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(Dix heures trente-cinq minutes)
La Présidente (Mme Marois): Veuillez prendre place. Nous
allons reprendre nos travaux pour la dernière fois, ce matin, dans le
cadre de la consultation générale et des auditions publiques sur
l'étude de l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé
et les services sociaux. Nous en sommes, ce matin, aux remarques finales. Il a
été entendu entre les différents partis et
députés indépendants que le temps serait imparti de la
façon suivante: au député indépendant, dix minutes;
au porte-parole de l'Opposition officielle, trente minutes, et au ministre de
la Santé et des Services sociaux, trente minutes. J'inviterais donc...
Je m'excuse, Mme la secrétaire, je crois qu'il y a un remplacement, ce
matin.
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Atkinson
(Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Holden (Westmount).
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
secrétaire. Ça lui permettra d'ailleurs d'ouvrir la séance
de ce matin et de nous faire part de ses remarques.
Remarques finales M. Richard Holden
M. Holden: Merci, Mme la Présidente. J'espère qu'on
ne m'accusera pas de malhonnêteté intellectuelle si je dis au
ministre qu'il a fait un travail surhumain en écoutant attentivement
tous les groupes qui ont paradé devant cette commission, depuis le mois
de janvier. On appelle ce procédé une consultation et,
effectivement, Mme la Présidente, c'en était une, une vraie
consultation. Comme loi, personnellement, je trouve l'avant-projet tellement
vaste qu'on peut se demander si l'objectif ne pourrait pas être atteint
par le biais de plusieurs lois séparément, comme on a fait avec
la loi fédérale sur l'énergie. Mais si on est pour faire
une seule loi, j'aimerais voir une espèce de code de la santé et
des services sociaux où toutes les lois se rapportant à la
santé se retrouveraient, un peu comme le Code du travail.
Je n'ai pas été aussi assidu que les députés
des deux côtés de cette table, mais il m'a semblé qu'au fur
et à mesure que les mois passaient, le ministre consultait de moins en
moins ses conseillers assis à ses côtés. Je suis
persuadé que le ministre et tous les membres de la commission ont
beaucoup appris. Ça se voyait dans les interventions et dans les
questions. Espérons que les fonctionnaires en ont fait autant.
J'ai suivi les travaux de la commission parce que la minorité que
je représente a des inquiétudes très sérieuses au
sujet de l'avant-projet. Au lieu de faire un relevé de ce que j'aimerais
voir dans la réforme que le ministre va proposer, permettez-moi de faire
un exposé de ce que je ne veux pas voir dans la nouvelle loi.
Premièrement, ce que j'appelle les méga-boards qui
auraient monopolisé le système et que le ministre a dit qu'il
allait laissé tomber. Je n'étais pas là quand il l'a dit,
mais j'ai compris par la suite. Deuxièmement, tout contrôle ou
toute interférence dans les fondations; peut-être pas tout
contrôle, mais certainement l'interférence dans les fondations.
Troisièmement, toute diminution dans la représentation sur les
corporations et dans le nombre de corporations. En fait, j'aimerais voir une
corporation de plus. Quatrièmement, tout empêchement aux
professionnels de la santé de siéger dans les comités des
organismes et bureaux. Cinquièmement, c'est une affaire personnelle,
-toute réaffectation de mon hôpital de comté, le Queen
Elizabeth. Sixièmement, tout changement de contrôle par les
minorités culturelles de leurs institutions.
Let me repeat for the benefit of the anglophone press the items which I
am asking the minister not to bring back in his revised Legislation on Health
and Social Services. First, the superboards which gobble up the existing
smaller institutional boards, which the minister has already said will probably
not be in the new law. Any form of detailed and smothering interference in the
operation of foundations. Any reduction in the number of corporations and in
the minority representation on the corporate boards. All form of prohibition
against health professionals as far as their right to sit on boards and
participate in decision making. Any change in the support of such family
oriented institutions as the Queen Elizabeth Hospital and the Reddy Memorial
Hospital (both of which happened to be In my riding). And all measures to
undermine or weaken the control by minority cultural groups over their own
institutions and social services.
J'ai raison de croire, Mme la Présidente, que le ministre n'est
peut-être pas tout à fait d'accord, mais qu'il est d'accord avec
moi sur certains de ces éléments dans l'avant-projet qui doivent
disparaître dans toute législation future. Ce n'est pas le
ministre qui m'inquiète. Ce sont les hommes et femmes qui travaillent
dans l'ombre sans que nous, les élus, puissions les interroger ou les
confronter. Comme on dit en
anglais, Mme la Présidente: Time will tell". Merci pour le
temps.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le
député de Westmount. J'inviterais maintenant le porte-parole de
l'Opposition officielle et leader de l'Opposition à bien vouloir
intervenir auprès des membres de cette commission.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Au terme de cette
consultation-marathon sur la réforme de notre système de
santé et de services sociaux, il nous prend une envie
irrésistible de pousser un soupir de soulagement. Cependant, en temps
que parlementaires et démocrates, nous devons nous rejouir d'un tel
degré d'intérêt pour cet exercice. Mes premiers mots seront
donc pour remercier tous ceux et celles qui ont fait l'effort de
réfléchir, de préparer un mémoire et de venir le
présenter en commission parlementaire.
Notre appréciation globale de ces vingt-six jours d'auditions
s'avère ambivalente. Certes, les mémoires, tous plus
intéressants les uns que les autres, ont jeté un éclairage
non négligeable pour les parlementaires sur ce que devait être
cette réforme. Mais du même souffle j'ajouterais: N'a-t-on pas
refait, en quelque sorte, l'exercice de la commission Rochon? N'était-ce
pas là, encore une fois, une façon habile de gagner du temps? Ce
que nous avons entendu, les commissaires l'avait déjà entendu et
analysé. L'ex-ministre, Mme Thérèse Lavoie-Roux, quant
à elle, l'avait validé au cours de sa tournée
panquébé-coise.
La question qui s'impose à ce stade-ci est la suivante:
Avons-nous, en termes d'étape, progressé vers
l'élaboration d'une véritable réforme? Il sera difficile
d'y répondre tant et aussi longtemps que nous serons dans le noir quant
à la teneur du produit fini, car avant que le coq n'ait chanté
trois fois - dès la deuxième semaine d'audition - le ministre
avait renié son avant-projet de loi.
Dans les faits, nous nous retrouvons dans une situation analogue
à celle qui a suivi le dépôt du rapport Rochon. L'ultime
rendez-vous, le véritable débat, est par conséquent
reporté à l'automne prochain. Dans les circonstances, il sera
indispensable de tenir une consultation restreinte devant la commission des
affaires sociales, lors de son dépôt.
A ce jour, une chose est claire, le ministre de la Santé et des
Services sociaux a choisi de se constituer une véritable liste
d'épicerie en prenant nombre d'engagements et en donnant raison à
plusieurs groupes. En tant qu'Opposition officielle, nous entendons nous
assurer qu'il livre la marchandise. D'ailleurs, je reviendrai en conclusion
avec une courte enumeration - mon collègue le fera - afin que tous
puissent bien mesurer l'ampleur de la tâche qui attend le
gouvernement.
Outre les engagements du ministre, la réforme devra reposer sur
un certain nombre d'éléments pour que notre formation politique
puisse y adhérer.
Tout d'abord, les grands principes. Selon la commission Rochon,
l'universalité, l'accessibilité et la gratuité des
services de santé et des services sociaux doivent être
considérées comme les acquis les plus précieux de notre
système. Nous partageons entièrement cette analyse et le
ministre, comme il l'a évoqué dans son allocution d'ouverture,
semble également la faire sienne. Rien dans l'exercice que nous venons
d'accomplir ne l'autorise, estimons-nous, à changer son fusil
d'épaule. Le consensus en faveur d'un réseau public fort et
entièrement financé par l'État persiste. Notre
réseau a fait la preuve qu'il est capable de contrôler ses
coûts et il n'a rien à envier au système américain.
