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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour tout le monde. Il me fait
plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette commission parlementaire.
Je vous rappelle le mandat de la commission. Ci) fait, la commission est
réunie afin de procéder à une consultation
générale et de tenir des auditions publiques dans le cadre de
l'étude do l'avant-projet de loi qui est la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. Mme la secrétaire, est-ce que nous
avons des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Boucher
Bacon (Bourget) sera remplacée par Mme Cardinal (Châteauguay), M.
Gautrin (Verdun) par M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine) et Mme Marois
(Taillon) par M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) ainsi que Mme Vermette
(Marie-Victorin) par Mme Blackburn (Chicoutimi).
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la secrétaire.
Aujourd'hui, nous entendrons la Fédération des travailleurs du
Québec, le Conseil de la santé et des services sociaux du
Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, les
Organismes communautaires de la région KRTB, le Groupe d'action sociale
et psychiatrique des Monts inc., le Centre hospitalier régional du
Grand-Portage, le CLSC de la Vallée et CLSC de .a Mitis, la
Conférence des CLSC et centre de santé des régions 01 et
11 (Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine),
l'Association pour la santé publique du Québec et, finalement, la
Conférence des doyens des facultés de médecine du
Québec.
Alors, vous, messieurs, mesdames de la FTQ bienvenue. Je vous rappelle
brièvement les règles du jeu. Vous avez une vingtaine de minutes
pour nous présenter votre mémoire et, par après, les deux
formations se réservent le privilège de vous poser des questions.
Merci. La personne responsable du groupe peut-elle s'identifier et identifier
les gens qui l'accompagnent?
FTQ
M. Laberge (Louis): M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs, permettez-moi très brièvement de vous
présenter les membres du bureau de la FTQ qui sont ici avec nous ce
matin. Tous les membres du bureau auraient voulu être présents
mais il y en a qui sont évidemment pris dans d'autres occupations dont
ils n'ont pu se défaire. Par exemple, on a le directeur
québécois du Syndicat canadien de la fonction publique qui a une
réunion ce matin avec les gens d'Hydro. On pense qu'on peut lui
permettre d'être là. Alors, je vous présente les membres
présents. À mon extrême gauche, Carole Haywood,
vice-présidente de la FTQ, puis René Roy, vice-président,
Marcel Tremblay, vice-président, Jean Lavallée,
vice-président; à ma droite, Marc Bellemare, de l'Alliance de la
fonction publique, et il faut le mentionner, Guy Cousineau et Nicole Desormeaux
- oui, oui, je connais, je prenais juste ma respiration - du service
d'entretien, employée de service, pardon. À ma gauche, ici, c'est
Fernand Daoust, le secrétaire général de la FTQ, qui va,
non pas lire le mémoire parce qu'il est un peu long, mais nous
présenter brièvement le mémoire. Avant de lui passer la
parole, je veux féliciter le ministre pour sa victoire de fin de
semaine. J'ai suivi ça avec beaucoup d'intérêt.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Daoust (Fernand): M. le ministre, mesdames, messieurs, la FTQ
se présente devant cette commission parlementaire pour protester
vigoureusement contre l'avant-projet de loi sur les services de santé et
les services sociaux qui sape les bases de notre système public mis en
place il y a 20 ans. La FTQ exige le retrait de lavant-projet de loi et la mise
en oeuvre d'un plan d'action concret pour régler les vrais
problèmes. C'est surtout pour défendre les intérêts
de la population, dans son ensemble, que nous venons exprimer notre point de
vue. En effet, la population québécoise souffre des lacunes du
système actuel et souffrira encore davantage si le gouvernement s'engage
sur la pente glissante de la privatisation et de la
décentralisation.
Nous représentons toutefois quelque 35 000 travailleurs et
travailleuses du réseau de la santé et des services sociaux, qui
sont à la fois les témoins des problèmes du réseau
et les victimes des politiques gouvernementales qui ont conduit à une
dégradation de la qualité des soins et à des surcharges
pour le personnel. Cette présentation ne reprendra pas exactement les
termes du mémoire que nous vous avons expédié à la
fin de janvier. En effet, vos déclarations des dernières
semaines, M. le ministre, ont renforcé nos appréhensions sur la
nature des intentions véritables du gouvernement.
Désormais, le projet est clair, la réforme passera par une
véritable régionalisation et par un recours accru au secteur
privé à la suggestion des milieux d'affaires. Ce projet nous
inquiète au plus haut point parce qu'il accélère le
processus
de démantèlement de notre système public. Il nous
semblait que la commission Rochon avait levé le doute sur la
nécessité de maintenir le caractère public universel et
accesible de notre système de services de santé et de services
sociaux. Il nous semblait bien établi que notre système public,
est moins coûteux et plus efficace que le système
américain. Il nous semblait évident que nos indicateurs de
santé sont meilleurs qu'aux États-Unis. Il nous semblait clair
que la rationalisation qui a suivi l'établissement du régime
d'assurance-maladie et du réseau des affaires sociales avait aplani des
distorsions régionales inacceptables.
Bref, il nous semblait que les bases denotre système
étaient saines. Nous serions-nous trompés? Nous ne le croyons
pas, il nous faudra donc nous rappeler ce qui a été dit et redit
au cours des quatres dernières années, quand la commission Rochon
et votre prédécesseur, Mme Thérèse Lavoie-Roux, ont
fait leurs études et consultations. Il nous faudra encore consacrer nos
énergies à empêcher le gouvernement de sabrer dans nos
régimes publics, plutôt que d'y apporter des améliorations
souhaitées par tous.
Nous déplorons la tournure qu'a pris le débat actuel et le
gaspillage de ressources englouties dans une coûteuse commission
d'enquête qui n'a proposé aucun moyen concret de résoudre
les problèmes vécus au quotidien dans les établissements
du réseau et sont les avertissement, cependant, quant à
l'importance de conserver son caractère public à notre
système, n'ont pas été entendus. D'abord, nous vous
rappellerons la situation qui prévalait au Québec avant la mise
en place du régime d'assurance-maladie; ensuite nous vous dirons
pourquoi nous croyons que les supposées solutions gouvernementales
d'ouvrir davantage la porte au secteur privé et d'accentuer la
décentralisation sont non seulement inefficaces, mais aussi dangereuses
eu égard aux objectifs de santé et de bien-être qui font
consensus dans notre société. Enfin, nous présenterons des
pistes de solutions raisonnable qui devraient permettre de régler les
vrais problèmes et d'atteindre nos objectifs collectifs dans le cadre
d'un système public et universel.
Avant l'assurance-maladie. La FTQ et ses syndicats affiliés ne
veulent pas revenir en arrière, à l'époque où les
plus pauvres, qui étaient souvent les plus malades, ne pouvaient se
faire soigner faute d'argent, où la qualité des soins
dépendait des propriétaires d'hôpitaux, où les
compagnies d'assurances privées faisaient des affaires d'or sur la
maladie de leurs clients, où les salaires et conditions de travail du
personne variaient d'un établissement à l'autre, où
finalement les services n'étaient accessibles qu'à ceux qui en
avaient les moyens.
La réforme qui a donné naissance à notre
système public à éliminé les obstacles
financiersà l'accès aux services, de sorte que l'ensemble de la
population, quel que soit le revenu, puisse recevoir des soins. Elle a
enclenché une rationalisation de la distribution des ressources et un
relèvement de la qualité des services qui a réduit
considérablement les inégalités régionales.
Même si nous pouvons déplorer que notre système ne
couvre pas tous les services: les soins dentaires, les médicaments, les
services ambulanciers et le reste, que l'accessibilité
géographique aux services soit encore inégale, que les services
d'hébergement et le maintien à domicile soient largement
insuffisants et que les urgences d'hôpital soient trop souvent
engorgées, notre système de services de santé et de
services sociaux fait l'envie - rappelons-le - de bien des pays, y compris les
États-Unis. À tous les égards, le système
américain, très largement privé, qui a inspiré,
dans une certaine mesure, le gouvernement dans la formulaltion de OSIS est un
repoussoir. Les niveaux de santé et de bien-être
évalués par les indicateurs habituels, l'espérance de vie,
les taux de mortalité périnatale, les taux de mortalité et
le reste placent ce pays derrière le Québec.
En 1996 en terme de mortalité infantile, en pourcentage du nombre
de naissances vivantes, les États-Unis avaient 1, 04% se situaient au
vingtième rang parmi les 24 pays de l'OCDE et le Canada avait 0, 80% au
onzième rang. Les dépenses totales de santé y sont plus
élevées. En 1982, 1365$ américains per capita aux
États- Unis contre 1186$ canadiens au Québec. Cela fait du
système américain un des moins performants, tant en termes de
productivité d'efficacité et de rendement, dans le monde
occidental.
Par opposition, depuis la mise en place du système public, la
performance du Québec en termes d'indicateur de santé et de
bien-être est remarquable. Le Canada et le Quéhec se classent
aujourd'hui parmi les pays de l'OCDE où l'espérance de vie est
supérieure à la moyenne et où le taux de mortalité
infantile est inférieur à la moyenne.
Or, ce n'était pas le cas dans les années soixante. On ne
peut nier l'apport considérable de notre système public de
services de santé et de services sociaux à ces résultats.
Il serait, selon nous, absurde d'imiter l'un des moins bons modèles en
accentuant la privatisation de notre système de santé et services
sociaux.
Investir dans la prévention M. le ministre, la situation
économique actuelle est très difficile pour la majorité de
la population. Le chômage se maintient à des niveaux très
élevés et on assiste à un appauvrissement de la
population. De nombreuses études ont établi un lien étroit
entre la situation économique et les problèmes sociaux et de
santé. Alors que le Québec est sur le point d'entrer dans une
autre récession, il est scan-
daleux d'entreprendre une réforme qui va réduire
l'accès aux services, qui va accentuer les inégalités
régionales, qui va diminuer la qualité des services.
La FTQ ne peut accepter que le gouvernement démantèle
notre système public sous prétexte que le Québec n'a pas
les moyens de se le payer. Les coûts sociaux et économiques qui
résulteraient d'une telle orientation sont encore plus
élevés. Nous ne sommes pas insensibles à l'argument des
coûts, mais nous croyons qu'à court terme nous devons encore
investir dans notre système public, que les compressions
budgétaires du début des années quatre-vingt ont
dégradé et qui doit répondre à des besoins nouveaux
et urgents: population vieillissante, jeunes en difficulté,
problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie, femmes violentées et le
reste.
Cependant, il ne suffit pas d'investir dans les services. Il faut
investir massivement dans la prévention à la source des
problèmes sociaux et de santé. À cet égard, nous ne
répéterons jamais assez l'importance de mettre en oeuvre une
véritable politique de plein emploi, de façon à redonner
à des milliers d'hommes et de femmes la dignité de gagner leur
vie décemment et de contribuer au bien-être collectif Nous ne
dirons jamais assez combien il est nécessaire de poursuivre et
d'intensifier l'assainissement des milieux de travail qui sont la source de
décès, d'accidents et de maladies. Nous devrons, enfin, insister
sur l'urgence, pour le Québec, de se doter d'une véritable
politique d'environnement. C'est par la prévention à tous les
niveaux que nous réussirons collectivement à améliorer la
santé et le bien-être et à réduire à terme
les coûts du système.
Hélas, jusqu'à présent, le gouvernement a fait bien
peu pour l'amploi et il a agi de manière maladroite et timide en
matière d'environnement. La santé n'est pas à vendre. La
FTQ, vous vous en souvenez, n'a pas été tendre envers votre
gouvernement quand il a entrepris de privatiser de nombreuses
sociétés d'État stratégiques et de priver le
Québec d'outils de contrôle économiques. Nous avons
condamné la manière dont le gouvernement se désengage de
ses responsabilités à l'égard de la population
québécoise, mais nous devons être encore plus
intransigeants quand il s'agit de la santé et du bien-être de la
population. Si nous avions décelé des signes de privatisation
dans le réseau de la santé et des services sociaux au cours des
dernières années, nous avons, aujourd'hui, des indices
sérieux que le gouvernement a choisi la voie de la privatisation pour
régler ses problèmes.
Votre ouverture aux propos des chantres de la privatisation, tels M.
Claude Castonguay ou les représentants du Conseil du patronat, ou de
l'Association des hôpitaux du Québec, confirme nos
appréhensions. L'imposition de frais modérateurs pour certains
services nous apparaît tout à fait aberrante en termes
d'accessibilité et d'équité. De plus, si l'on en croit les
professeurs Bozzini et Contandriopoulos, et je cite: Toutes les
expériences de ticket modérateur convergent. Le bris de la
gratuité est associé généralement à un
accroissement des coûts totaux des services de santé et aussi
à un accroissement des disparités d'accès aux
services."
Quant à la proposition de permettre la création d'un
réseau privé d'établissements de santé accessibles
à ceux qui peuvent assumer l'ensembie des coûts, elle conduit - et
je cite encore - "à un partage du marché entre le privé et
le public ainsi qu'à une certaine duplication des services, à
l'écrémage, par le système privé, des cas plus
légers et à la création de deux systèmes de
santé, un pour les favorisés, l'autre pour les pauvres, avec une
différenciation immédiate dans la qualité des services."
C'est ce qui se passe aux États-Unis où les hôpitaux
luxueux, nous le savons tous, accueillent des clientèles
privilégiées et côtoient des hôpitaux publics
sous-financés, encombrés par les plus pauvres qui n'ont pas le
choix.
La FTQ met en garde le gouvernement contre la tentation de privatiser
notre système de services de santé et de services sociaux
à la suggestion des milieux d'affaires. À cet égard,
l'avant-projet de loi qui nous été soumis contient des
dispositions qui ouvrent la porte au désengagement de l'État et
à la privatisation. Les articles 306 et 315 concernant l'agrément
de certaines ressources privées aux fins d'attribution d'allocations
financières consacrent la place des centres d'hébergement
privés à but lucratif dans le système. L'article 290 ouvre
la porte à l'expérimentation des organisations de soins
intégrés de santé qui pourraient être
privées. Les articles 3 et 229 montrent clairement que le gouvernement
se décharge de sa responsabilité d'assurer la prestation de
certains services sur des organismes communautaires.
Nous devons donc encore vous répéter, M. le ministre, que
la privatisation viole systématiquement les principes
d'universalité et d'accessibilité sur lesquels notre
système public s'est édifié. En effet, la notion de
profit, propre au secteur privé, est incompatible avec les objectifs de
santé et de bien-être. Nous ne pouvons prendre le risque que la
qualité des soins soit compromise par la privatisation, c'est pourquoi
nous vous demandons de renoncer à tout projet de privatisation,
même partielle, des services.
Régionaliser la misère. La FTQ s'est opposée
vigoureusement à la décentralisation proposée tant par la
commission Rochon que par le gouvernement. Vous avez vous-même
déclaré, M. le ministre, que la réforme ira plus loin, que
ce sera une réforme plus importante que ce qu'on a vu initialement et
que le projet de loi sera prêt cet automne. Je vous cite encore: "Je suis
régionaliste et c'est par là que ça va passer." Pour la
FTQ, ces propos ne sont guère rassurants. Dans le contexte actuel de
crise budgé-
taire, une décentralisation accrue signifie que l'on fait porter
l'odieux des compressions sur les administrations régionales qui devront
partager la misère entre les établissements de leur territoire.
De plus, si les décisions et les budgets étaient vraiment
contrôlés au niveau régional, nous craignons que se
recréent les disparités entre les diverses parties du territoire
québécois quant à la nature, la qualité et la
disponibilité des soins et des services. Selon quels critères les
régions décideront-elles des services à offrir et des
établissements qui devront les dispenser? Comment s'assurer que tous les
citoyens et les citoyennes du Québec auront droit à des services
équivalents? Aller plus loin dans la régionalisation c'est
prendre le risque de gruger les principes d'universalité,
d'accessibilité et d'équité du système. Si nous
souhaitons vivement que le système soit plus réceptif aux besoins
régionaux, nous ne croyons pas qu'il faille décentraliser
davantage pour ce faire. Les structures actuelles pourraient faciliter la
concertation dans les régions et se faire les porte-parole des besoins
régionaux.
Par ailleurs, les régions périphériques ont
généralement des problèmes semblables reliés
principalement à l'accessibilité. Nous croyons que l'on se leurre
sur les vertus de la décentralisation. Ce n'est pas une garantie de
réponse aux besoins régionaux, ni davantage une garantie de
démocratie. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement de renoncer
à ses projets de décentralisation qui risquent de
détériorer notre système sans régler d'aucune
manière les vrais problèmes.
Un plan d'action concret. Le gouvernement fait fausse route en faisant
croire qu'il va régler les problèmes les plus urgents en
privatisant et en accentuant la régionalisation. Le Québec n'a
pas besoin d'un nouveau texte législatif, surtout quand ce texte marque
un recul sérieux en consacrant une réforme des structures
administratives et en encourageant l'intrusion du secteur privé dans le
système des services de santé et des services sociaux. Ce n'est
pas la première fois que nous décrivons les nombreux
problèmes de notre système de services de santé et de
services sociaux. Nos membres qui travaillent dans le réseau en sont les
témoins quotidiens et comptent aussi parmi les victimes avec les usagers
et les usagères. Des problèmes de qualité, de
continuité et de coordination des soins se posent de façon
aiguë dans la vie quotidienne des établissements. Le manque de
ressources est criant dans de nombreux établissements. Nous
espérions des solutions à ces problèmes. L'avant-projet de
loi n'y parvient pas, un plan d'action destiné à s'attaquer aux
problèmes serait plus efficace qu'une loi.
Ce plan d'action devrait s'inspirer des recommandations suivantes: le
système de services de santé et de services sociaux doit demeurer
intégralement public, universel et accessible. Ce système public
doit être centré sur la personne, c'est-à-dire qu'il doit
favoriser concrètement la qualité, la continuité et la
coordination des soins autour des besoins de la personne. En ce sens, le
système doit opérer une jonction étroite entre le
préventif et le curatif, entre le médical et le social. Pour
centrer le système sur la personne, il faut accorder un rôle accru
aux CLSC comme porte d'entrée du système, lieu de prise en charge
des personnes et de coordination des services. L'amélioration de la
gestion quotidienne des établissements et, en particulier, la gestion
des ressources humaines doivent concourir à placer la personne à
soigner et à soutenir au coeur des interventions.
La prévention à la source des problèmes sociaux et
de santé doit devenir la priorité absolue du gouvernement et doit
susciter la collaboration de tous les ministères concernés de
près ou de loin.
La FTQ croit sincèrement que ces mesures sont plus
appropriées au problème qu'un projet de loi qui ne touche
d'aucune manière la vie quotidienne des établissements. (10 h
30)
Augmenter le financement. La FTQ croit qu'à court terme il faudra
réajuster le financement du système. La situation actuelle
l'exige si nous ne voulons pas assister à la dégradation
accélérée de notre système public. Il est urgent de
réinvestir dans le système pour augmenter son efficacité
thérapeutique et préventive. À cet égard, nous vous
faisons quelques suggestions: récupérer du gouvernement
fédéral l'ensemble des fonds destinés aux services de
santé et aux services sociaux; réexaminer attentivement le mode
de rémunération des médecins, le paiement à l'acte;
accentuer la pratique des achats groupés; améliorer la
coordination des services pour éviter les dédoublements
coûteux; imposer les entreprises de façon à ce qu'elles
paient leur juste part des recettes fiscales. Si ces moyens sont encore
insuffisants, imposer une taxe spéciale, pas un ticket
modérateur, dont les recettes seraient destinées exclusivement
aux services de santé et aux services sociaux. Cette taxe serait
exclusivement prélevée sur les revenus des entreprises et des
particuliers à revenus élevés.
Nous croyons que les Québécois et
Québécoises sont prêts à assumer des coûts
supplémentaires pour préserver leur système public de
services de santé et de services sociaux.
Pour conclure, M. le ministre, la FTQ souhaite vous avertir qu'elle ne
laissera pas le gouvernement démanteler notre système publie de
services de santé et de services sociaux. Comme vous le voyez, nous
sommes nombreux et nombreuses à être venus livrer le message des
travailleurs et des travailleuses de la FTQ. C'est que nous croyons à
l'importance de maintenir et d'améliorer un système que nous
avons revendiqué et qui répond, malgré des lacunes,
aux
objectifs de santé et de bien-être.
Vous avez exprimé l'intention de remiser l'avant-projet de loi
qui est étudié ici. Nous approuvons cette décision, mais
nous craignons que le projet de loi que vous présenterez à
l'automne soit plus dommageable encore pour l'intégrité de notre
système public. Et cette fois, personne ne sera consulté.
M. le ministre, la FTQ vous enjoint de renoncer à édicter
une nouvelle loi et vous demande plutôt de mettre en oeuvre un plan
d'action destiné à s'attaquer à la racine de a
problèmes, et la FTQ est prête à y contribuer.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Daoust. Je vais
maintenant reconnaître... Excusez. Je voudrais quand même aviser
les gens dans les tribunes que je ne tolérerai de manifestation d'aucune
façon. Si vous voulez que ça se déroule et que la
démocratie fonctionne, alors ça va des deux côtés.
Merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg). Merci, M. le
Président. Je pense que ça commence bien la semaine que de
recevoir les représentants de la FTQ pour nous exprimer leur point de
vue. Je vous dirai, d'entrée de jeu, que je suis très
étonné du ton et du contenu. Il ne semble pas qu'on ait
assisté à la même commission parlementaire depuis le
début. Et, quant à moi, et avec les collègues, tant de
l'Opposition que du côté ministériel, depuis le 23 janvier
dernier nous sommes à cette table pour entendre des intervenants qui
viennent eux aussi de partout à travers le Québec, de toutes les
régions du Québec, de tous les genres d'établissements;
que ce soit centres hospitaliers, que ce soit CLSC, que ce soit CSS, que ce
soit départements de santé communautaire, que ce soit les groupes
communautaires qui ont été très présents et
très nombreux à être présents à cette
commission parlementaire, et que ce soit les médecins.
Je vous dirai, d'entrée de jeu, que ma conclusion à ce
moment-ci, après vous avoir entendus et après avoir lu les textes
que vous avez déposés, c'est que vous ne faites pas exception aux
médecins. Vous vous cantonne7 dans une position qui est exactement du
même style que celle des fédérations ou des corporations de
médecins qui sont venus ici défendre à tout prix leur
vision. Je ne vous en blâme pas parce que vous avez un rôle
à jouer comme syndicat. Ça tranche, quant à moi, nettement
avec les négociations qu'on a eues avec la FTQ dans le domaine de la
santé et qui ont fait que pour la première fois en 20 ans un
gouvernement et un syndicat réussissaient à s'entendre dans le
domaine de la santé et à signer une convention collective avant
même que la convention ne soit échue. Je tenais à vous le
dire au départ parce que, évidemment, lorsqu'on a un ton comme
celui-là, il faut s'attendre que ia réplique vienne et ceux qui
me connaissent, évidemment, savent que je ne déteste pas
ça non plus. Et, quand on m'interpelle, évidemment je suis
capable de chausser mes patins aussi, ailleurs que sur le lac Meech, et d'en
parler.
Revenons-en maintenant au mémoire en tant que tel. Vous dites: Le
système est sous-financé, en citant des exemples des
États-Unis et d'ailleurs, mais une chose est certaine, c'est que le
système de santé, en incluant la Régie de i
'assurance-maladie du Québec, pour l'année qui vient
dépensera ou investira, c'est peut-être encore bien plus
intéressant lorsqu'on parle de la santé, 10 300 000 000 $, ce qui
est pratiquement le tiers du budget du Québec.
Ma première question ça va être celle-là,
parce que lorsqu'on dit: Le système est sous-financé, il manque
des ressources sur le plan financier, c'est comme ça qu'on va
réussir à régler les problèmes, dites-moi
jusqu'où il faut aller sur le plan financier pour être capable de
combler des besoins que vous décrivez dans votre mémoire? Quant
à nous, l'impression que nous avons, c'est que nous sommes dans une
situation, sur le plan financier, où on ne peut pas aller plus loin.
Cependant, le message est clair: On ne peut pas aller plus loin, mais il faut
nécessairement réallouer des ressources à
l'intérieur de ce que nous avons maintenant. C'est pour ça que je
me réconcilie davantage avec la fin de votre mémoire lorsque vous
avez abordé des points comme: médecine à l'acte, achats
regroupés, doublement au niveau du système. Ce sont des points
qui sont beaucoup plus d'actualité et qui vont faire en sorte qu'on
pourrait, éventuellement, réallouer certaines ressources au
niveau du système, y compris dans la prévention. Mais j'aimerais
vous entendre là-dessus. Jusqu'où le Québec, comme
gouvernement, doit-il et peut-il aller sur le plan financier pour être
capable de faire face au défi dans le domaine de la santé?
M. Laberge: C'est une question que vous nous posez?
M. Côté (Charlesbourg): Oui...
M. Laberge: Ah bon! M. le Président...
M. Côté (Charlesbourg): ...parce qu'on commence par
le nerf de la guerre. Alors...
M. Laberge: Non, non, ça va, ça va. Bon.
Premièrement, on ne pensait pas vous offusquer en vous demandant de
retirer le projet de loi vu que ce n'était pas vous qui l'aviez
préparé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je n'ai jamais compris
pourquoi vous n'avez jamais fait de politique parce que vous êtes un bon
politicien. Il y a Gérard D. qui a duré 30 ans. Il y a vous
aussi qui avez duré longtemps. Ça prend des bons
politiciens.
M. Laberge: Deuxièmement, jusqu'où est-ce qu'on
peut se permettre d'aller? Nous autres on croit qu'on peut se permettre d'aller
fort loin. Évidemment, il y a des choses à faire. Il ne s'agit
pas de garrocher l'argent par les fenêtres, comme on dit en bon
québécois. Il y a des choses qui devraient être faites: les
achats regroupés, peut-être regarder le mode de
rémunération des médecins, et des choses semblables. Mais
une fois que ça c'est fait, s'il manque encore des ressources, et nous
allons très loin, nous on dit: Nous sommes prêts à payer
davantage. Nous sommes prêts à payer davantage, non seulement pour
maintenir notre système public, mais pour l'améliorer.
Après que vous aurez passé, avec votre équipe d'experts,
les salles d'urgence et voir est-ce qu'il y a moyen de faire des choses pour
améliorer la situation, non, on n'a rien contre ça, allons-y!
Mais une fois là, s'il manque encore des ressources, quand on
pense - et on a déjà parlé de ça à maintes
reprises et on peut en parler tout à notre aise parce que cette fois-ci,
vous l'avez mentionné tantôt, on a même réussi
à s'entendre avant le temps, bon, mais, motadit, on est rendu dans une
situation où c'est le système qui met en danger la santé
et la vie des patients. Quand on voit qu'à l'Institut de cardiologie on
est obligé d'attendre neuf mois et dix mois pour des opérations,
des pontages et des choses semblables, vous ne me ferez pas accroire que ce
n'est pas mettre en danger la santé et la vie des citoyens.
Alors, nous autres on dit: Une fois que vous aurez rationalisé
tout ça, s'il manque encore des ressources, nous autres on est
prêts à aller plus loin, à payer davantage.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ça
ne parle pas du niveau de l'enveloppe, mais une chose est certaine, je l'ai dit
et je le répète, il y a une dynamique du système à
laquelle il faut s'attaquer. Il y a des gens qui consomment des actes, et il y
a des gens qui distribuent et dispensent des actes. Dans le système, il
y a une dynamique qui est davantage une dynamique de dépense sur le
curatif, qui est axée sur le curatif. Il y a un autre
élément dans votre intervention qui parte de prévention.
Oui, nous y sommes, mais, évidemment, dans la mesure où on fait
un virage et une réallocation au niveau du système, quant
à la prévention. Ça veut dire qu'il y en aura
peut-être moins dans le curatif et qu'à ce moment-là
ça va toucher un certain nombre de personnes. On se comprend bien
là-dessus.
Mais je suis heureux quand même qu'au bout de la ligne on aborde,
et il faut aborder la question très ouvertement: à l'acte,
regroupement d'achats, doublement de services. Et quand on parle de doublement
de services aussi, ça pourrait vouloir dire, éventuellement, une
rationalisation. Vous savez ce que ça veut dire une rationalisation pour
des gens qui travaillent dans le réseau. Ce n'est facile. Ce n'est pas
facile à vivre pour personne. Mais il y a de ce genre de
problèmes-là qui sont présents dans le système et
qui font qu'on pourra éventuellement réallouer des sommes
importantes, même très importantes lorsqu'on aura fait ce travail,
pour être capables de combler des besoins. Vous parlez de l'Institut de
cardiologie, cela en est un. Il y en a d'autres. Parce que
l'accessibilité, l'universalité, ce sont les principes
mêmes du régime qui sont toujours présents.
Mais il y a des listes d'attente qui mettent en cause
l'accessibilité. Ça on en est pleinement conscients et,
dès le début de la commission parlementaire, j'ai
été très clair là-dessus et vous, qui avez
très souvent des contacts avec M. Bourassa, vous êtes à
même de constater que, sur le ticket modérateur, ce n'est pas lui
qui a évoqué la possibilité sur la place publique qu'il y
ait un ticket modérateur, c'est celui qui s'oppose à un ticket
modérateur. Ce n'est pas ça qui a été
évoqué en commission parlementaire.
Donc, pour que les choses soient très claires, il n'est pas
question de ticket modérateur, puis il n'en a pas été
question non plus. Le premier ministre est encore mon patron et c'est encore
celui qui dirige le Québec.
M. Laberge: Bravo!
M. Côté (Charlesbourg): Donc, pour être assez
clair là-dessus...
M. Laberge: Si on avait le droit de manifester, on
applaudirait.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Vous savez, c'est le vice du
président, M. Laberge, parce qu'il avait compris, ayant suivi la
commission parlementaire, qu'on pourrait faire applaudir les gens, si on le
voulait, assez régulièrement sur d'autres sujets. Mais prenons
d'abord ce qui nous différencie et ce qui nous rassemble. Ce qui nous
rassemble, on ne se chicanera pas longtemps: régionalisation. Je suis
très, très, très étonné qu'une centrale
syndicale qui a son rayonnement partout à travers le Québec
vienne nous dire qu'elle est contre la régionalisation du service de
santé... Laissez-moi finir. Je suis très, très
étonné de ça, mais une véritable
régionalisation. Je lai dit, j'en suis un régionaliste et je ne
me cacherai pas demain matin. Il va y en avoir une régionalisation,
qu'on le souhaite ou pas. Qu'on le veuille ou pas, il va y en avoir une, mais
avec des pouvoirs sur le plan régional, parce que expliquez-moi comment
il se fait que les régions du Québec ne seraient pas mieux
placées sur le
plan de la connaissance de ce qu'elles ont besoin pour régler
leurs problèmes de santé chez eux. Expliquez-moi pourquoi les
régions du Québec et les gens qui représentent les
régions n'auraient pas autant de pouvoir que vos syndicats
affiliés au niveau des régions du Québec ou dans des
établissements qui s'affilient à une fédération,
mais qui ont des pouvoirs aussi de décider localement d'un certain
nombre de choses. J'ai de la difficulté à vous suivre
là-dessus, et vous aurez compris, mais dites-moi d'abord ce qu'il
faudrait donner pour que la régionalisation e fasse dans des conditions
qui soient satisfaisantes pour les régions et pour les gens qu'on
défend, ceux qui sont au centre des services, soit lec
bénéficiaires?
M. Laberge: M. le Président, pour répondre à
la question de M. le ministre, nous n'avons jamais dit, à la FTQ, que
nous étions contre la régionalisation. Nous
dénonçons la régionalisation proposée dans
l'avant-projet de loi. Il y a toute une marge. Non, non, nous y croyons
à la régionalisation. Nous avons des centaines de militants et de
militantes partout dans les régions qui siègent aux
comités et tout le reste. On y croit à ça, mais à
une véritable régionalisation, avec de vrais pouvoirs, non pas
juste le pouvoir de dire: Bon, bien, il nous manque des ressources. On n'a pas
besoin de beaucoup de conseils d'administration. On voit ça, on a des
employés là-dedans, on a du monde... Bon! Non, non, nous ne
sommes pas contre la régionalisation, en principe, mais nous sommes
contre ça... Quand vous dites: II y aura une régionalisation, on
regardera celle que vous allez proposer, mon cher ministre.
M. Côté (Charlesbourg): C'est court un peu,
là.
Le Président (M. Joly): M. Cousineau, vous voulez rajouter
quelque chose, ou Mme Desormeaux?
M. Laberge: Mme Desormeaux.
Le Président (M. Joly): Mme Desormeaux, allez. (10 h
45)
Mme Desormeaux (Nicole): Oui. Ce que je voudrais rajouter, c'est
qu'un des problèmes qu'on entrevoit, c'est qu'on ne parle nulle part que
les budgets vont être améliorés. Pour nous, ce que
ça veut dire finalement, c'est une forme de désengagement, dans
le sens qu'on dit: Eh bien, maintenant, ce sont les régions qui seront
responsables de couper. Ce sont les régions qui auront l'odieux de dire:
Bien, ça, on n'est pas capables. Puis il y a un autre problème
aussi. C'est sur l'accessibilité pour l'ensemble des
Québécois et Québécoises à des services qui
se ressemblent, à un minimum de services accessibles à tout le
monde. Et on ne pourrait pas accepter, par exemple, qu'une région
décide d'investir quelque part puis couper ailleurs puis priver...
Je pense qu'un des meilleurs exemples qu'on pourrait vous donner, ce
serait l'exemple de l'avortement. On sait que c'est un sujet qui est
controversé et on peut peut-être s'imaginer un cor.Goil
d'administration régional, investi par un groupement pro-vie, qui
dirait: Dans notre région, désormais, il y en aura plus de
services accessibles pour un avortement gratuit et de qualité. Et on ne
veut pas que ça se reproduise au Québec. On veut que tous les
Québécois et Québécoises aient accès
à des services de qualité.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, tout est
question d'argent, de ressources sur le plan financier pour être capable
de faire face à tes besoins. Je vois dans les propos de M. Laberge des
propos plus nuancés concernant la régionalisation que ce qu'il y
a dans les textes et que ce qu'il y a eu devant la commission Rochon. Le
ministère de la Santé... Et quand on parle de
désengagement sur le plan financier, je m'excuse. J'ai été
aux Transports, comme ministre, et j'étais un de ceux qui disaient que
le ministère de la Santé et des Services sociaux, sur le plan
gouvernemental, était un de ceux - des ministères - qui
étaient très bien servis, puisque son budget était
pleinement indexé, avec un coût de système, après
avoir récupéré les déficits des centres
hospitaliers en particulier, au cours des années antérieures.
Donc, lorsqu'on regarde croissance des budgets de l'État dans le
domaine de la santé et des services sociaux, par rapport aux autres
missions du gouvernement, définitivement, le ministère de la
Santé et des Services sociaux, dans la pauvreté, bien sûr,
a été celui qui été choyé. Alors, il faut
quand même faire attention à ce qu'on véhicule en termes de
désengagement de la part de l'État.
Il y a, au niveau de la régionalisation, un besoin
extrêmement important que des régions puissent décider
elles-mêmes de leurs besoins. Comment pourvoir à leurs besoins?
Et, ça, ça m'apparaît essentiel dans la réforme que
nous amorçons maintenant. Il y a un problème dans le
système qui est extrêmement important qui est celui... Parce que,
quand on parie d'accessibilité, on parle d'universalité de soins
équitables au niveau de toutes les régions du Québec et ce
n'est pas le cas aujourd'hui. Ce n'est pas le cas, parce que les
médecins ne sont pas dans les régions du Québec, en
majeure partie. Et les gens sont obligés de partir des régions
pour aller se faire soigner à Québec ou à Montréal
où les gens veulent être concentrés.
Dans la mesure où il y a une décentrali-ation, comme nous
voulons faire, avec l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec à la région, au niveau de chacune des
régions, dans la mesure où on trouve la solution pour le
faire, ça va obliger les médecins à aller là
où est l'argent et avoir une meilleure équité dans la
dispensation des services au niveau de toutes les régions du
Québec. C'est clair que la régionalisation, ce n'est pas de
prendre le budget d'aujourd'hui puis de dire aux régions qui sont
pauvres: On vous transfère le budget. Maintenant, arbitrez la
pauvreté puis organisez-vous avez ça. Ça peut signifier
certaines choses, par exemple. Ça peut signifier que certaines
régions qui sont mieux pourvues que d'autres seront obligées de
faire certains sacrifices. Et c'est ça, la réallocation de
ressources, pour être capable de faire face aux besoins au niveau des
régions du Québec.
M. Laberge: Et c'est pourquoi j'ai dit, mon cher ministre, qu'on
regardera la régionalisation que vous proposerez. Celle-ci, on est
contre, parce que c'est une "réformette" de structures. On ne veut pas
attraper la "structurite", là. Mais s'il y a une vraie réforme,
une vraie régionalisation, pour régler des problèmes
régionaux, parce qu'on sait que les régions n'ont pas toutes les
mêmes besoins - il y a des besoins particuliers à certaines
régions, on est d'accord avec ça - nous autres, on regardera
ça. On n'est pas contre la régionalisation en principe, mais on
est vraiment contre celle qui était proposée par le projet de
loi.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on me
signale qu'il me reste deux minutes. Ça va très vite, trop vite,
à mon goût. Je vais aborder un dernier sujet. J'ai dit que ceux
sur lesquels on est d'accord, je n'en parle pas. On va parler de privatisation,
parce que c'est un sujet que j'ai vécu aux Transports, en particulier,
avec la FTQ, concernant la privatisation de Quebecair. Donc, on peut en parler.
Ça n'a pas été si mauvais que ça pour le
Québec, la privatisation de Quebecair.
Il y a donc des exemples, sur le plan de la privatisation, qui donnent
des résultats assez intéressants, ce n'est pas parfait, mais qui
donnent des résultats assez intéressants. Et je me souviens qu'il
y avait, à l'époque, cette même position de fermeté
à savoir qu'on risquait de perdre des leviers assez importants si on
privatisait Quebecair.
Moi, je me dis que c'est clair que le système de santé
doit demeurer avant tout public - c'est clair, avant tout public - mais vouloir
à tout prix que l'ensemble du système demeure public sans
être capable de voir des expériences qui peuvent se faire sur le
plan de la privatisation de certains services, là je ne suis pas.
Expliquez-moi ça, demain matin, pourquoi, dans certains cas, on ne
pourrait pas examiner la possibilité de privatiser des services non
cliniques, non pas partout, mais au moins pour faire l'expérience, pour
avoir des secteurs témoins à savoir si, effectivement, notre
rendement est bon ou non. Expliquez-moi ce que ça peut avoir comme
incidence, demain matin, par exemple, que les buanderies puissent être
privatisées. Expliquez-moi l'incidence que ça peut avoir sur les
malades, sur les soins aux bénéficiaires. Pourquoi ne pourrait-on
pas le regarder? Les OSIS vous en avez peur? Tout le monde en a peur des OSIS.
De toute façon, il faut tenter d'éviter qu'il y ait deux sortes
de catégories de patients: ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont
pas. C'est vrai ça, mais ce sont des expériences qui viennent
d'ailleurs. Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir une
expérience de faite au niveau du Québec et que ça va
s'étendre par la suite à tout le Québec.
La privatisation, ça peut avoir des effets
bénéfiques compte tenu qu'on parie de réallocation de
ressources et de voir si on sent l'obligation de centraliser les achats pour
être capable d'avoir des économies. Dans certains cas, dans des
domaines très spécifiques qui ne touchent d'aucune manière
le domaine clinique, il y a peut-être des expériences à
faire, ne croyez-vous pas?
M. Laberge: M. le ministre, on se rappelle la médecine
privatisée au Québec. On n'a pas encore oublié ça.
Moi, je l'ai vécue et il y en a d'autres qui l'ont vécue. On se
rappelle ce que c'était et on ne veut pas retourner à ça,
définitivement.
Vous avez dit: Regardez, on a privatisé Quebecair et ça ne
va pas si mal que ça. Moi, je suis bien heureux de voir que ça va
mieux à Intair, mais, si ma mémoire est fidèle, il me
semble que j'ai entendu le gouvernement dire, à un moment donné:
C'est vrai que la vente de Quebecair, ça n'a pas été notre
meilleur coup. Est-ce que le gouvernement n'aurait pas dit ça?
M. Côté (Charlesbourg): N'a pas été
quoi?
M. Laberge: II semble que ça n'a pas été
notre meilleur coup.
M. Côté (Charlesbourg): non, non, vous vous trompez.
c'est m. parizeau qui avait dit que nationaliser quebecair n'était pas
le meilleur coup.
M. Laberge: Non, je ne me trompe pas, c'est M. Bourassa.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. En tout cas...
M. Laberge: Mon cher ministre, je vous...
M. Côté (Charlesbourg): ...je ne sais pas s'il vous
a dit ça lors de conversations privées, mais, si c'est
publiquement, sortez-moi les coupures.
M. Laberge: Non, publiquement. Publique-
ment, le gouvernement a reconnu que ce n'était peut-être
pas le meilleur coup qu'il avait fait et qu'à l'avenir if ferait plus
attention. En fait, je vous l'ai dit dans le temps, à l'avenir... Il y
en avait une couple d'autres où vous avez fait plus attention et on
était heureux.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, sur Quebe-cair,
j'aimerais bien qu'on s'en reparle. Si vous avez des documents très
clairs là-dessus, vous me les enverrez.
M. Laberge: Certainement.
M. Côté (Charlesbourg): Parce que je ne le? ai pas
vus sur la place publique d'aucune manière.
M. Laberge: J'ai une copie de la déclaration.
M. Côté (Charlesbourg): O.K.
M. Laberge: Je vous enverrai ça avec plaisir, parce qu'on
partage d'autres affaires, alors on peut peut-être partager
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître M. le leader de l'Opposition officielle et
critique en matière de santé.
M. Chevrette: Je vous remercie, M. le Président. Tout
d'abord, je voudrais dire aux dirigeants de la FTQ que je partage leur point de
vue et leurs craintes sur la privatisation, sur les OSIS. J'ai hâte qu'on
nous explique. L'homme de gauche du ministre pourrait nous parler des OSIS,
mais il nous en parlera une autre fois.
Sur le communautaire, vous avez une perception, je pense, très
juste également. On ne doit pas utiliser le communautaire, qui est
né des besoins du milieu, pour en faire des salariés ou des
subventionnés à rabais pour faire des fonctions dévolues
à une main-d'oeuvre, à des travailleurs et des travailleuses dans
le domaine de la santé et des services sociaux, et je pense que vous
avez raison.
Quant aux iniquités régionales, je comprends que vous
soyez contre la forme de régionalisation qui est proposée, parce
qu'ils ne nous disent pas s'ils ne transformeront pas les iniquités
actuelles dans les faits. Donc, s'ils nous disent qu'il y aura des correctifs
d'enveloppes, par exemple, dès le départ, et que l'enveloppe de
la RAMQ sera décentralisée, mais par un per capita qui tienne
compte de certains facteurs, du secteur routier, des distances, qui tienne
compte de certains critères... C'est un peu ça, j'ai compris
ça de même.
Je dois vous dire que je suis content, le ministre commence à
être convaincu que son avant-projet n'a pas d'allure parce qu'il plaide
sur les engagements qu'il a pris au niveau du projet qui viendra. Il ne parle
plus de l'avant-projet, il n'y croit pas. Donc, ça, c'est une affaire
qui est acquise. À date, je pense qu'on est rendus à 98 % de
l'avant-projet qui vont disparaître, selon les engagements qu'il a pris
dans te petit calepin vert qui est devant lui. Donc, on ne reconnaîtra
sans doute pas le projet si le ministre respecte tous les engagements qu'il a
pris parce que c'est vrai que ça n'a pas d'allure et il le sait, c'est
évident. Si on avait le droit d'applaudir, on pourrait l'applaudir. Mais
il reste 2 %, alors on l'applaudira quand il aura fini les 2 %.
Cela dit, moi, j'ai quelques questions à vous poser, en
particulier sur la politique en santé. Le ministre dit: On n'a pas
d'argent et on ne peut pas continuer à avoir de l'argent. Ça
m'amène à vous dire que je suis d'accord sur la
prévention, sur tout l'aspect prévention dont vous traitez dans
votre mémoire; ça, c'est extrêmement positif, mais, pour ce
faire, il faut changer les mentalités. Tant et aussi longtemps qu'on
n'aura pas une politique en santé, des plans de développement en
matière de santé, le curatif va tout gober. On n'est pas
capables, qui que nous soyons, centrale syndicale ou pas, vous le savez, de
contrer un lobby face à quelqu'un qui est très malade. On dit:
Guéris-le! Guéris-le! Et sur la régionalisation, en ce
sens-là, s'il n'y a pas une politique de santé, ce sera la
région qui aura l'odieux de décider, vous avez entièrement
raison. Il faut appeler les choses par leur nom.
Donc, que pensez-vous d'une politique qui viendrait définir les
grands paramètres de la santé et qui obligerait tous les groupes
de salariés, y compris les médecins, à changer de cap, par
exemple, à mettre des priorités et à aligner tout le monde
là-dessus? On le fait avec Hydro-Québec, le plan de
développement. Ils viennent, annuellement, passer une journée ou
deux, ici, nous parier du plan de développement à
Hydro-Québec; c'est important ça. Mais, pour la santé du
monde, il n'y a pas de politique. On a un avant-projet après 6 500 000 $
dépensés à la commission Rochon, une deuxième
tournée de la ministre parce qu'elle ne croyait pas ce que Rochon avait
écrit, un avant-projet de la ministre, une autre consultation et,
là, on va avoir un autre projet à l'automne, il va falloir qu'on
se branche à un moment donné.
La question des coûts. Vous dites, M. Laberge, que vous seriez
peut-être prêt à payer moyennant un examen très
sérieux, pas seulement au niveau des urgences, je pense bien, mais au
niveau du vieillissement des populations, par exemple. Comment voyez-vous
ça, une politique qui amènerait le monde à changer de
mentalité pour ne pas avoir le réflexe, exclusivement, de
l'institution dès qu'on est malade?
M. Laberge: Je pense que vous allez recon-
naître, M. le député, que nous préconisons
ça depuis fort longtemps, a la FTQ. Quand on a discuté des
services essentiels et de la qualité, surtout en temps de conflit, on a
dit: Ça n'a pas d'allure; vous exigez un tas de choses en temps de
menace de conflit dans les services de santé et vous n'exigez absolument
rien en temps normal. Vous exigez plus et mieux lorsqu'il y a une grève
que lorsqu'il n'y en a pas. en fait, si on était du monde comme
ça, on serait quasiment encouragés à en faire juste pour
améliorer les services dans les hôpitaux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Laberge: Non, mais vous allez admettre qu'il y a quand
même une légère contradiction. S'il avait fallu qu'un
photographe arrive dans un hôpital et voie des gens cordés dans
les corridors et dans les salles d'urgence parce qu'il y avait eu un
arrêt de travail, on aurait été lapidés sur la place
publique. Et pourtant, tous les jours, dans la plupart des hôpitaux,
ça se passe. Nous autres, on est prêts à aller très
loin. On ne dit pas juste: "Chargez" au boss! "Chargez" au boss, "chargez"
aussi aux travailleurs et aux travailleuses qui s'en tirent le mieux dans le
système! C'est nous autres, ça. Enfin, on espère que nos
membres s'en tirent mieux que les autres et on est prêts à payer
notre part. On est prêts à aller assez loin, si c'est pour
améliorer notre service de santé, évidemment, les budgets
ont augmenté et, M. le ministre nous l'a rappelé tantôt,
c'est évident, la population vieillit, donc on a de plus en plus de
demandes. Je le sais, vous me regardez, M. le ministre...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Depuis que j'ai mis la main sur...
M. Laberge: ...mais je ne suis pas encore un de ceux qui
augmentent... Ha, ha, ha!
M. Chevrette: À la Cité de la santé de
laval, il y a un document qui circule, intitulé "Notre mission, c'est la
santé et notre religion, c'est l'équilibre budgétaire".
