère singulièrement
d'opinion avec lui. Et je pense que le député de
Pointe-aux-Trembles aussi semble différer avec lui, même s'il a
pris à témoin l'article de M. Francoeur, du moins les passages
qui faisaient son affaire.
Alors, je repose la question à Alcan après cette
parenthèse qui était assez longue, j'en conviens. Vous, vous
êtes un peu modèle dans te sens que vous autres, quand il y a des
surplus, vous vous dites: On les prend et on revalorise la rente des
travailleurs. Mais qu'est-ce que je dois faire si vous ne le faites pas?
Qu'est-ce qui me garantit que vous allez le faire? Supposons que, plutôt
que de vous appeler Alcan, vous vous appelez une autre compagnie; et il y en a,
des surplus; et vous décidez de ne pas les utiliser pour revaloriser la
rente des travailleurs. Comment, moi, je peux m'assurer que les gens, les
compagnies comme vous, qui auront des surplus, vont les utiliser comme vous le
faites? Parce qu'on ne légifère pas seulement pour Alcan, on doit
légiférer pour tout le monde.
Le Président (M. Joly): M. Bougie.
M. Bougie: Nous avons fait des propositions à la suite de
notre présentation de tout à l'heure, donnant les
différentes étapes qui devraient être suivies par les
entreprises avant la distribution d'un excédent d'actif. Sans vouloir le
répéter pour ne pas prendre trop de temps - alors, je vous laisse
le soin de les reprendre tout à l'heure - j'aimerais attirer votre
attention, à la suite de votre intervention de tout à l'heure, M.
le ministre, sur le fait que, afin d'assurer une économie solide au
Québec, on se doit d'attirer des investisseurs qui sont également
sérieux. Les investisseurs sérieux sont souvent
déboussolés s'ils doivent être assujettis à des
dispositions, à des régimes qui sont trop onéreux ou
inéquitables. Et certaines des dispositions qui sont devant nous,
concernant le projet qui est devant nous, pourraient rendre l'administration
des régimes de retraite au Québec un peu plus onéreuse ou
inéquitable qu'ailleurs en Amérique du Nord. Alors, c'est fort
important de pouvoir - si nous voulons vraiment attirer les investisseurs
sérieux, à long terme, au Québec - s'assurer que ces
gens-là seront à l'aise d'oeuvrer au Québec, à long
terme.
M. Bourbeau: Est-ce que vous préféreriez le
régime en vigueur en Ontario, par exemple?
M. Bougie: II y a plusieurs dispositions qui sont
discutées en Ontario. Il y en a très peu qui sont
appliquées à l'heure actuelle.
M. Bourbeau: Disons ceci; moi, il n'y a aucun doute dans mon
esprit que, d'ici un an, on va trouver le régime québécois
beaucoup plus favorable, je pense, que celui de l'Ontario, compte tenu de ce
qu'on sait de ce qui s'en vient. Mais je termine en disant que, tantôt,
j'ai fait certains commentaires, mais les suggestions que vous faites dans
votre mémoire et que vous avez tout à l'heure exposées
m'apparaissent tout à fait pertinentes. Il y a effectivement des
suggestions que vous faites et que nous allons étudier très
sérieusement. Vous dites de limiter le nombre
d'événements. Possiblement qu'il y aurait lieu de domestiquer un
peu tout ça et de faire en sorte que les événements qui
vont donner lieu au partage ne se présentent pas tous les six mois ou
trop fréquemment. Pour la marge de sécurité, vous nous
dites: Regardez-donc ça un peu plus attentivement pour voir s'il n'y
aurait pas moyen que la marge soit calculée différemment. Ce sont
toutes des propositions que nous considérons comme étant
très sérieuses, très valables, et que nous allons
considérer avec beaucoup d'attention.
M. Bougie: Merci.
Le Préskient (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Pointe-aux-Trembles.
S'il vous plaît!
M. Bourdon: Le député de Gouin.
Le Président (M. Joly): Ah, excusez, le
député de Gouin.
M. Boisclair: Je vais y aller, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Sûrement, allez, je vous
reconnais.
M. Boisclair: On va partager le temps, tout au long des travaux,
pendant ces deux jours de commission. M. Bougie, messieurs, bienvenue à
cette commission. Je tiens à vous remercier pour cette
présentation. Je pense qu'il y a un certain nombre de choses, de faits
saillants, qu'on peut retenir de votre mémoire. D'une part, la position
que vous prenez pour la levée inconditionnelle du moratoire; vous
êtes contre, aussi, la distribution du décaissement en cours
d'existence de régime. Sur un certain nombre d'autres
éléments où-Peut-être pourrais-je reprendre
là où le ministre vous a quittés, mais en soulignant que
vous dites, dans une de vos recommandations, que le gouvernement ne devrait pas
légiférer pour régler les problèmes litigieux. Par
ailleurs, vous dites: La Loi sur les régimes complémentaires de
retraite constitue une réglementation suffisante. Je pense qu'on peut,
cependant, partager le point de vue du ministre que, si toutes les entreprises
québécoises avaient la même attitude ou le même
comportement corporatif que les gens d'Alcan peuvent avoir, sans doute que,
nous non plus, nous n'aurions pas à faire face au ministre et à
endurer des propos qui peuvent parfois paraître beaucoup plus partisans
que sérieux quant au sujet qui est discuté ici.
J'aimerais peut-être revenir sur un élément
où, cependant, je crois qu'il y a une différence de point de vue
importante, qui est celle de la rémunération
différée. Mon collègue, dans son introduction, disait tout
à l'heure qu'il ne voulait pas en faire un point de vue dogmatique. Je
suis d'accord avec vous. Cependant, la lecture des mémoires va, bien
sûr, nous amener à discuter de cette question-là.
L'ensemble des mémoires, d'ailleurs, sont très clairs. L'ensemble
des gens qui viendront devant cette commission ont pris une position à
cet égard. Et, bien sûr, les deux thèses sont bien connues
et très claires.
Cependant, dans la mesure où, dans le fond, les conditions, les
cotisations aux régimes de retraite sont, dans le fond, des
éléments qui sont négociés entre les
différentes parties, je vois mal comment on pourrait exclure la
thèse de la rémunération différée.
Peut-être qu'on pourrait vous donner raison si cette détermination
des conditions de travail était strictement unilatérale, mais ce
n'est pas le cas. Et, lorsque vous précisez dans votre mémoire
que la proposition gouvernementale, en considérant la cotisation
patronale comme de la rémunération différée, se
base sur un faux postulat, je dois vous avouer que j'ai une certaine
difficulté à concilier le fait que vous disiez, d'une part, que
c'est un faux postulat, sans avoir un peu la contrepartie qui serait, dans le
fond - comment pourrais-je m'exprimer - le fait que la négociation de la
convention collective et des différentes conditions de travail ne se
fait pas de façon unilatérale.
M. Méthot: Permettez-moi de vous répondre en citant
un exemple. Nous avons conclu, en 1989, un protocole d'entente sur notre
régime de pension, le deuxième régime qui est
négocié. C'était un régime à prestations
déterminées, revalorisé régulièrement, un
régime pour lequel on avait pris un congé de cotisation pendant
trois années. À la suite des négociations qui ont
duré près d'une année, le protocole ne faisait pas
référence à la cotisation et aux clauses de surplus, mais,
par contre, améliorait grandement les prestations, et toute la
négociation s'est portée sur le niveau de prestation.
En se comparant avec d'autres compagnies, chose qu'on fait
régulièrement, on a comparé, non pas la cotisation que les
autres compagnies versaient à leur fonds de pension, versus la
nôtre, on a vraiment comparé les prestations, ce que paient les
autres compagnies à 60 ou 65 ans, en pourcentage du salaire, ce qu'ils
donnent comme bénéfice de départ ou de
décès. C'étaient les questions à l'étude, et
ce sont les questions
qui ont été réglées lors de la
négociation. La compagnie, par la suite, s'est engagée, comme
d'habitude, à financer le coût additionnel de ces prestations. Et
c'est pourquoi nous disons que c'est la prestation de retraite qui constitue la
rémunération différée, et non pas la cotisation de
l'employeur.
M. Boisclair: Je comprends bien l'exemple que vous me
présentez. C'est l'argument qui est repris par plusieurs autres
intervenants aussi, mais je ne sais pas si vous ne me convainquez pas du point
de vue contraire. Il n'en demeure pas moins que je vous donnerais raison si,
comme je le disais dans ma question tout à l'heure, les conditions de
travail n'étaient pas négociées, mais étaient
décrétées de façon unilatérale, ce qui n'est
évidemment pas le cas. J'aimerais peut-être revenir sur un certain
nombre d'autres questions. Vous avez parlé tout à l'heure des
événements, sans doute beaucoup trop nombreux, qui donnent lieu
au décaissement, ce qui va vous amener... Je pense que, dans votre
mémoire, vous citez la réalité; ça vous
amènerait à faire des évaluations à tous les ans,
ou au moins une fois l'an.
M. Méthot: Oui.
M. Boisclair: Vous proposez que ce soit une fois aux trois ans,
je crois, dans une de vos propositions. Vous avez même été
assez loin en disant que ça rendait la gestion de ces régimes
très onéreuse et, pour des gens, risquerait même de faire
fuir un certain nombre d'investissements, compte tenu du coût de gestion
de ces régimes. Est-ce que vous faites des affirmations basées
sur des faits? Est-ce que c'est le genre de réactions que vous avez
connues d'investisseurs potentiels chez vous, ou si c'est là,
peut-être, ce que vous entrevoyez comme une conséquence possible
de certaines dispositions du projet de loi?
M. Méthot: Quant à la fréquence, c'est une
affirmation basée sur une étude de l'expérience des
dernières années. Effectivement, par exemple, dans une compagnie
comme Alcan, qui a 10 000 employés répartis en plusieurs
unités de travail, la notion de terminaison partielle, telle qu'elle
est...
M. Boisciair: Qu'est-ce que vous voyez, justement, comme notion
sur cette question-là? Vous dites, dans votre mémoire, qu'elle
est trop large.
M. Méthot: Oui.
M. Boisclair: Comment la... est-ce qu'il y aurait moyen de la
préciser, et de quelle façon?
M. Méthot: À mon avis, concernant le concept de
terminaison partielle, on devrait n'avoir qu'une terminaison totale, et
peut-être englober, dans le concept de terminaison totale, toutes les
terminaisons partielles qui auraient eu lieu dans les dernières
années qui précèdent la terminaison totale de
régime, pour s'assurer que l'employeur ne gruge pas petit à petit
la caisse en terminant partiellement des groupes d'employés; alors,
à ce moment-là, il faudrait abandonner ce concept de terminaison
partielle.
Une autre méthode, a mon avis, pour diminuer ces
événements serait de définir une terminaison partielle
comme étant un événement lors duquel l'employé est
forcé de terminer sa participation au régime. En d'autres mots,
aussi longtemps qu'un employé peut demeurer un participant,
c'est-à-dire un participant non actif ayant droit à une rente,
différée ou immédiate, il ne devrait pas y avoir de
terminaison partielle puisque cet employé a le choix de continuer
à faire partie de cette entité. Et déjà, en
partant, on limiterait, je pense, le nombre d'événements, de
même que la référence à des amendements qui ne
favorisent que certains groupes d'employés, comme il est
mentionné dans ce groupe-ci.
Tout amendement dans un régime ne favorise, traditionnellement,
règle générale, qu'un certain groupe de participants, que
ce soient des retraités, des actifs, des gens qui sont près de la
retraite ou des programmes de retraite anticipée, etc. Ce sont des
événements qui favorisent toujours un certain groupe
d'employés. Alors, à mon avis, si on visait certains groupes...
je ne sais pas, moi, un employeur qui est un petit employeur, qui veut
s'approprier en se créditant une rente trop élevée, si on
veut éviter ces situations spéciales, à ce
moment-là, il y aurait lieu de limiter cette approche, cette
définition d'amendement qui favorise un seul groupe
d'employés.
Alors, déjà... Fusion, scission aussi; on achète
souvent des petites entreprises, nous, et on les amalgame dans notre
régime principal. S'il fallait faire un exercice à chaque fois
qu'on achète une petite compagnie et qu'on la fusionne à notre
principal régime canadien, et faire un test sur les excédents
d'actif, encore une fois, c'est un exercice qui est laborieux et absolument
inutile dans bien des cas.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Méthot. M. le
député de Pointe-aux-Trembles?
M. Bourdon: Alors, M. le Président, je voudrais, à
mon tour, remercier Alcan de sa présentation et dire, d'entrée de
jeu, que le ministre a raison de dire que Singer et Simonds, ce n'est pas
Alcan. Si ça n'était que d'Alcan, on ne serait pas ici ce matin.
J'ai tendance à croire aussi qu'Alcan, avec n'importe quelle loi, je
n'ai aucune inquiétude pour le sort des retraités de
l'entreprise, à cause de votre comportement de bon citoyen corporatif.
Le comble, d'une certaine
façon, c'est que ce que le ministre propose va nuire à
Alcan et va empêcher Alcan d'être un bon citoyen corporatif.
Ça va même mettre en cause des données économiques
précises, parce qu'il faut prendre garde, en matière de caisses
de retraite, de trop fonctionner comme les gens qui vendent du Tupperware ou
des aspirateurs, dans le sens suivant: Alcan a besoin d'une certaine
stabilité pour placer, dans l'intérêt des participants, les
sommes considérables qu'il y a dans sa caisse de retraite; et Alcan
n'est pas la seule. Il y a la caisse de retraite du CN, celle d'Air Canada,
celle des policiers de la communauté urbaine, celle de
Télé-Métropole, et je pourrais en faire une longue liste.
Je n'ai pas d'inquiétude quant au côté un peu Lucky Luke de
certaines entreprises qui partent en cowboy, le soir, après avoir fait
ce qu'if y avait à faire comme passe. Et Alcan n'est pas du tout dans
cette catégorie-là. Et les gros investisseurs - je pense aux
pâtes et papiers, entre autres - pensent qu'une caisse de retraite
gérée sainement est un facteur de rétention des
employés et de satisfaction au travail et, en conséquence, qu'il
ne faut pas exagérer.
Maintenant, il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord.
Je vais vous expliquer pourquoi. Un, je suis d'accord avec le ministre que mon
ami Jean Francoeur a tort de dire que la seule solution, c'est de laisser les
parties négocier, parce qu'en certains secteurs le rapport est trop
inégal. Simonds, c'était une botte syndiquée. Singer,
c'était syndiqué, et d'autres aussi. Et, malgré ça,
ça n'a pas donné les résultats escomptés. Et,
à cet égard, on oublie trop facilement qu'au Québec il n'y
a que 40 % de la main-d'oeuvre syndicable qui est syndiquée; dans le
secteur de la fabrication, le taux de syndicaiisation n'est que de 20 %. Je ne
parle pas d'Alcan. Quand on parle de syndicaiisation, Alcan est
syndiquée, je veux dire, les employés de l'entreprise sont
syndiqués, et Alcan négocie de bonne foi avec ses
employés, de telle sorte que je vous dirai, là, d'entrée
de jeu, qu'à toutes sortes d'égards, pour le type de situation
que vous vivez, je n'ai pas d'inquiétude; le résultat d'une vraie
négociation, avec la préoccupation que vous avez, fait que les
participants, quand leur régime change, c'est pour le mieux. À
cet égard-là, il n'y a pas de problème; sauf que le
ministre a raison de dire: Singer, Simonds et d'autres, comment peut-on
fonctionner à cet égard?
Je pense que, quant à nous de l'Opposition officielle, on est
contre le congé de cotisation de l'employeur, mais il faut chercher un
moyen parce que... En tout cas, il y a des cas - vous mentionnez le vôtre
- où le congé de cotisation n'avait pas d'effet nocif sur le
régime. Bon, c'est une première nuance.
Quant aux terminaisons de régime, nous, on pense qu'il faut
éviter de façon absolue que l'entreprise puisse
récupérer tous ses excédents.
Le ministre a raison. Il y en a où l'excédent n'est pas
l'exception, mais la règle. Alors, comment faire ça? Parce que,
dans les années quatre-vingt, aux États-Unis, ça a
été dramatique. Il y a des actuaires - je sais qu'au
Québec il n'y en a pas comme ça - qui disaient aux entreprises:
Vous avez des problèmes de liquidités? Terminez votre
régime de retraite et empochez les surplus. Ça a eu des
conséquences catastrophiques dans le cas des États-Unis.
Alors, dans le fond, j'ai deux questions à vous poser. D'une
part, pensez-vous, en dehors de vos propositions éminemment
raisonnables, qu'on doive intervenir pour empêcher une spoliation des
employés quand il y a une terminaison de régime?
Deuxièmement, pensez-vous qu'Alcan éprouve quelque
difficulté, au plan interprovincial, à harmoniser ses
différents régimes dans la période où on est en
attente d'être en association économique avec le Canada? (11 h
15)
Le Président (M. Joly): M. Bougie.
M. Bougie: M. Bourdon, je vais répondre à la
première partie de votre question et je vais laisser M. Méthot
répondre à la deuxième partie.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, je veux
quand même essayer...
M. Bougie: Oui, mais ça va être très
court.
Le Président (M. Joly): ...de faire ça de
façon concise, parce qu'on a déjà
débordé.
M. Bougie: Ça va être très court, M. le
Président. Vous parlez de la spoliation des régimes de retraite.
Notre position est que les fonds doivent rester à l'intérieur du
régime, point final, à la ligne. Une réponse courte.
Le Président (M. Joly): M. Méthot.
M. Méthot: J'anticipe effectivement beaucoup de
difficultés. Pour reprendre une analogie que j'ai faite
récemment, les huit provinces ont essayé à plusieurs
reprises de s'entendre sur une législation uniforme, et ne se sont
même pas entendues sur une définition harmonieuse de "conjoint".
Alors, à plus forte raison, j'anticipe beaucoup de difficultés
quant à un accord de réciprocité sur la gestion des
surplus.
M. Bourdon: M. le Président, je pense que M. Méthot
a raison. Le Canada, ce n'est pas simple tous les jours.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. M. le ministre,
en conclusion.
M. Bourbeau: M. le Président, il me reste à
remercier les gens d'Alcan d'être venus nous éclairer de leur
science et de leur expérience.
Je leur répète que nous allons prendre très bonne
note des recommandations qu'ils nous font.
Le Président (M. Joly): M. Bougie, est-ce que vous avez
des remarques finales?
M. Bougie: Est-ce que je peux me permettre de faire un simple
commentaire?
Le Président (M. Joly): Absolument, M. Bougie.
M. Bougie: C'est de faire attention de ne pas être
préjudiciable aux entreprises sérieuses qui opèrent au
Québec depuis plusieurs années et qui ont l'intention de demeurer
au Québec. Je répète mon message de tout à l'heure:
Si nous voulons attirer en plus grand nombre de telles entreprises au
Québec, faisons attention de ne pas rendre nos administrations plus
onéreuses. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci. Alors, je remercie les
représentants d'Alcan Aluminium. Ce fut bien instructif, merci beaucoup.
Alors, je vais maintenant demander aux gens représentant le Syndicat des
Métallos (FTQ) de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Alors, bonjour, messieurs, et bienvenue à cette commission.
J'apprécierais si la personne responsable pouvait s'identifier et aussi
nous présenter l'autre personne qui l'accompagne. S'il vous
plaît.
Syndicat des Métallos (FTQ)
M. McBrearty (Lawrence): Mon nom est
Lawrence McBrearty, je suis directeur-adjoint du Syndicat des
Métallos (FTQ).
Le Président (M. Joly): Bonjour.
M. McBrearty: Je suis accompagné de Réjean
Bellemarre, qui est du service de recherche de notre syndicat.
Le Président (M. Joly): Alors, vous avez une vingtaine de
minutes, M. McBrearty.
M. McBrearty: Merci. Mme et MM. les membres de la commission, le
présent mémoire soumis par le Syndicat des Métallos expose
les revendications des travailleurs et des travailleuses membres de notre
organisation. Nous exposons dans ce mémoire ce qui, selon nous,
représente les principes de base sur lesquels le gouvernement devrait
appuyer sa réforme de manière à répondre aux
aspirations des travailleurs. Les propositions contenues dans ce mémoire
sauront être utiles à nos législateurs dans l'importante
réforme qui s'amorce.
Le Syndicat des Métallos a dû, dans des situations pas
toujours heureuses, développer au cours des dernières
années une expertise importante en matière de régime de
retraite privé. Le plus important syndicat du secteur privé au
Québec, nous avons été au coeur même des
débats reliés à l'appartenance des excédents
d'actif. Sur cette question, nous avons eu, à quelques reprises,
à défendre les intérêts de nos membres devant des
tribunaux.
Les travailleurs et les travailleuses québécoises ont
démontré à plusieurs reprises qu'ils sont très
préoccupés par leur préparation financière à
la retraite. De nos jours, nos membres font de la négociation de
bénéfices adéquats pour la retraite une priorité de
négociation dans l'ensemble des conventions collectives dans lesquelles
nous sommes impliqués.
Le vieillissement de la population du Québec fait en sorte que la
réforme à venir est des plus importantes pour les participants
à des régimes de retraite. Les sommes en jeu dans cette
réforme sont vitales pour permettre aux travailleurs de maintenir leur
niveau de vie lors de leur retraite. Cependant, étant donné que
de nombreux travailleurs ne bénéficient pas d'un régime de
retraite privé adéquat, la réforme actuelle
n'enlève rien, selon nous, à l'urgence pour le Québec de
se doter d'un régime public et universel pour assurer un revenu
décent pour tous les travailleurs du Québec.
Nous vous remercions de nous avoir offert l'occasion de soumettre nos
points de vue, nos observations, nos commentaires et nos suggestions sur la
réforme proposée. Votre gouvernement peut compter sur l'appui de
50 000 hommes et femmes membres du Syndicat des Métallos pour toute
démarche visant à assurer aux travailleurs et travailleuses du
Québec un revenu décent lors de la retraite. Nous allons vous
soumettre le point de vue de ces travailleurs et de ces travailleuses sur
l'appartenance des excédents d'actif et sur l'indexation de leur
rente.
Dans le document intitulé "Le partage équitable des
régimes de retraite", le gouvernement expose les bases sur lesquelles il
désire appuyer la législation qui permettra la levée du
moratoire sur l'utilisation des excédents d'actif. La nouvelle
législation s'inspirera des principes "de sauvegarde de la
sécurité financière des régimes de retraite" et "du
respect de la contribution des parties au financement du régime". Si la
première partie de l'équation de principe du gouvernement ne nous
cause pas de problème, nous ne pouvons partager le concept mis de
l'avant dans la deuxième partie de l'équation. Notre syndicat a
défendu depuis plusieurs années que les cotisations de
l'employeur au régime de retraite constituent en fait un salaire
différé. Lors d'une négociation, les employés et
les employeurs tiennent compte de la rémunération globale des
employés, ce qui inclut les différents aspects monétaires
d'une négociation: les salaires, les vacances, régimes
d'assurance, régimes de
retraite, etc.
L'employeur évalue les coûts des différentes
améliorations apportées. Les demandes syndicales au niveau du
régime de retraite sont directement en compétition, pour les
mêmes dollars, avec des améliorations salariales ou des
congés supplémentaires. Le choix d'une amélioration du
régime de retraite constitue donc pour les employés un
investissement pour leur retraite, d'où la notion de salaire
différé.
Le document présenté par le gouvernement reconnaît
la notion de salaire différé. Elle - la contribution de chaque
partie au financement - peut aussi être indirecte, comme dans le cas des
régimes non contributifs dans lesquels l'employé n'a pas de
cotisation à verser. Il ne faudrait pas pour autant en conclure que ce
dernier ne contribue pas au financement du régime. Dans une entreprise,
on tient généralement compte de l'existence du régime au
moment d'évaluer la rémunération globale. Les
employés ont donc touché une rémunération
ajustée qui devait tenir compte des sommes que l'employeur s'engageait
à verser au régime.
Là où notre conception d'un salaire différé
se différencie de celle du document, c'est dans la définition
stricte de ce qui constitue un salaire différé. Si l'on se fie
à la proposition du gouvernement, le salaire différé est
évalué comme un minimum, une fraction du coût total du
régime. De notre côté, nous considérons que la
totalité du coût du régime constitue un salaire
différé.
Dans toutes les négociations où nous sommes
impliqués, l'employeur indique clairement que le coût total du
régime de retraite est pris à même l'enveloppe
monétaire allouée. Nous ne parlons pas ici d'une fraction
minimale du coût total. De quel droit l'employeur se verrait remettre une
fraction, ne serait-elle que minime, de ce qu'il avait déjà
chargé aux travailleurs et aux travailleuses?
Il nous semble évident que le gouvernement accorde un poids plus
important au concept de risque financier mis de l'avant par l'employeur qu'au
concept de salaire différé. Les employeurs estiment que le risque
financier qu'ils assument en se portant garant des prestations à payer
justifie le fait que les excédents d'actif leur soient remis. Nous ne
partageons pas ce point de vue.
Lorsqu'on évalue le risque de l'employeur, on s'aperçoit
qu'il est plus théorique que réel. En effet, les régimes
de retraite sont financés en se basant sur des hypothèses
actuarielles établies de manière à minimiser le risque
d'un déficit. À très court terme, si une caisse de
retraite fait face à une mauvaise année, les rendements
excédentaires de la caisse de retraite dans les quelques années
qui suivront seront suffisants pour compenser le manque à gagner.
En fait, l'argument du risque financier de l'employeur est, à
notre avis, plus folklorique que réel. Mais supposons, pour le plaisir
de l'argument, qu'une caisse de retraite connaisse un déficit
d'opération, les coûts d'amortissement d'un tel déficit
seront pris en compte par l'employeur dans l'évaluation qu'il fera du
coût de la rémunération globale de ses employés.
Ainsi, les employés se verront refiler le déficit lors de la
négociation prochaine. Nous ne croyons pas à un risque financier
de l'employeur dans le financement du régime de retraite. Nous croyons
que ce risque est surévalué.
Le document de consultation suggère que le gouvernement songerait
à prescrire les hypothèses actuarielles dans le but d'uniformiser
les méthodes utilisées pour évaluer les engagements des
différents régimes de retraite au Québec. Le Syndicat des
Métallos est d'accord avec cette approche gouvernementale, dans la
mesure où des mesures transitoires seront instaurées pour
permettre aux différents régimes de s'ajuster à ces
nouvelles hypothèses. Nous considérons qu'en prescrivant les
hypothèses actuarielles le gouvernement pourrait assurer une
sécurité financière accrue des régimes de retraite.
Par la prescription des hypothèses actuarielles à être
utilisées, le gouvernement pourrait éliminer une fois pour toutes
les prétentions des employeurs à la propriété des
excédents d'actif. Le risque financier que prétendent encourir
les promoteurs du régime de retraite étant directement
relié aux hypothèses actuarielles utilisées, des
hypothèses actuarielles de financement très conservatrices
réduiraient à néant les chances d'un déficit, selon
une approche de solvabilité.
Le document de consultation que nous propose le gouvernement devrait,
selon le ministre Bourbeau, "favoriser une meilleure compréhension du
phénomène des excédents d'actif". Ce document devrait
aussi permettre l'identification de solutions aux problèmes
soulevés par la question des excédents d'actif et ce, dans un
climat de sérénité. Il est vrai que la question de la
propriété des excédents d'actif a soulevé de
très grands débats. Les différentes causes portées
devant les tribunaux ont avivé l'intérêt des travailleurs
et travailleuses pour le surplus des caisses de retraite. Pour ceux-ci, le
moratoire laissait présager que le gouvernement interviendrait dans un
avenir rapproché pour empêcher définitivement que les
travailleurs et les travailleuses du Québec se fassent voler leur caisse
de retraite. Les propositions mises de l'avant par le gouvernement nous portent
à croire que plusieurs milliers de travailleurs québécois
seront déçus. Les propositions faites par le gouvernement en
matière de partage des excédents d'actif à la terminaison
du régime sont à notre avis totalement inacceptables.
Le gouvernement propose un partage qui respecterait la contribution des
parties au financement du régime. Nous ne répéterons pas
ici l'argumentation que nous avons développée plus tôt au
sujet du salaire différé. Rappelons seulement que nous
considérons que toutes les
contributions effectuées dans la caisse de retraite le sont au
bénéfice exclusif des participants au régime. (11 h
30)
Comme le gouvernement l'indique dans son document de consultation, il
est impérieux que les régimes privés de retraite
augmentent leur quote-part dans le revenu des retraités. Les syndicats
et la population en général ont demandé depuis de
nombreuses années l'implantation d'une véritable politique
publique de sécurité du revenu à la retraite. Mais, les
régimes publics étant ce qu'ils sont, les travailleurs ne peuvent
compter que sur eux comme source unique de revenu à la retraite. Dans un
tel contexte, la logique gouvernementale nous échappe. D'un
côté, le gouvernement veut amener les régimes de retraite
à fournir une part plus importante des revenus de retraite des
travailleurs, de l'autre, le gouvernement s'apprête à permettre
que l'on retire des sommes importantes des caisses de retraite.
La logique ou ce que nous devons malheureusement qualifier d'illogisme
du gouvernement ne s'arrête pas là. Le gouvernement propose pour
les régimes non contributifs un partage des excédents d'actif qui
reconnaît finalement la notion du salaire différé.
Toutefois, le gouvernement parle d'une part minimale des surplus à
être distribués aux participants et participantes au
régime. Ceci est à notre avis tout à fait inacceptable. De
plus, nous pouvons nous demander pourquoi la reconnaissance du salaire
différé par les législateurs n'est acquise que pour les
régimes non contributifs. Pourquoi n'en va-t-il pas de même pour
les régimes contibutrfs?
Nous ne pouvons accepter un partage des excédents d'actif qui
ferait en sorte que les fonds accumulés dans les caisses de retraite
servent à une fin autre que celle de fournir des bénéfices
de retraite à des travailleurs. Nous demandons au gouvernement de
reconnaître la pratique clairement établie d'inclure dans la
rémunération globale de la main-d'oeuvre les coûts des
régimes de retraite. Il est tout à fait inacceptable que l'on
retire aux travailleurs un bénéfice pour lequel ils ont
pleinement payé.
Les propositions gouvernementales au chapitre du retrait des surplus de
caisse en cours du régime sont surprenantes. Le gouvernement propose une
redistribution des surplus de la caisse de retraite en cours de régime.
Les régimes de retraite devraient obligatoirement redistribuer les
surplus lorsque ceux-ci passeront un certain seuil de sécurité.
Il s'agit ici d'un changement majeur dans la législation
québécoise, en matière de retraite. Non satisfait de
permettre la liquidation graduelle des excédents d'actif par la prise de
congés de contribution, le gouvernement veut instaurer un processus plus
rapide de dépossession des participants et des participantes à
des régimes de retraite. Les travailleurs et les travailleuses du
Québec n'accepteront pas que l'on vide leur caisse de retraite au
bénéfice de l'employeur.
Encore une fois, nous nous devons d'indiquer au gouvernement que nous
nous opposons à tout retour des sommes investies dans la caisse de
retraite, que ce soit en cours de régime ou à la terminaison d'un
régime de retraite.
Malgré le fait que la législation ne permettait pas
jusqu'à ce jour de retirer des surplus de la caisse de retraite, de
nombreux employeurs réussissaient à contourner cette
législation en prenant des congés de contribution. Pour les
travailleurs et les travailleuses du Québec, les congés de
contribution doivent être considérés comme l'autre facette
du même problème de l'appropriation des surplus. À chaque
fois qu'un employeur prend un congé de contribution, il vide peu
à peu le régime de retraite des surplus. Ces sommes appartenant
aux travailleurs et aux travailleuses, les congés de contribution
privent ceux-ci d'améliorations à leurs bénéfices
de retraite.
Nous sommes en droit de nous demander quelle logique peut amener les
législateurs à établir qu'un congé de contribution
ne se prend que par les employeurs, que le régime soit ou non
contributif. Par quel raisonnement le gouvernement arrive-t-il à
reconnaître l'apport, même indirect, des employés au
financement du régime, pour ensuite accorder un droit exclusif aux
employeurs de s'approprier indirectement les surplus de la caisse? Cette
logique nous échappe et elle nous est tout à fait
inacceptable.
La situation actuelle doit cesser. Nous demandons au gouvernement
d'interdire les congés de contribution de l'employeur. Les congés
de contribution constituent, en pratique, un retrait en cours de régime
des surplus de la caisse de retraite. La question des congés de
contribution doit être ramenée à celle de la
propriété des surplus de la caisse de retraite. À ce
titre, nous réitérons notre profonde conviction que toutes les
sommes investies dans la caisse de retraite le sont au bénéfice
exclusif des participants.
