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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 22 février 1990 - Vol. 31 N° 20

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Joly): On vous souhaite la bienvenue à cette commission. La présente se veut une consultation générale et des auditions publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi qui est la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: oui, m. le président. m. atkinson (notre-dame-de-grâce) sera remplacé par m. holden (westmount), m. chevrette

(joliette) par mme harel (hochelaga-maison-neuve).

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous allons entendre le Conseil du patronat du Québec, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, l'Association pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal, la Confédération des syndicats nationaux, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, les Cercles de fermières du Québec et, finalement, le Réseau d'action et d'information pour les femmes.

Alors, bienvenue à nouveau. Vous connaissez les règles du jeu. Je pense, M. Dufour, que vous n'en êtes pas à votre première commission parlementaire. Vous commencez à les compter, nous dit M. le député de Salaberry-Soulanges. M. Dufour, j'apprécierais beaucoup si vous pouviez présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mme la ministre, Mme Harel, mesdames et messieurs, je voudrais d'abord vous présenter mes collègues: à mon extrême gauche, Mme Lise Roy, qui est chargée des relations du travail au Conseil du patronat; M. Christian Van Houtte, qui est vice-président principal à l'Aluminerie de Bécancour; Mme Marie-Andrée Lambert, qui est chef des relations avec les employés au Groupe Saint-Hubert; Me Isabelle Cantin, qui est avocate au bureau d'Ogilvy Renault, et M. Kenneth Gobeil, qui est directeur des relations industrielles à Provigo Distribution et également directeur du comité des relations de travail de l'Association de la distribution alimentaire.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Dufour.

Vous connaissez les règles: on vous donne une vingtaine de minutes pour faire la présentation de votre mémoire et, par après, les membres de cette commission, autant du côté ministériel que de l'Opposition, se réservent le privilège, le plaisir de vous poser des questions. Allez, M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, notre mémoire est divisé en trois parties. C'est la synthèse que vous retrouvez en début de mémoire. Je vais en faire rapidement le tour. Le premier volet identifie nos points d'accord avec l'avant-projet. Le deuxième volet identifie nos points de désaccord et, pour le troisième volet, il y a un certain nombre d'oublis, quant à nous, dans le projet de loi et nous les rappellerons.

D'entrée de jeu, donc, on tient immédiatement à dire qu'il y a plusieurs des dispositions de l'avant-projet de loi avec lesquelles nous sommes d'accord. L'exclusion du cadre supérieur de l'application de la loi, sauf en ce qui a trait aux normes relatives aux vacances et aux congés parentaux, non seulement on est d'accord, mais on dit que ça ne va pas assez loin, parce que nous, on a toujours demandé l'exclusion du cadre. Ce cadre n'est pas défini ici dans l'avant-projet de loi et nous sommes d'accord à ce que ce ne soit pas défini. On préfère laisser aux tribunaux le soin de le définir parce que, dans une petite entreprise, une grosse entreprise, la notion d'un cadre supérieur peut varier énormément.

Nous sommes d'accord avec le nouveau rôle de médiation confié à la Commission contrairement à d'autres intervenants que j'ai entendus. Pour nous, c'est important, ce rôle de médiation, à condition qu'on distingue bien le rôle de médiation et l'adjudication de la Commission. On ne veut pas que la même personne fasse de la médiation et joue un rôle de policier dans le cadre nouveau de la loi, mais, si on divise très bien les deux fonctions, nous n'avons pas de problème.

Nous sommes d'accord avec le principe du remplacement des heures supplémentaires par un congé payé d'une durée équivalente majorée de 50 %. Par ailleurs, vous avez des limites dans le projet de loi avec lesquelles on n'est pas d'accord. Il faut, par exemple, que ce soit purement à la demande écrite du salarié. C'est beaucoup trop rigide. Il devrait y avoir... Parce que dans les petites entreprises, notamment, ça ne se fait pas comme ça. Ce sont des ententes qui doivent être beaucoup plus faciles que le prévoit l'avant-projet de loi.

Nous sommes d'accord avec l'ajout du 1er

juillet au nombre des jours fériés et chômés. Nous sommes d'accord avec l'allongement de la période de paie dont l'employeur peut tenir compte pour établir la rémunération des travailleurs à commission. Je sais que certaines de nos associations, M. le Président, vont venir vous dire qu'elles voudraient une plus longue période. Je pense aux concessionnaires d'automobiles parce que là on parle de très grosses ventes. On est d'accord aussi avec leur position, sauf que de façon générale le projet de loi fait un drôle de bout de chemin positif en nous proposant trois mois. Nous sommes d'accord aussi avec la bonification de la durée des congés annuels payés sous réserve, par ailleurs, que la bonification se fasse à un rythme moins rapide que celui que propose l'avant-projet de loi. Donc, sur votre orientation de base, pas de problème, sauf que, si on tient compte, par exemple, de ce qui se passe dans les autres provinces, on pense qu'on ne devrait pas avoir trois semaines après cinq ans avant quatre ans. Cet objectif nous apparaît tout à fait correct, mais à plus long terme. Nous sommes d'accord avec l'ajout d'un congé sans solde d'une journée, à l'occasion du décès ou du mariage d'un membre de la famHIe immédiate. Là, on rentre dans un certain nombre de choses qui concernent les congés parentaux. Vous proposez le paiement de deux jours d'absence à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant. Ces deux jours-là existent actuellement, mais ils ne sont pas payés. Vous proposez de les payer. Nous sommes d'accord. La possibilité d'ajouter trois autres jours, donc en plus des deux qui sont payés, à l'occasion toujours de la naissance ou de l'adoption d'un enfant, on est d'accord aussi, sauf que là on fait apparaître une notion - sur laquelle on reviendra un petit peu plus tard - ce qu'on appelle la notion des caisses-heures dans les entreprises. Vous avez déjà dans les entreprises bon nombre de congés qui sont prévus. Je pourrais citer notre cas chez nous. On a une caisse-heures de dix jours pour toutes les raisons possibles et imaginables. On ne voudrait pas que tous ces congés viennent s'ajouter déjà là où vous en avez 10, 12. Ça doit être des normes minimales. Si on les donne déjà, ça ne doit pas être des ajouts, parce que, là, on va se ramasser avec 15, 20 jours et ça n'aura plus de bon sens.

Vous nous demandez ensuite d'appuyer un congé sans solde annuel, pour s'occuper de la garde, de la santé ou de l'éducation de l'enfant mineur. On est d'accord avec le principe d'une telle caisse, mais, encore là, sous réserve d'un certain nombre de choses. La première réserve, c'est que le congé soit de trois jours au lieu de cinq jours. C'est une nouvelle norme, alors on pourrait faire l'essai loyal de trois jours. On verra à la bonifier éventuellement. Ça n'existe pas ailleurs. Deuxièmement, que, autant que possible, ça ne puisse pas être fractionné en demi-journée, parce que, là, il faut regarder la réalité de l'entreprise. C'est une loi d'application

générale, ça. Alors, quand vous êtes dans des productions manufacturières continues, par exemple, quelqu'un vous demande une demi-journée, vous êtes pris. Ce sont des postes complets pour la journée. Donc, le fractionnement pourrait créer des problèmes. Encore là, lorsqu'une entreprise donne déjà des congés, que ce ne soit pas considéré comme une norme qui vient s'ajouter. Ça doit toujours être une norme minimale de travail, mais pas un ajout à ce qui existe déjà chez les bons citoyens corporatifs.

Finalement, vous proposez un certain nombre de modalités aux périodes de préavis actuelles en cas de cessation d'emploi et de mise à pied. Pour l'essentiel, les propositions que vous nous faites bonifient les dispositions actuelles. On a des réserves, on pourra y revenir, mais pour l'essentiel on a carrément une orientation positive vis-à-vis les propositions qui nous sont faites. J'insiste pour dire que si vous donnez cinq jours pour s'occuper de la garde d'un enfant - c'est 18 ans, soit dit en passant - dans notre mémoire vous voyez que c'est aussi bien de décréter la dernière semaine de février "semaine destination soleil" pour tous les parents qui ont des enfants de moins de 18 ans. C'est évident, c'est ce avec quoi on va se retrouver et je ne pense pas que c'est ça que vous recherchiez de quelque façon. De toute façon, entre trois et cinq, il y aura toujours quatre et on éliminera cette possibilité de la semaine soleil.

Les points de désaccord. Il y en a, vous vous y attendiez, M. le ministre. Le premier point de désaccord, c'est le fait qu'encore une fois - et ça, on vous l'a mentionné à une autre occasion, la loi 116 - le gouvernement lui-même continue de se soustraire de l'application de la loi. Une loi qui est bonne pour les autres, mais pas nécessairement bonne pour le gouvernement. On est en total désaccord avec l'obligation de donner un préavis de douze heures pour exiger des heures supplémentaires d'un employé qui a des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l'éducation de son enfant. J'ai ici des gens qui viennent de différents secteurs et on pourra vous donner des exemples tout à fait concrets de l'irréalisme des douze heures.

Vous savez comment ça se passe dans les entreprises, quand vous avez un travailleur qui doit rentrer à 4 heures sur le "chiffre" du soir et qui appelle à 3 h 30 pour dire qu'il n'entrera pas; vous avez vraiment un problème de remplacement. Alors, si vous êtes obligé de donner douze heures, ce n'est pas possible. Faites l'exercice vous-même dans chacune de vos actions, dans chacune de vos activités, ce n'est pas possible, d'autant que, souvent, ce n'est pas pour un "chiffre" complet. C'est pour une demi-heure, pour une heure, pour permettre qu'on se réorganise et qu'on puisse voir qu'est-ce qu'on va faire avec le "chiffre". Bien sûr, on comprend l'objectif qui est de ne pas laisser un enfant à la garderie sans protection. On comprend l'objectif.

Mais, au lieu de faire une norme d'application générale qui sera invivable et irréaliste, II y a lieu de faire probablement davantage confiance aux parties. Il y a probablement eu des cas d'abus, mais on ne règle pas quelques cas d'abus par une norme de ce genre-là.

La possibilité d'un congé parental d'un an sans solde. Vous avez, en annexe à notre mémoire, deux sondages qui ont été faits auprès de nos membres. On a voulu vérifier comment ils vivraient cette proposition. Vous avez pu voir que, de façon générale, ils auraient de la difficulté à vivre une situation comme celle-là, tant dans les grandes que dans les petites entreprises, parce qu'on a souvent l'impression que c'est facile à vivre dans les grandes, mais on se fait dire que les grandes, c'est une multitude de petites entreprises, et que ce serait difficile à vivre. Ce qu'on vous propose, nous, entre la situation actuelle et la proposition du projet de loi qui, d'ailleurs, nous est un peu inconnue parce que, tant et aussi longtemps qu'on ne connaît pas les modalités du règlement, on est un peu dans le vague, ce qu'on vous propose, c'est un essai loyal de la formule retenue dans l'assurance-chômage qui prévoit déjà des prestations pouvant atteindre 30 semaines et vous avez dans la proposition du bill C-21, pour la première fois, l'idée du congé parental. C'est nouveau. Le projet de loi, j'en suis sûr, du ministre a été rédigé avant ou peut-être au même moment que le projet de loi C-21. Alors, on pense qu'on devrait vivre, faire une expérience loyale de cette proposition fédérale avant d'aller plus avant.

Par ailleurs, je dois dire aussi que, depuis qu'on a fait notre mémoire, il y a eu la proposition du Conseil du statut de la femme. Je dois dire que, pour bon nombre des propositions contenues dans la proposition du Conseil du statut de la femme, on n'est pas en désaccord, tout au moins jusqu'à temps qu'on se rende à 30 semaines. C'est très clair, dans la proposition du Conseil du statut de la femme, ce sont les 30 premières semaines et, après ça, la balance... On est prêt à discuter des modalités, on est même prêt à discuter du rapatriement de la caisse.

Autre désaccord, la présomption automatique contre un employeur qui congédierait un salarié dans les 20 semaines suivant son retour au travail, après un congé parental. On la trouve choquante, cette disposition-là, vraiment, elle est choquante. Elle s'applique peut-être dans quelques petites entreprises, mais, pour l'ensemble, dire ça aux entreprises, qu'il y a une présomption automatique, tout le monde nous dit que c'est choquant.

On est en désaccord avec le cumul des contrats à durée déterminée pour l'application de l'article 124, et c'est là qu'on dit que, comme gouvernement, si vous vous assujettissiez, vous ne nous assujettiriez pas parce que vous engagez à peu près seulement des occasionnels. Alors, vous multipliez, sept ou huit ans, et ils ne pourront jamais s'adresser à l'article 124 parce que le gouvernement n'applique pas sa propre loi, alors que, dans les contrats privés, à ce moment-là, le cumul des contrats permettra une ouverture à l'article 124.

Finalement, vous proposez que l'application de l'article 124 soit confiée aux commissaires du travail plutôt qu'aux arbitres de griefs. Là, je dois dire qu'on est en total désaccord, vraiment en total désaccord. Je vous donne les quatre raisons, pour l'essentiel. La première, c'est qu'on pense que les commissaires du travail ont autre chose à faire. Ce n'est pas ça, leur rôle. Vous entendez constamment les syndicats dire qu'ils font tout, sauf des accréditations, alors laissons-les à leur champ d'action qui est l'accréditation, l'application de l'article 45, etc., au lieu de leur donner une nouvelle fonction. Deuxièmement, pourquoi les commissaires seraient-ils meilleurs que les arbitres de griefs? Les arbitres de griefs, actuellement, ne sont pas si mauvais que ça. Le système existe; les arbitres de grief sont choisis par les parties patronale et syndicale et les commissaires ne sont pas choisis par les parties patronale et syndicale.

Troisièmement, vous nous placez devant une situation à peu près impossible parce que nous allons être obligés de discriminer entre travailleurs syndiqués et travailleurs non syndiqués. Et, déjà, les grandes centrales nous ont dit que, si vous le faites pour les travailleurs non syndiqués, elles en appelleront à la Commission des droits de la personne pour les travailleurs syndiqués, puisqu'il n'y a pas de raison qu'il y ait discrimination entre les deux.

Finalement - et c'est un point majeur - si les procédures, en vertu de l'article 124, sont gratuites, sans ticket modérateur de quelque façon, c'est évident que ça va ouvrir la porte aux plaintes frivoles. Vous le savez, vous avez le dossier avec l'arbitrage gratuit dans les hôpitaux et vous voulez revenir à la formule 50-50, avec raison, pour éviter, justement, qu'on additionne des griefs de façon inutile. Alors là, vraiment, on ouvre la porte et vous allez avoir des contestations automatiques, si c'est gratuit. Alors, il y a des moyens de régler ce problème-là: l'aide juridique, des caisses d'aide, etc., plutôt que de carrément rendre le service gratuit par les commissaires du travail.

Troisième volet, M. le Président. On constate un certain nombre d'oublis dans l'avant-projet de loi. Un point qui nous tient à coeur, c'est que, quand vous avez, dans une convention collective ou un décret, un certain nombre d'ententes sur lesquelles les parties se sont mises d'accord, ça devrait avoir préséance sur la Loi sur les normes du travail. Prenons, par exemple, les cas où souvent les travailleurs et les syndicats, les entreprises passent des heures à négocier la clause de préavis pour l'ajuster à la réalité de l'entreprise et, là, tout d'un coup, une

norme générale vient dire: Non, non, c'est pas ça, là, c'est ce qu'on a prévu dans la loi. Alors, nous, on privilégie, de toute façon, dans tous les cas, les ententes patronales-syndicales plutôt qu'une directive de l'État. Deuxièmement, il faut éviter que les normes minimales du travail viennent s'ajouter - je l'ai dit en première partie - à celles, du même ordre, qui ont déjà été consenties par les entreprises ou librement négociées. Ça, il faut que vous le clarifiiez vraiment. Je pourrais vous envoyer, M. le ministre, une série de conventions collectives où c'est prévu, en première partie, les mesures que vous nous annoncez. Il ne faut pas que, parce que, dans la Loi sur les nonnes, ces mesures-là sont maintenant identifiées, les entreprises soient assujetties à ces nouvelles nonnes, alors que, déjà, dans leurs conventions collectives, elles en ont prévu: ça ajouterait indûment au fardeau des entreprises et on ne pourrait pas être d'accord avec ça. Troisièmement - ça, ce n'est pas nouveau, on l'a dit souvent, mais on ne l'a jamais dit au ministre actuel - un employeur ne devrait pas être obligé de réintégrer un cadre en qui il n'a plus confiance: l'application de l'article 124 devrait beaucoup plus être un montant forfaitaire. Je ne discute pas le montant, le quantum du forfaitaire, mais qu'est-ce que vous voulez, il faudrait tous se placer en cette situation-là où vous ne vous entendez plus avec un cadre, vous l'avez congédié, puis là, du jour au lendemain, un fonctionnaire dit: Non, tu vas travailler avec lui demain. Sur le plan des relations humaines, c'est à peu près impensable. Mais on sera toujours très ouverts à des montants forfaitaires qui tiennent compte, justement, de la situation qui a été vécue.

Le versement d'indemnités de vacances à des employés absents une partie de l'année est identique au versement pour les travailleurs qui ont été là toute l'année; ça nous apparaît aussi discriminatoire. Alors, ça existe déjà dans la Loi sur les normes actuelle et, quant à nous, ça devrait être revu.

Le 24 juin, on est d'accord. On est d'accord avec le 1er juillet, on l'a dit tout à l'heure, sauf que, pour des raisons d'efficacité, de commodité, on pense que ça devrait être des congés mobiles. D'ailleurs, c'est drôle que, quand il tombe le samedi ou le dimanche, il devient mobile, mais, quand il tombe le mardi ou le jeudi, il ne peut pas être mobile. On pense que, de façon générale, les travailleurs souscriraient à ça aussi, parce qu'on les entend, les travailleurs, dire: On veut une longue fin de semaine. Pourquoi le congé le mardi? Pourquoi le congé le jeudi? On aimerait mieux, comme dans tous les autres cas, avoir une longue fin de semaine. On peut le faire, d'ailleurs, soit dit en passant, actuellement, avec le congé du 1er juillet, mais on ne peut pas le faire avec le congé de la Saint-Jean-Baptiste. Cette année, vous avez le beau cas du congé qui est le dimanche. Vous allez le déplacer le lundi; donc, il est mobile, mais en 1992 il ne sera plus mobile, il va être le mardi, puis il n'est plus mobile. C'est bien sûr que ça fait toujours certaines réactions chez certains de nos groupes nationalistes, on comprend ça, puis on le sait que, quand on va dire ça aujourd'hui, on va avoir des réactions de certains de nos groupes nationalistes. On sait tout ça, sauf que c'est un choix à faire entre des travailleurs qui vivent cette réalité-là, des entreprises qui vivent cette réalité-là, et on fêtera toujours le 24 la Saint-Jean-Baptiste, le mardi; ce n'est pas ça qui est en cause, c'est le déplacement du congé comme tel. (10 h 30) trois autres choses, m. le président, et je termine. la loi ne devrait contenir aucune duplication avec d'autres lois. c'est que la loi donne ouverture: tu peux aller à la csst, tu peux aller à la commission des droits, tu peux aller à la convention collective, tu peux aller aux normes. tu utilises tous les recours possibles et imaginables. tout à l'heure, quand on parlait des avis de mise à pied, vous le dites carrément dans la loi que ça n'a pas pour effet d'empêcher un travailleur d'avoir d'autres recours. je veux dire: en a-t-il ou s'il n'en a pas? il peut aller au civil et, après, enlever la disposition. ce qu'il faut qu'on sache, c'est quelle loi s'applique et ça, souvent, régulièrement dans le projet de loi, vous donnez des ouvertures et vous ne permettez pas vraiment à l'employeur de savoir c'est quoi les vraies règles du jeu.

Je termine par le financement de la loi. Nous sommes la seule province où la Commission des normes est financée par les employeurs. Dans toutes les autres provinces, ce sont des services, des départements - peu importe - du ministère du Travail et ça passe au budget, ça émarge au budget de l'État, parce que, en fait, ce n'est pas une loi qui protège les employeurs. C'est une loi qui protège les salariés. Donc, c'est une loi à caractère social. Partout, ça émarge au budget du gouvernement. Chez nous, c'est un prélèvement fait sur la masse salariale, donc un autre prélèvement négatif, parce que, par définition, les entreprises qui ont une plus forte masse salariale paient davantage. Donc, ça devrait, quant à nous, être assumé par l'ensemble de la société.

M. le Président, en terminant, nous tenons à assurer tant le ministre responsable de l'avant-projet de loi que tous les membres de la commission parlementaire de notre entière collaboration dans les divers débats que suscitera, dans les prochains mois, le contenu de l'avant-projet de loi. Quand on regarde toutes les suggestions qui ont été fakes devant la commission parlementaire, ce n'est pas l'avant-projet de loi qui va fermer le dossier, loin de là. Nous entreprenons le débat dans un esprit d'ouverture, de générosité et d'écoute, mais c'est bien sûr qu'à cause de notre rôle nous l'entreprenons également avec réalisme et en tenant compte des

contraintes des entreprises et de leur obligation d'être concurrentielles. Merci.

Le Président (M. Joly): merci, m. dufour. je vais maintenant reconnaître m. le ministre de la main-d'?uvre, de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait toujours plaisir de recevoir à cette commission les dirigeants du Conseil du patronat du Québec qui sont un interlocuteur majeur du gouvernement dans tous les dossiers. Quant à moi, ça fait la troisième fois en quinze mois que je vous vois ici pour des sujets de réforme sociale, que ce soit la réforme de l'aide sociale ou de la loi sur les régimes supplémentaires de rente ou, aujourd'hui, la Loi sur les normes du travail.

Les mémoires présentés par le Conseil sont toujours très étoffés et je dois dire que, quant à moi, ça me rassure un peu de voir la position éminemment responsable que prend le Conseil du patronat devant des propositions comme celles-là. Il existe dans la population, parfois, des individus qui s'imaginent que le Conseil du patronat va être nécessairement réactionnaire et va s'opposer à peu près à tout ce qu'on voudrait avancer, mais ce n'est pas le cas. Et il ne faut certainement pas se fier à toutes les manchettes de journaux qui, à l'occasion, laissent entendre que les patrons s'opposent à peu près à tout ce qui est proposé. On voit manifestement que ce n'est pas le cas et je suis particulièrement heureux de voir que le Conseil du patronat accepte de faire un grand pas en avant en se déclarant relativement d'accord avec une bonne partie des éléments contenus dans l'avant-projet de loi.

Il reste, bien sûr, des points de divergence. Le contraire nous aurait surpris et ça n'aurait pas été normal, d'ailleurs. C'est la même chose, d'ailleurs, pour tous les organismes qui représentent les travailleurs, il y a beaucoup de points de divergence aussi. Mais nous tentons de nous situer à un point qui - je ne dis pas nécessairement qu'il est au milieu - tend de concilier ce qui est possible et ce qui est raisonnable, tout en préservant la compétitivité des entreprises dans cette époque où, de plus en plus, avec la mondialisation des marchés, on doit demeurer concurrentiels. Vous avez touché un grand nombre de points où vous étiez d'accord, mais il y a aussi des points assez importants où vous étiez en désaccord et même parfois en total désaccord.

Nous devrons, au cours des prochaines semaines, prendre des décisions et je constate que nous n'avons pas eu l'occasion de vous rencontrer dans une pré-séance, comme nous avons eu l'occasion de le faire pour plusieurs autres groupes. Quant à moi, je souhaiterais beaucoup pouvoir rencontrer le Conseil du patronat après, puisqu'on n'a pas pu le faire avant, pour tenter d'éclaircir les points qui sont divergents. On le fera peut-être encore une deuxième fois pour ceux qu'on a déjà vus aussi, pour quelques-uns, notre intention avouée étant de tenter d'aller vers des solutions qui soient compatibles avec la réalité.

J'aimerais peut-être commencer par un des points qui semble celui où le bât blesse le plus; c'est le préavis de douze heures pour le temps supplémentaire. Je comprends très bien les arguments que vous avancez et ils m'apparaissent tout à fait fondés. On doit mettre en parallèle à ça le problème des parents qui ont charge d'enfants. On veut une société où le taux de natalité serait en hausse et on sait bien qu'il y a beaucoup de parents qui doivent maintenant travailler, les deux parents, et ça fait en sorte, surtout avec le grand nombre de familles monoparentales, qu'il y a des enfants, parfois, qui se retrouvent à la garderie à la fin des heures de travail, et il est assez difficile pour un parent de famille monoparentale de prendre la décision de faire du temps supplémentaire à une heure d'avis. Est-ce que vous auriez une solution alternative à proposer qui pourrait concilier les obligations des parents avec les problèmes dont vous pariez?

M. Dufour (Ghislain): Je suis heureux, d'abord, de constater que vous vivez notre problème parce que ce n'est pas possible, et je vous l'ai dit au départ. On pourrait vous donner des cas dans la restauration, des cas de services continus de douze heures. On peut vous donner toute une série de cas. La contre-proposition, c'est l'entente entre les parties que la Commission agisse sur plaintes, dans le fond, parce que vous ne pouvez pas... Dès que vous mettez ça dans ia loi, vous mettez ça comme une norme et là vous assujettissez de façon générale toutes les entreprises à ça. Or, ce n'est pas pensable. Ce serait une gestion impossible.

Moi, j'aurais le goût de vous poser la question: En avez-vous eu tellement de ces plaintes? Bien sûr, on a tous vécu des cas comme ça, comme on a toujours aussi des gens qui vont franchir un feu rouge même si la loi est là. Il y aura toujours ce genre de problèmes. Je vous retourne presque la question: Est-ce que vous avez eu tellement de plaintes qui nous feraient chercher une solution?

M. Bourbeau: Bon, écoutez, là, c'est moi qui réponds aux questions. Je ne peux pas vous dire, personnellement, que je reçois des plaintes...

M. Dufour (Ghislain): Non, pas vous, mais la Commission.

M. Bourbeau: ...mais je me suis retourné vers mes fonctionnaires. On est en train peut-être de chercher la réponse. Mais j'aimerais vous poser une autre question en attendant. Un salarié

peut refuser de faire du temps supplémentaire après huit heures, en Ontario. Comment vos membres, en Ontario, vivent-ils cette contrainte?

M. Dufour (Ghislain): O.K. Je vais vous dire comment ça se passe.

M. Bourbeau: II y a beaucoup d'exceptions, je présume que c'est ce que vous allez me dire.

M. Dufour (Ghislain): Non, moi je ne le vis pas en Ontario, mais M. Gobeil le vit.

M. Bourbeau: Bon, alors, on vous écoute, M. Gobeil.

M. Gobeil (Kenneth): C'est-à-dire que j'ai déjà vécu cette situation. Je crois qu'H y a des exceptions qui s'appliquent pour l'Ontario. L'employeur peut faire des demandes auprès de la Commission pour pouvoir exiger du travail supplémentaire. Par contre, ce qu'on dit au Québec, c'est que ceux parmi nous qui ont déjà fait de la négociation collective savent très bien que la question du surtemps obligatoire, c'est un dossier ou un élément qui requiert plusieurs heures de négociation entre les parties patronale et syndicale. Ce qu'on dit, c'est qu'on vit très peu de problèmes de ce côté-là parce que les ententes qu'on a négociées avec les syndicats représentent un équilibre, je crois, qui est tout à fait satisfaisant pour les deux parties, qui représentent aussi bien les intérêts des employeurs que ceux des employés. Vous connaissez tous, je crois, la formule d'ancienneté inverse. C'est à peu près ce qui se produit dans la majorité de nos entreprises au Québec, c'est-à-dire que les parties se sont donné une mécanique pour le surtemps obligatoire. Les salariés plus jeunes doivent, souvent par une formule de rotation, effectuer le travail en surtemps. Ce qu'on dit aussi, c'est que ce n'est pas praticable dans des conditions de travail continu où, par exemple, on a chargé la moitié d'un camion de produits frais ou de viande et qu'à la fin du quart de travail tous les employés déclarent qu'ils s'en vont chez eux. On apprend souvent à la toute fin du "chiffre" de travail qu'on aura besoin de salariés supplémentaires.

M. Bourbeau: Disons qu'on m'a dit que même en dépit des exceptions prévues dans la loi où un employeur peut demander au directeur l'autorisation pour 100 heures de plus par année, etc., même malgré ça, la Cour suprême, je crois, a déclaré qu'un individu peut refuser individuellement, en Ontario, de faire du temps supplémentaire. Maintenant, je reconnais que le problème ne se pose peut-être pas très fréquemment, mais, justement, on légifère des normes minimales pour ceux qui pourraient être - entre guillemets -exploités à l'occasion. Je reconnais que ce n'est peut-être pas souvent, mais, même si ça arrivait très peu souvent, ces gens-là ont quand même droit à une certaine protection.

Mais je vais pousser un peu plus loin. Puisque cette formule-là semble vous répugner, bon, aussi bien voir s'il n'y a pas moyen d'en trouver une autre. Qu'est-ce que vous diriez si on pensait d'inverser la formule? Plutôt que de dire: Le patron doit donner un préavis de douze heures, si on disait qu'un employé qui ne veut pas faire du temps supplémentaire pourra donner un avis au patron en début de semaine ou en début de mois, enfin, à tout moment, à savoir qu'il ne peut pas faire de temps supplémentaire et qu'H veut se conformer à la semaine normale de travail. Est-ce qu'une formule comme celle-là pourrait être intéressante?

M. Dufour (Ghislain): Vous interférez, à ce moment-là, dans les conventions collectives où, comme le disait notre ami Gobefl, ils peuvent avoir passé des heures, justement, à négocier une clause d'application concrète pour un type d'entreprise. AJuminerie Bécancour...

M. Bourbeau: Oublions les conventions collectives, alors. Parions pour ceux qui ne sont pas...

M. Dufour (Ghislain): Bon. Alors, si vous me confirmez que vous excluez, parce qu'on vous le demande partout...

M. Bourbeau: Non, pas nécessairement.

M. Dufour (Ghislain): ...ça, merci, M. le ministre. Donc...

M. Bourbeau: Disons que ce sont des hypothèses. Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Ah bon! En tout cas, l'hypothèse pourrait être poussée plus loin pour en arriver à une réalité. Pour les autres, je pense que vous devez faire un certain nombre de distinctions entre les secteurs. Et là, vous entrez dans les secteurs. C'est plus facile dans une banque. C'est plus facHe dans une compagnie d'assurances que dans la restauration. Alors, allez-vous procéder par secteur, même dans votre avis à rebours? Et il restera toujours, si quelqu'un dit: Moi, parce que j'ai un problème, parce que j'ai un enfant à la garderie, je vous préviens le 1er janvier pour la balance de l'année, ne me demandez pas du temps supplémentaire, ça n'empêchera pas la situation concrète qui vient d'être décrite et qui sera décrite dans d'autres secteurs. Ça, je pense, M. le ministre, que vous auriez tout intérêt, dans vos consultations avec nous, à mettre ce dossier-là en priorité.

M. Bourbeau: Oui. Bon, alors, si vous vouiez bien nous rencontrer.

M. Dufour (Ghislain): Ah! Nous autres, on est toujours ouverts.

M. Bourbeau: Incidemment, dans cette rencontre qu'on pourrait peut-être avoir avec vous, il serait peut-être intéressant aussi de parler du projet qui a été avancé par le Conseil du statut de la femme et avec lequel vous vous déclarez en partie d'accord, de créer une caisse de remplacement du revenu. Peut-être que ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille, pourrait participer aussi à une rencontre comme celle-là, puisqu'il semble y avoir un consensus entre vous et...

Mme Harel: Pour les 30 semaines. M. Bourbeau: Pardon? Mme Harel: Pour 30 semaines.

M. Bourbeau: Oui, mais enfin, un consensus...

M. Dufour (Ghislain): Comment dites-vous? Mme Trépanier: Un essai loyal. M. Bourbeau: ...partiel, là, disons.

M. Dufour (Ghislain): Oui, moi aussi, j'étais pour recorriger ça...

M. Bourbeau: Je l'ai dit, je crois que je l'avais dit...

M. Dufour (Ghislain): ...pour ne pas faire des consensus trop faciles.

M. Bourbeau: Non, mais je crois que dans ma présentation j'avais dit qu'il y avait, en partie, un consensus. Je reconnais que c'est pour les 30 semaines. (10 h 45)

Les vacances après trois semaines. Nous, nous disons: Bon, on pourrait donner trois semaines de vacances après cinq ans. Vous dites: Oui, on pourrait aller à trois semaines, mais en décalant un peu. En fait c'est un genre de "phasing in" que vous proposez. Si je comprends bien, ce serait une journée après six ans, deux semaines et deux jours après sept ans, deux semaines et trois jours, après huit ans. Ce serait quelque chose comme ça, je présume.

M. Dufour (Ghislain): Non. La proposition est très claire, c'est trois semaines après huit ans, après l'entrée en vigueur de la loi. La loi entre en vigueur. Alors, on dit trois semaines après sept ans, deux ans après l'entrée en vigueur de la loi.

M. Bourbeau: Ah, bon! Oui, oui.

M. Dufour (Ghislain): Trois semaines après six... Ce qui fait que, quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi, on serait à trois semaines.

M. Bourbeau: Oui.

M. Dufour (Ghislain): Ça, j'insiste pour dire que vous allez avoir des propositions patronales qui n'iront pas dans ce sens-là. Je vous le dis, c'est à notre corps défendant. Parce que, quand on se compare avec l'Ontario, quand on se compare avec ailleurs, il y a des coûts - évidemment, on n'a pas vu vos analyses de coûts pour l'avant-projet de loi - il y a des coûts très élevés à ça. Je pense que si vous allez plus loin que ça, M. Bourbeau, vous n'aurez, d'aucune façon, le support patronal. Il faut toujours, évidemment, penser qu'on ne parle pas, ici, de l'Aluminerie Bécancour, ou des Rôtisseries Saint-Hubert. Ce ne sont pas ces entreprises-là, c'est la PME qui est visée surtout par ça et la PME est loin du projet de loi.

M. Bourbeau: Écoutez, je ne suis pas du tout fermé à une implantation graduelle de la mesure. C'est pour ça d'ailleurs qu'on est ici, pour voir la réaction des groupes. Bien sûr, il y en a qui nous demandent quatre semaines.

M. Dufour (Ghislain): Pardon?

M. Bourbeau: II y a des groupes qui nous demandent quatre semaines de vacances, mais ça fait partie...

M. Dufour (Ghislain): Oui, et il y a des groupes comme hier, un groupe patronal qui vous a dit, dans un secteur très important, qui est le secteur manufacturier, que vous allez beaucoup plus loin que la réalité. C'est pour ça qu'on a une proposition à moyen terme.

M. Bourbeau: Oui, mais disons que nous prenons acte de vos propositions. Il reste bien d'autres sujets dont on pourrait parier. La question de l'article 124, le congédiement sans cause juste et suffisante, où nous proposons de transporter le débat devant un commissaire. Vous nous dites que vous êtes en désaccord avec ça. Dans le fond, ce qu'on recherche, c'est de tenter d'apporter un peu de justice aux travailleurs, aux employés qui sont congédiés effectivement et, à toutes fins pratiques, à qui on nie le droit à un recours, puisque, quand ils ont terminé l'exercice d'aller se plaindre, ils ont payé des milliers de dollars en frais d'avocats, en frais d'arbitres. C'est pratiquement, dans certains cas, un déni de justice et c'est le seul souci qui nous motive. Vous dites que, finalement, ils auraient des recours gratuits, mais il y a quand même des frais d'avocats à payer, qui sont assez lourds. Même avec le système qu'on propose, il y aura

certainement 1000 $... On me dit que ça va jusqu'à 3000 $ de frais d'avocats dans des cas comme ça. Est-ce que vous ne pensez pas que ce n'est pas tout à fait gratuit quand même?

M. Dufour (Ghislain): Qu'est-ce que vous allez faire lorsque vous allez avoir une plainte devant la Commission des droits de la personne pour discrimination entre travailleurs syndiqués et travailleurs non syndiqués?

M. Bourbeau: On bâtira le pont rendu à la rivière, comme on dit.

M. Dufour (Ghislain): Non. Je pense qu'on ne peut pas procéder sans avoir une perspective globale là-dedans. Je vous ai dit tout à l'heure qu'au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre les centrales syndicales, déjà, nous ont dit qu'elles y voyaient automatiquement une discrimination et qu'il n'y avait pas de raison qu'à ce moment-là le travailleur syndiqué n'ait pas accès aux mêmes possibilités gratuites. Il y a déjà eu des velléités, à part ça, de votre prédécesseur - et je ne suis pas sûr de vous assez - de raccourcir la période de cinq à trois ans, et pourquoi pas de trois à deux? Ça veut dire qu'à un moment donné à peu près tous les cadres seraient dans un système de contestation gratuite. Ça non plus, ça n'existe nulle part ailleurs.

Ce qu'on vous fait comme proposition, mais là, c'est... On devrait plutôt inciter les cadres à utiliser les services de l'aide juridique, donc là où les frais d'avocats ne seraient pas mis en cause, quitte à modifier les paramètres d'accès dans un cas très précis. De toute façon, les paramètres actuels de l'aide juridique sont trop bas, il faudrait les revoir, mais il pourrait y avoir des exceptions à cette règle générale et considérer des cas ad hoc et voici, peut-être, un cas ad hoc. Mais n'entrez pas dans le système où vous donnez ça aux commissaires, d'autant plus que ça nous surprend, nous autres, que cette proposition-là vienne parce que vous avez un projet de loi qui est le projet de loi 30 qui est déjà sanctionné par l'Assemblée nationale et vous mettez un X sur les commissaires du travail parce que, supposément, ils ne sont pas bons. Et là, on leur donne la responsabilité de faire les 124. Alors, il y a une inconsistance, pour le moins, entre deux lois: cet avant-projet et ce que vous avez sanctionné dans la loi 30. Dans la loi 30, vous les faites disparaître, les commissaires. Ça n'existe plus, le bureau du commissaire et le tribunal, alors... Je ne le sais pas. Peut-être que le ministre du Travail n'avait pas regardé trop trop cette section-là lors du débat.

M. Bourbeau: Mais je vous retourne la question quand même. Comment proposez-vous de solutionner le problème d'iniquité envers les travailleurs congédiés qui, à toutes fins prati- ques, n'ont pas de recours, puisqu'on leur demande de dépenser des milliers et des milliers de dollars pour faire valoir leurs droits?

M. Dufour (Ghislain): Si vous me le permettez, juste avant de répondre à la question, Me Cantln me fait observer que vous changez aussi drôlement tout le processus parce qu'actuellement, quand vous allez devant un arbitre, c'est une décision finale, sauf un bref d'évocation, tandis que, si vous allez au commissaire, vous allez aussi au Tribunal du travail. Alors, là, vous embarquez un palier d'appel qui n'existe pas actuellement.

Comment... Je reviens à ma suggestion dans le mémoire. On peut comprendre ces cas-là. Remarquez bien que ce ne sont pas tous les cadres qui ont ce même problème parce que je ne suis pas sûr, quand un cadre a 100 000 $, 125 000 $, et il a souvent des paiements assez importants de "résignation", qu'il a un problème énorme. Mais il y a d'autres cas, je suis d'accord avec vous.

M. Bourbeau: Ce ne sont pas des cadres.

M. Marcil: On ne parle pas du cadre là-dedans.

M. Dufour (Ghislain): Pardon?

M. Bourbeau: Je ne parie pas des cadres. Je parie des travailleurs, des simples employés.

M. Marcil: D'un employé comme tel.

M. Dufour (Ghislain): Oui, les employés non syndiqués à 20 000 $, 25 000 $, ce sont eux autres qui pourraient être couverts par la Loi sur l'aide juridique en révisant les paramètres. En tout cas, c'est une orientation qu'on vous donne.

M. Bourbeau: Oui, mais l'aide juridique à 20 000 $, 25 000 $, vous savez que ce n'est pas très...

M. Marcil: On est loin de la réalité. M. Dufour (Ghislain): Pardon?

M. Bourbeau: À 20 000 $, 25 000 $, on est loin de l'aide juridique, là.

M. Dufour (Ghislain): Oui, mais on vous dit que vous pourriez avoir à l'intérieur de la Loi sur l'aide juridique des prévisions plus particulières pour tenir compte de situations qu'on n'a pas prévues au moment où on a mis sur pied l'aide juridique.

M. Bourbeau: Écoutez, je vais laisser la parole à ma collègue, la ministre déléguée à la

Condition féminine et à la Famille, qui est... Le Président (M. Joly): Mme la ministre.

Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je reviendrai un petit peu sur les congés parentaux, un dossier qui me touche plus particulièrement. Vous nous dites dans votre mémoire que vous proposez un essai de la formule du C-21. Le projet fédéral propose un congé de maternité, un congé parental partageable et fractionnable aussi sur une période de 52 semaines après la naissance. Est-ce que vous... À ce moment-là, si vous suggérez une formule semblable, est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on inscrive le fractionnement dans la Loi sur les normes, si on veut essayer de l'appliquer? On ne s'est pas prononcé dans l'avant-projet de loi sur le fractionnement. Comment vivriez-vous ça, vous, dans vos entreprises, un fractionnement de congé parental?

