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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 13 mars 1991 - Vol. 31 N° 62

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le document concernant le partage équitable des excédents d'actifs des régimes de retraite


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Joly): À tous et toutes, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle le mandat de la commission. En fait, la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et des auditions publiques sur le mandat intitulé "Les régimes de retraite: le partage équitable des excédents d'actif. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chevrette (Joliette) est remplacé par M. Bois-clair (Gouin); M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témis-camingue) est remplacé par M. Bourdon (Pointeaux-Trembles).

Le Président (M. Joly): Alors, je vous fais la lecture de l'ordre du jour. Nécessairement, nous aurons les déclarations d'ouverture. Nous entendrons Alcan Aluminium Itée, le Syndicat des Métallos (FTQ), le Barreau du Québec, la Confédération des syndicats nationaux, l'Association québécoise de défense des droits des retrattés-es et préretraités-es et, finalement, la Centrale des syndicats démocratiques.

Je vous rappelle la répartition du temps de parole dévolu à chacun. Au niveau des déclarations d'ouverture, nous aurons 30 minutes au total dont 15 minutes pour M. le ministre et 15 minutes pour le porte-parole de l'Opposition. Par après, chacun des organismes qui se présentera devant nous aura une heure, dont 20 minutes pour l'exposé de l'organisme et 40 minutes pour les échanges avec la commission. Ces 40 minutes sont nécessairement réparties en temps égal entre les deux formations.

Alors, M. le ministre, j'imagine que vous avez des remarques d'ouverture et que vous aimeriez sans doute nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Remarques préliminaires M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Alors, vous me permettrez de vous présenter, à ma droite ici, M. Claude Legauit, qui est président de la Régie des rentes du Québec. Il est accompagné, derrière lui, de M. Jacques Gagné, qui est vice-président de la Régie des rentes, et de M. Yves Slater, qui est actuaire, également haut fonctionnaire à la Régie des rentes du Québec. Il y a derrière moi, bien sûr, les gens de mon cabinet, mon directeur de cabinet, M. Jacques

Dupuis, Mme Aline St-Amand, qui est attachée politique rattachée à ce dossier-là. Il y a des espions du bureau du leader qui nous surveillent et puis il y a des députés membres de la commission.

M. le Président, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à tous et à toutes. Je suis heureux d'accueillir les représentants des organismes qui ont répondu à l'invitation de la commission des affaires sociales de nous faire part de leurs observations et de leurs commentaires sur le document "Les régimes de retraite: le partage équitable des excédents d'actif'. Je tiens à les remercier bien sincèrement.

En novembre 1990, j'ai demandé au gouvernement de donner le mandat à la commission des affaires sociales de convoquer des représentants d'employeurs, des représentants de personnes salariées participant à un régime complémentaire de retraite, des administrateurs de régimes, des gestionnaires de caisses de retraite et certains experts, afin d'entendre leurs points de vue sur une proposition de partage des excédents d'actif dans les régimes de retraite. En guise de préparation à cette consultation, j'ai rendu public, le 11 décembre 1990, un document qui expose la problématique des excédents d'actif et qui propose une solution pour lever le moratoire qui a cours depuis le 15 novembre 1988 sur l'utilisation des surplus accumulés dans les régimes privés de retraite comme on le dit familièrement.

Au cours de l'année 1988, vous avez assisté, comme moi, à l'apparition d'un climat de confrontation dans la gestion des régimes de retraite au sujet justement des excédents d'actif. Face à cette situation, le gouvernement a présenté devant l'Assemblée nationale la Loi modifiant la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes par laquelle il imposait un moratoire sur l'utilisation des excédents d'actif. Cette intervention fut une mesure sévère, rigide et tout à fait exceptionnelle. Elle impose aux régimes de retraite les contraintes majeures suivantes: l'interdiction de modifier les clauses d'excédents d'actif contenues dans les textes de régimes; l'interdiction de verser de l'excédent d'actif à un employeur; enfin, l'obligation de répartir, au pro rata des crédits de rente, l'excédent d'actif attribué aux participants lors de la terminaison du régime.

Au moment de la présentation de ce projet de loi, j'avais précisé que le gouvernement procéderait à une importante mise à jour de la loi sur les régimes privés de retraite. L'Assemblée nationale a en effet adopté, en juin 1989, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Cette loi, en plus de prolonger la durée du moratoire, prévoit des améliorations aux

droits des participants, de nouvelles exigences concernant la solvabilité des régimes de retraite et le droit des participants d'être informés de l'état de l'excédent d'actif du régime.

Parallèlement à l'adoption de la nouvelle loi, la Régie des rentes du Québec a poursuivi les travaux afin de lever le moratoire dans les meilleurs délais. Ce mandat comportait deux lignes directrices chères au gouvernement. Premièrement, la recherche d'une solution équitable tant pour les participants que pour l'employeur. Dans le document de consultation que j'ai publié en décembre dernier, cette orientation est exprimée par le principe du respect de la contribution de chaque partie au financement du régime.

La seconde est la sauvegarde de la confiance des travailleurs et des employeurs envers le régime de retraite comme instrument privilégié de planification financière de la retraite. Dans le document de consultation, cette orientation est exprimée par le principe du maintien de la sécurité financière des régimes de retraite. Je crois fermement que ces deux orientations représentent l'attitude raisonnable qu'il convient d'adopter, compte tenu des positions quelquefois irréconciliables affichées publiquement par les parties sur la question de la propriété des excédents d'actif.

Je demeure convaincu que, si la question de la propriété des surplus accumulés dans les régimes complémentaires de retraite est solutionnée à la lumière de ces deux lignes directrices, l'objectif du gouvernement d'apporter une solution définitive et de long terme se réalisera.

Je suis heureux de constater que la plupart des organismes invités ont accepté de présenter leurs points de vue et commentaires sur le document publié en décembre 1990. Ce document présente non seulement des lignes directrices mais aussi des modalités d'application d'une proposition. Je ne m'attends pas à ce que les suggestions des invités à cette commission fassent l'unanimité sur un sujet aussi controversé que la propriété des excédents d'actif. Qu'il y ait des questionnements sur la proposition ou sur ses implications, cela m'apparaît sain et tout à fait normal. Je suis ouvert aux aménagements à apporter à la proposition dans le respect des lignes directrices que je viens de présenter. Somme toute, par cette consultation, le gouvernement compte vérifier la recevabilité de sa proposition pour les parties qui réclament un droit de propriété sur les excédents d'actif, enrichir sa proposition de nouveaux éléments d'application et, enfin, discuter de tout élément particulier qui devrait être inclus dans le projet de loi relatif aux excédents d'actif.

Quant à l'objet principal de la proposition énoncée dans le document de consultation, je répète que le gouvernement veut apporter une solution définitive et donc durable au problème de la propriété des excédents d'actif. C'est pour cela que j'ai proposé le partage des excédents accumulés à la date de levée du moratoire, ainsi que le partage des excédents à venir, lors d'événements futurs. Dans l'immédiat, je vise un dénouement rapide des litiges en cours. Pour l'avenir, la proposition fait en sorte que de tels litiges ne surviendront plus. Voilà pour les assises du document de consultation.

Je passe maintenant aux modalités d'application de la proposition contenue dans le document de consultation. Pour ma part, je distingue clairement dans la proposition trois phases de partage d'excédents d'actif. La première est le partage à la levée du moratoire. La deuxième est le partage en cours d'existence du régime. La troisième est le partage lors de la terminaison d'un régime.

Le partage de l'excédent d'actif à la levée du moratoire. Pour le gouvernement, la levée du moratoire doit s'accompagner d'une distribution d'excédents d'actif. Les clauses relatives aux excédents contenues dans les textes des régimes n'auront plus d'application à compter de l'adoption du projet de loi qui mettra fin au moratoire. Ce n'est pas avec gaieté de coeur que le gouvernement consent à agir ainsi. C'est cependant l'avenue la plus équitable et la moins risquée pour les parties, étant donné l'imprécision des clauses des régimes privés de retraite sur les excédents d'actif et les nombreux changements qui ont pu être apportés à ces clauses au fil des années. À ce moment-ci, le gouvernement n'a pas encore arrêté la date de levée du moratoire. S'agira-t-il d'une journée précise, d'une date rattachée à la transmission d'un rapport relatif à une évaluation actuarielle à la Régie, d'une date de fin d'année financière, ou d'une autre date? Je compte grandement sur l'expertise des invités à cette commission pour m'éclairer sur le choix d'une date qui comporterait le moins de contraintes administratives pour les régimes. Le document de consultation fournit, par alleurs, des précisions sur la méthode de détermination de l'excédent d'actif. Ma ligne directrice à cet égard a été de préserver la confiance qu'ont les travailleurs envers leur régime de retraite. Non seulement faut-il s'assurer du respect des règles de capitalisation et de solvabilité prévues à la loi, mais il faut s'assurer que les régimes puissent faire face aux fluctuations conjoncturelles.

À la lumière des autres législations équivalentes, j'ai proposé le maintien d'une réserve de sécurité avant toute distribution d'excédents d'actif égale à 25 % du passif ou au double de la cotisation patronale d'exercice, selon le plus élevé des deux montants. Seules les sommes supplémentaires à cette réserve seront partagées entre les participants et l'employeur, à la date de levée du moratoire. Afin d'éviter des disparités dans la détermination de l'excédent, le gouvernement envisage de prescrire les modes et les hypothèses actuarielles. Je souhaite que cette orientation puisse être enrichie des suggestions

et des commentaires des invités à cette commission. Le document de consultation établit en outre que l'excédent d'actif, une fois déterminé, doit être réparti équitablement entre les participants et l'employeur. L'excédent sera distribué proportionnellement à la contribution de chaque partie aux engagements du régime. Cette mesure de calcul doit tenir compte de la disponibilité des données contenues dans les registres des régimes. C'est pour ce motif que le document a suggéré de retenir le rapport de la valeur des cotisations des participants actifs à la valeur des engagements du régime à leur égard. Cette règle, toute imparfaite soit-elle, a le mérite de minimiser les problèmes d'application pour les régimes. Toute suggestion qui enrichirait cette mesure dans le respect du principe de la contribution de chaque partie au financement du régime sera examinée avec beaucoup d'attention.

À l'égard des régimes non contributifs, c'est-à-dire les régimes où seul l'employeur contribue à la caisse de retraite, il serait incorrect de statuer que les employés ne participent aucunement au financement du régime. Dans bien des entreprises, si les parties n'avaient jamais convenu d'établir un régime de retraite, les travailleurs auraient bénéficié - sinon réclamé - d'un ajustement salariai à la hausse. D'ailleurs, il est fréquent de constater ces dernières années que, lorsqu'un régime complémentaire de retraite est remplacé par un régime enregistré d'épargne-retraite avec arrangements collectifs, il en est résulté souvent un ajustement salarial immédiat pour compenser la cotisation patronale qui était versée au régime de retraite. C'est entre autres pour refléter cette réalité que le gouvernement a suggéré une part minimale d'excédents d'actif attribuable aux participants dans ces cas. Cette part minimale, il faudra bien la fixer. Le gouvernement souhaiterait alimenter sa réflexion à ce sujet de propositions venant des experts qui participeront à cette commission.

En général, un régime de retraite est établi sur une base volontaire et par la libre négociation. Dans cet esprit, le document de consultation propose de laisser place à des arrangements plus avantageux pour les participants, par exemple, un arrangement qui prévoirait une part d'excédent aux participants plus élevée que ce qui serait accordé en appliquant la proposition gouvernementale.

Quant à l'utilisation que les parties peuvent faire des sommes distribuées, je vous rappelle que le gouvernement avait indu des dispositions dans la Loi sur les régimes complémentaires de retraite obligeant l'immobilisation des bénéfices aux fins exclusives de la retraite. Le document de consultation établit qu'à la levée du moratoire, entre autres, les sommes allouées aux participants actifs, bénéficiaires retraités et ayant droit à une rente différée doivent demeurer dans le régime sous forme de cotisations volontaires

Immobilisées ou, au choix de la personne, être transférées dans un compte de retraite immobilisé. Il semble, à première vue, que ces règles d'utilisation puissent poser quelques difficultés d'harmonisation avec les exigences fiscales. À la suite de la présente consultation, des discussions administratives avec les autorités fiscales auront lieu afin de trouver les accommodements nécessaires. Enfin, quant à la part de l'excédent attribuable à l'employeur, nous prévoyons qu'elle lui serait retournée en espèces.

Pour ce qui est du partage de l'excédent d'actif après la levée du moratoire, mais en cours d'existence du régime, j'ai proposé qu'un tel partage ait lieu chaque fois que se produira un événement susceptible de changer la contribution des parties au financement du régime. De l'avis du gouvernement, des événements tels que la fusion de régimes, la scission d'un régime qui a pour effet d'en faire deux régimes d'employeurs distincts, la transformation du type de régime, la demande de l'employeur de partager l'excédent d'actif et les modifications favorisant certains participants sont indicatifs d'un nouvel arrangement à l'égard du financement du régime. S'il y a excédent d'actif distribuable lors de tels événements, il doit donc profiter aux deux parties selon l'entente initiale relative au financement du régime. (10 heures)

Ces événements sont présentés dans le document de consultation à titre d'exemple. Il n'est pas dit que la loi retiendra tous ces événements ou n'en précisera pas de nouveaux. Je serai très attentif à toute suggestion sur ces questions. Ma préoccupation première, à cet égard, est d'éviter de fendre plus complexe l'administration des régimes tout en respectant le principe de la contribution de chaque partie au financement du régime. Il n'est certes pas dans l'intention du gouvernement d'imposer des règles de partage des excédents d'actif qui auraient pour conséquence que les comités de retraite doivent administrer les régimes en fonction des règles de partage des excédents d'actif.

Concernant les autres modalités de la proposition du partage des excédents d'actif en cours d'existence du régime, soit la méthode de détermination de l'excédent, l'allocation de l'excédent distribuable, l'utilisation des sommes allouées et la possibilité d'entente entre les parties, elles sont sensiblement identiques à celles qui s'appliqueront à la levée du moratoire. Comme je viens d'en exposer l'essentiel il y a quelques minutes, je passe immédiatement à la question controversée du droit à la suspension des cotisations patronales, mieux connue sous l'expression "congé de cotisation".

Les dispositions de la nouvelle Loi sur les régimes complémentaires de retraite permettent toujours à l'employeur de se prévaloir d'une réduction ou d'une suspension de sa cotisation d'exercice à un régime de retraite. De l'avis du

gouvernement, l'exercice de ce droit ne met pas en danger la santé financière d'un régime. Celui-ci doit être capitalisé et solvable avant que l'employeur puisse suspendre sa cotisation d'exercice. Ce droit, présent dans tous les régimes de retraite au Canada, représente une sorte de compensation pour la responsabilité qui incombe à l'employeur de verser les sommes pour amortir les déficits actuariels.

En toute logique, si le droit à la suspension des cotisations était limité ou aboli, il faudrait questionner le maintien de la responsabilité unique de l'employeur à l'égard des déficits actuariels et de la dette lors de la terminaison du régime. À moins que la consultation actuelle m'indique un consensus allant dans la direction d'une responsabilité partagée, il n'est pas dans l'intention du gouvernement, pour le moment, de remodeler en profondeur les règles d'amortissement des déficits actuariels et de la dette de l'employeur dont certaines ne sont en vigueur que depuis le 1er janvier 1990.

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le ministre, nous avons dépassé déjà de quelques minutes le temps imparti.

M. Bourbeau: J'en ai pour trois ou quatre minutes.

Le Président (M. Joly): Un consentement des deux côtés.

M. Bourdon: Puis on prendra le même temps.

Le Président (M. Joly): Parfait. Merci. M. Bourbeau: Je vous en sais gré.

Le Président (M. Joly): Le même temps sera dévolu. Merci.

M. Bourbeau: À la terminaison d'un régime, tant partiel que total, les règles d'une distribution d'excédent d'actif doivent être davantage clarifiées. Lors d'une terminaison, les droits de tous les participants visés par la terminaison doivent être établis et l'excédent d'actif distribué. Le document de consultation propose un partage de l'excédent entre les participants et l'employeur dans le respect de la contribution de chaque partie au financement du régime.

Bien entendu, lors d'une terminaison totale, l'ensemble de l'excédent d'actif est partageable. Cela implique qu'il n'y a pas de réserve de sécurité à conserver. Concernant l'allocation de l'excédent distribuât^, l'utilisation des sommes allouées et la possibilité d'entente entre les parties, les modalités décrites précédemment s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires à un contexte de terminaison de régime.

Bien sûr, la proposition de partage des excédents d'actif doit s'appliquer à tous les participants québécois couverts par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Pour les régimes regroupant des participants non québécois, les règles d'application de la proposition devront être précisées dans le cadre des ententes de réciprocité interprovinciales.

La Loi sur les régimes complémentaires de retraite confie à la Régie des rentes du Québec le mandat de conclure de telles ententes. Par ailleurs, il faut prévoir une certaine souplesse quant à l'obligation de distribuer de l'excédent d'actif. En effet, j'ai fait état, dans le document de consultation, de deux situations où la distribution ne serait pas pertinente ou encore pourrait être suspendue. Ce sont les cas où les seuls coûts administratifs de la distribution accapareraient une bonne partie de l'excédent distribuable et où la santé financière d'un régime serait mise en péril à court terme, étant donné une conjoncture économique défavorable. D'autres situations semblables pourraient commander la même souplesse. Je suis disposé à entendre et à analyser toute suggestion en ce sens dans un esprit d'ouverture et de pragmatisme.

Enfin, M. le Président, je m'en voudrais de passer sous silence le rôle de la Régie des rentes dans l'application de la proposition de partage des excédents. J'ai toujours eu comme préoccupation de préserver l'équilibre entre le rôle de surveillance d'un organisme comme la Régie, la nécessité de protéger les droits des salariés et l'objectif de favoriser l'établissement et le maintien des régimes privés de retraite. La surveillance de l'application de la proposition doit être imprégnée de cet équilibre. Si vous croyez que la proposition introduit des contraintes supplémentaires trop lourdes à la gestion des régimes, je serais heureux de recevoir toutes les suggestions concrètes permettant d'atteindre cet équilibre. Sur ce, M. le Président, je laisse la parole à mes collègues et aux invités, et je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Pointe-aux-Trembles en remarques préliminaires.

M. Michel Bourdon

M. Bourdon: M. le Président, je veux d'abord dire que je suis heureux d'être ici ce matin pour regarder ce que le ministre nous propose pour régler un problème important qui est vécu par des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs du Québec. Je remplace, ce matin, la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui est retenue par les travaux de la commission Bélanger-Campeau. Je pense, M. le Président, que ce qui est contenu dans le document du ministre sur le partage équitable des excédents d'actif en matière de régime de retraite s'est fait attendre

très longtemps. Ça fait, M. le Président, 28 mois qu'on attend que le ministre accouche de quelque chose et, après une si longue attente, on aurait pu s'attendre à un résultat intéressant. Mais je démontrerai au cours de mon intervention que le remède est pire que le mal et que les travailleuses et travailleurs vont se retrouver plus mal pris après la réforme qui est proposée par le ministre; à moins qu'il en amende la substance, ils vont se retrouver plus mal pris après qu'avant.

On se rappelle à l'automne 1988, M. le Président, les cas scandaleux d'appropriation de caisses de retraite par certains employeurs. Je pense à Simonds, de Granby, qui a déjà été à Saint-Henri aussi. Je pense à Singer, de Saint-Jean, qui disait bonjour au Québec un peu comme Fry Cadbury en 1976 et qui en profitait pour se mettre des millions dans les poches au détriment des pensionnés de ces entreprises-là. Dans le cas de Simonds, l'appropriation du surplus par l'employeur faisait que les gens avaient une pension de 200 $ par mois au lieu de 700 $. Moi, j'ai beau comme député avoir un régime de retraite fort avantageux que je serai peut-être appelé à bonifier par une loi à un moment donné, je trouve que les travailleurs de Simonds à Granby ne méritaient pas ça, ni ceux de Singer à Saint-Jean. Après, il y a eu Kik-Cola qui appartenait à une entreprise autochtone, la mine Bell à Thetford Mines, la mine Lac d'amiante dans la même région qui, là, appartenait à une société d'État. La société d'État procédait à quelque chose qui avait été préparé par les entreprises étrangères qu'elle avait achetées, à un moment donné.

À cet égard, M. le Président, M. Jean Francoeur, éditorialiste au journal Le Devoir, avec qui je ne suis pas toujours en accord, a écrit des choses que j'ai eu tendance à partager hier. M. Francoeur disait et je cite: "C'est une fausse solution qui hypothèque un avenir déjà sérieusement compromis." Un peu plus loin, M. Francoeur, dans son éditorial d'hier, dans son analyse d'hier, dit que l'exposé de politique du ministre, et je le cite: "...porte un titre frauduleux: Le Partage équitable des excédents d'actifs." Il ajoute, et je cite toujours M. Francoeur: "La formule mise de l'avant n'a rien à voir ni avec la justice ni avec l'équité." Fin de la citation. Un peu plus loin dans l'article d'analyse que visiblement le ministre a lu, M. Francoeur dit ceci et je cite: "Pour justifier le cadre de partage qu'il propose, le ministre soutient que les prestations de retraite sont un salaire différé. C'est pur sophisme. D'ailleurs, M. Bourbeau n'ose pas tirer toutes les conséquences de la définition qu'il avance. Si l'argent de la caisse constitue un salaire différé alors, en bonne logique, tout excédent appartient aux employés, et aux employés seulement, actifs ou retraités." Je cite toujours M. Francoeur qui ajoute: "C'est ainsi que le conçoit le gouvernement néo-démocrate de l'Ontario. L'hésitation du gouvernement québécois à suivre son voisin illustre bien la fragilité du principe sur lequel il prétend s'appuyer. M. Bourbeau sait bien qu'une femme est à demi enceinte, mais il se résigne mal à cette absence de situation intermédiaire. Il en créera donc une, véritable nirvana de l'antilogique où une chose pourra être et ne pas être, en même temps et sous le même rapport." Fin de la citation.

M. le Président, il y a un débat quasi théologal sur cette notion: Est-ce que les contributions d'un employeur à une caisse de retraite sont ou ne sont pas du salaire différé? Dans les mémoires qu'on a reçus, il y a un des groupes, assez bien doté en termes de régime de retraite puisqu'il l'administre lui-même, qui nous dit ne pas succomber à la tentation de retenir l'hypothèse du salaire différé. M. le Président, je pense qu'à cet égard-là la réalité est beaucoup plus simple. Je ne demande pas au ministre de décider si les contributions des employeurs sont ou ne sont pas du salaire différé parce que dans son Conseil des ministres il y a un seul ministre qui est infaillible; il a failli partir et il est revenu. Le ministre qui est devant nous n'est pas, lui, infaillible.

Ce que nous disons, nous de l'Opposition, c'est que toutes les sommes qui vont dans une caisse de retraite, M. le Président, doivent servir à donner des retraites. Si on consultait la population, c'est ça qu'elle nous répondrait. À cet égard, c'est scandaleux que le ministre propose que les entreprises, d'une certaine façon, fassent ce que certains individus font avec leurs REER, c'est-à-dire boire le fonds de pension de leurs employés. À cet égard, M. le Président, je dirais que le document du ministre "Les régimes de retraite: le partage équitable des excédents d'actif' envers lequel M. Jean Francoeur du Devoir est très sévère... moi je suis moins sévère que M. Francoeur. Je pense que le document, c'est un peu comme le congrès libéral en fin de semaine, ça commence bien, puis ça finit mal.

Je lirai le début, M. le Président, il est dit, écrit, signé par le ministre, à la page 2, ceci et je le cite: "Le régime complémentaire de retraite constitue, pour des milliers de personnes salariées, un instrument d'épargne privilégié destiné à leur assurer à la retraite un niveau de vie comparable à celui qu'elles ont connu jusqu'alors. Il est donc essentiel que les salariés aient pleinement confiance en ces régimes et que les employeurs soient invités à maintenir ceux qui sont en place et à en créer de nouveaux." Fin de la citation.

À la page suivante, le ministre écrit, et je le cite: "Étant donné les contraintes budgétaires des gouvernements, l'accroissement du coût des programmes généraux de sécurité du revenu et de santé pour les personnes âgées et la croissance rapide du nombre de retraités, il est impérieux que la part des régimes de retraite continue à augmenter." Fin de la citation. Le ministre écrit

qu'il est impérieux que la part des régimes de retraite continue à augmenter, et après ça il nous dit qu'il faut commencer par la diminuer afin qu'elle puisse augmenter. La diminution, M. le Président, elle est dure à chiffrer parce qu'on pariait, il y a un an et demi, d'à peu près 900 000 000 $, la part serait de l'ordre de 900 000 000 $. En Chambre, le ministre disait: N'ayez pas peur, l'argent est dans le coffre-fort. Nous, de l'Opposition, nous disions: Non, il est dans un bain et le bouchon est en partie levé parce que, par des congés de contribution, les employeurs peuvent s'approprier les excédents d'actif. (10 h 15)

Alors, je ne sais pas de combien c'est, et le ministre ne dit pas aux employeurs de tout prendre et de tout boire, mais j'estime que c'est à peu près 300 000 000 $, avec la réforme qui nous est proposée, qui seraient siphonnés de ces fonds-là. Or on sait, M. le Président, que les aînés au Québec, émargent à 76 % au secteur public pour leur garantir un niveau de vie décent, Régie des rentes, caisses de retraite publiques - elles ne sont pas aussi généreuses qu'on le dit, les caisses de retraite publiques - et, évidemment, la pension de vieillesse et le supplément de revenu du fédéral.

Je m'en voudrais ici de ne pas parier de Jeanne, une citoyenne du comté de Pointe-aux-Trembles qui est venue me voir pour m'exposer son problème. C'est qu'elle avait prévu, à la retraite, avoir un revenu de 900 $ par mois. On n'est pas au niveau d'une caisse de retraite de député, là, on est du monde ordinaire. Or Jeanne a comme problème ceci: Elle a contribué pendant 25 ans à la Régie des rentes du Québec et pendant 15 ans au RREGOP parce qu'elle était fonctionnaire. Elle s'attendait à toucher 900 $ par mois, elle va toucher 800 $ par mois parce que la CARRA, la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances du Québec lui coupe 100 $ vu qu'elle reçoit la Régie des rentes. Je sais que ça a fait l'objet d'un arrangement en termes de cotisations, cette chose-là.

Mais M. le Président, c'est le comble qu'une personne qui a contribué pendant 25 ans à la Régie des rentes voie diminuer sa rente du RREGOP pour la seule raison qu'elle a aussi la Régie des rentes. Je comprends qu'on puisse se faire refuser par le fédéral le supplément à cause des autres revenus, mais là c'est un régime contributoire qui vous déduit d'un autre régime auquel vous avez contribué. Le résultat, pour elle, c'est qu'elle a d'abord 100 $ par mois de moins que prévu. Moi, j'ai beau être député et ne pas être dans le même dilemme, elle, il lui manque 100 $ par mois. Moi, je dépense 100 $ par mois de plus que je gagne. Mais ça, ça peut se financer quand on est député. Mais quand le 100 $ par mois, c'est la différence entre 800 $ et 900 $... Elle paie un loyer de 365 $ par mois pour un deuxième étage de duplex dans mon comté, ce n'est pas un loyer excessif. Sa première demande... les personnes se sentent tellement impuissantes... elle ne me parlait même pas de son problème de fonds de pension au sujet duquel j'ai écrit à M. Legault, évidemment, et à la CARRA. Elle me parlait qu'elle voulait un HLM et je disais: Votre logement, 365 $, ce n'est pas si pire et ça nous coûte cher, comme contribuables, un HLM. Elle a dit: Oui, mais je ne pourrai plus parce qu'il faudrait que je cède ma voiture et Pointe-aux-Trembles, c'est un peu loin du centre-ville. Mais le centre-ville va finir par se rapprocher de nous.

Elle disait: Si je ne change pas de logement pour aller dans un HLM, autrement dit, si elle ne devient pas la 401e sur la liste d'attente pour un HLM, elle ne pourra pas arriver. Alors,, les régimes de retraite au Québec, les régimes privés, ils sont en dessous de tout. Écoutez, même avec un taux de chômage officiel de 10 % et officieux de 15 %... On peut quand même se dire que, quand les gens sont actifs, ils retirent de leur travail 80 % de la rémunération. Le 20 % qui vient de l'État est très lourd, le ministre en sait quelque chose, je parle du 6 000 000 000 $ par année à peu près que l'aide sociale et l'assurance-chômage versent aux chômeurs.

Mais, quand Ils deviennent retraités, ça dépasse l'entendement, les régimes privés ne leur garantissent que 25 % de leur rémunération. C'est le secteur public, Régie des rentes et autres, pension de vieillesse du fédéral et son supplément qui garantissent 76 % des retraites des gens. Ce que le ministre met de l'avant va diminuer ça. Ce que le ministre propose est un bris de contrat manifeste. Un régime de retraite privé, c'est un contrat par lequel employés et employeur conviennent de mettre des sommes dans un fonds pour se donner une retraite convenable. Là-dessus, il y a des contradictions phénoménales, M. le Président.

Premièrement, dans les régimes contributoi-res, les employés fournissent 50 %. C'est la situation actuelle et le ministre ne veut pas la changer. Eux, il n'est pas question qu'Hs aient des congés de contribution, même si le surplus vient à 50 % de leurs contributions. Eux, il n'est pas question qu'ils disposent des excédents d'actif, même si les excédents viennent à 50 % de leurs contributions. Autre contradiction, M. le Président, le ministre nous dit: Quand un régime est non contributoire... Là, je veux mettre ça en meilleur français parce que la crainte qui pourrait nous arriver, ici, c'est d'avoir un débat de spécialistes où finalement une chatte y perd ses petits. Soyons concrets, dans un régime non contributoire où l'employeur verse toute la somme dans la caisse de retraite, le ministre dit... à un pourcentage que j'établirai, et fiez-vous sur moi, je suis généreux, c'est du salaire différé. Non, non, mais je lui prête la générosité. La générosité comme la bonne foi se présument. Mais le ministre dit: Si l'employeur est seul à

verser dans le fonds de pension les excédents d'actif, l'employé en aura une partie parce que c'est en partie du salaire différé. Du même souffle, il dit: Quand il est contributoire, le régime, quand, par exemple, l'employeur donne 50 % et l'employé donne 50 %, l'employeur a juste sa part. Là, la part de l'employeur, soudainement n'est plus partiellement du salaire différé.

M. le Président, la question qui se pose est la suivante: dans les années quatre-vingt, il est arrivé que les régimes ont ramassé des surplus. Pourquoi? Parce que l'inflation a fait augmenter les taux d'intérêt, ce qui a frappé les gens dans mon comté. Il n'y en a peut-être pas dans les autres comtés, mais les gens dans mon comté qui, par exemple, payent une hypothèque sur un cottage. Ça frappait le monde ordinaire. Ça avait comme conséquence possiblement positive, par exemple, que les hauts taux d'intérêt donnent des surplus à leur fonds de pension qu'on pourrait indexer ou bonifier, ce qui est notre position comme celle des néo-démocrates de l'Ontario. On indexe ou on bonifie. On ne laisse pas les entreprises boire la retraite de leurs employés, ni quand elles terminent le plan, ni quand elles le modifient, ni suite au moratoire, ni lorsqu'elles ferment pour déménager ailleurs. Jamais. L'argent qui est là doit rester pour les employés, pour bonifier les retraites et pour leur donner un revenu plus décent pour qu'on arrête d'avoir des aînés sous le seuil de pauvreté, en nombre infiniment plus grand que les personnes qui, avant la retraite, sont sous le seuil de pauvreté.

L'autre facteur qui a occasionné les surplus, M. le Président, ce sont les départs suite aux pertes d'emploi de 1982. Quand on sait que, dans les 12 derniers mois, dans l'industrie manufacturière au Québec, il s'est perdu 109 000 emplois sur 654 000, ces pertes d'emplois vont venir grossir... parce que l'employé ne peut pas toujours récupérer la part de l'employeur et que sur sa part à lui il touche un intérêt minable, très souvent. Donc, ça va grossir encore les régimes. On dit: II y en a qui profiteront du chômage. Mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade.

Dernier point qui a occasionné les surplus des régimes, M. le Président, les salaires ont progressé moins que prévu. Quand les salaires progressent moins que prévu, les pensions qui sont toujours en pourcentage - pas toujours 3,5 % par année de service comme pour les députés - mais les pensions qui sont en pourcentage du salaire se mettent à coûter moins cher. Donc, inflation, chômage et bas salaire sont des facteurs qui expliquent l'a peu près 900 000 000 $ de surplus accumulés. Ceux qui ont subi le chômage, les bas salaires... Depuis 10 ans, les salaires progressent moins vite que le coût de la vie et un syndiqué du secteur public va apprendre que ce n'est pas fini, qu'être gelé, c'est juste la façon légèrement différente d'être coupé. Avec l'inflation qui les touche, en provoquant notamment des hauts taux d'intérêt sur les hypothèques, là le ministre se retourne et dit: On va régler ça en faveur d'une seule partie contractante, l'employeur. M. le Président, à cet égard-là, ça n'a aucun bon sens.

Je terminerai sur un fait, c'est que les contribuables payent pour ça, payent très très cher. Comme on n'a pas, comme en Europe de l'Ouest, des régimes de retraite publics et privés qui ont de l'allure parce que le régime public, avec le plafond, ne donne pas tout ce qu'il pourrait donner... Les caisses de retraite des fonctionnaires, je le découvre, ne sont pas si mirobolantes qu'on nous le fait voir à l'occasion. Quand l'État continuera de contribuer 76 % de tout ce que touchent les retraités, eh bien, comme contribuables, à même des budgets qui ne sont pas élastiques, on va payer, en aide sociale et autrement, de plus en plus cher pour nos retraités. Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que le président du Conseil du trésor devrait considérer - j'essaye de lui tendre la perche, mais notre amitié est trop récente pour que j'aie vraiment une grande influence sur lui - le président du Conseil du trésor... Il y a le ministre qui est devant nous, avec qui je suis en meilleurs termes, il faut bien le dire, qu'avec le président du Conseil du trésor, jusqu'à maintenant. Tout ça est toujours fragile...

Le Président (M. Joly): Ça peut se ruiner.

M. Bourdon: Oui, une amitié récente peut se ruiner l'espace d'une intervention, M. le Président. Mais le président du Conseil du trésor, et le ministre devrait lui passer le message, devrait être sensible au fait que si on fait vraiment en sorte que les caisses de retraite privées s'améliorent... en commençant par dire que l'argent qui va là, c'est du vol de le prendre pour se financer, et qu'une caisse de retraite ce n'est pas un compte de banque, ce n'est pas de l'épargne stable. Une caisse de retraite doit servir exclusivement à verser des bénéfices de retraite. À cet égard, je répète au ministre que je ne lui demande pas d'entrer dans le débat - est-ce du salaire différé ou une dépense d'entreprise? - c'est à peu près comme le sexe des anges, c'est intéressant à considérer, là, mais en bout de ligne ça ne donne rien. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne doit pas - pardonnez l'anglicisme, M. le Président - "flusher" les régimes privés de retraite. Ce que le ministre propose va avoir des conséquences terribles pour les salariés, une perte de confiance dans le régime. Ils vont dire: On sait bien, l'actuaire, il fait un pronostic trop conservateur pour faire un surplus dont l'entreprise va profiter, sans compter que le ministre nous propose de permettre aux entreprises - pas juste en cas de fermeture, il l'élargit à tous les cas - de se donner des congés de contribution et

de s'approprier les surplus à mesure. Il y a une entreprise qu'on ne peut pas soupçonner d'être social-démocrate à outrance, l'Alcan, qui dit que ça va avoir comme conséquence - comme on fera le calcul presque à tous les ans des excédents accumulés et qu'on devra se les approprier - que les placements des régimes de retraite vont devenir des placements peu rentables à court terme, alors qu'en Bourse, au Québec, au Canada ou aux États-Unis, on peut placer d'une façon profitable pour avoir un rendement à long terme.

En bref, M. le Président, on a attendu longtemps, et on pensait qu'on attendait quelque chose d'extraordinaire. Il y avait un problème grave d'équité, de justice sociale et de tension sur les finances publiques. Quand les aînés n'ont pas une pension qui a de l'allure, indexée si possible, quand ils n'ont pas ça, c'est à bien des égards le secteur public qui passe au "cash". On nous indique, de toutes sources, que le trésor public n'est plus florissant. Autrement dit, si on prend les moyens, et ce qui est devant nous n'est pas la seule chose, M. le Président... Quand je m'aperçois qu'une personne qui a contribué 25 ans à la Régie des rentes et 15 ans au RREGOP se retrouve avec une pension de 800 $ alors qu'elle attendait 900 $ par mois... En passant, ça nous rappelle qu'elle, dans le secteur public, gagnait un gros salaire de 17 000 $ par année. Celle qui va la remplacer va être gelée ou plafonnée pendant trois ans, nous dit-on. 17 000 $, là, c'est à peine le quart du salaire d'un député, M. le Président. Mais, à cet égard, on a des régimes de retraite privés et publics-privés quand il s'agit du RREGOP parce que c'est public, mais à l'égard d'une prestation de travail et d'un salaire qui sont insuffisants. Bien, en bout de ligne, l'aide sociale intervient. Dans le cas de Jeanne, j'y reviens, même si le ministre trouve qu'il ne faut jamais trop parler des personnes, dans le cas de Jeanne...

Le Président (M. Joly): Excusez, en conclusion, M. le député.

M. Bourdon: Oui, dans le cas de Jeanne, M. le Président, qu'est-ce que ça coûterait de lui procurer un HLM parce qu'il lui manque 100 $ de sa pension? Les HLM coûtent légèrement plus aux fonds publics que 100 $ pas mois. Alors, il y a quelque chose qui n'a pas d'allure là-dessus et on est contre le document que le ministre a fait parce que les conclusions ne sont pas conformes à l'exposé général. C'est comme si ça avait été deux équipes différentes qui avaient fait les deux. Je ne dirai pas que le titre - et je cite - "Le partage équitable des excédents d'actif', est "frauduleux" comme disait Jean Francoeur du Devoir. Je dirai que le document commence en disant que le partage devrait être équitable, et conclut en nous proposant un partage qui est foncièrement inéquitable.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Je vais maintenant inviter les représentants... S'il vous plaît, je vais vous demander de, peut-être, retenir tout geste de manifestation parce que c'est censé être tout à fait neutre. Alors, partant de là, si vous voulez qu'on s'entende bien jusqu'à la toute fin, je vais être obligé d'être assez rigide à ce niveau. J'invite les gens qui représentent Alcan Aluminium Itée, s'il vous plaît, à bien vouloir prendre place.

M. Bourdon: M. le Président, j'ai vu à l'ordre du jour que le député indépendant parlerait cinq minutes. (10 h 30)

Le Président (M. Joly): Non, M. le député...

M. Bourdon: Ah! Il parle...

Le Président (M. Joly): ...M. le député indépendant savait que vous aviez beaucoup... Il vous a donné son temps.

M. Bourdon: C'est parce que les droits des minorités, on est sensibles à ça.

Le Président (M. Joly): Alors, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire; j'apprécierais que la personne représentant le groupe puisse s'identifier et nous présenter aussi les gens qui l'accompagnent. S'il vous plaît? C'est automatique, monsieur...

Une voix: D'accord.

Le Président (M. Joly): Ça s'ajuste.

