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(Dix heures neuf minutes)
La Présidente (Mme Marois): La commission des affaires
sociales reprend, ce matin, ses travaux dans le cadre de la consultation
générale et des auditions publiques sur l'étude de
l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé et les services
sociaux. Nous aurons une bonne journée de travail aujourd'hui. On va
travailler en trois séances jusqu'à ce soir.
Ce matin, nous recevons la Conférence des CRSSS du Québec,
le Conseil régional de la santé et des services sociaux de
l'Estrie, de même qu'un groupe représentant une ancienne
présidente et trois anciens présidents du Conseil de la
santé et des services sociaux de la région 05.
Alors, je vais souhaiter la bienvenue à nos premiers
invités. Est-ce que nous avons des remplacements, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): II n'y a pas de remplacement.
Je vais souhaiter la bienvenue à nos invités, ce matin, soit la
Conférence des conseils régionaux de la santé et des
services sociaux du Québec. Je vais demander au président,
j'imagine, M. Fortin, de se présenter et de présenter les
personnes qui l'accompagnent. Vous avez environ 20 minutes pour
présenter le mémoire et, par la suite, le temps est
réparti de façon égale entre les deux formations
politiques, pour des échanges et des discussions avec vous.
Bienvenue.
Conférence des CRSSS du Québec
M. Fortin (Gilles): Merci. Tout d'abord, je me présente:
Gilles Fortin, président de la Conférence des conseils
régionaux de la santé et des services sociaux du Québec.
Mme la Présidente, M. le ministre, membres de cette commission, je
voudrais, tout d'abord, vous présenter les personnes qui, au nom de la
Conférence des conseils régionaux de la santé et des
services sociaux du Québec, prennent part à cette audition; donc,
M. Yvon Milette, président du conseil d'administration du CRSSS 04
Mauricie-Bois-Francs; M. Hubert Gauthier, directeur général du
CRSSS de la Montérégie 06C et, enfin, M. Norbert Rodrigue,
directeur général de la Conférence des CRSSS.
Ainsi, la Conférence des conseils régionaux est née
de la volonté de concertation des 13 conseils régionaux de la
santé et des services sociaux du Québec, auxquels s'est jointe,
récemment, la table de concertation de Laval. Elle est un outil de
cohésion pour l'ensemble des conseils régionaux et un lieu
d'échanges sur le développement de notre système
sociosanitaire, à la lumière de l'évolution et des
particularités des régions, et ce, dans le respect des
capacités et des besoins de la population de chacune de ces
régions.
L'intention de la Conférence n'est pas de refaire ici le bilan de
notre système de santé et de services sociaux, non plus que de
reprendre l'ensemble des arguments soutenus devant cette commission, au cours
des dernières semaines, par les conseils régionaux. Notre
volonté est plutôt de partager avec vous la conception et les
préoccupations que nous entretenons à l'endroit de notre
système de santé et de bien-être de demain.
Parler du système de santé et de bien-être de
demain, c'est convenir que nous évoluons dans un univers fort complexe
à l'intérieur duquel les facteurs qui influencent la santé
et le bien-être renvoient aux différents déterminants que
sont l'organisation des services, le bagage génétique de notre
population, ses habitudes de vie et, enfin, l'environnement social,
économique, culturel et physique dans lequel elle évolue. En ce
sens, c'est concevoir notre action dans un domaine qui ne nous est pas
exclusif, tout en assumant le leadership pour le définir. Cela commence
nécessairement par l'adoption d'une politique nationale de santé
et de bien-être fondée sur des objectifs et des résultats
précis à atteindre. Pour être efficace, cette politique
devra s'appuyer sur les constats régionaux exprimés dans le cadre
de la validation des objectifs de santé et de bien-être contenus
dans le document d'orientations et devra identifier les grandes
priorités et les principales stratégies d'action. Il s'agit d'un
exercice qui doit permettre une mobilisation des différents milieux
concernés par la santé et le bien-être de la population,
d'une option, en quelque sorte, qui établit la manière de faire
de demain. Voilà une démarche qui procède
nécessairement par une plus grande implication de la population face
à sa santé et à son bien-être.
Devant l'importance sans cesse croissante des besoins en matière
de santé et de services sociaux et en tenant compte de la rareté
des ressources, il est impensable de faire face à la demande par les
seules ressources disponibles à l'intérieur du réseau,
bien qu'elles soient déjà considérables.
En conséquence, il est nécessaire que le réseau
poursuive le développement d'une expertise en matière
d'implication de la population dans la satisfaction de ses besoins. En somme,
il
faut que le système soit en appui aux initiatives du milieu, des
communautés et des personnes. Nous croyons qu'il importe, en tout temps,
de recourir à des solutions qui encouragent le citoyen et la citoyenne
à assumer une plus grande responsabilité face à sa
santé et à son bien-être.
Les résultats de recherches des dernières années
démontrent de plus en plus clairement que l'amélioration de la
santé et du bien-être de la population ne peut reposer
exclusivement sur le réseau de services. Si l'on veut obtenir des
résultats significatifs, il faut intervenir sur notre environnement
social, économique, culturel et physique. Nous devons donc opter pour
une stratégie d'intervention multlsectorlelle présente tout au
long du processus de conception de nos programmes, qu'H s'agisse de
l'identification des objectifs, de la planification de services, de leur mise
en oeuvre ou de leur évaluation, stratégie qui s'actualise
à tous les niveaux d'intervention, tant local, régional que
national.
Il nous faut aussi opter pour une stratégie d'intervention dite
proactive où l'action s'attaque aux causes plutôt qu'aux
conséquences. Il est ici précisément question de la
prévention et de la promotion de la santé, stratégie qui
nous éloigne vraisemblablement de cette conception du "ministère
des conséquences" que nous partageons tous un tant soit peu. La
poursuite d'objectifs de prévention et de promotion de la santé
et d'une véritable implication de la population dans l'identification
des moyens à prendre pour contribuer à son mieux-être
nécessite, d'une part, un engagement politique ferme et, d'autre part,
des mandats clairs et des moyens appropriés.
Nous sommes d'avis que ces grands principes d'intervention devraient se
retrouver dans les fondements mêmes de la réforme, notamment par
l'identification d'objectifs de santé et de bien-être et de moyens
pour y parvenir. Parmi ceux-ci, nous croyons que les plans régionaux
d'organisation de services constituent un outil efficace. Ces plans identifient
les besoins, les objectifs et les priorités. Ils sont l'outil
d'association, d'arbitrage, de convergence et de complémentarité
de l'action des divers intervenants et secteurs d'activité. Pensons aux
secteurs municipal, justice, éducation, environnement et bien d'autres.
Ces plans permettent enfin d'asseoir la planification régionale des
programmes et services destinés à la population et constituent un
moyen privilégié de rationalisation, d'efficacité et
d'efficience du réseau.
La Conférence appuie fortement la volonté gouvernementale
d'instituer des régies régionales décisionnelles ayant un
rôle réel, sur leur territoire, de maître d'oeuvre en
matière de santé et de services sociaux. Une telle
décentralisation rapprochera la prise de décision de ceux et
celles qui sont directement concernés. Cette innovation assurera
l'arrimage de politiques et de programmes aux différentes
réalités du milieu, tout en favorisant une plus grande
flexibilité dans l'utilisation des moyens à mettre en place. Il
s'agit là d'effets escomptés qui pourront se vérifier dans
la mesure où les objectifs à atteindre seront établis de
façon claire et soutenue et que la décentralisation du
système sociosanitaire québécois s'opérera selon
des modalités propres à chaque région du
Québec.
La Conférence considère qu'il est impératif que
l'on reconnaisse à la future instance régionale la maîtrise
d'oeuvre, sur son territoire, de la planification, de l'organisation et du
contrôle des services sociaux et de santé requis pour
répondre aux besoins de la population, et ce, par l'intermédiaire
des établissements, en collaboration avec les organismes communautaires
et les autres secteurs d'activité. Pour l'exercice de ses fonctions, la
régie doit, notamment, identifier les besoins de la population en
matière de santé et de services sociaux, identifier des objectifs
de santé et de bien-être propres à la population de son
territoire et, enfin, dégager sur une base triennale les
priorités d'intervention.
La régie régionale doit être responsable de
l'élaboration et de la mise en oeuvre des programmes de santé et
de services sociaux articulés dans le cadre des plans régionaux
d'organisation de services. L'allocation et le contrôle
budgétaire, que nous aimerions voir établir sur une base
régionale et sous-régionale, devront épouser la logique de
ces plans, favorisant du même coup une plus grande équité,
une meilleure complémentarité des actions entre les
établissements d'un même territoire, ainsi que le
développement d'une pratique et d'une intervention
décloisonnée. En somme, une gestion plus efficiente qui devrait
conduire à des investissements plus judicieux.
Par ailleurs, des incitatifs au changement d'habitudes devront
être envisagés par le ministère de la Santé et des
Services sociaux ainsi que par les régies régionales, afin
d'amener les dispensateurs et les bénéficiaires de services
à modifier leur attitude et leur comportement, dans le sens d'une
efficacité accrue des actions, de manière à dégager
la marge de manoeuvre nécessaire à l'atteinte d'une plus grande
équité. Dans le même sens, nous croyons que des efforts de
rationalisation, au niveau de la structure actuelle du réseau, sont
encore possibles, notamment par le rapprochement et le regroupement des
établissements dont les missions sont complémentaires.
L'avant-projet de loi conserve au ministère toute la
responsabilité du financement des établissements privés
conventionnés ainsi que la reconnaissance desdits établissements.
Cette absence de responsabilité de la régie régionale
à l'égard d'un secteur d'activité très important du
réseau de la santé et des services sociaux ne nous apparaît
pas justifiée. Il s'agit là d'une responsabilité qui
devrait être confiée aux régies régionales. De
surcroît, un fonctionnement
adéquat des plans régionaux de services exigerait que ces
plans encadrent les activités des établissements privés,
des instituts et centres hospitaliers universitaires et autres organisations
privées oeuvrant dans le domaine de la santé et des services
sociaux. La volonté de décentralisation doit enfin confirmer
à l'instance régionale un rôle de coordination des actions
en région et de liaison avec le niveau central. la conférence est
d'avis que l'instauration de régies régionales fortes,
représentatives et décisionnelles permettra l'atteinte d'une
meilleure équité. le gouvernement se trouvera ainsi en
présence d'interlocuteurs crédibles et au fait des besoins de
chaque région et de leurs sous-régions. en conséquence,
les arbitrages requis pour assurer l'accessibilité aux services dans
toutes les parties du québec n'en seront que plus transparents.
À défaut du suffrage universel proposé par la
commission Rochon, nous croyons que les élus municipaux devraient
être présents en plus grand nombre au sein des différentes
instances du réseau, assurant à celles-ci une imputabilité
accrue envers la population et une plus grande légitimité par une
représentation territoriale adéquate. Dans le même sens,
cette imputabilité s'exercerait à l'endroit de la population par
le concours du collège régional en ce qui a trait aux questions
de l'équité Intrarégionale, des services offerts et du
choix des priorités régionales.
Au niveau central, la régie devrait répondre au ministre
du respect des orientations ministérielles, de l'atteinte des objectifs
de résultats et de la qualité de sa gestion. Cette
imputabilité pourrait s'opérer, entre autres, par une comparution
annuelle devant la commission parlementaire permanente des affaires
sociales.
La population du Québec, au cours des dernières
années, a rappelé à maintes reprises son attachement
à l'un des acquis importants de la réforme des années
soixante-dix, soit l'accessibilité universelle et gratuite. Pourtant,
après plus de 20 ans d'histoire, force nous est de constater que cet
objectif demeure inachevé, résultat qui s'explique en grande
partie par une répartition inadéquate des effectifs
médicaux sur le territoire québécois, entraînant
ainsi des pénuries chroniques de médecins dans certaines parties
du Québec.
Consciente des efforts qui ont été déployés
par le gouvernement, au cours des dernières années, pour
régler cet épineux problème, la Conférence est
d'avis que la solution passe par la régionalisation des budgets de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. De plus, la
conférence revient aux recommandations de la commission Rochon,
prévoyant des budgets régionaux servant à payer des
professionnels de la santé, selon des modalités définies
par le gouvernement, et à financer les services professionnels que la
population pourrait recevoir dans une autre région.
Une gestion adéquate des ressources humaines apparaît,
à nos yeux, un engagement pour l'avenir. Étant donné leur
ascendance sur l'aménagement des autres ressources, il va de soi que la
gestion des ressources humaines ne peut être laissée au hasard. Il
est essentiel que les différents paliers d'intervenants, le
ministère, la régie régionale et les
établissements, soient mis à contribution dans la conception d'un
système de gestion des ressources humaines. D'ailleurs, c'est dans cet
esprit que nous avons déposé un complément d'annexé
à notre mémoire qui porte sur un aspect particulier de la gestion
des ressources humaines, soit le développement. Il est donc urgent que
le ministère, appuyé du gouvernement, se dote d'une
véritable politique de gestion des ressources humaines qui puisse
définir les besoins de la main-d'oeuvre, de môme que
l'organisation du travail à l'intérieur de laquelle
évoluent nos ressources humaines.
Le dynamisme des organismes communautaires constitue un apport
indispensable au réseau de la santé et des services sociaux. Tout
en reconnaissant la primauté d'une budgétisation par programme,
il importe d'être vigilant vis-à-vis le principe de l'autonomie et
de l'identité des organismes communautaires.
Le financement sur une base triennale des infrastructures de ces
organismes doit être retenu, car il permet un lien continu entre les
services dispenses à la clientèle et la vitalité des
bénévoles oeuvrant au sein de ces organisations. De plus, nous
sommes d'avis qu'il faille maintenir une distinction très claire entre
les mandats confiés aux établissements et ceux que les organismes
communautaires désirent et sont en mesure de remplir. Ces organismes ont
comme réflexe naturel de résister à l'assimilation,
à se démarquer de la pratique réseau, en jouant souvent un
rôle d'avant-garde dans la satisfaction des besoins. Il faut continuer
à respecter cette différence, tout en favorisant leur
intégration aux mécanismes de concertation qui seront mis en
place par les régies régionales de manière à les
associer à la poursuite des objectifs définis en région.
La Conférence est d'avis que la garantie du respect des droits de la
population repose sur un système complet et une gamme continue de
services à la fois spécifiques et complémentaires. Aussi
une telle responsabilité doit incomber à toutes les composantes
du réseau.
Enfin, l'excercice d'un recours ultime à une entité hors
réseau, qui pourrait être, par exemple, le Protecteur du citoyen,
nous apparaît être une nécessité.
Somme toute, nous aimerions revenir sur une idée maîtresse
que la commission Rochon a bien exposée dans son rapport d'enquête
et que le document d'orientation et l'avant-projet de loi ont relativement bien
repris, à savoir que notre système doit, avant tout, être
centré sur la
personne. Pour y parvenir, nous devons nous doter d'un système de
santé intégré tel que présenté dans le
schéma en annexe. Le système intégré de
santé que nous souhaitons voir implanter s'inscrit d'abord dans un
ensemble plus grand que constitue notre environnement politique, social,
économique, culturel et physique.
Voilà une réalité qui interpelle, au premier chef,
le gouvernement du Québec. Il lui appartient, en effet, d'orienter
l'ensemble de ses actions sectorielles de manière à favoriser
l'atteinte du premier objectif de notre système, soit
l'amélioration de la santé et du bien-être de la population
québécoise. La santé, vous le savez, doit être une
responsabilité du gouvernement et non l'apanage exclusif du
ministère de la Santé et des Services sociaux. Le gouvernement
doit donc s'assurer que ses politiques et ses grandes orientations, dans tous
les secteurs d'activité, convergent vers l'objectif du système,
soit l'amélioration de la santé et du bien-être de la
population et des communautés.
En tant qu'acteur privilégié de la santé au
Québec, il est indispensable que le ministère se dote d'une
politique nationale de santé et de bien-être, articulée
autour d'objectifs précis à atteindre, qui puissent, comme nous
l'avons dit il y a un instant, s'organiser sur la base des constats
régionaux et s'instruire des travaux et des résultats de
recherche que pourrait produire, par exemple, une instance provinciale de
santé publique dotée de mandats d'enquêtes
épidémiolo-giques, sanitaires et sociales.
Au niveau régional, il importe que les futures régies
régionales organisent l'ensemble des services sur leur territoire en
concertation avec les établissements du réseau, les groupes
communautaires du milieu et les différents partenaires intersectoriels.
La planification par programme, par le concours des plans régionaux de
services, favorisera un plus grand arrimage et un décloisonnement
nécessaire des différentes interventions. Le collège
régional apparaît ici comme un mécanisme de sanction des
priorités et des choix régionaux.
Au niveau local, les tables de concertation, telles que nous les
connaissons actuellement, ou encore les comités d'établissement
prévus dans l'avant-projet de loi permettront l'intégration et la
coordination des différents programmes et services dispensés par
les établissements, tout en profitant de l'apport des groupes
communautaires. Il faut que les fonctions des différents paliers
s'exercent à tous les stades du continuum de la santé, soit la
promotion, la prévention, l'intervention, la réadaptation et la
protection.
Il s'agit donc d'une stratégie qui prend son assise dans le
renforcement des fonctions de prévention et de promotion de la
santé dans une action prioritaire centrée sur les
déterminants de la santé. Dans cette perspective, H nous
apparaît tout à fait logique que les départements de
santé communautaire soient régionali- sés, imputables
à la régie et que leurs fonctions s'arriment à celles de
la régie régionale. Cette intégration fonctionnelle nous
semble essentielle pour que la planification et la programmation
régionale soient centrées sur les besoins de la population et la
prévention des problèmes de santé et de bien-être.
Ce virage, qu'il nous est aujourd'hui permis d'entrevoir, ne sera rendu
possible que par la réalisation des trois conditions qui suivent. Il
faut tout d'abord que notre réseau soit imputable à la population
et à ses élus. Il s'agit de la clé de voûte
permettant d'atteindre la finalité de notre système, à
savoir des Québécoises et Québécois en
santé. En second lieu il est nécessaire que notre intervention
procède et s'inscrive à l'intérieur d'une approche
intersectorielle. Une réforme en profondeur des structures est une
condition nécessaire, mais non suffisante pour l'amélioration de
la santé et du bien-être de la population. Il y va
nécessairement d'une intervention qui origine des différents
secteurs d'activités, à l'intérieur desquels nous
évoluons. Une intervention, pourrions-nous ajouter, appuyée par
une volonté politique ferme. Enfin, il n'y aura pas de véritable
réforme sans la participation et l'implication de la plus grande
richesse de nos organisations que sont les ressources humaines. Il faut
investir dans ce capital, susciter la mobilisation, créer le dynamisme
et enfin favoriser l'initiative. Cela suppose une gestion harmonieuse et
adaptée aux besoins de nos ressources humaines.
Nous terminons en réaffirmant notre confiance dans l'entreprise
de régionalisation qui se dessine actuellement. L'expérience des
conseils régionaux, leurs réalisations respectives, qui
façonnent aujourd'hui leur histoire, nous rendent confiants et
convaincus de la faisabilité des avenues proposées. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Fortin. J'inviterais
maintenant la ministre de la Santé et des Services sociaux à
échanger avec vous.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Pour ceux qui ont eu l'occasion de passer à travers
la brique originale, on se rend compte qu'il y a un travail tout à fait
exceptionnel, et ce que je comprends, c'est qu'on a eu ce matin des ajouts
assez importants, en particulier au niveau des ressources humaines. Dans cette
commission qui tire à sa fin, heureusement pour tout le monde, votre
comparution ce matin revêt pour moi une importance capitale, parce que
malgré le fait que vous représentiez des CRSSS, on peut avoir une
vision d'un CRSSS de Québec, d'éventuellement
Chaudïère-Appalaches, ou d'autres régions de manière
plus spécifique, avec des visions plus régionalistes. Vous,
à mon point de vue vous devez représenter l'ensemble de tout le
Québec. Donc, sans dire que les CRSSS de chacune des régions qui
sont venus ne
se sont pas élevés au-dessus de la mêlée, on
s'attend de vous, même si vous représentez certains CRSSS, que
vous soyez au-dessus de cette mêlée-là. (10 h 30)
Ma première question va être, comme d'habitude je pense,
très franche et très honnête: Qu'est-ce qui nous garantit,
dans la mesure où l'on va dans des régies régionales avec
des pouvoirs, qu'est-ce qui nous garantit, au-delà de
l'imputabilité, qu'on ne créera pas en région le royaume
qui, aujourd'hui, est centralisé à Québec? Quand on parle
de royaume, ça veut dire des rois dans le royaume qui ont des pouvoirs
absolument très importants et qui peuvent changer un certain nombre de
choses parce que ça aussi on a entendu ça à l'occasion,
quoique ce n'est pas généralisé. Heureusement pour nous!
Qu'est-ce qui nous garantit qu'on n'arrivera pas avec cette situation-là
de créer, au niveau d'une région, un pouvoir très fort,
centralisé, au niveau de la capitale régionale? Qu'est-ce qui
nous garantit ça demain?
M. Fortin: M. Rodrigue.
La Présidente (Mme Marois): M. Rodrigue, oui.
M. Rodrigue (Norbert): Alors, effectivement, c'est une question
importante et qui doit, je pense, retenir notre attention tout au long de la
course. Les éléments de garantie que ça nous donne, c'est
d'abord une chose. Le rapprochement des centres décisionnels des
populations régionales et sous-régionales nous apparaît
fondamental. Ce rapprochement-là fait en sorte qu'il y aura... sans
reprocher au système actuel, parce qu'on l'a dit à plusieurs
reprises, si on héritait des mêmes données on ne ferait pas
mieux que vous autres. Alors, ce rapprochement des populations
régionales, à notre avis, rendra plus transparent, par ailleurs,
ou plus transparentes les décisions qui seront prises, les choix qui
seront faits, soit par la participation de la population à travers les
collèges électoraux ou encore par leur évaluation de notre
rendement au niveau de la gestion et de la rencontre des objectifs
fixés. Nous pensons que ces éléments-là sont des
garants, à notre avis. La proximité des décisions est le
garant, entre autres, de ne pas reconstituer des pouvoirs. On sait qu'il y en a
plusieurs qui sont inquiets là-dessus. On nous a dit ça à
quelques reprises.
M. Côté (Charlesbourg): Je continue dans cette
lignée-là parce que ça m'apparaît extrêmement
important et on reviendra à des sujets plus spécifiques de votre
mémoire, parce qu'il y a là une situation à laquelle il
faut s'adresser pour ne pas se retrouver dans des situations où,
effectivement, on soit avec un pouvoir très fort au niveau d'une
région qui isole certaines localités ou certains
établissements à l'intérieur du réseau. Ce n'est
pas impossible. L'homme étant l'homme, il y a de ces
possibilités-là.
La semaine dernière, j'ai convoqué une réunion dans
un endroit X d'une région pour tenter de régler un
problème de plusieurs intervenants autour d'un établissement et
mon attaché politique s'est fait dire: Est-ce que ça va
être comme ça après la régionalisation? Est-ce que
le ministre ou la Cour suprême va encore venir jouer dans nos
plates-bandes? Le petit problème, c'est que le ministre est allé
jouer dans les plates-bandes parce qu'on était après
décider du sort d'une planification d'une localité avec plusieurs
services sans nécessairement que les intervenants du milieu aient
été eux-mêmes assis autour d'une même table, donc,
dans cette nécessaire concertation au niveau de la planification. Donc,
c'est un cas qui, d'après moi, est isolé et qui ne se
répétera même pas à l'intérieur de cette
région-là. Mais la première réaction des gens qui
sont en situation de commande sur le plan régional a été
de dire: Bon, c'est achalant que le ministre puisse intervenir dans nos
plates-bandes quand c'est nous autres qui devons faire ça. Mais,
évidemment, c'est le seul recours ultime que pouvait avoir certains
individus ou certains établissements pour être capables de
régler en concertation leur problème. Donc, la crainte est
là et c'est pour ça que je le soulevais parce que,
évidemment, il va y avoir des régies régionales, il va y
avoir d'autres pouvoirs mais je veux bien qu'on s'assure que le message soit
bien clair. Il va falloir que ça se fasse tel qu'on le dit ou tel qu'on
en convient ensemble sur le plan de la coordination.
Je vais maintenant à ma question. Quand on parle
d'imputabilité, on parle d'imputabilité vis-à-vis le
central. Éventuellement, commission parlementaire où les
régies régionales pourraient venir défendre les
résultats obtenus compte tenu des crédits qu'elles ont eus. Mais
vis-à-vis le pouvoir local, quand on va plus vers les
sous-régions et le pouvoir local, dans votre esprit, comment est-ce
qu'on fait ça? Il y a eu des propositions qui sont venues sur la table.
Comment est-ce qu'on fait ça et jusqu'où on peut pousser pour
que, effectivement, les sous-régions ou le pouvoir local, les maires ou
les municipalités puissent être partie prenante de ce
système ou se sentent dedans?
La Présidente (Mme Marois): M. Fortin ou M. Rodrigue,
oui.
M. Rodrigue: Dans un premier temps, et d'autres de mes
collègues pourront compléter, je pense que vous avez
apporté la réponse vous-même à votre question. Il
s'agit là d'une question de déterminer les pouvoirs réels
que pourront avoir les régies régionales. Je pense que c'est
important parce que le passé nous a démontré
que ce que vous disiez... Il y en a qui sont tentés de monter et
de faire arbitrer par le central un certain nombre de problèmes. Nous
croyons qu'il est fondamental de préciser les pouvoirs de la
régie régionale dans les domaines ou dans son rayon
d'activités.
Deuxièmement, vous avez eu plusieurs propositions sur
l'imputabillté auprès des populations. La sous-région est
une préoccupation que nous connaissons et que nous avons. Dans cette
perspective, il y a des alternatives qui sont sur table. Prenons le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, par exemple, les collèges sous-régionaux
et la constitution d'un grand collège régional. Nous pensons que
ce sont des processus qui vont assurer aux populations certaines garanties, en
tout cas, nous obliger à rendre compte, comme régie
régionale. J'ajouterais un autre élément, à savoir
que dans tout ce processus, en ce qui concerne la concertation, en ce qui
concerne la complémentarité des établissements, l'approche
par programme que nous proposons ou que nous privilégions, nous pensons
que ça nous permettra d'asseoir tout fe monde en même temps et de
faire les ajustements à partir de la planification et dans toute la
distribution des services.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui. M.
Fortin?
M. Fortin: Effectivement. Au niveau de l'approche par programme,
on pense être capables d'établir vraiment, à partir de la
décision, les crédits, les ressources, les objectifs et les
résultats recherchés, être capables de savoir même
jusqu'à la personne qui donne le service sur le terrain, savoir si le
service qui est donné là respecte les orientations et les
objectifs qu'on s'est donnés dès le départ. L'approche par
programme devrait nous aider à atteindre une certaine
imputabiltté technique, entre guillemets, à ce
niveau-là.
J'aimerais, bien rapidement, revenir quelques secondes sur la question
des maires et de la représentation des maires. Au-delà du fait
que les maires puissent être imputables, je pense que ce n'est
peut-être pas vraiment ce pourquoi les maires étaient
intéressés à participer aux délibérations et
à l'action dans l'avenir au niveau du réseau de la santé.
Au-delà de leur imputabiltté au niveau local, ce n'est vraiment
pas ce concept qui interpellait les maires au niveau de leur participation.
C'est vraiment leur participation, leur association comme partenaires par
rapport au niveau de la santé et des affaires sociales. À ce
niveau-là, je pense que c'est un gain énorme de la part du
réseau de la santé de pouvoir s'associer au réseau
municipal, pour nombre de dossiers qui, sans en nommer à l'instant, ont
certainement échoué dans le passé ou ont beaucoup de
difficultés à s'actualiser du fait que, dès le
départ, le réseau municipal n'ait pas été
associé et n'ait pas collaboré à la planification et
à la mise en place de nombreux services au niveau du réseau de la
santé. Je parle du milieu municipal mais on peut parier d'autres
organisations locales et régionales qui peuvent aussi être
associées à nous autres et aider à actualiser nombre de
dossiers de services de santé et services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, par ma
question de tantôt, pour être bien clair, je ne voulais pas dire
que c'est une situation qui se retrouvait partout à travers le
Québec sur te plan des décisions parce qu'on pourrait, de la
même manière, vous de votre fauteuil, interroger le ministre sur
certaines décisions que le ministère au central a pu prendre.
M. Rodrigue: Je ne sais pas si on oserait.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
M. Rodrigue: Je ne sais pas si on oserait.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ce serait même...
La Présidente (Mme Marois): Vous pensez vraiment?
M. Côté (Charlesbourg): ...très sain,
évidemment, quand on fait les exercices, de voir ce qui va et ce qui ne
va pas. On s'aperçoit que nous aussi, sur le plan central, on a des
torts, sauf que le lien est toujours la Cour suprême. Donc, l'appel
à Québec, si on ne règle pas nos problèmes au
niveau des régions, pour les CRSSS ce n'est pas une situation qui est
facile et il y a eu des arbitrages qui ont été faits par les
CRSSS qui ont été très bien faits, dans le passé.
Il y a des exemples où ça s'est très, très bien
produit. Ce qu'il faut prendre comme message c'est, bien sûr, que le
ministère ne restera pas indifférent, éventuellement
à des régies qui deviendraient des pouvoirs absolument
exorbitants et qui ne seraient pas exercés en parfaite harmonie avec les
objectifs de la réforme. C'était peut-être davantage
ça qu'il fallait livrer comme message.
Les plaintes. Il y a eu plusieurs points forts de la commission
parlementaire et je pense que le traitement des plaintes est aussi un des
points, même s'il n'est pas ressorti dans l'opinion publique comme un des
points importants, le traitement des plaintes. Et lorsqu'on veut dire que le
système devra être devantage axé sur le
bénéficiaire, ça veut dire un renforcement du traitement
des plaintes. Je suis d'accord avec ce que vous dites dans le texte, ça
doit d'abord être le réseau lui-même qui règle ses
problèmes de plaintes. Mais on est quand même dans une situation
où il y a un assez haut niveau d'insatisfaction vis-à-vis le
traitement des plaintes et je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin
que ça. La semaine dernière, lorsqu'on a terminé la
commission, à tout le moins mercredi, des intervenants sont venus nous
dire: Si vous continuez de maintenir attaché à la régie
régionale le traitement des plaintes, c'est une très mauvaise
solution parce que les CRSSS sont en lien direct avec les établissements
malgré le fait qu'ils soient au-dessus et qu'ils n'administrent pas
eux-mêmes de programmes. Ils seront dans une situation de
continuité avec les établissements et on doit sortir des CRSSS le
traitement des plaintes pour le donner à des organismes, et on nous
citait des exemples des États-Unis et de la Hollande. Est-ce que pour
vous autres c'est une absolue nécessité que le traitement des
plaintes se fasse par les CRSSS?
La Présidente (Mme Marois): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Dans un premier temps, je dirais que, bon... Vous
vous rappelez sûrement le témoignage du Protecteur du citoyen.
Nous avons fait par ailleurs, au niveau des CRSSS, un travail sur cette
question du recours de la population, donc les plaintes, et notamment avec des
collaborateurs du CRSSS de Montréal et de l'ensemble des régions.
Nous partageons le point de vue du Protecteur du citoyen sur ces questions.
D'abord on pense que c'est important de responsabiliser les
établissements et d'avoir à ce niveau-là des
mécanismes, non seulement de recours, mais des mécanismes aussi
genre service à la clientèle au niveau des droits, etc., de
l'information sur les droits, etc. Et nous continuons de penser, sans refuser
d'aborder toute autre solution, qu'au niveau des régions les
régies régionales, dans cette perspective-là, doivent
avoir la responsabilité qu'elles ont et doivent, en plus, s'assurer
cependant que les mécanismes existent au niveau local. Nous croyons que,
dans ce processus, s'il y avait insatisfaction du bénéficiaire ou
du client, qu'il pourrait y avoir un troisième recours, comme on l'a
dit, qui est celui du Protecteur du citoyen, mais qui est vraiment le dernier
recours pour essayer d'atteindre l'objectif de responsabilisation, au niveau
local particulièrement, et des ressources, et des gestionnaires.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, davantage une
responsabilisation des établissements, mais on ne le fait pas
nécessairement en nommant un ombudsman, au niveau d'un
établissement...
M. Rodrigue: On n'est pas fermés...
M. Côté (Charlesbourg): ...qu'on paie. Parce que,
évidemment, l'un des problèmes qui a été
évoqué, c'est que l'ombudsman nommé par une institution,
par un établissement, payé par celui-ci, crée un lien de
dépendance, qu'on le veuille ou pas, direct ou juste au-dessus, qui fait
que l'ombudsman a plus ou moins de succès et de poids. Donc,
évidemment, je pense qu'il va falloir s'interroger de manière
plus profonde sur le mécanisme et bien s'assurer qu'il puisse avoir
au-dessus de tout ça, peut-être, un ultime recours qui, lui, va
peut-être créer beaucoup plus de crainte que régler de cas.
Mais, la crainte étant le début de la sagesse, il y a bien du
monde qui vont régler leurs problèmes avant qu'on arrive
là. Ça me paraît être un élément assez
important.
Deux autres petites questions très courtes parce qu'on me dit
qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. On a parlé de services en
double, qu'on avait dans notre réseau, des services qui se
chevauchaient. On pense tout de suite aux CLSC, départements de
santé communautaire, CSS évidemment. Est-ce que vous avez
mené des études là-dessus? Demain matin, si vous aviez la
responsabilité de cette planification au niveau de toutes ces
structures, d'après vous, où se situent les doublures, parce
qu'il y en a? Si vous n'en trouvez pas, je vais vous en indiquer. Où se
situent les doublures, au cas où vous en auriez trouvé d'autres,
puisque vous autres, étant sur le terrain, et moi dans la tour,
où se situent les doublures dans notre système?
La Présidente (Mme Marois): M. Gauthier, oui.
M. Gauthier (Hubert): Je pense que vous savez qu'on connaît
comme vous, à bien des endroits, des services qui se donnent
parallèlement, par différentes catégories
d'établissements. Je pense qu'on peut d'abord, d'ores et
déjà, dire - et c'est dit dans notre mémoire - qu'on pense
qu'au niveau de rationalisation de nos organisations, et on le dit dans le
texte ce matin, il y a du chemin à faire de ce
côté-là, même si vous avez évoqué que
les conseils unifiés n'étaient peut-être pas la meilleure
solution. Je pense que les conseils régionaux ont fait la
démonstration, par leur travail et au niveau de la rationalisation et du
regroupement d'institutions, qu'ils ont fait des bons bouts de chemin, pour
démontrer qu'il y a beaucoup de sous de ce côté-là
qui peuvent être réinvestis dans les services à la
clientèle. (10 h 45)
II y a évidemment tous les secteurs, et on en fait allusion dans
notre texte également ce matin, des secteurs tels ceux qu'on appelle les
cabinets privés, avec toute la médecine qui est faite dans le
réseau public. On dit, dans notre texte, que la planification doit
toucher - et on le dit indirectement aussi - non seulement le secteur public,
mais il faut regarder aussi des secteurs, parlons des cabinets privés,
comme les cabinets privés, par exemple, qu'on appelle privés,
mais qui sont quand même des dispensateurs payés par l'État
et qui devraient être en complémentarité avec notre
réseau, et là on peut imaginer que, à certains
égards, il y a du dédoublement. Après ça, au niveau
de dossiers,
on pourrait parler des départements de santé communautaire
si vous voulez...
M. Côté (Charlesbourg): Les familles d'accueil.
M. Gauthier: Les familles d'accueil, bon.
M. Côté (Charlesbourg): On va y arriver direct.
M. Gauthier: O.K. C'est ça. Vous parlez de CSS un peu. Je
pense que de ce côté-là, si on aborde ça par ce
biais-là, du côté du CSS, on pourrait répondre ceci:
Je pense qu'il y aurait intérêt à consolider les services
à la jeunesse, tous les services à la jeunesse. Ça inclut
les centres d'accueil en mésadaptés socio-affectifs, etc., les
autres services telles les familles d'accueil. Je pense qu'il s'agît d'un
bon dossier qui mérite d'être regardé dans le sens que je
disais tantôt, de rapprocher ces ressources-là des lieux de
coordination et de dispensation de services. Ça pourrait vouloir dire
que les familles d'accueil, on gère ça différemment qu'on
fait ça aujourd'hui. Donc, plus proche par exemple du réseau
personnes âgées dans le cas des familles d'accueil pour personnes
âgées. Jeunesse, ça pourrait être la même
chose, déficience intellectuelle, ça pourrait être la
même chose. Je pense qu'on peut imaginer... Il y a des scénarios,
d'ailleurs, qui ont été imaginés à l'heure actuelle
et qui mériteraient d'être regardés très
attentivement pour s'assurer qu'on a un réseau un petit peu plus
intégré et plus proche de ceux qui ont à gérer par
exemple les personnes âgées, par exemple les déficients
intellectuels, etc.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai compris que je n'avais
plus de temps.
La Présidente (Mme Marois): Vous n'avez plus de temps
effectivement, M. le ministre. M. le leader de l'Opposition et
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord un
commentaire sur la décentralisation par rapport à l'arbitrage que
doit jouer le national ou que pourrait jouer le national. Moi, à mon
sens, il n'existera plus si, d'une façon précise, claire et sans
ambiguïté dès le départ, on décentralise
réellement et qu'on dit: C'est là que se prennent les
décisions. Celui ou celle qui, actuellement, est tenté de faire
arbitrer au plan national va savoir que ce n'est plus là. C'est
évident. Mon point de vue c'est un débat théorique que
l'on fait, mais sur le plan pratique, lorsqu'on aura décentralisé
celui ou celle, ou le groupe ou la structure qui serait tenté, au niveau
local, de s'en remettre au niveau national, ça n'existera plus. C'est
évident que dans la conjoncture actuelle les tentatives de concertation
sur le plan régional peuvent avorter quand un groupe se sent
minimisé par rapport aux priorités du milieu, par rapport au
champ d'action que veut se donner le milieu. Je prends l'Estrie je prends - je
n'y serai pas tantôt - le Saguenay-Lac-Saint-Jean, s'il y a deux milieux
qui ont vécu des expériences plus fortes de concertation, c'est
dans ces deux milieux. Je suis convaincu qu'à ce moment-là les
gens ont joué le jeu mais il aurait pu se trouver, même dans ces
deux milieux où la concertation était plus forte qu'ailleurs, une
structure à l'intérieur du réseau qui s'en remette au
ministre parce que précisément c'était sur une base
volontaire. Mais, si c'était sur une base obligatoire que la
concertation doive se faire, ces gens-là ne s'en remettraient pas au
ministre. A mon point de vue, il y a des milieux qui vont partir plus vite. Je
prends l'Estrie et le Saguenay-Lac-Saint-Jean; probablement, dans une structure
très décentralisée, ils vont se sentir à l'aise
dès le départ. Il y en a d'autres qui vont partir clopin-clopant
parce qu'ils ne voulaient même pas de pouvoirs additionnels. Ça
dépend des milieux, ça dépend de l'appétit de
chacun des milieux. Mais il y a un consensus qui se dégage sur le plan
national, à mon point de vue, et vous le reflétez par le texte
que vous déposez ce matin. C'est cette volonté d'assumer au
niveau régional les décisions qu'assume présentement le
national. Ça, à mon point de vue, c'est sans
ambiguïté et le jour où ce sera fait je pense que le
milieu... S'il y a un groupe qui ne répond pas correctement y va sentir
par les autres, par la force du milieu que c'est là que sont les lieux
de décision et que c'est là qu'il faut jouer les joutes justement
et que c'est là qu'il faut exercer les "lobbies" et c'est là
qu'il faut essayer d'influencer la structure du milieu.
Cela dit, il y a deux points que je veux traiter.
L'équité. Vous parlez beaucoup d'équité. Je
voudrais savoir si pour vous l'équité, ça ne passe pas par
une phase préalable de la correction d'abord et avant tout des
enveloppes déjà existantes. Vous n'en traitez pas comme tel.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Sur le plan de l'équité,
évidemment, tout ça présume qu'il y a des discussions un
peu préalables de révision des bases de financement, etc. Ce dont
nous sommes convaincus, c'est que la révision préalable des bases
budgétaires, des ajustements en regard de l'équité
interrégionale, une responsabilité centrale, n'est-ce pas, au
plan de la révision... Deuxièmement, nous pensons aussi que les
instruments que nous proposons d'avoir pour "réguler", si je peux
m'exprimer ainsi, au niveau régional, l'approche par programme, d'une
part, d'autre part, toute la question des effectifs, des ressources à
travers le territoire québécois, toutes ces questions-là,
nous devrons les revoir,
à mon avis, en discussion avec le gouvernement, dans un premier
temps, et, en deuxième temps, au niveau régional aussi, dans
l'exercice de nos fonctions, nos responsabilités.
M. Chevrette: Dans votre résumé, vous parlez
d'abord d'une politique nationale de santé, avec des objectifs nationaux
de santé. Par la suite, si j'ai bien compris votre cheminement, vous
dites: Au niveau régional, maintenant, il faut se fixer des objectifs
à partir de la politique nationale, en concertation avec le milieu, avec
le rôle du communautaire bien précis. J'apprécie d'ailleurs
la nuance que vous faites entre le rôle du communautaire et le rôle
du réseau. Je suis content que la Conférence des CRSSS fasse
ça, parce que ça reflète un peu ce que Rochon disait dans
son rapport. Mais, à partir des objectifs nationaux,
établissement d'une politique nationale, vous avez parlé
d'équité, sans définir les correctifs préalables.
D'après moi, Rochon allait plus loin que vous autres, parce que Rochon
disait: II n'y a pas d'équité, sur le plan national, qui soit
réelle, sans fixer déjà les paramètres d'une
nouvelle distribution, compte tenu des per capita, compte tenu des milieux
à risques plus grands, etc. On ne distribue pas une enveloppe en disant:
II y a 6 500 000 $, ça correspond à tant de dollars per capita.
Ils sont tant en Abitibi, tant au Saguenay-Lac-Saint-Jean, tant en
Gaspésie, voilà la distribution.
M. Rodrigue: C'est ce que je soulignais. Je disais qu'il faudrait
revoir les bases de financement, revoir, au niveau central, comment on
redistribue, per capita ou autrement, l'argent disponible pour l'ensemble des
régions. Dans cette perspective, si vous me permettez, c'est pour
ça qu'on attache tant d'importance à la politique de santé
et à la politique de bien-être aussi, qui se fixerait des
objectifs dont la fonction et la mission ou l'effet, ce serait aussi de
mobiliser l'ensemble des intervenants, des intervenantes, des ressources vers
les grands objectifs nationaux et vers les objectifs régionaux que se
seraient donnés les régies en confirmité avec la politique
nationale. Dans ce sens, je pense que M. Côté va être
d'accord avec nous, je suis certain qu'il n'adhérerait pas à une
organisation qui n'a pas de programme.
M. Chevrette: J'espère que non. M. Rodrigue: Je ne
pense pas.
M. Chevrette: Même le ministre serait d'accord.
M. Côté (Charlesbourg): Ça se fait juste sur
le plan politique, ça.
M. Rodrigue: On aurait de la misère.
M. Chevrette: Je suis sûr que le ministre
n'adhérerait pas, monsieur, parce qu'il n'adhère même pas
à son avant-projet de loi.
M. Côté (Charlesbourg): ...s'est payé depuis
le début. On va le laisser aller.
M, Rodrigue: D'autre part, on pense que dans cette recherche
d'objectifs, autant nationaux que régionaux, la précision des
rôles de chacun est importante. Ce qu'on souligne c'est que, au niveau
régional, la clarification des responsabilités et des pouvoirs
régionaux est fondamentale. Donc, c'est sûr et certain qu'il
faudra revoir la répartition des ressources et tout le long du
processus, annuellement, on devra discuter, ensemble, avec les autorités
centrales, de ce qui est à notre disposition pour rencontrer les
objectifs.
M. Chevrette: Vous parlez maintenant de...
La Présidente (Mme Marois): Excusez-moi, M. le
député. Je pense que M. Milette voulait rajouter quelque
chose.
M. Milette (Yvon): Je pense que chaque régie
régionale connaissant son milieu, connaissant aussi ses effectifs
médicaux, connaissant aussi que dorénavant il y aura plus de
pouvoirs en régie régionale et tablant qu'il faut sensibiliser
absolument la population qui va travailler avec nous autres, les élus
municipaux ou quoi que ce soit, je pense qu'il y a une rationalisation qui est
plus probable à faire, en ce sens qu'on connaît exactement les
besoins de la région. Et quand vous pariez de ça, nous, sachant
qu'on a une enveloppe budgétaire, que ça suit automatiquement,
sachant qu'on a un pouvoir, qu'il n'y aura plus de "by-pass" qui va se faire
à Québec par les établissements qui veulent avoir un
morceau, qui veulent aller à Québec pour l'avoir, je pense
qu'à ce moment-là on peut facilement, chez nous, savoir
exactement ce dont on a besoin en ayant nos effectifs médicaux et
là dire aux gens: Vous passez par la régie régionale,
c'est de cette façon-là que ça va fonctionner, mais en
ayant le pouvoir, les ressources et la connaissance du milieu.
M. Chevrette: D'accord. Vous pariez maintenant d'une politique de
gestion de main-d'oeuvre et vous l'exigez du palier supérieur. Pourquoi
exigez-vous une gestion politique de mafn-d'oeuvre du palier supérieur
tout en réclamant la décentralisation complète au plan
régional?
La Présidente (Mme Marois): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Je pense que ça s'inscrit dans un continuum.
Je pense que le palier supérieur rend... Vous savez, c'est une question
d'approche
globale. Si au niveau supérieur on n'a pas d'approche de gestion
globale, ça ne déteindra pas sur l'ensemble des composantes du
réseau. Dans ce sens-là, ce que nous disons, c'est qu'on doit non
seulement se préoccuper, mais entrer en fonction pour se donner une
politique de gestion de la main-d'oeuvre dans l'ensemble du réseau
vis-à-vis l'ensemble des ressources.
M. Chevrette: Mais, M. Rodrigue, ne pensez-vous pas qu'au niveau
national vous devriez exiger la définition claire et précise des
capacités professionnelles de chacun des groupes, mais qu'une gestion,
une politique de main-d'oeuvre ça va au-delà même d'une
définition de tâche, ça va dans la
complémentarité sur place? Vous savez très bien, par
exemple, que l'infirmière peut poser un geste, mais qu'un auxiliaire
infirmier ou infirmière peut poser un geste aussi similaire. Par
exemple, il y a des techniciens en inhalothérapie qui peuvent être
dans les salles d'urgence et, dans certains centres hospitaliers, le lobby est
tellement fort que les infirmiers et les infirmières ont réussi
à dire: Tu ne rentreras pas dans la salle d'urgence, ça ne fera
pas notre affaire. Il y a des champs de juridiction qui sont jalousement
convoités par différentes corporations professionnelles.
A partir de là, en autant que le national a défini
clairement les fonctions, ne pensez-vous pas que ça revient au palier
régional d'établir une politique de main-d'oeuvre, de
fonctionnement et non pas exclusivement les applicateurs aveugles de
conventions collectives, comme le disait Rochon dans un de ses
préambules quant à la gestion de personnel?
La Présidente (Mme Marois): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: C'est certain que ça devra trouver des
traductions régionales, des traductions locales. L'adaptation au niveau
local et régional est importante. Sauf qu'au niveau global, au niveau
central, on pense que c'est important que ces préoccupations-là
soient existantes et qu'on s'inscrive dans le processus, parce qu'il y a
plusieurs éléments; quand on parle de gestion de la
main-d'oeuvre, on parle de la planification de la main-d'oeuvre, des besoins en
main-d'oeuvre, la planification des besoins de la main-d'oeuvre, la question de
l'organisation du travail, des questions de mobilité, qui peuvent se
situer au pian régional, mais qui peuvent se transporter au plan
national, éventuellement, aussi.
Et, dans ce sens-là, c'est pourquoi on a proposé un des
éléments - on a travaillé spécifiquement
là-dessus - qui est le développement, c'est-à-dire la
formation, le perfectionnement, etc. On pense que ce sont des
éléments qui sont tous reliés les uns les autres. Dans
cette perspective-là, les divers paliers ont des responsabilités
en termes de préoccupation et d'articulation de cette politique de
gestion. Certain qu'au niveau local ça prend une adaptation et au niveau
régional aussi.
M. Chevrette: Plusieurs de vos CRSSS en ont parlé - eh
bien, plusieurs, c'est au moins deux, sinon trois, quatre, il y a tellement eu
de groupes que vous me pardonnerez si c'est trois ou si c'est quatre - ils
voulaient la disparition des CSS. Quelle est l'idée de la
Conférence des CRSSS sur ce sujet précis?
Une voix: M. Gauthier.
La Présidente (Mme Marois): M. Gauthier, oui.
M. Gauthier: Je reprendrai ce qu'on a dit tantôt. Je pense
qu'il est fort de dire la disparition des CSS. Je pense que la position de la
Conférence sur un tel sujet, c'est à peu près ceci.
Premièrement, je pense qu'il est extrêmement important au niveau
des services à la jeunesse de faire une bonne consolidation de ces
services-là. Pour nous, ça veut dire, bien sûr, ce qui se
passe à l'heure actuelle dans le CSS, avec les responsabilités
qu'il a, mais ça va au-delà de ça au niveau des services
qu'on pourrait classer de deuxième ligne, c'est-à-dire tous les
services de centres d'accueil, de mésadaptés socio-affectifs
intégrés à cette rationalité-là
également. (11 heures)
Ça laisse, par la suite, quand on laisse le secteur jeunesse,
tous les autres services qui sont offerts par le CSS. Et, comme je disais
tantôt, il y a plusieurs hypothèses qui ont été
faites visant à intégrer ces différents services, soit aux
CLSC, soit à d'autres établissements où c'est plus proche
des services déjà livrés. Ce qu'on pense, c'est que ces
hypothèses-là, doivent être regardées très
attentivement, parce que, comme on le disait au niveau des familles d'accueil
tantôt, il y a sûrement une logique qui nous amènerait
à se dire, au niveau des familles d'accueil, au niveau des personnes
âgées, qu'il y a peut-être une façon de rapprocher
ça de ceux qui ont le coeur de la gestion des personnes
âgées dans les mains. Donc, ça voudrait dire, à ce
moment-là, qu'on pourrait imaginer situer tout le dossier des familles
d'accueil à différents endroits dans notre réseau.
Maintenant, quant aux autres services un par un, je pense qu'il faudrait les
voir, valider des hypothèses et voir s'ils restent ou s'ils partent du
CSS, dépendant des grosseurs, des masses critiques, et ainsi de
suite.
M. Chevrette: C'est une réponse avec plusieurs coups de
patin de côté. N'y a-t-il pas une structure de trop? La question
est-elle claire?
La Présidente (Mme Marois): M. Gauthier ou
M. Fortin. M. Fortin.
M. Fortin:au-delà des structures, ce qu'il est important
de regarder, ce qui compte d'abord et avant tout, c'est que les services qui
doivent être rendus soient rendus. je pense que c'est la question qu'il
faut se poser.
M. Chevrette: Ça ressemblait à ça comme
question.
M. Fortin: Alors, les services qui sont rendus, actuellement, par
le CSS, je veux dire, ils existent sur le territoire et il faut qu'ils
continuent à se donner. Maintenant, est-ce qu'au-delà de la
structure - je pense que c'est là la question - maintenant, on peut
prendre ces services-là et les transférer à d'autres
structures? C'est là votre question. Je pense qu'il y a des
hypothèses qui ont été apportées tout à
l'heure: on parle des familles d'accueil et c'est bien certain qu'on pensait
aussi aux CLSC. Bon, si on veut, on peut en nommer d'autres structures, mais,
au-delà de ça, où est-ce que la Protection de la jeunesse
pourrait aller, à ce moment-là? Alors, je pense que ce sont des
questions qu'il faut se poser. Elles ont déjà été
posées. Mais je pense que ce qui nous anime, au-delà de la
structure, c'est d'être certains que les services qui sont actuellement
donnés continuent à se donner. Il faut qu'il y ait une
continuité à ce niveau-là et c'est ce qui compte.
M. Chevrette: Mais à la Conférence des CRSSS, qui
est un agent planificateur, qui a un rôle de conseil, est-ce que vous
avez des idées très précises sur le fait que, dans la
santé et les services sociaux, les besoins sont illimités et
l'argent est très limité? Est-ce que vous avez des suggestions
à faire quant au regroupement des structures pour économiser de
l'argent, comme CRSSS?
La Présidente (Mme Marois): M. Gauthier.
M. Gauthier: Oui, effectivement, je pense que, d'ailleurs, dans
l'exercice de nos fonctions, au cours des dernières années, on a
posé des gestes très très concrets, où on a fait,
effectivement, des regroupements de tout type, qui ont été
jusqu'à des fusions volontaires - et ce sont celles qui marchent
d'ailleurs le mieux -des regroupements volontaires et des contrats de gestion
où on a fait la démonstration très clairement qu'il y a
des regroupements possibles. Notre position, en tant que Conférence de
CRSSS, c'est de dire qu'il y a encore bien des choses à faire de ce
côté-là et que, comme on le disait dans notre texte
tantôt, les établissements qui ont des services à donner en
complémentarité ça méritent d'être
regardés. Peut-être pas dans les formules qu'on a vues à
l'heure actuelle, mais on en a expérimenté, des formules, et on
pense qu'effectivement il y a beaucoup de chemin à faire pour regrouper,
ce qu'on peut appeler, des centres de décision ou des institutions,
carrément. Et on peut se poser la question: S'il y a quatre centres
d'hébergement voisins l'un de l'autre, est-ce que ça
nécessite quatre sets d'administration l'un à côté
de l'autre? Je pense qu'on répond, nous: Pas forcément, et que la
gestion du personnel, la gestion administrative, ça peut être
regroupé. Ça, ça permet de récupérer de
l'argent pour injecter des services à la clientèle. On pense
qu'il y a ça qui peut être fait. Vous dites: Y a-t-il des
stuctures de trop? Dans ce sens-là, oui, il est possible qu'il y ait des
mises en commun qui peuvent être encore faites beaucoup, pour être
en mesure de réinjecter ces sommes-là dans les services à
la clientèle, et je pense qu'on en a fait la démonstration.