Bref, les tenants de la privatisation n'auront pas su nous convaincre.
Cependant, si le gouvernement décidait d'aller de l'avant avec des
expériences de privatisation, nous lui demandons de l'inscrire
clairement dans le futur projet de loi afin d'écarter toute approche
déguisée dans un article de loi, autorisant toute espèce
de projet pilote. Si privatisation il doit y avoir, qu'elle passe la rampe de
l'Assemblée nationale et qu'elle se fasse au grand jour.
En ce qui regarde la gratuité des soins, toute formule de ticket
modérateur doit être rejetée. Le gouvernement a pris des
engagements fermes; l'Opposition officielle s'assurera qu'il maintienne le cap.
L'idée d'un impôt à rebours s'avère, à nos
yeux, plus insidieuse. Une telle formule introduit dans le système un
facteur de discrimination économique qui, à moyen terme, aura
pour effet de briser la solidarité de la société
québécoise qui veut que, riches ou pauvres, tous aient droit au
même traitement devant la maladie. Exiger une contribution
supplémentaire clairement identifiée "santé", c'est courir
le risque qu'à tort ou à raison des individus réclament de
meilleurs services. En fait, si l'on doit augmenter le niveau de financement,
que l'État fasse des choix politiques clairs.
Comme il s'agissait simplement, ici, d'énoncer notre attachement
aux trois grands acquis du système, nous reviendrons
ultérieurement sur la question du financement.
Les nouvelles orientations. Lorsque l'on touche à un secteur
aussi névralgique que celui de la santé et des services sociaux,
il est essentiel d'éviter la réforme pour le plaisir de la
réforme. Sans objectifs fondamentaux, jongler avec des structures
apparaît comme un exercice inutile, coûteux, voire
périlleux, le danger étant, bien sûr, de voir la structure
comme une fin en soi et non plus comme un outil d'atteinte d'objectifs
clairement définis. Nous avions lancé une mise en garde au
début de la commission
parlementaire; nous nous devons de la répéter. La
propension du réseau à se replier sur ses structures étant
une tendance lourde, constamment, tel un phare, le ministre devra avoir
à l'esprit ces objectifs.
Recentrer le système d'abord sur le bénéficiaire.
Le réseau n'existe pas pour lui-même. Voilà une
vérité de La Palice que d'aucuns ont eu tendance à oublier
depuis sa création. C'est donc l'objectif no 1 qui devra guider le
ministre tout au cours de sa réflexion sur le projet de loi. À
cet égard, nous le suivrons à la trace pour nous assurer que le
bénéficiaire y trouve son compte. Concrètement, cela veut
dire que le projet de loi devra contenir un certain nombre de dispositions qui
nous tiennent à coeur.
La définition des droits des bénéficiaires devra
être la plus large possible et ne contenir que les restrictions
absolument nécessaires. Qui plus est, on doit s'assurer que les services
soient disponibles. En effet, à l'heure où le gouvernement
n'investit plus dans la création de places en centres d'accueil, qu'il
existe un moratoire sur les centres d'accueil privés et sur les familles
d'accueil, comment concevoir que les CLSC puissent refuser ou, encore, n'avoir
aucun moyen de donner des services à des personnes qui résident
chez elles ou en maison d'hébergement? Peu importent les droits que l'on
confère à un individu, ils ne seront d'aucune utilité si
leur exercice en est restreint par des mécanismes de protection
inadéquats. Le comité des bénéficiaires devra aussi
pouvoir agir avec un maximum d'efficacité, ce qui implique qu'on lui
assure législativement et financièrement un minimum
d'indépendance vis-à-vis de l'institution où il oeuvre. De
plus, les bénéficiaires devraient composer en majorité
leur comité.
Il ne fait également aucun doute qu'une fonction d'ombudsman doit
être créée et généralisée. L'abondance
des plaintes mais surtout l'importance de recours souples, efficaces et non
judiciaires exigent la création de mécanismes locaux et
régionaux de protection, de même que l'extension de la juridiction
du Protecteur du citoyen au réseau.
L'exercice des droits du bénéficiaire ne se limite pas
à des recours contre les établissements. L'expérience
ayant démontré qu'il est plus qu'aléatoire de porter
plainte contre un professionnel de la santé qui aurait commis une faute
lourde, le ministre doit donc s'engager à ce que l'Assemblée
nationale réétudie cette question au moment du dépôt
de son projet de réforme. En définitive, recentrer le
système sur le bénéficiaire consiste à
accroître la qualité des services, ce qui implique notamment des
intervenants et des intervenantes motivés dont le travail est reconnu
à sa juste valeur.
Une vraie politique de santé et de bien-être. Un des
fondements de la réforme repose sur la conviction qu'il est
désormais nécessaire que le Québec se dote d'une politique
globale de santé et de bien-être, avec des objectifs bien
définis. À cette nouvelle orientation, le Québec s'inscrit
dans un courant international qui a vu le jour à la fin des
années soixante-dix et qui tire son origine dans le constat qu'un
réseau uniquement axé sur un système de soins est
incapable de rehausser l'état de santé de sa population. En fait,
il s'agit d'une réaction à l'adage qui veut que le réseau
de santé soit un gouffre sans fond. Dans cette optique, la notion de
santé se veut beaucoup plus globale et ne se définit plus comme
simplement l'absence de maladie.
Une véritable politique de la santé n'interpelle plus
uniquement le ministère de la Santé et des Services sociaux, mais
l'ensemble du gouvernement. Les notions de qualité de l'environnement,
de sécurité routière, de lutte à la pauvreté
ou de politique familiale, par exemple, sont au coeur de l'élaboration
de cette politique. Le livre blanc déposé par l'ex-ministre, Mme
Thérèse Lavoie-Roux, contenait l'embryon d'une politique de
santé. L'actuel ministre nous a soumis que l'élaboration de la
politique définitive irait en parallèle avec la réforme
des structures attendue pour l'automne prochain.
Nous croyons, pour notre part, qu'il s'agit probablement de la plus
grande erreur du gouvernement et c'est là le plus gros reproche que nous
pouvons lui adresser, à savoir que l'élaboration de la politique
de santé et son étude en commission parlementaire auraient
dû précéder le dépôt d'un projet de loi sur
les structures. Ne fallait-il pas définir le pourquoi avant de
s'attaquer au comment? En fait, l'absence de discussion durant cette commission
parlementaire - il y a un seul groupe, soit l'Association des pharmaciens des
établissements de santé, qui a abordé la réforme
à travers les lunettes des objectifs de santé - donc, ce fait
nous laisse l'impression d'un vide immense.
Dans la mesure où le ministre a abandonné son projet de
loi dès le début de la commission parlementaire et que les
discussions se déroulaient constamment au niveau hypothétique, il
eût mieux valu employer ce temps à se doter d'une politique de
santé. Une politique de ia santé qui recevrait l'adhésion
de la population serait appelée à devenir un instrument de
mobilisation efficace. En imprimant un nouveau souffle au réseau, elle
serait susceptible d'apporter les changements de mentalité qui
s'imposent. De plus, elle faciliterait la rationalisation des ressources,
puisque les priorités et les moyens d'action auraient fait l'objet d'un
consensus national.
Pour obtenir cette adhésion, nous croyons qu'il faudrait
prévoir dans la nouvelle loi le dépôt, devant
l'Assemblée nationale, de la politique de santé et son
étude par la commission des affaires sociales. De la même
manière, les régies régionales, qui auront à
définir comment les objectifs pourraient être atteints,
devraient
être tenues de procéder à des consultations au
niveau local.
