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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour tout le monde, bienvenue
à cette commission. La commission est réunie afin de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projei de
loi qui est la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin
(Verdun) sera remplacé par M. Leclerc (Taschereau).
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Alors,
aujourd'hui, nous entendrons le Comité de travail regroupant des
associations provinciales de groupes de femmes, la Confédération
des syndicats nationaux, la Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec, le Regroupement des directrices des écoles
universitaires en sciences infirmières et l'Association des centres
hospitaliers et centres d'accueil privés du Québec.
Je vois que le premier groupe, qui est le Comité de travail
regroupant des associations provinciales de groupes de femmes, s'est
déjà avancé. Alors, bienvenue, officiellement. Je vous
rappelle la procédure. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous
présenter votre mémoire. Après, la balance du temps est
impartie aux deux formations afin de vous poser les questions jugées
pertinentes. J'apprécierais si la représentante du groupe pouvait
s'identifier et aussi nous identifier les gens qui l'accompagnent.
Comité de travail regroupant des
associations provinciales de
groupes de femmes
Mme Desjardins (Marie-Claude): Oui, bonjour. Je voudrais vous
dire, en commençant, que notre mémoire vous est
présenté par les huit groupes de femmes
énumérés à la page 2. Elles sont ici dans la salle
avec nous, ce matin. Quatre de ces groupes vous ont aussi remis des
mémoires particuliers et seront entendus individuellement par cette
commission.
Je voudrais maintenant vous présenter les femmes et les groupes
qui vont prendre la parole ce matin: Françoise David, coordonnatrice de
PR des centres de femmes du Québec; Diane Lemieux, coordonnatrice du
Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel; Lise Lamontagne, coordonnatrice du
Regroupement des centres de santé des femmes du Québec, et
moi-même,
Marie-Claude Desjardins, présidente de Naissance-Renaissance, le
mouvement d'humanisation des naissances.
Nous sommes bien conscientes de notre rang dans ce long exercice de
consultation. On ne pourra éviter quelques lieux communs avec d'autres
présentations, du communautaire surtout. Mais, comme on le disait
à la petite école, il n'y a rien comme la
répétition pour bien apprendre sa leçon. Cependant, nous
avons des choses très précises à vous dire sur la
condition des femmes du Québec et sur les effets probables de la
présente réforme sur leur santé. Nous espérons que
tout n'est pas encore fixé à ce sujet.
Notre présentation va aborder quatre principaux points: d'abord,
notre conception de la santé, puis la notion de programmes,
troisièmement, la régionalisation et, quatrièmement, nos
regroupements, leur légitimité et leur financement.
Je veux commencer en vous racontant un fait presque anodin. Jeudi
passé, une militante d'un des groupes de Naissance-Renaissance s'est
fait violer à la pointe du couteau dans les locaux de son association,
à la fin de sa journée de travail. Vous ne l'avez pas lu dans les
journaux du lendemain, car ce n'est pas la tragédie spectaculaire de
Polytechnique ou de la rue Laurier à Montréal. Ça fait
partie de la vie de tous les jours, c'est presque banal. Mais c'est la
même peur, la même violence qui fait qu'une femme ne se sent pas en
sécurité ni dans la rue, ni à son travail, ni même
dans sa propre maison. Ça a tout à voir avec notre santé.
Ça fait directement partie des conditions de vie particulières
des femmes qui, quand elles ne pèsent pas directement sur notre vie,
affectent notre état physique et psychique.
Les statistiques disent que les femmes vivent plus longtemps que les
hommes, écart qui tend d'ailleurs à diminuer avec l'entrée
massive des femmes sur le marché du travail. Par contre, les chiffres
nous disent aussi que certains facteurs qui influencent l'espérance de
vie en bonne santé ramènent les hommes et les femmes au
même niveau, c'est-à-dire 59 ans pour les hommes, 60,23 ans pour
les femmes. Donc, à 60 ans, un homme a une moyenne de 17 ans à
vivre dont six avec une activité restreinte et, au même âge,
une femme peut compter vivre une moyenne de 22 ans dont 11 ans avec une
activité restreinte. Les femmes vivent plus longtemps, d'accord, mais
elles meurent seules, pauvres et en moins bonne santé. Ce qui fait dire
que les femmes vont utiliser le système de soins plus longtemps, sans
compter qu'elles en sont les principales utilisatrices, pour elles et pour
leurs enfants,
durant toute leur vie.
Pour toutes ces raisons énoncées plus haut, nous croyons
qu'un des objectifs du futur projet de loi doit viser l'atteinte par les femmes
de leur autonomie et le respect de leur intégrité physique et
mentale. Dans notre conception de la santé, nos actions devraient
être guidées par la recherche des conditions favorables au
maintien d'une bonne santé. Ça dépasse de beaucoup la
simple réduction de nos bobos en tout genre. C'est sûrement plus
concret de s'attaquer à des problèmes spécifiques, car on
peut tout de suite quantifier les résultats en nombre ou en pourcentage.
Je vais vous donner un exemple qui me touche particulièrement:
réduire le taux de mortalité infantile en diminuant le nombre de
bébés de petit poids. Je doute fortement qu'une orange, un litre
de lait et un oeuf par jour pendant quelques mois changent réellement la
destinée d'un ttt-cul de l'est de Montréal ou du fond du Pontiac.
Ça fait baisser la statistique nationale, mais ça influence
très peu la pauvreté, l'isolement, l'effritement graduel de la
santé et des conditions de vie des familles québécoises.
Je dis familles, mais je pense surtout aux femmes et aux enfants, car ce sont
elles qui vivent la solitude, les conditions économiques les plus
précaires, les lourdes responsabilités familiales, la violence
quotidienne, etc.
Donc, agir sur la racine du mal exige une réelle concertation
nationale au niveau de l'éducation, de l'emploi, de l'environnement, du
revenu, de la santé, etc. Facile à dire, mais pas facile à
faire. Ça demande aussi de reparler de prévention, un mot
très à la mode. Pour nous, la prévention, ça se
traduit en mesures sociales qui permettent de soutenir les individus et leur
famille dans leurs démarches de prise en charge individuelle et
collective. En ce sens, je veux souligner le travail de nos groupes, notre
vision globale de la santé, notre approche communautaire, grandement
reconnue et utilisée, mais toujours sous-financée, et,
finalement, notre intervention féministe face à l'ensemble des
problèmes vécus par les femmes. Merci de votre attention. Je
passe le micro à Françoise David, de l'R des centres de femmes,
qui va aborder la notion de programmes telle qu'énoncée dans les
"Orientations".
Le Président (M. Joly): Madame.
Mme David (Françoise): Bonjour. La question des programmes
- même si elle n'est pas contenue explicitement dans l'avant-projet de
loi, elle est très présente dans le document d'orientation - on
veut vous en parler parce que cette question-là est au moins aussi
fondamentale pour nous, et peut-être même plus, que la question de
la régionalisation. La gestion par programmes dont on parie dans le
document d'orientation implique de déterminer des clientèles
cibles prioritaires, d'analyser leurs problèmes, de déci- der du
mode d'intervention, des objectifs à atteindre et des indicateurs de
performance. Ce que l'on veut vous dire, c'est que cette approche est contraire
à tout ce que nous préconisons dans les groupes de femmes.
Pourquoi? D'abord parce que, dans nos groupes, nous recevons toutes les femmes
qui se présentent sans nous demander si elles font partie de groupes
à risque ou de clientèles prioritaires. Nous estimons que les
femmes qui se présentent chez nous sont les seules juges de leurs
besoins et des réponses qu'elles désirent. De plus, même si
certains de nos groupes travaillent sur des problématiques
spécifiques, H n'en reste pas moins qu'on traite les femmes comme des
personnes globales, en tenant compte de toutes les dimensions de leur vie et
ça a quelque chose à voir avec ce que Marie-Claude vient
d'expliquer. Nous conjugons l'aide individuelle, le support, l'accompagnement,
l'éducation, l'information, la sensibilisation et l'action collective.
Tous ces éléments de notre travail forment un tout indissociable.
De notre point de vue, il est aussi important et peut-être plus important
de changer les conditions de vie qui influencent la santé des femmes que
d'aider les femmes à se changer elles-mêmes. En ce sens-là,
les activités d'un centre de femmes, par exemple, ne peuvent se
répartir ou se découper en programmes.
Par ailleurs, l'approche programmes telle qu'elle nous est
présentée implique que d'autres que nous déterminent
à notre place les priorités, les clientèles et les modes
d'intervention. Le MSSS élaborera les programmes-cadres et les
régies les mettront en application dans chaque région. Ça,
ça nous pose un problème majeur. Pourquoi? Parce que, dans nos
groupes, ce sont les femmes usagères, participantes,
bénévoles, travailleuses, membres de conseils d'administration
qui définissent ensemble les priorités et les activités du
groupe. Ça permet aux femmes d'exprimer leurs besoins, d'avoir une prise
sur l'intervention et de se sentir partie prenante de l'organisme. C'est un
processus qui est à la fois éducatif et démocratique, et
ce processus, on ne le retrouve pas dans le réseau. Quant à nous,
nous y tenons énormément. Dans nos groupes, aussi,
l'évaluation des activités se fait collectivement par
l'équipe de travail, les bénévoles, le conseil
d'administration, l'assemblée générale des membres.
Évidemment, en plus, nous rendons des comptes à la population et
au ministère chaque année.
L'approche programmes va à l'encontre de ce processus
d'évaluation. Encore une fois, nous sommes évalués par
d'autres, par les régies, en l'occurrence, qui ne s'intéressent
qu'à des statistiques. Quelles femmes a-ton vues? Est-ce qu'on est bien
sûr qu'elles font partie de clientèles cibles prioritaires?
Combien de femmes a-ton vues dans une année? Quels résultats
quantitatifs a-t-on obtenus? Nous avons une autre conception de
l'évaluation parce que nous en
faisons, de l'évaluation. Combien de femmes, oui, quand
même, mais surtout quel cheminement les femmes ont-elles fait? Quelles
démarches d'autonomie ont-elles entreprises et quels changements sont
survenus dans les conditions de vie des femmes?
Nous ne voulons pas être intégrées à la
gestion par programmes, que cette gestion, d'ailleurs, s'opère à
partir du ministère ou des régions. Les conséquences
concrètes de ce type d'approche seront de nous embrigader dans un
système où nos groupes seront vite transformés en
mini-institutions au fonctionnement rigide, ou nous nous éloignerons de
plus en plus de notre approche communautaire, féministe et alternative.
Seuls les services de support et d'aide à des clientèles
féminines identifiées et ciblées par des planificateurs
souvent loin des besoins seront financés. Les établissements du
réseau et leurs représentants sur les instances régionales
auront beau jeu, parce qu'ils sont bien plus gros que nous, de décider
si nos activités correspondent à leurs priorités et aux
interventions qu'ils jugent nécessaires. Déjà, des CRSSS
et des établissements nous font sentir que nous devrons être
complémentaires au réseau. L'inverse, bien sûr, n'existe
pas. Si le réseau s'accommode bien de l'approche par programmes, nous la
jugeons, quant à nous, incompatible avec notre conception de la
santé des femmes et avec nos modes d'intervention.
Donc, ce que nous voulons, c'est avoir les moyens de nous
développer. Ces moyens-là, ils sont surtout financiers,
évidemment, on vous l'a dit et répété depuis de
nombreuses années. Ce qu'on veut vous dire cette fois-ci, c'est qu'on
veut avoir un financement pour le groupe et non pas pour une série de
services enchâssés dans des programmes de services que le groupe
donne. Nous demandons aussi que le ministère et le réseau
respectent notre légitimité, notre façon de travailler et
notre autonomie qui est la meilleure garantie de notre efficacité. En ce
sens, nous demandons d'ajouter à la définition des organismes
communautaires, à l'article 229 de l'avant-projet de loi, des groupes
"qui définissent librement leurs orientations, leurs politiques et leurs
approches". En retour, bien sûr, nous voulons continuer à
collaborer avec tous ceux ot celles, dans le réseau, qui
considèrent notre travail valable et important. C'est ainsi que nous
pouvons être de véritables partenaires pour améliorer la
santé des femmes.
Là-dessus, je passe la parole à Diane Lemieux qui va vous
parler de régionalisation.
Le Président (M. Joly): Mme Lemieux.
Mme Lemieux (Diane): Bonjour.
Le Président (M. Joly): Bonjour.
Mme Lemieux: Si la richesse et la force du mouvement
communautaire et du mouvement des femmes sont souvent saluées, c'est
aussi la source la plus importante de notre vulnérabilité par
rapport au réseau public des services sociaux et des services de
santé. Les femmes, on en a parlé, à cause de 'sur
condition particulière, se retrouvent avec des différences
majeures et les groupes de femmes, aussi, à cause de leur histoire, de
leur culture, de leurs pratiques, de leurs objectifs, de leur langage, de leur
réalité, sont fondamentalement différents. Pour prendre
une image qui est très présente actuellement au Québec,
les femmes et les groupes de femmes forment en quelque sorte une
société distincte par rapport au réseau public de services
de santé et de services sociaux, si bien que, si la
régionalisation est une alternative très envisageable pour le
réseau public, elle est tout à fait inconcevable pour le
réseau des groupes communautaires et des groupes de femmes, et ce, pour
plusieurs raisons. C'est un mécanisme qui accentue notre
vulnérabilité et qui est très injuste. Je vais essayer de
vous en faire la démonstration.
Premièrement, la place des femmes. On sait très bien que,
dans notre société, les femmes sont très loin des lieux de
décision. C'est aussi le cas du réseau de la santé et des
services sociaux. Par exemple, en 1989, on identifiait qu'à peine 19 %
des femmes occupaient des postes aux conseils d'administration des CRSSS du
Québec. Donc, plus les centres de décision sont importants, moins
les femmes sont présentes. La place des groupes de femmes et des groupes
communautaires aussi est très mince. On sait que, dans l'avant-projet de
loi, plus il y a un phénomène d'entonnoir incroyable, plus on
approche des lieux de décision, moins les groupes de femmes et les
groupes communautaires sont représentés.
Une autre raison aussi qui pourrait accentuer notre
vulnérabilité, c'est, bien sûr, les rapports de forces des
établissements entre eux et par rapport à nous, si bien qu'on
peut se retrouver devant des démonstrations de ces rapports de forces
là, qui vont nous forcer à travestir les besoins des femmes pour
pouvoir entrer dans les critères établis. On ne veut pas, on
n'est pas prêtes à investir de l'énergie pour
établir ces rapports de forces là.
L'autre élément aussi qu'on trouve très injuste,
c'est le fait que la régionalisation du communautaire concerne 100 % du
communautaire. Quand on regarde le réseau public, on sait très
bien qu'il y a une grande partie de l'argent qui est alloué au
financement du réseau de la santé et des services sociaux qui
concerne la masse salariale, si bien que, dans les faits, ce sera autour de
plus ou moins 20 % qui seront amenés à un niveau régional,
alors que, pour le niveau communautaire, il s'agit bien de 100 % des sommes qui
sont allouées.
Un autre élément aussi, et je pense que Mme David vient
d'en faire la démonstration,
c'est le fait qu'on va âtre soumises à des règles
qui sont étrangères à notre fonctionnement et à nos
pratiques, qui vont aussi intervenir directement au niveau de nos orientations
et qu'il y a le risque, évidemment, d'être le déversoir du
réseau public.
Un autre élément important, c'est la question de
l'équité régionale. Si des rapports de forces risquent de
s'établir dans les régions, ils peuvent âtre
différents d'une région à l'autre. Il se peut que certains
groupes de femmes et groupes communautaires sortent gagnants de ce rapport de
forces, mais la majorité ne seront pas gagnants. Donc, il risque d'y
avoir une différence entre les régions dans le traitement des
groupes communautaires, des groupes de femmes et des individus, qu'on ne pourra
plus justifier.
Finalement, la raison majeure pour laquelle on pense que la
régionalisation est très difficilement applicable dans le cas des
groupes de femmes et des groupes communautaires, c'est qu'on en a
déjà plein les bras. Nos objectifs sont clairs, on n'a pas
nécessairement de problèmes de programmation, de
clientèles cibles, d'indicateurs de performance, etc. Nos objectifs sont
d'aider les femmes qui sont victimes de situations directement en lien avec
leur réalité de femmes. Il y a deux moyens qu'on emploie: donner
de l'aide à ces femmes-là et aussi changer les règles du
jeu, ce que certains appelleront de la sensibilisation, de la
prévention, de l'action sociale, de l'action communautaire. On en a
déjà plein les bras et on ne choisit pas d'investir dans ces
nouvelles règles du jeu là, qui risquent de nous anéantir.
Ce qu'on veut, donc, c'est éviter de multiplier les lieux de
décision, avoir, oui, une protection particulière, une
espèce d'accord parallèlle, pourquoi pas, et rester au niveau du
gouvernement central, voir à ce que ce soit avec le gouvernement central
qu'on réponde aux besoins des groupes de femmes et des groupes
communautaires. Là-dessus, je vais passer la parole à Lise
Lamontagne qui va vous glisser un mot sur la question du financement des
regroupements provinciaux.
Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne. (10 h 30)
Mme Lamontagne (Lise): Bonjour. Je me suis posé la
question, encore une fois: Pourquoi le gouvernement devrait financer les
regroupements provinciaux? Et j'ai beaucoup de réponses à vous
donner. Les regroupements provinciaux viennent du besoin des organismes
communautaires de se regrouper. Ce ne sont pas des regroupements qui sont en
l'air; ils sont enracinés à la communauté par la
clientèle de chaque groupe membre. Les revendications et les luttes des
regroupements sont élaborées aussi par les travailleuses et les
militantes qui ont recueilli les besoins exprimés par les femmes
participant aux activités offertes par les groupes. Les orientations et
les activités des regroupements sont également
décidées annuellement en assemblée
générale.
Les regroupements provinciaux jouent plusieurs rôles
vis-à-vis de leurs membres, vis-à-vis du gouvernement et
vis-à-vis de toute la population. Pour leurs membres, les regroupements
font de la recherche, de l'analyse et de la formation qui contribuent à
la qualité des activités et des services offerts dans les
groupes, ils sont des lieux d'échange pour briser l'isolement, partager
les connaissances, soutenir les membres, ce qui permet de maintenir le
dynamisme des groupes. Ils regroupent les centres qui ont la même
problématique, permettant de rendre publiques certaines
problématiques. Ils sont des lieux de lutte et de revendication communes
des membres. Pour le gouvernement, les regroupements sont aussi importants. Ils
sont des canaux de communication privilégiés entre les membres et
le gouvernement. Ils apportent au gouvernement une information et une analyse
sur la situation de la femme. Ils expriment les besoins et les
intérêts des femmes face aux politiques gouvernementales et, pour
toute la société, les regroupements ont permis d'identifier les
problèmes, de les analyser, d'informer la société, de
revendiquer des changements.
Je pense que, si, aujourd'hui, la violence conjugale est
considérée et reconnue comme étant un problème,
c'est parce qu'il y a eu le Regroupement des maisons d'hébergement et de
transition pour femmes victimes de violence conjugale et parce qu'il y a eu le
Regroupement des centres d'aide et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel. Ils sont les porte-parole de toutes les femmes sur des
problématiques spécifiques. Ils font de la sensibilisation et
l'éducation de l'ensemble de la population. Ils défendent les
droits et intérêts de toutes les femmes. Ils offrent des services
de référence. Durant la dernière décennie, fa
Fédération du Québec pour le planning des naissances a
répondu à entre 8000 et 10 000 appels pour la seule question de
l'avortement.
Considérant que les membres contribuent déjà au
financement de leurs regroupements par leurs cotisations annuelles,
considérant que le travail des regroupements provinciaux dépasse
largement les services offerts à leurs membres, considérant leur
rôle d'interlocuteur privilégié pour le gouvernement, de
sensibilisation et d'éducation de la société, nous
considérons que cela mérite un financement adéquat.
À titre d'exemple, j'aimerais vous rapporter que le Regroupement des
centres de santé de femmes du Québec ne reçoit aucune
subvention du ministère de la Santé et des Services sociaux,
malgré que nous travaillions directement dans le domaine de la
santé et ça, depuis plusieurs années. Nous exigeons que le
ministère reconnaisse et considère les regroupements comme
représentatifs des membres et porte-parole des besoins et
Intérêts des femmes dans leurs domaines respectifs Nous exigeons
un financement pour les
regroupements provinciaux d'organismes communautaires impliqués
dans le domaine de la santé et des services sociaux sur la base d'une
subvention directement allouée par le ministère. Nous demandons
un financement sur la base d'une subvention globale de fonctionnement et non
sur des priorités de programmes-cadres, sans faire de distinction entre
les types de services, puisque les regroupements travaillent à la fois
sur des services directs pour leurs membres et sur des activités visant
la sensibilisation, la promotion et la défense des droits. Nous
demandons que cette subvention soit effective selon ur. plan triennal de
financement et qu'elle soit automatiquement indexée annuellement. Je
vous remercie.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, Mme Lamontagne.
Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je pense que, ce matin, nous avons devant nous un
regroupement extrêmement important de par le nombre et de par les
idées qu'il défend aussi. Quant à moi, je le
considère comme une présence extrêmement importante
à cette commission parlementaire. À la lecture de votre
mémoire et, par le fait même, de votre présentation, il y a
un certain nombre de points qui sont effectivement des points communs avec ce
que nous avons entendu jusqu'à maintenant, en particulier des organismes
communautaires. C'est d'ailleurs pour ça, je pense, compte tenu du
bien-fondé de vos revendications et de la nature même de ce que
vous défendez, qu'une somme assez importante... On n'en a jamais assez,
évidemment. Je suis pareil, comme ministre, moi, dans le gouvernement,
en disant: Je n'en ai pas assez, vous devriez m'en donner plus par rapport aux
autres. Je vous comprends, ce matin, dans votre exposé mais, il faut
tout simplement se rappeler qu'il y a plus ou moins 17 000 000 $ des 47 000 000
$ aux organismes communautaires qui sont définitivement dans votre rayon
d'action. Ça m'apparaît déjà une reconnaissance de
première importance par le ministère. Je suis d'autant à
l'aise de le dire que ce n'est pas moi qui l'ai fait, mais que ce sont ceux qui
m'ont précédé qui l'ont fait.
Évidemment, le thème central de votre présentation,
c'est l'autonomie. Je pense que vous lavez fait valoir avec beaucoup
d'éloquence, mais on doit admettre que vous avez votre autonomie et
qu'on a la nôtre. Donc, on est face à deux autonomies. L'autonomie
des groupes communautaires de décider, si ce n'est pas suffisamment
clair dans l'avant-projet de loi, ça va l'être dans le projet de
loi. Ce qui était dans les "Orientations" va se retrouver de
manière très claire à l'intérieur du projet de loi.
Là-dessus, je veux vous rassurer de manière non équivoque.
Ça va être clair dans le projet de loi qui sera
déposé à l'automne: l'autonomie des groupes communautaires
sera reconnue dans la loi. Donc, si quelqu'un veut changer ça
éventuellement, il le fera par le processus législatif, ce qui
est toujours un petit peu plus dur.
Évidemment, vous avez l'autonomie de choisir dans quel secteur,
dans quel domaine, auprès Je quelle clientèle vous voulez
oeuvrer. Ça, cest une autonomie qui est sacrée et qui va
demeurer. Mais quand on regarde l'autre côté, il raut admettre
aussi qu'à partir de ça il y a l'autonomie du gouvernement ou du
ministère, en particulier, de financer ou de ne pas financer, parce que
ça ne peut pas être une autonomie d'un côté, puis une
obligation de l'autre. Si c'est ça, évidemment, ça
crée certains problèmes sur le plan de l'exercice de mes
fonctions. C'est ce que je comprends, moi, en tout cas, de la situation. Vous
souhaitez une autonomie totale sur vos choix fondamentaux quant aux services
que vous voulez dispenser et je suis en parfait accord avec ça. D'autre
part, il faut aussi reconnaître, je pense, au ministère sa propre
autonomie de dire oui ou de dire non sur le plan de l'attribution des
subventions. Je ne sais pas si on partage la même opinion.
Là-dessus, j'aimerais vous entendre parce que c'est fondamental.
À partir du moment où on accepte ça, comment
harmonise-t-on ces deux autonomies? C'est là qu'on va entrer dans une
discussion, autant que possible, point par point pour tenter de faire
évoluer notre débat et d'en arriver au consensus le plus large
possible en respectant l'autonomie de l'un et de l'autre.
Mme Lemieux: On se concerte, voyez-vous. Bon. Le fait que la
liberté d'orientation et l'autonomie soient reconnues dans la loi, je
pense que c'est un pas. Mais c'est un pas un peu comme le fait que la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne
reconnaisse que, par exemple, la discrimination basée sur le sexe est
inacceptable. Alors, oui, c'est un pas en ce sens que, théoriquement, on
s'entend là-dessus, mais c'est une autre chose de voir de quoi ça
a l'air en pratique. Ce n'est pas parce que la Charte interdit la
discrimination qu'il n'y a pas de discrimination. Je pense qu'on s'entend
là-dessus. Pour ce qui est de l'autonomie respective des deux acteurs de
tout ce système, je pense qu'évidemment on va s'entendre
là-dessus. De toute façon, jusqu'à maintenant, le
ministère a aussi ses critères pour accorder le financement.
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est... Je vais
y arriver.
Mme Lemieux: Donc, vous exercez aussi votre autonomie de cette
façon-là et, soit dit en passant, le ministère ne donne
pas de soutien à tous les organismes communautaires du Québec et,
lorsqu'il le donne, c'est souvent dans des
proportions, en tout cas, qui sont difficiles à vivre
financièrement. Ça ne comble pas une large partie des
besoins.
M. Côté (Charlesbourg): On va y arriver. Mme
Lemieux: D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que vous
reconnaissez qu'il y a une autonomie des deux acteurs: votre autonomie et aussi
l'autonomie du ministère, et vous l'évoquez par le fait que le
ministère a des critères pour reconnaître un financement
à des organismes communautaires. Donc, on va l'aborder, le financement.
Il y a donc des critères et je comprends que des organismes
communautaires viennent nous dire: Écoutez, là, lorsque vous nous
donnez 3000 $, 5000 $ ou 10 000 $ par année, s'il vous plaît,
voulez-vous ne pas nous obliger à travailler deux semaines pour remplir
vos papiers parce qu'on pourrait faire autre chose de bien plus productif que
prendre deux semaines à remplir vos papiers. Je comprends ça. On
va finir par la faire, la distinction très nette, parce que ce n'est pas
avec 3000 $ ou 5000 $ ou 10 000 $ par année... On peut être
très exigeants et combler des besoins très minimums dans certains
cas. Donc, il y a une distinction, quant à moi, très nette
à faire entre ceux qui sont financés de manière
très, très légère... C'est presque uniquement une
reconnaissance. Ce n'est pas une reconnaissance à l'existence, c'est une
reconnaissance, point. Cependant, on est dans des niveaux, ailleurs, où
il y a des subventions beaucoup plus importantes. Et lorsqu'on touche les 100
000 $, les 150 000 $ ou les 200 000 $, on est dans une catégorie
où, effectivement, ça commence à être des sommes
assez importantes.
Si vous étiez ministre, demain matin - à vous entendre,
vous en avez les capacités - quels sont les critères que vous
pourriez inclure dans la réglementation ou à partir de quels
critères pourriez-vous reconnaître le financement des organismes
communautaires comme le vôtre? On s'entend bien, là, on oublie les
petites subventions, mais on parle de subventions dans des organismes
communautaires de 100 000 $ - 50 000 $, ça commence à être
de l'argent - 200 000 $, et vous êtes de ces groupes-là. Alors,
quels sont les critères sur lesquels on devrait se baser pour allouer
ces sommes d'argent?
Mme David: D'abord, quand on parle de 100 000 $ ou de 200 000 $,
on parle nécessairement d'organismes communautaires, soit dans des
clientèles comme les jeunes ou les femmes, qui font de
l'hébergement. Alors, je pense que là on est dans un secteur
très spécifique d'organismes communautaires où il y a une
quantité d'argent X qui est versée, mais ce n'est pas
représentatif de l'ensemble des organismes communautaires. Je pense que
déjà nos consoeurs des maisons d'hébergement ou des
maisons pour femmes en difficulté pourront le dire, vous avez des
critères basés, entre autres, très simplement sur la
quantité de femmes qui sont hébergées, sur le travail qui
est fait avec elles. C'est très facile, dans ce contexte-là, de
voir si l'organisme répond vraiment à des besoins. Dans le cas de
tous les autres organismes - par exemple, nous, on a 78 centres de femmes, les
CALACS sont un certain nombre d'organismes - on ne parle plus ni des
mêmes montants ni des mêmes critères.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Oui. Je vous
arrête. Faisons la distinction, parce c'est important; je pense qu'on n'a
pas réussi à la faire jusqu'à maintenant, puis on peut se
permettre de la faire avec vous, ce matin. Il existe des critères,
actuellement, lorsqu'il y a de l'hébergement. Est-ce que ces
critères sont, dans l'état actuel des choses, acceptables? Est-ce
qu'on peut les bonifier? Est-ce qu'ils sont trop pointus? Est-ce que ces
critères peuvent être remis en question et, si oui, comment? On
reviendra, dans l'autre volet, à celui qui est entre 10 000 $ et
peut-être 100 000 $, ce qui est peut-être le lot? Qu'est-ce qu'on
devrait exiger comme critères?
Mme David: Là-dessus, M. le ministre, je me permettrai de
ne pas répondre, mais je pense que ça va être difficile
pour les femmes qui sont ici, en avant, parce que nous ne représentons
pas ce secteur, et je pense que vous auriez peut-être d'autres
occasions... D'ailleurs, les maisons d'hébergement vont venir se
présenter devant votre commission parlementaire: alors, je pense que
ça serait plus... En tout cas, nous, on préférerait que
vous leur posiez directement la question. Alors, est-ce qu'on pourrait parier
de tous les autres?
M. Côté (Charlesbourg): Je commence à trouver
ça très intéressant, parce que, là, on dit: Ceux
qui sont en bas de 10 000 $, on ne s'en parie pas, mais on parie de 10 000 $
à peut-être 50 000 $, 60 000 $ ou 70 000 $. Donc, dans votre
esprit, ce sont "tous les autres". Quels sont les critères?
