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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Joly): Bienvenue à cette
consultation générale et aux auditions publiques dans le cadre de
l'étude de l'avant-projet de loi qu'est la Loi modifiant la Loi sur les
normes du travail et nécessairement beaucoup d'autres dispositions
législatives. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Boucher
Bacon (Bourget) sera remplacée par M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Chevrette (Joliette) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Gautrin (Verdun)
par M. Poulin (Chauveau), M. Paradis (Matapédia) par M. Farrah
(Îles-de-la-Madeleine).
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la secrétaire.
Aujourd'hui, nous entendrons le groupe William M. Mercer Itée,
l'Association des industries forestières du Québec Itée,
l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, la
Corporation des marchands de meubles du Québec, l'Association
minière du Québec inc, l'Association des grandes industries de la
région de l'acier, l'Association provinciale de l'industrie du bois
ouvré du Québec inc., la Corporation des concessionnaires
d'automobiles du Québec, la Fédération interdisciplinaire
de l'horticulture ornementale du Québec inc, l'Office des producteurs de
tabac jaune du Québec et le Regroupement des organismes-travail de la
région de Québec.
Je demanderais maintenant aux représentants du groupe William M.
Mercer Itée de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.
M. Marcil: M. le Président, est-ce que vous avez
procédé aux remplacements?
Le Président (M. Joly): Oui. C'est déjà
fait, monsieur.
Bonjour. J'apprécierais que la personne responsable, la personne
porte-parole du groupe puisse s'identifier et présenter les gens qui
l'accompagnent, s'il vous plaît.
William M. Mercer Itée
M. Boutin (Roland): M. le Président, Mme la ministre, M.
le ministre, Mmes et MM. de la commission, mon nom est Roland Boutin. Je suis
associé principal chez Mercer et spécialiste en régimes de
retraite. Je suis accompagné, à partir de mon extrême
gauche, par Me Mireille Deschênes, avocate et spécialiste de la
législation qui touche l'emploi et la sécurité du revenu,
et
M. Gilles Dufresne, associé principal chez Mercer
également, qui est actuaire et expert en matière d'assurance
collective.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Boutin. Je vais vous
expliquer brièvement les règles du jeu. Vous avez une quinzaine
de minutes pour présenter votre mémoire et, après, un
temps semblable est dévolu à chacune des formations pour
s'entretenir avec vous. Alors allez, M. Boutin.
M. Boutin: O.K. Merci bien. Le Président (M. Joly):
Merci.
M. Boutin: Je dois vous dire, pour débuter, que la
société-conseil William M. Mercer Itée est heureuse de
répondre à l'invitation publique qui lui a été
faite par le gouvernement lors du dépôt de l'avant-projet de loi
modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions
législatives. Nous avons voulu limiter notre mémoire à la
question de l'extension de la protection des régimes d'assurance
collective aux personnes qui travaillent à temps partiel, ainsi
qu'à celle des congés parentaux.
La philosophie qui sous-tend les avantages sociaux est qu'ils
constituent une composante de la rémunération globale. En vertu
de ce principe-là, il nous apparaît donc légitime que la
rémunération des employés à temps partiel englobe
également les avantages sociaux. Quant à la philosophie des
normes du travail, il nous apparaît que les normes du travail sont celles
qu'un employeur responsable voudrait volontiers mettre en application.
Cependant, nous n'avons constaté chez nos clients aucun standard
équivalent à une norme écrite en ce qui concerne la
couverture ou la protection à accorder par les régimes
d'avantages sociaux pour les travailleurs à temps partiel; les approches
sont très diversifiées. Et ce que nous avons constaté,
lorsque des employés à temps partiel sont couverts, c'est qu'il y
a, comme lien commun, une continuité d'emploi beaucoup plus que le
nombre d'heures accomplies, par exemple, chez un employeur. Ceci nous
amène à regarder ou à envisager différentes
définitions des travailleurs à temps partiel ou du travail
à temps partiel.
Nous avons regardé également les prestations statutaires,
celles qui sont versées en vertu des diverses lois. Il n'y a aucune
norme constante qui s'en dégage et qui pourrait inspirer les employeurs,
par exemple. Plusieurs normes suggèrent, cependant, une certaine
continuité du lien d'emploi. Alors, il y a cette carence de
cohérence et... Le principe de la proportionnalité
n'est pas nécessairement reconnu. Il semble, en somme, que les
normes qui ont trait aux prestations statutaires n'aient pas été
élaborées en tenant compte des employés à temps
partiel tout autant que des employés à temps complet. pour
traiter des différentes particularités des régimes
d'assurance collective et de la façon dont ils pourraient
protéger les employés à temps partiel, et des
problèmes qui se soulèvent là-dedans, je demanderais
à mon collègue, m. dufresne, de nous faire son exposé
là-dessus.
M. Dufresne (Gilles): merci beaucoup, m. boutin. j'aimerais faire
une présentation en cinq volets. premièrement, j'aimerais toucher
différents types de protection qu'on entend lorsqu'on parle de
régimes d'avantages sociaux. je pense que c'est important parce qu'on a
tendance à ne pas saisir vraiment la différence de types de
protection auxquels nous nous adressons. dans un premier temps, il y a les
protections en cas de décès qui, évidemment, fournissent
divers montants lors du décès d'un employé. dans un
deuxième temps, h y a les protections de remplacement du revenu qui se
trouvent à protéger un employé lorsqu'il est incapable de
travailler, à court ou à long terme, à cause d'une
invalidité quelconque. et, troisièmement, il y a tous les
régimes de remboursement de frais médicaux, que ce soit les frais
d'hospitalisation, les frais de médicaments, les soins dentaires ou les
soins de la vue.
Il est intéressant de se demander quelles sont les alternatives
à un employé qui, effectivement, n'est pas assuré par un
régime collectif d'avantages sociaux. On s'aperçoit, quand on
regarde les protections en cas de décès, qu'effectivement un
employé a accès assez facilement au marché de l'assurance
individuelle et qu'il est capable de s'acheter un grand nombre de protections,
plusieurs types de protection variés et pour des montants variés,
s'il a besoin d'une couverture en cas de décès.
Par contre, lorsqu'on regarde les protections de remplacement du revenu
en cas d'invalidité, on s'aperçoit effectivement qu'il n'existe
à peu près aucun régime individuel en vertu duquel un
employé pourrait s'acheter une protection. Donc, soit que
l'employé à temps partiel reçoive des protections du
régime collectif ou soit qu'il n'ait aucune protection si,
évidemment, on fait exception des protections qui sont disponibles sous
le régime prescrit par la Commission de l'assurance-chômage et
qui, effectivement, remplace, sur une base temporaire, pendant une
période de 15 semaines, comme vous le savez, 60 % du revenu de
l'employé à temps partiel.
Si on touche au remboursement des frais médicaux, on
s'aperçoit également qu'il n'y a aucune protection qui existe sur
le marché individuel qu'un employé pourrait s'acheter.
Évidemment, les régimes gouvernementaux sont très
généreux, au Canada, en ce sens et un employé
reçoit une protection de base qui est très élaborée
grâce aux régimes d'hospitalisation et de frais médicaux
qui existent dans cette province. Par contre, aucun équivalent au
régime d'assurance collective n'est disponible sur une base
individuelle.
Le troisième volet que j'aimerais toucher, ce sont les variations
ou les différences entre les régimes d'avantages sociaux et les
régimes de retraite. On sait qu'il y a une loi qui oblige les employeurs
à protéger leurs employés ou à leur permettre
d'accumuler une protection du revenu, en cas de retraite, sur une base
obligatoire. Par contre, il est important de saisir les différences
entre un régime d'avantages sociaux et un régime de retraite.
Premièrement, comme on l'a noté tantôt, il y a
plusieurs régimes de protection dans les régimes d'avantages
sociaux À la retraite, il n'y a qu'une protection; c'est dans le but
d'accumuler des revenus sur une longue période de temps.
Le deuxième point, c'est que les régimes d'avantages
sociaux visent une protection qui est immédiate. Tout le monde le sait,
une mort, c'est toujours prématuré. Donc, c'est une protection
qui ne s'accumule pas au cours du temps, c'est une protection dont on a besoin
dans l'immédiat.
Troisièmement, les coûts de protection des avantages
sociaux ne sont pas nécessairement reliés au revenu de
l'individu. Si on pense, par exemple, à un régime de
remboursement de prescriptions ou de frais d'ordonnance, le coût sera le
même, que l'employé travaille à temps plein, à temps
partiel, sur une base occasionnelle, sur une base saisonnière. Donc, le
coût est le même, mais, lorsqu'il est relié au revenu de
l'individu, la proportion du revenu va varier selon la régularité
de l'emploi et le niveau de revenu de l'employé.
Le quatrième point, et celui-là, ii est essentiel: dans un
régime de retraite, la loi exige effectivement une protection de
l'employé, une fois qu'il a satisfait à certains critères
d'emploi, une fois qu'il a satisfait à certains critères
d'admissibilité. Lorsque ces critères sont satisfaits,
l'employé va accumuler une rente en vue de sa retraite s'il travaille
et, effectivement, en fonction de la quantité de travail qu'il va faire,
en fonction de son appartenance à l'employeur
Dans le cas des assurances collectives, on ne peut pas faire ça.
Il faut définir d'avance la protection parce que, que l'employé
travaille sur une base régulière, sur une base saisonnière
ou peu importe, si, par exemple, il décédait dans le mois qui
suivrait son emploi, il faut qu'il y ait une protection qui soit là, qui
soit bien définie et qui ne soit pas basée sur le temps où
H a effectivement travaillé pour l'employeur.
Le quatrième volet touche effectivement les besoins de protection
des employés. Ce sujet est extrêmement important. À notre
avis, il est essentiel. La conséquence de nos échanges entre
les divers conseillers au bureau est effectivement que les besoins
varient énormément. Il y a des gens qui travaillent sur une base
régulière et qui, effectivement, ont besoin autant de leur revenu
d'emploi qu'ils ont besoin des protections des régimes d'avantages
sociaux. Il y a d'autres gens qui, pour diverses raisons, peuvent parfois
travailler plus qu'un employé régulier, mais qui, effectivement,
n'auraient pas besoin de protection en cas d'avantages sociaux. Si on pense,
par exemple, à un étudiant sur un programme partagé qui
étudie quatre mois, il est possible que, durant une année civile,
il ait huit mois d'emploi à temps plein, mais que, effectivement, son
besoin de protection sur les régimes d'avantages sociaux soit vraiment
minime. On peut penser également à une personne qui travaille
à temps partiel et dont le but du travail n'est pas
nécessairement relié au revenu qu'elle fait, mais à des
motifs autres qu'un revenu minimum. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'une protection
universelle, on ne pense pas que ce serait correct parce que ça ne
satisferait pas les besoins des employés.
Finalement, le cinquième volet, on aimerait suggérer que
le gouvernement fasse une intervention qui soit minimaliste et étapiste.
Premièrement, qu'il revoie la Loi sur les normes du travail pour
être certain qu'elle rencontre les besoins, autant des employés
à temps partiel que des employés à temps plein; qu'il
revoie les programmes d'Etat, également, parce qu'on croit qu'il
pourrait y exister des différences, en ce sens que le concept de ces
lois-là n'a pas vraiment été fait en fonction des
employés à temps partiel.
On pense qu'il ne devrait pas y avoir d'avantages sociaux aux
employés à temps partiel là où l'employeur n'en
offre pas aux employés à temps plein. On pense qu'on devrait
permettre l'adhésion facultative, contrairement au Régime de
rentes. On pense que ces normes-là devraient être
différentes, selon la taille de l'entreprise. Je crois qu'on devrait
s'adresser uniquement aux employés réguliers et permanents, avec
certains critères de salaire et de durée de travail, qu'il
devrait, probablement, y avoir des variations de garantie et que, finalement,
la liste des avantages pourrait varier selon la taille de l'entreprise.
En conclusion, on pense qu'on devrait faciliter l'accessibilité,
mais non imposer l'universalité des régimes d'avantages sociaux
pour les employés à temps partiel.
Le Président (M. Joly): M. Dufresne, est-ce que Me
Deschênes a quelque chose à ajouter?
M. Dufresne: Oui.
Mme Deschênes (Mireille): Oui. Je veux aborder...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, allez,
madame.
Mme Deschênes: ...la question du maintien des avantages
sociaux pendant le congé parental. Je vais d'abord parler du
congé de maternité actuel de 18 semaines, qui est prévu
par la Loi sur ies normes du travail. La loi prévoit que la
salariée conserve le droit de participer aux avantages pendant la
période de congé. Pour les avantages non contributifs, la
participation est maintenue sans l'exigence que l'employée verse une
cotisation. Pour les avantages contributifs, l'employée doit verser sa
part et, si elle le fait, l'employeur verse sa part aussi.
L'expérience que nous en avons, c'est que, pour les
régimes contributifs, l'employée ne maintient pas sa
participation. Ça peut se comprendre. C'est une période où
l'employée a une diminution de revenu et un accroissement important des
dépenses. Alors, elle n'est pas en mesure de faire face au paiement des
cotisations qui pourrait maintenir ses protections pendant le congé de
maternité.
Il y a un concept qui commence à acquérir de plus en plus
de légitimité chez les employeurs et dans le marché de
l'assurance, c'est celui du versement de prestations pendant le congé de
maternité. De plus en plus d'employeurs, particulièrement des
grandes entreprises, s'orientent vers des régimes de prestations
supplémentaires de chômage qui indemnisent l'écart entre un
certain pourcentage du salaire de l'employée et les prestations
d'assurance-chômage. il y a aussi une tendance qui a été
amorcée par la cour suprême du canada dans un jugement qui a
été rendu en mai dernier dans l'affaire brooks contre canada
safeway ltd, où, en appel d'une décision provenant du manitoba,
la cour suprême a clairement déclaré que le fait qu'un
régime d'assurance-invalidité ne couvre pas la grossesse,
l'accouchement normal, ça constituait de la discrimination fondée
sur le sexe et la grossesse. nos clients qui ont des employées au
manitoba doivent réviser leurs régimes d'assurance collective
pour verser des prestations durant une période qui restera à
définir comme étant la période - on pense que ça
pourrait être entre cinq et huit semaines, dans le cas d'une grossesse
normale - qui est liée aux besoins physiologiques de la mère.
nous pensons que ce jugement-là risque d'avoir un impact dans
différentes provinces et qu'éventuellement, même au
québec, les énoncés de la cour suprême pourraient
servir d'argument pour faire déclarer inconstitutionnel l'article 90 de
la charte des droits du québec, qui permet que nos régimes
d'assurance-invalidité contiennent des exclusions à
l'égard de la grossesse.
En ce qui concerne la période de congé familial, qui
s'ajoute au congé de maternité actuel, nous suggérons que
le gouvernement permette aux employeurs de traiter, du point de vue des
avantages sociaux, ces congés de la même manière que les
autres types de congés que l'employeur offre dans son entreprise. Alors,
si
l'employeur, pour des personnes qui prennent des congés sans
solde, a différentes modalités qui permettent à
l'employé de maintenir ses garanties en vigueur, qu'fl offre les
mêmes modalités pour le congé de maternité et ne
mette pas de conditions plus restrictives ou plus généreuses. Si
l'employeur ne permet pas que les garanties soient maintenues en vigueur
pendant cette période-là, les congés familiaux seront
traités de la même manière.
Le Président (M. Joly): Merci. Me Des chênes. Est-ce
que ça conclut votre présentation?
Mme Deschênes: Oui.
Le Président (M. Joly): Parfait. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre. (10 h 30)
M. Bourbaau: II me fait extrêmement plaisir d'accueillir
à cette table les représentants de Wiliam Mercer, une
société qui fait autorité au Canada en la matière.
J'aimerais vous amener sur le terrain du temps partiel puisque c'est le sujet
qui vous intéresse et qui nous intéresse aussi
énormément.
Dans le mémoire, vous dites qu'il serait possible, afin
d'éliminer les contraintes qui sont liées au marché,
d'offrir les mêmes avantages aux personnes à temps partiel
qu'à celles à temps plein, mais en fixant une cotisation plus
élevée. Vous mentionnez également que les coûts, qui
seraient évidemment supérieurs, de ces régimes-là
pourraient les rendre moins attrayants pour les personnes à temps
partiel. La question que je voudrais vous poser est la suivante: En
dépit des problèmes que vous soulevez ou des contraintes que vous
prévoyez, peut-on penser que la conception de régimes
spécifiques pour les personnes à temps partiel puisse finalement
s'avérer un marché intéressant à développer
pour les assureurs?
M. Dufresne: Premièrement, H serait bon de noter qu'H y a
plusieurs employeurs qui offrent des protections à leurs employés
à temps partiel. Nous n'avons pas de statisques précises a cet
égard. Nous ne sommes pas capables de définir exactement combien
d'employeurs ou quelle est la proportion des employés à temps
partiel qui sont assurés d'un régime d'avantages sociaux, mais il
est certain qu'au fur et à mesure que la proportion de la main-d'oeuvre
est composée d'employés à temps partiel les employeurs se
penchent sur le problème, les syndicats se penchent sur le
problème et qu'effectivement ils étudient la possibilité
et offrent des protections aux employés à temps partiel. Nous
sommes incapables, encore une fois, de vous donner des chiffres précis
sur la protection, mais la protection existe, le marché existe et il est
définitivement possible d'avoir une couverture.
Ce qu'il est intéressant de noter, c'est que cette
protection-là, nous pensons qu'elle existe surtout pour les
employés qui travaltent de façon régulière à
temps partiel. Donc, les gens qui travaillent, par exemple, trois jours sur
cinq ont très souvent droit à une protection. Mais
l'employé qui travaille sur une base temporaire 100 % de son temps ou
l'employé qui travaille sur une base saisonnière va très
rarement avoir droit à une protection.
Je pense que le marché de l'industrie de l'assurance va
être très intéressé par la première
catégorie d'employés et va les couvrir sur une base presque
automatique, parce que je pense que c'est normal d'assurer ces gens-là.
Quand on pense aux gens, par contre, qui travaillent sur une base
saisonnière ou sur une base temporaire, je suis un peu moins certain que
l'industrie de l'assurance va être aussi entichée ou encline
à leur donner une protection, à cause de certaines
difficultés inhérentes aux protections d'assurance.
Si on prend l'exemple de l'assurance-invalidité, si un
employé est engagé pour une période de trois mois et qu'on
s'attend à lui payer un salaire pendant une période de trois
mois, est-ce qu'un employeur désirerait et est-ce qu'un assureur serait
prêt à accepter le risque de donner une protection de remplacement
du revenu pour cette personne-là? Si elle devient invalide pendant sa
période de trois mois, est-ce qu'on va vouloir lui donner une protection
qui remplacerait ce revenu jusqu'à l'âge de 65 ans? Il ne semble
pas y avoir un lien avec ce besoin de remplacement du revenu sur une longue
période de temps, étant donné que l'employé
lui-même est engagé et va recevoir un revenu uniquement pour une
courte période de temps. Donc, on pense qu'il devrait y avoir des
variations de protection. Mais certainement, oui, l'industrie est
intéressée à les assurer.
M. Bourbeau: Dans l'état actuel du marché, est-ce
que vous en connaissez des compagnies d'assurances qui présentement
assurent des employés à temps partiel?
M. Dufresne: Certainement, oui.
M. Bourbeau: À temps partiel. Des gens qui travaillent
d'une façon régulière ou des gens qui travaillent de
façon saisonnière?
M. Dufresne: Les deux existent, mais la grande majorité
sont des gens qui travaillent sur une base régulière.
M. Bourbeau: Donc, on n'innoverait pas nécessairement en
ouvrant la loi à ce sujet-là. Ce ne serait pas une innovation.
Ça se fait déjà.
M. Dufresne: Ça se fait déjà. Effectivement,
on ne pourrait pas dire que ça serait une
innovation. Par contre, il faut être bien conscient que, lorsqu'on
fait une loi, je pense qu'on désire établir une norme minimale.
Et cette norme minimale devrait être établie uniquement s'il y a
un besoin universel. Je ne suis pas certain qu'il y a un besoin universel de
protection, dans les régimes d'assurance-vie, dans les régimes
d'assurance-salaire et dans les régimes de remboursement du revenu, sur
une base universelle, pour tous les employés, qu'ils soient à
temps régulier, sur une base temporaire ou sur une base
saisonnière. nous avons vécu, avec des clients, plusieurs
situations où, effectivement, l'employeur avait décidé
d'assurer tous ses employés, peu importe qu'ils soient à temps
plein ou à temps partiel et sans vraiment faire de différence
entre les différentes catégories de gens. il y avait une
cotisation de la part des employés pour les diverses protections. il est
extrêmement intéressant de noter la quantité
d'employés qui désiraient refuser la protection d'assurance, soit
parce qu'ils n'en avaient pas besoin, soit parce que le coût, qui comme
je l'expliquais tantôt, n'est pas toujours relié au salaire, avait
une proportion plus grande que ce qu'ils étaient prêts à
payer ou soit, finalement, parce que l'individu était couvert par le
régime d'un autre membre de la famille; donc lui demander de verser une
cotisation pour être assuré pour les frais médicaux et les
soins dentaires, par exemple, s'il est déjà couvert par le
régime d'un autre membre de la famille, pour lui, c'est une
dépense inutile. alors, établir une norme universelle, je pense,
créerait de l'insatisfaction autant que cela rencontrerait les besoins
d'autres employés.
M. Bourbeau: Selon vous, une des options qu'on pourrait envisager
consisterait à offrir aux employés à temps partiel ce que
vous appelez un paiement compensatoire, une somme d'argent, pour tenir lieu
d'avantages sociaux. Est-ce que vous vous êtes penchés sur la
forme que devrait prendre cette alternative-là? Le paiement
compensatoire devrait-il s'appuyer sur le coût d'avantages sociaux
alloués aux employés à temps plein, par exemple? Est-ce
que cette formule implique une référence à un
régime d'assurance-groupe de base?
M. Dufresne: Premièrement, je pense que le mémoire
aurait dû peut-être être un peu plus précis dans ce
domaine et aurait dû signifier que cette forme compensatoire devrait plus
s'appliquer dans les situations où les employés ne sont pas
engagés sur une base régulière. On pense que les
employés engagés sur une base régulière devraient
avoir un droit beaucoup plus direct aux protections des régimes
d'avantages sociaux. Donc, ça devrait s'appliquer plus aux
employés qui sont engagés sur une base temporaire.
Deuxièmement, la forme de compensation, je pense, pourrait
prendre deux grandes avenues: soit que la rémunération de base
pourrait être un peu plus élevée pour compenser le fait que
la personne n'a pas droit aux avantages sociaux, soit qu'effectivement, au
moment du départ, si l'employé a été engagé
sur une base temporaire, il y ait un versement qui soit similaire au versement
qui est exigé par les normes minimales pour prendre en
considération le fait que l'employé, par exemple, n'aurait pas
pris de vacances pendant ce temps-là. On demande alors à
l'employeur de verser une proportion de la rémunération qu'il a
gagnée pour tenir compte des vacances. On pourrait faire la même
chose avec les régimes d'avantages sociaux, uniquement pour les
régimes de base qui sont obligatoires et qui sont payés par
l'employeur aux employés qui sont employés sur une base à
temps plein. Est-ce que vous voudriez ajouter quelque chose à ces
commentaires?
Une voix: Non.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître Mme la ministre.
Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Bienvenue.
Vous confirmez que le travail à temps partiel, c'est une
problématique pas simple à régler, les avantages et
l'équité, pour les travailleurs et pour les employeurs. Dans
votre mémoire, vous soulevez plusieurs difficultés en ce qui a
trait à l'extension des avantages sociaux. Vous signalez des contraintes
au niveau du coût des avantages sociaux, des difficultés
d'administration et beaucoup d'autres choses.
Vous dites, à la page 5 de votre mémoire, que beaucoup de
travailleurs et de travailleuses s'opposeraient au principe de
l'adhésion obligatoire. Est-ce que vous avez des statistiques à
cet effet-là? Est-ce qu'il y a des études qui ont
été faites par votre firme? Ça repose sur quoi, cet
énoncé-là? Et, si vous avez des statistiques, serait-il
possible de les déposer pour le bénéfice de la commission
et de nos travaux?
M. Dufresne: D'accord. Premièrement, il est exact de dire
que le problème n'est pas simple. Il est également exact de dire
qu'il est grandissant parce qu'on pense que la main-d'oeuvre qui travaille
à temps partiel va s'accroître au lieu de décroître.
C'est un phénomène évolutif qui s'en va dans une
direction, je pense, qui est bien marquée. Notre commentaire à
l'effet qu'on créerait de l'insatisfaction ou que certains
employés ne voudraient pas être assurés est vraiment
basé sur des expériences vécues lors de
l'établissement de régimes chez des employeurs. Pour
répondre directement à votre question, non, nous n'avons pas fait
d'études statistiques. Nous n'avons pas fait de sondages, même sur
une base d'échantillonnage, à savoir si les employés
seraient prêts à contribuer au coût de ces
régimes-là. Le commentaire était tiré beaucoup
plus d'expériences vécues dans des cas spécifiques
où les régimes avaient été proposés sur une
base obligatoire aux employés à temps partiel et où les
employés devaient cotiser. Les employés disaient: Nous ne sommes
pas intéressés à cotiser parce que nous n'avons pas besoin
de cette protection-là. Malheureusement, nous n'avons pas vraiment de
statistiques spécifiques à déposer.
Mme Trépanier: Certains groupes qui ont été
entendus la semaine dernière ici, au niveau des avantages sociaux, ont
fait deux suggestions: permettre aux personnes travaillant à temps
partiel de choisir entre la participation au régime d'assurance dans
l'entreprise avec les mêmes cotisations qu'une personne travaillant
à temps plein et bénéficier ainsi de la même
protection, sauf qu'avec la proportionnalité H y a un problème,
ou encore une participation avec un taux ajusté à leur revenu,
mais avec une protection moins importante.
Vous, vous nous apportez une suggestion. Vous nous dites: Laissons de la
flexibilité aux entreprises. Comment voyez-vous ça? Vous
n'êtes pas d'accord avec la proportionnalité, avec les mêmes
cotisations que pour ceux à temps plein. Élaborez donc
là-dessus.
M. Oufresne: D'accord. Disons que, pour nous, permettre la
même cotisation qu'à un employé à temps plein, c'est
permettre à un employé qui travaille trois jours par semaine
d'avoir cinq jours de rémunération. Au point de vue concept,
c'est la même chose. Alors, permettre à un employé d'avoir
exactement une cotisation qui serait identique, je ne pense pas que ce serait
correct dans ce sens-là.
Quand on parie de même taux, il faut différencier, encore
une fois, deux protections. Il y a des protections d'assurance-vie, des
protections d'assurance-salaire. Si le niveau de protection est relié au
revenu de l'individu, à son salaire à ce moment-là, on
peut avoir le même taux, parce que, automatiquement, H va y avoir un
ajustement qui est proportionnel. La difficulté survient plus lorsqu'on
parle de régime où le coût est fixe pour l'employé
et n'est pas relié du tout soit au revenu, soit à l'attachement
de l'employé à l'employeur. On parie, à ce
moment-là, vraiment de la troisième catégorie de
régimes, le régime de remboursement de frais médicaux et
de soins dentaires. Ou, si on demande la même cotisation à
l'employé, effectivement, pour que ça survienne, il faudrait que
l'employeur soit prêt à faire un déboursé plus grand
pour un employé à temps partiel que pour un employé
à temps plein.
Les plus grands employeurs, je pense, où la proportion
d'employés à temps partiel est minime, vont le faire sans aucune
hésitation. Si vous regardez le marché du côté de la
finance, vous allez vous apercevoir, je pense, qu'il y a beaucoup d'employeurs
qui sont prêts à assurer automatiquement les employés
à temps partiel, soit parce que la proportion de leurs travailleurs est
minime, soit parce que, dans l'ensemble de leurs coûts, c'est tellement
peu significatif qu'ils sont prêts à l'accorder directement. Mais
si on pense à des employeurs de petite taille, si on pense à des
employeurs qui ont moins de 100 employés, par exemple, leur demander de
verser une cotisation qui soit plus grande que le coût proportionnel,
ça peut leur occasionner des frais qu'As ne sont pas prêts
à assumer. Et la seule chose qu'on dit, ce n'est pas de le
défendre à un employeur - je pense qu'H y a des employeurs qui
vont être prêts à le faire - mais je ne pense pas qu'on
devrait leur imposer cette situation-là. (10 h 45)
Maintenant, il y a certainement moyen d'avoir des protections qui soient
un peu moins généreuses, par exemple, pour les employés
à temps partiel, de sorte que ces employés-là soient
capables d'acheter une protection qui serait moins grande, mais à un
coût qui, en fonction de leur revenu, serait peut-être
proportionnellement similaire. L'avènement des avantages variables, des
avantages flexibles fait qu'on s'en va un peu dans cette direction-là.
Les employés choisissent le niveau de protection.
Alors, autant dans l'assurance individuelle l'employé a le choix
de prendre, par exemple, une franchise de 100 $ ou de 250 $ lorsqu'il assure
son automobile, de la même façon, du côté des frais
médicaux et des soins dentaires, H y aurait peut-être moyen
d'acheter une protection où les premiers 100 $ ou les premiers 200 $ ne
seraient pas assurés. Ça diminuerait beaucoup les coûts et
l'employé temporaire, à ce moment-là, pourrait assumer ce
coût-là. Il pourrait avoir une protection qui serait vraiment
valable contre des frais qui seraient catastrophiques, des frais de
médicaments, d'hôpitaux, ou peu importe, mais il
débourserait les premiers 100 $ de protection. Il y a certainement moyen
d'établir des régimes qui permettraient aux employés
à temps partiel d'être assurés.
Mme Trépanier: Merci, monsieur.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre. Je vais
profiter de la dernière minute qui reste à ma formation pour
peut-être, moi aussi, vous poser une petite question. C'est que vous
dites que, si on s'en allait sur une base universelle, ça ne remplirait
pas les attentes ou les aspirations de chacun des employés, parce que,
pour diverses raisons, on pourrait vouloir ne pas prendre les
bénéfices. Mais c'est remarqué souvent dans l'industrie
que ceux qui ne prennent pas les bénéfices, c'est parce qu'ils se
sentent forts, ils se sentent en santé, puis ils pensent que ça
ne leur arrivera jamais.
Donc, il se ferait une forme d'autosélection si on devait
permettre cette forme d'approche et les compagnies d'assurances risqueraient
d'aboutir
avec des risques, entre guillemets, un peu plus "poqués". Alors,
partant de là, je me demande quel serait l'intérêt pour une
compagnie d'assurances, si le régime n'est pas obligatoire, si on leur
permet de faire de "l'opting out", comme elles disent. Alors, c'est un peu ma
crainte à moi dans l'approche que vous suggérez.
M. Dufresne: Et c'est un commentaire qui est extrêmement
véridique. L'industrie de l'assurance serait beaucoup plus
réfractaire pour les petits employeurs dans une situation où
c'est facultatif que pour les gros employeurs. Et, dans ce sens-là, vous
avez parfaitement raison.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, Mme Harel.
Mme Harel: Oui. Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
de vous saluer. J'avais eu l'occasion d'échanger avec M. Boutin et Me
Deschênes lors de l'étude du projet de loi sur les régimes
complémentaires de retraite. Le ministre, avec raison, a fait
état de votre autorité en matière d'avantages sociaux. En
prenant connaissance de votre mémoire, j'avais en tête la
progression vertigineuse du nombre d'emplois à temps partiel offerts sur
le marché de l'emploi depuis 10 ans. Et, à la lecture de votre
mémoire, il m'est venu l'idée que, peut-être, le
régime public de remplacement du revenu pouvait adéquatement
remplacer le revenu au moment de la retraite ou de l'invalidité pour ce
genre de travailleurs, et sans doute pour d'autres aussi et qu'en n'examinant
que l'aspect des régimes offerts dans le cadre des assurances, on
n'envisageait pas peut-être l'ensemble des changements qu'il faut
opérer et peut-être la nécessité, comme le premier
ministre l'avait annoncé dans le discours inaugural, de réviser
le régime public, le Régime de rentes du Québec, notamment
en matière de retraite, mais en matière d'invalidité
également. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Dufresne: Je pense que l'industrie est prête - elle l'a
démontré dans le passé - à vraiment assurer le
remplacement du revenu pour les employés qui travaillent sur une base
régulière, que ce soit à temps plein, que ce soit à
temps partiel. Je pense que l'industrie est prête. Je pense que les plus
gros employeurs sont prêts. Je pense que les petits employeurs vont
suivre au fur et à mesure qu'ils vont prendre connaissance du fait que
ça se fait sur le marché. Et, dans ce sens-là, je pense
que la protection est effectivement offerte par le secteur privé. Je
pense que, là où les régimes étatiques jouent un
rôle de plus grande envergure, c'est lorsqu'on parle des employés
saisonniers, des employés temporaires, des employés qui sont
embauchés par les employeurs uniquement pour une période fixe.
À ce moment-là, effectivement, l'employeur a cette vision qu'il
va rémunérer l'employé uniquement pour une courte
période de temps et, donc, il ne voit pas la nécessité de
donner une protection du revenu à cette personne pour une très
longue période de temps. À ce moment-là, j'ai l'impression
que, conceptuellement, le régime d'assurance-chômage, par exemple
joue un rôle primordial parce que, en cas d'invalidité, en cas de
maladie, il offre des protections pour une base de 17 semaines et cette base,
si on peut dire, se rattache assez bien à des types d'emplois qui sont
temporaires, qui sont saisonniers.
Mme Harel: Finalement, c'est intéressant d'examiner -
puisque vous insistiez, avec raison, sur le fait que c'était beaucoup
plus facile pour les employés à temps partiel réguliers -
que dans la mesure ou l'industrie cherche légitimement, d'une certaine
façon, à retenir ce qui est facile, dans cette même mesure,
finalement, l'ensemble des autres situations sont renvoyées soit
à un paiement forfaitaire... Et c'est la grande question, parce que je
regardais le tableau qui a été publié dans l'étude
révisée des normes du travail du ministère et qui
démontre que non seulement il y a une progression du nombre d'emplois
offerts à temps partiel, mais aussi que ce sont là des emplois
qui ont une longévité de plus en plus grande, d'une certaine
façon. Alors, ce sont des emplois à temps partiel de plus en plus
nombreux, mais de plus en plus permanents. Dans quelle mesure, en tout cas, ne
faut-il pas envisager l'amélioration du régime public de
remplacement du revenu pour tout le monde, évidemment, avec l'impact
encore plus positif que ça peut avoir pour ceux et celles qui ne peuvent
pas s'offrir le régime qui serait trop coûteux, par exemple, s'il
ne l'est que dans le cadre de l'entreprise, peut-être, petite ou moyenne?
dans votre mémoire, sur l'ensemble des analyses de faisabilité
que vous faites, je crois que sur ce terrain-là vous êtes des
experts, mais, quand vous parlez des raisons qui amènent les
employés à ne pas profiter des protections - je crois que c'est
à la page 4 - ça, je dois dire que ça m'apparaît
sujet à évaluation. vous dites que c'est parce que c'est une
deuxième job ou un deuxième salaire et il y a un troisième
argument qui peut, sans doute, être plus raisonnable, en fait, soit celui
qui veut que l'employé n'ait pas les moyens de se payer la protection si
c'est un régime contributif. mais on a toujours associé le temps
partiel à un deuxième salaire ou à une deuxième
job; un deuxième salaire pour une femme et une deuxième job pour
un homme. j'ai l'impression que c'est une idée reçue qui n'est
plus nécessairement conforme aux nouvelles réalités du
marché du travail. je ne sais pas si vous avez fait des études
là-dessus, mais est-ce que votre expertise est à l'effet que ce
sont des deuxièmes salaires ou des deuxièmes jobs?
Mme Deschênes: Ce sont des raisons qui ont
été données par des employés qui ont
critiqué des programmes qui étaient offerts par certains de nos
clients. ce sont les raisons qui ont été invoquées.
Mme Harel: Oui, mais est-ce que c'est un échantillonnage
qui est...
Mme Deschênes: Non, il n'y a rien de scientifique dans les
données qui sont fournies là.
Mme Harel: C'est ça. D'accord.
Mme Deschênes: II n'y a pas de prétention à
une représentativité de ce qui se passerait sur une plus grande
échelle.
Mme Harel: Actuellement, au gouvernement du Québec, lors
de l'embauche d'employés occasionnels pour moins d'un an, il y a absence
d'avantages sociaux et la compensation est l'équivalent de 11,12 %.
Qu'est-ce que vous pensez, disons, d'une telle solution de compensation?
M. Dufresne: Excusez-moi, pourriez-vous répéter
votre commentaire? Je n'ai pas bien saisi.
Mme Harel: Certainement Actuellement, le gouvernement du
Québec qui est un gros employeur...
M. Dufresne: D'accord.
Mme Harel: ...n'offre pas d'avantages sociaux aux employés
occasionnels qui sont engagés pour moins d'un an, mais compense,
finalement, cette absence par un paiement forfaitaire de 11,12 % du salaire.
Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure?
M. Dufresne: Je pense que, premièrement, on doit louer le
gouvernement de reconnaître le fait qu'un employé occasionnel
effectivement, n'a pas une rémunération globale identique
à celle que l'employeur offre aux employés à temps plein.
Deuxièmement, je pense que le fait d'utiliser une forme compensatoire se
relie un peu à ce qui était suggéré dans notre
mémoire. Donc, je pense que ce serait difficile pour nous de nous
opposer au principe ou à l'approche qui, effectivement, est
utilisée par le gouvernement du Québec.
Le troisième commentaire que je pourrais faire, c'est
qu'effectivement, quant au niveau de protection, le chiffre de 11,12 % semble
avoir été déterminé avec précision. Ce n'est
pas un chiffre qui a été arrondi. Donc, il doit être
relié jusqu'à un certain point au coût des protections que
le gouvernement offre à ses employés à temps plein. Dans
ce sens-là, ça semble démontrer une philosophie de
rémunération globale qui est identique autant pour les
employés occasionnels que pour les employés à temps plein.
Je pense que ça se situe bien dans l'évolution de la
société de regarder les régimes de rentes, les avantages
sociaux, tous les avantages connexes, de regarder l'ensemble de la
rémunération. C'était le premier commentaire, je pense,
que mon collègue, M. Boutin, a fait au tout début. Nous sommes
définitivement d'accord avec cette approche-là.
Mme Harel: Si vous me le permettez, c'est Me Dufresne, je
crois?
M. Dufresne: Gilles Dufresne.
Mme Harel: Gilles Dufresne. C'est bien maître, c'est
ça?
M. Dufresne: Non.
Mme Harel: Non?
M. Dufresne: Je suis actuaire de profession.
Mme Harel: D'accord.
M. Dufresne: C'est un de mes péchés.
Mme Harel: Tout le monde ne peut pas avoir tous les
défauts. Ha, ha, ha! Si vous me le permettez, j'aimerais échanger
avec Me Deschênes sur les régimes de prestations
supplémentaires de chômage. Vous dites que votre entreprise a un
certain nombre de clients qui offrent ce type de régimes
supplémentaires de chômage pour combler l'écart entre le
salaire assurable à l'assurance-chômage et le salaire, en fait,
qui est supérieur. Est-ce que c'est fréquent? Dans quel type
d'entreprises? Quelle est la part de salaire assurable à ce
moment-là pour combler l'écart? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Mme Deschênes: Ce n'est pas tellement fréquent.
C'est plutôt dans les très grandes entreprise. Il y a quelques
années, c'était comme pas concevable. On ne payait pas des gens
en congé de maternité, alors que maintenant on conçoit que
c'est naturel, que ça va de soi, et les entreprises s'orientent vers des
programmes de complément aux prestations d'assurance-chômage. En
pratique, le niveau de prestations qui va être offert va être
équivalent au niveau de prestations offert par le régime
d'invalidité de courte durée. Alors, si le régime
d'invalidité de courte durée offre des prestations
équivalant à 70 % du salaire, le régime de prestations
supplémentaires de chômage va offrir 70 % du salaire, moins ce qui
est offert par l'assurance-chômage.
Comme je vous le disais, maintenant, nous avons des clients qui ont des
employés au Manitoba et dans d'autres provinces aussi. Nos
clients sous juridiction fédérale sont touchés par
te jugement de la Cour suprême dans l'affaire Brooks dont j'ai
parlé tantôt et voudraient pouvoir intégrer le
régime d'assurance-invalidité au régime de
l'assurance-chômage pour une période de cinq à huit
semaines, li y a des négociations qui sont en cours actuellement avec
l'Association canadienne des compagnies d'assurances et la Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada pour permettre que ces régimes
d'assurances se qualifient comme régimes de prestations
supplémentaires de chômage pour une courte période. La
Commission de l'emploi et de l'immigration a également des
critères qui permettent à un employeur qui a un régime
d'invalidité qui rencontre certaines normes de se qualifier pour une
réduction du taux de la cotisation à l'assurance-chômage.
Actuellement, les régimes d'invalidité peuvent se qualifier pour
la réduction de la cotisation patronale tout en excluant les prestations
durant les congés de maternité.
Maintenant, le gouvernement fédéral s'est demandé
s'il devrait être "proactif dans la lutte contre la discrimination durant
les congés de maternité et n'a pas encore annoncé qu'il
allait modifier ses critères, les normes auxquelles devraient se
conformer les régimes d'assurance-invalidité des employeurs pour
ouvrir droit à la réduction du taux de la cotisation. Mais on
s'attend à ce qu'il y ait des modifications à ce niveau-là
et à ce que des régimes assurés, qui actuellement ne
peuvent pas être enregistrés comme régime de prestations
supplémentaires, puissent se qualifier lorsqu'il y aura une entente
entre les compagnies d'assurances et Emploi et Immigration Canada. (11
heures)
D'ailleurs, quand j'ai vu les représentations qui étaient
faites par le Conseil du statut de la femme afin de créer un fonds
national qui verserait des prestations durant les congés familiaux, je
me suis dit: Tiens, il me semble que les employeurs vont être contents
parce que ça va leur coûter moins cher que de payer les
prestations du régime d'assurance-invalidité, puisqu'ils auront
juste à verser des cotisations à ce fonds et non pas à
modifier leur régime d'assurance-invalidité ou, du moins, ils
pourront intégrer peut-être plus facilement le régime
d'invalidité aux prestations de cette caisse nationale. J'ai vu
ça comme une bonne nouvelle, ce projet-là.
Mme Harel: Le régime d'invalidité de courte
durée. Actuellement, certains de ces régimes prévoient
donc des compléments, c'est ça, en fait, au moment du
congé de maternité, ou prévoient...
Mme Deschênes: C'est-à-dire que les régimes
d'invalidité eux-mêmes ne sont pas intégrés aux
prestations d'assurance-chômage parce qu'ils ont certaines
caractéristiques qui font en sorte qu'on ne peut pas les enregistrer
comme des régimes de prestations supplémentaires de
chômage. Mais là, ça devrait changer avec les
négociations qui sont en cours entre les assureurs et la Commission.
Mme Harel: À ce moment-là, quand vous parlez de
cinq à huit semaines, est-ce parce que les régimes
eux-mêmes prévoient une compensation durant cinq à huit
semaines?
Mme Oeschênes: En fait, c'est que la Cour suprême a
dit que la grossesse et l'accouchement... Historiquement, les régimes
d'assurance-invalidité couvraient un accident ou une maladie qui
étaient définis comme excluant la grossesse elle-même. On
disait: La grossesse, ce n'est pas une maladie, ce n'est pas un accident. La
Cour suprême du Canada a dit: Arrêtons de nous demander si c'est un
accident ou une maladie; le fait est que la grossesse est un motif raisonnable
d'absence du travail pour raisons de santé et, à ce titre,
ça devrait être indemnisé.
Par ailleurs, le régime d'assurance-invalidité ne va pas
couvrir 17 semaines nécessairement dans chaque cas, parce que,
probablement, dans le cas d'une grossesse normale, il y a une portion des 17
semaines qui est reliée plus aux soins du nouveau-né qu'aux
besoins physiologiques de la mère elle-même. Alors, dans le milieu
de l'assurance, on s'était demandé quel serait le standard, c'est
quoi une période d'absence normale pour un certificat médical
dans un cas de grossesse normale. Ce qui ressort, ce serait entre cinq et huit
semaines. Pour le reste, il faudrait qu'il y ait un régime de
prestations supplémentaires de chômage ou que le fonds national
qui serait créé entre en jeu, ou d'autres modalités, mais
le régime d'assurance-invalidité couvrirait une portion du
congé.
Mme Harel: Vous permettez?
Le Président (M. Joly): Très brièvement, Mme
la députée.
Mme Harel: Parce que c'est assez rare, M. le Président...
Je pense que c'est avec le consentement.
Le Président (M. Joly): Madame, on vous permet de
déborder.
M. Bourbeau: Vous me permettrez de faire la même chose plus
tard.
Mme Harel: Oui.
Mme Deschênes: En tout cas, le jugement Brooks n'a pas
d'impact immédiat au Québec à cause de l'article 90 de la
Charte qui permet ces distinctions. Mais nous, les juristes, on voyait
tout de suite que c'était une question de temps pour que
l'article 90 soit déclaré inconstitutionnel, compte tenu des
énoncés très clairs de la Cour supreme dans ce jugement.
Même la Cour suprême a élaboré un
énoncé qui est le principe de base de la tarification en
assurance, sans le savoir, mais la Cour a dit que les femmes qui ont des
enfants, finalement, font un geste qui profite à l'ensemble de la
société et qu'elles ne devraient pas être les seules
à subir un préjudice, à être
défavorisées au plan économique. Donc, le coût doit
être réparti sur l'ensemble de la société. On ne
pourrait même pas avoir un régime d'assurance-invalidité
qui a une tarification différente, supérieure, par exemple, pour
les femmes entre 30 et 45 ans en âge de procréer. Ça
violerait, même, le principe élaboré par la Cour
suprême.
Mme Harel: Une dernière question, M. le
Président...
Le Président (M. Joly): Très brièvement, Mme
la députée, s'il vous plaît. On déborde
déjà.
Mme Harel:... parce que je veux bien comprendre pour qualifier
ces régimes. Est-ce qu'ils remplacent des semaines qui sont actuellement
couvertes par l'assurance-chômage, ou s'il faut les qualifier comme des
régimes supplémentaires aux semaines qui, à la suite de la
réforme qui sera apportée, s'ajouteront à celles
déjà offertes? Est-ce que ce sont des régimes qui vont
remplacer, qui permettraient, à ce moment-là, à un
employeur de réduire son taux de cotisation à
l'assurance-chômage étant donné qu'il y a un régime
d'invalidité de courte durée qui tient lieu, pendant quelques
semaines, de régime de congé de maternité?
Mme Deschêne»: Actuellement, l'employeur peut
déjà bénéficier de la réduction du taux de
cotisation à l'assurance-chômage, même si son régime
d'assurance-invalidité exclut la grossesse et la maternité.
Maintenant, dans les juridictions où l'employeur devra couvrir la
grossesse et la maternité par son régime
d'assurance-invalidité, les employeurs voudraient bien que le
régime d'invalidité se qualifie comme régime de
prestations supplémentaires de chômage, de sorte que les
prestations soient intégrées aux prestations
d'assurance-chômage, mais ce n'est pas possible actuellement.
Mme Harel: Durant le même nombre de semaines?
Mme Deschênes: Durant le même nombre de semaines,
comme je le disais, pour une période de cinq à huit semaines.
Mme Harel: Mais à l'intérieur du nombre de semaines
prescrit par l'assurance-chômage, qui est un maximum de 25.
Mme Deschênes: Oui, c'est ça, 15 semaines.
Mme Harel: 17 semaines plus le congé parental.
Mme Deschênes: Là, on parle du congé de
maternité pour les besoins physiologiques de la mère qui
accouche.
Mme Harel: Ah! D'accord, je comprends.
Mme Deschênes: Le régime
d'assurance-invalidité ne couvrirait pas un congé parental. C'est
pour les besoins physiologiques de la mère.
Mme Harel: Alors, merci. J'ai bien constaté dans votre
mémoire que vous rappeliez que lavant-projet de loi ne contient aucune
disposition pour le maintien, entre autres, des avantages sociaux au moment du
congé parental. Alors, ça, c'est certainement retenu par les
membres de la commission. Merci pour votre expertise, c'est toujours
intéressant et je considère que c'est une sorte de contribution
que vous faites à nos travaux chaque fois que vous présemez un
mémoire. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. M. le ministre, s'il vous plaît.
Brièvement.
M. Bourbeau: Oui, c'est toujours très rassurant de savoir
qu'il y a des gens comme M. Mercer et d'autres du même calibre à
qui on peut poser des questions à l'occasion. Notre avant-projet de loi,
comme son nom le dit, est un avant-projet; donc il y a encore des modifications
à y apporter avant que le gouvernement dépose un projet de loi.
Il manque des choses dans l'avant-projet de loi, on le sait. Nul doute que, si
on a besoin de complément d'information sur ce que vous avancez, on
tentera de vous rejoindre. J'espère que vous serez toujours là
pour répondre à nos appels...
Une voix: C'est 300 $ l'heure.
M. Bourbeau:... de façon à pouvoir peut-être
à l'occasion élaborer un peu plus sur les recommandations que
vous faites. Merci.
Le Président (M. Joly): Allez, M. Boutin.
M. Boutin: Alors, si je puis commenter, il nous a fait plaisir,
à notre société, d'apporter une contribution aux questions
dont vous débattez ici et, bien sûr, si vous aviez des questions
pour lesquelles vous aimeriez nous donner un mandat, on est toujours
disponibles.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Je n'en doute pas.
Le Président (M. Joly): Alors, à mon tour, au nom
des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ce fut bien
apprécié. Alors, merci beaucoup. Je vais maintenant demander aux
membres de l'Association des industries forestières du Québec
Itée de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.
Alors, nous allons reprendre nos travaux, s'il vous plaît. Je
demanderais à la personne responsable du groupe de l'Association des
industries forestières du Québec Itée de bien vouloir
s'identifier et identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Association des industries forestières du
Québec Itée
M. Duchesne (André): M. le Président, mon nom est
André Duchesne. Je suis président et directeur
général de l'Association des industries forestières du
Québec. J'ai avec moi, ce matin, quatre personnes qui vont m'aider
tantôt à répondre à vos questions. Nous
espérons en avoir.
Le Président (M. Joly): Sûrement!
M. Duchesne: M. Jean-Pierre Landry est vice-président
à l'exploitation forestière pour les produits forestiers
Daishowa.
Le Président (M. Joly): M. Landry est à votre
droite?
M. Duchesne: Ici. Il est ici ce matin à titre de
vice-président du conseil d'administration de l'Association. Plus loin
à droite encore, M. Laurent Tremblay, qui est directeur des relations
industrielles pour le domaine forestier et le bois d'oeuvre chez Stone
Consolidated inc. À l'extrême gauche, M. Viateur Camiré,
qui est directeur du personnel et des relations industrielles chez Donohue
Saint-Félicien inc.; et, finalement, M. Maurice René de Cotret
qui est directeur des relations du travail chez Produits forestiers Domtar.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Duchesne. Je vous
rappelle très brièvement les règles du jeu: vous avez une
quinzaine de minutes pour nous présenter votre mémoire et,
après, les membres de cette commission se réservent le droit et
le plaisir de vous poser quelques questions. Merci. Allez, M. Duchesne.
M. Duchesne: Vous me permettrez, M. le Président, de
présenter brièvement l'Association des industries
forestières du Québec, soit 28 compagnies qui regroupent les
employeurs des secteurs des pâtes et papiers, de la forêt et des
scieries au Québec. Les membres de l'AIFQ représentent
près de 85 % de la transformation de la matière ligneuse au
Québec. Les secteurs que je viens de vous mentionner sont,
évidemment, ensemble, l'une des activités économiques les
plus importantes puisque ça représente 15 % de toute notre
production manufacturière et, quel que soit le critère ou la
mesure que vous employez; les emplois, la valeur ajoutée, les salaires,
c'est une industrie qui se classe soit première, soit deuxième
continuellement au Québec.
Les employés salariés de l'industrie se retrouvent soit
dans des camps forestiers, donc éloignés des grands centres dans
la plupart des cas, soit, évidemment, dans des usines qui opèrent
généralement en continu avec des quarts de travail. Ces
employés sont généralement syndiqués dans une
très forte proportion et jouissent de conditions de travail qui les
classent parmi les mieux payés de la province. Les compagnies offrent
à leurs employés une compensation totale qui est
généralement de beaucoup supérieure au minimum
prévu par la Loi sur les normes du travail.
Le processus de négociation des conventions collectives,
évidemment, présuppose des compromis que doivent faire les deux
parties et ce compromis, certaines dispositions de l'avant-projet de loi le
remettent en question. Le fait d'accorder par législation des
dispositions qui font déjà l'objet de négociations et
d'ententes entre les parties modifie l'équilibre de ces
négociations et, à notre avis, intervient indûment dans le
processus.
Essentiellement, donc, ce matin, M. le Président, les membres de
l'AIFQ recommandent que soient exemptées de l'application de certaines
dispositions de la loi les entreprises qui, par convention collective de
travail ou autrement, atteignent les objectifs qui sont poursuivis par cette
loi.
Nous n'avons pas l'intention de passer l'ensemble de la loi en revue. Ce
que nous voulons faire, ce matin, c'est traiter de six articles
spécifiques seulement.
D'abord, l'article 14, le temps supplémentaire et les avis
à donner au salarié. Les dispositions de l'article 14 vont
entraîner des problèmes importants pour nos entreprises puisqu'il
faut bien admettre que, règle générale, on ne peut pas,
dans nos opérations, planifier le temps supplémentaire douze
heures à l'avance. Comment un employeur dont les salariés
travaillent sur trois quarts de travail peut-il prévoir qu'un ou
plusieurs de ces travailleurs ne se présenteront pas au début de
leur quart, ce qui oblige le travailleur de l'équipe
précédente à demeurer au travail jusqu'à ce qu'un
remplaçant soit trouvé?
Sur ce cas précis, dans la plupart de nos conventions
collectives, en particulier dans les usines de pâtes et papiers, il y a
des dispositions librement négociées à l'effet qu'un
salarié peut être appelé à remplacer un autre
employé qui est
en retard, jusqu'à un maximum de deux heures. Et on vous cite,
dans le mémoire, un texte type de ces conventions qui précise que
l'employé doit prévenir son contremaître quand il ne peut
pas se présenter normalement au début de son quart de
travail.
Souvent, dans ces unités de production qui ont plus d'un quart de
travail, les employés appelés à faire du temps
supplémentaire ne le sont que pour des périodes de courte
durée, soit le temps de constater l'absence du travailleur qui est
censé prendre la relève et de lui trouver un remplaçant.