Auditions Alcan Aluminium itée

M. Bougie (Jacques): Merci, je me présente, Jacques Bougie, président et chef de l'exploitation, Alcan Aluminium Itée. À ma gauche, M. Roger Chiniara, qui est président d'Alcan Admin-co, la société qui gère nos fonds de retraite à travers le monde, et, à ma droite, M. Michel Méthot, qui est vice-président et actuaire en chef d'Alcan Adminco.

Le Président (M. Joly): Alors, merci. Alors, la parole est à vous.

M. Bougie: M. le Président, Mme et MM. les membres de la commission, au nom d'Alcan Aluminium Itée, nous vous remercions de votre invitation à commenter le document de consultation portant sur le partage équitable des excédents d'actif.

Alcan Aluminium Itée emploie 55 000 personnes réparties dans plus de 20 pays, dont 16 000 personnes au Canada et 10 000 au Québec.

Malgré la variété et la complexité de nos activités dans huit provinces, deux régimes de retraite suffisent à couvrir la presque totalité de nos employés canadiens. Ces régimes, qui sont enregistrés auprès de la Régie des rentes du Québec, ont des actifs totalisant 1 800 000 000 $ et versent annuellement plus de 90 000 000 $ en prestations à environ 7500 retraités au Canada. Alcan et ses filiales sont également promoteurs de plus de 30 autres régimes de retraite, dont six au Canada.

Les deux principaux régimes de retraite canadiens d'Alcan garantissent, dans un cas, une pension basée sur le salaire en fin de carrière et, dans l'autre cas, une pension négociée régulièrement sur la base du salaire courant. Des revalorisations ponctuelles des rentes différées et en cours de paiement sont effectuées régulièrement et compensent une bonne partie de l'inflation. Les deux régimes sont contributifs. Les participants versent un pourcentage fixe de leur salaire et la société verse le solde du coût des prestations. Les actifs de ces régimes sont investis en vertu de politiques de placement qui privilégient les placements en actions, principalement d'entreprises canadiennes.

Alcan souscrit à l'effort entrepris par le gouvernement du Québec pour lever le moratoire. Toutefois, la proposition de permettre et même d'obliger la distribution d'excédents d'actif en cours d'existence du régime est une mesure draconienne qui vient briser une pratique vieille de 25 ans. De nombreux arguments plaident en faveur du maintien de cette pratique. La proposition du document visant à solutionner le problème à court terme de quelques régimes aura un impact néfaste à long terme sur tous les régimes complémentaires de retraite. Notre mémoire en fait la démonstration en utilisant notre principal régime de retraite à titre d'illustration.

Dans un premier temps, je résumerai brièvement les points soulevés dans notre mémoire qui nous ont amenés à rejeter la proposition du document. Je conclurai en vous soumettant des éléments de solution visant la levée du moratoire. Nos propositions s'accordent mieux, selon nous, aux deux principes fondamentaux du gouvernement, soit la sauvegarde de la sécurité financière des régimes de retraite et le respect de la contribution des parties au financement du régime.

La proposition du document est fondée, à notre avis, sur un faux postulat à l'effet que la cotisation qui garantit la prestation constitue la rémunération différée. Notre mémoire illustre ce point de vue par l'étude de la variation des cotisations patronales effectuées dans nos caisses de retraite. On remarque que la société a dû verser des cotisations spéciales substantielles au cours de la période 1975 à 1984, mais qu'elle a pu bénéficier d'une suspension de sa cotisation au cours de la période 1985 à 1990. Sur une base cumulative, la société a contribué pour 245 000 000 $, dont plus de 100 000 000 $ aux fins d'amortissement de déficit de la caisse, comparativement à 106 000 000 $ versés par les participants, soit un rapport de 2,3 sur 1.

La société n'a jamais prétexté - elle aurait eu tort de le faire - que les cotisations importantes effectuées au cours de la période 1975 à 1984 constituaient de la rémunération différée additionnelle et que, à ce titre, elle pouvait ajuster les échelles salariales en conséquence. Pour les mêmes raisons, les suspensions de cotisation n'ont pas été le prétexte a un ajustement à la hausse des échelles salariales.

Au cours de toute la période, la rémunération différée provenant du régime de retraite a été constituée uniquement de la valeur des prestations acquises par chaque participant. L'étalement du financement de ces prestations, soit la cotisation, n'est qu'un estimé basé sur des hypothèses et une politique de capitalisation. En conséquence, le niveau d'excédents d'actif en cours d'existence du régime est une question d'opinion. Seul le niveau d'excédents d'actif en cas de terminaison totale du régime est une question de fait et peut être déterminé lorsque toutes les obligations du régime ont été liquidées. Cette opinion, basée sur des projections portant sur plusieurs dizaines d'années, ne peut pas être exacte, pas plus que celle de l'économiste portant sur le prochain cycle économique ou celle du ministre des Finances portant sur les prochains exercices financiers.

La proposition du document prévoit qu'une partie de ces excédents d'actif, mais non le déficit, doit être partagée lors de certains événements. Dans le cas d'Alcan, ces événements sont fréquents. Au cours de la période étudiée, ils se sont succédé à une moyenne supérieure à un par année. La proposition d'effectuer un calcul quant à l'existence d'un excédent à partager lors de chaque événement est inacceptable. Il s'agit là d'un exercice coûteux. Notre mémoire illustre à quel point sa répétition ira à l'encontre de la promotion des régimes à prestations déterminées, découragera la prudence dont ont fait preuve les promoteurs de régimes, minera la sécurité des prestations et modifiera négativement les politiques de placement privilégiant les titres de compagnies canadiennes et québécoises.

En effet, notre étude effectuée sur le principal régime d'Alcan et portant sur la période de 1975 à 1990 démontre que les excédents d'actif sont principalement le résultat d'une capitalisation rapide des déficits techniques. L'assurance donnée au promoteur du régime de pouvoir utiliser les excédents d'actif aux fins d'ajuster son taux de cotisation ou d'améliorer les prestations est une condition sine qua non d'une capitalisation prudente. La proposition du document de décaisser et partager les excédents d'actif lors de certains événements détruit cette

assurance.

Notre étude démontre également que le conservatisme dans le choix des hypothèses actuarielles, qui a pour effet d'augmenter la cotisation patronale, est un autre facteur qui explique les excédents d'actif. Cette pratique n'est pas unique à Alcan. Il s'agit là d'une gestion prudente que le législateur doit encourager. La menace d'un décaissement du régime lors de certains événements hors du contrôle de l'entreprise aura pour effet de décourager ie conservatisme pratiqué dans le passé, de diminuer la sécurité financière des régimes et d'augmenter les déboursés liés aux améliorations régulièrement apportées au régime. Il est illusoire de croire que les promoteurs de régimes financeront à la fois les distributions d'excédents et les améliorations qui auraient été financées par ces excédents.

Notre mémoire démontre également qu'une réserve de sécurité de 25 % du passif actuariel sur une base de solvabilité est nettement insuffisante et Hlustre à quel point les excédents d'actif pouvant être partagés sont volatiles. L'existence d'un tel excédent n'a duré, dans le cas de notre principal régime de retraite, qu'une période d'environ cinq années. Si un tel partage avait été effectué en 1985 ou en 1988, le régime de retraite serait en situation de déficit plutôt que d'équilibre à la fin de 1990, compte tenu des améliorations récentes apportées au régime.

La proposition entraînera infailliblement des modifications à la politique de capitalisation et de gestion des caisses de retraite. Il s'ensuivra une diminution des excédents. Dans un tel contexte, que vaudra le droit à un partage des excédents d'actif? Le droit de constituer des réserves dans les caisses de retraite aux fins d'améliorations ultérieures des prestations, sanctionné par les récents changements à la Loi sur les impôts, n'est-il pas préférable au droit à une distribution aléatoire d'excédents d'actif?

La constitution de telles réserves sera rendue impossible dans un contexte où les excédents d'actif doivent être partagés lors de certains événements alors que, au contraire, la constitution de telles réserves doit être encouragée, particulièrement dans le cas de régimes de retraite où l'employeur ne peut s'engager à indexer automatiquement les rentes et/ou à garantir une formule de régime salaire-fin de carrière.

Notre mémoire illustre également comment un partage d'un excédent d'actif, au moment où le marché est à la hausse ou à son sommet, constitue une iniquité à l'égard des promoteurs des régimes de retraite, particulièrement des régimes qui ont une politique de placement privilégiant les titres de compagnie.

Dans la mesure où une correction du marché à la baisse suit le partage, le promoteur serait obligé, non seulement de rembourser à la caisse sa part du décaissement sous forme de cotisation spéciale, mais également celle qui aura été allouée au participant. En de telles circonstances, un décaissement constitue également un risque financier pour le régime, particulièrement si les événements donnant droit à un partage sont fréquents.

Les caisses des régimes de retraite canadiens et québécois constituent des investisseurs importants du marché boursier et une source importante de capital pour nos entreprises. À titre d'exemple, les titres de sociétés canadiennes ont constitué, en moyenne, 45 % du portefeuille des caisses des régimes de retraite d'Aican au cours des années 1975 à 1990. Au cours de la période de 1959 à 1989, le taux de rendement net des actions a été de 5,2 %, comparativement à 2 % pour les placements à court terme. La menace d'un partage des excédents aura pour effet la réduction des investissements dans les actions de sociétés et, éventuellement, du rendement des caisses de retraite. Une telle modification des politiques de placement se ferait au détriment de la caisse, du promoteur, des participants et des économies québécoise et canadienne. Malgré toute la bonne volonté qu'on apportera à la prescription des hypothèses actuarielles, celles-ci s'avéreront arbitraires dans la plupart des cas, compte tenu des fluctuations économiques, de la politique de capitalisation de chaque promoteur et des dispositions du régime de retraite.

Par ailleurs, les modes de partage proposés sont incompatibles avec les régimes à prestations déterminées et créeront d'insurmontables problèmes fiscaux. Pour les régimes nationaux, une législation obligeant le partage et le décaissement des surplus en cours d'existence du régime est impraticable sans une révision importante du présent accord de réciprocité requérant l'approbation de huit gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral. L'augmentation des coûts administratifs, y compris les coûts de surveillance liés à l'application de la proposition, sera importante. Elle s'ajoutera aux augmentations de coûts liés à l'application de la loi et à celle, substantielle, récemment imposée par la Régie des rentes du Québec. Ces coûts improductifs sont imposés uniquement aux employeurs offrant un régime de retraite.

Mme et MM. les membres de la commission, il ne faudrait pas que la solution du problème d'excédents d'actif résulte en une situation où plusieurs régimes se retrouveront avec un problème de déficit, ayant auparavant solutionné leur problème d'excédents sous le couvert d'une législation qui aurait obligé à un remboursement. C'est pourquoi nous recommandons la levée du moratoire, le maintien des dispositions de la loi prohibant les retraits d'excédents d'actif en cours d'existence du régime et le maintien du droit des parties de conclure des ententes à l'égard de leur contribution au financement des parties.

Comme le souligne le document de consultation, les améliorations aux droits des participants prévues par la loi réduiront les sources d'excédents, de sorte que les régimes seront moins susceptibles d'en accumuler par la suite. La création des comités de retraite, de nouvelles normes beaucoup plus strictes portant sur les communications aux participants et la tenue des assemblées annuelles sont des arguments additionnels qui plaident en faveur d'une levée du moratoire, respectant le droit des parties de conclure des ententes, notamment à l'égard de la contribution des parties au financement du régime. (10 h 45)

Si, malgré les arguments soulevés dans notre mémoire justifiant un rejet de la proposition, le gouvernement choisit de légiférer sur les excédents d'actif, nous soumettons les recommandations suivantes: Premièrement, qu'on limite les événements donnant droit à un partage des excédents d'actifs. Un partage triennal lors de l'évaluation actuarielle du régime simplifierait grandement l'application de ces dispositions. Deuxièmement, que la marge de sécurité soit, dans tous les cas, exprimée en pourcentage du passif actuariel déterminé sur une base de continuation du régime, et non sur une base de solvabilité. Il s'agit là d'une simple mesure d'équité à l'égard du promoteur qui s'est engagé à cotiser sur la base de continuation du régime, afin d'assurer la sécurité, à long terme, des prestations. Le pourcentage doit être suffisamment élevé pour éviter des situations comme celles illustrées dans notre mémoire. Troisièmement, que la part revenant aux participants soit utilisée exclusivement, pour ce qui est des participants actifs, au financement des nouvelles normes minimales de la loi 116 appliquées à toute prestation de retraite acquise avant le 1er janvier 1990 et, à l'égard des participants non actifs, au financement d'ajustements des rentes en cours de paiement et des rentes différées, pour compenser la perte du pouvoir d'achat entre la date de terminaison d'emploi ou de retraite et la date du partage d'excédents d'actif. Quatrièmement, que la part revenant au participant en excédent du coût de financement de ses prestations constitue une réserve pour des ajustements subséquents de rentes. Et, cinquièmement, que le problème des excédents d'actif excessifs de certains régimes lors de la levée du moratoire soit régie ponctuellement. Merci. Nous sommes disponibles pour les questions.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Bougie. Nous allons maintenant reconnaître M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer les représentants de la compagnie Alcan, M. Bougie le président, M. Chiniara, M. Méthot, tous des gens qu'on a eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises. Je dois dire qu'on a toujours considéré qu'Alcan était une compagnie - j'ose à peine dire modèle, entre guillemets - en ce qui concerne le traitement des fonds de pension. Lorsque nous avons passé la loi qui réformait l'ancienne Loi sur les régimes supplémentaires de rentes, la loi 116, nous avions également fait appel à l'expertise d'Alcan. J'avais personnellement rencontré les dirigeants d'Alcan - comme, d'ailleurs, j'ai rencontré beaucoup de groupes, mais dans le domaine privé, des fonds de pension privés - pour discuter de ces problèmes-là. J'ai eu l'occasion de rencontrer de nouveau les gens d'Alcan récemment - ça indique l'importance que nous accordons à l'opinion d'une compagnie aussi sérieuse et aussi responsable qu'Alcan - et c'est pourquoi nous avons également fait en sorte de vous inviter à venir nous faire voir votre point de vue.

Manifestement, votre point de vue n'est pas exactement conforme au nôtre... Une voix: C'est le moins qu'on puisse dire.

M. Bourbeau: ...ce que j'avais d'ailleurs déjà remarqué lors de nos rencontres précédentes. Ce qui me frappe un peu quand je regarde le mémoire - et là je mets de côté les dernières recommandations que vous avez faites à la fin, qui vont un peu plus dans le sens de ce que nous proposons - en fait, ce que vous nous dites, c'est que vous souhaitez conserver le statu quo; mais, s'il n'y a pas moyen de le conserver, c'est bien à regret que vous nous suggérez des modifications. Mais, en fait, vous nous dites que vous êtes d'accord pour lever le moratoire inconditionnellement et vous préconisez l'interdiction de distribuer les excédents d'actif en cours de régime. En fait, le seul point avec lequel vous êtes d'accord, c'est le droit à la suspension de la cotisation. Ça, on est d'accord là-dessus. Il y a au moins un point sur lequel on est d'accord.

Mais si on acceptait, à toutes fins pratiques, le statu quo, de ne pas permettre de distribution d'actif en cours de régime, de lever le moratoire, "business as usual", qu'est-ce que je pourrais faire? Qu'est-ce que je devrais faire relativement aux problèmes qui sont survenus, comme par exemple les cas de Simonds, Singer, Kik-Cola? Ce sont des cas qui sont survenus, ça, dans le cadre de la législation telle qu'elle existe. Ce sont des compagnies qui avaient des régimes à prestations déterminées, comme le vôtre, qui, souvent, n'ont pas beaucoup investi d'argent. Le problème qui se pose dans un régime à prestations déterminées, c'est que l'employeur n'est pas obligé de mettre de l'argent à tous les mois, à toutes les années. Son obligation, c'est de faire en sorte qu'un jour, dans 25 ans, dans 35 ans, une rente sera là, une somme d'argent sera mise là par lui pour payer la pension de M.

Untel. Bien sûr, en cours de route, on va surveiller pour être sûr qu'il ne manque pas d'argent dans le régime.

Mais vous savez comme moi que, surtout pour les régimes qui ont existé jusqu'à maintenant, il arrivait parfois, à cause des départs fréquents d'employés et des taux d'intérêt élevés dus à la conjoncture économique, que des surplus étaient générés par la conjoncture, de sorte que l'employeur, souvent, n'était pas obligé de mettre beaucoup d'argent à chaque année, parfois même pas du tout. Et, à un certain moment, l'employeur décidant de fermer le régime - parce qu'il a le droit de fermer le régime à sa volonté - des surplus apparaissaient; et l'employeur, dans bien des cas, a tenté de s'approprier ces surplus-là, et se les est appropriés. Il y a même des cas, je vous en cite un, le cas de Newberry, où l'employeur n'a même pas investi un seul dollar dans le fonds de pension pendant tout le temps du régime et s'est approprié le surplus de 5 000 000 $. Ça, ça s'est passé dans un cas de statu quo, selon la législation qui existait.

Alors comment, moi, je peux arriver et puis dire: Je ne gèle pas les surplus; j'ai fait un moratoire, je n'aurais pas dû, dépêchez-vous de lever le moratoire, "business as usual", on continue? Comment est-ce que le gouvernement peut accepter de réinstaurer un système qui a donné de si mauvais résultats? Alors, je vous pose la question.

Le Président (M. Joly): M.Bougie.

M. Bougie: M. le ministre, je suis loin d'être un expert dans ces matières-là. Cependant, on dit souvent que l'exception ne fait pas la règle, ou la règle ne fait pas l'exception. Mais la plupart des cas que vous avez mentionnés, je crois, font appel à des situations où il y avait terminaison de régime, c'est-à-dire des employeurs qui fermaient une usine, qui quittaient la province et qui profitaient de surplus au niveau des régimes de retraite afin de les encaisser. Et la plupart de nos recommandations visent les cas de régimes lors de continuité du régime. Nous représentons une société qui est au Québec depuis le début du siècle - 1902 - nous avons l'intention d'y rester fort longtemps, avec 10 000 employés au Québec. Alors, nos principales recommandations sont pour le régime, en continuité de régime.

Je crois que si vous aviez certaines mesures visant les cas de terminaison de régime, à ce moment-là, notre actuaire en chef pourrait peut-être faire des recommandations supplémentaires.

M. Méthot (Michel): Une des nouvelles dispositions de la loi 116 vise à assurer un financement maximum, de la part des employés, de 50 % de la valeur de la rente. Je réponds à votre question par une autre question. Les nouvelles normes de la loi 116 ne visent-elles pas, à long terme, justement à régler le problème de ces caisses de retraite où l'employé finançait la presque totalité de la rente, en imposant un financement minimum de la part de l'employeur, de 50 %?

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je pensais que c'était moi qui posais les questions, mais ça ne me fait rien de répondre. Effectivement, vous avez raison.

M. Méthot: Ça semble être un échange.

M. Bourbeau: Vous avez raison, M. Méthot, et je suis très fier de rappeler à tout le monde que nous avons mis fin à un régime, avec la loi 116, qui avait créé beaucoup d'iniquité. Et je suis très confiant, quant à moi, que les travailleurs de l'avenir vont être beaucoup mieux protégés que ceux du passé, en ce sens que la nouvelle loi que nous avons fait voter - que je suis fier d'avoir fait voter, je dois le dire - va maintenant faire en sorte que les employeurs vont devoir obligatoirement cotiser, en dépit de ce qu'on a dit tantôt, régulièrement chaque année, au moins 50 % de la valeur du crédit de rente; et ça, ça va éviter probablement des situations.

D'autre part, le fait qu'on ait aussi permis dans la nouvelle loi que les travailleurs aient droit à la rente après deux années et non pas après dix années de travail chez l'employeur, et qu'on ait éliminé l'âge de 45 ans comme étant un âge minimum pour avoir droit à la rente, tout ça va favoriser les travailleurs. Mais ça n'empêche pas que, pour le passé, on a présentement des situations d'excédents d'actif. L'ancien régime a généré des excédents d'actif très, très importants dans certains cas, des dizaines de millions de dollars dans certains comptes.

Vous nous dites: Nous, à l'Alcan, on est des gens responsables et on sait quoi faire avec nos surplus; la preuve, on a revalorisé souvent la rente de nos travailleurs. Je vous dis: Bravo! J'aimerais donc ça qu'on puisse avoir des Alcan partout au Québec. Probablement qu'on ne serait pas ici aujourd'hui pour légiférer et je n'aurais pas le député de Pointe-aux-Trembles à mes trousses pour me citer le cas de Kik-Cola, Simonds et toute la ribambelle des employeurs qui ne sont pas responsables. J'ouvre une parenthèse pour vous dire que c'est très facile d'être dans l'Opposition. J'y ai été, moi aussi; je sais ce que c'est et j'envie parfois le travail de mes collègues, ici, qui tirent à boulets rouges sur le gouvernement en disant: C'est épouvantable ce que vous faites, vous... mais c'est drôle, le parti québécois avait tenté de réglementer le domaine, il y a quelques années. il avait déposé un avant-projet de loi, la loi 58, pour réformer l'ancienne loi sur les

régimes supplémentaires de rentes. Et c'est drôle, il n'avait pas osé toucher au dossier des surplus d'actif dans les compagnies. Il savait que ça existait, mais il n'avait pas de formule, il ne savait pas quoi faire. Donc, plutôt que de proposer quelque chose, il avait simplement été muet. Donc, j'en conclus que le Parti québécois qui, aujourd'hui, nous blâme de tenter de régler le problème, lui, n'avait pas réussi à trouver une solution et ne s'y était pas attardé.

De sorte que, si on avait... Si, malheureusement pour le Québec, on était encore dans l'Opposition, vous auriez un gouvernement qui n'aurait même pas touché aux surplus d'actif. Simonds et les autres, comme Singer, auraient fui avec la caisse de retraite et on n'en aurait pas entendu parier. Bon. Alors, M. le Président, je dis que c'est facile de critiquer, mais j'attends toujours les propositions de l'Opposition et j'attends même les propositions de M. Francoeur. Parce que le député de Pointe-aux-Trembles, évidemment, s'est permis de citer certains extraits - extraits - de l'article de M. Francoeur. Il l'a bien dit, d'ailleurs; je vous disais qu'il a dit que c'étaient des extraits. Mais, entre ces extraits-là et la totalité de l'article, il y a des différences.

Qu'est-ce que M. Francoeur... Le député de Pointe-aux-Trembles nous cite les critiques qui font l'affaire de la partie syndicale - parce que tout le monde sait que M. le député de Pointeaux-Trembles est un ancien chef syndical - et puis, M. Francoeur, sa solution... La solution, la voulez-vous, la solution de M. Francoeur? Vous êtes d'accord avec ça? Vous ne l'avez pas dit: Rendre leur liberté aux parties contractantes et, le cas échéant, laisser aux tribunaux le soin de trancher leurs différends. C'est le contraire de ce que vous me dites depuis le début. Vous nous blâmez de ne pas avoir agi et vous nous dites: La liberté aux parties. C'est ça qui a amené les cas de Simonds, de Singer... Les parties étaient libres, mais c'est une liberté - comment dit-on ça, en droit? - léonine. Un lion. C'est quand il y en a un gros d'un côté et un petit. La liberté... Oui, c'est ça.

La liberté qu'on a actuellement, c'est que, dans certains cas - ce n'est pas le cas d'Alcan, je le répète et je veux mettre Alcan en dehors de ça - vous avez un patron qui a tous les pouvoirs dans sa main, qui a formé le régime de retraite et qui peut l'abolir à sa volonté, et les travailleurs, souvent non syndiqués, sont à la merci du patron. Et ça, on nous dit: Rendez la liberté aux parties. Bien, rendre la liberté aux parties, c'est générer les mêmes problèmes qu'on a eus; et, belle solution, laisser aux tribunaux le soin de trancher; bien, c'est ça qui arrive. Les tribunaux se sont maintenant emparés de ça et, quand tout sera fini, M. le Président, les seuls qui en auront probablement profité, ce seront les avocats. (11 heures)

Une voix: Les actuaires...

M. Bourbeau: Je n'ai rien contre les avocats et les actuaires, mais je dois dire que je respecte beaucoup l'opinion de M. Francoeur, par ailleurs. Mais, cette fois-ci, je diffère singulièrement d'opinion avec lui. Et je pense que le député de Pointe-aux-Trembles aussi semble différer avec lui, même s'il a pris à témoin l'article de M. Francoeur, du moins les passages qui faisaient son affaire.

Alors, je repose la question à Alcan après cette parenthèse qui était assez longue, j'en conviens. Vous, vous êtes un peu modèle dans te sens que vous autres, quand il y a des surplus, vous vous dites: On les prend et on revalorise la rente des travailleurs. Mais qu'est-ce que je dois faire si vous ne le faites pas? Qu'est-ce qui me garantit que vous allez le faire? Supposons que, plutôt que de vous appeler Alcan, vous vous appelez une autre compagnie; et il y en a, des surplus; et vous décidez de ne pas les utiliser pour revaloriser la rente des travailleurs. Comment, moi, je peux m'assurer que les gens, les compagnies comme vous, qui auront des surplus, vont les utiliser comme vous le faites? Parce qu'on ne légifère pas seulement pour Alcan, on doit légiférer pour tout le monde.

Le Président (M. Joly): M. Bougie.

M. Bougie: Nous avons fait des propositions à la suite de notre présentation de tout à l'heure, donnant les différentes étapes qui devraient être suivies par les entreprises avant la distribution d'un excédent d'actif. Sans vouloir le répéter pour ne pas prendre trop de temps - alors, je vous laisse le soin de les reprendre tout à l'heure - j'aimerais attirer votre attention, à la suite de votre intervention de tout à l'heure, M. le ministre, sur le fait que, afin d'assurer une économie solide au Québec, on se doit d'attirer des investisseurs qui sont également sérieux. Les investisseurs sérieux sont souvent déboussolés s'ils doivent être assujettis à des dispositions, à des régimes qui sont trop onéreux ou inéquitables. Et certaines des dispositions qui sont devant nous, concernant le projet qui est devant nous, pourraient rendre l'administration des régimes de retraite au Québec un peu plus onéreuse ou inéquitable qu'ailleurs en Amérique du Nord. Alors, c'est fort important de pouvoir - si nous voulons vraiment attirer les investisseurs sérieux, à long terme, au Québec - s'assurer que ces gens-là seront à l'aise d'oeuvrer au Québec, à long terme.

M. Bourbeau: Est-ce que vous préféreriez le régime en vigueur en Ontario, par exemple?

M. Bougie: II y a plusieurs dispositions qui sont discutées en Ontario. Il y en a très peu qui sont appliquées à l'heure actuelle.

M. Bourbeau: Disons ceci; moi, il n'y a aucun doute dans mon esprit que, d'ici un an, on va trouver le régime québécois beaucoup plus favorable, je pense, que celui de l'Ontario, compte tenu de ce qu'on sait de ce qui s'en vient. Mais je termine en disant que, tantôt, j'ai fait certains commentaires, mais les suggestions que vous faites dans votre mémoire et que vous avez tout à l'heure exposées m'apparaissent tout à fait pertinentes. Il y a effectivement des suggestions que vous faites et que nous allons étudier très sérieusement. Vous dites de limiter le nombre d'événements. Possiblement qu'il y aurait lieu de domestiquer un peu tout ça et de faire en sorte que les événements qui vont donner lieu au partage ne se présentent pas tous les six mois ou trop fréquemment. Pour la marge de sécurité, vous nous dites: Regardez-donc ça un peu plus attentivement pour voir s'il n'y aurait pas moyen que la marge soit calculée différemment. Ce sont toutes des propositions que nous considérons comme étant très sérieuses, très valables, et que nous allons considérer avec beaucoup d'attention.

M. Bougie: Merci.

Le Préskient (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Pointe-aux-Trembles. S'il vous plaît!

M. Bourdon: Le député de Gouin.

Le Président (M. Joly): Ah, excusez, le député de Gouin.

M. Boisclair: Je vais y aller, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Sûrement, allez, je vous reconnais.

M. Boisclair: On va partager le temps, tout au long des travaux, pendant ces deux jours de commission. M. Bougie, messieurs, bienvenue à cette commission. Je tiens à vous remercier pour cette présentation. Je pense qu'il y a un certain nombre de choses, de faits saillants, qu'on peut retenir de votre mémoire. D'une part, la position que vous prenez pour la levée inconditionnelle du moratoire; vous êtes contre, aussi, la distribution du décaissement en cours d'existence de régime. Sur un certain nombre d'autres éléments où-Peut-être pourrais-je reprendre là où le ministre vous a quittés, mais en soulignant que vous dites, dans une de vos recommandations, que le gouvernement ne devrait pas légiférer pour régler les problèmes litigieux. Par ailleurs, vous dites: La Loi sur les régimes complémentaires de retraite constitue une réglementation suffisante. Je pense qu'on peut, cependant, partager le point de vue du ministre que, si toutes les entreprises québécoises avaient la même attitude ou le même comportement corporatif que les gens d'Alcan peuvent avoir, sans doute que, nous non plus, nous n'aurions pas à faire face au ministre et à endurer des propos qui peuvent parfois paraître beaucoup plus partisans que sérieux quant au sujet qui est discuté ici.

J'aimerais peut-être revenir sur un élément où, cependant, je crois qu'il y a une différence de point de vue importante, qui est celle de la rémunération différée. Mon collègue, dans son introduction, disait tout à l'heure qu'il ne voulait pas en faire un point de vue dogmatique. Je suis d'accord avec vous. Cependant, la lecture des mémoires va, bien sûr, nous amener à discuter de cette question-là. L'ensemble des mémoires, d'ailleurs, sont très clairs. L'ensemble des gens qui viendront devant cette commission ont pris une position à cet égard. Et, bien sûr, les deux thèses sont bien connues et très claires.

Cependant, dans la mesure où, dans le fond, les conditions, les cotisations aux régimes de retraite sont, dans le fond, des éléments qui sont négociés entre les différentes parties, je vois mal comment on pourrait exclure la thèse de la rémunération différée. Peut-être qu'on pourrait vous donner raison si cette détermination des conditions de travail était strictement unilatérale, mais ce n'est pas le cas. Et, lorsque vous précisez dans votre mémoire que la proposition gouvernementale, en considérant la cotisation patronale comme de la rémunération différée, se base sur un faux postulat, je dois vous avouer que j'ai une certaine difficulté à concilier le fait que vous disiez, d'une part, que c'est un faux postulat, sans avoir un peu la contrepartie qui serait, dans le fond - comment pourrais-je m'exprimer - le fait que la négociation de la convention collective et des différentes conditions de travail ne se fait pas de façon unilatérale.

M. Méthot: Permettez-moi de vous répondre en citant un exemple. Nous avons conclu, en 1989, un protocole d'entente sur notre régime de pension, le deuxième régime qui est négocié. C'était un régime à prestations déterminées, revalorisé régulièrement, un régime pour lequel on avait pris un congé de cotisation pendant trois années. À la suite des négociations qui ont duré près d'une année, le protocole ne faisait pas référence à la cotisation et aux clauses de surplus, mais, par contre, améliorait grandement les prestations, et toute la négociation s'est portée sur le niveau de prestation.

En se comparant avec d'autres compagnies, chose qu'on fait régulièrement, on a comparé, non pas la cotisation que les autres compagnies versaient à leur fonds de pension, versus la nôtre, on a vraiment comparé les prestations, ce que paient les autres compagnies à 60 ou 65 ans, en pourcentage du salaire, ce qu'ils donnent comme bénéfice de départ ou de décès. C'étaient les questions à l'étude, et ce sont les questions

qui ont été réglées lors de la négociation. La compagnie, par la suite, s'est engagée, comme d'habitude, à financer le coût additionnel de ces prestations. Et c'est pourquoi nous disons que c'est la prestation de retraite qui constitue la rémunération différée, et non pas la cotisation de l'employeur.

M. Boisclair: Je comprends bien l'exemple que vous me présentez. C'est l'argument qui est repris par plusieurs autres intervenants aussi, mais je ne sais pas si vous ne me convainquez pas du point de vue contraire. Il n'en demeure pas moins que je vous donnerais raison si, comme je le disais dans ma question tout à l'heure, les conditions de travail n'étaient pas négociées, mais étaient décrétées de façon unilatérale, ce qui n'est évidemment pas le cas. J'aimerais peut-être revenir sur un certain nombre d'autres questions. Vous avez parlé tout à l'heure des événements, sans doute beaucoup trop nombreux, qui donnent lieu au décaissement, ce qui va vous amener... Je pense que, dans votre mémoire, vous citez la réalité; ça vous amènerait à faire des évaluations à tous les ans, ou au moins une fois l'an.

M. Méthot: Oui.

M. Boisclair: Vous proposez que ce soit une fois aux trois ans, je crois, dans une de vos propositions. Vous avez même été assez loin en disant que ça rendait la gestion de ces régimes très onéreuse et, pour des gens, risquerait même de faire fuir un certain nombre d'investissements, compte tenu du coût de gestion de ces régimes. Est-ce que vous faites des affirmations basées sur des faits? Est-ce que c'est le genre de réactions que vous avez connues d'investisseurs potentiels chez vous, ou si c'est là, peut-être, ce que vous entrevoyez comme une conséquence possible de certaines dispositions du projet de loi?

M. Méthot: Quant à la fréquence, c'est une affirmation basée sur une étude de l'expérience des dernières années. Effectivement, par exemple, dans une compagnie comme Alcan, qui a 10 000 employés répartis en plusieurs unités de travail, la notion de terminaison partielle, telle qu'elle est...

M. Boisciair: Qu'est-ce que vous voyez, justement, comme notion sur cette question-là? Vous dites, dans votre mémoire, qu'elle est trop large.

M. Méthot: Oui.

M. Boisclair: Comment la... est-ce qu'il y aurait moyen de la préciser, et de quelle façon?

M. Méthot: À mon avis, concernant le concept de terminaison partielle, on devrait n'avoir qu'une terminaison totale, et peut-être englober, dans le concept de terminaison totale, toutes les terminaisons partielles qui auraient eu lieu dans les dernières années qui précèdent la terminaison totale de régime, pour s'assurer que l'employeur ne gruge pas petit à petit la caisse en terminant partiellement des groupes d'employés; alors, à ce moment-là, il faudrait abandonner ce concept de terminaison partielle.

Une autre méthode, a mon avis, pour diminuer ces événements serait de définir une terminaison partielle comme étant un événement lors duquel l'employé est forcé de terminer sa participation au régime. En d'autres mots, aussi longtemps qu'un employé peut demeurer un participant, c'est-à-dire un participant non actif ayant droit à une rente, différée ou immédiate, il ne devrait pas y avoir de terminaison partielle puisque cet employé a le choix de continuer à faire partie de cette entité. Et déjà, en partant, on limiterait, je pense, le nombre d'événements, de même que la référence à des amendements qui ne favorisent que certains groupes d'employés, comme il est mentionné dans ce groupe-ci.

Tout amendement dans un régime ne favorise, traditionnellement, règle générale, qu'un certain groupe de participants, que ce soient des retraités, des actifs, des gens qui sont près de la retraite ou des programmes de retraite anticipée, etc. Ce sont des événements qui favorisent toujours un certain groupe d'employés. Alors, à mon avis, si on visait certains groupes... je ne sais pas, moi, un employeur qui est un petit employeur, qui veut s'approprier en se créditant une rente trop élevée, si on veut éviter ces situations spéciales, à ce moment-là, il y aurait lieu de limiter cette approche, cette définition d'amendement qui favorise un seul groupe d'employés.

Alors, déjà... Fusion, scission aussi; on achète souvent des petites entreprises, nous, et on les amalgame dans notre régime principal. S'il fallait faire un exercice à chaque fois qu'on achète une petite compagnie et qu'on la fusionne à notre principal régime canadien, et faire un test sur les excédents d'actif, encore une fois, c'est un exercice qui est laborieux et absolument inutile dans bien des cas.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Méthot. M. le député de Pointe-aux-Trembles?

M. Bourdon: Alors, M. le Président, je voudrais, à mon tour, remercier Alcan de sa présentation et dire, d'entrée de jeu, que le ministre a raison de dire que Singer et Simonds, ce n'est pas Alcan. Si ça n'était que d'Alcan, on ne serait pas ici ce matin. J'ai tendance à croire aussi qu'Alcan, avec n'importe quelle loi, je n'ai aucune inquiétude pour le sort des retraités de l'entreprise, à cause de votre comportement de bon citoyen corporatif. Le comble, d'une certaine

façon, c'est que ce que le ministre propose va nuire à Alcan et va empêcher Alcan d'être un bon citoyen corporatif. Ça va même mettre en cause des données économiques précises, parce qu'il faut prendre garde, en matière de caisses de retraite, de trop fonctionner comme les gens qui vendent du Tupperware ou des aspirateurs, dans le sens suivant: Alcan a besoin d'une certaine stabilité pour placer, dans l'intérêt des participants, les sommes considérables qu'il y a dans sa caisse de retraite; et Alcan n'est pas la seule. Il y a la caisse de retraite du CN, celle d'Air Canada, celle des policiers de la communauté urbaine, celle de Télé-Métropole, et je pourrais en faire une longue liste. Je n'ai pas d'inquiétude quant au côté un peu Lucky Luke de certaines entreprises qui partent en cowboy, le soir, après avoir fait ce qu'if y avait à faire comme passe. Et Alcan n'est pas du tout dans cette catégorie-là. Et les gros investisseurs - je pense aux pâtes et papiers, entre autres - pensent qu'une caisse de retraite gérée sainement est un facteur de rétention des employés et de satisfaction au travail et, en conséquence, qu'il ne faut pas exagérer.

Maintenant, il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord. Je vais vous expliquer pourquoi. Un, je suis d'accord avec le ministre que mon ami Jean Francoeur a tort de dire que la seule solution, c'est de laisser les parties négocier, parce qu'en certains secteurs le rapport est trop inégal. Simonds, c'était une botte syndiquée. Singer, c'était syndiqué, et d'autres aussi. Et, malgré ça, ça n'a pas donné les résultats escomptés. Et, à cet égard, on oublie trop facilement qu'au Québec il n'y a que 40 % de la main-d'oeuvre syndicable qui est syndiquée; dans le secteur de la fabrication, le taux de syndicaiisation n'est que de 20 %. Je ne parle pas d'Alcan. Quand on parle de syndicaiisation, Alcan est syndiquée, je veux dire, les employés de l'entreprise sont syndiqués, et Alcan négocie de bonne foi avec ses employés, de telle sorte que je vous dirai, là, d'entrée de jeu, qu'à toutes sortes d'égards, pour le type de situation que vous vivez, je n'ai pas d'inquiétude; le résultat d'une vraie négociation, avec la préoccupation que vous avez, fait que les participants, quand leur régime change, c'est pour le mieux. À cet égard-là, il n'y a pas de problème; sauf que le ministre a raison de dire: Singer, Simonds et d'autres, comment peut-on fonctionner à cet égard?

Je pense que, quant à nous de l'Opposition officielle, on est contre le congé de cotisation de l'employeur, mais il faut chercher un moyen parce que... En tout cas, il y a des cas - vous mentionnez le vôtre - où le congé de cotisation n'avait pas d'effet nocif sur le régime. Bon, c'est une première nuance.

Quant aux terminaisons de régime, nous, on pense qu'il faut éviter de façon absolue que l'entreprise puisse récupérer tous ses excédents.