Au document de consultation du gouvernement manque un point fondamental
pour compléter cette réforme. Nous parlons ici de l'indexation
des rentes. Le gouvernement identifie clairement l'inflation comme étant
une source des excédents d'actif. Si l'inflation galopante du
début des années quatre-vingt a permis aux caisses de retraite
d'accumuler, grâce à des rendements anormalement
élevés, d'importants excédents d'actif, cette même
inflation a diminué d'autant le pouvoir d'achat des rentes des
employés. La conjoncture économique actuelle, bien que difficile,
n'a pas entraîné une inflation aussi élevée que
celle des années quatre-vingt. En supposant que l'inflation soit
réduite à son minimum, il n'en demeure pas moins que l'on ne doit
pas oublier la leçon du début des années
quatre-vingt. Tout niveau d'inflation provoque des rendements
supplémentaires sur la caisse de retraite. Ce même niveau
d'inflation, quel qu'if soit, réduit d'autant la valeur de la rente des
participants et des participantes au régime.
Comme nous l'avions indiqué dans la présentation de notre
dernier mémoire sur le projet de loi 116, actuellement, ce sont les
employeurs qui, outrageusement, bénéficient de l'inflation
puisqu'en plus de prendre des congés de contribution ils paient les
rentes avec des dollars dévalués. Le gouvernement doit
légiférer pour corriger cette iniquité et rendre
obligatoire l'indexation des rentes de retraite.
Nous avons voulu, par le présent mémoire, présenter
le point de vue des travailleurs et des travailleuses de notre syndicat sur la
réforme proposée par le gouvernement. L'imposition du
moratoire sur l'utilisation des excédents d'actif a permis, il est vrai,
de tempérer les débats sur la question des excédents
d'actif. Ces débats ont permis aux travailleurs et aux travailleuses du
Québec de prendre conscience de l'importance de bien comprendre le
fonctionnement de leur régime de retraite.
À l'aube de la levée du moratoire, les travailleurs sont
maintenant plus informés de leur régime de retraite. Les
principes mis de l'avant par la proposition gouvernementale sont connus des
travailleurs et des travailleuses du Québec, et ils feront bloc pour les
dénoncer. Cette réforme devrait plutôt s'appuyer sur les
principes suivants.
Le Président (M. Joly): Excusez. Je vous demanderais... Il
reste une minute...
M. McBrearty: Toutes les sommes investies dans la caisse de
retraite le sont au bénéfice exclusif des participants et, comme
toutes les contributions à la caisse de retraite constituent un salaire
différé des participants au régime, en aucun cas, les
actifs de la caisse de retraite ne devraient être remis à
l'employeur. On vous remercie.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. McBrearty. M.
le ministre, à vous la parole.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue aux gens de la FTQ. Dans les contrats dont on parle,
quand on parle de régime à prestations déterminées,
parce que c'est de ça qu'on parle, vous en avez plusieurs, pas de vos
compagnies, mais de vos travailleurs syndiqués, qui font partie d'une
entreprise et qui travaillent pour les entreprises ayant de tels
régimes. Les contrats qui sont à la base de ces
régimes-là - parce qu'un régime, ça se met toujours
sur pied après qu'on signe un contrat - est-ce qu'ils disent que
l'employeur est obligé de faire des paiements mensuels ou annuels? Ou
s'ils ne disent pas plutôt que l'obligation de l'employeur, c'est
d'assurer une rente à la retraite?
Le Président (M. Joly): M. Bellemarre.
M. Bellemarre (Réjean): Dans la majorité des cas,
c'est vrai que ça dit que l'employeur doit fournir une rente à la
retraite. Sauf qu'à la table de négociation il y a des choses
qu'on écrit et il y a des choses qu'on se dit. À une table de
négociation, on dit: Moi, je veux avoir telle rente, l'employeur
répond: Ça coûte tant et, si tu me demandes ça, tu
n'auras pas telle chose. Il est très clairement identifié,
à la table de négociation, que les rentes qu'on demande ou les
améliorations au régime de retraite sont échangées
contre d'autres bénéfices dont on se prive, du salaire, des
vacances, etc.
M. Bourbeau: Alors, revenons à mon point. On voit donc
comment ça fonctionne. L'employeur a une obligation, c'est d'assurer une
rente à la retraite. Ça, il est obligé d'arriver avec
ça et de prendre les moyens pour y arriver. Les moyens, ça veut
dire s'assurer qu'en tout temps il y a dans le régime suffisamment
d'argent pour que, à la retraite, il y ait des sommes suffisantes pour
payer la retraite, pour payer les rentes. Et, dans la mesure où le
régime est continuellement capitalisé et solvable, l'employeur
peut dire et dit: J'ai fait honneur à mes obligations. Mais attention,
un jour, je devrai peut-être en mettre plus, si jamais la conjoncture
change et que le régime passe en situation de déficit. On ne va
pas voir le syndicat pour mettre l'argent, on va voir l'employeur. On dit:
Là, le régime est présentement en situation
d'insolvabilité, p'tit gars, il faut que tu mettes de l'argent "now",
maintenant. Et puis l'employeur, il met de l'argent. Il n'a pas le choix, c'est
ça que le contrat dit.
C'est pour ça que j'en viens à ce dont vous me parlez.
Vous me parlez de ce qu'on appelle les congés de cotisation. En fait,
ça n'existe pas, des congés de cotisation, parce qu'il n'y a pas
d'obligation de cotiser de l'employeur dans les contrats. Les contrats ne
disent pas: L'employeur doit cotiser à chaque mois. Ce n'est pas
ça qu'ils disent. Ils disent: L'employeur doit garantir la rente
à la fin. C'est ça, son obligation et c'est pour ça qu'on
surveille continuellement pour s'assurer qu'il y a toujours suffisamment
d'argent dans le régime. Mais, quand il y a suffisamment d'argent dans
le régime, il n'y a pas d'obligation à l'employeur de cotiser.
Parce que son obligation, lui, c'est d'assurer à la fin une rente. Et,
parfois, ça peut lui coûter très cher, ça, en cours
de régime. Bon. Alors, moi, je vous pose une question. Si on dit
à l'employeur: Malgré que tu ne sois pas obligé de le
faire, tu vas quand même cotiser régulièrement, en plus de
l'obligation que tu as d'assurer à la fin la rente, est-ce que ça
ne pourra pas avoir pour effet
d'Inciter des employeurs, si on leur dit qu'ils sont obligés
d'être responsables deux fois, une fois tous les mois et une fois
à la fin, et que ça génère des surplus, cette
double obligation, est-ce qu'on ne pourrait pas penser, par exemple, que
l'employeur va être incité - si c'est ça qu'on lui dit -
à sous-capitaliser son régime, à ne pas en mettre autant
qu'il pourrait? Aucun employeur ne va être incité à faire
du zèle là-dedans, parce qu'il va se dire: Je suis pris à
la gorge tous les mois, aussi bien y aller au minimum. Et, dans ses
hypothèses actuarielles, il va être extrêmement pessimiste,
de façon à essayer de garder le plus bas possible les
surplus..
M. Bellemarre: Vous permettez...
M. Bourbeau: Est-ce qu'on ne se trouve pas à jouer contre
l'intérêt des travailleurs en agissant de cette
façon-là?
M. Bellemarre: Si vous permettez, M. le ministre, notre
mémoire doit être pris comme un tout. Lorsqu'on dit qu'on donne un
appui à la prescription des hypothèses actuarielles, c'est
justement pour éviter des situations comme celle que vous venez de
citer. Pour en revenir à la négociation et aux engagements des
employeurs, c'est non seulement dit: On s'échange des dollars contre une
semaine de vacances, mais c'est dit: La valeur de chacun des
bénéfices. Et moi j'ai été engagé - et je
fais ça à temps plein pour les Métallos - pour
évaluer ces différents sujets lors d'une négociation et
pour discuter des chiffres et des coûts avec les employeurs. Lorsqu'il y
a un congé de contribution ou un surplus, on parle quand même de
tant de cents l'heure et de coûts avec les employeurs. Donc, c'est non
seulement à la table de négociation, ce n'est pas écrit
dans le contrat parce que c'est un régime à prestations
déterminées, et on détermine les prestations, mais c'est
certain qu'on en tient compte dans la négociation.
M. Bourbeau: Supposons qu'un employeur...
M. McBrearty: Vous permettez, M. le ministre, je voudrais ajouter
un complément à la réponse de M. Bellemarre. Il faut bien
comprendre que les travailleurs négocient et c'est le résultat
qu'il y a au bout. Lorsque le syndicat négocie pour les travailleurs et
travailleuses qu'il représente, il négocie une enveloppe d'argent
qui comprend le régime de retraite qui coûte tant de cents
l'heure, bien sûr, à l'employeur, pour la durée de la
convention collective. Si, durant la convention collective, l'employeur ne
verse pas dans le régime, pour des raisons possibles, comme vous dites,
que la capitalisation est suffisante et déjà faite, qu'il y a un
surplus, et que, durant la période d'une durée de convention
collective de trois ans, l'employeur prend des congés de contribution ou
même prend des montants des surplus, parce qu'il y a des employeurs qui
ont aussi pris des montants dans les caisses de surplus durant la vie des
conventions collectives, pas nécessairement lorsque c'est
terminé... On pourrait en parler longuement.
M. Bourbeau: Mais non, ce n'est pas permis.
M. McBrearty: La seule chose que je veux répondre à
votre question...
Le Président (M. Joly): Excusez...
M. Bourbeau: Ce n'est pas permis, je regrette. M. le
Président, je regrette, il faut quand même qu'on dise les choses
qui sont exactes. La loi ne permet pas présentement de sortir des sommes
d'argent des régimes de pension. Nommez-moi un cas et on va
immédiatement faire une enquête judiciaires là-dessus.
M. McBrearty: Oui, M. le ministre. Maintenant, ce que je voudrais
répondre, lorsque vous parlez de la question de "deux fois"... Vous avez
mentionné "deux fois". Il faut comprendre que le travailleur et la
travailleuse, lorsqu'ils négocient en 1987 une enveloppe d'argent qui
comprend des bénéfices de régimes de retraite ou des
bénéfices de retraite, comme vous mentionnez, et que trois ans
après l'employeur dit: On a manqué d'argent, on a pris des
congés de contribution, et qu'on essaie de prendre cet argent-là
pour améliorer les régimes de retraite - il n'y a rien qui
empêche, durant la vie de la convention collective, un employeur
d'améliorer les régimes de retraite, et il y en a qui le font -
mais ce qui se produit, actuellement, nous sommes devant les tribunaux dans
plusieurs cas, comme vous le savez très bien... (11 h 45) il y a un cas
qu'on a pu régler hors cour, il y a quelques semaines, de l'ordre de 3
750 000 $ pour 100 travailleurs, où une compagnie qui était
vendue à une autre compagnie, et celle-ci vendue à une autre,
quittait le Québec avec toutes ces sommes d'argent là. Alors,
pour ie travailleur et la travailleuse, toute cette définition de loi,
de contenu de convention, de régime de retraite est très complexe
pour eux. Et c'est vrai ce que vous dites, que le travailleur et la
travailleuse, à la fin de leur vie de travail, veulent se retirer avec
un revenu convenable. Mais, de plus en plus au Québec, on évolue
beaucoup plus que d'autres provinces, je crois, et que la balance d'autres
pays, on est avant-gardistes dans la question des régimes de retraite,
et on doit l'être de plus en plus. Et je suggérerais que les
employeurs y pensent sérieusement. Au lieu de prendre des congés
de contribution, ils pourraient d'une autre façon penser à
l'aspect négociations et relations du travail, et ça pourrait
régler bien des problèmes.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai pris note, bien
sûr, de ce dont vient de parler le représentant de la FTQ au sujet
d'un règlement récent entre les Métallos de la FTQ et
l'usine d'acier de Lachine, Drummond McCall, où vous avez réussi
à obtenir un partage favorable des surplus dans le fonds de pension. Et
vous reconnaîtrez que le fait que le gouvernement ait gelé tous
les excédents d'actif en 1988 a aidé à négocier, a
aidé quelques cas, comme ça, de syndicats ou de travailleurs qui
ont réussi à se négocier un partage avec l'employeur,
parce que l'employeur n'avait pas trop le choix. Étant donné que
tout était gelé, on ne permettait pas de sortir l'argent,
à moins qu'H y ait une entente. Alors, ça vous a donné,
comme on dit, un gros "bargaining power", et j'espère que vous en
êtes conscients.
M. McBrearty: m. le ministre, on ne dit pas que le gouvernement
n'a rien fait. on dit simplement qu'il n'en a pas fait assez, et on veut qu'il
en fasse plus.
M. Bourbeau: Oui, je comprends bien ce que vous me dites
là. Vous avez entendu le témoignage d'Alcan, tantôt, qui
disait aussi qu'on en faisait trop. Selon qu'on est d'un côté de
la clôture ou de l'autre, on trouve que le gouvernement en fait trop ou
pas assez. Ce qui me fait penser que peut-être on est confortablement
assis entre les deux chaises et qu'on a peut-être une solution, pour
employer l'expression de Gilles Lesage, qui est mitoyenne, qui est
peut-être la meilleure dans les circonstances.
Je reviendrais - et je ne veux pas prendre trop de temps - sur la
question du congé de cotisation, parce que c'est un point important. On
appelle ça des congés de cotisation, mais, effectivement, je le
disais tantôt, ce ne sont pas vraiment des congés de cotisation,
parce qu'il n'y a pas d'obligation de cotiser régulièrement. Mais
supposons que pour un employeur, la conjoncture se détériore et
que l'employeur qui mettait, disons, 1 $ par mois dans le fonds - 1 $
symbolique là - doit mettre 2 $. C'est ridicule de dire 1 $. Disons
qu'il mettait 10 000 $ par mois, un gros employeur, et tout à coup la
conjoncture se détériore, on fait un test de solvabilité,
le fonds apparaît insolvable, enfin, il ne rencontre pas les standards de
solvabilité parce que les placements sont dévalués et on
dit à l'employeur: Tu dois remettre pas 10 000 $ mais 20 000 $ par mois
pendant six mois. Bon. L'employeur s'exécute. Il met ses 20 000 $ par
mois pendant six mois. Tout à coup, la conjoncture redevient bonne, les
placements prennent de la valeur, les actions montent et là on se trouve
en excédent d'actif de 10 000 $ par mois. Autrement dit, parce qu'il a
mis 10 000 $ par mois, ça a généré... Et là
on est en excédent d'actif. Alors, est-ce qu'il ne serait pas logique de
dire que l'employeur qui, pendant six mois, a mis le double parce qu'on
était en insolvabilité, quand on passe en surplus, II pourrait
aussi, pendant la même période, ne pas mettre ses 10 000 $ de
façon à revenir au statu quo? Il me semble que c'est logique
d'être équitable aussi envers l'employeur. Quand ça va mal,
on lui dit: Mets-en plus et quand ça va bien, si on est en surplus, il
me semble que c'est logique qu'il en mette moins. Alors, je ne comprends pas
pourquoi...
Une voix: II faudrait qu'il mette tout le temps 20 000 $, par
exemple.
M. Bellemarre: M. le ministre...
Le Président (M. Joly): M. Bellemare?
M. Bellemarre: ...juste pour dire qu'on est d'accord avec votre
logique là-dessus parce que ce que vous êtes en train de dire,
c'est tout simplement... Nous, on ne croit pas que ce sont des situations qui
vont se produire régulièrement. Ce sont des situations de
conjoncture, comme vous dites si bien. Donc, si, conjoncturellement, il y a un
déficit - on l'a dit dans notre mémoire - les années
suivantes devraient servir à combler ce déficit-là. Si,
pendant un certain bout de temps, un employeur est obligé de mettre des
sommes pour combler un déficit, si le restant du rendement
supplémentaire, etc., appartient aux employés, je ne vois pas de
gros problème à accepter que l'employeur, pour un certain bout de
temps, se fasse rembourser les avances qu'il a faites au fonds. Donc, on peut
suivre votre logique jusque-là.
M. Bourbeau: Bon. Alors, on a au moins ça, M. le
Président. On avance.
M. Bellemarre: Mais c'est très clair pour nous que le
surplus appartient aux employés. C'est seulement une avance qu'on
rembourse à l'employeur.
M. Bourbeau: Ah! Je comprends. Bon. M. le Président, on va
quand même retenir ces propositions-là dans notre réflexion
globale et on verra en temps et lieu ce que ça va donner dans un projet
de loi qu'on a l'intention de déposer le plus rapidement possible.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Pointe-aux-Trembles?
M. Bourdon: Alors, M. le Président, je veux d'abord saluer
à mon tour M. McBrearty et M. Bellemarre, leur dire que l'Opposition
officielle endosse totalement leur mémoire. On n'a pas de point de
désaccord avec le mémoire que les Métallos nous
présentent aujourd'hui. Et, quant à moi, je suis très
content que ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve ait insisté
auprès du
ministre pour que les métallos qui n'étaient pas d'abord
prévus soient invités à nos audiences particulières
parce que votre syndicat a développé une expertise
considérable dans la matière qu'on regarde aujourd'hui. et
à tous les arguments que vous invoquez, moi, j'en ajoute un autre qui
m'apparaît invraisemblable, qui est le suivant. le ministre nous propose,
dans son document, qu'on permette aux employeurs, lors de la terminaison d'un
fonds de retraite ou même avant - mais, là, je m'en tiens à
la terminaison - de récupérer le surplus d'actif. les
métallos ont un syndicat à valleyfield dans le magnésium,
une entreprise qui appartient à des intérêts
norvégiens mais où les seuls consommateurs sont des
québécois. et j'ai été informé par m.
clément godbout, votre directeur, que la compagnie norvégienne
dit: écoutez, c'est simple. on déménage, en
norvège, parce qu'en norvège, quand on ferme une entreprise, il
faut donner jusqu'à un an de salaire à nos employés et il
y a des audiences publiques sur ce pourquoi on ferme et on n'a pas envie de se
faire planter.
Mais, là, on ajoute une autre chose avec ce que le ministre nous
propose. C'est qu'il y a des cas dans l'est de Montréal que je veux
ajouter. Une entreprise qui dit à un collègue: Écoutez, on
a deux usines et il y en a une de trop. Celle de Mississauga, si on la ferme,
ça nous coûte 4 000 000 $ parce qu'en Ontario... Là, je
parle de l'Ontario libérale, pas de l'Ontario "à soir on fait
peur au monde", les méchants sociaux-démocrates. L'Ontario
libérale a décidé que, pour une fermeture d'usine, il faut
donner une semaine par année de service de compensation aux
employés, maximum 26 semaines. Alors, l'entreprise dit à un
collègue député: À Mississauga, ça
coûte 4 000 000 $, à Montréal c'est gratuit. Alors, on a
dit au ministre, quant aux normes minimales: Faites de quoi pour compenser les
gens lors des fermetures, parce que, là, c'est payant. Mais rendez-vous
compte de ce qu'on veut dire, nous. C'est de pouvoir disposer des surplus lors
de la terminaison d'une caisse de retraite, et le comble du comble, c'est de le
permettre tout le temps, à mesure, de rafler tout ce qui dépasse
du tiroir, c'est de le permettre et que le Québec continue de n'avoir
aucune indemnité de fermeture, sauf ce que les gars et les filles
peuvent aller se négocier dans la convention collective. Tu sais, ce
n'est pas toujours simple. Ça veut dire qu'on pourrait dire à la
même entreprise: Bien, comparé à l'Ontario, pas
d'indemnité à verser aux travailleurs au Québec. Tu viens
de faire 4 000 000 $. En plus, il y a 6 000 000 $ de surplus, alors, si tu veux
faire 10 000 000 $, ferme. Écoutez, je n'en reviens pas et on a au
pouvoir un gouvernement qui sait compter. Mais il compte pour qui? Est-ce qu'il
compte un peu que, pour avoir des impôts, il faut que le monde
travaille?
Mais je reviens à ce que vous mentionnez dans le mémoire.
Je reviens à une autre question. Le ministre a parlé de l'entente
que vous avez réussi à avoir avec Drummond McCall de Lachine. Le
ministre a raison, c'est le moratoire qui a donné un certain pouvoir de
négociation, mais pas que le moratoire. Votre poursuite, elle
était en vertu des règlements de la caisse de retraite et du
contrat, et les tribunaux pouvaient intervenir. Or, le ministre veut enlever
ça dans son document. Pourriez-vous nous donner une idée à
savoir combien vos membres perdraient si on appliquait la logique du ministre
de donner l'amnistie à toutes les entreprises que vous poursuivez?
Est-ce que vous pouvez nous donner certains noms d'entreprises contre
lesquelles vous avez entrepris des poursuites et où il y a des
négociations?
Le Président (M. Joly): M. Bellemarre.
M. Bellemarre: Chez Drummond McCall, le gain a été
de cinq fois la valeur des crédits de rente pour les membres. Pour le
travailleur qui avait le plus de crédits de rente, ça
représentait 158 000 $ à deux années de sa retraite, je
crois. C'est très important. Contrairement à ce que dit le
ministre, oui, c'est vrai, le moratoire nous a aidés, mais on a une
clause très claire et précise comme quoi on avait droit à
l'entièreté des surplus, je devrais dire - ce n'est
peut-être pas du bon français - mais, étant donné
que les lois ne sont pas aussi claires, étant donné l'incertitude
créée présentement qu'on essaie de régler ici, nos
membres auraient dû attendre de cinq à dix ans, la conjoncture des
tribunaux, etc., avant de toucher leur rente. Si vous dites à quelqu'un:
Tu as le droit à 158 000 $ aujourd'hui ou on continue, puis tu vas
peut-être en avoir 258 000 $ dans dix ans, il dit: Dans dix ans, je ne
serai peut-être pas là; donne-moi mes 158 000 $, je m'en vais. Ce
que je suis en train de dire, c'est que, si les choses étaient claires,
ce n'est pas 158 000 $ que cette personne aurait eus mais beaucoup plus.
M. Bourdon: À cet égard-là, la question que
je voudrais vous poser, c'est: Si on donne suite au projet du gouvernement et
que les employeurs peuvent récupérer les surplus d'actif à
mesure, êtes-vous d'accord avec Alcan que c'est non seulement injuste
mais qu'au surplus il y a des fonds de pension qui ne seront plus capables
d'investir autant, à long terme, et que leur rendement va s'en trouver
diminué?
M. Bellemarre: Ça, il n'y a pas d'erreur. M. McBrearty:
Oui. C'est clair. Évidemment.
M. Bourdon: Vous êtes sûr que ce serait le
résultat.
M. McBrearty: Évidemment.
M. Bourdon: Maintenant, est-ce que vous pourriez nous donner une
idée d'un certain nombre d'entreprises que vous poursuivez auxquelles le
ministre propose de donner l'amnistie, puis de leur permettre de garder
l'argent? Parce qu'il faut bien voir - et le Barreau va venir après vous
- qu'il y a, en plus, une disposition rétroactive, dans ce qui nous est
proposé, d'amnistier tous ceux qui sont en tort vis-à-vis des
tribunaux.
M. Bellemarre: Si j'ai bien lu la proposition du ministre,
à moins qu'il y ait entente et approbation par la Régie des
rentes, la proposition serait rétroactive. Donc, dans ce cas-là,
on a cinq entreprises. La liste, c'est Singer, les deux mines d'amiante, qui
sont Lac d'amiante et Bell, Drummond McCall, et l'entente du 158 000 $ pour le
versement, si elle n'est pas acceptée par la Régie avant
l'entrée de la nouvelle proposition, pourrait être incluse
là-dedans, et le dernier c'est Kik-Cola.
M. Bourdon: Mais est-ce que vous croyez, comme le Barreau, que le
principe même, qu'il s'agisse de cas avec les Métallos ou d'autres
organisations syndicales, d'adopter une législation qui dirait que des
poursuites entreprises avant la législation, en vertu du contrat qui est
le règlement de la caisse de retraite... peut être
influencé par la législation? Autrement dit, êtes-vous
d'accord avec l'idée même d'accorder l'amnistie à certaines
entreprises qui auraient fait des choses qui étaient illégales au
moment où elles les ont faites?
M. Bellemarre: La réponse en principe est non, mais,
étant donné que je ne suis pas avocat, je vais dire non
personnellement.
M. Bourdon: Non, non, écoutez, je suis comme vous. Je n'ai
pas le défaut d'être avocat, j'en ai d'autres. Je reviens à
votre mémoire. Est-ce que vous estimez que, globalement, au
Québec, les régimes privés de retraite sont ce qu'ils
devraient être? Ça, c'est la première question. Et la
deuxième, c'est: Que pensez-vous de l'argument de M. Jean Francoeur, que
le ministre a attaqué de façon très habile, très
vraie, de dire: Qu'on laisse donc les parties négocier? Parce que, dans
le secteur de la fabrication où les Métallos sont très
importants, c'est une minorité de travailleurs qui est syndiquée.
Autrement dit, ma deuxième question, c'est celle-ci: Est-ce possible
d'envisager une loi qui dirait que quand les gens sont syndiqués il y a
telle règle, et puis quand ils ne sont pas syndiqués il y a des
choses minimales, comme par exemple de ne pas permettre à l'employeur de
s'approprier les surplus ou de se donner des congés de cotisation? Parce
que je suis du même avis que les Métallos quant aux congés
de cotisation. C'est une façon élégante de vider le
surplus là, de le prendre autrement, parce que, si on me dit, moi, que
j'ai congé de mon hypothèque pour ma maison dans Charlevoix, je
comprends que j'ai une ristourne; un congé d'hypothèque
jusqu'à temps que j'aie ramassé un surplus, ça revient
à mettre la main sur le surplus. (12 heures)
M. McBrearty: Est-ce que je pourrais répondre à la
deuxième partie de votre question, sur la déclaration de M.
Francoeur, en ce qui a trait à laisser aux parties de négocier
les régimes, etc., et, s'ils ne s'entendent pas, de se promener devant
les tribunaux? Ça fait déjà quelques années qu'on
est devant les tribunaux et, non, cette partie-là de la
déclaration de M. Francoeur, avec tout le respect que je lui dois, n'a
pas fait une évaluation très approfondie, je crois, de l'aspect
négociation dans le domaine des relations du travail. Si cette
hypothèse ou cette logique-là était appliquée, nous
allons vivre au Québec beaucoup plus de grèves et beaucoup plus
de conflits de travail que nous n'en avons peut-être vécu depuis
quelques années. Si on regarde l'évaluation qui s'est faite par
le Conseil consultatif du travail et de la main-d'?uvre du
ministère du Travail, il y a beaucoup plus de conventions collectives
qui se règlent beaucoup plus rapidement et ça va beaucoup moins
de... Et il y a des raisons pour ça. Les travailleurs et les
travailleuses sont beaucoup plus éduqués, sont beaucoup plus
informés et sont beaucoup plus informés, comme on le mentionnait
dans notre mémoire, sur la question des régimes de retraite et
surplus, etc. Alors, cette partie-là, pour répondre à
votre question de M. Francoeur, on n'est pas d'accord du tout avec
ça.
M. Bourdon: M. le Président, ce que j'ajouterais, c'est
que vous avez parié dans votre mémoire du salaire
différé et à cet égard, ce dont je veux me
prévaloir, c'est du fait que j'ai négocié des conventions
collectives pendant 20 ans. Et je peux dire au ministre, qui a peut-être
un profil antérieur différent du mien, que, penser que ce n'est
pas du salaire différé, c'est comme si on disait que les
employeurs ne comptent pas ce que leur main-d'oeuvre leur coûte.
D'expérience, j'ai connu un employeur qui ne savait même pas
compter ce que sa main-d'oeuvre lui coûtait, mais c'est un sur trois
cents, et il a failli fermer d'ailleurs parce que ce n'est pas très bon
dans ce milieu-là de ne pas savoir compter. À cet égard,
ce que je peux dire, c'est qu'à une table de négociation on rend
compte de chaque cent et chaque coût nous est invoqué. La moindre
variation du régime des rentes, des soins de santé ou n'importe
quoi qui coûte de l'argent à l'employeur est calculé et on
se fait dire: Ah! Je ne peux pas parce que, écoutez, là... Hum!
Il y a ça, il y a ça, il y a ça et ça. Alors, dans
ce sens-là, vous aviez raison dans votre démonstration. Et
même le ministre convient qu'a contrario, quand on remplace en partie un
régime de
retraite par un REER collectif... Par exemple, il y a des syndicats -
CSN, entre autres - qui ont pris cette orientation-là. Mais moi,
personnellement, je ne suis pas sûr que c'est la meilleure, mais, en tout
cas, ils l'ont prise et ils avaient le droit. Ils ne m'écoutaient pas
souvent quand j'étais là. Je n'ai jamais été un
chef. J'étais un soldat à l'époque. Mais ce que je veux
dire, c'est que, quand un syndicat met sur pied un REER collectif, il y a
toujours une négociation. Il dit à l'employeur: Écoute, tu
vas retourner aux filles et aux gars ce que tu mettais pour eux dans un
régime de retraite. Alors, dans ce sens-là, quand je disais au
début des travaux de cette commission que, pour moi, ce n'est pas
théologal: Est-ce ou n'est-ce pas du salaire différé?
ça ne veut indiquer d'aucune manière que je ne suis pas de votre
avis que c'est du salaire différé, sauf que je dis: Abandonnons
un peu ça pour ne pas se chicaner là-dessus - c'est
peut-être mes antécédents de négociateur qui
m'amènent à dire ça - et convenons qu'il ne faudrait pas
vider les caisses de retraite, il n'y en a pas assez dedans. Alors, il
faudrait... Et j'étais heureux de voir qu'Alcan disait: Nous autres,
l'argent va rester là. Parce qu'avec Alcan, à part le
congé de contribution, on s'entendait.
Et l'autre aspect - je vais finir avec ça, M. le Président
- de dire que l'employeur assume un coût à un moment donné
et que l'avance qu'il fait pourrait lui être remboursée, comme dit
M. Beltemarre, je souligne que la CSN dit la même chose dans son
mémoire. Elle dit: À certaines conditions, ça peut se
regarder. Mais c'est du salaire différé que l'employeur met dans
la caisse de retraite. Ce n'est pas du capital de risque qu'il investit. Pour
rejoindre votre argument, j'ajoute que l'employeur, quand il contribue au fonds
de pension, il ne joue pas à la Bourse. S'il y a une fluctuation des
taux d'intérêt, il y a peut-être 20 ans devant lui pour se
reprendre. Même avec des syndiqués, il va bien finir par se
reprendre parce que ses coûts, il les remet sur la table.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Est-ce que vous avez des commentaires à ajouter, M. Bellemarre?
M. McBrearty: Je voudrais juste ajouter que je crois... En tout
cas, je crois comprendre ou nous croyons comprendre que sur l'aspect du salaire
différé... Je sais que chez nous c'est très bien compris
par nos membres et dans les autres centrales syndicales aussi. Le meilleur
exemple que je puisse situer, c'est que nous avions négocié,
notre syndicat, l'an dernier, avec toute l'industrie du fer sur la
Côte-Nord, ce qui a donné un résultat relativement assez
compensable pour nos membres. Je dois vous dire que c'était une
enveloppe monétaire d'au-delà de 8,25 $ l'heure pour une
période échelonnée de trois ans. Et, à
l'intérieur de cette enveloppe-là, il y avait tout près de
90 cents qui étaient versés au régime de retraite. Alors,
si on prend une hypothèse que ce n'est pas du salaire
différé, nous, du mouvement syndical, on va se réaligner
d'une autre façon. Parce que nos membres vont dire: On n'ira pas placer
des sommes d'argent là qui ne sont pas garanties, pouvant nous accumuler
des intérêts, etc., pour être obligés de le payer une
deuxième fois.
Le Président (M. Joly): Merci. En conclusion... Dernier
mot.
M. Bourdon: En conclusion, M. le Président, je voudrais
remercier les Métallos non seulement de leur contribution ce matin, mais
de ce qu'ils font depuis des années pour défendre leurs membres
et défendre, à mon point de vue, la justice et
l'intérêt public en matière de caisses de retraite.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président. Je voudrais
également... Avant de remercier les Métallos, j'aimerais
simplement souligner que, tantôt, ce qu'ils ont dit à l'effet que
l'on constate l'établissement d'un climat social très paisible au
Québec depuis les dernières années, ça semble
coïncider avec l'arrivée du député de
Pointe-aux-Trembles à l'Assemblée nationale et son départ
du milieu syndical. Je ne sais pas s'il y a une relation de cause à
effet entre les deux, mais disons que c'est plus tranquille dans le monde
syndical et un peu plus houleux à l'Assemblée nationale depuis
que le député de Pointe-aux-Trembles est ici.
M. McBrearty: La seule chose que je pourrais vous
répondre, c'est que le mouvement syndical, dans nos évaluations,
on essaie de placer notre meilleur monde à la meilleure place.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Si ça peut aider à conserver la paix
sociale au Québec, on est prêt à l'endurer encore pendant
un bout de temps.
M. McBrearty: Vous allez le garder.
M. Bourdon: ...c'est parce que les gens de Pointe-aux-Trembles
m'ont élu.