Mme David: Je pense que l'immense majorité, d'ailleurs, se
situe beaucoup plus à ce niveau-là, si on prend les 1000 groupes
financés par le Service de soutien aux organismes communautaires.
M. Côté (Charlesbourg): Les 1500.
Mme David: Alors, vous nous demandez: Si vous étiez
ministre, qu'est-ce que vous feriez? Je pense que je commencerais par regarder
quels sont les critères actuels et quelle est la réalité
actuelle. Je n'ose penser que, par exemple, votre
gouvernement ait accepté, l'été dernier, d'enfin
donner un plan de financement triennal aux centres de femmes sans que ce
gouvernement ait reconnu qu'il se faisait là un travail
intéressant, pertinent, qua beaucoup de femmes faisaient appel à
ces centres-là et qu'il y avait certains résultats, mais
résultats au sens où nous, on les décrit,
c'est-à-dire un processus, un cheminement des femmes vers leur
autonomie. Je suis absolument certaine que de nombreux documents ont
été écrits sur le sujet, dans votre ministère, pour
vous convaincre de donner ce plan de financement.
Ce que je me dis, c'est que je pense qu'il faut d'abord partir de la
réalité. Est-ce que, du point de vue du gouvernement actuel, les
groupes de femmes que vous connaissez - on va parler de ce que nous, on
connaît principalement - répondent aux besoins des femmes? Est-ce
que, dans les communautés où ces groupes existent, il y a des
femmes qui fréquentent les groupes? Est-ce que ces femmes-là y
trouvent une possibilité d'avancement et est-ce que ces
groupes-là travaillent réellement aussi à changer les
conditions de vie des femmes? (10 h 45)
Ça, ce n'est pas très compliqué de le savoir. On
peut le savoir pai les rapports d'activité qu'on vous présente
chaque année. On peut le savoir parce que vous avez au ministère
des agentes qui viennent régulièrement visiter nos groupes et qui
s'informent sur la situation. Elles rencontrent les femmes, elles rencontrent
les participantes. Ces mécanismes-là existent déjà.
Je pense que, pour nous, le critère fondamental, c'est: Est-ce que
l'organisme communautaire est né réellement du besoin d'une
communauté? Est-ce que c'est quelque chose qui est parachuté par
en haut - par exemple, je fais ici une différence avec les ressources
intermédiaires mises sur pied par des établissements - ou est-ce
que c'est venu vraiment d'une volonté de la base, de femmes qui, par
exemple, se sont regroupées parce qu'elles ont fait l'analyse de leur
situation et de la situation des femmes de leur milieu et elles ont
décidé qu'il y avait là un problème social, un
problème spécifique aux femmes et qu'il fallait s'en occuper?
Moi, je pense que c'est de là que je partirais. Il me semble que ce
n'est pas très compliqué parce que vous avez déjà
les mécanismes qui vous permettent de le faire.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends de votre
message, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps - on vient
déjà de m'aviser et j'ai d'autres questions - c'est que,
malgré tout ce qui se passe, ce n'est pas si mal...
Mme David: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...actuellement.
Mme David: Malgré tout ce qui se passe, ce n'est pas si
mal.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas si mal. Mme
David: En ce moment.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas si mal.
Mme Lamontagne: Est-ce que je pourrais vous glisser un mot? Je
vous ai entendu parler tantôt des subventions et dire que, là, on
allait s'attarder à des groupes qui sont financés entre 10 000 $
et 70 000 $, que 5000 $ de subvention, c'est très peu - on en convient -
que ce n'est qu'une reconnaissance du travail qui est fait. Alors, je me
demande, parce que le Regroupement des centres de santé des femmes du
Québec n'est pas du tout financé: Est-ce donc à dire que
vous ne reconnaissez pas le travail qu'on fait?
Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Lamontagne: Subventionner 5000 $, vous dites que c'est une
reconnaissance; alors, quand c'est zéro, qu'est-ce que ça veut
dire?
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, ce n'est pas dans
ce sens-là. Je pense que, si vous le prenez dans ce sens-là,
c'est que vous le prenez un peu trop pointu, à mon goût. À
ce niveau-là, je vous rappellerai un témoignage que nous avons eu
hier de deux femmes qui sont parties de Sainte-Anne-des-Monts, en
Gaspésie, pour venir témoigner devant la commission. C'est
peut-être l'un des témoignages les plus intéressants que
j'aie entendus depuis le début quant aux organismes communautaires.
Elles nous ont d'abord dit que, comme groupe communautaire, l'étincelle
qui les faisait travailler était le fait qu'elles devaient
quotidiennement s'occuper de leur propre survie. Ça, c'est un
témoignage assez intéressant. Si ça vous intéresse,
je vous en ferai parvenir une copie parce que je l'ai trouvé très
intéressant et on le leur a dit aussi.
Donc, à partir de ça, ce que j'ai exprimé comme
opinion tantôt, c'est qu'il y a une multitude d'organismes qu'on
reconnaît à 3000 $, 5000 $ et 10 000 $, qui sont venus dire ici:
Vous nous achalez avec votre paperasse, vos rapports annuels, pour nous donner
3000 $, 5000 $ ou 10 000 $. reconnaissez-nous et laissez-nous travailler au
niveau du champ, et ça se fera. vous n'avez pas été
reconnus jusqu'à maintenant. 11 y a une série de critères.
probablement que, si on allait fouiller dans le dossier, on aurait la
réponse. je ne l'ai pas. évidemment, je ne connais pas les 2100
demandes et les 1600 cas qui, chaque année, sont reconnus. je fais
confiance à mes fonctionnaires. s'il y a des choses qui ne marchent pas,
on le verra. mais je vais vérifier, pour ma grande satisfaction.
Je veux juste terminer là-dessus parce que Je sais...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): ...que M. le
Président m'avait déjà signifié que je n'avais plus
de temps. Je vous ai entendues parler de complémentarité et je
trouve ça intéressant. Je trouve ça très
intéressant. On peut ne pas souscrire ou souscrire pour le domaine
public à des objectifs par programmes. On peut se dire: C'est bon pour
les autres, ce n'est pas bon pour nous autres. C'est possible que ça ne
colle pas directement aux organismes communautaires. L'objectif fondamental
n'est pas de dire que, dans nos objectifs de santé, ça doit
être du mur-à-mur, y compris pour les organismes communautaires.
Quand on parle d'autonomie et de liberté au niveau des organismes
communautaires et qu'on veut l'inscrire dans la loi, ce n'est pas uniquement
pour le plaisir de l'inscrire dans la loi, c'est pour que ça ait une
existence aussi.
Vous avez parlé tantôt, et c'est là-dessus que je
vous pose ma question, que la complémentarité, vous aviez
l'impression qu'actuellement c'était uniquement pour les organismes
communautaires, mais que ce n'était pas pour les CRSSS. S'il y avait
cette complémentarité dans les deux sens, est-ce qu'à ce
moment-là on n'est pas dans une situation où, sur le plan des
organismes communautaires, on devrait tenir compte d'une
complémentarité tout en respectant l'autonomie? Est-ce que
ça ne devrait pas être un des critères que le
ministère a pour octroyer, sinon la totalité, une partie des
subventions?
Mme Lemieux: J'aurais besoin d'une heure, mais je vais essayer de
dire ça en deux minutes. C'est sûr que c'est un objectif
intéressant qu'il y ait une complémentarité mutuelle, un
va-et-vient en ce sens, sauf que je pense qu'il faut être
réaliste. Pour être complémentaire et pour être
partenaire, il faut avoir des rapports qui s'équivalent.
Je vais donner un exemple très concret. Je suis partenaire de mon
conjoint parce qu'il m'écoute, il m'entend, il est prêt à
négocier, il est prêt à changer des choses et moi aussi, la
même chose. Par rapport au réseau public, on n'est pas dans cette
situation. Alors, oui, c'est un beau rêve, la
complémentarité, le partenariat, etc., mais, dans les faits, je
ne suis pas sûre que les rapports soient suffisamment changés pour
qu'on puisse y arriver à court terme, en tout cas. Je vous coupe un peu
l'herbe sous le pied, mais c'est ça.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais me permettre de
trancher et de souligner que Mme Lamontagne, à l'intérieur du
temps qui est dévolu à la formation de l'Opposition, pourrait
peut-être glisser une partie de votre réponse.
M. Trudel, député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue
et aussi critique pour sa formation en matière de services sociaux.
M. Trudel: Merci. Oui, vous pourrez très certainement
poursuivre la réponse que vous avez commencé à donner et
qui demanderait effectivement une heure. On va revenir là-dessus, sur le
temps qu'on a dans l'appareil d'État ou que nous n'avons pas pour
discuter et échanger sur la véritable problématique, la
véritable situation d'au moins 50 % de la population du Québec,
vous autres.
Quelques remarques préliminaires. Je suis aussi très
impressionné par votre mémoire. Je le suis, et probablement que
plusieurs collègues masculins et féminins de cette commission le
sont aussi, par les remarques d'entrée de jeu que vous avez faites. Moi
qui suis d'une région périphérique où les centres
de femmes, les services aux femmes ont été très
difficilement acquis, la région de l'Abrtibi-Témiscamingue, on se
retrouve encore avec des situations graves qui ne sont pas - vous avez bien
raison - aussi spectaculaires qu'à Polytechnique ou sur la rue
Laurier.
Mais moi, j'ai un bureau de comté et je suis toujours inquiet, le
matin, parce que ce bureau de comté est assuré par deux femmes.
Je vous avoue que je suis inquiet lorsque nous partons. J'ai eu l'occasion
d'échanger avec elles et nous avons été obligés de
faire installer des mécanismes de prévention, parce qu'il y a
comme quelque chose de collectif dans la façon d'être au
Québec qui nous fait craindre beaucoup, chacun dans nos vies
personnelles. Et aussi, ajoutons à cela qu'encore la semaine
dernière à Val-d'Or, 14 ans, violée, tuée,
laissée sur le bord de la route. 13 ans, un troisième cas, une
personne, une femme, dans une institution qui, dans la politique de
santé mentale, a été désins-titutionnalisée,
elle aussi refusée à l'hôpital, le diagnostic mal fait, est
décédée. Obligé d'intervenir pour qu'il y ait une
autopsie, parce qu'il n'y avait apparemment rien de particulier dans ce cas.
Donc, oui, il y a pour ces 52 % de la population du Québec une situation
vraiment particulière et une responsabilité.
Je reviendrai tantôt sur la prise en compte de cette espèce
de situation sociale qui est particulièrement dramatique pour une
société qui veut que ses citoyens et citoyennes soient tous,
à part entière, dans cette société. Est-ce que vous
avez l'impression, comme organisme, que vous êtes, quant aux causes que
vous défendez, un peu le déversoir de ce que les organismes
officiels, CLSC, CSS, hôpitaux, autres centres, ne peuvent pas faire, que
vous ramassez ce qui est le plus difficile avec le moins de moyens, parce que
les autres ne savent pas, ne peuvent pas, sont incapables, ou pour toute autre
raison que vous pouvez imaginer?
Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne.
Mme Lamontagne: Je vais vous parier des centres de santé
des femmes, parce que c'est ceux-là que je pense que je connais le
mieux. Peut-être que d'autres pourront compléter. Si on est si
près du réseau aussi - nos centres de santé offrent des
services en santé et, d'autre part, les CLSC en offrent aussi - je pense
que, si les centres de santé se sont créés, c'est pour
avoir un milieu afin de faire autrement. Il y avait le CLSC qui offrait des
services, il y avait les centres hospitaliers qui offraient déjà
dco services, mais nulle part il n'y avait de la place pour que les femmes
puissent exprimer leurs besoins et qu'on puisse répondre a leurs be
soins.
Dans ce sens-là, déversoir, je ne sais pas si je le dirais
comme ça, mais, pour la création, ça a été
beaucoup plus une question de vouloir faire autrement et de vouloir
répondre directement à des besoins des femmes qui ont besoin
d'être soignées autrement que dans des CLSC et dans des
institutions. Aujourd'hui, bien sûr qu'on est un peu les
déversoirs du trop-plein des CLSC, du trop-plein des centres
hospitaliers, et là, je parle de nos cliniques d'avortement.
Régulièrement, les cas sont référés par les
centres hospitaliers et les CLSC parce qu'on offre un bon service, mais aussi
parce qu'ils savent que notre service est complet et qu'on va prendre le temps
d'écouter les femmes qui viennent, qu'il y a un préavortement,
qu'il y a un postavortement, qu'il y a un suivi et que les femmes qui
travaillent dans les centres de santé sont là pour être, je
dirais, à l'écoute des femmes jusqu'à tant qu'elles n'en
aient plus besoin, du début à la fin, pas juste pour le moment de
l'intervention.
Les établissements du réseau et les CLSC nous confient
leurs femmes, je dirais, parce qu'on leur offre un service qui serait plus
adapté à leurs besoins que ce qu'eux-mêmes peuvent offrir,
en partie, pour les centres.
Mme David: Cela dit, et c'est vrai aussi pour les centres de
femmes qui sont, par exemple, affectés par le phénomène de
la désins-titutionnalisation, il arrive assez
régulièrement, dans nos centres, des femmes à qui il est
extrêmement difficile de donner des services parce qu'elles ont des
problèmes à fonctionner dans les cadres d'un centre de femmes
où il y a, entre autres, beaucoup d'activités de groupe. On n'est
pas toujours très heureuses de l'attitude des médecins qui ne
semblent pas se donner la peine de se demander si vraiment on va pouvoir faire
mieux qu'eux avec les maigres ressources qu'on a. Par contre, on a
évidemment une politique d'accueil la plus large possible et jamais une
femme ne va rester sans réponse. Si on n'est pas capables de s'en
occuper, on va prendre le soin de voir qui, quelque part, peut s'en occuper et,
effectivement, ça, ce n'est pas toujours simple. Mais ça, c'est
seulement une partie de la réalité. Il y a aussi ce que Lise
vient de dire, le faire ailleurs et autrement, qui nous caractérise
beaucoup et qu'on veut garder. C'est pour ça qu'on ne veut pas la
gestion par programmes.
Je voudrais juste ajouter quelque chose sur ce qu'on peut appeler nos
motivations. M. Côté faisait léférence a des
personnes qui étaient venues de Sainte-Anne-des-Monts parier d'une
partie de leur motivation qui était dans la lutte pour la survie. Je
pense que c'est le cas de tous nos groupes. Mais il y a quelque chose qui nous
motive bien plus que ça, en rapport avec ce que vous venez de
décrire, M. Trudel, comme situation de vie des femmes. Ce qui nous
motive profondément, ce ne sont sûrement pas nos salaires, ce ne
sont sûrement pas nos conditions de travail et ce n'est pas, non plus,
tout le temps la lutte pour la survie, qui est quand même un peu
fatigante, vous l'avouerez. C'est qu'il y a devant nous des femmes qui ont
besoin de nous. Nous, on aime ça, faire ce travail-là, on veut le
faire avec elles, on veut qu'elles aient, elles aussi, le droit de prendre
dès décisions à l'intérieur de ce
travail-là, on veut avoir un rapport avec elles qui est le plus
égalitaire possible, on veut lutter avec elles pour changer leurs
conditions de vie. Bien, inscrivez-moi ça dans un programme et je vais
souscrire à votre programme.
M. Côté (Charlesbourg): L'autonomie du
programme.
M. Trudel: L'autonomie du programme. À cet égard,
l'économie générale qui devait prévaloir au sein de
cet avant-projet de loi, suite aux consultations et au document d'orientation
qui avait été préparé, c'est donc de tout
bâtir et d'allouer les ressources à partir d'objectifs de
santé et d'objectifs de services sociaux. On voit bien qu'il y a de la
difficulté à cadrer, en tout cas, que, pour vous, il n'est pas
question de cadrer l'action que vous faites auprès des personnes pour
lesquelles vous la faites dans la question des programmes-cadres. (11
heures)
La question étant tellement fondamentale, ne serait-ce qu'en
termes de nombre de personnes et, si on fait plus, de la gravité de la
situation, il faut que les moyens qui en découlent pour la corriger
soient de la même proportion. Est-ce qu'on peut imaginer que les
objectifs de santé et de services sociaux et les programmes-cadres
établis par le ministère - je reprends votre expression -
gérés en région... Toute cette démarche-là
ne devrait-elle pas faire l'objet d'une commission parlementaire annuelle,
où le ministre responsable viendrait rendre compte du travail qui a
été effectué à l'intérieur des programmes
institutionnalisés par l'État et les groupes collaborateurs, et
les groupes qui font de
la complémentarité, de façon à ce que, pour
les groupes de femmes, vous puissiez vous exprimer annuellement, fermement,
largement, publiquement sur l'état de la situation et les correctifs
à réclamer à l'intérieur de ce qui,
éventuellement, serait géré par programmes-cadres? Est-ce
que vous pensez que l'idée d'une convocation annuelle
d'évaluation du degré d'atteinte des objectifs et du travail
réalisé dans chacun des programmes-cadres qui seraient
éventuellement mis sur pied au ministère permettrait de retrouver
la place que vous cherchez de faire autrement avec des moyens
adéquats?
Mme Desjardins: On est d'abord préoccupées par
comment vont se faire les programmes-cadres. Qu'on évalue chaque
année, ça, évidemment, si l'évaluation est bonne
pour nos groupes, elle est sûrement aussi bonne dans l'autre sens. Mais
on vient de vous expliquer très clairement, il me semble, que oui,
évidemment, des objectifs de santé, mais pas tels que
pensés, là, en réduction de problèmes et avec des
programmes très précis. On voudrait d'abord des tables de
concertation pour penser à ce que seraient les objectifs de santé
à atteindre pour les femmes en général. Après
ça, on trouvera les actions. L'évaluation, d'accord, mais avant,
la première étape: être vraiment consultées pour la
mise en place des orientations.
Mme Lemieux: J'aimerais ça me permettre d'ajouter une
petite chose. À la limite, je pourrais dire que c'est un
mécanisme qui pourrait être intéressant pour le
réseau public. Mais, pour le réseau des groupes de femmes,
très honnêtement, moi personnellement, dans le cadre du travail
que je fais et des femmes qui le font, ce travail-là, aussi, dans les
centres, on n'en a pas, de problèmes de priorités. On n'a pas de
problèmes d'objectifs. Il y a une seule priorité: venir en aide
aux femmes qui sont agressées sexuellement et faire en sorte qu'il n'y
en ait plus, d'agressions sexuelles. Ce sera toujours notre priorité.
Alors, on est - et je pense que toutes les femmes qui sont ici pourraient en
témoigner - dans un contexte d'urgence par rapport aux femmes. Donc, ce
mécanisme-là pourrait être très intéressant
pour le réseau public, parce que le réseau public doit
répondre à un ensemble de besoins. Mais, pour le réseau
des groupes de femmes, je ne suis pas sûre que ça va nous
permettre d'avancer. C'est clair, ce qu'on a à faire.
Le Président (M. Joly): Mme David.
Mme David: Pour poursuivre ce que Diane dit - c'est fanstastique
comme on s'entend bien - il me semble que les priorités en ce qui
concerne les femmes, vous les avez déjà devant vous et d'ailleurs
vous les financez, plus ou moins bien ou plus ou moins mal. Elles sont
déjà connues. Vous n'avez qu'à regarder la liste des
groupes qui sont ici ce matin. Il y a aussi quelques autres groupes de femmes
financés par le ministère. Vous les voyez, les problèmes
des femmes, si on veut, en matière de santé et de services
sociaux. Tout ce qui tourne autour de l'humanisation des naissances, de la
monoparen-talité, tout ce qui tourne autour de la violence faite aux
femmes, et ça, c'est un problème majeur, l'isolement des femmes,
les problèmes de dépression, de désorientation, bon, ils
sont là, les problèmes.
Des programmes-cadres, ce que ça veut dire, concrètement,
c'est qu'une année, quelqu'un, quelque part, va décider que c'est
la violence conjugale - et là, on va avoir des objectifs et des
résultats, et des indicateurs de performance - et, trois ans plus tard,
on passera peut-être à, je ne sais pas, l'humanisation des
naissances, et quelque part, un jour, on parlera de l'isolement des femmes.
Ça ne tient pas debout, ça, de notre point de vue. Il faut
s'occuper, qu'est-ce que vous voulez? de tout en même temps, parce que
ça fait partie de la vie d'une seule femme, ça, d'avoir à
la fois des problèmes à la naissance des enfants, d'avoir des
problèmes de santé, de rencontrer l'isolement - c'est le cas de
très nombreuses femmes - et de rencontrer la violence. On ne peut pas
traiter ça séparément. Alors, c'est pour ça que,
dans notre mémoire, nous, ce qu'on dit. c'est: Faites un programme. Il
s'appellera Femmes. Inquiétez-vous pas, on va vous le dire, nous autres,
ce qui est prioritaire là-dedans, on va en parler à partir de
notre pratique. On n'ira pas chercher ça plus loin que ce qu'on
connaît et ce qui est la réalité.
M. Trudel: Juste une petite remarque parce que le temps est
écoulé...
Le Président (M. Joly): Malheureusement.
M. Trudel: ...en vous remerciant de ce témoignage et de la
façon dont vous nous le dites aussi, en disant que vous êtes,
à l'intérieur de la société
québécoise, vous aussi une société distincte, en
espérant que les mois à venir vous permettront de devenir une
société souveraine. Merci.
Une voix: Oh!
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Dans la même
continuité, lorsqu'on est souverain, ça nous oblige aussi
à faire un certain nombre de choses. Il y a aussi des critères
à ce niveau-là.
Je dois vous dire que ça a été bien enrichissant.
J'aurais espéré avoir une bonne heure additionnelle parce qu'on
était partis dans une bonne lancée d'échanges. Je ne me
priverai
pas de l'occasion de vous rencontrer à nouveau pour
compléter ces informations, parce qu'elles réapparaissent
être dans la lignée des saines discussions. Je pense qu'en
continuant d'échanger on peut peut-être finir par trouver des
ajustements très intéressants. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. À
mon tour, au nom des membres de cette commission, merci beaucoup, mesdames.
Je vais demander maintenant aux représentants de la
Confédération des syndicats nationaux de bien vouloir s'avancer
et prendre place, s'.i vous plaît. S'il vous plaît,
j'apprécierais si on pouvait coopérer, nous sommes
légèrement en retard.
Alors, bonjour, bienvenue à cette commission. Je pense que je
n'ai vraiment pas besoin ds vous expliquer la procédure. Vous savez que
vous avez une vingtaine de minutes tout au plus pour nous présenter
votre mémoire. Par après, il y a une période de questions
qui vous seront adressées pendant le temps dévolu aux deux
formations. J'apprécierais, M. Larose, si vous pouviez présenter
les gens qui vous accompagnent.
CSN
M. Larose (Gérald): Merci, M. le Président. Je vous
présente à ma gauche Catherine Loumè-de, présidente
de la Fédération des affaires sociales; à sa gauche,
Céline Lamontagne, vice-présidente à l'exécutif de
la CSN, responsable du dossier de la politique de santé; à ma
droite, Claude Saint-Georges, conseiller syndical pour la politique de
santé; et Jacques Guénette, qui est le président de la
Fédération des professionnels salariés et cadres du
Québec.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Larose: Alors, je remercie la commission de nous avoir
invités. Après 20 ans d'exercice et de pratique d'un
régime qui a toute son originalité, je pense qu'il est bon de
faire le point. D'ailleurs, ces dernières années ou ces derniers
mois, plusieurs s'y sont attachés. La CSN a suivi de très
près l'ensemble de ces travaux. Aujourd'hui, et en guise d'introduction,
je ferais une présentation en cinq points: un mot sur les objectifs
poursuivis, un mot sur le modèle qui est le nôtre et les
éléments de réforme qu'il pourrait recevoir,
troisièmement, un mot sur la décentralisation,
quatrièmement, sur la gestion des ressources et une dernière
considération sur le ressourcement du système.
La première réflexion, c'est quant aux objectifs des
services de santé et de bien-être. On sait que la maladie ou la
santé, c'est le résultat d'une dynamique complexe
d'éléments de biologie ou d'éléments
socio-économiques, culturels et qu'il n'y a aucune technologie
médicale qui peut changer de façon permanente le niveau de
santé. Il faut être en mesure d'agir sur les conditions qui
produisent la maladie ou qui produisent la santé tels l'emploi, le
revenu, les loisirs, l'éducation, l'environnement. On pourrait citer un
vieux médecin allemand, Rudolph Vin-chow, qui disait que la
médecine, c'est une science sociale et que la politique, c'est rien
d'autre qu'une médecine à grande échelle. Je salue le Dr
Côté.
Alors, d'où l'importance d'avoir aussi et je dirais
préalablement un projet gouvernemental de politique de la santé
et de bien-être, politique qui pourrait prendre en considération
l'ensemble des éléments qui produisent ou la santé ou la
maladie, politique qui devrait être supportée aussi par des
mécanismes interministériels. Nous pensons que ça devrait
précéder toute politique de réforme de notre
régime.
Deuxièmement, on pense que le gouvernement doit introduire dans
cette politique un objectif qui est systématiquement passé sous
silence, qui est un objectif d'équité. On sait que notre
système a un objectif d'accessibilité, d'universalité,
mais ii n'est pas évident qu'il poursuive des objectifs
d'équité. On devrait, dans cet objectif, forcer toutes les
composantes à établir des priorités en fonction des
groupes de personnes, des communautés victimes de pauvreté et
d'inégalités et donc plus malades dans notre
société.
Je n'ai pas à vous faire la description des
inégalités de cette province, de sa répartition
territoriale. Je pense que ça a été fait a quelques
reprises devant vous et il nous faut absolument avoir une stratégie
systématique qui vise l'équité devant la santé.
Je sais que devant vous - on en a eu un certain nombre d'échos -
nombre de sornettes, de fausses propositions, beaucoup d'idéologies ont
été proposées en provenance de P.-D.G. de compagnies
d'assurances ou de porte-parole du patronat ou de la business de la maladie. Je
prie la commission d'être capable de demeurer froide et de garder la
réalité telle qu'elle se présente.
Les économistes de la santé parlent de modèles et
de contre-modèles. Parlons d'abord du contre-modèle. On parle
particulièrement du contre-modèle américain qui est en
fait un non-système, un "patchwork" qui se révèle le plus
coûteux - ça représente 12 % du produit intérieur
brut américain - en même temps un des plus producteurs
d'inégalités sociales. On sait que ça fait vivre toute une
armée de "peddlers", de comptables, de commis, d'avocats, mais ça
au détriment de la santé du monde.
Parlons de notre modèle ou des modèles qui ressemblent au
nôtre. On peut se rappeler le modèle de la Norvège ou de la
Finlande qui vit des conditions similaires à celles du Québec,
qui est un régime qui coûte parmi les moins chers. C'est un
équivalent de 6,3 % ou 6,6 % du produit intérieur brut,
régime encore plus public que le nôtre, régime encore plus
performant au niveau
des indices de santé, régime qui fait appel à un
personnel essentiellement salarié, ouvert à
l'interdisciplinarité et qui, en même temps, est allié
à des politiques sociales plus larges d'emploi et de réduction
des écarts.
Vers où on va? C'est mon deuxième point. Nous proposons
des réformes qui iraient vers une plus grande cohésion du
système et d'un système intégralement public. Nous
proposons des modifications au niveau des stuctures, des transformations des
cultures et des mentalités dans les institutions en môme temps que
nous visons la responsabilisation à tous les paliers. (11 h 15)
Vous avez raison, M. le ministre, de parler, comme la commission Rochon,
d'un système prisonnier d'innombrables groupes d'intérêt
parmi lesquels vous avez mentionné les syndicats. Une distraction vous a
certainement fait omettre le Conseil du trésor. Je vous dirai que la CSN
représente plus de la moitié des salariés dans le
réseau, et nous acceptons d'être interpelés. Oui, il y a
des mentalités et il y a des comportements à changer, et nous
sommes capables d'autocritique. Ce qu'on espère, par ailleurs, c'est de
ne pas être les seuls à le faire. Notamment pour la profession
médicale, nous pensons sincèrement qu'elle devra accepter de
profondes modifications, elle qui a conservé des privilèges
ancestraux hérités du passé, mais qui fonctionnent
allègrement dans un régime moderne. Cette profession
médicale devra devenir imputable des coûts qu'elle engendre et se
conformer aux stratégies convenues collectivement. Ça implique
d'abord la transformation des modes de rémunération.
Deuxièmement, ça implique la désignation des lieux de
pratique en fonction des besoins, et non pas en fonction des bassins potentiels
de clientèle. Troisièmement, ça suppose et ça
implique l'ouverture à l'interdisciplinarité et,
quatrièmement, au contrôle des actes posés.
Un mot sur la décentralisation. La CSN préconise fermement
la décentralisation, d'abord parce que ça correspond à une
certaine qualité de la vie démocratique. Deuxièmement,
c'est un élément essentiel à une plus grande efficience.
Très précisément, nous proposons un diptyque
décentralisation-centralisation. Décentralisation pour
démocratiser le système, pour responsabiliser les personnels,
pour être en mesure de trouver constamment une meilleure
adéquation entre les ressources et les besoins, en même temps que
pour une planification concrète du développement. Ça,
c'est la décentralisation que nous visons. Mais, en même temps, le
maintien d'une certaine centralisation pour la cohésion du
système, pour le développement des stratégies d'ensemble,
pour la fixation et le suivi des objectifs, et en même temps la
protection de la nature publique du système. La décentralisation,
chez nous, ça n'a rien à voir avec la déresponsabilisation
ou l'éclatement du système.
Je vous rappelle que nous proposons en même temps une
restructuration qui ferait que sur les territoires il y aurait une porte
d'entrée principale, les CLSC, avec toute la gamme de services, tant au
plan médical qu'au plan social, qu'au plan de la santé mentale,
que du support à la collectivité, ou du support à la
communauté; et, derrière, des institutions à vocation
précise, des centres hospitaliers, des centres d'accueil, pour rapatrier
bon nombre d'actes faits dans les urgences, dans les CLSC et confier à
une régie régionale les fonctions de planification, de recherche.