Le ministre a raison. Il y en a où l'excédent n'est pas l'exception, mais la règle. Alors, comment faire ça? Parce que, dans les années quatre-vingt, aux États-Unis, ça a été dramatique. Il y a des actuaires - je sais qu'au Québec il n'y en a pas comme ça - qui disaient aux entreprises: Vous avez des problèmes de liquidités? Terminez votre régime de retraite et empochez les surplus. Ça a eu des conséquences catastrophiques dans le cas des États-Unis.

Alors, dans le fond, j'ai deux questions à vous poser. D'une part, pensez-vous, en dehors de vos propositions éminemment raisonnables, qu'on doive intervenir pour empêcher une spoliation des employés quand il y a une terminaison de régime? Deuxièmement, pensez-vous qu'Alcan éprouve quelque difficulté, au plan interprovincial, à harmoniser ses différents régimes dans la période où on est en attente d'être en association économique avec le Canada? (11 h 15)

Le Président (M. Joly): M. Bougie.

M. Bougie: M. Bourdon, je vais répondre à la première partie de votre question et je vais laisser M. Méthot répondre à la deuxième partie.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, je veux quand même essayer...

M. Bougie: Oui, mais ça va être très court.

Le Président (M. Joly): ...de faire ça de façon concise, parce qu'on a déjà débordé.

M. Bougie: Ça va être très court, M. le Président. Vous parlez de la spoliation des régimes de retraite. Notre position est que les fonds doivent rester à l'intérieur du régime, point final, à la ligne. Une réponse courte.

Le Président (M. Joly): M. Méthot.

M. Méthot: J'anticipe effectivement beaucoup de difficultés. Pour reprendre une analogie que j'ai faite récemment, les huit provinces ont essayé à plusieurs reprises de s'entendre sur une législation uniforme, et ne se sont même pas entendues sur une définition harmonieuse de "conjoint". Alors, à plus forte raison, j'anticipe beaucoup de difficultés quant à un accord de réciprocité sur la gestion des surplus.

M. Bourdon: M. le Président, je pense que M. Méthot a raison. Le Canada, ce n'est pas simple tous les jours.

Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. M. le ministre, en conclusion.

M. Bourbeau: M. le Président, il me reste à remercier les gens d'Alcan d'être venus nous éclairer de leur science et de leur expérience.

Je leur répète que nous allons prendre très bonne note des recommandations qu'ils nous font.

Le Président (M. Joly): M. Bougie, est-ce que vous avez des remarques finales?

M. Bougie: Est-ce que je peux me permettre de faire un simple commentaire?

Le Président (M. Joly): Absolument, M. Bougie.

M. Bougie: C'est de faire attention de ne pas être préjudiciable aux entreprises sérieuses qui opèrent au Québec depuis plusieurs années et qui ont l'intention de demeurer au Québec. Je répète mon message de tout à l'heure: Si nous voulons attirer en plus grand nombre de telles entreprises au Québec, faisons attention de ne pas rendre nos administrations plus onéreuses. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci. Alors, je remercie les représentants d'Alcan Aluminium. Ce fut bien instructif, merci beaucoup. Alors, je vais maintenant demander aux gens représentant le Syndicat des Métallos (FTQ) de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bonjour, messieurs, et bienvenue à cette commission. J'apprécierais si la personne responsable pouvait s'identifier et aussi nous présenter l'autre personne qui l'accompagne. S'il vous plaît.

Syndicat des Métallos (FTQ)

M. McBrearty (Lawrence): Mon nom est

Lawrence McBrearty, je suis directeur-adjoint du Syndicat des Métallos (FTQ).

Le Président (M. Joly): Bonjour.

M. McBrearty: Je suis accompagné de Réjean Bellemarre, qui est du service de recherche de notre syndicat.

Le Président (M. Joly): Alors, vous avez une vingtaine de minutes, M. McBrearty.

M. McBrearty: Merci. Mme et MM. les membres de la commission, le présent mémoire soumis par le Syndicat des Métallos expose les revendications des travailleurs et des travailleuses membres de notre organisation. Nous exposons dans ce mémoire ce qui, selon nous, représente les principes de base sur lesquels le gouvernement devrait appuyer sa réforme de manière à répondre aux aspirations des travailleurs. Les propositions contenues dans ce mémoire sauront être utiles à nos législateurs dans l'importante réforme qui s'amorce.

Le Syndicat des Métallos a dû, dans des situations pas toujours heureuses, développer au cours des dernières années une expertise importante en matière de régime de retraite privé. Le plus important syndicat du secteur privé au Québec, nous avons été au coeur même des débats reliés à l'appartenance des excédents d'actif. Sur cette question, nous avons eu, à quelques reprises, à défendre les intérêts de nos membres devant des tribunaux.

Les travailleurs et les travailleuses québécoises ont démontré à plusieurs reprises qu'ils sont très préoccupés par leur préparation financière à la retraite. De nos jours, nos membres font de la négociation de bénéfices adéquats pour la retraite une priorité de négociation dans l'ensemble des conventions collectives dans lesquelles nous sommes impliqués.

Le vieillissement de la population du Québec fait en sorte que la réforme à venir est des plus importantes pour les participants à des régimes de retraite. Les sommes en jeu dans cette réforme sont vitales pour permettre aux travailleurs de maintenir leur niveau de vie lors de leur retraite. Cependant, étant donné que de nombreux travailleurs ne bénéficient pas d'un régime de retraite privé adéquat, la réforme actuelle n'enlève rien, selon nous, à l'urgence pour le Québec de se doter d'un régime public et universel pour assurer un revenu décent pour tous les travailleurs du Québec.

Nous vous remercions de nous avoir offert l'occasion de soumettre nos points de vue, nos observations, nos commentaires et nos suggestions sur la réforme proposée. Votre gouvernement peut compter sur l'appui de 50 000 hommes et femmes membres du Syndicat des Métallos pour toute démarche visant à assurer aux travailleurs et travailleuses du Québec un revenu décent lors de la retraite. Nous allons vous soumettre le point de vue de ces travailleurs et de ces travailleuses sur l'appartenance des excédents d'actif et sur l'indexation de leur rente.

Dans le document intitulé "Le partage équitable des régimes de retraite", le gouvernement expose les bases sur lesquelles il désire appuyer la législation qui permettra la levée du moratoire sur l'utilisation des excédents d'actif. La nouvelle législation s'inspirera des principes "de sauvegarde de la sécurité financière des régimes de retraite" et "du respect de la contribution des parties au financement du régime". Si la première partie de l'équation de principe du gouvernement ne nous cause pas de problème, nous ne pouvons partager le concept mis de l'avant dans la deuxième partie de l'équation. Notre syndicat a défendu depuis plusieurs années que les cotisations de l'employeur au régime de retraite constituent en fait un salaire différé. Lors d'une négociation, les employés et les employeurs tiennent compte de la rémunération globale des employés, ce qui inclut les différents aspects monétaires d'une négociation: les salaires, les vacances, régimes d'assurance, régimes de

retraite, etc.

L'employeur évalue les coûts des différentes améliorations apportées. Les demandes syndicales au niveau du régime de retraite sont directement en compétition, pour les mêmes dollars, avec des améliorations salariales ou des congés supplémentaires. Le choix d'une amélioration du régime de retraite constitue donc pour les employés un investissement pour leur retraite, d'où la notion de salaire différé.

Le document présenté par le gouvernement reconnaît la notion de salaire différé. Elle - la contribution de chaque partie au financement - peut aussi être indirecte, comme dans le cas des régimes non contributifs dans lesquels l'employé n'a pas de cotisation à verser. Il ne faudrait pas pour autant en conclure que ce dernier ne contribue pas au financement du régime. Dans une entreprise, on tient généralement compte de l'existence du régime au moment d'évaluer la rémunération globale. Les employés ont donc touché une rémunération ajustée qui devait tenir compte des sommes que l'employeur s'engageait à verser au régime.

Là où notre conception d'un salaire différé se différencie de celle du document, c'est dans la définition stricte de ce qui constitue un salaire différé. Si l'on se fie à la proposition du gouvernement, le salaire différé est évalué comme un minimum, une fraction du coût total du régime. De notre côté, nous considérons que la totalité du coût du régime constitue un salaire différé.

Dans toutes les négociations où nous sommes impliqués, l'employeur indique clairement que le coût total du régime de retraite est pris à même l'enveloppe monétaire allouée. Nous ne parlons pas ici d'une fraction minimale du coût total. De quel droit l'employeur se verrait remettre une fraction, ne serait-elle que minime, de ce qu'il avait déjà chargé aux travailleurs et aux travailleuses?

Il nous semble évident que le gouvernement accorde un poids plus important au concept de risque financier mis de l'avant par l'employeur qu'au concept de salaire différé. Les employeurs estiment que le risque financier qu'ils assument en se portant garant des prestations à payer justifie le fait que les excédents d'actif leur soient remis. Nous ne partageons pas ce point de vue.

Lorsqu'on évalue le risque de l'employeur, on s'aperçoit qu'il est plus théorique que réel. En effet, les régimes de retraite sont financés en se basant sur des hypothèses actuarielles établies de manière à minimiser le risque d'un déficit. À très court terme, si une caisse de retraite fait face à une mauvaise année, les rendements excédentaires de la caisse de retraite dans les quelques années qui suivront seront suffisants pour compenser le manque à gagner.

En fait, l'argument du risque financier de l'employeur est, à notre avis, plus folklorique que réel. Mais supposons, pour le plaisir de l'argument, qu'une caisse de retraite connaisse un déficit d'opération, les coûts d'amortissement d'un tel déficit seront pris en compte par l'employeur dans l'évaluation qu'il fera du coût de la rémunération globale de ses employés. Ainsi, les employés se verront refiler le déficit lors de la négociation prochaine. Nous ne croyons pas à un risque financier de l'employeur dans le financement du régime de retraite. Nous croyons que ce risque est surévalué.

Le document de consultation suggère que le gouvernement songerait à prescrire les hypothèses actuarielles dans le but d'uniformiser les méthodes utilisées pour évaluer les engagements des différents régimes de retraite au Québec. Le Syndicat des Métallos est d'accord avec cette approche gouvernementale, dans la mesure où des mesures transitoires seront instaurées pour permettre aux différents régimes de s'ajuster à ces nouvelles hypothèses. Nous considérons qu'en prescrivant les hypothèses actuarielles le gouvernement pourrait assurer une sécurité financière accrue des régimes de retraite. Par la prescription des hypothèses actuarielles à être utilisées, le gouvernement pourrait éliminer une fois pour toutes les prétentions des employeurs à la propriété des excédents d'actif. Le risque financier que prétendent encourir les promoteurs du régime de retraite étant directement relié aux hypothèses actuarielles utilisées, des hypothèses actuarielles de financement très conservatrices réduiraient à néant les chances d'un déficit, selon une approche de solvabilité.

Le document de consultation que nous propose le gouvernement devrait, selon le ministre Bourbeau, "favoriser une meilleure compréhension du phénomène des excédents d'actif". Ce document devrait aussi permettre l'identification de solutions aux problèmes soulevés par la question des excédents d'actif et ce, dans un climat de sérénité. Il est vrai que la question de la propriété des excédents d'actif a soulevé de très grands débats. Les différentes causes portées devant les tribunaux ont avivé l'intérêt des travailleurs et travailleuses pour le surplus des caisses de retraite. Pour ceux-ci, le moratoire laissait présager que le gouvernement interviendrait dans un avenir rapproché pour empêcher définitivement que les travailleurs et les travailleuses du Québec se fassent voler leur caisse de retraite. Les propositions mises de l'avant par le gouvernement nous portent à croire que plusieurs milliers de travailleurs québécois seront déçus. Les propositions faites par le gouvernement en matière de partage des excédents d'actif à la terminaison du régime sont à notre avis totalement inacceptables.

Le gouvernement propose un partage qui respecterait la contribution des parties au financement du régime. Nous ne répéterons pas ici l'argumentation que nous avons développée plus tôt au sujet du salaire différé. Rappelons seulement que nous considérons que toutes les

contributions effectuées dans la caisse de retraite le sont au bénéfice exclusif des participants au régime. (11 h 30)

Comme le gouvernement l'indique dans son document de consultation, il est impérieux que les régimes privés de retraite augmentent leur quote-part dans le revenu des retraités. Les syndicats et la population en général ont demandé depuis de nombreuses années l'implantation d'une véritable politique publique de sécurité du revenu à la retraite. Mais, les régimes publics étant ce qu'ils sont, les travailleurs ne peuvent compter que sur eux comme source unique de revenu à la retraite. Dans un tel contexte, la logique gouvernementale nous échappe. D'un côté, le gouvernement veut amener les régimes de retraite à fournir une part plus importante des revenus de retraite des travailleurs, de l'autre, le gouvernement s'apprête à permettre que l'on retire des sommes importantes des caisses de retraite.

La logique ou ce que nous devons malheureusement qualifier d'illogisme du gouvernement ne s'arrête pas là. Le gouvernement propose pour les régimes non contributifs un partage des excédents d'actif qui reconnaît finalement la notion du salaire différé. Toutefois, le gouvernement parle d'une part minimale des surplus à être distribués aux participants et participantes au régime. Ceci est à notre avis tout à fait inacceptable. De plus, nous pouvons nous demander pourquoi la reconnaissance du salaire différé par les législateurs n'est acquise que pour les régimes non contributifs. Pourquoi n'en va-t-il pas de même pour les régimes contibutrfs?

Nous ne pouvons accepter un partage des excédents d'actif qui ferait en sorte que les fonds accumulés dans les caisses de retraite servent à une fin autre que celle de fournir des bénéfices de retraite à des travailleurs. Nous demandons au gouvernement de reconnaître la pratique clairement établie d'inclure dans la rémunération globale de la main-d'oeuvre les coûts des régimes de retraite. Il est tout à fait inacceptable que l'on retire aux travailleurs un bénéfice pour lequel ils ont pleinement payé.

Les propositions gouvernementales au chapitre du retrait des surplus de caisse en cours du régime sont surprenantes. Le gouvernement propose une redistribution des surplus de la caisse de retraite en cours de régime. Les régimes de retraite devraient obligatoirement redistribuer les surplus lorsque ceux-ci passeront un certain seuil de sécurité. Il s'agit ici d'un changement majeur dans la législation québécoise, en matière de retraite. Non satisfait de permettre la liquidation graduelle des excédents d'actif par la prise de congés de contribution, le gouvernement veut instaurer un processus plus rapide de dépossession des participants et des participantes à des régimes de retraite. Les travailleurs et les travailleuses du Québec n'accepteront pas que l'on vide leur caisse de retraite au bénéfice de l'employeur.

Encore une fois, nous nous devons d'indiquer au gouvernement que nous nous opposons à tout retour des sommes investies dans la caisse de retraite, que ce soit en cours de régime ou à la terminaison d'un régime de retraite.

Malgré le fait que la législation ne permettait pas jusqu'à ce jour de retirer des surplus de la caisse de retraite, de nombreux employeurs réussissaient à contourner cette législation en prenant des congés de contribution. Pour les travailleurs et les travailleuses du Québec, les congés de contribution doivent être considérés comme l'autre facette du même problème de l'appropriation des surplus. À chaque fois qu'un employeur prend un congé de contribution, il vide peu à peu le régime de retraite des surplus. Ces sommes appartenant aux travailleurs et aux travailleuses, les congés de contribution privent ceux-ci d'améliorations à leurs bénéfices de retraite.

Nous sommes en droit de nous demander quelle logique peut amener les législateurs à établir qu'un congé de contribution ne se prend que par les employeurs, que le régime soit ou non contributif. Par quel raisonnement le gouvernement arrive-t-il à reconnaître l'apport, même indirect, des employés au financement du régime, pour ensuite accorder un droit exclusif aux employeurs de s'approprier indirectement les surplus de la caisse? Cette logique nous échappe et elle nous est tout à fait inacceptable.

La situation actuelle doit cesser. Nous demandons au gouvernement d'interdire les congés de contribution de l'employeur. Les congés de contribution constituent, en pratique, un retrait en cours de régime des surplus de la caisse de retraite. La question des congés de contribution doit être ramenée à celle de la propriété des surplus de la caisse de retraite. À ce titre, nous réitérons notre profonde conviction que toutes les sommes investies dans la caisse de retraite le sont au bénéfice exclusif des participants.

Au document de consultation du gouvernement manque un point fondamental pour compléter cette réforme. Nous parlons ici de l'indexation des rentes. Le gouvernement identifie clairement l'inflation comme étant une source des excédents d'actif. Si l'inflation galopante du début des années quatre-vingt a permis aux caisses de retraite d'accumuler, grâce à des rendements anormalement élevés, d'importants excédents d'actif, cette même inflation a diminué d'autant le pouvoir d'achat des rentes des employés. La conjoncture économique actuelle, bien que difficile, n'a pas entraîné une inflation aussi élevée que celle des années quatre-vingt. En supposant que l'inflation soit réduite à son minimum, il n'en demeure pas moins que l'on ne doit pas oublier la leçon du début des années

quatre-vingt. Tout niveau d'inflation provoque des rendements supplémentaires sur la caisse de retraite. Ce même niveau d'inflation, quel qu'if soit, réduit d'autant la valeur de la rente des participants et des participantes au régime.

Comme nous l'avions indiqué dans la présentation de notre dernier mémoire sur le projet de loi 116, actuellement, ce sont les employeurs qui, outrageusement, bénéficient de l'inflation puisqu'en plus de prendre des congés de contribution ils paient les rentes avec des dollars dévalués. Le gouvernement doit légiférer pour corriger cette iniquité et rendre obligatoire l'indexation des rentes de retraite.

Nous avons voulu, par le présent mémoire, présenter le point de vue des travailleurs et des travailleuses de notre syndicat sur la réforme proposée par le gouvernement. L'imposition du moratoire sur l'utilisation des excédents d'actif a permis, il est vrai, de tempérer les débats sur la question des excédents d'actif. Ces débats ont permis aux travailleurs et aux travailleuses du Québec de prendre conscience de l'importance de bien comprendre le fonctionnement de leur régime de retraite.

À l'aube de la levée du moratoire, les travailleurs sont maintenant plus informés de leur régime de retraite. Les principes mis de l'avant par la proposition gouvernementale sont connus des travailleurs et des travailleuses du Québec, et ils feront bloc pour les dénoncer. Cette réforme devrait plutôt s'appuyer sur les principes suivants.

Le Président (M. Joly): Excusez. Je vous demanderais... Il reste une minute...

M. McBrearty: Toutes les sommes investies dans la caisse de retraite le sont au bénéfice exclusif des participants et, comme toutes les contributions à la caisse de retraite constituent un salaire différé des participants au régime, en aucun cas, les actifs de la caisse de retraite ne devraient être remis à l'employeur. On vous remercie.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. McBrearty. M. le ministre, à vous la parole.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux gens de la FTQ. Dans les contrats dont on parle, quand on parle de régime à prestations déterminées, parce que c'est de ça qu'on parle, vous en avez plusieurs, pas de vos compagnies, mais de vos travailleurs syndiqués, qui font partie d'une entreprise et qui travaillent pour les entreprises ayant de tels régimes. Les contrats qui sont à la base de ces régimes-là - parce qu'un régime, ça se met toujours sur pied après qu'on signe un contrat - est-ce qu'ils disent que l'employeur est obligé de faire des paiements mensuels ou annuels? Ou s'ils ne disent pas plutôt que l'obligation de l'employeur, c'est d'assurer une rente à la retraite?

Le Président (M. Joly): M. Bellemarre.

M. Bellemarre (Réjean): Dans la majorité des cas, c'est vrai que ça dit que l'employeur doit fournir une rente à la retraite. Sauf qu'à la table de négociation il y a des choses qu'on écrit et il y a des choses qu'on se dit. À une table de négociation, on dit: Moi, je veux avoir telle rente, l'employeur répond: Ça coûte tant et, si tu me demandes ça, tu n'auras pas telle chose. Il est très clairement identifié, à la table de négociation, que les rentes qu'on demande ou les améliorations au régime de retraite sont échangées contre d'autres bénéfices dont on se prive, du salaire, des vacances, etc.

M. Bourbeau: Alors, revenons à mon point. On voit donc comment ça fonctionne. L'employeur a une obligation, c'est d'assurer une rente à la retraite. Ça, il est obligé d'arriver avec ça et de prendre les moyens pour y arriver. Les moyens, ça veut dire s'assurer qu'en tout temps il y a dans le régime suffisamment d'argent pour que, à la retraite, il y ait des sommes suffisantes pour payer la retraite, pour payer les rentes. Et, dans la mesure où le régime est continuellement capitalisé et solvable, l'employeur peut dire et dit: J'ai fait honneur à mes obligations. Mais attention, un jour, je devrai peut-être en mettre plus, si jamais la conjoncture change et que le régime passe en situation de déficit. On ne va pas voir le syndicat pour mettre l'argent, on va voir l'employeur. On dit: Là, le régime est présentement en situation d'insolvabilité, p'tit gars, il faut que tu mettes de l'argent "now", maintenant. Et puis l'employeur, il met de l'argent. Il n'a pas le choix, c'est ça que le contrat dit.

C'est pour ça que j'en viens à ce dont vous me parlez. Vous me parlez de ce qu'on appelle les congés de cotisation. En fait, ça n'existe pas, des congés de cotisation, parce qu'il n'y a pas d'obligation de cotiser de l'employeur dans les contrats. Les contrats ne disent pas: L'employeur doit cotiser à chaque mois. Ce n'est pas ça qu'ils disent. Ils disent: L'employeur doit garantir la rente à la fin. C'est ça, son obligation et c'est pour ça qu'on surveille continuellement pour s'assurer qu'il y a toujours suffisamment d'argent dans le régime. Mais, quand il y a suffisamment d'argent dans le régime, il n'y a pas d'obligation à l'employeur de cotiser. Parce que son obligation, lui, c'est d'assurer à la fin une rente. Et, parfois, ça peut lui coûter très cher, ça, en cours de régime. Bon. Alors, moi, je vous pose une question. Si on dit à l'employeur: Malgré que tu ne sois pas obligé de le faire, tu vas quand même cotiser régulièrement, en plus de l'obligation que tu as d'assurer à la fin la rente, est-ce que ça ne pourra pas avoir pour effet

d'Inciter des employeurs, si on leur dit qu'ils sont obligés d'être responsables deux fois, une fois tous les mois et une fois à la fin, et que ça génère des surplus, cette double obligation, est-ce qu'on ne pourrait pas penser, par exemple, que l'employeur va être incité - si c'est ça qu'on lui dit - à sous-capitaliser son régime, à ne pas en mettre autant qu'il pourrait? Aucun employeur ne va être incité à faire du zèle là-dedans, parce qu'il va se dire: Je suis pris à la gorge tous les mois, aussi bien y aller au minimum. Et, dans ses hypothèses actuarielles, il va être extrêmement pessimiste, de façon à essayer de garder le plus bas possible les surplus..

M. Bellemarre: Vous permettez...

M. Bourbeau: Est-ce qu'on ne se trouve pas à jouer contre l'intérêt des travailleurs en agissant de cette façon-là?

M. Bellemarre: Si vous permettez, M. le ministre, notre mémoire doit être pris comme un tout. Lorsqu'on dit qu'on donne un appui à la prescription des hypothèses actuarielles, c'est justement pour éviter des situations comme celle que vous venez de citer. Pour en revenir à la négociation et aux engagements des employeurs, c'est non seulement dit: On s'échange des dollars contre une semaine de vacances, mais c'est dit: La valeur de chacun des bénéfices. Et moi j'ai été engagé - et je fais ça à temps plein pour les Métallos - pour évaluer ces différents sujets lors d'une négociation et pour discuter des chiffres et des coûts avec les employeurs. Lorsqu'il y a un congé de contribution ou un surplus, on parle quand même de tant de cents l'heure et de coûts avec les employeurs. Donc, c'est non seulement à la table de négociation, ce n'est pas écrit dans le contrat parce que c'est un régime à prestations déterminées, et on détermine les prestations, mais c'est certain qu'on en tient compte dans la négociation.

M. Bourbeau: Supposons qu'un employeur...

M. McBrearty: Vous permettez, M. le ministre, je voudrais ajouter un complément à la réponse de M. Bellemarre. Il faut bien comprendre que les travailleurs négocient et c'est le résultat qu'il y a au bout. Lorsque le syndicat négocie pour les travailleurs et travailleuses qu'il représente, il négocie une enveloppe d'argent qui comprend le régime de retraite qui coûte tant de cents l'heure, bien sûr, à l'employeur, pour la durée de la convention collective. Si, durant la convention collective, l'employeur ne verse pas dans le régime, pour des raisons possibles, comme vous dites, que la capitalisation est suffisante et déjà faite, qu'il y a un surplus, et que, durant la période d'une durée de convention collective de trois ans, l'employeur prend des congés de contribution ou même prend des montants des surplus, parce qu'il y a des employeurs qui ont aussi pris des montants dans les caisses de surplus durant la vie des conventions collectives, pas nécessairement lorsque c'est terminé... On pourrait en parler longuement.

M. Bourbeau: Mais non, ce n'est pas permis.

M. McBrearty: La seule chose que je veux répondre à votre question...

Le Président (M. Joly): Excusez...

M. Bourbeau: Ce n'est pas permis, je regrette. M. le Président, je regrette, il faut quand même qu'on dise les choses qui sont exactes. La loi ne permet pas présentement de sortir des sommes d'argent des régimes de pension. Nommez-moi un cas et on va immédiatement faire une enquête judiciaires là-dessus.

M. McBrearty: Oui, M. le ministre. Maintenant, ce que je voudrais répondre, lorsque vous parlez de la question de "deux fois"... Vous avez mentionné "deux fois". Il faut comprendre que le travailleur et la travailleuse, lorsqu'ils négocient en 1987 une enveloppe d'argent qui comprend des bénéfices de régimes de retraite ou des bénéfices de retraite, comme vous mentionnez, et que trois ans après l'employeur dit: On a manqué d'argent, on a pris des congés de contribution, et qu'on essaie de prendre cet argent-là pour améliorer les régimes de retraite - il n'y a rien qui empêche, durant la vie de la convention collective, un employeur d'améliorer les régimes de retraite, et il y en a qui le font - mais ce qui se produit, actuellement, nous sommes devant les tribunaux dans plusieurs cas, comme vous le savez très bien... (11 h 45) il y a un cas qu'on a pu régler hors cour, il y a quelques semaines, de l'ordre de 3 750 000 $ pour 100 travailleurs, où une compagnie qui était vendue à une autre compagnie, et celle-ci vendue à une autre, quittait le Québec avec toutes ces sommes d'argent là. Alors, pour ie travailleur et la travailleuse, toute cette définition de loi, de contenu de convention, de régime de retraite est très complexe pour eux. Et c'est vrai ce que vous dites, que le travailleur et la travailleuse, à la fin de leur vie de travail, veulent se retirer avec un revenu convenable. Mais, de plus en plus au Québec, on évolue beaucoup plus que d'autres provinces, je crois, et que la balance d'autres pays, on est avant-gardistes dans la question des régimes de retraite, et on doit l'être de plus en plus. Et je suggérerais que les employeurs y pensent sérieusement. Au lieu de prendre des congés de contribution, ils pourraient d'une autre façon penser à l'aspect négociations et relations du travail, et ça pourrait régler bien des problèmes.

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai pris note, bien sûr, de ce dont vient de parler le représentant de la FTQ au sujet d'un règlement récent entre les Métallos de la FTQ et l'usine d'acier de Lachine, Drummond McCall, où vous avez réussi à obtenir un partage favorable des surplus dans le fonds de pension. Et vous reconnaîtrez que le fait que le gouvernement ait gelé tous les excédents d'actif en 1988 a aidé à négocier, a aidé quelques cas, comme ça, de syndicats ou de travailleurs qui ont réussi à se négocier un partage avec l'employeur, parce que l'employeur n'avait pas trop le choix. Étant donné que tout était gelé, on ne permettait pas de sortir l'argent, à moins qu'H y ait une entente. Alors, ça vous a donné, comme on dit, un gros "bargaining power", et j'espère que vous en êtes conscients.

M. McBrearty: m. le ministre, on ne dit pas que le gouvernement n'a rien fait. on dit simplement qu'il n'en a pas fait assez, et on veut qu'il en fasse plus.

M. Bourbeau: Oui, je comprends bien ce que vous me dites là. Vous avez entendu le témoignage d'Alcan, tantôt, qui disait aussi qu'on en faisait trop. Selon qu'on est d'un côté de la clôture ou de l'autre, on trouve que le gouvernement en fait trop ou pas assez. Ce qui me fait penser que peut-être on est confortablement assis entre les deux chaises et qu'on a peut-être une solution, pour employer l'expression de Gilles Lesage, qui est mitoyenne, qui est peut-être la meilleure dans les circonstances.

Je reviendrais - et je ne veux pas prendre trop de temps - sur la question du congé de cotisation, parce que c'est un point important. On appelle ça des congés de cotisation, mais, effectivement, je le disais tantôt, ce ne sont pas vraiment des congés de cotisation, parce qu'il n'y a pas d'obligation de cotiser régulièrement. Mais supposons que pour un employeur, la conjoncture se détériore et que l'employeur qui mettait, disons, 1 $ par mois dans le fonds - 1 $ symbolique là - doit mettre 2 $. C'est ridicule de dire 1 $. Disons qu'il mettait 10 000 $ par mois, un gros employeur, et tout à coup la conjoncture se détériore, on fait un test de solvabilité, le fonds apparaît insolvable, enfin, il ne rencontre pas les standards de solvabilité parce que les placements sont dévalués et on dit à l'employeur: Tu dois remettre pas 10 000 $ mais 20 000 $ par mois pendant six mois. Bon. L'employeur s'exécute. Il met ses 20 000 $ par mois pendant six mois. Tout à coup, la conjoncture redevient bonne, les placements prennent de la valeur, les actions montent et là on se trouve en excédent d'actif de 10 000 $ par mois. Autrement dit, parce qu'il a mis 10 000 $ par mois, ça a généré... Et là on est en excédent d'actif. Alors, est-ce qu'il ne serait pas logique de dire que l'employeur qui, pendant six mois, a mis le double parce qu'on était en insolvabilité, quand on passe en surplus, II pourrait aussi, pendant la même période, ne pas mettre ses 10 000 $ de façon à revenir au statu quo? Il me semble que c'est logique d'être équitable aussi envers l'employeur. Quand ça va mal, on lui dit: Mets-en plus et quand ça va bien, si on est en surplus, il me semble que c'est logique qu'il en mette moins. Alors, je ne comprends pas pourquoi...

Une voix: II faudrait qu'il mette tout le temps 20 000 $, par exemple.

M. Bellemarre: M. le ministre...

Le Président (M. Joly): M. Bellemare?

M. Bellemarre: ...juste pour dire qu'on est d'accord avec votre logique là-dessus parce que ce que vous êtes en train de dire, c'est tout simplement... Nous, on ne croit pas que ce sont des situations qui vont se produire régulièrement. Ce sont des situations de conjoncture, comme vous dites si bien. Donc, si, conjoncturellement, il y a un déficit - on l'a dit dans notre mémoire - les années suivantes devraient servir à combler ce déficit-là. Si, pendant un certain bout de temps, un employeur est obligé de mettre des sommes pour combler un déficit, si le restant du rendement supplémentaire, etc., appartient aux employés, je ne vois pas de gros problème à accepter que l'employeur, pour un certain bout de temps, se fasse rembourser les avances qu'il a faites au fonds. Donc, on peut suivre votre logique jusque-là.

M. Bourbeau: Bon. Alors, on a au moins ça, M. le Président. On avance.

M. Bellemarre: Mais c'est très clair pour nous que le surplus appartient aux employés. C'est seulement une avance qu'on rembourse à l'employeur.

M. Bourbeau: Ah! Je comprends. Bon. M. le Président, on va quand même retenir ces propositions-là dans notre réflexion globale et on verra en temps et lieu ce que ça va donner dans un projet de loi qu'on a l'intention de déposer le plus rapidement possible.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Pointe-aux-Trembles?

M. Bourdon: Alors, M. le Président, je veux d'abord saluer à mon tour M. McBrearty et M. Bellemarre, leur dire que l'Opposition officielle endosse totalement leur mémoire. On n'a pas de point de désaccord avec le mémoire que les Métallos nous présentent aujourd'hui. Et, quant à moi, je suis très content que ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve ait insisté auprès du

ministre pour que les métallos qui n'étaient pas d'abord prévus soient invités à nos audiences particulières parce que votre syndicat a développé une expertise considérable dans la matière qu'on regarde aujourd'hui. et à tous les arguments que vous invoquez, moi, j'en ajoute un autre qui m'apparaît invraisemblable, qui est le suivant. le ministre nous propose, dans son document, qu'on permette aux employeurs, lors de la terminaison d'un fonds de retraite ou même avant - mais, là, je m'en tiens à la terminaison - de récupérer le surplus d'actif. les métallos ont un syndicat à valleyfield dans le magnésium, une entreprise qui appartient à des intérêts norvégiens mais où les seuls consommateurs sont des québécois. et j'ai été informé par m. clément godbout, votre directeur, que la compagnie norvégienne dit: écoutez, c'est simple. on déménage, en norvège, parce qu'en norvège, quand on ferme une entreprise, il faut donner jusqu'à un an de salaire à nos employés et il y a des audiences publiques sur ce pourquoi on ferme et on n'a pas envie de se faire planter.

Mais, là, on ajoute une autre chose avec ce que le ministre nous propose. C'est qu'il y a des cas dans l'est de Montréal que je veux ajouter. Une entreprise qui dit à un collègue: Écoutez, on a deux usines et il y en a une de trop. Celle de Mississauga, si on la ferme, ça nous coûte 4 000 000 $ parce qu'en Ontario... Là, je parle de l'Ontario libérale, pas de l'Ontario "à soir on fait peur au monde", les méchants sociaux-démocrates. L'Ontario libérale a décidé que, pour une fermeture d'usine, il faut donner une semaine par année de service de compensation aux employés, maximum 26 semaines. Alors, l'entreprise dit à un collègue député: À Mississauga, ça coûte 4 000 000 $, à Montréal c'est gratuit. Alors, on a dit au ministre, quant aux normes minimales: Faites de quoi pour compenser les gens lors des fermetures, parce que, là, c'est payant. Mais rendez-vous compte de ce qu'on veut dire, nous. C'est de pouvoir disposer des surplus lors de la terminaison d'une caisse de retraite, et le comble du comble, c'est de le permettre tout le temps, à mesure, de rafler tout ce qui dépasse du tiroir, c'est de le permettre et que le Québec continue de n'avoir aucune indemnité de fermeture, sauf ce que les gars et les filles peuvent aller se négocier dans la convention collective. Tu sais, ce n'est pas toujours simple. Ça veut dire qu'on pourrait dire à la même entreprise: Bien, comparé à l'Ontario, pas d'indemnité à verser aux travailleurs au Québec. Tu viens de faire 4 000 000 $. En plus, il y a 6 000 000 $ de surplus, alors, si tu veux faire 10 000 000 $, ferme. Écoutez, je n'en reviens pas et on a au pouvoir un gouvernement qui sait compter. Mais il compte pour qui? Est-ce qu'il compte un peu que, pour avoir des impôts, il faut que le monde travaille?

Mais je reviens à ce que vous mentionnez dans le mémoire. Je reviens à une autre question. Le ministre a parlé de l'entente que vous avez réussi à avoir avec Drummond McCall de Lachine. Le ministre a raison, c'est le moratoire qui a donné un certain pouvoir de négociation, mais pas que le moratoire. Votre poursuite, elle était en vertu des règlements de la caisse de retraite et du contrat, et les tribunaux pouvaient intervenir. Or, le ministre veut enlever ça dans son document. Pourriez-vous nous donner une idée à savoir combien vos membres perdraient si on appliquait la logique du ministre de donner l'amnistie à toutes les entreprises que vous poursuivez? Est-ce que vous pouvez nous donner certains noms d'entreprises contre lesquelles vous avez entrepris des poursuites et où il y a des négociations?

Le Président (M. Joly): M. Bellemarre.

M. Bellemarre: Chez Drummond McCall, le gain a été de cinq fois la valeur des crédits de rente pour les membres. Pour le travailleur qui avait le plus de crédits de rente, ça représentait 158 000 $ à deux années de sa retraite, je crois. C'est très important. Contrairement à ce que dit le ministre, oui, c'est vrai, le moratoire nous a aidés, mais on a une clause très claire et précise comme quoi on avait droit à l'entièreté des surplus, je devrais dire - ce n'est peut-être pas du bon français - mais, étant donné que les lois ne sont pas aussi claires, étant donné l'incertitude créée présentement qu'on essaie de régler ici, nos membres auraient dû attendre de cinq à dix ans, la conjoncture des tribunaux, etc., avant de toucher leur rente. Si vous dites à quelqu'un: Tu as le droit à 158 000 $ aujourd'hui ou on continue, puis tu vas peut-être en avoir 258 000 $ dans dix ans, il dit: Dans dix ans, je ne serai peut-être pas là; donne-moi mes 158 000 $, je m'en vais. Ce que je suis en train de dire, c'est que, si les choses étaient claires, ce n'est pas 158 000 $ que cette personne aurait eus mais beaucoup plus.

M. Bourdon: À cet égard-là, la question que je voudrais vous poser, c'est: Si on donne suite au projet du gouvernement et que les employeurs peuvent récupérer les surplus d'actif à mesure, êtes-vous d'accord avec Alcan que c'est non seulement injuste mais qu'au surplus il y a des fonds de pension qui ne seront plus capables d'investir autant, à long terme, et que leur rendement va s'en trouver diminué?

M. Bellemarre: Ça, il n'y a pas d'erreur. M. McBrearty: Oui. C'est clair. Évidemment.

M. Bourdon: Vous êtes sûr que ce serait le résultat.

M. McBrearty: Évidemment.

M. Bourdon: Maintenant, est-ce que vous pourriez nous donner une idée d'un certain nombre d'entreprises que vous poursuivez auxquelles le ministre propose de donner l'amnistie, puis de leur permettre de garder l'argent? Parce qu'il faut bien voir - et le Barreau va venir après vous - qu'il y a, en plus, une disposition rétroactive, dans ce qui nous est proposé, d'amnistier tous ceux qui sont en tort vis-à-vis des tribunaux.

M. Bellemarre: Si j'ai bien lu la proposition du ministre, à moins qu'il y ait entente et approbation par la Régie des rentes, la proposition serait rétroactive. Donc, dans ce cas-là, on a cinq entreprises. La liste, c'est Singer, les deux mines d'amiante, qui sont Lac d'amiante et Bell, Drummond McCall, et l'entente du 158 000 $ pour le versement, si elle n'est pas acceptée par la Régie avant l'entrée de la nouvelle proposition, pourrait être incluse là-dedans, et le dernier c'est Kik-Cola.

M. Bourdon: Mais est-ce que vous croyez, comme le Barreau, que le principe même, qu'il s'agisse de cas avec les Métallos ou d'autres organisations syndicales, d'adopter une législation qui dirait que des poursuites entreprises avant la législation, en vertu du contrat qui est le règlement de la caisse de retraite... peut être influencé par la législation? Autrement dit, êtes-vous d'accord avec l'idée même d'accorder l'amnistie à certaines entreprises qui auraient fait des choses qui étaient illégales au moment où elles les ont faites?

M. Bellemarre: La réponse en principe est non, mais, étant donné que je ne suis pas avocat, je vais dire non personnellement.