C'est à se demander si, dans certains milieux, la santé
budgétaire ne passe pas avant la santé des citoyens du
Québec. (11 heures)
Cela dit, au niveau des personnes âgées en particulier, on
sait qu'il y a des régions du Québec qui vont connaître un
vieillissement plus accentué que d'autres - je prends le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, la région du Bas-du-Fleuve et,
également, la région de Trois-Rivières - ce qui va
créer des problèmes. Donc, dans le cadre d'une
décentralisation ou d'une régionalisation - appelons ça
comme on voudra - où il y aurait un rééquilibrage des
enveloppes budgétaires, est-ce qu'il faudra que ça soit
révisable, selon vous, ou si ça doit être fixe, puisqu'on
pourrait connaître, dans certains milieux, en tout cas, des
problèmes majeurs, par exemple, quant au vieillissement de la
population? Est-ce que vos membres sont sensibles à ce
facteur-là?
Et la sous-question également: Comment concevez-vous qu'on puisse
oeuvrer au niveau des deux groupes de personnes les plus vulnérables de
notre société, qui sont les jeunes et les vieux, dans le cadre de
budgets fermés?
M. Laberge: Écoutez, c'est là qu'on fait la
distinction entre décentralisation et régionalisation. On ne
pourrait pas laisser ça au gré de chacun un peu partout. Il faut
quand même qu'il y ait des principes de base. Il faut quand même
qu'il y ait une couverture connue dans nos services de santé. Si on
s'entend là-dessus, on a déjà un bon pas de fait. Mais
qu'il y ait des administrations régionales avec des pouvoirs, c'est bien
sûr que ça pourrait aider parce qu'encore une fois ils sont les
mieux placées pour connaître les besoins particuliers de leur
région et trouver des solutions pour les besoins particuliers de leur
région. Bon, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Peut-être
que, dans une certaine région, un centre hospitalier n'a besoin que
d'une petite salle d'urgence pour des cas un peu normaux, tandis que, dans
d'autres régions où il y a des mines ou des choses semblables,
ils ont besoin d'avoir une salle d'urgence mieux équipée pour des
cas un peu plus lourds. On est d'accord avec ça, pourvu qu'il y ait des
paramètres bien connus.
Le Président (M. Joly): Mme Desormeaux.
Mme Desormeaux: Moi, M. le député, je voudrais
revenir un peu à votre intervention précédente. Et je
voudrais vous souligner, à cet effet-là, que nous ce que nous
voulions, c'était d'avoir un plan d'action et non pas, effectivement,
jouer sur des structures, dans le fond. Et, si vous regardez nos textes, ce
qu'on veut c'est régler concrètement les problèmes qui se
posent quotidiennement à l'intérieur du réseau. Or, dans
l'avant-projet de loi, on ne trouvait pas quoi que ce soit qui pouvait
régler concrètement ce qui se passe et ce dont nous sommes
témoins quotidiennement, entre autres, en ce qui a trait à la
qualité des soins. Ça c'est un drame qu'on vit quotidiennement
dans nos établissements et il n'y a rien, actuellement, qui nous
permette de penser qu'on puisse régler ces problèmes de
qualité.
Donc, on pense qu'avec un plan d'action... C'est sûr que le
gouvernement a un rôle de leadership important à jouer dans ces
questions-là, dans ce sens qu'il faut que le moteur vienne de quelque
part et il devrait venir, effectivement, du gouvernement
québécois pour inciter tous les paliers du système
à centrer les interventions sur la personne, c'est-à-dire sur
les
services qui sont donnés quotidiennement à
l'intérieur du réseau.
Le Président (M. Joly): M. Cousineau. ,
M. Cousineau (Guy): Je pense qu'une des choses fondamentales,
c'est qu'actuellement il y a une série de structures régionales.
Il y a des structures locales qui, à notre sens, sont mal
utilisées ou mal connues. Je pense que le réseau des CLSC devrait
être révisé et regardé. Et pour ça on n'a pas
besoin d'une nouvelle structure.
Le Président (M. Joly): M. le député...
M. Cousineau: M. Daoust, tantôt, d'entrée de jeu, a
dit: Une des choses qui est importante pour nous autres - on va le
répéter, je pense - c'est la politique du plein emploi. Tant et
aussi longtemps qu'on va accepter d'avoir 18 % dans le centre de
Montréal, tant et aussi longtemps qu'on va l'accepter et qu'on n'aura
pas une politique qui fera en sorte que le monde travaille, on va avoir besoin
de curatif et les services sociaux vont augmenter encore plus. Et c'est
là-dessus, je pense, qu'il faut attaquer et non pas attaquer une
structure. On a à peu près tous les éléments qu'il
nous faut actuellement. Il faut travailler sur ces structures-là pour
les améliorer et faire en sorte qu'on puisse, danc chacune des
régions, effectivement jouer. On peut, avec ce qu'il y a exactement,
changer des enveloppes, on y est, mais il faut que la base des soins soit
là, il faut que l'ensemble de l'accès à tout le monde pour
les services minimaux de santé soit là et il va falloir aussi
avoir des services minimaux au niveau des services sociaux.
M. Chevrette: Mais quand on a nommé la commission Rochon,
je me souviens, j'y étais à l'origine, on avait demandé
à la commission Rochon de parler des aberrations du système et
l'un des reproches que j'ai toujours adressés à la commission
Rochon, c'est de ne pas avoir étalé au public les aberrations de
ce système-là, pour amener les mentalités à
désirer des changements face à ces aberrations. À mon
point de vue, on a manqué le bateau. Mais, à partir de vos
membres et des groupes de personnes que vous représentez, quelles sont
les aberrations du système actuel qui pourraient permettre
précisément une récupération d'argent pour
tâcher d'apporter des corroctifs aux vrais problèmes que vous
soulevez? Gênez-vous pas.
M. Daoust: II n'est pas simple de vous parler des aberrations du
sytème actuel parce qu'elles sont fort nombreuses, soit dit en passant.
Dans le mémoire que nous vous avons présenté - et je
devrais en dire quelques mots - il y a de multiples témoignages de
travailleurs et de travailleuses de ces nombreux établissements que vous
connaissez qui, malheureusement, selon nous, ne sont pas bien entendus par ceux
qui devraient les entendre. Il y a là une expertise incroyable au niveau
de ces milliers de travailleurs au Québec qui sont les témoins
quotidiens de choses inacceptables et qui les disent de temps à autre.
Mais c'est une chose de les dire à la direction de tel ou tel
hôpital qui, des fois, est peu réceptive pour toutes les raisons
que vous pouvez imaginer, parce qu'elle est remise en question par ces
critiques-là, et c'en est une autre de les dire, comme on a pu le faire,
par des mémoires, lors de rencontres, aux plus hautes autorités
politiques ici, au Québec. On a toujours eu le sentiment que,
malheureusement, on n'était pas aussi bien entendus qu'on n'était
pas entendus, qu'on nous accueillait, mais qu'il n'y avait jamais de suivi. On
en fait état dans ce mémoire-ci. Il suffirait de reprendre
quelques-unes des pages du document et de les expliciter.
Les aberrations, elles sont mulitiples encore une fois: l'engorgement
des salles d'urgence, la prolifération - et ce n'est pas un sujet
très très facile que je veux aborder là - des postes au
niveau des cadres et des postes de direction dans les multiples
établissements, le peu d'accueil qu'on fait aux griefs fondés, je
ne parle pas des griefs qui découlent des relations du travail, mais des
griefs fondés quant au fonctionnement de tel ou tel
établissement. Tout ça constitue des aberrations et il y en a
bien d'autres, incidemment. C'est un peu pour ça qu'on parle d'une
stratégie globale, d'un plan d'action et non pas d'un projet de loi qui
va multiplier quasiment à l'infini les structures. Il semble - et je ne
veux pas faire la critique de la société québécoise
- que de plus en plus, au Québec, quand il y a un problème qui
est difficile, on crée une structure, on crée des comités
et qu'on se perd en palabres à n'en plus finir qui,
malheureusement...
M. Chevrette: De temps en temps, c'est superstructure et, le
lendemain, c'est supra.
M. Daoust: Ah bien, ça peut être ça. Une
voix: Des comités.
M. Daoust: alors qu'il y a d'autres moyens de prendre le pouls de
la population et de prendre le pouls de l'ensemble des travailleurs et des
travailleuses qui sont dans ces établissements-là. On insiste
là-dessus parce que, nous, on les voit, on les écoute, on lit les
témoignages qu'ils font et c'est à faire dresser les cheveux sur
la tête. Écoutez... Enfin, on le sait, on a fait une
tournée, à l'échelle de tout le Québec, pour
recueillir des témoignages de travailleurs et de travailleuses du
secteur et c'est déplorable dans bien des cas.
Moi, je souhaiterais bien que le ministre - et je sais que, dans ce
domaine-là, il a peut-être une prédisposition plus
naturelle que bien des gens qui ont occupé le poste qu'il occupe
à ce moment-ci pour toutes sortes de raisons que l'on connaît -
soit véritablement à l'écoute du milieu et qu'il n'oublie
pas d'écouter bien attentivement l'ensemble des travailleurs et des
travailleuses du réseau de la santé et des services sociaux.
Alors, les aberrations, encore une fois on pourrait être ici pendant fort
longtemps si on les prenait les unes après les autres et si on
explicitait notre point de vue là-dessus.
Le Président (M. Joly): M. Bellemare.
M. Bellemare (Marc): Merci, M. le Président, comme le
président de la FTQ l'a dit, je représente les travailleurs et
les travailleuses du gouvernement fédéral au sein de la FTQ et
mes commentaires se feront en deux phases...
M. Chevrette: ....de l'argent en santé?
M. Bellemare: Exactement. Bon, dans un premier temps, il
existe...
M. Laberge: on a promis de les supporter pour qu'ils s'en
viennent avec nous autres à un moment donné, alors il n'y a pas
de problème!
M. Bellemare: Dans un premier temps, il existe une
compétition - on ne peut pas parler d'une saine compétition -
entre les divers organismes de santé, que ce soit les CRSSS, les CSS,
les DSC, il y a une compétition actuellement et chacun de ces
organismes-là a un conseil d'administration. Je ne sais pas si c'est
normal dans une région d'avoir cinq, six, sept, huit ou neuf conseils
d'administration. Si on veut parler de régionalisation, ce serait
peut-être un point. Ensuite, il va falloir s'assurer des
disparités régionales: il y a des régions riches, il y a
des régions pauvres et il y a des régions très pauvres. Le
débat s'est fait aussi en grande partie sur le financement et sur le
manque de ressources. Effectivement, j'ose croire, M. le Président, que
le ministre et les partis de l'Opposition seront d'accord un jour ou l'autre
pour aller chercher l'argent au fédéral et les travailleurs et
les travailleuses qui viennent avec. On aurait alors l'argent et les ressources
additionnelles. J'ose croire que le patron de M. le ministre va continuer de la
façon dont il est parti là actuellement parce que, si on continue
avec un paquet d'aberrations... On pariait tout à l'heure de se lever
les cheveux de sur la tête; je ne peux pas me permettre d'en avoir bien
bien dans les airs et M. le ministre non plus!
M. Laberge:...
Le Président (M. Joly): Merci, M. Bellemare. Mme la
députée de Chicoutimi, trois minutes.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je reconnais avec
la FTQ que le problème, par rapport à ce projet de loi, c'est
l'absence d'une politique globale en santé. Il est difficile d'aligner
le projet de loi en vertu d'une politique qui n'existe pas, parce qu'une
politique globale de la santé, ça aurait obligé
l'Opposition comme le gouvernement à élargir la question à
la pauvreté et au chômage, compte tenu des incidences sur les
coûts de la santé. Je pense que, là-dessus, on l'a
déploré comme beaucoup d'intervenants l'ont fait d'ailleurs.
Sur la régionalisation, comme députée d'une
région, je suis très favorable à la
régionalisation. Je suis d'accord avec vous cependant que ça pose
certains problèmes d'équité, actuellement, si la formule
actuelle était maintenue, et qu'il faudra s'assurer qu'il y ait une
correction dans certaines enveloppes pour réduire les
inégalités.
Quant aux CRSSS, contrairement à ce que vous dites, à
savoir que les CRSSS ça existe et qu'on pourrait travailler avec eux,
moi, je ne suis pas de cet avis-là; ils n'ont pas la structure qui leur
permet effectivement d'imposer un certain nombre de décisions qui se
prendraient en région. Je pense que le ministre est d'accord
là-dessus, il faut revoir la situation.
Vous nous dites - et c'est ce qui m'intéressait - que vous
êtes prêts à faire plus, à aller assez loin, s'il n'y
a pas suffisamment d'argent dans le réseau, et vous pensez que la
population québécoise est prête à en mettre plus du
moment qu'on corrige un peu les aberrations du système qu'on
connaît. Est-ce que vous avez des données plus précises
là-dessus, par rapport à ce que, comme Québécois,
par rapport à votre organisme, on serait en mesure d'attendre comme
contribution additionnelle pour financer le réseau de la santé et
des services sociaux?
Le Président (M. Joly): M. Daoust.
M. Daoust: On le mentionne dans notre mémoire, à
l'égard du financement, et le président de la FTQ l'a
souligné, il y a une très grande ouverture d'esprit dans notre
milieu. Et Dieu sait qu'on ne parle pas sans avoir fait les consultations qui
s'imposent à l'égard d'un financement adéquat qui, s'il ne
peut être dégagé par les moyens traditionnels que l'on
sait, devrait l'être par un régime de taxation progressif beaucoup
plus adéquat. Je m'explique un peu: dans le mémoire, on le
mentionne, les recettes pourraient venir du revenu des entreprises que dieu
sait que vous connaissez notre point de vue là-dessus. Il y a des
entreprises au Canada, il y en a au Québec, qui font des profits et qui
ne paient absolument aucun impôt. On a toujours trouvé ça
scandaleux et on n'a jamais cessé de dénoncer cette situation. Il
nous semble à nous qu'en premier lieu les entreprises
québécoises devraient être appelées à
contribuer financièrement par voie de taxation, pour faire en sorte que
le système de santé et des services sociaux soit plus
adéquatement financé. Et on va plus loin dans notre
mémoire et je le cite, d'abord, sur le revenu des entreprises, je viens
d'en parler, puis sur les revenus des particuliers, surtout sur celui des
personnes à revenus élevés. Il y a là une justice
tout à fait normale que les gens les mieux
rémunérés dans notre société soient
appelés à payer plus d'impôts pour venir en aide aux plus
défavorisés. C'est la normalité des choses. (11 h 15)
Alors, encore une fois, on a cessé de le dire, on estime, nous,
que l'ensemble des Québécois et des Québécoises,
afin de garder ce système dont on dit qu'il est un des meilleurs au
monde, on le dit dans notre document, surtout comparativement aux
Américains, que l'ensemble, donc, de la population du Québec est
sans aucun doute disposée, dans la mesure où on aura un plan
d'ensemble et qu'on verra exactement où est-ce qu'on s'en va, à
en mettre un peu plus par des impôts ou par des taxes, pour conserver
à ce régime-là, je ne dirai pas son originalité,
mais son caractère d'universalité, d'accessibilité et de
qualité. Et ça, on est convaincu que les travailleurs et les
travailleuses, même s'ils vont sursauter peut-être un peu - on
n'est jamais satisfait quand il y a une augmentation des impôts - vont
accepter un fardeau fiscal plus élevé afin de garder notre
régime en bonne santé.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Daoust. Merci, Mme la
députée. M. Chevrette.
M. Chevrette: Mille mercis. J'ai reconnu votre style flamboyant.
À la prochaine.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. C'est toujours des moments très importants que de
recevoir une centrale aussi importante que la FTQ, qui représente
au-delà de 35 000 personnes dans le réseau, ce qui est tout
à fait considérable. Je suis très heureux des
échanges qu'on a sus, malgré le fait que ce soit trop bref
à mon goût. Mais, une chose est certaine, c'est qu'il y a des
commentaires et des propositions que je partage très nettement dans le
mémoire, d'autres pour lesquels j'ai des réserves. C'est
davantage ceux où il y a des réserves qu'on a mis en
évidence. On verra ce que ça donnera à l'automne, mais il
y a des principes extrêmement importants qui vont être
conservés, y compris la régionalisation. On va tenter de la faire
du mieux possible. Merci.
M. Laberge: Alors, merci, M. le Président, les membres de
la commission. Merci des questions que vous nous avez posées et de
l'attention que vous avez prêtée a la présentation du
mémoire. Et c'est bien sûr que nous sommes toujours ouverts et
disponibles. Si vous avez besoin, ne ménagez pas vos transports.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Merci. Au nom des membres de la
commission, je remercie les représentants de la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec. J'apprécierais votre
collaboration, s'il vous plaît. Nous avons largement
dépassé le temps. Il faudrait récupérer, alors
j'apprécie votre coopération coutumière. Merci
beaucoup.
Je demanderais aux représentants du Conseil de la santé et
des services sociaux du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Bonjour et bienvenue à cette commission. Vous connaissez la
procédure. Vous savez comment ça fonctionne. Vous avez
assisté aux débats tantôt. Vous avez une vingtaine de
minutes pour nous présenter votre mémoire et, par après,
on se réserve le temps pour vous questionner et essayer de
connaître davantage le fond de votre pensée, ceci, des deux
côtés de cette Chambre. Merci.
La personne responsable devrait se présenter et aussi nous
introduire les gens qui l'accompagnent.
Conseil de la santé et des services sociaux du
Bas-Saint-Laurent,
de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine
M. Bérubé (Gabriel): Gabriel Bérubé.
Je suis membre du conseil d'administration à titre de
représentant universitaire. À ma gauche, Mme Aline Malenfant,
vice-présidente du conseil; à ma droite, M. Jean Miville,
directeur général, et M. Maurice Arsenault, président du
conseil.
Le Président (M. Joly): Bonjour. Allez.
M. Bérubé: Je veux d'abord remercier les membres de
la commission de nous permettre de présenter nos réactions
à l'avant-projet de loi de la santé et des services sociaux.
À nos yeux, l'essentiel de cette réforme tourne autour du projet
de régionalisation et nous avons choisi de faire de ce projet l'objet
principal de notre mémoire. Pourquoi? Parce que nous pensons que
l'idée de la régionalisation, généreuse et encore
trop générale, peut se transformer en un projet réel
à condition que nous soyons prêts à y mettre le prix, un
prix qui est d'abord politique. Ce prix, pensons-nous, doit être
payé par les deux partenaires impliqués: d'un côté,
le ministère et le gouvernement; de l'autre, en région, les
établissements et la population.
Ce choix que nous avons fait en tant que Conseil de la santé et
des services sociaux de la région sociosanitaire 01 est fondé sur
deux éléments de notre réalité: notre région
a vécu de façon particulière l'expérience-pilote de
la régionalisation et elle peut parler en connaissance de cause. De
plus, comme région périphérique, nous plaçons tout
notre espoir dans la réalisation de ce projet pour offrir à notre
population des services de santé et des services sociaux
adéquats, continus et intégrés.
En d'autres mots, au lieu de nous attarder à la mécanique
de l'avant-projet de loi, nous avons voulu centrer notre message autour de ce
qui nous apparaît être sa pièce maîtresse et le
principe de son architecture. Ce faisant, nous avons voulu souligner, à
la fois à l'intention des autorités politiques et aussi à
l'intention de la population que nous représentons, à quel point
nous attachons de l'importance à ce projet de régionalisation.
Cette idée arrive à point. Nous devons la traiter avec toute
l'expérience des 20 ou 30 dernières années en la
matière et, pour la réaliser, nous devons y mettre le prix.
En fonction de ce message central, nous allons développer deux
idées: en premier lieu, nous allons présenter les conditions
politiques à la réalisation de la régionalisation et,
ensuite, nous allons expliciter de façon plus concrète les
avantages de la régionalisation pour notre région.
Pourquoi parler de conditions politiques à la réussite de
la régionalisation? Nous pensons que la régionalisation ne
réussira pas si ceux qui ont le pouvoir à Québec et ceux
qui ont le pouvoir en région ne la veulent pas vraiment et ne vdtent pas
en ce projet la clé d'une transformation en profondeur dans notre
système. Il y a des sacrifices à faire autant au centre qu'en
région; il y a des conditions à mettre en place qui vont exiger
des changements importants dans les habitudes et les privilèges et c'est
à ce prix que la région pourra bénéficier des
avantages de la régionalisation.
Toute d'abord, quel prix le centre, c'est-à- dire le
gouvernement, le ministre responsable, le ministère, doit-il payer pour
qu'il y ait régionalisation? En regard de la décentralisation, le
premier sacrifice à faire par le centre s'énonce de façon
négative: premièrement, il faut éviter de faire
équivaloir décentralisation et déconcentration;
deuxièmement, il faut faire la décentralisation en mettant la
hache dans l'hyper-réglementation. Ces exigences sont énormes.
Leur application implique un virage majeur par rapport à la
manière de faire des 20 ou 30 dernières années.
Nous n'allons pas insister plus longuement. Ceux et celles qui ont une
expérience concrète de la pratique gouvernementale en
région savent de quoi l'on parle. Disons-le en utilisant une image. Avec
l'ouverture des bureaux régionaux des ministères en
région, le nombre de pèlerinages à Québec n'a pas
diminué pour autant.
Pour dire maintenant les choses de façon positive, nous pensons
que la décentralisation, pour le centre, exige qu'il fasse "retour sur
l'essentiel", pour reprendre l'expression de la commission Rochon. Ce retour
sur l'essentiel, accompagné d'un nécessaire délestage vers
les régions de responsabilités et de ressources, constitue en soi
un premier défi considérable dans la mise en oeuvre de la
régionalisation.
Les résistances à opérer de tels changements sont
énormes. Chacun sait qu'on ne voudra pas facilement se décharger
demain de responsabilités que l'on croit essentielles d'exercer
aujourd'hui et chacun sait qu'il ne sera pas facile de ne plus contrôler
directement autant de millions qu'auparavant. De façon plus
spécifique, eu égard aux nouvelles responsabilités et
ressources que le centre devrait accorder aux régions, nous proposons
quatre orientations. En premier lieu, nous pensons que cette définition
des nouvelles responsabilités dort reconnaître aux régions
la capacité d'adapter les priorités, en matière de
politique dé santé et de bien-être, aux
particularités spécifiques de la région.
Deuxièmement, nous suggérons que, dans cdtte définition
des nouvelles responsabilités régionales, on définisse
plus clairement la marge de manoeuvre des régions dans les programmes
dont ils auront la responsabilité et qu'apparaisse clairement le
changement que la nouvelle manière de faire va impliquer par rapport
à l'ancienne. Troisièmement, nous pensons que le centre dort se
confronter au problème de la multiciplicité des
régulations régionales que le système actuel autorise:
celles du CRSSS ou de la future régie, celles du département de
santé communautaire, celles du CSS. Le centre devra donner des
clarifications souhaitables sur les relations qui devraient relier ces
instances, de manière à rendre la plus efficace possible la
régie régionale. Enfin, quatrièmement, nous pensons que le
centre doit définir les ressources financières et humaines dont
il va se départir pour favoriser l'amélioration de la
capacité de décision et
d'intervention des régions. Tant que la régionalisation ne
sera pas énoncée en termes de dollars qui transitent vers les
régions et d'effectifs qui leur seront désormais dévolus,
soit en provenance du ministère, soit en provenance d'autres instances
régionales, elle restera un effet de discours.
En région maintenant. Il ne faut pas penser qu'une
véritable régionalisation ne va pas déranger, chez nous,
au sein des établissements, des habitudes, des sécurités
et des pouvoirs. Première compromission: nous sommes prêts
à ce que les établissements et l'instance région?' e
soient dirigés par des représentants de la population. Il n'y
aura pas de véritable régionalisation sans que le système
devienne piuc directement imputable à la population de la région.
À cette fin, parmi les hypothèses possibles, on peut penser que
les élus de la région, qu'ils soient des élus municipaux,
des préfets de MRC ou des députés, soient invités
à occuper une place significative au sein de nos instances
décisionnelles, sans porter préjudice à la participation
des organismes communautaires, des citoyens et des groupes
intéressés aux domaines sociocommunautaires. Ce faisant, les
technocrates de la régie et des établissements, les
professionnels et les intervenants de toute catégorie devront
répondre à des personnes qui n'ont pas les mêmes
intérêts corporatifs qu'eux et dont la raison d'être est de
répondre aux demandes de la population qui les élit et a le
pouvoir de les démettre.
Deuxième compromission: pas de véritable
régionalisation sans que les nouvelles instances régionales
assument davantage les conséquences du contexte budgétaire
actuel. Certes, pour les régions, un des effet? escomptés de la
régionalisation, c'est qu'elles puissent générer des fonds
nouveaux. Avec les responsabilités nouvelles, devront venir les moyens
pour les exercer. Cependant, nous sommes conscients que la situation
financière des gouvernements est critique depuis le début des
années quatre-vingt. Dans ce contexte, les régies
régionales seront éventuellement appelées à faire
des choix difficiles en termes de déplacement de priorités ou
d'aménagement des ressources. Certes, la pers pective n'est pas toujours
réjouissante, mais il ne faut pas avoir peur de l'envisager quand on
parle de régionalisation; ça en fait partie. (11 h 30)
Ni le centre ni les régions ne seront prêts à payer
de tels prix pour la régionalisation s'ils n'en reçoivent des
bénéfices compensatoires. Pour une région comme la
nôtre, ces bénéfices apparaissent de trois types. Tout
d'abord, nous aurons l'avantage, comme les autres régions, de
bénéficier de la production d'un centre qui gérera mieux
les choses essentielles. Ensuite, nous pensons que les nouveaux pouvoirs en
région vont nous permettre d'améliorer l'accessibilité aux
services sociosanitaires pour la population de notre région et de lui
offrir un réseau de services intégré et continu.
Nous croyons, tout d'abord, que le ministère et le gouvernement
vont tirer un immense profit du simple fait qu'ils n'auront plus à
gérer quasiment en direct le quotidien des établissements. Ils
auront aussi plus d'énergie pour s'acquitter des tâches
essentielles qui leur appartiennent en propre et ils auront ainsi la
satisfaction de doter le système de politiques et de mécanismes
qui le rendront plus performant, plus efficace et plus efficient. Ce faisant
les régions profiteront d'un centre qui les nourrira
d'éléments plus substantiels.
De plus, nous pensons que la régionalisation conduira le centre
à développer des mécanismes d'allocation des ressources
plus équitables, proportionnels aux indicateurs sociosanitaires, qu'une
véritable politique de santé associée à un
mécanisme intégré d'évaluation permettrait de
développer.
L'accessibilité aux services sociosanitaires. Quant à
l'amélioration de cette accessibilité, elle pourra prendre les
formes suivantes: l'accès pour notre population à des services
médicaux spécialisés et généraux demeure
problématique. Nous pensons que de nouveaux moyens doivent être
donnés aux régions dont, possiblement, la régionalisation
des budgets de la RAMQ en vue d'améliorer leur capacité d'attirer
et de retenir de nouveaux médecins. De les attirer, passe encore, mais
de les retenir. De façon plus spécifique, nous proposons de
supporter, de façon adéquate, l'arrivée et la
rétention des nouveaux médecins en région
périphérique par l'injection de budgets spécifiques au
niveau des équipements et des budgets d'opération des
établissements; de tenir compte des impacts régionaux avant de
signer des ententes qui viennent perturber la pratique médicale et
affecter la rétention des effectifs médicaux en région et
de favoriser la mise en place de modes de rémunération
adaptés aux conditions de pratique en région
périphérique.
Deuxièmement, le transport des malades de notre région
dans des centres de traitement situés à Montréal ou
à Québec constitue un fardeau inéquitable et inacceptable
pour notre population. Dans le contexte de la régionalisation, nous
pensons que la régie devrait avoir la capacité juridique et
financière pour définir et mettre en oeuvre un programme
spécifique à cette fin.
Enfin, la définition des places requises en centres d'accueil
d'hébergement et en unités de soins de longue durée
obéit à des critères provinciaux qui ne tiennent pas
toujours compte des particularités géographiques des
régions, notamment du facteur distance, et qui devront être revus
grâce à la meilleure connaissance des besoins que procurera la
régionalisation.
Offrir un réseau intégré et continu de services
à la population de notre région, voilà la
raison principale et l'essence ultime de la revendication de
régionalisation que nous formulons dans notre mémoire. Dans un
contexte de régionalisation, les va-et-vient à Québec pour
l'obtention d'accords devraient être diminués
considérablement. De façon plus spécifique, nous pensons
que les programmes régionaux de services doivent être mis en
oeuvre sans l'approbation préalable de Québec au plan des
modalités opérationnelles. Nous reconnaissons à
Québec la responsabilité de définir les grandes
politiques, mais les régions doivent obtenir une véritable
capacité de définir les programmes jusque dans leurs
modalités opérationnelles.
Nous sommes favorables, de plus, à considérer la
proposition d'unification de certains conseils d'administration
d'établissements. Cependant, afin d'arriver à une proposition qui
respecte les particularités locales et qui tienne compte des
véritables enjeux pour la population, soit au niveau de l'identification
de ces territoires, soit relativement aux établissements
concernés, nous demandons qu'un délai soit accordé
à la régie en vue de présenter, à Québec, la
carte des territoires ainsi que l'identification des établissements pour
lesquels elle souhaite une unification des conseils d'administration.
Pour conclure, j'aimerais revenir sur les raisons du choix fait par
notre conseil d'axer son message à la commission sur la
régionalisation de la manière que nous l'avons fait,
c'est-à-dire en insistant sur le prix politique à payer pour que
ce projet se réalise. Parmi ces raisons, il y a d'abord celle des
avantages escomptés, mais il y a surtout la conscience que l'idée
de la régionalisation est une idée fragile et non partagée
par tout le monde. Elle est fragile parce qu'il ne suffit pas de l'invoquer et
d'en parler pour qu'elle se réalise. Nous prétendons qu'elle est
fragile parce que nous, de la région sociosanitaire du
Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine,
avons connu une expérience-pilote de régionalisation qui n'a pas
réussi; 25 ans après le BAEQ, le taux de chômage de notre
région est encore dix points au-dessus de la moyenne provinciale. On
nous comprendra donc d'être, jusqu'à un certain point, sceptiques.
Nous sommes d'autant plus sceptiques que la proposition de la commission Rochon
et du document ministériel constitue une répétition,
à peine transformée, d'une proposition analogue de la commission
Castonguay-Nepveu, qui recommandait la mise sur pied d'offices régionaux
des affaires sociales. Qu'est-ce qui nous assure que demain sera
différent d'hier? Qu'est-ce qui nous assure que le discours actuel sur
la nécessaire régionalisation n'aboutira pas au même
balbutiement que celui d'hier? Nous n'en sommes plus à l'ère des
grandes réformes technocratiques qui ont marqué notre
société au cours des années soixante et soixante-dix. Et
la première moitié des années quatre-vingt a
été marquée par une crise économique que la
deuxiè- me moitié a cherché à mieux assumer
politiquement et socialement.
Dès lors, comment définir une réforme qui appelle
des changements structurels dans un contexte qui s'en méfie? Et, de
façon plus spécifique, le fait que, dans le rapport de la
commission ou dans les "Orientations", l'on fonde principalement la
nécessité de la régionalisation sur le constat de
l'échec de la centralisation ne permet-il pas d'appréhender un
renforcement des tendances centralisatrices à l'intérieur de
notre système? Pensons tout simplement au poids des grandes corporations
professionnelles, aux traditions syndicales, au lobby des associations
d'établissements. Je ne savais pas qu'on arriverait après la
FTQ.
M. Côté (Charlesbourg):... attendre avant. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Bérubé: Pour assurer la réussite de
l'idée de régionalisation, malgré sa fragilité, il
n'existe qu'une seule condition, bien aléatoire: ça prend une
volonté politique forte. La régionalisation n'existera
qu'à la condition que le ministre veuille associer son nom au
relèvement d'un défi que deux ou trois décennies de
projets multiples et divers n'ont pas réussi à faire aboutir. Et,
sommes-nous tentés d'ajouter, nous serions heureux de voir un ministre
originaire de la Gaspésie, qui a déjà été
ministre responsable du développement régional, faire corps avec
ce défi. Il y apporterait une connaissance concrète de la
réalité régionale et ce doute critique absolument
nécessaire pour ne pas se suffire des discours et pour s'attaquer aux
multiples obstacles qui risquent de réduire le projet à sa plus
simple expression.
Si, dans le champ de la santé et des services sociaux,
l'idée de la régionalisation a pris 20 ans avant d'occuper
à nouveau le devant de la scène publique, il ne faudrait pas une
deuxième fois manquer le bateau, car, cette fois-ci, ça
risquerait d'être plus longtemps. Ce n'est pas sans raison que la
commission Rochon, suivie en cela par la précédente ministre, a
choisi de nommer régie régionale la nouvelle instance qui devra
prendre en charge la responsabilité du système de services en
région. si les mots ont un sens, un conseil ne fait que conseiller,
tandis qu'une régie régit, dirige et décide. Il ne
faudrait pas qu'au terme de la réforme on ne se retrouve qu'avec des
CRSSS revampés, remaquil-lés ou tout simplement
améliorés. Il s'agit de mettre en place une instance
régionale qui soit contrôlée le plus possible par la
population de la région, qui ait de véritables pouvoirs
relativement à l'organisation des services et qui constitue un
véritable partenaire pour un centre qui garde les principaux leviers de
commande.
Voilà, M. le ministre, Mmes et MM. les commissaires, le message
que le Conseil de la
santé et des services sociaux de la région du
Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine a
voulu vous livrer. Les recommandations formulées en fin de notre
mémoire résument bien ce message. Rappelons-en les maîtres
mots: voir la régionalisation comme le projet principal dans la mise en
place de la réforme; mieux préciser les responsabilités et
les ressources; souplesse dans la politique de santé et de
bien-être; faire mieux apparaître la différence entre la
nouvelle et l'ancienne manière de faire; faire de la régie
régionale une instar.9 forte, non concurrencée par d'autres
pouvoirs en région; rendre la régie la plus imputable possible;
développer une équité entre les régions; aidp: les
régions périphériques à améliorer
l'accessibilité aux services; penser réseau de services
plutôt que réseau d'établissements.
Ce mémoire a été adopté le 12 janvier. Vous
comprendrez que le débat a évolué depuis ce
temps-là. Lorsque nous avions pensé prendre le thème de la
régionalisation, nous avions l'impression de prêcher un peu dans
le désert, en face d'une arène qui ne comportait que des
opposants. Depuis ce temps-là, M. le ministre a pris position et nous en
sommes très heureux. La période des questions devrait nous
permettre d'aller vers des questions un peu plus concrètes.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Bérubé. Je
vais maintenant reconnaître le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je suis toujours particulièrement fier de recevoir,
dans une commission parlementaire, des gens qui défendent
l'intérêt des bénéficiaires originant de mon co'n
d'origine. Évidemment, on peut se le dire entre nous autres, s'il y a
une place où il y a eu des expériences qui ont été
faites, c'est bien dans ce territoire-là. Et s'il y a une place
où la régionalisation veut dire quelque chose, c'est bien au
niveau du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine. C'est là aussi que j'ai appris qu'il y avait
des régions et qu'il y avait des sous-régions. Évidemment,
vous me connaissez un peu, venant d'une sous-région de la grande
région, je réservais pour vous des questions quant aux
sous-régions dans la grande région. C'est beau, parler de
régionalisation avec des pouvoirs, des pouvoirs qui, dans ce
cas-là, bien sûr, seraient concentrés, comme actuellement,
à Rimouski. Ce n'est pas nécessairement un défaut. On a
décidé en 1965 de faire une capitale régionale forte. Je
pense que ça a quand même eu des effets bénéfiques
pour Rimouski, à tout le moins, et aussi, je pense, pour l'ensemble de
la région du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine. Ma préoccupation, à ce moment-ci,
n'est pas de savoir s'il y aura régionalisation ou pas: il va y en avoir
une. S'ils auront des pouvoirs ou pas? Oui, ils vont avoir des pou- voirs, et
des pouvoirs de décider et des pouvoirs de gérer. Je l'ai dit et
je le répète, on va aller au maximum de tout ce qu'on peut
transférer. Évidemment, quand vous allez revenir nous voir
annuellement en commission parlementaire, c'est là qu'il y aura la
revanche des berceaux sur le plan de l'imputabilité. Et on verra,
à ce niveau-là, tout ce que ça peut donner.
Ce qui me préoccupe, ce qui va me préoccuper
jusqu'à la fin, c'est quelle place allez-vous faire à chacune des
sous-régions de votre région, et comment est-ce que vous allez
articuler la planification, la dispensation des services, comme régie?
Parce que... Plaçons-nous dans la situation où vous l'avez. Vous
avez Ip pouvoir. Qu'est-ce que vous allez faire avec le KRTB? Qu'est-ce que
vous allez faire avec Rivière-du-Loup? Qu'est-ce que vous allez faire
avec la Matapédia? J'arrête la, parce qu'il peut y avoir des
limites de régions qui changent.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bérubé: M. le ministre, je signalerai que nous
sommes assez bien placés pour répondre à votre question.
D'abord, le président du conseil est un Gaspésien, M. Arsenault.
La vice-présidente est de Rivière-du-Loup. Elle est la
présidente du conseil de l'hôpital de Rivière-du-Loup. Et
même le directeur général provient de
Rivière-du-Loup.
C'est une question très importante que vous posez, cette question
de l'équilibre et de la façon de travailler en région. Il
ne faudrait évidemment pas qu'on reproduise en région le
modèle centralisateur qu'on reproche actuellement au gouvernement et
dont on veut se délester. Je pense que...
M. Côté (Charlesbourg): Qu'on reproche au
gouvernement et qu'on reproche aussi au CRSSS dans les régions.
M. Bérubé: Oui. Et, sur ce point, je pense qu'on
pourrait vous donner, d'une part, un certain nombre de choses qui sont des
éléments de fonctionnement actuel et qui nous servent, je pense,
de perspective, parce qu'ils ont été intégrés dans
le plan d'organisation du CRSSS. D'abord, première chose, je pense qu'on
a toujours été soucieux et attentifs d'une équité
intrarégionale. Et ça, ça veut dire... Ça peut
aller jusqu'à reconnaître qu'un besoin est plus grand dans une
sous-région que dans l'autre et, en conséquence, prendre la
décision de l'affectation budgétaire et de ressources requises.
Et, là-dessus, je demanderais au directeur général de
donner peut-être quelques faits qui vous donneront un peu l'esprit dans
lequel on entend travailler.
M. Miville (Jean): Je vais vous faire part un peu de quelques
statistiques. Parce que cette
question-là nous préoccupait, également. En
région aussi, on se fait dire: On pense que les pouvoirs sont à
Rimouski, et on pense que vous n'en avez que pour Rimouski. Et c'est
relativement préoccupant de se faire dire ça, à la longue.
J'ai fait sortir quelques statistiques, justement pour vérifier si c'est
bien le cas. Et, si c'est le cas, on s'en repentira. J'ai quelques statistiques
qui sont assez éloquentes. Je ne les énumérerai pas
toutes, mais quelques-unes. Stages aux étudiants en médecine:
pour les années 1984 à 1988, il y a eu 500 000 $ qui ont
été investis à ce niveau; 57 % ont été
investis en Gaspésie et 43 % dans le Bas-Saint-Laurent. Primes
d'installation: sur 2 500 000 $ - primes d'installation accordées aux
médecins - de 1984 à 1989, 73 % ont été
affectés dans la région 11 et 27 % dans la région 01. Et
on pourrait y aller ainsi de suite. Une statistique assez intéressante.
Les budgets alloués sur une base récurrente et non
récurrente, c'est-à-dire les budgets d'exploitation, les budgets
reliés aux équipements, aux immobilisations: pour les
années 1982 à 1987, il y a eu 181 000 000 $ investis dans la
grande région sociosanitaire; 50,3 % ont été
affectés à la région de ia Gaspésie. Si on y va au
prorata de la population, on sait que la Gaspésie a une population
légèrement inférieure à celle du Bas-Saint-Laurent.
(11 h 45)
On pourrait y aller avec une autre, également. Les heures
rémunérées des activités: de 1982 à 1987, il
y a eu augmentation de 1 800 000 heures, l'équivalent de 1000 emplois
directs qui ont été créés dans la région; 51
% de ces heures-là ont été affectées à la
région de la Gaspésie, et ainsi de suite.
Je pense que ces chiffres-là parlent d'eux-mêmes, en termes
de souci de l'équité. Comme M. Bérubé le
mentionnait, y aller pour la régionalisation et concentrer ces
responsabilités et ces pouvoirs dans une capitale régionale, on
ne ferait pas un mois. Dans l'hypothèse d'une régionalisation,
nous allons être beaucoup plus près des acteurs des milieux. Et,
à ce titre-là, si jamais un conseil régional avait le
goût d'utiliser à ses propres fins ce type de pouvoirs là,
je suis persuadé que, dans la population, dans les milieux, il y aura
des autobus qui vont se rendre au conseil régional, et que les gens vont
dire ce qu'ils pensent de la situation. Il y a suffisamment de garanties, je
crois, et suffisamment d'éveil au niveau de l'implication de la
population pour, je pense, ne pas craindre que ces situations se reproduisent.
On a un plan d'organisation qui a été modifié l'automne
dernier et, justement, compte tenu de la grande région que nous
desservons, nous avons tenu compte de la réalité des
sous-régions. On ne pense pas que, au conseil régional, on doive
se limiter au niveau des grandes sous-régions. L'orientation que nous
visons est davantage d'y aller au niveau des territoires des MRC. Ça a
une signification excessivement importante pour nous, en région. Le
conseil régional, depuis plusieurs années, suscite de la
concertation par territoire de MRC.
Si nous avions l'intention de garder ces pouvoirs-là en
région, jamais on ne créerait des forces au niveau des
territoires locaux. Ce serait plus facile pour nous autres de diviser pour
régner, mais ce n'est pas le cas. On pourrait parler d'autres
exemples.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, le temps
court. Je me permettrai une question, avant de passer la parole à mon
collègue de Matapédia. Quelle est la place - je vais changer,
parce que je sais qu'il veut aborder un problème de sous-région,
lui aussi - du communautaire? On a entendu des gens venir du communautaire et
craindre, effectivement, et s'opposer au transfert des enveloppes aux CRSSS,
craignant que tout ça soit davantage dévolu à du curatif,
au lieu d'aller à des fonctions de communautaire. On a entendu
tantôt la réaction de la FTQ II n'y a pas d'équivoque: le
communautaire, c'est éventuellement pour prendre la place des
salariés. Ce n'était pas bien bien compliqué. Comment
est-ce que vous composez avec le communautaire? Demain, dans la mesure
où on transfère une enveloppe fermée et exclusive au
communautaire, comment est-ce que vous allez gérer cette
enveloppe-là, par rapport à l'ensemble de votre région et
des sous-régions?
M. Mîville: Je vais vous parler de ce qu'on fait et non de
ce qu'on aimerait faire. Il y a une enveloppe excessivement importante qui s'en
vient, au niveau de l'alourdissement de la clientèle. Ça
représente environ 20 000 000 $ au niveau du Québec et, pour
notre région, quelque chose entre 1 500 000 $ et peut-être 2 500
000 $; on ne connaît pas encore l'ampleur de l'enveloppe.
Cette année... Il va de soi qu'il y a beaucoup de discussions qui
entourent cette enveloppe-là. Est-ce que ce sont les CLSC qui vont avoir
la majeure partie de l'enveloppe, ou les centres d'accueil? Bref, il y a un
débat épique assez important, au niveau du réseau.
Les organismes communautaires interviennent également au niveau
du maintien à domicile. Comme conseil régional, nous sommes
appelés à jouer l'arbitre, à ce niveau-là. Nous
avons formé une sorte de "comité-conseil", où des
représentants du réseau sont présents, des
représentants des organismes communautaires, également. Non
seulement on ne s'est pas contentés de ça, mais on a
demandé à ce que des représentants de la
Fédération des clubs de l'âge d'or soient également
présents. Je pense qu'on va assister à une dynamique fort
intéressante.
Les organismes communaulaires, c'est beau d'en parler, mais il faut
effectivement que, concrètement, on leur fasse une place. Mais ce
n'est pas nécessairement clair. Quelle place les organismes
communautaires désirent-ils avoir? Quelle place le réseau est-il
prêt à leur accorder? Est-ce que les organismes communautaires
désirent être subventionnés, financés, sans aucune
reddition des comptes? Là aussi, un moment donné, je pense qu'il
faut qu'on clarifie la question. On n'a pas le choix, je pense qu'on doit
absolument composer avec les organismes communautaires.
Le Président (M. Joly): Merci, M. miville. jr vais
maintenant reconnaître m. le député de Matapédia.
S'il nous reste du temps, on pourra revenir par après. S'il vous
plaît.
M. Paradis (Matapédia): Oui. Merci, M. le
Président. Ma question, pour revenir aux sous-régions:
l'équité intrarégionale que vous souligniez tout à
l'heure, est-ce que ça veut dire implanter dans chacune de ces
sous-régions - pour ne pas les nommer, les MRC - toutes les institutions
que peut compter le réseau de la santé?
M. Miville: Comme au niveau provincial on doit avoir les
locomotives dans le secteur de la santé, c'est la même chose, je
crois, au niveau des régions. On ne peut pas saupoudrer l'ensemble des
ressources. Il y a certaines ressources spécialisées qui doivent
se retrouver dans des endroits, compte tenu que ça prend minimalement
une masse critique. Est-ce que ça veut dire, par contre, que nous allons
développer des pôles excessivement forts et que le reste de la
région va se sentir dépourvu? Moi, je pense qu'on est rendus
à l'étape où les services doivent être disponibles
là où la population le requiert. Donc, assister à une
déconcentration des services.
M. Paradis (Matapédia): Je ne vous suis pas tout à
fait. Lorsque vous dites: donner des services où la population le
requiert, moi, mon entendement c'est où il y a le bassin de population
le plus large. Je comprends, donc, Rimouski?
M. Miville: C'est un élément parmi tant d'autres.
Je vais vous donner un exemple. Le conseil régional a identifié
des besoins énormes dans la région, au niveau de la
réadaptation des personnes handicapées, physiques entre autres.
Si nous avions suivi le modèle auquel on était habitués,
nous aurions facilement démontré que ça prend un centre de
réadaptation, effectivement, et les services seraient disponibles
à un seul endroit. L'orientation qui a été proposée
par le conseil régional, c'est effectivement que le centre soit
rattaché à un établissement, à une institution
déjà en place, mais que les services soient
déconcentrés dans la région. À ce titre-là,
on recommanderait l'implantation de quatre équipes de secteur. Parce
que, dans une région comme la nôtre, avoir un centre
régional avec des gens de Gaspé qui doivent parcourir 350 milles
pour y avoir accès, je ne suis pas sûr qu'on peut appeler
ça facilement accessible. D'où il faut qu'on agisse en termes
d'organisation et tenir compte de la dimension géographique du
territoire.
M. Paradis (Matapédia): J'ai hâte de voir
l'arbitrage qui pourrait être fait, à un moment donné,
lorsque ces régies-là seront mises en place, et de quelle
façon chaque sous-région pourra tirer son épingle du jeu.
Peut-être un commentaire, en terminant, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Très brièvement, M.
le député.
M. Paradis (Matapédia): Je vous trouve un petit peu timide
lorsque vous parlez des médecins. Vous parlez que des budgets soient
augmentés. On parle de retenir les effectifs médicaux, mais en
ajoutant encore de l'argent. On parle que, possiblement, les budgets de la RAMQ
soient régionalisés. Je trouve ça timide, comme approche.
J'aurais aimé que vous soyez un petit peu plus... parce qu'on les vit,
les problèmes, ça fait 20 ans qu'on les vit. Je pense qu'on a de
la difficulté à les retenir. On a de la difficulté d'avoir
des boursiers, on a de la difficulté à retenir et nos
spécialistes et nos médecins généralistes, de sorte
que j'aurais aimé une position un petit peu plus ferme.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je suis content que
vous ayez axé sur la régionalisation, parce que c'est vrai que
vous devez connaître ça: on vous a fait tellement rêver avec
le BAEQ, il y a quelques années, que vous savez sans doute qu'il ne faut
surtout pas, quand on parle de régionalisation, y aller au niveau du
rêve sur papier, mais y aller dans les faits. Donc, quand le ministre a
dit tantôt qu'en Gaspésie ils connaissaient ça, je pense
que oui. Et je pense que vous allez être de ceux qui vont exiger une
décentralisation certaine. Si on veut régionaliser - il ne faut
pas avoir peur des mots - ce n'est pas de la déconcentration, et surtout
pas de la déconcentration des enveloppes actuelles, parce que les
iniquités pourraient être perpétuées. Je pense qu'il
faut corriger au départ les enveloppes, même au niveau de la
RAMQ. Là-dessus, je suis d'accord avec le député de
Matapédia. Si on veut corriger véritablement les aberrations du
système, quel que soit l'endroit au Québec... Quand tu es payeur
de taxes tu as droit à une égalité d'un service, je pense.