Par ailleurs, la création d'un poste de super sous-ministre, que
les Américains appellent le "surgeon general", c'est-à-dire de
responsable de la santé publique à l'échelle du
Québec, concrétiserait et renforcerait cette nouvelle approche
par objectif de santé. Cette orientation, qui présuppose que le
Québec se dote d'instruments permanents de cueillette d'informations
pour évaluer l'efficacité des mesures mises de l'avant, conduit
inéluctablement à un nouveau discours, celui de la
prévention.
Donc, la prévention et la promotion de la santé. S'il
existe des concepts à la mode dans le réseau, c'est bien ceux de
la prévention et de la promotion de la santé. Concepts miraculeux
en ces temps de restrictions budgétaires, on leur prête des vertus
qu'ils n'ont pas à court terme, parce qu'ils requièrent des
investissements importants dont les résultats ne deviennent tangibles
qu'à long terme. C'est sans doute pourquoi, malgré la
popularité de ces concepts, le virage prévention demeure si
difficile à prendre. Ajoutons à cela les habitudes du curatif qui
sont solidement incrustées dans le réseau et l'on comprendra le
défi qui attend un ministre soi-disant prêt à
négocier ce virage.
Les choix législatifs, notamment au niveau de l'organisation du
réseau, et les priorités budgétaires du gouvernement
témoigneront de la véritable détermination du ministre
qui, à ce chapitre, pourra compter sur notre appui. Néanmoins, il
est encore trop tôt pour porter un jugement.
Le "mur à mur". Une orientation toute nouvelle qui devra, selon
nous, guider la réécriture du projet de loi repose sur ce qu'il
convient d'appeler le refus des solutions dites "mur à mur".
Réflexe important qui a caractérisé l'administration
publique au cours des vingt dernières années, la recherche de
solutions globales applicables de Montréal à Chapais, en passant
par Rivière-au-Renard, a fait la preuve de son inefficacité,
voire de sa contre-productivité dans certains cas. Si le gouvernement
opte pour une véritable régionalisation, le projet de loi devra
exprimer clairement sa confiance envers les administrations locales.
Certes, des balises claires seront toujours nécessaires pour
assurer la qualité des services à travers l'ensemble du
Québec, mais la marge de manoeuvre doit exister. À titre
d'exemple, la composition des conseils d'administration des régies
régionales devrait pouvoir se moduler en fonction des
réalités du milieu ou, encore, les régies
régionales devraient pouvoir décider du degré
d'intégration des divers établissements. Dans la même
veine, il va de soi qu'il appartiendra au ministère de revoir
substantiellement sa réglementation qui, de l'avis de plusieurs, pour ne
pas dire de tous, est jugée trop envahissante.
Le financement du réseau. Avant de nous entretenir de
l'organisation de la structure comme telle, permettez-moi quelques mots sur un
sujet pour ainsi dire incontournable, le financement du réseau. Un
constat, tout d'abord, s'impose. Le système de santé et de
services sociaux a, tout compte fait, bien réussi à
contrôler les coûts lorsqu'on le compare à ceux d'autres
sociétés occidentales. De plus, le pourcentage du produit
intérieur brut que le Québec consacre aux soins de santé
et de services sociaux, toujours eu égard aux mêmes comparaisons,
n'est pas exorbitant. Il serait donc, à notre avis,
exagéré de prétendre qu'il y a péril en la demeure.
Cependant, et c'est maintenant devenu une évidence, le vieillissement de
la population québécoise, de même que son appauvrissement,
exerce une pression financière importante sur notre réseau. Le
gouvernement, par la voix du ministre de la Santé et des Services
sociaux, a maintes fois souligné que l'État avait atteint sa
capacité maximale de payer, soulignant du même souffle que la
solution résidait dans une meilleure efficience du réseau et dans
un contrôle plus suivi des dépenses de façon à
permettre d'importantes réallocations des ressources. Bien sûr
qu'il y a, sur les 10 000 000 000 $ que dépense annuellement
l'État, des ressources mal utilisées, mais nous estimons
qu'à court terme le gouvernement devra injecter de l'argent neuf, ne
serait-ce d'ailleurs que pour compléter sa réforme. Mais c'est
surtout parce que les économies substantielles qu'il prévoit sont
à moyen terme. Les sommes supplémentaires que nous
réclamons engendreront des économies si elles sont investies dans
la prévention, le maintien à domicile, la construction de places
en centres d'accueil, le développement d'une véritable
technologie médicale québécoise et la formation
professionnelle des salariés du réseau.
Par ailleurs, le contrôle des coûts doit, à notre
avis, porter surtout sur les dispensateurs de services et non seulement sur les
usagers. Cela n'exclut pas, bien entendu, une sensibilisation accrue des
utilisateurs sur les coûts du réseau et, à cet
égard, l'introduction d'un carnet de santé apparaît
intéressante. En contrepartie à ce contrôle des
coûts, le gouvernement aura à étudier sérieusement
le régime de responsabilité des médecins et à
proposer des solutions visant à réduire l'incidence
financière des actes médicaux dits défensifs. Une
réévaluation complète de la procédure entourant
l'introduction de nouveaux médicaments dans les centres hospitaliers
devrait également permettre de dégager une certaine marge de
manoeuvre.
Finalement, une réorganisation des structures axée sur la
complémentarité et l'absence de duplication des ressources est de
nature à faire économiser de gros sous.
L'organisation des structures. Pour l'Opposition officielle, outre les
grandes orientations
énoncées précédemment, l'organisation des
structures dans le futur projet de loi devra reposer sur trois fondements
essentiels: la régionalisation, le rôle central des CLSC et la
complémentarité entre les divers établissements.
Nous croyons fermement à une régionalisation réelle
et complète pour la simple et bonne raison qu'un pouvoir
décisionnel plus près des citoyens est mieux en mesure de
répondre à leurs besoins et aspirations. Cela implique que non
seulement la régie régionale dispose de pouvoirs substantiels,
mais qu'elle soit habilitée à prendre des décisions
finales et sans appel au ministère. Même si elle est responsable
et imputable de ses budgets, on devra, en contrepartie, permettre à la
régie de disposer, à des fins de réallocation, de l'argent
non dépensé.
La fin des solutions dites "mur à mur" suppose l'attribution
d'une marge de manoeuvre importante au pouvoir régional. Ainsi, à
l'intérieur des balises législatives, on doit permettre des
modulations quant à la composition du conseil d'administration, quant au
fonctionnement interne de la régie et, bien entendu, sur ce que
deviendra le grand rôle des régies, à savoir
l'élaboration des moyens à utiliser pour atteindre les objectifs
de santé déterminés par le ministère. Cependant,
nous croyons qu'avant d'opérer cette régionalisation, le
gouvernement devra clarifier les mandats des établissements et des
organismes pour éviter les dédoublements et mettre fin aux luttes
corporatistes stériles.
Sur la délicate question de l'imputabilité qui, de tout
temps, a fait obstacle à la régionalisation, nous attendons de
voir la solution proposée par le ministre. Soulignons seulement
qu'à nos yeux les régies devront être imputables au
ministère et à la population des régions, ce qui sous-tend
que les sous-régions y trouvent également leur compte.
J'ajouterais que, si le gouvernement rejette pour l'instant l'idée d'un
suffrage universel, une disposition dans le projet de loi devrait garder la
porte ouverte à des expérimentations. En effet, nous avons pu
constater en commission parlementaire que certaines régions sont
manifestement prêtes à aller de l'avant dans ce sens.