M. Dufour (Ghislain): Vous voulez dire entre père et mère?

Mme Trépanier: Oui. Non...

M. Dufour (Ghislain): Durant la période...

Mme Trépanier: ...ça c'est partageable. Je parle de fractionnement en termes de périodes. Alors il peut prendre deux semaines sur deux sessions.

M. Dufour (Ghislain): O.K. On ne l'a pas regardé, Mme Trépanier, parce que justement vous dites dans un article omnibus que vous allez nous arriver avec un projet de règlement pour en établir les modalités. Or, tant et aussi longtemps que les modalités ne seront pas sur la table, je me refuse à vous faire des propositions. J'aimerais mieux qu'on débatte de textes.

On se situe plutôt au niveau du principe ici où, je le disais tout à l'heure, il y a maintenant toute la notion de congé parental qui apparaît dans le projet C-21. C'est nouveau. Elle apparaît dans la proposition du Conseil du statut de la femme aussi. M. Bourbeau parlait de consensus. C'est un consensus raisonnable, mais ce n'est pas un consensus en totalité. Parce que le dossier du Conseil du statut de la femme, la caisse, on n'a pas de problèmes avec ça. D'ailleurs, nous autres, on n'a jamais tellement été d'accord avec les bonis de bébés. On n'a pas toujours été d'accord avec les 240 $ à la naissance. Bon, que ça soit mis dans une caisse et qu'il y ait une meilleure distribution, on est d'accord avec ça. Jusqu'à un certain point, on est d'accord, aussi, avec le rapatriement du fédéral parce que la loi le permet, et même la loi C-21 le permet. Évidemment, ça nous fatigue de vous donner un accord là-dessus parce qu'on a toujours été contre le fait que le régime d'assurance-chômage protège les congés de maternité, sauf qu'on en a à peu près fait notre deuil. Mme McDougall arrive et dit: Ça va être bonifié. Dans un contexte comme ça, on aime autant que le Québec le bonifie lui-même.

Ce qui veut dire que, dans la proposition du Conseil du statut de la femme, jusqu'à 30 semaines, on n'a pas beaucoup de problèmes, c'est après les 30 semaines. Là où on a un problème, c'est pour le financement, parce qu'il manque quand même 91 000 000 $. Où est-ce qu'on les prend, les 91 000 000 $? Mme Lavigne, d'ailleurs, est tout à fait correcte en disant: Quand je vous propose ça, j'ai un problème de financement. Nous aussi.

M. Bourbeau: Nous aussi. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Trépanier: Moi, ma question, c'était sur le congé longue durée.

M. Dufour (Ghislain): Là-dessus, on aimerait voir vos propositions concrètes avant de porter un jugement. Une association, par exemple, comme l'AMC, qui est un de nos membres, nous disait, mardi soir: Nous retenons toute discussion tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas vu l'avant-projet. Nous, on va beaucoup plus loin, mais sur des modalités très concrètes comme ça, Mme la ministre, on aimerait mieux attendre.

Mme Trépanier: II serait donc très intéressant qu'on en rediscute.

Une question très très courte, rapide. Vous nous dites: On a tout avantage à ne pas imposer trop de rigidité aux parents dans leurs responsabilités parentales. C'est un peu une question de jugement que je vous pose là. Est-ce que vous percevez que, dans vos entreprises, il y a des modifications sensibles qui sont apportées dans la gestion de ressources pour faciliter cette... Est-ce que, facilement, on va vers ce consensus-là ou si c'est encore très difficile?

M. Dufour (Ghislain): Chez mes membres, c'est évident qu'ils sont tous là. Si on parle de ceux qui ne sont pas membres chez nous, on parle de petits restaurateurs, on parle de petites entreprises, dans des secteurs qu'on connaît tous... C'est ça votre problème, c'est que vous voulez solutionner, avec une Loi sur les normes du travail, un certain nombre de problèmes rencontrés dans des secteurs où il y a beaucoup de mobilité, même une mobilité patronale, et c'est là qu'il y a des difficultés. Mais, pensant normes, à ce moment-là, vous êtes obligés de généraliser et vous appliquez ça à toutes les entreprises qui sont ici et qui se disent: On vient encore d'embarquer dans des problèmes administratifs énormes.

Je n'ai pas de solution à ça. Je suis sûr que

les entreprises - d'ailleurs, on le réalise - face aux congés de maternité... J'ai fait venir, de mes membres, des politiques sur les congés parentaux, etc. Il y en a beaucoup plus qu'on pense dans les entreprises, mais il n'y en a pas encore chez les petits restaurants qu'on vise dans la Loi sur les normes du travail, et je ne pense pas qu'il y en aura beaucoup plus, même avec la loi que vous allez adopter.

Mme Trépanier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Mme Harel.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je salue, moi aussi, l'ouverture d'esprit qui se manifeste dans le mémoire du Conseil du patronat. Je crois qu'il est préférable de parier d'ouverture d'esprit plutôt que de consensus à ce stade-ci. Évidemment, la difficulté qui se présente sur le marché du travail, c'est que, dans les secteurs où les femmes se retrouvent majoritairement, c'est justement là où il n'y a pas de protection minimale de base, très souvent.

J'aimerais peut-être tout de suite examiner la question des heures supplémentaires. Avec raison - je partage votre point de vue - la disposition qu'on retrouve dans l'avant-projet de loi nous semble Irréaliste sur le plan de son application. Peut-être que c'est une idée généreuse, mais, à l'usage, elle peut presque être perverse, d'une certaine façon, parce qu'elle peut provoquer l'effet contraire de celui qui est recherché du fait que c'est une mesure protectionniste. C'est comme si, au fil des ans, on avait transformé les mesures protectionnistes qui avaient cours pour les femmes, il y a quelques décennies, en mesures protectionnistes pour les familles. Là, la question que je vous pose est la suivante: Est-ce qu'il n'est pas préférable - étant donné qu'il ne faut pas seulement faciliter la grossesse, l'accouchement et la naissance du bébé, mais songer qu'un bébé ça devient un enfant et que des responsabilités parentales, ce n'est pas juste à l'égard des jeunes, mais ce sont aussi des responsabilités parentales familiales à l'égard de ses parents et inversement - d'envisager carrément, comme c'est le cas en Ontario, justement, une journée maximale - je ne parle pas de journée normale, on s'entend bien - au-delà de laquelle le droit de refuser du temps supplémentaire est ouvert à tout salarié, avec l'étalement possible? (11 heures)

Parce que, même actuellement, dans la loi, 9 y a un étalement possible à l'article 53, et je ne parte pas de l'avant-projet de loi, je parle de la loi actuelle qui permet l'étalement. Bon, vous allez me dire que c'est un étalement des heures de travail sur une base hebdomadaire, mais ça pourrait être aussi un étalement des heures de travail différent. Est-ce qu'on n'en est pas arrivé là? Parce que le ministre fait des efforts en disant: Peut-être que si on renversait ça, si ce n'était pas l'employeur qui devrait aviser douze heures avant, mais l'employé qui devrait aviser... Mais l'employé qui va aviser, là, est-ce qu'au moment de son embauche, de l'avancement ou de la promotion ça ne peut pas lui nuire, ça, cette mesure protectionniste? Puis, d'autre part, il n'y a pas de semaine normale, au Québec, ça n'existe pas, la semaine normale. Alors, il n'y a pas de semaine normale, il n'y a pas non plus de semaine maximale, comme en Ontario où il y a une semaine maximale, et dans le Code canadien il y a une semaine normale. Comme ce qui est actuellement inscrit dans la loi, si ce n'est pas modifié, c'est simplement 44 heures, est-ce qu'on n'aura pas, là, à l'aube de l'an 2000, intérêt à s'ajuster, comme société, par rapport au marché du travail, avec des dispositions qui permettront des étalements - oui, mais ça, ce sont des aménagements - et que la règle soit la journée de huit heures, au-delà de quoi on aurait le droit de refuser de faire du temps supplémentaire?

M. Dufour (Ghislain): Bien, je vais vous demander de faire la même distinction entre travailleurs syndiqués et non syndiqués. Si, pour tenir compte du vécu d'un secteur ou d'une entreprise, les parties se sont entendues pour des modalités de temps supplémentaire, je pense qu'il faut donner priorité aux parties sur les normes. Donc, il reste tous les autres et, de toute façon, dans le secteur privé, c'est 80 %.

Je voudrais peut-être mieux comprendre votre question d'étalement parce que, ce que vous citez dans la Loi sur les normes... Ça existe, au Québec, l'étalement, c'est vrai, mais purement à des fins de rémunération du temps supplémentaire. O.K.? On s'entend là-dessus.

Mme Harel: Oui, parce que, pour qu'il y ait étalement, il faut qu'il y ait une journée maximale ou une semaine maximale, puis ça n'existe pas au Québec.

M. Dufour (Ghislain): Bien, ça existe par entente avec la Commission, parce que, si je prends, par exemple, les entreprises saisonnières, celles qui déblaient les routes l'hiver, qui font 24 ou 48 heures de temps supplémentaire, elles ont une possibilité de s'entendre avec la Commission justement pour étaler. Ça existe, mais ce n'est pas dans la loi; ça existe par entente.

Mme Harel: Oui, ça existe pour calculer le temps supplémentaire, mais ça n'existe pas aux fins de le refuser, de refuser d'en faire.

M. Dufour (Ghislain): Bien, c'est-à-dire que, dans les conventions collectives, on n'a pas le droit de refuser, dans certaines conventions

collectives. Mais, je comprends votre point de vue. Je pense qu'il faut situer ça plus en perspective. Ce qui me plaît dans votre approche, c'est quand vous dites que la proposition de l'avant-projet de loi n'est pas réaliste.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Alors, je suis très...

Mme Harel: Vous voulez dire qu'il y a un consensus là-dessus?

M. Dufour (Ghislain): Oui. Mme Harel: Ha, ha, ha! M. Dufour (Ghislain): Entre nous... Mme Harel: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain):... mais je suis très ouvert à ce qu'on trouve d'autres formules, parce que c'est bien évident aussi que, comme monde patronal, on ne peut pas dire qu'on va refuser à un employé d'aller chercher son enfant à la garderie à 18 h 30 s'il a un problème. Mais comment règle-t-on ça? Je pense que les avenues sont en dehors de la proposition de l'avant-projet de loi.

Mme Harel: II y a une question importante que vous mentionniez dans votre mémoire, c'est la question de la médiation, de l'arbitrage et du paiement, finalement, de ces recours. Vous êtes en faveur de la médiation, de ce nouveau rôle que l'avant-projet de loi veut confier à la Commission. Il y a beaucoup de groupes qui sont venus devant nous nous dire que ce serait très très contradictoire que la médiation soit élargie à l'ensemble des dispositions, parce que la médiation existe actuellement dans la loi: elle existe lors de congédiements sans cause juste et suffisante. Et là, l'avant-projet de loi veut finalement élargir la médiation à tout: tout, ça veut dire y compris le salaire minimum, ça veut dire tout.

Plusieurs disent: Ou bien un employeur respecte la loi ou bien il ne la respecte pas et, s'il ne la respecte pas, bien, il n'a pas à négocier la loi, parce que c'est une protection minimale de base. Que ce soit le salaire minimum ou les autres dispositions sur les vacances et tout, on n'a pas à négocier, sauf peut-être pour les congédiements qui s'y trouvaient déjà inscrits. Alors, pourquoi vouloir négocier une loi minimale, qui assure le minimum de la protection de base, si on s'entend là-dessus? D'autre part, dans la même veine, c'est intéressant, votre point de vue concernant les commissaires du travail, il y a quelque chose là, mais les arbitres, ce ne sont pas les employeurs seulement qui les paient; dans la loi, actuellement, c'est partagé: employeur et salarié. Et 70 % des personnes se désistent parce que c'est prohibitif. En 1986, l'étude de la commission était à l'effet que ça coûtait à peu près 3000 $ pour l'arbitre et la jurisprudence a déjà décidé que les frais d'arbitre ne sont pas payés par l'aide juridique pour quiconque, même pour les plus démunis. Ça coûte à peu près 1000 $ d'avocat, excusez-moi, 1000 $, je regrette, j'ai fait erreur, c'est 1000 $ les frais d'arbitre, à peu près, en 1986, et 3000 $ les honoraires d'avocat. Alors, c'est 4000 $, à peu près, que coûtait, en 1986, un arbitrage. On voit très bien que les seuls, à peu près, qui s'en servaient étaient les travailleurs rémunérés en 1986, à 25 000 $ par année, alors vous voyez que ce n'était pas ouvert tellement aux bas salariés, ce genre de recours.

Alors, qu'est-ce que vous recommandez? Le maintien des arbitres, mais qu'ils continuent d'être financés par les parties, en sachant que ça a, comme conséquence, que c'est un recours sur papier pour la majorité des salariés? Qu'est-ce que vous recommandez?

M. Dufour (Ghislain): Sur la question de la médiation, j'ai pris connaissance du mémoire de la FTQ, notamment, qui dit: Bon, c'est une loi sur les normes, ça ne devrait pas être négociable. Pour nous non plus, ça ne doit pas être négociable; si le salaire est de 5 $ l'heure, ça doit être 5 $ l'heure. Je ne pense pas que ce soit ça que propose l'avant-projet de loi. On a tous vécu... En tout cas, chez nous, des entrepreneurs nous posent des problèmes, c'est l'étalement, par exemple. Est-ce que l'étalement s'est bien fait? Parce que le travailleur peut dire: Je n'ai pas été payé correctement pour mes heures supplémentaires, parce que de la façon dont l'entrepreneur compte l'étalement, ce n'est pas la façon dont moi je le compte, etc.

Alors, c'est ce genre de situation qui peut faire appel à la médiation, mais je ne pense pas que l'avant-projet de loi propose la médiation sur des quanta comme tels, ce sont des situations concrètes, qui sont vécues. Moi, pour en avoir fait, Mme la députée, des relations de travail et de la gestion du personnel, je trouve que c'est utile, non pas purement là, dans les lois du travail, mais de façon générale, au lieu d'aller immédiatement à l'adjudication, qu'il y ait cette possibilité de débattre et de faire des consensus.

Sur la question des arbitres, évidemment, il y a déjà quelque chose, une avenue dans votre propre perspective parce qu'au moins vous nous faites faire le choix entre l'arbitre et le commissaire. Là, vous restreignez le champ en nous disant: Qu'est-ce qu'on peut faire vis-à-vis de l'arbitre? C'est très différent que de tout envoyer ça au commissaire.

C'est bien sûr qu'on ne veut pas qu'il y ait déni de justice non plus et qu'il y a peut-être

des modalités de caisse à envisager à la Commission des normes dans ces cas-là, pour ne pas qu'ils servent... pas nécessairement qu'ils agissent, eux, comme fournisseurs de services, mais qu'il y ait une analyse, une espèce d'ombudsman pour ces cas-là à la Commission des normes; de toute façon, c'est payé, on l'a dit tout à l'heure, en totalité, par les employeurs. Alors...

Mme Harel: Sauf l'arbitrage; c'est partagé, les frais d'arbitrage.

M. Dufour (Ghislain): Non, non, mais dans le... Si on reste dans le cadre de l'arbitrage et qu'il faut aider le travailleur en question, une fois l'analyse de son dossier faite, il pourrait y avoir une caisse à la Commission des normes qui regarde ça et cette caisse-là, de toute façon, serait payée en totalité par les employeurs. Mais ça ne règle pas nos problèmes de fond, qu'est-ce que vous allez faire avec tous les autres, c'est-à-dire qui sont syndiqués, qui vont vous faire la même demande? Mais je pense qu'il faut, et je vous le confirme, essayer de trouver des solutions à ce problème-là en restant dans le cadre de l'arbitrage actuel plutôt que d'aller du côté du Tribunal du travail.

Mme Harel: Le problème, finalement, reste celui du désistement des plaintes à cause des coûts prohibitifs, mais dans le contexte de l'arbitrage, ça, vous êtes prêts à regarder ça, si je comprends bien.

M. Dufour (Ghislain): Oui.

Mme Harel: Vous siégez au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, vous en avez parlé, et plusieurs intervenants devant la commission ont recommandé que le Conseil consultatif soit consulté au moment de la nomination des membres de la Commission des normes, de façon que le Conseil puisse faire des recommandations au gouvernement sur une liste à partir de laquelle le gouvernement pourrait faire ses nominations. Est-ce que vous partagez ce point de vue?

M. Dufour (Ghislain): Est-ce une proposition qui vous a été faite dans un mémoire?

Mme Harel: Oui.

M. Dufour (Ghislain): La loi prévoit déjà que le ministre doit consulter les associations les plus représentatives du monde du travail. Alors, qu'il le fasse directement chez nous par l'intermédiaire du CCTMO, nous, ça ne nous dérange pas, sachant pertinemment qu'il va consulter, probablement, les centrales syndicales qui sont aussi au CCTMO. Des fois, c'est beaucoup plus rapide un coup de fil directement aux parties que de passer par un processus d'un conseil consul- tatif. Mais la loi, déjà, nous satisfait sur ce plan-là parce qu'elle prévoit la consultation des grandes organisations.

Mme Harel: Sur la question de la médiation, il faut reconnaître que dans l'avant-projet de loi, alors là, c'est une médiation qui va porter sur tout parce que l'avant-projet dit ceci: "tenter d'amener les employeurs et les salariés à s'entendre quant à leurs différends relatifs à l'application de la présente loi et des règlements". Ça peut être sur tout, absolument, et non plus seulement sur des sujets sur lesquels il y a intérêt à ce qu'il y ait médiation. Lu tel quel ou appliqué tel quel, ça pourrait être, à la rigueur, sur des questions qui jamais ne devraient être négociables parce que considérées comme trop minimales, finalement.

M. Dufour (Ghislain): Ça, on est d'accord. Je ne pense pas que ce soit l'objectif de la loi. On ne doit pas discuter, médier sur des quanta, mais on doit médier, par exemple, sur l'application concrète de service continu dans un cas X qui donne ouverture, par exemple, à des vacances. Alors, c'est toujours dans l'application de la loi et non pas, je pense, sur les quanta.

Mme Harel: Vous avez parlé des oublis de l'avant-projet de loi.

M. Dufour (Ghislain): Oui.

Mme Harel: Parmi ces oublis, il nous semblait qu'il y en avait un de taille et qui était celui de l'indemnisation des employés au moment d'une cessation permanente à la suite d'une fermeture ou d'une cessation d'activité partielle de leur entreprise. Je ne sais pas si... Vous avez certainement déjà pris connaissance des dispositions ontariennes, adoptées en 1987, dans la Loi sur les normes et qui prévoient, lors d'une fermeture d'une entreprise de plus de 50 employés ou qui a un chiffre d'affaires de plus de 2 500 000 $, le versement d'une prestation d'une semaine par année de service jusqu'à concurrence de 26 semaines. Sans doute, également, vous avez pris connaissance des recommandations, l'an dernier, du rapport sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, le rapport de Grandpré, qui recommandait la même disposition et qui la bonifiait pour les travailleurs de 55 ans et plus en proposant un versement d'une semaine et demie par année de service jusqu'à 39 semaines. Alors, au Québec, il y a toujours le préavis et l'indemnité à défaut du préavis, ce qui fait que, évidemment, on pourrait dire que la situation concurrentielle du Québec joue en sa défaveur puisqu'il en coûte moins cher de fermer au Québec qu'en Ontario. J'ai en tête certaines entreprises qui appartiennent à des conglomérats qui ont eu à décider et qui, dans la balance, ont certainement eu à calculer le coût d'une ferme-

ture en Ontario comparativement à la fermeture à bon marché et à rabais au Québec. Alors, qu'est-ce que vous pensez de l'introduction dans les normes minimales de telles indemnités, compte tenu des bouleversements que connaissent présentement le marché du travail et l'entreprise?

M. Dufour (Ghislain): J'ai trois commentaires parce que, évidemment, comme vous avez fait une conférence de presse là-dessus, on savait très bien que vous nous en parleriez. Trois commentaires. Le premier commentaire, c'est qu'on se refuse à analyser cette proposition-là que vous avez faite, quelques jours avant l'ouverture de la commission parlementaire, comme on se refuse à étudier la proposition qu'a faite la FTQ, hier ou avant-hier, comme celle que fera la CSN cet après-midi, etc., parce que, nous autres, on est venus discuter de l'avant-projet de loi et d'un certain nombre de propositions qui sont là. Donc, il y a un certain nombre d'idées nouvelles qui arrivent, dont la vôtre, que l'on regardera mais je ne pourrais pas vous donner de position, on n'a pas consulté là-dessus. Depuis le mois d'août qu'on consulte sur Pavant-projet, on n'a pas pu tenir compte de toutes ces propositions concrètes.

Mais si vous me le permettez, j'avais deux commentaires. Le premier, c'est qu'on va vous demander, si vous continuez dans cette veine-là, Mme Harel, de nous donner les coûts de votre proposition parce qu'on n'en sait rien, ça représente peut-être 15 000 000 $, ça représente peut-être 20 000 000 $. On n'a pas d'objection de principe sauf qu'on aura des choix à faire, vous et nous, entre 20 000 000 $ pour un article de ce genre-là et les 91 000 000 $ que nous demande Mme Lavigne pour des congés parentaux. Où est-ce qu'on fera notre choix? (11 h 15)

Troisièmement, il y a quelque chose qui, dans le domaine des relations du travail, doit être rappelé régulièrement. Il y a une expression anglaise, et je me permets de l'utiliser, ça s'appelle du "cherry picking", aller chercher toujours la meilleure législation et le meilleur article dans toutes les législations et essayer d'en faire une législation idéale. C'est un peu ce qu'on a fait dans certaines de nos lois ici. Mais, quand on fait ça, on est obligé de tout faire, c'est bien sûr, vous avez raison. En ce qui concerne cette disposition de la loi ontarienne, elle est plus généreuse que ce qu'on rencontre à l'article 45 de notre loi 49 sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre où on en a, quand même, des dispositions. C'est plus généreux. Sauf que, disons que ça coûte toujours 15 000 000 $, on est prêts à donner ça au Québec, mais on n'est pas prêts à payer la Commission des normes à 30 000 000 $. Je veux dire: C'est des questions de coût dans une totalité. O.K.?

Le seul petit commentaire technique que je vous ferais, c'est peut-être un appel à la prudence parce que, quand on fait la comparaison entre le Québec et l'Ontario, c'est vrai qu'on n'a pas ce chèque qu'on donne, comme on le donne en Ontario. Mais, dans notre article 45 de la loi 49, le préavis est plus long au Québec qu'en Ontario. Donc, le travailleur n'est pas pénalisé, il a l'argent, sauf qu'il doit aller travailler au lieu de l'avoir en s'en allant chez lui. Alors, ces comparaisons-là doivent tenir compte de ça. Mais sur le plan du principe, Mme la députée, on est ouverts pour en débattre. Ce sont des questions de coût, à un moment donné, puis est-ce qu'on peut se payer ces normes-là?

Mme Harel: C'est intéressant parce que, d'une certaine façon, en matière de normes, il faut reconnaître, lorsqu'on examine l'ensemble des dispositions qui ont été rafraîchies par les voisins d'à côté, on se rend compte, et par le Code canadien aussi qui s'applique chez nous, pour les employés dans les entreprises de juridiction fédérale...

M. Dufour (Ghislain): Oui, bien là, si vous me permettez, on ne mettra pas le CN sur le même pied que la petite PME de Saint-Cinéphore. Les normes du Code canadien, c'est pour les grosses entreprises, tandis qu'ici on s'attaque surtout aux PME.

Mme Harel: II faut quand même reconnaître que la loi ontarienne en 1987 a vraiment connu un rafraîchissement qui fait qu'on ne cherche plus à faire ce "gossage" de cerises.

M. Dufour (Ghislain): C'est la traduction française?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: La version québécoise. Mais, dans le fond, on cherche à faire du rattrapage, là on ne cherche pas à être en avance. En fait, on ne cherche pas tant à être en avance, présentement, qu'à rattraper d'une certaine façon le retard qu'on a accumulé durant peut-être les deux ou trois dernières années, notamment en mettant sur les tablettes le rapport Beaudry. Mais c'est intéressant parce que, oui, vous avez raison, puis parfois je me dis qu'on pourrait peut-être recycler la taxe olympique qui se terminera dans peu de temps, semble-t-il; on pourrait la recycler pour la poursuivre au niveau de la caisse de la famille ou du congé de maternité. Mais encore faut-il vérifier si, en n'examinant pas l'ensemble justement au niveau des fermetures, on n'a pas de conséquences perverses du fait qu'on peut malheureusement faciliter les fermetures ici en regard de ce qui peut se faire ailleurs. De toute façon, je prends bonne note et... M. le Président, vous pensez que j'ai déjà

terminé?

Le Président (M. Joly): Je pense que oui. Mme Harel: Oui?

Le Président (M. Joly): Oui, déjà, madame. Je sais que c'est très intéressant, mais le temps passe vite.

Mme Harel: Oui, ça passe vraiment trop vite. J'aurais aimé savoir si vous proposiez...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Non. Je...

M. Bourbeau: Elle ne pose pas de questions, mais elle veut seulement savoir.

Le Président (M. Joly): Non.

Mme Harel: Voilà. Bon, alors je vais vous remercier. Ce sera pour la prochaine fois. J'espère que, lors du dépôt du projet de loi - le ministre nous a dit peut-être pour le printemps ou l'automne - on reprendra l'exercice de la commission parlementaire et que le ministre ne se satisfera pas de l'actuelle consultation pour essayer de ne pas en faire une sur son projet de loi. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la députée. M. le ministre, en conclusion.

M. Bourbeau: Oui. Tout en reconnaissant que la députée de Hochelage-Maisonneuve est atteinte de "consultlte", je remercie les gens du Conseil du patronat du Québec de leur contribution importante, en soulignant que je souhaiterais, quant à moi, qu'on puisse parachever les discussions pour tenter de préciser certains points sur tout ce qui a trait au temps partiel que vous n'avez pas vraiment touché dans les discussions. J'aimerais qu'on puisse bientôt terminer les discussions là-dessus avec vous et avec d'autres groupes d'ailleurs, avec qui on n'a pas terminé de discuter. Merci.

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci, à mon tour, au nom des membres de cette commission. Je remercie les membres du Conseil du patronat du Québec et son président, M. Dufour, pour l'exposé de ce matin. Merci beaucoup, ça m'a fait plaisir.

Je vais maintenant inviter le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

J'inviterais les gens à avancer. Bonjour. Nous avons un petit peu de rattrapage à faire.

Bonjour mesdames. Bienvenue à cette commission. Mme Traoré, je vous inviterais maintenant à présenter la dame qui vous accompagne.

Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec

Mme Westmoreland-Traoré (Juanita): Oui, je suis accompagnée, M. le Président, par Me Carol Farner, qui est le chercheur qui a fait les recherches sur notre mémoire pour cette commission.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Comme vous connaissez la procédure - vous êtes familière, je pense, avec les commissions - vous avez une vingtaine de minutes, plus ou moins, pour présenter votre mémoire. Par après, les membres de cette commission se réservent le loisir et le plaisir de vous poser des questions.

Mme Westmoreland-Traoré: Merci beaucoup. M. le Président, Mme la ministre, M. le ministre, membres de l'Opposition. Le conseil est heureux de pouvoir vous présenter un mémoire sur les amendements à la Loi sur les normes du travail. Nous avons surtout centré nos recommandations sur les conditions de travail du personnel domestique, les conditions existant au niveau de la législation et aussi nous avons traité des aspects sociaux, en ce qui concerne cette catégorie de travailleurs.

Maintenant, parce que nous sommes à la commission des affaires sociales, nos recommandations vont concerner surtout les amendements à la Loi sur les normes du travail. Parmi les personnes qui effectuent ce travail, nous avons voulu signaler les conditions particulières de celles qui travaillent avec des permis temporaires, des travailleurs domestiques avec permis temporaire, et nous avons aussi parié de celles qui sont résidentes chez les employeurs.

Nous devons quand même constater que, parmi ce personnel, nous retrouvons, pas seulement des personnes sous permis temporaire, mais également des personnes qui sont résidentes permanentes, des revendicatrices du statut de réfugié et un grand nombre de personnes qui sont natives même du Québec. Notre comité s'est intéressé à ce dossier avant même d'avoir connaissance de cette commission, parce que nous avons été saisis par les personnes dans les communautés culturelles de l'importance et de la difficulté de ce dossier pour les personnes issues de ces communautés.

Traditionnellement, la femme, de par ses responsabilités sociales de mère et d'épouse, a pris en charge tout ce qui relevait des tâches domestiques, dans le cadre de l'économie familiale. Il est de tradition également que tout ce qui relève de la responsabilité des femmes fasse l'objet d'une sous-valorisation basée essentiellement sur le fait que les caractéristiques mas-

culines constituent la norme.

L'arrivée d'un plus grand nombre de femmes sur le marché du travail rémunéré ne leur a pas assuré le respect et la reconnaissance de leur compétence et de leur expérience à égalité avec les hommes. Ce phénomène a tout de même nécessité une restructuration des tâches, notamment pour les familles financièrement plus à l'aise, l'embauche d'une tierce personne assurant la suppléance des mères et des épouses dans le rôle de domestique. Alors, nous constatons aujourd'hui qu'il y a une plus grande demande pour le personnel domestique. De plus, il y a une pénurie à cause d'un mouvement de désinstitu-tionnalisation des personnes handicapées physiques ou mentales aussi bien que les personnes âgées. Le travail des femmes au foyer va donc croître et le besoin d'une aide permanente ou occasionnelle va surgir de plus en plus. Il y a lieu de penser à la protection de ces travailleurs qui font soit du travail de ménage ou du travail de garde.

Les travailleuses domestiques sont apparues en plus grand nombre. Mais le rôle de travailleuse domestique est intimement lié à celui d'une personne devant veiller à l'éducation et assumer la responsabilité de la transmission des valeurs culturelles, soit le rôle classique des femmes.

Le travail domestique met encore plus en relief l'évaluation discriminatoire du travail féminin dans l'ensemble de la hiérarchisation du travail rémunéré. Il renforce le clivage sexuel des rôles. Nous avons pensé que c'était important de souligner ces aspects sociaux parce qu'il est difficile d'expliquer pourquoi les travailleurs domestiques se retrouvent dans des conditions qui sont si difficiles. Comme vous le savez, pour les travailleurs domestiques, ils évoluent dans un ghetto d'emplois où les revenus sont faibles à cause d'un salaire qui est souvent fixé de façon arbitraire par les employeurs. Les possibilités d'avancement sont presque inexistantes et ils n'ont aucune sécurité d'emploi.

Nous avons dans notre mémoire quelques indications sur l'évolution des régimes pour les travailleurs domestiques. A l'origine, certains venaient avec un programme spécial qui leur permettait d'avoir la résidence permanente. En 1973, ce régime avait changé et on faisait venir des femmes pour une période de trois ans. Et après avoir travaillé pour remplir les besoins de certains foyers ici, on les renvoyait, on les remerciait allègrement. Depuis 1981, la loi a changé. On a permis à ceux qui viennent avec un permis temporaire de se qualifier, normalement après une période de trois ans, et de devenir résidents permanents au Canada.

Toujours est-il que le régime des travailleurs temporaires présente des difficultés assez particulières. Pourquoi? D'abord, ces personnes se sentent souvent obligées de demeurer avec un même employeur malgré certaines difficultés. Elles craignent que, si elles soulèvent des difficultés qu'elles expérimentent avec leurs employeurs, elles seront obligées soit de quitter le pays ou on pourrait les qualifier comme étant des personnes instables ou des personnes à problèmes. Donc, ils vivent une précarité qui est plus élevée que pour les autres travailleurs domestiques.

Si nous prenons le cas des travailleuses domestiques qui travaillent en permance dans les familles, autrement dit qui sont résidentes, nous voyons aussi qu'elles doivent souvent composer avec l'absence d'une vie privée. Elles ont souvent le sentiment de captivité parallèlement à d'importantes responsabilités familiales qu'elles doivent assumer, parce que le fait d'être engagées comme personnel domestique résident, souvent, est destiné à permettre à d'autres membres de la famille d'être plus absents et il y a une délégation de ces responsabilités parfois carrément totale au personnel domestique résident.

Le Conseil voudrait quand même souligner l'oeuvre importante accomplie par les organismes non gouvernementaux qui travaillent quotidiennement à la défense du personnel domestique. Lorsque nous avons délibéré pour approuver le mémoire, plusieurs membres du conseil ont demandé que nous soulignions l'apport et le soutien qui sont apportés par les associations et le rôle indispensable qu'elles remplissent pour communiquer l'information à ces travailleurs pour les aider à faire valoir leurs droits. (11 h 30)

D'autre part, nous constatons que s'il y a des études sur le travail domestique, dans le cadre de l'économie familiale, les travaux qui traitent du phénomène sous l'angle du travail rémunéré sont plutôt rares. Nous avons aussi des difficultés au niveau des statistiques. Nous avons constaté que les statistiques qui sont tenues, par exemple, par Statistique Canada concernent une catégorie plus large, c'est-à-dire la catégorie de personnes offrant des services personnels et nous sommes donc obligés de procéder par déduction pour avoir une appréciation du nombre de personnes qui sont concernées par cette condition.

De plus, nous pouvons nous référer à certaines données que nous avons des associations, telle l'Association pour la défense des droits du personnel domestique, qui a fait une évaluation sur le nombre de personnes travaillant comme travailleurs domestiques. Je vais permettre à Me Farner, au besoin, de donner plus d'information à ce niveau.

Quel est l'état du droit, finalement, pour le personnel domestique? Malheureusement, à notre observation, la protection légale pour cette catégorie de personnes est pratiquement inexistante. Elles sont parfois exclues de la loi explicitement par les termes de la loi, parfois, par dérogation ou elles sont exclues à cause des conditions dans lesquelles elles travaillent.

Nous avons constaté, par exemple, que, en ce qui concerne la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, alors qu'elles sont comprises dans la loi - c'est une catégorie qui n'est pas exclue - elles sont quand mômes exclues, à moins qu'elles se comportent comme des travailleurs autonomes et qu'elles payent elles-mêmes une allocation pour être couvertes.

En ce qui concerne la Loi sur les normes du travail, nous voyons qu'il y a une couverture pour les travailleurs domestiques qui font principalement le travail du ménage. Toutefois, le bât blesse, parce qu'il y a une exclusion de celles, surtout - pas de ceux, mais de celles - qui font aussi la garde des enfants. Dans la loi, on exclut ceux dont la fonction principale est de garder les enfants.

L'expérience nous a montré que cette exclusion est devenue presque universelle, parce que la jurisprudence a adopté la position à l'effet qu'une personne qui s'occupe des enfants doit nécessairement exercer cette fonction de façon principale. Le travail ménager ne peut être qu'accessoire à cette importante tâche de s'occuper des enfants. C'est louable, c'est noble mais, dans les faits, ceci effectue l'exclusion de la protection pour ces travailleurs domestiques. Et la jurisprudence est presque unanime à cet effet.

Alors, nous avons regardé avec bienveillance, si je peux dire, la proposition qui est faite par le projet de loi. Nous pensons qu'il est essentiel que les travailleurs domestiques aient une protection réelle de la Loi sur les normes du travail. Sans cette protection, ces femmes, d'un coup, sont privées d'un salaire minimum, d'une majoration des heures supplémentaires. Elles sont privées des journées fériées, chômées et payées. Elles n'ont pas de congés annuels fixes ni de protection en cas de maternité ni même une période de repos garantie pendant la journée. Alors, les travailleuses domestiques sont dépossédées de tous les droits minimaux acquis par les travailleurs et travailleuses du Québec.

Nous avons vu dans le projet de loi une amélioration certaine, parce qu'on prévoit qu'il y aura couverture pour ceux dont la fonction principale est le travail ménager. Toutefois, dans la clause de dérogation, on exclut les travailleurs dont la fonction exclusive est de garder les enfants. On pourrait, dans un premier temps, penser: Mais voici une solution juste parce que le régime de garde d'enfants devra être séparé et nous aurons, éventuellement, d'autres dispositions pour ces personnes et nous allons réserver la protection de la loi sur les normes pour les travailleurs domestiques. Le problème, c'est qu'il y a peu de travailleurs domestiques qui ne font que du travail ménager et il y a peu de gardiens qui ne font qu'exclusivement de la garde Donc, il y a cette imbrication qui est inévitable. La loi ne couvre pas la réalité et, donc, ces travailleurs risquent à nouveau de se retrouver dans la même situation.

Nous avons allégué, dans notre mémoire, qu'une patronne pourrait être tentée de définir les tâches de son employé comme étant exclusivement la garde de l'enfant. Elle pourrait même être bien intentionnée en disant: Pendant mon absence, vous vous occupez des petits. Mais, inévitablement, l'expérience nous montre qu'on va demander des faveurs: Ne pouvez-vous pas dépoussiérer, préparer les légumes, faire le lit? C'est tellement normal et le travailleur domestique ou la gardienne peut difficilement refuser.

C'est la raison pour laquelle nous pensons que cette distinction artificielle entre travailleurs domestiques et gardiens doit être revue et nous demandons une couverture réelle pour celles qui font des travaux domestiques aussi bien que pour celles qui font du travail de garde.

Pour ne pas aller au-delà de notre pensée, nous avons dit que nous voulons quand même cette protection pour ceux et celles qui font le travail domestique comme le travail professionnel. Autrement dit, c'est le gagne-pain. Donc, s'il y a des personnes qui font un travail domestique ou un travail de garde moins de 24 heures par mois, c'est-à-dire vraiment de façon sporadique, quelques heures par semaine, nous ne prévoyons pas la protection formelle de la Loi sur les normes du travail, mais, pour ceux et celles qui travaillent de longues heures dans les maisons, nous demandons cette protection réelle.

Nous avons vu aussi, à travers les modifications proposées, qu'il y a des dispositions qui vont nécessairement être bénéfiques pour les travailleurs domestiques comme pour tous les travailleurs au Québec. Nous pensons que le fait de prévoir des ajouts au congé de maternité va aider les travailleurs domestiques qui, actuellement, ont de la difficulté à exercer ce droit à la maternité. Le fait aussi de permettre ou de demander qu'il y ait une plus grande diffusion d'information, à l'article 87, par exemple, nous semble tout à fait utile parce que cela va permettre à ces travailleurs d'avoir une meilleure connaissance de leurs droits

Je ne vais pas parier des dispositions concernant le Code du travail parce que le temps est limité - excusez-moi, concernant le Code civil - je dirais tout simplement qu'il existe un contrat type au niveau du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et qu'il y aura lieu de regarder ce contrat type qui édicté les conditions de travail, que ce soit au niveau des congés, du nombre d'enfants à garder, des choses assez élémentaires. Si ce contrat devenait effectivement réglementaire, à ce moment, ceci pourrait être un outil de preuve s'il y avait un litige devant la cour et cela serait un avantage pour les travailleurs domestiques.

En ce qui concerne le Code du travail, évidemment, les travailleurs domestiques sont couverts, mais encore là ça peut être théorique

s'il n'y a pas un moyen d'accréditation multi-patronale. Les travailleurs domestiques sont isolés dans différents foyers.

Nous avons aussi dans notre mémoire parlé de la Charte des droits et libertés et de la protection qui y est accordée contre des actes de discrimination fondés soit sur le sexe ou sur l'origine raciale, ethnique ou religieuse. Les données du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration nous informent aussi que la provenance de ces travailleurs est de plus en plus diversifiée. Donc, nous devons avoir une attention spéciale pour ces questions.

Je viendrai immédiatement aux recommandations que nous avions faites. Nous avons demandé que le terme "travailleuse domestique" dans la loi comprenne à la fois ceux qui effectuent des travaux ménagers et ceux qui gardent un enfant, un malade, une personne âgée ou une personne handicapée, alternativement ou cumulativement. Donc, nous demandons qu'on suprime l'exclusion qui est comprise à l'article 3, sous-paragraphe 2°, du projet de loi.

Nous demandons aussi que dans la Loi sur les normes du travail la durée d'une semaine normale de travail et le salaire minimum d'une travailleuse domestique soient identiques à ceux des autres travailleuses, qu'elles aient aussi droit à une rémunération supplémentaire pour les heures travaillées en sus de la semaine régulière.

Nous pensons que, s'il y a des difficultés pour certains foyers d'assumer la responsabilité financière de cette aide supplémentaire, cette difficulté ne devrait pas être assumée par la personne la moins bien placée pour l'assumer. On ne devrait pas demander aux travailleurs domestiques de supporter ce fardeau financier, mais ce devrait être un fardeau réparti plus équitable-ment au niveau de la société. Donc, nous demandons les mêmes conditions.

Le Président (M. Joly): Mme Traoré, environ deux minutes.