Il n'y a pas une différenciation d'impôt parce que tu es en
Gaspésie ou dans le Bas-du-Fleuve, par rapport au Montréalais.
Donc, il faut que l'équité passe d'abord par le
rétablissement des iniquités.
Cela dit, je voudrais vous poser une question sur les
spécialités de base qu'on devrait retrouver en région. Je
n'ai pas l'impression que dans votre mémoire... Vous allez
jusqu'à demander la surspécialisation. Mais quand vous parlez de
décentraliser, y compris la RAMQ... Je ne me souviens pas à
quelle page de votre résumé, dans les premières pages,
à la page 5. Vous dites: "... dont, possiblement, la
régionalisation des budgets de la RAMQ". Moi aussi, ça m'a
frappé. Pourquoi dites-vous "possiblement", alors que, s'il y a
régionalisation et véritablement décentralisation de la
RAMQ, vous réglez les problèmes de répartition des
médecins? Est-ce que c'est parce que vous aviez peur de le dire
carrément?
M. Bérubé: Non. Possiblement, c'est parce que,
quand on en a discuté au conseil d'administration - c'est un dossier
assez complexe, que cette question de régionalisation de la RAMQ - on
n'avait pas les données suffisantes. La question qu'on se posait
était: Comment se fait-il que l'avant-projet de loi n'a pas retenu cette
proposition de la commission Rochon? Alors, on s'est dit: II faut absolument
remettre cette proposition en discussion, et il faudrait au moins qu'on ait des
explications pourquoi ce n'est pas faisable, si ce n'est pas faisable. C'est
pour ça qu'on n'avait pas l'expertise technique pour être capable
de la défendre résolument. C'est la raison pour laquelle on a
dit: Possiblement, même la régionalisation de la RAMQ. Le
débat, évidemment, a évolué.
M. Chevrette: Mais, au niveau de la surspécialisation, je
comprends, je ne sais pas moi non plus quels sont les critères qu'il
faudra retenir, par exemple, pour dire: II y a surspécialisation. Il
faut en tenir compte, et ça ne peut pas être à la grandeur
du Québec, dans les seize régions sociosanitaires. Cela dit,
quand tu as gardé une provision pour les centres universitaires et les
endroits où il y a de la surspécialisation, après
ça, à mon point de vue, il faudra aussi tenir compte du contexte
géographique. Parce que ce n'est pas vrai que desservir, je ne sais pas
moi, une population de 20 000 âmes, 40 000 ou 60 000, ou 100 000
âmes dans la région de Lévis, ici, c'est la même
chose que de desservir 100 000 âmes sur le territoire de la
Gaspésie. Si on se contentait d'un per capita bébête et
innocent, on perpétuerait, à mon point de vue, les
iniquités.
Il va falloir tenir compte de la capacité de déplacement,
dans tout ça. Ce sont des critères de base qu'on reconnaît,
de toute façon. L'expertise, on l'a dans d'autres secteurs,
là-dessus. Et ça, j'espère qu'on a assez de fonctionnaires
avec assez de données là-dessus pour bâtir des
critères qui devraient correspondre un peu aux réalités du
Québec. Comme à Blanc-Sablon, traiter quelqu'un, ça ne
doit pas coûter tout à fait le même prix. Je sais
qu'à Fermont, pour construire un lit d'hôpital, c'est 300 000 $ du
lit. Je me souviens, parce qu'on avait discuté du projet. À ce
moment-là, ce n'est pas la même chose, bâtir un lit en plein
coeur de Montréal, qu'à Fermont. C'est évident.
Donc, ceci dit, quand on a tenu compte de ces critères, vous ne
croyez pas qu'il y va de l'avantage même de la communauté
régionale, de décentraliser non seulement les sommes sur le plan
administratif, mais les enveloppes de la RAMQ?
M. Miville: Je pense que ce qu'il faut surtout éviter,
vous l'avez souligné, H faut éviter d'y aller uniquement sur la
base du per capita. Sinon, les régions périphériques
risquent d'être fortement pénalisées. Dans une
région comme la nôtre, il y a une population - l'ancienne
région 01 - de 230 000. Il y a environ une douzaine d'institutions qui
maintiennent les urgences 24 heures par jour, 7 jours-semaine. Allez à
la Cité de la santé, à Lavai: cet établissement
dessert une population de 400 000 âmes. Donc, une équipe
médicale, disons 24 heures par jour, 7 jours-semaine, est suffisante
pour desservir ce bassin de population, alors que, dans une région comme
la nôtre, nous avons besoin de 12 équipes médicales.
Si on y va sur le per capita, on nous dit: Vous êtes une
région très bien nantie, comparativement aux autres
régions. Mais on ne tient pas compte de la réalité
géographique de cette région. Également, au niveau du per
capita, je saisis l'occasion pour faire un aparté: La distribution des
ressources financières n'est pas suffisante, au niveau du per capita. On
a dit et redit, des études ont démontré qu'il y a une
corrélation positive entre un état économique d'une
population et son état de santé. Il faudrait peut-être,
dans la répartition des budgets, des ressources additionnelles, qu'on
tienne compte, effectivement, des facteurs économiques qui existent dans
les régions et, également, qu'on établisse une relation
avec les indicateurs de santé.
Une étude a été réalisée. On a
découpé le Québec au niveau des MRC. On a identifié
cinq blocs de MRC. Prenez les 20 MRC les moins bien nanties du Québec:
sur les 20, il y en a 9 qui appartiennent à la région 01. Sur les
8 premières, il y en a 7 qui appartiennent à la région 01.
Donc...
M. Chevrette: Moins bien nanties, ou viabilité, là?
C'est quoi, le but?
M. Miville: Les MRC les plus pauvres, par ordre, au niveau du
Québec.
M. Chevrette: La pauvreté per capita. D'accord. (12
heures)
M. Miville: Ce sont des éléments que nous devons
absolument considérer dans une répar-
tition éventuelle des ressources. Il faut absolument qu'on donne
des chances égales à tout le monde. équité ne veut
pas dire égalité. il faut qu'on tienne compte des
réalités qui existent dans les régions.
M. Chevrette: Une dernière question sur la fusion des
conseils d'administration. Sur votre territoire, ça signifierait quoi
concrètement? Est-ce que ce ne serait pas désincarner vos
institutions, compte tenu de l'éparpillement des ressources
physiques?
M. Bérubé: Ça dépend des situations.
On avait déjà acheminé gne proposition d'unification, par
exemple, entre le CSS de Gaspé et un centre d'accueil pour
handicapés socio-affectifs et ça apparaissait très
fonctionnel. Dans d'autres circonstances, ça ne le serait pas. C'est la
raison pour laquelle on ne voulait pas d'un modèle mur à mur
provincial, parce qu'on pense que ça va trahir notre
réalité; et c'est la raison pour laquelle on disait: Eh bien,
demandez donc... Je pense qu'il faut qu'il y ait un certain effort de fait
là-dedans. Dire tout simplement: On abandonne cette
idée-là, on retourne au statu quo, je ne crois pas que ça
fasse avancer les choses. Je pense qu'il faut un incitatif pour que les
régions se posent la question, et il y a des choses à faire, je
pense. Je ne pourrais pas vous dire aujourd'hui comment ça se traduirait
concrètement.
M. Chevrette: Ce n'est pas le même complet pour tout le
monde.
M. Miville: C'est ça.
M. Chevrette: J'ai compris ça. Merci.
M. Trudel: Une région qui vous ressemble, c'est
évidemment le Nord-Ouest du Québec,
l'Abitibi-Témiscamingue. La rétention des effectifs
médicaux. Vous dites en quelque sorte que, pour améliorer la
rétention des effectifs médicaux, on doit mettre l'incidence sur
le développement des équipements et le développement des
budgets des établissements en soi. Est-ce que vous croyez vraiment que
ça peut nous amener à avoir un contrôle effectif sur la
réalisation des plans d'effectifs dans les institutions qui sont
déjà faits et qui seront faits en vertu d'un autre article dans
ce projet de loi? Est-ce que ça peut vraiment nous permettre d'atteindre
l'équité en termes de services à la population?
M. Miville: Je ne crois pas qu'en ajoutant des équipements
et des budgets, pour les équipements au niveau des
établissements, ce sera suffisant. Mais fa situation que nous vivons
à l'heure actuelle... Parce qu'il y a eu quelques années
où on a eu des mesures incitatives et le recrutement s'est
amélioré sensiblement, sauf que les établissements qui ont
recruté des médecins se retrouvent aujourd'hui, pour plusieurs,
dans une situation financière excessivement pénible. C'est
presque un message de dire: On va arrêter de recruter. Nous avons des
problèmes de gestion, compte îenu que les ressources
financières ne suivent pas, et des problèmes au niveau des
équipements également. Mais, si on veut vraiment régler la
question, il faut qu'on prenne les problèmes à la source; il faut
qu'on s'assure qu'il y a une volonté réelle de prendre les
médecins là où ils sont et les amener en région. On
pense que la régionalisation des budgets de la rtAMQ, c'est vraiment la
solution qu'on doit absolument regarder.
Je me permets peut-être de glisser un mot là-dessus. Si on
met toutes nos énergies pour organiser le réseau en fonction de
cette question-là, c'est une chose, et là on perpétue ce
qu'on dénonce: la gestion à courte vue. J'ai l'impression qu'on
n'identifie pas clairement quelle est la finalité de notre
système de santé. Tant et aussi longtemps que nous ne
répondrons pas à cette question-là, que nous n'aurons pas
des objectifs clairs de santé, on risque de faire du sur place. Les deux
éléments sont fort importants, le système central doit
définir où il s'en va, quels sont les objectifs et quelles sont
les priorités nationales. Aux régions et aux
établissements, également, de les adapter et de les
réaliser.
La question des médecins, des services spécialisés,
ça fait 20 ans qu'on en parle. Je suis prêt à vous
mentionner, suite à une étude qui a été
réalisée par le DSC de Rimouski, qu'entre 1984 et 1986 il y a eu
57 000 déplacements annuellement de réalisés dans notre
région. C'est près de 1100 déplacements par semaine, dont
les deux tiers se font vers les régions métropolitaines de
Québec et de Montréal. Je dois mentionner également que
ces déplacements-là sont aux frais des citoyens, compte tenu
qu'il n'y a pas de politique pour faciliter le transport.
M. Trudel: C'est fondamental, ça.
M. Chevrette: Avez-vous une évaluation?
M. Miville: II y a eu une étude de réalisée
par nos DSC qui évaluent à environ 560 $, en 1985, les
coûts reliés par personne... Bon, mettez 57 000
déplacements et vous avez une idée des coûts exorbitants
que la population doit assumer.
M. Trudel: Tout le monde a des services de santé
équitables au Québec, mais certains sont plus équitables
que d'autres.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Miville. On doit
maintenant conclure. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier et,
en terminant, vous dire que je suis
convaincu que, si la régie avait eu des pouvoirs au niveau
régional, on aurait évité, aujourd'hui, un autre
transfert, M. Guillemette; on aurait peut-être évité un
autre transfert. Mais les chiffres sont très importants et, si on
pouvait avoir une communication ultérieure sur ces
données-là, ça m'apparaît des données
très importantes, et évidemment continuer... On se donnera au
moins le privilège de s'en reparler avant même que ça
n'arrive. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Au nom des
membres de cette commission, je tiens, moi aussi, à vous remercier.
Merci beaucoup. Je vais demander aux gens représentant les organismes
communautaires de la région KRTB, de bien vouloir s'avancer s'il vous
plaît.
Bonjour, mesdames. Bienvenue à cette commission. Vous connaissez
un peu la procédure: Vous avez une dizaine de minutes pour nous
présenter votre mémoire de la façon la plus concise
possible. Et puis, par après, les membres de cette commission se
réservent le privilège, le droit de vous poser quelques
questions. Merci. La personne responsable doit s'identifier et aussi nous
présenter les gens qui l'accompagnent.
Organismes communautaires de la région
KRTB
Mme Lamirande (Cyd): Merci. M. le Président, M. le
ministre. Mon nom est Cyd Lamirande. Je représente les personnes
handicapées du secteur KRTB. Mme Michelle Denis, à ma droite,
représente le comité bénévole au niveau des
personnes âgées; à l'extrême gauche, Mme
Françoise Paquette, qui représente les accidentés du
travail, et Mme Blanche Wkjiez, qui représente les personnes
âgées et que j'inviterais a vous adresser la parole en premier
lieu. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci. Allez, madame.
Mme Widiez (Blanche): M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs. Afin de soumettre un document reflétant la
réalité de tous les partenaires du KRTB, le comité
régional a procédé à une consultation auprès
de 26 organismes communautaires oeuvrant dans les secteurs touchant les
personnes âgées, les jeunes, les personnes handicapées, les
femmes, les retraités et les préretraités, les organismes
d'éducation populaire, ainsi que les accidentés du travail.
Les organismes ont eu à se prononcer sur les articles devant
avoir un impact sur leur fonctionnement, leurs services, leurs missions. L'un
des principaux points qui est ressorti de notre consultation concerne
l'allocation directe à l'usager. Il serait indispensable de permettre
aux établissements de verser une allocation directe à l'usager
dans les cas de maintien à domicile; de prévoir une mesure de
protection de l'usager en ce qui a trait à son statut d'employeur et
qu'il n'ait pas à satisfaire aux exigences de la loi sur l'impôt;
de maintenir un taux horaire ne réduisant pas les heures de prestations
requises par la condition de l'usager.
Programmes de subvention. Les programmes de subvention sont
difficilement accessibles aux organismes communautaires. Ceux-ci doivent
parfois modifier leurs orientations ou leurs objectifs pour cadrer avec les
critères d'admissibilité, alors que, bien souvent, ils sont la
porte d'entrée des besoins de la population. Que les organismes
communautaires soient partenaires du réseau est plus que souhaitable,
mais encore faut-il que les ressources financières leur soient
accessibles de façon suffisante, prévoyant un budget de
participation et de représentation des usagers. Un plan triennal
aiderait considérablement à une planification à plus long
terme.
Reconnaissance des acquis. Les bénévoles et le personnel
oeuvrant au sein des organismes communautaires ont acquis, au fil des
années, une expertise qui n'est nullement reconnue à
l'intérieur du réseau. Le partenariat exige la reconnaissance et
le respect mutuel de la compétence. L'élaboration de protocoles
d'entente stipulant les droits et devoirs des partenaires permettra à
chacun d'obtenir la crédibirté qui lui revient de droit.
Information aux praticiens. Des modalités visant à instaurer un
réseau d'information touchant tous les types de clientèles et
services devront être étudiées pour permettre aux
praticiens de bien remplir leur rôle.
Désinstitutionnalisation. Qu'il s'agisse de personnes
handicapées ou ayant des problèmes de santé mentale, il
est essentiel que l'on mette en place des ressources adéquates et
suffisantes pour accueillir et supporter ces personnes dans leur milieu. Les
bénévoles ne peuvent se substituer aux professionnels de la
santé et le réseau doit assumer ses responsabilités,
notamment en regard de l'alourdissement de la clientèle.
Statut des auxiliaires familiales. Il ne faut pas confondre le statut
d'auxiliaire familiale et celui de dame de compagnie. Les besoins des usagers
sont plus importants que le "standing" au sein des corporations
professionnelles. Il faut définir leur rôle et leurs fonctions.
Les usagers ont besoin de services et non pas seulement de support
psychologique. La population de 65 ans et plus est de 12 % dans le KRTB.
Médecins en régions rurales. Comment s'étonner de
l'engorgement des urgences? Les médecins disponibles sont en majeure
partie à l'hôpital. Le besoin d'omnipraticiens est
considérable. Selon un récent sondage, la région de
Kamouraska, à elle seule, aurait besoin de sept
généralistes.
Régionalisation des services. La régionalisation des
paliers décisionnels permettra, nous l'espérons, une
répartition plus adéquate des ressources. Cependant, cette mesure
peut évincer des organismes des structures provinciales de
représentation. Il faudra que ce recours leur soit disponible et
reconnu; par exemple, des maisons de jeunes. Il faudra favoriser la
concertation des organismes représentant le même type de
clientèles pour assurer une représentation adéquate des
usagers. Il sera primordial qu'il y ait concordance entre les orientations et
l'avant-projet de loi dans le sens de la participation des usagers à la
gestion et à la définition des besoins.
Mme Paquette (Françoise): Choix de ta clientèle. Un
établissement offrant des soins de santé et des services connexes
administrera des budgets et établira des règlements
déterminant des clientèles. Cette façon de faire
favoriseia certaines personnes et en éliminera d'autres étant
hors cadre. N'est-il pas regrettable qu'au nom d'une saine administration on
ignore ainsi nombre de problèmes qui continueront d'évoluer et en
viendront à entrer dans des cadres et coûteront alors plus cher?
Une écoute attentive des besoins des individus et une réponse
empressée, n'est-ce pas, dans le domaine de la santé, une saine
gestion des ressources humaines et financières de notre
collectivité? Élaboration d'un plan individualisé. Il est
essentiel que chaque bénéficiaire ait droit à un plan
d'intervention spécifique et global reconnaissant ses besoins
biologiques, psychologiques et sociaux et que les ressources nécessaires
soient disponibles pour y répondre. L'objectif de ce plan devrait
être la guérison ou la consolidation maximale de l'individu et,
pour ce faire, l'attention du professionnel participant à
l'élaboration du plan doit être telle que le
bénéficiaire se sente partie prenante de ce projet. L'intervenant
se mettra à l'écoute du bénéficiaire pour la
compréhension entière de fa problématique vécue par
l'interpellant. La ressource doit toujours être consciente qu'un
problème atteint d'abord une partie de l'intégrité d'un
individu, mais que les répercussions perturbent les autres aspects de
cet individu. Le plan doit s'établir sans que l'on perde de vue
l'objectif pour lequel il existe.
Demande coordonnée. Pour trouver réponse à ses
besoins, un individu doit souvent se présenter à plusieurs
instances, CSST, RAMQ, OPHQ. La tâche devient vite une corvée
lorsqu'on s'aperçoit que s'empilent les formulaires et que se
multiplient les visites chez les médecins et les enquêtes et que,
de plus, le vocabulaire des uns n'est pas toujours significatif pour les
autres. Un plan individualisé provenant de différents services
devrait pouvoir se formuler par un processus commun.
Accompagnement, plaintes et ressources. Notre société
reconnaît aux individus de nombreux droits dans le domaine de la
santé et des services sociaux et nous en sommes bien aise. Mais en
obtenir l'application intégrale est parfois un défi et, pour
l'obtenir, il faut porter plainte.
C'est aussi une démarche difficile, même si on a le droit
de se faire accompagner. Il faut alors bien définir le rôle,
I?» responsabilité et le devoir de l'accompagnateur. Accompagner
le plaignant dans ses récriminations, on prévoit confier ce
mandat à des organismes bénévoles. Devons-nous enfin voir
ici une reconnaissance du travail que nous accomplissons depuis des
années? Si oui, grand merci! Mais pour bien répondre aux attentes
des bénéficiaires et des mandataires, nous avons besoin d'argent,
de formation et d'un peu plus de monde. (12 h 15)
Collaboration. Par la tâche ainsi confiée aux organismes
communautaires, ceux-ci doivent oeuvrer en relation avec les ressources du
réseau. Nous savons que le partenariat exige des parties une
étroite collaboration et une communication efficace. Verrons-nous alors
s'établir des protocoles d'entente et des contrats de services nous
assurant une meilleure stabilité et, à notre clientèle,
plus de sécurité?
Mme Denis (Michelle): II nous apparaît essentiel, dans la
réforme sur la santé et les services sociaux, de simplifier les
structures administratives. D'ailleurs, notre position à ce sujet fut
très explicite lors de la présentation de notre mémoire.
Pour ce faire, il faudra décentraliser les pouvoirs en évitant de
multiplier les paliers décisionnels, tel que le propose l'avant-projet
de loi avec les collèges régionaux. La régionalisation
peut s'avérer la solution à cette nouvelle avenue. Cependant, il
est primordial de tenir compte des particularités de chaque
région. Notre région, 01-11, ne peut se doter, dans le contexte
actuel, de mécanismes de concertation adéquats, compte tenu de
notre situation géographique et financière et du peu de
ressources humaines dont nous disposons. Ces mécanismes, qui pourraient
prendre la forme de tables sous-régionales, devront être la base
de référence pour les régies régionales dans
l'élaboration des orientations.
On devra également s'assurer de la participation significative
des usagers en développant des mécanismes d'accès et de
circulation de l'information. De plus, la mission de chaque organisme et
établissement devra être clairement définie pour assurer
l'efficacité fonctionnelle du réseau. Les CLSC devront assurer le
mandat de porte d'entrée avec les ressources appropriées en
quantité et en qualité. On devra également inciter toutes
les instances locales, MRC, office municipal d'habitation, commissions
scolaires, institutions d'enseignement et j'en passe, à participer
activement à la gestion de la santé et des services sociaux sur
leur territoire.
Actuellement, nous sommes confrontés au problème d'une
société très compartimentée. Le bien-être de
la population, c'est l'affaire de tout le monde. Par exemple, on confie des
corps malades aux médecins en oubliant que ceux-ci ne
sont pas uniquement des corps, mais bien des êtres humains avec
des besoins autres que physiques. Selon le Dr Yves Lamontagne, les causes de
détérioration de la relation entre le médecin et ses
patients sont dues à: la formation inadéquate, le régime
de paiement à l'acte, l'abus de la technologie et la bureaucratie.
La restructuration du réseau de la santé et des services
sociaux nécessite que tous soient mis à contribution. La
participation d'autres ministères doit permettre de solutionner diverses
problématiques en s'attaquant à la cause même des maux. Le
réseau de la santé et des services sociaux se situe actuellement
au carrefour de sa restructuration. Il n'en tient qu'à nous d'obtenir
les informations nous permettant de faire un choix éclairé sur la
route qu'il nous faudra prendre.
Mme Lamirande: Et, pour terminer les organismes communautaires
représentent sans nul doute une ressource essentielle à la
complémentarité des services dans le réseau de la
santé au Québec. Les orientations ministérielles
démontrent clairement la nécessité de reconnaître et
de supporter adéquatement le travail de milliers de
bénévoles au sein de ces organismes. À cet effet,
l'avant-projet de loi nous laisse perplexes quant aux actions réelles
qui seront entreprises pour assurer la reconnaissance des organismes
communautaires. Avant tout, le gouvernement doit assurer à ces
organismes un financement adéquat pour assumer les activités
reliées à leur mission première et, d'autre part, leur
fournir les ressources leur permettant d'actualiser les mandats que
l'avant-projet de loi désire leur confier.
Ces organismes ne rejettent pas la nécessité d'assurer une
vérification des activités réalisées à
partir de fonds publics, mais celle-ci ne doit pas être un
prétexte pour contrôler leurs actions qui pourraient
éventuellement compromettre leur vocation première. C'est souvent
le cas lorsque l'on constate que certains organismes modifient leurs objectifs
pour accéder à des programmes de subvention.
Est-ce à dire que les besoins doivent se modeler aux structures
pour recevoir une réponse? Permettez-nous d'en douter. Les organismes
communautaires ont leur place dans le réseau de la santé et des
services sociaux puisqu'ils peuvent, dans bien des cas, assurer une
réponse plus rapide et plus personnalisée aux besoins. Mais ces
actions, pour qu'elles soient appropriées, nécessitent la mise en
place de moyens de support aux groupes. Un financement adéquat et
l'accès à des ressources de formation permettront de
réduire considérablement l'instabilité et
l'affaiblissement continuel que vivent ces organismes.
D'autre part, la collaboration et la concertation avec le réseau
de la santé et des services sociaux nécessitent l'acceptation du
partenariat comme base de fonctionnement. Les échanges de services et le
respect des responsabilités de chacun doivent être clairement
spécifiés pour assurer une intervention adéquate et
éviter la duplication des ressources. Les organismes communautaires ont
développé, au fil des ans et des besoins, une expertise qui
justifie leur présence au sein de la structure décisionnelle du
réseau. Pour ce faire, il faudra cependant prévoir des ressources
d'appoint leur permettant d'assurer une représentation
adéquate.
En conclusion, nous aimerions souligner que les organismes
communautaires sont nés des besoins des clientèles souvent
défavorisées et qu'à ce titre leur existence est
liée aux diverses problématiques que rencontrent ces personnes.
Les organismes communautaires ne veulent en aucun cas se substituer aux
ressources du réseau, mais plutôt apporter leur contribution pour
que la dispensation des services de santé et services sociaux au
Québec réponde aux besoins de la population. Il en va de notre
avenir commun et c'est tous ensemble que nous saurons apporter des solutions
aux problèmes actuels. Les organismes communautaires, ce sont des
milliers de bénévoles qui ne demandent qu'à mettre la main
à la pâte, à la condition que cette collaboration soit
reconnue et soutenue. Les organismes communautaires sont une force à
notre service. Il n'en tient qu'à nous d'être toujours plus forts.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, mesdames. Avant de
reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, il
me fait plaisir de saluer la présence de M. le ministre
délégué aux Forêts et aussi député de
Rivière-du-Loup, M. Albert Côté. Bienvenue à cette
commission, M. Côté. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. M. le
Président. Je me permettrai une question. Depuis le début de la
commission parlementaire, je pense que c'est peut-être le groupe
communautaire qui a été le plus représenté sur le
plan du nombre, avec un message qui est, bien sûr, assez uniforme, avec
quelques variantes. Il y en a une chez vous, soit celle de ne pas craindre que
le budget pour les organismes communautaires puisse être
régionalisé en autant qu'il soit protégé à
l'intérieur d'une région. Dans ce sens-là, vous
êtes, disons, moins peureux que d'autres, si jamais il devait y avoir
peur, et je tenais à le souligner. Évidemment, lorsqu'on dit que
le communautaire doit exister, c'est vrai; qu'il doit être
supporté, c'est aussi vrai. Cependant, H faut apporter des nuances. Je
veux tenter de vous donner la chance de m'apporter ces nuances, vous, groupes
communautaires, pour être capable de bien démarquer la ligne. On a
vu la FTQ, ce matin, qui est venue nous dire: Les groupes communautaires, on
n'est pas trop trop pour ça parce que, éventuellement, ils
peuvent envahir
notre champ, tout en disant: II faut reconnaître les groupes
communautaires. C'est vrai qu'il faut les reconnaître. Ça
s'arrête où? Et sous quels critères, nous, on devrait
subventionner les organismes communautaires? Ce n'est pas uniquement parce
qu'ils sont organismes communautaires qu'ils doivent être
supportés par le ministère chez nous, ayant des fonctions de
santé et services sociaux. Donc, à ce niveau-là, on parle
de complémentarité, mais est-ce qu'à tout le moins on
devrait exiger des groupes communautaires qu'ils soient complémentaires
à ce qui e; t déjà offert par l'institutionnel?
Mme Lamirande: Si je peux me permettre de vous répondre,
M. le ministre, au départ, tous les groupes communautaires,
peut-être à quelques exceptions près, sont nés de
besoins qui, d'une part, étaient non satisfaits ou satisfaits de
façon partielle par les... Peu importent les réseaux, et
là j'englobe tous les organismes communautaires. Dans la mesure
où le système de santé saura répondre à des
besoins, je pense que le mouvement communautaire a toujours été
assez souple pour s'adapter. On dit qu'on est là pour répondre
aux besoins des gens. Dans la mesure où ces besoins-là sont
satisfaits, je dois qu'il y a certains organismes qui devront soit se
réorienter ou encore peut-être se fusionner avec d'autres
organismes. C'est une hypothèse que j'avance, mais je me dis: On a
toujours eu comme mission première de répondre aux besoins. Donc,
dans la mesure où c'est ce qu'on cherche à faire, je crois
qu'à ce moment-là il y aura des modifications au sein du
réseau communautaire au Québec, de par les modifications à
l'avant-projet de loi.
Concernant les subventions, c'est un point un petit peu plus
délicat. On parlait tantôt de disparités régionales,
lorsque le CRSSS 01 a amené des éléments. Je crois qu'au
niveau des organismes communautaires ça se présente aussi. Nous,
on représente le KRTB et aussi on se rapproche des autres organismes de
la région 01; il y a des éléments, pour nous, qui sont
défavorisants. Si on prend les organismes communautaires, je peux
peut-être parier dans mon cas plus particulier où je regroupe des
organismes de personnes handicapées au niveau du KRTB, on a à
subir des frais qu'un regroupement comme le mien qui est à Québec
ou à Montréal n'a pas à subir. Si on regroupe 15
associations de personnes handicapées dans la région de
Québec, tout le monde est tout près. Si on veut réunir ou
concerter les gens, c'est assez facile. Dans une région
éloignée, ce sont les frais de déplacement, ce sont les
gens qui doivent souvent laisser du temps de travail parce que, à un
moment donné, ils doivent se déplacer pour être à
une réunion. Sur notre territoire il y a des gens qui doivent se
déplacer pendant une heure trente, faire des trajets d'une heure trente
pour aller à des rencontres, et ça c'est du travail
bénévole.
Alors, je me dis, il faut quand même supporter ces gens-là,
permettre aux organismes non pas de financer de gros salaires aux permanents,
ce n'est pas ça que les organismes cherchent, mais d'avoir un
financement de fonctionnement décent, une table au niveau des organismes
d'éducation populaire qui fonctionne au même titre que toutes les
autres tables au Québec. La majorité des autres tables ont, par
exemple, un minimum de 24 000 $ à 25 000 $; celle qui doit fonctionner
pour couvrir en tout cas Bas-Saint-Laurent, Gaspésie,
Îles-de-la-Madeleine, ce qui représente aux alentours de 100 ou
110 groupes, reçoit 14 000 $ et ça ça comprend le salaire
de la personne qui travaille à peu près six mois par
année. Donc, quand on parle de décent, il y a une nuance et c'est
cette nuance-là que je voulais apporter. Je pense que les groupes ne
sont pas là pour faire de l'argent. C'est très clair. Les groupes
sont là pour apporter un support aux personnes - comme je le mentionnais
souvent - défavorisées. Ce n'est pas du "cheap labor" comme on
vit à l'heure actuelle qu'il faut propager. Qu'un organisme ait un
fonctionnement qui puisse lui permettre de garder la personne qui travaille
pour cet organisme-là et qu'il n'y ait pas un roulement constant de
personnel, parce que les gens s'en vont ailleurs pour être mieux
payés, je pense qu'il faut tenir compte de ça. Le réseau
communautaire, si ça continue à ce rythme-là, il va
s'affaiblir de plus en plus, il va finir, je ne dis pas par mourir, mais par
être très, très faible. Et on sait que le réseau
communautaire est très important au Québec même s'il n'est
pas reconnu à sa juste valeur. Donc, vous mettre des chiffres, M. le
ministre, c'est difficile. Je pense que les organismes communautaires dans
l'évaluation de leurs besoins vont être très francs, en
tout cas les organismes de chez nous, parce qu'on en représente 26 ici,
à s'asseoir avec eux et dire: Vous avez besoin de combien? Les gens
n'iront pas demander des salaires de 50 000 $ par année, ça
soyez-en assurés.
Le Président (M. Joly): Est-ce que j'ai le consentement
afin que Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, Mme
Dionne, puisse poser une question ou deux? Oui, s'il vous plaît. Merci.
Mme Dionne.
Mme Dionne: Merci, M. le Président. Je voulais tout
d'abord remercier les gens du KRTB d'avoir bien voulu accepter de se regrouper
et de préparer un mémoire. Je sais qu'on a parlé des
distances tantôt, ce n'est pas facile de regrouper 26 groupes, mais le
KRTB l'a fait. Chapeau pour ces organismes-là. J'aurais juste trois
petites questions à poser à une de vous quatre...
Le Président (M. Joly): Excusez, Mme Dionne, pourriez-vous
concentrer les trois
questions en même temps...
Mme Dionne: Oui.
Le Président (M. Joly):... de façon à ce
qu'on ait la réponse tout d'un trait.
Mme Dionne: Vous allez voir. Ma première question c'est au
niveau de la formation. Vous avez abordé le sujet, et je voulais savoir
s'il y avait déjà dans le KRTB de la concertation avec les
commissions scolaires, les cégeps pour qu'il y ait une formation au
niveau des bénévoles; est-ce que c'est commencé, est-ce
que ça a été demandé? Première question.
Deuxième, c'est encore sur la concertation. Vous avez parlé des
établissements et des organismes communautaires qui, effectivement, font
un gros travail partout sur le territoire. Est-ce que vous avez des
idées à savoir est-ce qu'on pourrait améliorer cette
concertation-là avec des établissements, des conseils
d'administration ou directeurs déjà en place? Et ta
troisième. Vous avez parlé du plan triennal pour te financement
des organismes. Est-ce que vous y tenez beaucoup? Vous avez parlé
tantôt de financement avec tes ministres, mais vous n'avez pas
abordé ce point.
Mme Lamirande: Peut-être pour répondre à
votre première question, Mme Dionne, concernant ta formation, je vous
dirai que c'est à la pièce. Les organismes, dans la mesure
où ils peuvent after chercher un petit peu de budget, soit à la
commission scolaire ou à un autre type d'établissements, c'est
vraiment là pour quelque chose de très ponctuel et ce n'est pas
de façon récurrente, il n'y a rien de structuré. Nous
quand on parte de formation, si éventuellement on reconnaît les
organismes communautaires comme partenaires du réseau, il faudra alors
leur permettre non pas nécessairement d'aller chercher la formation d'un
physiothérapeute ou d'un ergothérapeute, mais je pense entre
autres, par exemple, à des organisateurs communautaires au niveau des
CLSC, je pense à des travailleurs sociaux. Il y a peut-être
certaines personnes au niveau des organismes communautaires qui pourraient
avoir accès à ça. On pourrait leur faciliter la
tâche, au lieu de mettre des sommes et des énergies à
financer une autre structure de formation.
Utilisons déjà ce qui est en place. Concernant le
financement triennal des organismes - je vais revenir à la
deuxième question par la suite - c'est strictement une question de
suivi. À chaque année, les organismes communautaires
dépensent en moyenne, je vous dirais, à peu près tS % de
leurs énergies à la recherche de subventions pour fonctionner.
donc, ces 15 % de temps, si on les met sur une base de fonctionnement de 52
semaines, oe n'est pas si pire, mais prenez des organismes qui ne fonctionnent
que six mois par année, à ce moment-là ça vient
gruger drôlement le temps d'intervention auprès des
clientèles.
(12 h 30)
Pourquoi demande-t-on le financement triennal? C'est pour éviter
des mouvements de personnel, c'est pour assurer une certaine stabilité
aux organismes, aussi, pour que les gens ne soient pas continuellement en train
de rédiger des demandes de subvention et de produire des rapports et des
bilans d'activité. Quand on parle d'une reconnaissance, qu'on la fasse
dans ce sens-là
Pour terminer, brièvement, concernant la concertation et la
participation au niveau du réseau, on ne parle pas strictement
d'organismes communautaires, on parte tout d'abord des usagers qui sont des
bénéficiaires de services et des organismes communautaires qui
les représentent dans certains cas, pour être partenaires au
niveau des structures décisionnelles. Pas juste de participer à
des comités consultatifs, d'être présents sur les conseils
d'administration d'établissements, d'être présents sur tes
conseils d'administration des conseils régionaux.
Peut-être un dernier mot concernant les territoires des CLSC et
les conseils d'administration. Je ne suis pas sûre qu'unifier des
conseils d'administration d'établissements de types variés
pourrait être rentable. On va perdre la spécificité de
chacun et on risque de faire mourir les petits établissements au profit
des gros établissements, surtout dans une région rurale comme la
nôtre.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Je vais maintenant
reconnaître le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue
et aussi critique en matière de services sociaux, M. Trudel.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Il y a
déjà plusieurs aspects qui ont été abordés
dans ce mémoire volumineux, d'abord, et très fouillé,
plusieurs aspects de l'action des groupes communautaires dans le réseau
des services de santé et des services sociaux au Québec. Je perse
que vous avez un bon nombre d'indications que vous avez données au
ministre sur le courage, d'abord, de ne pas avoir peur de dire que ça
pourrait marcher au niveau de la régionalisation avec un certain nombre
de règles et un certain nombre d'encadrements. C'est important de le
rappeler parce qu'on a eu ici, depuis le début de cette commission, en
tout cas, pour ma part, un certain nombre d'inquiétudes quant à
la façon dont le mouvement communautaire... Le mouvement communautaire
nous précisait la façon dont il pensait que la
décentralisation pourrait s'opérer au détriment des
organismes communautaires. Nous avons, je pense, compris, depuis ces
exposés, qu'il faille avoir un certain nombre de mesures de protection,
par ailleurs, pour le mouvement communautaire, lorsqu'on irait au niveau d'une
régionalisation de cette partie de
l'action dans l'organisation des services de santé et des
services sociaux au Québec.
Le temps file rapidement et on n'a pas parlé beaucoup du
financement des regroupements. Vous avez très bien lu dans le projet de
loi que l'intention soumise dans l'avant-projet de loi, c'est fini. Il n'y aura
pas de sous prévus pour les regroupements d'organismes communautaires.
Bien sûr, l'argument, la base de cette prise de position, est le fait
qu'on veut subventionner des organismes qui ont des actions directes avec les
usagers et que, si nous devers avoir des regroupements, que les organismes
paient, dans le fond, des cotisations au regroupement, comme le fait, par
exemple, l'Association des hôpitaux du Québec. Ce ne sont pas des
cotisations personnelles qui font en sorte qu'on a l'Association des
hôpitaux du Québec, ce sont des cotisations qui viennent
d'où on sait, probablement. Vous êtes un regroupement?
Mme Lamirande: Pas de façon officielle. Nous, c'est tout
simplement sur une base de consultation.
M. Trudel: Oe consultation. De toute façon...
Mme Lamirande: Je peux peut-être vous répondre parce
que je travaille au niveau d'un regroupement, mais au niveau des personnes
handicapées. Lorsqu'on dit que les organismes de base cotisent à
un regroupement... Vous mentionnez l'Association des hôpitaux du
Québec. Je pense que leur budget de fonctionnement est un peu plus
élevé que le nôtre.
M. Trudel: Légèrement.
Mme Lamirande: Légèrement. Si vous preniez un
organisme local qui a à peu près - en tout cas, en moyenne, je ne
sais pas ce que ça peut représenter - peut-être 10 000 $,
mettons, une moyenne au niveau du Québec, ça va en prendre,
excusez l'expression, une méchante gang pour se payer quelqu'un au
niveau d'un regroupement. Il n'y a pas juste la question financière au
niveau d'un regroupement, on parle de petits organismes locaux. Je pense aux
comités bénévoles, sur notre territoire, il v en a 30 ou
32, au niveau du KRTB. Ce sont des gens, des bénévoles qui ont
besoin de support, et les regroupements, peu importe le type de
clientèle, que ce soit personnes handicapées, personnes
âgées, organismes d'éducation populaire, les gens ont
besoin d'être supportés parce qu'au niveau local, dans des
régions rurales comme la nôtre, la différence entre le
local et le provincial est très grande. Les gens se sentent un peu
démunis et, souvent, parce que la concertation est très grande,
dans la majorité des cas, les regroupements vont chercher leurs
priorités d'action dans des besoins qui ont été
signalés par les organismes locaux.
Les regroupements ne font pas d'ingérence au niveau des
organismes locaux, ils ne leur disent pas quoi faire, mais ils viennent les
aider quand il s'agit de les défendre, comme ici, aujourd'hui, en
commission parlementaire. O.K? On s'est regroupés pour venir ici. Est-ce
qu'un organisme local seul aurait pu faire ça? Je pense qu'il y a un
pouvoir de représentation, au niveau des organismes communautaires,
qu'il faut considérer. Chacun tout seul dans notre coin, on n'a pas le
moyen et on n'a pas les ressources tant techniques qu'humaines pour
défendre des dossiers où il faut qu'on parle comme ici,
aujourd'hui. Donc, les regroupements sont vraiment un outil pour permettre aux
organismes de base de se concerter et de défendre leurs droits. Je pense
que, à enlever la structure des regroupements au niveau du réseau
de la santé, vous allez faire mourir à petit feu les organismes
locaux qui vont se retrouver sans ressource de support.
M. Trudel: C'est très important. Est-ce que vous voulez
ajouter quelque chose, madame? Est-ce que vous avez quelque chose à
ajouter?
Mme Widiez: Non, justement, Mme Lamirande a couvert la question.
Il y a peut-être une chose, par exemple, que j'aimerais répondre
à M. le ministre. C'est que, quand on demande la démarcation
entre le travail des organismes communautaires et les gens du réseau, je
crois que, si on considère ce qui se fait sur notre territoire, on a
toujours jusqu'à maintenant travaillé en
complémentarité, c'est-à-dire que nous avons le support de
différentes institutions. Si on pense aux CLSC, lorsque nous avons
besoin d'aide pour nous organiser, je pense qu'ils sont là très
présents et qu'il n'y a aucune difficulté à
déterminer où s'arrêter pour nous. Et, encore, on
répond à des besoins qui ne peuvent pas être couverts. Si
je prends un exemple, nous avions une petite municipalité dans notre
région qui n'était pas desservie par le centre de jour. Or, c'est
là que notre organisme s'est mis sur pied pour suppléer aux
besoins que le réseau ne pouvait pas combler. C'est ce que je voulais
souligner.
M. Trudel: Au niveau du financement des regroupements
d'organismes communautaires et à la suite de la question de la
députée de Kamouraska-Témiscouata, la formation, c'est
souvent d'être parmi les vôtres qui vivent l'expérience sur
le terrain. Et ça, c'est évident que vous ne pourrez plus vous
les donner, si vous êtes obligés de financer ça à
partir des allocations des organismes locaux. Message. Le ministre fera ce
qu'il voudra avec cela.
Il y a une indication aussi, une affirmation un peu timide mais
indicative dans votre mémoire justement sur la
complémentarité. Est-ce qu'on peut aller jusqu'à dire que
vous êtes le déversoir
de l'incapacité, par exemple, des CLSC d'assurer un certain
nombre de services? Je ne m'attache pas au pourquoi le CLSC ne le fait pas. On
le traitera ailleurs. Est-ce que vous avez l'impression d'être le
déversoir, en disant: Nous autres, on ne peut pas le faire; allez donc
voir les groupes communautaires, ils vont vous organiser ça?
Le Président (M. Joly): Mme Denis.
Mme Dente: Oui. Étant un organisme de services directs, je
peux me permettre de répondre facilement à cette question. C'est
évident qu'on est là pour donner des services en
complémentarité avec le réseau, sauf que la partie
peut-être moins intéressante, c'est que, lorsqu'on vient pour
référer, nous autres, à notre tour, on n'est comme pas
reconnus au niveau de notre expertise.
M. Trudel: Ah bon!
Mme Denis: II faut que ce soit le bénéficiaire
lui-même qui fasse les démarches, et il en a souvent plus qu'une
à faire. La personne malade, je ne suis pas sûre que, à un
moment donné, à quelque part, elle n'aurait pas besoin de support
dans ses démarches, alors que passer par l'organisme, c'est faisable. On
a déjà le dossier en main. C'est sûr qu'il est moins
complet qu'au niveau de l'établissement ou du CLSC, mais on a quand
même cette expertise de base là. Je pense qu'on devrait en tenir
compte.
Mme Lamirande: Peut-être pour compléter ce que
Michelle apporte, vous pariez de déversoir. Le terme est
peut-être, je ne dis pas exagéré dans certains cas, mais
souvent, quand on ne sait pas quoi faire avec un bénéficiaire, on
dit: Bon, il y a tes organismes communautaires. Nous, ça adonne bien,
à Rivière-du-Loup, on est une bonne gang sur le même
étage. Ça fait qu'il appelle un numéro de
téléphone et vous allez être sûr d'en trouver un dans
la gang qui va répondre à votre besoin. Donc, c'est le
problème au niveau des organismes communautaires.
Le problème, c'est que ça ne se fait pas dans les deux
sens. On se réfère à des organismes communautaires. On
appelle les permanents chez eux la semaine, la fin de semaine, le soir, et
quand, nous, on essaie de rejoindre les intervenants, ils ont des heures de
bureau. Nous, on n'en a pas, mais eux en ont, de sorte que les organismes
communautaires, c'est un peu la poubelle de dernier recours quand on ne sait
pas quoi faire avec un usager. Ça, c'est dommage, parce que ça
vient miner le travail des gens bénévoles. On parte de
bénévoles. Ils ne gagnent pas une cent, les gens, pour faire
ça, et on vient les utiliser parce qu'on ne sait pas quoi faire avec un
bénéficiaire. Moi, des choses comme ça, en tout cas, je me
dis: Je ne sais pas combien il y a de bénévoles au Québec,
mais, si tous les bénévoles du Québec arrêtent
demain matin de travailler au niveau des organismes, laissez-moi vous dire
qu'on va avoir de méchants gros problèmes. Pour les instances et
les ressources du réseau, ça ne sera plus des engorgements,
ça va être des inondations.
Le Président (M. Joly): Merci, madame.
Merci, M. le député-Non. Malheureusement, je me dois de
conclure. M. le ministre.
M. Trudel: Alors, merci...
Le Président (M. Joly): Oui. Allez, M. le
député.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. Il y a un
certain nombre de messages très importants sur le rôle et la place
des groupes communautaires dans tout le système. Là-dessus, la
contribution assez exceptionnelle qui est apportée dans ie
réseau, il faut non pas en abuser, par exemple avec ce que vous venez de
décrire, mais vraiment y aller à quelque part sur une politique
de reconnaissance et aussi de financement comme vous l'avez dit tantôt, y
compris sur les regroupements, parce que l'apport est trop important. Alors,
merci beaucoup de votre représentation. C'était très
intéressant.
Mme Lamirande: Merci.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
veux ajouter mes remerciements aux propos du député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, particulièrement sous deux aspects.
D'abord, la volonté de vous être regroupés pour venir vous
faire entendre. Je pense que ça donne plus de force à votre
présentation de représenter une sous-région d'une
région. Ça m'apparait aussi extrêmement important parce
que, pour moi, j'y attache beaucoup d'importance parce qu'on ne fait pas une
régionalisation pour centraliser une place en particulier, mais pour
avoir davantage une bonne connaissance de l'ensemble de la région par
ses sous-régions. Et vous dire que j'ai senti chez vous un peu plus
d'ouverture à la complémentarité que nous ne l'avons
sentie dans d'autres organismes communautaires qui sont venus, ici,
déposer devant la commission parlementaire, et ça, ça me
paraît être un élément extrêmement important
pour la poursuite de la reconnaissance sur le plan financier annuel et aussi
sur le plan triennal qui m'apparaît extrêmement important pour
donner une certaine stabilité aux organismes communautaires. Quelques
petits éclairages nouveaux sur Jes regroupements aussi ne sont pas
à négliger. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.
Mme Lamirande: J'aimerais, au nom des 26 organismes que nous
représentons, vous remercier de nous avoir entendus aujourd'hui.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, mesdames. Donc, au nom des
membres de cette commission, c'est à mon tour, moi aussi, de vous
remercier.
Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 h 30, dans cette
même salle. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 42)
(Reprisée 15 h 40)
Le Président (M. Joly): Nous allons reprendre nos travaux.
J'inviterais les personnes qui représentent le Groupe d'action sociale
et psychiatrique des Monts inc. à bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Bonjour Mesdames, bienvenue à cette commission. Vous avez une
dizaine de minutes pour nous présenter, de la façon la plus
succincte possible, votre mémoire et, après, la balance du temps
est dévolue aux deux formations pour vous poser des questions.
J'aimerais que la porte-parole puisse s'identifier et aussi nous
présenter la personne qui l'accompagne, s'il vous plaît.
