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(Neuf heures cinquante-cinq minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour tout le monde. Nous allons
ouvrir cette commission. D'ailleurs, je vous rappelle le mandat de la
commission. Je m'excuse, M. le député, s'il vous plaît! La
commission des affaires sociales se réunit afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 97, qui est la
Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions
législatives.
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements, s'il
vous plaît?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chevrette
(Joliette) sera remplacé par M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles); Mme
Marois (Taillon) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la secrétaire.
Lorsque nous avons terminé nos travaux, hier soir, nous en étions
encore aux remarques préliminaires. Il restait quelques minutes à
une des parlementaires et je remarque qu'on me fait mention... Je pense qu'on
voudrait clore le droit de parole qui nous est donné au niveau, disons,
des remarques préliminaires. Alors, j'en suis rendu aux motions
préliminaires. Est-ce qu'il y a des motions préliminaires?
M. Bourbeau: Non, M. le Président. M. Trudel: Alors, M. le
Président...
Le Président (M. Joly): Merci. Donc, nous allons appeler
le projet de loi.
M. Trudel: M. le Président...
Le Président (M. Joly): Non? Est-ce qu'il y a des
objections?
M. Trudel: II n'y a absolument pas d'objection, M. le
Président. Il y a seulement quelques petites choses à
présenter. Alors, M. le Président, nous avons rappelé dans
les préliminaires, hier, l'importance de ce projet de loi quant au
nombre de personnes qu'il touche. Je faisais mention moi-même, dans les
remarques préliminaires, que nous étions, par comparaison, a
écrire la convention collective - une grande convention collective - qui
peut toucher jusqu'à 1 000 000 de personnes et qu'il fallait être
attentif à un ensemble de dispositions qui vont affecter ces
travailleurs et ces travailleuses. Et c'est dans ce contexte-là, M. le
Président, que, malgré le fait que... Même en tenant compte
du fait qu'il y a eu des auditions préliminaires sur l'avant-projet de
loi, des consultations sur l'avant-projet de loi, nous avons droit aujourd'hui,
en termes de présentation du projet de loi, à un projet
amélioré. Mais certains groupes ont déjà
manifesté un certain nombre d'éléments qu'il importerait
de traiter ou de discuter à fond parce que - on l'a dit aussi et il faut
le répéter -ça fait 11 ans maintenant qu'on n'a pas
révisé cette loi des normes minimales du travail.
Motion proposant d'entendre la Commission des droits
de la personne
En conséquence, j'aimerais proposer, M. le Président, en
vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, que la
commission permanente des affaires sociales tienne, avant d'entreprendre
l'étude détaillée du projet de loi 97 sur la Loi modifiant
la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives,
des consultations particulières et non pas, évidemment, des
consultations générales, quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin la commission entende la Commission des
droits de la personne qui, en vertu de son mandat, est chargée d'aviser
le législateur en matière de législation pour assurer
l'égalité des droits, la protection des personnes qui sont
visées par le projet de loi. Voilà, M. le Président, la
motion que je voulais présenter ce matin. Je vais d'abord attendre. Si
vous la jugez recevable, j'aurai quelques arguments à présenter,
si tel était le cas.
Le Président (M. Joly): Oui, si vous vouiez bien
déposer votre motion, M. le député, il me fera plaisir de
regarder la recevabilité.
M. Bourbeau: Est-ce qu'on pourrait en avoir des copies, M. le
Président?
Le Président (M. Joly): sûrement, m. le ministre. on
va s'enquérir et faire en sorte de faire les reproductions d'usage. nous
allons les faire circuler, pour les membres...
M. Bourbeau: Pour les faire étudier par nos conseillers
juridiques.
Le Président (M. Joly): ...de cette commission.
M. Trudel: Allez-vous suspendre la séance pour
délibérer, M. le Président?
Le Président (M. Joly): Voici. La motion semble en bonne
et due forme. Elle semble recevable. Donc, en vertu de l'article 244 auquel
vous faisiez allusion, M. le député, comme vous êtes
l'auteur, vous avez un droit de parole de 30 minutes. Après, tous les
autres députés qui voudront bien intervenir auront un droit de
parole de 10 minutes. C'est 30 minutes que vous avez et, M. le ministre, vous
avez aussi un droit de réplique de 30 minutes. Mais je tiens à
souligner que vous n'êtes pas obligé de prendre les 30 minutes. M.
le député.
M. Trudel: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): II me fait plaisir.. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témlscamingue, pour les fins du
Journal des débats.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président, et merci de ces
précisions sur l'utilisation du temps qui est à la disposition
des parlementaires. C'est très précieux que chacun soit
informé de ses droits, ici comme ailleurs. C'est
précisément pourquoi je présente cette motion ce matin.
Quelques mots pour dire simplement qu'il ne s'agit pas uniquement de mesures
dilatoires. Il ne s'agit pas uniquement, dans le langage parlementaire ou quant
à certaines coutumes parlementaires, de dire: Ce projet de loi est
Important et nous aHons faire du temps ou nous allons utiliser cette pratique
souvent qualifiée comme étant un laibuster". Tel n'est pas
l'objectif de l'Opposition, ici, M. le Président.
Cependant, compte tenu de l'importance de ce projet de loi, il Importe
que nous soyons en mesure d'examiner très minutieusement chacune des
dispositions des articles qui y sont présentés. Parce que la
Commission des droits de la personne, que le législateur a voulu mettre
sur pied au Québec, exerce maintenant ses responsabilités au
Québec. Or, précisément, dans son mandat, dans la loi
constitutive de la Commission des droits de la personne, aux articles 66 et 67,
H est bien mentionné que la Commission a d'abord comme
responsabilité de faire en sorte que les droits qui sont inscrits dans
nos lois et dans nos chartes fondamentales au Québec soient
respectés et qu'on puisse faire appel à la Commission pour les
faire respecter. Mais aussi, un des devoirs de la Commission, c'est de faire en
sorte que les mesures législatives qui sont présentées
à l'Assemblée nationale aient pour effet de protéger
toutes les personnes et qu'on puisse y retrouver les principes
d'égalité et de possibilité d'avoir les recours
nécessaires pour faire exercer ces droits dans un quelconque projet de
loi.
C'est à cet égard que la Commission des droits de la
personne a déjà eu l'occasion de se pencher sur le projet de loi
qui est devant nous. Nous pensons qu'il serait éminemment utile
d'entendre les membres de la Commission des droits de la personne pour qu'Us
puissent nous faire, en quelque sorte, l'analyse des différents
dispositifs du projet de loi qui, en soi, sans pouvoir affirmer qu'ils
contreviennent à la Charte des droits et libertés, n'y
contribuent pas de façon extrêmement claire en termes
d'égalité des droits et excluent un certain nombre de personnes
au niveau de l'application de ces normes minimales du travail.
Je rappelais hier soir, dans les remarques préliminaires, M. le
ministre, qu'il faut être attentif au fait que toute personne qui fournit
une prestation de travail en retour d'une prestation employeur - prestation
salariale - doit être affectée ou doit être soumise à
ces normes minimales. Dès le moment où nous présentons un
projet de loi ou que nous nous apprêtons à adopter une loi pour
inscrire dans notre législation, dans le corpus des lois du
Québec, les droits fondamentaux de tous les travailleurs et
travailleuses, eh bien, il faut voir très minutieusement s'il n'y a pas
là des exclusions, par ailleurs, s'il y a des gens qui sont exclus de ce
projet de loi et si l'universalité de l'application à tous ceux
et celles qui fournissent une prestation de travail est vraiment
respectée ou incluse dans le projet de loi. On se rendra compte assez
rapidement qu'il y a un certain nombre de problèmes et la Commission des
droits de la personne pourrait nous éclairer à cet égard,
si nous pouvions l'entendre dans une discussion particulière avec les
membres de la commission des affaires sociales, ici.
Des exclusions, M. le Président, parce que déjà,
à l'article 2 du projet de loi, toute la situation de ce que celles -
parce que ça concerne surtout les femmes - que l'on dénom me, en
termes de statut, les gardiennes, qui vont intervenir dans les familles pour la
garde des enfants, soit à temps plein, soit à temps partiel, on
peut comprendre que, pour ces gens qui fournissent aussi une prestation de
travail, il y ait un certain nombre de difficultés d'application de la
loi. Mais à notre avis - et nous aimerions bien entendre la Commission
des droits de la personne là-dessus - si nous travaillons sur un projet,
encore une fois, des lois minimales qui doivent s'appliquer à toute
personne qui fournit une prestation de travail, pourquoi, au départ,
dans la loi, exdure une certaine catégorie de personnes qui fournissent
une prestation de travail ou pourquoi exclure un certain nombre de droits qui
s'appliquent à certaines catégories de personnes?
Il aurait été certainement très mal vu - c'est le
moins que l'on puisse dire - si, dans la Charte des droits et libertés
de la personne, au Québec, nous nous étions mis, au moment de la
discussion, à prévoir des exceptions pour certaines
catégories de personnes. Il existe de ces droits fondamentaux qui font
en sorte que des sociétés, comme la société
québécoise, se donnent, à un certain moment de leur
évolution, un certain nombre de règles fondamentales qui
s'appliquent sans égard au statut social, sans égard à
la condition des personnes parce que, comme société
évoluée, nous disons, nous affirmons, de par l'institution
suprême qui s'appelle le Parlement de la nation, que nous nous donnons
des règles fondamentales, des principes fondamentaux qui disent:
Personne ne peut être exclu de l'exercice ou personne ne doit être
exclu d'un certain nombre de droits que nous retrouvons dans une
société. Et ces droits-là, nous allons les
énumérer dans une charte. À cet égard, on peut
aussi continuer la comparaison, même si toutes les comparaisons clochent
parfois quelque peu. Mais c'est ça, c'est là-dessus que nous
travaillons ce matin. C'est la charte des droits minimaux pour les personnes
qui ne sont pas regroupées dans des organisations et qui n'ont pas
réussi - par le principe de la négociation, en vertu d'une autre
loi qui s'appelle le Code du travail - ou qui ne sont pas dans une situation de
négocier une convention de travail qui vaut pour tous les travailleurs
de l'unité concernée, ce qu'on appelle la convention
collective.
Alors, le principe de l'universalité d'une loi, il est
fondamental lorsqu'on est en train de discuter, lorsqu'on est en train de
préparer les règles fondamentales qui vont s'appliquer à
tous ceux et celles qui fournissent une prestation de travail. Dans le cas de
la loi ici, il est nommément mentionné que nous allons exclure ce
qu'on appelle les gardiennes, les personnes qui sont affectées à
la garde des enfants dans le milieu familial. On comprend facilement qu'il y a
un certain nombre de grandes difficultés dans l'application parce que ce
corps - si on peut employer le mot - de travailleurs et surtout de
travailleuses prend différentes formes qui sont difficilement
saisissables. C'est-à-dire de la personne jeune - disons, pour prendre
le terme qui nous amène le plus près de la réalité
- qui va être appelée a garder - selon le terme usuel - les
enfants à la maison jusqu'aux personnes qui sont de type domestique dans
la famille et qui sont affectées à la garde des enfants, mais
aussi à d'autres travaux.
Mais ne prenons que la dimension de la garde des enfants et, on le sait,
dans ce secteur, c'est particulièrement difficile pour les personnes de
faire valoir leurs droits. Et il y a un certain nombre d'exclusions dans la
loi, ici, pour ces personnes. Et là, je parle uniquement de celles qui
sont principalement consacrées à la garde des enfants. Encore
là, si on ne peut pas y inclure toute la catégorie des
domestiques comme étant couverte par la loi, toute la difficulté
introduite par le fait des exclusions d'un certain nombre de personnes
crée de la confusion. Et si on dit que la Loi sur les normes minimales
du travail couvre les personnes qui sont le moins bien organisées et qui
ont le plus de difficultés à faire valoir leurs droits, c'est un
euphémisme. C'est la loi de La Palice de le dire. Nous avons besoin
d'une loi des normes minimales du travail parce que certaines personnes ne sont
pas couvertes par des conventions de travail; et la volonté du
législateur, c'est de protéger ces personnes. Dans le cas des
personnes domestiques, des gardiennes d'enfants, ces personnes sont
probablement les plus vulnérables parmi la catégorie de personnes
que nous voulons protéger, pour lesquelles nous voulons exercer ou faire
en sorte qu'elles puissent exercer leurs droits en rapport avec la prestation
de travail qu'elles fournissent à un employeur, qu'elles fournissent
à une personne en retour d'une prestation salariale. Alors, dès
le moment où l'État, dans une loi fondamentale, en regard du
travail ici, exclut des personnes, eh bien, on ouvre la porte à toutes
sortes d'interprétations et de difficultés d'application pour les
personnes concernées.
Le même problème se présente avec les travailleurs
agricoles qui ne seront pas soumis, en vertu des dispositions de la loi ici,
à toutes les normes du travail comprises dans la loi qui sera
éventuellement adoptée. Parce que, probablement, ce sont les
seuls motifs qui puissent nous expliquer pourquoi il a été
décidé que les travailleurs agricoles seraient exclus de
certaines catégories de normes minimales du travail. Parce qu'il y a
probablement un problème économique pour les employeurs qui sont
les producteurs, les exploitants d'une ferme ou des exploitants agricoles. Mais
ça, ce n'est pas une raison qui puisse justifier que le
législateur exclue des personnes de l'application d'une charte qui, en
principe, s'applique évidemment à tout le monde. Parce que
l'État dispose, par ailleurs, d'autres moyens pour rendre la condition
de ces personnes économiquement acceptable dans notre
société. Et je ne suis pas en train d'affirmer
l'universalité de l'application des normes minimales du travail. En ce
qui concerne les travailleurs agricoles, ces normes doivent
nécessairement s'accompagner d'une loi de sécurité du
revenu. Ce que nous disons et ce que la Commission des droits de la personne
pourrait venir nous expliquer en détail et avec force arguments ici,
devant, cette commission, c'est: l'État a d'autres moyens, l'État
a d'autres possibilités. Ça, c'est la volonté du
législateur d'exercer... de faire en sorte que le moyen existe ou qu'il
n'existe pas. Mais il a d'autres possibilités de redresser la situation
des gens qui ont à fournir la prestation-salaire, compte tenu de leurs
conditions économiques, pour faire en sorte que les personnes qui sont
en situation de travail et qui fournissent la prestation-travail puissent jouir
des mêmes droits fondamentaux que toute autre personne qui fournit une
prestation-travail dans une quelconque entreprise. De faire en sorte qu'au
départ, la loi exclue une certaine catégorie de personnes, pour
notre formation politique, pour la Commission des droits de la personne, en
vertu des grands principes de la Charte des droits et libertés que nous
nous sommes donnée au Québec, eh bien, ça heurte,
oui, ça heurte un des principes les plus fondamentaux de notre
Charte, c'est-à-dire l'égalité, l'égalité
des personnes en termes de droits qu'ils peuvent exercer, auxquels ils peuvent
faire appel dans notre société. Donc, des exclusions qui
entachent le principe de l'universalité quant à certaines
catégories de personnes. (10 h 15)
D'autres dispositifs de la loi ne prennent pas suffisamment en compte la
condition des personnes pour exercer, précisément, les droits qui
sont prévus et qui seront adoptés au terme du processus
législatif, en vertu du projet de Loi sur les normes minimales du
travail. Par exemple, le ministre aura... Et les gens qui entourent le ministre
et qui ont préparé ce projet de Loi n'ont pas, à notre
avis... Et là encore, la Commission des droits de la personne pourrait
nous éclairer là-dessus d'une façon marquée, quant
à certaines autres catégories de personnes qui sont exclues de
l'exercice des droits prévus à la Loi sur les normes minimales du
travail. Quand, par exemple, les conjoints - à la définition de
la notion de "conjoint" qui peut exercer ou qui... Ces conjoints qui ont un
certain nombre de drois en regard par exemple, de certains droits parentaux ou
encore certains droits que nous pourrions qualifier de type familial,
c'est-à-dire... Il y a des articles qui concernent les congés qui
doivent être accordés à un certain nombre de personnes dans
certaines circonstances comme: les décès, la maladie, la
nécessité de disposer d'un certain nombre d'heures, d'un certain
nombre de journées pour prendre soin ou vaquer à certaines
occupations de type familial. La définition... La Commission des droits
de la personne du Québec est très critique à cet
égard-là. Et il serait éminemment utile, encore une fois,
comme nous regardons les droits qui devraient s'appliquer à quiconque
n'est pas couvert par une convention de travail, de bien s'assurer que les
personnes que nous voulons protéger pourront recourir aux
différents dispositifs de la loi pour faire valoir leurs droits.