Mme Westmoreland-Traoré: Merci. Nous pensons aussi qu'il est important de fixer les heures, parce que, si nous fixons un salaire minimum sans fixer le nombre d'heures, nous savons qu'il peut y avoir des abus et, à la fin, le salaire minimum pourrait devenir théorique.

Il y a des recommandations qui visent parallèlement une meilleure adaptation de ces femmes qui travaillent comme personnel domestique. Nous voulons qu'elles aient une information plus systématique. Nous voulons qu'il y ait une concertation entre les organismes comme la Commission des normes du travail, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et même des organismes parapublics comme les centres de services sociaux et de santé pour accorder une meilleure information à ces femmes.

Nous pensons aussi qu'il peut y avoir des périodes de formation et aussi des périodes d'échanges de vues, que ces périodes peuvent être organisées en groupes, de sorte qu'on puisse briser dans un certain sens l'isolement dans lequel plusieurs d'entre elles se trouvent.

Nous pensons que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration pourrait mettre sur pied des cours de francisation sur mesure, comme il le fait pour d'autres catégories de travailleurs. Actuellement, évidemment, il y a accès à des cours. Toutefois, les arrangements ne sont pas toujours compatibles avec les responsabilités des travailleurs domestiques. On devrait...

Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous plaît, Mme Traoré, parce qu'on déborde beaucoup.

Mme Westmoreland-Traoré: J'ai terminé. On devrait au moins tenir compte de leur non-disponibilité pendant les heures du souper pour éventuellement s'organiser autrement.

Nos conclusions sont aussi reprises par d'autres organismes, telle la commission Beaudry, et j'ai pensé que ce serait utile de rappeler que ce n'est pas la première fois que les instances se penchent sur la condition des travailleurs domestiques.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Traoré. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille.

Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Je salue de façon toute particulière Mme la présidente, avec qui j'ai eu le grand plaisir de travailler durant une période trop courte à mon goût. Je vous avais dit qu'on se retrouverait sur d'autres sentiers alors, c'est une occasion aujourd'hui. Le Conseil des communautés culturelles fait un travail fort pertinent et extraordinaire de sensibilisation du gouvernement des problèmes, de toute la problématique des communautés culturelles. Nul doute que votre présentation d'aujourd'hui sera très utile aux travaux de la commission.

Vous avez abordé surtout le travail des domestiques. Je reviendrai aux domestiques parce que vous avez, je pense, escamoté la dernière partie de votre exposé par manque de temps. Je voudrais que vous nous parliez un petit peu plus... Vous parliez des cours de francisation sur mesure. Alors vous souhaiteriez que le ministère organise des cours surtout sur le temps... Ce sont les horaires qui ne conviennent pas et non pas les cours. C'est seulement une question d'horaire. (11 h 45)

Mme Westmoreland-Traoré: Voilà! Ce que nous constatons, c'est que dans le règlement il y a une exigence qui demande que les personnes qui viennent comme travailleurs domestiques

aient la connaissance fonctionnelle de la lanque française. Dans les faits, nous savons que la connaissance est limitée et cette limitation, effectivement, a un effet sur le travail qu'elles peuvent effectuer dans le foyer, sur la compréhension du milieu, sur leur adaptation, parce que, au fond, la langue est un filtre et elle peut empêcher une véritable communication et une intégration.

Donc, nous pensons que, pour ces travailleurs et travailleuses, il est essentiel qu'ils puissent aussi bénéficier de cours qui seront adaptés à la fois à leur niveau de connaissance de la langue, aussi qu'ils soient adaptés aux tâches qu'ils ont à remplir. Parce que c'est évident qu'ils ont besoin d'un français, pour certains, qui est un français de conversation, un français oral, mais aussi un français qui va leur permettre de bien s'occuper de leurs tâches et qui serait d'un intérêt pour eux. Et, troisième-memt, nous pensons que dans les modalités il faudrait tenir compte de la disponibilité et ceci peut se faire parce qu'il y a le régime des cours qui sont donnés sur mesure. Maintenant, nous savons que dans la réglementation fédérale on permet aux travailleurs temporaires de devenir travailleurs permanents, s'ils démontrent qu'ils se sont améliorés. Et, pour s'améliorer, ils sont obligés de démontrer qu'ils ont suivi des cours, qu'ils ont acquis de nouvelles compétences. Encore là, le fait d'avoir appris le français va être un acquis et, deuxièmement, cela va leur donner un meilleur accès à ces autres formations. C'est vraiment important pour nous, cette question de formation linguistique.

Mme Trépanier: Est-ce qu'il est vrai de dire qu'une très grande partie des immigrantes arrivent au Québec avec un travail domestique? Le premier travail qu'elles font, c'est du travail domestique. Est-ce que vous avez des statistiques là-dessus?

Mme Westmoreland-Traoré: Je n'ai pas de statistiques officielles...

Mme Trépanier: Mais, officieusement, c'est un peu ça qui se passe.

Mme Westmoreland-Traoré: C'est ça. Je peux dire que pour certains pays, historiquement, la seule voie d'arrivée pour les femmes, c'était comme travailleuses domestiques. Et nous avons des exemples de personnes qui sont venues dans le cadre de ce programme, qui étalent soit infirmières, qui étaient soit institutrices, mais qui ne trouvaient pas la possibilité d'immigrer à ce titre-là et qui sont venues comme domestiques. Elles ont travaillé comme domestiques mais, par la suite, elles se sont intégrées et maintenant elles occupent des fonctions très importantes. Je peux même mentionner celle qui est maintenant responsable du Bureau du logement, pour Ontario Housing Corporation, qui administre, je ne sais pas moi, 600 000 000 $ en logements, qui est une personne qui est venue, à l'origine, comme travailleur domestique. Nous avons vu pour certains pays, comme les Philippines, la Jamaïque, qu'il y a un grand nombre de personnes qui viennent comme travailleurs domestiques, pour le Portugal également. Ce sont des personnes qui utilisent cette voie d'entrée.

Mme Trépanier: O.K. Bon, alors, je reviens à l'objet principal de votre mémoire. Je vais vous dire que j'ai un petit problème de conscience avec ça, on va essayer de le définir ensemble. Vous voulez protéger dans votre proposition tous les travailleurs, y compris les gardiennes d'enfants. Vous excluriez la garde sporadique; votre limite, c'est 24 heures par mois.

Mme Westmoreland-Traoré: Oui, on dit à titre d'exemple.

Mme Trépanier: À titre d'exemple. Bon, 24 heures par mois. Vous faites référence également à la loi ontarienne. La loi ontarienne stipule... Vous avez raison de dire que toute personne... On dit: s'occupant d'un enfant, d'une personne âgée ou handicapée ou de tout autre individu... sont couvertes par le règlement du salaire minimum. Le nombre d'heures par semaine... Sauf qu'il faut ajouter qu'elles doivent être, les gardiennes, résidentes et travailler plus de 24 heures pour être soumises à la loi. Si elles sont gardiennes hors de la résidence, elles ne sont pas soumises à la loi. Et les domestiques doivent travailler plus de 24 heures par semaine. On sait que les familles immigrantes utilisent beaucoup le gardiennage à la maison et que ce sont très souvent des familles à faible revenu qui utilisent des gardiennes à la maison. Vous ne croyez pas que si on assujettit les gardiennes d'enfants à la loi des normes minimales de travail il y aura un problème de capacité de payer pour les familles? Le Conseil du statut de la femme proposait la solution suivante, il disait: Incluons dans les normes minimales de travail les avantages sociaux, les congés parentaux et tout ça, en excluant l'incidence financière. Comment pour-riez-vous... Est-ce que vous auriez une solution pour voir à ce problème-là? Vous avez raison de dire que les gardiennes touchent beaucoup les gens des communautés culturelles, mais les familles qui se servent des gardiennes également. Alors, est-ce que vous avez pensé à cet aspect-là de la question?

Mme Westmoreland-Traoté: Oui, nous y avons pensé. Quand nous avons fait ce travail-là, nous avons consulté et, parmi notre comité consultatif, ii y avait des représentants du ministère des Communautés culturelles et du Conseil du statut de la femme. On a cherché à avoir le plus grand débat possible. Il y a évidem-

ment un problème, parce qu'il y a un besoin réel pour la garde. Mais, en même temps, on se demande si on peut faire porter ce fardeau par le travailleur domestique. C'est ça, qui doit payer? Vous avez indiqué qu'il y a un grand pourcentage de ces familles qui sont à faible revenu. J'ai regardé dans la commission Beaudry, on dit: Environ 35 % des enfants gardés à la maison ou dans une autre maison privée appartiennent à des familles dont le revenu familial brut est inférieur à 15 000 $. Donc, ce sont des enfants de famille on peut dire presque sous le seuil de la pauvreté. Mais, d'autre part, il y a deux tiers des familles qui ne se situent pas dans cette situation-là. Il y a deux tiers, et nous avons d'autres données qui nous le démontrent, qui appartiennent à des familles ayant un revenu moyen de 40 000 $ par année. Ça, c'est l'autre deux tiers. De plus, si les familles sont obligées de placer leurs enfants en garderie, pour deux enfants, pour la famille moyenne, elles vont payer 160 $ de garde par semaine. Alors, le salaire minimum qu'on demande pour 44 heures, c'est 220 $, mais, si ce sont des personnes résidentes, on va pouvoir déduire un certain montant pour la pension. Donc, ce qu'on demande se compare très équitablement à ce qu'on paierait si on mettait les enfants dans la garderie, alors que ces femmes travaillent beaucoup plus et des heures beaucoup plus longues. il y a un autre argument, je pense, qu'on devrait soulever. C'est que le salaire minimum qu'on demande, c'est à peine si cela permet à des personnes de vivre au-dessus du seuil de la pauvreté. Le salaire minimum est véritablement le minimum qu'on puisse demander dans la société. Et pour les femmes qui travaillent, surtout en résidence domestique, elle ont souvent à s'occuper de la parenté, des enfants qu'elles ont elles-mêmes, ou des parents qui restent dans les pays d'origine. Alors, souvent ce salaire, ce n'est pas un salaire individuel, mais c'est un salaire qui va pour combler les besoins de toute une série de personnes. Je crois que les arguments sont plutôt forts pour donner une protection égalitaire à ces femmes, quitte à trouver des solutions pour amoindrir le fardeau des parents qui doivent trouver une garde convenable pour leurs enfants. Et nous pensons que la question se pose avec plus d'acuité parce que nous allons voir de plus en plus de personnes qui seront gardées en foyer. Et nous ne pouvons pas laisser augmenter ce que nous appelons une réserve de travail ségrégué, nous ne pouvons pas laisser agrandir cette réserve. Par le passé, c'était une certaine classe de la société qui avait des personnes domestiques mais, maintenant, c'est une situation de travail qui se généralise plus.

Le Président (M. Joly): Une question, Mme la ministre?

Mme Trépanier: Oui, c'est un commentaire que je ferai. Cette question, nous n'avons pas terminé d'en parler, c'est sûr. C'est une question large qui est difficile à cerner. Les statistiques dont vous nous partiez concernent, à ce qu'on me dit ici, les gardiennes qui travaillent avec visa, mais ça ne concernerait pas l'ensemble des travailleurs. Chose certaine, c'est que la position gouvernementale, à ce moment-ci, était de donner une protection aux travailleurs domestiques, tout en protégeant également la famille québécoise dans sa capacité de payer. C'est une question qui est vaste, on y reviendra et je m'engage à vous reconsulter sur cette question pour de plus amples informations. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre.

Mme Westmoreland-Traoré: Merci, Mme la ministre. J'aimerais juste pouvoir examiner les chiffres, parce que les informations que nous avons données sur le salaire, soit 186 $ pour les personnes qui demeurent en résidence et 220 $ pour les personnes qui ne sont pas résidentes, ne sont pas exclusivement réservées à celles qui sont sur permis temporaires. Je crois qu'on pourrait examiner de plus près, à un autre moment, les statistiques.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Mme Westmoreland-Traoré: Je vous en prie.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Mme Harel.

Mme Harel: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la présidente. Vous le savez, j'ai eu une courte longévité au poste de ministre, mais j'ai une belle réalisation, c'est le Conseil que vous présidez et, surtout, son autonomie, sa marge de manoeuvre; vous savez qu'on a dû défendre ça âprement à l'égard de l'administration, qui a toujours tendance à trouver que les conseils, ça parle trop, et puis ça parle sans toujours demander la permission. Alors, moi, je suis heureuse que vous l'ayez, cette marge de manoeuvre, que vous parliez fort aussi, pour toutes ces personnes pour lesquelles il y a un effort à faire d'intégration dans notre société.

Je veux vous poser une question au départ. Vous dites: Le travail domestique reste peu valorisé socialement, sans considération du point de vue de l'économie, politiquement négligé et très peu protégé sur le plan législatif; c'est à la page 6 de votre mémoire. La question, c'est: Dans la mesure où il est revalorisé, est-ce que des femmes d'ici, par exemple... On pense à toutes celles qui sont sur l'aide sociale ou celles qui travaillent aussi en usine et qui, ma foi, préféreraient souvent, peut-être, un travail qui peut être tout ce qu'on en dit mais peut être,

aussi, plus intéressant même que ce qui leur est offert ailleurs. Alors, je me demande si, à terme, la revalorisation législative, économique et sociale n'amènerait pas à tarir cette émigration qui nous vient de l'extérieur pour occuper ces emplois-là. Est-ce que c'est une réflexion que vous avez déjà eue au Conseil?

Mme Westmoreland-Traoré: Nous avons justement posé la question, parce que c'est une réalité que le travail domestique a été un lieu d'entrée. S'il a été un lieu d'entrée, c'est pour plusieurs raisons parce que, parfois, les personnes n'ont pas pu venir pour d'autres qualifications. Alors, il y a lieu de regarder l'ensemble de ce processus avant de dire: On préfère garder cette porte d'entrée là. Mais je pense que je rejoins votre observation quand vous dites que, si nous améliorons les conditions de travail du personnel domestique, nous allons arriver à créer une position qui sera intéressante non seulement pour les travailleurs temporaires étrangers mais pour des femmes qui sont québécoises de souche ou de plus récente souche. En ceci, je crois que c'est important, parce que nous allons éliminer un genre de réserve pour des personnes de certaines origines. Et je crois que c'est ça, l'objectif: avoir des conditions équitables et qui seront attrayantes pour toutes les personnes.

Maintenant, en ce qui concerne les travailleurs immigrants, ils devront avoir accès et pouvoir venir au Québec, au Canada selon leurs compétences. Nous savons aussi qu'il y a une demande pour la garde et pour le travail ménager; on n'a jamais pu combler la pénurie qui existe à ce niveau, surtout lorsque c'est un travaB où la personne doit demeurer à domicile. Je ne pense pas, même en changeant les conditions, en améliorant les conditions et en valorisant, qu'on va augmenter beaucoup le nombre de personnes québécoises de vieille souche ou de souche plus récente qui vont vouloir travailler à domicile. Donc, je ne crois pas que ce soit une véritable appréhension, si appréhension il devait y avoir, mais, à mon avis, c'est plus important d'éliminer ce qui peut être discriminatoire ou ce qui peut être des conditions non protégées. (12 heures)

Mme Harel: Parce qu'il faut bien se rendre compte qu'H y a des sociétés - parce que c'est toute la question du travail à domicile, ça peut aussi mettre en question ce qu'on appelle le maintien à domicile institutionnel - par exemple, en Suède, pour l'avoir vérifié sur place l'an dernier et, au retour, avoir demandé combien il y a d'auxiliaires familiales pour un pays de 9 000 000 par rapport à nous qui en comptons 7 000 000 ou presque, avec 1500 auxiliaires familiales, les gens autour de moi me disaient peut-être 10 000 ou 12 000 puis, quand je leur disais d'augmenter, ils arrivaient à 40 000, mais il y en a 400 000. C'est parce qu'ils ont introduit cette notion de travail à domicile et, contrairement à nous qui maintenons 105 000 femmes chefs de famille sur l'aide sociale et des centaines de milliers de personnes dans la dépendance des systèmes de sécurité sociale, ils ont, à l'inverse, offert de bonnes conditions, mais tout le monde travaille. Le taux de chômage, ce n'était pas 1 %. La faillite qu'Hs ont, franchement, je la changerais avec celle du Canada parce que, nous, on paie, puis on n'a rien. Eux, au moins, ils paient, mais ils ont quelque chose pour, comme diraient mes concitoyens.

Si on revient, par exemple, à une question qui a été posée, puis je la reprends parce que Mme la ministre avait raison de vous la poser, H y a un autre objectif dans la société. Oui, c'est vrai qu'il faut atténuer le fardeau sur les épaules des parents en matière de coûts de garde d'enfants, mais, socialement parlant, il n'y a pas beaucoup de personnes qui voient l'avenir en pensant qu'il faut rembourser les parents qui font garder à la maison. L'atténuation du fardeau va se faire beaucoup plus en fonction d'une garde régie en milieu familial, oui, mais dans une garde régie avec des services de garde collectifs. Je comprends donc que le Conseil ne favorise pas que l'Etat financerait la garde non régie, la garde à la maison, ou amènerait les parents à choisir, parce que ce n'est pas, évidemment, inélastique, les ressources dans une société, compte tenu des besoins en matière de services de garde régie. Je ne pense pas qu'on doit comprendre que vous ne nous proposez pas de diminuer le fardeau des parents en matière de garde à la maison. C'est bien ça qu'H faut comprendre?

Mme Westmoreland-Traoré: Je suis contente que vous ayez posé la question parce que je ne voudrais pas laisser un doute là-dessus. Ce que nous demandons, c'est que les femmes qui sont engagées pour faire du travail domestique reçoivent le salaire minimum et que les femmes qui font aussi la garde reçoivent le salaire minimum. Maintenant, s'il y a une demande pour les services à ce niveau, c'est parce qu'il existe un besoin. Certains préfèrent cette formule parce que c'est plus flexible. Il est possible qu'il y ait des enfants qui ont des handicaps. C'est possible aussi qu'il y ait des membres de la famille qui ne sont pas autonomes. Il y a différentes raisons pour devoir avoir une personne à la maison.

Je ne parle pas des familles qui sont aisées, qui ont les moyens et qui n'auront pas une subvention quelconque. Je parle des familles qui ont un besoin. Je pense que ce que nous recherchons, ce sont des formules de garde d'enfants qui sont flexibles, des formules qui sont intégrées, autrement dit, qui permettent la garde dans les garderies, la garde après l'école, des haltes-garderies, différentes formules de gardes, mais qui permettent aussi un réseau de femmes qui peuvent garder à la maison à certaines

périodes et pour certaines raisons.

Maintenant, je voudrais terminer...

Mme Harel: Ça, vous savez, ça se discute beaucoup parce que la garde en milieu familial, elle est possible et c'est un mode de garde qui est très flexible, mais la garde à la maison, vous savez ce que ça signifie comme coûts s'il fallait que l'État s'y introduise. La garde à la maison, parce que la majorité des jeunes chefs de famille ou des jeunes ménages qui ont à faire garder pourraient se prévaloir, à ce moment-là, d'un revenu de gardiennage à la maison, c'est exorbitant, vous en êtes consciente.

Mme Westmoreland-Traoré: Oui. Mais ce que nous demandons ici, c'est le paiement d'un salaire minimum pour ces travailleurs. On ne dit pas que c'est l'État qui doit payer. Ceux ou celles qui demandent un travailleur devront normalement respecter et payer le minimum requis socialement. Maintenant, s'il y a des personnes qui disent: Nous ne pouvons pas nous prévaloir des institutions de garde qui existent ou des centres de garde qui existent pour des raisons objectivement valables, ils devraient pouvoir avoir recours à d'autres formules, y compris une aide à la maison. Ça peut ne pas être à plein temps, mais la question...

Mme Harel: Actuellement, la formule, c'est le maintien à domicile. C'est le maintien à domicile, la formuule actuelle. Est-ce que c'est le maintien à domicile? Il y a des CLSC sur tout le territoire du Québec et l'enjeu: Est-ce qu'il faut élargir les services du maintien à domicile? De là à dire qu'il faut se prévaloir et que l'État rembourse du service à la maison, c'est une autre chose. Je ne peux pas comprendre. Ce n'est pas ce que vous nous recommandez.

Mme Westmoreland-Traoré: Je pense que la question de financement de ce salaire doit être examinée par les personnes qui en ont un besoin. Nous avons différents programmes qui soulagent les personnes qui ont besoin objectif et qui, aussi, si je peux dire, remplissent une fonction qui est sociale. Je pense que les femmes, toutes les femmes qui travaillent doivent pouvoir avoir recours à un service de garde qui soit adapté et qui soit flexible. Je ne dis pas que l'État assumerait intégralement les frais de garde. Personne n'a fait cette proposition. Je crois qu'actuellement même ceux et celles qui placent leurs enfants en garderie reçoivent certains suppléments pour pallier à ce qui manque pour assumer ces frais de garde.

Mme Harel: C'est un choix collectif dans la société québécoise, qui a été reconduit par l'actuel gouvernement et mis en place par le précédent. Le choix de la société québécoise, c'est un choix de garde régie. Ça ne veut pas dire un choix de garde en garderie, mais régie, c'est-à-dire, entre autres, garde en milieu familial ou en garderie. Il y a d'autres sociétés qui préfèrent faire garder à la maison. Ça n'a pas été le choix du Québec, ça.

Mme Westmoreland-Traoré: Oui, mais, vous savez, peut-être qu'il y a un manque de communication. Quand vous dites garder en famille ou garder à la maison, je ne fais pas tellement la distinction. Je crois qu'il y a une question de nombre d'enfants qui peuvent être gardés, mais je ne voudrais pas laisser l'impression que le Conseil préconise que les familles peuvent avoir des gardiennes à la maison et que l'État va payer intégralement. Ce n'est pas ça. Mais je crois que c'est légitime de penser qu'il devrait y avoir des services de garde avec plusieurs formules et que, selon les besoins des familles, il devrait pouvoir y avoir une certaine aide. On n'a pas dit une aide intégrale. Toujours est-il qu'actuellement, je crois que c'est la position du Conseil, si une famille engage une personne pour faire du travail domestique ou du travail de garde, cette famille ne devrait pas le faire aux dépens de ia personne qui fait ce travail. Autrement dit, si elle n'a pas les moyens de la payer, elle devrait trouver d'autres moyens. Mais elle ne devra pas demander à la gardienne, au personnel domestique, d'assumer ce fardeau. Je crois que c'est ça, le message du Conseil.

Le Président (M. Joly): Merci. Le temps étant écoulé, madame...

Mme Harel: Je vais remercier Mme Traoré et lui dire que c'était intéressant, c'était important. Vous avez une recommandation de hausser substantiellement le montant des subventions accordées aux organismes qui oeuvrent à la défense des droits du personnel domestique. Je pense qu'il faut qu'ils deviennent des partenaires et qu'ils aient les moyens de parler fort pour ces personnes - je crois que ça doit être vraiment retenu par le gouvernement - et deviennent des partenaires de la Commission des normes également. Merci.

Mme Westmoreland-Traoré: C'est bien. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Mme la ministre.

Mme Trépanier: Mme la présidente, on aurait aimé vous poser des questions sur d'autres sujets également, entre autres, sur les droits des travailleurs à temps partiel, la question de harcèlement dont vous avez parlé et dont deux organismes, la CEQ et l'Intersyndicale des femmes, nous ont parlé hier. On se reprendra à un autre moment. Merci infiniment pour votre contribution à nos travaux.

Mme Westmoreland-Traoré: Merci. C'est moi qui vous remercie de l'occasion.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Traoré. Merci, Mme Farner. Au nom des membres de cette commission, merci beaucoup.

J'inviterais maintenant les membres de l'Association pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal.

J'apprécierais si la personne responsable pouvait s'identifier et identifier les gens qui l'accompagnent. Bonjour.

Association pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal

Mme Benoist (Catherine): Alors, nous sommes une délégation de six personnes pour représenter l'Association, parmi les quatre ici, il y a trois travailleuses domestiques qui résident chez l'employeur. Mon nom est Catherine Benoist. Je suis coordonnatrice de l'Association comme travailleuse permanente à l'Association.

Mme Bals (Myriam): Mon nom est Myriam Bals. Je suis domestique.

Mme Ryan (Rosemond): Mon nom est Rosemond Ryan. Je suis aide domestique. Je suis au Canada depuis deux ans. J'ai fait deux ans au Canada comme personnel domestique à Montréal. S'il vous plaît, excusez mon français. J'étudie le français à Montréal. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci bien.

Mme Ciampi (Maria): Mon nom est Maria Ciampi. Je suis une bénévole à l'Association et j'ai participé aussi à la recherche et à la rédaction du mémoire.

Le Président (M. Joly): Merci, mesdames. Alors, vous connaissez un peu la procédure. On vous donne une vingtaine de minutes, plus ou moins, et, après, les membres de la commission se réservent le plaisir de poser des questions. Merci. La porte-parole, Mme Benoist.

Mme Benoist: On va essayer de faire ça rapidement. La clientèle de l'Association, ce sont surtout des femmes immigrantes qui sont sur le programme spécial de l'immigration. Donc, elles ont des conditions particulières, comme l'expliquait Mme Traoré juste avant nous. Je vais laisser Myriam expliquer le contenu du mémoire.

Le Président (M. Joly): Allez, madame.

Mme Bals: Donc, tout d'abord, nous voulions savoir qui étaient ces travailleuses domestiques et nous en avons brossé un petit tableau. C'est vrai que la plupart d'entre elles sont des étran- gères sous contrat temporaire, ce qui veut dire qu'elles sont obligées d'habiter chez l'employeur. Mais reprenons aussi la définition de la loi. La loi dit, par exemple, qu'une domestique est une salariée employée par une personne physique et dont la fonction principale est d'effectuer des travaux ménagers dans le logement de cette personne; "cependant, ce mot ne comprend pas le salarié dont la fonction principale est de garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une personne âgée". Et, justement, si nous sommes si peu nombreuses aujourd'hui, c'est parce que toutes nos collègues sont prises par les tâches de gardiennage. Donc, on n'a pu venir qu'à six.

Donc, ces femmes, on leur demande souvent d'être qualifiées. Ce sont des femmes qui sont qualifiées, qui ont une expertise pour s'occuper soit d'enfants, soit de malades ou de personnes handicapées. Ce sont des femmes, on le voit dans notre pratique en rencontrant les autres, qui pourraient avoir aussi bien le titre de gardienne domestique, puisque, quotidiennement, quand elles sont gardiennes, elles font toujours des tâches domestiques et, quand elles sont domestiques, elles font toujours des tâches de gardiennage. Donc, dire qu'il y a des gardiennes d'un côté et des domestiques de l'autre, non. Notre pratique dit qu'il y a une dominante dans un sens, une dominante dans l'autre, mais les deux sont vraiment très entremêlées. Donc, on se rend compte que, malgré tout, il y en a beaucoup qui ont le titre de domestique, dont les travailleuses étrangères, mais la présence d'un enfant, d'un malade ou d'une personne handicapée ou âgée fait qu'elles sont exclues des normes du travail. Et, pour cela, nous avons pris quelques exemples de personnes qui ont le titre de domestique, mais qui ont pu travailler jour et nuit, 24 heures sur 24, et qui n'ont pas été couvertes par la loi du travail parce qu'on leur a dit: Écoutez, à partir du moment où il y a des enfants, on considère que vous êtes gardiennes en dépit de votre titre de domestique. Et, pour cela, Catherine Benoist a quelques exemples à vous donner.

Mme Benoist: D'accord. Je vais illustrer par quelques exemples. Alors, j'ai l'exemple ici d'une personne qui vient de Madagascar, qui est arrivée au Québec il y a presque deux ans, donc, qui termine bientôt le programme, le contrat avec l'immigration. Elle s'occupe de quatre jeunes enfants. Elle doit tenir la maison en ordre, préparer les repas, faire la lessive pour toute la famille, incluant les parents des enfants et la grand-mère qui habite aussi à la maison. Elle commence à travailler à 7 heures le matin, du lundi au samedi inclusivement, et ne sait jamais vraiment à quelle heure sa journée se termine parce que ça dépend de l'employeur. On a calcule qu'elle travaille en moyenne 75 heures par semaine. Récemment, elle a demandé d'avoir le samedi après-midi libre et elle a demandé de

pouvoir sortir un soir par semaine pour aller suivre un cours de français, ce à quoi ses employeurs lui ont répondu qu'elle devait s'occuper elle-même de trouver une gardienne pour la remplacer et la payer de sa poche. Alors, étant considérée comme gardienne au sens de la Loi sur les normes du travail, malgré tout l'entretien ménager qu'elle a à faire dans la maison et l'entretien, évidemment, qui est aussi relié aux enfants, elle ne peut pas exiger qu'on lui paie toutes les heures supplémentaires et son salaire hebdomadaire est de 200 $ par semaine, pour une disponibilité quasi permanente.

J'ai le cas, ici, d'une Philippine. Ses employeurs ont tellement confiance en elle qu'ils lui ont laissé la garde de leurs trois enfants et la responsabilité de la maison pour partir en vacances durant trois semaines. C'est la deuxième fois que cela se produit en trois mois. Lorsqu'elle s'est plainte de sa surcharge de travail, ses employeurs lui ont suggéré d'aller passer un test de grossesse, comme quoi elle était tellement fatiguée que ce n'était pas possible d'être aussi fatiguée. Aussi, lui a-ton fait remarquer que, depuis qu'elle avait des amis ici, elle faisait sa grosse tête - ce sont les termes qui ont été employés - qu'elle avait la vie beaucoup plus facile, de toute façon, ici que dans son pays et qu'au moins on acceptait de lui payer le salaire minimum. Comme si c'était un privilège.

Il y aurait d'autres cas. Je vais vous en citer un autre. Alors, il y a le cas d'une personne qui s'est rendue aux normes du travail pour exposer son cas. Elle a travaillé 84 heures par semaine pendant 6 mois chez son employeur. Elle réclame d'être payée pour les 31 heures de travail supplémentaires puisque le temps de travail normal est de 53 heures pour une domestique qui habite chez l'employeur. Alors, le juge a rejeté la réclamation. Il a estimé que la domestique n'avait pas travaillé plus de 53 heures par semaine, malgré la preuve contraire au dossier. Alors, on se dit qu'il a dû prendre implicitement à son compte la prétention de l'employeur à l'effet que seul le travail domestique est protégé par la Loi sur les normes du travail alors que le travail de garde d'enfant à domicile est exclu de l'application de cette loi.

Enfin, c'était pour illustrer un peu par quelques cas en gros. Il y en aurait beaucoup d'autres. Enfin, à l'Association, d'après l'expérience qu'on a, d'après les appels aussi qu'on a des employeurs et des domestiques, on trouve, en tout cas, qu'il y a des grosses lacunes dans la loi actuelle et que même l'avant-projet de loi n'est pas encore tout à fait satisfaisant en ce qui concerne la définition de la domestique.

Je vais laisser Myriam Bals continuer. (12 h 15)

Mme Bals: Et c'est d'autant plus croustillant, ces 80 heures de travail, pas pour les domestiques, mais pour les employeurs, quand on connaît leur capacité de payer parce qu'il faut savoir, quand même, qu'à Montréal, par exemple, les domestiques ne sont pas dans les quartiers pauvres, mais à Westmount, à Outremont ou à Côte-Saint-Luc. Donc, ce sont des gens qui ont déjà des maisons qui indiquent que leur revenu est suffisant, qui peuvent se permettre d'avoir deux ou trois voitures et de partir plusieurs mois en vacances par année. Je tenais à souligner ça.

Cependant, il se trouve que la jurisprudence va un peu dans le sens de cette pratique. Par exemple, si on prend le cas Finkelstein qui a été traité à la Cour provinciale de Montréal en 1982, le juge dit la chose suivante: "L'ordre de grandeur ou d'importance des travaux ménagers n'est pas un critère parce que, sous cet aspect, les deux tâches ont un contenu servile variable il est vrai, mais non déterminant. La question fondamentale est de se demander si les travaux ménagers sont une fin en eux-mêmes ou s'ils ont un rapport immédiat et nécessaire avec l'enfant, la personne âgée, malade, handicapée, autour de laquelle ils gravitent. Le test, dans chaque cas, dépend de la prépondérance de la preuve."

Un autre cas, qui est celui de dame Micheline Granger, qui a été traité à la Cour provinciale de Joliette en juillet 1982, dit: "Face à la preuve faite, il ne fait aucun doute dans l'esprit du tribunal que Mlle Francine Rivard a consacré la majeure partie de son temps à sa tâche première qui était celle de garder les enfants. S'il lui arrivait de faire des tâches domestiques, ces dernières étaient toujours accessoires à sa préoccupation première. Même lorsqu'elle faisait un lavage ou passait l'aspirateur, elle devait, avant tout, se soucier des enfants. C'est à cette dernière tâche, en effet, que les parties attachaient la plus grande importance. Et les employeurs jouent là-dessus. On est domestique, on est gardienne, on est les deux, on ne sait plus ce qu'on est. On fait les deux et on n'est pas protégées. Ça, c'est le résultat.

Donc, on avait signalé, notamment pour celles qui sont "living", que c'est 53 heures par semaine, je dirais minimum dans certains cas, avec un salaire brut qui est de 186 $, ce qui fait, donc, un tarif horaire de 3,50 $ et un tarif horaire net de 3 $.

Ensuite, un des problèmes qu'on trouve beaucoup dans le travail domestique, c'est le roulement du personnel qui est dû aussi au congédiement parfois abusif, à savoir que l'employeur n'a pas besoin d'avoir un motif valable pour congédier son employé et les cas ne manquent pas autour de nous. J'ai une amie qui a travaillé toute la semaine, le samedi et le dimanche matin. Elle a demandé son dimanche après-midi. En remerciement, on l'a congédiée. Et ceci est très fréquent, beaucoup plus que vous croyez.

Donc, les conséquences, je dirais, sont assez dramatiques, notamment dans la garde d'enfants, de jeunes enfants. Si on pense que l'enfant a besoin de stabilité dans les premières

années de sa vie, j'ai été exploitée dans ma première famille et nous avons été, quand même, quatre gardiennes à passer dans l'année. Donc, que peut-on attendre d'un enfant, quel adulte va-t-il devenir, quand on sait qu'il aura eu peut-être une dizaine de gardiennes dans les cinq premières années de sa vie? Je pense que, aussi, la société québécoise doit prévoir un peu le gardiennage en fonction de ses adultes et peut-être en fonction de futures délinquances.

Donc, ces personnes ont beaucoup de travail, sont très peu payées et ne sont nullement couvertes. C'est pour ces raisons, d'ailleurs, que peu de personnes veulent faire ce travail, que certains préfèrent rester sur le bien-être social plutôt que de travailler à ce tarif-là, ce qui va à rencontre de la politique nataliste du Québec, à savoir qu'il y a une carence énorme de personnel, que le programme spécial mis en place par le gouvernement fédéral ne couvre pas du tout les besoins des domestiques et c'est vrai que celles-ci, dès qu'elles le peuvent, changent de métier. À ce tarif-là, on les comprend.

Donc, tant que les conditions seront très précaires, je pense qu'il y aura beaucoup de problèmes pour recruter des domestiques et, notamment, je dirais, beaucoup de Québécoises, alors que les demandes sont très, très fortes dans ce domaine, que les domestiques sont très recherchées. Donc, je pense que, si vraiment la volonté politique est de favoriser le retour des femmes sur le marché du travail, la natalité et la désinstitutionnalisation, il faudrait changer les conditions de travail. Parce qu'il est à souligner que les domestiques et les gardiennes ont quand même un avantage, à savoir qu'en étant pourvoyeuses de services sur place ça réduit toutes les difficultés géographiques que peuvent avoir certains parents d'amener les enfants à la garderie, de sortir quand il fait très froid l'hiver. Un bébé est mieux de rester chez lui, ça coupe le rythme de vie de l'enfant d'aller à la garderie. La domestique, elle vient sur le lieu de la famille, elle habite sur le lieu de la famille, elle connaît la dynamique familiale et elle a, je dirais, un rôle complémentaire et éducatif beaucoup plus important, justement, à ce titre. Elle est flexible, elle connaît les valeurs des parents et elle essaie de voir un peu comment elle peut, je dirais, être une pièce de plus dans le bon fonctionnement d'une famille et non pas une pièce rapportée qui n'a rien à voir avec la dynamique familiale.

Alors, les avantages sont: le maintien à domicile, les qualifications, de beaucoup, l'expertise et la flexibilité qui permettent, justement, aux employeurs de saisir les opportunités de carrière, ce qui peut être aussi un important essor économique pour le Québec. Et ce que les parents recherchent beaucoup pour la qualité de vie de leurs enfants, c'est le service, justement, personnalisé, ce qu'ils ne trouveront pas forcément dans un milieu de garderie où, vraiment, les personnes aussi sont débordées de travail.

Donc, si l'État reconnaît que la qualité de vie d'un enfant est primordiale et que la personne qui s'occupe de l'enfant est très importante, il serait important de reconnaître l'importance du rôle de la domestique en lui accordant des conditions de travail décentes. Pour cela, nous l'avons mis dans le mémoire, nous souhaiterions être reconnues comme des travailleuses à part entière, ce qui inclut qu'on aurait droit à un préavis de licenciement si on était licenciées, qu'il faudrait être licenciées pour des raisons valables, et qu'on soit couvertes par la Commission de la santé en cas d'accidents du travail. Enfin, on souhaiterait être des travailleuses comme les autres, parce que notre travail, nous le faisons.

Par rapport à la loi présente, par rapport à la réalité que nous connaissons et par rapport à votre proposition, il semblerait que nous ayons aussi quelques propositions à faire de notre côté. Quand vous remplacez le deuxième paragraphe en disant: Cette loi ne s'applique pas "au salarié dont la fonction exclusive est de garder ou de prendre soin dans un logement d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée, etc.," ceci est très gênant dans la mesure où, je l'expliquais auparavant, on est toujours gardienne, on est toujours domestique quand on s'occupe d'enfants. Prendre soin des enfants, il y a des familles qui conceptualisent ça en disant: C'est faire le ménage, garder la maison propre pour la qualité de l'environnement de l'enfant. Cela fait partie des soins qu'on porte à l'enfant. Faire la lessive, ça fait partie des soins de... Donc, ceci peut prêter à beaucoup d'interprétations. Donc, il se trouve que pratiquement toutes les gardiennes seraient exclues de la loi, si on gardait ce paragraphe. Donc, nous souhaiterions qu'il soit supprimé carrément, justement à cause de l'utilisation qui en est faite. Voilà.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Est-ce que vous avez d'autres choses à ajouter? Mme Ciampi.

Mme Ciampi: J'aimerais ajouter qu'on a présenté un mémoire au ministère de l'Emploi et de l'Immigration du Canada au mois de novembre. J'ai ici la traduction en français et j'aimerais vous le laisser comme la question des domestiques touche non seulement aux normes du travail, mais aussi au secteur immigration. A qui je peux le donner?

Le Président (M. Joly): Vous pouvez poser la question ici.

Mme Benoist: Poser une question? Mme Harel: Non, le remettre.

Le Président (M. Joly): Le remettre. Mme Benoist: Ah! O.K.

Le Président (M. Joly): Est-ce que vous aimeriez ajouter des choses avant qu'on laisse la parole à Mme la ministre et à Mme Harel? C'est bien, parfait. Alors, je vais maintenant reconnaître Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille, Mme Trépanier.

Mme Trépanier: Merci. Bienvenue, mesdames. On connaît l'importance que le gouvernement attache à la politique familiale et j'insiste sur les mots "politique familiale", pour peut-être reprendre le terme de politique nataliste que vous avez utilisé tout à l'heure. Et, donc, tous les services de garde, y compris la garde à domicile, sont un outil non seulement utile, mais absolument nécessaire aux familles québécoises. En tant que responsable de l'Office des services de garde, je suis extrêmement intéressée à vous entendre aussi sur cette question.

Vous nous avez fait un portrait noir, je dirais, des droits et de la situation des travailleuses en résidence, des gardiennes et des travailleuses domestiques. Vous nous laissez entendre que le gouvernement se leurre quand il dit qu'il pourra faire une démarcation entre les domestiques et les gardiennes, ou presque.

Mme Bals: Ce n'est pas tout à fait dans ce sens, c'est dire: Attention, parce que la démarcation dans la réalité, bon...

Mme Trépanier: Oui, ce n'est pas si simple à faire.

Mme Bals:... n'est pas réelle. Non.

Mme Trépanier: D'accord. J'aimerais, avant d'entreprendre ma série de questions... Vous êtes des représentantes des travailleurs, des travailleuses surtout, de Montréal. Est-ce qu'il y a un organisme semblable ou est-ce qu'il y a d'autres organismes qui font un peu le même travail en province, ou si vous êtes les seules, le seul organisme du genre?