Par ailleurs, quand on parie des services à la jeunesse, pour
revenir là-dessus 30 secondes, on dit: Les services à la
jeunesse, il faut faire attention pour ne pas effriter ça. Une des
préoccupations qu'on a, c'est de vouloir consolider ça. Et
ça, ça veut dire, ramasser, peut-être, dans certaines
régions, plusieurs institutions, sous un chapeau, si vous voulez. Et,
à ce moment-là, on consolide un certain nombre de choses et on
rationalise en même temps.
La Présidente (Mme Marois): M. Fortin, je crois que vous
vouliez ajouter quelque chose.
M. Fortin: C'est un élément qu'il m'apparaît
important d'ajouter. Je n'apporte rien de nouveau au débat, mais ce qui
est important, c'est, quand on parle de complémentarité, de
fusion ou d'organisation, au-delà de ça, de tenir compte des
particularités régionales, des particularités locales.
Dans l'avant-projet de loi, on parle un peu d'un genre de gestion mur à
mur, où il y aurait, là, un concept qui serait adopté pour
toute la province en termes d'organisation, en termes de fusion, en termes de
complémentarité. Ça ne nous apparaît pas, à
la Conférence, ainsi que dans tous les conseils régionaux,
souhaitable, dans le sens qu'il faille tenir compte, dès le
départ, je pense, des particularités régionales et
sous-régionales. À ce titre-là, il faudra laisser le
milieu travailler à ce niveau-là.
M. Chevrette: II reste, dans votre mémoire, la partie
interrégionale, c'est-à-dire à l'intérieur de la
région. C'est très explicite. Il peut y avoir des
particularités dans des sous-régions, d'ailleurs, qui sont
criantes, qui sautent aux yeux. Donc, merci beaucoup de votre
témoignage.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Je pense
qu'on aurait pu en discuter pendant encore une bonne heure certainement, mais
les docu-
merits restent sur le plan de la référence. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre contribution
à nos travaux.
J'inviterais maintenant les représentants et
représentantes du Conseil régional de la santé et des
services sociaux de l'Estrie à s'approcher. Je demanderais
également l'accord des membres de la commission pour que Mme Juneau
(Johnson) puisse remplacer Mme Vermette (Marie-Victorin).
Une voix: Ça va.
La Présidente (Mme Marois): Ça va. Ha, ha, ha!
Alors, j'inviterais M. Vallé, j'imagine, comme président
du Conseil et porte-parole, à se présenter de même
qu'à présenter les membres de son organisation qui
l'accompagnent
Conseil régional de la santé et des
services sociaux de l'Estrie
M. Vallé (Joceryn): Merci. Mme la Présidente. Sur
votre invitation, mon nom est Jocelyn Vallé, président du Conseil
régional de la santé et des services sociaux de l'Estrie. Je vous
présente les personnes qui composent la délégation du
conseil régional. Il s'agit, à mon extrême gauche, de M.
David Mackenzie, membre du comité administratif; de M. Bernard Lamy,
membre, également, du comité administratif, de même
qu'à ma droite de M. Jean-Pierre Duplantie, directeur
général.
En préambule, je voudrais ajouter aussi que la région de
l'Estrie est une région universitaire, comme vous le savez tous. La
Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke occupe,
dans le monde de la santé, une place qui déborde, d'ailleurs, les
frontières dans notre région. Son doyen, M. Michel Bureau, a
déjà eu l'occasion de se faire entendre avec les doyens des
facultés des autres universités. Je me permets, néammoins,
de signaler sa présence au nombre des observateurs aujourd'hui, de
même que celle du directeur général du CSS de l'Estrie, qui
sera probablement très attentif à nos échanges, M. Yves
D'Amboise.
Mme la Présidente, M. le ministre, membres de cette commission,
je désire vous remercier, bien sûr, d'abord, au nom du Conseil
régional de la santé et des services sociaux, d'accueillir le
fruit de nos réflexions et de nous permettre d'échanger avec les
membres de cette commission sur le projet de loi sur les services de
santé et les services sociaux. L'examen de l'ordre du jour de la
séance d'aujourd'hui vous aura permis de constater qu'une dizaine de
groupes, issus de milieux fort diversifiés de notre région, ont
voulu se faire entendre. Cela témoigne, on ne peut plus clairement, de
l'intérêt profond que la population de notre région porte
aux questions qui font l'objet du présent débat. On peut
certainement y voir également l'expression de la volonté de cette
même population de se responsabiliser encore davantage vis-à-vis
de sa santé et de son bien-être.
Le projet de loi, commentaires et recommandations. Vous avez
déjà reçu et vous avez pu prendre connaissance du
mémoire que le Conseil régional de l'Estrie a
rédigé en marge du projet de loi. Nous n'avons pas l'intention
d'en faire, ici, la lecture. Nous entendons plutôt, après avoir
rappelé notre appréciation globale du projet de loi,
présenter quelques commentaires additionnels sur certains des
thèmes que nous avons déjà traités.
Relativement à notre appréciation générale
du projet de loi, nous avons analysé le projet de loi en nous
référant principalement aux orientations déjà
privilégiées par notre région en 1987. Cette
année-là, en effet, au terme d'une très large consultation
menée auprès de la population en général,
auprès des gestionnaires et des membres du personnel des
établissements ainsi qu'auprès des organismes
sociocommunautaires, la région décidait: premièrement,
d'accorder une attention prioritaire à dix problématiques de
santé et de bien-être, allant de la santé mentale aux
problèmes vécus par les familles, de l'alcoolisme à la
santé cardiovasculaire en passsant par la violence faite aux femmes et
aux enfants. La région alors décidait, deuxièmement, des
stratégies auxquelles elle entendait recourir pour améliorer la
santé et le bien-être de la population, à savoir: mettre
tout d'abord l'accent sur la promotion de la santé et la
prévention; accorder un meilleur soutien aux individus, aux familles et
à la communauté; inviter enfin tous les secteurs concernés
à se regrouper sur une base sous-régionale et même locale
pour agir de concert sur l'un ou l'autre des différents facteurs
responsables de la santé et du bien-être.
Il est intéressant de constater que ces stratégies
recoupent celles que le gouvernement a mises de l'avant dans son document
"Orientations* d'avril dernier. Il est également pertinent, à ce
qu'il nous semble, de souligner que cette démarche n'a pas
été inflationniste et n'a pas donné lieu à la
présentation de ce que l'on convient d'appeler habituellement une longue
liste d'épicerie", au ministère. Elle aura permis à la
région de mettre de l'ordre dans ses priorités et elle aura
été, pour tous, l'occasion de se familiariser avec une approche
à la fois globale et beaucoup plus réaliste de la
santé.
En se référant aux orientations ainsi
privilégiées de même qu'à son expérience
vécue de la décentralisation, notre conseil régional
accueille favorablement le projet de loi à l'étude,
principalement: parce qu'il préconise l'adoption, au Québec,
d'une politique globale de santé: parce qu'il propose des formules
concrètes pour que le système soit davantage centré sur
les
personnes; et parce qu'il met de l'avant des moyens réalistes
pour mieux répondre aux besoins de la population, en permettant à
cette dernière de se responsabiliser davantage vis-à-vis de sa
santé, en associant plus étroitement les groupes
sociocommunautaires à la définition des orientations et des
services et, enfin, en favorisant la contribution de tous les secteurs qui
peuvent agir sur l'un ou l'autre des déterminants de la
santé.
Les commentaires et recommandations déjà formulés
et ceux qui suivent visent donc, essentiellement, à contribuer à
l'amélioration du projet à l'étude.
Pour une marge de manoeuvre budgétaire aux régions. Notre
premier commentaire dans ce sens, aujourd'hui, porte sur la marge de manoeuvre
budgétaire dont devraient disposer les régions. Il faut bien
reconnaître qu'en vertu du processus budgétaire actuel les
régions ne disposent d'aucun levier financier pour supporter leurs
priorités. En effet, les sommes qui sont destinées aux
régions pour fins de réallocation portent toujours
l'étiquette d'un programme précis, choisi par Québec, et
ne sauraient pour aucune considération être utilisées
à d'autres fins. Il faut, à notre sens, corriger cette lacune et
adopter un système budgétaire qui reconnaisse que, s'il
appartient au gouvernement d'établir les grandes priorités et de
leur allouer des ressources, ce même gouvernement veut aussi tenir compte
d'une certaine diversité des besoins d'un point à l'autre du
territoire et confier à une instance régionale le soin de les
identifier et d'y donner suite. C'est ici que se pose concrètement le
défi d'une approche décentralisée: savoir trouver et
maintenir l'équilibre entre une autorité centrale qui oriente
sans tout envahir, et des juridictions territoriales dotées des pouvoirs
et des moyens qui leur permettent d'assurer l'identité de leur milieu
respectif.
Pour illustrer ce propos, nous prendrons une réalité
vécue en Estrie. Dans notre région, les problèmes
d'alcoolisme et autres toxicomanies comptent parmi les problèmes
jugés prioritaires. Or, une étude produite par le
ministère révèle que, sur une base de per capita, nous
disposions pour cette problématique, en 1985-1986, de ressources
inférieures à la moyenne provinciale, soit 5,04 $ contre 6,34 $.
Notre région se classait à l'avant-dernier rang, avec un indice
pondéré de 79,4 %. Nous nous sommes dotés d'un plan
régional de services élaboré en consultation avec le
milieu et approuvé par le ministère. Nous avons également
procédé à une refonte de certains programmes et à
des réallocations budgétaires de façon à renforcer
nos services externes de réadaptation, conformément au plan
adopté. En 1987-1988, le ministère décidait d'allouer un
budget de développement de 2 600 000 $ dans ce secteur et notre
région se voyait octroyer une somme récurrente de quelque 150 000
$. Depuis lors, plus rien et nous ne savons pas quand cette
problématique comptera à nouveau parmi les priorités
provinciales. Entretemps, le ministère continuera, bon an mal an,
d'allouer des budgets de développement en rapport avec d'autres
problématiques dont certaines pourraient ne pas avoir, pour l'Estrie, le
même degré de priorité que celles de l'alcoolisme et autres
toxicomanies (11 h 15)
Nous disons donc au gouvernement: Laissez-nous, chaque année, une
petite part du budget de développement que vous vous apprêtez
à investir et permettez-nous d'affecter cette part à des
priorités qui pourraient être différentes de celles que
vous aurez choisi de viser. Cette part des régions pourrait être
établie sur la base d'un pourcentage de la masse totale affectée
au développement et le ministère pourrait demander aux
régions de justifier leur décision de l'investir dans l'un ou
l'autre programme de leur choix.
Pour une large place à la promotion de la santé. Dans
notre deuxième commentaire, nous voulons insister sur la place à
donner à la promotion de la santé. Nous avons déjà
mentionné que c'était là le premier des défis des
années futures identifié par notre région, en 1987. C'est
aussi le premier élément de la stratégie proposée
par le gouvernement dans son document d'avril 1989. En effet, nous en sommes
tous venus à l'évidence que l'organisation de services de
santé et de services sociaux ne constitue que l'un des facteurs
susceptibles d'agir sur la santé et le bien-être des individus. De
plus, compte tenu des coûts encourus reliés notamment à
l'utilisation des nouvelles technologies, il est évident que chaque
dollar investi aujourd'hui pour faire face à la maladie n'a plus le
même impact qu'hier sur l'amélioration générale de
la santé. Ne serait-ce que pour des raisons économiques, il nous
faut donc investir davantage dans les autres facteurs, soit les habitudes de
vie et les divers environnements dans lesquels nous évoluons. Or, nos
concitoyens sont intéressés à mieux connaître ce qui
peut agir positivement ou négativement sur leur santé et à
s'impliquer dans des démarches individuelles ou de groupe susceptibles
d'influencer ces facteurs. Nous en voulons pour preuve une démarche que
nous poursuivons présentement. Depuis janvier, nous avons réuni
plus de 1000 personnes, suivant deux modalités différentes:
premièrement, sur la base de chacune des sept MRC de la région,
pour dresser un bilan de l'état de santé de la population et
faire prendre conscience aux gens de ce qui peut être déterminant
pour chacun des grands problèmes identifiés; et,
deuxièmement, c'est l'autre modalité, dans quelque 75
séances de travail organisées dans autant de municipalités
différentes. Chacune de ces dernières rencontres regroupait de 10
à 20 personnes venant de divers secteurs et qui devaient identifier les
problèmes jugés prioritaires et, surtout, examiner les moyens
concrets qui
pourraient être mis en oeuvre avec la participation de ces divers
milieux pour créer des conditions plus favorables à la
santé et au bien-être. Cette démarche a soulevé
beaucoup d'intérêt et nous anticipons qu'elle aura permis
d'éveiller une conscience et une volonté d'agir que nos
personnels affectés à la promotion de la santé pourront
canaliser dans des projets concrets au cours des mois à venir.
À l'exemple des projets de villes et villages en santé qui
se développent au Québec, et notamment à Sherbrooke,
plusieurs activités de promotion bénéficieront d'une
approche locale où les acteurs des divers secteurs sont susceptibles de
mieux se connaître et pourront être tentés par des
programmes concrets qu'ils pourront définir eux-mêmes et dont ils
pourront voir les résultats.
Pour supporter cette stratégie, le gouvernement devra, à
notre sens, identifier clairement le niveau de ressources qu'il entend affecter
à la promotion de la santé au cours des prochaines années.
Nous croyons également que les centres locaux de services communautaires
devraient être impliqués tant dans l'élaboration que dans
l'actualisation de certains programmes de promotion que les régions
voudront réaliser.
Sur l'imputabilité des instances régionales. Notre
troisième commentaire a trait à l'imputabilité des
instances régionales. Dans la mesure où elles se voient confier
des pouvoirs, ces instances devront rendre des comptes. À qui et comment
devront-elles être imputables, compte tenu que le ministre devra
continuer de répondre devant l'Assemblée nationale d'un
système financé par les deniers publics?
Le projet de loi prévoit que le ministre se réserve comme
fonctions celles de fixer les politiques et les objectifs d'ensemble, d'allouer
à chaque région une part équitable des ressources
votées par l'Assemblée nationale et d'évaluer les
résultats. Il délègue essentiellement aux régions
la tâche d'élaborer des programmes propres à assurer
l'atteinte des résultats, de répartir entre les
établissements et les organismes le budget disponible en tenant compte
des rôles qui leur sont confiés et, enfin, de contrôler et
d'évaluer ie fonctionnement du système. Dans ce contexte, nous
estimons que les instances régionales devraient être imputables
à la fois au ministre et à la population en région. Au
ministre d'abord, à qui elles devront faire état de leurs
priorités et de leurs besoins et vis-à-vis de qui elles devront
s'engager à respecter les politiques ministérielles et les
limites budgétaires consenties. À la population ensuite, à
qui H appartiendra de juger des décisions prises quant au choix
d'objectifs prioritaires et quant à l'organisation des ressources sur le
territoire.
Les plans d'organisation de services que les régions devront
élaborer et soumettre a son approbation, de même que les rapports
annuels qu'elles devront lui présenter constitueront les principaux
moyens de matérialiser les liens de responsabilité entre le
ministre et les instances régionales. À noter qu'à l'heure
actuelle le ministre n'en demande pas tant à chacun des
établissements à qui il confie pourtant la gestion de budgets
souvent imposants.
L'élection des membres de leur conseil d'administration à
ces instances régionales, soit au suffrage universel, soit par un
collège électoral composé majoritairement d'élus
municipaux, représenterait le principal moyen de responsabiliser les
instances régionales vis-à-vis de la population de leur
territoire. Si le modèle du collège électoral était
retenu, l'obligation pour le conseil d'administration de lui soumettre sa liste
de priorités et son rapport annuel constituerait un lien de
responsabilité additionnel entre la population et l'instance
chargée de gérer l'organisation des services.
Sur la juridiction des instances régionales. Notre
quatrième commentaire d'aujourd'hui reprend un des points
soulevés dans notre mémoire: II s'agit du champ de juridiction
des régies. Nous avons voulu insister, en effet, sur l'importance
d'accorder aux instances régionales une juridiction sans
équivoque sur tous les établissements publics et privés
installés sur son territoire. En effet, toute décision relative
aux services dispensés par un établissement a
nécessairement des répercussions sur la population et sur les
autres établissements. Il faut donc éviter que l'un ou l'autre
d'entre eux soit soustrait à la dynamique régionale et que ses
orientations soient décidées par l'autorité centrale. Nous
sommes conscients que certains établissements ont des vocations
particulières en matière d'enseignement et de recherche, par
exemple, et que d'aucuns sont appelés à offrir des services
très spécialisés à des clientèles qui
débordent celles de leur région d'appartenance. Or, ces
mêmes établissements reçoivent aussi la clientèle de
leur région pour des services spécialisés et
ultraspécialisés. Ainsi, plus de 60 % de la clientèle de
notre principal centre hospitalier d'enseignement et de soins tertiaires
provient de la région même de l'Estrie. Il constitue donc un
chaînon de première importance dans notre système de
services de santé.
Nous devrons, par ailleurs, nous assurer que ces établissements
reçoivent le support financier requis pour le maintien et le
développement de ces types particuliers de services, sans pour autant
pénaliser le budget de leur région. Il faut donc prévoir
un lieu où l'on pourra examiner, par exemple, les besoins propres aux
facultés de médecine et auxquels il faut tenter de
répondre dans une perspective nationale, mais qui ne concorde pas
nécessairement avec les besoins prioritaires de services aux
clientèles des régions où ces facultés sont
situées.
Le développement des ressources humaines. Un dernier commentaire
sur le développement des ressources humaines. Nous avons
été déçus du
peu de place que le projet de loi accorde à cette question. Il
nous apparaît primordial que la future loi contienne des mesures propres
à supporter le développement des personnes qui auront à
contribuer à l'atteinte des objectifs que (a politique globale de
santé mettra de l'avant.
Nous recommandons que la loi fasse obligation au ministre
d'élaborer une politique de développement du personnel des
établissements et des organismes de santé et de services sociaux.
Cette politique devra prévoir la disponibilité des ressources
financières additionnelles nécessaires, entre autres, à
l'amélioration des programmes de formation et à la mise en place
d'un système de mobilité, tout particulièrement pour le
personnel cadre.
En conclusion, Mme la Présidente, je rappelle très
sommairement les principales préoccupations que nous avons voulu mettre
en évidence aujourd'hui: une marge de manoeuvre budgétaire aux
régions, une large place à la promotion de la santé, notre
perception quant aux modalités relatives à l'imputabilité
des instances régionales, la juridiction éventuelle des instances
régionales sur tous les établissements de leur territoire et la
question du développement des ressources humaines. J'ajouterai que, un
peu sur le mode de ce que les membres de la délégation de la
Conférence des CRSSS ont vécu tout à l'heure, nous avons
convenu entre nous que l'un ou l'autre d'entre nous répondrait aux
prochaines questions, suivant la nature et le niveau de l'expertise que
commanderaient ces questions. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le président.
Je crois que le député de Sherbrooke souhaiterait être
reconnu comme membre de la commission pour la séance actuelle en
remplacement de quel député, monsieur? De M. Marcil.
D'accord.
M. Hamel: De M. Marcil. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Un peu comme Mme Juneau l'a
demandé tout à l'heure. Merci de votre présentation.
J'inviterais maintenant le ministre de la Santé et des Services sociaux
à échanger avec vous.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Ce matin, je pense qu'on est en face d'une région qui
vit ou a vécu et continue de vivre une certaine décentralisation
et de prendre, dans certains cas, le taureau par les cornes sur le plan de la
définition d'une politique de santé et de bien-être,
à tout le moins, de ce que j'ai compris dans la présentation de
ce matin et de certains échanges que nous avons eus au préalable.
Si mes souvenirs sont bons, c'est quoi? Au début des années
quatre-vingt, il y a eu une expérience de décentralisation au
niveau de deux régions du Québec: la 02 et la région de
l'Estrie. Quelles sont les conclusions de cette décentralisation? Parce
que ça m'apparaît extrêmement important d'avoir votre point
de vue là-dessus, et en termes très courts, si c'est possible,
c'est quoi qu'il faut faire et c'est quoi qu'il ne faut pas faire? J'imagine
qu'on a dû commettre des erreurs et qu'on a fait des choses qu'on
n'aurait pas dû faire. Et, évidemment, ne vous gênez pas
là. Je ne vous demande pas d'épargner le ministère. Rien
de ce que vous pouvez dire ne sera retenu contre vous dans les attributions
budgétaires pour ce qu'il nous en reste... cette année!
M. Vallé: Permettez, madame...
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Vallé.
M. Vallé: Je vais avancer les premiers
éléments de réponse là-dessus. On s'attendait un
petit peu d'être interrogés là-dessus, bien sûr. Je
demanderais à M. Duplantie et aux autres membres de la
délégation d'ajouter, au besoin.
Il est vrai qu'on a vécu depuis 1978, que je sache, une
expérience un peu particulière en Estrie. Et je sais aussi que le
groupe qui va nous suivre, composé d'une ex-présidente et
d'ex-présidents du CRSSS, avait l'intention d'aborder plus
spécifiquement le point. Je ne voudrais pas brûler leurs propos.
Mais je vous dirais néanmoins que je connais la conclusion de
l'évaluation globale qu'on a faite chez nous directement. Vous aimez les
propos directs et clairs. À notre sens, il n'y a pas eu de
véritable décentralisation, en dépit de l'adoption du
décret de 1980 qui précisait les choses. Le directeur
général souhaitera sans doute nuancer ou élaborer quelque
peu là-dessus. J'ajouterai simplement qu'il y a deux des points qu'on a
mis de l'avant aujourd'hui et qui constituent, à mon sens, des
éléments de réponse et de prospectives là-dessus.
La nécessité de ce que nous appelions un "levier financier" pour
supporter des priorités régionales - c'est le sens, bien
sûr, de notre bref plaidoyer en faveur d'une marge de manoeuvre
budgétaire régionale - et l'autre élément
concernait des dispositions législatives claires quant aux juridictions
de même qu'un soutien ministériel aussi clair dans le vécu.
Ça, on n'a pas dit ça mais on pourrait peut-être, entre
nous, se le dire. Je ne sais pas si M. Duplantie aimerait ajouter.
La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie.
M. Duplantie (Jean-Pierre): J'ajouterais quelques commentaires en
partant du dernier point. Ce que je dirais comme premier élément,
c'est qu'on a besoin d'une volonté politique qui soit partagée
par le niveau des fonctionnaires. C'est, pour nous, essentiel. On a
l'impression, quant à nous dans la région, que oui il y a deux
régions qui se sont vu confier des mandats
particuliers à l'intérieur d'un décret mais ce
furent, en quelque sorte, deux exceptions avec lesquelles on a eu le sentiment
qu'on enfargeait le système. On ne s'est môme pas bien entendus
sur le sens du décret et sur le sens de la décentralisation en
soi. On comprenait quant à nous que, dans certains programmes, les
montants de développement seraient donnés à la
région. Or, en aucun moment donné, on n'a eu vraiment à
statuer sur des sommes accordées pour des programmes particuliers dans
notre région et où le conseil régional conviendrait avec
véritablement les partenaires sur la distribution de ces
sommes-là. Alors, ça, je vous dirais, c'est peut-être plus
du côté du ministère. En même temps, ça a
été ressenti par les établissements qui, eux, voyaient
là le moyen de passer à côté du conseil
régional. Dans certains secteurs, il y a eu une collaboration plus
étroite et, dans d'autres, H n'y en a pas eu, essentiellement. (11
h30)
C'est peut-être caricaturé, il y a eu une certaine
volonté de la part de certaines gens mais, je vous dirais très
clairement, le secteur de la santé n'a pas véritablement
contribué, et je pense qu'il s'est inscrit dans ce que vous avez entendu
ici, qui était la position de l'AHQ jusqu'à maintenant. En tout
cas, on en est au point où on pense que, de toute façon, le nerf
de la guerre, comme ça se dit si souvent, c'est le budget qui est
accordé à la région. Donc, on n'a jamais eu
véritablement d'emprise sur les budgets, par exemple, au niveau du
secteur de la santé, en soi. Je vous dirais que, très simplement,
sans aller dans l'ensemble des nuances, quant à nous, l'enjeu se situe
au niveau d'une véritable politique, d'une véritable
volonté qui vient du ministère, qui est supportée par le
ministère et qui fait en sorte que les gens ne passent pas à
côté pour s'adresser directement au ministère.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, ce que je comprends,
c'est que le principal handicap à une régionalisation plus
importante pourrait être éventuellement le ministère, si on
maintient toujours un lien d'appel. Parce que l'habileté des gens passe
autour, et vous l'avez vécu.
Au sujet de la marge de manoeuvre, parce que vous en faites allusion
à l'intérieur de votre proposition, j'aimerais vous entendre
davantage là-dessus, pour la simple et bonne raison que
l'Assemblée nationale - et ça, ça ne changera pas,
à tout te moins dans l'état actuel de nos connaissances - va
voter des programmes, mais il n'y aura pas possibilité, au niveau d'une
région, de transférer de programme à programme des sommes
d'argent si, par exemple, demain matin, H y avait des sommes affectées
au niveau du vieillissement pour le problème de nos personnes
âgées, ce ne sera pas transférable à la jeunesse
demain matin. Il faut bien se comprendre là-dessus. Donc, ce que je
comprends, c'est que votre marge de manoeuvre, vous la souhaitez un peu plus
globale, mais que vous-mêmes pourriez l'attribuer à l'une ou
l'autre des catégories.
La Présidente (Mme Marois): M. Vallé.
M. Vallé: Oui. Alors c'est le sens de notre propos. Nous,
ce qu'on dit... Vous nous dites qu'il y a des choses possibles et d'autres pas
possibles. Nous disons que sur le budget de développement annuel
qu'adopte le ministère, probablement à rattacher à un
certain nombre de programmes, nous proposons qu'il y ait une partie de
ça... On n'a pas avancé de chiffre, vous lavez bien vu, mais,
quand on en parle entre nous ou quand on parie à d'autres, on estime
peut-être que ça pourrait être le quart de ce budget de
développement qui pourrait être réparti dans les
régions. Donc, de cette masse totale du budget de développement,
cette partie-là pourrait être extraite et confiée aux
régions pour assurer ce que nous avons appelé des
priorités régionales qui ne concordent pas nécessairement
avec des propriétés de l'heure, au niveau provincial, et
supportées par des budgets ad hoc. Pour le reste, je vous sais plus
averti que moi de ce qui est possible ou pas possible sur le plan
législatif.
M. Côté (Charlesbourg): On me signifiait,
après information, que dans l'expérience de
décentralisation vécue vous aviez effectivement une marge de
manoeuvre. Je n'étais pas là, ça fait que je suis pas mal
détaché... Est-ce que c'est le cas?
La Présidente (Mme Marois): M. Vallé, M.
Duplantie... M. Vallé.
M. Vallé: À ma connaissance, non. Je ne sais pas si
les membres de la délégation chez nous...
M. Mackenzie (David): Que je sache, pas dans mon
expérience.
M. Côté (Charlesbourg): On va tenter de le fouiller
pour être capable de le vérifier. Parce que, s'H y en avait une,
je veux savoir qu'est-ce que c'est qui a accroché. On me dit qu'il y en
avait une dans la réallocation des ressources. Mais, si vous ne vous en
souvenez pas, ça va être difficile pour moi de m'en souvenir.
La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie, peut-être.
Oui. Vous voulez intervenir.
M. Duplantie: Peut-être un commentaire sur le fait qu'il y
a eu un programme plus particulier qui a été
décentralisé et qui était le programme qu'on a
appelé le "programme 8", chez nous, qui était associé aux
centres d'accueil de mésadapta-tlon. S'il y avait marge de manoeuvre,
c'était
marge de manoeuvre de convenir avec les établissements de
réallocations possibles entre les établissements. Il faut dire
que, oui, on a réussi à faire un certain nombre de choses, mais
ça n'a jamais été une marge de manoeuvre à partir
du fait qu'il y avait certains montants disponibles au sein de la région
comme telle et où on pouvait faire des réallocations. C'est
à peu près actuellement comme lorsque le ministère examine
ce qui se passe dans un secteur et se dit: II y a peut-être un secteur
qui est beaucoup plus riche; il faudrait déplacer des montants vers
d'autres secteurs, mais comment j'y vais et comment je fais ça avec la
bonne collaboration des gens? C'est toujours plus facile de le faire à
partir du développement que de le faire à partir de ce qui est
déjà établi et qui est historique, en quelque sorte.
Alors, je vous dirais qu'on ne l'a jamais eue en termes de
développement, on l'a eue en termes de la possibilité des budgets
historiques qui étaient là et on est arrivés, tant bien
que mal, à réenligner certaines choses, mais ce fut
véritablement la marge.
Lorsque nous vous parlons, entre autres, d'une marge de manoeuvre pour
la région, c'est que nous nous interrogeons sur la possibilité de
faire peut-être un peu comme - on en est tous conscients - ça se
fait au sein du ministère. C'est qu'à partir du moment où
des budgets sont accordés dans certains programmes, dans certains
secteurs d'activité, le ministère lui-même se garde
toujours une certaine marge de manoeuvre, après avoir alloué les
budgets en début d'année, pour ce qu'on appelle les cas
exceptionnels et autres choses. Alors, la région n'a jamais eu ce type
de disponibilité là, et, d'autre part, on souhaiterait être
capables de se retrouver possiblement dans une situation où même
la région est reconnue par le ministère comme un programme en soi
et, dans ce sens-là, avoir un montant minimal qui puisse être
accordé. On nous a donné l'exemple de l'alcoolisme-toxicomanie.
Dans les deux dernières années, on a fait de nos mains et de nos
pieds pour avoir 20 000 $ et pour faire une étude très
particulière où tout le monde, ministère, intervenants
dans la région, reconnaissait un problème particulier. Quand on
est obligés de faire démarche par-dessus démarche pour 20
000 $, ce qui est très peu significatif dans l'ensemble,
évidemment quand ils s'accumulent tous, c'est important, mais il reste
que, quand on le regarde en fonction du problème particulier, on se
disait: Ça n'a pas de sens qu'on soit dans des discussions avec des
démarches. Fort probablement qu'on les a dépensés en
énergie, ces 20 000 $ là. Est-ce qu'on ne pourrait pas, dans la
région, trouver un moyen de bénéficier d'une marge comme
celle-là?
M. Côté (Charlesbourg): Je vais continuer
d'enchaîner parce que vous avez évoqué, tout à
l'heure, un des problèmes. C'était le peu de participation du
domaine de la santé. Cette expérience-là, on pouvait
facilement passer à côté ou au-dessus. dans votre
mémoire, vous semblez plaider pour que les chu ne relèvent pas de
l'autorité régionale, de la régie régionale.
M. Duplantie: Au contraire. Au contraire.
La Présidente (Mme Marois): C'est un cri du coeur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas si clair que
ça. Vous ménagez la chèvre et le chou parce que vous
dites, à la page 10, au paragraphe: "... Il faut donc prévoir un
lieu où l'on pourra examiner, par exemple, les besoins propres aux
facultés de médecine et auxquels il faut tenter de
répondre dans une perspective nationale, mais qui ne concordent pas
nécessairement avec les besoins prioritaires de services aux
clientèles des régions où ces facultés sont
situées." je vous trouve bien polis, probablement parce qu'il y a un chu
chez vous, mais une chose est certaine, c'est: ils dépendent ou ils ne
dépendent pas. on planifie sur le plan régional ou pas. bon. je
comprends que, du point de vue universitaire, on puisse mettre les
priorités dans un ordre différent de celui du ministère de
la santé et des services sociaux. quand on dit: quatre critères
pour reconnaître un chu, on dit dispensation de services, on dit
enseignement, on dit formation et on dit évaluation des nouvelles
technologies.
Si je demande aux CHU, aux universités, bien sûr que
ça ne sera pas la dispensation de services qui va être leur
priorité; ça va être la formation, et c'est normal. Mais de
mon point de vue à moi qui paie, parce que c'est nous autres qui payons,
c'est d'abord les services. Et, si les services dispensés par les CHU ne
sont pas inclus dans la planification, on va se ramasser avec les pauvres, les
riches vont être exclus. Les riches, c'est relatif. Les riches parmi les
pauvres. Et les pauvres vont être complètement en dehors. Alors,
c'est pour ça que je m'adresse à vous, parce que ça ne me
paraît pas clair. Vous valsez un peu. J'aimerais vous entendre de
manière plus précise; effectivement cette partie-là,
ça devrait être clair.
La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie.
M. Duplantie: M. le ministre, je vais commencer une
réponse et M. Mackenzie, qui vient du secteur des centres hospitaliers
aussi, va poursuivre. J'aimerais d'abord vous dire que nous sommes tout
à fait d'accord avec vous par rapport à la place des centres
hospitaliers universitaires, quant à leur rattachement à la
région comme telle, li n'y a, pour nous, aucune
ambiguïté de ce côté-là en soi. Et notre
première préoccupation, c'est celle des services, et on le
mentionne dans le document aussi, c'est celle des priorités de services
et, dans de sens-là, même de ce qui doit être
développé au sens même d'un plan de services pour
l'ensemble de nos services de santé. Donc, quelles sont les
priorités qu'on devrait avoir, en termes de services à la
population dans notre région et même en termes de services
tertiaires en soi? Ça, on se doit d'être capables d'orienter
nous-mêmes et de prendre des décisions et d'amener l'ensemble des
hôpitaux à travaller dans le cadre d'un plan d'organisation des
services de santé dans notre région, incluant la gamme des
services de santé en soi. On reconnaît cependant que
l'université, la faculté de médecine a une mission qui est
celle de la formation, qui est celle de l'enseignement et qui est celle aussi
de la recherche. À ce titre-là, on se dit: Elle dépasse
fort probablement notre territoire. C'est une responsabilité qui a
été confiée à l'université, mais en vue de
la formation de l'ensemble des médecins pour le Québec, et on
connaît la contribution de la faculté de médecine de
l'Estrie par rapport à la formation de médecins qui vont en
région en soi. Donc, H y a des contributions particulières de la
part de chacune des facultés. Donc, il faut être capables en
même temps de s'interroger là-dessus. Et ce qu'on dit, par rapport
à cette dlmension-Jà, c'est: Trouvons un lieu pour la discuter et
faisons en sorte que, si on veut reconnaître un développement dans
un secteur particulier qui ne correspond pas aux besoins de notre
région, eh bien, le financement soit accordé, mais pas à
partir de ce qu'on a appelé l'équité
régionale...
M. Côté (Charlesbourg): Une petite
dernière.
M. Duplantie: ...mais davantage d'un budget particulier à
cette fin-là.
M. Côté (Charlesbourg): Mais on se rappellera que le
budget qui est affecté aux CHU, qui aujourd'hui est rendu à peu
près à 14 000 000 $, qui est donné par le ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science, 14 000 000 $, est un
budget qu'on est venu chercher à la Santé et aux Services sociaux
et qu'on a transféré à l'Enseignement supérieur et
qui est distribué pour cette fonction-là spécifique, au
niveau de... Oui, ça prend un forum pour être capables
d'éclaircir un certain nombre de choses. Et aussi, les CHU, dans la
rationalisation, parce qu'ils sont venus nous le dire, peuvent faire des
économies très appréciables, quant à leur
rôle qu'ils peuvent jouer. Donc, on y reviendra.
J'ai une dernière question à vous poser, parce que vous
êtes le premier organisme qui vient nous dire, de manière
très claire, que les familles d'accueil, ça devrait relever des
CLSC. Vous êtes les premiers à venir nous le dire, là, de
manière très claire. Je ne suis pas loin de penser à peu
près la même chose. Évidemment, les CSS nous donnent de
l'argumentation qu'on ne peut pas repousser du revers de la main. Ils disent:
Toute l'expertise au niveau du traitement est à l'intérieur des
CSS, au moment où on se parle. Deuxièmement: Si vous
transférez ça dans un CLSC, c'est forcément un territoire
de référence qui est beaucoup plus petit qu'un territoire de CSS.
Donc, on ne peut pas transférer ça, disent-Us, à un CLSC
parce que c'est un territoire beaucoup plus petit qui n'aura pas une vision
globale au niveau des régions. Est-ce que ce sont des problèmes
insurmontables, quant à la solution finale?
M. Duplantie: En ce qui nous concerne, on ne pense pas. D'abord,
on pense qu'il est essentiel que le noyau Protection de la jeunesse soit bien
reconnu et bien protégé au Québec. Je pense que
là-dessus même les autres provinces au pays, même au plan
international, on a reconnu l'importance de la Loi sur la protection de la
jeunesse, telle qu'on se l'est donnée, avec une concentration comme
telle. Maintenant, quand on en arrive à la question des familles
d'accueil, pour nous évidemment, ce qui est rattaché à la
jeunesse et s'incrit dans le cadre de la Protection de la jeunesse, ça
devrait rester aux CSS comme tel. De même, on partage ce qui était
dit tantôt par la Conférence des CRSSS quant à la
possibilité de regrouper l'ensemble des services dans le cadre de la
Protection de la jeunesse, qui pourraient provenir d'autres institutions,
centres d'accueil. (11 h 45)
Ce qui a trait aux familles d'accueil, plus particulièrement dans
des secteurs comme les services aux personnes âgées, comme la
santé mentale, les adultes, les personnes handicapées, on pense
même qu'il faudrait distinguer les réalités des
différentes régions. Entre nous, Montréal c'est totalement
différent de ce qui se passe dans le reste du Québec, en grande
partie. Il faudrait être capables de le regarder. Quand je regarde, moi,
ce qui se passe en Estrie, j'ai de la difficulté à comprendre
qu'on maintienne aux CSS les familles d'accueil pour personnes
âgées alors que leur bassin de population est très petit
à ce niveau-là et que, la plupart du temps, les CLSC connaissent
mieux les familles d'accueil et les ressources dans chacune des
localités qui pourraient desservir les personnes âgées
comme telles. Le bassin de la population des personnes âgées est
desservi présentement par les CLSC et par les centres d'accueil
d'hébergement, incluant la question des centres de jour. Pourquoi,
à ce moment-là, ne trouve-t-on pas le moyen? De fait, ce n'est
qu'un petit noyau qui reste aux CSS, depuis le départage qu'on a fait.
Alors, dans ce sens-là, qu'on y aille sur une base de clientèle
et qu'on rattache à l'établissement approprié qui dessert
le gros de cette clientèle-là.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Monsieur... M.
Mackenzie...
M. Vallé: M. Lamy aimerait...
La Présidente (Mme Marois): M. Lamy?
M. Vallé: Oui, M. Lamy.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Lamy (Bernard): Je pense, M. le ministre, que vous avez tout
à fait raison de soulever le problème. Moi, je vous dirais qu'il
est peut-être important de distinguer l'utilisation des ressources
intermédiaires de la gestion de cet ensemble-là. Vous êtes
bien placé pour savoir qu'au niveau de la gestion il y a une
problématique importante, présentement. L'utilisation, on est
d'avis, des ressources intermédiaires, pour faire le meilleur "fit"
entre les besoins de l'usager, de l'individu, doit effectivement être le
plus près possible de là où il va requérir les
services. Par contre, il serait peut-être nécessaire de ne pas
oublier la pertinence qu'une instance régionale puisse d'abord avoir les
pouvoirs nécessaires pour susciter tous les éléments de
planification de places et de développement auxquels tous les
partenaires auront à voir et aussi posséder le pouvoir de
contrôler; parce qu'il y a un élément de contrôle
qu'il ne faut pas perdre de vue là-dedans, tant au niveau du
développement que de la gestion des places que de l'utilisation des
budgets.
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, ça va.
La Présidente (Mme Marois): C'est terminé? Merci,
M. le ministre. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. C'est un
mémoire extrêmement intéressant que nous présente,
aujourd'hui, le CRSSS de la région de l'Estrie. Il y a un certain
rafraîchissement, à vous entendre, d'abord, parler largement de
cette nouvelle perspective que nous verrions apparaître - on verra dans
le temps - plus orientée sur la promotion de la santé, politique
de la santé et du bien-être. Encore qu'il va falloir voir comment
serait élaboré - et vous y touchez précisément dans
votre mémoire - cette politique de santé et de bien-être,
et comment elle va correspondre réellement aux problèmes, aux
situations, à l'état des populations, en particulier dans les
régions du Québec. Un bon nombre de questions se posent, suite
à ce mémoire. Je voudrais aller tout de suite en
complémentaire, en quelque sorte, sur la question du ministre. J'allais
y aller sur les familles d'accueil, des ressources dans les
établissements au niveau des services sociaux...
Écoutez, vous avez donné la réponse assez
complète au ministre sur la façon dont fonctionnerait les choses.
Mais, si je peux me permettre d'aller un petit peu plus loin, vous gardez la
portion congrue pour les CSS. Est-ce que vous êtes en train de nous dire,
très franchement, que l'intégration des ressources CSS pourrait
très . bien se réaliser à travers les CLSC et les
établissements et que, par ailleurs, il faudra trouver une espèce
de structure pour permettre à la DPJ de demeurer comme organisme
autonome au niveau régional, pour répondre à
l'administration et aux demandes du législateur là-dessus? Je me
demande un peu beaucoup, candidement, là... On sait que c'est un gros
problème parce que, lorsqu'on arrive dans la réorganisation de
n'importe quel service ou organisme gouvernemental, c'est normal que les gens
qui soient dans l'organisme concerné opposent un certain nombre de
résistances. Et peut-être que la vision est tout à fait
croche, aussi... On entendra ces gens-là cette semaine ou la semaine
prochaine, et on aura certainement de l'éclairage. Mais est-ce que,
finalement, vous nous dites: En termes de structure et de
complémentarité de services, il y a peut-être un niveau
administratif ou de ressources de trop dans le système,
actuellement?
M. Duplantie: Moi...
La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie.
M. Duplantie: en tout cas, on n'en est pas à vous dire
qu'il y a un niveau de trop. une des choses qui, pour nous autres, est
fondamentale, qu'on l'appelle css ou qu'on donne un autre nom, centre de
protection de la jeunesse, il y a une chose qui est fondamentale c'est qu'il
faut conserver les acquis qu'on a faits dans le domaine de la protection de la
jeunesse. quant aux autres programmes, et ils sont nombreux... ce n'est pas
simplement la question des familles d'accueil, et je pense que c'était
très important, tantôt, ce qui était soulevé au
niveau des familles d'accueil et à la gérance de cette
dimension-là.
Il y a les autres dimensions. Il y a le scolaire, à
Montréal. Il y a les services sociaux hospitaliers qui ne sont
absolument pas distribués de la même façon à travers
la province. À Montréal, par exemple, on a des grandes
concentrations dans certains milieux hospitaliers, alors que, dans les autres
milieux, on a parfois de très petites concentrations, pour ne pas dire
qu'on n'en a pas du tout dans certains centres hospitaliers. Et il faut
peut-être se poser la question. Ce n'est pas automatique qu'on doive tout
simplement dire: Tout ça, on peut s'en départir et le mettre dans
les CLSC. Oui, je pense qu'on devrait confier des mandats à chacune des
régions, et bien examiner comment
on peut assurer les complémentarités et la
continuité de services. Et quand je parlais, par exemple, des familles
d'accueil pour personnes âgées, tantôt, on peut voir la
continuité très facile entre le CLSC et la famille d'accueil, ou
encore les liens avec les centres de jour et les centres d'accueil. Mais dans
d'autres secteurs - qu'on pense, entre autres, aux milieux hospitaliers
à Montréal - ce n'est pas si évident qu'on peut toujours
le faire de cette façon-là. Donc, y faut être capable
d'examiner, dans chacun des milieux, les aménagements les plus
appropriés, en gardant comme perspective le bénéficiaire.
Parce que c'est pour lui qu'on... Et non pas simplement s'accrocher à
des structures, pour dire: Maintenir ou abolir telle structure, comme si on en
voulait à la structure en soi.
M. Trudel: Ce que vous nous dites, en somme, c'est: Par exemple,
une des voies, ce serait que chacune des régions, chacune des
régies puisse présenter un plan d'organisation et de
complémentarité des ressources dans ce secteur d'activité
des services sociaux, pour tenir compte des acquis en région, des acquis
du système et - pour employer ce mot-là - de la
transférabilité des acquis. En quelque sorte, si ça peut
se faire ou ne pas se faire. Et ça va m'amener là-dessus,
à la deuxième question, sur votre insistance au niveau de la
responsabilisation et de l'imputabilité des régies
régionales. Et, à partir de cet exemple-là, est-ce que
vous croyez vraiment que les arbitrages nécessaires et douloureux qui
seraient à faire, par une régie régionale, dans un plan
à présenter au ministère, au niveau de ce type de
problème... Est-ce que vous pensez, en région, qu'on est
véritablement capable, au niveau de l'imputabilité et de la
responsabilité, de procéder aussi aux arbitrages parfois
très douloureux - vous en savez quelque chose, avec quelques
expériences - au niveau des budgets, au niveau des équipements,
au niveau de la responsabilité qui, nous le souhaitons tous, sera
éventuellement confiée aux régies régionales?
M. Duplantie: Si nous avons les mandats et les moyens, nous
pensons que oui. Je pense que, dès que les établissements et les
organismes communautaires, les différents intervenants du milieu...
À toutes les fois qu'ils ont véritablement senti que le conseil
régional avait un véritable mandat appuyé par le
ministère, on a été capables de concertation. Lorsque les
établissements, les organismes communautaires et les autres intervenants
ont senti qu'ils pouvaient passer à côté, ils l'ont fait,
et avec raison. On va où est le pouvoir, on est tous pareils, et, dans
ce sens-là, c'est avec ça qu'on va travailler. On dit: Est-ce que
vous êtes prêts à nous confier les mandats et les moyens? Si
vous nous répondez oui, on vous dit, par rapport à ça. On
va les assumer, et on pense même qu'on aura la collaboration des gens,
dans la région, pour le faire.
M. Trudel: Monsieur voulait ajouter,..
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Mackenzie, vous
vouliez ajouter quelque chose?
M. Mackenzie: Pour compléter la réponse de M.
Duplantie, un des buts fondamentaux de la décentralisation est de
reconnaître, actuellement, la diversité des territoires
québécois. Et les solutions qu'on va apporter dans un endroit
donné ne seront pas nécessairement les mêmes qu'une autre
région pourrait vouloir se doter. M. Duplantie a déjà fait
allusion à la différence entre la région de
Montréal et les régions plus à l'extérieur. Je
pense que, là, on voit la nécessité d'avoir des
régies régionales avec les pouvoirs et les mandats pour qu'elles
puissent participer à un vrai processus décisionnel pour leur
région.
M. Trudel: Et est-ce que vous trouvez que la façon dont
c'est actuellement écrit, dit dans l'avant-projet de loi... Est-ce que
vous sentez que vous allez avoir des mandats clairs, au niveau de
l'administration, au niveau d'une véritable décentralisation?
Est-ce qu'actuellement, de votre point de vue, nous sommes en matière de
véritable décentralisation ou de déconcentration? On vous
passe le petit, la bassine et l'eau et on dit: Organisez-vous avez ça,
mais c'est nous autres qui décidons du quantum des ressources et de la
largeur des enveloppes. C'est quoi, là-dessus, votre vision des choses,
tel que c'est écrit actuellement? Et bien sûr, si ce n'est pas le
cas, ajoutez ce que vous voulez voir écrit.
La Présidente (Mme Marois): M. Valté.
M. Vallé: Je vous soumets, par rapport aux
écritures...
M. Trudel: Oui.
M. Vallé: ... - j'ai accroché à ces
mots-là - que dans notre mémoire - pas dans le document
d'aujourd'hui, mais dans le mémoire qui avait été
déposé à la commission, à la page 10, en tout cas,
de ce mémoire, au chapitre "Les fonctions et les pouvoirs des
régies" - on expliquait qu'il demeurait encore, à notre avis, une
certaine confusion, au niveau des écritures, dans les rôles
respectifs du ministre et des instances régionales. On soulignait
certains passages, entre autres, à l'article 289, premier alinéa,
où il était dit que "le MSSS établit des programmes et
voit à leur application par la régie..." Par ailleurs, à
l'article 240, il était écrit que la régie doit, de son
côté, "élaborer et mettre en oeuvre des programmes requis
pour répondre aux besoins de la population de la région..." Il y
avait, à notre sens, quelques
ambiguïtés à lever au niveau de ces
écritures-là. On soumettait qu'il fallait peut-être aussi
refaire les devoirs à ce niveau-là. Je ne sais pas s'il y a
quelqu'un d'autre de la délégation qui voulait ajouter...
M. Trudel: C'est fondamental, ce que vous décrivez
là. Parce que vous dites: On va pouvoir faire le travail si on a un
mandat clair. Et, en d'autres termes, vous dites: Si on ne sent pas dans le
milieu qu'on veut nous regarder pardessus l'épaule ou nous passer
par-dessus la tête pour aller direct au ministère - il faut
appeler les choses par leur nom - il est donc de prime importance que l'on
clarifie, au niveau du texte de loi, quelles sont les véritables
responsabilités que l'on confierait éventuellement à des
régies régionales.
Malheureusement le temps file très vite. Je ne peux
m'empêcher... J'avais au moins une vingtaine de questions. Mais une
question sur les organismes communautaires. Là, je me
réfère à votre mémoire, à la page 16, en ce
qui regarde les organismes communautaires et leur financement. Vous nous parlez
de possibles conflits... Justement, en parlant de regarder par-dessus
l'épaule et de passer outre, vous nous fartes ici une belle
démonstration, dans le sens qu'à l'article 233 le
ministère se réserve le droit de financer certains organismes
communautaires autres que ceux financés par la régie et pour
lesquels vous auriez peut-être dit non, vous autres, compte tenu des
choix que vous auriez à faire.
C'est le premier paragraphe de la page 16 qui m'intéresse
beaucoup. "Une véritable reconnaissance des organismes communautaires
implique nécessairement le respect de leur volonté de se
regrouper au plan régional et provincial et la possibilité de
consacrer à cette fin une part des budgets qui leur sont alloués.
La règle devrait être la même que pour les
établissements." Alors ce que vous nous dites c'est que, si ça
vaut pour l'Association des hôpitaux du Québec, le ministre doit
appliquer la même règle pour les organismes communautaires et
financer les regroupements. C'est ça?
M. Vallé: C'est ce que nous disons.
M. Trudel: Et l'Association des hôpitaux du Québec,
ça a quoi comme budget, à peu près?
M. Côté (Charlesbourg): Ou faire l'inverse.
M. Trudel: Ou faire l'inverse dans les deux cas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Vallé: Ou faire l'inverse. Ça pourrait aussi
être ça.
M. Trudel: Dans les deux cas. M. Vallé: Avec la
même règle.
M. Trudel: Si je ne me trompe pas, c'est à peu près
8 500 000 $, pour l'Association des hôpitaux du Québec?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Duplantie.
M. Duplantie: J'allais simplement dire qu'en autant qu'on veut
reconnaître véritablement les organismes communautaires comme des
partenaires on doit, à ce moment-là, tenter de leur appliquer les
mêmes règles du jeu. Et, si on va dans un sens, on devrait aller
dans le même sens pour les organismes communautaires.
M. Trudel: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Johnson, s'il vous plaît.
Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente, Est-ce que
seul le CRSSS de l'Estrie a fait cette démarche dont vous parlez
à la page 6 de votre mémoire, c'est-à-dire, rencontrer des
milliers de personnes et les intervenants du milieu pour, finalement, en
arriver à ce que vous mentionnez dans votre mémoire?
M. Duplantie: Je ne pourrais pas dire qu'on est les seuls. Je
sais que dans toutes les régions nous avons, en conformité avec
notre approche régionale, chacun des approches différentes. Mais
il est certain que l'approche qu'on a prise dans l'Estrie correspond à
cette philosophie qu'on a de participation, et d'aller véritablement
sensibiliser l'ensemble de la population sur ces problèmes de
santé et sur la contribution qu'ils peuvent y faire, les moyens à
prendre. Quant à nous, en tout cas, on est très heureux des
résultats qu'on atteint. (12 heures)
Mme Juneau: Vous avez mentionné, tout à l'heure,
que les intervenants passaient tout droit, comme mon collègue vient de
vous le mentionner dans sa dernière question... Quelles seraient, pour
vous, les balises qui feraient en sorte que le ministre pourrait intervenir
dans telle ou telle circonstance? Quelles seraient les vôtres, qu'est-ce
que vous souhaiteriez avoir comme pouvoirs de décision,
là-dessus?
La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie.
M. Duplantie: Je pense qu'on a beaucoup parlé de la
question d'imputabilité comme telle. Je pense que l'une des choses qui
est fondamentale, comme on l'a dit précédemment, c'est un mandat
clair. Et à partir du moment où on aura un mandat clair,
où on se sera entendus sur ce
dont on doit répondre au ministre, il nous appartiendra d'en
répondre sur ces dimensions-là et, sur les autres, de
répondre à la population de notre région.
Je pense que des cas litigieux, on en aura toujours. Je pense que
même le ministre, avec tous ses pouvoirs, se retrouve à tous les
jours avec des cas litigieux; dans ce sens-là, la région va aussi
se retrouver avec des cas litigieux. Je pense qu'il faudrait éviter les
situations où, parce que c'est un cas litigieux dans la région,
il faut aller en appel et il faut qu'il y ait un autre niveau. Il faut que la
région sente qu'il n'y a pas d'appel. C'est à ce moment-là
que, véritablement, les choses vont se discuter dans la région.
