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(Dix heures quatorze minutes)
La Présidente (Mme Marois): Si vous voulez bien prendre
place, nous allons démarrer notre travail à la commission des
affaires sociales.
Nous sommes réunis, ce matin, pour procéder à une
consultation générale, de même qu'à des auditions
publiques, dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi, Loi
modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions
législatives.
Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente: M. Atkinson
(Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Holden (Westmount).
La Présidente (Mme Marois): Bonjour.
La Secrétaire: M. Chevrette (Joliette) par Mme Harel
(Maisonneuve).
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Est-ce que de votre
côté... Non, il n'y a pas de remplacement. D'accord.
Je vous souhaite la bienvenue à la commission. J'aimerais
rappeler, en une ou deux minutes, l'importance des travaux que nous engageons
ce matin. C'est vrai, bien sûr, je vous dirai, pour beaucoup de
commissions auxquelles nous siégeons et pour lesquelles nous entendons
des représentations. Celle de ce matin est particulièrement
importante. On nous rappelle qu'elle toucherait 58 % de la main-d'oeuvre
québécoise et elle touche souvent le travail de nombreuses femmes
- sûrement que la ministre déléguée à la
Condition féminine et à la Famille en parlera-elle touche
largement les femmes, elle touche largement le travail précaire d'un
grand nombre de personnes qui oeuvrent chez nous, et c'est dans ce
sens-là que cette commission est aussi importante.
Je souhaite que nos travaux soient empreints de
sérénité, permettent aux personnes de s'exprimer, de dire
les points de vue et permettent aussi qu'il y ait entre les membres de la
commission des échanges fructueux qui éclaireront ainsi le
gouvernement quant aux positions à prendre sur cet important projet de
loi.
Alors, je crois que vous vous êtes entendus quant au partage du
temps: 20 minutes de part et d'autre, et M. le député
indépendant a dix minutes qu'il lui est aussi possible d'utiliser pour
émettre son point de vue.
Remarques préliminaires M. André Bourbeau
j'inviterais maintenant le ministre de la main-d'oeuvre, de la
sécurité du revenu et de la formation professionnelle à
nous faire part de son point de vue.
M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Nous franchissons
aujourd'hui une étape importante dans le processus devant conduire
à la révision des normes du travail.
La consultation publique que nous menons sur l'avant-projet de loi
modifiant la Loi sur les normes du travail s'inscrit, en effet, dans une
démarche visant à mettre à jour et à
améliorer les conditions minimales de travail au Québec. Mises
à part quelques retouches de concordance, la loi actuelle n'a fait
l'objet d'aucun amendement significatif depuis son adoption, en 1979.
Pourtant, la dernière décennie a été
marquée par une évolution importante du marché du travail
et par une sensibilisation accrue de la nécessité de mieux
concilier le travail et les responsabilités familiales. En publiant
l'avant-projet de loi, le gouvernement a déposé des propositions
susceptibles de constituer la base d'un nouveau cadre législatif sur les
conditions minimales de travail. J'insiste pour dire qu'il s'agit bel et bien
de propositions. Nous sommes parfaitement réceptifs à des
suggestions d'amendement, de retrait, d'ajout ou à des projets
d'articles qui pourraient bonifier l'avant-projet de loi et contribuer à
la constitution d'un régime plus adéquat et plus complet de
normes du travail.
À l'égard de certaines questions, nous avons choisi de ne
pas prendre position immédiatement, préférant solliciter
de la part des participants à cette commission parlementaire des
suggestions concrètes en ces matières. C'est notamment le cas des
règles régissant la participation des employés à
temps partiel aux régimes d'avantages sociaux instaurés dans
l'entreprise. Comment, par exemple, appliquer une règle de
proportionnalité qui rendrait admissibles aux bénéfices
d'un régime d'assurance collective les employés à temps
partiel? Je souhaite que certains de nos invités expriment leur
façon d'aborder ce genre de problème dans l'optique de la
recherche de l'équité à l'égard des milliers de
personnes qui travaillent à temps partiel, souvent dans des conditions
précaires.
Comme vous le voyez, Mme la Présidente, l'avant-projet de loi
modifiant la Loi sur les normes du travail demeure un chantier ouvert. Le
gouvernement ne fera son lit qu'après avoir soigneusement
analysé et évalué les recommandations que nous entendrons
au cours des prochains jours. C'est donc dire toute l'importance que nous
accordons aux travaux de cette commission.
Dans une société comme la nôtre, la fixation du
salaire et des conditions de travail s'établit en fonction des rapports
entre l'employeur et les employés. Les forces du marché et de la
concurrence devraient normalement assurer un certain équilibre entre la
volonté d'améliorer les conditions de travail des salariés
et la capacité des entreprises d'y contribuer.
Mais la réalité n'est jamais, hélas, aussi simple.
Aussi, les gouvernements ont-ils historiquement établi des normes
relatives au travail et aux conditions de base d'exercice d'un emploi. Le
travail effectué en deçà de ces normes minimales pourrait
être qualifié d'abusif en regard de la qualité de vie, de
la dignité et du respect des droits fondamentaux de la personne.
Bien sûr, la Loi sur les normes du travail s'applique
indistinctement à l'ensemble des personnes en emploi. Il n'en demeure
pas moins que ce sont surtout les travailleurs qui ne disposent pas d'un
pouvoir de négociation qui y voient une protection essentielle à
la préservation de leur droit à des conditions de travail
considérées décentes dans un contexte économique et
social donné.
Une fois qu'on a établi les conditions minimales de travail, il
faut les réviser périodiquement afin de tenir compte de
l'évolution des valeurs d'une société et des mutations du
marché du travail. Le présent exercice de révision est
notamment rendu impératif par le besoin d'assouplir les conditions de
travail afin de favoriser l'exercice des responsabilités parentales et
de prendre acte que les femmes occupent une place de plus en plus importante
sur le marché du 'travail.
La révision des normes du travail vise aussi à
réduire les écarts séparant les conditions minimales de
travail de celles dont bénéficie la grande majorité des
salariés. On constate, par exemple, qu'une forte proportion des
travailleurs syndiqués a droit à au moins trois semaines de
vacances après cinq ans d'ancienneté alors que ce droit n'est
acquis qu'après dix ans de service continu chez le même employeur
en vertu des normes actuelles du travail. Nous proposons que ce droit à
trois semaines de vacances après cinq ans d'ancienneté soit
désormais considéré comme minimal.
La Loi sur les normes du travail garantit des droits minimaux aux
personnes en emploi. Cette loi est, au Québec du moins,
complétée par d'autres législations sociales. Il ne faut
donc pas y inscrire des prérogatives assumées en partie par
l'État en vertu de ses programmes sociaux.
L'exemple des congés de maternité illustre bien ce propos.
Il faut inclure dans les normes du travail l'obligation de l'employeur
d'accorder un congé à la femme enceinte et de lui garantir son
emploi au retour, mais les dispositions se rapportant au remplacement du
salaire pendant les congés de maternité relèvent des
programmes sociaux et ne constituent pas une obligation assumée en
exclusivité par les entreprises.
Puisque la Loi sur les normes du travail protège les droits
essentiels des personnes en emploi, il faut voir à ce que, dans toute la
mesure du possible, l'ensemble des travailleurs soit visé par cette loi.
Dans l'avant-projet de loi, nous proposons de réduire les exclusions en
vertu desquelles certaines activités échappent
présentement aux normes du travail.
Ces modifications concernent principalement les travailleurs domestiques
et les employés des petites fermes. Tout en reconnaissant que l'exercice
de ce genre de fonctions requiert, pour des raisons évidentes, un cadre
de travail souple, nous convenons néanmoins d'offrir à ces
salariés la protection reconnue par certaines normes du travail. De
même, l'application de la loi sera étendue à tous les
organismes gouvernementaux dont le personnel n'est ni nommé ni
rémunéré en vertu de la Loi sur la fonction publique.
Les travailleurs à temps partiel constituent une autre
catégorie de personnes particulièrement visées par les
modifications que nous voulons apporter à la Loi sur les normes du
travail. Les emplois à temps partiel ont pris une place très
importante dans notre économie. Ils comptent actuellement pour 13,6 % de
tous les emplois au Québec et les trois quarts de ces emplois sont
occupés par des femmes.
Nous savons tous que la Loi sur les normes du travail couvre les
personnes salariées sans distinction, qu'elles soient à temps
plein ou à temps partiel. Nous reconnaissons cependant que la
caractéristique première des emplois à temps partiel a
trait à leur précarité nettement plus grande que celle des
emplois à temps plein. Il est donc essentiel que les salariés
concernés soient adéquatement protégés par la Loi
sur les normes du travail.
Au-delà des difficultés que j'évoquais
précédemment sur la participation des employés à
temps partiel à certains éléments du régime des
avantages sociaux, nous prenons position en faveur d'une revalorisation de ce
travail. Les personnes travaillant à temps partiel auront droit, au
même titre que les salariés à temps plein, à toutes
les améliorations suggérées à la Loi sur les normes
du travail, notamment celles se rapportant aux congés parentaux,
à l'ajout d'un jour férié, à l'accessibilité
aux recours et aux préavis de licenciement. De plus, nous envisageons
d'abolir l'exigence de 20 semaines de travail continu pour avoir droit à
un congé de maternité sans solde. L'expérience nous a
appris que cette exigence défavorise nettement les personnes à
temps partiel, puisque ce type d'emploi est très souvent de courte
durée.
L'efficacité d'une loi sur les normes du travail se mesure en
bonne partie à la possibilité réelle qu'elle permet
d'exercer des recours lorsqu'une personne s'estime lésée.
Jusqu'ici, les observateurs reconnaissent qu'un travailleur peut, sans trop de
difficulté, obtenir par un recours à la Commission des normes du
travail le paiement de salaire qui lui est dû et les compensations pour
le temps supplémentaire et les vacances annuelles.
Ce qu'il faut améliorer, c'est surtout le mécanisme des
recours en cas de congédiement sans motif valable. Les femmes enceintes
et celles qui reviennent d'un congé de maternité sont
particulièrement concernées par ce genre de décision. Il
faut faciliter la procédure de recours dans ces situations
dramatiques.
Ma collègue, la ministre déléguée à
la Condition féminine et responsable de la Famille, exposera dans
quelques minutes la protection accrue que propose l'avant-projet de loi en
regard de la maternité et des responsabilités parentales. En plus
des dispositions prévues à ce chapitre, nous souhaitons que la
Commission des normes du travail accroisse ses activités de
médiation afin de déjudiciariser les relations
employeurs-employés. Nous souhaitons également que cette
Commission puisse représenter elle-même une personne non
syndiquée devant le commissaire du travail et que la procédure
coûteuse de l'arbitrage soit remplacée par un recours devant un
commissaire du travail. De nombreux travailleurs non syndiqués, victimes
d'un congédiement qu'ils jugent arbitraire, ne peuvent pas
défrayer les honoraires d'un avocat et assumer la moitié des
dépenses d'un arbitre pour se prévaloir d'un droit reconnu dans
les normes du travail. Il est essentiel d'assouplir la procédure
actuelle afin que les recours soient nettement plus accessibles.
Nous voulons, évidemment, profiter de l'exercice de
révision de la Loi sur les normes du travail pour éliminer des
imprécisions, extirper des irritants et clarifier des notions
ambiguës dans le cadre de l'application de la loi actuelle. Depuis 1979,
tant la Commission des normes du travail que les syndicats, les employeurs, les
avocats, les commissaires, les arbitres, les spécialistes en relations
du travail et les salariés ont découvert des lacunes qui doivent
être corrigées. Je suppose que nous entendrons au cours de cette
commission parlementaire de nouvelles suggestions qui iront dans le sens de la
clarification et de la simplification de cette loi et nous y apporterons la
plus grande attention. Tout en étant considérée comme une
loi à caractère social puisqu'elle a une portée
générale et qu'elle constitue une protection de base pour
l'ensemble des personnes salariées, il ne faut pas pour autant
sous-estimer le caractère économique de cette loi puisqu'elle
contribue, entre autres, à une meilleure gestion des ressources
humaines, facteur important de productivité. Dans une
société moderne, à l'heure du libre-échange et plus
que jamais ouverte à la concurrence internationale, il convient donc
d'élaborer un régime de relations du travail qui permette aux
entreprises de soutenir cette concurrence. En même temps, il faut faire
en sorte que les salariés les plus vulnérables, en raison
même de leur faible pouvoir de négociation, n'aient pas à
assumer une part trop lourde des ajustements requis sur le marché du
travail suite aux mutations de l'économie. Tout est affaire
d'équilibre. Pour ma part, je demeure convaincu qu'il est possible de
préserver les droits fondamentaux des personnes en emploi et
d'améliorer leur qualité de vie sans nuire pour autant à
la capacité concurrentielle des entreprises
québécoises.
En terminant, je tiens à remercier les organismes qui nous ont
adressé des mémoires sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi
sur les normes du travail. Soyez assurés que nous écouterons
attentivement ce que vous avez à nous dire parce que, dans une large
mesure, vous représentez les personnes directement visées par la
Loi sur les normes du travail et que nous avons besoin de votre
éclairage afin de poursuivre le travail si bien amorcé.
J'ai indiqué, dès le départ, que la révision
de la Loi sur les normes du travail était largement inspirée par
les impératifs de la politique familiale et de la situation des femmes
sur le marché du travail. Ma collègue, la ministre
déléguée à la Condition féminine et
responsable de la Famille, a participé à la préparation de
l'avant-projet de loi et elle manifeste un intérêt évident
à l'égard des mémoires déposés au
secrétariat de cette commission. En vous remerciant, Mme la
Présidente, il me fait plaisir de lui céder la parole. (10 h
30)
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Mme la
ministre.
Mme Violette Trépanier
Mme Trépanier: Merci, Mme la Présidente. Comme
vient de le mentionner mon collègue, j'ai pris part activement au cours
des derniers mois aux travaux de révision de la Loi sur les normes du
travail. Je profite de l'occasion pour le remercier, ainsi que son
équipe, pour l'esprit de collaboration qui a animé nos
discussions. C'est avec un grand intérêt que j'entendrai les
positions et discuterai avec les différents participants de cette
commmission.
Depuis l'adoption de la Loi sur les normes du travail, en 1979, notre
marché du travail a été caractérisé par de
nombreux bouleversements. La mondialisation croissante de l'économie, la
hausse importante des emplois du secteur des services, la mobilité
accrue de la main-d'oeuvre, l'augmentation des emplois à temps partiel
et des emplois à statut précaire sont autant de manifes-
tations des changements survenus. La présence grandissante des
femmes sur le marché du travail est un autre changement structurel
majeur. Actuellement, les femmes représentent 43 % de la main-d'oeuvre.
Des données indiquent que les femmes avec des enfants sont de plus en
plus présentes sur le marché du travail et qu'elles ont tendance
à y rester. C'est ainsi que près de 60 % des femmes ayant des
enfants d'âge préscolaire font partie de la main-d'oeuvre.
Le marché du travail n'a pas été le seul
théâtre de bouleversements importants. La société
québécoise, dans son ensemble, a connu de profondes mutations. La
transformation des rôles des femmes et des hommes, l'émergence de
nouvelles structures familiales, le ralentissement de la croissance
démographique et le vieillissement de la population sont des nouvelles
réalités qui ont des incidences autant sociales
qu'économiques. Les politiques et les législations doivent donc
en tenir compte.
Les modifications suggérées à la Loi sur les normes
du travail apparaissent donc nécessaires. Comme l'a mentionné mon
collègue, l'avant-projet de loi qui sera discuté dans le cadre de
nos travaux vise à mettre à jour et à améliorer les
conditions minimales de travail et la qualité de vie des travailleuses
et travailleurs au Québec. De plus, il cherche à faciliter, pour
les parents travailleurs, l'exercice de leurs responsabilités
parentales. Parmi les propositions, plusieurs concernent les droits parentaux.
Décision de nature personnelle avant tout, la maternité et la
paternité comportent également une dimension sociale très
importante. La société doit apporter le soutien adéquat
aux travailleuses et travailleurs qui assument des responsabilités
parentales. Les droits parentaux actuellement prévus par la Loi sur les
normes du travail, et par la réglementation s'y rattachant apparaissent
trop limités. Il est impératif d'élargir ces droits, de
faciliter leur accès et d'assurer une meilleure protection aux parents
travailleurs qui s'en prévaudront.
Traditionnellement, les femmes ont assumé les soins et
l'éducation des enfants. Encore aujourd'hui, ce sont majoritairement
elles qui, en raison d'obligations familiales, exercent des emplois à
temps partiel, s'absentent du travail et, finalement, supportent une part plus
large des risques professionnels et économiques liés au fait
d'avoir des enfants.
Comment solutionner le problème de l'égalité
économique entre les femmes et les hommes, sans qu'il y ait un
véritable partage des responsabilités parentales? Heureusement,
on observe, chez les jeunes couples en particulier, le développement
d'une nouvelle parentaltté qui est de plus en plus axée sur une
division plus équitable des fonctions parentales. La législation
sur les normes du travail devrait contribuer à cette évolution et
faciliter aux travailleurs l'exercice de leurs responsabilités
parentales. On répondrait ainsi à un volet important de la
politique familiale québécoise. Cet objectif se retrouve
également dans les orientations du gouvernement en matière de
condition féminine. À cette fin, lavant-projet de loi propose de
donner à chaque parent, lors de la naissance ou de l'adoption d'un
enfant, le droit à un congé de cinq jours, dont les deux premiers
seraient rémunérés. Également, il prévoit
d'accorder le droit à un congé de longue durée, soit un
congé de maternité de 18 semaines et un congé parental de
34 semaines. On reconnaîtrait la mixité des droits parentaux en
permettant à la mère et au père de se prévaloir de
ce congé parental.
Afin d'assurer une plus grande accessibilité à ces
congés, on propose l'abolition de l'exigence de 20 semaines de service
continu. Cette bonification des congés parentaux s'accompagnerait d'une
meilleure protection des travailleuses et travailleurs. En effet, on
suggère le renforcement de la présomption de congédiement
illégal en précisant qu'elle continuerait de s'appliquer pour, au
moins, 20 semaines après le retour au travail de la personne
salariée. Par conséquent, si la personne était
licenciée dans les 20 semaines qui suivent son retour, son
congédiement serait présumé illégal.
Les responsabilités parentales ne se limitent pas à la
première année de vie de l'enfant. À l'heure actuelle, le
marché du travail ne prend pas suffisamment en compte les obligations
familiales des parents travailleurs. L'avant-projet de loi propose des
solutions intéressantes en accordant le droit à cinq jours de
congé par année pour l'exercice des fonctions parentales ainsi
que le droit d'être avisé(e) douze heures à l'avance,
lorsqu'il y a du temps supplémentaire à effectuer.
Sans s'adresser de façon spécifique aux parents
travailleurs, d'autres propositions de l'avant-projet de loi faciliteront aussi
l'exercice des responsabilités parentales. Mentionnons la durée
des vacances annuelles qui sera progressivement augmentée à trois
semaines après cinq ans de service continu, la possibilité de
permettre plusieurs fractionnements des vacances annuelles, l'ajout d'un
congé férié et la possibilité de compenser les
temps supplémentaires en congé. Même si ces propositions
ainsi que celles relatives aux droits parentaux aideront les personnes
salariées à assumer leurs tâches parentales, plusieurs
aspects restent à préciser. Le droit au poste régulier de
travail ou encore à un poste équivalent au retour du congé
parental, la question du fractionnement du congé de maternité,
les modalités relatives au préavis de départ sont parmi
les sujets dont nous discuterons dans le cadre de cette commission. Même
si la loi sur les normes n'est pas le véhicule approprié pour
déterminer les modes de remplacement du revenu du travail lors des
congés de longue durée, les discussions sur les droits parentaux
nous amènent évidemment à considérer
cette question. Plusieurs groupes auront des propositions à nous
faire à ce sujet. L'attente d'un équilibre entre les objectifs
professionnels et les responsabilités parentales est une question qui
préoccupe non seulement le gouvernement et les parents travailleurs mais
aussi les employeurs. On constate de plus en plus que ces derniers sont
sensibles aux besoins de leurs employés. Bien au fait des nouvelles
approches en gestion de ressources humaines, plusieurs d'entre eux ont compris
qu'en instaurant un climat et des relations du travail propices au
développement professionnel et personnel de leurs employés ils
augmentaient ainsi le rendement et la productivité. Une étude
réalisée en 1988 par le Conference Board du Canada auprès
d'entreprises qui ont modifié leur politique administrative pour aider
leurs employés dans l'exercice de leurs responsabilités
parentales constate que les entreprises en retirent plusieurs avantages. Ces
mesures permettent de faciliter le recrutement; elles abaissent le taux de
roulement des employés ainsi que le taux d'absentéisme. De plus,
elles ont un impact positif sur la qualité de vie des employés et
diminuent le stress au travail.