M. Bourbeau: Alors, M. le Président, je remercie les
représentants des Métallos. Je peux vous assurer que nous allons
prendre en sérieuse considération les remarques que vous nous
avez faites.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.
Au nom des membres de cette commission,
je tiens aussi à vous remercier. Je vais maintenant demander aux
gens représentant le Barreau du Québec, s'il vous plaît, de
bien vouloir s'approcher.
Alors, messieurs, bienvenue à cette commission.
J'apprécierais que la personne responsable du dossier puisse identifier
et nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Barreau du Québec
M. Sauvé (Marc): Oui, Me Marc Sauvé, du service de
recherche et de législation, Barreau du Québec. Je vous
présente, à ma gauche, Me André Dionne, de la firme
William Mercer, et, à ma droite, Me Michel Benoît, de la firme
Desjardins Ducharme.
Le Président (M. Joly): Merci, je vous rappelle juste la
règle. Vous avez une vingtaine de minutes pour exposer votre
mémoire.
M. Sauvé: D'accord. Alors, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés...
À l'instar de l'ensemble des corporations professionnelles du
Québec, le Barreau du Québec a comme principal mandat celui de la
défense de l'intérêt public et c'est à la
lumière de ce mandat général qu'il faut interpréter
notre position sur le document de consultation qui fait l'objet de la
présente consultation publique.
En premier lieu, mentionnons que le Barreau appuie le gouvernement dans
son initiative visant à lever le moratoire imposé il y a
déjà plus de deux ans. Le Barreau aimerait toutefois faire valoir
ses préoccupations à l'égard de la proposition
gouvernementale. Celles-ci gravitent essentiellement autour des questions
suivantes: le respect des ententes contractuelles et du processus judiciaire;
l'absence d'harmonisation avec les lois fiscales; le problème des
régimes soumis à plus d'une autorité législative;
et, enfin, la complexité de mise en application du régime
proposé. Alors, dans un premier temps, Me Michel Benoît vous
exposera la première partie de notre mémoire. Ensuite, Me
André Dionne enchaînera avec la seconde moitié du
mémoire du Barreau.
Le Président (M. Joly): Merci. Me Benoît...
M. Benoît (Michel): Merci, M. le Président. Mesdames
et messieurs de la commission, permettez-moi dans un premier temps de situer le
Barreau par rapport à la proposition du gouvernement et à sa
présence ici aujourd'hui.
Le Barreau ne conçoit pas son rôle comme étant celui
de prendre partie pour l'une ou l'autre des thèses qui sont
défendues devant vous aujourd'hui et qui le seront demain. Le Barreau ne
commentera donc pas non plus les aspects techniques de la proposition, laissant
ça aux spécialistes en la matière. Toutefois, sa
présenta- tion ici aujourd'hui s'enchaîne, si vous me permettez,
avec les commentaires qu'il faisait lors du dépôt du projet de loi
116, au mois de mars 1989, où le Barreau avait souligné - je
m'excuse, je me référais à la loi 116, je voulais me
référer à la loi 95 qui a imposé le moratoire - au
gouvernement qu'a son avis ce projet de loi, même s'il pouvait
apparaître comme un mal nécessaire dans les circonstances,
constituait néanmoins une sérieuse brèche au droit des
contrats, alors que la loi 116, elle, reconnaissait ou reconnaît depuis,
expressément, qu'un régime constitue un contrat.
Donc, la présentation du Barreau s'articule, comme le mentionnait
Me Sauvé tout à l'heure, d'abord autour de cet axe principal
où le Barreau s'inquiète de ce que la proposition semble mettre
de côté le principe fondamental mis de l'avant par la Loi sur les
régimes complémentaires de retraite, à l'effet qu'un
régime constitue un contrat. Et il faudrait donc, à notre avis,
présumer que ce contrat, dans ses dispositions, reflète
l'intention des parties. C'est notamment le cas lorsque le régime de
retraite en question est intégré ou fait partie d'une convention
collective.
Le Barreau a aussi certaines inquiétudes et les commentaires
qu'il formule sont un peu difficiles à formuler, en ce sens que la date
d'effet de la proposition n'est pas connue. Le gouvernement, dans sa
proposition, mentionne qu'elle prendra effet, sans mentionner la date, et
plusieurs des éléments de la proposition dans leurs applications
justement aux régimes qui sont des contrats sont plutôt difficiles
à juger. C'est difficile pour nous de les commenter parce qu'il n'est
pas certain que cette date d'effet sera prospective ou rétroactive.
Comme je le mentionnais tout à l'heure, le Barreau
s'inquiète du fait que la proposition gouvernementale met de
côté l'application de dispositions contractuelles et, à cet
égard, sans reprendre le mot à mot de notre mémoire, on
invite le gouvernement à la plus grande prudence.
Par ailleurs, le Barreau considère que le moratoire, lorsqu'il a
été imposé en novembre 1988, et je le mentionais tout
à l'heure, constituait probablement un mal pour un bien, en ce sens
qu'il permettait ou devait permettre au gouvernement de prendre un peu de recul
et de voir à la solution de ce qu'il percevait être comme
étant un problème social sérieux. L'examen que le Barreau
a pu faire des situations qui ont donné lieu à ces
problèmes nous porte à croire qu'ils ont été
principalement causés par les carences du cadre législatif qui
était présent au moment où le moratoire a
été imposé. Le 15 novembre 1988, la Loi sur les
régimes complémentaires de retraite n'était pas
adoptée. Nous avions donc l'ancienne loi sur les régimes
supplémentaires de rentes qui, je pense, avait certaines carences qui
depuis - et c'est ce que
le Barreau vous livre comme message aujourd'hui - nous semblent avoir
été, ces problèmes, réglés en bonne partie
par l'adoption de la Loi sur les régimes complémentaires de
retraite, notamment en ce qui concerne l'implication des participants dans
l'administration de leur régime et aussi par l'obligation de transmettre
l'information aux participants, notamment en ce qui concerne les amendements
qui peuvent être faits à un régime. (12 h 15)
Le Barreau considère que si des situations au détriment
des employés ou des participants au régime ont pu se
développer à une certaine époque, au Québec, ces
situations étaient principalement causées par les carences du
cadre législatif, lequel a été considérablement
changé depuis. À notre avis, le cadre actuel de la loi 116, de la
Loi sur les régimes complémentaires de retraite, est mieux
adapté pour, justement, pallier ces carences qui ont pu être
constatées à une certaine époque.
Par ailleurs, le Barreau s'inquiète de ce qui lui paraît
être un manque d'harmonisation entre la proposition du gouvernement et ce
que l'on peut constater comme étant le fondement du droit au
Québec, tel qu'il apparaît dans le projet de loi 125 qui a
été déposé au mois de novembre ou décembre
dernier et qui vise une refonte complète du Code civil. Ce projet de loi
importe dans le droit québécois les notions de fiducie, de
constituant de fiducie et de bénéficiaire de fiducie et ces
notions devront s'appliquer aux régimes de retraite.
Ce projet de loi 125 constitue une affirmation, par le gouvernement, que
l'acte constitutif de cette fiducie doit primer et nous voyons dans la
proposition du gouvernement une certaine contradiction entre, d'une part, la
mise de côté de l'acte constitutif tel qu'il peut se lire
aujourd'hui et, par ailleurs, la primauté qu'on semble vouloir donner
à ce même acte dans le cadre du projet de loi 125.
Le deuxième volet sur lequel s'articule la présentation du
Barreau vise le processus judiciaire et son respect. J'aimerais
peut-être, dans un premier temps, souligner l'affirmation qui est faite
dans la proposition à l'effet qu'il n'y a pas de tendance claire qui se
dégage de la jurisprudence sur ces questions de propriété
d'actif. Avec beaucoup de respect pour les rédacteurs de ce
mémoire, l'examen que nous avons fait de cette jurisprudence nous porte
à croire plutôt qu'une tendance assez claire semble se
dégager. Les décisions qui ont pu être rendues, soit au
Québec ou soit dans d'autres juridictions, semblent consacrer, dans bien
des cas, le droit des employés ou participants à ce régime
à partager... leur droit, plutôt, aux surplus accumulés
advenant sa terminaison, d'une part, et cette jurisprudence semble aussi
consacrer le droit pour l'employeur de prendre ce que l'on appelle des
congés de cotisation, à moins que le texte du régime ne
l'oblige clairement à cotiser régulièrement à
chaque année.
Au cours des 10 dernières années, les litiges qui ont pu
donner suite au débat qui pouvait se faire sur les surplus sont
relativement peu nombreux et il ne faudrait pas, à notre avis,
l'oublier. Au Québec, il y a eu quatre décisions rendues depuis
les 10 dernières années sur ces questions-là. Deux sont
présentement en appel et trois d'entre elles, trois sur les quatre ont
donné comme résultat que les surplus, advenant la terminaison du
régime, devaient être attribués aux participants. Il y a
aussi certaines causes pendantes dont on a fait état, ici, ce matin, et
le Barreau s'inquiète singulièrement que la proposition ne vise
pas à protéger les situations où les parties sont
présentement devant les tribunaux. Il nous semble qu'il s'agisse
là d'un jugement sévère porté par le gouvernement
sur le processus judiciaire et que de vouloir limiter les situations
d'exception à celles où les parties ont obtenu un jugement final,
à notre avis, est beaucoup trop limité.
Je terminerai ma partie de la présentation sur ces propos, en
soulignant aussi que la portée des exceptions du mémoire, en ce
qui concerne les ententes conclues entre les parties et qui auraient
été approuvées par la Régie, nous paraît
là aussi assez limitée, étant donné que les seules
ententes, à notre avis, lorsque l'on examine le texte de la loi qui a
imposé le moratoire, qui, véritablement, doivent obtenir
l'approbation de la Régie sont celles où les parties ont convenu
de distribuer entre elles les surplus autrement qu'au prorata des
crédits de rente. Donc, il y a beaucoup d'ententes qui sont susceptibles
d'être conclues avec le respect de la règle du prorata et qui ne
seraient pas protégées par la proposition.
En terminant, M. le Président, il y a aussi des situations qui
sont présentement pendantes devant la Régie des rentes qui
assume, surtout avec la Loi sur les régimes complémentaires, un
rôle beaucoup plus présent dans l'application de cette loi,
notamment par le biais de son comité de révision et le processus
de révision de la loi. Plusieurs situations sont pendantes devant la
Régie et elles non plus ne semblent pas bénéficier de la
situation d'exception que vise la proposition. Donc, sur ces deux premiers
volets, je vous ai, j'espère, assez brièvement exposé la
position du Barreau et je céderais la parole à mon
collègue, Me Dionne, pour ce qui est des trois autres volets.
Le Président (M. Joly): Merci, Me Benoît. Me
Dionne.
M. Dionne (André): Alors que mon collègue, Me
Benoît, s'est attaqué essentiellement aux préoccupations
les plus fondamentales du Barreau à l'égard de la proposition,
j'aimerais aborder certains problèmes - croyez-moi, je n'ai pas
l'intention de verser dans les technicalités - qui, s'ils ne sont
pas résolus, rendent bien difficile la mise en oeuvre de la proposition,
du moins dans toute sa portée. J'aborderai ensuite la dimension
complexité possible des mesures proposées.
Le premier problème fondamental concerne l'absence
d'harmonisation avec les lois fiscales et le ministre en a fait état
dans sa présentation ce matin. Une des mesures de la proposition est
à l'effet que la portion des excédents d'actif qui serait
allouée au participant devrait être immobilisée, que ce
soit via le transfert à un compte de retraite immobilisé ou par
la conversion en cotisations volontaires immobilisées. Or, dans
l'environnement fiscal actuel, un tel transfert ou une telle conversion n'est
tout simplement pas permis en vertu des lois fiscales. Il y a une disposition
précise à cet effet-là dans la loi fédérale
et le Barreau remarque que, dans son dernier budget provincial, le
Québec, en matière de fiscalité reliée aux fonds de
pension et aux régimes de retraite, à toutes fins pratiques, s'en
remet totalement au gouvernement fédéral. C'est une harmonisation
totale de sa législation. Donc, ça suppose un amendement aux lois
fédérales soit d'application générale ou un
amendement qui aurait valeur strictement au Québec. Alors, nous ne
savons pas si ça nécessite une 23e proposition au rapport
Allaire; ce n'est pas l'endroit pour en discuter.
Ce qui ressort clairement, c'est qu'en l'absence d'amendement le montant
qui serait versé aux employés deviendrait imposable et donc on
voit difficilement comment cet excédent-là pourrait être
immobilisé. Et, en l'absence d'immobilisation, les sommes ne serviront
pas aux fins de retraite. Donc, cet amendement est essentiel.
Une deuxième préoccupation du Barreau concerne les
régimes qui sont soumis à plus d'une autorité
législative. Alors, on songe ici aux régimes qui sont
enregistrés au Québec et qui couvrent des employés
d'autres juridictions ou, à l'opposé, des régimes
enregistrés à d'autres juridictions et qui couvrent des
participants québécois. En l'absence d'accord de
réciprocité, on aura donc un régime qui s'applique
différemment pour des employés du Québec qui parfois
travaillent pour un même employeur. Il est inévitable que des
délais surviendront avant que de telles ententes puissent être
conclues.
L'autre préoccupation c'est que, il est possible qu'il n'y ait
pas d'entente sur ce point. Une des critiques adressées à la
législation actuelle en matière de pension, à
l'échelle du pays, est justement l'absence d'harmonisation, en
matière de partage d'excédents, de surplus, de congé de
cotisation et sujets semblables. On sait déjà que le gouvernement
ontarien prend une position qui est différente de celle du
Québec. Alors, le Barreau ne peut pas se prononcer quant à son
accord ou son désaccord avec la proposition ontarlenne, mais, chose
certaine, les parties ont des points de vue différents, à ce
stade-ci. Ce qui veut dire qu'en cas d'absence d'entente on aurait, de
façon permanente, des régimes qui pourraient s'appliquer de
façon différente pour les travailleurs québécois.
La seule façon, à prime abord, de régler la situation,
c'est, en fait, d'avoir une espèce de scission de la caisse de retraite
en deux, soit, d'une part, pour les travailleurs québécois et,
d'autre part, pour les travailleurs de l'autre juridiction, ce qui est
contraire à toute la philosophie de la loi 116 telle qu'elle est
à l'heure actuelle. Donc, il s'agit encore une fois d'une autre
disposition qui rend bien complexe la mise en oeuvre de la proposition
jusqu'à ce que ces ententes soient réglées.
Un dernier point touche la complexité. Plusieurs critiques sont
déjà formulées à l'effet que la loi 116 serait
peut-être trop complexe. Il semble, pour le Barreau, que le gouvernement
minimise la complexité rattachée à la proposition qui est
présentée. Il y a, de façon bien évidente, le
problème lié à la fréquence des
événements qui pourrait donner lieu à un partage des
excédents d'actif et des coûts qui en découlent. Par
ailleurs, dans la proposition comme telle, il est fait état de
situations d'exception. À notre connaissance, les dispositions
d'exception ne peuvent être résolues que de deux façons: ou
bien, on aura des dispositions précises et, donc, probablement
très complexes, ou bien, à l'opposé, il faudra accorder
des pouvoirs discrétionnaires encore plus étendus à la
Régie des rentes. Dans les deux cas, cette situation est, ou bien non
souhaitable ou, à l'opposé, elle risque d'entraîner des
complexités importantes.
Pour ces raisons, tel que mon collègue, Michel Benoît, l'a
mentionné, le Barreau appuie la proposition du gouvernement de lever le
moratoire. Par contre, les raisons qui ont motivé l'imposition du
moratoire sont disparues et les excédents d'actif devraient
s'atténuer; c'est d'ailleurs mentionné dans la proposition. Dans
ce contexte, la nécessité d'une loi remédiatrice,
d'application générale et avec effets rétroactifs, n'a pas
été démontrée. Par ailleurs, le régime
proposé soulève des difficultés d'application importantes,
dont la solution, dans certains cas, relève d'autres autorités
gouvernementales. Dans ce contexte, le Barreau recommande la levée pure
et simple du moratoire.
Le Président (M. Joly): Merci, Me Dionne. Je voudrais
reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je suis
réconforté quand j'entends le Barreau appuyer le gouvernement
dans sa recherche d'une solution, mais mon réconfort cesse quand
j'entends que le Barreau me demande, à toutes fins pratiques, de
prolonger le statu quo. Pourtant, M. le Président, si on retourne en
arrière, on réclamait à grands cris l'imposition d'un
moratoire, on décriait la
situation telle qu'elle existait... Les abus qu'on a voulu corriger en
imposant un moratoire et en réformant la loi ne sont pas tous disparus,
enfin, je n'en suis pas convaincu. Par exemple, l'établissement d'un
contrat entre un employeur et ses travailleurs pour mettre sur pied un
régime à prestations déterminées, c'est toujours un
contrat. Un contrat, quand c'est conclu entre deux parties qui ont un rapport
de force semblable, ça va toujours, mais quand un travailleur non
syndiqué se présente chez un employeur et qu'on lui dit: Tu
travailles ici et, incidemment, il y a ici un régime qui fait en sorte
que tu dois cotiser tant et ce régime-là fait en sorte que les
excédents d'actif appartiennent à l'employeur, disons, ou
appartiennent aux participants, mais l'employeur peut modifier la
propriété des excédents, comme on l'a vu souvent dans le
passé... (12 h 30)
II reste que c'est un contrat qui n'est pas toujours conclu entre des
parties d'égale force. Et, comme je le disais tantôt, ça
peut s'assimiler à un contrat léonin. Dans ce sens-là,
quand je vois la recommandation du Barreau, qui me dit que la proposition porte
atteinte aux droits acquis et au caractère consensuel d'un
régime, je me demande si le caractère ambigu des clauses
d'excédents d'actif ne justifie pas, justement, une intervention
législative. Est-ce qu'on doit continuer à maintenir cette
ambiguïté-là dans les contrats, ambiguïté, je
dois dire, qui a pour effet que les parties se retrouvent devant les tribunaux?
Je ne voudrais pas, en aucune façon, prétendre que nos amis du
Barreau auraient un intérêt à ce que
l'ambiguïté subsiste - je suis sûr que ce n'est pas le cas -
mais il reste quand même que toute ambiguïté ne peut conduire
éventuellement que devant les tribunaux. Et pourquoi nous, le
gouvernement, resterait-on inactif devant une situation semblable? Et pourquoi
ne tenterait-on pas, justement, d'amener un peu d'ordre là-dedans, pour
faire en sorte de rétablir l'équilibre qui n'existe
peut-être pas toujours?
Ce matin, on a cité le cas de dossiers comme ceux de Simonds, ou
de Singer, dossiers qu'on connaît bien, où les travailleurs se
sont fait flouer, enfin prétendent-ils, en dépit du fait qu'ils
étaient représentés par un syndicat. Même
étant syndiqués, ils ont vu le patron vouloir partir avec la
caisse et ils sont intervenus judiciairement. Alors, à plus forte
raison, quand ce sont des travailleurs non syndiqués, leur rapport de
force est encore plus négatif. Alors, comment le gouvernement doit-il
réagir dans une situation comme celle-là? Et ne croyez-vous pas
que nous soyons justifiés d'intervenir pour tenter de rétablir
cet équilibre-là?
M. Benoît (Michel): Si vous me permettez, M. le ministre,
de répondre à vos propos, tout d'abord en rétablissant
certaines des affirmations que vous faites. Si, effectivement, nous
étions ici aujourd'hui avec la Loi sur les régimes
supplémentaires de rentes telle qu'elle existait avant son remplacement
par la loi 116, je pense que l'on pourrait effectivement parler de statu quo,
parce qu'effectivement, et il ne faut pas l'oublier, les situations difficiles
qui ont pu survenir chez certains employeurs qui ont été
mentionnés ici sont toutes nées sous l'ancienne Loi sur les
régimes supplémentaires de rentes, et d'aucuns contestent que
cette loi avait des carences sérieuses, notamment sur le plan de
l'information aux participants. Les participants n'étaient pas tenus
d'être avisés avant le fait lorsque le régime était
amendé, mais bien après le fait. Les participants ne recevaient
qu'une information incomplète surtout lorsque l'on compare la situation
avec la loi actuelle. Donc, nous ne voyons pas la proposition que vous faites
comme étant un maintien du statu quo. Ce que l'on vous dit, c'est
qu'à l'égard des situations qui sont présentement
invoquées les parties ont choisi de régler leurs
différends devant les tribunaux, comme d'ailleurs cela se produit dans
bien des cas. S'il fallait que le gouvernement intervienne à chaque fois
que des clauses contractuelles sont ambiguës pour venir empêcher que
les parties se retrouvent devant les tribunaux, je pense que nous aurions une
société bien différente de celle que l'on
connaît.
Vous me permettrez par ailleurs de vous dire que ces mêmes
situations ambiguës n'ont pas donné lieu qu'à des litiges
devant les tribunaux, mais, semble-t-il, ont provoqué des
négociations et des règlements entre les parties. Les gens qui
nous ont précédés à cette table en ont fait
état. D'ailleurs, votre proposition fait état aussi d'un certain
nombre d'ententes qui auraient été conclues entre les parties
pour justement voir à la distribution des excédents d'actif.
Donc, tant en ce qui concerne l'ambiguité et le statu quo, le Barreau ne
voit pas justement dans ces propos le maintien du statu quo. On vous dit: Vous
avez adopté une loi qui, croyons-nous, va empêcher justement ou du
moins encadrer singulièrement les agissements des parties à ce
contrat pour l'avenir et qui sont susceptibles, du moins, on l'espère,
d'éviter que de telles situations ne se reproduisent. Et je voudrais
aussi simplement vous rappeler qu'en vertu de la Loi sur les régimes
complémentaires de retraite la Régie des rentes s'est fait donner
le pouvoir, à l'article 206, de s'assurer, lorsqu'un rapport terminal
attribue un excédent d'actif à l'une ou l'autre des parties, que
les excédents sont attribués aux bonnes parties et elle peut
même surseoir à sa décision tant et aussi longtemps que,
s'il y a litige, ce litige n'est pas solutionné. Donc, on se retrouve
ici, environ 18 mois après l'adoption de la loi 116, avec une
affirmation dans la proposition à l'effet que le mécanisme
prévu par la loi 116 ne fonctionnera pas. Ce qu'on vous dit: Vous en
avez des mécanismes dans la loi 116
qui sont censés ou susceptibles, à tout le moins, de
remédier en bonne partie aux problèmes qui ont pu être
à l'origine du moratoire, et c'est dans ce sens-là qu'il faut
comprendre les propos du barreau.
M. Bourbeau: M. le Président, je partage le point de vue
de Me Benoît que les mécanismes prévus dans la loi 116
devraient normalement éviter qu'on se retrouve devant des situations
semblables à celles qu'on a connues dans le passé avec
d'énormes surplus ou excédents d'actif dans les fonds de pension.
Et je suis, moi aussi, raisonnablement convaincu qu'on ne reverra pas, dans
l'avenir, des situations semblables. Il reste quand même que nous avons
présentement dans les régimes de retraite des surplus importants
qui ont été accumulés dans certains cas et que nous devons
trouver des solutions pour partager ces surplus-là. Rien ne nous dit
que, malgré la perfection qu'on pourrait donner à la nouvelle loi
ou l'équité qu'on pourrait lui attribuer, ne surviendront pas
quand même des surplus dans l'avenir. Il peut arriver qu'une conjoncture
économique extrêmement favorable génère des surplus.
On devra donc en disposer. Et il faut, à ce moment-là,
prévoir de quelle façon on en disposera et c'est pour ça
que nous devons nous attarder à trouver des solutions équitables
pour le partage de ces excédents-là, tant ceux
générés par l'ancien régime que ceux qui pourraient
être générés par un nouveau régime. Nous
pensons avoir mis sur la table une solution équitable qui tient compte
des efforts qui ont été faits dans le passé par les deux
groupes, en fait tant les employeurs que les travailleurs. Et, à ce
sujet-là, ne trouvez-vous pas que la proposition gouvernementale est
équitable?
Je reprendrais ma question autrement, vous nous dites: N'intervenez pas,
c'est un champ privé. Tantôt, j'ai noté vos paroles: le
gouvernement ne devrait pas intervenir. Pourtant, je peux vous citer des cas
autres où le gouvernement est intervenu pour clarifier des situations
contractuelles entre les parties. Prenez, par exemple, tout le secteur locatif,
les logements, par exemple, dans le secteur résidentiel. Le même
argument que vous faites, on pouvait le faire dans le temps. Le gouvernement ne
devrait pas s'ingérer dans la négociation d'un bail entre un
locateur et un locataire. C'est consensuel, etc. Pourtant, vous savez fort
bien, comme moi, qu'il y a eu des abus et que la législation qui a
été apportée a permis d'apporter une paix relative dans ce
domaine-là, dont s'accommodent assez bien maintenant les locateurs, les
locataires aussi. Alors, est-ce qu'on n'est pas un peu ici dans la même
situation où une des parties risque d'être beaucoup plus forte que
l'autre, c'est-à-dire l'employeur, surtout quand il n'y a pas de
syndicat? Et est-ce que le gouvernement n'a pas raison de tenter de clarifier
des clauses qui sont ambiguës et aussi de prescrire une forme mini- male
de justice ou d'équité dans la distribution de ces
excédents d'actif?
M. Benoit (Michel): Écoutez, je vais peut-être
laisser mon collègue, Me Dionne, répondre.
Le Président (M. Joly): Me Dionne.
M. Dionne: II y a peut-être quelques commentaires que
j'aimerais apporter. Dans un premier temps, comme le soulignait tantôt Me
Benoît, c'est un fait que la loi 116 devrait résulter en une
atténuation ou une réduction des excédents d'actif. Le
deuxième point, c'est qu'une préoccupation qui existait sous
l'ancien régime est effectivement que, même si les employés
pouvaient avoir des droits, l'argent pouvait être disparu de la caisse,
de sorte que faire valoir leurs droits pouvait devenir plus difficile. Sous la
loi actuelle, ce n'est plus le cas étant donné les pouvoirs qui
sont accordés à la Régie.
Le gouvernement est préoccupé par la question d'en arriver
à une méthode quelconque pour partager les actifs. Mais ce que
l'on remarque, c'est que l'approche qui est proposée, si, de fait, elle
élimine certains recours devant les tribunaux, il n'est pas
évident qu'elle sera équitable, dans le sens que le
résultat tombera d'une certaine façon, selon la conjoncture,
à une date donnée, et il n'est pas certain que la part qui sera
touchée, soit par les employés ou soit par l'employeur, sera
équitable.
Je pense que la situation des Métallos est un exemple. Si j'ai
bien compris, ils ont obtenu une proportion du surplus qui est de l'ordre de 75
% de ce dernier, alors que, selon le proposition, ça aurait
été de 40 %. Alors, le Barreau n'a pas une position qui est soit
proemployé, soit proemployeur, on ne fait que constater la
situation.
Finalement, les litiges dont vous faites état surviennent
à l'occasion de certains événements bien précis,
essentiellement des terminaisons totales de régimes, alors que la
proposition vient non seulement fixer le partage des excédents mais
vient déterminer une série de situations qui vont donner lieu
à ces partages. Donc, dans ce contexte-là, on fait plus que
remédier au problème qui est cité et la solution, selon
nous, n'est pas appropriée dans les circonstances.
Le Président (M. Joly): Merci, Me Dionne. M. le
député de Gouin.
M. Boisclair: Oui. Messieurs, je vous remercie, de la part de
l'Opposition officielle, de votre présentation. Je tiens, d'une part,
à m'excuser de ne pas avoir pu assister à l'ensemble de votre
présentation, mais, lorsqu'on est dans l'Opposition, il y a souvent
d'autres obligations qui nous amènent parfois à courir entre le
salon bleu et les salles de commission. Étant retenu à
l'Assemblée nationale pour intervenir
sur la question de la réforme Ryan, je n'ai pas pu assister
à l'ensemble de votre présentation. Cependant, j'ai lu votre
mémoire, comme l'ensemble de ceux qui viendront témoigner devant
cette commission.
Le ministre soulevait tout à l'heure, au début de son
intervention, le fait qu'il trouvait bien peu d'éléments pour se
réjouir dans le contenu de votre mémoire. Mais faut-il lui
rappeler qu'il est peut-être le seul responsable de cette
situation-là et qu'effectivement, rapidement, on pourra comprendre que
bien des gens et l'ensemble des intervenants se posent de sérieuses
questions quant au contenu de la réforme.
Ce que je retiendrai du mémoire du Barreau, c'est que vous dites
très clairement que ça ne respecte pas les ententes
contractuelles, que ça ne respecte pas non plus le processus judiciaire
et qu'il va aussi à rencontre d'un certain nombre de dispositions
fiscales. (12 h 45)
J'aimerais revenir peut-être sur deux éléments
précis de votre mémoire. D'une part, vous semblez manifester une
certaine inquiétude à l'égard du fait que le gouvernement
ne dévoile pas ses intentions quant à la date de prise en effet
des mesures disposées. Est-ce que vous pourriez m'éclairer plus
en détail sur les conséquences de cette incertitude qui plane sur
les intentions gouvernementales?
M. Benoit (Michel): Sur cet aspect-là, nous n'avons fait
que noter que plusieurs éléments du mémoire devront
recevoir une application à la date d'effet de la proposition, c'est un
peu l'expression qui est employée. Maintenant, cette date d'effet, nous
nous interrogeons effectivement sur son identification, en ce sens qu'elle
pourrait être le 15 novembre 1988, par exemple, qui était la date
d'imposition du moratoire; elle pourrait être ie 11 décembre 1990,
la date de dépôt de la proposition; elle pourrait être la
date de dépôt en Chambre du projet de loi ou encore la date de sa
sanction ou même encore une date à être fixée
ultérieurement par le gouvernement. l_à où nous nous
inquiétons, c'est que l'effet de la proposition, selon que la date
d'effet retenue est rétroactive ou prospective, évidemment, est
fort différent, notamment dans la mesure où l'on songeait
à y donner un certain élément rétroactif quant
à tout un ensemble de situations. Nous n'en avons pas fait état
ici parce que, comme on l'a mentionné tout à l'heure, nous ne
voulions pas rentrer dans la mécanique de la proposition; d'autres l'ont
fait. Mais il est certain que plusieurs situations, très nombreuses, se
sont développées depuis le 15 novembre 1988 et qui ont dû
être réglées tant bien que mal avec ie projet de loi 95 et
les publications de la Régie des rentes du Québec qui visaient
justement à encadrer ces situations-là en attendant la
levée du moratoire.
Donc, les propositions, il nous semble que le projet de loi devra
s'attaquer aux situations qui se sont produites au cours des 24 derniers mois
ou environ et, en ce sens-là, le Barreau manque un peu d'arguments, si
je peux dire, à cause de cette absence d'identification de la date
d'effet.
M. Boisclair: Le deuxième élément, qui est
un peu relié à celui dont on vient de parier, vous portez un
jugement très dur, en page 7 de votre mémoire, lorsque vous
dites: "Sauf en de très rares occasions, le gouvernement a toujours
respecté le principe de la non-application d'un nouveau texte de loi aux
causes pendantes. Nous croyons qu'il est important que le gouvernement continue
de respecter ce principe." C'est dans votre chapitre sur le respect du
processus judiciaire. Qu'est-ce qu'il en est? Est-ce que, dans le fond, le fait
que cette nouvelle législation risque de s'appliquer aux causes
pendantes peut porter un certain préjudice au justiciable?
M. Benoît (Miche!): Écoutez, à notre avis, il
s'agit là d'un principe fondamental lorsque les parties à un
contrat, ou dans toute autre circonstance, veulent faire trancher un
différend qui les oppose à d'autres personnes, choisissent de
s'adresser aux tribunaux de droit commun, que ces parties puissent mener
à terme leur démarche, que ce soit devant les tribunaux de
première instance ou les tribunaux d'appel. Qu'une législation
vienne, à toutes fins utiles, dire à ces gens-là: Vous
avez perdu votre temps, que de vous adresser aux tribunaux puisque, maintenant,
votre situation se réglera de la façon suivante, nous
apparaît comme étant une démarche législative
extrêmement sérieuse et reflète un jugement très
négatif, à notre avis, sur le processus judiciaire. Il est vrai
que le processus judiciaire est souvent long et coûteux. Il faut se
rappeler toutefois qu'il y a des mesures qui ont été mises en
place justement pour pallier à ça, notamment par ie biais de
recours collectifs et de financement public de ces recours qui évitent
justement aux plus démunis d'avoir à financer ces recours qui
sont effectivement longs et coûteux.
M. Boisciair: Outre ce que vous appelez un peu ce
discrédit qui serait jeté sur le processus judiciaire, vous
rappelez aussi, avec raison, qu'il y a un certain nombre de recours qui
existent - on a parlé du recours collectif - mais est-ce que vous
estimez que le justiciable serait lésé dans ses droits en
fonction soit des différentes chartes ou des différents textes de
lois qui peuvent exister à l'heure actuelle? Est-ce que vous estimez que
ces gens-là, qui ont à l'heure actuelle des causes pendantes
devant les tribunaux, pourraient se prévaloir d'un recours quelconque,
de ce droit de faire respecter, dans le fond, les termes d'un contrat qui a
été conclu
entre les deux parties?