La régionalisation, si souhaitable sort-elle, devra être
précédée d'un réajustement des budgets afin de
corriger les inéquités interrégionales qui existent
actuellement dans le réseau. De plus, elle ne constituera un moyen
efficace d'assurer l'équité au chapitre de la répartition
des effectifs médicaux sur le territoire québécois
qu'à la seule condition que le gouvernement procède à la
régionalisation des enveloppes budgétaires de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec. Il faudra aussi que le ministre
étudie sérieusement la possibilité de mettre sur pied des
centres hospitaliers universitaires régionaux. C'était le dernier
groupe, d'ailleurs, M. le ministre, hier.
Le désir d'accentuer la complémentarité des
établissements origine d'une volonté d'offrir des soins plus
Intégrés et de réduire le dédoublement des
fonctions et des tâches qui occasionne des coûts importants pour le
système. Le ministre a rejeté l'idée des conseils
d'administration unifiés, et ce, dès le début de la
commission parlementaire. D'ailleurs, c'est à notre grande satisfaction
qu'il l'a fait. Toutefois, l'objectif de complémentarité doit
demeurer et se retrouver dans le projet de loi et, en ce sens, la
législation devra favoriser la concertation et même la fusion sur
une base volontaire de conseils d'administration. De plus, des ouvertures
législatives devraient prévoir que les régies
régionales puissent assurer la complémentarité des
services sur un territoire donné. (11 heures)
À notre avis, les notions de complémentarité et
d'intégration des soins vont au-delà de la simple fusion des
conseils d'administration. Elles nous interpellent sur une vision plus
fondamentale de l'organisation du réseau et, plus
particulièrement, sur le rôle du CLSC. Ce dernier doit devenir le
pivot central du réseau. En raison de sa mission qui est de dispenser
des services de santé et des services sociaux et communautaires dans une
approche globale et multidis-ciplinaire avec un ancrage au niveau local et
axé sur les besoins de sa population, le CLSC cadre parfaitement avec
les nouvelles orientations que nous avons définies
précédemment. Ainsi, dans un système converti à la
prévention et à l'intervention précoce, le CLSC a un
rôle moteur à jouer.
Le CLSC doit se voir reconnaître une vocation fondamentale dans le
renforcement et le développement des solidarités collectives. En
fait, il est nécessaire qu'il puisse oeuvrer à la reconstruction
des milieux de vie. Cette nécessité de rebâtir les
réseaux d'entraide ne peut que s'accroître, compte tenu des
phénomènes collectifs auxquels nous sommes confrontés:
l'éclatement de la famille, la violence, la délinquance,
l'isolement, la pauvreté, les MTS, etc.
Dans notre discours d'ouverture, nous avons insisté fortement sur
ce qui constituait, à nos yeux, la priorité des priorités,
à savoir contrer le phénomène d'un Québec qui se
brise en deux mis en lumière par le Conseil des affaires sociales. Le
CLSC, parce qu'il se situe au niveau local, constitue sans aucun doute
l'instrument privilégié pour faire face à cette nouvelle
réalité de la société québécoise qui
est la désintégration de certaines collectivités et
l'inéquité vis-à-vis du droit le plus cher de tout
individu, celui de vivre en santé.
Les CLSC doivent également devenir la clé de voûte
du développement du maintien à domicile, et ce, dans toutes ses
dimensions. C'est devenu une priorité dans un système comme le
nôtre qui met déjà trop l'accent sur
l'institutionnalisation de ces personnes en perte d'autonomie. Nous l'avons dit
et je le répète, nous estimons qu'il faut dès aujourd'hui
investir massivement
dans le développement de stratégies et de services
orientés vers le maintien des personnes dans leur milieu naturel.
Hésiter risquerait de nous exposer à des lendemains
douloureux.
Les services psychosociaux des CLSC constituent un de leurs atouts les
plus importants. Seul organisme du réseau à offrir une approche
globale et multkjisciplinaire, le CLSC est déjà prêt pour
le virage prévention. Il faut donc consolider cette approche. Les moyens
financiers dont disposeront les CLSC nous permettront de jauger le
sérieux du virage gouvernemental en matière de
prévention.
Le gouvernement devra aussi chercher à développer chez la
population le réflexe du CLSC. Pour ce faire, des campagnes de
publicité seront nécessaires, mais il faudra aussi instaurer un
certain contrôle sur le développement des polycliniques, ou
même des cliniques externes dans les hôpitaux, qui constituent
souvent un dédoublement important des ressources. Évidemment,
dans la mesure où l'on accorde plus d'importance aux CLSC et que l'on
crée des habitudes dans la population, il devient essentiel d'en
accroître l'accessibilité. En résumé, nous voyons un
brillant avenir pour les CLSC.
Quant aux autres établissements du réseau, entre autres
les centres de services sociaux et les départements de santé
communautaire, le ministre aura un choix à faire quant à leur
mandat et quant à leur point d'attache. La décision du ministre
devra reposer sur un critère de rapprochement de la population
concernée.
Mme la Présidente, je laisse maintenant la parole à mon
collègue, M. Trudel, qui terminera la lecture du présent
mémoire avec le dessert de l'action communautaire.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Au cours des
années quatre-vingt, le secteur communautaire a connu une
résurgence considérable. Il s'est imposé parce qu'il est
normal que, confrontés à certains problèmes, les milieux
locaux inventent des moyens de s'entraider. Les citoyens agissent ainsi comme
des citoyens responsables et démontrent qu'ils n'attendent pas tout de
l'État. Par conséquent, l'État doit éviter, par ses
décisions, de contrer l'action communautaire. En fait, le rôle du
gouvernement consiste à favoriser, à encourager l'action
communautaire, tout en évitant de croire que ce secteur communautaire va
maintenant se porter au secours de l'État en des périodes
budgétaires difficiles.
Le communautaire se porte au secours des citoyens. Il contribue à
soutenir une manière de vivre en société qui leur permet
de se comporter, individuellement et collectivement, d'une façon plus
autonome et plus responsable. Autonomie et financement du secteur
communautaire, deux mots clés et deux concepts à concilier dans
la réforme. C'est là le défi qui attend le ministre.
Les organismes communautaires ont exprimé des craintes
légitimes à l'égard de la régionalisation. Le
gouvernement doit prendre l'engagement que la nouvelle technique de gestion
financière par programme consacrera une place protégée aux
organismes communautaires. Il doit aussi établir une base triennalle de
financement et des mécanismes d'accréditation qui tiennent compte
des particularités du monde communautaire. Finalement, nous croyons que
l'État devra assumer le financement des regroupements nationaux et
régionaux qui, seuls, permettent au mouvement communautaire de faire
entendre sa voix de manière efficace.
Par ailleurs, en bref, après 26 jours d'audition, quelque 175
groupes et deux invités qui sont venus nous donner leur vision de toute
réforme du système de santé et de services sociaux au
Québec, le ministre a pris un bon nombre d'engagements. En fait, nous
avons relevé 19 pages. Il convient, avant qu'il réécrive
au complet son projet de loi, de lui rappeler quelques-uns de ces
engagements.
Ainsi, si le ministre tient à la parole donnée, il faudra
donc s'attendre à des modifications en ce qui concerne un certain nombre
d'aspects. Par exemple, la participation des professionnels au conseil
d'administration des établissements; à la
Fédération des médecins résidents et internes du
Québec, il disait que d'exclure les médecins du conseil
d'administration, il y a là de l'argumentation qui a été
mise sur la table et qui nous porte à réfléchir et
à dire: Je pense qu'on va revoir nos choix. Quant à
l'intégration ou à l'injection de sommes additionnelles dans le
réseau, à la corporation des infirmières et des infirmiers
auxiliaires du Québec il a dit: Je ne veux pas dire qu'on n'en a pas
besoin, je pense qu'on pourra conclure, à la fin de l'exercice de la
réforme, qu'on aura certainement besoin de sommes additionnelles.