Au cours des prochains jours, nous aborderons également la
question des travailleuses et travailleurs qui occupent un emploi à
statut précaire, en particulier ceux qui travaillent à temps
partiel. Nul doute que ce type d'emploi répond à des besoins du
marché du travail ainsi qu'à ceux d'une certaine catégorie
de personnes salariées. Plusieurs le savent, ce sont les femmes qui
composent les trois quarts des effectifs à temps partiel. Toutefois, on
constate des écarts au chapitre de la rémunération et des
avantages sociaux entre les personnes travaillant à temps plein et
celles à temps partiel. La Loi sur les régimes
complémentaires de retraite, adoptée en juin dernier, a permis
d'améliorer la situation des personnes exerçant un emploi
à temps partiel, quant à leur droit au régime de retraite.
Cependant, la question des autres avantages sociaux, des vacances et de la
rémunération demeure entière. Pour le gouvernement, il est
important d'assurer une meilleure protection à cette main-d'oeuvre. Les
propositions des différents participants à la commission
parlementaire seront donc écoutées très attentivement. Un
gouvernement responsable ne saurait se priver de l'expertise et de la
compétence des intervenants que nous entendrons au cours de cette
commission parlementaire. C'est donc dans un climat d'ouverture que mon
collègue, les membres de la commission et moi-même entendrons
leurs recommandations.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine et à
la Famille.
Vous avez pris quelques minutes de plus et j'imagine donc qu'on aura
cette même tolérance pour les autres points de vue qui
s'exprimeront.
D'accord. Je pense qu'avec un peu de souplesse on peut fonctionner et
ça nous évite des arrêts impromptus des
présentations.
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et critique en
cette matière pour l'Opposition officielle.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Je vous signale que
ma collègue de Chutes-de-la-Chaudière, Mme Carrier-Perreault,
nous rejoindra dans quelques minutes et qu'elle a préparé avec
moi cette présentation, étant, elle, responsable du dossier de la
Condition féminine.
Mme la Présidente, heureusement, presque, qu'il ne s'agit que
d'un avant-projet de loi et que le ministre et son gouvernement peuvent encore
se reprendre en déposant le vrai projet de loi. Je l'espère
sincèrement, Mme la Présidente, pour ces centaines de milliers
d'hommes et de femmes du Québec qui n'ont aucun autre pouvoir de
négociation sur leurs conditions de travail, qui ne peuvent s'offrir
aucune autre protection de base que la Loi sur les normes du travail. Les
non-syndiqués constituent l'immense majorité de notre
société: 70 % de tous les travailleurs et travailleuses du
secteur privé; 35 % - on l'oublie parfois - des employés des
secteurs public et parapublic. L'économie de marché, la
liberté de commercer à laquelle nous croyons tous et qui est
devenue récemment presque un credo universel exige cependant des
garanties sociales fortes, des barrières législatives
incontournables pour éviter l'exploitation, la marginalisation d'une
partie de la main-d'oeuvre.
Ceux qui sont les moins bien organisés de notre
société n'ont pas à payer le prix de la mondialisation, de
la conversion des marchés, de la restructuration industrielle, des
changements technologiques qui profitent à d'autres dans la
société. Le gouvernement s'est malheureusement trop
traîné les pieds dans le dossier, d'abord en tablettant le rapport
de la commission Beaudry qui avait conduit, en 1985, des travaux d'envergure
sur l'amélioration des conditions de travail au Québec.
Je regrette d'avoir à le dire, mais le fait est que Québec
a totalement perdu au profit de l'Ontario, depuis trois ans, son leadership en
matière de législation sociale. Malheureusement, dans son
avant-projet de loi, le gouvernement québécois n'a même pas
le courage élémentaire de faire le rattrapage nécessaire.
L'exercice de révision timoré qui nous est proposé n'a
rien à voir avec l'ajustement d'envergure qu'il faut envisager en ces
débuts de la dernière décennie du siècle.
Oui, les bouleversements sont considérables, les bouleversements
du marché ont été sismiques, il faut bien le
reconnaître, et surtout inédits dans l'histoire: entrée
massive des femmes sur le
marché du travail - les femmes de 25 à 44 ans sont
à 70 % sur le marché du travail - mais, particulièrement,
entrée massive de celles qui sont mères d'enfants de moins de
trois ans. Entre 1975 et 1985, en dix ans, ta progression fut
littéralement vertigineuse, puisque chez ces dernières
l'augmentation a été de 90 %.
Mme la Présidente, je voudrais, à cet égard, citer
également l'étude du Conference Board que Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine et à
la Famille citait, pour rappeler que, dans cette étude
réalisée l'automne dernier, le Conference Board concluait que
près de 80 % des travailleurs interrogés disent éprouver
du stress et de l'anxiété quand il s'agit de concilier les
besoins reliés au travail et les besoins de la famille. Le sondage
révélait que les deux tiers des travailleurs consultés
avaient ressenti de la difficulté à équilibrer la fonction
famille et la fonction travail, que 10 % des gens avaient laissé leur
emploi à cause de cette difficile conciliation entre les deux
tâches, que 17 % des personnes interviewées avaient refusé
des promotions et que 25 % d'entre elles avaient refusé de
déménager, suite à une offre qui leur avait
été faite, à cause de leurs responsabilités
familiales.
Les bouleversements ne se sont pas produits qu'en matière
d'entrée massive des femmes, mais ils ont été tout aussi
importants à l'égard de l'entreprise, compte tenu des changements
technologiques, de l'Accord de libre-échange, des mutations
industrielles et ces bouleversements exigent plus qu'un
réaménagement timide qui nous est proposé dans
l'avant-projet de loi. Exercice de révision qui, malheureusement, laisse
la main-d'oeuvre assujettie aux lois du Québec considérablement
moins bien protégée que les travailleurs et travailleuses voisins
de l'Ontario ou les salariés québécois travaillant dans
des entreprises couvertes par le Code canadien du travail qui a
été considérablement amélioré, il y a
à peine quelques années. (10 h 45)
Alors, Mme la Présidente, malgré une faible
amélioration des normes du travail à l'égard de la famille
- j'aurai l'occasion d'y revenir - et l'exercice qui, théoriquement, est
facilité de certains recours dans l'avant-projet de loi, toutes les
autres questions, pourtant brûlantes d'actualité, sont mises de
côté.
Le gouvernement prétend encore ce matin attendre après la
commission parlementaire le dépôt d'éventuelles normes
qu'il n'a pas le courage de déposer maintenant en matière,
notamment, de travail à temps partiel, d'équité salariale,
de vacances annuelles, de régimes d'assurance et d'autres avantages
sociaux. Mais encore d'autres aspects des normes du travail, pourtant
stratégiques dans une politique d'adaptation de la main-d'oeuvre, sont
toujours complètement passés sous silence, notamment, les
Indemnités de départ lors des licenciements, les congés
pour la formation professionnelle, le salaire minimum, le congé de
maladie et les indemnités lors de faillites.
En matière de réduction de la semaine de travail et de
l'aménagement de la semaine de travail, contrairement à la loi
ontarienne et contrairement au nouveau Code canadien du travail qui, je le
rappelle, s'applique à l'égard des entreprises
québécoises sous juridiction fédérale,
Québec ne prévoit la détermination ni d'une semaine ni
d'une journée maximale de travail au-delà desquelles
l'employé peut refuser d'exécuter du travail en temps
supplémentaire.
Les seules prétendues améliorations introduites dans
l'avant-projet de loi soulèvent la critique par leur complexité.
Nous le verrons d'ailleurs à l'audition des mémoires dont nous
avons déjà pris connaissance. Il s'agit notamment du droit
proposé dans l'avant-projet de loi de refuser de travailler
au-delà des heures régulières qui ne sont pas
déterminées et ce droit est réservé aux seuls
salariés ayant des responsabilités familiales et ce droit,
encore, est-il assujetti à une exception, puisque l'employeur peut les
aviser douze heures à l'avance que leurs services sont requis. Pour
être praticable, ce droit au refus de travailler au-delà d'un
certain nombre d'heures par jour doit être offert à tous les
salariés. Nous entendons proposer la journée maximale de 8
heures, conformément au Code canadien et à la loi ontarienne, et
la semaine normale de travail de 40 heures.
En matière de congés annuels, l'avant-projet de loi
diminue de dix à cinq le nombre d'années de service continu pour
un même employeur avant d'obtenir trois semaines de vacances. Avec des
présences, sur le marché du travail, pour de courtes
périodes successives parfois, bien des travailleurs et travailleuses ne
peuvent jamais cumuler le nombre d'années de service nécessaire -
cinq années dans l'avant-projet de loi - pour avoir droit à ces
trois semaines de congé.
Nous entendons soumettre une disposition à l'effet de porter les
vacances annuelles, qui sont de deux semaines après une année de
service, à trois semaines après une année de service
continu. Je vous rappelle notamment, Mme la Présidente, que nous avions,
l'an dernier, au moment de l'étude de la Loi sur les régimes
complémentaires de retraite, diminué de deux à une
année la période pour avoir droit de cotiser à un
régime de retraite pour le motif qu'un très grand nombre de
travailleurs et de travailleuses, surtout de travailleuses, et majoritairement
de travailleuses, ne réalisent pas ces deux années de service
continu et ne peuvent profiter, ne peuvent exercer des droits qui ne leur sont
pas accessibles compte tenu du fait qu'elles quittent l'emploi ou, tout au
moins, qu'elles obtiennent un nouvel emploi avant que le délai requis ne
soit complété.
En matière de congés de formation proies sionnelle, le
silence complet de l'avant-projet de
loi sur cette question inquiète d'autant plus que la formation
professionnelle est devenue un important instrument d'adaptation, aussi bien
pour les personnes que pour l'économie dans son ensemble. À
l'heure des grands changements dans l'entreprise, des bouleversements qui ont
un impact sur la main-d'oeuvre et au moment où est ressenti le besoin de
recyclage permanent, le gouvernement se dérobe à la
responsabilité d'offrir au moins la garantie de retour à l'emploi
après un congé éducation.
Mme la Présidente, je veux également signaler qu'en
matière d'indemnité de départ il faut que cessent les
disparités inacceptables entre la loi ontarienne sur les normes d'emploi
et les dispositions actuellement en vigueur dans les lois du Québec sur
les normes minimales de travail. Il faut introduire une allocation
d'indemnité de départ afin que les fermetures d'usine cessent
d'être moins coûteuses au Québec qu'en Ontario.
Déjà, depuis 1987, la loi ontarienne permet à tout
travailleur et travailleuse licenciés d'une entreprise qui compte plus
de 50 employés de recevoir une indemnité de cessation d'emploi
qui correspond à une semaine de rémunération par
année de service. Cette indemnité peut représenter
jusqu'à 26 semaines de rémunération et être
versée à tout employé ayant au moins cinq ans de service
au moment où intervient le licenciement collectif ou même
l'interruption permanente ou partielle d'une partie des activités de
l'entreprise.
Il est incompréhensible que le gouvernement se dérobe
à cette responsabilité de faire en sorte d'assurer aux
travailleurs et travailleuses du Québec la même protection de base
qui est celle des salariés de l'Ontario présentement. Compte tenu
du fait que dans son rapport le Conseil d'adaptation de la main-d'oeuvre
présidé M. de Grandpré recommandait que de telles
indemnités soient versées et espérait même leur
bonification pour les travailleurs de 55 ans et plus en recommandant que ce
soit une semaine et demie par année de service jusqu'à
concurrence de 39 semaines qui leur soit versée, compte tenu de
l'ampleur du phénomène des fermetures d'usine que connaît
le Québec présentement, il est bien évident qu'un projet
de loi modifié amendé sur les normes du travail doit introduire
une telle disposition. Je veux vous rappeler d'ailleurs à cet
égard, Mme la Présidente, que l'an dernier les chiffres que nous
avons à notre disposition indiquent qu'au moins 14 063 salariés
ont été licenciés sur une base permanente et que 1676
l'ont été sur une base temporaire. Il s'agit donc des
données pour les années 1987 à 1989 et tout laisse croire
évidemment, dans les derniers mois de 1989 et au début de
l'année 1990, que la situation ne fait que s'empirer.
Durant la campagne électorale, le gouvernement libéral
s'est engagé à verser quelques millions supplémentaires
pour bonifier l'allocation de 240 $ à 360 $ en matière de
compensation du délai de carence des deux semaines du régime
d'assurance-chômage et pour offrir à l'un ou l'autre des parents
d'un enfant de troisième rang la possibilité de recevoir,
à la suite des 30 semaines couvertes par l'assurance-chômage, le
même revenu de remplacement jusqu'à l'épuisement des 52
semaines. Cependant, Mme la Présidente, il était question de
beaucoup plus que ces aménagements, que ces accommodements dans le
mémoire soumis au Conseil des ministres à l'occasion de
l'étude par le Conseil des ministres des amendements à être
apportés à la Loi sur les normes du travail. Dans ce
mémoire dont nous avons obtenu copie et qui a été
déposé l'an dernier, signé par le ministre de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et également par
ses collègues de la Santé et des Services sociaux et par la
ministre déléguée de l'époque, nous pouvions y lire
ceci: "Quant au régime de remplacement du revenu de travail applicable
lors de congés de plusieurs semaines - il s'agit en l'occurrence du
congé de maternité, du congé qui est offert par les
prestations d'assurance-chômage, je continue donc la citation de ce
mémoire soumis au Conseil des ministres - il souffre de nombreuses
faiblesses en plus d'être compliqué et disparate. Des propositions
seront soumises dans un proche avenir en vue de doter ultimement le
Québec d'un régime unifié et amélioré
relevant de son entière responsabilité au niveau des prestations
à verser."
À l'ouverture des travaux de la commission parlementaire, je veux
rappeler au gouvernement que les Québécoises attendent beaucoup
plus que cette coquille législative vide, d'une certaine façon,
que l'on retrouve dans l'avant-projet de loi. Les congés sans solde qui
y sont proposés peuvent être un miroir aux alouettes,
particulièrement pour les jeunes chefs de famille, pour les jeunes
parents qui ne pourront s'en prévaloir n'ayant pas les revenus
suffisants pour combler un manque à gagner en matière de
congé sans solde de maternité ou de congé parental. En
l'absence d'un revenu de remplacement adéquat, le gouvernement leurre la
population en prétendant offrir aux jeunes parents, qui ne pourront pas
pour la plupart d'entre eux s'en prévaloir, un congé maternel et
parental sans solde. Nous devons presser le gouvernement de faire
connaître quelles sont ses intentions exactes en matière d'un
programme de remplacement du revenu adéquat, unifié, tel
qu'indiqué dans ce mémoire soumis au Conseil des ministres l'an
passé. Les études de faisabilité sont-elles
complétées? Pourquoi le gouvernement retarde-t-il tant à
offrir aux mères de jeunes enfants un véritable régime de
remplacement du revenu? Pourquoi le gouvernement retarde-t-il l'enclenchement
des pourparlers pour rapatrier les pouvoirs essentiels qui permettraient
justement de doter le Québec d'un régime unifié
amélioré de prestations à verser en matière de
congé de maternité, de congé parental?
Nous avons accueilli avec beaucoup de satisfaction la récente
proposition du Conseil du statut de la femme de créer un seul
régime universel et plus généreux des congés de
maternité et parentaux. Nous nous sommes déjà fermement
engagés à créer une caisse de la famille dans laquelle
serait rapatriées et bonifiées les sommes détenues
à l'assurance-chômage aux fins de prestations de maternité
et d'adoption, et je rappelle cette proposition ferme du Parti
québécois en faveur d'un congé de maternité d'une
durée de six mois compensé à 90 % du salaire assurable. Un
des objectifs que nous nous fixons à l'occasion de la révision de
la Loi sur les normes du travail est d'obtenir des conditions de travail qui
vont reconnaître le rôle des parents afin que la maternité
et les responsabilités parentales puissent véritablement se
conjuguer avec des chances véritables d'embauché, d'avancement
sur le marché du travail.
Mme la Présidente, nous souhaitons procéder à cette
révision pour que, définitivement, l'ensemble des travailleurs et
travailleuses du Québec connaisse une protection de base qui leur assure
une plus grande sécurité. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve. J'inviterais maintenant M. le
député de Westmount à nous faire valoir son point de
vue.
M. Richard Holden
M. Holden: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux de
constater que pendant ces consultations sur l'avant-projet on ne touchera, ni
de près ni de loin, la question de la langue.
La Présidente (Mme Marois): C'est vous qui vous en
réjouissez là. On le note bien tous ensemble. D'accord!
M. Holden: Alors, en général je reconnais que la
plupart des amendements apportés par le gouvernement à
l'avant-projet de la loi sur les normes du travail et d'autres lois sont de
nature à améliorer les conditions de travail de plusieurs
ouvriers, ouvrières et travaillants dans la société
québécoise dans tous les domaines mentionnés dans le
bill.
Je constate aussi que les changements, que mon recherchiste me dit
être au nombre de 57, sont plutôt modestes. En lisant les
différents mémoires, j'observe que le gouvernement a fait des
compromis entre les demandes des syndicats et d'autres groupes qui voudraient
aller plus loin et les supporteurs du statu quo. Je n'entrerai pas dans les
détails de chaque amendement ce matin - on aura le temps de le faire -
mais je veux soulever une certaine mise en garde. Nous sommes actuellement en
pleine récession économique au Canada et au Québec, mais
on ne veut pas l'admettre. Nous attendons, cet après-midi, le budget du
gouvernement fédéral qui va certainement coûter cher aux
provinces, y compris la province de Québec. Nos industries font face
à une concurrence nationale et internationale féroce. Il faut
qu'elles soient compétitives, surtout dans le contexte du
libre-échange avec les États-Unis. (11 heures)
Vous êtes sans doute au courant, Mme la Présidente, du fait
que le gouvernement de la Suède a subi la défaite fa semaine
dernière et que le ministre des Finances a démissionné. Le
commentaire que j'ai lu d'un des anciens chefs syndicaux suédois
était, et je cite: "Le modèle suédois ne fonctionne plus.
Les syndicats avares et égoïstes nous mènent à une
catastrophe." Le problème fondamental en Suède, c'est que les
salaires et les autres coûts dans le marché du travail ont
augmenté deux fois plus vite que dans les pays avec qui la Suède
doit faire concurrence. Comme ici, les industries vouées à
l'exportation, qui créent la prospérité chez les
Suédois, sont en perte de vitesse vis-à-vis de leurs rivaux
étrangers. Cela a produit une réduction dans leur balance des
paiements et une augmentation du déficit.
Un économiste suédois qui est cité dans le Globe
& Mail dit ce qui suit: "In some ways, the Swedish model has been too
successful, and has grown ossified. Look at the people in government and
central trade union organization: None of them has ever done a real job outside
the system." And one final quote on Sweden from a columnist in a Stockholm
daily newspaper: "Sweden used to be a welfare paradise on earth. Now, it is the
sick man of Europe."
La raison pour laquelle j'insiste sur la situation actuelle en
Suède, Mme la Présidente, c'est que plusieurs politiciens et
économistes québécois ont déjà fait miroiter
l'exemple suédois comme un but à rechercher dans la
société québécoise. C'est donc une mise en garde
que je propose ce matin, et je le fais en anglais pour que je m'exprime
très précisément.
Let us not adopt any ideological or foreign model by which we, as
legislators, examine the draft Bill before us. Let us keep in mind that small
and medium business is of the utmost importance to our economic prosperity.