M. Benoit (Michel): II est toujours difficile de dire à
l'avance si les résultats obtenus devant les tribunaux auraient
été plus avantageux ou moins avantageux, évidemment, que
la proposition. Il nous apparaît, nous, quant à la...
M. Boisclair: Dans certains cas, il faut se le rappeler, c'a
été plus avantageux, le cas des Métallos est un bel
exemple.
M. Benoit (Michel): Si nous devons nous fier à la tendance
de ce qui semble se dégager des jugements qui ont été
rendus, à date, en tout cas, sur ces questions-là, la tendance
est nettement favorable aux employés ou aux participants au
régime. Évidemment, chaque cas est jugé à son
mérite, mais le Barreau n'est certainement pas en mesure de dire que les
employés ou les participants au régime subiraient
nécessairement un préjudice. C'est le système judiciaire
lui-même qui subit le préjudice par le jugement qui est
porté à son égard.
M. Boisclair: Je comprends très bien le fait que vous ne
pouvez pas porter de jugement quant à l'effet que... Pour faire la
comparaison, par exemple, entre ce qui pourrait être obtenu par les
tribunaux puis les effets de la loi, ça, je le comprends très
bien. Mais tout simplement en termes de faits et de protection qui existent
à l'heure actuelle, est-ce que vous estimez qu'un justiciable serait
lésé par le fait qu'il y ait une nouvelle loi qui s'applique
à l'heure actuelle aux causes pendantes? Lésé, c'est
sûr qu'on peut le voir dans le sens où vous me l'avez
expliqué, qu'il serait peut-être privilégié si c'est
effectivement les tribunaux qui tranchaient la question mais le fait qu'on le
prive d'exercer un recours qu'il a pourtant entrepris puis de le mener à
terme, est-ce que le justiciable est protégé d'une façon
ou d'une autre pour qu'il puisse mener à terme les démarches
qu'il a entreprises? C'est tout simplement ce que je veux savoir.
M. Benoît (Michel): Sur ce plan-là, je serais
d'accord avec vous; il est clair que, pour le Barreau, de dire à un
justiciable qui est déjà devant les tribunaux qu'il ne pourra
mener à terme sa démarche, en soi, ça lui cause un
préjudice, c'est certain.
M. Boisclair: En fonction de quoi? Qu'est-ce qui fait que ce
droit-là est protégé?
M. Benoît (Michel): Parce que ça fait partie de nos
droits fondamentaux...
M. Boisclair: C'est ça, c'est la Charte.
M. Benoît (Michel): ...que de pouvoir aller...
Pas nécessairement consacré aussi clairement
peut-être qu'on le souhaiterait dans la Charte mais certainement que
l'accès aux tribunaux constitue un des principes fondamentaux de notre
société. Et c'est ce qui fart que le Barreau, à chaque
fois qu'une législation vise soit à mettre fin à des
litiges déjà existants ou encore à empêcher - parce
que c'est de ça qu'on parle ici, plutôt des litiges
déjà existants - que des litiges puissent se retrouver devant les
tribunaux, a toujours eu la même position.
M. Boisclair: Mais c'est juste que dans votre mémoire...
J'ai eu l'occasion de travailler avec Mme Borenstein sur d'autres dossiers,
entre autres sur la question de la loi d'accès à l'information et
elle nous faisait très clairement savoir dans son mémoire que tel
article de loi ou telle intention était contraire à des
législations déjà existantes ou contraires soit à
une tradition ou à un certain nombre de droits reconnus à la
Charte ou ailleurs. Dans votre mémoire, vous dites: Nous croyons qu'il
est important que le gouvernement continue de respecter ce principe. Est-ce que
c'est tout simplement une volonté que vous aimeriez voir reprise par le
gouvernement ou si vraiment vous estimez que le droit qu'a le justiciable de se
prévaloir de son droit d'aller devant les tribunaux est diminué
d'une façon ou d'une autre par l'application d'une nouvelle loi, et quel
genre de recours pourrait-il exercer? En d'autres mots, est-ce que vous estimez
que l'intention du ministre et du gouvernement va à rencontre d'un
certain nombre de garanties soit dans la Charte ou ailleurs qui pourraient
faire l'objet de débats devant les tribunaux?
M. Benoit (Michel): Je ne prétends pas être un
expert en charte ni en droit constitutionnel, mais nous n'avons pas, à
ma connaissance, dans la Charte la garantie de ce que les Américains
appellent le "due process of law" où, effectivement, vous avez garanti
dans la constitution le droit de vous adresser aux tribunaux, sans condition.
Cette garantie-là n'existant pas, il ne nous reste qu'à souligner
au gouvernement qu'il s'agit là d'un geste qui est très
sérieux et qu'avant de le poser il doit s'assurer que les
impératifs sociaux qu'il a à l'esprit sont tels qu'ils justifient
une telle intervention. Je n'ai pas à vous souligner de dispositions
statutaires précises, mais je peux vous dire qu'en même temps,
comme je le mentionnais tout à l'heure, le rôle de la Régie
des rentes qui lui est accordé par la Loi sur les régimes
complémentaires de retraite et que je soulignais notamment en ce qui
concerne l'application de l'article 206 de la loi va devoir être,
à toutes fins pratiques, mis au rencart puisque l'obligation que lui a
faite le législateur de s'assurer que les clauses contractuelles
reçoivent une application correcte, eh bien, ne sera plus
nécessaire. Donc, dans ce sens-là, le justiciable, non plus,
n'aura pas à
s'adresser, ou ne pourra pas s'adresser à la Régie pour
voir au respect de ces clauses-là.
M. Boisclair: Une dernière question. Vous vous
inquiétez aussi du rôle de la Régie des rentes et du
pouvoir discrétionnaire qu'elle aura à utiliser de façon
plus fréquente, dites-vous, dans votre mémoire. Est-ce qu'il y
aurait moyen peut-être d'aller plus loin dans votre analyse?
M. Benoît (Michel): Je vais laisser mon collègue, Me
Dionne, répondre à cette question-là.
M. Dionne: Je pense qu'il y a deux aspects à la
réponse. D'un côté, un des événements qui...
Certains éléments donnent lieu ou donneraient lieu à un
partage des excédents d'actif. Un de ces
éléments-là concerne les terminaisons partielles.
Dès le départ, c'est la Régie qui a la discrétion
de déterminer ce qui constitue ou non une terminaison partielle. Il
existe certains principes qui sont connus dans le milieu - si on peut utiliser
l'expression - mais il nous apparaît évident que, avec la
conséquence additionnelle d'un partage d'actifs entre les employeurs et
les employés, les pressions sur ia Régie pour exercer ou pour ne
pas exercer sa discrétion risquent d'être plus fortes.
Un deuxième aspect que l'on a dans la proposition est à
l'effet qu'il y a des situations qui devraient échapper à un
partage des excédents d'actif. Si c'est le cas, comme on le mentionnait
tantôt, ça va prendre des dispositions bien précises dans
la loi ou la réglementation pour préciser quelles vont être
ces situations. Ou à l'opposé - et ça risque d'être
la réponse - on va s'en remettre plutôt à la Régie.
Donc, ce sont ces deux facteurs-là qui, de façon combinée,
font en sorte qu'on accroît les pouvoirs discrétionnaires de la
Régie sur ce qui serait devenu des droits des participants au
régime de retraite, tant l'employé que l'employeur.
M. Boisclair: je vous remercie. *¦
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de Gouin. M. le ministre.
M. Bourbeau: II me reste à remercier nos amis du Barreau
du Québec pour leur contribution en vous assurant que, là encore,
on va certainement considérer avec beaucoup d'attention les propositions
que vous nous faites.
Le Président (M. Joly): à mon tour, au nom des
membres de cette commission, je vous remercie. nous allons maintenant ajourner
nos travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise à 15 h 35)
Confédération des syndicats
nationaux
Le Président (M. Joly): La commission poursuit ses
travaux. il me fait plaisir de vous souhaiter à tous et à toutes
la bienvenue. je demanderais maintenant aux gens représentant la
confédération des syndicats nationaux (csn) de bien vouloir
s'approcher, s'il vous plaît. bonjour, mmesimard.
Mme Simard (Monique): Bonjour.
Le Président (M. Joly): Je vais vous demander de
présenter la gentille dame ou demoiselle qui vous accompagne, s'il vous
plaît.
Mme Simard: C'est madame. Alors, je vous présente Mme
Johanne Bérard, qui est actuaire au service de la CSN.
Le Président (M. Joly): Vous avez bien dit
Bérard?
Mme Simard: Bérard.
Le Président (M. Joly): Parce qu'ici nous avons
Girard.
Mme Simard: Ah bon! Alors, je ne sais pas...
Le Président (M. Joly): Alors, voyez-vous, c'est important
qu'on rectifie.
Mme Simard: Voilà.
Le Président (M. Joly): Pour passer à la
postérité.
Mme Simard: Alors Simard, Bérard.
Le Président (M. Joly): Merveilleux. Vous connaissez la
procédure, vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter
votre mémoire. Après, nous permettons une période
d'échanges entre les membres de la commission. Allez, Mme Simard.
Mme Simard: M. le ministre, messieurs, madame, merci de nous
entendre. Bon, je pense que, d'entrée de jeu, il est de
notoriété publique que la CSN, évidemment, accorde une
attention et un intérêt tout particulier à la bonification
des régimes complémentaires de retraite. Au fil des ans, on a vu
un intérêt croissant de la part de nos membres pour avoir de bons
régimes de retraite et, au fil des ans, on a aussi
témoigné du soutien que ia CSN apporte à ses membres pour
y arriver. Quelques cas, notamment, l'illustrent et, s'il y a un moratoire,
c'est peut-être, entre autres, à cause de situations qui se
sont produites dans des syndicats CSN. Je pense notamment au cas de la
Simonds à Granby, qui a fait l'objet de beaucoup de reportages publics
lorsque ça s'est produit, et qui a été un des cas
invoqués pour que le ministre, finalement, propose un moratoire, il y a
deux ou trois ans.
Le mémoire qu'on veut vous présenter aujourd'hui a
été élaboré en fonction d'une double ligne
directrice, soit, premièrement, le respect des droits des participants
et, deuxièmement, la reconnaissance de leur responsabilité comme
partie contractante à un régime de retraite. Le document de
consultation qui nous a été présenté par le
gouvernement, d'après nous, reconnaît en théorie que la
rémunération des participants est ajustée pour tenir
compte de la cotisation que l'employeur verse au régime de retraite.
Cependant, en pratique, le gouvernement, à notre avis, applique ce
postulat de base uniquement pour reconnaître aux participants d'un
régime non contributif - donc, là où l'employeur seulement
cotise - le droit à une quelconque fraction, présentement
indéterminée, des excédents d'actif. Si les participants
ont le malheur d'appartenir à un régime contributif, la fraction
des excédents qui leur revient est déterminée uniquement
à partir de leur propre cotisation. Les cotisations patronales en
échange desquelles ils ont accepté un ajustement de leur
rémunération ne leur donnent droit à aucune fraction des
surplus.
Ce que nous voulons vous rappeler aussi aujourd'hui, c'est que
l'ajustement de la rémunération des travailleurs et des
travailleuses en échange d'une cotisation patronale au régime de
retraite, c'est une réalité qui est très concrète
pour nos membres. Ce que nous voulons préciser ici avec beaucoup
d'insistance, c'est que cet ajustement n'est pas partiel, mais que chaque
dollar de cotisation patronale donne lieu à un ajustement d'un dollar
dans les autres éléments de la rémunération. Ce que
nous voulons dire ici, c'est que, lorsqu'on parle de régime de retraite,
lorsqu'on parle de cotisation à un régime de retraite, lorsqu'on
parle de contribution à un régime de retraite, il s'agit pour
nous, très clairement, de salaire différé. Il s'agit d'un
choix qu'un travailleur, qu'une travailleuse a fait, individuellement ou
collectivement, que son salaire soit investi dans un régime de retraite
et non pas dans du salaire immédiat, des vacances ou un autre type
d'avantage. C'est le principe de base, je dirais, qui guide un peu nos
interventions sur les régimes de retraite et qui oriente notre
intervention ici, devant cette commission. Si ce n'est pas compris ou si ce
n'est pas agréé qu'il s'agit du salaire différé, il
est parfois difficile ensuite de s'entendre sur les différentes
mécaniques qui doivent, évidemment, s'appliquer à des
régimes de retraite.
Je peux tout de suite vous dire que, moi, je ne suis pas une
spécialiste de la technique des régimes de retraite. Mme
Bérard, ici, l'est, et elle peut répondre à toutes ces
questions. Mais une chose qui est cependant bien comprise par tout le monde du
monde syndical - et on n'a pas besoin d'être spécialiste pour le
faire - c'est que, lorsqu'on est en négociations collectives, on a des
choix à faire et on peut décider de choisir que le dollar
l'heure, ou tant de cents l'heure, soit investi dans un régime de
retraite. S'il l'est, on sait qu'on ne l'a pas immédiatement dans nos
poches, comme salaire, ou on ne l'a pas, ce dollar, pour améliorer notre
régime de vacances ou d'autres conditions de travail. Ça, les
travailleurs et les travailleuses le savent, et ils sont appelés
régulièrement à faire ce choix-là. Alors,
lorsqu'ils décident effectivement que l'argent va être investi
dans un régime de retraite, eh bien, pour eux et elles, il s'agit de
leur argent. C'est comme ça qu'ils l'ont compris puisqu'ils ont choisi
de ne pas le toucher immédiatement, mais de l'investir pour plus tard.
Mais ils considèrent que cet argent leur appartient.
Alors donc, quand on va plus loin dans la mécanique des
régimes de retraite, évidemment, c'est là que les
modalités pratiques des différentes situations qui peuvent se
produire doivent respecter ce principe de base. C'est évident, cependant
- et on va tout de suite le dire; pour nous, c'est important de le souligner -
que les régimes de retraite à prestations
déterminées, on va le reconnaître, comportent effectivement
un certain niveau de risque dont l'employeur est légalement responsable.
Alors, on ne niera pas ça ici, parce qu'on sait que c'est
généralement l'argument qui est le plus invoqué pour dire:
Nous, on veut récupérer parce que c'est nous qui assumons le
risque.
On a eu de la difficulté à avoir les chiffres pour le
Québec, mais si on se fie à l'expérience de l'Ontario - et
on n'a pas de raisons de croire qu'au Québec c'est si différent -
on dit: Qu'en est-il effectivement de ce risque? Il y a un risque, mais est-ce
qu'il est réel? Dans les faits, est-ce que ces risques sont si
énormes que ça pour faire en sorte qu'on justifie que les
employeurs puissent accaparer tous les surplus, ou est-ce que ces
risques-là, finalement, ne sont pas si élevés? Alors, ce
qu'on a pu constater, c'est que... bon, qu'en est-il des régimes? Il y
en a 38 %, à peu près, qui ont des déficits, si on se fie
à l'expérience ontarienne, mais, de ces
déficits-là, 98 % des dollars réels sont planifiés,
parce qu'il s'agit effectivement de déficits qui sont dus à des
mesures rétroactives. Alors, les risques, est-ce qu'il y en a tant que
ça? On pense qu'il n'y en a pas tant que ça et donc, si on veut
utiliser cet argument pour justifier de pouvoir accaparer les surplus, on ne
pense pas que ce soit un bon argument. Cependant, il y a risque, oui, aussi
minime soit-il. Et, si c'est le cas, on pense que le législateur devrait
prévoir des mécanismes qui visent à compenser les
employeurs a posteriori pour les sommes exactes qu'ils ont dû
débourser pour amortir les déficits
imprévus. Il me semble que ce serait une mécanique plus
simple que celle qui a été souvent réclamée par les
employeurs.
Pour ce qui est des deux éléments principaux de la
proposition qui nous est soumise par le gouvernement, soit le retrait en
espèces des excédents d'actif en cours d'existence de
régime et la suspension des cotisations patronales, d'abord, comment le
gouvernement pense-t-il ou peut-il à la fois souhaiter voir
s'accroître le rôle, d'après nous, des régimes
complémentaires de retraite dans le système de
sécurité du revenu à la retraite - et nous, on est
d'accord avec cette position-là, on tient à vous le dire - mais
permettre en même temps qu'une partie de la caisse de retraite soit
retournée en espèces à l'employeur, en cours d'existence
d'un régime? Pour nous, il y a une contradiction, là. Je le
répète, nous sommes d'accord avec l'orientation qui dit que les
régimes complémentaires de retraite doivent prendre plus de
place, mais, si c'est le cas, il ne faut pas introduire des mesures qui font en
sorte qu'on n'arrivera pas à les bonifier. Or, effectivement, la mesure
proposée, à notre avis, peut faire en sorte qu'on a moins de
moyens pour bonifier nos régimes.
Les régimes de retraite que, nous, on analyse ou on
négocie à la CSN, eh bien, c'est quotidien ce travail-là,
je vous assure. On a plus de 2000 syndicats de base et, donc, on a des
centaines de régimes qui, d'après nous, ont besoin de toutes les
sommes investies dans leur caisse pour arriver à procurer aux
participants, à nos membres en l'occurrence - pas exclusivement à
nos membres, mais à nos membres - un revenu de retraite un tant soit peu
adéquat. Donc, on va s'opposer effectivement à tout retrait en
espèces des excédents puisque, à notre avis, ça a
finalement pour effet de détourner les sommes de leur finalité
première - ce pourquoi les caisses et les régimes de retraite
existent - et de détériorer uitimement la possibilité
d'améliorer nos régimes, parce que ça prend beaucoup
d'efforts de la part de tout le monde pour améliorer nos
régimes.
Bon, on voit qu'on a aujourd'hui plus d'intérêt,
c'est-à-dire que les travailleurs et les travailleuses vont plus
facilement qu'autrefois dire: Oui, il nous faut un régime. Oui, on en
veut un. Et, peut-être parce qu'il y a 20 ans ou 25 ans les gens
voulaient avoir tout de suite l'argent dans leurs poches, aujourd'hui, c'est
beaucoup moins difficile de les convaincre. Mais se doter d'un bon
régime, ça prend du temps et, à chaque négociation,
ça impose, pour les personnes concernées, des choix à
faire. Est-ce que les cents et les dollars vont aller là ou ailleurs?
Alors, si, d'un seul coup, ces gens-là voient qu'il y a des sommes qui
peuvent être détournées du régime, je pense qu'on
s'éloigne de ce pourquoi on travaille de façon commune, en
principe.
On craint vraiment et sincèrement, si cette mesure était
introduite, que ça affecte grande- ment la crédibilité des
régimes aux yeux des participants. Ça, je pense que c'est un
"pensez-y bien". M. le ministre lui-même - et c'est dans le document de
consultation - dit bien que la santé financière des
régimes va être déterminée par le degré de
confiance des travailleurs dans ce type de régime là, dans ces
régimes. Et nous, on est tout à fait d'accord avec vous. Et on a
appuyé le ministre lorsque, dans la proposition de la loi 116, il a
insisté sur la nécessité de la consultation des
participants, de la transparence des régimes. Or, si on vient
introduire, par la porte d'en arrière, des mesures qui font en sorte
qu'on puisse, comme ça, détourner des sommes de leur
finalité, on craint beaucoup pour la crédibilité
auprès des participants.
L'une des questions qui revient constamment de la part de nos
syndiqués - et ça, c'est clair, quand on fait une
assemblée syndicale - c'est: Est-ce que le patron peut se servir de cet
argent-là? Est-ce qu'il y a des façons pour le patron de prendre
cet argent-là pour autre chose? C'est une question qui revient
systématiquement quand on parie avec les gens. Qu'on soit simple
conseillère ou conseiller syndical, qui a à travailler avec les
gens, ou officier de syndicat, ou l'actuaire quand elle est appelée
à y aller, c'est la première question. Cette question-là
revient constamment parce qu'il n'est pas facile, surtout là où
les salaires ne sont pas élevés, de convaincre les gens qu'il
faut mettre de l'argent dans leur fonds de pension, dans leur régime de
retraite. Alors, il y avait des mesures qui protégeaient ça; si
on introduit de nouvelles mesures qui ne nous permettent plus de leur assurer
ça, eh bien, on risque d'avoir des changements de comportement dans les
choix des travailleurs et des travailleuses. Ça, nous le craignons. Ils
pourraient peut-être avoir moins de volonté d'investir dans les
régimes complémentaires de retraite. Je demande au ministre et
aux membres de la commission parlementaire de réfléchir vraiment
à cette dimension importante de la chose.
En plus, la formule d'allocation proposée pour partager les
excédents d'actif entre les participants et l'employeur, à notre
avis, non seulement ne respecte pas la réalité du salaire
différé dont j'ai parié plus tôt, mais, aussi, cette
formule fait en sorte qu'un employeur qui suspend le versement de ses
cotisations peut profiter doublement des surplus. En effet, selon la
façon dont la proposition nous est faite, l'employeur peut faire une
économie de cotisations à l'aide des surplus et, d'autre part,
ces cotisations économisées lui sont créditées pour
établir sa part des surplus sujets à distribution.
En ce qui concerne la suspension des cotisations, la suspension
unilatérale par l'employeur du versement de ses cotisations continue de
recevoir, finalement, l'aval du gouvernement, pourvu que le texte du
régime ne l'interdise pas. Bien, il est à prévoir... Il
est bien difficile pour
les participants - et ça, c'est d'expérience qu'on vous le
dit - de faire modifier maintenant les dispositions des régimes pour
interdire une pratique qui n'était pas interdite auparavant. Et
ça, dans certains cas, ça a été fait à leur
insu. Donc, dans les régimes où ça ne serait pas
nommément, explicitement prévu, s'il y a une disposition
législative qui vient dire qu'ils peuvent le faire à moins que le
régime ne le prévoie, on peut raisonnablement s'attendre à
beaucoup de difficultés à changer les régimes qui ne le
prévoyaient pas. Par conséquent, ça va devenir pratique
courante.
On dit dans vos documents de consultation qu'un régime de
retraite, c'est un contrat entre un employeur et ses employés.
Ça, on souscrit à ça. On souscrit à ça, mais
est-ce qu'on peut parler d'un contrat lorsqu'une des deux parties pourra, de
façon unilatérale, poser ce genre de geste? Pour nous, je pense
que ça ne respecte pas l'esprit contractuel. Et, je le
répète, pour les régimes qui ne prévoient pas cette
suspension de cotisation, s'il y a un texte législatif qui vient dire
qu'ils peuvent le faire, eh bien, le rapport de force permettant de changer
ça va être pas mal plus difficile qu'aujourd'hui, M. le ministre.
Mais est-ce qu'il n'est pas plus simple de dire: Oui, peut-être qu'ils
pourront le faire, mais il faut qu'il y ait accord entre les deux parties
contractantes pour le faire? Il me semble que ça serait beaucoup plus
proche de la philosophie du contrat que de permettre à une partie de le
faire, à moins que ça soit écrit dans le contrat.
En ce qui concerne les régimes de fin de carrière, c'est
un des éléments que nous voulons porter à votre attention.
Les excédents d'actif - il y en a - ne sont pas seulement un
phénomène conjoncturel, mais structurel. Et, de ce fait, et parce
que, souvent, les sommes en jeu sont importantes, il est extrêmement
important pour nous que, vous, législateurs, protégiez, en cas de
liquidation de régime, la promesse de rentes faite aux participants
visés. On sait que, dans ce type de régime, tous les calculs sont
faits en fonction d'un autre type de projection et que, lors de la liquidation
de tels régimes, la législation actuelle permet de baser les
rentes sur le salaire courant à la date de liquidation plutôt que
sur le salaire projeté à la date présumée de la
retraite. Cela peut représenter une réduction de 40 % à 60
% des rentes promises, ce qui dégage des excédents substantiels
qui, souvent, reviennent à l'employeur. Sauf s'il en est
empêché par convention, l'employeur peut légalement mettre
fin au régime en tout temps. La proposition gouvernementale, à
notre avis, néglige complètement cette question aux
répercussions fort importantes pour plusieurs régimes et
participants.
Enfin, sur l'indexation des rentes après la retraite, le
gouvernement demeure encore muet sur cette question. Nous sommes
déjà venus devant M. le ministre, en commission parlementaire,
pour demander que soient introduites des mesures à cet effet. Si la
protection du pouvoir d'achat des retraités est laissée,
finalement, à l'initiative de chaque régime, il nous
apparaît encore plus important, plus crucial que vous vous assuriez qu'au
cours de la période de vie active de chaque participant les fonds
investis dans la caisse de retraite - ce sont les cotisations et les revenus de
placement - servent exclusivement à la constitution du meilleur revenu
de retraite possible. Là, finalement, on n'a aucune garantie sur
l'indexation; alors, on y va régime par régime,
négociation par négociation. D'un autre côté, que la
législation ne vienne pas nous garantir que tout doit être investi
dans les régimes, eh bien, on pense, encore là, qu'il y a une
contradiction.
Je vous rappelle, en conclusion, que, pour nous, toutes ces sommes,
qu'elles proviennent des contributions des employeurs ou des travailleurs, sont
toutes des formes de salaire différé, choisies et consenties par
les travailleurs et les travailleuses, en place et lieu d'autres types
d'augmentation salariale. En se donnant de bons régimes de retraite, les
travailleurs et les travailleuses s'assurent, non seulement un meilleur revenu
à la retraite, mais, par conséquent, assurent à toute la
société moins de pression sur les autres éléments
qui composent notre système de sécurité du revenu. Ceci
coûte éventuellement moins cher à la société
parce que, tout le long de leur vie active, ils ont décidé de
mettre de l'argent, et de le mettre là, et pas ailleurs.
Je pense que, pour ça, ils méritent d'être
protégés dans leur choix puisque ce n'est pas seulement
eux-mêmes qu'ils aident, mais c'est toute la société qu'ils
aident, aussi en même temps, et que ces surplus-là leur
appartiennent. Et, ne pas le faire, finalement, c'est comme leur enlever de
l'argent qui leur appartient. Si je décide de mettre le dollar sur le
salaire immédiat, l'employeur va le payer, il va être
obligé de le payer et de continuer à le payer. Mais, dans le
même sens, s'il le met dans un régime de retraite, il faut qu'il
reste là.
Et nous voulons, en conclusion, vous dire que beaucoup des principes
énoncés correspondent à ceux auxquels nous souscrivons, M.
le ministre. C'est seulement dans la pratique qu'on voit qu'il y a des
contradictions. On ne comprend pas les mesures pratiques que vous proposez, qui
viennent, en quelque sorte, contredire les principes énoncés.
Alors, ça conclut notre présentation, avec un petit ajout qui
nous inquiète. Dans votre document, on parle de portée
rétroactive, évidemment, sur un certain nombre de régimes.
On a beaucoup de questions à cet effet, et, notamment, au sujet d'une
disposition qui ferait en sorte que seraient jugés d'avance tous les
cas, même ceux qui sont inscrits actuellement devant les tribunaux.
Là, on
se questionne effectivement sur la légalité de ce type de
mesure. je parlais du cas de simonds parce que c'est un cas csn qui est
peut-être publiquement très connu, comme celui de la singer, entre
autres. mais le gouvernement le sait, nous sommes devant les tribunaux dans le
cas de la simonds. nous sommes devant les tribunaux depuis maintenant
près de trois ans. c'est extrêmement long, vous le savez.
ça va être une procédure longue, comme elles le sont dans
ces cas-là, mais on s'inquiéterait de voir qu'une
législation, si elle était adoptée, viendrait, à
toutes fins pratiques, annuler le recours juridique qui a été
entrepris. on vous pose la question et on se questionne sur la
légalité de ce genre de mesure. on a consulté,
évidemment, les juristes au dossier qui nous ont demandé,
effectivement, de vous transmettre cette inquiétude, et également
sur les portées rétroactives. alors, en conclusion, je pense
résumer la position de la csn en ce qui concerne le document
gouvernemental. merci.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Simard. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait toujours plaisir
de rencontrer les gens de la CSN, et en particulier Mme Simard qui plaide
toujours ses causes avec beaucoup d'éloquence. Je dois dire qu'il s'agit
d'un excellent mémoire. Je ne le dis pas pour vous faire plaisir,
là, mais c'est un des bons mémoires qu'on a reçus à
l'occasion de cette commission. Ce n'est pas étonnant puisque vous
attachez une importance de plus en plus grande à ce dossier des fonds de
pension. Je le sais pour en avoir discuté avec des gens chez vous, pour
vous avoir même rencontrée à l'occasion pour discuter de
ces dossiers-là. Donc, la CSN a une bonne connaissance, on le
reconnaît, de ces affaires-là, et beaucoup d'intérêt
dans les dossiers, je dois le dire aussi.
Maintenant, vous parlez beaucoup du principe du salaire
différé. Vous nous dites: Les excédents d'actif, c'est du
salaire différé. Les sommes d'argent qui sont mises dans les
fonds de pension... Les travailleurs, lors de discussions, de
négociations, ont fait des sacrifices sur le plan salarial pour
privilégier la constitution d'un fonds de pension; donc, s'il y a des
surplus, ça devrait revenir aux travailleurs. Moi, pour avoir fait un
peu de logique dans ma vie, je sais que, quand j'accepte les prémisses,
j'ai de la difficulté à réfuter les conclusions. Et, si on
accepte que c'est, effectivement, en totalité du salaire
différé, on aurait de la difficulté à ne pas dire
que ce salaire-là appartient aux travailleurs. (16 heures)
Mais, le problème qui se pose, c'est que les surplus qu'on a
présentement, ce sont des surplus qui se sont dégagés
à partir de la situation qui a prévalu depuis 20 ans au
Québec; enfin, depuis la constitution de l'ancienne Loi sur les
régimes supplémentaires de rentes, qui était
drôlement différente de celle qu'on connaît maintenant,
étant entendu que la nouvelle loi est beaucoup moins susceptible de
générer des surplus que l'ancienne.
Or, je ne suis pas convaincu que la CSN se préoccupait beaucoup
des fonds de pension il y a 20 ans, ou même les travailleurs, d'ailleurs.
Je ne veux pas seulement parler de la CSN, là. Les travailleurs
québécois, il y a 20 ans, il y a 15 ans, il y a 10 ans, lors de
négociations collectives, parlaient très peu de fonds de pension
avec leurs employeurs. D'ailleurs, lors de mes discussions-rencontres avec les
employeurs, je me le fais souvent dire, ça: Nous, pendant de nombreuses
années, on rencontrait des travailleurs et on leur disait:
Écoutez, soyez un petit peu moins exigeants dans vos revendications
salariales, on voudrait en mettre sur le fonds de pension. Je cite les
employeurs; je ne dis pas que j'en fais ma thèse à moi. Et les
employeurs disent: On se faisait répondre: Nous, ce qui nous
intéresse, c'est du salaire. Les fonds de pension, on verra ça
plus tard.
Et, aujourd'hui, on nous dit: C'était du salaire
différé depuis toujours. Moi, j'ai de la difficulté
à accepter qu'on puisse prétendre que les excédents
d'actif, c'est, en totalité, du salaire différé alors que,
manifestement, les travailleurs n'ont jamais négocié ça
avec leurs employeurs il y a 20 ans, il y a 15 ans, il y a 10 ans. Ça ne
faisait pas partie des préoccupations et je dois même dire que
plusieurs dirigeants syndicaux m'ont avoué que c'est assez
récent, l'intérêt des syndicats pour les fonds de pension
lors des discussions de renégociation collective.
Je ne dis pas qu'il n'y avait pas un intérêt avant, mais
l'intérêt n'était peut-être pas suffisant pour en
faire des sujets très chauds de discussion lors des négociations.
Donc, tout ça pour dire - et je conclus avec ça - comment
prétendre que la totalité des excédents d'actif qu'on
connaît présentement, qui résultent d'un système qui
date de 20 ans, est du salaire différé, alors que ça n'a
même pas été discuté lors des négociations
collectives? Il faudrait au moins que les parties aient compris que
c'était ça, entre elles. Mais, si elles n'en discutaient pas
comme tel, on ne peut peut-être pas vraiment affirmer ça aussi
catégoriquement que vous le faites.
Le Président (M. Joly): Mme Simard.
Mme Simard: Oui. M. le ministre, vous dites d'une part que, quand
un employeur met de l'argent dans un fonds de pension,
généralement, il ne le fait pas pour faire un cadeau aux
travailleurs. Il peut préférer l'investir dans un fonds de
pension plutôt que dans le salaire immédiat de la
rémunération hebdomadaire, ou horaire, ou sur des vacances ou
autre chose.
Mais, pour lui, c'est un tout. Pour chaque semaine, pour chaque heure ou
pour chaque année, il veut en mettre tant pour chaque
employé. Et c'est ce qu'on appelle la rémunération
globale.