À la Corporation des établissements privés pour
personnes âgées du Québec, quant à la
réglementation des foyers pour personnes âgées: Ce sont
davantage les foyers clandestins qui doivent être l'objet de notre
inquiétude à ce moment-ci, sur le plan du minimum de services
à donner. À la Corporation du centre Marie-Vincent et à la
Fondation Marie-Vincent, concernant la connaissance des services en CLSC: Les
gens ne connaissent pas l'existence des CLSC, ils se dirigent donc directement
à l'urgence. Il y a une méconnaissance des services qui sont
existants et c'est un constat très important qu'il faudra faire des
efforts de ce côté-là.
À la Coalition des aînés du Québec, quant au
maintien à domicile: Le maintien à domicile, si on veut
être capables de faire face à nos défis de l'an 2000 et
d'en maintenir davantage à
domicile, on a un besoin de réajustement extrêmement
important. Au Conseil régional de la santé et des services
sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean, concernant le rôle des régies
régionales: Pour bien se comprendre, il ne faudrait surtout pas que la
régie devienne un dispensateur de services. Au Conseil régional
de la santé et des services sociaux de l'AbitibhTémiscamingue: On
parte de décentraliser l'enveloppe de la RAMQ, c'est une idée
attrayante. Au groupe La Maison du soleil levant de Rouyn-Noranda: Si on avait
100 000 $ demain, concernant les investissements dans le communautaire, je suis
convaincu que le communautaire, avec certaines balises, serait bien
placé et il en coûterait pas mal moins cher et rapporterait
davantage que de le mettre dans un hôpital, je suis sûr de
ça.
À la Fédération du Québec pour le planning
des naissances, sur le rôle du communautaire: Je trouve attrayante
l'idée d'un conseil national communautaire auprès duquel on
pourrait se référer pour un certain nombre de choses; un rapport
de force, je ne déteste pas ça. Et un dernier, à la FTQ:
Tout le monde a peur des OSIS. De toute façon, il faut tenter
d'éviter qu'il y ait deux catégories de patients, ceux qui ont de
l'argent et ceux qui n'en ont pas. Nous avons 17 de ces pages en termes
d'engagements.
Ma conclusion, Mme la Présidente, sera courte et simple: nous
avons bien hâte de voir la loi. L'Opposition officielle apportera sa
collaboration dans la mesure où certains engagements du ministre que
nous jugeons essentiels s'y retrouveront. Dans la mesure aussi où ce
projet de loi tiendra compte de la nouvelle réalité
québécoise et de son incidence sur le bien-être futur des
Québécois et des Québécoises, nous y collaborerons.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le
député. M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Je prends acte du mémoire qu'a déposé
l'Opposition officielle à cette commission parlementaire qui me semble
très bien ramasser ce qu'on a pu entendre au cours de cette commission
parlementaire.
Au début de cette commission parlementaire, je m'étais
fixé comme objectif d'écouter les points de vue de chacun avec
toute l'ouverture d'esprit possible, d'explorer toutes les pistes de solution
de façon franche et directe, de même que de prendre les
engagements nécessaires le plus rapidement possible pour que l'on puisse
passer à l'action. Les deux premiers objectifs sont atteints. Quant au
troisième, je peux vous assurer qu'il le sera très
bientôt.
Vous comprendrez que je n'en suis pas aujourd'hui à
l'étape des solutions finales et des décisions
définitives. Les travaux de réflexion réalisés
jusqu'à maintenant et tout le bagage de connaissances et d'informations
précises acquis durant cette commission parlementaire me permettent de
confirmer ce matin que la période des grandes consultations quant
à la réforme est bel et bien terminée. Il n'en demeure pas
moins, cependant, qu'il me faut maintenant procéder à la
validation d'un grand nombre d'idées et de données
sérieuses qui ont été avancées pendant cette
commission parlementaire. Mais si tout se déroule selon
l'échéancier prévu, je serai en mesure de saisir
l'Assemblée nationale, à l'automne, d'un projet de loi sur la
réforme de la santé et des services sociaux.
Pour en revenir à cette commission parlementaire qui a
commencé ses travaux le 23 janvier dernier, je dois dire tout de suite
que la participation a été, à mon point de vue, excellente
et dynamique. Il faut d'abord rappeler que cette commission a battu certains
records de l'histoire du parlementarisme du Québec: 266 groupes ont
déposé un mémoire, 178 auraient pu être entendus.
Nous n'en avons entendu que 175, puisque 3 ont décidé de ne pas
se faire entendre. Ces groupes provenaient très majoritairement du
secteur de la santé et du secteur des services sociaux. Toutes les
sphères d'intérêt ont, je crois, été
représentées: administrateurs, professionnels, différentes
catégories de personnel, regroupements d'établissements,
organismes communautaires, représentants de groupes de citoyens et
chercheurs.
Je ne saurais passer sous silence les contributions tout à fait
remarquables de M. Claude Castonguay, en début de commission, et du Dr
Jean Rochon qui nous a livré hier ses commentaires sur la question. Il
s'agit des deux seules personnes à qui le gouvernement du Québec,
à 20 ans d'intervalle, a confié le mandat spécifique
d'analyser l'ensemble des services de santé et des services sociaux au
Québec. Je dois également souligner la participation de plusieurs
autres représentants de secteurs d'activité qu'il me fait plaisir
de remercier, d'abord pour l'intérêt qu'ils ont manifesté
à l'endroit de nos travaux, mais aussi pour leur excellente
contribution. Je m'adresse ici, particulièrement, aux vrais élus
municipaux et non pas aux organismes qui les représentent, à ces
individus qui nous ont maintes fois offert leur collaboration, aux
représentants du milieu des affaires, aux communautés religieuses
et aux autres.
J'ai, par ailleurs, noté que la population et les usagers avaient
été fort peu représentés à cette commission
parlementaire. Sans doute faut-il y voir là les effets du fonctionnement
actuel du système de santé et de services sociaux qui est
beaucoup axé sur l'organisation et les structures. Ce mode de
fonctionnement, nous en sommes tous un peu responsables, à tous les
échelons du système, du ministère aux
établissements en passant par les conseils régionaux.
C'est d'abord cette mentalité qu'il faut changer
aujourd'hui pour faire en sorte que la santé et le bien-être
soient avant tout l'affaire des citoyens.
Permettez-moi enfin de remercier tous les députes
libéraux qui ont suivi depuis le début cette commission
parlementaire avec une assiduité et un intérêt
remarquables. Je tiens aussi à souligner de manière tout à
fait particulière la collaboration des membres de l'Opposition et de
l'Opposition officielle et à les remercier pour leur contribution
à la qualité des débats, puisque, effectivement, c'a
été une commission assez extraordinaire et depuis 20 ans que je
suis ici, je pense que, quant à mol, c'est la meilleure commission que
je n'ai jamais vue sur le plan de la qualité du questionnement et de la
volonté d'avoir de l'Information qui peut guider les choix du
législateur. (11 h 15)
Pour un nouveau ministre, une commission parlementaire
d'une telle ampleur représente un défi extraordinaire. J'ai
appris, bien sûr, mais j'ai surtout beaucoup noté dans mon carnet
vert, qui contient davantage que 18 pages, au cours de cette commission, et
cela va alimenter largement ma réflexion au cours des prochaines
semaines.
Trois types de discours: d'abord, j'ai pu relever trois
types de discours que je veux vous livrer, tel que je l'ai perçu.
Certains groupes sont venus nous répéter ici les mômes
prises de position qu'ils maintiennent depuis le début de la
consultation sur le système de santé et de services sociaux,
c'est-à-dire depuis le début des travaux de la commission Rochon
et, dans certains autres cas, les mômes discours qu'en 1970, au moment
des grandes réformes. D'autres ont davantage permis de faire avancer le
débat en adaptant leur position, dans un réel effort pour
contribuer à améliorer le système de santé.