Autrement, on va passer à côté.
Mme Juneau: Vous avez aussi fait la démonstration
très claire que les besoins de l'Estrie ne sont pas
nécessairement les besoins que vivent les gens de Montréal, et
ainsi de suite. Comment préconiseriez-vous une certaine marge de
manoeuvre que le ministre pourrait accorder aux régions?
M. Duplantie: Comme je le disais tantôt, pour nous, ce
serait peut-être une approche de reconnaître, au-delà des
programmes, par problématique ou par type de clientèle, qu'on ait
peut-être une dimension programmes-région en soi et que, à
travers ça. on puisse reconnaître... quitte à en
répondre directement au ministre, aussi, quant à l'utilisation de
ces sommes d'argent. Je pense qu'il n'y a aucune région qui devrait
passer outre au fait d'avoir à répondre au ministre du budget
total qu'elle a reçu en soi. Et que, oui, on a proposé des formes
de contrats, des formes de plans de services, etc., avec le ministre et c'est
à travers ça qu'on devrait donc y répondre.
Mme Juneau: Merci.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. C'est
extrêmement intéressant, comme présentation. On n'a
malheureusement pas eu le temps de parler - il faut le dire, en remerciant - de
la question du suffrage universel.
La Présidente (Mme Marois): Ça, c'est un beau
débat.
M. Trudel: très important. je suis sûr que le
ministre va lire ça avec un très grand intérêt. nous
le souhaitons, du moins de ce côté-ci. merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup de votre
présentation, qui est un peu différente de ce qu'on a entendu
jusqu'à maintenant. Et c'est ça, l'intérêt de la
commission: de tenter sans cesse d'aller un petit peu plus loin sur le plan des
expériences et de tenter d'ajuster, quant à nous, le niveau
d'information. Ça me tenterait de vous dire, en finissant:
"CHU-prêt!" Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre contribution
aux travaux de la commission. J'inviterais maintenant le groupe formé de
trois anciens présidents et d'une ancienne présidente du Conseil
de la santé et des services sociaux de la région 05. C'est une
appellation un peu particulière, mais, comme c'est un organisme qui n'a
pas de reconnaissance officielle autrement, on le nomme par les composantes de
l'organisme.
Je vous souhaite la bienvenue à la commission. J'aimerais que
votre porte-parole se présente et présente les personnes qui
l'accompagnent. Je vous rappelle que nous avons une demi-heure pour passer
à travers votre mémoire. C'est-à-dire une demi-heure en
tout, ce qui veut dire environ une dizaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire et, par la suite, des
échanges, pour le temps qui reste, avec les membres de là
commission.
Un groupe d'anciens présidents du CRSSS de
l'Estrie
M. Champagne (Guy): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est
Guy Champagne. Je suis un ancien président du conseil d'administration
du CRSSS. Je suis actuellement vice-président d'un groupe de Sherbrooke,
le groupe SBCS, associé au groupe LGL pour Lalonde, Girouard, Letendre
de Montréal. À ma droite, Mme Denise Lalancette, aussi une
ex-présidente du CRSSS, qui est directrice du Département des
sciences infirmières au CHU. Et à ma gauche, M. Gérard
Tousignant, qui est directeur général de la commission scolaire
de Coaticook, et qui est aussi un ex-président du conseil
d'administration du CRSSS.
Au préalable, je voudrais mentionner, Mme la Présidente,
M. le ministre, en quelques mots, le coeur de ce présent mémoire.
En fait, c'est la question que vous avez posée et qui a
été soulevée à quelques reprises. Nous allons vous
dire principalement pourquoi nous croyons à la décentralisation
du système, et aussi vous faire part des conditions qui, selon nous,
peuvent rendre cette décentralisation profitable au
bénéficiaire des services en région, tout en la rendant
à la fois exerçable à l'intérieur de la
responsabilité qu'a le ministre de contrôler ses budgets. Et ceci,
en quatre points: premièrement, en axant le système sur les
résultats; deuxièmement, en
partageant clairement des rôles et des pouvoirs entre le niveau
provincial et le niveau des régions; troisièmement, en accordant
une certaine marge de manoeuvre régionale, et, quatrièmement, par
une instance régionale dont la constitution entraînera ou devra
entraîner un plus grand sens de responsabilités, de la part de
tout le monde, vis-à-vis les coûts et dans l'utilisation des
services.
À titre d'anciens présidents - pour revenir au
départ, pour vous lire ce mémoire... Je vais résumer en
vous disant que notre raison d'être ici, c'est parce que, compte tenu de
ces expériences passées au sein du CRSSS, nous sommes, je crois
très sensibles à la nécessité que nous avons tout
le monde de faire des choix dans la poursuite de l'amélioration de notre
système de santé et dans le maintien et l'amélioration de
notre bien-être, tout en respectant le contexte de contraintes, le
contexte de ressources limitées dans lesquels nous sommes. Alors, le
thème que nous abordons, comme je vous le mentionnais... Nos propos se
limitent en fait à la régionalisation et à la
décentralisation, qui nous sont justement présentées par
votre projet de loi comme deux grands moyens pour améliorer le
système et relever les défis déjà
mentionnés. Rapidement, nous mentionnons que la réforme de 1973,
qui a fait faire des pas énormes du côté de la
régionalisation et aussi de la participation de la population à
la définition de ses besoins, fut par contre un échec en ce qui
concerne la décentralisation. À notre point de vue, ce fut un
échec total et ceci, nous l'avons vécu en tant qu'anciens
présidents. Nous avons d'abord pu constater, entre autres, que les
mandats qui étaient confiés aux CRSSS étaient relativement
peu déterminants. En deuxième lieu, que les CRSSS n'avaient pas
ou n'ont pas encore de véritables assises dans la population. Et en
troisième lieu - c'est un peu corollaire à tout ça, ou
complémentaire - nous avons constaté - ça a
été dit et nous le disons à notre façon - que la
volonté politique, si elle a existé, a fait peu de place à
un espace régional et que cette volonté s'est montrée
hésitante et constamment battue en brèche par les fonctionnaires,
ceux qui opéraient au ministère de la Santé et des
Services sociaux et les gestionnaires des établissements.
Je résumerais en disant que les CRSSS étaient en grande
partie contrôlés par les établissements. Je ne reviendrai
pas sur la régionalisation. Je pense que tout a été dit,
répété, mis à toutes sortes de sauces et avec
toutes sortes d'assaisonnements. Nous allons aller directement au point de la
décentralisation, qui est le point qui nous préoccupe et sur
lequel nous voulions nous faire entendre.
Alors, nous sommes conscients que le gouvernement propose
essentiellement un système qui est fondé sur deux
légitimités. Premièrement, une légitimité
gouvernementale et centrale qui est fondée sur le pouvoir
attribué aux personnes que nous avons élues dans notre
régime démocratique. En deuxième lieu, une
légitimité régionale qui est fondée sur une
délégation de cette autorité que le gouvernement
décide d'effectuer au profit des populations régionales. Ainsi le
gouvernement ou le projet de loi reconnaît que la décentralisation
de certains mandats représente, sinon un prérequis, tout au moins
un moyen des plus favorables à la régionalisation. Une vraie
décentralisation implique par ailleurs que l'on délègue de
véritables pouvoirs aux régions. Et, à cet égard,
nous sommes persuadés que lavant-projet de loi représente un
progrès indéniable. Nous notons particulièrement qu'il
devra nécessairement appartenir aux régions de décider de
leurs priorités et de leur plan d'organisation de services, par le biais
d'allocation de budget qui leur permettra de disposer de leviers pour supporter
leurs décisions.
Maintenant, comment réaliser cet objectif, très louable en
soi? Plusieurs ont essayé dans les années passées, comme
vous le savez, mais ils n'ont pas réussi à décentraliser
un système qui va permettre de répondre de façon plus
adéquate aux objectifs qui lui sont fixés. D'abord,
premièrement, il nous apparaît essentiel que le système qui
sera mis en place soit davantage axé sur les résultats à
atteindre, c'est-à-dire des objectifs d'amélioration de la
santé et de bien-être, des objectifs qui seront exprimés en
termes mesurables. Nous croyons que cette option pour un système
axé davantage sur les résultats que sur les moyens devrait
être davantage présente ou explicite, si vous voulez, dans
l'ensemble du projet de loi.
La deuxième condition, qui est aussi essentielle, c'est un
partage des rôles et des pouvoirs qui ne soit pas équivoque, qui
dissiperait toute confusion, si vous voulez. On en retrouve quelques exemples.
On en a noté ici, entre autres, au niveau de l'article 289 et de
l'article 240.
En troisième lieu, aussi, la marge de manoeuvre. Vous y avez fait
allusion, tout à l'heure; les représentants des CRSSS ont
abordé ou répondu à la question à cet effet. Cela
signifie que le projet doit laisser entendre que les régies pourront
décider de la répartition des budgets qui leur sont
alloués. Il faudrait aussi, pour ce faire, que soit clairement
établi et que soit bien défini ce qu'on entend, par exemple,
à l'article 251. Là, il y a une définition à y
apporter pour qu'il n'y ait pas de confusion.
En quatrième lieu, l'instance régionale ancrée dans
la population. D'abord, nous croyons qu'il faut essentiellement que les
programmes de promotion amènent progressivement les gens à
prendre davantage conscience de tout ce qui peut influer positivement ou
négativement sur leur santé et leur bien-être. Ceci, c'est
la dimension de responsabilité ou du sens de responsabilité - on
ne sait plus quel mot inventer pour faire
un peu "choc" au niveau de la population et de ceux qui administrent les
services - mais qui est la grande condition, la condition sine qua non pour que
le système s'améliore, que les échecs qui ont
été rencontrés soient réparés et qu'on
trouve une meilleure façon d'opérer le système global de
soins de santé et des services sociaux ou de bien-être.
Nous n'en estimons pas moins qu'il faut assurer que ces mômes
citoyens doivent sanctionner les choix concernant leur santé et leur
bien-être qui sont faits au niveau régional, de la même
façon qu'ils peuvent le faire au niveau municipal, au niveau des
activités scolaires et même au niveau provincial. Naturellement,
des moyens d'ancrer cette assise dans la population, on peut en
énumérer plusieurs. Idéalement - idéalement, je dis
bien - l'élection au suffrage universel pourrait être
nécessairement... La solution pour représenter
adéquatement une population, c'est le suffrage universel. Ce
système constitue un moyen privilégié pour assurer
à la population une relation directe, visible et significative avec les
preneurs de décision, c'est évident. Toutefois, nous croyons, en
pratique, que le truchement d'un collège électoral et d'un
conseil d'administration composé en majorité de personnes
déjà élues pour fins d'administration municipale et
scolaire constitue une alternative valable.
En plus, on pourrait ajouter - parce qu'on va sûrement y revenir
au niveau des questions - que ce collège électoral ou ce conseil
d'administration devrait nécessairement rendre des comptes ou devrait
être responsable devant un groupe d'élus, une commission
parlementaire, ou... En fait, il y aurait peut-être une mécanique
à instaurer; mais il serait responsable vis-à-vis les
élus. Toutefois, nous pourrions aussi aller plus loin au niveau de cette
répartition ou de cette délimitation territoriale, en parlant de
sous-région de territoire. C'est une avenue qui pourrait être plus
développée; on pourrait y revenir.
Pour conclure, notre système de santé et de
bien-être est un système vaste et complexe. Les changements qu'on
y apporte ont toujours des répercussions multiples, tant sur ceux qu'il
veut servir que sur ceux qui en assurent le fonctionnement. C'est pourquoi on
devrait s'en tenir à des changements significatifs susceptibles de
générer des bénéfices pour la population.
Le projet de loi propose des changements que nous jugeons significatifs.
À ce titre, mentionnons l'orientation du système vers des
résultats à atteindre; une option claire en faveur d'une plus
grande responsabilisation de la population et, , pour ce faire, une
régionalisation fondée sur une réelle
délégation de pouvoirs. Les moyens proposés peuvent
être améliorés et nous nous sommes permis des suggestions
à cet effet. Nous sommes, par ailleurs, d'avis que ces moyens ne
devraient pas être diminués. Ils constituent la condition sine qua
non d'une véritable réforme. Je vous remercie. (12 h 15)
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. Champagne. M. te
ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Je suis très heureux que vous ayez pris la
liberté de venir nous sensibiliser à certains écueils
quant à la régionalisation. Je pense que c'est tout à
votre honneur, parce que vous auriez pu facilement dire: C'est une mauvaise
expérience qu'on a vécue, malgré le fait qu'on en tire
certaine formation personnelle - ou une déformation personnelle, selon
le point de vue qu'on prend. Vous auriez pu vous dire: On reste chez nous et
que d'autres se débrouillent avec les problèmes maintenant. Il
faut souligner votre courage de venir en commission parlementaire nous dire des
choses qui... ne choquent pas, car la vérité, règle
générale, si ça choque, c'est que le gars qui se choque,
il a peur de la vérité. Donc, moi ça ne me choque pas.
Évidemment, on va fouiller ensemble qu'est-ce que ça veut
dire en termes concrets sur le terrain, pour tenter d'éviter ce genre
d'erreur là. Il faut quand même dire que vous y allez... Quand
j'ai lu le résumé, j'ai dit: Woop! Il y a quelque chose là
qu'il faut fouiller davantage en commission pour éviter ce genre
d'erreur. Alors, vous parliez de volonté politique qui pourrait
être là à l'époque, au moment où il y a eu
cette décentralisation, mais qui a été battue en
brèche par les fonctionnaires, donc, du MSSS; il peut y en avoir au
central, il peut y en avoir dans les régions, il peut y en avoir un peu
partout.
J'aimerais ça qu'on puisse vous entendre davantage, parce que
vous avez ajouté, dans la présentation, tantôt, des CRSSS
contrôlés par les établissements. Ça c'est
très important. Je voudrais, si on pouvait, ensemble, fouiller cette
problématique-là pour tenter d'éviter le même genre
d'erreur.
M. Champagne: Je peux vous donner une première
réponse et je laisserai à mes collègues, après
ça, le soin d'ajouter à cette réponse, qui est
nécessairement incomplète. Personnellement, ce que je comprends,
ce que j'entends, ce que j'ai vécu, c'est que des présidents, des
gens qui viennent de l'extérieur, comme moi et d'autres, qui ne sont pas
dans le réseau, nous avons beau nous impliquer, prendre connaissance des
documents, regarder ce qui se passe, suivre les événements et
tout ça, il reste qu'il y a une mécanique, une articulation au
niveau des budgets, au niveau des programmes, ainsi de suite, qui est quand
même très - pas nécessairement compliquée - mais qui
est très assise, devrais-je dire, qui est très difficile à
mouvoir. Le profane qui se retrouve dans un conseil d'administration
vis-à-vis ces présentations qui
viennent des représentants d'hôpitaux, des
représentants d'établissements de services sociaux, etc., on est
un peu là, on écoute et on se demande ce qui nous reste comme
marge de manoeuvre une fois qu'on nous a expliqué qu'il y avait tant de
budget d'alloué pour tel type de programme et que pour, je ne sais pas
moi, pour les établissements pour les handicapés mentaux ou
autres, c'est limité à ça et on nous amène à
l'intérieur de ça, naturellement, des actions qui sont
très bien articulées à l'intérieur...
Ce que je veux dire, M. le ministre, c'est que, par la force des choses,
n'étant pas des gens élus vraiment, au sens que nous ne sommes
pas des élus municipaux ni des élus scolaires, nous sommes un peu
à la merci des directeurs ou des établissements qui ont toute une
dialectique, qui ont tout un langage, qui ont tout un "background"
vis-à-vis lesquels les gens qui ne participent qu'à des conseils
d'administration ne peuvent pas toujours réagir assez rapidement. Et
dans ce sens-là, les gens, entre eux, se tiennent au niveau... Les gens
des établissements se tiennent entre eux dans une région. C'est
normal. Une journée, on accorde telle chose pour tel budget à tel
établissement, et on sait très bien qu'au prochain conseil
d'administration c'est le tour de rôle. C'est normal, c'est comme
ça que ça fonctionne. C'est dans ce sens-là,
personnellement - là, je ne parle pas au nom des autres - que j'entends
qu'il y a un contrôle des établissements, des CRSSS par les
responsables d'établissements. Maintenant, peut-être que mes
collègues pourraient ajouter d'autres dimensions à cette
explication.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Tousignant.
M. Tousignant (Gérard): Mme la Présidente, je crois
que la réalité très concrète... D'abord, je
voudrais reprendre un commentaire que M. le ministre faisait, à savoir
que, de fait, ce n'est pas une expérience frustrante. Au contraire, si
on vient ici, c'est parce qu'on voit poindre quelque chose, disons, au bout du
tunnel. C'est que, dans le fond, par le fait d'avoir été au CRSSS
on constate qu'il y là des potentialités véritables de
faire des choses, mais qui ont été bloquées par un
ensemble de contraintes. Je pense qu'il en a été fait mention
précédemment. Personnellement, le sentiment qu'on pouvait avoir
au CRSSS, c'était le fait, justement, de ne pas avoir cette assise en se
disant: Bien, mais à qui on répond? Comme CRSSS on veut agir;
comme citoyen bénévole qui intervient là-dedans, on se
dit: Pour qui on agit? On veut agir pour notre région, mais à qui
on répond? De qui on détient la légitimité de notre
présence là-dessus? Et le seul fait d'avoir un nombre important
de personnes qui représentent des établissements sur le conseil
d'administration, comme disait M. Champagne, je pense que ça va de soi
par rapport à ça. donc ce qu'il faut rechercher, en ce qui me
concerne, c'est, justement, une assise qui va refléter un ancrage
régional par rapport à ça.
La Présidente (Mme Marois): Mme Lalan-cette, vous vouliez
intervenir aussi?
Mme Lalancette (Denise): Oui, s'il vous plaît. Je pense que
l'ordre des réflexions se fait dans l'ordre dans lequel nous avons
été président, et probablement que l'évolution
s'est faite dans ce sens-là aussi. En même temps que je peux
concorder avec ce que mes collègues ont avancé, j'ai pu aussi
être témoin de progrès qui se sont réalisés.
Au fur et à mesure qu'on est arrivé à développer
des programmes régionaux, et au moment où on vise l'attribution
de budgets par programme, et effectivement, de plus en plus, ils sont venus
dans ce sens-là, à ce moment-là cela a exigé une
concertation de diverses catégories d'établissements pour un
même programme. Et là on a eu cette concertation au niveau des
établissements, on a vu l'établissement de programmes qui
répondaient à des besoins identifiés pour les populations,
et on arrivait à créer un réseau de services plutôt
qu'un réseau d'établissements. À ce moment-là,
c'est vrai que l'expertise, le jargon peut toujours nous être servi,
surtout par les très nombreux représentants
d'établissements qui siégeaient au niveau des conseils
régionaux, mais, en même temps, moi, ça me donne beaucoup
plus de confiance, comme administratrice, au moment où je sens qu'il y a
eu une concertation dans le but d'offrir des services qui répondent
à des priorités et qui tiennent compte également de
défis et d'enjeux qu'on a identifiés dans notre région,
soit, par exemple, axer davantage sur la prévention, axer sur les
besoins dans les sous-régions. Et ce qu'on a pu découvrir en
cours de route et ce qui s'est développé, ça a
été effectivement de la concertation.
Maintenant, nos collègues de l'actuel Conseil régional
vous ont signalé l'interférence qui s'est parfois produite par
des gens du ministère, il est arrivé un incident, d'illustre
mémoire, qui s'est passé chez nous, il y a quelques
années, au moment où les établissements de la santé
étaient arrivés à se concerter pour se répartir...
Écoutez, ce n'était pas 1 000 000 $, c'était 52 000 $,
dans le domaine de la santé mentale. Ils étaient arrivés
à dire: Oui, tel établissement aura ça, tel autre... Ils
étaient arrivés à le faire. Et au moment où
l'argent est arrivé de Québec, il y avait aussi une note disant:
Vous devez le donner entièrement à tel établissement.
Ça a été la dernière fois que les
représentants de ces établissements se sont assis ensemble pour
se concerter, à ma connaissance. C'est une caricature, mais c'est une
caricature qui s'est produite.
Et si on veut assurer l'assise dans la
région, on a plein d'établissements qui ont leurs racines,
qui sont très ancrés dans la population, on a également
les organismes communautaires qui doivent faire partie de l'élaboration
de ces programmations. Et c'est de cette façon-là qu'on arrivera
à avoir la concertation des établissements, l'ancrage dans la
population et donc un conseil régional ou une régie
régionale qui pourra établir des programmations et qui sera
redevable, imputable à ces citoyens, mais qui, aussi, devra avoir une
imputabilité au niveau de ceux qui retiennent ou qui
prélèvent nos impôts et qui les répartissent par la
suite.
La Présidente (Mme Marois): Merci, madame. Ça va?
Peut-être une autre question?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, parce que ça
m'apparaît très important. Ce que vous soulevez comme
problème fondamental, c'est que des gens des établissements qui
viennent au CRSSS sont en conflit d'intérêts quant aux
décisions à prendre parce qu'ils représentent d'abord leur
établissement au lieu de représenter des
bénéficiaires. Ça, c'est une question à laquelle
s'était adressée la réforme, et vous avez vu le
tollé de protestation quant aux conseils d'administration unifiés
ou au fait qu'on voulait que le corps médical ou d'autres professionnels
ne soient pas à l'intérieur du conseil d'administration de
l'établissement où ils peuvent décider. Donc, ça me
paraît un point très important que vous soulevez; il y en a
d'autres, l'universalité... On comprend que le message qui est
passé c'est que des bénévoles pris dans le système
au niveau du CRSSS ou d'un autre établissement sont vite inondés
par les papiers et par les différents intervenants.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Champagne.
M. Champagne: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Marois): Oui. il y a madame, aussi, je
pense, qui voulait intervenir.
M. Champagne: Un point qu'on n'a pas le temps d'approfondir, mais
on considère que ce n'est pas suffisant de parler de régions. Je
pense qu'H faut aller au niveau des sous-régions...
M. Coté (Charlesbourg): Oui.
M. Champagne: ...il faut aller, si nécessaire, dans une
sous-régie, et nous croyons - je pense à notre expérience,
en Estrie - que les MRC, je tiens à le mentionner, demeurent
peut-être un modèle idéal pour ces sept sous-régies
ou régions-là: on y retrouve les ressources, les
établissements et ainsi de suite.
La Présidente (Mme Marois): Vous vouliez ajouter une
phrase?
Mme Lalancette: Je ne sais pas si j'irais, Mme la
Présidente, aussi radicalement que M. le ministre vient de le faire. Des
corps professionnels souhaitent être représentés, et je
n'isolerai pas plus les médecins que d'autres, que des gens d'autres
professions. Ce que je crois très important, c'est que les intervenants
comme des citoyens concernés par des problématiques
données soient présents au niveau des programmations, et je pense
que c'est là le pouvoir qui est peut-être le moins officiel.
Officiellement, c'est le conseil d'administration qui a le pouvoir, mais la
préparation du dossier, la programmation elle-même, doit faire
appel et aux citoyens qui ont des besoins à exprimer, qui connaissent
leurs priorités de santé, qui savent ce à quoi ils
attribuent le plus de valeur, et, également, je pense qu'on a besoin
d'intervenants qui, eux, ont des remèdes - pas en termes pharmaceutiques
- qui ont des solutions à proposer pour ces
problématiques-là. À ce moment-là, moi, je pense
que je vivrais moins de tiraillements au niveau d'un conseil d'administration,
au moment où le document qui nous arrive est le fruit dune concertation
et des besoins identifiés, et de solutions proposées par des
personnes qui ont une compétence pour en proposer et qui l'ont
échangée avec des personnes qui présentent leurs
besoins.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup. Il y a eu ici, devant cette
commission, à peu près trois catégories de
présentation: tout le monde du réseau, des corporations,
appartenant au système; deuxième catégorie, la semaine
dernière, comme on se l'est fait dire par les familles d'accueil, les
gens du "GBS", du gros bon sens; et, ce matin, l'expérience. C'est
intéressant d'avoir pris la peine de venir à la commission pour
nous noter, nous rappeler, avec l'expérience que vous avez, l'histoire
de l'évolution de ce système. Au moment où on
s'apprêterait à en modifier certains paramètres de
façon assez radicale et probablement pour longtemps, il est important
que vous puissiez nous dire ce qui marche et ce qui ne marche pas dans ce
système-là. Question bien simple: Comme président d'un
conseil, sentiez-vous que vous aviez du pouvoir? En aviez-vous du pouvoir ou si
c'était factice?
La Présidente (Mme Marois): M. Champagne.
M. Champagne: Monsieur, on a le pouvoir qui nous est
légué, habituellement, qui nous est donné. Comme
présidents du Conseil, nous étions là, d'abord, parce que
nous étions mandatés par un groupe quelconque. Nous
n'étions pas là à titre individuel. On ne se
présente pas comme ça
pour être au CRSSS. Et, à l'époque, dans mon
expérience, je travaillais avec des municipalités, un certain
nombre d'organismes, et c'était les municipalités - dans le
processus de l'époque, en tout cas; je ne sais pas si c'est encore comme
ça aujourd'hui; Mme Lalancette m'a ramené vite que j'ai
déjà 10 ans de passés -...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Champagne:... mais, il y a 10 ans, c'était comme
ça. Ha, ha, ha! Alors, à ce moment-là, en 1980, sans
être des représentants ou le porte-parole des
municipalités, j'étais quand même conscient qu'il y avait
un groupe d'élus, de gens qui avaient dit: Ce monsieur-là, on va
le déléguer. C'est lui qui va nous représenter au Conseil
des services sociaux et de la santé des Cantons-de-l'Est, de l'Estrie.
Et, à ce moment-là, les gens avaient décidé entre
eux qui serait président. Et c'est à ce titre-là... En
tant que président, je représentais un certain nombre d'autres
représentants qui étaient sur le conseil d'administration.
À ce niveau-là, oui, nous avions un certain pouvoir. Mais le
pouvoir a aussi une autre condition: il faut qu'il soit éclairé.
Il y avait peut-être un petit problème. Peut-être que je
n'étais pas, qu'on n'est peut-être pas toujours bien
éclairé ou - il faut le reconnaître - parfois, on ne prend
pas toujours la peine de lire des journées d'avance tous les documents
qui nous sont confiés même si on suit et si on prend connaissance
de nos documents. (12 h 30)
C'est dans ce sens-là que je mentionnais tout à l'heure
que, parfois, des bénévoles, des gens qui ne sont pas dans le
système peuvent avoir certaines difficultés. Et je ne parle pas
uniquement en mon nom personnel, parce que j'ai vécu d'autres conseils
d'administration dans d'autres disciplines. Les bénévoles auront
toujours un peu de difficulté à rester au même diapason et
à réagir rapidement aux arguments ou aux choses qui se passent au
niveau d'un conseil d'administration. Ça fait partie de la vie. Le
pouvoir est conditionné par ces conditions-là. On pourrait en
mentionner d'autres, mais c'en est deux importantes, je pense.
La Présidente (Mme Marois): Mme Lalancette.
Mme Lalancette: Je pense qu'on a ici une notion qui est
importante et c'est la notion de durée de mandat. Je dois dire que...
Peut-être que j'ai senti que j'avais plus de pouvoir, parce que j'ai
été... Je suis arrivée au conseil d'administration du
CRSSS, mon collègue, M. Champagne était président. J'en
suis sortie par les mesures de la loi et j'y suis revenue. Évidemment,
plus on devient familier avec les dossiers, plus on peut acquérir de
pouvoir pour contribuer à des décisions. Pour avoir eu une fois
l'occasion de prendre un vote prépondérant, je pense qu'on en a
pas mal de pouvoir cette journée-là, mais ça arrive une
fois...
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Vous trouviez que vous en
aviez trop, là, hein? Ha, ha, ha!
Mme Lalancette: C'était beaucoup, mais je pense que la
durée des mandats a un effet là-dessus. Encore une fois, je pense
que si, pendant qu'on y est, on est capable de sentir la concertation de
l'ensemble des intervenants du réseau des établissements
concernés et de la population dans la confection d'un dossier, sa
clarté... personnellement, ça me tranquillise beaucoup la
conscience par rapport à la lucidité avec laquelle je peux
participer à une prise de décision.
La Présidente (Mme Marois): M. Tousignant.
M. Tousignant: Par rapport à l'expérience de
l'Estrie, il y a des éléments, à mon sens, très
positifs, qui ont été... toute cette concertation qui s'est
développée, de multiples commissions qui ont été
mises en place et, malgré le fait qu'il n'y avait pas de pouvoir formel
comme tel, il y avait comme une préoccupation d'essayer de
développer au moins un pouvoir d'influence, d'essayer de faire, parce
qu'en Estrie le modèle était comme ça, de réussir
quand même à utiliser cette occasion-là pour susciter des
solidarités.
L'autre volet: il faut bien se dire qu'il s'agit d'un processus. On ne
peut pas demain matin changer un modèle comme ça. Je pense qu'il
faut penser en termes de processus. Le modèle de l'Estrie a le
mérite, quant à moi, d'avoir tenté des choses et d'avoir
suscité des solidarités. Ce qui fait que, peut-être, comme
ça a été souligné, l'Estrie sera en mesure
dès demain d'assumer un mandat de décentralisation et de vraiment
le conduire.
Par mandat de décentralisation, quant à moi... M. le
ministre parlait de respect intégral des programmes; moi, je soumets
que, si la décentralisation ne conduit pas, compte tenu cependant que
les objectifs seraient respectés, à une
transférabilité possible, je pense qu'on vient de limiter
beaucoup le concept de décentralisation. Il me semble qu'avec les
efforts de rationalisation des régions il pourrait se dégager des
marges de manoeuvre à l'intérieur des programmes et elles
devraient pouvoir à ce moment-là les appliquer à des
priorités régionales. Dans le fond, en d'autres termes, il
faudrait que la bonne gestion devienne payante pour une région et non
pas, comme cela s'est vécu il y a quelques années: les
établissements qui faisaient des déficits se sont vus gratifier
et bonifier parce que le gouvernement a nettoyé, a lavé les
déficits, alors qu'une région comme la nôtre, qui avait
fait des efforts inouïs de rationalisation,
n'a rien reçu, n'a pas eu de bonification à la bonne
gestion.
Je terminerais par une image. Quand on parle de décentralisation,
quant à moi, on ne parle pas de peinture à numéros. Vous
savez, ces espèces de tableaux où on dit: au no 43, c'est la
peinture jaune. Ce qu'on veut, on veut bien qu'on fasse des paysages mais,
ensuite, laissons l'ouvrier choisir sa couleur et présenter un produit
fini.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le
député.
M. Trudel: M. Tousignant, dans la vraie vie, vous êtes
directeur général d'une commission scolaire, la commission
scolaire de Coaticook.
M. Tousignant: C'est ça.
M. Trudel: Et recommandation de votre groupe dans le
mémoire: suffrage universel. On achète ça. Comment va-t-on
éviter recueil? Vous savez lequel...
M. Tousignant: Ah oui. Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...de 10 %, 15 % au niveau du suffrage universel.
C'est un principe extrêmement intéressant, mais H y a une
expérience dans un secteur qui nous amène à y
réfléchir quand on affirme cela. Comment on va éviter
cela?
M. Tousignant: Je suis très heureux que vous souleviez la
question parce qu'un des facteurs de la démotivation - en tout cas, un
point de vue personnel - c'était justement, en éducation,
peut-être, le sentiment que la population avait que, au plan politique,
il y avait peu de marge décisionnelle. Donc, l'élection,
ça ne valait pas le coup.
Les commissions scolaires, en cohérence avec cette
proWématique-là qui était identifiée, demandent...
puis là, évidemment, H y a une réponse qui se
présente que je ne commenterai pas, là, c'est qu'on s'en va vers
une volonté, à ce qu'on peut percevoir, d'une augmentation des
responsabilités. Bon, si on applique ça maintenant à la
santé et aux services sociaux, c'est vrai que ce
problème-là existe et, personnellement, je ne verrais pas une
structure de suffrage universel régionale parce que ça ne colle
pas, à mon sens, aux réalités d'appartenance.
L'appartenance, elle est d'ordre sous-régionale. Et, après avoir
réfléchi un peu là-dessus, je me dis que, si on prend une
région comme l'Estrie, il serait très possible de penser à
une structure sous-régionale où la régie - d'ailleurs,
ça éviterait ce que soulevait l'interrogation de M. le ministre,
qui craignait un pouvoir trop fort au plan régional - bon, je pense
qu'il faut un pouvoir à paliers. D'abord, il y a le pouvoir du ministre;
II y a le pouvoir régional, puis on doit prévoir aussi des
pouvoirs sous-régionaux avec, là, une réalité de
représentation, qui peut soit s'accoler aux municipalités, aux
MRC, ça, il faudrait... Je ne pense pas qu'il y ait lieu de... Dans le
fond, il faut partir d'un réseau de base et H ne faudrait pas essayer
d'en recréer un neuf qui pourrait ne pas donner les résultats
escomptés.
M. Trudel: Merci...
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le
député.
M. Trudel: Alors, merci beaucoup de votre représentation
et de cette réponse, en particulier, qui donne une bonne perspective de
ce que pourrait être, au niveau de la représentation, de ce que
cela pourrait être... et c'est malheureux qu'on ne puisse pas poser de
question à M. Champagne sur lïmputabilité à tous les
niveaux.
La Présidente (Mme Marois): Ha. ha, ha!
M. Trudel: Ici, à Québec, tous les ans, nous
faisons défiler Hydro-Québec pour ses argumentations au niveau de
ses augmentations de tarifs, tandis que, au niveau de la santé et des
services sociaux, pour 10 500 000 000 $, c'est à tous les 10 ans, 12
ans, à peu près, qu'on reçoit les gens pour voir dans le
système; là aussi, ii y aurait peut-être quelque chose a
regarder.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. Trudel: Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Bon voyage
de retour! On espère bien que, dans cette réforme-là, vous
pourrez retrouver certains éléments qui... et même
plusieurs éléments qui ont fait l'objet de vos
préoccupations. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre contribution
aux travaux de la commission. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 h
30.
(Suspension de la séance à 12 h 38)
(Reprise à 15 h 40)
La Présidente (Mme Marois): À l'ordre, s'il vous
plaît! Si les membres de la commission veulent bien prendre place autour
de la table, nous allons reprendre nos travaux.
Nous recevrons cet après-midi trois groupes: le Regroupement
provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes
victimes de violence, dans un premier temps; ensuite, le Regroupement des
maisons de jeunes du Québec
et nous terminerons à 17 h 30 par les Groupes
socio-communautaires de la région de l'Estrie.
J'inviterai donc la présidente, j'imagine, du Regroupement
à se présenter et à présenter les personnes qui
l'accompagnent. Ensuite, vous procédez à la présentation
de votre mémoire, une vingtaine de minutes, et le temps qui reste se
partage entre les deux formations politiques pour des échanges, des
discussions, des questions avec vous. D'accord?
Regroupement provincial des maisons
d'hébergement et de transition pour
femmes victimes de violence conjugale
Mme Rossignol (Lise): Oui. Je suis Lise Rossignol,
présidente du Regroupement provincial des maisons d'hébergement
et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, également
intervenante dans une maison d'hébergement à Gatineau. À
ma droite, à côté de moi, Colette Breton, une femme qui a
vécu de la violence conjugale et qui est maintenant intervenante dans
une maison de Montréal; ensuite, Lilianne Côté,
secrétaire de l'exécutif du Regroupement provincial, qui
était intervenante dans une maison d'hébergement de
Québec, et Elizabeth Harper, trésorière de
l'exécutif du Regroupement, qui est intervenante dans une maison de
Montréal.
Serait-ce possible de prendre quelques minutes, rapidement, pour que les
membres de la commission qui sont présents ici se nomment,
excepté vous, Mme la Présidente, car nous vous connaissons, mais
les autres, peut-être un peu moins, afin de pouvoir mettre un nom sur
leur visage?
La Présidente (Mme Marois): Oui, certainement. Je suis
persuadée que mes collègues n'auront aucune objection et, comme
ils sont assez grands pour faire ça eux-mêmes, ils vont le faire.
Monsieur...
M. Gautrin: Oui, Henri-François Gautrin. Je suis le
député de Verdun, madame.
Mme Loiselle: Nicole Loiselle, députée de
Saint-Henri. Bonjour.
M. Joly: Jean Joly, député de Fabre.
M. Paradis (Matapédia): Henri Paradis,
député de Matapédia.
M. Côté (Charlesbourg): Marc-Yvan Côté
(Charlesbourg).
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Bonjour. Pauline
Marois (Taillon).
M. Trudel: Rémy Trudel, député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
La Présidente (Mme Marois): Voilà. Mme
Rossignol: Merci.
La Présidente (Mme Marois): II est possible que d'autres
députés se joignent à nous parce que la commission n'est
pas actuellement complète compte tenu qu'il y a des gens à
l'Assemblée et dans d'autres commissions. D'accord?
Mme Rossignol: Parfait. Avant de débuter, je veux
simplement vous rappeler rapidement que nous avons participé aux
mémoires des groupes de femmes, ce qui signifie que nous
adhérons, entre autres, à leur définition de la
santé, au financement des regroupements par le provincial et à la
non-régionalisation des budgets des maisons d'hébergement.
Notre présentation va se faire en trois parties. D'abord, Colette
Breton vous parlera de son vécu de violence. Ensuite, je vous
présenterai en gros ce qu'est le travail en maison d'hébergement
et en quoi nous sommes différentes. Elizabeth Harper et Lilianne
Côté vous entretiendront ensuite des effets de l'avant-projet de
loi sur les maisons d'hébergement. Alors, je laisse la parole à
Colette.
Mme Breton (Colette): Effectivement, moi, j'ai vécu
pendant 23 ans la violence avec un conjoint qui n'a pas lésiné
sur les coups, tant claques, coups de poing, coups de pied, coups de "strap".
J'ai vu passer chez nous des tas d'ovnis, des espèces d'objets volants
non identifiés. Et, quelque part, vous devez vous demander pourquoi on
peut vivre ça pendant 23 ans.
Pendant 23 ans, c'est long, mais il y a eu auparavant une espèce
de processus que chez nous on appelle la victimisation. Un processus qui a fait
que je me suis ancrée, je me suis laissé ancrer dans cette
violence, je me suis laissé responsabiliser. J'ai essayé
plusieurs fois de m'en sortir et, chaque fois, j'ai été
retournée à mes devoirs.
Je suis sortie plusieurs fois. J'ai été chez ma
mère. Et ma mère, qui connaissait la peur du conjoint violent, la
peur des difficultés à la maison, parce qu'il y avait des
frères et soeurs, me retournait chez moi en me disant que c'était
mon devoir de mère de rester avec mes enfants et de maintenir la
famille. Je suis aussi allée chez un médecin, qui en a
profité pour se payer un "trip" de sadomasochisme. Je suis allée
aussi consulter un psychiatre et, pendant huit ans, on m'a appris à
faire mes devoirs de mère de famille, mes devoirs d'épouse. On
m'a appris à "céduler" mes journées, a ne rien faire qui
puisse provoquer sa violence. Je suis aussi allée consulter un
curé qui, lui aussi, m'a remis devant mes devoirs: j'étais
mariée pour le meilleur et pour le pire, et je n'avais qu'à
continuer dans le mariage.
De tous ces devoirs, j'ai appris à prévenir,
de toutes les façons, la violence qui se vivait chez nous. Alors,
j'ai tout fait. J'ai fait cuire de bons repas, à son goût. J'ai
ramassé tes jouets. J'ai appris aux enfants à éviter papa.
J'ai appris à maintenir une maison ultra-propre. Et, finalement, chaque
fois que je faisais un acte de prévention, je recevais d'autres coups,
parce que ce n'était pas suffisant et ce n'était pas son
problème de devenir agresseur parce que j'avais fait ou pas fait telle
chose. Son problème était en lui, son problème
était aussi celui de la société.
Alors, le jour où j'ai décidé de partir et
où je suis restée dehors, ça a été un jour,
après un mois de menaces, où il m'avait fait voir de quoi
j'aurais l'air pas de tête, parce qu'un coup de carabine, ça
pourrait me la faire éclater. Il m'avait fait voir des images de ce dont
j'aurais l'air, donc, des cheveux au plafond, des morceaux de crâne
collés sur les murs, des lambeaux de chair, du sang partout, et il me
disait, comme ça: Tu vas mourir comme t'as vécue, pas de
tête. Et, quand mon fils est arrivé, un matin, en me disant: On
est allé voir les carabines au Canadian Tire, hier, et papa, ce soir,
s'achète une carabine, moi, j'ai eu peur, très peur. J'ai eu peur
pour moi, j'ai eu peur pour mes enfants, parce que je le savais capable de le
faire, pour l'avoir vu utiliser une auto pour essayer d'écraser les
enfants, pour l'avoir vu utiliser des outils, tels qu'une perceuse
électrique, pour battre... Alors, quelque part, je le savais capable de
le faire et j'ai cherché un endroit où aller. Chez ma
mère, c'était bien sûr que je ne pouvais pas y aller, parce
qu'il me retrouverait là; chez les amis aussi, et je savais que je
compromettais leur sécurité si j'allais là.
Alors, le seul endroit que je connaissais, c'était le
Chaînon. Je me suis adressée au Chaînon; on m'a dit: On ne
te prend pas avec les enfants. On m'a référé la Maison du
réconfort à Verdun et je suis allée là avec mes
enfants. Je suis allée vivre avec d'autres femmes victimes de violence
et j'ai trouvé ça très enrichissant de savoir que je
n'étais pas la seule au monde, que je n'étais pas la seule
coupable, honteuse, peureuse. J'ai reçu accueil, hébergement,
accompagnement, information. J'ai reçu de l'écoute et j'ai aussi
trouvé là, pour la première fois de ma vie, des
renseignements sur mes droits. On m'avait maintenue pendant toute ma vie dans
mes devoirs et, là, on allait me mettre devant mes droits. Et, oui,
comme toutes les autres femmes victimes de violence, j'ai le droit de vivre,
j'ai le droit à mes opinions, j'ai le droit d'être, j'ai le droit
de ne pas être battue, j'ai le droit d'être respectée. Et,
quelque part aussi, aujourd'hui, j'ai l'impression que je viens juste
revendiquer mes droits à moi et les droits de toutes les femmes victimes
de violence. Merci.
Mme Rossignol: O.K. On est ici pour parler de lavant-projet de
loi. Pour nous, cet l'avant- projet de loi a été pondu pour
améliorer les services du réseau des affaires sociales, afin que
ceux-ci soient plus efficaces et mieux centrés sur les besoins des
individus. C'est bien possible, après toutes ces auditions et
après certaines corrections que vous allez apporter, que le projet de
loi puisse atteindre des objectifs positifs dans le cas des CLSC
hôpitaux, CSS, etc. Mais dans le cas des maisons d'hébergement,
elles se retrouvent un peu embarquées dans le bateau, parce que je ne
pense pas qu'on ait pondu l'avant-projet de loi pour elles. Les maisons
d'hébergement ont été embarquées en cours de route.
Certains aspects de cet avant-projet vont handicaper l'originalité et
l'efficacité de notre approche comme maisons d'hébergement. Ceci
parce que nous, nous ne fonctionnons pas par programmes, parce que nous sommes
déjà centrés sur les besoins de l'individu, et parce que
nous avons déjà une préoccupation de prévention et
de sensibilisation. Autrement dit, nous abordons déjà le
problème d'une manière globale et nous aidons les femmes dans la
globalité de ce qu'elles sont. C'est une simple question
d'efficacité pour nous.
Les maisons d'hébergement ne sont pas nées d'une
politique, d'une refonte ou d'une réforme ou de quelque autre chose.
Elles sont nées des besoins des femmes. Les services qu'on y trouve, la
forme de ces services, aide, hébergement pour femmes et enfants, suivi,
sensibilisation, ont été voulus par les femmes. Personne n'a
décidé pour elles ce dont elles avaient besoin. Depuis 12 ans,
notre service est resté collé aux besoins de chaque femme,
puisque, pour nous, c'est la raison de notre existence. C'est quelque chose
qu'on n'a vraiment pas perdu de vue. C'est pourquoi nous avons un service de 24
heures, 7 jours, un service d'urgence. Et, pourtant, c'est un service difficile
à maintenir, parce qu'un besoin d'aide, ça n'attend pas au lundi
matin, à 9 heures et parce qu'on travaille dans une problématique
qui peut conduire à des tragédies. Une femme sur deux
assassinée au Québec l'est par son conjoint.
C'est pourquoi nous avons adopté une approche globale. Nous ne
travaillons pas avec un seul des aspects de la femme. Nous travaillons avec
l'ensemble des facteurs qui la concernent. Nous ne sommes ni
spécialisées ni sectorisées. Nous travaillons avec
dévictimisation, sa relation avec ses enfants, sa relation avec son
partenaire, avec les autres personnes. Nous l'accompagnons pour aller chercher
ses effets personnels, dans ses démarches juridiques,
financières, matérielles, etc. Nous offrons un suivi ayant la
forme et la longueur dont elle a besoin. Nous favorisons l'entraide entre les
femmes et nous sensibilisons le public à la problématique.
Autrement dit, nous n'avons pas un service avec programmes où les
femmes victimes de violence doivent absolument trouver ce dont elles ont
besoin. En somme, une femme victime de violence peut obtenir, chez nous,
l'ensemble des
services dont elle a besoin ou l'accompagnement et le soutien pour
d'autres services plus spécialisés qui sont à
l'extérieur, par exemple pour des services juridiques.
Elle trouve donc, dans une maison d'hébergement, des
intervenantes qui l'aident dans toutes les décisions qu'elle prend et
d'autres femmes victimes de violence conjugale qui l'aident tout autant. Elle
trouve aussi un service qui n'a pas oublié la raison de son existence,
qui est: les femmes victimes de violence conjugale et l'amélioration de
la condition des femmes. C'est ce en quoi, pour nous, les maisons
d'hébergement sont différentes des institutions du
réseau.
Mme Côté (Lilianne): Je vais continuer en parlant du
partenariat. Dans le document d'orientations du ministère, la
reconnaissance des organismes communautaires passe par la volonté de
collaborer avec les autres partenaires du domaine de la santé et des
services sociaux; on fait même de la collaboration une condition de
financement. C'est ce qu'on appelle le partenariat.
L'avant-projet de loi reprend cet énoncé à
l'article 3, mais de façon plus générale, en ne faisant
pas du partenariat, fort heureusement, une condition de financement pour les
organismes communautaires. La nécessaire collaboration et la
concertation entre les différents intervenants du réseau et les
organismes communautaires sont énoncées à l'article 244 de
l'avant-projet de loi. Le Regroupement provincial des maisons
d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale est d'accord en
théorie avec l'idée du partenariat, permettant ainsi une
meilleure compréhension des rôles de chacun des différents
dispensateurs de services.
Concrètement, comment le tout s'articule pour nous? Je pense
qu'à l'heure actuelle le partenariat, ce n'est pas juste au niveau de la
mise en application de cette loi que les maisons d'hébergement et les
différents intervenants vont le vivre. Déjà il est
inséré dans le milieu; déjà les différents
organismes communautaires et les différents intervenants vivent avec le
partenariat. Je vais essayer de démontrer un petit peu comment, pour
nous les maisons d'hébergement, se concrétise le partenariat.
La régie régionale aura le mandat d'assurer la
coordination et la concertation des différents intervenants. Elle devra
allouer les budgets, favoriser la concertation et la collaboration des
ressources pour tenir compte de la complémentarité
établissements organismes communautaires et éviter ainsi le
dédoublement dans les services. Ceci n'est pas sans nous rappeler la
politique d'aide aux femmes violentées de 1985 du ministère de la
Santé et des Services sociaux.
Comment le MSSS a-t-il élaboré, défini les
rôles complémentaires des différents intervenants par
rapport à cette problématique? Les maisons d'hébergement
travaillaient depuis déjà dix ans à la reconnaissance de
la problématique de la violence conjugale pour pallier à
l'inexistence des ressources institutionnelles qui n'avaient jamais
identifié ni reconnu cette problématique comme prioritaire. Elles
voulaient ainsi se faire reconnaître comme milieu
privilégié d'intervention auprès des femmes
violentées. La politique d'aide a défini les rôles de
chacun des divers intervenants auprès des femmes violentées.
Ainsi, au lieu d'accorder un véritable financement, une véritable
reconnaissance aux maisons d'hébergement pour leur permettre de
consolider l'ensemble des services, on a développé dans le
réseau des ressources pour intervenir auprès des femmes
violentées. Et ainsi aujourd'hui, les maisons d'hébergement se
retrouvent financées à peu près à 50 % de leurs
besoins réels pour tenter d'offrir tous les services. Qui est devenu le
complément de qui? Qui a dédoublé les services de qui?
Nous croyons avoir raison de nous méfier du partenariat.
Quelques autres exemples pour illustrer comment se vit le partenariat
sur le terrain, disons de façon plus actualisée en 1990. Dans la
région 03, rive sud, le comité tripartite en santé mentale
a formé un sous-comité sur la violence conjugale pour
élaborer un document: "État de la situation sur la violence
conjugale comme facteur de risque." Le comité se composait
d'intervenants du réseau et d'organismes communautaires, mais les
maisons d'hébergement n'avaient pas été invitées.
La maison d'hébergement a dû demander à participer au
comité lors de la quatrième rencontre. On l'a admise au
comité, mais, lorsqu'elle a formulé des recommandations, le
comité n'a pas tenu compte de ses recommandations. C'est un autre
exemple du partenariat pour les organismes communautaires.
Un dernier exemple qui est encore plus éloquent. Dans la
région de Montréal, une entente de services a été
conclue entre les policiers de la Communauté urbaine de Montréal
et cinq CLSC. Les policiers, lorsqu'ils interviennent dans une situation de
crise en violence conjugale, font signer un document à la femme à
l'effet qu'elle consent à ce qu'un intervenant social la contacte dans
les 48 heures. Les maisons d'hébergement de la région de
Montréal ont signifié leur désaccord face à ce
projet, parce qu'il est en contradiction avec l'intervention
développée en matière de violence conjugale. En effet, la
femme qui porte plainte vit une situation de crise et doit pouvoir en discuter
rapidement. Les policiers auraient avantage à l'informer sur les
ressources telles que SOS violence conjugale ou à la
référer dans des maisons d'hébergement, plutôt que
de tenter d'inscrire le réseau à l'intérieur de ce
travail-là. On sait que les femmes hébergées, les femmes
qui réclament, qui sont en situation de crise, ont besoin qu'on
intervienne immédiatement. Ce n'est pas dans les 48 heures qu'elles ont
besoin qu'on intervienne auprès d'elles, c'est quand elles
vivent la situation de crise.
L'autonomie et la complémentarité des organismes
communautaires. Le document d'orientations énonçait que les
organismes communautaires définissent eux-mêmes leurs
orientations, leurs politiques et leur approche. Cette définition n'est
pas reprise dans l'avant-projet de loi. Est-ce un oubli? Ceci nous
préoccupe particulièrement quand on sait que nos approches, nos
modes d'intervention sont différents de ceux du réseau, comme je
viens de le démontrer et comme l'a illustré Use, tout à
l'heure.
Un dernier exemple pour illustrer cela davantage. La notion de
clientèle est différente pour nous et pour le réseau des
CLSC. Pour nous, quand on travaille avec une femme violentée, la
clientèle cible, c'est toutes les femmes qui sont susceptibles de vivre
la violence conjugale. Il n'y a pas de population à risque, il n'y a pas
de population cible, tandis que, pour le réseau, on établit, on
définit des populations cibles, des populations à risque. Pour
nous, ça contrevient complètement à la façon dont
on perçoit la violence conjugale.
Il y a aussi l'atteinte des objectifs. Pour le réseau, pour les
CLSC, ce qu'on appelle les indicateurs de performance, ça va être
que la femme continue à jouer son rôle de mère et son
rôle d'épouse, tandis que, pour nous, ça va être
beaucoup plus une question de conscientisation au problème de violence
conjugale qu'elle vit.
Pour terminer, je voulais illustrer par des exemples, effectivement, ce
que nous autres, on entend par partenariat. Les maisons d'hébergement
sont d'accord en théorie, mais, quand on voit dans la pratique ce qui
arrive, ce qui se passe, on est très sceptiques et on craint beaucoup
par rapport au partenariat. (16 heures)
Mme Harper (Elizabeth): Moi, je veux vous parler de trois aspects
qui, nous le trouvons, touchent aux maisons d'hébergement et aux femmes
victimes de violence conjugale et, s'il reste du temps, je veux vous parier
aussi du principe de la gratuité et de l'accessibilité qui est
dans l'avant-projet de loi. Premièrement, je vais vous parier du
principe de la confidentialité qui est aux articles 15 et 16 dans
lavant-projet de loi. Après ça, je vais parier des
règlements municipaux à l'article 202. Après ça, je
vais parier de la réglementation des activités de certains
organismes communautaires, à l'article 230.
L'article 15 de l'avant-projet de loi parie de la confidentialité
du dossier d'un bénéficiaire qui reçoit des services dans
un établissement. Les bénéficiaires qui reçoivent
des services dans les établissements ont une garantie de
confidentialité, sauf que ce même article ne s'applique pas aux
personnes qui reçoivent des services des organismes communautaires, par
exemple aux femmes victimes de violence conjugale qui viennent chez nous.
Certains groupes communau- taires comme nous les maisons d'hébergement
ont un règlement qui garantit aux femmes cette protection, mais nous
trouvons que la protection de la confidentialité doit être
inscrite dans le projet de loi pour tout le monde. Si quelqu'un veut s'adresser
à un organisme communautaire ou si quelqu'un veut s'adresser à un
établissement, cette personne dort avoir la protection de la
confidentialité. Aussi ce principe de confidentialité est
très important dans un contexte de partenariat où H peut y avoir
cinq intervenants en train de faire des interventions auprès d'une
personne, par exemple, s'il y a cinq services sociaux qui interviennent
auprès d'une femme victime de violence conjugale. Dans ce
sens-là, le principe de la confidentialité est très
important et il doit être très encadré.