Groupe d'action sociale et psychiatrique des Monts
inc.
Mme Langlois (Lyse): Bonjour. Mon nom est Lyse Langlois. Je suis
membre du conseil d'administration du Groupe et je suis accompagnée de
Rollande Pouliot, qui est vice-présidente de notre groupe.
Malheureusement, notre président, Orner Landry, n'a pas pu être
présent avec nous.
Le Président (M. Joly): Merci. Le temps qu'on vous a
mentionné est à votre disposition, madame.
Mme Langlois: C'est bien. D'abord, on tient à vous
remercier pour l'invitation que vous nous avez faite de venir vous rencontrer.
Sans faire la lecture comme telle de notre mémoire, on va simplement
peut-être aborder les points principaux qu'on y touchait, puis, si c'est
plus court, dans le fond, on aimerait davantage, je pense, répondre aux
questions.
Alors, sans plus tarder, je donnerais quelques petites informations de
plus par rapport à notre groupe. C'est un groupe qui est né,
d'abord, depuis quatre ans à partir de sept personnes atteintes de
schizophrénie qui ont décidé ensemble de ne pas attendre
la création d'un service, mais de le créer elles-mêmes.
Elles ont parti un groupe communautaire où, finalement, elles se donnent
de l'entraide, du support, où elles tentent vraiment de se maintenir en
communauté, de se réinsérer dans une vie normale, donc
d'éviter de passer la moitié de leur vie en centre
hospitalier.
Ce groupe-là fonctionne depuis quatre ans et au moment où
on vous envoyait le mémoire, ce groupe n'avait toujours pas reçu
de subvention. Ce n'est pas un groupe subventionné, à date, par
le ministère et on ne s'en porte pas vraiment oi mal, dans le sens
où, depuis quatre ans, on fonctionne bien. On a nos rencontres, on est
tiès actifs et on trouve les moyens du bord. D'une certaine
façon, comme chacun de nous on doit gagner notre vie, ce
groupe-là gagne la sienne. À cause de ça,
évidemment, ça lie le groupe, je pense, ça fait comme
cimenter les gens entre eux parce que ça leur donne une guerre commune
à mener, des efforts en commun à mettre et il n'y a pas
d'idées idiotes, tout le monde doit mettre la main à la
pâte. Notre conseil d'administration est d'ailleurs formé de sept
personnes, dont quatre sont des personnes schizophrènes, qui vivent la
schizophrénie, et trois autres des personnes qui viennent de la
communauté, dont nous sommes.
Si nous en venons un peu aux points qu'on élaborait dans notre
mémoire, on a abordé toute la question des subventions
versées par le gouvernement pour aider les groupes communautaires. On
doit dire qu'on y a beaucoup réfléchi parce qu'on était un
des groupes qui ont présenté déjà, au début,
à Mme Lavoie-Roux, un premier mémoire. Entre les deux
mémoires, on a eu le temps de réfléchir pas mal, puis on
l'a fait en groupe. On l'a fait avec notre groupe et avec chaque membre de
notre groupe parce qu'on pense que tous et chacun ont droit de parole
là-dedans et que les positions qu'on prend là-dessus, vraiment,
ça nous engage tous et c'est important.
Notre réflexion nous a amenés à ceci. On s'est dit
qu'évidemment plus un groupe prend de l'ampleur plus, peut-être,
c'est nécessaire qu'à un moment donné il y ait de l'aide
et du support au niveau de l'infrastructure, pour maintenir le groupe, la
survie de base du groupe. Par contre, pour nous, ça demeurait
très important que les groupes puissent continuer à avoir une
partie où la bataille leur appartient. Il faut que, d'eux-mêmes,
ils puissent lutter pour pouvoir fonctionner, se trouver des fonds,
créer eux-mêmes ce groupe-là. Dans le fond, ce qu'on essaie
de faire chez nous, c'est rendre les gens moins dépendants. On essaie de
se rendre moins dépendants du système, et hospitalier, et des
services sociaux, etc. Alors, évidemment, être complètement
subventionnés par le gouvernement pour nous, ce serait retomber dans le
même panneau. C'est ce qu'on croit devoir éviter, en tout cas,
comme petit groupe communautaire. On pense qu'il faut absolument garder
l'étincelle qui nous tient en vie, en fin de compte, qui est de se
battre pour gagner ce dont on a besoin.
L'autre point qu'on a abordé et qui nous tient à coeur,
c'est celui de la complémentarité. Chez nous, on est loin de
travailler de façon isolée, là, et, quand on dit qu'on
veut devenir comme plus indépendants des services publics, ça ne
veut pas dire qu'on ne veut pas leur parler, bien au contraire. On pense que
c'est extrêmement important d'être accolés les uns aux
autres, là, et de savoir quand est-ce qu'eux commencent et où ils
finissent et quand est-ce que nous on commence et où on finit. On vient
d'une région du Québec - là, vous le savez, c'est partout
dans les journaux - dite la plus pauvre, etc. On fait bien pitié, mais
on ne se débrouille pas si mal. Il faut dire que la pauvreté,
c'est vrai que ça existe dans notre milieu et que notre jardin est
parfois vide, qui y a des carreaux où il n'y a pas grand-chose de
semé. Mors, ça nous oblige d'autant plus à faire des liens
de complémentarité avec tout le réseau et tous les autres
organismes, parce que, sans ça, on n'arriverait jamais à se
nourrir de ce dont on a besoin. More, on aime s'occuper de nos oignons, mais on
ne hat pas s'occuper des oignons des autres aussi et voir si, effectivement
tout le potager est cultivé. Alors, c'est intéressant, s'il y a
des carreaux de vides, de voir ensemble à les remplir et s'il y en a
trop, bien peut-être que sarcler, là, ce ne serait pas... À
ce moment-là, pour nous, la complémentarité, c'est
très important. À cause de ça, on est déjà
participants à une petite tabte locale en santé mentale où
on partage, où on se donne nos limites à chacun et où on
essaie de voir à ce qu'on ne laisse de trous nulle part. Il y en a
déjà encore pas mal, mais quand même.
Là, ceci m'amènerait à vous parler de,
peut-être, ta régie régionale qui était un point
majeur dans lavant-projet de loi. La régie régionale, pour nous,
c'est important. On pense que, oui, il doit y avoir une décentralisation
des pouvoirs. On pense qu'on est petits, nous, et on a appris qu'être
petit, parfois, ça sert. Les décisions vont vite, on peut se
consulter rapidement, on sait qui on est; alors, il y a moins d'arbitraire dans
les choses qu'on fait. Alors, on pense que la proximité avec une
régie pourrait, en tout cas pour nous, être profitable et pas que
pour nous, mais pour toute notre région, parce qu'on pense que c'est
difficile de transiger de loin. Peut-être que tes gens qui sont
près des grands centres ne seront pas de cette opinion-là et je
tes comprendrais, là, probablement, mais moi qui viens d'une
région éloignée, je vous jure que c'est beaucoup plus
facile si on est près des instances qui doivent discuter et partager
avec nous la responsabilité de gérer les services.
Et là, je vous dis: Partagez avec nous cette
responsabilité-là, parce que je ne pense pas, chez nous, en tout
cas, que, quand quelqu'un a un problème, si on a une personne, chez
nous, schizophrène qui est sur le trottoir, ce n'est pas la
responsabilité du centre hospitalier tout seul, ni du CSS tout seul, ni
même du CRSSS tout seul, ni de notre groupe, à nous, tout seul.
C'est celle de nous tous ensemble, ce qui fait que là il faut se parler
et se dire: Toi, tu fais quoi, moi, je fais quoi, et, à tous nos
paliers, on va réussir. On va faire ce qu'il faut et on va faire en
sorte que ces gens-là puissent vivre dans notre communauté. Mors,
pour nous, la question de la régie régionale
décentralisée, c'est très important. On appuie ça,
même si on sait qu'il y a beaucoup de monde qui est d'avis contraire.
On avait aussi abordé le point des collèges
régionaux. Notre petit groupe, nous, on est vendus à tout ce qui
est partage, complémentarité et responsabilité On se pense
responsables. On l'est, d'ailleurs, et on n'a pas peur de ça. On est
dans une période dite - c'est un mot qui circule beaucoup - de
décroissance. On est très habitués à travailler
avec peu; alors, je ne pense pas que ce soit si épeurant que ça,
la décroissance, en autant qu'on a les "guts" de se parler, de se dire
les choses et de partager tes responsabilités. Du jour où on
cesse de dire: Tout est à moi, rien qu'à moi, je ne veux rien
savoir des autres, bien je pense que là on peut devenir partenaire et
c'est ce que notre groupe désire. Mors, ça, c'était en
gros les points, là, par rapport à la régie.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Lan-gtois. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Ça fait toujours un petit pincement au coeur de
recevoir des gens de notre localité d'origine. On ne s'en détache
à peu près jamais. Je vais vous dire que je suis
particulièrement fier de vous avoir entendue. Il y a de très
grandes leçons, même aux organismes communautaires, dans votre
témoignage et c'est le premier témoignage de cette
importance-là et de cette nature-là en termes de message qui nous
est véhiculé parce que ce qu'on a entendu depuis le début,
règle générale, c'est: On n'a pas assez d'argent.
Ça en prend davantage et autant que possible, ne nous mettez pas de
contraintes, aucune contrainte ou à peu près pas et laissez nous
faire. On sait ce qu'on a à faire et on va le faire.
Oui, les groupes communautaires sont extrêmement importants. Ils
doivent être complémentaires et ils ont la liberté de faire
ce qu'ils veulent, comme le ministère ou la régie aura la
liberté de reconnaître, par des subventions, leur existence, par
des critères de complémentarité par rapport au
réseau et non plus de duplication par rapport au réseau. En tout
cas, c'est très intéressant et rafraîchissant de vous
entendre nous dire que vous avez une part aussi de responsabilité dans
la société que vous devez assumer. Ce qui fait que, pour vous,
c'est l'étincelle qui vous permet de vivre, alors que,
pour d'autres, c'est peut-être la mort, si on a bien compris,
c'est que vous êtes obligés et que vous voulez continuer de vous
créer l'obligation de vous justifier en allant chercher de
l'autofinancement, que ce soit par du "membership" ou par d'autres
contributions. Ça, malheureusement, depuis le début de la
commission, après 110 mémoires, on n'a pas entendu bien bien ce
principe-là. Vous avez raison de dire que, parfois, même dans le
communautaire, c'est les petits qui nous donnent la mesure de ce que ça
devrait être, et, je partage ça totalement. Ça nr. veut pas
dire pour autant que nous n'avons pas, comme gouvernement, avec ces
programmes-là, la responsabilité de reconnaître et de
financer certains organismes communautaires qui, effectivement, font la
complémentarité avec les ressources qui existent dans le
milieu.
En tout cas, au moins, je tenais à le dire parce que
j'étais un peu étonné - je n'avais pas eu le temps de lire
le mémoire avant - de vous entendre le livrer sans vous
référer au texte. C'est là l'exemple très clair
d'un vécu. Malheureusement, pour vous et pour ia communauté, il
n'y a pas de caméra, pas de journaliste. Peut-être qu'ils nous
écoutent. Je le souhaite parce que c'est un témoignage qui, pour
moi, même s'il vient d'une petite communauté, d'un petit groupe,
qui n'a pas une cent du gouvernement et qui a pris le soin de partir de
Sainte-Anne-des-Monts à quelque 400 milles ou à 300 et quelques
milles de Québec pour venir livrer son témoignage, est tout
à votre honneur.
Lorsqu'on parle de complémentarité, je pense qu'on n'a pas
besoin de s'en parler très longtemps parce que vous nous l'avez
largement expliquée. Vous êtes d'accord avec les régies
régionales parce que vous nous dites que, sur le plan d'un pouvoir plus
près des gens et peut-être plus petit aussi, vous avez
peut-être plus de chances d'être bien compris et que les mesures
qui en découleront et les décisions correspondront davantage
à ce que chacune des régions a besoin. Mais, certains groupes
communautaires sont venus nous dire que, si le budget des organismes
communautaires allait aux régies régionales, il y avait un
danger. Eux craignaient que cette distribution ne puisse pas se faire
nécessairement de la bonne manière. Ce que je comprends, c'est
que vous ne craignez pas, vous autres, qu'une régie puisse faire cette
distribution de l'argent gouvernemental en autant qu'on réserve l'argent
pour des fins communautaires, l'enveloppe globale telle qu'elle est. Donc,
ça ne vous énerve pas?
Mme Langlois: Non. En tout cas, on n'a jamais ressenti cette
crainte-là. Ce que je pense qu'il faut, par exemple, comme condition de
base, c'est évidemment que les gens de ia régie partagent la
responsabilité avec l'ensemble des groupes et que l'ensemble des groupes
ait une conscience de la collectivité couverte par cette
régie-là de sorte qu'à ce moment-là chacun sait
dans quoi il baigne. Non, on ne craint pas ça. Si on y est à part
entière, dans la discussion, dans les échanges et dans le partage
des responsabilités, je ne vois aucun danger là. C'est sûr
que ce n'est pas les postes qui font les personnes; ce sont les personnes qui
font les postes. Mais ça, c'est vrai partout et c'est vrai aussi dans
nos groupes communautaires. Alors, ce seront toujours les personnes qui veulent
vraiment tenir leurs responsabilités et voir au mieux-être d'une
région, selon moi, qui seront gagnantes au bout de la ligne. Il y aura
toujours des intérêt plus individuels, mais ça, je ne crois
pas qu'on l'élimine en centralisant à Québec. Je pense que
ça existe partout, puis, si on décentralise dans les
régions, on trouvera ça aussi, mais il faut se battre contre
ça, puis avancer. Je ne crois pas que ce soit un obstacle majeur.
M. Côté (Charlesbourg): J'en profiterais pour
déborder un peu, parce que, en tout cas, je partage ce qu'il y a dans
votre document et dans votre énoncé. Je n'ai aucune espèce
de problème, ni aucune restriction avec ce que vous nous avez dit. Donc,
on ne se chicanera pas longtemps là-dessus. Mais je voudrais
peut-être profiter du fait que vous êtes là, parce que vous
êtes aussi une personne dans la société qui connaît
la panoplie des services que le réseau de la santé et des
services sociaux peut offrir et, souven-tefois, on dit: II y a des
problèmes dans le réseau. C'est vrai qu'il y en a. C'est quoi,
les principaux problèmes du réseau qu'on a au moment où on
se parle et à quoi devrait-on s'attaquer en premier lieu pour être
capable de répondre à ce qu'on devrait avoir comme
société, compte tenu des 10 400 000 000 $ qu'on investit dans le
domaine de la santé et des services sociaux?
Mme Langlois: Ce n'est pas une petite question, ça! C'est
une énorme question. Eh mon Dieu! J'aurais le goût de vous
répondre que c'est le fonctionnarisme, peut-être. Je ne voudrais
insulter personne, mais je suis obligée de dire qu'il y a tellement de
cloisonnement, il y a tellement d'intérêts personnels dans le
réseau, il y a tellement de courte vue, je pense que ça vient
faucher beaucoup de beaux projets et de bons avancements; ça vient
souvent nous empêcher de faire beaucoup plus avec les mêmes
montants d'argent. On peut le voir, ça, un peu partout, dans les gros
groupes, dans les grands ensembles comme dans les petits. Quand on a des
montants d'argent, dépendamment de la bonne volonté de tous ceux
qu'il y a là, puis d'un esprit de multiplier... En tout cas, moi, je
crois à ça, l'espèce de multiplication des pains, du pain
et du vin, c'est-à-dire qu'on peut faire plus avec ce qu'on a, souvent,
quand tout le monde se canalise de la bonne façon, puis dans la
même direction. Évidemment, les luttes de pouvoir, les
intérêts personnels, etc., font, je pense, souvent
échec à toutes les tentatives pour améliorer le
réseau, actuellement. C'est une opinion peut-être un peu
personnelle.
M. Côté (Charlesbourg): II y a quelqu'un qui me
disait qu'on a investi au-delà de 6 000 000 $ dans une commission pour
nous faire dire ce que vous nous dites, Vous, tout simplement. Et, c'est
bénévole! Donc, c'est un témoignage. C'est polir ça
que c'est important, dans ce genre de commission, d'être capable de poser
des questions aux gens qui vivent de manière quotidienne les
problèmes du réseau de là santé et des services
sociaux. Ce n'est pas toujours dans les grands centres qu'on est capable de
dégager le vécu dont vous hous parlez. Est-ce que vous iriez
jusqu'à dire qu'il y a duplication de certains établissement au
niveau du réseau? Est-ce que vous en constatez dans votre milieu, vous,
des duplications?
Mme Langlois: Dans notre milieu, ça serait difficile
peut-être d'en constater, parce que je pense qu'il y en a si peu qu'ils
ne pourraient pas se "duplicater". Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, je...
Mme Langlois: Là, évidemment, je
réfère aux services en santé mentale; entendons-nous, ne
généralisons pas. Au niveau de la santé mentale, il y a
très peu de ressources. Je pense à notre MRC, à nous,
où il y a, finalement, des ressources d'hébergement au niveau du
CSS; après ça, il y a des services un peu au niveau hospitalier,
puis c'est tout, il n'y a rien après ça. C'est tout. Il n'y a
rien. Il y a nous, le petit groupe que nous sommes.
M. Côté (Charlesbourg): O. K. Je posais ma question
davantage en fonction de la MRC de Denis-Riverin, où on sait qu'il y a
un centre hospitalier, il y a un CLSC, il y a un CSS, il y a toute une
série d'intervenants du réseau, toute la panoplie, en termes de
duplication ou de complémentarité des services; c'est davantage
ça que dans un domaine spécifique que vous représentez.
Parce que, effectivement, au niveau de certaines communautés, lorsque,
dans la réforme, on parlait d'unifier certains conseils
d'administration, c'était pour éviter la duplication, la
complicité, pour davantage faire de ia complémentarité,
éviter la courte vue ou de voir ton établissement à toi
par rapport à celui des autres. Et je pense que dans les
commumautés comme la vôtre il y a aussi moyen de faire un bon bout
de chemin.
Mme Langlois: Ah oui? Certainement.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, merci, M. le
Président. Merci de vous être déplacées. C'est un
témoignage que je retiens, moi, en tout cas, très simple, venant
du monde ordinaire. Évidemment c'est bon d'en avoir de temps en temps
dans ce très vaste réseau, y compris dans le très vaste
réseau du communautaire.
Mme Langlois: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître le leader de l'Opposition officielle, M.
Chevrette.
M. Chevrette: M. le Président, je pensais que celui qui
avait soufflé au ministre: 6 000 000 $ pour un gros rapport alors qu'on
a un message si simple... J'ajouterai, moi, que 6 000 000 $ pour la
tournée d'une ministre pour se faire dire la même chose, puis un
avant-projet qui ne tient même pas compte de ce que tout ce que ce beau
monde a dit à une ministre et à une commission d'enquête,
ce n'est pas drôle, c'est vrai. Cependant, à la décharge du
ministre, ce n'était pas lui qui était là; on est
obligés de l'accrocher juste par la bande. (16 heures)
Mais, effectivement, je pense que, en particulier dans le domaine
psychiatrique, ça urge d'avoir une politique en santé mentale,
parce que je pense que le communautaire fait plus présentement en
santé mentale au Québec que certaines structures du
réseau; ce n'est pas des farces. Dans certains milieux, on peut affirmer
ça, sans commettre de grosses hérésies. Franchement, si on
n'avait pas le communautaire dans certains milieux en santé mentale,
ça ferait pitié, merci!
Donc, je ne suis pas surpris du diagnostic que vous posez, puis je
souhaite, tout comme vous, dans vos conclusions, au deuxième paragraphe,
que l'apparente tendance actuelle à la décentralisation ne soit
pas une habile maneuvre pour se débarrasser de ce qui est devenu
impossible à administrer par le provincial. Je pense qu'on le souhaite
tous. On a parlé de décentralisation certaine et pas d'une
certaine décentralisation; pas d'une déconcentration, mais d'une
véritable décentralisation totale et complète, y compris
non seulement l'administration de l'argent qui est versé par le
ministère pour l'administration des réseaux, mais aussi les
enveloppes de la RAMQ, la Régie de l'assurance-maladie du Québec,
pour qu'on puisse assurer une équité dans la qualité des
services. Que tu sois en Gaspésie, que tu sois en Abitibi, sur la
Basse-Côte-Nord, ou à Montréal, tu paies les mêmes
impôts. Que tu gagnes 20 000 $ ou 30 000 $ à Montréal, ou
20 000 $ ou 30 000 $ en Gaspésie, tu paies les mêmes impôts.
Donc, tu es en droit comme citoyen de t'attendre à une qualité
à peu près similaire ou identique de services de santé et
de services sociaux.
Donc, on le verra dans le projet, mais je pense que votre revendication
est claire. Vous ne voulez pas une manoeuvre pour tout simplement
déplacer l'endroit douloureux à trancher ou à
couper, mais véritablement une décentralisation, à partir
d'enveloppes qui seraient rectifiées au départ. Et ça, je
pense que Rochon, sans le dire, arrivait à ces conclusions-là,
parce qu'on ne décentralise pas pour le plaisir de décentraliser;
on décentralise pour une certaine forme d'équité. D'autant
plus qu'on maintenait les deux grands principes de l'admissibilité et de
l'universalité; donc, je suppose que ça présumait des
rectificatifs de départ au niveau des enveloppes régionales.
Moi, je voudrais vous entendre parler de l'unification des conseils
d'administration. Quel impact pour un groupe communautaire voyez-vous sur les
organismes de votre milieu qui seraient fusionnés, comme le dit
l'avant-projet de loi, qui sera déchiré, puis
réécrit? Comment voyez-vous ça dans votre milieu?
Mme Langlois: C'est difficile à dire. On n'a
peut-être pas beaucoup réfléchi à ça, au
niveau de notre groupe. Peut-être que c'est poser la question sous un
angle... Vous sevez, pour moi, l'unification des conseils d'administration,
c'est un moyen; ce n'est pas une fin. Si ça fait que les gens se parlent
plus, bingo! Si ça fait qu'ils sont plus en chicane, bien... Vous savez,
je pense que c'est un moyen. Moi, je pense que tout ce qui peut être fait
pour faire que les gens se parlent plus, se pilent moins sur les pieds,
utilisent mieux l'argent, fassent plus avec ce qu'ils ont, alors si c'est
ça que ça donne, tant mieux! Si ça ne peut pas donner
ça ou si ça crée d'autres problèmes à
côté qui font qu'on a autant de difficultés dans
l'embrayage que ce qu'on a maintenant, bien, alors, à ce
moment-là, ça ne vaut pas la peine. Pour moi, c'est difficile de
répondre oui ou non pour l'unification parce que je crois que c'est un
moyen.
M. Chevrette: Si vous étiez, demain matin, élue
députée de Matane.
Mme Langlois: Je n'ai pas cette ambition-là, mais... Ha,
ha, ha!
M. Chevrette: Vous n'avez peut-être pas l'ambition, mais
vous semblez avoir la compétence. Quels seraient les grands
remèdes que vous apporteriez au régime de santé? Les
aberrations que vous connaissez présentement, vous les corrigeriez
comment? Et vous couperiez où, si vous aviez à couper pour
pouvoir transférer ces sommes-là pour le plus grand bien du
réseau de la santé et des services sociaux? Où
prendriez-vous l'argent qui, à votre avis, est mal
dépensé, si vous me le permettez? Comme expression,
c'était à peu près ça.
Mme Langlois: Ça déborde largement la petite
présentation qu'on avait faite dans notre mémoire, là,
comme question.
M. Chevrette: Oui, mais je suppose que vous avez... Ce n'est pas
parce que vous avez... Vous avez des idées personnelles.
Mme Langlois: Je pense que je ne peux pas vraiment
répondre à ça, dans le sens où je ne suis pas
suffisamment à l'intérieur du réseau de la santé
pour en voir les revers. Par contre, comme petit groupe communautaire, nous, on
a à donner des services et on tient à donner des services
à des gens qui souffrent d'une maladie, donc qui ont besoin de ces
services de santé là. Là où on peut avoir une
contribution, c'est vraiment dans l'échange avec les services de
santé. Si on peut faire quelque chose pour les obliger à devenir
complémentaires avec le restant des ressources en place, tant mieux.
Nous, on va pousser dans ce sens-là, chez nous.
M. Chevrette: Y a-t-il des choses que vous trouvez...
Mme Langlois: Là, pour aller corriger leurs bibites
à eux autres, je ne le sais pas trop.
M. Chevrette: Y a-t-il des choses que vous trouvez qui
coûtent cher?
Mme Langlois: II y a beaucoup de choses qui coûtent
très cher. Je suis convaincue qu'il y a certainement...
M. Chevrette: Voulez-vous m'en donner une couple d'exemples?
Mme Langlois: Je ne le sais pas. Il ne m'en vient pas à
l'idée comme tel. Ça coûte très cher dans notre
réseau. Il y a beaucoup d'investissements dans...
M. Chevrette: Trouvez-vous qu'il y a de l'argent qui pourrait
être mieux dépensé?
Mme Langlois: Je crois que tout bon gouvernement doit regarder la
possibilité...
M. Chevrette: Si vous aviez à le conseiller, ce bon
gouvernement...
Mme Langlois: ...d'économiser des sous. M. Chevrette:
...vous diriez quoi? Mme Langlois: Pardon?
M. Chevrette: Si vous aviez à conseiller ce bon
gouvernement, vous lui diriez de poser quel geste?
Mme Langlois: Ça dépend sur quoi, mais...
M. Chevrette: Je vous donne un exemple. En santé,
trouvez-vous...
Mme Langlois: Mes recommandations pour les groupes communautaires
sont faites, en tout cas.
M. Chevrette: Oui, mais c'est parce que les groupes qui viennent
devant nous et qui affirment des choses, je pense qu'on peut leur demander de
déborder sur d'autres secteurs. C'est compréhensible que vous
ayez le réflexe que vous avez, d'autant plus que vous ne "chargez" rien
à l'État. Vous ne coûtez rien à l'État. Donc,
vous pouvez être d'autant plus à l'aise, comme le disait le
ministre tantôt, d'exprimer votre point de vue. C'est pour ça que
je gratte plus loin que votre simple mémoire. Si vous aviez versé
dans le corporatisme, comme on l'a vu depuis le début pour un
très grand nombre de dossiers, je ne vous aurais peut-être pas
posé les questions que je vous pose là. Je me permets, justement
parce que vous avez des idées autres que celles réservées
aux groupes, de gratter un peu plus avec vous. Y a-t-il des gestes, y a-t-il
des actes... Y a-t-il des sommes d'argent que vous utiliseriez autrement que de
la façon dont elles sont utilisées dans le milieu? Je donne un
exemple. Trouvez-vous normal, dans une région comme la vôtre, par
exemple, de payer la médecine à l'acte et d'avoir de la
difficulté à avoir des médecins? Est-ce que vous en
entendez parier dans votre milieu de ça?
Mme Langlois: Un petit peu. Mais je dois vous avouer que je n'ai
pas la compétence pour en juger.
M. Chevrette: Les gens se sont résignés à
prendre ce qu'ils ont?
Mme Langlois: Oui. Ce que je pense, en tout cas, qui peut
être intéressant, c'est quand on parlait d'équité
entre les régions. Mais je crois que c'est sur la table comme propos.
À part ça, si on parle de soins de santé pour lesquels les
gens devraient payer, je sais que ça se discute. Je ne pense pas que
c'est quelque chose... Ça, c'est comme les... Ce sont de grandes
questions. Ce sont des choses sur lesquelles on ne peut pas se prononcer
facilement comme ça, sans avoir pris le temps de regarder tous les
revers de ces questions-là.
M. Chevrette: Vous oeuvrez au niveau de la psychiatrie.
Considérez-vous que vous avez des ressources dans votre milieu?
Mme Langlois: Orr en a, mais on en a peu. On est dans une
région plus éloignée et à faible population.
souvent, le lot des petites régions, c'est que le nombre ne justifie
jamais les moyens, d'une certaine façon, on n'a jamais assez de
têtes de pipe pour acheter un crachoir. Ha, ha, ha! Alors, voyez-vous,
c'est ça, là.
M. Chevrette: Vous êtes rendue avec le réflexe des
provinces canadiennes: c'est là où le nombre l'exige.
Mme Langlois: Oui. En tout cas, c'est sûr que ça
fait de nous une région qui n'est pas dotée de choses bien
luxueuses, en termes de services. Par contre, c'est là aussi où
la contribution de la population peut être d'autant plus
intéressante. Et, dépendamment des gestionnaires qui sont en
place, s'il y a de l'ouverture, ça peut être intéressant.
Moi, je pense qu'il y a mille façons de rendre une communauté
vivante et responsable de ce qui lui arrive. Mais je ne suis pas sûre que
toutes les solutions sont dans les mains du gouvernement. Excusez-moi, mais je
pense qu'on en a peut-être une partie, nous aussi. Je crois qu'une grande
partie de la solution, dans les régions plus éloignées,
peut être là-dedans, dépendamment de l'ouverture des
gestionnaires à activer ça et à ouvrir là-dessus,
et à ne pas prendre de décisions seulement à partir d'en
haut.
Le Président (M. Joly): Je me dois de vous
arrêter.
M. Chevrette: Je vous remercie, madame, de l'approche pragmatique
que vous avez de bâtir avec ce que vous avez. Le jour où on
décidera de vous en donner équitablement avec le reste du
Québec, vous pourrez faire de grandes choses.
Mme Langlois: Qu'on ait peu ou qu'on ait beaucoup, on va essayer
de faire de grandes choses. Merci.
M. Chevrette: Mais vous allez sans doute avoir plus, madame.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup de ce
témoignage-là.
Mme Langlois: Merci.
M. Côté (Charlesbourg): On va le retenir comme
étant un témoignage venant de la base, très raisonnable et
très responsable.
Le Président (M. Joly): Mesdames, au nom des membres de
cette commission, merci beaucoup. Je vais maintenant demander aux gens
représentant le Centre hospitalier régional du Grand-Portage de
bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Mesdames, messieurs, bonjour et bienvenue à cette commission.
Comme vous le savez déjà, vous avez une dizaine de minutes pour
nous présenter votre mémoire de la façon la plus succincte
possible. La balance du temps est
dévolue aux deux formations politiques pour vous poser des
questions. Alors, que la personne responsable s'identifie et nous
présente aussi les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Centre hospitalier régional du
Grand-Portage
M. Marquis (Jean-Léon): Merci, M. le Président. M.
le ministre, MM. les membres de la commission, je me présente: je suis
Jean-Léon Marquis, président du conseil d'administration dj
Centre hospitalier régional du Grand-Portage. Les personnes qui
m'accompagnent sont, à ma droite, le Dr Richard Boudreau, directeur des
services professionnels, qui remplace aujourd'hui notre directeur
général; à ma gauche, ma compagne, Mme Aline d'Amboise,
vice-présidente du conseil d'administration du centre hospitalier et
également responsable de la section KRTB de l'Association de la
paralysie cérébrale du Québec; le Dr Bernard Pouliot,
directeur du département de santé communautaire; Mme Jocelyne
Pelletier, présidente du comité du maintien du DSC et
également coordonnatrice du département de santé
communautaire.
Maintenant, le Dr Boudreau, en tant que directeur général
suppléant, exposera le point de vue de notre établissement. Je
souligne également que le Dr Boudreau a été directeur
général du département de santé communautaire de
notre établissement pendant plusieurs années.
Le Président (M. Joly): Dr Boudreau.
M. Boudreau (Richard): Merci, M. le Président. M. le
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, uu nom de notre centre
hospitalier, je tiens ù vous remercier de l'écoute que vous nous
accordez. Malgré la préoccupation constante que constitue pour
notre centre hospitalier la distribution des services à la population du
Grand-Portage, le but de notre présence ici est principalement de faire
valoir la pertinence du rôle que joue le département de
santé communautaire dans notre sous-région. Nous constatons que
nombre de personnes, dont M. le ministre, se préoccupent du rôle
que les départements de santé communautaire jouent dans le
réseau, de la façon dont ce rôle est exercé et des
coûts qui y sont rattachés. Ce ne sont pas les fonctions
elles-mêmes, assumées par les départements de santé
communautaire, qui semblent remises en question, puisqu'il semble y avoir
consensus sur la nécessité de se doter de services de promotion,
de prévention et de protection de la santé. (16 h 15) À la
réflexion, on réalise que, parmi les différentes
composantes du réseau de la santé et des services sociaux, le DSC
occupe un créneau qui est souvent confondu avec celui de quelques autres
établissements. Ce qui semble remis en question, c'est non pas la
définition des rôles, mais plutôt la distribution de ces
rôles, ainsi que le choix de la scène sur laquelle chacun des
acteurs doit évoluer.
Parlons d'abord de la distribution des rôles. À notre avis,
les départements de santé communautaire jouissent d'une situation
privilégiée pour exercer un rôle de promotion, de
prévention et Je protection de la santé, en collaboration avec
les partenaires de leur sous-région. C'est même le lieu
privilégié pour introduire dans le réseau une approche par
programme qui puisse associer les différents organismes vers la
poursuite d'objectifs de santé communs. On voudrait parfois attribuer
ces rôles plutôt aux CLSC ou aux conseils régionaux. Nous
croyons cette tendance mal avisée. En effet, au moment où les
CLSC vivent la contrainte de la distribution quotidienne des services à
leur population et où les conseils régionaux jouent souvent un
rôle important de décideurs quant à la distribution de
ressources financières, c'est-à-dire d'agents payeurs, les
départements de santé communautaire, quant à eux,
constituent à la fois une instance dégagée de la
contrainte des services individualisés et un agent neutre en ce qui
concerne le financement, bénéficiant ainsi d'une situation
favorable pour développer une expertise professionnelle crédible
et essentielle à l'exercice de leur rôle.
L'avantage d'une telle situation privilégiée peut se
comparer à celle d'un gardien de but au hockey. En se plaçant
devant les buts avec l'équipement approprié, le gardien de but
est au bon endroit pour jouer son rôle. On aura beau répartir son
équipement entre tous les autres joueurs, ceux-ci ne réussiront
pas ensemble à le remplacer et à être aussi efficaces pour
garder les buts tout en continuant à jouer à leur propre
position.
Un autre élément qui privilégie les
départements de santé communautaire dans l'exécution de
leur travail, c'est qu'ils oeuvrent généralement à
l'intérieur d'une région sociosanitaire pertinente,
c'est-à-dire aux dimensions et aux caractéristiques optimales
pour favoriser la concertation des différents partenaires autour
d'objectifs de santé. Ceci est particulièrement le cas pour notre
département de santé communautaire, puisque le territoire
appelé Grand-Portage ou KRTB constitue véritablement une
région pertinente, autant par ses caractéristiques
géographiques que par le sentiment d'appartenance qu'on y retrouve
depuis de nombreuses années. Nous en voulons pour preuve le très
grand nombre d'organismes socio-économiques ou communautaires qui se
définissent en fonction de ce territoire. Une dizaine de ces organismes
sous-régionaux ont d'ailleurs manifesté leur appui au maintien du
DSC parmi les 154 appuis reçus de groupes dans notre sous-région.
Cette cohésion, ainsi que la dimension humaine de son territoire, a
permis au département de santé
communautaire de réaliser de nombreux projets visant
l'amélioration de la santé avec des partenaires de
différents secteurs d'activité. Par exemple, le programme de
maintien de l'intégrité de l'appareil circulatoire, qui rallie
aux mêmes objectifs de prévention des maladies cardio-vasculaires
des restaurateurs, des médecins, des établissements de
santé, des commissions scolaires, des milieux de travail, des
commerçants et même un club social féminin.
Le territoire de notre département de santé communautaire
pourrait-il être plus grand? À notre avis, au-delà des
limites du KRTB, le sentiment d'appartenance est dirigé vers d'autres
pôles, ce qui fait qu'on ne peut plus asseoir les gens à une
même table sans qu'il en résulte une perte d'intérêt.
Ce territoire pourrait-il être plus petit, par exemple, adopter celui
d'un CLSC? Il pourrait certainement l'être, mais on devrait alors
multiplier les ressources par autant de territoires. Les effectifs de notre DSC
étant déjà au strict minimum, si on les divisait entre les
territoires de CLSC, la fonction ne pourrait être remplie de la
même façon. Comment pourrait-on diviser en cinq une seule
personne-ressource s'occupant de programmes d'environnement ou une seule
personne-ressource s'occupant de programmes de prévention des maladies
cardio-vasculaires, et ainsi de suite? Donc, le territoire du DSC pourrait
être rétréci, mais, pour conserver la même
efficacité, il en coûterait beaucoup plus cher.
Pourquoi d'ailleurs faudrait-il remettre en question l'existence de la
sous-région du KRTB et de son département de santé
communautaire, alors que l'on retrouve au Québec quelques territoires
qui ont été définis comme régions et non comme
sous-régions, avec à peine 15 000 ou 20 000 habitants de plus? Je
vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr Boudreau. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
suis très heureux de recevoir les gens du KRTB. Évidemment, ce
que j'ai compris, c'est que la démarche visait presque essentiellement
à situer le département de santé communautaire, ayant
moi-même pris connaissance des déclarations publiques au lendemain
des "Orientations" où ma prédécesseure avait
annoncé que le département de santé communautaire de
Rivière-du-Loup ne serait pas parmi les 22 retenus. Si je comprends
l'essence de la présentation de ce matin, elle vise à dire: Nous
sommes là, nous avons certaines spécificités et nous
désirons demeurer un département de santé communautaire
par ce que nous apportons à notre communauté. Il devrait
être maintenu. Évidemment, c'est un débat qui n'est pas
fini; il nous reste encore deux semaines et demie de commission parlementaire
et chacun va venir défendre, c'est légitime, le maintien d'un
département de santé communautaire. Il y en a 32, il n'y en aura
pas 32. Mme Lavoie-Roux en proposait 22, peut-être qu'il y en aura moins
que ça. À partir d'un certain nombre de choses que nous sommes en
train d'analyser, doivent-ils continuer d'être rattachés à
un centre hospitalier ou pas? Des gens nous disent oui. Des gens disent non et
des gens pensent que non. Doivent-ils nécessairement être dans la
capitale régionale? Des gens pensent que oui; je suis de ceux qui se
posent des questions. Une chose est certaine: les fonctions des
départements de santé communautaire vont continuer d'exister. On
va nécessairement et obligatoirement, là comme ailleurs, devoir
faire un travail très important pour éviter les duplications de
services. Vous l'avez abordé dans votre présentation: CLSC,
département de santé communautaire; est-ce qu'il y a
effectivement des fonctions que font aujourd'hui les départements de
santé communautaire que pourraient faire les CLSC? Dans mon livre
à moi, là, c'est clair, je vous dis oui, à ce moment-ci,
et ça ne semble pas clair pour vous. Donc, c'est là la question
que je veux aborder avec vous au-delà de: y aura-t-il ou n'y aura-t-ii
pas maintien d'un département de santé communautaire à
Rivière-du-Loup? Je pense que vous avez fait votre point. Vous voulez le
maintien. Le mémoire est là, il en donne les raisons, mais,
puisque vous êtes là, je veux en profiter pour vous dire: Est-ce
qu'il y a effectivement - je vous pose la question, malgré le fait que
je pense que oui, là, mais faites-moi la démonstration - une
duplication entre le DSC et le CLSC sur certaines fonctions?
M. Pouliot (Bernard): Bon, on va prendre un exemple concret. Dans
les trois dernières années, on a fait une démarche
conjointe avec les CLSC de notre territoire pour se doter d'objectifs, de
priorités de santé communautaire. On en a adopté deux.
J'en prendrai une pour les fins de la discussion, qui est la réduction
des maladies cardio-vasculaires. La démarche a été faite
conjointement avec les CLSC et le choix a été fait conjointement
avec les CLSC. À la suite de ça, ii a fallu mettre en place une
programmation pour faire face à ce problème-là. Bien
entendu, on s'est partagé les tâches à ce moment là,
je veux dire qu'il y a des choses qui... Si on prend toute l'analyse au niveau
des données statistiques, etc., ça allait de soi que
c'était à nous de prendre en charge cet élément;
par contre, lorsqu'on est arrivé au niveau de la programmation, on a
convenu qu'on travaillait sur certains éléments très
précis pour réduire les maladies cardio-vasculaires: le tabac, le
cholestérol, l'hypertension. Bon, ça, on a convenu de ces
choses-là assez rapidement. Par contre, quand arrive le temps du
terrain, bien là, on s'est partagé la tâche à la
lumière du travail qu'il y avait à faire et puis de la
capacité des différents
établissements de faire différents choix très
pragmatiques dans leur propre organisation. À titre d'exemple, il y a
des CLSC qui ont embarqué très rapidement et qui ont fait
beaucoup de choses, de telle sorte qu'ils ont occupé un champ qui
était le leur, dans leur territoire. D'autres, par contre, n'avaient pas
la capacité immédiate d'ajuster les ressources, même si
c'était un choix commun et une priorité commune, n'avaient pas la
capacité de réagir rapidement dans leur secteur, de telle sorte
qu'il y a des choses auxquelles on n'a pas touché et il y en a d'autres
dont nous, on s'est occupés. À titre d'exemple, au niveau des
restaurants, on a mis en place des menus "mieux vivre". On n'a parfait de
duplication là-dessus. On a pris un programme qui a été
mis sur pied par un autre département de santé communautaire qui
l'avait testé et évalué. On s'occupe de faire en sorte
qu'il y ait des établissements sur l'ensemble du territoire, pas
strictement à Rivière-du-Loup, mais sur tout le territoire du
KRTB, qui offrent des menus qui sont d'un meilleur équilibre au niveau
du cholestérol. Dans d'autres secteurs, nous, on a convenu qu'aux
employeurs - on a commencé par ceux-là - du réseau des
affaires sociales, on devait offrir des programmes qui visent à la
réduction de ces problèmes-là pour les travailleurs du
réseau. C'est nous qui en avons pris charge, mais c'était convenu
avec les CLSC.
C'est ça qu'on tente de faire ressortir un peu à travers
les commentaires que faisait le Dr Boudreau tout à l'heure. C'est qu'il
y a un exercice effectif sur place et ce n'est pas toujours tranché
forcément au couteau. C'est sûr que, si on prend les services
préventifs à caractère individuel, si on veut rejoindre
les citoyens, dans la majorité des cas, ce sont plutôt des
services qui doivent relever soit du secteur privé ou des CLSC,
dépendant de la composition des services qui sont offerts dans une
région. Il y a des endroits où il y a plus ou moins de
médecins, etc., bon. Mais on cherche à tailler des choses
à la mesure de ce qui existe et à la mesure des choix qui peuvent
être faits.
J'ai de la difficulté à répondre à votre
question d'emblée, comme ça. Au fond, on fait un travail de mise
en commun des ressources qui sont là et qui veulent bien s'associer pour
une tâche commune. Et on partage la tâche à la
lumière des capacités de chacun et non, si on peut dire, de
façon théorique en disant: Ça, c'est un secteur, c'est une
chasse gardée, on ne touche pas à ça ou ainsi de suite. On
cherche plutôt à maximiser ce qu'on a, ensemble.
Mme Pelletier (Jocelyne): Si vous le per mettez, j'aimerais
ajouter quelque chose sur le même exemple, au niveau de la
prévention des maladies cardio-vasculaires. Vous savez, ça ne se
fait pas en un jour, un programme. Ce n'est pas quelqu'un qui écrit
ça dans son bureau et qui dit aux autres: Vous allez faire ça
après. On travaille en concertation avec les gens. Alors, dans ce
programme-là, on met autour de la table les cinq CLSC avec
différents groupes du KRTB, vous en avez vu plusieurs ce matin, et,
ensemble, on fait un programme. Bien sûr que ça pourrait
être fait dans un CLSC, mais là on multiplie par cinq, cinq
personnes qui s'occupent des programmée et qui, elles, vont mettre
ensemble les gens dans un territoire plus petit. Ça peut se faire, mais
ça ne se fait pas à meilleur compte.
M. Côté (Charlesbourg): Je n'irai pas plus ioin
parce que, effectivement, ça ne se tranche pas au couteau. Il y a
peut-être des cas différents dans des départements de
santé communautaire un peu plus petits, comme le vôtre, comme
celui de Montmagny, par rapport à d'autres départements de
santé communautaire. Comme on m'indique qu'il ne me reste
déjà pas beaucoup de temps, je vais vous poser une question
vicieuse, je vous le dis tout de suite en partant. Quand tu as l'avis
avant...
Si on arrivait avec la décision qu'on avait un département
de santé communautaire par région administrative, croyez-vous
qu'un département de santé communautaire implanté à
Rivière-du-Loup pour desservir l'ensemble de la nouvelle région
du Bas-Saint-Laurent pourrait tout aussi bien répondre à ce qu'on
attend d'un département de santé communautaire que s'il
était à Rimouski?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Elle était vicieuse,
mais je vous l'ai dit avant.
M. Pouliot: Je pense que, pour faire le travail d'un
département de santé communautaire, on n'a pas besoin
d'être assis dans le bureau à côté du CRSSS,
définitivement. Remarquez que, effectivement, elle est vicieuse, votre
question et puis, on avait pris comme stratégie de ne pas se chicaner
avec Rimouski, pour la simple et bonne raison que si, effectivement, il n'y en
a qu'un, on ne veut quand même pas se retrouver avec des problèmes
de relations interpersonnelles pendant une dizaine d'années, parce qu'on
parle de gens qui ont à travailler ensemble et c'est une décision
qui pourrait être tout aussi difficile à avaler à Rimouski
qu'à Rivière-du-Loup. On va se comprendre là-dessus. Mais,
effectivement, stir le plan du travail à faire, ce n'est pas un travail
qui demande des échanges quotidiens.
Par contre, la préoccupation que nous, on a de faire valoir le
KRTB, je pense qu'elle est tout aussi légitime de l'autre
côté, c'est-à-dire plus à l'est. Le défi
d'une organisation comme celle-là, c'est celui de faire valoir la
réalité de chacune de ces communautés-là, parce
que, en tout cas, si nous, on croit qu'on a une communauté bien à
nous, chez nous, je pense qu'il y a la même
chose de l'autre côté. Il va se présenter, à
ce moment-là, un certain défi organisationnel de faire en sorte
qu'on soit à l'écoute de ces communautés-là et non
de prendre des décisions à distance qui pourraient, à la
longue, avoir pour effet de drainer progressivement les ressources d'une
sous-région vers l'autre et de faire en sorte qu'à un moment
donné les gens qui prennent les décisions ne vivent pas dans
cette communauté-là, en soient éloignés, et,
finalement, qu'il y art plus ou moins adéquation. (16 h 30)
C'est définitivement une de nos préoccupations. S'il y en
a rien qu'un, que ce soit nous ou que ce soit eux, comment celui des deux qui
ne sera pas retenu pourra vraiment faire valoir les besoins de sa propre
communauté? Parce qu'il y a vraiment une réalité. M. le
ministre, pour vous être promené dans ce coin-là, vous
savez très bien que ce sont des entités
socio-économico-politiques un peu différentes et il y a quand
même un défi qu'il nous faut rencontrer de façon
importante, peu importe lequel des deux. Mais sur le plan du travail en rapport
avec d'autres organisations du réseau, que ce soit, mettons, le CRSSS,
je ne vois pas, là, une nécessité d'être
physiquement à côté, je veux dire. On a besoin de contacts,
mais ces contacts ne sont pas quotidiens ni...
Le Président (M. Joly): Merci. M. le minis tre,
très brièvement.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, je veux juste vous dire
que je vais poser la même question quand je vais rencontrer les gens de
Rimouski.
Des voix: Ha, ha, ha!.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ils ont
un avis plus long. Une dernière petite.
M. Pouliot: Vicieuse ou non?, Ha, ha, ha!.
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être plus pour
votre voisin que pour vous. Est-ce qu'il y a nécessité qu'un
département de santé communautaire soit rattaché à
un centre hospitalier?
Le Président (M. Joly): Dr Boudreau.