Mme Benoist: Au Québec, on est à peu près le seul regroupement comme ça. Il y a les Philippines qui ont formé une association aussi, mais c'est à caractère plutôt social; sinon, à travers ie Canada, il y a d'autres associations, à Vancouver, à Toronto, à...

Mme Trépanier: O.K. Et vous représentez combien de travailleuses?

mme benoist: bien, c'est très difficile à évaluer combien de travailleuses on représente. disons que je peux vous dire qu'il y a environ 200 membres actives à l'association, c'est-à-dire qui participent plus ou moins régulièrement aux activités. Maintenant, bon, nous, on évalue qu'il y a 35 000 domestiques.

Mme Trépanier: Mais il y a 200 membres chez vous.

Mme Benoist: Oui, c'est ça.

Mme Trépanier: Et le travail que vous faites, est-ce qu'il est toujours dans la représentation de cas pathétiques comme ceux que vous nous avez soulevés ou si vous avez aussi un travail... Votre travail s'adresse souvent à des immigrantes; est-ce qu'il y a un travail d'intégration, d'adaptation a la vie québécoise ou si vous laissez ça à d'autres organismes? Est-ce que vous travaillez dans ce sens-là également?

Mme Benoist: Oui, oui bien sûr. On travaille aussi dans ce sens-là, parce que la domestique qui vient nous voir, qui a besoin d'aide, elle a aussi besoin d'aide à d'autres niveaux; pas seulement au niveau de l'exploitation qu'elle vit, mais à d'autres niveaux, parce que, quand elle arrive au Québec, la plupart du temps elle va directement chez l'employeur, elle va signer quelque chose à l'Immigration et puis elle n'a pas tellement l'occasion de sortir de la maison. Donc, quand elle vient nous voir, on essaie de l'amener à rencontrer d'autres personnes, à connaître un petit peu les services qu'elle peut utiliser dans le milieu, à l'intégrer dans des cours de français. On essaie de travailler à d'autres niveaux aussi.

Mme Bals: Et, justement, le nombre de membres peut vous paraître, je dirais, assez réduit, mais ceci peut être expliqué par le fait que c'est, disons, par hasard qu'on peut être informé qu'existe l'Association, parce qu'on vit vraiment dans un isolement, chacune dans une maison, et, donc, je dirais que l'information passe très mal. Par exemple, bon, moi, j'ai su que l'Association existait au bout d'un an et demi. Donc, ce serait intéressant, par exemple, si on téléphone aux normes du travail pour demander des renseignements, qu'on nous dise: Bon, vous savez, il y a telle association qui existe. Il faudrait arriver à faire des relais, justement, à être des partenaires pour que l'information circule le mieux possible, parce que ça, c'est un gros handicap. (12 h 30)

Mme Trépanier: Message reçu. J'imagine que ça doit être un problème majeur. Tout le monde est isolé.

Mme Bals: Oui.

Mme Trépanier: II y a une travailleuse par résidence.

Mme Bals: C'est ça.

Mme Trépanier: Donc, c'est évident. D'accord. Vous incluez, évidemment, dans votre proposition, toutes les travailleuses dans la loi des normes. Vous ne pariez absolument pas de la garde occasionnelle. On sait que très souvent la garde occasionnelle est effectuée par des étudiants les fins de semaine. Est-ce que vous faites une différence? Est-ce que vous incluriez même ces travailleurs-là dans la loi des normes? Comment pourrions-nous voir et faire la différence?

Mme Benoist: Je pense que c'est une petite lacune qu'il y a dans le mémoire, mais, effectivement, on recommanderait, en tout cas, qu'il y ait un minimum d'heures calculées pour définir une personne... Je pense que c'est facile de faire la différence entre quelqu'un qui fait ça à temps plein, dont c'est la profession, c'est de là qu'il tire son revenu principal, et quelqu'un qui fait ça après l'école, de 4 heures à 18 heures, ou le samedi après-midi. Il y a une différence.

Mme Trépanier: II pourrait y avoir là une définition de gardienne occasionnelle que vous définiriez comment? Travailleuse, étudiant ou étudiante? Comment pourriez-vous faire la différence? Par le nombre d'heures où elles garderait ou par son statut spécial d'étudiante ou comment?

Mme Bals: Souvent, c'est le nombre d'heures. Elles vont faire un gardiennage quand les gens sortent le soir; donc, ça peut être quatre ou cinq heures, une ou deux fois par semaine.

M. Benoist: Donc, au total, ça reviendrait à peu près à 24 heures. C'est ça. L'Association s'entendait là-dessus les années précédentes.

Mme Ciampi: En suivant l'exemple de l'Ontario, aussi.

Mme Trépanier: Pardon?

Mme Ciampi: En suivant l'exemple de l'Ontario qui définit une semaine de 24 heures minimum pour avoir la protection de la loi.

Mme Trépanier: Oui, mais, dans la loi ontarlenne, pourrait être incluse dans la loi des normes, la gardienne doit résider dans la maison où elle garde.

Mme Ciampi: Mais je le dis seulement pour le nombre d'heures de travail par semaine.

Mme Trépanier: Oui, c'est ça, elle doit être résidente et travailler plus de 24 heures, alors que la domestique, elle, doit travailler plus de 24 heures à la résidence en question. C'est, quand même, plus large que la définition que vous en donnez. Vous, vous voulez vraiment que la gardienne ait les mêmes droits que la domestique. Vous dites: II n'y a pas de différences à faire entre gardienne et domestique, c'est à peu près impossible de les faire. Alors, vous faites la différence uniquement sur le nombre d'heures, que ce soit vraiment un travail occasionnel. Alors, que tout travail à temps plein, qu'il soit domestique ou de gardiennage, vous ne faites pas de différence entre les deux, soit inclus dans la loi des normes.

Une voix: Tout à fait.

Mme Benoist: On considère que tes gardiennes, autant que n'importe quel travailleuse ou travailleur au Québec, du moment... Bon, si on peut mettre un certain nombre d'heures minimales, disons 24 heures, qu'elles soient gardiennes ou qu'elles aient un autre emploi, on ne comprend pas pourquoi elles ne sont pas incluses dans la loi des normes du travail.

Mme Trépanier: Vous étiez présentes lorsque le groupe précédent a été entendu. Est-ce que c'est une préoccupation pour vous, la capacité financière de la famille de payer? Si les familles québécoises ne peuvent plus se servir des gardiennes à domicile, ce sera une perte d'emploi pour vous, d'une part.

Mme Bals: Dans notre panique, on se rend compte qu'il y a beaucoup de demandes et les gens chez qui on travaille, à Westmount, on le disait tout à l'heure, c'est le quartier riche de Montréal, Outremont aussi, Côte-Saint-Luc, donc, ce sont tous des gens d'affaires qui ont quand même un train de vie... Je pense que s'ils avaient un revenu faible, ils ne pourraient pas se permettre d'avoir une maison à Westmount, d'avoir deux ou trois voitures, des Mercedes et des BMW. Donc, il y a quand même...

Mme Trépanier: Vous ne craignez pas cette...

Mme Bals: Oh non! Non.

Mme Trépanier: Et si le gouvernement garde le libellé présent de l'avant-projet et qu'il fasse une différence entre travail domestique et travail de gardiennage... Est-ce que vous pensez que les employeurs à domicHe utilisent plutôt la garde d'enfants à domicile parce qu'ils peuvent, au même moment, faire faire du travail domestique? Si on enlève cette possibilité-là, est-ce que vous pensez qu'on va utiliser moins les gardiennes à la maison?

Mme Benoist: Là, vous dites: Si on enlève...

Mme Trépanier: La possibilité... Si on inclut le travail domestique dans les normes du travail

et si on dit: Seulement les gardiennes qui font uniquement du gardiennage ne sont pas incluses dans la loi sur les normes, donc, il y aurait des coûts supplémentaires pour les familles, à ce moment-là, qui devraient peut-être embaucher quelqu'un d'autre pour faire du travail domestique ou se priveraient du travail d'une gardienne pour la garde de leurs enfants. Est-ce que vous voyez ce problème-là?

Mme Benoist: C'est difficile de répondre à ça parce que, dans les faits, les gens qui demandent à avoir quelqu'un à la maison, s'il y a des enfants dans la maison, c'est pour faire et du gardiennage et du ménage. Les gens ne vont pas... En tout cas, ça arrive, mais disons que, la plupart du temps...

Mme Trépanier: Dans la vraie vie, c'est ça qui se passe.

Mme Benoist: C'est ça. Les gens n'embauchent pas une gardienne, puis une domestique. La gardienne, on lui demande de tout faire. On lui demande de prendre soin des enfants, puis on lui demande de faire la cuisine, le ménage, je ne sais pas.

Mme Trépanier: la position du conseil du statut de la femme, qui dit: incluons les gardiennes dans les normes minimales de travail, le côté financier exclu, les avantages sociaux, les congés parentaux et tout ça, est-ce que ça vous paraîtrait un compromis acceptable? est-ce que ce serait un pas en avant?

Mme Benoist: Ce serait sûrement un pas en avant parce que les gardiennes auraient une forme de protection. Mais au niveau du salaire minimum, on a été surprises.

Mme Trépanier: Ce n'est pas suffisant pour vous?

Mme Benoist: Oui. On a été surprises de voir que le Conseil du statut de la femme s'en est tenu à une protection au niveau des avantages, mais pas au niveau du salaire.

Mme Trépanier: Mais vous comprenez pourquoi. Eux, ils craignent la situation dont je vous ai parié tout à l'heure. C'est un peu pour ça qu'ils n'ont pas fait de proposition sur la situation financière, qu'ils ont exclu le côté financier.

Mme Benoist: C'est sûr. Comme cela a été dit précédemment, ce n'est pas nécessairement en changeant la Loi sur les normes du travail qu'on va régler tous les problèmes des travailleurs et travailleuses. Il y a d'autres lois qui entrent en jeu, il y a d'autres politiques. Mais l'idée, c'est ça: pourquoi faire payer les gardiennes? Pourquoi est-ce que ça retombe sur les épaules des gardiennes? je veux dire que c'est une des seules catégories qui n'est pas protégée par la loi.

Mme Trépanier: Parfait. Merci, mesdames.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre. Avant de céder la parole à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, j'aimerais rassurer Mme Ciampi; le document que vous nous avez remis tantôt sera reproduit sur l'heure du midi et distribué à tous les membres de cette commission.

Mme Ciampi: Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Ciampi. Maintenant, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Mme Harel.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'accueillir l'Association. Vous savez que ça fait quand même plusieurs années que je suis une inconditionnelle des services que vous rendez. Vous avez donné quelques exemples. C'est peut-être la première fois - depuis le début de nos travaux, on entend parler des personnes - que des personnes concernées viennent. Ce sont d'autres qui parlent d'elles, en fait, depuis mardi.

Ce ne sont pas là des exemples à la limite de ce qu'on connaît. Parce que j'ai eu à m'oc-cuper personnellement de femmes qui avaient à passer sept jours chez leurs employeurs québécois qui les avaient identifiées lors de voyages dans le Sud. On identifiait celle qui était la plus travaillante, c'est comme ça que ça se passe, puis on la faisait venir en payant son billet et en lui faisant la faveur de lui offrir de venir dans le Nord. C'est comme ça que c'est vu, évidemment, au Sud. Et, par la suite, on lui faisait payer très, très, très cher cette faveur consentie. Surtout qu'en plus celles dont j'ai eu à m'occuper ignoraient complètement, dans leur pays d'origine, qu'elles pouvaient bénéficier d'un programme spécial une fois rendues ici. Comme, pour en bénéficier, il faut l'avoir demandé avant de venir, elles se trouvaient à ne pas y être admissibles. En fait, vous voyez un peu le genre de problème.

C'est à ce moment-là que je me suis adressée à vos services. C'est là que j'ai pu certainement constater l'intérêt que votre organisme représentait. Il y a des gens de la Commission des normes qui sont ici. Je souhaite beaucoup que la Commission fasse de l'Association un partenaire à part entière qui pourrait certainement se voir référer des personnes et qui pourrait, comme c'est le cas, par exemple, au niveau du Travail... Le ministre du Travail a un certain budget qu'il peut utiliser pour aider des organismes en matière de santé et de sécurité.

Les gros budgets gouvernementaux, ça va aux centrales syndicales, aux comités paritaires, mais il y a un budget pour pouvoir financer des groupes qui s'occupent de santé et de sécurité. Il me semble que ça pourrait être intéressant que ça se fasse aussi à l'égard des personnes que vous représentez.

La grande question. . D'abord, il faut absolument, et je suis certaine que Mme la ministre va être d'accord, ne pas appeler les personnes "travailleuses domestiques"; il faut appeler les personnes "travailleuses à domicile". C'est du travail à domicile. Quel est-il? La question me vient à l'esprit: Dieu est-il une femme ou un homme? Personne ne peut y répondre, d'une certaine façon. C'est comme le sexe des anges. Le travail à domicile, c'est à peu près impossible de distinguer, parce que la jurisprudence, qu'est-ce qu'elle a décidé? Les savants juges ont dit: Dès qu'il y a un enfant en bas âge, ou une personne malade, ou une personne handicapée, il y a une présomption que c'est du gardiennage. Il y a une présomption que le service domestique est relié au gardiennage de cette personne-là. Passer la balayeuse, c'est pour que cette personne que l'on garde soit dans un environnement plus adéquat, en fait. Ça devient quasi impossible. C'est comme distinguer le sexe des anges. C'est pour ça que l'Ontario a introduit la disposition qui n'a rien à voir avec la démarcation de l'un et l'autre, mais avec la résidence dans la maison de l'employeur et plus de 24 heures. Il ne s'agit pas de coucher un soir, parce qu'on garde chez sa voisine.

Cette notion est certainement intéressante, parce que, quand on réside chez un employeur, c'est parce qu'il a une chambre à mettre a notre disposition et, quand il a une chambre à mettre à notre disposition, c'est parce que, en général il a une grande maison et ainsi de suite. Il me semble que l'expression... On ne dit plus fille-mère, on dit chef de famille monoparentale. On ne dit plus les sourds, on dit les malentendants et il y a bien des choses qu'on a changées dans la société. On devrait changer domestique. C'est du travail à domicile; ça devrait être des travailleuses, des employés à domicile.

Je ne sais pas si vous partagez mon point de vue, mais il y a une chose, par ailleurs, où je ne vous suis pas. Pas du tout. Je trouve que vous ne devriez pas nous entraîner sur ce terrain-là, celui de savoir quel est le meilleur mode de garde, quand vous avez dit: Si la qualité de vie de l'enfant est primordiale, il faut que ce soit la garde à la maison. À ce moment-là, vous nous attirez sur un terrain qui peut être dangereux pour vous. Parce que Mme Gilberte Côté-Mercier, des Bérets blancs, dit la même chose, Mais elle, ce qu'elle veut, c'est que ce soient les mères qui gardent. Ce qu'elle veut, c'est un salaire pour les mères, de 12 000 $ par année. Faites attention, parce que dans une société comme la nôtre - on est au Nord - s'il fallait que les femmes cessent de travailler sur le marché du travail, c'est la moitié de l'économie qui s'effondrerait. Ce qu'il faut, c'est que celles et ceux qui travaillent, mais disons celles qui travaillent à domicile aient des vraies conditions de travail. Mais n'arrivons pas sur le terrain de distinguer quel serait le mode de garde à privilégier, parce que vous allez nous attirer sur le terrain des Bérets blancs qui veulent qu'on paie les femmes pour qu'elles restent à la maison pour garder leur enfant.

Mme Bals: Disons que ce n'était pas pour le privilégier. On a dit: C'est un très bon mode de garde qui peut répondre aux besoins de beaucoup d'employeurs, parce qu'il y a quand même beaucoup d'avantages. Justement, c'est un moyen de garde. Ce n'est pas de dire qu'il est mieux que les autres. Je dirais que c'est complémentaire C'est un moyen de garde qui permet une grande stabilité. Si la travailleuse à domicile est bien traitée, elle pourra rester longtemps. Donc, c'est davantage dans ce sens-là.

Mme Harel: Ne nous demandez pas de partager ça, parce que si vous dites que c'est le moyen de garde qui offre le plus de stabilité, alors pourquoi pas la mère? Dans cette dynamique, tout le monde va convenir que ce serait le moyen de garde idéal, celui qu'on avait auparavant. Ça offre la stabilité totale. Là, il n'y a plus besoin de services de garde, et plus besoin de gardiennes à domicile, à moins que l'enfant ne soit orphelin. Disons que c'est plus sur l'aspect de la reconnaissance des droits des travailleuses que vous devriez argumenter que sur l'autre aspect. Vous nous démontrez vous-mêmes dans votre excellent mémoire que les personnes qui font appel à vos services, au deux tiers, ont des revenus supérieurs à 40 000 $. Si le mode de garde le plus stable pour tout le monde, c'est la mère à la maison, il va falloir la payer. Vous vous imaginez ce que ça veut dire pour une économie des pays industrialisés. Ce n'est même pas moi qui le dis, imaginez-vous, ce sont les éditorialistes de La Presse qui appartient pourtant à des intérêts qui sont privés assez, qui disent: S'il fallait que les femmes arrêtent d'être sur le marché du travail, c'est un effondrement. Alors, c'est un choix de société.

Mme Bals: Ça, on en est conscientes.

Mme Harel: Bon. Quelle sorte de relations entretenez-vous avec la Commission des normes?

Mme Benoist: Ce sont plutôt des relations, des références de cas. La Commission nous réfère des travailleuses domestiques.

Mme Harel: Elle vous en réfère déjà?

Mme Benoist: Oui. Quand des femmes,

finalement, arrivent à connaître la Commission des normes du travail, la Commission les réfère à l'Association parce que, dans la plupart des cas, il n'y a pas grand-chose à faire avec la Commission étant donné qu'elles sont exclues de la loi. C'est comme ça qu'elles arrivent à l'Association. C'est surtout ça, le type de relations avec la Commission.

Mme Harel: Faites-vous de l'accompagnement devant la Commission?

Mme Benoist: C'est arrivé déjà, mais c'est très rare.

Mme Harel: Plusieurs groupes ont souhaité qu'un organisme puisse porter plainte devant la Commission, comme la Commission des droits de la personne le permet dans la Charte des droits où un organisme peut porter plainte sans que ce soit la victime de la discrimination elle-même qui porte plainte. Souhaitez-vous pouvoir, à l'occasion, porter plainte pour des victimes ou des personnes qui sont plaignantes?

Mme Benoist: Oui, sûrement, certainement.

Mme Harel: alors, c'est tout, m. le président. je voudrais remercier pour leur contribution importante les représentantes de l'association pour la défense des droits du personnel domestique.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Trépanier: Mesdames, j'en arrive à la conclusion que, si vous êtes d'accord pour que la garde occasionnelle, donc de fin de semaine, soit exclue des normes du travail, si vous avez pu nous convaincre que les gardiennes à temps plein uniquement, ça n'existe pas et qu'elles font toutes du travail domestique, donc notre définition dans l'avant-projet devrait nous convenir à l'une et l'autre. On dit que sont exclues celles dont la garde est la tâche exclusive. Alors, si on vient à s'entendre là-dessus, probablement qu'on devra réviser nos positions, mais que la définition sera la bonne. Il s'agira de savoir ce qu'on entend par gardienne et par travailleuse domestique.

Merci infiniment de votre présentation. Je suis extrêmement sensible à vos propos. Vous vouliez ajouter quelque chose, madame?

Le Président (M. Joly): Mme Benoist.

Mme Benoist: Oui. C'est simplement que, dans la définition de l'avant-projet de loi, il est mentionné que la personne dont la fonction exclusive est de garder ou de prendre soin d'un enfant sera exclue de la loi. Mais prendre soin, c'est là où est le problème.

Mme Trépanier: Oui, c'est ça.

Mme Bals: C'est là où on disait que tout risquait d'être exclu de la loi.

Mme Benoist: On se comprend?

Mme Trépanier: Oui, on se comprend très bien. Merci, mesdames.

Le Président (M. Joly): Mesdames, merci. Au nom des membres de cette commission, nous allons maintenant suspendre nos travaux jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 48)

(Reprise à 14 h 39)

Le Président (M. Joly): à l'ordre, s'il vous plaît! nous allons maintenant reprendre nos travaux. alors, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux membres de la confédération des syndicats nationaux. j'apprécierais beaucoup si m. larose pouvait nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

CSN

M. Larose (Gérald): Oui, M. le Président. Je vous présente, à ma gauche, Mme Monique Simard, vice-présidente de notre organisation; Me Pierre Laliberté, du contentieux de la CSN, et, à ma droite, Mme Lyne Galarneau, présidente du syndicat de Direct Film qui vit présentement une faillite et la protection des normes minimales. Alors, si on veut en débattre de façon concrète, on pourra le faire avec quelqu'un qui vit la situation.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Larose. Je me dois de vous expliquer la procédure, même si je sais que vous êtes déjà un familier. Je vous accorde une vingtaine de minutes, plus ou moins, pour nous exposer votre mémoire et, après, les membres de cette commission, autant le côté ministériel que le côté de l'Opposition, se réservent le plaisir et le loisir de vous poser des questions. Alors, allez, s'il vous plaît. Je vous reconnais.

M. Larose: Merci, M. le Président. C'est un plaisir, mais c'est aussi un devoir de venir participer à vos travaux, parce que l'objet d'étude qui est devant vous est primordial pour des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses au Québec. On sait que la décennie des années quatre-vingt n'a signifié globalement, pour le monde ordinaire et pour la population en général qui est au travail, aucun gain. Il n'y a eu aucun élargissement des droits. Il n'y a eu aucun nouveau droit non plus. Au contraire, on a

peut-être assisté à une décennie où on a assumé et assume encore plusieurs reculs. Je pense, notamment, à la réforme du bien-être social; je pense à celle de l'assurance-chômage qui est en cours présentement; je pense aussi à l'invalidation des articles 45 et 46 du Code du travail. Bref, la décennie des années quatre-vingt n'a pas été très à l'avantage des droits pour les travailleurs et les travailleuses, en dépit d'une période, la plus longue depuis la dernière guerre, de croissance économique exceptionnelle. Même avec cette période de croissance économique, nous avons connu globalement une perte du pouvoir d'achat pour l'ensemble des salariés du Québec.

La CSN est d'avis que la meilleure façon d'améliorer son sort ou d'élever ses conditions ou d'obtenir un juste retour de la richesse qu'on produit, c'est de se regrouper, de se solidariser, de participer à une action syndicale démocratique. La CSN reconnaît, par ailleurs, que sans modification du Code du travail des pans entiers du marché du travail ne pourront jamais accéder à la syndicalisation. Pourtant, le droit d'associa tion demeure un droit fondamental de notre société. Des dizaines et des centaines de milliers de personnes ne pourront jamais compter que sur une loi qui ne prescrira toujours que le minimum. La CSN estime qu'il faut accorder à cette loi une attention de premier plan, et c'est pour ça que nous sommes devant vous aujourd'hui.

Nous allons nous exprimer sur trois volets: Le premier, c'est la garantie et le financement de congés de maternité et parentaux; le deuxième volet touchera la couverture de la loi et les mécanismes de recours, particulièrement en cas de faillite; un troisième volet sur le salaire minimum et le temps de travail.

Premier volet sur les congés de maternité et les congés parentaux. Si le gouvernement du Québec est préoccupé par la dénatalité, si, pour lui, il est vrai que les impacts économiques de la reproduction ou du soin des enfants ne doivent pas reposer uniquement sur les épaules des femmes, si on veut promouvoir le moindrement des mesures d'égalité et des mécanismes de prise en charge et de responsabilisation davantage collectives en ces matières, nous pensons que le gouvernement devrait prévoir, à l'intérieur de la loi, un chapitre spécifique sur les congés de maternité et parentaux, et créer une caisse québécoise de congés accessible à toutes, indépendamment de leur statut d'emploi, avec un financement tripartite. La vice-présidente, Monique Simard, élaborera plus abondamment à la suite de mon exposé.

Le deuxième volet concerne la couverture et les mécanismes de recours. Pour la CSN, la loi sur les nonnes, c'est une charte minimale. Et quand on dit "minimale", on s'accommode mal d'exceptions, d'exclusions et du fait que des gens ne pourraient pas être couverts. C'est pourquoi nous proposons que la loi ait une portée d'ordre universel. Quant aux recours, on rappelle que 89,7 % des plaintes qui sont acheminées le sont par des gens qui ont quitté l'emploi. C'est donc dire que les mécanismes existants ne pallient aucunement à l'isolement, à la peur, à la crainte des représailles et que, finalement, les gens s'expriment à partir du moment où ils ont quitté leur emploi.

Nous formulons une série de propositions qui visent deux objectifs: le premier qui est d'améliorer la protection des sommes dues; le deuxième objectif, c'est d'échapper à la longueur des procédures. Plus précisément, nous souhaitons, d'abord, que les plaignants aient à s'adresser à un tribunal spécialisé et non pas aux cours du droit civil. Un tribunal spécialisé qui pourrait correspondre, d'ailleurs, à une proposition qui existe dans le rapport Blain, lequel a été commandé par le ministre du Travail pour amender la loi 30 qui, elle, modifie les mécanismes d'application du Code du travail.

Deuxièmement, nous souhaitons que le gouvernement promulgue les articles 29.4, 29.6, 39.6, 112 et les articles 136 à 138 qui prévoient que la Commission peut disposer d'un fonds pour verser par anticipation les sommes dues aux travailleurs, en cas de faillite.

Troisièmement, nous proposons qu'il y ait des modifications apportées au Code civil, notamment aux articles 2006 et 2013 qui, transférés dans la Loi sur les normes du travail, donneraient aux salariés accès aux biens meubles et immeubles. On sait que, dans le cadre actuel du Code civil, les salariés sont à peu près les derniers à être considérés dans le remboursement des sommes dues.

Quatrièmement, nous proposons de créer des fiducies réputées dans lesquelles les employeurs verseraient, de façon régulière, les indemnités de vacances et les indemnités de licenciement, semblables un peu à ce qui se pratique dans la construction où les employeurs versent de façon régulière les indemnités de vacances, lesquelles sont rendues disponibles au moment de la prise de vacances.

Cinquièmement, nous proposons que les plaignants puissent se faire représenter par des délégués appartenant à des organisations syndicales.

Concernant les congédiements, les suspensions et les déplacements illégaux, nous suggérons que la Commission ait le pouvoir de faire respecter la décision des commissaires puisque, selon les statistiques, bon nombre de plaignants qui se font donner raison par ceux qui sont habilités à trancher ne peuvent faire exécuter la décision qui leur est favorable. De plus, nous proposons que les délais, au lieu d'être de 30 jours, soient de six mois.

Concernant les congédiements sans cause juste et suffisante, on sait que, sur 1593 plaintes, il y a 362 règlements, 320 arbitrages. 446

désistements. Ça, c'est pour 1987-1988. De ce lot, 45,8 % ne sont pas réintégrés, même si la décision leur est favorable; 51,5 % des cas se voient affligés d'un bref d'évocation et 27,3 % des cas subissent un refus net de l'employeur, sans aucune autre forme de. procédure. Nous pensons qu'il faut développer des mécanismes qui permettent, d'abord, aux plaignants, aux salariés d'avoir des frais d'arbitrage zéro, ce qui est tout à fait conforme à l'économie générale vécue dans ce pays. Les frais d'arbitrage ne sont payés que par les employeurs dans le secteur public, dans toutes les provinces du Canada, y compris au fédéral. Il n'y a qu'au Québec qu'on se met à réviser ça autrement. Non seulement nous sommes d'accord pour qu'il n'y ait pas de frais d'arbitrage, mais nous souhaitons que les frais de représentation pour les plaignants soient aussi remboursés ou prévus par les mécanismes publics.

Nous souhaitons également qu'il n'y ait pas seulement ceux qui ont un service continu de plus de cinq ans qui puissent bénéficier de ces mécanismes-là et, enfin, nous souhaitons que la Commission elle-même puisse avoir une capacité d'intervention.

Sur le salaire et le temps de travail, ça a déjà été soumis devant vous. Nous sommes d'avis que le salaire minimum doit être relevé à 6 $, que les heures de travail doivent être régularisées à huit heures par jour, quarante heures par semaine, que les vacances annuelles devraient être sensiblement relevées pour arriver à quatre semaines après un an de service et qu'il y ait sensiblement un relèvement des congés fériés.

Je vais demander à Monique de nous donner davantage de précisions quant à notre proposition de caisse des congés et, ensuite, nous serons disposés à répondre à toutes vos questions.

Mme Simard (Monique): M. le Président, Mme la ministre, M. le ministre, MM. les députés, ça fait très longtemps maintenant que la CSN, ça fait près de 16 ans, se présente, à intervalles réguliers, devant une commission parlementaire pour réclamer une caisse québécoise de congés de maternité et de congés parentaux. J'ose espérer qu'en cette nouvelle décennie cette demande - qui n'est pas seulement apportée par la CSN, mais par beaucoup d'autres groupes de femmes, notamment, et par d'autres organisations aussi - sera entendue et retenue.

Effectivement, si on doit se préoccuper non seulement de la dénatalité au Québec - et on a raison de le faire - si on veut effectivement apporter un support à celles et à ceux qui décident d'avoir des enfants, on se doit d'avoir une politique cohérente et, notamment, une politique de congés de maternité et de congés parentaux convenable. D'ailleurs, on sait qu'au Québec, comme en Amérique du Nord de façon générale, on est très en retard sur ce type de mesure si on se compare aux pays européens qui, dans l'entre-deux-guerres et après la guerre, ont adopté des législations qui sont beaucoup plus avancées que les nôtres sur ces questions-là, non seulement pour les mères, mais également pour les pères dans le sens, évidemment, qu'une société qui évolue est une société qui ne confie pas qu'aux femmes seules le soin des enfants, mais qui, aussi, va dans le sens d'un partage. C'est pour cette raison qu'on vous demande la constitution d'une caisse québécoise de congés parentaux. Cette caisse serait financée par les salariés, par les employeurs et par le gouvernement. Cette caisse viendrait complementer l'argent qui est déjà dans le réseau pour payer, notamment, les prestations de maternité que le régime d'assurance-chômage couvre.

Tout de suite, je vais vous dire, on ne demande pas le rapatriement du régime d'assurance-chômage. On dit: On peut très bien créer un régime complémentaire. Mais si le gouvernement, lui, veut récupérer la part qui est au chômage au Québec pour atteindre le même objectif que celui que nous visons, on ne s'y opposera pas. Mais on ne voudrait pas être retardés dans le projet par une querelle très très longue et très complexe entre le fédéral et le provincial. On dit: Allons donc au plus urgent immédiatement et pensons à un régime complémentaire.

Cette caisse, elle servirait à payer quoi? D'abord, le congé de maternité qui, d'après nous, devrait être de 20 semaines à 95 % du salaire - parce qu'il y a exonération du régime de retraite à ce moment-là, donc 95 %, ça couvre le salaire réel des travailleuses - à tout le monde. C'est encore inadmissible aujourd'hui qu'au Québec, si on est syndiqué et qu'on a réussi à le négocier dans sa convention collective, on peut avoir un congé convenable sans perte de revenu. Et on peut travailler de l'autre bord de la rue, dans un magasin non syndiqué, et perdre jusqu'à 20 % de son revenu pour le même geste, finalement, qui est posé, de se retirer momentanément pendant quelques semaines pour mettre un enfant au monde. Évidemment, la question du congé de maternité est centrale.

À ça s'ajoute la création d'un congé pour soins d'enfants, cette fois-ci qui s'adresserait aux pères et aux mères, de quinze semaines et qui permettrait effectivement aux pères de s'absenter pour s'occuper de leurs enfants. On sait, les expériences Scandinaves nous l'ont prouvé, que, s'il n'y a pas ce type d'incitatif, on retarde dans le sens du partage, finalement, du soin des enfants autant par le père que par la mère. Ensuite, la création d'un congé pour adoption de neuf semaines, croyons-nous. On sait qu'il y a beaucoup de parents qui ne peuvent pas avoir biologiquement des enfants, qui souhaitent en adopter, et on sait qu'il y a un certain nombre de conditions qui sont exigées d'eux, entre autres, une présence auprès des enfants. Donc, il faut être logiques et, dans ce sens-là,

créer aussi des congés pour adoption. Or, ce sont les trois gros types de congés qui, croyons-nous, sont essentiels.

À cela s'ajouteraient des congés plus ponctuels, mais qui correspondent effectivement aux exigences d'être un parent ou une future mère. Premièrement, la permission pour la travailleuse enceinte de s'absenter, sans perte de rémunération, cinq jours pendant la grossesse pour visites médicales, essentiellement par demi-journées. Quand on compte le nombre de visites médicales pendant une grossesse normale d'une femme, ça équivaut à peu près à ça. Je dois vous souligner qu'en 1986 on a négocié ce type de caisse de congés pour l'ensemble des travailleuses des secteurs public et parapublic. Enfin, le droit pour les parents, soit le père ou la mère encore, à cinq jours de congé payés par année pour responsabilités parentales. On sait que les enfants sont malades, les enfants peuvent avoir un certain nombre d'exigences qui font que les parents doivent s'absenter et plus souvent qu'autrement, ce qui se passe, ce sont les mères qui empiètent sur leur banque de congés de maladie pour pouvoir veiller à la maladie de leurs enfants. Donc, une banque de congés parentaux annuelle pris ad hoc, évidemment, soit par le père ou la mère. Enfin, le droit pour les parents à cinq jours sans solde pour vaquer à leurs responsabilités familiales. Et, en dernier, ce n'est pas le moindre, un congé de paternité qui, à notre avis, devrait être pris au moment de la naissance pour une période de dix jours, dont cinq payés. Et, à cela, devrait se greffer, à notre avis, la possibilité de prendre des congés sans solde plus longs, pouvant aller jusqu'à deux ans, soit pour le père ou la mère qui voudrait rester auprès de l'enfant plus longtemps et, évidemment, qu'il n'y ait pas de représailles possibles auprès de la mère ou du père qui quitterait son emploi pendant six mois, un an ou un an et demi pour vaquer, finalement, à ce type d'occupation. Donc, avoir des clauses qui assurent une protection des travailleuses enceintes contre un congédiement éventuel; on sait que c'est pratique courante. Moi, j'ai été commissaire à la Commission des droits de la personne pendant plusieurs années. On a vu une série de cas comme ça, d'employeurs qui voulaient se débarrasser de femmes lorsqu'ils apprenaient qu'elles étaient enceintes, parce que ce n'était pas rentable d'avoir des femmes enceintes. Donc, ça existe encore, malheureusement, dans notre société. Il faut avoir les amendements législatifs nous assurant qu'elles seront protégées.

Essentiellement, ce qu'on demande, je pense, reçoit l'assentiment de la majorité de la population et on doit être heureux, d'ailleurs, de l'évolution des mentalités sur cette question. Je me souviens d'un sondage que nous avions fait effectuer en 1977, justement, à la préparation de la première loi sur les normes par le premier gouvernement du Parti québécois. À ce moment- là, on s'était rendu compte que ce n'était pas une majorité de Québécois qui étaient en accord avec le principe des congés de maternité payés, des congés de paternité, enfin, d'une série de mesures comme celles-là. Aujourd'hui, dix ou douze ans plus tard - un même sondage a été effectué l'an dernier - la proportion de Québécois et de Québécoises appuyant et trouvant essentiel ce type de mesures est désormais au-dessus de 75 %. Je pense qu'on doit se féliciter de l'évolution des mentalités et maintenant, effectivement, adopter les lois et les règlements qui vont rendre cela réalité pour la majorité des travailleuses québécoises. Merci.

Le Président (M. Joly): Vous avez terminé, Mme Simard?

Mme Simard: Oui.

Le Président (M. Joly): Merci. Je vois que vous vous avez déjà...

Mme Simard: J'en ai beaucoup à dire encore. Je peux continuer, si vous voulez. (15 heures)

Le Président (M. Joly): Alors, on va vous donner l'occasion sûrement d'en jaser. Je vais reconnaître Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille.

Mme Trépanier: Merci, M. le Président. On a encore 40 minutes pour en discuter. Les sondages auxquels vous faites allusion, ça signifie l'évolution des mentalités et dans cette commission où on devait discuter uniquement des normes minimales de travail, je ne sais pas quelle sera la proportion qui aura été consacrée à parler d'une éventuelle caisse de maternité et d'une caisse parentale. Alors, on profite de cette commission pour lancer des idées et pour en parler.

Alors, moi, je vous poserais une question dans ce champ d'action là. Vous appuyez la position, en fait, du Regroupement pour des congés de maternité et parentaux. Vous avez le même objectif, dans le fond, ou la même inquiétude concernant les rapatriements fédéraux. Il ne faudrait pas en faire une guerre de clocher. Donc, si je comprends bien, vous aussi si ce n'était de ce problème de rapatriement qui ne se fera pas rapidement, c'est bien sûr, vous seriez d'accord avec la position du Conseil du statut de la femme quant à l'universalité d'une allocation? Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Simard: Notre position: on ne s'y oppose pas du tout, si c'est possible et faisable dans un temps relativement court. Mais ce qu'on craint, c'est que ça ne puisse pas se faire rapidement et que ça serve de prétexte à retarder l'introduction de mesures qui assureraient des congés sans perte de revenus pour les travail-

ieuses. Alors, c'est pour des raisons essentiellement pratiques qu'on vient, nous, proposer une formule complémentaire. Mais si le gouvernement décidait et pouvait le faire très rapidement, soyez assurés que nous, on ne s'y opposera pas, là, à cela. L'idée, on la partage, évidemment, on fait partie aussi de cette coalition, puisque c'est la CSN, entre autres, qui a aidé à la constituer. Mais notre position d'avoir une caisse québécoise de congés de maternité, pour la CSN, elle a été adoptée la première fois en juin 1976. Donc, je pense que ça vous indique, là, le nombre d'années pendant lesquelles on a travaillé sur cette question.

Au départ, on la voulait québécoise. On a répété, réitéré ça, mais dès 1979, quand on a commencé, parce qu'on a négocié le premier régime complémentaire de PSV, dans la négociation du secteur public en 1979, c'est là qu'on a négocié le régime complémentaire qui assure aux travailleuses des secteurs public et parapublic 20 semaines sans perte de salaire. Eh bien, là, ça devenait très pratique, finalement, de pouvoir joindre les deux et beaucoup plus facile de le faire. Alors, c'est essentiellement pour des considérations pratiques qu'on appuie cette position.

Mme Trépanier: Parfait. Alors, allez-y.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je peux?

Le Président (M. Joly): Oui, merci. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il y aurait beaucoup de questions à poser dans le temps qui nous est imparti. Quand on regarde votre mémoire et ses conclusions, évidemment, vous vous inscrivez résolument en faveur d'un régime relativement généreux pour les travailleurs, et c'est normal que ce soit ainsi. Je dois reconnaître que la question qui me vient naturellement à l'esprit, c'est: Combien un tel régime va coûter et à qui? Je dois reconnaître qu'à cet effet-là vous avez fait des efforts importants de calcul et j'ai devant moi les notes qui ont été préparées pour tenter d'évaluer les coûts de ces scénarios-là. Il reste quand même que les coûts sont assez importants, quand on prend les programmes l'un après l'autre. Pourriez-vous résumer, pour le bénéfice de la commission, un peu comment vous voyez d'abord l'étendue des coûts et le partage de ces coûts-là envers les différents groupes? Je m'adresse indistinctement au président ou à la vice-présidente, c'est comme vous voulez.

M. Larose: Je vous dirai qu'on peut se laisser intimider par les chiffres. Mais, habituel- lement, un gouvernement qui prend des orientations politiques, il peut se faire des escaliers qui nous amènent quelque part. Alors, on peut vous dire, peut-être, qu'au bout de l'escalier ça peut coûter ça, mais si déjà vous faites les pas en direction, vous savez qu'on est par nature assez patients.

M. Bourbeau: Est-ce que je pourrais vous faire remarquer qu'un escalier, ça peut monter, mais ça peut descendre aussi à l'occasion? Et depuis hier ou avant-hier, je me demande si on monte où si on descend, là.

M. Larose: mais ce que j'essayais de dire en introduction, c'est que, dans la décennie des années quatre-vingt, je trouvais qu'on avait beaucoup descendu.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha!

M. Larose: Alors, peut-être que dans la décennie des années quatre-vingt-dix on pourrait remonter.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Simard: vous savez qu'il y a des investissements qui sont très rentables pour une société et, notamment, supporter, entre autres, des gens qui décident d'avoir des enfants, je pense que c'est peut-être un bon investissement à moyen et à long terme. alors, on propose, pour le régime de la caisse, comme je l'ai dit, un financement tripartite dans les proportions suivantes. c'est un régime universel de cotisation; les salariés, hommes, femmes, enfin, tous confondus, contribueraient dans une proportion de 31 %, les employeurs, dans une proportion de 43 % et le gouvernement, dans une proportion de 25 %. où est-ce qu'on a pris ces chiffres? essentiellement, on a repris la moyenne des pourcentages payés par chacun des groupes dans le régime d'assurance-chômage au cours des années soixante-dix. il y a eu des périodes où ça a varié selon la conjoncture, mais c'est la moyenne de la décennie. alors, déjà là, il y a, de notre part, une évolution de nos positions, puisque, à l'époque, on demandait que ça soit à 100 % finance par les employeurs. alors, vous voyez, nous aussi, on évolue. on propose, donc, ce type de financement là.