Il y a aussi l'article 16 qui touche à la confidentialité.
Et c'est le troisième alinéa de cet article qui peut priver un
bénéficiaire du droit d'être informé de l'existence
ou du contenu des informations nominatives inscrites à son dossier,
alors que cette information peut avoir été apportée par
une autre personne. Pour nous autres, ça veut dire que le dossier d'une
femme victime de violence conjugale pourrait fort bien contenir des
informations provenant de son agresseur, sans même qu'elle en soit
avisée. Nous avons déjà témoigné sur le
terrain - nous travaillons avec des femmes victimes de violence conjugale - que
souvent le mari va apporter de fausses informations ou porter des accusations
contre sa conjointe dans une situation de séparation. Les conjoints
violents vont faire ça comme un moyen de reprendre le contrôle de
la situation, pour reprendre le contrôle de leur conjointe. Une femme qui
est dans cette situation va en vivre les conséquences, compte tenu que
des intervenants dans le réseau vont intervenir auprès de cette
femme avec cette information qui est déjà dans son dossier. Nous
demandons que l'article 16 soit écrit de manière à rendre
irrecevable tout renseignement provenant d'un conjoint violent concernant les
victimes et que les femmes soient informées de l'existence et du contenu
de tout renseignement ou information qui est dans leur dossier et
informées aussi de qui a apporté cette information à leur
dossier.
Ensuite, je veux parier de l'article 202 qui concerne les
règlements municipaux. Cet article favorise une implantation des
ressources intermédiaires en stipulant une exception
générale aux règlements municipaux en matière
d'habitation et de zonage. Nous demandons que cette modification à cet
article inclue aussi les ressources communautaires. Nous sommes en train de
vivre et on a toujours vécu des problèmes; quand on veut mettre
une maison d'hébergement sur pied ou quand une maison veut
déménager, souvent on va rencontrer des résistances
à cause des règlements de zonage. On veut aussi que les maisons
d'hébergement des organismes communautaires soient exemptées des
règlements de
zonage. ensuite, je veux parler de l'article 230, qui impose un
critère supplémentaire aux organismes communautaires qui
hébergent des personnes. cet article 230 nous touche directement, parce
que cet article veut que les maisons d'hébergement respectent une
moyenne de séjour. pour nous autres, c'est une réglementation et
un exemple montrant comment le projet de loi met en danger l'autonomie des
organismes communautaires. les durées de séjour en maison
d'hébergement pour les femmes sont faites, compte tenu des besoins des
femmes. il y a des femmes qui ont besoin de rester en maison
d'hébergement quatre semaines, il y a des femmes qui ont besoin de
rester en maison d'hébergement six semaines. c'est selon leurs besoins
à elles. nous autres, comme maisons d'hébergement, nous trouvons
que ce pouvoir de décider des normes de séjour en maison
d'hébergement doit nous rester à nous autres, parce qu'on
travaille auprès des femmes, on travaille proche et on travaille selon
leurs besoins.
Un dernier mot. Il y a l'article 158 qui touche la gratuité des
services pour les personnes qui ont besoin de services accessoires et qui donne
aux établissements le droit de faire payer les usagers pour ces services
accessoires, pour des activités accessoires. Nous autres, on voit
ça comme une porte ouverte pour que les personnes soient
obligées, à un moment donné, de payer des frais pour avoir
des services. On trouve que ça laisse une porte ouverte. Et c'est quoi,
la définition d'une activité accessoire? Si on commence à
avoir un système où il y a des gens qui paient et des gens qui ne
paient pas, ça veut dire qu'on va avoir deux systèmes de
santé et de services sociaux.
Une autre chose qui nous touche, c'est un peu le principe de
l'accessibilité. Je ne sais pas si vous le savez, mais au Québec,
on est en train de refuser une femme sur deux qui a besoin d'avoir des services
en maison d'hébergement. Ça veut dire qu'à
Montréal, par exemple, on est en train de refuser 162 femmes par maison
et pour la région de Québec, c'est à peu près 48.
Quand on parle du principe de l'accessibilité, on trouve que le
gouvernement a un rôle à jouer, de consolider les ressources
existantes et d'accréditer d'autres ressources pour que toutes les
femmes à travers la province de Québec aient accès
à des services de bonne qualité donnés dans les maisons
d'hébergement. Merci.
La Présidente (Mme Marois): merci. j'imagine que cela fait
le tour de la présentation que vous vouliez nous faire. m. le ministre
de la santé et des services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Vous abordez des thèmes dans votre mémoire qui
sont au centre de l'action que vous menez et qui font appel au partenariat.
Évidem- ment, vous l'avez présenté tantôt, mais
j'avais retrouvé: partenariat, oui. Je pense que le mémoire nous
dit oui. Le Regroupement souscrit au mode d'organisation de services de base
retenu dans l'avant-projet de loi. Il considère même que le
partenariat est une stratégie-clé. Toutefois, il
déplore... Je pense que c'est davantage ça qu'il faut creuser
à ce moment-ci: comment est-ce que ça peut se faire, ce
partenariat-là? Évidemment, le ministère peut avoir une
vision différente de vous autres et, vous autres, une vision
différente de celle du ministère. Je pense que c'est
peut-être tout à fait normal dans les circonstances. Ça
n'élimine pas qu'on puisse se comprendre dans notre
complémentarité et dans notre partenariat. Tentons de faire
l'effort de faire ce cheminement-là et je pense que ça tracerait
une bonne partie de la voie pour les décisions qu'on va prendre.
On dit: Toutefois, il déplore que le partenariat résulte
davantage d'une stratégie imposée d'en haut que d'une relation de
confiance. Alors, évidemment, en haut, il n'y en a pas bien bien. En
haut, c'est le ministère et ce n'est pas le ministère dans les
régions. On n'aime pas cette excuse-là et on ne veut même
pas la considérer. Alors, j'aimerais qu'on élabore davantage
là-dessus, parce que, effectivement, dans les objectifs qu'il y avait
dans le document d'orientations, il y avait des choses qu'on ne retrouvait pas
de manière aussi claire dans le libellé du projet de loi quant
aux organismes communautaires, quant à leur autonomie de se
définir, de choisir les champs d'action dans lesquels ils veulent
oeuvrer et ça, ça m'apparaît extrêmement important.
Je l'ai dit: On va le clarifier au niveau du projet de loi qui va venir, de
manière très claire pour ce que ce soit conforme au document
d'orientations.
Mais, ce serait quoi, pour vous, le partenariat? Est-ce que ça va
se limiter à dire au ministère: Vous payez 50 % de ce que vous
devriez payer ou vous financez 50 % des besoins? Il vous faut donc aller encore
plus avant avec de l'argent, parce que c'est toujours une question d'argent au
bout de la ligne. Est-ce que c'est ça? Le partenariat au niveau du
ministère, est-ce que ça signifie, demain matin, qu'on double la
mise et qu'en doublant la mise il y a une bonne chance de répondre aux
besoins un petit peu partout à travers le Québec ou si ça
peut aller plus loin que ça, en termes de partenariat qui ne soit pas
imposé d'en haut?
La Présidente (Mme Marois): Mme Rossignol, Mme
Côté, qui veut répondre? Mme Breton ou... Mme
Côté?
Mme Côté: Je peux tenter de répondre un petit
peu, là. D'après l'exemple que je donnais tout à l'heure,
quand je parlais de la politique de 1985 du ministère de la Santé
et des Services sociaux sur la façon d'intervenir auprès des
femmes violentées, nous là-dedans, on s'est
questionnées au niveau de la complémentarité et du
partenariat dans le sens suivant. Si on regarde le mémoire, le document
d'orientation, on a créé dans le réseau des lieux pour
intervenir auprès des femmes violentées. Je pense qu'il y avait
déjà dans les organismes communautaires, dont nous sommes, des
lieux où on intervenait auprès des femmes violentées et on
était les lieux privilégiés pour ça. Rappelons-nous
que c'est nous autres, les maisons d'hébergement, qui avons mis la
problématique sur la place publique.
À ce moment-là, nous, nos questions, c'est: Quand on a
créé cette politique-là, pourquoi on n'a pas tenté
de consolider le réseau des maisons d'hébergement et de faire en
sorte qu'elles soient mieux financées? Pour les maisons
d'hébergement, là, on a eu un plan triennal en 1987, si je me le
rappelle bien; là, bon, on a ce plan triennal qui achève et qui
finit; et les maisons d'hébergement se retrouvent avec environ entre 175
000 $ et 200 000 $ actuellement pour assurer l'ensemble des services. À
l'heure actuelle, au moment où l'on se parie, il y a à peu
près, la moitié des maisons d'hébergement, qui font partie
du Regroupement, qui vont avoir un déficit de fin d'année. On
essaie d'assurer l'ensemble des services avec le minimum. Donc, effectivement,
ce n'est pas juste une question d'argent, parce que je pense que les maisons
d'hébergement, ce qu'elles demandent, c'est d'être
financées, parce que je pense que ça coûte pas mal moins
cher aussi au réseau que ce soient les maisons d'hébergement qui
assurent les services plutôt que ce soit le réseau qui les donne.
Nous autres, on ne donne pas du service aux femmes de 9 heures à 5
heures, avec une qui fait l'accueil et la femme va voir l'intervenante une
semaine ou deux semaines après. Nous autres, on accueille la femme au
moment où elle en a besoin, quand elle est en situation de crise et
quand elle a besoin qu'on intervienne auprès d'elle. Moi, je ne pense
pas que ce soit juste une question d'argent, mais je pense qu'il y a une
question d'argent pour nous autres aussi, parce que je pense que le
réseau des maisons d'hébergement n'est pas consolidé,
actuellement, pour permettre aux maisons d'offrir l'ensemble des services. Il y
a des services qu'on est obligé d'offrir moins, parce qu'on n'a pas les
personnes nécessaires dans les maisons pour assurer ces services. Mais
c'est effectivement vrai que ce n'est pas juste une question d'argent. Nous
autres, on a besoin d'être consolidées, par exemple. On ne pense
pas que le partenariat, ce soit que le réseau donne les services
d'intervention, parce que ce qui est ressorti de la politique de 1985, c'est
que l'intervention devait être dans le réseau et que nous autres,
on assure l'hébergement.
Nous, les maisons d'hébergement, on pense qu'on est capables de
donner l'ensemble du service, et l'hébergement et l'intervention et le
suivi, l'ensemble, tout ce qu'on appelle l'approche globale, ce que Use nous a
expliqué tout à l'heure.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça...
Est-ce qu'y y avait un complément de réponse?
Mme Rossignol: Je voulais peut-être ajouter certains
exemples qui touchent plus au réalisme de ce partenariat. Je vous en
donne un très précis. J'ai une de mes amies qui travaille au
maintien à domicile dans un CLSC. Elle a, sur sa liste de cas, le nom
d'un homme qui est handicapé. L'objectif de son programme et l'objectif
de cette personne-là, c'est de faire en sorte que cet homme-là
soit maintenu à domicile. La femme qui fait partie de ce
couple-là et qui est dans la même maison n'est pas sur sa liste de
cas. Elle peut être soutenue, afin que le programme de maintien soit
réussi. Moi, je reçois un téléphone de cette
femme-là, qui est victime de violence conjugale. Comme c'est l'une de
mes amies, là, je peux intervenir de façon différente.
Elle et moi, nous ne serons pas partenaires dans ce dossier-là, parce
que nous n'avons pas le même objectif et qu'il est
irréconciliable. Tout ce que j'ai pu lui dire - et je pense que je l'ai
convaincue, elle était d'accord - c'est: Moi, je vais faire ceci, je
vais travailler de telle manière. Je ne te demande qu'une chose: Ne me
nuis pas; essaie d'oublier un peu les objectifs de ton programme. Mais nous ne
sommes pas partenaires, parce que les programmes - et c'est ce qui arrive
fréquemment - du réseau sont sectorisés,
spécialisés. Leurs objectifs ne peuvent pas aller avec les
objectifs des maisons d'hébergement. (16 h 15)
On a exactement la même difficulté - je ne me lancerai pas
dans 50 exemples - lorsqu'on a à travailler avec une personne de la
protection de la jeunesse dont l'objectif n° 1 est de protéger
l'enfant au détriment de la mère, s'il le faut. Mais son objectif
est de protéger l'enfant, comme en maintien à domicile,
l'objectif est de laisser monsieur à domicile même s'y bat sa
femme. Il y a de l'irréconciliable dans tout ça.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça
intéressant et je veux continuer dans cette veine-là, parce que
ce n'est pas tous les jours qu'on peut échanger à ce
niveau-là. Je suis un de ceux qui pensent que le communautaire est
là pour demeurer; il doit demeurer et on doit continuer à
l'encourager, ne pas l'étouffer, lui donner l'oxygène pour
être capable de vivre et lui donner aussi la plus grande autonomie
possible quant à la définition de son action. Je l'ai
expliqué dans d'autres circonstances, il y a l'autre autonomie aussi.
Devant cette première autonomie des groupes communautaires, H y a celle
du gouvernement de financer ou de ne pas financer.
Vous avez raison et vous l'avez dit tantôt:
Assez souvent, le communautaire est avant le ministère sur le
plan de l'action au niveau du champ face aux problèmes. Je pense que,
finalement, c'est admis par à peu près tout le monde qui passe
ici et il faut continuer à encourager ça. Évidemment, vous
êtes dans un domaine très spécifique et vous avez raison de
dire que, si ça se produit à 2 heures de la nuit, on ne peut pas
attendre que le CLSC ouvre à 8 heures ou à 9 heures, le lendemain
matin. C'est une opération qui doit être une porte ouverte et,
pour ça, entrer dans les normes, ce n'est pas toujours facile.
Mais quand on parle de partenariat, si vous trouvez que le
ministère est trop exigeant - parce que ça semble être le
cas - et qu'il faut laisser l'autonomie, ça prend un minimum venant du
ministère, parce que, au bout de la ligne, l'imputabilité sur le
plan financier, c'est le ministre qui va en répondre demain en
commission parlementaire. Vous l'avez dit, tantôt, on parle de montants
de 60 000 $, 130 000 $, 175 000 $. Malgré le fait que ça ne
comble pas tous les besoins, ça commence à être quand
même des montants substantiels, probablement pas pour ceux qui
travaillent dans le champ, parce que, s'il y en avait plus, vous pourriez
peut-être en faire davantage. Mais ce sont quand même, sur le plan
de l'imputabilité, des sommes qui commencent à être assez
importantes. Il y a, d'après moi, une nécessaire
complémentarité ou un partenariat à avoir avec le
réseau et ce n'est pas vrai qu'on peut trancher, d'après moi, au
couteau en disant: L'institutionnel, au niveau du ministère, il n'a pas
affaire là "pantoute". C'est uniquement le communautaire qui pourrait
régler ces problèmes-là. Je pense que vous pouvez en faire
beaucoup, pas mal plus que ce que le ministère, par son réseau,
pourrait faire. Mais il me semble qu'il doit y avoir, quelque part, une
complémentarité. Si ça dépend de nous, on va
prendre nos responsabilités, on va se rasseoir à la table et on
va tenter de définir jusqu'où on peut aller. Ça me
paraît très très important de le faire. Mais ce n'est pas
vrai qu'on peut dire, demain matin: Le ministère, sortez de là et
nous autres, on va tout faire. Évidemment, quand vous intervenez
auprès de quelqu'un qui a des problèmes, qui est en
difficulté et qui se rend chez vous, c'est que les gestes ont
été posés et on est en situation où la personne a
besoin de trouver un refuge. Ça, c'est une partie. L'autre partie, elle,
c'est la prévention. Est-ce que, à ce niveau-là, il y a
des choses qui se font, chez vous? Comment cela se fait-il et quelle est la
partie de vos efforts qui porte sur l'éducation ou la
prévention?
Mme Rossignol: Du côté prévention, chaque
maison d'hébergement répond habituellement à des groupes
qui demandent de recevoir de l'information sur la violence conjugale. Donc, ,
c'est une partie plus de sensibilisation, je dirais.
Certaines maisons, qui ont décidé d'investir plus
d'énergie dans ça, peuvent aller jusqu'à stimuler
elles-mêmes les rencontres. En petite ou en plus grande partie, toutes
les maisons font ça. Il y a aussi quelques maisons qui, grâce
à des subventions extérieures, une en particulier, ont mis sur
pied un programme de prévention en milieu scolaire qui est assez
extraordinaire, qui dure même jusqu'à deux ans. Ce n'est pas que
ce n'est pas présent comme préoccupation, c'est très
présent dans les maisons, mais c'est vraiment souvent le bout du budget
qui se met à servir à ça parce qu'il y a comme 200 femmes
qui attendent à la porte pour recevoir un service. On a tendance
à répondre plus à ces demandes-là qui sont proches
proches. Mais c'est une grande préoccupation et je pense que ce serait
immédiatement en plus grande quantité dans le programme de toutes
les maisons, s'il y avait plus de budget.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'il y a des
régions qui travaillent beaucoup plus facilement sur le plan de la
complémentarité avec le réseau que d'autres ou si les
problèmes qu'on retrouve, ce sont des problèmes du même
type que ceux qu'on retrouve dans à peu près toutes les
régions, sur le plan de la collaboration avec le réseau?
Ultimement, j'imagine qu'il doit y avoir des liens à tisser avec le
réseau pour d'autres sortes d'interventions ou en
complémentarité. Est-ce que ça existe, ce lien-là
ou si ça n'existe pas du tout? Tantôt, on a dit que ça
vient d'en haut. En haut, ça, c'est le ministère, puis le
ministère, lui, a fait un programme et il a dit: Vous êtes dedans,
vous n'êtes pas dedans, on vous donne tant, et c'est
réglementé tout ça. Au-delà de tout ça, dans
l'action?
Mme Rossignol: Tout dépend de ce qu'on appelle
complémentarité. Écoutez, je vous ai parlé, tout
à l'heure, de notre approche globale. Pour nous, travailler avec les
femmes victimes de violence conjugale, c'est l'approche globale. Ça veut
dire que cette femme-là va m'appeler, en 1986, parce qu'elle n'est pas
décidée à se faire héberger, je vais l'aider; elle
va m'appeler à toutes les deux semaines. Deux années
après, elle va se faire héberger, elle va retourner
peut-être en psychiatrie, ' parce qu'elle a eu une crise
d'insécurité, elle va revenir en maison d'hébergement;
ça peut être deux ans, trois ans, quatre ans de travail. Mais tous
les services doivent se donner en maison d'hébergement, que ce soit
l'aide, l'hébergement, le suivi, etc. Et nous allons l'aider pour tout
ce qui la concerne, O.K.? Ça fait que, si la
complémentarité, c'est qu'on va faire l'accueil au CLSC, ensuite,
on va nous l'envoyer pour hébergement, après ça, on va
faire le suivi au CSS, tout ça entre en contradiction profonde avec
l'approche à laquelle on croit. Souvent, la
complémentarité est décrite de cette
façon-là et c'est là que ça ne marche plus.
M. Côté (Charlesbourg): Oui mais, en tout cas, je
fais un bon bout avec votre orientation de fond. Je ne vais pas jusqu'au bout,
mais peut-être qu'un jour j'irai. C'est peut-être parce que je ne
comprends pas et c'est bien possible. J'ai toujours eu de la difficulté
à passer mes examens au niveau scolaire; c'est avec le temps que je
finissais par comprendre, mais je finis par comprendre pareil. Dans ce cas-ci,
j'ai de la difficulté à croire qu'on ne puisse pas, à
l'occasion, faire affaire avec des ressources du milieu institutionnel, plus
pointues sur le plan des services, et que vous teniez mordicus a ce que
l'ensemble des services requis pour la situation pour laquelle vous en avez
besoin soit effectivement donné par les maisons d'hébergement.
J'ai de la difficulté à aller jusqu'au bout de votre
raisonnement, à tout le moins, de le partager, parce que je pense
qu'à l'intérieur du réseau H y a des ressources qui sont
là ou, dans le cas contraire, on ferait de la duplication de
ressources.
On peut utiliser des ressources à l'intérieur du
réseau qui peuvent être, je pense, tout aussi valables que ce que
vous pouvez offrir et vice versa. Mais à partir du moment où
elles existent dans le réseau, pourquoi en créer d'autres? Je ne
sais pas, mais moi, je me pose cette question-là, à ce moment-ci.
Évidemment, on ne réglera pas ça en commission
parlementaire, parce qu'on n'aura pas le temps. On prendra le temps de se
revoir, parce qu'il y a des choses en cours, pour être capable de
comprendre un petit peu plus, d'aller plus loin sur le plan de l'échange
à ce niveau-là. Et je vous le dis tout de suite, c'est dans ce
sens-là qu'on va aller et qu'on va s'interroger quand on va se voir.
Je vais finir par une petite question. Mme la Présidente
m'indique que j'ai fini. Comme vous êtes un regroupement, dans le projet
de loi, il était question qu'on ne finance plus directement au niveau
central les regroupements. C'est un questionnement qui a évolué
en cours de commission parlementaire, parce qu'on fait ça depuis le 23
janvier, et V semble y avoir un recentrage, une certaine acceptation de
l'obligation de réserver de l'argent pour le financement des
regroupements. Dites-moi donc pourquoi on devrait financer, sur le plan
provincial, votre regroupement. Qu'est-ce qu'il apporte par rapport à
une maison d'hébergement et qu'est-ce que donnerait de plus à une
maison d'hébergement l'argent qu'on pourrait donner au Regroupement? Je
vous donne la chance de nous faire valoir qu'effectivement il faut financer le
Regroupement.
La Présidente (Mme Marois): Mme Rossignol ou Mme
Côté? Mme Rossignol.
Mme Rossignol: Moi, je commence par répondre par une
question qui ressemble à votre réflexion de tantôt. Je ne
comprends pas pour- quoi vous tenez absolument à ce que ce soit les
maisons qui donnent l'argent au Regroupement, alors que l'adhésion au
Regroupement est volontaire de la part des maisons, qu'elles mettent souvent
une année, deux ans à réfléchir avant de
décider d'y adhérer, qu'on a même des chartes
d'intervention, des principes très clairs. Une maison qui y
adhère sait pourquoi elle vient au Regroupement. Elle le fait de
façon très volontaire et elle cotise déjà au
Regroupement. Si c'est cette preuve-là que vous voulez aller chercher,
elle est là. Parce que c'est juste une subvention indirecte que vous
proposez. C'est ça que vous dites. Alors je ne vois par pourquoi vous ne
la donnez pas directement.
Deuxièmement, ce Regroupement-là, c'est quelque chose qui
vous est bien utile. Demandez à vos fonctionnaires du bureau des
organismes bénévoles comme ça a été fin de
pouvoir régler le RAPC avec le Regroupement provincial des maisons
d'hébergement, comme ça a été 50 fois plus vite,
parce que toutes les données leur sont arrivées dans le temps
d'un éclair. On a été bien pratique. Et il y a beaucoup
d'autres exemples qu'on pourrait vous suggérer comme ceux-là. Si
vous voulez avoir, le pouls sur le terrain, du côté de la violence
conjugale, vous pouvez l'avoir très rapidement grâce au
Regroupement. Et je finis par ceci: moi, je me...
M. Côté (Charlesbourg): Juste pour être un
petit peu plus pointu. Dites-moi pas les bénéfices que moi, je
peux en tirer comme ministre, mais dites-moi donc les bénéfices
que peuvent en tirer la maison d'hébergement dans le champ, et la
bénéficiaire. C'est davantage ça qui
m'intéresse.
Mme Rossignol: O.K. Je pense que vous nous compliquez la vie
là-dedans et je vais encore une fois vous retourner la question. Si tous
les fonctionnaires de l'édifice, ici, demain, une fois par année,
devaient se rendre de l'autre côté de la rue pour donner leur part
de fonds de pension, je pense que la plupart des fonctionnaires de cet
édifice seraient des pensionnés très pauvres. Alors, si
c'est ça votre intention, ça risque d'avoir des effets comme
ça aussi. Je ne comprends pas pourquoi...
M. Côté (Charlesbourg): Ne me prêtez pas
d'intention; tout ce que je veux, c'est vous passer le crachoir et je dis:
Dites-moi pourquoi on devrait continuer de financer des regroupements, parce
que, effectivement, H doit y en avoir qui ont leur utilité. Vous m'avez
donné des avantages pour le ministère vis-à-vis de votre
Regroupement.
Mme Rossignol: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Et je pense que, oui, c'est
vrai, vous avez raison. C'est bien plus facile pour nous autres de
négocier avec un
regroupement que de négocier avec 78 maisons, c'est clair. Mais
ça, c'est un avantage que le ministère a et ça ne fait pas
mal aux bénéficiaires. Mais les regroupements pour les maisons
d'hébergement dans le champ, la, elles? Vous me dites qu'elles cotisent.
Effectivement, il y a des avantages pour elles. Elles le voient
elles-mêmes. C'est ça, moi, qui m'intéresse. Les avantages
du ministère, là, ça a de l'intérêt pour moi,
mais je veux davantage que ça retourne dans le champ.
Mme Rossignol: Je pense qu'il y a un avantage énorme
aussi, du côté de la qualité des services. C'est une grande
préoccupation de notre Regroupement. Il y a beaucoup de services qui
sont offerts par le Regroupement aux maisons et qui sont centrés sur
cette préoccupation-là. Alors, toutes ces choses-là ont
des rebondissements sur la qualité des services, de l'intervention, donc
sur les femmes victimes de violence conjugales qui reçoivent les
services.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui, Mme
Côté, vous voulez ajouter quelque chose? Allez.
Mme Côté: Juste un petit quelque chose pour donner
un exemple concret à M. le ministre. L'année dernière,
pendant toute l'année 1989, pour toutes les maisons
d'hébergement, on s'est donné une charte d'intervention, une
façon d'intervenir dans les maisons d'hébergement qui va
être assez uniforme pour l'ensemble de la province, pour l'ensemble des
46 maisons. Je pense que ça été initié par le
Regroupement et c'est grâce au Regroupement provincial si les maisons
d'hébergement peuvent se donner des outils de travail comme ça.
C'est une vision de la problématique, une façon d'intervenir,
cette charte qui a été adoptée l'année
dernière. Il y a aussi tous les services au niveau de la formation qu'on
donne aux intervenantes dans les maisons d'hébergement. À l'heure
actuelle, il y a à peu près cinq ou six formations de base qui
ont été montées et qui sont données à toutes
les intervenantes dans les maisons d'hébergement. C'est le Regroupement
qui a monté ces formations-là à l'aide des travailleuses
des maisons qui interviennent dans la problématique.
M. Côté (Charlesbourg): Très bonnes
raisons.
Mme Côté: Ce sont de bonnes maisons!
La Présidente (Mme Marois): Merci, madame. Je pense que
ça vient éclairer, effectivement, un peu les questions qui ont
été soulevées.
M. le député de Rouyn-Noranda-Témls-camingue, s'il
vous plaît.
M. Trudel: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous
remercie aussi de cette présenta- tion, y compris du témoignage
de madame, parce qu'on entend, je pense, souvent ou à beaucoup
d'occasions, de tels témoignages dans nos bureaux de comté, mais
la porte fermée. Il faut souligner le courage que vous avez de venir
nous dire en public ce qu'est la véritable situation de quelqu'un qui
est trappe dans cette situation et je pense que ça peut contribuer
également à faire réfléchir le législateur
sur un certain nombre de situations dramatiques. Ce que vous défendez
ardemment comme partenaires à votre façon, avec votre approche,
dans le réseau, c'est un élément essentiel au
système.
Le ministre dit qu'il a parfois quelques hésitations, qu'il
réussit toujours à finir par écrire ses examens, à
les réussir, qu'il finit par se rendre au bout du raisonnement et
à accepter. On pense même, nous, de ce côté-ci, que,
sur une autre dimension, il va même se rendre jusqu'à la
souveraineté, voyez-vous. Alors, il peut progresser là-dessus.
(16 h 30)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Chariesbourg):Et c'est l'autonomie. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Et il a même fait sa déclaration par
rapport aux CLSC, que maintenant, il ne peut pas nous dire s'il les aime
déjà, mais, au moins, il ne les hait plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Alors, c'est déjà un pas de franchi et
c'est important qu'on ait cette information.
M. Côté (Charlesbourg): J'avais des raisons que vous
n'aviez pas pour moins les aimer.
M. Trudel: II y a des aspects extrêmement
intéressants dans votre mémoire, par exemple, sur la
régionalisation des activités du ministère de la
Santé et des Services sociaux. Ce matin, nous avions des
représentants de CRSSS, d'anciens présidents et une
ex-présidente de CRSSS qui sont venus nous dire: Vous savez, la
régionalisation, la responsabilisation, ça peut exister en
région et on est capables de mieux administrer le système.
Cependant, II faut qu'on ait toutes les responsabilités. Si, par rapport
à l'un ou l'autre des volets de l'action de service que nous devons
mener dans le milieu, on peut passer par-dessus nous et on peut faire appel -
et moi, je pense que vous avez raison - à celui qui va déterminer
les règles du jeu, c'est-à-dire, le ministère, ça
ne peut pas fonctionner. Est-ce qu'au niveau du mouvement communautaire, au
niveau de votre action, ça vous apparaît quasiment
irréconciliable de fonctionner à partir d'une véritable
régionalisation dans le contexte de votre naissance, de
votre évolution, de vos besoins, de votre approche? Est-ce que
ça vous apparaît irréconciliable de fonctionner avec une
véritable régionalisation?
La Présidente (Mme Marois): Mme Côté.
Mme Côté: Quand les groupes de femmes sont venus
l'autre jour en commission parlementaire - notre mémoire rejoint celui
des groupes de femmes, puis on a appuyé ce mémoire-là - on
a clairement dit, effectivement, que la régionalisation, on n'en voulait
pas parce que, effectivement, nous autres, on ne sera pas capables de
fonctionner là-dedans, de fonctionner de façon régionale.
Je regarde par rapport au Regroupement provincial. Historiquement, le
Regroupement est né en 1979. Il s'est créé à partir
des besoins des maisons, à la base, ce qui fait que ce
Regroupement-là est né parce qu'il y avait des besoins
provinciaux au niveau des maisons. Là, c'est comme si on faisait le
processus inverse de revenir en région. Nous autres, on commence
à se sentir de plus en plus fortes provincialement et, là, on
nous demande de revenir au niveau des régions. C'est comme si on nous
demandait de faire fi de toute la lutte et de la place qu'on a tenté de
se donner pour être de plus en plus fortes.
Puis, si on commence à revenir au niveau régional, on a
peur aussi, car, môme si on a des enveloppes budgétaires,
là, qui va avoir quoi? Combien d'argent va aller dans chacune des
maisons d'hébergement? Et puis, il y a ce danger aussi. À l'heure
actuelle, toutes les maisons sont financées avec les mêmes sommes
d'argent, en fontion du nombre d'années d'ouverture, d'existence. Si on
revient à la régionalisation, ce dont on a peur aussi, c'est que
les maisons, à un moment donné, ne seront pas financées
toutes de la même façon ce qui serait, pour nous, revenir en
arrière. C'est comme de refaire ce qui a été, pour nous
autres, difficile à acquérir. Je pense que la
régionalisation, pour nous autres, c'est comme quelque chose qui vient
contrecarrer toute la lutte qu'on a menée.
M. Trudel: C'est pour ça que vous... Je m'excuse, oui?
Une voix: Ça va?
M. Trudel: C'est pour ça que vous réclamez, dans
votre résumé, à la page 5, cet accès direct au
ministère de la Santé et des Services sociaux. Est-ce que c'est
juste de dire, très brièvement: Notre situation est parfois
tellement difficile et notre lutte a été tellement difficile que
nous, il nous faut agir de façon regroupée, au Québec,
pour s'assurer qu'on ne soit pas dispersées un peu partout? Et on va
s'assurer d'une norme vraiment minimale pour donner des services auxquels les
femmes ont droit, au Québec. C'est ça, la véritable
situation qui explique pourquoi vous voulez fonctionner avec le pouvoir
central?
Mme Côté: Parce que localement - je veux dire, il y
a régionalement, puis il y a localement - les maisons existent chacune
dans des circonscriptions souvent loin les unes des autres. Puis, les maisons
sont prises, sur le terrain, de façon concrète, là,
à toujours éteindre des feux. Il y a à peu près 5,5
intervenantes à temps plein dans une maison d'hébergement, qui
doivent assurer le service 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Ce n'est
pas beaucoup. Je ne sais pas comment vous pouvez vous imaginer qu'on puisse
réaliser un tour de force comme ça, là. Ça veut
dire que le reste est assuré de façon bénévole.
Ça veut dire que les travailleuses qui sont là de façon
plus quotidienne et qui connaissent davantage la structure et l'organisation de
la maison travaillent tout le temps pour éteindre les feux et pour
assurer la survie de la maison.
Donc, c'est pour ça que le Regroupement est important. C'est pour
mener la lutte plus politique, pour avoir quelqu'un qui est, finalement, le
porte-parole pour les maisons d'hébergement. Parce que les maisons
d'hébergement le font un peu localement, mais elles n'ont pas le temps
de le mener provincialement et, si on a une régionalisation, pour nous
autres, ça veut aussi dire tout l'isolement des maisons. C'est ça
que ça veut dire aussi, concrètement, dans le quotidien, à
chaque jour. Les travailleuses travaillent l'une après l'autre sur des
"chiffres." Elles ne se voient à peu près pas. Elles n'ont
à peu près pas de liens entre elles, sauf quand elles ont des
réunions. Parce que tenir le service comme ça, c'est la seule
façon de pouvoir faire en sorte qu'il y ait toujours quelqu'un dans la
maison et qu'il y ait un continuum tout le temps, tout le temps. C'est
ça qui est difficile à imaginer, je pense, qu'avec moins de 200
000 $, on puisse faire rouler une boîte qui assure des services 24 heures
par jour, 7 jours par semaine et qui doit être présente sur la
place publique aussi.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Harper.
Mme Harper: Nous avons déjà vécu des
régionalisations, à un moment donné, dans certains
dossiers. Je prends, par exemple, les per diem. À un moment
donné, dans une région, une maison allouait 5 $ par femme et
enfant; dans une autre région, c'était 10 $. Dans une
région, c'était ce type de bureaucratie et, dans une autre
région, c'était un autre type de bureaucratie. C'était en
1982, ou à peu près, jusqu'en 1985. Ça, c'est un exemple
de la régionalisation, O.K.? Il y a une inquiétude que, selon les
régions, les maisons d'hébergement puissent être
traitées différemment au niveau des subventions, au niveau de ce
qui se passe dans les régions; ça peut être une
priorité dans une région et pas
une priorité dans l'autre région. Les besoins des femmes
victimes de violence conjugale sont les mêmes dans n'importe quelle
région, où qu'elles soient, et qu'elles ont le droit d'avoir la
même qualité de services et les mêmes services à
travers cette province. C'est une de nos préoccupations, soit d'avoir la
même qualité de services pour les femmes.
M. Trudel: Ce que vous nous dites, c'est: On veut tellement
rendre les services sur le terrain et on a si peu de ressources que, oui, un
regroupement est nécessaire pour occuper la scène, entre
guillemets là - on sait bien ce qu'on veut dire - politique de la lutte
et pour que les personnes sur le terrain puissent rendre les services aux
femmes qui en ont besoin.
Pour quelqu'un qui vit en région, je dois vous dire que je
comprends très bien ce que vous dites là. Essayons d'imaginer -
je sais que c'est loin, là - une région comme le
Témiscamingue. Il y a à peu près 40 paroisses et là
aussi, il y en a des problèmes de violence conjugale, de violence faite
aux femmes dans ces petits milieux. Je vous dis une affaire: J'aime autant les
voir à Laverlochère, à Béarn, à Ville-Marie,
que de les voir se promener à Québec pour faire des
réclamations. Et je dois dire bien honnêtement que, sur ce
raisonnement que vous faites aujourd'hui, quant à moi, en tout cas, ce
sont les femmes du Témiscamingue qui m'ont convaincu de cette
façon de faire les choses et de la nécessité de financer
le Regroupement quant à la cause qui doit être
supportée.
Je voudrais aussi parler un peu, par ailleurs, de l'évaluation.
On vous consacre, le ministre le disait tantôt, quand même une
bonne somme d'argent; et le ministre est imputable devant l'Assemblée
nationale, en fin de course, de ces sommes d'argent. Comment voyez-vous
ça, l'évaluation? Parce qu'à travers le principe de
l'autonomie, de la liberté, du respect de l'approche, ça cause
tout un problème quand tu te mets à fonctionner en
système. Vous devez avoir regardé ça. Comment, par quelle
poignée doit-on procéder pour l'évaluation du travail
réalisé? Par exemple, est-ce qu'il y a une possibilité de
s'entendre sur une grille? Comment voyez-vous ça, l'évaluation du
travail que vous réalisez sur le terrain?
La Présidente (Mme Marois): Mme Rossignol, oui.
Mme Rossignol: La meilleure évaluation que vous pouvez
avoir, c'est celle des femmes qui demandent nos services. La meilleure
évaluation que vous pouvez avoir, c'est notre chiffre de l'an dernier.
Les maisons d'hébergement, les 46, ont répondu à 100 000
demandes d'aide provenant des femmes victimes de violence conjugale. La
majorité de nos références sont du bouche à
oreille. Ça veut dire qu'une personne a dit à une autre: Appelle
là, c'est bon et cette personne-là a appelé. C'est la
masse de demandes qui est adressée à nos maisons qui est la
meilleure évaluation.
Maintenant, pour ce qui est de concrétiser un peu plus ce qui
arrive au ministère comme paperasse, je vous rappelle qu'on remplit
quand même une assez longue demande de subvention chaque année,
où on décrit en long et en large tous les services qu'on donne.
La plupart des maisons y ajoutent des chiffres entre les lignes, parce qu'on a
encore autre chose à vous dire. Donc, on vous en donne plus que vous en
voulez. A chaque année, on publie un document qui s'appelle
"Derrière les chiffres", document assez épais quand même,
qui décrit tous les services qui ont été donnés
dans les maisons d'hébergement du Québec. Je pense qu'on vous en
donne un bon bout.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que ça va? Une
dernière question, s'il vous plaît.
M. Trudel: Êtes-vous rassurées sur le maintien du
caractère public, gratuit et universel du régime de santé
et de services sociaux au Québec? Êtes-vous rassurées? Vous
avez passé tout ça, on termine les travaux de la commission.
Êtes-vous fermement rassurées, vous autres, qu'on ne s'en va pas,
qu'on n'a pas glissé et qu'on ne glissera pas vers une certaine
privatisation?
La Présidente (Mme Marois): Mme Rossignol.
Mme Rossignol: C'est une analyse que je n'ai peut-être pas
farte. J'ai lu dans les journaux qu'on parlait de ticket modérateur. Je
sais aussi qu'en maintien à domicile on essaie de privatiser une partie
des services. Elizabeth en a parlé un peu, tout à l'heure.
Effectivement...
M. Chevrette: Juste la dernière partie, où avez
vous lu ça?
Mme Rossignol: Le ticket modérateur?
M. Chevrette: Services à domicile. C'est juste services
à domicile qui a cliqué dans mon...
Mme Rossignol: Ah, services à domicile. Simplement parce
que j'ai des camarades qui travaillent dans ce domaine.
M. Chevrette: Et qui vous ont dit qu'on s'en allait, que
ça glissait vers la privatisation?
Mme Rossignol: On a tendance, effectivement, en tout cas, par
toutes sortes de biais, à privatiser une partie des services sociaux. On
n'augmente pas les équipes d'auxiliaires familiales. On cherche du
côté privé. Oui, c'est ce que j'ai vu. Mon analyse à
moi, là-dessus, ça ne va
pas, à moins que...
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Harper.
Mme Harper. Moi, je pense qu'on n'est pas "pantoute" convaincues
que c'est quelque chose qui est vraiment là. Il y a aussi un article
dans l'avant projet de loi, je ne me souviens pas duquel, qui dit qu'un
établissement à but lucratif peut donner des services. Ça,
c'est une autre porte ouverte pour qu'il y ait des frais pour les usagers. Et,
mardi passé, H y a Daniel Johnson qui a parlé de la
possibilité de mettre en place, à un moment donné, des
frais pour les usagers. Ça nous inquiète qu'à un moment
donné on revoie tout le système.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci, M. le
député. Ça va? Vous avez des choses à ajouter?
M. Trudel: Bien, merci de votre présentation. Votre
présence était extrêmement importante. Votre message est
extrêmement clair. Si l'Association des hôpitaux du Québec a
besoin d'un budget de quelque 8 500 000 $, en termes de regroupement, pour
défendre les intérêts de ses membres qui sont un petit peu
plus fortunés que vous, nul doute que le ministre va bien recevoir les
remarques essentielles de ressourcement que vous représentez comme
Regroupement pour les femmes victimes d'actes violents au Québec. Bravo
pour votre travail à travers tout le Québec, quant à
moi.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne peux pas laisser
passer l'affirmation de la privatisation au niveau du maintien à
domicile, parce que ce n'est pas tout à fait la réalité;
c'est une partie de la réalité. Il n'y a pas privatisation. Ce
qu'il y a, ce sont des groupes communautaires qui ont été
créés par certains CLSC pour dispenser des services de maintien
à domicile. Ce n'est pas une privatisation. Ce sont certains CLSC qui
ont entrepris des initiatives pour être capables de combler certains
besoins. Il n'y a pas privatisation et il n'y a personne, au niveau du
Québec, qui a parlé d'une privatisation du maintien à
domicile. Je pense que ça me paraît, de ce
côté-là, très clair. (16 h 45)
Je me permettrais de finir au niveau du Regroupement Vous
représentez 45 ou 46... Il y en avait 45, dans le mémoire. Je
pense que vous avez parlé de 46, tantôt. Il y en a 78 de
financés. Quand on parle de financement de regroupements, à ce
moment-là, comment est-ce qu'on fait le partage? Ça aussi, c'est
une question assez importante. A 45, 46, je conviens que, sur 78, vous
êtes une très large majorité. Est-ce qu'on finance les
autres regroupements aussi? Si vous voulez tout prendre, vous allez nous dire
non. Mais il y a peut-être des réalités qui vont nous faire
dire aussi qu'on devrait financer les autres parce qu'ils représentent
peut-être d'autres points de vue, aussi. C'est là-dessus qu'on se
laisse, en se disant qu'il nous reste encore du travail à faire sur le
plan de la complémentarité, du partenariat et qu'on se reverra
ultérieurement. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
témoignage et de votre engagement, aussi, à l'égard des
femmes du Québec. Merci de votre contribution à nos travaux.
J'inviterais maintenant les personnes représentant le
Regroupement des maisons de jeunes du Québec à bien vouloir venir
prendre place, s'il vous plaît. Je vous souhaite la bienvenue à la
commission. J'aimerais que le président se présente et
présente les personnes qui l'accompagnent. Vous avez ensuite une
vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite,
H y a un échange avec les membres de la commission. Bienvenue.
Regroupement des maisons de jeunes du
Québec
M. Paquin (Daniel): Je suis Daniel Paquin; je suis responsable
d'une maison de jeunes à Shawinigan, dans la Mauricie, et
également membre du conseil d'administration, à titre de
président. Mme la Présidente, mesdames, messieurs les
commissaires, permettez-nous également de profiter de l'occasion pour
saluer le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Marc-Yvan
Côté. C'est la première occasion qu'on a de le rencontrer
depuis qu'il a ses nouvelles responsabilités; alors, on est bien
satisfaits de voir sa présence aujourd'hui, d'autant plus qu'il
représente pour nous le premier responsable du développement des
maisons de jeunes au Québec. Dans un premier temps, je vais
compléter la présentation de notre délégation, en
invitant chacun de mes collègues à se présenter
lui-même.
M. Ferland (Éric): Éric Ferland. Je suis animateur
à la Maison des jeunes de Brassard et je représente la
Montérégie au conseil d'administration national du Regroupement
des maisons de jeunes.
Mme Verret (Linda): Bonjour, mon nom est Linda Verret, je
représente la Maison des jeunes de Sillery; je suis également
vice-présidente du conseil d'administration du Regroupement.
M. Viau (Martin): Je suis Martin Viau, je travaille à la
permanence du Regroupement des maisons de jeunes, et je suis un ancien
animateur à la Maison des jeunes de Drummondville.
M. Paquin: Pour amorcer notre présentation, on a
demandé à Linda de vous exprimer en quelques mots, si vous
voulez, le visage de notre mouvement, qui regroupe les maisons de jeunes au
Québec. Linda.
Mme Verret: Le projet maisons de jeunes, pour vous situer, est un
lieu de rencontre qui est accessible aux jeunes de 12 à 18 ans. Ces
jeunes viennent sur une base volontaire, ils ne sont pas
référés par les institutions du réseau. Ils
viennent par choix pour s'investir dans nos associations. Les maisons de jeunes
sont une alternative à la rue et aussi aux arcades, aux centres
d'achats, et répondent aux besoins des jeunes qui ne se retrouvent pas
à l'intérieur des loisirs organisés, comme les services de
loisirs. Notre projet est essentiellement un projet d'animation où
l'intervention communautaire est faite à partir du besoin
identifié des jeunes. On agit de façon spontanée; les
besoins ont une réponse dans l'immédiat. Les jeunes font aussi
l'apprentissage de la vie démocratique en maisons de jeunes. On leur
donne l'opportunité à ces jeunes de se débrouiller par
leurs propres moyens.
Réduite à sa plus simple expression, la contribution des
maisons de jeunes est de raccourcir le temps d'intégration des jeunes
à la société, donc, pour que ces jeunes deviennent des
citoyens actifs, critiques et responsables.
Concernant le "membership" du Regroupement, nous représentons 78
maisons de jeunes qui, elles, rejoignent environ 25 000 jeunes par
année.
Au niveau de nos instances démocratiques, les jeunes prennent une
part active au niveau de l'implication dans les différentes instances.
Ça commence par les maisons de jeunes, ensuite au niveau des
équipes régionales, le conseil d'administration au niveau
provincial et, ensuite, l'instance suprême, l'assemblée
générale annuelle des membres, où les jeunes sont
représentés avec les animateurs, les administrateurs des.
différentes maisons de jeunes qui rejoignent environ 200 à 250
participants lors des assemblées générales.
Si on veut faire un peu d'historique et parler un peu du financement du
projet maisons de jeunes, en 1976, la première aide financière a
été accordée, en tout cas, au niveau du ministère
des Affaires sociales, par M. Claude Forget. Il y avait alors deux ou trois
maisons de jeunes. En 1979, la première enveloppe budgétaire
accordée aux maisons de jeunes prévoyait environ 46 000 $ par
maison de jeunes, ce qui représentait alors 50 % du budget global de
fonctionnement d'une maison. Dix ans plus tard, en 1989, nous en sommes
à 190 maisons de jeunes dans la province, dont le budget est de 45 000 $
environ par maison de jeunes. Le ministère répond donc à
25 % du budget global. Depuis 10 ans, les maisons de jeunes demandent au
gouvernement une politique de reconnaissance et de finance- ment, et, avec
l'avant-projet de loi, c'est la première fois qu'on mentionne une forme
de partenariat entre le réseau et les organismes communautaires.
À ce sujet, je laisse la parole à M. le président qui vous
exprimera les positions du Regroupement des maisons de jeunes par rapport
à l'avant-projet de loi et à la régionalisation.
M. Paquin: Dans mes interventions, j'utiliserai du texte qui
n'est pas probablement dans la copie que vous avez. Quand ce sera le temps de
faire des références au document qui vous a été
probablement distribué, je prendrai la précaution de vous situer
pour ne pas que vous cherchiez continuellement à l'intérieur du
texte.
Alors, si vous voulez, juste avant d'aborder le projet de loi comme tel,
je pense qu'il y a cinq caractéristiques fondamentales des interventions
des maisons de jeunes qu'il m'apparaît essentiel de souligner. Vous allez
retrouver des similitudes avec le groupe qui nous a
précédés; je pense bien qu'on a beaucoup
d'affinités, évidemment. Dans un premier temps, une de nos
caractéristiques, c'est qu'on a une vision globale de la santé et
du bien-être dans le sens qu'on considère que le milieu de vie
où le jeune se trouve, le contexte socio-économique dans lequel
il vit, ça constitue des déterminants très importants sur
les comportements et les attitudes des adolescents. Une autre
caractéristique, c'est que, par rapport à cette vision-là,
nous avons une approche globale qui considère la totalité de la
personne du jeune et non seulement ou d'abord son problème de drogue, de
sexualité, d'abandon scolaire, etc. Nous avons développé
diverses façons d'agir afin de répondre adéquatement, mais
aussi immédiatement, aux besoins des jeunes, au moment même
où ils sont ressentis, pas aux problèmes qui ont
été identifiés il y a un an, mais aux problèmes
immédiats, au moment même où les jeunes les ressentent et
les expriment. Dans les maisons de jeunes, nous planifions le travail, l'action
que nous faisons avec la participation des jeunes eux-mêmes, et ils font
souvent partie de la réponse et de la solution. Finalement, nous sommes
complémentaires de l'école, de la famille, de la
communauté et du quartier pour apporter des solutions, et y encadrer le
développement des adolescents.
Enfin, plus concrètement - je vous réfère à
la page 2 de notre document, au dernier paragraphe - ce travail de stimulation
et de renforcement a, d'une fois à l'autre et d'une façon ou
d'une autre, des effets et des résultats qui relèvent de la
prévention. Alors, on veut souligner cet élément-là
parce que, souvent, on cherchait la relation directe entre les maisons de
jeunes et la porte d'entrée des maisons de jeunes dans le réseau
de la santé et des services sociaux et, souvent, il semblait que
ça passait un peu dans ce domaine-là. Alors, nous pouvons
considérer que les maisons de jeunes adoucissent
les tensions familiales, brisent l'isolement des jeunes
moins aguerris, combattent le sexisme et le racisme, font la promotion du droit
à la différence et du respect qui va de pair, diminuent la
longueur de la période d'inactivité des décrocheurs en
leur parlant de formation, d'autoformation, et en les aidant à se situer
par rapport à l'école ou au travail. Les maisons de jeunes
traitent et rentabilisent l'information relative aux maladies transmises
sexuellement, à la contraception et à la drogue, à
l'alcool, combattent la surconsommation, peu importe sa forme, font la
promotion d'une meilleure hygiène mentale, d'une meilleure santé
physique et d'une meilleure nutrition.
Vous aurez compris que les jeunes qui passent par chez nous
courent généralement moins de risques d'avoir besoin des services
des gens des CISC ou des CSS, du système judiciaire ou d'un
établissement de santé. Finalement, M. le ministre, messieurs,
mesdames, nos communautés ont créé ces maisons de jeunes
pour que les jeunes n'aient pas à recourir aux services curatifs du
réseau de la santé et des services sociaux ou, du moins, le moins
possible.
Abordons maintenant le projet de loi. Ce sera donc avec
l'objectif de vivre nos caractéristiques, de continuer à
établir nous-mêmes nos priorités, de conserver nos
méthodes de travail et nos outils que nous partagerons avec vous sur le
projet de loi qui est soumis actuellement. Dans un premier temps, ce qui nous a
frappés un peu, c'est cette reconnaissance officielle des organismes
communautaires. Or, depuis une dizaine d'années, comme le soulignait
LJnda au début de son intervention, les maisons de jeunes
réclament une politique de reconnaissance. Alors, voilà que cette
reconnaissance tant désirée serait inscrite dans un projet de loi
de l'État québécois. Il y a là matière
à réjouissance, peut-on dire. Mais, et il y a un mais,
évidemment et malheureusement, cette reconnaissance s'accompagne d'une
invitation pressante à joindre le réseau public pour participer
à la réalisation d'objectifs prédéterminés
par d'autres.
Un autre élément à l'intérieur
du projet de loi: les personnes d'abord. Alors, là, je vous
ramène, si vous voulez, à la page 3. Tout d'abord, je vais
préciser que nous avons noté avec plaisir la modification de cap
que constitue la volonté de considérer davantage les personnes,
de centrer le système sur les personnes. Mais, lorsqu'on regarde la
façon dont l'État entend régler les problèmes de
santé et les problèmes sociaux, 9 y a lieu de s'inquiéter.
Ainsi, sur 20 objectifs prioritaires, la majorité concerne des
problèmes de santé générés, dit-on, par des
comportements malsains. Nous craignons que la tentation soit forte d'axer les
interventions et de mobiliser les ressources sur les problèmes et les
groupes cibles affligés de ces problèmes, d'où certains
risques, à notre avis. Risques d'individualiser les problèmes, de
favoriser l'approche "ghetto", d'intervenir à courte vue sur les
symptômes et non à long terme sur les causes des comportements
malsains, d'amener la population à blâmer "les ceuses" qui ont des
problèmes et de s'en désolidariser, les abandonnant aux
médecins et aux travailleurs sociaux. Bref, nous divergeons beaucoup
avec l'approche suggérée dans le projet de loi. Et là, je
vous ramène, si vous voulez, au texte, à la page 3, dernier
paragraphe: À toutes les fois que Pierre ou Jacqueline franchissent le
seuil d'une maison de jeunes, c'est sans considérer le poids de leur
passé ou de leur vie actuelle qu'ils sont accueillis. Les maisons de
jeunes ont fait le choix, à titre de prémisse pour leur
intervention, de considérer les jeunes à partir de leurs
capacités et de leurs possibilités, au lieu de le faire à
partir des problèmes qu'ils peuvent vivre. Les jeunes avec qui nous
travaillons sont uniques et entiers, et c'est en considérant la
globalité de ce qu'ils sont que nous intervenons, sans
spécialiser notre animation sur leurs éventuels
problèmes.