M. Boudreau: Disons que moi, en fonction du rôle que je
vois au département de santé communautaire, je crois qu'il est
très avantageux que le département de santé communautaire
soit rattaché à un centre hospitalier, parce que, à mon
avis, le rôle d'un département de santé communautaire, ce
n'est pas un rôle administratif; c'est un rôle très proche
de la préoccupation de professionels de la santé ou des services
sociaux. Le centre hospitalier est un établissement, justement, qui
constitue une bureaucratie professionnelle, où il y a déjà
toute une struc- ture pour être extrêmement compétent au
point de vue professionnel. Et je pense que c'est le lieu
privilégié pour que, justement, au département de
santé communautaire aussi, on développe l'expertise
professionnelle de nature contenu: non pas de quoi faire, comment organiser les
services, mais comment les services peuvent être plus efficaces pour
répondre aux objectifs de santé qu'on se fixe. Je pense que le
centre hospitalier est un bon lieu pour favoriser ça au niveau du
département de santé communautaire.
M. Pouliot: Juste, dans la mesure...
Le Président (M. Joly): Très brièvement,
s'il vous plaît.
M. Pouliot: Oui, dans la mesure où on défend le
KRTB, le centre hospitalier, actuellement, est le seul endroit, effectivement,
qui peut nous accueillir pour être situés à
l'intérieur de cette communauté-là, puisque les services
qu'offre le centre hospitalier actuellement couvrent - ça dépend
des services - en général des dimensions à peu près
similaires.
Le Président (M. Joly): Merci, docteur.
M. Côté (Charlesbourg): C'était bien
intéressant, on pourrait continuer, mais le temps n'est plus
là.
Le Président (M. Joly): Je reconnais le leader de
l'Opposition officielle, M. Chevrette.
M. Chevrette: Merci. Moi, je vais partir sur une note
discordante. Je suis en désaccord avec le docteur, parce que je
considère que ce qui compte, c'est peut-être de garder la
ressource dans le milieu, au-delà de la structure à laquelle
ça peut être rattaché, à mon point de vue. Et je
suis toujours mal à l'aise, dans une région aussi vaste que la
vôtre, de parler d'abolition de structures, parce que, à mon point
de vue, ce n'est pas le complet qui fait à tout le monde dans ce genre
de région où on doit, je pense, comme communauté, accepter
que les ressources puissent être maintenues parce que, vous le dites, il
y a des contextes socio-politico-économiques très distincts
à cause de l'étendue du territoire. Quoiqu'on parle de
l'abolition des DSC parce qu'il y en a trop, je pense que le rôle que
joue un DSC doit être conservé, que ça s'appelle DSC ou que
ça s'appelle une structure rattachée à un CLSC, ou
rattachée à un centre... C'est un peu la divergence que j'ai avec
le docteur, quoique la question que vous vous étiez posée,
c'était: Qu'est-ce qui était le plus favorable? À mon
point de vue, si c'était de garder cette ressource dans le milieu, je
préférerais personnellement qu'on ne se batte pas sur une
structure à laquelle on la rattache, mais qu'on la garde en fonction de
la dimension prévention. Le
rôle que peut jouer un DSC en matière de prévention
a une importance et, au moment où une quasi-unanimité se
dégage à l'effet que trop longtemps dans le passé le
ministère, les structures régionales ont consacré,
à cause de la puissance des lobbies, une trop large portion de l'argent
au curatrf et très peu sur le plan de la prévention, il
m'apparaîtrait pour le moins inopportun de songer à faire
disparaître des ressources axées sur la prévention,
où qu'on soit au Québec. Ça, c'est un commentaire que je
voulais faire.
Cela dit, on verra le nombre, on verra où ça se rattachera
et on verra si on y consacre les ressources dans le milieu. Mais, à mon
point dp vue, ça m'intrigue beaucoup de voir que, des fois, pour
"sauver" un peu d'argent dans des régions comme la vôtre... Je
vais ajouter ce commentaire-là. On n'est pas dans une ville à
forte concentration où on peut regrouper, sous une même
autorité, tout un système de DSC qui, ça n'a pas
d'importance, relève de une, de deux, de trois ou de quatre
autorités. Mais, dans des milieux dits éloignés, sous
prétexta qu'on centralise, ce qu'on versait à une direction, on
va verser le double en millage pour que les gens se promènent sur les
routes. Ils ne travailleront pas plus, entre vous et moi. C'est à
ça qu'il faut penser dans un milieu comme le vôtre, à mon
point de vue. Il faut faire attention, sous prétexte qu'on
élimine une structure, qu'on ne consacre pas plus d'argent à voir
promener le monde. Ça s'évalue. Le temps où une personne
circule, elle ne fait pas gros de travail, c'est-à-dire qu'elle est au
travail, mais, quand tu lui fais faire une heure et demie de route pour se
rendre à un endroit spécifique, ça compte dans le temps de
travail. À mon point de vue, il faut tenir compte de ça et il
faut l'analyser très sérieusement avant de penser à faire
une économie. Ça peut être des économies de bouts de
chandelle en maudit qu'on peut faire si on n'y pense pas.
Cela dit, je voudrais vous demander, comme institution, ce que vous
pensez... C'est parce que vous êtes venus en fonction du DSC. Moi, je
veux vous questionner sur d'autres choses, comme je l'ai fait tantôt.
Vous avez des idées sur d'autres choses, certain. Qu'est-ce que vous
pensez - ma question s'adresse au docteur, vous vous ferez valoir - de la
décentralisation de l'enveloppe de la RAMQ? Seriez-vous d'accord avec
ça? Allez-y. N'importe qui.
M. Pouliot: Pour avoir travaillé à Rouyn-Noranda
pendant trois ans et aux Îles-de-la-Madeleine, moi, personnellement, je
suis très favorable à cette mesure-là. C'est sûr et
certain que ce n'est pas populaire auprès des confrères
médecins, mais, à un moment donné, si on veut amener... Il
y a eu toutes sortes de mesures qui ont été prises pour faire en
sorte d'inciter les médecins à aller dans les régions
éloignées. C'est sûr et certain que c'est loin d'être
simple pour autant, surtout qu'il y a les conjoints. Quand on parle de jeunes
médecins, qu'on ne s'imagine pas qu'ils arrivent tout seuls. Souvent,
ils ont des conjoints et des enfants; donc, ça pose des
problèmes. Mais, à mon avis, en régionalisant les sommes
d'argent de la RAMQ, on vient, à ce moment-là, de contraindre de
façon importante le mouvement. C'est comme dans d'autres domaines, c'est
là où il y a des postes de disponibles qu'on va travailler.
Remarquez que ça ne solutionnera pas tous les problèmes parce
qu'il y a bien des disciplines dans lesquelles il y a des postes de disponibles
dans les régions éloignées et on ne comble pas les postes.
Il ne faut pas non plus s'imaginer, qu'on va tout solutionner, mais c'est une
façon d'éviter que les villes continuent à en mettre,
à en mettre et à en mettre.
M. Chevrette: Voulez-vous ajouter, doc?
M. Boudreau: Moi, personnellement, je trouve que c'est
théoriquement valable, mais il me semble que c'est difficile
d'application.
M. Chevrette: Dans quel sens?
M. Boudreau: J'essaie d'imaginer comment ça pourrait
s'appliquer dans une sous-région comme la nôtre. Je ne vois pas.
En tout cas, je...
M. Chevrette: Non, mais ça pourrait être au niveau
régional.
M. Boudreau: Probablement que je n'ai pas assez
étudié la question. Mais, c'est...
M. Chevrette: Je pense que vous avez raison si vous parlez de
sous-région, mais au niveau régional d'abord?
M. Boudreau: Même régional.
M. Chevrette: Même là? Vous trouvez ça
difficile?
M. Boudreau: L'essentiel de mon propos, c'était de
signifier qu'il existait une sous-région KRTB...
M. Chevrette: Oui, j'avais compris ça.
M. Boudreau: ...qui est un territoire d'appartenance qui permet
à des gens de travailler ensemble. Maintenant, pour étirer tout
ça à la région... En tout cas, personnellement, j'ai
l'impression qu'on a deux sous-régions dans la région 01.
M. Chevrette: Comme ça, c'est l'équité
à l'intérieur même de la région dont vous
traitez.
M. Boudreau: Si on voulait appliquer une...
M. Chevrette: Ça, je pense qu'on en a parlé
à plusieurs reprises, de toute façon, depuis le début et
c'est évident qu'on ne pourra pas... En tout cas, il faudrait assurer
une certaine représentativité. Je ne sais pas quel type de
structure il y aura. C'est évident que, si on n'assure pas une forme de
représentativité équitable à l'intérieur
d'une région qui a des sous-régions nettement identifiées,
vous ne réglez rien. Vous avez beau faire la réforme que vous
voulez, vous ne réglez rien. Donc, sur ça, je partage votre point
de vue. On attendra de voir les suggestions de structures et ça,
ça aura bien de l'importance au niveau de la régie
régionale. C'est là qu'on verra si le partage peut être
équitable ou pas, à partir de la représentativité
qu'on donnera aux sous-régions, c'est évident.
Deuxième question Là, vous répondre? qui vous vous
voudrez Ça s'adresse à vous cinq la fusion des conseils
d'administration au niveau d'une région dépendant des vocations,
est-ce qu'il y en a qui ont des idées là-dessus, dans votre
groupe?
Mme Malenfant d'Amboise (Aline): J'ai peut être des
idées, oui.
M. Chevrette: Allez-y madame.
Mme Malenfant d'Amboise: En principe, la fusion de conseils
d'administration n'est pas à rejeter comme principe, sauf qu'il ne
s'agit pas de s'en aller là-dedans à pieds joints, de prendre un
territoire de MRC puis là, c'est la fusion. O.K.? À ce
moment-là, on ne tient pas compte de certaines particularités de
la vocation des établissements, on ne tient pas compte du grand nombre
d'établissements qu'il peut y avoir. On le fait dans une volonté
de complémentarité de services, pour éviter la
duplication, oui, mais, à un moment donné, dans certains milieux,
ce n'est pas le seul élément à considérer. Il faut
regarder aussi l'attachement au milieu, il faut regarder ce qui se vit dans
chacun des milieux. Là, oui, ça peut se faire, mais avec une
étude, une consultation des milieux pour voir la faisabilité.
C'est vrai que ça peut amener de l'efficacité, mais ce n'est pas
le style mur à mur là-dedans.
M. Chevrette: Croyez-vous obligatoire ou très importante
la présence des professionnels sur les conseils d'administration?
Mme Malenfant d'Amboise: Je pense que oui. Il doit y avoir une
expertise professionnelle qu'on retrouve autour de la table des conseils. Ils
ne doivent quand même pas être en majorité, là.
M. Chevrette: Non, non, sur ça, je suis d'accord avec
vous.
Mme Malenfant d'Amboise: O.K.
M. Chevrette: Pas les CRSSS qui étaient formés des
D G. du réseau, je suis d'accord avec vous. Ce n'est pas ça que
je vous dis.
Mme Malenfant d'Amboise: O.K. Alors, on ne parlera pas des
CRSSS.
M. Chevrette: Au début.
Mme Malenfant d'Amboise: Je pense que l'expertise est
nécessaire autour de la table, comme il est nécessaire aussi
d'avoir une expertise des différentes instances d'un milieu autour de
cette table, pour que les décisions qui soient prises
représentent vraiment les volontés du milieu et aussi la
faisabilité, en tenant compte de l'expertise professionnelle. On peut
aller plus loin là dedans Je no pense pas qu'on doi ve s'en priver, au
contraire, mais l'aménager de façon à ce que ça ne
soit pas juste ça non plus.
M. Chevrette: Une dernière petite. Quelle est la meilleure
manière, le meilleur moyen, la meilleure décision qu'il faudrait
prendre face au vieillissement de la population pour ne pas qu'elle ait le
réflexe de l'institution?
Mme Pelletier: La prévention, je pense, c'est la seule
réponse. Les DSC, on en fait déjà pas mal... Voulez-vous
que je vous parle d'un programme qu'on a fait chez nous?
M. Chevrette: Allez! Je vous ai ouvert une belle porte, allez-y!
Ha, ha, ha!
Mme Pelletier: C'est un programme qu'on a fait en concertation
avec les établissements du territoire. Vous savez qu'il existe une table
de concertation qui rassemble tous les établissements de santé et
des services sociaux, et également les organismes
bénévoles Alors, c'est un programme de maintien de l'autonomie
des personnes âgées, qui a débouché sur toutes
sortes de petites expériences, dont certaines ont été
heureuses. Je pense, par exemple, à des cours à l'intention des
hommes âgés pour leur apprendre à cuisiner, de sorte qu'ils
ne réclament pas l'auxiliaire familiale si leur femme va à
l'hôpital ou si elle décède. C'est la commission scolaire
qui a repris ça à son compte et qui continue avec ça. On a
aussi expérimenté un programme d'habitat partagé où
une personne âgée peut partager sa maison avec une autre;
ça n'a pas marché. On expérimente comme ça, mais il
y a des activités collectives de prévention primaire qui sont
réalisées également avec les personnes âgées,
et ça, avec beaucoup de succès. Donc, je pense vraiment que la
prévention dans ce domaine est à développer.
M. Chevrette: Je tiens à vous remercier et je suis certain
que vous allez trouver, en tout
cas chez l'Opposition, l'assurance que des sous-régions puissent
compter sur la ressource, indépendamment du lien avec les structures. On
se comprend bien? Je pense que c'est ça qui était l'objectif du
mémoire, de toute façon. Et, quant à la ressource, vous
ferez valoir ça aux ministres qui siègent et qui sont
supposés vous représenter; quant à nous, on fera notre
devoir au niveau du projet de loi.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le leader. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier et
vous dire que j'ai été très étonné de ne pas
avoir une question sur la rémunération
différenciée; c'est un autre dossier où les
décisions sont prises, il reste à l'actualiser. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Au nom des
membres de la commission, je vous remercie à mon tour.
Je vais maintenant demander aux gens représentant le CLCS do la
Vallée et le CLSC de la Milis de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît. Mesdames et messieurs, bonjour, bienvenue à cette
commission. Vous avez une dizaine de minutes pour présenter votre
mémoire et, après, eh bien, chacune des formations se
réserve le privilège de vous poser quelques questions. Ainsi, que
la personne responsable veuille bien s'identifier et aussi nous
présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît. (16 h
45)
CLSC de la Vallée et CLSC de la Mitis
Mme Morissette (Lucienne): II me fait plaisir de vous
présenter M. Denis Stevenson, président du conseil
d'administration du CLSC de la Mitis, moi-même présidente du CLSC
de la Vallée et, je m'excuse, j'ai passé...
Le Président (M. Joly): Allez, madame.
Mme Morissette: ...Gilles Légaré,
représentant du CLSC de la Mitis et M. Léonard Dune,
représentant du CLSC de la Vallée. Denis Stevenson et
moi-même sommes les porte-parole du groupe.
Le Président (M. Joly): Allez, madame, merci.
Mme Morissette: Alors, M. le ministre, M. l'adjoint
parlementaire, M. les membres de l'Opposition officielle, MM. et Mmes les
membres de la commission parlementaire, il me fait plaisir de venir vous
présenter aujourd'hui notre mémoire. Aussi, je voudrais souligner
en passant que nous sommes ici à titre de bénévoles et
à titre de membres du conseil d'administration, représentant des
usagers et des groupes bénévoles. Alors, c'est à ce titre
qu'on vient aujourd'hui faire notre représentation.
Alors, notre mémoire avait été
préparé avant que M. le ministre décide de retirer la
partie des conseiis d'administration unifiés. Nous tenions quand
même à vous le présenter puisqu'il a été
préparé dans le but de vous démontrer que la concertation
volontaire et souhaitée dans le respect de l'autre est plus importante
que le débat sur la structure.
En effet, nos deux institutions ont vécu et vivent dans leur
territoire de MRC des expériences de concertation différentes et
désirent témoigner de leurs effets au niveau de la qualité
et de la rationalisation des services. La Vallée a vécu une
expérience de gestion en commun avec les établissements de son
territoire. Quoique étant encadrés dans un contrat d'une
durée limitée, il s'en est fallu de peu qu'on ait une fusion et
nous avons dû lutter durant près d'un an pour préserver
notre existence. Il serait peut-être long et fastidieux aujourd'hui de
vous relater tous les faits qui ont entouré ce débat. Je n'ai pas
le goût de revenir sur tout l'historique de ce projet très
ambitieux et sur toutes les embûches qui se sont multipliées pour
notre CLSC afin de conserver son autonomie et aussi d'être capable de
s'affirmer comme établissement. Imaginer favoriser la concertation en
unifiant les conseils d'administration d'hôpitaux, de centres d'accueil
et de CLSC est utopique et, pour nous du CLSC, les partenaires de la
concertation sont plus nombreux en dehors du réseau officiel de la
santé et des services sociaux.
Le CLSC de la Vallée a vécu une décevante et
déconcertante concertation imposée. Les séquelles de ce
débat sur la structure se font encore sentir aujourd'hui.
L'expérience a démontré que les sujets touchant la
programmation d'un CLSC ne font pas le poids lorsqu'il s'agit de discuter de
construction de centres d'accueil ou des plans fonctionnels et techniques d'un
centre hospitalier. Alors que, pendant six ans, le conseil d'administration du
CLSC de la Vallée discutait structure, modèle organisationnel et
intégration, le territoire de la Mitis se dotait de tables de
concertation pour consolider les services aux jeunes, en santé mentale
et aux personnes âgées. Après tant d'années, le
focus a été mis sur les structures dans la Vallée et sur
les services dans la Mitis, et les résultats sont fort
différents. Nous considérons que les conseils d'administration
sont formés de bénévoles, que ces bénévoles
ne génèrent aucun coût pour le système de
santé et que ce n'est pas à ce niveau que l'on doit intervenir
pour réduire et rationaliser des dépenses.
Dans le document d'orientation ministériel, qui a paru en avril
l'an dernier, il me semble y avoir un paradoxe à quelque part. On parle
de participation de la population, de services centrés sur la personne,
puis, en même temps, on
veut alourdir le fonctionnement et réduire au minimum les
administrateurs. Pour notre établissement, ce serait sans doute mettre
l'emphase à nouveau sur la structure au lieu des services et nous
souhaitons justement investir maintenant dans les services.
M. Stevenson (Denis): Pendant ce temps-là, au CLSC de la
Mitis, on a vécu une autre expérience. En novembre 1987, il a
été créé une table de concertation des
établissements de santé de la Mitis et ça suivait de
quelques mois l'embauche d'un nouveau directeur au CLSC et d'un nouveau
directeur à l'hôpital; donc, le mouvement était propice.
Les buts poursuivis à ce moment-là, c'était d'offrir des
services de qualité, de premier ordre, à la population de la
Mitis; d'assurer une coordination efficace des dossiers conjoints;
d'élaborer des plans d'organisation de services en regard des
problèmes particuliers du territoire; de favoriser les échanges.
Et on avait placé la personne au centre des priorités.
On a fait des études qui nous ont amenés à nous
doter de plans d'intervention auprès de la clientèle qui avait
été priorisée. De ces plans ont découlé des
projets et, à partir de novembre 1988, on a pu commencer à mettre
de l'avant certains projets. En janvier 1989, ces plans ont été
présentés à une réunion des conseils
d'administration où les trois établissements étaient
représentés. Après l'acceptation, on a commencé
à travailler au niveau des effets. Le focus ayant été
placé sur les services, ça nous a permis de développer des
choses comme une meilleure connaissance et une meilleure reconnaissance des
services offerts par les partenaires du réseau et hors réseau. On
a augmenté la confiance et la complicité des partenaires des
établissements. On a responsabilisé les instances à
l'égard de leur rôle. Maintenant, tout le monde savait ce qu'il y
avait à faire, quel était le rôle de chacun. Ça nous
a permis une meilleure coordination des dossiers conjoints, une couverture plus
étanche des services à être offerts aux clientèles
visées et une référence adéquate aux services
pertinents.
Les effets d'une concertation volontaire chez nous ont été
positifs. La concertation étant acceptée, ça
répondait à un besoin et non pas à une mode. Alors,
ça nous a permis, justement, d'aller plus loin dans l'intégration
de certains projets. Pour se concerter, bien, ça prend tout d'abord son
autonomie et sa mission propre. Comme chacun était sûr de ce qu'il
avait, bien, il y avait moyen de partager. Donc, on a abouti à des
projets comme la structure pivot en santé mentale; un projet de mise sur
pied de cliniques MTS qui était novateur dans le sens que le CLSC
faisait les prélèvements et le centre hospitalier pourra
s'occuper de l'analyse; des services médicaux complémentaires,
c'est-à-dire que le CH pourra s'occuper des services médicaux
24-7 et le
CLSC en région aurait une unité mobile. Au niveau du
centre de jour, bien, on a augmenté notre collaboration avec la
résidence pour étendre les services.
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous avez d'autres
choses à ajouter?
M. Stevenson: Non. C'est que nous autres, notre expérience
de concertation a été axée sur les services à
rendre à la population comparée à celle de la
Vallée qui était axée sur une structure. C'est ce qu'on
voulait vous montrer.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M.
le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Lorsqu'on a
reçu..
M. Chevrette: Excusez-moi, M. le ministre. Est-ce qu'il avait
quelque chose à ajouter? Je n'ai pas senti qu'il avait fini. Ce n'est
pas grave, c'est juste pour vérifier. Est-ce que vous avez
terminé?
Une voix: Non, on n'a pas fini. M. Chevrette: Ah, c'est
pour ça...
Une voix: II nous resterait juste un petit point que
monsieur...
Le Président (M. Joly): Madame avait identifié
tantôt les deux porte-parole comme étant elle et monsieur. Alors,
c'est pour ça que j'ai cru tantôt que monsieur avait fini.
Mme Morissette: On s'était réparti pas mal la
tâche, mais il reste qu'on avait des choses à dire encore.
Le Président (M. Joly): Bon, alors, allez, vous avez le
temps voulu. Allez, monsieur.
M. Dubé (Léonard): Bon, voici nos recommandations
en regard des conseils d'administration unifiés; ça va
répondre peut-être à M. Chevrette. Les conseils
d'administration unifiés sont un moyen privilégié par le
ministère dans le but d'atteindre des objectifs de qualité de
services, de concertation et de rationalisation. Les conseils d'administration
du CLSC de la Vallée et de la Mitis ne croient pas à
l'efficacité d'une telle mesure imposée. Démonstration est
faite de par leurs expériences vécues que le succès d'une
concertation efficace est relié à une ouverture d'esprit, un
sentiment de sécurité, à des discussions d'égal
à égal et surtout à la réalisation d'un objectif
commun qui est l'amélioration des services à la personne,
personne que l'on croit essentiellement située au coeur de nos
interventions. Pour ce faire, il faut justement
que les gestionnaires soient dégagés des problèmes
de structure ou des préoccupations reliées au suivi des dossiers
qu'ils défendent.
En conséquence, nos recommandations en regard de l'implantation
de conseils d'administration unifiés sont les suivantes: laisser aux
conseils d'administration des établissements d'un territoire de MRC
l'autonomie de gestion de leur budget propre. Que les conseils d'administration
des établissements d'un même territoire de CLSC soient
obligés de se concerter selon le mécanisme jugé le plus
approprié pour la localité. Conserva aux conseils
d'administration la responsabilité de fixer les objectifs et les
priorités de l'établissement, d'attribuer les ressources humaines
et financières, de déterminer ses politiques, de prendre les
décisions majeures affectant l'orientation et l'organisation de
l'établissement, de contrôler le fonctionnement et dévaluer
le rendement de l'établissement, et d'instaurer ses modalités de
gestion participative. Définir clairement le rôle des
établissements afin de faciliter les concertations et ainsi
éviter les duplications de services. Enlever dans l'avant-projet de loi
l'obligation de mettre en place un conseil d'administration unifié par
territoire de CLSC. Et je pourrais ajouter: Pourquoi les conseils
d'administration unifiés et pour qui? Je pourrai répondre
tantôt à d'autres questions.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. Merci. C'est
bien, merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. La proposition de conseils d'administration unifiés
qu'il y avait dans les "Orientations" a été, je pense, mal
perçue, en particulier par les bénévoles qui travaillent
sur les conseils d'administration. Évidemment, tout le monde avait
compris, même au gouvernement, que si tu dis: On a 200
établissements de moins, parce qu'il y a des conseils d'administration
unifiés, ce n'est pas nécessairement là que tu "sauves" de
l'argent parce que, effectivement, les gens sont bénévoles. Donc,
ce n'est pas là que se fait la grosse et la folle dépense.
Cependant, il apparaît clair que les conseils d'administration
unifiés ne peuvent pas apparaître dans un projet de Ici comme une
obligation dans la loi. En discutant avec la Fédération des CLSC,
en discutant avec d'autres intervenants au niveau de la commission
parlementaire, plusieurs nous émettent des avis à l'effet qu'on
doit trouver un mécanisme au niveau d'un territoire de MRC ou de CLSC,
dans le but de faire en sorte qu'il y ait une meilleure coordination, une
complémentarité des rôles. Ça, ça
m'apparaît extrêmement important et il va falloir le faire pour
éviter la duplication.
Je laisserai mon collègue, Henri Paradis, vous poser davantage de
questions sur l'expérience que vous avez vécue. Moi, je ferais la
relation CLSC-départements de santé communautaire, parce qu'il
nous apparaît qu'il y a des rôles qui sont joués par l'un et
l'autre, ou par l'un ou l'autre, et qu'il y a de la place pour
décentraliser certaines actions des départements de santé
communautaire vers les CLSC, en particulier au niveau de la prévention.
Est-ce que vous vous êtes penchés sur cet aspect-là de la
relation avec les départements de santé communautaire, en
particulier au niveau de la prévention, par exemple? Ce n'est pas
limitatif; si vous avez d'autres expériences à nous faire
partager à ce niveau-là, j'aimerais vous entendre.
M. Légaré (Gilles): Bon, je vais vous
répondre là-dessus, d'autant plus que je suis membre d'un conseil
d'administration et que je travaille dans un département de santé
communautaire. Ça va peut-être donner une réponse...
M. Côté (Charlesbourg): Je n'ai jamais su viser si
juste.
M. Légaré: Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): Mon instinct a dirigé
ma question directement sur vous.
M. Légaré: On s'est sentis. Pour reprendre un peu
le débat sur ce qui était abordé tout à l'heure:
pourquoi les départements de santé communautaire à
l'intérieur d'un centre hospitalier ou rattachés à une
autre structure, à une régie régionale, ou
complètement autonomes à un endroit ou à un autre? la
question m'apparaissait accessoire en autant que l'on protège la
fonction qui doit être faite par les départements de santé
communautaire. Il y a une fonction qui doit être conservée. Par
contre, je ne saisis pas comme il faut ce que vous voulez présenter. Si
on joignait la fonction de prévention des départements de
santé communautaire et de protection qu'effectuent aussi les
départements de santé communautaire à l'intérieur
des CLSC, si on réatomisait les fonctions des DSC - employons le sigle -
à l'intérieur des CLSC, est-ce que c'est bien ça,
l'ensemble des fonctions?
M. Côté (Charlesbourg): Je vais vous la poser
différemment, pour qu'on se comprenne bien, compte tenu du fait que vous
êtes dans les deux sièges. Est-ce qu'il y a des fonctions que les
départements de santé communautaire ont, actuellement, qui
pourraient, demain matin, être faites tout aussi efficacement par les
CLSC?
M. Légaré: Oui, absolument. D'ailleurs - là,
je parle pour l'endroit où je travaille, le DSC de Rimouski - depuis
fort longtemps, on a transféré tout le personnel qui effectuait
de la prévention directement auprès de la population au
département de santé communautaire. Ça vaut aussi pour
tout ce qui touche la promotion de la santé. On va prendre l'exemple des
menus "mieux vivre",
des trucs qui sont faits dans les restaurants. Chez nous, on voit d'un
très bon oeil, et on l'encourage fortement aussi, que ce
travail-là soit effectué à l'intérieur des CLSC.
Parce qu'on se dit: On va se mettre à la place du monde pour qu'il n'ait
pas quand même à courir auprès de trois ou quatre
structures. Souvent, les gens nous confondent. Un DSC, ils ne connaissent pas
très bien ça; on est derrière un bureau et on écrit
la plupart du temps. Entre un DSC et un CLSC, ils viennent tout
mêlés. Je pense que tout ce qui touche les services directs
à la population devrait être mis à la base,
c'est-à-dire vers les CLSC, effectivement.
D'autre part, ce qui touche les fonctions de protection, par exemple,
dans le cas d'épidémie ou quelque chose comme ça,
ça requiert un personnel spécialisé que l'on ne pourrait
pas avoir dans l'ensemble des CLSC. Ces gens-là - il faut quand
même que ça se touche un peu, de temps en temps - on ne pourrait
pas les disperser partout. Il faudrait quand même conserver cette
structure-là à un endroit précis.
M. Côté (Charlesbourg): À la page 18 de votre
mémoire... Donc, ce que j'ai compris, c'est que oui, c'est possible et
que vous êtes même des précurseurs parce que vous nous avez
déjà devancés dans certains domaines et posé des
gestes à ce niveau-là. Évidemment, on vous invite à
être à nouveau des précurseurs si jamais il y avait autre
chose qui pouvait se faire. (17 heures)
Page 18, vous dites: "Notre objectif: des services de qualité
à moindre coût." C'est un titre qui est intéressant. Est-ce
que c'est possible, des services de qualité à moindre coût?
Comment est-ce qu'on fait ça?
Mme Morissette: Nous, c'est surtout à partir de notre
expérience vécue de la gestion en commun qu'on avait. C'est qu'on
avait à défrayer pour être dans ce modèle de gestion
et on avait le personnel administratif au niveau de notre établissement.
Donc, en partant, c'étaient des frais administratifs qu'on pouvait
enlever pour donner des services à la clientèle. On pouvait aller
se chercher deux intervenants de plus avec cet argent qu'on "sauvait" à
ce niveau-là. Peut-être que tu as des choses à ajouter,
Denis?
M. Stevenson: Moi, en tout cas, dans ma tête, à mon
conseil d'administration quand on parle de ça, je considère que
les CLSC - puisque c'est là qu'on oeuvre, nous autres, comme
bénévoles - on pourrait faire le parallèle avec le monde
de l'automobile. Moi, je me dis: Quand vous vous en allez en auto et que
ça tire à gauche, vous n'allez pas chez un spécialiste de
l'injection électronique; vous allez dans une station-service, si c'est
rien que pour gonfler un pneu. Moi, je me dis: Les CLSC, ça devrait
être comme des stations-service de santé. Si on pouvait justement
développer, finaliser les clients pour qu'ils aillent là en
premier... Déjà, il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas
à la bonne place et ça, ça coûte cher.
M. Côté (Charlesbourg): Vous dites: Pas à la
bonne place, parce qu'elles vont dans les centres hospitaliers?
M. Stevenson: Ou d'autre chose.
M. Côté (Charlesbourg): Qu'est-ce que ce serait,
d'autre chose?
M. Stevenson: J'ai participé la semaine passée
à une table sur le maintien à domicile. Les CLSC, on
reçoit des demandes à la base, le monde nous demande du maintien
à domicile. Pendant ce temps-là, à quelque part, sort dans
la future régie ou quelque chose comme ça, il y a des
planificateurs qui nous planifient d'autre chose. Souvent, on est
"pognés" entre ce que le ministère nous envoie et ce que le monde
veut avoir. Vous savez, on offre des services, des fois, qui ne sont pas
tellement demandés par la population. D'un autre côté, aux
demandes de la population, tout ce qu'on a à offrir, ce sont des excuses
et des listes d'attente.
M. Côté (Charlesbourg): Avec une régie
régionale avec des pouvoirs, ce ne sera plus la faute du
ministère. Parce que, trop souvent, c'est la faute du ministère
ou tout le monde se charrie. Même si on peut intervenir directement
au-dessus de tout le monde en faisant appel au ministère, il a le dos
large et la conscience large.
M. Stevenson: D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, avec des
régies régionales, ça veut dire qu'ayant les pouvoirs et
ayant l'argent, c'est maintenant au niveau des régions que les
régions vont être capables d'adapter les programmes à
chacun leurs milieux.
M. Stevenson: Je suis bien d'accord, mais, d'un autre
côlé, si vous prenez les problèmes du ministère et
que vous les descendez en région, vous ne venez pas de régler les
nôtres. Notre structure pivot qu'on a travaillée comme
bénévoles - on a mis quasiment deux ans de travail dans ça
- on se fait dire par des technocrates qu'elle est bloquée parce qu'ils
n'ont pas fini leur planification. Nous autres, le monde crie pour avoir des
services et il faut dire: On s'excuse, ils n'ont pas fini leur planification.
Ça, ce ne sont pas des sous. Je veux dire, ce n'est pas parce qu'on
manque d'argent. Il a manqué quelque chose quelque part.
Mme Morissette: Trop souvent, on se perd
dans les études, les analyses avant qu'il nous arrive des sous;
il ne reste pas grand-chose à l'autre bout.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on
pourrait bien embarquer là-dedans parce qu'il y a des torts partout et
il y en a aussi dans les CLSC. Alors, évidemment, les torts ne sont pas
toujours à la même place dans ce réseau-là parce que
ce sont des torts partagés. C'est pour ça que le mérite de
parler de régionalisation, c'est au moins d'éliminer un palier -
qui est celui cj central - pour faire en sorte qu'au moins le débat se
fasse au niveau des régions, étant pleinement convaincu que les
gens, au niveau dec régions, sont capables de savoir ce qu'ils veulent
et sont capables de se débattre eux-mêmes à un niveau
régional pour être capables de revendiquer leurs choses. Si le
problème est au niveau de la région là-bas, ça
m'inquiète beaucoup. Parce que, je vous le répète, le
ministère, et le ministre en particulier, ont le dos bien large. S'ils
savaient tout ce qui est sur leur table, probablement que l'espace qu'on a ici
ne suffirait pas uniquement pour les papiers qui sont supposés
être sur le bureau du ministre pour décision. Ça, ça
m'ap-paraît extrêmement important de le dire.
Donc, il y a des expériences au niveau de la base qui sont
très intéressantes. Des CLSC ont été à
l'origine de plusieurs expériences très intéressantes et
qui doivent continuer à ce niveau-là. Ça doit être
la porte d'entrée du système; ça, c'est clair. Et c'est
vrai qu'on peut dispenser des services dans les CLSC à bien moindre
coût qu'on le fait actuellement dans les centres hospitaliers.
Évidemment, ça ne se fait pas du jour au lendemain en termes de
réajustement, mais ça va finir par se faire. Et la réforme
est une bonne occasion pour ça. Si on réussit ça, si on
réussit seulement ça dans la réforme, on aura fait un
maudit bout de chemin. Évidemment, je ne veux pas utiliser tout le temps
parce que j'ai mon collègue, M. Paradis...
Le Président (M. Joly): II vous reste une minute.
M. Côté (Charlesbourg): Ah oui? Il va la
prendre.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Rapidement, M. le
Président, j'aimerais peut-être qu'on élabore davantage
sur: pourquoi ça n'a pas marché, la gestion en commun, pour le
bénéfice de cette commission et de mes collègues?
Mme Morissette: Pourquoi ça n'a pas marché? C'est
que la gestion était centralisée. Nous, au niveau de chaque
établissement, on avait un directeur général adjoint. Le
directeur général de la gestion en commun était pour les
trois établissements et il avait en même temps à
gérer un établissement, un centre hospitalier. C'était un
projet très, très ambitieux, qui faisait... Comment
j'expliquerais ça? C'est assez... La gestion en commun, on était
un peu loin de ça, on s'éloignait... Plus on allait dans la
structure, plus on éloignait les participants et les administrateurs des
établissements comme tels pour en arriver peut-être un jour
à un seul conseil d'administration. C'est ça qui semblait se
dessiner, c'est le résultat qu'on aurait eu sûrement, là.
Et puis, on éloignait les administrateurs. Ah! Il y a aussi les usagers;
le mot qu'ils avaient à dire était quand même très
dilué dans le grand verre d'eau et puis on ignorait beaucoup ce que le
CLSC... On avait l'impression que la mission du CLSC se perdait dans...
M. Paradis (Matapédia): Je vous pose une question
rattachée à ça...
Mme Morissette: Pour nous, c'est un peu un genre de projet
ambitieux...
M. Paradis (Matapédia): Oui.
Mme Morissette: ...de fonctionnaires et de gestionnaires
carriéristes et peut-être arrivistes, là. C'est
peut-être dur...
M. Paradis (Matapédia): Mais, comme corollaire à
ça, si on en veut plus avec l'argent qu'on a présentement, c'est
10 000 000 000 $, la santé au Québec, et si la volonté du
ministre s'inscrit dans un projet de loi, on obligera les différentes
institutions à avoir des missions complémentaires. Vous nous
dites: On avait une gestion en commun, un seul D.G. et deux D.G. adjoints,
ça n'a pas marché.
Mme Morissette: Ça a coûté moins cher.
M. Paradis (Matapédia): De quelle façon on va
pouvoir vivre en complémentarité?
Mme Morissette: Bon, si on voulait couper et faire des conseils
d'administration unifiés, j'ai l'impression qu'on couperait dans le
maigre, puis couper dans le maigre et dans le très maigre, à un
moment donné, il ne reste pas grand-chose. C'est sûr
qu'après avoir vécu une gestion en commun, la concentration va
être quand même assez difficile, mais c'est possible, puis la
concertation se fait beaucoup plus avec les organismes en dehors du
réseau de la santé, dans notre milieu, qu'avec
nécessairement les établissements de santé comme tels.
Moi, je ne dis pas non; la concertation, ça continue puis ça va
continuer à notre niveau. C'est sûr qu'on vit une période,
un peu comme après un divorce, là, mais ça va se
rétablir, j'en suis convaincue.
M. Paradis (Matapédia): On y reviendra, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le
député.
M. Paradis (Matapédia): De toute façon, vous restez
pour l'autre groupe qui suit, là, j'imagine?
Mme Morissette: Oui.
M. Paradis (Matapédia): On y reviendra.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Merci. Tout d'abord, j'aurais une question à
vous poser concernant la décentralisation complète des
enveloppes. Vous avez remarqué, depuis que vous êtes ici, que je
la pose à chaque groupe; donc, vous n'y échapperez pas.
Êtes-vous d'accord avec une décentralisation complète
à la fois de l'argent du ministère etdelaRAMQ?
M. Stevenson: Pour ma part, oui, mais...
M. Chevrette: Vous avez des médecins en CLSC, vous
autres?
M. Stevenson: Pardon?
M. Chevrette: Vous avec des médecins en CLSC?
M. Stevenson: Oui, oui.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez de la difficulté
à recruter du personnel médical?
M. Stevenson: Bien, ça dépend, il y a des hivers
qu'on a passés pas de médecin; des fois on en a un, des fois on a
un demi-médecin.
M. Chevrette: Est-ce qu'ils sont salariés?
M. Stevenson: Oui. Là, présentement, on est
obligés de tenter des expériences avec la clinique privée,
puis de prendre les médecins de la clinique privée, à
l'occasion, pour essayer de combler les postes.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez... Quelle est la relation...
Parce que, dans votre milieu, les CLSC jouent un rôle quasiment de
cliniques dans certains cas, je suppose, vu que vous n'avez pas de centre
hospitalier dans chacune de vos sous-régions. Est-ce que vous avez des
CLSC qui jouent le rôle un peu de cliniques d'urgence?
Mme Morissette: Dans nos régions, non. M. Chevrette:
Non?
Mme Morissette: On n'est quand même pas tellement
éloignés de...
M. Chevrette: ...de Rimouski, oui.
Mme Morissette: Nous, notre CLSC couvre un territoire de
près de 100 km, mais il reste quand même qu'il y a un
hôpital à Mont-Joli, une clinique d'urgence à Amqui. C'est
à peu près 20 minutes de route pour se rendre dans ces centres
hospitaliers.
M. Chevrette: Vous avez combien de médecins, vous
autres?
Mme Morissette: Au CLSC de la Vallée, on a quatre
médecins, si je ne me trompe pas.
M. Chevrette: Puis vous autres?
M. Stevenson: Au CLSC de la Mitis, présentement, je pense
qu'on en a encore un à temps plein et puis une vacation.
M. Chevrette: Puis, le milieu, est-ce qu'il exige beaucoup de
soins médicaux au niveau des CLSC ou s'il se contente de ce qu'il a dans
le milieu ou s'il voit le CLSC comme devant assumer un rôle de
première ligne au point de vue médical?
M. Stevenson: Là où on a des points de service, on
a pu développer ce type d'approche là, sauf que, pour ce qui est
de la région même, au coeur de la Mitis, Mont-Joli, bien, on a
l'hôpital de Mont-Joli qui, même s'il a une vocation
spécialisée, offre quand même une urgence de jour. Le soir,
à 20 heures, il n'y a plus rien. Donc, on voyage, Rimouski, Matane,
Amqui, le plus proche possible.
M. Chevrette: Vous savez que plusieurs groupes communautaires
sont venus ici, puis se sont montrés inquiets vis-à-vis de la
régionalisation à cause du lobby puissant du côté
médical. Ils ont très peur que, sur le plan régional,
l'argent puisse être consacré exclusivement au domaine curatif et
non pas au communautaire. Ils nous demandaient des enveloppes
protégées. Comment voyez-vous ça, vous autres, les CLSC de
votre région?
Mme Morissette: Ça me lait peur, moi aussi, que l'argent
soit décentralisé au niveau des régions et ce serait
normal que les enveloppes soient protégées aussi.
M. Chevrette: Considérez-vous que les CLSC peuvent jouer
un rôle accru par rapport à celui que vous jouez
présentement?
M. Stevenson: Moi, je pense que oui, si on nous donne les budgets
nécessaires. Présente-
ment, on revendique d'être reconnus comme, justement, les
dispensateurs de soins de première ligne. Le maintien à domicile,
aussi, c'est à nous autres, c'est quelque chose, dans notre
région, où la demande explose. On n'est pas capables de fournir
à la demande présentement.
M. Chevrette: Est-ce que vous considérez que les besoins,
les programmes à être définis, doivent être
entièrement, comment dirais-je? décidés par le milieu,
à partir des enveloppes que l'on donne, sans imposition d'aucune
manière '.u niveau central? Exemple, vous voulez partir un service de
MTS, je lisais ça dans votre mémoire. Est-ce que vous
considérez que les CLSC dp vraient avoir l'autonomie entière pour
décider de tel type de programmes dans leur milieu ou si ça doit
être fait à partir de programmes nationaux, ou encore d'une
politique nationale?
Mme Morissette: Absolument pas, parce que les CLSC sont là
pour donner les services qui répondent aux besoins de la population de
chaque milieu, de chaque localité et, si on a de grands programmes qui
viennent d'en haut, ça ne s'appliquera pas beaucoup, ce ne sera pas
beaucoup personnel à chaque région.
M. Chevrette: Mais à supposer que l'État... Je vais
revenir avec ma question parce que ça m'intrigue depuis le début,
ça. L'État pourrait avoir, en tant que capacité de payer,
je ne sais pas, moi, 10 200 000 000 $, par exemple. À ce
moment-là, si on n'exige pas un nombre de spécialités de
base communes, si on s'entend pour dire: II y a 18 ou 20
spécialités de base que l'on doit retrouver dans chacune des
régions du Québec... La surspécialisation, ça
pourrait être concentré dans certaines capitales régionales
ou dans les centres universitaires. Je vous comprends qu'on ne peut pas avoir
la surspécialisation partout. Mais qu'il y ait véritablement une
politique accompagnant ça maintenant: à partir du fait qu'on
s'est entendus sur des spécialités de base, dorénavant le
gouvernement enligne ses priorités, par exemple, sur la
prévention. Ce qui est préventif pourrait être
favorisé, encouragé et on fait prendre le tournant, par exemple,
par une politique complète en santé, tout le monde, y compris les
médecins, les structures, puis on dit: Notre objectif, c'est d'atteindre
500 000 000 $, je ne sais pas, sur deux ans et, au bout de deux ans, on se
réinterrogera. Vous ne croyez pas que l'autorité ultime quant
à l'approche santé doit demeurer une obligation gouvernementale,
mais que le milieu puisse l'adapter à sa façon ou, si c'est le
contraire, qu'on distribue l'argent à partir de critères aux
régions et ce sont les régions qui définissent leurs
besoins?
M. Stevenson: Je pense que l'idéal, ce serait que les
régions puissent définir leurs besoins et que les
établissements de première ligne répon- dent aux besoins
de la population. Sauf que, comme je vous l'ai dit tantôt, chez nous, on
a développé une concertation et ce n'était pas rien que
pour le plaisir de la développer; on était quasiment
obligés parce qu'on n'arrivait pas à fournir à la demande.
Donc, l'idéal, ce serait des grandes lignes définies
nationalement. C'est sûr que, sur certains grands objectifs de
santé, c'est au niveau provincial, mais au niveau local, quand on arrive
chez nous, vous savez, ce qui fait l'affaire à Montréal, des
fois, ça ne fait pas tout à fait notre affaire. On s'en contente
parce qu'on n'a pas autre chose. Si on pouvait avoir peut-être pas du
"fait sur mesure" pour nous autres, mais au moins, vous savez... Je pense qu'il
doit y avoir de la place, dans la mise en place de services, pour la couleur
locale. C'est d'ailleurs pour ça qu'on s'est impliqués, nous
autres, au niveau de nos établissements, parce que ça
répondait à des besoins locaux.
M. Chevrette: Oui. C'est parce que le fait de lier les
établissements, je suis d'accord avec vous que ça évite la
duplication, le dédoublement des actes, ça, c'est évident.
C'est rendu que certains centres hospitaliers se targuent de faire du maintien
à domicile et c'est supposé être le rôle des CLSC,
effectivement. Là, parce qu'ils font du développement, ils sont
tout heureux. Ils disent: Nous avons fait du développement; donc, nous
allons accroître notre budget. C'est le monde à l'envers un
tantinet pas mal, oui. (17 h 15)
Cela dit, cependant, moi, je reconnais l'importance d'avoir des
programmes peut-être particuliers, dépendant des régions.
Au niveau de la délinquance, je ne sais pas, à cause de la
situation familiale, par exemple, il y a des régions du Québec ou
50 % de la population, c'est des familles monoparentales. Donc, ça exige
souvent un programme différent d'une autre région où le
taux de vieillissement est de 14 %. Tu sais, le CLSC peut avoir un autre
programme à offrir à ses personnes âgées, par
rapport à l'autre qui a une explosion démographique et une
population très jeune. Je reconnais ça. La difficulté,
c'est comment répartir les enveloppes budgétaires, entre vous et
moi, pour donner une certaine équité. Parce que ce n'est pas la
même chose d'avoir des programmes d'encadrement par rapport à des
programmes curatrfs. Je vais donner un exemple: si vous avez une population
vieillissante et que ça vous prend, je ne sais pas, 1000 lits de centres
d'accueil, c'est beaucoup plus cher qu'une structure où tu peux avoir,
par exemple, dix travailleurs sociaux qui vont s'occuper de jeunes parce que
c'est une population à court terme. Est-ce que vous avez des
idées comment vous fonctionneriez, à ce moment-là? Parce
que, actuellement, les critères de distribution d'argent aux CLSC,
ça a été: vous êtes partis avec tant et
c'était le budget de démarrage. Vous avez hérité
d'un cadre de
partage qui n'est même pas uniforme, et je n'en disconviens pas,
par la suite. Dépendant des chicanes qu'on avait dans chacune des
régions, on réussissait à transférer des
effectifs...
Le Président (M. Joly): M. le député, s'il
vous plaît.
M. Chevrette: Je termine, M. le Président. Mais est-ce que
vous avez des idées comment on pourrait procéder pour assurer une
certaine forme d'équité en termes de ressources
financières, là, dans chacune des régions? Avez-vous
réfléchi là-dessus?
M. Stevenson: Bien, je ne vous cacherai pas qu'au niveau de nous
autres, du monde ordinaire impliqué dans la gestion de nos conseils
d'administration, en tout cas, moi, personnellement, je ne me suis pas
cassé la tête sur des grands problèmes comme ça.
Quand on est "pognés" avec des problèmes de pain et de beurre, je
vous garantis que le reste, on n'a même pas le temps de s'en occuper.
Aussi, comme je vous l'ai dit, on est du monde ordinaire; on n'est pas des
mandarins du réseau. Je pense qu'il y a des gens qui sont payés
pas mal cher dans le réseau et, au lieu de bloquer nos projets, ils
pourraient s'occuper de ces grandes problématiques-là. Je sais
que c'est important, mais, comme je vous le dis, à mon niveau, je ne
sais pas. Madame, qui est présidente, pourra peut-être...