Alors, l'exclusion d'un certain nombre de personnes en vertu des
définitions qui nous sont présentées à l'article 1,
ou ce que l'on appelle "le conjoint" qui a le droit de recourir a un certain
nombre de privilèges, de normes qui sont prévues dans l'exercice
de son travail... La définition de conjoint nous apparaît comme
discriminatoire parce que, notre société ayant
évolué quant à certaines catégories de personnes
dans telle ou telle direction, eh bien, il faut maintenant prendre en compte le
fait que l'orientation sexuelle de certaines personnes nous amène
à ce que nous retrouvions sur le marché de l'emploi, au niveau du
travail, certaines personnes qui ne répondent pas à la
définition classique, historique, traditionnelle, plus formelle de la
tradition judéo-chrétienne de conjoint d'une autre personne en
termes de statut dans notre société. Alors ça, ça
ne doit pas... Le
Vérificateur n'a pas le droit, en vertu même des
dispositions de la Charte des droits et libertés, de prendre en compte
ou doit, à l'inverse, en termes positifs, tenir compte de cette
évolution de la situation des personnes dans la société,
sans égard à l'orientation sexuelle.
Et dans un deuxième temps, le problème en sera toujours
un, bien sûr, dans l'application de la loi, du recours de ces personnes
pour faire valoir leurs droits. On sait déjà, en termes de
jurisprudence, la difficulté que les tribunaux ont eue à
interpréter ou à établir cette notion de conjoint. Je me
souviens très bien, M. le ministre, à l'occasion de
négociations collectives dans le secteur de travail où j'ai
oeuvré une quinzaine d'années, le monde universitaire, qu'il a
fallu à certains égards, particulièrement sur la notion de
conjoint et à partir de l'orientation sexuelle des gens, rouvrir un
certain nombre de conventions collectives parce qu'un certain nombre de droits
ne pouvaient être exercés, en vertu d'une convention collective,
par des personnes qui ne répondaient pas à l'espèce de
consensus ou de convention sociale que nous avions au Québec. Compte
tenu de l'état de l'évolution de la société, la
notion de conjoint se rattachait, de façon largement reconnue dans la
société, à homme, femme. Ça, c'était tenir
compte de l'évolution de la société et des moeurs à
l'intérieur de cette société en Amérique du Nord et
partout dans le monde.
Cependant, il y a des situations qui changent, des situations qui sont
peut-être plus visibles, en quelque sorte. Alors, le législateur a
la responsabilité de tenir compte de ces situations qui lui apparaissent
et de faire en sorte que toutes les personnes qui sont soumises à cette
loi sur les normes minimales du travail puissent être couvertes par les
droits que nous voulons leur accorder et obtenir le respect de ces droits
lorsqu'elles sont en situation de travail, et qu'elles puissent effectivement
exercer ces droits et avoir les mêmes règles en termes
d'application et les mêmes possibilités au niveau, par exemple,
des congés, des possibilités d'être libérées
de leurs fonctions, de leur prestation de travail dans certaines circonstances.
La Commission des droits de la personne se pose énormément de
questions sur cette définition du mot "conjoint" et souhaite que le
législateur soit le plus éclairé possible. Et c'est
pourquoi il serait utile que nous entendions la Commission des droits de la
personne pour nous éclairer sur les clauses qui peuvent
apparaître, eu égard à l'orientation sexuelle ou a la
situation de vie commune d'un certain nombre de personnes. Est-ce que ces
clauses-là sont discriminatoires pour ces personnes? Et c'est Important.
Je disais, au niveau de l'étape de l'adoption du principe de la loi,
qu'il est normal qu'on ne révise pas la convention collective de ces
personnes, comme dans tout autre milieu de travail, à tous les six mois,
à tous les trois mois, à tous les ans. Mais
là, ça va faire onze ans qu'on n'a pas
révisé ces normes minimales et ce serait un peu normal... Le
devoir étant bien fait, nous en sommes assurés, à la fin
du processus, on y reviendra dans cinq, six ans, une dizaine d'années.
Alors, il faut bien prévoir les personnes que nous voulons, les
dispositifs pour les personnes que nous vouions protéger. Alors,
discrimination ou apparence discriminatoire par manque de clarté, manque
de définition ou insuffisance des définitions au niveau de la
notion de conjoint.
Il y a également d'autres dispositions qui n'apparaissent pas
dans le projet de loi et qui répondent aussi à des
préoccupations de société que l'État doit
intégrer en termes de respect des droits pour quiconque fournit une
prestation de travail. Et je veux mentionner, M. le Président, toute
cette partie, qui, maintenant, s'intègre dans nos conventions
collectives en termes d'organisation de travail. Moins pour les personnes qui
ne sont couvertes par aucune convention collective que,
précisément, la discrimination en termes d'organisation du
travail qui s'exerce auprès des jeunes personnes qui entrent sur le
marché du travail ou dans des organisations de travail qui sont
couvertes par des conventions collectives. C'est tout le
phénomène de ce qu'on appelle les clauses orphelin ou, prenez-le
par l'autre bout si vous voulez, les clauses grand-père.
L'évolution du marché du travail et l'évolution de la
situation économique ont fait en sorte que, sans chercher des coupables,
une pratique s'est introduite. Un certain nombre de choses se sont introduites
dans nos conventions collectives de travail qui font que nous avons des
dispositifs parallèles, en quelque sorte, dans nos conventions
collectives et ça nous apparaît - et la Commission des droits de
la personne pourrait aussi nous éclairer sur ce
phénomène-là - comme une nouvelle forme de discrimination
qui est apparue dans notre société sans que des groupes
organisés aient, de façon maléfique, planifié cette
intervention sur, le marché du travail. C'est tout simplement que la
situation économique fait que des organisations privées ou
publiques, compte tenu des coûts ou compte tenu de ce qu'impliquent un
certain nombre de clauses, disent, à l'intérieur de conventions
reconnues par l'État en vertu des normes prévues au Code du
travail: Nous allons nous conformer, dans un premier temps, à respecter
ce qui a été acquis par les travailleurs et les travailleuses
à l'intérieur, souvent, de conventions collectives qui ont
déjà été signées et, pour ces personnes,
nous allons respecter ce qui est inscrit dans les conventions collectives, les
clauses sur lesquelles nous nous sommes entendus. Cependant, pour toute autre
personne qui va intégrer l'organisation, qui va intégrer notre
unité de travail - par rapport à l'employeur ou par rapport
à l'unité syndicale ou à l'unité de travail qui est
regroupée dans une organisation - pour ces personnes, on va avoir des
dispositifs de convention collec- tive qui sont autres, qui sont particuliers
et qui, en quelque sorte, vont créer deux catégories de
travailleurs et de travailleuses à l'intérieur de l'organisation.
Alors, de ce fait, nous respectons les droits acquis d'un certain nombre de
personnes dans l'organisation et pour ceux et celles qui entrent dans
l'organisation et qui ne peuvent pas - cela va de soi - en fait, ils n'ont pas
eu l'occasion de faire prévaloir leurs droits quant aux
éléments de la convention de travail des personnes parce qu'ils
ne sont pas là. Ils n'ont pas pu, évidemment, faire
prévaloir leurs justes droits. Alors, on entre sur le marché du
travail, on entre dans cette organisation et on se retrouve avec ce
mécanisme de ce qu'on appelle... Si on parle des droits acquis, on va
parler des clauses grand-père ou, si on parle des nouveaux arrivants, on
va parler des clauses orphelin. C'est-à-dire qu'il y a des
éléments de la convention collective qui ne s'appliquent pas
à celui ou à celle qui entre dans le système.
Alors, là, il y a aussi nouvelle matière ou nouveau motif
de discrimination et c'est un phénomène qui prend de plus en plus
d'ampleur. Où allons-nous couvrir ou faire en sorte qu'on va encadrer ce
phénomène pour ne pas qu'il s'étende et viser à
l'éteindre parce qu'il crée des privilèges pour une
certaine catégorie de personnes? Et encore là... Et là, ce
n'est pas la même notion de vulnérabilité. Ce ne sont pas
les personnes les plus vulnérables ou ce sont encore les personnes les
plus vulnérables, dans l'unité de travail concernée, qui
sont concernées par ce problème - c'est-à-dire,
généralement, les jeunes qui entrent dans le système, qui
sont peut-être moins informés et qui, surtout, ont des besoins de
gains économiques qui sont assez impérieux - et qui doivent faire
en sorte que ces gens préfèrent se retrouver en situation de
travail plutôt que de faire en sorte qu'ils vont avoir des recours pour
exercer des droits qui sont prévus pour des personnes qui sont depuis
plus longtemps dans l'unité de travail concernée.
Alors, nous pensons que cette discrimination apparue au cours des
années à l'intérieur des conventions de travail des
organismes couverts par des conventions collectives en vertu du Code du
travail, c'est ici qu'il faut la prévoir. C'est ici qu'il faut
prévoir, à l'intérieur d'une loi sur les normes minimales
du travail, qu'on ne pourrait pas, dans une convention établie avec les
travailleurs et travailleuses d'une unité - qu'on ne pourrait pas
prévoir pour un travail comparable - des conditions de travail
différentes basées sur l'expérience ou l'ancienneté
des travailleurs dans l'organisation.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, nous pensons, sans
prolonger indûment le temps à la disposition de la commission et
la volonté du législateur de réviser ces normes minimales
du travail, qu'il serait intéressant d'entendre la Commission des droits
de la personne.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître, en vertu de l'article 209, M. le ministre...
M. Gautrin: Est-ce que le député pourrait me
permettre...
Le Président (M. Joly): Oui, sûrement.
M. Gautrin: Moi, j'aurais une question à poser au...
Le Président (M. Joly): Bon, O.K. Je reconnais M. le
député de Verdun.
M. Gautrin: M. le Président, est-ce que le
député accepterait que je lui pose une question et, ensuite, y
répondre? La réponse, c'est...
M. Trudel: Oui.
M. Gautrin: Est-ce que vous dites, à l'heure actuelle, au
nom de votre formation politique, que vous souhaitez que dans les normes
minimales du travail il y ait des clauses qui empêcheraient que dans des
conventions collectives il y ait des clauses orphelin ou des clauses
grand-père? Est-ce que c'est ça votre position, au nom de votre
formation politique? (10 h 30)
M. Trudel: Tout à fait. Nous, nous pensons que nous
devons, effectivement, prendre... Le législateur doit faire état,
dans une de ses lois fondamentales sur les normes minimales du travail, que les
clauses orphelin dans nos conventions collectives de travail doivent être
une pratique interdite et qu'on se donne, par après, les
mécanismes pour en surveiller l'application, parce que ce n'est pas
facile de les faire respecter. Dans ce contexte-là, M. le
Président, non seulement, donc, faut-il couvrir les personnes qui n'ont
pas de convention de travail, mais H faut faire en sorte que celles qui sont
convention nées, pour une catégorie des plus vulnérables,
pas des plus vulnérables dans la société, mais les plus
vulnérables qui s'appellent les jeunes sur le marché du travail,
qu'on fasse en sorte qu'on puisse avoir un droit écrit à quelque
part dans une de nos lois fondamentales pour qu'on puisse faire appel à
ce droit et qu'on puisse corriger, avant qu'elles soient trop largement
répandues, ces pratiques qui sont apparues sur le marché du
travail.
M. Gautrin: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci. Vous comprendrez, Mmes et
MM. les parlementaires, que c'est vraiment à titre exceptionnel que je
permets ce genre d'échange, en assumant que j'avais eu le consentement
des membres de cette commission. Est-ce qu'il y a d'autres
députés qui voudraient Intervenir sur la motion?
Mme Harel: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Vous avez 10 minutes, Mme la
députée de Hochelaga Maison neuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors. M. le Président, je souhaitais
intervenir sur la motion de mon collègue de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue...
M. Trudel: Témiscamingue.
Mme Harel: ...d'autant plus que la commission a reçu une
liste assez impressionnante d'organismes qui ont soumis un avis et qui
désirent être entendus dans le cadre de l'étude
détaillée du projet de loi 97. Ces organismes font valoir que
s'ils ont pu se faire entendre lors de l'examen de l'avant projet de loi,
celui-ci ayant été modifié par le projet de loi. des
représenta tions nouvelles sont nécessaires.
Je voudrais simplement vous indiquer, à titre d'information, que
l'Association pour la défense des droits du personnel domestique a
demandé d'être entendue en faisant valoir qu'elle avait des
représentations nouvelles à faire. C'est le cas également
de la Centrale de l'enseignement du Québec, du Comité d'action
des non-organisés de Trois-Rivières, de la Commission
d'accès à l'Information, de la Commission des droits de la
personne du Québec, de la Confédération des syndicats
nationaux, de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du
Québec, du Front de défense des non-syndiqués, du Groupe
d'action et d'information pour les non-syndiqués, du Regroupement des
organismes travail de la région de Québec. Je suis certaine que,
malheureusement, j'en oublie, M. le Président.
Pour simplement vous signaler que nous n'avons pas l'intention de
procéder par vote de motion pour chacun de ces groupes. Cependant, nous
pensons qu'il aurait été intéressant de tenir une
journée de séance particulière. Nous aurions certainement
pu, dans le cadre d'une journée, d'une façon peut-être
assez rapide parce qu'il ne s'agit pas de reprendre, dans l'échange qui
aurait eu lieu, l'ensemble des représentations que les groupes nous ont
faites sur l'avant-projet de loi, mais simplement d'échanger avec ces
organismes représentatifs sur ce qu'ils ont à nous dire sur le
nouveau projet de loi. Nous le savions. Je pense que mon collègue de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue était conscient que ce n'est pas
l'habitude du ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du
revenu et de la Formation professionnelle de procéder à des
consultations particulières. Il faut reconnaître que certains de
ses collègues montrent une ouverture d'esprit beaucoup plus large
à cet égard. Je sais, pour présider à l'occasion,
la commission parlementaire
de l'éducation, que le ministre de l'Éducation d'alors,
maintenant ministre de la Sécurité publique, acceptait de
façon normale et régulière de procéder à des
consultations particulières lorsqu'il y avait même des
modifications sur des papillons qui étaient introduits dans ses projets
de loi. Il acceptait également de travailler avec la
réglementation. On y reviendra, je ne veux pas trop empiéter sur
le peu de temps qui m'est imparti pour plaider sur le fond. La Commission des
droits de la personne a fait parvenir au secrétariat de la Commission
des affaires sociales une lettre signée par son président, Me
Jacques Lachapelle, qui indique que la Commission des droits de la personne est
disposée à apporter des clarifications ou des compléments
d'information que les membres de la commission des affaires sociales
souhaiteraient avoir sur le contenu de l'avis qui est devant nous.
Donc, ils nous font connaître en date du 26 novembre leur
disponibilité. Ça m'inquiète, M. le Président, que
le ministre n'ait pas eu copie de ce dossier. Ça m'inquiète
d'autant plus qu'H serait utile... Oui, mais, enfin, et de la lettre et de
l'avis de la Commission et des autres avis qui nous sont parvenus parce qu'il
est utile d'en prendre connaissance avant de commencer l'étude
détaillée article par article. Il est utile d'avoir cet
éclairage des organismes qui représentent non pas simplement la
Commission des droits de la personne, mais l'ensemble des organismes qui ont
jugé important de contacter la Commission pour faire savoir qu'il y
avait des choses particulières à dire sur le projet de loi.
Il me semble que ce serait important que le ministre en prenne
connaissance, que les membres de la commission en prennent connaissance ainsi
que les adjoints du ministre. D'autant plus que nous aurons à tenir
compte, pas nécessairement à adopter le point de vue, mais
à tenir compte de l'éclairage que ces groupes souhaitent apporter
ou des modifications qu'ils souhaitent voir introduites dans le projet de loi.
Ce que la commission...
M. Bourbeau: La députée de Hochelaga-Maisonneuve
fait allusion à des lettres privées. Si on pouvait en avoir des
copies, ce serait plus facile.
Le Président (M. Joly): Voici, M. le ministre. Mme la
secrétaire, responsable de la commission, me fait mention qu'on a
envoyé chercher le dossier au complet au niveau de toutes les demandes
particulières qui ont pu nous avoir été soumises depuis
les amendements à la demande.
M. Bourbeau: si la députée de hochelaga-
maisonneuve a une correspondance privée avec la commission, je n'ai pas
nécessairement copie de ces lettres là.
Le Président (M. Joly): à ce moment-là,
j'imagine que si elle a de la correspondance privée, elle va aussi en
faire faire des photocopies.
Mme Harel: M. le Président, ce n'est pas de la
correspondance privée, c'est une lettre signée par Me Lachapelle
et qui est adressée à la commission des affaires sociales, au
secrétariat des commissions parlementaires, au soin de Mme Denise
Lamontagne. Je crois que Mme Lamon-tagne l'a fait parvenir à tous les
membres de la présente commission.
Le Président (M. Joly): Oui.
Mme Harel: Alors, si le ministre n'en a pas copie, c'est que ses
adjoints n'ont pas jugé bon de lui en transmettre une copie. Mais tous
les membres de la commission en ont été informés.
