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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour, tout le monde. Bienvenue
à cette commission. Nous nous réunissons aujourd'hui pour une
consultation générale et des auditions publiques dans le cadre de
l'étude de l'avant-projet de loi Loi sur les services de santé et
les services sociaux. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: oui. m. atkinson (notre-
dame-de-grâce) est remplacé par m. holden
(westmount); mme loiselle (saint-henri) est remplacée par m.
lafrance (iberville); mme marois (taillon) est remplacée par mme
blackburn (chlcoutimi).
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Aujourd'hui, nous
entendrons l'Institut canadien de recherches avancées, l'Association des
centres d'accueil du Québec, le Fonds de la recherche en santé du
Québec, le Conseil québécois de la recherche sociale et la
Centrale des syndicats démocratiques.
Je vois que, déjà, les représentants de l'Institut
canadien de recherches avancées se sont avancés, ont pris place.
Alors, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle un peu la
procédure. C'est que vous avez une vingtaine de minutes pour nous
présenter votre mémoire et, par après, les parlementaires
des deux formations se réservent le plaisir et le loisir de vous poser
des questions.
Alors, je demanderais à la personne responsable du groupe de
s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent.
Institut canadien de recherches
avancées
M. Renaud (Marc): Bonjour, mon nom est Marc Renaud. Je suis
sociologue de la santé, professeur de sociologie à
l'Université de Montréal et directeur du Groupe de recherche sur
les aspects sociaux de la prévention. Vous ne comprenez pas?
Le Président (M. Joly): Oui. Juste peut-être tasser
un peu le micro vis-à-vis vous. Seulement que... Parfait. Merci.
M. Renaud: Je vais d'abord vous présenter tes personnes
autour de cette table. D'abord, les auteurs du rapport: André-Pierre
Contandriopou-los, à ma droite, qui est économiste de la
santé, professeur au département d'administration de la
santé de l'Université de Montréal et directeur du
Groupe de recherche interdisciplinaire en santé; Ellen Corin, qui
est à l'autre bout de la table, anthropologue de la santé,
professeure en psychiatrie à l'Université McGill, de même
que directrice d'un centre de recherche à l'hôpital Douglas;
finalement, Barry Pless, qui est immédiatement à ma gauche,
professeur de pédiatrie et d'épidémiologie à
l'Université McGill, de même que directeur d'un centre de
recherche à l'Hôpital de Montréal pour enfants. Il y a
également deux autres personnes, autour de la table, qui ont très
gentiment accepté notre invitation à nous accompagner, même
si leur français n'est pas parfait. Nous leur avons demandé de
nous accompagner parce que ce sont parmi les meilleurs experts au Canada en
matière de financement et d'organisation des soins et nous travaillons,
de toute façon, avec eux régulièrement.
Il s'agit de Bob Evans, qui est ici à ma gauche. Bob est
économiste de la santé et professeur d'économie à
l'Université de Colombie-Britannique; il est également directeur
du programme "Population et Santé" de l'Institut canadien de recherches
avancées qu'on représente ici aujourd'hui. Bob vient d'être
nommé comme commissaire de la Commission royale d'enquête du
gouvernement de la Colombie-Britannique sur les coûts des soins en
Colombie-Britannique.
Finalement, à l'extrême droite, Fraser Mustard. Fraser
Mustard est un médecin patholo-giste extrêmement renommé,
ancien doyen d'une faculté de médecine. Il est également
aujourd'hui président de l'Institut canadien de recherches
avancées.
Je vais peut-être vous dire deux mots, avant de débuter le
mémoire, deux mots sur cet institut. Cet institut a été
créé en 1982 par l'entreprise privée dans le but d'essayer
de développer, au Canada, de la recherche et du développement.
C'est un institut sans mur, qui regroupe des chercheurs de disciplines
différentes, souvent de pays différents, qui exercent dans des
domaines différents, de manière à ce que ces chercheurs
développent des pensées nouvelles relativement à des
produits ou relativement à des politiques.
Cet institut fonctionne, comme je le disais tantôt, depuis 1982.
Il y a une centaine de chercheurs qui y sont impliqués, dont 20 du
Québec, et il y a six ou sept programmes à l'intérieur de
l'Institut, dont le nôtre qui est le programme sur la santé des
populations. Ce programme a comme mandat de faire le point de l'état des
connaissances en matière des déterminants de la santé. Il
a également comme mandat d'essayer de débattre de meilleures
mesures pour améliorer la santé des populations.
C'est donc dans le cadre de cet Institut que nous faisons, aujourd'hui,
une représentation ici, de même qu'en tant que chercheurs
québécois puisque trois d'entre nous avons été
très impliqués dans la commission Rochon, et Barry a
été très impliqué sur les questions de
développement des problématiques autour des enfants.
Pourquoi ce mémoire? Si on se présente devant vous, ce
n'est pas parce que nous avons des intérêts précis à
défendre ou une cause précise à défendre.
Évidemment, si vous nous posez des questions sur la recherche, nous
sommes des personnes très intéressées mais, à part
la recherche, nous sommes des observateurs passablement neutres à
l'égard du système de soins.
Nous avons tous été fortement impliqués dans des
comités ou des commissions visant à essayer de comprendre ce
qu'il faut faire avec notre système de santé, que ce soit au
niveau provincial, au niveau national ou au niveau international. Or - et c'est
la raison pour laquelle nous sommes ici - nous avons le sentiment que le
présent projet de loi ne rend pas complètement justice aux
nombreux efforts qu'un grand nombre de personnes ont faits pour trouver des
idées, pour améliorer notre système de soins et
améliorer la santé de la population.
Il y a plusieurs aspects du projet de loi qui nous semblent
extrêmement positifs mais, en même temps, il y a un certain nombre
d'aspects du projet de loi qui nous mettent mal à l'aise, et nous sommes
venus ici un peu pour vous l'exprimer. Parfois, nous avons le sentiment que le
projet de loi va trop loin, parfois il va trop vite ou pas assez loin, mais,
surtout, on a le sentiment que le projet de loi se contente de faire des
réformes de structures sans se doter de dispositifs susceptibles de
guider le système dans l'atteinte de résultats concrets. Il nous
semble qu'il faut arriver à penser le système pour atteindre des
objectifs concrets, à moyen terme.
Je n'ai pas l'intention de vous lire l'ensemble du mémoire parce
que c'est trop long, mais laissez-moi vous résumer la première
partie. Et je voudrais vous lire la toute dernière qui vient de vous
être remise et qui est beaucoup plus précise quant aux
recommandations qu'on veut faire.
Ce que nous disons, dans les dix premières pages de ce
mémoire, c'est que la santé d'une population, c'est, en premier
lieu, attribuable à des facteurs économiques, sociaux et
culturels et, uniquement en deuxième lieu, attribuable aux services
médicaux. Ce que nous présentons dans le texte, c'est un ensemble
de constats un petit peu troublants. Par exemple, on s'aperçoit que le
Japon avait la moins bonne espérance de vie de tous les pays
développés, en 1960. Aujourd'hui, il a, et de loin, la meilleure
espérance de vie des pays développés. Pourtant, le Japon
investit une fois et demie moins en médecins et en infirmières
que c'est le cas chez nous. Par ailleurs, il investit plus dans
l'éducation.
Un autre constat qu'on rapporte dans le texte, c'est le constat que
même si tous les gouvernements ont développé des politiques
d'universalité d'accès aux services, donc d'égalité
d'accès aux services, on s'aperçoit que l'écart de
santé à l'intérieur de la population entre les classes
sociales demeure, à travers le temps. Et ce n'est pas juste une question
de riche et de pauvre, c'est vraiment une question de gradient. Plus on est
haut dans une hiérarchie, meilleure est notre santé. Si on est
juste en dessous, on est un peu moins en santé et ainsi de suite pour
aller jusqu'au plus pauvre. Et ça, c'est vrai pour toutes les causes de
mortalité et pour tous les problèmes de comportement. Il y a un
problème derrière ça. Comment se fait-il qu'il y ait un
tel gradient dans l'état de santé de la population, même si
toute la population a accès aux services de santé? On n'a pas
encore toutes les explications à cette question-là. Ce qui semble
vouloir ressortir des études en psycho-neuro-immunologie, c'est le fait
que plus on est haut dans une hiérarchie, plus on a un sentiment de
contrôle sur sa destinée, sur son environnement et meilleure est
notre santé. On pourrait en parler longtemps.
Autre constat qu'on rapporte dans le texte, c'est l'idée suivant
laquelle - ça a été largement démontré -
l'isolement et le manque de soutien social pour un individu, c'est aussi grave
que de fumer pour sa santé. Quand on regarde ces facteurs-là, on
s'aperçoit que la médecine a un impact important, bien sûr,
mais relativement secondaire par rapport aux facteurs économiques,
culturels et sociaux. Si on regarde les grandes maladies mortelles du
passé, ce n'est pas la médecine qui a fait en sorte que ça
recule, c'est l'enrichissement collectif, c'est l'évolution des
comportements des gens.
Venons-en maintenant aux conclusions que l'on tire de tout ça. Il
y a quatre paramètres au fond de notre raisonnement. Le premier, comme
je viens de le dire, il y a des facteurs sociaux, économiques et
culturels qui sont extrêmement importants pour la santé de la
population. Le deuxième paramètre, bien sûr, par ailleurs,
c'est qu'il y a une très forte demande de soins au sein de la
population. Même si on sait que les déterminants principaux, ce
n'est pas directement la médecine mais autre chose, il reste que nos
sociétés ont décidé d'investir
énormément du côté des soins. Ça, c'est le
deuxième paramètre. Le troisième paramètre, ce
système ne pourra pas avoir des effets meilleurs qu'il n'en a maintenant
simplement avec des réformes de structures, même si les
réformes de structures sont coûteuses et dérangeantes. Il
est absolument nécessaire, selon nous, de recadrer l'ensemble des
pratiques soignantes et des pratiques préventives par rapport à
des objectifs précis de résultats à atteindre et non pas
seulement par rapport à des objectifs de services à donner. Le
quatrième et
dernier paramètre dans notre raisonnement, il ne serait pas
raisonnable pour le Québec, à l'heure actuelle, d'accroître
ses dépenses de soins au-delà de leur niveau actuel. Par
conséquent, il y a une foule d'arbitrages qui sont
nécessaires.
Venons-en maintenant à nos conclusions plus
opérationnelles. Si vous voulez prendre le mémoire, à la
page 12, je vais lire les quelques pages qui restent parce que c'est là
que résident nos suggestions les plus précises. Il y a trois
idées forces dans notre mémoire. La première, c'est qu'il
faut arriver à trouver le moyen d'introduire un peu plus de
rationalité, un peu plus de cohérence dans les prises de
décisions gouvernementales, dans les prises de décisions dans le
secteur de la santé. La deuxième idée, c'est que la
santé, ce n'est pas une responsabilité juste d'un
ministère mais d'un gouvernement. Et la troisième idée,
c'est que, si on régionalise, régionalisons pour vrai.
Commençons par la première idée: pour une plus
grande cohérence dans les prises de décisions. Le rationnement
appelle des choix. Quand le rapport Rochon parle d'un système en otage,
il veut dire que ces choix sont le plus souvent dictés par la nature des
rapports de forces où les plus forts gagnent invariablement sur les plus
faibles. Ils ne sont pas éclairés par une évaluation
rigoureuse des besoins et des options possibles. De surcroît, les choix
sont souvent laissés au hasard, à l'air du temps. On fait
confiance aux professionnels sans se poser plus de questions. Comme on
méconnaît généralement l'importance des facteurs
socio-économiques et culturels et qu'on surestime l'impact de la
médecine, ces choix vont en général dans la direction d'un
renforcement du domaine biomédical.
Je vais prendre quelques exemples. Pour prévenir la
mortalité infantile, la société fait implicitement un
choix en laissant se développer la réanimation néonatale
en milieu hospitalier plutôt que d'investir dans des programmes
intégrés de soins globaux qui intègrent des services
domestiques, éducationnels, nutritionnels et médicaux, de soins
globaux pour des femmes enceintes de milieux défavorisés dont on
sait par ailleurs qu'elles ont de loin le plus haut taux de bébés
de petit poids. Autre exemple: En laissant se développer les soins
intensifs de nature curative pour des patients en phase terminale, on se trouve
à défalquer les ressources des patients qui ont besoin, eux, de
traitements préventifs.
Prenons le cas du cardio-vasculaire aussi. La société met
en oeuvre une multitude de technologies des plus biomédicales -
l'angiopias-tie, le cathétérisme, la transplantation - aux plus
sociales, par exemple, l'éducation du public pour de la
réanimation cardiaque, en passant par des technologies de santé
publique, de transport ambulancier, de dépistage de l'hypertension, etc.
Dépendant du montant d'argent, ce montant d'argent qui est investi dans
l'une ou l'autre de ces technologies, on fait implicitement un postulat de
l'importance présumée de chacune pour améliorer la
santé cardio-vasculaire de la population. Or, ces postulats ne sont
jamais rendus explicites ni documentés ni débattus. On ne sait
pas, par exemple, s'il est préférable d'investir dans
l'angioplastie ou dans l'éducation du public pour que les gens sachent
quoi faire si jamais il y a quelqu'un qui fait une crise cardiaque devant
eux.
Entrons dans les moyens maintenant. Dans la nécessité
d'introduire plus de cohérence dans les choix que la
société fait en matière de santé, il nous semble
souhaitable que le présent projet de loi rende permanent le Conseil
d'évaluation des technologies de la santé que le gouvernement
québécois a récemment créé, mais en lui
imposant une clause dite "crépusculaire". Le gouvernement devrait
également s'assurer que ce conseil interprète son mandat d'une
manière large. Il devrait non seulement revoir l'évidence sur le
bien-fondé et les conditions d'utilisation des technologies
biomédicales, mais il devrait aussi comparer l'utilité de ces
technologies à des technologies sociales ou de santé publique
dans l'atteinte de certains objectifs, par exemple, pour réduire
l'incidence des maladies cardio-vasculai-res. Il nous semble également
important d'élargir le rôle de l'actuel Conseil des affaires
sociales et d'en faire un centre permanent d'enquête
épidé-miologique, sanitaire et sociale, comme le suggérait
le document Orientations. Ce conseil devrait, entre autres, voir à ce
que le Québec, à l'instar de deux autres provinces canadiennes,
se dote d'un système de statistiques sanitaires qui soient utilisables
à des fins d'évaluation du système et, le cas
échéant, de réallocation des ressources.
Il est important de dire que le Québec a récemment fait un
effort important via l'enquête Santé-Québec pour mieux
comprendre l'état de santé de toute sa population, qu'elle soit
malade ou non. Cette enquête est très importante pour
établir des objectifs de santé. Malheureusement, comme celle-ci
ne fait qu'une photographie de la situation à un moment donné
dans le temps et sans lier en détail les problèmes de
santé à l'utilisation effective des services, son utilité
pour la gestion du système est moins grande que ce qui serait possible,
sans coûts additionnels importants, avec un réaménagement
des informations saisies par les fichiers Med-Echo et de la RAMQ
appariés avec les données du recensement canadien. Une telle base
de données pourrait permettre l'évaluation du
développement de telle ou telle forme d'intervention - par exemple, les
césariennes et le placement d'enfants dont on a récemment entendu
parler - d'une région à l'autre par rapport à d'autres
provinces ou par rapport à d'autres pays. Voilà pour la
première idée. Donc, essayer d'introduire plus de
cohérence.
Deuxième idée, la santé, ce n'est pas juste
la responsabilité du ministère de la Santé et des
Services sociaux; c'est la responsabilité aussi de l'ensemble du
gouvernement. La santé, ce n'est pas qu'une affaire de médecins,
on l'a déjà dit, et, comme le laisse sous-entendre le premier
article du présent projet de loi, toutes les composantes de ta vie, le
travail, l'école, la famille, l'alimentation, l'activité
économique, ont un impact mesurable sur l'état de santé.
En ce sens, la santé, ce n'est pas non plus l'affaire d'un seul
ministère, même si la coutume veut qu'on l'appelle le
ministère de la Santé. En fait, il s'agit là d'un
ministère des services médicaux au même titre qu'il est un
ministère des services sociaux. La santé, c'est l'affaire de tout
le gouvernement. Plusieurs ministères y partagent une
responsabilité: l'Éducation, les Transports, la Voirie, la
Justice, l'Emploi et la Sécurité du revenu, l'Industrie et le
Commerce, l'Environnement, pour ne mentionner que les ministères les
plus évidents. Les municipalités ont aussi une grande
responsabilité.
Dans ce contexte, il devient extrêmement important de mettre en
place des politiques intersectorielles, entre ministères, ayant comme
finalité d'arriver à la réduction d'un certain nombre de
problèmes sociaux et de santé. Un des moyens pour y arriver
serait de créer, en dehors du ministère de la Santé et des
Services sociaux, un conseil consultatif sur la santé du Québec.
Si on ne veut pas multiplier le nombre de conseils indûment, ce conseil
pourrait fort bien être le Conseil des affaires sociales dont nous avons
parlé plus haut, mais l'important c'est que ce conseil soit
présidé par le premier ministre, comme c'est le cas en Ontario,
ou encore qu'il relève d'un ministre d'État. Ce conseil aurait
comme mandat d'appuyer le gouvernement dans l'élaboration de toutes les
politiques qui ont un impact sur la santé, quel que soit le
ministère impliqué, et de faire des recommandations qui, une fois
approuvées, lieraient chacun des ministères concernés.
Pour être clair, l'idée, ce n'est pas de mettre le
ministère de la Santé et des Services sociaux sous tutelle.
L'idée, c'est de bien démarquer la responsabilité de la
gestion des services médicaux de la responsabilité
d'améliorer la santé de l'ensemble de la population.
Un autre moyen est de mettre explicitement sur la place publique les
objectifs de santé poursuivis par le gouvernement. On ne devrait pas,
à notre avis, laisser dormir sur les tablettes les 20 objectifs
présentés dans le premier chapitre du document Orientations. Ces
objectifs ont été débattus depuis plusieurs années
et commencent à faire consensus. Ils ont la capacité de mobiliser
les acteurs du système vers des objectifs précis de
résultats. Pour donner à ces objectifs l'importance qu'ils
méritent, il nous semblerait important que le gouvernement, dans le
cadre du présent projet de loi, se crée l'obligation de doter le
Québec d'un plan triennal d'objectifs qu'il devrait
réévaluer, évidemment, périodiquement. De plus,
comme en Ontario, le discours inaugural à l'Assemblée nationale
pourrait, à chaque année, faire état des objectifs qui
seront poursuivis en matière de santé et établir un
certain bilan de l'année antérieure. (10 h 30)
Troisième idée-force du mémoire: Pour des
régies régionales vraiment décentralisées,
responsables et efficaces. L'idée de la décentralisation, c'est
de rapprocher les prises de décisions de ceux et de celles qui sont le
plus directement concernés, permettant ainsi un ajustement des
politiques d'ensemble aux réalités régionales et une
beaucoup plus grande flexibilité dans l'utilisation des moyens pour
atteindre les objectifs. Avec les régies régionales, le
Québec pourrait se doter d'outils merveilleux, d'outils originaux et
efficaces pour s'attaquer aux grands problèmes sociaux et de
santé de l'heure, en mobilisant à cette fin des organismes
communautaires, des entreprises privées, des établissements, des
professionnels, et ainsi de suite. Mais ces régies peuvent aussi
être des monstres, des monstres de paperasse et de bureaucratie, toutes
tendues vers la poursuite, ou plus réalistement le con-toumement des
directives énoncées par Québec, des monstres aussi de
notables locaux, imputables à personne sauf eux-mêmes, qui
continueraient d'être orientés vers la gestion des services, sans
souci pour l'amélioration de la santé des populations. Les
régies sont donc, si le Québec prend cette direction, une
véritable expérimentation en milieu naturel. La différence
entre le succès et l'échec de cette décentralisation,
à notre avis, tient à quelques conditions fondamentales.
Premièrement, l'idée de décentralisation est par
définition opposée à l'idée de solution mur
à mur. Elle repose sur une rigidité dans les objectifs à
atteindre, mais sur une très grande flexibilité dans les moyens
à mettre en oeuvre. Or, les régions ne sont pas égales les
unes par rapport aux autres. Il y a des régions qui sont prêtes
maintenant à tenter l'expérience de la décentralisation;
il y a d'autres régions, à notre connaissance, qui ne le sont
pas. Dans ce contexte, autant il nous semble important que la
décentralisation soit obligatoire à moyen terme, autant il ne
nous semble pas souhaitable de précipiter les choses en imposant
maintenant à toutes les régions un rythme uniforme
d'implantation. La décentralisation repose sur trop de changements de
mentalités pour être imposée, simplement d'un trait de
plume, par une autre directive de Québec.
Les régions ne sont pas non plus égales les unes par
rapport aux autres quant à l'expertise qu'elles possèdent pour
s'attaquer aux problèmes extrêmement complexes auxquels elles sont
confrontées: traitement des maladies aiguës, prise en charge des
malades chroniques, santé mentale, personnes âgées en perte
d'autonomie, périnatali-té, violence, etc. Dans ce contexte, une
direction
devrait être créée au sein du ministère avec
comme mandat de fournir aux régions un appui logistique et, le cas
échéant, des ressources humaines pour les aider à ajuster
les objectifs du Québec aux réalités régionales et,
éventuellement, pour développer d'autres objectifs. Cette
direction aurait donc comme mission d'épauler les régions dans
les choix à faire et de les aider à documenter le potentiel
spécifique dont elles disposent au niveau des communautés et au
niveau des institutions existantes.
Deux minutes, je termine. Deuxième condition, l'atteinte des
objectifs de santé du Québec devrait faire explicitement partie
du mandat des régies régionales. Non seulement celles-ci
devraient-elles administrer les programmes d'assurance-maladie,
d'assurance-hospitalisation, mais elles devraient aussi avoir le mandat de
mobiliser les ressources de la région pour atteindre certains
résultats. Pour ce faire, elles devraient avoir une certaine
autorité non seulement sur les professionnels et les institutions
sanitaires, mais aussi sur l'ensemble des autres intervenants qui ont un impact
sur la santé de la population. Prenons l'exemple des accidents.
Supposons que le gouvernement décide dans son plan triennal de
réduire de X % la mortalité par accident au Québec. On
sait que la mortalité par accident est la principale cause de
mortalité pour tout le monde, entre 1 an et 45 ans, au Québec.
Les coûts engendrés sont énormes, on le sait. Mais on sait
également que 70 % des accidents pourraient être prévenus,
en totalité ou en partie, si seulement on implantait des
stratégies connues de prévention.
Dans le contexte actuel, qu'est-ce que ça voudrait dire pour nos
régies régionales? Rien, parce que les régies
régionales n'ont aucun pouvoir, aucune autorité sur d'autres
intervenants que ceux des services médicaux et des services sociaux. Si
une régie voulait être efficace, elle devrait voir à
limiter la vitesse sur les routes, à renforcer l'application des lois
anti-alcool au volant, à inspecter l'état sécuritaire des
véhicules, à voir du port de casque protecteur à
bicyclette, à imposer le port de la ceinture de sécurité,
à créer des pistes cyclables, à améliorer la
signalisation et l'état des routes, à assurer des voies
sécuritaires de promenade pour les piétons, etc. Pour ce faire,
il faudrait donc que les régies aient une certaine autorité
morale sur les municipalités, sur le ministère des Transports et
de la Voirie, sur le ministère de la Justice. Ce n'est pas le cas
actuellement, puisque les régies n'ont d'autorité que sur les
services médicaux et les services sociaux.
Enfin, troisième et dernière condition, nous semble-t-il,
pour que les régies soient efficaces, afin que les régies ne
s'enferment indéfiniment dans des jeux d'officine ou des rapports de
forces, il nous semble qu'il faut absolument trouver le moyen de les rendre
imputables à autre chose qu'à des fonctionnaires à
Québec.
Non pas qu'on ne respecte pas les fonctionnaires.....La commission
Rochon suggérait d'en faire des organismes élus. Puisque cela
semble impraticable, il faut trouver d'autres moyens. Un de ceux-ci pourrait
être de rendre les dirigeants des régies régionales
responsables devant les membres élus de la présente commission
parlementaire. À l'occasion de l'étude de leurs crédits
budgétaires, ils devraient rendre des comptes sur leurs dépenses
passées et sur l'atteinte des objectifs prévus au plan triennal
du gouvernement. Dans le contexte - et je termine là-dessus - où
les régies régionales seraient imputables aux autorités
publiques élues, on pourrait prévoir un système de
punitions et de récompenses pour responsabiliser les régies, non
seulement par rapport aux aspects financiers et administratifs du
régime, mais également par rapport à l'atteinte des
résultats souhaités par le gouvernement. Le niveau de financement
des régies devrait alors être ajusté de période en
période pour tenir compte de la taille de la population de chaque
région, de l'état des facteurs qui déterminent la
santé - le taux de chômage, le niveau de richesse, etc. - et du
degré d'atteinte des objectifs. Je vais m'arrêter
là-dessus. La fin de notre texte étant essentiellement un
résumé, peut-être que ça vaut la peine de lire la
toute fin, si vous...
Le Président (M. Joly): Vous le pouvez, si c'est quand
même assez bref.
M. Renaud: Très bref, c'est juste la fin, nos
suggestions.
Le Président (M. Joly): On vous accorde le temps qu'il
faut, M. Renaud.
M. Renaud: Rendre permanent le Conseil d'évaluation des
technologies de la santé avec un mandat large. Élargir le
rôle du Conseil des affaires sociales pour en faire en centre permanent
d'enquête épidémiologique, sanitaire et sociale.
Créer en dehors du ministère un conseil consultatif sur la
santé de la nation avec comme mandat de voir à
l'élaboration de toutes les politiques gouvernementales qui ont un
impact sur la santé. Créer l'obligation au gouvernement de
développer un plan triennal d'objectifs de santé. Le discours
inaugural à chaque année devrait en faire état. Ne pas
imposer la décentralisation par en haut, mais prévoir un rythme
variable d'implantation des régies et un support technique aux
régions qui en ont besoin. Donner aux régies le mandat
d'atteindre les objectifs de santé du gouvernement avec autorité,
tout au moins morale, sur l'ensemble des intervenants, qu'ils soient des
professionnels de la santé ou non. Enfin, rendre les dirigeants des
régies régionales imputables à la commission parlementaire
des affaires sociales, devant laquelle ils devraient se présenter
à chaque année pour
défendre leurs crédits budgétaires et leur
performance dans l'atteinte des objectifs. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Renaud. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je veux d'abord vous dire que nous sommes très heureux
de vous recevoir pour recommencer notre semaine d'auditions parlementaires.
C'est plus qu'un air frais de vous recevoir, compte tenu qu'il est, de ce que
j'ai compris, un air canadien. J'en profite pour saluer de manière
particulière les gens qui, de Colombie-Britannique et de Toronto, nous
rendent visite ce matin. Je pense que leur contribution renforce notre
idée de commission d'avoir un débat très large,
très ouvert. Tel que je le disais, et cela a été
répété par mon collègue Chevrette, au début
de la commission, H faut avoir, dans cette commission parlementaire, des gens
qui viennent nous parler des problèmes du système ou nous donner
des solutions aussi, et c'est ce que vous faites dans votre mémoire
complètement détaché d'intérêts partisans. Je
pense que vous êtes un groupe assez exceptionnel à ce
niveau-là. Vous allez loin, et, moi en tout cas, comme ministre,
à ce moment-ci, je suis très à l'aise de vous
écouter ce matin, de vous entendre, et de cheminer avec vous sur le plan
des propositions que vous nous faites. C'est donc un mémoire qui, pour
nous, change le cap de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant,
d'intérêts qui étaient plus dirigés vers... Un
centre hospitalier qui venait défendre son centre hospitalier, un
département de santé communautaire qui venait défendre son
département de santé communautaire, un CRSSS qui venait
défendre le CRSSS d'aujourd'hui et de demain, régie de demain...
Mais véritablement un mémoire qui va, je pense, changer
radicalement le ton de la commission sur le plan des objectifs qu'on doit viser
et des moyens pour les atteindre. Donc, je vous suis très reconnaissant,
au nom de cette commission, d'avoir pris la peine de rédiger un
mémoire, de le présenter. Ça va être un guide, pour
nous, en tout cas, très intéressant pour plusieurs de vos
suggestions.
Comme première question, vous avez évoqué
l'enquête Santé-Québec, qui me paraît une base,
puisque, si on veut avoir des objectifs, il faut savoir où on est,
où on se situe. Malgré le fait que ce n'est pas exhaustif comme
enquête, je pense que c'est un premier jalon qui est tracé et qui
doit être nécessairement bonifié. Et, si mes informations
sont bonnes, ça n'existe dans aucune autre province du Canada, au moment
où on se parle. Donc, c'est une première, à ce moment-ci,
au niveau du Québec. De par votre expérience, qu'est-ce qu'il
faut ajouter, retrancher et qu'est-ce qu'il faut faire avec l'enquête
Santé-Québec, de façon à ce qu'on puisse
mettre en branle notre réforme, mais pour sous-tendre nos objectifs?
Parce que ça présuppose une connaissance très bonne, pas
seulement une photo, comme vous le disiez tantôt. L'enquête
Santé-Québec, c'est une photo d'un moment X qui est
déjà dépassé aujourd'hui, parce que ça date
d'une année et plus - deux ans - et on est dans une situation où
il faut repartir la machine. Qu'est-ce qu'il faut faire dans ces
conditions-là si on veut être capables de mettre en application
des recommandations que vous nous fartes, parce que c'est la base?
M. Contandriopoulos (André-Pierre): Je pense qu'on peut
répondre autour de deux idées. La première idée,
c'est que l'enquête Santé-Québec est à un moment
donné dans le temps et qu'on pourrait, sans reproduire chaque
année une enquête qui est coûteuse, lui donner une
espèce de temporalité en l'appariant avec des données
qu'on a sur l'utilisation des services médicaux de la régie, sur
les services hospitaliers, les données Med-Echo et intégrer
l'enquête Santé-Québec aux autres systèmes
d'information qu'on a, ce qui donnerait une signification plus grande, à
la fois aux données de la régie dans leur relation avec
l'état de santé, qui permettrait de les interpréter, qui
permettrait de leur donner du temps. Associé à cette idée,
le fait que l'enquête Santé-Québec ne devrait pas rester
une expérience unique, mais devenir un peu comme les recensements, une
enquête qui serait reproduite aux cinq ans ou aux dix ans et,
entre-temps, qu'il y ait une jonction avec des données qui sont
collectées sur une base temporelle permanente. Ça, c'est la
première idée.
L'autre idée autour de Santé-Québec, c'est qu'un
système comme le système de soins génère le type
d'informations qui servent à le piloter. Et, dans la mesure où le
pilotage, l'organisation du système, a été fait
essentiellement sur les services, on a aujourd'hui un système
d'informations qui portent sur les services. Pour arriver à faire en
sorte que Santé-Québec soit vraiment intégrée aux
prises de décisions, il faudrait aussi que les décisions soient
fondées sur les indicateurs de résultats. Et je pense que c'est
un phénomène qui est cumulatif. Plus on va utiliser les
résultats, plus l'enquête Santé-Québec sera utile.
C'est quand même relativement intéressant de voir que peu de
travaux aujourd'hui ont été faits à partir de
l'enquête Santé-Québec.
Mme Corin (Ellen): À ce niveau-là, quelque chose
qui est sûrement très important, c'est d'amener les personnes en
charge de la planification et de l'organisation des services dans des
régions à utiliser les données de l'enquête
Santé-Québec. Donc, je pense que l'enquête
Santé-Québec fournit un portrait. Elle permet de formuler des
questions. Elle ne donne pas nécessairement les réponses. Et
l'enjeu important
est, en regardant sa réalité régionale, à
partir des données de l'enquête Santé-Québec, de
faire des analyses secondaires et d'essayer de mieux comprendre la
réalité qui est sous-jacente aux données statistiques. Et,
à ce moment-là, ça invite à mettre en branle toute
une autre série de réflexions, de recherches
complémentaires, d'expérimentations, à partir des
données de l'enquête Santé-Québec, qui deviendront
intégrées dans une dynamique de planification et de recherche au
niveau régional également.
M. Côté (Charlesbourg): C'est volontairement que je
posais ma question sur l'enquête Santé-Québec, parce que,
effectivement, si on n'a pas une base, on ne sera jamais capable
d'évaluer, ou à peu près, où on veut aller et si on
l'atteint. C'est pour ça que ma deuxième question était
l'objectif de résultats, puisque vous en avez discuté. Est-ce que
ça existe ailleurs? Est-ce que, au Canada ou en Occident, on a des
expériences d'objectifs de résultats aussi globales que celles
dont on parle au moment où nous nous exprimons? Si oui, on aimerait
partager avec vous votre niveau de connaissances. Sinon, qu'est-ce qu'il faut
faire pour s'assurer que nos objectifs de résultats soient un
succès et qu'on arrive aux résultats qu'on espère? Sur le
plan théorique, ça peut être excellent...
M. Renaud: Oui. Absolument.
M. Côté (Charlesbourg): ...sur le plan pratique,
c'est une autre question, et l'articulation de tout ça va probablement
faire un succès ou un échec. Vos conseils nous apparaissent
extrêmement importants à ce moment-ci.