Vouloir agir de façon différente serait, à notre avis,
irréaliste et perturberait de façon importante les
opérations effectuées sur plusieurs quarts en continu, même
s'il n'y a pas de situation d'urgence. Ça va carrément à
rencontre d'une gestion efficace de nos entreprises. (11 h 15)
Dans d'autres circonstances qui peuvent exiger du temps
supplémentaire, certaines tâches spécialisées, par
exemple, des travaux d'entretien qui débutent durant les heures de
travail normales, mais qui doivent se continuer parce que ce n'est pas
terminé et pour lesquels, l'employé lui-même doit continuer
cette préparation-là. Encore une fois, c'est imprévisible
longtemps à l'avance.
La même chose dans les opérations forestières. Vous
avez, par exemple, le cas d'un mécanicien qui a l'habitude de prendre
son mercredi soir pour revenir en ville et vaquer aux tâches familiales,
par exemple, rencontrer le professeur de son entant qui a des problèmes
à l'école. Alors, il prend rendez-vous pour un mercredi soir et
ça s'adonne que, ce mercredi-là, il y a un bris mécanique
imprévisible. Pas capable de le remplacer. C'est le mécanicien de
la place. On est en conflit avec les dispositions de l'avant-projet de loi,
à ce moment-là.
Or, les partenaires dans l'entreprise ont su trouver au cours des
années des mécanismes qui permettent de répondre à
ces besoins et à ces difficultés-là. Et nous sommes d'avis
que, là où les conditions de travail sont régies par une
convention collective, il serait souhaitable d'exclure ces employeurs-là
de l'application de cet article.
En passant, je pense qu'on doit vous souligner que la terminologie qui
est utilisée dans l'article, à savoir les "obligations
reliées à la garde, à la santé et à
l'éducation de son enfant", c'est assez large, c'est assez vague
Ça va soulever des difficultés d'interprétation et
peut-être de la jurisprudence avant qu'on sache exactement de quoi il
s'agit.
L'article 16, le remplacement du temps supplémentaire. Les
membres de l'AIFQ, M. le Président, sont contre toute disposition qui
vise à remplacer le temps supplémentaire par un congé
payé et nous demandons que cette disposi- tion soit enlevée de
l'avant-projet de loi. cette addition proposée à l'article 55 de
la loi actuelle prévoit que l'employeur peut, à la demande du
salarié, remplacer le paiement des heures supplémentaires par un
congé payé. donc, ï n'y a ici aucune obligation pour
l'employeur. nous demandons donc au législateur de laisser aux parties
le soin de régler cette question en tenant compte des besoins du milieu.
cette disposition devrait, à tout le moins, ne pas viser les
salariés régis par une convention collective qui prévoit
ce genre de chose.
L'article 17, les jours fériés et chômés. La
plupart des compagnies membres de l'AIFQ accordent déjà 12
congés (des jours fériés ou des congés mobiles)
à leurs employés et sont donc exclues de cette section. Il y en a
certaines qui sont à 11, d'autres qui sont à 13, mais une bonne
moyenne, c'est 12. En tout cas, elles sont exclues pour les salariés qui
sont visés par la convention collective à ce moment-ci et c'est
ça notre point. Nous souhaitons que cette exclusion soit non seulement
maintenue pour ceux qui sont visés par la convention collective, mais
qu'elle soit élargie afin de couvrir les employés cadres et les
salariés non syndiqués qui bénéficient des
mêmes avantages, ce qui est courant. Nous proposons donc que le texte
actuel de la loi soit modifié pour y inclure, après les mots
"convention collective", 'ni un autre salarié du même
établissement qui bénéficie aussi du même nombre de
congés". L'effet d'entraînement s'exerce dans ce cas-là et
les dispositions sont suffisantes.
Et là, l'occasion était trop belle, M. le
Président, pour ne pas vous signifier à nouveau notre
désaccord sur l'inflexibilité avec laquelle le congé de la
fête nationale est traité. Vous savez qu'on doit obligatoirement
la chômer le 24 juin même s'il s'agit d'un jour ouvrable qui
survient dans le milieu de la semaine. Cette inflexibilité-là,
nous cause des problèmes depuis le début en particulier dans nos
opérations forestières. Il y a beaucoup de salariés dans
ces conditions-là qui doivent parcourir de grandes distances pour se
rendre de leur résidence au lieu du travail. Exiger qu'ils prennent le
congé un mardi ou un mercredi ou un jeudi, ça veut dire, à
toutes fins pratiques, des dépenses additionnelles, des fatigues
additionnelles, l'inefficacité au travail ou bien souvent de
l'absentéisme pour la journée qui s'adonne à tomber entre
les deux, entre la fin de semaine et le congé férié.
Pour les employeurs qui ne sont pas assujettis aux dispositions de
l'article 60, donc, qui ont suffisamment de congés fériés,
comme je vous le disais tantôt, le mode de rémunération de
la fête nationale ne se fait pas suivant les dispositions des conventions
collectives. Alors, on a donc une rémunération qui doit
être calculée sur une base différente de l'ensemble des
autres jours fériés ou des congés mobiles. Alors,
ça
entraîne des complexités administratives absolument
inutiles, à notre point de vue.
À ce point de vue là, je pense qu'encore une fois on
saisit l'occasion pour vous recommander que le jour de la fête nationale
soit, selon l'entente intervenue entre les parties, reporté au
début ou à la fin de la semaine pour ceux, à tout le
moins, qui sont régis par une convention collective et qui travaillent
loin de leur foyer. De même, que le mode de calcul de l'indemnité
pour la fête nationale soit uniformisé à celui des autres
jours chômés et payés dont bénéficient les
travailleurs qui ne sont pas assujettis aux dispositions de l'article 60.
Pour ce qui est de l'article 23, l'indemnité afférente au
congé annuel, d'abord, nous nous demandons pourquoi le
législateur propose de remplacer la notion d'accident par celle de
blessure dans l'article. On ne saisit pas cette distinction-là, à
ce moment-ci. Quant aux dispositions qui accordent une majoration des
crédits de vacances réellement gagnés à un
employé qui est absent pour cause de maladie, de blessure ou de
congé familial pour une période qui n'excède pas 20
semaines, nous croyons que devraient être exclus de l'application de ces
dispositions les salariés qui sont visés par une convention
collective qui accorde un régime de vacances supérieur à
celui prévu par la loi. À titre d'exemple, les employés
à l'emploi des membres de l'AIFQ jouissent généralement de
régimes de vacances comme ceux qu'on vous illustre au mémoire:
deux semaines après un an; trois semaines après quatre ans;
quatre semaines après neuf ans; cinq semaines après vingt ans et
six semaines après 27 ans de service. Et c'est assez typique comme
régime. Dans la majorité des entreprises membres de
l'Association, on retrouve en plus des semaines de vacances
supplémentaires pour les employés âgés de 60 ans et
plus qui ont 25 ans de service. Alors, les membres de l'AIFQ ne sont pas
d'accord pour une extension d'un certain nombre de congés par le biais
d'un niveau minimum dans la Loi sur les normes du travail. Il y en a
déjà beaucoup.
L'article 29 sur les congés familiaux. Pour ce qui est du
congé de naissance ou d'adoption, les membres de l'AIFQ,
évidemment, ne s'opposent pas à ce concept-là. C'est
justifié pour le salarié dont les journées d'absence avec
rémunération se limitent aux avantages prévus par la Loi
sur les normes. Nous estimons qu'il devrait en être autrement pour un
salarié, par contre, qui est assujetti à un régime de
vacances et de congés qui est supérieur au minimum prévu
par la loi. Encore une fois, c'est bien beau qu'il y ait un minimum, mais,
quand on donne déjà plus, le minimum ne devrait pas
s'appliquer.
Si le législateur désire assujettir tous les
salariés, nous croyons que les dispositions relatives au congé de
naissance ou d'adoption devraient être révisées et
permettre un congé non rémunéré d'une durée
de cinq jours, qui peut être fractionné en journées, quitte
à se prévaloir des autres modes de congés prévus
aux conditions de travail pour être rémunéré. Ces
absences devraient normalement être précédées d'un
préavis par le salarié de la même façon. Encore une
fois, il y a une banque de congés, de jours fériés
supérieure au minimum prévu par la loi qui pourrait servir
à ces fins là.
Quant aux obligations reliés à la garde, à la
santé ou à l'éducation d'un enfant mineur, au cours des
années, la négociation des conventions collectives a permis de
trouver des mécanismes et d'établir des pratiques qui permettent
au salarié de s'absenter pour répondre à des besoins
importants d'un enfant mineur. Nous ne voulons pas nous opposer à cette
réalité qui exige l'absence du travail d'un salarié qui
doit s'acquitter de responsabilités familiales, mais nous sommes d'avis
que les dispositions législatives doivent respecter les
préoccupations élémentaires pour l'entreprise, à
savoir l'obligation pour le salarié d'informer son employeur autant que
possible 48 heures à l'avance.
Le Président (M. Joly): II vous reste une minute, M.
Duchesne, s'il vous plaît.
M. Duchesne: J'en ai pour à peu près deux minutes,
M. le Président.
Le Président (M. Joly): Allez, M. Duchesne.
M. Duchesne: Le besoin pour l'entreprise d'avoir assez
d'employés pour opérer. Le problème du fractionnement des
journées; dans certains cas, c'est assez simple, mais dans d'autres
opérations, c'est à peu près impossible à
administrer. Enfin, le texte même de l'article 81.2, M. le
Président, nous apparaît un peu confus. S'agit-il de cinq
journées par employé ou de cinq journées par enfant? S'il
y a six enfants, est-ce que ça fait 30 jours? Encore une fois, nous
souhaitons que soient exemptés de l'application de la loi les
établissements où la majorité des salariés sont
régis par une convention collective de travail.
Je voudrais prendre ma dernière minute, M. le Président,
sur l'article 31, l'avis de cessation d'emploi et de mise à pied. La
situation, telle que nous l'interprétons, c'est que l'exclusion actuelle
couvre les travailleurs saisonniers à l'emploi des entreprises membres
de l'AIFQ. Lavant-projet de loi maintient cette exclusion, à l'article
82.1, mais devient plus confus par la suite. L'expression "entreprise
déterminée", qui a déjà donné lieu à
des plaintes et à des jugements, complique l'interprétation de
cet article-là. Vu que le projet de loi introduit la notion d'entreprise
à caractère saisonnier et que le législateur ne parle pas
pour ne rien dire, nous sommes d'avis qu'il a l'intention d'exclure de
l'expression "entreprise déterminée" l'ensemble
des entreprises ayant à leur emploi des travailleurs saisonniers.
Alors, si c'est ça, on a un problème, parce que la plupart des
entreprises membres de l'AIFQ ne sont pas des entreprises saisonnières,
mais ont à leur emploi souvent des employés dont l'emploi est
à caractère saisonnier et, là, on se retrouve dans des
complications qu'on n'est pas vraiment capables de déchiffrer à
ce moment-ci. On établit un certain nombre d'hypothèses, et puis
on aboutit toujours en marge de la loi et devoir payer des indemnités,
alors que la pratique courante ne s'applique pas.
L'AIFQ, M. le Président, suggère donc que les emplois
à caractère saisonnier continuent d'être exclus des
dispositions des articles 82 et suivants. Écoutez, il y a deux ou trois
autres petits points, mais je pense que si vous avez...
Le Président (M. Joly): Vous aurez l'occasion
sûrement, à travers les questions...
M. Duchesne: Exactement.
Le Président (M. Joly): ...de glisser ce que vous avez
l'intention de dire.
M. Duchesne: Je vais m'interrompre immédiatement, puis
vous laisser la chance de poser des questions sur ces sujets-là à
mes collègues, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Duchesne. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. M. le
ministre.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
saluer les représentants de l'Association des industries
forestières du Québec qui nous donnent leur point de vue sur
l'avant-projet de loi. Un des points principaux de votre mémoire
consiste à demander de soustraire les conventions collectives à
l'application de la majorité des amendements proposés par la loi.
Pourtant, ça m'apparaît un peu étrange qu'on nous demande
de retirer les conventions collectives de la Loi sur les normes, parce que,
quand on parle de la Loi sur les normes, il y a beaucoup de gens qui
l'appellent la loi sur les normes minimales, dans le langage courant, les
normes minimales. Ce que vous nous dites, dans le fond, c'est un peu un aveu
que certaines conventions collectives ne contiennent même pas les normes
minimales qu'on retrouve partout chez les non-syndiqués. Ce n'est
peut-être pas ça que vous voulez dire, mais ça a l'air de
ça un peu et moi, ça m'effraie un peu de penser qu'il y a
peut-être des conventions collectives qui se signent où les
syndiqués n'ont même pas accès à ce qu'on
considère comme le minimum minimorum, là. J'exagère
peut-être un peu; peut-être que vous allez éclairer un peu
ma lanterne, mais j'ai de la difficulté à me rendre à ce
raisonnement-là.
Si c'est vrai que, dans certains cas, les conventions collectives ne
donnent pas ce minimum-là, est-ce qu'on ne pourrait pas penser que, dans
une période de temps relativement courte, on pourrait en arriver, lors
des prochaines négociations, par exemple, à relever le minimum
dans les conventions collectives pour se rendre au moins au niveau des
employés non syndiqués qui, eux, vont avoir ce minimum-là?
Ça serait un peu étrange de dire: Tous ceux qui ne sont pas
syndiqués, les moins bien défendus de la société,
ont droit à un plancher et puis les autres, qui sont très bien
représentés par la CSN, la FTQ et les gros syndicats, etc.,
à certains égards, ont moins que le minimum. Sur le plan
philosophique, en tout cas, je trouve ça un peu étrange. Je ne
sais pas comment vous réagissez par rapport à ça. (11 h
30)
M. Duchesne: Ce n'est pas tout à fait ça, M. le
ministre. M. Tremblay, je pense, a une couple d'exemples à vous donner
là-dessus.
M. Tremblay (Laurent): Je pense que la raison principale sur
laquelle on s'est appuyés pour proposer cette exclusion, c'est
principalement dû au fait que, si l'on regarde à
l'intérieur - je vais juste me limiter à ça - de
l'industrie des pâtes et papiers, les conditions de travail qui existent
présentement, je pense, se comparent très avantageusement avec
n'importe quel secteur industriel du Québec et même du Canada et
des États-Unis. Et puis, les conditions qui ont été
établies sont des conditions qui ont été librement
négociées. Il y a quand même un certain nombre de points
sur lesquels les employeurs ont refusé d'accéder à
certaines demandes syndicales, mais ils ont dû faire certains compromis
pour arriver à des ententes. le point principal qu'on veut souligner
ici, c'est que, en introduisant dans la législation des aspects
additionnels - et, sur certains de ceux-là, probablement qu'il y a des
employeurs qui ont refusé d'accéder aux demandes syndicales dans
ce sens-là, mais qui ont dû faire des compromis, donc, donner
quelque chose d'autre à la place parce que, en termes
d'efficacité, c'était plus valable - on a déjà des
conventions collectives qui sont très valables. et le point qu'on
voulait souligner, c'est que, en ajoutant des dispositions dans la loi qui
couvrent d'autres aspects, ça va avoir une conséquence
importante: i va définitivement y avoir une augmentation au
niveau des coûts, il n'y a pas de question là-dessus, même
si on est un secteur industriel où déjà les coûts de
main-d'oeuvre sont très élevés. c'est un petit peu la
raison principale pour laquelle on a cette prise de position d'exclure lorsque
c'est possible. ça a été fait, je me souviens, lorsqu'il y
a eu la présentation, je pense que c'est en 1978, de la loi sur les
normes. il y a eu des représentations semblables qui ont
été faites par l'industrie.
Je pense, entre autres, à toute la question
des fêtes chômées payées où le
mécanisme de rémunération des congés prévu
par la loi n'était pas compatible du tout avec ce qui se fait dans nos
propres conventions collectives. Et, là, on disait au
législateur: On a déjà 10 ou 12 congés dans notre
convention collective, vous en prévoyez cinq par la loi et, là,
en plus, vous voulez changer notre façon de rémunérer ces
congés-là de façon à augmenter encore notre masse
salariale en termes de congés. Et puis on a eu dans la loi, une
disposition qui a permis, justement, que l'article 60 de la loi, que cette
section-là ne s'applique pas à ceux qui avaient un nombre de
congés supérieur à celui prévu par la loi.
M. Bourbeau: J'ai de la difficulté à vous suivre
là parce que la Loi sur les normes du travail manifestement est moins
généreuse que les conventions collectives. Ça crève
d'évidence. Vous parlez de 12 congés. On en a 8 dans la toi. Il
est évident qu'on ne veut pas en ajouter. L'intention du
législateur, ce n'est pas de passer de 8 à 12. Manifestement,
ça doit être compris dans les 12. Il y a certainement moyen de
s'entendre là-dessus. J'attends encore. J'aimerais ça que vous
nous donniez un point précis dans votre convention collective ou dans
une convention collective où les avantages sont inférieurs
à ceux de la Loi sur les normes du travail. Il ne doit pas y en avoir
beaucoup, il me semble. Est-ce qu'il y en a?
M. Tremblay (Laurent): On parie de l'avant-projet?
M. Bourbeau: Oui.
M. Tremblay (Laurent): Regardez dans l'avant-projet un point
particulier. Prenons, par exemple, le temps supplémentaire.
M. Bourbeau: II n'y a rien là. On n'a rien encore sur le
temps supplémentaire.
M. Tremblay (Laurent): Est-ce qu'on parie de l'avant-projet de
loi ou si l'on parie de la loi?
M. Bourbeau: De l'avant-projet de loi.
M. Tremblay (Laurent): Dans l'avant-projet de loi, il y a des
dispositions, à titre d'exemple, qui rendent facultatif le temps
supplémentaire, à moins que l'employeur ait informé son
travailleur douze heures à l'avance.
M. Bourbeau: Oui, absolument.
M. Tremblay (Laurent): Ça, c'en est une disposition. Je
pense, entre autres, à la question de la reprise du temps
supplémentaire. Si je regarde, par exemple, les dernières
négociations qu'il y a eu dans le secteur des pâtes et papiers en
1987, c'est un point sur lequel ils se sont toujours opposés à
compenser le temps supplémentaire en temps équivalent parce qu'il
y a des coûts importants là-dedans. Si vous êtes
obligés de compenser votre temps supplémentaire, ça veut
dire que vous avez besoin de plus de main-d'oeuvre. Si vous avez besoin de plus
de main-d'oeuvre, vous avez un coût additionnel au niveau des avantages
sociaux et là...
M. Bourbeau: Mais la loi actuelle n'oblige pas. On dit
simplement: Si les deux parties s'entendent.
M. Tremblay (Laurent): Oui.
M. Bourbeau: II n'y a pas d'obligation.
M. Tremblay (Laurent): À ce moment-là, la question
qu'on se pose, c'est: Pourquoi, si c'est juste applicable lorsqu'il y a
entente, l'a-t-on dans la loi?
M. Bourbeau: Parce que, sans ça, si la loi ne donne pas de
pouvoir...
M. Tremblay (Laurent): Parce que c'est un point important auquel
on s'est toujours opposés. On sait très bien que la loi sur les
normes, qu'on le veuille ou non, même dans les conventions collectives
les meilleures au niveau du Québec, a toujours un impact, a toujours un
effet d'entraînement.
M. Bourbeau: Oui, je comprends, mais regardez, vous nous dites,
si je décode bien ce que vous nous dites: Quand la loi sur les normes va
être plus exigeante que nos conventions collectives, on aimerait qu'elle
ne s'applique pas; exemple, le préavis de douze heures pour du temps
supplémentaire. Tantôt, j'ai cru que vous pariiez du temps
partiel. Je m'excuse, ce n'était pas dans la loi. Bon, c'est le temps
supplémentaire.
Si jamais le législateur en vient à la conclusion que,
oui, dans l'intérêt de la société
québécoise, il faut avoir un préavis de douze heures ou
autre chose, comment pourrait-on l'imposer à tout le monde, sauf
à ceux qui ont des conventions collectives? Il me semble que ça
ne serait pas logique, ni équitable de dire que, parce que les autres ne
sont pas couverts par une convention collective, on va le leur appliquer et,
dans les conventions collectives, on va permettre un régime qui est
moins intéressant pour les travailleurs. Le gouvernement serait assez
mal pris d'avoir deux poids, deux mesures, un poids plus lourd pour les
employeurs qui n'ont pas d'employés syndiqués et un poids plus
léger pour les employeurs qui ont des employés syndiqués.
Il me semble que, dans ces conditions-là, ce serait difficile de le
justifier.
Le Président (M. Joly): M. Landry.
M. Landry (Jean-Pierre): M. le ministre, vous savez très
bien, je pense, comment se déroule une négociation de convention
collective.
M. Bourbeau: Oui, absolument.
M. Landry: On échange des bénéfices pour en
arriver à une entente équitable.
M. Bourbeau: Non, mais ça prend un plancher quelque part.
On ne peut pas commencer...
M. Landry: Et, justement, quand on a obtenu dans une convention
collective, comme dans l'exemple qui a été cité tout
à l'heure, que l'ouvrier, dans le cas où un employé ne se
présente pas dans une opération continue, doive être
là au moins deux heures pour permettre un remplacement pour ne pas
qu'une machine arrête d'opérer, on a donné quelque chose
ailleurs. Si vous regardez une convention collective, H y a toujours une
équité, dans le sens que le syndicat a obtenu quelque chose et a
laissé aller quelque chose.
M. Bourbeau: Oui, je connais très bien.
M. Landry: II ne faut pas s'attendre qu'on mange toutes les
cerises sur tous les gâteaux C'est un peu ce que le projet de loi fait.
On a obtenu beaucoup de cerises sur beaucoup de gâteaux et on dit: II
reste deux gâteaux qui n'ont pas été touchés, allons
chercher ces cerises-là. C'est un peu ce qu'on veut dire quand on dit
qu'une convention, c'est du "give and take" et on pense que, dans les
conventions, les gens ont des éléments qui les couvrent
équita-blement.
M. Bourbeau: Mais, quand le législateur arrive avec une
Loi sur les normes minimales, ce que le législateur va dire, c'est que
ce que vous appeliez des cerises, ce n'étaient pas des cerises;
c'était vraiment le gâteau lui-même. À partir du
moment où on relève le plancher, ça devient quelque chose
de presque obligatoire pour tout le monde. Enfin, je vous fais valoir un point
de vue, mais je comprends très bien que vous me dites que ces
choses-là font l'objet de négociations. Il ne me semble pas qu'on
devrait négocier sur des sujets qui font partie du plancher minimum
à partir duquel on devrait construire la maison. Je comprends
difficilement qu'on puisse dire qu'on va négocier en dessous de ce qu'on
considère le minimum.
M. Ouchesne: Mais je pense, M. le ministre, que, dans ce
processus, cet échange de compensations, si vous voulez, vise aussi
à obtenir des conditions d'opération qui sont optimales tant pour
les employés que pour l'entreprise, donc vise aussi à mettre
l'entreprise dans une position qui, dans notre cas, est une position
concurrentielle vis-à-vis de nos marchés extérieurs. Si
vous appliquez un minimum précisément dans le secteur qu'on
discute présentement, du préavis de deux heures de temps
supplémentaire qui disparaîtrait sans le préavis de douze
heures préalables, la seule solution qui reste à l'entreprise,
à ce moment-là, dans un secteur où on opère de
façon continue pour être capable de vivre avec ça, est une
solution très coûteuse. Ça veut dire que les
syndiqués qui ont accepté ça dans leurs
négociations vont devoir subir des pressions énormes pour perdre
d'autres choses qu'ils ont eues qui représentaient une solution optimale
pour les deux parties. Alors, ils ont échangé quelque chose que,
d'une façon générale, peut-être vous
considérez comme une nonne minimale, mais ils l'ont
échangé pour d'autre chose qui avait plus de valeur pour eux
autres. Là, vous venez de leur dire: Le jugement que vous avez
exercé, il n'est pas bon; nous, comme législateurs, on va exercer
un autre jugement. Peut-être que vous avez raison. Nous, on pense que
c'est mieux de laisser ça tel quel.
M. Bourbeau: Évidemment, il n'est pas dit qu'on ne
pourrait pas respecter les conventions existantes et permettre une
période d'adaptation. On pourrait très bien prévoir qu'une
convention collective en vigueur demeure en vigueur jusqu'à ce qu'elle
soit terminée. Après ça, dans les nouvelles
négociations, ces items-là pourraient être remis en cause.
Mais, je voudrais revenir quand même, pour ne pas passer toute la
période des questions sur ce seul point, à la question du
remplacement du temps supplémentaire par des congés payés.
Vous semblez dire: Bon, pourquoi ne sortez-vous pas ça de la loi
complètement, étant donné que vous dites, dans votre
avant-projet de loi, que, de toute façon, les parties devront
s'entendre? Qu'elles s'entendent et ne le mettons pas dans la loi.
Le problème, c'est que, dans la loi actuelle, on n'a pas le droit
de le faire. La loi actuelle dit, à l'article 55: Tout travail
exécuté en plus des heures de la semaine normale de travail
entraîne une majoration de 50 % du salaire horaire habituel que touche le
salarié." Donc, dans la loi actuelle, il faut payer en argent. On ne
peut pas payer en temps. Alors, si on veut que ce soit permis de le payer en
temps, H faut que la loi donne le pouvoir. C'est ce qu'on me fait valoir, du
côté de nos conseillers juridiques, comme étant la raison
qui ferait en sorte que, dans la loi, on permette cette possibilité
d'échanger du temps supplémentaire contre des congés
payés plutôt que contre des dollars. Je ne sais pas si vous en
venez à la même conclusion.
M. René de Cotret (Maurice): Oui, là-dessus, je
dirais que ce n'est peut-être pas notre point majeur, parce qu'il n'y a
effectivement pas d'obligation de donner du temps de congé pour
remplacer du temps supplémentaire. On mentionnait que nous, on s'est
toujours opposés. Ce n'est pas là notre point majeur. Il n'y a
pas d'obligation. Ça peut avoir un effet d'entraînement sur les
négociations. Par contre, ce qui est regrettable, c'est qu'on fixe un
plancher à temps et demi. Là, on paie présentement du
temps et demi lorsqu'on ne peut pas remplacer en temps le temps qui . a
été pris à un employé pour rencontrer nos besoins.
Bon, on ne lui remet pas de temps; on lui donne donc une compensation
monétaire qui est du demi-temps.
On prévoit, dans le projet de loi, remplacer du temps à
temps et demi maintenant et non pas à temps simple. Il nous semble que,
pour une heure ou une journée de temps qu'on demande à un
employé à notre convenance, lui remettre un congé à
sa convenance en heures équivalentes, c'est tout aussi avantageux pour
lui que ça l'a été pour nous de prendre son temps. On
propose que le temps remplacé soit à temps équivalent et
non majoré à temps et demi parce que, dans la plupart des cas, si
un employé a travaillé pour nous pendant quatre heures et va
recevoir six heures de congé, on va devoir le remplacer par quelqu'un
qui est payé temps et demi, à ce moment-là.
M. Bourbeau: Maintenant, dans vos conventions actuelles, quand on
fait les deux heures dans une journée, est-ce que ce sont deux heures
qui sont payées, quand elles sont payées en argent, à
temps et demi ou à temps simple?
M. René de Cotret: Les deux premières heures, selon
nos conventions collectives actuelles, sont payées à temps
simple.
M. Bourbeau: À temps simple.
M. René de Cotret: Oui.
M. Bourbeau: Donc, évidemment...
M. René de Cotret: Pour du remplacement, seulement dans
ces cas-là. Pas dans les cas de temps supplémentaire
cédulé.
M. Bourbeau: O.K. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, Mme Harel.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je vous salue,
M. Duchesne, et les personnes qui vous accompagnent, de l'Association des
industries forestières du Québec. Est-ce que tous vos membres
sont sujets à des conventions collectives de travail? Si vous pouviez me
donner le taux de syndicalisation et le pourcentage d'employés que vous
représentez.
M. Duchesne: C'est à peu près 100 %, Mme Harel. Il
y a quelques petits membres de l'Association qui sont spécifiquement des
producteurs de bois ou de tout petits employeurs qui ne sont pas
nécessairement régis par une convention collective. Mais on parle
de probablement 90 % des employés.
Mme Harel: Les scieries sont-elles membres, pour la plupart
d'entre elles, de votre Association?
M. Duchesne: Certaines scieries sont membres directement.
D'autres sont membres indirectement par le biais de leur affiliation à
des pa-petières. C'est pour ça que, finalement, une grande partie
de la production, de la transformation de la matière ligneuse est faite
par des membres ou par leurs filiales. (11 h 45)
Mme Harel: Et quel est le pourcentage de main-d'oeuvre
féminine que vous avez dans l'industrie?
M. Duchesne: C'est très faible, madame. Je n'ai pas de
chiffres précis, mais c'est très faible. Il y a quelques
années, j'aurais dit que ça tendait vers zéro. À
l'heure actuelle, il y a une croissance, mais ce ne sont pas de gros
pourcentages. Je ne sais pas s'il y a un de mes collègues qui a des
chiffres chez lui, mais c'est très petit.
Mme Harel: À Donohue, par exemple?
M. Camiré (Viateur): À Donohue, le pourcentage est
effectivement très faible. Je n'ai pas de chiffres exacts, mais...
Mme Harel: Ça comprend le personnel de bureau,
ça?
M. Camiré: Oui. Si on va du côté du personnel
de bureau, autant dans les opérations forestières, les principaux
bureaux près des grands centres, dans les usines aussi, on peut parler
d'un personnel féminin dans une bonne proportion. Mais si on va du
côté des exploitations forestières qui sont en milieu
éloigné, définitivement, à ce moment-là, le
taux est très faible.
Mme Harel: Dans l'usine, au niveau de la production, comme
telle?
M. Camiré: Au niveau de la production, on retrouve un
petit peu de personnel féminin. C'est en croissance,
particulièrement dans les nouvelles
installations, les nouvelles usines qui sont construites. On dirait
qu'il y a un intérêt un peu plus grand du personnel, du
côté des laboratoires, entre autres, et même dans
l'opération de nouveaux départements hautement
automatisés.
Mme Harel: Ça veut dire qu'il n'y a pas encore de
disposition à l'égard de l'équité salariale, par
exemple, à votre connaissance, dans les différentes conventions
signées dans l'industrie.
M. Camiré: Non et je pourrais peut-être faire un
commentaire là-dessus. Dès qu'on parte de convention collective,
on parle d'emplois dont les niveaux sont négociés. Alors, il n'y
a pas lieu de parler d'équité pour le personnel féminin
qui occupe un poste d'opérateur, par exemple, au département de
pâte thermomécanique; que ce soit du personnel féminin ou
masculin, les taux sont fixés à l'avance et les conditions sont
les mêmes.
Mme Harel: Oui, mais l'équité n'est
évidemment pas vue sous cet angle. L'équité, ce sont des
postes non pas nécessairement a salaire égal, travail
égal, comme vous le signaliez, mais à salaire égal pour
travail équivalent. Alors, c'est toute la question du travail
équivalent.
M. Camiré: Oui.
Mme Harel: Mais je reviens à une question de fond. Dans
votre mémoire, vous avez traité six aspects et c'est à peu
près toujours - j'imagine que vous vous en êtes rendu compte -
sous la même formule. C'est-à-dire qu*» vous faites une
proposition et vous avez l'air de vous résigner immédiatement
après, en disant: Si le législateur ne retenait pas cette
proposition, nous demandons au moins que... Je ne sais pas si vous avez
remarqué que, pour les six aspects que vous touchez là, vous avez
quasiment l'air d'être en train de négocier, d'une certaine
façon. Ha, ha, ha!
Je reviens à une question extrêmement importante: Quelles
sont tes dispositions relatives aux congés de paternité, par
exemple, lors de la naissance d'un enfant, dans vos conventions collectives? Y
en a-t-il?
M. Tremblay (Laurent): À l'intérieur des
conventions collectives, des congés de paternité, je ne pense pas
qu'il en existe. Il y a certaines conventions collectives où on retrouve
des congés de naissance, d'adoption...
Mme Harel: Congés de naissance, ça veut dire quoi?
Pour la mère ou pour le père?
M. Tremblay (Laurent): Pour le père.
Mme Harel: Pour le père. Bon, bien, on peut s'entendre sur
les mots. C'est un congé de paternité dans un autre vocabulaire.
Qu'est-ce que vous avez comme disposition?
M. Tremblay (Laurent): Ça existe, mais ce n'est pas
très répandu. On retrouve cette disposition-là surtout, je
pense, au niveau des conventions collectives dans le domaine du sciage. Mais,
lorsqu'on regarde au niveau des exploitations forestières, au niveau des
usines de pâtes et papiers, de telles dispositions n'existent pas. Je
pense que, comme on l'a mentionné dans le mémoire, la principale
raison, c'est que, déjà, à l'intérieur de nos
conventions collectives, lorsqu'on regarde le nombre de congés fixes, le
nombre de congés mobiles, les vacances qui existent et aussi toute la
pratique qui s'est établie à l'intérieur concernant les
permissions d'absence de santé - c'est une autre dimension - ce
point-là n'a jamais été un point important, au niveau des
négociations de conventions collectives.
Mme Harel: C'est intéressant, M. Tremblay, parce que, en
fait, il n'y a pas, actuellement, de congé rémunéré
- c'est bien ça? - pour la naissance. Vous dites: On a d'autres sortes
de congés.
M. Tremblay (Laurent): Sauf dans certains secteurs bien
particuliers et on se réfère au sciage, entre autres.
Mme Harel: Parce que, dans votre mémoire, je pense que
c'est à la page 9, vous dites: II y a bien d'autres congés, les
jours fériés, tes vacances et des congés mobiles. Mais,
évidemment, il n'y a pas de programmation de la naissance. Alors,
l'accouchement, mettons, si le père accompagne la mère de son
enfant, il n'est pas dit que ça va tomber un jour férié ou
pendant une journée de vacances. Dans le fond, je me suis posé la
question, à savoir si les deux côtés, syndicat comme
employeur, n'avaient pas à réexaminer toute la question de la
responsabilité paternelle à l'égard des
responsabilités parentales. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
M. Camiré: II y a certainement un commentaire qu'on se
fait à l'intérieur de l'industrie, c'est que même la loi
existante sur les normes du travail a amené un certain effet
d'entraînement à l'intérieur des négociations. Il y
a certaines nouveautés qui surviennent et ça amène les
parties, justement, à définir ce qu'il va y avoir dans la
convention collective et à s'entendre sur les modalités
d'application.
J'aimerais revenir brièvement sur le commentaire du ministre
Bourbeau qui était très à propos, tout à l'heure,
sur la question minimale. Je voudrais dire que, dans la loi sur les normes
minimales de travail, il y a des aspects monétaires, bien sûr, et
il y a des aspects surtout
normatifs qui sont des procédures de travail où il doit y
avoir entente entre deux parties, entre un employé et son
supérieur immédiat. vous avez sûrement remarqué que,
dans le mémoire des membres de l'aifq, notre préoccupation est
plus importante à ce niveau-là. et c'est justement parce que, au
fil des années, on a su négocier, on a su s'entendre sur la
façon dont on devait vivre ça dans nos opérations
forestières ou nos usines de sciage ou encore de pâtes et papiers.
alors, notre préoccupation était un peu plus à
l'égard des aspects normatifs. du côté monétaire, on
a fait valoir, surtout, que déjà notre enveloppe globale
était intéressante.
Mme Harel: Évidemment, tout ça doit tenir compte
aussi des changements et des bouleversements sociaux. On pense, entre autres,
à l'entrée massive des femmes sur le marché du travail,
à la présence de deux emplois pour maintenir le revenu familial
et au fait que les conventions elles-mêmes ne se sont pas toujours
ajustées à ces nouvelles réalités, à ce
bouleversement des 10 dernières années du marché du
travail. Ce n'est pas étonnant, d'une certaine façon, que les
conventions collectives n'aient pas suivi puisque... Vous devez avoir un
certain nombre de travailleurs assez âgés. Quel est l'âge
moyen dans l'industrie? Enfin, les hommes sont plus longtemps que les femmes en
mesure de faire des enfants, mais ils n'ont pas nécessairement la
même préoccupation.
M. Camiré: Dans les usines de pâtes et papiers, la
moyenne d'âge est certainement de l'ordre d'environ 45. Du
côté des exploitations forestières, peut-être un
petit peu plus près de la quarantaine.
Mme Harel: D'une certaine façon, ça reflète
le fait que c'est difficile pour, peut-être, les jeunes qui, eux, sont en
âge de procréer, de faire introduire dans les priorités de
négociation des dispositions comme celle, par exemple, des congés
parentaux. C'est dans ce sens-là que la société confie
à l'État un certain rôle pour introduire un aspect normatif
qui ne le serait pas si c'était laissé juste à la
disposition des parties.
M. Camiré: Le point le plus spécifique qui touche
à celui que vous avez soulevé, ce sont certainement les
congés mobiles. La majorité de nos conventions collectives ont
des dispositions de l'ordre de quatre à six congés mobiles et il
y a toujours eu beaucoup d'"emphase" mise dans les négociations sur la
notion de congés mobiles qui peuvent être pris pour des cas comme
ceux que vous avez spécifiés.
Mme Harel: À ce moment-là, ça peut
être renégocié comme étant de l'ordre de ces
congés-là, parce que les congés mobiles, j'imagine, ne
sont pas automatiques, c'est-à-dire qu'ils sont laissés à
la décision de l'employeur. C'est bien le cas?
M. Landry: Écoutez, c'est discuté. C'est entendu
entre les deux parties pour faire l'affaire des deux parties. Mais on ne
retient pas un employé pour le plaisir de la chose pendant un
congé mobile. S'il a besoin d'un congé de paternité, c'est
rare que l'employeur, à moins d'une raison très, très
majeure qui devient une exception, n'accordera pas un congé mobile la
journée de la naissance de son enfant.
Mme Harel: Alors, pourquoi ne pas le dire, dans un sens, pour que
tout ça ne soit plus l'objet d'une hypothétique, mais toujours
possible, confrontation? Pourquoi ne pas l'inscrire d'une certaine façon
dans la convention - enfin, je ne veux pas négocier à votre place
des congés mobiles - de manière à préciser
qu'à cette occasion-là ça peut servir, sans même que
ce soit le sujet d'une demande qui pourrait être refusée?
M. Landry: Mais, est-ce que je pourrais vous poser la question?
Est-ce que vous avez des pressions de la part de nos employés qui disent
qu'ils sont, je ne dirais pas maltraités, mais mal compris pour ces
genres de congés, quand on a 12 congés, que la loi en
prévoit six et qu'il y a une flexibilité? Pourquoi, quand les
gens vivent bien en société, ne pas les laisser vivre tel quel au
lieu de vouloir toujours imposer des normes et des règlements? On en a
déjà pas mal.
Mme Harel: M. Landry, j'aimerais bien ça vous
répondre, mais j'ai si peu de temps. Quand le président va
m'arrêter, après ça, je vais vous en vouloir de ne pas
m'avoir permis de poser ma question à M. Duchesne sur les
opérations de façon continue à l'égard du temps
supplémentaire. Moi, personnellement, je crois que c'est
irréaliste, la disposition qui est dans l'avant-pro-jet de loi, mais
pour des raisons peut-être un peu différentes. C'est que ce sont
des mesures protectionnistes qui peuvent nuire. Même si c'est
généreux, finalement, cette disposition du refus du temps
supplémentaire pour un salarié qui a des responsabilités
parentales, ça peut se retourner contre lui à l'embauche et dans
son avancement.
Mais la question est la suivante: Comment font vos collègues de
l'Ontario qui se trouvent à gérer une disposition qui
prévoit que la journée maximale de travail en Ontario, c'est huit
heures, c'est-à-dire la journée au-delà de laquelle on
peut refuser de faire du temps supplémentaire? Et ça, c'est donc
une disposition qui fait partie des normes ontariennes, de même que la
semaine maximale de 48 heures. C'est pourtant dans la même industrie qui
opère de façon continue. Comment gèrent-ils cette norme
d'une journée maximale de huit heures?
M. René de Cotret: Oui. Cette norme-là
prévoit, quand même, que le représentant de
l'employé ou l'employé peut accepter de travailler au-delà
de ces heures-là et il y a beaucoup de conventions collectives qui
prévoient que le temps supplémentaire n'est pas volontaire et
qu'il est requis. Ainsi, le représentant des employés a
accepté que les normes soient allongées.
Mme Harel: Ça pourrait être ia même chose ici.
Alors, vous voulez dire que dans la loi ontarienne, on permet de faire
homologuer des décisions, mais encore faut-il que ce soit retenu, par
exemple, par la Commission des nonnes ontarienne.
M. René de Cotret: On permet aux parties de
négocier autrement. On permet à l'employé ou à son
représentant d'exercer son libre arbitre pour dire: Oui, je veux
travailler plus de 48 heures dans ma semaine ou oui, je peux travailler plus de
huit heures dans ma journée.
Mme Harel: Mais la règle, c'est donc la journée
maximale de huit heures, on en convient, pour l'industrie forestière
également et les parties peuvent disposer d'une autre façon, mais
c'est l'ensemble, si vous voulez, des entreprises qui sont assujetties à
cette règle ontarienne.
M. René de Cotret: La norme est là, mais on permet
aux parties d'y déroger.
M. Duchesne: Comme dans nos conventions collectives au
Québec, on a une journée de travail normale, mais on a convenu
qu'elle pouvait être prolongée de deux heures si le
remplaçant ne se présente pas au moment où il doit. Alors,
on a convenu de ça.
M. René de Cotret: Je voulais revenir en arrière un
petit peu, sur votre dernier commentaire.
Mme Harel: Oui.
M. René de Cotret: Vous dites: Vous pourrez modifier les
conventions pour prévoir que les congés mobiles pourront servir
à ça. Ce qui a des chances d'arriver, en fait, c'est que les
congés mobiles qui sont là sont négociés et que les
congés parentaux prévus à la loi des normes viennent
s'ajouter à ces congés-là, tout simplement. Le message
qu'on fait ici, c'est que, lorsqu'on prévoit, dans des conditions de
travail négociées, un nombre de congés déjà
supérieur à la loi, qu'on a, dans nos conventions, quatre
à six congés mobiles qui peuvent servir à prendre des
congés parentaux, le projet de loi devrait permettre que les gens soient
exclus ou que les congés déjà prévus dans les
conventions, qui excèdent les normes existantes, puissent servir
à écouler ces congés parentaux là.
Mme Harel: Avant de me faire dire par le président, qui
m'envoie des petits messages écrits...
Le Président (M. Joly): C'est déjà dit,
madame.
Mme Harel: ...que mon temps est écoulé, je vais
vous remercier, M. Duchesne et vous tous qui l'accompagnez, et,
évidemment, vous assurer de notre intérêt à offrir,
je pense, à l'ensemble des salariés au moins des conditions
similaires à celles mêmes qui existent chez nos voisins.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Bourbeau: Tout en disant à nos invités de ne pas
partir avec le cafard complet parce que je leur ai posé des questions de
principe sur le fait que les conventions collectives pourraient ou non
échapper à la loi. On va certainement réfléchir
attentivement à ce que vous nous avez dit. Je pense qu'il y a lieu de ne
pas désespérer. On va certainement être très
réalistes dans la confection du projet de loi éventuellement.
Le Président (M. Joly): Alors, à mon tour, au nom
des membres de cette commission, messieurs de l'Association des industries
forestières du Québec, merci d'avoir été parmi
nous, merci bien. Au plaisir. Je vais maintenant demander...
M. Duchesne: Merci de nous avoir invités, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Oui. Est-ce que vous aviez un mot
à dire, M. Duchesne? (12 heures)
M. Duchesne: Juste un petit remerciement.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Au plaisir.
Je vais maintenant demander aux membres de l'Association des
manufacturiers de bois de sciage du Québec de bien vouloir prendre
place, s'il vous plaît. Bienvenue à cette commisssion. Alors,
j'apprécierais si la personne responsable pouvait s'identifier et
identifier les membres qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec
M. Jacques (Gerald): M. le Président, M. le ministre,
membres de cette commission parlementaire, permettez-moi de me
présenter, Gérald Jacques, vice-président de l'AMBSQ,
Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, et
président de Qestofor. Avant de vous présen
ter mes collègues, permettez-moi d'abord de vous remercier au nom
de l'AMBSQ de nous avoir invités à exposer notre point de vue sur
cet important avant-projet de loi qui constitue le recueil des conditions de
travail d'un grand nombre de salariés du Québec.
Les collègues qui m'accompagnent: immédiatement à
ma gauche, André Gauthier, vice-président de Matériaux
Blanchet; également à ma gauche, Aubert Tremblay, directeur du
Service des relations industrielles de l'AMBSQ; immédiatement à
ma droite, Guy Rancourt, président des Industries Rancourt, et Richard
Laçasse, directeur général de l'AMBSQ.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Jacques. Je rappelle
brièvement que vous avez une quinzaine de minutes pour présenter
votre mémoire et un temps semblable peut être imparti aux deux
formations. Je me permets de souligner que je ne permettrai pas de
débordement, dû au fait que nous avons largement
dépassé sur la "cédule" qui nous est prêtée.
Alors, merci et allez, M. Jacques, s'il vous plaît.
M. Jacques: D'abord, permettez-moi de vous dire quelques mots sur
l'AMBSQ. Les membres de l'AMBSQ produisent environ 75 % du bois d'oeuvre
québécois et récoltent près de 60 % de la
matière ligneuse. Leurs activités génèrent plus de
17 000 emplois en usine et en forêt, dont 80 % sont des PME, et leur
contribution à l'économie de chacune des régions du
Québec est capitale sinon vitale pour un bon nombre de
communautés.
Afin d'éviter toute confusion avec la présentation de
l'association qui nous a précédés, nous avons des usines
de sciage qui font partie des deux associations, c'est-à-dire
l'Association des manufacturiers de bois de sciage et l'AIFQ. Nous avons sept
membres qui sont des usines intégrées aux papetières.
Alors, j'aimerais faire la distinction à ce stade-ci.
À ce stade, je demanderais au directeur général de
l'AMBSQ, M. Richard Laçasse, de poursuivre la lecture. À la fin
de la lecture, par contre, je vous demanderais de me diriger les questions,
afin que je puisse les référer aux personnes s'il y a lieu.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Jacques. M. le
ministre, s'il vous plaît.
Mme Harel: Non, non.
Le Président (M. Joly): Excusez! Vous vous
répartisse* le temps. Ah! bon, O.K. Allez.
M. Laçasse (Richard): Merci, M. le Président. Je ne
lirai pas tout le document, je vais vous indiquer les pages que je vais lire ou
les sections de page, parce qu'on déborderait amplement le temps qui
nous est alloué. On va com- mencer à la page 5 du document, les
commentaires généraux.
Les membres de l'AMBSQ souscrivent majoritairement aux principes qui
sous-tendent ou aux faits sur lesquels s'appuient la plupart des amendements
proposés dans cet avant-projet de loi, ce qui n'est cependant pas le cas
du congé parental de longue durée. Ils regrettent toutefois que
les analystes et les rédacteurs aient oublié ou passé
outre certains éléments qui risquent de perturber de
manière importante leurs activités et d'ainsi compromettre les
résultats escomptés, dont l'un des plus importants est sans doute
d'encourager la natalité et de faciliter, par différents moyens
ou conditions, l'accomplissement des devoirs et responsabilités de ceux
ou celles qui ont des enfants. Nous reviendrons sur chacun de ces
éléments de manière spécifique dans la
dernière partie de notre mémoire car nous aimerions d'abord
aborder ce qui nous semble être des oublis importants.
Le caractère universel. Les dispositions de cet avant-projet de
loi ne modifient pas de manière substantielle le caractère
universel de cette loi. C'est ainsi qu'à l'exception de certaines
normes, comme les jours fériés, l'ensemble des employeurs y sont
sujets, même si leurs employés sont couverts par des conventions
collectives dont le contenu normatif et celui relié aux conditions du
travail sont, pour la plupart, largement supérieurs à ceux des
normes minimales édictées. Or, cette forme de superposition des
règles ou normes entraîne des conséquences pour les
employeurs et les salariés et limite leur capacité à
imaginer les solutions qui correspondent à la nature des
problèmes qu'ils ont identifiés; elle contribue également
à alourdir la charge administrative de nos membres et, dans certains
cas, à multiplier les recours.
Tel que nous l'avions exprimé devant la commission Beaudry, nous
proposons, sans mettre en péril le principe de l'universalité par
des mécanismes appropriés, que soient soustraits de l'application
dé cette loi les travailleurs qui sont couverts par une convention
collective et ceux qui seraient couverts par un recueil de conditions de
travail qui comporte des caractéristiques similaires à celles
d'une convention collective.
Les définitions. Alors, le salaire. Dans ce cas, la
référence à la notion "avantages ayant une valeur
pécuniaire dus pour le travail ou les services d'un salarié" nous
cause de multiples difficultés dans le calcul des différentes
indemnités prévues à la loi. Alors, nous croyons que la
référence à cette notion devrait être
abrogée.
Service continu. Cette expression, qui ouvre droit à la plupart
des bénéfices, doit être revue et corrigée de
manière à assurer qu'une seule journée de travail n'ouvre
pas automatiquement droit aux bénéfices trois mois ou soixante
jours de calendrier plus tard: les jours fériés, l'accumulation
de service continu à des fins de
vacances annuelles, etc.
Troisièmement, à la page 7, la fête nationale. Cet
avant-projet de loi ne fait que des modifications de concordance à la
Loi sur la fête nationale. Nous nous permettons donc de revenir sur le
sujet car la plupart de nos entreprises et les salariés qui y oeuvrent
doivent assumer des coûts additionnels absolument non reliés au
fait du jour chômé et payé parce que la fête
nationale doit être chômée à une date donnée
plutôt qu'un jour situé au début ou à lu fin de la
semaine régulière de travail. Or, cette situation est si
inacceptable pour les entreprises et leurs travailleurs que plusieurs, à
la suite d'ententes mutuelles, contreviennent aux dispositions
législatives.
Alors, en conclusion, nous proposons donc que la fête nationale
devienne, à l'exemple de la fête du Travail ou de l'Action de
grâce, un jour fixe situé au début ou à la fin de la
semaine ou que des dispositions permettant de la déplacer un lundi ou un
vendredi soient ajoutées et que le mode de calcul de l'indemnité
pour la fête nationale soit uniformisé à celui des autres
jours chômés et payés.
Alors, à la page 9, analyse spécifique de certains
articles. Alors, l'article 3, paragraphe 6, l'exclusion du cadre
supérieur, on est d'accord avec votre projet, il n'y a pas de
problème. L'article 6, confirmation du rôle de médiation de
la Commission. Là-dessus, on est d'accord, mais à la condition
que la même personne ne soit pas médiateur et adjudicateur.
L'article 14: L'ajout de telles dispositions au paragraphe 51.1 de la loi,
selon la formule proposée, s'avère dans la réalité
quotidienne tout a fait irréaliste et inacceptable. En effet, sauf en de
rares occasions où il s'agit de temps supplémentaire
planifié, les raisons qui nécessitent le travail en temps
supplémentaire seraient encore inconnues d'un employeur au moment
même où H devrait donner un tel avis au salarié. Comment
l'employeur peut-il prévoir douze heures à l'avance l'absence
d'un ou de plusieurs salariés, alors que celui-ci ou ceux-ci ne le
savent même pas et qu'ils ne peuvent, dans la majorité des cas, en
avertir leur employeur que dans les instants qui précèdent ou
suivent le début de leur horaire de travail? Comment l'employeur peut-il
prévoir un bris subi et soudain à l'une de ses pièces
d'équipement qui va nécessiter l'utilisation d'une
capacité de travail additionnelle pour une remise en opération
dans un délai raisonnable et sécuritaire?
Nous comprenons, par contre, les aléas avec lesquels doivent
composer les salariés aux prises avec des obligations parentales.
L'expérience nous a démontré que, dans une grande
majorité des cas, nos employeurs peuvent répondre à ces
différentes obligations de leurs salariés, dans la mesure
où elles peuvent être gérées convenablement. Alors,
une telle gestion convenable suppose, tout au moins, que l'employé
informe son employeur des obligations qu'il a contractées et, par la
suite, de l'évolution de celles-ci. Si les employeurs admettent qu'Rs
doivent tenir compte des obligations parentales de leurs salariés,
ceux-ci doivent, tout au moins, comprendre la réciprocité et
tenir compte de leurs obligations professionnelles dans la gestion de leurs
autres obligations et, au même titre que leurs employeurs, prévoir
des situations d'urgence.
En conséquence, nous sommes d'opinion que, là où
les relations du travail sont sujettes à une convention collective, il
serait préférable de faire confiance aux parties qui, de bonne
foi, avec la connaissance de leur milieu de travail, de leur environnement
social et de leurs obligations solutionneront ces difficultés.
Quant aux entreprises dont les relations avec leurs salariés ne
sont pas régies par une convention collective, cette obligation
d'information devrait être ramenée à trois heures à
l'avance et être assortie, comme moyen de gestion, de l'obligation par le
salarié d'informer au préalable son employeur de ses
obligations.
Article 16. Le remplacement du temps supplémentaire. Nous
souscrivons au principe que le législateur veut enchâsser dans la
toi mais nous ne partageons pas son opinion sur ta manière de le faire.
Nous proposons plutôt que ce remplacement puisse se faire sur la base
d'ententes mutuelles à la demande du salarié ou de
l'employeur.
Article 17. Nous partageons l'opinion du législateur d'ajouter un
jour férié et chômé; nous nous interrogeons
cependant sur les motifs qui limitent aux salariés des
établissements commerciaux au sens de ia Loi sur les heures d'affaires
des établissements commerciaux - alinéa 2, article 60 - le choix
de l'employeur de céduler l'un de ces jours le Vendredi saint ou le
lundi de Pâques. Nous sommes donc d'opinion qu'il serait avantageux pour
l'ensemble des salariés que, dans le cas de ce congé, le choix de
céduler le Vendredi saint ou le lundi de Pâques soit élargi
à l'ensemble de nos employeurs.
Les modifications au deuxième alinéa de l'article 60 pour
couvrir tous les salariés de l'établissement concerné
devraient être amendées pour y lire: Ni un autre salarié du
même établissement qui bénéficie aussi du même
nombre de congés prévus dans cette convention ou ce
décret.
À la page 14, l'article 21. La durée des congés
annuels. Cet avant-projet de loi propose d'allonger graduellement la
durée des congés annuels à trois semaines après
cinq années de service. Nous aurions vraisemblablement peu de motifs de
ne pas y souscrire si notre examen se limitait aux conditions qui
prévalent dans une importante partie de notre secteur qui regroupe
principalement les usines de bois d'oeuvre résineux à haut volume
de production, lesquelles sont principalement situées dans la partie
nord du Québec, de l'est à l'ouest. Ce serait malheureusement
faire abstraction de la réalité tout à
fait différente des petites usines de transformation des
résineux et des unités de transformation de bois dur dont le
contexte socio-économique, l'organisation du travail et la technologie
sont très différents.