They are the ones most affected by any increasing of the cost of doing business
in Québec. If we put undue burdens on our "entrepreneurs", they will
either move or go out of business. We must allow them to remain competitive, to
increase trade and to allow the economy of Québec to prosper. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup, M. le
député.
Auditions
Maintenant que ces propos préliminaires ont été
tenus, j'inviterais le premier groupe à vouloir faire des
représentations devant la commission à venir prendre place devant
nous. Il s'agit des représentantes du Conseil du statut de la femme.
Pendant que ces personnes vont prendre place, je rappellerai aux membres
de la commission que nous devrions entendre des groupes pendant environ 5 jours
et que 36 groupes devraient se présenter devant nous pour faire valoir
leurs points de vue. Il est prévu, selon l'agenda que j'ai ici, que l'on
termine à 12 h 50. Si l'on terminait à 13 heures, ça
permettrait aux groupes d'avoir exactement leur temps de présentation et
le temps de questions. Est-ce que vous avez des objections?
M. Bourbeau: C'est-à-dire, Mme la Présidente, que
vous présumez déjà que chaque groupe va prendre la
totalité de ses 20 minutes, que le parti gouvernemental va prendre ses
20 minutes et que l'Opposition va prendre ses 20 minutes. Il est possible qu'au
cours des interventions l'une des parties ne prenne pas la totalité de
son temps. Alors, je proposerais plutôt qu'on voie comment ça va
se dérouler et, si, un moment donné, on économise quelques
minutes ici et là, peut-être qu'on pourra entrer dans le temps qui
nous est imparti. On verra, disons, à la fin.
La Présidente (Mme Marois): Je n'ai pas d'objection. Je
parlais juste d'expérience. Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Moi, également.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Mais je
retiens votre suggestion.
J'inviterais maintenant Mme la présidente du Conseil du statut de
la femme à se présenter et à présenter les
personnes qui l'accompagnent. Vous avez environ 20 minutes pour
présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura des
échanges, des questions, avec les membres de la commission.
Bienvenue.
Conseil du statut de la femme
Mme Lavigne (Marie): Bonjour, je vous remercie. Je suis Marie
Lavigne, présidente du Conseil du statut de la femme. À ma
gauche, il y a Lucie Desrochers, agente de recherche au Conseil; Francine
Lepage, économiste au Conseil du statut de la femme, et, à ma
droite, Jocelyne Olivier, secrétaire générale du
Conseil.
Mmes et MM. membres de la commission, j'aimerais d'abord vous remercier
de nous donner aujourd'hui l'occasion de nous exprimer sur un sujet qui nous
semble primordial. Pour le Conseil, la révision de la Loi sur les normes
du travail doit viser au moins deux objectifs: adapter la loi à
révolution du marché du travail et introduire dans cette loi des
modifications susceptibles de permettre aux parents travailleurs d'harmoniser
leurs responsabilités professionnelles et familiales.
Le premier avis que nous vous avons soumis, "Pour une politique
québécoise de congés parentaux", prend appui sur le cadre
normatif fixé par le gouvernement dans son avant-projet de loi. Nous
manifestons notre accord global avec les droits d'absence qui y sont
suggérés, soit 18 semaines pour le congé de
maternité, 34 semaines pour prendre soin de l'enfant, congé de
paternité ou d'adoption de cinq jours dont deux jours payés par
l'employeur, cinq jours par année pour des responsabilités
familiales.
Le Conseil, cependant, se refuse à envisager, en matière
de congés parentaux, de façon séparée les normes et
l'idemnisation de ces mêmes congés. Prévoir un droit
d'absence et une protection de l'emploi est, certes, utile et
nécessaire. Mais, ne nous leurrons pas, ces droits seront en grande
partie fictifs s'ils ne sont accompagnés d'une véritable
politique de remplacement du revenu.
Or, le régime d'assurance-chômage qui existe dans le moment
ne constitue pas un véhicule adapté à la fonction
d'indemnisation des congés parentaux. Même avec l'introduction
d'un nouveau volet de prestations parentales, il ne compensera que très
partiellement le manque à gagner subi par les travailleuses et les
travailleurs qui font face à de nouvelles responsabilités
parentales. Le taux de remplacement du revenu est actuellement inférieur
à 60 % et il n'est pas rare que les femmes perdent 5000 $ et plus de
revenu dans une année pour la seule raison qu'elles ont accouché
d'un enfant. En fait, les femmes qui donnent naissance à des enfants
sont traitées de façon plus défavorable que les victimes
d'accidents du travail, que les victimes d'accidents de la route, de maladies
professionnelles ou d'actes criminels qui, elles, sont compensées
à 90 % de la rémunération nette dans les régimes
québécois d'assurance sociale.
La politique actuelle de congés parentaux est donc insuffisante,
mais elle est aussi incohérente et morcelée entre deux paliers de
gouvernement dont les objectifs ne se rejoignent pas. Le mariage
chômage-maternité empêche, jusqu'à un certain point,
le Québec de se doter d'une politique intégrée lui
permettant de poursuivre ses objectifs propres. C'est pourquoi le Conseil croit
que le Québec doit devenir le principal maître d'oeuvre d'une
politique globale et cohérente de congés parentaux, à la
fois sur le plan des normes et sur le plan de l'indemnisation par la
création d'un régime de prestations parentales.
Le système que nous proposons accorderait, en premier lieu, 18
semaines de prestations de maternité remplaçant 90 % de la
rémunération nette pour la mère pendant son congé
de mater-
ntté; en second lieu, six semaines de prestations parentales
à 90 % de la rémunération nette à chacun des
parents pour prendre soin de l'enfant au cours de l'année suivant sa
naissance ou son adoption; ensuite, un congé de paternité ou
d'adoption de cinq jours dont deux jours payés par l'employeur; trois
jours de congé assortis de prestations pour la travailleuse enceinte en
cas de malaise, maladie, ou pour des fins de consultation médicale lors
de la grossesse; et, enfin, cinq jours ouvrables sans solde, par année,
de congé pour des responsabilités familiales.
Les prestations parentales de six semaines accordées au
père ou à la mère pour prendre soin de l'enfant devraient
être, croyons-nous, un droit propre, réservé à
chacun des parents et non des prestations transférables d'un conjoint
à l'autre, tel que prévu dans le cadre de la réforme de
l'assurance-chômage. En en faisant un droit individuel, on crée un
incitatif concret et puissant au partage des tâches parentales en
encourageant la responsabilité du père. On amène aussi
tous les milieux de travail, et non pas essentiellement les milieux à
majorité féminine, à s'adapter enfin au statut parental de
leur main-d'oeuvre.
Dans les pays européens qui ont déjà une longueur
d'avance sur nous au plan de l'indemnisation des congés, cette formule
novatrice leur semble, d'ailleurs, la voie à privilégier.
Le régime actuel a aussi une couverture limitée parce
qu'il ne s'adresse qu'aux salariées. On se réjouit dans le moment
que l'avant-projet de loi, quant à lui, propose d'étendre la
protection de la loi à certaines catégories de travailleuses qui,
par le passé, en étaient exclues, mais nous devons rappeler que
le programme d'indemnisation de l'assurance-chômage, lui, va continuer
encore à écarter de son application de nombreuses travailleuses,
dont les travailleuses autonomes. De plus, d'autres femmes telles les
étudiantes, les chômeuses, les nouvelles venues sur le
marché du travail, les travailleuses à temps partiel, les
mères demeurant au foyer auprès de leurs jeunes enfants ne
peuvent avoir accès aux prestations de chômage, faute d'avoir
réalisé les 20 semaines d'emploi assurables.
Le Conseil du statut de la femme croit qu'une politique de congés
parentaux doit donc s'appliquer au plus grand nombre de femmes et d'hommes en
âge de procréer. Nous recommandons alors que le régime de
prestations parentales s'étendent aux travailleuses et travailleurs
indépendants pour ce qui est des prestations de maternité, de
paternité et d'adoption. Nous recommandons en outre que le régime
de prestations parentales accorde à toute femme qui accouche une
allocation universelle de maternité de 100 $ par semaine durant les 18
semaines de congé de maternité. Financée à
même les fonds généraux de l'État, cette allocation
de base de 100 $ par semaine durant 18 semaines assurera un minimum pour les
femmes qui n'ont pas un attachement suffisant au marché du travail. Elle
permettra à celles qui sont au foyer de défrayer les coûts
des services de remplacement nécessaires au moment de la naissance.
Attribuée également aux femmes en emploi, elle servira de base
à la prestation proportionnelle au revenu qui viendrait la
compléter. Nous croyons qu'une telle mesure constituera un message clair
d'une reconnaissance sociale de la maternité, et ce, pour toutes les
femmes du Québec.
Le régime de prestations parentales devrait, selon nous,
être financé de façon tripartite par le gouvernement du
Québec, les employeurs, les travailleurs salariés et
indépendants. L'allocation universelle de 100 $ par semaine durant 18
semaines serait financée par les fonds généraux de
l'État et le complément proportionnel au gain d'emploi serait
financé par les contributions des employeurs et des travailleurs
à une caisse. Chaque volet du régime aurait d'ailleurs une
comptabilité indépendante pour que les charges dévolues
à chaque groupe correspondent bien à leurs responsabilités
respectives.
Le Conseil a préparé une estimation des coûts du
régime de prestations parentales en supposant qu'il ait
été implanté en 1989. Plusieurs scénarios,
évidemment, sont possibles. Celui que nous avons présenté
dans notre mémoire démontre clairement la faisabilité
d'une telle réforme qui pourrait être autofinancée à
plus de 80 % à partir de sommes déjà existantes. Sur les
545 000 000 $ que coûterait le régime en prestations, des
déboursés additionnels de l'ordre de 91 000 000 $ seraient
nécessaires. Cela suppose évidemment que le Québec
récupère des employés et des employeurs les cotisations
versées au volet "maternité" et au volet "parental" de
l'assurance-chômage. La Loi sur l'assurance-chômage prévoit
d'ailleurs explicitement cette possibilité dans le cas où une
province voudrait mettre sur pied son propre régime d'indemnisation.
Donc, nous demandons au gouvernement du Québec d'entamer des discussions
avec le gouvernement fédéral pour obtenir le retrait ou le
transfert de la partie du champ de cotisation de l'assurance-chômage qui
sert à financer les prestations versées au Québec.
Avec la création de ce régime, les programmes
québécois visant actuellement à allouer des sommes aux
parents à la naissance ou tors de la maternité pourraient
être fondus à un tel système. C'est le cas, notamment, des
allocations de naissance, de l'allocation de maternité de 240 $ et de
certaines sommes que l'État employeur affecte déjà
à la compensation de congés dans le secteur public ou
parapublic
Certains voudront déplorer la disparition des allocations de
naissance qui avantagent actuellement de façon très
marquée le troisième enfant d'une famille. Nous répondrons
d'abord que notre scénario signifie environ les mêmes montants
pour la famille sauf que, cette fois-ci, ils sont distribués
équltablement à chaque
naissance, peu importe le rang de l'enfant. Il vous sera d'ailleurs
distribué à la fin de l'allocution un document
complémentaire décrivant l'avantage comparatif pour les familles
de l'allocation universelle que nous proposons, par rapport à
l'allocation de naissance existante. (11 h 15)
Enfin, les organismes que nous avons consultés: associations
féminines ou de travailleurs, employeurs, syndicats, milieux familiaux,
préfèrent le système d'allocation universelle que nous
proposons. Les organisations féminines, quant à elles, y voient
enfin une façon concrète de reconnaître l'apport d'une
mère au foyer lors de la naissance de chacun de ses enfants. Enfin,
nombreuses sont les femmes qui éprouvent un malaise très certain
face aux bébés-bonis qui sont perçus comme des primes
à la production.
Mmes, MM. les commissaires, cela fait plus d'une décennie que les
Québécois attendent une telle réforme. La simple justice
commande que la naissance d'un enfant ne signifie pas une perte de revenus pour
une travailleuse et pour une famille. Il s'agirait d'abord et avant tout d'une
mesure concrète d'accès à l'égalité pour les
femmes. Elle marquerait aussi un jalon important d'une politique familiale
adaptée à la réalité contemporaine. En effet, dans
la grande majorité des couples, la mère ne se retire plus du
marché du travail à la naissance des enfants. Au sein des
familles, femmes et hommes doivent désormais conjuguer les
impératifs de la vie professionnelle et familiale, et ce, dès la
naissance d'un enfant.
Le deuxième avis que nous vous avons soumis, "Main-d'oeuvre
féminine et normes du travail", porte quant à lui plus
précisément sur les autres normes du travail qui ne sont pas de
nature spécifiquement familiale ou parentale. Le Conseil croit qu'il
faut profiter de la réouverture de la Loi sur les normes du travail pour
réviser en profondeur certaines des normes qui nous semblent
mésadaptées à l'évolution du marché du
travail depuis dix ans. Tous s'entendent pour dire qu'un des faits marquants de
cette évolution est sans contredit la participation croissante des
femmes sur le marché du travail. Représentant aujourd'hui
près de 43 % de la main-d'oeuvre québécoise, la
présence des femmes est irréversible, mais aussi
différente de celle des hommes. Rappelons que seulement 23,7 % des
travailleuses du secteur privé sont syndiquées. De plus, un grand
nombre de femmes ne peuvent occuper que des emplois à statut
précaire: travaux à temps partiel ou de courte durée.
C'est dire que le pouvoir de négociation de la plupart des travailleuses
est faible ou inexistant. Elles ont donc besoin, plus que d'autres, d'un outil
comme la Loi sur les normes du travail qui puissse leur garantir des conditions
minimales décentes.
En ce qui concerne le champ d'application de la loi, l'avant-projet de
loi considère la problématique des domestiques et des gardiennes
et propose une amélioration notable avec laquelle nous sommes d'accord.
Ainsi, toutes les personnes qui effectuent un travail mixte,
c'est-à-dire travail de garde et travail ménager, pourraient
dorénavant bénéficier d'une protection minimale de leurs
conditions de travail. Toutefois, pour celles dont la fonction exclusive est
d'effectuer un travail de garde, nous croyons qu'il n'y a aucune raison de les
exclure de l'application de normes minimales n'ayant pas d'incidence
financière importante. En fixant un seuil minimal de 60 heures de garde
par mois pour bénéficier de la protection, on s'assure d'une
couverture minimale non négligeable pour celles dont le travail de garde
constitue l'activité rémunérée principale.
Nous croyons en outre que les distinctions actuelles entre les
domestiques résidentes chez les employeurs et les autres n'ont pas de
raison d'exister et doivent être éliminées. C'est la valeur
du travail effectué qui doit être reconnue et non le statut de la
personne qui l'accomplit. Toutefois, afin de diminuer les occasions
d'exploitation, il serait nécessaire, évidemment, de continuer
à fixer par règlement le prix maximum qu'un employeur peut exiger
pour la chambre et la pension d'une domestique résidente.
De plus en plus de travailleuses occupent un travail à temps
partiel. D'ailleurs, ça a plus que doublé depuis une dizaine
d'années, la plupart par contrainte, plutôt que par choix. Ni
marginal ni transitoire, ce phénomène est dû, en grande
partie, à la structure du marché du travail et commande de la
part du législateur des gestes attentifs, mais mesurés. En effet,
la Loi sur les normes du travail ne doit pas avoir pour effet d'accentuer la
progression du travail à temps partiel et qui contribue à
maintenir les femmes dans la dépendance économique et à
les rendre seules responsables du travail domestique.
Il nous importe donc qu'il y ait un ajustement, notamment que la Loi sur
les normes du travail devrait interdire à l'employeur de verser une
rémunération inférieure pour la seule raison que la
personne qui occupe un emploi l'occupe à temps partiel. En outre, nous
recommandons que les avantages sociaux offerts dans une entreprise soient
accordés aux mêmes conditions à tout le personnel
régulier, qu'ils occupent ou non un emploi à temps plein, et que
la participation à ces avantages sociaux se fasse au prorata des heures
travaillées.
En ce qui a trait à la durée normale de travail, nous
croyons qu'elle ne correspond plus à la réalité actuelle
du marché de l'emploi. La grande majorité de la main-d'oeuvre a
déjà une semaine de travail qui ne dépasse pas 40 heures,
la moyenne au Canada étant de 38,3 heures et, au Québec, 85 % des
non-syndiqués travaillent 40 heures par semaine et moins. Quant à
la journée normale de travail, elle est déjà fixée
pour une proportion très importante de la main-d'oeuvre
syndiquée. La diminution de la journée et de la semaine de
travail ne devrait donc pas entraîner de perturbations dans
l'économie québécoise et refléterait davantage la
situation réelle.
Donc, nous recommandons que la durée normal du travail soit
fixée à 40 heures pour la semaine et à 8 heures pour la
journée. Pour permettre aux entreprises visées de s'adapter
à cette mesure, l'application pourrait être progressive.
L'avant-projet de loi introduit, par ailleurs, une disposition qui
accorderait uniquement aux parents d'enfants mineurs le droit de refuser, dans
certaines limites, d'effectuer des heures supplémentaires. Tout en
reconnaissant l'objectif poursuivi par le gouvernement, nous croyons qu'il ne
faut pas marginaliser indûment les parents travailleurs en leur
réservant des droits dont devraient bénéficier tous les
travailleurs et les travailleuses. Or, le fait de devoir, pour conserver son
emploi, demeurer au travail durant une période qui dépasse son
seuil de tolérance à la fatigue et au stress est une menace pour
sa santé et sa sécurité, que l'on soit ou non un parent.
Donc, nous recommandons que soit établie une limite de 48 heures par
semaine et de 10 heures par jour au-delà de laquelle le salarié
ou la salariée peut refuser d'effectuer des heures de travail
supplémentaires. Si ces règles s'avèrent trop rigides pour
certaines entreprises ayant notamment des formules d'aménagement de
temps de travail, nous proposons qu'un étalement différent soit
possible, ceci après entente entre employeurs et employés,
à partir de normes édictées par la Commission des normes
du travail.
Sous la rubrique des congés, le silence de l'avant-projet de loi
quant à l'absence pour maladie nous paraît totalement
inacceptable. Un événement aussi imprévisible et
incontrôlable qu'une maladie ne devrait pas soustraire des travailleuses
et des travailleurs à l'application minimale de la loi. Le fait de
devoir demeurer au travail en dépit de problèmes de santé
enlève toute autonomie à une personne lorsqu'elle risque de
perdre son emploi. Donc, à l'instar de ce qui existe dans le Code
canadien du travail, nous demandons que l'employeur ne puisse congédier
ou prendre d'autres mesures disciplinaires contre une personne s'absentant pour
maladie et que cette protection s'applique pour une durée de 12 semaines
si le travailleur ou la travailleuse a effectué trois mois de service
continus.
Nous souhaitons enfin également que des efforts accrus soient
déployés par la Commission des normes du travail pour
améliorer le traitement des plaintes en réduisant les
délais, en s'attaquant au fort taux de désistement des plaintes
et en exerçant de façon large et généreuse son
mandat d'information. Il est particulièrement important de s'assurer que
des clientèles spécifiques soient rejointes: la maln-d'oeuvre
syndiquée, les travailleuses et les travailleurs immigrants ou
isolés.
Voilà, mesdames et messieurs, membres de la commission,
l'essentiel des recommandations que formule le Conseil du statut de la femme
pour rénover et adapter la Loi sur les normes du travail à la
réalité d'aujourd'hui. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Marois): Nous vous remercions pour
votre présentation qui est entrée expressément dans les
temps fixés, mais qui est porteuse de projets fort intéressants
sur le fond. M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité
du revenu et de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: Oui, Mme la Présidente, nous sommes
exceptionnellement, je dois le dire, deux ministres qui assistons, pour le
gouvernement, à cette commission parlementaire. Etant donné le
très fort lien de parenté qui existe entre votre organisme et ma
collègue, la ministre déléguée à la
Condition féminine et à la Famille, je demanderais à la
présidente de bien vouloir céder le droit de parole à ma
collègue.
La Présidente (Mme Marois): Certainement. Mme la
ministre.
Mme Trépanier: Merci, Mme la Présidente. M. le
ministre a un peu raison de dire que le Conseil du statut de la femme a comme
mandat, expressément, de faire des recommandations au gouvernement sur
toute question qui touche la condition féminine et il le fait de
façon très adéquate et pertinente depuis 1973.