Et pour lui, s'il ne le met pas sur un fonds de pension, il va le mettre
sur autre chose. Ou, s'il le met dans un fonds de pension, il n'en donnera pas.
Et, quand je dis qu'il y a un intérêt croissant de la part des
syndicats ou des syndiqués, c'est que de plus en plus ils en veulent,
des régimes. Mais ceux qui ont des régimes depuis 10, 15, 20 ans,
c'est parce que, généralement, ils ont décidé
qu'ils en voulaient.
Moi, j'ai travaillé dans le secteur des pâtes et papiers,
II y a maintenant plus de 15 ans. Je peux vous dire que ces
travailleurs-là voulaient des régimes de retraite, ils avaient
des régimes de retraite, et il y avait des négociations
très ardues et des choix difficiles à faire à ce
moment-là. C'est évident que, quand on a une main-d'?uvre
plus jeune, en général, les gens vont être peut-être
moins immédiatement prêts, concernés ou
intéressés par un régime de retraite. Aujourd'hui, parce
qu'on a une main-d'oeuvre vieillissante, parce qu'on a un taux de chômage
extrêmement élevé, parce qu'on sait que c'est difficile
parfois de se replacer, on va voir qu'il y a peut-être un
intérêt généralement plus répandu à
avoir de bons régimes de retraite.
Il faut faire attention. Il y a 20 ans, il y en avait quand même
qui en voulaient. Et, pour les employeurs, ça a toujours fait partie de
la rémunération globale. Je n'ai jamais entendu un employeur me
dire que c'était un cadeau qu'il faisait sans que personne ne l'ait
demandé et qu'il ne calculait pas ce qu'il mettait dans un régime
de retraite. Ils ont toujours compté ça dans la
rémunération globale, et c'est dans ce sens-là que c'est
du salaire différé, parce que, de dire: Mol, je mets 0,15 $, je
mets 0,25 $, parfois, c'étaient des montants qui n'étaient pas
très élevés, mais c'était tant de moins sur les
salaires. Parfois, on se faisait carrément dire: Si vous en voulez plus,
on va arrêter l'autre. Nous, ce qu'on dit, c'est que ces sommes-là
doivent être investies pour que les régimes s'améliorent.
C'est ça, le sens de notre proposition. Ou, s'il peut y avoir
congé de cotisation ou autre chose, on peut le considérer; on n'a
pas fait d'absolu, nous, dans notre présentation, dans notre
mémoire. On dit qu'il y a un certain nombre de choses qui peuvent
être gardées, techniquement, pratico-pratiques; mais respectons
cependant une chose, c'est que c'est un contrat. Il va falloir qu'il y ait
accord des deux parties.
Alors, c'est effectivement la prémisse de notre proposition et de
notre orientation. C'est vrai, vous l'avez dit, si elle n'est pas
acceptée, ça pose des problèmes après. Mais, moi,
j'ai toujours compris, de la part du ministre, qui a effectivement
modifié de façon assez substantielle notre système au
Québec, que, pour lui aussi, c'était du salaire
différé que l'investissement. Comme ministre de la
Sécurité du revenu, je pense qu'on en a déjà
discuté avec vous. Comme vous le dites, on sait combien c'est important
pour empêcher des pressions supplémentaires sur notre
système public qui, vous le savez, n'est pas nécessairement en
très bon état. Il y a, quoi, 900 000 000 $, à peu
près, de surplus. Si ces 900 000 000 $ doivent demeurer dans les
régimes, je ne peux pas croire qu'on n'aura pas de meilleurs
régimes. Si, à chaque terminaison, les employeurs peuvent s'en
aller avec la caisse, je ne sais pas combien de millions et je ne sais pas
où ils vont s'en aller avec ça. Premièrement, ça ne
donnera rien aux participants et, deuxièmement, ça ne donnera
rien non plus au Québec. Et ça va faire en sorte qu'on n'arrivera
pas à améliorer collectivement notre situation, ni par
sous-groupes, ni collectivement.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Bourbeau: Écoutez, là, je veux qu'on se
comprenne bien. Moi, je suis celui qui a gelé les excédents
d'actif des fonds de pension parce que certains employeurs se sauvaient avec
les caisses. Je suis celui qui propose maintenant de faire en sorte que ces
sommes d'argent soient distribuées d'une façon équitable.
Je ne voudrais pas qu'on pense que je suis en train de travailler contre
l'intérêt des travailleurs, au contraire. Avant que je me
mêle de ça, les systèmes étaient pas mal plus...
nuisaient beaucoup plus à l'intérêt des travailleurs.
L'ancienne loi, que j'ai rénovée, que j'ai
réformée, faisait en sorte que, finalement, les travailleurs
n'étaient pas très protégés.
Mme Simard: C'est ce que j'ai dit. Je le sais que c'est ça
que vous voulez...
M. Bourbeau: Là-dessus, je veux bien prendre des critiques
et des leçons, mais je suis plutôt le champion - je peux dire
ça - je suis presque le champion des droits des travailleurs dans le
domaine des pensions parce que, si je ne m'en étais pas
mêlé, le système s'en allait pas mal "sur la bomme", comme
on dit.
Mme Simard: Mais tout ce que j'ai dit, M. le ministre, justement,
c'est pour ça qu'on est étonnés parce que, sur les
principes énoncés, on est d'accord. C'est juste sur la conception
du partage équitable que, là, on se comprend peut-être
moins. Nous, on dit qu'il faut prendre effectivement ces sommes-là et
bonifier nos régimes. Là, je sais que vous êtes d'accord
avec ça, qu'il faut avoir de meilleurs régimes, parce que vous
êtes aussi... C'est vous le responsable des régimes publics et
vous savez qu'il ne faut pas avoir trop de pression là-dessus;
vous-même l'avez dit. En ce qui concerne les surplus, au moment du
moratoire, effectivement, on était
heureux que vous preniez cette décision-là, et on vous l'a
dit. Évidemment, on attendait avec impatience le document de
consultation du gouvernement.
Tout ce qu'on essaie d'exposer aujourd'hui, c'est que ce partage, qui
est qualifié comme équitable, ne nous apparaît pas comme
équitable, tout simplement, et qu'il y a d'autres solutions. Et, dans le
cas de certaines modalités, par exemple, de suspension de cotisation, on
n'a pas dit, nous, qu'on était totalement contre. On a juste dit qu'il
faudrait que ce soit mutuellement agréé pour respecter l'esprit
contractuel qui est celui, finalement, des régimes de retraite.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Bourbeau: Là-dessus, vous dites dans votre rapport,
à la page 14: "La loi ne doit ni permettre, ni interdire les
congés de cotisation mais elle doit plutôt exiger que les
dispositions d'un régime permettent explicitement de tels congés
si telle est l'entente entre les parties." C'est ce que vous venez de dire.
Mme Simard: Voilà. Exactement.
M. Bourbeau: "La loi ne doit ni permettre, ni interdire..."
Pourtant, à ia page 9, vous dites: "La loi doit permettre à
l'employeur de récupérer les sommes supplémentaires qu'il
a dû débourser pour amortir le déficit de
solvabilité. Elle doit prévoir que les excédents d'actif
dégagés subsé-quemment reviennent en priorité
à l'employeur, sous forme de congés de cotisation, à
concurrence des versements d'amortissement qu'il a effectués". Il me
semble qu'il y a une certaine contradiction là-dedans, parce que la loi
ne peut pas, à la fois permettre à l'employeur de prendre
congé de cotisation dans certains cas, ni permettre ou interdire les
congés de cotisation. Il y a comme une contradiction, là. Comme
disait M. Francoeur, ou bien une femme est enceinte, ou elle ne l'est pas. Je
cite l'article dans Le Devoir, là. Ici-Une voix: Ça
l'a marqué.
M. Bourbeau: Ha, ha, ha! Non, c'est parce que c'est le
député de Pointe-aux-Trembles qui l'a cité, alors... Moi,
je dis ceci: Vous suggérez dans votre mémoire, enfin, je ne veux
pas relever trop trop de contradictions, mais vous suggérez que, dans
certains cas, on puisse... Vous dites, d'une façon
générale: Ça devrait être neutre, et les parties
devraient décider si l'employeur pourra ou non et à quelles
conditions. Vous dites également que, dans un cas précis,
l'employeur pourrait prendre congé de cotisation; ça pourrait
être dans la loi, même, s'il a dû intervenir, disons, dans
des périodes difficiles, et faire des investissements dans le fonds pour
amortir des déficits de solvabilité.
Donc, là, on dit: Dans ces cas-là, il pourrait prendre
congé de cotisation pour aller chercher son argent.
Mme Simard: Bon, il s'agit d'un cas d'exception. Johanne pourra
répondre de façon plus explicite. La règle
générale, effectivement, c'est qu'il faut qu'il y ait
consentement des deux parties. Johanne?
Mme Bérard (Johanne): Bon, en fait, justement, il n'y a
pas de contradiction, comme Monique, Mme Simard, le dit. Finalement, la
position de base, c'est effectivement que les congés de cotisation
devraient être régis par une entente entre les parties. Sauf que,
étant donné qu'il y a un risque, on peut le quantifier - minimal,
moins minimal - mais il y a possiblement un risque de déficit
imprévu dans le régime. À ce moment-là, le
mécanisme qu'on a trouvé et qu'on considère
équitable pour les deux parties, c'est de dire que, après coup,
une fois que l'employeur qui, au sens de la loi, est responsable de ces
déficits imprévus aura épongé ledit déficit,
il peut compenser à même les surplus. Mais, bon, la façon
d'utiliser ces surplus, ce sont des congés de cotisation. Il n'y a
aucune contradiction, finalement. C'est un cas d'exception, mais qui doit
être dans la loi parce que, effectivement, ça répond
à une situation très concrète que vivent les
employeurs.
Le Président (M. Joly): Je vous reconnais une
dernière question, M. le ministre.
M. Bourbeau: Ça fonctionne bien, ce que vous dites
là, quand les parties négocient, et surtout quand la CSN est
là pour protéger ses travailleurs, ce qu'elle fait très
bien...
Mme Simard: Merci, M. le ministre.
M. Bourbeau: ...mais qu'est-ce que je fais dans le cas des
travailleurs non syndiqués? Vous savez qu'il y en a pas mal, au
Québec, qui n'ont pas de représentants, eux, et qui ne
négocient pas. Ils s'engagent chez un employeur, ils viennent s'engager,
et ça devient un contrat d'adhésion. Tu viens travailler pour
moi, il y a un fonds de pension, ça fait partie des conditions de
travail. Et le travailleur adhère au fonds de pension; c'est une
condition de son travail, de son engagement. Alors, à ce
moment-là, il n'y en a pas, de négociations, qui se passent. Si
la loi est muette, comment va-t-on régler le problème?
Mme Simard: Un, tous ces gens-là sont évidemment
bienvenus à la CSN. On a encore de la place pour...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Simard: Je peux vous l'assurer...
M. Bourbeau: Oui, je m'en doute bien.
Mme Simard: ...avec des gens extrêmement compétents
pour les aider avec leur régime. Ceci dit, il y a des comités de
participants au régime de retraite, là. Même dans les
endroits syndiqués, quand ils sont embauchés, s'il y a un
régime de retraite, ils n'ont pas le choix, ils y adhèrent. Puis,
il y a des comités; une des choses positives de la loi 116, c'est, entre
autres, de les avoir mis sur pied.
Ce qu'on dit, c'est qu'il y a... Toute la logique de l'argumentation
patronale est souvent fondée sur le risque: Nous devons, nous avons
l'obligation d'absorber le risque, bon. Alors, on dit: Essayons de voir ce
risque; qu'est-ce que c'est réellement, le beau risque? Est-ce que c'est
un risque si important, ou pas? Ce dont on se rend compte, c'est que, dans les
faits, oui, parfois il y en a, des déficits; mais, ce qu'on voit, ce
sont des déficits qui ont été prévus, puis, bon,
qui ont été, finalement, causés par des mesures
rétroactives. Vraiment, les déficits imprévus, on constate
que c'est peu, finalement. Et là on dit: II faudrait établir une
modalité pour, effectivement, voir à ce que les employeurs, dans
ce cas-là, puissent trouver, finalement, une forme de protection.
Ça, c'est une chose. On dit: Ça devrait être
consigné dans la loi que, pour les risques imprévus, il puisse y
avoir des modalités, finalement, de compensation. Mais, finalement, ce
qu'on ne veut pas, c'est que l'employeur soit un peu juge et partie,
c'est-à-dire qu'il décide par lui-même qu'il suspend ses
cotisations. Je pense que c'est ça, l'esprit. (16 h 15)
Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître M. le
député de Pointe-aux-Trembles, parce que, là, vous
marchiez encore sur le temps de M. le ministre, puis ça avait un effet
de débordement que, moi, je n'aurais pas pu contrôler à la
fin. Alors, c'est pour ça, des fois, dans la question...
J'apprécierais que la réponse puisse peut-être...
Mme Simard: Excusez-moi.
Le Président (M. Joly): ...être un peu plus concise,
s'il vous plaît. M. le député de Pointeaux-Trembles, s'il
vous plaît.
M. Bourdon: Alors, M. le Président, je voudrais d'abord
ajouter ma voix à celle du ministre pour féliciter la CSN de son
mémoire. Le mémoire est rédigé d'une façon
compétente et responsable. J'aime en particulier ce que vous dites des
risques financiers encourus par les employeurs parce qu'il faut bien se rendre
compte que ça peut arriver et, à cet égard, nous, de
l'Opposition officielle, on est entièrement d'accord avec votre
thèse. Il s'agit d'une contribution de l'employeur, qui est du salaire
différé. Quand il y a un syndicat, c'est formalisé; quand
il n'y a pas de syndicat, je ne peux pas croire que l'employeur ne regarde pas
où il met son argent. Et même quand il n'y a pas de syndicat, pour
attirer et retenir de la main d'oeuvre, il en met, de la
rémunération différée dans une caisse de retraite,
parce que c'est une condition de travail parmi d'autres qu'il donne.
Maintenant, dans le fond, la thèse qu'il n'y a pas de salaire
différé, elle équivaut quasiment à dire: Ce n'est
pas une contribution que l'employeur prend, c'est un risque qu'il prend au
même titre que quand il joue en Bourse et, donc, il faut qu'il puisse
faire du profit avec ça quand un profit se manifestera. Je pense, M. le
Président, que le ministre a tort de dire que je dis n'importe quoi. Il
viendra dans Pointe-aux-Trembles en discuter, s'il le veut. Le monde ordinaire
sait ce que je veux dire.
Ce que la CSN dit dans son mémoire, c'est que, si l'employeur
subit un déficit non prévu, il pourrait se rembourser à
même un congé de cotisation. L'esprit général de
votre mémoire, aussi, c'est que vous dites: Un contrat, ça se
fait à deux. Donc, il faut qu'il y ait un esprit contractuel introduit
au coeur de la loi, ce que, d'ailleurs, le ministre a déjà fait
dans la loi 116 en disant qu'il y avait une transparence par un comité
de caisse de retraite, choisi parmi les employés, pour s'occuper des
questions qui en émanent. Il s'agit, à ce moment-là, de se
rembourser et non pas d'aller chercher, après ça, des
excédents. Sans compter que les excédents, les travailleurs
ordinaires soupçonneront toujours que l'actuaire, n'étant pas de
la CSN - je parle de l'actuaire qui conseille la plupart des régimes; il
n'y a qu'un actuaire, à ma connaissance, à la CSN, puis il y a
quelques personnes au Québec qui gagnent leur vie avec le métier
d'actuaire - que l'actuaire est peut-être, vis-à-vis de
l'employeur, ce qu'un médecin, des fois, est vis-à-vis de
l'employeur, c'est-à-dire que son jugement professionnel est
légèrement teinté par la personne qui le paie et que,
donc, il y a de faux surplus, des surplus comme planifiés puis
organisés pour pouvoir piger dans la caisse. Et vous avez raison de
souligner dans votre mémoire que la confiance des gens dans le
régime est un élément tout à fait capital.
On me permettra - j'espère, M. le ministre, que ça ne fera
pas l'objet de vos moqueries - dans le cas de
Télé-Métropole, les techniciens, quand je les ai connus
à 30 ans, n'étaient pas chauds pour la caisse de retraite. Quand
ils ont "pogné" une moyenne d'âge de 40 ans et qu'ils ont vu Mme
Bérard avec moi pour parler de leur régime de retraite,
là, ça les intéressait, mais ils voulaient savoir: Est-ce
que notre patron pige là-dedans? Parce que, à l'époque,
ils disaient, M. le ministre: Le patron, il nous a tout fait dans la vie.
Alors, il doit avoir pigé dans notre fonds de pension. Et je me rappelle
l'actuaire qui est devant nous, qui, après étude, a dit: Le
patron n'a jamais pigé dans votre caisse de retraite; elle est
administrée
honnêtement, mais il n'y a pas assez de contributions de
l'employeur puis des employés pour lui faire donner des résultats
intéressants. L'employeur vous dit qu'il est prêt à
différer du salaire puis à en mettre plus dans la caisse de
retraite, ce qu'il va mettre en moins sur vos augmentations de salaire. Bien,
à ce moment-là, ils ont dit oui. Puis la démarche, je
pense, est allée de l'avant à bien des égards, et je tiens
à répéter que l'actuaire que j'avais vue cette
fois-là ne leur a pas dit: II y a des choses effrayantes. Elle a dit:
C'est un fonds qui a de l'allure; si vous voulez plus de
bénéfices, il va falloir, de quelque manière, que vous
renonciez à des augmentations de salaire pour en mettre plus dedans.
Maintenant, l'intérêt pour les caisses de retraite n'est
pas d'hier. Le président de la Régie était à
l'Association de bienfaisance des policiers de la Communauté urbaine de
Montréal avant et, eux, s'intéressent à leur fonds de
pension qu'ils administrent eux-mêmes depuis à peu près 25
ans. Et ça fait depuis 1892 qu'ils s'intéressent à la
question. À cet égard-là, M. le Président, je pense
que le président de la Régie a dû vivre, comme moi, les
événements douloureux de 1837 aussi.
Le Président (M. Joly): Si vous vouiez, on va se retirer;
on ne parle plus le même langage. On n'est plus de cette
génération-là.
M. Bourdon: et 1980, à côté de 1837,
c'était de la petite bière. un peu, m. le président, comme
les coupures de 1982, avec lesquelles j'étais en total désaccord,
étaient peut-être de la petite bière à comparer
à ce qui vous pend au bout du nez. le ministre dit, dans son
document...
Le Président (M. Joly): ...la pertinence, s'il vous
plaît!
M. Bourdon: ...ah, M. le Président, je reviens rapidement
à la pertinence. Dans le document, le ministre dit, et je cite: "Le
régime complémentaire de retraite constitue, pour des milliers de
personnes salariées, un instrument d'épargne
privilégié destiné à leur assurer à la
retraite un niveau de vie comparable à celui qu'elles ont connu
jusqu'alors, il est donc essentiel que les salariés aient pleinement
confiance en ces régimes, et que les employeurs soient invités
à maintenir ceux qui sont en place et à en créer de
nouveaux." Fin de la citation.
Et je pense, M. le Président, que les représentantes de la
CSN ont raison de dire: On n'est pas en désaccord avec vos
énoncés de principe, mais le document du ministre - je sais que
je me répète; je pense que Mme Simard n'y était pas ce
matin - ça ressemble au congrès de la fin de semaine. Ça
commence bien, mais ça finit mal. Et, à cet égard, il
faudrait qu'on tienne compte, si les salariés apprennent que l'employeur
peut encaisser des surplus dans les régimes, que leur confiance va s'en
trouver entachée. Moi, ça m'apparaît une
évidence.
Je voudrais ajouter, M. le Président, qu'il y a deux points que
Mme Simard à mentionnés, et, ce matin, le Barreau disait à
peu près la même chose, dans les mêmes termes. Le Barreau
disait: N'oubliez pas qu'une caisse de retraite, c'est un contrat; et, dans
votre document, vous permettez à une seule partie de modifier le
contrat. Et, là-dessus, c'est parfaitement en accord. Le Barreau
ajoutait aussi que les cas devant les tribunaux ne devraient pas être
traités de telle façon, dans une loi éventuelle, qu'on
donne comme une amnistie à Simonds et à d'autres. Je pense qu'il
ne faut pas être simplistes et dire que le Barreau ne défendait
que les honoraires des avocats en cause. Je pense que ce n'est pas la question
en cause. La question, c'est: Est-ce qu'on fera une loi qui donnera aux
employeurs des droits rétroactifs de piger dans la caisse de retraite?
Et, M. le Président, sur la question de fond, nous, on est d'accord avec
la CSN que toute...
M. Bourbeau: On est de la CSN.
M. Bourdon: Non, M. le Président, là-dessus, je
n'aime pas ça quand le ministre me lance des choses comme ça,
parce que je viens de la CSN. J'ai déjà dit la fierté que
j'en éprouve, mais j'ai été élu par la population
de Pointe-aux-Trembles. Et, si l'élection dans un comté est la
mère de toutes les batailles, pour prendre des expressions
récentes, eh bien, le ministre peut toujours venir dans
Pointe-aux-Trembles voir qui sortirait gagnant de la mère de toutes les
batailles. Ce n'est pas la CSN qui m'a élu, ce sont les citoyens de
Pointe-aux-Trembles, en majorité syndiqués, d'ailleurs.
Une voix: ...la mère de toutes les détaites.
M. Bourdon: Non, c'est Maisonneuve qui a été la
mère de ma seule défaite. Or, M. le Président, ne nous
lançons pas de défis et de missiles Scud qui risqueraient de ne
pas se rendre. M. le Président, je trouve que, dans le mémoire de
la CSN, il y a aussi d'autres éléments qui ont de l'importance,
par exemple: Peut-on accepter de continuer à avoir un régime
où l'employeur peut, unilatéralement, mettre fin à une
caisse de retraite? Je l'ai mentionné ce matin, aux États-Unis,
pendant la crise de 1982, il y a des actuaires qui disaient aux entreprises:
Abolissez votre caisse de retraite et vous allez vous financer à
même les surplus. Et c'est ça, la question de fond qui est
posée. Est-ce qu'on va permettre que des centaines de millions soient
retirés des régimes complémentaires de retraite, alors
qu'on sait aussi que les contribuables vont payer en termes des
différents régimes de sécurité du revenu?
Et une question que je poserais à la CSN: Est-ce que vous
êtes d'accord avec Jean Fran-coeur du Devoir, pas dans la partie
où il disait que le ministre avait un titre frauduleux à son
document parce que ce n'était pas un partage équitable des
excédents d'actif, mais la partie où il disait: II faut lever le
moratoire, ne rien faire et laisser les parties négocier et les
tribunaux intervenir au besoin? Est-ce que ça vous apparaît une
avenue convenable?
Le Président (M. Joly): Mme Simard.
Mme Simard: Non, bien non, c'est-à-dire que non.
D'ailleurs, notre mémoire le dit. Nous, on propose l'introduction d'un
certain nombre de mesures. Alors, je pense que, là-dessus, je suis venue
le dire, il y a des modalités à établir dans certaines
circonstances et pour prévoir certains cas. Donc, ce n'est pas du tout
l'esprit de notre mémoire. On est seulement venus rappeler ce que nous
croyons devoir être les orientations majeures qui doivent guider cette
politique-là, tout en disant aussi - en reconnaissant et en souhaitant
que la législation le respecte - que c'est un contrat et qu'il y a
certaines dispositions dont on doit disposer, mais prévoir dans la loi
que ça doit être agréé par les deux parties, le
dire, que ça doit être agréé par les deux, si
ça doit se faire. Ce n'est pas sorcier de dire ça. Ce qui est
très différent d'une position qui dit: N'en parlons pas, point,
du tout, comme si ça n'existait pas. Donc, à la limite, on se
retrouve, nous, dans le même esprit, peut-être, que le
législateur qui dit: il faut prévoir des choses. Donc,
là-dessus, on s'entend. Cependant, c'est au niveau des modalités
pratiques que là, ça ne va pas, parce qu'au niveau des principes
il y en a plusieurs auxquels, évidemment, nous adhérons et
souscrivons. Alors, c'est notre position.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais ajouter
là-dessus qu'à la page 7 de son mémoire le Barreau disait:
"Sauf en de très rares occasions, le gouvernement a toujours
respecté le principe de la non-application d'un nouveau texte de loi aux
causes pendantes. Nous croyons qu'il est important que le gouvernement continue
de respecter ce principe." Vous avez parlé tout à l'heure de
Simonds. Dans le fond, il ne faudrait pas que le gouvernement, non seulement
liquide des centaines de millions d'excédents qui ont été
accumulés, mais les excédents d'actif dont on parle, ils ont
été accumulés parce que les taux d'intérêt
ont bondi à un moment donné. Les travailleuses et travailleurs
qui ont payé des intérêts inouïs sur leurs
hypothèques, au début des années quatre-vingt, et sur
leurs prêts de consommation individuels se verraient privés des
excédents du seul côté, entre guillemets, positif que
l'inflation a eu. Sans compter que les excédents d'actif dont on parle
sont dus aussi aux mises à pied par dizaines de milliers de personnes
qui ne pouvaient pas toujours récupérer la part de l'employeur,
qui a gonflé les fonds, et aux salaires qui n'ont pas progressé
aussi vite que l'inflation parce que, dans une prévision actuarielle,
des salaires plus bas que prévu, ça fait des contributions plus
faibles à verser. Donc, ça avantage le régime.
Mais, l'autre aspect que je voudrais souligner, M. le Président,
c'est à propos d'Alcan, quant au retour en espèces des
excédents d'actif. Là, je parle d'Alcan, je ne suis pas avec Bob
Rae de l'Ontario. Alcan, ce n'est pas social-démocrate - sauf dans les
cas de terminaison de régime où elle serait plutôt
d'accord, mais là je serais en désaccord avec elle - mais pour
des régimes qui ne se terminent pas, Alcan n'est pas d'accord que
l'employeur puisse toucher les excédents d'actif. Or, pour qui veut-on
les redonner, au juste, les excédents d'actif? Et selon le sens commun,
M. le Président, les excédents d'actif, ce que le monde comprend
- parce que les larges masses ne suivent pas toutes le débat sur salaire
différé versus risques importants de l'employeur, mais c'est un
débat très important pareil - mais les gens disent: Depuis
Simonds et Singer, c'est du vol d'aller chercher de l'argent qu'on a mis dans
un fonds de pension et de se financer avec.
Et je voudrais toujours, M. le Président, que le ministre
réponde à ce que je lui ai dit ce matin. Une entreprise qui a
deux usines, une au Québec et une en Ontario, ça ne lui
coûte rien pour fermer au Québec et ça lui coûte
jusqu'à 26 semaines de salaire par salarié en Ontario. Est-ce que
le ministre va faire en sorte, en ne suivant pas les principes
généraux qu'il commence par introduire dans sa position, qu'en
plus d'épargner, mettons, 4 000 000 $ d'indemnité à verser
en Ontario, en fermant au Québec, la même entreprise parte avec un
surplus de 6 000 000 $? Si la politique du gouvernement, c'est de payer les
entreprises pour qu'elles ferment, bien, je trouve que ce n'est pas bon pour la
population. Cela dit, je remercie beaucoup la CSN de son mémoire.
M. Bourbeau: M. le Président, M. le député
de Pointe-aux-Trembles vient de me poser une question, là.
Le Président (M. Philibert):...
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Vous permettez que je
réponde?
M. Bourdon: Certainement. Je voulais une réponse; c'est
pour ça que je pose la question.
Le Président (M. Philibert): M. le ministre,
rapidement.
M. Bourbeau: À la condition que je puisse vous en poser
une aussi.
M. Bourdon: Sans problème.
M. Bourbeau: Alors, vous me demandez ce que je vais faire pour
tenter de protéger les travailleurs dans le cas de fermetures d'usine,
etc. Je vais vous répondre: Attendez le projet de loi. J'ai l'intention
de faire quelque chose et j'ai l'intention de légiférer
là-dessus. Je vous pose une question à mon tour: Qu'est-ce que
vous allez faire si Simonds perd sa cause en justice? Est-ce que vous ne
souhaiteriez pas qu'il y ait une rétroactivité dans le projet de
loi?
M. Bourdon: Alors, M. le Président, aux deux questions du
ministre. D'abord, un. Pour ce qui est des indemnités aux travailleurs
en cas de fermeture, la députée de Hochelaga-Maisonneuve et
moi-même, dans cette même salle, un soir de décembre
où il pleuvait à verse dehors, lui proposions d'introduire des
indemnités dans les normes minimales qu'on était en train
d'amender; mais je me réjouis que le ministre répète ce
mois-ci que, oui, il va y avoir une loi pour protéger les travailleurs
en cas de fermeture. Et là j'espère que ça ne prendra pas
20 mois pour celle-là. Maintenant, si Simonds gagnait devant les
tribunaux, bien, si Simonds gagnait devant les tribunaux, ça serait bien
de valeur, mais...
M. Bourbeau: S'ils perdaient devant les tribunaux?
M. Bourdon: S'ils perdaient devant les tribunaux? Ce serait tant
mieux pour les travailleuses et les travailleurs québécois en
cause. J'aimerais bien que Simonds...
M. Bourbeau: En fait, je voulais dire si les employés
perdaient la cause.
M. Bourdon: Les employés... Ils prennent leur chance et je
pense que la CSN est d'accord avec le Barreau. Les poursuites en cours, bien,
on risque de gagner ou de perdre; mais ça, j'ai vécu quelque
temps à la CSN, comme vous aimez le souligner, et un jugement de cour,
c'est comme une décision d'arbitre: Des fois on gagne, des fois on perd;
mais il ne faudrait pas que le législateur amnistie Simonds
rétroactivement. C'était ma conclusion, M. le Président...
Et mon voeu.
Le Président (M. Philibert): Alors, il a terminé,
le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, le temps est
épuisé pour l'audition et, au nom de la commission, je remercie
la Confédération des syndicats nationaux pour sa brillante
prestation. J'invite maintenant les représentants de l'Association
québécoise de défense des droits des retraités-es
et préretraités-es à venir prendre place, s'il vous
plaît.
Mme Simard: Je voudrais juste dire un mot sur Simonds parce
que... Enfin, on a parlé de Simonds, là, et de
l'évaluation de la cause. Je voudrais juste vous rappeler que c'est la
CSN qui soutient ces travailleurs-là dans la cause. C'est que, si on a
décidé de porter cette cause-là devant les tribunaux, non
seulement c'est parce qu'on croyait qu'il y avait une injustice absolument
inacceptable et flagrante qui avait été faite, mais c'est aussi
parce que nous croyons avoir de bons points de droit dans cette
cause-là. Effectivement, vous savez que le manque, dans ce
cas-là, c'est de 8 000 000 $ ou 9 000 000 $ pour juste un petit groupe.
C'est 8 000 000 $ ou 9 000 000 $, et on pense avoir des chances de gagner. Ce
n'est pas juste à pile ou face, là, qu'on a entrepris cette
procédure-là. Merci.
Le Président (M. Philibert): Mme la présidente de
la CSN, merci. Alors, j'invite maintenant les représentants de l'AQDR
à prendre place.
Alors, s'il vous plaît, dans le but de ne pas prendre trop de
retard, j'invite immédiatement les représentants de l'AQDR
à prendre place. On sait que Mme Brunet est une femme rapide. Alors, on
souhaite la bienvenue à l'AQDR qui est dignement
représentée par Mme la présidente, Mme Yvette Brunet. Je
rappelle que le temps alloué pour présenter le mémoire est
de 20 minutes et que pour les discussions ou les questions, il est de 40
minutes réparties ainsi: 20 minutes chacun, du côté
gouvernemental et de l'Opposition. Alors, encore une fois, Mme Brunet,
bienvenue. Je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous
accompagnent à la table.
Association québécoise de défense
des droits des retraités-es et préretraités-es
Mme Brunet (Yvette): Certainement, ça me ferait plaisir.
Avant, je voudrais vous dire: Bonjour, M. le Président, M. Philibert. On
s'est rencontrés à une occasion...
Le Président (M. Philibert): Avec beaucoup de plaisir,
madame.
Mme Brunet: Moi aussi, moi de même. Alors, à ma
droite c'est Claire Frève du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui est
représentante à l'exécutif provincial. Encore à ma
droite, c'est Louis Plamondon, expert conseil de l'AQDR et - attendez un peu,
je vais mettre mes lunettes - juriste et sociologue à
l'Université de Montréal.
Le Président (M. Philibert): Alors, Mme Brunet, je
m'excuse, je vous ai pressée de vous asseoir et de débuter, mais
on a une demande pour une suspension de quelques courtes minutes.
M. Boisclair: Je pense qu'ils se sont déplacés. Le
ministre n'est même pas avec nous pour
pouvoir...