S'il est vrai que nous ne retrouvons que peu d'employeurs dans notre
secteur dont les salariés doivent avoir complété dix
années de service pour l'obtention d'une troisième semaine, il
est également vrai que c'est un petit nombre seulement qui accorde
à leurs salariés trois semaines après cinq ans; les
autres, la majorité, se ; situent quelque part entre six et neuf ans
avant d'accorder une troisième semaine de vacances.
En conséquence, nous croyons qu'il serait sage de limiter
l'amélioration de ce bénéfice à une
troisième semaine après huit années de service.
Article 23. Nous avons déjà fait part de notre
désaccord sur le maintien de l'indemnité afférente au
congé annuel par la suite de l'absence d'un salarié pour cause de
maladie ou d'accident, ou en congé de maternité. Notre opposition
est toujours la même, surtout qu'on y ajoute le congé parental
n'excédant pas 20 semaines.
L'article 29. Au niveau des congés familiaux. Alors, pour la
naissance ou l'adoption, nous sommes favorables à l'article 81.1 qui
ouvre droit à un congé au conjoint de la mère à
l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant. Nous émettons
cependant des réserves sur le nombre de jours
rémunérés, deux, et la durée totale de jours, cinq,
qu'il serait, à notre avis, approprié de ramener respectivement
à un et trois.
Nous proposons donc que les dispositions relatives aux congés de
naissance ou d'adoption soient révisées et permettent un
congé d'une durée de trois jours fractionnables en
journées dont l'un rémunéré.
Alors, deuxièmement, c'est aux pages 15 et 17. Obligations
reliées à la garde, à la santé ou à
l'éducation de son enfant mineur.
Nous ne discuterons pas ici des obligations qu'entraîhent à
l'un ou l'autre des parents, et parfois simultanément aux deux, les
enfants d'âge mineur car nous en sommes persuadés. Ce qu'il nous
faut regarder, c'est la pertinence d'introduire dans la législation un
tel congé en fonction de la nature de ces obligations et des
possibilités qu'offre l'organisation sociale actuelle pour les remplir
même si de plus en plus les deux parents se retrouvent sur le
marché du travail. (12 h 15)
Bien sûr, il y aura toujours des cas d'exception ou des cas
d'urgence. Mais est-il besoin d'une législation pour les solutionner?
Nous ne le croyons pas. Faut-il se rappeler également qu'aucune
législation au Canada n'a introduit de telles dispositions et que peu de
nos conventions collectives contiennent des dispo- sitions spécifiques
à ce sujet? Cependant, si le législateur ne retenait pas nos
arguments et décidait de maintenir ces dispositions, il devrait
prévoir que ces congés, comme tout autre élément de
nos conditions de travail, doivent être gérés et, à
ce titre, ce droit doit être assorti de l'obligation du salarié
d'informer son employeur au moins deux jours à l'avance de son absence
à moins de cas d'urgence.
En résumé, nous nous opposons à l'introduction de
telles dispositions. Cependant, s'il devait en être autrement, ce droit
devrait être assorti des obligations ci-haut énoncées et,
en aucun cas, il ne devrait s'ajouter à d'autres formes de congé
existantes pour les mêmes motifs, tels les banques d'heures, les
congés mobiles, etc.
À la page 18, le congé parental. Nous ne pouvons souscrire
au principe de l'adoption d'un congé parental de longue durée.
Cette opposition ne signifie pas cependant la négation d'une politique
favorisant la natalité ou l'adoption, mais nous favorisons davantage
l'approche de l'amélioration du congé de maternité et nous
croyons que les amendements à la législation
québécoise devraient davantage s'inspirer des modifications que
propose d'apporter à ce chapitre le législateur
fédéral par le projet de loi C-21 amendant la Loi sur
l'assurance-chôma-ge. En effet, si ce projet de loi actuellement devant
le Sénat devait être adopté, il porterait à 30 le
nombre de semaines de prestations possible dont un certain nombre pourraient
être payées à l'un ou l'autre des parents.
Le Président (M. Joly): Un minute, M. Laçasse.
M. Laçasse: Avis de cessation d'emploi et de mise à
pied de six mois ou plus. Nous proposons que le texte soit modifié en
changeant "sauf dans le cas d'une entreprise à caractère
saisonnier" par "sauf s'il détenait un emploi à caractère
saisonnier".
L'article 47, à la page 21. En conclusion, que vous trouverez
à la page 22, nous sommes d'opinion que les arbitres de grief qui sont
habitués à disposer des dossiers de cette nature continuent de le
faire et que, dans les cas où le salarié ne pourrait
lui-même acquitter les honoraires de cet arbitre, ils pourraient
être acquittés par la commission si ce salarié était
admissible à l'aide juridique. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Laçasse. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je peux assurer les
représentants de l'Association des manufacturiers de bois de sciage que
leur mémoire a été lu et relu, scruté et
analysé par
le gouvernement, par les fonctionnaires, par les députés
et moi-même, l'Opposition, et que, même si vous n'avez pas eu le
temps de lire tout le mémoire, nous, on l'a déjà lu
à plusieurs reprises.
Je reviens sur la philosophie de base de la Loi sur les normes. Je
conçois que, pour des industries bien structurées avec des
conventions collectives négociées régulièrement, on
considère dans certains milieux qu'on n'a peut-être pas besoin
d'une loi comme celle-là pour assurer la sécurité des
travailleurs. Le problème, c'est que les travailleurs ne sont pas tous
aussi bien organisés dans toutes les entreprises que chez vous,
possiblement, chez les vôtres et dans certains cas, même quand H y
a un syndicat, parfois le rapport de forces n'est peut-être pas toujours
le même partout, et c'est pour ça qu'on doit
légiférer en fonction peut-être de ceux qui sont les
faibles. Et, dans ce cas-là, ça n'apparaît peut-être
pas toujours aussi essentiel dans les grosses compagnies ou dans les gros
syndicats.
L'article 74 de la loi actuelle garantit à la femme
salariée qu'après un congé de maternité elle ne
sera pas pénalisée quant à sa paie de vacances. Or vous
demandez d'abroger cette disposition, si j'ai bien compris. Ne trouvez-vous pas
que ce serait inéquitable d'abroger l'article 74 pour les femmes qui
doivent s'absenter pour mettre au monde un enfant?
M. Tremblay (Aubert): Est-ce que vous vous référez
à l'article 74 ou à l'indemnité afférente au
congé annuel?
M. Bourbeau: Oui, à l'article 74 qui dit: "Si un
salarié est absent pour cause de maladie ou d'accident ou en
congé de maternité durant l'année de
référence et que cette absence a pour effet de diminuer son
indemnité de congé annuel, il a alors droit à une
indemnité équivalente, selon le cas, à deux ou trois fois
la moyenne hebdomadaire du salaire gagné au cours de la période
travaillée."
M. Tremblay (Aubert): Vous nous donnez l'exemple, M. le ministre,
de la personne en congé de maternité. Depuis le tout
début, depuis l'histoire de la Loi sur les normes, si on relève
la position qui a été adoptée par nos membres lors du
mémoire qu'ils avaient déposé, en 1979, ils
s'étaient opposés à cette forme de
rémunération des congés, la croyant inéquitable
à l'égard des salariés qui, eux, devaient passer huit,
neuf, dix ou douze mois à l'intérieur des entreprises pour,
finalement, bénéficier d'une rémunération, parce
qu'on parle carrément d'une rémunération... Alors, c'est
une question d'équité à l'égard des salariés
qui sont à l'emploi pendant toute la période annuelle; c'est le
principal motif pour lequel on croit toujours que cette disposition-là
devrait être modifiée.
M. Bourbeau: Dans la société en
général, on considère que, quand une femme s'absente pour
cause de maternité, elle ne s'en va pas en "party", dans le fond, ce
n'est pas... Elle ne va pas s'amuser, là. Il me semble que c'est une
sorte de travail aussi que de mettre au monde... Je ne sais pas, moi, je ne
l'ai jamais fait personnellement, mais ça ne m'apparaît pas
être de tout repos.
M. Tremblay (Aubert): On ne croit pas non plus, M. le ministre,
qu'elle soit en "party" à l'occasion de son absence pour cause de
maternité. Mais il y a des choix qu'il faut faire aussi. Alors, comment
faire comprendre aux autres salariés? Parce que là on parle de
congé de maternité, mais il faudrait parier de toutes sortes
d'autres motifs, parce que l'article 23, c'est-à-dire l'article 74, ne
couvre pas seulement le congé de maternité, on parie de cause de
maladie ou d'accident. Il y a toutes sortes d'autres avantages sociaux dans les
entreprises qui couvrent ces éléments-là qui sont relatifs
aux maladies et aux accidents.
M. Bourbeau: En ce qui concerne la compensation du temps
supplémentaire, l'article 55 prévoit déjà l'accord
entre les deux parties pour la compensation, le temps supplémentaire en
congés payés. À quoi référez-vous dans votre
mémoire pour affirmer que l'employeur et l'employé perdraient,
tous deux, des avantages en cas d'une majoration de 50 % du temps
travaillé lors d'une compensation en congés?
M. Tremblay (Aubert): C'est-à-dire qu'on est d'accord avec
l'introduction... Ce qu'on vous recommande de faire, c'est que le temps qui
doit être compensé soit compensé à temps simple.
Parce que, pour l'employeur...
M. Bourbeau: À temps simple.
M. Tremblay (Aubert): À temps simple plutôt
qu'à temps et demi.
M. Bourbeau: Oui, oui.
M. Tremblay (Aubert): Pourquoi? C'est que, pour l'employeur, si
on doit compenser à temps et demi, on en perd une grande partie, de cet
avantage-là, aussi bien de le rémunérer si on doit le
compenser en temps et demi. Alors, on pense que le fait de le compenser en
temps et demi va faire en sorte que les employeurs vont éviter d'en
compenser ou vont en compenser moins, de sorte que les salariés qui, je
pense, dans certains cas, pourraient avoir des avantages à obtenir du
temps compensé vont perdre ce bénéfice-là. >
M. Bourbeau: au sujet des définitions, la définition du
salaire, vous pariez de difficultés
particulières que vous avez dans la définition actuelle du
terme "salaire". Pourriez-vous élaborer sur ces
difficultés-là?
M. Tremblay (Aubert): C'est par rapport à la
référence à la notion "ayant une valeur
pécuniaire". Il y a des dispositions de l'avant-projet de loi qui ont
réglé la difficulté, notamment par rapport à
l'article 61, sauf qu'à d'autres endroits, lorsqu'on parle de salaire
horaire habituel, eh bien, il faut référer à la notion de
salaire qui, elle, dit: ..."doit considérer des avantages ayant une
valeur pécuniaire". Ça veut dire quoi, des avantages ayant une
valeur pécuniaire? Prenons l'exemple de nos travailleurs forestiers pour
qui la Loi sur les normes ferait en sorte qu'on doive facturer seulement 16,95
$ par jour pour les repas, pour la pension. Est-ce que ça veut dire que,
dans le calcul d'un congé ou d'une indemnité qui est
prévue par cette loi-là, on doit considérer la valeur
additionnelle, le coût total de la pension comme valeur pour le calcul de
cette indemnité-là? Alors, c'est ce type de difficultés
là auquel on réfère lorsqu'on parie de difficultés
avec la référence à la notion "ayant une valeur
pécuniaire".
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, il me fait
plaisir de vous saluer, M. Jacques, et les personnes qui vous accompagnent.
Évidemment, il y a toujours un arbitrage, c'est assez passionnant lors
d'une commission parlementaire, on entend un point de vue et son contraire,
d'une certaine façon, et l'arbitrage, c'est entre ce qui est souhaitable
et ce qui est réalisable, en ne perdant pas de vue les nouvelles valeurs
qui veulent s'exprimer dans la société. Prenant connaissance de
votre mémoire, il ne s'éloigne pas beaucoup, en fait, pour vous
dire la vérité - ça vous ne le savez peut-être pas
parce que vous n'avez pas lu les autres, comme nous - du point de vue
exprimé par, finalement, les organisations qui représentent des
entreprises, bien que le Conseil du patronat, étonnamment, favorisait -
je crois ne pas me tromper en vous le signalant - le paiement en temps
supplémentaire. Mais j'imagine que chaque entreprise a ses
particularités dont vous allez sûrement nous parler.
C'est à la page 19 que, moi, je voulais attirer l'attention de la
commission et puis profiter de votre expertise dans votre industrie pour en
connaître un peu plus sur tout l'avis de cessation d'emploi. D'une
certaine façon, ça vous est comme spécifique. Vous donnez
un exemple qui fait assez bien comprendre les difficultés
d'interprétation qui peuvent se présenter. Entre autres, vous
nous dites que l'entreprise, par exemple, de sciage, qui opère, sur une
base annuelle, des activités de transformation, peut opérer sur
une base saisonnière des activités, par exemple, liées
à la récolte de la matière première. Et vous dites:
Selon notre compréhension de ce qui est proposé, "cette
entreprise... n'ayant pas un caractère saisonnier serait donc sujette
aux préavis, même pour ses activités de nature
saisonnière, alors que si elle confiait en sous-traitance ses
activités saisonnières l'entreprise sous-traitante
bénéficierait de l'exception" prévue par la loi.
Peut-être pouvez-vous, parce que c'est, finalement, la
première fois qu'on aborde cette question en commission, depuis le
début de nos travaux, élaborer sur ce qui fait la
spécificité, dans une certaine mesure, de votre industrie.
M. Jacques: Je vais demander à M. Guy Rancourt de bien
vouloir élaborer sur le sujet. Il vit très exactement le
même phénomène chez lui, actuellement.
M. Rancourt (Guy): Disons que ce sont des problèmes que
nous avons dans notre industrie, qui est basée sur un marché qui
varie constamment et, de plus, qui a des opérations qui varient en
fonction des saisons, des températures. Les marchés varient en
fonction des intérêts et toutes sortes de choses. Donc,
nécessairement, ce qu'il faut se faire... et, en plus, vu que je suis
sur la ligne, ce qu'on appelle la ligne entre le Canada et les
États-Unis, on opère avec des Américains qui ont aussi des
changements épouvantables de livraison de bois en fonction des
problèmes qu'ils peuvent avoir.
Eux autres, ils commencent par livrer leur bois à leurs usines
qu'ils ont aux États-Unis avant de nous en livrer, des fois, au
Québec. Ça m'est arrivé justement au mois de novembre;
alors qu'on recevait environ 50 camions par semaine d'une compagnie
américaine à cause d'un manque de bois dans une usine
américaine, ils ont arrêté de nous en livrer. Donc, on a
fermé un chiffre en fonction de ça pour faire face à la
situation. On ne pouvait pas trouver le bois ailleurs. Donc,
nécessairement, ce qu'on se demande c'est: Est-ce qu'on perd du bois
pour six mois, pour moins de six mois ou plus de six mois, en fonction de
problèmes comme tels?
La seule chose que Ton espère, c'est qu'on ne doive pas, à
cause des problèmes que l'on vit, soit en ce qui concerne la
récolte, le planage de bois sur une deuxième ou une
troisième équipe en fonction des besoins dans les mois de mai
à octobre ou de mai à août, la coupe de bois, etc., trouver
une solution en ce sens que, quand on engage un gars, on lui donne en
même temps un préavis pour les prochains six mois, renouvelable
constamment. On veut éviter d'être obligés de donner
déjà, au gars qu'on engage, en fonction des marchés ou en
fonction des problèmes, une autre feuille de papier comme quoi on n'a
pas d'affaire à lui donner une pénalité. Donc, si on
vous donne, en entrant, une pénalité, si on vous dit qu'on
vous donne un préavis, probablement que votre moral va être
à la baisse. Vous allez regarder pour vous trouver un emploi ailleurs,
votre production va baisser et on va avoir énormément de
problèmes. Donc, ce que l'on veut, c'est trouver une solution qui soit
beaucoup plus favorable pour avoir une bonne production. Mais on a des
éléments dans lesquels ce n'est pas nous qui sommes les acteurs
principaux. On doit vivre avec.
Mme Harel: M. Rancourt, juste un petit aparté: Est-ce que
vous engagez juste des gars?
M. Rancourt: Je n'ai aucune personne féminine. Ha, ha,
ha!
Mme Harel: Et c'est parce que... Quels sont les critères
d'embauché? (12 h 30)
M. Rancourt: J'ai une usine de sciage à forfait et,
sûrement, je n'ai pas besoin de bureaucratie comme telle, etc.
Mme Harel: Ah, parce que vous pensez que les femmes ne peuvent
être utiles que dans le bureau?
M. Rancourt: Non. J'ai toujours des femmes à mon emploi
mais, actuellement, je n'en ai pas.
Mme Harel: Bon, écoutez...
M. Rancourt: J'ai même eu des femmes qui ont
travaillé sur le moulin comme tel.
Mme Harel: Sur le moulin. À ce moment-là, c'est
vraiment un problème d'approvisionnement. Est-ce que le problème,
c'est un problème d'approvisionnement?
M. Rancourt: C'est un problème d'approvisionnement comme
c'est un problème de marché. Il n'y a pas beaucoup de
construction en hiver. Donc, nécessairement, on doit opérer
certaines parties d'équipement en temps double dans un certain temps.
C'est un peu ce que plusieurs ont. Il y a beaucoup de petits moulins aussi qui
opèrent environ six mois par année, O.K., des moulins, comme on
dit, qui ne sont pas fermés. Ce sont des moulins ouverts. Alors,
à moins 30, les gens préfèrent fermer leurs usines parce
qu'elles sont toujours brisées et que les employés gèlent.
Donc, on travaille, on rentre, on travaille six mois par année.
Mme Harel: Qu'est-ce que vous recommandez? Je ne sais pas si M.
Jacques ou M. Rancourt... Qu'est-ce que vous recommanderiez par rapport
à votre industrie?
M. Jacques: Dans le mémoire, ce qu'on recommande
principalement, c'est que les emplois soient considérés comme
saisonniers et non pas l'entreprise comme saisonnière. Alors, en
considérant les emplois comme saisonniers, à ce moment-là,
je pense qu'on éliminerait la difficulté de l'avis de six mois,
en ayant un emploi saisonnier. Étant saisonnier, l'emploi ne
nécessite donc pas d'avis de cessation de six mois.
M. Tremblay (Aubert): J'ajouterais, Mme Harel...
Mme Harel: Alors, avant l'embauche.. Excusez.
M. Tremblay (Aubert): ...que ce ne sont pas tous les emplois qui
sont saisonniers. Sauf qu'on dit: Si on change la notion d'entreprise par celle
d'emploi, les emplois, qu'on a dans nos entreprises, qui sont à
caractère saisonnier seront exclus. On a quand même grandement
amélioré les dispositions de cet article avec cet avant-projet de
loi là. Il est déjà beaucoup plus vivable. Si on change la
notion d'entreprise par la notion d'emploi, on pense, nous, qu'on sera capables
de vivre avec.
Mme Harel: O.K.
Le Président (M. Joly): Merci, madame.
Mme Harel: Alors, M. le Président me presse de vous dire
merci et surtout de terminer là notre échange. Merci pour cette
contribution aux travaux de la commission.
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette
commission, on vous remercie d'avoir apporté un éclaircissement
aux questions posées. Je vous souhaite un bon voyage de retour.
Maintenant, je vais demander aux gens représentant la Corporation des
marchands de meubles du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette
commission. C'est un double plaisir pour moi en reconnaissant le
président de cette corporation, M. Vaillancourt, un résident de
la ville de Laval et un homme bien actif. Alors, M. Vaillancourt, je pense que
c'est à vous qu'incombe le loisir de présenter les membres qui
vous accompagnent.
Corporation des marchands de meubles du
Québec
M. Vaillancourt (Paul): Bonjour, M. le Président. Je vous
remercie de votre présentation. Je voudrais vous présenter,
à ma droite immédiate, M. André Branchaud, qui est le
vice-président de la Corporation des marchands de meubles du
Québec; complètement à gauche, M. Pierre Brisson, qui est
un administrateur de la
Corporation, M. Clément Boisvert, marchand membre de
Trois-Rivières, qui est aussi un de nos membres, et mon directeur
général, M. Yves Varin.
Le Président (M. Joly): Merci. Vous avez une quinzaine de
minutes pour présenter votre mémoire. Après, nous...
M. Vaillancourt: On va faire ça de la façon la plus
brève possible.
Le Président (M. Joly): De la façon la plus concise
possible.
M. Vaillancourt: Alors, M. le Président, MM. et Mmes
membres de la commission des affaires sociales, au nom de la Corporation des
marchands de meubles du Québec et de ses 500 membres, mes premiers mots
sont d'abord pour vous remercier de nous avoir Invités à
participer à cette consultation générale aujourd'hui.
À ces remerciements s'ajoute, évidemment, ce vif
intérêt qu'ont les marchands de meubles du Québec
d'apporter leur contribution à cette commission dont les orientations
sont d'une importance capitale pour le maintien et le développement du
commerce du meuble au Québec, pour le commerce au détail en
général et également pour les milieux industriels.
Vous conviendrez sûrement avec nous, M. le Président, de
cette nécessité d'établir, dans les rapports collectifs de
travail, un certain équilibre fondé sur cette volonté de
voir évoluer les conditions de travail au même rythme que
l'évolution des entreprises. Nous sommes sûrs que, si les membres
de cette commission et les directions d'entreprises adoptent cette philosophie
de pensée, tous, en général, milieux industriels,
commerciaux, syndicaux, gouvernementaux et du travail, profiteront de ce climat
de travail productif et valorisant.
Nous aimerions, dans les quelques minutes qui vont suivre, vous faire
part des remarques des 500 marchands membres de la Corporation concernant
l'avant-projet de loi, Loi modifiant ia Loi sur les normes du travail et
d'autres dispositions législatives. Pour y arriver, nous
énoncerons, dans un premier temps, d'une façon
générale, certaines préoccupations de nos marchands
membres portant sur la Loi sur tes normes du travail. Par la suite, nous
commenterons, article par article - il y en a 18 que nous commenterons, M. le
Président - l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les normes du
travail et d'autres dispositions législatives, pour ensuite donner une
brève conclusion de notre travail.
Au chapitre II, à l'introduction. Depuis quelques années,
l'économie québécoise subit des transformations profondes
dues à plusieurs facteurs: ralentissement de la croissance
démographique, vieillissement de la population, phénomène
d'urbanisation de plus en plus pous- sée, importantes modifications
apportées à la structure familiale, hausse progressive du nombre
de ménages, réduction de la taille des familles, accroissement du
nombre de familles monoparentales et accroissement du nombre de femmes sur le
marché du travail qui entraînent l'abandon du
stéréotype traditionnel de la femme, etc. Tous ces facteurs
conjugués et toutes ces transformations économiques et sociales
doivent être accompagnés de mesures législatives qui
évoluent au rythme de cette évolution, en tenant compte aussi du
contexte économique général qui ralentit les
dépenses de consommation au Québec. La Corporation des marchands
de meubles du Québec entend aborder l'étude de cet avant-projet
de loi modifiant la Loi sur les normes du travail dans cette optique.
Les conventions collectives. Dans la mesure où les objectifs
mêmes de la Loi sur les normes du travail et de l'avant projet de loi sur
de telles normes aujourd'hui à l'étude sont de mettre à
jour les normes édictées en 1979, en même temps que de
bonifier les conditions minimales de travail tout en réduisant, dans la
mesure du possible, le nombre de personnes exclues de ces normes, vous
comprendrez que la Corporation des marchands de meubles du Québec ne
peut accepter de chevauchements législatifs. Dans ce sens, la Loi sur
les normes du travail ne doit pas s'appliquer, à notre avis, lorsque les
rapports collectifs de travail sont régis par une convention à
l'intérieur de laquelle des modalités différentes de
celles énoncées dans la Loi sur les normes du travail et ses
règlements ont été négociées.
Donc, d'une façon générale, toute loi et tout
règlement régissant les relations de travail, les conditions de
vie au travail, la sécurité et la réparation des accidents
de travail ou autrement doivent avoir la préséance sur la Loi sur
les normes du travail.
Nous convenons tous qu'en assujettissant à la Loi sur les normes
du travail les entreprises déjà couvertes par une convention de
travail le législateur se superposerait aux parties contractantes, ce
qui, avouons-le, n'est pas tout à fait son rôle. D'autant plus
que, dans l'ensemble, les salariés régis par une convention
collective jouissent de conditions de travail plus généreuses que
celles exigées dans la Loi sur les normes du travail et ses
règlements.
Au niveau des vacances annuelles et de l'indemnité
afférente à ces vacances, l'actuelle Loi sur les normes du
travail détermine, à l'article 74, comme indemnité
afférente au congé annuel, 4 % ou 6 % du salaire brut. Si une
personne est absente de son travail pour cause de maladie, d'accident ou encore
un congé de maternité durant une année de
référence et que cette absence a pour effet de diminuer son
indemnité de congés annuelle en fonction de la Loi sur les normes
du travail, le salarié a alors droit à une indemnité
équivalente au salaire
présumément gagné au cours de la période
travaillée. Payer du salaire à une personne absente de son
travail nous apparaît abusif et injuste pour les autres salariés
qui ont travaillé pour l'entreprise pendant toute l'année. En
conséquence, cet article devrait être amendé.
Le double emploi législatif concernant l'actuelle Loi sur les
normes du travail et la Loi sur la santé et la sécurité du
travail. L'article 122 de l'actuelle Loi sur les normes du travail interdit
à un employeur de congédier, de suspendre ou de déplacer
un salarié "pour la raison qu'une salariée est enceinte". Nous
tenons à souligner qu'une telle disposition est prévue dans la
Lot sur la Santé et la Sécurité du travail et qu'en
conséquence cette disposition devrait être abrogée.
Il y a aussi la non-concordance législative concernant les jours
fériés, chômés et payés. Les heures
d'ouverture des établissements commerciaux sont régies par la Loi
sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Les
modifications apportées à cette loi, en date du 15 août
1984, permettent aux établissements commerciaux d'ouvrir à la
fête de Dollard ou fête de la Reine et le deuxième lundi
d'octobre ou jour de l'Action de grâce. Par ailleurs, le règlement
sur les normes du travail, en vertu du décret 873-81 et modifié
par le décret 1394-86, décrète la fête de Dollard ou
fête de la Reine et le deuxième lundi d'octobre ou jour de
l'Action de grâce comme jours fériés, chômés
et payés. À notre avis, il y aurait lieu d'abroger le
décret 1394-86 de façon qu'il y ait concordance
législative entre la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux et la Loi sur les normes du travail. Nous
discuterons plus à fond de ce sujet ultérieurement.
La Loi sur la fête nationale. Le 24 juin, jour de la fête
nationale, est déclaré jour férié et
chômé en vertu de la Loi sur la fête nationale, sauf lorsque
le 24 tombe le dimanche; dans ce cas, le 25 est un jour chômé. Il
existe une similitude à ce sujet entre la Loi sur les heures d'affaires
des établissements commerciaux et la Loi sur la fête nationale.
Lorsque le 24 juin tombe un jour de semaine, la productivité des
entreprises commerciales et industrielles se trouve considérablement
ralentie. À notre avis, le jour de la fête nationale, de
même que, le cas échéant, celui du 1er juillet, devrait
être déclaré férié le premier lundi suivant
le 24 juin ou, le cas échéant, le premier lundi suivant le 1er
juillet.
La semaine normale de travail. Malgré le fait que l'avant-projet
de loi modifiant la Loi sur les normes du travail est caduc sur la question de
la durée de la semaine de travail, les membres de la Corporation des
marchands de meubles du Québec demandent de maintenir la durée de
la semaine normale de travail telle qu'actuellement prévue dans
l'actuelle Loi sur les normes du travail. Certains groupes de pression tentent
de réduire la semaine normale de travail tout en maintenant le salaire
brut horaire ou à la semaine payé aux travailleurs. Cette
phlosophie nous apparaît indéfendable, utopique, non fondée
et contraire aux exigences économiques actuelles et celles qui sont
prévisibles. La faible productivité des commerces et industries
au Québec et la fragilité de ceux-ci ne méritent pas
d'être affaiblies davantage.
Au niveau du cumul des recours, en aucun cas, la Loi sur les normes du
travail ne devrait permettre le cumul des recours, soit à la Commission
de la santé et de la sécurité du travail, soit à la
Commission des droits de la personne du Québec, ou soit en vertu d'une
convention collective. Un article omnibus devrait préciser que le cumul
des recours est impossible.
M. le Président, je laisse M. André Bran-chaud vous donner
la lecture des 18 articles tantôt mentionnés.
M. Branchaud (André): m. le ministre, m. le
président, je vais vous lire seulement les articles sur lesquels la
corporation est en désaccord, puisqu'on n'a pas beaucoup de temps.
Article 2. À notre avis, vouloir soumettre, en partie seulement,
les employés de certains organismes du gouvernement aux exigences de la
Loi sur les normes du travail écorche le principe de base poursuivi par
les autorités gouvernementales: établir des conditions minimales
de travail pour l'ensemble des travailleurs.
Les marchands de meubles du Québec se questionnent sur les
raisons qui motivent le gouvernement à continuellement vouloir se
soustraire de ses propres lois.
Article 3. Au paragraphe 6 de cet article de l'avant-projet, H est
prévu que la Loi sur les normes du travail ne s'appliquera pas à
un cadre supérieur, sauf en ce qui a trait aux vacances, aux
congés parentaux, telle la naissance ou l'adoption d'un enfant, aux
journées d'absence reliées à la santé et à
l'éducation de son enfant mineur, à la maternité, la
paternité ou l'adoption. Nous sommes d'accord avec le fait d'exclure les
cadres supérieurs de la Loi sur les normes du travail. Nous l'avions
évoqué, en 1984, au moment de la présentation de notre
mémoire portant sur la réforme du Code du travail. À notre
avis, il serait plus approprié de formuler le paragraphe 6 de l'article
3 comme suit: La présente loi ne s'applique pas "à un
salarié au sens du Code du travail sauf en ce qui a trait aux normes
visées à l'article 81.1 et, lorsqu'il est relatif à l'une
de ces normes..."
Article 6. Par cet article, le gouvernement se donne un rôle de
médiation dans les différends entre employeurs et employés
soumis à l'application de la présente loi et de ses
règlements. Nous sommes d'accord avec ce rôle de :
médiation. Toutefois, nous refusons de donner à i la Commission
un rôle d'arbitre des différends. Il i va de soi que ce rôle
de médiation n'appartienne
pas à des fonctionnaires qui travaillent à
l'intérieur de la Commission, tel que le prévoit l'article 44.3
de cet avant-projet de loi. (12 h 45)
Article 9. Ajouter une pénalité de 5 % au montant du
prélèvement dû à la commission nous apparaît
une mesure punitive, contraignante et non raisonnable. Cet article devrait
être revu et rendu plus raisonnable.
Article 14. Cet article prévoit qu'un salarié ayant des
obligations reliées à la garde, à la santé ou
à l'éducation de son enfant mineur peut refuser de travailler
après ses heures régulières de travail, sauf si son
employeur l'a avisé au moins douze heures à l'avance que ses
services seraient requis. Cet article est, à notre avis,
irréaliste, inapplicable. Comment un employeur qui n'a à son
emploi que deux employés peut-il donner un préavis de douze
heures en cas d'absence d'un employé ou encore une maladie? Nous sommes
d'avis que les véritables solutions à ces problèmes
possibles résident dans les ententes entre les parties et non pas dans
une loi. Nous croyons, sur ce point, que le gouvernement va trop loin.
Article 16. Cet article modifie en additionnant à l'article de la
présente Loi sur les normes du travail ce qui suit: "Malgré le
premier alinéa, l'employeur peut, à la demande écrite du
salarié, remplacer le paiement des heures supplémentaires par un
congé payé d'une durée équivalente aux heures
supplémentaires effectuées, majorée de 50 %." Les membres
de la Corporation se disent d'accord avec le principe de remplacement des
heures supplémentaires par un congé, mais en désaccord,
toutefois, avec le fait de ne faire un remplacement qu'à la demande
écrite du salarié. En désaccord aussi avec le fait de
majorer les heures supplémentaires de 50 %. Nous considérons que
l'actuel article 55 de la Loi sur les normes du travail portant sur les heures
supplémentaires répond adéquatement à la fois aux
exigences des employeurs et des employés.
Article 17. Dans l'analyse de cet article, il est nécessaire de
mettre en relation les dispositions de la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux, la Loi sur les normes du travail et ses
règlements et la Loi sur la fête nationale, en vue de
connaître les exigences de ces lois concernant, soit la fermeture des
établissements commerciaux ou encore des dispositions concernant les
jours fériés. L'article 17 prévoit l'ajout du lundi qui
précède le 25 mai et le deuxième lundi d'octobre comme
jours fériés et chômés.
En vue d'apporter une certaine concordance législative, il y
aurait lieu, à notre avis, de remplacer le premier lundi qui
précède le 25 mai par le 2 janvier et le deuxième lundi
d'octobre par le 1er juillet ou le 2 juillet, si le 1er juillet tombe un
dimanche. Nous sommes d'avis également que, lorsqu'un jour
férié tombe un jeudi, un vendredi ou un samedi, ce jour devrait
être reporté au lundi, sauf dans le cas de la fête
nationale.
Article 19: en accord.
Article 21. Cet article a pour objectif de bonifier l'article 69 de
l'actuelle Loi sur les normes du travail qui stipule ce qui suit...
Le Président (M. Joly): M. Branchaud. M. Branchaud:
Oui.
Le Président (M. Joly): J'apprécierais si vous
pouviez conclure, s'il vous plaît.
M. Vaillancourt: M. le Président. Évidemment, il y
a d'autres amendements. Mais on pourrait certainement répondre aux
questions. Vous avez le document.
Le Président (M. Joly): Je tiens à assurer les gens
présents ici que le mémoire a déjà
été reçu, lu et analysé. Donc, à ce
moment-là, peut-être que votre conclusion pourrait vous amener
à donner les points les plus importants sur lesquels vous aimeriez
être questionnés.
M. Vaillancourt: Alors, M. le Président, nous avons
précédemment présenté certaines
considérations ou préoccupations des quelque 500 membres de la
Corporation des marchands de meubles du Québec concernant le contenu de
l'avant-projet de loi sur les normes du travail, considérations ou
préoccupations portant, rapidement, premièrement, sur la
préséance à donner aux lois et règlements
régissant les conventions collectives de travail sur la Loi sur les
normes du travail; deuxièmement, sur certains correctifs à
apporter à l'article 74 de l'actuelle Loi sur les normes du travail;
troisièmement, sur certains doubles emplois législatifs entre la
Loi sur les normes du travail et la Loi sur la santé et la
sécurité du travail; quatrièmement, sur le manque de
concordance législative concernant les jours chômés entre
la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux et celle
sur les normes du travail.
Alors, nous avons commenté l'avant-projet de Loi sur les normes
du travail, article par article, M. le Président. Nous pouvons
répondre à vos questions.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le président. Je
vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Si on devait tenter
de résumer en peu de mots le mémoire, selon les analyses que nous
en avons faites, on pourrait peut-être dire qu'en général
vous êtes d'accord avec les assouplissements qui sont proposés
dans le projet de loi, mais en désaccord avec les améliorations
que nous
tentons d'y apporter. Est-ce que j'exagère en disant
ça?
M. Varin (Yves): M. le Président. Je vous soumets
respectueusement, M. le ministre, que l'étude de l'avant-projet de loi
portant sur les normes du travail montre que certaines carac-térisques
sont souhaitables, certains articles sont souhaitables et sont acceptés
par l'ensemble des marchands membres. Toutefois, concernant la question des
congés parentaux, les marchands de meubles se questionnent sur cet
aspect-là. On se questionne aussi au niveau des pouvoirs qui sont
conférés ou qu'on veut conférer à la Commission des
normes du travail. On n'est pas en désaccord avec un pouvoir de
médiation des litiges, si je peux m'exprimer ainsi, mais, par contre, on
ne voudrait pas que la commission s'approprie certains pouvoirs ou agisse en
arbitre, en un mot. C'est un peu, d'une façon sommaire, le contenu des
propos que nous tenons ce matin.
M. Bourbeau: Si on parlait du programme d'assurance-chômage
qui accorde une protection suffisante, selon vous, aux parents travailleurs qui
prennent des congés parentaux. Pourtant, l'assurance-chômage ne
vise que le remplacement du revenu de travail des parents, alors que la Loi sur
les normes du travail détermine plus que ça, notamment, le droit
aux congés et garantit, en particulier, le retour au travail. Donc, la
Loi sur les normes du travail va plus loin que l'assurance-chômage qui,
elle, ne s'attarde qu'au remplacement du revenu. Donc, est-ce que vous ne
trouvez pas que de dire que le régime d'assurance-chômage est
suffisant, c'est un peu court par rapport à ce qu'on veut atteindre avec
la Loi sur les normes du travail?
M. Varin: Voici, selon les études qui ont
été faites dans ce dossier et suite à une consultation qui
a été réalisée auprès de l'ensemble des
marchands membres, il appert que la réforme de l'assurance-chômage
satisfasse aux voeux et aux souhaits de l'ensemble de nos marchands.
M. Bourbeau: Quant au remplacement du revenu, oui.
M. Varin: C'est ça.
M. Bourbeau: Mais pas quant aux autres points dont j'ai
parlé tout à l'heure?
M. Vaillancourt: M. le ministre, quand vous parlez de
remplacement du revenu, le remplacement du revenu à 100 %, pour nous
autres, est inacceptable, parce qu'il est impensable qu'une personne qui est au
travail et une autre qui est en congé de maternité, d'accident de
travail ou de maladie et qui ne travaille pas aient les mêmes
dépenses.
M. Bourbeau: Oui, je suis bien d'accord que les dépenses
peuvent être inférieures pour les personnes qui ne se rendent pas
au travail.
M. Vaillancourt: Oui, d'ailleurs, dans tous les programmes
privés d'assurance qui existent, l'assurance ne couvre pas les montants
à 100 %.
M. Bourbeau: Au sujet de la compensation du temps
supplémentaire - et je vais terminer là-dessus - vous proposez de
permettre la compensation en congés, sans majoration du temps
effectivement travaillé et sans que ce soit à la demande
écrite d'une personne salariée. La question que je vous pose est
la suivante: Pourquoi, selon vous, le temps supplémentaire, lorsqu'il
est payé, doit-il être compensé à 150 %, comme c'est
le cas actuellement, et seulement à 100 % lorsqu'il est pris en
congés?
M. Varin: Voici, c'est parce que c'est une question de choix.
Lorsqu'un employeur requiert les services d'un employé pour
exécuter un travail donné hors des heures
régulières de travail, ça répond à un besoin
de l'employeur. Quand l'employé reprend le temps supplémentaire,
H le reprend selon son voeu et ses souhaits, aux heures qui lui conviennent et,
conséquemment, après consultation avec l'ensemble des marchands
sur ce point, il appert qu'H n'y a pas de problème qui survienne par la
compensation du temps supplémentaire à temps régulier au
lieu d'à temps et demi.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président II me fart plaisir de
vous saluer, messieurs de la Corporation des marchands de meubles du
Québec. Et, d'entrée de jeu - je ne l'ai pas demandé
à vos prédécesseurs, mais ils présentaient la
même composition exclusivement masculine - est-ce qu'il faut croire que
la Corporation est exclusivement masculine?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Vaillancourt: II est dommage de dire qu'actuellement le
conseil d'administration a à son actif des agents féminins, mais
qui ne sont actuellement pas présents ici avec nous.
Mme Harel: Quel est le pourcentage d'employées
salariées, de main-d'oeuvre féminine que vous avez? C'est 500
marchands qui sont membres de la Corporation, je crois?
M. Vaillancourt: Oui.
Mme Harel: Quel est le pourcentage de la main-d'oeuvre
féminine?
M. Vaillancourt: Je dirais 50-50.
Mme Harel: 50-50. Il y a peut-être un aspect, mais c'est
assez légitime qu'on ne sache pas évidemment le détail des
juridictions qui attribuent des compétences entre les niveaux de
gouvernement. Quand vos membres, par exemple, à la page 15, mentionnent
que le projet fédéral, en matière
d'assurance-chômage, pour le congé de maternité les
agrée, évidemment, c'est qu'à ce moment-là ils
ignorent peut-être que le fédéral ne peut pas
légiférer en matière de congé de maternité.
Par exemple, la garantie de retour à l'emploi: tout ce que le
fédéral peut dire, c'est qu'il y aura un remboursement à
même la caisse de l'assurance-chômage de cette période qui
est utilisée pour accoucher ou pour le congé. Mais le
fédéral n'a aucune compétence en matière de
congé de maternité, c'est de juridiction exclusive des provinces.
Et, si la loi des normes ne prévoit pas de garanties de retour à
l'emploi, il pourrait y avoir un congé payé sans que la personne
puisse revenir travailler. Alors, vous comprendrez que c'est sûr que, si
vos membres étaient au courant de ces dispositions-là, ils ne
pourraient certainement pas conclure, comme c'est le cas dans le
mémoire, que la législation québécoise ne doit pas
s'occuper, j'imagine, de ce secteur-là.
D'autre part, c'est intéressant parce qu'à la page 15 vous
rappelez l'étude de Statistique Canada à l'effet que "c'est au
Québec où la fréquence des absences reliées
à la grossesse est la plus grande et pourtant c'est pourtant au
Québec où le taux de fécondité est le plus faible."
Vous savez, on peut évidemment, paraît-il, se noyer dans une
moyenne de trois pieds d'eau. On peut faire dire un peu ce qu'on veut aux
moyennes. C'est que, justement, s'il y a une plus grande fréquence des
congés de maternité, c'est qu'il y a une femme sur trois qui est
sur le marché du travail qui bénéficie d'un vrai
congé de maternité, c'est-à-dire de celui qui est
prévu dans le secteur public. Et ce sont essentiellement les
travailleuses du secteur public qui ont, à 90 %, comme vous le savez
sans doute, un remboursement, un salaire assurable plutôt, à 90 %,
et qui se trouvent, en fait, à augmenter la moyenne parce que, ailleurs,
les femmes n'ont pas les moyens de se payer le congé de
maternité. L'autre facteur qui est déterminant, c'est qu'il y a
un pourcentage beaucoup plus élevé, au Québec, de
mères d'enfants de moins de trois ans sur le marché du travail
que dans les provinces canadiennes anglaises, un pourcentage qui est
vertigineux, beaucoup plus important. Alors, vous comprendrez que ce sont,
à l'inverse, les deux facteurs qui justifieraient d'avoir un vrai
congé de maternité, parce qu'il y a plus de mères de
jeunes enfants de moins de trois ans et puis parce que, quand il y a un vrai
congé de maternité, les femmes l'utilisent. Je ne sais pas, M.
Vaillancourt, si vous voulez réagir à ça?
M. Vaillancourt: Pour nous, évidemment, et pour la
Corporation des marchands de meubles, ses dirigeants et ses membres sont des
entrepreneurs de petites entreprises, pour la grosse majorité,
peut-être pour plus des deux tiers. Évidemment, le choix de
natalité est un choix de société et le problème
qu'on voit là-dedans, c'est que, évidemment, on nous repousse la
charge sur les administrateurs, les propriétaires de ces petites
entreprises, et un choix de société, ça doit se partager
avec tout le monde et pas seulement être à la charge, si vous
voulez, comme actuellement, des entrepreneurs.
Mme Harel: Avez-vous pu prendre connaissance des propositions du
Conseil du statut de la femme sur cette question du congé de
maternité qui ont fait les manchettes...
M. Vaillancourt: Non, madame.
Mme Harel: ...d'ailleurs, des journaux et qu'à peu
près tous les intervenants qui vous ont précédé ont
commentées? Vous n'avez pas encore pu...
M. Vaillancourt: Non, je m'excuse, là.
Mme Harel: ...en prendre connaissance? Vous savez peut-être
que, dans le programme, dans la réforme fédérale que vous
soutenez, je pense, compte tenu de votre mémoire, il y a un congé
parental de dix semaines, fractionnable au besoin. Dans votre texte, vous ne
mentionnez pas le caractère fractionnable. Vous dites, à la page
14: "Nous aimerions d'abord souligner qu'il s'agit là d'une disposition
que nous ne retrouvons dans aucune autre province canadienne" - celle du
congé parental à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un
enfant - mais, avec la réforme de l'assurance-chômage, ce seront
dix semaines, fractionnables, c'est-à-dire que ça peut être
pris, selon le projet fédéral, non pas simplement dix semaines
continues, mais de manière... et là, on a l'introduction d'une
disposition canadienne qui est finalement offerte à l'un ou l'autre des
parents et qui est, en fait, un congé de dix semaines,
remboursées à 60 % du revenu assurable. Une autre disposition,
l'aggravation du problème d'absentéisme, avez-vous un grave
problème d'absentéisme?
M. Vaillancourt: Définitivement qu'il y en a un, dans nos
entreprises, actuellement.
Mme Harel: Oui?
M. Vaillancourt: Et ça touche énormément
notre productivité, de ce côté-là. Ça
augmente énormément les coûts de la production.
Mme Harel: Ce problème d'absentéisme, vous
l'attribuez à quoi?
M. Vaillancourt: En fait, il y a plusieurs
phénomènes. Quand on regarde un petit peu, je pourrais retourner
la question dans un autre sens, c'est que, si, évidemment, on donne
à des employés, plus on en donne, plus on essaie d'avoir les
meilleures relations possible. Mais on regarde le gouvernement, je cite comme
exemple les services de santé qui sont donnés au gouvernement, on
sait fort bien que les gouvernements qui appliquent le service de santé
actuellement, provinciaux ou le gouvernement national, se cherchent des moyens
pour essayer d'alléger la facture le plus possible. Alors, nous, au
niveau des entreprises, il s'agit d'être le plus rentables possible. Si
vous regardez encore dans Statistique Canada, vous allez voir que nos
entreprises canadiennes ou québécoises, quelles qu'elles soient,
les marges de bénéfice rétrécissent et la
capitalisation de nos entreprises diminue, actuellement. Ça, c'est un
danger. Alors, si on rajoute des mesures actuellement à ce qui existe
déjà, je pense qu'on y va côté danger du
développement économique et les tendances d'économie qui
sont prévisibles pour les années à venir sont beaucoup
plus difficiles que celles des années passées. Ce sont tous des
facteurs qui entrent en ligne de compte actuellement. Autrement dit, on peut se
payer un...
Mme Harel: J'ai peur qu'on ne puisse pas échanger sur
l'absentéisme.
M. Vaillancourt: ...on peut se payer une qualité de vie
selon les moyens qu'on a.
Mme Harel: Là, je sais que le président va me faire
signe dans quelques secondes, alors je voulais simplement vous signaler
qu'à la page M, à l'égard des congés
fériés, la proposition que vous faites résulterait en sept
journées et demie de congé férié, plutôt que
huit, comme le ministre le proposait. Vous en êtes conscients? Aux pages
10 et 11 de votre mémoire.
M. Vaillancourt: Oui.
Mme Harel: et, à la page 11, vous proposez des
ajustements, mais ces ajustements donneraient l'équivalent de sept jours
et demi plutôt que huit.
M. Vaillancourt: Oui.
Une voix: Oui, d'accord.
Mme Harel: Vous êtes conscients de ça?
Des voix: Oui, d'accord.
Mme Harel: Donc, ça veut dire qu'il n'y a pas vraiment
harmonisation entre la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux et celle sur les normes du travail parce que, en ajustant comme
vous le proposez, ce serait en moins qu'il y aurait des congés
fériés pour les employés, vos employés.
M. Vaillancourt: Écoutez, que ce soit en moins ou qu'il y
ait une demi-journée de plus, je ne pense pas qu'on aggraverait la
situation. Je pense que ce qui est important pour l'industrie ou l'entreprise
du commerce de détail, ce serait d'harmoniser les deux pour
éliminer des coûts ou alléger des coûts à ces
entreprises-là. Ça, ce serait un facteur important, qu'il y ait
une certaine harmonie là-dedans, au départ.
Mme Harel: Est-ce que je peux continuer, M. le
Président?
Le Président (M. Joly): La dernière,
dernière, madame.
Mme Harel: Vous avez dit, dans votre mémoire, que vous
considérez que les 5 % que l'avant-projet de loi prévoit sur les
prélèvements qui sont dus à la Commission sont punitifs.
Mais ce sont des prélèvements qui sont dus, d'une certaine
façon?
M. Vaillancourt: Oui, mais il y a déjà une
pénalité de 15 % qui est exercée, à ce
moment-là; alors, 15 % plus 5 %, ça fait 20 %. Alors, 15 %, je
trouvais que c'était suffisant.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Très bien. Merci. Merci beaucoup, M.
Vaillancourt et toutes ces personnes qui vous accompagnent.
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de la
commission, M. Vaillancourt et ceux qui l'accompagnent...
Mme Harel: II y a peut-être quelqu'un qui veut...
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous avez quelque chose
à ajouter?
M. Varin: M. le Président, j'ai une question ici. Mon
voisin de gauche demande à Mme Harel s'il y a des données qui
montrent l'efficacité des congés de maternité sur le taux
de natalité?
Mme Harel: C'est très intéressant parce qu'il y a
un sondage..
Le Président (M. Joly): Vous pourrez toujours la
rencontrer à l'heure du midi et elle pourrait vous répondre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Oui, mais il y a un excellent sondage que La Presse
a publié et qui démontre que c'est considéré
comme la mesure entre cinq autres qui étaient proposées, bien
avant même les augmentations d'allocations familiales, pour justement
réaliser le désir d'enfants.
Le Président (M. Joly): Merci. Nous allons suspendre nos
travaux jusqu'à 14 h 30 précises. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprise à 14 h 36)
Le Président (M. Joly): Nous allons maintenant reprendre
nos travaux. Je demanderais donc à l'Association minière du
Québec inc. de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît. Bonjour,
messieurs. Alors, au nom de la commission, il me fait plaisir de vous souhaiter
la bienvenue. J'apprécierais si le porte-parole pouvait s'identifier et
présenter aussi la personne qui l'accompagne, s'il vous plaît.
Association minière du Québec
inc.
M. Roberge (Jean): Mon nom est Jean Roberge, adjoint au directeur
général à l'Association minière du Québec.
Je suis accompagné de M. Jean-Guy Montpetit, directeur des services de
prévention à l'Association minière du Québec.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Roberge. Je vous
rappelle les règles du jeu. Vous avez une quinzaine de minutes pour nous
présenter d'une façon concise votre mémoire et,
après, on laisse le temps et le loisir aux membres de cette commission,
tant du côté ministériel que du côté de
l'Opposition, de vous poser des questions. Alors, à vous, mon cher M.
Roberge.
M. Roberge: Merci beaucoup. J'ai acheminé une lettre, le
23 janvier, pour expliquer la position de l'Association, une position globale
et plus théorique. D'abord, j'aimerais vous présenter
l'Association minière. Pour ceux qui ne sont pas au courant, elle existe
depuis 50 ans au Québec et représente l'ensemble de l'industrie
minière au Québec, soit une valeur de production de 2 800 000 000
$ en 1988, et l'ensemble des membres, c'est-à-dire 21 000
employés salariés.
Alors, les premières remarques pour les quinze minutes que j'ai
sont pour vous expliquer d'abord l'exclusion des salariés du
gouvernement. On considère que ça ne devrait pas être, pour
le motif assez simple que le gouvernement, comme représentant de la
société, doit représenter la société aussi
dans ses normes de travail. Si des nonnes sont utiles et intéressantes
pour les salariés, elles devraient aussi au moins l'être pour les
salariés du gouvernement et devraient représenter l'ensemble de
la norme qu'une société peut se permettre.
Sur ce, je vais enchaîner sur le coût que peuvent engendrer
les ajouts, les avantages que l'avant-projet de loi propose. On parle de
congés qu'on peut appeler familiaux ou parentaux. Ce sont des
congés qui, évidemment, vont représenter des coûts.
Il faut se demander ce que la société est prête à
assumer. Est-ce qu'on a fait une évaluation des coûts?
Dans le cas de l'industrie minière, par exemple, les salaires
annuels en 1988 représentaient 731 000 000 $. Si on prend une
journée de travail, un congé, sur 200 jours de travail, ça
représente 3 500 000 $ en congés qui seraient payés,
accordés par i'avant-projet de loi sur les normes. Évidemment, ce
n'est pas l'ensemble des employés qui vont prendre ces
congés-là, mais, s'il y en a 15 % ou 20 %, ce qui est, je pense,
assez réaliste, ça va représenter des coûts de
plusieurs millions de dollars, juste au titre des congés que
l'avant-projet de loi veut mettre de l'avant ici.
Alors, sur ce, je demande à la commission parlementaire
d'examiner les coûts réels rattachés à ça
parce qu'il y a le coût de remplacement d'un employé qui ne sera
pas sur les lieux. On va le remplacer par un autre qui sera payé, qui
sera peut-être payé en temps supplémentaire,
c'est-à-dire à 50 % de plus que son salaire. Alors, les
coûts peuvent être assez importants. Évidemment, quelques
millions sur 700 000 000 $ de salaires versés, je dois vous dire que
ça peut paraître petit, mais quand on regarde l'ensemble des
coûts de l'industrie minière, c'est-à-dire le transport,
l'électricité, les avantages sociaux, etc., il n'en reste pas
beaucoup. La marge de manoeuvre et les constrictions qu'il peut y avoir sont
vraiment restreintes. Il faut faire attention à quoi on utilise les
millions dont on parle.
La question des douze heures de préavis pour demander à
quelqu'un s'il peut faire des heures supplémentaires, c'est une chose
sur laquelle l'Association désire faire la représentation
suivante. Une personne qui peut s'absenter de son travail pour cause de
responsabilité parentale, familiale, à une demi-heure, une heure
d'avis, c'est quelque chose, mais que l'employeur doive aviser douze heures
à l'avance, ça cause un débalancement important
principalement dans l'industrie minière où le travail se fait par
équipes, par chantiers.
Ça peut être une personne, deux personnes, trois personnes.
Généralement, c'est deux ou trois personnes qui travaillent
ensemble sur un chantier ou à une activité donnée. Mais,
s'il y en a un de ces deux ou trois qui ne peut pas y être et qu'il faut
remplacer, ça perturbe l'activité; justement, il peut être
nécessaire ou essentiel dans le déroulement de l'activité
parce que les activités, à partir du forage jusqu'à la
production d'un métal, sont en continu. S'il y a une discon-
tinuité quelque part, ça cause un problème et les
douze heures, versus ce qui pourrait être cinq minutes ou une demi-heure,
c'est difficile à appliquer.