Mme Morissette: C'est sûr que, quand on reçoit une
enveloppe budgétaire pour le maintien à domicile, on fait le
maximum pour le maintien à domicile. S'il en arrivait plus, on le
ferait, avec plaisir, mais ce n'est pas nous qui avons à partager les
sous. On demande.
M. Chevrette: En tout cas, j'aurais aimé creuser un peu
plus vos déceptions de la concertation - votre mémoire transpire
un désenchantement de ce côté-là - sauf qu'on le
fera peut-être dans le particulier au lieu de le faire à cette
table. Je vous remercie de votre mémoire.
Le Président (M. Joly): Bien, merci, M. le leader. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Ce que je
comprends de l'expérience malheureuse, c'est davantage au niveau du CLSC
de la Vallée, en termes d'un directeur commun avec des directeurs
adjoints; ce n'était pas le cas nécessairement de la Mitis,
là.
M. Stevenson: Non, la Mitis, c'est nous autres qui faisions notre
concertation. On ne la faisait pas faire par les autres.
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! O.K.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci M. le ministre. Au nom des
membres de celte commission, à mon tour, je vous remercie. Je
demanderais maintenant aux gens représentant la Conférence des
CLSC et centre de santé des régions 01 et 11 (Bas-Saint-Laurent,
Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine) de bien vouloir s'avancer, s'il
vous plaît.
Alors, bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Bienvenue à cette
commission. Vous avez une dizaine de minutes pour nous présenter de
façon la plus succincte possible votre mémoire et, après,
chacun des parlementaires se réserve le privilège de vous poser
quelques questions. J'apprécierais si la personne responsable pouvait
s'identifier et aussi nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il
vous plaît.
Conférence des CLSC et centre de santé
des régions 01 et 11
M. Stevenson: M. le Président, M. le ministre, madame,
messieurs de la commission, au nom des membres de la Conférence des CLSC
et centre de santé de l'Est du Québec, je vous remercie de
l'occasion que vous nous donnez de pouvoir exprimer devant vous notre opinion
sur certains aspects du projet de réforme du ministère de la
Santé. La Conférence est une table de concertation
constituée des directeurs généraux et des
présidents de conseils d'administration de 11 CLSC et d'un centre de
santé, situés sur un territoire qui s'étend de Rimouski
aux Îles-de-la-Madeleine. Les présidents de ces conseils
d'administration proviennent majoritairement des collèges
électoraux des usagers et des groupes socio-économiques. Ce sont
des bénévoles qui ont choisi de s'impliquer dans l'administration
de leur CLSC.
Je vous présente les membres de notre délégation
qui sont, à ma droite: Mme Liza Chamberland, directrice
générale du CLSC de la Mitis; elle est présidente de la
table de concertation des directeurs généraux et
secrétaire de la conférence; Mme Jocelyne Lévesque,
présidente du conseil d'administration du CLSC de Matane; à ma
gauche, Mme Mariette Chabot, directrice générale du CLSC de
l'Estuaire, à Rimouski. Il devait y avoir M. Moulin, mais
malheureusement, peut-être à cause de la tempête, on l'a
manqué.
Mon nom est Denis Stevenson. Je suis président du conseil
d'administration du CLSC de la Mitis et président de la
Conférence des CLSC et centre de santé de la région
01.
Maintenant, pour présenter le contexte dans lequel notre document
a été rédigé, avec votre permission, M. le
Président, je céderais la parole à Mme Liza
Chamberland.
Mme Chamberland (Liza): Nous avons étudié le
contenu de l'avant-projet de loi selon deux axes: l'amélioration de la
qualité des services et
l'amélioration de l'efficacité et de l'efficience du
système. Comme nous avons placé la personne au centre de nos
préoccupations, il nous est apparu important d'exprimer notre point de
vue sur l'avant-projet de loi car nous souhaitons que les
réaménagements proposés ne soient pas uniquement des
réaménagements de structures. Selon nous, pour améliorer
le service, il faut définir les responsabilités propres à
chacun des établissements afin d'éviter le plus possible les
duplications, de rendre les règles du jeu simples et claires et de miser
à fond sur la concertation.
Je laisse à Mariette Chabot le soin de présenter le
contenu du mémoire de la Conférence des CLSC et CS des
régions 01 et 11.
Le Président (M. Joly): Allez-y, madame.
Mme Chabot (Mariette): Je vais vous présenter sans aucune
prétention, puisque vous avez entendu quand même pas mal de
mémoires et pas mal de suggestions, le fruit de nos réflexions
dans l'Est du Québec à ce sujet-là. Effectivement, on a
essayé de prendre ça un peu comme on le prend au niveau d'un
CLSC. Lorsqu'on veut changer un plan d'organisation, habituellement, on se pose
la question: En quoi ça va améliorer la qualité? En quoi
ça va améliorer l'efficacité? Alors, c'est pourquoi on a
choisi ces deux angles-là. À partir de ça, on a fait une
réflexion tout simplement logique, je pense, et j'espère qu'elle
ne vous ennuiera pas trop, en tout cas.
On se dit, d'une part, pour commencer, il faut connaître les
besoins. Et ça, les besoins et les problèmes, c'est rien que de
ça que vous entendez parler. Habituellement, on vous dit au bout aussi
que ça prend des sous. Alors, nous, on vous dit qu'au' contraire il faut
rester quand même bien branchés là-dessus: il faut d'abord
connaître le problème parce qu'un problème bien
défini, on nous disait que c'était déjà presque une
solution trouvée. Alors, je pense que ça commence par là,
sauf qu'il faut bien spécifier quel est le rôle de chacun dans la
définition du problème. Souvent, on a des demandes d'un peu tout
le monde, de questionnaires à remplir et de données à
fournir. Alors, nous, on dit: C'est correct. Donnez la responsabilité au
ministère ou à la régie ou au DSC ou ailleurs de
définir le problème, mais faites-le une bonne fois et,
après ça, qu'on passe à autre chose.
Lorsque le problème est bien compris, fixons les objectifs. On
pense que c'est important qu'il y ait une politique de santé. Il y avait
eu un début d'idée là-dessus. Nous, on vous encourage
fortement à continuer, il faut qu'il y ait une politique de santé
et qu'elle soit assez large, santé dans le sens large pour inclure les
problèmes sociaux aussi. On dit: Respectez le droit des personnes. Il y
avait des aspects de l'avant-projet de loi qui allaient là-dedans.
Ça, ça rencontrait tout à fait nos attentes. Par la suite,
établir un plan d'action. Là-dessus, ce qu'on pense, c'est que le
plus possible, le plan d'action, il doit être fait au niveau local. Si
nos objectifs et la politique de santé, on convient qu'il y a lieu
qu'ils soient définis au niveau national, le plan ci action, on pense
que ça doit être le plus possible au niveau local. Pourquoi? C'est
parce que, selon le nombre de personnes viséce, selon les
caractéristiques spécifiques du territoire, selon le nombre de
partenaires et d'organismes à mettre en relation pour réaliser ce
pian d'action là par la suite, ça va changer. Donc, pourquoi ne
pas tout de suite dire: On vise telle chose, mais faites-nous le plan d'action
au niveau local et évitez de donner, justement comme le disait M.
Stevenson tantôt, des habits qui ne font pas à tous les coins du
Québec.
La coordination des actions, c'est nécessaire. On ne croit pas,
par contre, que les conseils d'administration unifies soient la solution unique
pour cette coordination-là. Si on exigeait de chaque
établissement qu'il ait un plan d'action et qu'il soit fourni à
la régie ou au ministère et que, là-dedans, on
précise quels seront les moyens de concertation avec l'éducation,
l'hôpital ou les organismes communautaires, on pense que ça serait
probablement pas mal plus souple et suffisant.
Pour bien réussir, aussi, on pense qu'il faut susciter
l'engagement personnel des gens. On trouve que les organismes communautaires
réussissent bien avec peu d'argent; probablement que vous trouvez
ça souvent, vous autres aussi. Ce n'est pas lié, justement,
à l'ampleur de leur budget; c'est lié à la
sensibilité qu'ils ont par rapport au problème, au fait qu'ils
sont proches du problème, au fait qu'ils peuvent réagir
rapidement parce qu'ils n'ont pas beaucoup de normes, qu'ils ont beaucoup de
latitude, et qu'ils n'ont pas à demander à beaucoup de monde pour
prendre une décision. Alors, si c'est vrai pour eux autres, c'est vrai
pour le reste du système aussi. Plus le réseau que vous allez
redéfinir sera souple, proche de l'action, plus on pense que ça
va être facile de faire des choses appropriées.
Appuyer nos ressources humaines. Vous disiez, entre autres, qu'il
faudrait trouver des façons d'avoir des plans de développement du
personnel; on y souscrit fortement. On pense que notre secteur, c'est
probablement celui où il y a le moins de modalités de
perfectionnement et de choses comme ça, d'autant plus qu'on est souvent
loin des endroits où se fait la formation. Alors, plus, encore
là, ça va être décentralisé, plus ça
risque d'être pertinent.
Tantôt, M. Chevrette posait la question: Qui doit décider
des objectifs, puis qui doit les contrôler? En tout cas, comme groupe de
CLSC, nous autres, on était d'accord pour dire que c'est de l'argent de
l'État, que c'est donc normal qu'il y ait des grands objectifs et des
politiques qui viennent du ministère, et qu'il les contrôle,
et que ce qu'on nous demande ne soit justement pas un tas de papiers,
mais vraiment des questions pertinentes, en fonction de l'objectif de
départ. Où est-ce que vous en êtes, comme
établissement, dans l'atteinte de cet objectif-là? Ça a
coûté quoi? On pense que c'est justifié que vous le
fassiez, on s'attend a le faire, puis on s'attend à avoir ensuite aussi
une réponse par rapport à ça et pas simplement
l'impression de vous acheminer des tas de papiers dont on n'entend plus jamais
parler ensuite.
Pour améliorer l'efficacité, maintenant, on disait
tantôt qu'il faut des objectifs. Ce dont on est sûrs, c'est qu'il
faut des objectifs, puis que vous n'oubliiez pas, justement, l'aspect
prévention, parce qu'on vous dit souvent que, comme politiciens, vous
gérez à courte vue, puis c'est peut-être méchant,
mais c'est peut-être vrai pour nous autres aussi. Je pense qu'on aime
ça voir des résultats à court terme sur des choses, mais
il ne faut pas oublier d'investir une certaine proportion de nos
énergies, puis de notre argent sur des aspects peut-être
considérés comme moins urgents, mais qui risquent d'être
plus efficaces et moins coûteux à long terme. On pense aussi qu'il
ne faut pas oublier les populations pauvres et vulnérables. On est dans
une région où il y en a de la pauvreté, où il y a
du chômage, où il y a une insuffisance de moyens et ça,
dans les objectifs que vous allez définir, il ne faudrait pas
l'oublier.
Il faudrait faire des objectifs, aussi, qui priorisent peut-être
la gamme de services de première ligne, parce que les études
mêmes du ministère - ce ne sont pas nous autres qui les avons
faites, on les a juste lues - démontrent que, dans bien des pays, comme
les pays Scandinaves, s'ils arrivent à contenir leurs coûts, c'est
parce qu'ils investissent massivement dans les services de première
ligne. Ça fait qu'en tout cas, nous, on souscrit à ça.
Pour l'efficacité, on pense aussi qu'il faut rapprocher les lieux
de décision de l'action le plus possible, décentralisation, puis
tout ça, régie ou pas. On pense que le problème doit
être pris sous un autre angle. Chaque fois que c'est possible, la
décision devrait être prise à un niveau local. Quand ce
n'est pas possible parce qu'il faut avoir une vision plus large de la
situation, que ça remonte au niveau régional et, s'il faut une
vision encore plus large, que, là, ça soit au niveau
national.
Pour assurer l'efficacité, on pense aussi qu'il faut qu'il y ait
une imputabilité, que les gens se sentent responsables. C'est pour
ça qu'on croit plus ou moins aux conseils d'administration
unifiés, parce que ça nous semble encore plus confus, en tout cas
dans l'avant-projet de loi, finalement, de savoir qui est responsable de quoi:
le conseil d'administration, le comité interétablissements,
toutes sortes de comités-conseils? En tout cas, ça ne nous semble
pas du tout une amélioration. Il faut que les conseils d'administration
se sentent vraiment responsables des sous qu'ils gèrent et qu'ils aient
à rendre des comptes. (17 h 30)
Pour assurer l'efficacité, finalement, éviter tout ce qui
est structures, règlements ou procédures inutiles. Donc, qu'on
trouve une façon pour que les choses soient les plus souples, qu'on
rende des comptes et qu'on fournisse les documents, les rapports annuels et ce
à quoi on a utilisé l'argent. Mais il faut trouver des moyens de
participation adaptés à la taille de chaque établissement.
Nous, on a des petits CLSC qui ont moins de, probablement, 50 employés.
Ça ne peut pas ressembler à un établissement qui en a
1000. Alors, les choses les plus souples possible, finalement, comme message
global; qu'il y ait des contraintes et des règles du jeu pour tout le
monde, mais, en tout cas je pense, toujours se poser la question: Est-ce
qu'elles sont indispensables?
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Chabot. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Vous représentez un très vaste territoire qui a
fait l'objet de la première implantation d'un CLSC à
Grande-Vallée. J'ai toujours cru, moi qui étais alors
député de Matane et qui avais la responsabilité des
paroisses jusqu'à Rivière-à-Claude, que la
véritable signification d'un CLSC à l'époque - j'ai
évolué depuis ce temps-là - était
définitivement le CLSC de Grande-Vallée, situé entre deux
pôles qui étaient Sainte-Anne-des-Monts et Gaspé où
il y avait un centre hospitalier où, effectivement, on pouvait
développer des services de première ligne et éviter aux
gens de se promener sur la route ou de ne pas y aller du tout et de vivre avec
leur mal. Il est clair que ça prend une coloration différente au
fil des années parce que ça progresse avec les expériences
et il faut dire aussi qu'il y a eu beaucoup d'efforts de la part des CLSC pour
éliminer ce que j'appelais à l'époque, moi, un peu de
superflu dans le travail et davantage "focusser" sur des objectifs pour
dispenser des services directement à la population, que ce soit le
maintien à domicile et bien d'autres choses de première ligne,
davantage à ce niveau-là. Je pense qu'on va y arriver.
Sur les objectifs, quand on se parle, quand on échange, sur le
quoi, c'est le gouvernement; sur le comment, effectivement, ce sont les
régies régionales et les CLSC. Donc, davantage y aller vers le
niveau de décision le plus près du bénéficiaire.
Moi, je souscris à ça entièrement. Évidemment,
là, on a parié de théories; après ça, on
dit: Comment est-ce qu'on articule ça? C'est là que ça
devient un petit peu plus compliqué, compte tenu de
l'imputabilité. Mais, je vous pose la question... Vous avez dit dans
votre mémoire, c'est clair: Des conseils d'administration
unifiés,
non! J'ai dit aussi qu'il n'y en aurait pas d'imposés. Ça
m'apparart clair; donc, il n'y aura pas, dans le projet de loi, d'obligation
d'avoir des conseils d'administration unifiés.
Malgré les expériences malheureuses vécues dans la
Vallée sous une forme de conseils d'administration unifiés,
est-ce qu'il n'y a pas, quand même, sur le territoire, possibilité
de faire des expériences, à tout le moins, de dispensation de
services unifiés au niveau de territoires de CLSC ou de territoires de
MRC? Je demande ça à tout votre forum qui représente bien
du monr' > là, parce que, lorsque qu'on a eu la
Fédération des CLSC, on nous a dit: Oui, dans certains domaines,
effectivement, il y a possibilité dp l'envisager. Ça ne peut pas
être du mur-à-mur, c'est impossible, mais il y a certains secteurs
où ça peut, effectivement, être envisagé.
Mme Chamberland: II y a effectivement des expériences qui
se vivent. Par exemple, on est à regarder avec le centre hospitalier les
possibilités d'embaucher une ressource en ergothérapie. Alors,
ils auraient un demi-budget, le budget pour une demi-ressource de disponible et
nous, nous avons ce budget-là. Alors, ensemble, on va engager une
ressource à temps plein qui va travailler pour le maintien à
domicile et, à la fois, au centre hospitalier auprès des
personnes qui ont besoin de réadaptation physique. Tout ceci peut se
faire sans avoir un conseil d'administration unifié. C'est un exemple
que je vous cite de ce qui se fait, mais il s'en fait bien d'autres que mes
collègues pourraient aussi vous souligner. O.K.
Maintenant, le conseil d'administration unifié, je pense que
j'étais d'accord avec madame tout à l'heure, lorsqu'elle disait
que c'était un moyen, que ce n'était pas une fin. Je pense que ce
qui était visé et ce qui est visé, c'est la concertation.
Est-ce bien ça? O.K. Alors, pour réaliser des concertations,
peut-être que ce moyen-là, qui est un conseil d'administration
unifié, n'est pas obligatoire.
M. Côté (Charlesbourg): Concertation pour se parler
et pour dire qu'on se parle, je n'y crois pas.
Mme Chamberland: Non.
M. Côté (Charlesbourg): C'est concertation en se
disant qu'au bout de la ligne notre objectif à tout le monde, peu
importe ce qu'on pense, peu importe ce qu'on a comme idées, c'est que le
bénéficiaire soit le grand gagnant. C'est ça.
Mme Chamberland: Voilà.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, les conseils
d'administration unifiés, c'est un moyen. Évidemment, tu ne
l'imposes pas quand tout le monde ne le veut pas. Ça n'a pas de bon
sens. Ce que tu fais, c'est que tu dis: Est-ce qu'il y a quand même
possibilité - vous nous avez donné un exemple en particulier - de
joindre l'utile à l'agréable avec un centre hospitalier quant
à l'engagement d'un professionnel qui va dispenser des services aux
bénéficiaires de l'hôpital ou aux
bénéficiaires qui passent par le CLSC? Est-ce que, d'après
vous, ce sont des choses qui peuvent s'étendre de manière plus
importante à d'autres domaines? Est-ce que c'est facile ou s'il y a une
réticence de la part des centres hospitaliers? On connaît un peu
la distance historique qu'il y a entre centres hospitaliers et CLSC, les
centres hospitaliers craignant les CLSC parce qu'ils vont venir, selon eux,
leur enlever la première ligne qu'eux autres veulent conserver à
tout prix malgré le fait qu'ils soient engorgés. Est-ce qu'il y a
possibilité de faire davantage qu'on ne le fait maintenant?
Mme Chamberland: Je souhaite que ce soit des choses qui se
répètent et qui s'étendent. Et je pense que ça peut
facilement se faire lorsque les personnes, les établissements sont dans
un climat de confiance. Ça peut facilement se faire.
M. Côté (Charlesbourg): Au-delà de la
confiance, si vous étiez ministre de la Santé et des Services
sociaux demain matin et que vous aviez à prendre des décisions
sur des incitatifs à inclure dans des programmes au niveau du
gouvernement, que feriez-vous, comme ministre, pour inciter à cette
collaboration financière qui permet d'en donner davantage aux
bénéficiaires?
Mme Chamberland: Je pense que, quand les établissements me
présenteraient des projets qui démontrent une réelle
concertation en regard des services à la clientèle, je serais
probablement plus disponible à regarder leurs projets et peut-être
même à investir.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, des incitatifs
financiers, la reconnaissance qu'il peut y avoir complémentarité
entre différents établissements du réseau pour dispenser
des services.
Mme Chabot: À tout le moins, parce que, si ça
devient plus compliqué, parce qu'on présente un projet
concerté, de faire comprendre les choses et de les acheminer dans un
canal qui, lui, est souvent par catégorie d'établissements, c'est
loin d'être un incitatif. En tout cas, c'est sur l'autre sens.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez
évoqué dans votre présentation qu'effectivement il y avait
beaucoup de paperasse et on s'interrogeait à savoir si, effectivement,
le ministère en prenait toujours connaissance sur le plan des
évaluations, à juste titre. Évidemment, au
ministère, il n'y a pas tout à fait 1100 fonctionnaires. C'est ce
qu'il y a dans les départements de santé communau-
taire à travers le Québec. Et quand il y a 235 000
personnes dans le réseau, c'est bien sûr que ce n'est pas 1100
personnes au ministère qui vont être capables de contrôler
à la fois la gestion et la qualité des services dispensés.
Ce n'est pas vrai. Si le pouvoir est décentralisé et
régionalisé, est-ce que vous ne craignez pas que ce qui se passe
au central puisse se passer aussi au niveau de la région, de la
régie régionale?
Mme Chabot: Ça peut arriver parce que, je veux dire,
encore là, que la structure ne réglera pas tout si les grands
objectifs ne sont pas clairs quant à ce qu'on veut régler en
partant. Il peut y avoir plus de monde plus proche de nous autres qui,
effectivement, veut beaucoup de papiers et d'information. Si ce n'est pas clair
en partant, les objectifs de santé qu'on veut améliorer, que
c'est là-dessus qu'on va être interrogés, je pense
qu'à ce moment-là on va en écrire bien trop pour rien.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, j'aimerais bien
continuer. J'aurais aimé vous parler de la mobilité des
directeurs généraux, mais on me signifie qu'il n'y a pas de temps
et j'avais quand même promis à mon copain de droite, dont je suis
le parrain, de lui laisser au moins une question.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Merci, parrain.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Matapédia): J'ai juste une question. On a
déjà échangé dans le passé. On a
échangé ce matin avec le CRSSS. Ma question est: Jusqu'où
le gouvernement devrait-il aller pour assurer le service des médecins
dans toutes les régions du Québec, selon vous qui vivez, tout
comme moi, ce problème-là, de façon quotidienne,
malgré toutes les mesures incitatives qu'on a mises de l'avant?
M. Stevenson: II y a la décentralisation...
M. Paradis (Matapédia): Ça m'intéresse parce
qu'on voit les doyens des facultés de médecine, ce soir.
M. Stevenson: II y a la décentralisation des enveloppes de
la RAMQ, mais, au-delà de ça, comme je vous le dis, au niveau des
bénévoles qui sont engagés dans les conseils
d'administration - on ne voit peut-être pas ça comme des
gestionnaires - moi, je vous dirais: Pas nécessairement la conscription,
mais la conscription s'il le faut. Écoutez, au bout du bout, on a
essayé n'importe quoi comme incitatif et ça finit toujours qu'on
n'en a pas, de médecins. Donc...
M. Paradis (Matapédia): Alors, ça serait de
reprendre un peu l'article du projet de loi 97, qui disait: Le gouvernement
peut décréter - ou décentraliser carrément les
enveloppes de la RAMQ.
Mme Chabot: Nous, dans notre mémoire, c'est ce sur quoi
les conseils d'administration de notre région faisaient
l'unanimité sans problème. Ça ne sert à rien de
faire des plans d'effectifs médicaux si on est tout à fait
incapable de les rendre efficaces sur papier.
M. Paradis (Matapédia): Ça m'intéresse,
venant de vous, parce que je sais que vous êtes de l'estuaire...
Mme Chabot: Moi, je suis à Rimouski, en plus.
M. Paradis (Matapédia): De Rimouski, c'est ça. On
sait qu'à Rimouski il y a un médecin pour 250 personnes.
O.K.?
Mme Chabot: Et vous savez que j'en ai un et demi et que ça
m'en prend trois pour faire ça.
M. Paradis (Matapédia): Puis, vous n'en avez pas.
Mme Chabot: Oui.
M. Paradis (Matapédia): C'est incroyable d'avoir 140
médecins à Rimouski, puis pas un pour le CLSC!
Mme Chabot: II y a quand même un autre aspect à
ça qui doit être en lien, c'est qu'à Rimouski,
effectivement, je suis de la génération des nouveaux CLSC qui
sont sortis avec des transferts d'un peu partout et probablement que je ferais
peut-être exception avec ceux du reste de ma région si,
effectivement je pouvais avoir ce qu'on appelle les coûts des frais
afférents à la pratique médicale, parce que je ne peux
quand même pas engager un médecin sans lui assurer qu'il va avoir
un minimum de secrétariat et ce qui va avec. J'aurais peut-être
plus de facilité à en engager que ceux qui sont à
Paspébiac ou à Matapédia ou ailleurs. Pour moi, ça
fait partie du problème et pour d'autres de ma région, aussi.
M. Paradis (Matapédia): Ça va, merci.
Le Président (M. Joly): Merci. Oui, allez, madame.
Mme Chamberland: II faudrait peut-être ajouter que les
mesures incitatives et coercitives, ça n'a pas réglé le
problème. Moi, je pense que, oui, il faudrait décentraliser les
enveloppes. Et, je suis d'accord avec la Fédération des CLSC
lorsqu'elle dit aussi que ça prendrait peut-être un permis
pour les médecins, pour travailler en cabinet.
Le Président (M. Joly): Wow! Merci, Mme Chamberland. Je
vais maintenant reconnaître M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue et aussi critique officiel en matière
de services sociaux pour sa formation.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Une question de moins
sur le permis. vous y av. i répondu et, effectivement, vous l'avez bien
décrit, à commencer par la fin. Vous avez essayé à
peu près toutes les approches et les collègue? de la
région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie vivent ça
quotidiennement aussi, comme la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. Un jour, on se dit: Pourquoi ça ne
fonctionnerait pas, peut-être, comme beaucoup d'autres professions,
d'autres corps de métier, au Québec? S'il y a des emplois, des
places disponibles dans telle région et qu'il y a des surplus dans telle
autre région, il y a d'autres professionnels et d'autres professions qui
sont contingentés ou qui doivent faire l'objet de l'émission d'un
permis pour aller pratiquer quelque part sur le territoire
québécois, d'autant plus que c'est la responsabilité de
l'État, que c'est tout le monde, autour de la table, qui paie pour ces
services et que c'est illimité, la caisse est, en principe,
illimitée. Il faudrait peut-être se rendre jusqu'à
l'obligation, au niveau de la planification de la répartition des
effectifs, d'avoir un permis d'exercice pour les médecins, en
particulier pour les effectifs médicaux au Québec.
Là-dessus, comment voyez-vous ça, vous, la cohabitation CLSC et
clinique privée, parce que nous irions peut-être dans ce
sens-là? Supposons qu'une décision est prise, il va demeurer une
situation un peu problématique; le député de
Matapédia vient d'en donner quelques exemples; il vous a fait donner des
chiffres sur le nombre de médecins qu'il y a dans telle partie de la
région et sur les effectifs que vous avez dans votre CLSC. Alors,
comment voyez-vous ça, la cohabitation des services à dispenser,
clinique privée et CLSC? (17 h 45)
Mme Lévesque (Jocelyne): Je peux donner peut-être
une expérience. Chez nous, à Matane, on a six médecins et
demi sur un effectif possible de sept. Disons qu'on est peut-être les
gâtés dans la région. On a essayé, depuis six mois,
de faire de la clinique externe sans rendez-vous. Quand les médecins de
la ville ont entendu dire qu'on faisait de l'externe sans rendez-vous les jours
où l'hôpital ne le faisait pas - parce qu'on avait eu aussi une
concertation avec l'hôpital - ces gens-là se sont mis à
crier. On les a approchés en disant que c'étaient des services
à la clientèle parce que, souvent, les listes d'attente de ces
médecins sont de deux mois. Donc, à ce moment-là, ce n'est
pas un service offert à notre clientèle et nous, on donnait du
sans-rendez-vous. Alors, éventuellement, je pense que, si les cliniques
externes sans rendez-vous étaient décentralisées au niveau
des CLSC, il faudrait que les médecins de pratique privée
viennent pratiquer chez nous en CLSC et qu'ils nous donnent des heures aussi.
C'est avant-gardiste, mais c'est à essayer.
M. Trudel: C'est surtout très inquiétant, ce que
vous me dites, dans la première partie.
Mme Lévesque: Quoi?
M. Trudel: Vous dites que vous avez, si je comprends bien, offert
la possibilité d'autres services de consultation externe.
Mme Lévesque: C'est-à-dire qu'on avait une
possibilité de deux jours-semaine, de midi à 18 heures, où
on donnait de la clinique externe sans rendez-vous, étant donné
que ce service ne se donnait pas au centre hospitalier ces
journées-là.
M. Trudel: Et là, vous dites: Le corps médical, les
cliniques privées...
Mme Lévesque: C'est-à-dire que les médecins
de la ville, au départ, ne voyaient pas ce qu'on faisait là. Sauf
qu'après une concertation avec les médecins de la ville et avec
les médecins du centre hospitalier, il n'y a pas eu de problème
et on continue à faire notre clinique externe sans rendez-vous deux
jours-semaine.
M. Trudel: Ça doit avoir baissé la longueur des
rendez-vous dans les cliniques privées, j'espère. En tout cas, je
le souhaite.
Mme Lévesque: J'espère. En tout cas, c'est un
meilleur service.
M. Trudel: Le ministre voulait y aller tantôt d'une
question au niveau des directions générales. Le projet de loi
prévoit une certaine limite dans l'exercice des mandats de direction
dans les organismes, dans les établissements. Qu'est-ce que vous pensez
de cela, de cette limitation qui serait introduite dans le projet de loi au
niveau du mandat pour la direction d'un établissement de santé ou
de services sociaux?
Mme Chabot: Vous avez deux directrices, ça fait trois ans,
ce qui fait qu'on ne se sent peut-être pas mal à l'aise de
répondre à ça. Encore là, moi, je pense que c'est
sain pour quelqu'un, habituellement, d'évoluer dans différents
secteurs d'activité et d'apprendre, donc, mais statuer que c'est huit
ans ou un autre chiffre, ça m'apparart difficile. Ce qui est sûr,
c'est qu'avec les territoires qu'on a ce n'est pas simple pour quelqu'un qui
est dans un territoire, qui le
connaît bien, qui a, justement, réussi à
développer certains réseaux de concertation - je ne sais pas, si
lui il avait décidé que c'est cinq ans ou que ce sort huit ou un
autre chiffre - de partir avec sa famille, etc. Je pense qu'il y aura, à
tout le moins, à essayer, avant ça, des mesures de
perfectionnement et de mobilité afin que quelqu'un, au bout d'un certain
nombre d'années, ait des facilités pour aller se ressourcer,
essayer d'autre chose, travailler dans un autre milieu, quitte à y
revenir. En tout cas, moi, je commencerais, il me semble, par essayer ça
avant d'établir une mesure générale pour tout le monde.
À Rimouski, c'est peut-être plus facile de trouver quand
même, malgré tout, un autre emploi. Mais je regarde tous les
autres, Matane, Grande-Vallée, Gaspé - faites le tour - et
ça doit ressembler étrangement à l'Abitibi. La fin est
souhaitable, mais le moyen est peut-être exagéré.
M. Trudel: Vous dites: Allons y avec des mesures plus
légères comme des programmes de mobilité, des programmes
d'aide au perfectionnement, de support, s'il advenait que l'on constate qu'il y
a une trop grande longueur d'exercice d'un mandat dans un établissement
et qu'on constate des problèmes de sclérose au niveau de
l'administration. Très bien là-dessus.
Mme Chabot: Et c'est difficile pour un conseil... Dans mon autre
fonction avant, j'ai déjà essayé d'inciter un conseil
d'administration à donner un congé à son
établissement. Le conseil d'administration d'un CLSC a un petit budget.
Ce n'est pas simple de dire que, tout à coup, il va libérer son
D.G. Il en a besoin et il n'a pas d'argent pour s'en payer un autre. S'il n'y a
pas des mesures... Celle-là, par exemple, pourrait être
régionale ou autrement.
Le Président (M. Joly): Avez-vous quelque chose à
ajouter?
Mme Chamberland: Je voulais juste ajouter que je suis pour le
ressourcement, le perfectionnement. La mobilité, je suis pour aussi,
mais que ce soit imposé, ça devient tout à fait, dans
certaines circonstances, inacceptable et inadéquat, compte tenu que la
région 01 est un pays de distance et de dispersion. C'est évident
qu'un directeur général ne peut pas assumer une fonction à
Grande-Vallée et, quatre ans après, s'en aller à Rimouski;
il a une famille, il a un conjoint, etc.
M. Trudel: II y a donc deux personnes qui président des
conseils d'administration. Vous présidez également un conseil
d'administration. Quant à l'article de l'avant-projet de loi qui nous
indique que tout le personnel du réseau de la santé et des
services sociaux serait exclu de la participation au conseil
d'administration... Je ne parle pas de la forme des conseils, parce que le
ministre s'est exprimé là-dessus tantôt.
Une voix: On était d'accord.
M. Trudel: Vous êtes absolument d'accord avec cela? On
parle de tout le personnel qui est rémunéré à
même une quelconque enveloppe dans le système de santé et
des services sociaux. Vous êtes d'accord avec cela, qu'on élimine
tout ce personnel-là comme participation dans les conseils
d'administration?
Mme Lévesque: Nous, on était d'accord parce qu'on
se dit que les membres d'un conseil d'administration, ce sont des membres
à part entière. Si vous prenez des gens qui sont à
l'interne de l'établissement, ces gens-là n'ont pas le droit de
siéger sur les comités de vérification. Ça, c'est
un exemple que je vous donne. À ce moment-là, ça veut dire
que, si les gens viennent de l'extérieur du réseau, rien ne les
empêche de demander une consultation aux gens et aux professionnels
à l'intérieur du réseau, sauf qu'on élargirait et
on garderait le directeur général parce que ça devient
notre porte-parole entre les membres du conseil d'administration et les
employés comme tels.
M. Trudel: Mais en termes d'épousailles, si vous voulez,
des objectifs de réalisation - vous pariiez de supporter les ressources
humaines dans votre mémoire - vous n'avez pas l'impression qu'on va un
peu démobiliser notre personnel en l'excluant de la table, de là
où se décident les choses, finalement?
Mme Lévesque: Je ne suis pas sûre qu'ils
représentent vraiment tous les employés de
l'établissement. Je ne suis pas sûre que, vraiment, la personne
qui est à la table représente tous les employés de
l'établissement parce qu'ils ont quand même une chaise bien
identifiée.
M. Trudel: Oui. Je ne peux pas donner la réponse; je pose
des questions. Ha, ha, ha!
Mme Lévesque: Je ne sais pas, moi, je le vois comme
ça.
M. Trudel: En fart, la question, très certainement, qui
peut se poser, c'est: les principaux intéressés dans le
système sont exclus de la table et de toutes les tables des conseils
d'administration, des organisations de services de santé et de services
sociaux, au Québec. Ça me semble aller un peu loin parce qu'il y
a là une expertise, très nettement, qui a été
développée, une compétence et que, tout d'un coup, un seul
article de loi, on élimine la possibilité de jouer cette
compétence-là. Ça me semble assez gros comme approche.
Mme Lévesque: Mais vous pouvez les avoir comme personnel
consultatif.
M. Trudel: On peut toujours les avoir dans la rue, après
17 heures, c'est certain.
M. Stevenson: Je pense aussi que notre position est en fonction
des expériences qu'on a vécues. Quand vous interrogez un
administrateur qui est là depuis trois ou quatre ans, puis qui ne sait
même pas ce qu'il fait là ou qui il représente...
Écoutez, on a des représentants qui avaient été
choisis parmi le personnel et ils s'imaginaient qu'au conseil d'administration
ils étaient porte-parole du personnel, alors qu'ils
représentaient la population.
D'un autre côté, le conseil d'administration, c'est une
instance que j'appellerais politique. Il y a d'autres instances qui sont
administratives aussi où le personnel peut intervenir. À ce
moment-là, c'est le rôle du directeur général de
s'assurer que ces personnes-là sont entendues et qu'elles puissent
participer à un processus. Mais je ne pense pas que leur présence
soit absolument essentielle. D'un autre côté, si vous voulez avoir
un réseau fort, qui ne soit pas pris en otage à tout bout de
champ, vous avez intérêt à impliquer le plus possible la
population. Donc, comme le nombre de chaises est limité, plus vous en
donnez à la population, nécessairement, moins il va en rester
pour, peut-être, les employés du réseau.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup de vous
être déplacés par cette journée ensoleillée,
en souhaitant que, pour le retour, vous puissiez avoir une température
beaucoup plus clémente. Merci de votre éclairage.
Le Président (M. Joly): au nom des membres de cette
commission, à mon tour de vous remercier. merci. nous allons maintenant
suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Joly): Bonsoir. Nous allons maintenant
reprendre nos travaux. Je vois que déjà les représentants
de l'Association pour la santé publique du Québec ont pris place.
Alors, bienvenue à cette commission. Vous connaissez un peu la
procédure, vous savez comment ça fonctionne. Vous avez une
vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire, le
plus concis possible; par après, la balance du temps est répartie
en parts égaies entre les membres des deux formations
J'apprécierais si la personne responsable du groupe pouvait s'identifier
et aussi nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Association pour la santé publique du
Québec
M. O'Neill (Michel): M. le vice-président, M. !e ministre,
Mmes, MM. les députés, au nom de la présidente de l'ASPQ,
Mme Lise Langevin, qui est malheureusement retenue à l'extérieur
de la province, permettez-moi d'abord de vous remercier d'avoir bien voulu
recevoir notre Association à cette commission. Notre message est
très simple. Avant de vous le livrer, cependant, j'aimerais vous
rappeler brièvement ce qu'est l'Association pour la santé
publique du Québec et vous présenter les personnes ici
présentes qui ont été mandatées par son conseil
d'administration pour venir discuter de ce mémoire avec vous.
L'ASPQ est une association non gouvernementale sans but lucratif qui est
âgée de près de 50 ans déjà. Depuis 1943,
elle regroupe des individus et des organismes qui s'intéressent d'une
manière ou de l'autre à la santé de la population
québécoise. Quels que soient leur profession ou leur champ de
travail, quel que soit leur degré d'instruction ou de militantisme,
l'ASPQ, qui compte actuellement environ 250 membres individuels et 115 membres
institutionnels, se veut donc en quelque sorte un territoire neutre, si vous
nous passez l'expression, où les débats peuvent se faire et
être suscités de manière ouverte au-delà des
contraintes corporatistes ou organisationnelles où, pour la plupart du
temps, nous sommes enfermés dans notre vie de tous les jours. C'est donc
dans cette optique que notre Association a décidé de ne pas vous
présenter un mémoire qui traite des aspects techniques de la
réforme telle que proposée dans le document "Orientations" et
dans l'avant-projet de loi. Nous voulons plutôt aborder ce qui nous
semble l'enjeu majeur de cette réforme et cet enjeu majeur, la
réduction des inégalités face à la santé,
est passé, selon nous, à peu près inaperçu dans les
débats qui ont entouré le présent projet de
réforme. C'est pourquoi nous espérons vous convaincre de la
nécessité absolue de le réintroduire au coeur des
décisions que vous aurez à prendre bientôt.
Pour ce faire, j'aimerais d'abord vous présenter M. Robert
Maguire, ici à ma droite. M. Maguire a été membre pendant
plusieurs années du bureau de direction de l'Association pour la
santé publique du Québec. Il est médecin
spécialisé en santé communautaire, et le
département de santé communautaire de l'hôpital de
Rimouski, dont il est le chef depuis de nombreuses années, est reconnu
comme un des DSC les plus innovateurs au Québec. Ce DSC s'est d'ailleurs
mérité
en 1985 le premier prix d'excellence donné par notre organisation
pour une intervention particulièrement originale dans le domaine de la
santé publique.
Mme Christine Colin, ici, pour sa part, siège présentement
au bureau de direction de l'Association pour la santé publique du
Québec. Elle est médecin spécialiste en santé
communautaire, elle aussi, et elle est une des autorités
québécoises dans le domaine de l'impact des
inégalités sociales sur la santé. Chef d'un DSC où
on retrouve une des plus fortes concentrations de personnes
défavorisées au Québec, le DSC de Maisonneuve-Rosemont
à Montréal, Mme Colin a été une des principales
organisatrices du forum "Les inégalités socio-économiques
et la santé. Comment agir?" réalisé l'automne dernier par
votre ministère, le ministère de la Santé et des Services
sociaux, et notre Association.
Mme Louise Lépine, ici à ma gauche, quant à elle,
est ici à trois titres. D'abord, elle est membre fondatrice du
regroupement des cuisines collectives du Québec. Ensuite, elle fait
partie de la Table de concertation sur la faim du Montréal
métropolitain. Elle est aussi membre du conseil d'administration du Chic
Resto-Pop de Montréal. C'est cet organisme communautaire qui s'est vu
décerner notre prix d'excellence 1989 et, comme vous pourrez le
constater tout à l'heure, il s'agit là d'une expérience
concrète particulièrement réussie visant à lutter
contre une des conséquences des inégalités ayant le plus
d'impact sur la santé, à savoir la faim.
Finalement, mon nom est Michel O'Neill. Je suis aussi membre du bureau
de direction de l'Association pour la santé publique du Québec
où je siège depuis plusieurs années et où je joue
le rôle de conseiller spécial auprès de notre
présidente, après avoir été vice-président
pendant deux ans. J'ai une formation de sociologue spécialisé
dans le domaine de la santé communautaire et je suis professeur à
l'Université Laval, ici à Québec, depuis une dizaine
d'années.
Alors, introduire au coeur de la réforme la question des
inégalités face à la santé suppose, selon nous, une
politique de santé au Québec et c'est d'abord là-dessus
que Robert Maguire nous dira quelques mots.
M. Maguire (Robert): M. le ministre. Au niveau de l'Association
pour la santé publique, ça nous paraît très,
très important, actuellement, de vous appuyer, de vous supporter, de
vous encourager et, comme on dirait en Gaspésie, de vous "renchausser"
sur la notion d'une politique de santé et de bien-être. Ça
nous apparaît extrêmement important, à ce moment-ci, que le
gouvernement du Québec, et surtout le ministère de la
Santé et des Services sociaux, puisse se donner dans la plus
brève échéance possible une politique de santé et
de bien-être. Évidemment, quand on parle de politique de
santé et de bien-être, c'est important pour nous à
l'Association pour la santé publique, parce qu'on pense que, dans une
période de croissance ou de décroissance, ça pourrait
peut-être nous aider à gérer les sommes d'argent qui ne
sont pas nécessairement très, très nombreuses. Ça
nous permettrait probablement aussi de faire des coupures de façon plus
judicieuse et ça nous permettrait, sans doute aussi, d'établir un
certain nombre de priorités.
Quand on parle de politique de santé et de bien-être, on
doit parier aussi d'objectifs de santé. J'imagine qu'à la
tête d'une petite multinationale comme le ministère de la
Santé et des Services sociaux vous avez sans doute été
surpris un peu de voir que cette petite multinationale n'avait pas
nécessairement d'objectifs de santé. Dans ce sens-là,
ça nous apparaît extrêmement important, à
très, très court terme, de se donner des objectifs de
santé. Évidemment, on peut parler d'objectifs de santé et,
pour vous en parier, j'ai choisi de prendre un exemple que je connais assez
bien et dont on a déjà eu l'occasion de parier un petit peu,
celui des traumatis-mes. Ce que ça nous a permis de réaliser, de
fixer un certain nombre d'objectifs clairs au niveau des blessures, c'est que,
lorsqu'on fixe un objectif comme ça, on peut arriver à
éliminer une bonne partie des chicanes de structure et des guerres de
clocher qu'on peut vivre à l'intérieur et à
l'extérieur du réseau. Ça nous est apparu
extrêmement important. Je me sens d'autant plus à l'aise de vous
parier des trauma-tismes et de la prévention que. je dois vous l'avouer
dans ce grand salon, vous avez été, à mon point de vue,
notre meilleur ministre des Transports. Vous vous êtes occupé de
la prévention et vous avez mis en place des mesures de
prévention... Le gars d'en face me regarde un peu, mais vous avez
été un excellent ministre des Transports, et vous avez
développé et vous avez mis en place des mesures qui nous
apparaissent extrêmement importantes pour prévenir les
blessures.
M. Chevrette: Le gars d'en face, c'est moi? M. Maguire:
Oui, monsieur. M. Chevrette: J'ai un nom.
M. Maguire: Pourquoi parier des blessures et pourquoi citer les
blessures comme étant un exemple? Tout simplement parce que vous avez
sans doute réalisé que les blessures, c'est 25 % des gens qui se
présentent dans vos urgences, c'est 25 % des gens qui se
présentent dans les cabinets de médecin, c'est un lit sur huit,
et c'est aussi la première cause des années de vie perdues.
Évidemment, encore plus quand je viens vous parier des blessures et vous
donner comme exemple les blessures, c'est surtout parce que ça
correspond à deux clientèles cibles que vous avez
identifiées en tout début de mandat: les blessures, ça
afflige surtout les jeunes et les
personnes âgées. Dans ce sens-là, il
m'apparaît extrêmement important, à ce stade-ci, d'essayer
de voir et d'essayer de développer ce que j'appelle des gagnants.
Comme je vous le disais tout à l'heure - il me reste une minute,
il va falloir que j'aille un peu plus vite - c'est relativement facile de
travailler sur les blessures pour une raison bien simple: on connaît
l'agent, on connaît l'environnement, et on sait ce que ça cause
chez l'individu. Dans ce sens-là, il y a quelque temps, votre
sous-ministre, M. Lamarche, me disait: II faut implanter des programmes
gagnants. Je vous donne ici l'exemple d'un programme gagnant. Je pense
qu'à très court terme vous allez être capable, si vous vous
êtes fixé un certain nombre d'objectifs dans une courte
période de temps, de rallier beaucoup de monde et de développer
et d'économiser probablement bien de l'argent.
M. O'Neill (Michel): je vais maintenant passer la parole à
mme colin et à Mme Lépine, qui vont vous dire pourquoi,
maintenant qu'on a parlé d'objectifs, il est si nécessaire de
lutter contre les inégalités face à la santé, et
comment on pourrait s'y prendre pour y parvenir davantage. cette fois-ci, si on
parle de m. Chevrette, on l'appellera M. Chevrette.
Mme Colin (Christine): M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs, vous conviendrez avec moi qu'il est
généralement admis que la santé est un des signes les plus
tangibles des progrès de l'humanité. Mais force est de constater
que tous les citoyens ne bénéficient pas de ce progrès de
la même façon. Ainsi, l'espérance de vie des citoyens des
secteurs défavorisés de Montréal était, en 1980,
inférieure de près de dix ans à celle des citoyens des
secteurs favorisés, et l'écart atteint quatorze ans si on parle
d'espérance de vie sans incapacité. De toute évidence, il
persiste donc des écarts importants en matière de santé et
de bien-être entre les mieux nantis et les plus démunis.
Dès la naissance, les nouveau-nés en milieu
défavorisé subissent dans leur corps les conséquences de
la pauvreté de leurs parents. On compte 10 % à 12 % de
bébés de poids dc-naissance insuffisant dans les milieux
québécois défavorisés, et il faut noter que ce sont
les taux obtenus par les femmes du Sénégal, de Cuba, de la
Jamaïque, de la Colombie, etc., alors que ces mêmes taux, pour les
Québécoises favorisées, sont aussi bas que 3 % à 4
%, ce qui correspond au taux des pays les plus performants au monde dans ce
domaine, à savoir notamment la Suède et le Japon.
Marqués dès leur naissance, les enfants de ces familles
pauvres vont continuer de subir les conséquences de la pauvreté
pour leur santé. Pour commencer, ils vont mourir deux fois plus avant
l'âge de un an, et des chercheurs ont estimé que ça peut
représenter jusqu'à 200 décès par année, au
Québec, qui sont donc des décès évitables puisque
liés à des conditions socio-économiques. Quand ces enfants
survivent, on va noter plus d'anémie, d'asthme, d'infections,
d'accidents, de troubles du développement, et, à l'âge
adulte, c'est chez les plus pauvres de nos concitoyens qu'on retrouve le plus
de maladies dites de civilisation, curieuse contradiction pour des maladies de
l'abondance. Donc, on va trouver deux fois plus de maladies cardiovasculaires,
de cancers, d'accidents, de maladies respiratoires, de diabète,
d'anémie, de maladies ostéoarticulaires, d'anxiété,
de dépressions, de suicides, plus d'incapacités et de handicaps
et, aussi, plus de facteurs de risques pour la santé, une consommation
de tabac accrue, une alimentation déficiente, etc.
