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(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Joly): Nous allons commencer nos travaux.
Je demanderais aux parlementaires de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît. Bonjour à tout le monde, bienvenue. La commission est
réunie afin de procéder à une consultation
générale et tenir des auditions publiques et ce, dans le cadre de
l'étude de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les
services sociaux. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des
remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Vermette
(Marie-Victorin) sera remplacée par M. Dufour (Jonquière).
Le Président (M. Joly): Jonquière. La
Secrétaire: Oui.
Le Président (M. Joly): Le député de
Jonquière, parfait, merci. Alors, premièrement, je vais vous dire
ce qu'on va faire, aujourd'hui, comme travail. Nous allons rencontrer l'Union
des municipalités régionales de comté du Québec,
l'Union des municipalités du Québec, le Réseau
québécois des villes et villages en santé, le centre
hospitalier Hôtel-Dieu de Lévis et, finalement, le Dr Jean
Rochon.
Je demanderais, maintenant, aux représentants du groupe l'Union
des municipalités régionales de comté du Québec de
bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. L'UMRCQ, Union des
municipalités régionales de comté du Québec. Voici,
je demanderais à la personne responsable du groupe, de bien vouloir
s'identifier et aussi identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Union des municipalités régionales de
comté du Québec
M. Fernet (Michel): Michel Fernet, au nom de l'Union des
municipalités régionales de comté. Je cède la
parole, M. le Président, à M. Ralph Mercier qui, au nom de
l'Union des municipalités du Québec et de l'Union des
municipalités régionales de comté, voudrait vous livrer un
message et vous faire une déclaration.
Le Président (M. Joly): Je vous rappelle aussi le mandat
de la commission. En fait, je pense qu'on se doit d'être pertinents et si
vous avez des messages autres que l'évolution du projet de loi, je ne
crois pas que ce sort fa tribune appropriée. Alors, je ne veux
présumer de rien; je vous laisse aller, monsieur. Merci.
M. Mercier (Ralph): M. le Président, je vous remercie. M.
le ministre, mesdames et messieurs les députés. Ce matin, comme
vous l'a indiqué M. Fernet, je représente, bien sûr,
l'UMRCQ qui est entendue à la table à cette heure-ci et
également, bien sûr, vous le savez, je suis vice-président
de l'Union des municipalités du Québec et, à ce titre, je
représente cette union. Également aussi, à la table, nous
accompagnent aujourd'hui, des gens - ils se sont déjà
identifiés d'ailleurs - le Dr Gilbert Normand et M. Réal Lacombe
du Réseau québécois des villes et villages en
santé. Donc, M. le Président, je m'adresse à vous et, bien
sûr, aux membres de cette commission au nom de ces trois groupes.
M. le Président, l'on sait qu'au cours des dernières
années et, M. le ministre, vous êtes conscient de ça, que,
bien sûr, ces trois groupes, particulièrement l'Union des
municipalités du Québec, l'UMRCQ, ont collaboré de
façon fort importante avec le gouvernement dans la gestion d'un nombre
de dossiers importants. Sur le plan de la santé, on a pu voir aussi au
cours des années une concertation, une collaboration, un "partnership"
qui...
Le Président (M. Joly): M. Mercier, j'apprécierais
beaucoup si vous pouviez aller au but et nous présenter votre
mémoire. D'ailleurs, vous avez une vingtaine de minutes pour nous
présenter votre mémoire. S'il vous plaît.
M. Chevrette: S'il vous plaît, M. le
Président...
Le Président (M. Joly): Oui, M. le leader.
M. Chevrette: ...je comprends qu'on puisse se douter, qu'on peut
présumer, mais vous avez laissé des groupes définir leur
mouvement, définir le nombre de membres qu'ils représentaient,
définir les objectifs du mouvement. Je ne sais pas quel est votre
empressement ce matin, mais j'ai vu une corporation professionnelle venir nous
parler d'elle-même sans nous parler quasiment du projet de loi et vous
l'avez laissé au moins se définir pendant de longues minutes. Il
y en a qui ont pris même cinq à dix minutes pour parler
d'eux-mêmes avant de parler de la réforme et je n'ai jamais vu un
président s'emballer très rapidement pour leur dire d'accoucher.
Je pense qu'ils peuvent prendre le temps qu'ils veulent bien...
Le Président (M. Joly): M. le leader de
l'Opposition, je vous remercie de vos remarques...
M. Chevrette: ...pour nous présenter ce qu'ils ont
à nous présenter.
Le Préaident (M. Joly): M. Mercier, vous pouvez aller,
vous pouvez continuer.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président.
Le Président (M. Joly): M. le ministre?
M. Côté (Charlesbourg): Alors, d'abord, tout le
monde sait que l'UMRCQ et l'UMQ ne présenteront pas de mémoire.
Ça ne prend pas cinq heures pour nous dire qu'H n'y aura pas de
mémoire. C'est clair. Alors, à partir de ça, si c'est
ça que vous avez décidé, dites-le-nous et bon, merci.
Ça me paraît très évident.
Le Président (M. Joly): Non, je ne voudrais quand
même pas présumer. Je vais vous laisser alter encore quelques
minutes et si je vois que nous n'entrons pas dans le cadre du mandat de la
commission, eh bien, à ce moment-là, je devrai trancher. Alors,
M. Mercier, je vous donne le bénéfice du doute.
M. Mercier: Alors, M. le Président, avec le respect qui
est dû à cette commission, je vous indique qu'effectivement, et je
pense que je vais m'abstenir d'ajouter une foule d'éléments qui
sont déjà connus non seulement des membres de cette commission,
mais également aussi du public en général, M. le
Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission,
effectivement, les trois groupements dont je suis le porte-parole ne
présenteront pas ce matin et, ça, c'est très clair, les
mémoires tels qu'il avait été convenu avec la
commission.
M. le Président, je pense qu'fl y a une situation qui existe
à l'heure actuelle qui ne peut pas favoriser effectivement ce
"partnership" avec le gouvernement actuel dans les conditions actuelles et tant
et aussi longtemps, M. le Président, que cette situation existera ou
perdurera, c'est bien évident qu'on ne peut pas entreprendre avec vous
ou les membres de la commission un entretien ou un dialogue qui se veut
construct, tel que nous voudrions, bien sûr, le faire.
Le Président (M. Joly): Donc, si je comprends bien, vous
aimeriez...
M. Mercier: M. le Président, je vous dis tout simplement:
Nous allons nous retirer, les trois groupements, de cette table.
Le Président (M. Joly): Alors, merci, M. Mercier. Il nous
a été... M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Très
briève- ment, c'est un geste que nous déplorons et que je
n'hésite, en aucune manière à déplorer, de la part
de l'UMRCQ, en particulier, qui, encore la semaine dernière, intervenait
pour faire changer l'horaire de ce matin au moment où elle connaissait
exactement ce qui allait se passer et à laquelle demande on a
adhéré, tout le monde ensemble, sur le plan de la commission. Et,
en cela, l'UMRCR, l'UMQ ne sont pas différentes des groupes
d'intérêt qui sont venus devant cette commission parlementaire
défendre leur propre intérêt, alors que cette
commission-là voulait situer tout le monde au-dessus des
intérêts personnels et des intérêts des
différents groupes au niveau de la santé et des services sociaux
à travers le Québec dans une réforme où,
effectivement, la décentralisation des pouvoirs ou la
régionalisation allait impliquer le monde municipal. Et, dans ce
sens-là, c'est un choix qui est le vôtre, et chacun,
évidemment, vivra avec ses choix. Quant à nous, c'est
définitivement un point de vue que je ne partage pas et,
évidemment, quand j'aurai à faire la réforme et à
prendre des décisions finales, j'en tiendrai compte.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
leader de l'Opposition
M. Chevrette: Merci, M. le Président
Le Président (M. Joly): Excusez, M. le leader. Est-ce que
monsieur, ici, voulait peut-être ajouter quelque chose?
M. Normand (Gilbert): Oui. Je voudrais ajouter d'abord que je
suis le porte-parole du Réseau québécois des villes et
villages en santé et qu'il n'est jamais facile de porter deux chapeaux.
Comme M. Mercier a anticipé en disant qu'il était le porte-parole
des trois groupes - parce qu'on avait convenu effectivement que, comme maire,
je serais solidaire avec les deux unions, mais que, comme médecin,
j'avais à voir aux intérêts des citoyens - M. le ministre,
nous ne ferons pas la présentation orale de nos documents, mais nous
aimerions quand même les déposer.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, je considère
que l'Union des municipalités régionales de comté, l'UMQ,
l'Union des municipalités du Québec, et également l'autre
groupe ne viennent pas ici avec une forme de corporatisme, contrairement
à ce que laissait entendre le ministre. Ils viennent comme
représentants de toutes les catégories de citoyens, que ce soient
des médecins, que ce soient des infirmiers et
infirmières, de simples journaliers, ils viennent au nom des
contribuables québécois. C'est ce que je pensais être le
rôle de l'Union des municipalités régionales de
comté. Ils viennent défendre purement et simplement l'ensemble de
leurs concitoyens quant au champ de taxation qui leur nermettait de se doter ou
pas de différents services et qui est envahi unilatéralement par
une décision gouvernementale. Donc, je considère que c'est
nettement différent d'un groupe qui vient en fonction de cet
intérêt personnel comme groupe. Je voulais donc faire la
distinction là-dessus, au départ.
Deuxièmement, ce n'est pas la mienne, c'est celle qui est
partagée par un joyeux paquet de monde, présentement au
Québec et, je dirais, par une très forte majorité des 10
000 élus au niveau municipal, que de voir mettre fin
unilatéralement au pacte des années 1979-1980 quant au champ de
taxation en fiscalité municipale comme telle. Donc, moi, c'est un
premier élément de distinction que je voulais faire, M. le
Président.
Le deuxième, c'est qu'il m'apparait important de lancer un appel
au gouvernement, précisément, et de lui demander de
réviser ses positions, de décréter un moratoire sur ses
décisions unilatérales, afin de vous permettre,
précisément, M. le Président, de permettre aux deux Unions
de pouvoir, à mon point de vue, continuer à collaborer avec
l'État, à cause des nombreux champs d'intérêt, en
particulier dans le domaine environnemental, en particulier
également...
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le leader, je
pense que je me devrai de vous refuser ce que j'ai refusé au groupe qui
est venu se présenter devant nous ce matin parce que, dans le fond, vous
faites exactement ce qu'eux auraient voulu faire. Alors, je ne crois pas que ce
soit pertinent, ce matin, dans le cadre du mandat qui nous est confié.
Alors, à moins que vous ne reveniez sur la réforme et sur les
buts de notre rencontre de ce matin, je me devrai quand même de
trancher.
M. Chevrette: Pardon?
Le Président (M. Joly): non. je ne pense pas qu'ici, ce
matin, c'est la place pour faire du capital politique. alors, partant de
là, je me dois d'être impartial, monsieur.
M. Chevrette: M. le Président, s'il vous plaît, j'ai
une question de règlement.
Le Président (M. Joly): Allez, question de
règlement, M. le leader.
M. Chevrette: Question de règlement sur l'affirmation que
vous venez de faire du capital politique. Vous avez tenté d'en faire,
d'essayer de bloquer tout, y compris l'expression d'opinion de l'Union des
municipalités régionales de comté tantôt parce que
vous aviez présumé, et c'est grâce à une
intervention sur la question de règlement que vous vous êtes
réajusté.
Le Président (M. Joly): Non, en aucune façon, M. le
leader, je n'abonde pas... J'ai même dit à M. Mercier que je ne
voulais pas présumer, et comme M. Mercier continuait, quand j'ai vu que
la pertinence n'y était pas, c'est là que je me suis
imposé. Partant de là, si c'est exactement le même
contexte, je me dois, encore là, de dire que je n'abonde pas dans votre
sens et que je me devrai de trancher.
M. Chevrette: Comme président, nous n'avez pas à
abonder dans le sens ou pas d'un intervenant. Votre rôle de
neutralité... S'il vous plaît, c'est à moi, là.
Le Président (M. Joly): L'article 211, M. le leader, dit
que tout discours doit porter sur le sujet en discussion. Le sujet de la
discussion est le mandat que j'ai clairement lu et élaboré ce
matin. Partant de là, si ce n'est pas dans le contexte, je me devrai
d'être radical, comme ça peut vous sembler, mais d'être
ferme et d'être juste.
M. Chevrette: Le mandat de la commission, M. le Président,
est de demander aux groupes qui défilent devant nous de se prononcer sur
la réforme qui est en cause. L'Union des municipalités
régionales de comté, l'Union des municipalités du
Québec, et le Réseau québécois des villes et
villages en santé sont venus nous dire qu'ils avaient des
mémoires qu'ils veulent déposer et des mémoires qu'ils
n'ont pas l'intention de commenter ou qu'ils n'ont pas l'intention de livrer
ici, sauf qu'ils souhaitent... Ces trois groupes souhaitent cependant que ces
mémoires soient consignés, comme vous l'avez fait à
plusieurs reprises au niveau de cette commission-là, à moins que
vous y voyiez des objections ce matin. J'en arrivais à vous dire que,
personnellement, je propose que ces mémoires-là soient
consignés aux procès-verbaux et qu'on puisse également, je
pense, analyser le bien-fondé... Je pense que, comme corps public devant
un Parlement, on doit être en droit de laisser exprimer les individus qui
viennent pour et au nom de trois groupes simultanément, on doit
être au moins en mesure d'écouter patiemment sans gigoter sur
notre chaise, sans présumer de ce qu'ils ont à dire, au moins
écouter les motifs pour lesquels ils refusent de rendre public leur
mémoire, de le défendre, de le soutenir devant la commission
parlementaire.
Le Président (M. Joly): M. le leader... M. Chevrette:
S'il vous plaît, là!
Le Président (M. Joly): Allez, allez! Je vous laisse
aller, continuez.
M. Chevrette: Arrêtez de parler, vous m'interrompez
vous-même.
J'allais dire ceci. Votre rôle fondamental, M. le
Président, c'est au moins d'écouter les motifs que l'Union des
municipalités et l'Union des municipalités régionales de
comté ont à exprimer.
M. Paradis (Matapédia): M. le Président, question
de règlement, sur la même question de règlement.
Le Président (M. Joly): M. le député.
M. Paradis (Matapédia): J'aimerais vous rappeler, M. le
Président, sur la même question de règlement, qu'une
multitude de groupes ne seront pas entendus à cette commission. Ils ont
demandé que leur mémoire soit déposé, c'est ce qui
sera fait demain. Ils ne viennent pas ici pour se donner une tribune pour
défendre d'autres intérêts, ils ont demandé de
déposer leur mémoire, ce sera fait, et le ministre et les
différents officiers du ministère les prendront en
considération lorsque viendra la temps d'élaborer la politique
finale, le projet de loi. Enfin, on verra. Ils ne sont pas venus ici, les
quelque 60 ou 70 groupes qui ne seront pas entendus, faire exactement le
même plaidoyer, pourquoi ils ne déposeront pas leur
mémoire.
Je rappelle tout simplement aux gens, aussi, qui sont élus, que
ce soient des députés, que ce soient des maires, qu'ils
représentent une population. En ce sens, s'ils ont des choses à
dire, qu'ils le disent clairement ou, sinon, qu'ils déposent leur
mémoire comme les autres groupes.
Le Président (M. Joly): Comme il relève de la
responsabilité du président d'accepter le dépôt des
mémoires, d'emblée, je vous dis que j'accepte les mémoires
qui ont été mentionnés ce matin, les trois mémoires
qui feront partie du groupe pour dépôt à la fin de la
commission.
Une voix:...
Le Président (M. Joly): Et les autres. Est-ce que
ça peut satisfaire tout le monde? Si tel est le cas, j'ai pris une
décision, laquelle décision, je pense, de par nos
règlements, est non discutable. À moins qu'il y ait une
pertinence encadrée, je vais reconnaître les intervenants; sinon,
je ne voudrais pas que cette commission serve de tribune pour autre chose que
l'avancement du mandat qui nous a été donné.
M. Chevrette: Je voudrais référer à deux cas
précis. Nous avons passé une heure à écouter les
médecines alternatives ici, une heure de temps. Ils nous ont
expliqué ce qu'ils faisaient, il n'y avait même pas un lien
direct, pas même un lien. Le ministre se rappellera, on leur a même
dit qu'ils savaient profiter de tribunes pour faire valoir leur point de vue
au-delà même de la réforme sur laquelle ils n'ont pas dit
un mot.
M. Côté (Charlesbourg): La médecine
alternative...
M. Chevrette: On a écouté pendant une heure et
là, ce matin, je ne sais pas par quelle crainte, on ne voudrait pas
qu'ils ouvrent la trappe, quasiment.
Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître M.
Fernet qui a demandé la parole en premier, par après, M. le
député de Jonquière, et, par après, monsieur dont
le nom m'échappe. M. Fernet.
M. Fernet: M. le Président, je respecte votre
décision de ne pas nous permettre d'élaborer davantage sur les
raisons qui nous motivent à nous présenter ici ce matin, mais je
voudrais quand même faire une mise au point. Je m'inscris en faux contre
les paroles du ministre lorsqu'il dit que l'UMRCQ, par la parole de votre
humble serviteur, a tenté de déplacer le rendez-vous que nous
avions avec la commission cet après-midi, pour ce matin, au moment
où nous savions déjà que ce n'était pas possible de
venir déposer, que nous avions l'intention de ne pas venir
déposer notre mémoire de façon verbale.
L'UMRCQ a décidé, par son comité exécutif de
vendredi après-midi dernier seulement, qu'elle ne participerait pas
à cette commission et les démarches que j'avais faites
personnellement pour tenter de l'avoir ce matin, étant donné les
préoccupations et les engagements que le président avait plus
tard en journée, ne me permettaient pas à ce moment-là de
juger de l'opportunité ou pas de venir ici.
Donc, je veux assurer le ministre au moins sur ce point-là qu'il
n'y avait pas de planification et de petits tours de passe-passe auprès
de la commission. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Fernet. M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: M. le Président, je ne veux pas remettre en
cause votre décision concernant la discussion des mémoires, parce
qu'ils ont décidé de ne pas en présenter jutement, mais
dans cette commission, que je sache, le ministre a tenu des propos qui,
à mes yeux, ne sont pas mérités vis-à-vis des
unions municipales. Jusqu'à maintenant, les Unions des
municipalités, les deux, ont toujours été d'excellents
collaborateurs et des partenaires pour le gouvernement. Je peux vous dire,
comme témoin et acteur de ce qui se passe depuis quatre ans au
gouvernement, que j'aurais
peut-être été moins - vous allez peut-être
dire d'une façon partisane - collaborateur dans certains dossiers qui,
effectivement, nous ont amenés à ce cul-de-sac qu'on vient de
vivre... qu'on vit actuellement.
Le Président (M. Joly): M. le député, s'il
vous plaît!
M. Dufour: Je pense que ça... Bien oui! Mais il faut le
dire. Écoutez un peu, on n'est pas ici en commission
parlementaire...
Le Président (M. Joly): Écoutez bien,
là.
M. Dufour: ...pour bétonner les gens qui viennent, qui
sont intervenants. Un instant!
Le Président (M. Joly): Je m'excuse là, mais si
c'est ça le débat, je vais suspendre et nous allons...
M. Dufour: Le ministre a engagé des propos et c'est
pertinent de lui répondre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
trouve ça tout à fait...
M. Dufour: On n'est pas ici pour botter le derrière au
monde qui vient se présenter devant nous et qui nous dit ce qu'il
pense.
M. Côté (Charlesbourg): ...exceptionnel que le
député de jonquière soit ici aujourd'hui alors qu'on a
passé depuis le 23 janvier et que vous n'êtes jamais venu.
M. Dufour: Je défends mes dossiers, moi. M.
Côté (Charlesbourg): Ouais, ouais. M. Normand: M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Un instant! Il y a monsieur que
j'avais reconnu d'abord.
M. Normand: M. le Président, la situation est assez
pénible et négative comme ça. Nous sommes conscients que
des mois de travail risquent de s'envoler en fumée. J'espère que
le ministre comprendra notre position que le Réseau
québécois des villes et villages en santé a besoin de la
coopération des deux Unions des municipalités pour le
bien-être des citoyens. Ici, en tant que représentant de gens qui
travaillons à la santé et à la qualité de vie des
citoyens, nous demandons au ministre de recevoir nos textes et nous vous
demandons la permission de nous retirer.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Dr Normand, de
votre civisme. Je vais reconnaître M. le député de
Salaberry-Soulanges.
M. Marcil: M. le Président, c'était un peu dans la
même ligne de pensée, dans le sens qu'on accepte le
dépôt des mémoires. Donc, compte tenu que les participants
ne veulent pas débattre le mémoire, est-ce qu'on pourrait appeler
l'autre groupe, s'il vous plaît?
Le Président (M. Joly): Je ne voudrais pas enlever le
droit de parole à M. Mercier, en conclusion, mais toujours, s'il vous
plaît, dans le respect de cette institution. S'il vous plaît!
M. Mercier: M. le Président, tel que vous l'avez
mentionné vous-même, je pense que cette commission est en place
pour l'avancement des travaux, particulièrement en ce qui concerne cet
avant-projet de loi. (10 heures)
M. le Président, je dois vous dire que, effectivement, pour
l'avancement d'un dossier comme celui-là, M. le ministre le sait
très bien, je pense que le partenariat du milieu municipal et des autres
groupes, c'est extrêmement important. Si nous ne le retrouvons pas
effectivement à l'heure actuelle, en raison de la problématique
qui existe entre le gouvernement et le milieu municipal, donc, les citoyens
également du milieu qui sont touchés, M. le Président,
c'est pour ces raisons-là, effectivement, que nous devons nous retirer
de cette table, n'ayant pas ce climat qui doit être sain.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Mercier. Je remercie, au
nom de cette commission, les membres des trois mouvements, des trois groupes -
je ne devrais pas dire les trois mouvements mais les trois groupes - et vous
souhaite bon voyage de retour. Merci. Je vais maintenant appeler le centre
hospitalier Hôtel-Dieu de Lévis, s'il vous plaît.