Il y a quelques éléments que je voulais vous souligner, en
particulier sur l'article 51.1, par exemple, qu'on propose ici. Ma
première remarque, c'est le fait de stipuler, par exemple: "Un
salarié ayant des obligations reliées à la garde, à
la santé ou à l'éducation de son enfant..." Tout parent ou
toute personne a Jes obligations reliées à la garde, à la
santé ou à l'éducation de son enfant. Mais, les
congés dont on veut parier dans ce projet de loi devraient être
pour réaliser ou pour assumer ces obligations et non pas simplement du
fait qu'on a des obligations. Il me semble qu'il devrait y avoir un amendement
ici pour dire non seulement "les obligations reliées" mais les
obligations qu'on doit assumer: la garde, la santé ou l'éducation
des enfants.
La deuxième remarque, je proposerais d'enlever les mots "urgents"
et "équipements ou des installations" à l'alinéa
deuxième où on dit: "Si des travaux urgents doivent être
effectués..." Dans beaucoup d'entreprises, et des entreprises
minières aussi, même si les travaux ne sont pas urgents, cela peut
causer une perturbation importante des activités dans
l'établissement. Alors, on considère qu'on devrait enlever
"urgents" et aussi enlever la notion "équipements ou des installations"
parce que, en fin de compte, ce ne sont pas des travaux urgents seulement sur
des équipements ou des installations qui peuvent perturber les
activités d'un établissement. Ce sont les activités
courantes aussi qui ne sont pas nécessairement sur des
équipements.
Ensuite, la notion de "perturbation importante". C'est une notion encore
très vague. Le législateur devrait se pencher là-dessus
pour préciser ce qu'il veut dire par "perturbation importante". Ensuite,
on parle de "catégories de salariés" que le gouvernement va
déterminer par règlement. Ces catégories de
salariés, ce serait intéressant et même important, que le
législateur les précise
L'article 55. Il y aurait à ajouter ce qui se retrouvait dans
d'autres articles de la Loi sur les normes actuelle. On dit: "L'employeur peut,
à la demande écrite du salarié, remplacer le paiement des
heures supplémentaires par un congé payé d'une
durée équivalente aux heures supplémentaires
effectuées, majorée de 50 %." Ce serait important d'ajouter
"majorée de 50 %, à l'exclusion des primes établies",
parce que la base salariale sur laquelle se base la Loi sur les normes pour
faire les paiements d'heures supplémentaires, c'est le taux horaire.
Mais, dans plusieurs articles, il était mentionné "à
l'exclusion des primes établies". Il faudrait maintenir cette
exclusion.
En ce qui concerne les congés, 1er juillet, 24 juin, on
recommande aussi, comme le Conseil du patronat, que ce soient des congés
mobiles.
Ensuite, on recommande également que la loi n'aille pas à
l'encontre des conventions collectives qui sont librement consenties par les
représentants des travailleurs ou par les travailleurs lorsqu'ils ne
sont pas représentés.
Ensuite, l'article 65. À l'article 65, on dit: "Le premier
alinéa n'a pas pour effet de conférer un avantage à un
salarié qui n'aurait droit à aucune rémunération en
l'absence du jour férié." sauf dans la mesure prévue
à l'article 64. Est-ce qu'on tient compte de la veille? Par exemple,
pour les congés du mois de juin ou du mois de juillet, la veille peut
être un congé parental, peut-être par choix du
salarié, mais si on ne le précise pas davantage, ça pourra
peut-être servir à toutes sortes de choses.
Le fractionnement des semaines de congé aussi. On aimerait mieux
qu'il ne soit pas aussi facilité. à l'article 83, la même
remarque que tout à l'heure en ce qui a trait au calcul du salaire en
ajoutant l'exclusion du bonus comme i était indiqué à
l'article 55. (14 h 45)
Ensuite, à l'article 89, on dit que le gouvernement pourrait
adopter des règlements concernant les modalités d'application, la
durée applicable selon le cas, les droits et avantages accordés
au salariés visé par la présente loi. Ces modalités
devraient se retrouver, la base à tout le moins, dans la loi. Est-ce
qu'on veut dire, par exemple, qu'une personne qui prend une année
complète pour s'occuper de la garde et du soin de ses enfants va
redevenir dans la même position qu'elle avait auparavant? Est-ce qu'elle
va avoir les mêmes droits au point de vue du régime de retraite,
par exemple, au point de vue de l'ancienneté? Ce n'est pas par
règlement qu'on devrait accorder ces modalités. Ça devrait
être stipulé dans la loi, les droits qu'une personne va avoir, les
modalités principales, le canevas de ces modalités-là et
non pas laisser ça dans le règlement qui peut trop souvent
changer et qui implique des changements importants dans la
société
L'article 124, manque, d'après nous, de clarté. Par
exemple, on voit: le service continu d'un salarié n'est pas
interrompu..." Un travail qui est saisonnier, mais qui est continuel tous les
étés, c'est un service continu qui n'est pas théoriquement
interrompu. Ce serait peut-être bien de préciser ce que le
législateur veut dire par continu mais non interrompu.
Au nouvel article 5.2, on parle de financement. "Le ministre peut,
conformément aux normes que le gouvernement peut établir par
règlement, verser une allocation à une personne pour cause de
maternité, de paternité ou d'adoption." Ce financement, est-ce
qu'il va venir des entreprises uniquement? Est-ce qu'il va venir d'une
contribution également du salarié? Est-ce qu'il va venir du
gouvernement aussi parce qu'il y a des normes dans ceci qui sont des choix
de
société? Est-ce que c'est aux seules entreprises de payer
ou de voir au financement des indemnités qui seront prévues? On
ne le sait pas actuellement. On laisse ça entre les mains du
gouvernement. Et, compte tenu des sommes importantes que ça peut
impliquer, ce serait au législateur de le préciser et de savoir
clairement qui va financer ce genre d'indemnités dont on parle.
Je crois que j'ai fait le tour des principales remarques. Compte tenu
des quinze minutes, j'en ai peut-être négligé, mais ce sont
les principales remarques, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Roberge. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Alors, on a
regardé votre document attentivement. Vous reprenez l'opinion d'autres
organismes qui nous disent que, quand il y a une convention collective, la loi
sur les normes ne devrait pas s'appliquer. J'ai fait état de ça
ce matin avec les groupes d'employeurs en leur disant: Bon, je veux bien, mais
l'objectif recherché, c'est qu'en fait, partout, il y ait un minimum, un
plancher en dessous duquel on ne devrait pas aller en ce qui concerne les
standards. Vous reprenez un peu ça aussi quand vous parlez de la
préséance de la loi sur les conventions collectives en disant
que, en particulier, dans le cas des heures supplémentaires et de
l'octroi de congés, là, ces sujets-là peuvent être
mieux réglés par une convention collective que par la loi.
Mais je vais vous donner un exemple. Supposons que le projet de loi
reprend les propositions et que, éventuellement, on ait trois semaines
de congé après cinq ans, disons, ou sept ans ou huit ans on
verra, en tout cas, disons sept ans pour les fins de la discussion; il ne
faudrait pas penser que c'est ça qui va arriver, je ne veux pas
présumer tout de suite de ce que sera la loi - et que vous, dans une
convention collective, vous arrivez avec deux semaines de congé
seulement, est-ce que ça ne serait pas un peu étonnant de voir
qu'au minimum - le plancher minimum permis au Québec - tous ceux qui ne
sont pas représentés par des syndicats, donc les plus
démunis au point de vue du pouvoir de négociation, auraient droit
à trois semaines de vacances et que les travailleurs de grosses
compagnies avec de gros syndicats et de gros employeurs auraient droit à
deux semaines parce que, dans la convention, c'est deux semaines? il me semble
qu'il y aurait un illogisme là auquel on pourrait difficilement
s'associer.
M. Roberge: Oui, je comprends très bien votre objection.
Je suis d'accord en partie, d'ailleurs. En ce qui concerne les sujets comme les
vacances annuelles, peut-être des plans de retraite, il y a des
éléments essentiels de base dont tout le monde doit
bénéficier par convention ou par une Loi sur les normes. Mais il
y a des éléments où peut-être, on ne devrait pas
aller plus vite que la société peut nous le permettre. Par
exempte les nouveaux congés parentaux ou familiaux, c'est
peut-être aller vite un peu d'arriver avec cinq jours. Le droit d'absence
pour un motif de garde, de soins ou d'éducation des enfants est louable,
est important, mais, d'un autre côté, il faut avoir un
préavis de douze heures pour demander à une personne de faire des
heures supplémentaires. Ce sont > ces éléments nouveaux
qu'on vise surtout lorsqu'on dit: La Loi sur les nonnes ne devrait pas
suppléer ou prendre la place d'une convention collective, si la
convention collective le prévoit. Il y a beaucoup d'employeurs qui
prévoient ces cas-là d'absence.
M. Bourbeau: Je vous donne un autre exemple. Supposons que, dans
une compagnie, il y a assez peu de femmes qui travaillent et qu'il y a un
syndicat qui négocie. Ne croyez-vous pas que les femmes seraient
défavorisées dans un tel cas puisque, étant minoritaires
dans cette entreprise-là, le petit syndicat - disons que c'est une
petite entreprise - n'aurait probablement pas intérêt à
négocier pour ce petit groupe de travailleuses des congés de
maternité, au détriment, disons, de ce petit groupe-là?
À ce moment-là, puisque les normes minimales ne s'appliqueraient
pas étant donné qu'il y a une convention collective, on pourrait
se retrouver avec des femmes, protégées présumément
par une convention collective et un syndicat, qui auraient des conditions de
travail inférieures à ce qu'auraient toutes les autres au
Québec, même celles qui n'ont pas de syndicat et qui sont seules
avec leur patron.
M. Roberge: Sur le plan des relations du travail, de la justice
égale pour tout le monde, je serais porté à être
d'accord avec vous. Mais en l'absence de politique familiale, en l'absence
d'une politique à l'égard de la démographie, pourquoi
arriver si vite dans le domaine des relations du travail avec des morceaux de
ce qui devrait être une partie importante d'une politique familiale pour
le Québec?
M. Bourbeau: Écoutez...
M. Roberge: Je suis pour que les personnes s'occupent de leurs
enfants; j'en ai moi-même et je suis bien heureux de pouvoir aller chez
le dentiste à des heures normales. Mais il s'agit de plusieurs
journées, il s'agit d'un milieu où ce n'est pas si simple que
ça. Dans le milieu minier, surtout dans les régions qui sont
isolées, fréquemment le père et la mère sont des
employés de la même entreprise. Alors, ça voudrait dire que
les deux pourraient s'absenter pour une
bonne raison, mais ça peut causer des problèmes. Est-ce
que ça doit être immédiatement la base pour tout le monde?
Je ne sais pas si on a quantifié ce que ça peut
représenter - en termes monétaires, oui - sous toutes sortes de
rapports.
M. Bourbeau: Parions maintenant, si vous voulez, de l'avis
préalable pour le temps supplémentaire. Bon, vous nous dites que
ça va être assez difficile de vivre avec une situation où
l'employeur est un peu à la merci du travailleur qui peut donner un
préavis. L employeur doit donner un préavis de douze heures pour
le temps supplémentaire et vous dites: Bon, ce n'est pas toujours
prévisible.
Vous faites un parallèle assez intéressant avec le droit
des travailleurs à un des congés prévus, disons le
congé pour s'occuper des enfants, et vous dites: II faudrait
peut-être prévoir un préavis aussi dans ces cas-là.
Disons que c'est assez intéressant comme idée; de part et
d'autre, on pourrait peut-être penser que les préavis devraient
être d'égale longueur. Avez-vous une idée de ce que
pourrait être un préavis raisonnable, dans un cas comme dans
l'autre, et dans le cas de l'employeur qui veut demander du temps
supplémentaire et dans le cas de l'employé qui veut prendre un
congé parental?
M. Roberge: Je pense qu'il y a deux choses qui peuvent être
faites. Les douze heures pour chacun seraient équitables pour tout le
monde. Des obligations reliées à la garde, à la
santé et à l'éducation d'un enfant, souvent, on sait qu'on
a un rendez-vous chez le dentiste ou chez un médecin, ou bien les
enfants ont quelque chose à faire, il faut absolument y être, ou
une visite chez le professeur s'impose. Il y a des choses qu'on prévoit
au moins quelques jours à l'avance, si ce n'est pas un mois ou deux
à l'avance. En cas d'accident, je pense qu'il n'y a aucun employeur qui
va dire au travailleur: Je refuse que tu prennes congé. Mais les
obligations parentales qu'on a dans l'année, il n'en pleut pas des
responsabilités qui arrivent à brûle-pourpoint. Il y en a,
mais les responsabilités pour garde, santé, éducation,
c'est souvent sur rendez-vous. Et les douze heures, cela devrait être
équivalent pour les deux.
D'un autre côté, on devrait prévoir que l'employeur
devrait offrir d'abord à ceux qui n'ont pas de responsabilités
parentales de faire des heures supplémentaires et, ensuite, s'il n'a pas
le choix, le demander à ceux qui ont des responsabilités
parentales. Ce serait un moyen terme, il me semble, d'avoir l'équivalent
du douze heures chacun et, d'abord, de s'adresser à ceux qui n'ont pas
de responsabilités parentales pour, justement, laisser les autres vaquer
à leurs occupations parentales
M. Bourbeau: Qu'est-ce qu'on fait dans le cas d'une mère
de famille qui est au travail et qui se fait appeler par la gardienne à
la maison? La gardienne vient de faire un infarctus ou elle a 105° de
fièvre. Elle doit partir. Les enfants sont seuls et la mère ou le
père doit aller s'occuper de ses enfants de toute urgence. Qu'est-ce
qu'on fait dans ces cas-là?
M. Roberge: Bien, si c'est important, qu'elle y aille ou qu'il y
aille. C'est très important qu'il y aille et qu'il n'ait pas
d'embûche à y aller. Est-ce que vous avez eu des cas, des plaintes
parlant d'employeurs qui ont empêché des situations comme
ça?
M. Bourbeau: Ha, ha, ha!
M. Roberge: je ne sais pas. est-ce qu'il y en a beaucoup? est-ce
que c'est un problème réel, important qu'il faut régler
absolument? peut-être.
M. Bourbeau: Bon, écoutez, je ne peux pas répondre
à ça.
M. Roberge: Oui, c'est sûr.
M. Bourbeau: Peut-être qu'H n'y en a pas beaucoup,
effectivement. Mais il n'y en aurait qu'un et, la loi ne prévoyant pas
de garantie, on pourrait penser que peut-être certains employeurs
très peu scrupuleux ne voudraient pas...
M. Roberge: Bien, s'ils sont peu scrupuleux à ce
point-là, ils ne seront pas plus scrupuleux pour transgresser la loi,
c'est certain. Ensuite, je me dis: Une promotion de politique familiale ferait
probablement beaucoup dans ce domaine-là.
M. Bourbeau: Une dernière question. En fait, vous vous
opposez, aux congés parentaux, que ce soit le congé à la
naissance ou à l'adoption ou le droit à une réserve
annuelle de congés ponctuels pour des obligations parentales. Pourtant,
l'objectif de la loi, c'est bien de concilier les responsabilités
professionnelles et les responsabilités familiales. Alors, qu'est-ce que
vous proposez puisque la société québécoise, je
pense, reconnaît qu'on doit tenter de concilier cette double
responsabilité de parent et de travailleur? Puisque vous ne semblez pas
d'accord avec les congés à la naissance et les congés
ponctuels pour obligations parentales, qu'est ce que vous proposez en
contrepartie pour tenter de concilier ces responsabilités là?
M. Roberge: D'abord, il faudrait savoir: Est-ce qu'il y a des
problèmes de présence de parents auprès des enfants et des
problèmes qui originent de l'employeur? Est-ce qu'il y a un
problème réel à régler? Ensuite, est-ce qu'on a une
politique familiale qui favorise ça, que les parents s'occupent de leurs
enfants de très près
et qu'il n'y ait pas d'objection ou d'embûche à le faire?
Est-ce qu'il y a des problèmes à régler au point qu'il
faille adopter une loi pour ça et prévoir cinq jours de
congé qui peuvent se prendre n'importe quelle journée de
l'année? S'il y a des problèmes, réglons-les. C'est
correct. Mais on regarde l'article 81.1: "Un salarié peut s'absenter du
travail pendant cinq journées, à l'occasion de la naissance ou de
l'adoption d'un enfant"." Pas de son enfant nécessairement, mais d'un
enfant. Bon, ça peut être l'enfant de mon voisin qui a besoin et
là, je peux m'absenter de mon travail. Ce n'est peut-être pas
ça qu'on voulait dire. C'est peut-être de son enfant qu'on voulait
dire. Mais c'est large. Les premières journées sont
rémunérées. Bien, ce sont des éléments qui
font partie, quant à moi, d'une politique familiale. Il me semble que ce
serait important de faire davantage là-dessus que d'arriver avec des
normes et d'en avoir beaucoup. Peut-être que cela aurait
été mieux d'avoir trois jours dans l'année et une
journée rémunérée et, au fil des années, si
ça va bien, qu'il y a lieu d'augmenter ça et que les demandes
sont dans ce sens-là, de voir à les satisfaire. À ce
moment-ci, c'est évident que tout le monde qui veut avoir ces
congés-là, va être pour, mais, du côté de
l'employeur - dans quelle mesure, on va le savoir à i'expérience
si c'est adopté - ça va certainement modifier des choses.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de saluer les représentants de l'Association minière du
Québec. Me Roberge et M. Montpetit, vous vous rappelez peut-être
un sondage effectué par le Conference Board l'automne dernier et qui
faisait état que plus de 80 % des travailleurs interrogés
disaient éprouver du stress et de l'anxiété quand il
s'agissait de concilier les besoins reliés au travail et les besoins de
la famille. Notamment, le sondage révélait que les deux tiers des
travailleurs consultés ressentaient de la difficulté à
équilibrer la fonction famille et la fonction travail; 10 % des gens
auraient laissé leur emploi à cause de cette difficile
conciliation, 17 % des personnes interviewées avaient refusé des
promotions et 25 % avaient refusé de déménager suite
à un problème pour des raisons de conciliation des
responsabilités. Peut-être que ça ne se produit pas dans
toutes les industries. Alors, ma première question, c'est: Combien
d'entreprises sont regroupées au sein de l'Association? Combien de
salariés, en fait, d'employés regroupent ces entreprises? Et quel
est le pourcentage de la main-d'oeuvre féminine dans votre industrie?
(15 heures)
M. Roberge: II y a 50 entreprises membres de l'Association.
Mme Harel: M. Montpetit doit avoir certainement les chiffres du
nombre d'employés qui sont couverts par les 50 entreprises.
M. Montpetit (Jean-Guy): De 9000 à 10 000
employés.
Mme Harel: De 9000 à 10 000. Et le pourcentage de la
main-d'oeuvre féminine?
M. Roberge: Dans les bureaux, le secrétariat, le soutien
technique, c'est une bonne part. Mais c'est comparable aux autres entreprises
de transformation. On n'a pas de chiffres sur cela.
Mme Harel: je sais que le président va me rappeler
à l'ordre, alors je vais assez vite avec mes questions. les 50,
j'imagine, ont des conventions collectives de travail?
M. Roberge: Ah oui!
Mme Harel: Et quelles sont les vacances annuelles
présentement, disons, après cinq ans?
M. Roberge: Deux semaines.
Mme Harel: Deux semaines. La troisième semaine est acquise
après combien d'années?
M. Roberge: Dix ans.
Mme Harel: La troisième semaine?
M. Roberge: Dix années.
Mme Harel: Dix ans. Donc, c'est l'équivalent des normes.
Est-ce qu'il y a des congés mobiles présentement, en plus des
jours fériés?
M. Roberge: Oui, il y a des congés mobiles. Il y a des
mois où on décide qu'on prend un congé le lundi. Il y a
des congés mobiles.
Mme Harel: En moyenne, il y a combien de congés
mobiles?
M. Roberge: Oh, je ne le sais pas. Je n'ai pas examiné nos
conventions.
Mme Harel: Non?
M. Montpetit: Une douzaine, je pense.
Mme Harel: Une douzaine, y compris les jours
fériés?
M. Montpetit: Y compris les jours fériés.
Mme Harel: Y compris les jours fériés. Ça
ressemble un peu à l'industrie qui vous a précé-
dés où il y avait une douzaine de congés, dont
à peu près huit jours fériés. Donc, quatre jours de
congés mobHes qui sont utilisés à quel usage
particulièrement? Est-ce qu'il y a un congé pour le père,
lors de la naissance de son enfant, dans les conventions?
M. Montpetit: Je ne pense pas. M. Roberge: Pas que je
sache.
Mme Harel: II n'y a pas de congé lors de la naissance d'un
enfant? C'est intéressant parce que, en fait, la grande question, c'est:
Est-ce que finalement l'avant-projet de loi va plus vite que la
société peut se permettre d'aller en matière de
congés parentaux ou pas assez, en fait, ou si, à l'inverse, les
conventions collectives ne se sont pas mises à la mesure de
l'évolution, finalement, du marché du travail?
M. Roberge: Un projet de loi, des normes ou des
règlements, ça vient toujours bousculer un peu quand ça
change des choses ou des habitudes. Et, avec l'exercice que vous avez fait,
c'est intéressant de voir que peut-être ce qu'on a actuellement
qui existe est tout simplement proposé dans un texte. Ce n'est
peut-être pas plus dérangeant que ça, en fait, votre point,
c'est sûr. Mais c'est le calcul et la généralisation de
ça. Des fois, on se dit: Bon, ces congés-là qui vont
être statutaires, obligatoires ne seront plus négociables.
Ça va être quoi après? Une année sabbatique
prévisible avec des modalités d'indemnité à venir
dont on ne sait pas la façon dont ça va être calculé
ni qui va payer.
Mme Harel: Là, vous avez une bonne question.
M. Roberge: Là, ce sont des éléments qui...
On s'en va vers où? Vers une grande socialisation des choses. Et pour
mon argument, il y a M. Wilson qui va m'aider; avec les budgets qu'on voit,
avec l'évolution économique des gouvernements, où il y a
des constrictions budgétaires partout, même le gouvernement n'est
pas prêt à se soumettre à des nonnes de ce genre-là.
Alors, on se dit: Où est-ce qu'on s'en va et qui va payer quoi? Dans
quelle mesure on va pouvoir continuer?
Mme Harel: Vous avez introduit un aspect qui n'avait pas encore
été examiné par la commission, c'est cette
réglementation extrêmement importante. Vous nous avez
rappelé que, notamment, l'avant-projet prévoit, par
règlement, l'exclusion de certaines catégories de salariés
quant à la question du choix facultatif du temps supplémentaire.
Vous avez rappelé également que c'est par règlement que
sera déterminée la durée de l'absence pour congés
de maternité, de paternité ou d'adoption. Puis, finalement, ce
sont des règlements qui ne seront pas soumis à l'examen que l'on
fait pour lavant-projet de loi, ni à un examen parlementaire, ni a un
examen public, en auditions.
M. Roberge: Et ça peut être plus important que tout
le reste. On parle de modalités. Par la revue de presse, j'ai su que des
groupes demandaient une indemnité pour une personne qui prend une
année sabbatique; je ne sais pas, ça peut être 110 $ par
semaine. Bon, ce sont des bons voeux, tout ça. Mais qui va payer
ça et qui va s'occuper de gérer ces sous-là? Ça
vient d'où? Peut-être que la société est prête
à le faire. Est-ce qu'on a les chiffres pour les évaluer et les
comparer? C'est très embêtant d'avoir une possibilité de
réglementations qui vont loin Est ce qu'un employé qui est absent
six mois revient dans ses mêmes souliers, au même stade, avec
régime de pension, droit de vacances, priorité, etc?
Mme Harel: En fait, vous le mentionnez dans votre mémoire
à la page 3: L'ajout de l'article 5.2 qui prévoit le versement
d'allocations, qui va autoriser le ministère de la Main-d'oeuvre et de
la Sécurité du revenu à le faire, nous laisse quand
même dans l'Imprécision des intentions gouvernementales. En vous
écoutant, ça m'a donné l'idée d'une peinture
à numéros, d'une peinture qu'on ne connaît pas d'avance et
puis, c'est en la reliant par numéros qu'on finit par avoir le tableau
d'ensemble qu'on ignorait au moment où on l'avait entrepris. C'est
ça, dans un sens, le problème. Du fait qu'il n'y a pas de
politique familiale globale, on a l'impression que c'est par numéros
d'une certaine façon, par petites touches impressionnistes qu'on y
arrive, mais on ne sait pas nécessairement où on s'en va. Et,
là-dessus, je pense bien qu'il faut souhaiter que le gouvernement
indique clairement quelles sont ses intentions en proposant un ajout à
l'article 5.2.
M. Roberge: Oui.
Mme Harel: Ça, c'est un aspect qu'on n'avait pas encore
vraiment traité depuis le début, mais qui est important.
M. Roberge: Oui, mais il y a plusieurs choses à mettre en
place. Au gouvernement, il y a des programmes, par exemple, où une
personne peut recevoir 80 % de son salaire pendant quatre ou cinq ans et avoir
une année sabbatique avec 80 % de son salaire. Peut-être que c'est
la promotion d'un système comme ça qui peut être
intéressante dans le cadre d'une politique familiale. Mais, n'ayant pas
de politique familiale, est-ce qu'on veut deux ou trois enfants par famille, ou
est-ce qu'on veut tel genre de cadre de soins ou d'approche vis-à-vis de
la famille?
On ne le sait pas du tout. On fait une pièce et, après
ça, on espère que ça va s'imbriquer dans le reste, alors
que ce serait beaucoup plus intéressant d'avoir l'autre avant.
Mme Harel: Quant à la question des heures
supplémentaires, comment se débrouillent vos collègues de
l'Ontario avec la disposition qui prévoit une journée maximale de
travail de huit heures au-delà de laquelle tout employé peut
refuser de faire du temps supplémentaire dans le cadre, en Ontario,
d'une semaine maximale de 48 heures?
M. Roberge: Je ne suis pas familier... Je ne connais pas
ça. C'est intéressant. Vous devriez venir nous conseiller.
Mme Harel: C'est parce que...
M. Roberge: Je ne connais pas cet
élément-là. Ça ne veut pas dire que l'industrie
minière ne le connaît pas, mais moi-même, je ne le connais
pas.
Mme Harel: Ça a été modifié en 1987
et puis, contrairement à des mesures protectionnistes... Parce que
là, on essaie de jouer dans des mesures protectionnistes pour des
salariés qui ont des responsabilités parentales et
vous-même mentionniez toutes les difficultés à bien
déterminer si ce sont des responsabilités parentales de l'un ou
des deux. Vous dites que souvent les deux conjoints travaillent dans la
même entreprise. Est-ce qu'ils peuvent tous les deux quitter pour la
même responsabilité parentale? Enfin, tout ça étant
difficile à définir, ne vaut-il pas mieux procéder en ne
discriminant pas d'une certaine façon, puis en introduisant, comme en
Ontario, la journée maximale de huit heures? Vous n'avez pas idée
de la façon dont c'est géré par vos collègues
là-bas...
M. Roberge: Non.
Mme Harel: ...par des entreprises connexes?
M. Roberge: Non et ici, ce serait peut-être difficile pour
certaines entreprises, pour plusieurs même, parce qu'il y a des "shifts"
qui se font, quatre jours de travail, qui peuvent être de dix heures ou
de douze heures, et trois jours de congé, ou sept jours de travail et
sept jours de congé, ou huit jours de travail, six jours de
congé. Il y a des variantes comme ça dans plusieurs entreprises
minières. Ce serait difficile d'avoir le même contexte qu'en
Ontario là.
Mme Harel: Parce qu'on en a parlé ce matin, c'est une
disposition qui peut être modi- , fiée, mais, à ce
moment-là, elle suppose une autorisation pour faire en sorte qu'il y ait
un travail au-delà du nombre d'heures fixé par la loi. Alors, il
y a toujours des ajustements possibles, pas simplement pour des cas d'accidents
ou de travaux urgents; c'est la terminologie qu'ils utilisent. Eux, ils
utilisent la terminologie suivante parce que vous avez été assez
précis sur les modifications que vous souhaitiez. En cas d'accident ou
de travaux urgents effectués sur la machinerie ou dans l'usine,
l'employeur peut demander que la limite des heures de travail soit
dépassée, mais uniquement dans la mesure nécessaire pour
prévenir une grave entrave à la marche normale du travail dans
rétablissement. Sauf que l'employeur peut, avec l'approbation de la
commission ontarienne, obtenir une modification à cette journée
maximale.
M. Roberge: C'est ce qu'on appelle du "red tape".
Mme Harel: Pardon?
M. Roberge: C'est ce qu'on appelle du "red tape". Oui, mais la
question des travaux urgents, qui va déterminer que c'est urgent?
Peut-être la commission ou l'office ou un autre ou un arbitre. Mais des
travaux urgents, pour le travailleur, c'est une chose et pour l'employeur, c'en
est une autre. Il me semble que ça devrait être: si des travaux
sont nécessaires pour éviter une perturbation importante des
activités dans l'établissement. Ce serait bien suffisant.
Mme Harel: Oui, c'est tout? Alors, je vous remercie. Avant de
terminer, vous allez me permettre de remercier Me Roberge et M. Montpetit pour
leur présentation devant la commission.
M. Roberge: Merci.
M. Bourbeau: Merci d'être venus nous apporter vos
lumières et on va continuer notre réflexion là-dessus.
Merci.
M. Roberge: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Moi aussi, je vous remercie au nom
des membres de cette commission.
Maintenant, je demanderais aux représentants de l'Association des
grandes industries de la région de l'acier de bien vouloir s'avancer,
s'il vous plaît.
Bonjour. Officiellement, bienvenue.
Une voix: Bonjour.
Le Président (M. Joly): J'apprécierais que la
personne responsable s'identifie et présente les gens qui
l'accompagnent.
Association des grandes industries de la région
de l'acier
M. Cliche (François): Mon nom est François Cliche,
directeur du personnel et des relations industrielles chez Acier Stelco. Je
suis accompagné de Jacques Péloquin, directeur des relations du
travail corporatif chez QIT-Fer et Titane inc., et Guy Marier, directeur des
ressources humaines et relations du travail chez Beloit Canada Itée.
Le Président (M. Joly): merci, m. cliche. je vous rappelle
que vous avez une quinzaine de minutes pour présenter votre
mémoire de la façon la plus concise possible.
M. Cliche: Alors, je vais me référer d'abord au
document qu'on a fait parvenir à la commission.
Mesdames et messieurs, l'Association des grandes industries de la
région de l'acier désire faire connaître aux membres de la
commission sa position quant à l'avant-projet de loi. Notre association
regroupe onze entreprises, soit Les aciers inoxydables Atlas, Beloit Canada,
Heckett, Hydro-Québec, Marine Industrie, Poudres métalliques du
Québec, QIT-Fer et Titane, Sidbec-Dosco, Soreltex International, Acier
Stelco et Tioxyde Canada. Ces entreprises emploient près de 8000
personnes et ont un chiffre d'affaires d'environ 1 300 000 000 $ annuellement.
Elles sont situées dans les régions de Contrecoeur et de Sorel.
L'Association des grandes industries existe depuis 1987.
On a étudié les mesures contenues dans l'avant-projet de
loi et nous avons choisi d'appuyer le mémoire présenté par
le Conseil du patronat du Québec parce qu'il reflète très
bien notre position. Par contre, compte tenu de notre contexte
spécifique, nous voudrions cependant ajouter nos commentaires à
certaines parties du mémoire.
Avant d'aborder ces points, il est important de souligner que nos
entreprises font généralement partie de l'industrie lourde et
qu'elles opèrent de façon continue, c'est-à-dire 24 heures
par jour. En conséquence, la plupart de nos employés sont
affectés à des quarts de travail en rotation d'une durée
de douze heures.
L'article 14, d'abord, prévoit que, en certaines circonstances,
un employé pourrait refuser de travailler après ses heures
régulières de travail. Pour nous, c'est carrément
impensable de vivre avec un tel système parce que, la plupart du temps,
très souvent, le temps supplémentaire est inconnu par nous douze
heures à l'avance pour différentes raisons: bris d'équipe
ment, taux d'absentéisme, etc. Dans le fond, toute la question du temps
supplémentaire, c'est une situation qui a été
discutée, qui a été réglée par les parties.
Nous avons des entreprises qui sont syndiquées. Les employeurs et leurs
syn- dicats se sont penchés sur ces problèmes et ont
défini comment on va procéder avec la question du temps
supplémentaire. Alors, évidemment, nos conventions collectives et
nos politiques internes ont toute une foule de mesures pour gérer la
question du temps supplémentaire. (15 h 15)
Le temps supplémentaire dans nos entreprises, c'est quelque chose
dont les mesures qui ont été définies par les parties
règlent habituellement différents points. D'abord, la
distribution du temps supplémentaire, à savoir si on l'offre
à l'employé ayant le plus d'ancienneté, ou si on fait une
répartition égale, etc. C'est quelque chose qui est
réglé par nos politiques et nos conventions collectives. La
mécanique d'affichage aussi est une chose qui a été
réglée entre les parties. Un autre principe qui est
confirmé par nos règles et conventions, c'est le principe que le
temps supplémentaire est volontaire Et il y a aussi un dernier principe
qui est toujours confirmé dans toutes nos entreprises, c'est que,
lorsque requis, l'employé est obligé de rester en temps
supplémentaire. Quand c'est obligatoire, quand la situation l'exige au
niveau de l'opération, il faut absolument que l'employé
demeure.
Si on regarde, au niveau du temps supplémentaire, quels sont les
problèmes qu'on vit, je pense que les seuls problèmes qu'on a,
dans le fond, avec le temps supplémentaire, ce sont des griefs par
rapport à la répartition. L'employé qui voudrait avoir eu
du temps supplémentaire a fait un grief parce qu'il pense que c'est lui
qui aurait dû rester en temps supplémentaire. Dans nos
entreprises, à ma connaissance, on n'a jamais eu de grief d'un
employé disant: Bien, mon "boss" m'a obligé à rester en
temps supplémentaire alors que j'avais des problèmes - jamais. On
a posé la question à nos membres. On n'a jamais entendu parler de
ça.
Il y a peut-être un point que j'aimerais mentionner. Je fais
partie d'une entreprise qui a beaucoup d'usines en Ontario. Et, en Ontario, ils
ont réglé... Je ne suis pas un spécialiste de la loi de
l'Ontario, mais ce qui est intéressant, c'est que j'ai des
réunions avec les gens de l'Ontario régulièrement et,
quand on parie de temps supplémentaire, les usines de l'Ontario ont
beaucoup de problèmes. Et les seules usines où on nous dit qu'on
est chanceux, c'est au Québec parce qu'on n'a pas de problèmes
avec le temps supplémentaire Je pourrai peut être revenir
là dessus un peu plus tard, à la fin de ma présentation,
pour dire c'est quoi les problèmes qu'on vit avec la loi de l'Ontario.
C'est un point que je voulais mentionner
Quand on dit que l'employé n'est pas obligé de rester,
sauf si ça peut causer une perturbation importante, il me vient un
exemple à l'esprit bien terre à terre. Le gars qui est
responsable de l'expédition de l'acier... À six heures du soir,
il y a un camion qui se présente pour livrer de l'acier. Le client vient
chercher sa livraison, bon.
Le responsable de l'expédition dit: Moi, bien là, je ne
peux pas rester en temps supplémentaire. Est-ce que c'est une
perturbation importante, ça? Stelco ne fermera pas ses portes à
cause de ça, c'est évident. Mais c'est un problème qui va
rebondir de la part de notre client. En tout cas, la notion de perturbation
importante, évidemment, c'est quelque chose qui n'est pas clair.
L'article 16, maintenant, permet de "remplacer le paiement des heures
supplémentaires par un congé payé d'une durée
équivalente aux heures supplémentaires effectuées,
majorée de 50 %." Nous, le temps supplémentaire, c'est simple. Tu
fais du temps supplémentaire, on te paie à temps et demi ou
à temps double, selon les circonstances. Et si tu veux du temps libre,
on t'en donnera non payé, pour la simple et bonne raison que le temps
supplémentaire, pour un employé chez nous, il faut que tu le
remplaces. Si l'employé s'absente en temps compensatoire qu'on pourrait
appeler, on devra le remplacer par un autre employé qui, lui aussi, va
être un temps supplémentaire. Alors, c'est une situation où
il y aurait une augmentation importante du temps supplémentaire.
Et ce qui est intéressant, les trois entreprises qui sont
représentées ici, on a fait l'expérience de ça,
nous, on a fait l'expérience de donner du temps compensatoire au lieu du
temps supplémentaire. Et toutes les trois, pour deux raisons, on a
abandonné cette politique-là. Première des choses,
augmentation majeure du temps supplémentaire. L'employé qui prend
du temps "off, comme on dit, dans nos usines, doit être remplacé
par quelqu'un d'autre qui est en temps supplémentaire. Alors, c'est une
roue, c'est un cercle sans fin.
Deuxièmement, les employés accumulaient du temps
supplémentaire en disant: Bon, ne me paie pas, je veux avoir du temps.
L'employé accumulait du temps puis, en bout de ligne, il disait: Bien,
maudit, je ne peux pas le prendre, le temps compensatoire que j'ai
accumulé au cours de la période. Ou bien, il disait: Vous
m'offrez du temps compensatoire au mois de novembre, alors que je veux l'avoir
l'été, ou à la fin de l'année.
Alors, on a fait l'expérience et, à cause de
l'augmentation du coût du temps supplémentaire et du fait aussi
que les employés ne pouvaient pas se permettre d'avoir du temps au
moment où ils auraient voulu l'avoir, on a abandonné
carrément cette politique-là.
L'article 29, congé parental, prévoit d'accorder un
congé de cinq jours à un employé qui a des obligations
parentales. Nous, au départ, un peu comme le Conseil du patronat, cinq
jours, on trouve que c'est... Ça ressemble beaucoup à une
semaine, cinq jours, en partant; deuxièmement, on voudrait absolument
être en mesure d'accepter la date ou d'accepter d'être
avisés d'avance et que ce soit à une période qui est
mutuellement acceptable. Évidemment, on fait référence aux
périodes de pointe comme l'été, Noël, les
congés scolaires, etc. On ne veut pas se ramasser dans une situation
où des responsables sur une équipe de travail, des responsables
d'une coulée d'acier décident de s'absenter tous en même
temps. On ne peut pas fonctionner comme ça.
Pour comprendre un peu la situation, j'ai fait une vérification,
hier. Dans un groupe d'employés syndiqués chez nous, 400
employés syndiqués, j'ai vérifié les absences pour
affaires personnelles, combien on en donne et si ça arrive qu'on en
donne. En 1989, pour 400 employés, on a donné 788 absences pour
affaires personnelles; en 1988, 734; en 1987, 773. Donc, pour 400
employés, c'est à peu près deux jours annuellement d
absences personnelles qui sont autorisés. C'est quelque chose qui...
Pourquoi trois jours? Pourquoi cinq jours? Dans certains cas, l'employé
veut avoir plus; dans certains cas, il n'en a pas besoin. Alors, en tout cas,
on a de la difficulté à comprendre l'idée du congé
parental automatique de cinq jours.
L'article 124. L'article 124 donnerait au commissaire du travail
l'application ou, du moins, la juridiction sur les fameux cas de
congédiement en vertu de l'article 124 de la loi sur les normes. Nous,
ce qu'on voit là-dedans, c'est que des employés non
syndiqués auront droit, dorénavant, à une procédure
d'appel, une procédure légale, gratuite, alors que nous, bien,
nos employés sont syndiqués, que la procédure d'appel est
l'arbitrage et que cette mesure prévue à la convention
collective, elle coûte de l'argent. C'est bien évident qu'on
s'attend à ce que nos syndicats mettent énormément de
pression pour avoir droit, eux aussi, à une procédure d'appel
gratuite pour les cas de congédiement. Et je vois tout de suite leur
argument, c'est que, dans la plupart des conventions collectives des grosses
entreprises, les procédures de grief et d'arbitrage dans les cas de
congédiement diffèrent de la procédure
générale. On a déjà spécifié dans nos
conventions collectives qu'un cas de congédiement, au point de vue d" la
procédure d'appel, on traite ça de façon
différente. Alors, l'étape suivante, ce serait de dire: Bien
écoutez, vous avez déjà reconnu que c'est
différent, un cas de congédiement, donc, on aimerait avoir, nous
aussi, la gratuité. Je ne pense pas que la gratuité, dans le cas
des griefs, c'est quelque chose qui est souhaitable. Je pense que même le
gouvernement présentement vit un peu cette
expérience-là.
Le dernier point qui est très très important pour nous.
Nous, nos employés travaillent douze heures. Un "shift" normal chez
nous, c'est douze heures. Alors, quand, à différents endroits de
la loi, on fera référence à une journée de travail,
chez nous, on vient de majorer ça de 50 %, parce que ce n'est pas huit
heures, c'est douze heures que ça nous coûte. Alors, c'est
essentiel de préciser ce que veut dire une journée de travail
pour être capable de traduire ça par rapport à la situation
des employés ayant des horaires de douze heures.
En fait, je pense que notre message par rapport à ces quelques
points-là, c'est que la loi viendrait mettre des règles, alors
qu'il y a des parties qui, volontairement, se sont entendues et ont
négocié des façons de procéder. Je pense que la loi
pourrait venir s'ajouter et interférer de façon non profitable
autant pour nous que pour les employés dans nos usines. C'est tout.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Cliche. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre, M. Bourbeau.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Alors, il me fait
plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des grandes
industries de la région de l'acier et de tenter de dissiper,
peut-être, certaines craintes ou certaines incompréhensions que je
décèle dans votre discours.
Vous semblez penser que dans la loi que l'on propose on va faire en
sorte que du temps supplémentaire devra être payé
après huit heures de travail. Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre de
vos propos. Or, H n'y a rien de tel dans la loi. La loi n'est pas
changée à cet effet-là. Dans la loi actuelle, au
Québec, le temps supplémentaire se paie après 44 heures de
travail dans une semaine. On peut travailler 24 heures par jour, la
première journée, 20 heures, la deuxième journée,
et il n'y a pas encore une heure de temps supplémentaire qui se paie.
Théoriquement, on pourrait travailler 44 heures de suite, jour et nuit,
sans qu'il y ait une heure de temps supplémentaire qui se paie. Le temps
supplémentaire se paie après 44 heures de travail.
En Ontario, c'est différent. En Ontario, après huit heures
de travail, là, il y a du temps supplémentaire qui se paie. C'est
la loi actuelle. Alors, tout à l'heure, vous sembliez nous dire: Bon, H
ne faut pas changer ça; ça va nous créer un
problème. On ne change pas ça. On ne vous demande pas de
commencer à payer du temps supplémentaire après huit
heures, on ne demande pas ça. Je ne sais pas pourquoi vous
semblez...
M. Cliche: Non, il n'y a pas de changement par rapport à
ça, au niveau de la loi, du moins, au niveau de l'avant-projet de loi.
Ce à quoi on fait référence, au niveau de l'avant-projet
de loi, du moins ce que je comprends, c'est qu'un employé pourrait
être tenu de faire du temps supplémentaire.
M. Bourbeau: Oui, mais pas payé à temps et
demi.
M. Cliche: Ah, non, ça.
M. Bourbeau: Oui, mais, tout à l'heure, vous avez dit
ça. La situation, telle qu'elle se présen te, c'est qu'en
Ontario, après huit heures, on peut refuser de faire du temps
supplémentaire.
On paie après 44 heures par semaine et puis on ne peut pas
travailler plus de 48 heures... On ne peut pas obliger quelqu'un à
travailler plus de 48 heures, disons. O.K.? Alors, pas plus de huit heures par
jour sans le consentement du travailleur, pour le temps supplémentaire.
On doit payer après 44 heures. On ne peut pas forcer un travailleur
à travailler plus de 48 heures. Mettons-le comme ça. Au
Québec, il n'y a pas de journée maximum, donc, un travailleur,
dans l'état actuel des choses, avant le projet de loi, ne peut pas
refuser de faire du temps supplémentaire, après huit heures.
D'ailleurs, vous en êtes la preuve, ça travaille douze heures chez
vous. La semaine est de 44 heures avant de commencer à payer du temps
supplémentaire et il n'y a pas de semaine maximum, au Québec.
Alors, venons donc au Vous avez parlé de l'Ontario, tantôt,
en nous disant qu'il y avait des problèmes. Pouvez-vous expliciter un
peu, c'est quoi les problèmes que vous décelez en Ontario avec
vos gens?
M. Cliche: Foncièrement, la loi de l'Ontario, remarquez
que je ne suis pas un spécialiste de la loi de l'Ontario...
M. Bourbeau: Non, mais l'expérience de vos travailleurs
chez vous...
M. Cliche: Pardon?
M. Bourbeau: C'est parce que je serais intéressé
à connaître l'expérience de vos travailleurs en
Ontario.
M. Cliche: On a plusieurs usines en Ontario et on en a une, entre
autres, qui est située à Hamilton, où on a 7000
employés et là-bas, en Ontario, la loi, du moins de la
façon dont je la comprends, c'est qu'il y a deux catégories
d'employés au niveau de la loi. Il y a les employés dits
"d'entretien", pour lesquels le maximum de la semaine est de 48 heures et si on
demande un permis, on peut avoir une extension du nombre d'heures pour aller
jusqu'à 12 heures, donc un total de 60 heures. Du moins, c'est ce que je
comprends de cette loi, en Ontario. Ça, ça concerne les
employés d'entretien.
Deuxièmement, on a les employés dits "d'opération",
les employés de production, pour qui il y a un maximum de temps
supplémentaire de 100 heures annuellement. À moins que je ne
comprenne pas la loi de l'Ontario, c'est ce que j'ai toujours vu là-bas.
Chez nous, ce qui s'est produit c'est que, évidemment, nos
employés, en temps supplémentaire... Les employés ne
refusent pas, habituellement, de faire du temps supplémentaire, ils en
veulent du temps supplémentaire.
Ce qui s'est produit, c'est quo. quand la situation économique
dans les grandes aciéries a été plus difficile, nous, du
temps supplémentaire,
on en faisait faire et on excédait évidemment le maximum
pour bien des employés, mais personne ne disait un mot, les
employés ne s'en plaignaient pas. On a fait des mises à pied en
1985, 1986, 1987 et les syndicats, à ce moment-là, ont
déposé énormément de plaintes par rapport à
ça. Leur objectif était de dire: Si vous réduisiez le
temps supplémentaire, peut-être qu'on pourrait rappeler 2000 de
nos confrères qui sont mis à pied présentement. C'est un
petit peu le discours qui était tenu là-bas. Et on a eu
énormément de "audits", de vérifications du
ministère du Travail chez nous. On s'est fait prendre en défaut
régulièrement, à un point tel que, je pense, en août
ou en septembre, l'an passé, il y a cinq de nos travailleurs qui ont
été poursuivis par le ministère du Travail en Ontario, en
plus de la compagnie, qui a été poursuivie. C'est encore en cours
de procédure, mais c'est pour vous dire qu'on a eu
énormément de plaintes là-dessus. (15 h 30)
La situation, c'est simple. C'est qu'il arrive une situation, le soir
sur une équipe de travail, il manque deux responsables de la
coulée d'acier, les deux gars ne se présentent pas, le
contremaître garde les deux employés qui sont là pour faire
un peu plus de temps supplémentaire. Les employés ne disent pas
un mot, O.K.? Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que le gars a déjà
dépassé ses 100 heures au cours du mois. Les 100 heures de
travail de temps supplémentaire ont déjà été
écoulées au cours de l'année. Alors, tu as toutes sortes
de situations d'absentéisme qui provoquent du temps
supplémentaire chez les employés. Situations aussi, bien souvent,
de bris de hauts fourneaux, par exemple, bris majeur de hauts fourneaux.
L'usine arrête pendant 45 heures ou 48 heures, 7000 travailleurs
impliqués. Alors, tous les employés d'entretien s'orientent,
évidemment, pour repartir l'usine et ça presse. Mais parmi ces
travailleurs d'entretien, c'est bien évident qu'il y en a qui vont
dépasser les 48 heures ou les 60 heures qui sont prévues dans la
loi. On s'est fait prendre en défaut... On a beau essayer d'invoquer, en
Ontario, l'absentéisme comme cause pour nous justifier, ce n'est pas
accepté. Il faut que ce soit... La loi prévoit qu'en cas
d'urgence on peut dépasser le maximum, mais la notion d'urgence n'est
pas tout à fait la même pour nous que pour les gens des normes du
travail en Ontario.
Alors, tout ça pour vous dire que c'est un sujet qui est
discuté régulièrement en Ontario. C'est un problème
avec lequel on n'est pas capables... C'est une loi avec laquelle on a beaucoup
de difficulté à vivre et ils nous trouvent chanceux qu'au
Québec on n'ait pas ce genre de problèmes, qu'on se soit entendus
avec nos syndicats. Et d'ailleurs, s'il fallait que la loi de l'Ontario soit
appliquée chez nous ou dans nos usines du Québec... Chez nous,
les employés qui ont le plus d'ancienneté veulent avoir le droit
de faire tout le temps supplémentaire. alors, nos employés qui
ont le plus d'ancienneté peuvent faire facilement 200 heures, 300
heures, 400 heures, 500 heures de temps supplémentaire par année.
s'il fallait qu'on arrive avec une loi comme ça, on aurait un
problème avec nos syndicats. nos employés, eux-mêmes,
seraient contre la loi.
M. Bourbeau: Oh non! On ne vous propose pas ça. Vous
reconnaîtrez qu'on ne propose pas ça, non plus.
M. Cliche: Non, mais vous me posez la question de l'application
en Ontario.
M. Bourbeau: Oui, d'accord. M. Cliche: C'est ce que j'en
vois.
M. Bourbeau: C'est parce que j'étais
intéressé à savoir en quoi ça créait des
problèmes, le temps supplémentaire. Donc, nous, on ne propose pas
un maximum de huit heures par jour de temps supplémentaire. Par contre,
on doit quand même avoir certaines protections de base et, parmi ces
protections de base, il y a ce qu'on appelle des congés parentaux. On
propose, par exemple, que les parents puissent avoir cinq jours de congé
par année pour s'occuper de leurs enfants. Vous nous dites: C'est trop.
Nous, on a une expérience importante et, en principe, en
général, ce qu'on donne... On a donné 700 heures - un peu
plus de 700 heures, disons - pour 400 employés, disons une
moyenne...
M. Cliche: Jours.
M. Bourbeau: Jours, je m'excuse. C'est marqué "jours" sur
ma note aussi.
M. Cliche: O.K.
M. Bourbeau: Alors, une moyenne de deux jours par employé,
par année. Est-ce que ce sont des jours payés ou non
payés?
M. Cliche: Non payés.
M. Bourbeau: Non payés, oui. Mais ce qu'on propose, nous,
c'est cinq jours. C'est vrai que c'est un peu plus long, mais c'est non
payé quand même. Ce n'est pas... Deux jours payés, trois
jours non payés. Mais les trois jours non payés, ils ne sont pas
obligés de les prendre, les parents.
M. Marier (Guy): C'est qu'avec le projet de loi on ajoute deux
journées de congé à nos employés, finalement.
M. Bourbeau: On ajoute deux journées payées,
effectivement, oui, payées, mais pas de congé là. Il faut
que ce soit pour cause. Il faut
que les parents...
M. Marier Oui, mais ils vont en trouver des causes. Ce n'est pas
un problème.
Mme Harel: II faut avoir un bébé. M. Bourbeau:
Pardon?
M. Marier: Ils vont en trouver des causes. Ce n'est pas un
problème ça. Les cinq jours de congé...
Mme Harel: Ça vient avec le congé, le
bébé. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marier: Le congé, c'est pour s'occuper des enfants.
Alors...
M. Bourbeau: Bon, écoutez, je vais préciser quelque
chose. À force de discuter, on mélange tout, là, bon. Les
cinq journées ne sont pas payées, ces journées-là.
Les seules journées qui sont payées, c'est à la naissance.
S'il y a une naissance, là, on propose deux journées
payées et trois journées non payées.
M. Cliche: Ce sont deux choses distinctes, ça.
M. Bourbeau: Oui, mais là...
M. Cliche: Bien, c'est ce que j'ai compris.
M. Bourbeau: ...c'est parce que vous m'avez fait une
réplique et j'ai été distrait.
M. Cliche: O.K.
M. Bourbeau: Je reviens à mon propos. Les cinq
journées annuelles de congé pour des fins ponctuelles
d'obligations parentales, ça, ce sont des journées non
payées, les cinq.
M. Cliche: C'est ça.
M. Bourbeau: Vous dites que vous en donnez... Vous, à
date, vous en avez donné deux.
M. Cliche: Deux, en moyenne.
M. Bourbeau: Mais c'est dans un contexte où le
Québec ne faisait pas beaucoup d'enfants. Maintenant, on commence
à vouloir en faire plus là, et on veut favoriser d'en faire plus.
Alors... D'ailleurs, l'an dernier, on a vu une remontée spectaculaire au
Québec, des bébés. Alors, peut-être que les deux ne
seront plus suffisantes maintenant; peut-être que trois seraient
préférables; quatre, ce serait peut-être l'idéal ou
cinq.
Mme Harel: Est-ce qu'on peut réclamer un congé pour
en faire un? Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: II faut que ça parte à quelque part.
Une voix: II faut que ça marche. M. Cliche: De
quelle durée? Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Bon, alors, écoutez, c'est de ça qu'on
parle. Mais le fait de donner un congé non payé chez vous,
ça crée un gros problème. Vous avez quand même un
bon bassin de travailleurs. Vous en avez des milliers et des milliers. Si vous
le savez d'avance, supposons qu'on mette un préavis, est-ce que
ça vous créerait un gros problème quand même?
M. Marier: Non seulement un préavis, mais une entente
mutuelle entre les parties pour ne pas que tout un département
décide de prendre la dernière semaine de février,
où les enfants sont en congé scolaire. Si toute la
comptabilité décide de partir en congé sans solde, on fait
quoi? Ou si tout le département de soudure décide de prendre un
congé sans solde la dernière semaine de février ou dans le
temps des fêtes parce qu'il veut avoir un congé prolongé,
on fait quoi?
M. Bourbeau: Un bon point ça. On va en tenir compte de ce
point-là. Il pourrait arriver à un moment donné que tous
les parents estiment que s'occuper des enfants, c'est dans la semaine de
congé de février et que l'usine se vide au complet.
Effectivement, c'est un bon point.
M. Marier: On a 1565 employés et on a deux personnes au
service de la paye. Alors, si elles décident de partir une semaine, qui
fait les payes la semaine prochaine? On va avoir un dur problème sur les
bras avec notre syndicat. Il faudrait que ce soit par entente mutuelle...