M. Bourdon: Non, non, écoutez, je suis comme vous. Je n'ai pas le défaut d'être avocat, j'en ai d'autres. Je reviens à votre mémoire. Est-ce que vous estimez que, globalement, au Québec, les régimes privés de retraite sont ce qu'ils devraient être? Ça, c'est la première question. Et la deuxième, c'est: Que pensez-vous de l'argument de M. Jean Francoeur, que le ministre a attaqué de façon très habile, très vraie, de dire: Qu'on laisse donc les parties négocier? Parce que, dans le secteur de la fabrication où les Métallos sont très importants, c'est une minorité de travailleurs qui est syndiquée. Autrement dit, ma deuxième question, c'est celle-ci: Est-ce possible d'envisager une loi qui dirait que quand les gens sont syndiqués il y a telle règle, et puis quand ils ne sont pas syndiqués il y a des choses minimales, comme par exemple de ne pas permettre à l'employeur de s'approprier les surplus ou de se donner des congés de cotisation? Parce que je suis du même avis que les Métallos quant aux congés de cotisation. C'est une façon élégante de vider le surplus là, de le prendre autrement, parce que, si on me dit, moi, que j'ai congé de mon hypothèque pour ma maison dans Charlevoix, je comprends que j'ai une ristourne; un congé d'hypothèque jusqu'à temps que j'aie ramassé un surplus, ça revient à mettre la main sur le surplus. (12 heures)

M. McBrearty: Est-ce que je pourrais répondre à la deuxième partie de votre question, sur la déclaration de M. Francoeur, en ce qui a trait à laisser aux parties de négocier les régimes, etc., et, s'ils ne s'entendent pas, de se promener devant les tribunaux? Ça fait déjà quelques années qu'on est devant les tribunaux et, non, cette partie-là de la déclaration de M. Francoeur, avec tout le respect que je lui dois, n'a pas fait une évaluation très approfondie, je crois, de l'aspect négociation dans le domaine des relations du travail. Si cette hypothèse ou cette logique-là était appliquée, nous allons vivre au Québec beaucoup plus de grèves et beaucoup plus de conflits de travail que nous n'en avons peut-être vécu depuis quelques années. Si on regarde l'évaluation qui s'est faite par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'?uvre du ministère du Travail, il y a beaucoup plus de conventions collectives qui se règlent beaucoup plus rapidement et ça va beaucoup moins de... Et il y a des raisons pour ça. Les travailleurs et les travailleuses sont beaucoup plus éduqués, sont beaucoup plus informés et sont beaucoup plus informés, comme on le mentionnait dans notre mémoire, sur la question des régimes de retraite et surplus, etc. Alors, cette partie-là, pour répondre à votre question de M. Francoeur, on n'est pas d'accord du tout avec ça.

M. Bourdon: M. le Président, ce que j'ajouterais, c'est que vous avez parié dans votre mémoire du salaire différé et à cet égard, ce dont je veux me prévaloir, c'est du fait que j'ai négocié des conventions collectives pendant 20 ans. Et je peux dire au ministre, qui a peut-être un profil antérieur différent du mien, que, penser que ce n'est pas du salaire différé, c'est comme si on disait que les employeurs ne comptent pas ce que leur main-d'oeuvre leur coûte. D'expérience, j'ai connu un employeur qui ne savait même pas compter ce que sa main-d'oeuvre lui coûtait, mais c'est un sur trois cents, et il a failli fermer d'ailleurs parce que ce n'est pas très bon dans ce milieu-là de ne pas savoir compter. À cet égard, ce que je peux dire, c'est qu'à une table de négociation on rend compte de chaque cent et chaque coût nous est invoqué. La moindre variation du régime des rentes, des soins de santé ou n'importe quoi qui coûte de l'argent à l'employeur est calculé et on se fait dire: Ah! Je ne peux pas parce que, écoutez, là... Hum! Il y a ça, il y a ça, il y a ça et ça. Alors, dans ce sens-là, vous aviez raison dans votre démonstration. Et même le ministre convient qu'a contrario, quand on remplace en partie un régime de

retraite par un REER collectif... Par exemple, il y a des syndicats - CSN, entre autres - qui ont pris cette orientation-là. Mais moi, personnellement, je ne suis pas sûr que c'est la meilleure, mais, en tout cas, ils l'ont prise et ils avaient le droit. Ils ne m'écoutaient pas souvent quand j'étais là. Je n'ai jamais été un chef. J'étais un soldat à l'époque. Mais ce que je veux dire, c'est que, quand un syndicat met sur pied un REER collectif, il y a toujours une négociation. Il dit à l'employeur: Écoute, tu vas retourner aux filles et aux gars ce que tu mettais pour eux dans un régime de retraite. Alors, dans ce sens-là, quand je disais au début des travaux de cette commission que, pour moi, ce n'est pas théologal: Est-ce ou n'est-ce pas du salaire différé? ça ne veut indiquer d'aucune manière que je ne suis pas de votre avis que c'est du salaire différé, sauf que je dis: Abandonnons un peu ça pour ne pas se chicaner là-dessus - c'est peut-être mes antécédents de négociateur qui m'amènent à dire ça - et convenons qu'il ne faudrait pas vider les caisses de retraite, il n'y en a pas assez dedans. Alors, il faudrait... Et j'étais heureux de voir qu'Alcan disait: Nous autres, l'argent va rester là. Parce qu'avec Alcan, à part le congé de contribution, on s'entendait.

Et l'autre aspect - je vais finir avec ça, M. le Président - de dire que l'employeur assume un coût à un moment donné et que l'avance qu'il fait pourrait lui être remboursée, comme dit M. Beltemarre, je souligne que la CSN dit la même chose dans son mémoire. Elle dit: À certaines conditions, ça peut se regarder. Mais c'est du salaire différé que l'employeur met dans la caisse de retraite. Ce n'est pas du capital de risque qu'il investit. Pour rejoindre votre argument, j'ajoute que l'employeur, quand il contribue au fonds de pension, il ne joue pas à la Bourse. S'il y a une fluctuation des taux d'intérêt, il y a peut-être 20 ans devant lui pour se reprendre. Même avec des syndiqués, il va bien finir par se reprendre parce que ses coûts, il les remet sur la table.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. Est-ce que vous avez des commentaires à ajouter, M. Bellemarre?

M. McBrearty: Je voudrais juste ajouter que je crois... En tout cas, je crois comprendre ou nous croyons comprendre que sur l'aspect du salaire différé... Je sais que chez nous c'est très bien compris par nos membres et dans les autres centrales syndicales aussi. Le meilleur exemple que je puisse situer, c'est que nous avions négocié, notre syndicat, l'an dernier, avec toute l'industrie du fer sur la Côte-Nord, ce qui a donné un résultat relativement assez compensable pour nos membres. Je dois vous dire que c'était une enveloppe monétaire d'au-delà de 8,25 $ l'heure pour une période échelonnée de trois ans. Et, à l'intérieur de cette enveloppe-là, il y avait tout près de 90 cents qui étaient versés au régime de retraite. Alors, si on prend une hypothèse que ce n'est pas du salaire différé, nous, du mouvement syndical, on va se réaligner d'une autre façon. Parce que nos membres vont dire: On n'ira pas placer des sommes d'argent là qui ne sont pas garanties, pouvant nous accumuler des intérêts, etc., pour être obligés de le payer une deuxième fois.

Le Président (M. Joly): Merci. En conclusion... Dernier mot.

M. Bourdon: En conclusion, M. le Président, je voudrais remercier les Métallos non seulement de leur contribution ce matin, mais de ce qu'ils font depuis des années pour défendre leurs membres et défendre, à mon point de vue, la justice et l'intérêt public en matière de caisses de retraite.

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président. Je voudrais également... Avant de remercier les Métallos, j'aimerais simplement souligner que, tantôt, ce qu'ils ont dit à l'effet que l'on constate l'établissement d'un climat social très paisible au Québec depuis les dernières années, ça semble coïncider avec l'arrivée du député de Pointe-aux-Trembles à l'Assemblée nationale et son départ du milieu syndical. Je ne sais pas s'il y a une relation de cause à effet entre les deux, mais disons que c'est plus tranquille dans le monde syndical et un peu plus houleux à l'Assemblée nationale depuis que le député de Pointe-aux-Trembles est ici.

M. McBrearty: La seule chose que je pourrais vous répondre, c'est que le mouvement syndical, dans nos évaluations, on essaie de placer notre meilleur monde à la meilleure place.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Si ça peut aider à conserver la paix sociale au Québec, on est prêt à l'endurer encore pendant un bout de temps.

M. McBrearty: Vous allez le garder.

M. Bourdon: ...c'est parce que les gens de Pointe-aux-Trembles m'ont élu.

M. Bourbeau: Alors, M. le Président, je remercie les représentants des Métallos. Je peux vous assurer que nous allons prendre en sérieuse considération les remarques que vous nous avez faites.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.

Au nom des membres de cette commission,

je tiens aussi à vous remercier. Je vais maintenant demander aux gens représentant le Barreau du Québec, s'il vous plaît, de bien vouloir s'approcher.

Alors, messieurs, bienvenue à cette commission. J'apprécierais que la personne responsable du dossier puisse identifier et nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Oui, Me Marc Sauvé, du service de recherche et de législation, Barreau du Québec. Je vous présente, à ma gauche, Me André Dionne, de la firme William Mercer, et, à ma droite, Me Michel Benoît, de la firme Desjardins Ducharme.

Le Président (M. Joly): Merci, je vous rappelle juste la règle. Vous avez une vingtaine de minutes pour exposer votre mémoire.

M. Sauvé: D'accord. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés...

À l'instar de l'ensemble des corporations professionnelles du Québec, le Barreau du Québec a comme principal mandat celui de la défense de l'intérêt public et c'est à la lumière de ce mandat général qu'il faut interpréter notre position sur le document de consultation qui fait l'objet de la présente consultation publique.

En premier lieu, mentionnons que le Barreau appuie le gouvernement dans son initiative visant à lever le moratoire imposé il y a déjà plus de deux ans. Le Barreau aimerait toutefois faire valoir ses préoccupations à l'égard de la proposition gouvernementale. Celles-ci gravitent essentiellement autour des questions suivantes: le respect des ententes contractuelles et du processus judiciaire; l'absence d'harmonisation avec les lois fiscales; le problème des régimes soumis à plus d'une autorité législative; et, enfin, la complexité de mise en application du régime proposé. Alors, dans un premier temps, Me Michel Benoît vous exposera la première partie de notre mémoire. Ensuite, Me André Dionne enchaînera avec la seconde moitié du mémoire du Barreau.

Le Président (M. Joly): Merci. Me Benoît...

M. Benoît (Michel): Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs de la commission, permettez-moi dans un premier temps de situer le Barreau par rapport à la proposition du gouvernement et à sa présence ici aujourd'hui.

Le Barreau ne conçoit pas son rôle comme étant celui de prendre partie pour l'une ou l'autre des thèses qui sont défendues devant vous aujourd'hui et qui le seront demain. Le Barreau ne commentera donc pas non plus les aspects techniques de la proposition, laissant ça aux spécialistes en la matière. Toutefois, sa présenta- tion ici aujourd'hui s'enchaîne, si vous me permettez, avec les commentaires qu'il faisait lors du dépôt du projet de loi 116, au mois de mars 1989, où le Barreau avait souligné - je m'excuse, je me référais à la loi 116, je voulais me référer à la loi 95 qui a imposé le moratoire - au gouvernement qu'a son avis ce projet de loi, même s'il pouvait apparaître comme un mal nécessaire dans les circonstances, constituait néanmoins une sérieuse brèche au droit des contrats, alors que la loi 116, elle, reconnaissait ou reconnaît depuis, expressément, qu'un régime constitue un contrat.

Donc, la présentation du Barreau s'articule, comme le mentionnait Me Sauvé tout à l'heure, d'abord autour de cet axe principal où le Barreau s'inquiète de ce que la proposition semble mettre de côté le principe fondamental mis de l'avant par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, à l'effet qu'un régime constitue un contrat. Et il faudrait donc, à notre avis, présumer que ce contrat, dans ses dispositions, reflète l'intention des parties. C'est notamment le cas lorsque le régime de retraite en question est intégré ou fait partie d'une convention collective.

Le Barreau a aussi certaines inquiétudes et les commentaires qu'il formule sont un peu difficiles à formuler, en ce sens que la date d'effet de la proposition n'est pas connue. Le gouvernement, dans sa proposition, mentionne qu'elle prendra effet, sans mentionner la date, et plusieurs des éléments de la proposition dans leurs applications justement aux régimes qui sont des contrats sont plutôt difficiles à juger. C'est difficile pour nous de les commenter parce qu'il n'est pas certain que cette date d'effet sera prospective ou rétroactive.

Comme je le mentionnais tout à l'heure, le Barreau s'inquiète du fait que la proposition gouvernementale met de côté l'application de dispositions contractuelles et, à cet égard, sans reprendre le mot à mot de notre mémoire, on invite le gouvernement à la plus grande prudence.

Par ailleurs, le Barreau considère que le moratoire, lorsqu'il a été imposé en novembre 1988, et je le mentionais tout à l'heure, constituait probablement un mal pour un bien, en ce sens qu'il permettait ou devait permettre au gouvernement de prendre un peu de recul et de voir à la solution de ce qu'il percevait être comme étant un problème social sérieux. L'examen que le Barreau a pu faire des situations qui ont donné lieu à ces problèmes nous porte à croire qu'ils ont été principalement causés par les carences du cadre législatif qui était présent au moment où le moratoire a été imposé. Le 15 novembre 1988, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite n'était pas adoptée. Nous avions donc l'ancienne loi sur les régimes supplémentaires de rentes qui, je pense, avait certaines carences qui depuis - et c'est ce que

le Barreau vous livre comme message aujourd'hui - nous semblent avoir été, ces problèmes, réglés en bonne partie par l'adoption de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, notamment en ce qui concerne l'implication des participants dans l'administration de leur régime et aussi par l'obligation de transmettre l'information aux participants, notamment en ce qui concerne les amendements qui peuvent être faits à un régime. (12 h 15)

Le Barreau considère que si des situations au détriment des employés ou des participants au régime ont pu se développer à une certaine époque, au Québec, ces situations étaient principalement causées par les carences du cadre législatif, lequel a été considérablement changé depuis. À notre avis, le cadre actuel de la loi 116, de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, est mieux adapté pour, justement, pallier ces carences qui ont pu être constatées à une certaine époque.

Par ailleurs, le Barreau s'inquiète de ce qui lui paraît être un manque d'harmonisation entre la proposition du gouvernement et ce que l'on peut constater comme étant le fondement du droit au Québec, tel qu'il apparaît dans le projet de loi 125 qui a été déposé au mois de novembre ou décembre dernier et qui vise une refonte complète du Code civil. Ce projet de loi importe dans le droit québécois les notions de fiducie, de constituant de fiducie et de bénéficiaire de fiducie et ces notions devront s'appliquer aux régimes de retraite.

Ce projet de loi 125 constitue une affirmation, par le gouvernement, que l'acte constitutif de cette fiducie doit primer et nous voyons dans la proposition du gouvernement une certaine contradiction entre, d'une part, la mise de côté de l'acte constitutif tel qu'il peut se lire aujourd'hui et, par ailleurs, la primauté qu'on semble vouloir donner à ce même acte dans le cadre du projet de loi 125.

Le deuxième volet sur lequel s'articule la présentation du Barreau vise le processus judiciaire et son respect. J'aimerais peut-être, dans un premier temps, souligner l'affirmation qui est faite dans la proposition à l'effet qu'il n'y a pas de tendance claire qui se dégage de la jurisprudence sur ces questions de propriété d'actif. Avec beaucoup de respect pour les rédacteurs de ce mémoire, l'examen que nous avons fait de cette jurisprudence nous porte à croire plutôt qu'une tendance assez claire semble se dégager. Les décisions qui ont pu être rendues, soit au Québec ou soit dans d'autres juridictions, semblent consacrer, dans bien des cas, le droit des employés ou participants à ce régime à partager... leur droit, plutôt, aux surplus accumulés advenant sa terminaison, d'une part, et cette jurisprudence semble aussi consacrer le droit pour l'employeur de prendre ce que l'on appelle des congés de cotisation, à moins que le texte du régime ne l'oblige clairement à cotiser régulièrement à chaque année.

Au cours des 10 dernières années, les litiges qui ont pu donner suite au débat qui pouvait se faire sur les surplus sont relativement peu nombreux et il ne faudrait pas, à notre avis, l'oublier. Au Québec, il y a eu quatre décisions rendues depuis les 10 dernières années sur ces questions-là. Deux sont présentement en appel et trois d'entre elles, trois sur les quatre ont donné comme résultat que les surplus, advenant la terminaison du régime, devaient être attribués aux participants. Il y a aussi certaines causes pendantes dont on a fait état, ici, ce matin, et le Barreau s'inquiète singulièrement que la proposition ne vise pas à protéger les situations où les parties sont présentement devant les tribunaux. Il nous semble qu'il s'agisse là d'un jugement sévère porté par le gouvernement sur le processus judiciaire et que de vouloir limiter les situations d'exception à celles où les parties ont obtenu un jugement final, à notre avis, est beaucoup trop limité.

Je terminerai ma partie de la présentation sur ces propos, en soulignant aussi que la portée des exceptions du mémoire, en ce qui concerne les ententes conclues entre les parties et qui auraient été approuvées par la Régie, nous paraît là aussi assez limitée, étant donné que les seules ententes, à notre avis, lorsque l'on examine le texte de la loi qui a imposé le moratoire, qui, véritablement, doivent obtenir l'approbation de la Régie sont celles où les parties ont convenu de distribuer entre elles les surplus autrement qu'au prorata des crédits de rente. Donc, il y a beaucoup d'ententes qui sont susceptibles d'être conclues avec le respect de la règle du prorata et qui ne seraient pas protégées par la proposition.

En terminant, M. le Président, il y a aussi des situations qui sont présentement pendantes devant la Régie des rentes qui assume, surtout avec la Loi sur les régimes complémentaires, un rôle beaucoup plus présent dans l'application de cette loi, notamment par le biais de son comité de révision et le processus de révision de la loi. Plusieurs situations sont pendantes devant la Régie et elles non plus ne semblent pas bénéficier de la situation d'exception que vise la proposition. Donc, sur ces deux premiers volets, je vous ai, j'espère, assez brièvement exposé la position du Barreau et je céderais la parole à mon collègue, Me Dionne, pour ce qui est des trois autres volets.

Le Président (M. Joly): Merci, Me Benoît. Me Dionne.

M. Dionne (André): Alors que mon collègue, Me Benoît, s'est attaqué essentiellement aux préoccupations les plus fondamentales du Barreau à l'égard de la proposition, j'aimerais aborder certains problèmes - croyez-moi, je n'ai pas

l'intention de verser dans les technicalités - qui, s'ils ne sont pas résolus, rendent bien difficile la mise en oeuvre de la proposition, du moins dans toute sa portée. J'aborderai ensuite la dimension complexité possible des mesures proposées.

Le premier problème fondamental concerne l'absence d'harmonisation avec les lois fiscales et le ministre en a fait état dans sa présentation ce matin. Une des mesures de la proposition est à l'effet que la portion des excédents d'actif qui serait allouée au participant devrait être immobilisée, que ce soit via le transfert à un compte de retraite immobilisé ou par la conversion en cotisations volontaires immobilisées. Or, dans l'environnement fiscal actuel, un tel transfert ou une telle conversion n'est tout simplement pas permis en vertu des lois fiscales. Il y a une disposition précise à cet effet-là dans la loi fédérale et le Barreau remarque que, dans son dernier budget provincial, le Québec, en matière de fiscalité reliée aux fonds de pension et aux régimes de retraite, à toutes fins pratiques, s'en remet totalement au gouvernement fédéral. C'est une harmonisation totale de sa législation. Donc, ça suppose un amendement aux lois fédérales soit d'application générale ou un amendement qui aurait valeur strictement au Québec. Alors, nous ne savons pas si ça nécessite une 23e proposition au rapport Allaire; ce n'est pas l'endroit pour en discuter.

Ce qui ressort clairement, c'est qu'en l'absence d'amendement le montant qui serait versé aux employés deviendrait imposable et donc on voit difficilement comment cet excédent-là pourrait être immobilisé. Et, en l'absence d'immobilisation, les sommes ne serviront pas aux fins de retraite. Donc, cet amendement est essentiel.

Une deuxième préoccupation du Barreau concerne les régimes qui sont soumis à plus d'une autorité législative. Alors, on songe ici aux régimes qui sont enregistrés au Québec et qui couvrent des employés d'autres juridictions ou, à l'opposé, des régimes enregistrés à d'autres juridictions et qui couvrent des participants québécois. En l'absence d'accord de réciprocité, on aura donc un régime qui s'applique différemment pour des employés du Québec qui parfois travaillent pour un même employeur. Il est inévitable que des délais surviendront avant que de telles ententes puissent être conclues.

L'autre préoccupation c'est que, il est possible qu'il n'y ait pas d'entente sur ce point. Une des critiques adressées à la législation actuelle en matière de pension, à l'échelle du pays, est justement l'absence d'harmonisation, en matière de partage d'excédents, de surplus, de congé de cotisation et sujets semblables. On sait déjà que le gouvernement ontarien prend une position qui est différente de celle du Québec. Alors, le Barreau ne peut pas se prononcer quant à son accord ou son désaccord avec la proposition ontarlenne, mais, chose certaine, les parties ont des points de vue différents, à ce stade-ci. Ce qui veut dire qu'en cas d'absence d'entente on aurait, de façon permanente, des régimes qui pourraient s'appliquer de façon différente pour les travailleurs québécois. La seule façon, à prime abord, de régler la situation, c'est, en fait, d'avoir une espèce de scission de la caisse de retraite en deux, soit, d'une part, pour les travailleurs québécois et, d'autre part, pour les travailleurs de l'autre juridiction, ce qui est contraire à toute la philosophie de la loi 116 telle qu'elle est à l'heure actuelle. Donc, il s'agit encore une fois d'une autre disposition qui rend bien complexe la mise en oeuvre de la proposition jusqu'à ce que ces ententes soient réglées.

Un dernier point touche la complexité. Plusieurs critiques sont déjà formulées à l'effet que la loi 116 serait peut-être trop complexe. Il semble, pour le Barreau, que le gouvernement minimise la complexité rattachée à la proposition qui est présentée. Il y a, de façon bien évidente, le problème lié à la fréquence des événements qui pourrait donner lieu à un partage des excédents d'actif et des coûts qui en découlent. Par ailleurs, dans la proposition comme telle, il est fait état de situations d'exception. À notre connaissance, les dispositions d'exception ne peuvent être résolues que de deux façons: ou bien, on aura des dispositions précises et, donc, probablement très complexes, ou bien, à l'opposé, il faudra accorder des pouvoirs discrétionnaires encore plus étendus à la Régie des rentes. Dans les deux cas, cette situation est, ou bien non souhaitable ou, à l'opposé, elle risque d'entraîner des complexités importantes.

Pour ces raisons, tel que mon collègue, Michel Benoît, l'a mentionné, le Barreau appuie la proposition du gouvernement de lever le moratoire. Par contre, les raisons qui ont motivé l'imposition du moratoire sont disparues et les excédents d'actif devraient s'atténuer; c'est d'ailleurs mentionné dans la proposition. Dans ce contexte, la nécessité d'une loi remédiatrice, d'application générale et avec effets rétroactifs, n'a pas été démontrée. Par ailleurs, le régime proposé soulève des difficultés d'application importantes, dont la solution, dans certains cas, relève d'autres autorités gouvernementales. Dans ce contexte, le Barreau recommande la levée pure et simple du moratoire.

Le Président (M. Joly): Merci, Me Dionne. Je voudrais reconnaître M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis réconforté quand j'entends le Barreau appuyer le gouvernement dans sa recherche d'une solution, mais mon réconfort cesse quand j'entends que le Barreau me demande, à toutes fins pratiques, de prolonger le statu quo. Pourtant, M. le Président, si on retourne en arrière, on réclamait à grands cris l'imposition d'un moratoire, on décriait la

situation telle qu'elle existait... Les abus qu'on a voulu corriger en imposant un moratoire et en réformant la loi ne sont pas tous disparus, enfin, je n'en suis pas convaincu. Par exemple, l'établissement d'un contrat entre un employeur et ses travailleurs pour mettre sur pied un régime à prestations déterminées, c'est toujours un contrat. Un contrat, quand c'est conclu entre deux parties qui ont un rapport de force semblable, ça va toujours, mais quand un travailleur non syndiqué se présente chez un employeur et qu'on lui dit: Tu travailles ici et, incidemment, il y a ici un régime qui fait en sorte que tu dois cotiser tant et ce régime-là fait en sorte que les excédents d'actif appartiennent à l'employeur, disons, ou appartiennent aux participants, mais l'employeur peut modifier la propriété des excédents, comme on l'a vu souvent dans le passé... (12 h 30)

II reste que c'est un contrat qui n'est pas toujours conclu entre des parties d'égale force. Et, comme je le disais tantôt, ça peut s'assimiler à un contrat léonin. Dans ce sens-là, quand je vois la recommandation du Barreau, qui me dit que la proposition porte atteinte aux droits acquis et au caractère consensuel d'un régime, je me demande si le caractère ambigu des clauses d'excédents d'actif ne justifie pas, justement, une intervention législative. Est-ce qu'on doit continuer à maintenir cette ambiguïté-là dans les contrats, ambiguïté, je dois dire, qui a pour effet que les parties se retrouvent devant les tribunaux? Je ne voudrais pas, en aucune façon, prétendre que nos amis du Barreau auraient un intérêt à ce que l'ambiguïté subsiste - je suis sûr que ce n'est pas le cas - mais il reste quand même que toute ambiguïté ne peut conduire éventuellement que devant les tribunaux. Et pourquoi nous, le gouvernement, resterait-on inactif devant une situation semblable? Et pourquoi ne tenterait-on pas, justement, d'amener un peu d'ordre là-dedans, pour faire en sorte de rétablir l'équilibre qui n'existe peut-être pas toujours?

Ce matin, on a cité le cas de dossiers comme ceux de Simonds, ou de Singer, dossiers qu'on connaît bien, où les travailleurs se sont fait flouer, enfin prétendent-ils, en dépit du fait qu'ils étaient représentés par un syndicat. Même étant syndiqués, ils ont vu le patron vouloir partir avec la caisse et ils sont intervenus judiciairement. Alors, à plus forte raison, quand ce sont des travailleurs non syndiqués, leur rapport de force est encore plus négatif. Alors, comment le gouvernement doit-il réagir dans une situation comme celle-là? Et ne croyez-vous pas que nous soyons justifiés d'intervenir pour tenter de rétablir cet équilibre-là?

M. Benoît (Michel): Si vous me permettez, M. le ministre, de répondre à vos propos, tout d'abord en rétablissant certaines des affirmations que vous faites. Si, effectivement, nous étions ici aujourd'hui avec la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes telle qu'elle existait avant son remplacement par la loi 116, je pense que l'on pourrait effectivement parler de statu quo, parce qu'effectivement, et il ne faut pas l'oublier, les situations difficiles qui ont pu survenir chez certains employeurs qui ont été mentionnés ici sont toutes nées sous l'ancienne Loi sur les régimes supplémentaires de rentes, et d'aucuns contestent que cette loi avait des carences sérieuses, notamment sur le plan de l'information aux participants. Les participants n'étaient pas tenus d'être avisés avant le fait lorsque le régime était amendé, mais bien après le fait. Les participants ne recevaient qu'une information incomplète surtout lorsque l'on compare la situation avec la loi actuelle. Donc, nous ne voyons pas la proposition que vous faites comme étant un maintien du statu quo. Ce que l'on vous dit, c'est qu'à l'égard des situations qui sont présentement invoquées les parties ont choisi de régler leurs différends devant les tribunaux, comme d'ailleurs cela se produit dans bien des cas. S'il fallait que le gouvernement intervienne à chaque fois que des clauses contractuelles sont ambiguës pour venir empêcher que les parties se retrouvent devant les tribunaux, je pense que nous aurions une société bien différente de celle que l'on connaît.

Vous me permettrez par ailleurs de vous dire que ces mêmes situations ambiguës n'ont pas donné lieu qu'à des litiges devant les tribunaux, mais, semble-t-il, ont provoqué des négociations et des règlements entre les parties. Les gens qui nous ont précédés à cette table en ont fait état. D'ailleurs, votre proposition fait état aussi d'un certain nombre d'ententes qui auraient été conclues entre les parties pour justement voir à la distribution des excédents d'actif. Donc, tant en ce qui concerne l'ambiguité et le statu quo, le Barreau ne voit pas justement dans ces propos le maintien du statu quo. On vous dit: Vous avez adopté une loi qui, croyons-nous, va empêcher justement ou du moins encadrer singulièrement les agissements des parties à ce contrat pour l'avenir et qui sont susceptibles, du moins, on l'espère, d'éviter que de telles situations ne se reproduisent. Et je voudrais aussi simplement vous rappeler qu'en vertu de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite la Régie des rentes s'est fait donner le pouvoir, à l'article 206, de s'assurer, lorsqu'un rapport terminal attribue un excédent d'actif à l'une ou l'autre des parties, que les excédents sont attribués aux bonnes parties et elle peut même surseoir à sa décision tant et aussi longtemps que, s'il y a litige, ce litige n'est pas solutionné. Donc, on se retrouve ici, environ 18 mois après l'adoption de la loi 116, avec une affirmation dans la proposition à l'effet que le mécanisme prévu par la loi 116 ne fonctionnera pas. Ce qu'on vous dit: Vous en avez des mécanismes dans la loi 116

qui sont censés ou susceptibles, à tout le moins, de remédier en bonne partie aux problèmes qui ont pu être à l'origine du moratoire, et c'est dans ce sens-là qu'il faut comprendre les propos du barreau.

M. Bourbeau: M. le Président, je partage le point de vue de Me Benoît que les mécanismes prévus dans la loi 116 devraient normalement éviter qu'on se retrouve devant des situations semblables à celles qu'on a connues dans le passé avec d'énormes surplus ou excédents d'actif dans les fonds de pension. Et je suis, moi aussi, raisonnablement convaincu qu'on ne reverra pas, dans l'avenir, des situations semblables. Il reste quand même que nous avons présentement dans les régimes de retraite des surplus importants qui ont été accumulés dans certains cas et que nous devons trouver des solutions pour partager ces surplus-là. Rien ne nous dit que, malgré la perfection qu'on pourrait donner à la nouvelle loi ou l'équité qu'on pourrait lui attribuer, ne surviendront pas quand même des surplus dans l'avenir. Il peut arriver qu'une conjoncture économique extrêmement favorable génère des surplus. On devra donc en disposer. Et il faut, à ce moment-là, prévoir de quelle façon on en disposera et c'est pour ça que nous devons nous attarder à trouver des solutions équitables pour le partage de ces excédents-là, tant ceux générés par l'ancien régime que ceux qui pourraient être générés par un nouveau régime. Nous pensons avoir mis sur la table une solution équitable qui tient compte des efforts qui ont été faits dans le passé par les deux groupes, en fait tant les employeurs que les travailleurs. Et, à ce sujet-là, ne trouvez-vous pas que la proposition gouvernementale est équitable?

Je reprendrais ma question autrement, vous nous dites: N'intervenez pas, c'est un champ privé. Tantôt, j'ai noté vos paroles: le gouvernement ne devrait pas intervenir. Pourtant, je peux vous citer des cas autres où le gouvernement est intervenu pour clarifier des situations contractuelles entre les parties. Prenez, par exemple, tout le secteur locatif, les logements, par exemple, dans le secteur résidentiel. Le même argument que vous faites, on pouvait le faire dans le temps. Le gouvernement ne devrait pas s'ingérer dans la négociation d'un bail entre un locateur et un locataire. C'est consensuel, etc. Pourtant, vous savez fort bien, comme moi, qu'il y a eu des abus et que la législation qui a été apportée a permis d'apporter une paix relative dans ce domaine-là, dont s'accommodent assez bien maintenant les locateurs, les locataires aussi. Alors, est-ce qu'on n'est pas un peu ici dans la même situation où une des parties risque d'être beaucoup plus forte que l'autre, c'est-à-dire l'employeur, surtout quand il n'y a pas de syndicat? Et est-ce que le gouvernement n'a pas raison de tenter de clarifier des clauses qui sont ambiguës et aussi de prescrire une forme mini- male de justice ou d'équité dans la distribution de ces excédents d'actif?

M. Benoit (Michel): Écoutez, je vais peut-être laisser mon collègue, Me Dionne, répondre.

Le Président (M. Joly): Me Dionne.

M. Dionne: II y a peut-être quelques commentaires que j'aimerais apporter. Dans un premier temps, comme le soulignait tantôt Me Benoît, c'est un fait que la loi 116 devrait résulter en une atténuation ou une réduction des excédents d'actif. Le deuxième point, c'est qu'une préoccupation qui existait sous l'ancien régime est effectivement que, même si les employés pouvaient avoir des droits, l'argent pouvait être disparu de la caisse, de sorte que faire valoir leurs droits pouvait devenir plus difficile. Sous la loi actuelle, ce n'est plus le cas étant donné les pouvoirs qui sont accordés à la Régie.

Le gouvernement est préoccupé par la question d'en arriver à une méthode quelconque pour partager les actifs. Mais ce que l'on remarque, c'est que l'approche qui est proposée, si, de fait, elle élimine certains recours devant les tribunaux, il n'est pas évident qu'elle sera équitable, dans le sens que le résultat tombera d'une certaine façon, selon la conjoncture, à une date donnée, et il n'est pas certain que la part qui sera touchée, soit par les employés ou soit par l'employeur, sera équitable.

Je pense que la situation des Métallos est un exemple. Si j'ai bien compris, ils ont obtenu une proportion du surplus qui est de l'ordre de 75 % de ce dernier, alors que, selon le proposition, ça aurait été de 40 %. Alors, le Barreau n'a pas une position qui est soit proemployé, soit proemployeur, on ne fait que constater la situation.

Finalement, les litiges dont vous faites état surviennent à l'occasion de certains événements bien précis, essentiellement des terminaisons totales de régimes, alors que la proposition vient non seulement fixer le partage des excédents mais vient déterminer une série de situations qui vont donner lieu à ces partages. Donc, dans ce contexte-là, on fait plus que remédier au problème qui est cité et la solution, selon nous, n'est pas appropriée dans les circonstances.

Le Président (M. Joly): Merci, Me Dionne. M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Oui. Messieurs, je vous remercie, de la part de l'Opposition officielle, de votre présentation. Je tiens, d'une part, à m'excuser de ne pas avoir pu assister à l'ensemble de votre présentation, mais, lorsqu'on est dans l'Opposition, il y a souvent d'autres obligations qui nous amènent parfois à courir entre le salon bleu et les salles de commission. Étant retenu à l'Assemblée nationale pour intervenir

sur la question de la réforme Ryan, je n'ai pas pu assister à l'ensemble de votre présentation. Cependant, j'ai lu votre mémoire, comme l'ensemble de ceux qui viendront témoigner devant cette commission.

Le ministre soulevait tout à l'heure, au début de son intervention, le fait qu'il trouvait bien peu d'éléments pour se réjouir dans le contenu de votre mémoire. Mais faut-il lui rappeler qu'il est peut-être le seul responsable de cette situation-là et qu'effectivement, rapidement, on pourra comprendre que bien des gens et l'ensemble des intervenants se posent de sérieuses questions quant au contenu de la réforme.

Ce que je retiendrai du mémoire du Barreau, c'est que vous dites très clairement que ça ne respecte pas les ententes contractuelles, que ça ne respecte pas non plus le processus judiciaire et qu'il va aussi à rencontre d'un certain nombre de dispositions fiscales. (12 h 45)

J'aimerais revenir peut-être sur deux éléments précis de votre mémoire. D'une part, vous semblez manifester une certaine inquiétude à l'égard du fait que le gouvernement ne dévoile pas ses intentions quant à la date de prise en effet des mesures disposées. Est-ce que vous pourriez m'éclairer plus en détail sur les conséquences de cette incertitude qui plane sur les intentions gouvernementales?

M. Benoit (Michel): Sur cet aspect-là, nous n'avons fait que noter que plusieurs éléments du mémoire devront recevoir une application à la date d'effet de la proposition, c'est un peu l'expression qui est employée. Maintenant, cette date d'effet, nous nous interrogeons effectivement sur son identification, en ce sens qu'elle pourrait être le 15 novembre 1988, par exemple, qui était la date d'imposition du moratoire; elle pourrait être ie 11 décembre 1990, la date de dépôt de la proposition; elle pourrait être la date de dépôt en Chambre du projet de loi ou encore la date de sa sanction ou même encore une date à être fixée ultérieurement par le gouvernement. l_à où nous nous inquiétons, c'est que l'effet de la proposition, selon que la date d'effet retenue est rétroactive ou prospective, évidemment, est fort différent, notamment dans la mesure où l'on songeait à y donner un certain élément rétroactif quant à tout un ensemble de situations. Nous n'en avons pas fait état ici parce que, comme on l'a mentionné tout à l'heure, nous ne voulions pas rentrer dans la mécanique de la proposition; d'autres l'ont fait. Mais il est certain que plusieurs situations, très nombreuses, se sont développées depuis le 15 novembre 1988 et qui ont dû être réglées tant bien que mal avec ie projet de loi 95 et les publications de la Régie des rentes du Québec qui visaient justement à encadrer ces situations-là en attendant la levée du moratoire.

Donc, les propositions, il nous semble que le projet de loi devra s'attaquer aux situations qui se sont produites au cours des 24 derniers mois ou environ et, en ce sens-là, le Barreau manque un peu d'arguments, si je peux dire, à cause de cette absence d'identification de la date d'effet.

M. Boisclair: Le deuxième élément, qui est un peu relié à celui dont on vient de parier, vous portez un jugement très dur, en page 7 de votre mémoire, lorsque vous dites: "Sauf en de très rares occasions, le gouvernement a toujours respecté le principe de la non-application d'un nouveau texte de loi aux causes pendantes. Nous croyons qu'il est important que le gouvernement continue de respecter ce principe." C'est dans votre chapitre sur le respect du processus judiciaire. Qu'est-ce qu'il en est? Est-ce que, dans le fond, le fait que cette nouvelle législation risque de s'appliquer aux causes pendantes peut porter un certain préjudice au justiciable?

M. Benoît (Miche!): Écoutez, à notre avis, il s'agit là d'un principe fondamental lorsque les parties à un contrat, ou dans toute autre circonstance, veulent faire trancher un différend qui les oppose à d'autres personnes, choisissent de s'adresser aux tribunaux de droit commun, que ces parties puissent mener à terme leur démarche, que ce soit devant les tribunaux de première instance ou les tribunaux d'appel. Qu'une législation vienne, à toutes fins utiles, dire à ces gens-là: Vous avez perdu votre temps, que de vous adresser aux tribunaux puisque, maintenant, votre situation se réglera de la façon suivante, nous apparaît comme étant une démarche législative extrêmement sérieuse et reflète un jugement très négatif, à notre avis, sur le processus judiciaire. Il est vrai que le processus judiciaire est souvent long et coûteux. Il faut se rappeler toutefois qu'il y a des mesures qui ont été mises en place justement pour pallier à ça, notamment par ie biais de recours collectifs et de financement public de ces recours qui évitent justement aux plus démunis d'avoir à financer ces recours qui sont effectivement longs et coûteux.