Vous dites dans votre présentation, Mme la Présidente - je
reste accrochée sur cette phrase - et je cite: "Le Conseil se refuse,
cependant, à envisager séparément la fixation de normes
minimales en matière de congés parentaux et l'indemnisation de
ces mêmes congés." Donc, si je résume, dans les principes,
dans ses grandes lignes, le Conseil est d'accord avec l'avant-projet, sauf
quelques ajouts, sur les normes minimales du travail, mais il y associe
très étroitement un plan d'indemnisation, un plan de
congés parentaux.
Vous avez fait une présentation, il y a quelques jours, de cette
formule qui a été abondamment couverte et, je pense, accueillie
assez favorablement. Alors, je me permettrai, même si ça n'entre
pas dans le cadre spécifique des normes minimales du travail, d'aller
chercher quelques informations supplémentaires qui seront sûrement
très utiles à nos travaux. D'ailleurs, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, tout à l'heure, faisait
référence à un mémoire au Conseil des ministres de
l'an dernier et dans lequel nous disions justement - je n'étais pas
ministre à la Condition féminine à l'époque - que
nous avions, nous aussi, fait le constat que "le
remplacement du revenu - et je cite - de congés de plusieurs
semaines souffre de plusieurs faiblesses en plus d'être compliqué
et disparate". On y disait: "Des propositions seront soumises, dans un proche
avenir, en vue de doter ultérieurement ultimement le Québec d'un
régime unifié et amélioré relevant de son
entière responsabilité au niveau des prestations à verser.
" Nous avions, à cette époque, choisi de renforcer les conditions
existantes et c'est comme ça que nous sommes arrivés à
prendre un engagement sur l'amélioration du PRALMA, mais le gouvernement
avait probablement, aussi à votre suggestion, réalisé
qu'il y avait des grandes améliorations à apporter.
Vous arrivez aujourd'hui avec un projet dont, à tout le moins,
peut-être trois points me frappent: l'universalité,
premièrement; deuxièmement, qui viendrait simplifier la
démarche des femmes - vous me corrigerez si je me trompe - et,
troisièmement, qui donnerait un support plus égal, je dirais,
à toutes les familles du Québec.
Vous nous avez parlé d'une consultation assez large. J'aimerais
que vous m'expliquiez comment vous en êtes arrivées à
élaborer cette formule et quelles sont les consultations qui ont
été faites. Est-ce qu'elles ont été faites de
façon formelle? Élaborez donc là-dessus. Je pense que
c'est important, pour nous, de savoir quel est le consensus de cette
formule-là.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Lavigne.
Mme Lavigne: C'est qu'évidemment une telle formule, je
pense, dérange ou, en tout cas, défait beaucoup de
systèmes qui étaient établis, et nécessitait une
consultation. Au cours de l'automne, le Conseil a rencontré une
quinzaine d'organismes, qui allaient d'organismes patronaux à des
syndicats, des associations féminines, des organismes familiaux et aussi
des organismes de travailleurs autonomes parce qu'il y avait toute la
problématique aussi de couverture de la maternité pour des
travailleurs autonomes.
Je dois vous dire que nous allions avec un avant-projet d'avis qui,
d'ailleurs, fut considérablement modifié à la suite de la
consultation que nous avons effectuée parce qu'il s'agissait
d'évaluer différents scénarios qu'on avait, de voir
à la fois la réceptivité... Nous avons posé
différentes questions aux gens. La première constatation, en
somme, qu'on a faite, ça a été, je pense, à la fois
la surprise de voir à quel point il y avait une convergence de points de
vue et que le climat, au Québec, était mûr pour qu'enfin un
pas significatif soit fait. (11 h 30)
Ça sortait de façon très claire de l'ensemble des
consultations qu'on a faites. Nous voulions vérifier des questions;
d'abord, l'allocation universelle; une allocation universelle de
maternité, comment ça pouvait être perçu. Alors,
cette question-là est intéressante parce qu'on disait:
Écoutez, c'est la première fois qu'on peut avoir une mesure qui
s'adapte à tout le monde d'une façon concrète et qui ait,
bon, un caractère d'équité et qui s'intègre dans
tout un système de compensation.
La réaction par rapport à ça, notamment des
associations féminines, fut particulièrement intéressante
et nous a amenées à modifier considérablement notre
proposition. La première hypothèse que nous avions faite
prévoyait le maintien des allocations de naissance pour le
troisième enfant. Nous avions prévu ne pas toucher à ces
annonces qui avaient été faites récemment. Or,
là-dessus, on nous a souligné, et ça partout où
nous sommes allées, chez des associations féminines et des
syndicats, qu'une telle mesure posait d'énormes questions, les
allocations, et on nous demandait: Mais pourquoi vous ne les
réintégrez pas? Parce qu'un système, avec la somme, on
pourrait équitablement desservir l'ensemble des femmes. Et
là-dessus, la question est revenue extrêmement souvent en disant,
autant chez les organismes familiaux que chez des associations
féminines: Écoutez, pour nous, le premier enfant est aussi
important que le troisième.
Chez des jeunes, ensuite, nous avons vu des organismes comme le Conseil
de la jeunesse c'était de dire: Écoutez, le problème des
jeunes est là, est existant, le premier enfant est aussi difficile
à avoir que certains démographes peuvent considérer le
troisième enfant et il importe d'avoir un soutien qui soit
équivalent.
La consultation nous a aussi amenées... Bon, évidemment,
le Conseil du patronat nous dit: Écoutez, les coûts sont
élevés. Nous avions dans notre premier scénario des
coûts plus élevés qui étaient de l'ordre de 150 000
000 $. Or, on nous a dit: Écoutez, vous ne pouvez pas penser avoir une
approche qui soit plus progressive, une approche où le fardeau serait
moins élevé dans une première étape? Et, parmi les
scénarios envisagés, une des façons de réduire les
coûts était notamment de revoir toute cette question d'allocation
de naissance qui, pour bien des femmes, était vue comme une prime
à la production du style de ce qu'on a, les bonis, dans une manufacture
de chaussures. On nous l'a dit de façon aussi explicite que ça et
c'était souvent vu de façon blessante par des femmes. En
même temps, ça permettait de concilier un objectif de
rationalité économique et aussi donc de baisser les coûts,
de rendre un système faisable et, par ailleurs, d'enlever ce traitement
différent d'un enfant par rapport à l'autre. D'ailleurs, le
document dont je parlais tout à l'heure qui a peut-être
été distribué, l'annexe, une annexe sur l'avantage
comparatif des systèmes, je pense, est éloquent là-dessus
et permet de voir qu'il n'y a finalement que 600 $ de différence, mais
ça, si on prend un scénario d'une famille qui a trois
enfants, une fois que le troisième enfant est né six ans
après qu'on a décidé d'avoir une famille. Donc, la
proposition que nous faisons en faisant une hypothèse que des gens
restent au foyer tout le temps est finalement en soi... peut avoir un
léger désavantage mais qui, je pense, pourrait être
compensé par la poursuite de la politique déjà
annoncée de renforcement d'allocations familiales.
Aussi, autre élément qui est sorti clairement, le temps de
la consultation sur cette question, c'est que c'est un leurre, cette prime
à la naissance, parce qu'en réalité ce sont... on la donne
sur trois ans. Celle du troisième enfant, on la donne sur trois ans. Or,
ça fait longtemps qu'il est né le petit. Il a déjà
trois ans. Bon. Alors que, si on veut avoir des mesures de renforcement
d'allocations familiales, je pense que c'est un objectif social qui est endosse
par plusieurs associations mais qui peut, lui, être vu non pas à
partir d'une mesure à la naissance mais bien d'une mesure de soutien aux
familles. Bon. Ça, c'est un élément, en tout cas,
important qui est ressorti de la consultation et qui nous a amenées
à beaucoup baisser le coût du système qu'on avait
identifié.
Un autre élément intéressant qui est ressorti de
l'allocation universelle et qui nous a amenées aussi à monter...
à hausser le coût de la prestation de l'allocation universelle,
c'est qu'il y a beaucoup de travailleuses à temps partiel, de
travailleuses précaires qui ne réussissent pas et ne
réussiront même pas de toute façon à avoir un
attachement assez régulier pour payer à une caisse des
cotisations et qui risqueraient, si elles étaient admissibles, disons,
à 110 $ ou 120 $ de prestation de maternité, de ne pas être
admissibles à un système de compensation quel qu'il soit. Alors,
l'avantage de l'allocation universelle est de permettre de couvrir tous ces
cas-là qui se retrouvent entre les deux. Autre point de vue qui est
sorti beaucoup lors de la consultation et que, comme société
aussi, toujours au niveau de la question de la naissance, autour de la
maternité, une des priorités qu'on devrait avoir et avant de
songer à soutenir le coût additionnel d'un enfant est, d'abord et
avant tout, la première chose: compenser la perte du revenu, parce que
des gens perdent de 2000 $ à 5000 $ à 10 000 $ par année
de revenu parce qu'ils ont un enfant, et ça, c'est un autre
élément qui est ressorti.
Est-ce que vous désirez que je continue à...
La Présidente (Mme Marois): Soit dit en passant pour les
membres de la commission, vous avez dans la pochette, je crois, que le Conseil
vous a remise tous les documents auxquels fait référence la
présidente.
Mme Trépanier: Mme la Présidente, vous parlez
d'allocation à la naissance, j'aime mieux, moi, dire: soutien à
la famille avant la naissance. Il y a une chose qui m'importe, c'est que le
soutien à la famille qui a été prévu, qui a
été conçu par le gouvernement, qui est octroyé
présentement, il y a une statistique qu'il ne faut quand même pas
laisser en plan, et c'est celle qui veut que les parents d'une famille de trois
enfants et plus sont plus démunis et plus pauvres que la famille de deux
enfants et moins. Ça, c'est entendu. Alors, vous me dites, dans votre
formule, qu'il y aurait possibilité que le soutien à la famille
d'un enfant de troisième rang ne soit pas moindre, dans le fond. Quand
vous avez établi votre prestation universelle de 100 $, est-ce que
c'était.... Comment l'avez-vous inden-tifiée? J'imagine que vous
avez divers scénarios. Je n'ai pas vu les scénarios que vous avez
proposés, j'imagine qu'il doit y avoir possibilité d'ajuster la
formule pour que les parents d'un enfant de troisième rang ne
reçoivent pas d'aide inférieure à ce qu'ils
reçoivent présentement ou qu'il y ait, à tout le moins,
une période de transition entre un nouveau programme éventuel et
celui qui existe présentement.
Mme Lavigne: Écoutez. Bon, une chose est évidente,
c'est que, à un tel système ou à une telle mesure, si elle
était implantée, je pense que tout législateur et tout
gouvernement, nécessairement, a des mesures transitoires de façon
à ce que des gens... Bon, une femme qui est enceinte au moment de
l'application de la mesure ou des gens qui ont déjà la mesure
puissent continuer à bénéficier de l'application.
Ça, je pense que c'est important et ça faisait partie aussi du
décor, de ce que l'on supposait et c'est inscrit dans le document.
Par ailleurs, quand on dit 1800 $ à chacun des enfants, si on
prend l'hypothèse d'une famille qui a trois enfants, la proposition que
nous faisons signifie 5400 $ alors que les primes à la naissance
signifient 6000 $. Donc, c'est sûr qu'il y a une différence de 600
$, mais elle intervient au bout de trois ans après la naissance du
troisième enfant. Toutefois, je pense qu'on ne peut pas regarder cette
question-là seule parce que le système qu'on propose est un
système qui dit. Désormais, il faut regarder la
réalité telle que nous la vivons comme société. Or,
comme société, l'immense majorité des femmes sont sur le
marché du travail et, si une famille s'appauvrit lors de la naissance du
troisième enfant, c'est qu'une femme doit quitter le marché du
travail; c'est la raison de l'appauvrissement de la famille. Ce n'est pas...
L'appauvrissement n'est pas nécessairement le coût
supplémentaire d'un enfant.. On identifie le coût
supplémentaire d'un enfant, on sait qu'un troisième enfant
coûte moins... Écoutez, il y a des théories
là-dessus Je ne reviendrai pas là-dessus, il y a deux
hypothèses. Excusez! Bon, mais, ceci dit, il y a un coût, il y a
le coût majeur pour une famille, c'est le retrait d'une femme du
marché du
travail. Or, la majorité des familles ont besoin de deux
gagne-pain pour vivre, c'est un fait de société, et je pense
qu'aucune mesure ne peut nous amener à nier aucun grand désir.
Alors, ce que l'on dit, d'abord et avant tout, c'est un système de
remplacement du revenu qu'il faut et remplacement du revenu qui permette aussi
de s'adapter à des familles ou des femmes qui ont des situations
différentes ou qui sont à temps partiel. Donc, première
mesure, qu'on s'organise pour que, quand on fait son rapport d'impôt,
quand on a un troisième enfant, ça ne signifie pas qu'il faille
quitter le marché du travail. Qu'on puisse rester au travail, et je
pense qu'on aura réglé, à ce moment-là, au moins 80
% du problème. C'est ce qui est majeur.
Par ailleurs, il y a effectivement des coûts à un
troisième enfant. Tout le monde sait que ça coûte plus
d'argent que deux. Ça, on le dit depuis des années, il importe
qu'on continue, comme société, à soutenir, par des
allocations familiales, des enfants, mais qu'on appelle les choses par leur
nom. Il s'agit d'allocations familiales. Il y a là-dessus, je pense,
toute une série d'études et d'approches. Des économistes
vont dire, par ailleurs: Un des problèmes majeurs, ce n'est pas le
coût d'un enfant en bas de six ans, c'est son coût lorsqu'il
grandit et devient adolescent. Un enfant, on l'a aussi jusqu'à 18 ans.
Alors, des mesures d'allocations familiales, je pense, qu'il faut penser en
termes de bonification pour l'ensemble de la société, l'ensemble
des enfants, mais aussi jusqu'à l'âge de 18 ans et ne pas tout
orienter et appeler "mesures familiales" des mesures qui, en fait, sont des
mesures où il y a la naissance, ou tout mélanger le concept comme
on l'a fait.
Mme Trépanier: Mme la Présidente, on pourrait
discuter fort longtemps de cette proposition-là. Je suis convaincue que
d'autres intervenants aborderont la question, au cours de cette commission. Je
vais passer la parole à... Je vais donner mon temps et, au retour,
peut-être que M. le ministre aura une question ou deux à vous
poser également. Alors, merci de votre intervention.
La Présidente (Mme Marois): II restait quelques minutes
à votre temps d'intervention.
Mme Harel: Est-ce que c'est terminé pour...
Mme Trépanier: Je garde les trois minutes pour M. le
ministre, à la clôture.
Mme Harel: Ha!
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: ...Mme la députée de Hochelaga.
Mme Harel: Mme la Présidente, l'échange qui vient
de se produire me semble quand même assez révélateur. C'est
le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu qui,
malgré tout, est responsable de ce dossier, et je sais les sentiments
généreux que la ministre déléguée à
la Condition féminine et à la Famille peut avoir. J'ai lu,
également, sa prise de position sur l'aspect souhaitable de la
proposition du Conseil, mais ce n'est pas elle, c'est lui qui peut la rendre
réalisable.
M. Bourbeau: Est-ce que vous essayez de créer la zizanie
dans le camp adverse, là, quoi?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Le retrait, finalement, du ministre dans cet
échange-là au profit de sa collègue seulement...
J'espère qu'il va prendre ses trois minutes pour nous donner les
intentions gouvernementales parce que, sinon, on est à
l'éducation permanente et on parle pour parler. C'est avec courtoisie
qu'on peut faire des calculs sur l'aspect adéquat ou non pour les
parents d'un enfant de troisième rang, mais la question est bien
posée, c'est: Le gouvernement entend-il installer une telle caisse
unifiée, universelle de congés de maternité en rapatriant,
notamment, les prestations versées par l'assurance-chômage? C'est
ce que vous proposez dans votre mémoire - et je voudrais aussi insister
pour le signaler ce matin - vous ne nous proposez pas seulement une politique
québécoise de congés parentaux, vous nous proposez aussi
une révision des normes du travail. Je ne voudrais pas qu'on occulte
complètement ces recommandations-là, et je vais y revenir. Je
voudrais que vous me le souligniez, Mme la Présidente.
Alors, on revient donc tout de suite aux congés parentaux. Vous
nous dites, dans votre mémoire: II y a 50 % des femmes qui accouchent au
Québec et qui n'ont rien, même si la plupart d'entre elles sont
sur le marché du travail, et vous dites au gouvernement qu'il doit se
presser pour aller négocier, aller rapatrier... D'abord, qu'il doit
instituer son propre régime de prestations parentales et, comme il
s'agit d'un programme fédéral à l'égard des
congés parentaux versés par l'assurance-chômage, que, donc,
Québec doit procéder au rapatriement. Là, vous nous citez
l'artice 50, paragraphe 3, de la loi révisée du Canada, la Loi
sur l'assurance-chômage plus exactement, en Incitant le gouvernement
à entamer des discussions pour obtenir le retrait ou le transfert du
gouvernement fédéral de ce champ de cotisation de
l'assurance-chômage. C'est là dans votre rapport, à la page
55. (11 h 45)
Effectivement, il faut reconnaître que toute
la question relative aux congés de maternité est de
compétence exclusive du Québec. Parfois, je me dis que Duplessis
doit se retourner dans sa tombe s'il sait que le transfert de compétence
de l'assurance-chômage en faveur d'Ottawa qu'il a signé en 1952 a
servi, par la suite, d'intrusion d'Ottawa dans des champs de compétence
exclusive du Québec, y compris le congé de maternité et la
formation professionnelle. C'était, en fait, un détournement de
compétence, parce que ce n'était que l'assurance-chômage
que le Québec transférait. Il ne l'a jamais fait, ni pour le
congé de maternité, ni pour la formation professionnelle. C'est
pour ça qu'à l'article 50, paragraphe 3, de la Loi sur
l'assurance-chômage, on peut lire: "La Commission prend, avec
l'approbation du gouverneur en conseil - en fait, du Conseil des ministres -
des règlements prévoyant un mode de réduction de la
cotisation payable en vertu de la présente loi lorsque le paiement
d'allocations, de prestations ou d'autres sommes à des assurés en
vertu d'une loi provinciale en cas de maladie ou de grossesse, aurait pour
effet de réduire ou de supprimer les prestations payables en vertu de la
présente loi a ces assurés..." Cette disposition s'intitule
"Allocations provinciales". Donc, ce n'est plus nécessaire d'aller
chercher l'appui de sept provinces, avec 50 % de représentants de la
population du Canada. On n'est pas dans la Loi constitutionnelle -
compliquée - de 1982. On est dans un domaine de juridiction exclusive du
Québec. La grande question, c'est: Est-ce qu'il y a des pourparlers,
à votre connaissance, qui sont entamés présentement pour
négocier ce rapatriement?
Mme Lavtgne: À notre connaissance, non. On n'en a pas
entendu parler. Un aspect qui peut être intéressant
là-dessus - et je peux peut-être revenir sur la consultation -
c'est au niveau d'organismes patronaux. Par rapport à cette proposition,
ce qui peut être intéressant, c'est que le patronat, vous le
savez, a réagi de façon très très négative
au retrait du gouvernement fédéral de la participation à
l'assurance-chômage. Quand on parle de rapatriement, il faut bien savoir
que le gouvernement fédéral ne contribue nullement aux
congés parentaux et aux congés de maternité. Quand on
parle de rapatrier, c'est un champ de cotisation qu'on a sur nos chèques
de paye et que les employeurs ont sur leurs chèques de paye. Là
où le Conseil du patronat était particulièrement
réceptif à une proposition intégrée dans le cadre
d'une législation québécoise... Excusez-moi, je n'ai pas
nommé un organisme, mais trouvez la proposition intéressante et
vous pourrez interroger les organismes. C'est dans le sens où on dit,
dans des milieux patronaux, que dans les législations
européennes, habituellement, ce qu'on retrouve, c'est que l'État
continue à payer les aspects sociaux d'une mesure. Or, on dit que la
maternité a aussi une dimension sociale, n'est pas uniquement une mesure
liée au travail. Le système qu'on propose est un système
tripartite où il y a une garantie de financement de l'État qui
paie toujours l'allocation de base, qui sert de base à la prestation
pour les travailleuses elles-mêmes. Dans ce sens-là, ça
permet le respect du volet social qu'on ne retrouve plus désormais dans
le système d'assurance et qui permettrait aussi, dit-on, à
certaines petites entreprises étant plus fragiles d'avoir des
prestations peut-être moins élevées à assumer, parce
qu'il y aurait déjà une prestation de base assumée par
l'État.