Alors, bonjour messieurs et bienvenue à cette commission.
J'espère que le sujet sera pertinent. Alors j'apprécierais
beaucoup si le représentant du groupe pouvait s'identifier, et aussi
nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Hôtel-Dieu de Lévis
M. Carrier (Robert): Très bien. Alors mon nom est Robert
Carrier, président au conseil d'administration de l'Hôtel-Dieu de
Lévis. Je suis accompagné dans ma présentation du
mémoire préparé par notre centre hospitalier, et qui porte
sur l'avant-projet de loi, de MM. Hervé Moysan, directeur
général et Roch Boucher, directeur des services hospitaliers, du
Dr Carrol Grondin, directeur des services professionnels, et du Dr Clarence
Pelletier, président du comité de l'enseignement. Alors je vous
remercie, je remercie les membres...
Le Président (M. Joly): Alors vous connais-
sez un peu les règles. Vous avez une dizaine de minutes pour nous
exprimer votre mémoire.
M. Carrier: Parfait. Oui, très bien.
Le Président (M. Joly): Et par après les membres de
cette formation se réservent le loisir de vous poser quelques
questions.
M. Carrier: Très bien, merci.
Le Président (M. Joly): Alors allez, M. Carrier.
M. Carrier: Je remercie les membres de la commission d'avoir
accepté de nous recevoir et de nous avoir donné ainsi la chance
de présenter un concept qui nous tient à coeur. Notre centre
hospitalier est un centre de soins de courte durée de 504 lits,
affilié à l'Université Laval, et administrant un
département de santé communautaire. Il offre toute la gamme de
soins spécialisés à la population résidant sur le
territoire de la région Chaud ières-Appalaches.
L'Hôtel-Dieu de Lévis a connu une évolution importante
depuis les 15 dernières années. L'augmentation du nombre de lits
et des effectifs médicaux, l'acquisition d'équipement de haute
technologie, l'ajout de nouveaux professionnels de la santé, la
couverture de toute la gamme de soins spécialisés, et la
qualité reconnue de sa contribution à l'enseignement
témoignent du dynamisme du centre hospitalier. L'Hôtel-Dieu de
Lévis a ainsi étendu progressivement son rayonnement en
collaboration avec les autres établissements de la région
Chaudière-Appalaches en offrant, dans un contexte de
complémentarité, des soins spécialisés, notamment
en traumatologie, cardiologie, cancérologie, psychiatrie, urgentologie,
neurologie, pneumologie, radiologie et médecine nucléaire. Il se
place désormais parmi les centres hospitaliers les plus importants du
réseau des hôpitaux affiliés à l'Université
Laval.
C'est parce que nous croyons à l'importance de la mission
régionale que notre centre hospitalier a progressivement
développé et à la nécessité de conserver
dans le réseau des établissements de santé de ce type que
nous avons voulu réagir à lavant-projet de loi et préparer
le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui. Il nous
apparaît, en effet, important que l'autonomie des raisons, objectif
majeur de la réforme administrative, puisse également s'affirmer
sur le plan de la distribution des services de santé. Or, la proposition
contenue dans l'avant-projet de loi de création de centres hospitaliers
universitaires suivant les critères proposés aboutirait à
subordonner, sur le plan des services hospitaliers, le plus grand nombre des
régions du Québec à quelques-unes d'entre elles. Cela
n'est souhaitable, selon nous, ni sur le plan de la distribution des services
de santé et de leur accessibilité, ni sur le plan de la formation
des médecins et autres professionnels de la santé. Je tiens,
enfin, à signaler que le mémoire que nous présentons a
reçu l'appui de plusieurs centres hospitaliers dont la mission
s'apparente à celle de môtel-Dieu de Lévis.
Je cède maintenant la parole à M. Hervé Moysan,
notre directeur général, qui vous présentera les grandes
lignes du mémoire.
Le Président (M. Joly): M. Moysan, s'il vous
plaît.
M. Moysan (Hervé): Merci, M. le Président. Disons,
tout d'abord, que l'Hôtel-Dieu de Lévis souscrit
entièrement à l'approche par objectifs de santé et de
bien-être mise de l'avant dans l'avant-projet de loi. Il voit là
une façon à là fois réaliste et efficace pour
améliorer l'état de santé des Québécois. Par
ailleurs, l'analyse exhaustive de l'avant-projet de toi a été
faite par plusieurs instances qui représentent le centre hospitalier et
à qui nous avons pu faire valoir notre point de vue. Mais en raison de
l'impact qu'il peut avoir sur notre établissement, sur tous les
établissements ayant une mission comparable à celle de
l'Hôtel-Dieu de Lévis et, en définitive, sur la
structuration des services de santé au Québec, nous voulons
réagir plus particulièrement à la section de
l'avant-projet de loi prévoyant l'octroi d'un statut de centre
hospitalier universitaire, CHU, ou d'institut universitaire à un certain
nombre de centres hospitaliers et mettre de l'avant le concept de centre
hospitalier régional universitaire, CHRU. Nous comprenons que la
proposition de lavant-projet de loi tient compte de la nécessité
de rechercher une certaine concentration de l'enseignement universitaire et de
la recherche, de la prestation des services ultraspécialisés,
ainsi que de l'évaluation des technologies. Mais cette concentration
proposée, avec ses conséquences prévisibles en termes de
développement à venir des services, aboutit aussi à une
structuration de la distribution des services de santé qui n'aidera pas
à solutionner les problèmes avec lesquels les centres
hospitaliers et le réseau de la santé sont confrontés
quotidiennement. On parie de l'encombrement des services d'urgence, de
délais d'attente pour hospitalisation, de la difficulté de
rétention des médecins en région, de la difficulté
d'accès à des soins adaptés pour les personnes
âgées.
Nous pensons que, pour de meilleurs services à la population du
Québec, le réseau des centres hospitaliers doit assurer, au
niveau de chacune des régions, l'accès à une gamme
complète de services spécialisés. Le réseau
québécois des services de santé et de services sociaux,
s'est d'ailleurs progressivement organisé autour de cette notion de
régions, en développant dans chacune d'elles des organismes
dynamiques, capables de répondre aux besoins spécifiques du
milieu. L'avant-projet de loi renforce
ce positionnement régional en préconisant la mise sur pied
d'instances régionales, de régies possédant des mandats
particuliers. Dans ce contexte, il nous paraît important de favoriser
dans chacune des régions la présence de centres hospitaliers
ayant un statut et des mandats particuliers, à la fois régionaux
et universitaires.
Pour assurer l'accessibilité aux soins, l'adéquation entre
les besoins et les services, ainsi que la continuité des services dans
chacune des régions qui sont trois des objectifs mis par là
commission Rochon, nous proposons la création de centres hospitaliers
régionaux universitaires.
Offrant la gamme complète de services spécialisés,
le CHRU peut être appelé à développer certains
secteurs de distinction, en fonction des priorités provinciales et
régionales. Il a également pour fonction de promouvoir le
développement de mécanismes de complémentarité des
services dans sa région, de concert avec d'instances régionales.
Il a enfin le mandat de participer à la formation universitaire,
notamment en médecine familiale.
Nous pensons qu'en raison de sa mission spécifique, le centre
hospitalier régional et universitaire offre le champ idéal pour
la formation de médecins omnipraticiens et que ceci est donc compatible
avec des objectifs de concentration et de rationalisation des
universités.
De plus, la présence universitaire permettra de conserver en
région les expertises nécessaires à la dispensation et au
développement de services spécialisés complets, incluant
certains secteurs de distinction. Il faut aussi noter que la formation en
région de professionnels de la santé favorisera le maintien en
région de ces professionnels ainsi que l'établissement de liens
et de références avec leur milieu d'origine.
Enfin, l'Hôtel-Dieu de Lévis considère que la
fonction de santé communautaire a avantage à être
unifiée sur le plan régional, et que le centre hospitalier
régional universitaire, de par les volets de sa mission, est, parmi les
centres hospitaliers, celui qui est le plus en mesure d'assumer cette fonction.
Nous croyons, de plus, que le réseau de la santé a
intérêt à se doter d'un système de santé
publique fort en préservant intégralement l'ensemble de la
mission de santé communautaire.
Est-ce à dire que le centre hospitalier régional
universitaire s'inscrit dans une structure du réseau, chapeauté
par des établissements offrant des services
ultraspécialisés et détenant une mission
suprarégionale? Vous aurez deviné que notre proposition ne va pas
du tout en ce sens. Tout au contraire, les centres hospitaliers
régionaux universitaires offrent la gamme complète de services
spécialisés et se voient octroyer un plein statut
universitaire.
L'ultraspécialité et la suprarégionaiité
doivent, selon nous, être restreintes à des secteurs
limités et leur existence résulter des faibles volumes
appliqués. Elles ne devraient pas conférer aux
établissements qui les accueillent, et pour l'ensemble de leurs
activités, un statut suprarégional. Comme nous avons
essayé de le démontrer, une telle structuration du réseau
n'aboutirait pas, selon nous, à une amélioration des services
dispensés à la population du Québec en concentrant
l'expertise, les services et la clientèle au niveau d'un certain nombre
de centres hospitaliers situés en région urbaine. Tout au
contraire, la création de centres hospitaliers régionaux
universitaires permettra de renforcer l'expertise des centres hospitaliers en
région, d'assurer la présence des professionnels les plus
qualifiés, de développer des liens de
complémentarité entre établissements et avec les
professionnels sur le territoire. Le centre hospitalier régional
universitaire sera ainsi en mesure d'assurer une meilleure accessibilité
à la santé et aux soins, l'adéquation entre les besoins et
les services ainsi que la continuité des services dans chacune des
régions.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr Moysan.
M. Carrier: M. le Président, M. le ministre et membres de
la commission, nous vous remercions d'avoir accepté de nous recevoir et
espérons que les éléments de réflexion que nous
avons soumis sauront retenir votre attention et contibueront à faire
avancer la réflexion sur les modifications à apporter à la
Loi sur les services de santé et les services sociaux. Il nous
apparaît que la proposition que nous vous avons présentée,
en capitalisant sur les ressources et les capacités actuelles du
réseau, tout en assurant un certain partage, facilitera une meilleure
répartition des médecins sur le territoire et, en
définitive, permettra de consolider et d'améliorer les services
dispensés à la population du Québec. Merci.
Le Président (M. Joly): M. Carrier, merci. M. le ministre
de la Santé et des Services sociaux, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je suis très heureux de recevoir ce matin, et d'avoir
l'insigne honneur de recevoir comme dernier mémoire de gens qui veulent
se faire entendre, les représentants de l'Hôtel-Dieu de
Lévis. M. le Président, pourriez-vous rappeler à l'ordre
le député de Jonquière?
Le Président (M. Joly): c'est parce que m. le
député de jonquière n'est pas membre régulier ici.
alors il ne connaît pas, en fait, le sérieux de cette
commission.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Puisque, effectivement, le
document que vous présentez est un
document qui va directement au coeur de certains problèmes au
niveau du réseau, dans la volonté que vous avez
déjà depuis un certain temps de vous faire reconnaître
comme un CHU, centre hospitalier universitaire, et je pense que c'est un
débat qui est sur la place publique depuis un certain temps
déjà. Vous êtes un hôpital affilié à
l'Université Laval. J'aimerais vous entendre sur ce que serait pour
vous, demain matin, la différence entre un centre hospitalier
universitaire qui serait reconnu et un centre hospitalier qui est
affilié à l'Université Laval et ce que ça va vous
apporter de plus, demain, dans le concret, comme hôpital, l'hôpital
"leader" de la nouvelle région Chaudière-Ap-palaches.
M. Moysan: Effectivement, M. le ministre, l'Hôtel-Dieu de
Lévis est affilié à l'Université Laval et compte
bien le demeurer. Je pense que la question de l'affiliation est
différente de la question du statut et ce à quoi on réagit
finalement, c'est la proposition de création de centres hospitaliers
universitaires qui, du même coup, à notre avis, aboutirait
à concentrer les ressources, les effectifs et les technologies dans un
certain nombre de centres hospitaliers et donc, à drainer d'une
façon - à moyen terme en tout cas - la clientèle vers ces
centres hospitaliers. Ce qui fart que la mission régionale qu'assume
l'Hôtel-Oieu de Lévis actuellement, je pense qu'elle serait en
péril, disons, dans le contexte où notre centre hospitalier ne
serait pas reconnu comme universitaire.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
que ce que vous amènerait la désignation officielle d'un CHU,
c'est plus de possibilités que vous en donne un centre hospitalier
affilié?
M. Moysan: Absolument, M. le ministre. Le statut de CHU,
finalement, viendrait confirmer et renforcer, d'une certaine façon, la
mission régionale que l'Hôtel-Dieu de Lévis assume
déjà et qui, finalement, serait sans doute en péril dans
la mesure où certains CHU seraient appelés à se
développer davantage dans le futur. (10 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Et vous croyez que dans la
mesure où ça serait ça... Je vais y aller directement au
lieu de tourner autour. Est-ce que vous croyez que ce serait plus facile de
développer l'Hôtel-Dieu de Lévis dans d'autres
créneaux d'excellence ou dans des créneaux d'excellence que vous
avez, si vous étiez un centre hospitalier universitaire reconnu au lieu
d'un centre hospitalier affilié?
M. Moysan: C'est vraiment le but du mémoire, disons, que
de préserver le développe- ment à venir du centre
hospitalier et de dire: vous continuez à développer sa mission
régionale et, bien sûr, de développer certains secteurs
d'excellence en retenant en particulier des médecins les plus
qualifiés dans notre mileu, en développant la fonction
d'enseignement donc, en développant à la fois les services et
l'expertise de notre milieu.
Le Président (M. Joly): M. Carrier.
M. Carrier: J'aimerais quand même ajouter que lorsqu'on
parle de développement on parle de développement dans le contexte
de mission régionale et de complémentarité avec les autres
centres hospitaliers de notre région. C'est uniquement dans cet esprit
là, pour un meilleur rôle régional, que nous parlons de
développement. Je ne voudrais pas que vous soyez effrayé par les
développements ou les coûts de développement des...
M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire que
ça ne m'effraie pas parce que s'il y a du développement il va
devoir se faire quelque part. Historiquement, vous avez toujours dit que vous
n'aviez pas été les enfants choyés de cette grande
région de Québec, de ce que j'ai compris, en termes de
développement. Peut-être du côté sud vous avez
été parmi les plus choyés mais dans l'ensemble global de
la grande région de Québec vous avez excellé grâce
à vos initiatives. Mais est-ce qu'on peut se retrouver dans une
situation, dans l'hypothèse où vous seriez reconnus. Est-ce qu'on
se retrouve dans la situation où, effectivement, le Département
de santé communautaire devrait demeurer à l'Hôtel-Dieu de
Lévis? Parce que là, ça c'est l'autre question. Donc, ce
que vous voulez, c'est tout. Est-ce que le Département de santé
communautaire ne devrait pas, dans ces conditions-là, être
rattaché à un autre hôpital dans la région de
Chaudière-Appalaches, compte tenu du fait que 70 %, m'a-t-on dit, en
tout cas, on a entendu du monde avant, de la population est davantage rurale et
30 % urbaine et que le DSC rattaché à l'Hôtel-Dieu de
Lévis serait rattaché davantage à un milieu urbain
qu'à un milieu rural?
Le Président (M. Joly): M. Moysan.
M. Moysan: Le volet santé communautaire fait partie
effectivement de la proposition transmise dans le mémoire, M. le
ministre. Ce qu'on pense qui est important, disons, c'est que l'ensemble de la
population du territoire ait accès à des services de santé
communautaire de façon équitable et, dans ce contexte-là,
on pense que le Centre hospitalier régional universitaire est en mesure
d'assumer une répartition équitable des services en santé
communautaire. Parlant de clientèle, disons, il faut noter que la
moitié de la clientèle de l'Hôtel-Dieu de Lévis est
aussi
une clientèle rurale en termes de bassin de population et c'est
finalement l'ensemble des populations à la fois urbaine et rurale qui
doivent être desservies par le centre hospitalier ou par le
Département de santé communautaire. Le centre hospitalier ayant
une mission régionale couvrant l'ensemble du territoire on pense qu'il
serait en mesure de dispenser les services à l'ensemble du
territoire.
M. Côté (Charlesbourg): Tout le monde
reconnaît que l'Hôtel-Dieu de Lévis est et doit être
et doit continuer d'être l'hôpital d'importance dans la nouvelle
région Chaudière-Ap-palaches. Comment voyez-vous la
complémentarité avec Montmagny, avec Saint-Georges, les deux
hôpitaux de Beauce et Thetford-Mines, parce que ce sont des
hôpitaux qui sont nécessairement à l'intérieur d'une
région? Comment voyez-vous le rôle d'un leader régional par
rapport aux autres centres hospitaliers au niveau de la même
région?
Le Président (M. Joly): Dr Pelletier, je crois, est-ce que
vous auriez...
M. Pelletier (Clarence): Non. Moi, ce n'est pas tellement sur la
réponse à cette question. Peut-être laisser répondre
M. Moysan à cette...
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais il peut
compléter. C'est sur DSC, j'imagine?
M. Pelletier: Non, non. Pas du tout. Moi, c'était sur...
Dans les toutes premières questions que vous avez posées, M. le
ministre, à savoir quelle était un peu la différence entre
le centre hospitalier universitaire et un centre hospitalier affilié,
qu'est-ce que ça donnerait de plus si demain on était reconnu
centre hospitalier universitaire?
Là-dessus, je vais apporter quelques précisions. C'est
que, dans le concept que l'Hôtel-Dieu de Lévis apporte,
c'est-à-dire celui de centre hospitalier régional universitaire,
ce que l'on sous-tend là-dessus, d'abord, remet en question en quelque
sorte la classification des centres hospitaliers que l'on retrouve dans
l'avant-projet de loi. C'est pour ça que c'est difficile pour nous de
parler en même temps de CHRU et de CHU.
Le CHRU, pour nous, c'est un centre hospitalier qui, de par son nombre
de lits de courte durée, de par le bassin de population qu'il draine, de
par l'expertise des différentes spécialités
médicales qui s'y trouvent, est non seulement capable mais est le mieux
placé pour la formation des médecins et, en particulier, les
médecins de famille. Je trouve que c'est un point très important
parce que l'avant-projet de loi ne distingue pas la formation des
médecins de famille de la formation des médecins
spécialistes. Or, c'est une formation qui est totalement
différente.
L'avant-projet de loi, vous le savez, veut concentrer en un certain
nombre d'hôpitaux très restreints qui seraient responsables de la
formation des médecins et, à ce moment, on ne distingue pas du
tout médecins de famille et médecins spécialistes. Je ne
pense pas que ce soit vraiment une bonne façon d'envisager la formation
des médecins.
Un médecin de famille, en particulier, ce qu'il a besoin, c'est
d'être exposé à des maladies, non seulement dans les livres
mais dans le concret, en ayant un contact avec les malades, ce que très
souvent il n'a pas lorsqu'il est regroupé dans un centre hospitalier
où il doit passer par le résident 1 qui, lui, passe par le
résident 2 et ainsi de suite jusqu'au résident 5? Donc, il y a
vraiment un morcellement de l'exposition au niveau des patients. Nous, on pense
que le CHRU est le mieux placé pour former ces
médecins-là. On pense aussi que si on regarde un des principaux
objectifs du gouvernement, et j'oserais dire de la société
québécoise depuis les 10 ou 15 dernières années,
c'est-à-dire la répartition uniforme des médecins sur le
territoire, le simple fait d'avoir des unités d'enseignement et de
formation de médecins de famille qui se retrouveraient dans chacun de
ces centres hospitaliers fictifs, qu'on appelle, nous,
régionaux-universitaires permettrait la rétention de ces
médecins parce que la formation, entre autres, d'un médecin de
famille est actuellement de deux ans, ce qui veut dire que quelqu'un qui, pour
dire quelque chose, irait faire sa formation en médecine familiale dans
un centre hospitalier régional universitaire pourrait se retrouver dans
une région X, nommons-en une pour le "fun", pour le plaisir, la
région 06 ou 07, malheureusement je ne sais pas à quelle
région ça correspond-
Une voix:...
M. Pelletier: En tout cas... La Gaspésie, pour dire quelque
chose. Prenons la Gaspésie ou Chicoutimi, pour donner un exemple.
Après avoir vécu un an ou deux ans dans ce milieu, il y a une
foule d'obstacles forcément qui tombent, qui sont très souvent
des obstacles à l'installation de médecins en
périphérie. Bon. C'est surtout dans ce contexte-là que je
voulais préciser. C'est difficile pour nous de toujours chevaucher entre
CHU, CHRU. Pour nous, le CHRU, ça remet totalement en question la
classification actuelle de l'avant-projet de loi.
M. Côté (Charlesbourg): II y avait mon autre
question.
M. Moysan: il est important de noter qu'il y a deux volets
majeurs à la proposition que l'on fait, effectivement. il y a la
question de l'enseignement - dont vient de parler le dr pelletier - qui est
importante et qui est très liée
en même temps à l'existence même de l'hôpital
régional dont on parte. Il est très marqué entre les deux.
Parions de complémentarité, je voudrais signaler qu'il s'en fait
déjà de la complémentarité sur le territoire.
L'Hôtel-Dieu de Lévis a déjà beaucoup de programmes
communs avec les centres hospitaliers et ce qu'on veut faire finalement, c'est
continuer à développer des complémentarités dans le
cadre des nouvelles régions.
Pour faire la complémentarité, il faut une masse critique.