M. Boisciair: Outre ce que vous appelez un peu ce discrédit qui serait jeté sur le processus judiciaire, vous rappelez aussi, avec raison, qu'il y a un certain nombre de recours qui existent - on a parlé du recours collectif - mais est-ce que vous estimez que le justiciable serait lésé dans ses droits en fonction soit des différentes chartes ou des différents textes de lois qui peuvent exister à l'heure actuelle? Est-ce que vous estimez que ces gens-là, qui ont à l'heure actuelle des causes pendantes devant les tribunaux, pourraient se prévaloir d'un recours quelconque, de ce droit de faire respecter, dans le fond, les termes d'un contrat qui a été conclu

entre les deux parties?

M. Benoit (Michel): II est toujours difficile de dire à l'avance si les résultats obtenus devant les tribunaux auraient été plus avantageux ou moins avantageux, évidemment, que la proposition. Il nous apparaît, nous, quant à la...

M. Boisclair: Dans certains cas, il faut se le rappeler, c'a été plus avantageux, le cas des Métallos est un bel exemple.

M. Benoit (Michel): Si nous devons nous fier à la tendance de ce qui semble se dégager des jugements qui ont été rendus, à date, en tout cas, sur ces questions-là, la tendance est nettement favorable aux employés ou aux participants au régime. Évidemment, chaque cas est jugé à son mérite, mais le Barreau n'est certainement pas en mesure de dire que les employés ou les participants au régime subiraient nécessairement un préjudice. C'est le système judiciaire lui-même qui subit le préjudice par le jugement qui est porté à son égard.

M. Boisclair: Je comprends très bien le fait que vous ne pouvez pas porter de jugement quant à l'effet que... Pour faire la comparaison, par exemple, entre ce qui pourrait être obtenu par les tribunaux puis les effets de la loi, ça, je le comprends très bien. Mais tout simplement en termes de faits et de protection qui existent à l'heure actuelle, est-ce que vous estimez qu'un justiciable serait lésé par le fait qu'il y ait une nouvelle loi qui s'applique à l'heure actuelle aux causes pendantes? Lésé, c'est sûr qu'on peut le voir dans le sens où vous me l'avez expliqué, qu'il serait peut-être privilégié si c'est effectivement les tribunaux qui tranchaient la question mais le fait qu'on le prive d'exercer un recours qu'il a pourtant entrepris puis de le mener à terme, est-ce que le justiciable est protégé d'une façon ou d'une autre pour qu'il puisse mener à terme les démarches qu'il a entreprises? C'est tout simplement ce que je veux savoir.

M. Benoît (Michel): Sur ce plan-là, je serais d'accord avec vous; il est clair que, pour le Barreau, de dire à un justiciable qui est déjà devant les tribunaux qu'il ne pourra mener à terme sa démarche, en soi, ça lui cause un préjudice, c'est certain.

M. Boisclair: En fonction de quoi? Qu'est-ce qui fait que ce droit-là est protégé?

M. Benoît (Michel): Parce que ça fait partie de nos droits fondamentaux...

M. Boisclair: C'est ça, c'est la Charte.

M. Benoît (Michel): ...que de pouvoir aller...

Pas nécessairement consacré aussi clairement peut-être qu'on le souhaiterait dans la Charte mais certainement que l'accès aux tribunaux constitue un des principes fondamentaux de notre société. Et c'est ce qui fart que le Barreau, à chaque fois qu'une législation vise soit à mettre fin à des litiges déjà existants ou encore à empêcher - parce que c'est de ça qu'on parle ici, plutôt des litiges déjà existants - que des litiges puissent se retrouver devant les tribunaux, a toujours eu la même position.

M. Boisclair: Mais c'est juste que dans votre mémoire... J'ai eu l'occasion de travailler avec Mme Borenstein sur d'autres dossiers, entre autres sur la question de la loi d'accès à l'information et elle nous faisait très clairement savoir dans son mémoire que tel article de loi ou telle intention était contraire à des législations déjà existantes ou contraires soit à une tradition ou à un certain nombre de droits reconnus à la Charte ou ailleurs. Dans votre mémoire, vous dites: Nous croyons qu'il est important que le gouvernement continue de respecter ce principe. Est-ce que c'est tout simplement une volonté que vous aimeriez voir reprise par le gouvernement ou si vraiment vous estimez que le droit qu'a le justiciable de se prévaloir de son droit d'aller devant les tribunaux est diminué d'une façon ou d'une autre par l'application d'une nouvelle loi, et quel genre de recours pourrait-il exercer? En d'autres mots, est-ce que vous estimez que l'intention du ministre et du gouvernement va à rencontre d'un certain nombre de garanties soit dans la Charte ou ailleurs qui pourraient faire l'objet de débats devant les tribunaux?

M. Benoit (Michel): Je ne prétends pas être un expert en charte ni en droit constitutionnel, mais nous n'avons pas, à ma connaissance, dans la Charte la garantie de ce que les Américains appellent le "due process of law" où, effectivement, vous avez garanti dans la constitution le droit de vous adresser aux tribunaux, sans condition. Cette garantie-là n'existant pas, il ne nous reste qu'à souligner au gouvernement qu'il s'agit là d'un geste qui est très sérieux et qu'avant de le poser il doit s'assurer que les impératifs sociaux qu'il a à l'esprit sont tels qu'ils justifient une telle intervention. Je n'ai pas à vous souligner de dispositions statutaires précises, mais je peux vous dire qu'en même temps, comme je le mentionnais tout à l'heure, le rôle de la Régie des rentes qui lui est accordé par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et que je soulignais notamment en ce qui concerne l'application de l'article 206 de la loi va devoir être, à toutes fins pratiques, mis au rencart puisque l'obligation que lui a faite le législateur de s'assurer que les clauses contractuelles reçoivent une application correcte, eh bien, ne sera plus nécessaire. Donc, dans ce sens-là, le justiciable, non plus, n'aura pas à

s'adresser, ou ne pourra pas s'adresser à la Régie pour voir au respect de ces clauses-là.

M. Boisclair: Une dernière question. Vous vous inquiétez aussi du rôle de la Régie des rentes et du pouvoir discrétionnaire qu'elle aura à utiliser de façon plus fréquente, dites-vous, dans votre mémoire. Est-ce qu'il y aurait moyen peut-être d'aller plus loin dans votre analyse?

M. Benoît (Michel): Je vais laisser mon collègue, Me Dionne, répondre à cette question-là.

M. Dionne: Je pense qu'il y a deux aspects à la réponse. D'un côté, un des événements qui... Certains éléments donnent lieu ou donneraient lieu à un partage des excédents d'actif. Un de ces éléments-là concerne les terminaisons partielles. Dès le départ, c'est la Régie qui a la discrétion de déterminer ce qui constitue ou non une terminaison partielle. Il existe certains principes qui sont connus dans le milieu - si on peut utiliser l'expression - mais il nous apparaît évident que, avec la conséquence additionnelle d'un partage d'actifs entre les employeurs et les employés, les pressions sur ia Régie pour exercer ou pour ne pas exercer sa discrétion risquent d'être plus fortes.

Un deuxième aspect que l'on a dans la proposition est à l'effet qu'il y a des situations qui devraient échapper à un partage des excédents d'actif. Si c'est le cas, comme on le mentionnait tantôt, ça va prendre des dispositions bien précises dans la loi ou la réglementation pour préciser quelles vont être ces situations. Ou à l'opposé - et ça risque d'être la réponse - on va s'en remettre plutôt à la Régie. Donc, ce sont ces deux facteurs-là qui, de façon combinée, font en sorte qu'on accroît les pouvoirs discrétionnaires de la Régie sur ce qui serait devenu des droits des participants au régime de retraite, tant l'employé que l'employeur.

M. Boisclair: je vous remercie. *¦

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député de Gouin. M. le ministre.

M. Bourbeau: II me reste à remercier nos amis du Barreau du Québec pour leur contribution en vous assurant que, là encore, on va certainement considérer avec beaucoup d'attention les propositions que vous nous faites.

Le Président (M. Joly): à mon tour, au nom des membres de cette commission, je vous remercie. nous allons maintenant ajourner nos travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 35)

Confédération des syndicats nationaux

Le Président (M. Joly): La commission poursuit ses travaux. il me fait plaisir de vous souhaiter à tous et à toutes la bienvenue. je demanderais maintenant aux gens représentant la confédération des syndicats nationaux (csn) de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît. bonjour, mmesimard.

Mme Simard (Monique): Bonjour.

Le Président (M. Joly): Je vais vous demander de présenter la gentille dame ou demoiselle qui vous accompagne, s'il vous plaît.

Mme Simard: C'est madame. Alors, je vous présente Mme Johanne Bérard, qui est actuaire au service de la CSN.

Le Président (M. Joly): Vous avez bien dit Bérard?

Mme Simard: Bérard.

Le Président (M. Joly): Parce qu'ici nous avons Girard.

Mme Simard: Ah bon! Alors, je ne sais pas...

Le Président (M. Joly): Alors, voyez-vous, c'est important qu'on rectifie.

Mme Simard: Voilà.

Le Président (M. Joly): Pour passer à la postérité.

Mme Simard: Alors Simard, Bérard.

Le Président (M. Joly): Merveilleux. Vous connaissez la procédure, vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire. Après, nous permettons une période d'échanges entre les membres de la commission. Allez, Mme Simard.

Mme Simard: M. le ministre, messieurs, madame, merci de nous entendre. Bon, je pense que, d'entrée de jeu, il est de notoriété publique que la CSN, évidemment, accorde une attention et un intérêt tout particulier à la bonification des régimes complémentaires de retraite. Au fil des ans, on a vu un intérêt croissant de la part de nos membres pour avoir de bons régimes de retraite et, au fil des ans, on a aussi témoigné du soutien que ia CSN apporte à ses membres pour y arriver. Quelques cas, notamment, l'illustrent et, s'il y a un moratoire, c'est peut-être, entre autres, à cause de situations qui se

sont produites dans des syndicats CSN. Je pense notamment au cas de la Simonds à Granby, qui a fait l'objet de beaucoup de reportages publics lorsque ça s'est produit, et qui a été un des cas invoqués pour que le ministre, finalement, propose un moratoire, il y a deux ou trois ans.

Le mémoire qu'on veut vous présenter aujourd'hui a été élaboré en fonction d'une double ligne directrice, soit, premièrement, le respect des droits des participants et, deuxièmement, la reconnaissance de leur responsabilité comme partie contractante à un régime de retraite. Le document de consultation qui nous a été présenté par le gouvernement, d'après nous, reconnaît en théorie que la rémunération des participants est ajustée pour tenir compte de la cotisation que l'employeur verse au régime de retraite. Cependant, en pratique, le gouvernement, à notre avis, applique ce postulat de base uniquement pour reconnaître aux participants d'un régime non contributif - donc, là où l'employeur seulement cotise - le droit à une quelconque fraction, présentement indéterminée, des excédents d'actif. Si les participants ont le malheur d'appartenir à un régime contributif, la fraction des excédents qui leur revient est déterminée uniquement à partir de leur propre cotisation. Les cotisations patronales en échange desquelles ils ont accepté un ajustement de leur rémunération ne leur donnent droit à aucune fraction des surplus.

Ce que nous voulons vous rappeler aussi aujourd'hui, c'est que l'ajustement de la rémunération des travailleurs et des travailleuses en échange d'une cotisation patronale au régime de retraite, c'est une réalité qui est très concrète pour nos membres. Ce que nous voulons préciser ici avec beaucoup d'insistance, c'est que cet ajustement n'est pas partiel, mais que chaque dollar de cotisation patronale donne lieu à un ajustement d'un dollar dans les autres éléments de la rémunération. Ce que nous voulons dire ici, c'est que, lorsqu'on parle de régime de retraite, lorsqu'on parle de cotisation à un régime de retraite, lorsqu'on parle de contribution à un régime de retraite, il s'agit pour nous, très clairement, de salaire différé. Il s'agit d'un choix qu'un travailleur, qu'une travailleuse a fait, individuellement ou collectivement, que son salaire soit investi dans un régime de retraite et non pas dans du salaire immédiat, des vacances ou un autre type d'avantage. C'est le principe de base, je dirais, qui guide un peu nos interventions sur les régimes de retraite et qui oriente notre intervention ici, devant cette commission. Si ce n'est pas compris ou si ce n'est pas agréé qu'il s'agit du salaire différé, il est parfois difficile ensuite de s'entendre sur les différentes mécaniques qui doivent, évidemment, s'appliquer à des régimes de retraite.

Je peux tout de suite vous dire que, moi, je ne suis pas une spécialiste de la technique des régimes de retraite. Mme Bérard, ici, l'est, et elle peut répondre à toutes ces questions. Mais une chose qui est cependant bien comprise par tout le monde du monde syndical - et on n'a pas besoin d'être spécialiste pour le faire - c'est que, lorsqu'on est en négociations collectives, on a des choix à faire et on peut décider de choisir que le dollar l'heure, ou tant de cents l'heure, soit investi dans un régime de retraite. S'il l'est, on sait qu'on ne l'a pas immédiatement dans nos poches, comme salaire, ou on ne l'a pas, ce dollar, pour améliorer notre régime de vacances ou d'autres conditions de travail. Ça, les travailleurs et les travailleuses le savent, et ils sont appelés régulièrement à faire ce choix-là. Alors, lorsqu'ils décident effectivement que l'argent va être investi dans un régime de retraite, eh bien, pour eux et elles, il s'agit de leur argent. C'est comme ça qu'ils l'ont compris puisqu'ils ont choisi de ne pas le toucher immédiatement, mais de l'investir pour plus tard. Mais ils considèrent que cet argent leur appartient.

Alors donc, quand on va plus loin dans la mécanique des régimes de retraite, évidemment, c'est là que les modalités pratiques des différentes situations qui peuvent se produire doivent respecter ce principe de base. C'est évident, cependant - et on va tout de suite le dire; pour nous, c'est important de le souligner - que les régimes de retraite à prestations déterminées, on va le reconnaître, comportent effectivement un certain niveau de risque dont l'employeur est légalement responsable. Alors, on ne niera pas ça ici, parce qu'on sait que c'est généralement l'argument qui est le plus invoqué pour dire: Nous, on veut récupérer parce que c'est nous qui assumons le risque.

On a eu de la difficulté à avoir les chiffres pour le Québec, mais si on se fie à l'expérience de l'Ontario - et on n'a pas de raisons de croire qu'au Québec c'est si différent - on dit: Qu'en est-il effectivement de ce risque? Il y a un risque, mais est-ce qu'il est réel? Dans les faits, est-ce que ces risques sont si énormes que ça pour faire en sorte qu'on justifie que les employeurs puissent accaparer tous les surplus, ou est-ce que ces risques-là, finalement, ne sont pas si élevés? Alors, ce qu'on a pu constater, c'est que... bon, qu'en est-il des régimes? Il y en a 38 %, à peu près, qui ont des déficits, si on se fie à l'expérience ontarienne, mais, de ces déficits-là, 98 % des dollars réels sont planifiés, parce qu'il s'agit effectivement de déficits qui sont dus à des mesures rétroactives. Alors, les risques, est-ce qu'il y en a tant que ça? On pense qu'il n'y en a pas tant que ça et donc, si on veut utiliser cet argument pour justifier de pouvoir accaparer les surplus, on ne pense pas que ce soit un bon argument. Cependant, il y a risque, oui, aussi minime soit-il. Et, si c'est le cas, on pense que le législateur devrait prévoir des mécanismes qui visent à compenser les employeurs a posteriori pour les sommes exactes qu'ils ont dû débourser pour amortir les déficits

imprévus. Il me semble que ce serait une mécanique plus simple que celle qui a été souvent réclamée par les employeurs.

Pour ce qui est des deux éléments principaux de la proposition qui nous est soumise par le gouvernement, soit le retrait en espèces des excédents d'actif en cours d'existence de régime et la suspension des cotisations patronales, d'abord, comment le gouvernement pense-t-il ou peut-il à la fois souhaiter voir s'accroître le rôle, d'après nous, des régimes complémentaires de retraite dans le système de sécurité du revenu à la retraite - et nous, on est d'accord avec cette position-là, on tient à vous le dire - mais permettre en même temps qu'une partie de la caisse de retraite soit retournée en espèces à l'employeur, en cours d'existence d'un régime? Pour nous, il y a une contradiction, là. Je le répète, nous sommes d'accord avec l'orientation qui dit que les régimes complémentaires de retraite doivent prendre plus de place, mais, si c'est le cas, il ne faut pas introduire des mesures qui font en sorte qu'on n'arrivera pas à les bonifier. Or, effectivement, la mesure proposée, à notre avis, peut faire en sorte qu'on a moins de moyens pour bonifier nos régimes.

Les régimes de retraite que, nous, on analyse ou on négocie à la CSN, eh bien, c'est quotidien ce travail-là, je vous assure. On a plus de 2000 syndicats de base et, donc, on a des centaines de régimes qui, d'après nous, ont besoin de toutes les sommes investies dans leur caisse pour arriver à procurer aux participants, à nos membres en l'occurrence - pas exclusivement à nos membres, mais à nos membres - un revenu de retraite un tant soit peu adéquat. Donc, on va s'opposer effectivement à tout retrait en espèces des excédents puisque, à notre avis, ça a finalement pour effet de détourner les sommes de leur finalité première - ce pourquoi les caisses et les régimes de retraite existent - et de détériorer uitimement la possibilité d'améliorer nos régimes, parce que ça prend beaucoup d'efforts de la part de tout le monde pour améliorer nos régimes.

Bon, on voit qu'on a aujourd'hui plus d'intérêt, c'est-à-dire que les travailleurs et les travailleuses vont plus facilement qu'autrefois dire: Oui, il nous faut un régime. Oui, on en veut un. Et, peut-être parce qu'il y a 20 ans ou 25 ans les gens voulaient avoir tout de suite l'argent dans leurs poches, aujourd'hui, c'est beaucoup moins difficile de les convaincre. Mais se doter d'un bon régime, ça prend du temps et, à chaque négociation, ça impose, pour les personnes concernées, des choix à faire. Est-ce que les cents et les dollars vont aller là ou ailleurs? Alors, si, d'un seul coup, ces gens-là voient qu'il y a des sommes qui peuvent être détournées du régime, je pense qu'on s'éloigne de ce pourquoi on travaille de façon commune, en principe.

On craint vraiment et sincèrement, si cette mesure était introduite, que ça affecte grande- ment la crédibilité des régimes aux yeux des participants. Ça, je pense que c'est un "pensez-y bien". M. le ministre lui-même - et c'est dans le document de consultation - dit bien que la santé financière des régimes va être déterminée par le degré de confiance des travailleurs dans ce type de régime là, dans ces régimes. Et nous, on est tout à fait d'accord avec vous. Et on a appuyé le ministre lorsque, dans la proposition de la loi 116, il a insisté sur la nécessité de la consultation des participants, de la transparence des régimes. Or, si on vient introduire, par la porte d'en arrière, des mesures qui font en sorte qu'on puisse, comme ça, détourner des sommes de leur finalité, on craint beaucoup pour la crédibilité auprès des participants.

L'une des questions qui revient constamment de la part de nos syndiqués - et ça, c'est clair, quand on fait une assemblée syndicale - c'est: Est-ce que le patron peut se servir de cet argent-là? Est-ce qu'il y a des façons pour le patron de prendre cet argent-là pour autre chose? C'est une question qui revient systématiquement quand on parie avec les gens. Qu'on soit simple conseillère ou conseiller syndical, qui a à travailler avec les gens, ou officier de syndicat, ou l'actuaire quand elle est appelée à y aller, c'est la première question. Cette question-là revient constamment parce qu'il n'est pas facile, surtout là où les salaires ne sont pas élevés, de convaincre les gens qu'il faut mettre de l'argent dans leur fonds de pension, dans leur régime de retraite. Alors, il y avait des mesures qui protégeaient ça; si on introduit de nouvelles mesures qui ne nous permettent plus de leur assurer ça, eh bien, on risque d'avoir des changements de comportement dans les choix des travailleurs et des travailleuses. Ça, nous le craignons. Ils pourraient peut-être avoir moins de volonté d'investir dans les régimes complémentaires de retraite. Je demande au ministre et aux membres de la commission parlementaire de réfléchir vraiment à cette dimension importante de la chose.

En plus, la formule d'allocation proposée pour partager les excédents d'actif entre les participants et l'employeur, à notre avis, non seulement ne respecte pas la réalité du salaire différé dont j'ai parié plus tôt, mais, aussi, cette formule fait en sorte qu'un employeur qui suspend le versement de ses cotisations peut profiter doublement des surplus. En effet, selon la façon dont la proposition nous est faite, l'employeur peut faire une économie de cotisations à l'aide des surplus et, d'autre part, ces cotisations économisées lui sont créditées pour établir sa part des surplus sujets à distribution.

En ce qui concerne la suspension des cotisations, la suspension unilatérale par l'employeur du versement de ses cotisations continue de recevoir, finalement, l'aval du gouvernement, pourvu que le texte du régime ne l'interdise pas. Bien, il est à prévoir... Il est bien difficile pour

les participants - et ça, c'est d'expérience qu'on vous le dit - de faire modifier maintenant les dispositions des régimes pour interdire une pratique qui n'était pas interdite auparavant. Et ça, dans certains cas, ça a été fait à leur insu. Donc, dans les régimes où ça ne serait pas nommément, explicitement prévu, s'il y a une disposition législative qui vient dire qu'ils peuvent le faire à moins que le régime ne le prévoie, on peut raisonnablement s'attendre à beaucoup de difficultés à changer les régimes qui ne le prévoyaient pas. Par conséquent, ça va devenir pratique courante.

On dit dans vos documents de consultation qu'un régime de retraite, c'est un contrat entre un employeur et ses employés. Ça, on souscrit à ça. On souscrit à ça, mais est-ce qu'on peut parler d'un contrat lorsqu'une des deux parties pourra, de façon unilatérale, poser ce genre de geste? Pour nous, je pense que ça ne respecte pas l'esprit contractuel. Et, je le répète, pour les régimes qui ne prévoient pas cette suspension de cotisation, s'il y a un texte législatif qui vient dire qu'ils peuvent le faire, eh bien, le rapport de force permettant de changer ça va être pas mal plus difficile qu'aujourd'hui, M. le ministre. Mais est-ce qu'il n'est pas plus simple de dire: Oui, peut-être qu'ils pourront le faire, mais il faut qu'il y ait accord entre les deux parties contractantes pour le faire? Il me semble que ça serait beaucoup plus proche de la philosophie du contrat que de permettre à une partie de le faire, à moins que ça soit écrit dans le contrat.

En ce qui concerne les régimes de fin de carrière, c'est un des éléments que nous voulons porter à votre attention. Les excédents d'actif - il y en a - ne sont pas seulement un phénomène conjoncturel, mais structurel. Et, de ce fait, et parce que, souvent, les sommes en jeu sont importantes, il est extrêmement important pour nous que, vous, législateurs, protégiez, en cas de liquidation de régime, la promesse de rentes faite aux participants visés. On sait que, dans ce type de régime, tous les calculs sont faits en fonction d'un autre type de projection et que, lors de la liquidation de tels régimes, la législation actuelle permet de baser les rentes sur le salaire courant à la date de liquidation plutôt que sur le salaire projeté à la date présumée de la retraite. Cela peut représenter une réduction de 40 % à 60 % des rentes promises, ce qui dégage des excédents substantiels qui, souvent, reviennent à l'employeur. Sauf s'il en est empêché par convention, l'employeur peut légalement mettre fin au régime en tout temps. La proposition gouvernementale, à notre avis, néglige complètement cette question aux répercussions fort importantes pour plusieurs régimes et participants.

Enfin, sur l'indexation des rentes après la retraite, le gouvernement demeure encore muet sur cette question. Nous sommes déjà venus devant M. le ministre, en commission parlementaire, pour demander que soient introduites des mesures à cet effet. Si la protection du pouvoir d'achat des retraités est laissée, finalement, à l'initiative de chaque régime, il nous apparaît encore plus important, plus crucial que vous vous assuriez qu'au cours de la période de vie active de chaque participant les fonds investis dans la caisse de retraite - ce sont les cotisations et les revenus de placement - servent exclusivement à la constitution du meilleur revenu de retraite possible. Là, finalement, on n'a aucune garantie sur l'indexation; alors, on y va régime par régime, négociation par négociation. D'un autre côté, que la législation ne vienne pas nous garantir que tout doit être investi dans les régimes, eh bien, on pense, encore là, qu'il y a une contradiction.

Je vous rappelle, en conclusion, que, pour nous, toutes ces sommes, qu'elles proviennent des contributions des employeurs ou des travailleurs, sont toutes des formes de salaire différé, choisies et consenties par les travailleurs et les travailleuses, en place et lieu d'autres types d'augmentation salariale. En se donnant de bons régimes de retraite, les travailleurs et les travailleuses s'assurent, non seulement un meilleur revenu à la retraite, mais, par conséquent, assurent à toute la société moins de pression sur les autres éléments qui composent notre système de sécurité du revenu. Ceci coûte éventuellement moins cher à la société parce que, tout le long de leur vie active, ils ont décidé de mettre de l'argent, et de le mettre là, et pas ailleurs.

Je pense que, pour ça, ils méritent d'être protégés dans leur choix puisque ce n'est pas seulement eux-mêmes qu'ils aident, mais c'est toute la société qu'ils aident, aussi en même temps, et que ces surplus-là leur appartiennent. Et, ne pas le faire, finalement, c'est comme leur enlever de l'argent qui leur appartient. Si je décide de mettre le dollar sur le salaire immédiat, l'employeur va le payer, il va être obligé de le payer et de continuer à le payer. Mais, dans le même sens, s'il le met dans un régime de retraite, il faut qu'il reste là.

Et nous voulons, en conclusion, vous dire que beaucoup des principes énoncés correspondent à ceux auxquels nous souscrivons, M. le ministre. C'est seulement dans la pratique qu'on voit qu'il y a des contradictions. On ne comprend pas les mesures pratiques que vous proposez, qui viennent, en quelque sorte, contredire les principes énoncés. Alors, ça conclut notre présentation, avec un petit ajout qui nous inquiète. Dans votre document, on parle de portée rétroactive, évidemment, sur un certain nombre de régimes. On a beaucoup de questions à cet effet, et, notamment, au sujet d'une disposition qui ferait en sorte que seraient jugés d'avance tous les cas, même ceux qui sont inscrits actuellement devant les tribunaux. Là, on

se questionne effectivement sur la légalité de ce type de mesure. je parlais du cas de simonds parce que c'est un cas csn qui est peut-être publiquement très connu, comme celui de la singer, entre autres. mais le gouvernement le sait, nous sommes devant les tribunaux dans le cas de la simonds. nous sommes devant les tribunaux depuis maintenant près de trois ans. c'est extrêmement long, vous le savez. ça va être une procédure longue, comme elles le sont dans ces cas-là, mais on s'inquiéterait de voir qu'une législation, si elle était adoptée, viendrait, à toutes fins pratiques, annuler le recours juridique qui a été entrepris. on vous pose la question et on se questionne sur la légalité de ce genre de mesure. on a consulté, évidemment, les juristes au dossier qui nous ont demandé, effectivement, de vous transmettre cette inquiétude, et également sur les portées rétroactives. alors, en conclusion, je pense résumer la position de la csn en ce qui concerne le document gouvernemental. merci.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Simard. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait toujours plaisir de rencontrer les gens de la CSN, et en particulier Mme Simard qui plaide toujours ses causes avec beaucoup d'éloquence. Je dois dire qu'il s'agit d'un excellent mémoire. Je ne le dis pas pour vous faire plaisir, là, mais c'est un des bons mémoires qu'on a reçus à l'occasion de cette commission. Ce n'est pas étonnant puisque vous attachez une importance de plus en plus grande à ce dossier des fonds de pension. Je le sais pour en avoir discuté avec des gens chez vous, pour vous avoir même rencontrée à l'occasion pour discuter de ces dossiers-là. Donc, la CSN a une bonne connaissance, on le reconnaît, de ces affaires-là, et beaucoup d'intérêt dans les dossiers, je dois le dire aussi.

Maintenant, vous parlez beaucoup du principe du salaire différé. Vous nous dites: Les excédents d'actif, c'est du salaire différé. Les sommes d'argent qui sont mises dans les fonds de pension... Les travailleurs, lors de discussions, de négociations, ont fait des sacrifices sur le plan salarial pour privilégier la constitution d'un fonds de pension; donc, s'il y a des surplus, ça devrait revenir aux travailleurs. Moi, pour avoir fait un peu de logique dans ma vie, je sais que, quand j'accepte les prémisses, j'ai de la difficulté à réfuter les conclusions. Et, si on accepte que c'est, effectivement, en totalité du salaire différé, on aurait de la difficulté à ne pas dire que ce salaire-là appartient aux travailleurs. (16 heures)

Mais, le problème qui se pose, c'est que les surplus qu'on a présentement, ce sont des surplus qui se sont dégagés à partir de la situation qui a prévalu depuis 20 ans au Québec; enfin, depuis la constitution de l'ancienne Loi sur les régimes supplémentaires de rentes, qui était drôlement différente de celle qu'on connaît maintenant, étant entendu que la nouvelle loi est beaucoup moins susceptible de générer des surplus que l'ancienne.

Or, je ne suis pas convaincu que la CSN se préoccupait beaucoup des fonds de pension il y a 20 ans, ou même les travailleurs, d'ailleurs. Je ne veux pas seulement parler de la CSN, là. Les travailleurs québécois, il y a 20 ans, il y a 15 ans, il y a 10 ans, lors de négociations collectives, parlaient très peu de fonds de pension avec leurs employeurs. D'ailleurs, lors de mes discussions-rencontres avec les employeurs, je me le fais souvent dire, ça: Nous, pendant de nombreuses années, on rencontrait des travailleurs et on leur disait: Écoutez, soyez un petit peu moins exigeants dans vos revendications salariales, on voudrait en mettre sur le fonds de pension. Je cite les employeurs; je ne dis pas que j'en fais ma thèse à moi. Et les employeurs disent: On se faisait répondre: Nous, ce qui nous intéresse, c'est du salaire. Les fonds de pension, on verra ça plus tard.

Et, aujourd'hui, on nous dit: C'était du salaire différé depuis toujours. Moi, j'ai de la difficulté à accepter qu'on puisse prétendre que les excédents d'actif, c'est, en totalité, du salaire différé alors que, manifestement, les travailleurs n'ont jamais négocié ça avec leurs employeurs il y a 20 ans, il y a 15 ans, il y a 10 ans. Ça ne faisait pas partie des préoccupations et je dois même dire que plusieurs dirigeants syndicaux m'ont avoué que c'est assez récent, l'intérêt des syndicats pour les fonds de pension lors des discussions de renégociation collective.

Je ne dis pas qu'il n'y avait pas un intérêt avant, mais l'intérêt n'était peut-être pas suffisant pour en faire des sujets très chauds de discussion lors des négociations. Donc, tout ça pour dire - et je conclus avec ça - comment prétendre que la totalité des excédents d'actif qu'on connaît présentement, qui résultent d'un système qui date de 20 ans, est du salaire différé, alors que ça n'a même pas été discuté lors des négociations collectives? Il faudrait au moins que les parties aient compris que c'était ça, entre elles. Mais, si elles n'en discutaient pas comme tel, on ne peut peut-être pas vraiment affirmer ça aussi catégoriquement que vous le faites.

Le Président (M. Joly): Mme Simard.

Mme Simard: Oui. M. le ministre, vous dites d'une part que, quand un employeur met de l'argent dans un fonds de pension, généralement, il ne le fait pas pour faire un cadeau aux travailleurs. Il peut préférer l'investir dans un fonds de pension plutôt que dans le salaire immédiat de la rémunération hebdomadaire, ou horaire, ou sur des vacances ou autre chose.

Mais, pour lui, c'est un tout. Pour chaque semaine, pour chaque heure ou pour chaque année, il veut en mettre tant pour chaque employé. Et c'est ce qu'on appelle la rémunération globale.

Et pour lui, s'il ne le met pas sur un fonds de pension, il va le mettre sur autre chose. Ou, s'il le met dans un fonds de pension, il n'en donnera pas. Et, quand je dis qu'il y a un intérêt croissant de la part des syndicats ou des syndiqués, c'est que de plus en plus ils en veulent, des régimes. Mais ceux qui ont des régimes depuis 10, 15, 20 ans, c'est parce que, généralement, ils ont décidé qu'ils en voulaient.

Moi, j'ai travaillé dans le secteur des pâtes et papiers, II y a maintenant plus de 15 ans. Je peux vous dire que ces travailleurs-là voulaient des régimes de retraite, ils avaient des régimes de retraite, et il y avait des négociations très ardues et des choix difficiles à faire à ce moment-là. C'est évident que, quand on a une main-d'?uvre plus jeune, en général, les gens vont être peut-être moins immédiatement prêts, concernés ou intéressés par un régime de retraite. Aujourd'hui, parce qu'on a une main-d'oeuvre vieillissante, parce qu'on a un taux de chômage extrêmement élevé, parce qu'on sait que c'est difficile parfois de se replacer, on va voir qu'il y a peut-être un intérêt généralement plus répandu à avoir de bons régimes de retraite.

Il faut faire attention. Il y a 20 ans, il y en avait quand même qui en voulaient. Et, pour les employeurs, ça a toujours fait partie de la rémunération globale. Je n'ai jamais entendu un employeur me dire que c'était un cadeau qu'il faisait sans que personne ne l'ait demandé et qu'il ne calculait pas ce qu'il mettait dans un régime de retraite. Ils ont toujours compté ça dans la rémunération globale, et c'est dans ce sens-là que c'est du salaire différé, parce que, de dire: Mol, je mets 0,15 $, je mets 0,25 $, parfois, c'étaient des montants qui n'étaient pas très élevés, mais c'était tant de moins sur les salaires. Parfois, on se faisait carrément dire: Si vous en voulez plus, on va arrêter l'autre. Nous, ce qu'on dit, c'est que ces sommes-là doivent être investies pour que les régimes s'améliorent. C'est ça, le sens de notre proposition. Ou, s'il peut y avoir congé de cotisation ou autre chose, on peut le considérer; on n'a pas fait d'absolu, nous, dans notre présentation, dans notre mémoire. On dit qu'il y a un certain nombre de choses qui peuvent être gardées, techniquement, pratico-pratiques; mais respectons cependant une chose, c'est que c'est un contrat. Il va falloir qu'il y ait accord des deux parties.

Alors, c'est effectivement la prémisse de notre proposition et de notre orientation. C'est vrai, vous l'avez dit, si elle n'est pas acceptée, ça pose des problèmes après. Mais, moi, j'ai toujours compris, de la part du ministre, qui a effectivement modifié de façon assez substantielle notre système au Québec, que, pour lui aussi, c'était du salaire différé que l'investissement. Comme ministre de la Sécurité du revenu, je pense qu'on en a déjà discuté avec vous. Comme vous le dites, on sait combien c'est important pour empêcher des pressions supplémentaires sur notre système public qui, vous le savez, n'est pas nécessairement en très bon état. Il y a, quoi, 900 000 000 $, à peu près, de surplus. Si ces 900 000 000 $ doivent demeurer dans les régimes, je ne peux pas croire qu'on n'aura pas de meilleurs régimes. Si, à chaque terminaison, les employeurs peuvent s'en aller avec la caisse, je ne sais pas combien de millions et je ne sais pas où ils vont s'en aller avec ça. Premièrement, ça ne donnera rien aux participants et, deuxièmement, ça ne donnera rien non plus au Québec. Et ça va faire en sorte qu'on n'arrivera pas à améliorer collectivement notre situation, ni par sous-groupes, ni collectivement.

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Bourbeau: Écoutez, là, je veux qu'on se comprenne bien. Moi, je suis celui qui a gelé les excédents d'actif des fonds de pension parce que certains employeurs se sauvaient avec les caisses. Je suis celui qui propose maintenant de faire en sorte que ces sommes d'argent soient distribuées d'une façon équitable. Je ne voudrais pas qu'on pense que je suis en train de travailler contre l'intérêt des travailleurs, au contraire. Avant que je me mêle de ça, les systèmes étaient pas mal plus... nuisaient beaucoup plus à l'intérêt des travailleurs. L'ancienne loi, que j'ai rénovée, que j'ai réformée, faisait en sorte que, finalement, les travailleurs n'étaient pas très protégés.

Mme Simard: C'est ce que j'ai dit. Je le sais que c'est ça que vous voulez...

M. Bourbeau: Là-dessus, je veux bien prendre des critiques et des leçons, mais je suis plutôt le champion - je peux dire ça - je suis presque le champion des droits des travailleurs dans le domaine des pensions parce que, si je ne m'en étais pas mêlé, le système s'en allait pas mal "sur la bomme", comme on dit.

Mme Simard: Mais tout ce que j'ai dit, M. le ministre, justement, c'est pour ça qu'on est étonnés parce que, sur les principes énoncés, on est d'accord. C'est juste sur la conception du partage équitable que, là, on se comprend peut-être moins. Nous, on dit qu'il faut prendre effectivement ces sommes-là et bonifier nos régimes. Là, je sais que vous êtes d'accord avec ça, qu'il faut avoir de meilleurs régimes, parce que vous êtes aussi... C'est vous le responsable des régimes publics et vous savez qu'il ne faut pas avoir trop de pression là-dessus; vous-même l'avez dit. En ce qui concerne les surplus, au moment du moratoire, effectivement, on était

heureux que vous preniez cette décision-là, et on vous l'a dit. Évidemment, on attendait avec impatience le document de consultation du gouvernement.

Tout ce qu'on essaie d'exposer aujourd'hui, c'est que ce partage, qui est qualifié comme équitable, ne nous apparaît pas comme équitable, tout simplement, et qu'il y a d'autres solutions. Et, dans le cas de certaines modalités, par exemple, de suspension de cotisation, on n'a pas dit, nous, qu'on était totalement contre. On a juste dit qu'il faudrait que ce soit mutuellement agréé pour respecter l'esprit contractuel qui est celui, finalement, des régimes de retraite.

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Bourbeau: Là-dessus, vous dites dans votre rapport, à la page 14: "La loi ne doit ni permettre, ni interdire les congés de cotisation mais elle doit plutôt exiger que les dispositions d'un régime permettent explicitement de tels congés si telle est l'entente entre les parties." C'est ce que vous venez de dire.

Mme Simard: Voilà. Exactement.

M. Bourbeau: "La loi ne doit ni permettre, ni interdire..." Pourtant, à ia page 9, vous dites: "La loi doit permettre à l'employeur de récupérer les sommes supplémentaires qu'il a dû débourser pour amortir le déficit de solvabilité. Elle doit prévoir que les excédents d'actif dégagés subsé-quemment reviennent en priorité à l'employeur, sous forme de congés de cotisation, à concurrence des versements d'amortissement qu'il a effectués". Il me semble qu'il y a une certaine contradiction là-dedans, parce que la loi ne peut pas, à la fois permettre à l'employeur de prendre congé de cotisation dans certains cas, ni permettre ou interdire les congés de cotisation. Il y a comme une contradiction, là. Comme disait M. Francoeur, ou bien une femme est enceinte, ou elle ne l'est pas. Je cite l'article dans Le Devoir, là. Ici-Une voix: Ça l'a marqué.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha! Non, c'est parce que c'est le député de Pointe-aux-Trembles qui l'a cité, alors... Moi, je dis ceci: Vous suggérez dans votre mémoire, enfin, je ne veux pas relever trop trop de contradictions, mais vous suggérez que, dans certains cas, on puisse... Vous dites, d'une façon générale: Ça devrait être neutre, et les parties devraient décider si l'employeur pourra ou non et à quelles conditions. Vous dites également que, dans un cas précis, l'employeur pourrait prendre congé de cotisation; ça pourrait être dans la loi, même, s'il a dû intervenir, disons, dans des périodes difficiles, et faire des investissements dans le fonds pour amortir des déficits de solvabilité.