M. Bourbeau: Ce n'est pas évident.
Mme Harel: m. le président, vous savez, il ne s'agit pas
pour autant d'empêcher l'adoption des modifications à la loi des
normes, mais il faut comprendre que pour un grand nombre d'intervenants cette
loi qui est devant nous consiste à peu près essentiellement
à des ajustements pour tenir compte de l'entrée en vigueur de la
loi sur l'assurance-chômage. à peu de choses près, c'est
à peu près à cela que ça se limite. la commission
des droits de la personne du québec rappelle que l'on ne peut pas, en
matière de droit du travail, en fait, prendre position comme si on
arbitrait, à la manière que le ministre présentait la
chose à l'assemblée hier, comme une sorte d'arbitrage entre les
employeurs qui trouvent les normes trop poussées ou trop
coûteuses, puis, d'un autre côté, des représentants
des personnes salariées qui considèrent ces normes comme trop
timides, comme s'il y avait à choisir entre les deux. ce n'est pas de
ça dont il est question maintenant. ce dont il est question, selon la
commission des droits de la personne, c'est qu'il faut introduire des
dispositions qui vont assurer la notion de conditions de travail justes et
raisonnables contenue à l'article 46 de la charte
québécoise. la commission indique à cet effet que, puisque
la loi sur les normes du travail est de déterminer un seuil au dessous
duquel les conditions de travail sont considérées comme injustes,
donc, par cet objectif, la loi des normes touche la notion de conditions de
travail justes et raisonnables contenue à l'article 46 de la charte et
qu'à cet égard il faut surveiller de très près
l'application du principe de l'égalité de tous devant les normes
minimales du travail. et la commission nous indique et veut retenir l'attention
des membres de la commission particulièrement sur quatre aspects,
à savoir: celui de l'universalité des conditions de travail, de
façon
à assurer que les conditions de travail Injustes pour la plupart
des personnes ne puissent pas, en principe, être
considérées comme justes pour certaines catégories de
travailleurs et de travailleuses, et interroge les exclusions de la protection
de la loi qui demeurent.
Je voudrais juste citer à cet effet une argumentation de la
Commission à l'effet que, par exemple, l'exclusion
générale de tous les cadres, par la création de la
nouvelle catégorie dite cadre supérieur, mais l'exclusion de tcus
les cadres, qu'ils soient supérieurs ou non, de la réglementation
concernant la durée de la semaine normale de travail, pourra imposer une
barrière à la promotion des personnes qui ont des
responsabilités familiales. Et je suis surprise que le
Secrétariat à la famille n'ait pas fait valoir qu'en retranchant
les cadres, en les excluant de la protection de la loi, notamment sur la
semaine de travail, c'est évident qu'il y a là un effet
systémique qui peut avoir comme conséquence de rendre plus
difficile la promotion, par exemple, de femmes qui, on le sait, assument
principalement les responsabilités familiales et parentales, mais aussi
d'hommes qui souhaiteraient partager ces responsabilités. Alors, M. le
Président, je constate que mon temps est malheureusement
écoulé.
Le Président (M. Joly): Déjà, madame,
quoique très intéressant.
Mm» Harel: Je veux simplement conclure en vous disant que
nous allons, dès le premier article de la loi sur la notion de conjoint,
dès l'examen de l'article t, devoir reprendre toute l'argumentation
qu'il aurait été souhaitable que nous entendions de la Commission
des droits. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci. Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le ministre,
vous aimeriez...
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, l'Opposition officielle nous
demande d'entendre la Commission des droits de la personne. Pour ce faire, elle
plaide abondamment, nous lit au complet et commente même le
mémoire qui nous a été acheminé par ta Commission.
Je dirais que le temps que l'Opposition a pris pour prouver son point est
tellement important que, finalement, ça devient de moins en moins
intéressant ou important d'entendre la Commission. L'Opposition a
tellement plaidé en long et en large sur cette affaire et tellement
commenté le rapport de la Commission que je ne vois pas ce que la
Commission elle-même pourrait nous apprendre de plus. Quand on entend, en
commission parlementaire, des organismes, en général l'organisme
fait une présentation qui dure de 15 à 20 minutes.
Or, nous venons d'entendre pendant 40 minutes l'Opposition sur ce
mémoire-là, de sorte que l'Opposition a déjà pris
deux fois plus de temps pour faire valoir le point de vue que (a Commission
aurait pu faire elle-même.
Finalement, je dirais, M. le Président, qu'on a compris tout le
monde, et je le dis pour que ceux qui liront le Journal des débats
s'en rendent bien compte, que ce que l'Opposition a fait, en fait, c'est de
gagner du temps. On appelle ça des mesures dilatoires, des tactiques
pour retarder le temps. Je ne serais pas surpris, d'ailleurs, qu'aussitôt
après que nous aurons pris le vote là-dessus. M. le
Président, on nous propose une autre motion pour faire entendre un autre
organisme. Je ne sais pas qui ça pourrait être, on pourrait
peut-être prendre des gageures de ce côté ci. Sera-ce le
Protecteur du citoyen qu'on voudra faire entendre? Peut-être est-ce que
ce sera un organisme du milieu? De toute façon, M. le Président,
on est en train de prendre des gageures de ce côté-ci et celui
d'entre nous qui aura mis le doigt sur l'organisme, bien, c'est celui qui va
gagner le gros-lot. Mais je vous prédis, M. le Président, et
ça fera la preuve de ce que j'avance, que l'Opposition,
présentement, tente de tuer le temps. (10 h 45)
Donc, M. le Président, les règles parlementaires
étant ce qu'elles sont, nous allons nous soumettre de bonne grâce
à cette torture mentale qu'on nous impose. Mais je dirais quand
même, pour revenir au rapport de la Commission des droits de la personne,
puisqu'il semble bien que la commission n'a pas l'intention de souscrire
à la proposition, d'après le sondage que j'ai pu en faire,
j'aimerais quand même attirer l'attention de la commission sur le fait
que la Commission a quand même des bons mots à l'endroit du projet
de loi. Par exemple, le rapport du Protecteur du citoyen nous dit, et je cite:
"Nous devons d'abord exprimer notre appréciation en regard de
l'orientation générale de la révision de la loi qui
apporte certaines améliorations qui marquent un pas dans la bonne
direction." Voilà donc, M. le Président, un paragraphe que
l'Opposition a oublié tout à l'heure de noter dans ses
commentaires.
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous avez reçu
le document, Mme la députée?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: II semble que l'Opposition en a fait une lecture
sélective. Alors, M. le Président, nous allons compléter,
bien sûr, les paragraphes qui manquaient. On dit également qu'il
convient de prendre acte du fait que le projet de loi renforce le
caractère universel de la loi par les amendements apportés aux
articles 1 à 3. Ces amendements viennent étendre l'application de
la loi à certains salariés domestiques, aux employés
du gouvernement, et couvrir partiellement les travailleurs
agricoles."
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le ministre, pour
les fins du Journal des débats, c'est cité par qui
ça?
M. Bourbeau: Ça, M. le Président, c'est un
extrait et je le lis à partir du document qu'a soumis à cette
commission la Commission des droits de la personne et qui s'intitule
"Conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne
du projet de loi: Loi modifiant la Loi sur les normes du travail" et qui a
été adopté par la Commission des droits de la personne
à une assemblée tenue le 2 novembre et qui nous a
été acheminé récemment avec une lettre dont a fait
état tantôt la députée, qui était soumise
à la commission, je dois dire, à notre commission à nous
par les représentants de la Commission des droits de la personne.
Maintenant, M. le Président, en ce qui concerne justement les
domestiques, le document en question dit que la modification proposée
par le projet de loi offre l'intérêt d'étendre
l'application de la loi à ces personnes. Ce n'est donc pas aussi
négatif que ce qu'on aurait pu croire à entendre nos amis d'en
face
Le document en question justifie aussi, en quelque sorte, l'approche que
nous avons retenue avec le projet de loi 97 en disant: "C'est pourquoi
l'application de la loi devrait être étendue aux gardiennes et
devrait être accompagnée de l'adoption d'une politique d'aide aux
personnes disposant de moyens limités pour recourir aux services de
garde."
Vous savez que, dans le projet de loi, nous nous sommes
réservé la possibilité de pouvoir, par règlement,
justement régir les cas des gardiennes ou encadrer le cas des
gardiennes. Il est dit, toujours au document de la Commission des droits de la
personne, et je cite: "Par ailleurs, comme l'objectif recherché est de
faire bénéficier de la Loi sur les normes du travail les
travailleuses qui gagnent leur vie en exerçant le métier de
gardienne, il est envisageable que le règlement qui pourra être
adopté en vertu de l'article 3 de la Loi sur les normes du travail fixe
un caractère objectif (celles qui exercent des fonctions de garde de
façon continue ou encore celles qui exercent de telles fonctions un
nombre minimal d'heures par semaine) - ceci entre parenthèses - afin de
ne pas inclure les personnes qui ne le font que de façon occasionnelle."
Voilà pour les gardiennes.
Un peu plus loin, M. le Président, on parle des travailleurs
agricoles sur les petites fermes. Et on dit: "Bien qu'elle s'explique par des
motifs économiques légitimes..." Là, je parle de
l'exclusion dans les petites fermes des travailleurs à l'égard du
salaire minimum et de la durée de la semaine de travail. On dit bien
qu'elle s'explique par des motifs économiques légitimes. Le mot
légitimes" est de la Commission des droits de la personne dans le
présent cas, le soutien aux petites entreprises agricoles. Alors, c'est
quand même une assertion qu'il vaut la peine de relever.
Un peu plus loin, dans les recommandations, on dit: Le motif
d'exclusion: l'orientation sexuelle. On dit: "Cette définition du mot
"conjoint" offre l'avantage - celle que nous avons proposée, la
définition que nous avons proposée de "conjoint" - de
reconnaître les conjoints de fait, au même titre que les personnes
mariées." Voilà donc une amélioration.
Je ne lirai pas le reste parce que la députée de
Hochelaga-Maisonneuve a fait abondamment la défense des autres
catégories de citoyens qui ne sont pas comprises dans la
définition de conjoint, que la députée de
Hochelaga-Maisonneuve défend plus que je ne le fais moi-même, et
je lui laisse évidemment le soin de le faire, elle le fait d'ailleurs
très bien.
Alors, voilà que le président de la Commission des droits
de la personne nous rend hommage d'une certaine façon, enfin, la
Commission elle-même, en reconnaissant que la définition de
conjoint a l'avantage de reconnaître les conjoints de fait. Un peu plus
loin, M. le Président, on dit que, selon le tribunal, les couples
homosexuels ne seraient pas dans des circonstances identiques à celles
des couples hétérosexuels, puisque ces derniers ont des
obligations à l'égard de leurs conjoints et leurs enfants.
Mme Harel: On sait ce dont vous parlez, là, M. le
ministre, on cite la jurisprudence de l'Ontario.
M. Bourbeau: C'est ça, c'est repris dans le rapport de la
Commission des droits de la personne.
Mme Harel: Oui, justement, pour la distinguer de la jurisprudence
du Québec.
M. Bourbeau: Et voilà, M. le Président, finalement
les recommandations. Dans les recommandations, on recommande enfin non pas de
modifier la loi devant nous, mais de modifier la Charte des droits et des
libertés de la personne, de façon à ce
qu'éventuellement, justement, la notion de conjoint puisse être
élargie. M. le Président, vous reconnaîtrez avec moi que ce
n'est pas ici le lieu, l'endroit pour amorcer une modification à la
Charte des droits et des libertés de la personne, puisque nous sommes en
train d'étudier la Loi sur les normes du travail.
Voilà, M. le Président, les commentaires que je voulais
faire, et ne voulant pas ajouter au "filibuster" qu'est en train de nous
préparer, de nous servir l'Opposition, pour l'instant, M. le
Président, je vais terminer ici mes remarques et laisser à
l'Opposition officielle le soin de continuer son oeuvre.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Saint-Henri, vous avez demandé la parole?
Mme Harel: Ce n'est pas...
Le Président (M. Joly): non, c'est parce qu'h me semble
qu'elle a levé la main tantôt, pour demander la parole. mais je
sais que mme la députée des chutes-de-la-chaudière veut
intervenir aussi. alors, je vais reconnaître mme la députée
des chutes-de-la-chaudière, s'il vous plaît.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
À mon tour, je vais appuyer la motion de mon collègue,
n'est-ce-pas, de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, effectivement, et je vais
vous expliquer pourquoi, si vous me permettez. Le ministre a eu quand
même l'occasion, lors de l'adoption du principe do la loi 97, d'entendre
à plusieurs reprises, et de l'Opposition, et des membres du
gouvernement, que c'était un projet de loi, en fait, important qui
touchait tous les travailleurs et travailleuses du Québec. C'est une
révision qui est attendue depuis fort longtemps. On sait que ça
fait 11 ans que ça n'a pas été retouché, cette
loi-là, d'autant plus qu'il y a même eu des auditions de
façon assez intéressante en 1984. Alors, depuis ce
temps-là, il ne s'était rien fait, c'est une loi qui était
attendue depuis très longtemps, qui est très importante, qui
touche l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec, non
seulement les travailleurs non syndiqués, parce que, à mon avis,
cette loi-là touche tout le monde, par le biais si on veut, parce que,
même dans les entreprises syndiquées, les normes minimales du
travail, en fait, c'est la base, et on ne peut pas aller plus bas que les
conditions définies dans la loi sur les normes minimales. On sait que
les syndicats, lors des négociations, négocient à la
hausse, c'est bien évident, mais toute nouvelle modification à
cette loi-là vient aussi influencer les négociations futures par
rapport aux nouvelles dispositions.
Alors, je comprends que vous nous avez entendus à plusieurs
reprises, qu'on a fait état qu'on ne pouvait pas aller à
rencontre, que l'Opposition officielle était en fait pour le principe de
révision de cette loi-là, ça s'imposait, et on a aussi dit
que toute amélioration, il est évident que l'Opposition
officielle n'Ira pas à rencontre de toute amélioration qu'il peut
y avoir dans un projet de loi comme celui-là. Cependant, on a aussi
largement fait état des manques à gagner, des trous qu'il y a par
rapport au projet de loi.
Compte tenu des propos de ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve,
concernant les habitudes, si on veut, du ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, compte tenu aussi des propos mêmes du
ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu,
je n'ai pas l'impression qu'on va aller bien loin pour rencontrer les groupes
qui ont demandé à nous rencontrer. Je trouve ça un petit
peu dommage, effectivement, parce que je pense qu'il faut être
drôlement insécures pour refuser de rencontrer des gens qui ont
des suggestions à nous faire.
D'autre part, j'entendais aussi, tout à l'heure que, bon... Vous
dites: On fait des mesures dilatoires, on reprend des mémoires qui ont
été soumis au secrétariat de la commission ou des nouveaux
textes, en fait. Par rapport à la Commission des droits de la personne
du Québec, on dit... J'entendais le ministre le dire: On n'a pas besoin
d'entendre le groupe parce que l'Opposition officielle nous lit le texte
même de la Commission des droits de la personne du Québec.
Écoutez, ça ne fait pas longtemps quand même que je suis
ici, mais je pense que le but de l'opération, quand on rencontre des
groupes, ce n'est pas seulement qu'ils nous lisent leurs textes. Si
c'était juste ça, tout le monde peut les lire parce que,
généralement, les gens prennent le temps de les lire. Le but de
l'opération, au fond, c'est de questionner ces gens-là sur la
façon qu'ils pensent, dont ils voient les choses. Alors, dans ce cas-ci,
on a beau... A tout le moins, on peut toujours lire les textes importants qui
sont soumis par la Commission des droits de la personne du Québec, mais
je trouve que ça aurait été d'autant plus
intéressant de les avoir avec nous et de pouvoir en plus les questionner
sur la teneur de leurs propos.
C'est d'autant plus important qu'on fasse ici la lecture des textes. Je
vais même m'appliquer, moi aussi, à continuer pour les bouts qui
n'ont pas été vus. Et étant donné que... Je voyais
que M. le ministre n'avait pas eu le temps de lire la lettre; c'est lui qui
nous a dit: Je n'ai pas eu le temps de lire la lettre. Bien écoutez,
s'il n'a pas eu le temps de lire la lettre, je me demande comment il fait pour
lire le mémoire Ça doit être très
compliqué.