Ce qu'on veut actuellement par la création d'un centre hospitalier
régional universitaire dans la région, c'est la conservation de
cette masse critique qui permettra de faire de la complémentarité
avec d'autres centres hospitaliers du territoire. On ne veut absolument pas
tout regrouper, il est important de noter ça. On veut développer
en même temps les sous-régions et conserver, si possible, en
sous-régions l'ensemble des services qui pourront rester en
sous-régions, en développant de tels programmes avec ces
entreprises hospitalières. Mais encore faut-il avoir, comme je disais,
la masse critique nécessaire pour pouvoir le faire, et que cette
masse-là ne soit pas drainée vers les futurs CHU
éventuellement.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. Merci, M. le
ministre. M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Je voudrais vous remercier. En fait, comme dernier
mémoire, vous conservez quand même un point d'originalité.
C'est peut-être intéressant parce que vous êtes les premiers
à nous parler précisément de centre universitaire
régional. Le hasard a voulu que, dimanche, je participe à une
fondation et les médecins de ma région abondent exactement dans
le même sens. Je n'avais pas lu votre mémoire, à
l'époque. Ils abondaient exactement dans le même sens en ce qui
regarde, en particulier, la formation de médecine de famille. Je trouve
ça intéressant, neuf et, comme approche, ça
m'apparaît intéressant en particulier face à l'objectif de
la rétention des médecins en région. Ça, je trouve
que c'est un point fort intéressant à regarder. En tout cas, moi,
ça me plaît comme approche parce qu'on a voulu tellement par le
passé insister exclusivement sur l'incitatif fiscal que si on liait le
lieu de formation, à ce moment-là, il se crée des
habitudes, il se crée des amitiés dans le milieu, il se
crée un entourage, une ambiance qui fait que c'a peut-être autant
d'influence qu'un décret punitif ou qu'un décret incitatif.
Ça, je trouve que c'est intéressant, c'est intelligent
comme formule, à mon point de vue, de penser à diversifier les
lieux de formation, et peut-être de vivre une gamme de situations
beaucoup plus intéressantes qu'une seule concentration, et ce, dans un
grand centre urbain. En particulier face à... dans un grand centre
urbain qui pourrait se dépeupler et qui ne reflète pas
effectivement la société québécoise telle quelle.
Donc, sur ce côté-là, moi, je voudrais vous remercier
d'avoir développé cet aspect-là.
Il y a seulement, cependant, c'est la reconnaissance... Étant
donné qu'on a 16 ou 17 régions administratives, avec le dernier
découpage c'est 16 régions administratives, M. le ministre? 16
régions, cela voudrait dont dire qu'il faudrait accréditer 16
centres hospitaliers. On a toujours, dans une région, à
l'intérieur d'une région, au moins un centre hospitalier dit
régional. Est-ce que vous voyez, la question que je pose, dans un
premier temps, c'est est-ce que vous voyez ce lieu de formation déborder
le simple statut de médecin de famille ou si vous le voyez aussi former
dans d'autres spécialités de base qui sont normalement
dévolues ou reconnues aux régions. Par exemple, 18 à 20,
on peut s'entendre sur un chiffre de 18 ou de 20 spécialités de
base. Est-ce que vous verriez une formation élargie, même dans ces
centres régionaux universitaires.
Une voix: Le Dr Grondin.
M. Grondin (Carrol): Oui, M. Chevrette, il est possible,
effectivement, que les centres hospitaliers régionaux universitaires
reçoivent les gens en formation en vue d'une spécialité.
Si on prend l'exemple de l'Hôtel-Dieu de Lévis, comme on offre
déjà toute la gamme des services spécialisés, il
serait effectivement possible d'en venir à des ententes pour des stages
ad hoc dans certaines spécialités. En fait, même si nous
n'avions pas le statut de centre de CHU, rien n'exclurait, sur ce
plan-là, qu'on contacte les centres hospitaliers et que, par la voie du
contrat d'affiliation, ces stages-là soient prévus.
Effectivement, actuellement, on n'est pas un CHU, et on reçoit
effectivement, dans certains secteurs, notamment en psychiatrie et en
radiologie, des gens qui viennent faire des stages d'un mois, deux mois, trois
mois, et qui retournent à leur port d'attache. Alors ça n'exclut
absolument pas ça, mais il faut comprendre que la formation
médicale à laquelle seraient voués les centres
hospitaliers régionaux universitaires serait d'abord et avant tout la
formation des omnipra-ticiens, ce qu'on appelle des médecins de
famille.
M. Chevrette: Non mais je me disais, le court laps de temps que
j'ai occupé le poste de ministre, je me rendais compte que pour
l'égalité des services, là, l'équité dans
les services, et un standard de qualité qu'on pouvait retrouver dans
l'ensemble des régions du Québec, je pense qu'on s'entendait
assez facilement, dans tout le réseau, pour dire qu'il y a 18 à
20 spécialités de base que l'on devrait retrouver dans chacune
des régions du Québec. Et à ce moment-Jà, si on
s'entendait sur les 18 à 20 spécialités de base, eh bien
qu'on puisse, au moins par des stages,
effectivement, parce que si on veut créer un attrait autre que
l'attrait financier pour s'organiser, pour que les médecins s'installent
en région, d'une façon équitable, si on ne veut pas y
aller par le pouvoir coercitif, en disant, bien, c'est tant de chaises
universitaires réservées pour les régions sinon bonjour
Luc, il va falloir qu'on trouve des moyens. Je trouvais que c'était une
approche assez intéressante. Il y a une chose que je veux vous demander:
la décentralisation qui est proposée, naturellement ne parle pas
d'une décentralisation face à l'ultraspécialisé.
J'ai peut-être mal interprété ce que vous avez dit dans
votre mémoire ou ce que j'ai entendu, mais, face à
l'ultraspécialisé, on va devoir tenir compte dans la
répartition des enveloppes de la RAMQ en régions. Il va falloir
qu'on accepte qu'il y ait, on ne peut pas avoir des centres
ultraspécialisés de grands brûlés dans toutes les
régions du Québec. Donc ça c'est admis, tout le monde
comprend ça, à ce moment-là, est-ce que vous favorisez ou
j'ai cru comprendre que vous ne favorisiez pas nécessairement la
décentralisation des enveloppes de la RAMQ. J'aimerais que vous nous
disiez, si j'ai bien compris, ou si j'ai des doutes, ou qu'est-ce que vous avez
voulu dire?
M. Moysan: Ce que nous faisons, en fait, c'est un constat,
effectivement. Comme vous dites, c'est que des centres de grands
brûlés, il ne peut pas y en avoir dans tous les hôpitaux du
Québec. Il y a donc une concentration qu'il faut rechercher absolument
pour des raisons de qualité. Et ce qu'on dit, en même temps, par
contre, c'est que les critères de reconnaissance d'un centre hospitalier
universitaire ne devraient s'appliquer uniquement en fonction de
critères d'ultraspécialité ou de recherche, par exemple.
Et que le fait, par exemple, d'avoir un hôpital régional, disons,
offrant une gamme complète de soins spécialisés, constitue
la base idéale, d'après nous, pour former des médecins
omnipraticiens. Maintenant, ce n'est pas non plus exclusif. Cela n'interdit pas
un centre hospitalier, dépendant du contexte, de développer
certaines pointes d'excellence. L'Hôtel-Dieu de Lévis, par
exemple, va probablement avoir une unité d'enseignement en psychiatrie.
Je pense que c'est une bonne chose et ça vient compléter la
mission générale, mais ce sur quoi on s'appuie essentiellement,
c'est la médecine de famille, disons, comme critère essentiel
pour la reconnaissance universitaire. (10 h 30)
M. Chevrette: D'une façon plus pointue, face à la
décentralisation de la RAMQ, vous qui faites partie d'une nouvelle
région administrative, comment voyez-vous ça? Il y a beaucoup de
médecins avec vous là, dites-nous ça.
Une voix: Je ne comprends pas.
M. Pelletier: On comprend mal la question.
M. Chevrette: La décentralisation complète, non
seulement des sommes d'argent du ministère par région mais de la
RAMQ, des enveloppes de la RAMQ, pour traiter les gens, tant pour le corps
médical, à partir de tels critères, éloignement,
distance, nombre de municipalités, etc., je suppose que ça ne
sera pas bêtement tant par tête, comment voyez-vous ça,
vous?
M. Pelletier: Voulez-vous parler des primes d'éloignement
ou encore des avantages fiscaux ou autres pour ces choses... Je
comprends...
M. Chevrette: Bon! La commission Rochon arrive à la
conclusion, à moins que je ne me trompe, que décentraliser les
enveloppes, les sommes d'argent de la RAMQ au niveau des régions serait
le remède le plus approprié, sans le dire de même, ce
serait le remède à la répartition équitable des
médecins sur le territoire. Je pense que vous avez compris ça
autant que moi. À partir de cela, est-ce que vous croyez que dans une
région aussi à proximité, que Lévis, de
Québec c'est une bonne chose d'avoir une décentralisation des
enveloppes de la RAMQ?
M. Moysan: II y aura sûrement, éventuellement, des
problèmes de frontières. Ce n'est pas forcément facile,
disons. Par contre, il est clair que la proposition qu'on fait va dans le sens
d'une autonomie de la région. Autonomie, en particulier, au niveau de
l'ensemble des services spécialisés. Ce qu'on dit, finalement,
c'est que la population de la région Chaudière-Appalaches devrait
avoir accès, sur le territoire de la région, à l'ensemble
des services spécialisés et, ces services
spécialisés, on va les développer en
complémentarité avec les CH qui sont déjà sur le
territoire, à savoir définitivement dans le sens d'un
développement des services dans la région, donc un meilleur
partage des enveloppes.
M. Chevrette: Dernièrement, vous avez dû fermer une
salle d'opération chez vous. Est-ce que vous pourriez me donner le
motif?
M. Moysan: Du dernier budget, M. le député, on
ajuste les budgets. Ce que je peux vous dire, disons, c'est que, depuis cinq
ans, l'Hôtel-Dieu de Lévis, en salle d'opération,
malgré un contexte difficile, malgré un budget serré
effectivement, il s'est ajouté tout près de 20 000 heures en
salle d'opération. Alors, c'est un réaménagement. C'est un
choix qui est fait, disons, de mode de fonctionnement. Il y a des changements,
effectivement, au niveau des clientèles. Il y a des changements au
niveau des technologies qui font que la restructuration s'en est suivie. Mais
je peux vous dire qu'il y a 20 000 heures qui ont été
rajoutées au budget 1990-1991 par rapport au budget 1984-1985.
M. Chevrette: Comment expliquez-vous que vous fermez une salle
d'opération et que vous ajoutez des heures? Expliquez-moi ça.
M. Boucher (Roch): M. le Président, je pourrais
peut-être me permettre...
M. Chevrette: Est-ce que vous auriez le goût de me dire que
la santé budgétaire est presque aussi importante?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Effectivement, je pense que c'est un
prérequis. Maintenant, en ce qui concerne la réponse à
donner de façon précise, à la salle d'opération, je
dois vous avouer qu'on ne s'attendait pas à ce genre de
question-là à l'intérieur d'un débat.
M. Chevrette: C'est en vous voyant que j'y ai pensé.
M. Boucher: Vous êtes bien aimable. Je pourrais
peut-être préciser que, comme M. Moysan vient de le souligner, il
y a eu des heures d'ajoutées. Ce qui est peut-être important de
mentionner, c'est la répartition avec laquelle ces heures-là ont
été effectuées à l'intérieur du volume
d'activités potentielles du bloc opératoire. J'aimerais
peut-être dire que les minutes opératoires, si on se
réfère depuis les cinq dernières années... La
disponibilité du temps opératoire a progressé depuis les
cinq dernières années. Donc, on laisse plus de
disponibilité aux chirurgiens d'exercer. Maintenant, ces
disponibilités-là se sont effectuées en soirée, la
fin de semaine et même la nuit, compte tenu des urgences ou des cas qui
se présentaient et aussi la problématique d'hospitalisation et
l'achalandage au niveau des lits. Maintenant, la fermeture d'une salle de jour,
on ne peut pas nécessairement conclure qu'il y a moins de
disponibilités opératoires si les disponibilités sont
réparties en dehors de l'horaire normal, c'est-à-dire
passé 16 heures, le soir, la nuit ou les fins de semaine.
M. Chevrette: Est-ce que vous pourriez me dire... l'unification
des conseils d'administration prévue dans la loi, à
l'intérieur d'une région, comment réagissez-vous à
ça? Le projet de loi dit qu'il voudrait, le plus possible sur le
territoire, voir regroupés les conseils d'administration. Je comprends
que ça n'a pas été le fondement de votre mémoire.
Mais comment avez-vous réagi à ça? Vous n'avez pas peur
parce que vous êtes le plus gros de la région mais...
M. Moysan: Je ne suis pas sûr de bien comprendre la
question, M. le Président, mais je pourrais peut-être
répondre en deux temps. D'abord, sur le principe d'un conseil
régional, disons, à partir du moment où on veut être
un centre hospitalier régional, je pense qu'il est logique de s'attendre
à ce qu'il y ait une représentation régionale au conseil
d'administration. C'est peut-être le premier volet de la
réponse.
M. Chevrette: Le regroupement au niveau des conseils qu'on
proposait dans l'avant-projet de loi?
M. Moysan: C'est différent. Par contre, si on parle de la
proposition de lavant-projet de loi, comme on disait tout à l'heure que
la proposition qu'on fait actuellement c'est d'avoir un plein statut
universitaire, ça inclut également que, comme tout CHU, le
conseil d'administration...
M. Chevrette: Et la présence des professionnels au
conseil?
M. Moysan: ...aurait son statut. Ce qui n'exclut pas une
représentation de l'ensemble du territoire.
M. Chevrette: La présence des professionnels au conseil,
la jugez-vous indispensable?
M. Moysan: Je pense que l'expérience a montré
qu'elle a été utile. Personnellement, j'ai participé au
conseil d'administration depuis une dizaine d'années et je peux vous
dire que, dans de nombreux dossiers, la présence des professionnels ou
encore de syndiqués, d'employés du centre hospitalier est
importante.
M. Chevrette: J'avais une dernière question. Je pourrais
la laisser à mon collègue de Lévis.
Une voix: Consentement.
Une voix: On consent. On sait que...
M. Côté (Charlesbourg): J'ai vu ça dans le
visage du député de Lévis, quand il est arrivé. Il
est, comme moi, très expressif, à l'occasion, du visage.
M. Garon: Ça doit être à midi et demi.
Le Président (M. Joly): On vous devine, M. le
député. On ne vous reconnaît pas, on vous devine.
M. Garon: J'aurais une question, une seule. La
régionalisation des centres hospitaliers en soi, je pense, est un bon
principe. Mais, dans quelles conditions est-ce que ça doit être
fait pour que ça n'équivale pas a dire qu'il y a des
régions qui sont bien traitées sur le plan de la médecine
et d'autres deviennent... comme dans les autobus, avancer par en
arrière. Si on regarde la région de Québec, il y a six
grands hôpitaux, il y en a
cinq à Québec, un à Lévis. J'ai le sentiment
que Lévis ne progresse pas beaucoup actuellement, il perd son
unité de médecine familiale, a les moins gros budgets de la
région de Québec. Il n'a même pas l'indexation au cours de
la dernière année. Des choses qui doivent apparaître
à Lévis se retrouvent ailleurs. La régionalisation dans
des conditions comme celles-là, vous n'avez pas l'impression que...
Indépendamment de la fierté, de dire: On a un hôpital
régional. Vous ne craignez pas que... Dans quelles conditions ça
doit être fait, pour que ça n'équivaille pas à avoir
une médecine de moindre qualité?
M. Carrier: Si vous me le permettez, l'objectif du rapport, de
notre mémoire... La réponse à vos interrogations, on peut
la trouver dans une rationalisation des services et des ressources. C'est ce
que l'on veut, c'est ce qu'on demande. Si les services et les ressources sont
rationalisés, comme on le prétend avec les mesures
recommandées, sans nécessairement augmenter les coûts,
parce qu'on utiliserait, à ce moment-là, des ressources qui sont
sur les lieux, je pense qu'on répondrait à vos interrogations.
Maintenant, ma réponse n'est peut-être pas complète.
M. Garon: Ce que je veux dire, au fond, c'est: Comment
pouvez-vous offrir une médecine de même qualité avec des
budgets moindres que ceux des autres hôpitaux? À moins que vous ne
soyez surefficaces, et là vous êtes le modèle à
suivre, ou, à ce moment-là, vous n'avez pas les budgets
suffisants. Il ne faut pas compter d'histoires. Tous les chiffres que je vois
de vos per diem, vous êtes sous-budgétisés par rapport aux
autres grands hôpitaux de la région de Québec. Vous
êtes bien meilleurs, vous êtes plus efficaces et plus productifs ou
bien vous êtes sous-budgétisés. J'aimerais avoir une
réponse...
Le Président (M. Joly): Dr Grondin, je pense que vous
voulez répondre. M. Moysan.
M. Moysan: M. le Président, c'est justement parce qu'on
voit... c'est un danger à la proposition de création de CHU et
à la structuration du réseau qui va en résulter, qu'on met
de l'avant le concept de centre hospitalier universitaire. C'est d'abord un
centre hospitalier universitaire. Il est régional également, mais
il est universitaire. On pense qu'à moyen terme, s'il doit y avoir un
rééquilibrage des budgets éventuels, c'est par rapport
à une affirmation de la mission de l'Hôtel-Dieu de Lévis,
à la rétention de médecins dans ces
hôpitaux-là et dans ces régions-là et à
l'excellence de la médecine qui va être pratiquée à
l'Hôtel-Dieu de Lévis, comme dans tous les hôpitaux
régionaux qui existent à l'heure actuelle.
Le Président (M. Joly): Merci, je dois...
M. Chevrette: Je voudrais vous remercier de votre mémoire
et, en particulier, en tout cas, l'aspect neuf qu'on retrouve, avec les
incitatifs véritables, en région, pour les "omni", les
médecins de famille. Je vous remercie infiniment, c'est un apport
précieux pour la commission.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M le Président, je
veux remercier les gens de l'Hôtel-Dieu de Lévis de leur
présentation et, comme le dit le député de Joliette,
même comme dernier mémoire entendu à la commission,
après 175, 176 mémoires, vous avez trouvé le moyen d'avoir
une pointe d'originalité qui n'avait été a peu près
pas entendue jusqu'à maintenant. C'est peut-être qu'il y a quelque
chose là d'intéressant à explorer. Je veux vous souhaiter
bonne chance pour le futur immédiat et le futur à moyen terme,
sur le pian de ce que vous avez entrepris comme travail. Évidemment, une
région se doit d'avoir des outils, à partir du moment où
on reconnaît une région. Je suis un de ceux qui ont toujours
défendu ça et qui va continuer à le défendre,
quitte à ce que ce soit au propre détriment de la région
que je représente. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, au nom des membres de cette
commission.
M. Carrier: Merci.
Le Président (M. Joly): Moi aussi, je tiens à vous
remercier. Je souligne aussi la présence du Dr Laplante qui était
parmi nous. Merci.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 h 30, ici, dans le
même salon. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 43)
(Reprise à 15 h 32)
La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la
commission veulent bien reprendre leur siège, la commission va reprendre
ses travaux.
Alors, je rappelle en ce début de séance,
d'avant-dernière séance, en ce qui concerne cette consultation,
que nous tenons des audiences publiques dans le cadre de l'étude de
l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé et les services
sociaux. C'est en effet notre 25e séance de travail, aujourd'hui, qui a
débuté ce matin.
Nous invitons donc, cet après-midi, le Dr Jean Rochon, qui a
présidé les travaux de la Commission d'enquête sur les
services de santé et les services sociaux, à bien vouloir
témoigner devant nous et échanger certains propos avec les
membres de la commission. Bienvenue à nos travaux. On me souligne que
vous avez environ 30 minutes pour faire une intervention de départ et
que, par la suite, de part et d'autre, chacun
des partis politiques dispose aussi de 30 minutes chacun pour discuter
et échanger des avis avec vous. Ça va.
M. Jean Rochon
M. Rochon (Jean): Merci, Mme la Présidente et Mmes et MM.
les membres de la commission. Je voudrais d'abord dire que je suis
particulièrement heureux - je devrais l'avouer - un peu ému de me
retrouver ici avec vous à la fin de vos travaux, aujourd'hui. Même
si, pendant les deux dernières années, j'ai été
à l'extérieur du Québec physiquement, je pense avoir
réussi à demeurer assez près et à suivre assez bien
ce qui se passait au Québec grâce à un bon réseau
d'amis qui m'ont tenu informé régulièrement et qui m'ont
fait parvenir, entre autres, les journaux du Québec par lesquels j'ai
pu, au moins là, suivre les travaux de la commission.
En me présentant devant vous, j'ai pensé que, surtout dans
une première introduction, j'espère pouvoir contribuer à
vos travaux en visant deux éléments dans une présentation.
D'abord, sur la base de l'expérience que j'ai pu vivre en Europe, au
cours des deux dernières années, j'aimerais peut-être
brosser rapidement un tableau de ce qui me semble être carrément
des consensus qui se retrouvent un peu partout à l'extérieur du
Québec et qui semble être un mouvement général.
Pour moi, ça a été très intéressant
de constater graduellement ce qui se passe dans d'autres pays et ce qui va dans
le même sens que ce qui semble se passer au Québec actuellement,
parce que c'est un peu une validation de certaines orientations de
société et de certains choix sociaux qui se font
actuellement.
Dans un deuxième temps, même si vous ne m'avez pas
demandé directement de venir témoigner à savoir si, deux
ans après, j'osais dire la même chose, j'essaierai peut-être
de m'adresser un peu à cette question.