Dans ce sens, des discussions, que je sache, je ne pense pas qu'il y en
ait, mais on se dit: II s'agit de cotisations qu'on paie nous-mêmes, dans
lesquelles le gouvernement fédéral, désormais, ne met plus
de contribution.
Mme Harel: Vous avez tout à fait raison de nous rappeler
qu'avec la réforme de l'assurance-chômage et la loi C-21 Ottawa se
retire complètement de la contribution à la caisse
d'assurance-chômage, mais, tout en se retirant, nous laisse deux
politiques canadiennes, soit une de congé de maternité et une de
formation professionnelle, sans même les financer et en renvoyant
uniquement aux cotisations. Là, vous aviez, dans vos dossiers, au moment
de la mise en marché du projet, la semaine dernière,
rappelé qu'en l'absence d'un remplacement du revenu à 90 % les
mères québécoises sont traitées différemment
des bénéficiaires des autres régimes
québécois d'assurance sociale, notamment les travailleuses en
retrait préventif, victimes d'accidents du travail, d'actes criminels ou
d'accidents de la route. Donc, l'ensemble de notre régime de
sécurité sociale assure un remplacement du revenu à 90 %
sauf, finalement - il faut le reconnaître - lors de la naissance d'un
enfant. La question que je me posais, c'est: Compte tenu de vos homologues
canadiennes, est-ce que le fait que l'assurance-chômage ne rembourse que
60 % du revenu assurable, ça préoccupe aussi les associations
canadiennes? Ou on n'en entend jamais parler? Ou est-ce que tout simplement ce
n'est pas là un sujet qui a une sensibilité similaire à
celle qu'on retrouve dans l'opinion publique québécoise? Est-ce
que le fait, justement, du taux de natalité, par exemple, dans les
provinces de l'Ouest qui est de 2 % et en Ontario qui est de 1,8 %, ce n'est
pas une préoccupation majeure pour eux qui fait en sorte qu'il n'y a
justement pas de pression pour que se bonifient à la hausse les
versements de prestations à l'assurance-chômage?
Mme Lavigne: Écoutez, dans le cadre de la réforme
de l'assurance-chômage, de toute façon, plusieurs provinces
canadiennes ont entrepris aussi d'actualiser leur loi sur les normes du travail
et, dans ce contexte-là, dans le moment, il y a un débat dans
plusieurs provinces et
plusieurs associations féminines et conseils ont fait un peu la
même démarche qui s'est faite au Québec, et que nous avons
faite, qui était de regarder le côté des prestations. Je
pense que c'est une question à laquelle on est sensible, et aussi
ailleurs, mais je ne sais pas exactement dans quel paramètre le
débat se vit.
Mme Harel: Alors, écoutez, je ne souhaiterais tellement
pas passer sous silence tout l'aspect que vous avez aussi
développé et dont il a été moins question,
finalement, dans les médias d'information, mais qui est aussi important
et qui concerne les améliorations apportées aux conditions de
travail proprement dites. J'aimerais particulièrement vous entendre sur
la question de la semaine normale de travail et de la journée normale de
travail. Vous proposez huit heures pour une journée normale. Donc, c'est
après ces huit heures terminées que commence à être
payé le temps supplémentaire, quand on utilise l'expression
"normale", n'est-ce pas? Donc, ce qui se trouve dans l'avant-projet de loi, la
proposition que seuls les salariés ayant des responsabilités
familiales puissent se prévaloir du droit de refus du temps
supplémentaire après un certain nombre d'heures
régulières qui ne sont pas déterminées, à
moins que l'employeur ne les ait avisés douze heures a l'avance que
leurs services seraient requis, qu'est-ce que vous en pensez de cette
proposition dans l'avant-projet de loi?
Mme Lavlgne: Là-dessus, finalement, la proposition qu'on
fait, c'est que la journée normale de travail serait de huit heures.
D'accord? Après huit heures de travail, on aurait droit à du
temps supplémentaire.
Mme Harel: Pour tout le monde? Mme Lavigne: Pour tout le
monde.
Mme Harel: vous considérez qu'il est
préférable... pourquoi insistez-vous pour que ce soit pour tout
le monde plutôt que pour les salariés qui ont des
responsabilités familiales?
Mme Lavigne: Bien, écoutez, je pense que c'est important
de ne pas créer deux catégories. De toute façon, si on
regarde l'ensemble des travailleurs et travailleuses qui ont des
responsabilités familiales, on va chercher presque jusqu'à 1 000
000 de la population active: ça commence à être
énormément de monde. À ce moment-là, pourquoi aller
en chercher 1 000 000 et ne pas aller chercher le reste de la main-d'oeuvre?
Aussi, il importe beaucoup de ne pas s'enligner dans des mesures de type
protectionniste parce que, on le sait, par le passé, c'est ce qui a
servi à interdire le travail des femmes dans les mines, qui a servi
à interdire l'accès des femmes à toutes sortes de jobs
très payantes, pour les protéger, soit dit en passant. Ceci dit,
ce serait une mesure protectionniste qui risquerait en l'occurrence que ces
congés-là... En tout cas, nous on ne proposait pas qu'ils
soient... Excusez, pour le temps supplémentaire, il y a de fortes
chances que ce soient les mères qui le prennent, compte tenu du
cheminement qu'on a comme type de société et, à ce
moment-là, que les mères soient... Évidemment, si c'est
une mère, elle a des enfants, elle ne peut pas faire du temps
supplémentaire ou, évidemment, si c'est un père,
dirions-nous, si c'est un nouveau père, on ne peut pas lui demander de
faire du temps supplémentaire. Enfin, il ne faut pas, je pense, se
retrouver à créer deux catégories de travailleurs à
cet égard-là.
Alors, ce qu'on dit, c'est: Au-delà de dix heures, tout
travailleur, quel qu'il soit, a le droit de refuser de faire du temps
supplémentaire. Donc, c'est pour ça qu'on a mis une notion de
journée maximale. On peut refuser au-delà de dix heures; entre
huit et dix heures, on n'inscrit pas de... Comme il y a une journée
normale, il y a nécessairement du temps supplémentaire, chose qui
n'existe pas dans le moment, donc qui peut constituer, je pense, un type de
frein à des demandes pour des gens qui n'en ont pas, parce qu'on n'avait
pas de journée maximale de huit heures. Alors, ça permet un
certain équilibre entre les deux, mais ce qu'on trouve, c'est qu'il n'y
ait pas de mesures davantage protectionnistes et qu'on ne divise pas la
main-d'oeuvre en deux.
Mme Harel: Je vous remercie, je voulais justement vous entendre
sur cette question des mesures protectionnistes. Par ailleurs, vous savez sans
doute que l'ensemble des autres dispositions de nos voisins ne s'appliquent
qu'à une détermination d'heures maximales de travail par semaine,
c'est-à-dire une semaine normale. Vous proposez dix heures par jour
au-delà de quoi le temps supplémentaire peut être
refusé. Vous savez sans doute que, déjà, dans le Code
canadien, on prévoit huit heures par jour au-delà de quoi le
temps supplémentaire peut être refusé. Ça ne veut
pas dire que la personne qui accepte d'en faire est payée à temps
supplémentaire. Ça, évidemment, c'est après le
calcul de la semaine normale et, dans le Code canadien, pour des travailleurs
québécois assujettis à cette juridiction
fédérale, c'est 40 heures, la semaine normale, à partir de
quoi le temps supplémentaire est payé. Mais pourquoi dix heures
pour refuser du temps supplémentaire?
Et je vais vous poser une autre question aussi, tout de suite, dans le
même ordre d'idées. Vous proposez en matière de
congédiement sans cause juste et suffisante - parce que,
évidemment, on le sait, dans le mémoire, justement, qui
était déposé l'an dernier au Conseil des ministres, il
était bien dit que le tiers des bas salariés au Québec ont
des conditions de travail inférieures aux normes du travail. Je ne
parle
pas du tiers des travailleurs et travailleuses au salaire minimum, mais
du tiers des bas salariés. Ça fait pas mal de monde ça.
Et, évidemment, on discute, finalement, de droits dont l'exercice peut
être extrêmement difficile à défaut de
connaître ces droits ou tout simplement parce que les coûts peuvent
en être prohibitifs devant les arbitres ou devant le commissaire du
travail. Et là vous proposez qu'en matière de congédiement
sans cause juste et suffisante il y ait réduction de cinq ans de service
continu chez un employeur, pour avoir droit à ce recours, à trois
ans. Déjà, le Code canadien, lui, prévoit un an. C'est
suffisant après un an de service continu pour avoir droit à un
recours. Je sais bien que le ministre passe sous silence cette
question-là puisque ça reste cinq ans. Mais, tant qu'à
faire du rattrapage et à mettre notre situation pour les années
qui viennent, pas pour les années passées, pourquoi ne pas
envisager un an?
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme la présidente,
si une de vos collègues veut répondre, H n'y a pas de
problème. Mme Desrochers.
Mme Desrochers (Lucie): Oui, je vais répondre en ce qui
concerne les heures, pourquoi le Conseil demande de fixer une durée
normale à huit heures et une durée maximale à dix heures
et des heures aussi pour la semaine. La durée normale de huit heures,
c'est que ça correspond à ce qui se vit présentement dans
la main-d'?uvre. Donc, on aimerait que ça se reflète dans la
Loi sur les normes du travail. Maintenant, la durée maximale de dix
heures, il y a un peu d'arbitraire là-dessus. Elle aurait pu être
fixée à huit heures comme la durée normale. À ce
moment-là, ça empêche l'employeur tout le temps d'exiger du
temps supplémentaire. Il ne pourrait jamais en exiger puisque la
durée normale correspondrait... Alors, en la fixant à dix heures,
on trouve que ça donne un certain équilibre et une marge de
manoeuvre. L'employeur peut exiger, dans un cadre limité toutefois, et
la travailleuse ou le travailleur sait quand même qu'on peut lui demander
du temps supplémentaire, mais que, rendu à une certaine limite,
il peut refuser. Donc, on a essayé de trouver un équilibre entre
les intérêts de chacun. On s'est inspiré,
évidemment, de certaines législations canadiennes. Dans certains
cas, on a fixé seulement une semaine maximale, dans d'autres cas,
seulement une journée et, dans d'autres cas, il y a aussi la
journée et la semaine. On a préféré la
journée et la semaine.
Mme Harel: Écoutez, il y a tellement d'autres aspects
parce que vous avez vraiment traité d'une façon très
exhaustive l'ensemble de toutes ces dispositions. Je pense, entre autres,
à la question du congé de maladie que vous introduisez avec une
garantie de retour à l'emploi. J'aurais aimé vous interroger:
Est-ce que ce sont des absences pour maladie qui peuvent être
successives? Si, après trois mois de service continu, il y a une
garantie de retour à l'emploi, même après douze semaines de
congé, est-ce que ça peut se répéter? Ça,
c'est peut-être une question qu'on... Mais, comme il reste très
peu de temps, il y a certainement un aspect sur lequel je veux absolument vous
entendre, c'est sur l'équité salariale. On sait qu'en Ontario, en
1987, ils ont introduit une législation qui prévoit que
l'employeur, toute entreprise de plus de dix employés doit redresser la
situation ou la corriger s'il y inéquité en consacrant 1 % de la
masse salariale de l'année précédente à cette
correction. Est-ce que vous envisagez ou vous souhaitez des mécanismes
pour assurer une meilleure application du principe inscrit dans la charte en
matière d'équité salariale?
Mme Lavigne: Écoutez, ce que je dois vous dire, c'est
qu'on ne l'a pas retenu. Effectivement, ça aurait pu faire partie de la
réflexion et s'inscrire dans le cadre d'une lot sur les normes. Ce qu'on
a retenu au niveau de l'équité, c'est absolument l'importance,
toutefois, pour le travail à temps partiel, qu'on ne puisse pas, parce
que quelqu'un travaille à temps partiel, lui donner un salaire
inférieur. (12 heures)
Et ceci, ne l'oublions pas, n'existe pas dans la Charte
québécoise des droits. Ce n'est pas un motif de discrimination.
Donc, une caissière dans un super-marché peut se trouver, si elle
travaille à temps partiel, à avoir 7 $ de l'heure alors que
l'autre qui travaille à temps plein peut avoir 10 $ ou 11 $ de l'heure
et ce n'est pas discriminatoire en vertu de la charte. Donc, ça, c'est
absolument essentiel pour le travail à temps partiel que ce soit inscrit
dans la loi sur les normes.
Pour ce qui est de l'ensemble de la problématique de
l'équité salariale, je dois vous dire qu'on est
véritablement dans une période de transition, et dans une
période de transition où effectivement, comme de nombreux
organismes, on reconnaît, comme la Commission des droits elle-même
le reconnaît, que nous avons comme société un instrument,
la Charte des droits, qui n'est pas l'instrument le plus approprié. Bon!
Sauf que, pour proposer un instrument plus approprié, on est encore dans
une période d'évaluation, d'évaluation d'une part de
l'expérience ontarienne qui est quand même à ses
débuts. Et je pense qu'il importe de voir quelles sont les
difficultés d'application de la loi ontarienne. Vous savez que les
premiers rapports ont été déposés en retard le 11
janvier, certains sont encore en cours de dépôt. Alors, ça,
c'est difficile de voir et je pense que le jour où on devrait y aller
comme société, on devrait savoir dans quel sens on y va.
Par ailleurs, il y a eu un choix qui a été fait de l'ordre
des mesures volontaires; il faut
peut-être laisser le temps aux mesures volontaires de voir si
ça marche ou si ça ne marche pas et que le processus
d'évaluation qui est en cours puisse se finaliser. Sauf qu'il me semble
qu'assez bientôt, en tout cas, on devrait être prêts, comme
société, à reprendre une réflexion parce que c'est
quand même un phénomène totalement inadmissible qu'encore
aujourd'hui les femmes touchent 60 % du salaire des hommes. Et ça, je
pense qu'on ne peut pas sortir de là. Mais on ne l'a pas fait pour
ça.
Mme Harel: Très bien, je vous remercie. Je pense qu'il va
me rester juste une minute pour conclure moi aussi.
Mme Lavigne: Je le sais, oui.
La Présidente (Mme Marois): II vous reste... C'est
terminé, en fait.
Mme Harel: Je vais pouvoir quand même conclure?
La Présidente (Mme Marois): Vous pouvez conclure.
Mme Harel: Je vais laisser d'abord M. le ministre terminer son
intervention, il vous reste trois minutes.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre, il vous reste
trois minutes.
M. Bourbeau: Bon, écoutez, j'écoutais tout à
l'heure la députée de Hochelaga. On doit dire la
députée de Hochelaga, maintenant, si j'ai bien compris?
Mme Harel: Hochelaga-Maisonneuve, les deux.
M. Bourbeau: Hochelaga-Maisonneuve. Ah bon! Faire un
résumé à sa façon, bien sûr, de
l'avant-projet de loi qu'on a devant nous et je dois dire que moi, quand
j'entends la députée de Hochelaga-Maisonneuve s'exprimer ainsi,
ça me fout toujours le cafard. Ça prend un bon moral pour
travailler de ce côté-ci de la table, quand on voit un
résumé aussi pessimiste d'une situation, d'un projet de loi. En
fait, à entendre ce résumé-là, j'étais
porté à dire: Bon, on est aussi bien de retirer le projet de loi
complètement puis de conserver le statu quo, puisqu'il semble,
d'après l'Opposition officielle, que c'est la grande déprime et
qu'il n'y a rien de bon dans l'avant-projet de loi. Mais, de toute
façon, je présume que ça fait partie du jeu politique.
Quant à nous, il me semble que cet avant-projet de loi
améliore nettement la situation. Bien sûr, dans un monde
idéal, on pourrait probablement proposer des choses plus
généreuses: remplacement du salaire à 150 % pendant deux
ans et demi pour chaque enfant etc. Mais, on doit vivre avec la conjoncture, on
doit vivre avec la compétitivité des entreprises, et tout
ça doit s'articuler évidemment dans une problématique
d'équilibre. D'ailleurs, je dois dire que la proposition du Conseil du
statut de la femme se situe dans cet esprit-là.
Ce sont des propositions intéressantes, je dois le dire. Le
mémoire que vous nous avez proposé va faire l'objet
d'études encore plus approfondies. Je ne suis pas ici aujourd'hui pour
vous donner la réponse du gouvernement à ce que vous proposez.
Nous sommes ici pour écouter, beaucoup plus pour écouter que pour
parler, mais vous pouvez être assurées que tout ce qui se dit ici
est noté et sera subséquemment mis dans la balance avec toutes
les autres propositions, de sorte que nous avons l'intention
éventuellement de proposer un projet: Et c'est la raison, d'ailleurs,
pour laquelle j'ai choisi de procéder au moyen d'un avant-projet de loi,
pour bien indiquer que ce n'est pas la version définitive. Nous sommes
ouverts à toute suggestion dont, entre autres, celles que vous nous
faites.
J'aurais peut-être une question à vous poser pour sortir un
peu des sentiers que l'on bat depuis une demi-heure. Dans votre mémoire,
vous traitez un peu du salaire minimum. Le salaire minimum, ça ne fait
pas partie de l'avant-projet de loi, c'est un processus extérieur, mais
vous savez que, depuis 1986, nous avons procédé à une
révision annuelle du salaire minimum après une consultation avec
le gouvernement de l'Ontario. Nous l'avons fait parce que nous estimons que
l'Ontario et le Québec ont des économies qui se ressemblent un
peu. Ce sont les deux provinces qui, un peu, là, servent de locomotives
à l'économie canadienne et à partir du moment où il
y a une entente entre ces deux provinces-là, en général,
les autres provinces canadiennes s'ajustent, un petit peu en retard parfois,
mais s'ajustent.
Alors, en quoi la procédure que nous avons suivie depuis 1986,
qui a fait en sorte que nous avons augmenté le salaire minimum à
chaque année, de 4 $ qu'il était à notre arrivée,
à la fin de 1985, à 4,35 $, 4,50 $, 4,75 $ et, finalement,
à 5 $, le premier octobre dernier, en quoi cette
procédure-là vous apparaît-elle inefficace?
Mme Lavigne: Écoutez, ce n'était pas une question
de jugement qui a été fait. Si vous remarquez, c'est que... Je
pense qu'il faut s'enligner dans la loi autrement que dans une relation
interprovinciale. Il s'agit, effectivement, d'une entente Québec-Ontario
mais qui, en soi, n'est pas une entente perpétuelle.
Ce qu'on dit, c'est qu'il importe, néanmoins, qu'il y ait une
révision annuelle, que le processus soit fait, qu'il y ait ou pas une
entente avec l'Ontario ou que les mécanismes s'affaiblissent ou non.
Donc, on dit: Qu'il y ait un processus de révision annuelle et, par
ailleurs, qu'à cette fin
il y ait une consultation du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre qui soit faite sur les niveaux souhaitables. Là, ce sera
au gouvernement de prendre la décision. Je pense qu'armé de ce
lieu de consultation de données... et aussi que l'avis soit rendu public
de façon que les citoyens puissent savoir aussi sur quelle base
ça se fait. Rares sont les citoyens, je pense, qui savent que ça
se discute entre le ministère du Travail ontarien et le ministère
québécois de la Main-d'oeuvre, la fixation du salaire minimum, et
il n'y a pas de débat social autour de ça. Or, ça concerne
une partie quand même importante de travailleurs et ça a un impact
aussi sur toute une série de travailleurs qui sont autour du salaire
minimum. Dans ce sens-là, on se dit: Qu'il y ait un lieu où,
à partir de données, on puisse le rendre public et qu'on soit
assuré d'un processus de révision annuelle, ce qui est
différent, je pense, d'une recommandation qui serait de type indexation
annuelle. Ça, ça poserait, peut-être, je pense, des
complications dans le système dans lequel on vit dans le moment. Alors,
on dit qu'on s'assure au moins que, chaque année, l'effort soit fait,
que la révision soit faite, que ça soit connu et qu'ensuite il y
ait une entente interprovinciale. Mais je pense que, comme
société, il faut se donner nos outils aussi, à nous, en
dehors de la bonne volonté d'un gouvernement ontarien qui pourrait se
retirer un jour ou... je ne sais pas.