Donc, là, on dit: Dans ces cas-là, il pourrait prendre congé de cotisation pour aller chercher son argent.

Mme Simard: Bon, il s'agit d'un cas d'exception. Johanne pourra répondre de façon plus explicite. La règle générale, effectivement, c'est qu'il faut qu'il y ait consentement des deux parties. Johanne?

Mme Bérard (Johanne): Bon, en fait, justement, il n'y a pas de contradiction, comme Monique, Mme Simard, le dit. Finalement, la position de base, c'est effectivement que les congés de cotisation devraient être régis par une entente entre les parties. Sauf que, étant donné qu'il y a un risque, on peut le quantifier - minimal, moins minimal - mais il y a possiblement un risque de déficit imprévu dans le régime. À ce moment-là, le mécanisme qu'on a trouvé et qu'on considère équitable pour les deux parties, c'est de dire que, après coup, une fois que l'employeur qui, au sens de la loi, est responsable de ces déficits imprévus aura épongé ledit déficit, il peut compenser à même les surplus. Mais, bon, la façon d'utiliser ces surplus, ce sont des congés de cotisation. Il n'y a aucune contradiction, finalement. C'est un cas d'exception, mais qui doit être dans la loi parce que, effectivement, ça répond à une situation très concrète que vivent les employeurs.

Le Président (M. Joly): Je vous reconnais une dernière question, M. le ministre.

M. Bourbeau: Ça fonctionne bien, ce que vous dites là, quand les parties négocient, et surtout quand la CSN est là pour protéger ses travailleurs, ce qu'elle fait très bien...

Mme Simard: Merci, M. le ministre.

M. Bourbeau: ...mais qu'est-ce que je fais dans le cas des travailleurs non syndiqués? Vous savez qu'il y en a pas mal, au Québec, qui n'ont pas de représentants, eux, et qui ne négocient pas. Ils s'engagent chez un employeur, ils viennent s'engager, et ça devient un contrat d'adhésion. Tu viens travailler pour moi, il y a un fonds de pension, ça fait partie des conditions de travail. Et le travailleur adhère au fonds de pension; c'est une condition de son travail, de son engagement. Alors, à ce moment-là, il n'y en a pas, de négociations, qui se passent. Si la loi est muette, comment va-t-on régler le problème?

Mme Simard: Un, tous ces gens-là sont évidemment bienvenus à la CSN. On a encore de la place pour...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Simard: Je peux vous l'assurer...

M. Bourbeau: Oui, je m'en doute bien.

Mme Simard: ...avec des gens extrêmement compétents pour les aider avec leur régime. Ceci dit, il y a des comités de participants au régime de retraite, là. Même dans les endroits syndiqués, quand ils sont embauchés, s'il y a un régime de retraite, ils n'ont pas le choix, ils y adhèrent. Puis, il y a des comités; une des choses positives de la loi 116, c'est, entre autres, de les avoir mis sur pied.

Ce qu'on dit, c'est qu'il y a... Toute la logique de l'argumentation patronale est souvent fondée sur le risque: Nous devons, nous avons l'obligation d'absorber le risque, bon. Alors, on dit: Essayons de voir ce risque; qu'est-ce que c'est réellement, le beau risque? Est-ce que c'est un risque si important, ou pas? Ce dont on se rend compte, c'est que, dans les faits, oui, parfois il y en a, des déficits; mais, ce qu'on voit, ce sont des déficits qui ont été prévus, puis, bon, qui ont été, finalement, causés par des mesures rétroactives. Vraiment, les déficits imprévus, on constate que c'est peu, finalement. Et là on dit: II faudrait établir une modalité pour, effectivement, voir à ce que les employeurs, dans ce cas-là, puissent trouver, finalement, une forme de protection. Ça, c'est une chose. On dit: Ça devrait être consigné dans la loi que, pour les risques imprévus, il puisse y avoir des modalités, finalement, de compensation. Mais, finalement, ce qu'on ne veut pas, c'est que l'employeur soit un peu juge et partie, c'est-à-dire qu'il décide par lui-même qu'il suspend ses cotisations. Je pense que c'est ça, l'esprit. (16 h 15)

Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître M. le député de Pointe-aux-Trembles, parce que, là, vous marchiez encore sur le temps de M. le ministre, puis ça avait un effet de débordement que, moi, je n'aurais pas pu contrôler à la fin. Alors, c'est pour ça, des fois, dans la question... J'apprécierais que la réponse puisse peut-être...

Mme Simard: Excusez-moi.

Le Président (M. Joly): ...être un peu plus concise, s'il vous plaît. M. le député de Pointeaux-Trembles, s'il vous plaît.

M. Bourdon: Alors, M. le Président, je voudrais d'abord ajouter ma voix à celle du ministre pour féliciter la CSN de son mémoire. Le mémoire est rédigé d'une façon compétente et responsable. J'aime en particulier ce que vous dites des risques financiers encourus par les employeurs parce qu'il faut bien se rendre compte que ça peut arriver et, à cet égard, nous, de l'Opposition officielle, on est entièrement d'accord avec votre thèse. Il s'agit d'une contribution de l'employeur, qui est du salaire différé. Quand il y a un syndicat, c'est formalisé; quand il n'y a pas de syndicat, je ne peux pas croire que l'employeur ne regarde pas où il met son argent. Et même quand il n'y a pas de syndicat, pour attirer et retenir de la main d'oeuvre, il en met, de la rémunération différée dans une caisse de retraite, parce que c'est une condition de travail parmi d'autres qu'il donne.

Maintenant, dans le fond, la thèse qu'il n'y a pas de salaire différé, elle équivaut quasiment à dire: Ce n'est pas une contribution que l'employeur prend, c'est un risque qu'il prend au même titre que quand il joue en Bourse et, donc, il faut qu'il puisse faire du profit avec ça quand un profit se manifestera. Je pense, M. le Président, que le ministre a tort de dire que je dis n'importe quoi. Il viendra dans Pointe-aux-Trembles en discuter, s'il le veut. Le monde ordinaire sait ce que je veux dire.

Ce que la CSN dit dans son mémoire, c'est que, si l'employeur subit un déficit non prévu, il pourrait se rembourser à même un congé de cotisation. L'esprit général de votre mémoire, aussi, c'est que vous dites: Un contrat, ça se fait à deux. Donc, il faut qu'il y ait un esprit contractuel introduit au coeur de la loi, ce que, d'ailleurs, le ministre a déjà fait dans la loi 116 en disant qu'il y avait une transparence par un comité de caisse de retraite, choisi parmi les employés, pour s'occuper des questions qui en émanent. Il s'agit, à ce moment-là, de se rembourser et non pas d'aller chercher, après ça, des excédents. Sans compter que les excédents, les travailleurs ordinaires soupçonneront toujours que l'actuaire, n'étant pas de la CSN - je parle de l'actuaire qui conseille la plupart des régimes; il n'y a qu'un actuaire, à ma connaissance, à la CSN, puis il y a quelques personnes au Québec qui gagnent leur vie avec le métier d'actuaire - que l'actuaire est peut-être, vis-à-vis de l'employeur, ce qu'un médecin, des fois, est vis-à-vis de l'employeur, c'est-à-dire que son jugement professionnel est légèrement teinté par la personne qui le paie et que, donc, il y a de faux surplus, des surplus comme planifiés puis organisés pour pouvoir piger dans la caisse. Et vous avez raison de souligner dans votre mémoire que la confiance des gens dans le régime est un élément tout à fait capital.

On me permettra - j'espère, M. le ministre, que ça ne fera pas l'objet de vos moqueries - dans le cas de Télé-Métropole, les techniciens, quand je les ai connus à 30 ans, n'étaient pas chauds pour la caisse de retraite. Quand ils ont "pogné" une moyenne d'âge de 40 ans et qu'ils ont vu Mme Bérard avec moi pour parler de leur régime de retraite, là, ça les intéressait, mais ils voulaient savoir: Est-ce que notre patron pige là-dedans? Parce que, à l'époque, ils disaient, M. le ministre: Le patron, il nous a tout fait dans la vie. Alors, il doit avoir pigé dans notre fonds de pension. Et je me rappelle l'actuaire qui est devant nous, qui, après étude, a dit: Le patron n'a jamais pigé dans votre caisse de retraite; elle est administrée

honnêtement, mais il n'y a pas assez de contributions de l'employeur puis des employés pour lui faire donner des résultats intéressants. L'employeur vous dit qu'il est prêt à différer du salaire puis à en mettre plus dans la caisse de retraite, ce qu'il va mettre en moins sur vos augmentations de salaire. Bien, à ce moment-là, ils ont dit oui. Puis la démarche, je pense, est allée de l'avant à bien des égards, et je tiens à répéter que l'actuaire que j'avais vue cette fois-là ne leur a pas dit: II y a des choses effrayantes. Elle a dit: C'est un fonds qui a de l'allure; si vous voulez plus de bénéfices, il va falloir, de quelque manière, que vous renonciez à des augmentations de salaire pour en mettre plus dedans.

Maintenant, l'intérêt pour les caisses de retraite n'est pas d'hier. Le président de la Régie était à l'Association de bienfaisance des policiers de la Communauté urbaine de Montréal avant et, eux, s'intéressent à leur fonds de pension qu'ils administrent eux-mêmes depuis à peu près 25 ans. Et ça fait depuis 1892 qu'ils s'intéressent à la question. À cet égard-là, M. le Président, je pense que le président de la Régie a dû vivre, comme moi, les événements douloureux de 1837 aussi.

Le Président (M. Joly): Si vous vouiez, on va se retirer; on ne parle plus le même langage. On n'est plus de cette génération-là.

M. Bourdon: et 1980, à côté de 1837, c'était de la petite bière. un peu, m. le président, comme les coupures de 1982, avec lesquelles j'étais en total désaccord, étaient peut-être de la petite bière à comparer à ce qui vous pend au bout du nez. le ministre dit, dans son document...

Le Président (M. Joly): ...la pertinence, s'il vous plaît!

M. Bourdon: ...ah, M. le Président, je reviens rapidement à la pertinence. Dans le document, le ministre dit, et je cite: "Le régime complémentaire de retraite constitue, pour des milliers de personnes salariées, un instrument d'épargne privilégié destiné à leur assurer à la retraite un niveau de vie comparable à celui qu'elles ont connu jusqu'alors, il est donc essentiel que les salariés aient pleinement confiance en ces régimes, et que les employeurs soient invités à maintenir ceux qui sont en place et à en créer de nouveaux." Fin de la citation.

Et je pense, M. le Président, que les représentantes de la CSN ont raison de dire: On n'est pas en désaccord avec vos énoncés de principe, mais le document du ministre - je sais que je me répète; je pense que Mme Simard n'y était pas ce matin - ça ressemble au congrès de la fin de semaine. Ça commence bien, mais ça finit mal. Et, à cet égard, il faudrait qu'on tienne compte, si les salariés apprennent que l'employeur peut encaisser des surplus dans les régimes, que leur confiance va s'en trouver entachée. Moi, ça m'apparaît une évidence.

Je voudrais ajouter, M. le Président, qu'il y a deux points que Mme Simard à mentionnés, et, ce matin, le Barreau disait à peu près la même chose, dans les mêmes termes. Le Barreau disait: N'oubliez pas qu'une caisse de retraite, c'est un contrat; et, dans votre document, vous permettez à une seule partie de modifier le contrat. Et, là-dessus, c'est parfaitement en accord. Le Barreau ajoutait aussi que les cas devant les tribunaux ne devraient pas être traités de telle façon, dans une loi éventuelle, qu'on donne comme une amnistie à Simonds et à d'autres. Je pense qu'il ne faut pas être simplistes et dire que le Barreau ne défendait que les honoraires des avocats en cause. Je pense que ce n'est pas la question en cause. La question, c'est: Est-ce qu'on fera une loi qui donnera aux employeurs des droits rétroactifs de piger dans la caisse de retraite? Et, M. le Président, sur la question de fond, nous, on est d'accord avec la CSN que toute...

M. Bourbeau: On est de la CSN.

M. Bourdon: Non, M. le Président, là-dessus, je n'aime pas ça quand le ministre me lance des choses comme ça, parce que je viens de la CSN. J'ai déjà dit la fierté que j'en éprouve, mais j'ai été élu par la population de Pointe-aux-Trembles. Et, si l'élection dans un comté est la mère de toutes les batailles, pour prendre des expressions récentes, eh bien, le ministre peut toujours venir dans Pointe-aux-Trembles voir qui sortirait gagnant de la mère de toutes les batailles. Ce n'est pas la CSN qui m'a élu, ce sont les citoyens de Pointe-aux-Trembles, en majorité syndiqués, d'ailleurs.

Une voix: ...la mère de toutes les détaites.

M. Bourdon: Non, c'est Maisonneuve qui a été la mère de ma seule défaite. Or, M. le Président, ne nous lançons pas de défis et de missiles Scud qui risqueraient de ne pas se rendre. M. le Président, je trouve que, dans le mémoire de la CSN, il y a aussi d'autres éléments qui ont de l'importance, par exemple: Peut-on accepter de continuer à avoir un régime où l'employeur peut, unilatéralement, mettre fin à une caisse de retraite? Je l'ai mentionné ce matin, aux États-Unis, pendant la crise de 1982, il y a des actuaires qui disaient aux entreprises: Abolissez votre caisse de retraite et vous allez vous financer à même les surplus. Et c'est ça, la question de fond qui est posée. Est-ce qu'on va permettre que des centaines de millions soient retirés des régimes complémentaires de retraite, alors qu'on sait aussi que les contribuables vont payer en termes des différents régimes de sécurité du revenu?

Et une question que je poserais à la CSN: Est-ce que vous êtes d'accord avec Jean Fran-coeur du Devoir, pas dans la partie où il disait que le ministre avait un titre frauduleux à son document parce que ce n'était pas un partage équitable des excédents d'actif, mais la partie où il disait: II faut lever le moratoire, ne rien faire et laisser les parties négocier et les tribunaux intervenir au besoin? Est-ce que ça vous apparaît une avenue convenable?

Le Président (M. Joly): Mme Simard.

Mme Simard: Non, bien non, c'est-à-dire que non. D'ailleurs, notre mémoire le dit. Nous, on propose l'introduction d'un certain nombre de mesures. Alors, je pense que, là-dessus, je suis venue le dire, il y a des modalités à établir dans certaines circonstances et pour prévoir certains cas. Donc, ce n'est pas du tout l'esprit de notre mémoire. On est seulement venus rappeler ce que nous croyons devoir être les orientations majeures qui doivent guider cette politique-là, tout en disant aussi - en reconnaissant et en souhaitant que la législation le respecte - que c'est un contrat et qu'il y a certaines dispositions dont on doit disposer, mais prévoir dans la loi que ça doit être agréé par les deux parties, le dire, que ça doit être agréé par les deux, si ça doit se faire. Ce n'est pas sorcier de dire ça. Ce qui est très différent d'une position qui dit: N'en parlons pas, point, du tout, comme si ça n'existait pas. Donc, à la limite, on se retrouve, nous, dans le même esprit, peut-être, que le législateur qui dit: il faut prévoir des choses. Donc, là-dessus, on s'entend. Cependant, c'est au niveau des modalités pratiques que là, ça ne va pas, parce qu'au niveau des principes il y en a plusieurs auxquels, évidemment, nous adhérons et souscrivons. Alors, c'est notre position.

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais ajouter là-dessus qu'à la page 7 de son mémoire le Barreau disait: "Sauf en de très rares occasions, le gouvernement a toujours respecté le principe de la non-application d'un nouveau texte de loi aux causes pendantes. Nous croyons qu'il est important que le gouvernement continue de respecter ce principe." Vous avez parlé tout à l'heure de Simonds. Dans le fond, il ne faudrait pas que le gouvernement, non seulement liquide des centaines de millions d'excédents qui ont été accumulés, mais les excédents d'actif dont on parle, ils ont été accumulés parce que les taux d'intérêt ont bondi à un moment donné. Les travailleuses et travailleurs qui ont payé des intérêts inouïs sur leurs hypothèques, au début des années quatre-vingt, et sur leurs prêts de consommation individuels se verraient privés des excédents du seul côté, entre guillemets, positif que l'inflation a eu. Sans compter que les excédents d'actif dont on parle sont dus aussi aux mises à pied par dizaines de milliers de personnes qui ne pouvaient pas toujours récupérer la part de l'employeur, qui a gonflé les fonds, et aux salaires qui n'ont pas progressé aussi vite que l'inflation parce que, dans une prévision actuarielle, des salaires plus bas que prévu, ça fait des contributions plus faibles à verser. Donc, ça avantage le régime.

Mais, l'autre aspect que je voudrais souligner, M. le Président, c'est à propos d'Alcan, quant au retour en espèces des excédents d'actif. Là, je parle d'Alcan, je ne suis pas avec Bob Rae de l'Ontario. Alcan, ce n'est pas social-démocrate - sauf dans les cas de terminaison de régime où elle serait plutôt d'accord, mais là je serais en désaccord avec elle - mais pour des régimes qui ne se terminent pas, Alcan n'est pas d'accord que l'employeur puisse toucher les excédents d'actif. Or, pour qui veut-on les redonner, au juste, les excédents d'actif? Et selon le sens commun, M. le Président, les excédents d'actif, ce que le monde comprend - parce que les larges masses ne suivent pas toutes le débat sur salaire différé versus risques importants de l'employeur, mais c'est un débat très important pareil - mais les gens disent: Depuis Simonds et Singer, c'est du vol d'aller chercher de l'argent qu'on a mis dans un fonds de pension et de se financer avec.

Et je voudrais toujours, M. le Président, que le ministre réponde à ce que je lui ai dit ce matin. Une entreprise qui a deux usines, une au Québec et une en Ontario, ça ne lui coûte rien pour fermer au Québec et ça lui coûte jusqu'à 26 semaines de salaire par salarié en Ontario. Est-ce que le ministre va faire en sorte, en ne suivant pas les principes généraux qu'il commence par introduire dans sa position, qu'en plus d'épargner, mettons, 4 000 000 $ d'indemnité à verser en Ontario, en fermant au Québec, la même entreprise parte avec un surplus de 6 000 000 $? Si la politique du gouvernement, c'est de payer les entreprises pour qu'elles ferment, bien, je trouve que ce n'est pas bon pour la population. Cela dit, je remercie beaucoup la CSN de son mémoire.

M. Bourbeau: M. le Président, M. le député de Pointe-aux-Trembles vient de me poser une question, là.

Le Président (M. Philibert):...

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Vous permettez que je réponde?

M. Bourdon: Certainement. Je voulais une réponse; c'est pour ça que je pose la question.

Le Président (M. Philibert): M. le ministre, rapidement.

M. Bourbeau: À la condition que je puisse vous en poser une aussi.

M. Bourdon: Sans problème.

M. Bourbeau: Alors, vous me demandez ce que je vais faire pour tenter de protéger les travailleurs dans le cas de fermetures d'usine, etc. Je vais vous répondre: Attendez le projet de loi. J'ai l'intention de faire quelque chose et j'ai l'intention de légiférer là-dessus. Je vous pose une question à mon tour: Qu'est-ce que vous allez faire si Simonds perd sa cause en justice? Est-ce que vous ne souhaiteriez pas qu'il y ait une rétroactivité dans le projet de loi?

M. Bourdon: Alors, M. le Président, aux deux questions du ministre. D'abord, un. Pour ce qui est des indemnités aux travailleurs en cas de fermeture, la députée de Hochelaga-Maisonneuve et moi-même, dans cette même salle, un soir de décembre où il pleuvait à verse dehors, lui proposions d'introduire des indemnités dans les normes minimales qu'on était en train d'amender; mais je me réjouis que le ministre répète ce mois-ci que, oui, il va y avoir une loi pour protéger les travailleurs en cas de fermeture. Et là j'espère que ça ne prendra pas 20 mois pour celle-là. Maintenant, si Simonds gagnait devant les tribunaux, bien, si Simonds gagnait devant les tribunaux, ça serait bien de valeur, mais...

M. Bourbeau: S'ils perdaient devant les tribunaux?

M. Bourdon: S'ils perdaient devant les tribunaux? Ce serait tant mieux pour les travailleuses et les travailleurs québécois en cause. J'aimerais bien que Simonds...

M. Bourbeau: En fait, je voulais dire si les employés perdaient la cause.

M. Bourdon: Les employés... Ils prennent leur chance et je pense que la CSN est d'accord avec le Barreau. Les poursuites en cours, bien, on risque de gagner ou de perdre; mais ça, j'ai vécu quelque temps à la CSN, comme vous aimez le souligner, et un jugement de cour, c'est comme une décision d'arbitre: Des fois on gagne, des fois on perd; mais il ne faudrait pas que le législateur amnistie Simonds rétroactivement. C'était ma conclusion, M. le Président... Et mon voeu.

Le Président (M. Philibert): Alors, il a terminé, le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, le temps est épuisé pour l'audition et, au nom de la commission, je remercie la Confédération des syndicats nationaux pour sa brillante prestation. J'invite maintenant les représentants de l'Association québécoise de défense des droits des retraités-es et préretraités-es à venir prendre place, s'il vous plaît.

Mme Simard: Je voudrais juste dire un mot sur Simonds parce que... Enfin, on a parlé de Simonds, là, et de l'évaluation de la cause. Je voudrais juste vous rappeler que c'est la CSN qui soutient ces travailleurs-là dans la cause. C'est que, si on a décidé de porter cette cause-là devant les tribunaux, non seulement c'est parce qu'on croyait qu'il y avait une injustice absolument inacceptable et flagrante qui avait été faite, mais c'est aussi parce que nous croyons avoir de bons points de droit dans cette cause-là. Effectivement, vous savez que le manque, dans ce cas-là, c'est de 8 000 000 $ ou 9 000 000 $ pour juste un petit groupe. C'est 8 000 000 $ ou 9 000 000 $, et on pense avoir des chances de gagner. Ce n'est pas juste à pile ou face, là, qu'on a entrepris cette procédure-là. Merci.

Le Président (M. Philibert): Mme la présidente de la CSN, merci. Alors, j'invite maintenant les représentants de l'AQDR à prendre place.

Alors, s'il vous plaît, dans le but de ne pas prendre trop de retard, j'invite immédiatement les représentants de l'AQDR à prendre place. On sait que Mme Brunet est une femme rapide. Alors, on souhaite la bienvenue à l'AQDR qui est dignement représentée par Mme la présidente, Mme Yvette Brunet. Je rappelle que le temps alloué pour présenter le mémoire est de 20 minutes et que pour les discussions ou les questions, il est de 40 minutes réparties ainsi: 20 minutes chacun, du côté gouvernemental et de l'Opposition. Alors, encore une fois, Mme Brunet, bienvenue. Je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous accompagnent à la table.

Association québécoise de défense des droits des retraités-es et préretraités-es

Mme Brunet (Yvette): Certainement, ça me ferait plaisir. Avant, je voudrais vous dire: Bonjour, M. le Président, M. Philibert. On s'est rencontrés à une occasion...

Le Président (M. Philibert): Avec beaucoup de plaisir, madame.

Mme Brunet: Moi aussi, moi de même. Alors, à ma droite c'est Claire Frève du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui est représentante à l'exécutif provincial. Encore à ma droite, c'est Louis Plamondon, expert conseil de l'AQDR et - attendez un peu, je vais mettre mes lunettes - juriste et sociologue à l'Université de Montréal.

Le Président (M. Philibert): Alors, Mme Brunet, je m'excuse, je vous ai pressée de vous asseoir et de débuter, mais on a une demande pour une suspension de quelques courtes minutes.

M. Boisclair: Je pense qu'ils se sont déplacés. Le ministre n'est même pas avec nous pour

pouvoir...

Le Président (M. Philibert): Bien, c'est ce que j'allais dire. Le ministre a dû s'absenter pour quelques minutes. Alors, nous allons suspendre jusqu'à son retour. On me dit que ce sera très court.

(Suspension de la séance à 16 h 38)

(Reprise à 16 h 42)

Le Président (M. Philibert): Nous reprenons nos travaux. Nous avons une demande de... Évidemment, la salle de la commission étant un espace plutôt réduit mais considérant que les personnes qui accompagnent Mme Brunet ont fait un long voyage en autobus et que la règle habituelle interdit ou enfin... Il n'est pas habituel de tolérer des gens debout un peu partout dans l'assistance mais compte tenu de cet aspect particulier, j'autorise donc les personnes qui sont en attente à entrer dans la salle et à se tenir debout. Quand elles seront installées, je les informerai des règles à suivre en termes de comportement.

Mme Brunet: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Philibert): Alors, non pas le comportement comme je le disais tantôt, le député de Gouin, à juste titre, m'a rappelé à l'ordre de façon discrète en disant que c'était davantage le décorum qui interdisait que les gens applaudissent aux différentes interventions, de telle sorte que les gens qui questionnent, les gens qui répondent se sentent en toute sécurité. Alors je dois vous dire que selon vos traditions, me dit-on à l'AQDR, les seuls applaudissements que je pourrais accepter, c'est à la fin, pour votre chauffeur d'autobus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Philibert): Alors Mme Brunet, je vous invite donc à continuer là où on s'est laissés tantôt.

Mme Brunet: O.K. Alors il me restait à vous présenter Armand Miron de Valleyfield, qui fait partie du c.a. de l'AQDR.

Le partage des excédents d'actif. L'épargne accumulée dans les régimes de retraite: le fruit de nos épargnes et le produit des lacunes des lofs passées! Oui, c'est la partie B du mémoire que vous ne retrouverez pas nécessairement à la première page. Par son moratoire, le gouvernement a reconnu que les droits acquis dans les régimes de retraite n'étaient pas suffisamment protégés et que cette intervention de l'État était nécessaire pour assurer la protection des cotisants des régimes et leurs bénéficiaires retraités.

Le gouvernement accomplissait ainsi, malheureusement très tardivement, son devoir de surveillance comme il le fait pour les banques, les compagnies d'assurances, de fiducie et les coopératives de crédit. Malheureusement, après avoir reconnu qu'il fallait protéger ces épargnes des travailleurs et des travailleuses, le texte du projet se contredit quant au droit sur leur propriété. Pourtant, c'est cette ambiguïté qui est à l'origine des abus flagrants si souvent dénoncés et des scandales qui ont encore, toute l'année dernière, inquiété légitimement l'opinion publique. C'est donc d'abord cette ambiguïté qu'il faut supprimer.

Un régime privé de retraite est alimenté à deux sources. D'une part, les contributions des travailleurs et des travailleuses constituent une épargne prélevée sur le salaire, épargne qui, cumulée avec les intérêts, leur assurera à terme un revenu complémentaire de retraite. D'autre part, les contributions des employeurs, quand elles sont effectivement versées, forment un salaire différé. Les employeurs le reconnaissent eux-mêmes puisqu'ils en font un enjeu central dans la négociation des salaires. épargne prélevée sur le salaire et cotisations par salaire différé. ces deux contributions devraient donc, dans la loi, être consacrées bénéfices exclusifs des travailleurs et des travailleuses, de la même manière qu'on attribue les dividendes aux actionnaires. il devrait en être ainsi des excédents d'actif de ces régimes puisque le gouvernement, en page 11 du document, reconnaît de quelle manière ces surplus ont été constitués et je cite: "comme les règles minimales d'acquisition du droit à une rente étaient difficiles à satisfaire - 45 ans d'âge et 10 années de service continu ou de participation au régime - la plupart des travailleurs qui ont quitté le régime n'ont touché que le remboursement de leurs cotisations salariales avec des intérêts généralement bien inférieurs au taux de rendement de la caisse de retraite. l'écart entre le taux d'intérêt versé et le taux de rendement de la caisse ainsi que la partie des cotisations de l'employeur que ces travailleurs n'ont pas acquise expliquent en partie l'accumulation de sommes excédentaires dans les caisses de retraite. l'abandon du calcul relatif à la progression des salaires lors de la détermination des droits, au moment de la terminaison et le conservatisme habituel dans le choix des hypothèses actuarielles ont également contribué à l'émergence d'excédents d'actif depuis la fin des années soixante-dix". - fin de la citation.

Ainsi, ce sont les lacunes de la loi de 1965 qui, en limitant les droits des cotisants et des cotisantes, ont contribué à la constitution de suppléments d'actif. Quand nous déposons de l'argent au guichet d'une banque, cet argent n'appartient pas à la banque, mais reste notre propriété. L'institution bancaire est étroitement

surveillée et reste débitrice de son client. De même, l'employeur devrait être débiteur du fonds de pension privé. Or, les employeurs se sont comportés comme s'ils en étaient les créanciers propriétaires par un administrateur interposé et sous le couvert de la loi qui l'y autorisait, ils ont détourné à leur profit et en fonction de leurs intérêts les avantages d'une fortune qui ne leur appartenait pas.

M. le ministre, nous sommes en droit de nous poser la question suivante: D'où vient que le gouvernement ne reconnaisse pas clairement que les fonds accumulés sont destinés au bénéfice exclusif des travailleurs et des travailleuses et des retraités, hommes ou femmes, par l'amélioration des régimes et des prestations de retraite? Ainsi, les 900 000 000 $ excédentaires accumulés dans les régimes de retraite ne sont pas surtout le fruit d'une gestion particulièrement exemplaire de la part des employeurs gestionnaires des régimes, mais bien, comme l'AQDR l'affirmait en 1977, le fait des lacunes de la loi de 1965, comme vous l'avez dit vous-même pour expliquer le régime des excédents d'actif.

Ce sont ces mêmes lacunes qui ont permis aux gestionnaires non seulement d'amortir les déficits actuariels accumulés avant 1965, du fait de l'absence de règles de capitalisation adéquates, mais de faire émarger progressivement - au détriment des intérêts des cotisants et bénéficiaires des régimes - des bénéfices actuariels excédentaires. Maintenant, ces suppléments d'actif donnent ouverture au congé de cotisation des employeurs et à leur réclamation d'une partie de ces excédents d'actif. il n'est pas inutile de revenir, comme le fait souvent le document, sur la réalité des déficits passés qui expliquerait l'existence d'un risque actuariel entraînant la responsabilité de l'employeur et, par enchaînement logique, justifierait leur contrôle des régimes et leur droit au congé de cotisation. Le document précise et je cite: "D'ailleurs en 1960, la règle fiscale a été retirée et en 1965, lors de l'adoption de la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes et de son règlement, le gouvernement du Québec n'a pas cru bon d'imposer une règle de distribution des excédents d'actif à la terminaison. La seule exigence avait trait au droit qu'a l'employeur d'utiliser en cours d'existence l'excédent du régime pour réduire ou suspendre sa cotisation, c'est-à-dire au droit à la suspension des cotisations ou, selon l'expression mieux connue, au congé de cotisation. Depuis lors, ce droit est perçu par certains employeurs comme une disposition qui compense leur responsabilité à l'égard des déficits."

Ainsi, l'obligation de combler les déficits serait à l'origine des privilèges de congé de cotisation pour les employeurs et justifierait leurs nouvelles réclamations sur les excédents d'actif. Votre document aurait trouvé plus de légitimité à statuer sur l'origine des déficits de 1948 à 1965. N'étaient-ils pas, de fait, la responsabilité des gestionnaires eux-mêmes et de leur conception ainsi que de celle de l'époque quant au financement patronal des systèmes de retraite, le "pay as you go"? D'autre part, le document reste aussi curieusement silencieux sur l'origine de l'argent qui a été utilisé pour amortir ces déficits. Des experts affirment que ce sont les mêmes cotisations salariales cumulant aujourd'hui en excédents d'actif qui ont permis, à une autre époque - grâce aux lacunes identifiées dans la loi de 1965 - de progressivement résorber ces déficits. La responsabilité des employeurs à l'égard des déficits futurs est donc bien artificielle et théorique et le gouvernement aurait dû le mettre en évidence pour statuer sur la présente question en litige.

Dans cette perspective, l'AQDR ne partage pas l'opinion du gouvernement concernant la définition a priori que la quote-part patronale devient donc la somme supplétive. Je cite votre document: "Le débat sur la propriété de l'excédent d'actif provient ainsi d'une certaine incompréhension à l'égard du financement d'un régime à prestations déterminées. En effet, il est fréquent de constater que des participants et même des employeurs ne savent pas que la cotisation d'exercice résulte d'une estimation. Cette donnée est établie annuellement sur la base d'un taux moyen de cotisation sur l'ensemble de la masse salariale tandis que la cotisation du travailleur est calculée sur le salaire touché. La quote-part patronale devient donc la somme supplétive." Fin de la citation.

Il existe pourtant des régimes où la quote-part patronale est d'abord fixée sur la cotisation salariale pour y être égale. Ensuite, l'une et l'autre contribution pouvaient être ajoutées selon la réalisation des hypothèses actuarielles des gestionnaires des régimes. Voilà ce que devrait être la règle générale d'administration de ces régimes. Dans ce cadre, les deux parties partagent le coût et le risque du régime et profitent mutuellement des avantages quand se réaliseraient des bénéfices excédentaires pour une période d'exercice donnée.

À l'égard des hypothèses actuarielles, nous partageons l'avis que l'employeur a eu une trop grande influence pour établir au plus bas sa quote-part. Les nouvelles conditions proposées par le document, en page 24, nous semblent apporter les correctifs appropriés. "Le gouvernement croit aussi que la détermination du montant de l'excédent d'actif doit être uniformisée: les hypothèses et méthodes actuarielles qui permettent de déterminer les engagements du régime devront être prescrites après consultation avec l'Institut canadien des actuaires, et les membres de la profession actuarielle qui travaillent dans les milieux universitaires et les milieux d'affaires. Non seulement cela évitera des disparités entre les régimes, mais de plus, cette uniformité réduira les risques de voir une des parties

contractantes exercer une influence indue sur le choix des hypothèses." En faisant disparaître l'influence indue des administrateurs-employeurs des régimes sur les actuaires, et en encadrant léglslativement ces derniers, on ne volt pas pourquoi le gouvernement ne reconnaîtrait pas une responsabilité égale et mutuelle des risques actuariels des régimes - s'il en existe encore... - aux cotisants, aux cotisantes et aux employeurs.

Le congé de cotisation... un premier partage des excédents d'actif. Nous nous sommes déjà opposés à la définition que donne le gouvernement de la cotisation patronale et à l'affirmation du document quant au principe du congé de cotisation que le gouvernement veut, à tout prix, conserver aux employeurs. "Bien sûr, l'employeur peut suspendre sa quote-part de la cotisation d'exercice lorsqu'une évaluation actuarielle a démontré qu'un régime est surcapitalisé et solvable, et que le texte du régime ne l'interdit pas. Le gouvernement considère que l'exercice de ce droit ne met pas en danger la santé financière du régime, puisqu'il ne s'applique que si le régime est excédentaire. En ce qui concerne les cotisations salariales et leur variation, c'est le texte du régime qui en dispose."

Si la contribution des parties au financement du régime est au coeur des principes qui dirigent la présente réforme, on comprend mal pourquoi le gouvernement concède uniquement le privilège de suspension de cotisation à l'employeur - c'est-à-dire le droit de tirer exclusivement avantage des excédents d'actif par le moyen du congé de contribution - si le régime ne l'interdit pas. Non seulement le régime devrait spécifiquement l'autoriser pour que l'on puisse bénéficier d'un tel congé, mais de plus, la loi devrait prévoir qu'en vertu du principe de l'équité des contributions énoncé par le gouvernement, cet avantage, s'il est prévu au titre d'un régime, devrait s'appliquer également aux deux parties contribuant au financement du régime. L'AÛDR a démontré plus haut qu'avec les règles proposées de gestion des régimes et d'évaluation des excédents d'actif, les cotisants des régimes n'hésiteront pas à partager la responsabilité des risques actuariels futurs des régimes, y compris les déficits. Le privilège patronal du congé de cotisation n'a donc plus, en 1990, sa raison d'être et son maintien constituerait une tolérance indue de l'abus de pouvoir à l'encontre des cotisants et des cotisantes des régimes de retraite, la consécration d'une injustice historique dont ont été victimes des milliers de travailleurs et travailleuses qui sont nos pauvres âgés d'aujourd'hui.

M. le Président, imaginons un instant que tes employés seraient les seuls à bénéficier d'un congé de cotisation. Évidemment, ils auraient à prendre les risques aussi. Comment pensez-vous que les patrons le prendraient? Je pense qu'il y aurait un tollé à travers la province pour dénoncer cette mesure qui a été prise, c'est-à-dire faire participer le travailleur au congé de cotisation au même titre que l'employeur, parce qu'il paie sa part au même titre que l'employeur. (17 heures)

L'allocation de l'excédent d'actif et l'utilisation de l'excédent d'actif distribué. Je cite encore une fois votre document. "De l'avis du gouvernement, lorsqu'un régime devient excédentaire, il n'existe pas de raison valable pour modifier le partage de la responsabilité des parties contractantes à l'égard du financement du régime. À moins d'une nouvelle entente, la contribution de chacune d'elles doit être maintenue selon l'arrangement convenu et s'il y a excédent d'actif, il doit profiter aux deux parties en conformité avec cet arrangement. Pour le gouvernement, il importe que chaque partie touche sa juste part de l'excédent lorsque des circonstances risquent de changer sa participation au financement du régime. Il estime que pour assurer l'équité, le partage de l'excédent d'actif doit alors être proportionnel à la contribution directe ou indirecte que chaque partie contractante a versée à la caisse du régime." Fin de la citation.

En supposant que la mesure de sécurité proposée est adéquate au strict plan actuariel et comptable, les modalités allocatives aux participantes actives, aux participants actifs, aux retraités, aux cotisants et aux cotisantes bénéficiant de rentes différées nous semblent équitables sur les principes. L'indexation des rentes serait peut-être rendue possible, certaines années par exemple. Nous nous objectons cependant à ce que l'excédent d'actif alloué à l'employeur lui soit remboursable en espèces. Cette proposition va à l'encontre des principes des régimes qui sont constitués de salaires épargnés et différés sur lequel l'employeur n'a aucun droit direct. Cependant, cette partie des excédents d'actif devrait être allouée à des mesures d'amélioration des régimes de retraite.

Ces mesures favoriseraient indirectement l'employeur au plan de la réduction de la masse salariale, des coûts salariaux ou bénéfices marginaux. L'offre de systèmes de préretraite est un exemple déjà largement répandu dont les bénéfices sont évidents pour les employeurs et dont les coûts sont portés au compte des régimes de retraite. Par ces biais, l'employeur trouvera toujours un intérêt financier à une saine gestion des régimes de retraite tout en contribuant à son devoir social de bonne gestion de sa main-d'oeuvre.

On a trop répété ces années-ci que les travailleurs et les travailleuses n'avaient pas que des droits mais aussi des responsabilités et des devoirs. La levée du moratoire sur les excédents d'actif n'est-elle pas l'occasion de rappeler aussi aux employeurs que leurs bénéfices du travail d'autrui comportent des obligations à l'égard de leurs vieux travailleurs et de toute la société?