L'avant-projet de loi, cependant, nous annonce l'intention
du gouvernement de considérer les jeunes à partir de leurs
problèmes, à partir des risques qu'ils courent. L'avant-projet de
loi nous demande de voir en eux d'éventuels consommateurs de drogues ou
d'alcool, des conducteurs-apprentis à éduquer, des gens qui
meurent trop souvent. Il y a là une différence dramatique qui
conditionne le travail à effectuer. À notre avis, le
problème des jeunes n'est pas de trop mourir, mais de ne pas assez
vivre. Et c'est cette lacune que nous cherchons à corriger, en leur
donnant les possibilités de s'investir, entre autres, en prenant une
place dans nos associations. Nous avons donc une perception fort
différente du travail à accomplir auprès des jeunes, si on
la compare à ce qui est soutenu dans l'avant-projet de loi. Alors que,
dans nos associations, nous planifions le travail à accomplir avec les
jeunes dans le cadre de nos assemblées générales,
l'avant-projet de loi voudrait que nous le fassions à partir d'une
vision beaucoup plus officielle et nationale II y a là, à notre
avis, une perte d'acuité dans le regard qu'il nous faut poser sur notre
environnement pour bien travailler.
S'il est interprété de façon
restrictive, ce changement d'attitude qui vise à "mettre l'emphase" sur
les problèmes à soigner risque de modifier notre travail et
d'altérer notre efficacité. Les maisons de jeunes, comme beaucoup
d'autres organismes communautaires, travaillent sur une base collective. C'est
le statut et la place même des jeunes dans la société que
nous traitons, même si cela n'a pas été identifié
comme un problème majeur par l'enquête Santé-Québec.
Pourtant, nous considérons qu'il s'agit d'un des problèmes
principaux que les jeunes rencontrent dans leur intégration à la
société.
Nous avons fait le choix de donner une place aux jeunes
dans nos associations, au point
de leur donner d'office des places sur les conseils d'administration.
Bien sûr, il s'agit de personnes mineures, mais nous croyons qu'il est
préférable de contribuer à l'intégration et
à la formation des jeunes que de contribuer à leur
marginalisation, comme le fait l'avant-projet de loi en imposant des mesures
arbitraires et discriminatoires sur la base de l'âge. Nous croyons aussi
que ce travail d'intégration active vaut bien des séances
d'information pour empêcher les jeunes de consommer ceci ou cela.
Un autre élément qui a attiré beaucoup notre
attention dans le projet de loi, c'est toute la notion du programme-cadre.
Alors, je vous réfère à notre document de base, aux pages
5, 6, 7 et 8. Nous avons été surpris par l'ampleur de la
reconnaissance qui nous est accordée, comme organismes communautaires,
dans l'avant-projet de loi. D'un point de vue formel, vous nous offrez 25 % des
voix dans les collèges électoraux des régies
régionales et 13 % des sièges à leurs conseils
d'administration. Notons d'abord que l'explication de ce glissement ne saute
pas aux yeux, pas aux nôtres, en tout cas. Mais il y a plus
intéressant. L'ensemble des organismes communautaires reçoit une
part bien inférieure à 1 % du budget global du ministère.
Pourtant, on s'apprête à nous céder 13 % du pouvoir de
gestion du réseau. (17 heures)
Autant vous l'avouer tout de suite: nous n'en demandions pas tant et
nous avons cherché où était le problème. Nous
l'avons trouvé. L'avant-projet de loi nous accorde la possibilité
de devenir des sous-traitants du ministère, dans la mesure où
nous pourrons répondre aux appels d'offres qui découleront des
programmes-cadres établis par celui-ci, comme n'importe quel autre
établissement public de santé.
Alors que nous espérions voir reconnaître l'utilité,
la pertinence et la rentabilité de nos ressources, l'avant-projet de loi
ne nous reconnaît qu'en tant que structure susceptible d'appliquer un ou
des programmes qui auront été conçus à
l'extérieur de nos associations, sans tenir compte du travail, de
l'approche et des priorités de celles-ci. On perçoit rapidement
quels peuvent être les résultats de cette nouvelle façon de
faire... Les maisons de jeunes sont actuellement financées par le
ministère dans une proportion moyenne, par maison, qui correspond
à environ 25 % de ce dont elles ont besoin pour être
efficaces.
Or, dans de telles circonstances - un peu plus loin - les
programmes-cadres et le système de sous-traitance, à
l'intérieur même du réseau, qu'on s'apprête à
instaurer, risquent de devenir, aux yeux des administrateurs
désespérés de nos corporations, des bouées de
sauvetage pour boucler leur budget. Malheureusement, ces nouveaux instruments
de gestion feront aussi en sorte que les maisons de jeunes qui les auront
utilisés n'auront plus la possibilité de se rendre à bon
port, là où elles avaient antérieurement fixé leurs
objectifs.
La gestion par programme, en fonction des risques encourus par les
nouveaux sujets du système, risque de transformer la nature même
de nos maisons de jeunes. Actuellement, les deux conditions premières
qui peuvent nous permettre de prétendre à un minimum
d'efficacité sont le caractère volontaire de la
fréquentation des jeunes, de même que la possibilité qu'ont
nos associations de répondre sur-le-champ aux différentes
situations qui se présentent. Or, non seulement la notion de
programme-cadre transformera, de toute évidence, nos organismes en
déversoirs de programmes pour des jeunes, mais elle risque de faire en
sorte que nous perdions la spontanéité qui nous
différencie, jusqu'à un certain point, du réseau.
Sur l'autre page, un peu plus loin, l'objectif poursuivi par le
gouvernement est appréciable, mais la reconnaissance de cheval qu'il
s'apprête à nous administrer risque de nous contraindre à
vendre aux jeunes des traitements curatifs, préventifs ou promotionnels,
alors que, actuellement, nous travaillons à les leur éviter.
Et, le dernier paragraphe: M. le ministre, nous croyons qu'en tant que
principal gestionnaire de la santé et des services sociaux, vous serez
le premier à payer pour ce changement de mission qui nous aura
été imposé, si nous devons utiliser les programmes-cadres
pour survivre. Le jour où les organismes communautaires ne pourront plus
exercer le travail pour lequel ils se sont constitués en association,
vous serez dans l'obligation de traiter les jeunes à partir du
réseau... Vous savez déjà ce qu'il peut en
coûter.
Un autre élément qui a attiré
particulièrement notre attention dans le projet de loi, c'est ce qu'on
pourrait qualifier de l'appel lancé au partenariat, dont le groupe
antérieur à nous a également parié et qui a
semblé susciter beaucoup d'intérêt auprès du
ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors, voilà
qu'après avoir fait preuve d'ouverture - je m'excuse, vous ne l'avez pas
dans le texte, cette partie-là - au respect de l'autonomie des groupes
communautaires, dans le discours, l'État définit le cadre
général dans lequel ce partenariat devra s'exercer, dans des
mécanismes très précis d'ancrage au réseau public.
Le communautaire devra donc s'inscrire dans des nouvelles structures de
pouvoir, selon des modalités établies par le gouvernement. Le
communautaire se voit donc imposer une mission de complémentarité
- un autre terme qui semblait intéresser beaucoup le ministre,
tantôt - selon des normes établies par la régie
régionale, même si le mouvement communautaire a souvent
répété qu'il ne désirait aucunement devenir un
complément du réseau et un bout de ligne des traitements.
Après la première ligne et la deuxième ligne, il y a un
bout des traitements que le communautaire serait appelé à
remplir. Le communautaire devra
s'intégrer dans un système dont le
financement et le fonctionnement se feraient à partir de
programmes-cadres visant des clientèles cibles. Enfin, le communautaire
devra se soumettre à des critères précis de financement et
à des mécanismes d'évaluation définis par la
régie régionale.
Pour conclure, si vous voulez, on va aborder le projet de
modification des structures comme telles, en régie régionale.
Alors, en conclusion là-dessus, nous ne voyons pas
d'intérêt, comme groupe communautaire, à gérer le
réseau de la santé et des services sociaux, pas plus que nous ne
verrons d'intérêt à sous-contracter le travail de ses
composantes. Je vous réfère à notre document de base,
à la page 8.
Dans cette perspective et pour le moment, la
régionalisation de la gestion des organismes communautaires ne
présente aucun avantage pour nous et encore moins pour la
société québécoise. Pour ce qui est des
institutions du réseau, nous croyons qu'elles sont mieux placées
que nous pour vous dire si l'opération, pour elles, peut être
rentable.
Nous continuons de croire qu'un accord provincial conclu
avec le ministère de la Santé et des Services sociaux constitue
la meilleure garantie que les maisons de jeunes atteindront un jour leur
vitesse de croisière, pour contribuer efficacement à
l'amélioration de la qualité de vie des jeunes. Et, aussi curieux
que cela puisse paraître, une gestion régionale de nos
priorités nous éloignerait des affaires de nos communautés
alors qu'une entente provinciale qui nous assurerait un financement
adéquat devrait nous permettre de nous en rapprocher...
Pour ce qui est des regroupements d'organismes
communautaires, nous croyons qu'il n'y a pas lieu de les déstabiliser en
leur imposant de nouveaux modes de financement. Les maisons de jeunes sont
libres de s'associer et de se dissocier du Regroupement, et des modifications
d'attribution de nos subventions n'amélioreront en rien la
qualité de notre vie démocratique.
Finalement, à la page 9, nous vous présentons
un peu quatre positions ou recommandations, si vous voulez bien les accueillir.
Dans un premier temps, nous demandons au gouvernement d'éliminer du
projet de loi toute disposition discriminatoire sur la base de l'âge;
elles sont inutiles, à notre avis, et ne font que nuire à
l'intégration des jeunes dans la société.
Et aussi, le quatrième point, le Regroupement des
maisons de jeunes propose au gouvernement d'écrire, en collaboration
avec un représentant politique de son choix, une politique de
reconnaissance et de financement, ce que nous demandons depuis plusieurs
années, finalement. Nous demandons aussi au gouvernement de
définir, dans l'avant-projet de loi, les organismes communautaires en
tenant compte du travail qu'ils effectuent, de telle sorte qu'aucune
interprétation restrictive du travail relatif à la santé
et aux services sociaux ne pourra nier leur contribution.
Et, finalement, nous demandons au gouvernement de surseoir
à son projet de régionaliser la gestion des organismes
communautaires. Les risques de perte de qualité de leur travail sont
trop importants. Le SSOC, dans sa forme actuelle, constitue pour nous un
interlocuteur administratif fort acceptable, alors que les conseils
d'administration de nos maisons de jeunes sont des gestionnaires
responsables.
En conclusion, Mme la Présidente, nous ne sommes pas
du réseau public, mais nous sommes d'intérêt public. C'est
pourquoi nous voulons faire reconnaître et respecter notre espace propre
où s'élaborent nos manières de voir et de faire, selon nos
projets, nos approches, nos modes d'organisation et notre expérience
démocratique. Nous vous remercions beaucoup de l'attention que toutes et
tous, vous nous avez accordée en cette fin d'après-midi. Merci
beaucoup, madame.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Paquin.
M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. D'entrée de jeu, je vous dirai que je suis un petit
peu étonné du ton et du fond du mémoire,
étonné et surpris. On est à peut-être 160 ou, je ne
sais pas trop quoi, 170 mémoires entendus à la commission
parlementaire et vous êtes le premier mémoire, le seul des 160
entendus, qui vient nous dire que les objectifs qu'il y avait dans le document
sur la santé sont à côte de la "track". C'est ça que
vous nous avez dit. Ce que j'ai compris, moi, tous les autres sont venus
à peu près nous dire: il faut avoir une politique de la
santé et les 20 objectifs qu'il y a dans le document qu'a rendu public
Mme Lavoie-Roux sont des objectifs qui ont du bon sens.
Au moment où vous prenez un ton pour votre
communication qui parle d'accaparer le communautaire, de le forcer dans une
complémentarité, dans un partenariat où vous devenez des
êtres servîtes du pouvoir central à Québec, des
pouvoirs régionaux ou des établissements, moi, ce que je lis...
Peut-être qu'on l'a mal traduit dans le projet de loi, ça c'est
possible; d'ailleurs, on se l'est fait dire à plusieurs reprises,
ça, je le prends. Mais si ça est bon, comme orientations et comme
objectifs, on va tenter de faire en sorte que le projet de loi corresponde
davantage à ça.
À la page 18, que vous avez très certainement
lue, dans les quatre stratégies fondamentales, la première, c'est
la prévention et la promotion; donc, ça, ce n'est pas
nécessairement le curatif. La deuxième, c'est le renforcement de
l'autonomie des personnes, des réseaux naturels et des
communautés, la troisième, la coopération multisectorielle
et la quatrième, le maintien d'un
système public fort. Et après ça défilent
les 20 objectifs de santé. Je ne sais pas, est-ce qu'on a lu la
même chose ou si on n'a pas lu la même chose? Expliquez-moi la
différence entre ce que vous avez lu et ce que vous avez compris, et
moi, ce que j'ai lu et que j'ai cru comprendre. On a lu la même chose,
mais on ne comprend pas la même chose. Expliquez-moi ça, j'ai
besoin d'explications.
M. Paquin: Si vous me le permettez, au niveau de votre
intervention concernant les objectifs et la lecture du document,
personnellement, je l'ai lu deux ou trois fois. Je pense que mes
confrères et mes consoeurs aussi l'ont lu. Je pense que, en soi, comme
telle, ma réaction principale, c'est que c'est effectivement un
très beau document, très bien orienté.
Quand vous parlez, entre autres, des objectifs, la réaction qu'on
a, ce n'est pas de porter un jugement sur la valeur de ces objectifs. C'est
qu'on considère effectivement que ça peut être de
très bons objectifs pour le réseau de la santé et des
services sociaux. Que les CLSC, les CSS, les hôpitaux, etc., s'entendent
et se concertent pour atteindre ces objectifs, je pense qu'on n'a rien contre
ça, dans le sens où l'intervention qu'on vient faire ici
aujourd'hui, ce n'est pas de dire, dans le fond, au réseau quelles
devraient être ses priorités et de quelle façon
s'organiser.
On vient un peu exposer ici aujourd'hui que ces orientations dont vous
pariez, les quatre, la prévention et les autres, finalement, s'orientent
vers une vingtaine d'objectifs et que c'est au niveau des objectifs que les
allocations et le travail vont se faire sur le terrain. Nous, on se dit: Ces
objectifs, tout bons qu'ils soient pour le réseau, ne sont pas
nécessairement la façon et les priorités que le
réseau communautaire et les maisons de jeunes ont
développés. Alors, nous, dans le fond, on vient dire: Même
si vos objectifs sont corrects, pourquoi nous forcer à travailler sur
ces objectifs alors qu'on en a déjà et qu'ils sont de
qualité aussi sauf qu'ils sont perçus sous un autre angle?
Ça, c'est la réflexion au niveau des orientations et des
objectifs.
M. Côté (Charlesbourg): Mais quand on les
prend-La Présidente (Mme Marois): II y a M.
Feriand qui voulait intervenir.
M. Feriand: En complément de réponse
là-dessus, par exemple, les objectifs sont fort louables. Là
où ça nous pose un peu de problèmes, c'est que, dans sa
traduction dans le cadre de l'avant-projet de loi, il y a des trucs où
ça "hic" et où justement on considère qu'on risque . de
passer à côté de certains objectifs. Par exemple, M.
Côté nommait des axes au niveau de la prévention et de la
promotion, O.K.? Présentement, probablement parce que notre travail est
évidemment mal connu, une des résultantes importantes de notre
travail se passe au niveau de la prévention de toute nature. La gestion
par programme présentée dans l'avant-projet de loi nous coupe
totalement de tous nos moyens d'action par rapport à ça. On se
réfère, par exemple, au mode de fonctionnement présent
d'une maison de jeunes, où les jeunes fréquentent l'organisme sur
une base volontaire. Ces jeunes viennent là d'abord et avant tout pour
un lieu de rencontre et pour un lieu de rencontre animé.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais vous arrêter
là-dessus parce que c'est grave, ce que vous dites.
M. Feriand: O.K.
M. Côté (Charlesbourg): Et je ne veux pas laisser
aller ça parce que vous pourriez le propager ailleurs, alors que ce
n'est pas vrai. Il y a peut-être un niveau d'incompréhension, mais
quand on parie, sur le plan stratégique, à la page 18 du
document, des quatre stratégies fondamentales, la première, c'est
la prévention et la promotion. Lorsque vous me parlez d'un
programme-cadre, il va falloir, lorsqu'on aura un programme-cadre sur un
objectif de santé, qu'on s'adresse d'abord et avant tout à la
prévention et à la promotion. Dans ce cas-là, ne venez pas
me dire qu'avec toute la liberté que vous allez avoir sur le plan de la
prévention et de la promotion vous ne pourrez pas le faire.
Prenez un objectif. On va prendre le troisième: réduire de
35 % la mortalité due aux traumatismes routiers d'ici l'an 2000.
Ça doit vous concerner un peu, ça? À 16 ans, quand on
commence à avoir un permis, quand vous regardez... Je le sais, j'ai
été à la Régie de l'assurance automobile et au
ministère des Transports. Les accidents de la route les plus importants
sont ceux qui sont dans la courbe pas de 16-18, de 18 et plus, 18 à 22
ans. C'est là qu'il y a des mortalités sur les routes au niveau
du Québec. Ça doit vous concerner un peu, comme maisons de
jeunes, même s'ils sont peut-être au-dessus de l'âge
majoritaire? Parce que la prévention va venir par de l'éducation
quand vous allez les rencontrer chez vous. Il n'y a personne qui va vous
empêcher, même pas un programme-cadre, de faire de la
prévention et de la promotion à ce moment-là.
La Présidente (Mme Marois): M. Feriand, oui.
M. Feriand: Comprenons-nous. Ça nous inquiète
tellement, effectivement, la sécurité routière, la
prévention à ce niveau-là, qu'on n'a pas attendu tout le
magnifique travail de la
commission Rochon pour en faire. C'est là qu'il y a un
problème. C'est là qu'effectivement nous, on pense qu'on peut
peut-être rater le bateau. On n'a pas attendu ça. On s'en est
rendu compte avant que ça sorte dans les statistiques, avant que
ça sorte ici. Et on y a travaillé. On fait partie de cette
statistique aujourd'hui. Là, effectivement, nous, on pense qu'il y a un
décalage possible dû au traitement des programmes-cadres qui va
nous obliger à un retard automatique par rapport à ce qui se
passe concrètement, O. K., sur le terrain. (17 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Vous nous garantissez
là... Parce que vous représentez 78, si j'ai bien vu, maisons de
jeunes sur 152. C'est ça?
M. Ferland: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): vous me garantissez que le
traitement qui est fait dans les 78 maisons que vous représentez,
à ce niveau-là, est un travail qui est égal partout en
termes de qualité de prévention, de promotion et que vous
êtes en avance partout sur tout le monde dans les 78?
La Présidente (Mme Marois): M. Viau.
M. Viau: Oui, je pourrais vous répondre là-dessus
que l'essentiel de notre travail vise d'abord à faire des citoyens bien
intégrés qui sont capables de faire des choix intelligents au bon
moment. C'est d'abord ça, notre objectif et, en second lieu, notre
objectif secondaire, c'est évidemment de faire en sorte qu'ils se
rendent à 18 ans sans ce casser la gueule en automobile. C'est
exactement à ce niveau-là que l'incompréhension est. La
prévention pour nous, c'est le résultat de notre travail, c'est
le résultat d'une intégration. Notre objectif principal, c'est
d'intégrer les gens dans la communauté et le diagnostic qu'on
porte sur les difficultés qu'ils ont, c'est là. Le principal
problème des jeunes, monsieur, ce n'est pas la drogue, ce n'est pas
l'alcool, ce n'est pas les accidents de voiture; c'est la
non-intégration à la société, c'est le fait que
trois jeunes sur dix ne finissent pas leur secondaire. À ce
titre-là, en tant que maisons de jeunes, ce qu'on fait, c'est un
complément, c'est leur donner les moyens et le goût de vivre, de
s'expérimenter.
Oui, on peut vous garantir que, dans les maisons de jeunes, la
qualité des liens entre les intervenants et les jeunes est assez grande
actuellement pour favoriser une prise de conscience quand c'est le temps,
à partir du moment où les jeunes ont, par exemple, le goût
d'acheter une voiture, pas trois ans avant qu'ils s'achètent une voiture
parce que la fille du DSC ce soir-là, elle, a le goût de parier
d'accidents d'automobile. À partir du moment... Dans les maisons de
jeunes, on diffuse moins d'information qu'on en traite. or, pour vous, le
principal intérêt d'investir chez nous, c'est d'être
sûr que les gens qui travaillent dans les maisons de jeunes, sont bien
formés.
M. Côté (Charlesbourg): On va bien se comprendre. On
ne se chicane pas bien, bien sur l'argent là parce qu'on parle d'entre
20 000 $ et 50 000 $ par année là. C'est pour ça que,
quand on parie de programmes-cadres, j'aimerais bien ça qu'on
m'explique. Je n'ai pas encore entendu parier que, demain matin, H y aurait un
programme-cadre, en ce qui vous concerne, qui vous mettrait tellement une
camisole de force que vous ne pourriez plus rien faire si vous n'avez pas
l'autorisation du fonctionnaire qui est responsable du programme. On ne se
parie pas de fortune là, puis Dieu sait que vous le savez, sur le plan
des budgets que vous avez à votre disposition. Donc, ce n'est pas, moi,
pour l'argent qui est investi là-dedans à 20 000 $ ou 50 000 $
par année. Ce que j'ai de la difficulté à comprendre,
c'est que vous venez nous dire que vous allez avoir de la difficulté
à vivre à l'intérieur d'un programme-cadre. Est-ce
qu'actuellement vous avez de la misère à vivre avec le programme
qui est là?
La Présidente (Mme Marois): M. Paquin, puis ensuite je
pense que M. Viau veut intervenir.
M. Paquin: Ce peut être une mauvaise compréhension
de notre part aussi ou de ma part en particulier, je veux dire. Moi, je
comprends que, par un programme-cadre, par exemple, au niveau de la
prévention dans notre région, à un moment donné, on
dirait: Là, il faudrait faire quelque chose au niveau de la drogue chez
les jeunes, puis qu'à partir de ce programme-cadre là et de cette
intention-là il y aurait de la disponibilité financière ou
il y aurait des exigences qui seraient posées par rapport aux
organismes, dans le sens où tout le monde, maisons de jeunes, CLSC etc.,
on agit par rapport à la prévention de la drogue. Ça, pour
nous autres, c'est inquiétant parce que, en même temps qu'on fait
ça, il y a une philosophie réseau de prévention de la
drogue qui n'est pas nécessairement notre façon de
travailler.
Je vous donne un exemple concret et, en même temps, ça va
vous montrer qu'en disant qu'on a des réticences à s'embarquer
dans un programme-cadre tel que présenté on n'a pas de
réticences à collaborer avec des organismes du réseau.
Chez nous, par exemple, à Shawinigan, on est en pourparlers, on a des
réunions actuellement avec le DSC, le CLSC, puis la Polyvalente des
Chutes. On est en train de mettre sur pied, ensemble, un projet-pilote de
promotion et de prévention au niveau de la drogue. Alors, le DSC, lui,
fait un programme, mettons, qui pourrait être diffusé par les
enseignants, puis
tout ça, pour sensibiliser les gens à faire des choix par
rapport à la drogue puis tout ça. Puis, ils ont demandé
à la maison de jeunes de s'impliquer dans ce projet-là, mais dans
le respect de ce qu'on est. Alors, qu'est-ce que ça veut dire pour nous
autres? Ça veut dire qu'on va essayer d'exporter une maison de jeunes
dans l'école, dans le sens qu'au niveau du secondaire I, on va aller
animer les jeunes sur l'heure du dîner pour essayer d'améliorer la
qualité de vie sur place, mais à partir d'une approche globale,
dans le sens qu'on va mettre les jeunes en responsabilité. On va dire:
C'est quoi qu'on peut faire ensemble pour améliorer la qualité de
vie ici? Puis, par ricochet, à un moment donné, on va avoir un
spécial pendant la semaine du fumage ou bien donc la semaine de ci, bon!
Mais, globalement, on va faire avancer ces jeunes-là, mais c'est juste
peut-être pendant une semaine, deux ou trois dans l'année, qu'on
va toucher d'une façon particulière la prévention de la
drogue visiblement.
Alors, c'est pour ça qu'on a peur, nous autres, que dans un
programme-cadre de prévention de la drogue, par exemple, cette approche
globale là ne soit pas perçue et qu'elle soit vue uniquement les
deux ou trois semaines où on va faire une rencontre d'information sur la
drogue. Alors, c'est pour ça qu'on a des réticences, mais soyez
bien assuré que les réticences qu'on exprime par rapport a
ça ne sont pas des réticences à réaliser des
projets de partenaire égal à égal avec des institutions
qui veulent faire des choses dans notre milieu.
M. Côté (Charlesbourg): Là, vous venez de
m'expliquer la complémentarité et le partenariat.
M. Paquin: Bien, je vous ai ouvert la porte pour en parler,
sûrement en tout cas.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, c'est ça, mais,
en tout cas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Vous venez de me donner
l'exemple que la complémentarité et le partenariat avec les
établissements du réseau, c'est possible.
M. Paquin: Effectivement.
M. Côté (Charlesbourg): ...par des choses
concrètes. Donc, ce qu'on souhaite, c'est ça. On ne souhaite pas
imposer, ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. On l'a dit dans l'avant-projet
de loi. La définition des organismes communautaires quant à leur
liberté, quant à leur autonomie n'était pas assez claire,
les groupes communautaires sont venus nous le dire. Ils ont dit: Reprenez ce
qui a été écrit là-dedans et mettez-le dans le
projet de loi. On a dit: Oui, c'est ça qu'on va faire. On pensait que
c'était ça qu'on avait fait, mais comme vous le lisez et que vous
ne lisez pas la même chose, parfait, on va prendre ce qu'il y a
là-dedans et on va le mettre dans le projet de loi. À ce
moment-là, ça va être clair. Donc, sur l'autonomie. mais,
globalement, ça signifie qu'à partir du moment où on
investit des sommes qui sont appréciables... tout le monde souhaite 1 %
demain matin. l'argent investi dans le communautaire, ce n'est pas de l'argent
qui est mal investi; c'est de l'argent qui est bien investi. tout le monde est
venu nous dire qu'on avait davantage en investissant dans le communautaire
qu'avec le même argent investi dans le réseau public, et c'est
vrai. alors, à partir de ça, ce sont des sommes qui sont quand
même... disons qu'on arrive demain matin et qu'on l'a, le 1 %, c'est 80
000 000 $ par année. ce sont des sommes assez appréciables. il
faut quand même que quelqu'un soit responsable à quelque part de
l'imputer.
M. Paquin: M. le ministre, pourquoi faut-il, pour en arriver
à une complémentarité, comme vous dites, ou à un
partenariat, en arriver à harnacher un peu le communautaire et à
l'ancrer d'une façon plus ou moins volontaire au réseau public?
Moi, je pense qu'on n'a pas demandé comme communautaire, nous autres, de
faire partie de la régie régionale avec toutes ces
choses-là. On veut, tout simplement, être considérés
d'une façon autonome comme un groupe qui peut traiter d'égal
à égal avec les éléments du réseau.
M. Côté (Charlesbourg): C'est pour ça qu'il y
a des bouts où je ne comprends pas la résistance du communautaire
vis-à-vis d'une structure régionale qui va être une
structure plus proche et qu'il devrait normalement mieux connaître. Je
fais la distinction très nette entre les regroupements qui veulent
être rattachés au niveau provincial. Ça se comprend parce
que tu as une portée sur l'ensemble du territoire, alors que
d'après moi, d'après ma petite expérience de
Gaspésien d'origine, le communautaire va être beaucoup plus
près de la réalité de la région concernée
avec une régie régionale qu'au central.
M. Paquin: C'est la même difficulté, M. le ministre,
que des anglophones peuvent avoir à comprendre la société
distincte. Moi, je pense que, comme groupe communautaire, on est distinct du
fonctionnement, de la façon de voir et d'approcher du réseau.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais...
M. Paquin: Tout ce qu'on demande, c'est que ça soit
respecté.
M. Côté (Charlesbourg): ...c'est parce que
votre exemple de l'anglophone qui a de la difficulté à
comprendre la société distincte du Québec, moi, venant
d'une région qui est celle de la Gaspésie, j'aurais pas mal plus
confiance qu'on pourrait incliner des décisions dans le sens de nos
besoins réels au niveau de la Gaspésie si c'était une
régie régionale qui avait un budget fermé et
dédié au communautaire, et qu'on pourrait faire les arbitrages
quant à nos priorités au niveau de la région davantage
qu'avec un pouvoir central. Moi, ça, j'y crois fermement. Et ça
aussi, c'est distinct sur le plan des régions parce que les besoins de
la Gaspésie ne sont pas nécessairement ceux de Montréal.
On a donné des exemples là-dessus.
C'est pour ça que le regroupement au niveau provincial, oui, on
va le regarder, parce que ça m'apparaît davantage porter sur
l'ensemble du territoire du Québec. Quant aux autres, la tendance va
davantage au niveau de la région parce que tout le monde est venu nous
dire ici qu'une régie régionale va faire en sorte que les
décideurs sur le plan régional vont être mieux
placés pour déterminer les priorités de chacune de leurs
régions et faire l'attribution à ce niveau-là. Dans le
communautaire, il y a beaucoup de résistance là-dessus parce que,
effectivement, les gens ont peur de perdre leur identité, d'être
absorbés par le réseau des établissements et il y a ce
danger-là. Il ne faut pas l'éliminer, non plus, du revers de la
main. Il y a un danger qu'il faut bien baliser de ce
côté-là.
La Présidente (Mme Marois): Je pense qu'il y a M. Viau,
là, qui veut intervenir et M. Ferland.
M. Viau: Oui. Je vous dirais, M. le ministre, que la
complémentarité entre les gens du réseau et les gens du
communautaire, elle existe de toute façon. Vous nous demandez comment
penser qu'on ne serait pas plus proches de façon régionale. On
n'a pas l'impression qu'on peut être plus proches que de façon
locale. C'est au niveau local que les décisions se prennent dans les
maisons de jeunes et c'est à cet endroit-là qu'on
considère qu'elles doivent continuer à se prendre. C'est dans ce
sens-là qu'on ne voit pas l'utilité actuellement d'aller
gérer le réseau des affaires sociales à un point de vue
régional. On vous demande, en tant que ministre, de ne pas mettre tous
vos oeufs dans le même panier. C'est exactement ce qu'on vous demande.
Nous, on a commencé à travailler en un lieu d'intervention
où on a l'impression qu'on fait en sorte que les jeunes ne se rendent
pas jusqu'à votre réseau et c'est ce qu'on vous demande de
continuer de faire. On est en train de bâtir une intervention qu'on a
commencée il y a dix ans; il nous reste encore beaucoup de travail
à faire, qui va faire en sorte que les jeunes vont pouvoir rester dans
notre communauté.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je trouve
extraordinaire, c'est que vous faites un plaidoyer tout à fait
exceptionnel aux fonctionnaires sur le plan central. Vous dites: Vous nous avez
fait une maudite bonne job, on veut continuer d'être rattachés
à vous autres. C'est ça?
La Présidente (Mme Marois): M. Ferland. Il va
peut-être vous répondre!
M. Ferland: Non, pas là-dessus. Pour illlustrer clairement
certaines réticences qu'on peut avoir, c'est qu'on ne fonctionne pas de
la même façon, O.K.? Et le mode de fonctionnement de la gestion
par programme nous encombre profondément. Quand, chez nous, dans ma
maison de jeunes, les jeunes manifestent qu'il y a un besoin au niveau du
soutien scolaire, je n'attendrai pas d'aller négocier dans une
quelconque régie régionale, entité beaucoup plus loin,
beaucoup moins démocratique, beaucoup moins collée à la
réalité des jeunes qui ont besoin d'un soutien scolaire. Je
n'irai pas négocier le bout de gras pour savoir: Va-t-H y avoir un
programme-cadre afin que je puisse faire du soutien scolaire avec ma gang?
Ça ne fonctionne pas comme ça. Ça n'enlève rien
à la pertinence que ça puisse être opportun pour d'autres
groupes; pour nous, ça ne l'est pas. C'est ça qu'on dit. C'est
tout.
La Présidente (Mme Marois): Oui, une dernière
intervention brève parce qu'il y a d'autres questions qui vont venir
encore. Ne vous inquiétez pas, on va aller un peu plus loin encore.
M. Viau: Oui. Je pense que M. le ministre a raison de dire que
les fonctionnaires, au niveau central, ont bien travaillé, tout
simplement parce qu'ils n'ont pas le bras assez long pour venir jouer dans nos
conseils d'administration.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Viau: Ce qui nous laisse l'autonomie de nous ajuster à
notre réalité.
M. Côté (Charlesbourg): Ah! Le chat vient de sortir
du sac.
M. Viau: Ah! Bien, il était sorti ça fait
longtemps, je pense.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. C'est un
monde différent; je n'ai pas entendu ça tout à fait, ce
son de cloche, et je dois vous dire, pour poursuivre un peu dans la
lignée du ministre sur la reconnaissance et sur la
régionalisation, que, pour un député d'une
région
périphérique, l'Abitibi-Témiscamingue, et quelqu'un
qui a travaillé dans ces mouvements communautaires d'une façon
intensive pendant une quinzaine d'années, c'est surprenant. C'est
surprenant de voir une recommandation qui dit: Oui à la
régionalisation, parce que ça nous rapproche des usagers, des
services que l'on a à rendre aux personnes, ça nous rapproche de
ces personnes mêmes, mais, dans le cas du communautaire, pas au niveau
régional, pas de régionalisation. Je ne veux pas être trop
long là-dessus, parce qu'on a posé la question souvent et vous
avez donné une série de réponses sur votre opinion
là-dessus. Il y a comme une mesure de protection, également, une
espère ce barrure qui est recherchée par le fait de demeurer en
liaison avec la structure centrale. On en a bien discuté.
Est-ce que je comprends qu'à la limite, compte tenu de ce que
vous êtes et de ce que vous faites, vous seriez rattachés au
mauvais endroit, en étant dans le système de santé et des
services sociaux? La mission que vous désirez poursuivre, ce que vous
faites sur le terrain, ça vous donne un cadre et vous sentez que
ça va. peut-être vous amener un cadre qui va être trop
restrictif par rapport à l'expression des besoins qui vous sont
manifestés à la semaine, au mois, à chaque année,
quotidiennement. Est-ce que, dans le fond, vous souhaitez une reconnaissance et
un soutien de l'État, mais pas nécessairement à
l'intérieur du système de la santé et des services
sociaux?
La Présidente (Mme Marois): M. Paquin.
M. Paquin: Je pense que je serais porté à vous
poser la question: Ailleurs, où? Mais, pour le moment, je pense que nous
autres, on a toujours fonctionné dans l'optique que le rôle
essentiel ou l'essentiel de la mission qu'on remplit ou de la vocation qu'on
veut remplir auprès des jeunes se situe en bonne ligne avec la vocation
et la mission du ministère de la Santé et des Services sociaux,
ça se situe bien dans l'orientation générale que le
ministre de la Santé énonçait tantôt au niveau de la
prévention et de la promotion de la santé, mais la santé
perçue d'une façon globale, au niveau des causes et des
conséquences qui amène tel problème au niveau des jeunes.
(17 h 30)
Alors, dans ce sens-là je pense que nous autres, on ne cherche
pas une autre porte, là, pour être plus à l'aise, mais je
pense que ce qu'on veut surtout, c'est être reconnus selon nos
caractéristiques comme groupe et fonctionner dans un rapport
d'égal à égal, d'associé avec l'ensemble du
réseau, mais sur une base autonome.
M. Trudel: Vous demandez également au gouvernement ou
à l'État, là, de définir les organismes
communautaires en tenant compte du travail qu'ils effectuent,
c'est-à-dire que la reconnaissance - j'ai de la misère un peu
avec ça - viendrait de votre définition à vous autres de
ne pas entrer dans une catégorie, si je comprends bien: "Nous demandons
au gouvernement de définir les organismes communautaires en tenant
compte du travail qu'ils effectuent, de telle sorte qu'aucune
interprétation restrictive du travail relatif à la santé
et aux services sociaux ne pourra nier leur contribution. " Expliquez-moi
ça un petit peu. Je comprends que vous définissez les objectifs
et que vous dites: Reconnaissez-nous en fonction des objectifs qu'on se donne,
peu importe les vôtres. Est-ce que j'exagère en disant
ça?
La Présidente (Mme Marois): M. Viau.
M. Viau: Oui, j'ai l'impression que, si on prend un exemple
précis, la définition du travail des maisons de jeunes pourrait
être inscrite dans l'avant-projet de loi et dirait: II peut exister des
méthodes d'intervention qui sont de la nature de l'animation
communautaire, qui font qu'on va viser à faire en sorte que les jeunes
restent dans leur milieu, qui vont renforcer les jeunes dans leur
capacité de faire des choix. La nature et le résultat de
ça feront en sorte qu'on aura fait du travail préventif, comme
les objectifs du document d'orientations le nomment bien. C'est ce type de
définition là qu'on recherche. Nos objectifs sont par rapport
à une intégration sociale des jeunes, mais ils ne visent pas
à empêcher les jeunes d'avoir tel type de comportement. Le
résultat de notre travail, c'est d'empêcher, justement, les jeunes
d'avoir des comportements qui nous coûtent très cher en tant que
société. C'est dans ce sens-là qu'on voudrait une
définition qui permettrait de mettre ce type de travail là. De
l'animation communautaire, monsieur, il ne s'en fait pas dans le réseau.
Il se fait de l'intervention communautaire, c'est tout à fait
différent. Le désavantage le plus évident de cet
avant-projet de loi, c'est qu'il nous condamne à passer d'animateurs
à intervenants, à intervenir sur des problèmes
précis par le biais des programmes-cadres au lieu d'intervenir sur la
capacité de s'intégrer des jeunes.
M. Trudel: Alors, ce que vous nous dites, là, c'est
d'ajuster, en quelque sorte, selon votre réalité, la
définition d'organisme communautaire, compte tenu de ce que vous
êtes, mais pas nécessairement pour tous les organismes
communautaires. Parce que, à la façon dont c'est écrit
ici, vous nous dites - c'est ça qui est formellement défini -
"définir les organismes communautaires en tenant compte du travail
qu'ils effectuent. " Alors, quant à vous, c'est l'animation sociale qui
devrait être inscrite dans le projet de loi...
M. Viau: Tout à fait.
M. Trudel:... comme groupe communautaire qui poursuivrait,
à l'intérieur des grands objectifs définis par
l'État, des objectifs particuliers de prévention, bon, etc., ce
qu'on a énuméré tantôt. C'est ça que vous
vouiez retrouver dans le projet de loi.
M. Viau: Oui.
M. Paquin: Vous savez, M. le député, quand on
parlait tantôt du document d'orientations, H y en a une description ou
reconnaissance, là, avec quelques points de repère concernant une
reconnaissance d'organismes communautaires. Puis, quand on a vu cette
façon de reconnaître, là, les organismes communautaires, on
a accueilli ça avec plaisir. Ça nous est apparu comme une bonne
définition, compte tenu du contexte et de tout ça, sauf
qu'à un moment donné, rendu à lavant-projet de loi, il y a
un petit bout de la définition qui a comme été
oublié, là - on a manqué de place ou je ne sais pas quoi -
et c'est où on parle, entre autres, de l'autonomie des groupes. On a
perdu ce bout-là dans notre définition.
Aussi, tout simplement, ce qu'on se disait, c'est qu'à un moment
donné le document d'orientations semblait vouloir reconnaître les
organismes communautaires, mais, à un moment donné, on avait
l'impression qu'au niveau du financement cette reconnaissance-là, large,
ça les toucherait juste lorsqu'ils seraient spécifiques et
très connectés, là, aux objectifs du ministère de
la Santé et des Services sociaux, mais qu'on ne considérait pas
l'ensemble des interventions et de l'animation qu'on faisait.
M. Trudel: Dans le cas d'une complémentarité,
là, avec les ressources qui existent dans le système, vous venez
nous dire: Bon, nous, on fait de l'animation communautaire et, dans le
système, par exemple au niveau de l'organisation communautaire dans les
CLSC, on ferait plutôt de l'intervention communautaire. Est-ce que vos
relations sont bonnes? Comment ça va, vos relations avec la partie
communautaire des CLSC?
La Présidente (Mme Marois): M. Paquin. M. Ferland, oui. M.
Ferland.
M. Ferland: Ça aussi, c'est un petit peu étonnant
qu'on retrouve ça dans le rapport aujourd'hui. On travaille dans les
mêmes communautés, à certains moments, avec les mêmes
clientèles dans des conditions qui, à certains moments aussi,
sont les mêmes, O. K. ? Il y a sur le terrain des masses de collaboration
qui s'établissent entre les organismes communautaires, les
municipalités, les CLSC, les gens du réseau. Il n'y a pas de
problème fondamental sauf qu'elles s'établissent aussi, sur le
terrain, dans le respect négocié des capacités de chacun,
O. K. ? Et, s'il n'y a pas possibilité, il n'y en a pas, on ne
développe pas ce type de trucs là. Sauf que, globalement parlant,
chez nous, on travaille à Brossard à monter une table de
concertation avec la fille qui travaille comme organisatrice communautaire au
CLSC. Bon, nous autres, on y va de notre petite pierre comme ça.
Ça définit l'état des rapports.
Là où ça nous intéresse moins, c'est d'aller
négocier encore une fois le bout de gras sur des modes de fonctionnement
qui sont différents. M. le ministre va recevoir ça cette
année et les précédents ministres l'ont reçu, chez
nous, le directeur du CLSC passe sa vie à nous écrire sa lettre
de recommandations annuelle en nous expliquant, en vous expliquant que la
maison des jeunes touche une clientèle que lui, les services municipaux
et un tel, un tel, un tel, définissez-les, ne touchent pas. Point final.
Ils ne fonctionnent pas de la même façon. Ils n'atteignent pas les
mêmes jeunes. C'est tout. Les jeunes ne vont pas au CLSC parce qu'ils
peuvent aller écouter la TV le soir. Ils vont au CLSC parce qu'on leur a
dit vas-y, ou bien parce qu'ils ont un problème. Chez nous, ils viennent
parce qu'ils peuvent écouter la TV le soir, sauf qu'ils viennent aussi,
O. K., parce qu'il y a possibilité de contact avec des adultes
"signifiants" sur des affaires et qu'ils n'ont pas pris rendez-vous deux mois
d'avance. S'ils ont le goût de sortir le vendredi soir, ils vont
peut-être pouvoir en jaser là, "whatever", tu sais. Toute la
distinction, elle est là. C'est tout.
La Présidente (Mme Marois): M. Paquin.
M. Paquin: Moi, je pense que les relations actuelles entre les
maisons de jeunes et les CLSC, des fois, ça va selon les personnes. Je
veux dire, dans les CLSC, des fois, il y a de bonnes personnes et, des fois,
c'est dans les maisons de jeunes que les bonnes personnes sont, et, des fois,
c'est le contraire. Mais je pense que ce qui est capital, jusqu'à un
certain point, c'est quel impact vont avoir la régionalisation et les
régies régionales sur cette relation-là qui doit demeurer
sur une base volontaire. Nous autres, on craint que le fonctionnement par
programme et le fonctionnement par les régies régionales, tout
ça, ça amène une espèce de concurrence, de lutte
pour des allocations d'argent qui seraient fartes par rapport à des
problèmes en particulier. Par exemple, s'il y a des
disponibilités financières pour intervenir au niveau de tels
problèmes de santé ou de problèmes sociaux, qu'il y a une
enveloppe d'argent qui est disponible pour ça, et qu'en même temps
il y a une maison de jeunes qui dit: Nous autres, on serait aptes à
intervenir dans ce domaine-là Entre autres, chez nous, au niveau de
l'abandon scolaire, par exemple, on a eu, à un moment donné,
à discuter
des choses avec le CLSC qui voulait faire un service à peu
près semblable au nôtre. Bien, finalement, c'est quoi que la
régie régionale, qui est représentée à 80 %,
à 85 % par des gens du réseau, va décider s'il y a
à trancher qu'on va allouer des ressources financières
supplémentaires à nos CLSC ou à nos maisons de jeunes par
rapport à tel type d'intervention? On craint qu'au lieu de faciliter les
rapports ça crée de la surenchère ou de la concurrence qui
pourrait compliquer la complémentarité et le partenariat qu'il
peut y avoir entre ces deux organismes-là.
La Présidente (Mme Marois): Une dernière question,
M. le député de Joliette et leader de l'Opposition. Vous en avez
une.
M. Chevrette: Une seule dernière. Je pensais en avoir
quatre ou cinq.
La Présidente (Mme Marois): Oui. Une dernière avec
une sous-question. Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Quand on parle de reconnaissance et d'autonomie, la
reconnaissance entre vous et moi, ou l'accréditation peut-elle
être nationale et les subventions régionales? Je ne vois pas
ça, moi non plus, dans une décentralisation. Je ne suis pas
branché sur la partie communautaire. J'ignore encore comment on va faire
pour en arriver à avoir des budgets qui ne soient pas arbitrés
localement parce que difficilement défendables, pas sur le plan de la
logique, mais à cause de la puissance des "lobbies".
Le communautaire nous dit, à toutes fins pratiques:
Régionalement, j'ai peur en maudit, si je n'ai pas des enveloppes
fermées. Je pense que le communautaire a raison de dire ça.
Ça pourrait être gobé si, par exemple, on se retrouvait
dans une région très vieillissante où 14 % de la
population ont 65 ans et plus, qu'il manque de places en centres d'accueil, en
familles d'accueil et ça ne finit plus. On pourrait facilement prendre
tout le budget et bonjour le communautaire! Ou bien vous devenez les
sous-contractants du réseau, et ce n'est pas ce que vous recherchez
d'après toutes les discussions qu'on entend depuis tantôt.
Que pensez-vous de l'établissement d'une politique de financement
au niveau national, d'une politique d'accréditation au niveau national
et des offres de complémentarité discutées dans le milieu,
en concertation, mais sans affecter l'autonomie comme telle? Je vous donne un
exemple. Vous existez, vous faites un travail. On vous a reconnu, dans le
passé, une utilité, si bien qu'on s'en venait avec une politique
de financement, en 1984. Il y avait au moins un début de politique de
financement qui s'en venait; ce n'était pas fort, mais ça s'en
venait au moins. Il y avait au moins les premiers jalons d'une politique de
financement et, que je sache, ça ne s'est même pas continué
depuis 1984-1985.
Ce que je voudrais savoir aussi - parce qu'on me dit que j'ai une seule
question; je vais en mettre assez dedans et vous vous débrouillerez
avec, vous autres, vous allez défoncer plus facilement que moi - c'est
comment vous voyez, vous autres, la négociation de cette politique de
financement ou de cette politique de reconnaissance des organismes, tout en
conservant l'autonomie. Moi, je vous souhaite, les maisons de jeunes, d'avoir
le fruit d'un seul jeune qui se ramasse en centre de réadaptation, qui
coûte à peu près 75 000 $ par année, ce serait
déjà un beau début de politique de financement pour une
maison de jeunes. Allez-y.
La Présidente (Mme Marois): M. Paquin ou M. Viau? M.
Viau.
M. Viau: Pour ce qui est d'une politique de financement
nationale, évidemment, ça fait dix ans qu'on en réclame
une et, que ce soit établi sur une base nationale et versé sur
une base nationale. C'est évident qu'on va être d'accord avec
ça. Depuis environ un an, on a fait un travail dans toutes nos
régions pour essayer de faire une proposition, parce que la
dernière proposition originant du gouvernement date d'environ trois ans,
c'était le rapport Sirros. On fait une contre-proposition à
ça, qu'on sera prêts à déposer d'ici trois mois, et
on espère, effectivement, que ça viendra tout à fait de
façon nationale essayer d'encadrer un peu le travail, tout simplement,
parce que, en tant que contribuables, on a aussi intérêt à
donner la garantie au gouvernement qu'on fait bien notre travail. Quand on
parle de développer des maisons de jeunes, ce n'est pas un hold-up; on
ne veut pas aller chercher des subventions sans vouloir rendre de comptes, on
est prêts à rendre des comptes.
Vous parlez aussi d'établir des modes de concertation d'un point
de vue local ou régional. Si c'est pour concrétiser ce qui se
fait déjà, on n'a pas de problème avec ça, aussi.
On vous le dit depuis tantôt, il y a beaucoup de concertation, il y a
beaucoup de travail en commun qui se fait. Notre problème, au niveau de
la concertation et au niveau de la régionalisation, c'est au niveau
administratif. La concertation administrative nous intéresse beaucoup
moins que la concertation entre les intervenants.
M. Chevrette: Je vous remercie et je vous souhaite, je nous
souhaite, aux Québécois, que les maisons de jeunes continuent
à oeuvrer dans le milieu. Et si on y pensait un tant soit peu... J'ai
enseigné dans les pavillons de jeunesse, à Joliette, les centres
de réadaptation pour jeunes délinquants. Comme je le disais
tantôt, je vous souhaite comme subvention, le coût d'un jeune qui
est en centre d'accueil, parce que je suis convaincu que les maisons de jeunes
ont con-
tribué à éviter que des dizaines de jeunes
n'aboutissent là, et on a de la misère à aller chercher
une subvention pour vous foire respirer.
La Présidente (Mme Marois): M. le député,
ça va?
M. Trudel: Merci beaucoup de votre contribution.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre de la
Santé et des Services sociaux.
M. Coté (Charlesbourg): Je veux vous remercier. Même
si la nature des échanges a été un petit peu plus
corsée, je pense que ce n'est pas de mauvaise foi. Il faut tenter de
clarifier un certain nombre de choses et ça fait partie du
métier. Je souhaite que, dans l'avant-projet de loi, ce qui a
été oublié ou omis parce qu'y n'y avait pas de place pour
récrire, puisse être réintroduit dans le vrai projet de
loi. Je peux vous garantir qu'il va l'être parce que j'en ai pris
l'engagement et ce sera là. Et il y aura peut-être bien d'autres
choses, au niveau des organismes communautaires, qui ne viseront pas
nécessairement l'encadrement, mais qui vont viser à
reconnaître leur autonomie. Pour moi, c'est un principe qu'on
défend depuis le début, qui m'apparaît extrêmement
important, l'autonomie, évidemment, tout en respectant aussi l'autonomie
du gouvernement de faire ou de ne pas faire, puisque c'est lui qui a ultimement
la responsabilité de défendre, sur la place publique, les sommes
d'argent. Et je partage l'idée de mon collègue de Joliette qui
dit que les maisons de jeunes ont fait du bon travail. (17 h 45)
Évidemment, là-dedans comme dans d'autres choses - comme
les politiciens - il y en a des bons, des moins bons, mais je pense que c'est
davantage le reflet de la société. Et ce n'est pas l'argent qu'on
investit là qui m'énerve ou qui me fait peur parce que,
de20000$à50000$par année, je pense que, par rapport au
réseau où l'on investit, dans le curatif, à coups de
milliards, y y a peut-être des efforts additionnels à faire de ce
côté-là, mais en se comprenant bien sur ce que pourrait
être une complémentarité, s'il y en avait une. Et vous
m'avez donné la démonstration que, dans le vécu de tous
les jours, H y a effectivement de la complémentarité et que c'est
possible de le faire, sans que chacun y perde de son autonomie.
La Présidente (Mme Marois): M. Paquin.
M. Paquin: Alors, en conclusion, de notre part, je pense bien
qu'on n'a pas voulu, par nos interventions, dénigrer ou
dévaloriser, au contraire, le document d'orientations et le projet de
loi qui va être déposé. C'est qu'on a voulu vraiment
apporter notre préoccupation à savoir que, pour être
capables, comme on l'est déjà actuellement et encore davantage
à l'avenir, de s'associer avec les éléments du
réseau pour donner de meilleurs services à la population, la
condition préalable à ça, comme vous l'avez dit, c'est
notre autonomie, d'être bien assis quelque part pour pouvoir parler
d'égal à égal. On n'aurait pas ces conditions-là,
à notre avis, dans la structure qui est actuellement envisagée en
termes de régie régionale, où il y aurait la dimension du
financement, en plus, qui serait dans le décor, qui viendrait un peu,
compte tenu de notre grosseur par rapport aux autres...
Alors, on vous remercie beaucoup de l'attention que vous nous avez
accordée. C'a été vraiment un plaisir de vous rencontrer
tous ensemble. On en avait déjà rencontré quelques-uns
devant l'entrée, ici, lors de manifestations, on a déjà eu
l'occasion d'en rencontrer quelques-uns sous la pluie, mais de voir tout ce
monde-là ensemble, en tout cas, c'est rafraîchissant pour nous
autres et on a bien confiance dans l'avenir. Merci beaucoup, madame.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Alors, on vous remercie
aussi de votre présentation et je veux vous rassurer sur le fait que
nous avons pris le temps, tout le temps qui nous était imparti, avec
vous, pour vous entendre et rassurer mon collègue, le
député de Joliette, qu'il n'a pas été brimé
dans son droit de parole ni dans son temps. Alors, ça nous a fait
plaisir de vous entendre, aussi, à la commission, merci.
J'inviterais maintenant les représentants et
représentantes des groupes sociocommunautaires de la région de
l'Estrie à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Alors, bonjour et bienvenue à la commission. J'aimerais que le
porte-parole se présente et présente la personne qui
l'accompagne. Nous avons une demi-heure pour passer à travers votre
mémoire et vos commentaires, une dizaine de minutes pour votre
présentation, le reste du temps étant réparti entre les
deux formations politiques.