D'autres, enfin, nous ont proposé des solutions originales, bien
au-dessus de la défense d'intérêts particuliers, avec
l'objectif de recentrer véritablement les services autour de la personne
à aider et à soigner. Je tiens à saluer
particulièrement ces contributions.
Il y a eu des paradoxes. Permettez-moi de vous en livrer
quelques-uns. Si de nombreux problèmes doivent retenir notre attention,
je dois tout de suite souligner, avant de vous présenter mes propres
perceptions, qu'à bien des égards le système
québécois de santé et de services sociaux n'est pas un
mauvais système, bien au contraire. Plusieurs même envient le
niveau de qualité et de continuité de services que la
société québécoise a atteint au cours des vingt
dernières années. Le témoignage du Dr Rochon, hier,
faisant référence à ce qui se passait dans des pays dits
très avancés d'Europe fait en sorte qu'on a des pierres d'assise
avec nos CLSC qui sont extrêmement importantes, qu'on ne retrouve pas
ailleurs.
Cela dit, à travers toutes les prises de position
qui ont marqué nos discussions, j'ai pu cependant relever quelques
contradictions fondamentales. D'abord, tout le monde s'entend sur la
nécessité de décentraliser. Par contre, les
représentants d'organismes communautaires, d'établissements
universitaires et d'établissements privés nous ont dit, chacun
sans doute pour de bonnes raisons, qu'ils voulaient relever directement du
ministre ou du ministère. La décentralisation, c'est
nécessaire, mais pour les autres. De deux choses l'une: ou les
mécanismes proposés dans l'avant-projet de loi sont
inappropriés, ou bien certains ne souhaitent pas vraiment la
décentralisation, pour protéger des intérêts. J'aime
mieux croire à la première hypothèse et c'est
celle-là que nous examinons.
J'ai également relevé le fait que tout le
monde se plaignait du manque de flexibilité des structures et de la
réglementation. Pourtant, plusieurs désirent tout de même
que leurs fonctions, que leur champ d'activité, que l'encadrement de
leurs ressources, bref, que chaque élément qui les concerne
directement fasse l'objet, si possible, d'un article du projet de loi.
J'ai encore noté que tout le monde s'entendait sur
les coûts importants du système et qu'il était possible de
réaliser des gains dans plusieurs secteurs. Pourtant quand il s'agit de
son secteur propre, chacun ramène souvent les problèmes au
sous-financement. En clair, on nous dit: M. le ministre, vous pouvez
certainement faire des gains et si, par hasard, vous trouviez de l'argent,
transférez-le chez nous. L'expérience vécue au cours de
cette commission parlementaire me laisse croire que le réseau de la
santé et des services sociaux du Québec n'est constitué
que de parents pauvres. Cela n'est cependant pas mon opinion personnelle et
j'ai encore frais à l'esprit les CHU qui sont venus nous dire qu'ils
étaient les parents pauvres du système. Imaginez-vous les
autres!
J'ai également relevé que tout le monde est
d'accord pour dire qu'il y a des problèmes et que des changements sont
nécessaires, mais quand il s'agit de modifier ses propres fonctions ou
ses responsabilités, souvent, tous les arguments sont invoqués
pour ne rien changer. J'ai enfin noté que tout le monde souhaite la
démocratisation du système. Cependant, on ne veut surtout pas que
cette démocratisation s'exerce à nos dépens, qu'elle nous
fasse perdre un pouvoir de représentation que l'on juge toujours
minimal.
Il est clair que j'aurai bientôt à faire un
arbitrage à ce sujet. Je devrai me rappeler, là comme ailleurs,
que la personne doit être au centre du système. Bien
au-delà de ces quelques contradictions, je le répète, j'ai
beaucoup appris de cette commission parlementaire et j'ai même pris
à nouveau certaines notes dans mon cahier vert. Ce sont ces notes et,
bien sûr, celles de l'Opposition, si on m'en fait parvenir une copie, au
cas où j'aurais oublié des choses, qui guideront mes
décisions. Le temps est venu de vous en livrer quelques-unes.
Des objectifs de résultats. J'ai d'abord appris que l'on ne
pouvait plus, à partir de maintenant, investir 11 000 000 000 $ sans se
donner des objectifs clairs. Ces objectifs doivent viser des résultats
mesurables et permettre d'apprécier véritablement notre
performance. Il faut décider dès maintenant de l'endroit
où l'on veut aller et de la manière de s'y rendre; en d'autres
mots, choisir le cap, évaluer les équipements, bien
répartir les tâches entre les membres de l'équipage et
maintenir la vitesse de croisière. En somme, il nous faut une
destination, le bateau requis, un capitaine pour gouverner, ainsi qu'un
équipage connaissant parfaitement ses tâches respectives. Excusez
le Gaspésien d'origine; il m'apparaît qu'il y a des choses qui
marquent pour la vie et ça nous suit partout.
J'ai aussi appris que tous les services mis en place depuis vingt ans
n'avaient pas réussi à réduire vraiment les
inégalités dans la société
québécoise, malgré tout l'argent et l'expertise qu'on y a
investis. Il faut d'abord se rendre à l'évidence que des
écarts persistent, même dans l'accès aux services: des
territoires, des régions et des groupes sont mal desservis par rapport
à d'autres. Mais, plus encore, toutes les enquêtes qui ont
mesuré, au cours des dernières années, l'importance des
problèmes de santé et des problèmes sociaux chez les
divers groupes de la population nous révèlent qu'il y a des
inégalités importantes auxquelles il faut aujourd'hui s'attaquer.
Vous m'avez convaincu que la lutte aux inégalités sur tous les
fronts devrait donc être l'objectif central du système de
santé et de services sociaux au cours des années
quatre-vingt-dix.
J'ai appris qu'on ne pouvait plus, aujourd'hui, se limiter à une
seule stratégie pour améliorer la santé et le
bien-être de la population: l'investissement dans le curatif. La
prévention et la promotion de la santé doivent certainement
être renforcées et mieux articulées, sur le terrain et
à tous les échelons du système. En fait, la
prévention et la promotion de la santé doivent être une
préoccupation permanente de chacun des intervenants.
J'ai aussi appris que la réduction des problèmes de
santé et de bien-être ne peut uniquement reposer sur la
contribution du secteur public. J'ai également retenu qu'il faut miser
davantage sur la capacité des gens, des groupes et des
communautés de se prendre en main. Nos programmes et nos interventions
doivent reposer sur cette base. Vous m'avez convaincu que la collaboration des
autres secteurs d'activité est essentielle au système de services
parce que la santé et le bien-être, c'est d'abord un objectif
social avant d'être un domaine d'expertise. Et, même à titre
de domaine d'expertise, le système de services doit diversifier ses
stratégies de façon à atteindre la meilleure performance
possible.
Dans tout cela, le rôle du ministère. Vous m'avez convaincu
que la réglementation, les normes et les directives pesaient lourd sur
le fonctionnement du réseau public. Vous m'avez également
convaincu que l'on ne pouvait plus gérer à la pièce et
évaluer la performance uniquement en fonction du contrôle de
dépenses et de l'équilibre budgétaire. Le ministère
doit aujourd'hui réévaluer son rôle de façon
à exercer véritablement un leadership, et son leadership.
Quant à la décentralisation, j'ai encore appris, au cours
de cette commission, que l'on souhaite une véritable
décentralisation et que les régions sont prêtes. Je suis
heureux de constater que la majorité des intervenants à cette
commission parlementaire partage le point de vue selon lequel il faut
éviter de centraliser régionalement, c'est-à-dire
d'instaurer des bureaucraties régionales. J'ai également
apprécié le fait que les sous-régions, les
établissements et les organismes communautaires désiraient aussi
la liberté d'action, toujours doublée de la liberté de
subventionner.