Donc, intégration des CLSC et déconcentration des CSS. C'est un
peu le modèle qui nous habite.
Comment on pense qu'il devrait fonctionner? D'abord, il faut vous dire,
et vous allez vous apercevoir si vous avez lu toute notre littérature,
que nous avons jonglé avec un certain nombre de modèles. Celui
que nous vous présentons et qui est celui sur lequel, nous pensons, on
doit miser, d'abord, c'est le maintien de conseils d'administration dans
chacune des institutions. Nous sommes contre un conseil d'administration qui
agglomérerait toutes les institutions. Donc, au plan local, un conseil
d'administration dans chacune des institutions, élu majoritairement au
suffrage universel, avec une minorité de personnes cooptées par
ceux qui sont élus et la présence d'une personne
représentant le personnel et d'une personne représentant les
médecins. J'y reviendrai un petit peu plus tard.
Au niveau régional, ce que nous proposons, c'est un
collège composé à 50 % des citoyens provenant des conseils
d'administration locaux et à 50 % de représentants de groupes
provenant des municipalités, des MRC, provenant des missions
gouvernementales dans des régions, des organismes communautaires, des
syndicats et des groupes patronaux. Je sais qu'il y a une certaine allergie
quant à la présence de représentants du personnel. Nous
sommes de ceux qui pensons et qui travaillons à ce qu'il y ait un forum
obligé qui développerait la coopération entre les
dispensateurs de services et les utilisateurs de services, un lieu
obligé d'intégration et d'harmonisation d'abord des informations
et aussi des grandes stratégies, mais on pourra y revenir dans le
débat.
Quatrième point, les ressources humaines. On sait que la
commission Rochon avait été assez sévère ou
critique sur le type de gestion massivement répandu dans les
institutions. Convenons que les climats de travail sont passablement
"déflaboxés" par les temps qui courent. Une
démoralisation, une démotivation, un
désintéressement - certains parlent d'un écoeurement - la
loi 160 n'est venue que se rajouter à un phénomène qui
s'était engagé plus tôt. Pour nous, ça s'ajoute
d'abord à un manque de ressources, qui pèse d'un poids
très important dans les institutions. Deuxièmement, c'est le
fruit d'une culture tayloriste existante où les rapports
très hiérarchisés désapproprient les
personnes de leur capacité d'intervenir avec motivation. Un
autoritarisme destructeur. On retient l'ensemble de l'information, on consulte
très peu et jamais on ne fait partie des décisions. En même
temps qu'il y a un phénomène objectif d'un manque de
renouvellement - et ça nous est donné par un certain nombre
d'enquêtes - ... On sait que le "top gun" de la hiérarchie est
stable à 74 %; c'est peut-être une preuve de compétence,
mais ça peut aussi générer quelques comportements
déviants. Au niveau intermédiaire, 80 personnes chargées
de la gestion du personnel n'ont aucune formation. Il y a là des
problèmes importants.
Pour nous, il faut transformer la culture institutionnelle, il faut
transformer les rapports de travail, et nous ne croyons pas que les directions
dans les institutions soient totalement indifférentes à cette
situation. Nous soupçonnons même qu'elles ont beaucoup envie de
changer des choses, et c'est là-dessus que nous comptons
également. Et nous espérons que les présents travaux et
les annonces du ministère devront inviter tout le monde à
recréer un environnement de travail valorisant et une mobilisation
générale pour rencontrer l'objectif premier, qui est de
répondre aux besoins de santé et de bien-être des personnes
que nous desservons dans le quotidien. À tout le moins, c'est ce
à quoi nous voulons travailler.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Larose. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je voudrais d'abord souhaiter à mesdames et messieurs
la bienvenue à cette commission parlementaire. C'est certes un des
mémoires qui était attendu, compte tenu de l'importance
jouée par la CSN dans tout le réseau à travers le
Québec. Je suis agréablement étonné du
mémoire que vous nous avez présenté très
succinctement mais qui en dit davantage à l'intérieur du
mémoire, et je tiens à le dire, d'entrée de jeu, parce que
ce n'est pas souvent qu'on peut se permettre de le dire, au moins disons-le
à ce moment-ci.
Il y a un premier point qui a piqué ma curiosité,
malgré le fait qu'on en ait parlé à gauche et à
droite sans nécessairement s'y attarder. Première proposition,
l'équité. On a entendu parler beaucoup d'équité
interrégionale, intrarégionale, depuis le début. On a
entendu parler d'accessibilité, d'universalité et on s'est dit:
les listes d'attente sont une atteinte à l'accessibilité compte
tenu des problèmes qu'a le réseau au moment où on se
parle. J'aimerais vous entendre davantage sur l'équité parce que,
si on retenait votre proposition, on parlerait maintenant, au niveau de la
base, d'universalité, d'accessibilité, de gratuité et
d'équité. C'est davantage ce que j'ai compris,
d'équité des personnes ayant accès au ré&eau,
peu importe leur niveau de revenu. Mais j'aimerais vous entendre un peu plus
sur ce qu'on devrait retenir, comment on l'inclut à l'intérieur
des principes de la loi et ce que ça a comme conséquence
demain.
M. Larose: O.K. Si on superpose deux cartes géographiques
du Québec, une qui représente la situation d'emplois, de revenus,
de travail, etc., et la carte de la santé, il y a adéquation.
Plus t'es chômeur, plus t'es dans une zone périphérique a
l'emploi, etc., plus t'es malade, etc. Tu peux bien avoir les mêmes
institutions que S'autre sauf que, objectivement, ça t'en prend plus si
tu veux réatteindre le niveau des autres. On peut se donner un exemple.
Les commettants et commettantes de la députée Harel ont, en
moyenne, une espérance de vie de neuf ans de moins que ceux du
député Libman. Et, pour les indices de santé, c'est
quatorze ans de moins.
Une voix: Alors, si...
M. Larose: J'aimerais ça vérifier les ressources
à la disposition des deux communautés et pas rien que les
ressources au niveau des services de santé. Ça m'amène
à faire le petit développement que je faisais au début.
C'est que, pour nous, même si on est chromés, que ça nous
sort par les oreilles et qu'on a des médecins - ce n'est peut-être
pas ça qu'il faudrait avoir, mais on est équipés - on
pense qu'une véritable politique de santé, c'est une politique
qui intègre les éléments producteurs de la maladie. Dans
ce sens-là, il faut... C'est pour ça qu'on dit: Oui, c'est
important de réfléchir de la manière qu'on le fait
à l'heure actuelle, mais ça ne peut pas se faire en dehors d'une
autre réflexion qui, elle, devrait être multiministérielle,
si je puis dire. Ce sont les stratégies globales sur les conditions.
Ça existe dans d'autres pays et ça s'adonne qu'au bout de la
ligne ça leur coûte beaucoup moins cher, y compris pour leur
propre système. Alors, l'objectif d'équité, c'est à
la fois, oui, pour ce qu'on discute aujourd'hui... Ce n'est pas vrai qu'en
ayant les mêmes ressources pour permettre, entre guillemets, la
même accessibilité, compte tenu des besoins objectifs de ces
communautés-là, on atteindra l'équité.
M. Côté (Charlesbourg): C'est très
intéressant et ça rejoint des discussions qu'on a eues dans une
autre commission parlementaire au niveau des sages-femmes où,
effectivement, les bébés de petit poids étaient davantage
dans des régions qui, sur le plan économique, éprouvaient
des problèmes très importants et c'est vrai pour toute la grille
de services de santé ou de l'état de santé des
Québécois. C'est très intéressant.
Vous abordez avec courage le changement des mentalités, plusieurs
en ont parlé, et que ça vienne d'une centrale syndicale, de la
CSN, qu'on
l'aborde tel quel au moment où on réfléchit sur ce
qu'on devrait faire pour changer un certain nombre de choses... Quand on
interpelle, ça veut dire qu'on interpelle l'ensemble, le gouvernement,
les syndicats, les producteurs de services. On interpelle tout le monde au
niveau du changement des mentalités et on admet, donc, qu'il y a un gros
changement à faire à ce niveau-là dans tous les
dispensateurs de services. On sait qu'au cours de la commission parlementaire
les médecins n'ont pas été ceux qui ont été
particulièrement choyés par rapport aux interventions. Je pense
qu'on en a parlé abondamment. (11 h 30)
Vous avez abordé la question de l'aspect des ressources humaines.
Je ne pense pas que personne, aujourd'hui, après avoir traversé
ce que tout le monde a traversé, prétend que le climat est au
comble du bonheur dans chacun des établissements. Qu'est-ce qu'on
devrait faire, demain matin, comme premier geste dans cette réforme,
au-delà de la formation, de plus de formation au niveau des cadres
intermédiaires, des cadres supérieurs et de l'allocation des
ressources additionnelles? Quel est le premier ou les premiers gestes à
poser pour faire en sorte qu'on revienne à un climat acceptable pour
tout le monde? Parce qu'au bout de la ligne, à la fois vous autres comme
travailleurs et à la fois nous autres ayant la responsabilité de
la santé publique, c'est le bénéficiaire qui doit
être au centre de nos préoccupations. Qu'est-ce qu'on doit faire
comme premier geste au niveau des ressources humaines, comme deuxième
geste, comme troisième geste, pour être capable de faire en sorte
qu'on revienne à une situation normale ou qu'on en arrive à
changer les mentalités de toute la panoplie des services qu'on
offre?
M. Larose: Je ne voudrais pas être taxé
d'opportunisme, mais, effectivement, si vous me posez la question pour demain
matin, je vous dirai que ce qui tue, présentement, c'est la loi 160.
Tant et aussi longtemps que cette agression individualisée sera
vécue, je pense que les gens vont avoir bien de la misère
à développer, je dirais, un sentiment de transformation et de
remotivation. À mon avis, pour demain matin, c'est un obstacle
très majeur. Plus que ça, je pense qu'il faudra que la direction
ou les directions de ministères indiquent que leur choix, eux, vont vers
la responsabilisation du monde. C'est précisément dans ce sens
que nous, nous proposons la décentralisation. C'est dans la mesure
où on implique le monde d'abord en termes d'information, pour que les
gens sachent c'est quoi la réalité concrète dans laquelle
ils travaillent, à la fois les contraintes, les possibles, etc. Les
responsabiliser en termes d'information à recevoir, mais mise à
contribution aussi pour l'ajustement des services à faire pour les
communautés.
Alors, si c'est par là que ça s'en va, je vous dirai que,
de notre côté, les salariés seront certainement heureux de
"recrinker" la machine et de se mettre en route pour, effectivement,
procéder à des changements et de mentalité et de
comportement.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, on parle de
responsabilisation du niveau local, d'un établissement en particulier.
Comment est-ce que ça peut s'articuler, cette
responsabilisation-là? Que le ministère donne plus de pouvoirs au
niveau local, au niveau régional? On est dans cette lancée, il
faut bien l'articuler pour ne pas commettre d'erreur et faire en sorte
qu'effectivement l'autonomie soit plus évidente et plus importante
qu'elle ne l'est maintenant. Ça va s'articuler et ça va se faire
comment, ça, en particulier dans un centre hospitalier, par exemple? Et
lorsque vous dites: Une participation plus importante des travailleurs et des
travailleuses au niveau d'un établissement, au niveau d'un centre
d'accueil d'hébergement, au niveau d'un centre hospitalier de courte
durée. Ça va se passer comment, ça devrait se passer
comment?
M. Larose: Je vais demander à Catherine qui est dans ce
réseau.
Mme Loumède (Catherine): Nous allons peut-être
indiquer que le premier geste à poser serait de faire en sorte que les
partenaires qui sont dans les établissements locaux, c'est-à-dire
les administrations et le syndicat, cessent de se regarder comme des chiens de
faïence et que les administrations commencent à considérer
les syndicats locaux comme des interlocuteurs valables. Et je pense que c'est
effectivement au niveau culturel qu'on a les plus gros problèmes; ce
n'est pas au niveau des pouvoirs, ce n'est pas au niveau de l'autonomie, c'est
au niveau des attitudes et des comportements. À partir du moment
où vous sentez que votre vis-à-vis ne vous respecte pas ou ne
vous écoute pas, vous fermez la porte à tout changement, à
tout progrès et à toute réévaluation. Et ça,
je pense que, même au niveau des associations patronales, il y a une
remise en question à ce niveau-là; il y a même eu des
livres qui sont sortis sur les nouvelles philosophies de gestion. Je pense
qu'il est comme indispensable que les administrations locales s'asseyent
directement avec les organisations syndicales. Et je vous dirais que, dans le
projet de loi, ce qui, moi, me chicotait un peu, c'est que, oui, il y a comme
une préoccupation d'intervention auprès du personnel, mais
rarement on considère les organismes syndicaux comme des interlocuteurs
valables alors que, pour nous, il est majeur et indispensable que les
informations, que les débats, les évaluations passent par les
associations représentatives du personnel. À partir de ce
moment-là, oui, il peut y avoir des changements au niveau local.
Première chose, l'information. Des gens qui
ne sont pas informés sont des gens insécures. Ce sont des
gens qui se rebutent par rapport à des changements. Et c'est un des
problèmes majeurs que nous vivons dans les établissements, le
libre accès à l'information. En 1990, il est encore aberrant que
des administrations résistent à la circulation de l'information
sur la gestion de rétablissement, sur les changements de vocation, sur
le type de ressources, l'évaluation des ressources. Et ça, il me
semble que ce sont des gestes qui ne sont pas coûteux, qui ne remettent
pas en question les droits de gérance, qui n'enlèvent pas du
pouvoir aux administrations, mais qui font en sorte que le climat se
rétablisse de façon un peu plus normale. C'est ce qui se vit
depuis au-delà de cinq ans dans les établissements et, à
court terme, ce sont des gestes qui peuvent profiter ou qui peuvent être
bénéfiques à tout le monde. Concernant la gestion des
ressources humaines et concernant l'allocation des ressources humaines, moi, je
pense qu'au niveau des établissements il y a des débats qui
peuvent se faire avec le personnel. Et, en termes de choix budgétaires,
le personnel, les salariés pourraient être directement
impliqués sur les choix budgétaires de l'établissement en
termes d'ajout de ressources ou non. Alors, moi, c'est un peu ce que je voulais
vous ajouter à ce niveau-là. C'est un problème
fondamentalement culturel.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que c'est un
problème qui est généralisé?
Mme Loumède: Moi, je vous dirai que c'est un
problème qui est assez généralisé. Plus les
établissements sont gros, plus les problèmes de relations du
travail sont énormes. Ça, je pense que, M. le ministre, vous
devez être à même de connaître un peu ies dossiers. Le
problème principal au niveau des relations du travail, ce sont les
administrations. Et là, je ne veux pas donner l'absolution du
côté syndical. On connaît nos militants, on connaît
les exécutifs. Alors, disons qu'il n'y a personne de blanc ni personne
de noir. Mais chose certaine - et, d'ailleurs, toutes les évaluations,
les études qui ont été faites pour la commission Rochon le
soulèvent - quand il y a des problèmes de relations du travail,
il y a des problèmes d'efficacité, II y a des problèmes de
productivité et il y a des problèmes de qualité de
services. Et ça, il nous semble qu'à court terme - et, quand je
parle de court terme, je ne parle pas de demain matin, ça va
probablement prendre quelques mois - il y a là matière à
modification et il suffit d'avoir un peu de bonne volonté de part et
d'autre.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, ce n'est ni par une
loi ni par un règlement. Lorsqu'on fait appel au changement des
mentalités, c'est davantage un appel aux personnes ou à un
pouvoir plus important au niveau local pour être capable de le faire.
Alors, autrement, comment peut-on le faire?
Mme LoumèUe: Écoutez, moi, je vous parle des
problèmes de relations du travail au niveau local. Maintenant, quand on
parle d'un projet de loi ou de structures, nous, on parle de
décentralisation. Moi, je vous dirais que, sur la collaboration et la
concertation des établissements, on va devoir passer par un projet de
loi parce que de laisser libre cours à la volonté locale des
établissements de se concerter ou pas dans une région, à
mon avis, c'est voué à l'échec. Et on le sait. Vous
l'évaluez. Vous l'avez analysé. Dans les rapports de la
commission Rochon, dans l'avant-projet de loi, c'est même
identifié. Il y a des groupes d'intérêt à
l'intérieur du réseau, ce qui fait qu'on étouffe. On est
identifiés. On va vivre avec ça. On va essayer de changer, mais
il y a d'autres groupes qui sont identifiés aussi.
"L'hospitalocentrisme" des hôpitaux du Québec, c'est un
problème majeur. L'étouffement des CLSC par rapport à leur
vocation communautaire versus ies hôpitaux, c'est un problème. Il
y a des dédoublements de services. Il y a des dédoublements
d'allocations de ressources et, dans des régions, il nous semble
qu'à travers le projet de loi on doit pouvoir forcer les administrations
et les établissements à se concerter, sinon, à mon avis,
ça ne sert strictement à rien, ce projet-là.
M. Côté (Charlesbourg): Dans le projet de loi, il
avait été choisi comme moyen l'unification des conseils
d'administration pour tenter d'éviter des dédoublements et
davantage faire de la concertation. Il est évident, après avoir
entendu quelque 120 mémoires, que c'est une proposition qui ne passe pas
et qui est très majoritairement rejetée. Il serait illusoire de
penser que de le mettre dans le projet de loi, ça va donner des
résultats demain matin. On en arrive donc à la structure
régionale où on s'est dit: Le pouvoir à Québec est
peut-être celui qui est le plus mal placé pour déterminer
véritablement les priorités de chacune des régions du
Québec. Si j'ai bien compris votre présentation, vous
n'êtes pas contre une régionalisation des pouvoirs accrus en
autant que le central continue d'être le maître d'oeuvre de la
politique de santé au Québec et d'objectifs de diminution
d'écarts de santé. Ça me paraît important et
ça doit être ça. Vous avez évoqué, au niveau
des conseils d'administration d'établissements, un suffrage universel.
Je n'ai pas entendu la même chose au niveau d'une régie
régionale. Pourquoi, à ce moment-ci, le faire au niveau d'un
conseil d'administration d'un établissement, mais pas aller plus loin et
dire que le suffrage universel devrait l'être au niveau d'une
régie régionale?
M. Larose: Nous avons été des tenants du suffrage
universel au niveau de la région pendant bon nombre de mois,
particulièrement dans les
travaux qui ont entouré la commission Rochon. On ne l'exclut pas,
mais on pense qu'il va peut-être venir, ou il sera praticable, le jour
où la dynamique au Québec de régionalisation, qui concerne
la vie intermunicipale, la vie scolaire, etc.. Si on a
décentralisé au plan des services de santé et des services
sociaux, il est peut-être pensable que, dans cette dynamique-là,
oui, il y ait un suffrage universel. Mais on ne pense pas que, si on y
arrivait, si on commençait par ça, qu'on frapperait des
résultats très emballants. On aime mieux l'inscrire dans une
démarche, je dirais, de démocratisation et d'exercice de la
démocratie qui pourra, un jour, peut-être, arriver au suffrage
universel, mais, pour l'instant, on irait davantage en interpellant les groupes
socio-économiques en même temps que les personnes
déjà choisies par le suffrage universel dans chacune des
institutions.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'on peut parier de
suffrage universel sans pouvoir de taxation?
M. Larose: Oui. Nous, on a quelque 5000 lieux de choix dans notre
structure syndicale, et il y a un seul lieu où se détermine la
cotisation, c'est l'assemblée générale.
M. Côté (Charlesbourg): Parce que
l'expérience des commissions scolaires donne un taux de participation
qui n'est pas très élevé par rapport au niveau municipal,
où le pouvoir de taxation est beaucoup plus important. Il y a une
tendance à vouloir dire que, s'il n'y a pas un impact, un lien
financier, le niveau d'intéressement est moins grand. Et, quand on parie
de suffrage universel, c'est bien sûr pour qu'un plus grand nombre de
gens puissent y participer.
M. Larose: Je ne sais pas s'il y a un lien aussi étroit
que celui que vous identifiez entre le fait de payer des taxes et
l'intérêt pour l'exercice démocratique. On pense, par
ailleurs, qu'il y a un sentiment de fierté et d'appartenance assez grand
au régime que nous avons, au plan des services de santé et des
services sociaux, et on connaît les problèmes très concrets
vécus par la population. Je suis à peu près sûr que
le seul fait, je dirais, de la position stratégique qu'occupent ces
services-là dans la vie des personnes ou des communautés,
ça devrait susciter passablement d'intérêt pour
participer.
M. Côté (Charlesbourg): On me signale que j'ai
peut-être le temps d'une...
Le Président (M. Joly): Une toute petite, M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): C'est une grosse mais en
tout cas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): On va l'essayer pareil.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez
évoqué - je pense qu'il y a un consensus assez large - que les
CLSC doivent être la porte d'entrée du système et, par le
fait même, soulageraient peut-être d'autant les centres
hospitaliers de courte durée. Quelle est votre vision de la relation
CLSC avec les services de première ligne par rapport aux cabinets
privés ou aux polycliniques qui pourraient être dans le même
voisinage?
M. Larose: D'abord, quand on propose la régionalisation ou
la décentralisation, vous m'avez bien compris que, au niveau de la
pratique médicale, ça suppose qu'il y ait aussi des
stratégies pour que la pratique médicale soit elle-même
aussi décentralisée. Je sais que vous avez suffisamment
d'imagination pour trouver les mécanismes qui peuvent amener ça.
Le seul fait qu'il y ait une certaine régionalisation pourrait
déjà, vraisemblablement, mettre un frein à la
prolifération des business de la maladie qui cherchent de la
clientèle. Si on développe une première ligne efficace,
c'est-à-dire celle qui a toute la gamme des services de première
ligne et qui est très près des communautés, je suis
convaincu que l'efficacité d'un regroupement d'une gamme de services de
première ligne de ce type-là va, je dirais, générer
son propre achalandage. Puis on se comprend bien que, quand on dit la gamme
complète, c'est tant au niveau physique, santé mentale,
référence sociale, support à la communauté, etc.
(11 h 45)
Derrière ça se trouvent les institutions aux vocations
précises. Un hôpital, c'est un hôpital pour être
hospitalisé. Ce n'est pas un centre de consultation. Tu sais, ce n'est
pas... Là-dessus, j'avoue que je trouve qu'on a pris un peu de temps
collectivement à se rendre compte des incongruités de ce
type-là. Un DSC, c'est très intéressant comme fonction, un
DSC, mais, raccroché à un centre hospitalier, on se demande des
fois: Est-ce un héritage historique? Ça ne répond pas tout
à fait à une logique d'organisation d'institution. Alors, en
ayant un service de première ligne du type dont on parie
identifié aux CLSC, les institutions derrière, et une
régie dans laquelle on intègre un minimum de vocations, de
recherches et de planification et de programmes suprarégionaux, nous, on
pense qu'on serait dans une logique d'efficacité institutionnelle
beaucoup plus intéressante même si le système actuel n'est
pas, comparativement à d'autres, totalement efficace non plus.
M. Côté (Charlesbourg): On pourrait continuer,
ça serait très intéressant, mais on aura certainement
l'occasion d'en reparler.
M. Larose: Nous préférons le CLSC, vous savez. Je
ne veux pas prêcher pour ma paroisse mais je trouve qu'il y a beaucoup de
potentiel dans les intuitions de cette institution-là pour rencontrer
les besoins dont on parle.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le leader de l'Opposition, M. Chevrette.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, je vais faire quelques
commentaires pour partir et j'ai des questions mais qui sont quasi
exclusivement hors mémoire. Tout d'abord, ce qui me plaft beaucoup dans
le mémoire, c'est que vous liez intimement la pauvreté, l'emploi
et la question santé. À mon point de vue, c'est une vision
globale qu'on aurait dû avoir depuis fort longtemps, et malheureusement
on verse dans le curatif sans pour autant penser qu'on va corriger ça
exclusivement en continuant à injecter dans le curatif. Si on ne corrige
pas les inégalités sociales, on va perpétuer des
situations. Et ça, ça me plaît énormément
comme approche et comme vision.
La deuxième chose, c'est la porte d'entrée. Effectivement,
si on peut consolider les CLSC pour leur permettre de jouer pleinement leur
rôle, je pense que localement on aurait sans doute l'endroit idéal
pour amener les changements de mentalité. C'est peut-être par la
porte d'entrée justement, changer les habitudes de consommation. Mais
tout ceci ne se fera pas si, au niveau national, on n'a pas une politique de
santé avec des prioritér.. On aura beau parler de structure, la
place ries différents personnels, la définition du rôle des
personnels, si on n'a pas d'objectifs précis et des priorités, je
pense qu'on ne réussira pas. Si on le fait dans des secteurs, je le dis
depuis quelques jours... On se plaît à réviser annuellement
le plan de développement d'Hydro-Québec, en
hydroélectricité. En santé, bien, on s'interroge sur des
structures une fois tous les quinze ans alors que, je pense, on pourrait, aux
deux ans, s'interroger très profondément sur comment va notre
système, comment on peut le réorienter ou quelles
priorités on pourrait établir. Moi, je pense que le fait que vous
soyez, à part de ça, extrêmement ouverts à faire la
discussion, je pense que Mme la présidente a été claire,
oui, il y a des mentalités qu'il s'impose dé changer, des
habitudes de consommation en santé qu'il faut changer. Ça
démontre, en tout cas, que la volonté, elle est très
présente au niveau de la base. Il s'agit maintenant de la faire partager
par l'ensemble de ce réseau-là pour en amener à travailler
dans le sens des objectifs bien précis.
Ceci dit, vous m'avez rappelé des cas bien précis que j'ai
vécus dans mon milieu et sur lesquels je veux vous entendre, parce que
vous venez de régler une convention collective quand même, en tout
cas, entente de principe. Et moi, je suis profondément inquiet sur le
droit au travail qu'a provoqué l'application de la loi 160. J'ai dans
mon propre milieu... Je vais partir d'un exemple de mon propre milieu pour
savoir si c'est régie, si ça va se régler ou si ça
a des chances de se régler. Mais je pense que c'est fondamental, le
droit au travail. J'ai des personnes dans un certain centre d'accueil dans mon
milieu, au centre hospitalier, qui ne sont plus rappelées au travail
parce qu'elles ont perdu irois, quatre ans d'ancienneté puis qui avaient
des contrats de deux jours, par exemple, semaine. Ce sont des personnes qui ont
trois semaines de travail seulement qui travaillent à leur place qui
sont rappelées toutes les semaines depuis le mois de septembre. Est-ce
que ce droit fondamental au travail a été
récupéré et que les personnes qui, à cause de
l'application d'un décret gouvernemental, ont perdu leur droit au
travail - elles n'ont pas perdu de l'ancienneté, elles, elles ont perdu
leur droit au travail - est-ce que ceci a été réglé
dans le règlement final de la convention collective?
M. Larose: Catherine.
Mme Loumède: Bien, je peux peut-être répondre
à la question. C'est effectivement un droit au travail que plusieurs
personnes ont perdu. Je vous dirais qu'au moment où on se parle,
malgré le fait qu'il y ait une entente de principe sur la table, ce
droit au travail n'a pas été rétabli, et qu'on se fie aux
déclarations du ministère, d'il y a quelques mois, qui disait: On
verra, une fois une entente convenue au niveau du secteur public, on regardera
la question de la loi 160. Et nous on souhaite très sincèrement,
et on est disposés à en discuter en tout temps, comment faire en
sorte que les gens puissent récupérer des droits tout à
fait légitimes qu'ils ont perdus, dans un moment d'affrontement avec le
gouvernement, pour conclure leur convention collective. Mais, non, ces
droits-là ne sont pas rétablis actuellement.
M. Chevrette: M. le Président, c'est un voeu que je
formule devant le ministre. Je pense qu'il y a des distinctions fondamentales,
au-delà de ce qui peut arriver dans une convention collective. Il peut y
avoir des inéquités qui se créent par l'application d'un
décret du genre, mais l'atteinte à un droit fondamental qui est
celui du droit au travail, c'est encore plus fort, à mon point de vue,
que . certaines, même si je ne suis pas d'accord avec les
inéquités que ça pourrait créer. Je pourrais me
retrouver dans mon hôpital avec quatre ans alors que j'en avais sept, et
je vais perdre certains avantages. Je trouve ça aberrant sur le climat
des relations du
travail, et je pense que vous avez bien répondu, M. Larose. Mais
ce que je trouve encore plus aberrant, et je supplie le ministre de
réviser cette partie-là, en particulier, rapidement, c'est de
faire reconquérir le droit au travail de personnes qui ont perdu leur
droit au travail, fondamentalement. Elles ne sont plus au travail depuis le
mois de septembre. Ça moi, personnellement, je trouve ça urgent
de régler cette partie-là et de régler aussi... d'autant
plus que la perte d'ancienneté n'est pas une obligation
législative, mais bien une décision politique à partir
d'un décret. Et je pense que ça se corrige, soit par une entente,
soit par des directives administratives, si on ne veut pas signer d'entente. Je
pense qu'il y a deux choses à corriger, et la plus urgente c'est d'abord
de reconquérir le droit au travail et la deuxième c'est de
corriger les inéquités que peut avoir créé un
décret gouvernemental. Donc, ça c'est un commentaire que je fais
et je trouve ça douloureux pour ceux et celles qui ont perdu ce droit
fondamental au travail, en utilisant, d'autre part, un droit qui était
dévolu... Je pense, à ce que je sache, la seule convention
internationale qu'a signée le Canada, à date, c'est la convention
du droit au travail. Donc, à partir de là, il y a des
précédents, même sur le territoire de ce coin de pays, qui
existent.
Deuxième question, la présence des différents
groupes professionnels au niveau des conseils d'administration. Je voudrais
vous entendre d'une façon un peu plus explicite là-dessus, parce
qu'on ne veut pas jouer au chat et à la souris non plus: tu sors, tu es
en conflit d'intérêts. On a vécu, dans certains milieux,
des situations aberrantes où on sortait aux dix minutes, les
représentants et les salariés. Je voudrais savoir votre
perception là-dessus. Est-ce que vous croyez qu'au moins il devrait y
avoir une assemblée consultative permanente, si on ne veut pas leur
donner le vote, mais au moins qu'ils soient là pour avoir l'information,
comme vous dites? Est-ce que vous voyez des formules, là-dedans, vous
êtes ouverts à des formules pour qu'on puisse assurer une
présence, indépendamment du fait qu'on ne veuille pas
débalancer la représentativité du public, comme telle?