Le Président (M. Philibert): Bien, c'est ce que j'allais
dire. Le ministre a dû s'absenter pour quelques minutes. Alors, nous
allons suspendre jusqu'à son retour. On me dit que ce sera très
court.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprise à 16 h 42)
Le Président (M. Philibert): Nous reprenons nos travaux.
Nous avons une demande de... Évidemment, la salle de la commission
étant un espace plutôt réduit mais considérant que
les personnes qui accompagnent Mme Brunet ont fait un long voyage en autobus et
que la règle habituelle interdit ou enfin... Il n'est pas habituel de
tolérer des gens debout un peu partout dans l'assistance mais compte
tenu de cet aspect particulier, j'autorise donc les personnes qui sont en
attente à entrer dans la salle et à se tenir debout. Quand elles
seront installées, je les informerai des règles à suivre
en termes de comportement.
Mme Brunet: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Alors, non pas le
comportement comme je le disais tantôt, le député de Gouin,
à juste titre, m'a rappelé à l'ordre de façon
discrète en disant que c'était davantage le décorum qui
interdisait que les gens applaudissent aux différentes interventions, de
telle sorte que les gens qui questionnent, les gens qui répondent se
sentent en toute sécurité. Alors je dois vous dire que selon vos
traditions, me dit-on à l'AQDR, les seuls applaudissements que je
pourrais accepter, c'est à la fin, pour votre chauffeur d'autobus.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Philibert): Alors Mme Brunet, je vous
invite donc à continuer là où on s'est laissés
tantôt.
Mme Brunet: O.K. Alors il me restait à vous
présenter Armand Miron de Valleyfield, qui fait partie du c.a. de
l'AQDR.
Le partage des excédents d'actif. L'épargne
accumulée dans les régimes de retraite: le fruit de nos
épargnes et le produit des lacunes des lofs passées! Oui, c'est
la partie B du mémoire que vous ne retrouverez pas nécessairement
à la première page. Par son moratoire, le gouvernement a reconnu
que les droits acquis dans les régimes de retraite n'étaient pas
suffisamment protégés et que cette intervention de l'État
était nécessaire pour assurer la protection des cotisants des
régimes et leurs bénéficiaires retraités.
Le gouvernement accomplissait ainsi, malheureusement très
tardivement, son devoir de surveillance comme il le fait pour les banques, les
compagnies d'assurances, de fiducie et les coopératives de
crédit. Malheureusement, après avoir reconnu qu'il fallait
protéger ces épargnes des travailleurs et des travailleuses, le
texte du projet se contredit quant au droit sur leur propriété.
Pourtant, c'est cette ambiguïté qui est à l'origine des abus
flagrants si souvent dénoncés et des scandales qui ont encore,
toute l'année dernière, inquiété
légitimement l'opinion publique. C'est donc d'abord cette
ambiguïté qu'il faut supprimer.
Un régime privé de retraite est alimenté à
deux sources. D'une part, les contributions des travailleurs et des
travailleuses constituent une épargne prélevée sur le
salaire, épargne qui, cumulée avec les intérêts,
leur assurera à terme un revenu complémentaire de retraite.
D'autre part, les contributions des employeurs, quand elles sont effectivement
versées, forment un salaire différé. Les employeurs le
reconnaissent eux-mêmes puisqu'ils en font un enjeu central dans la
négociation des salaires. épargne prélevée sur le
salaire et cotisations par salaire différé. ces deux
contributions devraient donc, dans la loi, être consacrées
bénéfices exclusifs des travailleurs et des travailleuses, de la
même manière qu'on attribue les dividendes aux actionnaires. il
devrait en être ainsi des excédents d'actif de ces régimes
puisque le gouvernement, en page 11 du document, reconnaît de quelle
manière ces surplus ont été constitués et je cite:
"comme les règles minimales d'acquisition du droit à une rente
étaient difficiles à satisfaire - 45 ans d'âge et 10
années de service continu ou de participation au régime - la
plupart des travailleurs qui ont quitté le régime n'ont
touché que le remboursement de leurs cotisations salariales avec des
intérêts généralement bien inférieurs au taux
de rendement de la caisse de retraite. l'écart entre le taux
d'intérêt versé et le taux de rendement de la caisse ainsi
que la partie des cotisations de l'employeur que ces travailleurs n'ont pas
acquise expliquent en partie l'accumulation de sommes excédentaires dans
les caisses de retraite. l'abandon du calcul relatif à la progression
des salaires lors de la détermination des droits, au moment de la
terminaison et le conservatisme habituel dans le choix des hypothèses
actuarielles ont également contribué à l'émergence
d'excédents d'actif depuis la fin des années soixante-dix". - fin
de la citation.
Ainsi, ce sont les lacunes de la loi de 1965 qui, en limitant les droits
des cotisants et des cotisantes, ont contribué à la constitution
de suppléments d'actif. Quand nous déposons de l'argent au
guichet d'une banque, cet argent n'appartient pas à la banque, mais
reste notre propriété. L'institution bancaire est
étroitement
surveillée et reste débitrice de son client. De
même, l'employeur devrait être débiteur du fonds de pension
privé. Or, les employeurs se sont comportés comme s'ils en
étaient les créanciers propriétaires par un administrateur
interposé et sous le couvert de la loi qui l'y autorisait, ils ont
détourné à leur profit et en fonction de leurs
intérêts les avantages d'une fortune qui ne leur appartenait
pas.
M. le ministre, nous sommes en droit de nous poser la question suivante:
D'où vient que le gouvernement ne reconnaisse pas clairement que les
fonds accumulés sont destinés au bénéfice exclusif
des travailleurs et des travailleuses et des retraités, hommes ou
femmes, par l'amélioration des régimes et des prestations de
retraite? Ainsi, les 900 000 000 $ excédentaires accumulés dans
les régimes de retraite ne sont pas surtout le fruit d'une gestion
particulièrement exemplaire de la part des employeurs gestionnaires des
régimes, mais bien, comme l'AQDR l'affirmait en 1977, le fait des
lacunes de la loi de 1965, comme vous l'avez dit vous-même pour expliquer
le régime des excédents d'actif.
Ce sont ces mêmes lacunes qui ont permis aux gestionnaires non
seulement d'amortir les déficits actuariels accumulés avant 1965,
du fait de l'absence de règles de capitalisation adéquates, mais
de faire émarger progressivement - au détriment des
intérêts des cotisants et bénéficiaires des
régimes - des bénéfices actuariels excédentaires.
Maintenant, ces suppléments d'actif donnent ouverture au congé de
cotisation des employeurs et à leur réclamation d'une partie de
ces excédents d'actif. il n'est pas inutile de revenir, comme le fait
souvent le document, sur la réalité des déficits
passés qui expliquerait l'existence d'un risque actuariel
entraînant la responsabilité de l'employeur et, par
enchaînement logique, justifierait leur contrôle des régimes
et leur droit au congé de cotisation. Le document précise et je
cite: "D'ailleurs en 1960, la règle fiscale a été
retirée et en 1965, lors de l'adoption de la Loi sur les régimes
supplémentaires de rentes et de son règlement, le gouvernement du
Québec n'a pas cru bon d'imposer une règle de distribution des
excédents d'actif à la terminaison. La seule exigence avait trait
au droit qu'a l'employeur d'utiliser en cours d'existence l'excédent du
régime pour réduire ou suspendre sa cotisation,
c'est-à-dire au droit à la suspension des cotisations ou, selon
l'expression mieux connue, au congé de cotisation. Depuis lors, ce droit
est perçu par certains employeurs comme une disposition qui compense
leur responsabilité à l'égard des déficits."
Ainsi, l'obligation de combler les déficits serait à
l'origine des privilèges de congé de cotisation pour les
employeurs et justifierait leurs nouvelles réclamations sur les
excédents d'actif. Votre document aurait trouvé plus de
légitimité à statuer sur l'origine des déficits de
1948 à 1965. N'étaient-ils pas, de fait, la responsabilité
des gestionnaires eux-mêmes et de leur conception ainsi que de celle de
l'époque quant au financement patronal des systèmes de retraite,
le "pay as you go"? D'autre part, le document reste aussi curieusement
silencieux sur l'origine de l'argent qui a été utilisé
pour amortir ces déficits. Des experts affirment que ce sont les
mêmes cotisations salariales cumulant aujourd'hui en excédents
d'actif qui ont permis, à une autre époque - grâce aux
lacunes identifiées dans la loi de 1965 - de progressivement
résorber ces déficits. La responsabilité des employeurs
à l'égard des déficits futurs est donc bien artificielle
et théorique et le gouvernement aurait dû le mettre en
évidence pour statuer sur la présente question en litige.
Dans cette perspective, l'AQDR ne partage pas l'opinion du gouvernement
concernant la définition a priori que la quote-part patronale devient
donc la somme supplétive. Je cite votre document: "Le débat sur
la propriété de l'excédent d'actif provient ainsi d'une
certaine incompréhension à l'égard du financement d'un
régime à prestations déterminées. En effet, il est
fréquent de constater que des participants et même des employeurs
ne savent pas que la cotisation d'exercice résulte d'une estimation.
Cette donnée est établie annuellement sur la base d'un taux moyen
de cotisation sur l'ensemble de la masse salariale tandis que la cotisation du
travailleur est calculée sur le salaire touché. La quote-part
patronale devient donc la somme supplétive." Fin de la citation.
Il existe pourtant des régimes où la quote-part patronale
est d'abord fixée sur la cotisation salariale pour y être
égale. Ensuite, l'une et l'autre contribution pouvaient être
ajoutées selon la réalisation des hypothèses actuarielles
des gestionnaires des régimes. Voilà ce que devrait être la
règle générale d'administration de ces régimes.
Dans ce cadre, les deux parties partagent le coût et le risque du
régime et profitent mutuellement des avantages quand se
réaliseraient des bénéfices excédentaires pour une
période d'exercice donnée.
À l'égard des hypothèses actuarielles, nous
partageons l'avis que l'employeur a eu une trop grande influence pour
établir au plus bas sa quote-part. Les nouvelles conditions
proposées par le document, en page 24, nous semblent apporter les
correctifs appropriés. "Le gouvernement croit aussi que la
détermination du montant de l'excédent d'actif doit être
uniformisée: les hypothèses et méthodes actuarielles qui
permettent de déterminer les engagements du régime devront
être prescrites après consultation avec l'Institut canadien des
actuaires, et les membres de la profession actuarielle qui travaillent dans les
milieux universitaires et les milieux d'affaires. Non seulement cela
évitera des disparités entre les régimes, mais de plus,
cette uniformité réduira les risques de voir une des parties
contractantes exercer une influence indue sur le choix des
hypothèses." En faisant disparaître l'influence indue des
administrateurs-employeurs des régimes sur les actuaires, et en
encadrant léglslativement ces derniers, on ne volt pas pourquoi le
gouvernement ne reconnaîtrait pas une responsabilité égale
et mutuelle des risques actuariels des régimes - s'il en existe
encore... - aux cotisants, aux cotisantes et aux employeurs.
Le congé de cotisation... un premier partage des excédents
d'actif. Nous nous sommes déjà opposés à la
définition que donne le gouvernement de la cotisation patronale et
à l'affirmation du document quant au principe du congé de
cotisation que le gouvernement veut, à tout prix, conserver aux
employeurs. "Bien sûr, l'employeur peut suspendre sa quote-part de la
cotisation d'exercice lorsqu'une évaluation actuarielle a
démontré qu'un régime est surcapitalisé et
solvable, et que le texte du régime ne l'interdit pas. Le gouvernement
considère que l'exercice de ce droit ne met pas en danger la
santé financière du régime, puisqu'il ne s'applique que si
le régime est excédentaire. En ce qui concerne les cotisations
salariales et leur variation, c'est le texte du régime qui en
dispose."
Si la contribution des parties au financement du régime est au
coeur des principes qui dirigent la présente réforme, on comprend
mal pourquoi le gouvernement concède uniquement le privilège de
suspension de cotisation à l'employeur - c'est-à-dire le droit de
tirer exclusivement avantage des excédents d'actif par le moyen du
congé de contribution - si le régime ne l'interdit pas. Non
seulement le régime devrait spécifiquement l'autoriser pour que
l'on puisse bénéficier d'un tel congé, mais de plus, la
loi devrait prévoir qu'en vertu du principe de l'équité
des contributions énoncé par le gouvernement, cet avantage, s'il
est prévu au titre d'un régime, devrait s'appliquer
également aux deux parties contribuant au financement du régime.
L'AÛDR a démontré plus haut qu'avec les règles
proposées de gestion des régimes et d'évaluation des
excédents d'actif, les cotisants des régimes n'hésiteront
pas à partager la responsabilité des risques actuariels futurs
des régimes, y compris les déficits. Le privilège patronal
du congé de cotisation n'a donc plus, en 1990, sa raison d'être et
son maintien constituerait une tolérance indue de l'abus de pouvoir
à l'encontre des cotisants et des cotisantes des régimes de
retraite, la consécration d'une injustice historique dont ont
été victimes des milliers de travailleurs et travailleuses qui
sont nos pauvres âgés d'aujourd'hui.
M. le Président, imaginons un instant que tes employés
seraient les seuls à bénéficier d'un congé de
cotisation. Évidemment, ils auraient à prendre les risques aussi.
Comment pensez-vous que les patrons le prendraient? Je pense qu'il y aurait un
tollé à travers la province pour dénoncer cette mesure qui
a été prise, c'est-à-dire faire participer le travailleur
au congé de cotisation au même titre que l'employeur, parce qu'il
paie sa part au même titre que l'employeur. (17 heures)
L'allocation de l'excédent d'actif et l'utilisation de
l'excédent d'actif distribué. Je cite encore une fois votre
document. "De l'avis du gouvernement, lorsqu'un régime devient
excédentaire, il n'existe pas de raison valable pour modifier le partage
de la responsabilité des parties contractantes à l'égard
du financement du régime. À moins d'une nouvelle entente, la
contribution de chacune d'elles doit être maintenue selon l'arrangement
convenu et s'il y a excédent d'actif, il doit profiter aux deux parties
en conformité avec cet arrangement. Pour le gouvernement, il importe que
chaque partie touche sa juste part de l'excédent lorsque des
circonstances risquent de changer sa participation au financement du
régime. Il estime que pour assurer l'équité, le partage de
l'excédent d'actif doit alors être proportionnel à la
contribution directe ou indirecte que chaque partie contractante a
versée à la caisse du régime." Fin de la citation.
En supposant que la mesure de sécurité proposée est
adéquate au strict plan actuariel et comptable, les modalités
allocatives aux participantes actives, aux participants actifs, aux
retraités, aux cotisants et aux cotisantes bénéficiant de
rentes différées nous semblent équitables sur les
principes. L'indexation des rentes serait peut-être rendue possible,
certaines années par exemple. Nous nous objectons cependant à ce
que l'excédent d'actif alloué à l'employeur lui soit
remboursable en espèces. Cette proposition va à l'encontre des
principes des régimes qui sont constitués de salaires
épargnés et différés sur lequel l'employeur n'a
aucun droit direct. Cependant, cette partie des excédents d'actif
devrait être allouée à des mesures d'amélioration
des régimes de retraite.
Ces mesures favoriseraient indirectement l'employeur au plan de la
réduction de la masse salariale, des coûts salariaux ou
bénéfices marginaux. L'offre de systèmes de
préretraite est un exemple déjà largement répandu
dont les bénéfices sont évidents pour les employeurs et
dont les coûts sont portés au compte des régimes de
retraite. Par ces biais, l'employeur trouvera toujours un intérêt
financier à une saine gestion des régimes de retraite tout en
contribuant à son devoir social de bonne gestion de sa
main-d'oeuvre.
On a trop répété ces années-ci que les
travailleurs et les travailleuses n'avaient pas que des droits mais aussi des
responsabilités et des devoirs. La levée du moratoire sur les
excédents d'actif n'est-elle pas l'occasion de rappeler aussi aux
employeurs que leurs bénéfices du travail d'autrui comportent des
obligations à l'égard de leurs vieux travailleurs et de toute la
société?
Les travailleurs et les travailleuses doivent contrôler ce qui
leur appartient. Propriétaires des fonds qu'ils ont
épargnés, les travailleurs et les travailleuses participant
à ces régimes complémentaires de retraite doivent
légitimement et logiquement en contrôler la gestion et
l'utilisation. L'approche actuelle de ce projet constitue le maintien d'une
véritable curatelle privée des participants et des participantes
comme si les cotisants, les cotisantes et les bénéficiaires
étaient des incapables majeurs. Nous savons bien que la gestion d'un
régime de retraite comporte des particularités techniques qui
nécessitent des compétences éprouvées. Mais
pourquoi les employeurs seraient-ils, à cet égard, mieux
équipés que les salariés propriétaires des fonds?
L'histoire économique du Québec est là pour nous
démontrer que les travailleurs, les travailleuses et leurs organisations
ont fait la preuve de leur capacité de gestion de leurs épargnes.
Qu'on pense à l'histoire du mouvement Desjardins dont nous sommes si
fiers, dont d'ailleurs l'initiative n'est venue ni de la haute finance ni des
entreprises. Plus récemment, qu'on pense à l'expérience de
la Mutuelle des fonctionnaires ou au succès du Fonds de
solidarité FTQ. En de multiples occasions, les travailleurs et les
travailleuses ont démontré qu'ils savaient gérer leurs
épargnes. Si cette capacité leur avait été
reconnue, on aurait, par exemple, évité la mauvaise gestion et
les malversations passées dans les régimes privés de
pension qui ont tant appauvri les anciens travailleurs et travailleuses
aujourd'hui retraités.
Le Président (M. Joly): Excusez, Mme Brunet. Je vous
inviterais à conclure. On a déjà débordé le
temps alloué.
Mme Brunet: II s'agit de la pauvreté des femmes. Je peux
vous dire que j'en passe les trois quarts mais ce que je vais vous dire va
quand même vous faire comprendre ce qui se passe de ce
côté-là.
Le Président (M. Joly): On a déjà
reçu le mémoire. Excusez, mais c'a déjà
été lu. Alors, c'est peut-être...
M. Boisclair: Moi, je serais prêt à donner mon
consentement, M. le Président, pour que madame puisse terminer.
Le Président (M. Joly): Oui? Bon, alors... si le
ministre...
Mme Brunet: Oui. Ça va prendre à peine cinq
minutes.
Le Président (M. Joly): Parfait. Merci.
Mme Brunet: À peine. Merci. L'avant-dernière page.
Or, M. le ministre, la gratuité du travail domestique - je parle des
femmes, hein? - et l'absence de rente publique ou privée pour les femmes
sont à l'origine de la grande pauvreté d'une majorité de
femmes retraitées. Comment le Québec serait-il devenu ce qu'il
est, c'est-à-dire une société florissante, un pays de
progrès, sans le travail irremplaçable et méconnu de
toutes ces femmes âgées? Vous étonnerez-vous, M. le
ministre, si ces femmes démunies se retrouvent malades et
institutionnalisées, donc à des coûts bien plus
élevés tant sur le plan financier que sur le plan humain?
Là encore, la vraie solution passe par une amélioration des
régimes publics contributifs. En bonifiant substantiellement le
Régime de rentes du Québec et en y intégrant les femmes au
foyer, vous permettriez aux femmes les plus pauvres de s'assurer des
prestations majorées et donc de vivre une retraite plus décente
et sur la base de leurs droits propres et non de droits
dérivés.
D'une colline parlementaire à l'autre, M. le Président, le
pouvoir gris, par ses milliers de membres actifs, veille, de plus en plus
organisé, de plus en plus conscient de ses droits, de plus en plus
disposé à les défendre et à les promouvoir, de plus
en plus reconnu, y compris, souhaitons-le, par les politiciens. Au nom de
l'AQDR, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous
remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Brunet. M. le ministre,
je vous reconnais.
M. Bourbeau: Alors, M. le Président, il me fait plaisir de
souhaiter de nouveau la bienvenue à cette commission parlementaire aux
représentantes, aux représentants de l'Association
québécoise de défense des droits des retraités et
préretraités, en particulier, à Mme Brunet, la
présidente, que j'ai eu l'occasion de voir l'an dernier lorsque nous
avons modifié de façon substantielle l'ancienne Loi sur les
régimes supplémentaires de rentes, qui est devenue la Loi sur les
régimes complémentaires de retraite, ainsi que les autres
personnes qui l'accompagnent. Nous avons étudié avec beaucoup
d'intérêt le mémoire que vous nous aviez fait parvenir et
dont vous venez de lire des parties. Justement, aux pages 9 et 10 de votre
mémoire, je ne sais pas si vous voulez vous y référer,
vous dites que le gouvernement devrait reconnaître une
responsabilité égale et mutuelle des risques actuariels des
régimes aux cotisants et aux employeurs. Pour ce faire, la cotisation
patronale devrait être fixée au même titre que les
cotisations salariales, est-il dit au mémoire. Par la suite, les
participants et les employeurs profiteraient mutuellement des avantages lorsque
se réaliseraient des bénéfices, des excédents.
C'est d'ailleurs ce que propose notre document de consultation que les
excédents soient partagés équitablement entre les deux
parties.
Par contre, vous dites dans votre mémoire
que les participants devraient supporter les pertes en partageant les
déficits et même la dette, la contrepartie de ce
principe-là. La question que je pose c'est: Croyez-vous
sincèrement que les travailleurs et les travailleuses seraient
prâts et seraient conscients de la responsabilité de cette
proposition? Comment ce partage de pertes pourrait-il être assumé,
en réalité, par les retraités et les autres
bénéficiaires du régime? En d'autres mots, quand il y a
des surplus, ce n'est pas compliqué de les partager et tout le monde est
bien content de le foire mais quand il y a des déficits, si le
régime tombe en déficit, comment pourrait-on demander aux
retraités de participer à ce déficit-là, et est-ce
qu'ils seraient d'accord pour le faire?
Mme Brunet: Bien, moi, je vous dirais, en tout cas, à ma
connaissance, des déficits de compagnies, je n'en ai pas vu souvent. Je
n'en ai même jamais vu. Pourquoi, si c'est bien géré et,
disons, aussi bien que certaines compagnies - parce qu'on ne peut pas dire que
toutes les compagnies gèrent bien les fonds de pensions. On a vu ce qui
s'est passé et ce n'est pas pour rien que vous avez imposé un
moratoire - alors, à ce moment-là, pourquoi douter de la
compétence des personnes qui feraient partie du comité qui
gère? D'abord, ils auraient tout intérêt à bien le
faire parce que, comme les compagnies, ils accumuleraient des surplus et ils
placeraient ces surplus-là pour augmenter, justement, le fonds et
peut-être le placer avec des Intérêts beaucoup plus grands
qui augmenteraient ce fonds et eux, ils pourraient plus tard avoir des
retraites plus intéressantes sur le plan de...
M. Bourbeau: Le problème qui se pose, c'est que ces fonds
de pension, ils sont investis dans toutes sortes de véhicules. Ils
peuvent être investis dans des obligations du gouvernement, des choses
très sûres, ils peuvent être dans des fonds
hypothécaires, parfois. Il y en a une partie dans plusieurs fonds. En
fait, on diversifie les portefeuilles. Parfois, il y en a une partie dans des
actions de compagnies, qui procurent évidemment.. Dans les actions de
compagnies, c'est susceptible de procurer une plus-value plus importante,
l'aspect plus-value est plus intéressant, évidemment, dans les
actions de compagnies, mais c'est un peu plus risqué.
Or, il y a des périodes de temps, comme ce que nous vivons
maintenant, où il y a des ralentissements économiques, où
la valeur des actions de compagnies peut diminuer. La valeur des biens
immobiliers peut diminuer, de sorte que si on fait l'évaluation d'un
fonds de pension à un moment donné, peut-être même
présentement, on se rend compte que la valeur du fonds de pension est
inférieure à ce que ça devrait être pour garantir
les retraites. À un moment donné, la Bourse, disons, a pris un
recul, les valeurs immobilières aussi.
Supposons qu'on se trouve - ça peut arriver, à l'occasion
- en situation de déficit actuariel sans qu'il y ait mauvaise gestion,
avec des gestionnaires parfaitement compétents. C'est là que se
poserait le problème. Si on suivait votre proposition, on devrait dire
aux retraités et aux travailleurs bénéficiaires: II y a un
déficit dans le régime, vous devez mettre de l'argent, vous devez
combler le déficit. Je ne suis pas convaincu, moi, que les
retraités accepteraient d'être responsabilisés comme
ça, étant donné que dans le système actuel, ils ne
sont pas tenus de... ils ne sont pas responsables des déficits, ce n'est
que l'employeur, présentement, qui l'est. Nous, on ne propose pas de
rendre responsables des déficits les retraites et les
bénéficiaires du régime.
Mme Brunet: Mais je pense que de la même façon, M.
le ministre, quand les compagnies ont été mal prises, elles ont
pigé dans les surplus. Alors si, justement, on veut éviter
ça, je pense qu'il faut changer les règles du jeu pour que chacun
y trouve sa part juste, égale. Le travailleur, c'est lui qui apporte
l'eau au moulin, c'est lui qui apporte, par sa cotisation au régime,
une... la moitié, en tout cas.
Alors à ce moment-là, si le contribuable qui apporte des
taxes... s'il y a seulement le gouvernement qui gère et qu'on n'a jamais
rien à dire, je pense qu'à ce moment-là, ça ne peut
pas fonctionner. Alors ce que l'AQDR dit: elle est consentante que les deux
travaillent ensemble, que les deux partagent et puis à ce
moment-là, ça ira beaucoup mieux pour le travailleur et il sera
beaucoup plus motivé.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Gouin.
M. Boisclair: Oui. Avant de poser quelques questions au
représentant de l'AQDR, est-ce que je pourrais demander au ministre qui
faisait référence, tout à l'heure, aux véhicules de
placement utilisés, s'il y a des statistiques qui existent, justement,
sur ces véhicules de placement utilisés pour placer ces
excédents d'actif? Est-ce qu'il existe aussi des statistiques, à
savoir si ces placements-là sont effectués au Québec et
hors Québec? Je crois que les dernières statistiques remontent
à 1986, est-ce qu'il y a des statistiques plus récentes
là-dessus, qu'on pourrait obtenir?
M. Bourbeau: Le président de la Régie des rentes,
M. le Président, étant donné que c'est une question un peu
technique...
M. Boisclair: Oui, juste s'il y avait moyen qu'on nous les fasse
parvenir parce que je ne voudrais pas utiliser ça sur mon temps de
parole. Si vous avez ces documents-là, j'apprécierais de
pouvoir...
M. Bourbeau: Alors j'ai devant mol un document intitulé:
"Les régimes de retraite au Québec", les statistiques
financières. Ça, c'est pour l'année 1988, je
présume qu'on en a d'autres...
M. Boisclair: O.K. Alors c'est juste une question de...
M. Bourbeau: Ça me fera plaisir de vous le faire parvenir,
M. le député de Gouin.
M. Boisclair: Alors, Mme Brunet, mesdames et messieurs qui
l'accompagnez, je tiens à vous remercier pour cette présentation.
Vous vous serez vite aperçus qu'il y a une certaine différence
d'âge qui nous sépare mais je crois que c'est toujours
agréable d'entendre des participants, des gens de l'AQDR.
Moi-même, dans mon quartier, dans mon comté, j'ai eu souvent
l'occasion de travailler avec M. Lapalme, que vous devez sûrement
connaître, d'un quartier de Montréal. (17 h 15)
II me fait plaisir de constater aussi le dynamisme de votre association
qui se fait toujours un devoir de se prononcer sur l'ensemble des grand enjeux
et particulièrement aujourd'hui, sur cette question des surplus, des
excédents des régimes de retraite. Votre mémoire tombe
bien puisqu'il s'inscrit, je crois, dans la ligne de plusieurs intervenants,
dans la même foulée que celle de plusieurs intervenants cet
avant-midi et tout à l'heure, les gens de la CSN. ' Je profite de
l'occasion pour vous dire que l'Opposition considère que les caisses de
retraite existent seulement pour garantir un revenu de rentes aux travailleurs
et aux travailleuses. Ça, je crois qu'on s'entend rapidement sur ce
principe-là, vous et moi. Tout actif d'un régime de retraite ne
doit être utilisé que pour les bénéfices des
participants et des participantes. Mon collègue, le député
de Pointe-aux-Trembles, qui se joint à nous, l'a rappelé au
moment de son introduction.
C'est sûr qu'il faut rappeler aussi le contexte, ça fait
longtemps qu'on attendait le document du ministre Bourbeau, depuis plus de deux
ans. On prétextait le prolongement du moratoire à l'hiver 1990
parce qu'il fallait, apparemment, consulter l'Ontario. Soudainement, on nous
arrive avec un document qu'on nous produit un peu en catastrophe. On ne veut
peut-être plus consulter l'Ontario de peur de se faire couper l'herbe
sous le pied par le gouvernement Rae qui, lui, propose, sans définir de
quelle façon à l'heure actuelle, mais il y a une intention
très claire de remettre les excédents d'actif aux participants.
L'élection de M. Rae est peut-être venue couper l'herbe sous le
pied du ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle. Mais ce sont quand même des choses qu'il
faut dire et rappeler aux gens qui viennent témoigner devant cette
commission parlementaire.
Ces quelques mises au point étant faites, j'aimerais revenir au
contenu de votre mémoire. Vous mentionnez un certain nombre de
recommandations qui, je crois, méritent d'être retenues. Je
voudrais vous demander ce que vous pensez de la suggestion qu'on entendait tout
à l'heure. Mme Simard, qui pariait justement de la responsabilité
des employeurs, on parlait du risque. C'est une question... le ministre y est
revenu aussi tout à l'heure. La CSN, dans son mémoire qu'elle est
venue présenter tout à l'heure, proposait que le
législateur prévoie des mécanismes qui viennent compenser
l'employeur a posteriori pour les sommes exactes qu'il a dû
débourser aux fins d'amortir des déficits imprévus. On
sait que plusieurs de ces déficits sont souvent prévus parce
qu'il s'agit de mesures rétroactives qui viennent s'appliquer. Est-ce
que c'est une proposition - que vous ne reprenez pas dans votre mémoire
- mais est-ce que c'est un genre de compromis que votre Association serait
prête à faire?
Mme Brunet: Je demanderais à M. Plamon-don de
répondre à cette question.
M. Plamondon (Louis): En fait, concernant la question du risque
actuariel, d'abord, ça pourrait compléter la réponse que
Mme Brunet faisait à M. le ministre tout à l'heure, sur
l'existence de risques actuariels. Sur l'existence de déficits, on pense
que les constats actuariels qui ont été faits en 1965 ont
amené les corrections sur le financement à long terme de ces
régimes privés, ce sont précisément les cotisations
des salariés... Ce que l'AQDR a essayé d'identifier, c'est que ce
sont précisément les cotisations, le refinancement de l'ensemble
des régimes, donc, la cotisation des salariés principalement, et
les lacunes de la loi elle-même de 1965 qui ont amorti les
déficits accumulés avant 1965, au moment où on a
appliqué ces correctifs.
L'AQDR, ce qu'elle signale dans son rapport, dans son mémoire,
c'est que le privilège de cotisations qui est légitimé par
le risque actuariel ou prévu, entre guillemets, ou occasionnel, de
circonstance particulière, une année donnée - on parle ici
du risque de déficit une année donnée par rapport au
financement à long terme - l'AQDR, ce qu'elle dit c'est que oui, les
travailleurs seraient en mesure d'assumer un partage de ces risques - je
réponds plutôt globalement - un partage de ce risque-là
parce que, précisément, en réalité, les
bénéfices, les investissements en argent qui servent en
réalité à payer à long terme ces
déficits-là, ce sont les cotisations et les cotisations au
régime par les salariés eux-mêmes. Donc, dans les faits, ce
sont les salariés, les cotisants, qui assument finan-
cièrement les risques puisque les meilleurs rendements vont
servir à payer des déficits accumulés ou des
déficits occasionnels.
En principe, ce sera une augmentation, un déplacement de
l'âge de la retraite, par exemple, un report de l'âge de la
retraite, plutôt que de l'abaisser, on va le ramener plus proche de 65
ans pour financer des déficits occasionnels qui pourraient être
soit à long terme, soit des déficits d'une année courante.
On ne se situe pas du tout dans la même problématique que Mme
Simard exposait, que le mémoire de la CSN propose en autorisant un
retour de cotisations ou de supplément d'actif comme suite au fait que,
dans le passé, l'employeur aurait payé une partie du
déficit pour une année courante. On ne se situe pas dans cette
problématique-là ici dans le mémoire.
M. Boisclair: Je vous remercie pour ces précisions.
J'aimerais peut-être revenir à Mme Brunet qui n'a pas eu le temps,
je comprends bien, de nous parler de ce problème de pauvreté qui
est vécu spécialement chez les femmes. Je pense que la
journée du 8 mars nous a bien rappelé, particulièrement
pour les gens qui sont de Montréal, jusqu'à quel point,
effectivement, ce sont les femmes, souvent femmes chefs de familles
monoparentales qui sont victimes de cette réalité-là,
particulièrement aussi les femmes qui ont plus de 60 ou 65 ans.