Pour le seul congé de maternité, bon, la demande que nous, on a retenue, ça serait 250 000 000 $; alors, un financement tripartite, donc, qui ferait en sorte que cette somme-là de 250 000 000 $ soit injectée. Ça, ça assurerait à toutes les travailleuses qui s'absentent durant l'année d'avoir un congé de maternité de 20 semaines sans perte de revenu. Évidemment, le financement qu'on propose serait par tranches, par 100 $ de cotisation, un peu comme le système qu'on connaît de l'assurance-chômage.

Pour les autres congés complémentaires, donc, les cinq jours pour la maternité, les cinq jours pour responsabilités parentales, les sommes qui seraient exigées dans ce cas-là sont de l'ordre d'à peu près 400 000 000 $. Grosso modo, c'est à peu près 660 000 000 $, donc, une caisse qui contiendrait ça, mais qui serait financée de cette façon-là.

Quand on regarde la chute du taux de natalité, quand on regarde les effets de l'actuel régime où les femmes quittent, finalement, ou abandonnent leur emploi, ou ont moins d'argent disponible, ce n'est pas évident que c'est beaucoup plus rentable. Et on estime que 25 % de cette somme seraient récupérés, de toute façon, par le gouvernement, soit en impôt, soit en pouvoir d'achat qui reste entre les mains de ces personnes-là. Donc, le financement du gouvernement qu'on évalue à 25 % - mais, par ailleurs, celui-ci en retire une partie; ça, c'est les économistes, entre autres, de la commission fédérale sur la garde des enfants qui l'ont estimé - nous amène à croire que les sommes peuvent apparaître importantes, mais sont peut-être, dans les faits, beaucoup plus raisonnables qu'on ne le croirait.

M. Bourbeau: Donc, si je comprends bien, la part du Québec là-dedans serait à peu près de 150 000 000 $ ou 160 000 000 $ à l'égard de l'ensemble du programme que vous proposez.

Mme Simard: C'est ça, mais avec un retour, aussi.

M. Bourbeau: Oui, oui. Très bien. Tout à l'heure, vous parliez de la caisse de maternité, vous avez parié de la caisse... Est-ce que vous proposez plusieurs caisses, une pour chacun des programmes, ou une seule caisse globale?

Mme Simard: Une caisse.

M. Bourbeau: Ah bon! Tout à l'heure, j'avais cru comprendre la caisse pour les soins d'enfants.

Mme Simard: Ah! C'est-à-dire qu'on a détaillé les coûts, mais on propose une seule caisse pour tous les congés. Je vous ai détaillé les coûts parce que, évidemment, le gros morceau, c'est le congé de maternité; c'est le gros morceau, puis il y a tous les autres congés. C'est pour ça que je les ai détaillés. Mais, dans notre esprit, à nous, c'est une seule caisse.

M. Bourbeau: On pourrait peut-être changer de sujet, maintenant, et parier de la création des fiducies réputées pour les sommes d'argent qui sont payables aux travailleurs. Vous savez sans doute aussi bien que moi qu'il y a eu de petits problèmes récemment de jurisprudence relativement à ces fiducies réputées, sur le modèle du

Manitoba et de l'Ontario, et que les tribunaux ont déclaré inconstitutionnelles les fiducies qui ont été instituées, de sorte que même l'Ontario, maintenant, n'applique plus les dispositions relatives aux fiducies à cause de la question des faillites. Comment vous placez-vous par rapport à ce problème de juridiction?

M. Larose: D'abord, ces fiducies réputées, c'est seulement pour les indemnités de vacances et de licenciement. Sans connaître en détail la situation que vous évoquez, je pense que ça concernait plus largement... C'est, d'ailleurs, une pratique qui existe déjà. Dans tout le secteur de la construction, on a connu une jungle au cours des années passées où, en se libérant de travailleurs, les employeurs ne leur payaient pas de vacances, etc. Maintenant, il y a une obligation de cotiser au fur et à mesure. On pense qu'on devrait être capables de faire la même chose pour tous les "fly by night" qui embauchent du monde et qui ferment les portes un vendredi soir, à 16 h 55, et tous les gens se retrouvent avec des sommes dues, mais qu'ils ne récupéreront jamais ou, si oui, à quel prix? Si on pouvait arriver à faire en sorte que, pour certains types d'entreprises, il puisse y avoir cette obligation, ce serait quand même une garantie que les gens ne se feront pas extorquer.

M. Bourbeau: On me fait remarquer qu'H est facile pour la Commission de la construction du Québec de verser l'indemnité de vacances aux travailleurs de la construction parce que les vacances sont statutaires et que, finalement, tout le monde prend ses vacances en même temps; donc, ça facilite, évidemment, le paiement. Mais si on est pour tenter d'instituer un système semblable à l'égard de tous les travailleurs qui prennent des vacances, à peu près n'importe quand, les problèmes seraient pas mal plus compliqués, d'autant plus qu'il n'y a pas de caisse, même dans la construction présentement, pour les indemnités de licenciement non versées, c'est seulement pour les vacances.

M. Larose: Pour le quantum, il ne devrait pas y avoir de problèmes; tout le monde a droit, je dirais, à ce qui est prévu dans la loi. Si c'est 4 % - on souhaite que ce soit un peu plus - et qu'il y a contribution systématique de l'équivalent, les gens prenant leurs vacances quand ils voudront, ils seront assurés que l'argent est disponible. Là-dessus, il ne devrait pas y avoir de problèmes.

M. Bourbeau: C'est seulement l'administration qui pourrait être pas mal plus compliquée. Maintenant, dans la construction, il n'y a pas d'argent pour les indemnités de licenciement non versées. C'est uniquement pour les vacances. Ce que vous proposez, ça irait plus loin que ce qui se paie dans la construction présentement?

M. Larose: Oui.

M. Bourbeau: On peut peut-être changer de sujet. La question du préavis de douze heures pour le temps supplémentaire, vous êtes d'accord, si j'ai bien compris, avec la proposition, mais vous ne cautionnez pas... Dans la loi, à l'article 51, on met quand même certains tempéraments à ce préavis, dans les cas d'urgence. Vous demandez que le droit de refuser du temps supplémentaire soit absolu, sans tenir compte des cas d'urgence ou de difficultés particulières de production. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a, quand même, une certaine raison de tenter de trouver un accommodement dans des cas d'urgence ou dans des cas où on pourrait mettre en péril, disons, une chaîne de montage qui devrait arrêter parce que, à un moment donné, une personne ne se présente pas et qu'on demande de faire une heure de temps supplémentaire? Ça m'a l'air un peu tranché.

M. Larose: Je vous dirai que la norme générale, nous, on estime que les gens sont à même de pouvoir évaluer s'il y a urgence ou non. Si l'évaluation de l'urgence, c'est une évaluation strictement de l'employeur, c'est toujours urgent: pour remplir les commandes, pour rencontrer le train qui va partir, etc. Bref, ce sera toujours urgent. En situation de véritable urgence, s'il y a un bris ou s'il y a une inondation, etc., je ne connais pas de travailleurs qui ne voudront pas intervenir et qui mettraient en péril leur propre emploi. Dans ce sens-là, on pense qu'il vaut mieux se fier et ne pas donner à l'employeur le soin de décider du caractère d'urgence, tout simplement. (15 h 15)

M. Bourbeau: On a choisi, dans la loi, de procéder par voie de préavis de l'employeur à l'employé dans des cas où il y aurait lieu de faire du temps supplémentaire. Qu'est-ce que vous diriez si on renversait la technique et qu'on prévoyait que l'employé qui est disposé, qui est capable ou qui est volontaire pour faire du temps supplémentaire aviserait son employeur de temps à autre que, oui, il est disponible pour faire du temps supplémentaire? À ce moment-là, il devrait en faire lorsque requis. Est-ce que ce serait une technique...

M. Larose: Si c'est sur une base volontaire, je vous dirais qu'il y a là un respect des travailleurs, si les travailleurs veulent identifier d'avance leur propre disponibilité. C'est, d'ailleurs, une pratique qui existe.

M. Bourbeau: Ça va.

M. Larose: Monique veut ajouter quelque chose.

Le Président (M. Joly): Oui, Mme Simard.

Mme Simard: M. le ministre, c'est qu'on fait toujours référence, dans nos lois du travail, aux situations d'urgence que l'employeur peut rencontrer et auxquelles le travailleur doit se soumettre. Nulle part dans nos lois on ne reconnaît que les travailleurs, eux, peuvent vivre des situations d'urgence qui peuvent leur conférer un certain nombre de droits. Quelqu'un n'a pas le droit de quitter son travail pour une raison urgente, sous peine d'être puni, etc. La notion d'urgence, à notre avis, si on veut l'inclure, il faut aussi la reconnaître pour l'autre. Dans le cas du temps supplémentaire, le système de disponibilité convient peut-être à un tas de problèmes, c'est-à-dire qu'on demande aux gens d'indiquer leur disponibilité et ça règle beaucoup de problèmes.

Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître M. le ministre.

M. Bourbeau: Je réponds, seulement une seconde. Vous n'avez pas à me convaincre de ça. J'ai passé la commission parlementaire à dire ce que vous venez de dire aux groupes d'employeurs en leur demandant: Placez-vous donc dans la position de l'employé qui a un enfant sur le trottoir à 5 heures, qui attend sa mère, par exemple. Je leur ai demandé de me soumettre des alternatives à ce que nous avions dans le projet de loi. Mais, comme je parlais à un groupe de représentants des travailleurs, évidemment, je n'ai pas tenu ce langage, mais vous avez raison de le tenir.

Mme Simard: Je suis rassurée de savoir que vous défendez nos intérêts quand on n'est pas là, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Mme Harel.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer les représentants de la CSN, M. Larose, Mme Simard, M. Laliberté et Mme Galarneau, qui est présidente du syndicat des employés de Direct Film. J'aimerais qu'on revienne peut-être par la suite sur la situation qui se vit à Direct Film. Puisqu'on a, jamais suffisamment, mais passablement examiné toute la proposition que vous faites devant nous cet après-midi sur la caisse de congés parentaux, à l'occasion de l'audition du Regroupement pour des congés de maternité et d'autres organismes, j'aurais peut-être juste une question là-dessus.

D'abord, tantôt, Mme Simard, vous mentionniez l'évolution des mentalités qui s'illustrait de façon éloquente par les résultats de sondages. Il y a aussi une évolution du marché. Il y a eu une

progression absolument vertigineuse en dix ans; de 1975 à 1985, c'est 90 % d'augmentation, sur le marché du travail, de femmes qui ont des enfants de moins de trois ans. D'une certaine façon, les mentalités finissent par s'aligner sur les réalités. Le Regroupement a présenté sa proposition. On a échangé beaucoup des deux côtés, notamment sur sa réaction à l'égard de la proposition du Conseil du statut de la femme. Le Regroupement nous avait dit - je pense ne pas m'éloigner de sa position en disant ceci - que, loin de rejeter les modalités des propositions du Conseil du statut de la femme, il souhaitait les examiner plus longuement. La seule différence à laquelle il tenait, c'est que le Regroupement souhaitait agir maintenant. C'était ça, finalement. La modalité de la chose, à savoir les propositions d'allocation versus les prestations, qui sont le fondement de la proposition du Conseil, une allocation universelle en récupérant les primes à la naissance plus les prestations à 90 %, ils étaient prêts à l'examiner. Agir dès maintenant, c'était le leitmotiv. Ça revient, je pense, dans votre proposition.

Il y a peut-être juste un élément, parce que tantôt, avec raison, vous avez parlé de la récupération que le gouvernement fait. On avait examiné aussi le fait que, s'il y a extension des congés parentaux, il y a une réduction du temps de travail, une meilleure répartition, plutôt, des emplois et des revenus parce qu'il y a des gens qui paient de l'impôt en ayant le congé et il y en a qui en paient aussi en travaillant pour les remplacer. On avait cité un groupe d'étude qui avait estimé une économie d'à peu près 25 %. Là, quand on regarde, finalement, cette évaluation des coûts qui avait été réalisée par le professeur Ruth Rose, de l'université, on se rend compte, par ailleurs, que c'était basé sur une participation du gouvernement fédéral estimée a 25 % aussi. C'est, je pense, à la page 9 du calcul, à la page 7 plutôt. Alors, l'ensemble des tableaux repose aussi sur une contribution de 25 %. Depuis le budget Wilson, on sait que cette contribution-là, elle est dans les limbes. Ça veut donc dire qu'il y aura une augmentation des cotisations des employeurs et des travailleurs et que le fédéral, au bout de la ligne, non seulement ne contribue plus, mais va en plus profiter à 25 %, comme vous le mentionniez tantôt, des avantages fiscaux tirés de l'élargissement des congés parentaux. Quelque part, est-ce que ça ne vous dérange pas?

Mme Simard: On peut parler longuement du budget WHson, si vous voulez.

Mme Harel: Non, je vous ai entendue à la télé. Juste là-dessus, là-dessus proprement dit.

Mme Simard: Ha, ha, ha! Non. Effectivement...

Mme Harel: il y a comme un problème.

Mme Simard: ...il peut y avoir là un problème. C'est vrai. C'est pour ça qu'à la lecture de notre mémoire vous avez sûrement réalisé qu'on est très prudents sur cette question de rapatriement ou non, tout ça, sachant les difficultés que ça pose. Mais, comme le Regroupement, on a tellement peur que ça retarde davantage l'introduction d'une réforme qu'on dit: Bon, il y a peut-être un problème réel, on en convient, mais allons plus vite, quitte à bonifier et à changer ça plus tard.

Mme Harel: Ou à le faire concurremment. Les intervenants qui vous ont précédés, qui étaient nul autre que le Conseil du patronat du Québec, ont dit que peut-être il fallait, oui, l'examiner, le rapatriement.

Mme Simard: Bonne chose, bonne chose. Mme Harel: Je ne me trompe pas, là.

Mme Simard: Mais, j'espère qu'ils ne l'ont pas dit en pensant que ça va prendre 20 ans. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Mais vous, vous craignez que ce soit pour retarder.

Mme Simard: Je dis ça à la blague. Voyons donc!

Mme Harel: À la blague. De toute façon, peut-être, concurremment, faudra-t-il l'amorcer puisque, nécessairement, le gouvernement québécois peut avoir des complications à contribuer pour que l'autre récupère de son côté. Il y a là un problème de vases communicants dont je voulais vous parler.

Mme Simard: Non, c'est vrai, oui.

Mme Harel: Si vous me le permettez, on reviendrait sur vos propositions concernant les normes minimales en tenant compte que vous souhaitez qu'il y ait un chapitre complet, dans la Loi sur les normes du travail, sur toute cette question de congés de maternité, de congés parentaux. Il me semble que ça donnerait une visibilité qui serait de nature à faire connaître, finalement, les droits des bas salariés à cet effet. Vous avez, dans votre mémoire, parlé du tribunal, à la page 26, et vous considérez que les recours ne valent que s'ils ne coûtent pas trop cher et si les gens à faible revenu ont les moyens, finalement, de les utiliser, de les appliquer. Vous donnez beaucoup d'exemples dans votre mémoire sur, finalement, tous ces recours qui se sont souvent terminés en désistement ou en non-application même des jugements. Et là, vous proposez quelque chose, donc, qu'on n'a pas

examiné jusqu'à maintenant. J'aimerais ça que vous nous en pariiez.

M. Larose: Vous savez que le gouvernement, peut-être en décembre 1988, a adopté la loi 30 qui modifie les mécanismes d'application du Code du travail, laquelle loi fait disparaître le Tribunal du travail pour ramasser l'ensemble des pouvoirs à l'intérieur d'une commission dont les pouvoirs seraient exclusifs et qui n'irait pas en appel au niveau des tribunaux supérieurs. Cette loi n'a pas été promulguée parce que, sur les derniers milles, il y a eu plusieurs amendements qui en avaient perverti un peu tout le sens. Le nouveau ministre du Travail, qui est encore le ministre du Travail, a constitué une commission qui s'appelle la commission Blain pour réévaluer la pertinence de cette loi et proposer des ajustements pour "opérationaliser" la commission créée par la loi 30. Et la commission Blain propose le maintien du Tribunal du travail pour disposer de tous les aspects pénaux, de tout le pénal prévu au Code du travail, mais aussi de toutes les autres causes qui touchent le domaine du travail; ça peut être la loi des jurés, la loi de la langue, etc. Nous sommes d'accord avec cette proposition, d'autant plus que ça nous donne une garantie supplémentaire qu'il n'y aura pas systématiquement des évocations en Cour supérieure.

Alors, nous, on verrait très bien que, pour tout ce qui concerne les normes, au lieu de se retrouver en Cour supérieure, on se retrouverait devant un tribunal spécialisé dans les relations de travail, surtout d'ordre collectif, c'est vrai, mais déjà la proposition Blain inclut des rapports individuels. Alors, le type de causes générées par la loi des normes, qui est plus de type individuel, pourrait facilement être disposé par ce tribunal qui serait spécialisé dans le secteur du travail. Ça serait une rationalisation, en fait, et une garantie d'une certaine compétence parce que tout le monde respecte les juges, mais on sait fort bien qu'il y en a que les causes du travail hérissent plus particulièrement et on aime mieux avoir affaire à des gens qui ont...

Mme Harel: Qui connaissent ça.

M. Larose: Qui connaissent ça, exactement.

Mme Harel: Dans son rapport final, la commission Beaudry recommandait un code intégré avec un chapitre sur les contrats collectifs et un sur les contrats individuels, de façon que ça soit comme une sorte d'économie générale des rapports de travail. Est-ce que vous recommanderiez ça également?

M. Larose: on avait développé, devant la commission beaudry, une approche intégrée de l'ensemble des lois et règlements pour faire en sorte que, pour ce qu'on retrouvait dans, je pense, selon mes souvenirs..

Mme Harel: Quinze lois.

M. Larose: ...quinze lois, mais 200 et quelques règlements, on puisse avoir une approche intégrée. Ça demeure valable comme revendication, mais je pense que l'activité législative a autre chose à faire que ça. Enfin, c'est ce qu'on nous a exprimé. Le plus important, c'est qu'il y ait transformation des mécanismes et intégration systématique à l'intérieur des nouveaux mécanismes.

Mme Harel: évidemment, on prend, en lisant votre mémoire, pour acquis que vous souhaitez un délai très raccourci, là, qui est celui du code canadien ou, enfin, d'un an pour congédiement illégal comme recours devant la commission. c'est bien le cas?

M. Larose: C'est-à-dire...

Mme Harel: Je ne me trompe pas?

M. Larose: D'abord, on propose l'extension des délais qui sont habituellement de 30 jours. Nous, on propose plutôt six mois.

Mme Harel: Six mois.

M. Larose: Parce que, si on a seulement 30 jours, souvent, après le fait, on est hors délai. Au niveau des délais pour rendre les décisions, c'est, habituellement, une question, je dirais, de volume à la fois des plaintes, mais aussi de ressources pour rendre ces décisions-là. Alors, ce n'est peut-être pas...

Mme Harel: C'est-à-dire la durée du service continu chez un même employeur pour avoir droit au recours.

M. Larose: Ah oui! Pour les congédiements pour cause juste et je ne sais pas quoi, on propose cinq ans. Nous, on pense que l'arbitraire patronal peut s'exercer assez facilement avant cinq ans de service continu, surtout que - et là, il faudrait que je retourne... - il me semble que plus de la moitié des personnes n'ont jamais cinq ans de service...

Mme Harel: 65 %.

M. Larose: Bon. Continu chez l'employeur. Ça me fait penser un peu à la proposition que vous faites pour les vacances. Vous êtes très généreux: Que dans deux ans de la promulgation de la loi on ait une troisième semaine pour du monde qui aura eu cinq ans. Mais disons qu'on va pouvoir les nommer par leur prénom bientôt ceux qui vont pouvoir en bénéficier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: En tout cas, les députés...

Mme Harel: II y a 65 % - vous le dites dans votre mémoire et ce sont des chiffres, d'ailleurs, du ministère de la Main-d'oeuvre - des travailleurs qui ne complètent pas les cinq ans; deux sur trois à peu près.

M. Larose: C'est ça.

Mme Harel: Deux travailleurs sur trois. Vous avez insisté pour avoir la possibilité de porter plainte pour des travailleurs qui sont, finalement, en situation précaire et qui peuvent avoir des difficultés à porter plainte. Vous souhaiteriez que ça soit élargi.

M. Larose: C'est-à-dire que ce qu'on souhaiterait, c'est que les organisations syndicales qui ont déjà un certain nombre de ressources et une certaine expertise et qui, assez souvent, sont aussi présentes dans des lieux non syndiqués... Ne fût-ce que pour susciter un certain intérêt - ça fait partie de notre activité - eh bien, si on pouvait en même temps se rendre utile et mettre les travailleurs et les travailleuses à l'abri d'un certain Isolement, mais surtout de certaines peurs par le fait que, bon, c'est l'organisation syndicale qui va piloter la plainte, on pense que c'est un service qui pourrait être efficace. (15 h 30)

Mme Harel: Ça aiderait la Commission des normes elle-même à appliquer la loi qui est d'ordre public.

M. Larose: vraisemblablement, on serait assez bien placés pour être des chiens de garde de décisions rendues mais non appliquées.

Mme Harel: Une autre organisation syndicale souhaitait que, non seulement il puisse y avoir, donc, la possibilité de porter plainte, comme ça peut être possible en vertu de la Charte des droits - ce n'est pas seulement la victime, quand il y a un motif de discrimination interdit par la Charte, mais aussi une organisation qui peut porter plainte - pour le respect des normes, mais souhaitait aussi pouvoir représenter... Parce que, finalement, on ne modifie pas le fait que la Commission peut représenter des gens devant le commissaire, mais ne se fait pas une obligation de le faire, pas plus dans lavant-projet de loi que dans la loi actuelle. Elle souhaitait que, selon des barèmes à établir, selon un certain tarif à être remboursé, les organisations syndicales ou encore les organismes de promotion et de défense des droits puissent représenter. Qu'est-ce que vous pensez deçà?

M. Larose: Nous, on sera toujours très ouverts à la multiplication de ceux qui peuvent être représentants ou représentantes pour ces gens-là. C'est valable pour la Commission. À quelques reprises, nous faisons la proposition que la Commission elle-même puisse prendre en charge la représentation, mais les organisations syndicales, les organisations de défense devraient aussi être habilitées à le faire.

Mme Harel: Elles pourraient vraiment devenir de véritables partenaires dans l'application des normes.

M. Larose: Parce que la philosophie qu'on dégage ou qu'on intègre pour la loi des normes, pour nous, ça demeure une charte minimale du travail et les organisations syndicales font partie du monde du travail. Trop souvent, on nous accuse d'être corporatistes et de nous recroqueviller sur notre propre membership. Si on peut être ouverts et, je dirais, se rendre disponibles pour des gens qui ne sont pas de l'organisation, à mon avis, c'est beaucoup plus efficace.

Mme Harel: Vous allez me permettre d'interroger Mme Galameau.

Mme Galarneau, la situation qui est la vôtre va t-elle amener la commission à croire que vous n'aurez aucun recours dans le cas de remboursement des sommes qui sont dues aux centaines de travailleurs de Direct Film, ou de travailleuses? En fait, ce sont des femmes, je pense, en majorité.

Mme Galarneau (Lyne): On peut avoir un recours, mais ça risque de prendre des années et des années. Si on se reporte à l'exemple de Dupuis et Frères, ça a pris combien d'années? Les recours, on peut toujours en avoir, mais ça risque de s'étendre trop longtemps et les gens ne seront plus là au bout de la ligne pour être capables de récupérer tout ce qu'ils vont être capables de récupérer.

Mme Harel: Ce sont des recours au civil, c'est ça? Ce sont des recours devant les tribunaux civils?

Mme Galameau: Oui, c'est ça.

Mme Harel: Dans votre communiqué de presse, à la CSN, vous recommandiez un examen des primes à être versées en cas de fermeture. Est-ce que vous avez examiné cette question-là plus à fond? Je pense que vous souhaitiez aussi que le gouvernement examine la législation ontarienne, si j'ai bien lu ce que vous recommandiez. En matière de faillite, est-ce qu'il y a d'autres provinces? Parce que, en Ontario, je pense qu'ils n'ont pas introduit de nouvelles dispositions en matière de faillite. C'est toujours la loi fédérale, les 500 $, la loi 72, qui prévaut?

II n'y a pas autre chose, finalement?

M. Larose: Pour les faillites, non, je ne pense pas. Mais, pour l'Ontario, est-ce qu'ils ont des choses particulières?

Mme Harel: Ils n'ont rien d'autre?

M. Larose: Non, je ne pense pas. Sur la question des faillites, j'insiste un petit peu là-dessus parce que ça fait trop de fois qu'on vit ça. Lyne parle de Dupuls et Frères; ça a pris treize ans et ça s'adonne que c'étaient massivement des femmes et plutôt âgées. On peut dire que les successions peuvent applaudir, mais les travailleuses impliquées n'ont rien vu de l'argent qui, finalement, leur était dû.

Deux choses sur la question des faillites. Il faut absolument modifier le Code civil pour faire en sorte que les salariés soient reconnus pas comme les neuvièmes créanciers... Je veux bien croire que les gouvernements doivent se servir, on n'est pas contre le fait que le gouvernement puisse avoir ses dus, mais il y a bien des gens qui n'attendent pas après ça pour beurrer leur tranche de pain et qui passent avant le monde qui a construit l'entreprise, qui lui a fait faire des profits. Lorsque vient le temps de fermer, c'est curieux, mais ceux qui vont perdre de l'argent, ce sont ces mêmes personnes-là.

Alors, modifiez le Code civil pour qu'on y ait droit et, deuxièmement, les dispositions qui sont, à l'heure actuelle, dans la loi de 1979 permettent à la Commission des normes d'avoir un fonds qui puisse indemniser par avance. La Commission prendra les procédures et prendra le "cash" qui va venir treize ans après, peut-être, mais au moins, eux, ils seront encore là.

Le Président (M. Joly): merci. je pense que c'est à peu près tout le temps qu'on a. je vais reconnaître le député de matapédia. une courte question, s'il vous plaît.

M. Paradis (Matapédia): Oui, une courte question. J'aimerais revenir sur les congés parentaux de la femme travailleuse. Est-ce que la caisse sous-tend que la part du gouvernement serait prise à partir de certains montants d'argent qui sont déjà connus au moment où on se parte, c'est-à-dire les primes aux bébés?

M. Larose: Les 240 $.

M. Paradis (Matapédia): Oui.

Mme Simard: C'est-à dire que oui, parce qu'il y a déjà des sommes qui circulent...

M. Paradis (Matapédia): Oui.

Mme Simard: ...les 240 $, là. On pourrait...

M. Paradis (matapédia): alors, ma sous-question est la suivante: qu'est-ce qu'on fait avec les femmes qui ont décidé de rester à la maison?

Mme Simard: Alors, là, effectivement, je pense que, pour celles-là, on peut effectivement maintenir un certain nombre de supports financiers. Ça, il n'y a pas de problème à ça. Mais, pour celles qui auraient un remplacement du revenu, les 240 $ ne sont plus utiles. D'ailleurs, quand on négocie... Dans le secteur public, en 1979, on a renoncé aux 240 $ - je vais vous dire, c'est la petite histoire des négociations, mais elle est comique, celle-là - parce que le gouvernement s'opposait à payer les congés de paternité. Il avait fait un petit calcul - parce qu'il maintenait les 240 $ en plus des 20 semaines payées - et ça coûtait à peu près la même somme. On a dit: Nous renonçons à nos 240 $ à la condition que ça serve aux congés de paternité. Alors, si les hommes ont des congés de paternité, c'est à cause des femmes du secteur public.

Mme Harel: Si les femmes ont des congés de maternité, est-ce que c'est à cause de M. Parizeau?

Mme Simard: Ha, ha, ha! Alors, ce que je veux dire, c'est que, quand le revenu est remplacé, on n'a pas besoin d'avoir plus d'argent que ce qu'on aurait quand on travaille. Ce n'est pas ça, l'objectif. L'objectif, c'est d'avoir autant d'argent que quand on travaille. Et, pour celles qui n'ont pas de revenus, il n'y a pas de problème à maintenir un certain nombre d'allocations. Je pense que ça va de soi. Il ne faudrait pas faire en sorte que certaines aient tout et d'autres n'aient plus rien. Ce n'est pas du tout, du tout, le sens de notre proposition.

M. Paradis (Matapédia): Les gens qui viennent nous voir, jusqu'à maintenant, du moins, ce sont finalement des gens qui viennent défendre des travailleuses ou des travailleurs. Mais il y a, quand même, une grande majorité de personnes qui décident carrément d'avoir une famille et de rester à la maison, pour des raisons sur lesquelles on n'a pas à porter de jugement ici. Il y a peut-être des gens qui vont venir au cours de la commission, par la suite, parler au nom de ces personnes-là. C'est important.

Mme Simard: Je pense qu'il faut respecter ça. On le respecte aussi. Nous, on parle d'un régime qui est, finalement, un régime complémentaire de remplacement de revenu. C'est la logique du système que nous, on propose. D'autres ont proposé d'autres systèmes. Quand on parle de remplacement de revenu, c'est évident qu'on pense à des travailleuses. Mais on a songé aux travailleuses autonomes qui ne cotisent pas, par

exemple, aux différents régimes. Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Alors, là aussi, il faut être capable d'avoir des dispositions qui pourraient leur permettre de cotiser à ce type de régime, pour qu'une travailleuse autonome, qui décide d'avoir un enfant et s'absente de son travail ou n'a pas de revenu, puisse bénéficier aussi de cette forme d'assurance là. Ça aussi, il faut être capable de prévoir ça.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Mme Slmard. Merci beaucoup. Un dernier petit mot. Le mot de la fin, Mme Harel.

Mme Harel: Oui, en fait, je veux vous remercier pour les propositions que vous faites en souhaitant que le gouvernement ne se laisse pas trop traîner les pieds pour déposer le vrai projet de loi et qu'à nouveau vous puissiez être consultés, non pas simplement dans une consultation privatisée, mais dans une consultation publique, puisque la politique, ça se fait en public dans notre société, et les débats d'idées également.

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Bourbeau: La députée de Maisonneuve...

Mme Harel: Hochelaga.

M. Bourbeau: ...de Hochelaga-Maisonneuve est bien placée pour savoir qu'on ne s'est pas traîné les pieds depuis un an et demi en matière de législation sociale. Je remercie les gens de la CSN. Mme Simard disait tout à l'heure que la CSN travaille depuis seize ans à son projet d'une caisse centrale. La majorité, c'est à 18 ans; donc peut-être que d'ici un an ou deux on pourrait voir majorer un projet qui vous est cher. On ne sait jamais. De toute façon, si jamais ça arrivait, il ne faudrait pas être déçu si ce n'est pas dans le projet de loi sur les normes du travail parce qu'un programme comme ça n'en serait pas un dont les assises seraient dans la Loi sur les normes, mais plutôt dans la loi sur le ministère. Alors, le fait que vous ne verrez pas ça dans le projet de loi, un programme semblable, ne signifie pas du tout que le gouvernement ne réfléchit pas à la question. Alors, merci pour votre contribution, puis on va continuer à faire avancer le dossier.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Alors, à mon tour, au nom des membres de la commission, je remercie les représentants de la CSN. Merci beaucoup pour l'éclairage que vous nous avez apporté. Merci! Je demanderais maintenant aux gens représentant l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS, de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Bonjour, mesdames. Bienvenue à cette commission. J'apprécierais beaucoup si vous pouviez vous présenter.

AFEAS

mme marion (christine): merci, m. le président. alors, je suis christine marion; je suis la présidente provinciale de l'association féminine d'éducation et d'action sociale, communément appelée l'afeas. à ma gauche, mme michelle houle oueilet, qui est chargée du plan d'action chez nous et qui est la rédactrice du mémoire.

Le Président (M. Joly): Merci! Je me permets de vous rappeler un peu les règles de procédure. Vous avez une vingtaine de minutes, plus ou moins, pour présenter votre mémoire et, après, eh bien, en temps égal, les deux formations se réservent le loisir et le plaisir de vous poser quelques questions. Merci.

Mme Marion: Merci, M. le Président. Le Président (M. Joly): Allez!

Mme Marion: Mme la ministre, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, je vous présenterai très brièvement l'AFEAS, peut-être simplement pour vous rafraîchir un peu la mémoire. Vous savez que l'AFEAS est une association qui compte actuellement 30 000 membres, toutes des femmes naturellement, qui sont regroupées dans 550 cercles locaux à travers le Québec. Donc, à titre d'association qui représente des femmes, c'est évident que la révision de la Loi sur les normes du travail soulève des enjeux importants pour les travailleuses québécoises, ce qui motive notre implication dans la présente consultation.

Je pense qu'il n'est pas nécessaire de s'attarder sur la description de la situation qui est connue et qui fait consensus, que ce soit sur la présence accrue des femmes sur le marché du travail, le phénomène de la dénatalité et ses conséquences, d'où découle la nécessité pour le gouvernement de reconnaître l'importance de la conciliation des responsabilités parentales et professionnelles et aussi l'urgence d'instaurer des mesures. Je pense qu'on s'entend aussi sur les lacunes qui existent actuellement. Elles sont flagrantes, que ce soit le nombre de lois qui régissent les avantages offerts, que ce soit les complications suscitées par ce nombre de lois ou l'aspect qui, pour nous, est un des plus importants, c'est-à-dire les catégories de travailleuses qui ne sont pas encore admissibles, particulièrement les travailleuses à temps partiel et, bien sûr, ce que nous appelons les travailleuses au foyer.

Alors, je passerais immédiatement au chapitre de l'universalité de la loi. Nous allons traiter, en fait, de différents points, entre autres: l'universalité de la loi, les congés de maternité et congés parentaux, l'organisation du

travail, l'information sur les droits des salariés, les congés fériés, le salaire minimum, le travail à temps partiel et, bien sûr, le travail au foyer.

Donc, en ce qui concerne l'universalité de la loi, même si la Loi sur les normes du travail s'applique à l'ensemble des salariés, des catégories de personnes en sont actuellement exclues. Le projet de loi, dont on discute actuellement, tente d'améliorer la situation en manifestant son intention d'élargir l'application. Cette volonté d'élargir la protection à un nombre de travailleurs, notamment les travailleurs à domicile, les travailleurs domestiques et les employés de petites entreprises agricoles parmi lesquels on note un nombre important de femmes, bien entendu, ne peut que rallier notre approbation. Pour les membres de l'AFEAS, le fait môme de faire partie du marché du travail devrait être accompagné d'un minimum de protection afin de garantir des droits fondamentaux à tout individu dans son rôle de travailleur. (15 h 45)

La Loi sur les normes du travail et les propositions actuelles répondent en partie à nos besoins. Cependant, l'AFEAS n'est pas d'accord pour exclure les salariés "dont la fonction exclusive est de garder ou de prendre soin, dans un logement, d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée". Se trouveront ainsi exclues de fa loi les personnes dont la fonction principale ne consiste pas dans l'exécution d'un travail domestique, mais bien dans la garde d'enfants, de personnes âgées ou de personnes malades. Nous ne pensons pas alors, bien entendu, aux gardiens ou gardiennes d'une soirée ou de quelques heures, qui font ça occasionnellement. Mais le manque de garderies et l'accroissement du nombre de personnes âgées, qu'on souhaite par ailleurs maintenir le plus longtemps possible à domicile, commandent, à notre avis, une protection pour les personnes qui assument des responsabilités de garde contre salaire, au même titre que les travailleurs domestiques. L'AFEAS, d'ailleurs, a le même souci vis-à-vis des femmes collaboratrices et des étudiantes et des étudiants en stage.

C'est la raison pour laquelle nous recommandons que la Loi sur les normes du travail couvre toutes les personnes en emploi et que soient incluses dans la loi toutes les catégories de salariés, incluant gardiens et gardiennes à domicile, dont la fonction principale est de garder un enfant, une personne malade, handicapée ou âgée, les femmes collaboratrices et les étudiants et étudiantes en stage.

Pour les congés de maternité et les congés parentaux, on reconnaît sans conteste la dimension et l'importance sociale de la maternité. Du même souffle, on déplore la décroissance de notre population. Et, plus que des discours - je pense qu'on s'entend tous là-dessus - ce sont des mesures tangibles qui sont de nature à témoigner de cette reconnaissance. Il importe de mettre en oeuvre des réformes qui créeront un climat favorable à la venue au monde d'enfants. De plus, les femmes ne doivent plus assurer seules les responsabilités, ni subir seules les conséquences qu'entraîne la maternité, c'est-à-dire les pertes de revenus, les risques de perte d'emploi et le recul dans le cheminement professionnel.

Concernant le congé de maternité, toutes les femmes sur le marché du travail ne peuvent actuellement se prévaloir des avantages prévus à leur intention. La Loi sur les normes du travail ne détermine pas non plus le mode de remplacement des revenus de travail pendant le congé de maternité. C'est le programme d'assurance-chômage qui octroie actuellement une indemnité afférente aux congés de maternité. Et il ne s'adresse, au départ, qu'aux salariées et les conditions d'admissibilité écartent du programme des travailleuses à temps partiel ou dont l'emploi est instable. Les travailleuses ayant un statut d'indépendantes ne peuvent non plus bénéficier des prestations de maternité au moment de la naissance d'un enfant.

Est-il nécessaire de rappeler qu'au Québec les accidentés de la route, les victimes d'accidents de travail, de maladies industrielles ou d'actes criminels sont mieux traités par l'État que les femmes enceintes? Il est inadmissible que les femmes subissent encore des pertes de revenus importantes pour cause de maternité. Les intentions du ministre semblent claires sur ce point, dans la présentation de son avant-projet de loi. "Les conditions de travail doivent refléter l'importance qu'une société accorde à la maternité", y lit-on. Il est important que toutes les femmes sur le marché du travail bénéficient d'un congé de maternité payé. C'est l'ensemble des employeurs qui doivent être mis à contribution pour assumer les coûts inhérents à la maternité. Les politiques mises de l'avant doivent aider les femmes et les hommes à assumer leurs responsabilités parentales au moment de la maternité, lors de la naissance d'un enfant et pour prendre soin de jeunes enfants.

Le congé de maternité, d'une durée de 20 semaines, doit être financé, selon nous, par un fonds d'allocation-maternité administré par le gouvernement et financé par les employés, l'État et les employeurs, qu'ils soient ou non employeurs de femmes, c'est-à-dire qui emploient les hommes et les femmes, autrement dit tout le monde, et cela, afin d'éviter les effets pervers que pourrait entraîner l'octroi de ce congé si c'étaient seulement les employeurs de femmes qui étaient appelés à payer.

Les congés parentaux après l'accouchement. L'AFEAS préconise la prolongation du congé de maternité par un congé offert à la mère et/ou au père. Différentes raisons militent en faveur de ce congé: il y a l'état de santé, la difficulté de gardiennage, le désir d'une présence plus constante auprès des enfants et bien d'autres. Nous

n'avons pas de recommandation quant à la durée exacte de ce congé et, dans ce sens, notre association agrée la proposition gouvernementale de congé sans solde pouvant atteindre 34 semaines, qui nous apparaît comme un minimum, vraiment, à garantir.

Cette mesure sera encore bien en deçà des politiques mises de l'avant dans d'autres pays. En Suède, par exemple, le congé parental est rémunéré pendant 12 mois et La Presse faisait état récemment d'un projet de loi portant de 12 à 15 mois ce congé rémunéré à 90 % du salaire antérieur, pour l'un ou l'autre des parents, qu'il soit marié ou non. Alors, cette comparaison nous permet, tout simplement, de réaliser à quel point les mesures gouvernementales québécoises peuvent progresser pour constituer véritablement un encouragement à la maternité qui ne soit pas l'unique responsabilité des femmes ni pénalisante, financièrement, pour elles.

Il est tout aussi important, selon nous, de garantir une protection à la femme qui réintègre son poste après un congé de maternité. L'AFEAS insiste sur ce point. Nous jugeons inadmissible qu'un employeur puisse congédier ou muter une salariée sans que cette dernière ne bénéficie d'une protection réelle, comme la loi le permet actuellement. Le congé de maternité ne peut alors être sérieusement considéré comme un avantage; c'est plutôt un simulacre ou un leurre qu'on propose aux femmes.

On ne peut pas nier non plus que certaines absences du travail sont occasionnées par les responsabilités parentales. Les maladies, la nécessité d'accompagner un enfant à l'hôpital, l'absence d'une gardienne n'en sont que des exemples; il y en a encore bien d'autres. Ce sont souvent les congés personnels de vacances ou de maladie qui seront utilisés pour assumer les responsabilités parentales auxquelles il est impossible de se soustraire. La personne est pénalisée en agissant de cette façon-là. Elle épuise à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été prévues les banques de journées qui sont à sa disposition. Actuellement, ce sont encore les femmes qui s'absentent le plus souvent.