M. Bourbeau: Là, tu lis le rapport.
Mme Carrier-Perreault: Alors, disons que moi, pour ma part, je
trouve que ça serait important de questionner les gens. Mais en
attendant et comme il semble que ça va être très difficile
de le faire, j'aimerais qu'on prenne connaissance aussi d'un bout qui n'a pas
été touché. En fait, on a vu beaucoup de choses, et moi je
voulais vous parler de l'obligation de prévention en matière de
harcèlement. Ça, c'est dans le chapitre III2. Étant
donné, évidemment, que je m'occupe de la condition
féminine... D'ailleurs, je m'attendais à rencontrer ma
collègue, ma vis-à-vis, la ministre, ici ce matin qui
elle-même a participé, selon ses dires, à la
révision de cette loi-là en collaboration avec le ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du
revenu et de la Formation professionnelle. De toute façon, je
lisais particulièrement le chapitre III. 2 qui traite de l'obligation de
prévention en matière de harcèlement. Je vous dirai que
j'ai trouvé ça intéressant, d'autant plus qu'on n'avait
pas nécessairement retouché, mol en tout cas quand j'ai fait mon
allocution, je n'avais pas vu encore cet aspect-là comme tel. Et quand
j'ai pris connaissance du mémoire, je trouve que c'est quand même
important d'en parler. On dit que la principale préoccupation de la
plupart des intervenants porte sur l'accessibilité et
l'efficacité des recours en matière de harcèlement. Or,
sur ce point, le temps démontrera si l'institution récente du
tribunal des droits de la personne apportera une réponse
satisfaisante.
Deux aspects positifs de cette réforme méritent
d'être mis en relief. D'une part, le mécanisme d'arbitrage qui
semble bien adapté au milieu de travail familier à cette formule
de résolution des conflits. D'autre part, le tribunal possédera
de larges pouvoirs de réparation puisqu'il pourra ordonner toute mesure
appropriée contre la personne en défaut et accorder en faveur de
la victime toute mesure de redressement. On dit, par ailleurs, qu'une
proposition des intervenants suscite un vif intérêt: L'inclusion
dans la loi des normes du travail d'une disposition qui oblige l'employeur
à se doter d'une politique contre le harcèlement sexuel. Une
telle obligation, qui n'est pas expressément spécifiée
dans la Charte, aurait un effet positif en termes de prévention et
d'éducation. Or, le régime de protection des droits et
libertés doit non seulement prévoir la réparation des
victimes d'une atteinte, mais également assurer la prévention de
celle-ci. De plus, l'expérience démontre que la publicisation du
fait que l'employeur prendra des sanctions disciplinaires contre le harceleur a
un effet dissuasif fort appréciable. Et la Commission des droits de la
personne du Québec continue en nous donnant certaines précautions
à prendre par rapport au cadre de l'imposition d'une telle
règle.
Là-dessus, justement, M. le Président - je pense que vous
savez lire autant que moi -j'aurais eu, moi, de mon côté, des
questions à poser à la Commission des droits de la personne du
Québec. Parce qu'il y a des choses qu'ils nous expliquent
là-dedans qui ne sont pas nécessairement très claires,
à mon avis. Mais il reste que, là, il semble que ça va
être difficile de poser nos questions. Alors, je me contente donc des
explications qu'ils ont. Je ne sais pas si le ministre pourrait m'en donner,
des explications, lui qui semble connaître très bien le sujet. (11
heures)
Enfin, je me permettrais quand même de vous faire part, de lire la
recommandation et je suis persuadée qu'il y a beaucoup de monde qui
serait intéressé. On dit: Afin d'orienter le régime de
protection des droits et libertés dans le sens de la prévention,
l'obligation de l'employeur de se doter d'une politique contre le
harcèlement devrait être Inscrite à la loi des normes
minimales de travail. Il est toutefois approprié deréférer spécifiquement à la Charte des droits
et de préciser, même si cela n'est pas légalement
nécessaire, que toute violation donne ouverture au recours aux articles
49 et 69 de la Charte et que la présomption légale en cas de
congédiement s'applique à ces recours.
Alors, ici, c'est très clair. Disons que la Commission des droits
de la personne trouve quand même que c'est important d'inscrire ça
dans la loi des normes minimales de travail. Il n'en est pas du tout fait
état et disons qu'on aura... En tout cas, je regrette une chose, c'est
de ne pas pouvoir avoir les explications aux questions que j'aurais eu à
poser sur le sujet parce que, dans un autre dossier qui n'est pas non plus
touché dans les normes minimales de travail, on a parlé
d'équité salariale. Et ça, j'en ai parlé moi aussi
et, à ce niveau-là, je sais que ça existe en termes de
principe.
Le Président (M. Joly): Je vous rappelle qu'il vous reste
une petite minute, madame.
Mme Carrier-Perreault: Je vais être obligée de me
reprendre. Il me reste une minute? Mais, en tout cas, écoutez, je me
reprendrai dans une prochaine intervention, j'espère, pour finir par
passer quand même les informations qu'on a et, de toute façon,
c'est dans ce sens-là que, moi, je trouve que ce serait important,
puisqu'on a dit qu'on est d'accord avec les améliorations, qu'on demande
des ajustements supplémentaires et, dans ce sens-là, ce serait
important d'entendre les groupes tels que la Commission des droits de la
personne qui aurait été sûrement très utile.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres Intervenants? Alors, je vais
maintenant reconnaître M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: Alors, M. le Président, il y a quelque chose
qui me frappe encore une fois à cette commission. C'est l'argument des
ministériels selon lesquels on fait perdre le temps à la
commission quand on propose que deux organismes soient entendus quand...
Le Président (M. Joly): Je m'excuse. On nous a soumis
seulement un organisme.
M. Bourdon: Je le sais, M. le Président. Il yen a
un sur la table et on a annoncé hier qu'il y en aurait un
deuxième après. Alors, un plus un, de notre côté,
ça fait deux.
M. Bourbeau: On pourrait demander la résolution pour faire
une seule motion pour les
deux.
M. Bourdon: M. le Président, le ministre peut attendre. En
temps et lieu, je ferai un amendement.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Pointe-aux-Trembles, je vous laisse aller.
M. Bourdon: Bien oui. C'est que, voyez-vous, on a devant nous une
proposition à l'effet d'entendre la Commission des droits de la
personne. C'est une commission qui joue un rôle majeur et ce serait
intéressant de l'entendre sur une loi qui est fondamentale et qui
touche, on l'a dit hier, près d'un million de personnes. Et, à
cet égard, c'est un peu lassant d'entendre dire que l'Opposition est de
trop et qu'on fait perdre le temps, alors qu'en pratique on aurait pu, hier,
convenir d'entendre deux organismes pendant une heure aujourd'hui. Et ça
donnerait un éclairage pour préparer une meilleure
législation et ça fait prendre moins de temps que de faire des
lois qui sont parfois bâclées et qui amènent des
amendements qui, de nouveau, requièrent un temps important de la part de
l'Assemblée nationale.
M. le Président, quand on regarde la table des matières du
document que la Commission des droits de la personne a fait parvenir à
la commission, on voit qu'il y a des questions de fond qui y sont
abordées à l'égard du projet de loi qui est devant nous.
Par exemple, le chapitre II où on lit dans le document: "La
définition de conjoint est-elle discriminatoire à l'égard
des conjoints de même sexe?" Là-dessus, M. le Président, je
pense que la Commission a raison de s'inquiéter. On dit dans la Charte
des droits que nul ne doit exercer une discrimination sur la base de
l'orientation sexuelle des personnes. Or, les normes minimales et bien d'autres
documents adoptés soit par le gouvernement, soit négociés
entre les parties, quand il y a un syndicat dans une entreprise, soit
autrement, prévoient qu'un couple est formé de personnes de sexe
opposé ou de sexe différent, disons-nous maintenant. Et je pense,
M. le Président, que la Commission des droits a raison de dire qu'il y a
dans le projet de loi qui est devant nous un motif d'exclusion qui est
l'orientation sexuelle puisque, en ce qui touche le couple, c'est
réservé à un couple formé d'un homme et d'une
femme.
À cet égard, on pourrait entendre la Commission pour
qu'elle nous explique dans quel sens ce qui est dans le projet de loi est
discriminatoire. Je pense qu'il ne suffit pas de se gargariser de discours
où on dit que les droits des homosexuels, hommes ou femmes, sont
réels, existent mais que, quand on fait une législation, on
reproduit les préjugés de la société et on a,
à la fois, une Charte des droits qui dit qu'on ne doit pas faire de
discrimination sur la base du l'orientation sexuelle et des lois qui
contiennent une discrimination fondée sur l'orienta- tion sexuelle.
Je pense, M. le Président, qu'à l'égard des
homosexuels il est important que tout le monde participe et s'approprie le
débat, y compris ceux qui, comme moi, sont hétérosexuels,
parce que s'il n'y a que les femmes qui parlent pour les femmes, que les Noirs
qui parlent pour les Noirs, bien, à un moment donné, on se
retrouve dans une situation où on encourage la marginalisation d'une
partie importante de la population. Alors, cette discrimination-là, elle
n'est pas permise par la Charte. Le gouvernement la reproduit dans son projet
de loi et, quand l'Opposition officielle en parle, on se fait dire qu'on
dérange. Alors, ce n'est pas sans rappeler le ministre du Travail, quand
on l'interpelle sur la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, qui nous répond que ça nuit
à une réunion que le conseil d'administration de la CSST devait
tenir.
La Commission des droits de la personne, M. le Président, parle
également de la nécessité d'introduire dans les normes
minimales l'interdiction des clauses orphelin. À cet égard, je
voudrais rappeler aux membres ministériels de la commission que la
Commission jeunesse du Parti libéral a déjà
dénoncé les clauses orphelin dans les conventions collectives de
travail, qui sont ni plus ni moins qu'une discrimination écrite souvent,
trop souvent, dans des conventions collectives de travail. Alors, les normes
minimales devraient dire que ça, c'est défendu.
À cet égard, M. le Président, je voudrais attirer
l'attention de ceux des ministériels qui écoutent sur un
excellent reportage, H y a deux ans, dans la revue américaine
Fortune, qui n'est pas proche du Parti québécois d'aucune
manière et qui ne peut pas être soupçonnée
d'être sociale-démocrate. On avait, en première page de la
revue Fortune, une photo de deux hôtesses de l'air de la
môme compagnie aérienne qui se jetaient un regard inamical, et le
bas de vignette expliquait que les compagnies aériennes, suite à
la déréglementation qui devait faire tant de bien dans le ciel
américain - tout comme la vente de Ouebecair devait faire tant de bien
dans le ciel québécois - avaient imposé à ce
syndicat une clause orphelin qui faisait que, sur le même appareil, deux
hôtesses vivaient une situation où, avec une expérience
tout à fait comparable, il y en a une qui gagnait 1200 $ par mois, celle
régie par la clause orphelin, et l'autre gagnait 3600 $ par mois. Et
après ça, M. le Président, on dira que les femmes sont
portées à se jalouser. Ça aurait pu être deux hommes
dans la même situation. Il est sûr que ça ne favorise pas
des rapports très sains quand on tolère qu'à
l'intérieur d'une même entreprise pour un travail d'une même
valeur H n'y ait pas un salaire égal. La Commission jeunesse du Parti
libéral l'u dit, la Commission dos droits do la personne vient
étayer cette opinion et demande d'être entendue, et nous, on
demande qu'elle soit
entendue pour nous expliquer ce qui devrait se faire à cet
égard-là.
La Commission des droits de la personne, M. le Président, parle
également de la nécessité d'introduire dans les normes
minimales l'obligation de prévention des employeurs en matière de
harcèlement. Et je pense que c'est une question importante qui aurait
mérité qu'on prenne une heure pour entendre parler de cette
question-là, avec et parmi d'autres. Vous savez, le harcèlement,
ça existe. Les victimes n'osent pas s'en plaindre et au lieu d'y aller
juste négativement en disant: "il ne doit pas y avoir de
harcèlement", pourquoi les normes minimales ne prévoient-elles
pas positivement que les employeurs fassent de la prévention, ce qui
Implique que celui qui fait de la prévention ne commet pas
lui-même du harcèlement sexuel - sexuel et autre, parce qu'on
parle de toutes les formes de harcèlement, qui prennent pour base la
race ou la religion ou d'autres matières comme la sexualité. Et
la Commission, M. le Président, parle également des exceptions au
principe de l'universalité de la loi, que constitue l'exclusion des
gardiennes en milieu familial et des travailleurs agricoles.
Alors, je pense, M. le Président, que ce gouvernement, avec
souvent l'accord de l'Opposition, a créé une commission des
droits de la personne. Il y a une loi qu'on change en moyenne une fois par
décennie, qui comporte de la discrimination et des choses qui vont
à rencontre de la Charte des droits. Pourquoi ne prend-on pas une heure
pour entendre la Commission des droits de la personne? Est-ce dilatoire de le
proposer? Est-ce mauvais de dire qu'entendre la Commission des droits de la
personne, une heure, ne ferait de tort à personne et pourrait permettre
d'améliorer le projet de loi?
M. le Président, en terminant, je propose aussi qu'en vertu de
l'article...
Une voix: Pour ça, on va revenir.
M. Bourdon: Non? D'accord. M. le Président, je trouve un
peu achalant que les ministériels passent leur temps à ricaner
quand on parle de questions qui ont de la substance et qui ont de l'importance.
Pourquoi exclut-on les gardiennes et les travailleurs agricoles? Pourquoi
a-t-on, dans le projet de loi, de la discrimination sur la base de
l'orientation sexuelle? Pourquoi n'interdit-on pas, par les normes minimales,
les clauses dites orphelin dans les conventions collectives? Et pourquoi ne
crée-ton pas dans cette loi l'obligation de prévention en
matière de harcèlement? Il me semble qu'on pourrait prendre une
heure pour entendre ça et que ça serait utile qu'on le fasse dans
un cadre non partisan, qu'on regarde comme il le faut comment on pourrait
améliorer la loi plutôt que de laisser la Commission des droits de
la personne de côté et de l'entendre quand mon parti formera le
gouverne- ment.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
Avant, disons, de reconnaître le droit de parole à un autre
député, je me dois de faire une remarque afin d'assurer le bon
fonctionnement de cette commission. Je sais qu'il y a des gens qui, à
date, se permettent, des fois, une petite cigarette comme ça, Ici. Vous
savez qu'il y a une loi qui existe et vous savez aussi que,
nécessairement, les droits des uns commencent où les droits des
autres se terminent. Alors, j'aimerais ou j'apprécierais beaucoup, pour
le bon fonctionnement de cette commission, que ceux qui ne peuvent
résister à la tentation d'une cigarette... Eh bien,
peut-être, à ce moment-là, disons, de le faire dans les
locaux appropriés. Alors, j'apprécie beaucoup. Parce que je
m'aperçois que c'a un effet d'entraînement. C'a commencé
soit un peu, peut-être, à côté de moi ou en
arrière de moi et, là, je m'aperçois qu'on est
cernés par l'élément destructeur sur lequel nous avons
voté.
M. Bourbeau: Allez-vous les nommer, M. le Président?
Le Président (M. Joly): non, je ne voudrais pas nommer les
intéressés. je sais qu'ils vont sûrement se conformer
à ce que la loi recommande.
M. Trudel: On suivra vos directives, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître, M. le député de Salaberry-Soulanges.
M. Serge Marcil
M. Marcil: Merci, M. le Président. Lorsque le
député de Pointe-aux-Trembles... Oisons que je ne l'identifierai
pas particulièrement, je vais dire: Les députés de
l'Opposition s'acharnent à dire qu'ils ne veulent pas empêcher ou
bloquer les travaux de cette commission; tout ce qu'ils veulent apporter, ce
sont des choses construc-tives, positives. Donc, ils nous ont
déposé une motion à l'effet de rencontrer et
d'écouter la Commission des droits de la personne, ils s'apprêtent
à déposer une autre motion pour entendre un autre groupe et,
peut-être, un troisième groupe. Ça, c'est bien beau, sauf
qu'il y a une mécanique qui existe au niveau des projets de loi. Il
serait bien important, disons, que le député de
Pointe-aux-Trembles écoute un peu sur ça, parce que c'est en
réponse à ce qu'il disait tantôt. C'est qu'il y a eu un
avant-projet de loi où nous sommes allés en consultations
publiques, il y a eu au-delà de 40 organismes qui se sont
présentés à cette commission, qui ont déposé
un mémoire, qui sont venus défendre leur mémoire et je
vais éviter de faire la nomenclature de tous les organismes qui sont
venus, dont
ceux qui nous ont envoyé des lettres cette semaine ou la semaine
dernière, pour la plupart, se sont présentés à
cette commission parlementaire pour l'étude de lavant-projet de loi. Et
à partir de ces études, de ces mémoires que nous avons
entendus à cette commission parlementaire du mois de février
1990, nous avons apporté des correctifs, des amendements au projet de
loi qui nous est soumis aujourd'hui pour fins de discussion et fins de
débat. (11 h 15)
La Commission des droits de la personne, l'organisme dont l'Opposition
demande qu'il soit entendu à cette commission, ne s'est pas
présentée à cette commission parlementaire du mois de
février. Elle aurait pu, à ce moment-là, avec cet
avant-projet de loi, déposer un rapport, venir discuter aussi des
articles, des choses à modifier, si nécessaire. Tellement, M. le
député de La Prairie, que nous avons reçu deux rapports de
la Commission des droits de la personne cette semaine; l'un qui traitait de
l'avant-projet de loi et probablement qu'Us se sont aperçus que la loi
ou que le dossier avait évolué. Ils en ont déposé
un deuxième traitant du projet de loi 97.