Les travailleurs et les travailleuses doivent contrôler ce qui leur appartient. Propriétaires des fonds qu'ils ont épargnés, les travailleurs et les travailleuses participant à ces régimes complémentaires de retraite doivent légitimement et logiquement en contrôler la gestion et l'utilisation. L'approche actuelle de ce projet constitue le maintien d'une véritable curatelle privée des participants et des participantes comme si les cotisants, les cotisantes et les bénéficiaires étaient des incapables majeurs. Nous savons bien que la gestion d'un régime de retraite comporte des particularités techniques qui nécessitent des compétences éprouvées. Mais pourquoi les employeurs seraient-ils, à cet égard, mieux équipés que les salariés propriétaires des fonds? L'histoire économique du Québec est là pour nous démontrer que les travailleurs, les travailleuses et leurs organisations ont fait la preuve de leur capacité de gestion de leurs épargnes. Qu'on pense à l'histoire du mouvement Desjardins dont nous sommes si fiers, dont d'ailleurs l'initiative n'est venue ni de la haute finance ni des entreprises. Plus récemment, qu'on pense à l'expérience de la Mutuelle des fonctionnaires ou au succès du Fonds de solidarité FTQ. En de multiples occasions, les travailleurs et les travailleuses ont démontré qu'ils savaient gérer leurs épargnes. Si cette capacité leur avait été reconnue, on aurait, par exemple, évité la mauvaise gestion et les malversations passées dans les régimes privés de pension qui ont tant appauvri les anciens travailleurs et travailleuses aujourd'hui retraités.

Le Président (M. Joly): Excusez, Mme Brunet. Je vous inviterais à conclure. On a déjà débordé le temps alloué.

Mme Brunet: II s'agit de la pauvreté des femmes. Je peux vous dire que j'en passe les trois quarts mais ce que je vais vous dire va quand même vous faire comprendre ce qui se passe de ce côté-là.

Le Président (M. Joly): On a déjà reçu le mémoire. Excusez, mais c'a déjà été lu. Alors, c'est peut-être...

M. Boisclair: Moi, je serais prêt à donner mon consentement, M. le Président, pour que madame puisse terminer.

Le Président (M. Joly): Oui? Bon, alors... si le ministre...

Mme Brunet: Oui. Ça va prendre à peine cinq minutes.

Le Président (M. Joly): Parfait. Merci.

Mme Brunet: À peine. Merci. L'avant-dernière page. Or, M. le ministre, la gratuité du travail domestique - je parle des femmes, hein? - et l'absence de rente publique ou privée pour les femmes sont à l'origine de la grande pauvreté d'une majorité de femmes retraitées. Comment le Québec serait-il devenu ce qu'il est, c'est-à-dire une société florissante, un pays de progrès, sans le travail irremplaçable et méconnu de toutes ces femmes âgées? Vous étonnerez-vous, M. le ministre, si ces femmes démunies se retrouvent malades et institutionnalisées, donc à des coûts bien plus élevés tant sur le plan financier que sur le plan humain? Là encore, la vraie solution passe par une amélioration des régimes publics contributifs. En bonifiant substantiellement le Régime de rentes du Québec et en y intégrant les femmes au foyer, vous permettriez aux femmes les plus pauvres de s'assurer des prestations majorées et donc de vivre une retraite plus décente et sur la base de leurs droits propres et non de droits dérivés.

D'une colline parlementaire à l'autre, M. le Président, le pouvoir gris, par ses milliers de membres actifs, veille, de plus en plus organisé, de plus en plus conscient de ses droits, de plus en plus disposé à les défendre et à les promouvoir, de plus en plus reconnu, y compris, souhaitons-le, par les politiciens. Au nom de l'AQDR, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Brunet. M. le ministre, je vous reconnais.

M. Bourbeau: Alors, M. le Président, il me fait plaisir de souhaiter de nouveau la bienvenue à cette commission parlementaire aux représentantes, aux représentants de l'Association québécoise de défense des droits des retraités et préretraités, en particulier, à Mme Brunet, la présidente, que j'ai eu l'occasion de voir l'an dernier lorsque nous avons modifié de façon substantielle l'ancienne Loi sur les régimes supplémentaires de rentes, qui est devenue la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, ainsi que les autres personnes qui l'accompagnent. Nous avons étudié avec beaucoup d'intérêt le mémoire que vous nous aviez fait parvenir et dont vous venez de lire des parties. Justement, aux pages 9 et 10 de votre mémoire, je ne sais pas si vous voulez vous y référer, vous dites que le gouvernement devrait reconnaître une responsabilité égale et mutuelle des risques actuariels des régimes aux cotisants et aux employeurs. Pour ce faire, la cotisation patronale devrait être fixée au même titre que les cotisations salariales, est-il dit au mémoire. Par la suite, les participants et les employeurs profiteraient mutuellement des avantages lorsque se réaliseraient des bénéfices, des excédents. C'est d'ailleurs ce que propose notre document de consultation que les excédents soient partagés équitablement entre les deux parties.

Par contre, vous dites dans votre mémoire

que les participants devraient supporter les pertes en partageant les déficits et même la dette, la contrepartie de ce principe-là. La question que je pose c'est: Croyez-vous sincèrement que les travailleurs et les travailleuses seraient prâts et seraient conscients de la responsabilité de cette proposition? Comment ce partage de pertes pourrait-il être assumé, en réalité, par les retraités et les autres bénéficiaires du régime? En d'autres mots, quand il y a des surplus, ce n'est pas compliqué de les partager et tout le monde est bien content de le foire mais quand il y a des déficits, si le régime tombe en déficit, comment pourrait-on demander aux retraités de participer à ce déficit-là, et est-ce qu'ils seraient d'accord pour le faire?

Mme Brunet: Bien, moi, je vous dirais, en tout cas, à ma connaissance, des déficits de compagnies, je n'en ai pas vu souvent. Je n'en ai même jamais vu. Pourquoi, si c'est bien géré et, disons, aussi bien que certaines compagnies - parce qu'on ne peut pas dire que toutes les compagnies gèrent bien les fonds de pensions. On a vu ce qui s'est passé et ce n'est pas pour rien que vous avez imposé un moratoire - alors, à ce moment-là, pourquoi douter de la compétence des personnes qui feraient partie du comité qui gère? D'abord, ils auraient tout intérêt à bien le faire parce que, comme les compagnies, ils accumuleraient des surplus et ils placeraient ces surplus-là pour augmenter, justement, le fonds et peut-être le placer avec des Intérêts beaucoup plus grands qui augmenteraient ce fonds et eux, ils pourraient plus tard avoir des retraites plus intéressantes sur le plan de...

M. Bourbeau: Le problème qui se pose, c'est que ces fonds de pension, ils sont investis dans toutes sortes de véhicules. Ils peuvent être investis dans des obligations du gouvernement, des choses très sûres, ils peuvent être dans des fonds hypothécaires, parfois. Il y en a une partie dans plusieurs fonds. En fait, on diversifie les portefeuilles. Parfois, il y en a une partie dans des actions de compagnies, qui procurent évidemment.. Dans les actions de compagnies, c'est susceptible de procurer une plus-value plus importante, l'aspect plus-value est plus intéressant, évidemment, dans les actions de compagnies, mais c'est un peu plus risqué.

Or, il y a des périodes de temps, comme ce que nous vivons maintenant, où il y a des ralentissements économiques, où la valeur des actions de compagnies peut diminuer. La valeur des biens immobiliers peut diminuer, de sorte que si on fait l'évaluation d'un fonds de pension à un moment donné, peut-être même présentement, on se rend compte que la valeur du fonds de pension est inférieure à ce que ça devrait être pour garantir les retraites. À un moment donné, la Bourse, disons, a pris un recul, les valeurs immobilières aussi.

Supposons qu'on se trouve - ça peut arriver, à l'occasion - en situation de déficit actuariel sans qu'il y ait mauvaise gestion, avec des gestionnaires parfaitement compétents. C'est là que se poserait le problème. Si on suivait votre proposition, on devrait dire aux retraités et aux travailleurs bénéficiaires: II y a un déficit dans le régime, vous devez mettre de l'argent, vous devez combler le déficit. Je ne suis pas convaincu, moi, que les retraités accepteraient d'être responsabilisés comme ça, étant donné que dans le système actuel, ils ne sont pas tenus de... ils ne sont pas responsables des déficits, ce n'est que l'employeur, présentement, qui l'est. Nous, on ne propose pas de rendre responsables des déficits les retraites et les bénéficiaires du régime.

Mme Brunet: Mais je pense que de la même façon, M. le ministre, quand les compagnies ont été mal prises, elles ont pigé dans les surplus. Alors si, justement, on veut éviter ça, je pense qu'il faut changer les règles du jeu pour que chacun y trouve sa part juste, égale. Le travailleur, c'est lui qui apporte l'eau au moulin, c'est lui qui apporte, par sa cotisation au régime, une... la moitié, en tout cas.

Alors à ce moment-là, si le contribuable qui apporte des taxes... s'il y a seulement le gouvernement qui gère et qu'on n'a jamais rien à dire, je pense qu'à ce moment-là, ça ne peut pas fonctionner. Alors ce que l'AQDR dit: elle est consentante que les deux travaillent ensemble, que les deux partagent et puis à ce moment-là, ça ira beaucoup mieux pour le travailleur et il sera beaucoup plus motivé.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Oui. Avant de poser quelques questions au représentant de l'AQDR, est-ce que je pourrais demander au ministre qui faisait référence, tout à l'heure, aux véhicules de placement utilisés, s'il y a des statistiques qui existent, justement, sur ces véhicules de placement utilisés pour placer ces excédents d'actif? Est-ce qu'il existe aussi des statistiques, à savoir si ces placements-là sont effectués au Québec et hors Québec? Je crois que les dernières statistiques remontent à 1986, est-ce qu'il y a des statistiques plus récentes là-dessus, qu'on pourrait obtenir?

M. Bourbeau: Le président de la Régie des rentes, M. le Président, étant donné que c'est une question un peu technique...

M. Boisclair: Oui, juste s'il y avait moyen qu'on nous les fasse parvenir parce que je ne voudrais pas utiliser ça sur mon temps de parole. Si vous avez ces documents-là, j'apprécierais de

pouvoir...

M. Bourbeau: Alors j'ai devant mol un document intitulé: "Les régimes de retraite au Québec", les statistiques financières. Ça, c'est pour l'année 1988, je présume qu'on en a d'autres...

M. Boisclair: O.K. Alors c'est juste une question de...

M. Bourbeau: Ça me fera plaisir de vous le faire parvenir, M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Alors, Mme Brunet, mesdames et messieurs qui l'accompagnez, je tiens à vous remercier pour cette présentation. Vous vous serez vite aperçus qu'il y a une certaine différence d'âge qui nous sépare mais je crois que c'est toujours agréable d'entendre des participants, des gens de l'AQDR. Moi-même, dans mon quartier, dans mon comté, j'ai eu souvent l'occasion de travailler avec M. Lapalme, que vous devez sûrement connaître, d'un quartier de Montréal. (17 h 15)

II me fait plaisir de constater aussi le dynamisme de votre association qui se fait toujours un devoir de se prononcer sur l'ensemble des grand enjeux et particulièrement aujourd'hui, sur cette question des surplus, des excédents des régimes de retraite. Votre mémoire tombe bien puisqu'il s'inscrit, je crois, dans la ligne de plusieurs intervenants, dans la même foulée que celle de plusieurs intervenants cet avant-midi et tout à l'heure, les gens de la CSN. ' Je profite de l'occasion pour vous dire que l'Opposition considère que les caisses de retraite existent seulement pour garantir un revenu de rentes aux travailleurs et aux travailleuses. Ça, je crois qu'on s'entend rapidement sur ce principe-là, vous et moi. Tout actif d'un régime de retraite ne doit être utilisé que pour les bénéfices des participants et des participantes. Mon collègue, le député de Pointe-aux-Trembles, qui se joint à nous, l'a rappelé au moment de son introduction.

C'est sûr qu'il faut rappeler aussi le contexte, ça fait longtemps qu'on attendait le document du ministre Bourbeau, depuis plus de deux ans. On prétextait le prolongement du moratoire à l'hiver 1990 parce qu'il fallait, apparemment, consulter l'Ontario. Soudainement, on nous arrive avec un document qu'on nous produit un peu en catastrophe. On ne veut peut-être plus consulter l'Ontario de peur de se faire couper l'herbe sous le pied par le gouvernement Rae qui, lui, propose, sans définir de quelle façon à l'heure actuelle, mais il y a une intention très claire de remettre les excédents d'actif aux participants. L'élection de M. Rae est peut-être venue couper l'herbe sous le pied du ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Mais ce sont quand même des choses qu'il faut dire et rappeler aux gens qui viennent témoigner devant cette commission parlementaire.

Ces quelques mises au point étant faites, j'aimerais revenir au contenu de votre mémoire. Vous mentionnez un certain nombre de recommandations qui, je crois, méritent d'être retenues. Je voudrais vous demander ce que vous pensez de la suggestion qu'on entendait tout à l'heure. Mme Simard, qui pariait justement de la responsabilité des employeurs, on parlait du risque. C'est une question... le ministre y est revenu aussi tout à l'heure. La CSN, dans son mémoire qu'elle est venue présenter tout à l'heure, proposait que le législateur prévoie des mécanismes qui viennent compenser l'employeur a posteriori pour les sommes exactes qu'il a dû débourser aux fins d'amortir des déficits imprévus. On sait que plusieurs de ces déficits sont souvent prévus parce qu'il s'agit de mesures rétroactives qui viennent s'appliquer. Est-ce que c'est une proposition - que vous ne reprenez pas dans votre mémoire - mais est-ce que c'est un genre de compromis que votre Association serait prête à faire?

Mme Brunet: Je demanderais à M. Plamon-don de répondre à cette question.

M. Plamondon (Louis): En fait, concernant la question du risque actuariel, d'abord, ça pourrait compléter la réponse que Mme Brunet faisait à M. le ministre tout à l'heure, sur l'existence de risques actuariels. Sur l'existence de déficits, on pense que les constats actuariels qui ont été faits en 1965 ont amené les corrections sur le financement à long terme de ces régimes privés, ce sont précisément les cotisations des salariés... Ce que l'AQDR a essayé d'identifier, c'est que ce sont précisément les cotisations, le refinancement de l'ensemble des régimes, donc, la cotisation des salariés principalement, et les lacunes de la loi elle-même de 1965 qui ont amorti les déficits accumulés avant 1965, au moment où on a appliqué ces correctifs.

L'AQDR, ce qu'elle signale dans son rapport, dans son mémoire, c'est que le privilège de cotisations qui est légitimé par le risque actuariel ou prévu, entre guillemets, ou occasionnel, de circonstance particulière, une année donnée - on parle ici du risque de déficit une année donnée par rapport au financement à long terme - l'AQDR, ce qu'elle dit c'est que oui, les travailleurs seraient en mesure d'assumer un partage de ces risques - je réponds plutôt globalement - un partage de ce risque-là parce que, précisément, en réalité, les bénéfices, les investissements en argent qui servent en réalité à payer à long terme ces déficits-là, ce sont les cotisations et les cotisations au régime par les salariés eux-mêmes. Donc, dans les faits, ce sont les salariés, les cotisants, qui assument finan-

cièrement les risques puisque les meilleurs rendements vont servir à payer des déficits accumulés ou des déficits occasionnels.

En principe, ce sera une augmentation, un déplacement de l'âge de la retraite, par exemple, un report de l'âge de la retraite, plutôt que de l'abaisser, on va le ramener plus proche de 65 ans pour financer des déficits occasionnels qui pourraient être soit à long terme, soit des déficits d'une année courante. On ne se situe pas du tout dans la même problématique que Mme Simard exposait, que le mémoire de la CSN propose en autorisant un retour de cotisations ou de supplément d'actif comme suite au fait que, dans le passé, l'employeur aurait payé une partie du déficit pour une année courante. On ne se situe pas dans cette problématique-là ici dans le mémoire.

M. Boisclair: Je vous remercie pour ces précisions. J'aimerais peut-être revenir à Mme Brunet qui n'a pas eu le temps, je comprends bien, de nous parler de ce problème de pauvreté qui est vécu spécialement chez les femmes. Je pense que la journée du 8 mars nous a bien rappelé, particulièrement pour les gens qui sont de Montréal, jusqu'à quel point, effectivement, ce sont les femmes, souvent femmes chefs de familles monoparentales qui sont victimes de cette réalité-là, particulièrement aussi les femmes qui ont plus de 60 ou 65 ans. J'aimerais ça que vous me parliez de la réalité chez vos membres ou de la façon dont c'est vécu, et de quelle façon vous préconisez l'utilisation de ces surplus-là. Est-ce que c'est une bonification? Est-ce que c'est une indexation systématique? Si vous pouviez m'en parler un peu... Je m'en voudrais un peu de ne pas profiter de votre vécu comme association et du témoignage de vos membres. Ce serait intéressant si vous en faisiez part aux gens de la commission.

Mme Brunet: Vous avez bien raison de penser que vous auriez manqué quelque chose si vous ne m'aviez pas posé la question sur les femmes. Il y a beaucoup à dire actuellement sur la pauvreté, la grande pauvreté des femmes. Il y a eu des études qui ont été faites au fédéral pour en venir à la conclusion que les femmes monoparentales, à partir de 35 ans, sont pauvres et risquent de rester pauvres pour le reste de leur vie. J'ai travaillé et j'ai eu affaire à Ottawa très souvent pour être à une table ronde pour consultation parce qu'on faisait des conférences à Halifax puis un peu partout.

M. Boisclair: Est-ce qu'on vous invite au provincial parfois ou si c'est juste au fédéral qu'on vous invite?

Mme Brunet: Depuis quelques années c'est maintenant le provincial parce que je m'ennuyais du provincial.

M. Bourdon: Ça, on vous comprend!

Mme Brunet: Pour avoir été à Ottawa longtemps, les gens me comprennent. Ceux qui sont allés... Bon. Alors, le gouvernement fédéral, dans un premier temps, a accordé une allocation au conjoint, c'est-à-dire à 60 ans pour celui qui travaillait, à 65 ans pour celui qui avait pris sa retraite, on donnait... si c'était la femme ou l'homme, l'un ou l'autre, on donnait une allocation au conjoint, mais quand l'un ou l'autre mourait, il n'avait plus cette allocation-là et il devenait encore plus pauvre. Alors, le gouvernement fédéral actuel a dit: On va donner une allocation aux veufs et aux veuves. C'est très bien, mais nous autres de l'AQDR on a dit: II y a les séparées, il y a les divorcées, il y a les célibataires. Alors, pourquoi accordez-vous de l'argent d'après le statut social et non pas le revenu? Je vous dis qu'après cinq ans, on se bat encore là-dessus et on refuse d'accorder quelque montant d'argent à ces femmes-là. Alors, ça fait que j'entendais dire hier... parce que je fais partie d'un autre comité où on parlait justement de la situation des femmes. On vient de trouver dans un HLM où il n'y a aucune surveillance, aucun gérant - ça se passe n'importe comment - une femme morte toute seule dans un coin. Ça faisait sept jours, et on ne le savait pas. Ça, on l'entend de plus en plus. Elle est morte pourquoi? Ce n'est pas compliqué, c'est parce qu'elle reçoit à peu près 500 $ par mois. Elle est obligée de rester dans une chambre où elle paie 300 $ et le reste, elle doit manger avec ça. Souvent, la dernière semaine, avant de recevoir son chèque, elle n'a absolument rien à manger. Alors, on travaille beaucoup sur la situation des femmes et...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, Mme Brunet. J'aimerais peut-être corriger un des chiffres que vous venez de mentionner: elle a 500 $ par mois, elle demeure dans un HLM et elle paie 300 $. Je pense que ça va à l'encontre de l'attribution ou de la façon d'attribuer un HLM parce que c'est quand même 25 % du revenu.

Mme Brunet: Je regrette, M. le Président, je n'ai pas parlé de HLM.

Le Président (M. Joly): C'est ce dont vous avez fait mention.

Mme Brunet: De toute façon, j'ai voulu parler de I? pauvreté des femmes et je voudrais rajouter à ça que M. Bourassa, dans son premier terme, a promis à 600 000 femmes du Québec qu'il trouverait un moyen de les faire contribuer aux rentes du Québec parce que, vous le savez et tout le monde le sait en général, la femme vieillissante est pauvre. Dans son deuxième terme, là il a parié de 300 femmes parce que là

il dit: On n'a pas l'argent pour ça et on n'a plus Jamais entendu parler que le gouvernement avait l'intention de faire quelque chose pour corriger cette situation que tout le monde au Québec qualifie de scandaleuse. Que ça se passe ici ou que ça se passe ailleurs, c'est une situation scandaleuse. Moi je dis, à chaque fois que j'ai l'occasion de parler des femmes, je dis: C'est la mère, c'est votre mère, c'est la mère des adolescents. Il n'y a personne qui a l'air de se préoccuper que ces femmes-là qui ont fait énormément pour la société. Souvent, elles se sont privées de nourriture pour faire instruire leurs enfants. Alors, je pense que c'est énorme comme contribution à la société, et on devrait, en conscience, faire le plus possible pour essayer de régler un tout petit peu la situation de ces femmes-là.

M. Boisclair: Peut-être quelques mots - parce que mon collègue le député de Pointe-aux-Trembles aimerait vous adresser une question - pour vous dire jusqu'à quel point on apprécie, j'apprécie, moi personnellement, ce genre de témoignage parce qu'il est peut-être le fruit de votre expérience, de celle de vos membres, et je pense que votre témoignage prend là toute sa valeur. C'est certes un problème compliqué qu'on a devant nous, mais je suis convaincu que si on avait autant de gens alentour de la table qui ont des convictions comme les vôtres, sans doute qu'il serait facile de le régler. Là-dessus, j'aimerais passer la parole à mon collègue de Pointe-aux-Trembles.

Le Président (M. Joly): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord dire à Mme Brunet que c'est vrai ce qu'elle dit, et que...

Mme Brunet: Je ne conte pas de mente-ries...

M. Bourdon: Oui, oui, mais j'ai pu le constater au quotidien dans mon comté. On parle avec une personne qui est impliquée dans un mouvement, et à un moment donné, elle nous explique qu'elle a une rente de survivante de son mari. Il n'y a rien qui paraît. Elle reste dans un bungalow fort acceptable dans une rue, mais les finances sont extrêmement sensibles et ténues. Puis c'est vrai que les femmes, dans ce sens-là, ont un sort plus terrible que celui des hommes, et à cet égard-là, j'aimerais ça que le ministre en parle, à un moment donné, et qu'il indique qu'il partage cette préoccupation. La question que je voudrais vous poser, c'est qu'il y a plusieurs mémoires qui disent que si on faisait en sorte que les régimes complémentaires de rentes soient mieux capitalisés et qu'on n'en retire pas des centaines de millions, comme le ministre l'indique dans son document, qu'en bout de ligne, même les contribuables en profiteraient, puisque les régimes de sécurité du revenu coûteraient moins cher. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette prétention-là? À l'heure actuelle, on le sait, 76 % des revenus des aînés viennent de régimes publics.

Mme Brunet: De régimes publics? M. Bourdon: Oui.

Mme Brunet: Ce n'est pas ce qu'on a, nous autres, dans nos chiffres. D'abord, les travailleurs contribuent, il y a 40 % des travailleurs qui contribuent à un fonds de retraite. Alors le chiffre que vous me donnez là ne va pas du tout avec l'autre.

M. Bourdon: M. le Président, peut-être juste préciser, rendus à la retraite, les régimes privés de retraite...

Mme Brunet: Oui.

M. Bourdon: ...ne contribuent que 24 % du revenu des retraités. Il y a 76 % qui vient d'ailleurs, ce qui... Je précise ma question, n'êtes-vous pas d'avis que ça veut dire que les régimes privés de retraite ont besoin d'être bonifiés, parce qu'ils ne donnent pas assez?

Mme Brunet: Mais là-dessus, je vous dirais que si on parle des femmes d'aujourd'hui, les femmes vieillissantes d'aujourd'hui, qui n'ont jamais travaillé, comment peuvent-elles avoir un... même pas les rentes du Québec... Ces femmes-là ne reçoivent rien. Si le mari est décédé puis qu'il n'a pas laissé une pension, tout ce qu'elles ont, en bas de... je pense, 55 ou 60 ans, c'est le bien-être. C'est tout ce que ces femmes-là reçoivent, et si après ça le conjoint est décédé puis qu'elles sont veuves, elles reçoivent du fédérai 100 $ de plus.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Brunet. Je vais maintenant, en conclusion, reconnaître M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, tout en reconnaissant l'importance de la contribution de l'AQDR tant aux discussions que nous avons présentement qu'à celles qui ont mené à l'adoption de la réforme de la loi sur les régimes de rentes du Québec... loi qui, je le rappelle, a fait en sorte de corriger un grand nombre de situations qui existaient précédemment et qui causaient un grand tort aux femmes et aux personnes âgées aussi, puisque les gens qui retirent des rentes sont des gens, évidemment, retraités, donc plus âgés. Rappelons que nous avons mis fin au régime qui faisait en sorte que l'employé ne pouvait pas cotiser, ne pouvait pas avoir droit à

une rente avant d'avoir atteint l'âge de 45 ans et avant d'avoir travaillé pendant 10 ans chez l'employeur. La loi a également permis de transporter son fonds de pension d'un employeur à l'autre, donc de pouvoir régler en quittant son employeur, de pouvoir apporter avec lui non seulement son capital mais tous les intérêts. Elle a obligé l'employeur aussi à contribuer - 50 % - aux crédits de rentes dès le début. Donc, une loi qui a modifié d'une façon importante le régime de rentes pour protéger les employeurs et éventuellement, les retraités. Je rappelle également que le gouvernement n'a pas hésité à faire passer la loi qui a obligé le partage du patrimoine familial, par exemple, mesure qui vient en aide aux femmes qui sont mariées et qui voyaient souvent, lors d'une séparation ou d'un divorce, l'ex-mari partir avec tous les biens du patrimoine familial. Donc, des mesures qui ont permis d'améliorer sensiblement la situation des femmes et des retraités...

M. Boisclair: M. le Président, si le ministre conclut, moi aussi je vais conclure là.

Le Président (M. Joly): Les procédures là... Si on se rappelle ce que je vous ai lu ce matin, c'est qu'en conclusion, c'est M. le ministre. Alors, c'est à ma discrétion... Pour le bénéfice des gens qui sont ici, qui ont voyagé dans toute la province, je pense qu'il est peut-être bon qu'on puisse... M. le ministre, je vous invite à conclure.

M. Bourbeau: Oui, oui, je suis en train de conclure. Dans la même phrase, j'étais en train de remercier les gens de l'AQDR tout en leur signifiant l'intérêt que le gouvernement porte à la cause des personnes âgées, des personnes retraitées et en soulignant, bien sûr, les gestes positifs que le gouvernement a posés envers les retraités par le fait d'avoir voté certaines lois dont la loi à laquelle vous avez tant participé, la Loi sur les Régimes complémentaires de retraite. Alors, merci de votre contribution et bon voyage de retour.

Le Président (M. Joly): Merci. Moi-même, au nom des membres de la commission, Mme Brunet et les membres de l'AQDR, je vous remercie de votre participation et je vous reconnais même le mot de la fin, Mme Brunet. À vous.

Mme Brunet: Oui, et bien l'an passé, on a fêté le dixième anniversaire de l'Association et cette année, à notre grande surprise, on a reçu de la Commission des droits de la personne un magnifique prix. Alors, on a dit: Enfin, on reconnaît la nécessité du travail qu'on fait, ça nous donne encore le goût de continuer plus.

Le Président (M. Joly): Merci. Bon voyage les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques, CSD, de bien vouloir s'avancer s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 33)

(Reprise à 17 h 37)

Le Président (M. Joly): Je demanderais aux gens représentant la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.

Alors, bonjour et bienvenue à cette commission. M. le président Qingras, s'il vous plaît, j'apprécierais si vous pouviez nous présenter les gens qui vous accompagnent. C'est automatique, M. Gingras, vous allez avoir le son qui est déjà à votre portée.

Centrale des syndicats démocratiques

M. Gingras (Claude): Je vous remercie, M. le Président, de nous fournir cette opportunité de comparaître devant vous sur une question aussi importante pour les travailleurs que de partager un milliard équrtablement. Alors, pour m'assister dans la présentation de la position de la CSD, je voudrais quand même vous présenter ceux qui m'accompagnent: à l'extrême droite, Louis Tremblay, responsable du service de recherche de la Centrale; M. Jean Roy, président de la Fédération de la métallurgie à la CSD; M. Jeannot Picard, trésorier de la CSD; et Mme Catherine Escojido, responsable des communications à la CSD.

Le Président (M. Joly): Je vous rappelle que vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire, s'il vous plaît.

M. Gingras: C'est ça.

Le Président (M. Joly): À vous la parole.

M. Gingras: M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, il y a un principe qui dit qu'on ne corrige pas une injustice en en commettant une autre. Il s'applique pleinement dans le cas de la propriété des excédents d'actif générés par les régimes complémentaires de retraite. L'argent dans les caisses de retraite appartient aux travailleuses et travailleurs et leur revient de plein droit. Aucun partage avec les employeurs n'est acceptable, et ça, c'est un avis, pour nous, qui est fondamental. À la lecture du document de consultation publié par le ministre, on comprend aisément pourquoi le gouvernement a attendu tout ce temps. S'il avait ainsi proposé de couper la poire en deux il y a deux ans, au moment où des cas d'injustice dramatiques ont fait surface, c'est dans un tollé de protestations que la population aurait rejeté

son approche. alors, il ne faut pas oublier que des travailleuses et travailleurs ont vu leurs prestations de retraite disparaître, des employeurs se sont financés à même la caisse, d'autres ont déménagé leurs pénates ailleurs - et ça, je pense qu'on en a des exemples régulièrement - sans remplir leurs obligations. une telle dépossession commandait une action immédiate du gouvernement. malheureusement, avec le recul, force nous est de constater que le moratoire imposé par le gouvernement ne visait qu'à laisser retomber la poussière et à faire baisser la pression populaire. à ce sujet, les travailleuses et travailleurs membres de la csd ont un message clair à l'endroit du gouvernement. ce qui était inacceptable en 1988, nous n'avons pas l'intention de nous le faire imposer aujourd'hui. alors, partager les excédents d'actif avec les employeurs, c'est carrément prendre de l'argent dans les poches des travailleuses et travailleurs pour leur redonner. ce faisant, le gouvernement se trouve à annuler les conditions de travail bien souvent négociées entre les parties et souvent au prix, quand même, d'efforts considérables. et je pense qu'il faut absolument qu'on connaisse justement ces négociations pour savoir quels sont les enjeux.

Ce dont il est question dans le cadre de cette consultation, c'est donc la propriété des excédents d'actif générés par les caisses de retraite. La proposition et la position de la CSD se divisent en deux volets. D'abord, le cas des excédents d'actif accumulés avant le moratoire pour lequel nous proposons une répartition équitable entre ceux et celles à qui ces sommes appartiennent: les participants actifs, les personnes à la retraite, les personnes qui ne sont plus à l'emploi sans avoir droit à une rente. Puis, pour l'avenir, la CSD propose des mécanismes précis pour assurer des garanties et réclame qu'une place plus grande soit accordée aux participants au régime, actifs ou à la retraite, dans la prise de décisions concernant la gestion de la caisse, notamment par le biais des comités de retraite.

Une constatation nous frappe à la lecture du document de consultation: il est conçu uniquement pour des régimes contrôlés par les employeurs ou paritairement. Que fait-on des régimes entièrement gérés par les syndicats et qui ont choisi d'en assumer totalement la gestion? Cet oubli en dit long sur la vision du gouvernement quant au rôle des syndicats dans la gestion des régimes de retraite. La CSD privilégie et encourage ses syndicats affiliés à prendre en main et à administrer eux-mêmes leur régime. Plusieurs le font déjà et les résultats sont fort concluants en termes financiers, mais aussi et surtout en ce qui a trait à la responsabilisation des travailleuses et travailleurs et au fonctionnement ouvert et démocratique de ces régimes. Dans ces régimes gérés syndicalement, on conçoit aisément que seuls les participants ont voix au chapitre lorsqu'il est question de surplus et qu'il ne saurait en être autrement.

Avant de s'interroger sur la répartition des excédents d'actif, il est important de connaître comment ils ont pu s'accumuler au cours des années. Les causes sont multiples et ne sont pas toutes exogènes à l'entreprise. Les taux de rendement élevés, entre autres. Les régimes de retraite, au cours des années quatre-vingt, atteignent leur maturité quant au nombre de leurs participants. Ils ne connaîtront un sommet quant au nombre de retraités qu'au cours des prochaines décennies. Les régimes de retraite au cours des années quatre-vingt ont profité d'une conjoncture favorable et ont obtenu des taux de rendement nettement plus élevés que ceux prévus dans les évaluations actuarielles. Dans le document de consultation du gouvernement, on énonce clairement que ces taux de rendement sont deux à trois fois plus hauts que les taux d'intérêt utilisés. Or, les forts taux de chômage des années quatre-vingt au Québec, atteignant leur sommet en 1983 à 13,9 % et leur plancher en 1989 à 9,3 %, ont ralenti la progression salariale des travailleuses et travailleurs. Ce dernier facteur a aussi contribué à l'accumulation d'excédents d'actif dans les caisses de retraite. De plus, la rémunération hebdomadaire des salariés au Québec, de 1983 à 1989, a augmenté de 380,84 $ à 470,75 $, soit une progression de 23,6 %, ce qui est inférieur à celle de l'inflation pour le Canada qui a été, au cours de la même période, de 28,4 %.

Avant l'adoption de la loi 116, les règles minimales d'acquisition au droit à une rente pour les participants et participantes rendaient difficile l'accès à une rente lorsqu'ils quittaient ou perdaient leur emploi. Ceci avait pour effet de restreindre la mobilité des travailleuses et travailleurs d'une entreprise à l'autre. Or, en 1982-1983, les employeurs ont procédé à des mises à pied massives, ce qui a mis fin à la participation de ces personnes au régime de retraite. Les employeurs ont alors cessé de contribuer et les travailleuses et travailleurs ont récupéré leurs cotisations avec des intérêts nettement inférieurs au rendement réalisé par les régimes. Ces mises à pied massives faites par les employeurs ont amené un dépassement dans les analyses actuarielles du nombre prévu de personnes qui quittent ou perdent leur emploi. Cette situation a favorisé l'accumulation d'excédents d'actif dans les caisses de retraite.

Le choix des hypothèses actuarielles concernant les taux de mortalité, l'évolution des salaires, les taux de rendement, la mobilité de la main-d'oeuvre et les autres facteurs ayant un impact sur les coûts des régimes de retraite a été en tout temps fait de façon fort conservatrice, faisant apparaître des excédents d'actif dans les caisses de retraite. Comme la gestion des caisses de retraite a été très souvent

l'affaire des employeurs uniquement et que ceux-ci ont pu s'accorder des congés de cotisation annuelle, les hypothèses actuarielles conservatrices servaient leurs intérêts. À cet effet, la CSD est en accord avec l'intention du gouvernement d'uniformiser dans l'avenir les méthodes et hypothèses actuarielles pour la détermination des montants d'excédents d'actif. Je pense que ça, c'est une orientation qui est fondamentale.

Toute disposition concernant les excédents d'actif doit se référer aux grands principes suivants: le premier, les caisses de retraite sont la propriété des travailleuses et travailleurs; deuxièmement, les caisses de retraite constituent une condition de travail résultant de la négociation. Selon la CSD, l'argent dans les caisses de retraite est du salaire différé qui appartient aux travailleuses et travailleurs. Dans les entreprises, la rémunération de la main-d'oeuvre n'est pas seulement le salaire versé aux travailleuses et travailleurs. La rémunération de la main-d'oeuvre comporte quatre composantes: le salaire versé, bien sûr, en est une; le salaire différé, alors il s'agit des régimes de rentes publics et privés, régimes complémentaires de retraite; les avantages sociaux, soit les vacances, les jours fériés, les congés de maladie et autres congés, régimes d'assurance, etc.; il y a aussi les cotisations sociales pour les régimes à caractère social comme la CSST et les différents autres régimes.

À l'exception des cotisations sociales, c'est par la négociation collective qu'on détermine la rémunération de la main-d'oeuvre. Alors, c'est par la négociation que sont obtenues, en fait, les conditions applicables aux régimes de retraite. Les contributions qui y sont versées par l'employeur font donc partie de la rémunération de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire de ce que l'employeur donne aux salariés en échange de leur prestation de travail. Les contributions versées à ce chapitre font partie de l'enveloppe globale. Alors, il faut avoir négocié pour comprendre comme ça se déroule à une table de négociation et c'est clair que lors de la négociation, le pourcentage de la contribution de l'employeur au régime est négocié avec l'ensemble des conditions de travail. Ce que l'employeur accorde à ce niveau, on peut supposer qu'il ne le versera pas en augmentation de salaire ou en amélioration à d'autres conditions. Ce qui est obtenu pour le régime de retraite est un gain de négociation sur lequel il est inacceptable de revenir, même plusieurs années après. Cette rémunération appartient donc aux travailleuses et travailleurs et ne peut, en aucun cas, leur être retirée. La contribution dans une caisse de retraite appartient à l'ensemble des participants.

Le résultat de la négociation est influencé par de nombreuses choses dont, notamment, la situation financière de l'entreprise. Une excellente situation financière permet d'accorder de meilleures conditions aux travailleuses et travailleurs. Malheureusement, l'inverse est également vrai comme on le voit actuellement. Nous avons pu constater que là où une entreprise doit acquitter le déficit actuariel de la caisse de retraite, les augmentations de salaire ou les avantages sociaux sont généralement affectés. Ainsi, le processus de négociation permet à l'employeur de faire payer indirectement, en partie ou en totalité, le déficit actuariel de la caisse de retraite, malgré que la loi établisse la responsabilité des employeurs quant à celui-ci. L'employeur pouvant faire payer aux travailleuses et travailleurs une partie ou la totalité du déficit, il est inconcevable de penser à un quelconque partage des surplus d'actif. Les caisses de retraite constituent une rémunération différée pour les participants et participantes. Au même titre qu'un employeur ne peut réclamer le salaire versé et dûment payé à ses salariés, il ne peut réclamer les excédents d'actif accumulés dans les caisses de retraite. Selon la CSD, l'employeur, après avoir payé sa quote-part de la cotisation d'exercice, n'a plus aucun droit de propriété sur l'argent versé à la caisse de retraite. Le partage des excédents d'actif devra se faire en accord avec le principe d'équité.

Selon la CSD, les excédents d'actif des régimes de retraite sont la propriété des participants et participantes. C'est pourquoi nous proposons que la répartition de ces excédents se fasse pour les excédents accumulés au 15 novembre 1988 et pour les excédents futurs selon des principes clairs, équitables pour tous et toutes, que ce soient les participants et les retraités de ces régimes. Dorénavant, avec l'uniformisation des méthodes et hypothèses actuarielles de détermination du montant d'excédents d'actif et l'encadrement plus strict des régimes complémentaires de retraite par la loi 116, l'accumulation d'excédents d'actif sera plus difficile. Selon la CSD, dans les situations où un régime de retraite est déficitaire, il est faux de penser que c'est l'employeur seul qui comble ce déficit. Pour ce qui est de la période de transition suivant la levée du moratoire, la CSD demande que les employeurs, dans le cas de déficit, rendent celui-ci à zéro à l'intérieur d'une période de trots ans, c'est-à-dire jusqu'à l'analyse actuarielle suivante.

Pour le futur, nous réclamons que la portée de la responsabilité de l'employeur quant au déficit actuariel soit limitée au cas de terminaison totale du régime. Dans les autres cas, la décision des moyens à prendre pour le combler devra être prise conjointement par les parties, les travailleuses et travailleurs et les employeurs parce qu'il ne faut pas s'imaginer que ça se passe autrement quand il s'agit de combler un déficit actuariel.