M. Pless (Barry): Le chirurgien général des
États-Unis, ancien, avant le présent, a créé un
document très important qui décrit en détail les objectifs
pour la nation, pour l'année 1990. C'est en révision maintenant
pour l'an 2000. Avec des objectifs comme ça, aux États-Unis,
c'est une grande force pour toute la communauté de la santé pour
atteindre des objectifs spécifiques avec des instructions similaires au
document d'orientations dans le premier chapitre... Moi, je pense que c'est une
force majeure des États-Unis pour mesurer les réalisations dans
ce champ.
M. Renaud: Ce qu'il est importante de faire ressortir, c'est que
l'idée d'objectifs de résultats est présente partout dans
le monde. Il y a des rapports - on pourrait remplir la pièce jusqu'au
plafond - partout, qui insistent sur la nécessité de
réorienter le système sur les objectifs de résultats. Le
cas américain est bon parce que leur document est probablement le plus
complet de tous, mais il y a également l'Angleterre qui en a
développé, la Colombie-Britannique; dans le reste du Canada, on
en a développé. (10 h 45)
La question que vous posez, c'est: Est-ce qu'on a l'expérience de
systèmes de soins qui se sont réorganisés en fonction de
cette idée?
M. Contandriopoulos: Je pense que la réponse est non.
Actuellement, les systèmes de soins ne sont pas
réorganisés. On a même presque l'impression, souvent, que
les objectifs de santé sont d'autant plus précis qu'ils ne sont
pas intégrés aux politiques sanitaires d'un pays. Mais, par
ailleurs, on peut se dire: Est-ce qu'en 1970 on avait des modèles
précis du système qu'on a mis en place quand on a fait la
réforme du système de santé au Québec? Et la
réponse, c'est non. On l'a commencé et d'autres personnes se sont
inspirées de ce qu'on a fait. Peut-être qu'on en est au point
où il faudrait innover dans ces directions-là au Québec,
même si on n'a pas de modèles déjà
préfabriqués qu'on pourrait utiliser tels quels.
M. Côté (Charlesbourg): C'est très
intéressant. Est-ce que ça va? C'est très
intéressant parce que, effectivement, on aura beau avoir des objectifs,
si, par les moyens, on ne réussit pas à changer le cours des
choses, à faire des réallocations de ressources en fonction des
objectifs qu'on se donne, ça demeurera toujours des objectifs qui ne
seront pratiquement jamais atteints. L'expérience des États-Unis
m'apparaît intéressante. Cependant, on n'a pas le même
système. Il y a beaucoup plus de privé aux États-Unis
qu'au niveau du Québec. De voir l'articulation entre les objectifs et
les moyens mis en place, ça, ça m'apparaît
extrêmement important puisque, effectivement, on ne l'a pas ici. En
Angleterre ou aux États-Unis, quels sont les moyens d'articuler
finalement le processus décisionnel en fonction des objectifs? Ça
aussi, ça m'apparaît extrêmement important. C'est pour
ça que je questionnais pour savoir quels sont les conseils que vous avez
à nous donner à ce moment-ci, parce que, vous aussi, vous
proposez un virage extrêmement important dans votre mémoire. On
vire passablement notre système en disant: Davantage de
prévention, ce qu'on n'a pas toujours fait dans le passé, par
rapport à une tendance aujourd'hui qui est, vous l'avez bien
décrite, davantage vers le curatif. On a juste à prendre le
budget du ministère de la Santé et des Services sociaux qui est
d'au-delà de 8 000 000 000 $, sans la Régie de
l'assurance-maladie du Québec, il y a 5 000 000 000 $ qui vont dans les
centres hospitaliers de soins de courte durée. Ça veut dire que
ce n'est pas une mince tâche. Alors, c'est pour ça que des
objectifs, quant à moi, c'est bon. C'est la première question que
j'ai posée en arrivant au ministère. Mais, à partir du
moment où on a des objectifs, comment fait-on pour s'assurer que dans
les décisions qui vont être prises, soit par des régies,
soit par des établissements ou par le ministère, on puisse y
arriver? Alors, vous
proposez un certain nombre de choses. Oui, allez.
Mme Corin: Je voudrais juste faire peut-être une remarque
ou un complément par rapport à ça. Je pense que quand on
se centre sur la notion d'objectifs de résultats par rapport à
des objectifs de structures, on postule que le rapport immédiat entre
structures et résultats n'est pas absolument connu d'avance, puisqu'on
décentre l'intérêt. Je voudrais souligner l'importance ou
l'intérêt de cette perspective-là dans le domaine de la
santé mentale, qui est un domaine que je connais
particulièrement. Et je pense que ce qui est très
intéressant actuellement au niveau de la santé mentale, c'est
qu'il y a certaines orientations de base qui ont été
données dans des documents politiques, mats qu'on laisse à
chacune des régions le soin d'expérimenter et d'organiser. Et
c'est ainsi qu'on sait que pour le moment certaines régions mettent
l'accent sur le développement de services de santé primaires;
d'autres mettent l'accent sur la réorganisation, la recentralisation et
la mise en rapport des différents types de ressources; d'autres mettent
l'accent sur le développement de ressources communautaires. Dans ce
contexte-là, deux choses m'apparaissent fondamentales. D'une part, c'est
de très très bien documenter le processus des types
d'interventions qui se mettent en place dans différents contextes et,
d'autre part, de documenter ce que ça produit. Parce que si on opte pour
des objectifs de résultats et si on n'a pas conscience de l'importance
dans le même temps, de très bien documenter les processus qui
conduisent aux résultats dans différentes régions,
différentes provinces, on risque à ce moment-là d'avoir
des difficultés à interpréter les données finales.
Et, donc, je pense qu'à ce moment-là ça demande un souci
beaucoup plus grand et ça, ça revient un peu aux directions et au
rôle que Marc Renaud proposait de donner à certains conseils comme
le Conseil des affaires sociales. C'est qu'il est fondamental à ce
moment-là de "monitorer" ce qui va se faire au niveau du système
en même temps que ce qui sera produit.
M. Côté (Charlesbourg): Et, évidemment,
ça ne sera possible que dans la mesure où les régies
régionales - appelons-les comme ça à ce moment-ci - aient
une indépendance, une marge de manoeuvre. Évidemment, vous avez
touché au point de lïmputabilité, qui est un point
extrêmement important. Il y a une suggestion là qui est
intéressante, que la commission devienne le lieu où les
régies régionales viennent rendre compte de leurs services. Mais
quand même vous prenez soin de dire: Attention de ne pas recréer
au niveau des régions une structure aussi accaparante, aussi
structurée, aussi omnipuissante en région que celle que vous avez
au central. C'est un peu ça que vous passez comme message.
Évidement, si vous le passez, c'est parce que vous craignez un peu.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Renaud: II y a risque énorme, évidemment. Les
bureaucraties étant ce qu'elles sont, les risques de bureaucratisation
et de centralisation sont considérables. Le message qu'on passe
fondamentalement, c'est que si on crée des régies, de
grâce, donnons-leur toute la marge de manoeuvre pour qu'elles
réussissent à faire ce qu'elles ont à faire avec une
véritable flexibilité des moyens. Par ailleurs, laissons au
central le devoir de dire: C'est par là qu'on s'en va.
Mme Corin: Et ça, ça demande qu'on encourage les
régions aussi à être créatives et innovatrices.
Donc, on encourage les régions à chaque fois se faire un portrait
de leur situation et des ressources dont elles disposent et à innover
dans ce sens-là. Parfois, on a l'impression que des directives qui
viennent des ministères ne sont pas toujours perçues, en tout cas
par les régions, comme encourageant la créativité et
l'innovation. À ce niveau-là, il y a peut-être un paradoxe,
là.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez... C'est un aspect
qui est intéressant dans votre mémoire, à tout le moins
qui pique la curiosité, à la page 9. Vous parlez de l'impact des
déterminants sociaux, surtout lorsque vous parlez du tabac. Et
ça, ça pique un peu la curiosité. J'aimerais
peut-être vous entendre davantage parce que ça me paraît
gros comme affirmation pour quelqu'un qui est néophyte et surtout mon
sous-ministre adjoint qui est à côté de moi et qui est un
grand fumeur.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): alors, ça a
piqué notre curiosité. j'aimerais peut-être vous entendre
davantage là-dessus, les déterminants, parce que c'est quand
même une bonne affirmation.
M. Renaud: On parle des résultats de.. Il y a
énormément de recherches sur ce thème-là, mais les
trois études les plus importantes sont des études qui ont suivi
des courbes de population à travers le temps. On a mesuré sur ces
individus, évidemment, leurs habitudes de vie, s'ils prenaient un coup
ou non, s'ils fumaient ou non. On a mesuré également dans quelle
mesure ils avaient des amis, dans quelle mesure ils étaient
intégrés socialement. Donc, on s'aperçoit, quand on
regarde les résultats des études, dix ou douze ans après,
que les gens qui ont peu d'amis sont beaucoup beaucoup plus à risque de
mourir, trois fois plus que les gens qui ont beaucoup d'amis. La courbe, elle
s'en va comme ça. Et ça, c'est exactement la même courbe
que la mortalité attribuable au tabac C'est ça qui est
l'Idée. C'est-à-dire qu'on se fait tellement casser les
oreilles - ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas arrêter de
fumer pour votre sous-ministre, ha, ha, ha! - mais le tabac...
Une voix: Le tabac, c'est mortel.
M. Renaud: ...c'est mortel, mais l'absence d'amis aussi, c'est
mortel.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Renaud: Le fait qu'on vive tout seul dans son coin, qu'on soit
isolé, qu'on en arrache dans la vie, c'est aussi dangereux que de fumer.
Et ça, c'est important de le réaliser parce que l'étude...
Science, l'une des grandes revues prestigieuses américaines, a
déclaré que l'isolement social est un facteur de risque au
même titre que le tabac, que le cholestérol, etc. Quand Science
fait ce genre de déclaration là, il faut le prendre en
compte. Revoyant toute l'évidence, ils disent: On devrait maintenant
agir par rapport au soutien social de la même manière qu'on a agi
en 1964 par rapport au tabac.
Mme Corin: Avec peut-être encore un élément
complémentaire, c'est que ce facteur de risque que constitue l'isolement
n'est pas spécifique à une maladie. Donc, il s'agit vraiment
là d'une possibilité d'action qui dépasse l'action sur des
maladies particulières. Et, à ce niveau-là, ça
souligne encore davantage le très grand enjeu qu'il y a d'aussi penser
les interventions à ce niveau-là.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai...
M. Evans (Robert): On trouve dans le journal américain
Business Week de la semaine dernière un commentaire sur ces
données-là concernant l'inquiétude que le changement des
arrangements maritaux dans l'Amérique du nord aura un grand impact sur
les coûts de santé pendant les prochaines décades. C'est
simplement que ces données-ci, ces résultats, maintenant, se
trouvent dans le "main stream" des commentaires sociaux et des affaires...
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être une petite
dernière. Le département de santé communautaire... Si je
n'y allais pas avec une question spécifique comme celle-là je me
sentirais mal à l'aise, compte tenu de votre expertise. Quelle est
l'évaluation que vous faites des départements de santé
communautaire, puisque vous touchez un bon nombre de points, dans la
perspective de vos recommandations, quelle serait la place que devraient
occuper les départements de santé communautaire?
M. Contandriopoulos: Je pense que dans la perspective que l'on
propose c'est, au fond, de dire: La place des départements de
santé com- munautaire ne devrait peut-être pas être uniforme
pour toutes les régions de la même façon, que le
découpage de la responsabilité de la santé communautaire
pourrait passer par des départements de santé communautaire dans
certains cas, mais, encore une fois, c'est cette idée que les
façons de faire pourraient être différentes de
région en région et qu'il n'est pas besoin d'avoir une structure
panquébécoise pour savoir comment on va prendre en charge la
santé communautaire. Il y a certaines régions où
déjà les conseils régionaux et les départements de
santé communautaire ne font qu'un. Il y a donc deux structures qui se
superposent. Dans d'autres régions, il y a des structures
différentes, mais je pense que le message qu'on dit c'est que ce n'est
pas tant la structure des départements de santé communautaire qui
est importante que les façons de voir la santé et la santé
communautaire dans une politique de santé.
M. Côté (Charlesbourg): Ce qui veut dire, si je
comprends bien, qu'il faudrait que le département de santé
communautaire soit davantage rattaché ou de responsabilité avec
la régie...
M. Contandriopoulos: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...régionale que tout
autre attachement à un organisme autre, provincial ou autre.
M. Contandriopoulos: C'est le sens d'une régionalisation.
La santé communautaire n'est pas déconnectée d'une
politique de santé, et si on régionalise les façons de
faire, on régionalise aussi les interventions des départements de
santé communautaire.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que vous iriez
jusqu'à dire surtout pas rattaché à un hôpital?
M. Contandriopoulos: Ça serait la logique.
Le Président (M. Joly): merci. je vais maintenant
reconnaître m. le député de joliette, leader de
l'opposition et aussi critique en matière de santé.
M. Chevrette: Merci. Moi, je ne sais pas si c'est la nature de
votre groupe ou à cause du statut que vous avez, mais c'est la
première fois que je trouve qu'on aborde concrètement et
globalement les problèmes. Je voudrais vous en féliciter d'abord.
Je trouve que vous posez les bonnes questions et vous posez un jugement
très valable sur l'avant-projet de loi. À toutes fins pratiques,
vous l'avez sans doute lu puisque vous avez même pris la peine de traiter
des notes explicatives du projet de loi. Je lisais, entre autres, une phrase
qui me faisait rire, et je suis convaincu que le ministre partage mon point
de
vue, quand vous dites: Ce projet de loi ne... Excusez. "Même les
notes explicatives au projet de loi ne font que platement résumer les
changements souhaités aux structures" Je suis convaincu que le ministre
est d'accord puisque, depuis le début, le ministre se plaît
à dire qu'il retient les suggestions faites. On ne reconnaîtra
sans doute plus l'avant-projet de loi et c'est tant mieux pour la
société québécoise.
Vous posez des bonnes questions, à mon point de vue, parce que
décentraliser pour décentraliser, ça m'apparaît
être quelque chose de fou comme balai. On ne décentralise pas pour
le plaisir de décentraliser. On décentralise pour assouplir le
fonctionnement ordinairement, améliorer le fonctionnement, faire en
sotte que les décisions collent plus aux réalités du
milieu. On rapproche les pouvoirs de décision des citoyens. Et, encore
là, vous posez les questions: Allons-nous continuer à laisser
développer les services de santé comme ils se développent
présentement ou s'il y aura des orientations de base de données?
C'est toute la question. Est-ce qu'on décentralise complètement
ou si on garde des pouvoirs au niveau national? Moi, je pense que vous posez le
vrai problème. Les grandes orientations de santé, à mon
point de vue, et je donne mon opinion bien personnelle là-dessus, je
pense que ça doit demeurer au niveau national. Si on est capable chaque
année de convoquer Hydro-Québec pendant deux jours pour les
ententes sur leur plan de développement, il me semble qu'on doit
être capable, au niveau de la santé d'un peuple, de faire la
même chose, d'être capable d'avoir des objectifs. À ce
moment-là, lorsqu'on convoquera les gens par la suite, on n'aura pas
l'air de s'attaquer aux gens. (11 heures)
Là, on est obligé de dire aux médecins, par
exemple: C'est effrayant, vous médicalisez. Vous médicalisez,
ça n'a pas de maudit bon sens. Il y a des hôpitaux même qui,
pour faire du développement, sont rendus qu'ils font les jobs des CLSC.
Ils font du domicile, du maintien à domicile. C'est l'hôpital
à domicile et, vous avez remarqué, ils viennent ici et ils sont
tout heureux de dire qu'ils ont fait du développement. Mais est-ce que
ça correspond aux objectifs de santé? Est-ce que ça
n'accapare pas médicalement tout l'argent, ou ça ne gobe pas tout
l'argent, précisément, ce qui nous empêche d'en mettre sur
la prévention, par exemple? Ça vous touchez cet aspect-là
d'une façon indirecte, et ça m'apparaît important. Sur cet
aspect-là, moi, je pense qu'on doit retenir que, et je souhaite que le
ministre de ce côté-là y aille à fond de train, on
puisse véritablement se fixer des objectifs, de sorte qu'on n'attaquera
plus les individus ou les gens du système, on va les amener à
participer à ces objectifs-là. Ça je pense que c'est
important, et je vous félicite d'aborder ça de cette
façon-là. Sauf que j'aimerais vous entendre, comme groupement,
sur les orientations, quand vous dites... Quel est le partage des pouvoirs que
vous verriez dans un tel concept, avec les régions?
M. Renaud: II est clair que les régions doivent avoir la
responsabilité de la gestion quotidienne des services, que le
ministère a la responsabilité de fixer les objectifs, de
"monito-rer" et d'épauler chacune des régions, parce qu'encore
une fois elles ne sont pas égales les unes par rapport aux autres. Et
juste là-dedans il y a pas mal d'ouvrage. Là où il y a un
problème, on en a discuté justement entre nous hier soir, c'est
qu'est-ce qu'on fait des hôpitaux d'enseignement?
M. Chevrette: Ah oui...
M. Renaud: Parce que dans la structure actuelle - on ne veut pas
ouvrir un panier de crabes compliqué, là - si les hôpitaux
d'enseignement sont complètement la responsabilité du
ministère, à ce moment-là, il y a 50 %, pratiquement, des
ressources hospitalières qui sont défalquées des
régions et gérées par Québec. Est-ce qu'il ne
serait pas mieux de penser, mais on ne s'est pas fait une tête
là-dessus, est-ce qu'il ne serait pas mieux de penser que les
hôpitaux d'enseignement, la partie enseignement soit directement
gérée par Québec, et que la partie soins soit
dépendante des régions, peut-être? Mais ce n'est pas une
question facile, de bien départager les responsabilités.
Une voix: Quelqu'un d'autre...
M. Contandriopoulos: En reprenant la question comme vous la posez
de façon très générale, ce qu'on dit,
explicitement, c'est que, oui, le gouvernail général est à
Québec et les décisions qui sont prises dans les régions
sont des décisions sur les moyens. Autrement dit, il n'y a pas une
façon d'atteindre un objectif de santé, il y a une multitude de
façons de le faire, et il y en a qui sont probablement plus
adaptées à une région qu'à l'autre. Ce qu'on
demande simplement, c'est de rendre des comptes sur les résultats et de
ne pas être tenus à une réglementation sur les
façons de faire. Donc, on change vraiment très très
radicalement la façon dont on a organisé notre réseau de
la santé jusqu'à présent. C'est le premier
élément. La question qui est subséquente à
ça, c'est encore une fois le fait que les régions
québécoises sont excessivement différentes et que les
grandes villes, Québec, et Montréal surtout, sont des
régions très particulières. Et se pose la question de
qu'est-ce que serait la régionalisation de Montréal, par exemple?
Et là il y a encore du travail à faire. Mais je pense qu'on ne
peut pas, dans cette réflexion sur les façons de faire, dire en
même temps il existe une ou des régions urbaines
métropolitaines, et on exclut de ces
régions-là tout un pan de l'activité
médico-hospitalière de ces régions, qu'est le pan
rattaché à l'université. Il y a quelque chose là
qui est, en tout cas intellectuellement, excessivement difficile à
accepter.
M. Chevrette: Mais vous parlez de décentralisation
graduée, si j'ai compris votre mémoire. J'ai de fortes
réticences à cette suggestion, et je vais vous expliquer pourquoi
et j'aimerais vous entendre réagir. On sait qu'il y a des
inéquités flagrantes, qui sautent aux yeux de tout le monde au
niveau des sommes consacrées à la santé des gens dans
certaines régions. La Montérégie, par exemple, on sait
qu'elle est sous-équipée, et au point de vue financier on sait
que, par rapport au per capita qui se dépense ailleurs, c'est pauvre
comme ressources. C'est un peu la même chose dans Lanaudière, qui
est l'avant-dernière, Laurentides-Lanaudière. Mais ça
c'est reconnu, c'est de notoriété publique au ministère,
c'est... Il y a des régions, effectivement, qui sont prêtes
à assumer une décentralisation certaine et immédiate. Je
prends l'Estrie, je prends le Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a au moins deux
régions qui se sont dites prêtes demain matin à assurer ou
assumer une décentralisation certaine. Mais, si on décentralise
d'une façon graduée, comment allons-nous corriger les
inéquités, parce que décentraliser veut dire
transférer les enveloppes, y compris de la RAMQ, dans ma tête, au
niveau d'une région. Si, dès le départ même, on ne
corrige pas ces inéquités-là, comment on pourrait
réaliser une décentralisation certaine en y allant d'une
façon graduée?
M. Renaud: Mais notre idée n'est pas de
décentraliser sur 20 ans, là, mais l'idée c'est de se
donner le temps de décentraliser, parce qu'il ne faut pas mettre la
charrue avant les boeufs. Pour certaines des régions que nous on
connaît, si, du jour au lendemain, vous décentralisez dans
l'intérieur du personnel de direction qui est actuellement
présent dans ces régions, ça ne changera rigoureusement
rien, parce que les mentalités n'auront pas changé. Notre
idée, c'est donc de dire tout simplement: Allons-y mollo, il faut y
arriver probablement d'ici 5 ans. Il faut que le Québec soit
décentralisé. Mais allons-y quand les régions seront
prêtes à y aller. Par exemple, pourquoi les régions ne
devraient pas faire une demande? Nous, comme chercheurs on fait constamment des
demandes. Pourquoi les régions ne feraient-elles pas une demande
écrite à cette commission, pour devenir une région, pour
s'expliquer, pour expliquer comment ils veulent procéder et pour faire
en sorte que chacune des régions se soit bien mobilisée, avant
qu'on leur donne le statut d'une région décentralisée?
Il me semble que tout le monde est gagnant là-dedans. Autrement,
si on va trop vite, les objectifs que vous, vous poursuivez, on ne les
atteindra pas.
M. Chevrette: Mais prenons un exemple concret, M. Nadeau.
L'Estrie veut décentraliser demain... accepte la
décentralisation, ils demandent dès le départ, ainsi que
le Saguenay-Lac-Saint-Jean... Vous commencez par établir des normes et
des critères, je suppose, pour décen-tratliser les enveloppes. Si
vous ne corrigez pas dès le départ les enveloppes... Le
lendemain, il reste quatorze régions qui ne sont pas
décentralisées et qui continuent à être
administrées par le ministre ou par le ministère. À ce
moment-là les correctifs sur le plan de l'équité des
services ne se font pas simultanément. Comment voyez-vous ça?
M. Contandriopoulos: Je pense qu'on n'a pas beaucoup le choix
quand on raisonne sur des hôpitaux qui sont là, des personnes qui
sont engagées, des conventions collectives qui courent, tout ça
qui est en place. Donc, le processus de décentralisation, avec cette
idée que les régions, l'Estrie fait une décentralisation,
donc c'est toute une animation qui est faite là. C'est une demande qui
va faire en sorte que, non pas le montant total d'argent qui va être
décentralisé la première année, mais bien les
réajustements budgétaires, année après
année, vont être eux alors carrément associés
à un per capita, à des facteurs de risque, à des
indicateurs de résultats. Autrement dit, on part, au point de
départ, avec, pour l'Estrie, sensiblement le même budget, qui, au
lieu d'être donné par Québec, est géré par
cette régie. Mais la régie sait, la population sait, le monde
sait que l'année prochaine, après avoir comparé, les
réajustements vont être faits et que vraisemblement les
réajustements vont être faits en fonction de critères qui
sont des critères beaucoup plus proches des populations à
desservir et des résultats à atteindre. Je pense que c'est de
ça dont on parle. Qu'est-ce que ça va vouloir dire à moyen
terme, dans cinq ans ou dans dix ans? Ça va vouloir dire qu'il y aura
moins d'argent qui va aller directement dans des régions
métropolitaines, plus d'argent qui va aller directement dans d'autres
régions et qu'il va y avoir toutes sortes de négociations qui
vont se passer, entre les différentes régions, en termes de
contrats de services, en termes d'échange de compétence, en
termes d'avantages divers. C'est ça qu'on est en train de
créer.
M. Chevrette: Merci. Ça m'éclaire. D'autres
questions. Ce sont vos fameuses régies imputables à la commission
parlementaire. Il y a seize régions sociosanitaires, je pense, au
Québec. Est-ce que les gens qui formeraient la régie seraient des
gens élus, imputables devant la commission parlementaire ou des gens
nommés par les organismes, mais imputables devant la commission
parlementaire? Comment voyez-vous ça? Parce
que, si vous leur faites rendre des comptes devant les élus,
est-ce que ça change le mode... Est-ce que c'est un mode électif,
au niveau de la régie, ou si c'est un mode nominatif?
M. Renaud: Non. Ça pourrait être électif
éventuellement, mais notre idée c'est que ce n'est pas
électif. Ce sont les personnes nommées, dont la carrière
est gérée par le ministère, mais dont
l'imputabilité sur le plan politique, c'est cette commission. En
d'autres mots, on dit: La région doit défendre son budget,
défendre sa manière de s'organiser devant la commission. Par
ailleurs, sur le plan de la carrière, le dirigeant de la régie
régionale est, lui, évidemment dépendant du
ministère. C'est un peu l'idée à laquelle on est
arrivé. Le problème c'est de... La commission Rochon avait pris
une solution facile en disant l'élection... Evidemment ça serait
parfait si ça pouvait marcher. À court terme, il y a toutes
sortes d'objections à cette idée, mais il faut trouver le moyen
de ne pas tout simplement rendre ces gens-là imputables au ministre, ce
qui veut dire qu'en principe ils ne sont pas imputables parce que le ministre a
trop d'affaires à faire.
M. Chevrette: O.K. Mais si je comprends bien votre raisonnement,
c'est que ce sont des gens nommés en région pour réaliser
les objectifs gouvernementaux ou ministériels? D'accord? Est-ce que vous
n'appelez pas ça, à ce moment-là, de la
déconcentration et non pas de la décentralisation
réelle?
M. Contandriopoulos: Non. Je pense que ce qu'on leur dit c'est
qu'ils sont nommés pour rencontrer les objectifs du ministère.
Ils ont un pouvoir, une responsabilité sur les moyens de le faire et ils
sont responsables de faire la démonstration qu'ils ont utilisé
l'argent dans des façons de faire qui sont les meilleures possible.
Donc, ils ont cette obligation de rendre des comptes sur les façons de
faire. Ils n'ont, dans l'idéal, aucune norme qui limite leur
façon de faire. Dans ce sens-là, je verrais réellement un
pouvoir dans les régions, un véritable pouvoir qui n'est pas
seulement de la déconcentration.
M. Chevrette: Oui, mais si vous donnez le pouvoir en
région de prendre des orientations... C'est parce que je veux voir ce
que vous avez véritablement, là, entre les deux oreilles, comme
on dit en bon québécois. Je voudrais savoir, ces gens-là,
pour administrer, prendre des décisions, tirent leur source, leur
approvisionnement, si vous me permettez l'expression, pour prendre leurs
décisions, ils les prennent où? Est-ce que sont des groupes
consultatifs qui conseillent ces gens nommés là? Puisque vous
dites que ce n'est pas nécessairement électif, j'aimerais savoir
comment ces gens tireraient les pouvoirs au niveau régional, pour
prendre des orientations qui leur sont propres, et après ça venir
répondre devant un groupe de parlementaires, qui lui est
indépendant du ministère. C'est très compliqué,
votre histoire, là. On se comprend bien?
M. Contandriopoulos: Très bien.
M. Chevrette: Des gens nommés en région qui
prennent des décisions et ont le pouvoir de prendre des
décisions, ils ne sont pas élus, ils se présentent devant
des élus, mais qui ne sont pas redevables devant l'Exécutif.
Parce que nous autres, la commission parlementaire, on pourrait
théoriquement aller à rencontre du ministre, ici. S'il n'y avait
pas la ligne de parti, je suis convaincu que bien des fois on serait en
désaccord avec le ministre. À partir de là, comment vous
voyez ça concrètement?
Mme Corin: II y a quand même des objectifs
généraux de résultats sur lesquels, en principe, tout le
monde fait l'accord, et, à ce moment-là, je pense que ce qui est
essentiel, c'est de favoriser dans les critères de l'évaluation
la notion d'adaptation aux réalités régionales en termes
de concrétisation et de spécification des objectifs - ce n'est
pas la même chose partout; suivant les caractéristiques des
régions, c'est un objectif qui prend le pas sur un autre - et
également une adaptation au niveau des moyens. Alors, si cette
diversification fait partie du mandat et des critères
d'évaluation, à ce moment-là, je pense que c'est ça
qui est plus important que le fait que la personne soit élue ou pas.
C'est comment est-ce qu'elle va faire pour lire les problèmes de
santé et pour mettre en place des moyens qui tiennent compte des
caractéristiques de sa région pour y répondre. Je crois
que ça, à mon avis, c'est un peu indépendant du fait qu'on
est élu ou pas. C'est une conception, c'est une façon de regarder
ce que veut dire gérer un système de santé, dans une
optique régionale.
M. Renaud: Je ne suis pas sûr de comprendre votre
problème, je pense... Ça répond? Le dirigeant de la
régie régionale va avoir son propre conseil d'administration. Au
fond c'est...
M. Chevrette: Son propre quoi?
M. Renaud: Son conseil d'administration, un peu comme c'est dans
le projet de loi. Cette personne-là va être entourée, elle
n'est pas laissée là toute seule. L'idée c'est de faire en
sorte que la région soit imputable à la commission parlementaire,
évidemment par l'entremise du dirigeant de la régie
régionale, dont, par ailleurs, la carrière, comme c'est une
personne nommée, dépend de la ligne hiérarchique du
gouvernement.
M. Chevrette: Bon, voici le seul incon-
vénient que j'y voyais. Je trouve ça intéressant,
l'idée de l'imputabilité devant une commission parlementaire, je
trouve ça extrêmement intéressant; c'est la première
fois, c'est une idée neuve, d'ailleurs, ça n'a été
soumis par aucun groupe. Ce que je veux dire, cependant, c'est que je ne
voudrais pas qu'on se ramasse avec un ensemble, un conseil d'administration
bourré de D.G. du réseau, mais qu'on ait des citoyens, c'est
ça que je veux dire, qu'on ait des citoyens qui fassent partie de cette
régie-là. Je prend dans l'Estrie, par exemple, on a mis
l'emphase, dernièrement, on a mis une priorité, en termes de
développement, face à l'alcoolisme et à la toxicomanie. Ce
sont les gens du milieu qui se sont pris en main. On risque autrement avec
votre dénomination d'arriver avec des compétences, je n'en doute
pas, je ne veux pas parler de la compétence professionnelle des D.G. du
réseau, mais, si ça devient un arbitrage entre des D.G. du
réseau au niveau régional, je ne marche pas. Comment voyez-vous
ça, pour qu'on puisse maintenir une véritable participation des
citoyens à la base?
M. Contandriopoulos: Je pense que, dans la façon dont on
raisonnait, on ne contestait pas la nécessité de repenser la
composition des conseils d'administration, on restait au fond dans les lignes
de ce qui était dit là et des aménagements, mais ce
n'était pas ça le problème. Ce qui nous semblait
important, c'est... Imaginons qu'on ait ces conseils d'administration,
composés non pas uniquement de D.G. d'hôpitaux, mais
composés très majoritairement de représentants de la
population - c'est de ça dont on parle - et le directeur de la
régie régionale, qui est nommé par Québec, qui a
son conseil d'administration. Ce qu'on a essayé en même temps de
dire - ce qui transparaît dans tout le mémoire - c'est que la
santé ne peut pas être simplement sous la responsabilité du
ministère de la Santé et des Services sociaux. Il faut quelque
part que le gouvernement assume une responsabilité sur la santé,
et le retour à la commission parlementaire, c'était comme de
remettre, face à une responsabilité gouvernementale, l'atteinte
ou la non-atteinte de certains résultats de santé, cette
espèce d'équilibre qu'on a essayé d'imaginer. Mais les
modalités, on ne les pas écrites. On ne les a pas
travaillées plus que ça. (11 h 15)
M. Chevrette: Je voudrais vous remercier, puis je peux vous dire
que, personnellement, comme Opposition, nous allons voir à ce que
certaines de vos recommandations se retrouvent dans le projet de loi, parce que
je les trouve très intéressantes, en particulier, le fait d'avoir
continuellement à actualiser nos objectifs de santé et de les
faire partager. Je suis persuadé que c'est la façon d'apporter
des changements de mentalité. Au lieu de braquer des gens, puis de les
faire se battre en fonction de leur corporatisme individuel ou comme groupe,
qu'on les amène à faire partager des objectifs de santé,
et ça permet un développement, et établir des
priorités qui peuvent avoir des impacts sur l'ensemble de la
collectivité. Je vous remercie infiniment de votre rapport.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. C'est une
très bonne contribution. J'ose espérer qu'on pourra vous reparler
après la commission parlementaire au moment où on prendra des
décisions finales, parce qu'il me paraît y avoir des pistes
très intéressantes. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, à mon tour, au nom
des membres de cette commission. Je tiens à remercier les gens de
l'Institut canadien de recherches avancées. Merci beaucoup.
Je demanderais maintenant aux gens représentant l'Association des
centres d'accueil du Québec de bien vouloir s'avancer, s'il vous
plaît. Bonjour. Bienvenue à cette commission. Est-ce que c'est M.
Clair qui est le porte-parole? Non?
M. Clair (Michel): Dans un premier temps, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Alors, si voulez vous
présenter et aussi nous présenter les gens qui vous accompagnent,
s'il vous plaît.