Donc, comme M. le ministre le disait tantôt, je pense qu'à
la lecture du mémoire, du rapport de la Commission, je crois qu'il est
possible aussi, à un moment donné, de modifier certaines choses
à l'intérieur du projet de loi. Cependant, pour pouvoir le faire,
il faudrait commencer peut-être à aborder les articles un à
un. A ce moment-là, l'Opposition pourrait maintenir ou discourir sur
chacun des articles en apportant l'argumentation qu'elle apporte là, que
nous allons réentendre la semaine prochaine lorsqu'on va étudier
article par article. Je veux bien croire que nous sommes des parlementaires
sérieux, je voudrais qu'on le démontre également parce
qu'on peut passer toute la journée à déposer des motions.
Sauf que le projet de loi, comme la Commission des droits de la personne l'a
signifié également dans son rapport, c'est un gain quand
même très net par rapport à ce qui existait. Ce n'est pas
le Klondike, comme certains vont dire. Ça, je pense que tout le monde en
convient et, moi, personnellement, j'en conviens aussi comme
député. On ne peut pas quand même négocier,
bâtir une convention collective comme ça, du jour au lendemain,
pour tous les travailleurs et travailleuses du Québec, mais je pense que
par rapport à la loi qui existait, qui répondait, à
l'époque, à des besoins, aujourd'hui, elle est amendée.
Elle apporte des changements quand même substantiels pour nos
travailleurs et travailleuses qui ne sont pas régis, surtout, par des
conventions collectives.
Je n'ajouterai pas plus parce que je ne voudrais pas étirer le
temps, mais je sais que je vais entendre encore de votre part, tantôt,
suite au vote auquel nous allons procéder sur cette motion, le
même discours, à savoir qu'on devrait écouter un autre
groupe. Mais c'est qu'il y a un avant-midi qu'on aurait pu consacrer à
l'étude article par article. Vous auriez pu apporter exactement les
mêmes arguments et on aurait avancé. On aurait peut-être pu
modifier certaines choses. Je pense que ça aurait été plus
sain comme travail, mais ça fait partie, comme on dit chez nous, de la
joute parlementaire. Merci, M. le Président. Compte tenu, je pense, que
tout le monde est intervenu, il vaudrait peut-être la peine qu'on passe
au vote immédiatement.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de Salaberry-Soulanges. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Une voix: Non. Une voix: Ça va.
Le Président (M. Joly): Je pense qu'on a passé
à travers tous ceux qui avaient le droit de parole. Est-ce que la motion
est adoptée?
Une voix: Rejeté. Mme Harel: Vote.
Le Président (M. Joly): Vous voulez passer au vote?
Une voix: Faites un vote nominal. Mme Harel: Oui.
Vote!
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous demandez le vote
nominal?
Mme Harel: Bien, M. le Président, est-ce que la motion est
adoptée?
Le Président (M. Joly): Non, elle est rejetée.
Une voix: Alors, vote nominal.
Une voix: On a voté.
Une voix: Elle est rejetée.
Une voix: On votera la prochaine fois.
Une voix: Rejeté.
M. Bourbeau: Je voudrais savoir si le député de
Pointe-aux-Trembles et la députée de Hoche-laga-Maisonneuve ont
voté du même côté.
Mme Harel: Alors, sur division, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Alors, sur division, la motion,
telle que libellée, que vous avez
approuvée tantôt. M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
Motion proposant d'entendre l'organisme Au Bas de
l'échelle
M. Bourdon: Mais, oui. Alors, j'ai une motion, la deuxième
et dernière pour entendre des organismes. Il est proposé qu'en
vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission
permanente des affaires sociales tienne, avant d'entreprendre l'étude
détaillée du projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les
normes du travail et d'autres dispositions législatives, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin elle entende Au Bas de l'échelle.
Alors, M. le Président, je la dépose.
Le Président (M. Joly): Pour juger de la
recevabilité. Alors, disons que, très facilement, nous pouvons
juger de la recevabilité. Comme auteur de la motion, en vertu de
l'article 209, je vous reconnais le droit de parole. Vous avez donc 30 minutes,
au maximum.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, je serai bref. Au Bas de
l'échelle, c'est une organisation qui, depuis 15 ans, à
Montréal, défend les personnes non syndiquées qui sont
assujetties aux normes minimales du travail. Elle s'est déjà fait
entendre devant cette commission à l'étape de l'avant-projet de
loi. Il s'agit de personnes qui connaissent très bien les normes
minimales du travail et qui ont fait parvenir à cette commission un
grand nombre de recommandations que cette commission aurait avantage à
entendre.
À cet égard, M. le Président, l'histoire nous a
enseigné que, lorsqu'un gouvernement refuse d'entendre les personnes
intéressées par ses projets de loi, ces personnes finissent par
se lasser de ne pas être entendues et, souvent, elles considèrent
qu'elles ont assez vu le gouvernement qui ne veut pas les entendre.
Cela dit, M. le Président, c'est le sens de ma proposition et
j'espère que je n'ai pas fait un long discours. Non, j'ai
résumé ce que j'avais à dire, Au Bas de l'échelle
qui représente des petites gens, des gens qui sont assujettis aux normes
minimales du travail, qui font ça depuis 15 ans. Il n'y a rien de
drôle là-dedans. C'est des personnes, Au Bas de l'échelle,
qui ont une expertise considérable quant à l'application et au
contenu de la loi sur les normes minimales du travail.
Alors, serait-ce trop demander que de consacrer une heure à ce
groupe, afin qu'il nous dise, exactement, ce qui pourrait être
amélioré dans le projet de loi qui est devant nous? On parle des
nouveaux pouvoirs du commissaire en matière de congédiement,
parce que ça va aller et c'est un progrès pour le commissaire du
travail. On parle de l'information sur la Loi sur les normes du travail. Ce
serait utile que pourexercer un droit... Il est assez connu qu'on
exerce mieux un droit qu'on connaît. Il y a une proposition contenue dans
leur mémoire quant aux heures de travail et au refus de faire du temps
supplémentaire. Il serait utile de l'entendre. On parte aussi, dans ce
mémoire, de la nécessité d'avoir des congés de
maladie payés. Les députés en ont, pourquoi les gens aux
normes minimales n'en auraient-ils pas?
Une voix:...
M. Bourdon: Mais oui. On parle aussi de hausser le salaire
minimum à 6 $, afin de rattraper l'inflation et d'aller au-delà
du seuil de la pauvreté. Ce serait utile de les entendre à cet
égard-là.
On a un développement assez complet sur l'article 59 du projet de
loi. Ces gens-là pourraient venir nous l'expliquer. C'est la même
chose pour les articles 45, 50, 56 et 57 et les articles 13, 26 et 80.
M. le Président, il s'agirait d'entendre ces personnes-là
qui ont de l'expertise, qui connaissent ça, qui sont en contact avec les
personnes assujetties aux normes minimales du travail, pendant une heure. Ce ne
serait pas de trop. Parfois, on consacre plus de temps à des choses
moins Importantes qu'à ce groupe d'action et d'information pour les
non-syndiqués.
En terminant, M. le Président, je dirais qu'en plus ce
groupe-là a un avantage majeur si on regarde certaines réactions,
parfois, des ministériels: Ce sont des non-syndiqués. Ils n'ont
même pas le crime d'être syndiqués, eux; ce sont des
non-syndiqués qui s'occupent des personnes assujetties aux normales
minimales et je pense que ce serait utile de les entendre devant cette
commission.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Par voie d'alternance, pour la règle, M. le ministre, vous avez un droit
de réplique. Non? Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense bien qu'on
doive aborder la question: Qu'est-ce que c'est que de gagner ou de perdre du
temps lors des travaux d'une commission parlementaire? M. le Président,
je conteste totalement l'interprétation qu'en a faite le ministre, ce
matin, qui considère que ces motions - que présente l'Opposition
pour entendre notamment la Commission des droits de la personne et maintenant
l'organisme à but non lucratif Au Bas de l'échelle, qui
défend depuis 15 ans des non-syndiqués - c'est une perte de
temps. Je conteste
totalement cette interprétation, M. le Président. Voyez.
D'abord, c'a permis, ce matin, au ministre de prendre connaissance des avis qui
avalent déjà été déposés devant la
commission, au secrétariat de la commission parlementaire des affaires
sociales.
Tantôt, le ministre me prêtait le fait d'avoir reçu
une correspondance privée de la Commission des droits de la personne
quand, au contraire, tous les membres de la présente commission
parlementaire avaient reçu la lettre du président, qui souhaitait
être entendu, et l'avis de la Commission des droits de la personne. Moi,
je ne comprends pas le grief que fait le député de
Salaberry-Soulanges contre la Commission des droits de la personne qui
rattrape, qui corrige, justement, l'omission qu'elle a faite devant cette
commission lors de l'étude de l'avant-projet de loi, qui la corrige en
nous présentant un avis substantiel sur le projet de loi 97,
celui-là même qui va faire l'objet d'une étude en
Chambre.
Alors, M. le Président, au moins, ce matin le ministre aura pu
prendre connaissance de la correspondance qui avait été transmise
à la commission parlementaire et prendre connaissance des avis, en
espérant qu'il ne laisse pas, à ses adjoints seulement, le soin
d'en disposer, d'écarter ou de retenir ce qui fait l'objet des
recommandations des organismes qui ont pris le soin de communiquer avec la
commission.
Et puis, M. le Président, c'est une question, finalement,
évidemment, d'évaluation. C'est une question de... C'est
laissé au jugement des membres de la commission. Le ministre
prétend systématiquement que tout a été fait en
matière de consultation. Ses fonctionnaires ont rencontré les
groupes concernés, il a été au Conseil des ministres
chercher ce qu'il pouvait obtenir. Il a dû y avoir, évidemment, de
la grogne chez quelques-uns de ses collègues, et puis, quoi que
maintenant l'Opposition en dise, quoi que les groupes en pensent, en disent, ou
quoi qu'ils réclament, c'est comme si c'était fait.
Avec le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du
revenu et de la Formation professionnelle, ce n'est pas la première fois
qu'on assiste à un exercice qui est comme, finalement, terminé
avant même d'être entrepris. Parce que, pour le ministre, le
travail de son ministère est complété, puis, en ce qui le
concerne, c'est quasiment terminé. Moi, ce que je lui dis, c'est qu'il
faut, au contraire, manifester beaucoup plus d'ouverture d'esprit. Par exemple,
Au Bas de l'échelle a une expertise concrète en matière
d'application des normes. Moi, je suis toujours réservée. Je
cultive toujours le doute sur ces dispositions qu'on adopte ici, et toujours je
cultive le doute sur leur application réelle ou l'Impact ou les
conséquences, peut-être contraires, qu'elles peuvent avoir dans la
réalité de celles qui sont recherchées lors de leur
adoption. Par exemple, Au Bas de l'échelle nous signale en faisant
mention - ça, je veux le signaler également - de sa satisfaction
quant à certaines dispositions nouvelles introduites dans le projet de
loi. La Commission des droits de la personne aussi fait mention qu'il y a des
améliorations, mais insiste également qu'il y a encore des
lacunes, et c'est évident que c'est sur les lacunes qu'on va travailler
en commission. C'est évidemment sur ces lacunes qu'on va travailler pour
essayer de les corriger.
Quand Au Bas de l'échelle indique que, par exemple, les articles
concernant le travail à temps partiel qui introduisent, qui ont l'air
d'introduire une amélioration... Passez, par exemple, l'article 6 ou
l'article 45, paragraphe 1, ou 55... Non, excusez-moi! L'article 13, plus
précisément, et, je pense, l'article 26. De toute façon,
l'essentiel du propos de Au Bas de l'échelle, c'est de, justement,
signaler que ce qui peut apparaître comme étant une
amélioration, c'est-à-dire protéger les salariés
qui gagnent un taux de plus de deux fois le salaire minimum - le salaire
minimum est à 5.30 $. ça veut donc dire donner une protection
pour ceux qui gagnent moins de 10,60 $ - en introduisant le nouvel article,
peut avoir un effet pervers. Puis, l'effet pervers, c'est le qualificatif
"seul" ajouté au motif que l'employeur peut utiliser pour justifier un
salaire moindre à temps partiel, pour d'autres motifs que celui que le
travail habituellement réalisé est à temps partiel. (11 h
30)
C'est donc dire qu'on introduit pour l'employeur la capacité de
justifier pour d'autres raisons que celle du temps partiel un salaire
inférieur. Or, il va falloir faire très attention à la
rédaction même des dispositions du projet de loi parce que, sous
prétexte de faire le bien et de se gargariser de faire le bien, dans le
fond, l'effet pratique, c'est que ça fait du mal et l'effet pervers des
bonnes intentions du ministre, je pense qu'on aurait eu intérêt
à en discuter avec Au Bas de l'échelle, qui considère
qu'il faut non pas niveler par le bas, parce qu'à ce moment-là il
y aura d'autres justifications qui seront introduites à celle que le
travail est à temps partiel, toutes sortes d'autres raisons: parce que
c'est saisonnier, parce que c'est occasionnel, n'importe quelle autre raison
qui va faire que le salaire de la travailleuse, parce que c'est principalement
des femmes à temps partiel, va rester inférieur à celui
d'un travailleur à plein temps qui fait pourtant le même emploi ou
qui accomplit les mêmes tâches.
Alors, vous voyez que le mot "seul" qui est introduit, par exemple,
à l'article 13 peut, dans l'application concrète, écarter
plein de monde de la protection qu'on prétend lui offrir. Je rappelle
aussi qu'en matière d'information de la Loi sur les normes du travail,
une étude de la Commission des normes elle-même en 1986 nous
permettait de constater que plus de 44 % de la population ignoraient encore
qu'il existait au
québec une loi déterminant les conditions minimales du
travail. alors, vous avez idée que quand on ignore que la loi existe, on
n'y a pas recours. il y aurait donc à envisager toutes sortes de mesures
pour faciliter, comme ça s'est fait au manitoba, en saskatchewan,
à l'île-du-prince-édouard, en ontario, l'obligation
légale d'afficher les principales normes en vigueur dans les
établissements où se trouvent des travailleurs et
travailleuses.
Également, Au Bas de l'échelle nous rappelle qu'il y a un
grave risque de surcharge de l'appareil judiciaire du ministère du
Travail qui va être occasionné par le nouvel article 123, un
article qui confère au commissaire du travail les mêmes pouvoirs
qu'un arbitre. On sait que, dorénavant, les travailleurs et
travailleuses vont pouvoir raccourcir, finalement, le fait de passer
directement par un commissaire du travail, c'est-à-dire pas raccourcir,
mais certainement diminuer les coûts engendrés par le fait qu'ils
avaient auparavant à partager les coûts de l'arbitre. Bon, c'est
excellent. Mais en conséquence, quand on sait que les délais
d'audition sont déjà de huit mois - n'est-ce pas - en moyenne,
ça peut vouloir dire un an parfois. Donc, des délais d'audition
de huit mois en moyenne, ça, ça veut dire qu'un travailleur est
congédié et qu'entre-temps il n'a pas de salaire, il n'a pas de
revenu et il fait appel à la Commission des normes, et ça prend
déjà huit mois. Alors là, on veut améliorer la
possibilité d'avoir ce recours plus tôt même si c'est
timide, c'est-à-dire donc, vraisemblablement, selon l'évaluation
d'Au Bas de l'échelle, c'est 800 nouveaux dossiers par année
simplement en réduisant de cinq à trois ans le nombre
d'années de service pour avoir droit au recours de congédiement
sans cause juste et suffisante. Donc, 800 nouveaux dossiers. J'aimerais bien
échanger avec Au Bas de l'échelle, à savoir comment il
arrive à cette évaluation de 800, pour avoir ensuite une
réponse du ministre. Le ministre va avoir à nous dire à
combien il évalue les nouveaux dossiers par année et puis comment
il va faire en sorte que le délai...
Le Président (M. Joly): Je m'excuse...
Mme Harel:... d'audition ne s'allonge pas, parce que vous
comprenez que...
Le Président (M. Joly): Mme la députée...
Mme Harel:... M. le Président, l'enfer est...
Le Président (M. Joly):... je me dois de vous...
Mme Harel:... pavé de bonnes intentions.