Tout cela est bien documenté non seulement dans les
données de la littérature internationale, mais ici, au
Québec, et c'est même l'une des principales constatations de
l'enquête Santé-Québec réalisée en 1987.
Donc, malgré le haut niveau de notre système de santé,
tout un groupe de population connaît un état de santé
désastreux et accuse 15, 20 ans de retard et même plus par rapport
au reste de la population. Pour imager cela, les Québécoises de
45 à 64 ans, de milieu défavorisé, sont en moins bon
état de santé que les Québécoises favorisées
de 65 ans et plus.
Qui donc est touché par ces écarts de santé? Bien
sûr, les économistes nous rappellent souvent la règle des
4-40, où à 20 % des Canadiens les plus riches sont
attribués 40 % du revenu, et aux 20 % les plus pauvres, 4 % du revenu.
Sans entrer dans le détail des définitions de la pauvreté
qui, rappelons-le tout de même, ne se réduit pas à
l'insuffisance de revenus, puisqu'elle a aussi des composantes culturelles et
sociales, on admet qu'environ 1 000 000 de Québécois vivent sous
le seuil de la pauvreté et que 600 000 d'entre eux vivent dans des
situations extrêmement préoccupantes d'extrême
pauvreté. Malheureusement, la situation ne s'est guère
améliorée au cours des dernières années puisqu'au
contraire, plusieurs études confirment que les inégalités
se sont accrues et que le Québec a même glissé de la
quatrième à la huitième place parmi les provinces
canadiennes, depuis 1979, à cet égard.
Pourquoi cet impact de la pauvreté sur la santé? C'est
évidemment un phénomène complexe qui fait intervenir les
déterminants connus de la santé. Je ne fais que les
répéter, vous les connaissez bien: la biologie, l'environnement
physique et social, les habitudes de vie et l'utilisation des services de
santé. Mentionnons principalement que, d'abord, la sélection dite
naturelle, qui rend pauvres des gens qui sont d'abord malades, n'explique
qu'une faible partie de la différence observée et que ce sont, au
contraire, les conditions de vie difficiles dans lesquelles les gens vivent qui
rendent malades les
gens pauvres. C'est parce qu'ils sont sans revenus suffisants, qu'ils ne
peuvent se nourrir convenablement et qu'ils vivent dans un environnement
malsain qu'ils vont souffrir de malnutrition et de mauvaise santé. Mais
c'est aussi parce que le milieu de vie difficile génère des
comportements et des attitudes moins propices à la santé; c'est
donc, en fait, le cumul des facteurs de risque qui rend la santé si
précaire.
Pour mieux cerner les actions à entreprendre pour diminuer
l'inégalité sociale devant la mort et la maladie, notre
Association a organisé, conjointement avec le ministère de la
Santé et des Services sociaux, en novembre dernier, un forum qui, comme
vous le savez, a été intitulé: "Les
inégalités socio-économiques et la santé. Comment
agir?" Un bilan de ce forum a été déposé
récemment au sein de votre ministère. Le ministre
délégué à la Santé, M. Christos Sirros, a
procédé à l'ouverture de ce forum qui a permis à
plus de 500 personnes de se rencontrer et de prendre connaissance des moyens
mis en oeuvre un peu partout au Québec pour tenter de réduire les
inégalités socio-économiques et leur impact sur la
santé.
Il faut noter que nos acquis, dans ce domaine, sont précieux mais
demeurent fragiles et insuffisants. Mentionnons d'abord, à ce propos, le
rôle fondamental des organismes communautaires. Leur expertise dans le
développement d'actions efficaces, pour réduire l'impact de la
pauvreté sur la santé, a été largement
démontrée au cours du forum et nous allons y revenir dans
quelques minutes.
Auparavant, nous voulons rappeler que des établissements du
réseau, en particulier des CLSC, des DSC, interviennent aussi avec
succès dans ce domaine. C'est le cas, en particulier, pour n'en citer
que quelques-uns, des projets de soutien communautaire et alimentaire et
projets OLO qui donnent des oeufs, du lait et des oranges aux femmes enceintes
défavorisées et qui visent à améliorer leur
santé et celle de leur nouveau-né. D'autres projets ont
été mis sur pied également dans les institutions du
réseau pour offrir des services de maintien à domicile
adaptés aux milieux défavorisés, ou encore offrir des
projets de promotion en santé mentale et, en particulier, des projets
qui favorisent le développement des réseaux d'entraide.
Dans tous ces projets, le succès démontré tient
autant à la qualité de l'intervention qu'à la
qualité de la relation de confiance que les intervenants construisent
avec les gens du milieu défavorisé. Révision de nos
préjugés, acceptation des valeurs du milieu, compréhension
de ce que ces gens vivent, sont autant de mots clés pour expliquer la
réussite de ces interventions.
Pour revenir au niveau des organisations communautaires, de très
nombreux projets pourraient être soulignés. Nous voulons
mentionner en particulier les cuisines collectives qui permettent à des
familles défavorisées de manger tous les jours une nourriture
équilibrée et bon marché. Nous voulons surtout vous parler
un peu plus longuement d'un organisme communautaire qui a reçu cette
année, comme on l'a souligné, le prix d'excellence de l'ASPQ: il
s'agit du Chic Resto Pop de Montréal, et Louise va nous en parler.
Mme Lépine (Louise): M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, le Chic Resto Pop de
Hochelaga-Maisonneuve est une entreprise de récupération
d'aliments et d'énergie humaine qui ne correspond pas aux normes de
notre société. Nous aidons 25 stagiaires, assistés sociaux
à la fois, à développer leur employabilité dans un
programme de formation structuré et aussi à retrouver l'espoir
dans leurs capacités et une certaine forme de dignité. Ces
personnes cumulent, on doit se le rappeler, souvent toutes les
pauvretés.
Pour ce qui est du restaurant, nous n'y faisons pas la charité.
Nous redistribuons des aliments qui, autrement, seraient jetés et
pollueraient l'environnement. Les trois quarts de ces aliments sont
parfaitement sains et servent de base aux 250 à 300 repas que nous
servons à tous les jours. Nous sommes persuadés que les gens
doivent d'abord manger pour avoir ensuite l'énergie nécessaire
pour faire les démarches dans le but de préserver leur
santé. On doit se rappeler que les personnes appauvries doivent
dépenser 50 %, et parfois plus, de leur budget pour payer leur loyer.
Alors, si on ajoute à ça le coût des vêtements, le
coût du chauffage, vous constaterez avec moi qu'il reste très peu
d'argent pour manger à tous les jours du mois.
Nous aidons donc nos stagiaires et nos clients, dont de nombreux
enfants, à être en meilleure santé d'une façon non
orthodoxe, avec un budget qui, comme celui de la majorité des organismes
communautaires, est aussi mince et aussi précaire que celui de nos
clients.
Mme Colin: Malheureusement, tous ces projets, qui font tant avec
si peu, sont sans cesse menacés par le manque de ressources et aussi, H
faut bien le dire, parce qu'ils sont le plus souvent assez loin des
priorités de nos planificateurs. C'est pourquoi, donc, l'ASPQ demande
que la recherche de l'équité devienne une priorité du
gouvernement et, en particulier, qu'elle s'inscrive au coeur de chacun des
objectifs de santé que le Québec adoptera. La réduction
des inégalités doit être un thème majeur de la
future politique de santé et de bien-être du Québec.
Ceci signifie, c'est évident, la mise en place de mesures
intersectorielles dans le domaine du travail, du revenu, de l'enseignement,
notamment, et aussi l'attribution de ressources suffisantes pour la
réduction des écarts de santé. Mais il nous semble aussi
important d'insister sur deu> points en particulier. D'abord, il faut
absolumeni
mettre la réduction des inégalités de santé
au coeur de chaque objectif, sans quoi, de toute façon, les
progrès ne pourront être que limités. Par exemple, si l'on
veut réduire la proportion des fumeurs à 20 %, il faut avoir une
préoccupation particulière pour les fumeurs de milieu
défavorisé qui sont les plus résistants, on le sait, aux
changements de comportement et qui sont donc ceux qui, actuellement, fument le
plus.
L'imposition d'une taxe sur les produits néfastes, à ce
titre, nous apparaît non seulement inutile, mais probablement
néfaste pour cePô population défavorisée, parce
qu'elle va amputer encore plus sévèrement le budget des plus
démunis. Pour qu'ils changent de comportement, il faut d'abord choisir
des programmes ue prévention qui tiennent compte de leur façon de
vivre et de leur culture. À ce titre-là, il faut souligner qu'en
milieu défavorisé le tabac n'est pas seulement une mauvaise
habitude, c'est aussi un moyen de lutter contre le stress et
l'insécurité quotidienne. C'est aussi un moyen très
concret de partager quelque chose avec ses voisins ou ses amis et c'es! une
gratification immédiate pour des personnes qui n'en ont pas beaucoup.
(20 h 30)
De plus, il nous semble aussi que le ministère devrait
développer des programmes de formation pour les professionnels et les
intervenants pour améliorer leurs connaissances, leur
compréhension et leurs approches des milieux défavorisés.
Sans cela, nous l'avons constaté à plusieurs reprises, les
interventions risquent fort d'être peu efficaces. Donc, interventions
adaptées, approches appropriées, c'est à ce prix que nous
pouvons permettre aux gens démunis de rattraper le retard en termes de
santé.
M. O'Neill: En conclusion, si vous le permettez, notre
mémoire posait au ministère sept questions dont deux
déjà ont été évoquées par Mme Colin.
Permettez-moi donc, en terminant, de vous rappeler les cinq autres.
Premièrement, est-ce que le ministère réalisera sa
réforme à partir d'objectifs ou se limitera-t-il encore à
rebrasser les structures et le personnel sans lignes directrices communes?
Deuxièmement, l'arrêt des actions commencées pour
élaborer une politique de santé est-il définitif? Si non,
quand ces actions reprendront-elles? Troisièmement, le ministère
entend-il revaloriser et soutenir l'organisation communautaire comme une des
pratiques professionnelles centrales pour aider les milieux
défavorisés à améliorer leur santé?
Quatrièmement, dans toutes ses allocations budgétaires, que ce
soit au niveau de (a recherche, de la formation, des services ou du support aux
indispensables groupes communautaires, le ministère priorisera-t-il
enfin les milieux défavorisés et les personnes
défavorisées? Et finalement, à l'intérieur de sa
propre organisation et auprès de ses autres partenaires gouvernementaux,
est-ce que le ministère développera des moyens d'action afin
d'atteindre une plus grande équité?
En espérant des réponses à ces questions, nous vous
remercions donc de nous avoir écoutés et nous sommes à
votre disposition pour toute autre information ou commentaire, en vous
soulignant à nouveau que le bilan de notre forum sur les
inégalités fournit de nombreuses pistes très
concrètes d'actions à ce propos et qu'il est disponible à
l'ASPQ et à l'intérieur de votre ministère. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Au-delà des remarques de M. Maguire sur mon passage
aux Transports, à tout le moins pour certains aspects qui étaient
un peu flatteurs pour moi, je vous remercie. J'en prends note. Je veux dire
dès le départ que votre mémoire est l'un de ceux qui
réussissent à s'élever au-dessus du débat sans que
vous n'ayez rien à défendre sur le plan de vos propres structures
ou de vos dépendants. Ça, je trouve ça intéressant
parce qu'on avait souhaité en avoir davantage dès le début
de la commission parlementaire pour être capables d'aborder
véritablement les problèmes de fond du système. C'est
davantage ça qu'on cherchait comme éclairage et c'est comme
ça que je le perçois, dans la même lignée, en termes
de qualité de mémoire, que ce que nous avons reçu la
semaine dernière de l'Institut canadien de recherches avancées
qui se plaçait très nettement au-dessus de la mêlée,
avec des perspectives d'avenir très intéressantes.
Vous abordez deux sujets: politique de santé et,
deuxièmement, les défavorisés au niveau du système;
ça apparaît très clair et vous posez une série de
questions par la suite. Ce n'est pas mauvais, de temps en temps, que ça
ne soit pas juste les membres de la commission qui posent des questions aux
intervenants, que les intervenants en profitent pour en poser. Alors, elles
sont là. On verra s'il nous reste du temps pour y répondre. Loin
de moi l'idée de vouloir épuiser tout le temps pour ne pas
répondre à vos questions.
Donc, allons-y avec la politique de santé qui est un
élément majeur. L'idéal aurait été
qu'effectivement on arrive avec une politique de santé puis qu'on fasse
la réforme après. Ça, on en convient tous. Ce qu'on essaie
de faire, c'est de le faire de manière parallèle. Tout le monde
nous dit, y compris tous ceux qui ont fait des recherches, que, si on a une
politique de santé avec des objectifs, ça devrait normalement
changer bien des choses. En tout cas, moi je prends ça pour du "cash".
Je veux dire, on est dans la théorie. Cependant, vous nous dites dans
votre mémoire: Hollande, Finlande, timidement les États-Unis ont
tenté des expériences, mais il n'y
a pas beaucoup de gens qui sont venus nous parler ici et nous dire si
effectivement ça avait donné des résultats et s'ils sont
partis d'aussi loin que nous pour être capables de l'imposer et de le
faire.
J'ai encore frais à l'esprit l'exemple du Japon en particulier
que prenait l'Institut la semaine dernière, où on a fait un
virage spectaculaire dans l'espace de 30 ans avec beaucoup moins de ressources
sur le plan financier, avec moins de médecins par habitant.
Évidemment, là, on peut échanger pendant longtemps sur les
mérites, mais comment est-ce qu'on fait ça? Comment est-ce qu'on
fait? Quelles certitudes a-t-on, demain matin, compte tenu de ce qui s'est
passé ailleurs, qu'effectivement on va avoir des résultats avec
notre objectif par résultats? Au-delà de nos expériences
qu'on a pu vivre au niveau des accidents de la route, parce qu'effectivement H
y a eu certains succès - sur le plan de la cigarette, il y a eu certains
succès, mais ce sont des expériences isolées - comment
est-ce qu'on peut finir par arriver, à la lumière de ce qui s'est
passé ailleurs, à avoir des résultats qui sont pas mal
plus globaux que ceux-là?
M. O'Neill: Si vous me permettez de répondre en prenant
comme comparaison les pays qui culturellement nous ressemblent peut-être
davantage que le Japon, parce que le Japon fait des choses extraordinaires,
mais en même temps le Japon a une attitude face à un tas de choses
qu'on aurait difficilement la capacité de développer ici, je
prendrai plutôt les pays européens. J'ai eu l'occasion de passer
une année à l'Organisation mondiale de la santé à
Copenhague, l'an dernier, et d'être un peu confronté à
toute cette dynamique d'objectifs de santé qui est en train d'être
implantée en Europe à l'heure actuelle, justement sous la
pression de l'OMS. D'habitude, le directeur de l'Organisation mondiale de la
santé pour la région européenne a toujours sa grande carte
avec lui quand il se promène, et la carte est barbouillée en
trois couleurs. À l'heure actuelle, il y a la carte avec les zones
foncées, les zones entre deux et les zones pâles. Les zones
foncées, ce sont les pays qui, comme la Hollande, la Finlande et
quelques autres, ont adopté formellement une politique et des objectifs
de santé. La couleur entre deux, c'est ceux qui sont dans le processus
d'en adopter une, et les plus pâles, c'est ceux qui n'ont rien
adopté pantoute. Il faut se rendre compte, je crois, que, par rapport
à ces pays-là, au Québec on a déjà plusieurs
longueurs d'avance sur la manière dont notre système d'ensemble
est organisé. Alors, si on regarde ce qui s'est passé dans ces
pays-là, en particulier ceux qui sont les plus avancés, la
Finlande, la Hollande, etc., disons qu'en proportion il y en a 5 ou 6 sur 32
qui sont bien avancés, il y en a à peu près une quinzaine
qui sont dans la course et les autres qui ne courent pas vite. Ça a
forcé déjà des réalignements très majeurs de
la façon dont on peut concevoir comment on va dépenser notre
argent de santé.
Ces réalignements-là, je pense qu'au Québec on est
en position de les faire de façon encore plus rapide et avec des
résultats encore plus évidents, dans le sens qu'ici on a
déjà l'idée que la prévention, ça existe, on
a un système de santé communautaire qui est très bien
développé comparé à d'autres pays. Dans le fond, ce
qu'il s'agit de faire, c'est probablement de s'aligner sur une couple
d'objectifs sur lesquels on s'entend, sur lesquels le gouvernement annonce une
priorité claire et sur lesquels, à ce moment-là, tout le
monde - et dans les hôpitaux, et dans le système de
prévention, et chez les organismes communautaires - va commencer
à travailler ensemble sur quelque chose.
C'est pour ça que je trouve que l'exemple des accidents de la
route est un exemple très intéressant parce qu'il y a eu, juste
à partir d'une initiative de département de santé
communautaire, finalement, des pas considérables qui ont
été faits à très court terme, qui vont avoir un
impact qui va être mesurable sur la santé de la population. Ce
n'était même pas encore un objectif gouvernemental, un objectif de
société qu'on s'était donné. Si le gouvernement du
Québec et si le ministère décident qu'ils frappent la
balle et qu'ils disent, par exemple: Les prochains cinq ans, on a une vingtaine
d'objectifs dans le document d'orientation, on s'oriente vraiment sur une
couple de très clairs, on met le paquet et on s'arrange pour que tout le
monde, chacun... Les chicanes de clocher n'arrêteront pas demain matin,
puis les chicanes interétablissements non plus, mais on va avoir au
moins un certain nombre de lignes directrices sur lesquelles les gens vont
travailler ensemble, par rapport auxquelles on va avoir des choses qu'on va
pouvoir mesurer après un certain temps
En tout cas, l'expérience européenne par rapport à
ça est très révélatrice, dans des systèmes
plus lourds, plus compliqués, souvent moins performants que les
nôtres; ils ont fait des pas de géants, de ce
côté-là, qui sont très visibles quand on regarde le
discours, les politiciens, etc., l'argent affecté. Au Québec, en
ayant déjà une longueur d'avance par rapport à la
façon dont ces systèmes-là sont organisés,
ça prendrait comme une étincelle de volonté politique et
je pense qu'on ferait du millage, terriblement, sur ce morceau-là. Je
pense que Robert aussi, par rapport aux objectifs et à la politique de
santé, a une vision "terrain" complémentaire, si on peut dire,
à celle de l'universitaire assis sur sa chaire.
M. Maguire: Non, dans le fond, on a parte des blessures
reliées à la route, mais il y a aussi une foule d'autres
blessures pour lesquelles il existe actuellement des solutions disponibles,
actuaiisables, mettables en place. Je vais le dire
en riant un petit peu, mais finalement, il a mouillé un peu plus
cet hiver, mais si on baissait tous les thermostats d'Hydro-Québec
à 125, on économiserait de l'énergie, puis il y aurait
probablement bien moins de gens qui se brûleraient.
Je vous le donne comme exemple, parce qu'à un moment donné
j'ai lu des choses là-dessus. J'ai vérifié avec le
directeur du centre d'accueil, et il m'a dit: II y en a trois qui sont
tombés dans leur bain, qui se sont brûlés et qui sont
à l'hôpital. Dans ce sens-là, je pourras vous en nommer une
liste, c'est des choses... À un moment donné, ce qu'il s'agit de
faire, c'est de mettre bien clairement que les blessures, a1. Québec,
c'est fini, on va les diminuer. Dans ce sens-là, à partir du
moment où tu as ça, c'est là vraiment que tu commences
à jouer l'intersec-torialité, et c'est là qu'on peut
évaluer aussi les gens. Je pense que ça ne prend pas beaucoup de
temps. Je serais malheureux si - et, vous connaissant, j'imagine que ça
ne prendra pas trois ans...
M. Côté (Charlesbourg): Je ne serai plus
là.
M. Maguire: non, mais ça urge, cette affaire-là. il
faut avoir le plus rapidement possible des objectifs de santé. Il ne
faut pas attendre.
M. Côté (Charlesbourg): Une question
complémentaire à l'expérience européenne, ceux qui
sont installés, ceux qui sont en voie de l'être et ceux qui n'y
pensent même pas. Dans les pays qui ont déjà pensé
s'implanter, comme la Hollande, la Finlande, est-ce qu'on a déjà
des résultats par rapport à ce qu'eux ont fait? J'aimerais
ça peut-être partager un peu votre expérience. Je n'ai pas
voyagé, moi. Je vais faire ça après. Dans deux ans et
demi, quand on va lâcher, on va pouvoir voyager.
M. O'Neill: L'Organisation mondiale de la santé est en
train de faire une évaluation très serrée du pays qui est
le plus avancé, à l'heure actuelle, qui est la Finlande. Il y a
une équipe d'experts internationaux qui a passé plusieurs mois en
Finlande et qui est en train de vraiment - je pense que, si on appelait
aujourd'hui, ce serait probablement disponible - essayer de voir, de mesurer ce
que ça a donné. Est-ce que ce sont juste, dans le fond, des
changements de lois qui n'ont jamais été traduits en pratique? Ou
est-ce qu'il y a des changements mesurables d'un certain nombre de choses? Je
n'ai pas les résultats maintenant mais je sais que, étant
donné que c'est le pays le plus avancé et le pays qui a vraiment
fait des travaux importants là-dessus, il y aurait moyen de le savoir.
Mais tout porte à croire, de la façon dont, par exemple, les
politiques ont été établies, de façon très
concertée sur le tabac, la façon dont ils ont ciblé des
choses très précises en se donnant des objectifs sur cinq ans,
dix ans, etc., que ça peut probablement ne pas faire autrement qu'avoir
créé des synergies qui n'auraient pas été
créées autrement. C'est sûr que, dans des courtes
périodes de temps comme ça, on ne verra pas les taux de
mortalité, par exemple, bouger. On ne verra pas les taux de
morbidité bouger beaucoup. Quoique la morbidité, ça peut
changer plus vite qu'on ne le pense, sur les choses comme les blessures, par
exemple.
Et l'exemple de Robert est intéressant en ce sens où, pour
beaucoup de choses... Lui, c'est M. Accident de la route, alors il pense
beaucoup dans ces termes-là. Mais il y a beaucoup d'autres choses, si
vous regardez la liste d'objectifs qu'il y a dans le rapport d'orientations,
par exemple, pour lesquelles on est équipés actuellement au
Québec pour faire des pas significatifs et avoir des résultats
nets.
M. Côté (Charlesbourg): Sur les objectifs, à
l'intérieur du document d'orientations, il y en avait 20. Quelles sont,
par ordre de priorité... Parce qu'il ne faut pas rêver en couleur.
Il y en aurait 40 et il y en a un paquet qui vont rester de côté
parce qu'on ne sera pas capables de le faire. Mais, en ordre de
priorités, quelles sont les priorités auxquelles on devrait
s'attaquer demain matin? Moi, j'ai parlé de jeunesse et j'ai
parlé de vieillissement de la population. Ça me paraît
être les deux les plus crevants. Mais, de ce que je comprends de votre
présentation, il y aussi les défavorisés. Mais on ne les
retrouve pas comme un objectif.
M. O'Neill: C'est un des problèmes importants. Dans le
fond, ce n'est pas toujours la question: Comment on aborde ça? Parce que
c'est un problème qui est complexe et puis est-ce qu'on propose un
objectif qui est la réduction des inégalités en tant que
telles, et on crée un comité inégalités? Ou est-ce
qu'on essaie d'insérer une préoccupation à
l'intérieur de chacun des autres programmes pour la réduction des
inégalités? Ou est-ce qu'on choisit les deux solutions? Je pense
que ça, c'est loin d'être clair. Par rapport aux choix 1, 2, 3, 4,
5, j'ai l'impression qu'il y en a plusieurs pour lesquels on a, on peut dire,
la technologie disponible qui nous permettrait de faire des pas significatifs.
Je pense que la chose importante, c'est de faire un choix, d'en prendre une et
de marcher avec. En ce sens-là, il y en a qui risquent d'être plus
payantes à court terme que d'autres, en ce sens où la
probabilité de travailler sur les inégalités de
façon efficace est plus forte. Entre autres, la
périnatalité est un des dossiers que le ministère
travaille depuis très longtemps, sur laquelle il y a une pile de choses
qui sont très bien connues. Christine pourrait sûrement en parler
beaucoup mieux que moi. Alors, dans le fond, l'important, je pense, ce que tout
le monde attend dans le
réseau, en particulier dans la santé communautaire, c'est
une volonté claire sur une couple de dossiers précis sur lesquels
on s'entendrait pour travailler. à la limite, n'importe quel mais il y
en a certains pour lesquels les connaissances nous autorisent à penser
qu'on aurait beaucoup plus de succès. je ne sais pas s'il y en a qui
veulent ajouter...
Mme Colin: Peut-être pour compléter... C'est
sûr qu'on pense, par exemple, à toute la problématique de
la santé du coeur, des maladies cardio-vasculaires; c'est quand
même le plus grand tueur au Québec. Et à l'intérieur
de cette problématique, évidemment, il y a plusieurs objectifs
qui pourraient être discernés. Mais c'est sûr qu'à
l'intérieur d'une problématique comme ça aussi on peut
vraiment mettre une priorité sur les milieux défavorisés.
On l'a dit tantôt, c'est deux fois plus de morts par maladie
cardio-vasculaire dans ces milieux. Il y a des exemples actuellement
d'interventions qui collent beaucoup à la réalité des
milieux défavorisés. Il y a actuellement la ville de Toronto qui
est en train de mettre sur pied un programme de réduction des
inégalités de santé dans le domaine de la santé du
coeur. Évidemment, ce sont des programmes qui sont peut-être moins
classiques parce qu'ils font appel à la participation communautaire, au
développement communautaire, mais ils sont faits en lien avec les
organismes officiels de santé. Je pense que, là aussi, on a des
exemples où on peut avancer. (20 h 45)
Mais, définitivement, notre préoccupation, c'est que, pour
chaque objectif de santé, on ait une priorité absolue - en tout
cas, pour nous - de rejoindre les milieux défavorisés. Et
à ce titre-là, moi, je pense que c'est quand même là
que ça pourrait être le plus payant. Si on regarde en
périnatalité, par exemple, on n'a pas fait de progrès
depuis quinze ans, en termes de pourcentage de petit poids de naissance, au
Québec. On a fait beaucoup de progrès sur les taux de
mortalité, parce que nos services de néonatologie se sont
améliorés, donc on récupère plus, en somme, de
bébés qui sont fragiles à la naissance, mais le taux de
naissance des enfants de petit poids est vraiment stable et d'une
régularité désespérante, depuis quinze ans. Alors,
on sait maintenant que, pour vraiment réduire ce taux, il faut aller
faire des progrès à la marge, c'est-à-dire chez les femmes
qui ont les plus hauts taux, qui ont des taux de 10 % ou 12 %. On sait aussi
qu'on a maintenant à notre disposition des programmes qui ont fait leurs
preuves ailleurs, qui sont en train d'être initiés au
Québec, en connection avec les DSC, les CLSC et les organismes
communautaires. Donc, il y a sûrement des gains qu'on peut faire
rapidement. Si on pense à toutes les conséquences pour la vie
entière non seulement de l'enfant lui-même, du nouveau-né
lui-même mais de toute sa famille, de la santé à la
naissance, je pense que ça devrait être aussi un
élément qu'on ne doit pas négliger.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça
intéressant de vous entendre et je regrette peut-être que vous
n'ayez pas été des nôtres à notre commission
parlementaire sur les sages-femmes. Ça aurait peut-être
éclairé d'autres intervenants que vous connaissez très
bien.
Est-ce que nous ferions fausse route de penser que demain, si on disait
un, deux, trois, quatre, cinq, jusqu'à 20 objectifs de santé tels
qu'ils sont dans le document d'orientations, qu'on les priorise, qu'on dise:
Partait, on passe à un tel, un tel, d'avoir comme objectif que, dans
chacun des cas, on s'attaque, en premier lieu, aux défavorisés?
Parce que, à ce moment-là, ça va être horizontal.
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de se questionner sur le fait que la
pauvreté ou les défavorisés devraient être
eux-mêmes un objectif, ou si... De quelle manière l'aborde-t-on?
Est-ce qu'on ne risque pas de se perdre si on dit qu'on a un objectif parmi les
20, ou si, sur le plan de formaliser de manière plus importante et plus
évidente, comme priorité pour le gouvernement, au niveau des
défavorisés, c'est un objectif du gouvernement qui doit
être pris en compte dès le moment où on enclenche le
processus d'un objectif, en termes de réalisation de santé?
M. Maguire: II y a, à mon point de vue, des services qui
doivent être prioritaires pour les gens défavorisés et,
habituellement, ce qu'on réalise, c'est que la majorité des gens
qui travaillent avec nous ont beaucoup de difficulté à rejoindre
les gens défavorisés. Donc, dans un premier temps, je me dis que
c'est extrêmement important de réentraîner notre personnel
ou le personnel qui offre des services aux gens défavorisés pour
qu'il puisse communiquer avec ces gens-là.
L'autre affaire que je proposerais dans ce sens-là, c'est que je
me dis: II faudrait aussi être prudents pour ne pas stigmatiser - si vous
me permettez l'expression - et culpabiliser une partie de la population. Dans
ce sens-là, ce que je reprendrais un peu, c'est l'idée d'avoir un
certain nombre de programmes qui vont s'adresser à toute la population
mais pour lesquels on va retirer des bénéfices à court
terme. Et quand vous pariez des gens âgés et des jeunes, je suis
convaincu que vous êtes bien enligné - si vous me permettez
l'expression - et, dans ce sens-là, il y a des choses qui existent. Si
on fait déjà les choses qui existent, ça devrait, pour un
certain nombre de problèmes, donner des bénéfices. Et,
dans ce sens-là, j'imagine que l'argent va se réenligner,
à plus ou moins long terme, et il y aurait certainement lieu d'en mettre
un peu plus pour supporter les gens qui sont plus mal pris dans la vie.
Mme Colin: Peut-être que je pourrais aussi compléter
en disant que ce qui nous semble important, c'est que ce soit clairement
identifié comme une priorité. La mécanique, elle est
à discuter; il n'y a peut-être pas de solution miracle. C'est
sûr que, si on en fait un objectif parmi d'autres, il est clairement
identifié et va canaliser des énergies. Mais, en même
temps, il y a aussi tout l'aspect ghettoïsation ou, en tout cas,
identification dont parle Bob. Ce que je voudrais aussi peut-être
ajouter, c'est que les situations régionales, au niveau du
Québec, som assez différentes, et il nous semble important que
ces objectifs soient validés, au niveau des régions, qu'ils
soient peut-être pondérés ou précisés en
fonction des différentes problématiques régionales. La
pauvreté, ce n'est pas forcément de la même façon
dans toutes les régions et les problèmes de santé
prioritaires ne sont pas forcément les mêmes. Si, par exemple, on
parle de l'itinérance, c'est clair que ça ne se vit pas partout.
On me disait récemment qu'il y a une liste écrite de 8700 noms de
personnes itinérantes, à Montréal en touc cas, ce n'est
quand même pas négligeable. Donc, il y a des choses comme
ça qui doivent être travaillées en particulier.
M. O'Neill: Si vous me permettez une dernière remarque par
rapport au no 1, par exemple, les inégalités, etc. C'est
très clair que, si le ministère s'attaque à ça tout
seul, il va se péter la gueule. La plupart des choses qui ont un impact
majeur sur les inégalités, ce n'est pas le ministère de la
Santé et des Services sociaux qui les contrôle, ce sont les
politiques économiques, ce sont les politiques du logement, ce sont les
politiques de l'agriculture, c'est toute une série de choses sur
lesquelles, de façon étroite... Quand même vous voudriez
régler la question des inégalités, en partant, vous n'avez
aucune prise dessus. Donc, je pense que c'est très important d'avoir cet
aspect-là en arrière de la tête... Ça vaut
peut-être la peine que, si vous identifiez un ou deux ou trois objectifs
prioritaires, vous voyiez non seulement comment ça peut se
dérouler dans le système avec le réseau, les organismes
communautaires, mais que vous voyiez, sur l'autre sens, avec qui travailler
là-dessus et que vous donniez un mandat pour ça. Parce que
l'argent qui va être sauvé, c'est dans votre budget, finalement,
s'il y a une politique du logement qui a de l'allure, s'il y a une politique
alimentaire qui a de l'allure, s'il y a une politique économique qui a
de l'allure, finalement, qui permet la réduction des
inégalités dans l'ensemble. Parce que ce n'est pas le
ministère de la Santé et des Services sociaux qui va
réduire les inégalités, quand même il y aurait un
objectif gros comme ça, si souhaitable et louable sort-il.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je
voudrais continuer mais je pense que le temps nous manque. Les réponses
aux sept questions, je serais prêt à les fournir, mais...
Le Président (M. Joly): S'il nous reste du temps, je
serais prêt à le consentir, mais je vais reconnaître M. le
leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Je vous remercie. Je voudrais avoir un commentaire
et, après ça, quelques questions. Le commentaire, tout d'abord,
je pense que c'est le septième groupe, si ma mémoire est
fidèle, à parler de politique en santé. Ça se
dégage de plus en plus qu'il est important d'avoir une politique avant
de penser structure et, à mon point de vue, ça m'amène
à poser des questions directement au ministre. Est-ce qu'il est pensable
de produire une politique gouvernementale avant de penser amender les
structures en Santé et en services sociaux?
M. Côté (Charlesbourg): Vous voulez que je vous
réponde?
M. Chevrette: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que j'ai
été assez clair tantôt en disant qu'il faut une politique
de santé. Il y a déjà une amorce dans les orientations qui
ont été déposées qui sont là, 20, qui sont
largement partagées. Il s'agit maintenant de mettre des
priorités. Quant à moi, et ça répondra à une
des questions qui étaient posées, j'ai, à mon
arrivée, mis fin à un processus qui m'apparaissait beaucoup trop
lourd puisque ce ne sont pas toutes les régions du Québec qui
doivent être interpellées sur l'ensemble des 20 objectifs. On se
serait embarqués dans une procédure de définition d'une
politique de santé au Québec où, dans trois ans, on s'en
serait encore parlé.
Effectivement, quand j'ai identifié vieillissement et jeunesse,
ça m'apparaissait les deux priorités sous lesquelles il faut
enclencher les choses et ce sera très prochainement. On ne
réinventera pas la roue, définitivement pas. Je pense qu'il faut
davantage passer à l'action et que des experts viennent nous dire, dans
très peu de temps, comment on peut passer à l'action, dans des
priorités qu'on aura déterminées.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre reconnaît qu'une
politique en santé nécessite automatiquement une discussion de
base pour amener l'ensemble des participants à adhérer à
ses objectifs et, potentiellement, modifier les mentalités quant
à la consommation ou à l'offre de services en matière de
santé et services sociaux et que le débat, quoiqu'il regrette
qu'il soit fait sur les structures, ne pouvait pas faire autrement
qu'être sur les structures puisque l'avant-projet ne porte que sur les
structures?
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, vous me
permettrez de différer d'opinion avec le député de
Joliette pour la simple et bonne raison que ce qui a
précédé l'avant-projet de loi, c'est le document
d'orientations, en avril, et lui, avait clairement identifié 20
objectifs en termes d'objectifs de santé et de politique de
santé. Donc, c'est un débat qui a déjà cours, qui a
été discuté à de nombreuses reprises par à
peu près tout le monde. Ce qu'il faut maintenant, c'est finaliser la
politique et, comme je l'ai dit tantôt, le processus dans lequel nous
étions embarqués était celui de toutes les régions
du Québec qui se prononçaient sur l'ensemble des 20 objectifs,
alors que ma vision à moi est tout autre. Et j'ai compris, du message
que les gens nous ont livré tantôt, que c'est important d'en
identifier un certain nombre et d'y aller avec un certain nombre d'objectifs,
bien sûr, de concert avec la population. Très prochainement, vous
serez informés de ce que nous allons faire dans ce domaine-là,
qui va cheminer et qui va cheminer pour aboutir au moment où on arrivera
avec le projet de loi, à l'automne et en début de 1991.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre pourrait répondre aux
sept questions?
M. Côté (Charlesbourg): Oui. On va les prendre une
par une, question par question. La première: Le ministère
réalisera-t-il un redéploiement des services de santé et
des services sociaux à partir d'objectifs ou se limitera-ton aux
habituels réaménagements de structures auxquels le passé
nous a habitués et dont les résultats sont pour le moins douteux?
C'est clair que oui, on aura des objectifs de résultats. Est-ce qu'on en
aura dans tous les domaines? Je pense qu'il va falloir progresser et vivre nos
expériences aussi de façon que, si on veut tout prendre en
même temps, on risque d'arriver nulle part. Il faudra y aller de
manière progressive avec des orientations que donnera le
ministère et le ministère va rester le maître d'oeuvre
à ce niveau-là, au niveau central de tout ça. Mais il y
aura, oui, définitivement, des objectifs de résultats et c'est
comme ça qu'on fonctionnera dans le futur. Et ceux des
établissements qui ne voudront pas procéder de cette
manière-là resteront sous-financés, resteront en
arrière.
Deuxièmement: L'arrêt des actions engagées dans le
cadre de l'élaboration du projet de politique de santé et de
bien-être est-il définitif? Si non, quand reprendront-elles?
Alors, j'ai un peu répondu à ça tantôt. Pas 20 dans
seize régions, ça fait 320 ça, on n'en serait à peu
près jamais sortis. Et il n'y a pas des experts partout dans toutes les
régions, sur tous les sujets, ce n'est pas vrai. Donc, il s'agit de
trouver ce qu'il y a de meilleur au Québec dans les domaines
spécifiques au niveau des objectifs, les mettre en place très
rapidement au niveau du vieillissement et au niveau de la jeunesse et en
ajouter d'autres en cours de route. Mais les deux priorités qui seront
très, très prochainement, dès que la commission
parlementaire sera terminée, mises en place seront: vieillissement, dans
un premier temps; deuxièmement, jeunesse. Et on verra, par la suite, en
termes de cheminement.
Troisièmement: Le ministère inscrira-t-il au c?ur de
chacun des objectifs de santé et de bien-être la réduction
des écarts de santé entre les plus démunis et les mieux
nantis? Ça m'apparaît d'une évidence même. S'en
étant parlé... Évidemment, on travaillera sur la
réduction des écarts, c'est là-dessus qu'il faudra
travailler. Et, à partir de ça, tout ce qu'on s'est dit, on s'est
uniquement donné des objectifs, c'est encore théorique, c'est
dans le comment on va réussir à les atteindre et, à ce
niveau-là, les discussions sont encore à faire parce que beaucoup
d'idées ont été échangées. Mais il faudra,
un de ces jours, finir par terminer les discussions.
Quatrièmement: Le ministère prévoit-il
développer des programmes de formation pour les professionnels et les
intervenants du réseau afin d'améliorer leur connaissance, leur
compréhension et leur approche des populations
défavorisées, non pas seulement pour leur livrer nos messages
santé mais pour trouver avec elles des solutions à leurs
difficiles conditions de vie? Je dois vous dire que mon étonnement, en
arrivant au ministère, c'est qu'au niveau du gouvernement du
Québec, sur le plan de la formation, il y a le tiers-monde, puis le
tiers-monde, c'est le ministère de la Santé et des Services
sociaux vis-à-vis de son monde par rapport à l'Éducation.
Lorsque vous comparez les deux là, c'est une véritable
catastrophe pour le réseau de la Santé et des Service sociaux. Et
ça, définitivement, il y a des réajustements
extrêmement importants à faire alors qu'il y a 250 000 personnes
qui travaillent dans le réseau et qu'il y a des cadres
supérieurs, des cadres intermédiaires qui ne demandent pas mieux
que d'être formés. Et ça, je pense que ça
m'apparaît une condition sine qua non, la réussite du virage qu'on
tente de faire. Donc, dans mon livre à moi, la question ne se pose
même pas, il faudra le faire.
Cinquièmenent: Le ministère entend-il soutenir
l'organisation communautaire qui apparaît comme une pratique pivot pour
promouvoir des programmes de santé communautaire visant les groupes
défavorisés ou pour aider ces groupes à prendre en main
leur santé? Il y a eu des efforts de faits au cours des dernières
années. On se rend compte, à entendre les groupes communautaires,
que ce n'est pas suffisant. Je pense qu'il faudra faire des efforts
additionnels. Évidemment, ça tranche un peu avec ce qu'on a
entendu ce matin de la part d'un grand syndicat vis-à-vis des groupes
communautaires. Ils ont leur place, ils doivent occuper leur place en
complémentarité avec le réseau et eux aussi devront...
Parce qu'ils ont le choix de choisir leur action et on aura le
choix, quant à nous aussi, de subventionner ou de ne pas
subventionner en fonction des objectifs. Et, si on se donne des objectifs de
santé, ce n'est pas pour qu'une partie de ceux qui vont
bénéficier de l'argent du gouvernement y échappe. Et
ça m'apparaît très évident et ça devra
être en parfaite harmonie avec ce que nous faisons, en tenant compte
parfaitement de l'autonomie des groupes communautaires et de leur
capacité de répondre à des besoins qui autrement, s'ils
étaient comblés par l'institutionnel, coûteraient une
fortune. je ne sais pas si çp répond à la question
là. (21 heures)
Sixièmement: Lors de l'attribution des ressources humaines et
financières pour le développement des services d'intervention en
promotion de santé ou de programmes de recherche pour le soutien aux
organismes communautaires, le ministère se dotera-t-il de
mécanismes permettant de prioriser les personnes
défavorisées? Je pense que oui, non pas seulement je pense mais
on doit. Quand on parie de défavorisés, ça m'interpelle
dans deux sortes de défavorisés. D'abord, les régions les
plus pauvres. Quand on parie de défavorisés, ça peut
être des individus, mais ça peut être aussi des
régions, sur le plan budgétaire, défavorisées de
médecins spécialistes, défavorisées de
médecins généraux, défavorisées sur le plan
des enveloppes budgétaires, et ça aussi, c'est extrêmement
important quand on parie de défavorisés. Par le fait même,
ça a une répercussion au niveau des bénéficiaires
dans chacune de ces régions. Mais je sais que votre question est encore
plus spécifique que ça au niveau des défavorisés
eux-mêmes comme individus. Je pense que c'est un objectif qu'on doit
envisager lorsqu'on reverra nos structures et nos programmes au niveau des
services communautaires. Ça me paraît être un angle
très intéressant. Si on se questionne de la manière dont
on se questionne aujourd'hui, si l'enquête Santé-Québec
nous dit qu'effectivement il y a un lien direct et bien identifié, au
niveau du Québec, quant aux revenus des individus et leur santé,
bien, en tout cas, je pense que l'action devra suivre la photographie qu'on a
prise à un moment X qui, elle, continue d'évoluer. Il faudra se
donner le moyen d'être capables de suivre cette évolution et
aussi, finalement, si on veut être capables de diminuer ces
écarts, reconnaître que, sur le plan des organismes
communautaires, il y a des choses à faire de ce
côté-là.
Septièmement: Le ministère développera-t-il des
mécanismes d'action à l'intérieur de sa propre
organisation et à l'extérieur avec d'autres partenaires
gouvernementaux, tels le ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, le ministère des Affaires municipales
et bien d'autres, afin d'atteindre une plus grande équité? Quand
on parie de vieillissement, en particulier, avec tous les problèmes que
ça suppose, quand on parie de pauvreté, ça n'interpelle
pas unique- ment le ministère de la Santé et des Services
sociaux, ça interpelle le gouvernement. Au premier titre, le
ministère de la Santé et des Services sociaux mais, à des
titres tout aussi importants, les ministères que vous évoquez
là. Quand on parie d'une politique et d'un objectif de vieillissement,
on ne la fera pas en cercle clos avec le ministère de la Santé et
des Services sociaux. Les autres ministères impliqués au niveau
du gouvernement devront être des partenaires. À ce
moment-là, ça deviendra une politique non pas du ministère
de la Santé et des Services sociaux mais une politique gouvernementale,
et ce sera peut-être davantage plus rassurant. Je ne sais pas si
ça répond à vos questions.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je pense
que vous vouliez ajouter un petit quelque chose, monsieur.
M. O'Neill: Peut-être un dernier commentaire. On vous
remercie beaucoup d'avoir pris la peine de répondre à nos
questions. Ça nous fait bien plaisir. Et je pense que vous pouvez
compter sur l'appui de l'Association pour la santé publique qui, depuis
déjà presque 50 ans, comme plate-forme neutre, travaille à
essayer de promouvoir ces choses. Dans toute la mesure de nos maigres moyens,
nous aussi, notre collaboration peut vous être assurée dans ces
domaines. Merci beaucoup.
M. Côté (Charlesbourg): Une minute, M. le
Président. J'en aurais une autre parce que... À la page 5 de
votre mémoire...
M. Chevrette: Je voudrais remercier mes collègues, avant,
de nous avoir permis de répondre à vos questions.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): À la page 5, premier
paragraphe, dernière phrase, vous dites: "De plus, plusieurs travaux de
recherche nous ont appris que les attitudes et les perceptions des
professionnels de la santé à l'égard des milieux
défavorisés s'avèrent très déterminantes
dans le succès ou l'échec des interventions
développées." Évidemment, c'est très
conséquen-tiel comme phrase. J'aimerais en savoir un petit peu plus
parce que, dit comme ça, c'est lourd. J'aimerais peut-être que
vous m'expliquiez davantage cette phrase.
Mme Colin: On a voulu dire par là, si vous voulez...
Ça fait état de constatations qu'on a faites au cours
d'enquêtes ou de recherches qu'on a faites avec les professionnels ou les
personnes du réseau. Il ne s'agit pas évidemment de mettre le
blâme sur les intervenants eux-mêmes qui font souvent tout ce
qu'ils peuvent et
même plus qu'ils ne peuvent auprès des personnes
défavorisées. Mais ce qu'on a remarqué, c'est que, pour
que des interventions soient vraiment efficaces, pour qu'elles fassent leurs
preuves en milieu défavorisé, il faut, d'abord et avant tout,
qu'H y ait une relation de confiance qui s'établisse entre les gens
démunis et les intervenants. C'est-à-dire que les gens
démunis sachent qu'ils ont en face d'eux quelqu'un qui veut les
accompagner dans leur démarche par rapport à la santé et
qui n'est pas d'abord là pour les blâmer ou pour donner des
conseils qu'ils ne sont pas capables de mettre en pratique.
Par exemple, si on prend l'alimentation pendant la grossesse, c'est
sûr qu'un intervenant qui est peu averti des conditions de vie des gens
défavorisés peut donner des conseils facilement comme boire plus
de lait, plus de légumes ou d'autres aliments, arrêter de fumer,
etc. S'il n'y a pas une connaissance du milieu défavorisé, s'il
n'y a pas une connaissance des contraintes de vie qui font que c'est difficile
d'arrêter et que ça ne peut pas se faire seulement sur la base
d'un conseil transmis, ça ne donne rien. Même, au contraire,
ça pénalise encore les gens parce que ça les culpabilise.
Ils sont comme tout le monde, ils reçoivent avec beaucoup de
culpabilité les conseils qu'ils ne peuvent pas appliquer. Ce qu'on a
remarqué, c'est que dans le cas contraire, dans le cas où les
intervenants ont été formés à l'approche en milieu
défavorisé, ont été formés à
réviser un peu leurs valeurs, à réfléchir sur leurs
préjugés et à voir d'un oeil peut-être nouveau ou
neutre les personnes qui sont en face d'elles, dans ces cas-là, on a
vraiment des succès très très impressionnants et, en plus,
on a une satisfaction des intervenants au travail, c'est-à-dire qu'au
lieu d'avoir des intervenants qui sont souvent démotivés... C'est
très difficile de travailler auprès des milieux
défavorisés et ça conduit, s'il n'y a pas un soutien de
l'institution et aussi du groupe, s'il n'y a pas un travail en équipe
multidisciplinaire, ça conduit à deux extrêmes qui sont
soit l'indifférence, où on dit: Dans le fond, on ne peut rien
pour eux, et puis on n'est pas capables, ou ça conduit, au contraire, au
"burnout". Pour éviter cela, je crois qu'un travail en équipe,
avec une formation continue de base et une formation à l'approche de ces
milieux-là, est absolument indispensable.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr Colin. M. O'Neill:
Peut-être un complément à la...
Le Président (M. Joly): Très brièvement,
nous avons déjà dépassé.