Je suis maintenant convaincu que la décentralisation, autant au
niveau régional, sous-régional que local, va de pair avec le
renforcement des mécanismes d'imputabilité. Il s'agit ici de deux
aspects d'une même réalité et nous les examinerons donc
ensemble. Je peux tout de suite vous dire que, si on choisit de
décentraliser, ce sera une vraie décentralisation vers les
régions, vers les sous-régions et vers le local. Chacune de ces
instances doit avoir la marge de manoeuvre et les leviers d'action
nécessaires.
On nous a parlé de pouvoirs de taxation et d'élection
régionale. Pour la taxation, ce que j'ai bien compris, surtout dans le
débat actuel, c'est qu'il n'en est pas question. Qui veut vraiment d'un
cinquième palier de taxation au Québec, surtout par les temps qui
courent? Quand à l'élection, il faudrait examiner s'il est
possible d'utiliser les élus déjà en place
(municipalités, MRC et députés). Plusieurs nous ont
proposé cette avenue qui mérite un examen sérieux et
beaucoup plus approfondi.
La participation des citoyens et les mécanismes de recours. Par
ailleurs, la commission m'a confirmé dans l'idée que la
santé et le bien-être étaient trop importants pour
être laissés uniquement entre les mains d'experts. Nous serions
alors, le député de Joliette et moi-même, exclus. J'ai
appris également que la population désirait avoir une place
prépondérante au sein des conseils d'administration et que ce
principe était admis. J'ai aussi appris que les experts désirent
aussi avoir leur place. L'avant-projet de loi va peut-être trop loin sur
ce plan. Ce qu'il faut, c'est trouver un lieu véritablement
démocratique où l'expertise, par son éclairage, viendra
enrichir le processus démocratique.
Je tiens ici à rassurer les communautés religieuses quant
à l'utilisation de leur actif par les conseils d'administration des
établissements dont elles sont propriétaires. Aucun droit ne
leur
sera aliéné et elles pourront continuer d'être
représentées aux conseils d'administration.
J'ai appris qu'il était parfois difficile pour l'usager de faire
valoir certains droits. Dans le cas de clientèles plus
vulnérables - je pense notamment aux personnes âgées et
à certaines personnes présentant une incapacité - la
situation peut parfois devenir dramatique. C'est un aspect du fonctionnement du
système de services que je considère prioritaire. Voilà
sans aucun doute un élément central qui nous permettra de
replacer véritablement la personne au centre du système,
au-delà des discours et des slogans.
Je sors confirmé dans ma conviction que fa qualité du
service passe par la compétence et le dévouement de nos
ressources humaines. Des efforts particuliers seront investis dans la
valorisation du personnel. J'ai l'intention de suivre de près les effets
des dernières négociations sur la réduction des horaires
difficiles et des postes à temps partiel, sur la formation en cours
d'emploi et le perfectionnement. D'autres mesures seront prises si celles qui
ont été prévues n'atteignent pas leur objectif. Je me
propose également d'en arriver, pour le personnel cadre, à un
véritable régime qui puisse à la fois répondre au
plan de carrière de l'individu tout en favorisant l'objectif d'une plus
grande mobilité.
J'ai appris que le chevauchement des fonctions et des
responsabilités des établissements constituait souvent un
obstacle majeur à la complémentarité des services. Il faut
revoir tout cela dans la perspective du mieux-être du citoyen. La
définition du champ d'activité de chaque établissement
doit permettre au citoyen de s'y retrouver facilement et d'obtenir des services
continus. Nous ne sommes plus à l'époque où une
catégorie d'établissements pouvait prétendre offrir la
gamme complète des services disponibles. C'est cette philosophie qui,
pour beaucoup, nous a conduits au chevauchement actuel. C'est le réseau
qui doit prendre charge de la continuité des services.
Vous m'avez convaincu que, si des réaménagements devaient
être faits, notre objectif ne sera pas de conserver intactes des
structures, mais surtout de les mettre au service de la personne à
desservir. J'ai aussi appris que, ce faisant, il fallait s'assurer que les
expertises qui se sont développées au cours des 20
dernières années soient mises au service de la population de la
façon la plus efficace possible.
J'ai constaté une fois de plus le dynamisme des organismes
communautaires du secteur de la santé et des services sociaux. Je
connaissais leur aptitude à répondre aux nouveaux besoins
sociaux. J'ai appris qu'ils sont une force d'innovation majeure par leur
façon d'explorer de nouveaux modes d'intervention. Je suis convaincu,
aujourd'hui, qu'il faut leur laisser toute l'autonomie pour définir leur
pratique, mais les organismes communautaires doivent également recon-
naître l'entière liberté du système public de les
financer selon un mode de collaboration qui satisfasse les deux parties. Il est
impossible que la liberté soit toute du même côté et
les obligations, de l'autre côté. Il faut respecter le principe de
la double liberté. (11 h 30)
J'ai appris que certaines institutions du réseau avaient un
problème de crédibilité face aux organismes communautaires
et notamment face à certains conseils régionaux. Je veux insister
ici sur l'importance du défi que la collaboration avec le secteur
communautaire représente pour les établissements publics. Il
s'agit souvent d'une question d'attitude et ce n'est pas le ministre ou le
ministère qui peut la réglementer ou l'imposer de quelque
façon. Dans plusieurs régions, la collaboration a depuis
longtemps dépassé la méfiance. C'est à partir de
ces exemples, ceux de l'Outaouais et des Bois-Francs pour n'en citer que deux,
qu'il faut explorer toutes les formes possibles de collaboration.
J'ai appris, au cours de cette commission, que le secteur privé
joue un rôle important dans le secteur de la santé et des services
sociaux. Il a d'ailleurs manifesté son intérêt à
l'accentuer dans l'avenir. Vous m'avez convaincu que cette collaboration
était souhaitable, mais qu'elle devait être bien encadrée
et balisée. Je tiens cependant à réaffirmer que le
système de santé et de services québécois ne sera
jamais soumis uniquement aux lois du profit. Il s'agit là de services
publics qui doivent être considérés et gérés
comme tels.
J'ai appris que notre façon d'allouer des ressources était
parfois inquiétante pour certaines régions et
sous-régions, ou encore certains groupes. Les débats les plus
virulents tenus au cours de cette commission parlementaire ont justement
porté sur la question de l'équité.
J'ai également appris que l'architecture de base,
c'est-à-dire l'accès aux services, doit être
consolidée dans certains territoires. C'est une première
condition à remplir pour lutter efficacement contre les
inégalités. Je considère donc que notre façon
d'allouer les ressources doit être modifiée et qu'il s'agit
là d'une priorité.
J'ai entendu beaucoup parier de sous-financement au cours de cette
commission. Pourtant, j'ai appris que certaines provinces qui dépensent
plus que nous - je pense notamment à l'Ontario - sont aux prises avec
les mêmes problèmes. J'ai appris également que les pays qui
investissent moins - c'est le cas du Japon - obtiennent par contre de bien
meilleurs résultats. Ce ne serait donc pas uniquement une question
d'argent.
Je connais bien nos contraintes financières. Par exemple, la
baisse des transferts fédéraux s'accentue d'année en
année. C'est ainsi que, dans le budget fédéral de
février dernier, le manque à gagner pour l'année 1990-1991
atteint
157 400 000 $ au seul chapitre de la santé et des services
sociaux du Québec. Ce manque à gagner sera de 279 100 000 $ en
1991-1992 et cela concerne uniquement le dernier budget fédéral.