Alors, d'abord, rapidement, ce qui semblait être des consensus qui
sont dans le sens, je pense, des principales recommandations de la Commission
d'enquête sur l'organisation des services de santé et des services
sociaux, mais aussi des consensus qui au-delà, je pense, des conclusions
et des recommandations de la Commission semblent être des
éléments de l'évolution du Québec. Ça,
ça se voit surtout d'après ce que j'ai pu constater, en tout cas,
de ce qu'on a fait du rapport de la Commission et qui était
peut-être pour l'ensemble, je pense, de mes collègues, aussi,
à la Commission et pour moi, personnellement, une des meilleures
récompenses qu'on pouvait avoir, parce que, sur la fin des travaux, je
me rappelle très bien qu'on se disait, constatant
l'énormité, c'est-à-dire pas l'énormité,
mais l'ampleur du domaine et l'aspect énorme de certains
problèmes, qu'une des contributions sûrement que devait faire ou
tenter de faire une commission de ce genre-là, au-delà de
recommandations précises et d'éléments de solutions,
j'espère, qu'on a pu proposer, était surtout d'avoir
amorcé un débat qui devait se continuer et de permettre aux gens
de vraiment récupérer, d'intégrer et de faire leur, les
recommandations de la Commission et de décider ce qu'ils voudraient en
faire.
Alors, à travers ce débat, on sent vers où
évolue le Québec et je pense que ça rejoint, souvent, des
mouvements qu'on voit se passer dans d'autres pays. Je les mettrais sous trois
titres. Il y a des consensus, d'abord, qui s'établissent clairement au
niveau des politiques de santé qu'on doit retrouver. Actuellement, le
décompte qu'on en fait, si on prend l'exemple de la région
européenne de l'organisation mondiale de la santé où
j'oeuvre actuellement, il y a une vingtaine de pays sur les 32 pays de la
région qui ont déjà, à un niveau ou l'autre, mais
à un niveau officiel de prise de position politique et gouvernementale,
adopté une politique de santé où, en
général, on retrouve les caractéristiques suivantes. Ce
sont, en général, des politiques de santé qui sont
intégrées au développement social et économique du
pays et non pas des politiques qui tiennent seules par elles-mêmes, mais
qui sont vues comme des éléments du développement du pays,
de la société en question où la santé est vraiment
campée comme, a la fois, un facteur de développement et une
résultante du développement de la société.
Ce qu'on retrouve aussi beaucoup, de plus en plus comme
caractéristique et comme filon de ces politiques, c'est ce qu'on
pourrait peut-être appeler un effet du rapport de la Commission sur
l'environnement, qui était connue sous le nom du rapport Brundtland,
étude faite par les Nations Unies, où on tente de
récupérer, dans un sens, la notion du développement
durable et de voir quelle solution on peut apporter à court terme et
immédiatement aux problèmes auxquels font face les
systèmes de santé ou une société par rapport
à des systèmes de santé, mais en tenant compte non
seulement des problèmes actuels, mais de l'effet sur la
génération qui va suivre et du développement dans le temps
d'une génération à l'autre.
La troisième caractéristique de ces politiques, c'est leur
aspect de plus en plus écologique où on campe les services de
santé de plus en plus dans un contexte où la personne humaine est
vue comme le centre de préoccupation, mais dans un contexte social,
économique et, évidemment, tenant compte de l'environnement
physique.
Finalement, ces politiques ont de plus en plus la caractéristique
d'être des politiques qu'on appelle, dans le jargon, des politiques qui
sont ciblées. Il y a tout un débat à savoir jusqu'à
quel point on doit quantifier les cibles - ça, ça varie selon les
milieux - d'avoir des politiques qui, au-delà du discours plus
général et des
grands choix de société, identifient des cibles
précises à atteindre dans une échelle de temps
déterminé. C'est aussi une caractéristique qu'on
retrouve.
Deuxième niveau de consensus, si on regarde à
l'intérieur de ces politiques, il y a trois grands points qui se
dégagent clairement. Un, c'est une préoccupation grandissante
pour l'équité Et on a des données qui ressortent
récemment où on montre que même avec les efforts investis
au cours des cinq à six dernières années, c'est à
ce moment-là - je me réfère toujours au contexte
européen - où on a vraiment eu un effort organisé,
structuré autour du développement des politiques de santé,
malgré les efforts actuels, les écarts entre les groupes,
à l'intérieur d'un pays et parfois même entre les pays, non
seulement ne semblent pas avoir diminué mais, dans la plupart des cas,
se sont même un peu élargis. Il semble clair que ceux qui
étaient en meilleure position ont pu faire des gains grâce
à ces politiques mais ceux qui étaient en moins bonne situation
de départ n'ont pas facilement pu démarrer jusqu'à
présent.
Au-delà de l'équité, il y a une deuxième
grande caractéristique qui se dégage de toutes ces politiques et
c'est vraiment le choix clair et une orientation très nette sur des axes
de prévention et de promotion de la santé. Encore là, sans
nier la part importante des services de santé, mais ça
apparaît clairement comme un message qui est passé, c'est que des
politiques de santé pour l'avenir doivent être établies
d'abord sur des objectifs de promotion et de prévention, s'adressant
autant aux facteurs déterminants de la santé qu'à la
responsabilisation des individus et des collectivités. Finalement, ce
qu'on retrouve aussi comme il semble que ce soit l'évolution au
Québec, ce sont des politiques qui, s'adressant aux services de
santé, centrent vraiment le développement des services sur les
besoins de la personne, sur le consommateur des services.
Un troisième niveau de caractéristiques des politiques qui
se dégagent est au niveau des moyens d'actions. Il y a trois grands
moyens d'actions qu'on retrouve à peu près partout, à des
degrés différents, dans ces politiques: un qui est
l'intersectorialité très nette où, la aussi, on semble
partout avoir compris que beaucoup de problèmes de santé, non
seulement ne vont pas se régler, sans une approche intersectorielle,
mais très souvent la prévention et la promotion passent par
d'autres secteurs que celui qui est le secteur officiel de la santé.
Une deuxième caractéristique au niveau des moyens est
celle d'établir la base des systèmes de santé sur les
soins primaires. Là, il y a des choix très nets qui semblent
être faits dans à peu près tous les pays. Finalement, il y
a vraiment un mouvement général qui est en dehors même de
la discussion sur la décentralisation et la participation des
communautés locales au niveau le plus petit dans un sens où des
décisions peuvent se prendre quant à l'organisation et la
distribution des services de santé. Le débat en est vraiment un
au niveau des moyens, mais n'est plus au niveau du pour ou du contre la
décentralisation.
C'est un peu, en guise d'introduction, ce que je voulais rappeler: les
lignes de force au niveau politique, les choix politiques et les grands moyens
d'actions qu'on retrouve actuellement, et que je perçois en Europe, et
qui me semblent recouper beaucoup ce qui se passe actuellement au
Québec. Je pense que ça peut être vu comme une certaine
validation des orientations qu'on a prises.
Maintenant, en s'adressant plus directement au rapport que la commission
a présenté et le voyant dans le contexte de ce qui s'est
passé depuis ce temps-là, au Québec, encore là, de
ce que j'ai pu voir ou, j'espère, un peu apprendre au cours des deux
dernières années dans un contexte un peu différent, II y a
certains éléments sur lesquels j'aimerais revenir. Je dois vous
dire et je devrais avouer que le rapport étant à écrire
sur ces questions-là, je me sentirais carrément dans une position
de récidiviste. Je ne sens vraiment pas le besoin, et je le dis bien
honnêtement et sincèrement, de considérer des revirements
importants ou des remises en question importantes, dans le sens de ce que la
commission a présenté. Mais si c'était à refaire,
je pense qu'on serait en moyen, aujourd'hui, avec ce qu'on a pu apprendre au
cours des deux dernières années, d'aller peut-être plus
loin ou d'être plus positif, plus fort dans certaines des orientations
qu'on a voulu suggérer.
Un premier point sur lequel, je pense, on pourrait et on devrait
considérer aller plus loin est celui de la place qu'on a voulu donner,
et qu'on discute actuellement, aux services de première ligne dans un
système de santé. Ces services de première ligne
étant reliés, comme un facteur déterminant, à
l'accès pour tous aux soins généraux, à
l'information dont les gens ont besoin quant à la nature et aux moyens
de résoudre leurs problèmes de santé, aux interventions de
la prévention et aussi à des avenues, à une contribution
importante et à des développements importants qui peuvent
être faits par certains secteurs, certains domaines et, entre autres, je
pense qu'on peut faire une référence aux soins infirmiers
où peut-être qu'on aurait pu pousser plus loin l'analyse, voir
jusqu'à quel point il y a un élément de
développement pour l'avenir. Il y a une voie de développement
pour l'avenir pour les soins infirmiers dans ce qui peut être fait au
niveau des soins généraux et au niveau d'une approche plus
globale de la communauté. Le domaine de la réadaptation aussi, au
niveau des soins généraux, c'est à revoir et à
analyser avec plus de profondeur et je pense que là, il y a
énormément de possibilités qui sont à
découvrir. Et ce que l'on voit beaucoup se développer dans
les systèmes au niveau des soins généraux, ce sont les
services surtout à deux types de clientèles, si je peux prendre
ce terme-là, qui sont de plus en plus présentes, soit celle des
personnes âgées évidemment, mais aussi les personnes qui
ont besoin de soins qu'on appelle paliatifs. Et avec l'évolution des
problèmes de santé, le vieillissement de la population, c'est un
groupe qui augmente de plus en plus. Il y a toute une technologie qui s'est
développée de façon importante de ce
côté-là et qui trouve une place importante au niveau des
soins primaires. Cela est possible pour mettre ça plus
concrètement avec ce qu'on voit se développer comme technologie.
(15 h 45)
On réfère souvent aux technologies en pensant au niveau
les plus sophistiqués, les technologies de pointe très
spécialisées ou surspécialisées. Il y a tout un
secteur de technologies de faible intensité et d'application au niveau
des soins généraux qui sont en développement, et je
donnerai quelques exemples seulement pour illustrer. Si on prend des
technologies qui visent plus directement les consommateurs, les patients ou les
clients, selon comment on veut les appeler, il y a tout le domaine des aides
domestiques et les aides à la mobilité de toute nature qui se
développent actuellement et qui permettent vraiment... qui ouvrent des
possibilités qui n'existaient pas H y a même cinq ans. Il y a tout
le secteur des communications, ce que les gens appellent les ordinateurs
maisons, qui permettent de garder à domicile une personne en contact et
même de pouvoir facilement déclencher un signal d'alarme, ce qui
permet de garder en toute sécurité et de maintenir des gens qui
ont différents types de problèmes, grâce à cette
technologie, dans un contexte de domicile. Il y a beaucoup de technologies, qui
visent carrément les professionnels de la santé et des services
sociaux, qui se sont développées, soit des moyens diagnostics
où, de plus en plus, on peut faire des diagnostics et des traitements
à domicile. Il y a des exemples récents dans le domaine, par
exemple, des traitements d'insuffisance respiratoire qui étaient
difficiles à imaginer en dehors du milieu hospitalier où, dans
certains cas et selon certaines conditions, on peut aller jusqu'à
transporter à domicile des soins importants, et il y a tout un secteur
de surveillance clinique de signes vitaux qui peut être fait, et
facilement, dans un contexte familial et qui sont des technologies, encore
là, faciles d'exportation.
Finalement, il y a tout le domaine des communications. En plus de ce
qu'on fait directement qui vise le client ou le producteur de services, le
domaine des communications. Là, je donnerai seulement un exemple.
Ça rejoint aussi un des développements qui se fait au
Québec actuellement, ce qu'on appelle, de façon
générale, les fameuses cartes à puce qui mettent vraiment
à la disposition du consommateur, très localement, le minimum de
renseignements qui sont nécessaires pour pouvoir donner des services de
façon très décentralisée et au niveau des soins
généraux. À cela, on peut donner l'exemple aussi de
systèmes experts qui se développent comme support à la
décision professionnelle dans différents milieux et qui
permettent aussi de maintenir à un niveau de soins
généraux ce qui devait se faire avant centralement.
Cela dit, quand on voit ces développements se faire, on constate,
maintenant peut-être, plus facilement qu'il y a deux ans comment le
Québec a une position un peu unique en certains rapports et, à
plusieurs égards, une longueur d'avance par rapport à beaucoup de
pays qu'on peut voir. On a, d'abord, au Québec, et c'est peut-être
une des choses qui me frappent encore plus aujourd'hui, une infrastructure de
soins généraux au niveau de soins primaires qu'à peu
près aucun pays n'a. Finalement, c'est notre réseau de CLSC. Je
n'essaie pas de dire qu'on aurait dû dire que je dirais aujourd'hui que
tout doit être fait par les CLSC. Je pense que c'est un réseau qui
a passé par une phase de développement et qui continue à
se consolider actuellement. Alors, ce n'est pas une invitation à faire
"rééclater" le réseau mais ça donne quand
même une stabilité et un centrage d'un ensemble de services qui
peuvent vraiment, que par leur existence, produire un point, un focus
d'intégration et de coordination, que par leur présence. Et
ça, c'est une infrastructure qui a été
améliorée mais qui n'existe, à peu près en aucun
endroit au monde, qu'au Québec actuellement, je pense.
Un autre atout que le Québec a eu et ça, la Commission
l'avait vu comme un acquis, mais je pense que je le dirai encore plus fort
aujourd'hui, c'est cette intégration qu'on a réussi à
faire, pas toujours sans douleur, mais qu'on a réussi à faire,
des services sociaux et des services de santé. Et ça, pour le
développement des soins généraux, c'est un atout essentiel
parce que la plupart des problèmes doivent s'affronter par une bonne
intégration de ces deux types de services.
Il y a ce qu'on a vu au Québec et qui nous avait beaucoup
frappés, je pense, à l'époque et qui a probablement
été une révélation pour votre commission aussi, le
niveau, quand même, de développement des concertations au niveau
des régions et au niveau local, concertations entre
établissements et concertation, de plus en plus, avec d'autres secteurs
de l'activité publique ou sociale et, parmi les autres secteurs, il y a
un développement, au Québec, je ne sais pas jusqu'à quel
point ça frappe au Québec ou qu'on le sent, mais qu'on utilise
beaucoup à titre d'exemple dans d'autres milieux, c'est le
développement du mouvement, je ne sais pas quel titre on lui a
donné officiellement, des villes et des villages en santé, comme
étant un secteur d'Implication des
municipalités, dans le cadre, carrément, de leur mandat,
mais dans une approche très intersectorielle et très
fonctionnelle, très articulée avec le système de
santé. Donc, l'importance du niveau primaire, de la première
ligne, serait peut-être à accentuer pour le développement,
pour l'avenir, sur la base du développement technologique qui permet
d'aller plus loin et des facteurs uniques qu'on a à Québec,
auxquels j'ai fait référence, qui nous permettent de faire ce
développement.
Un deuxième point sur lequel on pourrait peut-être pousser
plus loin la réflexion et les recommandations avec ce qu'on peut
connaître maintenant, qui était peut-être moins
évident parce que, là-dessus, il y a beaucoup
d'expériences qui commencent à devenir connues récemment,
c'est tout le domaine de l'évaluation et spécialement
l'évaluation de la qualité de ce qui est produit par un
système de santé.
Évidemment, il y a le domaine... et il y a peut-être quatre
ou cinq exemples qu'il faut donner rapidement pour voir de quoi on parie.
Premièrement, il y a sûrement l'évaluation du
développement technologique, ça, je passe rapidement parce que le
Québec a déjà une action très concrète dans
ce domaine et c'est une décision qui avait été prise
même avant la fin des travaux de la commission. Et ça, on le
retrouve dans la plupart des pays européens et là-dessus, le
Québec, je pense qu'on est peut-être même en... ce n'est pas
facile de profiter de l'expérience d'ailleurs parce qu'on est un peu
à l'avant du développement ou en même temps que ceux qui
poussent le développement actuellement.
Il y a tout le domaine, qui est assez bien connu aussi, qui se
développe, celui de l'assurance de qualité au niveau de la
production des services comme tels. Maintenant, au-delà de ça, il
y a au moins trois types d'évaluation de qualité qui deviennent
de plus en plus réels et qui semblent être très porteurs
pour l'avenir. Il y en a un, qui est une approche - et ça, on la voit
beaucoup actuellement, si un pays a l'avance là-dessus, c'est
peut-être la Hollande - où on a mis l'accent beaucoup sur le
développement d'un système de surveillance et de
rétroaction, c'est-à-dire surveillance de "monitoring", si on
peut prendre le terme, de ce qui se passe au moment où se déroule
un épisode de services, et l'épisode de services est devenu le
dénominateur d'analyse, où on réussit à capter
l'essentiel de ce qui se donne comme services et d'en faire une
rétroaction d'informations, quant à ce qui a été
produit par cet épisode, à ceux qui étaient responsables
de le produire, les professionnels et les administrateurs. Ils ont
développé des systèmes qui visent, par exemple,
directement le praticien de médecine familiale, ou qui visent les
spécialistes dans différents domaines ou qui visent les
hôpitaux où vraiment l'information est captée, recueillie,
rapidement analysée et redonnée au système, et que ce
circuit d'informations com- mence à donner des résultats en
termes d'intégration de services et un impact sur les coûts par
les phénomènes connus de régression vers la moyenne. Quand
on sait qu'on produit la même chose à un coût beaucoup plus
grand que tout le monde, automatiquement ça amène un
comportement. C'est une motivation comme telle à rejoindre ce qui semble
être la moyenne de production en termes de coût.
Dans les mêmes pays, en Hollande encore surtout, il y a un autre
type de développement qu'on fait qui est vraiment de l'évaluation
de qualité, mais orientée aussi vers l'aspect de
l'efficacité et de l'efficience des soins. Ça vise soit
carrément l'utilisation des services comme tels où, sur une base
du client comme tel et en tenant compte des moyennes qu'on retrouve à
l'intérieur de différents secteurs de pratique, on a pu
développer graduellement des standards statistiques qui, là
encore, donnent des indications très nettes quant à l'utilisation
souhaitée et souhaitable des services de santé et aux coûts
auxquels cette utilisation peut correspondre...
On a fait le même genre d'expérience pour
l'évaluation de l'efficacité des services dans
l'intégration de services interétablissements. En prenant un type
de problème que présente une personne, en prenant le
dénomination d'une épisode de soins, on peut retracer, à
partir de l'hôpital en passant par la clinique médicale ou le CLSC
et les soins à domicile, un épisode qui peut se définir,
sur lequel on peut calculer de façon concrète ce qui a
été produit, à quel coût, dans quel délai et
avec quel type de résultat.
Un autre développement intéressant, en plus de ces
systèmes de surveillance et ces systèmes d'évaluation de
l'utilisation des services, est vraiment ce qu'on appelle dans le jargon des
développements des modèles de pratique où, sur la base des
connaissances acquises, et c'est vraiment un secteur intéressant de
l'intégration de connaissances biomédicales et de l'approche
globale par rapport à des problèmes de santé, on doit
partir des connaissances sur la cause, l'incidence, les conséquences,
les complications possibles, le moyen de contrôler les complications
possibles d'un problème de santé ou un problème social. On
peut développer vraiment un mode de pratique qui semble, à
l'expérience et qu'on peut vraiment démontrer de façon
quasi expérimentale, être une approche un peu modèle qui
sert de ligne de conduite.
On l'a fait, par exemple, ou on le développe actuellement pour
des problèmes comme l'abus de l'alcool ou l'abus de drogue, comme
approche; avoir un impact sur ces problèmes. Ça a
été fait pour le "management" de problèmes comme le cancer
du sein. On le fait pour des problèmes plus légers mais qui, de
façon surprenante, ont un impact énorme sur l'utilisation de
services de santé, comme différents types de réactions
allergiques à différentes situations (le diabète,
l'hypertension artérielle, l'arthrite rhumatoïde).
Ce sont vraiment des secteurs où existent présentement -
c'est la Suède qui a surtout développé ça - des
modèles de pratique qui permettent non seulement d'améliorer la
qualité des services, mais en plus, en général, de
produire une aussi bonne qualité sinon une meilleure très souvent
à meilleur coût et qui rejoint beaucoup les préoccupations
et les besoins d'éducation continue. Ça permet vraiment
d'articuler et de fournir un créneau pour la formation continue des
différents personnels impliqués autour d'un modèle de
pratique.
Donc, l'évaluation de la qualité, je pense qu'aujourd'hui
on a, de façon qui se démontre actuellement ou qui commence
à donner des résultats, des moyens d'aller beaucoup plus loin et
le Québec, je pense, a les moyens technologiques de s'impliquer
là-dedans. Il pourrait en profiter pour se joindre à ces
comparaisons internationales qui se font pour aller plus vite dans le
développement de nos connaissances là-dedans. Dans les quelques
minutes qu'il me reste, je voudrais toucher un troisième point où
je pense que la Commission n'aurait pas pu facilement aller plus loin, mais
où il me semble, avec la discussion qu'il y a eu autour des
recommandations de la Commission et de l'évolution du débat,
j'espère qu'on pourrait, en retravaillant là-dessus, articuler
mieux notre argumentation de l'époque. C'est en rapport avec le
financement du système. On en parle beaucoup et c'est sûrement un
point central. Il y a une constatation à laquelle tout le monde doit se
rallier: sûrement que la pression pour un plus grand nombre de services
va continuer à se maintenir dans le domaine de la santé, ne
serait-ce qu'à cause de deux facteurs qui sont déterminants et
sur lesquels on n'a pas de contrôle immédiat, soit la
démographie, le vieillissement de la population et, deuxièmement,
le développement technologique qui, nécessairement, rend possible
la production d'un plus grand nombre de services et d'une plus grande
diversité de services.
Là, je vais simplement essayer de rappeler ce qui a
été notre discours à l'époque et comment, avec
révolution des choses, on pourra essayer de le camper un peu plus ou de
réaffirmer ce qu'on voulait dire à l'époque. La
première question à se poser et à laquelle il faudra
essayer de répondre, c'est: Devant une pression plus grande pour plus de
services, est-ce qu'on fait face à un problème d'un réseau
qui est sous-financé ou qui manque d'abord de ressources, ou est-ce
qu'on fait face à un problème d'une meilleure utilisation des
ressources qu'on a, un problème d'efficacité? Ce n'est pas facile
de répondre à une question comme ça mais, en accumulant
les informations additionnelles qu'on peut retrouver à différents
endroits depuis deux ans, je pense qu'on peut réaffirmer que ce n'est
sûrement pas essentiellement et d'abord un problème de
sous-financement. On ne peut que l'affirmer par voie de comparaison, mais je ne
vois pas quel autre moyen on peut avoir.