Nous sommes d'accord avec la proposition d'une réserve de sécurité égale à 25 % du passif du régime déterminé selon une approche de solvabilité ou encore au double de la cotisation patronale excluant les amortissements. Au-delà de cette réserve, les excédents d'actif devraient

obligatoirement être distribués entre les participants et retraités. De plus, pour assurer une plus grande protection aux travailleuses et travailleurs, la CSD recommande qu'une réserve minimale égale à 10 % du passif du régime déterminé selon une approche de solvabilité soit constituée avant d'envisager toute amélioration du régime de retraite à même les excédents d'actif. Cette réserve servira à absorber des déficits causés lors des années où les taux de rendement sont inférieurs au taux utilisé dans les analyses actuarielles en période économique défavorable.

La répartition des excédents d'actif accumulés au 15 novembre 1988. En ce qui a trait à cette portion, la CSD considère que la répartition des actifs accumulés au 15 novembre doit se faire entre les salariés qui ont contribué à la caisse de retraite. Ils se divisent en trois groupes distincts: il y a les participants actifs, bien sûr, les retraités ou leurs ayants droit, les participants n'ayant pas acquis le droit à une rente dû aux règles d'acquisition et qui ne sont plus à l'emploi. Le montant des excédents distribuable dans ce cas est toute somme qui dépasse une réserve de sécurité égale à 10 % du passif du régime, déterminé selon une approche de solvabilité, sauf dans le cas de terminaison totale du régime où cette réserve devient inutile.

Une part pour chacun des groupes doit être prévue: celle, entre autres, des participants actifs, celle des retraités et celle des participants n'ayant pas acquis le droit à une rente mais qui ont quitté quand même l'emploi. La distribution des excédents d'actif selon ces paramètres est équitable pour tous et tient compte de la distribution des trois groupes ci-haut à l'accumulation d'un excédent d'actif dans leur caisse de retraite. L'utilisation de leur part pour les trois groupes pourra prendre la forme que chacun choisira. Pour les participants et participantes actifs, leur part peut être utilisée pour bonifier le régime, se donner un congé de cotisation ou prendre la forme d'un régime enregistré d'épargne-retraite. Pour les retraités, elle peut être utilisée pour bonifier leur régime ou encore leur être directement versée. Pour les participants n'ayant pas acquis le droit à une rente, leur part devrait leur être remboursée ou servir à leur constituer un REER particulier.

Alors, en conclusion, messieurs et mesdames membres de la commission, il ne fait aucun doute que les excédents d'actif des caisses sont la propriété des travailleuses et des travailleurs et que tout projet de loi visant à en disposer doit concrétiser cet objectif.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Gingras.

M. Gingras: On peut répondre à vos questions.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître M. le ministre. M. le ministre.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Les contrats qui forment ia plupart des régimes, qui sont à la base de la plupart des régimes sont des contrats qui indiquent que dans les régimes à prestations déterminées, l'employeur s'engage à ce que lorsqu'un travailleur arrivera à la retraite, une rente soit disponible et soit payée et l'employeur garantit le paiement de cette rente-là. C'est l'obligation qui est faite à l'employeur dans le contrat. Le contrat ne dit pas que l'employeur est obligé, chaque semaine ou chaque mois ou chaque année, de mettre une somme d'argent précise, la responsabilité de l'employeur va au delà de ça, va au delà de dire: Vous êtes obligé de mettre une somme X chaque mois. C'est plus que ça. L'employeur doit garantir la rente, de sorte que si jamais le montant qu'il a mis en cours de route n'était pas suffisant, il est obligé d'en mettre d'autre pour que la rente soit payée.

Supposons, par exemple, qu'un employeur - et ça arrive, ça - décide une année donnée de mettre plus d'argent dans le fonds de pension qu'il devrait le faire pour assurer la solvabilité, parce que cette année-là, par exemple, les affaires ont été bonnes. L'employeur se dit: Bon, bien maintenant, on est en période où ça va bien, aussi bien prendre un peu d'avance au cas où il arriverait d'autres années où c'est difficile, comme par exemple les années qu'on vit présentement, où je n'aurais pas de surplus, je n'aurais pas de profit.

Si on oblige l'employeur à mettre chaque année une somme d'argent, on ne lui donne pas le droit à la suspension de sa cotisation, est-ce qu'il ne sera pas incité à ne pas mettre plus d'argent une année donnée qu'il le devrait, parce que ce faisant, il fait passer le régime en situation de surplus? Alors, moi, je me dis: Ce n'est peut-être pas une bonne chose que de lui défendre de ne pas payer certaines années parce qu'il ne sera pas porté à en mettre plus, les années où ça va bien. Est-ce qu'il n'y a pas un danger, là, de nuire à la solvabilité du régime en faisant en sorte que l'employeur ne mettrait de l'argent qu'à chaque année? On lui interdirait de prendre de l'avance pendant les bonnes années et on risquerait que, quand les années sont très mauvaises, il ne puisse pas en mettre pour finalement, même, qu'il puisse fermer les régimes. Parce que l'employeur, d'après les contrats, peut toujours mettre fin au régime. Alors, est-ce que ce n'est pas mettre en danger la survie du régime que d'interdire à l'employeur de prendre des congés de cotisation, par exemple?

M. Gingras: Notre position sur cette question-là et en réponse, justement, à ce que vous soulevez comme argumentation, permettez-moi de vous dire que pour l'expérience que nous avons dans le champ des sommes additionnelles que vous pensez que les employeurs mettent dans

les régimes, c'est plutôt l'expérience contraire qu'on a constatée. C'est que quand la loi leur a permis de ne pas déposer leur quote-part de participation dans les régimes, ils s'en sont prévalus allègrement.

Actuellement, dans la plupart des régimes où les employeurs contribuent à des régimes de retraite, nous n'avons pas d'exemple où on anticipe énormément dans les paiements des sommes à verser par les employeurs en termes de contributions dans ces régimes-là et qu'on anticipe des cotisations à venir. En ce qui nous concerne, on a plutôt le portrait contraire et on est obligé de se battre constamment pour préserver la participation financière de l'employeur dans les régimes de retraite. C'est même plus là qu'on retrouve la problématique à laquelle on est confronté, avec laquelle on est confronté dans la négociation constante et dans le quotidien de l'application des régimes de retraite.

L'employeur, souvent, cherche à modifier sa contribution et toujours à récupérer une partie de sa contribution et ce sont des luttes quand même considérables pour essayer de maintenir la quote-part de la participation de l'employeur dans les régimes de retraite. Alors, les cas d'anticipation, à moins que vous ne puissiez m'en fournir des exemples, nous autres, ce n'est pas notre réalité et ce n'est pas ce qu'on vit dans les milieux de travail et puis ce n'est pas avec ça, l'anticipation des primes payées par l'employeur, qu'on assure vraiment la solvabilité des régimes.

Sur l'autre partie, quand les entreprises sont en difficulté, que quand ça va bien, les employeurs en mettent plus pour assurer des périodes où c'est plus difficile... Au contraire, quand il y a des périodes de difficultés économiques dans les entreprises, je vous assure qu'habituellement, on est Interpellé très rapidement pour s'asseoir et voir comment on va assurer la survie de l'entreprise et comment on va assurer le devenir de l'entreprise qui est face à une situation de difficulté. Et quand l'employeur a... (18 heures)

Même si l'employeur avait contribué des sommes en addition au régime de retraite, c'est qu'à ce moment-là, dans les moyens qui exigeraient, en termes de contribution des salariés, pour faire en sorte d'assurer l'avenir de l'entreprise, ces exigences seraient encore plus fortes parce que, justement, il aurait déposé ces sommes-là. Mais encore là, il faudrait qu'on me démontre de façon claire que c'est une possibilité très largement utilisée, ce qui n'est pas le cas à notre avis. Actuellement, il n'y a pas de dépôt de cotisation anticipée, comme on pourrait entendre, qui soit suffisamment significatif pour qu'on en tienne compte à ce moment-ci.

M. Bourbeau: Donc, la CSD demande que les surplus d'actif soient distribués uniquement aux participants. Bien sûr, ce faisant, vous vous démarquez des mémoires des employeurs, de l'Alcan et de certains autres, évidemment, qui ne sont pas de cet avis. Vous vous démarquez même un peu de la CSN d'ailleurs, qui, ce matin, reconnaissait que dans certains cas - la CSN, dont faisait partie jadis notre ami, le député de Pointe-aux-Trembles - on pourrait permettre à l'employeur de prendre des congés de cotisation. Supposons que l'employeur, par exemple, était obligé, étant donné une conjoncture économique difficile, et supposons qu'il y a une conjoncture économique difficile et que le fonds de pension devient en déficit actuariel lors d'un test de solvabilité, on demande à l'employeur de faire des contributions additionnelles, la CSN reconnaissait que, dans ces cas-là, si le fonds redevient en excédent d'actif, on pourrait permettre à l'employeur de prendre des congés de cotisation. Est-ce que vous seriez d'accord avec cette proposition?

M. Gingras: Nous autres, on n'est pas d'accord que la loi prévoie qu'il puisse prendre des congés de cotisation. On est d'accord que les participants puissent regarder cette possibilité dans les mesures qu'ils peuvent prendre, à un moment donné, pour décider de l'utilisation des surplus. Mais ça devrait être les participants qui devraient prendre cette décision-là, ça ne devrait pas être un droit automatique de l'employeur de récupérer à même des surplus actuariels des sommes lui permettant quand même d'assurer la survie des entreprises. Or, on sait que la relance d'une entreprise, ça ne tient pas uniquement à l'injection de fonds qui pourraient provenir d'un surplus actuariel. Souvent, l'effort de relance d'une entreprise est beaucoup plus large que celui-là et s'il se résume uniquement à récupérer une partie des fonds pour assurer cette relance, c'est qu'à notre avis, tout ça doit faire partie de l'évaluation que les personnes vont avoir à faire des conditions sur lesquelles on va s'entendre pour assurer cette relance. Alors, il ne faut pas que ce soit à même du salaire différé des travailleurs qu'on permette à l'employeur unilatéralement de le faire. Alors, ce doit être une décision des participants de haut lieu de le récupérer ou de l'affecter en bénéfices additionnels. S'ils décident de l'octroyer, par une décision des participants, en congés de contribution, ce sera une décision des participants et non pas un droit inhérent et prévu par la loi, un droit pour les employeurs d'avoir droit au chapitre sur ces crédits-là.

M. Bourbeau: Vous nous demandez de faire beaucoup de chemin, quand on pense à ça. Le système dans lequel on est présentement, c'est un système qui fait en sorte que les employeurs seuls, la plupart des cas, ont décidé de mettre ; sur pied un régime de retraite. ;

M. Gingras:hum! voulez-vous que je vous

dise que, dans le vêtement, on est les seuls à avoir décidé de mettre un régime...

M. Bourbeau: Non, mais écoutez...

M. Gingras: ...ils font seulement que contribuer et c'est déjà beaucoup leur demander.

M. Bourbeau: Je dis dans la plupart des cas. Je reconnais qu'il y a des exceptions, mais traditionnellement, au Québec, ce sont les employeurs qui ont décidé de former des régimes de retraite parce que, quand même, ce n'est pas dans tous les cas qu'il y a des syndicats, ce n'est pas la majorité des cas, même. Et puis, après ça, les travailleurs, surtout quand il n'y pas le syndicat, adhèrent au régime. C'est l'employeur qui a mis sur pied le régime. D'ailleurs, c'est l'employeur qui peut aussi mettre fin au régime, dans presque tous les cas. Et ces régimes-là, dans la presque totalité des cas, enfin, dans un grand nombre de cas - je n'ai pas les statistiques, mais c'est peut-être 95 % des cas - les régimes disent que la propriété des excédents d'actif appartient à l'employeur. C'est la règle générale actuellement. Les excédents d'actif appartiennent à l'employeur en vertu du principe qui veut que l'employeur est responsable des déficits. Ça va ça, M. le Président? Confirmé par le président de la Régie, bon.

Alors, la grosse partie, la grande partie des régimes actuellement disent, par contrat convenu, soit qu'il y a un contrat d'adhésion quand l'employé vient travailler, ou un contrat quand ça a été convenu, disent que le patron ou l'employeur est responsable des déficits, donc les surplus devraient lui appartenir. Nous, le gouvernement, on est intervenu. On a gelé ça. On a dit: Bien, c'est peut-être comme ça dans les contrats, mais peut-être qu'il faudrait regarder ça un peu mieux. Ce n'est peut-être pas aussi évident que ça que les surplus devraient appartenir aux employeurs. Même si c'est marqué dans les contrats. On intervient, comme gouvernement, dans les contrats et on vient faire des changements. Et vous, vous nous dites: Intervenez encore bien plus. Revirez donc ça à l'envers complètement. Faites en sorte que non seulement ce ne sera même plus partagé entre les deux... Actuellement, c'est l'employeur seulement qui a les surplus. Nous, on dit: Peut-être que ça pourrait être partagé. Et vous, vous dites: Non, non, même pas de partage. Oui, on va partager. Oui, mais uniquement entre les participants, entre les retraités et les participants. L'employeur, sortez-le de là complètement. C'est tout un virage que vous nous demandez de faire là. C'est tout un virage!

M. Gingras: Ce n'est pas un virage, M. le ministre. Je pense qu'on a tenté dans notre mémoire de vous démontrer que la négociation d'un régime de retraite, ce n'est pas un cadeau de l'employeur. C'est le résultat d'une entente sur les conditions de travail qui prévalent dans un milieu de travail et souvent, pour acquérir ce droit à un régime de rentes, on est obligé de concéder du salaire, et ça, il faut négocier dans le champ pour savoir, quand on négocie un ensemble de conditions de travail, comment on est capable ou on est obligé de faire des compromis. Souvent, on a renoncé à une progression salariale, à une indexation salariale pour, justement, aller chercher des conditions comme un REER ou un régime de retraite, éventuellement, dans certains milieux de travail. Et ça, ça fait partie d'un ensemble qu'on négocie. Et ce n'est pas un cadeau qui est consenti nécessairement par l'employeur à ses salariés. Alors, lui, il peut évoquer, comme ça a déjà été à l'époque paternaliste des conditions de travail: Bien, venez travailler chez nous, vous allez bénéficier d'un régime de retraite style celui de Dominion Textile où l'employeur finançait l'ensemble du régime, mais qui donne des cotisations qu'on connaît aujourd'hui. S'il n'y avait pas le régime public pour permettre aux travailleuses et travailleurs de vivre un peu, je vous assure que ce n'est pas le régime de la DT qui leur permettrait de tirer leurs marrons du feu et puis de continuer à vivre, avec la situation économique qu'on leur impose ici. Alors, la réalité, c'est qu'il n'y a pas de cadeau là-dedans. Et puis, quand l'employeur, même chez DT, négociait des conventions collectives de travail, parce qu'il était l'unique participant au régime de retraite ou aux mesures de retraite qu'il devait assurer pour les travailleurs, c'est qu'à ce moment-là, il nous dit constamment dans sa négociation: Mais n'oubliez pas que je contribue à un régime de retraite. Et ça, ça fait partie du "package deal". Il ne faut jamais ignorer ça. Il ne faut jamais penser que c'est disconnecté de l'ensemble du traitement qui est accordé aux travailleuses et travailleurs. Alors, c'est pour ça que, quand on vous dit que ces sommes-là doivent être considérées comme appartenant aux travailleuses et travailleurs, c'est que, quand on négocie la contribution, qui génère ces surplus actuariels là? C'est que déjà, ça fait partie d'un consentement mutuel entre les groupes sur les conditions qui doivent prévaloir.

Un autre élément, c'est que, demain matin, si vous décidez d'établir des règles dans la loi qui consent une partie de ces surplus-là aux employeurs, vous venez à rencontre de la jurisprudence actuelle aussi. Il y a différents jugements qui sont rendus, tant en vertu de la "common law" que du Code civil au Québec, et qui disent d'une façon très claire que les surplus actuariels ne sont pas la propriété des employeurs, à moins qu'il n'y ait des conditions dans le régime qui prévoient qu'il y a un accès à ces surplus actuariels là. Et ça, c'est une constante et c'est une vision majoritaire des tribunaux actuellement, même si on n'a pas une

législation qui le dit d'une façon expresse. En fait, ces surplus-là sont des montants qui appartiennent aux travailleuses et aux travailleurs qui ont, comme condition de travail, obtenu le droit que les employeurs contribuent à des régimes et qui font aussi que ces travailleuses et travailleurs-là contribuent.

Un troisième argument que je veux vous soulever: Combien de régimes où on a fait état, justement, un bon régime paternaliste fait état qu'il existait une pension dans certaines entreprises - je pourrais vous en citer une qui est disparue, Kilgour, entre autres - qui était un gros employeur du meuble au Québec qui avait mis un régime de retraite de l'avant, qui avait même dans ce régime-là fait contribuer des travailleurs, mais quand on a fait l'examen de ce régime-là, c'est que l'employeur n'avait mis aucun argent de côté pour assurer les rentes justement des travailleurs qui avaient promis en vertu d'un régime où ils contribuaient unilatéralement. O. K. Et puis quand il a fait faillite au Québec, tous ces droits supposément à la retraite que les travailleurs avaient acquis pendant 40 ans de vie de travail pour cette entreprise-là sont disparus avec lui.

Alors, ça, c'est la situation qu'on a vécue dans les milieux de travail. C'est une situation qui va se corriger avec la nouvelle législation, mais c'est une situation qu'on a vécue. On s'est aperçu aussi qu'il y a beaucoup de régimes où on faisait accroire aux travailleurs, des régimes à participation qui étaient contrôlés par les employeurs et où on contribuait, les travailleurs et les employeurs. En fin de compte, avec la récupération des surplus actuariels à cause des contrôles très larges des réserves et tout ça puis des critères, les employeurs ont financé leur contribution à même justement les surplus actuariels dégagés des régimes. Ça aussi, on a vécu ça puis on vit encore ça dans les milieux de travail, au fur et à mesure qu'on possède l'information sur différents régimes.

Le Président (M. Joly): M. le ministre, dernière question. Réponse brève aussi.

M. Bourbeau: Vous reconnaîtrez, M. Gin-gras, quand même que nous avons amendé sérieusement l'ancienne loi. Nous l'avons modifiée, obligeant les employeurs, même dans les régimes à prestations déterminées, à effectuer des cotisations régulières. La nouvelle loi fait en sorte que l'employeur doit cotiser 50 % des crédits de rente chaque année. Maintenant, il ne peut pas prendre des congés de cotisation. Il est obligé de mettre sa contribution, il peut prendre des congés de cotisation, oui, s'il y a un surplus, mais il a un obligation maintenant de cotiser 50 % des crédits de rente. Nous avons modifié aussi les règles d'acquisition qui font en sorte qu'un travailleur ne peut plus se faire déposséder de son capital après neuf ans de travail parce qu'il n'a pas atteint l'âge de 45 ans. Dorénavant, après deux ans de participation dans l'entreprise et une année de cotisation, il a le droit à la rente déjà pour le travailleur. La nouvelle loi que nous avons passée améliore d'une façon importante le comité de retraite obligatoire, l'assemblée annuelle.

Bref, je pense que les travailleurs vont être pas mal plus protégés avec la nouvelle loi qu'ils ne l'ont été dans le passé et dans ce sens-là, je pense que vous reconnaîtrez que le gouvernement a fait un effort considérable pour améliorer le système. On ne devrait plus retrouver dorénavant d'incongruités comme celles dont vous venez de parler ou d'injustices. Même les surplus actuariels ne devraient pas être dégagés à l'avenir autant qu'auparavant puisque les travailleurs auront droit, s'ils quittent l'employeur, d'apporter avec eux leur capital. Les intérêts devront leur être comptés jusque... Les intérêts qu'ils pourront apporter avec eux, c'est l'intérêt moyen généré par la caisse, ce qui est quand même plus important. La part de l'employeur, ils pourront l'emporter avec eux aussi. Bref, je pense que le nouveau système va être d'une façon importante beaucoup plus équitable pour les travaieurs et devrait mettre fin à tous les problèmes à peu près dont on a parlé précédemment.

Le Président (M. Joly): M. Gingras, un dernier commentaire bref, s'il vous plaît.

M. Gingras: Oui. Il est sûr que les modifications qui ont été apportées par la loi 116, c'est un pas dans le bon sens, mais on ne peut pas présumer quand même que ça a répondu à tous les objectifs que pouvaient avoir les travailleurs parce que ce n'est pas par la loi 116 qu'on a assuré une gestion paritaire quand même, au moins la gestion paritaire des régimes. On a assuré une participation des travailleurs, c'est tout ce qu'on a fait. On ne leur a pas donné plus de contrôle sur les régimes. La seule chose, c'est qu'on a préservé leurs actifs un petit peu mieux qu'ils n'étaient préservés auparavant. Ça, je vous concède ça.

M. Bourbeau: Plus de contrôle aussi.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît! Merci. Alors, vous pourrez peut-être donner un complément de réponse sur le temps du député de l'Opposition. Alors, je reconnais maintenant le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue aux personnes de la CSD qui sont ici et confier à M. Gingras en particulier que ça m'a fait tout drôle, tout à l'heure, d'entendre le ministre dire: L'intérêt des syndicats pour les caisses de retraite est récent, parce que voyez-vous, j'ai connu M. Gingras - il n'y a pas de scandale à le dire - en 1965, à la

CSN. À l'époque, la Fédération du vêtement, c'était il y a 26 ans et la Fédération administrait son propre régime de retraite depuis 25 ans. Alors, l'intérêt de la Fédération nationale des travailleurs du vêtement de la CSD pour les régimes de retraite est récent, ça ne date que de 51 ans, mais c'est pas pire et il faudrait cesser...

M. Gingras: II y a un peu d'ancienneté, oui, comme vous dites. (18 h 15)

M. Bourdon: Oui, il y a un peu d'ancienneté. Les travailleurs industriels ont toujours été intéressés aux caisses de retraite, ça s'est toujours négocié aux tables. Je n'aime pas ça entendre le ministre dire ça. Il a tout mon respect puis toute mon estime par ailleurs, mais il ne faut pas réécrire l'histoire. Les travailleurs s'occupent de ça depuis à peu près un siècle que les organisations syndicales existent. En France, au début du siècle, les mutuelles se sont fondées en même temps que les organisations syndicales, et les mutuelles s'occupaient d'assurance et de caisse de retraite pour se mettre de l'argent de côté pour nos vieux jours. De la part du ministre, ce n'est pas de la mauvaise volonté, il est encore, lui, contrairement à moi et M. Gingras, dans sa prime jeunesse, puis il y a des affaires qu'il ignore.

Par ailleurs, je tiens à vous dire que, quant à nous, de l'Opposition officielle, on est entièrement d'accord avec ce que vous dites sur la disposition des suppléments d'actif ' qui ont été accumulés, parce qu'ils ont été accumulés entre autres à cause de la hausse phénoménale des taux d'intérêt. Il faudrait rappeler, M. le Président, que depuis une dizaine d'années, ce sont des taux usuraires qui se pratiquent dans les emprunts et les hypothèques. On est à 7 % ou 8 % au-delà de l'inflation. Le loyer de l'argent est élevé, il ne faudrait pas que les membres de la CSD ne profitent pas des taux d'intérêt quand ça s'applique à leur fonds de pension, et se bornent à le payer quand ils acquittent leur hypothèque ou leur emprunt de consommation. À cet égard, dans le document du ministre, dont Jean Francoeur, du Devoir, a dit qu'il était frauduleux dans son titre, parce que ça dit: "Le partage équitable des excédents d'actif". On dit, à la page 10, M. le Président: "En 1975, le gouvernement introduisit une disposition dans la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes prévoyant qu'il ne pouvait y avoir retour à l'employeur d'aucune partie de la caisse, sauf à la terminaison totale du régime après acquittement de tous les crédits de rente. Pour les régimes qui n'établissaient pas la propriété de l'excédent d'actif de façon explicite, le législateur détermina que l'excédent appartenait aux participants et qu'il devait être réparti au prorata de leurs crédits de rente."

Donc, on est parti d'une situation législative où il n'y a qu'à la terminaison d'une caisse de retraite que l'employeur pouvait faire la passe à la Singer, puis à la Simonds, et d'autres, ou si c'était prévu dans leur contrat. Ce que le ministre nous propose, c'est qu'en tout temps puis une fois par année, l'employeur s'approprie les excédents d'actif, dont je suis d'accord avec la CSD pour dire qu'ils appartiennent aux travailleurs. Et, dans ce sens-là, je ne peux que souscrire à la première phrase de votre mémoire, et je cite: "II y a un principe qui dit qu'on ne corrige pas une injustice en en commettant une autre." Dans ce sens-là, je pense, moi, qu'on est devant un document qui est correct au niveau des principes au début, mais quand ça vient à l'application, là, ça crée des problèmes, parce que les suppléments d'actif, je suis parfaitement d'accord avec vous, appartiennent aux participants. C'est eux autres qui les ont constitués, directement ou indirectement. J'écoutais parler M. Gingras tout à l'heure puis, bon, ça m'a rappelé des souvenirs de quand je négociais. Les employeurs négocient chaque sou, et ce qu'ils mettent dans le fonds de pension, ils ne le mettent pas ailleurs. Puis quand ce n'est pas un endroit syndiqué, c'est unilatéral en plus, alors c'est sûr que c'est du salaire différé, parce qu'ils décident à leur gré. Ce qu'ils mettent là, ils ne le mettent pas à l'autre endroit.

J'aurais une question sur la page 12 de votre mémoire, juste vérifier, M. Gingras, si je comprends bien. Vous dites, au deuxième paragraphe: "Nous sommes d'accord avec la proposition d'une réserve de sécurité, égale à 25 % du passif du régime déterminé". Vous dites: "Au-delà de cette réserve, les excédents d'actif devraient être distribués entre les participants". Un peu plus loin, vous dites: "De plus, pour assurer une plus grande protection aux travailleurs et travailleuses, la CSD recommande qu'une réserve minimale égale à 10 % du passif du régime (...) soit constituée avant d'envisager toute amélioration du régime de retraite." Je veux juste vérifier si j'ai bien compris, parce que j'ai le processus mental lent, par moment. Est-ce que je comprends bien que vous dites: D'abord, une première réserve de 10 % avant de toucher au régime, même pour le bonifier? Si on atteint 10 % et au-delà, on peut bonifier le régime. C'est changer l'âge de l'admissibilité, favoriser les préretraites, bonifier, qu'on appelle en générai. Puis, vous dites: Donc, les parties s'entendent. Puis je suis d'accord avec votre logique du contrat et le Barreau du Québec est d'accord avec vous. C'est peut-être la première fois que le Barreau, qui représente les avocats, est d'accord avec la CSD ou d'autres organisations syndicales. Ça mérite d'être dit. Et vous dites: Rendu à 25 % - si on l'a laissé aller jusqu'à 25 % - l'excédent devrait être distribué aux participants. Est-ce que je comprends bien?

M. Gingras: Vous avez une excellente compréhension de notre proposition. C'est qu'on

dit, nous autres...

M. Bourdon: Ça me rassure.

M. Gingras: Ahl oui. De toute façon, on dit: On le partage quand même, le risque. On a expliqué, quand même, que dans la vie courante, dans le quotidien de ce qu'on a à traiter comme dossiers, et quand il se présente un problème de déficit actuariel, vous n'avez pas besoin de penser que l'employeur assume ça en catimini sans en parler à personne. Je pense que ce n'est jamais arrivé, a notre connaissance, qu'un employeur ait subi un déficit actuariel dans un régime de retraite, entre autres.

M. Bourdon: Puis qu'il ne l'a pas dit à personne.

M. Gingras: Et quand c'est arrivé, exceptionnellement, ça ne s'est pas réglé à même une contribution uniquement de la poche de l'employeur. Il faut s'enlever ça de la tête, ce n'est pas comme ça que les affaires se règlent dans le quotidien des relations de travail. Souvent, quand il y a eu des déficits actuariels, ça a mis plutôt en cause la poursuite des régimes. Ça n'a pas été compliqué, c'est que l'employeur dit: Bon, bien, j'ai un choix: je mets fin au régime ou bien on s'ajuste pour essayer de voir comment on va remplir les obligations financières du régime. Ce n'est pas compliqué, c'est comme ça que les affaires se règlent. Alors, c'est pour ça que nous autres, on dit: Comme on assume déjà ce risque-là, comme on le partage déjà quand il y a un déficit actuariel... On dit: Non, les excédents d'actif, premièrement... c'est-à-dire, les excédents actuariels... on doit quand même garder une réserve potentielle qui va faire en sorte de protéger le régime, protéger sa survie et faire en sorte que s'il y a des périodes plus difficiles, on puisse les éponger, à un moment donné, parce que ce sont souvent des périodes temporaires qui ne mettront pas nécessairement en cause la survie du régime. Alors, qu'on se garde ces réserves-là parce que, de toute façon, on y contribue. Il ne faut pas se leurrer, il ne faut pas se conter d'histoires: ça ne sort pas uniquement et habituellement pas de la poche des employeurs. Alors, dans ce sens-là, c'est notre compréhension: plus que 10 %, on le partage, on décide d'en disposer; moins de 10 %, on le garde en réserve parce que je pense que c'est absolu. Si on ne fait pas ça, on met en cause la survie de plusieurs régimes de retraite et je pense que ça ne devrait pas être une orientation qu'on retienne à ce moment-ci. Puis, quand on est rendu à 25 %, bien, c'est clair qu'il faut faire une bonification ou un partage, c'est-à-dire qu'on redistribue les suppléments.

Le Président (M. Joly): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je veux revenir aussi sur les circonstances précises où l'employeur pourrait prendre un congé de cotisation tel qu'exprimé dans le mémoire de la CSN. Juste pour dire... Je ne veux pas faire le médiateur, là, c'est un vieux divorce et ça ne sert à rien de revenir là-dessus. La CSN nous disait: "En tout état de cause, que les employés soient syndiqués ou pas, c'est un contrat et toute modification devrait faire l'objet d'une entente entre l'employeur et les employés, syndiqués ou pas." Là-dessus, ils vous rejoignaient. Ils ajoutaient cependant: "II pourrait y avoir un congé de cotisation quand l'employeur aurait eu à faire face à un déficit imprévu." Et Ils insistaient sur le mot "imprévu". Parce qu'il y a des régimes, des fois, où on décide conjointement qu'il va y avoir un déficit pendant trois ans, mais que le régime est capable de le payer à terme et puis que ce n'est pas grave. Je ne pense pas que de vous le dire, ça vous rende d'accord, mais il me semblait que le ministre prenait des petits raccourcis dans sa façon de vous l'exprimer.

Une autre chose qui nous a été dite par des organismes qui sont venus ici, c'est l'usage abusif, lors d'une terminaison de caisse de retraite, qui est fait des prestations de retraite. Je vous donne l'exemple, là. On termine une caisse de retraite et on donne le pourcentage prévu pour le revenu actuel de la personne et non pas le pourcentage prévu de ce que pourra être le revenu de cette personne-là 10 ans plus tard, par hypothèse, à l'âge de sa retraite. Est-ce que c'est une question qui vous préoccupe? Il y a une actuaire qui nous a dit que ça pouvait faire des montants très importants et que ça contribuait à former des surplus.

M. Gingras: Oui, c'est évident que quand on... Tous les critères qu'on utilise pour faire, justement, les déboursés des régimes, toutes les façons... les conditions qui prévalent dans ces régimes-là ont une influence pour dégager un surplus actuariel. Comme je vous disais tout à l'heure, l'époque de la crise de 1982 où un nombre important de travailleuses et travailleurs ont perdu leur emploi, il ne faut pas penser qu'ils ont récupéré la participation de l'employeur dans ces régimes-là. Beaucoup de ces régimes-là, ça a été une perte totale pour les salariés qui ont été mis à pied et non réembauchés dans ces entreprises-là. Ils ont perdu, pendant toute la période pendant laquelle ils avaient contribué, la participation de l'employeur dans plusieurs cas parce qu'ils n'avaient pas acquis te droit à la rente et ils n'avaient pas acquis le droit sur la participation de l'employeur de quelque façon que ce soit dans les régimes de retraite.

Alors ce phénomème, ces mises à pied considérables ont eu pour effet de générer des surplus, justement des surplus de caisse, qu'on parie de redistribuer aux employeurs maintenant.

Mais je ne suis pas certain que ce sont des surplus qui appartiennent aux employeurs. Ce sont des contributions qui devaient appartenir à des travailleurs, qui sont restées dans ces fonds-là et qu'on propose de partager parmi les employeurs maintenant. Et ça, c'est là-dessus qu'on n'est pas d'accord, pas du tout.

M. Bourbeau: Je vais vous citer, M. Gingras, un extrait de mémoire où on dit: «Lors de la liquidation d'un tel régime - on parle d'un régime fin de carrière - la législation actuelle permet de baser les rentes sur le salaire courant à la date de liquidation plutôt que sur le salaire projeté à la date présumée de la retraite.» Et on ajoute: «Cela peut représenter une réduction de 40 % à 60 % des rentes promises, ce qui dégage des excédents substantiels qui, souvent, reviennent à l'employeur.»

Je peux comprendre que si j'ai atteint 50 ans et que j'ai droit théoriquement à X % par année de service de rente et qu'on me l'applique à mon salaire de cette année, c'est bien moins cher que le même pourcentage dans 10 ans, quand j'atteindrai l'âge normal de la retraite en supposant qu'il a été fait à 60 ans. Mais quel que soit le bord où on prend ça...et le ministre, je pense, défend encore ça, il y a des employeurs... Il défend ça en partie. Avec la loi 116, il a resserré les règles et puis les règles, les normes actuarielles vont être resserrées encore. Mais il y a un côté où je vous rejoins avec Dominion Textile, il y a un côté qu'on a joué aux travailleurs l'affaire du terrain en Floride qui prendrait de la valeur sans leur dire que c'était une «swamp», le terrain, et qu'il n'y avait pas d'orangeraie dessus.

C'est tragique de rencontrer des personnes qui vous disent: Bien, M. Bourdon, Dominion Textile, ils me disaient que j'avais une retraite de... et quand j'ai vérifié, j'ai 102 $ par mois. Et là, c'est l'aide sociale et d'autres programmes publics qui prennent le relais. Êtes-vous d'accord avec l'idée que si on bonifie et qu'on met de côté les propositions du ministre de laisser les compagnies partir avec l'argent, que si on bonifie les régimes supplémentaires de retraite, ce sont les fonds publics qui vont s'en trouver mieux en bout de ligne parce qu'il y aurait moins d'aide publique à donner aux aînés? Est-ce vous êtes d'accord avec ça?

M. Gingras: C'est évident que plus on permettra une meilleure utilisation des sommes dans les régimes complémentaires de retraite pour assurer une véritable retraite aux travailleuses et travailleurs, plus on diminuera quand même l'impact des régimes sociaux à l'endroit de ces travailleuses et travailleurs-là. C'est élémentaire, je pense qu'on est convaincu de ça. Et comme on nous prédit que les régimes publics ne rencontreront probablement pas toutes les obligations dans les années à venir si on ne donne pas un sérieux coup de barre, il devient doublement important pour, je pense, assurer l'avenir économique des futurs retraités, qu'on prenne les bonnes décisions à ce moment-ci et je pense que c'est crucial qu'on le fasse.

M. Bourdon: Alors, rapidement, M. le Président, je voudrais remercier la CSD, lui dire que moi, je suis convaincu de ce qu'elle avance et on va essayer de convaincre le ministre de ce que la CSD demande.

Le Président (M. Joly): M. le ministre, le mot de la fin.

M. Gingras: M. le Président, juste avant de quitter, permettez-moi de poser...

Le Président (M. Joly): Je vous avais donné la parole comme dernier intervenant.

M. Gingras: Juste une petite question au ministre. Ce qui nous préoccupe énormément, c'est que dans...

Le Président (M. Joly): Rapidement, s'il vous plaît, M. Gingras. Parce qu'on a déjà...

M. Gingras: Oui. Dans le document d'orientation, ce qui nous préoccupe énormément, c'est qu'il y a plusieurs régimes qui sont totalement administrés par les travailleurs, actuellement. L'employeur ne fait que...

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y en a beaucoup? Le président me dit qu'il n'y en a pas beaucoup.

M. Gingras: Oui, on en a. Nous autres, je dois vous dire une chose, je peux vous en citer quelques-uns où on administre totalement... L'employeur ne fait que contribuer dans le régime et l'administration totale de ces régimes-là... Entre autres, on en a un gros ici, dans la région de Québec...

M. Bourbeau: Qui est responsable, dans ce cas-là, des déficits?

M. Gingras: C'est nous autres qui assumons nos risques. Si la cotisation n'est pas suffisante pour répondre au besoin des prestations qui sont déterminées dans le régime, on va ajuster les sommes nécessaires pour y arriver. Ça, c'est clair, c'est notre responsabilité. On va la négocier, on va négocier ce partage-là avec les employeurs. Mais tout ce qu'on fait avec eux, c'est qu'on ne leur demande pas d'assurer un déficit, c'est qu'on leur demande d'assurer une participation équitable pour assurer une rente...

M. Bourbeau: Ce sont des régimes à cotisation déterminée, non pas à prestations déterminées alors.

M. Gingras: Ça peut être les deux. Je vais vous dire une chose, ça peut être les deux: ce sont des régimes à prestations déterminées et à cotisation déterminée.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Je me dois de demander le mot de la fin à M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, on pourra reprendre... Je rencontre M. Gingras assez souvent, on pourra reprendre la discussion. Je fais un commentaire et je conclus. Quand j'ai dit tantôt, personnellement, que certains syndicats, leur intérêt pour les fonds de pension était plutôt récent, je me basais sur des déclarations que m'ont faites certains leaders syndicaux - mais je dois reconnaître que ce n'est pas la CSD - à l'effet que jusqu'à il y a quelques années, ce n'était pas une grande préoccupation de plusieurs syndicats en tout cas, lors des négociations de salaires, que d'insister auprès des travailleurs pour qu'ils mettent de l'argent dans un fonds de pension. On préconisait des batailles plutôt sur le plan du salaire que sur le plan des fonds de pension. Maintenant, manifestement, ça ne semble pas être le cas de la CSD, mais je le tiens parce que j'ai eu des confidences de chefs syndicaux qui m'ont dit: C'est vrai, dans le passé, on ne s'est peut-être pas assez préoccupé des fonds de pension, on poussait plus pour du salaire que pour des fonds de pension. C'est à la suite de ça que j'ai fait la remarque que j'ai faite.

Alors, M. Gingras, Mmes et MM. de la CSD, il nous a fait plaisir de vous recevoir; ç'a été un débat très animé, très vigoureux, très intéressant. Je peux vous dire que les recommandations que vous faites, on en prend note. Je ne sais pas si on pourra vous contenter à 100 %, mais certainement qu'on va en tenir compte. On va certainement réfléchir profondément sur les arguments que vous avez développés. On vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, au nom des membres de la commission, M. Gingras et votre groupe. Il me fait plaisir de vous saluer et de dire que nous avons apprécié votre présentation. Alors, nous ajournons à demain, le jeudi 14 mars, à 9 h 30 précises, de 9 h 30 à 12 h 30. S'il vous plaît, on apprécierait si on pouvait se discipliner et être à 9 h 30 précises, autrement, on prend de l'arrérage et on bouscule. Merci beaucoup, à demain.

(Fin de la séance à 18 h 33)

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