Association des centres d'accueil du
Québec
M. Dolan (Mario): Bien sûr. M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Mario Dolan. Je
suis notaire à Montmagny et l'un des 5000 bénévoles qui
oeuvrent au niveau des conseils d'administration des 375 membres de
l'Association des centres d'accueil du Québec, dont je préside le
conseil d'administration. Je vous présente les personnes qui
m'accompagnent. De notre conseil d'administration: Mme Lise Bélanger,
présidente du Conseil régional des centres d'accueil de la
région 06C; M. Gilles Proulx, président du Conseil
régional des centres d'accueil de la région 03, Rive-Nord; M.
Gaston Robert, président la Commission des centres de
réadaptation pour jeunes en difficulté d'adaptation; M. Pierre
Lamarche, président la Commission des centres de réadaption pour
personnes alcooliques et toxicomanes. Font également partie de cette
délégation, Mme Gisèle Besner, qui est
vice-présidente de la Commision des centres d'accueil
d'hébergement, et, de notre secrétariat national, Me Michel
Clair, qui est le directeur générai de l'association et qui
procédera, dans quelques minutes, à la présentation des
principaux éléments de notre mémoire.
Permettez-moi, d'abord, de rappeler aux membres de cette...
Le Président (M. Joly): Excusez.
M. Dolan: Oui.
Le Président (M. Joly): Vous avez une vingtaine de minutes
pour votre mémoire.
M. Dolan: Oui, on le sait.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Dolan: Merci. Permettez-moi d'abord de rappeler aux membres de
cette commission que notre association regroupe six familles
d'établissements, à savoir les centres d'accueil
d'hébergement, les centres de réadaptation pour personnes ayant
une déficience physique, les centres de réadaptation pour
personnes présentant une déficience intellectuelle, les centres
de réadaptation pour jeunes en difficulté d'adaptation, les
centres de réadaptation pour personnes alcooliques et toxicomanes, ainsi
que les centres de réadaptation pour mères en difficulté
d'adaptation.
La mission de notre association est de supporter nos membres dans la
réalisation de leur mandat fondamental, soit la prestation de services
adéquats aux clientèles désignées par la loi, et de
représenter les intérêts des centres d'accueil dans cette
perspective. En vue de communiquer à l'Assemblée nationale le
point de vue de nos membres sur l'avant-projet de loi, nous avons
procédé à une double consultation sectorielle et
régionale impliquant tout autant des directeurs que des administrateurs
bénévoles de nos établissements. Cet exercice
démocratique a conduit notre association à adopter en
assemblée générale les grands principes qui sous-tendent
le contenu de notre mémoire. Je suis particulièrement fier
à titre de président de l'Association des centres d'accueil du
Québec que nos membres ne se soient pas limités simplement
à rejeter les propositions de l'avant-projet de loi, mais aient
accepté de mettre de l'avant de véritables alternatives
engageantes pour eux-mêmes d'abord, mais pour les autres aussi et toutes
orientées vers le meilleur intérêt des clientèles
desservies.
M. le Président, notre association a été à
l'avant-garde quant à la solution à apporter à de nombreux
problèmes sociaux au cours des dix dernières années. Qu'il
s'agisse d'intégration sociale des personnes ayant une déficience
intellectuelle, de réadaptation des jeunes en difficulté
d'adaptation, des personnes ayant une déficience physique, des
alcooliques, des toxicomanes ou des mères en difficulté
d'adaptation, dans tous ces cas, je puis affirmer que, bien avant que les
autorités politiques ou ministérielles ne reconnaissent le
bien-fondé, notre association avait initié des changements
aujourd'hui cités en exemple.
Il en va de même, croyons-nous, dans le secteur des services
gérontologiques où notre association préconise, depuis
plusieurs années, une rationalisation ordonnée du réseau
des centres d'accueil d'hébergement et le développement d'un
réseau intégré de services aux personnes
âgées en perte d'autonomie, ce que nous appelons, nous, le centre
de services gérontologiques. Seul un tel réseau travaillant en
tandem avec celui des CLSC peut constituer une alternative aux recours abusifs
à l'hospitalisation des personnes âgées en perte
d'autonomie. Autrement, les ministres continueront à dénoncer le
phénomène, mais continueront aussi d'investir de plus en plus
d'argent dans les hôpitaux et à condamner les centres d'accueil et
les CLSC à se battre entre eux pour de petits budgets de
développement.
Nous espérons que le temps de la sympathie pour le social et de
l'argent pour le médical tire à sa fin dans la prise en charge
des personnes âgées en perte d'autonomie et que les
priorités ministérielles à l'égard de ces personnes
rejoindront concrètement les nôtres.
Pour vous présenter notre mémoire, notre directeur
général, Me Michel Clair.
Le Président (M. Joly): Merci. M. Clair.
M. Clair (Michel): M. le Président, vous avez en main un
mémoire et un résumé de notre mémoire. En fait,
notre mémoire comporte deux grandes parties: une première qui
traite de différents enjeux sociopotitiques et une deuxième qui
analyse plus systématiquement le texte de loi, les dispositions
prélégislatives, si on veut, contenues à l'avant-projet de
loi. Alors, dans les 15 minutes qui vont suivre, je n'ai aucunement l'intention
de présenter la deuxième partie. Je pense que les fonctionnaires
qui sont chargés de rédiger pourront s'inspirer, à
l'occasion, des modifications que nous proposons.
Je me contenterai, par ailleurs, non pas de lire le
résumé, mais d'en faire un deuxième résumé,
si vous voulez, et d'attirer l'attention de la commission parlementaire en
préambule sur quatre éléments qui nous semblent
extrêmement importants et, deuxièmement, sur près d'une
dizaine de points qui sont contenus dans notre mémoire et sur lesquels
nous avons, comme le disait le président de notre association, des
choses à dire et des alternatives à proposer.
Notre mémoire suit la méthodologie ou l'analyse, si vous
voulez, qui est faite de l'avant-projet de loi et des orientations
ministérielles qui avaient été présentées
par Mme Lavoie-Roux. Nous abordons donc, dans un premier temps, les
généralités.
À notre avis, deux failles majeures caractérisent
l'ensemble du processus dans lequel nous sommes partie prenante. D'une part,
à plusieurs reprises, on a fait état de la publication prochaine
d'une politique de santé et de bien-être pour les
Québécois et, ce que l'on constate, c'est qu'un projet de
réforme, principalement de
structures, précède l'énoncé d'une telle
politique et ça nous semble être une démarche qui n'est pas
très solide sur le plan logique. Comme M. le ministre l'indiquait
lui-même tantôt, avant de savoir quels sont les meilleurs
véhicules, les meilleurs moyens d'atteindre des objectifs, ce ne serait
pas mauvais d'avoir une bonne idée des objectifs qu'on poursuit.
La deuxième faille, à notre avis, qui caractérise
le processus, c'est que nulle part il n'est question de la délimitation
inévitable, à notre avis, que les Québécois vont
devoir faire tôt ou tard du fameux principe de l'accessibilité
universelle et gratuite de services. Nous, on considère que c'est une
faille majeure puisque, dans le réseau que nous représentons,
l'universalité des services sur le plan de l'accessibilité et de
la gratuité, c'est une illusion. C'est une illusion sur le plan de la
gratuité quand on pense, par exemple... Qu'il s'agisse des jeunes
contrevenants, des jeunes en difficulté d'adaptation qui nous sont
confiés dans nos établissements ou des personnes
âgées que nous hébergeons, la gratuité, c'est un
mythe. Les personnes âgées défraient leur
hébergement dans le réseau des centres d'accueil
d'hébergement et les parents doivent contribuer au niveau de la prise en
charge des jeunes par le réseau de réadaptation.
L'accessibilité universelle aussi c'est un mythe dans notre
secteur. Il y a des régions entières qui, sur le plan de certains
services qui nous apparaissent être de base, comme la réadaptation
sur le plan de la déficience visuelle, de la déficience auditive,
de la réadaptation en alcoolisme et toxicomanie ne sont à peu
près pas desservies. Alors, nous, on pense qu'un débat
préalable doit avoir lieu quant à délimiter ce qui est
réellement universellement gratuit et accessible. Autrement, ce sont les
établissements qui doivent faire les choix que la société
ne fait pas. Un exemple concret, le centre d'accueil Domrémy à
Montréal, capacité de traitement de personnes alcooliques et
toxicomanes par année, 1800, nombre de demandes de traitement, 9000.
Entre les deux, le beau principe d'accessibilité universelle, qui est
condamné à en faire le choix? C'est rétablissement.
Deux autres reproches, si on veut, plus spécifiques du point de
vue des centres d'acueil à l'égard de l'avant-projet. Le
diagnostic qu'il pose et les remèdes qu'il propose donnent et sont
basés essentiellement sur une perspective médicale et
hospitalière de la réalité. Et, inutile de vous dire que,
comme on se définit d'abord et avant tout comme des
établissements à vocation sociale, des établissements
sociaux, les centres d'accueil, quelle que soit leur mission, sont
déçus de cela. Deuxième reproche. À notre avis tant
l'avant-projet que les orientations qui étaient proposées
reconduisent le déséquilibre budgétaire quant à
l'importance qu'on accorde au volet social et au volet santé en faveur
du volet santé.
Une fois cela dit, M. le Président, abordons les principaux
thèmes. D'abord, la problématique des régies
régionales. Notre association a toujours indiqué qu'elle
était d'accord avec une décentralisation réelle. Quand on
entend une décentralisation réelle, on veut dire
décentralisation du pouvoir et des responsabilités. Et à
notre humble avis, ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi, avec
une complexité incroyable de normes de contrôle au niveau
régional, ne constitue pas une décentralisation au sens politique
du terme mais bel et bien plutôt une déconcentration
administrative. D'ailleurs, deux éléments viennent à notre
avis confirmer ça, le fait que le président-directeur
général de la Régie soit l'équivalent d'un
sous-ministre régional choisi par le ministre et répondant
à celui-ci et, deuxièmement, la façon de nommer les
membres du conseil d'administration de la régie régionale vient
confirmer que tout ce beau monde répondrait bien davantage au ministre
qu'à la région et que, dans ce sens-là, nous ne pouvons
conclure que ce qui est annoncé et ce qui est proposé
coïncident. Alors, nous, ce qu'on propose, c'est, oui, que le gouvernement
aille de l'avant dans une véritable décentralisation. Je crois
que le ministre, dans ses propos récents, a indiqué clairement sa
volonté dans ce sens-là. Et, quant à nous, une
décentralisation véritable, ça veut dire non pas un
resserrement de l'emprise régionale sur les établissements mais,
au contraire, une autonomie plus grande au niveau des conseils d'administration
locaux et que les PDG et les conseils régionaux soient imputables au
moins autant à la population régionale qu'ils le seraient au
gouvernement.
Le deuxième sujet que je voudrais aborder rapidement, la
création de la nouvelle catégorie d'établissements de
centres d'hébergement et de soins de longue durée qui
résulterait de la fusion de deux catégories
d'établissements, les centres d'accueil d'hébergement et les
centres hospita-bliers de soins de longue durée. Nous sommes d'accord
avec ça. Ça peut étonner, mais nous sommes d'accord. La,
cependant, où nous ne sommes pas d'accord et nous sommes
extrêmement déçus, c'est de voir la mission qui est
proposée dans l'avant-projet de loi à cette nouvelle
catégorie d'établissements, à savoir que les nouveaux
centres d'hébergement de soins de longue durée seraient
confinés exclusivement à une mission d'hébergement puisque
toute notion de services externes en disparaîtrait. On reviendrait,
à notre avis, à la notion d'hospice qui prévalait avant la
réforme Castonguay de 1970 et, pour nous, c'est inacceptable. L'article
30 tel qu'il est rédigé viendrait en quelque sorte rendre
irréalisable le développement d'un concept de centres de services
gérontologiques mettant en tandem les CLSC et les centres d'accueil
d'hébergement pour développer une véritable alternative
à l'hospitalisation des personnes âgées en perte
d'autonomie. Alors, quant à nous,
l'article 30, c'est inacceptable. (11 h 30)
On a proposé, depuis plusieurs années, un concept de
centres de services gérontologiques et on essaie, sans beaucoup de
moyens, de développer ça, d'avoir de l'hébergement
dépannage dans les centres d'accueil d'hébergement, d'avoir des
services de psysiothérapie et d'ergothérapie qui soient
disponibles non seulement pour les personnes hébergées mais
également pour les personnes du milieu dans les centres de jour. Vous
allez être surpris d'apprendre, c'est quasiment scandaleux en 1990, mais
savez-vous qu'il n'y a que 22 % des centres d'accueil d'hébergement qui
sont en mesure d'offrir à la fois des services de physiothérapie
et des services d'ergothérapie? Pas surprenant que les personnes
âgées en perte d'autonomie se retrouvent dans les centres
hospitaliers parce que qui que ce soit qui se retrouverait dans cette
condition-là ferait le choix d'aller là où il pense qu'il
va trouver des services adéquats en fonction de sa réalité
biopsychosociale, je m'excuse d'employer le mot, mais il va s'en aller
là où les services sont disponibles. Et de nous ramener, comme on
le propose à l'article 30, à une notion d'hospice, on pense,
nous, que c'est faire marche arrière et que c'est contraire aux
objectifs poursuivis et annoncés par le ministre de la Santé et
des Services sociaux au cours des derniers mois.
Nous représentons aussi des centres de réadaptation. Et,
vous dire à quel point ils ont été choqués à
la lecture de l'article 31 qui vient nous donner là aussi notre mission,
c'est peu dire. Parce que lorsqu'on lit l'article 31, je pense que ça
vaudrait la peine de le regarder... L'article 31, ce qu'il nous propose, c'est
de revenir, je le retrouve rapidement... L'article 31 dit que les centres de
réadaptation, c'est pour prendre charge de personnes, etc., qui doivent
être protégées, soignées ou gardées en
résidence protégée. Ça, c'est une notion qui
prévalait, il y a 25 ans, quand on parlait des écoles de
réforme et des asiles. La réadaptation, telle qu'elle existe
aujourd'hui, telle qu'elle est pratiquée dans les centres de
réadaptation est d'au moins 20 ans plus avancée, plus
développée que ça. C'est pourquoi je prends le temps de
lire l'article qu'on propose comme définition de la mission des centres
de réadaptation. Ce sont des installations, à notre avis,
où on offre des services d'adaptation et de réadaptation à
des personnes présentant une déficience physique ou
intellectuelle ou des difficultés d'ordre caractériel,
psychosocial ou familial et qui visent à développer et maintenir
les capacités physiques et mentales ainsi que l'autonomie fonctionnelle
et sociale de ces personnes. À cette fin, le centre accueille les
personnes qui requièrent de tels services, évalue leurs besoins,
prodigue les services à l'interne, à l'externe, dans les locaux
du centre de réadaptation ou dans le milieu de vie des personnes ou, si
nécessaire, les dirige vers les centres, les organismes communautaires
ou les personnes les plus aptes à leur venir en aide.
On pense, M. le Président, là-dessus que si -
j'espère que ce n'est pas le cas - mais si le texte de l'article 31 tel
qu'il est présenté, tel qu'il nous est libellé
présentement représentait la volonté gouvernementale et
ministérielle du rôle qu'on ait à jouer, bien, on n'aurait
pas besoin de se forcer beaucoup parce que c'est ce qui se passait, il y a 25
ans.
Au niveau des instituts universitaires, on en propose 13 dans
l'avant-projet de loi et dans les orientations ministérielles. Beaucoup
de gens parlent à l'effet qu'il y a une trop grande proéminence
du volet santé et du volet médical. Pourtant, les gestes ne nous
semblent pas suivre les souhaits puisque, sur 13, j'attire votre attention sur
le fait qu'il y a en a 11 qui sont des centres hospitaliers, qu'il y en a deux
qui sont des institutions spécialisées et qu'il y a un centre
d'accueil. Nous, on pense que les huit clientèles spécifiques que
nous desservons pourraient elles aussi avoir mérité, à
cause du développement qui s'est produit dans ce secteur-là au
cours des dernières années, la reconnaissance d'un institut
universitaire pour chacune de ces clientèles-là.
Le cinquième sujet que j'aborde, la formation des conseils
d'administration. Nous avons été heureux d'apprendre que le
ministre avait confirmé que la fameuse notion de conseil
d'administration unifié tous azimuts sur une base de territoire de CLSC
avait été abandonnée. Néanmoins, nous sommes
conscients que dans le réseau des centres d'accueil
d'hébergement, comme dans celui de la déficience intellectuelle
et des jeunes en difficulté d'adaptation, il pourrait être
avantageux, pour les clientèles desservies, de simplifier notre
fonctionnement et d'unifier un peu les structures décisionnelles. C'est
pourquoi, en ce qui concerne l'hébergement des personnes
âgées en perte d'autonomie, nous proposons, nous, qu'avec l'appui
du ministère de la Santé et des Services sociaux et des
dispositions adéquates à cet effet, sur une période de
quelques années, nous en venions à constituer, avec les centres
hospitaliers de soins de longue durée, un seul conseil d'administration
unifié par territoire de CLSC, dans le but de créer au niveau de
chacun de ces territoires-là une entité qui s'appellerait le
centre de services gérontologiques du territoire untel, avec une
structure de coordination unique, facilitant la compréhension et la
dispensation des services aux personnes âgées en perte
d'autonomie.
Si on ne fait pas ça, qu'est-ce qui se passe aujourd'hui? Sous
nos yeux, les hôpitaux tentent par tous les moyens, pour des objectifs
qui sont à évaluer, je vous laisse chacun, je ne porterai pas le
jugement à la place des autres, vous pourrez le porter chacun d'entre
vous, mais les
hôpitaux poursuivent la chasse aux centres d'accueil
d'hébergement pour essayer de les fusionner parce que
budgétairement ça représente des avantages que de
fusionner un centre d'accueil d'hébergement avec un hôpital.
Ça se passe systématiquement et ça va dans le sens
opposé, à notre avis, au souhait qui est exprimé par
à peu près tout le monde, qu'on évite de
médicaliser la vieillesse en perte d'autonomie. Alors, nous, on
préfère - comment vous dirais-je donc? - se remettre en cause sur
le plan de nos structures en sachant que c'est quelque chose à faire que
de transformer 225 centres d'accueil d'hébergement et environ 75 centres
hospitaliers de longue durée en, grosso modo, 155 unités
fonctionnelles sur une base de territoire de CLSC. On préfère
ça plutôt que de se faire rogner constamment notre mission sociale
et d'être récupéré par des centres hospitaliers. Et,
éventuellement, on pense qu'on pourrait même aller jusqu'à
avoir un conseil d'administration unifié avec les CLSC, dans le temps,
si ça ne fait pas une guerre de clocher.
Au niveau des personnes ayant une déficience intellectuelle, il y
a 67 centres de réadaptation sur le territoire du Québec. Nous
pensons, là aussi, qu'en y prenant le soin de bien faire
l'opération, avec des mesures adaptées à la
réalité de ce réseau-là, si c'est la volonté
gouvernementale, il serait possible au cours des deux ou trois prochaines
années d'en diminuer considérablement le nombre en
procédant à l'unification des conseils, cette fois, non pas sur
une base de territoire de CLSC, mais davantage sur une base de territoire qui
s'approche à peu près des territoires actuels de
département de santé communautaire, sans présumer que
ceux-ci vont continuer d'exister.
Au niveau des jeunes et des mères en difficulté
d'adaptation, l'avant-projet de loi prévoyait le regroupement des
conseils entre les CSS et les centres de réadaptation pour jeunes en
difficulté d'adaptation. Là-dessus, nous, on dit au gouvernement,
s'il le désire, encore une fois, et si on est prêt à y
mettre les formes pour que ça se passe dans l'intérêt des
clientèles concernées et le respect des cultures des deux
catégories d'établissements, nous, on pense que, oui, c'est
possible, à deux conditions. D'une part, qu'on traite
séparément la réalité de Montréal où
ça n'a aucun sens de regrouper le CSSMM et les 13 plus gros centres de
réadaptation au Québec sous un même conseil
d'administration. On a déjà ce que certains appellent un
"éléphant" et ce n'est pas en lui adjoignant 13 centres de
réadaptation sous un même conseil qu'on va le faire maigrir.
Alors, première condition, donc, faire une exception pour
Montréal. Deuxième condition, nous, on pense que si l'approche
que nous proposons, qui est celle de revoir l'organisation du réseau en
fonction d'une approche clientèle et en fonction d'une approche
programme, ce qui ferait bien du sens si c'est l'approche retenue, c'est
qu'à ce moment-là les CSS soient consolidés dans leur
mission famille-jeunesse avec les centres de réadaptation pour jeunes en
difficulté d'adaptation. Vous avez sûrement pris connaissance dans
notre mémoire qu'en ce qui concerne d'autres parties de la mission des
CSS ça pourrait être avantageusement pris en charge par d'autres
catégories d'établissements.
En ce qui concerne la composition des conseils d'administration... Avant
ça, en tout cas, M. le Président, je trouve ça
extrêmement important de conclure sur ça. Nous, on
préfère aborder de front, et ça fait longtemps qu'on
souhaite qu'il en soit ainsi, franchement la question de la composition des
conseils d'administration et d'une rationalisation de ceux-ci dans les
établissements que nous représentons. On préfère
aborder ça franchement plutôt que de continuer à jouer
à la cachette où le ministère dit: Non, non, non, on n'a
pas de politique de fusion, que les hôpitaux disent: Non, non, ce n'est
pas notre objectif de médicaliser l'approche à l'égard du
traitement des personnes âgées en perte d'autonomie, que tout le
monde dit: Après toi Gaston, et que, finalement, dans la
réalité, ce qui se passe, c'est qu'à chaque année
qui s'écoule on voit de plus en plus de centres d'accueil
d'hébergement entrer dans le giron hospitalier, médical. À
moins qu'on nous dise que c'est l'approche qu'on souhaite, la
médicalisation de la vieillesse en perte d'autonomie, on pense que ce
n'est pas une bonne idée, que ce serait une meilleure idée de
nous rationaliser, nous autres, ensemble, dans le but de développer une
alternative véritable à l'hospitalisation des personnes
âgées en perte d'autonomie.
J'avais commencé la composition des conseils, question qui n'est
pas facile à solutionner et loin de nous l'idée de penser qu'on a
trouvé la recette magique. Mais, quand on regarde tout ça, la
proposition qui nous semble présenter le moins d'inconvénients,
serait de, plutôt que d'avoir un système de désignation de
représentants de groupes de ci, de groupes de ça, plutôt
que d'avoir un système très alambiqué, nous on pense que
ça vaudrait peut-être la peine qu'on prenne le risque de la
participation directe de tous les citoyens sur une base électorale, au
suffrage universel, pour briguer les suffrages comme membre d'un conseil
d'administration de quelque établissement que ce soit, à
l'exception des CRSSS. Ah! je sais qu'on peut nous expliquer que le seul
critère soit d'être résident du territoire desservi par
l'établissement untel... Je sais qu'on va nous dire: II y a les
commissions scolaires qui ont une expérience négative, que la
participation est faible aux assemblées du conseil de nos
établissements, mais on peut aussi espérer que les partis
politiques, par exemple, décident de s'y intéresser. On pense que
dans la mesure où le vieillissement de la population va rejoindre, comme
préoccupation monétaire, de plus en plus les citoyens, il sort
possible d'intéresser les gens
à participer activement à la direction d'un conseil
d'administration et c'est certain qu'on est conscients que cette façon
de procéder favoriserait, au départ, les personnes qui sont
déjà en place au niveau des conseils d'administration, et on se
dit: Pourquoi pas? Pourquoi pas? Les gens qui sont sur les conseils
d'administration en déficiences intellectuelles, par exemple, bien c'est
parce que la plupart du temps ils ont un intérêt personnel pour la
cause des déficients intellectuels, et ça ne serait pas anormal
qu'ils continuent d'être élus au niveau de leur conseil
d'administration, parce que, très souvent, contrairement à des
grands hôpitaux, très souvent, les personnes qui siègent
sur nos conseils d'administration sont des personnes qui sont directement,
familialement, liées à la problématique dont on s'occupe
dans nos établissements.
Deux petits commentaires là-dessus. Ah! j'oubliais. Au niveau du
conseil d'administration de la régie régionale, ce qu'on propose,
c'est que si c'était ça qui était retenu, le scrutin
universel, c'est-à-dire l'assemblée générale des
résidents de tel district qui élit le conseil d'administration du
centre d'accueil ou de l'hôpital untel, à ce moment-là, que
le conseil régional soit élu simplement par et parmi les membres
de tous les conseils d'administration de la région, et qu'à ce
moment-là ça en fasse des gens qui soient vraiment
représentatifs de toutes les parties d'une région, et que, dans
la mesure où les partis politiques, moi je le souhaite,
s'intéressent à cette question-là, ça rendrait
cependant peut-être un peu plus compliqué le monopole politique
d'une ou de l'autre des formations politiques sur le conseil régional,
mais ça assurerait, cependant, une présence politique saine,
à notre avis, au niveau de cette instance.
En ce qui concerne la participation des salariés du réseau
au niveau des conseils d'administration...
Le Président (M. Joly): Excusez-moi, M. Clair. On a
largement débordé, par intérêt, je pense, des deux
côtés, mais vous êtes conscient que ça limite le
temps des questions.
M. Clair: Alors je vais m'arrêter à faire deux brefs
commentaires sur ça, sur la participation des salariés de notre
réseau. On pense, nous, que c'est justifié qu'un salarié
ne siège pas au conseil d'administration de l'hôpital ou du centre
d'accueil qui l'emploie, mais qu'il ne devrait pas être exclu d'aller
siéger sur un autre conseil d'administration. En ce qui concerne
l'exclusion des directeurs généraux des
délibérations d'un conseil d'administration, ça nous
semble être quelque chose qui est inacceptable.
J'aurais aimé vous parler des fonctions et pouvoirs des conseils
d'administration, de la planification des ressources humaines et du
financement. Peut-être que vos questions nous permettront d'aborder ces
sujets-là. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Sûrement. Merci. M. le
ministre de la Santé et des Services sociaux. (11 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Évidemment, je pense qu'une heure ne donne pas le
temps de rendre justice à tout le travail qui a été fait
pour la présentation de votre mémoire. Il reste quand même
une pièce très importante quant à ce qui va suivre la
commission parlementaire et ce qui est déjà en cours aussi.
À tout le moins, ça, c'est la première consolation. Sur
plusieurs suggestions que vous faites à l'intérieur de votre
document quant au libellé de certains articles, quant à certaines
pistes de solution, malgré la bonne volonté on n'aurait pas le
temps définitivement d'examiner dans le temps qui nous est imparti..
Mais je tenais à dire que c'est un mémoire substantiel, et qui,
évidemment, s'adresse à ceux qui sont en bonne partie l'objectif
de la réforme. Quand on parle de vieillissement en particulier, on l'a
dit, c'est le premier objectif au niveau du ministère et ça doit
être la préoccupation première au niveau du Québec.
Donc ça vous concerne au premier titre.
Évidemment, vous avez évoqué en partant les failles
du système ou les illusions du système. Ce ne sont
peut-être pas nécessairement des failles comme des illusions, en
termes d'accessibilité, et en prenant soin de dire que
l'universalité, l'accessibilité a ses limites. Et je pense que
tout le monde doit en convenir, accessibilité, ça veut dire avoir
accès rapidement à des services et qu'il n'y ait pas
nécessairement de liste d'attente. Si la liste d'attente est longue, il
y a un problème d'accessibilité. Si vous êtes dans une
région par rapport à une autre et qu'il n'y a pas de
médecin spécialiste, il y a des problèmes
d'accessibilité aussi. Ça m'apparaft extrêmement important
et, effectivement, ce sont des failles au niveau du système.
Les intervenants précédents qui étaient de
l'Institut canadien de recherches avancées nous ont fait une
présentation que je trouve assez extraordinaire. Je sais que vous
étiez dans la salle, pour avoir fait un petit tour de vue et vous avoir
aperçus. Un des points extrêmement importants qu'ils ont
évoqué c'est que eux-mêmes pensent, et c'est notre avis,
que le Québec n'a plus les moyens d'ajouter des ressources
financières dans le système. Donc, ce n'est pas facile, on est
pris avec des carences du système ou des illusions du système
d'accessibilité. Certains pensent que c'est en ajoutant de l'argent
qu'on va régler les problèmes d'accessibilité. D'autre
part, on n'a pas les moyens d'ajouter d'argent. Donc, on en arrive à un
des éléments de base qui est la réallocation de sommes
pour être capable de faire face à nos défis de demain. Et
évidemment, lorsqu'on parle de CH, parce que ce que j'ai compris de la
présentation, au niveau
des conseils d'administration, on isole les centres hospitaliers, parce
qu'on est davantage, au niveau des centres hospitaliers, si j'ai bien compris,
dans du curatif, alors qu'il faut aussi parler de préventif. Donc,
ça serait par une réallocation de ressources.
J'imagine que vous vous êtes penchés là-dessus.
Est-ce que la régie régionale, avec des pouvoirs - parce que j'ai
compris que tout le monde souhaite qu'on donne davantage de pouvoirs à
la régie régionale - serait capable de faire ce que le
ministère ne serait pas capable de faire en termes de
réallocation de ressources, en fonction de besoins particuliers que vous
défendez aujourd'hui?
M. Clair: Dans un premier temps, je pense que c'est assez
évident pour tout le monde, nous ne nous attendons pas dans le
réseau, ni de la réadaptation, ni de l'hébergement,
à une croissance fulgurante des dépenses en santé et en
services sociaux au cours des prochaines années. Cependant, année
après année, le budget du ministère de la Santé et
des Services sociaux reconduit ce qui est de plus en plus des iniquités
criantes dans l'allocation des ressources financières en faveur,
à notre avis, du réseau hospitalier. J'en veux un exemple, un
seul, la reconnaissance obtenue il y a quelques années par le
réseau hospitalier, d'un coût de système de 1 %
relié au phénomène du vieillissement de la population.
Vous disiez tantôt 5 000 000 000 $, le budget des hôpitaux; 1 %,
ça fait bien 50 000 000 $. 50 000 000 $ qui s'en vont automatiquement,
qu'on ne questionne pas, qui s'en vont dans la base budgétaire des
hôpitaux, en reconnaissance du phénomène de vieillissement
de la population. Pendant ce temps, 50 000 000 $, c'est le budget total obtenu
sur trois ans par les CLSC et les centres d'accueil d'hébergement pour
faire face à l'alourdissement des clientèles et au
développement du maintien à domicile par les CLSC. Je n'inclus
pas la tranche qu'on attend cette année pour porter ça à
70 000 000 $. Alors c'est sûr que, si on ne remet pas ça en cause,
c'est un peu comme d'affirmer une chose et de faire le contraire. On affirme
que la priorité doit être de développer des alternatives
à l'hospitalisation abusive des personnes âgées et, pendant
ce temps-là, les deux réseaux qui, en tandem, constituent
l'alternative à l'hospitalisation des personnes âgées, soit
les CLSC et les centres d'accueil, nous on ne l'a pas cette
indexation-là en reconnaissance du phénomène du
viellissement de la population. C'est une anomalie.
Deuxième exemple. Je pense que l'État n'utilise pas assez
la budgétisation, l'octroi des budgets de développement pour
forcer la complémentarité entre des catégories
d'établissements. Si l'État ne le fait pas, je ne pense pas que
ça va être la régie régionale qui va le faire plus.
Je vous donne un exemple qu'on a vécu l'an dernier. Alors que nous on se
tue à dire que les
CLSC et les centres d'accueil d'hébergement, ensemble,
constituent l'alternative à l'hospitalisation, qu'est-ce que le
ministère a décidé de faire, l'an passé, avec le
budget d'alourdissement des clientèles et de maintien à domicile?
Le ministère nous a envoyés nous battre comme des
compétiteurs au niveau des conseils régionaux de la santé
et des services sociaux. Pendant ce temps-là, les hôpitaux sont
assis tranquilles sur leur 1 % de coût de système automatique, et
puis, nous, on nous demande de développer une alternative ensemble, puis
on nous envoie nous battre. Alors, le budget d'alourdissement des
clientèles et de développement du maintien à domicile, par
exemple, loin d'être octroyé en termes de nous mettre en
compétition un réseau par rapport à l'autre, vous devriez
nous condamner à nous entendre, sur le plan régional ou sur le
plan local, en termes de complémentarité et, s'il n'y a pas un
accord des deux catégories d'établissements, que le budget de
développement ne se produise pas, en quelque sorte. Nous on pense que,
oui, c'est possible d'utiliser la décentralisation comme moyen de rendre
plus efficients, plus productifs les investissements gouvernementaux, mais que,
par ailleurs, il y a aussi des choix, je dirais préalables, au niveau
régional, qui sont faits présentement, ou qui ont
été faits depuis quelques années et qui sont maintenus, et
qui empêchent le développement de l'alternative.
M. Côté (Charlesbourg): Les objectifs qu'il y a
à l'intérieur du document qui a précédé le
projet de loi, parce qu'on a dit que le projet de loi serait fondamentalement
modifié à la lumière de la commission parlementaire... Il
y avait des objectifs, il y en avait 20, dont un particulier pour faire face au
vieillissement de la population. Est-ce que, là-dessus, vous vous
êtes penchés, et partagez-vous ce que Mme Lavoie-Roux avait
énoncé à l'époque, l'obligation de plus ou moins
5000 places additionelles, en tenant compte, bien sûr, d'un
phénomène où on devrait institutionnaliser 33 % moins de
personnes? Est-ce que, pour vous, compte tenu de votre vécu et de vos
expériences, c'est un objectif qui nous permettrait de faire face
à la situation?