Organismes sociocommunautaires de la région de
l'Estrie
Mme Therrien (Ginette): Alors, mon nom est Ginette Therrien. Je
suis membres du Groupe Iris Estrie, qui est le groupe d'intervention
régionale et d'information sur le sida. Je suis accompagnée de
Michel Turcotte, qui, lui, est de Secours-Amitié. Il y a une autre dame
qui devait être là, mais, malheureusement, elle a
été empêchée, compte tenu du changement d'horaire
qui a été apporté pour la journée
d'aujourd'hui.
Si vous me le permettez, je vais d'abord, au nom des groupes
sociocommunautaires de la région de l'Estrie, vous remercier pour cette
opportunité qui nous est offerte de venir vous présenter,
à notre tour, un mémoire. Je vais vous
dire qu'on est d'autant plus intéressés de par le fait
que, dans notre région, depuis un certain temps, depuis plusieurs
années déjà, il y a de très beaux exemples de
partenariat. Ce qui nous cause certaines difficultés, c'est
peut-être davantage de ça qu'on aimerait vous entretenir, vous
faire connaître davantage nos points de vue et, évidemment,
connaître les vôtres.
Dans l'avant-propos - je pense que je n'ai pas à traiter de
ça très très longtemps, d'autres avant nous ont dû
vous le souligner - on a déploré qu'un processus
démocratique de consultation, tel que la tenue de cette commission
parlementaire, se fasse dans des délais aussi courts. Ça nous a
fait en même temps un peu sourire en se disant que, pour une fois, dans
l'avant-projet de loi, on parlait d'une reconnaissance, mais ça nous a
amenés quand même à se questionner. On se demandait si le
ministère était vraiment conscient de la réalité
vécue dans le quotidien des groupes communautaires. On va donc essayer,
justement, pendant les prochaines minutes, de mieux vous expliquer un petit peu
ce qu'on vit tous les jours. Alors, il est bien sûr que, dans
l'éventualité de l'application de cet avant-projet de loi, on
croit que ça va impliquer des modifications profondes pour les
organismes communautaires qui travaillent dans le domaine de la santé et
des services sociaux. Alors, c'était pour nous essentiel de faire
connaître notre point de vue qui, finalement, est celui des citoyens et
citoyennes que nous représentons.
On a donc pris connaissance, dans son ensemble, de l'avant-projet de
loi, mais, comme on avait peu de temps, on a décidé de s'attarder
principalement sur les enjeux de l'application pour l'ensemble des organismes
communautaires, de même que pour l'élaboration d'un système
réellement centré sur la personne, dans sa globalité, son
autonomie et sa capacité de prise en charge. Alors, les articles
étudiés l'ont été à la lumière de
trois grandes revendications qui, pour nous, nous apparaissent essentielles,
c'est-à-dire, d'abord, la reconnaissance de l'action communautaire
spécifique de même que la qualité assurée par les
groupes communautaires souvent à l'avant-garde. Ce sera important qu'on
saisisse bien qu'en 1990 les groupes communautaires ont beaucoup
évolué et que ce ne sont plus des groupes dits, entre guillemets,
folkloriques. Ce sont des gens qui sont de plus en plus structurés, qui
sont bien encadrés et il faut qu'ensemble, je pense, on essaie de
comprendre enfin que ce sont des gens qui ont, à la fois, de multiples
visages et dont le travail a de multiples facettes. Il faut faire la
distinction entre les groupes communautaires et tout le bénévolat
qui vient à côté. Je pense qu'on ne peut pas faire
travailler des gens bénévolement si, au départ, on n'a pas
un groupe communautaire qui est capable de donner de bonnes orientations et une
bonne formation à ces gens-là.
On parle également d'une reconnaissance officielle des organismes
communautaires traduite par un financement adéquat, tout en respectant
leur autonomie, c'est-à-dire qu'ils puissent définir librement
leurs orientations, leurs approches et leur mode de fonctionnement. Ça
ne veut évidemment pas dire qu'on a quelque chose contre une certaine
forme de contrôle et on n'a rien non plus contre les évaluations.
Ce sont, finalement, des choses qu'on fait régulièrement. Il n'y
a pas un groupe communautaire qui n'a pas établi des mécanismes
qui vont dans ce sens-là. Maintenant, on voudrait quand même que
le ministère soit conscient qu'il ne peut pas exiger de nous ce qu'il
exige des gens qu'il finance avec des centaines de milliers et même des
millions de dollars. On a des moyens qui sont très minimes et on
espère que, quelque part dans cette volonté de partenariat, on
sera de plus en plus conscients de ce qui se passe chez nous et, nous, on
essaiera d'être conscients aussi de ce qui se passe chez vous.
On veut également parler de la reconnaissance de
développer ce réel partenariat dont je viens de vous parler: un
réel partage du pouvoir avec le réseau public, basé sur la
connaissance, le respect mutuel, l'accès égal à
l'information et des moyens équivalents de
représentativité. Vous savez, on n'est pas fermés du tout
à s'asseoir à des tables de concertation. On est heureux
d'être ici, aujourd'hui, mais, en même temps qu'on est là,
on n'est pas dans nos groupes respectifs, là où, dans le fond, on
a pris des engagements. On n'a rien contre ça, mais on ne pourra
continuer que dans la mesure où on aura des moyens. Là,
évidemment, on parle de ressources financières et de ressources
humaines.
Au niveau de l'évaluation globale, nous sommes d'avis que les
objectifs poursuivis par le ministère de la Santé et des Services
sociaux, dans le cadre de cet avant-projet de loi, sont intéressants,
particulièrement parce qu'ils conservent des acquis importants, telles
l'accessibilité géographique et liguistique,
l'universalité et la gratuité. Alors, on espère, en tout
cas, par rapport à la gratuité, que les solutions qui seront
envisagées le seront à la lumière de profondes
réflexions. On ne voudrait pas reculer 20 ans en arrière, ce
serait dommage. De plus, le gouvernement québécois, quant
à nous, se rapproche des conceptions véhiculées par
l'Organisation mondiale de la santé pour qui la santé de la
personne est état de bien-être intégral et
possibilité de réaliser pleinement ses potentialités.
Cependant, on croit que les moyens mis de l'avant, bien que
théoriquement susceptibles de faire avancer les dossiers, perdent de
leur potentiel lorsque l'avant-projet de loi en définit les
mécanismes d'application. Alors, on y reviendra un petit peu plus tard.
D'autre part, nous sommes satisfaits et satisfaites, enfin, de cette
reconnaissance officielle qu'accorde le ministère aux organismes
communautaires pour leur apport indéniable et indispensable à la
santé et au bien-
être des Québécois et des
Québécoises. Toutefois, cette reconnaissance comporte des risques
que nous tenterons de mettre en lumière.
Par rapport aux conseils d'administration unifiés,
à première vue, H peut sembler que cet article favorisera la
concertation et mettra fin aux luttes de pouvoir entre les différents
intérêts corporatistes, à l'intérieur du
réseau. Toutefois, nous ne croyons pas qu'une telle collaboration doive
être téléguidée de l'extérieur. Il faut
chercher ailleurs. Nous pourrions croire aussi à l'émergence d'un
pouvoir plus grand pour la population. Il nous semble plutôt que les
futurs administrateurs ou les futures administratrices de ces conseils
d'administration unifiés seront simplement des témoins
appelés à ratifier des programmes élaborés par des
gestionnaires, à moins qu'ils ne soient eux-mêmes des
gestionnaires professionnels. D'autre part, les citoyens et les citoyennes
appelés à transiger dans les cadres de cette structure seront,
par la force des choses, davantage confrontés à la
bureaucratie.
Par rapport à l'article 57, bien que nous soyons
parfaitement d'accord avec la volonté ministérielle de
démocratiser davantage la composition des conseils d'administration,
nous ne sommes pas d'accord pour exclure d'emblée tous les travailleurs
et travailleuses du réseau. Le ministère devrait faire la
différence entre les gestionnaires du réseau et les intervenants
et intervenantes. Vous savez que - bon, je l'ai dit tout à l'heure - on
travaille, très souvent, avec des moyens qui sont très minimes
et, très souvent, les gens qui peuvent devenir des
éléments intéressants, les gens qui ont une bonne
expertise, ce sont les travailleurs et les travailleuses des groupes
communautaires; ce sont eux qui ont des disponibilités pour nous
représenter et ce serait tout à fait épouvantable qu'ils
n'aient pas le droit d'y siéger. Il devrait réserver davantage de
postes aux bénéficiaires et assurer une
représentativité équitable des organismes communautaires
sans en exclure les travailleurs et travailleuses. Il ne faudrait pas que le
ministère perde de vue le fait que bien souvent ces personnes ont
reçu de leurs membres le mandat d'être leur porte-parole, de les
représenter et de défendre leurs intérêts.
On a cru bon faire un petit commentaire sur l'article 201
par rapport aux ressources intermédiaires. On veut tout de suite vous
dire que, d'emblée, tous les groupes sociocommunau-taires qui ont
participé à l'élaboration de ce document-là
reconnaissent la notion de ressources de type familial. Maintenant, quand on
parle de ressources intermédiaires, on dit que ça comporte des
ambiguïtés. Dans quels champs d'intervention se situent-elles?
Qu'est-ce qui nous garantit que ce type de ressources ne va pas se
développer au détriment du communautaire? Ce que, nous autres, on
préconise, c'est qu'avant de mettre sur pied de telles ressources on
regarde bien autour s'il n'existe pas, dans le fond, des services qui sont
déjà offerts. On parle de rationaliser, on parle de coupures un
peu partout, alors ce serait inutile, quant à nous, de multiplier
à ce niveau-là. Comme je viens de le dire, le
développement, évidemment, devrait se faire en consultation avec
le milieu communautaire. Qu'on vienne nous voir, qu'on discute ensemble, puis
ensuite on verra.
Malgré une reconnaissance officielle des organismes
communautaires, malgré une pratique d'échanges avec le
réseau public, peut-être surtout à cause de cela, nous
identifions des lacunes sévères dans l'avant-projet de loi quant
aux trois revendications identifiées dans l'introduction. D'abord, il
nous apparaît que la définition est vidée de son sens: Tout
organisme communautaire est un organisme sans but lucratif. Cependant,
l'inverse n'est pas vrai. Alors, on souhaite donc voir apparaître les
précisions suivantes: Un groupe communautaire est un organisme sans but
lucratif constitué en vertu de la troisième partie de la Loi sur
les compagnies, issu de la communauté, qui définit librement ses
orientations, ses politiques et ses approches et dont le conseil
d'administration est majoritairement composé d'usagers,
d'usagères ou de membres de la communauté, et, bien sûr Le
ministère finance les organismes communautaires dont la mission
relève du domaine de la santé et des services sociaux.
Une fois pour toutes, le MSSS doit freiner la tendance de
plusieurs établissements publics à mettre sur pied des organismes
sans but lucratif pour intervenir de façon communautaire dans le milieu.
Les organismes communautaires issus de la communauté sont
régulièrement aux prises avec cette réalité. Bien
que nous reconnaissons aux CLSC le mandat de supporter l'organisation
communautaire, nous ne leur reconnaissons pas celui de décider, à
partir de leur bureau ou de l'argent disponible en région, de
créer de toutes pièces ces structures et d'y parachuter des gens.
On a déjà, dans le passé, vécu des situations
où ça s'est produit et tôt ou tard, bon, on commence
à les financer à partir des budgets qui sont là,
après c'est foutu, donc on vient se rajouter à la liste
déjà nombreuse des groupes communautaires et c'est le "micmac"
total.
Par rapport à l'article 230, eh bien, pour ce qui
est du financement des organismes communautaires, on va y revenir quand on va
traiter des rôles et mandats des régies régionales. Quant
à l'article 231, on refuse cet article. Le ministère, quant
à nous, retire un acquis important pour les organismes communautaires,
sans toutefois proposer de mesures concrètes de remplacement. Nous
savons tous et toutes que c'est en grande partie grâce à nos
regroupements provinciaux que plusieurs problématiques sont devenues
visibles pour le ministère de la Santé et des Services sociaux et
qu'H y eut, à cet effet, des gains importants pour les groupes
communautaires. Alors, pour nous, c'est impen-
sable qu'on mette de côté cet article-là. Cet
affaiblissement des regroupements est d'autant plus inacceptable que le
ministère, sauf pour deux secteurs d'activité,
c'est-à-dire la promotion et la défense, de même que pour
les nouveaux secteurs, ne prévoit aucun mécanisme de contact
entre les organismes communautaires et le pouvoir central. Cependant, lui se
garde le droit de déterminer les grandes politiques et les budgets
alloués aux régions. Article 233, nous sommes d'accord avec cet
énoncé. On croit que ce pouvoir doit rester au niveau provincial.
C'est le seul article, dans le fond, à l'intérieur de
l'avant-projet de loi, qui permet un peu plus de latitude à la
réponse spontanée et créative à l'identification de
nouveaux besoins par la communauté, d'autant plus que, si on doit parler
éventuellement de financement par programme, il n'y a aucune autre marge
de manoeuvre à l'exception de cet article-là. Alors, donner ce
pouvoir en région serait risquer de restreindre cette réponse au
cadre de la programmation et de la laisser à l'arbitraire des rapports
d'influence. (18 heures)
En ce qui concerne les régies régionales, comme nous le
mentionnons dans le chapitre des organismes communautaires, bien que certains
d'entre nous aient vécu des rapports fructueux avec le CRSSS de l'Estrie
et avec des établissements du réseau, nous sommes contre la
création des régies régionales telles que proposées
par le ministère. Les pouvoirs donnés à celles-ci ne sont
pas supportés par des conditions favorisant le réel partenariat
des organismes communautaires. Nous considérons que le ministère,
ce faisant, laisse place à la bonne volonté des gens et ce n'est
pas souhaitable.
Ce qui nous embête le plus par rapport à ta mise sur pied
des régies régionales c'est que, pour le moment, il y a
énormément de questions qui, pour nous, sont sans réponse,
par exemple, qu'est-ce qu'il va arriver du transfert des acquis des groupes
communautaires? Qu'est-ce qu'il va arriver du pouvoir? Ce n'est pas clair
à savoir qui du ministère ou des régies régionales
va le détenir ce pouvoir-là. C'est déjà difficile,
dans notre quotidien, de savoir avec qui on va "dealer", alors on ne veut pas,
encore une fois, en tout cas, servir de balle de ping-pong et, tant et aussi
longtemps que ce ne sera pas davantage clair, malheureusement, on ne peut pas
dire oui à la mise sur pied de ces régies.
Quant au partenariat, on l'a dit dès le départ, on veut
être partenaires et on refuse, comme bien d'autres, la notion de
complémentarité, cette complémentarité à
sens unique qui risque de faire de nous des exécutants de tâches
que le réseau refuse ou encore est incapable de réaliser par
manque de fonds. Nous refusons la notion de dédoublement. Encore une
fois, l'expérience nous prouve que le type d'intervention
effectué dans un organisme communautaire dif- fère
sign'rficativement de celui d'un établissement bien qu'on puisse, par
exemple, parler, dans les deux cas, d'intervention en situation de crise,
d'activités de sensibilisation ou autres.
Nous avons notre raison d'être et l'assurance que nous avons
développé une expertise intéressante au niveau de
l'analyse et de l'intervention dans nos secteurs respectifs. Pour le
mieux-être de nos membres et de nos clientèles, nous sommes d'avis
qu'il nous faut partager cette expertise. Toutefois, actuellement, nous sommes
les seuls à en assumer les coûts: les déplacements, les
surcharges de travail, pour ne nommer que ceux-là. Rien dans
l'avant-projet de loi ne nous indique que le ministère reconnaît
tous les efforts consentis de notre part. Nous croirons à la
volonté ministérielle de nous considérer comme partenaires
du réseau public le jour où le ministère mettra à
notre disponibilité des ressources financières et
matérielles afin d'assurer l'égalité des moyens de nos
représentations avec celles du réseau public.
Enfin, force nous est de constater que plus on s'approche du pouvoir,
moins les organismes communautaires y sont représentés. On parle
du conseil électoral, 25 %, et du conseil d'administration, 13 %.
Par rapport au financement, nous voyons des limites certaines au
financement par programme. Des dimensions d'approche globale,
d'originalité, de diversité des organismes communautaires sont
menacées. Notre approche, basée sur la personne vivant dans un
contexte familial, social, politique et économique, basée sur la
prise en charge des citoyens et citoyennes par eux-mêmes, basée
également sur l'accessibilité et la souplesse de l'intervention,
s'accommode mal d'un découpage par programme, encore plus mal d'un
financement par programme. Donc, nous réitérons au
ministère notre volonté d'obtenir un budget de fonctionnement
pour l'ensemble du travail des organismes communautaires et que ce financement
se fasse sous forme de subvention globale, récurrente et indexée
selon un plan triennal.
Quant à l'évaluation, nous voulons que l'évaluation
de nos activités se fasse de la même manière qu'avant,
c'est-à-dire que nous remettions nos rapports d'activité et nos
rapports financiers en souhaitant que le ministère saisisse bien que,
quotidiennement, nos organismes rendent des comptes à leurs conseils
d'administration légitimement élus par nos membres et que ce fait
est garant de notre crédibilité auprès du ministère
de même que des établissements du réseau.
En guise de conclusion, en conséquence, nous tenons à
mettre le ministre en garde contre une vision romancée de l'engagement
bénévole dans les organismes communautaires. L'action
bénévole a un prix et une étude, parue en juin dernier, a
démontré clairement qu'une grande concentration de
bénévoles nécessite, dans une
organisation, un accueil et un encadrement adéquats ainsi que de
bons outils de participation et de soutien. Cette structure organisationneile
peut difficilement être mise en place et soutenue lorsque les ressources
financières sont précaires. Les groupes à petit budget
n'ont donc pas le choix de limiter l'intervention des bénévoles
militant dans leur organisation pour être opérationnels.
La Présidente (Mme Marois): Merci, madame. M. le ministre
de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. Mme la
Présidente. C'est un discours de fond qui n'est pas différent de
celui des autres organismes communautaires qu'on a entendus depuis le
début. C'est la même ligne de fond. Mais, malgré le fait
que je comprenne, reconnaisse l'utilité des groupes communautaires, que
nous reconnaissons que les groupes communautaires, pour le même dollar,
par rapport au secteur public, font beaucoup plus et qu'il faut continuer de
les encourager, à vous entendre, même si, demain, on avait le 1 %
qui a fait l'objet d'un engagement chez vous, qu'on reprenait cet
engagement-là puis qu'on mettait 80 000 000 $, je suis convaincu que,
dans six mois, on n'aurait pas assez d'argent, compte tenu des 50 000 000 $
qui, actuellement, sont déjà investis dans le communautaire. Je
le dis, là: Oui, effectivement, il faut continuer de reconnaître
le communautaire; oui, effectivement, il faut le supporter davantage qu'on ne
le fait maintenant, mais j'ai des réticences assez importantes face au
discours qui est fait. J'ai des réticences, oui, puis je vais vous les
dire. En particulier, lorsque vous nous dites - et c'est votre droit le plus
légitime - par exemple, que vous êtes contre les régies
régionales, à tout le moins définies comme elles le sont
dans le projet de loi. Je n'en ai pas entendu beaucoup venir nous dire
ça. Nous avons toujours cru que les régies régionales
seraient beaucoup mieux placées pour être capables de prendre des
décisions dans le sens de l'intérêt de chacune des
régions. Donc, expliquez-moi pourquoi une régie régionale,
avec des pouvoirs au niveau de l'Estrie, desservirait l'Estrie plus qu'une
autre région du Québec.
Mme Therrien: Ce qu'on a dit dans le mémoire - bien
sûr, on n'a pas voulu élaborer davantage - c'est que, dans
l'avant-projet de loi, les mécanismes ne sont pas clairs. Après
maintes discussions, même avec des représentants du réseau
de la santé à qui on posait la question: Quels sont les pouvoirs
que vous aurez comme régie, les réponses ne venaient pas, on
s'est dit: II n'y en a pas de définition, actuellement. Et je vous
avouerai que je ne peux pas, au nom de tous les groupes communautaires
signataires, vous dire qu'à partir du moment où on les aura, les
garanties dont je vous ai parlé tout à l'heure, on sera toujours
contre. Mais quand on ne sait pas si c'est le ministère qui conserve le
pouvoir ou si c'est, en tout cas, une partie des pouvoirs, puis une autre
partie est là. si le transfert de nos acquis c'est quelque chose sur
lequel on peut compter, si...
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Prenons cet
exemple-là. C'est quoi le transfert des acquis, pour vous?
Mme Therrien: Est-ce qu'on devra recommencer le processus de
reconnaissance? Est-ce qu'on devra recommencer ce processus de demande de
financement? Je veux dire, est-ce qu'on va devoir s'obstiner, repartir à
zéro avec cette démarche-là? Est-ce que, par exemple, on
peut croire qu'il y aura, sinon des budgets protégés, à
tout le moins des garanties à savoir que, dans chacune des
régions respectives, il y aura de l'argent qui sera là, auquel on
n'aura pas le droit de toucher autrement que pour ça? Tout ça
n'est pas clair dans l'avant-projet de loi.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. En tout cas, je
comprends, parce que nous autres, on répète la même chose
depuis bien des fois, puis ce n'est pas tout le monde qui peut, surtout quand
le groupe communautaire est assis dans la salle, être capable d'entendre.
Mais, en cours de route, on a effectivement fait du chemin. Ça n'a
peut-être pas ressorti pour que les gens puissent le savoir, mais on
s'est dit que, si les budgets dévolus aux organismes communautaires
étaient régionalisés, il faudrait avoir une enveloppe
protégée à l'intérieur des régies, de
façon que ça ne soit pas utilisé à d'autres fins et
que ce soit exclusivement réservé aux organismes communautaires.
Donc, j'ai l'impression qu'en faisant ça on protège de beaucoup
les acquis.
Évidemment, ce que je comprends, c'est que vous n'êtes pas
nécessairement contre une régie régionale, mais que ce que
vous souhaitez, c'est que les pouvoirs soient mieux définis puis qu'il y
ait des pouvoirs réels. Alors, je pense que j'ai mieux saisi
maintenant.
Deuxième observation, on parle de la reddition des comptes. Je
l'ai dit, quant à moi, chez nous, il y a deux catégories
d'organismes communautaires. Il y en a une qui reçoit 3000 $, 5000 $ ou
10 000 $. Je ne suis pas sûr que ça prenne bien des rapports pour
être capable de justifier ça. Alors, il y a des
réajustements à faire et vous avez probablement des organismes
que vous représentez qui sont dans cette catégorie-là.
Alors, il n'est pas question d'aller plus loin que ça, il est
peut-être même davantage question de simplifier les exigences qu'on
peut avoir vis-à-vis de ces gens-là. Par cuntre, lorsqu'on va
dans des montants plus substantiels de 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $ ou 100 000
$, on est responsables, mais on doit répondre, nous,
à l'Assemblée nationale. Il faut avoir des exigences qui
sont un petit peu plus importantes à ce niveau-là, sur le plan de
fa reddition des comptes, et ça m'apparaît important. Je pense que
vous devez partager aussi le même point de vue.
La Présidente (Mme Marois): Mme Therrien. Mme Therrien:
Je suis entièrement d'accord.
La Présidente (Mme Marois): M. Turcotte, oui.
M. Turcotte (Michel): Mon intervention concerne la
régionalisation. C'est pour renforcer un peu le commentaire de Mme
Therrien. Il y a tout un historique nous concernant par rapport à
ça. Si je fais référence à notre organisation, qui
est là depuis 17 ans - et vous devez comprendre un peu notre
méfiance - on a gagné ça pouce par pouce, année par
année, à force d'efforts, et c'est un peu ça qu'on vous
dit: On est méfiants, parce que c'est à force
d'énormément de travail qu'on en est arrivés à
avoir ce qu'on a. C'est dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Marois): Une dernière, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, il y a
tout le volet de complémentarité, dédoublement, qui fait
l'objet de friction dans les échanges et... Mais je demeure convaincu
qu'on doit trouver des moyens, non pas coercitifs - ce n'est pas ça qui
est l'objet - mais qu'il puisse y avoir effectivement
complémentarité tout en respectant l'autonomie, l'autonomie des
groupes communautaires. La définition n'est pas suffisamment claire,
dans l'avant-projet de loi, elle le sera davantage dans le projet de loi. Mais
tout en respectant et en reconnaissant l'autonomie des groupes communautaires,
il faut, bien sûr, à l'occasion, aussi parler de
complémentarité parce que l'argent que nous avons, c'est pour une
mission spécifique au niveau de la santé et des services sociaux.
Il faut que ce soit dans ce domaine-là. Donc, nous aussi, on a des
exigences qu'on devrait avoir, mais forcer davantage - forcer, non pas dans le
sens d'obliger, là - notre réflexion nous mènerait vers
une complémentarité avec les groupes communautaires. Ce que j'ai
compris aujourd'hui, c'est qu'on a encore du chemin à faire sur la plan
de la discussion.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Nous autres, pour vous
comprendre, puis vous autres, pour nous comprendre.
La Présidente (Mme Marois): Mme Therrien.
Mme Therrien: Oui, je pense que la base du problème, elle
est là. Très souvent, on a les mêmes visions mais on ne
s'entend pas, on ne s'entend pas sur les mêmes choses. Et, mol, je
souhaite, au nom des groupes communautaires, qu'à la suite de cette
démarche on se rassoie. On n'est pas des méchants et vous
n'êtes pas des méchants, mais on ne parle pas le même
langage.
M. Côté (Charlesbourg): Mais...
Mme Therrien: Et, moi, j'accepterai la notion de
complémentarité pour les groupes communautaires la journée
où j'entendrai le ministre me dire qu'à son tour, dans un
dossier, il acceptera aussi d'être un complément. Quand on vous
dit qu'on est souvent à l'avant-garde, je ne sais pas qui est devenu
notre complément, là, quelque part. Alors, si on veut faire... si
on veut parler d'un réel partenariat, je pense que, dans ce
sens-là, on le fait, dans la région de l'Estrie.
M. Côté (Charlesbourg): Moi, je ne l'ai pas
caché, effectivement, dans certains domaines, les groupes communautaires
ont été à l'avant-garde du ministère et, dans
certains autres domaines, ce qu'il faut tenter d'éviter, c'est que le
réseau s'approprie ou s'accapare des initiatives communautaires.
Ça...
Mme Therrien: Ouais...
M. Côté (Charlesbourg): Je veux juste terminer. Vous
avez réussi à me faire perdre mon idée.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Faut croire qu'elle ne
méritait pas d'être retenue.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!
Elle vous reviendra peut-être, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Ah! non; non, non. La
Présidente (Mme Marois): Allez.
M. Côté (Charlesbourg): Je l'ai retrouvée...
en vous disant qu'on a besoin de continuer de se parler pour se comprendre
mais, de ce que j'ai compris avec le groupe qui vous a
précédé, vous avez besoin aussi de vous parler pour vous
comprendre, les groupes communautaires. Parce que vous nous avez dit, dans
votre présentation, que 25 %, au niveau de la régie
régionale, c'était peu, et eux nous ont dit que 25 %
c'était trop. Alors... Et moi, je pense que 25 %, au niveau de la
régie régionale, aux groupes communautaires, c'est une
reconnaissance extraordinaire que les groupes communautaires n'ont jamais eue
jusqu'à maintenant. Et c'est un moyen de faire partie des
décideurs sur le plan régional et, évidemment, c'est
reconnaître un apport tout à fait
considérable des groupes communautaires. Il est peut-être
mal articulé? On va se rasseoir puis on va refaire des devoirs puis,
autant que possible, on va essayer de le faire avec vous autres pour être
capables de bien se comprendre.
La Présidente (Mme Marois): M. le leader de l'Opposition
et député de Joliette.
M. Chevrette: Bien, moi, je comprends votre appréhension
parce que ce fameux réseau est tellement complexe, il se cherche
tellement que ce n'est pas surprenant que le communautaire veuille au moins,
lui, s'assurer au départ de la place qu'y va prendre. Entre vous et moi,
dans le domaine de la prévention et des solutions alternatives, si on
n'avait pas eu le réseau communautaire, on aurait un réseau de
santé et de services sociaux archisclérosé,
archirétrograde, y compris sur des techniques de
complémentarité, sur les techniques de recherche d'alternatives,
il y a des groupes de professionnels qui se sont réveillés pour
chercher de nouvelles approches et de nouvelles méthodes, parce que le
communautaire présentait des alternatives intéressantes. C'est
grâce au réseau du communautaire si, précisément, on
a commencé à s'interroger sur les correctifs à apporter au
fait que le réseau était tout à fait
sclérosé. Donc, moi, là-dessus, pas de problèmes,
puis ce n'est pas moi que vous allez convaincre!
Vos réticences, cependant, je pense qu'elles sont... au niveau du
partenariat versus la complémentarité, si je lis votre
résumé de mémoire - je ne me souviens pas de la page -
à la page 8. Vous dites: "Nous voulons être partenaires." Correct.
Ce n'est pas une colle, mais ça peut avoir l'air d'une colle ce que j'ai
à vous poser comme question. Vous voulez être partenaires et non
pas jouer en complémentarité. Mais, nécessairement, si
vous êtes partenaires, ne pensez-vous pas que vous allez être
obligés de mettre de l'eau dans votre vin sur l'autonomie, si vous
voulez éviter le dédoublement? Vous n'avez pas peur de ça?
(18 h 15)
La Présidente (Mme Marois): M. Turcotte.
M. Turcotte: Quant à moi, je ne verrais pas pourquoi on
serait menacés dans notre autonomie si on embarque dans un partenariat,
pas plus que le réseau qui pourrait l'être.
M. Chevrette: Mais vous n'avez pas peur de dire... Si vous
êtes un partenaire à la table de concertation, qu'on vous dise:
Écoutez, on s'en va... Prenons l'Estrie. Vous êtes de l'Estrle,
vous autres. Vous venez, en concertation, de décider - à moins
que mes renseignements ne soient pas bons, mais Hs sont sûrement bons -
vous avez décidé qu'en toxicomanie - je pense que c'est en
alcoolisme et en toxicomanie - vous avez une majeure pour les prochains
mois.
Supposez que, pour vous, ce ne soit pas trop votre préoccupation,
un groupe communautaire à court terme, qu'est-ce que vous allez faire
là? Si on vous dit: On est prêts à vous subventionner un
peu, par exemple. Vous n'avez pas peur de devenir un petit peu des
sous-contractants du réseau, si vous...
Mme Therrien: C'est ce qu'on ne veut pas.
M. Chevrette: Pardon?
Mme Therrien: c'est ce qu'on ne veut pas devenir. dans l'esprit,
par exemple, de certains clsc, c'est le rôle qu'on voudrait bien nous
voir jouer actuellement. quand on dit qu'on ne veut pas de cette notion de
complémentarité, il faut être clair. on veut bien
travailler avec les autres, mais on ne veut pas toujours être les deux de
pique. on veut participer à des tables de concertation mais, pour le
faire, avoir les moyens de le faire. on veut être là, dans le
fond, où ont lieu les grandes discussions et où là se
prenne... le pouvoir.
Maintenant, c'est sûr, je l'ai dit tout à l'heure,
tôt ou tard, bien sûr, qu'on soit dans le réseau, qu'on soit
dans le communautaire ou qu'on soit au ministère, il y a quelque chose
qui tourne. J'espère m'être bien fait comprendre. Si le ministre
veut, à son tour, jouer ce rôle de complément, moi aussi,
comme groupe communautaire, je le veux parce que, dans différentes
occasions, c'est ce qu'on doit faire. On ne veut pas tasser tout le monde et on
ne veut prendre la place de personne mais on veut qu'on reconnaisse la place
qu'on occupe et toute l'énergie. Et vous n'êtes pas sans savoir
que tout le travail qu'on fait, on le fait à bien moindre coût et
que le bénévolat et les groupes communautaires sont pour le
Québec une ressource qui n'a pas de prix et qui a toute une valeur. Ce
qu'on demande, c'est bien minime. On dit: Donnez-nous au moins les outils
nécessaires et, après, laissez-nous aller. Vous verrez que du 7
jours semaine et du 15 heures par jour, on n'a pas peur d'en faire, on l'a fait
dans le passé et on va continuer de le faire. De plus en plus, c'est
extraordinaire de voir qui sont ces gens qui se joignent au communautaire. Ce
ne sont plus des gens qui n'ont rien à faire et qui cherchent des
loisirs. Au contraire, ce sont des gens très occupés, des
professionnels, des gens, surtout dans le domaine de la santé, qui, un
jour ou l'autre, ont été placés devant une
problématique, qui ont été sensibilisés et
s'embarquent. Je pense que ça a une valeur qu'il ne faut pas
négliger. On ne le fera pas tout seul. Et vous ne le ferez pas tout
seul, mais c'est ensemble... Mais il faudrait qu'on perde cette espèce
de vision qui fait qu'on a toujours l'air de gens qui sont en arrière.
De toute façon, on nous amène à une table de concertation
mais on fera fi de ce qui s'est dit là. On ne veut pas plus de place que
les autres,
on veut juste la nôtre finalement.
M. Chevrette: Je pourrais continuer longuement à discuter
avec vous. Je vais arrêter, mais je vais vous dire deux choses, deux
petites réticences que j'ai et un point sur lequel je n'ai aucune
réticence. Tout d'abord, que vous vouliez garder votre autononomie de
fonctionnement et de pensée, je suis tellement d'accord que c'est
ça qui va sauver le réseau. C'est clair. À mon point de
vue, c'est ça qui va faire améliorer le réseau. Parce que
le jour où on va vouloir vous placer dans un moule de réseau,
tout l'effet bénéfique qu'on a, le bénévolat et
tout le kit, ça va dégénérer en des ajouts dans le
réseau. On a eu des exemples. Et ça, ce n'est pas sorti depuis le
début, mais je veux le dire: Quand les garderies sont parties, au
Québec, elles sont parties sous forme communautaire. D'accord? Vous vous
rappelez? Tout le monde s'embarquait spontanément. Il y avait des heures
gratuites qui se donnaient, épouvantablement. Aujourd'hui, on est en
train de négocier à l'échelon provincial, au niveau des
garderies, ce qui était, au départ, un objectif très
différent. Je suis persuadé que le jour où on va vous
placer à des tables, avec des statuts bien précis, vous allez
devenir des sous-contractants du réseau. Vos employés permanents
vont devenir des syndiqués du parapublic, dans un moule, avec une
idée et avec une façon de penser exactement conformes au
réseau. Si vous êtes capables de conserver ça, chapeau!
Moi, je vous souhaite de continuer a réclamer ce statut d'autonomie la
plus complète et totale dans la façon de penser et dans votre
façon d'agir.
La Présidente (Mme Marois): M. Turcotte.
M. Turcotte: Pour aller dans le sens de votre intervention, oui,
il y a un danger de couler dans le système. Mais, par
expérience... Je suis dans le communautaire depuis cinq ans et je peux
vous dire que ce qui se vit là et ce qui se donne en temps... Si je peux
mentionner notre service, il se donne environ 10 000 heures
bénévoles par année. Mettons ça à 10 $
l'heure, ça fait 100 000 $.
M. Chevrette: Vous avez raison. Je suis allé visiter La
Cordée, à Sherbrooke. S'il fallait qu'on paie le monde d'abord
comme dans le réseau, par rapport aux heures qu'il se fait là,
vous fermeriez vos portes, c'est évident.
M. Turcotte: Absolument.
M. Chevrette: Et il y a d'autres endroits dans le milieu... C'est
absolument vrai. Ça, vous n'avez plus de démonstration à
faire. Je pense que le danger, sur le plan législatif, c'est d'arriver
à vouloir définir tellement la place précise, avec le
pouvoir précis, qu'on vous encarcane. L'autonomie de pensée et
l'autonomie d'action, ce n'est pas nécessairement dans une structure que
tu la retrouves. Ça peut être dans une accréditation, le
système d'accréditation qui, lui, peut être pensé
sur le plan juridique. Mais après qu'on t'a accrédité,
qu'on t'a reconnu une valeur d'action dans le milieu et qu'on a prévu
une formule de financement, laisse-nous donc aller, laisse-nous donc penser,
laisse-nous donc évoluer. Si t'es obligé de nous "breaker" parce
que t'as pas d'argent, tu nous freineras. Je me suis replacé, vous avez
remarqué, la loi 101 m'est revenue entre les deux oreilles. Vous
comprenez ce que je veux dire?
M. Turcotte: Oui, oui.
M. Chevrette: N'exigez pas une place trop précise et dans
un carcan parce que vous allez devenir des sous-contractants du réseau,
avec une vitesse vertigineuse, à part ça, le temps que vous vous
en rendiez compte.
M. Turcotte: C'est un peu pour ça qu'on amène
l'item qu'on n'est pas d'accord avec le financement par programme. C'est un
danger à notre autonomie.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Ça va? M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. La conclusion que je
tire, c'est qu'il me reste encore des devoirs à faire. Même si mon
apprentissage est plus lent, j'y mets le temps qu'il faut. Et on va y mettre le
temps qu'il faut.
Mme Therrien: Si ça peut vous rassurer, je peux vous dire
que nous aussi, on a encore des devoirs à faire mais on est toujours
heureux de le faire et on va continuer de le faire. Merci beaucoup.
M. Côté (Charlesbourg): Parfait. Finalement, on va
faire un travail de réflexion de complémentarité.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Therrien: C'est bien ça.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre
contribution à nos travaux. Nous suspendons les travaux de la commission
jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 24)
(Reprise à 20 h 18)
La Présidente (Mme Marois): La commission des affaires
sociales va reprendre ses travaux. J'inviterais les représentantes du
Comité de la
maîtrise en droit de la santé, Faculté de droit,
Université de Sherbrooke, à bien vouloir prendre place à
l'avant, s'il vous plaît. J'inviterais la porte-parole à se
présenter et à présenter la personne qui l'accompagne.
Vous avez une quinzaine de minutes pour présenter votre mémoire
et, par la suite, le temps qu'y nous reste est divisé entre les deux
formations politiques pour des questions et des échanges avec vous.
Bienvenue à la commission.
Il y a des remplacements, Mme la secrétaire. Je crois qu'H y a M.
Chevrette (Joliette) qui est remplacé par Mme Blackburn (Chicoutimi) et
M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) qui sera remplacé par Mme
Juneau (Johnson). Est-ce qu'H y a consentement? Bien sûr, d'accord.
Merci.
Nous vous souhaitons la bienvenue à la commission.
Comité de la maîtrise en droit de la
santé de l'Université de Sherbrooke
Mme Lussier (Louise): Merci, Mme la Présidente. Mme la
Présidente, mesdames et messieurs, députés membres de la
commission des affaires sociales, mon nom est Louise Lussier, professeurs
à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, et je
suis accompagnée par Me Judith Rochette, étudiante à la
maîtrise.
Nous représentons le Comité de la maîtrise en droit
de la santé, composé des professeurs oeuvrant dans ce programme
de 2e cycle en droit, programme unique au Québec. Mis sur pied à
l'Université de Sherbrooke depuis plus de cinq ans, le programme de
maîtrise en droit de la santé vise à former des
spécialistes dans ce secteur. Il s'adresse tant aux juristes qu'aux
diplômés oeuvrant dans le secteur de la santé afin de les
initier aux différents aspects juridiques du monde de la santé.
Ce programme entend les préparer à solutionner les
problèmes soulevés et c'est pourquoi le Comité de la
maîtrise s'est intéressé particulièrement à
la réforme législative de ce secteur.
Nous remercions la commission de nous recevoir et de nous entendre,
à l'occasion de l'étude de l'avant-projet de loi. En tant
qu'observateurs critiques et objectifs des changements législatifs
proposés, nous souhaitons ainsi participer à l'évolution
du droit de la santé au Québec. Nous espérons,
malgré le sort qui a été réservé à
l'avant-projet de loi, contribuer à la réflexion devant servir de
guide au projet de loi qui sera déposé l'automne prochain, tel
que le ministre de la Santé et des Services sociaux l'a
annoncé.
Cette contribution repose essentiellement sur deux aspects qui nous
apparaissent fondamentaux dans le droit de la santé au Québec:
les droits des bénéficiaires et la responsabilité
médico-hospitalière à l'égard desquels, nous
semble-t-il, l'avant-projet de loi révèle des faiblesses et des
lacunes.
Dans le cas des droits des bénéficiaires consacrés
aux articles 4 à 20 de l'avant-projet de loi, nous avons voulu proposer
une critique, tant sur la forme que sur le fond de la rédaction de ces
dispositions, et nous insistons particulièrement sur les
éléments suivants: nous reconnaissons l'importance de conserver
le droit de recevoir des services énoncé à l'article 4 de
l'avant-projet, mais nous souhaitons que son énoncé soit revu
pour atténuer l'effet arbitraire des limitations qui peuvent lui
être apportées, en garantissant la prise en considération
des droits des bénéficiaires lors des décisions concernant
les services à leur être dispensés, processus dont ils sont
exclus. À cet égard, on devrait assurer, en cas de non-respect de
ces droits, des recours efficaces et rapides. Nous croyons aussi qu'il est
nécessaire que soient ajoutés et complétés les
mécanismes de mise en oeuvre de ces droits, particulièrement en
matière d'information et d'accès au dossier, droits prévus
aux articles 5, 6 et 15. Par exemple, il serait utile d'indiquer le responsable
du traitement de la demande d'un bénéficiaire lorsque celui-ci
désire des informations sur les services disponibles. De la même
façon, on pourrait désigner la procédure et le responsable
de l'accès aux dossiers d'établissements dans la disposition du
projet de loi. Et, plus généralement, on devrait y indiquer les
conditions d'exercice des divers droits qui y sont énoncés.
Par ailleurs, nous estimons que l'inclusion de notions se rapportant aux
droits privés des personnes risque d'engendrer la confusion. Ainsi, le
consentement, notion prévue à l'article 7 de I avant-projet, ou
encore la représentation du bénéficiaire, à
l'article 23, constituent des chevauchements et des recoupements inutiles,
voire même incohérents avec le Code civil. Selon nous, H serait
sage de laisser le Code civil régler ces questions et de prévoir
le renvoi au Code par souci de concordance. On ne risquerait pas alors de
susciter des difficultés d'interprétation défavorable aux
bénéficiaires.
C'est ainsi que la difficulté d'établir la part du
symbolisme et la part de réflectivité des droits des
bénéficiaires se reflète également au niveau de la
compensation des bénéficiaires lésés dans leurs
droits. Sans vouloir évoquer, comme d'autres, un état de crise
dans la responsabilité médico-hospitalière au
Québec, nous nous en tiendrons a situer la question sur un plan plus
strictement juridique, sans en sous-estimer les incidences politiques ou les
considérations économiques. Mais compte tenu des problèmes
auxquels font face les bénéficiaires lésés, qu'Us
soient victimes d'accidents thérapeutiques ou de refus de services, nous
voulons souligner l'impact négatif de l'avant-projet de loi sur les
points suivants. Les réformes de gestion et de structure
proposées dans l'avant-projet ne tiennent pas compte suffisamment des
conséquences des
décisions sur la disponibilité et la qualité des
services, conséquences vis-à-vis des bénéficiaires,
de leurs besoins, de leurs droits et intérêts. Dans le cadre des
règles actuelles des régimes de responsabilité,
l'apparition de nouvelles ressources, la complémentarité entre
les établissements et la gestion intégrée, entre autres,
risquent de provoquer des analyses tronquées des véritables
rapports juridiques établis, et cela, au détriment des
bénéficiaires. Comment, en effet, ces derniers pourront-ils
identifier le décideur et le responsable des services qui leur seront
dispensés? Selon nous, il conviendrait de clarifier la situation et de
déterminer, dans le projet de loi, les règles de la prise en
charge des bénéficiaires.
Un autre point à discuter, nous semble-t-il, est celui de
l'immuabilité du statut des médecins conservé dans
l'avant-projet de loi, puisqu'ils ne sont pas considérés comme
faisant partie du personnel de l'établissement. À notre avis, il
serait temps de redéfinir la relation
médecin-établissement lorsqu'elle implique la mise en cause de la
responsabilité de l'institution. En effet, étant donné que
les modes de dispensation des services déterminent les conditions
d'exercice médical en établissement, il devient de plus en plus
évident que le partage de responsabilités entre l'hôpital
et le médecin n'est pas adapté à la
réalité.
Enfin, on ne peut que déplorer la fiction entretenue de
l'autonomie locale ou régionale face au poids de la centralisation vers
le ministère. L'absence de reconnaissance de responsabilité
juridique, qui devrait revenir au ministère alors qu'elle existe aux
plans politique et administratif, entretient un climat de confusion chez les
administrateurs, chez les juges, chez les avocats et chez les clients, qu'ils
soient établissements ou bénéficiaires. C'est pourquoi
nous proposons que les fondements de la responsabilité
médico-hospitalière soient révisés et soient
éventuellement régis par un nouveau régime à
être incorporé dans le prochain projet de loi. Il s'agirait
particulièrement de permettre de rechercher la responsabilité
gouvernementale lorsque la responsabilité de l'établissement est
reconnue, notamment aux fins de la compensation financière des
bénéficiaires lésés. Selon nous, il ne s'agit pas
de mettre en place un régime sans faute et non contentieux, mais
plutôt de simplifier le régime actuel de
responsabilité.
En conclusion, nos recommandations se résument à des
modifications spécifiques dans les dispositions de l'avant-projet de loi
visant les droits des bénéficiaires de services de santé
et de services sociaux. Ces modifications concernent: de revoir
l'énoncé du droit aux services pour en atténuer les
limitations arbitraires, de préciser les modalités de la mise en
oeuvre des droits à l'information et des droits à l'accès
au dossier et d'épurer certains articles de notions relevant du Code
civil, comme le consentement ou la représentation des
bénéficiaires. Nous recommandons également que soient
revues les règles actuelles des régimes de responsabilité
médico-hospitalière afin de les adapter aux
réalités du système de santé. En incorporant au
futur projet de loi des précisions sur le partage des
responsabilités dans la prise en charge des bénéficiaires,
en clarifiant le statut des médecins et en prévoyant la mise en
oeuvre de la responsabilité gouvernementale, il sera possible de
protéger davantage les droits des bénéficiaires.
Nous espérons que nos commentaires permettront d'atteindre ces
objectifs et nous vous remercions de votre attention.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Lorsque j'ai été nommé ministre de la
Santé et des Services sociaux, au moment où M. Bourassa m'a
appelé à être ministre, je lui ai dit: Je ne peux pas aller
là, parce que je ne suis pas médecin.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Finalement, il m'a dit:
C'est peut-être une bonne affaire...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...que d'avoir quelqu'un qui
ne connaît absolument rien dans le système ou à peu
près et d'être capable de voir ça d'un oeil
différent. Je me retrouve un peu devant la même situation
vis-à-vis de votre mémoire. Je ne suis pas avocat non plus, mais
je sais qu'il y a des points que vous soulevez qui sont des points fort
pertinents, au plan des droits à des services: plan de services, droit
d'information, accès au dossier du bénéficiaire, ainsi de
suite, que vous soulevez, qui sont fort à propos et cela a
été, dès le premier mémoire qu'on a entendu en
commission, des sujets qui ont été soulevés par des
comités de bénéficiaires. Et on l'avait fait, cette
première journée-là, pour donner la parole à ceux
à qui on veut redonner le système, les
bénéficiaires, et cela avait été fort
intéressant et ça a marqué un peu la commission. (20 h
30)
Évidemment, mon objectif à moi n'est pas de vous dire de
tenter d'avoir une discussion juridique avec vous, même si je suis un
législateur et que le législateur est probablement la meilleure
personne en droit; je vous avoue franchement que je ne suis pas allé
là pour mes études parce que je n'avais pas la compétence
pour le faire. Donc, dans ce sens-là, je laisserai le côté
légal pour d'autres, prenant soin de vous dire que vos recommandations
vont être, même si
ça a déjà été fait, revues par le
contentieux du ministère à partir d'un nouveau cadre.
Évidemment, c'était un peu la difficulté de la commission
de venir entendre des gens sur un avant-projet de loi qui va passablement
changer, on l'a dit en cours de route, compte tenu de certains principes
fondamentaux qui vont changer au niveau de la réforme et qui devront,
par conséquent, modeler le prochain texte législatif. Donc,
à partir de ça, il y aura beaucoup de choses qui vont changer en
tenant compte du Code civil - puisque vous y faites référence
à plusieurs occasions - mais il est en profonde mutation
continuellement. Donc, ça aussi, il faut en tenir compte et les
légistes chez nous vont en tenir compte.
Vous évoquez beaucoup, dans votre mémoire, les droits du
bénéficiaire. Est-ce que les droits du bénéficiaire
doivent être places au-dessus de tout, dans le système, demain
matin? Parce que vous avez fait allusion aussi au médecin. Si j'ai bien
compris, à l'occasion, lui aussi doit être subordonné
à un certain nombre de choses. Mais est-ce que les droits du
bénéficiaire doivent être notre première
préoccupation au niveau de la prochaine législation?
La Présidente (Mme Marois): Mme Lussier.
Mme Lussier: Merci. À mon avis, oui, il faut que les
bénéficiaires soient au centre des préoccupations qui
animeront l'élaboration du projet de loi. C'était d'ailleurs dans
cette intention qu'avaient été élaborées les
orientations ministérielles que Mme la ministre Lavoie-Roux a
présentées, en avril 1989. On appelait au recentrage du
réseau vers la personne, vers la personne du bénéficiaire.
Alors, nous répondons donc à cet objectif. Et quand nous parlons
des droits des bénéficiaires - et là je ne voudrais pas
entrer dans une analyse détaillée sur un plan strictement
juridique de l'article 4 - entre autres, du droit de recevoir des services, il
va de soi que nous convenons à l'avance qu'il ne s'agit pas d'un droit
absolu, qu'il est forcément encadré, qu'il est - pour reprendre
votre vocabulaire - subordonné à certaines règles,
certaines contraintes dont nous sommes conscients et qui sont, de toute
façon, énoncées actuellement dans l'article 4 qui existe
dans la loi qui s'applique et qui se retrouve dans l'avant-projet et,
j'imagine, éventuellement dans le projet de loi que vous
présenterez l'automne prochain. Donc, il va de soi qu'il y a certaines
limitations parce qu'il s'agit de droits, somme toute, relatifs, qui doivent
tenir compte des conditions concrètes dans lesquelles s'insère la
dispensation des services. Loin de nous d'évoquer ici un droit sans
aucune contrainte économique, entre autres choses.
Mais, cela dit, il nous apparaît nécessaire
d'améliorer les mécanismes qui garantiraient la prise en
considération des droits des bénéficiai- res alors que
vous savez pertinemment, M. le ministre, maintenant, après quelques mois
en fonction, que les processus décisionnels, tant au niveau du
ministère, les niveaux régionaux ou encore locaux, sont des
processus où, faut-il le dire, les bénéficiaires sont
exclus. Bien sûr, il y a la voix que peuvent leur donner les
comités de bénéficiaires mais encore faut-il voir qu'ils
sont limités dans des aspects très particuliers de la gestion
hospitalière. Alors, c'est un voeu que nous appelons, d'essayer
d'assurer des mécanismes qui permettraient, par exemple, une plus grande
concertation, une prise en considération que ces
critères-là soient insérés, par exemple, à
l'article 150 de l'actuel avant-projet de loi où on indique qu'un
établissement, bien sûr, a l'obligation de dispenser des services
compte tenu de son organisation et de ses ressources. Mais, à mon sens,
on pourrait, à ce moment-là, y inclure la prise en
considération des droits, notamment du droit de recevoir des
services.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, on modernise et on va
plus loin à ce niveau-là et je pense que c'est dans ce
sens-là qu'on va aller. On va tenter de faire le mieux qu'on peut.
J'aimerais peut-être aborder le point d'accès à
l'information puisque vous vous êtes penchés sur tout le droit de
la santé. Est-ce que vous croyez que l'ère de l'informatique - je
déborde un peu mais vous allez me voir arriver tantôt là -
on est dans l'ère de l'informatique où tout le monde a quelque
chose à vendre, ça a bien l'air qu'il y a bien des preneurs
aussi, un peu partout, dans le réseau. D'aucuns s'inquiètent de
l'accessibilité trop facile à des banques de données, qui
pourrait, à ce moment-là, permettre de véhiculer de
l'information qui appartient au patient et qui pourrait servir à
d'autres fins. J'en arrive à un dossier qu'on a évoqué en
commission parlementaire, qui est celui de la carte à puce, qui,
supposément, permettrait une meilleure continuité de soins, une
meilleure qualité de soins, puisque, sur la puce, il y aurait de
l'information que le patient aurait autorisé d'inscrire sur la carte
à puce. Dans votre milieu à vous, est-ce qu'H y a une
réflexion qui s'est faite là-dessus? Jusqu'où peut-on
aller dans cette idée d'une carte à puce?
La Présidente (Mme Marois): Mme Lussier.