M. Larose: D'abord on sait que, dans le fonctionnement des
institutions, il y a, oui, un conseil d'administration, mais il y a aussi un
conseil des médecins et dentistes, et on connaît la place
stratégique qu'occupent les médecins, particulièrement
dans les centres hospitaliers. On pense qu'il doit y avoir un lieu où
les médecins doivent minimalement rendre des comptes, si je peux dire,
et surtout faire partie de la définition des stratégies internes
à l'institution. Je ne prendrai pas la défense du conseil des
médecins et dentistes, mais ça procède d'une logique, je
dirais, d'organisation des décisions et du travail à
l'intérieur dés institutions.
Pour la représentation des personnels, ça répond
d'abord à une volonté de responsabilisation. Si on fait le pari
que dans les institutions, particulièrement de services, de services de
santé et de services sociaux, il y a un rapport nécessaire entre
les dispensateurs de services et les utilisateurs de ces services, le premier
forum demeure formellement les conseils d'administration. Soit dit en passant,
on a procédé nous-mêmes à une enquête
récemment pour vérifier un peu l'expérience vécue
par les salariés qui avaient des représentants dans des conseils
d'administration. On pourrait peut-être vous faire parvenir le
résultat de ça. Mais il est clair que c'est une occasion
importante, c'est un moyen important d'abord de circulation d'information. On
est dans un service public. On n'est pas dans une entreprise privée qui
a à cacher ses secrets de production et surtout pas à
révéler ses stratégies de concurrence. On est dans un
service public. Alors, on pense que ces conseils d'administration doivent avoir
la première caractéristique qui est celle de la transparence au
niveau de l'information.
Deuxièmement, si on fait le pari de la transformation des
mentalités, si on fait le pari qu'en responsabilisant le monde c'est
aussi une condition d'une plus grande efficience, je pense que le premier lieu
où la participation doit s'exercer c'est là où se prend un
minimum de décisions. Le contraire serait d'identifier un conflit
d'intérêts entre ceux qui dispensent les services et ceux qui les
reçoivent. Ça procède vraiment d'une logique qui est un
peu abracadabrante. Il y n'a pas là conflit d'intérêts. Au
contraire, il y a là combinaison d'intérêts entre la
population, ceux qui donnent les services et ceux qui les reçoivent.
M. Chevrette: L'autre question, étant donné que la
FIIQ vous suit, je pense qu'il y a... J'ai l'habitude de poser les questions
auxquelles je crois fondamentalement, qui doivent être posées,
indépendamment que ça plaise ou que ça déplaise.
Est-ce que vous croyez à l'importance de la définition des
tâches? Parce que je vis, dans mon milieu et dans plusieurs milieux du
Québec, des conflits assez majeurs au niveau de la prestation du travail
et même de la continuité de pouvoir donner du travail, par exemple
aux infirmiers auxiliaires et infirmières auxiliaires dans nos milieux
par rapport à la profession d'infirmier et infirmière. Ça
crée des tensions assez fortes, merci, dans certains milieux.
D'autre part - je m'excuse, la voix me... -le gouvernement continue
à former des infirmiers et infirmières auxiliaires. Les plans
d'effectifs à l'intérieur des centres hospitaliers veulent abolir
les infirmiers et infirmières auxiliaires. Je veux bien qu'on continue
à former, mais qu'on leur dise quelle place il y a. Mais pas laisser
à des directions... Je m'excuse, mais je le vis dans mon milieu et je
suis toujours peiné de voir que... En
1970, je réglais le cas des puéricultrices à
Joliette en disant: On va en réintégrer à d'autres
fonctions, et le phénomène d'attrition fera son oeuvre pour le
reste. Il en reste cinq ou six. Au moment où je vous parle, ils veulent
les envoyer au recyclage, les cinq ou six, des femmes de cinquante quelques
années, ou bien le phénomène de "bumping" et toute la
psychiatrie infantile va se trouver affectée. Tout le personnel
régulier de la psychiatrie va devoir quitter pour s'en aller dans un
autre secteur. Affaiblissement donc de la qualité des services à
peu près partout.
Est-ce que là-dessus vous vous êtes penchés, vous
avez eu des discussions de fond? Comment voyez-vous ça? Ça
m'apparaît également être une source assez profonde
d'inquiétude et de climat de tension au niveau des centres
hospitaliers.
Mme Loumède: Pour répondre à votre question,
oui, ça fait déjà quelques années qu'on se penche
là-dessus, entre autres par le biais du dossier des infirmières
auxiliaires. Je peux peut-être vous indiquer en passant qu'il y a une
confirmation de la part du ministère de la Santé - à tout
le moins, c'était ça il y a quelques années - que, oui, la
pertinence de la profession est toujours là, mais pas au niveau des
centres hospitaliers, au niveau des centres d'accueil pour personnes
âgées. C'est là-dessus, entre autres, qu'il y a des
divergences et qu'il y a des mécontentements de la part des
infirmières auxiliaires. (12 heures)
Vous indiquez aussi que ce qui est très frustrant pour ces
femmes, c'est qu'il y a une latitude et une discrétion qui est
laissée aux conseils d'administration locaux de déterminer le
type d'actes qu'elles pourraient poser ou non alors qu'elles ont eu une
formation adéquate, il y a ce problème qui se soulève au
niveau d'autres professions. Moi, ce que je peux vous dire et ce qu'on
appréhende, c'est qu'il y ait des débats. Actuellement, il y a
des chicanes, entre guillemets, entre les professions, entre les
métiers. Quand on regarde la prolifération des
spécialisations, la parcellisation aussi des tâches depuis
quelques années, moi, je pense qu'on doit se questionner globalement sur
le type d'approche, le type de service et donc le type de profession et de
métier qui sont nécessaires
Je vous donnerais un point de vue personnel. Moi, je pense qu'il faut
redébattre la définition de tâches de certains types
d'emplois, entre autres, au nom de la polyvalence et de la revalorisation au
travail. Cependant, il faut faire attention. Il y a un lien direct à
faire avec le ministère de l'Éducation à travers les
cégeps, à travers les écoles secondaires qui, eux, mettent
de l'avant les programmes qui spécialisent de plus en plus et qui,
à mon avis, confinent de plus en plus des employés dans un type
de tâches et pas un autre. Ça, à la limite, ça
risque de créer un climat de routine, une sorte de
démoralisation, finalement, au niveau du travail, la finalité de
son propre travail.
On n'a pas terminé ce dossier, mais je vous dirais que s'attaquer
au dossier de la définition des tâches de plus 150 types d'emplois
dans le réseau de la santé, ce n'est pas une mince affaire, sauf
que nous, on a commencé à se Dréparer parce qu'on
appréhende aussi les prochaines négociations et la
sécurité d'emploi des gens.
M. Chevrette: Merci. M. Trudel va poursuivre.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, M. Trudel.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Il faudra y aller assez
rapidement puisqu'il ne reste pas beaucoup de minutes. C'est comme dans le vrai
système, c'est le rouleau compresseur de la santé qui y va aux
dépens des services sociaux. Il faut absolument faire la remarque,
effectivement, de la justesse de la description que vous faites, que toute la
mécanique doit être précédée d'une politique
de santé et de bien-être. C'est ce que vous soulignez dans votre
mémoire et vous remarquerez rapidement qu'au niveau... Vous nous dites,
dans votre mémoire, que c'est à l'article 289, sur 400 articles,
que l'on retrouve, pour la première fois, la notion de politique de la
santé, uniquement, et non pas politique de la santé et de
bien-être en termes d'objectifs.
Tout de suite à l'article 1 de cet avant-projet de loi, lorsqu'on
détermine les objectifs du système de santé et de services
sociaux, vous avez certainement remarqué - mais il faut le
répéter - qu'un des objectifs fondamentaux, c'est de
réduire, entre autres, et d'agir sur les facteurs déterminants
pour la santé. Et tout de suite lorsqu'on va à la fin de
l'article et qu'on va sur les moyens pour faire cela, on dit: "Favoriser une
répartition des ressources humaines, matérielles et
financières entre les services, les établissements et les
régions qui soit la plus juste et la plus rationnelle possible." Il n'y
a pas de monde là-dedans. C'est entre les services, les
établissements et les régions. Le monde n'est absolument pas
concerné par la répartition ou l'allocation au niveau des
ressources humaines.
Ma question est la suivante, c'est tellement important: Est-ce que vous
êtes prêts à dire que le ministre, qui a dit jusqu'à
maintenant qu'il allait réécrire tout ça l'automne
prochain, pour dépôt à l'Assemblée nationale, qu'il
vaudrait mieux, compte tenu de l'importance - le tiers du budget de
l'État - peut-être de retarder tout ça et qu'on donne suite
à votre recommandation de la page 2, d'abord de déposer une
politique de la santé et du bien-être au Québec avant
d'articuler la mécanique?
M. Larose: Je ne connais pas nécessairement les
contraintes du travail législatif, mais nous, on pense que, pour bien
asseoir une réforme de type administratif, il faut aussi avoir une bonne
idée d'une proposition de politique de santé et de
bien-être et que l'articulation des institutions, des organismes devra se
faire en tenant compte de cette politique. Maintenant, est-ce que c'est avant?
Idéalement, je pense que oui. Est-ce que ça peut être
concurrent? Peut-être que c'est faisable aussi, mais nous, on pense
surtout qu'au Québec, dans une certaine volonté de
régionaliser et, je dirais, de responsabiliser les acteurs, il y a un
certain nombre de missions économiques qui ont été
décentralisées et qui existent dans les régions. Alors, on
pourrait fort bien mener ces travaux de façon concurrente, mais on pense
que l'efficacité d'une réforme, si elle n'est pas appuyée
sur une idée précise d'une politique de santé et de
bien-être, elle risque d'être un petit peu en porte à faux
sur un élément ou l'autre.
M. Trudel: Je vais y aller maintenant sur un autre
élément précis de vos suggestions. De ce
côté-ci du moins, le système centré sur le CLSC
comme porte d'entrée du système, c'est clair de ce
côté-ci, il semble y avoir de plus en plus d'expressions qu'on se
dirigerait vers cela. Un des éléments fondamentaux du
système dans cette porte d'entrée, c'est, entre autres, la salle
d'urgence qui, souvent, pour reprendre votre expression, est le lieu d'exercice
préférentiel du business de la santé. Est-ce que vous avez
déjà regardé, dans cette définition du
système à partir du territoire et de l'organisme CLSC
première ligne, que ce soit les CLSC qui prennent en charge les urgences
des hôpitaux pour éviter, entre autres, que les
bénéficiaires s'enfilent dans la filière médicale
et du business de la santé, parce que nous serions dans un autre
système? Avez-vous déjà regardé ça?
M. Larose: Dans les CLSC, service de première ligne, qui
sont en fait le lieu d'accueil du système, qui doit répondre
à un certain nombre de besoins y compris au plan de la santé, je
pense que tout ce qui est consultation, tout ce qui est, je dirais, chirurgie
mineure, bon, et chacun a certainement ses expériences - une tasse qui
se casse et tu te coupes un doigt, bon - ça, je pense que ça peut
être facilement intégrable à la fonction des CLSC. Il va
certainement demeurer dans les hôpitaux une véritable urgence et,
j'allais dire grâce à la CSN, il y a un système ambulancier
qui a un peu d'allure maintenant. Il y a... Bien, vous le reconnaissez, M. le
ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: Un bon service, vous savez que ce n'est pas gratuit
nécessairement, mais je pense que comparativement...
M. Côté (Charlesbourg): Ah oui! Et celui-là
ne l'est pas.
M. Larose: ...il ne doit pas nous coûter plus cher
qu'ailleurs. Alors, un service maintenant professionnel au niveau du
préhospitalier et d'urgence va sélectionner les cas. Alors, ceux
qui doivent, effectivement, rentrer en urgence - et, quand on dit en urgence,
c'est en urgence - ils ne seront pas encombrés par ceux qui sont
là pour consultation, petite chirurgie mineure, une migraine un peu plus
forte, ou bien l'ennui qui a pris la personne qui aime ça voir un peu de
vie qui bouge ou qui ne bouge pas. Alors, dans ce sens-là, je pense
qu'il est très possible d'avoir un système efficace
là-dessus.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation et tous
ces liens que vous avez faits en termes de système, même si on
avait eu le goût d'aborder, entre autres choses, le fait que ce
ministère et ce projet de loi ne prévoient pas
d'organisme-conseil. Vous le soulevez là-dedans, l'organisme-conseil
formel. C'est le seul, on y reviendra, le seul ministère qui n'aurait
pas ça en termes de grande politique de l'État. On y reviendra
à partir d'autres groupes. Merci beaucoup de votre
présentation.
M. Larose: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier de
votre contribution. Elle est celle de l'ouverture à des changements de
mentalité, à ce que j'ai compris, qui est à la base de
certains problèmes du système, et de l'ouverture toute grande
faite à une collaboration très étroite pour tenter de
changer un certain nombre de choses qui ne fonctionnent pas. Ça, je
pense que c'est très évident. C'est la ligne maîtresse de
votre mémoire et c'est très très intéressant.
J'en profiterais, peut-être, pour passer deux petits commentaires.
J'ai retenu plus que ça, mais deux éléments qui ont fait
l'objet de discussion après mon intervention qui est celui du rôle
d'infirmière, du rôle d'infirmière auxiliaire.
Évidemment, il y a une table, là, qui devrait reprendre,
normalement, des activités plus intenses maintenant que les
négociations sont, à toutes fins pratiques, terminées, et
bien faire la distinction entre le rapport Munn et ce que le ministère
lui-même décidait. Il y a une distinction très nette entre
les deux et on aura l'occasion d'en discuter éventuellement, parce que
je serai là, à la prochaine réunion de la table.
En terminant, l'élément le plus important, je pense, de la
discussion, c'est la loi 160. J'avais dit, dans une rencontre que j'ai eue
avec mme lavallée, mme pagé et m. larose en
décembre 1989, qu'à partir du moment où les conventions
collectives seraient signées je les inviterais à une rencontre
avec moi où il serait question de la loi 160. je l'ai dit en chambre, je
l'ai dit dans une rencontre privée. je le redis aujourd'hui. quand ce
sera terminé en termes de négociations, et les conventions
collectives signées, je prendrai l'initiative d'inviter les intervenants
et d'amorcer une discussion concernant la loi 160, avec toute
l'évaluation qu'on doit y faire et qu'on devra y faire. je le
réitère aujourd'hui et ça se fera. compte tenu de \a
nature de l'évolution des discussions sur le plan des conventions
collectives, je pense qu'on a une situation où ça ne devrait pas
tarder.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.
M. Larose: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette
commission, à mon tour je vous remercie. Merci bien. Je demanderais
maintenant aux gens représentant la Fédération des
infirmières et infirmiers du Québec, de bien vouloir s'avancer,
s'il vous plaît.
J'apprécierais la coopération de tout le monde, s'il vous
plaît. Nous retardons un peu. Bienvenue à cette commission,
mesdames. Vous connaissez la procédure. Vous avez une vingtaine de
minutes pour nous présenter votre mémoire et, par après,
les membres de cette commission se réservent le privilège de vous
questionner. J'apprécierais, par contre, que la personne responsable,
Mme Lavallée, je crois, nous introduise les gens qui l'accompagnent.
FIIQ
Mme Lavallée (Diane): Oui. Eh bien, on tient
particulièrement à vous remercier d'avoir accepté nos
commentaires dans le cadre de votre réforme ou restructuration
concernant l'avant-projet de loi qui est soumis présentement. À
la table, représentant la fédération il y a à ma
droite Francine Dufresne, qui est conseillère en santé. Vous avez
Lucie Fottier, qui est membre, présidente du centre hospitalier
Robert-Giffard, et ex-membre de l'exécutif aussi à la FIIQ. Vous
avez Mme Sylvie Boulanger, qui est notre nouvelle responsable politique du
secteur santé à la fédération et première
vice-présidente. Et vous avez Thérèse Laforest, qui est
conseillère au secteur santé de la fédération.
Bien sûr, notre organisation est connue pour représenter 40
000 infirmières syndiquées à travers la province,
réparties dans 51 syndicats. C'est une organisation qui a des
préoccupations, bien sûr, pour l'amélioration et le
maintien des conditions de travail des infirmières et des gens qu'on
représente, mais aussi une préoccupation sociale qui est à
l'effet de maintenir et même d'améliorer la qualité de
santé, de bien-être de la population québécoise.
C'est donc dans ce cadre qu'on a accepté de vous présenter nos
commentaires concernant l'avant-projet de loi sur la réforme de la
santé et des services sociaux.
Avant d'entrer au coeur de nos interrogations, on tient à
réaffirmer notre position qui a déjà été
amenée au niveau du ministère, qui est à l'effet que la
réforme amorcée doit s'inscrire dans la perspective d'une
véritable politique de santé au Québec. On tient
également à souligner que notre réflexion se veut
constructive et entend participer à l'amélioration de la
santé de l'ensemble de la population québécoise. (12 h
15)
Premièrement, concernant les objectifs. Pour améliorer les
services de santé et les services sociaux, l'avant-projet énonce
un certain nombre d'objectifs auxquels nous souscrivons largement. Nous
entretenons cependant certaines réserves sur l'absence d'une quelconque
priorisation des objectifs mis de l'avant. Les moyens préconisés
pour l'atteinte des objectifs nous laissent également perplexes, surtout
ceux qui ont trait aux déterminants de la santé, à la
confidentialité, à la prévention, à
l'accessibilité des services et à leur continuité, ainsi
qu'à la participation de la population. On trouve hasardeux que, pour
améliorer la capacité physique, psychique et sociale des
personnes, le gouvernement continue de prôner, à l'instar du livre
blanc, d'axer principalement les interventions sur l'acquisition de meilleures
habitudes de vie. Pour atteindre un tel objectif il doit, selon nous, agir sur
les composantes tridimensionnelles des facteurs de risque. Concrètement,
le gouvernement doit articuler un politique globale de santé et de
bien-être tenant compte des habitudes de vie de la population, des
conditions environnementales, des facteurs socio-économiques, des
communautés ethniques et de l'organisation du système social.
Maintenant, concernant la confidentialité. En tout temps, la
confidentialité, quant aux services et aux soins dispensés, doit
être recherchée et sauvegardée. Il est donc primordial que
toute communication d'information contenue dans un dossier médical se
fasse avec parcimonie et respecte des conditions très strictes. Toujours
au nom du respect de la confidentialité, la consultation d'un dossier
médical à des fins d'études, d'enseignement ou de
recherche devrait, à notre avis, être assujettie à
l'assentiment préalable du bénéficiaire. Le droit à
la confidentialité est aussi très sérieusement
questionné par l'utilisation de la carte santé qui sera
incessamment mise à l'essai. Nous sommes conscientes que l'utilisation
des technologies de l'information pourrait contribuer à améliorer
la qualité des soins, et c'est pourquoi nous ne nous objectons pas
à l'essai d'une telle carte. Son utilisation, toutefois, devrait
être encadrée. Le ministère doit donc mettre en place des
mécanismes de
contrôle, de surveillance, d'évaluation et de consultation
périodique pour éviter qu'une telle carte devienne un moyen de
contrôler l'utilisation des services de santé et des services
sociaux et de traiter, peut-être de façon plus expéditive,
les clients. D'autres mécanismes devront être mis sur pied pour
éviter que des informations confidentielles circulent entre les mains du
personnel non traitant. On sait, pour l'avoir vu publiquement, que le
ministère est soucieux, a des préoccupations à cet
effet-là et tente, dans certains établissements, de mettre sur
pied des projets-pilotes à cet effet, et on peut s'en
réjouir.
Concernant maintenant la prévention. L'apport des actions
préventives pour l'amélioration de la santé et du
bien-être de la population n'est plus à démontrer.
Pourtant, les dispositions de l'avant-projet portant sur les CLSC, les DSC et
sur l'expérimentation des projets telles les OSIS semblent
privilégier davantage les actions et les interventions curatives. La
vocation préventive et éducative des CLSC doit demeurer, à
notre avis, prioritaire et surtout ne pas être réservée
uniquement à une clientèle dite à risque. Quant aux DSC,
ils détiennent un important mandat de prévention, de promotion et
de protection de la santé publique. De plus, à mesure que les
programmes de prévention en santé et sécurité du
travail deviendront obligatoires dans tous les centre d'activité, le
rôle et les responsabilités de ces organismes s'accroîtront.
Et loin d'être diminué, à notre avis, le nombre des DSC
doit être maintenu, ainsi que leur mandat réaffirmé et
consolidé.
À notre avis, l'implantation de certaines organisations telles
les OSIS ne permettra pas la récupération du volet
préventif dont le ministère a restreint l'importance au sein des
CLSC et des DSC. L'introduction, avec le concept OSIS, d'un incitatif financier
en fonction de la quantité des services et de la nature des soins
dispensés ne favorise pas la prévention. De plus, les OSIS ne
poursuivent pas d'objectif communautaire. Cela aura-t-il pour effet de
déraciner les services du milieu et de se couper ainsi de toute
connaissance des conditions de vie, de travail et du réseau
communautaire, connaissance essentielle à la prévention?
Améliorer l'accessibilité des services et en assurer la
continuité contribue certes à l'amélioration du
mieux-être de la population. Toutefois, les moyens utilisés pour
atteindre de tels objectifs peuvent entraîner des effets non
désirables, comme par exemple d'introduire des formes de privatisation
dans notre système. Eh bien, nous nous objectons à la
privatisation, même partielle, dans le domaine de la santé, parce
qu'à notre avis elle entraînerait l'accumulation de projets dans
les secteurs les plus rentables au détriment de la qualité des
soins et des services et le développement d'une médecine de
riches, la dégradation du réseau public et une hausse
considérable des coûts, il est loin d'être évident
que les gestionnaires privés feraient mieux que les gestionnaires
publics avec un même achalandage et les mêmes contraintes
bureaucratiques. Mais, plus fondamentalement, la privatisation porte atteinte
à un choix de société qui repose sur les deux grands
principes universels de justice et d'équité sociale.
On aimerait rappeler que l'accessibilité est tributaire non
seulement de l'existence de services mais également d'une meilleure
information sur les services et les ressources disponibles. Mais,
concrètement, il pourrait s'agir du développement d'un
véritable réseau d'information, réseau d'accueil, de
référence et de consultation pour favoriser l'utilisation des
services disponibles.
En dernier lieu, on désire soulever que, pour favoriser la
continuité des services, il est impérieux que le ministère
voie à redresser la situation de morcellement des soins vécue
actuellement dans le réseau. Les plans de services individualisés
prévus par l'avant-projet de loi sont certes souhaitables mais ne
pourront être opérationnalisés qu'en prévoyant des
ressources humaines et des ressources financières
nécessaires.
Pour ce qui est de la participation et dans une perspective d'une plus
grande démocratisation du système et pour permettre à la
population de mieux gérer sa santé, le ministère propose
de lui accorder une place plus importante au sein des instances
décisionnelles. Eh bien, il va de soi qu'on est favorable à des
structures décisionnelles qui se rapprochent de la population et des
personnes qui dispensent les soins. L'instauration de structures pour favoriser
la participation de la population n'est toutefois pas garante de la
présence et de l'efficacité d'une telle participation. Pour
donner réellement plutôt que symboliquement le pouvoir aux
citoyens, certaines conditions sont nécessaires. Entre autres, de mettre
sur pied des mécanismes de consultation de la population quant à
ses besoins, à ses priorités, de dispenser une formation
pertinente pour permettre aux représentants de la population de remplir
adéquatement leur rôle et fonction et de réserver à
ces représentants un nombre de sièges suffisants.
L'avant-projet de loi veut aussi favoriser la participation des
ressources humaines du réseau, mais celles-ci n'ont qu'un pouvoir de
recommandation aux instances décisionnelles. Pourquoi cette exclusion
systématique du personnel du réseau au sein des centres
décisionnels? On croit que des sièges devraient être
réservés aux travailleurs du réseau au sein des structures
décisionnelles reconnaissant ainsi l'importance de leur
expérience et de leur expertise.
Concernant les structures et la création des régies
régionales, la FIIQ adhère au projet de décentralisation
par la création d'un palier régional dans la mesure où il
garantit à la
population et aux ressources humaines une réelle emprise sur le
système de santé, qu'il fournit les moyens d'adapter les
ressources aux besoins régionaux et locaux et qu'il soutient une
véritable concertation entre les divers intervenants. Par contre, si les
régies régionales ont pour but de permettre au gouvernement de se
désengager en matière de santé, de limiter la marge
d'autonomie de chacun des éléments du système ou encore
d'obtenir uniquement une meilleure efficacité économique, la
décentralisation alors ne fera qu'amplifier les irritants du
système plutôt que de les amenuiser, et nous somme:, contre. Pour
nous, seul le gouvernement peut être garant d'une politique globale de
santé et de bien-être pour la population québécoise.
De plus, la FIIQ réaffirme ici son opposition à toute forme de
décentralisation de la négociation collective. La
décentralisation recherchée par l'instauration des régies
régionales ne doit pas non plus avoir pour effet de créer une
mobilité intrarégionale des ressources humaines. concernant les
conseils d'administration unifiés, si la fiiq se prononce, aux
conditions énumérées dans le mémoire, en faveur de
la décentralisation des décisions du ministère vers les
régions, elle ne voit pas la pertinence et l'utilité de diminuer
les pouvoirs des établissements de santé au profit des
régies régionales. une véritable décentralisation
doit non seulement allouer des pouvoirs supplémentaires aux
régions mais également permettre eux établissements
d'assumer la responsabilité de la programmation, de la planification et
de la distribution de leurs services. nous ne voyons pas le bien-fondé
de la création des conseils d'administration unifiés - on n'est
pas les seuls, je pense - et recommandons au ministère de maintenir les
conseils d'administration dans chaque établissement, redevables de leur
action directement aux régies régionales.
Maintenant, concernant plus particulièrement les
établissements, les centres d'hébergement et de soins
prolongés, la FIIQ est favorable à la création de centres
d'hébergement et de soins prolongés en autant qu'ils assurent une
meilleure distribution des soins et une meilleure adaptation des services aux
personnes âgées. Cela ne peut être réalisable que si
les normes du ministère concernant l'allocation des ressources humaines
qui oeuvrent dans les centres d'hébergement sont modifiées en
conséquence car actuellement elles sont insuffisantes pour
répondre aux besoins.
Eh bien, quant aux ressources matérielles, maintenant, les normes
sont déjà en deçà des besoins. En effet, le
ministère prévoit 5000 places supplémentaires d'ici dix
ans alors qu'aujourd'hui presque autant de personnes attendent un place en
centre d'hébergement. Par l'attribution inadéquate de ressources,
le ministère veut-il retourner à la communauté et à
la famille une partie de la clientèle visée? Ou, encore, compte-
t-il sur les centres d'hébergement privés pour pallier à
cette pénurie de ressources?
Dans le contexte actuel, la création de ce nouveau type
d'établissements vise davantage à libérer les lits des
centres hospitaliers de courte durée occupés par les personnes
âgées en perte d'autonomie. Pour qu'ils assurent un réel
bien-être à la clientèle visée, ces centres devront
disposer des ressources nécessaires pour répondre à une
meilleure distribution des soins et adapter leurs services aux besoins de cette
clientèle, les personnes âgées.
Maintenant, concernant les centres locaux de services communautaires.
Axés sur les interventions préventives, les CLSC, tels que
conçus par le rapport Castonguay-Nepveu, devenaient la porte
d'entrée au système de santé. Depuis ce temps, cependant,
un ensemble de facteurs ont miné, à tort, la
crédibilité des CLSC et d'autres organisations de soins, telles
que les polycliniques privées, ont fait leur apparition sans que
quiconque n'intervienne pour contrer ce dédoublement des services.
D'année en année, de sous-financement en sous-financement, les
CLSC ont perdu cette vocation première de prévention sociale et
sanitaire.
Si l'on considère la conjugaison d'éléments comme
le désengorgement des hôpitaux et le vieillissement de la
population, il y aura nécessairement alourdissement de la
clientèle et une demande accrue de services et de soins à
domicile dispensés par les CLSC. Des allocations budgétaires
insuffisantes laissent présager que les CLSC n'auront d'autres
alternatives que de lésiner sur l'engagement des ressources humaines et
sur la qualité et la quantité des soins à dispenser. Les
infirmières des CLSC seront inévitablement
pénalisées tant dans leur tâche que dans leur rôle
par cette recherche d'économie. SI le niveau actuel d'emploi demeure,
elles risquent d'être surchargées et obligées
d'évacuer tout le volet préventif de leur travail.
Le financement extrêmement limité des CLSC doit cesser,
sinon, cela va confirmer notre impression que le gouvernement ne compte pas
uniquement sur les CLSC pour répondre à la demande des soins
à domicile mais également sur les ressources du type familial et
sur le bénévolat, se dégageant ainsi progressivement de
ses responsabilités sociales et financières. Si le
ministère veut compter sur le support des réseaux naturels, il
doit prévoir des ressources financières et humaines en
conséquence. Par les mesures qu'il préconise, le ministère
suppose que les femmes seront davantage présentes au sein de l'univers
domestique et accepteront de revenir à une certaine forme de
bénévolat qui en découlera inévitablement. Ayant
durement acquis le droit au travail, malgré les lacunes qui existent,
comment croire que les femmes y renonceront facilement? Et, même si un
certain nombre de femmes ne sont pas sur le marché du travail, elles ne
sont pas pour autant disposées à assumer une augmen-
tation des tâches reliées à l'univers
domestique.
Nous croyons que l'allongement des heures d'ouverture des CLSC et la
forte demande pour les soins à domicile justifient que des budgets, des
ressources humaines et matérielles additionnelles soient allouées
aux CLSC et, de plus, nous réaffirmons notre recommandation à
l'effet que les services préventifs demeurent la priorité des
CLSC.