M. Clair: Je vais être très franc avec vous. Pour
l'Association des centres d'accueil, le développement de nouvelles
places n'est pas la priorité numéro un, à court terme.
Parce que, pour nous, on aura beau ajouter des places, si les services ne
suivent pas, si les centres d'accueil... Quand bien même on ajouterait
demain matin 5000 places dans le réseau des centres d'accueil
d'hébergement, s'ils sont budgetés encore à 70 $ per diem,
par jour, pendant que les hôpitaux sont budgetés à cinq ou
six fois ça, 350 $, 400 $ par jour, per diem, si on ne développe
pas des services d'hébergement-dépannage, des services externes
en
physiothérapie, en ergothérapie dans les centres de jour,
si on n'a pas de réseau entre les services à domicile qu'offrent
les CLSC et ceux que nous offrons dans les hôpitaux au Québec,
s'il n'y a pas un réseau véritable de prise en charge des
services gérontologiques adaptés à la
réalité des personnes âgées en perte d'autonomie,
c'est bien évident qu'elles vont aller ailleurs. Pour nous, on ne nie
pas que, ça et là sur le territoire, H manque de places, on ne
nie pas ça, mais on sait par expérience aussi que les hommes et
les femmes politiques de quelque appartenance qu'ils soient - comment dirais-je
- ont tendance à se préoccuper - parce que c'est très
visible, la construction d'un centre d'accueil dans une ville ou dans un
village - d'abord et avant tout de ça, parce que c'est très
visible. Alors que le développement de services adaptés à
la réalité des personnes âgées, de budgéter
les établissements, pour qu'on ait... Par exemple, prenons la
présence de services de physiothérapie et d'ergothérapie.
Si on retenait la norme un ergothéra-peute, un physiothérapeute
par 100 places dans les centres d'accueil d'hébergement, ça
coûterait, grosso modo, 10 000 000 $, si j'arrondis un peu.
Alors, qu'est-ce qui est prioritaire? Est-ce que c'est d'ajouter ici et
là les places qui manquent dans certaines régions ou ce qui est
prioritaire, pour éviter qu'on ait à institutionnaliser de plus
en plus de gens, c'est que les centres d'accueil d'hébergement et les
CLSC soient le mieux équipés possible pour maintenir à
domicile le plus longtemps possible les personnes? Parce que, ça, c'est
une chose qu'on oublie souvent que les centres d'accueil d'hébergement
ne font pas que de l'hébergement. On reçoit en interne à
peu près 25 000 à 30 000, mais on en dessert aussi, dans nos
centres de jour, à peu près 10 000 ou 15 000.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Au fil des
dernières années, il y a quand même eu une croissance assez
exceptionnelle des centres de jour un peu partout sur le territoire. Ça
ne veut pas dire que c'est complété mais, curieusement, lorsque
tu regardes l'attribution des centres de jour, il y a des régions qui
sont encore très pauvres, très très pauvres. Et ça
m'a frappé, lorsque j'ai demandé la ventilation des centres de
jour, ceux qui crient le plus fort en ont plus. Et, ça,
évidemment, sur le plan politique - vous l'avez dit tantôt -
ça n'a pas bien changé de ce côté-là,
historiquement parlant, depuis de nombreuses années et vous en savez
quelque chose.
À partir de ça, il y a donc une volonté d'en
établir sur le territoire et d'aller régler un certain nombre de
problèmes qu'on peut régler au niveau des centres de jour quant
à la dispensation de services qui vont faire que l'institutionnalisation
soit moins grande. Et, ça, c'était la deuxième partie de
ma question, parce qu'on dit: L'évaluation est à 5000 places,
mais en tenant compte du phénomène qu'on institution- nalisera 33
% de moins d'individus, parce que, évidemment, il faut faire face
à cette situation-là.
Est-ce que, dans l'état actuel de vos connaissances, parce qu'on
sait de quelle manière, à l'époque, les gens finissaient
par entrer en centre d'accueil... Ce n'était pas toujours ceux qui
étaient en perte d'autonomie qui entraient dans les centres d'accueil,
pour toutes sortes de raisons. Est-ce qu'on est dans une situation, au moment
où nous nous parlons, où toutes les places occupées en
centre d'accueil d'hébergement sont des places où, effectivement,
les gens devraient être là ou s'il n'y a pas d'autres mesures qui
nous permettraient, finalement, de soulager et de reconnaître que, les
centres d'accueil d'hébergement, avec les centres hospitaliers de longue
durée, c'est l'ultime recours et, évidemment, le plus
dispendieux? Puis vous avez raison de dire que, quand on compare les budgets
d'un et l'autre, ça tombe sous l'évidence très très
très rapide qu'il faut renverser des choses.
Donc, il y a toute une série de mesures qui font que, de ton
centre de jour avec des services, de tes familles d'accueil, de tes pavillons,
de tes centres d'accueil d'hébergement privés et privés
non conventionnés et tout ce qui pullule aujourd'hui de privé
autofinancé... Ça, c'est peut-être le plus grand
piège qu'on n'a pas sur la terre au moment où nous nous parlons.
Ça aussi, il va falloir s'en parler un de ces bons jours. Le
privé n'est pas - et que ça vienne de ma bouche, c'est
peut-être bien bizarre - miraculeux partout. Il y a peut-être bien
des pièges puis bien des nids à feu. On va s'en parler dans pas
grand temps. Mais c'est un piège qu'il faut éviter. Ça ne
veut pas dire que le privé ne peut pas être une solution, mais ce
n'est pas la solution à tous les problèmes qu'on a. C'est
peut-être l'enfer des personnes âgées qui doivent se
retrouver dans ces situations-là.
Donc, tout ces maillons... C'est une chaîne et chacun des maillons
devient extrêmement important. Alors, c'est pour ça que la
réflexion doit aller jusque-là dans les gestes qu'on va poser.
Moi, je ne tiens pas mordicus à 3000, à 4000, à 5000 ou
à 6000. Ce que vous nous dites, c'est que la priorité
première doit être de donner un support sur le plan clinique plus
important que ce qui est reconnu à ce moment-ci au niveau des personnes
âgées.
Je pense que madame a peut-être quelque chose, parce que j'en ai
dit plus que je pensais. (12 heures)
Mme Bélanger (Lise): En fait, vous parliez au début
des clientèles qui ne sont pas a leur place. Je crois que dans les
centres d'accueil d'hébergement il reste peut-être un petit
reliquat de personnes qui ont des besoins un peu plus légers. Par
contre, elles ont vieilli au fil des années. Elles sont peut-être
rendues à 85 ou 90 ans. Alors, rendu à ce niveau d'âge, on
est plus frêle. Par contre, l'autre facteur qu'on oublie
souvent, c'est que, dans le réseau des centres d'accueil
d'hébergement, on a un fort pourcentage de clientèles qui ont un
profil de longue durée et ça, on l'oublie. On oublie aussi que,
dans le réseau des centres d'accueil d'hébergement, il y a de 35
% à 40 % des personnes qui sont atteintes de déficits cognitifs.
Alors, le réseau d'hébergement, je crois que la solution n'est
pas de faire déplacer les personnes. Les cas plus légers iraient
vers des pavillons, les cas plus lourds iraient vers des CHSLD. Ça
déracinerait pour apporter peu de choses finalement. Effectivement, je
crois et je ne suis pas seule à croire ça quand on s'en parle
entre nous, mais on croit vraiment que la où il faut mettre l'accent,
c'est d'ouvrir vraiment le centre d'accueil d'hébergement sur sa
communauté et faire en sorte que toutes les ressources dont il dispose -
parce qu'il dispose de beaucoup de ressources finalement, le centre d'accueil
d'hébergement, mine de rien - donc, de l'ouvrir à sa
communauté et de faire en sorte qu'avec le CLSC il y ait une meilleure
complémentarité et qu'on puisse en arriver à faire des
percées beaucoup plus importantes pour répondre aux besoins de la
clientèle. Plutôt que ce que disait M. Clair, tout à
l'heure, on fait un peu des chasses aux sorcières et, pendant ce
temps-là, on perd, je pense, la vraie, l'ultime raison d'être pour
laquelle on est là, c'est le bénéficiaire, c'est le
client, c'est la personne qui est dans le besoin. Et on a besoin, nous autres,
de se consolider au niveau local pour arriver à répondre le mieux
possible. Et l'ajout de 5000 places, je crois qu'il devrait être fait
avec une grande minutie et peut-être pas de façon très
politique, mais de façon très rationnelle, en regardant les
poches de territoires où il y a de grandes concentrations de personnes
âgées et où il y a peut-être des manques de lits de
longue durée.
M. Côté (Charlesbourg): On s'en vient avec des
instruments qui vont nous permettre de le faire de manière rationnelle.
Vous pouvez être sûrs de ça et dans pas beaucoup beaucoup de
temps.
Il y a juste un élément qui m'inquiète dans ce que
vous nous dites.
Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous
plaît, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, très
brièvement. C'est qu'on parle du centre d'accueil d'hébergement
qui est une plaque tournante au niveau d'une communauté et le CLSC
aussi. Ce qui m'inquiète, c'est de ne pas entendre parler qu'il pourrait
aussi y avoir complicité ou complémentarité avec un centre
hospitalier malgré tout ça, parce que, évidemment, il y en
a plusieurs qui finissent par aboutir à l'hôpital aussi et
ça demeure aussi... Il faut que ce soit dans les préoccupations
aussi.
Mme Bélanger (Lise): Quand on parle de la
complicité, la complicité avec les centres hospitaliers, elle
doit se faire, mais je crois que notre plus grande complicité à
l'heure actuelle, elle doit s'orchestrer avec les CLSC qui sont nos partenaires
sur le plan local et, ensuite, d'être plus complice avec le réseau
des hôpitaux via leur unité de gériatrie active, mais via
les services qu'ils développent pour répondre aux personnes qui
s'adressent directement à eux.
M. Clair: Vous savez, M. le ministre...
Le Président (M. Joly): Très brièvement,
s'il vous plaît. Parce que là, vous savez comment ça
fonctionne, autant de temps l'autre côté, ce qui veut dire qu'on
déborde et l'autre groupe après...
M. Chevrette: II peut prendre sur mon temps.
Le Président (M. Joly): Sur le temps très court de
l'Opposition.
M. Clair: Ça va être très court.
Le Président (M. Joly): Vous avez encore de la
sympathie.
M. Clair: Si la question du ministre sous-entend, et ce serait
légitime peut-être à partir des propos qu'on a tenus, qu'on
a un approche corporatiste à l'égard des hôpitaux, tel
n'est pas le cas. Sauf que la vie nous a appris qu'ils n'ont pas tellement
l'habitude de se considérer comme nos complices, mais malheureusement
beaucoup plus souvent comme nos patrons.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Je pense que Mme la
députée de Bourget avait une petite question.
Mme Boucher Bacon: Je vais essayer de la... Le
Président (M. Joly): De la comprimer. Mme Boucher Bacon:
...comprimer. Le Président (M. Joly): Merci.
Mme Boucher Bacon: Alors, je remercie l'Association des centres
d'accueil du Québec d'être venue ici ce matin et tout
particulièrement Mme Gisèle Besner, qui est
vice-présidente aux affaires professionnelles de la Commission des
centres d'accueil d'hébergement, dont le centre d'accueil est dans mon
comté. J'en suis très fière.
Alors ma question s'adresse à M. Mario Dolan ou M. Auclair, M.
Clair, je m'excuse, concernant, en page 72 de votre mémoire, la
révision de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. Vous faites un parallèle entre l'ancienne loi et
lavant-projet concernant la classe des mères en difficulté
d'adaptation qui crée la confusion versus celle des jeunes en
difficulté d'adaptation. J'aimerais, s'R vous plaît, que vous
puissiez élaborer sur la confusion.
M. Clair: Rapidement, il existe au Québec quatre centres
de réadaptation pour mères en difficulté d'adaptation qui
dispensent des services très spécialisés à tant des
jeunes mères que des mères adultes qui connaissent de très
sérieux problèmes d'adaptation sociale. Ces quatre
établissements là - il y en a un à Montréal, un
à Québec, un à Trois-Rivières et un à
Sherbrooke - la préoccupation première de ces quatres
établissements a toujours été de conserver leur
spécificité parce qu'imaginez-vous bien que, si le social en
général a de la misère à surnager par rapport
à la santé, ce qu'il en est de quatre établissements
à une vocation si spécifique. Alors, dans le texte, on ne parle
plus de mères en difficulté d'adaptation mais seulement de jeunes
mères en difficulté d'adaptation. Donc, ces
établissements-là disent: Si on devient uniquement des
établissements à vocation pour jeunes mères en
difficulté d'adaptation, notre spécificité se dlue de plus
en plus. Et leur crainte, c'est que, finalement, il n'y ait plus de
différence, que ce soit seulement un programme des centres de
réadaptation pour jeunes en difficulté d'adaptation. Alors, parce
que jeunes.... Des centres de réadaptation pour jeunes en
difficulté d'adaptation et pour mères en difficulté
d'adaptation, habituellement, ce sont deux réseaux de taille totalement
différente. Dans un cas, on parle de 42 établissements, dans
l'autre cas, de quatre. Alors, vous comprenez le désir de
protéger la spécificité de la mission de ces quatre
établissements.
M. Dolan: Et le discours des quatre centres est à l'effet
que, des mères en difficulté d'adaptation, il y en a de tout
âge et non pas seulement en bas de 18 ans.
Le Président (M. Joly): Oui. M. le leader de l'Opposition
et responsable comme critique en santé.
M. Chevrette: Merci. Tout d'abord, je vous avoue qu'avec un
mémoire aussi volumineux qui analyse article par article il va
être difficile de toucher à l'ensemble, malheureusement, mais je
vais me contenter de trois aspects. Tout d'abord, je voudrais parler un peu de
la situation actuelle dans les centres d'accueil. On sait que, depuis quatre
ans, il y a 325 nouvelles places en centres d'accueil pour personnes
âgées. On sait qu'on a transformé certains centres
d'accueil en centres hospitaliers de soins de longue durée. On a voulu,
par ça, décongestionner les urgences. Et là, nous en
sommes rendus, comme moyen de décongestionner les urgences, à un
langage militaire des groupes tactiques d'intervention stratégique. Je
voudrais savoir très clairement - je trouve que vous avez un langage
direct dans votre mémoire, j'aimerais que vous le conserviez au niveau
de la façon de répondre - selon vous, quelle est la meilleure
façon ou la façon la plus complète de régler le
problème qu'on vit concrètement dans les salles d'urgence et au
niveau des listes d'attente des personnes âgées.
M. Clair: Nous, on est d'accord avec la création du groupe
proposé mis sur pied par le ministre...
M. Chevrette: Même avec le vocabulaire.
M. Clair: ...sauf que notre crainte, on va vous l'exprimer
très clairement. Notre crainte, chaque fois qu'on a envoyé des
gens provenant de toutes sources dans le réseau hospitalier, je n'ai pas
tellement souvenance d'un cas où ce groupe-là n'est pas revenu en
disant: Finalement, M. le ministre, c'est de l'argent que ça prend.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Clair: Alors, ce n'est pas qu'on n'a pas confiance dans
l'intention du ministre, dans l'efficacité possible de ça mais,
notre crainte, c'est celle-là. Et c'est pourquoi, nous, on dit qu'on
essaie de faire comprendre le plus simplement... Écoutez, le citoyen qui
a un parent qui est très âgé, qui a 90, 92 ans, qui vit
encore à domicile et qui connaît tout à coup un changement
subit dans son état qui fait qu'il doit casser maison, comme on disait,
s'il n'existe pas un réseau intégré de services dans
lequel il a confiance qui s'appellerait, par exemple, un centre de services
gérontologiques, bien connu, identifié dans le milieu comme
offrant non seulement les services d'un mouroir mais offrant une gamme de
services diversifiés reliés à la réalité des
personnes très âgées et en perte d'autonomie... À ce
moment-là, on peut espérer que la personne va se diriger vers ce
service-là. Autrement, désillusionnons-nous. On aura beau ne pas
mettre d'argent dans les hôpitaux, les personnes âgées vont
arriver par l'urgence dans le milieu hospitalier parce que ça va
apparaître comme étant le seul lieu où il y a des services
adéquats en rapport avec la réalité des personnes
âgées en perte sévère d'autonomie, des personnes, je
devrais dire, très âgées. Alors, nous, on dit: La solution,
ça ne passe pas uniquement par un resserrement des hôpitaux,
ça passe aussi, ça passe d'abord, je devrais dire, par le
déploiement au Québec d'un réseau de services
gérontologiques qui offre un continuum le plus étendu possible de
services reliés à la condition des personnes âgées.
Et ça ne se ferait pas à très
grands frais. On ne parle pas de centaines et de centaines de millions
de dollars. N'investissons que la moitié du budget du 1 % qui est
prévu en indexation automatique reliée au vieillissement de la
population au cours des quatre ou cinq prochaines années en
développement dans le maintien à domicile et dans
l'hébergement. Obligez-nous à nous développer en
complémentarité, mais ne nous faites pas le coup, cependant, de
nous demander de nous développer en complémentarité et de
nous envoyer nous battre en région, parce que là c'est
impossible. Nous, on dit: Le tandem CLSC-centre d'accueil d'hébergement
ou centre hospitalier - appelons-le "la nouvelle catégorie" - c'est ce
tandem-là qui constitue l'alternative à l'hospitalisation et non
pas l'une ou l'autre des deux parties du tandem.
M. Chevrette: Mais quand vous parlez de conseil d'administration
unifié entre centre d'accueil et centre hospitalier de soins de longue
durée, quand c'est intégré... Comment voyez-vous ça
quand c'est intégré à l'intérieur d'une même
vocation d'un hôpital? Par exemple, je donne l'hôpital chez nous,
le centre hospitalier chez nous. Il a quatre vocations chez nous, le centre
hospitalier: un centre d'accueil qui dépend du centre hospitalier, il y
a une aile psychiatrique... il a une vocation psychiatrique, il a une vocation
chronique et une vocation soins aigus. Comment pouvez-vous voir, par exemple,
que les centres d'accueil publics puissent former une unité
administrative, quand vous retrouvez sous un même chapeau toutes les
vocations dans le milieu?
M. Clair: À notre avis, c'est une question...
Écoutez, je ne nie pas que, dépendant de la configuration des
dispensateurs de services dans un territoire donné, ça ne soit
pas compliqué nulle part. Il y a des endroits où ça peut
être plus ou moins compliqué. Mais, encore une fois, la
prémisse avec laquelle, nous, on a travaillé, c'est de dire: On
veut simplifier la coordination des services adaptés à la
réalité des personnes âgées en perte d'autonomie et
on pense que, dépendant de la volonté politique, on pourrait
aller jusqu'à réunir sous un conseil unique, sous une structure,
pour employer votre langage militaire, de commandement unique, la dispensation
des services aux personnes âgées où qu'elles soient.
Écoutez, placez-vous... Le bénéficiaire, la personne
âgée, est-ce que c'est vraiment nécessaire que la famille
d'accueil... S'il est en famille d'accueil, ça, ça relève
du CSS. S'il reçoit des services à domicile, ça, ça
relève du CLSC. S'il reçoit des services d'un centre de jour,
ça, ça relève d'un centre d'accueil d'hébergement.
S'il doit prendre rendez-vous pour obtenir un service hospitalier, c'est
à l'hôpital qu'il va.
Écoutez, j'ai eu l'occasion d'examiner, sans doute vous aussi,
des modèles. Quand on explique, par exemple, à des
Suédois, chez qui la totalité des services sociaux
dispensés aux personnes âgées en perte d'autonomie - le
député de Trois-Rivières s'en souviendra - ça
relève de la municipalité... Je ne dis pas qu'il faut qu'on aille
vers la municipalité ici, mais quand on explique à ces
gens-là que, nous, les services aux personnes âgées, c'est
dispensé par cinq catégories d'établissements, on leur dit
qu'on a inventé la concertation pour simplifier l'affaire mais, vous
savez, ce n'est pas la meilleure idée. Le ministre de la Santé et
des Services sociaux, il a été, auparavant, ministre des
Transports. Imaginons... On pourrait se compliquer l'existence au
ministère des Transports, hein? On pourrait dire, par exemple, en ce qui
concerne l'entretien du réseau routier: Les chaussées vont
relever d'une direction, les ponts vont relever d'une autre direction,
l'entretien d'hiver va relever d'une autre et l'entretien d'été,
d'une quatrième. Mais ça, on dit: C'est bien trop
compliqué, non. On va dire: Écoute, on va créer un
comité de concertation. Alors, nous, ce qu'on dit: Ce n'est pas
intelligent de procéder comme ça par rapport à l'approche
clientèle. Autant que possible sur le territoire d'un CLSC, on devrait
essayer d'intégrer les services sous l'autorité d'une même
structure décisionnelle parce qu'autrement la concertation devient comme
une vertu idéale alors qu'on pourrait avoir des choses beaucoup plus
simples.
M. Chevrette: SI je veux me permettre de poser une couple de
questions, je vous arrête.
M. Clair: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): II a été comme
vous et comme moi, il est habitué d'être ministre et à
répondre.
M. Chevrette: Oui, mais c'est à nous autres de
s'imposer.
M. Côté (Charlesbourg): Ça prend du temps.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Côté (Charlesbourg): Oui, on est tous
pareils.
M. Chevrette: Je pense qu'on retrouve essentiellement ces
réponses-là. Mais je voudrais vous demander si vous seriez
prêts à vous faire hara-kiri comme structure si on confiait tout
ça aux CLSC.
M. Clair: Confier quoi?
M. Chevrette: Toute la responsabilité des soins pour les
personnes âgées, de A à Z.
M. Clair: Bien, c'est un peu ce qu'on propose à plus ou
moins long terme...
M. Chevrette: Oui, mais vous vous gardez une place...
M. Clair: ...dans notre mémoire, parce que ce qu'on dit,
nous...
M. Chevrette: ...mais, comme structure... (12 h 15)
M. Clair: ...on dit: Si on veut procéder... Ça
dépend, encore une fois, si on veut procéder en cow-boy ou bien
si on veut procéder d'une manière ordonnée. Nous autres,
on dit: On est prêts à regarder les affaires en fonction de la
réalité qui est devant nous et à procéder d'une
manière ordonnée. H y a 225, 240 centres d'accueil
d'hébergement et à peu près 75 hôpitaux de soins de
longue durée. Ça fait longtemps qu'il y a des gens qui
rêvent à une structure... Écoutez, on est allés
presque à rêver de fusionner toutes les catégories
d'établissements sur une base de territoire de CLSC, sous un conseil
d'administration unifié. Nous, on dit... écoutez, ça a
été écrit noir sur blanc dans une politique
gouvernementale, il y a donc quelqu'un, on peut présumer, qui
était visionnaire, qui a proposé ça. Nous, on dit: Faisons
une première étape en faisant le ménage à
l'intérieur de nos propres structures sur le plan de la rationalisation
entre les hôpitaux de soins de longue durée et les centres
d'accueil d'hébergement.
Dans un deuxième temps, s'il y a une volonté de
l'État d'aller dans la direction que vous évoquez, à
savoir que tous les services pour les personnes âgées
relèvent d'une seule et unique structure de coordination, que ça
s'appelle CLSC, centre hospitalier de soins de longue durée, centre
d'accueil d'hébergement, appelez-le comme vous voudrez, on parle de la
même chose, sauf qu'on dit: Donnons-nous le temps de réaliser des
étapes qui vont permettre a cette structure-là de donner les
meilleurs fruits et non pas de se contenter d'une approche que je qualifie,
encore une fois... qui serait un peu cowboy.
M. Chevrette: Au niveau régional, à la page 46,
vous partez de la trop large place qu'on fait au communautaire. Je vous avoue
que, des deux côtés de cette table ici, ça nous fait rire
parce que tout le communautaire qu'on a entendu jusqu'à date, ils ont la
trouille, ils ont la trouille de la décentralisation, ils ont une peur
bleue de vous autres, et des hôpitaux encore plus que vous autres; ils
disent que le médical, parce qu'ils vous apparentent au médical,
ils disent que ça n'a pas de bon sens le peu de place qu'ils ont au
niveau régional, puis, vous autres, vous portez un jugement de valeur
extrêmement radical. Au bas de la page, dernier paragraphe.
M. Clair: Ce n'est pas radical, pas du tout,
écoutez...
M. Chevrette: Aïe... M. Clair: ..s'il y a
des...
M. Chevrette: "...trop large place au sein de ses instances..."
C'est assez clair, ça.
M. Clair: II faut le remettre dans le contexte. C'est le contexte
de la participation des organismes bénévoles, des organismes
communautaires au niveau des conseils d'administration des CRSSS. Il y a quand
même, vous l'admettrez avec moi, dans le réseau des organismes
bénévoles, il y a des gens qui portent le titre de directeur
général de ces organismes-là. Entre vous puis moi, puis la
boîte à bois, pouvez-vous bien me dire comment, selon quel
raisonnement des organismes qui sont financés à peu près
comme nous, d'une certaine manière, eux, le quart des sièges au
niveau du conseil régional va être réservé à
des gens qui sont indirectement rémunérés par
l'État, qui dirigent des organismes bénévoles et on exclut
entièrement la participation des directeurs généraux
à la direction des conseils régionaux de santé et de
services sociaux et de siéger à des conseils
d'administration?
On dit juste, nous... Écoutez, ce sont deux affaires
différentes... De collaborer avec des organismes bénévoles
en intégration sociale des déficients intellectuels, en
adaptation de jeunes en difficulté d'adaptation, alcooliques,
toxicomanes, nommez-les, s'il y a des établissements qui collaborent
avec les organismes communautaires, c'est bien notre réseau. Mais entre
travailler avec eux, se concerter avec eux, les aimer puis aller se mettre en
position de se faire imposer par le quart d'entre eux, au niveau du conseil
régional, de leur donner le quart des sièges, on dit: Wo, wo, une
minute là; il y a une différence à établir. C'est
juste ça. Ne tirez pas.
M. Chevrette: Quelle est la portion que vous voyez au monde
municipal?
M. Clair: Ils auraient la chance de se faire élire, comme
d'autres, au niveau des conseils d'administration.
M. Chevrette: Donc, pas de sièges réservés,
pas plus que pour le communautaire.
M. Clair: Aucun. Même un député, s'il veut se
faire élire au niveau du conseil d'administration de son CLSC ou de son
centre d'accueil ou de son hôpital parce qu'il pense que quand...
M. Chevrette: Est-ce qu'il ne devrait pas siéger d'office,
lui?
M. Clair: ...ils votent le budget, ce serait intéressant
qu'il siège, il pourrait y aller.
M. Chevrette: Est-ce qu'il ne devrait pas siéger d'office,
lui, puisqu'il est élu, lui?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Clair: Ce sont des privilèges que vous avez tout
à fait le pouvoir de vous octroyer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ce n'était pas le sens de ma question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Dernière question sur la régie
régionale. Vous semblez craindre la régie régionale
puisque vous voulez qu'on se garde des prérogatives au niveau national.
Vos craintes viennent... C'est assez ambigu, vous dites que vous êtes
d'accord avec une décentralisation mais que... J'aimerais que vous
explicitiez davantage votre "mais que".
M. Clair: M. Proulx.
M. Proulx (Gilles): Ce ne sont pas nécessairement des
craintes vers la régie régionale. Ce qu'on voudrait
éviter, dans le fond, c'est que, au niveau régional, on
retranspose la structure ministérielle et que, dans le fond, les
régies régionales se croient, elles, être des
mini-ministères. C'est ce qu'on veut éviter. À partir du
moment où on décentralise, ce qu'on dit, nous autres, c'est qu'on
ait une approche clients et que, dans le fond, au niveau régional, on
fasse aussi l'administration de l'approche clients et non pas que les
régies régionales se voient maintenant confier les pouvoirs d'un
mini-ministère. S'il y a des craintes, c'est ça. C'est de faire
en sorte qu'à un moment donné la régie régionale,
avec sa permanence, parce qu'un conseil d'administration de régie
régionale se réunit huit, neuf fois par année, ce qu'on
craint, c'est que la permanence d'une régie régionale devienne
une espèce de remplacement...
M. Chevrette: Superstructure régionale.
M. Proulx: ...du ministre. C'est juste ça, les petites
craintes. Mais ce qu'on propose, ce qu'on dit, c'est que si, au niveau
régional, on discute-Une voix: ...une dernière petite.
M. Chevrette: Pas de ministre en région, c'est correct.
Vous avez dit, M. Clair, tantôt, et ça m'a frappé:
Forcez-nous à agir en complémentarité. Si j'ai bien
compris vos paroles. Comment verriez-vous ça concrètement?
M. Clair: Je vais essayer...
M. Chevrette: Est-ce que c'est par les structures? Est-ce que
c'est par d'autres moyens comme les enveloppes protégées? Est-ce
que ce sont des enveloppes à être arbitrées pas les groupes
existants ou si c'est de fondre en une structure?
M. Clair: On a entendu, il y a quelques semaines, le ministre
rappeler à certaines catégories d'établissements que
c'était lui qui proposait à l'Assemblée nationale les
budgets alloués à chacun des établissements. Nous, sans
dire qu'on endosse ça sans nuances, ce qu'on pense, c'est que la
budgétisation du réseau, la façon dont le budget est
octroyé, ça devrait être un des objectifs que de forcer la
complémentarité entre les différentes catégories
d'établissements. J'en donne pour exemple, là... Écoutez,
l'an passé... et, comme on ne sait pas qu'est-ce que le ministre a
retenu pour l'année prochaine, ça nous inquiète un peu.
Nous, on poursuit comme objectif une complémentarité avec le
réseau des centres locaux de services communautaires, les CLSC. Si le
ministère dit: J'envoie en région l'enveloppe de cette
année d'alourdissement de clientèle et de maintien à
domicile, je l'envoie au niveau des CRSSS, s'il n'y a aucun "guideline" -
passez-moi l'anglicisme - aucun paramètre quant à savoir dans
quelle mesure ça devrait servir à du rattrapage dans
l'alourdissement de clientèle et dans le développement de
maintien à domicile, qu'est-ce qu'on fait? On nous envole nous battre,
les centres d'accueil et les CLSC, devant le conseil régional. Et quant
on dit "se battre", ça veut dire des coups durs entre les
catégories d'établissements. Nous autres, on ne souhaite pas
ça parce qu'on ne voit pas...
Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous
plaît.
M. Clair: ...comment ça peut aider à
développer la complémentarité. Alors, je donne l'exemple,
vous nous condamnez à nous entendre si le budget de développement
qui est octroyé au niveau de chacun des CRSSS ne devient disponible que
sur, je vous dirais, unanimité des parties, une espèce de droit
de veto des CLSC et des centres d'accueil l'un à l'égard de
l'autre. Peut-être qu'on obtiendrait des résultats beaucoup plus
positifs que simplement nous envoyer nous battre l'un contre l'autre.
M. Chevrette: En tout cas, M. le Président, en guise de
conclusion, je voudrais vous remercier mais, M. Clair, je voudrais aussi vous
dire que, si on décentralise, on doit laisser au milieu le pouvoir de
s'arbitrer entre eux, se partager entre eux. Si on décentralise en
disant: C'est tant pour telle enveloppe, tant pour telle autre, tant pour telle
autre, c'est de la déconcentration. On ne fait que leur permettre de
gigoter à l'intérieur de certaines enveloppes et non pas de
prendre des initiatives concrètes du milieu et d'établir
leurs priorités.
M. Clair Je ne voudrais pas avoir le dernier mot avec vous mais,
si on décentralise les budgets d'alourdissement de clientèle et
de maintien à domicile mais qu'on continue de protéger le budget
des hôpitaux...
M. Chevrette: Ah ça, je comprends. C'est la même
chose pour la réadaptation. J'aurais voulu la questionner, je m'excuse
mais...
Le Président (M. Joly): II y aura d'autres...
M. Chevrette: ...comme vous venez de Joliette, j'irai vous en
parler.
Le Président (M. Joly): ... d'autres occasions. Merci. M.
le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je voudrais remercier.
J'avais pris soin de dire, au départ, que ce n'est pas dans une heure
qu'on pouvait rendre justice au mémoire que vous avez
déposé. Je me rends compte, au bout d'une heure, qu'on avait
parfaitement raison de le dire au départ. Et je pense que le ton de nos
discussions ne reflète pas du tout, ou à peu près, ce
qu'il y a dans le mémoire. Le mémoire est beaucoup plus
substantiel que ce qu'on a pu discuter. Et ce sera très certainement un
document de référence. Quant aux urgences, je vous Invite
à aller voir dans les 14 derniers jours combien il y a eu de jours
où on était délinquants. Ça vous donnera une bonne
idée d'une partie des solutions qu'il faut apporter.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Alors, merci, au nom des membres
de cette commission, aux représentants de l'Association des centres
d'accueil du Québec. Merci beaucoup, ça a été bien
apprécié. Alors je demanderais aux personnes représentant
le Fonds de la recherche en santé du Québec de bien vouloir
s'avancer et prendre place, s'il vous plaît.
S'il vous plaît! S'H vous plaît! On est déjà
largement en retard, alors j'apprécierais beaucoup si le Dr GotdWoom
ainsi que le Dr Vinay pouvaient prendre place, s'il vous plaît. Merci.