Le Président (M. Joly): Je me dois de vous rappeler que,
quoique très intéressant, je me dois de conclure et vous dire que
votre temps de parole est déjà écoulé. Alors, je
vais reconnaître du côté ministériel, s'il y a des
interventions... Non, je vais maintenant reconnaître M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Oui, M. le Président. Non, ce n'est pas
une perte de temps de faire en sorte que des gens qui étaient venus nous
voir - oui, c'est vrai, M. le député de Salaberry-Soulanges - des
gens qui étaient venus nous voir et qui avaient la possibilité de
venir nous voir dans l'avant-projet de loi, de nous dire ce qu'ils pensaient
que nous devrions intégrer dans le projet de loi à être
présenté à l'Assemblée nationale et, maintenant que
nous avons ce projet de loi et que nous sommes dans le processus, nous ne
sommes pas dans la période de la consultation avant la rédaction
de la loi à être déposée à l'Assemblée
nationale. Nous savons que le ministre a déposé à
l'Assemblée nationale et nous a soumis un nouveau projet de loi, et
c'est à cet égard-là que le processus de consultation doit
s'exercer, parce que les intentions manifestées par le ministre, les
groupes ont eu l'occasion de les commenter, de faire les observations.
Maintenant que nous sommes à l'étape du projet de loi très
concret qui va s'appliquer ensuite au processus d'analyse et d'adoption
à l'Assemblée nationale, eh bien, là, maintenant, il faut
voir très précieusement ce que réservent les lois
minimales du travail pour cet ensemble de personnes qui ne sont pas
regroupées - rappelons-le encore une fois - dans des unités
syndicales ou des unités de travail accréditées en vertu
du Code du travail.
C'est très important que nous puissions entendre des gens qui
font partie de certains organismes comme celui que nous avons mentionné
dans la résolution qui a été déposée devant
vous, M. le Président. L'organisme s'appelle Au Bas de l'échelle,
et c'est assez impressionnant, l'analyse détaillée qui a
été faite du projet de loi. Cette analyse-là, on le voit
très rapidement dans le document qui a été
expédié au secrétariat de la commission des affaires
sociales, ces gens-là ont de l'expérience sur le terrain et on
peut comprendre assez facilement que quiconque à l'Assemblée
nationale, le ministre comme les autres, n'est pas en contact quotidiennement.
avec les problèmes vécus par la loi sur les normes minimales du
travail... Qu'à l'occasion de la révision il y ait quelques trous
dans la loi, il y ait quelques éléments qui ne soient pas
suffisamment bien pourvus en termes d'écriture, en termes de recours, eh
bien, seuls les organismes qui sont sur le terrain et qui vivent
quotidiennement avec ces gens, qui ont des difficultés dans le respect
des normes minimales de l'organisation du travail au Québec peuvent
venir nous dire qu'il faut faire attention,
qu'il faut, à certains égards, peut-être
sûrement, rédiger à nouveau un certain nombre d'articles de
ce projet de loi, parce que, encore une fois, c'est la convention collective de
ceux et celles qui sont les plus en difficulté dans notre
société et qui sont généralement les moins bien
armés, les moins bien préparés à l'exercice de ces
droits que nous vouions leur garantir dans cette loi ou dans la version
améliorée de la loi existante sur les normes minimales du
travail. Et ceci, à bien des égards, nous est souligné par
cet organisme qui s'occupe de ces personnes, qui s'appelle Au Bas de
l'échelle. Par exemple, M. le Président, il serait
éminemment utile que nous puissions passer en revue, avec des personnes
qui travaillent avec des groupes ou d'autres personnes qui sont en situation de
difficulté quant aux normes du travail, et connaître la
véritable situation, en termes de connaissance de la loi.
Toujours en reprenant cette comparaison de la convention collective des
moins organisés sur le plan des normes du travail dans notre
société, je ne connais pas, M. le Président, beaucoup de
conventions collectives qui, aujourd'hui, n'incluent pas un dispositif qui
oblige, à l'embauche, de remettre non seulement une copie de la
convention qui a été négociée et signée par
les deux parties dans une organisation de travail, mais qui oblige maintenant,
parfois, à en remettre un résumé plus vulgarisé
pour les syndiqués ou pour les travailleurs et les travailleuses
organisés. Il est, à certains égards, un peu normal que
certains dispositifs d'une loi ou d'une convention collective fassent un peu
chinois en termes d'écriture, parce que nous vivons d'abord dans une
société de droits et que la forme écrite que prend la
définition de ces droits-là prend parfois des allures qui sont
plus facilement compréhensibles par des initiés du métier
ou ceux et celles dont c'est la profession de lire et d'interpréter et
de faire en sorte qu'on respecte ces droits. Alors, on oblige, dans bien des
milieux, dès le moment où il y a un contrat de travail sous
quelque forme que ce soit dans les organisations, à remettre une copie
de la convention collective ou des droits qui sont assurés à ces
personnes.
D'autres provinces ont même déjà pourvu à
cette difficulté ou ont prévu cette difficulté en
obligeant les employeurs à remettre aux travailleurs et aux
travailleuses qui entrent à l'emploi d'une organisation un
résumé des principales clauses. Et il ne serait pas inutile que
les gens de l'organisme qui s'appelle Au Bas de l'échelle puissent venir
nous illustrer comment, sur le terrain, on vit réellement le respect ou
le non-respect des droits qui sont inclus aux normes minimales du travail. Et
de cette obligation d'information pour les gens qui sont dans le domaine
politique, comme nous le sommes autour de la table, on entend souvent
l'expression: Le vrai pouvoir, c'est l'information. Le véritable pouvoir
dans un gouvernement, dans un organisme, dans la direction d'une entreprise ou
d'un quelconque organisme, c'est l'information. Bien sûr, parce que c'est
le phénomène tout à fait minimal de la connaissance des
droits. Et le début de l'exercice d'un droit, c'est sa connaissance dans
la langue et dans les mots ou dans la forme qui peut être le plus
facilement comprise par la personne intéressée. Compte tenu de la
catégorie de personnes que nous voulons protéger et à
laquelle nous voulons assurer des droits, l'Information Ici, ça se
transforme assez rapide ment en un effort que doit intégrer le
législateur à sa propre loi en matière de diffusion et de
connaissance de cette loi-là.
Certains pourront dire: Bien écoutez, nous, comme
législateurs, on a d'abord à pourvoir à ce qu'il y ait des
droits minimaux qui s'exercent en termes de normes minimales du travail. Quant
à l'information et quant à la connaissance de ces droits et quant
aux recours lorsqu'ils ne sont pas respectés, ça, c'est le
problème ou la situation que devront rencontrer d'autres organismes ou
d'autres mécanismes dans notre société. Si bien qu'on se
retrouve souvent avec une espèce de vacuum. Le législateur, dans
sa bonne intention, dit: Moi, je fais une rédaction des droits; je la
fais de la façon la plus précise possible, et d'autres
pourvoiront à la notion d'information et de la connaissance de l'effet
de ça.
M. le Président, il faut que nous soyons à la fois
préoccupés par la description des droits et par la connaissance
de ces droits et la connaissance des mécanismes par lesquels je peux les
faire respecter. Ce n'est pas pour rien, encore une fois, que dans les
conventions collectives négociées en vertu des prescriptions du
Code du travail on va retrouver largement chez les personnes organisées
l'obligation de remettre le texte des droits auxquels ces gens sont soumis ou
les droits que les gens ont lorsqu'ils entrent dans une organisation de
travail.
Alors, voilà pourquoi, M. le Président, il est important -
et ce ne serait pas une perte de temps - que nous puissions rencontrer des gens
qui, quotidiennement, ont à traiter avec ceux et celles qui vont jouir
de cette convention collective, qui s'appelle les normes minimales du travail.
Et on se retrouvera avec une loi qui sera bonifiée, qui va rejoindre les
objectifs fondamentaux que l'on veut poursuivre à l'intérieur de
cette loi-là, pour s'assurer, entre autres, sur ce chapitre, qu'il y ait
une diffusion adéquate, dans une forme adéquate, dans un langage
adéquat de ces droits qui sont décrits au projet de loi 97 et qui
va amender la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres
dispositions législatives.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière. (11 h 45)
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président.
Écoute?, tout comme je l'ai fait tout à l'heure, et je
réitère en fait l'Importance qu'on devrait... On devrait prendre
le temps de rencontrer les groupes qui se sont donné la peine en plus de
nous envoyer des recommandations sur le projet de loi. J'entendais tout
à l'heure le député de Vaudreuil-Soulanges qui disait: On
les a déjà entendus, ces groupes-là, et ils sont
déjà venus s'exprimer. C'est un fait, lors de la commission, que
les groupes sont venus s'exprimer. Mais on était, à ce
moment-là, à l'étude d'un avant-projet de loi. Il y a eu
des changements aussi. Et ce n'est un secret pour personne que l'Opposition
souhaite des amendements. On en souhaite davantage, tout comme ces
groupes-là, d'ailleurs. Alors, dans ce sens-là, je trouve aussi
important de rencontrer un organisme qui s'appelle Au Bas de l'échelle
parce que, bon, écoutez, je pense que c'est un groupe qui s'occupe
vraiment des non-syndiqués, qui est au courant et qui est très
impliqué par rapport à la Loi sur les normes du travail. Donc, je
pense qu'il serait absolument nécessaire de rencontrer ces
gens-là qui ont à travailler régulièrement avec des
travailleurs et des travailleuses qui sont régis essentiellement par ces
règles qu'on appelle les normes minimales de travail.
Dans nos interventions, à plusieurs reprises, les gens de
l'Opposition, on a fait état du problème, entre autres - et
là-dessus, je pense que ça aurait été important de
rencontrer l'organisme - du fameux droit de recours que le projet de loi qu'on
a maintenant entre les mains apporte aux salariés pour refuser de faire
du temps supplémentaire. Quand les gens doivent refuser le temps
supplémentaire, ce que le projet de loi 97 apporte, finalement, c'est
tout simplement un droit de recours aux parents d'enfants mineurs. On sait que
les travailleurs et les travailleuses ont une vie parentale à assumer
aussi, et ce droit de recours là s'applique tout simplement aux seuls
parents d'enfants mineurs. Il y a d'autres groupes qui en ont parlé
aussi. On a vu justement dans les journaux, le Conseil du statut de la femme,
entre autres, qui dit la même chose que l'Opposition, en fait, c'est
qu'on aurait souhaité que ce droit-là s'applique à tous
les travailleurs, pas seulement aux parents d'enfants mineurs. Je pense que
c'est un droit tout à fait légitime que d'avoir un certain nombre
d'heures à faire dans une semaine. Et c'est admis à peu
près partout. Il y a des semaines maximales qui sont
délimitées dans beaucoup de provinces canadiennes. On sait aussi
que... Le groupe Au Bas de l'échelle nous en parlait par rapport aux
heures de travail et au refus de faire du temps supplémentaire dans les
notes complémentaires, et pour ceux qui n'ont pas eu le temps de lire le
petit mémoire d'Au Bas de l'échelle, on va reprendre. Ils nous
parlent effectivement de ce problème-là des heures de travail et
du refus de faire du temps supplémentaire. Ils nous disent:
"Considérant que près de 90 % de l'ensemble des salariés
du Québec ont une semaine normale de travail égale ou
inférieure à 40 heures, considérant qu'il est
indiqué d'harmoniser la Loi sur les normes du travail avec le Code
canadien du travail dont la journée normale de travail est
limitée à 8 heures, considérant que la Loi sur les normes
du travail n'établit aucune limite dans le droit d'un employeur d'exiger
d'un employé qu'il effectue des heures supplémentaires et qu'une
limitation à ce droit existe déjà dans les
législations d'au moins cinq autres provinces canadiennes ainsi que dans
le Code canadien du travail." Alors, eux nous recommandent une modification de
l'article 52. Ils nous demandent ceci: "Aux fins du calcul des heures
supplémentaires, la semaine normale de travail est de 40 heures et la
journée normale de travail est de 8 heures, sauf dans le cas où
elle est fixée par règlement du gouvernement." Ils nous demandent
aussi que le nouveau paragraphe 6 de l'article 122 se lise comme suit: "Pour le
motif que le salarié a refusé de travailler au-delà de ses
heures habituelles de travail".
Disons qu'on peut reprendre les suggestions du groupe Au Bas de
l'échelle, effectivement, mais j'aurais bien aimé les entendre,
à savoir: Que pensent-ils de la semaine maximale de travail? Parce que
nous, en fait, ce qu'on pense, c'est qu'il serait important qu'on
établisse une règle pour la semaine maximale de travail. Disons
qu'il y a aussi d'autres considérations dans ce document-là qui
sont intéressantes, mais, par rapport à la durée du temps
et à la possibilité de faire du temps supplémentaire,
c'est bien de nous demander ce genre de modification là.
Personnellement, j'aurais souhaité plus et ç'aurait
été important. En tout cas, j'aurais aimé entendre
l'argumentation, et la discussion qu'on aurait pu avoir aurait pu
sûrement éclairer, le ministre et l'amener à faire
peut-être des modifications dont la population pourrait jouir dans son
ensemble.
Enfin, disons que, pour les mêmes raisons que je disais tout
à l'heure, écoutez, ce n'est pas rien un projet de loi comme
celui sur les normes du travail, ça touche l'ensemble de la population.
Et plus on a de discussions avec les gens qui nous demandent de faire des
modifications, parce qu'on n'est plus, là, sur l'avant-projet, on est
rendus au projet de loi comme tel, alors, il y a des propositions qui nous
avaient été suggérées lors de l'étude de
l'avant-projet et qui n'ont pas été retenues. Ça serait
donc intéressant, je pense, de réitérer ces demandes et,
à nouveau, d'interroger les groupes pour se faire une meilleure
idée parce que, au rythme où on fait des réformes, chez
nous, sur la Loi sur les normes du travail, je pense que ça serait
d'autant plus important d'avoir un éclairage adéquat sur ce qui
se passe et comment c'est vécu en bas, par les gens qui travaillent
selon
cène loi-là.
Par rapport aux recours aussi, c'est important de mentionner à
nouveau que la majorité des travailleurs et des travailleuses qui sont
soumis à la seule règle des normes minimales du travail, pour qui
ce sont les seules conditions de travail existantes... Quand c'est
respecté... Encore là, on n'est pas sûr, ça ne l'est
pas toujours. On ne se contera pas d'histoires. Je pense que tous autant que
nous sommes, ici, autour de la table, dans nos comtés et un peu partout,
on sait que, même s'il existe une loi qui s'appelle la Loi sur les normes
du travail, c'est quand même une loi qui fonctionne sur des plaintes. On
sait que les gens qui travaillent sur cette loi sont des travailleurs à
faible et à moyen revenu, surtout à faible revenu. Se plaindre et
entamer des procédures selon cette loi des normes minimales du travail,
ça engage, évidemment, des frais. Ça oblige les gens
à défrayer des coûts pour se défendre contre des
entreprises qui ne respectent pas, finalement, la règle. Par rapport aux
droits de recours, il y a sûrement aussi des choses à faire. Il y
a des recommandations aussi que le groupe Au Bas de l'échelle nous fait
et je me demande si, à quelque part, H y aurait moyen de donner un peu
plus de dents à cette loi, de la rendre un peu plus obligatoire ou un
peu plus proactrve, parce que, disons que je me souviens que lorsqu'on a
entendu les groupes à l'automne dernier, c'est la CSD, je pense, qui
avait fait des recommandations en disant: Organisez-vous donc pour que cette
loi-là ait des dents. C'est peut-être une déformation
professionnelle de ma part, M. le Président, parce que, voyez-vous, je
suis une fille du milieu du travail, de relations Industrielles, et j'ai
toujours, moi, déploré le fait que cette loi-là devienne
la convention collective des non-syndiqués. Pourtant, même si les
employeurs sont au courant, même si on pense que les travailleurs sont au
courant - et ça, c'est faux. Je pense que, d'ailleurs, Au Bas de
l'échelle en fait état dans ses recommandations. Ce n'est pas
tous les travailleurs qui sont au courant que cette norme-là existe, que
cette loi-là existe et on a l'impression que, du fait que les employeurs
sont au courant, ils vont la respecter automatiquement. Sauf que, pour ma part,
j'ai toujours déploré le fait que cette loi-là n'ait pas
beaucoup de dents, M. le Président, et j'aurais aimé qu'on en
discute aussi avec les organismes qui ont, justement, demandé à
nous rencontrer.
Enfin, pour toutes ces raisons, je pense que ça serait important
de rencontrer encore des gens parce qu'il y a sûrement encore des pas
à faire dans la bonne direction pour les travailleurs et les
travailleuses du Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière. Comme il n'y a
plus d'Intervenants, nous allons maintenant disposer de la motion Est ce
que la motion voulant que la commission entende l'organisme Au Bas de
l'échelle est...
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Joly): J'en étais à
demander si la motion est...
Mme Harel: ...on pourrait, s'il vous plaît, prendre un vote
nominal.
Le Président (M. Joly): Vous exigez un vote nominal, Mme
la députée. Donc, je vais exécuter vos souhaits.
Alors, M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité
du revenu et de la Formation professionnelle?
M. Bourbeau: Malheureusement, M le Président, je nie dois
de rejeter la motion
Le Président (M. Joly): Parfait! Une voix:...