M. Bourbeau: Vous pourrez blâmer le syndicat de pas avoir
d'employé pour faire la paye.
M. Marier: II faudrait que ce soit par entente mutuelle entre les
parties, définitivement.
M. Bourbeau: Ça, c'était un bon point. On va tenir
compte de ça. Il ne faudrait pas que ces congés se prennent
nécessairement ensemble. C'est bon, ça.
M. Marier: Automatiquement.
M. Bourbeau: II y a une phrase qui m'in-
trigue beaucoup dans votre document. Vous dites ceci en page 3: "En
terminant, nous voudrions souligner que l'avant-projet de loi fait
référence à plusieurs endroits a la notion de
journée. La législation devra préciser qu'une
journée veut dire huit heures parce qu'en général, la
journée normale de travail est d'une durée de douze heures dans
nos entreprises." Donc, vous voulez qu'on dise dans la législation que
la journée normale, c'est huit heures?
M. Cliche: non. ce que je veux que la loi dise, c'est que si
vous dites: on donne trois jours ou cinq... disons trois jours pour x
raisons...
M. Bourbeau: Trois jours de congé?
M. Cliche: Si vous dites que c'est trois jours... Ou, par
exemple, dans le cas d'une naissance, deux jours de congé payés.
Deux jours de congé payés, pour vous, ça veut dire 16
heures payées, mais, pour moi, deux jours normaux de travail, c'est 24
heures payées chez nous. Donc, il y a une majoration de 16 heures
à 24 heures, pour laquelle nous, on va être obligés de
payer une différence. Si vous dites deux jours, vous direz deux jours de
8 heures, ou 16 heures. Il faudrait préciser le nombre d'heures parce
que, chez nous, c'est une majoration automatique de 50 %.
M. Bourbeau: J'ai très bien compris. L'autre point, la
période de cinq jours de congé ponctuel pour s'occuper des
responsabilités familiales. Est-ce que j'ai bien compris tantôt,
est-ce que vous nous avez dit que vous voudriez qu'on puisse influencer le
choix des dates, que l'employeur puisse dire: Ça se prend à telle
époque? Ça m'apparaît assez difficile...
M. Marier: Non, pas tout à fait. Ce qu'on veut dire, c'est
qu'on choisit par ancienneté les journées de congés
parentaux qu'on veut prendre. Et non, comme je le disais tantôt, que tout
un département décide que c'est la dernière semaine de
février...
M. Bourbeau: Mais si un enfant tombe malade, le père ou la
mère ne peut pas le prévoir d'avance.
M. Marier: Ce n'est pas pareil, ça. Ce sont des urgences
où on les laisse aller, mais on parle des cinq journées que le
projet de loi suggère.
M. Bourbeau: Mais la loi, ça peut être autant pour
des urgences. C'est quand l'enfant tombe malade, la gardienne n'est pas
là, des choses comme ça.
M. Marier: Ça, ce n'est pas un problème. On peut
vivre avec ça, les urgences. C'est l'automatique avec lequel on ne peut
pas vivre.
M. Bourbeau: C'est quoi, les automatiques, pour vous?
M. Marier: L'employé a droit à cinq jours par
année et il décide de prendre les cinq derniers jours de
février, supposons. C'est ça qui devient lourd.
M. Bourbeau: Vous voulez dire pour aller en ski, pour aller en
vacances?
M. Cliche: Pour garder ses enfants, qui ne vont pas à
l'école.
M. Marier: Pour garder ses enfants parce qu'ils n'ont pas
d'école pendant cette semaine.
M. Bourbeau: Oui, mais l'objectif de la loi, ce n'est pas
ça. Ce n'est pas pour prendre des vacances avec les enfants.
M. Marier: non, mais la réalité c'est ça,
par exemple. chez nous, on le vit actuellement. on est obligés de
refuser des congés ou des vacances payées lors de la
dernière semaine de février, parce que tout le monde veut partir
en même temps. alors on est obligés d'y aller par
ancienneté.
M. Bourbeau: Je comprends, oui. O.K. très bien, je pense
que les points que vous avez fait valoir, étaient intéressants.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je salue, moi aussi,
les représentants de l'Association des grandes industries de la
région de l'acier. Permettez-moi de vous demander tout de suite: Est-ce
qu'il y a un problème d'absentéisme important dans les
entreprises que vous représentez?
M. Cliche: Je dirais que le taux d'absentéisme dans nos
entreprises, ça tourne peut-être autour de 7 %, 8 %.
M. Marier: Chez nous, c'est 14 % d'absences non motivées.
On ne compte pas là-dedans les accidents du travail, les absences
motivées pour maladie.
M. Cliche: C'est variable en fonction des différentes
organisations.
Mme Harel: C'est donc assez élevé, finalement?
M. Cliche: Chez eux, oui.
M. Marier: Très élevé.
Mme Harel: Est-ce que c'est assez fréquent de retrouver un
taux d'absence aussi élevé que celui-là? Avez-vous fait
des études?
M. Cliche: Non, je n'ai pas de statistiques précises, mais
ma connaissance des entreprises, de façon générale, ce
n'est pas quelque chose... On a de l'absentéisme, mais ce n'est pas
quelque chose de très...
Mme Harel: A quoi attribuez-vous cet absentéisme? À
des obligations, ou à des problèmes personnels d'alcool? À
quoi attribuez-vous...
M. Marier: Les enquêtes qu'on a faites au cours des trois
dernières années révèlent qu'il y a beaucoup
d'alcoolisme, de toxicomanie. Chez nous, ce sont des grands sportifs, ils font
beaucoup de chasse, beaucoup de pêche, alors ils prennent beaucoup de
congés pour aller à la chasse ou à la pêche.
J'imagine qu'à cause des salaires élevés qu'on paie dans
notre genre d'industries ils peuvent se permettre de prendre des congés
sans solde et ça ne nuit pas trop au budget familial. J'imagine.
Mme Harel: Comme les médecins.
M. Marier: Mais c'est un problème majeur dans notre
industrie, assurément.
Mme Harel: Évidemment, il y a peut-être l'aspect...
Vous avez bien fait ressortir que l'aspect des congés mobiles n'est
peut-être pas suffisamment associé au caractère urgent que
le législateur veut finalement accorder aux dispositions de
l'avant-projet de loi, mais j'aimerais revenir sur la journée normale,
la journée maximale, la semaine normale, la semaine maximale. Ça
ce sont des variables qu'on mélange parfois, mais je pense qu'on se
comprend bien, évidemment. Présentement, l'avant-projet de loi ne
parle ni de journée maximale, ni de semaine maximale, ni de
journée normale, il est simplement question d'heures
régulières. C'est de là que vient peut-être la
confusion et votre demande, à la fin de votre mémoire, de
préciser ce qu'est une journée régulière
au-delà de laquelle on veut offrir au salarié qui a des charges
parentales la possibilité de refuser de faire du temps
supplémentaire. Qu'est-ce que c'est? Vous dites: Des heures
régulières, chez nous, c'est douze heures. C'est bien ça
qu'on doit comprendre?
M. Cliche: La journée normale de travail chez nous c'est
douze heures.
Mme Harel: Par normale, vous voulez dire qu'au-delà de ces
douze heures le temps sup- plémentaire commence à être
payé?
M. Cliche: C'est ça. Donc, une journée normale
c'est douze heures. Alors si, dans la loi, on dit qu'on accorde deux
journées de travail payées, eh bien deux journées de
travail payées, ça veut dire seize heures, habituellement, deux
fois huit heures. Mais nous, deux journées de travail payées,
c'est 24 heures.
Mme Harel: Combien d'heures par semaine?
M. Cliche: Si on prend un horaire de douze heures, sur un cycle
de quatre semaines, les employés font 168 heures.
Mme Harel: Ça correspond à combien d'heures par
semaine?
M. Cliche: 42 heures par semaine, à peu près, et il
y a un deux heures de temps supplémentaire qui est payé
évidemment par convention.
Mme Harel: Mais est-ce qu'Us font des journées continues,
par exemple? Est-ce que ça signifie à ce moment-là trois
jours et demi?
M. Cliche: Non, non. J'ai un exemple d'horaire de travail ici. Je
ne sais pas si ça peut avoir une utilité.
Mme Harel: oui, certainement. quand vous dites: journée
normale, ce n'est pas la journée régulière pour autant, la
journée de douze heures. c'est bien ça?
M. Cliche: C'est la journée régulière.
Mme Harel: Régulière.
M. Cliche: L'employé rentre le lundi matin à 8
heures, puis il finit à 20 heures le soir. Le lendemain, le mardi, il
fait la même chose: de 8 heures le matin à 20 heures le soir. Le
mercredi et le jeudi, il ne travaille pas. Le vendredi, il rentre travailler:
il travaille de 20 heures le soir à 8 heures le lendemain matin,
vendredi, samedi et dimanche. Le lundi, il tombe en congé, en rotation,
opération continue, 24 heures sur 24, par équipes. Alors, son
"chiffre", c'est douze heures.
M. Marcil: Ils peuvent se retrouver avec deux journées de
congé, des fois trois journées.
Mme Harel: Dans la loi ontarienne, tantôt vous en pariiez
et vous aviez vraiment, en connaissance de cause, l'information juste. En fait,
il y a non seulement une semaine maximale de 48 heures, mais, pour la
production, c'est dans le fond un maximum de 50 heures, si on calcule les 100
heures par année...
M. Cliche: C'est ça.
Mme Harel: ...permises au-delà de la journée
maximale.
M. Cliche: C'est exact.
Mme Harel: 100 heures sur 50 semaines.
M. Cliche: Sur 50 semaines.
Mme Harel: C'est ça. Alors, à peu près,
c'est deux heures de plus.
M. Cliche: Ça équivaut à deux heures de
plus.
Mme Harel: Mais ça, ça ne peut pas être
modifié, même par entente entre parties par convention collective,
hein? Ça, c'est le plafond. C'est ça qui est en usage
là-bas.
M. Cliche: C'est la norme minimale... leur norme minimale.
Mme Harel: Est-ce que vous connaissez toutes ces études,
dont une dernièrement du Bureau international du travail qui a
été publiée dans le journal Le Soleil? Ça ne
se rend pas nécessairement partout. À Drummondville, il n'y a pas
seulement un changement de climat, il y a un changement de médias. On
change de médias complètement, mais le journal Le Soleil a
publié un article, la semaine dernière, sur toutes sortes
d'études du BIT dans toutes sortes de pays qui démontraient que
la réduction des heures de travail n'a pas vraiment d'effet - en fait,
c'est trns controversé - sur l'augmentation de l'emploi, mais sur la
productivité, que la diminution des heures de travail augmente
considérablement la productivité. Est-ce que vous avez un avis
sur cette question?
M. Cliche: Je sais, pour aller un peu moins loin, on a
parlé de l'Ontario tantôt, que les normes là-bas ont
vécu évidemment divers problèmes avec la question du temps
supplémentaire. Ils ont formé un groupe de travail, un "task
force" là-bas, en Ontario, le ministère du Travail: Le groupe
d'étude de l'Ontario sur les heures de travail et les heures
supplémentaires. Alors, ils ont vérifié cette situation.
Ils ont posé des questions. Ils sont allés dans
différentes entreprises. La question était de définir, si
on limite le temps supplémentaire, est-ce que ça va créer
plus d'emplois? C'est bien votre question? Et la réponse à
ça, c'est non, selon les résultats de leurs études. Alors,
ce sont les 'task forces". Ça a été fait en Ontario,
ça déjà.
Mme Harel: Mais est-ce qu'ils étaient d'avis, comme
l'étude qui aurait été réalisée par le
Bureau international du travail, que ça augmentait la
productivité, par ailleurs, la réduction du temps de travail?
M. Cliche: Je n'ai pas vu cet aspect-là dans ce
rapport-là.
Mme Harel: Alors, le temps supplémentaire se paie
après douze heures d'une journée normale chez vous, c'est
ça?
M. Cliche: La journée normale étant douze heures
chez nous, le temps supplémentaire se paye après.
Mme Harel: Le congé de maladie, quel est-il dans vos
conventions?
M. Cliche: Dans aucune des entreprises, à moins que je ne
me trompe, dans notre association, il n'y a de congé de maladie.
Mme Harel: Un employé malade n'a aucune garantie de retour
à l'emploi? Oui, mais il n'est pas payé.
M. Cliche: II n'est pas payé, habituellement, pour la
première semaine. Au-delà de la première semaine, les
assurances viennent combler une partie de son salaire. Mais il n'y a pas de
banque de congés de maladie, de nombre de jours... Il est malade, il ne
rentre pas. C'est comme ça.
Mme Harel: Alors, à ce moment-là, le congé
mobile dont vous partiez, est-ce que c'est un congé qui est prévu
dans la convention?
M. Cliche: Le congé mobile?
Mme Harel: Ce congé pour causes personnelles dont vous
parliez tantôt, là.
M. Cliche: Ce n'est pas un congé; c'est une absence pour
raisons personnelles tout simplement.
Mme Harel: Absence. Mais il n'y a pas de congés mobiles,
non plus, dans la convention?
M. Cliche: Non.
Mme Harel: Ni de congés de maladie, ni ne de congés
mobiles?
M. Cliché: Non, dans toutes les entreprises qu'on...
Mme Harel: Et les vacances annuelles, de quel ordre
sont-elles?
M. Cliche: Les vacances annuelles sont supérieures
à l'avant-projet de loi.
M. Marier: Supérieures aux normes.
M. Cliche: Alors, deux semaines de un à cinq ans, trois
semaines de cinq à neuf ans, quatre semaines de neuf à quinze
ans, cinq semaines de quinze à 22, six de 22 à 30 et sept, 30 ans
et plus. C'est à peu près la norme dans notre milieu,
ça.
Mme Harel: Et vous ne pensez pas que, justement, l'absence de
congés de maladie, l'absence de congés mobiles, dans une certaine
mesure, viendraient expliquer l'absentéisme ou si vous distinguez dans
vos statistiques l'absence dite... Est-ce que c'est une absence motivée,
celle pour maladie?
M. Cliche: Bien sûr. Les chiffres que j'ai
mentionnés tantôt, absence pour affaires personnelles excluait
maladie.
Mme Harel: Excluait maladie, oui. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. Est-ce que vous voulez être reconnu, M. le
député?
M. Marcil: Juste une petite information.
Le Président (M. Joly): Bon bien, allez.
M. Marcil: C'est que dans te domaine des industries de
fabrication, acier, caoutchouc, ainsi de suite, la plupart des conventions
collectives, maintenant, ce sont sur les "chiffres" de douze heures. On a
remédié... Je sais que, dans mon coin - moi, je suis dans la
région de Valley-field - on est passés des "chiffres" de huit
heures à des "chiffres" de douze heures où les gens font quatre
journées de douze heures, deux journées de congé, deux
journées de douze heures, une journée de congé. Ensuite,
ils peuvent avoir trois journées de congé par la suite. Et le
taux de productivité a augmenté depuis qu'il y a eu une
modification à ces horaires-là.
Je ne sais pas si c'est comme ça chez vous. Mais, chez nous, je
sais qu'en termes de productivité, parce qu'il y avait moins de
changements de quarts... Donc, au lieu d'avoir trois quarts, on tombait
à deux quarts.
M. Cliche: Nous, on a implanté ces horaires en 1983. On a
fait énormément d'études pour voir l'impact de ça,
ces fameux horaires de douze heures. Des gens disaient: On va avoir plus
d'accidents du travail, plus de maladie, plus de ci, plus de ça, moins
de productivité, etc. Et c'est faux. L'expérience qu'on a
vécue, c'est que l'implantation des horaires de douze heures n'a pas eu
cet effet-là, en tout cas, à ce que je sache, que des effets dits
positifs.
M. Marcil: Moi, je sais que chez nous il y a eu des grèves
contre ce changement-là. Mais depuis que ces horaires sont
appliqués, les gens ne veulent plus revenir à l'ancien
horaire.
M. Cliche: Ah absolument! Les employés...
Le Président (M. Joly): M. le député de
Salaberry-Soulanges, merci. Alors, messieurs, au nom de cette commission, il me
fait plaisir de vous remercier. Merci pour ce que vous nous avez
apporté. J'imagine que la cogitation va continuer. Alors, je vais
maintenant demander aux représentants de l'Association provinciale de
l'industrie du bois ouvré du Québec de bien vouloir
s'approcher.
Mme Harel:...
Le Président (M. Joly): Madame, vous avez le sens de
l'humour! Ha, ha, ha!
Avec votre permission, je vais vous demander peut-être de
suspendre pendant deux ou trois petites minutes, d'ici à ce que M. le
ministre nous revienne. Il est parti sur un appel important, mais ça ne
devrait pas tarder. Alors, une petite suspension de quelques minutes seulement.
Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 50)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Joly): Nous allons reprendre nos travaux.
Je vais vous demander de vous présenter, le porte parole du groupe, s'il
vous plaît, et de présenter les membres qui vous accompagnent.
Association provinciale de l'industrie du bois
ouvré du Québec
M. Tremblay (Jean): Mon nom est Jean Tremblay, je suis directeur
général de ce qu'on appelle communément l'APIBOQ, qui est
l'Association provinciale de l'industrie du bois ouvré, qui regroupe
majoritairement des manufacturiers de portes et fenêtres en bois. Je dis
généralement... Je suis accompagné, à ma droite, de
M. Richard Boucher qui est président de Donat Flamand, sur la route 20;
à ma gauche, de Me Jules Bellavance, qui est procureur de notre
association, et, à mon extrême gauche, de M. Jean-Louis
Bonneville, qui est président du groupe Bocenord, qui regroupe les
usines Bonneville et Unik entre autres.
Le Président (M. Joly): Voici, avant de commencer,
j'aimerais souligner que nous avons
distribué aux membres de la commission ce que vous nous avez
laissé, qui est la version révisée de votre
mémoire. Alors, vous connaissez les règles du jeu: vous avez une
quinzaine de minutes pour présenter votre mémoire et, par
après, nous nous réservons le loisir, autant du côté
ministériel que du côté de l'Opposition, de vous poser les
questions d'usage. Alors, allez, c'est à vous.
M. Tremblay (Jean): Je vous remercie, M. le Président. M.
le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, la
présentation qu'on vous a remise, le document qui est intitulé
"document révisé" consiste essentiellement en une annexe qui
n'insiste que sur les deux mêmes articles dont la première partie
avait fait l'objet. Il s'agit des articles 82 et 83, si je ne me trompe pas,
qui est la question du préavis et du montant à verser à
des employés qu'on aurait mis temporairement à pied.
L'Association regroupe principalement, je vous le disais, des
manufacturiers de portes et fenêtres de bois et, dans notre association,
sur les 259 entreprises enregistrées au comité paritaire, nous en
regroupons à peu près une centaine. Mais au Québec, tel
que l'illustre le tableau 1, ça représente 3354 employés
pour une moyenne d'à peu près une vingtaine d'employés par
entreprise. Les gens qui m'accompagnent ici représentent à eux
seuls, en période forte d'activité, au-delà de 1000
employés.
Vous avez, au tableau 2, la répartition de la grosseur des
entreprises et vous constaterez qu'au Québec les petites entreprises
sont très nombreuses. Évidemment, des entreprises qui ont une
taille de plus de 100 employés, vous n'en retrouvez que neuf et les gens
qui m'accompagnent ici en représentent trois à eux seuls. le seul
problème qu'on a voulu cerner dans l'aveu >i projet de loi que vous
proposez, c'est essentiellement au niveau des articles 82 et 83. tel qu'on en
faisait mention dans la première partie du document, nos industries sont
reliées, entre autres - je dis "entre autres" - sont reliées
essentiellement à la construction domiciliaire qui vit par cycles.
alors, un cycle fort en été et un cycle très faible en
hiver. et, à cette période-ci de l'année, on est
évidemment dans la période la plus faible qui peut
représenter en termes d'emploi approximativement 50 % de ce que pourra
représenter la période forte. nous trouvons qu'il sera difficile
à vivre et surtout difficile à gérer le fait, à
toutes les années chez nous, de mettre à pied à peu
près 50 % des employés au mois d'octobre, 50 % des travailleurs,
pour les engager à nouveau à peu près six mois plus tard.
sauf qu'il nous est absolument impossible de prévoir quelle
température il fera. si le printemps sera tardif ou hâtif.
Si l'automne a été précoce et qu'on a fart les
mises à pied parce que la construction cesse pour l'hiver, alors si on
les met à pied un peu plus tôt à cause d'un automne un peu
plus précoce et que la période d'activité ne devait pas
reprendre avant un printemps plutôt tardif, bien, il faudrait à ce
moment-là... Les employés, même si on les met à pied
à toutes les années, accumulent quand même de
l'ancienneté parce que ces employés-là vont faire, pendant
dix, quinze ans, six mois par année. Donc, ces employés-là
seront admissibles à un préavis de six ou huit semaines, un
préavis qui est quand même important pour une industrie qui ne
pourra pas le prévoir et qui devra nécessairement payer des huit
semaines à plusieurs dizaines d'employés, pas évidemment
à toutes les années, mais une seule année pourrait faire
mal à beaucoup d'entreprises qui ne sont pas de très grosses
entreprises.
Alors, c'est essentiellement le sens de notre intervention et c'est
pourquoi, compte tenu du contexte actuel, des prévisions de
ralentissement économique, des prévisions de concurrence accrue
due au libre-échange... Même si on n'a pas au Québec encore
senti de pression du marché américain, la pression s'est fait
sentir sur le marché ontarien. Les Américains y sont. Ils sont
installés. Et on prévoit qu'aussitôt qu'il y aura une
possibilité d'affaires intéressantes pour les Américains,
par exemple, à Montréal, les Américains viendront et la
concurrence sera difficile à ce moment-là. Il faut vous dire
qu'on est déjà régis par un décret qui
enchâsse toutes les conditions de travail et que ces huit
semaines-là sont, enfin, après constatation, plus
élevées que ce qui a été négocié dans
ce qui est constaté dans les conventions collectives qui
régissent la très grande majorité des entreprises moyennes
et des grandes entreprises, quoique chez nous, les grandes entreprises ne sont
pas très grandes. De sorte qu'on demande à la commission la
possibilité de statuer que notre industrie est vraiment cyclique et que,
par ce fait-là, nous puissions être exemptés de
l'application des articles 82 et 83. Je ne sais pas si j'ai oublié... Je
pense que ça... Je ne veux pas vous lire... (16 heures)
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous avez d'autre chose
à ajouter? Si vous voulez, vous avez du temps.
M. Bellevance (Jules): Peut-être un fait bien
précis, si vous me le permettez, c'est qu'une des
caractéristiques fondamentales de nos industries, chez nous, c'est qu'on
ne fait plus d'inventaire. Depuis les années quatre-vingt, on ne fart
plus d'inventaire, on produit strictement sur des commandes qu'on reçoit
au jour le jour et livrables, soit au jour le jour, ou encore à une
semaine d'avis. Ce qui fait en sorte qu'on n'a pas quelque chose qui pourrait
nous balancer, au niveau de notre mouvement de main-d'oeuvre. Notre mouvement
de main-d'oeuvre est ponctuel en fonction des commandes, et celles-ci,
évidemment, étant dépendantes de la température,
de
l'économie, de la construction, de n'importe quel ralentissement
de travail, de la reprise ou la non-reprise des opérations, eh bien,
c'est le problème qu'on vit.
Le Président (M. Joly)): Alors, merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. M. le
ministre, c'est à vous, tout à vous.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président, il me fait plaisir de
saluer les représentants de l'Association provinciale de l'industrie du
bois ouvré du Québec qui se préoccupe beaucoup du
préavis de licenciement et qui, en fait, nous recommande d'exclure les
entreprises du secteur de l'application des articles de la loi portant sur ce
sujet-là. Si je comprends bien, vous considérez que le versement
d'une indemnité de huit semaines de travail lors d'une mise à
pied d'une durée indéterminée ne reflète pas la
réalité. C'est ce que vous semblez dire, là. Et vous
déclarez être incapables de prévoir les dates de rappel,
à cause du caractère cyclique de votre entreprise.
M. Tremblay (Jean): Exact, et c'est surtout de par la nature
même des facteurs...
M. Bourbeau: Oui.
M. Tremblay (Jean): ...qu'on ne peut absolument pas gérer;
par exemple la température.
M. Bourbeau: Les taux d'intérêts, la
température, la TPS...
M. Boucher (Richard): Une grève dans la construction. On
ne peut pas prévoir, s'il y a grève, ça peut retarder nos
activités du printemps. Au mois d'octobre on ne le sait pas, ça,
à l'automne.
M. Bourbeau: Ici, mes fonctionnaires m'ont suggéré
de vous poser une question, alors je vais vous la poser, parce qu'ils me l'ont
marquée.
M. Boucher: Ça doit être une colle. Des voix:
Ha, ha, ha!
Mme Harel: II était en train de se la faire expliquer
tantôt.
M. Boucher: Ah bon, peut-être que je pourrai aller me la
faire expliquer et vous donner....
M. Bourbeau: Ça c'est Mme Harel qui dit ça, mais ce
n'est pas la réalité. Ce que je discutais avec mes fonctionnaires
n'a rien a voir avec la question que je vous pose, parce qu'elle est
très claire, et elle dit ceci: En quoi la proposition de l'avant-projet
de loi que nous avons devant nous, en tenant compte du droit de rappel
jusqu'à un an après la mise à pied, n'offre pas une
réponse satisfaisante à votre difficulté de
planification?
M. Tremblay (Jean): Vous me dites en quoi la modification
proposée...
M. Bourbeau: En quoi la proposition de l'avant-projet de loi, en
tenant compte du droit de rappel jusqu'à un an après la mise
à pied, n'offre pas une réponse satisfaisante à votre
difficulté de planification?
M. Tremblay (Jean): Bien moi, si je prends, je vais me
référer au texte...
M. Bellavance: C'est qu'il faut quand même dire qu'il y a
une partie de nos entreprises, plusieurs entreprises ne sont pas
syndiquées et à ce moment-là le délai d'un an ne
s'applique pas, je pense, à cette partie qui n'est pas syndiquée,
premier problème. Deuxième problème, c'est que ce n'est
pas nécessairement votre avant-projet de loi qui nous fait mal, c'est
déjà la loi existante, c'est le vécu de la loi existante
qui fait en sorte qu'actuellement - et je ne fais pas une première - on
ne la respecte pas. C'est aussi simple que ça, question de fait.
M. Bourbeau: Ah bon! Vous parliez tantôt de la venue des
Américains. Est-ce que vous voulez dire que les Américains
viendraient installer des usines ici pour vous faire compétition? Est-ce
que c'est ce que vous voulez dire?
M. Tremblay (Jean): Non, pas du tout
M. Boucher Sans nécessairement installer une usine, dans
le moment, il y a un bureau d'une compagnie américaine, une très
grande en importance qui s'appelle Marvin, elle est installée par un
bureau de vente à Montréal. Qu'est-ce que ça va amener
à Montréal? C'est un entrepôt; possiblement qu'ils peuvent
faire de l'assemblage, ici, à Montréal. Ce sont des choses qui
sont arrivées avec le libre-échange.
M. Bourbeau: Ah, je comprends.
M. Tremblay (Jean): Des études.. Une étude, en
fait, qu'on a commandée à une firme d'experts nous indique qu'il
est peu probable que les Américains viennent installer sur le territoire
du Québec une usine compte tenu de différents facteurs comme, par
exemple, le fait que nous soyons régis par un décret auquel il
faudrait qu'ils se plient. Ils vont plutôt, contrairement à ce
qu'on pensait, les transporter. Ils vont les fabriquer chez eux et ils vont
tout simplement venir les livrer. Quand c'est fabriqué à Boston
ou à New York, ça ne fait pas bien loin de venir à
Montréal.
M. Bourbeau: Oui, c'est une bonne question. Qu'est-ce que vous
suggéreriez alors en contrepartie pour remplacer le droit d'appel...
M. Bella va nce: C'est que ...
M. Bourbeau: ...si vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'on
propose? Pourriez-vous nous offrir une solution de rechange?
M. Bellavance: C'est que notre amendement porte
premièrement uniquement lorsque le non-rappel touche les salariés
qui sont touchés par ces conditions cycliques; ce n'est pas
nécessairement tout le coeur de l'usine. Ce sont avec ces
salariés d'appoint qu'on a de la difficulté pour se fixer. Nous,
ce que nous recommandons à la page 6 de notre mémoire, c'est
effectivement s'il s'agit d'un non-rappel basé sur des circonstances
inhérentes et reliées au cycle. Déjà, en partant,
normalement les avis se donnent sauf que, dans certaines circonstances, nous
disons: Bien, lorsqu'on ne pourra pas en donner... C'est parce que, dans votre
article 82 comme 83, lorsque vous faites appel à la notion de cas
fortuit, nous pourrions tout simplement dire: Si c'est relié à
des circonstances incontrôlables, indépendantes de la
volonté de l'industriel ou de l'entrepreneur ou de l'entreprise, et on
arriverait absolument aux mêmes fins. Il s'agit là pour nous
toujours de circonstances sur lesquelles nous n'avons aucune emprise, que nous
ne pouvons pas gérer. Or, si effectivement vous jugez à propos de
changer ce terme "cas fortuit" pour le remplacer par les mots "à moins
de circonstances incontrôlables indépendantes de la volonté
de l'employeur", nous serions entièrement satisfaits, nous serions
couverts. Et ça, vous le retrouvez à la page 7 de notre
mémoire.
D'ailleurs, on s'est demandé ceci, M. le ministre, lorsque vous
employez le terme "entreprises à caractère saisonnier", avez-vous
voulu couvrir notre industrie, disons, parce qu'effectivement on est à
caractère saisonnier? Notre cycle est saisonnier. Je ne le sais pas, je
n'ai pas de réponse à ça.
M. Bourbeau: Écoutez, est-ce que vous êtes toujours
saisonnier? Il n'arrive jamais que vous fassiez le tour de l'horloge?
M. Tremblay (Jean): On le fait, on le fait, le tour de
l'horloge.
M. Bellavance: II y a toujours une équipe qui fait le tour
de l'horloge, effectivement, oui sauf qu'elle double. M. Bonnevilie me disait
qu'elle peut même tripler à l'occasion durant
l'été.
M. Bourbeau: Mais dans les grosses grosses années, vous
deviez avoir quand même passablement de monde l'hiver?
M. Bonnevilie (Jean-Louis): Absolument pas parce qu'on est
contrôlés par le climat. Quand on parle de vivre dans la province
de Québec, c'est à peu près normal que les chantiers de
construction semblent vouloir se... ils appellent ça "fermer chantiers".
Alors, quand les chantiers sont fermés, ils veulent les fermer pour
Noël et ils ne creusent pas dans le mois de décembre et ils ne
creusent pas dans le mois de janvier. Alors, ça ne nous permet pas de
remplir le carnet de commandes. Alors, du 1er au 10 novembre, on est
complètement en diminution d'opérations. On vient fermer vers le
10 ou le 15 de décembre à peu près avec le tiers. Dans
notre cas à nous autres, c'est à peu près avec le tiers de
l'équipe et, naturellement, ce sont ceux qui ont plus
d'ancienneté. On voit une lente reprise vers le 20 ou le 25 janvier
parce qu'on doit essayer de travailler par la distribution avec un
système de ventes ou de préventes qu'on appelle du "booking".
Alors, tranquillement, on remet en place, on remet en position les
employés. On fait entrer l'équipe lentement. Et vers à peu
près le mois de mai, on est rendus en forte position pour travailler,
mais les chantiers sont ouverts aussi. Or, on ne changera pas le climat de la
province de Québec. On doit vivre avec.
M. Bourbeau: Mais il paraît qu'il y a l'effet de serre qui
joue.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Bonnevilie: C'est ça.
M. Tremblay (Jean): On va y mettre des fenêtres, mais
ça ne sera peut-être pas assez.
M. Bourbeau: Écoutez, je vais vous annoncer ce que vous
savez sûrement. Je n'ai pas eu le temps de lire la version
révisée puisqu'on vient de la distribuer. Il y a des
éléments nouveaux dans votre version révisée
forcément qui n'étaient pas dans la version originale qui, elle,
a trois pages et la version révisée en a dix, je crois. Alors,
disons que je vais passer la parole à Mme la députée de
Hochelaga-Maison-neuve qui, elle, a eu le temps de lire la version
révisée parce qu'elle lit depuis que moi je pose des questions.
Alors, peut-être que je reviendrai avec des questions à la fin. De
toute façon, si on a besoin d'éclaircissement on communiquera
avec vous directement par la suite.
Le Président (M. Joly): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous saluer également et, premièrement, de vous poser la question
suivante:
Est-ce qu'il y a beaucoup de fermetures définitives
d'entreprises? Dans le premier mémoire, vous nous aviez remis des
tableaux, en fait, assez intéressants parce qu'ils démontrent
bien que l'Ontario a peut-être moins d'entreprises mais le double
d'employés que le Québec, mais est-ce que c'est stable? Vous qui
êtes de l'Association provinciale, vos membres, ceux qui constituent
votre "membership", vous dites une centaine sur les 174 établissements,
est-ce que ces 174 établissements sont les mènes ou s'il y a
beaucoup de perturbation?
M. Tremblay (Jean): je dirais que, dans un premier groupe
d'environ une centaine, ce qui se compare à mon "membership" finalement,
d'ordinaire, il n'y a pas trop de changement. il y en a eu dernièrement
deux importants qui sont passés de vie à trépas mais c'est
surtout dans les entreprises beaucoup plus petites, qui ne sont pas membres
chez nous, qui ont quatre, cinq ou dix employés, chez lesquelles i y a
un certain mouvement. mais, évidemment, comme elles ne sont pas membres,
je le sais un peu moins. je le sais par des études que j'ai lues mais,
dans les petites, petites, il y a du mouvement parce qu'il y a des gens qui
vont faire des portes et fenêtres pendant un an ou deux et qui,
après ça, vont faire des armoires, des fois, des meubles et des
fois, plus rien.
Mme Harel: II y en a une qui a fermé, en tout cas, une
entreprise dans mon secteur à moi, à Montréal, sur la rue
Hochelaga-Rouen, portes et fenêtres, et c'était une fermeture
à la suite de problèmes de comptabilité ou je ne sais
trop. En fait, vos membres sont ceux qui sont les mieux positionnés,
d'une certaine façon, hein?
M. Tremblay (Jean): Oui.
Mme Harel: ceux qui ne le sont pas sont ceux qui s'essaient sur
le marché et qui ne sont pas toujours sûrs d'y rester. est-ce
qu'on peut penser comme ça?
M. Tremblay (Jean): Oui, on peut... je pense que vous pouvez
généralement penser comme ça
Mme Harel: II y a M. Boucher, je pense... Avez-vous le même
avis sur... Ah! excusez-moi.
M. Tremblay (Jean): M. Boucher et M. Bonneville.
Mme Harel: C'est M. Bonneville, alors.
M. Tremblay (Jean): C'est mon autre gauche.
Mme Harel: Ha, ha, ha!
M. Bonneville: Oui, oui, je suis sensiblement du même avis
que vous.
Mme Harel: La question, c'est: Comment protéger aussi les
employés de ces entreprises qui seraient sujets à des
licenciements à la suite de fermetures définitives? Comment
distinguer le non-rappel qui résulte de circonstances inhérentes,
dites-vous, reliées au cycle du non-rappel parce qu'il y a une partie de
l'entreprise qui ferme définitivement? Est-ce qu'il y a une façon
de distinguer?
M. Tremblay (Jean): Bien, j'ai de la difficulté à
vous suivre quand vous cherchez à distinguer la différence entre
un mort et un malade ou entre un mort et quelqu'un en bonne santé. Je
veux dire... on le sait quand c'est fini. Je présume qu'il y a des
indices qui permettent aux manufacturiers, au mois d'octobre... Si le chiffre
d'affaires a baissé de 50 %, je présume qu'ils ne rappelleront
pas, au mois de mai, le même nombre d'employés que l'année
précédente. Maintenant, je comprends votre préoccupation
dans le cas de fermetures définitives et je serais prêt à
me pencher sur la question, à savoir comment on pourrait protéger
ces employés-là. Mais le vrai problème que nous vivons -
et je pense à ceux qui sont vivants - c'est véritablement quand
l'usine, à partir du début d'octobre, met à pied, de
façon temporaire et pour la période la plus courte,
souhaite-t-etle, des employés qu'elle ne reprendra pas avant, selon
l'ancienneté, généralement, trois, quatre, cinq ou six
mois, et il y a des gens qui font une partie de leur vie de cette
façon-là, qui vont faire autre chose l'hiver, bûcher leur
terre ou ainsi de suite. On parie d'usines qui sont situées...
Mme Harel: Parce que...
M. Tremblay (Jean):... évidemment en milieu rural.
Mme Harel: Mais, M. Tremblay, à ce moment-là, le
problème ne se pose pas, si c'est moins de six mois.
M. Tremblay (Jean): Si c'est moins de six mois, non.
Mme Harel: Bon) Alors, il faut que ce soit plus que six mois.
M. Tremblay (Jean): Exact.
Mme Harel: Si c'est en octobre, il faut que la mise à pied
dure jusqu'en avril ou mai.
M. Tremblay (Jean): Exact.
Mme Harel: À ce moment-là, c'est comment faire en
sorte que la personne qui pense être rappelée, comme vous le
dites, parce que ça fait
des années qu'elle l'est et qu'elle ne fait pas plus - et vous
nous l'avez bien expliqué, vous ('avez bien illustré, vous avez
été éloquent, ça peut durer des années et
des années et, même, des décennies... Et, tout à
coup, elle n'est pas rappelée en avril ni en mai parce que c'est
fermé. Et là, elle n'aurait eu aucun avis à cet
effet-là et elle ne se serait pas préparée, même si
ça fait dix ans, douze ans ou quinze ans qu'elle était
rappelée, chaque fois. Avez-vous quelque chose à proposer? (16 h
15)
M. Tremblay (Jean): Effectivement, je n'en ai pas. Je suis
disposé à regarder le problème, mais je ne l'ai pas pris
dans cette optique-là. Je l'ai pris dans l'optique d'entreprises qui
fonctionnent toujours sur le même "pattern" et qui ont toujours le
même problème des six mois. Je suis d'accord avec vous que
l'employé, quand il est mis à pied pour trois mois, ça ne
pose pas de problème. Mais si les trois mois devenaient ad vitam
aeternam, effectivement, lui, il aurait passé à côté
d'une mesure sociale, je l'appelle comme ça. On ne l'aurait pas
prévenu et lui n'aurait pas pu prévoir le coup. Lui, il se
ramasse effectivement plus de travail, même s'il a acquis cinq ans
d'ancienneté au fil des dix dernières années ou je ne sais
trop.
Mme Harel: Je pense que c'est Me Bon-neville, hein? Je me trompe
de dire Me?
M. Bonneville: Ce n'est pas Me Bonneville. Mme Harel: Non?
C'est monsieur.
M. Bonneville: Mais je pense aussi qu'on peut considérer
le cycle économique et non pas seulement le cycle de la période
climatique qu'on doit considérer dans la gérance des entreprises.
Si on se rappelle les années 1980, 1981, 1982 et le début de
1983, on a dû subir, en tant qu'administrateurs... On a dû
prévoir, on a dû vivre une démolition de l'économie
qui a fait que le rappel qu'on aurait souhaité faire, on ne pouvait pas
le faire. Alors, à travers le cycle de mise à pied dû au
climat ou dû aux commandes ou dû à la province qu'on habite,
parce qu'il fait froid l'hiver, en plus s'est ajoutée, dans ces
années-là, la crise économique et s'est ajouté le
fait que les commandes ne rentraient pas. Quand les commandes ne rentrent pas,
quand on vit une mise à pied temporaire, peut-être au mois
d'octobre, et qu'en avril, en mai ou en juin il n'y a pas de commandes qui vont
venir satisfaire de les rappeler... Les derniers qui doivent être
rappelés, parce que, plusieurs parmi nous autres, on doit travailler
avec un syndicat, alors, selon l'ancienneté, on doit à tour de
rôle rappeler un tel, un tel. Mais si on a peut-être 25, 30, 40
personnes... Parce que la moyenne fait qu'on peut peut-être avoir une
moyenne de 20 personnes par industrie. Tantôt, on vous faisait part
qu'à deux employeurs, dans l'industrie de portes et fenêtres au
Québec, on regroupe au-delà de 1000 employés,
peut-être dans trois usines. On parle peut-être de 350, 400
employés par usine. Si on parle de 350, 400 et qu'on en met les deux
tiers à pied, on est dans l'ordre de 250, 275 à pied. Le rappel
lent, peut-être qu'il va nous laisser 50, 60 personnes sur le pavé
parce que l'économie n'est pas bonne ou parce que le climat n'est pas
propice. Je me souviens de l'année 1987, le printemps est arrivé
cinq semaines avant le temps. Alors, le rappel a été plus vite.
On en a fait allusion tantôt. Si le printemps est tardif, le rappel est
plus long, plus l'économie. À un moment donné, on devient
vulnérables dans ce rappel.
Mme Harel: Quel est, en moyenne, le chiffre d'affaires des
entreprises, disons celles qui ont, en moyenne, une vingtaine d'employés
puisque c'est là le chiffre moyen d'employés par entreprise?
M. Boucher: Une couple de millions, je dirais.
Mme Harel: Une couple de millions. M. Boucher:
Environ.
Mme Harel: 2 000 000 $ ou 3 000 000 $. Vous dites qu'en Ontario
il y a beaucoup de perturbation, hein?
M. Boucher: en ontario, il n'y a pas beaucoup de petites
entreprises. c'est de la grande entreprise. c'est très différent
d'avec nous autres, au québec.
Mme Harel: Et elle est perturbée passablement, dites-vous,
par ses concurrents américains, présentement?
M. Boucher: Bien, le marché... Il y en a qui commencent
à entrer, bien sûr, sur le marché de l'Ontario. On pense,
nous, qu'au lieu de s'installer au Québec ils vont s'installer en
Ontario parce que les lois sont bien différentes. En même temps,
ils vont venir "dumper" ici, au Québec.
Mme Harel: Par ailleurs, en Ontario, vous savez que,
présentement, il y a l'obligation, non pas de donner un préavis,
il y a l'obligation de verser une indemnité lorsque l'employé a
plus de cinq ans de service continu chez le même employeur. Et puis
lorsque l'entreprise a un chiffre d'affaires de 2 500 000 $ ou 50
employés... Mais comme, en Ontario, ce sont des entreprises qui ont
beaucoup plus d'employés...
M. Boucher: Madame, en Ontario, dans notre secteur, les
entreprises ont une production qui est beaucoup plus stable pour une
raison,
comme M. Bonneville l'a mentionné. On vend, hous, en Ontario. Il
reste que, l'hiver, ils n'ont pas le même climat que nous. Nous ici, plus
vers le nord, c'est très très différent. On fait juste...
Quand vous voyagez pour aller à Montréal, aussitôt avant
d'arriver à Drummondville, on voit tout de suite un différentiel,
un corridor, c'est incroyable. Mais nous, on est situés
géographi-quement ici, dans la région, près de
Québec. Il faut vivre avec ça. On n'a pas le choix. Au
Saguenay-Lac Saint Jean, on vend partout C'est qu'il y a une très
grosse... Ça nous distingue beaucoup, ça, la température
mais on ne la changera pas.
Mme Harel: Vous voulez dire, en fait, que ça vous
distingue pour le rappel, la durée de rappel.
M. Boucher: Par rapport aux manufacturiers de l'Ontario
aussi.
Mme Harel: C'est ça. Mais la concurrence, les lois du
marché sont les mêmes au sens où les Américains
peut-être même encore plus âprement, vont venir aussi
concurrencer les compagnies ontariennes qui, en -plus d'un préavis,
doivent aussi verser des indemnités de départ qui sont
l'équivalent d'une semaine par année de service. Tandis qu'ici il
n'y a pas d'indemnité, ça coûte le papier sur lequel on
écrit le préavis, en fait.
M. Boucher: Mais on a assez de charges, je pense, à
supporter. S'il faut encore en avoir d'autres... Dans notre secteur, il y en a,
les quatre, cinq dernières années, qui sont allés
s'installer en Ontario, six ou sept. Peut-être qu'il y en aura sept
autres... Si c'est comme ça qu'on veut travailler, ce n'est pas de cette
façon-là qu'on va garder nos entreprises en bonne santé
parce que, si on veut continuer... Les obligations, on en a assez, je pense.
C'est dans cet objectif-là.
Mme Harel: Mais la grande question, c'est... Compte tenu de ces
nouvelles dispositions, il y a un certain nombre d'entreprises qui
préfèrent fermer au Québec et rester ouvertes en Ontario
parce qu'elles peuvent fermer à rabais. Ça coûte meilleur
marché, fermer au Québec qu'en Ontario.
M. Tremblay (Jean): Mais, madame, aller s'installer en Ontario -
et ça a été le cas pour d'autres problèmes dans
notre industrie, d'autres problèmes de réglementation, de
surréglementation - fermer au Québec pour garder ouverte une
division en Ontario, ce n'est pas vraiment une réalité, chez
nous. Théoriquement, d'accord, mais il n'y a pas de multinationales
où on a 22 satellites et qu'on peut en fermer dix. Nous autres, les
industries ici, si vous pensez à Donat Flamand, c'est un seul plancher
à Saint-Apollinaire. Si vous pensez aux industries de M.
Bonneville, ce sont deux planchers.
Mme Harel: Les plus gros sont avec vous, c'est ça.
M. Tremblay (Jean): Oui, je ne prends pas de chance.
Mme Harel: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Jean): Mais H y a quand même un
phénomène et ça été souligné au
ministre du Travail que, dû à certaines réglementations, il
y a, dans les dernières années, des investissements majeurs qui
ont été faits par des Québécois juste l'autre
côté des lignes et je pense que ça coûte plus cher
une nouvelle industrie qu'un Québécois va implanter en Ontario
que les une ou deux, peut-être, qui pourraient fermer. Et je pense que
votre exemple aurait été plus pertinent si on pariait des
magasins Steinberg; ça va bien, en fermer dix dans le Bas-du-Fleuve
mais, chez nous, ce n'est pas organisé comme ça.
Mme Harel: Eh bien, je vous remercie de votre expertise dans un
secteur dont je ne connaissais pas vraiment les problèmes.
M. Tremblay (Jean): Bienvenue, Madame.
M. Marcil: Juste à titre d'information, probablement que
ce fut l'un de vos membres. Il y a une entreprise, dans ma région, qui
s'appelle Tradition, je ne sais pas si vous connaissez?
Une voix: Oui.
M. Marcil: Qui est allée s'installer en Ontario...
Une voix: Oui, oui.
M. Marcil: ...et qui est fermée aussi.
M. Boucher: Bien, elle est fermée aussi au
Québec.
M. Marcil: Elle est fermée sur les deux bords.
M. Tremblay (Jean): C'est fini, fini, fini. M. Marcil:
Fini, fini, oui.
M. Tremblay (Jean): C'est l'une des rares, c'est une des deux,
dernièrement. Quand madame m'a posé la question, je disais: II
n'y en a pas eu beaucoup, mais là il vient d'y en avoir deux. Ça,
c'est une des deux
M. Marcil: Ce n'est pas un problème de marché, dans
son cas, c'est un autre problème, qui peut être un problème
de marché mais disons
que...
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui, je ne sais pas si ça peut vous rassurer,
mais la batterie d'avocats que j'ai derrière moi m'avise que la question
de la définition de cas fortuit dont on parle, ça a fait l'objet
de certaines décisions de la Cour d'appel, récemment, dont, entre
autres, la cause Cam-peau - je ne sais pas si ça a affaire avec
Campeau... Probablement pas - et où on a élargi la notion de cas
fortuit. On aurait dit, dans ces décisions-là, que le cas
fortuit, ça peut s'étendre à des éléments
comme non seulement la température mais aussi les fluctuations du
marché, et ce sont des cas qu'un homme d'affaires relativement
informé n'aurait pas pu prévoir. Alors, à la
lumière de ça, possiblement qu'on va revoir le libellé du
projet de loi pour tenter de faire en sorte de vous accommoder, si je peux
dire.
M. Tremblay (Jean): Si on peut vous aider à nous aider, on
en sera bien fiers.
Le Président (M. Joly): M. Bellavance, si vous
voulez...
M. Bellavance: Si vous me le permettez, s'il vous plaît.
Vous faites référence au banc de cinq juges qui ont
siégé pour rendre cette décision-là. Ils l'ont
rendue effectivement dans quatre causes. Il y avait celle de Campeau, il y en
avait trois autres ou deux autres avec. Cependant, je peux vous dire une chose,
c'est que ça a pris à peu près 70 jugements, au moins,
avant d'en arriver là. Ça, c'est avec un paquet de frais,
évidemment. La deuxième des choses, c'est que c'est loin
d'être clair parce que, parmi une de ces causes-là sur le banc
à cinq juges, ils ont décidé que, dans un cas, la
non-reprise économique n'était pas un motif suffisant. Et c'est
ce qu'on dit aujourd'hui, nous, que la non-reprise économique fart en
sorte qu'on ne peut pas. Alors, quant à moi, ce jugement-là... Je
l'ai expliqué à M. Bonneville, moi, il n'est pas plus
avancé qu'il l'était parce qu'il me pose la question: Qu'est-ce
que je fais? Je ne peux pas lui répondre non plus, à ce
moment-là.
M. Bourbeau: Oui, mais la Cour d'appel a quand même fait un
pas en avant. Ce n'est peut-être pas aussi clair qu'on le voudrait mais,
comme vous dites, ça a coûté beaucoup d'argent mais, quand
même, il y a peut-être eu 69 jugements avant. Mais là on
parie de la Cour d'appel, c'est le plus haut tribunal du Québec et,
comme vous le dites, c'est un banc de cinq juges.
M. Bellavance: Cinq juges, cette fois-là, M. le ministre.
Sauf que si c'était si clair que ça, prenez... parce qu'on a des
circonstances incontrôlables.
M. Bourbeau: De toute façon, trois juges ou cinq juges, il
reste une chose, c'est que c'est un pas en avant. Il y a une indication qui est
donnée, dans ce jugement-là, par rapport à un
élargissement de la notion de cas fortuit et on va, à ce
moment-là, regarder attentivement l'état de la jurisprudence et
peut-être qu'on pourra faire avancer davantage la rédaction du
projet de loi vers une interprétation un peu plus libérale des
mots "cas fortuit", avec le consentement, bien sûr, des
députés.
Une voix: Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Alors,
à mon tour, au nom de cette commission, je vous remercie. J'inviterais
maintenant la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec
à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.
M. Tremblay (Jean): On vous remercie infiniment de nous avoir
entendus.
Le Président (M. Joly): Au plaisir, monsieur.
Bonjour, messieurs, et bienvenue à cette commission.
J'apprécierais que la personne responsable s'identifie et aussi nous
présente les membres qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Corporation des concessionnaires d'automobiles du
Québec
M. Lecours (Jean): Mmes et MM. les membres de la commission, en
ma qualité de président de la Corporation des concessionnaires
d'automobiles du Québec, permettez-moi, d'abord, de présenter les
personnes qui m'accompagnent, cet après-midi. D'abord, mon nom est Jean
Lecours, je suis concessionnaire d'automobiles à Victoriaville et je
suis président de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du
Québec depuis juin 1989. À ma droite, M. Denys Demers, directeur
général de la Corporation et, à ma gauche, Me Jacques
Béchard, conseiller juridique.
Le Président (M. Joly): M. Lecours, vous avez une
quinzaine de minutes pour nous présenter, d'une façon concise,
votre mémoire. Après, les membres de cette commission se
réservent le privilège et le loisir de vous poser quelques
questions.
M. Lecours: D'accord, merci beaucoup. Le Président (M.
Joly): Merci.
M. Lecours: Notre Corporation regroupe plus de 900
concessionnaires détenant une concession d'un manufacturier ou d'un
distributeur d'automobiles. Les membres de notre Corporation
représentent plus de 90 % des concessionnaires
d'automobiles détenteurs d'une concession de vente de
véhicules neufs au Québec. Ces concessionnaires sont
répartis sur tout le territoire de la province, à
l'intérieur de 10 divisions régionales. Les membres de notre
Corporation sont de petites et moyennes entreprises qui oeuvrent dans le
commerce de détail, plus particulièrement dans la vente de
véhicules neufs et usagés, ainsi que dans les réparations
de ces mêmes véhicules.
À cet effet, chacun de nos membres est le patron d'une entreprise
qui emploie, en moyenne, 28 employés, soit, généralement,
entre 15 et 125 employés, pour un total d'environ 25 000 employés
à travers le Québec. Ces employés se situent à
l'intérieur de quatre groupes, à savoir les employés de
bureau, les vendeurs, les employés d'atelier, soit mécaniciens,
débosseleurs, peintres, et les préposés aux pièces.
Ils sont encadrés par des contremaîtres et des chefs de
département.
Plusieurs de nos membres ont, dans leur établissement, un ou deux
syndicats avec qui ils ont des conventions collectives de travail. Plusieurs de
nos membres, selon les régions, sont également couverts par un
décret en vertu de la Loi sur les décrets de convention
collective. Tous nos membres sont assujettis à la Loi sur les normes du
travail. Cette multitude de règles juridiques régissant les
relations de travail dans nos entreprises nous occasionne, ainsi qu'à
nos employés, certaines difficultés de compréhension et
d'application et, plus particulièrement, depuis l'adoption de la Loi sur
les normes du travail, en 1980. (16 h 30)
Précisons immédiatement que la Corporation est tout
à fait d'accord avec les principes qui sous-tendent la Loi sur les
normes du travail, à savoir protéger les travailleurs en leur
accordant un minimum décent en matière de conditions de travail.
Nos revendications portent principalement sur certaines difficultés
d'application de la loi et plus particulièrement en regard des
travailleurs à commission. La Corporation a eu l'occasion, à
maintes reprises, de faire connaître aux instances concernées les
principales difficultés vécues par nos membres et leurs
employés relativement à l'application de la Loi sur les normes du
travail, et ce, souvent concurremment avec une convention collective et un
décret.
Malgré plusieurs initiatives de notre Corporation et de beaucoup
d'organismes, notamment du Conseil du patronat, qui a eu l'occasion de
présenter son mémoire devant vous la semaine dernière, il
n'y a malheureusement pas eu de révision en profondeur de la Loi sur les
normes du travail. C'est la raison pour laquelle notre Corporation est
très heureuse de l'initiative du ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu de présenter un avant-projet de loi.
C'est avec beaucoup d'intérêt qu'elle a procédé
à une analyse exhaustive de cet avant-projet de loi et qu'elle vous a
soumis ses commentaires et recommandations. Et, dans ce sens-là, nous
désirons vous remercier sincèrement pour l'opportunité que
vous nous offrez de venir discuter avec vous des principaux aspects de la loi
sur les normes qui nous concernent et nous préoccupent plus
particulièrement.