Vous connaissez la procédure, de façon la plus concise possible.
Vous voyez qu'on est déjà en retard, alors j'apprécierais
avoir, en fait, la collaboration de tous. Je vous donne le temps
nécessaire pour présenter votre mémoire et le reste du
temps est dévolu aux deux formations pour poser les questions d'usage.
J'apprécierais si les gens qui ne sont pas en relation avec ce
mémoire voulaient bien quitter la salle et fraterniser à
l'extérieur, si possible. Merci.
Je crois que c'est le Dr Vinay qui est le porte-parole. Je vous laisse
aller, Dr Vinay, s'il vous plaît.
Fonds de la recherche en santé du
Québec
M. Vinay (Patrick): Permettez-moi, d'abord, d'exprimer mes
remerciements d'être invité à présenter le point de
vue de la recherche à cette commission. C'est un point qui, à
notre avis, est important et un point de vue qui a, je pense, un impact
définitif sur la façon dont les réseaux et les services de
santé doivent être organisés dans notre province.
Peut-être que, pour le bénéfice de ceux qui ne nous
connaissent pas, il serait intéressant que je vous présente
brièvement ce que c'est que le Fonds de la recherche en santé du
Québec. Créé il y a 25 ans sous forme d'un conseil au
ministère, cet organisme est devenu un fonds et ce fonds administre de
façon indépendante une grande partie de l'effort de recherche du
ministère de la Santé et des Services sociaux. Cette vocation
s'exprime dans trois grands volets. Un premier volet est un volet
d'éducation. Un deuxième volet très important est un volet
de support de centres et d'instituts de recherche, 23 à travers la
province de Québec, dans les hôpitaux et également hors des
hôpitaux, très souvent très proches des régions
universitaires et des zones d'Influence universitaire. Et, enfin, un volet
important est un volet de recrutement et de financement d'activités de
jeunes chercheurs, infrastructure humaine essentielle à toute
activité de recherche. Et un volet très mineur de financement
direct d'activités de recherche.
Le Fonds de la recherche en santé du Québec, en 25 ans,
est devenu une entité qui fait l'envie des autres provinces. Il n'y a
pas d'équivalent, ailleurs au Canada, de notre structure. Et nous
pensons que nous ne nous leurrons pas en pensant que nous sommes, en fait,
l'aile peut-être la plus avancée, la plus avant-gardiste du
ministère, puisqu'il s'agit vraiment là d'une
décentralisation, au meilleur sens du mot, de décisions sur la
planification et l'évolution d'activités de recherche à
l'intérieur du ministère.
Vous m'excuserez si je sens ici le besoin de vous dire, voyant la salle
se vider, que la recherche à l'intérieur d'un système de
santé - pour prendre un exemple de nutrition, puisqu'il est midi - c'est
un petit peu comme de la poudre à pâte dans un gâteau. Si
vous n'avez pas d'évaluation systématique dans le système
de santé, vous pourrez passer des heures en commission parlementaire
à débattre un modèle versus un autre modèle, vous
serez incapables d'en apprécier les conséquences et vous serez
incapables d'en obtenir une image claire, avec des jugements qui ne seront pas
anecdotiques mais apppuyés sur des observations qui sont des
observations serrées. Ainsi donc, il est impensable de penser
santé sans penser en même
temps à la place que doit avoir, à l'intérieur de
n'importe quel système de santé et dans toutes ses composantes,
une activité de recherche et d'évaluation sérieuse. Il se
trouve que ce n'est pas un exercice que l'on fait au pied levé; il se
trouve que ce n'est pas un exercice que l'on fait sans formation; il se trouve
que ce n'est pas un exercice que l'on fait sans une certaine
infrastructure.
Ainsi donc, si vous me le permettez, je voudrais contester d'abord,
devant cette commission parlementaire, l'idée qui voudrait que le FRSQ
soit la cerise sur le "sundae" du ministère et présenter
autrement le FRSQ comme étant, en fait, une instance porteuse d'une
certaine indépendance et un exemple assez extraordinaire d'une
concertation entre une volonté politique de développer la
santé et le milieu des chercheurs qui s'organisent avec une discipline
remarquable pour se rendre disponibles non seulement dans l'exercice de cette
recherche, mais également dans l'administration de cette recherche sur
des bases d'excellence. (12 h 30)
Cet énoncé de principe qui vous semble peut-être un
peu culinaire est cependant la base de notre analyse de ce document
"Orientations". Nous l'avons vu, regardé, lu avec attention et, dans les
premières pages de notre mémoire, vous verrez que nous en faisons
une analyse très rapide. Le point qui nous vient à l'esprit,
c'est qu'il y a effectivement, à l'intérieur de ce document, une
préoccupation recherche en santé. On peut dire que cette
préoccupation recherche en santé, on peut la voir dant tous les
chapitre est presque derrière chacune des grandes orientations de ce
document. C'est, à mon avis, un des points forts de ce document. Il n'y
a pas que des points forts, mais il y a certainement celui-là.
Le document, à la suite, se sépare en deux parties: une
partie qui parle de structure et une partie qui parle d'argent. J'ai entendu,
tout à l'heure, des réflexions un peu caustiques et
peut-être justifiées sur des organismes qui viennent
défendre exclusivement leur propre mandat. Je voudrais que vous
réalisiez que, derrière le propos du Fonds de la recherche en
santé du Québec, il n'y a pas qu'un souci de défendre
notre propre mandat, il y a un souci de défendre la santé dans
tous ses aspects, et que nous sommes convaincus qu'il y a, au Québec,
une réalité recherche en santé qui mérite
d'être défendue. Il y a, à l'intérieur de cette
réalité non seulement une garantie de la qualité du
présent et de l'évaluation continue de ce que nous faisons, mais
également une garantie de l'avenir, car la technologie qu'est la
santé évolue. Et je pense que, si on ne tient pas cela dans le
collimateur, on risque de se trouver assis à côté de la
chaise de la santé dans les prochaines décennies.
La première partie de notre mémoire va traiter de
l'hôpital universitaire. Cela va vous sembler curieux qu'un fonds comme
le nôtre, qui n'est pas du domaine de l'éducation, mais
plutôt du domaine de la santé, se préoccupe de
l'hôpital universitaire. Bien, c'est pour des raisons historiques et
d'évolution de nos structures, tant de santé qu'universitaires,
que nous en sommes venus et que nous en venons à un tournant quant
à cette réalité que représente l'hôpital
universitaire. C'est une institution qui a une triple vocation, chargée
d'abord de soins tertiaires de haute qualité, mais chargée aussi
de la mise à jour de connaissances, chargée de
l'évaluation de ces connaissances, chargée de la transformation
des actes qui vont s'y produire et chargée d'une évaluation des
technologies et de leurs coûts et impacts. Ces hôpitaux
universitaires ont la possibilité de répondre à ces trois
vocations dans une certaine mesure, dans la mesure où la structure qu'on
leur fait est cohérente face à cette vocation. Nous pensons ici
que la vocation d'évaluation, d'enseignement et de recherche à
l'intérieur de ces hôpitaux doit être reconnue par un statut
spécial à l'hôpital universitaire, bien sûr,
peut-être aussi par une limitation de la duplication des institutions que
l'on rangera dans cette liste d'hôpitaux universitaires, de sorte qu'il
n'y ait pas une duplication de ressources. Une préoccupation, donc, de
rationalisation, de non-éparpillement des ressources en fonction d'une
vocation spécifique et, également, une visualisation de ces
structures avec un oeil beaucoup plus large que le biomédical
traditionnel et un peu étroit. Il travaille, à l'intérieur
d'un hôpital, non seulement des docteurs, mais aussi des
infirmières, aussi des ergothérapeutes, aussi des
physiothérapeutes, aussi des administrateurs et un ensemble
d'intervenants qui ont le droit de retrouver, à l'intérieur de
cette structure, non seulement un endroit où ils vont exercer leur
profession, mais un endroit où ils vont transmettre leurs connaissances,
tester l'efficacité de leurs interventions et avoir une activité
de recherche et de développement qui leur soit propre.
Le FRSQ réalise parfaitement que dans son histoire - nous en
reparlerons un peu plus tard - ce volet non bio-médical de la recherche
en santé prend tout à coup une nouvelle importance. Il faut que
nous y répondions et ceci vient faire éclater la
définition trop étroite de la santé qui était
à la naissance de notre organisme, rendant à la santé ce
qu'elle doit avoir, c'est-à-dire un ensemble d'intervenants et de
concepts qui sont bien plus larges que le biomédical. Qu'est-ce que
ça veut dire? Ça veut dire un personnel spécial, à
l'intérieur d'une structure universitaire. Une infirmière peut
être recrutée dans un hôpital universitaire parce qu'elle
est une bonne infirmière, mais elle peut aussi être
recrutée parce qu'elle est à la fois une bonne infirmière,
une bonne évaluatrice, une bonne enseignante et qu'elle est capable de
faire un lien entre les activités médicales, d'une part, les
besoins des patients, d'autre part, et de faire une évaluation
rigoureuse des technologies qui la concernent. Est-ce que la structure
hospitalière permet ceci, actuellement? Je pense que non et je pense
qu'il y a une réflexion à faire sur ce sujet.
La santé est également une très vaste industrie.
Regardez combien on importe en biens de santé. Le réseau
hospitalier du Québec, en particulier le réseau dans lequel il
existe des centres de recherche du Fonds de la recherche en santé du
Québec, a et maintient sur place des capacités
d'évaluation et des capacités d'interface avec le monde de
l'industrie. Ces capacités d'interface sont essentielles à la
progression de notre technologie en santé, je dirais même à
la création d'une industrie québécoise originale, capable
d'exportation de biens de santé pour faire face à l'importation
des biens de santé. Je voudrais qu'on réalise bien que, si on ne
maintient pas une expertise dans un milieu, on se condamne, à
très brève échéance, à l'acheter en
même temps que la technologie qu'on n'aura pas su posséder.
Ainsi donc, l'hôpital universitaire joue et peut jouer ici un
rôle essentiel. Nous désirons que cette vocation de
l'hôpital universitaire soit reconnue à plus d'un titre;
peut-être pas seulement en le classant dans une liste d'institutions,
mais également en lui donnant des structures qui lui permettent
d'exercer à tous les niveaux ces deux autres volets de son
activité.
Quant à la deuxième partie de notre mandat, je voudrais
reprendre pour vous quelques-uns des points les plus pertinents du plan
triennal du FRSQ. Vous savez que notre organisme transmet annuellement au
ministère un plan triennal. Dans notre dernier rapport, nous demandions
d'avoir une place reconnue à l'intérieur du système de
santé, place pour la recherche et pour l'évaluation qui
représentait environ 1 % du budget de ce ministère. Je me suis
aperçu ce matin que beaucoup d'autres personnes voulaient 1 % et que
peut-être il ne resterait plus d'argent pour le ministère, si on
donnait lieu à toutes ces suggestions, si on les suivait toutes. Mais
nous pensons, à cause de l'importance du mandat que nous avons pour
maintenir la qualité des soins en en permettant la modification
continue, que cette demande est raisonnable.
Vous verrez d'ailleurs, en fin de document, un petit tableau qui
résume les demandes qui nous sont faites en termes de financement dans
le courant de l'année 1990 et pas pour l'ensemble de nos programmes.
Vous voyez qu'on arrive très, très rapidement à des sommes
de l'ordre de 70 000 000 $. Il très clair qu'il n'est peut-être
pas désirable que nous allions d'emblée dans de telles
dépenses. Mais nous pensons qu'à long terme, d'ici à sept
ou huit ans, cette dépense de 1 % représentera, en fait, une
demande parfaitement raisonnable.
Le FRSQ a des programmes de formation. Pourquoi de la formation? Parce
que c'est la seule façon de créer de l'expertise où il n'y
en a pas. Il n'y a pas d'autre façon de créer de l'expertise que
de la susciter tôt, de façon à obtenir que la jeunesse
québécoise s'engage résolument dans des domaines de la
connaissance et du savoir qui ne sont pas bien représentés
actuellement. Nous avons des demandes de formation pour 10 000 000 $ au Fonds
de la recherche en santé du Québec, cette année, et nous
allons en donner 2 500 000 $. Est-ce que la recherche en santé est une
carrière au Québec ou si, en fait, c'est une carrière pour
un très petit nombre de personnes?
Le programme chercheurs boursiers permet de mettre à
l'intérieur des hôpitaux de jeunes scientifiques, quelquefois
médecins et spécialistes, qui viennent passer 50 % ou 70 % de
leur temps à faire des activités de recherche et
d'évaluation. Ces jeunes chercheurs boursiers, mesdames, messieurs, sont
payés 22 000 $. 23 000 $ par année pour la moitié de leur
temps. Ça veut dire 40 000 $ par année s'ils travaillaient
à temps plein. Cela veut dire que ces jeunes emploient dans leur
laboratoire un personnel de techniciens qui est plus payé que ce
qu'eux-mêmes reçoivent à l'intérieur de notre
structure. Ceci est complètement inacceptable au niveau de
l'échelle salariale.
Pourquoi est-ce comme ça? Parce que notre échelle
salariale n'a pas changé depuis huit ans. Et pourquoi est-ce comme
ça? Parce que le besoin de recrutement de jeunes chercheurs bien
formés et de jeunes médecins bien formés, capables
d'activités d'évaluation et financés au mieux, je pense,
de ce que pouvait faire le ministère, est actuellement très en
dessous de ce qui est nécessaire. Dans notre concours de cette
année, 210 jeunes chercheurs, médecins pour environ un quart, non
médecins pour environ les trois quarts, désirent venir
entreprendre une carrière en recherche evaluative et en santé
à l'intérieur de notre système.
Ceci représente 6 000 000 $ d'argent nouveau si on disait oui
à tous ces jeunes. Je ne dis pas qu'il faut dire oui à tous ces
jeunes, mais, par rapport à l'enveloppe dont nous disposons qui
représente une fraction du budget de l'assurance-maladie, et cette
fraction est de l'ordre de 0,3 %, je pense que le budget auquel nous pouvons
puiser pour faire face à cette demande est inadéquat; il faut
l'augmenter, tel que le permet la loi, à 0,4 %.
En faisant cette augmentation, nous allons permettre quoi? Nous allons
permettre à un deuxième volet de développement en
recherche en santé de se produire dans nos hôpitaux. Le premier
volet a été très largement assis sur une
développement biomédical traditionnel. Je pense que ceci est de
l'acquis. Il faut maintenant un second volet qui s'appelle recherche clinique,
c'est-à-dire recheche directe sur des populations
de malades, qui s'appelle recherche evaluative, c'est-à-dire
recherche sur l'impact et la qualité des gestes qui se déroulent
à l'intérieur de notre réseau; pas seulement à
l'hôpital universitaire, mais partout dans le réseau et même
dans les institutions pour personnes âgées en perte d'autonomie
dont on parlait ce matin.
Cela veut dire implication de personnes et d'intervenants qui ne sont
pas classiquement impliqués dans les activités de recherche; je
pense ici aux infirmières, etc., qui ont le droit, en fait, de se
développer dans ce domaine. Non seulement ont-elles le droit, mais la
population qui reçoit des soins de ces personnes a également le
droit d'avoir des soins qui sont conformes à ce qu'ils doivent
être, qui sont à la mesure de la technologie moderne, qui ne sont
pas superdispendieux pour des raisons non valables, etc.
L'infrastructure de recherche clinique à l'intérieur du
réseau est une priorité certaine de toute politique en
santé. Aucune des données pratiques que l'on retrouve dans le
document "Orientations", aucun des "end points" de santé ne repose sur
une analyse rigoureuse de chercheur qui a défini des risques, qui a
défini des critères de risque et également des
critères de santé. Il est anormal, au Québec, qu'il soit
impossible, actuellement...
Le Président (M. Joly): Excusez, Dr Vinay, je vous
inviterais à conclure, s'il vous plaît.
M. Vinay: J'achève, M. le Président. Le
Président (M. Joly): Merci.
M. Vinay: Je voulais très brièvement vous dire que
l'argent est présent pour faire face à ces demandes, en
particulier dans le cadre du dernier budget fédéral, dans le
cadre de la loi C-22; le gouvernement du Québec reçoit 25 000 000
$ en quatre ans du gouvernement fédéral pour le
développement de l'activité de recherche en santé dans le
domaine de la pharmacologie; le FRSQ reçoit l'équivalent de la
moitié de cette somme, actuellement. Nous pensons qu'il pourrait
être et qu'il est justifiable d'en recevoir la totalité, afin de
faire servir cet argent neuf, qui arrive à la province de Québec,
à la promotion de ces programmes, en particulier dans cette interface
avec l'industrie.
C'est assez difficile de rendre justice, monsieur, en vingt minutes,
à la fois à la jeunesse du Québec qui s'engage dans un
domaine d'expertise et d'évaluation, à la fois au besoin de notre
système de santé d'être rigoureusement questionné
par des chercheurs indépendants qui font ça en termes de leur
métier, et à la fois à la population du Québec qui
a le droit d'avoir une technologie qui évolue de façon
adéquate. Je pense que notre mémoire sera plus éloquent
que ces vingt minutes de discussion orale, et je pense qu'il est essentiel que
le projet de loi qui va devenir loi...
Le Président (M. Joly): Écoutez, moi, je n'ai pas
d'objection à vous laisser continuer, sauf que vous réalisez que
le temps que vous prenez, c'est du temps en moins au niveau de la
période de questions.
M. Vinay: J'ai compris, monsieur; j'achève dans trente
secondes.
Le Président (M. Joly): Alors, je n'ai pas d'objection du
tout, du tout, Dr Vinay.
M. Vinay: Vous êtes bien aimable. Je pense donc que ce
nouveau projet de loi doit aller encore plus loin dans l'intégration
d'une préoccupation recherche-évaluation dans tous les programmes
du ministère qui touchent des bénéficiaires. C'est
déjà présent dans l'esprit de ce document. Je pense que
ça devrait être présent non seulement dans l'esprit, mais
également dans les dispositions pratiques qui vont rendre possible une
croissance de ces activités dans chacune des activités qui
touchent les bénéficiaires quels qu'ils soient. Je vous
remercie.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre de la
Santé et des Services sociaux. (12 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. J'aimerais souhaiter la bienvenue au Dr Goldbloom et au Dr
Vinay. Évidemment, le Dr Vinay nous a fait une présentation
succincte, compte tenu du temps, de ce qu'est la FRSQ. Je pense qu'on aurait pu
avoir l'après-midi, puis ça aurait été
agréable de vous entendre tout l'après-midi sur ce que fait et ce
que souhaite faire le FRSQ. Je pense qu'on ne se serait pas lassés de
vous entendre, tellement vous l'évoquez avec vos tripes. Ça, je
pense que c'est le propre de ceux qui sont en recherche, et c'est tout à
votre honneur.
Je voudrais davantage vous questionner en fonction de la réforme
et, bien sûr, sur l'implication du FRSQ en fonction de la réforme
ou de son expertise et de ce qu'on devrait faire en termes de réforme.
Vous avez abordé le problème spécifique des CHU et des
instituts. Il y a des propositions, dans votre document, qui sont
intéressantes à cet égard, mais on sait qu'on est dans une
situation où il y a un certain nombre de centres hospitaliers qui sont
reconnus CHU au moment où on se parle. Un certain nombre sont inquiets,
d'autres ne le sont pas du tout, puisqu'on devra éventuellement faire un
choix de certains centres hospitaliers universitaires. Nous sommes dans une
situation où certaines régions du Québec souhaiteraient
bien voir décentraliser certains CHU qui sont forcément
très, très concentrés à Montréal, à
Québec et à Sherbroo-
ke, mais d'autres régions du Québec aspirent à
avoir cette reconnaissance ou à avoir sur leur territoire des centres
hospitaliers universitaires.
D'autre part, on a entendu des représentants des centres
hospitaliers universitaires venir nous dire qu'ils étaient aussi des
parents pauvres du système, malgré le coût de
système qui leur est alloué, et qu'ils étaient dans un
état de sous-budgétisation, eux aussi, qui les rendait un peu les
parents pauvres. J'aimerais savoir de ceux qui remplissent de manière
admirable le rôle qu'ils ont actuellement au niveau de la recherche
combien il devrait y avoir de centres hospitaliers universitaires au
Québec. Est-ce que le phénomène de concentration est un
phénomène important à ce niveau-là? Compte tenu du
fait qu'on sait déjà qu'il y a un certain nombre de
critères qui sont dans les documents d'orientation quant à la
reconnaissance des centres hospitaliers universitaires et que vous en
évoquez vous-même dans votre mémoire, est-ce qu'on est dans
une situation où on devrait augmenter le nombre de centres hospitaliers
universitaires ou si on devrait maintenir ce que nous avons maintenant, avec,
oui ou non, une répartition autre que celle que nous connaissons
maintenant sur le territoire?
M. Vinay: C'est une question complexe, M. le ministre, pour
plusieurs raisons. D'abord, parce que la situation est différente dans
certaines universités et dans certaines autres. Il faut tenir compte de
ces disparités. Deuxièmement, parce que, effectivement, un
hôpital universitaire, le mot le dit bien, ce n'est pas seulement de la
santé, c'est aussi de l'université, et qu'il faut ici une
concertation avec l'université dans toute définition de ce que
doit être une institution universitaire. Je pense qu'en dehors de cette
concertation le mot "universitaire" est peut-être un leurre. Je pense que
le mot "universitaire" implique effectivement ici une concertation directe.
Votre question est peut-être d'aspect plus pratique, puisqu'il est
question de nombre. Je réponds à cette question de nombre
immédiatement. Nous réalisons qu'avec les compressions qui
viennent, en fait, du ministère, du nombre de résidents qui
peuvent être entraînés dans chaque service, il devient
complètement irréaliste d'avoir, par exemple, dans la
région de Montréal, cinq services capables de faire
l'entraînement complet en néphrologie du néphrologue qui
apparaît dans le système tous les deux ans. Je pense qu'il est
tout à fait évident qu'il y a là un problème de
rationalisation du nombre de facilités universitaires qui me semble
clair.
Deuxièmement, si un hôpital universitaire doit avoir une
vocation d'enseignement et de recherche en même temps qu'une vocation
tertiaire, il doit avoir les possibilités technologiques de ce faire.
Les possibilités technologiques, qu'est-ce que cela veut dire? Ça
veut dire une radiologie qui coûte plus cher, un laboratoire de biochimie
qui coûte plus cher, des indications d'activités qui ne sont pas
seulement liées étroitement au service, mais également
liées aux deux autres vocations. Si vous avez sept universités
dans un réseau qui partage ces responsabilités, vous avez sept
unités de radiologie qui vous coûtent très cher, sept
départements de biochimie qui vous coûtent très cher, alors
que ce n'est peut-être pas essentiel qu'y en soit ainsi.
Ceci dit, lorsque les champignons poussent sur le terreau, ils poussent
où il y a de quoi pousser. Et nous avons actuellement devant les yeux
les réussites d'un certain nombre d'institutions et d'hommes dans ces
institutions qui ont poussé un petit peu au hasard du chemin, car il n'y
avait pas une concertation suffisamment grande dans l'histoire entre les
préoccupations du ministère, les préoccupations des
institutions et les préoccupations de l'université. Donc, lorsque
l'on parle de rationaliser les choses, on peut également parler de
bouger des pointes d'excellence d'un endroit à l'autre et ceci implique
des investissements. Il ne s'agit pas de perdre ce que nous avons gagné
à grand-peine dans les 20 dernière années; il s'agit de le
relocaliser d'une façon intelligente. Ceci peut impliquer des
coûts, évidemment, et ceci doit impliquer une rationalisation
universitaire bien faite.
Il y a deux réseaux, monsieur, où cela pose un
problème: à Québec et à Montréal. Le
réseau du Royal Victoria et celui de McGill ne posent aucun
problème ou beaucoup moins. Le réseau de Sherbrooke va vous dire
qu'il ne pose aucun problème, qu'il est parfaitement unifié;
c'est vrai, il est parfaitement unifié, mais il est un peu petit. Les
deux autres réseaux ont certainement des problèmes pratiques qui
peuvent être résolus. Je ne vois pas comment ils peuvent
être résolus de façon intéressante sans qu'il y ait
un investissement lié à cette résolution.
M. Côté (Charlesbourg): Lorsqu'on évoquait
ça, dans votre mémoire, si je ne m'abuse, vous parlez d'un
réseau de CHU et d'instituts. Est-ce que je me trompe ou si
l'idée de ce réseau de CHU visait effectivement à faire
cette... Ce que je comprends de vos propos, c'est qu'on a besoin d'une
rationalisation. Avec ou sans argent additionnel, il y a besoin d'une
rationalisation...
M. Vinay: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...parce qu'il y a de
l'argent qui se perd à ce que j'ai compris, compte tenu du nombre et
compte tenu aussi du nombre de résidents qu'on doit se partager parce
que chacun, semble-t-il, se dirige dans des spécialités.
Où il y aurait de la place pour un, il y en a cinq. Est-ce que le
réseau dont vous faisiez état à l'intérieur du
mémoire aurait ces fonctions-là ou ces objectifs en termes de
planification?
M. Vinay: Le réseau dont il est fait état dans
notre mémoire, c'est un réseau de centres et d'instituts du FRSQ
et ça ne regroupe pas tout à fait la réalité des
hôpitaux universitaires. Effectivement, il y a 23 centres et instituts au
FRSQ et plusieurs de ces centres, s'ils ont tous une affiliation universitaire
quelconque, pourraient ne pas se retrouver dans une courte liste
d'hôpitaux universitaires. Pourquoi un réseau? Parce qu'il s'agit
ici d'administrer de la façon la plus rationnelle possible des sommes
qui ne sont pas importantes et qui pourtant doivent avoir des retombées
importantes. Je vous rappelle ici que, pour chaque dollar que le FRSQ met dans
un de ses centres, 7 $ ou 8 $ viennent actuellement du gouvernement canadien,
du gouvernement américain et des autres instances qui nous entourent.
C'est donc, en fait, une pompe à ressources que représente
l'investissement que le ministère met dans notre organisme.
La notion de réseau est une notion de concertation sur les zones
d'excellence. Nous ne pouvons pas avoir trois centres de recherche qui ont
comme principal thème de recherche l'hormone natriurétique
cardiaque. Qu'il y en ait un, je pense que c'est très bien. Qu'il y en
ait trois, je pense que cela pose des problèmes. Donc, il faut une
espèce de concertation dans les thèmes et dans les
activités entre les institutions du réseau de la santé,
concertation qui repose, par conséquent, sur la formation de
réseaux de complémentarité. Il s'agit, je pense, d'un bon
investissement respectant les multiples facettes de la technologie de la
santé.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, un des
problèmes qu'on a est un problème où le ministère
que je dirige n'a pas plein pouvoir, puisqu'il y a une fonction enseignement
qui relève de l'Enseignement supérieur, qu'il y a certaines
fonctions cliniques qui relèvent du ministère chez nous et que
c'est un départage qui n'est pas toujours facile. Il doit donc y avoir
une complicité très étroite entre les différents
ministères concernés pour ces arbitrages-là, parce que ce
n'est pas venu du jour au lendemain, cette duplication d'offres de services, si
on veut. Il y a donc, ce que je comprends, du travail à faire de ce
côté-là, mais je voudrais aller un petit peu plus loin.
Une des préoccupations qu'on entend, au moment où nous
nous parlons, c'est que les centres hospitaliers universitaires craignent de
devoir relever éventuellement d'une régie régionale qui,
elle, aurait un certain nombre de responsabilités et qu'ils
souhaiteraient relever davantage du ministère. J'aimerais avoir votre
opinion là-dessus. Quelle est l'incidence, par rapport à vos
objectifs à vous, qu'un centre hospitalier universitaire, sur le plan de
la planification, relève d'une régie régionale ou
relève du ministère directement?
M. Vinay: Monsieur, je pense qu'on peut bien administrer la
santé de plusieurs façons. O'iant à moi, je pense qu'un
hôpital universitaire qui relèverait d'une régie gagnerait
certaines choses et en perdrait certaines autres. Je pense que l'on peut faire
sortir toutes sortes de spectres d'une boite en faisant valoir les
difficultés potentielles qui peuvent surgir à l'occasion d'un
schéma organisationnel ou d'un autre. La préoccupation de la
régie est une préoccupation de services aux
bénéficiaires. Cette préoccupation a certains aspects qui
sont très valables pour la réalité universitaire qui,
ultimement, doit former des gens qui vont offrir ces services ou qui vont les
évaluer. Donc, il y a là, je pense, un versant très
positif à une telle proposition.
D'un autre côté, cette capacité de former et cette
capacité d'évaluer implique une telle concertation entre la
carrière universitaire et la carrière hospitalière qu'il
me semble très difficile de séparer l'hôpital universitaire
de l'université. Effectivement, un jeune chercheur boursier qui,
après douze ans chez nous, a gagné son salaire par
compétition, par l'excellence, au bout de douze ans, il finit par
rentrer dans une université. Son milieu final de travail, c'est une
université et il s'intéresse à l'évaluation de la
santé dans une structure hospitalo-universitaire. Si on éloigne
de l'université l'hôpital, je pense que ce que l'on gagne en
préoccupation sociale de la santé, on le perd en
"opérationalité". Cependant, je pense qu'il y a, très
évidemment, un discours à entendre de la part de régies
sur l'élargissement des perspectives, en particulier en ce qui a trait
à l'adéquation du service qui est donné à une
population dans le cadre d'un hôpital universitaire.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, le temps
presse parce que je me fais jouer de l'oeil par mon président. Vous avez
évoqué, à juste titre, tout à l'heure, qu'il y
avait beaucoup de recherches biomédicales qui se faisaient, qui devaient
se faire et j'en conviens, mais vous avez aussi évoqué le fait
qu'il y avait d'autres domaines où il devait y avoir de la recherche.
Les orientations en indiquent quelques-unes. Quelles sont vos opinions par
rapport aux priorités qui sont à l'intérieur du document
d'orientation et quels devraient être les autres domaines prioritaires de
recherche?
M. Vinay: Monsieur, la recherche, ça se fait par des
hommes. Il faut donc que les chercheurs soient là pour la faire et le
FRSQ s'efforce de faire naître des expertises dans des domaines qui,
actuellement, ne sont pas suffisamment représentés. Nous pensons
que nous sommes à peu près à mi-chemin d'un effort de
rationalisation et de création d'activités de recherche dans tous
les domaines pertinents à la santé. Il est
très clair que des éléments de solution sont
déjà en palce. Le Conseil d'évaluation des technologies de
la santé, avec qui nous collaborons, a, je pense, un mandat
extrêmement intéressant, qui s'appuie sur une
spécificité que nous lui offrons et nous pensons que ceci est
tout à fait adéquat. Le conseil de la recherche sociale a
également un rôle important à jouer à
l'Intérieur de cette problématique de la santé et nous
nous arrimons à ses préoccupatlon8 pour,
précisément, bonifier le travail que ces gens-là
désirent faire. il y a des tas d'autres domaines où, je pense il
va falloir attendre 10 ans, 15 ans avant d'avoir des compétences
capables de faire des travaux d'évaluation qui soient de bonne
qualité et non pas de la "recherchette" superficielle faite pour faire
un rapport qui va dormir sur une tablette et qui n'aura finalement aucun impact
ni chez nous, ni ailleurs. il y a ce versant de la promotion d'une recherche
dans d'autres volets de la santé. nous pensons ici au social, bien
sûr, nous pensons au psychologique, bien sûr, nous pensons au
vieillissement, bien sûr, nous pensons à tous les autres
d'intervenants de ta santé. j'ai parlé des infirmières,
évidemment, tous les autres sont également impliqués. pour
qu'ils aient accès à ce type d'activités, il leur faut
d'abord une formation, ensuite, il leur faut des postes de chercheur boursier,
postes dont 30 % de ceux que nous avons réussi à fermer pourront
se prévaloir, pour des misons très simples de compétition
pour des ressources maigres, et h leur faut ensuite une vocation universitaire
à long terme.
Je ne pense pas que l'on puisse planifier pour demain un virage de ta
recherche. On peut planifier pour demain une éducation de population
spécifiquement promise à faire une activité de
recherche dans des créneaux qui sont
déficitaires. Nos préoccupations, actuellement, sont là.
Si nous avons pour 10 000 000 $ de demandes de maîtrise, doctorat,
formation post-doctorale, "fellow" provenant de jeunes et jusqu'à des
médecins formés, eh bten, je pense que nous avons dans la main un
outil capable de répondre à cette question pour demain. C'est un
pari à très long terme. (13 heures)
Je vous rappelle que votre ministère l'a pris, ce pari, H y a 25
ans, monsieur. Et, lorsqu'il l'a pris il y a 25 ans, il a créé
une réalité qui, aujourd'hui, est rayonnante et joue aussi bien
que possible, dans ta circonstance, le rôle qu'elle a à jouer dans
ce sens-là. C'est, je pense, le rôle de planification de la
recherche en santé qui nous revient.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Compte tenu
de l'heure, je dois quand môme demander l'autorisation aux membres de
cette commission pour déborder d'une quinzaine de minutes.
Une voix: Pas de problème.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Verdun, très brièvement, s'il vous plait.
M. Qautrin: Brièvement. Dans votre document - Il y a des
gens qui, d'ailleurs, ont posé ta marne question, qui sont venus
témoigner avant vous - voua signalez le fait qu'il y a peu de
diplômes M. D. qui s'orientent vers ta rechercha Des gens qui ont
témoigné avant vous sont venus le dire et vous le dites aussi.