Pour certains, la décision d'avoir des enfants est un choix personnel et on devrait assumer les conséquences de ces choix-là. Nous croyons, quant à nous, qu'il est certainement à l'avantage de l'ensemble de la société que les gens continuent à avoir des enfants et à s'occuper d'eux. À moins que certains de ses membres ne choisissent de le faire, la société elle-même ne pourrait continuer. Et il n'est certainement pas à l'avantage de la société de pénaliser ceux de ses membres qui sont prêts à assumer la responsabilité du soin des autres membres de la société étant dans l'impossibilité de le faire eux-mêmes. Alors, en accord avec ces raisons, l'AFEAS opte en faveur d'un congé pour responsabilités parentales qui soit payé.

Quant au retrait préventif, le programme de retrait préventif prévu par 'a Loi sur la santé et la sécurité du travail doit être maintenu pour la travailleuse enceinte ou qui allaite. Certaines conditions de travail sont dangereuses. Les employeurs ne se soucient pas toujours de modifier ces conditions de travail; il est donc normal qu'ils assument leurs responsabilités vis-à-vis du retrait préventif.

Alors, considérant la nécessité de reconnaître, par des mesures concrètes, l'importance sociale de la maternité, les 30 000 membres de l'AFEAS vous proposent une série de recommandations, que je ne vous lirai pas parce que, dans le fond, je viens de vous expliquer ce que c'était.

L'organisation du travail. L'organisation du travail a connu de profondes transformations au fil des ans. Influencée par des courants d'opinion et les besoins stricts d'adaptation à maintes réalités nouvelles telles que l'augmentation des populations et de la consommation, la législation sur les heures de travail et les congés, l'évolution des machineries et des équipements qui facilitent les tâches, l'organisation du monde du travail, donc, s'est humanisée.

Bien que des exceptions demeurent, la plupart des entreprises tentent de concilier le plus possible les intérêts de l'employeur patron avec ceux des employés. L'organisation du travail devient progressivement un "item" de négociation après avoir été une décision exclusive du patron. Dans les faits, nous observons, à l'heure actuelle, plusieurs pratiques et formules. Mentionnons, à titre d'exemples, les horaires flexibles, le temps partagé, la semaine comprimée et le reste. Les horaires sont devenus variables selon la nature des entreprises et les lieux de travail, les critères retenus et les applications courantes. L'employé se voit alors respecté dans son rythme personnel. Il peut organiser sa journée et sa semaine de travail. Il peut planifier et organiser sa vie privée en accord avec son travail, l'un et l'autre se complétant.

Au terme de son étude portant sur "Les femmes et l'aménagement du temps de travail salarié", le Conseil du statut de la femme élaborait des conclusions dont nous jugeons important de tenir compte. Rappelons seulement que les modalités qui réduisent le temps de travail de tous et toutes favorisent une amélioration des conditions de vie et la réalisation des intérêts diversifiés des salariés. Cependant, "toutes les formes dont le résultat est de réduire les revenus des travailleuses salariées doivent être considérées avec circonspection, compte tenu de la situation économique de la très grande majorité d'entre elles".

Alors, considérant les avantages d'une organisation mieux adaptée au travail, l'AFEAS demande au ministre responsable qu'il développe des mécanismes qui facilitent et régissent le travail à temps partagé et l'utilisation des

horaires flexibles.

En ce qui concerne l'information sur les droits des salariés, le présent projet propose des modifications relatives à l'exercice des recours. Comme c'est la Commission qui exerce les recours civils et pénaux, les travailleurs doivent connaître leurs droits pour s'adresser à la Commission au besoin et se servir des recours existants. C'est pourquoi l'AFEAS insiste sur la nécessité de prendre les mesures requises pour rejoindre, par l'information, les personnes les plus susceptibles d'être lésées: celles qui travaillent dans les très petites entreprises où le nombre d'employés est restreint, où il n'y a pas de syndicat pour protéger les intérêts de leurs membres; celles qui occupent des emplois saisonniers ou à temps partiel.

Les congés fériés, maintenant. En ce qui concerne les congés fériés, si le congé férié tombe un jour ouvrable, mais constitue un congé hebdomadaire pour l'employé, l'employeur ne lui doit rien. L'employé perdra ce congé qui est pourtant consenti à tous les travailleurs et il ne pourra pas le reprendre plus tard, ni être indemnisé monétairement pour sa perte. Il y a de nombreux travailleurs qui sont dans cette situation: les employés de commerces qui sont ouverts sept jours par semaine, ceux qui travaillent dans des établissements qui dispensent des services à l'année longue (les hôpitaux, les centres d'accueil et le reste) ceux qui travaillent dans les transports publics, et bien d'autres. Comme par hasard, parmi ceux-là, il y a beaucoup de femmes. Cette situation est injuste à leur égard et, pour y remédier, nous recommandons que la Loi sur les normes du travail prévoie le report d'un congé férié à un autre jour ouvrable, si ce jour férié coïncide avec un jour de repos pour l'employé.

Au chapitre du salaire minimum, le salaire, selon nous, demeure la reconnaissance formelle de la participation de l'individu au marché du travail. Il est en lien direct avec l'emploi occupé. Le salaire, comme principale source de revenu personnel, permet à l'individu d'assumer lui-même ses besoins sans faire appel aux programmes sociaux de l'État. Il représente le pouvoir de consommer, l'insertion dans la société et la liberté de choix quant à son mode de vie.

Le salaire est le premier et le principal avantage offert à la personne qui travaille, en échange de ses services. C'est pourquoi les membres de l'AFEAS jugent de la première importance de protéger ce droit des personnes qui travaillent. Le salaire minimum est établi en ce sens. Il doit s'appliquer, à notre avis, à toutes les personnes en emploi. Ce droit fondamental quant à un minimum de rémunération doit être prioritairement garanti et protégé par la loi. La dernière augmentation qui a porté à 5 $ le salaire minimum date du 1er octobre dernier, et nous demandons qu'il soit régulièrement indexé au coût de la vie.

Le travail à temps partiel. Ces dernières années, les emplois à temps partiel ont connu un taux de croissance qui est assez élevé. Les femmes sont fortement majoritaires au sein de la main-d'oeuvre à temps partiel, et cette surreprésentation s'accentue légèrement. En 1987, on calculait qu'environ 71 % des travailleurs à temps partiel étaient des femmes, comparativement à 66 % en 1975. Actuellement, parmi les femmes en emploi, un peu plus d'une sur cinq travaille à temps partiel, alors que c'est le cas de moins d'un travailleur sur dix.

Les raisons qui sont invoquées pour recourir au travail à temps partiel ont changé au cours des années. Alors que le motif des obligations familiales est de moins en moins en cause, la pénurie d'emplois à plein temps est une raison qui revient de plus en plus souvent. Ainsi, près de 35 % de celles qui occupaient un emploi à temps partiel en 1987 avaient accepté cet emploi, faute de trouver un travail à temps plein. Le travail à temps partiel constitue une réalité importante du monde du travail. Il est plus que temps de protéger les intérêts et les droits fondamentaux de ces travailleurs et de ces travailleuses.

Depuis 1974, l'AFEAS propose des recommandations visant à l'amélioration des conditions du travail à temps partiel. Nos membres insistent de nouveau et recommandent que la Loi sur les normes du travail inclue des dispositions visant à réglementer et à protéger les conditions de travail des employés à temps partiel; qu'elle leur assure les mêmes droits et les mêmes avantages sociaux qu'aux travailleurs à temps plein, et cela, proportionnellement au nombre d'heures travaillées; qu'on offre les mêmes possibilités de formation en cours d'emploi aux travailleurs à temps partiel qu'aux travailleurs à temps plein; que les entreprises et la fonction publique généralisent le travail à temps partagé et les horaires flexibles, en affectant le même taux horaire aux employés à temps partiel et à temps plein.

Le Président (M. Joly): Mme Marion, est-ce qu'il vous reste encore beaucoup de texte?

Mme Marion: J'arrive à la conclusion, qui est le chapitre que nous avons mis à la fin, non pas parce qu'il était le moins important, mais peut-être parce qu'on voulait que vous le gardiez en mémoire.

Le Président (M. Joly): Parfait, madame.

Mme Marion: II s'agit du chapitre sur le travail au foyer. le plein emploi n'est pas une réalité d'aujourd'hui, ni prévue pour demain. on sait que les lits ferment dans les hôpitaux, que les centres d'accueil pour personnes âgées ne peuvent pas suffire à la demande, que les ressources pour le maintien à domicile des

personnes âgées, malades ou handicapées sont à peu près inexistantes. De plus, les gouvernements parlent de partenariat. On sait, quand on parle de partenariat, que c'est bien plus souvent des partenaires femmes que des partenaires hommes - je cherchais le féminin, mais c'est déjà ça, des partenaires femmes - qui seront visées. On demande et on compte sur des femmes pour assumer individuellement des tâches dont la société se libère et pour lesquelles elle se dispense d'assumer des coûts. Tout le volet des mesures reconnaissant la maternité et le rôle parental est destiné uniquement aux travailleurs et aux travailleuses rémunérés. Bien entendu, nous sommes très satisfaites des démarches qui sont faites par le gouvernement face à cette volonté de conciliation du travail rémunéré et de la vie parentale, mais nous pensons toujours, et plus que jamais, que les travailleuses au foyer ont droit à une reconnaissance, elles aussi. (16 heures)

Je me permettrai de vous citer une petite phrase que j'ai trouvée en relisant, hier, le document de présentation de l'avant-projet de loi. C'est à la page 6, au point 2.2. On dit et je cite: "C'est comme si la société n'avait pas évolué à ce chapitre et qu'elle considérait toujours qu'il y a dans chaque famille une femme à la maison qui veille aux soins des enfants." Cette petite phrase, elle vient reconnaître implicitement le travail que ces femmes-là font, mais j'aimerais tellement qu'un jour on puisse le reconnaître d'une façon plus explicite. Je vous remercie.

le président (M. Joly): merci, mme marion. je vais maintenant reconnaître mme la ministre déléguée à la condition féminine et à la famille.

Mme Trépanier: Mme Marion, Mme Ouellet, bienvenue. Je voudrais, tout d'abord, excuser mon collègue, le ministre de la Sécurité du revenu, qui est présentement en route vers la biennale du sommet de la Montérégie. Il est le ministre responsable de la région. Il devait absolument être là. Alors, j'essaierai dignement de le représenter et de lui transmettre vos propos. D'autre part, je veux rassurer mon collègue de Matapédia qui faisait allusion, tout à l'heure, aux organismes qui se sont présentés ici qui représentaient, selon ses dires, beaucoup de femmes travailleuses. Je lui dirai que l'AFEAS et les Cercles de fermières qui suivront représentent aussi plusieurs femmes au foyer. Je ne sais pas si c'est majoritairement, mais je pense que, oui, à eux deux, ces organismes...

Mme Marion: Dans notre cas, oui. Je ne pourrais pas répondre pour l'autre.

Mme Trépanier: ...représentent majoritairement des femmes au foyer.

M. Paradis (Matapédia): Même si je suis un homme, je le savais.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Trépanier: On va arrêter le débat là. Vous êtes là, les gens de l'AFEAS, depuis 25 ans. Vous travaillez à améliorer la condition de vie des femmes. Vous avez vu se succéder de nombreux gouvernements et toujours vous avez participé aux grandes questions sociales, et c'est comme tel que nous sommes heureux de vous recevoir à cette commission.

Vous avez terminé votre exposé en parlant de la reconnaissance du travail au foyer. Alors, je vais commencer ma période de questions en y arrivant peut-être de façon contournée. Vous êtes d'accord avec le Regroupement de maternité. J'ai toujours de la difficulté à dire ces mots-là, le Regroupement pour les congés de maternité...

Mme Manon: Le Regroupement pour les congés de maternité.

Mme Trépanier: ...et parentaux. Vous êtes d'accord avec leur position. Je ne sais pas si vous aviez, à ce moment-là, pris connaissance de la position du Conseil du statut de la femme qui insère dans sa position une allocation universelle pour la reconnaissance de la maternité, dans le fond, que la femme soit travailleuse ou pas. J'aimerais avoir votre position là-dessus. Est-ce que vous considéreriez cette allocation comme un peu une reconnaissance de la femme au foyer? Comment verriez-vous ça, cette allocation-là?

Mme Marion: C'est très évident qu'on n'avait pas pris connaissance des recommandations du CSF avant de préparer les nôtres. Quand on en a pris connaissance, on a consulté ce qu'on avait comme proposition. On n'a rien de formellement écrit comme quoi on serait en accord avec ça, sauf que c'est très évident que c'est tout à fait dans l'esprit de ce que nous avons toujours défendu et que, naturellement, on ne s'opposerait jamais à cette formule-là si elle était retenue, bien au contraire. Je pense qu'on a souvent dit dans différentes commissions et dans les conversations qu'on a pu avoir aussi plus informelles, je dirais, que la reconnaissance du travail au foyer se fera par différentes mesures. Bon, ça, ça pourrait être une mesure, en effet, qui pourrait être très intéressante.

Mme Trépanier: Vous constatez que cette mesure-là viendrait d'une réallocation des allocations déjà versées présentement par le gouvernement pour le soutien des familles lors de la naissance d'un enfant.

Mme Manon: Oui.

Mme Trépanler: O.K.

Mme Marion: J'en suis tout à fait consciente.

Mme Trépanier: O.K. Vous en avez parié, par exemple, dans votre exposé. Vous ne faites pas allusion dans votre mémoire aux prestations parentales. Le Regroupement, lui, suggère une prestation parentale de 15 semaines, un congé de 15 semaines rémunérées pour des fonctions parentales. Vous êtes d'accord avec ça, je pense, hein? Ou si vous ne parlez que d'un congé de maternité?

Mme Marion: Je suis étonnée que vous me disiez que ce n'est pas écrit.

Mme Trépanier: Dans votre mémoire on en parie?

Mme Marion: II me semblait que c'était écrit. C'est certain que... Bien, Michelle, peut-être que tu peux...

Mme Houle Ouellet (Michelle): Oui. Disons qu'on parie du congé de maternité, on parie aussi du congé parental...

Mme Trépanier: Rémunéré?

Mme Houle Ouellet: ...mais on n'a pas de proposition comme quoi on veut qu'il soit rémunéré.

Mme Trépanier: O.K.

Mme Marion: C'est l'aspect rémunération que vous soulignez?

Mme Trépanier: Oui.

Mme Marion: D'accord. Non, non. Ça, c'est évident qu'on n'avait pas de proposition formelle là-dessus, mais, là encore, on part toujours du principe qu'on peut difficilement être contre la vertu.

Mme Trépanier: Contre la vertu? Il faut savoir comment on le paie, mais...

mme houle ouellet: oui. disons que, sur cet aspect-là, peut-être qu'il n'y a pas eu de réflexions récentes de la part de nos membres et, comme on véhicule toujours...

Mme Trépanier: Ça ne voulait pas dire que vous étiez contre le congé parental rémunéré, c'est ça?

Mme Houle Ouellet: Absolument pas, non. Mme Trépanier: O.K. D'accord.

Mme Houle Ouellet: Par ailleurs, on était pour, aussi, les congés pour responsabilités parentales; là, on demande qu'ils soient rémunérés, quelques jours par année pour satisfaire des besoins ponctuels.

Mme Trépanier: D'accord. L'AFEAS parie beaucoup de responsabilisation des deux parents et tout. Bon. Lorsqu'on parie de congés parentaux, comment verriez-vous la transférabilité des congés? Est-ce que vous êtes d'accord avec des congés longue durée pour les travailleurs? Comment voyez-vous ça? Parce que certains organismes nous disent qu'il faut que... Ce que le gouvernement propose, c'est un congé sans solde, évidemment, présentement, pris sur une période d'une année, n'excédant pas une année, un congé pouvant être pris par le père ou la mère. Ils ont droit à 34 semaines chacun, comme congé parental, mais n'excédant pas un an. D'autres organismes disent: Oui, nous serions d'accord avec un congé longue durée allant jusqu'à deux ans. Quelle est votre position là-dessus?

Mme Marion: En fait, nos membres ne se sont jamais vraiment prononcés sur la durée de ce congé-là comme telle. C'est pour ça que, dans le fond, nous, on a agréé la proposition du gouvernement par rapport aux 34 semaines. Mais on n'a pas de proposition bien formelle pour vous dire: Non, on n'est pas d'accord avec ça ou il faudrait l'extensionner. Je pense que ce qu'il faut, au fond, c'est faire des mesures qui seront favorables à la venue d'enfants et, sur le nombre de semaines comme tel, je ne peux pas me prononcer.

Mme Trépanier: D'accord. Vous êtes intervenues sur le travail à temps partiel qui ne faisait pas directement l'objet de notre consultation. Nous sommes très heureux d'avoir vos commentaires parce que nous comptions sur la commission pour pouvoir alimenter notre discussion sur le travail à temps partiel. Vous nous pariez du temps flexible. Des organismes vous précédant nous disaient - le CIAFT, entre autres - qu'ils étaient d'accord avec le temps partagé sous forme volontaire. Vous, vous dites que vous voudriez que nous généralisions, que nous accentuions le temps flexible et le temps partagé. Est-ce que vous ne venez pas en contradiction avec le CIAFT ou si c'est du volontariat, vous aussi?

Mme Marion: Je pense que ce qui était dans notre esprit, c'est qu'il faut être prudent dans l'application de ce genre de mesures là, c'est-à-dire qu'il est très évident qu'il y a des avantages au temps partagé, aux horaires flexibles, mais il faut toujours être prudent sur les conséquences que ces pratiques-là pourront avoir sur les revenus des travailleuses, par exemple. Donc, je ne pense pas qu'on soit vraiment en désaccord

avec le CIAFT, mais il reste que, pour beaucoup de travailleuses, c'est extrêmement intéressant.

Moi, à titre de présidente de l'AFEAS, je peux aussi peut-être faire part de mon expérience d'employeur parce qu'il reste que nous avons sept, huit personnes même - on le calculait tout à l'heure - qui sont employées chez nous et qui bénéficient, justement, d'horaires flexibles, et ça semble tout à fait rejoindre leurs besoins. Mais, au bout de la ligne, elles ont le même salaire que si elles avaient un horaire rigide.

Mme Houle Ouellet: Oui, puis je pense que, quand on demande au gouvernement d'étudier des formules qui pourraient faire en sorte que ces méthodes-là, ces mesures-là se propagent, c'est, bien sûr, dans l'esprit de favoriser la conciliation du partage des responsabilités aussi entre les hommes et les femmes, et de permettre d'avoir une vie privée et une vie professionnelle qui s'imbriquent bien et qui se vivent bien. On trouve que, dans ces formules-là, il peut y avoir une avenue et ça mérite d'être étudié. C'est dans ce sens-là, je pense, qu'on l'apporte.

Mme Trépanier: D'accord. Alors, dans l'ensemble, vous êtes en faveur des aménagements que nous faisons dans la loi sur les normes, mais avec bonification si possible. C'est un peu ça.

Mme Marion: Oui, c'est ça, en tenant compte des choses qu'on a proposées.

Mme Trépanier: Oui. Merci, mesdames.

le président (M. Joly): merci, mme la ministre. je vais maintenant reconnaître mme la députée de hochelaga-maisonneuve, mme harel.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous saluer, Mme Marion, Mme Ouellet, et de vous signaler que c'est toujours avec le même intérêt qu'on prend connaissance de vos propositions, parce qu'elles ont toujours ce caractère d'ensemble qui permet de bien les situer dans une sorte de champ d'équité sociale. Je vais commencer, moi aussi, par la fin. À la fin, vous avez parlé des travailleuses au foyer. La formule du Conseil du statut de la femme semble vous agréer. C'est ce que vous signaliez à la ministre. C'est, en fait, une combinaison heureuse d'allocation et de prestation. Mais, on s'est déjà suffisamment parlé pour savoir la différence entre les régimes contributoires et les régimes qui relèvent des impôts de l'ensemble des citoyens dans une société, que les régimes d'assurance sociale sont des régimes contributoires et que le remboursement du manque à gagner d'une travailleuse qui quitte le marché du travail pour sa maternité, c'est, évidemment, pour combler son manque de revenu.

Vous avez cité tellement éloquemment les autres programmes de sécurité sociale en matière de maladies industrielles, en matière d'accidents d'automobiles, de victimes d'actes criminels, pour savoir qu'il s'agit là d'un ensemble de mesures de sécurité sociale. À ce moment-là, je voulais vous demander si vous considériez que ces allocations... En fait, il y avait déjà une allocation de disponibilité, il y a quelques années, que le gouvernement précédent avait introduite, mais qui a été abolie. Vous proposez la réintroduction d'une allocation qui serait versée directement à la travailleuse. Mais, si c'est le plan du CSF qui est sur la table, est-ce que c'est ce à quoi vous vous ralliez?

Mme Marion: Oui, je pense qu'entre l'esprit dans lequel a travaillé le CSF et l'esprit dans lequel nous travaillons, il n'y a rien d'inconciliable. Comme je le disais tout à l'heure à Mme la ministre, il est évident que je ne pourrais pas dire formellement: Oui, j'ai une recommandation de mes membres qui dit exactement ça. Mais je suis à peu près certaine que, si je les consultais demain sur cette question-là, la réponse serait positive. Je ne pense pas que je déroge à l'esprit dans lequel nos membres ont adopté des résolutions, en faisant cette affirmation.

Mme Harel: Mais, à la page 14, quand vous dites, dans votre mémoire: "Que les travailleuses au foyer aient accès aux différents services et mesures sociales consentis aux travailleurs rémunérés", parlez-vous même de ces mesures sociales que les travailleurs se paient à l'intérieur de régimes d'assurance où ils contribuent?

Mme Houle Ouellet: On a demandé beaucoup, par exemple, la participation au Régime de rentes du Québec. On la demande toujours. C'est un exemple des types de mesures auxquelles on aimerait que les travailleuses au foyer aient accès.

Mme Harel: Si je comprends bien, il faudrait qu'elles puissent cotiser, parce que ce sont des régimes contributoires.

mme marion: oui, mais on n'a jamais dit qu'on ne voulait pas qu'elles cotisent non plus. on a toute une série de propositions qui disent comment on devrait procéder pour celles qui ont des jeunes enfants, celles qui en ont de moins jeunes, celles qui n'en ont plus, celles qui travaillent à temps partiel, celles qui ne travaillent pas du tout, celles qui ont un travail rémunéré, en tout cas.

Mme Harel: est-ce que vous avez une proposition, par exemple, en regard de l'accès des travailleuses au foyer à la régie des rentes?

Mme Marion: Oui, oui.

Mme Harel: Par catégorie de personnes?

Mme Marion: Oui, oui.

Mme Harel: Mon Dieu! Je souhaiterais beaucoup avoir connaissance de cette proposition.

Mme Marion: Je vous la ferai parvenir dès mon retour au bureau.

Mme Harel: Si vous pouviez peut-être la faire parvenir à la commission ou à moi-même, on pourrait en prendre connaissance.

Le Président (M. Joly): II serait apprécié si vous pouviez la déposer. On pourrait alors la reproduire pour les membres de la commission.

Mme Marion: Oui, d'accord, avec plaisir. Je vous la ferai parvenir aussitôt...

Le Président (M. Joly): On apprécie votre engagement.

Mme Harel: C'est évident qu'à ce moment-là il ne faut jamais oublier une sorte d'équité sociale globale où une ouvrière qui va reconduire ses enfants à la garderie ne doit pas en arriver à payer dans tous ces régimes de sécurité pour des personnes qui, de bonne foi, restent à la maison, peut-être dans des conditions bien meilleures, n'est-ce pas?

Mme Marion: II ne faudrait pas non plus... Je comprends que ça peut paraître, de prime abord, effrayant que les femmes qui sont sur le marché du travail aient à payer pour les travailleuses au foyer.

Mme Harel: Je ne parle pas des femmes qui sont sur le marché du travail.

Mme Marion: L'ensemble de la société, disons. (16 h 15)

Mme Harel: Je parle de celles qui sont à faible revenu et qui ont elles-mêmes de la difficulté à verser de l'argent dans ces régimes de sécurité sociale qui leur rapportent très peu. Hein, on sait le peu que rapportent tous ces régimes.

Mme Marion: Ah, d'accord. C'est dans cette perspective-là.

Mme Harel: Alors, dans cette perspective-là, ces régimes de sécurité sociale, c'est à peu près rien, finalement, la rente pour ces ouvrières.

Mme Marion: Bon, bien, c'est un peu tout ça qu'on a essayé d'envisager et c'est avec plaisir qu'on vous déposera ça.

Mme Houle Ouellet: Oui. Et je pense que la proposition vise à être équitable dans ce sens-là aussi. Oui.

Mme Harel: Vous parlez, avec raison, d'aménagement du temps de travail, de flexibilité et vous souhaitez, à la page 8 de votre mémoire, qu'il y ait des mécanismes qui facilitent le temps partagé. Il y avait un programme expérimental. Je ne sais pas si vous le saviez. Il y avait un programme au ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et il est presque disparu. Alors, en fait, il n'en reste presque plus. Mais si vous êtes nombreuses, dans toutes ces organisations, à le réclamer, peut-être également conjointement avec le conseil de la famille, bien, il va peut-être être réactualisé, parce que là, présentement, c'est comme s'il était en voie d'extinction.

Mme Marion: On en prend bonne note.

Mme Harel: Vous proposez, à la page 4, des choses très intéressantes, notamment sur l'exclusion. L'inclusion, vous la souhaitez, y compris pour les gardiens et gardiennes à domicile. Alors, vous y avez réfléchi, j'en suis certaine, et j'aimerais vous entendre là-dessus. On a passé presque l'avant-midi là-dessus. Ça veut dire qu'en connaissance de cause vous souhaitez l'inclusion pour les gardiennes à domicile même si c'est possiblement vos membres qui auront à les payer. J'aimerais ça qu'on vous écoute là-dessus.

Mme Marion: Bon. En fait, ce que nous, on préconise, c'est qu'en fin de compte ces personnes-là font un travail. Elles ont un salaire. C'est évident, on le voyait dans la présentation du document, la présentation de l'avant-projet de loi, qu'on craignait qu'il y ait des dangers pour les personnes qui travaillent pendant deux heures ou tout ça. Je pense qu'il y a moyen de fixer des balises, de faire un encadrement pour pouvoir répondre aux besoins de ces personnes-là. Et, bon, si c'est universel, c'est universel. Ces personnes-là ont le droit, à titre de travailleuses qui ont un salaire au bout de leur semaine, d'avoir les mêmes bénéfices que n'importe qui d'autre. De là à vous dire comment fixer les balises, bon, je pense qu'il faudra y réfléchir, c'est évident. Je n'ai pas de solution toute faite, malheureusement, à vous apporter. J'aurais bien aimé avoir un mémoire avec des chiffres à l'appui. Malheureusement, ce n'est pas dans les ressources dont je dispose. Mais je pense que c'est plus le principe que j'ai, moi, à défendre. Quant à la modalité d'application, malheureusement, je ne pourrais pas vous donner de chiffres précis.

Mme Harel: Je pense que Mme Houle Ouellet voulait ajouter quelque chose?

Mme Houle Ouellet: Je pensais aussi à tout l'aspect du travail au noir. En fait, souvent les personnes sont payées sans que les salaires soient déclarés. Par ailleurs, c'est sûr qu'il y a des désavantages et tout le monde n'est pas prêt à déclarer le salaire, et tout ça. Sauf qu'on se dit que peut-être, au bout de la ligne, il devient plus profitable pour les femmes d'avoir un salaire qui est déclaré et qui donne accès également aux avantages sociaux qui vont avec. Alors, Je pense que c'est dans ce sens-là beaucoup qu'on le demande. Pour les personnes qui font de la garde à temps complet, au bout de la ligne, ça serait peut-être avantageux qu'elles aient un salaire qui soit déclaré et qu'elles soient soumises aux mêmes contributions que les autres employés, la même chose pour leurs employeurs. Il y a certainement un ajustement qui va peut-être causer des difficultés. Mais on se dit, finalement, qu'on demande que les personnes soient couvertes par les différents programmes sociaux et que c'est avantageux à long terme.

Mme Harel: II semble également que leur salaire versé pourrait être déductible du revenu de leurs employeurs. En Ontario, c'est le caractère de résidence ou pas dans la maison qui détermine...

Une voix: O.K.

Mme Harel: ...l'inclusion ou l'exclusion. Mais je prends bonne note, en tout cas, de votre recommandation. C'est certainement important pour revaloriser cette fonction. Également, je prends bonne note de l'ensemble des dispositions que vous souhaitez quant au travail à temps partiel. Vous nous rappelez des chiffres éloquents sur la progression de la présence des femmes à temps partiel. C'est une femme sur cinq, nous dites-vous.

Mme Marion: Comparativement à un homme sur dix.

Mme Harel: ce type d'emploi à temps partiel a augmenté et presque doublé, passant, en tout cas, de 7 % à 13 % de la main d'oeuvre en dix ans. c'est ça?

Mme Marion: Oui, c'est vrai.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a de vos membres qui travallent... Peut-être que vos membres sont des travailleuses au foyer, mais il doit y avoir un bon nombre de travailleuses à temps partiel parmi vos membres?

Mme Marion: Oui. Mme la ministre nous demandait tout à l'heure si nos membres étaient majoritairement des travailleuses au foyer. En termes de statistiques, en gros là, sans aller dans les virgules, il y a 52 % de nos membres qui sont exclusivement des travailleuses au foyer. Ça veut dire, donc, qu'il y en a 48 % qui sont sur le marché du travail. De cette proportion-là, c'est à peu près moitié-moitié des femmes sur le marché du travail à temps plein et des femmes sur le marché du travail à temps partiel.

Mme Harel: Alors, il ne me reste qu'à vous remercier - mon temps est terminé - pour votre contribution. C'est important que l'AFEAS vienne de façon régulière rappeler l'ensemble des préoccupations que vous nous transmettez aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Joly): Mme la ministre.

Mme Trépanier: Merci infiniment. Je peux dire à la députée de Hochelaga-Maisonneuve que l'AFEAS discute régulièrement avec le gouvernement, par la voie de la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille, pour faire part de ses commentaires et de ses suggestions. Merci infiniment de votre précieuse contribution.

Mme Harel: Mais vous savez que les débats, quand même, ça se fait en public parce...

Mme Trépanier: Aussi.

Mme Harel: ...qu'il ne faut pas, non plus, prendre des ministres comme médiatrices.

Le Président (M. Joly): En plus! Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Alors, mesdames, au nom des membres de cette commission, il me fait plaisir, moi aussi, de vous remercier pour votre apport à cette commission. Bon voyage de retour, merci beaucoup.

Mme Marion: Merci beaucoup, M. le Président, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Joly): Merci Je demanderais maintenant aux représentantes des Cercles de fermières du Québec de bien vouloir s'avancer et prendre place, s'il vous plaît.

Il me fait plaisir, mesdames, de vous souhaiter la bienvenue officiellement à cette commission parlementaire. Alors, j'apprécierais beaucoup si Mme Huot pouvait présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Mme Huot (Noëlla): Alors, bonjour

Le Président (M. Joly): Bonjour, madame.

Cercles de fermières du Québec

Mme Huot: II me fait plaisir de vous présenter mes compagnes. Mme Louise Déziel-Fortin, vice-présidente à l'association, et Mme Cécile Labrecque, de Québec, secrétaire provinciale au comité exécutif provincial.

Le Président (M. Joly): Je me permets, Mmes Huot, Fortin et Labrecque, de vous rappeler les règles du jeu, la procédure. Vous avez une vingtaine de minutes, le plus possible autour de 20 là, pour ramasser toutes les idées, les bonnes idées que vous avez à nous soumettre et, par après, les membres de cette commission, par le biais, disons, de Mme la ministre, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et les membres de cette commission, vont vous poser les questions d'usage. Alors, à vous, Mme Huot.

Mme Huot: Alors, je laisse la parole à mes compagnes qui vont dire d'abord quelques mots en introduction et puis, ensuite, j'enchaînerai avec les recommandations.

Mme Labrecque (Cécile): M. le Président, Mme la ministre, Mme la députée, mesdames et messieurs, je vous présente brièvement les Cercles de fermières qui sont une association vouée aux intérêts de la femme et de la famille, tant urbaine que rurale. Les Cercles, dont les 60 000 membres sont regroupés en 25 fédérations régionales et 870 cercles locaux, célèbrent cette année leur 75e anniversaire d'existence et de participation active à l'essor de la société québécoise.

Au cours des années quatre-vingt, les fermières ont été largement impliquées dans tous les débats publics portant sur la condition féminine et sur l'établissement d'une politique familiale. Je rappelle quelques-uns des avis qui ont été présentés: par exemple, le mémoire d'une politique familiale, en 1983, où nous recommandions la création d'un ministère de la famille, tout en favorisant l'implication des parents dans les projets de garderie, une politique cohérente de soutien à l'emploi, l'accès au Régime de rentes du Québec pour la femme au foyer, de même que l'adaptation des programmes d'études aux réalités du marché. Un autre mémoire a été rédigé en 1984 sur les femmes au foyer et les régimes de pensions. Nous avons eu une recommandation, en 1987, sur la femme collaboratrice. En 1988, nous demandions des jours de disponibilité. Les ministères concernés et le Conseil du patronat étaient alors invités à donner aux parents qui ont des enfants gravement malades ou sous traitement le droit à des jours de disponibilité, sans solde et sans perte d'emploi, à ajouter à ceux déjà alloués par les employeurs. En 1988, un avis sur le rapport du comité consultatif sur les services de garde à l'enfance, également sur la stratégie nationale sur la garde des enfants. Dans la même année, un avis sur le document d'orientation Tour une politique de sécurité du revenu", un avis sur le document consultatif "Les droits économiques des conjoints". Et en l'année 1989, notre avis sur le document d'orientation portant sur l'énoncé de politique sur les services de garde à l'enfance.

Ces mémoires, avis et recommandations ont en commun l'établissement de politiques et de mesures administratives favorisant l'harmonie des droits de la femme et de la famille et, de façon marquée, manifestant la ferme volonté du gouvernement et des employeurs privés de participer à une politique familiale cohérente par des normes de travail appropriées. Un sondage effectué auprès de nos membres, en 1989, établit que 60 % de ces femmes, âgées entre 20 et 55 ans, ont un emploi rémunéré à l'extérieur du foyer familial, qu'il s'agisse de travail à temps plein ou à temps partiel. Ce pourcentage passe à 69 % pour le groupe des 20 à 35 ans. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et justifient largement l'intérêt que nous portons aux conditions qui sont faites à ces femmes en milieu de travail.

Il faut aussi considérer que ce travail à l'extérieur, une réalité socio-économique irréversible, ne doit pas nuire ou être confronté à une politique nataliste. Travail et famille doivent être convergents, l'un au service de l'autre. Il faut aussi tenir compte des changements profonds de la cellule familiale, ce que certains ont appelé son explosion. Encore là, travail et famille se heurtent jusqu'à être inconciliables dans certains cas de familles monoparentales. La notion de travail en cette fin de XXe siècle doit nécessairement s'ajuster à l'ensemble des réalités sociales et, pour ce faire, elle doit intégrer dans sa pratique des dispositions tenant compte des exigences de la famille contemporaine. C'est pourquoi l'avant-projet de loi, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives, particulièrement la section V.1, les congés familiaux, mérite toute notre attention.

Mme Fortin (Louise): Les Cercles de fermières du Québec n'ont qu'un seul but dans le présent avis: concilier les activités relatives au travail et celles qu'entraînent les responsabilités familiales. Notre étude et notre analyse de l'avant-projet de loi rejoignent à maints égards celles faites par d'autres organismes, notamment le Regroupement pour des congés de maternité et parentaux payés, auquel nous appartenons depuis sa fondation, au printemps de 1989, et le Conseil du statut de la femme du Québec.

Ainsi, nous croyons que les congés de maternité et les congés parentaux payés constituent, en réalité, un minimum afin que les femmes et les hommes puissent avoir les enfants qu'ils souhaitent, tout en poursuivant leur apport personnel à la vie sociale et politique. Actuelle-

ment, les droits liés à l'exercice des responsabilités parentales sont dispersés à travers une multitude de lois, de programmes et de règlements, notamment la Loi sur les normes du travail. Cette situation engendre des incohérences dans le système et surtout des injustices d'application. À titre d'exemple, citons le congé de maternité prévu pour la femme enceinte ayant effectué un minimum de 20 semaines de service chez son employeur. Un tel congé n'est pas prévu pour les autres femmes enceintes qui peuvent perdre leur emploi si elles prennent un congé suite à l'accouchement. L'actuelle Loi sur les normes du travail ne prévolt pas de congés durant la grossesse, pas plus que de prolonger le congé de maternité au-delà de 18 semaines après l'accouchement, sauf si l'état de santé de la mère ou de l'enfant l'exige. Que dire des pères ou des parents adoptifs qui bénéficient d'un droit d'absence sans solde de deux jours, alors que ces mêmes personnes peuvent bénéficier de quinze semaines de prestations d'assurance-chômage? Quant au droit des parents de s'absenter au cas où leur présence serait requise auprès de l'enfant, il n'est pas reconnu.

Ces premières constatations portées sur la législation, les programmes et les mesures actuellement en vigueur tentent à démontrer qu'un seuil minimum d'harmonie travail-responsabilité parentale est inexistant. Pour les femmes, la situation est critique, car elles peuvent encore perdre leur emploi parce que, en 1990, elles attendent un enfant. (16 h 30)

Si nous abordons l'aspect économique, la situation est nettement désastreuse. La seule ressource financière est celle de l'assurance-chômage qui représente 60 % du salaire. Encore faut-il être eligible au programme. Plus, nous considérons qu'il est indigne d'une société comme la nôtre d'associer maternité et chômage. Malgré les modifications annoncées dans le projet de loi C-21, rien ne prévoit une équitabilité réelle pour l'ensemble des travailleuses enceintes, ni dans les conditions de travail ni dans la réduction du manque à gagner.

Ce qu'il faut dès lors viser, c'est à arriver à ce que l'ensemble de la société reconnaisse les coûts inhérents à la maternité à l'avantage de toutes les femmes qui donnent naissance à un enfant, et permettre à celles qui sont en emploi de concilier travail rémunéré et maternité de façon harmonieuse sans mettre en cause leur progression vers l'égalité économique.

Ultimement, il faut que la reconnaissance des droits parentaux dans les lois et les programmes s'inscrive à l'enseigne de l'égalité et amène les hommes comme les femmes à assumer leur part des responsabilités familiales. La maternité et la paternité comportent une dimension sociale importante et les enfants constituent un apport positif pour la société. Il est donc juste que la société, dans son ensemble, apporte un appui aux parents.

Maintenant, je laisse la parole à Mme Huot.

Mme Huot: Dans ces perspectives, nous formulons les recommandations suivantes. Nous voulons d'abord que le gouvernement du Québec devienne le principal maître d'oeuvre de la politique de congés parentaux prévalant sur son territoire, dans le but d'établir une politique cohérente qui reflète ses propres objectifs et tienne compte des besoins de la population. Ce faisant, le Québec devra récupérer certains de ses pouvoirs et, surtout, devra harmoniser un ensemble de politiques, régimes et mesures actuellement disséminés en une législation tenant compte des droits parentaux et des normes du travail.

Deuxièmement, qu'un chapitre de la Loi sur les normes du travail soit consacré aux droits parentaux; que de nouveaux droits soient reconnus aux travailleuses et aux travailleurs salariés, notamment en ce qui touche les congés durant la grossesse et à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant; le congé parental, au cours de l'année suivant la naissance ou l'adoption d'un enfant; les congés pour responsabilités parentales, et la protection de l'emploi et des avantages durant ces congés.

On voudrait aussi que les articles de la Loi sur les normes du travail traitant des droits parentaux s'appliquent au plus grand nombre possible de travailleuses et de travailleurs salariés, y compris aux domestiques et aux personnes travaillant dans les petites entreprises agricoles comptant moins de quatre employés, de même qu'aux salariés des organismes gouvernementaux qui ne sont pas nommés ou rémunérés en vertu de la Loi sur la fonction publique.

Enfin, la Loi sur les normes du travail et le programme d'assurance-chômage ne couvrent pas non plus les femmes qui ne participent pas au marché du travail au moment de leur maternité; exemple, les étudiantes, les femmes restées au foyer auprès de leurs enfants, etc. C'est alors que nous trouvons très intéressante la proposition du Conseil du statut de la femme a l'effet de créer un régime d'assurance parentale au Québec comprenant, entre autres, une allocation universelle de maternité. Ceci rejoint des demandes maintes fois répétées par les Cercles de fermières du Québec de l'importance de reconnaître la contribution sociale de toutes les femmes qui donnent naissance à un enfant. Il y a un prix à payer, il doit l'être par toute la société.