Maintenant, concernant les départements de santé
communautaire, les DSC demeurent le dernier bastion investi d'un mandat de
prévention, promotion et protection de la santé. Le
ministère doit donc maintenir et peut-être devoir augmenter le
nombre actuel de DSC, et leur procurer les ressources suffisantes pour qu'ils
puissent remplir adéquatement leur rôle de prévention et de
protection de la santé publique.
Maintenant, concernant les organismes communautaires. La FIIQ accueille,
avec grand Intérêt, l'intégration des organismes
communautaires et des autres ressources du milieu, du réseau. Cependant,
elle espère qu'il y a, de la part du législateur, une
réelle volonté de leur donner les moyens d'assumer leur
rôle, ce que ne laisse pas présager l'avant-projet de loi. Compte
tenu de l'apport important de ces organismes dans le système de
santé, ils devront disposer de budgets suffisants et posséder une
réelle autonomie de financement. Le financement ne doit, en aucune
façon, servir de caution à une ingérence gouvernementale
dans leur fonctionnement interne ou encore à un désengagement de
l'État vis-à-vis ses responsabilités. De plus, ils ne
devront en aucun cas être utilisés comme des ressources à
rabais. (12 h 30)
Les ressources humaines, maintenant. Depuis quinze ans, les conditions
de travail des infirmières et infirmiers se sont
détériorées. On en a largement fait part l'année
dernière. Les conséquences négatives d'une telle situation
sont nombreuses: le stress, la démotivation, l'émergence d'un
sentiment de dévalorisation. L'attitude des administrateurs du
réseau à leur égard ainsi que la place qui leur est
réservée dans le système et le rôle auquel elles
sont confinées ne sont également pas étrangers aux
problèmes vécus par le personnel infirmier.
S'il est vrai de dire que la charge de travail peut en partie
s'équilibrer par l'application d'une unité de mesure
appropriée, il l'est tout autant de penser qu'une saine gestion qui mise
sur la collaboration et le soutien entre les intervenants constitue le point
tournant des solutions sur la charge de travail. Eh bien, dans ce dessein, il
faut, bien sûr, influencer la mentalité de gestion dans le
réseau et forcer une organisation du travail basée sur le respect
des rôles réciproques et l'entente mutuelle entre les
intervenants. Il faut de plus mettre en place des structures et des
mécanismes qui assurent une participation réelle du personnel
concerné.
L'avant-projet de loi, par l'entremise des divers comités, des
conseils et plans, ne donne pas aux établissements les moyens de
concrétiser la participation de toutes les catégories de
personnel, et tout particulièrement des infirmières. En effet,
les comités prévus à ce projet ne reconnaissent nullement
un pouvoir décisionnel aux infirmières, pas plus d'ailleurs
qu'aux autres catégories des ressources humaines. Elles sont tout au
plus consultées quand c'est possible et n'ont pas droit de participer
à la décision finale.
La FIIQ considère que l'expérience et l'expertise de la
main-d'oeuvre infirmière méritent d'être mieux
utilisées. Nous voulons donc que le ministère leur accorde une
participation réelle et effective aux décisions inhérentes
à leur rôle, à leurs tâches et fonctions et leur
reconnaisse une voie décisionnelle au sein des différentes
structures.
Maintenant, en ce qui concerne le financement. L'avant-projet de loi ne
traite pas spécifiquement des sources de financement mais s'attarde
plutôt au processus d'allocation des budgets et de paiement des
ressources. Reste à voir, en fait, de quelles sommes disposera le
ministère pour réaliser sa réforme. Au moment du
dépôt des orientations ministérielles en matière de
santé et de services sociaux, mise à part la nécessaire
marge de manoeuvre de 2 % du budget régulier, les coûts
engendrés par chacune des mesures n'avaient pas été
évalués. De toute évidence cependant, ils
dépasseraient largement le budget dont pouvait disposer le
ministère. C'est inquiétant et qui paiera cette
réforme?
Nous ne sommes pas d'accord avec les nouvelles sources de financement,
tel que de faire assumer aux personnes qui ont causé un accident en
conduisant sous l'effet de l'alcool, entre autres, une partie des coûts
des soins qu'elles doivent recevoir ou encore celle d'imposer une taxe sur les
produits néfastes pour la santé. Blés constituent une
forme d'ingérence dans les habitudes de vie de la population et une
preuve supplémentaire que les déterminants sociaux et
économiques de la santé ne font pas partie des priorités
du ministère. Signalons au passage que des pénalités
devraient également et surtout être imposées aux industries
qui polluent de leurs déchets l'environnement. De plus, il s'agit ici
d'une forme de privatisation des soins et des services que nous ne pouvons
endosser.
D'autres manifestations de renforcement de la privatisation se
retrouvent également au chapitre du financement, telle la
création d'un fonds d'encouragement à l'innovation, laquelle est
empruntée à la gestion des entreprises privées pour qui la
passion de l'excellence et la gestion de la performance sont devenues le
leitmotiv. La FIIQ veut donc que l'universalité des services de
santé et des services sociaux soit préservée. Le
ministère doit donc renoncer à toutes sources de financement qui
auraient pour effet de privatiser
te système. Depuis quelques années, le gouvernement semble
éprouver certaines difficultés et des réticences à
assumer ses responsabilités financières. De plus, il glisse vers
la privatisation. Si sa volonté est de privatiser le système, eh
bien, qu'il le dise ouvertement afin de permettre des débats
élargis avec la population québécoise sur l'orientation
qu'il entend poursuivre. La population pourra alors, en pleine connaissance,
assumer ses choix.
Donc, pour conclure, l'avant-projet de loi sur la santé et les
services sociaux provoque davantage des modifications à la structure
administrative qu'une véritable réforme du système de
santé. De plus, il constitue dans sa version originale le
préambule de la privatisation des services. Une réorganisation
des structures actuelles du réseau est peut-être
nécessaire, mais elle doit cependant s'intégrer à
l'objectif d'améliorer la santé de la population et
d'éliminer les barrières d'accès aux services. Le
ministère doit donc réaménager l'avant-projet de loi dans
la perspective de préserver les acquis de notre système et
d'éviter toute spéculation quant à une éventuelle
privatisation.
Toutes les recommandations que vous trouvez dans votre cahier de
résumé de notre mémoire vont dans ce sens, et on
espère que le ministre va en tenir compte. Je n'avais pas prévu
faire le tour avec vous de toutes les recommandations qui sont dans le cahier,
en croyant que vous les aviez toutes lues de façon bien attentive. Et
vous savez que les recommandations qu'on fait sont vraiment en regard des
objectifs, des structures, des ressources, du financement ainsi que des
établissements.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Laval-lée. Ne
vous surprenez pas, exceptionnellement, je vais reconnaître M. le leader
de l'Opposition officielle, parce qu'il a déjà une autre fonction
qui l'attend. Alors, je vais reconnaître le droit de parole à M.
le leader de l'Opposition.
Une voix: L'ex-futur.
M. Chevrette: Ex-futur. Je voudrais d'abord remercier le ministre
de me permettre de vous questionner durant quelques minutes avant de vous
quitter. Je pense que, de plus en pius, on remarque que les groupes, surtout
ces derniers jours... Je ne sais pas si ce sont des hasards, mais, depuis une
semaine, on parle beaucoup plus de politique globale en santé qu'on en a
entendu parler dans les premiers mémoires. C'est peut-être une
coïncidence, mais c'est une heureuse coïncidence, en tout cas, qu'on
parle de politiques de santé, parce que je trouve que, les premiers
jours de la commission, on parlait beaucoup plus exclusivement en fonction des
statuts de chacun des groupes qui passaient, sans se préoccuper de
l'ensemble de la dimension santé comme telle. Ça, je trouve que
c'est intéressant dans votre mémoire; c'est clair. Votre
mémoire est très précis quant à vos
recommandations. On n'a pas à vous questionner sur les recommandations,
elles sont précises, elles sont claires. C'est sur ce qui n'y est pas
que je voudrais vous questionner. Vous êtes en faveur de la
décentralisation des pouvoirs, sauf que vous ne parlez pas de la
décentralisation de l'argent, par exemple, pouvant aller jusqu'à
la décentralisation des enveloppes de la RAMQ. Est-ce que ça vous
effraie? Est-ce que ça vous rassure? Qu'est ce que ça vous
fait?
Mme Lavallée: Au niveau de la décentralisation de
l'argent de la RAMQ, on pense qu'il y aurait intérêt à ce
qu'il y ait aussi une forme de décentralisation qui puisse aller
jusqu'au niveau des régies régionales, permettant,
peut-être, un meilleur contrôle quant à sa diffusion, et
permettre une certaine latitude au niveau régional quant à son
utilisation.
M. Chevrette: Au niveau de la présence des professionnels
au sein des conseils d'administration, vous dites que vous vous
réjouissez du fait que le ministre ait changé d'idée sur
la fusion des conseils; ça c'est clair. D'ailleurs, c'a
été clair assez rapidement. Mais la présence des
différentes catégories de personnels professionnels, est-ce que
vous la voyez permanente et absolument avec droit de vote, ou si vous acceptez
une présence pour donner une expertise, ou être au courant de tout
ce qui se passe, un peu comme la CSN le demandait avant, mais sans
nécessairement faire partie intégrante des conseils?
Mme Lavallée: Nous, ce qu'on souhaite, c'est de voir que
les salariés du réseau qui ont une expertise et qui sont
intéressés par les objectifs à mettre de l'avant dans
notre système de santé, ou bien les objectifs à mettre de
l'avant dans chacun des établissements, puissent avoir un pouvoir;
qu'ils ne soient pas utilisés seulement pour la consultation, mais
qu'ils puissent participer et avoir un véritable pouvoir
décisionnel au niveau des différents conseils d'administration.
Il est clair que, si on veut intéresser les gens et faire endosser les
objectifs d'un établissement et faire en sorte que les gens travaillent
dans un objectif commun, on doit leur donner une place beaucoup plus importante
que simplement les consulter et, peu importent les résultats de la
consultation, décider d'utiliser les budgets ou les ressources humaines
de telle et telle façon. Et, d'ailleurs, on est convaincus que la
très grande démotivation au travail et la grande
détérioration de la qualité des services qui sont offerts
dépendent entre autres, de la mauvaise utilisation qu'on fait des
ressources du milieu. On les consulte, et ça s'arrête là,
et on ne prend pas nécessairement en considération les
commentaires qui sont amenés par les différents
salariés ou les professionnels du réseau.
M. Chevrette: Rochon, d'ailleurs, écrit que l'un des plus
mauvais employeurs qu'il connaisse ce sont précisément les
autorités en matière de santé et de services sociaux. Sans
l'écrire de la façon dont je le dis, c'est un peu à
ça que revenait le jugement que portait la commisson Rochon sur
l'administration de la santé comme telle au Québec. Vous avez
vécu un dur conflit, et vous avez enfin signé une convention
collective. Quels sont les effets de l'application de la clause du
décret sur l'ancienneté sur le climat des relations du travail
à l'Intérieur des centres hospitaliers?
Mme Lavallée: Eh bien, je n'inventerai rien de nouveau. Je
pense que mon confrère, Gérald, est passé avant nous et a
parlé de l'état pitoyable dans lequel se trouve
présentement le climat des relations du travail dans les
établissements de santé, et je peux vous dire que j'ai le
même constat a amener Ici, devant la commission. Il y a une
détérioration très grande du climat des relations du
travail qui, à notre avis, a un impact aussi sur la qualité des
services offerts à la population. Il est clair que, quand des individus
se font toucher dans ce qu'il y a de plus Important dans leurs conditions de
travail quotidiennes, on ne peut pas leur demander une même souplesse et
une même prestation de travail avec autant de motivation. Il est clair
qu'il va falloir s'attarder très rapidement à cette
détérioration des relations du travail. Certains disent que des
conventions collectives sont une "enfarge" aux bonnes relations du travail.
Tout le monde est régi par des conventions collectives. Il y avait, dans
certains CLSC, certains hôpitaux, de très bonnes relations du
travail, malgré une convention collective assez encadrée, entre
les administrateurs, le réseau de ressources humaines et les
employés ou le syndicat. Avec l'avènement et l'application des
sanctions de la loi 160, il y a une dégradation très grande et
très rapide qui s'est instaurée. Et ça, on peut le
constater à travers le réseau en général. Donc,
à notre avis, il y a urgence à regarder le problème, la
situation. C'est un peu utopique de penser d'améliorer la qualité
des services si on ne tient pas compte des ressources humaines, qui sont les
principaux intervenants au niveau de la santé, qui participent au
maintien ou à l'amélioration de la qualité de la
santé de la population québécoise. La loi 160 en fait
complètement fi; ça c'est clair.
M. Chevrette: Je vais vous poser la question que j'ai
posée à la CSN. Il y a des relations assez tendues dans certains
centres hospitaliers du Québec entre, d'une part, votre regroupement et,
d'autre part, la profession d'infirmier et infirmière auxiliaire. Est-ce
que vous êtes prêts à collaborer, à trouver un
terrain d'entente pour que ce climat de tension... Parce que je pense que le
gouvernement n'y échappera pas. On continue à former des
infirmiers et infirmières auxiliaires et, à l'Intérieur de
certains centres hospitaliers, dans les nouvelles orientations, les nouveaux
objectifs qu'ils se donnent, c'est du personnel d'infirmiers et
d'infirmières qu'on recherche, de sorte qu'il y a "collision" entre les
deux groupes et c'est le climat à l'intérieur des hôpitaux
qui s'en ressent. Est-ce que vous l'avez à plusieurs endroits ou si
c'est spécifique à certaines régions?
Mme Lavallée: C'est plus spécifique à
certaines régions où il y a encore beaucoup plus
d'infirmières auxiliaires. Il y a certains centres, entre autres, dans
la région de Montréal ou de Québec, où il y a moins
d'infirmières auxiliaires que dans certaines régions
éloignées ou périphériques. Mais on sait que c'est
un problème qui existe et on devra le regarder. Je pense que la
délégation des actes, la description des tâches de chacun
des intervenants de la santé va devoir être regardée dans
le but que les gens travaillent davantage en concertation et en collaboration
plutôt qu'en confrontation et que chacun tire de son côté la
"couverte" pour s'approprier le plus d'actes possibles pour préserver,
à un moment donné, certains acquis.
Je pense qu'on a à regarder ça tous ensemble, mais la
Fédération est prête à s'asseoir avec les
différents intervenants qui oeuvrent dans le secteur de la santé
pour qu'on regarde et qu'on établisse ensemble les tâches qui
peuvent nous être dévolues et qu'on puisse s'entendre pour
travailler dans une véritable concertation, toujours dans un objectif
d'amener des soins globaux aux individus dans les établissements de
santé.
Ce qu'on demande au gouvernement, c'est d'avoir une vision globale et
d'amener une politique globale en santé. C'est la préoccupation
qu'on a comme intervenantes, dans chacun de nos centres, d'avoir à
travailler ensemble pour donner des soins globaux aux individus qui sont dans
chacun des lits, dans les établissements de santé.
M. Chevrette: Vous pariez des CLSC dans votre approche et vous
leur attribuez, à bon droit je pense, le rôle de
prévention. Mais que pensez-vous du rôle des CLSC comme porte
d'entrée première dans tout le système, un peu à la
manière dont votre confrère Larose l'a décrit avant
vous?
Deuxième question - parce que, si je ne vous la pose pas tout de
suite, je risque de ne pas avoir assez de temps pour la poser - j'ai
reproché à la commission Rochon de ne pas avoir
étalé au grand jour les aberrations ou les excès du
système, ce qui nous aurait permis, à mon point de vue, de
provoquer dans la population des volontés de changement. Vous qui
vivez
quotidiennement à l'intérieur de centres d'accueil, de
centres hospitaliers, quand on sait que l'argent sur le plan national est
limité, mais que les besoins sont immenses, quelles sont les aberrations
que vous constatez et que vous aimeriez voir corriger dans les meilleurs
délais pour voir de l'argent réaffecté aux bons endroits?
(12 h 45)
Mme Lavallée: Bon, concernant la première question,
pour ce qui est de la porte d'entrée des CLSC dans le réseau de
la santé, je pense que cette vocation devrait demeurer, associée
bien sûr aux services d'urgence qu'on connaît pour être en
mesure d'affecter les individus aux bonnes ressources du milieu. C'est ce qui
est urgent, à notre avis, de solutionner. Effectivement, les CLSC
devraient être aussi le lieu de prévention par excellence dans le
milieu. Les objectifs des CLSC devraient peut-être varier d'un milieu
à l'autre en fonction de la clientèle de chacun des quartiers.
Et, à notre avis, les CLSC sont loin d'être un dédoublement
de structures en fonction des établissements de santé qu'on
retrouve dans un territoire donné. C'est davantage un complément
de santé qui s'occupe particulièrement de la prévention,
quand on sait que nos urgences et nos établissements de santé
sont axés davantage sur la question curative. Et on
réitère l'importance de maintenir les CLSC comme étant la
porte d'entrée dans le réseau.
Concernant les aberrations du système, je pense qu'il y en a de
différentes sortes. On sait que, dans certains centres, la gestion des
finances est déficiente et la gestion des ressources humaines aussi.
C'est quelque chose qui serait à regarder. On sait qu'il y a une
minorité de travailleurs - les médecins, pour ne pas les nommer -
qui sont les plus grands bénéficiaires, en fin de compte, de
notre système de santé et qui ont des avantages tout à
fait personnels et pécuniaires à le maintenir comme ça. Et
je pense qu'il va falloir s'attarder... Je parle bien sûr de ia
rémunération des médecins et du non-contrôle qu'on
peut avoir et que le ministère a sur la quantité d'actes qu'ils
peuvent faire et la justesse d'en faire un plus que l'autre.
Et je pense qu'une des grandes lacunes, c'est la méconnaisance
des différentes structures qui existent dans le système de
santé auxquelles les gens pourraient se référer, entre
autres, la vocation des CLSC, de certaines polycliniques qu'on rencontre... Et
tout ça permettrait peut-être à la population de
s'acheminer vers les bonnes ressources plutôt que de se retrouver de
façon automatique dans les salles d'urgence. Je pense que c'est à
regarder. Mais, en tout premier lieu, ce qui est aberrant quand on parle de
politique globale, c'est de ne pas voir ou de ne pas sentir une
véritable volonté politique, une concertation entre les
différents ministères - que ce soient les ministères de
l'Éducation, de l'Emploi, de la Santé - qui ferait en sorte qu'on
pourrait travailler à réduire les irritants ou à
réduire les causes premières de la détérioration de
la santé de la population, qui sont souvent d'ordre social et
économique. Je pense que c'est là qu'il faut vraiment concentrer
davantage les énergies.
M. Chevrette: Un très beau contrat. Mme Lavallée:
Un gros contrat.
M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup, Mme Lavallée. Je
vous remercie, mesdames. Merci, M. le ministre, de m'avoir permis de poser des
questions.
Le Président (M. Joly): M. le ministre de la Santé
et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): je me devais d'avoir tout le
respect qu'on doit avoir pour un ex-ministre de la santé. quant à
l'ex-futur, on s'en reparlera!
M. Chevrette: On s'en reparlera!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est un
moment privilégié que de recevoir des représentants de la
FIIQ, ce matin, compte tenu de leur connaissance du réseau, de toute la
panoplie d'établissements qu'on peut imaginer à travers tout le
Québec et de toutes les régions du Québec.
Je vais commencer par la fin de votre mémoire, parce qu'à
la page 16 il y a un paragraphe qui me frappe, et parce que dans tout le
mémoire il y a des craintes exprimées que je voudrais tenter de
fouiller avec vous. Vous évoquez beaucoup la privatisation, comme si
c'était une des forces de l'avant-projet de loi ou de l'idée de
la réforme, alors que c'est évoqué, mais, quant à
nous - peut-être qu'on le voit sous un autre oeil - de manière
très marginale par rapport au reste. Et l'importance que vous y mettez
m'oblige, ce matin, à regarder plus à fond ce qui de
manière plus évidente à l'intérieur de
l'avant-projet de loi et des orientations vous laisse percevoir un
désengagement de l'État et un glissement vers le privé. On
l'a dit en commission parlementaire et on va continuer de le
répéter, puis on va tenter de le fouiller avec vous.
C'est pour ça que j'en arrive au dernier paragraphe de la page
16, où vous dites: "D'autres manifestations de renforcement de la
privatisation se retrouvent également au chapitre du financement telle
la création d'un fonds d'encouragement à l'innovation, laquelle
est empruntée à la gestion des entreprises privées pour
qui la passion de l'excellence et la gestion de la performance sont devenues le
leitmotiv. " Ce que j'ai toujours compris, moi, des infirmiers et
infirmières - pour avoir séjourné dans un centre
hospitalier à trois reprises dans deux ans -c'était ça, la
marque de commerce des infirmiers et infirmières: l'excellence et la
performance. Ça ne doit pas vous faire peur, parce que ce qui a fait la
force de votre dernière négociation, c'est la reconnaissance par
le public - vous en ave2 été les plus grands
bénéficiaires, abstraction faite de la loi 160, quant au reste,
à tout le moins - par la population que l'infirmière était
l'élément clé de la dispensation des services. Et si la
population le reconnaît, c'est parce qu'il y a excellence et qu'il y a
performance, qu'il y a des soins humanisés. Le contact humain, tu l'as
avec l'Infirmière à l'hôpital ou dans les différents
centres. Mais ça ne doit pas vous faire peur que ces notions-là
apparaissent en termes de performance et d'excellence au niveau du
réseau de la santé.
Mme Lavallée: Mais ça ne doit pas âtre que
sur ça qu'on doit se baser pour permettre de donner un financement, soit
à une organisation ou à du personnel. Je pense qu'on a largement
prouvé que l'intérêt qu'on manifeste au secteur de la
santé a fait en sorte qu'on a donné des soins de qualité,
indépendamment du salaire qu'on pouvait avoir et môme de la
reconnaissance de la valeur de notre travail. Ce qu'on ne veut pas, c'est que
ce soit ce barème-là seulement qui fasse en sorte qu'on soit en
mesure de rémunérer soit les administrateurs, ou le personnel de
la santé qui oeuvre dans les établissements. On ne pense pas que
ce soit la seule façon de motiver les gens ou d'en arriver à une
excellence. Je pense qu'il y a d'autres façons de procéder, et
Francine va peut-être élaborer davantage là-dessus.
Mme Dufresne (Francine): Au sujet des clauses spécifiques
de l'avant-projet de loi qui seraient plus précises en termes de
privatisation des services, on ne les a pas article par article, mais il y en a
quelques-unes qu'on peut relever. On en a mentionné une lors de la
présentation de notre mémoire qui était sur les OSIS. Les
OSIS, on n'en a pas parlé beaucoup à cette commission
parlementaire. Je ne me souviens pas de l'article précis du projet, mais
il y a quand même un article qui laisse une ouverture à ce genre
de projet d'organisations de soins intégrés de santé. On a
beau dire que les OSIS, telles que tout le monde les voit, c'est quand
même un système qui est intégré au système
public. Rien n'empêche que, quelque part, ces organismes sont
empruntés aux HMO américains. Ça, tout le monde le dit, je
pense qu'on n'apprendra rien à M. le ministre non plus. On pense que
ça peut non seulement instaurer une espèce de concurrence
à l'intérieur du système, mais que ça peut aussi
instaurer une espèce de concurrence dans les services à
distribuer et que ça peut créer, parce que... On dit aussi que
les individus et les bénéficiaires auront le choix d'y
adhérer, mais H faudra quand même, selon les
spécificités et les objectifs des OSIS, qu'ils soient davantage
en santé que quelqu'un qui ne l'est pas pour pouvoir faire partie d'une
OSIS.
Il y en avait d'autres. Il y en a deux qui me viennent à l'esprit
aussi. Il y a la création des centres d'hébergement de soins
prolongés, la fusion de certains centres de soins prolongés... En
tout cas, je ne me souviens plus exactement. Ce n'est pas la création de
ces centres comme telle qui nous pose problème, c'est plus les services
qui pourraient être distribués par l'intermédiaire de ces
centres qui pourraient faire appel aussi à des ressources
privées. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire.
M. Côté (Charlesbourg): j'aimerais qu'on soit plus
précis parce que, dans mon livre à moi, il n'a jamais
été question, d'aucune manière, que tous les services
cliniques soient donnés au privé. quand il a été
question d'expériences au niveau de la privatisation, que ce soit dans
des centres hospitaliers, que ce soit dans des centres d'accueil
d'hébergement, il a toujours été question de
cafétérias ou de buanderies, par exemple, ou de services qui
n'affectent d'aucune manière les soins cliniques donnés à
un bénéficiaire.
C'est pour ça que si c'était dans des soins cliniques,
oui, je partagerais votre inquiétude. Évidemment, lorsqu'on parle
d'expériences, on ne parle pas d'étendre ça à
l'ensemble du réseau demain matin. Ça n'a aucun bon sens pour la
simple et bonne raison qu'il y a des conventions collectives qui
régissent l'ensemble de ces travailleurs avec des conditions qu'on doit
respecter. C'est pour ça que votre crainte, à ce
niveau-là, tant pour les OSIS... Quand il a été question
des OSIS, il a été question d'expériences, dans des OSIS
publiques et non pas dans des OSIS privées.
L'idée de ça, évidemment - elle est discutable sur
la place publique, bien sûr - c'était de créer une certaine
forme de compétition dans l'offre de services, non pas dans la
multiplication, mais dans l'obligation d'offrir de la qualité en termes
de services à la population. Du fait que c'était public
plutôt que privé, la notion de profit, à ce
moment-là, était éliminée pour davantage tenter
d'avoir des soins plus organisés, avec toutes les réserves qu'on
peut avoir vis-à-vis l'expérience américaine, en tentant
d'éviter deux catégories de citoyens face à la
santé: ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas; c'est
évident.
Mme Dufresne: ce qu'il faudrait peut-être, c'est que ce
soit plus clair - parce que vous avez manifesté l'intention de revoir le
projet presque mur à mur, là, de fond en comble - qu'il n'y a pas
d'éléments de privatisation dans cet avant-projet de loi
là. ; je voudrais, peut-être, juste rajouter quel-
que chose en ce qui concerne la gestion de la performance et
l'excellence. C'est bien clair, comme vous le disiez, qu'une infirmière,
c'est une intervenante et une ressource qui essaie, dans la mesure du possible,
dans le contexte qu'on lui donne, avec les conditions qu'on lui donne,
d'assumer ses tâches avec excellence. Le problème n'est pas
là. Le problème, c'est que, dans les entreprises privées,
souvent, ce genre de prime à l'excellence est fait aussi dans le but
d'instaurer une certaine concurrence. Et on ne pense pas que, dans le secteur
social et dans le domaine hospitalier, la concurrence telle qu'on la voit dans
le secteur privé... La concurrence dans le social, ce n'est pas
nécessairement la meilleure chose à faire. C'est dans ce
sens-là, nous autres, qu'on le voit aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, écoutez, je
partage entièrement votre opinion. Prime au rendement dans le milieu
hospitalier... Peut-être que, sur le plan des administrateurs, ce serait
bon s'il y avait une prime au rendement. J'ai l'impression qu'on pourrait
peut-être sauver quelques piastres. Il n'est pas évident,
lorsqu'on parle de dispensation de soins directement aux
bénéficiaires, à ce moment-là, que ce soit...
Ça n'a même pas été envisagé. Donc, je veux
vous rassurer là-dessus.
Vous avez beaucoup évoqué - et je pense que le contexte
s'y prête bien - les relations à l'intérieur des
établissements avec les autorités. Vous dites: On est
consultés, mais on n'est pas dans le processus décisionnel ou
très peu. J'aimerais vous entendre davantage parce que, lorsqu'on parle
des autorités, ça peut faire référence à
bien du monde. Ça peut faire référence aux conseils
d'administration, ça peut faire référence aux DG,
ça peut faire référence aux DSP et j'aimerais vous
entendre davantage là-dessus parce que, effectivement, vous discutez
avec des médecins sur le rôle des infirmières sur le plan
individuel, bien sûr, et vous discutez avec des directeurs
généraux. Tout le monde admet que l'infirmière, c'est la
cheville ouvrière de tout le système. Évidemment, je suis
un petit peu étonné et, à l'occasion, ça nous
arrive d'avoir des appels téléphoniques d'infirmières
aussi, pour certaines réactions ou certains états de situation,
et ça semble très largement présent. Alors, on fait quoi,
demain matin, pour s'assurer qu'il y ait une meilleure
complémentarité, une meilleure coordination et pour que tout le
monde se sente davantage impliqué? Comment est-ce qu'on fait ça,
parce que, jusqu'à maintenant, on n'a pas réussi?
Mme Lavallée: Concrètement, ça peut se faire
à plusieurs niveaux. Il faut vraiment une volonté, par exemple,
de chacun des administrateurs d'être en mesure de partager un certain
pouvoir sur l'organisation avec les salariés qui y travaillent.
Ça, c'est clair: à partir du moment où il n'y a pas de
volonté de la part des administrateurs et qu'il y a une chasse
gardée très grande quant à tout ce qui concerne leur
établissement, c'est difficilement instaurable. Ça peut se faire
à différents niveaux - je parle dans un établissement de
santé - tant au niveau d'un département, où souvent, les
hospitalières avec du personnel-cadre de l'établissement tentent
de réorganiser les soins de santé ou l'organisation du travail
dans l'établissement... Pans certains départements, on consulte
les infirmiers là-dessus, dans d'autres, on ne les consulte pas et on
arrive avec un plan de réorganisation du travail qui nous concerne
directement dans notre quotidien et on doit le mettre en place, ce qui est
souvent voué à l'échec ou ce qui provoque beaucoup de
mécontentement. Donc, on voudrait qu'au moins à ce
niveau-là on fasse partie prenante d'un genre de comité de
réorganisation du travail dans les départements où on
travaille pour être en mesure de participer aux décisions
d'alignement de nouvelles organisations du travail. Ça, c'est une
chose.
La même chose peut se faire au niveau des conseils
d'administration des établissements de santé où le
personnel, y compris les infirmières, devrait avoir une place importante
au sein des conseils d'administration les représentant. Nous, ce qu'on
souhaite... On a des structures syndicales reconnues au sein des
établissements de santé, on est en mesure d'évaluer qu'on
est les porte-parole des infirmières des établissements de
santé par le biais de nos structures syndicales et on trouverait
important que des représentantes des infirmières élues au
niveau des assemblées syndicales puissent les représenter au
niveau des conseils d'administration.