Si on regarde le niveau de financement et le niveau de services d'un
système comme celui du Canada en général, mais du
Québec en particulier, par rapport à tous les pays qui nous sont
comparables - et là, je pense à ceux de l'Europe de l'Ouest et de
l'Europe centrale surtout - on sort toujours dans la bonne moyenne ou un peu
plus en avant dans la comparaison. Je ne peux pas entrer dans les
détails ici, vous connaissez les chiffres mieux que moi, vous pouvez
vous y référer. Mais ça, je pense que c'est un fait
très clair où on n'est pas dans une situation où on peut
vraiment démontrer ce sous-financement. Si on n'a pas une situation de
sous-financement, il y a quand même une certaine stabilité et un
contrôle qui se sont installés dans ce système-là et
qui ont montré qu'à l'expérience, après 10 ans, il
y a une augmentation mais elle n'est pas débridée, elle n'est pas
hors contrôle non plus. Elle a suivi les rythmes d'augmentation qu'on a
bien voulu lui donner. (16 heures)
On en revient donc, je pense, nécessairement à regarder
beaucoup plus précisément la question d'efficacité du
système. Il y a une première question qui se pose. En termes
d'efficacité et d'ensemble de services rendus, on en revient
nécessairement au fait qu'il faut s'adresser à la gamme de
services, tandis qu'a va toujours falloir regarder cette gamme de services,
l'augmenter plus; ça fait une pression sur le système. Ou est-ce
qu'on dort désassurer certains services? Je pense qu'on a posé la
question. Là-dessus, il me semble que ce n'est pas poser la bonne
question que de se demander: Est-ce qu'il faut assurer différents
services ou désassurer des services? Je relierais ces
commentaires-là à ceux que je faisais précédemment
sur les moyens additionnels qu'on a de l'évaluation de la
qualité, et de l'évaluation de la qualité prise au sens
large, y comprenant l'aspect de l'efficacité et des
coûts-bénéfices comme l'aspect de la qualité. On
peut améliorer la gamme de services. Elle doit être
améliorée. Je pense qu'on l'avait dit et on doit le
réaffirmer. C'est un élément dynamique. Ça ne peut
pas être statique et simplement évoluer en rajoutant des
couches.
La façon de réaménager la gamme de services devra
se faire d'abord en partant de l'évaluation de l'efficacité de ce
qu'elle comprend. Il y a beaucoup de travaux qui se font, il y a des
discussions et juste à titre d'exemple, je ne veux pas cibler un bouc
émissaire plus qu'un autre, mais prenons le domaine des
médicaments, c'est sûrement un secteur où il peut se faire
beaucoup plus de précision au niveau de l'évaluation de
l'efficacité des médicaments, des choix et de
l'amélioration de ce qui est à faire dans une gamme de services
de base, le principe étant que, si on veut maintenir le système
qu'on a, si
on veut maintenir un système qui se réfère à
une politique où l'équité est un objectif important, on ne
peut pas vraiment assurer à l'ensemble des citoyens une gamme de
services qui correspond aux besoins que peut avoir la population par rapport
aux services de santé.
Donc, on peut améliorer la gamme et, à partir de
là, vraiment faire face à la question de l'efficacité des
services. L'efficacité des services, en améliorant la
qualité en partant... La plupart des expériences
d'évaluation de qualité auxquelles je faisais
référence précédemment nous amènent à
conclure que, ordinairement, en améliorant la qualité, surtout
d'une gamme de services ou d'un épisode de soins, c'est drôle mais
ça correspond plutôt à une diminution de coûts
qu'à une augmentation de coûts, en général, quand
c'est fait sur une base de qualité. Donc, un premier
élément pour améliorer l'efficacité, en passant par
l'enjeu sur la qualité.
Un deuxième est sûrement celui de la compétition. On
en parlait beaucoup et on pourrait peut-être aller plus loin qu'on a pu
aller là-dessus. Effectivement, une compétition, une
émulation, surtout si elle est faite en fonction de résultats
qu'on peut identifier, qu'on peut mieux mesurer, qu'on peut mieux cibler, c'est
à souhaiter; un meilleur ensemble de jeux incitatifs qui amènent
cette compétition, c'est aussi à souhaiter. Là, je fais
deux remarques. D'abord, c'est très important, si on veut ce genre de
compétition, qu'on fasse affaire, dans un sens, avec des unités
qui ont une autonomie de gestion, dont ils sont financièrement
imputables. On n'a pas ça à la base, des unités qui ont
l'autonomie mais une imputabilité financière qui correspond... On
ne peut pas vraiment parler de compétition.
Maintenant, ceci, ces conditions d'avoir ce genre de joueurs, que
l'autonomie et lïmputabili-té, on semble dire bien facilement que
le seul endroit où ça existe, c'est dans le système
privé, c'est dans les organismes privés ou dans un système
de marché libre qu'on trouve ça. C'est contesté
actuellement et c'est contesté non seulement de façori
théorique - je me réfère encore au contexte
européen - mais on développe beaucoup plus une approche
d'introduire la compétition dans un système public. Je pense
qu'il y a un économiste bien connu qui est Enthoven qui a voulu vraiment
développer ce thème-là et qui l'a fait selon une trame
particulière mais qui représente peut-être un peu trop
l'exportation du modèle américain dans d'autres systèmes.
Il y a des approches un peu plus originales actuellement et là,
ça rejoint d'autres recommandations et d'autres analyses que vous faites
actuellement au niveau de votre commission et qui étaient dans le sens
de nos recommandations aussi, où, à partir d'un
dénominateur bien identifié - au Québec, je pense que
ça correspond au concept d'une région, c'est ce qu'on aurait -
à partir d'une approche de programmes où on peut identifier des
grands programmes qui déterminent les résultats et qui allouent
les ressources pour ces programmes-là, on maintient le contenu total, on
peut définir quelle est l'enveloppe globale qui va être
donnée pour l'ensemble et pour les différents secteurs et
contrôler l'évolution des coûts par là. À
l'intérieur de ça peut s'ouvrir, dans le système public,
le jeu des incitatifs et de la compétition et, dans un système vu
de façon assez large, ça n'exclut pas différents groupes
dits privés, qu'ils soient de nature communautaire ou autres,
essentiellement à but non lucratif, par exemple, mais qui peuvent faire
partie de réseaux à l'intérieur du système public
ou de l'enveloppe des fonds publics allouée pour une région
donnée.
Donc, le discours sur le financement revenant deux ans après,
c'est sûrement un domaine sur lequel on peut travailler plus, mais, je
pense, plus pour clarifier les concepts, pour aller chercher les
expériences les plus récentes qui se font actuellement et pour
voir comment on peut, avant de modifier et de chambarder le système
qu'on a, aller vraiment en améliorer l'efficacité. Je donnerais
juste un exemple sur lequel malheureusement je ne peux pas vous donner de
détail mais qui m'a frappé, il y a 15 jours. Avant de partir, on
a appris que le système en Hollande, spécialement, où il y
a un rapport qui a été produit à peu près en
même temps que le rapport de notre Commission d'enquête sur les
services de santé et les services sociaux et qui était connu sous
le nom de son président, le rapport Deker proposait vraiment pour la
Hollande un modèle, pas de privatisation, mais d'intégration de
tous les jeux du marché libre et de la compétition à
l'intérieur, en privatisant graduellement un système public. Le
rapport que l'on a discuté et sur lequel on a travaillé pendant
deux ans dans ce pays-là, pour voir comment on pourrait faire l'amorce,
vient d'être mis de côté carrément par le
gouvernement, après deux ans, qui a dit: Identifions nos
problèmes, revenons à des cibles très précises et
rassortons l'efficacité de notre système public, quitte à
aller chercher des éléments de ça, mais après,
plutôt que de chambarder un système. Ça, c'est le genre de
chose qui se passe dans le contexte européen, actuellement. Je pense que
ce sont des leçons pour nous.
Je vais terminer en soulignant deux points - je n'entrerai pas dans les
détails parce que j'ai déjà épuisé mon temps
- qui, dans le débat actuel que vous avez tenu, pourraient prendre plus
de place et vont devoir être campés de façon un peu plus
solide, je pense. Il y a tout le secteur des ressources humaines où on a
ouvert un chapitre là-dessus. Je voudrais juste redire que plus on
regarde ces questions-là, plus on voit les moyens qui sont mis en place
pour l'évaluation de la qualité, les jeux d'incitatifs qui sont
proposés pour amener une compétition même dans un
système public, c'est relié de très près
au développement des ressources humaines, autant à leur
formation de base mieux axée sur les objectifs de santé
qu'à la formation continue et aux jeux d'incitatifs qui peuvent aussi
toucher les individus et les groupes d'individus. Il y aurait peut-être
une réflexion de plus à faire sur la flexibilité et la
souplesse qu'on doit aller chercher pour maintenir évidemment des grands
standards qui assurent là aussi l'équité, mais aller
au-delà de ça et permettre, à ceux qui réussissent
à collaborer de façon claire à atteindre certains
objectifs et à améliorer l'efficacité du système,
d'y trouver leur compte aussi, et ça, ça devient important.
Un dernier point, et je sais que c'est actuellement un débat au
Québec et je le mentionne peut-être pour y revenir pendant la
discussion où je pense que ça serait important, et qu'il y a
moyen de clarifier le débat, et là, c'est peut-être
à cause de mes attaches antérieures que ça m'a un peu plus
frappé parce que je l'ai vu évoluer, c'est le débat autour
de la place de la santé publique dans un système de santé.
Je veux juste dire en terminant que c'est important de ne pas l'oublier et de
recamper la fonction de la santé publique à l'intérieur
d'un système de santé, parce qu'elle est reliée de
très près à d'autres aspects du développement qu'on
voudra faire. Donc, ces points-là, je pense, la question des soins
généraux, l'évaluation de la qualité, le discours
sur le financement et le maintien des bonnes questions pour arriver aux bonnes
conclusions, les ressources humaines et la place de la santé publique
(n'apparaîtraient peut-être des points où
l'expérience des dernières années amène certaines
ouvertures que j'ai essayé de vous résumer et de vous brosser
très globalement. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci de cette
présentation. J'inviterais maintenant le ministre de la Santé et
des Services sociaux à échanger certains propos avec vous.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. D'abord remercier de manière tout à fait
spéciale le Dr Rochon d'avoir accepté de venir passer une petite
heure et demie avec nous. Ça doit très certainement lui rappeler
quelques souvenirs, compte tenu du temps qu'il a mis. Et saluer tous ceux et
celles qui aujourd'hui sont ici et pas ici et qui ont collaboré de
près ou de loin à l'élaboration du rapport qui, bien
sûr, est à la base de ce que nous tentons de faire et qui, pour
une autre étape, se terminera demain. C'est d'autant plus important que
l'expérience que vous avez acquise nous sera très profitable,
j'imagine, dans cette commission, et que vous nous avez déjà dit
à l'avance être disponible dans les journées, les semaines
et les mois futurs pour être capables d'en arriver à de bonnes
conclusions.
Si je comprends bien, aujourd'hui, avec le recul, avec
l'expérience que vous avez en particulier des pays d'Europe, vous feriez
à peu près le même diagnostic, le même constat que
vous avez fait à l'époque et qui a été repris par
plusieurs personnes, un système prisonnier d'intérêts de
groupes. Ça demeure toujours. Ma première question, c'est: A la
lumière de cette expérience européenne, puisque vous avez
cité la Hollande, la Suède et que vous auriez probablement pu en
citer d'autres aussi, est-ce que la problématique vécue, le
diagnostic vécu ou le constat fait au Québec, on retrouve le
même genre de constat dans ces pays-là? Parce que, si on
s'interroge là-bas aussi, c'est peut-être parce qu'il y a des
problèmes aussi là-bas. Est-ce qu'on retrouve ce même
diagnostic dans des pays comme la Hollande, la Suède ou d'autres?
M. Rochon: Oui, effectivement. Ce qui est remarquable, c'est
qu'actuellement à peu près tous les pays, y compris ceux qui ont
des systèmes connus depuis longtemps comme étant certains
modèles - il y a eu le modèle suédois auquel on se
référait, il y a eu le modèle finlandais - tous ces pays,
au cours des quelques dernières années et, de façon
surprenante, à peu près en même temps que le Québec
a amorcé cet examen aussi, remettent en question le fonctionnement de
leur système de santé et constatent aussi à peu
près les mêmes genres de problèmes qu'on a constatés
au Québec, de sorte que c'est actuellement un peu un mouvement
général de réexaminer les sytèmes de santé,
de constater que ce sont des systèmes, en général, qui ne
sont pas vraiment orientés sur des résultats à produire,
qui consomment énormément d'énergies et de ressources pour
leur fonctionnement interne; il y a beaucoup de résolutions de conflits
qui ne se font pas et qui ne sont pas tournées vers la production et les
éléments de solution qui sont cherchés pour
débloquer ces systèmes vont absolument dans le même sens.
Ce à quoi je faisais référence, c'était
décentralisation, participation de la communauté,
intégration des communautés locales et responsabilisation, plus
grande imputabilité des différents niveaux.
M. Côté (Charlesbourg): Lorsqu'on aborde des
changements aussi importants que ceux-là - nous avons commencé la
commission avec M. Castonguay qui a fait à peu près le même
travail il y a une vingtaine d'années, on la termine avec vous qui
l'avez fait récemment - ça fait référence à
toute une recherche historique mais on sait que, dans ces grands moments
où on doit changer de cap ou s'évaluer, c'est toujours
très difficile de s'auto-évaluer. Je ne sais pas si je me trompe,
mais il y a en particulier des producteurs de services qui sont très
résistants au changement ou qui appréhendent le changement.
Est-ce que c'est une constatation que l'on peut faire aussi dans les pays
européens et comment est-ce que vous expliquez cette résistance
au
changement?
M. Rochon: Oui, je pense que je pourrais dire qu'en
général les changements sont difficiles à faire,
difficiles à introduire et surtout difficiles à maintenir le
temps suffisant pour produire les résultats qu'on peut attendre de ces
changements, parce que c'est, en général, au moins en termes d'un
certain nombre d'années qu'il faut compter pour qu'une nouvelle
façon de faire soit vraiment assez implantée. Compte tenu de la
nature des problèmes auxquels on s'adresse aussi, le changement de la
situation ne peut pas se faire rapidement. Ça, je pense que c'est une
donnée générale. Je suis porté à croire
qu'il ne faut peut-être pas être surpris de ça parce qu'on
dit qu'en général l'être humain est résistant au
changement plutôt que le contraire. Il faut peut-être comprendre
aussi que plus on a une situation qui nous satisfait dans le présent,
moins on est incité, au départ, à changer. Peut-être
aussi qu'il y a une responsabilité qui n'a pas toujours
été assez bien assumée par ceux qui veulent gérer
le changement pour réussir à montrer à ceux qui ont
peut-être naturellement une résistance à changer, à
essayer de leur faire voir leur avantage et à trouver là encore
un minimum, au moins, de motivation pour aller vers le changement.
Certains outils qui semblent aider et qui sont beaucoup utilisés
actuellement, c'est vraiment de passer par peut-être un peu plus aussi
qu'on a pu le dire, c'est-à-dire en favorisant beaucoup des
expériences nouvelles. Quand on regarde différents pays, ce qui
provoque le plus de résistance et qui est le plus difficile, ce sont des
changements qui semblent s'amorcer et venir comme un train qui va passer de
toute façon partout et à travers tout le monde, alors qu'il y
avait encore beaucoup de discussions, de pouvoir y aller, surtout si on a un
système où on peut introduire une certaine dynamique, en
favorisant des expériences qui ne sont pas nécessairement toutes
à généraliser, chacune d'elles, mais qui peuvent montrer
une panoplie de différents moyens et avoir l'avantage de régler
de façon beaucoup plus rationnelle certaines discussions, parce qu'il y
a des éléments qui ne se règlent jamais en discussion
parce que ça rejoint trop soit des croyances que les gens peuvent avoir,
ou des états d'âme, comme on dit, et il n'y a rien qui va passer
par-dessus ça que l'expérience qui se développe, montrant
des résultats différents en faisant des choses
différentes. Donc, la voie de l'expérimentation, d'une meilleure
information qui circule quant aux résultats de ces
expérimentations, ça brise des résistances, et ça,
c'est beaucoup utilisé actuellement. (16 h 15)
Comme j'ai la chance de le voir par le biais d'une organisation
internationale, on le voit peut-être plus parce que ce que peut faire une
organisation internationale, c'est de faire la fertilisation croisée
entre ces différentes expériences et en les faisant
connaître beaucoup d'un endroit à un autre. Alors, c'est ce que le
pays peut faire, mais il peut voir ce qui se fait ailleurs et comment son
expérience à lui peut profiter à d'autres, actuellement.
Donc, oui, ça se fait partout, mais ce n'est pas immuable, comme
comportement.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, si on
avait un gros deux heures, je pense qu'on pourrait continuer dans cette
voie-là, parce qu'on est amené à certains changements
à la fois des distributeurs de services et des consommateurs de services
aussi; c'est dans les deux sens. Vous avez beaucoup abordé la dynamique
et le fonctionnement, beaucoup parlé d'évaluation de la
qualité avec les expériences hollandaises, tant sur le plan des
techniques, pour avoir une certaine assurance qualité... On a
parlé depuis plusieurs mois, en particulier depuis la commission
parlementaire, je pense, d'objectifs des résultats qui, pour nous,
apparaissent extrêmement importants si on veut changer la dynamique qui
va un peu dans cette tendance d'avoir des objectifs qui nous permettent
d'évaluer le rendement.
Vous nous avez parlé de quelques expériences au niveau de
la Hollande. Est-ce que, à ce niveau-là des objectifs de
résultats, il y a des expériences un peu plus pointues qui ont
été tentées un peu partout en Europe? Est-ce qu'on peut
déjà percevoir des résultats, si c'a été
fait? Finalement, quels conseils pourriez-vous nous donner, pièges
à éviter ou bons coups à faire? Vous savez, les
politiciens aiment ça, faire des bons coups de temps en temps, alors...
On aime ça.
M. Rochon: Objectifs de résultats, je peux sûrement
réaffirmer que c'est une caractéristique, actuellement, qui est
devenue très répandue, très acceptée, à
partir même du niveau des politiques de santé et, donc, de
l'orientation des efforts d'évaluation qui sont faits d'aller
au-delà de la qualité immédiate du produit, d'aller non
seulement au résultat pour la personne ou le client qui a
bénéficié d'un service, mais vraiment au-delà de
ça, pour les résultats à titre d'impact sur des
populations. Je vais vous dire là-dessus que le débat est surtout
jusqu'où on s'engage et, surtout quand ça vient d'un politicien,
jusqu'où les politiciens sont prêts à s'engager sur des
objectifs, en termes de résultats, qui sont ciblés au point
d'être chiffrés, quantifiés, avec une échelle de
temps. Il y a un débat là-dessus parce que ce n'est pas toujours
facile de se compromettre. Mais ce n'est qu'à cette marge-là
qu'on discute encore actuellement.
Des expériences, oui. Je pense que, si on fait le tour,
probablement que, au moins pour la vingtaine sur les 32 pays européens
qui ont fait le pas d'avoir une politique de santé orientée
vers des résultats et avec des cibles précises, chacun de
ces pays-là, à différents niveaux, pourrait sûrement
sortir quelques exemples où on commence à voir certains
résultats. Maintenant, je pense que ça rejoint beaucoup la
remarque que je faisais tout à l'heure, en réponse à
l'autre question, je pense qu'il faut être prudent. C'est depuis assez
récemment que cette nouvelle approche s'est
généralisée: avoir une approche de résultats et
coordonner des ressources en fonction de ces résultats. Dans la plupart
des cas, pour les résultats qu'on vise vraiment, H va falloir maintenir
cette approche pendant un certain nombre d'années encore, trois, quatre
à cinq ans, pour que graduellement on commence à accumuler un bon
nombre de résultats qu'on peut quantifier. Je reviendrai aux exemples,
parce que c'est ça que j'ai pu le plus documenter et auxquels j'ai fait
référence en parlant de l'évaluation de la qualité.
L'approche, par exemple, suédoise des modèles de pratique, ce
n'est pas seulement une théorie actuellement, c'est en partie mis en
pratique et c'a apporté certains résultats. Il y a
différents projets qui ont été faits simultanément
dans différents pays où, par exemple, on a attaqué
certains problèmes de financement au niveau des hôpitaux et
certains problèmes de production, des problèmes de santé
carrément, comme le problème des infections hospitalières,
par exemple, où, par des systèmes d'évaluation et de
rétroaction de l'information, relativement rapidement, en moins d'un an
ou deux, on a obtenu des résultats complètement différents
quant aux risques pour la santé que comportaient ces infections
hospitalières dans certains hôpitaux. Et, à
différents niveaux, on pourrait aller chercher un certain nombre
d'exemples pointus comme ça qui démontrent que ça
fonctionne. Mais je pense qu'il faut être prudents parce que c'est encore
relativement récent que la plupart des pays en sont arrivés au
niveau du terrain à commencer à appliquer des politiques et des
moyens qui visent et qui commencent à documenter les résultats
qui changent en bout de ligne.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, si je comprends le
message, c'est la voie de l'avenir, mais il va falloir y aller par
étapes et très graduellement. On ne peut pas penser, demain
matin, avoir des objectifs de résultats pour l'ensemble de la politique
de santé et de bien-être au Québec. On risquerait de se
casser le gueule.
M. Rochon: C'est-à-dire que je pense qu'on peut avoir des
objectifs pour l'ensemble de la politique. On peut entreprendre un mouvement
dans ce sens-là. Si on regarde ce qu'est le mouvement
général, je ne pense pas qu'on se trompe à ce
niveau-là. Mais, d'y aller progressivement, c'est probablement ce qui
est le plus sage.