Il n'est pas de notre intention de reprendre tous les aspects de notre
mémoire, compte tenu du temps disponible pour notre présentation.
Nous avons eu l'occasion de prendre connaissance de plusieurs mémoires
d'organismes que vous avez entendus la semaine dernière et nous avons
constaté que les dispositions de lavant-projet de loi ayant trait aux
congés parentaux ont fait l'objet de nombreuses discussions dans le
cadre de cette commission. Nous pensons, entre autres, au Conseil du patronat,
organisme dont nous sommes membres. Nous avons participé à la
consultation menée par ce dernier précédant
l'élaboration de son mémoire. Nous sommes, d'ailleurs, en accord
avec l'essentiel des représentations du CPQ au niveau des congés
parentaux. Nous insisterons donc sur les différents problèmes
d'application de la Loi sur les normes du travail que nous vivons dans nos
entreprises depuis déjà dix ans.
Nos principales préoccupations portent sur les trois aspects
suivants, à savoir: un, application de la Loi sur les normes du travail
aux cadres. L'application de la Loi sur les nonnes du travail aux
employés régis par un décret ou une convention collective
constitue le deuxième aspect qui mérite nos commentaires et qui
nous pose des problèmes. Finalement, l'aspect et le plus aigu et le plus
problématique pour nos membres concerne les nombreuses
difficultés d'application de la loi en ce qui a trait aux travailleurs
à commission. l'application de la loi sur les normes aux cadres
l'article 3 de l'avant-projet de loi exclut le cadre supérieur de
l'application de la loi, sauf en ce qui a trait aux normes relatives aux
vacances et aux congés parentaux. nous sommes, évidemment,
d'accord avec cette exclusion des cadres supérieurs de l'application de
la loi. par contre, nous sommes d'opinion que cette initiative du
législateur n'est pas suffisante et nous demandons que tous les cadres
soient exclus de l'application de la loi sur les normes du travail et pas
seulement les cadres supérieurs. en effet, nous soumettons que la
protection que le législateur accorde aux cadres est superflue et va
à l'encontre de l'objectif que le législateur s'était
fixé en adoptant la loi sur les normes du travail, qui consiste à
protéger les travailleurs démunis contre des abus des employeurs
en leur accordant des conditions minimales de travail.
Nous considérons que le cadre n'a pas besoin de protection au
niveau des normes minimales, compte tenu que ces éléments sont
négociés entre le cadre et son employeur lors de l'embauche ou en
cours d'emploi. De plus, le
cadre bénéficie de la protection du Code civil, plus
particulièrement de l'article 1668, et de l'abondante jurisprudence qui
s'est développée sur la notion du délai-congé en
cas de rupture d'emploi.
En ce qui a trait aux mots "cadre supérieur", nous sommes d'avis
qu'ils susciteront de nombreux problèmes d'interprétation. Il
sera nécessaire, dans plusieurs situations, de recourir aux tribunaux
pour faire trancher le débat, à savoir si une personne est un
cadre supérieur ou ne l'est pas. Afin d'éviter ces situations, il
serait donc sage pour le législateur d'exclure tous les cadres de
l'application de la loi. Nous avions, d'ailleurs, fait cette recommandation
lors de la présentation d'un mémoire dans le cadre des audiences
publiques tenues par la commission consultative sur le travail et la
révision du Code du travail, soit la commission Beaudry, en octobre
1984.
L'application de la loi sur les normes aux employés qui sont
régis par un décret ou une convention collective. Le fait que la
Loi sur les normes du travail s'applique aux employés qui sont
régis par un décret ou une convention collective pose plusieurs
difficultés à nos concessionnaires. À titre d'exemple, il
n'est pas rare que les mécaniciens, les préposés aux
pièces, les débosseleurs d'un concessionnaire soient régis
par une convention collective et par un décret en vertu de la Loi sur
les décrets de convention collective, alors que les vendeurs non
syndiqués et non régis par un décret sont assujettis
à la Loi sur les normes du travail.
La convention collective peut prévoir des jours
fériés différents de ceux prévus par la Loi sur les
normes du travail, de sorte que les vendeurs peuvent ne pas avoir les
mêmes congés que les autres employés, ce qui, bien
sûr, nous occasionne des problèmes de gestion des relations du
travail dans nos entreprises.
Que dire des difficultés en matière de préavis de
cessation d'emploi ou de mise à pied? Les nombreux jugements des
tribunaux sur ces questions démontrent à quel point la Loi sur
les normes du travail est problématique en ce qui concerne la question
de préavis de cessation d'emploi ou de mise à pied pour des
employés déjà régis par un décret ou une
convention collective. Il y a souvent chevauchement et double emploi de la loi
sur les normes lorsque existe une convention collective. La Corporation soumet
qu'un amendement à la loi sur les normes s'impose pour que le champ de
juridiction de la loi ne couvre pas les employés déjà
représentés par un syndicat ou déjà régis
par un décret de convention collective.
N'oublions surtout pas que le législateur, en édictant le
Code du travail il y a plusieurs années, a donné au syndicat non
seulement le droit, mais aussi le devoir de représenter tous les
salariés de l'unité de négociation. Dans ce contexte, le
législateur devrait faire confiance au syndicat accrédité
sans avoir besoin de faire intervenir la loi sur les normes pour
déterminer des minima à chacun des items intitulés "normes
du travail".
En effet, la convention collective est un tout et, pour bien des
raisons, un syndicat peut s'entendre avec l'employeur pour que des
salariés bénéficient moins de certains
bénéfices marginaux pour profiter davantage d'autres. En
assujettissant à la loi sur les normes les entreprises
déjà régies par une convention collective, nous croyons
que le législateur s'est superposé aux parties contractantes,
tout en créant un fouillis considérable dans les obligations des
employeurs. La corporation demande donc que la loi soit modifiée pour
exclure de son application les employés régis par une convention
collective ou par un décret.
Les difficultés d'application de la loi en ce qui concerne les
travailleurs à commission. Tel que nous vous l'avons mentionné au
début de la présentation, les dispositions de la loi actuelle
nous causent de nombreux problèmes d'application en ce qui a trait aux
travailleurs à commission. À cet effet, nous soumettons que nos
recommandations sont très représentatives, puisque nos 900
membres emploient des milliers de travailleurs à commission.
Nous constatons que l'avant-projet de loi introduit certaines
améliorations par rapport au régime actuel. Nous pensons, entre
autres, à l'article 19 de l'avant-projet de loi qui modifie l'article 62
de la loi de façon que l'employeur puisse prendre en
considération une période de paie plus longue pour établir
la rémunération des congés fériés et
chômés des travailleurs à commission. Le législateur
porte de deux semaines à trois mois la période
considérée pour le calcul de la rémunération des
congés fériés des travailleurs à commission.
La Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec est,
évidemment, d'accord avec cette modification. Par ailleurs, nous croyons
que le délai devrait être non pas de trois mois, mais de six mois,
de façon à assurer un calcul plus représentatif pour
établir la rémunération des congés
fériés et chômés de nos travailleurs à
commission.
À l'article 31 de l'avant-projet de loi qui modifie les articles
82 et 83 portant sur les préavis en cas de cessation d'emploi et de mise
à pied, le législateur a introduit la même règle de
trois mois pour ie calcul de l'indemnité payable aux salariés
principalement rémunérés à commission en cas de
cessation d'emploi. Pour les mêmes raisons que celles invoquées
dans notre mémoire, nous demandons que la règle de trois mois
soit portée à six mois, pour assurer une meilleure
représentativité.
Malgré ces quelques améliorations de certaines
dispositions applicables aux travailleurs à commission, l'avant-projet
de loi est muet en ce qui a trait aux nombreux problèmes d'applica-
tion des dispositions de la loi sur les normes relatives à la
durée du travail, au salaire minimum et aux heures
supplémentaires. En effet, sur ces questions, dix ans après
l'entrée en vigueur de la loi sur les normes, c'est toujours la
confusion totale pour nous et pour nos employés à commission.
En ce qui a trait au calcul du salaire minimum, la CCAQ demande que la
période de référence aux fins du calcul du salaire soit de
six mois et que la comptabilisation soit effectuée mensuellement En
effet, l'application des règles concernant le salaire minimum aux
travailleurs à commission mène à des aberrations. À
titre d'exemple, la commission des normes a déjà poursuivi un de
nos concessionnaires pour un vendeur à commission qui rédamait un
salaire minimum pour une semaine donnée, alors qu'il avait gagné
au-delà de 2500 $ dans le mois en termes de salaire et de commission.
Parce qu'il n'avait pas reçu de salaire minimum pour une semaine
donnée, compte tenu qu'il avait effectué toutes ses livraisons
dans les trois semaines précédentes, la Commission
réclamait, pour le compte de ce vendeur, le salaire minimum pour cette
semaine, ce qui est tout à fait illogique.
Que dire des problèmes engendrés par l'application des
dispositions concernant la durée du travail et les heures
supplémentaires? En effet, le législateur, en adoptant des
dispositions relatives aux heures de travail et à la durée de la
semaine de travail n'avait sans doute pas anticipé les nombreux
problèmes découlant de l'application de ces dispositions aux
travailleurs à commission. Nos membres sont confus à bien des
égards sur ces questions et nous vous référons aux pages
24 et suivantes de notre mémoire pour de plus amples explications.
En bref, notre Corporation demande que les dispositions concernant la
durée du travail et les heures supplémentaires ne s'appliquent
pas aux travailleurs à commission. En effet, notre Corporation demande
l'exclusion de ces travailleurs de l'application des articles concernant la
durée du travail et les heures supplémentaires, et ceci est
possible en vertu de l'article 54. Cette demande est fondamentale pour les
quelque 900 concessionnaires membres de notre Corporation, car, nous le
répétons, les problèmes les plus aigus de nos membres
concernent les difficultés d'application des dispositions relatives
à la durée du travail, au salaire minimum et aux heures
supplémentaires pour les travailleurs à commission. Si vous le
désirez, nous pourrons vous fournir d'autres exemples sur ces
points.
Tout comme le Conseil du patronat du Québec, nous ne saurions
passer sous silence une disposition de l'avant-projet de loi qui engendrerait,
selon nous, de sérieuses difficultés d'application pour les
membres de notre Corporation, ainsi que pour plusieurs employeurs dans la
province de Québec.
Le Président (M. Joly): II vous reste deux minutes, M.
Lecours.
M. Lecours: Oui.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Lecours: II s'agit de l'article 51 1, qui prévoit qu'un
"salarié ayant des obligations reliées à la garde,
à la santé ou à l'éducation de son enfant mineur
peut refuser de travailler après ses heures régulières de
travail, sauf si son employeur l'a avisé au moins douze heures à
l'avance que ses services seraient requis." La Corporation est en
désaccord avec cette disposition tout à fait inapplicable et
irréaliste, plus particulièrement pour les concessionnaires
d'automobiles membres de notre Corporation. En effet, comment un employeur
peut-H aviser son employé au moins douze heures à l'avance que
ses services seront requis, si l'employeur ne sait qu'une heure à
l'avance qu'il y aura nécessité de travail supplémentaire?
Prenons l'exemple d'un mécanicien qui répare un véhicule
chez un concessionnaire et qui constate, à 16 h 45, qu'il ne pourra
terminer le travail que dans trente minutes, soit à 17 h 15, alors que
son quart de travail se termine à 17 heures. Si on applique l'article
51.1, l'employeur ne pourra exiger du travailleur qu'il termine le travail,
compte tenu qu'il n'aura pas avisé cet employé au moins douze
heures à l'avance que ses services seraient requis.
Nous sommes tout à fait d'accord avec un des objectifs de cet
l'avant-projet de loi à l'effet de mieux concilier les
responsabilités familiales et les conditions de travail, mais nous
sommes d'opinion que cet objectif ne doit pas être atteint en
anéantissant les procédés de bonne gestion d'entreprise.
En ce sens, nous sommes d'opinion que le préavis de douze heures
prévu à l'article n'est pas pratique. À cet égard
nous portons à votre attention le fait que plusieurs conventions
collectives traitent de cette situation en obligeant, par exemple, un
employé à terminer un travail, s'il peut être
effectué à l'intérieur d'un certain délai, par
exemple, quinze minutes, de la fin de son quart de travail. Le
législateur veut régir ici des cas d'exception. En effet,
à notre connaissance, il y a très peu de problèmes qui se
sont présentés en ce qui a trait au travail supplémentaire
et nous soumettons respectueusement que le législateur fait erreur en
voulant convertir en règle générale des cas
d'exception.
En terminant, notre Corporation est totalement d'accord avec l'ajout,
à l'article 6 de lavant-projet de loi, du pouvoir donné à
la Commission de "tenter d'amener les employeurs et les salariés
à s'entendre quant à leurs différends relatifs à
l'application de la présente loi et des règlements*. D'ailleurs,
dans les faits, la Commission préconisait et pratiquait
déjà cette approche de médiation.
Mesdames, messieurs, nous sommes très heureux d'avoir pu
participer aux travaux de votre commission et nous sommes à votre
entière disposition si vous avez des questions à nous poser.
Le Président (M. Joly): Merci, M Lecours. Je vais
maintenant reconnaître le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. M. le
ministre.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
parler de la période de référence pour calculer les
commissions. Si je comprends bien la façon dont ça fonctionne,
vous avez des employés qui gagnent des commissions et ces
commissions-là sont appliquées contre le salaire minimum,
c'est-à-dire que, si, disons, dans la semaine, ils ont fait pour 1000 $
de commissions, vraisemblablement, vous ne leur payez pas de salaire, puisque
ça excède le salaire. Mais si, dans une semaine donnée ou
dans une période de paie donnée, ils ne font aucune commission du
tout, là vous devez leur payer le salaire minimum. C'est ce qui se passe
en vertu de la loi actuelle, si je comprends bien. (16 h 45)
M. Lecours: Dans la pratique des choses, ce qui se fait
actuellement, c'est que, chez la plupart des concessionnaires - et ça
varie d'un endroit à l'autre, évidemment, il n'y a pas de
règle établie là-dessus - les vendeurs travaillent avec
une avance sur commission qui peut se ; situer entre 200 $, 300 $ à 500
$ par semaine, ça varie. À certains endroits, ils ont un salaire
de base et ils ont des commissions. Maintenant, à la fin du mois, il y a
un ajustement qui se fait pour payer le surplus des commissions sur l'avance
des commissions qui ont été payées aux vendeurs chaque
semaine.
M. Bourbeau: Oui, si, à la fin du mois, il y a eu beaucoup
de commissions, bien, ça tient lieu de salaire minimum...
M. Lecours: C'est ça.
M. Bourbeau: ...et ça remplace tout le reste.
M. Lecours: C'est ça.
M. Bourbeau: Ce que vous nous demandez, dans le fond, c'est
d'étendre la période à six mois. Ça veut dire, par
exemple, que, si un individu avait connu un gros mois, où il aurait fait
25 000 $ de commissions, par exemple, à toutes fins utiles, si, dans les
cinq mois suivants, il ne fait strictement rien, d'après votre
proposition, vous ne seriez pas tenus de lui payer un seul sou de salaire. Vous
lui diriez: Tu as gagné 25 000 $ au mois de mai, dépense l'argent
que tu as gagné dans les cinq mois qui suivent.
M. Lecours: ce n'est pas dans cette optique-là. nous,
quand on parle des six mois, c'est au niveau des congés
rémunérés et des allocations au niveau des mises à
pied, si on veut.
M. Bourbeau: Ah bon! Ce n'est pas tellement au sujet du
salaire.
M. Béchard (Jacques): Non, non. Si je peux me permettre
d'ajouter sur ce point-là, M. le ministre, c'est qu'à l'heure
actuelle, au niveau de la loi, il y a une problématique quant à
l'application du salaire minimum. Si on applique la loi à la lettre, il
faut isoler chacune des semaines de travail. La vente d'automobiles, c'est
cyclique. Un vendeur, une semaine donnée, dans un mois donné,
peut livrer plusieurs véhicules et faire de nombreuses commissions,
alors que la semaine suivante, ne faisant aucune livraison, il ne reçoit
aucune commission. C'est dans ce sens qu'on a vu certains illogismes au niveau
de poursuites de la commission des normes et, heureusement, à ce
niveau-là, la commission des normes n'intervient que sur plainte; sinon,
on aurait beaucoup plus de problèmes quant à l'application.
Au cours des années, tacitement, on a eu des ententes avec la
commission des normes, mais c'est toujours tacitement et, à notre avis,
c'est dans le cadre d'un avant-projet de loi comme ça qu'il faut
prévoir clairement la règle générale qui dort
s'appliquer à tous. Tacitement, la commission des normes acceptait de
calculer le salaire minimum sur une base mensuelle, c'est-à-dire,
supposons qu'on parle de 40 heures par semaine multipliées par quatre
semaines, 160 heures multipliées par le salaire minimum. Si, dans le
mois, le salarié n'avait pas reçu ce montant en commissions,
l'employeur était tenu de compenser la différence.
Mais, encore une fois, on vous mentionne que, d'après la loi,
techniquement, à l'heure actuelle, la Commission pourrait isoler chacune
des semaines. Et on a vu quelques cas où un travailleur à
commission qui avait gagné, par exemple, 3000 $ dans un mois
donné réclamait du salaire minimum pour une dernière
semaine, ce qui, quant à nous, est tout à fait illogique.
M. Bourbeau: On comprend bien, évidemment, le
problème. Vous avez des semaines ou des périodes de temps
où ça doit être extrêmement lucratif pour les
vendeurs parce que tous les gens se précipitent pour acheter des
bagnoles les mêmes semaines ou les mêmes mois et il y a d'autres
périodes où c'est beaucoup plus tranquille,
évidemment.
M. Béchard: Et ceci, tout simplement pour éviter
des abus parce que - on pourrait vous donner des chiffres - la très
grande majorité des vendeurs gagnent beaucoup plus que le salaire
minimum.
M. Bourbeau: Oui, oui.
M. Béchard: Ça, on s'entend là-dessus. Sauf
qu'on a vu des abus et on pense que, dans le cadre d'une loi sur les normes,
d'une loi sur les conditions minimales, il faut préciser la
règle.
M. Bourbeau: Dans le système...
M. Lecours: je dois vous dire, en plus, m. le ministre, que les
abus ne sont pas nécessairement toujours de la part des vendeurs. les
abus sont souvent de la part de certains concessionnaires, une chose que je
déplore et que j'ai toujours déplorée, personnellement.
quand vous prenez les congés de noël et du jour de l'an, si on
veut, où on parie de trois ou quatre congés obligatoires dans
cette période...
Une voix: Deux. Le 25 décembre et le 1er janvier.
M. Lecours: II y a deux congés obligatoires. Et si
l'employeur se fie à la loi et qu'il paie suivant les deux
dernières semaines, bien souvent, il n'a pas grand-chose à payer.
Il va payer le salaire minimum pour ces deux jours de congé là,
ce qui me semble complètement illogique. Quand on parie des trois
derniers mois, on parle d'octobre, novembre et décembre qui ne sont pas
nécessairement les meilleurs mois de vente pour les vendeurs, alors que,
si on suit notre exemple et qu'on se reporte aux six derniers mois, à ce
moment-là, on prend une période beaucoup plus
représentative pour nos vendeurs à commission pour leur payer des
jours de congé.
La même chose aussi peut se passer si on parie de la fête du
Travail qui est au début de septembre. Juin, juillet et août ne
sont pas nécessairement les meilleurs mois de vente pour les vendeurs,
quand on pense aux vacances, etc. Alors, pour la fête du Travail, ces
gens-là ne seraient pas rémunérés suivant un
barème normal pour des vendeurs d'automobiles, alors que. si on prend la
période de six mois, à ce moment-là, on arrive à
une période beaucoup plus représentative.
La même chose s'applique aussi au salaire hebdomadaire des
employés, des vendeurs à commission. Sur ce sujet, on peut parier
aussi des heures de travail, de la semaine de travail et du travail à
temps majoré, à temps et demi. Un vendeur d'automobiles,
ça fait nécessairement 50 à 60 heures de travail par
semaine, pas parce que le concessionnaire l'impose aux vendeurs tel quel, mais
parce que les quarts de travail qui sont fixés pour les vendeurs,
habituellement, se situent entre 30 et 36 heures pour les vendeurs. Sauf qu'un
vendeur qui veut bien gagner sa vie, il est disponible pour bien plus longtemps
que 30, 32, 34 ou 36 heures pour le travail. Dans nos entreprises, ce qu'on
voit, c'est que les vendeurs travaillent les heures fixées par
l'employeur et fixent les livraisons de véhicules pendant le temps
où ils ne sont pas requis de travailler chez l'employeur. Il faut que le
vendeur vienne chez le concessionnaire pour livrer son véhicule. Alors,
en temps normal, on peut s'attendre que, si la commission des normes faisait le
tour des concessionnaires, elle s'apercevrait que les vendeurs, en
général, font 50 à 60 heures par semaine de
présence chez le concessionnaire, une présence qui n'est pas
nécessairement requise par l'employeur. L'employeur ne requiert pas que
l'employé soit là. Il y a des "cédules" de
publiées, ce qu'on appelle des heures de plancher dans notre langage,
mais l'employé vient au bureau pour faire ses appels à ses
clients, pour faire sa relance de clientèle. Il la fait dans
l'établissement du concessionnaire, même s'y ne répond pas
à des clients qui franchissent la porte.
M. Béchard: À ce niveau là, il y a un autre
problème. C'est qu'on a déjà vu la commission des normes
exiger de l'employeur qu'il verse du temps supplémentaire au-delà
des 44 heures prévues par la loi, alors que le vendeur, encore
là, avec le même exemple, avait reçu peut-être en
gains 3000 $ pour les trois premières semaines, mais la dernière
semaine, il n'avait fait aucune vente, mais, il avait travaillé 60
heures. On a déjà vu la commission des normes, encore là,
strictement sur des plaintes, exiger de l'employeur qu'il verse le temps et
demi au-delà des 44 heures de la semaine normale de travail. C'est la
raison pour laquelle nous demandons, pour les vendeurs d'automobiles ou pour
les travailleurs à commission dans le domaine de l'automobile, que les
dispositions concernant le temps supplémentaire ne s'appliquent pas
à ces travailleurs-là pour tous les motifs exposés
précédemment.
Le Président (M. Joly): J'aimerais ça, moi aussi,
me prévaloir du temps qui m'est permis. Même en tant que
président, je fais partie d'une formation et j'ai aussi le droit
d'intervenir. Lorsque vous dites, M. Lecours, que le vendeur doit se conformer
normalement à ce que l'employeur définit comme étant un
temps où sa présence est requise et que vous dites: À peu
près 36 heures, la question que j'aurais le goût de vous poser,
c'est: Est-ce qu'un vendeur d'automobiles, si bon sort il, en dedans d'une
période de 36 heures, si ça incluait ses livraisons de
véhicules, peut gagner sa vie honorablement et c'est quoi, gagner sa vie
honorablement, pour vous?
M. Lecours: Oui, il peut gagner sa vie honorablement, sauf que
les vendeurs d'automobiles, en général, ce sont des gens
ambitieux et ils veulent plus que gagner leur vie honorablement. Quelqu'un qui
gagne un salaire de
30 000 $, 35 000 ¦$, 40 000 $ par année, je pense que c'est
gagner honorablement sa vie dans la société actuelle. Mais, chez
nous, des vendeurs qui gagnent 35 000 $ par année, je n'en ai pas. Je
peux vous dire que j'ai distribué des T-4 qui se sont chiffrés en
haut de 60 000 $, dans le cas de vendeurs d'automobiles, mais ils n'ont pas
fait ça en travaillant 36 heures par semaine.
Le Président (M. Joly): Est-ce que ça laisse
supposer, M. Lecours, que si vos vendeurs se limitaient à 36 heures, se
limitaient à 35 000 $, 36 000 $ par année...
M. Lecours: J'aurais plus de vendeurs.
Le Président (M. Joly): ...vous auriez plus de
vendeurs?
M. Lecours: Oui.
Le Président (M. Joly): O.K. Merci.
M. Lecours: Mais ça ne ferait pas nécessairement
l'affaire des vendeurs que j'ai sur place.
M. Bourbeau: Au sujet de ce dont on parlait tantôt, de la
commission des normes, M. le président est ici. Il écoute avec
attention vos commentaires. Il me souffle à l'oreille que la Commission,
dans ses décisions, ne considère que le temps que l'employeur
impose sur le plancher, le temps de plancher dont vous parliez tantôt, et
qu'elle ne considère pas le temps où le vendeur peut venir faire
ses appels de relance ou livrer ses automobiles. Alors, il semble y avoir deux
écoles de pensée, ici: il y a la vôtre et celle du
président.
M. Lecours: Je vais laisser l'avocat... Le Président
(M. Joly): Maître.
M. Béchard: Ces derniers mois, j'ai eu plusieurs
implications avec les procureurs de la commission des normes et on s'est
toujours bien entendus, d'ailleurs, parce qu'on comprenait le principe de la
loi. C'est sur ce point-là que, dans certains cas, on ne s'entendait
pas. L'employeur prétendait que ce n'étaient pas des heures
imposées, alors que le travailleur mentionnait: Moi, j'étais ici,
donc, il faut que je sois payé en conséquence.
M. Bourbeau: Tout à l'heure, monsieur parlait de la
"cédule" qui est publiée, des heures de plancher. Ça, ce
sont les heures dont la Commission tient compte. Les autres, peut-être
que les avocats... Remarquez, entre avocats, vous faites peut-être des
"sparages", mais la réalité, on me la donne comme étant
celle-là.
M. Lecours: Mais ce qui, justement, serait souhaitable dans cette
situation-là, ce serait que, au lieu de passer par des "sparages" entre
les avocats de la commission des normes et les avocats des concessionnaires ou
de la corporation des concessionnaires, on le précise au niveau de la
loi au même titre qu'on précise les articles - je ne me souviens
pas de quels numéros - qui ne s'appliquent pas au niveau des vendeurs de
valeurs mobilières et qui ne s'appliquent pas au niveau des vendeurs de
maisons. Pourquoi est-ce qu'il ne serait pas possible, dans le cas des vendeurs
à commission, des vendeurs d'automobiles, de préciser que
certains articles ne s'appliquent pas? Peut-être que les lobbyistes des
valeurs mobilières ou des valeurs immobilières sont meilleurs que
nous autres.
M. Bourbeau: Les valeurs mobilières et même les
valeurs immobilières, c'est régi par d'autres lois, ça.
Ils ont leur propre loi. Alors, je pense qu'on n'entrera pas là-dedans.
Il resterait peut-être une question. Vous avez plaidé
tantôt, très éloquemment, pour exclure de l'empire de la
loi les salariés qui sont couverts par des conventions collectives. Et
on pense qu'il est possible que, si on le faisait, ce soient les femmes qui
soient défavorisées, parce que, en général, dans
certaines entreprises, en tout cas, elles sont minoritaires, même
fortement minoritaires. Dans la vôtre, je pense qu'il n'y a pas beaucoup
de femmes, non plus.
M. Lecours: Dans le cas de nos entreprises, on est minoritaires
au niveau des employés de sexe féminin. On estime la population
féminine, dans nos entreprises, à environ...
Le Président (M. Joly): Un instant, là.
M. Bourbeau: C'est parce que je n'ai pas posé ma question,
là. Vous répondez avant que la question soit posée.
M. Lecours: Ah! D'accord.
M. Bourbeau: Ce que je disais, c'est qu'il y a des entreprises
syndiquées où il n'y a pas beaucoup de femmes, par exemple. Tout
à l'heure, vous avez plaidé... Je prenais quelques notes. J'ai
marqué, moi, ici: Faire confiance aux syndicats - c'est ce que j'ai
marqué comme étant ce que vous nous disiez un peu - ils sont
représentés, les syndicats les défendent bien; laissez-les
donc défendre leurs travailleurs et excluons ça de la loi. Sauf
que, s'il y a très peu de femmes dans l'entreprise, il est possible que
le syndicat, lui, ne soit- pas porté à faire porter ses batailles
sur ce point-là. À ce moment-là, on pourrait se retrouver
avec une convention collective où il n'y aurait pas de congé
prévu dans le cas d'une naissance ou de congé ponctuel pour
s'occuper des enfants parce que ce ne
serait pas une priorité de ce syndicat-là. Dans ce
sens-là, possiblement que la Lof sur les normes du travail, ce serait
intéressant qu'elle s'applique, quand même, pour au moins
protéger même ces travailleurs syndiques.
M. Lecours: Je dois vous préciser là-dessus - c'est
ce que j'avais commencé à vous dire - que, dans nos entreprises,
quand on considère qu'il y a environ 30 % à 35 % des
concessionnaires qui sont syndiquée au Québec, la syndicalisation
se fait à 80 % au niveau du service de la mécanique ou du service
de la carrosserie ou du service des pièces, services où les
employés de sexe féminin sont à peu près, à
toutes fins pratiques, inexistants, alors que les autres employés, les
employés de bureau ou les vendeuses ou les directeurs commerciaux ou
comptables, où se retrouvent la majorité des employés de
sexe féminin dans nos entreprises, ne sont pas couverts par des
conventions collectives et, à ce moment-là, les règles de
la commission des normes s'appliquent. (17 heures)
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, il me fait
plaisir de vous saluer, M. Lecours, et les personnes qui vous accompagnent.
Vous étiez en train d'élaborer un peu plus tôt sur le
pourcentage de main-d'oeuvre féminine, par exemple, chez les vendeurs;
de quel ordre est-il?
M. Lecours: C'est très minime. Je dirais de l'ordre de 2
%à3 %.
Mme Harel: De 2 %à3 %.
M. Lecours: Oui. Ça se retrouve surtout dans les grands
centres, chez certains concessionnaires dans les grands centres. Dans les
petites villes, chez nous en tout cas, à Vic-toriavHIe, sur 19
concessionnaires de ma région, je connais une vendeuse de voitures. Mais
ça se retrouve, par contre, dans beaucoup de métiers connexes:
à la vente, le directeur commercial, chez moi, c'est une femme; la
secrétaire au ventes, évidemment, c'est une femme.
Mme Harel: Ces personnes qui sont dans les métiers
connexes ont-elles le même horaire de travail que les vendeurs, par
exemple?
M. Lecours: Non. Au niveau du directeur commercial, pour la
plupart, oui, mais au niveau des employés de bureau, ce sont des heures
régulières de sept heures ' et demie à huit heures de
travail par jour.
Mme Harel: Une des questions, étant donné que ce
n'est pas le critère de la force physique qui peut expliquer l'absence
des femmes qui. au contraire, devraient être plus présentes,
même, du fait qu'elles achètent, qu'elles consomment, puis aussi
du fait qu'elles sont souvent celles qui contrôlent le budget,
même, de leur conjoint...
M. Lecours: J'écoutais, en m'en venant cet
après-midi, un discours du président de la NADA, la National
Automobile Dealers Association, qui disait que les femmes contrôlent 83 %
des achats de voitures aux États-Unis.
Mme Harel: Et c'est ce qui amène, je pense, un certain
type de publicité commerciale qui se répand de plus en plus.
À ce moment-là, est-il vraisemblable que le type d'horaire de
travail serait un frein, dans un sens, serait un handicap à une
entrée plus massive des femmes dans ce secteur d'emploi?
M. Lecours: C'est une partie du frein, oui, parce que
traditionnellement les ventes de voitures se font le soir, dans bien des cas.
Le client est là le soir et, dans notre type d'entreprise, on est
ouverts tous les soirs. On est fermés le samedi, mais on est ouverts du
lundi au vendredi soir, puis bien souvent jusqu'à 10 h 30. 11 heures.
Quand il y a des clients, on ne barre pas la porte. Ce n'est pas dans nos
habitudes.
Mme Harel: A la page 23 de votre mémoire, vous parliez des
problèmes engendrés par certains articles de la Loi sur les
accidents du travail. Vous notiez les articles 32 et 255. C'est à la
page 23. Ça se réfère au retrait préventif des
travailleuses enceintes, ces articles-là, ou à quel autre
problème faites-vous référence?
M. Lecours: Non. Ça se réfère au
congédiement sous prétexte qu'une personne a abusé des
accidents du travail, la fameuse présomption que si, à
l'intérieur d'un délai de six mois d'un retour d'un accident du
travail, un salarié est congédié, il est
présumé avoir été congédié parce
qu'il a abusé du système. On a eu quelques cas
problématiques à ce niveau-là et c'est dans ce
sens-là qu'on se référait à cette
disposition-là pour la présomption au niveau des congés
parentaux.
Mme Harel: D'accord. À la page 15, vous mentionniez qu'il
y avait, malgré tout, une certaine amélioration avec
l'allongement de la période à trois mois pour les travailleurs
à commission. Ça peut corriger une partie du problème que
vous mentionniez pour le calcul des jours fériés, Noël et le
Jour de l'an, parce que là, ce serait à partir de la
mi-septembre.
M. Lecours: Si on propose trois mois... Définitivement que
les deux semaines, plus souvent qu'autrement, à mon sens, ça joue
à
l'encontre des intérêts du vendeur. Trois mois, ça
réajuste un peu, mais ça joue encore contre le vendeur, parce que
les périodes de vente...
Mme Harel: Les grosses périodes, c'est l'automne et le
printemps?
M. Lecours: ...c'est l'automne et le printemps. Alors, ce sont
les mois d'août, septembre et octobre qui sont les grosses
périodes. Novembre et décembre sont des périodes mortes.
Janvier, février jusqu'à cette période-ci, du moins je
l'espère, ce sont des périodes mortes.
Mme Harel: Mais il reste que les trois mois viennent quand
même couvrir...
M. Lecours: Ils viennent couvrir, mais les six mois...
M. Béchard: Seraient encore mieux. M. Lecours:
...seraient encore mieux. Mme Harel: Les six mois viennent...
M. Lecours: Je dois vous dire que, dans mon établissement,
n'en déplaise au président de la commission des normes, je n'ai
jamais respecté les deux semaines, jamais, pour aucune
considération.
Mme Harel: Vous savez que dans la vie...
M. Lecours: J'ai toujours payé à mes vendeurs non
pas six jours de congé par année, mais le même nombre de
jours de congé dont mes employés syndiqués
bénéficient, c'est-à-dire douze jours de congé par
année. J'ai toujours calculé douze jours en fonction de douze
mois pour mes vendeurs. Les commissions que mes vendeurs ont gagnées
pendant douze mois, divisées par le nombre de jours travaillés,
multipliées par douze jours, c'est ce que je leur paie au mois de
décembre dans la période qui est normalement la plus creuse.
Puis, mes vendeurs sont très satisfaits de ça.
Mme Harel: Vous savez que la commission ne vous fera jamais grief
d'être plus généreux que ce que la loi prescrit, bien au
contraire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Mais, si on revient à la question du salaire
minimum, parce que, dès le début de l'échange, le ministre
a posé une question, à savoir: Est-ce qu'un vendeur peut faire 25
000 $ dans un mois? Son exemple était...
M. Lecours: Mais 25 000 $, ça m'apparaft
exagéré.
Mme Harel: Qu'est-ce que c'est, par exemple, qu'un vendeur peut
faire au maximum dans un mois?
M. Lecours: II peut faire 6000 $, 7000 $, 8000 $ dans un mois,
facilement.
Mme Harel: Bon, alors...
M. Lecours: mais, vous voyez, si on prend la période de
trois mois pour établir le salaire minimum, qu'est-ce qu'on fait
à la fin de février pour établir le salaire minimum, si on
se base sur les trois derniers mois, qui sont novembre, décembre et
janvier, qui sont des mois très creux dans l'industrie de
l'automobile?
Mme Harel: Ils sont creux pour l'industrie, c'est évident,
mais ils sont creux également pour le travailleur. Si je reprends
l'exemple du ministre, mais que je diminue à 6000 $ à 8000 $ par
mois le chiffre qu'il vous donnait, si c'est sur six mois, alors il aurait fait
6000 $, par exemple, au mois de septembre...
M. Lecours: Oui.
Mme Harel: ...et puis à peu près rien pour les cinq
mois qui ont suivi, octobre, novembre, décembre, janvier,
février.
M. Lecours: II en fait toujours un peu.
Mme Harel: Que se passerait-il? Malgré ses heures de
présence sur le plancher, il n'aurait droit à rien du tout parce
que ses 6000 $ durant le premier mois serviraient aux fins du calcul du salaire
minimum pour les cinq mois qui suivent?
M. Lecours: Non, dans les cinq mois qui suivent, il en a fait.
Normalement, les vendeurs font des commissions et je vous jure que n'importe
quel vendeur chez n'importe quel concessionnaire, s'il fait 6000 $ dans un mois
et ne fait rien les autres mois suivants, il ne sera pas à l'emploi du
concessionnaire bien longtemps comme vendeur. C'est une réalité
économique. Il va faire un certain volume de travail pendant ces
mois-là. Mais, si on se réfère au projet tel qu'il est
là, c'est que le vendeur à commission est
désavantagé dans cette période-là au niveau du
salaire minimum, alors que ses gros mois de septembre et octobre, si on prend
une période de six mois, vont venir compenser pour les mois creux de
novembre, décembre, janvier, pour couvrir le salaire minimum de
février et d'une partie du mois de mars.
Mme Harel: Quel est le revenu moyen d'un vendeur?
M. Lecours: On a des statistiques là-dessus, je pense,
hein, M. Demers?
M. Deniers (Denys): Ça peut se situer aux environs de 35
000 $ à 40 000 $. Mais H faut dire, par exemple, une
précision...
Mme Harel: C'est M. Deniers, c'est bien ça?
M. Lecours: Oui.
Mme Harel: Excusez-moi.
M. Deniers: Une précision sur le mode de
rémunération des vendeurs. Il arrive que, chez plusieurs
concessionnaires, il y a ce qu'on appelle des avances de commissions pour
assurer un minimum de revenus au vendeur chaque semaine. Alors si, un mois, il
arrive qu'N fait beaucoup de ventes, qu'il a beaucoup de commissions, c'est
sûr que l'avance de commissions va gruger sur ces commissions-là,
mais ça va lui permettre quand même une continuité dans son
salaire.
Mme Harel: D'accord. Alors, je veux vous remercier pour cet
éclairage que vous nous avez donné sur votre Corporation.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. Alors, au nom des membres de cette commission, je tiens,
moi aussi, à vous remercier. Merci pour ce que vous nous apportez comme
éclairage. Merci beaucoup.
Je vais maintenant demander aux membres de la Fédération
interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec inc., de bien
vouloir s'avancer, s'il vous plaît.
Bonjour, bienvenue à cette commission. J'apprécierais si
la personne responsable du groupe, le porte-parole, pouvait se présenter
et introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Fédération interdisciplinaire de
l'horticulture ornementale du Québec inc.
M. Boulet (Guy): Alors, mon nom est Guy Boulet, président
de la Fédération. Je suis aussi pépiniériste et
producteur de gazon. A mon extrême gauche, M. Jean Tremblay, directeur
exécutif de la Fédération; ensuite, à ma gauche, M.
Jean-Pierre Rodier, ex-président de la Fédération et
entrepreneur paysagiste; et, à ma droite, M. André Mousseau,
vice-président de la Fédération et producteur en
serre.
le préskient (M. Joly): merci. je vous rappelle un peu les
règles de procédure: vous avez une quinzaine de minutes pour nous
présenter de façon la plus concise possible votre mémoire
et, par après, les membres de cette commission se réservent le
droit de vous poser quelques questions. merci.
M. Boulet: Ça va.
Le Président (M. Joly): M. Boulet, si vous
plaît.
M. Boulet: Alors, la Fédération remercie le
ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la
Formation professionnelle, M. André Bourbeau, M. le président de
la commission et les membres de cette commission de nous donner
l'opportunité de présenter notre point de vue sur l'avant-projet
de loi modifiant la Loi sur les normes du travail.
Dans l'ensemble, nous souscrivons aux recommandations exprimées
par le Conseil du patronat du Québec dans son mémoire de janvier
1990. Nous tenons cependant à apporter certaines précisions qui
touchent spécifiquement les entreprises horticoles. Ainsi, nos
interventions porteront entre autres sur les articles 3, 14, 17, 29, 31 et 41
de lavant-projet de loi. Nous ne suivrons pas nécessairement le
mémoire, parce qu'on essaiera de vous le résumer, natureflernent,
plus rapidement.
Nous rappelons que l'horticulture ornementale est déjà
considérée comme prioritaire par le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Notre
apport à l'économie du Québec dépasse le milliard
de dollars par année mais cette industrie, qui est déjà
menacée par le ralentissement de la taxe projetée sur les
produits et services, par la tarification d'Hydro-Québec qui freine la
serricuJture et par la très forte concurrence venant de
l'extérieur du Québec, ne pourra demeurer concurrentielle sans
les exemptions qu'il semble essentiel de maintenir dans la Loi sur les nonnes
du travail. Alors, lorsqu'on parie de l'article 3 qui veut supprimer le premier
paragraphe au niveau des salariés employés à
l'exploitation d'une ferme, les commentaires que nous avons sont les suivants.
En raison des graves répercussions négatives sur l'industrie
horticole qu'apportera cette modification, nous nous devons de vous faire part
de notre profond désaccord avec cette suppression. La suppression de ce
paragraphe signifie que les normes du travail s'appliqueraient dès
qu'une entreprise horticole aurait besoin de services d'un seul salarié
en plus de la personne physique, conjoint, descendant ou ascendant.
Nous nous opposons à la suppression projetée, car une
entreprise horticole ne peut tout simplement pas fonctionner de cette
façon. En effet, la nature même des travaux de la production
horticole exige une disponibilité particulière des
employés. Si les entreprises de plus de trois employés peuvent
s'accommoder des normes, il en va tout autrement pour celtes qui ne peuvent
offrir du travail qu'à trois employes ou moins. Les congés
parentaux, les préavis pour les heures supplémentaires rendront
ces employés non disponibles. Or, tes aléas climatiques font en
sorte que certains travaux doivent absolument
être effectués à tel moment particulier au risque de
compromettre la rentabilité même des entreprises.
À l'article 14, pour les délais pour le temps
supplémentaire. À notre avis, cette disposition est inapplicable
et particulièrement en horticulture ornementale. En effet, les exigences
en matière d'heures supplémentaires ne peuvent être connues
douze heures à l'avance et ce, surtout chez les entreprises qui
dépendent des conditions climatiques pour leurs activités. Par
exemple, les producteurs de plantes pépinières peuvent
difficilement se fier aux prévisions météorologiques pour
planifier leurs besoins de temps de travail, surtout quand on sait que la
météorologie est une science qui se base sur les
probabilités. Ainsi, à 30 % ou 40 % de probabilité de
pluie, un producteur devra-t-il aviser un employé du travail à
effectuer après les heures régulières? Le secteur
horticole doit composer avec la météo comme variable
difficilement prévisible. Les conditions climatiques n'obéissent
pas au bon vouloir de l'employeur. On est donc en mesure de constater que cette
disposition ne peut être applicable.
Concernant l'article 17, le congé du 1er juillet,
considérant le caractère saisonnier de nos opérations, il
est évident qu'un congé s'ajouterait au fardeau de l'entreprise
non seulement en termes financiers mais diminuerait également cette
période d'activités déjà trop courte. Nous
recommandons que l'industrie horticole ornementale soit exemptée de ce
congé chômé et payé, le 1er juillet.
Pour l'article 29, congé parental d'une année. L'industrie
horticole ornementale fait face présentement à une importante
pénurie de main-d'oeuvre spécialisée. Ce manque de
main-d'oeuvre constitue d'ailleurs un des principaux obstacles au
développement de notre secteur. Par ailleurs, l'exemple du serriculteur
est très significatif. Celui-ci emploie bien souvent une personne qui
loge sur les lieux de production. Sa responsabilité consiste en la
surveillance même de ces lieux. Dans ce contexte, il serait très
difficile pour l'entreprise de remplacer cet employé en congé
parental d'un an. Dans l'ensemble des secteurs horticoles, cette
difficulté à trouver d'autres personnes affecte
particulièrement les entreprises dont le gros du travail s'effectue sur
une base saisonnière. (17 h 15)
Pour l'article 31, l'avis de cessation d'emploi, l'entreprise horticole
qui doit souvent embaucher sur une base saisonnière doit parfois
procéder à des mises à pied qui, dans la pratique, peuvent
être de plus longue durée qu'initialement prévu. Nous
voulons éviter qu'un employeur puisse être pénalisé
quand il a, de bonne foi, mis à pied un employé pour quelques
semaines et que les nécessités du contexte économique ou
climatique transforment ces quelques semaines en quelques mois.
L'impossibilité de prévoir les conditions climatiques fait
en sorte que l'entreprise horticole ne peut pas facilement juger si la
période de mise à pied sera de cinq, six ou sept mois. Dans la
pratique, il est difficile de prévoir huit semaines à l'avance si
on doit mettre un employé à pied pour six mois.
Le caractère saisonnier de plusieurs travaux dans le domaine
horticole et les aléas de la météo rendent l'entreprise
horticole vulnérable. La notion d'une indemnité pouvant atteindre
jusqu'à huit semaines de salaire dans le cas d'une mise à pied
peut sembler équitable. Mais il ne faudrait pas pénaliser une
entreprise horticole qui aurait, par la force des circonstances
extérieures, simplement mal calculé la période de mise
à pied.
Nous recommandons que soit reconnu le caractère particulier de
l'entreprise horticole qui devrait, au sens de la loi, être reconnue
comme une entreprise à caractère saisonnier. Cette reconnaissance
du caractère saisonnier de l'entreprise horticole nous amène
à recommander que la phrase "l'avis de cessation d'emploi donné
à un salarié pendant la période où il a
été mis à pied est nul, sauf dans le cas d'une entreprise
à caractère saisonnier" implique l'exemption des entreprises
horticoles des articles 82 et 83 de l'article 31 de l'avant-projet de loi
intitulé Loi modifiant les normes du travail et d'autres dispositions
législatives.
À l'article 41, la notion d'employeur et d'administrateur. Nous
avons certaines appréhensions envers cette disposition puisqu'un
employeur, au sens de la loi, est différent d'un administrateur. En
effet, "employeur" signifie quiconque fait effectuer un travail par un
salarié. Dans ce cas, un administrateur peut travailler pour un
employeur sans qu'il fasse effectuer un travail par un salarié. Par
ailleurs, on ne stipule pas dans quelles situations ces recours peuvent
être exercés.
Dans l'industrie de l'horticulture ornementale, plusieurs
administrateurs travaillent bénévolement au sein de leur
organisme représentatif. Ils ne sont pas payés pour leur
contribution au conseil d'administration et ne prennent pas de décision
sur la gestion du personnel. Nous craignons que la confusion possible entre les
notions d'employeur et d'administrateur ne puisse amener la Commission des
normes du travail à exercer des recours à rencontre des
administrateurs bénévoles, même quand ceux-ci n'agissent
pas en tant qu'employeurs. Dans la pratique, la confusion possible entre les
notions d'employeur et d'administrateur risque de faire en sorte que plus
personne ne veuille être administrateur dans une fédération
comme la nôtre.
Un commentaire spécifique que nous voudrions apporter dans les
règlements ou dans les stipulations précises, sur les
salariés employés à des opérations non
mécanisées. Présentement le gouvernement peut
édicter des normes différentes
pour les salariés employés à des productions
fruitières ou horticoles et affectés principalement à des
opérations non mécanisées, entre autres concernant le
salaire minimum. Dans le règlement sur les normes du travail C.N-1.1,
r.3, section II, article 2, paragraphe 6, nous suggérons que cette
exemption soit également applicable pour le secteur de la production
horticole ornementale. Ceci terminerait mon exposé.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre.
M. Bourbeau: Votre mémoire, on vient de le recevoir ces
jours-ci, je crois, bien?
M. Boulet: Oui.
M. Bourbeau: Vous comprendrez que, personnellement, je n'ai pas
eu le temps de lire votre mémoire. J'ai lu la première lettre que
vous nous avez envoyée au début de février, le 12
février. Le mémoire lui-même, je n'ai pas eu le temps de le
lire. Ça ne m'empêchera pas de vous poser quand même une
question ou deux. Je comprends que vous voudriez être exclus de
l'application de la loi, principalement en vertu des articles qui portent sur
l'exclusion relative aux petites fermes, si je comprends bien.
M. Boulet: On voudrait peut-être que l'article 1, on ne
l'enlève pas tout simplement pour les petites fermes et, ensuite de
ça, qu'on reconnaisse le caractère vraiment saisonnier de nos
entreprises, pour les questions des préavis de cessation et des
congés parentaux, à cause d'une particularité de nos
entreprises qui ont fait face à une pénurie de
main-d'?uvre.
M. Bourbeau: En fait, vous seriez bien heureux si on gardait le
statu quo relativement aux petites fermes.
M. Boulet: Cette partie-là, oui.
M. Bourbeau: Pourtant, dans le règlement qui
découle de la Loi sur les normes, à la section II, à
l'article 2, vous en avez parlé d'ailleurs, on dit: "Le salaire minimum
établi à la présente section ne s'applique pas aux
salariés suivants: "6° le salarié employé aux
productions fruitières ou horticoles et affecté principalement
à des opérations non mécanisées". Alors, ce que je
vous demande, c'est: En quoi votre demande d'exclusion du salaire minimum
diffère-t-elle de l'exclusion qui est déjà prévue
du salaire minimum en vertu du règlement dont je viens de vous faire la
lecture?
M. Boulet: C'est parce que les interprétations ne
reconnaissent pas nécessairement nos activités de
pépinière et gazonnière comme une activité
horticole. Elles ont beaucoup plus l'idée de petits fruits, fraises,
framboises et autres, alors que nous aussi, on a des travaux bien particuliers
sur des périodes particulières, où on a, on pourrait dire,
empotage ou récolte, même, là
M. Bourbeau: Pourtant, le règlement parte bien de
production horticole. Le mot est employé dans le règlement.
M. Boulet: Oui, mais, dans les demandes d'interprétation
qu'on a eues de la Commission, ça ne répond pas à
cette..
M. Bourbeau: Ah!
M. Boulet: ...explication. Alors si, par règlement, on
veut bien inclure pépinière, gazonnière, serre et autres,
on est bien d'accord mais on voudrait peut-être que cette
particularité... C'est pour ça qu'on demande que, dans ce
règlement précis là, on précise plus large
qu'horticole, parce que souvent les gens qui parlent d'horticulture pensent
à tout ce qui se mange.
M. Bourbeau: Bon, on se comprend. Alors, la commission est ici et
vous écoute attentivement...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Elle ne vous mangera pas.
M. Bourbeau: ...par son président. Bon, alors, vous voulez
évidemment être exclus de toutes les propositions qui feraient en
sorte d'accorder des congés parentaux, des congés à la
naissance, etc. Mais vous savez quand même que l'objet de nos travaux,
c'est de tenter de permettre de concilier les responsabilités de parents
et de travailleurs, compte tenu du fait que la société
québécoise veut améliorer son taux de natalité. On
a un préjugé favorable envers la natalité. C'est pour
ça, d'aHleurs, qu'on tente de rendre la vie de plus en plus facile -
enfin, moins difficile - aux parents qui travaillent, spécialement aux
femmes. Je ne vois pas pourquoi votre industrie ne ferait pas un effort comme
les autres. Alors, qu'est-ce que vous proposez puisque vous n'êtes pas
d'accord avec ce que nous, on propose?
M. Boulet: Non, c'est parce que, quand on parie de congés
parentaux, notre main-d'oeuvre doit souvent être une main-d'oeuvre
spécialisée qui est très limitée sur le
marché. Je suis d'accord pour donner les avantages en ayant des buts
sociaux mais, particulièrement pour notre industrie, on a de la
difficulté déjà à trouver des gens pour remplir les
postes qu'on a. Si, en plus... pas qu'on donne des faveurs, mais qu'on nous
empêche de régler le problème de la natalité d'une
façon autre qu'en donnant des congés parentaux, ça ne nous
aide pas au niveau de nos
entreprises de ce côté-là. C'est dans ce
sens-là. On n'est pas contre le principe de favoriser ou d'aider ces
gens-là mais, précisément pour notre industrie, je pense,
on a énormément de difficulté. Lorsqu'on parle d'un
travailleur spécialisé dans notre domaine, il n'y en a pas.
Ça, ce n'est pas disponible.
M. Bourbeau: C'est quoi la proportion de main-d'oeuvre
féminine dans vos entreprises?
M. Boulet: 35 %, j'ai l'impression. C'est encore des travaux bien
sectorisés. Naturellement, souvent, tout dépend de la production;
de plus en plus on en a en pépinière. Il y a toujours
énormément de travail de bureau, c'est évident. Les
producteurs en serre, 70 % sont des femmes.
M. Bourbeau: Est-ce que ça demande une formation
très importante pour travailler dans votre secteur? Est-ce que c'est
hautement spécialisé ou si la formation peut s'apprendre assez
rapidement?
M. Boulet: Tout dépend des postes de travail. En
général, on aimerait avoir des gens formés,
spécialisés, mais on n'en a pas. Je veux dire, il n'y a pas
d'école en tant que telle où il sort vraiment beaucoup de
personnes formées dans ce domaine-là. Alors, ce sont souvent des
gens qui n'ont pas de formation qu'on entraîne dans nos entreprises. Mais
s'il faut en plus leur donner des avantages comme des congés
parentaux... Ce n'est pas qu'on soit contre les congés parentaux dans ce
sens-là mais, je veux dire, ça crée une difficulté
si les gens peuvent prendre ces congés-là et nous, ça nous
enlève cette ' main-d'oeuvre que déjà on a de la
misère à engager.
M. Bourbeau: Est-ce que vous n'êtes pas dans un cercle
vicieux? Vous nous dites: Veuillez ne pas trop alourdir nos conditions de
travail, on a de la misère à trouver de la main-d'oeuvre. Mais,
justement, si les conditions de travail sont moins intéressantes chez
vous, avez-vous peur que ça décourage la main-d'?uvre de
venir travailler chez vous? Inversement, si vos conditions de travail
étaient plus intéressantes, est-ce que ça ne serait pas un
facteur qui favoriserait la venue de main-d'oeuvre additionnelle chez vous?
M. Boulet: On est d'accord sur ce point-là, mais il faut
être concurrentiels aussi sur les marchés qu'on a. Alors, la
concurrence, en tout cas, au niveau de la production, vient
énormément de l'extérieur du Québec. On sait
très bien qu'elle vient surtout des États-Unis et même de
l'Ontario. On sait très bien que ces gens-là ont peut-être
des conditions minimales différentes des nôtres. Ça nous
donne juste un poids de plus, mais c'est à force d'en rajouter, des
poids, qui fait qu'à un moment donné on ne devient plus
concurrentiels. C'est juste ça.