Et, bien sûr, ce qu'on souhaite aussi, parce que vous me pariiez
des directrices de soins infirmiers des DSC, c'est que ces infirmières
et ce personnel cadre - vous allez peut-être être surpris de nous
entendre parler au nom des infirmières-cadres dans un
établissement de santé - aient une place beaucoup plus importante
au niveau des processus décisionnels. Dans certains
établissements, selon le pouvoir historique qu'elles ont eu ou non,
elles ont une place plus ou moins importante, mais il est clair que ce n'est
pas généralisé. On sait que les directrices des soins
infirmiers sont les cadres qui gèrent la plus grande partie du budget de
ressources humaines d'un établissement de santé et elles n'ont
pas plein pouvoir quant à la distribution des sommes et à
l'allocation des ressources. Donc, on souhaite que tous les intervenants au
niveau de la main-d'oeuvre en soins infirmiers soient davantage mis à
contribution au niveau des instances décisionnelles et non pas seulement
consultatives. Quand on dit "consultatives", ce n'est même pas
étendu partout. Qu'on consulte les infirmières ou même,
à certains moments, les directrices de soins
infirmiers sur de grandes réformes qui vont être faites,
pour lesquelles on nous consulte tout au plus mais on prend des
décisions sans qu'on y soit intégrées. Je pense que quand
on parle de concertation on a avantage à faire en sorte que les
représentants des différents groupes de salariés dans un
établissement de santé, comme on le disait tantôt, qui ont
une expertise et un intérêt pour la santé et, du moins,
pour rétablissement dans lequel ils travaillent quotidiennement puissent
participer, être mis à profit, beaucoup plus que ce qu'on
rencontre présentement.
Pour ça, c'est sûr que ça va demander de la part des
directeurs en place une plus grande ouverture et une moins grande peur de
perdre du pouvoir. On ne veut pas se substituer à leur droit de
gérance, pas du tout. Je pense qu'on sait où se trouve la place
des administrateurs d'un établissement de santé, et on ne veut
pas endosser toutes ces responsabilités et on ne veut pas non plus leur
enlever leur poste. Ce qu'on veut, c'est qu'on nous consulte davantage et qu'on
nous fasse participer au processus décisionnel d'orientation,
d'objectifs, d'allocation de ressources, à tout ce qui concerne
l'organisation du travail et tout ce qui nous touche dans notre quotidien.
M. Côté (Charlesbourg): Je suis obligé de
faire un choix quant à mes questions. J'en avais plusieurs en
écoutant votre présentation. Je parlerai de dédoublement
de services. Vous êtes présentes dans des départements de
santé communautaire, vous êtes présentes dans des CLSC.
Est-ce qu'il n'y a pas des fonctions qui sont actuellement dévolues aux
départements de santé communautaire qui pourraient l'être
aux CLSC, à partir du moment où, demain, on décide que
maintenant la porte d'entrée du système, c'est le CLSC?
C'est pour ça que je vais en accrocher une deuxième en
même temps. Parce que vous avez dit: Une réforme sans argent,
ça risque d'être une réforme qui ne se fera pas ou qui
n'atteindra pas ses objectifs. Je pars plutôt du principe que, avant de
demander des sommes additionnelles à mon gouvernement, je vais lui faire
la démonstration que ce que j'ai maintenant est bien utilisé,
qu'il n'y a pas dédoublement et ce sera plus facile d'en obtenir par
après. Est-ce qu'il n'y a pas là, entre départements de
santé communautaire et CLSC, des fonctions qui pourraient facilement
être faites par les CLSC et, par là, éliminer le
dédoublement de services et faire en sorte que les CLSC deviennent la
porte d'entrée?
Mme Fortler (Lucie): On a de moins de moins d'infirmières,
malheureusement, dans les DSC qui revendiquent une catégorie de
salariés très scolarisés, parce qu'ils font
énormément de recherche épidémiologique,
d'enquêtes environ- nementales. Les DSC s'occupent, habituellement d'un
secteur très large, d'un territoire beaucoup plus grand qu'un CLSC. Ils
ont un niveau d'intervention public, un niveau de conscientisation, une
recherche de solutions par rapport à des cas
épidémiologiques ou environnementaux importants: pollution,
sainte et sécurité du travail, et ainsi de suite.
Les CLSC ont une vie beaucoup plus communautaire. Ils sont une porte
d'entrée, oui, du système pour être capable d'orienter les
gens dans les différents services auxquels ils ont accès. Mais je
ne pense pas qu'il y ait dédoublement. C'est vrai que certains CLSC
s'occupent de prévention, entre autres, en santé et
sécurité du travail. Mais, jusqu'au moment où tous les
secteurs - nous l'espérons - deviendront sécuritaires en
santé et sécurité, les DSC vont avoir un boulot
très grand à faire. Si on veut demeurer en CLSC avec un objectif
prioritaire de prévention pour la communauté et aussi faire de
lui ce qu'il aurait dû être depuis le début, la porte
d'entrée du système et répondre aux besoins mineurs et
immédiats de la population pour désengorger le système
hospitalier, je ne pense pas qu'il puisse y avoir possibilité de
dédoublement si les rôles et fonctions de ces deux institutions
sont clairement définis. Je ne pense pas que l'un puisse
disparaître pour être totalement comblé par l'autre.
Le Président (M. Joly): Malheureusement, M. le
ministre...
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, ce sont des
discussions qu'on aura très certainement encore pendant une couple de
mois avant de prendre des décisions finales. Je me garde toujours la
liberté de pouvoir poursuivre des discussions avec les intervenants pour
fouiller des points un peu plus pointus. Mais, une chose est certaine, c'est
qu'on ne réussira pas à faire une réforme importante si on
ne tient pas compte du fait que les infirmières sont, comme tout le
monde le dit, l'élément indispensable du réseau, dans mon
esprit à moi, davantage que les médecins encore. Malgré le
fait que ce sont encore eux qui sont les mieux placés pour les
diagnostics, le rôle de l'infirmière pour le
bénéficiaire... Parce que c'est le bénéficiaire qui
doit être au centre de nos préoccupations en termes de
réforme, non pas l'infirmière, non pas le médecin, le
bénéficiaire. Je pense qu'on a encore un coup de barre à
donner assez important. Et on verra ce que ça va donner. On se
retrouvera très prochainement à une table de concertation et,
à en juger par les échanges qu'on a, je pense que ça peut
être profitable pour la société. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. À
mon tour, au nom des membres de cette commission, il me fait plaisir de
vous
remercier. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 16 h
30, en cette même salle. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 6)
(Reprise à 16 h 41)
Le Président (M. Joly): Mesdames, messieurs, bienvenue
à cette commission. Nous allons maintenant reprendre nos travaux. Je
vois que déjà, je pense, les gens qui représentent ie
Regroupement des directrices des écoles universitaires en sciences
infirmières sont avancés. C'est bien ça? Oui. Je vous
explique brièvement un peu la procédure. Vous avez une vingtaine
de minutes pour nous présenter votre mémoire de la façon
la plus concise possible après, je pense que la valeur de tout
ça, c'est dans l'échange. Alors, autant le côté
ministériel que le côté de l'Opposition se réservent
le privilège de vous poser quelques questions. Alors,
j'apprécierais si la personne qui représente le groupe pouvait
s'identifier et aussi nous Identifier les personnes qui l'accompagnent.
Regroupement des directrices des écoles
universitaires en sciences infirmières
du Québec
Mme Thibaudeau (Marie-France): Je suis Marie-France Thibaudeau.
Je suis la doyenne de la Faculté des sciences infirmières
à l'Université de Montréal. Mes collègues sont,
à ma droite, Mme Olive Goulet, qui était directrice de
l'École des sciences infirmières de l'Université Laval
jusqu'au 12 mars; maintenant, elle est profes-seure, elle a moins de
problèmes. Elle était présente lors de la rédaction
du document; alors, elle est venue. Mme Andrea Laizner, à ma gauche,
professeure à l'Université McGill et présidente de
l'Association canadienne des écoles universitaires de nursing pour la
région du Québec.
Alors, nous voulons d'abord vous remercier de nous offrir l'occasion de
participer à cette commission pour y présenter des explications
complémentaires à notre document. Avant d'entrer dans le sujet,
me serait-il permis de vous dire que nous représentons les directrices
de neuf écoles universitaires. Trois de ces écoles,
l'Université Laval, McGill et Montréal, ont des programmes de
formation initiale en sciences infirmières, et toutes . les neuf
écoles, qui incluent cinq campus de l'Université du Québec
et Sherbrooke, ont des programmes de baccalauréat pour les
infirmières et les infirmiers qui détiennent déjà
un DEC en techniques infirmières. Montréal et McGill ont un
programme de maîtrise en sciences infirmières, et ont
déposé au Conseil des universités et à la CREPUQ un
programme de Ph.D. pour former des chercheurs en sciences infirmières.
Et à l'Université Laval, on aura bientôt, aussi, un
programme de maîtrise en sciences infirmières.
L'association des écoles universitaires regroupe les professeurs
de cinq écoles et il y a quatre composantes de l'Université du
Québec qui sont sur le point de se joindre à cette association.
Nous voulons axer notre présentation sur quatre points: les objectifs du
système de santé; la place des services infirmiers dans ce
système, place qui n'existe pas dans l'avant-projet de loi ou presque
pas; la formation des infirmières et le rôle que jouent les
établissements de santé dans cette formation; et les rôles
que les infirmières universitaires peuvent exercer dans le
système.
Les objectifs du système de services de santé et de
services sociaux, tels que décrits dans le projet de loi, sont louables
et nécessaires, mais ils sont insuffisants. Comme nous l'avons dit dans
notre texte, un des problèmes fondamentaux du système de
santé, c'est son orientation axée davantage vers la maladie que
vers la santé. C'est un système qui est préoccupé
surtout par les services curatrfs et beaucoup moins par la promotion de la
santé et la prévention. On peut modifier et changer les
structures, et les pouvoirs ad nauseam, si on n'arrive pas à orienter le
système vers la santé et à établir des objectifs de
santé clairement définis, on ne pourra entraîner les
intervenants à agir dans ce sens, et on formera des professionnels qui
vivront des conflits importants dans les services.
La prévention et la promotion de la santé, comme on l'a
dit, devraient être l'objectif de tous les intervenants dans le
système. Il est évident que certains services, comme le CLSC et
le DSC, devraient avoir cette mission en priorité et que toutes leurs
activités, qu'elles soient curatives ou préventives, devraient
aussi être accompagnées d'interventions qui amènent la
clientèle à améliorer ses connaissances et ses
habiletés, à prendre soin de sa santé et de ses
problèmes de santé courants, à développer son sens
de responsabilité personnelle et sociale et à compter plus sur
ses ressources et sur son environnement que sur l'État. Il y a
évidemment des gens plus démunis qu'il faudra aider davantage
dans ce cheminement et les services devraient les aider davantage,
particulièrement les CLSC ' - qu'est-ce que ça veut dire, c'est
Hydro-Québec, ça? - mais il faut y mettre le temps et les
ressources, ce que beaucoup d'entre eux n'ont pas suffisamment.
Notre deuxième point touche l'absence des services infirmiers ou
presque dans l'avant-projet de loi. Nous ne voulons pas faire un grand
plaidoyer en faveur de la nécessité des soins infirmiers qui
constituent un service essentiel à la population. C'est une
évidence acceptée de tous. En tout cas, on le croyait, nous. Que
ce service, qui comprend le plus grand nombre de
professionnels de la santé dans le centre hospitalier, n'ait pas,
dans cet avant-projet de loi, son autonomie, une direction qui planifie,
dirige, coordonne et contrôle les soins nous préoccupe au plus
haut point, mais ne nous étonne pas quand on se rend compte que tout
l'avant-projet de loi est construit dans une optique médicale. On
décrit les fonctions du directeur des services professionnels en
beaucoup de détails. Quant au directeur des soins infirmiers, on
écrit: "II exerce les fonctions prévues au plan d'organisation et
aux règlements." Point. Article 103.
À l'article 104, on lit: "Si le plan d'organisation d'un centre
le prévoit, le conseil d'administration nomme, après avoir pris
l'avis du directeur général, un directeur des soins infirmiers"
et ainsi de suite. On ne serait même pas assurés que, dans un
centre de soins de longue durée ou un centre d'hébergement, il y
ait une directrice des soins infirmiers.
Dans les CLSC, quand le coordonnâtes d'un module qui a plusieurs
infirmières sous sa responsabilité n'est pas une
infirmière, comment peut-il contrôler, planifier, diriger,
évaluer des actes qu'il ne connaît pas? Et, surtout, comment
peut-il aider et conseiller son personnel infirmier? Si ce personnel infirmier
a une formation universitaire, la situation est plus facile, mais si ce
personnel est moins expérimenté ou est moins bien formé
pour exercer ses actes, que se passe-t-il? C'est assez facile de donner une
réponse.
Si on veut compter, comme l'avant-projet de loi le demande, sur la
participation de la population, sur une gestion participative, il faudra donner
aux infirmières la possibilité d'exercer pleinement leur pouvoir
de décision et leur capacité de leadership. Ainsi, on arrivera
probablement à contrer la pénurie d'infirmières.
Maintenant, Mme Goulet va vous expliquer le troisième point ayant
rapport à la formation.
Le Président (M. Joly): Allez-y, madame Goulet.
Mme Goulet (Olive): Ma collègue vous a entretenus de nos
vues concernant les objectifs du système de santé et de services
sociaux, et des pouvoirs qui, à notre avis, devraient légalement
être conférés aux directrices des services de soins
infirmiers. Les directrices des services de soins infirmiers sont nos
interlocuteurs privilégiés dans les établissements de
santé, lorsque nous cherchons à développer, à
consolider ou à améliorer la dimension pratique des programmes de
formation universitaire en sciences infirmières qui sont offerts dans
les universités québécoises. Ce sont aussi nos
interlocuteurs privilégiés lorsque nous voulons organiser les
stages de nos étudiants.
C'est ce qui m'amène à vous exposer nos inquiétudes
concernant le peu de place que le projet de loi fait aux responsabilités
des établissements du système par rapport à la formation
des professionnels de la santé, autres que les médecins. En tant
que gestionnaires d'unités d'enseignement et de recherche en sciences
infirmières, nous avons besoin des établissements de santé
pour mener à bien la formation des infirmières et des infirmiers.
Nous avons également besoin des milieux cliniques pour la recherche afin
de développer le savoir dans le domaine des soins infirmiers.
De prime abord, la désignation de centres hospitaliers
universitaires, à l'article 33, et d'instituts universitaires, à
l'article 37, paraît rassurante. Cependant, un examen attentif indique
qu'à l'exception de l'article 37, qui spécifie le rôle et
le statut des instituts universitaires, la loi ne confère pas de
responsabilités aux établissements de santé en ce qui a
trait à la formation des professionnels de la santé. Ainsi, par
exemple, à l'article 33, il est uniquement question de formation
médicale.
De plus, nous sommes étonnées et déçues que
les CLSC n'aient aucun mandat clair concernant la formation des professionnels
de la santé et des services sociaux. Ces établissements
implantés dans les milieux au coeur des problèmes de santé
de la population ont un rôle-clé à jouer dans l'atteinte
des objectifs du système et nous croyons que toutes les mesures
devraient être prises pour assurer leur consolidation. Nous croyons
également qu'ils devraient être facilement accessibles comme
milieux de stage pour nos étudiants, ce qui n'est pas le cas
présentement. Nous croyons que la loi devrait leur reconnaître une
responsabilité en matière de formation. Si nous voulons vraiment
que les futurs infirmières et infirmiers soient efficaces dans un
système qui préconise la désinstitution-nalisation, le
médecin dans le milieu, l'autonomie de la population en matière
de santé, il est nécessaire qu'ils aient accès à
ces milieux de pratique pendant leurs études, ce qui leur permettrait de
constater de visu ce que signifie la réalité quotidienne d'un
problème de santé.
Par ailleurs, autant dans les centres hospitaliers universitaires et les
instituts que dans les CLSC, il est impérieux que la reconnaissance
d'une responsabilité en matière de formation pratique des futurs
professionnels de la santé soit assortie d'un financement
approprié. En effet, les stages en milieu clinique engendrent des
coûts additionnels particuliers que ni les établissements de
santé ni les universités ne sont en mesure d'absorber
présentement. Dans un contexte de pénurie d'effectifs infirmiers,
il serait assez dramatique de refuser des étudiants ou de contingenter
les programmes de formation à cause de la difficulté de financer
la formation pratique. Enfin, même si nous éprouvons des
problèmes au chapitre de la formation pratique des infirmiers et des
infirmières qui sont étudiants à l'université, nous
arrivons à diplômer des professionnels qui ont une contribution
très riche à apporter au système, ce dont Mme
Laizner va vous convaincre, j'en suis certaine. Le Président (M.
Joly): Allez, madame.
Mme Laizner (Andrea): Le rôle de l'infirmière est
devenu tellement étendu. Les besoins de la population en matière
de santé sont la raison d'être de la profession
d'infirmière. L'accent étant placé sur la santé,
l'infirmière aide la clientèle à établir et
à atteindre ses propres objectifs de santé dans des situations
variées en milieu naturel et institutionnel. Toutes ces activités
du rôle de l'infirmière profession nelie visent à donner au
client et à sa famille le contrôle des décisions affectant
leur santé et à les aider à apprendre comment composer
avec leur situation de façon aussi à améliorer leur
qualité de vie. L'accès à cette formation universitaire
forme des infirmières avec des connaissances en sciences biologiques,
sciences humaines, sciences sociales, sciences infirmières qui leur
donnent une base de connaissances tellement compréhensives et aussi les
aide à comprendre la complexité de la situation de l'individu
dans notre société d'aujourd'hui.
Nous avons des exemples à vous donner au point de vue de ce que
l'infirmière peut faire au niveau de la population. Nous avons des
spécialistes cliniciennes qui comprennent la situation des personnes
âgées, la situation des personnes avec des maladies mentales; des
infirmières qui sont spécialisées aussi pour comprendre ce
qu'est l'effet d'avoir une maladie chronique lorsqu'il y a des membres de la
famille qui soignent ces individus à domicile. Souvent, ces individus
sont dans des états de confusion très difficile aussi pour ces
personnes et les membres de leur famille. Nous avons fait plusieurs
études et recherches qui démontrant que ces personnes, qui sont
des soignantes, deviennent souvent elles-mêmes des clientes de nos
services de santé. Nous avons aussi l'information que les
infirmières peuvent intervenir au niveau de l'utilisation du
téléphone avec des personnes qui veulent avoir accès, par
exemple, aux services de Urgences-santé. Ces infirmières sont
capables de faire le triage, avec l'effet, peut-être, que la famille peut
solutionner le problème sans avoir besoin de se rendre au service
d'urgence de l'hôpital.
Nous avons aussi l'exemple des infirmières qui interviennent chez
les personnes qui ont subi des infarctus coronariens et qui, maintenant, sont
capables de vivre sans beaucoup de morbidité, sans devoir avoir
accès à ce même type de services. Nous avons aussi des
exemples d'infirmières qui assistent des personnes atteintes d'un
cancer, qui peuvent vivre et retourner à une vie normale dans la
société pour longtemps. Si les personnes arrivent à la fin
de leur vie, nous avons aussi les services de l'Entraide Ville-Marie, à
Montréal, où les infirmières font des visites à
domicile et aident les familles à avoir une qualité de vie assez
normale, si possible.
Nous avons aussi des exemples où les infirmières sont
capables d'intervenir au niveau de la salle d'urgence, chez les familles
monoparentales. Maintenant, les jeunes enfants qui entrent dans les
écoles doivent voir aussi à prendre soin de leur santé.
Nous avons beaucoup de connaissances dans ce domaine.
Ce sont des exemples qui ne sont pas tellement expliqués. Ce que
je veux dire, c'est que, dans les services de santé, l'infirmière
joue un rôle "pivotai", l'infirmier aussi. Il est très important
de montrer à la population comment utiliser les services de santé
pour atteindre une meilleure qualité de vie.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Est-ce que vous
avez autre chose à rajouter?
Mme Thibaudeau: Je veux juste dire que, quand on dit le mot
"infirmière", ça inclut aussi le mot "infirmier", parce que, dans
notre tangage, le féminin inclut le masculin et inversement.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Lorsque nous avons eu à signer la convention
collective avec les Infirmières et les infirmiers, j'ai dit: Comment se
fait-il qu'on ne voie pas "infirmier"? C'est là qu'on m'a
expliqué la règle d'or qui fait qu'on se comprend bien
aujourd'hui.
Vous insistez sur le fait qu'au niveau du projet de loi il n'est pas
suffisamment fait état ou bien encadré qu'on veut
reconnaître la pratique de soins infirmiers de manière un peu plus
globalisante, comme le fait un projet de loi. Qu'est-ce que ça
changerait, demain matin, si on le faisait de manière plus explicite,
dans le quotidien, là?
Mme Thibaudeau: Bien, pour les services infirmiers - et
là, je pense à l'hôpital - à mon avis, vous auriez
une revalorisation dans cette fonction. À l'heure actuelle, ce qui se
passe dans les services, avec l'effet de la loi 27, les infirmières en
chef, par exemple, font beaucoup de choses comme s'occuper des ressources de
toute l'unité, faire un budget, tout ça, et c'est signé
par un médecin. Vous savez, quand on peut contrôler et dire
réellement: C'est moi qui planifie, qui gère ça et je le
contrôle, il me semble qu'il y a une valorisation à ça.
C'est comme si on était dans une sorte de dépendance, qu'on
n'était pas assez grands, capables de se débrouiller. Les
directrices des soins infirmiers, dans une large mesure, sont celles qui
mènent le milieu. Le danger de ne pas l'avoir dans la loi, c'est ce qui
va se passer après. Si, par exemple, on n'a pas la fonction de la
directrice des soins
infirmiers, avec les pouvoirs qu'une direction implique, eh bien, dans
le plan d'organisation, il n'y en aura peut-être plus. Je connais un
hôpital, à Montréal, où on a mis la directrice des
soins infirmiers dans une petite case en bas dans l'organigramme,
rôle-conseil, et les infirmières se sont mises à partir de
l'hôpital parce qu'elles ne voyaient plus bien qui était leur
directeur, à qui elles devaient répondre de leurs actes. Je pense
que ça peut devenir assez grave. Est-ce que ça... (17 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Ça me donne une
explication, mais jusqu'où faut-il aller? Parce que c'est ça, ce
n'est pas le fait de ne pas le faire. Je pense qu'on peut examiner la
possibilité, effectivement, sur le plan de la loi, de faire un bout de
chemin, mais jusqu'où doit-on aller, jusqu'où va-t-on en termes
de détermination de ses responsabilités par rapport au
médecin, on peut dire mais aussi par rapport à
l'infirmière auxiliaire qui, elle aussi, veut avoir sa place au niveau
du centre hospitalier?
Alors, je comprends le point que vous évoquez là et Dieu
sait les problèmes qu'on a sur le plan de la revalorisation de la
tâche de l'infirmière, à ce moment-ci, et tous les
problèmes qu'on a connus. Mettez-en 160 problèmes, si vous
voulez, on va finir par se comprendre. Mais est-ce qu'il y a une limite
où ça va être acceptable? Il y a des batailles assez
épiques, évidemment, dans les champs de compétence de
chacun. Comment fait-on ou jusqu'où va-t-on pour être capables de
le définir et, effectivement, de revaloriser le rôle?
Mme Thibaudeau: Moi, je pense à certaines petites choses,
par exemple; d'abord, écrire le rôle, les pouvoirs de la
directrice, qu'elle planifie, développe les soins, les gère, les
contrôle, déjà, ça va être énorme. Il y
a une autre chose; au conseil d'administration, moi, je pense qu'il serait
Intéressant, à cause de l'expérience que j'ai vécue
dans les conseils d'administration, que le directeur des services
professionnels et la directrice des soins infirmiers soient là parce que
ça informe les membres du conseil d'administration, qui sont des gens de
l'extérieur, sur réellement ce qui se passe dans une
institution.
C'est parce que, vous savez, quand vous arrivez sur un conseil
d'administration de l'extérieur, vous avez tous ces papiers, toutes ces
feuilles qui viennent du ministère, les formules financières, par
exemple, et ça vous prend presque un an à comprendre ce
système compliqué. C'est important pour ces gens-là de
pouvoir demander à ces personnes, qui ont les deux pieds dans la
tâche et qui le peuvent, de leur expliquer ce qui se passe. Et moi, je
pense que, dans les conseils d'administration, si vous aviez, bien, les gens de
l'extérieur, comme vous l'avez prévu, mais aussi ces deux
personnes, à mon avis, qui sont des personnes-clés, soit le
directeur des services professionnels et la directrice des soins infirmiers,
déjà, vous veniez une sorte de "feed-back" qui irait au
personnel, ce qui serait, à mon avis, avantageux.
Il faudrait les mettre quelque part dans les CLSC - et j'ai fait une
intervention par rapport à ça - où les travailleuses sont
en plus grand nombre et dans les soins de première ligne, sur le champ
de bataille, dans les milieux, ainsi de suite. Moi, je pense qu'il va falloir,
quelque part, qu'on dise qu'elles sont des membres à part entière
et que, dans les CLSC, quand il y a un module où il y a surtout des
infirmières, il faut que la personne responsable de ce module-là
soit une infirmière.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai
été...
Mme Thibaudeau: As-tu des choses à ajouter?
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Le Président (M. Joly): Oui, madame.
Mme Goulet: Ce que je dirais, c'est que les Infirmières,
dans les établissements de santé, que ce soit tes hôpitaux
ou les CLSC, sont peut-être les personnes qui ont la vue la plus globale
des répercussions d'un problème de santé sur le
vécu de la personne. À cet égard, je suis tout à
fait d'accord avec ma collègue pour dire que je pense que, dans le
projet de loi, le directeur ou la directrice des services de soins infirmiers
devrait avoir au moins la même importance que le directeur des services
professionnels. C'est comme si tout le vécu du système se
rejoignait dans ces deux personnes-là, les services professionnels
étant peut-être plus garants de la technique, de la technologie ou
du high-tech, si vous voulez, et les soins infirmiers plus garants du "high
touch". À ce moment-là, ils se rejoignent. Et ça, les
sociologues le disent depuis très, très longtemps.
M. Côté (Charlesbourg): C'est l'expérience
qui parie: high-tech, "high touch". J'ai été
particulièrement impressionné par une démonstration qu'on
a eue des directrices de soins infirmiers de quatre hôpitaux de la
région de la Montérégie où on a pu aborder un
certain nombre de problèmes très intéressants. Je ne veux
pas qu'on passe plus de temps sur cet aspect-là, malgré le fait
qu'il soit important, mais vous pariez de formation. Vous prenez soin d'en
parier longuement dans votre mémoire et de revendiquer un certain nombre
de choses sur le plan de la formation quant à l'accessibilité aux
centres hospitaliers universitaires ou aux instituts, par exemple, ou aux CLSC.
Selon mon souvenir - en 1968, j'étais au cégep de Matane et il se
donnait un cours pour infirmières à Matane - l'accès
direct à l'hôpital, à l'époque,
c'était automatique, sur le pian de la formation et des stages
qu'il fallait y faire. Ce que vous souhaitez, c'est qu'on ait davantage
accès aux ressources de? CHU sur le plan de la formation. Ça
signifie qu'aujourd'hui vous ne l'avez pas ou que ce n'est pas
institutionnalisé. Est-ce que c'est ça que je dois
comprendre?
Mme Goulet: Non, pas précisément. Je pense que,
traditionnellement, depuis la mise en place des programmes de formation
initiale dans les universités, à partir de l'année 1961,
on a eu une assez bonne collaboration des établissements de
santé, en particulier des hôpitaux. Seulement, maintenant, le
nombre d'étudiants augmente et ce qui se produit, c'est que les
hôpitaux sont tree, intéressés à avoir des
stagiaires, mais ça implique des coûts additionnels d'avoir des
stagiaires. En tout cas, dans la région de Québec, parce que
c'est celle que je connais le mieux, l'université a un contrat
d'affiliation avec les établissements hospitaliers. Les
établissements engagent le personnel, libèrent des
infirmières qui vont agir comme superviseurs cliniques et ça leur
coûte très cher. Il n'y a rien dans leur budget qui leur permet
d'assumer ces coûts additionnels. D'autre part, l'université les
rémunère jusqu'à un certain point, mais on a fait des
calculs encore récemment et il y a comme pas de commune mesure entre ce
que l'université est capable de payer, il n'y a pas moyen, à
l'heure actuelle, de combler le fossé, si vous voulez, qu'il y a entre
les coûts imputés à l'hôpital et ceux que
l'université est capable de rémunérer.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, vous avez
abordé la question, puis j'allais directement vers celle-là,
parce que j'allais poser la question: Quelle est la part, compte tenu que la
formation relève des universités, donc du MESS, de support sur le
plan financier qui est donné aux centres hospitaliers qui, eux, vont
accepter d'avoir des stagiaires, donc de fournir l'encadrement? Je pense que le
ministère de la Santé et des Services sociaux a une part de
responsabilité, mais, sur le plan de la formation, ça
relève d'abord et en tout premier lieu du MESS et, par
conséquent, des universités aussi. Alors, ce que vous nous dites,
c'est que c'est un problème d'argent au niveau des centres hospitaliers,
de sous-financement de la part du MESS quant à nos institutions pour
avoir l'encadrement qu'il faut au niveau des stages.
Mme Goulet: Oui, mais ce que je vous répondrais à
ça, c'est qu'en fait le ministère de la Santé est
l'employeur de tous les professionnels de la santé. Enfin, le sens de
mon intervention, c'est de dire: S'il vous plaît, comme vous êtes
l'employeur des professionnels que nous formons, insistez auprès de vos
collègues de l'éducation pour qu'ils reconnaissent, dans le
financement, les coûts qui nous incombent pour de la formation pratique.