Je pense qu'il faut aussi, si on veut vrai- ment mesurer les objectifs
de résultats, avoir un point de départ où il y a la masse
critique en termes d'ensemble d'objectifs et de résultats qu'on vise
pour une population donnée, pour qu'on puisse vraiment avoir un impact
et qu'on y aille de façon progressive, mais de façon assez
régulière aussi où les étapes, on les franchit
à mesure qu'elles se présentent.
M. Côté (Charlesbourg): Un des dossiers qui a
été largement discuté, où je pense que la
Commission a pu constater qu'il y a beaucoup d'évolution, c'est la
régionalisation avec beaucoup plus de pouvoirs sur le plan
régional, avec tout ce que ça comporte. Et, dans ce
sens-là, nous avons dit que nous irions au maximum possible, mais tout
en maintenant l'imputabHité. Donc, c'est un phénomène qui
fait... Et vous en avez glissé un mot tout à l'heure lorsqu'on a
parlé d'imputabHité. Vous en avez parlé en particulier au
niveau du financement avec des conditions. Quelles sont les principales
expériences les plus intéressantes au niveau des pays
européens, en particulier au niveau de la décentralisation et de
véritables pouvoirs réels au niveau des régions et
mécanismes d'accompagnement sur le plan de
lïmputabiiité?
M. Rochon: Ça, ce n'est pas fade à résumer
parce que c'est très divers. Il y a à peu près... Il n'y a
pas deux pays, je pense, surtout en Europe, qui le font exactement de la
même façon. Si j'essaie de prendre ça par partie de
l'Europe pour vous résumer un tableau rapidement, on pourrait voir
l'image suivante, je pense. En général, les pays du nord de
l'Europe, comme la Scandinavie, ont une histoire et une tradition qui sont
d'abord centrées sur des systèmes à forte
décentralisation où on a vraiment développé, avec
le temps, des services de santé et des services sociaux sur une base
locale et où on a graduellement plutôt centralisé que
décentralisé les services, par exemple, de niveau tertiaire.
Récemment, ce qu'on voit dans ces pays-là, c'est un examen
nouveau et un retour sur leur structure traditionnelle
décentralisée. Parce que comme eux avaient passé à
travers un mouvement de centralisation pour bâtir l'équilibre de
ce qui se fait au niveau local et de ce qui peut se faire au niveau national et
au niveau central, le mouvement était allé un peu trop loin et on
revient sur des structures locales qui rejoignent beaucoup, dans ces
pays-là, la structure municipale. Le groupe ou le regroupement des
différents regroupements municipaux a plus une implication dans les
services de santé que c'est le cas chez nous dans notre contexte, par
exemple, de services de santé et services sociaux.
Si on se tourne vers le sud de l'Europe et qu'on regarde des pays,
peut-être un des plus beaux exemples où les choses évoluent
rapidement actuellement, c'est l'Espagne. Là, on retrouve plus une
décentralisation au niveau
d'entité politique plus large que les municipalités. Bon.
Il y a les quatre ou cinq communautés autonomes qui, carrément,
recréent un pouvoir politique qui, sous certains égards, est un
peu comparable au pouvoir provincial, même s'il est moins vaste, moins
large comme étendue, qu'on retrouve au niveau du pouvoir provincial dans
un système comme le système canadien. Ça, il y a un
mouvement très rapide à ce niveau-là, d'une
imputabilité vraiment de nature politique pour l'ensemble des services
à une population.
En Europe centrale, je pense que, si on regarde la France, l'Autriche,
il y a une décentralisation qui peut ressembler plus à ce qu'on
essaie de faire actuellement, c'est-à-dire en créant des
instances spécifiques pour l'ensemble des services de santé et
des services sociaux à travers le système de santé, et que
l'imputabilité qui est donnée à ces
systèmes-là est peut-être plus, actuellement, soit de
nature administrative ou, ce qu'on développe, ce qu'on
expérimente beaucoup actuellement, c'est le développement
d'ententes contractuelles entre un pouvoir central et des instances
décentralisées régionale-ment qui n'ont pas
nécessairement une assise politique comme les municipalités ou
les regroupements municipaux dans le nord de l'Europe ou comme les
gouvernements sous-nationaux dans le sud de l'Europe.
Finalement, s'il y a un autre exemple qu'on peut sortir, qu'on peut
identifier, il y a aussi, en Europe centrale, l'autre modalité. Ce sont
des pays déjà à structure très
décentralisée, comme la Suisse ou l'Allemagne de l'Ouest, par
exemple, qui ont toujours eu une structure décentralisée, mais
où on voit que le mouvement, actuellement, est de compter sur cette
décentralisation et de donner plus de moyens, de responsabilités
au niveau décentralisé avec beaucoup, je dirais, de
décentralisation au-delà de l'instance sous-nationale,
provinciale ou régionale où on tente même d'aller rejoindre
des expériences au niveau local, au niveau des communautés qui
peuvent prendre en charge différents moyens. Ça, ça
rejoint autant des groupes, des organisations différentes que des
instances politiques sur un territoire.
Alors, c'est excessivement diversifié. Je pense qu'en
général, on peut dire que c'est soit campé sur le
système politique du pays ou qu'on rebâtit, à
l'intérieur du système de santé, des instances où
on rejoint une imputabilité qui n'est pas politique carrément,
qui est plus de nature, je dirais, contractuelle, mais par entente sur des
périodes de temps suffisamment longues et sur un ensemble de
responsabilités suffisamment larges pour que ces gens-là puissent
avoir vraiment une autonomie de gestion, une autonomie d'allocation de
ressources et une imputabilité des fonds qu'ils doivent
administrés.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que, dans certains
cas, l'imputabilité va jusqu'à des pou- voirs de taxation au
palier régional ou au palier directement relié à la
santé?
M. Rochon: Oui. Ça, c'est clairement le cas surtout pour
les pays qui ont déjà un système. Je pense qu'il faut
dire... Je ne pense pas... Il n'y a pas d'exemple que je pourrais vous citer,
récemment, au cours des dernières années, d'une nouvelle
structure qu'on aurait créée, spécialement à partir
du système de la santé et des services sociaux, où on
serait, actuellement - ça existe peut-être, mais je ne pourrais
pas vous en citer une - allés jusqu'à donner, créer un
pouvoir de taxation. Ça existe, mais dans des pays qui ont eu une
évolution et une tradition d'avoir un pouvoir local qui avait
déjà un pouvoir de taxation et je fais encore
référence, par exemple, à la Scandinavie qui avait, dans
la responsabilité historique qu'elle a eue, une beaucoup plus grande
implication dans les services de santé et les services sociaux qui
avaient leur pouvoir de taxation. Alors, ça existe, mais ce n'est pas de
création récente.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, le temps
passe vite. Je ne sais si, parmi vos amis qui vous ont envoyé quelques
articles de journaux du Québec, on vous a parlé de notre
épisode des sages-femmes comme une alternative. On en parle de
manière très intensive depuis le mois de décembre et on va
continuer d'en parler probablement encore quelques mois. Alors, j'aimerais
aborder tout le phénomène des médecines douces qui
m'apparaît en montée très importante au niveau du
Québec, peut-être davantage dans les pays de plus longue
tradition, mais en montée assez importante au niveau du Québec,
et un autre phénomène aussi, celui des organismes communautaires
qui ont été très présents à cette
commission, très organisés, structurés et qui nous ont
adressé un message assez uniforme, craignant toujours, peut-être
à juste titre, que les établissements ou le réseau
s'accaparent du communautaire. Sur ces deux éléments, qui
m'apparaissent très importants, j'aimerais savoir, de par votre
expérience, les tendances qui viennent d'ailleurs pour les organismes
communautaires et aussi pour tout le phénomène alternatif des
médecines douces. On nous a dit, à un moment donné,
pratiques alternatives parce que, si on parlait de médecines douces, on
risquait de heurter les oreilles un peu plus fragiles, alors je vous laisse
choisir le terme que vous souhaitez et nous faire part des expériences
ailleurs et comment on ferait pour introduire ça au Québec de
manière plus importante si jamais on le décidait. Est-ce que
c'est un moyen pour alléger les coûts au niveau du système?
(16 h 30)
M. Rochon: Beaucoup de questions dans une.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je me
dépêchais, parce que je m'aperçois qu'il ne me reste pas
grand temps.
M. Rochon: C'est ça. Ce que j'en sais ou ce que je
pourrais sûrement dire sur le développement d'approches
alternatives, des médecines douces, ou de tout ce qu'on peut classer
dans cette immense catégorie, c'est sûrement
général. Alors, écoutez, je vais être prudent parce
que ça ne fait quand même pas très longtemps que j'ai vu ce
contexte-là et c'est un monde vaste et très diversifié.
Mais, mon impression est que ça remonte même à plus
longtemps que l'époque où on a connu vraiment un essor et un
développement de ces différents types de pratiques. C'est,
là aussi, très différent parce que les différences
culturelles d'un pays à l'autre sont énormes et il y a beaucoup
de diversité, alors, je ne serais pas capable de vous donner un tableau
de tendances européennes là-dessus. Mais, à travers
l'Europe, différentes approches alternatives par rapport aux
problèmes de santé me semblent exister et avoir leur place sans
poser de problèmes d'ajustement avec les systèmes de santé
ou les services professionnels plus officiels du système de
santé.
Aller jusqu'à vous dire si on a pu documenter que l'utilisation
systématique de médecines alternatives, par exemple, a eu un
impact sur les coûts, ça, je ne pourrais pas vous dire. Je ne
connais pas d'études ou de documents qui se sont vraiment
intéressés à cette question et qui ont produit des
résultats là-dessus. Ça existe peut-être, mais
ça, je ne pourrais pas vous le dire. C'est un phénomène
qui existe, c'est un phénomène qui est normal et c'est un
phénomène qui se développe graduellement dans les
différentes sociétés, les différents pays
européens.
M. Côté (Charlesbourg): Je me garde le
privilège de vous reparler plus tard. Il y a deux thèmes que vous
avez abordés, les ressources humaines, en dernier, qui font l'objet de
préoccupations de la commission, alors on pourra toujours s'y
référer. Mais je veux regarder la santé publique, parce
que le débat commence effectivement à prendre forme sur la
santé publique au niveau du Québec. Si je vous demandais une
definition, ça inclut quoi ou ça exclut quoi, la santé
publique, au niveau du Québec? Choisissez le volet que vous voulez nous
donner. Je pense que ça m'apparaît important dans le débat
actuel, compte tenu des décisions qu'on aura à prendre.
Santé publique, c'est quoi?
M. Rochon: Je pourrais vous donner deux définitions,
l'englobante et la restrictive.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je veux juste celle que
ça devrait être.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rochon: Je pense qu'il faut voir les deux dans leur
prolongement. Très rapidement. La fonction de santé publique,
comme fonction - et là, je ne fais vraiment référence
à aucun élément de structure - qui est importante pour
tout système de santé et définie depuis des années
et des années, a été reprise récemment, en
Angleterre, par une étude qui a été faite, parce que,
là aussi, avec l'évolution et les changements qui se sont
introduits dans le système de santé on s'est reposé des
questions sur la place et l'évolution de la santé publique, comme
fonction. Alors, ce qu'on a connu sous le nom du rapport Met-chison a
redéfini la santé publique dans les mêmes termes où
elle est définie depuis des décennies, comme étant
l'amélioration - et tenez-vous bien, c'est très englobant - de la
santé de la population par la protection, la promotion, la
prévention et la coordination des ressources communautaires. C'est la
grande définition et ça reste vrai, je pense, pour définir
ce qu'est la fonction de la santé publique dans un système. Et
quand ces définitions-là ont été campées, il
faut dire que les systèmes de santé étaient dans une forme
assez simple où il y avait essentiellement des praticiens isolés
privés et ce qu'il y avait d'organisé, c'était la
santé publique. Si on regarde chez nos voisins, les Américains,
on confie même aux structures de santé publique dans ce
cas-là, en plus de la fonction classique de protection de la
santé publique, la santé du public, la fonction d'assurer les
soins minimums requis par les gens qui sont laissés pour compte par le
système et les avantager. Alors, ça varie, comment on
intègre cette grande définition dans des structures dans un
système dépendant du contexte et du système.
Pour vraiment pouvoir camper et intégrer au système du
Québec, si on se rapproche du Québec maintenant, la fonction de
santé publique, moi, je serais porté à me
référer à la définition plutôt restrictive
qui, à mon sens, identifie ce qui est spécifique à la
santé publique, vraiment ce que sont les approches qui ont comme objet
d'approche d'intervention une population comme entité. Ce qui veut dire
que l'approche générale des actes, à mon sens, de
prévention, de promotion et de coordination de ressources
communautaires, dans le mesure où c'a été
intégré dans un système de santé plus large et pris
en compte par des structures autres que les structures dites de santé
publique, c'est un signe de succès et c'est un signe de
développement, de bonne pénétration et
d'intégration d'une préoccupation de population et de
santé publique. Il reste, à ce moment-là, pour assurer le
maintien ou l'apport vraiment de santé publique à ce qui se fait
de prévention, de promotion et de coordination de services dans un
système, à bien camper et à développper,
dans un encadrement plus structurel aux besoins, les approches de population.
ça, ça comprend - je pense qu'on peut les énumérer
très rapidement pour faire le tableau - un, il y a sûrement - et
ça, je pense qu'il n'y a pas de débat là-dessus au
québec - ce qui est carrément des actions de protection de la
santé du publique vis-à-vis d'un risque qui peut provenir d'un
environnement, d'une épidémie ou quoi que ce soit du genre.
Il y a, deuxièmement - bon, je vais me référer
à des termes peut-être plus anciens - ce qu'on appelait toujours
la fonction épidémiolo-gique, que d'autres appellent maintenant,
pour avoir un terme plus nouveau et peut-être un peu plus à la
mode, le diagnostic de la communauté - et il y a peut-être
d'autres termes qu'on peut utiliser pour ça - qui concerne
carrément la santé publique, parce que c'est vraiment
d'être capable en tout temps de connaître et de décrire une
population quant aux problèmes qui existent, à la distribution de
ces problèmes-là et à l'évolution, dans le temps,
de problèmes de santé au sens large parce que, de plus en plus,
on travaille avec des paramètres de problèmes sociaux qui ne sont
pas carrément du domaine biologique comme tel. Donc - et je pense qu'on
a fait, dans le débat, beaucoup référence, au
Québec, à ce qu'on appelle la connaissance ou la surveillance -
à mon avis, ce n'est pas particulier, la connaissance ou la surveillance
à la santé publique, mais les activités de surveillance,
pour assurer la protection du public, et de connaissances
épidémilogiques d'une population, ça, c'est de la
santé publique par nature, comme outil.
Il y a, troisièmement, les actions qui visent carrément
des populations. L'exemple classique pour simplifier les choses, c'est vraiment
une action de dépistage d'un problème X. Le protocole, si vous
voulez, du dépistage, la surveillance du déroulement d'un
dépistage et son évaluation, pour être sûrs qu'on a
vraiment atteint la cible qui était visée, ça fait
référence à des outils qui sont du métier de la
santé publique. La réalisation du programme comme tel, ça,
ça peut être plus souple. Il peut y avoir des
éléments très cliniques là-dedans, mais il y a un
élément de coordination là qui se réfère
à un dénominateur de population qui est particulier aussi.
Et, finalement, il faut peut-être souligner certains aspects de
l'évaluation. Encore là, ce n'est pas toute l'évaluation
qui appartient à la santé publique, mais cet aspect de
l'évaluation qui se réfère à mesurer l'impact, sur
une population, de mesures qu'on a prises. Alors, on parle d'objectif de
résultats. Quand on mesure un objectif de résultats, il y a
différents niveaux pour ça. Il y a le niveau où on va
mesurer ce qui a été produit de façon immédiate et
la qualité du produit. On peut mesurer le résultat sur ceux qui
ont reçu ce produit-là et, en bout de ligne, on veut
connaître quel impact c'a eu sur une population après un certain
temps: Est-ce qu'on a vraiment réglé ce problème-là
ou changer sa nature? Et cette troisième dimension-là qui revient
à des données de population, c'est, par nature, je dirais,
vraiment de la santé publique. Donc, la protection, l'analyse du
diagnostic de la communauté ou la fonction épidémiologique
des actions sur des populations et les évaluations d'impact sur des
populations, c'est peut-être plus carrément le noyau de la
fonction de la santé publique. Et ça, de plus en plus, dans les
pays... Et, pour ça, l'Europe n'est pas, en général, un
bon exemple, je pense, parce que je pense que ça serait honnête et
correct de dire qu'on a probablement développé plus au Canada, en
général, et aux États-Unis et que le pays européen
qui a peut-être suivi, comme au Québec, le développement,
pas qui a suivi, mais qui nous a précédés dans le domaine,
c'est l'Angleterre, par exception. Alors, les autres ne sont peut-être
pas tellement un exemple là-dessus parce qu'ils ont une fonction de
santé publique, en général, peu développée,
je pense. Mais ceux qui l'ont développée tentent de plus en plus
de camper cette fonction, d'abord par son aspect de contenu, donc, un peu
professionnel, pas nécessairement médical, mais la partie
professionnelle qui assure le contenu que je viens de définir, dans une
fonction qui prend la configuration, de façon générale,
de, ce que les gens vont appeler, un directeur de la santé ou un
directeur, pas des services de santé, mais de la santé au niveau
provincial, au niveau régional ou au niveau local qui assume,
vis-à-vis du décideur ou de la politique, l'information et le
contrôle des risques pour la population sur un plan très technique
et très professionnel. Ça, cette fonction-là, dans notre
système, peut s'amorcer à différents niveaux à
condition qu'on ait un dénominateur sur lequel on peut travailler. Il y
a sûrement une place pour ça au niveau provincial. À mon
avis, je pense qu'il y a une place pour ça au niveau régional
aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière en
terminant, parce que je sais que mon temps est fini. S'il y a une place au
niveau provincial, s'il y a de la place au niveau régional, est-ce qu'on
rattache ça à des centres hospitaliers?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rochon: Je pense que je vais me mettre la tête sur le
billot.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rochon: La décision qui avait été prise,
il y a 20 ans, de rattacher la santé publique ou l'unité
structurelle de la santé publique à des centres hospitaliers
reposait sur une analyse dont les principaux éléments, je pense,
étaient les
suivants. On disait: Ce qui est important, c'est que cette fonction, la
restrictive que j'ai tenté de définir, soit vraiment dans un
cadre organisa-tionnel qui peut rejoindre une population et qui peut être
un point de ralliement pour une population qui est suffisamment nombreuse pour
être un dénominateur utile. En général, on s'entend
que c'est de l'ordre de 250 000 et plus où on commence à avoir
vraiment quelque chose qui est une population en termes techniques comme
ça. Plus petit, tu n'as pas vraiment d'action de population que tu peux
vraiment contrôler, en règle générale.
Il y a 20 ans, carrément, au Québec, l'hôpital, pas
nécessairement tous les établissements hospitaliers du
Québec, mais il y avait un concept, à l'époque, qui
était très fort et très en développement qui
était ce qu'on appelait l'hôpital communautaire et qui nous venait
aussi de la traduction anglo-saxonne, britannique plus spécialement, de
"Community Base Hospital" où il y avait là des
établissements hospitaliers qui, graduellement, avait
développé une panoplie de services qui débordaient
beaucoup le rôle classique de l'hôpital. Maintenant, c'était
une époque où, au Québec, il y avait très peu de
chose qui existait autour. Alors, je ne pense pas qu'il y ait eu de perversion
comme telle au niveau des centres hospitaliers qui ont intégré
et, je pense, très bien développé, au Québec, de
façon générale, si on regarde la trame sur 10 ans, la
fonction de la santé publique.
Maintenant, ce qui m'a frappé beaucoup, je pense, et encore plus
peut-être avec un peu de recul en dehors du Québec, c'est tout ce
qui s'est développé autour de la communauté que dessert un
centre hospitalier communautaire auquel on se référait comme
concept dans le temps. Il s'est développé tout le réseau
des soins primaires qui n'existait pas à l'époque, qui est
devenu, je pense, important et, comme je l'ai dit, je pense qu'il faudrait
peut-être tabler plus là-dessus. Il s'est donc
développé l'ensemble des ressources communautaires. Il y a toute
une action et même une implication de beaucoup d'autres secteurs. On a
fait référence à l'implication des villes, des
cités, des villages et d'autres groupements, ce qui fait que
l'infrastructure n'est pas tellement raccrochée, actuellement, autant
à un type d'établissements, que ce soit hôpital ou
autre.
Je dois avouer que ça m'est moins facile de voir actuellement
lequel de l'ensemble des établissements rayonnant au niveau d'une
population de cet ordre-là aurait, par sa nature, une position un peu
spéciale pour continuer le développement de cette fonction. Quant
aux arguments qui prévalaient pour identifier ce point d'ancrage, je
pense qu'on pourrait sûrement refaire l'argumentation pour un
rapprochement beaucoup plus clair au niveau de l'autorité
régionale, si on fait de l'autorité régionale vraiment un
responsable de nature sociale et politique pour l'ensemble de la population. Si
la région n'est qu'un point de décentralisation d'un
ministère, c'est une tout autre entité. Je pense que ça ne
répond pas à ça. Mais si c'est vraiment ce
décideur, je pense que la même argumentation, qui identifiait le
centre dit hospitalier, le concept de centre hospitalier communautaire, nous
ramène à regarder beaucoup la région à ce
moment-là. (16 h 45)
J'ajouterais - et c'est vraiment peut-être là que je peux
m'exposer beaucoup, mais je pense qu'il faut le dire - qu'il y a
peut-être un effet pervers qui s'est glissé un peu dans le
système; le phénomène des associations
d'établissements vient introduire un peu une déviation, je pense.