M. Bourbeau: C'est assez paradoxal de vous entendre dire que vous
manquez de main-d'oeuvre alors qu'on a un taux de chômage qui frise les
10 %.
Une voix: Effectivement. M. Boulet: C'est
évident.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de tenter de
régler ça en favorisant l'engagement de travailleurs en
chômage? Est-ce que vous pouvez donner de la formation chez vous? Quand
vous recevez un travailleur, est-ce que c'est long avant d'en faire un
travailleur compétent?
M. Tremblay (Jean): Si vous me le permettez, M. le ministre, je
pense que la formation qui est dispensée... La première des
choses, les institutions qui dispensent une formation strictement horticole,
dans le domaine de l'horticulture ornementale, il n'y en a pas beaucoup au
Québec. La deuxième des choses, c'est une formation qui est quand
même compliquée. Les tâches de travail, on travaille avec du
matériel vivant, avec plusieurs espèces. Par exemple, dans le cas
de la production en pépinière ou en serre, surtout dans le
domaine ornemental, on parle de quelques milliers de variétés de
différents produits. Donc, ça prend quand même des
connaissances assez approfondies.
D'une part, oui, on fait de la formation. D'ailleurs, il y a une
étude qui a été réalisée par votre
ministère dans le cadre des portraits sectoriels de l'industrie de
l'horticulture. Dans ces enquêtes, on démontre que, dans 92 % des
cas, les gens sont formés sur le tas et 8 % ont une formation en
institution. Ça, c'est une chose. La deuxième des choses, il y a
des règles qui rendent difficile l'accessibilité de la formation.
Par exemple, dans des périodes où, effectivement, les gens sont
en période de cessation d'emploi, ils pourraient profiter de cette
période pour aller suivre une formation spécialisée, ou
améliorer leurs connaissances, ou acquérir la formation qu'il
leur faut. Malheureusement, il y a quand même des exigences comme, par
exemple, la fameuse règle des 24-30 du gouvernement
fédéral, entre autres, de la Commission de l'emploi et de
l'immigration Canada qui rend difficile le fait qu'à un moment donne on
veuille envoyer ces gens-là suivre une formation. On est liés
avec cette fameuse règle. La fameuse règle des 24-30, c'est la
règle selon laquelle, pour pouvoir bénéficier de
prestations et suivre une formation, 11 faut avoir été en
chômage durant les 24 dernières semaines des 30 dernières.
donc, on est pris dans une sorte de carcan qui nous rend difficile le fait
qu'on voudrait former une main-
d'oeuvre. Autre chose aussi: Qu'est-ce qu'on fait pour encourager les
gens à s'intéresser à ce secteur? On sait que dans le
secteur agricole, en général, il y a une baisse, un manque
d'intérêt de la part des gens, il y a une baisse
d'intérêt de la part des jeunes vis-à-vis de l'agriculture
ou vis-à-vis des métiers qui sont propres à l'agriculture.
C'est ce qui fait, d'ailleurs, que le ministère de l'Agriculture s'est
intéressé, par différentes méthodes, à
développer des moyens pour informer les gens sur ce qu'est
l'agriculture, qui est une activité importante, essentielle, dans une
économie telle que celle du Québec ou du Canada.
C'est ce qui fait que dans ce contexte le ministère de
l'Agriculture a créé une table provinciale composée,
d'ailleurs, de représentants du ministère de la
Main-d'?uvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle, du ministère de l'Éducation et ainsi de suite,
pour essayer de trouver des solutions à ce problème. 11 est
évident qu'on fait notre effort, qu'on essaie de faire notre effort,
mais on est pris, quand même, avec des exigences qui sont difficiles
à surmonter. je vous mentionnais la fameuse règle des 24-30 qui
empêche nos gens d'aller suivre une formation d'appoint ou de
perfectionnement.
(17 h 30)
M. Boulet: L'autre chose que j'aimerais peut-être rajouter,
c'est que, si on veut rester compétitifs aussi, on sait très bien
qu'en Ontario - même s'il y a peut-être un taux de chômage
moins élevé que chez nous - ils ont recours à de la
main-d'oeuvre étrangère, au-dessus de 12 000 à 14 000
travailleurs étrangers, alors qu'au québec on commence à
employer cette main-d'?uvre, justement parce qu'on n'est pas capable
d'avoir ces gens-là pour travailler. ce n'est pas nécessairement
de la main-d'oeuvre spécialisée. alors, cette année on
était supposés en avoir 800 et en ce moment on est même
bloqués par le ministère du travail, parce qu'ils ne veulent plus
qu'on importe d'autres personnes de l'extérieur, parce qu'ils disent
justement: ii y a des gens qui sont au chômage. pourquoi ne les
emploie-t-on pas? mais, on tourne en rond, c'est un fait.
M. Bourbeau: Saisonnier, pour vous, c'est combien de temps
à peu près, en gros?
M. Boulet: En général, tout dépend des
travaux, mais dans mon entreprise il y a des gens qu'on met à pied, des
fois, en septembre, et qui vont reprendre en mai. Ça fait sept mois
d'arrêt, mais ce sont des gens qui reviennent d'une façon
régulière tous les ans. Souvent, ce sont des gens qui sont plus
âgés, qui prennent ce travail-là d'une façon
saisonnière, qui tombent sur le chômage chaque année, mais
qui reviennent de toute façon. Ça fait dix ans qu'ils travaillent
pour nous. Il n'y a pas de problème.
Mais, en général, on sait très bien que la fin des
activités dans la région de Québec et de Montréal,
quand on est rendus au 15 novembre, c'est fini, il n'y a plus rien; ensuite,
ça recommence, selon les secteurs, en avril ou en mai.
M. Bourbeau: En Ontario, puisque vous en parliez, je crois
comprendre que les travailleurs horticoles ne sont pas exclus des normes
minimales.
M. Boulet: Je ne peux pas croire... Je ne sais pas si la loi les
exclut de cette façon là, mais j'ai dit: Ils ont des travailleurs
étrangers qui sont soumis aux règlements. Comme nous, les
travailleurs étrangers qu'on fait venir, Hs sont exactement comme les
travailleurs canadiens, ils ont exactement les mêmes normes.
M. Bourbeau: Sur les listes de mes clients à l'aide
sociale, j'en ai 430 000. Vous ne pourriez pas les prendre là-dedans,
vos travailleurs, plutôt que de les faire venir de l'étranger?
M. Boulet: ii n'y a aucun problème, mais ces
gens-là ne se présentent pas. puis, pour un salaire égal,
aussitôt qu'ils seront capables de travailler à l'abri, à
la chaleur et autre, ils vont aller directement dans un autre secteur. vous
n'avez pas nécessairement des moyens incitatifs pour que ces
gens-là viennent. il ne faut pas forcer les gens à faire un
travail qu'ils n'aiment pas, dont ils ne veulent pas, ou qu'ils ne connaissent
pas.
M. Bourbeau: Disons qu'avec la nouvelle loi sur la réforme
de l'aide sociale ils sont censés chercher un travail et ils ne peuvent
pas impunément refuser des emplois qui leur sont offerts.
M. Mousseau (André): J'aimerais ça vous en parler,
étant donné que j'en ai déjà utilisé de
votre main-d'?uvre. Pour avoir un travailleur, tu es obligé d'en
prendre six. Quand tu es une entreprise qui naît, qui a à peine
six ou sept employés, puis que tu es prêt à jouer la
'game", je l'ai fait pendant quatre ou cinq ans. C'est parce qu'à un
moment donné on veut avoir du monde qui sait travailler, puis qui va
rester dans l'entreprise pendant un certain temps. C'est ça qui fait le
problème. Tu embarques dans des programmes comme ça, puis ils
viennent travailler, c'est sûr et certain, mais, pour arriver à
faire tes six mois, tu en as passé six. Puis, on n'est pas des
entreprises équipées avec du personnel cadre suffisant pour
aider. C'est surtout là qu'est notre problème, dans le sens que
nos gens ne sont pas formés. Comme on le disait tantôt, il y en a
à peine 8 % de formés. Mais c'est difficile dans ce
temps-là d'avoir des cadres qui vont encadrer ces gens-là pour
leur permettre de travailler. Le gros problème, c'est parce qu'ils ne
restent pas. S'il y avait des
incitatifs réels pour qu'ils restent dans l'entreprise... Moi,
j'en ai trois ou quatre chez nous que je suis allé chercher au
bien-être social et qui travaillent depuis trois ou quatre ans. Je suis
arrivé à les garder, mais j'en ai passé douze pour
ça. C'est très coûteux administrativement pour nos
entreprises de le faire. On n'est pas nécessairement des gens qui ont
à ramasser toute cette main-d'oeuvre-là.
Une autre chose dont je voulais vous parler aussi. Tantôt vous
parliez des congés parentaux. On est d'accord avec ça. Le seul
problème, c'est comment on peut arriver à concilier... On parlait
tantôt du domaine de la serriculture et d'autres domaines aussi où
on loge des employés qui sont responsables et qui s'occupent... Chez
nous, on a une sonnette qui sonne quand il fait trop froid la nuit dans nos
serres ou quand il manque d'électricité, parce que, sans
ça, on perd notre récolte. Si, en même temps, la personne
qui est là est logée, puis ça entre dans son salaire,
comment va-t-on faire pour lui donner un congé parental d'un an? On est
bien d'accord qu'elle ait des enfants; on en a nous aussi, puis on est
prêts à le vivre, mais comment va-t-on arriver à compenser
cette personne-là? Est-ce qu'on va partir un logement pour un autre
employé qu'on va engager? Il y a des choses, à un moment
donné, qui sont particulières au niveau de l'agriculture, puis
c'est difficile de les cadrer dans une structure comme celle qui est là.
On n'est pas en désaccord avec ça, on est parfaitement d'accord
avec le fait qu'un congé parental, c'est important.
M. Bourbeau: Je termine là-dessus. Malgré le
début de vos remarques qui était un peu pessimiste, vous avez
quand même amélioré le tableau en disant que vous aviez
engagé des assistés sociaux dont un certain nombre sont
restés quand même, qui sont chez vous depuis quelques
années et dont vous semblez certainement satisfait puisque vous les
gardez. Je conçois que ça peut être plus difficile de les
intégrer à l'emploi à cause du manque de formation
préalable, mais on va bientôt lancer un nouveau programme qui va
peut-être vous inciter à engager des assistés sociaux en
transférant une partie du montant qu'on leur paie à l'employeur.
Alors, ça pourra peut-être compenser pour la formation
additionnelle que vous êtes peut-être obligés de leur donner
à cause de leur manque de préparation. Ce programme-là
devrait être lancé au cours des prochaines semaines. Je vois Mme
la députée qui semble avoir hâte. Enfin! Incessamment, on
va lancer un programme et c'est peut-être une industrie qui pourrait
profiter de cette main-d'oeuvre qui est peut-être moins qualifiée,
mais à l'égard de laquelle on pourra vous donner des subventions
pendant quelques mois pour les engager et leur donner la formation qui leur
manque. Vous suivrez les journaux et la radio.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Maintenant,
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous saluer, M. Boulet et les personnes qui vous accompagnent de la
Fédération. J'ai regardé votre organigramme et,
finalement, c'est assez multidisciplinaire, la composition de votre
Fédération. Juste un mot sur l'échange qui vient d'avoir
lieu, parce qu'il y a quelques problèmes, encore une fois, avec ce genre
de programmes qui ne durent que six mois et qui ne peuvent pas se renouveler
pour la même personne ou pour la personne que vous avez formée.
Tant mieux pour elle. Mais si vous ne la gardez pas de façon continue
à votre service, ce qui est fort peu plausible, compte tenu des mises
à pied que vous faites déjà avec votre personnel
régulier, cette formation-là, elle ne pourra pas s'en servir. Et
l'autre problème, c'est un peu comme tous les autres programmes PDE,
article 37, article 25, que vous devez connaître comme tout le monde. Ce
sera un autre qui s'ajoutera à tous ces programmes-là et qui va
surtout avoir comme mérite le pouvoir de transférer des gens de
l'aide sociale à l'assurance-chômage en leur donnant 26 semaines
de subvention à l'emploi pour se classifier à I
assurance-chômage après. Alors, c'est toujours le même jeu
qu'on connaît depuis tant d'années d'un gouvernement qui renvoie
à l'autre des programmes de subvention et vice versa. J'ai encore
passé une heure et demie sur le programme PAIE hier.
Alors, je voudrais savoir si vos établissements sont surtout
situés à l'extérieur des grands centres urbains, ou en
périphérie ou un peu partout, à travers tout le
Québec.
M. Boulet: On en a à travers la province tout
dépendant des secteurs. Comme vous le voyez dans l'organigramme, les
golfs sont souvent près des centres urbains, les centres jardins sont
dans des centres urbains, les entreprises de production sont probablement
nécessairement en dehors des centres urbains, les aménagistes
sont dans des centres urbains.
Mme Harel: Ai-je bien compris qu'actuellement votre industrie est
exemptée de l'application du salaire minimum?
M. Boulet: Non, pas notre industrie qui est à
caractère de production agricole. On est exempts des normes pour les
entreprises de moins de trois employés; la loi ne s'applique pas. Pour
plus de trois employés, les normes s'appliquent, sauf pour le temps
supplémentaire, la semaine de 44 heures, en ce moment, au niveau de la
production agricole. Mais dans tous les autres secteurs, que ce soit
l'aménagement paysager ou les centres jardins, toutes ces
lois-là
s'appliquent parce qu'il n'y a pas d'agriculture.
Mme Harel: Mais, au niveau de l'industrie horticole de plus ou de
moins de trois employés, le salaire minimum s'applique également.
C'est bien le cas?
M. Boulet: On l'appliquait, mais on semble dire qu'on n'aurait
pas besoin de l'appliquer. C'est ça qu'on ne sait pas. Ha, ha, ha!
Mme Harel: Là, j'ai de la difficulté à
comprendre. Moi non plus, je ne comprends pas l'interprétation qui en a
été faite. Est-ce que le secteur horticole est exempté du
salaire minimum? Quel est le salaire horaire que vous payez présentement
en moyenne?
M. Boulet: Si on parle de production... Mme Harel:
Horticole.
M. Boulet: ...horticole, lorsqu'on emploie des travailleurs
étrangers, le salaire est fixé par la Commission de l'emploi et
de l'immigration qui fait une étude, puis elle dit que le salaire moyen
est de 6,40 $ cette année ou de 6,47 $ pour l'année 1990. En plus
de ça, on doit payer un logement, on doit payer le transport et
autre.
M. Bourbeau: Ça, c'est en plus.
Mme Harel: En plus. D'où viennent-ils, les travailleurs
étrangers?
M. Boulet: On a une entente au Canada. Il y a une entente, en ce
moment, entre le Mexique et tes Caraïbes françaises et
anglaises.
Mme Harel: Puis en Ontario, est-il exact qu'il y a plusieurs
travailleurs étrangers qui sont des Québécois?
M. Boulet: non, ils ne peuvent pas être pris sur ce
programme-là. on n'est pas des étrangers encore, je pense! ha,
ha, ha! malgré tout ce qu'on peut dire!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: alors, ça veut donc dire que, dans ces
programmes-là, ce sont vraiment des personnes qui retournent,
après, hors frontières. c'est ça?
M. Boulet: Ils sont obligés. Ils n'ont pas le droit de
rester plus d'un an, en somme. Normalement, après le 15 décembre,
il faut qu'ils retournent dans leur pays.
Mme Harel: On me fait valoir que, si le salaire horaire
établi par la Commission de l'emploi et de l'immigration est de 6,47 $,
c'est que c'est le salaire moyen, ça, qui est payé dans...
M. Boulet: Dans la production horticole non
spécialisée.
Mme Harel: Dans la production horticole non
spécialisée.
M. Boulet: non spécialisée. ça veut dire
que ce ne sont pas des contremaîtres, ce ne sont pas des gens qui ont
nécessairement des responsabilités.
Mme Harel: Donc, c'est plus élevé pour les autres
types de production?
M. Boulet: Ça dépend des entreprises. Dans les
entreprises d'aménagement, je pense que les salaires peuvent monter
jusqu'à 10 $, 12 $, ou 15 $ l'heure peut-être. Mais il y a
toujours les manoeuvres sans expérience qui peuvent avoir un salaire qui
est différent. Quand on engage des étudiants, ça peut
être au salaire minimum.
Mme Harel: À quoi attribuez-vous la pénurie de
main-d'oeuvre?
M. Boulet: Au désintéressement des gens de
travailler dans l'agriculture et au manque de formation. Il y a une mauvaise
communication. Il y a des gens qui sont en chômage, mais les gens qui
travaillent dans les bureaux d'Emploi et Immigration sont là juste pour
afficher notre demande, lis ne sont pas là pour faire la connexion entre
les gens. Ils n'ont pas de budget pour ça.
Mme Harel: Les centres - comment les appelle-t-on, ces centres de
formation professionnelle - les CFP, avez-vous des contacts avec eux? Est-ce
que votre Fédération est en contact avec les différentes
commissions de formation professionnelle à travers les régions du
Québec?
M. Boulet: Ah ça, il n'y a pas de problème. Les
contacts sont très bons. On travaille avec eux autres même pour
élaborer des programmes de formation et tout ça. C'est un manque
de clientèle, souvent, c'est ça le problème.
Mme Harel: II n'y a pas de placement, en fait? On ne fait pas du
placement dans aucun centre d'Emploi et Immigration.
M. Boulet: Non. Tous les gens qui sortent de ces écoles de
formation professionnelle trouvent de l'emploi. Ça, il n'y a aucun
problème. Le problème, c'est de vendre à la
clientèle le débouché, de leur dire de s'en aller dans ce
domaine-là, qu'on va leur trouver de l'emploi.
Mme Harel: C'est vraiment un secteur en progression constante.
Vous nous avez, dans le dossier que vous nous remettez, justement fait valoir
qu'il y a plus de 1 000 000 000 $ qui sont injectés dans
l'économie par votre industrie. Vous nous avez parlé des
problèmes posés par la tarification d'Hydro-Québec.
Ça m'intéresse parce qu'il y a des coûts de main-d'oeuvre
et il y a des coûts d'énergie. Je ne sais pas si vous avez pu
avoir des études assez sophistiquées pour distinguer quelle
était la part des coûts d'énergie dans l'horticulture.
M. Mousseau: Quand on parte d'énergie, on parle surtout au
niveau de la serriculture.
Mme Harel: Serriculture, oui?
M. Mousseau: Quand on parle des coûts de l'énergie,
ça représente entre 25 % et 30 % des coûts de production.
C'est équivalent à peu près aux coûts de la
main-d'oeuvre dans nos secteurs de production.
Mme Harel: Avez-vous des tarifs préférentiels comme
dans l'aluminerie, par exemple?
M. Mousseau: C'est ce qu'on voudrait mais disons que...
Mme Harel: Ça n'existe pas.
M. Mousseau: Non. À l'heure actuelle, dans ceux qui ont
signé des contrats de biénergie en 1985-1986, les tarifs sont
comparables, sans doute un peu supérieurs mais ça doit être
comparable à l'heure actuelle.
Mme Harel: À ceux qui sont offerts par...
M. Mousseau: Excepté que ces tarifs-là sont sur
leur fin dans le sens qu'ils ont été signés en 1985 pour
quatre ans. Ça veut dire qu'en 1989-1990 ils vont être finis.
C'est pour ça qu'on en parle de ce temps-là.
Mme Harel: Je dois vous dire que j'ai passé plusieurs
heures de ma vie dans des serres.
M. Mousseau: Oui?
Mme Harel: Mes parents en avaient et je sais...
M. Mousseau: C'est ça qui nous surprend toujours. C'est
qu'en général les gens aiment ça venir dans une serre,
vivre dans une serre. Quand on essaie d'attirer des travailleurs, on dirait
que, là, ça ne marche pas. C'est ça qu'on comprend
difficilement, parce que, quand les gens viennent chez nous, ils disent: C'est
le "fun", on est comme en Floride. Il y a même des femmes qui entrent et
qui disent: Je travaillerais chez vous pour rien.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Mousseau: Mais ça dure rarement longtemps.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Mousseau: Oui, oui, des femmes d'un certain âge.
Mme Harel: C'est peut-être à cause de vous. Ha, ha,
ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Mousseau: Je ne suis pas là assez souvent. C'est ma
femme qui est là le plus souvent, ce qui fait que... Non, mais c'est
ça qui me surprend toujours parce que, quand même, c'est un
environnement qui est agréable. On travaille douze mois par
année. Quand il fait soleil, on est comme en Floride. Il n'y a pas de
problème. Et ce n'est pas un travail qui est si dur que ça. Et on
ne comprend pas comment ça se fait que, comme on disait tantôt, il
y a 430 000 personnes qui sont sur le bien-être social et qu'on n'arrive
pas à faire des liens avec ces gens-là et, après
ça, leur donner une formation subséquente. On pourrait avoir des
travailleurs intéressants.
Mme Harel: Un des problèmes, c'est sans doute la connexion
parce que la majorité, je pense, des personnes assistées sociales
sont dans des centres urbains, sans aucun contact avec des
établissements comme le vôtre qui sont un peu à
l'extérieur. Et ça suppose d'avoir un moyen de transport.
M. Mousseau: Oui, c'est ça. L'année passée,
en tout cas, il y a eu mise en place de services d'emplois agricoles au niveau
de Montréal. L'année d'avant, on avait manqué de
main-d'oeuvre et, l'année passée, on n'en a pas manqué au
niveau de la main-d'oeuvre journalière. À partir du moment
où on a dit: On va aller les chercher là où ils sont, il y
a eu possibilité à ce moment-là de combler ces
besoins-là. Mais il faut aller plus loin que ça encore dans le
sens qu'il faut vraiment diversifier pour aller chercher pour tout le
monde.
Mme Harel: Parce qu'il faut accepter que ce soit sur une base
saisonnière et ça...
M. Mousseau: Oui, mais pas partout, pas nécessairement.
Chez nous, on travaille douze mois par année. Dans nos serres, à
l'heure actuelle, j'ai encore quinze personnes qui travaillent et, durant
l'été, on monte jusqu'à 25. C'est normal. Il y en a - pas
tout le mon-
de - mais dans la production en serre, si on a des tarifs
d'électricité qui tiennent, on va rester en vie. Dans le fond,
à plus ou moins long terme, on s'en va vers un travail de onze ou douze
mois pour la plupart du monde. Ces investissements-là sont trop
importants pour les laisser dormir trop longtemps.
Une voix: En serriculture.
M. Mousseau: Oui, en serriculture, toujours.
M. Boulet: C'est pour ça que c'est vraiment le
caractère saisonnier qu'on veut faire ressortir de notre industrie.
C'est ce qui amène les particularités et c'est dans ce
caractère-là qu'on demande peut-être des exemptions ou des
assouplissements à la loi et une précision, comme on le disait,
au niveau de la production horticole, si vraiment on est régi ou non au
niveau du salaire minimum.
Le Président (M. Joly): Merci. Mme la
députée. Je pense que M. le ministre avait quelque chose à
rajouter.
M. Bourbeau: Si vous le permettez, j'aurais une autre question
à poser. Quand vous faites venir de la main-d'oeuvre
étrangère, dont vous parliez tantôt - vous nous avez
parlé du salaire - est-ce que vous ne devez pas également
garantir un certain nombre de semaines et un certain nombre d'heures par
semaine?
M. Boulet: Le minimum, c'est 40 heures par semaine. Le minimum de
semaines, c'est quatre semaines.
M. Bourbeau: Quatre?
M. Boulet: Oui.
M. Bourbeau: Pas plus de quatre?
M. Boulet: Non.
M. Bourbeau: En général, ils restent combien de
semaines?
M. Boulet: Chez moi, ils rentrent le 15 avril et ils repartent le
15 novembre.
M. Bourbeau: Et vous les logez en plus? M. Boulet Oui.
M. Bourbeau: Oui. C'est drôle, parce qu'il y a des
études qui ont été faites par le gouvernement de l'Ontario
qui ont démontré que la meilleure main-d'oeuvre qu'ils ont, c'est
la main-d'oeuvre québécoise. On me dit que le nombre de
travailleurs québécois en Ontario oscille entre 1500 et 3000.
Comment se fait-il qu'on ait des travailleurs disponibles, qui sont très
bons, puisque ces études dont on parle le disent et que, vous autres,
vous ne réussissiez pas à trouver des travailleurs? Vous allez
les chercher au Mexique ou dans les Antilles. On me dit que les employeurs
ontariens viennent sur place faire un peu de prospection et même j'ai des
gens derrière moi qui me disent que, dans le bout du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est là que sont les meilleurs
travailleurs.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: ii faut dire qu'ils sont de la région, eux
autres. peut-être qu'effectivement i y aurait lieu de s'informer
un peu de ça. je suis convaincu qu'un salaire de 6, 47 $, c'est
nettement supérieur au salaire minimum. il y a certainement moyen de
trouver une main-d'?uvre québécoise. il s'agit d'aller
s'informer où elle est.
M. Boulet: Nous, on est en demande. On demande du personnel. Si
on n'en a pas, ce n'est pas à nous de régler tous les
problèmes. On nous donne une autre avenue, celle des travailleurs
étrangers qui, eux, répondent à notre demande. Donnez-nous
des moyens pour que, si on fait des demandes, des gens viennent nous voir s'ils
sont intéressés à travailler. Le problème c'est
qu'on met des annonces dans les journaux, on fait de l'affichage de postes dans
les centres de main-d'oeuvre et il ne se passe rien. Ils aiment peut-être
mieux qu'ils restent sur l'assistance sociale. Les autres, ils vous renvoient
la balte de l'autre côté.
M. Bourbeau: Les centres de main-d'oeuvre, ce n'est pas du
gouvernement québécois, c'est fédéral.
M. Boulet: Non, c'est ça.
M. Bourbeau: Mais avec le programme PAIE qui s'en vient, je pense
qu'on va pouvoir vous aider.
Le Président (M. Joly): M. Boulet, j'aurais
intérêt à vous poser une question. Est-ce que c'est
obligatoire pour les gens qui travaillent chez vous de loger chez vous, ou
s'ils peuvent loger ailleurs?
M. Boulet: II n'y a pas de problème.
Le Président (M. Joly): Si c'étaient des gens de la
région, ils pourraient loger ailleurs. À ce moment-là,
combien figurez-vous que ça vous coûte pour loger ceux qui
viennent de l'extérieur? Mettons, si on ramène ça au taux
horaire?
M. Boulet: A l'endroit où ils restent, Us sont dix dans
une maison. Sur six mois, ce n'est
pas énorme, à mon avis ce n'est même pas 0,50 $ de
l'heure. Le problème... Je vais vous donner l'expérience de chez
moi. Vous avez eu des gens qui les représentaient juste avant. Je vis
près du plus grand centre de portes et fenêtres qu'il y ait,
à Saint-Apollinaire. Voyez-vous, des employés, aussitôt
qu'il y a un emploi qui est près dans une usine, il commencent à
8 $ de l'heure, à la chaleur et tout ça; c'est évident
qu'ils ne viendront pas chez nous.
Le Président (M. Joly): Donc, même si vous offriez
0,50 $ de l'heure ou 1 $ de plus...
M. Boulet: Ce n'est pas juste une question de salaire. Il y a
vraiment une question de rendement aussi. Il faut que ça aille ensemble.
Les travailleurs québécois qui viennent chez nous, souvent - ce
n'est pas pour déprécier nécessairement les travailleurs
québécois - ne sont pas nécessairement habitués
à fournir un rendement de travail comme ces gens-là. Ce salaire
peut paraître raisonnable. On peut calculer que ces gens-là nous
coûtent peut-être 8 $ de l'heure, les travailleurs
étrangers, mais on en a pour notre argent. À ce moment-là,
on peut rester compétitifs quand même. Mais il y a des gens qu'on
paie 8 $ de l'heure et qui ne fournissent pas à la compétition.
C'est ça, le problème.
Le Président (M. Joly): Vous êtes en train de dire
que les gens de l'étranger sont de meilleurs travailleurs que les gens
du Québec.
M. Boulet: Au niveau des travailleurs manuels, dans certains
domaines, oui. En agriculture, c'est le problème. Mais peut-être
que si on les envoyait, ces mêmes gens-là, dans les mines, ils ne
seraient pas bons. Ce sont des gens qui ont une habileté manuelle dans
l'agriculture.
Le Président (M. Joly): Merci, beaucoup. Est-ce qu'il y a
d'autre chose?
Mme Harel: Je veux vous remercier également, et vous dire
que ça nous donne encore une fois un éclairage important sur
votre industrie.
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette
commission nous tenons à vous remercier de votre présence et du
mémoire que vous nous avez présenté. Merci beaucoup. Nous
allons maintenant suspendre jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
(Reprise à 20 h 9)
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons maintenant reprendre nos travaux pour entendre ce soir
l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec et le Regroupement des
organismes-travail de la région de Québec. Alors, je vois que
déjà les représentants de l'Office des producteurs de
tabac se sont avancés et j'apprécierais si le porte-parole
pouvait se présenter et aussi les personnes qui l'accompagnent.
Office des producteurs de tabac jaune du
Québec
M. Gadoury (Jean): Bonsoir, M. le Président. Bonsoir, M.
le ministre, mesdames, messieurs. Je me présente, Jean Gadoury,
président de l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec;
mon vice-président, M. Germain Ducharme, et notre conseiller juridique,
M. Denis Gagnon, qui fera lecture du mémoire présenté
à la commission.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vous explique
brièvement les règles du jeu. Vous avez une quinzaine de minutes
pour nous présenter votre mémoire d'une façon la plus
concise possible et, après, nous nous réservons le plaisir et le
loisir de vous poser les questions d'usage. Merci. Allez, M. Gadoury.
M. Gagnon (Denis): Alors, bonsoir, M. le Président,
bonsoir, M. le ministre, mesdames, messieurs. Je suis le porte-parole de
l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec et nous vous
remercions d'avoir bien voulu nous permettre de vous présenter ce
mémoire que nous vous avons transmis antérieurement. Tout
d'abord, nous portons à votre attention que les représentations
contenues dans le présent mémoire sont loin d'être
exhaustives et n'ont pour but que d'apporter certaines revendications
particulières de notre organisme en regard de ce projet de loi. De plus,
le fait que nous limitions notre intervention aux quelques points qui suivent
n'implique pas que nous sommes d'accord avec les autres amendements
prévus par le projet de loi. Une telle conclusion serait absolument
contraire au but du présent mémoire. Le proverbe "Qui ne dit mot
consent," ne s'applique pas.
Alors, il y a certains points, évidemment, que nous avons
traités de façon particulière, tout d'abord au niveau des
articles 3 et 5 de l'avant-projet de loi. Je porte à votre attention le
fait que, sur le document qui vous avait été transmis, une erreur
de frappe avait indiqué l'article 15. Alors, ce sont les articles 3 et 5
de l'avant-projet de loi qui font l'objet de notre propos. Cet amendement fait
perdre aux producteurs agricoles le bénéfice
général d'exception dont ils ont bénéficié
jusqu'ici lorsque l'exploitation agricole se faisait avec le concours habituel
d'au plus trois salariés. Traditionnellement, les fermes de tabac jaune
sont de petites entreprises familiales ne disposant pas de ressources
administratives importantes et, en conséquence, l'obligation de
s'assujettir à cette loi est de
nature à leur occasionner des coûts additionnels et des
charges administratives inopportunes.
Dans le contexte actuel, vous n'ignorez pas que la culiuie du tabac est
en constante régression, les quotas de production agricole étant
diminués annuellement au Québec. D'ailleurs, nous vous
laisserons, pour votre information, les statistiques qui ont été
relevées par l'Office des producteurs de tabac jaune concernant la
diminution constante à la fois du volume des récoltes et du
nombre de producteurs au Quebec au cours des dernières années. Il
s'agit d'une production agricole qui, volontairement, s'est assujettie à
un règlement sur les quotas pour sauvegarder les producteurs qui
étaient déjà en opération avec un volume de
production assez intéressant.
Toute mesure à caractère restrictif affectant cette
production est susceptible d'accélérer le
désintéressement des producteurs agricoles envers ce type de
production agricole, ce qui ne ferait qu'accroître les problèmes
de mise en valeur des terres agricoles qui sévissent actuellement au
Québec. L'interventionnisme de l'État, sous toutes ses formes,
est déjà suffisammnent considérable pour qu'il ne soit pas
nécessaire d'y inclure les entreprises dont l'exploitation, de
façon générale, est faite par moins de trois personnes. Le
gouvernement, de son côté, n'a rien à gagner à
assujettir de telles entreprises au contrôle de la Commission des normes
du travail, à moins que l'on ne veuille se servir de ce moyen pour
augmenter le nombre de fonctionnaires.
L'introduction de l'article 3.2 à la loi par le biais de
l'article 5 de l'avant-projet de loi ne compense en aucune façon la
suppression de l'exception générale dont nous pouvions
antérieurement bénéficier. Nous sommes donc formellement
opposés à cette modification de l'article 3 tel que soumis dans
l'avant-projet de loi et nous réclamons donc le statu quo.
En ce qui concerne l'article 14 de l'avant-projet de loi, nous soutenons
tout d'abord que l'insertion de cet article nous apparaît strictement
inappropriée à cet endroit-là, parce qu'il s'agit d'une
exception aux heures supplémentaires et, en conséquence, sur la
base de la législation, normalement, l'exception devrait être
stipulée après les règles générales. De
plus, les termes utilisés, à savoir "un salarié ayant des
obligations reliées à la garde", - ce sont les termes
utilisés dans l'avant-projet de loi - sont des termes flous et ambigus
qui donneront ouverture à de nombreuses contestations. Il n'existe
aucune définition de la nature ou du contenu de cette obligation et, si
l'on tient compte que l'économie générale de cette loi est
de favoriser le salarié, on se rend aisément compte que
l'insertion d'un terme aussi vaste entraînera des conflits entre
employeurs et employés, sans aucune raison. Nous comprenons fort bien
que le législateur veuille favoriser le développement d'une
politique familiale par rapport au miliieu de travail, mais il ne faut pas
perdre de vue que l'employeur n'est pas toujours en mesure d'assumer les
obligations qui lui sont imposées par le législateur, si louables
soient-elles.
Toujours dans la perspective où les producteurs agricoles sont
généralement propriétaires de petites entreprises à
caractère familial, le fait qu'ils deviennent assujettis, dans
l'ensemble, à cette loi, introduit une source de conflits qui n'a pas sa
raison d'être. Dans le passé, et tenant compte
précisément du peu d'ampleur des exploitations agricoles
rattachées à la production du tabac, toutes ces situations ont
été réglées de bonne foi,
généralement à la satisfaction des parties en cause, sans
que le législateur n'ait à intervenir. Nous sommes donc
opposés, en ce qui nous concerne, à cette modification qui est
imprécise et non justifiée.
En regard des articles 17, 18, 19 et 20 de l'avant-projet de loi, ces
articles ont pour effet d'ajouter un fardeau financier additionnel aux
employeurs. Nous soutenons que l'exception dont bénéficient
déjà jusqu'ici les petits producteurs agricoles devrait
être maintenue de façon à leur éviter un fardeau
financier trop lourd.
L'article 29 de l'avant-projet de loi introduit l'article 81.3
concernant les conditions et modalités de congé pour cause de
maternité, de paternité ou d'adoption, par voie de
règlement du gouvernement. Tel que mentionné ci-dessus, nous
comprenons fort bien les mesures destinées à favoriser et
à concilier le développement de la famille par rapport au milieu
de travail. Cependant, nous sommes en désaccord avec le fait que le
gouvernement se réserve exclusivement le pouvoir d'agir en cette
matière par voie de réglementation. D'autres mesures à
caractère strictement monétaire sont fixées par la loi et
nous estimons que les conditions relatives aux congés prévus par
l'article 81.3 devraient être fixées dans la loi elle-même
et non pas dans les règlements. D'ailleurs, nous constatons, de
façon générale, que le gouvernement se réserve
d'une façon de plus en plus large le pouvoir d'intervenir par voie de
réglementation plutôt qu'en fixant les règles par voie de
législation. Nous n'approuvons pas une telle façon de
procéder.
L'article 31 de l'avant-projet de loi, et plus spécifiquement les
articles 82 et suivants contenus à la section VI du chapitre IV de la
loi elle-même, établit les avis que l'employeur est tenu de donner
à son employé au cas de cessation d'emploi ou de mise à
pied. Cependant, à moins que nous ne fassions erreur, il n'existe aucune
disposition dans cette loi prévoyant qu'un employé doit donner un
avis quelconque à son employeur. Nous croyons qu'il s'agit d'une mesure
inéquitable, donnant lieu à des contestations possibles et
à de nombreuses ambiguïtés. Ainsi, il arrive
fréquemment, surtout dans le milieu agricole, qu'un employé ne se
représente plus au travail et entreprenne une carrière chez un
autre employeur sans même aviser le producteur
agricole. Ceci cause préjudice à l'employeur, d'autant
plus qu'il arrive également qu'il ne porte pas à l'attention de
l'employeur ce changement, tentant à la fois de conserver ses droits
auprès de son ancien employeur, qu'il a quitté sans avis, et la
possibilité de commencer un travail chez un autre employeur sans prendre
les risques inhérents à un changement d'emploi. Nous nous
élevons contre le fait que les obligations, en ce domaine, ne soient pas
réciproques.
Les articles 34, 35 et 37 de l'avant-projet de loi se
réfèrent à la section relative au pouvoir de
réglementation du gouvernement. Nous avons déjà
formulé certains commentaires à ce propos. Nous
réitérons notre objection de principe à une marge de
manoeuvre que nous estimons beaucoup trop considérable en matière
de réglementation. L'article 88 de la loi illustre en particulier le
pouvoir d'intervention du gouvernement en matière de
réglementation. À notre avis, une loi constitue un cadre
d'opération qui doit être suffisamment précis et permettre
d'établir les droits et obligations des parties en cause. Il nous
apparaît que, par le truchement de la réglementation, le
gouvernement peut, en quelque sorte, faire échec à la
législation qu'il a lui-même adoptée. Nous savons que cette
pratique est actuellement monnaie courante au niveau gouvernemental, mais le
fait qu'elle soit monnaie courante ne constitue pas une justification en
soi.
En supprimant le deuxième alinéa de l'article 98 - ici, on
se réfère à l'article 38 de l'avant-projet de loi - la
Commission s'arroge les pouvoirs d'exercer à peu près toute
réclamation qu'elle peut juger pertinente. Si l'application de la Loi
sur les normes du travail était limitée à la
récupération du salaire proprement dit, il est manifeste que la
modification envisagée ne représente aucun inconvénient.
Cependant, comme il apparaît de la loi elle-même et de sa
réglementation, de nombreux autres points sont susceptibles d'être
considérés comme du salaire ou d'autres avantages
pécuniaires résultant de la loi. Je vous réfère aux
articles 99 et suivants de la loi. En conséquence, la suppression d'une
certaine limitation des pouvoirs de ta Commission, parallèlement
à une augmentation de ses pouvoirs dans plusieurs domaines, ne constitue
pas, du point de vue des producteurs de tabac, une chose souhaitable.
De plus, puisque l'article 39 de l'avant-projet de loi supprime
l'article 100 de la loi, on doit conclure que l'on enlève au
salarié certains droits d'exercer des recours qu'il peut estimer justes
et raisonnables par rapport à ce que la Commission elle-même
décidera au lieu et place de celui-ci. Dans un tel contexte, nous
soutenons qu'il y a lieu de sauvegarder, pour ce qu'il en reste, le libre choix
de l'individu à exercer ses droits et recours. Nous trouvons assez
cocasse que le législateur, d'une façon générale,
semble fier d'encourager l'exercice des droits et libertés d'un
individu, tout en supprimant, d'un autre côté, les droits et
prérogatives qu'il peut exercer personnellement pour les encadrer dans
une législation de plus en plus spécifique où il n'est pas
celui qui décide.
En ce qui concerne l'article 46 de l'avant-projet de loi, on introduit
un deuxième alinéa à l'article 124 qui constitue une
dérogation majeure au droit civil contractuel. Le gouvernement
lui-même recourt fréquemment à l'engagement de personnel
sur une base contractuelle à durée fixe et
déterminée. L'introduction de cet alinéa, en particulier
dans le domaine agricole où il y a de nombreuses ententes à
caractère contractuel et déterminé, vu l'activité
saisonnière des récoltes, introduit une notion de
continuité difficilement acceptable pour lesdits producteurs
agricoles.
De plus, nous croyons que l'insertion de cette disposition a un effet
rétroactif puisqu'il n'y a aucun article dans l'avant-projet de loi qui
a pour effet d'indiquer que cette disposition ne s'appliquerait pas aux
contrats qui ont été signés et exécutés
antérieurement, mais qui continuent d'être renouvelés
ultérieurement à certaines conditions. Cette disposition
légale change substantiellement la définition de service continu
contenue à l'article 1, paragraphe 12e de la Loi sur les normes du
travail et, en l'insérant à cet endroit, nous nous demandons si
on ne tente pas d'introduire une modification majeure à la loi de
façon détournée. Pour autant que notre organisme est
concerné, nous nous opposons vigoureusement à l'introduction de
cette modification.
Il s'agit là des principaux points sur lesquels nous entendions
faire valoir notre point de vue. En terminant, j'attire votre attention sur le
fait que nous avons eu l'opportunité de prendre connaissance, non pas du
mémoire, parce qu'il n'a pas été transmis sous forme de
mémoire, mais bien de la lettre qui a été transmise
directement au ministre Bourbeau par l'UPA. Vous constaterez que sur la
substance, en fait, l'UPA comme telle appuie ces prétentions-là.
Ceci étant dit, nous vous remercions d'avoir bien voulu nous
prêter votre attention.
Le Président (M. Joly): Merci, Me Gagnon. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: Vous demandez que la Loi sur les normes du travail
ne s'applique pas dans votre industrie. Est-ce que vous faites
référence aux cueilleurs de tabac ou à ceux qui
travaillent à la production?
M. Gagnon: Tout d'abord, quand on se réfère
à l'industrie du tabac jaune, ce sont des producteurs. Et, comme tel, le
producteur de tabac, celui qui est classifié producteur de tabac,
est généralement le propriétaire producteur. Et,
à partir de ce moment-là, lui, comme entrepreneur, avec sa
famille et quelques employés, produit la récolte. Alors, nous ne
nous référons pas, à ce moment-là, aux
employés comme tels. Le producteur de tabac, c'est celui qui est
l'exploitant.
M. Bourbeau: Oui, mais en général, quand vous
engagez des gens sur vos fermes, ce sont des cueilleurs que vous engagez.
M. Gagnon: Oui. Pour une partie.
M. Bourbeau: La grosse partie de vos travailleurs, ça doit
être des cueilleurs.
M. Gagnon: Non, ce n'est qu'une période dans
l'année. Pour votre information, M. le ministre, justement sur cette
question-là de savoir de quelle façon une récolte de tabac
et le producteur de tabac étaient assujettis à ça, je puis
vous dire - et les membres de la commission des normes pourront vous le
confirmer - que la position des producteurs de tabac a fait l'objet d'une
contestation devant les tribunaux. Il y a eu une cause type que nous avons
plaidée et c'est par jugement que nous avons obtenu que les producteurs
de tabac, évidemment dans la mesure où la production ne se fait
pas avec le concours habituel de plus de trois travailleurs, ne soient pas
assujettis à cette loi parce qu'ils bénéficiaient de
l'exception générale prévue par la loi. Et ça,
ça a été plaidé. C'est un jugement qui a
été rendu il y a trois ou quatre ans.
M. Bourbeau: Qu'est-ce qu'il dit, le jugement, exactement?
M. Gagnon: Le jugement, ce qu'il a indiqué, c'est
qu'à ce moment-là les termes "concours habituel de" n'incluent
pas des travailleurs occasionnels qui peuvent participer à la production
parce que ce ne sont pas des employés dont le concours est
habituellement requis pour faire une production. Si vous avez une production,
à titre d'exemple, dans l'industrie de la production
maraîchère ou autre, et qu'à ce moment-là vous avez
besoin sur une base permanente de cinq employés, ça, c'est le
concours habituel de cinq employés. Si vous avez deux employés et
que, pour les récoltes, vous en utilisez 22, ce n'est pas le concours
habituel de 22 employés. À ce moment-là, c'est le concours
habituel de deux employés. Il y a une distinction juridique impor tante,
à ce point de vue là, qui a fait l'objet d'un jugement.
M. Bourbeau: O.K. J'ai devant moi un document qui traite des
normes du travail en Ontario, où on fait la distinction entre les
travailleurs engagés dans la production et ceux engagés dans la
cueillette. Alors, on peut dire que les dispositions relatives au salaire
minimum, au salaire pour temps supplémentaire, aux congés
payés, aux jours fériés, aux heures de travail ne
s'appliquent pas aux travailleurs agricoles engagés dans la production
de tabac.
M. Gagnon: Exact.
M. Bourbeau: Mais à l'exception des cueilleurs de fruits,
de légumes et de tabac.
M. Gagnon: ' C'est ça, mais la différence qui
existe...
M. Bourbeau: Alors, dans ces cas-là, évidemment,
ça s'applique.
M. Gagnon: C'est ça, mais la différence
fondamentale, M. le ministre, c'est que dans la loi à laquelle vous
faites référence, comme ça peut être dans d'autres
lois ici, on n'a pas introduit vraisemblablement d'exceptions de principe
à la base même. Je vous réfère à la loi
actuelle, à l'article 3, qui se lit comme suit: "La présente loi
- la loi elle-même, c'est le chapitre N-1.1 - ne s'applique pas: 1°
au salarié - évidemment, comme vous le savez, le terme
"salarié" inclut le cueilleur ou n'importe quelle catégorie sauf
si le législateur décide de le catégoriser -employé
à l'exploitation d'une ferme mise en valeur: a) par une personne
physique seule ou avec son conjoint ou un descendant ou un ascendant de l'un ou
de l'autre, avec le concours habituel d'au plus trois salariés." Alors,
comme le texte de loi était fait en soustrayant de façon
catégorique et globale les exploitations agricoles où on avait le
concours habituel de trois personnes ou moins, automatiquement, que vous soyez
cueilleur, que vous soyez journalier, que vous soyez n'importe quoi, vous
n'étiez pas assujetti.
J'étais ici en fin d'après-midi pour entendre les autres
interventions et je peux vous dire - ça semble peut-être ressortir
jusqu'à un certain point - qu'au niveau du mémoire de l'UPA dont
j'ai pu prendre connaissance et au niveau des producteurs de tabac jaune, ce
que les producteurs agricoles demandent, c'est une exemption de principe comme
celle qui était stipulée à l'article 3.1° a de la loi,
tandis qu'en introduisant par l'amendement qui a été fait
l'assujettissement à la loi, mais certaines exceptions
particulières pour les sections I et II de la loi, on inverse le
principe complètement. C'est là qu'il y a une différence
substantielle avec la législation de l'Ontario
M. Bourbeau: Bon, O.K. Alors, on va regarder ça
attentivement. Ce sont des renseignements qui sont intéressants. C'est
pour ça, d'ailleurs, qu'on est en commission parlementaire, pour avoir
le témoignage de gens qui sont dans le champ. Dans votre cas, c'est
vraiment ça.
M. Gagnon: J'espère que c'est le champ au sens propre du
terme.
M. Bourbeau: De toute façon, moi, je suis tout à
fait à l'écoute. J'ai ma carte de producteur agricole,
moi-même. Alors, je suis tout à fait à l'écoute des
agriculteurs.
J'ai une question pour vous: Est-ce que le fait d'avoir à
accorder des jours fériés, des vacances payées, certains
congés familiaux, ça risque d'affecter la rentabilité de
votre spécialité?
M. Gadoury: On sait qu'aujourd'hui la masse salariale d'un
producteur de tabac est à peu près de 30 %. Évidemment les
jours fériés, les vacances ou quoi que ce soit s'additionnent aux
30 %, ce qui mène à 35 % ou 36 %. La marge de manoeuvre,
aujourd'hui, dans la production du tabac est restreinte étant
donné que les prix du tabac sont fixés en comparaison du prix
international. Ce n'est pas nécessairement un prix qui appartient au
Québec. Tout dépend du marché international. On sait que
le marché international n'est pas à la hausse, la consommation
non plus.
M. Bourbeau: Je comprends bien que, effectivement...
M. Gadoury: Effectivement, ça va affecter.
M. Bourbeau: Oui. Il y a de plus en plus de gens qui cessent de
fumer, oui. Par contre, ceux qui restent, ce sont des fumeurs
invétérés.
M. Gadoury: Oui, mais ils ne sont pas insensibles à la
publicité.
M. Gagnon: Ce sont des connaisseurs.
M. Gadoury: Ils ne sont pas insensibles à la
publicité ni aux taxes.
M. Bourbeau: Maintenant, au sujet du temps supplémentaire,
vous recommandez de ne pas légiférer sur le droit de refus
d'effectuer du temps supplémentaire, c'est-à-dire le
préavis de douze heures qu'on a mis dans la loi. Une question que
j'aurais le goût de vous poser, c'est: Auriez-vous une autre solution que
le préavis de douze heures qui permettrait de prendre en
considération les besoins des parents, étant donné que
notre objectif, c'est de tenter de concilier les responsabilités des
travailleurs et des travailleuses en tant que parents et en tant que
travailleurs? (20 h 30)
M. Gadoury: Comme je l'ai entendu cet après-midi, ce n'est
pas un point où il y a discordance, les avis. Il y a des fois où
c'est souvent possible de le faire. Par contre, il y a des circonstances
où on ne peut le faire. C'est évident que, dans la culture du
tabac, qui est une culture à risque, qui gèle au contact du
froid, c'est difficile d'aviser quelqu'un: On a besoin de toi ce soir,
étant donné qu'on annonce un gel. Par contre, comme je vous le
disais tantôt, ça n'a jamais été un
inconvénient dans la culture. Je pense qu'employés et employeur
s'entendent. Ça n'a pas été un litige.
Une voix: Ça ne présente pas de
difficulté.
M. Bourbeau: Justement, vous dites ça dans votre document
que, chez vous, on s'entend toujours de bonne foi. Je crois ça aussi, je
pense que, dans la très grande majorité des cas, les employeurs
s'entendent de bonne foi avec les travailleurs. Même quand il n'y a pas
de convention collective ou de syndicat, je pense bien que, dans une
très large mesure, il y a une bonne dose de compréhension. Dans
le fond, nous, on légifère, ici, des normes minimales. Ce n'est
pas pour l'employeur ordinaire, parce que la plupart des employeurs donnent des
conditions de travail plus importantes que ce qu'il y a dans la loi; la loi,
c'est le minimum des minimums. Alors, en quoi ça vous dérange
que, dans la loi, on ait des termes ou des articles qui donnent aux
travailleurs des conditions minimales, puisque vous dites que, de toute
façon, vous vous arrangez toujours à l'amiable, d'une
façon qui respecte probablement ce qu'on a dans la loi? Alors, en quoi
ça peut vous déranger qu'on mette, par exemple, un congé
pour vaquer à des activités parentales en cas de problème
avec un enfant, les congés ponctuels, là? Je suis sûr que,
dans votre secteur d'activité, si un travailleur vient vous voir et vous
dit: Mon enfant est malade, est-ce que je peux m'absenter? vous ne lui dites
pas: Si tu pars, je te mets dehors. Je présume qu'il n'y a pas de
problème pour ça. Pourquoi le fait de le mettre dans la loi
ça vous créerait des problèmes?
M. Gagnon: M. le ministre, si je peux me permettre de
répondre à ça, c'est que, tout d'abord, lorsque vous avez
des décisions à prendre, en matière de relations employeur
et employés, lorsque vous avez un certain réservoir de personnes,
vous avez une capacité de déplacement d'employés qui peut
se compenser, c'est normal. Toutefois, dans la perspective des producteurs de
tabac, à ce moment-là, vous avez un certain nombre de personnes
qui travaillent à l'entreprise et ces personnes-là ne sont pas
aisément remplaçâmes, parce que c'est un travail qu'elles
font sur une base saisonnière, connaissant par intuition en quelque
sorte ce qu'elles ont à faire. Si un problème se présente
d'urgence, vous n'avez pas la possibilité de remplacer cet
employé-là par un autre sur une base automatique. Strictement le
réservoir de personnes disponibles ne le permet pas, pas plus,
d'ailleurs... Et on revient peut-être à la question de
réciprocité. L'employeur qui fait face à une
urgence de la part de son employé - je pense que les producteurs
de tabac peuvent en témoigner et la classe agricole en
général - va reconnaître ce besoin-là, même si
on ne l'a pas signalé longtemps à l'avance. On va le respecter
dans la mesure de l'urgence, sauf que c'est quoi, une urgence? C'est quoi qui
est prévisible? Si vous êtes obligés d'annoncer des
urgences sur une base régulière pour éviter d'être
placés devant l'impossibilité d'exiger cette urgence-là,
c'est là que vous brisez cette relation cordiale qui existe et ça
présente des difficultés, à la fois par la notion de
délai et par la question du réservoir de personnes disponibles.
C'est une question d'application pratique. C'est pour ça que l'exception
où, dans le cadre habituel de trois personnes qui sont chargées
de la mise en exploitation, elles ne seraient pas soumises à la loi nous
apparaît un barème qui a bien fonctionné dans le
passé.
M. Bourbeau: Très bien.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître la députée de Hochelaga-Maisonneuve,
Mme Harel.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous saluer, vous qui êtes les dirigeants de l'Office des producteurs de
tabac jaune du Québec. C'est avec intérêt que j'ai pris
connaissance de votre mémoire. Me Gagnon, vous êtes assez
sévère, mais juste, en fait, particulièrement à
l'égard de ce pouvoir de réglementation dont le ministre ou,
enfin, son avant-projet de loi abuse, d'une certaine façon.
Mais, à quelques reprises, vous constatez que le gouvernement se
réserve, d'une façon de plus en plus large - et je vous cite,
à la page... je ne sais plus, parce qu'elle n'est pas paginée -
le pouvoir d'intervenir par voie de réglementation, plutôt qu'en
fixant les règles par voie de législation: nous n'approuvons pas
une telle façon de procéder." Finalement, on se rend compte, dans
ce projet de loi, qu'il y a énormément de questions qui seront
traitées dans une réglementation dont on ignore tout maintenant,
notamment la durée du congé de paternité ou de
maternité, les prestations qui pourront être versées, je
pense, et les exclusions. Il y a un très, très grand nombre de
dispositions qui illustrent bien le pouvoir de réglementation. Vous
dites que cette façon introduit une manière
détournée de faire de la législation...
M. Gagnon: Exact.
Mme Harel: ...parce qu'on ne connaît pas d'avance...