Ce qui est incompréhensible, c'est que la formation pratique en
techniques infirmières au cégep, par exemple, est
financée, mais depuis les interventions, depuis les mémoires, pas
sur le Code des professions, mais en tout cas, on a dit qu'on ne pouvait pas
financer la formation professionnelle à l'université, mais les
stages sont indispensables dans le domaine de la santé.
M. Côté (Charlesbourg): Eh...
Mme Thibaudeau: M. le ministre, j'aimerais intervenir parce que
moi, j'ai une histoire encore plus complexe que la sienne parce que je suis
à Montréal.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Mme Thibaudeau: Dans le gros circuit...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui.
Mme Thibaudeau: ...où il y a 14 hôpitaux
affiliés à l'Université de Montréal.
M. Côté (Charlesbourg): Dans les grosses ligues.
Mme Thibaudeau: Oui, oui, et il y a des sommes, je le sais,
importantes qui s'en viennent à la Faculté de médecine de
l'Université de Montréal et qui s'en vont dans les
hôpitaux, mais nous, on ne les voit pas. Moi, je finance chaque stage,
chaque personne que j'engage qui s'en va à l'hôpital avec les
étudiants, ça vient de mon budget et je suis en
compétition avec tous les autres doyens dans l'Université de
Montréal, que ce soit en sociologie, que ce soit... Vous vous rendez
compte comment il faut se débattre. Le problème qu'on a, nous,
c'est qu'on n'a pas accès à des professeurs de cliniques parce
que les facultés de médecine ont des professeurs de cliniques non
payés, mais ils ont des droits d'accès à l'hôpital
et ils ont la "castonguette". On n'a pas ça, nous. Alors, vous vous
rendez compte que la situation est complexe. Ah! Ils nous disent: Vous avez des
bureaux, madame. Vous avez la photocopie. Peut-être que vous pouvez
utiliser la bibliothèque, mais à la bibliothèque, ce sont
des livres de médecine; ce ne sont pas des livres dont on a besoin.
Alors, vous savez, c'est compliqué.
M. Côté (Charlesbourg): Mais je trouve ça
intéressant par rapport à ce qu'on a entendu hier soir des doyens
des facultés de médecine qui, eux mêmes, venaient de nous
dire qu'ils étaient les parents pauvres du système. Mais ce que
je comprends...
Mme Thibaudeau: Je ne dis pas qu'ils ne sont pas pauvres, mais je
dis qu'on est plus
pauvres encore.
M. Côté (Charlesbourg): Non, d'accord, je comprends.
Non, non, je comprends parce que...
Mme Thibaudeau: Nous, on est défavorisés. Ha, ha,
ha!
M. Côté (Charlesbourg): Oui, parce que ce sont 14
000 000 $ actualisés que le ministère de la Santé et des
Services sociaux a transférés au MESS pour les CHU et les
instituts, et qui sont donc utilisés sur le plan de la formation. Donc,
ça, c'était notre part de responsabilité, quant à
nous, ce transfert au MESS, et c'est de l'argent, beaucoup d'argent, 14 000 000
$. Ce dont je me rends compte, c'est qu'il y a un problème particulier
au niveau de la formation des infirmières, qui est assez important et
qui n'a été soulevé par personne jusqu'à maintenant
de la manière dont vous le soulevez. C'est fort à propos parce
que, on l'a dit depuis le début, l'infirmière, c'est la cheville
ouvrière de l'humanisation des soins en plus au niveau des centres
hospitaliers et un peu partout. Donc, c'est un point qui méritait qu'on
s'y attarde parce qu'il m'apparait extrêmement important. Vous avez bien
fait de le soulever. J'ai pris quelques petites notes pour être capable
de fouiller davantage et, au besoin, je prendrai soin de vous
téléphoner pour m'en faire expliquer davantage.
Le Président (M. Joly): merci, m. le ministre. je vais
maintenant reconnaître le député de
rouyn-noranda-témiscamingue et aussi critique pour sa formation en
matière de services sociaux.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Effectivement, à
titre d'ex-recteur d'université, je peux confirmer au ministre qu'il y a
toujours l'éternelle course lorsqu'on arrive au stage pratique pour les
étudiants et les étudiantes qui sont Inscrits pas en techniques,
mais au niveau des programmes de sciences infirmières. C'est la bataille
avec les institutions pour l'accueil, d'autant plus qu'effectivement, par
exemple, au niveau de la formation des psycho-éducateurs, il y a une
compensation du ministère de l'Éducation qui est donnée
à l'institution pour payer l'encadrement au niveau des stages dans les
institutions de l'éducation ou des institutions similaires. Lorsqu'on
arrive au niveau des infirmières, de la formation dans les programmes de
nursing, on n'a pas ces mécanismes-là et, effectivement, on est
obligé de ronger un peu partout. Traditionnellement, ça se
traduit par l'appel, soit du recteur, ou du doyen, ou de la directrice de
l'école, dans l'hôpital ou dans les hôpitaux pour les
supplier, en quelque sorte, d'accueillir les étudiants et
étudiantes. Comme on dirait dans un langage peu châtié,
c'est une "run" que j'ai faite pendant dix ans, deux fois par année: en
octobre pour le stage 1 et, au printemps, pour les stages 2 et 3, dans les
programmes de sciences infirmières. Je suis bien content que le ministre
vous dise aujourd'hui qu'il va regarder ce problème spécifique
pour la formation au niveau du nursing.
Si vous le permettez, compte tenu que le temps passe très
rapidement et que nous allons être obligés de couper un petit peu,
j'irais sur d'autres aspects de votre mémoire, en particulier dans ce
qui est intitulé "Autres commentaires" à la fin de votre
mémoire, sur, justement, la pratique médicale. Vous questionnez,
je pense, à très juste titre, toute la pratique médicale
en cabinet privé par rapport à notre système en milieu
hospitalier et en milieu institutionnel en CLSC. Comment voyez-vous ça,
vous autres, l'arrimage de la pratique médicale en cabinet privé
avec le système? Quel serait le pivot sur lequel on devrait s'appuyer
pour définir le fonctionnement de l'un et de l'autre, puisque vous avez
aussi fait appel à une notion sur laquelle on a beaucoup insisté
devant cette commission, la notion de complémentarité? (17 h
15)
Mme Thibaudeau: Bon. C'est une question très complexe; je
ne l'ai pas étudiée à fond, mais il me semble que, quand
on regarde un système de santé, il faut en regarder toutes les
composantes. On ne peut pas regarder, d'une part, seulement les
établissements, puis, d'autre part, tout le système
parallèle qui est à côté. Il me semble qu'il y a une
relation très étroite entre les deux et elle n'est pas
regardée. Elle n'est pas dans l'avant-projet de loi et je pense qu'elle
n'était pas dans la commission Rochon non plus. Mais je me dis qu'une
fois pour toutes il va falloir regarder tous les morceaux ensemble. Je vais
vous donner juste un exemple. Par exemple, pourquoi faut-il avoir des
médecins dans un CLSC quand, à côté, on a trois ou
quatre cliniques privées? Pourquoi ne ferait-on pas des ententes CLSC et
cliniques privées où les infirmières font le triage, elles
regardent les patients et elles voient leurs problèmes? Parce que vous
savez que le quart des gens vont dans le système de santé pour
chercher le bonheur.
M. Trudel: Ha, ha. ha!
Mme Thibaudeau: C'est vrai! Ils viennent...
M. Trudel: Ou réduire leur malheur.
Mme Thibaudeau: ...et ils ont toutes sortes de problèmes,
mais, quand vous décortiquez tout ça, ça fait mal à
l'intérieur, ils ont mal à leur vie, puis, là, ils
s'emplissent de pilules et de tout ce que vous voulez, ils sortent avec des
pilules, en tout cas. Alors, quand vous commencez à décortiquer
tous ces problèmes-là, quand ils ont réellement un
problème de santé que les gens du CLSC ne peuvent pas
régler parce que c'est un
problème vraiment médical, vous téléphonez
à la clinique et vous dites: Dr Untel, je vous envoie M. Untel. Vous
allez le soigner et, si je peux vous aider, là, vous me le direz, on ira
faire une visite à domicile et ainsi de suite. Pourquoi ne fait-on pas
ce genre de choses? Là, on est après paqueter les CLSC de
médecins quand il y en a plein autour. On devrait s'en faire des
alliés, travailler avec eux tout le temps et ne pas faire des
systèmes parallèles.
Quand on voit des CLSC à l'extérieur... Je me souviens, il
y a quelques années, à Forest-ville, il n'y avait jamais de
médecins, mais il y avait des cliniques privées à
côté. Mais qu'est-ce qu'on fait? Vous savez, c'est complexe, je
n'ai pas les solutions, mais je pense qu'il faut, à un moment
donné, le regarder, le problème, et dire: Notre argent va
là-dedans aussi? Parce que vous savez que les gens font beaucoup de
marchandage d'un médecin à l'autre, surtout les personnes
âgées qui ont beaucoup de problèmes. Elles ont trois ou
quatre prescriptions de trois ou quatre médecins. Il faudrait qu'il y
ait une sorte de cohérence, là-dedans, de vraie
complémentarité.
M. Trudel: Je m'excuse, madame avait...
Mme Laizner: Un autre exemple que je peux donner, c'est qu'au
CLSC métropolitain, au module de Westmount, il y a un "Nurse Resource
Center" qui est complètement géré par des
infirmières et le service est donné les lundi, mercredi et
vendredi. Elles ont commencé il y a à peu près un an et
demi et elles ont énormément augmenté la clientèle
qu'elles reçoivent dans leurs locaux, et c'est seulement pour les
services infirmiers. Il y a d'autres ressources...
M. Trudel: C'est intéressant, ça.
Mme Laizner: ...professionnelles de santé aussi, dans ce
module, mais il n'y a pas de médecins qui rendent service dans ce
module, sauf en consultation.
M. Trudel: Dans la remarque globale que vous nous faites sur
l'articulation des deux parties du système, vous donnez l'indication
très précise que l'un et l'autre... et je parle surtout de l'un,
de tout le système privé, qui est quand même financé
par le système public et sans limite.
Mme Thibaudeau: Exactement.
M. Trudel: Alors, là-dessus, je pense que le ministre a
bien compris, quant au nombre de fois où on est intervenus ici et
où des groupes sont intervenus sur l'articulation privé - public,
services de première ligne en particulier, qu'il y a
définitivement un pan de la pratique - des pratiques dans les
systèmes de santé et des services sociaux - dans le
système que nous avons au
Québec, qu'il faut absolument encadrer. Nous sommes allés
jusqu'à nous interroger sur la question de l'obtention d'un permis quant
à la répartition des effectifs médicaux pour intervenir
dans le système de santé et de services sociaux, s'il y avait
lieu, au Québec. Il reste...
Mme Thibaudeau: M. Trudel, est-ce que je peux faire un autre
commentaire?
M. Trudel: Bien sûr.
Mme Thibaudeau: Par exemple, dans un CLSC, maintenant, quand,
supposons, on a un médecin qui part, ce dont on a besoin, ce n'est pas
d'un autre médecin, c'est de deux infirmières de plus pour les
soins à domicile, avec tous nos vieux qu'on ne peut pas assez aider.
Mais il faut le remplacer par un médecin, parce que bien, ça, ce
sont des fonds de la RAMQ. Alors, au conseil d'administration, on se fait dire:
Bien non, madame, on ne peut pas engager deux infirmières à la
place d'un médecin; la place est pour un médecin, même si
ce n'est pas de ça qu'on a absolument besoin.
M. Trudel: Parce que ça vient de l'enveloppe RAMQ; donc,
on doit engager sur pratique médicale.
Mme Thibaudeau: Ah! c'est ça. Moi, je pense qu'il faut que
ce système-là arrête.
M. Trudel: II y a tout un pan qui préoccupe
énormément là-dedans, et qui sera regardé, y
compris la façon dont, je pense, en tout cas, la RAMQ opère
actuellement ou devrait opérer. Le temps est extrêmement
limité, je ne peux pas me priver de la question quant à une
recommandation ou à une remarque que vous faites à la page 5, sur
le rôle des CLSC. Vous nous dites, aujourd'hui: Les CLSC ne peuvent
remplir entièrement leur mission sans dispenser des services sociaux.
À cet égard, il faudrait les pourvoir en ressources pour
réaliser cette mission-là. Mais qu'est-ce que vous faites des
CSS...
Mme Thibaudeau: Vous savez, c'est parce que je viens de
Montréal.
M. Trudel: ...dans le portrait, là?
Mme Thibaudeau: Si je venais de l'extérieur de
Montréal, j'aurais moins de problèmes. C'est le problème
de Montréal, ça, où les services sociaux n'ont pas
été transférés dans les CLSC. Alors, on a
énormément de problèmes sociaux, de problèmes qui
nous arrivent comme des problèmes de santé, mais qui sont
fondamentalement des problèmes sociaux, et là, il faut faire des
références, des transferts. Si on avait des
travailleurs sociaux, avec nous, ce serait, il me semble, plus facile
à régler. Bien, il y a des gens qui ne sont pas d'accord, mais
moi, je pense que ce serait plus facile à régler.
M. Trudel: En vous remerciant, parce que le temps file
rapidement, mais en vous disant aussi qu'il y a eu un cadre de partage ailleurs
et qu'il y a souvent les mêmes problèmes aussi, même par
rapport aux régions qui n'ont pas eu de cadre de partage. Il y a quelque
chose, en termes de coordination et de duplication des services, qui est
à réviser très rapidement dans cet ensemble-là,
pourvu qu'on décide que le CLSC est véritablement le point
d'ancrage, la porte d'entrée.
Merci beaucoup de votre contribution. Malheureusement, c'est un peu
rapide.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
En conclusion, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. On va
regarder de très près les problèmes reliés à
la formation, compte tenu du fait que, comme tout le monde le dit et tout le
monde le vit, l'infirmière occupe une place extrêmement Importante
dans le système. Sur le plan de la législation, je vais regarder,
il y a des points que vous avez soulevés qui m'apparaissent suffisamment
importants pour que l'on se penche à nouveau sur vos propositions.
Mme Thibaudeau: Je veux dire qu'il y a des composantes de
l'Université du Québec qui s'en viennent avec des programmes de
formation initiale, alors, de grâce, aidez-les.
Le Président (M. Joly): Merci, mesdames. Au nom, disons,
des membres de cette commission, je vous remercie pour votre participation. Je
demanderais maintenant aux gens représentant l'Association des centres
hospitaliers et centres d'accueil privés du Québec de bien
vouloir s'avancer, s'il vous plaît.
Bonjour, messieurs. Bienvenue à cette commission. Alors, vous
avez 15 à 20 minutes pour présenter votre mémoire et,
après, le temps qu'il nous reste servira à vous poser des
questions. Alors, j'apprécierais si la personne responsable pouvait se
présenter et aussi introduire les gens qui l'accompagnent.
Association des centres hospitaliers et centres
d'accueil privés du Québec inc.
M. Ouellet (Claude): Bonjour, je suis Claude Ouellet,
président de l'Association des centres hospitaliers et centres d'accueil
privés du Québec. Je vous remercie de nous avoir invités
à vous présenter notre mémoire et à venir
répondre à vos questions. Nous sommes très contents
d'être parmi vous aujourd'hui. Je vous présente les personnes de
notre conseil d'administration qui m'accompagnent: à ma droite, M. Jean
Bernard Breault, vice-président; à ma gauche M. Yves
Bédard, secrétaire-trésorier; à l'extrême
gauche, M. Guy Joly, administrateur, et, à l'extrême droite, M.
Jacques Héiie, directeur général de l'Association.
Notre Association représente plus de 100 établissements
à travers le Québec, qui opèrent environ 7000 lits et
regroupent les différentes vocations, à savoir les centres
d'accueil d'hébergement, les centres d'accueil de réadaptation,
les centres hospitaliers de longue durée et les centres hospitaliers de
courte durée. Nous remercions le gouvernement de nous avoir permis
d'être associés aux étapes qui ont permis d'arriver
à cet avant-projet de loi. Nous tenons aussi à souligner que nous
reconnaissons d'emblée l'importance des différents principes qui
ont servi de base au système actuel, comme l'accessibilité
universelle, la gratuité des services et l'intégration des
services de santé et des services sociaux. Tels que définis dans
l'avant-projet de loi, nous trouvons primordial que la nouvelle loi contienne,
en plus des objectifs de production de services, des objectifs reliés
à la réduction des problèmes de santé et de
bien-être.
Les différentes études et consultations nous ont
démontré que le réseau connaissait encore certaines
difficultés reliées particulièrement à l'absence
d'objectifs définis et de priorités à long terme, à
l'ambiguïté du rôle de certains partenaires, au manque de
communication entre les services de planification et d'allocation de
ressources, à l'alourdissement de la clientèle, au manque de
ressources, à l'engorgement des urgences, à la
démotivation des ressources humaines, à la vétusté,
la sécurité et la fonctionnalité du parc immobilier,
à la diversification des sources de financement et au
développement anarchique du réseau.
L'analyse que nous avons faite du projet de loi a été
orientée pour trouver la solution qui correspond le mieux aux besoins
des personnes, tout en tenant compte des réalités actuelles et
celles à venir. Les différentes ressources concernées,
tant publiques que privées, les organismes communautaires et tous les
autres intervenants devront encore davantage être ouverts à la
participation et au partenariat.
Au niveau de la décentralisation, nous constatons, avec d'autres
intervenants, la difficulté de gérer le réseau de
façon centralisée. Ainsi, dans les dernières
années, le réseau a été développé en
fonction d'une réponse à la demande. Quoique notre système
de services de santé et de services sociaux se voie qualifier comme l'un
des meilleurs au monde, le réseau actuel est aux prises avec des
problèmes sérieux. Ainsi, les besoins sont sans cesse
grandissants et les coûts reliés aux services sont de plus en plus
élevés. Par contre, la capacité de paiement de la
population va en diminuant. L'avant-projet de loi
prévoit favoriser la participation de la population à
l'instauration, à l'administration et au développement des
services socio-sanitaires. Il ne faudrait pas oublier d'indiquer clairement la
nécessité d'impliquer la population dans la prévention. On
précise également le droit fondamental d'un individu à
recevoir des services de santé et des soins adéquats, mais il
serait nécessaire que l'on précise davantage les limites en
rapport avec les droits de la collectivité et ses capacités de
paiement. Le législateur nous indique l'importance d'informer la
population de l'existence et de l'utilisation des ressources disponibles afin
de maximiser l'utilisation rationnelle de ces services. Il s'agira, ici, de
préciser qui aura la responsabilité d'informer les personnes en
besoin et de les renseigner sur l'obligation collective et individuelle de se
maintenir en santé.
Les régies régionales, telles que proposées dans la
loi, succéderaient aux conseils régionaux actuels et, tout en
conservant les mêmes pouvoirs et fonctions, elles verraient, cependant,
leur rôle élargi. Nous sommes d'accord en ce qui concerne une
certaine décentralisation reliée aux programmes et au plan
d'organisation, mais nous nous "objectons" à la décentralisation
des budgets pour le secteur privé conventionné qui permettrait
à la régie, à même les enveloppes budgétaires
transmises par le ministre, d'allouer et de contrôler les budgets des
établissements. Ainsi, les établissements privés
conventionnés doivent donc continuer à être redevables au
ministère de l'observance ou de l'inobservance des obligations contenues
aux conventions.
Il est évident que nous ne pouvons nous "objecter" à la
démocratisation du réseau, à la participation de la
population et des intervenants au processus de consultation et de concertation,
mais nous préconisons davantage une redéfinition des rôles
de tous les intervenants, à savoir le ministère, les instances
régionales et les établissements, afin d'éviter toute
ambiguïté, tout dédoublement et chevauchement. Il y aura
lieu, également, de renforcer les structures régionales de
consultation et de concertation, permettant ainsi au ministère de
considérer les capacités et les besoins régionaux dans
l'élaboration des programmes. Par la suite, les instances
régionales se verraient mandater pour la réalisation des
programmes tant nationaux que régionaux. Elles deviendraient des agents
de la couronne provinciale sous le contrôle du ministère de la
Santé et des Services sociaux. Cette déconcentration
administrative permettrait au ministre et au gouvernement d'assumer leurs
responsabilités de maître d'oeuvre du régime.
La réforme des conseils d'administration. Cette proposition
oriente le système de santé et des services sociaux dans la
direction d'une meilleure intégration des services et favorisera la
rationalisation de leur administration. En effet, cette mesure éliminera
toute tendance individua- liste des établissements d'un même
territoire, ainsi que la duplication et le dédoublement inutiles des
ressources. Cette fusion administrative permettra une meilleure
équité dans la distribution des services et la
complémentarité interétablissements. (17 h 30)
Au niveau de l'organisation des ressources humaines, étant
donné que notre réseau est à 80 % des services
dispensés par des ressources humaines et que le développement de
services se 'dit en bonne partie par l'addition de ces ressources, il faut donc
rendre nos ressources plus efficientes et efficaces, et les agencer de
façon plus productive. Il faut donc être innovateurs,
créateurs et dynamiques dans un réseau où la gestion des
ressources humaines n'a été confinée qu'à la
gestion des conventions collectives depuis plusieurs années.
Un nouveau partenariat avec l'entreprise privée. L'avant-projet
de loi préconise un nouveau partenariat avec l'entreprise privée
pour solutionner les problèmes dus au vieillissement et à
l'alourdissement de la clientèle, ainsi qu'au manque de places pour
héberger les personnes âgées qui occupent des lits de
courte durée. Il mise sur des ressources existantes, tels les organismes
communautaires, les cabinets privés, les polycliniques, les familles
d'accueil, le secteur privé conventionné, et sur un nouveau
concept: les résidences agréées pour personnes
âgées. Nous sommes heureux de constater que le gou-gouvernement
mise sur l'entreprenariat du secteur privé et qu'il lui reconnaisse une
place plus importante dans le réseau de la santé. Je me
permettrai de souligner ici l'excellent travail de nos membres qui ont su
répondre aux attentes de la population et du ministère. En effet,
ils ont construit dans des temps records des établissements pour
permettre, principalement, le désen-gorgement des urgences et
également pour répondre aux besoins de la population dans les
régions où les services étaient déficients.
La complémentarité. De nouveaux liens devront se tisser
entre le réseau privé et public eu égard au processus
continu de complémentarité dans la distribution des services
à la clientèle. La véritable concertation se fera au sein
des instances régionales et devra permettre la reconnaissance des
différences tout en tenant compte des similitudes.
Des différences. À la base, les deux réseaux
devront respecter mutuellement leurs différences, comme la forme de
budgétisation du réseau privé conventionné avec ses
règles budgétaires spécifiques, l'autonomie de gestion
puisque la responsabilité financière des propriétaires y
est directement reliée; les propriétaires possèdent les
équipements, ainsi que les installations et ont fait des investissements
très importants au fil des années. Nous demandons donc au
législateur d'être vigilant dans le libellé des articles de
loi afin que les modalités de financement du secteur
privé conventionné soient respectées dans leur
globalité.
Des similitudes. Quand on préconise de nouvelles avenues, il
Importe de s'assurer que les objectifs de qualité de soins,
d'accessibilité aux ressources continuent d'être une
préoccupation constante dans notre système de santé.
Ainsi, la loi devrait également prévoir des similitudes au niveau
du processus d'admission des clientèles, des évaluations des
clientèles et du contrôle de la qualité.
Le processus d'admission des clientèles. D'une ressource à
l'autre, il ne faudrait pas y retrouver le môme type de clientèle.
Prenons l'exemple d'une personne qui nécessiste entre 3 et 3,5
heures/soins et nous serons davantage en mesure de faire la
démonstration du chevauchement de clientèle qui existe
actuellement. Dans la panoplie de ressources, nous pouvons tout aussi bien
retrouver cette personne à domicile avec le programme SIMAD, le service
intensif de maintien à domicile, en famille d'accueil
accréditée par le CSSS, en pavillon rattaché au centre
d'accueil public, en résidence sans permis, en centre d'accueil
autofinancé, en centre d'accueil privé conventionné et en
centre hospitalier de soins de longue durée privé
conventionné ou public.
Lorsqu'on alloue des sommes considérables pour maintenir à
domicile une personne en perte importante d'autonomie, ne serait-ce pas au
détriment d'une clientèle plus légère qui, ne
recevant pas les services, doit alors recourir à l'hospitalisation? N'y
a-t-il pas lieu de se questionner aussi quant au fait que des personnes
nécessitant plus de 2,5 heures/soins se retrouvent dans des ressources
comme des familles d'accueil, des pavillons ou des résidences sans
permis, alors que ces ressources ne possèdent pas l'infrastructure
suffisante pour fournir les soins requis?
Si l'on part d'une réalité nouvelle, il faudrait s'assurer
que la clientèle en perte importante d'autonomie se retrouve dans les
établissements d'hébergement et de soins de longue durée,
puisque ceux-ci possèdent l'infrastructure clinique et
thérapeutique suffisante pour la dispensation des soins et des services.
Bref, la bonne clientèle à la bonne place. Ce qui revient
à dire que, d'une place à l'autre, nous devrions retrouver des
types de clientèle différente.
Pour ce faire, nous proposons qu'un plafond heures/soins soit retenu.
Ainsi, par exemple, dans les CLSC, familles d'accueil ou pavillons, un
bénéficiaire nécessitant plus de 2 heures/soins serait
référé au programme régional d'admission. Nous
proposons que, dans les résidences agréées, des
allocations financières suivant la nature des services offerts soient
attribuées pour des bénéficiaires ne nécessitant
pas plus de 2,5 heures/soins. S'il n'y a pas de limite, quel serait l'incitatif
pour le promoteur de travailler à garder l'autonomie du
bénéficiaire puisque plus celui-ci serait en perte d'autonomie,
plus la subvention augmenterait? En parallèle, on retrouve le même
problème, entre autres, avec la clientèle handicapée
intellectuellement. Des personnes lourdement handicapées, soit sur le
plan du comportement et/ou au niveau fonctionnel, se retrouvent dans des
ressources inadéquates, car celles-ci ne possèdent ni le
personnel spécialisé, ni l'infrastructure suffisante pour fournir
les soins requis.
L'évaluation de la clientèle. D'une ressource à
l'autre, on doit évaluer de la même façon. Afin
d'établir la concordance entre les différents types de
clientèle recevant des services du réseau et en vue d'assurer la
continuité dans le plan de services, il est essentiel d'utiliser la
même grille d'évaluation, ce qui permettra d'avoir un langage
commun et aussi d'orienter le bénéficiaire vers la ressource la
plus appropriée pour répondre à ses besoins.
Du contrôle de la qualité. On doit aussi s'assurer d'un
contrôle de la qualité, car l'ensemble des ressources du
réseau tant publiques que privées devraient avoir l'obligation de
se conformer à des normes précises et à des
critères d'assurance et de contrôle de la qualité.
Nous vous soumettons ces commentaires puisque, à la lecture de
l'avant-projet de loi, nous n'avons pas l'assurance que toutes ces nuances ont
été considérées. Nous tenons aussi à attirer
la vigilance du gouvernement. La mise sur pied rapide de nouveaux lits ne
réussira pas à combler tous les besoins. D'autres prises de
décisions importantes doivent être mises de l'avant
simultanément, eu égard aux problèmes de
sécurité, de vétusté et de fonctionnalité
des établissements existants. D'autres mesures, telles les
relocalisations d'établissements et les rénovations majeures,
devront être envisagées pour répondre à la
clientèle lourde. Nous croyons que chaque type de ressources a ses
limites et que, nonobstant les autres mesures précédemment
énumérées, les établissements d'hébergement
et de soins de longue durée continueront, grâce à leur
infrastructure et à l'expertise développée, au fil des
années, à être les seules alternatives valables pour
répondre à la clientèle en perte importante
d'autonomie.
Nous vous remercions de votre attention et nous espérons que vous
considérerez nos propos. Maintenant, les membres du conseil
d'administration et le directeur général sont disponibles, si
vous le désirez, pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Ouellet. M. le ministre,
s'P vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. 7000 lits, c'est
très important, quand on pense que notre objectif, s'il n'est pas
révisé, pour être capables de prendre le tournant au
début de l'an 2000, c'est 5000 lits additionnels. C'est pour vous
donner toute l'importance de votre présence, en terme de
lits.
On a entendu plusieurs intervenants, durant la commission parlementaire,
venir nous dire craindre, de manière très importante, que le
gouvernement du Québec glisse dans la privatisation ou aille dans la
solution du privé. J'ai bien compris que, là, on avait affaire
à des gens du privé conventionné par rapport au public.
Qu'est-ce qu'on doit craindre des établissements privés
conventionnés par rapport au public?
M. Breault (Jean Bernard): Je pense que, déjà, le
gouvernement s'est assuré des garanties. Je ne pense pas qu'il y ait de
crainte à avoir au niveau des établissements privés
conventionnés. Le ministère s'est déjà
assuré des garanties. Quand on pense à la composante clinique,
qui est une composante fermée pour que les heures et les soins directs
aux bénéficiaires ne soient pas affectés, je pense que
ça, c'est une chose dont le ministère s'est assuré. On
parlait aussi, dans notre mémoire, des problèmes de
qualité ou du contrôle de la qualité. Nos
établissements n'ont pas peur du contrôle de la qualité,
ça s'est déjà fait dans le passé, on a les
mêmes normes que le secteur public, alors ça ne pose pas de
difficulté. On pense que ça devrait être augmenté,
mais ça existe déjà. Donc, les garanties sont
déjà présentes. Par ailleurs, il y a peut-être des
avantages dans le secteur public, dans certains cas, mais, dans le secteur
privé, il y a des avantages: rapidité de gestion,
imputabilité des administrateurs, ce genre de choses là. Je pense
qu'il n'y a pas de danger dans le réseau privé
conventionné. Les dangers, vous les avez déjà
contrôlés, je pense.
M. Ouellet: Lorsqu'on parle aussi d'augmenter le contrôle
de la qualité, on faisait référence surtout aux ressources
déjà existantes. À notre sens, on est bien certains que
ça prendrait encore plus de contrôle de la qualité pour
éviter des abus ou pour s'assurer que les services soient bien
dispensés. C'était dans ce sens qu'on les amenait.