Vous évoquez une des causas qui est ta faible rémunération
des chercheurs boursiers. Est-ce qu'il y en a d'autres et est-ce qu'il y a
d'autres moyens pour augmenter la proportion, d'après vous, de
diplômés M. D. dans les carrières de recherche?
M. Vinay: II y en a d'autres, elles ne sont pas toutes dans les
mains de ta santé cependant. Il y en a d'autres. Une partie est dans les
mains de l'éducation, une partie est dans les mains de ta santé.
La partie qui est dans les mains de l'éducation est très simple,
I s'agit de regarder et de comprendre les facultés profes-sionnelles
comme les écoles, tac écoles de médecine, les
écoles de pharmacie, les écoles d'art dentaire, non pas comme des
écoles professionnelles, mais bien comme des facultés
universitaires. Et je pense que nous avons vécu, dans les derniers 15
ans, un dérapage lent, mais constant vers un statut qui se rapproche
plus d'une école professionnelle que d'une faculté
universitaire.
Si vous ne valorisez pas, à l'intérieur de votre structure
d'enseignement, les activités qui sont authentiquement des
activités universitaires, avec toutes les difficultés
intellectuelles que cela représente, parce que ce n'est pas quelque
chose que l'on peut faire sans une masse assez considérable d'efforts,
eh bien, je pense que nous allons nous retrouver avec des écoles
professionnelles, par définition, incapables de se renouveler,
incapables de faire face au développement technologique qu'elles auront
à vivre, de toute façon, et avec lequel elles devront vivre
à coups d'argent.
Donc, je pense que l'université a quelque chose à faire
là-dedans. Je pense que le fait que nous ayons des hôpitaux
universitaires qui étaient trop, en tout cas dans certains
réseaux, éclatés en plusieurs institutions a
été fort nocif. C'étaient, en fait, des hôpitaux
généraux, avec quelques petites instances universitaires
noyées à l'intérieur d'une réalité
d'hôpital général et ceci n'était pas favorable au
développement de ta réalité universitaire.
Enfin, je pense que la rétribution de ta médecine à
l'acte a été le pire service qu'on ait rendu à ta
médecine universitaire, marne si ça a été
probablement le meilleur service qu'on a rendu à ta population du
Québec, en termes d'accès. Lorsque vous ne gagnez pas d'argent
parce que vous faites un travail de nature
universitaire, vous mettez en compétition un bien
immédiat, pratique, de couleur verte, ou de couleur jaune, ou de couleur
bleue, avec un devenir à beaucoup plus long terme. Pensez à
l'heure et demie qu'il faut à un oncologue pour placer votre papa, avec
son cancer du pancréas...
Le Président (M. Joly): Excusez, Dr Vinay, peut-être
qu'il faudrait conclure parce que le même temps est imparti à
l'autre formation, période des questions a 15 heures. Alors, il faut,
quand même, respecter un petit peu la "cédule". Je vais maintenant
reconnaître Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, comme le
ministre, je déplore qu'on n'ait pas suffisamment de temps. Vous
connaissez l'intérêt que je porte à toute la dimension
recherche et développement. Ça m'apparaît la clé du
développement de nos services dans tous les secteurs d'activité
et, plus particulièrement, dans celui qui nous concerne. Je vais aller
directement aux questions. En fait, j'en ai quatre, pour les annoncer tout de
suite, et il y en a deux... Je sais que le ministre doit quitter,
peut-être qu'il a pu allonger un peu, parce que je voudrais un peu qu'il
entende à la fois les questions et les réponses.
La première, c'est: Dans l'approche que vous avez du statut des
hôpitaux universitaires, vous dites deux choses et là, je ne suis
pas trop certaine de ce que ça pourrait vouloir dire par rapport
à un hôpital universitaire dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, à Chicoutimi, plus particulièrement.
Ça m'inquiète un peu et je voudrais que ce soit un peu plus clair
par rapport à ce que vous avancez. Vous dites au ministre: Ça ne
pose pas de problèmes avec McGill et Royal Vie. Mais de façon
générale, à ce que j'ai cru comprendre de votre
explication, le problème, c'est qu'il y a - vous citez la
néphrologie et vous citez la radiologie - trop d'éparpillement,
il y a trop de spécialités dans deux, trois ou quatre
hôpitaux, donc les équipements coûtent cher et ainsi de
suite. Alors, j'en conclus que vous dites: Spécialisons les
hôpitaux ou encore mettons... Et ça, je n'en suis pas certaine,
parce que vous dites ensuite, en réponse au député de
Verdun: Le problème, c'est qu'on a quelques unités de recherche
noyées dans toutes sortes d'hôpitaux. Donc, là, ça
m'amène à conclure que ce n'est pas la spécialisation dans
certains hôpitaux, en nombre réduit le plus possible; c'est la
concentration plutôt que la spécialisation. Alors, là, si
je concentre plus que c'est là, on va mettre tout ça à
Royal Vie ou à peu près. En tout cas, là,
j'exagère, mais j'ai de la difficulté à ramasser les deux
réponses en même temps pour savoir qu'est-ce que ça
pourrait donner pour les régions qui réclament un statut
d'hôpital universitaire, par exemple en médecine familiale.
Là, il y a un statut de résidence en médecine familiale,
ce n'est pas vraiment un statut d'hôpital universitaire et ça joue
un rôle majeur en matière d'accès à des services de
santé en région. Et le Québec, ce n'est pas juste
Montréal, c'est aussi une région comme la mienne, et Rimouski, et
l'Abitibi, et ainsi de suite. Alors, qu'est-ce que je dois comprendre? Est-ce
que vous appelez une concentration ou une spécialisation?
M. Vinay: Je pense, madame, qu'il faut, d'abord, une
concentration et, ensuite, qu'il faut une concertation. En d'autres termes, si
vous désirez obtenir en région une structure avec une fonction
universitaire de formation de médecins de première ligne, par
exemple, ou de médecine familiale, ça me semble une chose qui est
parfaitement possible, car, effectivement, les ressources requises pour former
ce genre d'intervenants en santé ne sont pas du tout les mêmes que
les ressources requises pour former les gens qui ont d'autres
spécialités, par exemple un spécialiste des gliomes ou du
cancer du pancréas dans quelque chose de biomédical très
pointu. Donc, je pense que les institutions qui sont concentrées ont
avantage à tendre la main et à faire des réseaux avec des
institutions qui sont beaucoup plus périphériques, de telle sorte
qu'elles puissent participer à l'éducation universitaire d'une
façon ressourcée, à l'intérieur de régions.
Ces régions peuvent être à l'intérieur d'une
région unique, comme à l'intérieur de Montréal ou
beaucoup plus loin, dans Lanaudière, par exemple. Ceci ne pose pas un
problème important. Je ne sais pas si ma réponse est claire,
parce que votre question n'est pas entièrement claire. Si vous me
dites....
Mme Blackburn: Oui. Non, mais c'est-à-dire que, dans vos
réponses, vous dites que ça prend de la concentration parce qu'on
éparpille et que ça coûte trop cher d'avoir des
laboratoires très sophistiqués dans les sept, huit ou neuf
hôpitaux de Montréal, ou centres spécialisés. Et,
par ailleurs, vous dites: Spécialisez-les pour éviter
l'éparpillement. Et moi, je dis: Si je spécialise deux ou trois
grands hôpitaux, il est évident que, par rapport au statut
d'hôpital universitaire dans les régions, ce qui vise un autre
objectif en même temps: la plus grande rétention de
spécialistes en région, bien, là, je veux dire, je suis
passée un peu à côté. Mais, on pourra
peut-être...
M. Vinay: La réponse est: Jumelez-les.
Spécialisez-les...
Mme Blackburn: Oui. M. Vinay: ...et jumelez-les.
Mme Blackburn: La tendance n'a pas été beaucoup
à la décentralisation si je pense à tout
ce qu'ont tenté les hôpitaux en région pour
sensibiliser, pour ne pas la nommer, l'Université Laval, ici. Parce que
là c'est vrai que ça joue sur deux ministères. Et tout
cas...
L'autre question, c'est: Vous pariez beaucoup de la concertation et
ça m'intéresse, ce dossier-là de la concertation avec les
industries. Moi, j'en parie au ministre en môme temps. Je sais que
ça fait, en tout cas, que ça pourrait faire un certain consensus
dans le gouvernement actuel. Il faut profiter du pouvoir d'achat du
gouvernement pour revoir sa politique d'achat et faire de la RD, favoriser
l'émergence du développement de certaines technologies en
santé, en particulier. Pour 7 000 000 000 $ d'achats par année.
Dans certains de ces secteurs, on est les plus performants. J'en voyais un tout
récemment qui parlait des prothèses où on était
spécialisés et là on est en train de tout faire faire
ça à l'étranger. Là, il y a un gaspillage. Mais je
joins à ça la décision, la loi C-22 sur le transfert de
fonds où on a perdu, parce que c'est le Québec qui a perdu, pour
ce qui est de la recherche en pharmacologie, qui permet de mettre sur le
marché des. médicaments brevetés plus tôt que
prévu, la recherche se faisait majoritairement au Québec, sauf
que, quand il s'est agi de partager le "pot" on a eu le quart,
c'est-à-dire au prorata de la population où, à mon avis,
on était défavorisés. Là, normalement, si ma
connaissance du dossier est bonne, il y a 12 500 000 $ de rentrés. Il y
a encore 6 250 000 $ qui doivent rentrer d'ici à la fin mars - selon les
informations, la lettre est prête, le ministre doit être au courant
de ça aussi - pour un total de 25 000 000 $ sur quatre ans. Et vous me
dites que c'est la moitié. C'est la moitié de quoi que vous avez
déjà reçue et pourquoi seulement la moitié et non
pas la totalité?
M. Vinay: Je dois dire ici que, après consultation et
concertation avec Mme Lavoie-Roux qui précédait notre ministre
actuel, Mme Lavoie-Roux et le ministère avaient une attitude qui
était exactement la même que la nôtre face à ce
dossier. Cette attitude était la suivante: Voici des ressources qui
viennent appuyer de la haute technologie dans le domaine de la santé.
Ces ressources sont identifiées comme devant servir à cette fin.
Obtenons ces ressources et faisons-les fructifier dans ce domaine. En
particulier, profitons-en pour améliorer notre interface avec
l'industrie. Profitons-en pour ancrer l'industrie pharmaceutique au
Québec et profitons-en pour utiliser ce système de réseaux
de centres et d'instituts capables d'activités de recherche pour en
faire profiter également l'industrie québécoise, en
particulier l'industrie québécoise des biens de la santé.
Et un certain nombre de mesures ont été prises dans cette
direction.
Pour répondre de façon plus pratique à votre
question, le pourcentage, pas vraiment le pourcentage, mais ce que
représentent 12 500 000 $ placés dans un fonds de placement,
ça représente quelque chose comme 1 200 000 $ par année.
Et ce que nous recevons actuellement, c'est 1 200 000 $ par année. Donc,
nous recevons actuellement, en termes de subvention actuelle, ce que le
gouvernement lui-même a reçu.
Ce qui nous inquiète pour l'instant, et ce pourquoi nous
resoulevons le débat, c'est que ce gouvernement va recevoir non pas 12
500 000 $, mais 25 600 000 $. Et, par conséquent, si on annualisait la
même chose, c'est une somme de 2000000$ à 2 500 000 $ qui devrait
servir à cette fin et non pas une somme de 1 000 000 $.
Mme Blackburn: Vous aviez fait une proposition - là, je
n'en voudrais pas au ministre de ne pas la connaître, parce qu'il
n'était pas au dossier à l'époque - au moment où
cette loi, la C-22 avait été adoptée, une proposition de
création d'un institut de recherche en pharmacologie; si on veut
vraiment se développer des secteurs d'excellence, je pensais que
c'était la voie tout indiquée. Vous ne craignez pas que la mesure
qui est actuellement... D'abord, un, vous dites: On a seulement 50 %, parce
qu'on a 1 200 000 $, alors que si on avait au moins l'intérêt,
l'équiiavent de 10 %, ça nous donnerait 2 500 000 $ par
année. vous ne craignez pas que, étant donné qu'il n'y a
pas un fonds qui est constitué avec les montants qui sont versés
aux provinces, au québec, un fonds à part, tantôt ça
se trouve englouti dans le budget, ça s'en aille au fonds
consolidé et que, pour n'importe quelle raison, n'importe quel
gouvernement, à un moment donné, pourrait dire: cette
année, on ne l'indexe pas. et dans la mémoire ça va
s'oublier et ça va rentrer dans vos dépenses courantes, et on
n'aura pas vraiment atteint les objectifs qu'on aurait dû se donner avec
cette compensation. parce que là, il s'agit de compensation du
gouvernement d'ottawa par rapport à la modification sur les brevets
pharmaceutiques. vous ne craignez pas qu'à un moment donné
ça soit effacé de l'ardoise et que vous ne voyiez plus ça?
comment allez-vous gérer ça pour vous assurer que ça aille
vraiment dans la recherche en pharmacologie ou en biens médicaux?
M. Vinay: Ce que nous avions proposé à cette date,
madame, c'est que cet argent nous soit remis intégralement, que nous
créions un tel fonds et qu'à partir d'un tel fonds qui nous
assure une sécurité d'approvisionnement nous créions
effectivement un institut du médicament qui devait, dans nos plans
initiaux, impliquer plus d'universités québécoises. Il
nous semblait effectivement que c'était une façon très
rationnelle d'aller chercher cet argent et de le consacrer à cette
vocation spécifique de développement technologique dans le
domaine des biens de la santé. Ça nous semblait une voie non
seulement prometteuse, mais la seule voie possible pour s'engager dans cette
direction. Effective-
ment, si on n'est pas certain, d'année en année, d'un
certain nombre de crédits, on ne peut pas établir une structure
stable dans l'incertitude. La réponse gouvernementale là-dessus a
été la suivante: Messieurs, nous, nous empruntons et nous voyons
mal comment vous, vous pourriez placer, alors que nous, nous empruntons. Et il
y a une certaine logique à l'intérieur de cette réponse.
On ne pourrait pas dire qu'elle soit entièrement dénuée de
logique. Cependant, elle passe à côté du point principal
qui est cette incapacité que nous avons maintenant de faire face
à ce projet. À moins d'avoir une certitude d'approvisionnement et
de revenu dans ce créneau spécifique, nous ne pouvons pas aller
de l'avant avec un projet de cette nature et de cette envergure.
Mme Blackburn: Si je comprends bien, ça veut donc dire
qu'on a perdu des privilèges - ne parlons pas de privilèges,
parlons de possibilités et d'avantages - des avantages
considérables que nous avions en matière de recherche en
pharmacologie, à cause de la modification de la loi. On a une
compensation qui ne nous permettra pas de contrer les inconvénients de
la loi parce que l'argent n'a pas été utilisé aux fins
pour lesquelles il était prévu et là, si je comprends
bien, c'est rendu au fonds consolidé. Là-dessus, je trouve que
c'est majeur. Je ne voudrais pas faire de la petite politique; je trouve que
c'est un dossier majeur, lorsqu'on parle de recherche et de
développement, trop important pour qu'on essaie de faire un petit peu de
capital politique. Ces questions sont majeures sur le développement
économique du Québec, évidemment de la santé, parce
que c'est votre travail. C'est pour ça que je voulais attirer
l'attention du ministre là-dessus. On aura l'occasion de s'en reparler.
J'aimerais qu'il voie la possibilité de réexaminer cette
question-là.
L'autre question, messieurs, c'était sur les 0,4 % du budget de
l'assurance-maladie du Québec, qui devait être, en vertu de la
loi, consacré à la recherche, au Fonds de la recheche en
santé du Québec. Actuellement, vous avez...
M.Vinay:0,35 %.
Mme Blackburn: 0,35 %. Alors, le manque à gagner est
de...
M. Vinay: En termes de millions ou en termes de pourcentage?
Mme Blackburn: Oui, de millions.
M. Vinay: Autour de 1 200 000 $. Si nous avions ce 1 200 000 $
supplémentaire, je pense que, actuellement, nous ferions face de
façon beaucoup plus efficace à la demande du programme chercheurs
boursiers. Je vous ai indiqué tout à l'heure que nous avions, en
nouvelles demandes cette année de chercheurs formés,
indépendants, autonomes. 6 000 000 $ et 4 000 000 $ d'obligations pour
maintenir en fonction les quelque 150 chercheurs que nous avons à
travers le Québec. Par conséquent, si vous additionnez ces
sommes, nous sommes assez loin des 6 500 000 $ que la Régie de
l'assurance-maladie du Québec nous accorde. Or, ce programme chercheurs
boursiers est étanche; nous ne pouvons ni mettre de l'argent dedans pour
l'augmenter, ni en sortir. L'échelle salariale des chercheurs boursiers
est également relativement étanche. Nous ne pouvons pas la rendre
plus adéquate; elle n'a pas changé depuis huit ans. Donc, nous
réclamons effectivement, et nous le réclamions dans notre plan
triennal, d'avoir au moins le 0,4 % que nous permet la loi, et de ne pas
envoyer des jeunes Québécois bien formés, et à
grand coût parce que ce sont des gens qui ont 10, 12, 15 ans
d'université, en Ontario ou aux États-Unis, pratiquer un
métier qu'ils pourraient pratiquer avec tellement de retombées
positives pour notre société.
Mme Blackburn: J'ai l'intention de demander au ministre un appui
pour une demande à faire à la commission de l'industrie et du
commerce sur un mandat d'initiative sur les achats gouvernementaux. Il faudrait
vraiment qu'on revoie une politique des achats gouvernementaux et, en
santé, c'est majeur. L'appui du ministre là-dessus pourrait
être précieux.
En ce qui a trait à la formation de chercheurs boursiers, je
pense que vous le dites de façon plus éloquente que je ne saurais
le faire, en page 16 de votre mémoire, quand vous dites que vous avez
réussi à répondre à peu près à 25 %
des demandes de chercheurs boursiers. Si on ne change pas, si on ne modifie pas
les règles du jeu, si on ne leur donne pas un salaire décent et
si on ne se donne pas collectivement un peu plus de sous pour pouvoir,
même à ce salaire-là, en retenir un peu plus... "Manquer
à ce mandat sera - et je cite - à toutes fins pratiques,
subventionner les provinces canadiennes voisines et/ou les États-Unis en
leur envoyant une main-d'oeuvre formée à grands frais dans notre
province." Ça, c'est malheureusement le cas en santé, mais c'est
malheureusement le cas dans tous les autres secteurs d'activité, y
compris en informatique, je pense, où on les retrouve beaucoup dans
l'ouest des États-Unis, nos jeunes chercheurs
québécois.
Je sais, le temps qui m'est imparti est pour ainsi dire
épuisé. Je vous remercie, au nom de l'Opposition, de votre
participation aux travaux de cette commission. Évidemment, je vous
assure de toute ma collaboration et, en même temps, que je mettrai toute
l'énergie pour essayer de faire avancer ce dossier de la recherche. Pour
trop de personnes au Québec - évidemment, il y a tellement de
dossiers que ça éclate toujours d'un peu partout - la
recherche-développement a
toujours été considérée comme quelque chose
d'un peu ésotérique, dans lequel on ne se retrouvait pas trop. On
n'était pas sûr que ce soit indispensable. J'ai l'intention
d'essayer de le ramener - c'est d'ailleurs ma responsabilité - le plus
souvent possible.
J'aurais aimé aborder avec vous - cependant, nous ne l'avons pas
fait - tout le dossier de vos rapports avec les départements de
santé communautaire, qui ne font pas de la recherche fondamentale, mais
qui font de la recherche appliquée, et les rapports qui existent entre
vous et ces départements, s'y en existe. Et, s'il n'en existe pas, de
quelle nature ils devraient être, mais j'imagine que ça fera
l'objet d'autres échanges. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je voudrais, M. le
Président remercier te Dr Goldbloom et le Or Vinay, de leur
participation. Je pense que cette commission parlementaire a été
saisie de l'état de la situation, des demandes, des problèmes et
de la vision de l'avenir du Fonds de la recherche en santé du
Québec. Je pense que c'est un endroit approprié pour être
capable de faire état de cette situation, toujours dans la perspective
d'un système qui a besoin d'être ressassé et d'un
système qui a besoin de revoir son allocation de ressources; donc, une
réallocation de ressources à partir des budgets que nous
possédons maintenant. Je pense qu'on a abordé les points
essentiels de la présentation. D'ailleurs, je n'ai pas de surprise,
parce qu'on en avait discuté à quelques reprises, sachant fort
bien que ce sont des dossiers qui sont sur la table de travail et qui devront
recevoir des réponses dans les semaines et les mois qui viennent.
Merci.
Le Président M. Joly): Merci, Dr Vinay; Dr Goldbloom,
merci. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 16 h 30, dans cette
même salle. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 21 )
(Reprise à 16 h 33)
La Présidente (Mme Bacon Boucher):
J'aimerais ouvrir la commission parlementaire. Je souhaite bonjour au
Conseil québécois de la recherche sociale. J'aimerais, si
c'était possible, pour les besoins de la commission, que vous vous
présentiez.
Conseil québécois de la recherche
sociale
M. Tremblay (Marc-Adélard): Merci beaucoup, "Mme la
Présidente. Mon nom est Marc-Adélard Tremblay. Je préside
le Conseil québécois de la recherche sociale. M'accompagnent
aujourd'hui M. Réjean Dubé, à ma droite, qui est le
directeur des services professionnels et de la recherche au Centre de services
sociaux de l'Estrie; à ma gauche, M. Eli Schwartz, qui est directeur
général du centre de réadaptation Constance-Lethbridge;
à l'extrême droite, M. Michael Conway, professeur titulaire de
psychologie à l'Université Concordia, et, à la gauche, Mme
Charlotte Poirier, qui est chargée de recherche au secrétariat du
Conseil et Mme Marie Rioux. chargée des programmes de subvention
à notre Conseil.
La Présidente
(mme bouclier bacon): parfait. alors,
vous pouvez commencer. vous avez à peu près une vingtaine de
minutes et le ministre procédera. merci.
M. Tremblay (Marc-Adélard): Merci beaucoup, madame. Je
profite de...
M. Chevrette: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Oui.
M. Chevrette: Juste un instant, M. Tremblay. Mme la
Présidente, ayant discuté avec le ministre au préalable,
sachant qu'y a un Conseil des ministres, moi, je suis prêt à
donner mon consentement pour nous excuser auprès des groupes, mais ce
sera, au lieu d'une heure, 45 minutes par groupe pour qu'on puisse permettre au
ministre d'aller au Conseil des ministres. Moi, je suis entièrement
d'accord. J'ai passé par là déjà.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): C'est parfait.
M. Chevrette: Donc, 15 minutes au lieu de 20 minutes. Si
ça dépasse, on verra, on coupera sur notre bord.
La Présidente (Mme Boucher Bacon): Allez- y
M. Tremblay (Marc-Adélard): Mme la Présidente, M.
le ministre de la Santé et des Services sociaux, MM. et Mmes les membres
de la commission, nous sommes donc très heureux et très
satisfaits d'avoir l'occasion de venir présenter peut-être un peu
plus en détail et expliquer les éléments qui peuvent
être obscurs de notre mémoire que nous avons
présenté à la commission.
Je vais, tout d'abord, présenter les orientations du Conseil, de
même que ses programmes et ses projets de développement.
Après, M. Dubé parlera de l'utilisation de la recherche par les
intervenants dans les milieux de pratique. M. Schwartz, pour sa part, nous dira
un mot sur le soutien de la recherche dans les milieux de
pratique et d'intervention et M. Michael Conway nous exprimera les
besoins de la recherche sociale et la liberté du chercheur.
J'aimerais, au tout début, rappeler le mandat du Conseil. Il est
triple: d'une part, conseiller le ministre sur la politique du ministère
en matière de recherche sociale, sur l'enveloppe budgétaire
à y consacrer et sur toute autre question pertinente à la
recherche sociale; deuxièmement, contribuer à
l'amélioration de la qualité de la recherche sociale, à la
diffusion de ses résultats et à son application tout autant dans
l'enseignement et la pratique professionnelle que dans le développement
des éléments de politique sociale; troisièmement,
instituer et régir, après approbation du ministre ou d'une
personne qui le représente, des programmes de soutien à la
recherche sociale et les évaluer périodiquement.
Compte tenu du premier élément de son mandat, le conseil
québécois de la recherche se présente donc aujourd'hui
devant vous comme étant un organisme-conseil et non pas comme un
représentant d'intérêts corporatifs ou encore comme un
groupe de pression. Les principales réalisations du Conseil, disons,
depuis qu'il a été institué en 1979, sont fort nombreuses
et je crois que, dans notre mémoire, nous avons, je pense, donné
un assez bon aperçu sur cette question-là.
J'aimerais tout de même mentionner nos principaux programmes qui
sont maintenant, si vous voulez, existants depuis quelques années. Nous
avons un premier programme qui est un programme de subvention à la
recherche, subvention pour la recension des écrits, subvention d'aide
à la diffusion des résultats de la recherche qui a
déjà été subventionnée, subvention d'aide
à la formulation d'un projet de recherche, d'étude ou d'analyse.
Ça, c'est un premier programme, donc, programme de subvention. Un
second: bourses d'excellence données à des chercheurs
chevronnés pour leur permettre de travailler sur un sujet important
durant une couple d'années. Troisième programme: des subventions
pour études et analyses, qui sont spécialement conçues
pour permettre au milieu pratique de travailler en étroite collaboration
avec les milieux universitaires et ainsi favoriser l'application des
connaissances acquises par la recherche dans le domaine de la recherche
sociale.
Nous avons aussi cette année une nouveauté sur laquelle je
voudrais insister. C'est celle d'un programme commun avec le Fonds de la
recherche en santé du Québec dans le domaine de la santé
mentale, un programme commun qui vise à subventionner des équipes
de recherche à caractère multidisciplinaire, donc des
équipes qui traversent les frontières du biomédical au
psychosocial et, inversement, du socioculturel au biopsychosocial et au
biomédical. Cette concertation-là est dans le but de mieux
favoriser, si vous voulez, les travaux en profondeur sur des problèmes
extrêmement complexes auxquels nous faisons maintenant face et de
permettre à des groupes de chercheurs provenant d'horizons
disciplinaires différents de travailler ensemble. Si nous obtenons des
crédits additionnels pour le développement, nous envisageons
également d'offrir des bourses de spécialisation. J'insiste sur
le mot spécialisation. Ce ne sont pas des bourses de formation, mais des
bourses de spécialisation, des bourses doctorales et postdoctorales, des
bourses qui viseraient à établir la continuité dans ce
domaine de recherche et à solidifier les traditions de recherche, parce
que nous savons, comme la commission Rochon le fait remarquer, et les
orientations, évidemment, entérinent cette observation-là,
que notre recherche sociale est sous-développée et un des moyens
efficaces pour en assurer le développement, c'est de permettre
d'accorder ces bourses de spécialisation dans les domaines qui sont de
notre ressort.
Nous voulons aussi aider des équipes de recherche à se
constituer. Il existe très peu d'équipes de recherche
diversifiées dans le domaine de la recherche sociale. Il va nous falloir
consentir des efforts particuliers pour que ces équipes puissent
être constituées et entreprendre des travaux d'importance.
Peut-être me demandez-vous à cette étape-ci:
Qu'est-ce que c'est, la recherche sociale? Eh bien, je dois vous dire que la
recherche sociale, à la manière dont nous la définissons,
est en relation très étroite avec la mission et la vocation du
ministère de la Santé et des Services sociaux. Ça touche
principalement aux aspects psychosociaux et socioculturels de la santé.
Ça touche, bien sûr, l'ensemble des problèmes sociaux qui
sont le résultat des transformations que nous vivons
présentement. Dans notre brochure, nous prenons le soin, bien entendu,
d'en donner une définition beaucoup plus complète afin de bien
nous assurer que les chercheurs qui feront des demandes de financement chez
nous ne soient pas déclarés inadmissibles parce qu'ils auraient,
si vous voulez, fait une demande qui n'est pas de notre ressort. Alors, nous la
définissons généralement comme ayant pour objet la
participation et la solidarité sociales vues généralement
dans la perspective de la mission du ministère de la Santé et des
Services sociaux. La participation et la solidarité sociales doivent
être entendues dans le sens où toute personne, toute famille ou
tout autre groupe doit bénéficier de la protection sociale ainsi
que des soins et services requis par leur état et par leur condition
sociale, jouir d'un accès équitable aux services, pouvoir
participer à la vie communautaire, mais aussi compter sur l'appui de la
communauté dans leurs efforts en vue d'améliorer leur
qualité de vie et celle de leur milieu.
Alors, comme vous le voyez par cette
définition, nous déployons des efforts constants en vue de
bien nous assurer que la définition que nous donnons de ce type de
recherche est de mieux en mieux en accord avec la mission du ministère
afin que les résultats de cette recherche-là soient utiles
à ceux et celles qui sont engagés dans l'action sociale. À
notre point de vue, comme nous l'avons bien documenté, je crois, dans le
résumé de notre mémoire, la recherche sociale est
nécessaire pour épauler les planificateurs, les gestionnaires et
les intervenants dans leurs fonctions respectives afin de mieux connaître
et de mieux comprendre les problèmes sociaux qui nous confrontent et,
ayant une meWeure connaissance, d'être capables de planifier,
gérer, dispenser des services et des soins qui sont, si vous voulez,
plus fidèles aux besoins ressentis et aux problèmes
vécus.
Nous voulons aussi profiter de cette occasion pour donner notre accord
aux orientations du ministère pour améliorer la santé et
les services sociaux principalement au chapitre de la recherche et des
systèmes d'information. Le Conseil québécois de la
recherche sociale dans son entier souscrit aux principaux constats qui y sont
énoncés par rapport au fait que la recherche sociale est
sous-développée, que ses traditions de recherche doivent
être de mieux en mieux appuyées par les pouvoirs publics pour
assurer, comme je le disais plus tôt, une plus grande continuité
et renforcer son développement et son utilité. Et aussi, nous
souscrivons à la nécessité d'efforts de concertation de
notre Conseil avec d'autres organismes relevant du ministère et nous
sommes, bien entendu, engagés dans la voie qui nous permettra de
travailler ensemble en tant que partenaires et d'une manière
concertée. (16 h 45)
Le développement de la recherche sociale. Pour ce faire, nous
avons présenté, il y a déjà un an, un programme
triennal de développement dans lequel, je crois, nous avons donné
un bon historique des travaux de notre Conseil, des travaux effectués
par les membres que nous finançons, mais aussi des travaux que le
Conseil a effectués auprès de différents groupes,
auprès du ministère, auprès de ses partenaires et
auprès de tous ceux qui sont engagés dans l'action sociale. Ce
projet de développement est axé sur trois axes, comme je le
disais plus tôt: des bourses doctorales et postdoctorales de
spécialisation, des subventions de soutien à des équipes
de recherche en émergence, et une diffusion et la promotion des
résultats des travaux de recherche. Comme je le disais, la
première étape de notre programme commun était quelque
chose que nous avions prévu à notre projet de
développement. Une particularité, c'est que 50 % des membres du
Conseil, c'est-à-dire la moitié, depuis les toutes
premières années, proviennent des milieux de pratique et
d'intervention, ce qui nous donne, je crois, une sensibilité, qui est
très importante, aux problèmes vécus dans ces
milieux-là autant par les intervenants que par ceux qui sont
affectés par les transformations sociales dans leurs conséquences
négatives.
Nous avons aussi mis sur pied, en conséquence, des programmes qui
visent à aider les chercheurs en provenance des milieux de pratique et
d'intervention. On a un programme qui s'appelle Aide à la formulation
d'un projet de recherche, d'étude ou d'analyse. Nous avons aussi des
subventions pour études et analyses, qui sont des projets conçus
spécialement pour les milieux de pratique. Bien entendu, nous gardons
constamment des rapports étroits avec des équipes de chercheurs
d'avant-garde qui partagent nos préoccupations et qui sont des
partenaires privilégiés.
Le Conseil, on peut le dire, est un partenaire important pour le
ministère de la Santé et des Services sociaux. À mon point
de vue, en tout cas, j'en suis certain depuis ses tout débuts et
particulièrement depuis que je le dirige, nous voulons assumer encore
plus pleinement nos responsabilités en ce qui a trait, si vous voulez,
aux services que nous pouvons apporter au ministère et à ses
partenaires, c'est-à-dire les établissements de la santé
et de services sociaux, les organismes bénévoles et
communautaires, ainsi que les professionnels qui y travaillent.
On a fait une tournée de consultation régionale
auprès de différents groupes pour connaître leurs besoins.
À chaque année, nous consultons les cadres du ministère
dans le but de savoir quelles sont leurs priorités. Nous avons des
enveloppes privilégiées, celles qui se rapportent à la
santé mentale, non seulement avec le programme commun FRSQ, mais aussi
des programmes plus personnels. On a une enveloppe dans le domaine de la
toxicomanie, des aspects psychosociaux de l'épidémie du sida et
nous avons aussi plusieurs autres domaines orientés. On s'efforce
également de développer des thématiques nouvelles qui sont
en relation directe avec des nouveaux besoins, par exemple, l'intervention
féministe dans les services de santé et les services sociaux ou
encore l'intervention interculturelle dans les services de santé et dans
les services sociaux.