Le Président (M. Joly): Un instant! M. le
député de Verdun?
M. Gautrin: Pour les mêmes points de vue, je rejette la
motion.
Le Président (M. Joly): Mme la députée de
Saint-Henri?
Mme Loiselle: Contre.
Le Président (M. Joly): Mme la députée de
Bourget?
Mme Boucher Bacon: Contre.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Salaberry-Soulanges?
M. Marcil: Dans la même ligne de pensée, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Contre. Un gouvernement stable! M.
le député de Fabre? Contre. Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve?
Mme Harel: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Joly): M le député de
Pointe-aux-Trembles?
M. Bourdon: Pour, M. le Président. Des voix: Ha,
ha, ha!
Le Président (M. Joly): Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière?
Une voix: Ce n'est pas un vote, ça, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Oui. D'ailleurs, ç'a
été bien enregistré.
Mme Carrier-Perreault: Évidemment, pour, M. le
Président, moi.
Le Président (M. Joly): C'est parce que j'ai pris
ça comme étant de la redondance.
Mme Carrier-Perreault: Je ne sais pas s'il a compris.
Le Président (M. Joly): Alors, la motion est
rejetée 6 contre 3, Canadiens-Nordiques.
Mme Harel: Alors, M. le Président...
Le Président (M. Joly): Mme la députée.
Mme Harel: ...à ce stade-ci de nos travaux, constatant le
refus répété de procéder à des consultations
particulières, j'aimerais présenter une nouvelle motion.
Le Président (M. Joly): Allez, madame! C'est votre plein
droit.
M. Bourbeau: On se serait étonnés du contraire.
Motion proposant que le ministre
mette à la disposition des membres
une copie du projet de règlement
concernant l'application du projet de loi
Mme Harel: Cette motion se lit comme suit: "Que cette commission
souhaite que le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du
revenu et de la Formation professionnelle mette à la disposition des
membres de la commission parlementaire une copie du projet de règlement
concernant l'application du projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les
normes du travail et d'autres dispositions législatives, et cela dans le
but de faciliter l'étude détaillée dudit projet de
loi."
Le Président (M. Joly): Je vais juger de la
recevabilité, Mme la députée. D'ailleurs,
j'apprécierais beaucoup si vous pouviez vous-même débattre,
si vous voulez la recevabilité.
M. Bourbeau: D'ailleurs, j'aimerais parler de la
recevabilité.
Le Président (M. Joly): Oui, sûrement. Alors, je
vais céder la parole, premièrement, à l'auteure de la
motion, qui est Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, et
après, M. le ministre, je vais vous reconnaî- tre.
Mme Harel: D'abord, M. le Président, je dois vous faire
valoir que j'ai eu moi-même à disposer de la recevabilité
d'une telle motion lorsque je siégeais à titre de
présidente de la commission.
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous aviez
accepté?
Mme Harel: Je l'avais acceptée, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Vous aviez accepté.
Mme Harel: Je l'avais acceptée.
M. Bourbeau: Comme je le disais moi-même.
Le Président (M. Joly): Et vous basant sur votre bon
jugement, vous nous présentez, ce matin, une autre motion.
Mme Harel: Non, M. le Président. M. Bourbeau: La
jurisprudence.
Mme Harel: Me basant sur la jurisprudence...
Le Président (M. Joly): Ah! Mais vous avez l'article
244.13 que je vous demanderais de réviser.
Mme Harel: ...et que votre collègue, député
de Laval-des-Rapides, a également entérinée. Là, M.
le Président, je vous demande de bien distinguer la recevabilité
d'une motion présentée pour obtenir les règlements d'un
projet de loi de la recevabilité d'une motion souhaitant...
M. Bourbeau: On voudrait bien saisir.
Mme Harel: ...obtenir un projet de règlement. Alors,
voilà toute la différence, M. le Président. Je sais
très bien qu'il n'est pas possible, pour un parlementaire, d'obtenir de
l'Exécutif un règlement avant que le projet de loi soit
adopté, mais il est possible, pour les membres de cette commission, de
souhaiter travailler sérieusement en ayant en main le projet de
règlement que le ministre entend faire adopter par son gouvernement. Il
faut se rappeler que l'avant-projet de loi est déposé depuis juin
1989. Ça fait donc un an et demi. La commission parlementaire sur
l'avant-projet de loi a eu lieu au printemps passé, il y a plus de neuf
mois maintenant. M. le Président, trop de dispositions sont des
coquilles législatives vides si, à titre de législateurs,
nous n'obtenons pas les intentions du gouvernement en matière
réglementaire. Je pense, entre autres, aux
avantages d'un salarié pendant le congé parental, puisque
ces avantages vont être définis par le pouvoir
réglementaire. Je pense également aux salaires, à
l'indexation du salaire minimum, à la durée du travail des
employés des petites fermes, cette durée du travail qui sera
définie par règlement. Je pense également aux normes qui
s'appliqueront aux gardiennes qui seront définies par règlement
et, également, à la durée du congé parental qui
pourra être définie par règlement. Alors, M. le
Président, évidemment, bien d'autres droits qui sont offerts ne
seront vraiment connus dans leur application que lorsque nous connaîtrons
le règlement. (12 heures)
Alors, je vous rappelle que la formulation de la motion n'est pas
contraignante pour le ministre, puisqu'il s'agit, pour les membres de la
commission, de formuler un souhait, celui d'obtenir le projet de
règlement et donc de connaître les intentions de l'Exécutif
et de mieux faire leur travail de législateurs. Là, je vous cite
de nombreux précédents qui ne sont pas de moi - je ne me serais
pas autorisée à me citer, M. le Président - mais qui sont,
entre autres, des précédents émanant de décisions
du président Guy Bélanger, le député de
Laval-des-Rapides, concernant les projets de règlement sur le projet de
loi sur la sécurité du revenu, le 30 novembre 1988. Alors, je ne
sais pas si ça va rappeler des souvenirs au ministre. Il y a maintenant
deux ans nous nous retrouvions en commission parlementaire dans des
circonstances évidemment plus difficiles, puisque c'était
l'unanimité au Québec contre le projet de loi 37, à part
évidemment le Conseil du patronat et le Parti Égalité.
M. Bourbeau: On a vu ça aux élections de septembre
1989.
Mme Harel: Heureusement que le gouvernement s'était
protégé en en retardant l'application à un an après
les élections, mais le gouvernement va voir ça à la
prochaine élection, par exemple. Je fais également appel au
précédent qui origine de la décision de l'actuel
président de l'Assemblée nationale, mais qui était
à l'époque vice-président, concernant les projets de
règlement reliés au projet de loi 178, c'est-à-dire
concernant la Charte de la langue française.
Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, je plaide en
faveur de la recevabilité de la motion.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je soutiens que la motion
n'est pas recevable. Je ne connais pas par coeur tout le
règlement, mais il doit certainement y avoir quelque part dans notre
règlement un article qui doit dire que... Je vais suspendre. Si le
président n'écoute pas ma plaidoirie, je ne peux pas le
convaincre.
Le Président (M. Joly): J'écoute et, d'ailleurs, je
suis déjà peut-être un peu en avance même sur ce que
vous...
M. Bourbeau: M. le Président, n'allez pas trop en avance,
parce que vous allez constater que la justesse de mes arguments est susceptible
de vous ébranler dans vos fondements les plus profonds.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: M. le Président, il doit y avoir dans le
règlement quelque part, et je me fie sur vous pour le trouver, un
article qui dit que le gouvernement ou le ministre ne peut pas induire une
commission en erreur, que toute décision que vous pourriez rendre, si
c'était le cas, si elle devait induire la commission en erreur, ne
pourrait certainement pas être rendue. Or, je vous soumets
respectueusement que si je devais déposer devant cette noble
Assemblée un projet de règlement sur une loi qui n'est pas
votée, ça impliquerait au départ que je ne me propose pas
d'accepter quelque modification que ce soit. Si j'avais en tête
présentement l'intention bien arrêtée de ne pas accepter de
modifications, si tout était figé d'une façon
définitive, je serais en mesure de présenter un règlement
qui serait en accord avec la loi. Mais, comme je suis un ministre ouvert, M. le
Président, contrairement à ce qu'a insinué tantôt la
députée de Hochelaga-Maisonneuve qui disait que le ministre
était borné, que le ministre n'acceptait aucun changement, comme
je suis ministre ouvert, j'ai indiqué et j'indique de nouveau mon
intention de consldôror d'une façon très attentive tout
amendement qui pourrait provenir tant des députés de la formation
ministérielle que de l'Opposition Dans ce sens-là, le
règlement ou le projet de règlement qui pourrait être
déposé ne serait qu'un projet imparfait et sujet à
modifications, bien sûr, parce que si on modifie les articles de la loi -
ce qui est fort possible et peut-être même probable - il faudra
aussi modifier les articles d'un règlement hypothétique qui
pourrait être déposé.
Donc, M. le Président, pourquoi déposerais-je un projet de
règlement, sachant à l'avance qu'il n'est pas exact et qu'il
devra être modifié à la suite des amendements qui seront
apportés par la commission? Donc, c'est ce qu'on appelle en langage
courant: Mettre la charrue devant les boeufs. J'induirais la commission en
erreur en lui disant: Voici un règlement que je vais faire adopter,
sachant très bien qu'il ne sera pas adopté dans cette
forme-là, étant donné les modifications que je me propose
moi-même d'ailleurs de suggérer et cette modification que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve nous a déjà
annoncée comme devant être déposée.
M. le Président, je vous dis que si vous vous rendez à la
proposition de la députée de Hochelaga-Maisonneuve et que vous me
forcez, non me, pas forcez non, disons que vous faites en sorte que la
commission exprime un souhait de voir déposer un projet de
règlement, ce règlement-là pourrait avoir comme effet
d'induire la commission en erreur, parce que ce ne sera certainement pas le
règlement qui éventuellement sera adopté.
Donc, M. le Président, je pense que l'on pourrait très
bien passer l'article 1 et se mettre au travail dès maintenant.
Le Président (M. Joly): En fait, afin de démontrer
toute la justice du jugement que j'aurai à rendre dans quelques minutes,
je vais écouter à nouveau Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, avant de reconnaître M. le député de
Salaberry-Soulanges, toujours sur la recevabilité.
Mme Harel: Oui, tout à fait, M. le Président. Je
m'élève totalement contre les propos récents tenus par le
ministre à l'effet que vous alliez forcer la commission, vous alliez
forcer le ministre à...
M. Bourbeau:...
Mme Harel: Ah bon! vous les avez retirés. Très
bion. Parce que, finalement, tout ce que vous avez à décider,
c'est de la recevabilité de la motion, mais c'est la commission qui a
finalement à en disposer. Ce n'est pas le président qui en
dispose
M. le Président, vraiment, je trouve assez paradoxal que, ce
matin, le ministre ait pu, par exemple, dans l'avis soumis par la Commission
des droits de la personne concernant la catégorie des gardiennes qui
vont être exclues par règlement de l'application de la Loi sur les
normes du travail, invoquer qu'il était envisageable que le
règlement puisse fixer des critères objectifs pour inclure, comme
ça, des personnes ou exclure certaines autres personnes, donc, que le
règlement puisse se bonifier. Il a fait siennes les
considérations de la Commission des droits de la personne à
l'effet que le règlement pourrait venir atténuer l'effet
d'exclusion, donc de l'absence de protection de la loi et de la diminution du
caractère universel de la loi, en invoquant que ça pouvait
être dans le règlement.
M. le Président, on peut souhaiter que les amendements qu'il
apportera à la loi nous soient connus le plus rapidement possible - je
le lui dis comme ça je n'aurai pas besoin de faire une motion. Parce que
s'il prenait l'initiative de déposer les amendements, alors, ça
nous donnerait le temps de les étudier, ça nous donnerait le
temps de faire en sorte qu'on accélère nos travaux. Sinon, M. le
Président, c'est évident que le ministre n'a pas à se
plaindre après de la longueur de nos travaux, s'il ne nous donne pas les
Instruments pour travailler convenablement. Alors, je lui dis tout de suite
pour ce qui concerne les amendements puis, je l'espère, pour ce qui
concerne le règlement: Aidez-nous à travailler comme il faut, M.
le ministre.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. M. le député de
Salaberry-Soulanges.
M. Marcil: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Toujours sur la
recevabilité.
M. Marcil: C'est toujours sur la recevabilité, parce que,
là, c'est un jeu de mots. Je sais qu'une motion semblable avait
déjà été déposée à une
commission parlementaire, puis le libellé, justement, de cette motion
était... Bon, c'était le député de l'Opposition qui
proposait une motion visant à ce que le ministre dépose devant la
commission les règlements découlant d'une disposition du projet
de loi. "Demander qu'on dépose un projet de loi" et "souhaiter qu'on
dépose un projet de loi", c'est un petit peu la même chose. C'est
exactement comme si on arrive dans le temps des fêtes et qu'on dit "je
vous souhaite un joyeux Noël" ou bien "joyeux Noël". Quelle est la
différence entre dire à quelqu'un "joyeux Noël" ou "je vous
souhaite un joyeux Noël"? C'est la même chose.
Dans le fond, un souhait, c'est un désir, mais c'est plus qu'un
désir, dans le fond, c'est qu'on le veut. Entre demander de
déposer puis souhaiter de déposer, je ne vois pas du tout la
différence qu'il peut y avoir, du moins dans les intentions. Donc,
à ce titre-là, M. le Président, je ne vois pas du tout
comment vous pouvez déclarer cette motion recevable, parce qu'on ne peut
pas, dans le contexte actuel, déposer un règlement
découlant d'une loi qui n'est pas adoptée. Donc, il est
absolument nécessaire que, d'abord, on dispose du projet de loi, qu'on
reçoive les amendements de l'Opposition ou de nous, du côté
ministériel, et, lorsque le projet de loi sera adopté, il
deviendra une loi. À ce moment-là, on pourra travailler sur une
réglementation, et puis demander au ministre de la déposer.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
D'ailleurs, à mon tour aussi, je souhaiterais qu'aucun parlementaire ne
présume de la décision que je vais rendre.
M. Marcil: On ne présume pas.
Le Président (M. Joly): Je ne voudrais pas non plus sentir
une forme de contrainte, à savoir que mon jugement se doit d'être
impartial.
Comme vous le savez, le rôle d'arbitre n'est jamais populaire,
mais je pense que je suis tout à fait prêt à rendre un
jugement, et tout ceci à la lumière des plaidoyers que j'ai
entendus, tant de la part de la députée de Hochelaga-Maison-neuve
que de M. le ministre, et aussi en me fiant sur la jurisprudence pour
réaliser que le libellé, le libellé comme tel,
malgré que M. le député de Salaberry-Soulanges ait voulu
donner, peut-être, je ne dirais pas une interprétation
différente au mot "souhait", mais faire valoir que, dans certaines
circonstances, ça pouvait avoir, peut-être, un état de
force différent.
Alors, en ce qui concerne la subtilité, si on peut dire, du
libellé, je me dois de dire que oui, ça semble recevable. Mais,
me basant sur, justement, le mot "souhait", je ne peux définitivement
pas... Je peux dire que oui, la motion est recevable, mais je ne peux
définitivement pas forcer M. le ministre à donner un document de
travail qui est nécessairement le sien tant et aussi longtemps que la
loi n'est pas passée et n'est pas approuvée à ce
moment-là, parce que ce serait de présumer, premièrement,
que la loi va être approuvée telle quelle et que chacun des
articles sera également approuvé tel que. Alors, comme on marche
dans l'hypothétique, les suppositions et les extrapolations, je pense
que oui, la motion est recevable, mais non, je ne peux forcer M. le ministre
à déposer son document.
Une voix: Donc, irrecevable.
Le Président (M. Joly): Donc, c'est irrecevable par
rapport au mot "souhait".
M. Bourbeau: On prend les décisions et on passe au
vote.
Une voix: Irrecevable ou recevable?
Le Président (M. Joly): Définitivement pas.
Mme Harel: Bien voyons donc! Là, on va suspendre et on va
aller au secrétariat.
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Maisonneuve...
Le Président (M. Joly): Si vous voulez.
M. Bourbeau: ...en appelle de votre décision, là
vraiment, là...
Mme Harel: On ne va pas refaire de la jurisprudence quand il y en
a eu depuis deux ans.
Le Président (M. Joly): Non, non, écoutez,
écoutez, on va revenir... La motion est recevable, sauf que je ne peux
forcer M. le ministre...
Mme Harel: Ah! D'accord.
Le Président (M. Joly): ...à vous donner le
document de travail que vous exigez.
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais que vous me
donniez la parole. La députée de Maisonneuve met en doute votre
décision qui a été rendue à l'effet que la motion
est recevable. M. le Président, je m'objecte à ce...
Mme Harel: C'est recevable.
Le Président (M. Joly): La motion comme telle...
M. Bourbeau: La députée de Maisonneuve devrait
accepter la décision de la présidence...