J'aimerais ça que vous me parliez de la réalité chez vos
membres ou de la façon dont c'est vécu, et de quelle façon
vous préconisez l'utilisation de ces surplus-là. Est-ce que c'est
une bonification? Est-ce que c'est une indexation systématique? Si vous
pouviez m'en parler un peu... Je m'en voudrais un peu de ne pas profiter de
votre vécu comme association et du témoignage de vos membres. Ce
serait intéressant si vous en faisiez part aux gens de la
commission.
Mme Brunet: Vous avez bien raison de penser que vous auriez
manqué quelque chose si vous ne m'aviez pas posé la question sur
les femmes. Il y a beaucoup à dire actuellement sur la pauvreté,
la grande pauvreté des femmes. Il y a eu des études qui ont
été faites au fédéral pour en venir à la
conclusion que les femmes monoparentales, à partir de 35 ans, sont
pauvres et risquent de rester pauvres pour le reste de leur vie. J'ai
travaillé et j'ai eu affaire à Ottawa très souvent pour
être à une table ronde pour consultation parce qu'on faisait des
conférences à Halifax puis un peu partout.
M. Boisclair: Est-ce qu'on vous invite au provincial parfois ou
si c'est juste au fédéral qu'on vous invite?
Mme Brunet: Depuis quelques années c'est maintenant le
provincial parce que je m'ennuyais du provincial.
M. Bourdon: Ça, on vous comprend!
Mme Brunet: Pour avoir été à Ottawa
longtemps, les gens me comprennent. Ceux qui sont allés... Bon. Alors,
le gouvernement fédéral, dans un premier temps, a accordé
une allocation au conjoint, c'est-à-dire à 60 ans pour celui qui
travaillait, à 65 ans pour celui qui avait pris sa retraite, on
donnait... si c'était la femme ou l'homme, l'un ou l'autre, on donnait
une allocation au conjoint, mais quand l'un ou l'autre mourait, il n'avait plus
cette allocation-là et il devenait encore plus pauvre. Alors, le
gouvernement fédéral actuel a dit: On va donner une allocation
aux veufs et aux veuves. C'est très bien, mais nous autres de l'AQDR on
a dit: II y a les séparées, il y a les divorcées, il y a
les célibataires. Alors, pourquoi accordez-vous de l'argent
d'après le statut social et non pas le revenu? Je vous dis
qu'après cinq ans, on se bat encore là-dessus et on refuse
d'accorder quelque montant d'argent à ces femmes-là. Alors,
ça fait que j'entendais dire hier... parce que je fais partie d'un autre
comité où on parlait justement de la situation des femmes. On
vient de trouver dans un HLM où il n'y a aucune surveillance, aucun
gérant - ça se passe n'importe comment - une femme morte toute
seule dans un coin. Ça faisait sept jours, et on ne le savait pas.
Ça, on l'entend de plus en plus. Elle est morte pourquoi? Ce n'est pas
compliqué, c'est parce qu'elle reçoit à peu près
500 $ par mois. Elle est obligée de rester dans une chambre où
elle paie 300 $ et le reste, elle doit manger avec ça. Souvent, la
dernière semaine, avant de recevoir son chèque, elle n'a
absolument rien à manger. Alors, on travaille beaucoup sur la situation
des femmes et...
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, Mme Brunet.
J'aimerais peut-être corriger un des chiffres que vous venez de
mentionner: elle a 500 $ par mois, elle demeure dans un HLM et elle paie 300 $.
Je pense que ça va à l'encontre de l'attribution ou de la
façon d'attribuer un HLM parce que c'est quand même 25 % du
revenu.
Mme Brunet: Je regrette, M. le Président, je n'ai pas
parlé de HLM.
Le Président (M. Joly): C'est ce dont vous avez fait
mention.
Mme Brunet: De toute façon, j'ai voulu parler de I?
pauvreté des femmes et je voudrais rajouter à ça que M.
Bourassa, dans son premier terme, a promis à 600 000 femmes du
Québec qu'il trouverait un moyen de les faire contribuer aux rentes du
Québec parce que, vous le savez et tout le monde le sait en
général, la femme vieillissante est pauvre. Dans son
deuxième terme, là il a parié de 300 femmes parce que
là
il dit: On n'a pas l'argent pour ça et on n'a plus Jamais entendu
parler que le gouvernement avait l'intention de faire quelque chose pour
corriger cette situation que tout le monde au Québec qualifie de
scandaleuse. Que ça se passe ici ou que ça se passe ailleurs,
c'est une situation scandaleuse. Moi je dis, à chaque fois que j'ai
l'occasion de parler des femmes, je dis: C'est la mère, c'est votre
mère, c'est la mère des adolescents. Il n'y a personne qui a
l'air de se préoccuper que ces femmes-là qui ont fait
énormément pour la société. Souvent, elles se sont
privées de nourriture pour faire instruire leurs enfants. Alors, je
pense que c'est énorme comme contribution à la
société, et on devrait, en conscience, faire le plus possible
pour essayer de régler un tout petit peu la situation de ces
femmes-là.
M. Boisclair: Peut-être quelques mots - parce que mon
collègue le député de Pointe-aux-Trembles aimerait vous
adresser une question - pour vous dire jusqu'à quel point on
apprécie, j'apprécie, moi personnellement, ce genre de
témoignage parce qu'il est peut-être le fruit de votre
expérience, de celle de vos membres, et je pense que votre
témoignage prend là toute sa valeur. C'est certes un
problème compliqué qu'on a devant nous, mais je suis convaincu
que si on avait autant de gens alentour de la table qui ont des convictions
comme les vôtres, sans doute qu'il serait facile de le régler.
Là-dessus, j'aimerais passer la parole à mon collègue de
Pointe-aux-Trembles.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord dire
à Mme Brunet que c'est vrai ce qu'elle dit, et que...
Mme Brunet: Je ne conte pas de mente-ries...
M. Bourdon: Oui, oui, mais j'ai pu le constater au quotidien dans
mon comté. On parle avec une personne qui est impliquée dans un
mouvement, et à un moment donné, elle nous explique qu'elle a une
rente de survivante de son mari. Il n'y a rien qui paraît. Elle reste
dans un bungalow fort acceptable dans une rue, mais les finances sont
extrêmement sensibles et ténues. Puis c'est vrai que les femmes,
dans ce sens-là, ont un sort plus terrible que celui des hommes, et
à cet égard-là, j'aimerais ça que le ministre en
parle, à un moment donné, et qu'il indique qu'il partage cette
préoccupation. La question que je voudrais vous poser, c'est qu'il y a
plusieurs mémoires qui disent que si on faisait en sorte que les
régimes complémentaires de rentes soient mieux capitalisés
et qu'on n'en retire pas des centaines de millions, comme le ministre l'indique
dans son document, qu'en bout de ligne, même les contribuables en
profiteraient, puisque les régimes de sécurité du revenu
coûteraient moins cher. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette
prétention-là? À l'heure actuelle, on le sait, 76 % des
revenus des aînés viennent de régimes publics.
Mme Brunet: De régimes publics? M. Bourdon:
Oui.
Mme Brunet: Ce n'est pas ce qu'on a, nous autres, dans nos
chiffres. D'abord, les travailleurs contribuent, il y a 40 % des travailleurs
qui contribuent à un fonds de retraite. Alors le chiffre que vous me
donnez là ne va pas du tout avec l'autre.
M. Bourdon: M. le Président, peut-être juste
préciser, rendus à la retraite, les régimes privés
de retraite...
Mme Brunet: Oui.
M. Bourdon: ...ne contribuent que 24 % du revenu des
retraités. Il y a 76 % qui vient d'ailleurs, ce qui... Je précise
ma question, n'êtes-vous pas d'avis que ça veut dire que les
régimes privés de retraite ont besoin d'être
bonifiés, parce qu'ils ne donnent pas assez?
Mme Brunet: Mais là-dessus, je vous dirais que si on parle
des femmes d'aujourd'hui, les femmes vieillissantes d'aujourd'hui, qui n'ont
jamais travaillé, comment peuvent-elles avoir un... même pas les
rentes du Québec... Ces femmes-là ne reçoivent rien. Si le
mari est décédé puis qu'il n'a pas laissé une
pension, tout ce qu'elles ont, en bas de... je pense, 55 ou 60 ans, c'est le
bien-être. C'est tout ce que ces femmes-là reçoivent, et si
après ça le conjoint est décédé puis
qu'elles sont veuves, elles reçoivent du fédérai 100 $ de
plus.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Brunet. Je vais
maintenant, en conclusion, reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, tout en reconnaissant
l'importance de la contribution de l'AQDR tant aux discussions que nous avons
présentement qu'à celles qui ont mené à l'adoption
de la réforme de la loi sur les régimes de rentes du
Québec... loi qui, je le rappelle, a fait en sorte de corriger un grand
nombre de situations qui existaient précédemment et qui causaient
un grand tort aux femmes et aux personnes âgées aussi, puisque les
gens qui retirent des rentes sont des gens, évidemment,
retraités, donc plus âgés. Rappelons que nous avons mis fin
au régime qui faisait en sorte que l'employé ne pouvait pas
cotiser, ne pouvait pas avoir droit à
une rente avant d'avoir atteint l'âge de 45 ans et avant d'avoir
travaillé pendant 10 ans chez l'employeur. La loi a également
permis de transporter son fonds de pension d'un employeur à l'autre,
donc de pouvoir régler en quittant son employeur, de pouvoir apporter
avec lui non seulement son capital mais tous les intérêts. Elle a
obligé l'employeur aussi à contribuer - 50 % - aux crédits
de rentes dès le début. Donc, une loi qui a modifié d'une
façon importante le régime de rentes pour protéger les
employeurs et éventuellement, les retraités. Je rappelle
également que le gouvernement n'a pas hésité à
faire passer la loi qui a obligé le partage du patrimoine familial, par
exemple, mesure qui vient en aide aux femmes qui sont mariées et qui
voyaient souvent, lors d'une séparation ou d'un divorce, l'ex-mari
partir avec tous les biens du patrimoine familial. Donc, des mesures qui ont
permis d'améliorer sensiblement la situation des femmes et des
retraités...
M. Boisclair: M. le Président, si le ministre conclut, moi
aussi je vais conclure là.
Le Président (M. Joly): Les procédures là...
Si on se rappelle ce que je vous ai lu ce matin, c'est qu'en conclusion, c'est
M. le ministre. Alors, c'est à ma discrétion... Pour le
bénéfice des gens qui sont ici, qui ont voyagé dans toute
la province, je pense qu'il est peut-être bon qu'on puisse... M. le
ministre, je vous invite à conclure.
M. Bourbeau: Oui, oui, je suis en train de conclure. Dans la
même phrase, j'étais en train de remercier les gens de l'AQDR tout
en leur signifiant l'intérêt que le gouvernement porte à la
cause des personnes âgées, des personnes retraitées et en
soulignant, bien sûr, les gestes positifs que le gouvernement a
posés envers les retraités par le fait d'avoir voté
certaines lois dont la loi à laquelle vous avez tant participé,
la Loi sur les Régimes complémentaires de retraite. Alors, merci
de votre contribution et bon voyage de retour.
Le Président (M. Joly): Merci. Moi-même, au nom des
membres de la commission, Mme Brunet et les membres de l'AQDR, je vous remercie
de votre participation et je vous reconnais même le mot de la fin, Mme
Brunet. À vous.
Mme Brunet: Oui, et bien l'an passé, on a
fêté le dixième anniversaire de l'Association et cette
année, à notre grande surprise, on a reçu de la Commission
des droits de la personne un magnifique prix. Alors, on a dit: Enfin, on
reconnaît la nécessité du travail qu'on fait, ça
nous donne encore le goût de continuer plus.
Le Président (M. Joly): Merci. Bon voyage les
représentants de la Centrale des syndicats démocratiques, CSD, de
bien vouloir s'avancer s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 17 h 33)
(Reprise à 17 h 37)
Le Président (M. Joly): Je demanderais aux gens
représentant la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) de
bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.
Alors, bonjour et bienvenue à cette commission. M. le
président Qingras, s'il vous plaît, j'apprécierais si vous
pouviez nous présenter les gens qui vous accompagnent. C'est
automatique, M. Gingras, vous allez avoir le son qui est déjà
à votre portée.
Centrale des syndicats démocratiques
M. Gingras (Claude): Je vous remercie, M. le Président, de
nous fournir cette opportunité de comparaître devant vous sur une
question aussi importante pour les travailleurs que de partager un milliard
équrtablement. Alors, pour m'assister dans la présentation de la
position de la CSD, je voudrais quand même vous présenter ceux qui
m'accompagnent: à l'extrême droite, Louis Tremblay, responsable du
service de recherche de la Centrale; M. Jean Roy, président de la
Fédération de la métallurgie à la CSD; M. Jeannot
Picard, trésorier de la CSD; et Mme Catherine Escojido, responsable des
communications à la CSD.
Le Président (M. Joly): Je vous rappelle que vous avez une
vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire, s'il vous
plaît.
M. Gingras: C'est ça.
Le Président (M. Joly): À vous la parole.
M. Gingras: M. le Président, M. le ministre, membres de la
commission, il y a un principe qui dit qu'on ne corrige pas une injustice en en
commettant une autre. Il s'applique pleinement dans le cas de la
propriété des excédents d'actif
générés par les régimes complémentaires de
retraite. L'argent dans les caisses de retraite appartient aux travailleuses et
travailleurs et leur revient de plein droit. Aucun partage avec les employeurs
n'est acceptable, et ça, c'est un avis, pour nous, qui est fondamental.
À la lecture du document de consultation publié par le ministre,
on comprend aisément pourquoi le gouvernement a attendu tout ce temps.
S'il avait ainsi proposé de couper la poire en deux il y a deux ans, au
moment où des cas d'injustice dramatiques ont fait surface, c'est dans
un tollé de protestations que la population aurait rejeté
son approche. alors, il ne faut pas oublier que des travailleuses et
travailleurs ont vu leurs prestations de retraite disparaître, des
employeurs se sont financés à même la caisse, d'autres ont
déménagé leurs pénates ailleurs - et ça, je
pense qu'on en a des exemples régulièrement - sans remplir leurs
obligations. une telle dépossession commandait une action
immédiate du gouvernement. malheureusement, avec le recul, force nous
est de constater que le moratoire imposé par le gouvernement ne visait
qu'à laisser retomber la poussière et à faire baisser la
pression populaire. à ce sujet, les travailleuses et travailleurs
membres de la csd ont un message clair à l'endroit du gouvernement. ce
qui était inacceptable en 1988, nous n'avons pas l'intention de nous le
faire imposer aujourd'hui. alors, partager les excédents d'actif avec
les employeurs, c'est carrément prendre de l'argent dans les poches des
travailleuses et travailleurs pour leur redonner. ce faisant, le gouvernement
se trouve à annuler les conditions de travail bien souvent
négociées entre les parties et souvent au prix, quand même,
d'efforts considérables. et je pense qu'il faut absolument qu'on
connaisse justement ces négociations pour savoir quels sont les
enjeux.
Ce dont il est question dans le cadre de cette consultation, c'est donc
la propriété des excédents d'actif
générés par les caisses de retraite. La proposition et la
position de la CSD se divisent en deux volets. D'abord, le cas des
excédents d'actif accumulés avant le moratoire pour lequel nous
proposons une répartition équitable entre ceux et celles à
qui ces sommes appartiennent: les participants actifs, les personnes à
la retraite, les personnes qui ne sont plus à l'emploi sans avoir droit
à une rente. Puis, pour l'avenir, la CSD propose des mécanismes
précis pour assurer des garanties et réclame qu'une place plus
grande soit accordée aux participants au régime, actifs ou
à la retraite, dans la prise de décisions concernant la gestion
de la caisse, notamment par le biais des comités de retraite.
Une constatation nous frappe à la lecture du document de
consultation: il est conçu uniquement pour des régimes
contrôlés par les employeurs ou paritairement. Que fait-on des
régimes entièrement gérés par les syndicats et qui
ont choisi d'en assumer totalement la gestion? Cet oubli en dit long sur la
vision du gouvernement quant au rôle des syndicats dans la gestion des
régimes de retraite. La CSD privilégie et encourage ses syndicats
affiliés à prendre en main et à administrer
eux-mêmes leur régime. Plusieurs le font déjà et les
résultats sont fort concluants en termes financiers, mais aussi et
surtout en ce qui a trait à la responsabilisation des travailleuses et
travailleurs et au fonctionnement ouvert et démocratique de ces
régimes. Dans ces régimes gérés syndicalement, on
conçoit aisément que seuls les participants ont voix au chapitre
lorsqu'il est question de surplus et qu'il ne saurait en être
autrement.
Avant de s'interroger sur la répartition des excédents
d'actif, il est important de connaître comment ils ont pu s'accumuler au
cours des années. Les causes sont multiples et ne sont pas toutes
exogènes à l'entreprise. Les taux de rendement
élevés, entre autres. Les régimes de retraite, au cours
des années quatre-vingt, atteignent leur maturité quant au nombre
de leurs participants. Ils ne connaîtront un sommet quant au nombre de
retraités qu'au cours des prochaines décennies. Les
régimes de retraite au cours des années quatre-vingt ont
profité d'une conjoncture favorable et ont obtenu des taux de rendement
nettement plus élevés que ceux prévus dans les
évaluations actuarielles. Dans le document de consultation du
gouvernement, on énonce clairement que ces taux de rendement sont deux
à trois fois plus hauts que les taux d'intérêt
utilisés. Or, les forts taux de chômage des années
quatre-vingt au Québec, atteignant leur sommet en 1983 à 13,9 %
et leur plancher en 1989 à 9,3 %, ont ralenti la progression salariale
des travailleuses et travailleurs. Ce dernier facteur a aussi contribué
à l'accumulation d'excédents d'actif dans les caisses de
retraite. De plus, la rémunération hebdomadaire des
salariés au Québec, de 1983 à 1989, a augmenté de
380,84 $ à 470,75 $, soit une progression de 23,6 %, ce qui est
inférieur à celle de l'inflation pour le Canada qui a
été, au cours de la même période, de 28,4 %.
Avant l'adoption de la loi 116, les règles minimales
d'acquisition au droit à une rente pour les participants et
participantes rendaient difficile l'accès à une rente lorsqu'ils
quittaient ou perdaient leur emploi. Ceci avait pour effet de restreindre la
mobilité des travailleuses et travailleurs d'une entreprise à
l'autre. Or, en 1982-1983, les employeurs ont procédé à
des mises à pied massives, ce qui a mis fin à la participation de
ces personnes au régime de retraite. Les employeurs ont alors
cessé de contribuer et les travailleuses et travailleurs ont
récupéré leurs cotisations avec des intérêts
nettement inférieurs au rendement réalisé par les
régimes. Ces mises à pied massives faites par les employeurs ont
amené un dépassement dans les analyses actuarielles du nombre
prévu de personnes qui quittent ou perdent leur emploi. Cette situation
a favorisé l'accumulation d'excédents d'actif dans les caisses de
retraite.
Le choix des hypothèses actuarielles concernant les taux de
mortalité, l'évolution des salaires, les taux de rendement, la
mobilité de la main-d'oeuvre et les autres facteurs ayant un impact sur
les coûts des régimes de retraite a été en tout
temps fait de façon fort conservatrice, faisant apparaître des
excédents d'actif dans les caisses de retraite. Comme la gestion des
caisses de retraite a été très souvent
l'affaire des employeurs uniquement et que ceux-ci ont pu s'accorder des
congés de cotisation annuelle, les hypothèses actuarielles
conservatrices servaient leurs intérêts. À cet effet, la
CSD est en accord avec l'intention du gouvernement d'uniformiser dans l'avenir
les méthodes et hypothèses actuarielles pour la
détermination des montants d'excédents d'actif. Je pense que
ça, c'est une orientation qui est fondamentale.
Toute disposition concernant les excédents d'actif doit se
référer aux grands principes suivants: le premier, les caisses de
retraite sont la propriété des travailleuses et travailleurs;
deuxièmement, les caisses de retraite constituent une condition de
travail résultant de la négociation. Selon la CSD, l'argent dans
les caisses de retraite est du salaire différé qui appartient aux
travailleuses et travailleurs. Dans les entreprises, la
rémunération de la main-d'oeuvre n'est pas seulement le salaire
versé aux travailleuses et travailleurs. La rémunération
de la main-d'oeuvre comporte quatre composantes: le salaire versé, bien
sûr, en est une; le salaire différé, alors il s'agit des
régimes de rentes publics et privés, régimes
complémentaires de retraite; les avantages sociaux, soit les vacances,
les jours fériés, les congés de maladie et autres
congés, régimes d'assurance, etc.; il y a aussi les cotisations
sociales pour les régimes à caractère social comme la CSST
et les différents autres régimes.
À l'exception des cotisations sociales, c'est par la
négociation collective qu'on détermine la
rémunération de la main-d'oeuvre. Alors, c'est par la
négociation que sont obtenues, en fait, les conditions applicables aux
régimes de retraite. Les contributions qui y sont versées par
l'employeur font donc partie de la rémunération de la
main-d'oeuvre, c'est-à-dire de ce que l'employeur donne aux
salariés en échange de leur prestation de travail. Les
contributions versées à ce chapitre font partie de l'enveloppe
globale. Alors, il faut avoir négocié pour comprendre comme
ça se déroule à une table de négociation et c'est
clair que lors de la négociation, le pourcentage de la contribution de
l'employeur au régime est négocié avec l'ensemble des
conditions de travail. Ce que l'employeur accorde à ce niveau, on peut
supposer qu'il ne le versera pas en augmentation de salaire ou en
amélioration à d'autres conditions. Ce qui est obtenu pour le
régime de retraite est un gain de négociation sur lequel il est
inacceptable de revenir, même plusieurs années après. Cette
rémunération appartient donc aux travailleuses et travailleurs et
ne peut, en aucun cas, leur être retirée. La contribution dans une
caisse de retraite appartient à l'ensemble des participants.
Le résultat de la négociation est influencé par de
nombreuses choses dont, notamment, la situation financière de
l'entreprise. Une excellente situation financière permet d'accorder de
meilleures conditions aux travailleuses et travailleurs. Malheureusement,
l'inverse est également vrai comme on le voit actuellement. Nous avons
pu constater que là où une entreprise doit acquitter le
déficit actuariel de la caisse de retraite, les augmentations de salaire
ou les avantages sociaux sont généralement affectés.
Ainsi, le processus de négociation permet à l'employeur de faire
payer indirectement, en partie ou en totalité, le déficit
actuariel de la caisse de retraite, malgré que la loi établisse
la responsabilité des employeurs quant à celui-ci. L'employeur
pouvant faire payer aux travailleuses et travailleurs une partie ou la
totalité du déficit, il est inconcevable de penser à un
quelconque partage des surplus d'actif. Les caisses de retraite constituent une
rémunération différée pour les participants et
participantes. Au même titre qu'un employeur ne peut réclamer le
salaire versé et dûment payé à ses salariés,
il ne peut réclamer les excédents d'actif accumulés dans
les caisses de retraite. Selon la CSD, l'employeur, après avoir
payé sa quote-part de la cotisation d'exercice, n'a plus aucun droit de
propriété sur l'argent versé à la caisse de
retraite. Le partage des excédents d'actif devra se faire en accord avec
le principe d'équité.
Selon la CSD, les excédents d'actif des régimes de
retraite sont la propriété des participants et participantes.
C'est pourquoi nous proposons que la répartition de ces excédents
se fasse pour les excédents accumulés au 15 novembre 1988 et pour
les excédents futurs selon des principes clairs, équitables pour
tous et toutes, que ce soient les participants et les retraités de ces
régimes. Dorénavant, avec l'uniformisation des méthodes et
hypothèses actuarielles de détermination du montant
d'excédents d'actif et l'encadrement plus strict des régimes
complémentaires de retraite par la loi 116, l'accumulation
d'excédents d'actif sera plus difficile. Selon la CSD, dans les
situations où un régime de retraite est déficitaire, il
est faux de penser que c'est l'employeur seul qui comble ce déficit.
Pour ce qui est de la période de transition suivant la levée du
moratoire, la CSD demande que les employeurs, dans le cas de déficit,
rendent celui-ci à zéro à l'intérieur d'une
période de trots ans, c'est-à-dire jusqu'à l'analyse
actuarielle suivante.
Pour le futur, nous réclamons que la portée de la
responsabilité de l'employeur quant au déficit actuariel soit
limitée au cas de terminaison totale du régime. Dans les autres
cas, la décision des moyens à prendre pour le combler devra
être prise conjointement par les parties, les travailleuses et
travailleurs et les employeurs parce qu'il ne faut pas s'imaginer que ça
se passe autrement quand il s'agit de combler un déficit actuariel.
Nous sommes d'accord avec la proposition d'une réserve de
sécurité égale à 25 % du passif du régime
déterminé selon une approche de solvabilité ou encore au
double de la cotisation patronale excluant les amortissements. Au-delà
de cette réserve, les excédents d'actif devraient
obligatoirement être distribués entre les participants et
retraités. De plus, pour assurer une plus grande protection aux
travailleuses et travailleurs, la CSD recommande qu'une réserve minimale
égale à 10 % du passif du régime déterminé
selon une approche de solvabilité soit constituée avant
d'envisager toute amélioration du régime de retraite à
même les excédents d'actif. Cette réserve servira à
absorber des déficits causés lors des années où les
taux de rendement sont inférieurs au taux utilisé dans les
analyses actuarielles en période économique
défavorable.
La répartition des excédents d'actif accumulés au
15 novembre 1988. En ce qui a trait à cette portion, la CSD
considère que la répartition des actifs accumulés au 15
novembre doit se faire entre les salariés qui ont contribué
à la caisse de retraite. Ils se divisent en trois groupes distincts: il
y a les participants actifs, bien sûr, les retraités ou leurs
ayants droit, les participants n'ayant pas acquis le droit à une rente
dû aux règles d'acquisition et qui ne sont plus à l'emploi.
Le montant des excédents distribuable dans ce cas est toute somme qui
dépasse une réserve de sécurité égale
à 10 % du passif du régime, déterminé selon une
approche de solvabilité, sauf dans le cas de terminaison totale du
régime où cette réserve devient inutile.
Une part pour chacun des groupes doit être prévue: celle,
entre autres, des participants actifs, celle des retraités et celle des
participants n'ayant pas acquis le droit à une rente mais qui ont
quitté quand même l'emploi. La distribution des excédents
d'actif selon ces paramètres est équitable pour tous et tient
compte de la distribution des trois groupes ci-haut à l'accumulation
d'un excédent d'actif dans leur caisse de retraite. L'utilisation de
leur part pour les trois groupes pourra prendre la forme que chacun choisira.
Pour les participants et participantes actifs, leur part peut être
utilisée pour bonifier le régime, se donner un congé de
cotisation ou prendre la forme d'un régime enregistré
d'épargne-retraite. Pour les retraités, elle peut être
utilisée pour bonifier leur régime ou encore leur être
directement versée. Pour les participants n'ayant pas acquis le droit
à une rente, leur part devrait leur être remboursée ou
servir à leur constituer un REER particulier.
Alors, en conclusion, messieurs et mesdames membres de la commission, il
ne fait aucun doute que les excédents d'actif des caisses sont la
propriété des travailleuses et des travailleurs et que tout
projet de loi visant à en disposer doit concrétiser cet
objectif.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Gingras.
M. Gingras: On peut répondre à vos questions.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre. M. le ministre.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Les contrats qui
forment ia plupart des régimes, qui sont à la base de la plupart
des régimes sont des contrats qui indiquent que dans les régimes
à prestations déterminées, l'employeur s'engage à
ce que lorsqu'un travailleur arrivera à la retraite, une rente soit
disponible et soit payée et l'employeur garantit le paiement de cette
rente-là. C'est l'obligation qui est faite à l'employeur dans le
contrat. Le contrat ne dit pas que l'employeur est obligé, chaque
semaine ou chaque mois ou chaque année, de mettre une somme d'argent
précise, la responsabilité de l'employeur va au delà de
ça, va au delà de dire: Vous êtes obligé de mettre
une somme X chaque mois. C'est plus que ça. L'employeur doit garantir la
rente, de sorte que si jamais le montant qu'il a mis en cours de route
n'était pas suffisant, il est obligé d'en mettre d'autre pour que
la rente soit payée.
Supposons, par exemple, qu'un employeur - et ça arrive, ça
- décide une année donnée de mettre plus d'argent dans le
fonds de pension qu'il devrait le faire pour assurer la solvabilité,
parce que cette année-là, par exemple, les affaires ont
été bonnes. L'employeur se dit: Bon, bien maintenant, on est en
période où ça va bien, aussi bien prendre un peu d'avance
au cas où il arriverait d'autres années où c'est
difficile, comme par exemple les années qu'on vit présentement,
où je n'aurais pas de surplus, je n'aurais pas de profit.
Si on oblige l'employeur à mettre chaque année une somme
d'argent, on ne lui donne pas le droit à la suspension de sa cotisation,
est-ce qu'il ne sera pas incité à ne pas mettre plus d'argent une
année donnée qu'il le devrait, parce que ce faisant, il fait
passer le régime en situation de surplus? Alors, moi, je me dis: Ce
n'est peut-être pas une bonne chose que de lui défendre de ne pas
payer certaines années parce qu'il ne sera pas porté à en
mettre plus, les années où ça va bien. Est-ce qu'il n'y a
pas un danger, là, de nuire à la solvabilité du
régime en faisant en sorte que l'employeur ne mettrait de l'argent
qu'à chaque année? On lui interdirait de prendre de l'avance
pendant les bonnes années et on risquerait que, quand les années
sont très mauvaises, il ne puisse pas en mettre pour finalement,
même, qu'il puisse fermer les régimes. Parce que l'employeur,
d'après les contrats, peut toujours mettre fin au régime. Alors,
est-ce que ce n'est pas mettre en danger la survie du régime que
d'interdire à l'employeur de prendre des congés de cotisation,
par exemple?
M. Gingras: Notre position sur cette question-là et en
réponse, justement, à ce que vous soulevez comme argumentation,
permettez-moi de vous dire que pour l'expérience que nous avons dans le
champ des sommes additionnelles que vous pensez que les employeurs mettent
dans
les régimes, c'est plutôt l'expérience contraire
qu'on a constatée. C'est que quand la loi leur a permis de ne pas
déposer leur quote-part de participation dans les régimes, ils
s'en sont prévalus allègrement.
Actuellement, dans la plupart des régimes où les
employeurs contribuent à des régimes de retraite, nous n'avons
pas d'exemple où on anticipe énormément dans les paiements
des sommes à verser par les employeurs en termes de contributions dans
ces régimes-là et qu'on anticipe des cotisations à venir.
En ce qui nous concerne, on a plutôt le portrait contraire et on est
obligé de se battre constamment pour préserver la participation
financière de l'employeur dans les régimes de retraite. C'est
même plus là qu'on retrouve la problématique à
laquelle on est confronté, avec laquelle on est confronté dans la
négociation constante et dans le quotidien de l'application des
régimes de retraite.
L'employeur, souvent, cherche à modifier sa contribution et
toujours à récupérer une partie de sa contribution et ce
sont des luttes quand même considérables pour essayer de maintenir
la quote-part de la participation de l'employeur dans les régimes de
retraite. Alors, les cas d'anticipation, à moins que vous ne puissiez
m'en fournir des exemples, nous autres, ce n'est pas notre
réalité et ce n'est pas ce qu'on vit dans les milieux de travail
et puis ce n'est pas avec ça, l'anticipation des primes payées
par l'employeur, qu'on assure vraiment la solvabilité des
régimes.
Sur l'autre partie, quand les entreprises sont en difficulté, que
quand ça va bien, les employeurs en mettent plus pour assurer des
périodes où c'est plus difficile... Au contraire, quand il y a
des périodes de difficultés économiques dans les
entreprises, je vous assure qu'habituellement, on est Interpellé
très rapidement pour s'asseoir et voir comment on va assurer la survie
de l'entreprise et comment on va assurer le devenir de l'entreprise qui est
face à une situation de difficulté. Et quand l'employeur a... (18
heures)
Même si l'employeur avait contribué des sommes en addition
au régime de retraite, c'est qu'à ce moment-là, dans les
moyens qui exigeraient, en termes de contribution des salariés, pour
faire en sorte d'assurer l'avenir de l'entreprise, ces exigences seraient
encore plus fortes parce que, justement, il aurait déposé ces
sommes-là. Mais encore là, il faudrait qu'on me démontre
de façon claire que c'est une possibilité très largement
utilisée, ce qui n'est pas le cas à notre avis. Actuellement, il
n'y a pas de dépôt de cotisation anticipée, comme on
pourrait entendre, qui soit suffisamment significatif pour qu'on en tienne
compte à ce moment-ci.