Nous, nous trouvons que cette mesure est juste et équitable parce qu'il s'agit, à ce moment-là, de regrouper certains programmes disparates dont la prime à la naissance, les bébés-bonis, qu'on a toujours dénoncée. On sait qu'il y a de l'aide financière qui doit être apportée aux parents, mais, pour nous, tous les enfants doivent être traités sur le même pied,

que ce soit le premier, le deuxième ou le troisième, à partir du premier. Mais de récupérer cette somme-là pour en faire une allocation à toutes les femmes, une allocation de 100 $ par semaine pendant 18 semaines, nous applaudissons à cette mesure, il va sans dire que nous appuyons la proposition du Conseil du statut de la femme.

Congé de maternité. Qu'un congé de maternité d'une durée de 20 semaines payé à 100 % - on a dit à 100 %, c'est l'idéal; nous autres, on vise toujours vers l'idéal, mais ça pourrait être 90 %, 95 % - soit accessible à toutes les travailleuses, sans délai de carence. un tel congé existe déjà pour les employés de la fonction publique et d'autres salariés de l'état, lequel compte 25 % de la main-d'oeuvre féminine.

Les principales lacunes du régime actuel, c'est la perte de revenus qui est importante durant les congés de maternité. Sauf pour les employés du secteur public et parapublic, les Québécoises qui donnent naissance à un enfant sont moins bien traitées que les personnes, supposons, qui ont un accident de travail, un accident routier, etc. Je pense qu'il y a beaucoup à faire pour que ce soit plus équitable.

Le retrait préventif. Qu'il soit fait référence, dans la Loi sur les normes du travail, aux mesures de retrait préventif de la travailleuse enceinte prévues par la Loi sur la santé et la sécurité du travail, et que la Loi sur les normes du travail confirme les règles s'y appliquant. On sait que les employées qui travaillent sous la juridiction fédérale n'ont pas droit au retrait préventif, alors il faut que ce soit corrigé, ça.

Les visites médicales. Que les salariées enceintes bénéficient de cinq jours de congé payés pour visites médicales, jours pouvant être pris en demi-journées.

Congés de paternité. Que le droit d'absence de deux jours déjà prévu dans la Loi sur les normes du travail pour les pères, à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant, soit porté à cinq jours rémunérés et à cinq autres jours non rémunérés lors de la naissance d'un enfant, et que ce droit d'absence puisse être exercé de façon continue ou fractionnée au cours des deux semaines suivant la naissance ou l'arrivée de l'enfant à la maison.

On s'est aperçues, en relisant notre avis, qu'il y avait une chose qui avait été oubliée, ce sont les congés pour responsabilité parentale. La 101 actuelle ne prévoit pas de droit à l'absence quand la présence d'un parent est requise auprès d'un enfant soit par maladie, traitement, manque de gardienne, etc. les personnes utilisent leurs propres congés de maladie, lorsqu'elles en ont, et ce sont surtout les femmes qui écopent, dans ce sens-là. alors, on recommande cinq jours ouvrables, sans solde, par année, de congé pour responsabilité parentale. s'ils étaient payés, on serait d'accord aussi.

Le congé parental. Que la Loi sur les normes du travail accorde à tout salarié qui a réalisé 20 semaines de service continu chez son employeur, au moment de la naissance ou de l'adoption d'un enfant de moins de six ans, autre que celui de son conjoint, la possibilité de se prévaloir d'un congé parental d'une durée maximale de 34 semaines pour prendre soin de l'enfant au cours de l'année suivant sa naissance ou son adoption et que, à la demande de l'employé et après entente avec l'employeur, ce congé puisse être pris sous la forme d'une réduction de la journée ou de la semaine de travail, avec la garantie de retour à plein temps au terme du congé.

On sait que le projet de réforme de l'as-surance-chômage prévoit l'ajout de dix semaines de prestation parentale et on s'en réjouit. Cependant, nous croyons qu'il ne faudrait pas faire du congé parental indemnisé un droit transférable. Ce serait perpétuer une tradition qui veut que les enfants, c'est l'affaire des femmes. Il faut concrétiser la responsabilité parentale du père et il faut amener la société et le milieu de travail à penser dans ce sens-là.

La prolongation du congé parental. Qu'un congé sans solde d'une durée maximale de deux ans pour la mère ou le père soit alloué en prolongation du congé de maternité, du congé pour soins d'enfant ou du congé pour adoption, et qu'au terme de ce congé il y ait réintégration à l'emploi ou à l'équivalent, avec tous les avantages qui y sont reliés.

Ensuite, le congédiement illégal. Que la présomption de congédiement illégal continue de s'appliquer pour au moins six mois après le retour au travail d'une ou d'un salarié à la suite d'un congé de maternité, de paternité, d'adoption ou d'un congé parental. Que la Commission des normes du travail institue un mécanisme permettant de suivre le déroulement des plaintes et d'identifier les causes du fort taux de désistement afin de pouvoir, le cas échéant, y remédier.

Maintenant, le travail à temps partiel. Nous voulons que la Loi sur les normes du travail favorise et encadre le travail à temps partiel, notamment dans un contexte de congés de maternité et de congés parentaux. Nous voulons aussi que la Loi sur les normes du travail protège adéquatement les travailleuses et les travailleurs à temps partiel pour qu'ils puissent bénéficier des mêmes avantages dévolus aux travailleurs et aux travailleuses à temps plein, que ce soient les avantages sociaux, le cumul de l'ancienneté, etc.

Ensuite, la souplesse des horaires de travail. Que la Loi sur les nonnes du travail encourage les employeurs à une plus grande souplesse des horaires de travail pour les travailleuses ou travailleurs, chefs de famille monoparentale, ou pour celles et ceux qui doivent prendre soin de leur enfant malade ou de leurs parents âgés.

Que des mesures particulières de réintégration au marché du travail - formation, recyclage, accès au régime de prêts étudiants - soient

implantées pour les femmes qui ont dû s'absenter pour un congé de maternité ou un congé parental.

Nous sommes d'accord avec l'avant-projet de loi qui abolit l'exigence de 20 semaines d'emploi préalables qui donnent droit au congé de maternité sans solde. Nous sommes d'accord aussi avec le droit de refuser de faire du temps supplémentaire pour une personne qui a des responsabilités parentales, à moins d'être avisée douze heures à l'avance, ou dans des conditions extraordinaires.

J'en arrive à la conclusion, je termine. Nos conclusions au présent avis vont dans le sens de nos recommandations et font suite à des positions prises antérieurement par les Cercles de fermières dans d'autres dossiers, c'est-à-dire que l'égalité entre les hommes et les femmes passe nécessairement par l'autonomie financière de chacun et que le travail rémunéré n'est pas le seul genre de travail utile et nécessaire à notre société. Et là-dessus - il faut bien que je parie d'un dossier, hein - il va sans dire qu'on tient à souligner l'injustice flagrante qu'on perpétue en laissant dans l'oubli toutes les femmes qui, par choix ou par obligation, sont au foyer auprès de jeunes enfants, d'enfants handicapés ou de personnes âgées et dont le travail n'est pas reconnu. Je ne sais pas, mais peut-être qu'on pense que c'est du sport, ça, parce qu'à nulle part on ne le reconnaît ce travail-là, le travail qui est fait au foyer, avec des enfants ou des personnes âgées: pas de prestation de maternité, pas d'allocation de maternité, pas de déduction de frais de garde, pas de reconnaissance pour la garde des enfants, pas d'assurance pour la retraite, la maladie, l'invalidité, aucune mesure équivalente. Ça, c'est un dossier qui est capital pour les Cercles de fermières du Québec. Quand rendra-t-on justice à ces femmes-là, par des mesures qui reconnaissent la valeur sociale de la maternité et des responsabilités qu'elles ont au foyer? Tout le volet des mesures reconnaissant la maternité et le rôle parental est destiné uniquement aux travailleurs et travailleuses rémunérés. La personne au foyer, je ne le sais pas, je pense qu'on préfère l'oublier, ou bien, elle n'existe pas, tout simplement.

Alors, c'est sûr que la proposition du Conseil du statut de la femme, en donnant une allocation universelle de maternité, fait un petit pas dans ce sens et nous applaudissons à cette proposition. Il y a beaucoup à faire et nous, des Cercles de fermières, nous sommes prêtes à nous asseoir avec le gouvernement pour trouver des pistes et des solutions, et je sais qu'il y en a.

En conclusion, la grossesse doit être considérée comme un travail pour la communauté et l'État et les employeurs doivent en assumer une partie importante en ce qui concerne les engagements financiers; que l'exercice des responsabilités parentales soit facilité et n'entraîne aucune pénalité pour les parents et, enfin, que le droit d'être parents soit favorisé dans l'exercice du droit au travail et des règles qui régissent celui-ci. Merci.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille.

Mme Trépanier: Bienvenue, mesdames. Je ne sais pas, à vous trois, combien vous avez d'enfants, mais je sais qu'à elle seule Mme Huot en a treize. Je me permets d'en parler, parce qu'elle l'a déjà mentionné dans une autre commission parlementaire. Donc, lorsqu'elle parle de famille, elle sait de quoi elle parle et, lorsqu'elle parie de travail au foyer, elle sait aussi de quoi elle parie. Alors, c'est avec un très grand intérêt qu'on vous reçoit aujourd'hui, mesdames.

Je voudrais revenir - j'en ai parlé à d'autres groupes, mais c'est important - sur les congés parentaux. Vous avez un petit peu dit, il y a quelques minutes, que l'allocation universelle que propose le Conseil du statut de la femme... je dis bien propose, parce que c'est un fart que l'avant-projet de loi sur la loi des normes régit le travail des travailleurs hors du foyer, mais ne parie pas du tout, nulle part, du travailleur au foyer. Je considérais que cette allocation universelle proposée par le Conseil du statut de la femme serait bien reçue par votre organisme parce qu'elle viendrait peut-être apporter une certaine reconnaissance du travail au foyer, quoique nous considérions ça comme une reconnaissance de la maternité. Donc, vous venez de nous confirmer que ce serait une des mesures envisageables pour le gouvernement.

Vous nous avez vertement dit aussi ce que vous pensiez du soutien aux familles que le gouvernement apporte présentement avec les allocations aux naissances. Je voulais juste vous faire remarquer le fait qu'avec la proposition - et mon collègue, hier, faisait l'analyse de ça - du Conseil du statut de la femme et les allocations que le gouvernement offre présentement il y aurait quand même un manque à gagner, au bout du troisième enfant, de quelque 1000 $ ou 1100 $. Je vous pose une question précise, là: Est-ce que vous considérez - et c'est la première fois que j'en parie dans cette commission, je veux parier du taux de natalité - que la proposition du Conseil du statut de la femme, qui accorde la même importance au premier enfant qu'au troisième, viendrait aider le taux de natalité? Une famille qui a un troisième enfant, on dit que son revenu est inférieur de presque de 7000 $ ou 8000 $, statistiquement parlant, à celui d'un premier enfant. Alors, est-ce que ça va inciter plus les familles à avoir un premier enfant, du fait de ce congé de maternité rémunéré, de ces allocations divisées autrement que les allocations que nous donnons présentement? (16 h 45)

Mme Huot: Nous l'avons déjà dit et on vous l'a répété l'automne dernier, on est contre les mesures natalistes. On est pour des bonnes politiques familiales qui vont sécuriser les parents et qui vont les mettre en état de dire que c'est plaisant d'avoir des enfants. Toute mesure qui est nataliste, pour nous des Cercles de fermières, des positions très fermes là-dessus, on est contre ça. C'est pour ça qu'on appuie celle du Conseil du statut de la femme, parce qu'elle nous semble juste et équitable.

Mme Trépanier: Vous ne la trouvez pas nataliste?

Mme Huot: Non, d'ailleurs on vous en a parlé, vous êtes au courant.

Mme Trépanier: Vous dites que c'est une reconnaissance...

On n'a pas parlé de cette mesure-là parce qu'on ne la connaissait pas à l'époque.

Mme Huot: Non, mais...

Mme Trépanier: c'est pour ça que je vous pose la question. vous nous disiez que notre soutien financier aux familles, ce sont des mesures natalistes.

Mme Huot: Oui.

Mme Trépanier: mais vous dites: la proposition du conseil du statut de la femme, elle, n'est pas nataliste. elle vient reconnaître la maternité?

mme huot: oui. pour nous, c'est plus juste et c'est plus équitable. c'est dans le cadre de... d'ailleurs, les normes du travail entrent dans une politique familiale.

Mme Trépanier: Oui.

Mme Huot: C'est un volet de la politique familiale.

Mme Trépanier: C'est pour ça que c'est un volet important de la politique familiale, aussi.

Mme Huot: C'est sûr que les...

Mme Trépanier: Pourquoi est-elle plus juste?

Mme Huot: C'est que le premier enfant est aussi important que le deuxième ou le troisième. Cette mesure de donner... D'abord, c'est frustrant de penser à une prime de naissance, c'est comme des primes dans une manufacture de chaussures: plus ils vont produire, plus on va payer. Ça ne se prend pas. Le principe, pour nous, n'est pas acceptable.

Mme Trépanier: La terminologie n'est pas très bonne?

Mme Huot: C'est ça.

Mme Trépanier: Je dois vous dire que, dans la politique familiale, nous appelions ça le soutien financier aux familles, qui a été tourné en bébés-bonis. Je comprends votre point.

Mme Huot: C'est sûr, qu'on est d'accord qu'on donne du soutien aux familles, mais qu'on le donne de façon universelle et à tous les enfants, le même montant.

Mme Trépanier: De façon égale. Mme Huot: Égale.

Mme Trépanier: Même si les statistiques disent que les familles avec trois enfants ont un revenu inférieur aux familles avec un enfant.

Mme Huot: Mme Trépanier, il y aurait tellement d'autres politiques, d'autres choses dont on pourrait parler pour rendre plus équitable... par exemple, les services de garde, mais on embarquerait sur tout un lot d'affaires. C'est pour ça que je dis: Asseyons-nous ensemble un moment donné et on en reparlera de ça pour trouver des solutions.

Mme Trépanier: Conclusion de cette partie-là, la proposition du Conseil du statut de la femme devient une alternative, une des mesures de reconnaissance sociale du travail au foyer.

Mme Huot: Oui.

Mme Trépanier: O. K. Vous, dans votre proposition, lorsqu'on parle de présomption de congédiement illégal suite à un congé de longue durée, vous recommandez... Nous, dans l'avant-projet, on parle de vingt semaines durant lesquelles l'emploi est assuré, suivant le retour au travail. Vous parlez de six mois.

Mme Huot: Oui.

Mme Trépanier: C'est beaucoup. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous allez si loin?

Mme Huot: Comme on le dit au départ, on fait partie de la table avec les groupes, la CSN et tous les autres groupes pour les congés de maternité. On en est venu à une entente.

Mme Trépanier: O. K. Vous êtes toujours d'accord avec cette proposition?

Mme Huot: Oui, oui, on est d'accord.

Mme Trépanier: On me dit que mon temps est presque écoulé. Vous avez des recommandations extrêmement intéressantes sur plusieurs dossiers, mais je retiens surtout que, pour vous, la position du Conseil du statut de la femme serait une reconnaissance du... Il y a peut-être des voies de solution, peut-être qu'en s'asseyant on va finir par trouver plusieurs mesures qui vont faire que le travail au foyer va être reconnu...

Mme Huot: J'en suis certaine.

Mme Trépanier: ...plus qu'on le dit présentement.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Mme Harel.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Avec quel plaisir, je vous accueille, Mme Huot et les personnes qui vous accompagnent, la secrétaire provinciale et la vice-présidente également. Je ne me trompe pas, Mme Déziel-Fortln, en disant que c'est la première occasion que vous venez en commission?

Mme Fortin: C'est la deuxième fois. Mme Harel: C'est la deuxième, ah bon!

Mme Fortin: Je suis venue aux sages-femmes.

Mme Harel: Ah, oui, d'accord. Et Mme Labrecque?

Mme Labrecque: Nous étions aux sages-femmes.

Mme Harel: Ah, oui, très bien. C'était peut-être une autre commission. C'est une question importante, les travailleuses au foyer, et ça commence à être cerné. Vous, Mme Huot, vous avez dit: II faut reconnaître, non pas le rôle -si j'ai bien compris - de la travailleuse au foyer, mais le rôle socialement utile de la travailleuse au foyer quand elle s'occupe de personnes: enfants, personnes handicapées, personnes âgées ou personnes malades. Donc, ça évolue. Ce n'est pas le travail au foyer. Par exemple, une personne seule, conjointe d'un homme, qui reste au foyer, sans avoir ces responsabilités que vous nous décrivez et qui sont socialement utiles à l'égard d'un enfant, d'une personne handicapée ou d'une personne seule, vous semble-t-elle devoir requérir aussi le même statut?

Mme Huot: Mais c'est toujours ce que nous avons demandé. Le travail au foyer fait auprès d'enfants. On l'a toujours dit.

Mme Harel: Enfants, bon. C'est important.. Mme Huot: Enfants ou handicapés ou...

Mme Harel: Je pense que c'est bien important parce que, d'une certaine façon, ça peut avoir l'air pareil, mais ce n'est pas la même chose. Est-ce qu'on s'entend bien?

Mme Huot: Oui, oui.

Mme Harel: Ça peut être un contrat privé entre un homme et une femme, tandis que le travail socialement utile...

Mme Huot: C'est ça.

Mme Harel: ...c'est toute la société qui doit le reconnaître en le valorisant et, d'une certaine façon, en le soutenant, en lui donnant des mesures où il n'est pas dévalorisé.

Mme Huot: C'est sûr qu'à un moment donné on va s'apercevoir qu'il y a des femmes qui, à un moment de leur vie... Si on remonte avant, les femmes n'avaient pas de choix de carrière. Les femmes, en se mariant, rentraient au foyer. Il faudra s'arrêter à ces femmes-là aussi. Mais on sait qu'il y a des étapes et on pense à ça.

Mme Harel: On se comprend bien. Depuis 1980, la diminution des naissances au Québec s'est sensiblement fait sentir chez les enfants de premier et deuxième rangs. Finalement, quand on regarde les statistiques, on se rend compte que 75 % de la diminution des naissances s'expliquent par la réduction des enfants des premier et deuxième rangs. Je suis toujours surprise que le gouvernement continue de parler de taux de natalité en voulant argumenter en faveur de sa prime généreuse pour le troisième. C'est vrai que, pour les parents, ça coûte plus cher pour le troisième, mais ça coûte moins cher au gouvernement parce que, le troisième, il y en a juste 13 000 ou 14 000 et qu'il y a 83 000 naissances au total. Alors, plus on est généreux pour le troisième, moins ça coûte cher, d'une certaine façon. La grande question, c'est: Quelle sorte de politique faut-il pour que le troisième vienne? Il semble que ce soit beaucoup plus des politiques d'habitation. Maintenant, il ne se construit plus de maisons avec trois chambres à coucher. Par exemple, moi, à Montréal, dans le bas de la ville, je vous assure que des trois chambres, dans les logements neufs, vous n'en trouvez plus, ça n'existe plus. Ce sont deux chambres, à peine, et vous savez qu'il y en a beaucoup où il y a juste une chambre. Alors, il y a toutes sortes de manières de faciliter le troisième, mais ce n'est pas nécessairement - vous le souligniez tantôt - dans les allocations familiales. C'est bien ça qu'il faut comprendre.

Mme Huot: II pourrait y avoir des bonnes allocations familiales qui reconnaissent...

Mme Harel: Le troisième aussi.

Mme Huot: C'est sûr que c'est un coût...

Mme Harel: Oui.

Mme Huot: ...mais uniforme, que ce soit pour le premier, le deuxième ou le troisième enfant. C'est sûr que, comme vous dites, il y a la politique de l'habitation. Mais il faut aussi penser aux autos. Il y a toutes sortes de choses. Quand on dit: La ceinture de sécurité pour tout le monde, que ce soit en avant ou en arrière dans l'auto, pensons aux petites autos où il n'y a de la place que pour deux enfants. Qui va payer pour le troisième, à ce moment-là? Il y a toutes sortes de choses qui viennent après.

Mme Harel: Tantôt, vous avez insisté sur le caractère non transférable de ce que vous proposez.

Mme Huot: Oui.

Mme Harel: Hier, il y avait Mme Gosselin - vous la connaissez, vous savez, elle est du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, de l'Intersyndicale des femmes, peut-être l'avez-vous déjà rencontrée mais elle est venue et elle attend son quatrième - qui a dit: Moi, je ne pourrai pas l'avoir, je ne peux pas prendre un congé, compte tenu de mes activités. C'est mon mari qui va le prendre. Et on s'est posé la question: Est-ce que c'est mieux que ce soit ou que ce ne soit pas transférable? La proposition du Conseil du statut, ça ne l'est pas, pour les six semaines qui sont offertes au père. Les six semaines, dans la proposition du Conseil, viennent après les 18 semaines. D'abord, la première question: Est-ce qu'il faudrait peut-être penser que, pour les travailleuses au foyer, le père puisse prendre ses six semaines...

Mme Huot: Bien sûr. Mme Harel: ...au départ? Mme Huot: Oui.

Mme Harel: Alors, ça veut dire qu'il faudrait peut-être que le Conseil modifie sa proposition pour faire encore un peu plus de place à cette réalité des travailleuses au foyer, pour que le père conjoint d'une mère travailleuse au foyer puisse prendre, à la naissance, les six semaines de congé qu'on lui propose plus tard, pas nécessairement après celles de sa conjointe qui arrête de travailler, si elle est à la maison.

Mme Huot: On en a parlé, justement, mes compagnes et moi, tantôt. On s'est dit: Là-dessus, il y a de quoi à faire et il le faut absolument. Lui, il va contribuer à son travail, là-dedans, le conjoint, le père. On s'est dit: II y a quelque chose, il faut en parier, de ça.

Mme Harel: Oui, parce que, d'une certaine façon, ça pourrait venir combler tous les congés de paternité qu'on souhaite. Ces six semaines-là seraient payées par la caisse, remboursées à 90 %. Et puis elles permettraient de donner le coup de pouce, souvent, le soutien que les femmes avaient de leurs cousines, nièces, tantes, grand-mères ou mère, à une autre époque, mais qu'elles ne peuvent presque plus avoir parce que toutes ces femmes-là sont elles-mêmes sur le marché du travail. C'est dans ce sens-là que vous le voyez?

Mme Huot: Oui, on est d'accord avec ça.

Mme Harel: Bon. Ça, ça peut être un ajustement intéressant. Mais, sur la transférabilité, il y a toutes sortes d'opinions et, moi, j'ai de la misère à m'y retrouver. On nous a dit, hier: En Suède, ce n'était pas transférable, puis ça faisait longtemps, c'était depuis la deuxième guerre. Et ils ont fait toutes sortes de campagnes pour faire évoluer les mentalités, mais même pas transférables, là, les pères ne les utilisaient pas plus. Ils se sont rendus compte que ce n'était pas utilisé. Alors là, il les ont rendus transférables. Alors, je ne sais pas, vous, pensez-vous que les pères québécois peuvent évoluer plus que les pères suédois?

Mme Huot: Bien, c'est à essayer, je crois. C'est toujours le principe, là, que, si on veut, à un moment donné, changer ça, cette tradition-là, que les enfants ce n'est pas juste l'affaire des femmes... En tout cas, il me semble qu'il y a de quoi à essayer, et on verra après.

Mme Harel: Sur le temps supplémentaire, c'est un peu beaucoup critiqué, le fait que ce soit réservé seulement au salarié qui a des responsabilités familiales, le droit de refuser de faire du temps supplémentaire, parce que ça peut créer une sorte de mesure qui peut être généreuse, mais qui, dans l'usage, va se retourner contre la personne, du fait qu'elle peut être un peu discriminée pour les promotions, l'avancement, l'embauche. Ce que tout le monde recommande, c'est qu'on se modernise, comme les provinces d'à côté, et qu'on ait une semaine de travail avec une journée maximale de huit heures, pour tout employé, et que celui-ci puisse refuser, au-delà de ces huit heures, de faire du temps supplémentaire.

Mme Huot: C'a du bon sens.

Mme Harel: Bien, je vais vous remercier de votre contribution. Vous avez les pieds dans des milieux qui ont des situations parfois difficiles, mais vous avez la tête pour l'ensemble des femmes du Québec et je veux vous en féliciter.

Le Président (M. Joly): Merci. Mme la ministre.

Mme Trépanier: Mme Huot, mesdames, merci pour votre présentation et nous vous offrons nos meilleurs v?ux pour votre 75e anniversaire.

Mme Huot: Merci, beaucoup.

Le Président (M. Joly): Mesdames des Cercles de fermières du Québec, au nom des membres de cette commission nous vous remercions beaucoup pour ce que vous nous apportez. Je pense que ça fait de la matière sur laquelle on peut continuer, disons, de jaser, de discuter, pour en arriver à prendre des décisions favorables. Je vous remercie beaucoup.

Je vais maintenant demander aux membres du Réseau d'action et d'information pour les femmes de bien vouloir s'avancer et de prendre place, s'il vous plaît.

Bonjour madame, bienvenue à cette commission. Mme Dolment, on vous reconnaît, ça fait plusieurs commissions que vous faites. (17 heures)

Mme Dolment (Marcelle): Oui, merci Pardon?

Le Président (M. Joly): Vous avez participé à plusieurs commissions.

Mme Dolment: Ah oui! Je commence à être vétérane. Je vais peut-être être promue doyenne, je ne le sais pas.

Le Président (M. Joly): J'apprécierais si vous pouviez présenter la dame qui vous accompagne.

Mme Dolment: Maintenant, bien, c'est parce qu'on croyait passer à 17 h 30. On nous avait dit à 17 h 30. Alors, nous devions être trois personnes, mais l'autre travaille. Elle va arriver pour 17 h 30, mais ça va être déjà commencé. Je vous présente Nicole Lavau, du Réseau d'action et d'information pour les femmes.

Le Président (M. Joly): Bonjour, Mme Lavau.

Mme Dolment: Et je pense que vous me connaissez.

Le Président (M. Joly): Vous connaissez un peu la procédure, Mme Dolment?

Mme Dolment: Oui.

Le Président (M. Joly): C'est qu'on vous laisse le temps nécessaire pour présenter votre mémoire qui est, en fait, normalement, une vingtaine de minutes. Après, les membres de cette commission se réservent le privilège et le plaisir de vous poser les questions d'usage. À vous la parole, madame.

Mme Dolment: Oui. Je m'excuse si je suis un petit peu...

Le Président (M. Joly): Un peu pressée.

Mme Dolment: ...en désordre.

Le Président (M. Joly): Prenez votre temps.

mme dolment: si vous voulez me donner juste une chance, ça ne sera pas long. ça va peut-être donner le temps a l'autre d'arriver.

Réseau d'action et d'information pour les femmes

Le Réseau d'action et d'information pour les femmes est heureux de constater que la... J'aimerais dire, au début, que ce mémoire-ci remplace l'autre, parce que, lorsque nous avons remis l'autre, nous avions deux gros mémoires à remettre la même journée et il y a eu quelques erreurs qui se sont glissées. J'aimerais souligner, je ne sais pas si ça peut être enregistré, que ce mémoire remplace l'autre mémoire, parce qu'il y avait des erreurs de référence à des articles. On devait, comme je vous le disais, pour 17 heures, remettre deux mémoires, alors ça a été un petit peu compliqué.

Le Président (M. Joly): Très bien.

Mme Dolment: Le Réseau d'action et d'information pour les femmes est heureux de constater que la préoccupation première du ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et des fonctionnaires qui ont pensé l'avant-projet de loi a été d'ordre social, si l'on se fie à ce que l'on a pu lire dans le document qui accompagnait le texte législatif, bien que nous n'ayons pas encore la réglementation qui précisera les décisions gouvernementales.

Il était, en effet, temps que l'on tienne compte des changements sociaux, dont les principaux sont la volonté des femmes d'avoir de meilleures conditions de maternité, la présence des deux parents sur le marché du travail et une nouvelle optique des travailleuses et des travailleurs qui exigent désormais un milieu de travail plus souple, plus humain: temps partiel, horaires variables, congés plus nombreux et vacances plus longues, ainsi que la nécessaire prise en considération des responsabilités familiales par les employeur-e-s.

Nous constatons que le ministre a bien saisi ces enjeux et ces besoins. On se propose d'apporter des améliorations appréciées à la loi en instituant de nouveaux congés, en allongeant les vacances, en diminuant les exigences du congé de maternité et en donnant des droits aux parents, dont les congés familiaux, et le droit, pour les parents, de refuser de faire des heures supplémentaires, à moins de circonstances exceptionnelles, ainsi que des congés à la naissance et à l'adoption. On se soucie aussi de l'avenir du temps partiel que certains et certaines doivent subir à cause d'une économie précaire, mais que d'autres choisissent ou choisiraient si ces conditions étaient plus attrayantes, ce qui fausse un peu les statistiques, parce que, si c'était attrayant, il y en aurait peut-être plus qui le prendrait.

Deux failles majeures rarement relevées au niveau de l'application de la loi demeurent cependant et ont trait à la prévention et à la correction des injustices. En effet, il y a un manque flagrant de connaissance de la loi des normes du travail, tant chez les employé-e-s que chez les employeur-e-s. Une information, distribuée obligatoirement aux nouveaux employeurs comme aux nouveaux employés, éviterait bien des erreurs ou bien des conflits.

Quant aux mesures de correction, notre enquête nous a révélé qu'il y a un nombre effarant d'abus chez les employé-e-s à bas salaire qui travaillent dans le commerce. Les recours prévus dans la loi sont inappropriés pour faire cesser cette exploitation. La seule façon d'y remédier serait que des inspecteurs se fassent engager pour prendre les employeur-e-s fautifs en flagrant délit, car ces employé-e-s ne peuvent se le permettre ou craignent de se plaindre.

La RAI F note aussi une carence importante au niveau des congés. Aucun congé de maladie n'a été prévu. Il est fort étonnant que l'on ne s'en soit pas soucié, quand le besoin s'en fait sentir. Quant aux autres congés, la plupart ne sont pas payés, ce qui fait que beaucoup d'em-ployé-e-s ne pourront les prendre.

L'approche familiale de l'avant-projet de loi est intéressante, mais laisse bien des points non résolus. Les mesures familiales, si bien intentionnées soient-elles, pourront n'être pas utilisées parce qu'on n'a pas intégré certains éléments cruciaux à leur application, dont la rémunération, et parce qu'on n'a pas pensé à globaliser le problème et ses solutions. Ainsi, congé parental et autonomie minimale financière doivent aller de pair. Si tant de femmes hésitent à avoir des enfants, c'est qu'elles ne veulent pas se retrouver sans aucun revenu personnel.

Pourquoi n'a-t-on pas pensé au transfert du crédit d'impôt de personnes mariées? Ce transfert assurerait au parent à la maison, dès qu'il cesserait de recevoir des prestations, entre 100 $ et 200 $ par mois, selon que seulement un ou les deux niveaux de gouvernement, provincial et fédéral, seraient impliqués, sans qu'il en coûte quoi que ce soit au gouvernement, puisqu'il s'agit du simple transfert du crédit d'impôt du conjoint qui gagne à celui qui ne gagne pas, le crédit devenant remboursable comme les crédits d'impôt pour enfants, sauf qu'il le serait mensuellement.

D'autres modifications à la loi sont aussi nécessaires si on veut respecter les employé-e-s. Les employeur-e-s y trouveront leur compte car la main-d'oeuvre sera alors plus motivée, plus productive, compensant, par le fait même, les coûts appréhendés de ces changements.

La Loi sur les normes du travail est de toute première importance car elle indique à toutes et à tous le degré de considération que la société a pour sa main-d'oeuvre. Elle oblige tous les employeur-e-s à s'y conformer, ce qui, au fond, en satisfait plusieurs qui craindraient de perdre aux mains de la compétition autrement, mais qui estiment certaines conditions de travail tout à fait nécessaires. Voilà donc ce que nous recommandons, Micheline Lavoie va continuer.

Mme Lavoie (Micheline): Parentalité. Congés reliés à la garde. Cinq jours de congé, selon le RAIF, devraient absolument être des congés payés, les parents ne devant pas être pénalisés pour avoir pris soin de leurs enfants malades. Ces congés seraient payés à plein salaire sur présentation d'un billet du médecin ou, à tout le moins, à demi-salaire si le cas n'a pas nécessité de consultation à l'hôpital ou en clinique. Ils pourraient être fractionnés. De la même manière, les congés reliés à la naissance ou à l'adoption d'un enfant devraient être payés.

Afin d'éviter que les femmes, les plus susceptibles de prendre des congés, on le sait, soient discriminées par les employeur-e-s, le RAIF suggère l'Institution d'une caisse tripartite, garnie par les entreprises, les employé-e-s et le gouvernement, dont les fonds serviront à payer ces congés familiaux. Cette modalité, maintes fois suggérée pour remplacer le paiement des congés de maternité par le programme d'assurance-chômage, pourra servir d'expérience-pilote dans l'éventualité où le Québec réussirait à récupérer du fédéral les fonds des congés de maternité.

Nous estimons que les congés familiaux auxquels réfère l'article 29 de l'avant-projet de loi ne devraient pas être limités à la garde d'un enfant mineur, mais extensionnés à la garde d'une mère, d'un père, d'une grand-mère, d'un grand-père, d'un enfant majeur handicapé ou d'une conjointe ou conjoint gravement malade ou handicapée, et que l'article 14 de l'avant-projet de loi, traitant du droit de refuser de travailler en temps supplémentaire quand il y a des obligations familiales reliées à la garde ou à la santé, soit ajusté en conséquence.

Si l'on veut que les personnes âgées demeurent à domicile plutôt que dans des centres d'accueil, il faudrait même éventuellement penser à des congés familiaux accordés aux enfants qui

n'ont pas la garde de leurs parents âgés, mais qui peuvent être obligés d'aller leur porter secours à l'occasion.

Congés de maternité. Le congé de maternité devrait être octroyé, sans aucun prérequis, pour une période de 24 semaines. Éventuellement, il serait payé à 90 % du salaire, avec prérequis, cependant, et maximum. Une législation récente vient de porter le congé de maternité en Suède à un an et trois mois, payé à 90 % du salaire. Actuellement, le congé de maternité défrayé par l'assurance-chômage n'est payé qu'à 60 % du salaire avec un maximum; actuellement, 384 $ par semaine.

Congés parentaux. Un congé parental de 40 semaines sans solde devrait se greffer au congé de maternité. Il serait transférable et pourrait même se prendre conjointement, les 40 semaines pouvant se répartir entre les deux parents, à leur choix et convenance, concurremment ou consécutivement. On doit se rappeler qu'un congé parental payé de 10 semaines, transférable entre les deux parents, doit, incessamment, venir se rajouter aux 15 semaines de l'assurance-chômage - projet de loi C-21 du fédéral - ce qui donnera 25 semaines de congé, payées à 60 %. Dans un deuxième temps, congé de maternité et congé parental devraient pouvoir totaliser deux ans. En outre, on devrait accorder aux parents de jeunes enfants la priorité du temps partiel dans le cas où très peu de postes de ce genre sont accessibles dans une entreprise. Dans une approche plus globale de conditions de travail, toute entreprise de plus de 300 employés devrait être tenue d'offrir ses services de garde sur les lieux mêmes du travail, ou dans un endroit approprié, une tendance qui se répand de plus en plus, d'ailleurs, ce service étant extrêmement populaire.

Toujours dans une approche globale, les allocations de naissance dont la répartition nataliste est si aberrante - 4500 $ pour le troisième et 500 $ pour le premier, pourtant le plus coûteux - devraient être réaménagées pour devenir 2500 $ pour le premier enfant, 1000 $ pour le deuxième et 1500 $ pour le troisième. Et l'allocation de maternité de 240 $ octroyée par le provincial aux personnes qui reçoivent les prestations d'assurance-chômage mais qui comble si peu le délai de carence devrait plutôt être donnée à toute femme qui met au monde un enfant pour compenser quelque peu ses dépenses, ses coûts de vêtements qu'il faut adapter à la maternité, par exemple, excédant largement ce montant.

Mme Lavau (Nicole): Conditions générales de travail.

Mme Lavoie: C'est Nicole Lavau qui continue.

Mme Lavau: Congés et vacances. Aucun congé de maladie n'a été prévu, ce qui est inadmissible et fort coûteux pour la société et même pour l'employeur-e, si l'employé-e malade est contagieux - grippe, par exemple - s'il risque un accident ou s'il gâche le travail. Cinq jours de congé payés pour maladie sont un minimum.

Quant aux congés pour décès ou funérailles de parents proches, nous estimons qu'il est insuffisant d'accorder un seul jour de congé dans un pays aussi grand que le nôtre et avec des conditions climatiques aussi imprévisibles et difficiles. Dans certains cas, il ne s'agirait pas seulement d'assister à une cérémonie, mais il faudrait sans doute régler des affaires urgentes et importantes.

Une semaine de congé payée pour le décès d'une ou d'un conjoint ou pour un enfant serait normale. De toute façon, retourner au travail le lendemain d'un tel événement affectera la productivité de l'employé-e et prolongera même ses difficultés de rendement, s'il ou elle n'a pu régler les affaires familiales pressantes, alors que la semaine de congé payée lui permettra, au contraire, de reprendre son travail l'esprit quelque peu libéré.

Pour une soeur, un frère, une mère, un père, trois jours de congé payés seraient indiqués. Dans le cas de décès multiples, les congés seraient cumulatifs et seraient reportés si l'employé était en vacances.

La modification apportée à l'article 69 de la loi qui n'oblige plus à accorder deux semaines de congé annuel continues dans le cas des vacances de trois semaines est déraisonnable, car on ne peut bien se reposer que si l'on peut décompresser. C'est habituellement dans la première semaine que se produit ce réajustement.

L'amendement à l'article 71 devrait indiquer que le congé annuel pourrait être fractionné malgré l'opposition de l'employeur-e, lorsque l'employé-e a un enfant de douze ans et moins. On sait toutes les tracasseries de gardiennage qu'entraîne la présence d'un enfant de cet âge.

Si un congé férié tombe durant la journée de repos statutaire, comme Noël tombant un dimanche, ce congé devrait être reporté à une autre journée dans les quinze jours qui suivent.

Aucune période de congé supplémentaire n'a été prévue dans le cas de personnes travaillant dans des centres d'accueil pour personnes âgées, repos pourtant nécessaire.

Ainsi, les préposé-e-s aux malades qui sont des cas lourds - exemple, Alzheimer - dont certaines doivent s'occuper de jusqu'à 18 personnes par jour ainsi affectées, dont peu sont lucides, devraient avoir droit à plus de vacances que les autres employé-e-s, si on veut garder ce personnel absolument essentiel et qui le deviendra de plus en plus. Leur santé est souvent gravement affectée, physiquement et psychologiquement, par leur genre de travail. Un surplus de dix jours de congé l'hiver ou à six mois d'inter-

valle, pour les préposé-e-s aux cas lourds en centres d'accueil serait indiqué afin de couper le stress et la fatigue plus intense à cette période de l'année. de nombreux maux de dos dont elles sont souvent affligées et même des dépressions pourraient ainsi être soulagés et même évités.

Temps de travail. La semaine de travail de 40 heures plutôt que 44 heures devrait être instaurée, d'autant plus que le Bureau international du travail indique, dans une étude, que la productivité a tendance à croître lorsque le temps de travail diminue, et huit heures par jour maximum. Une plage flexible d'heures de travail devrait être accordée une fois par semaine aux employé-e-s pour leur permettre de s'occuper de tâches essentielles comme une réparation de voiture, un rendez-vous chez le dentiste ou tout autre impératif. (17 h 15)

Rémunération. Le salaire minimum devrait être haussé à 5,50 $ et être indexé au salaire industriel moyen. Il n'y a aucune raison pour que le salaire minimum soit moindre pour les employé-e-s qui reçoivent habituellement des pourboires car bien des emplois commandent des pourboires, sans être officiellement reconnus comme tels ou apportent toutes sortes d'autres avantages. Ce travail est dur, surtout qu'on leur demande souvent beaucoup plus qu'un seul genre de travail - exemple, ménage, caisse, etc. - et qu'ils ou elles doivent en plus toujours faire bonne figure.

Obligation pour l'employeur-e de moduler son échelle de salaire en fonction de la hausse du salaire minimum. Exemple, une chef d'équipe reçoit 0,75 $ de plus l'heure que les autres au salaire minimum, mais, si le salaire minimum est augmenté, on ne l'augmente pas. L'employeur-e compense ainsi en partie l'augmentation du salaire minimum sur le dos des autres employé-e-s.