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Bourbeau: Mme la Présidente, je vais laisser la parole
à la députée de Hochelaga-Malsonneuve en espérant
qu'elle ait au moins un bon mot à l'endroit de l'avant-projet.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelage-Maison-neuve.
Mme Harel: Mme la Présidente, il y a un grand mot du
dictionnaire qui, à mon avis, s'applique fort bien aux
législations que le ministre et son gouvernement ont
déposées jusqu'à maintenant en matière de
sécurité sociale, c'est le mot "pusillanime". C'est un grand mot,
mais il est tout à fait adéquat.
Moi, je veux dire bravo et surtout merci pour les travaux d'envergure
que le Conseil du statut de la femme a menés sur ces questions. Le
gouvernement est aveugle, mais il n'est pas sourd. Il y va peut-être
à tâtons, mais il y va au son. Vous avez permis de monter le
volume du son et je pense que ça va devenir incontournable. On ne peut
pas, comme il le fait fréquemment, parler du taux de
dénatalité, s'en inquiéter, en inquiéter la
population, faire des déclarations sur les politiques familiales
généreu ses qui doivent être offertes aux
Québécoises et aux Québécois et, de façon
inconséquente et irresponsable, ne pas doter la société,
les familles du Québec, les parents, les hommes et les femmes qui
veulent faire des enfants, des moyens pour les soutenir.
Alors, je vous remercie pour votre contribution.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
députée. Mme la ministre, une phrase.
Mme Trépanier: Une phrase. Le temps est
écoulé.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
Mme Trépanier: Merci infiniment pour votre
présentation. Vos propos viendront sûrement alimenter nos travaux
dans les prochaines semaines. Merci infiniment.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Merci de votre
présentation.
Mme Lavigne: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): J'inviterais maintenant les
représentants et représentantes de la Fédération
des unions de familles à bien vouloir prendre place devant nous.
Je vais rappeler aux membres de la commission que, non seulement nous
avons pris le temps qui nous était alloué pour entendre les
représentantes du Conseil du statut de la femme, mais nous l'avons
dépassé.
M. Bourbeau: Oui, mais ça, c'est l'homélie de la
députée de Maisonneuve.
La Présidente (Mme Marois): Vous n'étiez pas mal
aussi.
Je vous souhaite la bienvenue à notre commission. Vous connaissez
les règles du jeu. Bonjour Je vous les rappelle: une vingtaine de
minutes pour votre présentation, par la suite, il y a échange
avec les membres de la commission. J'imagine, M. Lizée, que vous
représentez le groupe et que vous allez nous présenter les
personnes qui vous accompagnent. Ensuite, soit vous ou quelqu'un qui vous
accompagne, procède rez à la présentation de votre
mémoire
Fédération des unions de
familles
M. Lizée (Jacques): Ce n'est pas tout à fait
ça. Je laisserai Mme Ricard vous expliquer le processus.
La Présidente (Mme Marois): Bonjour, Mme Ricard,
bienvenue.
M. Lizée: Je m'excuse, Mme la Présidente.
Mme Ricard (Jacinthe): Merci. Ça me fait
plaisir d'être ici parmi vous aujourd'hui. M. le ministre
Bourbeau, Mme la ministre Trépanier, messieurs, mesdames les membres de
la commission et Mme la Présidente, Mme Marois, il me fait plaisir de
représenter la Fédération des unions de familles
aujourd'hui. Je vous présente les personnes qui sont avec moi: M. Gilles
Plamondon, qui est membre du comité exécutif; M. Jacques
Lizée, qui est secrétaire général à la
Fédération, et moi-môme, Jacinthe Ricard, qui est
également membre du comité exécutif.
Dans un premier temps, je vais présenter la
Fédération des unions de familles. La Fédération a
été incorporée en 1961. Elle est le prolongement d'un
organisme qui s'appelait alors l'École des parents. Le soutien parental
est au coeur de l'action de la Fédération et ses
réalisations suivantes en témoignent: l'obtention, par l'action
avec d'autres organismes, des comités d'école et des
comités de parents dans la structure scolaire, alors que jusqu'à
ce moment les unions de familles jouaient ce rôle; la mise sur pied,
grâce aux unions de familles, des premiers services de
gardiens-gardiennes et la formation en cette matière; la
création, par les unions de familles, des premiers cours
prénatals; la participation active à la création de la
Fédération des associations de familles monoparentales du
Québec; l'aide au fonctionnement de Parents-secours du Québec; la
création et la promotion du Centre québécois de ressources
à la petite enfance; la publication de "Quand on a des tout-petits...
Quelques expériences communautaires à multiplier"; la production
d'un document sur la prévention de la violence familiale,
intitulé "Qu'il est difficile d'aimer"; la réalisation de "La
mémoire collective, fiches informatisées" sur des actions
communautaires menées à la base; la publication de "Sable et
eau", un recueil d'activités pour soutenir les parents de jeunes enfants
et les éducateurs, produit conjointement avec le Centre
québécois de ressources à la petite enfance.
La Fédération poursuit trois objectifs majeurs: la
promotion, la concertation et le soutien aux parents, aux familles et aux
groupes familiaux. Elle compte à son actif plus de 200 mémoires
et représentations sur des questions familiales. De plus, elle
réalise annuellement, depuis 1981, la remise du prix de la famille et
des prix reconnaissance aux municipalités. Enfin, c'est elle qui a
lancé l'idée de la désignation d'élus municipaux
responsables des questions familiales.
La politique familiale et le travail. Pionnière et promotrice
d'une politique familiale globale au Québec depuis le milieu des
années soixante, la Fédération a toujours
considéré important l'équilibre à maintenir entre
la vie familiale et le travail. Elle le réaffirme avec encore plus
d'insistance ces années-ci, compte tenu que la conciliation du
rôle de parents et de celui de travailleur et de travailleuse est de plus
en plus difficile et nécessaire. (12 h 15)
Le profil de la population active a considérablement
changé depuis quelques décennies. Plus de 55 % des femmes
exercent un travail rémunéré hors du foyer. Beaucoup de
familles ont besoin de deux salaires. Le nombre de parents seuls
s'accroît constamment. Cette situation est là pour y demeurer. De
leur côté, les parents sont allés à la limite de
leur capacité d'adaptation au monde du travail: le monde du travail doit
donc s'organiser en conséquence. Les parents parlent du "piège de
l'enfant". Quelle triste expression, mais aussi quelle
réalité!
Le discours sur la politique familiale s'est souvent limité, au
cours des dernières années, à l'accroissement du taux de
natalité au Québec. Certes, le besoin en cette matière est
généralement reconnu. Cependant, un tel angle de prise risque de
compromettre l'instauration d'une véritable politique familiale. En
effet, si nous réussissons à augmenter le nombre d'enfants par
famille, entre autres par l'introduction de mesures économiques, sans
pour autant passer par une réorganisation globale de la vie en
société, on risque de passer à côté de
l'objectif visé de la politique familiale, à savoir la
qualité de vie.
Une société dans laquelle chaque personne a la
possibilité de se réaliser et d'aller jusqu'au bout de sa
capacité est un objectif à atteindre. Les parents ne doivent pas
être exclus de cet objectif. Bien au contraire, leur contribution sociale
par la venue d'enfants devrait les avantager par rapport à d'autres
travailleurs. De plus, l'autonomie économique passe beaucoup par
l'emploi. Encore faut-il avoir l'occasion de l'exercer. Le projet de loi actuel
visant à modifier la Loi sur les normes du travail et d'autres
dispositions législatives est certes un pas dans la bonne direction et
la Fédération s'en réjouit.
La limite de notre avis. La Fédération a
déjà été entendue sur le thème du travail en
1984, lors des audiences publiques de la commission consultative
québécoise sur le travail et la révision du Code du
travail. Déjà, elle réclamait des congés parentaux.
Elle y revient dans le présent mémoire avec plus d'insistance.
L'avis se limitera à l'amélioration des conditions de travail des
parents travailleurs et travailleuses en considération de la
responsabilité individuelle et collective de l'enfant.
La réforme et les PME. La Fédération précise
dès le départ que sa réflexion s'inscrit dans un processus
de changement qui doit prendre en considération la réalité
des divers milieux de travail. Il conviendra tantôt de tenir compte de la
taille des entreprises, tantôt du lieu et de la nature même du
travail dans les propositions à formuler. Bref, on ne peut pas partir du
modèle unique de la grande entreprise pour calquer les mesures à
proposer pour l'en-
semble du monde du travail. Un dialogue permanent entre des
représentants gouvernementaux, patronaux, syndicaux et parentaux devrait
être encouragé dans les années à venir afin de
trouver des réponses équitables aux besoins du parent travailleur
et travailleuse. Les choix à faire s'exprimeront très souvent
à partir de solutions partagées entre les parties. Voilà
une prémisse fondamentale au développement harmonieux et efficace
des normes du travail pour les parents.
Dans ce présent mémoire, la Fédération a
tenu compte de cet angle de prise. Ainsi, elle est consciente que certaines de
ses propositions devront se retrouver dans une réflexion élargie
qui ne relève pas uniquement du présent exercice. Cependant,
c'est dès maintenant qu'elle souhaite en présenter le contexte.
Cette réflexion se poursuivra à d'autres niveaux et dans d'autres
lieux.
Les composantes de l'avis.
La maternité. Dans la réflexion sur le rôle de
parent travailleur et travailleuse, tout commence par la grossesse. C'est
dès cet instant que nous devons intervenir. Bien sûr, ce sont les
femmes travailleuses qui sont alors concernées. On sait tous que
l'organisation familiale concerne encore beaucoup les femmes. La
maternité doit être protégée. Les femmes, futures
mères, ne doivent pas être désavantagées
vis-à-vis d'autres travailleurs et travailleuses; bien au contraire, on
doit les reconnaître socialement en emploi.
Trois mesures spécifiques ont retenu l'attention de la
Fédération dans le présent mémoire. Il s'agit du
retrait préventif, du suivi pendant la grossesse et du congé de
maternité.
Le retrait préventif. La Fédération souligne
l'importance du programme de retrait préventif de la travailleuse
enceinte ou qui allaite. Ce programme doit être maintenu et davantage
connu.
Deuxièmement, le suivi pendant la grossesse. Au cours d'une
grossesse, plusieurs visites médicales de contrôle sont à
effectuer. Plus l'accouchement approche, plus elles sont rapprochées. La
perte de salaire d'un futur parent est de moins en moins possible et nous
devons trouver des solutions afin d'atténuer une telle situation.
Ainsi, la Fédération recommande que des congés
rémunérés par l'employeur soient prévus durant la
grossesse, premièrement, aux femmes qui pourront démontrer que
les visites médicales ne peuvent s'effectuer en dehors de leurs heures
de travail régulier, (la travailleuse devra alors fournir, à cet
effet, une attestation écrite de son médecin);
deuxièmement, aux femmes qui subiront des examens particuliers, par
exemple, une échographie.
Troisième point, le congé de maternité. Une perte
importante de revenu lors d'un accouchement n'est certes pas la meilleure
façon de témoigner aux nouveaux parents une reconnais- sance
sociale pour la venue de l'enfant. Dans le contexte actuel, les futures
mères sont beaucoup pénalisées. On ne peut pas couvrir
l'ensemble de ce sujet seulement à partir de la Loi sur les normes du
travail. Là aussi, c'est dans un contexte plus large que cette
réflexion devra se poursuivre.
Afin d'améliorer cette situation, la Fédération
recommande que la durée du droit d'absence prévue par la Loi sur
les normes du travail actuelle soit maintenue. Toutefois, elle demande que la
période d'employabilité de 20 semaines s'applique, même
s'il y a eu plus d'un employeur. Cette ouverture permettrait de couvrir les
travailleuses qui viennent de changer d'emploi.
Les congés parentaux. Le congé parental sans solde. Le
congé parental suite à la naissance d'un enfant est beaucoup
réclamé par les nouveaux parents. Que ce sort par choix
idéologique, pour des raisons de santé de la mère ou de
l'enfant, pour une difficulté à trouver une ressource
adéquate pour la garde de l'enfant ou par manque de pouponnière,
on réclame un tel congé pour une période plus ou moins
longue. À cette fin, la Fédération recommande un
congé sans solde d'une durée maximale ne dépassant pas 34
semaines après le congé de maternité et
déterminé à l'avance. Ce congé pourrait être
obtenu par tout parent de l'enfant ayant réalisé au moins 20
semaines continues d'emploi chez le même employeur.
Afin d'aider les PME qui auraient de la difficulté à
combler des postes pour une telle période, la Fédération
recommande au gouvernement d'offrir un programme spécifique d'emploi
pour chômeurs et assistés sociaux, tel le programme de
développement en emploi. Ces personnes entreraient en fonction quatre
semaines avant le début du congé parental et termineraient quatre
semaines après la fin du congé.
Le retour à temps partiel. La Fédération recommande
que le congé parental sans solde puisse permettre des formules de retour
à temps partiel protégé. Aussi, la protection
accordée contre le congédiement ou la mutation d'emploi des
travailleuses enceintes, prévue dans les normes du travail pour les six
mois après le retour au travail, doit s'appliquer au congé
parental sans solde.
Un congé de paternité de naissance. Des pères
désirent une plus grande implication lors de la naissance d'un enfant.
Afin de faciliter cette situation, la Fédération appuie la
proposition du projet de loi et recommande qu'un congé de
paternité de naissance de cinq jours soit disponible: trois jours
seraient sans solde et deux seraient payés par l'employeur.
Un congé parental d'adoption. L'adoption d'un enfant est un
moment important dans la vie de futurs parents. À cette fin, la
Fédération appuie la proposition du projet de loi et recommande
qu'un congé parental d'adoption de cinq jours soit disponible à
l'un ou l'autre des deux
parents. Trois jours seraient sans solde et deux seraient payés
par l'employeur.
Un congé familial sans solde. Enfin, la Fédération
recommande qu'un congé familial sans solde d'un maximum de cinq jours
soit disponible lorsqu'un membre de la famille (conjoint, conjointe, enfant ou
parent dépendant) requiert une présence.
Le rôle de la Commission des normes. D'une manière
générale, le manque d'information des salariés quant
à leurs droits est chose reconnue. La Commission des normes fournit
déjà une certaine information qui mériterait d'être
accrue. À cette fin, la Fédération recommande que les
parents travailleurs et travailleuses, ainsi que les employeurs soient
davantage informés de l'existence des congés de maternité
et parentaux. Des outils d'information devraient être conçus et
publiés en quantité suffisante.
Les heures supplémentaires. La Fédération
apprécie de retrouver dans le projet de modification de la loi, à
l'article 51.1, le souci familial du législateur rendant possible, aux
parents, de se dispenser de travailler des heures supplémentaires. Sur
ce point, la Fédération recommande qu'un salarié ayant des
obligations reliées à la garde ou à l'éducation de
son enfant mineur ou majeur dépendant ou à un parent
dépendant puisse refuser de travailler après ses heures
régulières de travail, sauf si son employeur l'a avisé au
moins 24 heures à l'avance que ses services seraient requis. La
Fédération se rallie aux deux clauses exceptionnelles de refus
prévues à l'article 51.1 relatives à des
événements imprévisibles ou à des travaux urgents
reconnus.
Un régime d'assurance parentale. La complexité du
système, la double juridiction fédérale-provinciale et les
mesures et programmes juxtaposés au cours des années rendent
difficile l'harmonisation des interventions en faveur des parents. Il en est de
même dans d'autres secteurs.
Informée du projet d'avis, en octobre 1989, du Conseil du statut
de la femme relativement à la mise en place d'une politique
québécoise de congés parentaux, la
Fédération souscrit à l'objectif d'un tel contenu. Il vise
directement la notion de parentalité. Il évacue du discours la
notion de chômage et de maladie reliée aux congés de
maternité et parentaux. La Fédération n'a pas
étudié les modalités de financement et d'application du
projet, mais considère néanmoins que l'idée de base
assurerait la cohérence recherchée en matière de politique
familiale.
Le résumé des recommandations. La Fédération
des unions de familles recommande que les conditions de travail des parents
travailleurs et travailleuses s'inscrivent dans une réflexion permanente
et reçoivent une reconnaissance importante des gouvernements et de la
société en général; que l'ensemble des propositions
tienne compte des divers milieux de travail, de la taille des entreprises et de
la nature même du travail des PME; que le dialogue permanent entre des
représentants gouvernementaux, patronaux, syndicaux et parentaux soit
assuré; que le programme de retrait préventif de la travailleuse
enceinte ou qui allaite soit maintenu et davantage connu; que les visites
médicales durant la grossesse soient rémunérées par
l'employeur lorsqu'elles ne peuvent avoir lieu en dehors des heures de travail
régulier et lorsque des examens particuliers telle une
échographie sont exécutés; que la durée du droit
d'absence prévue par la Loi sur les normes du travail actuelle soit
maintenue et que la période d'empioyabilité de 20 semaines
s'applique même s'il y a eu plus d'un employeur; que le congé sans
solde d'une durée maximaie ne dépassant pas 34 semaines
après le congé de maternité et déterminé
à l'avance soit reconnu. Ce congé pourrait être obtenu par
tout parent de l'enfant ayant réalisé au moins 20 semaines
continues d'emploi chez le même employeur; que l'aide aux PME lors de tel
congé prolongé se traduise par l'offre d'un programme
spécifique d'emploi pour chômeurs et assistés sociaux, tel
le programme de développement en emplois. Les travailleurs
concernés entreraient en fonction quatre semaines avant le début
du congé parental et termineraient quatre semaines après la fin
du congé; que le retour au travail après un congé
prolongé puisse s'effectuer par une intégration progressive en
emploi par du travail à temps partiel; que la protection accordée
contre le congédiement ou la mutation d'emploi des travailleuses
enceintes, prévue dans les normes du travail pour les six mois
après le retour au travail, s'applique également au congé
parental sans solde; que, lors de la naissance d'un enfant, un congé de
paternité de naissance de cinq jours soit disponible. Trois jours
seraient sans solde et deux seraient payés par l'employeur; que, lors de
l'adoption d'un enfant, un congé parental d'adoption de cinq jours soit
disponible à l'un ou l'autre des deux parents. Trois jours seraient sans
solde et deux seraient payés par l'employeur; que, lorsqu'un conjoint,
un enfant ou un parent dépendant requiert une présence, un
congé familial sans solde d'un maximum de cinq jours soit
autorisé; que l'information relative aux normes sur les congés de
maternité et parentaux soit davantage diffusée et que des outils
à cette fin soient réalisés; que le salarié ayant
des obligations reliées à la garde ou à l'éducation
de son enfant mineur ou majeur dépendant ou à un parent
dépendant puisse refuser de travailler après ses heures
régulières de travail sauf si son employeur l'a avisé, au
moins 24 heures à l'avance, que ses services seraient requis, que le
projet du Conseil du statut de la femme relativement à la mise en place
d'une politique québécoise de congés parentaux fasse
l'objet d'une réflexion collective afin d'en arriver à une
cohérence en cette matière et à une plus grande
reconnaissance de la parentalité.
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup, Mme Ricard.
J'inviterais le ministre à vous poser des questions et échanger
avec vous.
M. Bourbeau: Mme la Présidente, étant donné
que l'organisme qui est devant nous, la Fédération des unions de
familles, relève beaucoup plus de ma collègue, la ministre
déléguée à la Condition féminine et à
la Famille, je vous prierais de lui céder mon droit de parole.
La Présidente (Mme Marois): Mme la ministre.
Mme Trépanier: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue
à la Fédération des unions de familles. J'aimerais
savoir... Vous avez combien de membres à la Fédération,
juste pour situer auprès de la commission l'importance de votre
intervention aujourd'hui? Mme Ricard ou M. Lizée. (12 h 30)
Mme Ricard: Si vous me le permettez, Mme la ministre, je vais
laisser la parole à M. Jacques Lizée.