M. Côté (Charlesbourg): Si c'est vrai dans le
privé, c'est aussi vrai dans le public. Ce n'est pas exclusif au
privé. Le contrôle de la qualité, il faut qu'il se fasse
partout. Donc, les craintes ne doivent pas être sur la qualité des
soins cliniques dispensés aux personnes. C'est ce que vous nous
dites.
M. Ouellet: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Qu'est-ce qui fait que le
privé que vous êtes réussirait à produire la
même qualité de services aux bénéficiaires? Parce
que notre objectif est d'abord le bénéficiaire, une bonne
qualité de soins dans des établissements bien
gérés, bien fonctionnels.
Qu'est-ce qui fait qu'il en coûterait moins cher d'aller vers du
privé conventionné que vers du public? Ce n'est certainement pas
uniquement le niveau de taux d'encadrement.
Je vais vous la poser d'une autre manière. Tantôt, on va se
faire dire: Tant qu'à aller au privé, si ça coûte le
même prix qu'au public, restez publics, pour la même qualité
de soins. D'après ce que je comprends, l'intérêt d'aller
dans certains centres privés conventionnés, c'est que pour
l'État ça coûte moins cher. Qu'est-ce qui fait que
ça coûte moins cher dans les privés conventionnés
par rapport au public?
M. Breault: II est certain que vous avez, d'abord, des domaines
où c'est restreint; la composante clinique, je le disais tantôt,
est une composante fermée, compte à compte avec le
ministère. Par ailleurs, dans les autres composantes, le promoteur a
tout intérêt à être performant au maximum. Cette
performance, en autant que le contrôle de la qualité est
présent, permet d'arriver à un meilleur coût. C'est notre
intérêt le premier. On est imputables. À la fin de
l'année, on ne peut pas faire de déficit, c'est impossible.
Ça ne s'est jamais vu, dans le privé, faire des déficits,
alors que peut-être ça s'est vu dans d'autres secteurs. Chez nous,
c'est impossible. Logiquement, c'est impossible. Il n'y a pas un banquier qui
va accepter ça. Évidemment, on a un incitatif qui est très
différent de celui du secteur public. Ça, c'est un des
éléments.
Le deuxième élément, c'est la rapidité de
décision. Je pense que la preuve a été faite dans les
projets de construction, qu'on a réussi, dans des délais
très rapides, à réaliser la même chose que le
secteur public, d'une part. D'autre part, avec de l'argent en provenance du
secteur privé, l'argent pour la composante immobilière, l'argent
pour la composante mobilière, mobilier et bâtisses nous
appartiennent. Ce sont là des avantages que nous voyons.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je pense
que l'expérience récente prouve qu'effectivement - j'en ai un
chez nous - le privé a été capable de se virer de bord
plus vite et de produire des lits beaucoup plus rapidement que le secteur
public pouvait le faire, avec toutes nos règles. Évidemment, vous
n'êtes pas perdants non plus, à ce niveau, compte tenu des
ententes qu'il y a au bout de la ligne. Je pense qu'il y a des avantages pour
les deux. Je ne connais pas un homme d'affaires qui va investir dans
l'immobilier pour ne pas faire de l'argent. On se comprend là-dessus,
mais la rapidité est là, le clinique étant garanti.
Ce serait quoi, votre réaction demain matin si, quant à la
création de nouvelles places pour héberger les personnes
âgées à partir d'un bilan lits, au niveau des
régions, au niveau des sous-régions, on décidait de
reconnaître à une personne qui a besoin de 2 heures/soins ou
2,5
heures/ soins ou de 3 heures/soins par jour l'allocation pour ses
besoins cliniques, disant à la personne: Avec votre argent, vous allez
vous occuper de votre hébergement, dans le sens global, lit et
nourriture? Ce serait la personne qui pourrait faire le marchandage de
l'endroit qu'elle voudrait occuper dans le privé, qui devient par ce
fait môme, au niveau de la composante clinique, conventionné. Ce
serait quoi, votre réaction face à un programme comme
celui-là? Pensez-vous que ça aurait des chances de
réussir? (17 h 45)
M. Ouellet: Peut-être. Rapidement, je crois que, dans les
centres d'accueil d'hébergement, tel» qu'on les connaît, ou
les centres hospitaliers de soins de longue durée, ce serait difficile
d'appliquer cette règle, à moins que ce soit très bien
défini et structuré. Par contre, au niveau des ressources
beaucoup plus légères, au niveau probablement des services que
donnent les CLSC ou les différentes résidences, chambres et
pension et autres, peut-être qu'une solution pourrait être à
ce moment-là viable dans le contexte actuel. Mais il faut toujours bien
définir et circonscrire les besoins et les objectifs qu'on vise à
ce moment-là parce qu'on fait affaire aussi avec des personnes
âgées qui ont souvent de la difficulté. Ça va bien
lorsqu'elles peuvent bien gérer, qu'elles comprennent bien leurs choses.
Souvent, de toute façon, elles restent à la maison. Mais,
lorsqu'elles commencent à avoir besoin de services un peu plus
importants, bon, là, vous avez des problèmes de
sénilité et tous les autres problèmes reliés
à la personne âgée, je crois que ça pourrait
peut-être les insécuriser à ce moment-là, une
formule comme ça. Mais il s'agirait de voir.
Le Président (M. Joly): M. Bédard.
M. Bédard (Yves): Je pense que, dans la pratique, ce n'est
pas si simple que ça. On le voit dans le domaine des résidences
pour personnes âgées, qui vendent une gamme de services, les
personnes âgées, en fin du compte, achètent un programme de
services et, dans la pratique, ce n'est pas toujours ça qui se passe. Et
la vulnérabilité des personnes âgées face à
la situation fait qu'elles acceptent des choses, et elles se réveillent
au bout de la ligne et elles n'ont pas le service. Il faudrait avoir un
système de contrôle très adéquat, ce qui n'est pas
facile à mettre sur pied comme tel. La suggestion qui est
véhiculée dans l'avant-projet concernant les
établissements d'hébergement agréés comme tels est
une formule de per diem alloué à la personne, qui serait valable
dans les établissements autofinancés jusqu'à un maximum de
soins et aussi dans les établissements qui pourraient
éventuellement détenir un type de permis, qui sont des maisons de
chambres et pension d'une certaine capacité et d'une certaine
qualité comme telle. Il y a trop, effectivement, dans le système
actuel, d'établissements qui ne sont pas contrôlés et c'est
là que sont réellement les abus. Je pense que ce n'est pas dans
ceux qui sont contrôlés qu'H y a des abus, mais c'est plus dans
ceux qui ne sont pas contrôlés.
M. Côté (Charlesbourg): J'aimerais un peu plus de
précisions là-dessus. Est-ce que vous parlez des maisons
privées, des foyers qu'on appelle des foyers clandestins et qui
opèrent?
M. Bédard: II y a cette catégorie-là, mais
il y a aussi toute la catégorie de permis qui sont émis par les
municipalités au niveau des chambres et pension. Et, quand la personne
entre dans ces établissements-là, vous vous retrouvez avez des
gens qui sont supposément autonomes, mais dont la perte d'autonomie se
fait graduellement. Et, lorsque vient le temps, ils se donnent des services qui
sont toujours sur la ligne. Est-ce qu'ils sont légaux ou s'ils ne sont
pas légaux? Il y a des infirmières dans la place qui sont
là pour surveiller, supposément. Est-ce qu'il se donne des
services. Il y a tout le système qui se fait par des agences
extérieures de compagnies privées qui viennent donner des
services de soins dans des établissements qui ne détiennent
même pas de permis d'autofinancés. Ça existe, ça,
dans la réalité.
M. Côté (Charlesbourg): c'est vrai dans des petites
unités, mais c'est vrai aussi dans des grands projets qui se sont
cassé la gueule. on en a à cap-rouge là.
M. Bédard: Non. Je vous parie de grands projets. Je
pourrais vous en citer.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux venir à un
point important que vous soulevez dans le mémoire, compte tenu du peu de
temps qu'on a, aux pages 13 et suivantes, sur le processus d'admission des
clientèles. Vous dites à la page 14: "Si l'on part d'une
réalité nouvelle, il faudrait s'assurer que la clientèle
en perte importante d'autonomie se retrouve dans les établissements
d'hébergement et de soins de longue durée puisque ceux-ci
possèdent l'infrastructure clinique et thérapeutique pour la
dispensation des soins et des services." Je ne sais pas si j'ai bien compris,
mais, dans les pages précédentes, vous semblez nous dire qu'il y
aurait des cas très lourds dans les familles d'accueil, dans les
pavillons qui nécessiteraient 2 heures et 2,5 heures/soins. Et
là-dessus, je m'interroge parce que... En tout cas, je suis mal
informé si c'est le cas. Évidemment, l'autre question que
ça pose, ce n'est pas nécessairement parce qu'il y a 2 heures ou
2,5 heures/soins qu'ils doivent nécessairement et obligatoirement, je
pense, être dans un centre d'accueil privé conventionné ou
un centre d'accueil
public. Ce n'est pas nécessairement basé sur le nombre
d'heures/soins. Je pense que c'est au bénéficiaire d'abord qu'il
faut penser. Il y a de ces gens-là qui vont souhaiter ou vouloir
demeurer à domicile et qu'il faut, par conséquent, supporter.
Le Président (M. Joly): M. Breault. Oh, excusez.
M. Côté (Charlesbourg): D'après vous, quels
sont les critères par ordre d'importance qui font qu'on peut faire du
placement ou qu'on va décider qu'on fera du placement avec des personnes
en perte d'autonomie?
Le Président (M. Joly): M. Breault.
M. Breault: II y a, évidemment, des critères
d'heures/soins, qui sont des critères simplistes, je suis d'accord avec
vous, si on les prend simplement en termes de chiffres. Il peut y avoir
effectivement d'autres critères. Mais, effectivement - et c'est une des
explications de l'alourdissement des clientèles en centres d'accueil, il
ne faut pas se le cacher - il y a des clientèles qui ont
été maintenues indûment dans des ressources qui ne
pouvaient offrir les services, de telle sorte que, lorsqu'elles sont
entrées en centres d'accueil, là, il était trop tard pour
contrôler le bénéficiaire. Parce que l'alourdissement,
c'est quelque chose de progressif, ce n'est pas quelque chose de soudain. Quand
on a des programmes adéquats, on peut retarder ou repousser
l'alourdissement. Alors, ça, c'est encore un fait aujourd'hui.
On ne prétend pas qu'il ne doit pas y avoir des clientèles
d'une certaine lourdeur. On ne peut pas couper simplement par les heures. Le
critère des heures n'est pas le seul. Mais il y a des facteurs et les
comités d'admission, dans ce sens-là, peuvent les juger, sauf que
tout le monde devrait être sur le comité d'admission... C'est une
des faiblesses, actuellement, du système: tout le monde n'y est pas. Et
ce qu'on dit, c'est que, s'il y a de nouvelles ressources de
développées, elles devraient faire partie du comité
d'admission. Et c'est à ce moment-là qu'on doit juger de la
pertinence, parce que, effectivement, il pourrait y avoir un cas de 2
heures/soins qui, compte tenu de la particularité de ses besoins, dans
ces 2 heures/soins, pourrait avoir des services raisonnables en famille
d'accueil. Il faut que les familles d'accueil soient assises à la
même table que les gens qui jugent du cas qui va aller en centre
hospitalier ou en maintien à domicile. Les gens de maintien à
domicile ne sont pas non plus à la table des comités d'admission.
Si ces gens-là étaient tous à la même table et qu'on
jugeait tous les cas, on pourrait déterminer: celui-là, c'est un
cas qui devrait recevoir des services chez vous; celui-ci, c'est un cas
où je pourrais donner de meilleurs services pour telle ou telle raison.
Alors, je pense que c'est plus de réunir tout le monde. Ça s'est
déjà fait, dans le passé, ça a été
une grosse amélioration. Lorsque les centres d'accueil
d'hébergement, les centres hospitaliers de soins de longue durée
se sont réunis, il y a eu beaucoup d'amélioration dans le
balancement des clientèles versus ces deux catégories.
Fui. Côté (Charlesbourg): C'est plus clair. Vous
avez parfaitement raison. Il faut qu'il y ait :; lien avec la
chaîne, en partant des familles d'accueil en montant vers le haut.
Ça me paraît évident et c'est une très bonne
suggestion. Ça davrait déjà être fait. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: M. le Président, je ne sais pas si je
devrais questionner ou si je devrais affirmer des choses. Je pense que je vais
commencer par affirmer, puis, après ça, je questionnerai
peut-être. Parce que 7000 lits au niveau des centres d'accueil, c'est
quelque chose. À moins que je sois mal informé, en plus de
ça, il y a 4000 autres lits qui ne relèvent pas de votre
organisme, qui relèvent des autofinancés. Ça veut donc
dire qu'il y a 11 000 lits en centres d'accueil, au niveau du secteur
privé. À mon point de vue, en tout cas, je vais commencer par
traiter des conventionnés, parce que les autres ne sont pas ici. Je
formulerai un voeu à la fin.
Au niveau des conventionnés, ils font déjà partie
du bureau d'admission des patients. Dans bien des cas, en tout cas, j'ai
appris, par le passé - et c'est à votre honneur, Messieurs -que,
quand on a besoin de quelque chose vite, on s'adresse au secteur privé.
Là, ils sont beaux, ils sont fins, dans six mois, ils vont nous
bâtir 140 lits, ça, ce n'est pas grave, puis c'est vrai, d'aussi
bonne qualité, en passant, que le secteur public. Puis, les performances
dans le privé, comme dans la construction, ça dépasse la
société d'hébergement du Québec par à peu
près 40 coudées. Et la société d'hébergement
serait assise à votre place et je dirais exactement ce que je viens de
dire.
M. Côté (Charlesbourg): Je prends des notes.
M. Chevrette: Oui, prenez-en, puis dans votre calepin vert, s'il
vous plaît!
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas
nécessaire que ce soit là.
M. Chevrette: Donc, moi, j'ai vécu l'expérience
aussi...
M. Côté (Charlesbourg): De ce que je comprends,
c'est que ça a toujours été.
M. Chevrette: Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Oui, mais ça m'a toujours fatigué,
puis je n'ai pas honte de le dire et je le dis avec encore plus de conviction
aujourd'hui, parce qu'on a des exemples, dans certains milieux, où c'est
le secteur privé, par exemple, qui a dépanné des centres
hospitaliers parce que le centre hospitalier était en réparation.
S'il n'y avait pas eu le privé pour le dépanner, ça aurait
été épouvantable. Donc, le secteur privé
conventionné, là, je pense que l'argumentation qui était
contre, c'était l'argumentation du "cheap labor". Mais dès qu'il
hérite de la convention du secteur public, c'est drôle comme on
n'entend plus parler de ça par aucune centrale syndicale. Parce que vous
êtes subventionnés en fonction, précisément, des
nouvelles conventions collectives qui sont octroyées au niveau national.
Donc, ça ne tient plus, l'argument du "cheap labor", pas du tout. Et
ça a l'avantage de répondre rapidement à des besoins de la
population. Ça, moi, je le dis bien honnêtement, puis je suis
prêt à soutenir ça devant les centrales syndicales. Et ils
ne chialent pas ordinairement quand c'est à ce niveau-là, quand
ils écopent exactement des mêmes sentences, des mômes
conventions collectives. Donc, à mon point de vue, ça se
défend et ça se soutient. ce qui ne suit pas automatiquement,
c'est l'alourdissement, par exemple. le ministre posait la question: pourquoi
ça coûte moins cher? j'en connais un bout, moi, de la
réponse: c'est que tu n'as pas un d.g. ici, un adjoint pour ça,
un adjoint pour ça, un adjoint pour ça. si ça prend une
porte, c'est aussi bien le directeur général, dans le
conventionné comme dans le privé, qui la pose. ils ne sont pas
deux pour décider de la place du cadre: un pour venir le poser, puis
l'autre pour tenir le marteau. ça fait que ça coûte un peu
moins cher. la structure est un peu plus souple, effectivement, puis ils
réussissent à travailler. sur le plan familial, je l'ai vu aussi,
c'est une histoire, bien souvent, où le fils, la fille, la femme
dépannent et remplacent les malades. automatiquement, ça fait
qu'il y a des coûts de moins, effectivement. ça, il ne faut pas
avoir peur de le dire, c'est la réalité. je ne vois pas pourquoi
vous n'avez pas répondu avec spontanéité - c'est un
reproche que je vous fais - au ministre quand il a posé la question. je
lui aurais dit, moi. il n'y a pas de honte à se vanter. si vous attendez
que les autres vous vantent, vous allez attendre longtemps en maudit.
Donc, pour cette partie-là, je ne vois pas pourquoi ce ne serait
pas la recette pour aller rapidement. Le ministre m'a répondu en
Chambre, à l'étude des crédits, il y a à peu
près deux mois - peut-être trois, je ne le sais pas, peu importe
le délai - qu'il y avait 350 nouvelles places en centres d'accueil
depuis quatre ou cinq ans, trois ans ou quatre ans, je ne le sais pas, peu
Importe. Mais 350 places, avec l'accroissement du vieillissement de la
population, si on n'en fait pas dans le public, ils vont aller où?
Est-ce qu'ils vont aller seulement dans les chambres et pension? Chambres et
pension, ils vont les garder jusqu'à tant qu'ils soient trop lourds;
après ça, ils vont aller dans les corridors d'hôpital.
Puis, s'il n'y a pas de centre d'accueil, que ce soit privé
autofinancé ou privé conventionné, ils vont
déborder dans les lits de soins aigus, puis on va se retrouver dans un
cul-de-sac. On ne règle jamais le problème.
Je pense qu'il faut, vis-à-vis de la population
âgée, répondre à des besoins. Et il y a un groupe
qui manque, malheureusement, d'après ce que j'ai pu voir, il n'est pas
dans la liste que vous m'avez envoyée comme propositions jusqu'au 11
avril: c'est le privé privé. Bien, il y a une association qu'on a
reconnue qui regroupe 4000 lits et elle n'est pas là. C'est le groupe de
Sherbrooke qui est venu, un groupe dissident. Je vous dirai quel groupe. S'il
veut bien venir, je vais vous suggérer qu'on le reçoive, pour
véritablement voir quel apport il peut donner.
Mais le jour où on vous conventionné - c'est là ma
question, la seule question que j'aurai; peut-être que mon
collègue en aura - où on vous reconnaît des lits
conventionnés, est-ce que vous auriez les mêmes réticences
que celles que vous avez mises dans votre mémoire vis-à-vis de
votre participation au plan régional, à supposer que le
ministère se décentralise en région, pas se
déconcentre, se décentralise? Si les sommes d'argent partent du
national et s'en vont en région et que vous êtes reconnus avec des
permis comme centres d'accueil conventionnés, est-ce que vous garderiez
les mêmes réticences vis-à-vis de la régie? Parce
que je m'aperçois que vous avez beaucoup de réticences. Vous
êtes habitués à négocier directement les per diem
avec le ministère, ça ne va pas trop vite. Ça avait
commencé en 1984, je ne suis pas sûr que ce soit fini. C'est-u
fini?
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, si ce n'est pas
fini, il y en a un maudit bout de fait.
M. Chevrette: C'est comme rien, un maudit bout, dans quatre ans,
il faut qu'il soit assez long; autrement, ça aurait l'air fou.
Est-ce que vous auriez les mêmes réticences que dans votre
mémoire?
M. Ouellet: D'abord, je vais vous dire que je suis content de
voir que vous avez déjà fait affaire avec le privé,
ça paraît que vous connaissez ça. Effectivement, ça
a des avantages. Bien souvent, les gens, lorsqu'ils ont eu affaire avec
l'entreprise privée, soit au niveau des privés
conventionnés, ont beaucoup moins peur, à ce moment-là,
savent le reconnaître et Tap-
précier à sa juste valeur. C'est souvent la
méconnaissance de ce secteur qui peut nous nuire ou qui peut avoir
toutes sortes d'images qui ne sont pas intéressantes pour nous. (18
heures)
Au niveau de votre question, en fait, nous nous "objectons", comme on
vous l'a dit, à une décentralisation au niveau des programmes; en
soi, au niveau des plans d'organisation, il n'y a pas de problème.
Déjà, même actuellement, les CRSSS ont cette espèce
de compétence, de mandat; ils peuvent peut-être davantage
l'exercer, puis ça va correspondre à ce qu'on leur demanderait au
niveau de l'avant-projet de loi. Par contre, au niveau des budgets, pour nous
autres, ça devient très difficile et même difficilement
acceptable, parce qu'à ce moment-là, compte tenu que nos
établissements se retrouvent dans l'ensemble du Québec, il
faudrait que chaque établissement, à un moment donné,
puisse négocier avec chacun des CRSSS. Pour nous autres, on pense que
sur le plan de l'iniquité de nos membres, à un moment
donné, ça pourrait jouer. Parce qu'il s'agirait que... Et
ça, on le vit déjà actuellement, à un certain
niveau, où il y a des CRSSS, des conseils régionaux, qui nous
demandent de fournir un petit peu d'argent pour ci, un petit peu d'argent pour
ça...
M. Chevrette: Je vous arrête 30 secondes. M. Ouellet:
Oui.
M. Chevrette: Ça pourrait être la conférence
des CRSSS aussi qui veut uniformiser. On sait très bien quand on
décentralise, il y a toujours... Ça n'empêche pas une
concertation au niveau d'une certaine tarification, par exemple. Je n'ai pas
l'impression que, parce qu'on va décentraliser, l'acte médical,
la visite médicale va avoir une tarification différente de
Lanaudière à - je ne sais pas, moi - l'Abitibi. Donc, pourquoi le
per diem dans un centre d'accueil de Lanaudière ne serait-il pas le
même qu'en Abitibi, mais qu'il y ait cette complémentarité
entre les centres d'accueil conventionnés, puis les centres d'accueil
publics et les centres de santé de la région? Ce n'est pas
plutôt une barrière psychologique que vous faites, qui pourrait
être facilement abolie le jour où on dit: Oui, mais il y aura une
table nationale par exemple, qu'on pourra appeler la conférence des
régies, qui négociera avec la conférence des centres
d'accueil autofinancés ou les centres d'accueil conventionnés,
puis il y aura une tarification.
M. Ouellet: Ce n'est quand même pas aussi simple que
ça. Quand vous parlez de complémentarité, je pense
qu'actuellement il n'y a pas de problème et on essaie d'être, dans
chacune des régions, très complémentaires et très
présents, soit au niveau des commissions administratives et, si
possible, au niveau des conseils d'administration, des conseils
régionaux. À ce niveau-là, il n'y a pas de
problème. Mais, quand on parle de budget, c'est toujours là le
problème parce que les gens ne connaissent pas, au niveau des conseils
régionaux, le fonctionnement des budgets. Et, à ce
moment-là, pour nous autres, ça peut être un
inconvénient majeur. Et ça, c'est l'expérience qui nous
fait dire ça. Si vous remarquez, au niveau du ministère, ils ont
fait des changements dernièrement, ils ont créé une
direction au niveau...
Le Président (M. Joly): Excusez, M. Ouellet, juste un
petit instant.
M. Ouellet: O.K.
Le Président (M. Joly): M. le ministre voudrait...
M. Côté (Charlesbourg): Comme on dépasse 18
heures, j'ai un rendez-vous extrêmement important. Je veux vous remercier
de vous être présentés; ça ne vous empêche pas
de continuer avec M. Chevrette, puisque je suis très heureux de la
reconnaissance et de la place que peut occuper le conventionné
privé, je pense que c'est une des solutions qu'on aura dans
l'avenir.
M. Ouellet: On vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.
M. Ouellet: Je disais qu'au niveau du ministère,
dernièrement, on vient de créer une direction qui ne va s'occuper
que du secteur privé parce que avant c'était différents
agents de liaison autant du privé que du public et ça a
créé beaucoup de problème. Les agents de liaison
connaissaiont mal le secteur privé et, à ce moment-là, on
rendait toutes sortes de décisions qui pouvaient être
préjudiciables à l'établissement. Si on fait ça au
niveau du ministère, demander à tous les conseils
régionaux d'avoir la compétence d'analyser, de connaître
les budgets et de connaître aussi les impacts, il me semble que, pour
nous, ce serait une grosse affaire.
Le Président (M. Joly): M. Hélie.
M. Hélie (Jacques): Pour répondre à votre
question, également, sur la centralisation ou de la
décentralisation au niveau des instances régionales, peu importe
le nom qu'on leur donnera, on n'a qu'à se référer
actuellement aux budgets d'alourdissement qui sont envoyés dans les
conseils régionaux et, à cause du fait que les règles du
jeu pour le privé conventionné sont différentes, entre
autres au niveau de la composante clinique... On vous disait tantôt que,
dans nos établissements, la composante clinique
est une composante ouverte. On fait du compte à compte avec le
ministère de sorte qu'il n'y a aucun profit qui peut être
généré là, il n'y a aucun avantage si ce n'est que
d'utiliser les heures/soins qui sont attribuées à
l'établissement pour donner à la clientèle un service de
qualité. Quand on arrive au niveau de la distribution des budgets
d'alourdissement, compte tenu de nos règles, les centres
régionaux nous attribuent des heures et, à ce moment-là,
attribuent des montants d'argent aux établissements publics. Pour faire
une véritable décentralisation, il faut que tes règles du
jeu soient les mêmes pour tout le monde. Et, d'ailleurs, je pense que, si
on regarde les privés conventionnés au niveau des
heures/cliniques et de la façon de contrôler ces heures-là,
vous n'avez jamais entendu parler, parce que ça ne donne absolument rien
à l'établissement, d'arrêter momentanément les
services, comme on dit, de fermer des lits pour arriver à
équilibrer un budget ou à dégager des profits, non. Non,
on fonctionne à 100 %, 365 jours par année. Tant et aussi
longtemps que les règles du jeu seront différentes, je pense
qu'il va falloir maintenir un système, en ce qui nous concerne,
centralisé. La journée où les règles du jeu seront
comparables, à ce moment-là, on pourra penser, effectivement,
à faire de la décentralisation. C'est un peu la raison pour
laquelle on propose la déconcentration administrative. À ce
moment-là, c'est plus facile d'avoir deux règles pour deux types
d'établissements différents.
M. Chevrette: Ça serait intéressant de
poursuivre...
Le Président (M. Joly): Une dernière remarque
ajoutée par M. Bédard, je crois.
M. Bédard: Oui, je voulais simplement préciser que
l'observation de M. Chevrette à l'effet qu'on pourrait donner un per
diem identique, peu importe la région, ce n'est pas ce qui se passe
actuellement. Le budget, excluant la composante clinique, est
évalué en tenant compte des autres services qui sont
distribués dans l'établissement, de la grosseur de
l'établissement et de la fonctionnalité. La faisabilité de
ce que vous proposez n'est plus applicable dans le contexte des
relocalisés actuellement et même les relocalisés
actuellement, qui sont d'un type de 64, 96, 128 ou 160 et 175 lits, n'ont pas
le même per diem de composante fonctionnement parce qu'il y a des
économies d'échelle de grandeur qui se font. Je pense qu'avec la
complexité de notre système il n'est pas si simple que ça
de mettre plusieurs intervenants de différentes régions.
M. Chevrette: Je sais ça, mon cher monsieur. Je sais qu'on
est très raffinés. Mais il y a des choses de base qui ne mentent
pas. Les heures ou les jours/soins, c'est une évaluation qu'on peut
faire faire, mais, à partir de là, s'ils veulent raffiner
jusqu'à la différence entre ce qu'on peut "sauver" à 496
par rapport à 164, 132, comme vous voulez... Je sais que c'est
très raffiné et très sophistiqué. Ça, je
sais ça. C'est comme c'était dans les hôpitaux avec la
méthode du RMBB. Personne ne comprenait, même pas ceux qui la
faisait appliquer. Ceci dit...
Le Président (M. Joly): Très brièvement, M.
le leader.
M. Chevrette: Oui, j'ai une question. M. Bédard:
Non, ça va.
M. Chevrette: Je suppose que vous avez quand même, pour
certains d'entre vous, une partie d'autofinancés dans vos lits ou si,
dans votre association, vous avez seulement des lits conventionnés, ou
si certains de vous qui êtes propriétaires de certains centres
d'accueil, vous avez aussi des lits autofinancés, pour une partie, et
conventionnés, pour l'autre partie. Est-ce que vous en avez
passablement? Et si oui, qu'arrive-t-il lorsque votre autofinancé - ce
peut être une femme ou un homme - qui n'a, par exemple, que sa pension de
vieillesse, point final, exige 3 ou 4 heures/soins et que vous n'arrivez plus?
Qu'est-ce que vous faites avec? Dans l'autofinancé, j'ai bien dit, dans
la partie autofinancée.
M. Bédard: Actuellement, très peu de nos membres
ont des combinaisons de permis conventionnés privés et
conventionnés...
M. Chevrette: Est-ce que vous n'avez pas quatre affiliés
ou associés?
M. Bédard: Pardon?
M. Chevrette: Vous en avez quatre qui relèvent de
l'autofinancé?
M. Bédard: oui, très peu, je dis, de nos membres
ont cette combinaison-là de privé conventionné et de
permis d'autofinancé. habituellement, ce que nous savons, c'est que dans
le secteur autofinancé, ce sont des cas plus légers comme tels.
le processus habituel qui est supposé être suivi, c'est que,
lorsque la personne s'alourdit et qu'elle aurait besoin d'être
placée en centre d'accueil, elle doit être intégrée
dans le système d'admission sous-régional, pour passer dans le
même système que ceux qui sont dans les maisons de chambres et
pension, actuellement.
M. Chevrette: Et si elle est trop malade, elle s'en va à
l'urgence.
M. Bédard: Voilà. On n'a pas le choix.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Chevrette: Merci. M. le Président, je formule le voeu
que le ministre convoque les propriétaires d'autofinancés, qui
font partie des centres d'accueil autofinancés du Québec, pas le
groupe de l'Estrie, l'autre, qui regroupe 4000 lits. Je vous donnerai
exactement les coordonnées de tout ça.
Le Président (M. Joly): Oui, les coordonnées que je
me permettrai de transmettre via Mme la secrétaire.
Merci, M. le leader, merci, messieurs Maintenant, nous allons ajourner
nos travaux à demain, le jeudi 22 mars, à 10 heures, dans la
même salle. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 10)