M. O'Neill: ...pas l'air à s'ennuyer trop trop.
Le Président (M. Joly): Un dernier commentaire,
peut-être.
M. O'Neill: O.K.
Le Président (M. Joly): Si c'est bref.
M. O'Neill: Oui, c'est très bref. Je prendrai
peut-être ma chaise d'universitaire scientifique. Ce que Christine vient
d'évoquer, il y a d'autres personnes qui sont en train de le
démontrer encore très précisément dans une
recherche où Christine est impliquée à l'heure actuelle,
ainsi que des gens du département de santé communautaire de
Sacré-Coeur, où on a vraiment - et c'est exceptionnellement
difficile et rare - été capables d'identifier, de travailler de
très près avec des femmes enceintes de milieux très
défavorisés. C'est un exploit méthodologique, ce qu'ils
ont fait là. À l'heure actuelle, c'est très clair. En tout
cas, je suis sociologue de formation et de déformation et ce qu'on a
vraiment vu, c'est qu'il ne faut pas juste... Ce n'est pas rien que souhaiter
aller travailler avec les milieux défavorisés ou les gens
défavorisés, il y a bien des bonnes intentions et des bonnes
ondes là-dedans, mais si on n'apprend pas... La différence
culturelle est tellement grande que, si on n'apprend pas comment faire
ça, on tombe facilement dans ce que Robert évoquait tantôt,
la stigmatisation. On n'avance pas, finalement, on recule, et on crée un
problème supplémentaire.
Le Président (M. Joly): Merci, M. O'Neill. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette
commission, merci beaucoup. Je demanderais aux représentants de la
Conférence des doyens des facultés de médecine du
Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Bonsoir, messieurs, bienvevue à cette commission. Vous connaissez
la procédure. Vous avez une vingtaine de minutes pour présenter
votre mémoire et, par après, les parlementaires se
réservent le privilège de vous poser quelques questions.
J'apprécierais si le porte-parole du groupe pouvait s'identifier et
aussi identifier les gens qui l'accompagnent.
Conférence des doyens des facultés de
médecine du Québec
M. Bureau (Michel): Merci, M. le Président. M. le
ministre, mesdames, messieurs de la commission parlementaire, mon nom est
Michel Bureau, je suis doyen de la Faculté de médecine de
Sherbrooke et président de la Conférence des doyens des
facultés de médecine du Québec. La
délégation des facultés de médecine est
composée du Dr Serge Carrière, doyen de la Faculté de
médecine de l'Université de Montréal; le Dr Cruess, doyen
de la Faculté de médecine de l'Université McGill; le Dr
Potvin, doyen de la
Faculté de médecine de l'Université Laval; le Dr
Jacques Des Marchais, vice-doyen de la Faculté de médecine de
Sherbrooke; le Dr Monaghan, vice-doyen à l'Université McGill; M.
Yvon Poirier, vice-doyen à l'Université de Montréal et M.
Pérusse, de la Conférence des recteurs des universités du
Québec.
M. le Président, les doyens des quatre facultés de
médecine du Québec remercient le ministère de son
invitation à présenter la réaction des facultés de
médecine à l'avant-projet de loi du ministère de la
Santé et des Services sociaux. Les doyens des facultés oe
médecine ont étudié lavant-projet de loi et ils
présentent la position commune des quatre facultés de
médecine du Québec. Dans la présentation de ce
mémoire, nous ne traiterons que brièvement des principes
généraux qui ont déjà fait l'objet de longs
débats de la commission parlementaire. Nous traiterons plus
spécifiquement des recommandations des facultés de
médecine et de leurs justifications. Nous laisserons amplement de temps
aux discussions.
D'abord, les facultés de médecine appuient fermement le
principe de la réforme proposée par le réseau de la
santé et des services sociaux. Les diverses philosophies
présentées par le rapport Rochon, surtout par le document
"Orientations" du ministère et par l'avant-projet de loi,
reçoivent, dans l'ensemble, l'appui des quatre facultés de
médecine. Nous appuyons sans réserve le principe de
régionalisation des services de santé et des services sociaux.
Cette décentralisation vise l'autosuffisance des régions. Les
doyens appuient également le principe de la concertation entre les
établissements de la santé où la
complémentarité entre les institutions permettra
d'améliorer la qualité des services offerts à la
population. Par ailleurs, les doyens pensent qu'il faut réviser le
projet de loi, de façon à permettre aux professionnels de la
santé de participer au conseil d'administration de leurs
institutions.
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, Dr Bureau, est-ce que
le mémoire que vous êtes en train de présenter est celui
que vous nous avez laissé, que vous nous avez donné?
M. Bureau: C'est une introduction au mémoire.
Le Président (M. Joly): Ah, bon! Parfait, merci.
M. Bureau: Avant de discuter des recommandations
spécifiques des facultés de médecine, quelques
commentaires préalables nous semblent nécessaires. D'abord,
quelle est la finalité des facultés de médecine? Ensuite,
quelle est la place occupée par les facultés de médecine
dans le réseau des services de santé et des services sociaux?
Enfin, quelques considérations sur les rôles
complémentaires du ministère de l'Ensei- gnement supérieur
et de la Science et du ministère de la Santé et des Services
sociaux.
Il nous semble utile de rappeler que la finalité des
facultés de médecine, c'est le maintien de la santé et le
recouvrement de la santé des bénéficiaires. Les
facultés de médecine ont deux moyens pour atteindre cet objectif,
soit l'enseignement et la recherche; un troisième s'ajoute, les soins
ultra-spécialisés. La première mission est de former les
professionnels de la santé sans lesquels le ministère de la
Santé et des Services sociaux ne saurait atteindre les propres objectifs
qu'il s'est fixés. La deuxième mission est la recherche qui fait
avancer les connaissances, permettant aux bénéficiaires de
profiter des nouvelles technologies médicales.
Les facultés de médecine dispensent la majorité de
leur enseignement dans les centres hospitaliers universitaires, dans les
instituts universitaires et dans les centres affiliés. Ces centres et
instituts deviennent de véritables campus d'enseignement. Dans les
hôpitaux d'enseignement, les professeurs médecins ou autres
professeurs soignent les malades en enseignant aux jeunes médecins ou
aux autres étudiants des sciences de la santé. C'est un
troisième moyen par lequel les facultés de médecine sont
au service des bénéficiaires.
La présence des missions d'enseignement est très
importante dans le secteur de la santé. Il y a, dans le réseau
des établissements de la santé, plus de 2000 médecins
professeurs, à temps complet ou à temps partiel, qui oeuvrent
dans 30 établissements universitaires et dans un bon nombre d'autres
centres affiliés sans statut universitaire, et cela, jusqu'en
région éloignée. L'impact est majeur. Les recommandations
spécifiques des facultés de médecine s'inscrivent dans
cette perspective où le réseau de santé et de services
sociaux est aussi un réseau de campus universitaires en sciences de la
santé où sont formés les professionnels de la santé
de demain.
L'avant-projet de loi ignore largement ce rôle du réseau
des services de santé. Dans les quelques commentaires qui vont suivre,
nous allons reprendre chacune des huit recommandations des facultés de
médecine et les situer dans leur contexte. Mais je ne veux pas lire le
mémoire que nous avons fait parvenir.
La première recommandation touche la révision de la
mission du réseau des services de santé et des services sociaux
en matière d'éducation et de recherche. L'article 3, onglet 6, du
ministère de la Santé et des Services sociaux élabore les
diverses missions des services sociaux et des services de santé. La
Conférence des doyens recommande que cet article soit
révisé; il pourrait se lire: "En concertation avec les
universités et le ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science, promouvoir la recherche et l'enseignement de façon
à mieux répondre aux besoins de la population." Dans les faits,
le
réseau de santé a ce réseau intégré
d'enseignement et de recherche et le ministère de la Santé et des
Services sociaux - les doyens le recommandent - devrait faire siennes et mettre
de l'emphase sur ces deux missions que sont l'enseignement et la recherche,
sans lesquelles la qualité de notre système de santé ne
serait pas maintenue et ne progresserait pas. (21 h 15)
La deuxième recommandation des doyens concerne la participation
universitaire aux conseils d'administration du réseau des services de
santé et des services sociaux. L'avant-projet de loi exclut largement la
participation des professionnels de la santé. La Conférence des
doyens recommande que, partout où il y a des CH, ou des
établissements affiliés, ou des établissements liés
par lettre d'entente avec une université avec l'approbation du ministre,
la loi prévoie que les conseils d'administration incluent des membres
désignés par les universités concernées, pour
permettre aux universités de bien jouer leur rôle. Nous
recommandons donc qu'on prévoie inclure un partenaire venant des
universités. Il en va de même pour la participation aux conseils
d'administration des régies régionales et aux conseils
d'administration des CHU. La Conférence des doyens recommande donc la
révision de la composition des conseils d'administration de la
régie régionale pour y inclure un universitaire, de même
qu'une consultation appropriée avec l'université dans le
processus de nomination des directeurs généraux des CHU, des
instituts universitaires et des CH affiliés, de façon à
favoriser la participation et la concertation avec l'université.
La recommandation suivante concerne les budgets des centres hospitaliers
universitaires et des instituts universitaires. Les doyens réaffirment
le principe que l'allocation des budgets des CHU vienne directement du
ministère. Les régies régionales ne sont pas responsables
de ces missions d'enseignement et de recherche et sauraient mal défendre
les intérêts du ministère et des universités dans ce
domaine. Le contexte de cette recommandation est que la connaissance des
régies régionales ne serait jamais suffisante pour assurer
adéquatement cet objectif qui fait partie des objectifs du
ministère. Elles ne sont pas non plus responsables du maintien de la
qualité de l'enseignement et de la qualité de la recherche dans
le réseau des affaires sociales. Il serait donc difficile de
prétendre leur donner la capacité d'allouer le budget si elles ne
sont pas responsables de la qualité des services rendus en cette
matière d'enseignement et de recherche.
Enfin, la cinquième recommandation des doyens est celle-ci:
réviser les articles 34 et 153, qui traitent de la désignation
des centres hospitaliers universitaires, des centres hospitaliers
affiliés ou des centres hospitaliers par lettre d'entente, pour inclure
la participation du ministère de l'Enseignement supérieur et de
la
Science et de l'université concernée dans la
désignation du CHU et la désignation de l'établissement
affilié ou de l'établissement lié par lettre
d'entente.
La recommandation suivante a trait à l'éligibilité
aux divers conseils d'administration. L'article 57 exclut, à toutes fins
pratiques, des conseils d'administration de tout établissement, non
seulement les médecins actifs, mais tout professionnel de la
santé qui oeuvre dans le réseau. Les doyens trouvent que le
ministère se prive d'expertises très utiles et recommandent que
l'article 57 de la loi soit assoupli, stipulant qu'un universitaire
désigné pour participer au conseil d'administration demeure
eligible même s'il touche des revenus de la RAMQ, à condition que
sa source principale de revenus ne soit pas dérivée de la
Régie de l'assurance-maladie. Ceci s'applique aussi aux autres
professionnels de la santé. En pratique, presque tous les
universitaires, à l'exception des quatre doyens des facultés de
médecine, tous les universitaires médecins ont quelques revenus
qui sont dérivés de la RAMQ. La disposition de la loi telle
qu'écrite élimine, à toutes fins pratiques, tout le monde
de la participation et nous croyons que le ministère se prive ainsi
d'une expertise qui pourrait lui être utile.
Enfin, notre septième recommandation touche la rationalisation
des services spécialisés. L'article 155 stipule que le ministre
peut rationaliser les services spécialisés et qu'à cet
effet il prendra sa décision après avoir consulté la
régie régionale. La Conférence des doyens recommande que
l'article 155 soit révisé pour inclure les consultations avec les
universités appropriées.
La dernière recommandation de la Conférence des doyens
touche les dons, les legs et les subventions. Il s'agit des articles 169
à 173. La Conférence des doyens recommande un assouplissement de
ces articles de la loi de façon à permettre aux institutions le
développement de T'entrepreneurship" requis pour mobiliser les fonds
privés qui, par les retombées sur la recherche et l'enseignement,
profiteront à l'ensemble du réseau des services de santé
et des services sociaux. Ce que les doyens veulent souligner ici, c'est
rentrepreneurship" et la capacité de mobiliser, du secteur privé,
un financement qui profitera aux missions universitaires, en particulier celles
de l'enseignement et de la recherche, et qui, bien sûr, aura toutes
sortes de retombées sur les services de santé directement
donnés dans les centres universitaires.
Ce sont là les huit recommandations communes des facultés
de médecine. Faute de temps, les quatre mémoires
spécifiques qu'ont envoyés les quatre facultés de
médecine ne seront pas discutés ici, sauf lors de la
période de question.
En conclusion, les facultés de sciences de la santé
rappellent au ministre qu'il joue un rôle
majeur dans presque tout le réseau de la santé et que ces
facultés doivent être perçues par le ministère comme
des partenaires majeurs à la disposition du ministère dans la
recherche de solutions appropriées aux multiples problèmes du
réseau. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr Bureau. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je pense que c'est probablement peu dire que de mentionner
que la présence des doyens des facultés de médecine
à cette commission parlementaire est un moment très attendu,
compte tenu des discussions que nous avons eues jusqu'à maintenant avec
les 110 intervenants qui vous ont précédés et compte tenu
aussi de la nature des échanges que nous avons eus avec les recteurs la
semaine dernière qui, possiblement, à un certain moment
donné, s'ennuyaient de ne pas avoir leurs doyens des facultés de
médecine. Il est clair dans mon esprit qu'il faut renforcer le
partenariat et la complémentarité entre le ministère de la
Santé et des Services sociaux et les doyens des facultés de
médecine, compte tenu des problèmes que nous éprouvons
maintenant à solutionner plusieurs problèmes que notre
réseau de système de santé a et qui sont davantage
reliés au niveau des médecins, médecins en région.
Il m'apparait donc très évident que nous devrons, au cours des
prochaines semaines, des prochains mois, resserrer, tel qu'on se l'est dit dans
des rencontres privées, les liens et être complémentaires,
davantage complémentaires en ce qui concerne votre mission et la
nôtre, et dans les deux sens; ça va à la fois pour le
ministère dont j'ai la responsabilité et aussi pour
l'Enseignement supérieur et la Science, chapeau sous lequel vous
êtes. Évidemment, je pourrais facilement reprendre chacune des
recommandations que vous avez incluses dans votre mémoire quant à
la participation sur des comités et à une présence. Et,
lorsqu'on parle d'être complémentaires et partenaires, je pense
qu'on devra revoir un certain nombre de choses à ce niveau-là
pour s'ajuster.
Mais, je préfère profiter de l'occasion qu'on a pour
échanger, pour aborder des points chauds: les CHU et les instituts
universitaires. À l'intérieur du document d'orientation, le
ministère avait senti le besoin d'identifier quatre critères
pouvant mener à la sélection d'un centre hospitalier
universitaire ou d'un institut. Il y avait les services
ultra-spécialisés, la formation, la recherche et
l'évaluation des technologies. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion
de vous pencher sur ces quatre critères, mais est-ce qu'ils vous
apparaissent complets ou suffisamment élaborés pour permettre de
faire ce choix que nous devrons éventuellement faire quant aux centres
universitaires et aux instituts et, si c'était possible, savoir, de
votre point de vue à vous, quel est l'ordre de priorité dans
lequel nous devons ranger les quatre critères, si vous acceptez les
quatre critères, me laissant, bien sûr, le soin, vous le disant
tout de suite, de vous dire qu'au niveau de îa santé et des
services sociaux le un, le deux, le trois ou le quatre peut être
différent de ce que vous avez, et je comprendrai pourquoi, parce que
vous avez davantage une mission de formation?
M. Bureau: Bien sûr que notre première mission,
à la faculté de médecine, c'est l'enseignement, la
recherche, les soins ultra-spécialisés et, après cela,
l'évaluation des technologies. Ce sont quatre critères bien
identifiés et que nous acceptons tous. Je laisserai mes confrères
doyens commenter là-dessus.
M. Carrière (Serge): Je pense qu'il est difficile de
dissocier les quatre critères les uns des autres à cause des
interrelations très étroites qui existent entre l'un et l'autre.
Il est évident que, si nous voulons donner la meilleure formation dans
un milieu, nous avons besoin des chercheurs pour appuyer cette formation, pour
rompre les gens que nous formons à l'esprit critique qu'apporte la
recherche dans un milieu et, également, parce que ces gens, qui ont une
formation de recherche et qui donnent la formation, sont ceux qui sont rompus
aux techniques ultra-spécialisées, qui peuvent rendre des
services ultra-spécialisés et qui, en même temps, sont les
mieux qualifiés pour évaluer la technologie.
Partant de là, je pense que, si on définit un centre
hospitalier universitaire ou un institut universitaire, eh bien, les quatre
critères sont très bien choisis. Évidemment, ceci
restreint le nombre d'institutions qui peuvent répondre à ces
critères. Il y a d'autres institutions qui peuvent répondre en
partie à ces critères, ceux qu'on peut appeler les centres
hospitaliers affiliés qui peuvent rendre certains services parce qu'ils
ont des services de pointe, peut-être, dans certains services, même
ils répondent moins complètement à tous ces
critères. Ces milieux, par contre, sont extrêmement importants
aussi pour la formation, puisque nous ne formons pas uniquement des
médecins qui seront appelés à rendre des services
ultra-spécialisés et que nous ne formons pas uniquement des
médecins qui devront être des chercheurs, mais que nous devons
former également des médecins qui devront répondre aux
besoins quotidiens de la médecine et aux services que l'on doit rendre
à la population, soit des services davantage généraux.
Donc, un centre hospitalier universitaire ou un institut universitaire,
oui, doit répondre à ces quatre critères, mais
également d'autres institutions sont nettement nécessaires
à la formation de nos étudiants dans un contexte, encore une
fois, moins global que celui que l'on réserve à un
centre hospitalier ou à un institut universitaire.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'avais compris,
c'est que, dans le cas des quatre critères, c'était essentiel
à la reconnaissance d'un CHU. Mais, si un établissement
répondait à un, deux ou trois critères, il pouvait
être reconnu comme institut, si j'ai bien saisi l'essence du message qui
était dans les orientations. Est-ce que vous diriez aujourd'hui que, sur
le plan des centres hospitaliers universitaires aussi bien que des instituts,
on en a trop et qu'on devrait rationaliser, à partir de ces
critères?
M. Bureau: Dr Carrière? Dr Cruess?
M. Cruess (Richard L): Maintenant, il y a juste une classe
d'hôpitaux universitaires, du point de vue du ministère. Ça
ne correspond pas à la réalité. Nous avons, dans les
quatre réseaux, des hôpitaux universitaires qui correspondent aux
quatre critères, et je suis certain que les quatre doyens sont d'accord
avec cette définition. Mais, comme l'a dit le Dr Carrière, nous
avons besoin, nous ne pouvons pas fonctionner - pas les hôpitaux
communautaires, parce qu'ils sont plus que ça - sans les hôpitaux
qui, pour nous, correspondent à la réalité de la pratique
de la médecine dans le champ, qui ne sont pas des hôpitaux
ultra-spécialisés. Nous, nous formons les médecins et les
autres professionnels pour la réalité et nous ne pouvons pas
fonctionner sans ces institutions. (21 h 30)
Dans la plupart des cas, ils satisfont juste à un des
critères. Elles sont d'excellentes institutions pour l'enseignement
médical, de tout le domaine médical. Pour beaucoup de ces
institutions, c'est une nouvelle fonction, depuis 15 ou 20 ans. Quand les
facultés de médecine ont augmenté le nombre
d'étudiants, nous avons eu besoin d'autres facilités. Les
institutions ont travaillé très fort pour répondre
à ces demandes, les institutions elles-mêmes sont meilleures
à cause de ces efforts et nous devons reconnaître cette fonction.
Votre première question était, si je l'ai bien comprise: Est-ce
qu'on peut donner une priorité parmi les quatre critères? Je suis
certain que, pour tous, l'enseignement c'est la fonction primaire, mais, dans
les années quatre-vingt-dix, si on veut enseigner la médecine
ultra-spécialisée, probablement que c'est nécessaire
d'être capable de répondre aux quatre critères.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais aborder la question
que vous évoquez dans votre mémoire et que d'autres ont
évoquée aussi: le financement des CHU directement par le
ministère, dans la mesure où on va aller vers des régies
régionales, avec plus de pouvoir. Évidemment, dans les CHU, il y
a une certaine inquiétude, certaines appréhensions à
l'effet qu'éventuellement leur budget pourrait dépendre des
régies régionales. Je vais prendre l'exemple de Montréal.
Comment va-t-on faire la régionalisation avec plus de pouvoirs
décentralisés, si, demain matin, on devait soustraire les CHU et
faire en sorte qu'ils dépendent directement du ministère? On se
retrouverait dans la situation où 40 % des lits de la ville de
Montréal ne seraient pas assujettis à la régie
régionale, 50 % du budget, 60 % des médecins, sachant que les CHU
donnent des services, pour 85 %, à des résidents de la ville de
Montréal. Est-ce que, dans ces conditions-là, on peut
véritablement penser que les CHU puissent dépendre, sur le plan
financier, du ministère? Et est-ce que ce n'est pas voué à
l'échec, demain, une régie régionale qui aurait à
s'occuper de la ville de Montréal?
M. Bureau: Dr Carrière.
M. Carrière: II faut peut-être distinguer. Je pense
que vous avez raison, en ce qui concerne les soins régionaux rendus par
les CHU. il peut sûrement y avoir une dépendance régionale.
Par contre, les CHU rendent des services qui dépassent nettement leur
région, ils rendent des soins ultra-spécialisés qui
dépassent nettement leur région et, également, ils peuvent
être impliqués dans l'évaluation des nouvelles
technologies, des nouvelles techniques, et ceci dépasse nettement les
régions. Cette composante pourrait sûrement être
identifiée et dépendre d'une régie qui dépasse la
régie régionale - qu'on l'appelle soit la régie
provinciale ou directement du ministère - et ne pas dépendre de
la régie régionale. Parce qu'on le mentionne, par exemple, dans
le cas de certains hôpitaux pédiatriques; les hôpitaux
pédiatriques de Montréal, les soins qu'ils rendent à la
population régionale sont plus près de l'ordre de 40 % et plus
près de l'ordre de 50 % à 60 % pour les soins
extrarégionaux. C'est dans ce sens qu'une dynamique doit sûrement
être trouvée pour prendre soin des deux composantes.
J'aimerais peut-être également revenir un petit peu en
arrière, à la question précédente, dans le cas des
CHU. Eh bien, sûrement que la concentration des CHU, si on regarde la
situation actuelle, si on demandait, dans la situation actuelle, de concentrer
davantage les enseignements et les quatre vocations qui se font dans les CHU,
avec le système de financement actuel, je pense que nous aurions de
sérieux problèmes. Les CHU répondent à leur
mission, actuellement, souvent en fermant des lits, en diminuant le ratio, par
exemple, personnel-patient et en faisant certaines concessions ou compressions
sur les soins qu'ils rendent. Si on demandait de concentrer davantage, sans,
également, revoir la formule de financement de ces CHU, je pense qu'on
vouerait le système à l'échec. Je pense que c'est une
constatation que l'on doit faire et que l'un ne va pas sans l'autre. Il faut
repenser le
système de financement en repensant le système de
concentration.
Quand on parle de concentration, il y a les CHU et il y a
également le rôle des autres institutions. Les facultés de
médecine, il faut s'enlever de l'idée qu'elles ne
répondent qu'aux besoins des étudiants en médecine,
à la formation des futurs médecins. Les facultés de
médecine sont également responsables, par exemple, des soins de
réadaptation et de la formation des étudiants en
réadaptation. À l'Université de Montréal, nous
devons faire affaire avec environ 90 institutions où envoyer des
stagiaires en réadaptation. Si vous nous demandez s'il y a
possibilité de concentrer et de mieux rationaliser nos ressources,
certainement qu'il y a moyen de le faire, mais on est loin de concentrer, en
même temps, également, les CHU. Il y a différentes
opérations à faire. Il y a sûrement une opération de
rationalisation, mais celle-ci devra passer, également, par une
meilleure rationalisation des ressources disponibles au milieu.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que la distinction
est bonne. J'apprécie la réponse très franche sur la
question quant à Montréal et à l'ouverture d'esprit au
niveau d'une région. L'extrarégional, bien sûr, pose un
problème particulier qu'il faudra regarder.
Abordons le problème de la formation. Dans la rencontre
privée que j'ai eue avec vous tous, il y a un élément qui
m'a frappé. Vous nous avez mis en garde contre le danger qui nous
guettait au sujet du vieillissement du corps professoral et des chercheurs.
C'est un élément assez important et il nous faut être
capable de garder une certaine masse extrêmement importante pour les
fonctions de recherche, les fonctions d'enseignement qui vous
préoccupent et on doit en tenir compte dans les allocations ou dans le
nombre de médecins qu'on doit former chaque année, compte tenu du
temps que ça prend entre le moment où ils entrent à
l'université et le moment où ils sortent gradués et
spécialisés.
Je vous pose la question parce que, s'il y a une question qui a
dominé nos travaux jusqu'à maintenant, une préoccupation
constante de toutes les régions du Québec, c'est celle des
effectifs médicaux. Ça, c'est extrêmement important comme
questionnement, à un point tel qu'il semble y avoir presque un
consensus, maintenant, à savoir qu'on devra décentraliser
l'enveloppe de la RAMQ au niveau régional comme étant un des
moyens d'avoir, dans les régions du Québec, des médecins
généralistes et des spécialistes, pour être capables
de donner les services à ces populations.
Je vous pose la question: Est-ce qu'aujourd'hui on forme suffisamment de
médecins pour être capables de faire face à nos besoins de
demain, tant en ce qui concerne les omnis que les spécialistes? Je
reviendrai tantôt sur des questions un peu plus pointues parce qu'au
niveau de l'ultraspécialité ça apparaît un des
problèmes de notre réseau, actuellement, mais on y reviendra
tantôt. Forme-t-on suffisamment de médecins aujourd'hui pour
être capables de faire face aux défis de demain, compte tenu des
objectifs qu'on se donne au niveau de la santé?
M. Bureau: La réponse à votre question est
nécessairement très complexe parce que toutes sortes de variables
arrivent en même temps. Les médecins de demain seront
probablement, pour plus de la moitié, de sexe féminin. La
façon de pratiquer la médecine, le nombre d'heures au travail, la
vie sera différente. Il y a le vieillissement de la profession
médicale elle-même et il y a aussi l'émergence de nouvelles
spécialités, comme la génétique médicale qui
aura une place prépondérante au tournant du siècle, pour
lesquelles des effectifs médicaux seront drainés dans de
nouvelles disciplines. Quand nous regardons l'ensemble du nombre de
médecins formés, compte tenu de' toutes ces variations, on forme,
selon l'avis des doyens, à peine le nombre pour satisfaire les besoins
actuels. Est-ce que ce nombre est suffisant pour assurer qu'il y ait des
médecins omnipraticiens et spécialistes qui s'installent en
région? À ce stade, risquons une réponse, on dirait oui,
on dirait qu'on devrait être capable d'avoir suffisamment de
médecins pour équiper les régions, mais pas
d'excès, je suis sûr. C'est une réponse prudente que vous
avez, on ne peut pas vous donner autre chose, et vous le comprenez.
Comment envoyer nos médecins en région? C'est un
problème que nous partageons tous ensemble et nous n'avons pas
trouvé la solution. Je sais qu'il y a une rencontre prévue entre
le ministre de la Santé, le ministre Ryan et les quatre doyens pour
essayer d'élaborer des solutions à cette difficulté qu'on
n'a pas encore réussi à résoudre. Les finissants des
facultés de médecine, quel que soit le moyen pris jusqu'à
maintenant, un peu coercitif, un peu incitatif, on réussit à
peine à assurer un approvisionnement de spécialistes en
région. Pour les omnipraticiens, une bonne partie du problème est
déjà résolu si les statistiques sont correctes.
M. Côté (Charlesbourg): Je me permettrais...
Oui.
M. Bureau: Or Potvin.
M. Potvin (Pierre): M. le ministre, je voudrais ajouter un
commentaire. Les facultés de médecine ont été
sensibles à cette question de répartition des effectifs
médicaux. En particulier, des efforts ont été faits pour
développer de la formation en région. À Laval, il y a
eu... Il y a cette unité de médecine familiale à Rimouski
et il y a des stages en région. Je pense que les autres doyens, aussi,
pourraient en faire état.
Il y a d'autres initiatives qui n'ont pas
abouti mais pas par la faute des facultés de médecine. Je
compte que nous aurons l'occasion d'examiner ces divers moyens avec vous et
avec le ministre Ryan, mais je ne voulais pas laisser l'impression que rien ne
s'était fait.
M. Côté (Charlesbourg): Nous non plus, d'ailleurs,
ce n'est pas l'impression qu'on veut... Il y a eu beaucoup d'efforts de la part
du gouvernement, avec des mesures incitatives, de la part des facultés
de médecine et de la part des régions, aussi, pour sensibiliser
les médecins en formation à s'implanter en région avec
toutes sortes de techniques. Il reste qu'on est devant un cul-de-sac et
qu'effectivement on ne réussit pas à remplir les effectifs
médicaux reconnus au niveau de chacune des régions du
Québec. On a des problèmes assez importants.
Est-ce que... Vous avez probablement vu la déclaration du Dr Roy
qui date de quelques jours où lui nous annonçait une
pénurie de chirurgiens généraux...
Une voix: Pas Augustin Roy.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, pas Augustin Roy,
celui qui est le président de l'Association. Il nous prédisait un
problème assez important: les chirurgiens généraux. Le
problème de Mont-Laurier, c'est un problème de chirurgiens
généraux. Le problème de Rivière-du-Loup, c'est la
même chose. Le problème de toutes les régions du
Québec, c'est ce problème-là.
Est-ce qu'on constate qu'il y a suffisamment d'efforts pour former des
chirurgiens généraux ou si on ne met pas trop d'efforts dans
l'ultraspécialisation? Je pense qu'on a, au cours des dernières
années, formé davantage d'ultraspé-cialistes dans le
domaine de la chirurgie qui, effectivement, n'iront pas pratiquer en
région parce que l'attrait des grands centres, avec des
équipements beaucoup plus sophistiqués, fait en sorte qu'ils vont
davantage dans les grands centres.
Est-ce qu'il n'y a pas un questionnement très important à
faire sur l'attribution des postes par spécialité et sur le fait
de revenir à la formation d'un plus grand nombre d'internistes, de
chirurgiens généraux, ou si je me trompe?
M. Cruess: M. le ministre, c'est une question bien bien
compliquée. Je suis conscient que toutes les quatre facultés ont
essayé d'établir les programmes pour former des chirurgiens
généraux pour les régions éloignées. Je peux
poser une question ou peut-être faire un commentaire. Il y a à peu
près assez d'omnis dans les régions éloignées. Nous
n'avons pas soulevé ce problème puisque le point est qu'on a
formé probablement plus d'omnis qu'il n'y a de besoins au Québec.
(21 h 45)
Maintenant, c'est clair que nous ne formons pas assez de
spécialistes et de chirurgiens généraux pour les besoins
du Québec. Je ne suis pas certain que ce sera possible de convaincre les
jeunes qu'ils doivent pratiquer dans les régions éloignées
parce que les grandes villes sont pleines. Un autre point, à cause du
décret, il y a beaucoup de spécialités ciblées. On
ne peut pas transférer les postes d'une spécialité vers
une autre. La chirurgie générale, ce n'est pas une
spécialité ciblée. Il y a beaucoup de
spécialités ciblées et la marge de manoeuvre des
facultés est très très petite. Nous n'avons que
très peu d'entrées en spécialités et nous devons
remplir les spécialités ciblées. Si la chirurgie
générale... Si nous sommes en pénurie, ciblez la chirurgie
générale. Mais c'est clair qu'on ne peut pas transférer
les postes d'une spécialité; médecine interne,
obstétrique, anesthésie, psychiatrie, pédiatrie, toutes
sont ciblées. C'est la plupart de nos postes. On perd la marge de
manoeuvre de répondre aux besoins. C'est clair depuis beaucoup
d'années, la chirurgie générale est la plus vieille des
spécialités et on aura un grand problème.
M. Côté (Charlesbourg): On m'indique que mon temps
est terminé. On aura certainement l'occasion d'en discuter dans notre
rencontre avec M. Ryan. On fera certainement un bon bout de chemin lorsqu'on en
parlera. Merci bien.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais
émettre un commentaire et vous poser une question de fond, en ce sens
que la profession médicale étant la seule où il y a une
liberté totale de s'installer où ils veulent... Un médecin
sort de l'université, il peut s'en aller à Montréal,
même s'il y a un surplus de médecins à Montréal. Et
vous le savez fort bien, on a essayé avec 20 mesures incitatives, je
crois, avec un décret punitif en plus à Montréal, et
ça n'a pas donné les résultats escomptés. Est-ce
que vous croyez fondamentalement qu'on peut régler ce problème
sans y aller par des moyens coercitifs, entre guillemets, mais où les
universités pourraient, par exemple, assurer des postes
d'étudiants à ceux qui veulent véritablement aller oeuvrer
en région? Est-ce que ça pourrait être une solution, en
espérant qu'on pourra, sur une période de sept, huit à
neuf ans, dépendant qu'on est en médecine générale
ou en spécialité, régler les problèmes sur une
période à moyen terme?
M. Bureau: Vous partez d'une condition à l'admission des
étudiants en médecine..
M. Chevrette: Oui.
M. Bureau: ...disant: Vous êtes admis
conditionnellement...
M. Chevrette: Étant donné qu'on ne peut
pas forcer, nous dit-on, celui qui est entré dans le
système en toute connaissance des critères existants à ce
moment-là, donc, on change les critères pour ceux qui viendront.
Mais ils sauront les critères en rentrant, à savoir que, s'ils
viennent en médecine, ils ne pourront plus s'installer dans des endroits
où il y a surabondance de médecins par rapport aux endroits
où il en manque.
Je vais vous expliquer, Dr Bureau, pourquoi je dis ça. C'est:
Est-ce qu'on peut continuer, comme société, à se payer un
corps médical qui veut se concentrer là où il veut bien se
concentrer alors que la population du Québec, elle, est en droit - en
payant les mêmes impôts, où que tu sois au Québec -
de s'attendre à une équité dans les services
médicaux?
M. Bureau: Je comprends et nous partageons tous cette
inquiétude. Est-ce qu'on peut imposer aux conditions d'admission en
médecine un contrat qui oblige nos étudiants en médecine,
différemment des étudiants de droit ou d'autres disciplines,
d'aller professer leur profession dans un endroit désigné?
Jusqu'à maintenant, les facultés de médecine n'ont pas
fait cela.
M. Chevrette: Non, non.
M. Bureau: Nous savons très bien que des étudiants
en médecine viennent de tous les coins de la province et qu'à la
fin de leur formation ils ne retournent pas dans la région d'où
ils viennent. Je ne sais pas si ce ne serait pas une mesure très
drastique que de prendre celle-là. Le résultat...
M. Chevrette: Mais si on ne réussit pas, docteur...
M. Bureau: Le résultat serait connu dans dix ans, parce
que nos étudiants qui rentreraient en médecine à la
prochaine série d'admission, par exemple, sortiraient dans dix ans.
Est-ce qu'on n'a pas de chance de trouver de nouvelles solutions entre-temps?
J'espère que oui.
M. Chevrette: Je vous repose la question: Est-ce qu'on pourra
tolérer...
M. Cruess: Un commentaire: Vous avez dit, M. Chevrette, que les
médecins ont la liberté complète. Ce n'est pas vrai
maintenant. Il y a des plans d'effectifs, des effectifs, le quota pour les
régions universitaires, il y a des limites et ces limites sont
relativement nouvelles. Peut-être qu'il est préférable
d'attendre les résultats des nouvelles politiques qui sont en force
depuis seulement deux ans maintenant. Ça change lentement, le
système médical.
M. Chevrette: Oui, très lentement, vous avez raison.
M. Cruess: Oui.
M. Chevrette: Mais j'en reviens au principe de base. S'il y a une
concentration d'avocats sur un territoire, ils peuvent vivre plus maigrement
à cause du nombre de causes qu'il peut y avoir. Mais, au niveau de la
médecine comme telle, il y a des régions qui se ramassent avec un
médecin par 4no à 500 personnes et, d'autres régions, par
1000 personnes. Je n'ai pas les preuves, il faudrait demander à la RAMQ
de nous fournir les données, mais à ce qu'on nous dit, ça
ne change pas la masse salariale individuelle. Quand on fait la compilation, la
moyenne salariale est tout aussi forte dans les endroits où il y a un
médecin par 400 ou 500 âmes, par rapport à un
médecin par 2000. C'est donc dire qu'il y a un problème, il y a
un malaise et, si on ne le corrige pas, si on n'équilibre pas ça
au niveau de notre société, est-ce qu'on ne constitue pas
nous-mêmes, est-ce qu'on ne cautionne pas une iniquité au niveau
de nos contribuables qui, eux, paient les mêmes impôts? C'est
ça la question. Dans le fond, c'est une question de fond, une question
de principe, ce n'est pas une question de tomber à bras raccourcis,
parce que c'est la seule profession qui est payée à l'acte au
Québec, vous le savez comme nous.
M. Bureau: Dr Carrière.
M. Carrière: Je pense que le problème que vous
soulevez, les facultés de médecine en sont aussi conscientes que
vous, puis nous avons une responsabilité évidemment de former des
médecins pour répondre à l'ensemble des besoins de la
population. Il y a beaucoup d'autres intervenants également dans ce
dossier et je me demande si la seule façon de trouver une solution
à ce problème ne serait pas une vraie concertation entre les
intervenants. Au niveau des facultés, on a souvent l'impression que les
décisions sont prises, qu'on nous les impose et qu'on nous dit: Vous
faites ceci. Au niveau gouvernemental, si nous restreignons, par exemple,
l'entrée dans certaines spécialités de certains candidats,
parce que nous les considérons moins qualifiés et incapables de
répondre aux demandes d'une spécialité, vous avez
peut-être l'impression que l'on bloque de notre côté et
qu'on a un manque de bonne volonté pour essayer de former des
médecins pour aller en région, mais, d'aucune manière,
nous ne voulons former des médecins de deuxième catégorie,
non plus pour aller en région. Je pense, et je pense que c'est
partagé par mes collègues, les doyens, que la réponse se
trouvera dans une véritable concertation où on pourra vraiment se
pencher sur le problème réel et tâcher de trouver des
solutions qui peuvent être acceptables et réalisables par les deux
parties, parce que ce problème, on veut le régler autant que vous
avez à coeur de le régler.
M. Chevrette: II y a un vieux proverbe qui dit en droit que tu ne
fais pas indirectement ce que tu n'as pas le courage de faire directement ou
que tu n'as pas le droit de faire directement. La décentralisation de
l'enveloppe de la RAMQ pourrait avoir, à moins que je ne comprenne rien
au système, exactement le même effet, parce que, en disant: Vous
avez tant d'argent au niveau de telle région, et c'est un per capita en
tenant compte des distances et d'une série de facteurs... À ce
moment-là, si on dit à Montréal: II y a 2 000 000 000 $ ou
1 000 000 000 $ dans l'enveloppe, après, quand il n'y en a plus dans
l'enveloppe, qu'est-ce qui arrive? Nécessairement, ça deviendrait
un incitatif très grand pour les médecins de sortir de
Montréal pour aller là où il y a l'argent. À mon
point de vue, il y a des façons indirectes de faire, mais il y a aussi
des façons directes. Moi, je pense que quelqu'un qui est entré
dans le système en connaissance de cause, il savait où il pouvait
aller en entrant, c'est difficile de lui imposer quelque chose. Mais, celui qui
entre dans un système où on a changé les règles du
jeu, il sait au moment où il entre. On ne lui crée pas de
préjudice, on ne lui crée pas d'injustice. On lui dit purement et
simplement: Voici les nouvelles règles du jeu.
Est-ce que la Conférence des doyens est prête à
envisager ou à discuter sur une base du genre qui permettrait
peut-être d'en arriver à un consensus assez large au niveau de
notre collectivité? Parce que, au niveau des spécialités,
vous savez très bien qu'il y a un manque à gagner par rapport aux
plans des effectifs médicaux qui ont été faits à la
grandeur des CRSSS. Il y a énormément de manque de
spécialistes encore en région. Il manque quelques omnipraticiens,
mais il manque beaucoup de spécialistes, puis on ne réussit pas,
on ne réussit pas.
M. Carrière: Je pense que toutes les solutions sont
envisageables. Mais le danger d'une telle solution si on... Le plus grand
problème, je crois, qui se poserait, c'est que, lors de l'entrée
à une faculté de médecine, les étudiants sont
à peu près tous égaux et il est difficile de
prévoir celui qui deviendra vraiment meilleur que les autres. Et je
pense que ceci serait vraiment une position contre l'élitisme, dans le
sens que l'étudiant qui se sera engagé, dès le
départ, à retourner dans une région désignée
X, Y ou Z, si cet étudiant-là a un potentiel tout à fait
exceptionnel, je pense qu'on se priverait du développement d'un
étudiant d'une qualité exceptionnelle pour devenir celui qui peut
dispenser des soins ultraspécialisés, qui peut être un
enseignant de première classe et qui peut vraiment être à
la fine pointe de la technologie.
Alors, je pense qu'un tel système, avant de l'adopter,
mérite sûrement d'être pensé. Peut-être que le
système pourrait être raffiné et pensé et que les
étudiants qui sont vraiment plus méritants que les autres ou qui
ont plus de potentiel pourraient avoir un meilleur choix que ceux qui ont moins
de potentiel. Cela dit, je pense qu'il y a plusieurs alternatives qui doivent
être considérées. Mais je mettrais sûrement en garde
qui que ce soit de prendre une solution drastique, sans regarder toutes les
facettes du problème.
M. Chevrette: Au niveau de l'ultraspécialisa-tion, vous
semblez très inquiet du fait que les budgets pourraient être
régionaux ou qu'ils pourraient dépendre des régies. Mais
est-ce que vous ne croyez pas qu'il pourrait y avoir des contrats de services,
par exemple? On sait très bien qu'on ne pourra pas avoir un institut de
cardiologie dans l'ensemble des régions du Québec. Je ne pense
pas qu'on puisse penser qu'il y art un centre de grands brûlés
dans chacune des régions du Québec. Est-ce qu'il ne pourrait pas
y avoir des contrats de services avec les centres hospitaliers
ultraspécialisés ou universitaires puis que ce soient des
contrats de services directement négociés avec les régies,
si on veut véritablement une décentralisation
complète?
M. Bureau: Ceci existe déjà en grande partie et
continuera d'exister sous des régies ou sous une autre gestion.
L'inquiétude des doyens vis-à-vis les budgets des CHU, c'est que
dans les CHU une partie du budget est consacrée à l'enseignement
et à la recherche, et les régies régionales
répondent devant qui de cette mission de l'enseignement et de la
recherche? Les facultés de médecine répondent, elles, au
ministère de l'Enseignement supérieur puis aux
sociétés accréditrices des facultés de
médecine, puis ont des comptes à rendre.
S'ils n'ont rien à dire sur les ressources qui sont mises
à leur disposition et si c'est géré par une régie
régionale qui, elle, n'a aucune impu-tabilité ou
responsabilité à cet égard, on volt mal comment ça
pourrait bien fonctionner. C'est le plaidoyer des doyens. Ce n'est pas que nous
sommes opposés à ce que ça transite par les régies
régionales, mais nous voyons mal comment ça marcherait.
M. Chevrette: Oui. Si j'ai bien compris, il y a 45 centres de
formation ou instituts spécialisés. À Montréal,
ça doit gober plus que la moitié du budget à ce
moment-là. Comment pourrait-on envisager une décentralisation
réelle sur l'île de Montréal s'il n'y a pas, au moins, des
budgets de base reconnus pour les soins généraux ou normaux? Les
compléments, pour ce qui est de l'enseignement ou pour ce qui est de
l'ultraspé-cialisation, pourraient venir soit du ministère ou
soit de la régie qui reçoit de la RAMQ la portion pour
l'ultraspécialisation ou pour l'enseignement. Je ne vois pas comment on
pourrait avoir véritablement, sur l'île de Montréal, par
exemple, une véritable décentralisation si plus de la
moitié des centres relèvent du ministère et qu'à
l'inté-
rieur d'une même régie quelques centres relèveraient
de la régie. Comment voyez-vous ça concrètement dans un
fonctionnement un peu cohérent? Est-ce que vous ne verriez pas
plutôt une confrontation directe entre les divers types
d'institutions?
M. Cruess: C'est clair que les problèmes sur me de
Montréal sont différents.
M. Chevrette: Peut-être même un petit peu à
Québec, monsieur.
M. Cruess: ...oui, beaucoup plus compliqués. Je peux
répéter les idées du Dr Carrière, que nous nous
inquiétons beaucoup quand nous pensons à la capacité des
conseils régionaux de comprendre le rôle complexe et les
interrelations entre l'enseignement, la recherche et les soins. Je ne suis pas
certain moi-même qu'on puisse avoir un système qui soit
adéquat pour toute la province et aussi qui puisse régler les
problèmes sur l'île de Montréal. Peut-être qu'on
devrait établir un système un peu différent parce que la
société est bien complexe avec les petites communautés,
les groupes, les liens avec les hôpitaux. Ce n'est pas une
réponse, mais ça identifie peut-être le
problème.
M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup. Ça, c'est un des
graves problèmes, je pense, qu'on aura à résoudre dans le
cadre d'une décentralisation, c'est évident. Autant pour
l'ultraspécialisation que pour l'enseignement, je considère,
comme vous, que ce n'est pas une chose facile. Sur le plan théorique, on
peut bien décider des enveloppes...
M. Cruess: Oui, à mon avis, la décentralisation,
pour la piupart des régions de la province, c'est une bonne idée
parce qu'elles sont plus homogènes et les institutions ont
déjà établi des relations très étroites,
mais c'est différent sur l'île de Montréal.
M. Chevrette: Mais dans ce contexte-là, par exemple,
est-ce qu'on pourrait envisager, si on conserve des CHU - on n'a pas raison de
les voir disparaître - une plus grande spécialisation par centre
hospitalier, à ce moment-là?
M. Cruess: Oui.
M. Chevrette: Par exemple, spécialiser un centre en
gynécologie, en spécialiser un autre en cardiologie, un autre, je
ne sais pas, en médecine familiale comme vous l'avez dit, plutôt
que de garder plusieurs spécialités dans certains centres
hospitaliers; est-ce que ça ne pourrait pas simplifier la formule?
M. Cruess: Oui, c'est une approche intéressante...
M. Chevrette: Mais vous n'êtes pas...
M. Cruess: ...mais on doit avoir un incitatif pour aider le
réseau à vraiment rationaliser les services. C'est difficile de
l'imposer sans quelque chose comme ça.
M. Chevrette: C'est sûr qu'il y a de l'autonomie, dans
certains centres, qui est très forte. C'est une autonomie même
légale. On l'a vu avec le Reddy Memorial et une couple d'autres. Vous
vouliez parler, Dr Bureau?
M. Bureau: On doit vivre avec la réalité et
être capables de la modifier lentement. Si on effaçait,
aujourd'hui, tout le réseau de la santé et si on le construisait
selon des principes rationnels, il serait bâti bien différemment.
Il y a des spécialisations d'instituts qui ont développe des
réseaux d'expertises sur l'île de Montréal. Ils sont
concentrés là, l'histoire l'a fait ainsi et c'est une
réalité avec laquelle on doit vivre. Je pense à une plus
jeune faculté, celle de Sherbrooke, qui a pu planifier le
développement de son réseau puisqu'elle est plus jeune et qu'elle
n'a pas dû vivre avec une histoire. Elle a rationalisé
différemment, mais ça, c'est complètement les jeux de
l'histoire sur lesquels on ne peut rien.
M. Chevrette: Je vous remercie de votre mémoire.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. C'est une
deuxième étape dans un processus de plusieurs étapes. La
troisième sera notre rencontre avec M. Ryan, que je souhaite au mois de
mai comme on s'est entendus. Merci beaucoup.
M. Bureau: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Joly): Merci. Nous allons ajourner nos
travaux à demain, 21 mars, 10 heures. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 5)