La Présidente (Mme Marois): Oui, certainement.
M. Lizée: La Fédération a, d'abord, un
conseil d'administration de 15 personnes qui viennent de différentes
régions du Québec, qui sont représentatives des
régions et, à la fois, des milieux, des organismes familiaux
communautaires. Nous sommes présents dans huit régions du
Québec et nous comptons 55 groupes de parents qui tantôt sont du
domaine de l'éducation à la vie familiale, tantôt de
services de gardiennage, tantôt de familles monoparentales et aussi de
services au niveau de la consommation. Alors, c'est tout à fait
varié comme secteurs de représentation. Ce qu'ils ont en commun,
ces gens-là, c'est le désir de l'implantation d'une politique
familiale et de représenter les nombreux secteurs de cette politique
à l'intérieur d'un organisme qui travaille sur la dimension
horizontale de cette question.
Mme Trépanier: Vous nous avez mentionné des
services de gardiennage. J'ai été surprise, d'ailleurs, que vous
ne parliez pas de ce point dans les normes minimales; alors, j'y reviendrai un
peu plus tard.
Vous avez fait des suggestions originales et je voudrais que vous
reveniez sur deux d'entre elles. Entre autres, vous parlez d'offrir un
programme d'emploi pour chômeurs et assistés sociaux qui
s'apparenterait au programme que nous avons déjà. Est-ce que vous
pouvez expliciter un peu plus ce que vous entendez par là?
M. Lizée: Cette idée...
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y,
M. Lizée.
M. Uzée: ...nous est venue du fait... D'ailleurs, le
préambule de notre avis le démontre très bien, nous
voulons nous inscrire dans un contexte où nous voulons respecter les
PME. C'est beaucoup dans les toutes petites entreprises que le bât
blesse, je dirais, lorsqu'un employé a à quitter pour une
question familiale. Alors, cette idée nous est venue en nous disant que,
si on pouvait venir soutenir l'entreprise lors du départ d'un de ses
membres parent elle pourrait, à ce moment-là, offrir un tel
programme, un peu comme il y a des projets de développement en emploi
que le gouvernement fédéral offre et qui permettent, selon
certains critères, d'obtenir du personnel.
Dans un contexte où il y a une main-d'oeuvre de jeunes
formés et qui ont de la difficulté à se trouver de
l'emploi, nous considérons que ça pourrait être une double
réalisation. D'une part, ça permettrait à la petite
entreprise d'être moins pénalisée parce que la personne
entrerait en emploi quatre semaines avant le départ de la personne
concernée et y demeurerait quatre semaines après aussi pour lui
donner ie temps d'y retourner et de faire le transfert des dossiers ou du
travail dont il est question. Ça permettrait à ces
personnes-là d'acquérir une expérience en milieu de
travail.
Alors, on se dit: Si ça existe déjà, des programmes
semblables, pourquoi ne pourrait-on pas faire une discrimination positive
à l'endroit des parents pour faire en sorte que ce soit un des
critères pour de tels projets? Je regarde les projets qui sortiront
bientôt pour les étudiants à l'été; on dit
qu'on va mettre de l'avant des projets qui concernent le sida ou qui concernent
la violence ou les problèmes d'analphabétisme. Je suis tout
à fait d'accord avec ces points de vue, mais on pourrait aussi
prévoir qu'un certain pourcentage de ces projets pourrait concerner des
départs de parents qui quittent pour des raisons familiales.
C'est dans cet esprit-là qu'on a avancé cette idée
et on savait aussi qu'en Belgique il y a un projet semblable. Je ne peux vous
dire, à ce moment-ci, s'il est réalisé. S'il est en voie
de l'être, ça, j'en suis sûr, mais à quel niveau il
est rendu, je ne le sais pas. Mais ce que je sais, c'est que c'est un projet
que nos amis Belges avaient mis de l'avant il y a déjà quelques
années pour, à la fois, permettre l'entrée sur le
marché du travail de jeunes et de gens qui se cherchent un emploi et
concilier les responsabilités familiales.
Mme Trépanier: Merci. A la suite d'un congé
parental, vous suggérez un retour possible au travail à temps
réduit. Est-ce que la suggestion que vous faites serait une
prérogative d'un employeur ou si vous le voyez vraiment
inséré
dans les normes minimales du travail et comment pourraient être
articulées les normes de ça? Est-ce que vous avez une idée
là-dessus ou si c'est le principe que vous insérez que vous
abordez?
M. Lizée: C'est le principe, mais quand même on y
voit une application au sens suivant. C'est que, lorsqu'on parle du
congé parental de 34 semaines, nous, on dit que peut-être
ça pourrait être avantageux, même pour l'employeur. Ce
congé de 34 semaines, s'il était dans les normes du travail,
pourrait être à l'avantage de l'employeur, advenant qu'au bout de
20 semaines le parent dise: Écoute, moi, je pourrais déjà,
au bout de 20 semaines, revenir et revenir à temps partiel. Ça
pourrait donc être une mesure fort intéressante pour le parent qui
veut revenir avant la période qui lui serait possible de 34 semaines,
mais en même temps aussi pour l'employeur.
Ce qu'on constate, c'est qu'actuellement l'organisation du travail est
telle que c'est du temps plein ou pas du tout. Alors, l'harmonisation de
ça, il y a peut-être des mécanismes à trouver,
à ce moment-ci, pour savoir comment l'appliquer, mais je pense que
ça se traduit fort bien dans des cas concrets qu'on a vus et que les
parents nous ont soulevés, où ils étaient prêts
à retourner progressivement, mais, par ailleurs, le milieu de travail
où ils étaient ne le permettait pas.
Mme Trépanier: Même à l'intérieur des
34 semaines.
M. Lizée: Oui, bien sûr, à l'intérieur
des 34 semaines.
Mme Trépanier: Alors, il y aurait de la
flexibilité, ça pourrait être disponible aussi après
la période de 34 semaines.
M. Lizée: Ça pourrait aussi être disponible
après, mais nous l'avons d'abord vu, à ce moment-ci de la
réflexion, sur les 34 semaines que nous souhaitons dans la question du
congé parental.
Mme Trépanier: Bon. Vous faites une différence
entre l'emploi continu pour un congé de maternité et un
congé parental. Pourquoi proposez-vous qu'une personne puisse justifier
20 semaines de travail continues chez un employeur pour avoir droit à un
congé de maternité quand, pour un congé parental, il doit
justifier 20 semaines? Est-ce que j'ai bien compris? Vous dites: Quand la
mère prend un congé de maternité, les 20 semaines n'ont
pas besoin d'être continues; quand c'est un congé parental, elles
doivent être continues.
La Présidente (Mme Marois): Oui, monsieur, allez-y.
M. Lizée: On n'a pas la prétention d'avoir
creusé beaucoup cette question-là. Ce qui nous apparaît, en
tout cas, important, c'est que la notion des 20 semaines d'employabilité
et que la personne soit à ce travail, ça nous apparaît une
mesure... Quand je disais, tout à l'heure, qu'il faut à la fois
regarder la partie patronale puis la partie qui concerne l'employé je
pense qu'on ne peut pas uniquement se situer comme parents et tirer la
couverture uniquement de notre côté. Alors, pour nous, ça
nous est apparu fondamental d'essayer d'avoir des formules qui disent:
Écoutez, il y a un minimum, quand même: il faut 20 semaines
à certains endroits; à certains endroits, bien, peut-être
pas. Notre discussion là-dessus n'est pas arrêtée à
100 %. Ce qu'on veut, c'est garder l'esprit ouvert sur cette
capacité-là progressive, en tout cas, de voir comment aussi, du
côté patronal, il y aura des réactions.
On en est conscients et, si vous me permettez une parenthèse ici
- c'est votre question qui m'amène à soulever ça - on
travaille actuellement avec des entreprises sur une réflexion à
ce sujet-là. Je vous avoue que même les propos que nous tenons
dans notre tout petit mémoire qu'on dépose aujourd'hui, dans
certains milieux de travail, ils sont déjà extrêmement
progressistes par rapport au niveau de réflexion qui est
déjà dans le domaine de l'entreprise. Quand on dit aussi, dans le
document, que c'est une réflexion qui devra se continuer à
d'autres niveaux et beaucoup plus élargie par rapport à d'autres
questions, ça nous apparaît, en tout cas à ce stade-ci, une
réflexion drôlement importante pour ne pas s'antagoniser, je
dirais, avec certains milieux de travail. Il ne faudrait surtout pas que le
législateur, par son pouvoir d'imposer des choses dans les normes, fasse
qu'on retarde révolution de la réflexion pour des choses qui ne
seront pas dans les normes et pour lesquelles on voudrait aussi un
développement dans les conventions collectives
régulières.
Alors, c'est là que je vous dis: C'est fragile comme discours, ce
que l'on tient, non pas parce qu'on ne voudrait pas en demander davantage, mais
parce qu'on veut ça dans une dialectique très souple et
très ouverte avec le milieu du travail.
Mme Trépanier: Je décèle que, pour le
mieux-être des familles, vous souhaitez un équilibre, parce que -
mon collègue me souffle: Qui trop embrasse mal étreint - à
vouloir trop gagner, on peut peut-être aussi pénaliser des gens
que l'on veut protéger. Alors, je trouve ça important qu'un
groupe familial le souligne. C'est le désir que nous avons, dans cette
commission, d'essayer, avec le meilleur équilibre possible, de donner
les avantages les plus grands possible; ça, c'est sûr.
Vous pariez de congé rémunéré à un
endroit et c'est lorsque vous abordez les visites médi-
cales. Pourquoi pariez-vous, à ce moment-là, de
congé rémunéré et que vous n'en parlez pas ailleurs
ou pourquoi spécifiquement pour ce point-là?
M. Lizée: On en parie un peu ailleurs, dans les endroits
où il y a cinq jours de congé réclamés.
Mme Trépanier: Je veux dire: ajoutés au projet,
à l'avant-projet.
M. Llzée: Ajoutés au projet. C'est que ça
nous apparaît, en tout cas pour la future mère, une situation
où il ne faut pas qu'elle soit pénalisée. C'est là
aussi qu'on parie de la question du salaire. Nos amies du Conseil du statut de
la femme le disaient tout à l'heure: Les gens ont besoin de ce revenu
familial et le double salaire n'est pas un luxe dans beaucoup de familles.
C'est bien évident que, pour des examens semblables, si on en a
parié, c'est que c'est une situation tout à fait physique, qui
demande des rendez-vous chez le médecin. Mais, là encore, on
s'est dit: II ne faut pas abuser et il faudrait essayer de s'assurer que ces
rendez-vous ne puissent pas être retenus à des heures
extérieures au travail et pour lesquelles le médecin pourrait
justifier que c'est à telle heure. Pour nous, ça semblait
important, pour ce point-là, de manifester pour ne pas que les futures
mères soient pénalisées.
Mme Trépanier: Peut-être une dernière
question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
Mme Trépanier: Vous n'avez pas abordé dans votre
mémoire la question des domestiques qui seraient maintenant inclus dans
les normes minimales du travail. Je considère, pour un organisme comme
le vôtre, que le sort des travailleuses domestiques et des gardiennes est
important. Comment voyez-vous cet aspect de la Loi sur les normes du travail,
même si vous ne l'avez pas abordé? Est-ce que je peux avoir votre
opinion là-dessus? C'est un point difficile, je l'avoue, mais vous devez
avoir une idée.
M. Lizée: Dans un autre avis dont je ne me souviens pas du
thème, mais je me souviens du contenu, on disait, par exemple: C'est
inacceptable, dans une société comme la nôtre, que la
personne qui est préposée à un garage où on gare
notre voiture soit plus payée que les gens qui s'occupent de nos
enfants, soit à domicile ou dans les garderies. Pour nous, si je
m'inspire de cette situation, je dirais que c'est évident que, comme
société, on a à réfléchir sur cette
question: comment faire en sorte que les gens qui occupent un travail
rémunéré en lien avec la garde des enfants... Il y a,
effectivement, un redressement à faire là-dessus et on doit les
protéger. Si on avait creusé cette question, Mme la ministre, je
vous dirais, bien sûr, qu'on aurait abondé dans le sens d'offrir
aux gens qui s'occupent de nos enfants des conditions décentes de
travail.
Mme Trépanier: La contrepartie ne vous
inquiète-t-elle pas, soit le fait de considérer qu'il y aurait
peut-être des coûts supplémentaires à assumer pour
les familles? Il y a toujours deux côtés à une
médaille.
M. Lizée: Oui, mais dans notre mémoire, dans celui
qu'on a ici, on parie, à un moment donné, d'une
responsabilité individuelle et d'une responsabilité collective.
Je pense que, dans un dossier comme celui-là, c'est une
responsabilité individuelle des parents et là je rejoins votre
question en disant: Oui, les parents doivent accepter de mettre la main dans
leur poche et un peu plus. Mais, en même temps, si nous voulons des
enfants, si pour nous c'est important comme société
québécoise d'en avoir, je pense que la responsabilité
collective doit jouer pour beaucoup et, à ce moment-là, on doit
se poser la question: Comment, collectivement, pourrons-nous répondre
à ça?
De plus, il faudrait faire attention au fait que, dans des emplois
traditionnellement réservés aux femmes, il ne faudrait surtout
pas que ce soit elles qui aient à payer constamment la question des
services reliés à la vie familiale. Ça, ça nous
apparaît indécent et, de ce côté-là - je me
tourne vers nos amis du conseil d'administration - c'est une question qu'il
faudrait, effectivement, creuser éventuellement pour apporter des
éléments de solution. Vous avez raison de soulever la
question.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir
également d'accueillir Mme Ricard, M. Lizée, M. Plamondon. Compte
tenu du fait que vous êtes sensibles aux préoccupations
patronales, j'ai été quand même surprise que vous
mainteniez la recommandation concernant le droit du refus de travailler des
heures supplémentaires uniquement pour les salariés ayant des
responsabilités familiales. Ça apparaît, de prime abord,
une idée généreuse, mais souvent ce sont des idées
généreuses qui, à l'usage, en fait, provoquent l'effet
exactement contraire de ce qui est recherché.
D'une part, vous avez entendu les propos, certainement, de la
présidente du Conseil du statut de la femme sur ces mesures
protectionnistes qui peuvent, à l'usage, amener de la discrimination
à l'embauche. Par exemple, quel employeur va être
intéressé à embaucher un
homme ou une femme sans lui demander s'il a quatre, cinq ou six enfants,
étant donné que la présence surnuméraire,
finalement, d'enfants peut amener un refus plus fréquemment
utilisé? (12 h 45)
Et la grande question que je me suis posée à la lecture de
votre mémoire et à la lecture de l'avant-projet de loi, c'est:
Comment faire pour qu'un droit - parce que là, on est dans le domaine
des droits, mais des droits qui doivent être exercés dans des
conditions où... Ce n'est pas un fonctionnaire qui va exercer le droit,
parce que, dans les conditions d'exercice, c'est la personne qui dit: J'ai un
droit, mais c'est elle qui est le moteur de l'exercice du droit. Alors,
ça veut dire qu'il faut le simplifier pour que les conditions de
réalisation du droit soient là, pour que, finalement, ce soit un
exercice facile, aisé, pratique. Il faut aussi des recours, parce qu'on
a beau avoir un droit, il ne vaut que le papier sur lequel il est écrit
si on n'a pas un recours. Il ne faut pas que ce recours-là coûte
cher, il ne faut pas que ce recours-là amène plus
d'inconvénients à être utilisé qu'à se taire
en endurant. Le seul recours, c'est de porter plainte et il faut ensuite que ce
soit sanctionné.
Alors, étant donné qu'on parle, dans la vraie vie, de
choses qui doivent être faciles d'usage pour qu'on n'ait pas besoin de
porter plainte ou peut-être d'avoir de mauvaises relations de travail, de
sanctionner et de mettre en place un ensemble de contrôles
institutionnels pour que la personne, au bout de la ligne, puisse exercer ce
droit, je vous repose la question: Comment mettre ça en pratique pour le
salarié ayant des obligations reliées à la garde ou
à l'éducation de son enfant mineur ou majeur? Est-ce son propre
enfant à lui? Que faisons-nous dans le cas des familles
reconstituées?
Hier, par exemple, à la sortie d'une réunion avec des
légistes du ministère de la Justice, on m'a dit: II faut que je
quitte parce que je me porte toujours responsable de l'enfant de ma voisine qui
est monoparentale. C'est toujours moi, me dit la légiste, qui vais le
chercher à la garderie. Bon! Que fait-on de ces situations où les
responsabilités familiales sont de plus en plus partagées par
d'autres qu'exclusivement par les parents biologiques? Et si les deux parents,
par exemple, parce qu'on dit "le salarié"... Comme les deux ne
travaillent pas nécessairement à la même entreprise, est-ce
qu'il ne peut pas se présenter aussi que, pour d'autres raisons que de
bonnes raisons, l'un et l'autre invoquent, chacun dans son entreprise, le fait
d'avoir des obligations pour se payer du bon temps, de temps en temps? Ce sont
toutes ces questions-là. Et comment peut-on déterminer les heures
régulières, notamment? C'est quoi, les heures
régulières? Peuvent-elles différer d'une entreprise
à l'autre? En d'autres termes, est-ce que ce ne sont pas là des
mesures protectionnistes qui, à l'usage, comme vont nous le dire durant
la commission tous les représentants d'associations d'employeurs et
comme vont aussi le signaler les représentants de travailleurs, seront
impraticables si elles ne sont pas offertes à tous les
salariés?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Lizée.
M. Lizée: Vous posez une très bonne question, Mme
la députée de Hochelaga-Maison-neuve. Je pense qu'on ne peut pas
taire la situation du vécu des parents qui sont sur le marché du
travail. Vous avez raison de dire que c'est délicat et que ça
peut créer un effet boomerang ou presque. Cependant, pour nous, ce qu'on
constate, c'est que les parents nous disent: On est des superparents. Ce sont
beaucoup des "superwomen" qu'on entend, ce sont des mères qui sont
toujours en situation. Les parents, comme on le dit dans notre mémoire,
sont allés à la limite de leur capacité de concilier
marché du travail et vie familiale. Quand je dis "à la limite",
il y a des cas même dramatiques. Je pourrais prendre des exemples de cas
dramatiques pour équilibrer certains exemples que vous avez
donnés qui étaient très justes, mais moi, ce que je dirais
là-dessus, c'est que notre notion, par rapport à ce qui est dans
le texte, c'est une notion de responsabilité directe à l'endroit
de l'enfant. Ça nous apparaît fondamental que le parent qui
réclame de tels droits ait une responsabilité reconnue à
l'égard de l'enfant. Quand vous me parlez de la voisine, parce que c'est
la personne qui va chercher l'enfant habituellement, je regrette, mais, dans
notre esprit, ça ne nous apparaît pas nécessairement la
personne qui a la charge de cet enfant-là. Alors, c'est sûr qu'il
va falloir avoir des choses très claires, très pointues,
très précises, mais il ne faudrait pas, parce que c'est
délicat à traiter, qu'on évacue des normes du travail ce
langage-là de responsabilité familiale.
Et je vais un petit peu plus loin. Il y a une commission qui
siège en même temps que celle-ci sur la santé et les
services sociaux. Je m'éloigne peut-être du sujet, mais vous allez
voir que je ne suis quand même pas très loin. C'est parce qu'on
parle, nous, de responsabilités à l'endroit de parents
dépendants; donc, c'est un travailleur qui aurait lui-même un
père ou une mère à l'endroit de qui il aurait une certaine
dépendance. La réforme actuelle souhaite beaucoup qu'il y ait le
maintien à domicile. De plus en plus, on vit dans une
société où on veut maintenir nos gens à domicile
et, en même temps, comment allons-nous faire en sorte de continuer
à maintenir chez les gens la responsabilité à l'endroit de
ces gens-là qu'on veut maintenir à domicile? Si on veut que les
enfants de ces parents continuent de s'y intéresser, de s'impliquer, je
pense qu'il ne faudrait pas les mettre dans un cul-de-sac tel que, quand ils
sont en emploi, ils ne puissent pas vaquer à des activités de
dépendance à l'endroit de leurs proches et
faire en sorte qu'ils disent: Écoutez, on ne peut pas composer
parce que le milieu du travail ne s'ouvre pas à des dimensions comme
celles-là.