Mme Lussier: La carte à puce, comme on l'appelle
communément, je pense, apporte avec elle une certaine mystique. On
imagine beaucoup de choses fantastiques, mais aussi, pratiquement, des
méfaits que pourrait permettre l'utilisation de l'informatique. Il va de
soi que, pour différents objectifs, on peut rechercher, à l'heure
actuelle, de mettre sur support informatisé les dossiers des
bénéficiaires et, évidemment, se pose le problème
de l'accès, qui est rendu facilité, notamment par le couplage des
différents systèmes informatiques. Je pense que vous
admettrez avec moi que des spécialistes en Informatique
pourraient déjà défendre la sécurité des
systèmes mis en place, notamment dans votre ministère, et on peut
être assurés de garantir, donc, par un système de
sécurité qui est souvent révisé, une
étanchéité, bien que relative, faut-il l'admettre, mais
une étanchéité certaine dans le contrôle des
informations et des supports informatiques. À mon avis, il est important
que, lorsqu'on a une intervention, surtout en situation d'urgence, on puisse
effectivement avoir accès le plus rapidement possible - dans le respect,
bien sûr, des droits, notamment le consentement du
bénéficiaire - et de rechercher les informations pertinentes pour
permettre la meilleure intervention possible. Dans ce sens-là, on a vu
une expérience en France, où on a déjà mis sur pied
les dossiers informatisés, que cette expérience peut être
très valable, et cela dans le respect, notamment, du droit à la
confidentialité. Mais il faudra préparer le terrain; on a
déjà entendu parler d'une expérience-pilote, à
l'heure actuelle, dans cinq hôpitaux montréalais, de la
région de Montréal. Donc, il y aura, à ce
moment-là, des précautions à prendre avant
d'étendre à une plus grande échelle l'expérience
qui est menée. Évidemment, on a entendu aussi les craintes des
compagnies d'assurances, d'utilisateurs privés non soumis à la
loi sur l'accès, et ça, ça pourrait poser certains
problèmes. Mais je pense que les problèmes existent
déjà dans nos centres hospitaliers, pour donner cet
exemple-là, dans les dossiers sur les supports manuels tels qu'on les
retrouve actuellement. L'accès au service des archives et la
transmission des informations, cela ne se fait pas toujours, dans le contexte
actuel, hors l'informatique, dans le respect intégral du droit à
la confidentialité. J'imagine qu'on retrouvera cette
problématique, mais, à mon avis, l'informatique ne pose pas, en
soi, de plus grands dangers que les supports actuellement utilisés.
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être une
dernière. Vous avez évoqué, tout à l'heure, le
médecin. Si vous étiez ministre de la Santé, demain matin,
vous feriez face à la situation que vous avez évoquée de
quelle manière? Qu'est-ce qu'on fait vis-à-vis les
médecins, demain matin, sur le plan de la dispensation des services? On
sait qu'ils ont un pouvoir assez important, on reconnaît que c'est la
seule personne qui a suffisamment de connaissances pour émettre des
diagnostics. Je pense que, à ce moment-ci, ça a toujours
été très clair. Mais on fait quoi, demain matin, pour
être capable de changer une situation qui est dénoncée par
un certain nombre, jusqu'à maintenant? Il y a du pour et il y a du
contre. Si vous étiez ministre de la Santé, demain matin,
qu'est-ce que vous feriez pour régler un certain nombre de
problématiques par rapport aux médecins, et sur le plan
légal?
La Présidente (Mme Marois): Mme Lussier.
Mme Lussier: J'aurais à coeur de prendre les
intérêts de tout un chacun, mais comme je le rappelle, d'abord et
avant tout, les intérêts des bénéficiaires
potentiels. À cet égard, nous avons abordé, donc, la
question du statut du médecin en regard de la problématique de la
responsabilité à l'occasion d'actes thérapeutiques,
notamment posés par les médecins. Je demanderais à Me
Rochette de compléter là-dessus.
La Présidente (Mme Marois): Certainement.
Mme Rochette (Judith): Pour ce qui est du statut du
médecin, c'est bien évident que c'est une question qui est
controversée dans les différents groupes en question. Il ne
s'agit pas pour le ministre, loin de là, d'imposer aux médecins,
demain matin, un nouveau statut de subordination. L'autonomie du médecin
dans l'acte médical a toujours été reconnue, et je pense
que nos tribunaux, à travers les dernières années, ont
toujours résisté et se sont retenus d'imposer cette subordination
des médecins à tout autre décideur. Néanmoins, on
constate, dans la structure actuelle de la loi, et cela est continué
dans le projet de loi actuel, le nombre de contraintes auxquelles doit faire
face le médecin; on pense au plan d'organisation, on pense aux
règles de soins, aux règles d'utilisation des ressources et
également aux règlements du CMDP. Le médecin n'est plus
libre d'agir selon le statut qu'il avait jadis de bon père de famille et
de tout ce qu'il représentait autrefois. Maintenant, il est soumis
à un cadre certain et c'est à ce niveau que nous suggérons
que les véritables décideurs soient davantage
responsabilisés. Le médecin est nécessairement soumis
à des règles qu'il doit suivre, et c'est à ce niveau que
le projet de loi actuel ne change rien aux controverses qui se déroulent
devant les tribunaux; on pense à Lapointe contre Legardeur, un jugement
de la Cour d'appel qui a été rendu en septembre dernier et qui a
soulevé un tollé de protestations de la part des hôpitaux,
qui consacre le contrat hospitalier, qui l'élargit. Eh bien, le projet
de loi actuel serait l'occasion rêvée d'éclaircir les
relations qui existent entre médecins et établissements.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que ça va?
M. Côté (Charlesbourg): Ça va. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui. Je trouve ça fort intéressant,
vos propos, et ça me fait plaisir de pouvoir, moi aussi, vous saluer
à titre de députée de l'Opposition. Vous parliez
maintenant d'établir des relations... d'établir, oui, en fait,
des juridictions très claires dans la relation entre le
médecin et l'établissement, mais ça serait
intéressant, aussi, de vous entendre entre le médecin et le
bénéficiaire, parce que très souvent c'est l'accès
à l'information et au dossier médical qui n'est pas tellement
facile pour le bénéficiaire. On semble toujours dire qu'il n'est
pas toujours souhaitable ou heureux que le bénéficiaire puisse
rentrer en communication avec son dossier, puisqu'il ne peut pas tout
comprendre, de toute façon, et l'interprétation peut être
très malheureuse, dans certains cas. Alors, j'aimerais que vous puissiez
élaborer là-dessus.
La Présidente (Mme Marois): Mme Lussier, oui.
Mme Lussier: II est clair que, tel que vous le présentez,
le problème de l'accès à l'information contenue dans le
dossier peut parfois gêner la relation patient-médecin.
D'ailleurs, la loi actuelle et l'avant-projet de loi conservent cette
hésitation, dans la mesure où on indique que pour des raisons
médicales, eu égard au préjudice susceptible d'être
causé à l'état du bénéficiaire,
l'accès à son dossier en établissement peut lui être
refusé. Et cela s'est fait en concordance avec la loi sur
l'accès. (20 h 45)
Cela dit, comme vous pouvez sans doute le remarquer, depuis 1987, on a
quand même voulu assurer au bénéficiaire, lorsqu'il
désirait prendre connaissance de son dossier contenant des informations
le concernant, bien sûr, mais codées dans un langage qui lui est
souvent étranger, on a, à ce moment, assorti ce droit
d'accès au droit d'être assisté par une personne qui
pouvait l'aider à comprendre la nature des informations
renfermées dans son dossier. Évidemment, le problème que
ça pose, c'est que, s'il s'agit de l'archiviste, peut-être qu'il
s'agit là d'une personne fort compétente, soit, mais
peut-être n'est-elle pas la personne la mieux indiquée pour
vraiment assister le bénéficiaire dans cette démarche.
C'est pourquoi nous suggérons que, dans certaines circonstances, le
bénéficiaire puisse l'examiner soit avec un membre de
l'équipe soignante, soit même avec le médecin traitant
responsable du bénéficiaire et discuter avec lui des informations
le concernant, parce qu'il s'agit là du droit élémentaire
du bénéficiaire à connaître l'existence de son
dossier et éventuellement d'exercer les droits à la rectification
qui pourrait être utile.
Mme Vermette: Vous faites mention aussi, en fait, qu'en l'absence
de pouvoirs coercitifs on peut se demander quels sont les effets des recours,
parce que vous semblez dire, actuellement, que la loi ne va pas assez loin et
qu'il n'y a pas suffisamment d'effets coercitifs et que, effectivement, le
bénéficiaire, en tout cas, se trouvera vis-à-vis les
mêmes problèmes qu'il peut trouver à l'heure actuelle.
C'est bien ce que vous mentionnez?
Mme Lussier: Oui. On peut prendre pour exemple le recours qui est
via le mécanisme de plaintes que peut porter un
bénéficiaire auprès du conseil régional. Comme vous
le savez, cela donne ouverture à une enquête mais qui
relève de la discrétion du CRSSS. Lorsque celui-ci décide
alors de mener une enquête, pour étayer la plainte portée
par le bénéficiaire sur la qualité des services qu'il a ou
qu'il n'a pas reçus d'un établissement, le CRSSS doit, à
ce moment-là, obtenir la collaboration de l'établissement, mais
c'est un processus duquel le bénéficiaire, encore une fois, est
exclu et, non seulement faut-il noter qu'il est exclu, mais en bout de ligne ce
mécanisme d'examen de la plainte du bénéficiaire ne
débouche que sur des recommandations et les recommandations sont donc
laissées à la discrétion de l'établissement de les
suivre ou de ne pas les suivre.
Après cela, le CRSSS peut décider de transformer cette
plainte en recours devant la Commission des affaires sociales mais, encore
là, il s'agit d'une étape qui est entièrement à la
discrétion du CRSSS. Alors, on se demande, en termes de droit et en
termes de mécanisme efficace, comment ce recours peut être
pleinement exercé dans le respect des droits des
bénéficiaires. On constate, dans lavant-projet de loi, qu'on
conserve les mêmes étapes, on n'affermit d'aucune façon, on
ne revigore d'aucune façon ce mécanisme de plaintes qui, à
notre avis, pourrait être très utile notamment pour
prévenir des situations. Il ne s'agit pas de tout rendre litigieux,
d'aller porter devant des tribunaux des procès qui dureraient des temps
indéfinis, comme on peut voir à l'heure actuelle, mais il
s'agirait de permettre une plus grande communication entre les
différents intervenants et les bénéficiaires qui sont les
premiers concernés par le réseau de santé.
Mme Vermette: Comment pourriez-vous faire établir cette
meilleure communication? Est-ce que vous vous êtes penchées sur la
meilleure façon d'y arriver?
Mme Lussier: À titre d'exemple, on pourrait imaginer que,
dans le projet de loi, on indiquerait une procédure à
l'étape, notamment, de l'enquête où la collaboration de
l'établissement avec le CRSSS et la consultation du
bénéficiaire pourraient être plus précisément
définies avec certaines conditions précises
élaborées dans le projet de loi.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui, une brève question. Bonsoir, mesdames.
En vertu de ce projet de loi, les futures mamans qui voudraient, en
dépit des
directives, être accouchées à la Cité de la
santé de Laval, est-ce qu'elles pourraient? Elle se pose, la
question?
La Présidente (Mme Marois): Très certainement.
Mme Blackburn: Parce qu'ils sont en train d'adopter,
l'hôpital est en train de convenir avec les médecins...
M. Côté (Charlesbourg): Les médecins ont
accepté hier.
Mme Blackburn: Oui, je sais, mais, peu importe, la question
demeure entière, si c'est un droit de l'individu et non pas des
médecins. Une femme, une future mère qui voudrait accoucher
à la Cité de la santé, en dépit du fait que
l'hôpital s'est entendu avec les médecins pour limiter à
4200, je pense, 4000, le nombre d'accouchements qui ont lieu à cet
hôpital, est-ce que quelqu'un pourrait, en dépit de ça, en
vertu du projet de loi, réclamer d'être accueilli dans cet
hôpital de la Cité de la santé?
Mme Lussier: À notre avis, nous considérons que
cela doit demeurer, que cette possibilité doit être
envisagée, que, à ce moment-là, les droits d'une
bénéficiaire en particulier devraient être respectés
même eu égard aux contraintes administratives et
budgétaires qui pourraient, à ce moment-là, encadrer
l'acte médical lui-même. À notre avis, il est regrettable
que de telles politiques puissent se développer sans qu'on ait
accès à une information complète sur les contraintes
auxquelles l'établissement fait face.
On a pu voir, dans ce dossier particulièrement de la Cité
de la santé, que ce sont les médecins eux-mêmes
visés par les directives internes qui les ont contestées devant
les tribunaux, un jugement qui leur a d'ailleurs été favorable,
rendu au mois de novembre dernier. Ça a donc forcé
l'établissement à revoir les règles du jeu et à
tenter de trouver un consensus qui, la semaine dernière, dans les
journaux, ne semblait pas être atteint. Mais je constate qu'il vient
d'être finalement résolu et je considère que, si l'on veut
trop limiter l'accès à certains services, il n'est pas impossible
que des contestations judiciaires soient soulevées dans l'optique d'une
argumentation sur la discrimination qui pourrait à ce moment-là
être faite. On avait, semble-t-il, retenu le critère de la zone
géographique d'origine de la future mère. Est-ce qu'il s'agit
là d'un critère qui s'harmonise bien avec les droits des
bénéficiaires et les ressources de l'établissement?
Permettez-moi d'en douter.
Mme Blackburn: Alors, ce que vous dites, c'est qu'en vertu de la
loi actuelle, normalement, quelqu'un qui voudrait faire prévaloir son
droit au libre choix de l'établissement pour recevoir des services
pourrait le réclamer, en dépit de l'entente qui est intervenue
entre le médecin et l'hôpital.
Mme Lussier: Enfin, il pourrait y avoir certaines nuances sur un
plan juridique.
La Présidente (Mme Marois): Pardon, oui, Mme Lussier?
Mme Lussier: Je m'excuse.
La Présidente (Mme Marois): Ça va. Allez.
Mme Lussier: Je disais qu'il pourrait y avoir certaines nuances
juridiques. Il faudrait voir la nature de l'acte et savoir si c'est un acte qui
est opposable à un tiers, qui est le bénéficiaire, et je
ne voudrais pas entrer dans des détails légalistes, mais il est
possible de contester également l'application de semblables
décisions à rencontre des droits des bénéficiaires,
dans des contextes auxquels on pourrait avoir plus de détails en
fonction de faits particuliers.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui? M. le
ministre, ça va?
M. Côté (Charlesbourg): Ce que la cour a
décidé, dans un premier temps, c'est sur la discrimination de
territoire, alors que l'hôpital, pour maintenir des standards de
qualité et de services, doit faire un certain nombre d'interventions
annuellement. Ce qui était fait auparavant, c'était 4900; c'est
maintenant 4200, et c'est aussi un hôpital qui a d'autres services
à donner à la population. C'est ce qui est en cause. Finalement,
heureusement, tout le monde a fini par s'entendre. À ce
moment-là, ce sont les médecins qui ont fait l'arbitrage au
niveau de l'hôpital, sur sa capacité à lui, comme
hôpital, de faire des accouchements et de faire autre chose aussi.
Ça pourrait aussi atteindre éventuellement le droit de l'usager
qui est à l'urgence d'avoir accès à des lits, qui est
aussi important, comme usager. Ce ne sont pas des situations qui sont
très très faciles pour personne et, finalement,
l'équilibre a été trouvé et c'est ce qui est
souhaitable. Merci beaucoup...
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Côté (Charlesbourg): ...d'avoir pris la peine et
je suis convaincu que ça va inspirer nos légistes pour le
cheminement du dossier. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup de votre
contribution aux travaux de la commission des affaires sociales. Merci.
Mme Lussier: Ça nous a fait plaisir. Bonsoir.
La Présidente (Mme Marois): Bonsoir.
J'inviterais maintenant les personnes représentant au moins trois
ou quatre groupes: l'Assemblée de concertation et de
développement de l'Estrie, la Commission de formation professionnelle de
la main-d'oeuvre, région Estrie, le Conseil central des syndicats
nationaux de Sherbrooke, la Maison régionale de l'industrie et la table
des MRC de l'Estrie. J'inviterais donc les personnes représentant ces
organismes à prendre place à la table.
Alors, vous connaissez nos règles. Je vous les rappelle en une
phrase. Le porte-parole se présente, présente les personnes qui
l'accompagnent et vous avez environ 20 minutes pour présenter votre
mémoire. Par la suite, le temps qui reste est réparti entre les
membres des deux formations politiques, à parts égales à
peu près. Bienvenue.
Un groupe d'organismes socio-économiques de
l'Estrie
M. Dion (Robert): Bonsoir. Bonsoir, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Bonsoir.
M. Dion: M. le ministre, mesdames, messieurs. Permettez-moi de me
présenter d'abord. Mon nom est Robert Dion et je suis le directeur
général de l'Assemblée de concertation et de
développement de l'Estrie. Je vous présente aussi
immédiatement les gens qui m'accompagnent ou que j'accompagne, c'est une
question de point de vue. À mon extrême droite, M. Pierre Gingras,
qui est conseiller à la CSN; à ma droite immédiate, M.
Janvier Cliche, qui est président de la CSN de l'Estrie; à ma
gauche, M. Guy Bellavance, qui est directeur général de la
Commission de formation professionnelle; et à mon extrême gauche -
comme vous voyez, nous avons l'alpha et l'oméga - je commence par
l'alpha: le jeune maire d'Asbestos, M. André Bachand, qui est aussi
président de la table des MRC; et je ne voudrais pas oublier
l'oméga qui est un ex-maire et aussi ancien président de la table
des MRC et qui est maintenant le directeur général de cette table
des MRC. M. Jean-Paul GPIotte.
Je désire aussi vous informer, Mme la Présidente, que
c'est avec regret que le président de la Maison régionale de
l'industrie ainsi que son directeur général ont dû
s'absenter et ne pourront pas partager avec nous, défendre ou discuter
de leurs dossiers.
Pour débuter, d'abord, en nous présentant ici ce soir, le
3 avril à 20 h 30, devant cette commission, qui, d'après ce qu'on
nous a dit, a entendu au-delà de 150 ou 175 mémoires, j'aimerais
vous dire que nous sommes bien conscients des grands dangers de redite et de
répétition. Nous avons cependant suivi très attentivement,
par la voie des médias, l'évolution des travaux de cette
commission et nous sommes convaincus que, si vous avez déjà
entendu des propositions qui, par un heureux hasard ou une saine
réflexion, ressemblent aux nôtres, c'est peut-être signe de
la direction qu'il faudra prendre pour orienter l'avant-projet de loi ou le
projet de loi, ceci dit sans aucune prétention, M. le ministre.
Avant de laisser la parole à mes collègues, qui aimeraient
souligner chacun à leur façon les éléments
essentiels de leur mémoire, nous avons convenu d'un commun accord du
sens de notre démarche et de l'importance que nous lui accordons. Il est
à noter que, même si nous représentons des secteurs
très différents de notre société, nous sommes tous
préoccupés par le secteur de la santé et des services
sociaux. Et, bien que nous ayons tenu à préparer chacun un volet
propre du mémoire qui vous est présenté aujourd'hui, vous
pouvez lire la volonté des divers secteurs de la vie de l'Estrie de se
responsabiliser face à la santé et au bien-être et
d'assumer ainsi la gestion des services en fonction de nos
particularités régionales.
Notre présence ici est le témoignage non seulement de
notre préoccupation, comme je viens de le dire, pour le secteur de la
santé et des services sociaux, mais aussi de l'importance que nous
accordons au processus de décentralisation proposé par
l'avant-projet de loi et, dès lors, de notre confiance en la
capacité de la région de se prendre en main. Nous sommes de ceux,
Mme la Présidente, qui croyons que le Créateur a réparti
équitablement sur le territoire québécois les
capacités administratives, et ceci sans aucune modulation d'aucune
façon. Il faut déceler aussi, dans notre présence, notre
capacité et notre volonté de concertation entre divers
intervenants qui sont fort conscients de leurs différences mais qui
misent plutôt sur leur interdépendance.
Je demanderais donc, pour débuter, à M. Bachand de nous
présenter le mémoire de la table des MRC de l'Estrie.
La Présidente (Mme Marois): M. Bachand.
M. Bachand (André): Mme la Présidente, M. le
ministre, membres de l'Assemblée nationale, encore un mémoire que
vous allez devoir entendre et qu'un participant va devoir lire mais on a
essayé de faire ça le plus court possible pour faire en sorte
qu'il puisse y avoir discussion. Donc, plus d'emphase sur la discussion et non
pas sur la présentation.
J'aimerais d'abord situer le rôle et les objectifs de la table des
MRC de l'Estrie. Ça fait quoi dans la vie? La table des MRC de l'Estrie
a été mise sur pied au cours du mois de janvier 1985. La table
des MRC de l'Estrie regroupe les préfets et préfets
suppléants des sept MRC de l'Estrie, à savoir celle de Coaticook,
Granit, Le Haut-Saint-François, Memphrémagog, L'Or-Blanc,
Sherbrooke et Le Val-Saint-François. La table
vise à permettre aux représentants des MRC de l'Estrie de
se rencontrer périodiquement afin d'échanger de l'information, de
discuter de sujets d'intérêt commun et de prendre position dans
certains dossiers régionaux ou provinciaux. Ainsi donc, la table des MRC
de l'Estrie se sent concernée par le débat qui anime la
société québécoise depuis quelque temps
déjà et profite de l'occasion qui lui est donnée pour
soumettre ses opinions, ses commentaires et ses recommandations sur la
réforme des services de santé et des services sociaux.
De fait, nous nous attarderons sur quatre principaux points qui ont
soulevé notre intérêt et pour lesquels nous prenons
position: la composition du conseil d'administration des régies
régionales, l'allocation des budgets régionaux, la notion
d'imputabilité et la régionalisation. Dans une perspective de
décentralisation et surtout d'implication de la population
usagère et contribuable, il apparaît essentiel que les
municipalités obtiennent une représentativité qui fasse
écho aux besoins des citoyens pour que l'identité municipale
demeure la base fondamentale de son expression démocratique, autant
expression positive que négative. Rappelons que les
municipalités, surtout en milieu rural, possèdent une
connaissance généralement assez juste des besoins de leurs
citoyens. (21 heures)
Sans remettre en question la structure des futures régies
régionales, il nous semble évident que, si le gouvernement veut
impliquer davantage la population, il ne pourra négliger le canal
démocratique établi qu'est le conseil municipal où le
principe des comptes à rendre est le plus près des objectifs de
la démocratie. On dit d'ailleurs souvent que les municipalités
sont le gouvernement le plus proche des gens. Il est en effet beaucoup plus
facile aux simples citoyens de questionner ses édiles que de se faire
entendre sur un conseil d'administration d'initiés ou à une
commission parlementaire. En somme, ce que nous disons, c'est que les
élus municipaux participant à une régie régionale
porteraient avec eux leur imputabilité et, conséquemment, un
intérêt et une participation accrus de citoyens. Dans cette
perspective, il est évident que nous ne pouvons que souhaiter une
participation significative du monde municipal aux régies
régionales.
En regard toujours de la composition du C.A. de la régie
régionale et de sa structure, il incombe, si on veut vraiment parler de
décentralisation, de laisser le choix au conseil d'administration de la
nomination de son directeur général qui, selon nous, ne devrait
pas être aussi le président de ce conseil d'administration.
Séparer l'exécutif du législatif constitue une recette
éprouvée en administration publique même si elle n'est pas
parfaite. À notre avis, la nomination d'un président-directeur
général émanant du gouvernement minerait la confiance que
l'avant-projet de loi sur la santé et les services sociaux accorde aux
dirigeants régionaux ou locaux. Ce paradoxe questionne la
crédibilité et la compétence reconnues auparavant et
altère les objectifs de participation et d'implication poursuivis.
Au niveau de la régionalisation maintenant. La table des MRC de
l'Estrie croit fermement en la régionalisation mais à la
condition qu'elle soit effective et efficiente. L'implication des intervenants
concernés est directement proportionnelle à leur marge de
manoeuvre. Les règles du jeu - on parle de partage de l'enveloppe
budgétaire - doivent être claires et définies sinon
l'intérêt risque de s'émousser rapidement pour les
gestionnaires sans véritables pouvoirs de décision. L'attrait
d'une instance régionale administrative ne réside que dans le
fait qu'on pourra y faire valoir ses besoins spécifiques et des
solutions originales issues des préoccupations réelles de la
population. Autrement, on ne parlerait que de pastiche de
décentralisation. La méfiance répandue du pouvoir
centralisateur n'y sera alors que renforcée.
Le Conseil des affaires sociales a récemment fait état de
la situation dramatique de clivage du Québec au niveau social et
économique selon la répartition géographique. Il faut
cesser d'appliquer globalement certaines politiques gouvernementales et
respecter davantage les besoins spécifiques de chaque région. En
clair, les élus municipaux désirent siéger à un
conseil d'administration dans la mesure où ils seront dotés de
pouvoirs, de véritables pouvoirs. Nous ne voulons pas être une
simple courroie de transmission. La décentralisation, oui. La
déconcertation, non.
Grâce aux MRC et aux CLSC notamment, les régions et les
sous-régions sont de plus en plus aptes à circonscrire et
à définir leur authenticité. Dans un domaine aussi
fondamental que la santé et les services sociaux, le temps est venu pour
les régions de prendre en main leur bien-être avec toute la
latitude et les moyens requis. Parallèlement, il nous apparaît
évident que les budgets consentis aux établissements hospitaliers
fassent partie intégrante de l'enveloppe budgétaire
administrée et gérée par la régie régionale
en vertu du principe de régionalisation. Les municipalités
occupent depuis quelques années de nouveaux champs d'intervention, via
les MRC, pour lesquels elles ont démontré un intérêt
et une compétence certaine et dans lesquels elles croient
fondamentalement pour un sain exercice de la démocratie. Les
expériences passées font cependant la preuve que ces principes ne
peuvent s'actualiser que si les pouvoirs dévolus sont accompagnés
de ressources financières, humaines et techniques afférentes.
L'Estrie souhaite vivement participer aux grands idéaux actuels
où la qualité de vie fait foi de l'idéal universel. Mais,
pour vaincre les disparités socio-économiques que l'on retrouve
sur son territoire, elle a besoin de tous les outils
possibles pour intervenir efficacement.
Nous souhaitons que le gouvernement traduise sa volonté de
décentralisation par des politiques concrètes dont la gestion
pleine et entière relève des organismes régionaux et plus
particulièrement des municipalités en corrélation avec des
outils et des moyens appropriés. Les politiques globales, ou ce qu'on
appelle mur à mur, ont à long terme engendré des
disparités, des inégalités pour l'équilibre
socio-économique du Québec. Un redressement qui s'impose donc.
Nous croyons qu'une responsabilisation articulée des régions
pourrait être une solution et nous sommes prêts à y
adhérer aux conditions suivantes: maintien des principes et acquis
sociaux établis, décentralisation globale, réelle et
concrète des budgets, représentation accrue des
municipalités aux décisions régionales en matière
de santé et des services sociaux.
En terminant, nous soulignons que la tradition de concertation et
d'appui mutuel établie par les sept préfets et préfets
suppléants, membres de la table des MRC de l'Estrie, est la garantie
qu'une représentation majoritaire du monde municipal au sein de la
régie aura pour effet un mieux-être de toute la population
estrienne et une implication véritable de celle-ci quant à la
détermination de ses besoins en santé et à la recherche de
solutions adéquates.
Ce n'est pas dans le mémoire, mais j'aimerais rajouter aussi
qu'un élément très important, lorsqu'on parle de
régionalisation et de décentralisation, c'est la venue avec elles
de budgets nécessaires. Il ne faudrait pas non plus que, lorsqu'on parle
de régionalisation, ce ne soit qu'un organisme qui a un semblant de
pouvoir, qui est obligé de faire ce qu'on appelle beaucoup de "red tape"
avant de prendre une décision. Également - j'aurais aimé
l'ajouter dans les semaines qui ont précédé ce soir - il
est, bien sûr, entendu que ces régies, de même que les CLSC,
les hôpitaux ou quelconques organismes de services de santé ou
sociaux, n'ont pas le droit de patauger dans le champ d'imposition foncier,
bien sûr. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Ça va, merci. Oui? Ha,
ha, ha! On n'en manque pas une, quoi, c'est bien, ça. M. Bellavance,
c'est ça?
M. Bellavance (Guy): Mme la Présidente, M. le ministre,
mesdames, messieurs de la commission, peut-être allez-vous vous demander
ce que la Commission de formation professionnelle fait avec la santé.
Dans notre mémoire, si vous regardez à la fin de la page 2, on
dit que ce qui nous préoccupe plus particulièrement, ce sont les
conséquences de la santé, tout ce qui touche et est connexe
à ça. On pense, entre autres, à l'analphabétisme,
aux traumatismes, au chômage et à ses conséquences,
à l'aide sociale et ainsi de suite. C'est une des raisons pour
lesquelles nous avons voulu nous impliquer en vous présen- tant un
mémoire de la sorte.
On a voulu insister surtout sur trois points: la
représentativité, lïmputabilité et la gérance
des budgets. Je pense que ceux qui connaissent un petit peu les commissions de
formation professionnelle savent que nous sommes des organismes autonomes en
région, avec des mandats et avec des subventions gouvernementales qui
nous permettent de répondre à des besoins régionaux de
formation. Nous, ce qu'on a pensé faire, c'est essayer de dire: Est-ce
qu'un modèle comme celui-là ne pourrait pas s'appliquer en
région, au niveau de la santé? Quand on parle de
représentativité, on dit que les délégués
doivent être les représentants des différents organismes de
la région. D'ailleurs, dans le mémoire, vous allez voir à
la toute fin, en annexe, la structure de la commission comme telle, où
chacun des secteurs est représenté, par après, le conseil
d'administration est élu, certains mandats qui sont donnés
doivent être appliqués par ce conseil d'administration, que
l'assemblée générale ratifie, et le directeur
général est imputable à cette assemblée
générale aussi, par la suite.
En page 4, on parie de l'imputabilité comme telle. Nous, on croit
que les délégués des organismes qui sont là doivent
rendre compte de leur administration à ce moment-là. Si on se
réfère, encore une fois, à notre structure, c'est de cette
façon-là qu'on fonctionne. Il doit y avoir un
intérêt, aussi, pour être là. Je pense qu'à ce
moment-là, avec une structure comme celle-là, les gens qui y vont
y croient, en général.
Dans la dernière partie, on parle beaucoup du
bénévolat, mais aussi on fait part qu'il semble qu'il devrait y
avoir une rémunération juste et équitable pour ce type
d'activité là aussi de la part gouvernementale, parce que,
souvent, bénévolat ne veut pas nécessairement dire
complètement gratuit, quand on sait, aujourd'hui, les coûts que
ça implique pour quelqu'un de se déplacer ou de laisser son
travail.
À la page 5, on parie aussi de la gérance des budgets. La
gérance des budgets, je pense qu'au départ elle doit être
établie avec des critères définis à l'avance et
acceptée par les régions et le ministère. Par la suite, je
pense que la région doit être en mesure de disposer, selon ses
priorités régionales, d'une grande partie de... Ce qui
n'élimine pas, par le fait même - c'est exactement ce qu'on vit au
niveau des commissions - qu'au niveau provincial il puisse y avoir certaines
particularités ou certaines demandes qui sont beaucoup plus nationales,
si vous voulez, que régionales, mais, en grande partie, le conseil
régional, comme tel, devrait être en mesure de répondre aux
besoins régionaux. Je m'explique. Je pense que, si, au niveau
provincial, on définit que c'est la santé mentale qui devrait
être un des éléments sur lesquels on devrait mettre
l'emphase, nous, dans notre région, ça devrait être
beaucoup plus
l'aide aux personnes âgées, j'ai l'impression. En tout cas,
nous, de la façon dont on fonctionne dans les CFP, on a cette
possibilité de mettre plus d'emphase sur les vieux et non
nécessairement sur la santé mentale, ce qui n'élimine pas
l'autre comme telle, non plus. Par le fait même, ça donne des
priorités régionales, ça donne aussi une rationalisation
du budget, très souvent, qui va permettre de développer beaucoup
plus. Ça va développer la recherche pour de nouveaux services.
Ça élimine aussi le dédoublement et, par conséquent
dans beaucoup d'hôpitaux, ça permettrait peut-être le
perfectionnement du personnel, selon les besoins de ces entités
particulières.
En dernier, on parle de l'évaluation. Dans l'évaluation,
nous voulons dire par là, est-ce que ce ne serait pas possible qu'au
niveau de la santé on parle d'un conseil de services de santé au
même titre qu'on a, le Conseil supérieur de l'éducation et,
au niveau du travail, le conseil supérieur du travail - ce n'est pas
tout à fait le conseil supérieur, j'essaie de me rappeler
exactement le terme, mais je sais que c'est au même titre que le Conseil
supérieur... Qu'est-ce que font ces gens-là? Ces gens sont
beaucoup plus là pour évaluer les politiques qui se passent et,
en même temps, pour établir une politique de santé.
En conclusion, il faudrait mettre l'accent plus sur les résultats
que sur les structures. Merci, Mme la Présidente, merci, messieurs.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Bellavance. Qui
suit? M. Cliche?
M. Cliche (Janvier): Janvier Cliche, oui. D'abord, j'aimerais
souligner que je suis particulièrement heureux d'être à
cette table, aujourd'hui. On était, d'ailleurs, encore ensemble, hier,
mais pour l'étude du forum sur le plein emploi. On travaille
régulièrement avec plusieurs organisations, mais il arrive
souvent qu'on se revoie en Estriè. Particulièrement sur la
question de la santé, je pense qu'il faut signaler l'intervention du
CRSSS qui a permis qu'on soit ensemble aujourd'hui, parce que l'une des choses
dont on s'est rendu compte, lorsque le CRSSS nous a présenté le
mémoire qu'il avait l'intention de vous présenter et qu'il vous a
présenté ce matin, c'est qu'on partageait un grand nombre de
choses qui étaient avancées dans ce mémoire. C'est
pourquoi on ne répétera pas ou on n'ira pas sur chacun des points
qui auraient pu nous intéresser. Je veux juste rappeler quelques
éléments et, après, on pourra, je pense, aborder la
période de questions.
D'abord, la question de l'accessibilité et de la gratuité.
Je pense que c'est une chose sur laquelle on aimerait que des intentions
très fermes soient annoncées. Quant à la question de
l'équité, je pense qu'elle a été bien
amenée, à plusieurs reprises, au cours de cette commission et que
cette question nous tient aussi beaucoup à coeur.
L'autre aspect, c'est celui de la politique globale de la santé
et des services sociaux. Il nous apparaît que, oui, il faut se
préoccuper de la santé, mais qu'il n'y a, effectivement, pas que
la santé et que d'autres ministères pourraient être mis
à contribution dans le cadre d'une politique globale.
En ce qui concerne la question de la régionalisation, ce qu'on
dit, globalement, dans notre mémoire - et ça se reflète
dans plusieurs autres mémoires que j'ai pu entendre - est que, nous, on
a l'impression que, dans l'avant-projet de loi, c'est un peu comme laisser
marcher un petit enfant, mais en le surveillant beaucoup, en tenant les guides.
Alors, ça, nous autres, ce n'est pas tout à fait le style de
régionalisation qu'on souhaiterait. Et, pour vous dire comment cette
approche peut se rejoindre, par exemple, cet après-midi, vous avez
entendu les groupes socio-économiques qui, eux, étaient contre
les régies régionales. En se parlant, au cours du souper, on
s'est rendu compte qu'on était d'accord pour les régies
régionales, mais à certaines conditions. Nous, on est d'accord
avec ce qui est là, en termes de régie régionale, mais
à condition qu'on donne vraiment tous les pouvoirs; et eux,
c'était: Non, on ne veut pas de régie régionale, mais on
serait d'accord s'il y avait telle ou telle chose. Alors, on s'est dit qu'on
disait un peu la même chose. C'est le résultat des échanges
du souper.
La Présidente (Mme Marois): Donc, la commission
parlementaire a déjà, à cet égard-là, son
utilité.
M. Cliche: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): C'a permis la concertation
qui n'avait pas été faite avant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cliche: Non, on ne s'était pas vus avant. (21 h 15)
D'autre part, en ce qui concerne l'impu-tabilité - il en est
beaucoup question - pour nous, il est évident que, à part la
formule du suffrage universel, ça devient un peu compliqué de
voir comment ça pourrait se faire. Cependant, dans notre
réflexion, il nous apparaît que ce n'est pas évident que
ça va être demain matin qu'on va avoir des élections au
suffrage universel, pour des régies régionales. Il nous semble
qu'il y aurait une réflexion à faire sur l'aspect
régionalisation, mais pas seulement pour des questions de santé.
Je pense qu'il y a d'autres secteurs qui pourraient bénéficier
d'une approche semblable à celle que nous avons dans l'avant-projet de
loi et je ne pense pas qu'on devrait y aller à la pièce. On est
sensibles à une réflexion qui devrait se faire
là-dedans.
L'autre aspect qu'on a abordé, c'est la question de la
valorisation du personnel. Je pense
que c'a déjà été dit au cours de cette
commission. En particulier, nous soulignons ie fait qu'on écarte
d'emblée le personnel qui travaille dans les établissements. Le
bilan qu'on fait de ia participation du personnel, au niveau des conseils
d'administration, est quand même assez positif et on ne pense pas qu'on
doive aller dans ce sens. On pense que le personnel doit être
intégré, beaucoup plus qu'il ne l'a été à
venir jusqu'à maintenant.
Un dernier point, peut-être, c'est la question de la
complémentarité des services. Oui, on pense qu'il faut aller dans
ce sens, mais, dans l'avant-projet de loi, on pense que c'est un peu timide et
que ce n'est pas nécessairement par la voie des C.A., des conseils
d'administration territoriaux, qu'on pourrait arriver à ces fins. Il
nous semble qu'un simple article de la loi, qui pourrait forcer la
complémentarité des services où c'est nécessaire ou
viable, pourrait suffire.
Finalement, on a aussi mentionné, comme la CFP vient de le faire,
la nécessité, quant à nous, d'un conseil des services de
santé et des services sociaux qui, pour nous, aurait ce rôle
absolument important de faire l'évaluation, non seulement une fois que
la région responsable des services régionaux aurait dit oui, mais
il faut qu'il y ait aussi une évaluation de ça. Là-dessus,
on me dit qu'il ne faut pas que ce soit une évaluation région par
région, parce qu'il faut se comparer aussi; c'est en se comparant qu'on
est bons. On est toujours meilleurs, d'ailleurs, en Estrie, c'est ce qu'on nous
dit. Mais il faut avoir aussi une évaluation nationale. Je pense qu'il
faut qu'il y ait une grille, une approche qui soit aussi une approche nationale
en ce qui concerne l'évaluation. Il y a aussi la question des plaintes
dans le régime. Un tel conseil, à notre avis, pourrait être
un organisme qui pourrait répondre à ces besoins. Voilà,
je vous résume, grosso modo, les propos qu'on a tenus dans le
mémoire. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Cliche. Oui, M.
Dion, vous revenez, j'imagine, avec votre mémoire. C'est ça?
M. Dion: Justement, Mme la Présidente. Ne voulant pas
être redondant, j'indiquerai à la commission que
l'Assemblée de concertation et de développement de l'Estrie
appuie, je dirais, sans réserve le document ou le mémoire de
l'AQORCD représentée ici par la voix de son président, le
13 février 1990, que vous avez certainement écouté avec
beaucoup d'intérêt. Donc, nous nous rallions aux positions de ce
document qui avait, d'ailleurs, été préparé par des
représentants de l'Estrie qui siègent à l'AQORCD.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Cela termine la
présentation de vos différents points de vue, qui se rejoignent.
Merci de cette présentation. M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. D'abord, j'aimerais remercier cette concertation qui nous
permet de vous entendre et d'avoir le message en une heure, alors que c'aurait
pu en prendre cinq. Merci beaucoup, c'est apprécié, après
160 mémoires, évidemment. Je pense que vous avez
été capables de présenter vos différents points de
vue et ça nous permet d'échanger. Je prendrais peut-être,
puisque vous êtes bons en Estrie, d'après ce que j'ai compris de
M. Cliche, puis c'est vrai aussi... Il y a eu des expériences de
décentralisation qui ont été tentés en 1979 et qui
ont été plus ou moins valables. Et on a vu, aujourd'hui, des gens
venir nous dire: Faites attention à telle chose, telle chose; faites
attention à ce que les fonctionnaires du ministère ne viennent
pas défaire ce que la volonté politique voulait faire; faites
attention de ne pas garder, s'il y a une régie régionale, un
niveau d'arbitrage qui pourrait passer par-dessus les régies ou à
côté, de façon que tout le monde prenne bien conscience que
le pouvoir est au niveau des régies.
Ce que j'aime dans votre présentation, puis qui me rejoint aussi
profondément, c'est que, si on veut rendre le pouvoir régional
imputable vis-à-vis des parlementaires, donc de l'Assemblée
nationale où le ministre doit répondre... Ça, on peut
toujours s'organiser une petite commission par année; vous venez nous
voir et on vous passe au "cash". Ce serait bien le fun de vous passer au "cash"
une fois par année, comme régie, et j'ai hâte de voir
ça. On va avoir du plaisir. Vous autres aussi, parce que ceux qui vont
atteindre les objectifs n'auront pas de problème et ceux qui ne les
atteindront pas vont avoir peur, ils vont "shaker" une couple de jours avant de
se présenter devant la commission, et ce n'est pas mauvais, c'est le
début de la sagesse.
Mais quand on parle dïmputabilité vis-à-vis du bas,
vis-à-vis du niveau local... Quand j'écoutais, tantôt, M.
le maire d Asbestos, je trouvais ça intéressant parce que c'est
ça: s'il y a une place où on peut parler d'imputabilité,
c'est par des territoires de référence qui pourraient être,
dans ces cas-ci, les territoires de MRC.
Vous avez dit aussi tantôt et M. Cliche le mentionnait:
L'idéal, c'est le suffrage universel, dans la mesure où on
réussit à faire voter le monde, bien sûr. Moi, je suis pour
ça, mais je pense qu'il faut davantage. Et plus ça va, plus je
suis convaincu qu'il faut trouver des mécanismes pour renforcer
davantage le niveau local que le niveau régional. Parce que le niveau
régional sera imputable, sur le plan administratif, à
Québec, devant la commission parlementaire, on doit renforcer
l'imputabilité du régional vis-à-vis du local. Donc, il
faut donner encore plus de pouvoirs au niveau local. Parce que, si on
décentralise de Québec pour aller à Sherbrooke, on a fait
un bout. On a "pogné" une partie de nos malheurs et de nos solutions et
on les a
envoyés à Sherbrooke. Mais ce n'est pas sûr que
ça va régler les problèmes d'Asbestos, ce n'est pas
sûr que ça va régler les problèmes de Coaticook et
ce n'est pas sûr que ça va régler tous les problèmes
d'ailleurs.
Donc, il faut être capable de faire en sorte, comme le proposait
le Saguenay-Lac-Saint-Jean, que le territoire de référence d'une
MRC puisse regrouper un certain nombre d'intervenants qui, eux, vont faire le
palier régional, vont rendre légitime le palier régional.
Eux proposaient que le directeur général d'un
établissement et le président du conseil d'administration soient
des gens qui soient regroupés au sein de la MRC comme étant les
personnes qui vont définir un certain nombre de choses. Je ne sais pas
si vous avez eu le temps de vous pencher là-dessus, mais qui faudrait-il
ajouter à ces deux personnes pour bien s'assurer qu'on ait un pouvoir
local fort et que chaque MRC puisse, effectivement, à l'intérieur
de la planification régionale et de la revendication des budgets au
niveau de ses établissements, être capable d'avoir tout ce qu'il
lui faut? Si ça n'arbitre plus à Québec, ça va
arbitrer au niveau de la région. Il faut que les pouvoirs locaux, donc
des MRC, puissent être capables aussi de tirer leur épingle du jeu
et d'avoir leur part de l'équité, de l'accessibilité, de
l'universalité et de la gratuité.
La Présidente (Mme Marois): M. Dion, M. Cliche. Non? Oui,
M. Dion, allez-y.
M. Dion: Je peux peut-être donner un élément
de réponse. Premièrement, nous sommes bien conscients qu'en
demandant la décentralisation, comme on pourrait dire, on
s'achète un paquet de misère. Ce n'est pas un cadeau de Grec, la
décentralisation, mais ce n'est quand même pas un cadeau tout
court. Il est évident qu'en région, lorsqu'on n'a pas à
décider et à se concerter et qu'on a juste à dire: C'est
le monde de Québec qui a décidé ça, c'est beaucoup
plus facile. On a fait des expériences de concertation en Estrie et on a
été à même de le vérifier. Nous sommes
à l'aube d'une conférence socio-économique, en tout cas,
nous l'espérons, et nous allons vivre aussi des expériences un
peu déchirantes. Nous savons que, lorsque nous devons, entre nous,
privilégier certains projets, ça devient difficile.
Donc, ceci étant dit, pour ce qui est des éléments
de pouvoir que vous essayez de situer, il est évident que, si on ne fait
que déplacer de Québec à Sherbrooke, ou à
Chicoutimi, ou à Rimouski, on a fait la moitié du chemin, on en
est bien conscients. D'ailleurs, l'Assemblée de concertation et de
développement de l'Estrie a un conseil d'administration qui est
représentatif de l'ensemble de la région, et nous y tenons
énormément. Nous y tenons par la voix des MRC, nous y tenons par
la voix des "sectoriels", que nous appelons chez nous. Pour débuter, en
tout cas, c'était le premier point que je voulais faire. Peut-être
que M. le maire d'Asbestos aurait... ou Janvier, oui?
La Présidente (Mme Marois): M. Cliche.
M. Cliche: Pour la région, je pense qu'effectivement la
relation entre la région et Québec, ça doit, à
notre avis, être les questions de politiques. Québec
définit les politiques et les régions doivent statuer du comment,
les régionaux doivent s'entendre sur le comment. Quant à la
manière, on n'a pas vraiment réfléchi beaucoup, mais
l'approche MRC par MRC, dû au fait que déjà les CLSC sont
sur ces territoires, ça nous apparaît une formule fort
intéressante. Quant aux personnes qui devraient être
mêlées dans ça, je pense qu'il ne faudrait pas oublier les
médecins et le personnel de chacun des établissements dans
chacune des MRC. Je pense que c'est un élément important qui est
plus ou moins clair dans l'avant-projet de loi.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Bachand.
M. Bachand: Je ne répéterai pas ce que M. Cliche et
M. Dion ont dit, je pense qu'effectivement on sent un principe de
régionalisation. Toute la mécanique à établir,
encore là, c'est quand même assez énorme et même,
lorsqu'on parle de régionalisation, l'Estrie est différente de
l'Abitibi, de Montréal, de Québec. Alors, il faudrait faire
attention dans certaines applications de réglementations au niveau de la
régionalisation, que ce soit des politiques, l'information des conseils
d'administration. Il y a des grosses MRC, des petites MRC; si on parle de
représentation par MRC, est-ce que les MRC ça va être per
capita, leur nombre de représentants au sein d'une régie ou
est-ce que ça va être style États américains, avec
un nombre minimal et un nombre maximal par MRC, qu'Importe la grosseur? Alors,
c'est quand même assez complexe. Effectivement, comme disait Janvier, on
ne s'est pas penchés sur la mécanique, mais je pense que, lorsque
le principe sera gagné, dévolu, à ce moment-là,
effectivement, en région, on pourra s'asseoir et discuter de ça.
Mais je pense que ce qui est important, lorsqu'on parle de
régionalisation, il faut parler quand même d'efficacité. Je
n'aimerais pas que ce soit un nouveau palier de décision ou de
pseudo-décisions qui se prennent en région. À ce
moment-là, on ne devient absolument pas efficaces. Alors, il y a un
palier régional qui existe ou qui va exister, il se doit d'être
efficace, sinon c'est de la bouillie pour les chats, on est aussi bien de
rester comme on est là et d'essayer de l'améliorer. Mais
l'idéal c'est une régionalisation efficace avec les budgets qui y
sont reliés. Ça, je pense que c'est important.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M.
Bellavance.
M. Bellavance: En ce qui concerne la formation, si on regarde les
CFP, de la façon dont c'est défini - et c'est un peu pourquoi on
est ici, c'était pour parler un petit peu du modèle dans lequel
on se trouve - c'est que, quand il s'agit d'une formation qui est pour des
besoins nationaux en termes de formation, très souvent, ces
estimations-là partent des régions et les régions, elles,
ont déjà fait une certaine estimation. À partir de
là, il y a un regroupement de ces besoins-là, par après,
les enveloppes sont décidées à Québec en fonction
de différents critères pour chacune des régions et, enfin,
on les applique dans les régions. Cependant, ce qui est, je pense,
important, c'est qu'il y a un pourcentage qui va pour les besoins nationaux et
un très fort pourcentage pour les besoins régionaux qui ont
été définis par les gens de la région. Et c'est
ça, je pense, l'idée qu'on avance, c'est de dire: Est-ce qu'un
modèle comme celui-là ferait? Nous autres, on parle de besoins de
formation, mais je ne comprends pas pourquoi on ne pourrait pas parler de
besoins de santé. On pourrait peut-être développer un
modèle similaire.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je suis en parfaite, ou
à peu près, harmonie avec M. Cliche lorsqu'il dit: Le quoi, c'est
Québec; le comment et le par qui, c'est la région. Et ça
présuppose aussi toute une série de mesures, c'est-à-dire,
pour bien me faire comprendre, qu'on prend un pouvoir de décision qui
est à Québec, qui est administratif, et on le déplace
à Sherbrooke à une régie. Il va continuer de demeurer
imputable à nous parce qu'on devra trouver la mécanique qui va
faire en sorte qu'on vienne nous voir assez régulièrement pour
nous rendre des comptes par programme, objectif de résultats. Ça,
là-dessus, je pense qu'il n'y a pas trop trop de problèmes. Mais
je voulais aller plus loin pour être capable de savoir si, pour vous,
l'imputabilité au niveau local... Parce que, pour moi, ça demeure
une condition sine qua non au transfert de ces pouvoirs-là au niveau
régional parce qu'il faut aussi que ça soit imputable
vis-à-vis de la population; c'est la garantie qu'il va se passer des
choses au niveau de la région. Et le danger de centraliser un pouvoir au
niveau d'une capitale régionale, c'est que des sous-régions
puissent devenir les parents pauvres de la région, parce que ça
c'est déjà vu ça. (21 h 30)
Donc, ce qu'il faut, à ce moment-là, c'est renforcer le
pouvoir local, donc, de la MRC, vis-à-vis de l'instance régionale
qui serait la régie, qui elle serait une régie pour
définir le comment et répartir l'enveloppe aussi. Donc, on se
com- prend qu'il faut, quand on transfère, transférer aussi des
moyens, pas rien que des problèmes, il faut aussi transférer des
moyens pour régler les problèmes. Donc, à partir de
ça, on se comprend bien, politiques de santé et de
bien-être, ce sont des objectifs nationaux, toute une série, mais
qui, au niveau de certaines régions, seraient, éventuellement,
optionnelles. Si on parle d'itiné-rance, même si on faisait un
programme national puis qu'on dirait à la Gaspésie:
L'rtinérance, c'est un problème chez vous, puis vous allez
l'avoir et vous allez vivre avec, je ne suis pas sûr qu'on vient de
marquer de grands points sur la progression de la santé et du
bien-être des Gaspé-siens. Le phénomène est
montréalais. Donc, je pense qu'il y a des ajustements à faire de
ce côté-là, mais il faut être bien clair que la
politique de santé et de bien-être se fait par Québec, mais
en collaboration, bien sûr, avec l'ensemble des régions.
J'interviendrais, à ce moment-ci, sur des grands thèmes
qui sont véhiculés par les temps qui courent,
accessibilité, gratuité, universalité et on en ajoute
encore un autre dans la commission - et vous l'avez répété
- l'équité. On a des problèmes d'accessibilité.
C'est un grand principe, mais on a quand même des problèmes
d'accessibilité; lorsqu'on parte de listes d'attente, on a des
problèmes d'accessibilité. Trois minutes? C'est correct.
Gratuité, universalité. Je vous prends un exemple. Pierre Elliott
Trudeau est un homme qui a bien servi son pays, un centralisateur, mais,
au-delà de tout ça, il y a un être humain en dessous, qui a
paye des impôts et qui, semble-t-il, a une fortune personnelle assez
extraordinaire. Alors, est-ce que le gouvernement du Québec doit
continuer de payer les médicaments de Pierre Elliott Trudeau, si jamais
il en avait besoin, au nom de l'universalité, de la gratuité?
La Présidente (Mme Marois): M. Cliche veut
répondre.
M. Cliche: Je ne répondrai pas pour Pierre Elliott
Trudeau...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je vais voir si vous
défendez Pierre Elliott.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cliche: ...mais, quant à moi, sur la question des
coûts, M. le ministre, il me semble que la démonstration a
été faite par la commission Rochon que ce n'était pas
notre régime de santé et de services sociaux qui était le
plus mal foutu ou mai organisé en Amérique du Nord et même
dans le monde. En termes de rentabilité, notre régime en vaut
bien d'autres et, dans le mémoire de la CSN, je me rappelle qu'on
citait,
entre autres, que même les Américains commencent à
penser que peut-être ce serait mieux s'il y avait une nationalisation au
niveau de la santé. Ça ne répond pas directement à
votre question sur la gratuité, mais je vous rappellerai qu'un des
éléments qui nous amène justement à nous poser
cette question sur la gratuité, c'est que ça coûte cher. Un
des éléments qui coûte le plus cher à notre
régime, à mon avis, c'est le fait que la profession
médicale, elle, a des coûts, occasionne des coûts
considérables dans notre régime et on est très timide pour
parler de ces questions-là. À notre avis, il devrait y avoir
quelques changements à ce niveau-là, pour qu'on puisse se parler,
parce qu'il y a aussi le fait qu'on n'aborde pas la question de la
régionalisation des budgets de la RAMQ. Ce n'est peut-être pas le
lieu de le faire, ce n'est peut-être pas de ça qu'on devrait
parler, mais je pense qu'il faut le signaler, en termes de coûts, que
c'est de là que ça part. Plus on a de médecins, plus
ça coûte cher, c'est ce qu'on nous a déjà dit, je ne
sais pas si c'est vrai.