M. Bourbeau: Donc, la CSD demande que les surplus d'actif soient
distribués uniquement aux participants. Bien sûr, ce faisant, vous
vous démarquez des mémoires des employeurs, de l'Alcan et de
certains autres, évidemment, qui ne sont pas de cet avis. Vous vous
démarquez même un peu de la CSN d'ailleurs, qui, ce matin,
reconnaissait que dans certains cas - la CSN, dont faisait partie jadis notre
ami, le député de Pointe-aux-Trembles - on pourrait permettre
à l'employeur de prendre des congés de cotisation. Supposons que
l'employeur, par exemple, était obligé, étant donné
une conjoncture économique difficile, et supposons qu'il y a une
conjoncture économique difficile et que le fonds de pension devient en
déficit actuariel lors d'un test de solvabilité, on demande
à l'employeur de faire des contributions additionnelles, la CSN
reconnaissait que, dans ces cas-là, si le fonds redevient en
excédent d'actif, on pourrait permettre à l'employeur de prendre
des congés de cotisation. Est-ce que vous seriez d'accord avec cette
proposition?
M. Gingras: Nous autres, on n'est pas d'accord que la loi
prévoie qu'il puisse prendre des congés de cotisation. On est
d'accord que les participants puissent regarder cette possibilité dans
les mesures qu'ils peuvent prendre, à un moment donné, pour
décider de l'utilisation des surplus. Mais ça devrait être
les participants qui devraient prendre cette décision-là,
ça ne devrait pas être un droit automatique de l'employeur de
récupérer à même des surplus actuariels des sommes
lui permettant quand même d'assurer la survie des entreprises. Or, on
sait que la relance d'une entreprise, ça ne tient pas uniquement
à l'injection de fonds qui pourraient provenir d'un surplus actuariel.
Souvent, l'effort de relance d'une entreprise est beaucoup plus large que
celui-là et s'il se résume uniquement à
récupérer une partie des fonds pour assurer cette relance, c'est
qu'à notre avis, tout ça doit faire partie de l'évaluation
que les personnes vont avoir à faire des conditions sur lesquelles on va
s'entendre pour assurer cette relance. Alors, il ne faut pas que ce soit
à même du salaire différé des travailleurs qu'on
permette à l'employeur unilatéralement de le faire. Alors, ce
doit être une décision des participants de haut lieu de le
récupérer ou de l'affecter en bénéfices
additionnels. S'ils décident de l'octroyer, par une décision des
participants, en congés de contribution, ce sera une décision des
participants et non pas un droit inhérent et prévu par la loi, un
droit pour les employeurs d'avoir droit au chapitre sur ces
crédits-là.
M. Bourbeau: Vous nous demandez de faire beaucoup de chemin,
quand on pense à ça. Le système dans lequel on est
présentement, c'est un système qui fait en sorte que les
employeurs seuls, la plupart des cas, ont décidé de mettre ; sur
pied un régime de retraite. ;
M. Gingras:hum! voulez-vous que je vous
dise que, dans le vêtement, on est les seuls à avoir
décidé de mettre un régime...
M. Bourbeau: Non, mais écoutez...
M. Gingras: ...ils font seulement que contribuer et c'est
déjà beaucoup leur demander.
M. Bourbeau: Je dis dans la plupart des cas. Je reconnais qu'il y
a des exceptions, mais traditionnellement, au Québec, ce sont les
employeurs qui ont décidé de former des régimes de
retraite parce que, quand même, ce n'est pas dans tous les cas qu'il y a
des syndicats, ce n'est pas la majorité des cas, même. Et puis,
après ça, les travailleurs, surtout quand il n'y pas le syndicat,
adhèrent au régime. C'est l'employeur qui a mis sur pied le
régime. D'ailleurs, c'est l'employeur qui peut aussi mettre fin au
régime, dans presque tous les cas. Et ces régimes-là, dans
la presque totalité des cas, enfin, dans un grand nombre de cas - je
n'ai pas les statistiques, mais c'est peut-être 95 % des cas - les
régimes disent que la propriété des excédents
d'actif appartient à l'employeur. C'est la règle
générale actuellement. Les excédents d'actif appartiennent
à l'employeur en vertu du principe qui veut que l'employeur est
responsable des déficits. Ça va ça, M. le
Président? Confirmé par le président de la Régie,
bon.
Alors, la grosse partie, la grande partie des régimes
actuellement disent, par contrat convenu, soit qu'il y a un contrat
d'adhésion quand l'employé vient travailler, ou un contrat quand
ça a été convenu, disent que le patron ou l'employeur est
responsable des déficits, donc les surplus devraient lui appartenir.
Nous, le gouvernement, on est intervenu. On a gelé ça. On a dit:
Bien, c'est peut-être comme ça dans les contrats, mais
peut-être qu'il faudrait regarder ça un peu mieux. Ce n'est
peut-être pas aussi évident que ça que les surplus
devraient appartenir aux employeurs. Même si c'est marqué dans les
contrats. On intervient, comme gouvernement, dans les contrats et on vient
faire des changements. Et vous, vous nous dites: Intervenez encore bien plus.
Revirez donc ça à l'envers complètement. Faites en sorte
que non seulement ce ne sera même plus partagé entre les deux...
Actuellement, c'est l'employeur seulement qui a les surplus. Nous, on dit:
Peut-être que ça pourrait être partagé. Et vous, vous
dites: Non, non, même pas de partage. Oui, on va partager. Oui, mais
uniquement entre les participants, entre les retraités et les
participants. L'employeur, sortez-le de là complètement. C'est
tout un virage que vous nous demandez de faire là. C'est tout un
virage!
M. Gingras: Ce n'est pas un virage, M. le ministre. Je pense
qu'on a tenté dans notre mémoire de vous démontrer que la
négociation d'un régime de retraite, ce n'est pas un cadeau de
l'employeur. C'est le résultat d'une entente sur les conditions de
travail qui prévalent dans un milieu de travail et souvent, pour
acquérir ce droit à un régime de rentes, on est
obligé de concéder du salaire, et ça, il faut
négocier dans le champ pour savoir, quand on négocie un ensemble
de conditions de travail, comment on est capable ou on est obligé de
faire des compromis. Souvent, on a renoncé à une progression
salariale, à une indexation salariale pour, justement, aller chercher
des conditions comme un REER ou un régime de retraite,
éventuellement, dans certains milieux de travail. Et ça,
ça fait partie d'un ensemble qu'on négocie. Et ce n'est pas un
cadeau qui est consenti nécessairement par l'employeur à ses
salariés. Alors, lui, il peut évoquer, comme ça a
déjà été à l'époque paternaliste des
conditions de travail: Bien, venez travailler chez nous, vous allez
bénéficier d'un régime de retraite style celui de Dominion
Textile où l'employeur finançait l'ensemble du régime,
mais qui donne des cotisations qu'on connaît aujourd'hui. S'il n'y avait
pas le régime public pour permettre aux travailleuses et travailleurs de
vivre un peu, je vous assure que ce n'est pas le régime de la DT qui
leur permettrait de tirer leurs marrons du feu et puis de continuer à
vivre, avec la situation économique qu'on leur impose ici. Alors, la
réalité, c'est qu'il n'y a pas de cadeau là-dedans. Et
puis, quand l'employeur, même chez DT, négociait des conventions
collectives de travail, parce qu'il était l'unique participant au
régime de retraite ou aux mesures de retraite qu'il devait assurer pour
les travailleurs, c'est qu'à ce moment-là, il nous dit
constamment dans sa négociation: Mais n'oubliez pas que je contribue
à un régime de retraite. Et ça, ça fait partie du
"package deal". Il ne faut jamais ignorer ça. Il ne faut jamais penser
que c'est disconnecté de l'ensemble du traitement qui est accordé
aux travailleuses et travailleurs. Alors, c'est pour ça que, quand on
vous dit que ces sommes-là doivent être considérées
comme appartenant aux travailleuses et travailleurs, c'est que, quand on
négocie la contribution, qui génère ces surplus actuariels
là? C'est que déjà, ça fait partie d'un
consentement mutuel entre les groupes sur les conditions qui doivent
prévaloir.
Un autre élément, c'est que, demain matin, si vous
décidez d'établir des règles dans la loi qui consent une
partie de ces surplus-là aux employeurs, vous venez à rencontre
de la jurisprudence actuelle aussi. Il y a différents jugements qui sont
rendus, tant en vertu de la "common law" que du Code civil au Québec, et
qui disent d'une façon très claire que les surplus actuariels ne
sont pas la propriété des employeurs, à moins qu'il n'y
ait des conditions dans le régime qui prévoient qu'il y a un
accès à ces surplus actuariels là. Et ça, c'est une
constante et c'est une vision majoritaire des tribunaux actuellement,
même si on n'a pas une
législation qui le dit d'une façon expresse. En fait, ces
surplus-là sont des montants qui appartiennent aux travailleuses et aux
travailleurs qui ont, comme condition de travail, obtenu le droit que les
employeurs contribuent à des régimes et qui font aussi que ces
travailleuses et travailleurs-là contribuent.
Un troisième argument que je veux vous soulever: Combien de
régimes où on a fait état, justement, un bon régime
paternaliste fait état qu'il existait une pension dans certaines
entreprises - je pourrais vous en citer une qui est disparue, Kilgour, entre
autres - qui était un gros employeur du meuble au Québec qui
avait mis un régime de retraite de l'avant, qui avait même dans ce
régime-là fait contribuer des travailleurs, mais quand on a fait
l'examen de ce régime-là, c'est que l'employeur n'avait mis aucun
argent de côté pour assurer les rentes justement des travailleurs
qui avaient promis en vertu d'un régime où ils contribuaient
unilatéralement. O. K. Et puis quand il a fait faillite au
Québec, tous ces droits supposément à la retraite que les
travailleurs avaient acquis pendant 40 ans de vie de travail pour cette
entreprise-là sont disparus avec lui.
Alors, ça, c'est la situation qu'on a vécue dans les
milieux de travail. C'est une situation qui va se corriger avec la nouvelle
législation, mais c'est une situation qu'on a vécue. On s'est
aperçu aussi qu'il y a beaucoup de régimes où on faisait
accroire aux travailleurs, des régimes à participation qui
étaient contrôlés par les employeurs et où on
contribuait, les travailleurs et les employeurs. En fin de compte, avec la
récupération des surplus actuariels à cause des
contrôles très larges des réserves et tout ça puis
des critères, les employeurs ont financé leur contribution
à même justement les surplus actuariels dégagés des
régimes. Ça aussi, on a vécu ça puis on vit encore
ça dans les milieux de travail, au fur et à mesure qu'on
possède l'information sur différents régimes.
Le Président (M. Joly): M. le ministre, dernière
question. Réponse brève aussi.
M. Bourbeau: Vous reconnaîtrez, M. Gin-gras, quand
même que nous avons amendé sérieusement l'ancienne loi.
Nous l'avons modifiée, obligeant les employeurs, même dans les
régimes à prestations déterminées, à
effectuer des cotisations régulières. La nouvelle loi fait en
sorte que l'employeur doit cotiser 50 % des crédits de rente chaque
année. Maintenant, il ne peut pas prendre des congés de
cotisation. Il est obligé de mettre sa contribution, il peut prendre des
congés de cotisation, oui, s'il y a un surplus, mais il a un obligation
maintenant de cotiser 50 % des crédits de rente. Nous avons
modifié aussi les règles d'acquisition qui font en sorte qu'un
travailleur ne peut plus se faire déposséder de son capital
après neuf ans de travail parce qu'il n'a pas atteint l'âge de 45
ans. Dorénavant, après deux ans de participation dans
l'entreprise et une année de cotisation, il a le droit à la rente
déjà pour le travailleur. La nouvelle loi que nous avons
passée améliore d'une façon importante le comité de
retraite obligatoire, l'assemblée annuelle.
Bref, je pense que les travailleurs vont être pas mal plus
protégés avec la nouvelle loi qu'ils ne l'ont été
dans le passé et dans ce sens-là, je pense que vous
reconnaîtrez que le gouvernement a fait un effort considérable
pour améliorer le système. On ne devrait plus retrouver
dorénavant d'incongruités comme celles dont vous venez de parler
ou d'injustices. Même les surplus actuariels ne devraient pas être
dégagés à l'avenir autant qu'auparavant puisque les
travailleurs auront droit, s'ils quittent l'employeur, d'apporter avec eux leur
capital. Les intérêts devront leur être comptés
jusque... Les intérêts qu'ils pourront apporter avec eux, c'est
l'intérêt moyen généré par la caisse, ce qui
est quand même plus important. La part de l'employeur, ils pourront
l'emporter avec eux aussi. Bref, je pense que le nouveau système va
être d'une façon importante beaucoup plus équitable pour
les travaieurs et devrait mettre fin à tous les problèmes
à peu près dont on a parlé précédemment.
Le Président (M. Joly): M. Gingras, un dernier commentaire
bref, s'il vous plaît.
M. Gingras: Oui. Il est sûr que les modifications qui ont
été apportées par la loi 116, c'est un pas dans le bon
sens, mais on ne peut pas présumer quand même que ça a
répondu à tous les objectifs que pouvaient avoir les travailleurs
parce que ce n'est pas par la loi 116 qu'on a assuré une gestion
paritaire quand même, au moins la gestion paritaire des régimes.
On a assuré une participation des travailleurs, c'est tout ce qu'on a
fait. On ne leur a pas donné plus de contrôle sur les
régimes. La seule chose, c'est qu'on a préservé leurs
actifs un petit peu mieux qu'ils n'étaient préservés
auparavant. Ça, je vous concède ça.
M. Bourbeau: Plus de contrôle aussi.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît! Merci.
Alors, vous pourrez peut-être donner un complément de
réponse sur le temps du député de l'Opposition. Alors, je
reconnais maintenant le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord souhaiter
la bienvenue aux personnes de la CSD qui sont ici et confier à M.
Gingras en particulier que ça m'a fait tout drôle, tout à
l'heure, d'entendre le ministre dire: L'intérêt des syndicats pour
les caisses de retraite est récent, parce que voyez-vous, j'ai connu M.
Gingras - il n'y a pas de scandale à le dire - en 1965, à la
CSN. À l'époque, la Fédération du
vêtement, c'était il y a 26 ans et la Fédération
administrait son propre régime de retraite depuis 25 ans. Alors,
l'intérêt de la Fédération nationale des
travailleurs du vêtement de la CSD pour les régimes de retraite
est récent, ça ne date que de 51 ans, mais c'est pas pire et il
faudrait cesser...
M. Gingras: II y a un peu d'ancienneté, oui, comme vous
dites. (18 h 15)
M. Bourdon: Oui, il y a un peu d'ancienneté. Les
travailleurs industriels ont toujours été
intéressés aux caisses de retraite, ça s'est toujours
négocié aux tables. Je n'aime pas ça entendre le ministre
dire ça. Il a tout mon respect puis toute mon estime par ailleurs, mais
il ne faut pas réécrire l'histoire. Les travailleurs s'occupent
de ça depuis à peu près un siècle que les
organisations syndicales existent. En France, au début du siècle,
les mutuelles se sont fondées en même temps que les organisations
syndicales, et les mutuelles s'occupaient d'assurance et de caisse de retraite
pour se mettre de l'argent de côté pour nos vieux jours. De la
part du ministre, ce n'est pas de la mauvaise volonté, il est encore,
lui, contrairement à moi et M. Gingras, dans sa prime jeunesse, puis il
y a des affaires qu'il ignore.
Par ailleurs, je tiens à vous dire que, quant à nous, de
l'Opposition officielle, on est entièrement d'accord avec ce que vous
dites sur la disposition des suppléments d'actif ' qui ont
été accumulés, parce qu'ils ont été
accumulés entre autres à cause de la hausse
phénoménale des taux d'intérêt. Il faudrait
rappeler, M. le Président, que depuis une dizaine d'années, ce
sont des taux usuraires qui se pratiquent dans les emprunts et les
hypothèques. On est à 7 % ou 8 % au-delà de l'inflation.
Le loyer de l'argent est élevé, il ne faudrait pas que les
membres de la CSD ne profitent pas des taux d'intérêt quand
ça s'applique à leur fonds de pension, et se bornent à le
payer quand ils acquittent leur hypothèque ou leur emprunt de
consommation. À cet égard, dans le document du ministre, dont
Jean Francoeur, du Devoir, a dit qu'il était frauduleux dans son
titre, parce que ça dit: "Le partage équitable des
excédents d'actif". On dit, à la page 10, M. le Président:
"En 1975, le gouvernement introduisit une disposition dans la Loi sur les
régimes supplémentaires de rentes prévoyant qu'il ne
pouvait y avoir retour à l'employeur d'aucune partie de la caisse, sauf
à la terminaison totale du régime après acquittement de
tous les crédits de rente. Pour les régimes qui
n'établissaient pas la propriété de l'excédent
d'actif de façon explicite, le législateur détermina que
l'excédent appartenait aux participants et qu'il devait être
réparti au prorata de leurs crédits de rente."
Donc, on est parti d'une situation législative où il n'y a
qu'à la terminaison d'une caisse de retraite que l'employeur pouvait
faire la passe à la Singer, puis à la Simonds, et d'autres, ou si
c'était prévu dans leur contrat. Ce que le ministre nous propose,
c'est qu'en tout temps puis une fois par année, l'employeur s'approprie
les excédents d'actif, dont je suis d'accord avec la CSD pour dire
qu'ils appartiennent aux travailleurs. Et, dans ce sens-là, je ne peux
que souscrire à la première phrase de votre mémoire, et je
cite: "II y a un principe qui dit qu'on ne corrige pas une injustice en en
commettant une autre." Dans ce sens-là, je pense, moi, qu'on est devant
un document qui est correct au niveau des principes au début, mais quand
ça vient à l'application, là, ça crée des
problèmes, parce que les suppléments d'actif, je suis
parfaitement d'accord avec vous, appartiennent aux participants. C'est eux
autres qui les ont constitués, directement ou indirectement.
J'écoutais parler M. Gingras tout à l'heure puis, bon, ça
m'a rappelé des souvenirs de quand je négociais. Les employeurs
négocient chaque sou, et ce qu'ils mettent dans le fonds de pension, ils
ne le mettent pas ailleurs. Puis quand ce n'est pas un endroit syndiqué,
c'est unilatéral en plus, alors c'est sûr que c'est du salaire
différé, parce qu'ils décident à leur gré.
Ce qu'ils mettent là, ils ne le mettent pas à l'autre
endroit.
J'aurais une question sur la page 12 de votre mémoire, juste
vérifier, M. Gingras, si je comprends bien. Vous dites, au
deuxième paragraphe: "Nous sommes d'accord avec la proposition d'une
réserve de sécurité, égale à 25 % du passif
du régime déterminé". Vous dites: "Au-delà de cette
réserve, les excédents d'actif devraient être
distribués entre les participants". Un peu plus loin, vous dites: "De
plus, pour assurer une plus grande protection aux travailleurs et
travailleuses, la CSD recommande qu'une réserve minimale égale
à 10 % du passif du régime (...) soit constituée avant
d'envisager toute amélioration du régime de retraite." Je veux
juste vérifier si j'ai bien compris, parce que j'ai le processus mental
lent, par moment. Est-ce que je comprends bien que vous dites: D'abord, une
première réserve de 10 % avant de toucher au régime,
même pour le bonifier? Si on atteint 10 % et au-delà, on peut
bonifier le régime. C'est changer l'âge de l'admissibilité,
favoriser les préretraites, bonifier, qu'on appelle en
générai. Puis, vous dites: Donc, les parties s'entendent. Puis je
suis d'accord avec votre logique du contrat et le Barreau du Québec est
d'accord avec vous. C'est peut-être la première fois que le
Barreau, qui représente les avocats, est d'accord avec la CSD ou
d'autres organisations syndicales. Ça mérite d'être dit. Et
vous dites: Rendu à 25 % - si on l'a laissé aller jusqu'à
25 % - l'excédent devrait être distribué aux participants.
Est-ce que je comprends bien?
M. Gingras: Vous avez une excellente compréhension de
notre proposition. C'est qu'on
dit, nous autres...
M. Bourdon: Ça me rassure.
M. Gingras: Ahl oui. De toute façon, on dit: On le partage
quand même, le risque. On a expliqué, quand même, que dans
la vie courante, dans le quotidien de ce qu'on a à traiter comme
dossiers, et quand il se présente un problème de déficit
actuariel, vous n'avez pas besoin de penser que l'employeur assume ça en
catimini sans en parler à personne. Je pense que ce n'est jamais
arrivé, a notre connaissance, qu'un employeur ait subi un déficit
actuariel dans un régime de retraite, entre autres.
M. Bourdon: Puis qu'il ne l'a pas dit à personne.
M. Gingras: Et quand c'est arrivé, exceptionnellement,
ça ne s'est pas réglé à même une contribution
uniquement de la poche de l'employeur. Il faut s'enlever ça de la
tête, ce n'est pas comme ça que les affaires se règlent
dans le quotidien des relations de travail. Souvent, quand il y a eu des
déficits actuariels, ça a mis plutôt en cause la poursuite
des régimes. Ça n'a pas été compliqué, c'est
que l'employeur dit: Bon, bien, j'ai un choix: je mets fin au régime ou
bien on s'ajuste pour essayer de voir comment on va remplir les obligations
financières du régime. Ce n'est pas compliqué, c'est comme
ça que les affaires se règlent. Alors, c'est pour ça que
nous autres, on dit: Comme on assume déjà ce risque-là,
comme on le partage déjà quand il y a un déficit
actuariel... On dit: Non, les excédents d'actif, premièrement...
c'est-à-dire, les excédents actuariels... on doit quand
même garder une réserve potentielle qui va faire en sorte de
protéger le régime, protéger sa survie et faire en sorte
que s'il y a des périodes plus difficiles, on puisse les éponger,
à un moment donné, parce que ce sont souvent des périodes
temporaires qui ne mettront pas nécessairement en cause la survie du
régime. Alors, qu'on se garde ces réserves-là parce que,
de toute façon, on y contribue. Il ne faut pas se leurrer, il ne faut
pas se conter d'histoires: ça ne sort pas uniquement et habituellement
pas de la poche des employeurs. Alors, dans ce sens-là, c'est notre
compréhension: plus que 10 %, on le partage, on décide d'en
disposer; moins de 10 %, on le garde en réserve parce que je pense que
c'est absolu. Si on ne fait pas ça, on met en cause la survie de
plusieurs régimes de retraite et je pense que ça ne devrait pas
être une orientation qu'on retienne à ce moment-ci. Puis, quand on
est rendu à 25 %, bien, c'est clair qu'il faut faire une bonification ou
un partage, c'est-à-dire qu'on redistribue les suppléments.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je veux revenir aussi sur les
circonstances précises où l'employeur pourrait prendre un
congé de cotisation tel qu'exprimé dans le mémoire de la
CSN. Juste pour dire... Je ne veux pas faire le médiateur, là,
c'est un vieux divorce et ça ne sert à rien de revenir
là-dessus. La CSN nous disait: "En tout état de cause, que les
employés soient syndiqués ou pas, c'est un contrat et toute
modification devrait faire l'objet d'une entente entre l'employeur et les
employés, syndiqués ou pas." Là-dessus, ils vous
rejoignaient. Ils ajoutaient cependant: "II pourrait y avoir un congé de
cotisation quand l'employeur aurait eu à faire face à un
déficit imprévu." Et Ils insistaient sur le mot "imprévu".
Parce qu'il y a des régimes, des fois, où on décide
conjointement qu'il va y avoir un déficit pendant trois ans, mais que le
régime est capable de le payer à terme et puis que ce n'est pas
grave. Je ne pense pas que de vous le dire, ça vous rende d'accord, mais
il me semblait que le ministre prenait des petits raccourcis dans sa
façon de vous l'exprimer.
Une autre chose qui nous a été dite par des organismes qui
sont venus ici, c'est l'usage abusif, lors d'une terminaison de caisse de
retraite, qui est fait des prestations de retraite. Je vous donne l'exemple,
là. On termine une caisse de retraite et on donne le pourcentage
prévu pour le revenu actuel de la personne et non pas le pourcentage
prévu de ce que pourra être le revenu de cette personne-là
10 ans plus tard, par hypothèse, à l'âge de sa retraite.
Est-ce que c'est une question qui vous préoccupe? Il y a une actuaire
qui nous a dit que ça pouvait faire des montants très importants
et que ça contribuait à former des surplus.
M. Gingras: Oui, c'est évident que quand on... Tous les
critères qu'on utilise pour faire, justement, les
déboursés des régimes, toutes les façons... les
conditions qui prévalent dans ces régimes-là ont une
influence pour dégager un surplus actuariel. Comme je vous disais tout
à l'heure, l'époque de la crise de 1982 où un nombre
important de travailleuses et travailleurs ont perdu leur emploi, il ne faut
pas penser qu'ils ont récupéré la participation de
l'employeur dans ces régimes-là. Beaucoup de ces
régimes-là, ça a été une perte totale pour
les salariés qui ont été mis à pied et non
réembauchés dans ces entreprises-là. Ils ont perdu,
pendant toute la période pendant laquelle ils avaient contribué,
la participation de l'employeur dans plusieurs cas parce qu'ils n'avaient pas
acquis te droit à la rente et ils n'avaient pas acquis le droit sur la
participation de l'employeur de quelque façon que ce soit dans les
régimes de retraite.
Alors ce phénomème, ces mises à pied
considérables ont eu pour effet de générer des surplus,
justement des surplus de caisse, qu'on parie de redistribuer aux employeurs
maintenant.
Mais je ne suis pas certain que ce sont des surplus qui appartiennent
aux employeurs. Ce sont des contributions qui devaient appartenir à des
travailleurs, qui sont restées dans ces fonds-là et qu'on propose
de partager parmi les employeurs maintenant. Et ça, c'est
là-dessus qu'on n'est pas d'accord, pas du tout.
M. Bourbeau: Je vais vous citer, M. Gingras, un extrait de
mémoire où on dit: «Lors de la liquidation d'un tel
régime - on parle d'un régime fin de carrière - la
législation actuelle permet de baser les rentes sur le salaire courant
à la date de liquidation plutôt que sur le salaire projeté
à la date présumée de la retraite.» Et on ajoute:
«Cela peut représenter une réduction de 40 % à 60 %
des rentes promises, ce qui dégage des excédents substantiels
qui, souvent, reviennent à l'employeur.»
Je peux comprendre que si j'ai atteint 50 ans et que j'ai droit
théoriquement à X % par année de service de rente et qu'on
me l'applique à mon salaire de cette année, c'est bien moins cher
que le même pourcentage dans 10 ans, quand j'atteindrai l'âge
normal de la retraite en supposant qu'il a été fait à 60
ans. Mais quel que soit le bord où on prend ça...et le ministre,
je pense, défend encore ça, il y a des employeurs... Il
défend ça en partie. Avec la loi 116, il a resserré les
règles et puis les règles, les normes actuarielles vont
être resserrées encore. Mais il y a un côté où
je vous rejoins avec Dominion Textile, il y a un côté qu'on a
joué aux travailleurs l'affaire du terrain en Floride qui prendrait de
la valeur sans leur dire que c'était une «swamp», le
terrain, et qu'il n'y avait pas d'orangeraie dessus.
C'est tragique de rencontrer des personnes qui vous disent: Bien, M.
Bourdon, Dominion Textile, ils me disaient que j'avais une retraite de... et
quand j'ai vérifié, j'ai 102 $ par mois. Et là, c'est
l'aide sociale et d'autres programmes publics qui prennent le relais.
Êtes-vous d'accord avec l'idée que si on bonifie et qu'on met de
côté les propositions du ministre de laisser les compagnies partir
avec l'argent, que si on bonifie les régimes supplémentaires de
retraite, ce sont les fonds publics qui vont s'en trouver mieux en bout de
ligne parce qu'il y aurait moins d'aide publique à donner aux
aînés? Est-ce vous êtes d'accord avec ça?
M. Gingras: C'est évident que plus on permettra une
meilleure utilisation des sommes dans les régimes complémentaires
de retraite pour assurer une véritable retraite aux travailleuses et
travailleurs, plus on diminuera quand même l'impact des régimes
sociaux à l'endroit de ces travailleuses et travailleurs-là.
C'est élémentaire, je pense qu'on est convaincu de ça. Et
comme on nous prédit que les régimes publics ne rencontreront
probablement pas toutes les obligations dans les années à venir
si on ne donne pas un sérieux coup de barre, il devient doublement
important pour, je pense, assurer l'avenir économique des futurs
retraités, qu'on prenne les bonnes décisions à ce
moment-ci et je pense que c'est crucial qu'on le fasse.
M. Bourdon: Alors, rapidement, M. le Président, je
voudrais remercier la CSD, lui dire que moi, je suis convaincu de ce qu'elle
avance et on va essayer de convaincre le ministre de ce que la CSD demande.
Le Président (M. Joly): M. le ministre, le mot de la
fin.
M. Gingras: M. le Président, juste avant de quitter,
permettez-moi de poser...
Le Président (M. Joly): Je vous avais donné la
parole comme dernier intervenant.
M. Gingras: Juste une petite question au ministre. Ce qui nous
préoccupe énormément, c'est que dans...
Le Président (M. Joly): Rapidement, s'il vous plaît,
M. Gingras. Parce qu'on a déjà...
M. Gingras: Oui. Dans le document d'orientation, ce qui nous
préoccupe énormément, c'est qu'il y a plusieurs
régimes qui sont totalement administrés par les travailleurs,
actuellement. L'employeur ne fait que...
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y en a beaucoup? Le président me
dit qu'il n'y en a pas beaucoup.
M. Gingras: Oui, on en a. Nous autres, je dois vous dire une
chose, je peux vous en citer quelques-uns où on administre totalement...
L'employeur ne fait que contribuer dans le régime et l'administration
totale de ces régimes-là... Entre autres, on en a un gros ici,
dans la région de Québec...
M. Bourbeau: Qui est responsable, dans ce cas-là, des
déficits?
M. Gingras: C'est nous autres qui assumons nos risques. Si la
cotisation n'est pas suffisante pour répondre au besoin des prestations
qui sont déterminées dans le régime, on va ajuster les
sommes nécessaires pour y arriver. Ça, c'est clair, c'est notre
responsabilité. On va la négocier, on va négocier ce
partage-là avec les employeurs. Mais tout ce qu'on fait avec eux, c'est
qu'on ne leur demande pas d'assurer un déficit, c'est qu'on leur demande
d'assurer une participation équitable pour assurer une rente...
M. Bourbeau: Ce sont des régimes à cotisation
déterminée, non pas à prestations
déterminées alors.
M. Gingras: Ça peut être les deux. Je vais vous dire
une chose, ça peut être les deux: ce sont des régimes
à prestations déterminées et à cotisation
déterminée.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Je me dois
de demander le mot de la fin à M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Bourbeau: M. le Président, on pourra reprendre... Je
rencontre M. Gingras assez souvent, on pourra reprendre la discussion. Je fais
un commentaire et je conclus. Quand j'ai dit tantôt, personnellement, que
certains syndicats, leur intérêt pour les fonds de pension
était plutôt récent, je me basais sur des
déclarations que m'ont faites certains leaders syndicaux - mais je dois
reconnaître que ce n'est pas la CSD - à l'effet que jusqu'à
il y a quelques années, ce n'était pas une grande
préoccupation de plusieurs syndicats en tout cas, lors des
négociations de salaires, que d'insister auprès des travailleurs
pour qu'ils mettent de l'argent dans un fonds de pension. On préconisait
des batailles plutôt sur le plan du salaire que sur le plan des fonds de
pension. Maintenant, manifestement, ça ne semble pas être le cas
de la CSD, mais je le tiens parce que j'ai eu des confidences de chefs
syndicaux qui m'ont dit: C'est vrai, dans le passé, on ne s'est
peut-être pas assez préoccupé des fonds de pension, on
poussait plus pour du salaire que pour des fonds de pension. C'est à la
suite de ça que j'ai fait la remarque que j'ai faite.
Alors, M. Gingras, Mmes et MM. de la CSD, il nous a fait plaisir de vous
recevoir; ç'a été un débat très
animé, très vigoureux, très intéressant. Je peux
vous dire que les recommandations que vous faites, on en prend note. Je ne sais
pas si on pourra vous contenter à 100 %, mais certainement qu'on va en
tenir compte. On va certainement réfléchir profondément
sur les arguments que vous avez développés. On vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, au nom des membres de la
commission, M. Gingras et votre groupe. Il me fait plaisir de vous saluer et de
dire que nous avons apprécié votre présentation. Alors,
nous ajournons à demain, le jeudi 14 mars, à 9 h 30
précises, de 9 h 30 à 12 h 30. S'il vous plaît, on
apprécierait si on pouvait se discipliner et être à 9 h 30
précises, autrement, on prend de l'arrérage et on bouscule. Merci
beaucoup, à demain.
(Fin de la séance à 18 h 33)