Interdiction de toute condition restreignante pour obtenir un dû comme les pourboires - exemple, arriver quinze minutes avant l'heure pour récupérer les pourboires inscrits sur les cartes de crédit - avec paiement d'indemnité et pénalité, ainsi que toute tentative d'intimider les employé-e-s en les forçant à fournir du temps supplémentaire non payé sous menace de ne pas être embauché ou d'être congédié, comme cela est souvent le cas dans certaines grandes chaînes de boutiques. Respect des ententes intervenues au moment de l'embauche, ce qui n'est pas toujours le cas. Élimination des trucs de certains employeur-e-s qui réduisent leurs coûts en obligeant leurs employé-e-s à bas salaire à fournir équipement et produits nécessaires à leur travail; exemple, savon, chaudière, dans le cas des femmes de ménage. L'article 41 de la loi devrait spécifier qu'aucune exigence de fournitures pour les personnes qui ont en deçà du salaire minimum plus 40 % ne doit venir diminuer ce revenu.

Compensation pour la demi-heure de dîner qui doit se prendre tout en travaillant, en plus du salaire. La loi prévoit, dans ce cas, le paiement régulier de ce temps de repas, mais elle oublie que l'employée est alors privé-e d'une détente nécessaire à sa santé. Cet-te employé-e doit donc être payé-e pour son temps de travail et être dédommagé-e pour la perte de jouissance de son repas. Elle pourrait recevoir l'équivalent du temps supplémentaire, par exemple.

On indique dans la loi que la pause doit être payée si elle est accordée par l'employeur, mais cette approche pousse celui-ci à ne pas en accorder. Il devrait être obligé de le faire ou, si ce n'est pas possible à cause de son type de commerce, payer une compensation en argent, temps et demi par exemple.

Mme Dolment: Les conditions décentes de travail. Obligation pour l'employeur-e de ne pas surcharger l'employé-e; exemple, trop de clients à servir, faire la cuisine et servir les repas, laver le plancher à 10 heures le soir ou à 2 heures de la nuit, après la journée de travail, souvent pour celles qui travaillent dans les restaurants, transporter de lourdes caisses de revues dans les gros dépanneurs. Pour les employé-e-s les plus mal payé-e-s, les charges sont souvent exorbitantes et aucun syndicat ne peut les défendre. La loi doit le faire et indiquer que la charge de travail doit être raisonnable.

Dans les restaurants de cinq employé-e-s et plus, la loi doit indiquer que l'employé-e n'a pas à servir et à faire aussi la cuisine. Ceci est une suggestion d'un propriétaire de restaurant qui a déjà été employé. La serveuse doit balayer, mais non pas laver le plancher. Si elle le fait, on doit la compenser à temps double à tout le moins.

Plusieurs employeur-e-s exigent que leurs commis, hommes ou femmes, demeurent debout, sans jamais s'asseoir. C'est inhumain et malsain, surtout dans le cas des femmes qui ont des problèmes dus à leurs grossesses passées, si elles sont enceintes et aussi, dans certains cas, au genre de souliers qu'on les oblige à porter. La loi doit obliger l'employeur-e à avoir un banc derrière le comptoir afin que l'employé-e puisse se reposer. Cet inconfort est un de ceux qui nous ont été le plus souvent soulignés et est cause de bien des maux par la suite, maux toujours coûteux pour l'État et l'employeur-e, en bout de compte.

Lieux de travail. Dans le cas où le siège est fourni - exemple, dans les bars à essence, les terrains de stationnement ou ailleurs - ces sièges sont souvent dégoûtants, inconfortables et même brisés. Un siège confortable et décent devrait être obligatoirement fourni. Les employé-e-s ont droit au même respect que les clients et les clientes. Ainsi, lorsque plus de cinq employé-e-s doivent dîner sur les lieux, un endroit propre et accueillant doit être réservé, tables et chaises doivent être installées.

Sécurité. L'employeur-e ne peut laisser une employée seule tard le soir pour vaquer à tout, comme dans des stations-service ou des restaurants isolés, à cause du danger d'agression. Plusieurs de ces personnes-là ont peur et elles nous l'ont avoué.

Recours. Le recours pour congédiement illégal doit pouvoir se faire après un an au lieu de cinq ans, surtout dans un contexte d'emplois précaires et compte tenu de la mobilité de la main-d'?uvre, et couvrir aussi les employé-e-s à temps partiel. Les recours doivent être gratuits, autrement la loi demeurera lettre morte pour une bonne part.

La Commission doit avoir des inspecteurs qui vérifieront sur les lieux si les conditions de travail sont raisonnables et si la loi est respectée en se faisant engager. Ceci est aussi une recommandation faite par des gens qui ont souffert d'injustices. On prend bien ce procédé dans d'autres domaines névralgiques, pourquoi ne le ferait-on pas dans celui-ci où les employé-e-s les plus vulnérables oeuvrent? Si on ne respecte pas les employé-e-s, si on n'est pas juste avec ces jeunes, car ce sont souvent des jeunes qui travaillent à temps partiel, qui se font ainsi exploiter, si on les vole, ils compenseront en volant à leur tour leur employeur-e et apprendront qu'on peut abuser impunément des autres, parce que le gouvernement édicte de belles lois mais qu'il ne prend pas les moyens pour les faire appliquer.

Afin de bien comprendre les problèmes vécus par la main-d'?uvre visée par les normes du travail, qui est surtout féminine on le sait, la Commission devrait être composée d'un nombre de femmes proportionnel à leur présence sur le marché du travail couvert par la Commission. Il devrait aussi y avoir une proportion de jeunes qui sont souvent victimes des abus. L'employé-e qui a gagné une cause de travail devrait avoir le choix soit d'être réintégré-e, soit d'obtenir un montant forfaitaire, la réintégration pouvant s'avérer insupportable. S'il est prouvé que l'employé-e est victime de harcèlement, sexuel ou autre, l'employeur-e doit lui accorder les déplacements dans un autre secteur de l'entreprise.

Temps partiel. Il nous apparaît que le temps partiel doit être facilité car il répond à de nombreux besoins et à de nombreuses situations, et valorisé car il fait figure de parent pauvre, ce qui en éloigne trop de personnes qui en profiteraient. Ainsi, les mêmes avantages que les employé-e-s à temps plein devraient être accordés aux temps partiel au prorata du temps travaillé, comme pour les congés, les vacances et autres avantages divers, et les mêmes recours accessibles en cas de non-respect de la loi.

Pour les assurances, le choix devrait leur être offert de cotiser partiellement avec bénéfices proportionnels ou de pouvoir cotiser pleinement en payant la différence avec pleine couverture. Il devrait être illégal de payer moins une ou un employé à temps partiel à cause de cette particularité.

Conclusion. Si l'on veut qu'il y ait du respect entre employeur-e-s et employé-e-s, si l'on veut qu'il y ait une certaine qualité de vie dans le monde du travail entraînant la qualité du travail, si l'on veut que les femmes puissent avoir des enfants tout en gardant leur place dans l'ensemble de la société, si l'on veut que les pères puissent être près de leurs enfants et en prendre soin, si l'on veut que les enfants ne souffrent pas des mutations profondes qui ont bouleversé notre société, tous doivent être prêts à en payer le prix: État, institutions, entreprises et individus. C'est une priorité.

D'autres pays de toutes grandeurs et de moyens économiques divers l'ont fait. Pourquoi le Québec tirerait-il de l'arrière alors que des conditions de travail modernes et décentes aideront grandement à maintenir la paix sociale et le coeur au travail dans une société où tout se tient et interagit?

Le Président (M. Marcil): Mme Dolment, Mme Lavau, Mme Lavoie, merci de votre présentation. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre.

Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Mme Dolment, en premier lieu, j'aimerais que, pour le bénéfice des membres de la commission, vous donniez un peu le rôle que le RAIF a. Votre organisme travaille auprès de qui? Qu'est-ce que vous faites exactement au RAIF?

Mme Dolment: Le Réseau d'action et d'information pour les femmes n'est pas un organisme de services. C'est un organisme d'action, comme on le dit, d'action politique, autant que possible, parce qu'on sait qu'avec les lois on peut changer la vie de tout le monde, de l'ensemble de la population. C'est un organisme aussi d'information. Nous publions une revue d'information depuis 17 ans, la plus ancienne du Québec, qui s'appelle RAIF. Nous cherchons à informer les femmes sur les lois, sur leurs droits, sur les droits qu'on a, sur les droits qu'on n'a pas, sur ce qui se passe ailleurs, pour faire des comparaisons. Nous n'avons pas de subvention et nous n'en voulons pas, parce qu'on critique beaucoup le gouvernement et qu'on ne veut pas se faire dire... Enfin. C'est une façon de vivre, ce qui ne veut pas dire que ce n'est pas nécessaire dans d'autres situations. Ça fait 17 ans que nous existons. Notre revue va à travers toute la province...

Mme Trépanier: Ça fait 17 ans?

Mme Dolment: Oui, 17 ans que notre revue est publiée sans interruption. Notre revue est reçue par des journalistes un peu partout. Elle est reçue dans les bibliothèques, les centres de

femmes, les universités, les cégeps, les CLSC. On couvre pas mal toute la province et même à l'extérieur de la province. On va même jusqu'au Chili.

Mme Trépanier: Merci, madame. Je vais aborder en premier lieu les congés parentaux. Vous avez une proposition différente des organismes qui vous ont précédés, à une chose près; c'est que le principe est toujours là. Vous suggérez aussi des congés rémunérés, dans une grande partie. Vous ne parlez pas d'allocation universelle dans votre cas. J'aimerais savoir quelle serait votre position face à la position du Conseil du statut de la femme qui suggère, pour sa part, une allocation universelle de 100 $ pendant 18 semaines, plus un congé parental payé de six semaines et au père et à la mère. Comment voyez-vous l'allocation universelle?

Mme Dolment: C'est-à-dire que, oui, nous recommandons une allocation universelle. Nous recommandons une allocation de maternité de 240 $ qui, actuellement, est réservée...

Mme Trépanier: Globalement.

mme dolment: ...aux personnes qui reçoivent les prestations de maternité de l'assurance-chômage. c'est réservé seulement aux travailleuses, actuellement.

Mme Trépanier: Oui, c'est ça.

Mme Dolment: Alors, nous l'universalisons pour toute femme. Une femme à la maison recevrait cette allocation de maternité, parce qu'on explique qu'il y a des dépenses. On est toujours collées à la réalité, disons. On sait que ce sont des dépenses pour les femmes, pour elles-mêmes, d'avoir un enfant, sans compter le coût de l'enfant. Alors, ça, c'est universel, c'est une allocation universelle que nous désirons avoir. Maintenant, nous ne sommes pas d'accord avec la position du Conseil du statut de la femme, bien qu'on n'ait pas eu beaucoup de temps pour l'étudier, parce que c'est à la toute dernière minute qu'on a reçu - et même c'a été retardé - leur document, c'est-à-dire avec le fait d'enlever les allocations de naissance. On l'a dit: De la façon dont c'est fait actuellement, c'est une politique nataliste qui révolte toutes les femmes, même s'ils disent qu'il y a eu plus de troisièmes enfants depuis ce temps-là. On pourrait se demander qui les a eus et pour quelle raison. Enfin, je ne pense pas que ce soit...

Mme Trépanier: Ce n'est pas l'unique... Mme Dolment: ...un critère.

Mme Trépanier: Ce n'est pas l'unique facteur.

Mme Dolment: Ce n'est pas du tout un critère, ce n'est même pas désirable; on n'a pas des enfants parce que c'est payé. Mais il faut savoir que le premier enfant coûte très cher et c'est pour ça que nous ne voulons pas, nous, enlever ces allocations de naissance qu'on a toujours recommandées. Depuis 1975, qu'on recommande ça, ces allocations à la naissance; il y en avait en France et on trouvait que c'était une excellente idée. Nous trouvons que ces allocations à la naissance doivent demeurer mais être réaménagées, c'est-à-dire que c'est le premier enfant qui coûte cher. On a fait le décompte, j'ai fait le décompte avec une personne que j'interviewais dans le cadre des normes du travail, parce qu'elle travaille dans un grand magasin et justement dans la section des bébés, pour les meubles. Alors, on a fait le décompte et, au bas mot, ça coûte environ 1500 $, juste en meubles, et ça, ça ne compte pas la layette, ni rien. Donc, il y a un gros montant à donner. Si c'est donné, distribué, disséminé, 100 $ par semaine, comme ils veulent le faire, il n'y aura pas le gros montant pour acheter ou pour faire face à ce coût intensif qui arrive tout d'un coup.

Alors, nous, nous recommandons, s'ils veulent que les femmes au foyer puissent avoir un certain avantage - et nous l'avons dit dans notre mémoire - ce que nous avons toujours recommandé depuis longtemps d'ailleurs, soit le transfert de l'exemption de personnes mariées: la famille va avoir le même montant. M. Levesque, le ministre des Finances, a refusé en disant une chose bien bizarre, il a simplement dit: Non, écoutez, ça va coûter 400 000 000 $ aux contribuables. Voyons donc! Ce n'est pas vrai du tout, c'est simplement un transfert. L'homme ne l'aura pas parce que ça ne lui appartient pas, ce crédit d'impôt qui n'est pas remboursable, là, pour la personne mariée. Ce n'est pas à lui, c'est comme dans le temps où le salaire de la femme appartenait à l'homme. Le jour où on l'a enlevé à l'homme en disant: Bien, c'est à elle, ça lui appartient, on n'a pas dit: On pénalise l'homme et on enlève 1 000 000 000 $. Je ne comprends pas le ministre, M. Levesque - évidemment, il est d'une autre génération - je ne sais pas pourquoi, mais, en tout cas, c'est révoltant de nous prendre pour des valises et de nous dire: Bien, ça va coûter 400 000 000 $. Ce n'est pas vrai, la famille va avoir le même montant d'argent, on fait juste le donner à qui ça appartient. C'est une forme de revenu garanti: l'homme continuerait d'avoir son crédit d'impôt et la femme aurait le sien. Donc, la femme à la maison qui aurait l'enfant, si elle est travailleuse, après ses prestations, elle aurait droit à ça et l'autre l'aurait de toute façon.

Maintenant, il y aurait aussi ce qu'on a toujours demandé...

Mme Trépanier: Alors...

Mme Dolment: ...c'est, quand elle a un jeune enfant, qu'elle ait la moitié du salaire de l'homme, pendant qu'elle a un jeune enfant à la maison.

Mme Trépanier: O.K. Alors, si je reviens à vos congés parentaux, là, c'est 240 $ par mois. Oui, c'est ça?

Mme Dolment: Congés parentaux, non, c'est une allocation de maternité.

Mme Trépanier: Le congé de naissance, là, de 240 $.

Mme Dolment: Ce n'est pas un congé, ça, c'est une allocation de naissance...

Mme Trépanier: O.K.

Mme Dolment: ...une allocation de maternité, excusez.

Mme Trépanier: Une allocation de maternité.

Mme Dolment: Une allocation de maternité qui serait universelle.

Mme Trépanier: 240 $... Mme Dolment: Oui. Mme Trépanier: ...par mois. Mme Dolment: Non, non. Mme Trépanier: C'est 240 $.

Mme Dolment: C'est qu'actuellement, à l'assurance-chômage...

Mme Trépanier: Oui.

Mme Dolment: ...il y a une période de carence de deux semaines, parce que...

Mme Trépanier: O.K. Alors, c'est seulement...

Mme Dolment: ...c'est quinze semaines payées et il y a deux semaines... Et la province...

Mme Trépanier: O.K.

Mme Dolment: ...comble, depuis quelques années...

Mme Trépanier: Alors, il n'y a pas d'ajout, ià.

Mme Dolment: ...en versant 240 $, globalement.

Mme Trépanier: O.K. Alors, c'est le même, là...

Mme Dolment: C'est une continuation, ni plus ni moins. Elles reçoivent leur formulaire...

Mme Trépanier: Je pensais que c'était...

Mme Dolment: ...en même temps qu'elles reçoivent leurs prestations d'assurance-chômage et on dit: Vous avez droit à ça.

Mme Trépanier: Je pensais que c'était un ajout que vous proposiez à ça.

Mme Dolment: Non, non, c'est qu'on l'étend aux femmes qui sont...

Mme Trépanier: Au foyer.

Mme Dolment: ...à la maison, parce que c'est une allocation de maternité.

Mme Trépanier: O.K.

Mme Dolment: Donc, elles l'ont. Maintenant, il ne faut pas oublier, par contre... Personne n'a parlé des dix semaines qui s'en viennent, dans les mémoires que j'ai entendus. On n'a pas mentionné que, bientôt, il va y avoir dix semaines de congé parental payées à 60 % qui vont s'ajouter aux quinze semaines déjà payées pour les travailleuses...

Mme Trépanier: C'est ça.

Mme Dolment: ...ce qui va faire 25 semaines payées à 60 %. Maintenant, il manque le 90 %, parce que, nous, nous recommandons 24 semaines payées à 90 %. Il ne faut pas oublier que le Conseil du statut de la femme s'est basé sur le fait qu'il rapatriait...

Mme Trépanier: Exactement.

Mme Dolment: ...du fédéral les montants, les fonds, mais ce n'est pas encore fait et on sait que, bon, c'est assez lent. Quand on voit ce qui se passe pour le lac Meech, je pense qu'on peut attendre encore longtemps.

Mme Trépanier: Lorsque... (17 h 30)

Mme Dolment: Donc, on aime mieux commencer tout de suite avec des choses qu'on peut obtenir demain matin, soit le transfert d'exemption de personnes mariées et puis, pour les travailleuses, d'avoir 25 semaines payées à 60 %. Ce n'est pas le Pérou, mais c'est déjà ça. Mais on veut que l'allocation de naissance soit d'au moins 1500 $. On aurait bien mis 3000 $, mais on savait très bien le calcul qu'il fallait faire, que

le troisième enfant, il n'y en a pas beaucoup, tandis que le premier enfant, il y en a plus. on a été raisonnable en disant que la capacité de payer, avec les coupures...

Mme Trépanier: Vous trouvez important de garder les deux principes. Le C-21 propose un congé parental partageable et fractionnable. Est-ce que, quand vous parlez de votre congé de...

Mme Dolment: Fractionnable, c'est...

Mme Trépanier: ...garde d'enfants, il est fractionnable? Est-ce que, quand vous parlez de votre congé parental de dix semaines, vous le voyez fractionnable également, comme le fédéral le voit?

Mme Dolment: Non, ça c'est le fédéral. C'est ce que le fédéral fait, ce n'est pas nous. Au fédéral, je ne pense pas qu'il soit fractionnable, c'est-à-dire qu'il faut qu'ils prennent dix semaines qu'ils doivent ajouter après avec les quinze semaines payées, ce qui fait 25 semaines. Ils ne peuvent pas le reporter, admettons, six mois après. Il faut que ça se suive, mais c'est partageable, par contre. Il y en a un pour les deux parents, ce n'est pas un chacun.

Mme Trépanier: Non, non, non. Mme Dolment: C'est un pour les deux.

Mme Trépanier: Un pour les deux parents, mais fractionnable.

Mme Dolment: Oui, ils peuvent se le transférer.

Mme Trépanier: Je veux dire qu'ils peuvent le prendre sur une période de 52 semaines.

Mme Dolment: Non, non, non. Je ne pense pas.

Mme Trépanier: Je pense que oui. Avec le projet fédéral...

Mme Dolment: Je ne pense pas qu'ils le peuvent. Est-ce qu'ils le peuvent? Ça m'éton-nerait. Je pense qu'il faut le prendre à la suite.

Mme Trépanier: Oui, je pense que le congé fédéral...

Mme Dolment: Oui.

Mme Trépanier: ...selon le C-21, permettra de prendre dix semaines de congé parental fractionnables en plusieurs périodes...

Mme Dolment: Durant toute l'année?

Mme Trépanier: ...durant une période de 52 semaines, suivant la naissance de l'enfant.

Mme Dolment: II faudrait que je vérifie, parce que ça m'étonne.

Mme Trépanier: Votre opinion là-dessus, est-ce que vous seriez... Parce que ça donne un congé d'une année. Alors, on va vérifier, mais c'est l'information qu'on me donne.

Mme Dolment: J'ai une coupure de presse. Si vous voulez, je l'ai ici avec moi, alors je peux la regarder, je l'ai ici.

Mme Trépanier: Madame, je ne voudrais pas qu'on allonge le débat.

Mme Dolment: Je peux demander à quelqu'un de la regarder pendant ce temps-là.

Mme Trépanier: On va régler ce problème-là un peu plus tard.

Mme Dolment: Oui. Parce que j'ai une coupure de presse...

Mme Trépanier: O.K.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la ministre. Maintenant, je vais reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Dolment: Je voudrais juste... je n'ai pas terminé... Une seconde. Parce que je parlais de ce que faisait le fédéral, mais nous, ce n'est pas ce qu'on recommande. Nous recommandons...

Le Président (M. Marcil): Je comprends, mais...

Mme Dolment: ...un an et trois mois, donc 40 semaines de congé pas payées...

Mme Trépanier: Sans solde.

Mme Dolment: Sans solde, mais transférables.

Mme Trépanier: Je parlais du congé avec solde; c'est dix semaines, que vous recommandez.

Mme Dolment: Non, 24 semaines. Mme Trépanier: 24 semaines avec solde?

Mme Dolment: 24 semaines avec solde à 90 %, si on peut rapatrier les fonds, sinon il va falloir attendre les fonds, c'est certain. Mais si on peut rapatrier les fonds... parce qu'on voudrait une caisse tripartite, ce que tout le monde demande depuis très longtemps, et ce serait à

90 % pendant 24 semaines. Le restant, les 40 autres semaines, ce serait sans solde, mais partageable entre le père et la mère.

Mme Trépanier: Merci, madame.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. Je vais tenter de retrouver... J'ai un dossier sur les mesures qui sont proposées en matière de congé de maternité au niveau de la réforme de l'assurance-chômage, alors on pourra sûrement le retrouver. Le total maximal, c'est 30 semaines de prestations remboursées à 60 % du revenu assurable, puisqu'on peut combiner aussi les prestations de maladie à celles de maternité et parentales. Mais le total est de 30 semaines.

Ça m'a intriguée, le réalisme de vos propositions. Vous avez fait des entrevues pour préparer le mémoire? Comment avez-vous procédé?

Mme Dolment: Est-ce qu'on doit vous donner tous nos trucs? Ha, ha, ha!

Mme Harel: Non, mais écoutez...

Mme Dolment: Ce que nous avons fait, c'est que nous sommes allées sur le terrain, si on peut dire, interviewer des personnes qu'on sentait susceptibles d'être abusées, de subir des abus financiers, pas financiers, mais de travail, et les cheveux nous ont dressé sur la tête. On doit dire aussi que notre comité d'étude sur les normes de travail était composé de Nicole, qui a été syndicaliste pendant des années et qui a beaucoup d'expérience, et puis de Micheline, qui a travaillé à temps partiel très longtemps et qui travaille maintenant a temps plein et qui a aussi beaucoup d'expérience, et de deux autres personnes qui ne sont pas ici. En mettant toute cette banque d'informations ensemble, avec les entrevues que nous avons faites et les enquêtes, ça nous a permis de ramasser ces informations-là, et je vous dis que c'est juste un petit échantillonnage, alors on imagine ce que ça peut être.

Mme Harel: À la page 10, par exemple, vous nous dites que l'inconfort le plus souvent souligné et qui est la cause de bien des maux de dos est celui de l'absence d'un banc derrière le comptoir où l'employé est tenu de rester en position debout. Ma foi, c'était donc une cause de nuisance qui vous était rapportée fréquemment.

Mme Dolment: Ah oui, le plus fréquemment. D'ailleurs, j'ai vu une serveuse qui pourtant travaillait dans un restaurant depuis treize ans, qui était enceinte de cinq mois et demi - c'était très avancé - et qui n'avait pas le droit de s'asseoir. Alors, j'en ai vu une autre aussi - pourtant elle était jeune - qui me disait: On vient tellement fatigué d'être debout - elle travaille dans un grand magasin - on avait un banc et ils nous l'ont enlevé il y a quelque mois. Si je pouvais juste m'appuyer sur le banc pour reposer un peu mes jambes, ça me ferait du bien, mais on n'a pas le droit. Le gérant passe et nous surveille pour voir si on est debout, si on fonctionne et si on ne s'est pas échappé, parce qu'il y en avait une qui travaillait et qui était enceinte, alors elle essayait de se sauver pour aller aux toilettes s'asseoir un peu.

Je veux dire, c'est inhumain, c'est aussi pire que les chinoises qu'on forçait à marcher avec des petits pieds. Ça n'a aucun sens. Qu'est-ce que ça change d'être assise ou non? Et dans une tabagie, même chose, un jeune, rendu à minuit le soir, ça faisait sept heures qu'il était debout d'affilée et il n'avait pas le droit de s'asseoir. Il avait dû manger sur le pouce et il n'avait pas le droit de s'asseoir. Il s'est assis, à un moment donné, et, vite, il s'est levé. J'ai dit: Assoyez-vous, et il m'a dit: Je n'ai pas le droit.

Mme Harel: ça veut donc dire que ces personnes, certaines d'entre elles, si elles sont enceintes, peuvent toujours, en tout cas théoriquement, recourir au retrait préventif de la loi sur la santé et la sécurité.

Mme Dolment: Mais ce n'est pas facile.

Mme Harel: Oui, et de toute façon, au retour, pour toutes les autres employées qui peuvent avoir, pour toutes sortes de raisons... Parce que vous nous faites valoir aussi qu'il n'y a pas de garantie de retour à l'emploi après une maladie. Je pense que, dans votre mémoire, vous réclamez un congé de maladie, hein?

Mme Dolment: Non, ce n'est pas ça. C'est-à-dire qu'on n'a pas abordé le fait d'être remercié de ses services, on a dit...

Mme Harel: Est-ce que vous avez rencontré... Parce qu'on nous a dit...

Mme Dolment: Ce n'est pas nous, ça.

Mme Harel:... que c'était le principal facteur de congédiement, le fait qu'une personne ait été malade et qu'elle ne se soit pas présentée à son travail; l'employeur ne la reprend pas.

Mme Dolment: Ce n'est pas nous, ça. Non. Ce que nous avons recommandé, c'est cinq jours de congé de maladie, parce qu'on est très très surprises qu'il n'y ait pas eu... et cinq jours de congé de maladie, pas liés, pas les maladies des enfants, cinq jours de congé de maladie pour la

personne elle-même. C'est une autre critique ça, et même dans les boutiques, que ce soit les hommes ou les femmes, on dit: Ça n'a pas de bon sens. On est malades, on vient travailler malades comme des chiens, des fois on fait 102° de température, parce qu'on ne peut pas se permettre... Ce sont des petits salaires, ils ne peuvent pas se permettre de manquer. Les serveuses, c'est pareil. Alors, c'est assez important, quand même, qu'il y ait cinq jours de congé de maladie, d'autant plus, comme on dit, que ça peut finir par coûter cher, s'ils distribuent leur grippe à tout le monde; finalement, ça n'aide personne.

Mme Harel: Parce qu'une maladie de longue durée est remboursée...

Mme Dolment: Oui.

Mme Harel: ...par les prestations d'assurance-chômage...

Mme Dolment: Ce n'est pas ça.

Mme Harel: ...jusqu'à concurrence de deux semaines.

Mme Dolment: C'est pour quelqu'un qui a une indigestion, quelqu'un qui a une grippe ou quelque chose commme ça.

Mme Harel: Oui. Vous disiez, dans votre mémoire, qu'évidemment le problème c'est que le gouvernement peut édicter des belles lois, mais qu'il n'a pas toujours les moyens pour les faire appliquer. Et vous considériez que ça créait un désenchantement tel que ça pouvait, d'une façon certaine, éloigner des personnes du respect des institutions. Vous nous le décrivez bien. Est-ce que... Oui?

Mme Dolment: J'ai entendu des personnes qui travaillaient dans certaines boutiques, là, boutiques, librairies ou peu importe, qui disaient: Ah bien, ils me volent assez. Ils ne me paient même pas mon temps supplémentaire, alors je vole des livres en compensation. Je me paie.

Mme Harel: Est-ce que vous pensez qu'il serait utile...

Mme Dolment: Mais ils les voient. Ils leur prennent leur temps supplémentaire. Dans une boutique, je n'ai pas osé le dire dans le mémoire, mais une grande boutique, à travers tout le Canada, qui a des centaines de boutiques et qui vient d'en ouvrir une autre cinquantaine, quand la personne entre au travail, on lui dit, quand elle est engagée: Tu travailles en temps supplémentaire ici et on ne te le paie pas. Mais j'ai dit: Pourquoi ne vont-ils pas se plaindre? On a dit: Voyons donc, les gens ont besoin de travailler, ils continuent et, de toute façon, ça coûte trop cher de se plaindre et, à part ça, ils risquent de perdre leur emploi. Ils ont peur.

Mme Harel: Est-ce que vous croyez que le fait que des organismes comme le vôtre ou des organismes de défense pourraient être habilités à porter plainte à la place des employés qui, souvent, dans la balance, vont avoir une si grande peur des représailles qu'ils n'oseront pas le faire. Il y a des intervenants avant vous qui ont suggéré que, comme dans le cas de la Charte des droits et libertés, qui permet de porter plainte devant la Commission même si on n'est pas victime de discrimination, il y ait les mêmes dispositions dans la loi des normes, que, par exemple, un organisme comme le vôtre aurait pu porter plainte devant la Commission suite à toutes les constatations que vous avez pu faire par vos entrevues. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

Mme Dolment: Non, je ne pense pas. D'ailleurs, j'étais tellement révoltée, à un certain point, que j'ai demandé: Qu'est-ce que vous suggérez? Ça n'a pas de bon sens, c'est effrayant, il n'y avait pas une place où j'allais où il n'y avait pas des abus épouvantables. Là, ils m'ont dit la seule façon, parce que même si un organisme... Il faut le prouver. Comment le prouver? Ces personnes-là ne viendront pas témoigner. Alors, Ils ont dit que la seule façon... et la personne qui m'a dit ça, entre autres, c'est une personne qui a eu un long curriculum vitae de "drop-out" et tout, et puis qui, tout à fait par hasard, est allée à l'université faire des relations industrielles, puis qui travaille dans une boutique. Alors, elle est assez au courant. Elle a dit: La seule façon, c'est que quelqu'un se fasse engager; il n'y a pas d'autre moyen de le faire. Alors, moi, j'ai suggéré ça aux normes du travail, j'ai appelé et j'ai dit: Pourquoi est-ce qu'il n'y a personne qui se fait engager? Ils ont dit: Pensez-vous qu'on a le temps? Mais, écoutez, ils le font pour toutes sortes de choses, ils le font pour la drogue, ils le font pour ci, ils le font pour ça. Qu'est-ce que c'est de prendre un inspecteur ou une couple et d'aller dans des grandes chaînes, je ne dis pas les petites boutiques, mais les grandes chaînes, que ce soit des grandes chaînes de restauration, de chaussures, de vêtements ou de n'importe quoi. Qu'ils se fassent engager et au bout d'un mois, ils vont avoir un dossier ça d'épais.

Mme Harel: Compte tenu des obligations qui font qu'on termine un peu plus tôt, est-ce que je peux vous poser une dernière question, très rapidement? Vous avez parlé du crédit d'impôt et vous avez dit qu'il était souhaitable qu'il soit versé, que ça pourrait remplacer l'allocation universelle que propose le Conseil du statut, mais ce crédit d'impôt n'est alloué qu'aux personnes

mariées. L'an passé, au Québec, un enfant sur trois est né hors mariage et c'est une progression. Quand je dis l'an passé, je pense à 1988. Je n'ai pas eu connaissance des chiffres de 1989. Mais, depuis cinq ans, c'est une progression qui est vertigineuse. Alors, c'était 27 %, je pense, en 1985, c'est devenu 33 % en 1988 et ça continue comme ça. Dans cette sorte de mesure, il y aurait des catégories de personnes qui ne recevraient rien. Parce que, au moins, l'allocation est universelle avec le Conseil du statut, tandis que votre crédit d'impôt ça n'est versé, ça ne serait versé, s'il était transféré, qu'aux personnes mariées. Il y a pourtant un tiers des personnes qui ont des enfants au Québec et qui les ont hors mariage. Ça n'en fait pas pour autant des enfants de père inconnu, parce que les statistiques révèlent qu'il y a juste 5 % de ces enfants qui ont des pères inconnus, 95 % des pères sont connus, mais dans des unions de fait.

Mme Dolment: Oui, et nous sommes enchantées, parce qu'on a toujours recommandé les unions de fait plutôt que le mariage qui discréditait beaucoup les femmes, qui les privait... Bon, enfin, on sait ce que les juges faisaient avec...

Mme Harel: Oui, mais vous ne recommandez pas ça, là.

Mme Dolment: On a toujours recommandé ça. Maintenant, vous savez, Mme Harel, vous avez demandé vous-même une commission sur les conjoints de fait et les gens mariés et je pense qu'elle va venir, parce que vous soulignez là un point... C'est une approche globale qu'il faut toujours prendre, parce que, nous, nous nous sommes toujours élevées contre le fait qu'on prive les femmes de leur revenu garanti. Si elles étaient conjointes de fait et si c'était ce que nous recommandions qui était accepté, ces femmes-là auraient droit, soit à l'aide sociale, soit à ce qu'on appelle un crédit d'impôt remboursable, qui serait un crédit d'impôt remboursable de revenu garanti. Alors, c'est sûr que c'est la seule catégorie de personnes, les conjointes de fait, qui n'ont droit à aucun revenu garanti, parce que les femmes mariées l'ont, mais c'est le mari qui l'empoche. Alors, c'est sûr qu'il y a des corrections à faire. On ne peut pas bouger, avancer d'un pas sans que l'autre pas soit... Il y a une interaction entre les deux, donc il faut corriger en même temps, faire une concordance entre toutes les lois pour que ça soit juste.

Mme Harel: Je vais vous remercier pour votre contribution et pour l'introduction de toutes ces réalités que vous avez pu constater sur le marché du travail.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup,

Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mme la ministre, vous vouliez...

Mme Trépanier: Mme la députée avait une question.

Mme Boucher Bacon: Bonjour, Mme Dolment. J'aimerais connaître un petit peu plus votre organisme, parce que tout à l'heure vous mentionniez que vous étiez un organisme de pression, dans le sens que vous ne vouliez pas de subvention du gouvernement pour pouvoir exprimer plus librement vos dires. J'aimerais savoir: Vous êtes composé de combien de membres?

Mme Dolment: Actuellement, nous avons une revue où les gens... parce que, maintenant, le lien entre les féministes. Avant, au tout début, les femmes étaient moins au travail et pouvaient s'engager plus. Maintenant, le lien féministe, la façon pour les femmes de s'engager - aux États-Unis c'est la même chose - c'est beaucoup en travaillant, en étant parfois dans certains comités ou dans certains organismes comme on a actuellement, mais beaucoup aussi par des revues féministes. Alors, nous avons une publication, qui est à peu près de 700, mais qui doit rejoindre, parce qu'elle est lue, qu'elle va dans les bibliothèques et tout, des milliers et des milliers de personnes. Maintenant, nous avons des membres individuels à travers le Québec, aussi, qui ne sont pas... Avant, nous avions des réseaux, maintenant, ce n'est plus la façon de fonctionner. Notre place principale est ici à Québec parce que le gouvernement est ici. Alors, nous avons des membres individuels ailleurs, mais le réseau lui-même est ici à Québec.

Mme Boucher Bacon: Vous avez une permanence?

Mme Dolment: Oui.

Mme Boucher Bacon: De combien de membres?

Mme Dolment: Une permanence? Mme Boucher Bacon: Oui. Mme Dolment: De combien de membres? Mme Boucher Bacon: Oui.

Mme Dolment: La permanence elle-même, ce n'est pas un local comme tel. Notre groupe comprend à peu près, d'études et de recherche, une douzaine de personnes, auxquelles viennent se greffer à peu près une cinquantaine d'autres personnes avec qui nous communiquons.

Mme Boucher Bacon: Vous avez des cotisations?

Mme Dolment: Des cotisations, oui. Mais c'est-à-dire qu'on n'a pas beaucoup de temps, c'est plutôt les abonnements à la revue. Mais on a des cotisations, oui, qui peuvent être envoyées, mais ce n'est pas tellement...

Mme Boucher Bacon: Alors, vous subsistez à cause de la revue?

Mme Dolment: Oui, oui, on s'autofinance, oui.

Mme Boucher Bacon: Vos revenus, ce qui est payé...

mme dolment: mais est-ce que c'est une... je pense que j'aimerais peut-être mieux parler de notre mémoire et je pourrais vous en parler après, parce que là...

Mme Boucher Bacon: Oui, mais je pense qu'il n'y a rien de...

Mme Dolment: Non, mais c'est parce qu'on aimerait parler de notre mémoire, parce que, écoutez, le travail que nous avons fait...

Mme Boucher Bacon: Oui, mais c'est à la fin et je pense qu'il n'y a rien d'odieux à vous connaître.

Mme Dolment: Ah bon! Oui, bien sûr.

Mme Boucher Bacon: Je crois que c'était pour bien connaître l'organisme, pour mieux comprendre votre mémoire.

Mme Dolment: Mais c'est qu'il y a tellement de choses dont on aurait aimé discuter. On devait avoir une heure et là on a juste trois quarts d'heure et, la dernière fois, on devait avoir une heure et on a eu juste une demi-heure, alors c'est pour ça qu'on est un peu déçues. Nous nous sommes réunies pendant je ne sais pas combien de temps, plusieurs réunions, pour discuter du mémoire. Alors, on aurait aimé beaucoup en parler.

Le Président (M. Marcil): Madame, si vous avez d'autres choses à ajouter, allez-y. La commission parlementaire comme telle, lorsqu'on dépose les mémoires, les mémoires sont lus, sont résumés et on a déjà préparé des questions, donc les mémoires sont connus de part et d'autre. Donc, les gens, les parlementaires posent des questions dans le but d'avoir des informations supplémentaires ou vice versa.

Mme Dolment: Oui, c'est justement.

Le Président (M. Marcil): Si vous, vous pensez que vous devez ajouter des informations qui ne sont pas dans votre mémoire, allez-y, on vous écoute. Ça va?

Mme Dolment: Non, c'est justement. C'est parce que, si elle me pose des questions, je vais répondre. Moi, je le connais mon mémoire, on le connaît notre mémoire.

Le Président (M. Marcil): Oui, je sais ça.

Mme Dolment: Mais, si elle me pose des questions sur le mémoire, je serai très heureuse de répondre, ou s'il y avait d'autres députés qui nous posaient des questions. Je comprends que l'Opposition a posé une question et la ministre, mais, je veux dire, les députés, on ne les entend pas souvent. On aimerait beaucoup.

Une voix: C'est peut-être parce que c'est bien clair.

Le Président (M. Marcil): C'est parce que c'est clair. Il y avait Mme la ministre qui voulait ajouter quelque chose.

Mme Trépanier: Deux petites choses, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y, madame.

Mme Trépanier: D'abord, pour clarifier l'imbroglio tout à l'heure concernant la Loi sur l'assurance-chômage, j'aimerais que vous me permettiez de déposer un document, qui a été validé par Emploi et Immigration, qui donne des informations sur la loi actuelle et aussi sur le projet de loi C-21 et qui vient confirmer ce que j'avais dit tout à l'heure, sur les dix semaines de prestations parentales, partagables et fractionnables aux besoins des parents adoptifs ou parents naturels. Alors, si vous me le permettez...

Mme Dolment: Mais, est-ce qu'elles peuvent être prises...

Mme Trépanier: Dans une période de 52 semaines suivant la naissance.

Mme Dolment: De 52 semaines? Ah bon!

Mme Trépanier: D'accord! Alors, je dépose ce document.

Le Président (M. Marcil): C'est bien. Donc, on va accepter ce document. Madame, vous acceptez? Oui.

Une voix: Oui.

Mme Trépanier: Et je devrais aussi vous dire comme information, on parlait des conjoints de fait, pour rassurer Mme la députée de Hoche-

laga-Maisonneuve et aussi pour votre information, Mme Dolment, qu'il y a un comité interministériel sur pied, qui regroupe les ministères de la Justice, du Revenu, des Finances, de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, le Secrétariat à la condition féminine et le Secrétariat à la famille, qui a un mandat assez large et qui se réunit présentement. Ils ont eu une réunion hier, si je ne m'abuse, c'était le 20 février. Ils doivent remettre leur premier rapport, le rapport préliminaire, pour le premier juillet 1990. Alors, c'est une question qui nous préoccupe au plus haut point et à laquelle nous travaillons intensivement.

Sur ce, Mme Dolment, j'aimerais vous remercier de votre présentation et vous assurer que vos commentaires et que votre mémoire seront tenus en très bon compte, et bon retour.

Mme Dolment: Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la ministre. Mme Dolment, Mme Lavau, Mme Lavoie, merci beaucoup de vous être présentées à cette commission. J'Informe les députés de cette commission que nous allons ajourner nos travaux au mardi 27 février à 10 heures, en cette même salle.

(Fin de la séance à 17 h 50)

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