M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes habile pour
répondre aux questions, parce que vous avez fait le tour sans
répondre à ma question. Je vous ai parlé de Pierre et vous
m'avez répondu par Yves. Là-dessus, oui, vous avez raison. Il ne
faudra jamais oublier que, sur le plan des comparaisons avec l'Ontario - et je
ne m'installe pas en défenseur des médecins, je ne suis pas
sûr qu'ils m'ont classé dans cette catégorie-là,
vous regarderez leur publication, je n'apparais pas comme un défenseur
des médecins très très souvent dans cette revue-là
- une chose est certaine, c'est qu'ils sont moins payés que les
médecins en Ontario, ça c'est clair. Il n'y a personne qui peut
contester ça, c'est vrai. Oui, c'est possible qu'il y ait des actes qui
se multiplient pour se protéger, sur le plan du diagnostic, pour ne pas
être poursuivis. C'est vrai. Il y a probablement des solutions à
ça. Mais ça, ce phénomène-là,
n'empêche pas qu'on doit se questionner aujourd'hui sur gratuité
et universalité. Est-ce que ça signifie, pour quelqu'un qui a les
moyens, aujourd'hui, qu'on doive encore continuer de payer des
médicaments - c'est un exemple, ça - pour quelqu'un qui,
lui-même, serait capable de les assumer ou, à tout le moins, d'en
assumer une partie? Est-ce qu'on doit continuer avec cette notion
d'universalité et de gratuité mur à mur? Je vous pose la
question et probablement que votre réponse vaut la mienne. Mais je pense
que, aujourd'hui, la question se pose, compte tenu des défis qu'on a
demain: vieillissement de population, jeunesse, qui sont des défis
auxquels on doit s'attaquer. La rareté des ressources fait en sorte que
tantôt on va être obligés de prioriser. Je pense que la
question est là, sur la place publique, et il faut tenter d'y
répondre. Si jamais vous avez des opinions, j'aimerais vous
entendre.
La Présidente (Mme Marois): M. Dion?
M. Dion: Je n'ai justement pas d'opinion là-dessus, Mme la
Présidente, et je m'en garderai pour le moment.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Est-ce qu'il y a
d'autres personnes, dans votre groupe, qui souhaiteraient intervenir? M.
Ba-chand?
M. Bachand: D'une façon très très courte.
Quant à moi, une petite parenthèse: M. Trudeau peut arrêter
de prendre ses médicaments, s'il en prend, et je ne sais pas qui va s'en
porter le plus mal ou le mieux. Mais, pour ce qui est de la gratuité des
services de santé, je pense qu'il ne faudrait pas commencer à...
et, sur ça, je pense que vous avez été assez clair, au
niveau du ticket modérateur, par exemple... Quant à moi, il n'est
pas question qu'on charge une entrée à l'hôpital comme on
charge pour entrer au théâtre. On choisit d'aller au
cinéma; à l'hôpital, on ne choisit peut-être pas et
on ne choisit peut-être pas nécessairement son hôpital. On
peut choisir son théâtre et son film. On peut en rire ou en
pleurer, mais en tout cas. Alors, au niveau de la gratuité, je pense que
c'est un principe qui est, pour nous, au Québec, une force et il faut la
garder.
Au niveau du principe de l'universalité, ça, c'est une
autre paire de manches. Je ne pense pas, effectivement, que quelqu'un qui est
vraiment en moyens - c'est quoi les moyens? Ce serait une définition
à donner - qui est riche, dans le langage courant, soit au niveau de
l'impôt ou ailleurs... Le simple voisin, je ne pense pas que cette
personne-là puisse bénéficier exactement des mêmes
soins, quelqu'un qui est pauvre. Mais, encore là, il faut faire
attention. Il y a toute une mécanique, tout un principe de base et une
question de philosophie. Quand commences-tu à être riche et quand
es-tu vraiment pauvre? Où est la barrière où la fameuse
classe moyenne a toujours la facture à payer? C'est une grande question.
Mais, l'universalité, quant à moi et quant à beaucoup de
gens, c'est une question qui devrait être révisée de long
en large, mais, encore là, on s'attaque non pas à une pratique
vraiment pragmatique mais on s'attaque plutôt à une
théorie. Lorsqu'on regarde exemple par exemple, à ce
moment-là, on ne finit pas, on ne finit plus, et c'est très
difficile d'application. L'universalité, c'est peut-être le plus
beau des principes mais c'est celui le plus facile à appliquer aussi. Et
c'est peut-être pour ça qu'il faudrait le regarder au temps qu'on
connaît.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Bachand. Mme
la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui, en fait, sur cette
question, moi, j'aimerais suggérer au ministre... Quand on
regarde la pratique médicale en ce qui concerne la consommation de
médicaments, ils sont pour beaucoup, aussi. Mais ça, on ne le
questionne pas, ou en tout cas... Je pense que ça serait drôlement
important Quand on sait, chez les personnes âgées, le nombre
effarant, faramineux de prescriptions, je trouve que c'est plutôt par ce
volet-là qu'il faudrait peut-être poser la question ou l'envisager
plutôt que de demander: Est-ce qu'il faut toucher, en fait... Est-ce que,
oui ou non, on doit payer nos médicaments? Il y a beaucoup de choses
à réviser aussi au niveau de la pratique médicale. Je
pense qu'avant de toucher l'accessibilité de quelque façon que ce
soit H faudrait peut-être aussi se questionner à ce
niveau-là et vraiment aller en profondeur et apporter de
véritables réponses, et non pas faire semblant ou des
faux-fuyants.
Vous avez mentionné, à plusieurs reprises, en fait, le
rôle important que devraient jouer les municipalités au niveau des
régies et de la représentation des régies. Est-ce que,
pour vous, ce serait majoritaire, est-ce que ce serait une
représentation plus majoritaire? Dans quelle forme d'équilibre,
par rapport aux groupes communautaires, cette représentation-là
devrait-elle s'établir justement?
La Président» (Mme Marois): M. Dion? M. Bachand? M.
Cliche.
M. Cliche: Par rapport à la
représentativité, ce qu'on souhaite, dans le fond, c'est que
l'ensemble des citoyens sort majoritaire partout et que, à travers
ça, il y ait aussi la représentation du personnel et des
médecins, entre autres, qui sont des intervenants majeurs dans ce
système. Mais, en tout temps, on veut que ce soient les usagers, les
personnes élues du milieu qui soient la majorité partout. Les
citoyens, quoi.
Mme Vermette: Vous sembliez faire deux fonctions très
différentes entre, d'une part, les gens, le réseau qui devraient
être des exécutants et, d'autre part, les décideurs qui
devraient être les gens qui siègent aux conseils d'administration.
Est-ce que c'est bien exact ou, finalement, ce n'est pas tout à fait la
perception que...
M. Cliche: Je pense qu'il y a une nuance à apporter entre,
je ne sais pas, un conseil d'administration de régie régionale,
par exemple, qui s'occupe de décider comment on va appliquer l'ensemble
des budgets, etc., il y a une différence entre ça et un conseil
d'administration local d'un établissement où, là, on
discute comment on va réussir à rendre la vie agréable aux
bénéficiaires d'un établissement, par exemple. Ça,
je pense qu'à ce niveau il y a lieu qu'on discute entre personnel, entre
médecins, entre les élus et les citoyens qui sont là. Je
pense qu'il y a là un terrain propice pour, justement, faire le lien
entre ceux qui font les services quotidiens tous les jours et ceux qui les
reçoivent.
La Présidente (Mme Marois): Je pense que M. Gillotte
voulait intervenir. C'est ça, oui?
M. Gillotte (Jean-Paul): Au niveau de la concertation qu'on a
eue, je pense que c'est un point de discorde entre la CSN et les
municipalités, en fait. L'imputabilité des maires, ça rend
les personnes extrêmement sages quand il y a des décisions
à prendre. Ça, je peux vous le dire. C'est pour ça que
nous autres... Le nombre de maires qui devraient siéger
là-dessus, je n'en ai aucune idée, je ne le sais pas, mais je
sais qu'ils représentent la population, en fait.
Mme Vermette: Est-ce que vous vous êtes déjà
penchés sur le fait que les gens qui seraient sur les conseils
d'administration au niveau des régies pourraient l'être sur une
base élective au suffrage universel? Est-ce que vous seriez d'accord,
auquel cas?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Dion.
M. Dion: Oui, effectivement. Dans la proposition que nous avons
faite, dans le mémoire que nous avons présenté, nous
disons qu'idéalement nous pensons plus au suffrage universel et nous le
voyons d'une façon sous-régionale, tel que décrit cet
avant-midi par M. Tousignant. Nous reconnaissons que l'appartenance ou
l'ère d'appartenance est plus au niveau d'une MRC et que, s'il devait y
avoir une élection au suffrage universel, le territoire le plus grand
qu'on pourrait accepter, je pense que c'est la MRC. Par contre, nous savons
très bien que, si les régies régionales devaient
naître incessamment, peut-être que la mécanique d'une
élection au suffrage universel ne peut pas être mise en place
à temps. Et il pourrait y avoir une étape intermédiaire
où il pourrait y avoir, par collège électoral, tel que
suggéré , aussi, une façon de combler le conseil
d'administration.
La Présidente (Mme Marois): M. Bachand.
M. Bachand: Dune façon très très courte.
Pour revenir à la question des municipalités, leur
représentativité au sein des régies ou des conseils
d'administration, ce qui est important, c'est que les municipalités ne
veulent pas prendre le contrôle de ça parce que, rapidement -
tantôt, je le soulignais lors du mémoire - la facture va venir
avec. Alors, ça, on n'est pas intéressés du tout. Ce qu'on
dit, par exemple, c'est que le principe, du fait qu'y y ait un élu
municipal qui siège au conseil d'administration, c'est de faire en sorte
de promouvoir le plus possible le fait que les gens soient impu-
tables, au sein de la population. Et ça, pour nous, c'est
important. Qu'à un moment donné ou l'autre, que ce soit aux deux
ans, trois ans, quatre ans ou annuellement, les gens de la région
puissent dire: Toi, je ne t'aime pas la face, tu n'as pas fait une belle job,
sacre ton camp, je te change. Ça, c'est important. Il faut que les gens,
dans le milieu, puissent avoir leur mot à dire. Ça, c'est
très, très, très important. Et je pense que la
majorité d'entre vous sont des élus, et vous comprenez ce qu'on
veut dire. Automatiquement, il doit y avoir une plus grande efficacité,
sinon on se le fait dire assez rapidement.
Mme Vermette: II me semble, en tout cas, que vous êtes
favorables, et vous me semblez aussi prêts pour une telle
expérience à vivre, si on devait procéder. Est-ce que vous
êtes d'accord avec des expériences-pilotes et que ce serait
favorable de commencer par des expériences-pilotes et que vous pourriez
être considérés comme étant une région
où vous pourriez être considérés prêts
à le vivre?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Dion. (21 h 45)
M. Dion: Je tiendrais à vous rappeler, madame, que
l'Estrie devait être une expérience-pilote, en 1978, et, ce matin,
nous avons entendu le directeur général du CRSSS nous dire qu'il
y avait peut-être, après douze ans de cette
expérience-pilote, répartis, 75 000 $ ou 100 000 $. Il faut faire
attention avec les pilotes, madame. Il faudrait définir un peu le
pilote. À date, ça m'apparait un peu flou.
Mme Vermette: Si c'est le pilote automatique, ça
dépend.
M. Dion: Si jamais les membres de la commission et du
gouvernement en venaient à une conclusion qu'il faut absolument tenter,
il est évident que l'Estrie demeure un beau champ
d'expérimentation.
La Présidente (Mme Marois): Vous êtes
volontaire?
M. Dion: Oui.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Vous revenez
à plusieurs reprises, je pense dans au moins trois de vos
mémoires, sur la nécessité d'avoir ou de se doter d'une
politique globale de la santé. M. Cliche, dans votre mémoire - ce
que rappelait le ministre - vous disiez: Au plan national, on dit le quoi et
elles, les régions, doivent définir le comment et le qui. Mais
est-ce que vous seriez prêts - je pense que c'est important comme
question - est-ce que vous êtes prêts à accepter la
régionalisation sans savoir le quoi? Autrement dit, sans avoir de
politique nationale de la santé et des services sociaux qui
définirait les grands principes d'équité,
d'accessibilité, d'universalité, de gratuité? Est-ce que
vous êtes prêts à parler du comment et du qui sans avoir le
quoi?
M. Cliche: Je pense qu'effectivement ça pose un
problème tant qu'on ne sait pas vers quoi exactement on s'en va. Je
pense qu'il faut que ce soit défini, sinon... Quand on parlait... La
question précédente: Est-ce que vous êtes prêts
à faire une expérience-pilote? Bien, ça dépend
quoi. Ça dépend de ce qu'on veut exercer, de ce qu'on veut
expérimenter. Je vous retourne la question parce que c'est... Les
mémoires, à cet effet, ont clairement exprimé qu'il faut
que ce soit défini d'abord et, après, on verra.
Mme Blackburn: D'accord. Mais c'est ce que vous dites: II faut
d'abord une politique; ensuite, on regardera le comment et le qui.
La Présidente (Mme Marois): Je pense qu'il y a M. Gingras
qui voulait intervenir.
M. Gingras (Pierre): Juste peut-être un complément
de réponse. Je pense que c'est très important, effectivement,
pour tout le monde, pour la population du Québec qu'on ne se retrouve
pas avec 13 systèmes, entre guillemets, de santé
différents, que les services dans l'Estrie puissent être, dans un
certain niveau, semblables à d'autres régions mais un peu
différents. Il faut qu'il y ait, au départ... Je pense à
votre question. C'est important pour nous qu'il y ait des enlignements communs.
Je pense que la population du Québec, il me semble que c'est important
pour elle, pour tout le monde et qu'ensuite il puisse y avoir évidemment
une marge de manoeuvre régionale, comme ça a été
dit ce matin. Je pense qu'avec ça tout le monde est d'accord, mais qu'on
ne puisse pas se retrouver au Québec avec les petits systèmes
régionaux de santé. Je ne pense pas que ce soit
intéressant pour personne.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
Mme Blackburn: Le ministre vient d'ouvrir une porte.
Évidemment, les grands principes, c'est l'universalité, c'en
était un, en tout cas. En citant comme exemple la fortune de M. Trudeau,
il se demandait si on devait payer ses médicaments. Ce n'est pas la
première fois que la question se pose. Elle s'est posée lorsqu'il
s'est agi de parler d'allocations familiales. On citait encore M. Trudeau.
Lorsqu'il s'est agi... Les enfants ont grandi.
M. Côté (Charlesbourg): Quel homme!
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que c'est vraiment
votre... Oui? Ha, ha, ha! Excusez-moi.
Mme Blackburn: Également, au moment où Ottawa
essayait de réduire les pensions de vieillesse, c'était toujours
M. Trudeau - je trouve ça très amusant - c'était
l'exemple. Faut-il lui donner sa pension de vieillesse?
M. Côté (Charlesbourg): M. Trudeau est au centre de
nos préoccupations.
Mme Blackburn: La conclusion a été souvent, lorsque
ces questions étaient posées... Elles étaient de deux
ordres. C'était, premièrement, commencer par définir qui a
droit et qui n'y a pas droit. Des fois, ça vous coûte si cher que
la sélection n'est pas toujours aussi rentable qu'elle n'y paraît
au premier abord. À tout le moins, en ce qui concerne les transferts,
par exemple, les allocations familiales. Et la façon de faire payer de
façon plus équitable les individus selon leur revenu ou leur
fortune, c'est vraiment un impôt progressif.
Je me rappelle un commentaire précisément au moment
où l'Association des hôpitaux du Québec se demandait s'il
ne fallait pas faire payer des frais d'hôtellerie à ceux qui
étaient hospitalisés. La réflexion que j'avais eue - que
je trouvais fort pertinente - était de quelqu'un qui disait: Moi, j'ai
payé des impôts jusqu'à 70 ans, je n'ai jamais mis les
pieds à l'hôpital. Et, tout à coup, je vais aller à
l'hôpital, il va falloir que je paie l'hôtel. Merci, c'est "smatte"
encore. En tout cas, c'est à peu près ça.
Donc, l'équité, pour lui, c'était: J'ai payé
toute ma vie. Si j'avais été malade, j'y aurais eu droit mais,
par un concours de circonstances, par bonheur, je ne l'ai pas
été. Là, j'irais une fois et il faudrait que je paie. Lui
disait, dans le fond: On a toujours avantage à utiliser l'impôt
progressif qui oblige à payer plus d'impôt plus vous avez de
revenus. Ce qui explique et justifie, dans une certaine mesure, que vous ayez
aussi droit à certains avantages. Ça a été
là-dessus d'ailleurs, il ne faut pas l'oublier, qu'on a fondé
notre système d'universalité. Introduire de nouveaux principes en
même temps, je veux dire, quand on ne sait pas si les principes
fondamentaux seront maintenus - principes de gratuité,
d'accessibilité, d'équité - ça pose ce
problème lorsqu'on veut transférer les pouvoirs aux
régions.
Question. Vous sembliez mettre en doute la pertinence ou encore les
intentions du ministre quant à la régionalisation de l'enveloppe
de la RAMQ. Mais est-ce qu'on peut vraiment penser à une
régionalisation, penser accessibilité à des services de
santé, donc à des spécialités médicales,
sans qu'il y ait régionalisation de l'enveloppe de la RAMQ?
M. Cliche: Pour nous, il est très clair que, quand on
parle de l'ensemble de la régionalisation, on a beaucoup insisté
sur la question de l'équité. Et ça, pour nous, ça
veut dire qu'il est clair qu'il faut regarder cette question non seulement
région par région... Parce qu'il est évident que si on
parie de Montréal à côté de la
Montérégie, par exemple, mettons que ce n'est pas pareil et on
pourra se parler d'équité à quelque part. Je pense qu'il
ne faudrait pas aussi... Il faudrait se dire: Est-ce qu'on va en enlever
à un pour en mettre plus à l'autre? Je pense que ce n'est pas
tout à fait ça, non plus, le débat. Il faut regarder la
question dans son ensemble. Est-ce que c'est normal qu'il y ait quatre DSC ou
dix DSC, par exemple, sur un territoire alors que l'autre a de la misère
à en avoir un? Ce sont des questions de cet ordre qui doivent être
débattues. Les régies régionales, entre autres, devraient
être des partenaires lors de ces discussions. Peut-être pas faire
la politique à la place du ministre, ce n'est pas ça, mais de
participer, à tout le moins, à ce genre de discussion pour
établir ces règles. Qu'on puisse, comme région,
connaître au moins les règles qui vont servir à faire cette
distribution, qu'on puisse dire notre mot là-dedans.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Bellavance,
vous voulez ajouter un mot.
M. Bellavance: Mme la Présidente, je trouve ça
extrêmement intéressant ce débat-là. Et H me semble
qu'il y a un élément qu'on oublie là-dedans. Il me semble
qu'il faudrait même le regarder plus large. Je disais au début
qu'une des raisons pour lesquelles on était ici, c'est les
conséquences du chômage, les conséquences de l'aide
sociale, et ainsi de suite.
Mme Blackburn: Politique globale.
M. Bellavance: Qu'est-ce qui fait qu'il y a tant d'aide sociale?
Qu'est-ce qui fait qu'H y a tellement de gens dans nos hôpitaux? J'ai
l'impression que, quand on parie d'universalité et ainsi de suite, on se
doit, je pense, comme société, de regarder cet ensemble. On
pourrait peut-être commencer vraiment à regarder une politique,
appelons-la de plein emploi - il y a des employeurs qui ont peur de ça -
on pourrait parier de politique de l'emploi qui viendrait se greffer à
ça. Je suis convaincu... Et si on peut parier, par la suite, des
traumatismes que 'causent le sous-emploi, l'aide sociale et ainsi de suite,
c'est tout ça, je pense, qu'il faudrait, comme société du
Québec, regarder dans une politique.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Mme la
députée.
Mme Blackburn: Je pensais que c'était terminé.
La Présidente (Mme Marois): Oui, c'est terminé.
Ça va.
Mme Blackburn: Bien, écoutez, j'aurais eu d'autres
questions, mais je vous remercie, ça va.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.
Mme Blackburn: Je voudrais vous remercier de votre participation
aux travaux de cette commission et vous dire que de vous voir ainsi, à
six, présenter une position qui est assez, je ne dirais pas semblable,
mais qui se complète, à l'exception, je pense, de la
représentativité des organismes communautaires et de
l'imputabilité de ces organismes... J'aurais aimé revenir
là-dessus, mais on pourra toujours le faire à un autre moment. Je
voudrais vous remercier. Comme l'a dit le ministre, ça nous a permis
d'avoir une vision un peu plus intégrée de votre perception de
cette question, mais également probablement de vous concerter entre
vous, ce qui est déjà un élément important, si on
régionalise.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Si j'ai
laissé voir mon désintérêt quant à la
régionalisation de l'enveloppe de la RAMQ, excusez-moi, c'est l'inverse
que je veux faire. Il m'est toujours apparu que le levier très important
pour faire bouger les médecins, c'est là où serait
l'argent et que l'enveloppe de la RAMQ, c'est effectivement ça qui va
faire en sorte que ce qu'on a essayé sur le plan de l'incitation depuis
de nombreuses années et qui n'a à peu près pas
fonctionné autrement que par des médecins étrangers, qui
ont bien accepté d'aller dans les régions du Québec... Il
reste des carences très importantes quant à la qualité du
service offert dans les régions du Québec. L'enveloppe de la RAMQ
pourrait être un levier très important à ce
niveau-là pour la planification et pour donner l'équité de
service au niveau des régions du Québec. Et ça, ça
m'apparaît extrêmement important. C'est un enjeu très
très important, auquel on s'attaque maintenant sur le plan de la
faisabilité. Pour une fois que c'est le bénéficiaire qui
pourrait être le grand gagnant, je pense que ce n'est peut-être pas
mauvais de continuer à le regarder d'un oeil très positif en
disant: C'est ça qu'on fait, éliminons les obstacles, au lieu de
dire: Ça ne se fait pas parce que, évidemment, ça serait
bien contraignant.
Alors, ça a été très intéressant de
vous entendre sur un message très important du monde municipal qui nous
dit: Ne venez pas brouter dans nos pâturages, on n'en a
déjà pas beaucoup pour nous autres. C'est ce que j'ai compris,
mais j'ai aussi compris, sur le plan de la leçon, que, lorsqu'on taxe
ça nous rend plus imputables et plus sages. J'ai aussi compris ça
et, dans ce sens-là, il y a toute une série de leçons
à tirer de vos représentations. On va tenter de mettre ça
ensemble pour faire une décentralisation qui soit vraie, avec des
pouvoirs. Merci!
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup de votre
contribution aux travaux de la commission des affaires sociales. Merci!
J'inviterais maintenant les personnes qui représentent
l'hôpital Saint-François-d'Assise à bien vouloir venir
prendre place, s'il vous plaît.
Alors, bonsoir et bienvenue à la commission. Nous avons une
trentaine de minutes à notre disposition à ce moment-ci. Vous
avez donc une dizaine de minutes pour présenter votre mémoire et,
par la suite, il pourra y avoir des échanges avec les membres de la
commission. Évidemment, le porte-parole se présente et
présente les personnes qui l'accompagnent.
Hôpital Saint-François-d'Assise
M. Désy (Raymond): Je me présente, mon nom est
Raymond Désy; je suis président du conseil d'administration.
À partir de ma gauche, M. Marc Bélanger, membre du conseil
d'administration, le Dr Pierre Alain, président du Conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens, le Dr Claude Poirier, directeur des
services professionnels, le Dr Gérard Roy, directeur
général, et, partant de l'autre extrémité, le Dr
Aline Rémillard, directrice de l'enseignement, et, immédiatement
à ma droite, le Dr Jean-Claude Forest, directeur de la recherche.
Mme la Présidente, M. le ministre, Mme et MM. les
députés, je tiens à vous remercier d'avoir accepté
de nous recevoir ce soir pour entendre nos commentaires sur l'avant-projet de
loi sur les services de santé et les services sociaux. Je cède
maintenant la parole au directeur général, le Dr Gérard
Roy, qui fera l'introduction du mémoire présenté par
l'hôpital Saint-François-d'Assise. Dr Roy.
M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, MM. les membres
de la commission, M. le ministre, mesdames et messieurs, l'hôpital
Saint-François-d'Assise a étudié l'avant-projet de loi
modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
Notre hôpital est en accord avec les grands objectifs de ce projet de
loi, sort l'accessibilité à tous les citoyens,
l'amélioration de la qualité des soins, de même que la
décentralisation, et nous pourrions ajouter l'équité.
Notre mémoire se veut un commentaire concernant la vocation de notre
établissement. (22 heures)
L'hôpital Saint-François-d'Assise est un centre hospitalier
à vocations multiples de 1045 lits, dont 576 lits de courte
durée, 90 lits de soins prolongés et 369 lits de centre
d'accueil. En fait, c'est le plus gros hôpital de soins aigus,
en termes de lits et en termes du nombre d'admissions, de la
région de Québec. C'est aussi le deuxième hôpital
francophone de soins aigus fondé à Québec, après
l'Hôtel-Dieu de Québec. Il a été fondé en
1914 par les soeurs de Saint-François-d'Assise. Il avait, en premier
lieu, comme vocation d'être un hôpital de maternité. C'est
aussi le premier hôpital, à Québec, à avoir une
école d'infirmières laïques. Notre hôpital dessert, en
première et en deuxième lignes, une partie de la région
métropolitaine de Québec et 80 % du comté de Charlesbourg.
En troisième ligne, dans plusieurs spécialités, il dessert
tout l'Est du Québec, notamment en néonatologie, en grossesses
à risques élevés, en orthopédie pédiatrique,
en toxicomanie, en urologie (notamment en lithotripsie des voies urinaires), en
chirurgie (notamment en lithotripsie des voies biliaires), et en imagerie
médicale, surtout avec la résonance magnétique.
L'hôpital Saint-François-d'Assise est un hôpital
à vocation universitaire depuis 1953 et a dispensé de
l'enseignement dans presque toutes les spécialités de la
médecine, à l'exception de la neurochirurgie et de la chirurgie
cardiaque. Il y a environ deux ans, l'unité de médecine familiale
était ouverte et, d'ailleurs, il y a quelque temps, nous avons
procédé à l'ouverture des nouveaux locaux. Depuis quelques
années, le recrutement à l'hôpital
Saint-François-d'Assise s'est fait de façon
particulièrement intéressante et nous avons recruté
plusieurs nouveaux médecins qui, actuellement, sont des professeurs de
la Faculté de médecine. Nous sommes très sensibles
à l'enseignement et nous avons remarqué que, dans le livre blanc
de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme
Thérèse Lavoie-Roux, on identifiait quatre hôpitaux
affiliés à l'Université Laval, six hôpitaux
affiliés à l'Université de Montréal et quatre
hôpitaux affiliés à l'Université McGill.
Nous sommes particulièrement surpris par le fait que, pour les
hôpitaux affiliés à l'Université de Montréal,
3560 lits de soins aigus et 618 de soins de longue durée aient
été retenus; que, pour les hôpitaux affiliés
à l'Université McGill, le nombre de lits retenus soit de 2031
pour les soins aigus et de 214 pour les soins prolongés, tandis que,
pour les hôpitaux affiliés à l'Université Laval, le
nombre de lits retenus est de 1574 et de 185 lits de soins prolongés.
Nous nous demandons pourquoi, pour a peu près le même nombre
d'étudiants dans chaque université, nombre qui se situe entre 140
et 170, l'écart est si grand quant au nombre de lits retenus. Si vous
regardez les tableaux, surtout si on regarde, à la deuxième page,
au tableau II, le nombre de lits par résident, à
l'Université de Montréal, il est de 6, à
l'Université McGill, 4,1, et, à l'Université Laval, 3,8.
Pourquoi cette différence?
Pour l'enseignement de la médecine, nous pensons que les
étudiants et les professionnels de la santé doivent être en
contact avec beaucoup de patients. Le danger, si l'on restreint trop le nombre
de centres hospitaliers universitaires, c'est que les étudiants en
sciences de la santé ne soient formés que pour les
surspécialités. Quand ils viendront pour aller en
périphérie où on soigne le monde ordinaire, ils oublieront
souvent les maladies les plus simples, car, en pratique, 95 % de la
clientèle présentent des maladies simples et environ simplement 5
%, des maladies rares. L'hôpital Saint-François-d'Assise
présente un équilibre à ce niveau. Il y a un volume
important de spécialités et de soins de première et
deuxième lignes et aussi plusieurs ultraspécialités comme
la néonatologie, les grossesses à risques élevés,
la chirurgie vascu-laire périphérique, l'orthopédie
pédiatrique, la toxicomanie, l'imagerie médicale. Dans ce
contexte, c'est un excellent milieu pour préparer les futurs
médecins à aller pratiquer un peu partout dans la province.
De plus, dans l'avant-projet de loi sur les services de santé et
les services sociaux, les critères suivants sont mentionnés pour
qu'un centre hospitalier puisse être reconnu comme un centre hospitalier
universitaire. Premièrement, être engagé activement dans la
recherche universitaire au point où celle-ci constitue une mission du
centre hospitalier ou de l'institut et loger au moins un centre de recherche
universitaire. Alors, en première, je vous annonce aujourd'hui que notre
centre hospitalier a été reconnu officiellement par le FRSQ,
Fonds de la recherche en santé du Québec, comme centre de
recherche et, en fait, nous devenons avec l'Hôtel-Dieu,
l'Enfant-Jésus et le CHUL, un des quatre hôpitaux qui
possèdent un centre de recherche à Québec.
Deuxièmement, être engagé dans l'enseignement et la
formation de chercheurs et d'étudiants de niveau universitaire dans les
disciplines médicales et paramédicales. Comme vous l'avez vu dans
notre mémoire, nous sommes évidemment présents dans ce
domaine.
Être très engagé dans une gamme variée de
soins de type tertiaire afin de fournir à la recherche et à
l'enseignement universitaire un lieu propice au développement des
spécialités et des surspécialités, notamment, en
médecine. En fait, nous sommes le plus gros hôpital de soins aigus
à Québec avec le plus grand nombre d'admissions et actuellement
nous pouvons fournir une gamme de soins comme je viens d'en
énumérer. Alors, nous répondons à ce
troisième critère.
Quatrièmement, être le lieu privilégié du
développement et de l'évaluation des techniques lourdes et
légères. Encore là, dans ce contexte, l'hôpital
Saint-François-d'Assise, avec sa technologie acquise dans les
dernières années, avec son institut de biomatériaux que le
premier ministre nous a annoncé il y a quelque temps et qui est en train
de s'implanter, je pense, est peut-être le seul à Québec
qui répond à ce
critère.
L'hôpital Saint-François-d'Assise répond donc
à ces quatre exigences. Donc, comme vous le lirez dans notre
mémoire, notre établissement remplit tous les critères
comme centre hospitalier universitaire et nous voulons, M. le ministre, que
nous soyons reconnus à cet effet. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Roy. Ça va?
Merci de votre présentation. M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Si j'en avais les pouvoirs, dès maintenant, je
pourrais dire: Problème réglé. Vous seriez bien contents
et on pourrait s'en aller faire autre chose. C'est une présentation
très habile. Évidemment, on savait que, dans la mesure où
vous alliez saisir l'occasion de venir vous présenter à la
commission, ce serait un document bien préparé et qui se
servirait des orientations mêmes et des quatre fonctions que l'on
souhaite pour reconnaître un hôpital comme hôpital
universitaire.
Ce que je dois vous dire, c'est qu'il y avait des propositions dans le
document d'orientations qui ne sont pas forcément des décisions
finales. Donc, je comprends que l'intervention de ce soir est une tentative de
réajuster un certain nombre d'éléments et que, lorsque
vous nous avez fait, de votre point de vue, la nomenclature des quatre
hôpitaux qui, dans la région de Québec, répondaient
aux quatre critères, j'ai compris qu'il y en a un - c'est dans le
document - qui ne répond pas aux quatre critères,
automatiquement, sans le nommer. Alors, je ne pense pas que ce soit à
vous de le nommer.
Vous soulevez un point qui, quant à moi, est
d'intérêt. Vous nous dites - je l'ai constaté en allant
faire le tour d'hôpitaux de taille moyenne où il y a de la
formation et on se l'est fait dire aussi par des hôpitaux de taille
moyenne de la région de Montréal la semaine dernière - que
le danger de certains hôpitaux, c'est effectivement de former des
ultraspécialistes et que, par conséquent, ces
ultraspécialistes utilisent des équipements, quand ils en ont
évidemment, ultraspécialisés que, forcément, tu ne
retrouveras pas en région. Donc, il n'y a pas d'incitatifs, à ce
niveau-là, à aller travailler en région, puisque les
équipements n'y sont pas.
L'autre élément qu'on a entendu, c'est que la formation,
puis l'enseignement dans certains centres hospitaliers font en sorte que le
futur médecin n'est pas nécessairement en contact direct avec le
patient. C'est le deuxième ou le troisième intervenant. Et vous
semblez nous dire à peu près la même chose, que, chez vous,
si c'était le cas, si c'était un hôpital universitaire, les
médecins seraient davantage prêts sur le pian de la formation
à aller pratiquer en région. Et vous nous dites que 95 % des cas
que les médecins traitent - et vous en avez une bonne brochette autour
de la table - ce ne sont pas des cas ultraspécialisés, mais ce
sont les autres. Et, ça, ça m'apparaît important.
Donc, ce que vous nous dites, c'est: Chez nous, on va davantage former
des médecins qui seraient, demain matin, aptes à aller en
région. Selon votre expérience à vous, qu'est-ce qu'il
faut ajouter pour que les médecins y aillent?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Roy.
M. Roy: Merci, M. le ministre. Je pense qu'actuellement, dans les
centres hospitaliers universitaires où le nombre de patients est assez
limité et où on fait de l'enseignement très
théorique parce qu'on n'a pas assez de patients, à ce
moment-là, on l'enseigne comme dans les livres. Je pense que, pour
former des médecins, ça prend aussi des livres, mais on a tout ce
qu'il faut à l'université pour le faire. Les étudiants en
médecine ou dans les autres professions viennent dans les hôpitaux
pour voir des patients, pour voir des cas cliniques, des cas concrets.
Je pense que, dans ce cas-là, à
Saint-François-d'Assise, nous autres, actuellement, nous avons un bassin
assez grand de lits: on a 576 lits aigus, on en a 90 de soins prolongés
et 369 de centre d'accueil. Alors, c'est un peu une image de ce qui ne peut pas
se faire dans les autres régions du Québec, d'autant plus
qu'actuellement, à Saint-François-d'Assise, on a aussi des
contrats avec certains hôpitaux périphériques, notamment
à Gaspé en obstétrique-gynécologie, à
Nicolet en anesthésie, à Sept-îles en orthopédie.
À un moment donné, nos médecins vont là;
évidemment, ils pourraient aussi, en même temps, amener des
étudiants dans leur stage où ils pourraient, à ce
moment-là, apprendre c'est quoi des régions
périphériques. Ça pourrait les aider, un jour, à
aller dans ces régions-là. Claude aurait peut-être quelque
chose à rajouter.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Poirier, c'est
ça.
M. Poirier (Claude): M. le ministre, j'aimerais rajouter quelque
chose. La structure du réseau d'enseignement de l'Université
Laval est un peu différente de la structure d'enseignement du
réseau de McGill et de l'Université de Montréal. En 1972,
le rapport Bonneau déterminait, pour chacun des centres hospitaliers
universitaires de son réseau, des ultraspécialités. Ainsi,
Laval se voyait avec la chirurgie cardiaque, l'Enfant-Jésus, avec la
neurochirurgie, l'Hôtel-Dieu de Québec, avec le cancer,
Saint-Sacrement, avec l'hématologie et l'hôpital
Saint-François-d'Assise, entre autres, avec les grossesses à
risques élevés et l'orthopédie pédiatrique.
Donc, l'ensemble des hôpitaux du bassin de la région de
Québec traite avec un très grand
pourcentage de soins de types généraux, de première
et deuxième lignes. Ce n'est pas particulier à
Saint-François-d'Assise, ni à Saint-Sacrement, ni à
l'Hôtel-Dieu. C'est un peu le débit qu'on rencontre dans les
urgences du Québec, qui est entre 50 % et 70 % des admissions des
hôpitaux. Donc, l'ensemble des hôpitaux de la région de
Québec a un bassin de soins généraux de première et
de deuxième lignes. Ce qui différencie les établissements
entre eux, c'est certaines particularités de soins tertiaires et
Saint-François-d'Assise, au même titre que les cinq autres CHU de
la région de Québec, partage avec eux des
ultraspécialités. En ce sens-là, H n'y a pas de
particularité pour Saint-François-d'Assise.
M. Côté (Charlesbourg): Et devant ce constat
où l'hôpital Saint-François-d'Assise serait reconnu comme
CHU, lieu par excellence pour l'enseignement et la formation de médecins
qui, demain, pourraient aller en région - je déborde un peu de
votre champ d'intérêt pour me préoccuper du mien aussi un
peu - qu'est-ce qu'il faut faire de plus, vous qui allez être en contact
avec ces jeunes médecins qui, demain, vont pratiquer, pour s'assurer que
l'équité permette que des régions aient des
médecins pour les soigner, parce que ce n'est pas le cas
aujourd'hui?
La Présidente (Mme Marois): Dr Roy ou...
M. Roy: Dr Forest.
La Présidente (Mme Marois): ...Dr Forest.
M. Forest (Jean-Claude): Je pense que vous vous adressez à
une question qui est extrêmement complexe, M. le ministre. D'ailleurs,
vous l'avez vécu par les résultats que vous obtenez à
essayer d'attirer les médecins en région. On a remarqué,
au cours des dernières années, que ça semblait être
plus facile d'attirer un médecin de famille, par exemple, en
région que d'attirer un médecin spécialiste - ça,
c'est un constat - pour des avantages de carottes, comme vous l'avez
mentionné tantôt, à peu près équivalents.
Donc, il y a des raisons importantes qui dépassent la question
d'attirer les médecins avec une somme monétaire ou d'une autre
façon en région. Un des gros problèmes qu'il y a, je
pense, avec le fait d'attirer, entre autres, des spécialistes en
région, et c'est d'autant plus complexe que ces spécialistes sont
ultraspécialisés, c'est la capacité de travailler en
équipe. Souvent, une région ou un hôpital local ou
régional aurait la capacité d'accueillir, admettons, un
médecin spécialiste dans un domaine donné, mais n'a, pour
ainsi dire, pas la capacité d'en attirer deux, ce qui rendrait la vie de
ces médecins acceptable, d'une part, mais également ce qui
permettrait à ces médecins-là de travailler en
équipe et d'échanger ou d'être capable de résoudre
des problèmes ensemble. (22 h 15)
Pour avoir été, pour un consultant dans plusieurs
hôpitaux régionaux pour réorganiser, entre autres, des
laboratoires cliniques, j'ai vu assez souvent ce problème où
c'était possible d'avoir un médecin spécialiste dans un
domaine donné, mais c'était impossible d'en avoir deux ou trois;
donc, le médecin ne voulait pas y rester, il y allait comme consultant
et il revenait.
L'autre chose, c'est l'entourage de ces médecins-là,
c'est-à-dire le support que ces médecins spécialistes vont
obtenir des autres médecins spécialistes. C'est pour ça
que j'aimerais mentionner ici que ce n'est pas juste une question de
technologie, parce que de la technologie, vous en avez investi au cours des
années dans différents hôpitaux et ça n'a pas eu
nécessairement pour effet de retenir ces médecins
spécialistes en région; après deux ou trois ans, ils sont
revenus.
Il y a tout un contexte sur le plan professionnel, d'une part, un
contexte complexe et, d'autre part, il y a aussi des éléments
purement, je dirais, au niveau de la qualité de vie, au niveau des
intérêts. Souvent, les médecins spécialistes, entre
autres, qu'on a formés longtemps en milieu urbain, par
définition, ont possiblement, chemin faisant, rencontré un
partenaire dans ces milieux urbains et, compte tenu que les couples,
maintenant, travaillent, ce n'est pas certain que c'est toujours facile, du
jour au lendemain, de déplacer ces gens-là. On ne déplace
pas seulement un individu, on déplace un couple. Ce n'est pas
nécessairement facile. Quels que soient les avantages que vous allez
donner, ce n'est pas certain que vous allez être en mesure de le
faire.
C'est pour ça qu'à la solution que vous mentionniez
tantôt et à un des objectifs de dire: On va déplacer les
masses salariales dans les régions et les gens iront bien manger dans
l'auge, oui, c'est possible, mais je pense que c'est plus complexe que
ça.
M. Côté (Charlesbourg): vous êtes après
me donner une solution que je n'avais pas encore envisagée, c'est que le
milieu de formation puisse être en région.
M. Forest: C'est loin d'être bête, M. le
ministre.
La Présidente (Mme Marois): Vous vouliez ajouter quelque
chose sur ça, Dr Roy?
M. Roy: Oui. Je pense que, dans la question des médecins
en région périphérique, souvent, des contrats de services
avec des établissements dans les régions centrales sont
d'excellentes choses. Je vous donne l'exemple de Nicoiet où ils ont
besoin d'un anesthésiste. Un anesthésiste qui s'en va là
va pratiquer 7 jours par semaine,
365 jours par année. Par contre, si c'est un centre hospitalier
comme le nôtre qui couvre ça, ce sont des médecins qui y
vont chacun sa semaine, ça assure un service et, à ce
moment-là, c'est possible.
Je pense qu'il y a toutes sortes de moyens qu'il faut prendre. Il n'y a
pas une méthode, il n'y a pas une solution miracle; il y a plusieurs
formes qu'il faut prendre. Je pense que les contrats de services avec des
régions périphériques sont des choses excellentes.
M. Côté (Charlesbourg): Je sais que mon temps est
déjà terminé.
La Présidente (Mme Marois): Oui, une dernière
question.
M. Côté (Charlesbourg): Tout ce que je veux dire,
c'est vous souhaiter bonne chance pour les mois qui viennent, parce qu'il y
aura des décisions à prendre à partir des critères
qui ont été établis. J'ai été
particulièrement touché par le deuxième paragraphe de la
deuxième page où vous faites part aux membres de la commission
que 80 % de votre clientèle vient de Charlesbourg. Évidemment, je
suis frappé droit au coeur.
La Présidente (Mme Marois): On l'avait tous
remarqué, d'ailleurs.
Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Écoutez, ce que je trouve assez particulier,
c'est que vous démontrez, en fait, que, parmi la clientèle, 95 %
des maladies sont des maladies simples et qu'il y a 5 % des maladies qui sont
des maladies rares ou, en tout cas, qui font référence à
des ultraspécialités. On parlait du problème des
régions, justement, où ce sont ces 5 %, finalement, qu'il est
difficile d'atteindre, et même les 95 % de la clientèle n'ont pas
nécessairement, non plus, de médecin disponible.
Je me souviens très bien, quand on a fait la commission
parlementaire sur les sages-femmes, qu'il me semblait qu'il y avait deux
tendances, en fait. Celle de la Corporation des médecins était
à l'effet que, en région, ce n'était pas grave, on pouvait
avoir des sages-femmes, ça se faisait bien sous supervision
médicale, mais qu'à Montréal ou à Québec,
c'était impensable, ce n'était pas possible, il fallait
absolument des spécialistes, des ultraspécialistes. Et là,
je m'explique mal une telle attitude. Pourquoi, au niveau des régions,
peut-on favoriser des paramédicaux ou même des infirmières
et pourquoi, dans les grands centres, ne peut-on pas favoriser ce même
genre de pratique? Pourquoi, comme vous en parlez, chez vous, plutôt que
de travailler pour une formation universitaire, ne pas favoriser la formation
des paramédicaux pour, justement, desservir les régions et des
infirmières qui pourraient donner de très très bons soins,
aussi, en région?
La Présidente (Mme Marois): Oui, Dr Roy.
M. Roy: Justement, sur les sages-femmes, l'hôpital
Saint-François-d'Assise a présenté un projet-pilote.
Évidemment, si on était un CHU, ça nous ferait plaisir de
l'appliquer.
M. Côté (Charlesbourg): II ne faut pas le dire.
Augustin va être fâché.
La Présidente (Mme Marois): II semble que ce ne soit pas
encore officiel, là. Dr Forest.
M. Forest: oui. bien, peut-être que je pourrais ajouter un
élément, peut-être pas d'information, mais au moins de
discussion, à ce que mme la députée vient de mentionner.
j'ai l'impression qu'il y a une confusion apparente au sujet du dossier des
sages-femmes parce qu'on en a fait, énormément, un débat
politique. là, évidemment, tous les groupes se cambrent dans leur
position et il y a de l'argumentation. la question a été
posée souvent au niveau de savoir quelle est la nécessité
d'un intervenant supplémentaire dans le domaine relié à la
grossesse. je pense que ce qui a été reconnu le plus souvent ici,
au québec, ou ailleurs dans d'autres pays, c'est qu'il y avait
possiblement nécessité d'un intervenant, en tout cas, à
identifier en relation de la prévention. cet intervenant-là
aurait l'avantage d'être impliqué dans les régions semi ou
défavorisées. parce que vous savez qu'entre autres au
québec on a des régions qui ont un problème de
morbidité ou de mortalité périnatale relativement grand et
les chiffres sont passablement impressionnants. je pense que là
où il se fait une certaine unité de pensée pour les gens,
en tout cas, qui sont impliqués au niveau de la recherche, des
études épidémiologiques, c'est beaucoup plus en relation
de voir comment on est capable de faire la prévention chez des
populations ciblées, c'est-à-dire des femmes qui sont plus
susceptibles d'avoir des problèmes au cours de la grossesse. si le
débat revenait sur cette base scientifique pour savoir s'il y a un autre
intervenant dans la salle d'accouchement, j'ai l'impression qu'on aurait plus
de chances de trouver des réponses efficaces et qui aideraient les
québécois et les québécoises.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui. Par curiosité, il y a cinq
médecins ici. Est-ce que vous êtes tous nés à
Québec?
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Dr Roy.
M. Roy: Je viens de la Beauce.
La Présidente (Mme Marois): De la Beauce.
Une voix: Montréal.
Une voix: Québec.
Mme Rémillard (Aline): Rimouski.
M. Forest: 7e rang de Sainte-Mélanie. Alors, M. Chevrette
saurait où c'est, s'il était ici.
Mme Blackburn: Je reconnaissais un peu l'accent.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Alors, ça explique un peu, finalement, le
problème des régions. Ça explique le problème des
régions ou la difficulté de retenir leurs médecins.
Même ceux qui sont originaires des régions finissent par
s'installer dans les grandes régions métropolitaines,
Québec ou Montréal. Je dois vous dire que, bien que la solution
des contrats soit intéressante, les gens des régions, le tourisme
des spécialistes, ils n'aiment pas beaucoup ça. Vous pouvez
demander ça à n'importe qui. Vous savez, le podiatre, le
psychiatre qui vient trois ou quatre jours par semaine et qui rentre à
Québec ou à Montréal, un, ça ne fait pas une vie
très intéressante pour la personne, ça ne dure pas
longtemps et ça n'assure pas beaucoup de continuité. Je veux dire
que ça dépanne, mais je ne pense pas que ce soit dans l'ordre des
solutions qui soient très appréciées dans les
régions.
Le ministre semble ouvert à l'idée qu'il puisse y avoir
des hôpitaux universitaires dans les régions. J'aimerais juste lui
dire qu'au département de médecine familiale où il y a un
lieu de stage à Chicoutimi, sur 14 résidents, il y en a une
douzaine qui devraient s'installer dans la région. Ça illustre de
façon on ne peut plus claire la nécessité de
décentraliser l'enseignement universitaire avec les problèmes que
ça pose.
Il y a un organisme qui est venu il y a quelques semaines et qui
suggérait un peu ce que... Je pense que c'est le Dr Poirier qui
rappelait qu'on avait un jour un peu spécialisé les
hôpitaux ici. Ils avançaient qu'on devrait encore, en
matière d'enseignement universitaire, spécialiser les
hôpitaux de manière à ramener dans certains hôpitaux
des équipements très spécialisés pour éviter
l'éparpillement, dans trois, quatre, cinq hôpitaux, de ces
équipements qui sont très chers, difficiles à garder
à la fine pointe de la technologie, et que la façon la plus
efficace de le faire, c'est encore de les spécialiser. Alors, on pense
à la radiothérapie à l'Hôtel-Dieu et les autres
spécialités. Qu'est-ce que vous en pensez? Ça voudrait
dire que, dans votre cas, il y a quelques spécialités qui
seraient moins couvertes, mais est-ce que ça aurait des effets?
C'était davantage la question: Est-ce que ça aurait des effets
sur la qualité de la formation que vous dispensez de façon
générale ou si on doit continuer à se spécialiser
dans tous les secteurs comme vous le faites?
La Présidente (Mme Marois): Dr Roy.
M. Roy: Bon, je pense que, dans le cas de la formation
médicale, plus un hôpital a de spécialités, mieux
c'est pour la formation. Mais, par contre, il faut un équilibre entre le
volume de patients qui passent et le nombre de spécialités.
Alors, nous autres, on se dit, dans ce cadre-là, pour former des
médecins, il n'y a pas juste une solution, il y en a plusieurs. Dans ce
cadre-là, il peut y avoir des hôpitaux
ultraspécialisés pour former des spécialistes à la
fine pointe, mais il y aura des hôpitaux généraux qui vont
former les gens qui vont aller soigner en périphérie, même
en ville, des gens, évidemment, avec des maladies ordinaires. M.
Désy avait quelque chose à ajouter sur la première partie
de votre question.
M. Désy: C'est une petite correction. Il faut dire que le
Dr Roy a pratiqué sa médecine dans la Beauce, à
Saint-Georges, dans le lieu de sa naissance, avant de devenir administrateur.
Alors, il y a une légère correction.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha. ha!
Merci. Oui, Dr Poirier.
M. Poirier: Je voulais juste dire que j'étais d'accord
avec Mme la députée Blackburn sur la centralisation des
équipements ultraspécialisés dans les hôpitaux. Je
pense que, pour certains types d'équipements très
spécialisés, on ne doit que les concentrer à certains
endroits. Par contre, l'évolution technologique fait en sorte que
l'utilisation de la technologie se répand avec les années et
l'évolution de la technique. L'exemple le plus marquant, c'est le
tomoden-sitomètre axial, vulgairement appelé le 'scan* ou le
"scanner", qui, en 1979, était un équipement
ultraspécialisé et qui est devenu, maintenant, un appareil qui
est utilisé pour les diagnostics les plus courants. Est-ce que la
résonance magnétique, qui est un appareil
ultraspécialisé en 1990, va devenir un appareil de diagnostic
courant dans 10 ans? Nous ne sommes pas capables de répondre à
cette question. C'est une question de qualité de diagnostic.
La formation médicale, entre autres, se distingue de la formation
de toutes les autres spécialités paramédicales par la
précision de son diagnostic. C'est ce qui fait la
spécificité du médecin. Il est capable, de par sa
formation, de préciser son diagnostic. Si on ne donne pas les
outils nécessaires à cette précision
diagnostique... Est-ce que cette précision diagnostique a un impact sur
la morbidité ou la mortalité? Certaines études par rapport
à certains diagnostics démontrent que oui et certaines autres
études pourraient vous dire que, quel que soit le niveau, le type de
technologie qu'on a dans une région, la morbidité, en fin de
compte, ne change pas. C'est un peu un choix de société.
Mme Vermette: J'aurais, moi, à vous dire... La
Présidente (Mme Marois): Oui.
Mme Vermette: ...une chose. J'ai remarqué que vous
considérez comme étant une ultraspécialité le volet
de la toxicomanie et que vous êtes le seul hôpital au Québec
qui est capable de donner un tel service. Considérez-vous que, avec la
façon dont évoluent actuellement nos sociétés
où se développent l'utilisation et la consommation de drogues, de
médicaments et beaucoup trop de consommation de l'alcool, il devrait,
dans chaque hôpital du Québec, y avoir au moins des gens
formés pour répondre à ces nouveaux besoins, qui se
développent de plus en plus? La demande est de plus en plus forte, mais
il n'y a pas vraiment, justement, de gens formés suffisamment pour
apporter la réponse, le service ou le traitement nécessaires face
à ces personnes-là qui, trop souvent, malheureusement, sont soit
classées en psychiatrie parce qu'il manque de ressources, ou on les
envoie tout simplement en prison, parce qu'on n'a pas de ressources et qu'on ne
sait pas comment, justement, composer avec ce problème-là.
La Présidente (Mme Marois): M. Poirier.
M. Poirier: Je pense que l'hôpital
Saint-François-d'Assise est, avec le Centre hospitalier
Jonquière, maintenant, qui vient de se former un département de
toxicomanie... Ils ont utilisé le modèle de
Saint-François-d'Assise, c'est-à-dire que l'ensemble des services
est sous la direction d'un chef de département qui est médecin.
C'est évident que tous les hôpitaux devraient s'intéresser
à cette clientèle. Par contre, je ne ferai que vous dire une
phrase, qui pourra être interprétée comme vous voudrez
bien: Un des médecins du département dit qu'ils sont les
éboueurs de la médecine. Ça décrit un peu l'attrait
pour l'ensemble de la profession, autant médicale que
paramédicale, de cette clientèle-là. C'est une
clientèle excessivement difficile et il n'y a pas beaucoup
d'intérêt à s'intéresser à cette
clientèle-là.
Mme Vermette: Par contre, ça fait partie des
problèmes de notre société.
M. Poirier: Oui.
Mme Vermette: On devra y faire face. Je vous remercie beaucoup,
en fait, pour votre présentation, votre mémoire. Je pense que
ça nous donne des réflexions en ce qui concerne l'avenir de votre
hôpital et puis au niveau des effectifs médicaux en région.
Je vous remercie.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, merci beaucoup. Comme
je l'ai dit tantôt, il y aura des décisions qui viendront
éventuellement. Votre témoignage de ce soir suivra de très
près ceux qui auront à prendre des décisions et, à
partir du moment où les critères sont respectés, il y aura
un certain nombre de choses qui devront être revues sur le plan des
décisions, en espérant qu'elles vous soient favorables.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre intervention et
de votre présentation à la commission.
M. Roy: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Nous ajournons nos travaux
à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 31)