Si l'on évalue l'impact global du désengagement
fédéral dans le domaine de la santé et des services
sociaux depuis 1982, ce manque à gagner atteint 248 000 000 $ dans le
budget de 1990-1991. Dès l'an prochain, la perte sèche pour le
Québec s'élèvera à 1 123 100 000 $ dans le domaine
de la santé, de quoi ébranler certaines colonnes du temple, bien
sûr. d'autre part, le vieillissement démographique commence
déjà à avoir un impact sur la demande de services.
déjà les personnes âgées de 65 ans et plus
représentent près de 10 % de la population, mais accaparent 40 %
de l'ensemble des dépenses du réseau. en l'an 2000, les personnes
âgées représenteront 13 % de la population. lorsque l'on
sait que la proportion du budget de l'état consacrée à la
santé et aux services sociaux constitue près du tiers, il y a de
quoi s'interroger. il faut bien analyser ces contraintes et apporter les
ajustements nécessaires à notre mode de financement et à
la gestion du régime.
J'ai appris qu'un principe fondamental doit nous guider dans les choix
à faire dans ce domaine. Ce principe, c'est l'équité. Au
nom de ce principe, il est d'abord nécessaire de préserver le
caractère redistributif du régime, des riches aux pauvres, des
bien-portants au malades. J'ai appris également, et M. Rochon nous l'a
justement rappelé hier, que la gamme de services de santé et de
services sociaux, qu'il appelait le panier de services assurés, doit
être réévaluée constamment. En d'autres mots,
réexaminer le médicalement et le socialement requis pour mieux
tenir compte de l'évolution des besoins de la population, des
évaluations de résultats et des découvertes scientifiques.
Je m'interroge, par exemple, sur la nécessité de maintenir
certains services dont l'efficacité n'est pas démontrée.
N'est-ce pas le cas de certains types de médicaments prescrits sur des
périodes inutilement longues et dont les effets sur la santé sont
loin d'être évidents?
Je m'interroge également sur la qualité de certains
services dispensés où l'on ne dispose pas des ressources humaines
spécialisées et des équipements technologiques
nécessaires, compte tenu du bassin de population ou du volume de
clientèle insuffisant.
Enfin, j'ai constaté que plusieurs groupes rencontrés
s'inquiètent des abus chez certains consommateurs, mais aussi chez
certains producteurs de services, abus qui peuvent compromettre
l'accessibilité des services de santé et des services sociaux
à des clientèles qui nécessiteraient ces services.
Je tiens toutefois à réaffirmer que tous nos choix quant
à la couverture de services assurés, quant à l'application
des critères d'efficacité et de qualité, ainsi que toutes
les décisions qui suivront viendront confirmer notre
responsabilité sociale envers les groupes les plus vulnérables.
C'est véritablement cette responsabilité envers les plus
démunis qui constitue le premier critère de base en
matière d'accessibilité, de gratuité et
d'universalité des services. Nous avons ici un examen sérieux
à faire et à finaliser. Les contraintes actuelles nous imposent
enfin d'utiliser plus efficacement les sommes investies par une gestion plus
efficiente et de contrer les abus, autant chez les producteurs que chez les
consommateurs.
En conclusion, cette commission parlementaire représentait la
troisième grande consultation sur le système de santé et
de services sociaux depuis 1985. Le temps est aujourd'hui venu de passer
à l'action. Nous sommes actuellement à préparer la
réforme et le plan d'implantation de cette dernière, à la
lumière des travaux de la commission parlementaire. Il sera
discuté avec les diverses instances gouvernementales au cours des
prochains mois et des prochaines semaines. À la fin de l'automne, je
compte déposer à l'Assemblée nationale un nouveau projet
de loi. L'implantation de la réforme devrait, quant à elle,
suivre immédiatement son adoption et de manière graduelle.
Certains éléments de cette réforme, cependant,
peuvent dès maintenant être enclenchés avant l'adoption du
projet de loi. H est évident que ce qui demande des amendements à
la loi actuelle devra attendre la réforme, mais tout ce qui ne
nécessite pas de tels amendements peut être amorcé
maintenant. Je pense, par exemple, à des questions comme les urgences
dans les hôpitaux, bien sûr, le perfectionnement du personnel et
bien d'autres choses que vous pouvez imaginer.
Je tiens encore une fois à remercier tous les groupes qui se sont
présentés à la commission parlementaire. Je
réitère également mes remerciements à tous les
membres de cette commission, y compris, bien sûr, tous les
représentants de l'Opposition dont la collaboration sera, bien
sûr, selon leurs principes. Je n'ai rien entendu, dans
l'élaboration du discours de mes deux collègues, qui choquait mes
oreilles pour faire cette réforme.
L'avenir du système de santé et de services sociaux
dépasse les intérêts particuliers. C'est, au fond, la
première leçon que je retiens de cette commission et c'est celle
qui me guidera lors de la prise de décision. Je convie également
tous les groupes concernés à adopter cette perspective qui
constitue certainement la meilleure garantie de progrès.
En terminant, Mme la Présidente, vous me permettrez de remercier
de manière tout à fait particulière deux groupes de
travailleurs: les gens de la commission, qui nous ont supportés depuis
le tout début, qui ont fait un travail tout à fait exceptionnel,
et aussi ceux que l'on qualifie toujours de fonctionnaires autour du ministre,
à
qui on prête à l'occasion beaucoup plus de pouvoir qu'ils
n'en ont en réalité; ils occupent le pouvoir que les hommes
politiques veulent bien leur laisser occuper. Dans mon cas, je veux leur dire
merci pour l'excellence du support que j'ai eu depuis les débuts de
cette commission parlementaire et vous dire que, si j'ai pu évoluer si
rapidement, c'est très certainement dû à la
compétence et à la clairvoyance des gens qui m'entourent, et non
pas nécessairement à mes qualités de personne qui peut
absorber rapidement. Merci.
Dépôt de documents
La Présidente (Mme Marois): merci. m. le ministre. pour
nous permettre de rendre publics et de faire valoir les mémoires des
groupes qui n'ont pu être entendus ici, tout au long de nos travaux,
j'aimerais déposer la liste des personnes et des organismes qui nous ont
fait parvenir un mémoire, dans le cadre de la présente
consultation. je crois que vous avez déjà en main cette liste.
aux mêmes fins, je vais déposer 90 lettres d'appui à des
mémoires, lettres qui ont été soumises à la
commission par des personnes ou des organismes, et ce, dans le cadre du
présent mandat.
Je n'ai pas l'intention de rappeler les chiffres, mais je voudrais
souligner aux membres de la commission que les gens des régions, les
gens des institutions, les gens des organismes communautaires, les
gestionnaires, les travailleuses et les travailleurs, les hommes et les femmes
qui utilisent les services, ont pu faire valoir leur point de vue et ont
été entendus. Ils nous ont dit, en fait, leurs besoins, leurs
contraintes. Je voudrais, au nom des membres de la commission, les remercier
pour leur contribution. Elle est, en fait, essentielle à
l'amélioration du bien-être physique et social de la population
québécoise, parce que je pense, comme l'ont mentionné tant
le ministre que les représentants de l'Opposition, que c'est
solidairement que nous arriverons à atteindre cet objectif de
bien-être collectif.
Enfin, je m'en voudrais aussi de ne pas souligner l'excellente et
extraordinaire collaboration que j'ai eue de la part de l'ensemble des membres
de la commission, tant du côté de l'Opposition, du
côté gouvernemental que du côté du
représentant indépendant. Ça a été un
plaisir pour moi de la présider. Je voudrais donc vous remercier,
remercier aussi le vice-président qui a assumé, lorsque
nécessaire, la responsabilité de la présidence de la
commission. Je remercie aussi, bien sûr, le personnel de la commission.
J'espère que nous aurons l'occasion de travailler à nouveau
ensemble et dans un contexte aussi agréable.
Merci, nous ajournons nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 11 h 42)