Maintenant, nous avons aussi un intérêt renouvelé
pour le transfert des connaissances. Nous savons que c'est un point qui est
critique pour l'avenir de la recherche sociale afin qu'elle soit en mesure
d'apporter dans les milieux qui en ressentent le besoin les éclairages
nécessaires. C'est ainsi que nous avons organisé pour le mois
d'avrH prochain, le 6 avril en effet, un forum sur le transfert des
connaissances et ce forum-là est spécialement conçu pour
mieux comprendre les processus par lesquels ce transfert des connaissances peut
s'effectuer, devient possible, devient rentable.
Bien entendu, nous avons aussi un programme de diffusion de nos rapports
de recherche.
Depuis dix ans, nous avons subventionné quelque chose comme 450
projets de recherche. Nous avons au-delà de 350 rapports de recherche.
Nous les diffusons auprès, si vous voulez, de différents milieux,
donc, les milieux qui sont des dépositaires officiels, les
bibliothèques régionales, les bibliothèques
universitaires, bon, etc. Nous prenons soin de rendre accessibles nos rapports
de recherche et nous sommes soucieux de plus en plus que les chercheurs
respectent les échéances qu'ils nous ont promises dans leur
demande de subvention. Nous les suivons au pas pour bien nous assurer que ces
rapports nous sont soumis à temps. Le Conseil fait tous les efforts
possibles, le secrétariat de même, pour que les résultats
de ce travail nous soient acheminés.
On peut se demander: Le conseil de la recherche sociale, en quoi est-il
différent du FCAR? J'ai lu d'autres rapports et
présentations...
Le Président (M. Joly): Excusez...
M. Tremblay (Marc-Adélard): ...devant votre commission et
je sais que c'est une question...
Le Président (M. Joly): ...M. Tremblay. Oui, sur une
question de privilège?
M. Chevrette: À ce stade-ci, M. le Président, je
sais que ça peut être un choix du groupe qui témoigne, mais
j'aimerais, dans les quelques minutes qui leur restent, qu'ils nous disent ce
qu'ils pensent de la réforme.
M. Tremblay (Marc-Adélard): Savez-vous, on entend
très mal par ici.
M. Chevrette: Je vais le dire plus fort. M. Tremblay
(Marc-Adélard): Plus fort?
M. Chevrette: J'aimerais, dans les quelques minutes qu'il vous
reste...
M. Tremblay (Marc-Adélard): Oui.
M. Chevrette: ...vous entendre un tantinet sur la réforme
qui vous est proposée. Parce que là vous êtes en train,
depuis le début de faire un rapport...
M. Tremblay (Marc-Adélard): Oui.
M. Chevrette: ...sur ce que vous faites. Je trouve ça
très intéressant, mais...
M. Tremblay (Marc-Adélard): Disons que la
réforme...
M. Chevrette: ...par rapport à la réforme
proposée, j'aimerais savoir...
M. Tremblay (Marc-Adélard): Comme nous le disions au
début, en ce qui a trait à la recherche, nous sommes pleinement
d'accord avec le chapitre qui traite de la recherche. Je pense bien que, dans
d'autres domaines, vous pourriez questionner notre compétence
particulière pour en parler. Nous sommes mandatés
spécialement par le ministère pour, si vous voulez, promouvoir la
recherche, nous assurer de sa qualité, de sa diffusion et de son
utilité, et, bien entendu, nous aimerions beaucoup que, dans le projet
de loi, les aspects de la recherche soient mentionnés peut-être
plus explicitement qu'ils ne le sont.
Je comprends que c'est un avant-projet de loi. Il faut, bien entendu,
savoir qu'il y aura certainement des aménagements qui seront
faits après que vous aurez entendu les différents groupes. Mais,
là-dessus, c'est sûr que nous appuyons les orientations du
ministère dans le domaine de la recherche, de la recherche
biomédicale, de la recherche du FRSQ, de celle du Conseil
québécois de la recherche sociale. Nous croyons que ces deux
types de recherches sont complémentaires l'un à l'autre et qu'ils
doivent, si vous voulez, s'alimenter mutuellement. C'est une des raisons,
d'ailleurs, pour lesquelles nous devons nous rapprocher du FRSQ pour nous
assurer que les efforts communs vont porter des fruits encore plus grands.
Le Président (M. Joly): J'imagine que vous avez encore
quelques éléments à rajouter à votre
mémoire. Si on veut qu'il nous reste un petit peu de temps pour les
questions... Alors, est-ce que vous avez encore des choses à ajouter, M.
Tremblay?
M. Tremblay (Marc-Adélard): Je voulais juste conclure,
puisque je sais que le temps presse, en vous répétant, en cinq ou
six points, nos soucis majeurs: de mieux refléter les besoins du
ministère et des milieux de pratique en travaillant en étroite
concertation avec eux comme partenaires; de consolider la qualité des
travaux dont ils recommandent le financement; de favoriser la collaboration
entre milieux universitaires et milieux d'intervention; d'assurer de meilleures
conditions au transfert des connaissances et d'établir des programmes
communs permettant d'apporter des éléments de soutien et de
solution aux problèmes sociaux.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Tremblay. M. le ministre
de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. Tremblay. Il
m'apparaît, à première vue - et je pense que vous l'avez
répété - que vous êtes d'accord avec les principales
orientations contenues dans le document d'orientation sur la recherche sociale.
Évidemment, à ce niveau-là, je pense
qu'on n'a pas besoin d'élaborer plus longtemps; en autant qu'on
retrouve ces principes à l'intérieur du projet de loi, à
tout le moins, ça vous satisferait, pour le moment.
Dans les semaines précédentes, on a entendu des gens qui
sont venus en commission nous faire part, évidemment, de l'état
de pauvreté de la recherche sociale, des fonds, à tout le moins,
aHoués à la recherche sociale et de l'obligation que nous avions
d'en faire plus, et qu'on réussirait possiblement, en investissant
davantage dans la recherche sociale au lieu de biomédicale, à
solutionner une bonne partie de nos problèmes. On a entendu les CSS qui
sont venus témoigner avec la Fédération des CLSC. Ils sont
venus nous perler d'un contrat de recherche qu'ils ont avec l'Université
Laval, en particulier, sur la recherche sociale. J'aimerais que vous nous
disiez quel est le lien ou la parenté proche entre ce qui se fait comme
recherche à l'Université Laval, par example, en collaboration
avec un financement des CSS, de la Fédération des CLSC, et le
Conseil québécois de la recherche sociale. Vous pariez beaucoup
de transférabilité et je trouve ça excellent. C'est ce
qu'on doit souhaiter davantage dans à peu près tous les domaines
de la recherche pour qu'il n'y ait pas de duplication, mais davantage
complémentarité et partage des fruits de cette recherche.
J'aimerais peut-être vous entendre sur les liens qu'il peut y avoir entre
le conseil québécois et le groupe de chercheurs de Laval.
M. Dubé (Réjean): Si vous me le permettez, M. le
ministre, j'aimerais peut-être vous répondre là-dessus,
compte tenu que je suis à la fois membre du conseil
québécois et membre d'un CSS. En fait, je proviens d'un milieu de
pratique. J'ai été un de ceux qui, effectivement, ont
encouragé l'association des CSS à remettre des sommes d'argent au
centre de recherche universitaire de Laval. Essentiellement, il faut comprendre
la distinction. Ce centre de recherche en est un qui, à ce moment-ci,
réussit à obtenir une infrastructure minimale par une
contribution de différentes catégories d'établissements,
c'est-à-dire la Fédération des CLSC, les centres de
services sociaux et l'Université Laval. Ils ont aussi obtenu une partie
de financement du ministère de la Santé. Essentiellement, ces
gens-là, à ce moment-ci, ce qu'ils font, c'est avoir une
infrastructure leur permettant de présenter des projets de recherche
pour être en mesure d'obtenir du financement et c'est à ce titre
que le Conseil québécois de la recherche sociale peut, par sa
dimension d'organisme subventionnais, analyser des projets pour être en
mesure de vérifier la qualité des projets pour,
éventuellement, les financer. Donc, il y a une distinction importante
à faire entre un organisme qui veut faire de la recherche, lié
avec le réseau comme tel, et un organisme subventionnaire qui
relève du ministère.
M. Côté (Charlesbourg): De ce que je me suis fait
expliquer, car je ne suis pas un spécialiste... Malgré ma
formation en histoire, ça fart quelques années, je ne suis pas un
spécialiste de la recherche pour autant. Évidemment, lorsque
j'étais à l'université, je m'occupais de politique un peu;
alors, ça occupait plus de mon temps. Comme je n'étais pas un
étudiant modèle... Ce que je me suis fait expliquer, c'est que,
fondamentalement, ce que nous avions comme difficulté au niveau de la
recherche sociale, au Québec, c'est l'infrastructure. Ce que je
comprends, en termes de complémentarité, c'est que le groupe de
Laval, lui, par une association avec les CSS et les CLSC, se donne une
infrastructure et, par la suite, "applique" sur des programmes de bourses qui
lui permettent de faire de la recherche fondamentale, avec les résultats
que ça donne. On me dit que l'une des carences importantes de notre
recherche sociale est l'infrastructure. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Tremblay (Marc-Adélard): Oui, l'infrastructure. C'est
que la carence fondamentale, c'est un manque de continuité et ce manque
de continuité est lié au manque d'encadrement. Le manque
d'encadrement est lié au fait qu'il n'existe pas de structure d'accueil,
qui est je ne dirais pas un caractère de permanence absolue, mais au
moins un caractère de relative permanence, pour que ceux qui s'y
trouvent puissent y trouver le climat intellectuel qui favorise le
questionnement sur les problèmes sociaux, la recherche documentaire, la
recherche empirique, etc. Alors, cet encadrement peut se trouver à
l'intérieur de centres de recherche où on doit trouver au moins
six ou sept chercheurs principaux qui ont, avec eux, des étudiants au
doctorat ou même en études postdoctorales. Ce sont ces
étudiants en études postdoctorales et doctorales, de même
que leurs directeurs de recherche qui constituent ce cadre absolument
nécessaire pour le soutien des chercheurs. Et ça n'a pas
existé. (17 heures)
Moi, j'en fais de la recherche sociale depuis 40 ans. J'ai formé
je ne sais pas combien de chercheurs, mais plusieurs. Combien y en a-t-il
aujourd'hui qui sont demeurés dans ce champ-là? Il n'y en a pas
beaucoup. Il y en a quelques-uns qui ont persévéré, mais
c'est l'infime minorité. Ils sont tous bien placés. Ils font des
travaux de recherche dans différents milieux gouvernementaux et autres,
mais ils n'ont pas persévéré en recherche sociale. Et
c'est ça qui est la pierre d'achoppement, ce manque d'encadrement, de
soutien, de continuité qui fait, si vous voulez qu'un travail
s'entreprend, dans le passé, pièce par pièce et on n'a
jamais de résultat d'ensemble, de vue, si vous voulez, qui
intègre différents éléments. L'avantage de
l'équipe multidisciplinaire, c'est qu'elle est constituée
d'individus qui ont, justement, des formations et
des regards différents sur la réalité. Et ces
regards différents nous amènent des compréhensions plus
subtiles, meilleures de cette réalité-là. C'est ainsi
qu'on pourra, je pense, après, énoncer peut-être des
services et des soins qui soient en plus parfaite liaison avec les besoins
réels.
Nous sommes une société qui se transforme très
très rapidement. Particulièrement dans le domaine social, donc
sur des aspects psychosociaux et sociaux de la santé, ainsi que sur
celui des problèmes sociaux, nous devons, je pense, prendre un tournant
et un virage importants. Autrement, nous allons être
débordés par ces problèmes-là qui deviennent de
plus en plus importants et on court le risque de faire du
rapiéçage, c'est-à-dire de courir ici et là
éteindre les feux et, à ce moment-là, pendant qu'on les
éteint, il y en a d'autres qui s'allument. Donc, c'est un peu, de toute
manière, la réponse que j'aimerais apporter à la question
que vous soulevez, M. le ministre.
M. Dubé: Aussi, M. le ministre, si vous le permettez, en
complémentaire, je dirais, pour utiliser des termes connus...
M. Côté (Charlesbourg): Des termes
transférables, quoi.
M. Dubé: C'est ça. Je pense qu'on a
développé en général une espèce de
mentalité à l'effet que la recherche, c'est quelque chose de
théorique, c'est quelque chose d'intellectuel, c'est quelque chose de
déconnecté. Et moi, je pense qu'on a un virage important à
faire à ce moment-ci pour démontrer que la recherche, c'est
quelque chose qui doit être intégré dans le quotidien. Je
pense que vous êtes très bien placé, par la fonction
importante que vous exercez... Pour les demandes de subventions de toute
nature, pour les fonds, comme on dit, "sky is the limit". Je pense qu'il faut
être conscient qu'à ce moment-ci il faut vraiment
développer, dans la distribution des services, une dimension
carrément de recherche pour être en mesure d'évaluer ce
qu'on fait. Moi, je dirais: Dans certains secteurs, ce n'est pas
nécessairement de l'investissement supplémentaire qu'il faut
faire, c'est de la réallocation. Et, pour faire de la
réallocation, il faut faire de l'évaluation de services. Il faut
regarder ce que ça donne et avoir une approche résultat.
Ça, je pense que c'est un élément qui a été
bien défendu par la commission Rochon de dire: II faut vraiment penser
résultat, mesure de l'efficacité, de l'efficience, de l'impact de
nos services avant d'en rajouter.
M. Tremblay (Marc-Adélard): M. Schwartz aimerait ajouter
quelques éléments à cette réponse.
M. Schwartz (Eli): Venant du milieu de la pratique, je suis bien
au courant des pressions et des multiples besoins qui ne sont pas
comblés. Mais, nonobstant, je pense que c'est vraiment primordial pas
uniquement d'accepter et de supporter ce plan de conseil régional...
Mais je pense qu'un élément fondamental pour l'infrastructure,
afin que les recherches qui sont faites finalement aient un impact sur la
réalité, ça doit être de créer, à
travers le réseau, pour les établissements
intéressés et capables, une structure minimale de recherche dans
les établissements, que ce soit des CLSC, que ce soit des centres de
réadaptation. Et, via cette structure minimale, qui peut être
effectivement coordon-natrice des recherches, d'essayer de créer une
ambiance et une culture dans le centre où les professionnels ne tombent
jamais dans une tradition, dans un état statique, mais s'interrogent
continuellement afin de profiter de leur expérience.
Ce n'est pas un acquis que nécessairement en donnant plus de
services et en soulignant leur efficacité - c'est là qu'on sent
la pression ça fait déjà quelques années - on sait
exactement ce qu'il faut faire et qu'on peut soulever la bonne chose. Il me
semble que, d'abord, ça prend la bonne chose, la bonne direction pour
laquelle on a besoin de donnés on a besoin de recherches, on a besoin
d'éléments pour être en mesure de mieux saisir les besoins
de la clientèle, les interventions de choix, les moments où
intervenir, la façon de travailler d'une façon
complémentaire avec les autres et toute une gamme d'autres choses sur
lesquelles effectivement, vraiment, on a pas trop de connaissances. Souvent, on
travaille sur des notions qui semblent correctes comme la prise en charge du
client par lui-même, l'intégration sociale, mais ce qui n'est pas
tout à fait clair, c'est quels sont les éléments et
comment les aborder.
Pour terminer, si vous me permettez un mot. Il me semble qu'étant
une société distincte, sans embarquer dans la politique, il faut
développer nous-mêmes notre propre système pour
réviser les problèmes, pour apporter notre solution et pas
attendre les résultats de recherches qui viendront des États-Unis
et des autres provinces. Il faut faire quelque chose sur mesure, à
l'intérieur de nos frontières. Mais ça prend un
investissement pour ça.
Le Président (M. Joly): Merci. Très
brièvement, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. On terminera avec
ça.
Le Président (M. Joly): à la façon dont
ça fonctionne, c'est qu'on marche sur le temps l'un de l'autre. ce que
je vais faire, m. le ministre, c'est que je vais reconnaître le leader de
l'oppostion et critique en matière de santé. s'il reste du temps,
on pourra peut-être continuer d'échanger. s'il vous
plaît.merci.
M. Chevrette: Est-ce que vous vouiez ajouter un mot
là-dessus?
M. Conway (Michael): On a, dans les universités au
Québec, des gens qui ont l'expertise dont vous avez besoin.
C'est-à-dire que les gens connaissent tes problèmes, par exemple,
l'Alzheimer ou les facteurs de risques en psychopathologie. Ces gens-là
ont besoin d'un encadrement Le Conseil ou le ministre peut l'offrir. Si on a un
encadrement qui est stable, qui permet le développement de la recherche
sociale, ça permet aux chercheurs universitaires de faire une forte
contribution aux besoins du ministère.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais poser
deux petites questions. Je vais les poser toutes les deux, parce que, quand
vous partez, vous n'êtes pas faciles à arrêter. Donc, je
vais les poser toutes les deux pour être sûr d'avoir le temps de
les poser.
La première, c'est la suivante. A partir de la
décentralisation, donc le pouvoir de décision, dans bien des cas,
sera au niveau des régions et non pas au niveau national. Comment
voyez-vous le Conseil québécois de la recherche sociale adapter
ses recherches en fonction peut-être de la diversité dee besoins
au niveau des régions, puisque les besoins seraient
décidés au niveau des régions?
La deuxième question. L'Institut canadien de recherches
avancées disait à peu près ceci ce matin. Vous me
pardonnerez si je fais quelques erreurs de vocabulaire, mais ce que j'en ai
compris c'est qu'eux trouvent inconcevable qu'au Québec on n'ait pas de
plan de développement, autant au niveau de la santé qu'au niveau
social, en ce sens qu'on demande à Hydro-Québec, par exemple, de
venir annuellement exposer son plan de développement, qui est
critiqué par les députés, mais dans le domaine de la
santé et des services sociaux, on y va à la pièce, on
éteint des feux. Il n'y a pas de programmation et d'unité, il n'y
a pas de pensée unique. Vous savez ce qui peut arriver à ce
moment-là, c'est qu'on est porté à s'attaquer au
médecin, parce qu'il gobe une grosse partie des fonds. On est
porté à s'attaquer à différentes catégories
de personnel, au lieu de les amener à changer de mentalité
à partir d'objectifs qui se dégageraient, autant au niveau
politique qu'au niveau des intervenants en santé et en services sociaux.
Est-ce que vous partagez ce point de vue? Voilà les deux questions que
je voulais vous poser.
M. Tremblay (Marc-Adélard): Par rapport à la
décentralisation et aux besoins régionaux, il est évident
que, jusqu'à maintenant, nous avons observé le fait que les
grands consommateurs ou utilisateurs de la recherche sociale se trouvent dans
les grands centres et qu'il est très difficile pour les jeunes
chercheurs en émergence, dans les milieux régionaux où il
y a effectivement des besoins particuliers... On n'a pas besoin de faire de
très longues démonstrations pour documenter le fait qu'il existe
des cultures régionales, des besoins régionaux, des
mentalités régionales.
Donc, nous, ce que nous avons fait, c'est que nous avons amorcé
un programme de visites régionales pour aller rencontrer les jeunes
chercheurs ou encore les chercheurs dans les milieux éloignés qui
éprouvent de la difficulté à soumettre des projets qui ont
la qualité suffisante pour être financés. Et nous cherchons
avec eux à mieux connaître leurs préoccupations, à
développer des mécanismes en fonction desquels les
spécialistes des grandes universités peuvent les aider,
justement, à développer des projets. C'est le cas de notre
programme études et analyses, c'est le cas aussi de notre programme
d'aide à la formulation; c'est le cas donc d'un certain nombre de
programmes qui reflètent cette préoccupation-là que vous
venez d'énoncer. La première région - que nous avons
visitée et c'est avant que notre ministre devienne le titulaire - c'est
la région de Rimouski et du Bas-Saint-Laurent. La seconde région
que nous avons visitée, c'est celle de Sherbrooke. La troisième
que nous nous proposons de visiter, peut-être cela vous surprendra-t-il,
mais ce sont les milieux anglophones de Montréal qui, remarquez-le, dans
le cas de Concordia et de McGill, sont quand même assez bien, je dirais,
financés - Concordia se classe quatrième après
Montréal, Laval et l'UQAM - mais, quand même, il y a, dans ces
milieux-là, peut-être une connaissance insuffisante de nos
programmes. Nous nous proposons d'aller en Abitibi-Témiscamingue, en
Mauricie, au Saguenay, dans l'Outaouais. Nous nous proposons donc de visiter
toutes nos régions pour être sensibilisés à leurs
préoccupations principales de recherche, de diffusion des connaissances
et aux difficultés qu'elles ont à se lier avec les milieux
universitaires qui ne sont pas en périphérie, mais qui sont au
centre comme à Montréal, à Quebec, à
Sherbrooke.
M. Chevrette: Est-ce que vous concevez qu'on doit maintenir la
structure de la recherche sociale au niveau national, avec des enveloppes
protégées au niveau du ministère, quitte à ce qu'il
y ait des parties de cette enveloppe qui servent à étudier des
problèmes régionaux? Parce que décentraliser la rechercher
sociale, à mon point de vue, ce serait diluer un peu, passablement,
beaucoup les objectifs nationaux qu'on pourrait vouloir atteindre.
M. Dubé: Moi, je pense qu'il faut être conscients
qu'à ce moment-ci il existe effectivement des structures de recherche
régionales, des financements régionaux à travers les
conseils régionaux et ça, je pense qu'il faut le maintenir pour
répondre vraiment à des besoins régionaux. Par contre, je
maintiendrais, effectivement, une
structure de financement provinciale. Il y a une multitude de
problèmes qui sont carrément des problèmes nationaux, des
problèmes comme la protection de la jeunesse, pour parler de quelque
chose que je connais bien, les jeunes contrevenants, l'adoption, les
retrouvailles, le sida, bon, les personnes âgées...
M. Chevrette: La drogue.
M. Dubé: ...le maintien à domicile, etc. Ça
ne donne absolument rien de faire de la recherche, je dirais, à toutes
fins pratiques, locale dans des secteurs comme ça, qui sont des
préoccupations nationales. Ça permettrait effectivement de
connecter la recherche sociale à des plans de développement
provinciaux, des plans nationaux qu'on pourrait avoir au niveau de la
santé et du bien-être.
M. Tremblay (Marc-Adélard): Maintenant, M. le
ministre...
M. Chevrette: L'ex-futur.
M. Tremblay (Marc-Adélard): ...M. le membre de la
commission, sur le plan...
M. Chevrette: Vous dites l'ex-futur, dans ce temps-là.
M. Tremblay (Marc-Adélard): Oui. Sur le plan de la
qualité des projets, vous savez que nous ne pouvons par sacrifier la
qualité pour la pertinence. Les deux critères sont importants,
mais la qualité l'est davantage. Nous devons maintenir des hauts
standards au moment où la compétition est nationale,
internationale. Donc, nous ne pouvons pas baisser d'un cran la qualité.
Au contraire, nous visons à l'améliorer. Et nous allons chercher
par d'autres mécanismes à aider ceux qui sont dans les
régions à préparer des projets qui deviendraient, sur le
plan de leur qualité, acceptables pour le financement. En ce qui a trait
à la deuxième question, le plan de développement...
Le Président (M. Joly): Une minute. Il vous reste une
minute. (17 h 15)
M. Tremblay (Marc-Adélard): Oui, une minute. Sur la
question du développement, en ce qui nous concerne, nous savons vers
quoi nous allons. Nous avons, effectivement, réfléchi, durant une
année complète, à plusieurs, membres du Conseil, personnes
invitées et participants aux consultations régionales, sur un
projet de développement. C'est un projet qui tient compte des
contraintes financières, qui tient compte de la communauté que
nous servons et qui est réaliste. Nous demandons 1 000 000 $ par
année pour être en mesure de mettre en pratique ce
développement-là. C'est très précis et, si vous
voulez que nous déposions notre plan triennal de développement,
eh bien, j'en ai une copie ici et je pense que vous pourriez, de cette
manière...
M. Chevrette: D'accord.
M. Tremblay (Marc-Adélard): ...en prendre connaissance et
avoir une meilleure idée sur cette question.
M. Chevrette: Déposez-le, si M. le ministre est
d'accord.
Le Président (M. Joly): Oui. Alors, en partant de
là, eh bien, on le fera distribuer.
M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Chevrette: Bonne recherche.
M. Côté (Charlesbourg): je remercie de
manière particulière le conseil québécois de la
recherche sociale et, me dit-on, parce que je n'étais pas là,
j'avais des préoccupations de transport à l'époque...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...depuis trois ans et demi,
il y a une collaboration très importante et plus efficiente avec le
ministère. Alors, je tenais au moins à le souligner et à
vous dire que je pense qu'on est dans la bonne voie, mais je comprends que,
s'il y avait le million additionnel par année pendant trois ans, ce
serait encore une meilleure voie. Alors, merci beaucoup et bonne recherche.
M. Tremblay (Marc-Adélard): Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci. Au nom des membres de la
commission, moi aussi, je vous remercie. Je sais que le député de
Verdun a des questions à vous poser, mais, malheureusement, le temps
nous manquant, vous serez peut-être obligés d'avoir une petite
consultation privée en arrière. Alors, merci beaucoup, messieurs,
madame.
Je vais maintenant demander aux gens représentant la Centrale des
syndicats démocratiques de bien vouloir s'avancer, s'il vous
plaît.
Alors, bonjour, bienvenue à cette commission. Je vais vous
expliquer brièvement la procédure. Vous avez une quinzaine de
minutes pour exposer votre mémoire et, après, les membres de
cette commission se réservent le droit, le privilège et le loisir
de vous poser quelques questions. J'apprécierais que la personne
responsable s'identifie et nous présente les gens
qui l'accompagne.
Centrale des syndicats démocratiques
M. Gingras (Claude): Alors, merci, M. le Président M. le
ministre, M. le chef de l'Opposition, membres de la commission des affaires
sociales, je désire en premier lieu, comme vous me t'avez
indiqué, M. le Président, vous présenter celtes et ceux
qui m'accompagnent dans le cadre de cette déposition. À mon
extrême droite, il s'agit de Mme Claudine Ruest, vice-présidente
du secteur des affaires sociales à ta CSD...
Le Président (M. Joly): Bonjour, madame.
M. Gingras:... à ses côtés, Mme
Thérèse Boisvert-Cliche, présidente de secteur des
affaires sociales; à ma droite, le secrétaire de la Centrale, qui
est le confrère Robert Légaré, et, à ma gauche, Mme
Catherine Escojido, du service d'information de la CSD.
Il s'agit d'une déposition importante et la CSD désire
également vous remercier de lui fournir l'occasion d'être entendue
et de communiquer sa position sur une foi aussi importante que celle qui
régit les services de santé et services sociaux des
Québécois.
Alors, rarement un avant-projet de loi aura suscité autant de
débats préalables à sa présentation. Il y a eu,
bien sûr, des rencontres, des discussions, des rapports de toutes sortes,
des tournées ministérielles de consultation qui se sont
succédé pour analyser les forces et les faiblesses de notre
système et tenter d'y apporter des solutions. Sans faire un historique
complet, rappelons qu'un diagnostic a été posé par la
commission Rochon. Celle-ci, après un mandat de deux ans et avec des
moyens impressionnants à sa disposition, a accouché d'une analyse
exhaustive de la situation des établissements, assortie de voies de
solution relativement intéressantes, qui valaient, en tout cas, la peine
qu'on s'y arrête. Une large majorité des intervenants et
intervenantes du réseau a d'ailleurs soumis plusieurs propositions
à cet égard.
Faisant suite à ces réflexions, la ministre de la
Santé et des Services sociaux de l'époque, Mme Lavoie-Roux, avait
alors entamée, si on se souvient, une tournée de consultation sur
les conclusions de la commission, qui avait elle-même déjà
rencontré tous les intervenants. Cette tournée a mené
à la production d'un document intitulé "Orientations'' qui a
servi de base à l'avant-projet de loi actuellement soumis par le
gouvernement. Une si large et longue démarche de consultation a
suscité bien des attentes. Seront-elles comblées par les
amendements proposés? Voilà une grande question.
Deux principes fondamentaux sont à l'origine de la
création du régime de santé et de services sociaux en
vigueur au Québec. Il y a, bien sûr, l'accès universel et
le financement public. Bien que nulle part, dans lavant-projet de loi, il ne
soit directement question de privatisation du réseau, la CSD tient
à attirer l'attention des membres de la commission parlementaire sur
certaines tendances qui semblent se profiler, pouvant éventuellement
conduire à une limitation de l'accès universel aux soins et aux
services. La CSD s'est prononcée avec force contre la privatisation,
sous toutes ses formes, dans le réseau de la santé et des
services sociaux. Comme les agences et les établissements privés
sont des entreprises à but lucratif, nos expériences, dans les
établissements, nous portent à questionner sérieusement le
mode d'utilisation des ressources à la lumière de leur pratique
existante. À au moins trois reprises, dans lavant-projet de loi, on
retrouve des dispositions visant à permettre les contrats de services.
À l'article 152, entre autres, il est indiqué la
possibilité, pour un établissement, de conclure de tels contrats
avec une personne. Selon la CSD, il s'agit là d'une ouverture
très claire à une éventuelle privatisation ou à une
forme plus subtile d'allocation des ressources faisant appel au secteur
privé.
La Loi sur les services de santé et les services sociaux, selon
l'avis de la CSD, doit énoncer clairement les principes qui en font son
essence et son originalité. La CSD recommande donc que, dans le chapitre
I de l'avant-projet de loi, soit affirmé clairement et sans
équivoque le caractère public du financement des services. On
sait qu'il y a toutes sortes de rumeurs qui courent actuellement à ce
sujet-là. Selon la CSD, les services dispensés par les organismes
communautaires doivent être analysés dans une optique de
complémentarité des ressources existantes et offertes par les
professionnels du réseau. Il serait inacceptable que les directions des
établissements se servent des enveloppes budgétaires
destinées aux organismes communautaires pour leur faire assumer,
à rabais, des services déjà offerts par des professionnels
du réseau, les délestant ainsi d'une partie importante de leur
mandat.
La CSD recommande que soit effectuée, par la régie
régionale, une analyse exhaustive de la situation et des besoins pour
l'ensemble des services sociaux, localement et régionalement, avant
d'allouer quelque contribution que ce soit aux organismes communautaires pour
rendre des services. Cette analyse devra se faire en étroite
consultation avec les principaux intéressés, dont les
professionnels du réseau. En tant qu'intervenants de première
ligne leur expertise, leur expérience et leur contact quotidien avec la
réalité des usagers constituent un apport majeur dans ce
débat. De plus, les résultats d'une telle étude devront
contribuer, bien sûr, à l'élaboration de critères en
vertu desquels les régies régionales feront appel à ce
type de ressources. La CSD est en effet convaincue que les
établissements n'ont pas à exercer directement de
fonction de financement à l'endroit d'organismes
communautaires.
Dans une lettre que la ministre de l'époque faisait parvenir, peu
avant sa tournée de consultation, elle mentionnait: "II est essentiel de
valoriser les personnes qui, à divers titres, constituent le moteur du
réseau des services sociaux et de santé. Leur
disponibilité et la qualité de leur travail conditionnent
directement la qualité des services." Bâtir le réseau
à partir du monde qui y oeuvre, voilà le véritable
défit que nous lançait, à l'époque, le
gouvernement. La CSD partage cette analyse. Nous croyons que le savoir-faire
des personnes est, depuis trop longtemps, ignoré au profit des
priorités d'une bureaucratie.
Les modifications proposées aux structures existantes dans les
établissements ont provoqué une grande déception chez les
syndiqués de la CSD. Toutes nos représentations, à savoir
que la résolution des problèmes passe par la participation des
travailleuses et travailleurs aux décisions qui les affectent, ne se
sont pas concrétisées par la mise en place de structures
adéquates dans le projet qui nous est soumis.
Bien sûr, le comité consultatif, qui est proposé,
à la direction générale, ou institué par
l'avant-projet de loi, soulève des interrogations,
particulièrement pour ce qui est de sa composition. Il est
indiqué que seront prévus par règlement la qualification
de ses membres et leur mode de nomination. La composition de ce comité
est prévue par règlement et peut varier suivant la
catégorie ou la classe du centre. Toutefois, le comité doit
assurer une représentation équitable des diverses
catégories d'employés ou de personnes oeuvrant dans les centres.
Voilà un article - le deuxième alinéa de l'article 113 -
qui fait une telle stipulation. C'est pour le moins vague et très
imprécis.
La CSD recommande que les membres représentant les
employés soient clairement désignés par le ou les
syndicats présents dans rétablissement, toute association
syndicale ayant droit à une représentation.
La CSD recommande également que le caractère consultatif
du comité à la direction générale soit
transformé en un réel pouvoir décisionnel sur toutes les
matières prévues à l'article 114. Nous demandons
également qu'un nombre minimum de réunions par année soit
fixé par la loi, comme c'est le cas notamment en ce qui concerne les
comités de francisation dans les entreprises.
Pourquoi recommandons-nous ce genre de modifications? Parce que ce
comité, s'il n'a qu'un pouvoir de recommander au directeur de
l'établissement, c'est qu'à ce moment-là ça devient
une espèce de comité bidon qui sera filtré par les
directeurs généraux, et, à mon avis, on n'atteindra pas
l'objectif recherché.