Ça m'a semblé être vraiment un élément bien
important de votre mémoire. Est-ce que vous avez
considéré, à la lecture de l'avant-projet de loi - parce
que ce n'est pas le premier, évidemment - qu'il y avait donc là
matière à réglementation plus abondante qu'en d'autres
occasions?
M. Gagnon: Bien, évidemment, c'est vous, en tant que
législateurs, qui déterminez le contenu des projets de loi et de
quelle façon vous entendez les mettre en vigueur. Je peux vous dire
qu'en tant qu'avocats nous constatons que, de façon
générale, la législation gouvernementale fait appel, de
plus en plus fréquemment et de plus en plus régulièrement,
à un pouvoir de réglementation délégué.
Ça, ça change beaucoup dans les relations et dans la façon
dont un texte peut être fait subséquemment, parce que le
règlement est fait en ne respectant pas les mêmes règles,
et c'est normal. Lorsque la loi est faite, elle est débattue et elle
doit être adoptée par l'Assemblée nationale, tandis que le
règlement est fait par un organisme délégué ou
suivant les pouvoirs qui sont accordés dans la loi. À partir du
moment où on réserve des pans complets de possibilités de
réglementer d'une façon autre en soustrayant complètement
certaines catégories à l'assujettissement de la loi, j'estime
qu'à ce moment-là on dénature, en quelque sorte, un projet
de loi. Ça, ça s'applique à cette loi-là, mais je
peux vous dire que ça s'applique également à autre
chose.
Alors, à partir de ce moment-là, ce qu'il reste à
faire quand on a un projet de loi qui est fait de cette façon-là,
c'est un lobbying constant pour être capables de dire: Bien,
acceptez-nous ou ne nous acceptez pas, donnez-nous telle exception. Si vous
regardez l'ensemble de la législation et des contentieux du
gouvernement, vous allez vous rendre compte qu'il y a beaucoup de temps
consacré à des procès, à des contestations et
à des débats uniquement parce qu'à un moment donné
vous vous retrouvez avec un paquet de règlements qui se contredisent les
uns les autres tandis que, si vous aviez un principe général de
législation qui a fait l'objet d'un débat ouvert et que c'est
vous qui décidez, à ce moment-là, on saurait à quoi
s'en tenir.
Or, les producteurs de tabac jaune, ce sont des entrepreneurs
indépendants qui aimeraient bien voir carrément établi
dans la loi ce à quoi ils ont droit et ce à quoi ils n'ont pas
droit. Sur cet aspect-là, je peux vous dire que l'Office des producteurs
de tabac jaune, devant vous, est fortement opposé à une
législation comme celle-ci qui fait appel, d'une façon beaucoup
trop large, à un pouvoir de réglementation.
Mme Harel: J'en prends bien note. M. Gadoury, dans l'industrie,
j'imagine que vous êtes vous-même producteur?
M. Gadoury: Oui.
Mme Harel: Et vous-même, M. Ducharme, vous êtes
producteur?
M. Ducharme (Germain): Oui.
Mme Harel: Les exploitations, en général, qui sont,
entre autres, membres de l'Office... En fait, il y a des membres à
l'Office ou si on est assujetti à l'Office?
M. Gadoury: Non. À l'Office, on compte 87 membres qui sont
producteurs également.
Mme Harel: À ce moment-là, les exploitations ont en
moyenne combien de salariés par entreprise?
M. Gadoury: Au temps de la récolte, une production de
tabac nécessite au moins de 22 à 25 employés.
Mme Harel: Au moment de la récolte.
M. Gadoury: Au moment de la récolte, qui dure à peu
près huit semaines.
Mme Harel: Ça se passe l'été?
M. Gadoury: Du 1er août au 20 ou au 25 septembre. En dehors
de cette période-là, c'est sept, huit personnes. Par contre,
c'est quand même par étapes: une période de plantation qui
nécessite huit personnes, une période d'accalmie, une
période de sarclage qui nécessite encore sept, huit personnes,
puis une période de classification après les récoltes qui
nécessite encore huit ou neuf personnes.
Mme Harel: Et ça, c'est pour une entreprise moyenne, une
exploitation moyenne.
M. Gadoury: Oui, c'est à peu près
général. Les exploitations se ressemblent. Si on y va par
superficie, ça varie de 40 acres à 70 acres à peu
près.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a des problèmes de recrutement
de personnel?
M. Gadoury: II y a des problèmes de recrutement. Surtout
au niveau de la récolte, aujourd'hui on travaille avec des
étudiants. La plupart sont des étudiants ou, comme on en a
parlé cet après-midi, on a tendance à aller vers
l'immigration. Le pourquoi de l'immigration, d'employés
étrangers, c'est que d'abord on n'a pas à subir l'entrée
des classes des étudiants qui nous quittent au coeur de la
récolte parce que, le 25 août ou le 27 août, c'est le coeur
de la récolte. On n'a pas 50 % de la récolte de faite. Lorsque
l'étudiant quitte - quand je parie d'étudiants, je parie
d'étudiants du secondaire et du cégep - le 25 août,
évidemment, il faut que les récoltes se continuent. Il n'y a pas
de travailleurs disponibles pour compléter. Alors, on a tendance
à aller vers la main-d'oeuvre étrangère.
Mme Harel: La fédération de l'horticulture nous
faisait part d'une évaluation d'à peu près 800
travailleurs étrangers. Est-ce que vous avez une évaluation du
nombre de travailleurs étrangers qui peuvent être utilisés
par les membres?
M. Gadoury: La fédération de l'horticulture,
tantôt, a donné un chiffre de 800. Quand ils parient de 800, c'est
800 au Québec.
Mme Harel: Oui, c'est ça.
M. Gadoury: Si on regarde les chiffres de l'an passé, il y
en avait 470 qui étaient à l'association des maraîchers de
Montréal. Dans le tabac, on en comptait une centaine et l'association
horticole en comptait une centaine. L'an passé, c'était 700.
Cette année, on avait prévu 800; je ne sais pas si on se rendra
là. Dans le tabac, on considère pour l'année qui vient que
ça va probablement dépasser les 100 employés.
Mme Harel: Et le salaire horaire est de combien à ce
moment-là?
M. Gadoury: Le salaire horaire, si on parie pour l'employé
local, normalement, il est à 6 $ ou 6,25 $.
Mme Harel: Et pour l'étranger?
M. Gadoury: Pour l'étranger, il a été
fixé à 6 $.
Mme Harel: Ça, c'est pour l'exploitation dans le tabac
jaune?
M. Gadoury: Oui.
Mme Harel: C'est ça. Évidemment, j'ai entendu et lu
le mémoire et, compte tenu de la modification introduite dans
l'avant-projet, qui renverse d'une certaine façon l'exception, puisque
dans la loi l'exploitation était exclue, à moins qu'il n'y ait
plus de trois employés dans le cours habituel, là, l'exploitation
serait incluse, mais serait exclue s'il y a moins de 3 employés. Donc,
elles qui étaient exclues continueraient de l'être aux fins du
salaire et de la durée de travail.
M. Gadoury: Oui.
Mme Harel: Et étant donné que vous payez
déjà un salaire supérieur au salaire minimum, est-ce que
vous payez du temps supplémentaire après les 44 heures?
M. Gadoury: Non, on ne paye pas de temps
supplémentaire.
Mme Harel: C'est 6 $ et c'est combien
d'heures, finalement, la journée régulière?
M. Gadoury: La semaine de travail est à peu près de
45 heures, en dehors des récoltes, de 45 à 48 heures.
Mme Harel: Sans temps supplémentaire?
M. Gadoury: Sans temps supplémentaire. C'est la semaine de
travail. On peut dire qu'on fait notre travail en 45 heures.
Mme Harel: Avez-vous des problèmes de recrutement en
dehors de la période de cueillette?
M. Gadoury: Moins, beaucoup moins.
Mme Harel: Vous n'avez pas un problème, comme le signalait
la fédération interdisciplinaire?
M. Gadoury: La masse est quand même moins importante. Si on
regarde le nombre de producteurs qui, étant donné la conjoncture
actuelle du tabac et l'économie, est passé de 145 producteurs en
1984, à 86 en 1990, ça a laissé quand même une
certaine disponibilité de travailleurs. Mais, en dehors de la
récolte elle-même, on ne peut pas dire que c'est un gros
problème. Il y a certaines fermes qui ont un besoin ou qui ont eu
besoin... Il y a beaucoup de femmes qui travaillent maintenant.
Mme Harel: Beaucoup de femmes. Une voix: En
plantation.
Mme Harel: En plantation, c'est-à-dire que, dans la
production régulière, c'est une main-d'?uvre féminine
et, au moment de la cueillette, c'est une main-d'?uvre masculine. (20 h
45)
M. Gadoury: Masculine, oui, qui s'additionne là, parce
qu'on ne met pas la main-d'oeuvre féminine de côté parce
qu'on en a quand même besoin.
Mme Harel: Mais vous-même, votre entreprise
était-elle assujettie à la loi ou si elle était
exclue?
M. Gadoury: Non, on n'est pas assujettis à la loi. Comme
on le disait tantôt, une production de tabac s'échelonne du 15 ou
20 mai au 15 octobre et il n'y a aucun employé l'hiver; même c'est
tellement fractionné que ça ne s'évalue pas au concours
habituel de trois personnes.
Mme Harel: Et est-ce qu'il y a une certaine
longévité dans l'ancienneté des travailleurs ou s'il y a,
évidemment, beaucoup de changements qui s'opèrent dans la
main-d'oeuvre?
M. Gadoury: On compte une continuité parmi les
travailleurs qu'on dit hors récolte, là. Les huit dont je vous
parlais, au printemps, à l'automne, ceux-là reviennent
peut-être à 50 %, pas en totalité, mais peut-être
à 50 %.
Mme Harel: Mais est-ce qu'il y a de l'ancienneté? À
l'Office, avez-vous déjà fait une évaluation de
l'ancienneté chez les travailleurs? Vous l'évalueriez à
combien?
M. Gadoury: Vous voulez dire de permanence, là?
Mme Harel: Oui, combien d'années, disons?
M. Gadoury: Bon, on peut dire qu'il y en a, oui. Comme je vous le
disais tantôt, sur les huit personnes, il y en a peut-être 50 % qui
sont là je ne pourrais pas dire en permanence, mais qui reviennent, qui
vont faire trois, quatre ou cinq ans et qui vont repartir à l'usine ou
autre chose.
Mme Harel: Parce que, dans le fond, la grande question, c'est que
souvent des législations qui, au départ, peuvent paraître
extrêmement contraires à ses intérêts introduisent -
surtout des législations sociales - des aspects normatifs qui font que
ça finit même par régulariser l'industrie et maintenir une
main-d'oeuvre plus chevronnée et aussi plus
expérimentée...
M. Gadoury: Plus qualifiée.
Mme Harel:... avec de l'ancienneté, et, finalement,
l'effet contraire de ce qui était prédit est obtenu,
c'est-à-dire que ça bénéficie... Est-ce que vous ne
pensez pas que ça pourrait bénéficier à votre
industrie s'il y avait, disons, une ancienneté accrue de la part des
travailleurs et des travailleuses? Vous dites que 50 % reviennent; ça
veut dire que vous recommencez pour 50 % chaque année? M.
Gadoury: Oui, il faut commencer pour 50 % à faire de
l'entraînement, là.
Mme Harel: II y a de la dépense là-dedans, non?
M. Gadoury: oui, oui, oui. on espère toujours, d'une
année à l'autre, que celui à qui on le montre cette
année va être là l'an prochain; on l'espère.
Mme Harel: Vous ne pensez pas qu'une manière d'agir pour
qu'il revienne, ça serait de l'assujettir aux mêmes conditions que
l'ensemble des autres travailleurs?
M. Gagnon: Ce qui est constaté, si vous me le permettez,
c'est que, à un moment donné,
vous allez avoir un bon homme dans une entreprise, quelle qu'elle soit,
il a une tendance à vouloir, à ce moment-là, devenir
patron et non pas à rester employé. Alors, étant
donné que vous êtes dans un domaine de la petite entreprise, bien,
vous ne pouvez pas arriver avec quelqu'un qui va être permanent
systématiquement en lui promettant d'avance, tenant compte que c'est une
récolte saisonnière, six mois de chômage. Ce n'est pas une
prime à promettre, ça. Alors, si vous dites: Écoute, c'est
une industrie florissante qui est en pleine expansion, puis qu'à ce
moment-là vous avez une industrie complémentaire qui va permettre
d'utiliser cette personne-là au sein d'une entreprise pour les six
autres mois, si je ne sais pas, vous êtes propriétaire d'une
entreprise de motoneiges et que vous avez des pistes de ski de fond ou des
choses semblables, parfait! Mais le meilleur employé que vous puissiez
avoir dans le domaine du tabac jaune, comme M. Gadoury le mentionnait
tantôt, va peut-être travailler pour une période de six mois
et, sur ça, vous avez certaines personnes de base qui travaillent du
début à la fin, mais les autres, ce sont des personnes que vous
allez chercher sur une base ponctuelle. Alors, comme vous allez les chercher
sur une base ponctuelle, quand vous faites la promotion d'un poste en disant:
On peut t'engager tous les ans, mais uniquement un mois tous les ans; on peut
t'engager tous les ans, mais uniquement trois mois tous les ans,
écoutez, à ce que je sache, ce n'est pas tellement incitant
à faire carrière dans ce domaine-là.
Mme Harel: Mais il y a une main-d'oeuvre qui recherche ce genre
d'emplois. Je pense, entre autres, au ministère du Revenu qui offre
chaque année, comme vous le savez, des emplois occasionnels.
M. Gagnon: Vous avez une autre expectative. Quelqu'un qui
réussit à prendre... Vous savez, au ministère du Revenu ou
quel que soit le ministère auquel il va s'adresser, dans tous les
domaines de la fonction publique ou dans tous les domaines de la grande
entreprise, ils peuvent, sur une base contractuelle au point de départ -
on le mentionne dans le mémoire - et, dans un deuxième volet, sur
une base régulière, anticiper, une fois qu'ils ont le pied dans
la porte, avoir une meilleure vision d'autres possibilités d'emplois
à caractère permanent et également être à
l'intérieur d'une structure dans laquelle il y a une diversification qui
permet d'espérer quelque chose d'autre.
Alors, si vous ne pouvez pas vendre cet espoir d'avoir quelque chose, de
quelle façon pouvez-vous assumer quelqu'un à dire d'avance: Oui,
oui, je te promets d'être là définitivement l'année
prochaine? Inquiète-toi pas, à ce moment-là, pour les six
prochains mois, je ne me trouverai pas d'autre emploi. Il ne faut pas oublier
que vous avez un autre département de législation qui est le
fédéral, en matière d'assurance-chômage, qui
à ce moment-là ne tient pas particulièrement à
maintenir des gens sur l'assurance-chômage. Eux aussi veulent inciter les
gens à se trouver un emploi à caractère permanent. Alors,
ce sera toujours le problème des industries saisonnières, quelles
qu'elles soient.
Mme Harel: II y a un bon moment que le président me fait
signe que mon temps est écoulé. Mais êtes-vous
résignés par rapport à votre industrie ou si vous
pensez...
Le Président (M. Joly): Ça ne change pas
grand-chose. Même si je lui fais signe que son temps est
écoulé et que...
Mme Harel: Ha, ha, ha! Bon, bien, je vais...
Le Président (M. Joly): ...par respect pour les
autres...
M. Gadoury: On cherche des alternatives au tabac.
M. Ducharme: On n'est pas encore résignés.
M. Gadoury: On est après se faire assimiler
tranquillement, mais on essaie de garder l'optimisme de trouver autre
chose.
Mme Harel: Vous ne pouvez pas faire du tabac sans qu'il y ait des
aspects nocifs? Ha, ha, ha!
M. Gadoury: Pas à date.
Mme Harel: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Alors, à mon tour, au nom
des membres de cette commission, je tiens à vous remercier d'avoir
été présents. Je suis convaincu que ça va apporter
une forme d'éclairage. Ce sont ceux qui ont l'expérience qui
peuvent vraiment nous diriger. Merci beaucoup d'avoir été
présents.
M. Gadoury: Je remercie la commission de nous avoir entendus.
Le Président (M. Joly): Je demanderais maintenant aux
représentants du Regroupement des organismes-travail de la région
de Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Bonsoir, mesdames, monsieur. Bienvenue à cette commission. Alors,
il me fait plaisir de vous dire que nous sommes tout ouïe.
J'apprécierais par contre que vous vous présentiez au
début et que vous présentiez aussi les gens qui
vous accompagnent de façon à ce qu'on puisse vous
identifier sur les galées. Alors, monsieur?
M. Peck (Normand): D'accord. Moi, je suis Normand Peck. Je suis
président du Regroupement des organismes-travail. Ici, à ma
gauche, H y a Mme Brigitte Thériault et Mme Martine Bégin,
à droite.
Le Président (M. Joly): Bonjour, mesdames.
M. Peck: Ces deux personnes ont participé très
activement au comité, justement, qui a étudié davantage
cet avant-projet de loi.
Le Président (M. Joly): Je vous souligne que vous avez une
quinzaine de minutes pour nous présenter ce que vous avez
préparé. Par après, on vous questionnera. Merci, allez, M.
Peck.
Regroupement des organismes-travail de la
région de Québec
M. Peck: D'accord, merci. M. le Président, M. le ministre,
MM. les représentants de l'Opposition, Mme Harel et Mme
Carrier-Perreault, messieurs, madame, le Regroupement des organismes-travail de
la région de Québec est une corporation à but non lucratif
créée en 1984. Il réunit actuellement 20 organismes qui,
depuis plusieurs années, ont développé une expertise
d'intervention au niveau de l'accroissement de l'employabilité et du
placement de personnes qui sont aux prises avec de sérieux
problèmes d'intégration au marché du travail. Nous
desservons annuellement, pour les 20 organismes, environ 2500 personnes.
Je tiens à mentionner que, fait rare au Québec, notre
Regroupement réunit la majorité des organismes-travail de notre
région desservant ces personnes et ce, sans égard pour un groupe
précis ou un bailleur de fonds distinct. Notre premier mandat est de
promouvoir et de défendre les intérêts de ces chercheurs et
chercheuses d'emploi qui, à cause de leur limitation sur le plan social,
académique, médical ou autre, doivent affronter de multiples
obstacles et préjugés dans leur démarche de recherche
d'emploi. Nous pouvons ici nommer les jeunes, les femmes, les chômeurs et
les chômeuses de longue date, les personnes handicapées, soit au
niveau physique, au niveau intellectuel ou du psychisme, les immigrants et les
immigrantes, les gens qui ont des difficultés avec la justice ou avec un
problème de toxicomanie.
C'est au nom de ceux-ci que nous nous exprimons ce soir car, sur
l'ensemble de ceux et celles qui ont trouvé un emploi par le biais de
nos organismes, on peut considérer que 80 % se retrouvent dans un
travail non syndiqué. Pour toutes ces personnes, la Loi sur les normes
du travail et l'efficacité des mesures pour la faire respecter
représentent le seul moyen légal leur assurant, à tout le
moins, des conditions de travail décentes.
Aussi, je tiens à attirer votre attention sur le fait que notre
expertise ne se limite pas à la connaissance des problématiques
vécues par ces personnes. Nous devons aussi être attentifs
à la réalité du marché du travail, à ses
exigences et à ses lois. Chaque jour, nous établissons des
contacts avec des employeurs, des chefs d'entreprise, des responsables du
personnel et aussi des employés, et ce, afin de connaître leurs
réalités, leurs besoins et, en même temps, les sensibiliser
à ceux de nos clients. Cet aspect de notre travail nous permet donc de
connaître les conditions réelles offertes aux employés.
Observateurs privilégiés de première ligne des
rapports entre employeurs et employés, nous pouvons donc
prétendre bien les connaître et tenir compte des deux
côtés de la clôture. En ce sens, nous considérons
notre prise de position sur cet avant-projet de loi comme étant
réaliste et modérée.
Pour vous entretenir, justement, des principaux éléments
contenus dans notre mémoire et, par la suite, répondre à
vos questions, je laisse la parole à mes deux collègues qui,
comme je vous le disais au début, sont membres du comité et ont
davantage travaillé à l'élaboration du présent
mémoire. Mme Brigitte Thériautt et, plus tard, Martine pourront
répondre à vos questions.
Le Président (M. Joly): Mme Thériault.
Mme Thériault (Brigitte): Merci, M. le Président.
Bonsoir, messieurs, mesdames. Le gouvernement, dans son document de
présentation sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les normes
du travail, explique que c'est d'abord révolution du marché du
travail depuis 1979 et la nécessité de développer une
véritable politique familiale qui rendent imperative la révision
de la loi. Dans l'exposé de ce soir, dans un premier temps, on va donc
présenter notre mémoire en fonction de ces deux prémisses
qui sont le marché du travail et la politique familiale. Dans un second
temps, nous tenons à vous faire part des deux autres conditions qui nous
apparaissent aussi essentielles que les deux précédentes pour
permettre l'amélioration véritable des conditions de travail des
salariés régis par la loi. Ces conditions sont la
nécessité d'harmoniser la loi avec les autres lois, mesures et
programmes sociaux, et l'urgence de prendre les mesures nécessaires pour
s'assurer que la loi soit respectée par les employeurs.
On sait que la conjoncture économique des dernières
années a connu d'importants changements et que ces changements ont
profondément bouleversé la structure de l'emploi. L'augmentation
du taux de chômage et la précarisation des conditions de vie et de
travail d'une importante couche de la population en sont les principaux
effets. Aujourd'hui, non seulement les personnes handicapées, les
jeunes, les femmes éprouvent des difficultés particulières
d'intégration et de maintien en emploi, mais aussi de nombreux
travailleurs et travailleuses d'expérience sont maintenant
menacés de perdre leur emploi ou encore sont victimes de
licenciement.
Les employeurs, de façon générale, embauchent moins
et disposent, par ailleurs, d'un bassin important de main-d'oeuvre disponible
parce qu'en chômage et obligée de négocier à rabais
ses compétences pour assurer son minimum vital. Les exigences à
l'embauche, tant au niveau de la formation que de l'expérience,
s'élèvent constamment, alors que les conditions de travail
demeurent pratiquement inchangées et tendent même à
régresser, notamment pour les emplois à temps partiel ou de type
contractuel.
Considérant ce contexte, il est de plus en plus rare de voir un
travailleur demeurer pendant cinq ans chez le même employeur. Peut-on
alors parler d'amélioration véritable de conditions de travail?
Et peut-on aussi conclure que la révision de la loi cherche à
mieux répondre à la structure existante du marché du
travail, lorsqu'il est proposé d'accorder progressivement trois semaines
de vacances après cinq ans de service continu? Nous recommandons donc
trois semaines de vacances après un an de service continu, et quatre
semaines pour le travailleur bénéficiant de cinq ans de service
continu. (21 heures)
Toujours dans le même sens, nous croyons qu'un employé qui
est justifié de 30 jours de travail continu chez le même employeur
mérite le droit aux jours fériés, chômés et
payés. Par ailleurs, nous reconnaissons que tout travailleur a droit
à un recours à rencontre d'un congédiement sans une cause
juste et suffisante, et ce, sans égard à la durée de
service continu. L'exigence des cinq ans de service, qu'il soit continu ou
cumulé suite à une succession de contrats sans interruption
significative, ne nous apparaît pas répondre convenablement
à la réalité du marché du travail. Mais, plus
important encore, un congédiement injuste reste injuste, qu'il se
produise après une semaine de travail, un an ou cinq ans.
En ce qui concerne la politique familiale, on voit que le gouvernement
reconnaît que les conditions de travail devraient refléter
l'importance qu'une société accorde à la maternité
de même qu'à l'éducation et à la santé des
enfants. Conséquemment, il propose la prolongation du congé de
maternité par un congé sans solde de 34 semaines et la
possibilité, lors d'une naissance, de s'absenter de son travail pendant
cinq jours, dont deux avec traitement. De plus, il considère innover en
instaurant la possibilité pour le salarié de se prévaloir
de cinq jours de congé sans solde pour obligation parentale.
À ce chapitre, nous sommes déçus de constater que
les volontés du gouvernement en matière de politique familiale se
limitent à conférer des droits théoriques aux travailleurs
et à restreindre, par le fait même, le droit des employeurs
à congédier pour ces motifs. En effet, l'instauration des
congés supplémentaires sans support financier risque, dans la
réalité, d'être peu utilisée; non pas parce que le
besoin n'est pas présent, mais plutôt parce que la majorité
des salariés relevant de la Loi sur les normes du travail ne peut se
permettre de perdre son revenu, et ce, surtout lorsqu'elle est chargée
de famille.
De plus, visant toujours une meilleure conciliation entre le travail et
les obligations familiales, le gouvernement accorde aux salariés le
droit de refuser de faire du temps supplémentaire à moins de
douze heures d'avis. Cette disposition, selon nous, ne fait encore que limiter
le droit de l'employeur de congédier pour cette raison.
Considérant ce qui a été dit précédemment,
nous demandons que soit reconnu le droit fondamental pour tout employé
de s'absenter de son travail pour obligation familiale ou de refuser de faire
du temps supplémentaire, et ce, sans risque de perdre son emploi.
Finalement, on ne peut pas passer sous silence que, si le gouvernement
considère innover par l'introduction de congés parentaux à
la Loi sur les normes du travail, en comparaison avec les conventions
collectives existantes, il n'innove sûrement pas en ce qui a trait aux
congés de maladie qui, eux, sont généralement reconnus au
niveau des personnes syndiquées. En ce sens, nous demandons que soit
reconnu aussi le droit à la maladie pour le travailleur non
syndiqué et que ce droit se concrétise par la mise en place d'une
banque annuelle de cinq jours payés pouvant être utilisés
lorsque le travailleur est malade.
Concernant maintenant l'harmonisation des lois avec les autres lois,
mesures et programmes sociaux, on dit que la loi doit garantir avant tout les
droits de base des personnes en emploi. Nous sommes donc conscients qu'elle ne
peut pas remplacer les autres lois à caractère plus social.
Cependant, il nous apparaît essentiel qu'elle s'harmonise ou soit
supportée par les autres lois, mesures et programmes sociaux qui sont
mis de l'avant par le gouvernement. À l'heure actuelle, ce n'est
malheureusement pas le cas. À titre d'exemple, on constate que plusieurs
travailleurs rémunérés au salaire minimum n'ont maintenant
plus accès au service de l'aide juridique parce que les barèmes
d'admissibilité n'ont pas été révisés suite
aux hausses de salaire minimum. C'est un exemple.
De plus, le gouvernement, aujourd'hui, reconnaît qu'il est
impératif de rendre compatibles travail et rôle parental mais, de
ce fait, il reconnaît ou améliore le droit à certains
congés. Mais, comme nous l'avons exprimé
précédemment, c'est un droit théorique, puisqu'il n'y a
aucun support financier pour que les
personnes puissent utiliser ces congés-là sans risque,
éventuellement, de voir leur table diminuer.
Le dernier point qu'on voulait soulever était le point concernant
le respect de la loi. C'est que, pour nous, il nous apparaît essentiel de
dénoncer une situation dont plusieurs de nos clients sont victimes, et
c'est le non-respect de la loi par certains employeurs. Des dispositions les
moins respectées, je cite en exemple le paiement ou la
possibilité de reprendre à temps et demi les heures
supplémentaires effectuées, ainsi que le paiement des
congés fériés et annuels et le préavis de
licenciement qui, généralement, n'est absolument pas
respecté. Aussi surprenant que cela puisse vous paraître, ces
travailleurs n'exercent pas de recours par crainte de perdre leur emploi et
c'est une crainte qui est souvent fondée puisque, dans les faits, c'est
habituellement ce qui se produit, ils perdent leur emploi. Bref, il nous
apparaît donc nécessaire que le gouvernement prenne les mesures
pour corriger cette situation.
Nous avons voulu faire entendre ici la voix des milliers de personnes en
quête de travail qui se sont adressées à nous depuis les
dernières années. Nous avons fait état de certains
problèmes qu'elles rencontrent et, sur la base de ces
considérations, nous avons porté à l'attention de votre
commission nos principales recommandations permettant d'inscrire certains
droits minimums pour les travailleurs et travailleuses dans leur emploi.
Devant l'actuel avant-projet de loi, nous tenons à
réitérer nos inquiétudes. En l'absence d'une
véritable politique sociale et familiale capable d'harmoniser les
mesures prises dans le cadre de diverses législations, la Loi sur les
normes du travail ne peut reconnaître que des droits théoriques
aux travailleurs et travailleuses. Elle ne pourra pas, de toute
évidence, leur permettre d'harmoniser leurs conditions de travail et
leurs obligations familiales. Au moment de la libéralisation de nos
échanges économiques avec les États-Unis et devant la
menace d'une nouvelle récession, nous sommes profondément
inquiets des effets sur la population des stratégies économiques
de nos gouvernements, qui soutiennent l'hypothèse que la santé du
capital entraîne automatiquement celle de la population.
Côtoyant quotidiennement des personnes marginalisées par
ces stratégies, nous ne croyons plus à la "main invisible". Nous
pressons nos gouvernements de mobiliser l'ensemble des partenaires sociaux pour
redéfinir nos orientations économiques et sociales. Et disons que
l'expérience de certains pays qui ont opté pour des
stratégies de plein emploi est riche d'enseignements. Donc, nous vous
remercions, membres de la commission, d'avoir porté attention à
notre mémoire.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Thé riault. Je
vais maintenant reconnaître le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. La plupart des
conventions collectives, même les meilleures, comportent toujours une
période d'essai au cours de laquelle, évidemment, l'employeur
peut congédier le travailleur sans avoir à donner de raison. Ne
trouvez-vous pas un peu excessif de proposer, pour l'ensemble des travailleurs,
un régime que même les meilleures conventions collectives,
négociées par les syndicats les plus agressifs, ne demandent pas,
c'est-à-dire la protection totale contre le congédiement,
même pendant une période d'essai, dès les premières
semaines d'emploi?
Mme Bégin (Martine): Je peux peut-être
répondre. Je pense qu'il faut préciser que ce qu'on demande, ce
n'est pas une protection totale. Ce qu'on demande, c'est que tous les
salariés, à partir du moment où ils sont salariés,
aient droit à ne pas se faire mettre à la porte pour des causes
injustes, mais qu'ils doivent se faire mettre à la porte pour des causes
justes ou suffisantes. C'est sûr que, si une personne est
embauchée et qu'elle est considérée comme
incompétente après quelque temps, on ne revendique rien par
rapport à ça. Sauf que, si une personne est mise à la
porte après un mois ou deux semaines de travail parce qu'elle s'est
absentée une journée parce qu'elle était malade, on
considère que c'est aussi injuste après deux semaines
qu'après cinq ans ou qu'après trois ans. Donc, je pense qu'il
faut préciser que ce n'est pas une demande inconditionnelle et totale
qu'on fait, c'est pour protéger les personnes des mises à pied
qui sont faites sans cause juste et suffisante.
M. Bourbeau: Au sujet des réserves annuelles pour des
congés ponctuels, pour obligations familiales, vous proposez cinq jours
de congé payés. Je présume que c'est par année?
Mme Bégin (Martine): Oui.
M. Bourbeau: Par année. On a eu beaucoup d'employeurs qui
sont venus ici spécialement aujourd'hui et qui nous ont dit que
même cinq jours non payés, c'était trop, et que ça
pouvait créer des problèmes au niveau de la planification du
travail, et qui nous ont même demandé de ne pas en accorder du
tout, ou d'en accorder deux ou trois, mais certainement pas cinq. Vous, vous
proposez cinq congés payés. Est-ce que vous pensez que les
employeurs sont en mesure d'absorber ces coûts supplémentaires
qu'ils n'ont pas présentement, par rapport à la
compétition que représentent - vous en parliez, tantôt - le
libre-échange et la mondialisation des échanges, des
marchés? Est-ce que vous ne pensez pas
que ça créerait des problèmes de
compétitivité?
Mme Bégin (Martine): Non, absolument pas. Ça a
l'air facile de répondre non, comme ça. Sauf qu'on se fie sur un
document qui a été produit par votre ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle, qui évaluait les effets d'une telle mesure sur les
coûts de production et sur la masse salariale. Je n'ai pas les chiffres
en mémoire, mais c'était évalué à virgule
quelque chose.
M. Bourbeau: 0, 4.
Mme Bégin (Martine): Merci. Alors, si vous me demandez si
on trouve que 0, 4, c'est excessif, non.
M. Bourbeau: Bien, ça dépend, 0, 4 de quoi,
là. 0, 4 de 1 000 000 000 $, c'est quand même pas mal
d'argent.
Mme Bégin (Martine): O. K. Sauf qu'on pense aussi, dans le
même sens, que la révision de la loi a été faite et
que, pour permettre aux parents ou aux personnes qui ont des charges familiales
d'assumer à la fois leurs tâches familiales et être sur le
marché du travail, il faut que tout le monde mette la main à la
pâte. On se dit aussi qu'après quelques années de
prospérité économique il y a une certaine partie de la
population qui en a profité et, en particulier, je pense aux entreprises
privées. Donc, on pense que ce n'est pas exagéré de
demander aux entreprises de participer à une cause sociale qui est de
permettre aux parents de pouvoir exercer leur rôle parental ou familial.
Dans ce sens-là, le 0, 4, on trouve qu'il n'est pas
exagéré et on trouve que c'est une contribution normale à
demander après les années qu'on a connues.
M. Bourbeau: Le moins qu'on puisse dire, c'est que les employeurs
ne partagent pas ce point de vue.
Mme Bégin (Martine): Nous n'en doutions pas.
M. Bourbeau: On fera l'arbitrage. Au sujet du salaire minimum,
vous proposez de permettre au salaire minimum d'évoluer en
conformité avec l'indexation des mesures sociales et d'éviter que
l'indexation du salaire minimum rende l'individu inadmissible aux autres
services de soutien du revenu. Pourriez-vous nous expliquer vos propositions
sur le salaire minimum quant à leur harmonisation avec les mesures de
soutien du revenu?
Mme Bégin (Martine): O. K. Je pense que Mme
Thériault vous a donné un exemple de l'aide juridique. On sait
que, maintenant, une personne seule qui travaille au salaire minimum ne peut
bénéficier de l'aide juridique à partir du moment
où elle travaille, même au salaire minimum. Il y a d'autres
mesures sociales qui ne sont pas indexées ou, en tout cas, qui sont
automatiquement coupées aussi aux personnes qui intègrent le
marché du travail au salaire minimum. Ici, je me réfère
à des exemples de personnes qui sont à l'aide sociale et qui
réintègrent le marché du travail. Même une chef de
famille monoparentale avec un enfant, si elle travaille au salaire minimum,
perd tous ses droits des prestations spéciales, perd son droit de
conserver sa carte pour acheter des médicaments gratuitement. Là,
je ne veux pas qu'elle reste à l'aide sociale nécessairement,
sauf que c'est prévu dans la Loi sur l'aide sociale - vous me
corrigerez, M. le ministre, si je me trompe - que dans le cas où les
besoins sont plus grands que la source de revenu, que le revenu lui-même,
il y a possibilité de conserver l'aide sociale, ne serait-ce que pour 1
$ avec les droits des prestations spéciales. L'exemple que je vous
donne, c'est qu'un ou une chef de famille monoparentale, avec un enfant, qui
travaille au salaire minimum n'a même pas ce droit. Donc, ça,
c'est un autre exemple. On pourrait aussi vous donner des exemples au niveau
des services de garde.
M. Bourbeau: Oui, mais elle a droit au programme APPORT et
à ses frais de garde avec le programme APPORT.
Mme Bégin (Martine): Oui, je pense qu'on ne passera pas la
soirée à parler du programme APPORT, mais il y a beaucoup...
Une voix: Allez-y! Allez-y!
M. Bourbeau: Allez-y, c'est un programme qui n'est pas assez
connu. On pourrait en parier.
mme bégin (martine): en tout cas, il n'est pas très
utilisé non plus, il n'est pas très utilisable, mais, en tout
cas, je pense qu'on n'est pas ici pour ça.
M. Bourbeau: C'est un grand méconnu.
Mme Bégin (Martine): En tout cas, il y a beaucoup
d'inconvénients et de difficultés d'accessibilité au
programme APPORT, ne serait-ce que la compréhension minimale des
formulaires. Le problème qu'il y a aussi, c'est que les gens
s'embarquent dans un programme APPORT et se retrouvent à la fin de
l'année en étant obligés de rembourser un trop-payé
qu'ils n'ont jamais vu venir. En tout cas, il y a beaucoup de
désavantages à participer au programme APPORT. Les exemples que
je vous donne sont des exemples qui font que le salaire minimum... Il ne s'agit
pas seulement d'augmenter le salaire minimum sans considérer les
différents barèmes
d'admissibilité aux autres lois qui doivent venir faciliter ou,
en tout cas, encourager l'intégration au marché du travail et le
maintien sur le marché du travail à des conditions de vie,
à des conditions de travail minimaies.
M. Bourbeau: O.K. Une dernière question, le temps passe.
En parlant des congés parentaux ou familiaux, vous parlez d'un support
financier qui devrait être octroyé aux parents qui prendraient ces
congés familiaux ou parentaux. À quel type de support financier
pensez-vous pour les parents se prévalant d'un congé parental?
Avez-vous pris connaissance des positions du Conseil du statut de la femme ou
d'autres organismes sur ce sujet?
Mme Bégin (Martine): Oui. On ne s'est pas prononcés
sur un type en particulier de support financier parce qu'on se disait qu'il y
avait d'autres organismes qui vous faisaient des propositions à cet
effet-là. Donc, on a eu connaissance de différents
mémoires qui ont été portés à votre
attention, comme celui du regroupement pour le droit du congé de
maternité qui vous parlait d'une caisse ainsi que celui du Conseil du
statut de la femme. Donc, on n'a pas pensé, nous, à quelque chose
de particulier parce qu'on ne pouvait pas couvrir tous les aspects de
l'avant-projet de loi. Sauf que je ne vous cacherai pas qu'en ayant pris
connaissance des différents mémoires que vous avez reçus
on vous encourage à les lire très profondément et à
les considérer très fortement d'ailleurs.
M. Bourbeau: Nous ne faisons que ça. Mme Bégin
(Martine): Je n'en doutais point.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
(21 h 15)
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je suis très
contente que nous recevions en commission le Regroupement. Effectivement, je
pense que ça été très inédit, le travail que
vous avez amorcé ensemble, indépendamment, comme vous le
mentionniez au début, du bailleur de fonds. On a évidemment
connaissance des grands regroupements qui se font autour des CEMO, autour des
maisons d'insertion, des choses comme ça, mais indépendamment,
finalement, des contraintes du financement, ça ne se fait pas en
fonction de la clientèle.
Juste un petit aparté, parce qu'à la toute fin de votre
mémoire, à la page 11, vous citiez les économistes Diane
Bellemare et Lise Poulin Simon et vous mentionniez que l'expérience de
certains pays qui ont opté pour des stratégies de plein emploi
est riche d'enseignements. Encore faut-il, pour avoir des stratégies de
plein emploi, être un pays. Je voulais juste vous mentionner en passant,
parce que, de toute façon, vous êtes le dernier groupe. Mais
là, ça a l'air qu'on n'est pas les seuls, de ce
côté-ci de la commission, à vouloir aussi devenir un pays.
Nous, on est prêts à collaborer, vous comprenez, avec toute
personne de bonne volonté qui a enfin compris.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Bon, je reviens...
M. Bourbeau: Vraiment est-ce...
Le Président (M. Joly): Ce n'est pas pertinent.
M. Bourbeau: ...que les propos sont pertinents, M. le
Président?
Le Président (M. Joly): Ce n'est pas pertinent...
Mme Harel: Ce n'est pas pertinent? Au contraire.
Le Président (M. Joly): ...mais je voulais voir
jusqu'où l'audace pourrait être poussée. Mais j'aimerais
ça, vous rappeler, si vous voulez, pourquoi ces gens sont ici.
Mme Harel: Je suis tout à fait dans la ligne de votre
conseil général.
M. Bourbeau: Voulez-vous qu'on vous vende une carte de
membre?
Le Président (M. Joly): Mme...
Mme Harel: Je n'ai pas entendu, par exemple, le ministre de la
Main-d'?uvre. J'ai entendu plusieurs autres ministres se prononcer, mais
pas celui de la Main-d'oeuvre. Il est très, très discret.
Bon.
M. Bourbeau: Absolument. C'est une de mes grandes
qualités, madame.
M. Philibert: Au conseil général, on n'a pas
présenté notre projet de société encore, on ne
voulait vous faire faire une syncope. C'est assez comme ça.
Mme Harel: Ha, ha, ha! Là on était... Bon,
écoutez. Si vous venez...
Le Président (M. Joly): Vous étiez hors d'ordre,
vous aviez raison.
Mme Harel: Si vous pouvez venir nous rejoindre, pas juste sur la
question nationale, aussi sur les questions sociales, il y a de la place pour
tout le monde.
M. Bourbeau: Oh! la, la!
Mme Harel: Bon, alors, M. le Président, j'accepte
votre...
Le Président (M. Joly): Ma petite réprimande.
Mme Harel: ...réprimande. Votre clientèle, je pense
que c'est important que vous nous en parliez. Vous avez une expertise assez
particulière, celle de soutenir la démarche d'intégration
des personnes en difficulté. Parce que vous nous dites, entre autres,
que, prioritairement, celles qui s'adressent à vous sont des personnes
qui sont de longue date en chômage. Donc, de longue date, ce sont
vraisemblablement des bénéficiaires d'aide sociale. J'aimerais
savoir le pourcentage des personnes qui s'adressent à vous qui sont sur
l'aide sociale.
Vous devez certainement être informés que, selon une
étude réalisée par le ministère en 1988, 55 % des
personnes considérées aptes sont des personnes qui ont
été victimes de fermeture. Je ne sais pas si vous avez pris
connaissance de ces chiffres-là. Alors, vous vous rendez compte, 55 %,
si leurs chiffres sont exacts... C'est dans une brochure sur le programme PAIE.
55 % des personnes aptes ont été victimes d'une fermeture
d'entreprise et, parmi ce pourcentage très élevé,
finalement, le quart d'entre elles, 27 % précisément, ont plus de
20 ans de service continu chez le même employeur et je crois que c'est un
peu plus de 30 % qui ont de 6 à 20 ans. Alors, finalement, la
majorité a plus de six ans de service chez un employeur avant d'avoir
connu une fermeture et de s'être retrouvée sur l'aide sociale.
Quelles sont ces personnes qui font appel à vous? Quelles sont les
difficultés qu'elles rencontrent principalement? De quoi ont-elles
besoin? De quel coup de pouce ont-elles besoin?
M. Peck: Disons que je pourrais préciser, au point de
départ, votre première question concernant le pourcentage des
personnes qui bénéficient de l'aide sociale. Évidemment,
c'est variable selon les projets, dépendamment d'un organisme qui
dessert, par exemple, les femmes, les jeunes. Par exemple, il y a deux
organismes qui desservent les jeunes de 16, 17 ans. Ces personnes-là ne
sont pas admissibles aux prestations de bien-être social. Mais, en tout
cas, en moyenne, on calcule environ 50 % de nos clients qui
bénéficient de l'aide sociale.
Deuxième point, c'est par rapport aux personnes qui
étaient en emploi pendant de longues années et qui se sont vu
remercier à cause de fermetures massives. Je dois dire que les services,
pour cette catégorie de chômeurs, de personnes, ça fait
juste débuter, les projets. Les organismes qui desservent ces
employés font juste... D'ailleurs, chez nous, il y en a un, le groupe
d'intégration au travail, mais qui fait juste commencer, actuellement.
Il y a aussi
Centre Action-Travail, mais qui dessert de manière majoritaire
les personnes qui sont prestataires de bien-être social, donc des
personnes mêmes qui étaient sans emploi depuis bon nombre
d'années.
Par rapport aux fermetures d'usines, je pense que c'est une
préoccupation tant au niveau fédéral que possiblement
provincial. En tout cas, ça semble être une préoccupation
par rapport... Évidemment, avec le contexte du libre-échange et
tout ça, je pense qu'il va être...
Par rapport aux difficultés que nos clients rencontrent,
évidemment, quand on parle de développement de
l'employabilité, c'est un terme qui est très galvaudé et
qui est très utilisé, même à l'intérieur du
ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu,
lorsqu'on parle d'essayer d'aider les personnes à
réintégrer le marché du travail. Mais c'est quand
même, évidemment, toutes les difficultés que les personnes
peuvent rencontrer avant l'étape placement. Parce qu'évidemment
il y a beaucoup de personnes qui peuvent se trouver un emploi et qui n'ont pas
besoin de support précis pour se trouver un emploi. Elles peuvent quand
même être assez débrouillardes ou elles ont quand même
assez d'expérience ou une formation.
Mais les gens qu'on dessert, c'est définitivement des personnes
qui, sur plusieurs aspects - et j'en ai nommé au début - tant au
niveau scolaire, tant au niveau médical... Moi, je travaille pour les
personnes handicapées physiques et sensorielles. Ce sont des personnes
qui quand même, à cause de leurs limitations, ont plus de
difficultés à intégrer le marché du travail. Mais,
évidemment, la problématique vécue par les femmes est
quand même différente. Ce sont souvent des femmes qui ont
été longtemps chez elles et qui doivent penser à retourner
sur le marché du travail mais ne savent plus maintenant dans quoi. Elles
ont perdu leur expérience. C'est multiple.
Mme Harel: Les exigences à l'embauche vous
apparaissent-elles maintenant démesurées par rapport à la
capacité des gens d'occuper ces métiers-là?
Mme Thériault: Je vais vous donner un exemple type de
l'augmentation des exigences. C'est à peu près celui-là
que je sors tout le temps. Prenons maintenant un employeur qui embauche une
secrétaire ou une commis de bureau. L'exigence maintenant, c'est un DEC,
sténo, traitement de texte, bilingue. Et il la paie au salaire
minimum.
Mme Harel: Ça, c'est à Québec?
Mme Thériault: Oui. Ça, c'est Québec. Ce
sont les exigences actuelles du marché du travail. Nous, on fait face
à des gens qui sont sous-scolarisés. Un exemple: ma
clientèle étant une
clientèle jeune, on pourrait supposer que ce sont, entre
guillemets, les plus scolarisés. Moyenne de scolarité: secondaire
II, chez nous. Donc, ce n'est vraiment pas scolarisé. Ils sont loin de
répondre aux exigences du marché du travail. Un balayeur d'usine,
secondaire V. C'est ça, maintenant, le marché du travail.
Balayeur au salaire minimum, secondaire V.
Mme Harel: C'est une sorte d'échec du système
d'éducation, d'une certaine façon, entre autres choses.
Mme ThériauK: C'est aussi dû à un taux de
chômage qui est plus élevé et au fait que certains
employeurs... Parce que, exemple: l'exigence de secondaire V pour un balayeur
d'usine n'est pas nécessaire. Ne serait-ce que pour limiter le nombre de
candidatures à ce poste-là et limiter aussi le traitement des
candidatures, ça ne sert qu'à ça. Donc, c'est le taux de
chômage élevé qui fait aussi en sorte qu'on hausse les
critères pour avoir moins d'applications. Mais il y a aussi un choix
plus grand et on négocie aussi à rabais nos compétences.
là, je vous parle des jeunes non scolarisés. je pourrais aussi
faire tout un discours sur ceux qui le sont parce qu'on rencontre exactement
les mêmes exigences, nous, comme travailleurs.
Mme Harel: Et le bilinguisme est-il souvent exigé dans les
critères d'embauché?
Mme Thériault: Dans le domaine de la restauration, oui.
Dans le domaine du tourisme, oui.
Mme Bégin (Martine): Et dans le domaine du
secrétariat aussi.
Mme Thériault: C'est ça.
Mme Bégin (Martine): Moi, je travaille dans un centre qui
aide des femmes à réintégrer le marché du travail
sur la rive sud de Québec. De façon régulière, les
demandes sont très claires à cet effet, même s'il n'y a pas
d'évidence. Parce que ce n'est pas toujours des grandes entreprises qui
ont des échanges réguliers avec l'étranger.
Mme Harel: En fait, l'idée c'est au cas où, on est
mieux d'avoir quelqu'un de bilingue.
Mme Bégin (Martine): Oui C'est maintenant aussi vu un peu
comme... L'exigence du secondaire V, c'est une façon... Au lieu de
recevoir 2000 curriculum vitae, on va peut-être en recevoir 150.
Mme Harel: II y a d'autres intervenants avant vous qui ont
à maintes reprises demandé, un peu comme c'est le cas dans
l'application de la Charte des droits et libertés, qu'un organisme
puisse porter plainte, et pas seulement le salarié qui se
considère comme ayant été pénalisé. Est-ce
que ce serait là une de vos recommandations, qu'un organisme puisse,
directement à la Commission des normes, porter plainte en matière
de salaire impayé, d'heures supplémentaires ou de non-paiement de
jours fériés?
Mme Bégin (Martine): Même si cette
recommandation-là n'est pas intégrée dans notre
mémoire, je pense que, considérant la clientèle qu'on
reçoit ou les gens avec qui on travaille, c'est clair que, souvent, ce
sont des gens qui ont une connaissance assez limitée de leurs droits et
que ça pourrait être intéressant qu'un organisme puisse
faire une plainte en leur nom, ou des choses comme va, sauf que je pense que ce
n'est pas juste une question d'être représentés par un
organisme, mais il y a aussi un minimum de droit de recours. Cinq ans de
service continu pour avoir un recours, c'est inconcevable, il n'y a plus
personne qui arrive à avoir cinq ans d'ancienneté dans un emploi.
Il faut aussi avoir les moyens de payer. Ce n'est pas juste une question de
représentation, c'est aussi une question...
Une fois que la plainte est faite, je pense que, au niveau des
résultats que ça va donner pour l'employé, la loi actuelle
n'a tellement pas de dents que... Ce n'est pas juste une question de faire une
plainte, c'est une question d'être capable de traiter la plainte et
d'avoir des sanctions envisageables dans les cas où la preuve est faite
qu'il y a eu non-respect de la foi. Comme on en faisait état dans la
présentation du mémoire, on est à même de voir
chaque jour, dans notre pratique quotidienne, qu'il y a souvent - ce n'est pas
le mot, souvent, je dirais très, très, très souvent - des
parties de la loi qui ne sont pas respectées. Brigitte en a nommé
quelques-uns, mais on a des exemples pour à peu près tous les
articles.
Mme Harel: Les coûts sont prohibitifs, aussi, pour faire
valoir ces droits.
Mme Bégin (Martine): Absolument.
Mme Harel: Tantôt vous parliez de placement. Est-ce que
vous en faites, ou est-ce que certains membres de votre Regroupement font du
placement?
Mme Bégin (Martine): Ça dépend de ce qu'on
entend par placement.
Mme Harel: Qui, par exemple, peut compenser l'absence de
connaissance du marché du travail d'un de vos clients qui, dans son
voisinage, dans son entourage, n'a ni belle-soeur, ni beau-frère, ni
cousin de la nièce qui engage, et qui a du monde comme lui qui vit
à côté de lui ou avec lui... Comment fait-il pour entrer
sur le
marché?
Mme Bégin (Martine): Je pense qu'il y a effectivement
certains organismes qui font des placements directement, sauf que je pense que
dans la plupart des organismes, même ceux qui font du placement, il y a
un accompagnement vers le marché du travail. C'est une démarche
de responsabilisation, donc il faut d'abord choisir le secteur d'emploi dans
lequel elles - je suis habituée de parle au féminin - ils ou
elles veulent aller travailler et où est-ce que c'est possible, aussi.
Il y a toute une démarche sur la façon de faire une recherche
d'emploi, une démarche d'accompagnement dans cette recherche d'emploi,
des pistes d'emploi. C'est un peu le principe de celui qui a faim: on doit lui
apprendre à pêcher plutôt que de lui fournir un poisson. Ce
n'est pas nécessairement des placements dans ce sens-là, c'est
plus d'apprendre à se trouver un emploi. Donc, il y a accompagnement
tout au long de l'apprentissage du processus.
Mme Harel: le fait que le salaire minimum ne permette pas, par
exemple, d'entretenir une famille, est-ce que c'est un effet
désincitatif dans votre clientèle?
Mme Bégin (Martine): Oui. Dans la mesure où la
principale et unique raison pour laquelle les gens vont travailler, c'est pour
avoir de l'argent pour vivre, et dans la mesure où le calcul qu'ils font
fait que ça va leur coûter plus cher d'aller travailler que de ne
pas travailler, ça ne règle pas leurs problèmes de
revenus, mais c'est sûr que c'est désincitatif. Donc, ce qu'on
doit faire, c'est essayer de voir quels sont les autres avantages qu'il y a par
rapport au marché du travail et les possibilités que le salaire
puisse augmenter à long terme sur le marché du travail, mais de
façon réaliste.
Nous, ça fait quatre ans qu'on travaille et qu'on tient des
chiffres sur l'augmentation du salaire après plusieurs années.
C'est très clair que le salaire minimum, quand on entre sur le
marché du travail au salaire minimum, on y reste; quand on entre sur le
marché du travail à un salaire un peu plus élevé
que le salaire minimum, les possibilités d'augmentation de salaire sont
assez bonnes.
Par exemple, une femme qui commençait sur le marché du
travail il y a quatre ans à 5,50 $ est maintenant rendue à 8,50
$. Celles qui commençaient au salaire minimum il y a quatre ans sont
encore au salaire minimum. Le salaire minimum a remonté, sauf qu'elles
sont toujours au salaire minimum. Donc, s'il n'y a pas d'augmentation du
salaire minimum, ces personnes-là sont presque condamnées
à rester au salaire minimum, parce qu'il y a beaucoup de secteurs
où le salaire minimum est le salaire. Ce n'est pas le salaire
d'entrée, c'est le salaire. Tout le monde est condamné au salaire
minimum tant et aussi longtemps qu'il va travailler dans ce secteur-là
ou dans cette entreprise-là.
Mme Harel: Quelle que soit l'ancienneté.
Mme Bégin (Martine): Absolument, absolument.
Mme Harel: C'est terminé?
Le Président (M. Joly): C'est terminé, Mme la
députée.
Mme Harel: Alors, vous allez me permettre de remercier Mme
Bégin, Mme Thériault et M. Peck pour...
Le Président (M. Joly): Sûrement. Allez, madame.
Mme Harel: ...leur expertise devant la commission.
Mme Bégin (Martine): C'est nous qui vous remercions.
M. Peck: C'est nous qui vous remercions.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Bourbeau: Merci à nos visiteurs pour ce mémoire
qu'on va considérer avec tous les autres dans le but d'en arriver
à une législation juste et équitable.
Le Président (M. Joly): Moi de même, au nom des
membres de cette commission, il me fait plaisir de vous remercier. Merci et
bonsoir. Nous allons maintenant ajourner nos travaux à demain, le
mercredi 28, à 10 heures. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 31)