Il me semble que - encore là, je ne veux accuser personne de quoi que ce
soit - c'est dans la nature normale d'une association d'établissements
de faire la promotion des intérêts de ses établissements
dans un système et la promotion des intérêts d'un type
d'établissements, n'importe quel type ou d'un type de groupes
particuliers. C'est important pour la dynamique du système et elle doit
être là, mais ce n'est pas évident que ça peut
servir longtemps et être très porteur pour le développement
imaginatif, vers l'avenir, de la fonction de la santé publique. Cette
raison en plus, je pense, ajoute non pas une remise en question, parce que je
répéterais que, si c'était à refaire, je pense que
c'était une bonne décision, il y a vingt ans, de prendre
ça et je pense encore qu'il faut dire que c'a été, en
général, bien fait. C'est plus ce qui s'est
développé autour et ce qu'il est possible de développer
dans l'avenir, selon les orientations qu'on prendra, qui pourrait demander
certains rajustements peut-être de ce côté-là. Je
vous ai vraiment dit ce que je pensais.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): En vous entendant, des
bouts, je pensais que vous auriez pu faire un habile politicien, mais, sur la
dernière question, je pense que c'est vrai que c'était se mettre
la tête sur le billot.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. M. le
leader de l'Opposition et député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, vous
me permettrez, Mme la Présidente, de remercier le ministre d'avoir,
à la suite de notre suggestion de vous entendre, consenti à ce
faire. Je voudrais le remercier et saluer ceux et colles qui avaient
survécu à la première nomination
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: ...et, également, ceux qui sont
restés en collaboration avec la commission après les
deuxièmes nominations.
Ceci dit, vous me permettrez de vous dire que j'ai trouvé le
rapport de la commission Rochon extrêmement fantastique en ce qui
regarde, en particulier, toute la partie analytique. C'est sans doute un
recueil de constats extraordinaire qui reflète, d'après moi, ce
que les gens du réseau pensaient et, qui plus est, avance des
hypothèses de solutions fort habiles dans certains cas. Je pense, entre
autres, à la répartition des effectifs médicaux qui, sans
s'en parler, s'effectuerait très facilement en décentralisant
l'enveloppe de la RAMQ.
Il y a certains points sur lesquels j'ai eu des désaccords. Je
l'ai dit, entre autres, sur le pouvoir de taxation à court terme, sur le
type électif, je ne suis pas certain qu'il n'y aurait pas moyen de
repenser, par exemple, pour faire coïncider des modes > électifs
avec le pouvoir municipal, en même temps que le pouvoir municipal,
utiliser des moyens de votation très concrets, ou des occasions de
votation pour rendre les gens imputables devant une population. Mais ça,
c'est à partir des éléments que vous avez soumis qu'on a
réussi à se bâtir d'autres hypothèses, qui
deviendront des alternatives, mais qui vont dans le sens, quand même,
d'une représentativité et d'une véritable
imputabilité devant la population. Donc, là-dessus, ça
va.
Le seul reproche concret que je vous ai fait - M. Bertrand en a pris
note à une couple d'occasions et, s'il était là chaque
fois que j'ai eu à en parler... Je demeure convaincu que, si vous aviez
prouvé quelques aberrations du système, vous auriez sans doute
amené des gens à s'accrocher un peu moins à leurs acquis
corporatifs. Ils auraient été mal placés pour venir
discuter exclusivement la conservation de leur poste ou de leurs
privilèges. Ils auraient peut-être été plus ouverts
au partage d'objectifs plus globaux, plus collectifs, plus communautaires.
C'est peut-être le seul reproche que j'ai fait, mais je tiens à
vous le répéter pour vous montrer que je ne parle pas dans le dos
des gens.
Ceci étant dit, vous êtes arrivé avec des questions
assez formidables. Moi, je vais essayer de concentrer mon questionnement sur le
financement tantôt, au moins quelques minutes, puisque le ministre m'a
fait signe qu'il n'aurait pas le temps de l'aborder et que, de toute
façon, c'était dans mon questionnement. Mais avant de passer au
questionnement spécifique, je vous dirai que j'ai une inquiétude
majeure. Tout le monde se targue de bâtir une politique de la
santé axée sur la personne. Ça paraît bien dans un
discours, ça paraît bien dans la bouche d'un universitaire, mais
aussi de politiciens, puis probablement de toutes les têtes des
réseaux.
Ceci dit, je prends les personnes âgées. On dit: La
personne avant toute chose. Au Québec, on vit un grave problème
de manque de places pour les personnes âgées, on a un moratoire
sur les places en foyer privé, on ne donne plus de lit
conventionné, il s'est bâti 70 lits, en moyenne, au cours des
dernières années, on n'a pas ou peu de ressources pour
améliorer le service à domicile, puis on dit: La personne avant
toute chose. Je voudrais savoir - puis ça va toucher le financement
automatiquement, quand même je ne voudrais pas - comment on peut
être cohérent avec le principe de la personne avant toute chose,
à partir de l'exemple que je vous donne, et qu'on puisse réaliser
véritablement une politique de santé, au Québec, qui
tienne compte d'abord, mettons, de la personne âgée, parce qu'on
n'a pas le choix, c'est une évidence qui nous saute aux yeux à
tout le monde. Comment peut-on bâtir une politique de santé au
Québec, à court terme, avec des besoins de santé
illimités puis des ressources financièrse très
limitées?
M. Rochon: O.K. Si on fait référence
spécialement aux personnes âgées, je pense qu'on ne peut
pas dire que les besoins ou les problèmes de santé des personnes
âgées sont illimités. Au contraire. Et là, je vais
citer, de mémoire un peu, mais je pense que la plupart des études
aussi qui ont été faites là-dessus nous montrent qu'il y a
peut-être 20 % des personnes âgées qui ont des
problèmes de santé importants pour utiliser beaucoup les services
de santé; 70 % à 80 % sont comme l'adulte, ils sont
peut-être plus fragiles sur certains aspects, mais ils ne sont pas
nécessairement des gros utilisateurs du système de
santé.
Deuxièmement, ce qui ressort de plus en plus, aussi, c'est que
les personnes âgées - et, maintenant, on a des groupes de plus en
plus âgés, on parle des vieux et des vieux vieux, et on regarde
à partir de 65 ans pour vraiment voir les problèmes de
santé, les problèmes sociaux des personnes - il faut les prendre
par tranches de cinq ans, parce que ça change rapidement. Alors ce sont
les vieux vieux, 80-85 ans, c'est dans ces tranches-là que commence
vraiment une plus grande utilisation de services. Et, en général,
de plus en plus, la période de temps où l'utilisation est intense
est de plus en plus courte. Ça, ça rejoint vraiment des endroits
où il y a eu d'autant plus les programmes de promotion de la
santé, même pour les personnes âgées, et de
prévention qui sont efficaces et maintiennent les personnes autonomes et
dans leur milieu. De plus en plus, c'est plus tard dans la vie, et non pas
pendant toute la vieillesse, et pour une période de plus en plus courte
où ces personnes-là vont consommer de façon intense les
services de santé.
Donc, il faut vraiment se sortir de cette idée. Je pense que ce
ne sont pas les faits, ça ne correspond pas aux faits de dire que les
personnes âgées, surtout si on dit 65 ans et plus,
ce sont des gens qui, chaque année, ont besoin de plus en plus de
services de santé et de services sociaux et en utilisent beaucoup plus.
Ce n'est pas le cas. Et, encore une fois, plus la prévention est
efficace, plus on raccourcit dans le temps cette période
d'utilisation.
Deuxièmement, ce qui se fait, et ça, je pense que c'est le
témoignage de ce que je vois faire dans différents pays aussi,
dans le contexte où je suis, comme au Québec, l'accent est
vraiment mis - et ça, il y a des résultats dans le genre
d'exemples que le ministre demandait, on voit régulièrement des
publications de témoignages ou d'analyses ou de recherches qui sont
faites de services à intensité à la maison, au milieu de
résidence, qui se développent et qui maintiennent les personnes
dans ce contexte. Non seulement on voit des hôpitaux qui transforment et
qui réussissent à garder moins longtemps, où des gens vont
être là moins longtemps pour des périodes vraiment
aiguës, comme toute personne adulte qui a besoin à un moment
donné de services hospitaliers, parce que les services à domicile
sont forts. On voit même des centres d'hébergement convertir leurs
services, en grande partie, en services à domicile. Et je faisais
référence à toutes les nouvelles technologies qui se
développent, qui rendent ça de plus en plus possible et
sophistiqué, à coûts pas tellement grands.
Donc, ça, c'est la réalité. Alors, si on reprend
l'argumentation et l'approche de centrer sur la personne, c'est à partir
des besoins réels et de ce que veulent ces gens-là pour continuer
leur vie qu'on bâtit la politique, les programmes et les objectifs de
résultats de programmes qui visent à l'autonomie, au maintien de
la personne à domicile et qui deviennent même, à ce
moment-là, très pertinents, par rapport au problème de
financement qu'on a, parce que ça va dans le sens du type de services et
de résultats qu'on démontre qu'on peut obtenir, qui sont moins
coûteux pour le système. C'est quand on ne s'en occupe pas et
qu'on ne s'en occupe pas en fonction des besoins réels de ces
gens-là qu'on provoque des coûts énormes pour le
système, parce que, là, on ramasse le résultat de ce qu'on
n'a pas réglé au moment où on pouvait vraiment avoir un
impact sur le problème.
M. Chevrette: Oui, mais si je vous ai posé la question,
c'est parce que j'ai observé, au cours des trois ou quatre
dernières années en particulier, peut-être même des
cinq ou six dernières années, qu'il se crée de plus en
plus de maisons d'hébergement parce qu'il n'y a pas de place
nécessairement en centre d'accueil. Il y a 20 ans, ou il y a 25 ans, il
y avait des personnes autonomes qui entraient dans les centres d'accueil, on
n'a pas de cachette, il y en a qui y ont été 25, 30 ans. C'est
sûr que le système ne pouvait pas se payer ce luxe-là.
Ça, je ne veux pas discuter de ça.
Mais aujourd'hui, nos centres d'accueil sont devenus des centres
hospitaliers de soins de longue durée à toutes fins pratiques,
quand on regarde l'alourdissement des clientèles, et on voit que les
maisons d'hébergement qui, sous prétexte d'hôtellerie et de
sécurité physique à court terme, deviennent petit à
petit des maisons d'hébergement qui, à toutes fins pratiques,
jouent le rôle de centres d'accueil et les CLSC même refusent
d'aller desservir ces gens-là, sous prétexte qu'ils n'ont pas les
budgets pour. Pourtant, c'est un citoyen, c'est la personne avant toute chose.
Moi, c'est ça qui me "bug" le plus, de voir vos beaux discours sur la
personne avant toute chose et que le système n'évolue pas dans le
sens de donner au moins des ressources à la personne ou à
l'individu; sinon, on ne corrigera jamais le réflexe institutionnel On
n'en arrivera jamais à se bâtir des politiques cohérentes
face à la personne C'est un peu dans ce sens-là que je vous
posais la question.
M. Rochon: Ça, si je saisis bien votre question, je serais
entièrement d'accord avec vous, dans ce que je comprends et ce que
j'essayais de décrire. Pour moi, ce qu'on appelle un centre
d'hébergement, c'est un milieu de vie, c'est une résidence. Il me
semble que ça devrait être vu exactement comme le domicile et,
quand on développe les services à domicile et surtout si on veut
avoir un impact et inclure dans le dénominateur des gens qu'on essaie de
desservir, ceux qui en ont peut-être le plus besoin pour éviter
que leur cas ne s'aggrave, il me semble qu'ils devraient être
là-dedans. Est-ce que les ressources qu'ont les CLSC ou autres les
obligent à faire des priorités et quels sont leurs
critères de priorisation? C'est une autre histoire que je serais bien
prêt à discuter en ayant les données. Je serais
entièrement d'accord avec vous. Pour moi, un centre
d'hébergement, c'est un endroit de résidence, c'est un
domicile
M. Chevrette: Vous avez dit une phrase qui était
extrêmement intéressante en ce qui regarde la politique et les
objectifs de santé. Selon vous, est-ce que les structures doivent
être un moyen de réaliser les objectifs? Et, si oui, est-ce qu'une
politique doit nécessairement venir en parallèle tout au moins
avec des réformes de structures? Je m'arrête là.
Une voix: On devine le reste
M. Chevrette: Non, mais c'est parce que je sais qu'il est vite et
qu'il a compris.
M. Rochon: En tout cas, j'ai compris quelque chose, je vais vous
répondre là-dessus.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rochon: Non, mais sérieusement, ce que
je dirais, c'est que des structures, je n'irais pas jusqu'à dire,
si on utilise les mots dans le même sens, qu'elles sont des moyens
nécessairement de réaliser les résultats comme tels.
M. Chevrette: Les objectifs.
M. Rochon: Les objectifs. Je les vois plus comme étant
l'encadrement, l'infrastructure qu'on veut développer pour permettre que
les objectifs se réalisent. Là, il va falloir être plus
spécifiques. Je pense que c'est beaucoup plus, par exemple, un programme
qui va vraiment camper ce qu'il faut pour aller réaliser des objectifs
et mesurer ce qu'on a fait, mais le programme, pour exister, il lui faut un
cadre et la structure fournit ça. Dans ce sens-là, si on axe de
plus en plus vers une politique qui vise à des objectifs en termes de
résultats, quand on en arrive aux politiciens, et j'appliquerais le
même raisonnement aux gestionnaires, au niveau des ensembles, au niveau
des structures, mais encore plus aux politiciens, je pense que ce que ça
commande carrément pour l'avenir, c'est qu'on ait de plus en plus des
décideurs politiques qui se voient plus comme des gens dont le
rôle est de bâtir ces infrastructures, les mettre en place, d'y
amener les incitatifs nécessaires pour que le jeu se fasse à
l'intérieur de la structure, qu'ils se voient beaucoup plus comme les
architectes de ça, premièrement.
Deuxièmement, qu'ils voient beaucoup plus leur rôle de
développement de ces structures comme cadre comme étant des gens
qui représentent les intérêts des consommateurs. Ça,
je ne dis pas ça pour avoir l'air populaire, mais je pense que ça
fait partie de la dynamique. Qu'ils se mettent en position de
représenter carrément, ayant mis en place, pour les producteurs,
l'encadrement et les incitatifs qu'il leur faut, et qu'ils continuent à
jouer leur rôle en étant les représentants des besoins des
consommateurs plutôt que, souvent, comme c'est le cas actuellement, je
pense, les décideurs politiques mis en position de plutôt parler
pour ou contre, ou discuter avec les producteurs. Et ça, ça fait
une dynamique qui devient complètement différente. Et surtout
d'éviter, je dirais, dans une dynamique qui s'engage à faire des
résultats dans un cadre de programmation, de programmes, d'être
dans la position, comme décideurs politiques, comme c'est trop
souvent le cas, actuellement, à cause de la dynamique du système,
de ceux qui essaient de faire l'arbitrage des allocations de ressources, lis
doivent être plus l'architecte de l'encadrement qui permet le jeu de la
dynamique qui va les faire, les arbitrages. Puis, d'assurer que, du point de
vue du consommateur, l'équité va être
protégée là-dedans Ça, c'est leur rôle, puis
ils doivent y tenir. L'orientation du système, c'est essentiellement par
là qu'elle doit passer. (17 heures)
M. Chevrette: Vous parlez de compétition et
d'émulation à l'intérieur du système public. Quand
vous avez commencé à vous exprimer, j'ai dit: Voilà
Castonguay assis à la table, parce qu'il a parlé
d'émulation et de compétition. Sauf que Castonguay y allait par
le biais de la privatisation et vous, vous y allez par la compétition et
l'émulation dans le réseau public. Moi, j'aimerais vous entendre
un peu plus là-dessus, parce que j'ai l'impression que, sur le plan
théorique, c'est beau, mais instaurer une compétitivité
à l'intérieur d'un même réseau, comment vous faites
ça sur le plan concret?
M. Rochon: C'est essentiellement, je pense, une question - et
là, je vais revenir au langage qu'on a employé à la
commission, parce que je ne peux pas en trouver un meilleur - du type de
dynamique qu'on veut déclencher et entretenir. Dans le système
privé - je ne suis pas un économiste, je vais être
obligé de parler de ça en termes de l'homme de la rue un peu - ce
que je comprends très bien, c'est que dans un système qu'on dit
privé et qui répond aux lois du marché libre pour le type
de compétition qui est là, les producteurs, dans un
système comme ça, sont quand même commandés par le
produit qu'ils doivent fournir et, en bout de ligne, par le résultat
qu'ils doivent atteindre en fonction d'une clientèle qu'ils doivent
desservir. Ils sont très orientés sur le client, sur la
satisfaction du client et sur le produit qu'ils doivent lui donner
comparativement à ce qu'il veut. Sauf que les jeux qu'ils font pour
l'arbitrage et l'équilibre, pour qui ils produisent, correspondent
à ceux qui ont les moyens de venir chercher le produit qu'ils donnent et
c'est ça qui les satisfait, ça les maintient dans le circuit.
Si on regarde un système public et surtout un système
public de services de santé et de services sociaux, ce n'est pas de
défendre un système public par principe, parce que c'est mieux
pour aucune raison d'idéologie ou théorique, mais pour la
production de services de santé et de services sociaux, une fois qu'une
société a fait le choix d'avoir un objectif prioritaire
d'équité, qui veut dire qu'on va produire des services et les
distribuer non pas d'abord selon les moyens, mais selon les besoins, et que,
dans une société, il y a et il y aura malheureusement
probablement encore très longtemps, sinon toujours... Là, on voit
que, malgré les efforts faits, on mesure encore les écarts, non
seulement on ne les ramasse pas, mais le jeu général du
développement économique et tout le reste tend à les
élargir encore plus.
Sur la base de ça, si on a un objectif d'équité et
si on veut servir selon le besoin, et non pas selon les moyens, on va dire
qu'il n'y a qu'un système public qui peut vraiment faire ça,
parce que ce n'est pas la logique du système privé de
marché libre. Mais qu'est-ce qui empêche qu'un système
public, par exemple, qui veut justement satisfaire les besoins d'un con-
sommateur, ne soit viré pour avoir un jeu d'incitatifs qui
l'amènent à fonctionner en fonction de ça? C'est là
qu'on revient au centrage sur la personne, sur le client, sur ses besoins et
sur les résultats à atteindre pour ça. Si le jeu des
incitatifs et la dynamique tournent vers ça, je ne peux justement pas
comprendre pourquoi des établissements, parce qu'ils sont publics, dans
un système public, n'auront pas un comportement qui va ressembler
à celui du système dit privé.
Je ne vois pas pourquoi la compétition n'appartiendrait en
exclusivité qu'au système privé. C'est la façon
dont on gère nos systèmes publics dans le système de la
santé qui fait qu'ils se comportent comme ça. On finance les
établissements parce qu'ils existent, qu'ils sont un
établissement et, plus ils peuvent justifier qu'ils ont un gros
déficit, plus il faut les financer. Il n'y a rien là-dedans qui
motive bien gros pour produire et satisfaire plus le client. Même, au
contraire, si tu satisfais plus ton client en étant plus efficace, tu
vas avoir un budget moins gros peut-être; au lieu d'être
récompensé par le système, tu vas fermer des parties de
ton établissement puis tu vas être un moins gros D.G. Alors, ce ne
sont pas les gens qui sont fautifs, ce n'est pas le système public qui
est complètement pas bon, c'est le jeu d'incitatifs qu'on a mis dedans.
Alors c'est ça qui me fait dire que ça m'apparaît
simple.
Maintenant, de faire le changement dans le système, ce ne sera
pas facile. Le ministre posait la question, il va falloir que la pression soit
assez forte, qu'elle soit maintenue assez longtemps, probablement que les
récompenses soient importantes, mais il faudra toujours le bon dosage,
comme on dit, de la carotte mais du bâton aussi. Mais il n'y a pas de
raison pourquoi ça ne devrait pas se faire.
M. Chevrette: Maintenant, vous avez parlé de
prévention, le tournant de la prévention, il faut le prendre.
Où est-ce que vous prenez l'argent pour le prendre?
M. Rochon: Dans le système.
M. Chevrette: Dans le système, vous dites qu'il ne faut
pas "désassurer" des services.
M. Rochon: Non, j'ai dit qu'on... Non. Tout simplement, je pense
que le mot "désassurer" ne peut pas vouloir dire ce qu'on veut dire.
Encore là, je reviens... Il faut toujours se coller à notre point
de départ. Si on a une politique qui vise l'équité et la
distribution selon les besoins et qu'on a une gamme de services qui sont
définis pour répondre à ces besoins-là, si on
commence à dire "désassurer", à ôter certains
services, donc on veut moins, on ne rejoindra pas notre objectif et là,
ça va devenir de pis en pis. On va moins répondre aux besoins, il
va y avoir plus de demandes, ça va coûter plus cher, c'est la
spirale infernale qui commence. Donc, ce n'est pas de dire... Parce que
"désassurer", ça veut strictement dire que tu identifies un
certain nombre de services qui vont te permettre de récupérer
l'argent qui correspond à ton déficit, quelque chose du genre, si
tu te désassures. C'est un objectif financier ou de
rééquilibre financier.
Par contre, et je le répète, on a toujours dit que la
gamme de services, ça ne peut pas être immuable. Au contraire,
plus on va avoir l'évaluation de la qualité dans le
système et les moyens d'information qui permettent de le faire -
ça aussi, c'est un peu l'oeuf et la poule, cette histoire-là. On
attend toujours, on n'utilise pas, on ne prend pas de décision en
fonction des évaluations qu'on peut faire avec l'information qu'on a
parce qu'il n'y a pas assez d'information, ce n'est pas assez partait, ce n'est
pas assez complet, c'est un peu la fuite en avant. Ça va vraiment
s'améliorer et la progression de l'amélioration des
systèmes d'information et d'évaluation va avancer d'autant plus
qu'on va s'en servir, parce qu'on va avoir des questions de plus en plus
précises et on va savoir où on manque d'information.