De plus, les dispositions qui concernent les comités consultatifs
à la direction générale ne prévoient pas
d'obligation pour la direction de divulguer les informations pertinentes aux
travaux des membres du comité. Face à si peu de
précisions, la CSD recommande au gouvernement d'accorder aux syndicats
toute la place qui leur revient, affirmant ainsi, en tant qu'État
législateur et employeur, sa ferme croyance dans le partenariat
appliqué en milieu de travail. Vous savez que c'est une formule qui se
développe de plus en plus dans les milieux de travail, même du
secteur privé. Je pense que le gouvernement devrait aussi faire son lit
dans ce domaine-là.
Les articles 123 à 126 de l'avant-projet de loi traitent du
développement du personnel. Il y est prévu la préparation
d'un plan d'action, son adoption par le conseil d'administration et la
création d'un comité pour l'évaluer. Encore là, on
remarque l'absence des travailleurs. La CSD recommande que soit mis en place
dans chaque établissement un mécanisme formel de
coopération à deux paliers, pour tenir compte de cet
ensemble-là, premièrement, entre les représentants
syndicaux attitrés et l'administration. Cela tiendrait lieu et place du
comité consultatif que vous proposez dans le projet de loi, et ce
comité est un comité consultatif à la direction
générale. On propose aussi un deuxième palier qui
consisterait à constituer des formes d'organisation participative qui
regrouperaient des équipes agissant plus près des lieux de
travail. Elles seraient axées sur la réalité quotidienne
des services, sur le diagnostic de leur état et sur les correctifs
nécessaires pour en accroître la qualité, bref,
axées sur l'organisation du travail, incluant les besoins de la
main-d'oeuvre en matière de formation et de perfectionnement. Les
recommandations de ces équipes seraient directement
référées au comité consultatif à la
direction, modifié dans le sens qu'on préconisait tout à
l'heure, c'est-à-dire des comités décisionnels qui
feraient rapport directement au conseil d'administration, plutôt que de
passer par le D.G.
Dans le document "Orientations", le gouvernement énonce la
nécessité de rapprocher la population des institutions et
établissements du réseau de la santé et des services
sociaux. Ce postulat fait largement consensus et constitue, à notre
sens, la pierre angulaire de toute réforme sérieuse du
régime. Alors, dans toutes les sphères d'activité, le
Québec devra, dans les années quatre-vingt-dix, prendre le virage
d'un nouveau partenariat; celui-ci se définira à partir de
valeurs, tels le respect de tous les partenaires et l'engagement collectif dans
un projet de société à la mesure des attentes de la
population. La gestion de la santé et des services sociaux
n'échappe pas à cette nécessité.
Pour les conseils d'administration des établissements, nous
proposons, bien sûr, la création de cette nouvelle structure, qui
regroupe, sur une base territoriale, les établissements, ce qui nous
apparaît de bon augure. Elle répond à la
nécessité d'une plus grande coordination des
soins et services. Ouvrir la porte des conseils d'administration
à la population, c'est un geste louable, mais qui ne doit pas être
fait au détriment des travailleuses et travailleurs qui oeuvrent
quotidiennement dans les établissements. Leur participation, selon nous,
constitue une contribution essentielle aux débats.
La CSD recommande donc que chaque centrale syndicale,
représentant des travailleurs et travailleuses dans les
établissements d'un territoire donné, délègue une
personne sur le conseil d'administration des établissements de ce
territoire. Quand on parle de centrale syndicale, c'est en fait des
unités regroupées à l'intérieur d'une même
organisation. (17 h 30)
Eh regardant la composition des conseils d'administration des
régies régionales, entre autres, on ne peut qu'être
frappé par son étrange ressemblance avec celle des CRSSS actuels
dont II n'est pas nécessaire de répéter ici les lacunes.
En ce qui a trait à ce palier, cette structure, la CSD recommande aussi
que chaque centrale syndicale, représentant les travailleuses et les
travailleurs dans une région délimitée pour fins
d'existence d'une telle régie, délègue une personne sur le
conseil d'administration de cette régie régionale.
Selon la CSD, la décentralisation des pouvoirs vers les
régions est une bonne chose en autant que les organismes
régionaux soient composés de personnes qui représentent
vraiment les groupes en présence, y compris les syndiqués.
À cette fin, nous recommandons, dans le but d'éclairer la prise
de décision des membres siégeant sur les conseils
d'administration des régies régionales, que des rencontres
statutaires soient prévues entre ceux-ci et les exécutifs des
syndicats représentant les salariés des divers
établissements. Celles-ci permettront des échanges sur les
problèmes réels vécus dans les milieux et, surtout,
apporteront un éclairage nouveau dans la recherche de solutions à
y apporter.
Quant à l'organisation des soins versus la réglementation
professionnelle, le secteur des affaires sociales de la CSD considère
primordiale la réorganisation des soins afin que tout le personnel soit
utilisé selon sa compétence respective, entre autres, les
infirmiers, les infirmières auxiliaires, les infirmières et les
préposés aux bénéficiaires.
Dans le document "Orientations", nous avons pris connaissance du constat
suivant qui était posé: "Contrairement à ce qui avait
été imaginé, la délégation d'actes a permis
à certaines corporations délégantes d'agrandir et de
renforcer leur champ de pratique. Alors que ce mécanisme voulait
introduire de la souplesse dans la définition des champs exclusifs, il a
plutôt eu pour effet de maintenir la hiérarchisation des
professions et de susciter les luttes interprofessionnelles et les conflits
juridiques. Comme résultat, la réglementation professionnelle est
devenue très souvent une contrainte dans l'organisation du travail. Elle
a constitué un obstacle à la collaboration et au travail
multidis-clplinatre, et a parfois même pertubé le climat de
travail." La CSD partage ce diagnostic. En ce qui regarde les correctifs
à apporter à cette situation, ils sont de deux ordres:
l'organisation des soins et la protection du public. Quant à
l'organisation des soins, nous proposons l'abolition du mécanisme de
délégation d'actes pour les infirmiers et infirmières
auxiliaires ainsi que pour les puéricultrices et le remplacement de ce
mécanisme de délégation par une reconnaissance claire et
précise de la capacité professionnelle de ces deux groupes
d'emplois d'exécuter une tâche pour laquelle ils et elles sont
qualifiés plutôt que par délégation provenant
d'autres groupes de travailleurs.
En ce qui a trait à la protection, à
l'intérêt du public et aussi pour les conflits entre professions,
la CSD recommande la nomination d'un ombudsman chargé de l'application
de la réglementation professionnelle. Celui-ci veillerait, entre autres,
à la protection du public. Il serait en mesure de statuer sur leurs
droits en matière de services de santé et de services sociaux. Il
serait aussi bien plus en mesure que les corporations professionnelles, qui ont
leurs intérêts à défendre, de traiter en toute
impartialité les litiges interprofessionnels.
En conclusion, pour la CSD, il apporte, en fait, cet avant-projet de
loi, une réponse partielle. En effet, la plupart des grands objectifs
qui y sont contenus constituent des pistes intéressantes en vue de
moderniser le réseau. Par contre, c'est au niveau de
l'opérationnalisation que la volonté gouvernementale se fait un
peu plus nébuleuse. Si le gouvernement consent à mettre en
vigueur certaines propositions que lui font les intervenants de la santé
et des services sociaux, particulièrement les travailleuses et les
travailleurs, l'avant-projet de loi gagnera sûrement en
applicabilité et deviendra sûrement un modèle de
démocratie régionale.
À titre d'illustration, nous tenons à citer le diagnostic
présenté dans le document "Orientations" à propos des
ressources humaines: "C'est par le personnel que la population entre en
relation avec le réseau public. La qualité des contacts
établis revêt dès lors une importance primordiale. Or, les
ressources humaines du réseau de la santé et des services sociaux
jugent qu'elles sont peu valorisées et se disent
démotivées. Leurs conditions de travail sont parfois difficiles
et leurs emplois, précaires. Elles ressentent aussi les
conséquences d'une gestion quelquefois trop centrée sur
l'application des conventions collectives et des directives au détriment
des fonctions fondamentales de la gestion du personnel. Le climat de travail ne
favorise pas toujours la collaboration. L'organisation ne tient pas
suffisamment compte de la
compétence et des besoins des ressources humaines. Enfin, des
tensions marquent souvent les rapports entre les différentes
catégories de personnel."
Forts de ces remarques, les quelque 6000 salariés que la CSD
représente dans le réseau croient fermement que le gouvernement
ne peut se permettre cette fois-ci de manquer le bateau. En leur nom, nous
demandons au législateur de saisir l'occasion soulevée par la
présentation d'une nouvelle loi pour prendre le virage du
véritable partenariat, dans le respect des interlocuteurs
privilégiés. Il s'agit bien sûr de la population desservie,
des travailleuses et des travailleurs du réseau, et des groupes
engagés dans la prestation des services. Alors je vous remercie, et nous
demeurons à votre dispositon pour un échange concernant notre
vision de l'avant-projet de loi.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Gingras. Vous aurez
remarqué que je vous ai laissé déborder largement.
M. Gingras: Un petit peu.
Le Président (M. Joly): Ça coupe un peu sur le
temps. Alors, il nous reste une douzaine de minutes par formation. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg):. Merci, M. le
Président. Puisque, de mémoire, je pense que c'est le premier
syndicat que nous recevons en commission parlementaire, évidemment on
pourra aborder des questions nouvelles, parce que lorsqu'on en est rendu au
115e ou au 120e mémoire, forcément, on joue dans les mêmes
eaux. Et je vais le prendre de la manière dont vous l'avez abordé
vous-même dans votre mémoire, non pas parce que ça aurait
été ma priorité à moi, mais comme vous l'avez
abordé sous cet angle-là, le caractère public... Si je
comprends l'essence de votre message, pour vous, caractère public veut
dire que demain il n'y a aucune partie qui peut être privatisable dans le
réseau de la santé. J'ai compris dans le texte que vous avez fait
allusion aux OSIS, et ça c'est un exemple, mais moi je voudrais vous
apporter d'autres exemples. Et évidemment, si vous me dites non, je vais
vous comprendre, parce que si j'étais dans votre situation je ne
répondrais peut-être pas différemment, mais, en tout cas,
je ne présume pas de la réponse pour le moment. Est-ce qu'il n'y
a pas des fonctions dans des centres d'accueil d'hébergement, dans des
centres hospitaliers qui pourraient, demain, être privatisées et
qui n'affecteraient absolument en rien la partie clinique des soins qui peuvent
être dispensés aux bénéficiaires?
M. Gingras: Là-dessus, nous formulons des objections
sérieuses à ce que des fonctions actuellement remplies soient
entretenues et prises en charge à l'extérieur du réseau,
parce que tous les contrôles, en fait, ou toute la 'partie de
l'accessibilité à ces services, toute la partie de la
qualité de ces services auxquels sont en droit de s'attendre quand
même les utilisateurs, à notre avis, ne seraient pas
préservés dans un système comme celui-là. C'est
qu'on confierait peut-être à d'autres le soin d'administrer des
services à la population, mais qui ne seraient pas nécessairement
de qualité équivalente ou égale à celle qui peut
être rendue dans le cadre de services qui sont actuellement à
l'intérieur du réseau public. Alors, dans ce sens-là, si
de tels services devaient être administrés ou rendus dans des
organismes qui collaborent à l'administration des services, ils
devraient être encadrés, quand même, par des professionnels
du service public, de façon à ce qu'il y ait
homogénéité dans les services qui sont dispensés,
même s'ils sont dispensés, à ce moment-là, par des
organismes communautaires, entre autres, comme ceux que vous proposez.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. On fait bien une
distinction entre la partie clinique et une autre partie. Prenons l'exemple des
services alimentaires. Expliquez-moi ce que le privé ne pourrait pas
fournir en qualité que le public fournit. C'est une pure
hypothèse. Je prends celui-là, prenant pour acquis que, sur le
plan du clinique, on ne l'aborde même pas, autrement que par la
possibilité d'expériences au niveau des OSIS, et, encore
là, on n'est pas rendus là, mais davantage sur des services qui
ne sont pas directement reliés au bénéficiaire
lui-même. On peut parler d'entretien ménager, on peut parler au
niveau des cuisines. Il peut y avoir certaines diètes qui peuvent
être recommandées, mais de toute façon, ce sont des
commandes qui seront remplies, d'après moi, aussi bien par le
privé que par le public. Qu'est-ce qui fait que le
bénéficiaire n'aurait pas la même qualité de
services?
M. Gingras: Bien, écoutez, s'il n'y a pas un encadrement
de ce genre de travail qui est exécuté à
l'extérieur, à ce moment-là le contrôle de la
qualité va dépendre nécessairement de celui qui va assumer
cette fonction-là. Alors, à ce moment-là, ce n'est pas
nécessairement un service homogène. Quand on parlait de la
qualité, dans une institution, le service alimentaire, c'est quand
même un service qui doit être coordonné à
l'intérieur quand même des autres vocations des
établissements, c'est-à-dire qu'il y a les services de
santé, comme vous dites. Tout ça, ces repas-là, ça
doit quand même être géré dans le cadre de la
responsabilité première de l'établissement qui est
d'administrer des soins de santé. Alors, le fait de confier ça
à des organismes externes, est-ce qu'ils vont avoir le souci de
coordonner le service qu'ils vont rendre à l'intérieur des
établissements de la même façon que si c'est
rendu à l'intérieur et si c'est coordonné dans
l'ensemble de la démarche de l'établissement? alors, sur
ça, on a des hésitations très grandes.
M. Côté (Charlesbourg): Mais dans la mesure
où ce serait à l'intérieur d'un établissement,
à ce moment-là, ça pourrait remplir les mêmes
fonctions et virtuellement, sur le plan syndical, ces gens-là se
regrouperaient quand même à l'intérieur d'un syndicat. Ils
pourraient être représentés par un syndicat de la
même manière. Bon! C'est une des hypothèses qui est
là, qui est discutée, où les gens viennent nous dire:
À partir du moment où vous ne touchez pas aux fonctions
cliniques, il y a peut-être des possibilités de regarder de ce
côté-là. Est-ce qu'au bout de la ligne on aura une
meilleure qualité ou pas? Est-ce qu'on l'aura à meilleur
coût? Ça, c'est une autre question, évidemment, qui serait
tranchée par des appels publics. En tout cas, ce n'est pas
évident, mais à tout le moins il y a des éléments
de réflexion à ce niveau-là.
Le deuxième point que vous abordez dans votre mémoire est
le communautaire. Est-ce que je me trompe ou si je vous trouve durs un peu
vis-à-vis du communautaire? Il me semble que vous êtes assez
exigeants vis-à-vis du communautaire dans vos exigences d'analyse,
compte tenu du fait qu'on a entendu ici, plusieurs témoignages, y
compris de parents, de bénévoles, qui sont venus nous dire que,
effectivement, sur le plan communautaire, il y avait des services qui
étaient rendus à la collectivité d'une bonne
qualité et qu'il en coûtait très peu cher à
l'État pour ce que le communautaire pouvait nous desservir. Il me semble
- en tout cas, si je me trompe, dites-le-moi, je pense que c'est l'occasion
rêvée - il me semble que je vous trouve durs quant à votre
jugement sur le travail que font les groupes communautaires.
M. Gingras: C'est qu'on n'est pas... Notre idée n'est pas
nécessairement de critiquer ce qui peut être fait par des
organismes communautaires. Notre intention, dans le mémoire qu'on vous
soumet, c'est plutôt de critiquer le virage que vous semblez faire de
leur confier de plus en plus de possibilités et de
responsabilités en transférant des ressources financières
et en transférant même des ressources humaines à ces
organismes-là pour leur permettre d'accomplir des mandats. Ce qu'on
soupçonne à travers tout ça, c'est une intention de
déposséder des personnes actuelles du réseau de l'emploi
qu'elles occupent actuellement, qui serait en arrière de tout ça,
et puis aussi, autre phénomène, c'est de possiblement faire
accomplir à rabais par des employés de ces organismes
communautaires-là des tâches qui sont actuellement assumées
à l'intérieur du réseau public et qui sont quand
même rémunérées à des conditions
décentes, rétribuées à des conditions
décentes. Or, si c'était ça le but de l'exercice, si
c'était uniquement d'essayer d'économiser des coûts au
détriment d'une possible qualité de services diminuée, au
détriment des emplois du secteur public, et pour obtenir une
main-d'oeuvre à meilleur marché, bien, à ce
moment-là on pense que ce n'est pas souhaitable de prendre ce
virage-là. Nous autres, on voit le rôle des organismes
plutôt en termes de complémentarité aux services qui sont
dispensés par le réseau public. Alors, dans ce sens-là,
ils pourraient travailler en collaboration avec les professionnels du
réseau à développer, peut-être, des services
complémentaires, mais pas nécessairement se substituer aux
services du réseau. C'est dans ce sens-là qu'on le voit. (17 h
45)
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment,
l'objectif, c'est la complémentarité. Je pense qu'il n'y a pas de
doute là-dessus. Des échanges que nous avons eus avec le
communautaire, ceux-ci viennent nous dire qu'on n'en fait pas assez, qu'on ne
les reconnaît pas suffisamment et, de votre vision à vous, de la
lecture que vous faites de lavant-projet de loi et de nos orientations, c'est
qu'on irait vers un délestage vis-à-vis du communautaire, ce qui
n'est pas du tout l'intention gouvernementale, et je ne pense pas que les
textes traduisent ça non plus. Il y a peut-être, dans certaines
parties, ou certaines localités, des gestes posés par certaines
administrations plus locales quant à l'occupation d'un champ par le
communautaire qui est plus important que d'autres. Mais ce n'est certainement
pas une volonté gouvernementale.
De toute façon, je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir parce
qu'il me reste deux points et on me signifie que mon temps est presque
écoulé déjà.
M. Gingras: Me permettez-vous, juste une petite précision
concernant...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Gingras: Ce qu'on demande, enfin, c'est qu'il y ait un
inventaire qui soit fait des besoins qui peuvent être en
complémentarité et, plutôt que ce soient les
établissements qui distribuent des enveloppes bonbons, qu'on confie
ça aux régies régionales. O.K.?
M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est ça qu'on
fait. On confierait l'enveloppe aux régies régionales qui,
elles-mêmes, feraient la distribution de l'enveloppe, avec une enveloppe
fermée, mais qui serait dédiée au communautaire.
M. Gingras: C'est parce que vous parlez
d'établissements.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais actuellement,
là
M. Gingras: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Je dis qu'il y a des
établissements, actuellement, parce qu'on en a eu des exemples, qui ont
empiété sur le communautaire; et, ça, bien sûr, il y
a des cas. Mais, dans la volonté exprimée par les orientations et
la volonté gouvernementale, c'est de confier aux régies
régionales le soin de faire l'arbitrage et la distribution des
enveloppes au communautaire, ce que le communautaire ne veut pas. Mais c'est un
peu ça, l'orientation.
À la page 26 - parce que je suis obligé d'aller au plus
court - vous prenez soin de reprendre un extrait de l'énoncé des
orientations qu'avait rendu public Mme Thérèse Lavoie-Roux.
Ça ira dans ce sens-là parce que l'un des problèmes qu'on
a au niveau du système, et c'est pour ça que je vous pose la
question, pour avoir votre opinion, je pense que c'est aussi la mobilité
de la main-d'oeuvre. Dans les orientations, à la page 71, on y disait:
"À titre d'exemple, la convention collective de la
Fédération des affaires sociales comporte 175 titres d'emplois et
un seul hôpital peut en compter entre 50 et 100". C'est
considérable. Quand on vient pour appliquer ça, ça
crée des problèmes multiples au niveau des hôpitaux.
J'imagine que ça peut être vrai chez Vous aussi, pour les gens que
vous représentez. Il y avait, au niveau de la négociation, un
objectif, entreprendre oes négociations avec les syndicats
concernés afin de réduire de 20 % le nombre de titres d'emplois,
d'ici cinq ans. Ça vous dit quoi, ça, vous? Est-ce que, par
ça, on réussirait à régler un certain nombre de
problèmes que l'on a au niveau du réseau? Parce que votre
objectif et le nôtre, j'imagine qu'il est le même, c'est le
bénéficiaire, la qualité du service dispensé au
bénéficiaire.
M. Gingras: Ce qu'on veut soulever dans cette perspective, c'est
qu'actuellement il y a quand même des catégories d'emplois qui
sont sous-utilisées à l'intérieur du réseau. On va
prendre un exemple, c'est qu'on embauche de préférence des
infirmières pour certaines occupations, sous prétexte, justement,
de la polyvalence que vous énoncez. Et puis, en fin de compte, on n'a
pas nécessairement ces besoins polyvalents à remplir, ou auxquels
on doit répondre. Dans ce sens-là, on crée des coûts
additionnels et on met de côté certaines classes, certaines
catégories de salariés à l'intérieur du
réseau qu'on sous-utilise, tout ça par des décisions
administratives. C'est à ça, un peu, qu'on fait
référence. alors, on dit que les catégories de fonctions
à l'intérieur des établissements devraient être
mieux définies, d'une part, et ce n'est pas par acte
délégué que ça devrait quand même pouvoir
s'exécuter, mais: c'est plutôt par une \ reconnaissance de leur
capacité à remplir ces exigences-là. quant à la
possibilité de revoir les titres d'emplois de la négociation et
de les réduire, je vais demander à mon collègue, M.
Légaré...
Le Président (M. Joly): Juste... M. Gingras:
Oui.
Le Président (M. Joly): ...une situation qui existe...
j'apprécierais, si on pouvait peut-être retenir les propos de
monsieur, pour un petit peu...
M. Chevrette: Pourriez-vous retenir les propos, M. le
Président, pour deux minutes? C'est parce que je dois aller plaider de
l'autre côté sur une motion de scission. J'avais trois questions,
je vais vous les poser, ma collègue va être ici...
M. Côté (Charlesbourg): Une scission du Canada?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Non, les Anglais, ce n'est pas ça qu'ils
veulent...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Les anglos veulent scinder notre proposition. Donc,
il va falloir que j'aille plaider, mais j'aurais trois questions. Vous pouvez
les prendre en note, je vais les poser d'un seul trait. La première,
tout d'abord, c'est pourquoi exigez-vous une représentation au niveau de
la Centrale? Ça veut donc dire une nomination par la Centrale à
la régie ou aux organismes régionaux, si j'ai bien compris.
Pourquoi ne serait-ce pas quelqu'un qui serait élu, et non nommé
par la Centrale? Ce serait quelqu'un élu, issu d'une centrale, mais non
pas nécessairement nommé. Voilà ma première
question.
Ma deuxième question porte sur le perfectionnement de la
main-d'oeuvre. J'aimerais bien vous entendre parce que, dans le domaine de la
santé par rapport au domaine de l'éducation, vous savez que les
travailleurs de la santé et des services sociaux ne sont pas
favorisés au niveau de la formation. Dans les conventions collectives,
entre autres, il y a très peu de choses. J'aimerais également
savoir là-dessus quelle est votre perception et quelles sont vos
exigences de base.
Et la troisième: Considérez-vous qu'on règle des
problèmes de santé en région si on ne décentralise
pas complètement les enveloppes, y compris les enveloppes de la RAMQ, la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, et doit-on corriger les
inéquités avant même qu'elles ne soient distribuées?
En d'autres mots, on ne prend pas ce qui existe au niveau national pour
l'envoyer en région. On corrige les inéquités avant de
décider de la décentralisation. Voilà mes trois
petites questions. Merci, M. le Président et merci à
vous.
Le Président (M. Joly): M. Gingras.
M. Gingras: En termes de procédure, est-ce qu'on
poursuit?
Le Président (M. Joly): Oui.
M. Gingras: Et je répondrais aux questions, oui?
Le Président (M. Joly): Écoutez, vous pouvez
peut-être répondre aux trois questions. Par après, on
pourra reprendre où on avait laissé, sur le commentaire de votre
collègue. Est-ce que ce serait plus facile pour vous de faire votre
commentaire et, après ça, de répondre aux questions? Bon,
parfait! Alors, si vous voulez ajouter votre commentaire, ça terminera
sur le côté ministériel.
M. Gingras: Ce que j'étais en train d'expliquer,
relativement à la possibilité d'assouplir les régies, je
pense qu'il y a toute une négociation à faire quand même
sur les titres d'emplois, négociation qui pourrait amener, si vous
voulez, à réaliser une meilleure polyvalence et à
réaliser à l'intérieur des établissements des plans
de travail qui tiennent compte quand même d'une possibilité de
définition de tâches qui soit différente de celle qu'on
retrouve dans les conventions. Mais tout ça, c'est l'objet quand
même d'une négociation. Comme centrale syndicale, on n'a pas
d'hésitation à vous dire qu'on favoriserait sûrement des
discussions sur cette question, sur cette partie. Je vais demander à mon
collègue, M. Légaré, qui est secrétaire de la
Centrale mais qui a aussi été porte-parole de la
négociation pour les employés des affaires sociales, entre
autres, de poursuivre. Il a peut-être une partie de la réponse
à votre question, M. Côté.
Le Président (M. Joly): M. Légaré.
M. Légaré (Robert): M. le ministre, mesdames,
messieurs. Je peux vous dire, à votre question, que cette année,
à cette ronde de négociations, on a déjà fait un
pas vers la diminution de certains titres d'emplois en regroupant certains
titres d'emplois. Peut-être que votre question veut orienter au niveau du
clinique, probablement. S'il y a un effort de fait à un certain niveau,
il y a probablement un effort à regarder à un autre niveau.
Mais au niveau de la mobilité, au niveau clinique, il y a
actuellement, et depuis des années, un comportement dans
l'administration des soins qui fait qu'on ne peut pas avoir la mobilité
au niveau du personnel clinique, notamment au niveau du personnel
infirmières auxiliai- res et infirmiers auxiliaires. On les confine
à des secteurs d'activité avec des actes différents d'un
secteur à l'autre dans le même établissement. Ce qui fait
que, lorsqu'on veut utiliser ce même personnel pour des besoins de
main-d'oeuvre nouveaux à un service ou d'un autre service, les gens en
place ne peuvent pas demander d'y être affectés n'ayant pas
exercé certains actes du service où on veut avoir du personnel
additionnel. Et on se tourne de bord et on fait appel à du personnel
autre, du personnel infirmier, qui est qualifié, on ne le nie pas et on
ne nie pas la qualification des autres catégories telles qu'infirmiers
ou infirmières auxiliaires.
La problématique de la mobilité, elle est bien plus
à regarder à l'intérieur de chacun des
établissements au niveau de la structure de fonctionnement des soins
infirmiers. Actuellement, on a des expériences-pilotes qu'on mène
dans deux établissements de la région de Montréal et on
pourrait par la suite éjaborer davantage avec vous, s'il en tient
à d'autres niveaux. Il y a une mobilité à regarder, mais
pas à n'importe quel prix. Il faut la regarder en fonction des personnes
qui composent les soins infirmiers et tout le personnel des soins infirmiers et
regarder les structures de fonctionnement des actes.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Légaré. M.
Gingras, voulez-vous répondre aux trois questions qui vous ont
été posées.
M. Gingras: Oui. Concernant la question du leader de
l'Opposition: Pourquoi des représentants de la Centrale dans des
organismes régionaux? ma réponse là-dessus, c'est qu'on a
tenté quand même de regrouper des associations syndicales, qui
peuvent être multiples, parce qu'on fait des conseils d'administration
par secteur d'activité, par catégorie d'établissements,
pour un territoire donné. Alors, ce qu'on proposait, en fait, c'est que
ce soient des représentants de l'organisation syndicale qui
représentent des travailleurs de ces établissements-là qui
soient présents. Quand on propose ce modèle-là, ça
ne veut pas nécessairement dire que ce seraient des gens
désignés, mais ce seraient des gens qui seraient choisis par les
travailleurs des établissements quand même, et on n'a pas
d'objection à ce que ce soient des gens élus. Alors, notre
formule ne sous-entend pas nécessairement que ce seraient des gens
désignés par les centrales; ce seraient des gens
représentant les travailleurs, mais provenant des centrales syndicales
qui représentent les travailleurs à l'intérieur des
groupes concernés.
Alors, on propose que ces travailleurs soient associés dans les
deux paliers, tant au niveau des régies régionales que des
établissements comme tels, des conseils d'administration des
établissements. Alors, c'est dans ce sens-là et ça, c'est
au nom du principe du véritable
partenariat qu'on réclame depuis longtemps. M.
Légaré vous a dit tout à l'heure: II y a des exercices
à faire dans les établissements, qui nous permettraient, si on
s'assoyait ensemble, de dégager des plans d'organisation du travail qui
seraient intéressants pour les établissements de la santé.
Mais on est tellement centrés sur l'application stricte des conventions
collectives que cette véritable gestion de ce qu'on appelle les milieux
de la santé, on ne la fait pas de concert avec les travailleurs et les
travailleuses du réseau. Dans ce sens-là, c'est ce qu'on
préconise et c'est pour ça qu'on veut qu'ils soient quand
même intégrés dans toute la démarche
complète, c'est-à-dire de la gestion. Dans ce sens-là,
qu'ils soient présents, après qu'ils auront été
participants comme conseillers au conseil de l'établissement, qu'ils se
retrouvent là un peu pour voir ce qu'on fait par la suite de leurs
recommandations.
Quant on parle de perfectionnement et de formation du personnel à
l'intérieur des établissements, c'est à juste titre qu'on
réclame des modifications à la situation actuelle. Les besoins de
formation et de perfectionnement à l'intérieur du réseau
sont actuellement un peu laissés pour compte. Bien sûr, il y a des
budgets; bien sûr, il y a des ressources qui sont affectées
à cette formation; bien sûr, on permet certaines choses, mais on
n'a pas un véritable plan de développement de la main-d'oeuvre et
de formation, de qualification de la main-d'oeuvre pour introduire des
dimensions nouvelles, comme celle que vous souleviez, entre autres, M.
Côté, de la polyvalence des travailleurs. Dans quelle mesure
a-t-on une stratégie, un plan de développement à
l'intérieur du réseau actuellement, pour développer la
capacité ou la formation des travailleurs et des travailleuses à
occuper peut-être des fonctions élargies à
l'intérieur du réseau? Ça, je pense que ce n'est pas un
souci, on ne sent pas ça, actuellement, comme pierre angulaire de la
formation dans le réseau. On ne sent pas qu'il y a une volonté de
mettre des ressources justement pour en arriver à cette
réalisation. Alors, dans ce sens-là, on pense qu'on met
actuellement fin à des emplois ou à des catégories
d'emplois, ou qu'on les diminue, sans nécessairement faire tout ce qui
est nécessaire pour accroître la possibilité de travail de
ces gens-là à l'intérieur du réseau. On
développe des emplois précaires sans nécessairement mettre
à contribution des travailleurs et des travailleuses du réseau,
qui accomplissent déjà quand même des emplois
précaires; on en crée d'autres plutôt que d'essayer d'aller
vers un concept d'employés qui ont une compétence plus grande
pour occuper des fonctions à l'intérieur des
établissements.
Les budgets, bien sûr, pour la formation et pour soutenir cette
formation, sont nettement insuffisants actuellement. Ça, c'est un
constat qu'on a fait à plusieurs reprises et dont on discute souvent,
mais je pense qu'il faut, en plus d'avoir un plan de formation, avoir aussi des
ressources qui nous permettent de faire cette formation et des conditions qui
permettent cette formation-là, c'est-à-dire le congé
éducation, et tout ça, qui est réclamé à
grands cris depuis longtemps par la Centrale.
En ce qui a trait au règlement des problèmes, si on
décentralise avant d'avoir corrigé les Inéquités,
bien sûr, si vous nous demandez notre opinion là-dessus, c'est
que, si on ne fait que reporter les inéquités aux régions,
aux régies régionales, on n'aura pas nécessairement
réglé tous les problèmes. Peut-être que les
régies régionales trouveront le tour de régler certains
problèmes qui n'ont pas été réglés, mais de
façon importante on ne peut pas dire que ça va être
généralisé. Si on avait la possibilité de
régler et de corriger les inéquités avant de
décentraliser les enveloppes, je pense qu'on placerait quand même
les régies régionales dans une situation beaucoup plus
confortable pour maintenir des services de qualité et assumer le
développement nécessaire des services dans le cadre des besoins
nouveaux et des besoins qui peuvent se présenter dans le secteur des
services de santé.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Gingras. M. le ministre,
est-ce que vous avez un commentaire?
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on aurait
pu parler de participation des employés aux conseils d'administration
parce que vous avez une formule qui est là: S'interroger sur
l'opportunité de faire en sorte que les employés puissent
participer à des conseils d'administration autres que le leur. C'est une
idée qui a été soulevée à la commission
parlementaire de façon à éviter ou à
éliminer toutes les possibilités de conflits
d'intérêts et ça, ça vaudrait aussi pour les autres
professionnels de la santé. Mais on aura l'occasion d'y revenir,
définitivement.
Je vous remercie de votre participation. Je retiens que
l'élément formation est un élément
extrêmement important, qu'il y a une ouverture sur le plan de la
mobilité. Evidemment, ce sont des choses qui se négocient; comme
on dit en bon français, c'est du "give and take". Je comprends que vous
n'étiez pas pour nous dire aujourd'hui: Oui, puis, allez-y gaiement; ce
sont des négociations. Je vous remercie pour votre
présentation.
Le Président (M. Joly): Merci, au nom des membres de cette
commission. Moi aussi, je vous remercie. Alors, nous allons ajourner nos
travaux à demain, 10 heures, dans la même salle.
(Fin de la séance à 18 h 1)