Le Président (M. Joly): Non, non, la motion ...
M. Bourbeau: ...quelle qu'elle soit.
Le Président (M. Joly): ...comme telle...
M. Bourbeau: Même si la décision lui est favorable,
elle devrait l'accepter quand même.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Est-ce que... La motion est
recevable, oui, sauf que je ne peux forcer M. le ministre à vous donner
le document que vous exigez parce que c'est un document de travail et que,
nécessairement, la loi n'est pas encore approuvée
Mme Harel: Je vous comprends que vous ne puissiez pas le forcer,
mais vous comprendrez qu'on veuille, nous, l'influencer à le faire.
Alors, c'est pour ça que je vais donc, à ce moment-ci, intervenir
sur la motion qui est recevable parce que, essayant de convaincre le ministre,
je sais très bien... Vous la jugez recevable, alors, je vais intervenir
sur...
Une voix: C'est recevable.
Mme Harel: C'est ça. Alors, je vais intervenir sur la
motion...
Le Président (M. Joly): Excusez, je vais laisser
madame...
Mme Harel: ...en espérant que les propos que je vais tenir
vont convaincre le ministre. Alors, je comprends: la motion est recevable. Vous
ne pouvez pas forcer le ministre, mais moi, comme elle est recevable, je peux
plaider et essayer de le convaincre de nous déposer les
règlements...
Une voix: Convaincre la commission.
Mme Harel: ...et de convaincre la commission, évidemment,
de faire en sorte que le ministre nous dépose ces amendements.
Le Président (M. Joly): En vertu de l'article 209, je vous
reconnais le droit de parole. Vous avez 30 minutes sur la motion comme telle et
après, M. le ministre, vous aurez autant de temps que l'auteure
même et chacun des parlementaires aura ses 10 minutes.
M. Marcil: Question de règlement, M. le
Président.
M. Bourbeau: Elle a attrapé la maladie de Chevrette. Elle
conteste les décisions systématiquement, même quand elles
lui sont favorables.
Le Président (M. Joly): Non, la décision... Je ne
sais pas.
M. Marcil: M. le Président, question de règlement,
s'il vous plaît.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
député de Salaberry-Soulanges. S'il vous plaît!
M. Marcil: J'aimerais au moins que vous m'expliquiez quelque
chose. C'est que, moi, dans votre jugement, vous avez...
Mme Harel: Sagesse. M. Marcil: Pardon? Mme Harel:
Sagesse.
M. Marcil: Je jugerai après. Non, dans votre jugement, M.
le Président, oui, dans votre sagesse, vous avez dit ceci: La motion est
recevable. Cependant, compte tenu qu'on ne peut pas obliger un ministre
à déposer un document de travail, je considère votre
motion comme irrecevable. C'est dans ce sens-là que vous l'avez rendue
tantôt. Est-ce que je peux comprendre, à ce moment-là, que
vous voulez dire par là que la motion pourrait être recevable,
mais que, comme on ne peut pas obliger un ministre à déposer un
document de travail, vous la considérez comme irrecevable? Est-ce que
c'est ça que vous avez dit?
Le Président (M. Joly): Là, mon cher M. le
député, je pense que, vous aussi, vous êtes d'une
subtilité même pas masquée. Alors, partant de là, je
dois vous aviser que tantôt la commission aura à statuer si la
motion est acceptée ou pas.
M. Marcil: C'est différent, M. le Président,
là, entre le président qui doit d'abord se prononcer sur la
recevabilité d'une motion et lorsque vous acceptez, lorsque vous rendez
comme jugement que la motion est recevable, il y a un débat sur la
motion pour ensuite en disposer. Donc, moi, à moins que je n'aie mal
compris là, ce que j'ai compris comme parlementaire, dans votre sagesse,
dans votre réflexion, vous avez dit: La motion est recevable; cependant,
comme on ne peut obliger le ministre à déposer un document de
travail, elle est irrecevable.
Le Président (M. Joly): Si j'ai effectivement dit
ça, je retire ce que j'ai dit au niveau de l'irrecevabilité parce
que, dans le fond, la recevabilité, elle a déjà
été jugée plusieurs fois, si on se réfère au
président Bélanger autant qu'on peut se référer
aussi à d'autres décisions dans le passé, au
vice-président Saintonge dans des décisions semblables. Alors,
partant de là, la motion étant recevable, je reconnais le droit
de parole à l'auteure de la motion, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, qui a 30 minutes pour essayer d'amener des arguments qui
pourraient faire en sorte que chacun des membres de cette commission pourrait
être convaincu ou de voter pour ou de voter contre. (12 h 15)
M. Bourbeau: M. le Président, sur la question de
règlement là...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
ministre...
M. Bourbeau: ...j'aimerais préciser qu'à ma
connaissance ce que vous avez dit, ce n'était pas qu'elle était
irrecevable, mais plutôt inutile.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): M. le ministre, je n'aimerais pas
que vous me prêtiez des paroles. Je sais que, pour vous, ça peut
sembler étirer le supplice, mais quand même, je pense qu'on se
doit de respecter le droit de parole des parlementaires et de la
démocratie, les règlements étant ce qu'ils sont. À
vous, Mme la députée.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, tout ce que j'espère, M. le
Président, c'est que le ministre ne pense pas aussi que cette commission
est inutile. Et pour faire une simple remarque préliminaire, c'est que
le président ne peut pas présumer de la persuasion, de la force
morale qu'une commission peut avoir sur le ministre. Le président peut
simplement nous indiquer qu'il ne peut pas forcer le ministre, mais il doit
laisser finalement la commission disposer d'une motion semblable en souhaitant
- mais je ne voudrais évidemment pas interpréter son comportement
- en espérant que la force morale de la commission puisse venir à
bout des objections du ministre.
Alors, quant à cette motion, M. le Prési-
dent, j'insiste sur le caractère important de cette motion. La
réglementation en matière de normes du travail, c'est comme si on
adoptait une convention collective de travail pour plus de 2 000 000 de
personnes et qu'il y avait dans ses différents articles des grands
blancs, comme si, de part et d'autre, cette convention, qui va
déterminer les conditions de vie réelles de millions d'hommes et
de femmes dans notre société, se faisait avec une sorte de
chèque en blanc. Et ça m'inquiète beaucoup que les
parlementaires ministériels puissent être entièrement
d'accord avec ce que le ministre pourra édicter dans son
règlement, avant même d'en être au courant. Cette
faculté d'être entièrement d'accord avec quelque chose qui
leur sera connu plus tard, ça, c'est toujours pour moi une surprise de
voir des parlementaires qui acceptent une sorte d'assujet tissement, en fait de
sujétion, je dirais, à la dictature de la ligne de parti, parce
que c'est à ça que ça revient, finalement. Et, cette ligne
de parti, c'est ce qui finit par asphyxier...
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous permettez une
intervention de la part du ministre qui, seulement avec la permission des
membres...
M. Bourbeau: M. le Président, je dois dire à la
députée de Hochelaga-Maisonneuve que je suis convaincu que ses
paroles ont excédé sa pensée. Je vais lui laisser
l'occasion de retirer ces quelques paroles-là particulièrement
insultantes pour mes collègues, qui sont des Individus d'une
qualité assez exceptionnelle, je dois dire, et qui n'accepteraient
absolument pas de se faire imposer quoi que ce soit, ni par moi-même ni
par le parti, en ce qui concerne leurs interventions ou leur façon de
penser ou de voir les choses. Alors, je suis convaincu que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve a excédé sa
pensée et que, M. le Président, autant elle n'essayait pas
d'influencer le député de Pointe-aux-Trembles quand elle lui
donnait des coups de coude pour qu'il continue ou qu'il arrête de parler,
autant, M. le Président, elle n'a pas eu à l'égard de mes
collègues cette pensée qui...
Mme Harel: Alors, M. le Président, d'abord j'aimerais bien
que le ministre retire lui-même son allusion aux coups de coude.
Franchement, c'est plutôt du coude à coude que l'on fait
ici...
Des voix: Ma, ha, ha!
Mme Harel: ...d'une part. Et d'autre part, M. le
Président, c'est parce que ce sont des gens de qualité qui sont
de l'autre côté que je suis convaincue qu'ils doivent souffrir de
cet état de fait. Et je voudrais citer l'actuel ministre de la Justice
lorsqu'il était professeur distingué à l'Université
Laval et qu'il écrivait, d'ailleurs je vais essayer pour la gouverne de
cette commission de vous apporter l'extrait même d'un livre qu'il a
écrit sur la question du bipartisme qui, selon lui, pouvait nous
conduire jusqu'au totalitarisme, rien de moins, M. le Président. Du fait
qu'il y a une sorte d'asphyxie dans nos parlements à cause du
système parlementaire, à cause du bipartisme. Une sorte
d'asphyxie qui fait que - oui, je pèse mes mots en sachant ce que les
mots veulent dire - il y a une sorte de dictature de la ligne de parti -
ça vaut pour tous les partis dans ce système-là - et que
le parlementaire n'a pas de marge de manoeuvre, n'a pas d'autonomie et qu'il se
trouve complètement corseté dans une ligne de parti où,
comme le disait si bien l'actuel ministre de la Justice, on confond
l'exécutif et le législatif. C'est dans la confusion des deux que
ça manque d'air. C'est tout simplement à ça que je faisais
allusion.
Et je voudrais là, sur le fond, M. le Président, vous
rappeler que c'est d'autant plus important qu'on va adopter une sorte de
convention collective des non-syndiqués et qu'on va laisser des grands
espaces blancs dans cette convention collective en faisant un acte de foi que
ces espaces blancs seront remplis comme on peut le souhaiter. Bon, ce seront
des espaces blancs pour les travailleurs de ferme, pour les gardiennes, pour
les salariés qui bénéficient d'un congé parental et
qui sauront s'ils ont ou non des avantages sociaux en même temps. Alors,
dans bien des cas, notamment à l'égard des recours, ce sont des
espaces blancs qu'on laisse à la discrétion du ministre. Il
aurait été intéressant pour les parlementaires de cette
commission, qui sont des législateurs, de connaître les intentions
de l'exécutif, c'est-à-dire du gouvernement, quant à la
manière dont il entend remplir les espaces blancs. C'est l'objet de
notre motion, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée M. le député de Verdun. Vous aviez
manifesté le désir de vous exprimer.
M. Gautrin: M. le Président, je ne sais pas si je serai
dans l'ordre. Je pense que la députée de Hochelaga-Maisonneuve a
ouvert une porte et qu'on aurait pu discuter longtemps de la question de la
dictature du parti, etc., mais je crois que ce n'est pas pertinent. Et elle
n'était pas plus pertinente, d'ailleurs, sur la motion qu'elle a
présentée. Alors, pour éviter d'être
déclaré hors d'ordre par vous et non pertinent dans mes
interventions, je me tairai.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de Verdun. Donc, est-ce que la motion est adoptée? Excusez II y a une
autre intervention.
M. Marcil: Parce qu'il reste encore six minutes.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, je vous reconnais
le droit de parole.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Oui, M. le Président. Je voudrais intervenir
sur cette motion parce que c'est une pratique très répandue en
matière de législation qu'il puisse arriver, dans un
deuxième temps, des règlements qui font en sorte, souvent sur le
fond de la motion, M. le Président...
Le Président (M. Joly): Mais là, on ne parle pas,
disons, de règlement, on parle de projet de règlement. Je pense
que c'est toute la différence. J'ai déjà statué sur
ça. Alors, partant de là, je pense que vous venez de vous joindre
à la table, alors je me dois de vous rappeler que j'ai
déjà rendu un jugement sur ça.
M. Trudel: Mes paroles n'ont pas outrepassé ma
pensée, elles ont juste bifurqué légèrement, M. le
Président. Bien sûr qu'il s'agit du projet parce que, dans la
décision que vous avez rendue, dans votre grande sagesse, vous ne pouvez
pas, il est vrai, en vertu de la jurisprudence de notre règlement,
forcer le dépôt d'un règlement. On parle ici d'un souhait
pour le projet d'un règlement. Dans ce sens-là, M. le
Président, c'est important que nous soyons sensibilisés à
l'importance de comment les règlements éventuels - et nous
aimerions en prendre connaissance ici en termes de projet de règlement -
vont venir moduler l'application de la loi. En termes juridiques, on le sait
très bien, un règlement ne peut pas avoir comme effet de
contrecarrer ou de modifier de façon substantielle le sens et la valeur
même que peut prendre un article d'un projet de loi qui permet l'exercice
d'un droit. Sauf qu'on sait très bien qu'en matière juridique il
existe tellement de formes plus ou moins raffinées - et je ne veux
prêter aucune intention au ministre en ce sens-là, loin de moi
aussi la pensée de contourner notre règlement et d'imputer
certains motifs au ministre - et que la valeur, dans la vie réelle, d'un
article de projet de loi ou d'un article de la loi est souvent
atténuée, soit diminuée soit renforcée - les deux
possibilités existent en vertu du règlement qui l'accompagne -
soit pour l'exercice soit sur la forme par laquelle on peut exercer le recours,
par exemple, un droit inscrit dans une loi.
Ce n'est pas inutile que, dans cette commission, on puisse regarder
quelles sont les intentions du ministre, en termes de projet de
règlement qui va accompagner la loi lorsqu'elle sera adoptée.
Parce que ça pourrait amener les parlementaires à mettre un
certain nombre de gardes, à renforcer les termes de certains articles du
projet de loi qui deviendrait une loi, pour faire en sorte que l'influence - je
ne dis pas le sens complet, mais l'influence - du règlement ne puisse
pas contrecarrer la volonté du législateur adoptée par les
mécanismes prévus dans notre Parlement, ici, et ce n'est pas
inutile que cette commission se penche là-dessus.
Je ne voudrais pas, M. le Président, qu'en étudiant cette
motion on puisse en arriver à des conclusions, que les commissions
parlementaires, qui ont été instituées par notre
Parlement, fassent en sorte qu'on puisse dire: Bien, écoutez,
l'étape de l'étude article par article et le contexte dans lequel
vont s'exercer les droits prévus dans cette loi-là, ça,
c'est du temps en commission qu'on doit faire, de toute façon, pour
satisfaire au processus. Ni qu'on puisse se retrouver avec des commentaires
comme on en voit, ce matin, dans les journaux, dans La Presse, de
certains éditorialistes qui, constatant certains
phénomènes, par exemple, qui se passent à une autre
commission créée par l'Assemblée nationale, qui s'appelle
la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, qu'on
puisse dire: Ce machin-truc là - c'est ce qu'on voit ce matin - "cette
commission est un curieux machin et son fonctionnement est à l'avenant".
C'est-à-dire que parce qu'on se penche sur des éléments
qui peuvent apparaître comme des détails aujourd'hui et qui,
tantôt, vont prendre une importance très grande,
c'est-à-dire les règlements qui vont mettre en vigueur ou qui
vont restreindre l'application de certaines parties de la loi, eh bien, la
commission doit avoir cet éclairage le plus complet. Ce n'est pas
inutile qu'on puisse se dire entre parlementaires: Eh bien, on ne veut pas
faire le travail à moitié, on veut le faire au complet et il faut
savoir l'intention du législateur qui, au niveau de l'exécutif,
est chargé... Et le ministre l'a déjà annoncé.
C'est prévu au projet de loi. Il a déclaré à
plusieurs occasions depuis le début de nos travaux qu'il se montrerait
très ouvert. Alors, l'ouverture que nous allons souhaiter du ministre,
c'est d'aller jusqu'à déposer le projet. Et nous pourrions aussi
faire un certain nombre de remarques à partir du texte du projet de loi
qui nous est soumis, certaines suggestions ou certaines pressions, dans le bon
sens du terme, en vue d'améliorer la loi quand nous aurions devant nous
ce projet de règlement et voir un certain nombre de subtilités
qui seraient introduites par le monde juridique et auraient peut-être
pour effet de restreindre l'application de certains éléments de
la loi.
Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, je souhaite
vivement que nous puissions exercer une toute douce pression sur l'ouverture du
ministre à travailler avec les membres de cette commission et à
bonifier nos travaux avec le maximum d'outils et d'instruments. Je suis certain
que la grande ouverture habituelle du ministre concerné va s'exercer et
que le souhait, au sens décrit par le député de
Salaberry-Soulanges, pourrait très certainement avoir un effet
bénéfique pour l'ensemble et que ce sera une bonne commission,
comme on dit une
bonne année ou un bon Noël.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Est-ce que les arguments ont
réussi à vous convaincre, M. le ministre, avant que je passe
à la disposition de la motion?
M. Bourbeau: Hélas, non, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Alors, est-ce que la motion, telle
que libellée et telle que lue, est adoptée?
Des voix: Adopté.
Mme Harel: Adopté sur division.
Des voix: Rejeté.
Le Président (M. Joly): Rejeté sur division Donc,
nous ajournons nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 30)