Si on fait ça, on va être amenés à
réaménager constamment le panier de services ou la gamme de
services et en réaménageant, encore une fois, partout où
on a commencé à le faire. Et les exemples que je citais
d'évaluation de la qualité, ça, ce sont des choses qu'on
expérimente actuellement, où les résultats commencent
à être apparents, ça nous amène à changer la
gamme des services, d'abord pour en améliorer la qualité et, en
général, à moindre coût. Alors, il y a de l'argent
qui se récupère nécessairement comme ça.
Pour la prévention, je dirais, je répéterais, je
pense qu'on l'a déjà dit, prévention-promotion Au lieu de
dire que si on vient à bout de sauver de l'argent dans le système
en général, on va l'investir, finalement, dans la
prévention, je pense qu'on n'y arrivera jamais parce qu'on veut le
faire, cet investissement là, pour avoir un impact sur ce qui
amène une grande utilisation des services. Alors, il faut quasiment
plus, au départ de l'attribution des ressources, bloquer un pourcentage
pour ça S'il faut aller jusqu'à le bloquer dans la loi, comme on
a fait pour la loi sur l'assurance-santé, à l'époque, pour
la formation de chercheurs, je pense, pour la recherche, on peut faire
ça S'il faut aller jusque-là, allons jusque-là et disons
qu'il y a un minimum de tant pour cent qu'on va consacrer d'emblée
à ça et on va distribuer le reste, le reste qu'on a, pour faire
un peu ce qu'on peut avec. Je suis assuré que ça ne fera pas une
différence majeure sur ce qui va se produire dans le système; au
contraire, ça va juste mettre plus de pression à
l'efficacité et la prévention-promotion va commencer à
produire.
M. Chevrette: Vous avez dit, au départ, quant au
financement, que probablement vous inventorierez davantage cette dimension, ce
secteur du financement de la santé publique. Vous avez insisté
là-dessus à la conclusion, vous récidivez sur tout,
à peu près de façon identique, sauf que, sur le
financement, vous gratteriez davantage, c'est un peu ce que j'ai compris.
M. Rochon: Non, ce que j'essayais de dire, c'est que j'essaierais
de trouver un moyen, et je ne suis pas sûr de l'avoir trouvé
aujourd'hui non plus, d'être encore plus articulé et plus clair ou
plus détaillé, mais on a l'impression qu'on n'a pas
été lus, ou entendus, ou compris dans ce qu'on a essayé de
dire. Alors, comme je crois toujours au vieux principe que, quand le message ne
passe pas, ça dépend de ceux qui expliquent plutôt que de
ceux qui écoutent, si c'était à refaire, j'essaierais de
dire un peu plus et un peu mieux.
M. Chevrette: C'est un principe de pédagogie, en tout
cas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Vous affirmez cependant que ce n'est pas simplement
une question de sous-financement. Est-ce à dire que vous reconnaissez
qu'il y a une partie de sous financement ou si, exclusivement par le
réaménagement de l'argent déjà disponible, c'est
suffisant pour y aller à fond de train dans une réforme qui
tiendrait compte des objectifs de prévention, etc.?
M. Rochon: Ce que j'ai essayé de dire, ce n'est pas que...
Comme vous me le faites dire, qu'il n'y avait pas seulement une question
de...
M. Chevrette: C'est ce que j'avais compris, M. Rochon.
M. Rochon: C'est peut-être comme ça que c'est sorti,
mais ce n'est pas ça que j'essayais de dire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ça arrive, des fois, que la
spontanéité affiche...
M. Rochon: Ce que j'essayais de dire vraiment, c'est qu'il n'y a
pas d'évidence, il n'y a pas de démonstration que notre
système est sous-financé. Maintenant, c'est quoi le
sous-financement, pour un système de santé? Il n'y a pas de
critère absolu de ça. La seule façon de porter un jugement
à savoir si on est sur ou sous-financés, c'est en se comparant
à d'autres. Il n'y a pas un standard qui existe qui dit qu'un pays qui a
ce niveau-là est sur ou sous-financé. Quand on compare le
Québec à tout autre pays, en faisant les ajustements
nécessaires, on est ou carrément dans la moyenne, selon le groupe
de pays qu'on prend, ou carrément dans le peloton qui est en tête.
Alors, sur la base de ça, je me dis qu'il n'y a sûrement pas
d'évidence qu'on est, se comparant à d'autres,
sous-financés. Il pourrait y en avoir plus et on pourrait en consommer
plus, c'est bien évident, mais ce n'est pas d'abord en en mettant plus
dans un système ou, par ailleurs, si on regarde l'autre façon de
répondre à la question qu'est l'efficacité du
système pour produire, ou on ne s'est pas adressé à
ça, si on ne commence pas par améliorer l'efficacité et
qu'on commence à mettre plus d'argent dedans, et si on a effectivement
des problèmes d'efficacité, comme ça je pense qu'on a des
points qui le démontrent, on va continuer à en mettre plus et on
ne s'en sortira jamais.
Éventuellement, on voudra peut-être en mettre plus dans le
système. À ce moment-là, si on a d'abord
amélioré l'efficacité du système, on pourra
peut-être en mettre plus, mais de façon beaucoup mieux
ciblée et en fonction de résultats qu'on sait qu'on peut
atteindre, que juste de la mettre dans le système comme ça et
qu'elle passe sans rien produire de plus.
M. Chevrette: J'en aurais encore pour deux heures. Mon
collègue veut questionner.
La Présidente (Mme Marois): C'est M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, maintenant, qui va
échanger avec vous.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Quelques autres
aspects que vous avez touchés et dans le rapport, et dans la
présentation d'aujourd'hui et qui, je pense, demandent peut-être
un peu plus d'éclairage; enfin, je le souhaite fermement. Vous nous
indiquez très bien les grandes tendances dans le milieu dans lequel
maintenant vous êtes inséré, en termes de
développement des systèmes de santé et des systèmes
de services sociaux, les politiques: politiques de santé et de services
sociaux et il y a des axes, comme vous l'avez bien décrit: les axes
prévention et promotion qui se transportent sur le terrain de
l'individu, en termes de responsabilisation, ou dans les milieux, en termes de
déterminants de la santé.
Dans le contexte québécois, on en a parlé avec
plusieurs questions qui viennent de vous être posées sur le virage
prévention que doit prendre le système institutionnel, entre
guillemets, mais il y a tout un grand pan, par exemple, de la pratique de la
santé, qu'on touche très rarement, qui s'appelle tout le
système privé, les cabinets, la pratique privée. Moi,
j'aimerais ça que vous nous en disiez plus sur comment, à eux
aussi, et c'est un très grand pan de la pratique médicale, des
pratiques de santé, c'est très large, c'est très gros,
c'est très cher, comment tout ce qui s'appelle pratique en
cabinet privé, polyclinique, on va aussi faire virer ça
dans le sens des axes, dans le sens de la prévention et de travailler
sur les déterminants?
M. Rochon: Deux choses: D'abord, je ne sais pas si votre question
s'adresse à cette dimension-là, mais la place que peut prendre la
prévention dans la pratique médicale clinique - c'est à
ça que vous vous référez - est énorme, et je pense
qu'elle prend quand même de plus en plus de place, j'espère. Qu'on
pense, par exemple, à la façon de suivre une grossesse, qu'on
pense à la façon de traiter l'hypertension artérielle,
qu'on pense à l'influence que peut avoir le praticien qui traite
quelqu'un pour des infections respiratoires à répétition,
ou pour un problème respiratoire chronique par rapport à la
consommation de cigarettes, on pourrait sortir plusieurs exemples où il
y a une action non seulement qui peut se faire, mais qui souvent est
déterminante si elle est faite par le praticien, par le médecin,
qui peut avoir une influence énorme. Donc, il y a une place pour
ça. Ça n'exclut pas ce secteur de production de services, au
contraire.
Comment y arriver? Il y a probablement, au moins, deux grands moyens.
C'est sûrement important que, de plus en plus, au niveau de la formation
des médecins, la prévention soit de plus en plus
intégrée à leur formation et qu'ils voient de plus en plus
ce qu'ils peuvent faire dans ce sens-là. L'autre grand moyen est
sûrement celui, encore - on revient aussi au niveau des incitatifs - de
pouvoir payer aussi et payer autant, sinon plus, pour des approches de
prévention, pour des soins préventifs que pour des soins
curatifs. Ça, comment ça peut se faire? En général,
des soins curatifs, évidemment, c'est plus facile à
rémunérer dans un système de rémunération
à l'acte, parce que c'est plus facile à identifier à
l'unité. (17 h 15)
Maintenant, je me référais aussi, en parlant des approches
qui essaient d'évaluer la qualité par le biais de l'utilisation
des services et de l'intégration au taux d'épisode de soins, et
ça, je pense que ça a commencé à se faire dans la
tarification des médecins où, de plus en plus, même le
paiement à l'acte peut comprendre un ensemble de services autour d'un
client et d'un problème et, quand on a affaire à un
problème d'approche préventive, comme l'hypertension, comme
l'évolution d'une grossesse, par exemple, comme le suivi d'un
diabète, surtout d'un diabète facilement contrôlable
cliniquement, au lieu de rémunérer des actes, des visites, on va,
par exemple, s'orienter pour rémunérer l'unité qui, au
lieu d'être la visite, va être le traitement d'un épisode et
qui va être d'autant plus efficace qu'il y a des éléments
de prévention là-dedans, ça va amener une motivation.
Alors, si les gens ont la formation de base pour être capables d'en faire
et que le jeu des incitatifs les amène à faire ça, ils
vont en faire de plus en plus.
M. Trudel: Parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps... Le jeu
des incitatifs, comprenant peut-être des changements au niveau des modes
de rémunération, et quand je dis ça, je ne veux pas
prendre l'éternel rabat sur lequel on va finalement s'abattre, c'est
celui du salariat-visite, le paiement à l'acte. Ce que vous dites, c'est
qu'il y a beaucoup d'autres moyens...
M. Rochon: Oui.
M. Trudel: ...qui doivent être examinés si on veut
prendre, si on veut aussi que tout le secteur, appelons-le privé, prenne
un virage, parce que c'est très important dans le système, le
nombre de personnes qui interviennent, le nombre de personnes qui sont vues.
Finalement, si tout ce pan-là ne prend pas le virage de la
prévention, je pense qu'on passe carrément à
côté là-dessus.
Un autre aspect - je m'y suis attaché plus
particulièrement pendant tous les travaux de cette commission et vous en
parlez, évidemment, dans votre rapport - c'est toute la question du
mouvement communautaire comme ressource alternative, complémentaire,
partenaire. D'une part, vous décrivez, encore une fois, par rapport
à l'expérience que vous vivez actuellement et les grandes
tendances, qu'on s'en va vers l'approche programmes, objectifs,
évaluation Les groupes communautaires ne veulent absolument rien savoir,
pour s'exprimer simplement, de cette approche, en disant: Nous, on ne veut pas
se faire embarquer, en quelque sorte, dans un cadre. Vous décidez que
c'est cela, comme objectif de santé ou de bien-être, et vous
décidez que ça prendrait tel programme et nous, on a une
façon d'être qui est autre, une façon d'intervenir qui est
autre Vous reconnaissez, dans votre rapport, entre autres, que ça a une
valeur dans le système, ça, très importante. Comment, au
niveau d'une loi, on peut réconcilier ça, l'apport essentiel des
groupes communautaires, en termes de support versus l'approche programmes et
objectifs de santé?
M. Rochon: Je serais porté à dire que les groupes
communautaires sont probablement déjà actuellement et seraient,
si on implantait vraiment une approche programmes à l'intérieur
d'un cadre régional, sûrement dans un contexte comme ça,
amenés à travailler dans le cadre de programmes sans trop le
réaliser, un peu comme M. Jourdain, qui faisait de la prose sans le
savoir. Non, mais vraiment, parce que l'approche pro-i grammes, ça ne
veut pas dire, il ne faut pas que I ce soit une consonance de standardiser et
de i contrôler sur le détail et sur le processus, au i contraire.
Si c'est une orientation vers des ! résultats et si un programme, au
niveau dune
région, demande la collaboration, la coordination d'un certain
nombre de différents groupes, établissements et institutions, il
n'y a rien qui empêche que des groupes communautaires reçoivent
une partie de leur financement parce qu'ils concourent, participent à
donner certains services qui sont utiles à l'intérieur d'un
programme donné, comme une poutre, et qu'il y a une partie de leur
financement raccrochée là-dessus. Mais ça ne veut pas dire
de tous les financer uniquement pour appliquer des programmes qui leur seraient
donnés sans discussion ou qui leur seraient imposés. C'est
probablement ça qu'ils ne veulent pas faire, mais d'être
impliqués dans le jeu de coordination à l'intérieur d'une
région, dans des programmes qui sont régis au niveau d'une
région, je pense qu'ils le font probablement actuellement ou que
ça peut se faire sans problème.
M. Trudel: Ce que vous dites, c'est que c'est possible d'y
arriver, mais il faudrait partager le risque, autant du côté des
groupes communautaires au niveau du risque programme, appelons-le comme
ça, mais aussi du côté du pourvoyeur, du côté
du payeur, en disant: Bon, on est peut-être en droit d'exiger moins de
rigidité d'exécution dans le programme quand on sait qu'on est
dans les objectifs généraux que l'on poursuit.
M. Rochon: Ce n'est pas leur imposer de fonctionner juste pour
appliquer des programmes qui sont conçus en dehors, mais c'est de les
coopter dans l'ensemble des contributions dont on a besoin pour réaliser
un programme.
M. Trudel: Un autre aspect maintenant. Vous aviez bien
noté, bien documenté aussi, dans votre rapport, toute la relation
pauvreté et consommation de soins de santé et de services
sociaux. Il y a une relation directe entre l'augmentation de la consommation ou
l'augmentation de la fréquentation des services, si je peux m'exprimer
ainsi, et l'état de pauvreté d'une population. À cet
égard, ces populations les plus démunies, dans des situations de
pauvreté, donc qui consomment le plus de services, ce sont celles qui
possèdent le moins de possibilités d'intégration sociale,
d'intégration dans les réseaux. À qui devrait-on demander,
dans notre système de santé et de services sociaux,
prioritairement, de s'occuper de cette fonction d'intégration dans les
réseaux, étant donné les réseaux sociaux,
étant donné que ça a une influence sur la baisse,
ça aurait une influence sur la baisse de consommation, de
fréquentation, d'utilisation des services? À qui va-t-on confier
ça de façon majoritaire dans le système?
M. Rochon: Je pense qu'essentiellement ça dépendra,
et ça dépend probablement actuellement aussi sûrement, de
la nature du problème à la base de la non-intégration ou
de la mauvaise intégration. Il y a sûrement, et on connaît
tous ou on a vu des problèmes sociaux ou de santé qui sont assez
graves et assez lourds pour devoir être pris en charge par des structures
ou des équipes qui sont capables de donner certains services
spécialisés, par exemple. Je penserais qu'actuellement il y a
probablement place pour que certains problèmes d'intégration se
réfèrent plus au CSS ou à un organisme du genre, par
rapport à des problèmes d'intégration réelle aussi,
ou à des situations de difficulté d'intégration, mais
où le problème, à la source, est moins compliqué,
moins difficile, ou peut être plus pris en charge par une structure plus
légère comme le CLSC ou même, dans certains cas, un
organisme communautaire, avec des approches alternatives.
Si on va de l'exemple le plus lourd, peut-être, d'un
problème d'itinérance jusqu'à un problème de
difficulté d'adaptation scolaire et sociale d'un enfant il y a
probablement toute une gamme. Il faut préciser quel est le
problème; l'intégration, c'est un peu le symptôme, ou la
non-intégration, le problème à la source de ça,
c'est peut-être ça qui détermine ça. Alors, je ne
vois pas une solution univoque à ça, mais plus orientée
sur le problème.
M. Trudel: Une des autres dimensions qu'on a bien
discutées ici... Je pense qu'il me reste très peu de temps...
M. Chevrette: II vous reste une minute et demie.
La Présidente (Mme Marois): ...question.
M. Trudel: II reste une minute. C'est toute la question de la
porte d'entrée ou des portes d'entrée dans le système.
Quand on le regarde du côté des coûts, on a eu plusieurs
observations et des analyses qui nous ont dit: Oui, mais ça rentre de
partout dans le système et il n'y a pas de coordination, il n'y a pas de
complémentarité ou, enfin, c'est difficile. Je la pose
très carrément, la question: Si le système disait que,
dorénavant, la porte d'entrée - je ne vais pas sur les
détails - et le pivot du système, c'est le CLSC, qu'est-ce que
vous dites de ça?
M. Rochon: Ça ne marchera pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ça ne marchera pas?
M. Rochon: Ça ne marchera pas. Ça remonte à
il y a 20 ans, c'était l'hypothèse de départ que, si on
avait un système... On pensait à des systèmes à
trois paliers: les niveaux tertiaire, secondaire et primaire. On a
développé beaucoup cette conceptualisation du système de
santé, avec
une porte d'entrée unique et ça n'a jamais marché.
Je pense que la culture et la possibilité qu'a, dans le système,
un citoyen du Québec de pouvoir rentrer par différentes
façons est trop profonde pour qu'on puisse changer ça du jour au
lendemain. J'irais même jusqu'à dire, à
l'expérience, que c'est peut-être une bonne chose que les gens
puissent rentrer par différentes places, selon la nature de leur
problème.
La question devient plus - et c'est toujours le problème de
trouver une question qui cor responde peut-être plus au problème
que ça pose - que les portes d'entrée par où quelqu'un
peut se présenter soient vraiment imbues d'une responsabilité
d'agir comme portes d'entrée. On avait essayé d'être assez
explicites là-dessus aussi. J'ai cru comprendre que ça se
développe beaucoup déjà actuellement et qu'essentiellement
les outils étaient qu'à une porte d'entrée, ça
prend un accueil qui peut au moins fournir l'identification précise d'un
problème ou référer à l'endroit où le
problème peut être identifié et qu'à l'accueil se
joint une fonction qui est d'établir - et là, ça rejoint
la notion d'épisode de soins qu'on peut utiliser pour fins
d'évaluation aussi - ce qu'on appelle, je pense, un plan de services
quelconque qui n'a pas besoin d'être bien bien compliqué. Mais
à l'identification d'un problème et de l'endroit où le
plan de services comme base de coordination des services peut être
donné, à ce moment-là, il peut y avoir par nature un
certain nombre de portes qui sont des bonnes portes d'entrée du
système. Mais de penser qu'une seule va pouvoir remplir ce
rôle-là, je pense que ça a été une notion
à un moment donné, mais qui est dépassée
actuellement.
M. Trudel: Enfin, ça, ça aurait pu...
La Présidente (Mme Marois): Un bref commentaire, M. le
député.
M. Trudel: Ah! très bref! Surprenant! Il est surprenant
d'entendre cette façon de voir les choses mais, évidemment, il
aurait fallu y revenir pour aller plus largoment sur cette possibilité,
parce que des expériences comme dans la région de
Lanaudière, avec toutes les capacités d'accueil, nous ont presque
démontré le contraire. Je ne questionne pas à savoir si
c'était très scientifique, si c'était très large,
etc. On a des indices.
Je n'ai plus le temps. Merci beaucoup de cette présentation. Je
suis sûr que les observations, en particulier la question de
prévention et de promotion, les déterminants de la santé
et de la responsabilisation doivent être très certainement les
axes fondamentaux sur lesquels on débat. Merci beaucoup, Dr Rochon.
La Présidente (Mme Marois): Merci.
M. Chevrette: Moi aussi je voudrais remercier le Dr Rochon, vous
souhaiter bonne chance dans votre mandat en haut, si on peut s'exprimer
ainsi...
Une voix: Là-bas.
M. Chevrette: . l'Organisation mondiale de la santé Et,
revenez-nous F'eut être qu'on pourra procéder à d'autres
nominations éventuellement.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier
d'avoir accepté l'invitation de la commission. Ça a
été un témoignage très intéressant. Je pense
qu'il y a plusieurs pistes intéressantes vues dans un contexte encore
beaucoup plus global que celui du Québec qu'il faudra encore davantage
fouiller. Merci, et aussi un merci très spécial - si je ne
faisais pas ce message-là de manière publique, je pense que
j'aurais de la difficulté à avoir de la collaboration de certains
de mes hauts fonctionnaires - quant à la facilité avec laquelle
vous nous avez mis en communication avec les spécialistes de l'organisme
que vous êtes, dans le cas de Saint Basile le-Grand où, dans
l'espace de 48 heures, vous avez permis qu'on franchisse toutes les
barrières: de Washington, de Genève, du Danemark, et qu'on puisse
bénéficier de l'expérience. .
M. Chevrette: Êtes-vous en train de dire qu'il est plus
vite que le ministre de l'Environnement?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Non ce que j'étais en
train de vous dire, c'est que c'en était presque devenu le paradis, en
termes de...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Alors, je vous remercie pour
cette contribution tout à fait exceptionnelle qui a été
très bénéfique pour le Québec. Et tout ça
pour vous dire qu'il nous apparaît très important que des
personnalités comme la vôtre, qui occupez des fonctions
extrêmement intéressantes en Europe, puissiez nous apporter toute
cette expertise de là-bas, au profit du Québec, mais aussi dire,
d'après ce que j'ai pu comprendre, qu'il y a peut être des choses
qui se passent au Québec qui sont exportables aussi, et qu'on n'est pas
si pires que ça, finalement. Merci bien.
La Présidente (Mme Marois): Je vais le faire
à mon tour, Dr Rochon. Je vous remercie de votre
expérience et des connaissances nouvelles que vous nous avez
apportées. Vous êtes la 175e personne à se présenter
devant notre commission. Vous n'êtes pas la moindre et ce que vous nous
avez apporté aujourd'hui nous a sûrement ouvert des avenues
nouvelles. Alors, merci pour cette contribution à nos travaux.
Je rappelle aux membres de la commission que nous ajournons nos travaux
à 10 h 30, demain matin, mais que nous avons, d'autre part, une
séance de travail à 8 h 30, à la salle 161, en face de la
salle Louis-Joseph-Papineau. Merci.
M. Rochon: Merci, Mme la Présidente.
(Fin de la séance à 17 h 30)