Peut-être, effectivement, que c'est difficile d'appliquer ce qu'on
propose à ce niveau, mais, en même temps, nous, on prétend
que c'est le test de vérité de la prochaine décennie. Si
on ne réussit pas à passer au travers, je ne suis pas sûr,
moi, que le taux de natalité va augmenter et je ne suis pas sûr
non plus que la responsabilité familiale va s'accroître si on
n'est pas capable de s'ajuster, actuellement, aux nouvelles
réalités parentales.
Mme Harel: Oui, voilà! Évidemment, la question,
c'est: Comment cet ajustement doit-il se réaliser pour que, à
terme, il ne discrimine pas les chargés d'enfants? Ça, c'est
toute la question, évidemment, qui est le défi d'une commission
comme celle que nous tenons présentement.
Vous avez proposé l'offre d'un "programme spécifique
d'emploi pour chômeurs et assistés sociaux, tel le programme de
développement en emploi", comme aide aux PME. J'ai bien compris qu'il ne
s'agit pas de l'embauche de chômeurs et d'assistés sociaux parents
comme tels.
M. Uzée: Non, non.
Mme Harel: C'est simplement lors d'un congé parental. Vous
savez sans doute que le gouvernement s'est engagé, durant la campagne
électorale, à développer une mesure fiscale en vue
d'offrir une compensation financière aux employeurs qui assument les
coûts de formation associés au remplacement d'un employé en
congé parental. Je le leur rappelle parce que, voyez-vous, c'est
toujours bon de le rappeler. En fait, il y a encore des engagements de 1985 qui
traînent, comme l'accès des femmes au foyer à la
Régie des rentes du Québec, qui s'est perdu en cours de route.
Mais ça, c'est un engagement qu'ils ont pris ça ne fait pas
longtemps, ça ne fait pas encore six mois. C'était donc une
mesure fiscale, j'imagine. Moi, je m'attends à ce que ce soit dans le
budget de Gérard D. Levesque, au printemps, cette mesure fiscale qui va
offrir une compensation financière pour les coûts de
formation.
Mais ça m'amène à une question plus
générale. C'est intéressant, les travaux que vous
poursuivez avec des entreprises à l'égard de toute cette question
de la charge familiale, de la parentalité, mais ne pensez-vous pas que,
comme pour tout notre régime de sécurité sociale - je
crois qu'il n'y a pas une exception à la règle - depuis sa pierre
d'assise dans les tout débuts, que ce soit en matière de
santé et de sécurité au travail, en matière de
régimes de retraite, de fonds de pension, en matière de maladies,
quel qu'ait été, finalement, l'objectif poursuivi, toujours
l'État a dû légiférer parce qu'en laissant seules
les forces du marché, ça piétinait complètement le
vécu des gens... Le capital, pour parler en termes clairs, n'a pas
nécessairement comme objectif de faire réaliser des conditions de
vie qui soient celles qu'on puisse espérer offrir à l'ensemble
des citoyens dans une société. Je veux dire qu'on n'a pas
à lui transférer une responsabilité que seul, d'une
certaine façon, l'État a, qui lui est confiée par la
société.
Là, je me demande: Est-ce qu'on va attendre qu'il y ait des
grèves plus nombreuses, comme il a commencé à y en avoir,
pour qu'il y ait un congé, par exemple, de maternité? Parce que
dans le secteur privé, c'est à ça maintenant qu'on
assiste. Il y en a eu, dans le temps, des grèves pour avoir des fonds de
pension, pour avoir de bonnes conditions de santé et de
sécurité et c'est l'État qui est intervenu pour
légiférer. Maintenant, c'est comme entendu que ça fait
partie des choses qu'on considère comme normales. Mais est-ce qu'on va
attendre qu'il y ait des grèves pour qu'il y ait des congés de
maternité, pour qu'il y ait des congés parentaux? Est-ce que
c'est à ça, finalement, qu'on va devoir assister si on laisse les
choses aller et qu'on ne se fie qu'à l'évolution des esprits?
Dans tous les autres domaines, il a fallu en arriver à des
législations parce que l'évolution des esprits n'avait pas
donné des résultats probants. Je ne sais pas où en est
votre réflexion, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Lizée: Sur cette question, c'est bien évident
qu'il faut surtout que l'État continue à jouer un rôle
moteur, définitivement. De par le modèle de société
ou de structure qu'on s'est donné, je pense que l'État doit
continuer à jouer un rôle moteur. Cependant, en même temps,
je pense que c'est faisable de démontrer - il y a des modèles
américains là-dessus qui le démontrent - que, pour
l'employeur, c'est aussi rentable d'offrir à ces parents qui sont
travailleurs des conditions intéressantes. Il y a une question de
productivité là-dessus qui peut aussi jouer. Actuellement, il y a
des employeurs qui nous disent qu'il y a des personnes qui viennent comme
cadres parce qu'elles savent que l'entreprise peut leur apporter telle sorte
d'avantages ou telle situation.
Il me semble, de ce côté-là, que tout doit se faire
un petit peu en même temps. Je pense que l'État doit continuer
à jouer son rôle, j'allais dire, de chien de garde et, en
même temps, être moteur et progressiste par rapport à
ça. L'exemple qu'il donne à ses propres employés de la
fonction publique est important aussi. Ça, c'est un point de vue.
L'autre côté, c'est corn ment, en même temps, les
entreprises vont voir à tirer profit de cette situation d'avoir des
employés... On l'a vu dans le domaine du con-dionnement physique.
Combien d'entreprises, maintenant, développent des programmes de
Participe-action et de gymnases pour offrir des conditions
intéressantes pour que leurs employés aient une santé
mentale meilleure. On dit que c'est la même chose dans le domaine de la
parentalité.
Pour nous, à la Fédération, ce dialogue qu'on a
entrepris avec les entreprises se veut aussi important du point de vue du
développement d'autres services. Pensons à des services
psychosociaux, au développement d'Information écrite sur le
développement de l'enfant que les parents réclament en
entreprise, à des activités qui pourraient faire en sorte
qu'après le travail des parents se retrouvent pour échanger sur
des questions familiales. Ce ne sont pas que des voeux. Il y a quelques
réalisations de ce côté-là. Je pense, enfin,
à tout le développement des services de garde en milieu de
travail. Pour donner un petit exemple, nous prônons, par exemple, que,
dans les parcs industriels - parce que nous travaillons beaucoup avec les
municipalités aussi - les petites et moyennes entreprises qui n'ont pas
les moyens d'avoir leurs propres garderies puissent faire un pool de places
pour gérer collectivement une garderie avec l'incitatif de la
municipalité.
Je pense qu'il y a, autour des congés parentaux, des services
parentaux qui peuvent être générés par le milieu du
travail. C'est dans cette dynamique que nous nous inscrivons et
j'apprécie que vous nous rappeliez l'histoire des grands dossiers,
comment ça s'est fait, et nous les partageons, madame.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, ça va?
Mme Harel: Alors, je veux remercier la Fédération,
Mme Ricard, M. Plamondon, M. Lizée pour la contribution que vous faites
à nos travaux.
La Présidente (Mme Marois): Mme la ministre.
Mme Trépanier: Depuis sa création qui date de 1961,
vous nous avez dit: La Fédération a toujours eu comme objectif le
soutien des parents. Il y a un souci aussi de concertation et vous êtes
aussi présents sur tout le territoire québécois. Alors, a
ce titre, votre position sur cet avant-projet important était
extrêmement précieuse pour nous. Soyez assurés que vos
propositions et votre position seront analysées certainement avec grand
intérêt par la commission.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présence
à la commission.
Je suspends maintenant les travaux en vous rappelant, cependant, que
nous recommencerons à 14 heures, à 2 heures cet
après-midi. Nous avons quatre grands groupes à entendre, de 14
heures à 18 heures. Alors, j'aimerais bien que l'on puisse commencer
à l'heure prévue. Merci.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprisée 14 h 10)
La Présidente (Mme Marois): Si vous le voulez bien, nous
allons reprendre nos travaux. Je rappelle aux membres de la commission que nous
avons quatre groupes à entendre cet après-midi, nous recevons
donc quatre groupes dont le Front de défense des
non-syndiqué-e-s, la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec, l'Association des manufacturiers canadiens et
la Centrale de l'enseignement du Québec.
J'inviterais donc, à ce moment-ci, les personnes
représentant le Front de défense des non-syndiqué-e-s
à venir prendre place à l'avant. Je vous rappelle
brièvement nos règles. Vous présentez votre mémoire
en une vingtaine de minutes. Par la suite, il y a un échange avec les
membres de la commission sous forme de questions, de commentaires et
d'échanges qui ne devraient pas dépasser au total une heure pour
votre présentation. Alors, je ne sais pas qui sera votre porte-parole,
mais j'aimerais que le porte-parole se présente et présente les
personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Front de défense des
non-syndiqué-e-s
M. Bousquet (Mario): Oui, très bien. Je suis Mario
Bousquet, du Mouvement action-chômage, de Saint-Hyacinthe et du Service
d'aide et de consultation sur le travail, de Saint-Hyacinthe. Je serai le
porte-parole. Je suis accompagné par Michel Gagnon, à ma gauche,
du CANO, le Comité d'action des non-organisé-e-s, de
Trois-Rivières. À mon extrême droite, Jocelyne Malette de
l'ATIQ, l'Association des travailleurs immigrants et québécois
et, finalement, Mme Claudette Carbonneau, secrétaire
générale du Conseil central Montréal-CSN.
Nous remercions la commission de bien vouloir nous laisser parler
aujourd'hui. Je ferai remarquer, au niveau des groupes membres de notre
organisation, qu'il y a deux groupes qu'on doit rajouter à la page 3 de
notre mémoire. Ce sont les groupes de Solidarité populaire
Québec, qui nous appuie et, également, l'ATEQ.
Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi 126, le Front
de défense des non-syndiqué-e-s prend la parole encore une fois
devant nos dirigeants politiques afin d'apporter une série de
réflexions sur le projet de loi qui vise à réformer la
convention collective des non-syndiqués, soit la Loi sur les normes du
travail. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les normes du travail,
en 1979, les non-syndiqués se sont donné une organisation
représentative pour répondre aux propositions gouvernementales.
Le FDNS
regroupe plus d'une trentaine de groupes à travers le
Québec. Ces groupes travaillent au quotidien avec des gens
touchés par cette loi et, forts de leur expérience et de leur
expertise, ils sont en mesure d'apporter des commentaires pertinents sur
l'avant-projet de loi.
Il faut également souligner que plusieurs commissions se sont
succédé sans donner pour autant de résultats concrets.
Pendant ce temps, les non-syndiqués attendent le jour d'une
réforme de la loi 126 pour protéger leurs droits.
Le gouvernement a souvent évoqué la
nécessité de considérer le contexte dans lequel
évolue l'économie de la province pour refuser d'acquiescer aux
demandes des non-syndiqués. Brandissant ainsi le spectre de la
compétition mondiale que doivent affronter les entreprises
québécoises, il a davantage tenu compte de l'augmentation des
coûts de production que risquait d'entraîner toute
amélioration apportée aux conditions de travail des
non-syndiqués plutôt que de tenir compte de l'augmentation des
coûts sociaux relatifs aux problèmes causés par la
détérioration de leurs conditions de vie et de travail.
D'autre part, bien que cet élément de la conjoncture soit
passé sous silence par nos dirigeants politiques, il nous apparaît
évident que le traité de libre-échange avec les
États-Unis a des conséquences sur l'ensemble des politiques
actuelles de nos gouvernements en matière de réglementation du
marché du travail. De plus, la situation socio-économique
actuelle est plutôt inquiétante et les reculs enregistrés
par l'économie québécoise sont très sérieux.
La diminution de taux de croissance de l'emploi, le déclin de secteurs
industriels importants tels que le textile, la métallurgie, le transport
et la compétition mondiale exarcerbée sont tous des facteurs
entraînant d'importantes restructurations économiques. C'est dans
ce contexte que s'élabore le processus de privatisation de larges
secteurs d'activité jusqu'ici placé sous la gouverne de
l'État.
Les orientations qui seront prises par nos dirigeants politiques auront,
sans contredit, des conséquences qualitatives et quantitatives sur nos
conditions de vie et de travail. L'État se doit pourtant de voir
à la protection et à l'amélioration de la qualité
de vie de la collectivité. Cette amélioration passe
nécessairement par l'amélioration des conditions de travail d'un
groupe très important dans notre société: les
travaillleurs et travailleuses non syndiqués.
Cette conjoncture économique force donc un nombre croissant de
travailleurs et de travailleuses à vivre d'emplois précaires et
instables. Les conditions de travail des non-syndiqués se sont
détériorées de façon phénoménale
depuis la dernière décennie. Le monde de la sous-traitance s'est
considérablement accentué durant la même période. Le
droit de gérance des employeurs, pour ne pas dire le pouvoir absolu, a
permis des conditions de travail intolérables. Quand les conditions de
travail deviennent insupportables, ce sont les conditions de vie qui s'en
trouvent affectées.
La problématique du travail précaire est un domaine
complexe. D'un côté, cette situation provoque une discrimination
entre les employés à temps plein et ceux qui occupent un emploi
à temps partiel. D'autre part, les employés à temps
partiel ne peuvent pratiquement jamais adhérer à un syndicat. Il
ne faut pas uniquement regarder cette iniquité, mais il faut
également se pencher sur la stabilité de l'emploi à temps
plein. À ce chapitre, il n'est pas rare de voir un travailleur ou une
travailleuse occuper, dans une même année, plusieurs emplois
soi-disant à temps plein. Ici se pose un problème important qui
soulève plusieurs questions: Pour combien de temps va-ton occuper un
emploi à temps plein?
La situation du travail a plein temps n'est pas plus sécurisante
que celle des employés à temps partiel. La seule protection pour
ces milliers de travailleurs et travailleuses est la Loi sur les normes du
travail. Le gouvernement, dans son document de présentation de
l'avant-projet de loi modifiant la loi 126, reconnaît cette situation
mais repousse aux calendes grecques les gestes concrets pour contrer cette
problématique.
Durant la dernière campagne électorale, le Parti
libéral a fait état d'un certain nombre de priorités.
L'une d'entre elles visait la politique au niveau de la famille. Celui-ci est
demeuré cohérent au niveau de cette priorité en
réformant la loi 126. Le projet de loi reconnaît enfin les droits
de la salariée enceinte tant revendiqués par les groupes de
pression. On ne peut qu'applaudir une telle initiative de sa part. Cependant,
il y a d'autres revendications à d'autres niveaux qui ont
été ignorées par le législateur. Nous faisons ici
référence aux congés de maladie et au préavis.
À cause du silence à ce chapitre, les travailleurs et les
travailleuses continueront à être congédiés du seul
fait qu'ils ont été malades et ne pourront contester cette
situation. De plus, les employeurs congédieront encore, sans donner de
préavis, car rien dans la réforme ne nous laisse présager
une volonté du gouvernement à mieux légiférer
à ce chapitre.
Par contre, à d'autres niveaux, le gouvernement tente de
reconnaître certains droits. C'est le cas, par exemple, du temps
supplémentaire. D'un côté, on amorce une ouverture afin de
reconnaître le droit aux travailleurs et travailleuses de refuser d'en
faire mais, de l'autre côté, on donne des outils aux employeurs
pour contourner ce droit.
Parions également des congés fériés. Le
projet de loi accorde un jour de plus, soit le 1er juillet, mais on
n'élimine pas encore la notion de jour ouvrable. L'an passé,
plusieurs salariés n'ont pas eu droit à leur congé
férié du seul fait que celui-ci tombait un samedi.
Notons également que le gouvernement a
fait des efforts pour inclure des travailleurs et des travailleuses
auparavant exclus dans la loi actuelle sous les normes. C'est le cas des
employés domestiques et des travailleurs de petites firmes. Dans le
premier cas, le libellé proposé dans le projet de réforme
reste confus quant à la définition qu'on fait ou fera de
l'expression "prendre soin". Pour ce qui est des travailleurs et travailleuses
oeuvrant sur des petites firmes, ils demeureront exclus au niveau du salaire et
de la durée du travail.
Pour ce qui est du congé annuel, malgré une petite
ouverture, nous sommes encore très loin du modèle européen
qui octroie quatre semaines de vacances dès la première
année de travail pour un même employeur.
Finalement, l'avant-projet de loi visant à modifier la loi 126
prévoit donner une application plus large en ce qui a trait au recours
en vertu de l'article 122 de la loi. Nous aurions souhaité que le
gouvernement ordonne l'obligation pour la Commission des normes de
représenter le ou la plaignante à sa demande.
Quant au recours en vertu de 124, en plus de donner la gratuité
au niveau de l'arbitrage, le gouvernement devrait s'engager à payer le
ou la procureur de la salariée ou du salarié.
Nous vous soumettons maintenant une série de revendications que
le Front de défense des non-syndiqués portent depuis plusieurs
années. Les modifications que nous proposons sont là pour
permettre de meilleures conditions de travail, donc une meilleure
qualité de vie.
Au niveau du salaire minimum, en 1986, le salaire minimum concernait
environ 182 000 travailleurs et travailleuses au Québec. Le salaire
minimum est présentement à 5 $ l'heure. À 40 heures par
semaine, cela équivaut à 10 400 $ par année, ce qui se
situe au-dessous du seuil de pauvreté fixé à 11 828 $ par
an, pour une personne seule, selon les données du Conseil canadien de
développement social. Nous proposons que le salaire minimum soit
augmenté à 6 $ l'heure, afin de rattraper l'inflation et d'aller
au-delà du seuil de pauvreté; que le gouvernement institue un
mécanisme d'indexation annuelle le 1er octobre de chacune des
années, qu'il tienne compte de l'augmentation du coût de la vie et
de l'enrichissement collectif et que soit aboli l'article 4 du règlement
sur les normes du travail qui accorde un salaire minimum différent aux
travailleurs et aux travailleuses à pourboire.
Au niveau des employés exclus de la Loi sur les normes du
travail, présentement, les employés travaillant dans les petites
firmes de trois employés et moins sont exclus du champ d'application de
la Loi sur les normes du travail, en vertu de l'article 3. De plus, la
situation des employés qui sont engagés à titre de
domestiques est source d'ambiguïté dans le cadre de la loi. En
effet, bien que ces personnes soient incluses dans son champ, elles en sont
exclues dès que leur tâche implique la garde d'enfants. Afin
d'éviter de créer des sous-catégories de travailleurs et
de travailleuses, nous proposons que soit aboli l'article 3.1 de la loi, afin
que les employés de petites firmes de trois employés et moins
soient inclus totalement dans le champ d'application de la loi; que soit
redéfini l'article 3.2 de la Loi sur les normes du travail afin que les
ambiguïtés relatives aux domestiques qui gardent des enfants ou des
adultes soient clarifiées et qu'ils ou elles soient également
inclus dans le champ d'application de la Loi sur les normes du travail.
Au niveau des heures de travail, la Loi sur les normes du travail ne
fixe aucune norme au sujet du nombre d'heures maximal par jour. Plusieurs
travailleurs et travailleuses sont actuellement obligés de travailler
jusqu'à dix ou onze heures par jour, mais ne reçoivent jamais de
temps supplémentaire, car ils ne font que 42 heures par semaine. Nous
proposons que l'article 52 de la Loi sur les normes du travail soit
modifié pour se lire ainsi: Aux fins du calcul des heures
supplémentaires, la semaine normale de travail est de 40 heures et la
journée normale de travail est de huit heures. Le salarié a droit
de refuser de faire des heures supplémentaires. De plus, que soit
institué un mécanisme différent adapté aux
salariés payés à la semaine ou dans un régime
d'horaire variable. au niveau de l'ancienneté, en effet, 60 % des
salariés qui ont contacté au bas de l'échelle se sont
plaints du non-respect de l'ancienneté dans des cas comme les
congédiements, les vacances, les promotions ou les mises à pied.
un salarié comptant, par exemple, quinze ans de service continu n'a pas
droit à une reconnaissance de son statut lors d'une mise à pied.
bien souvent, on se sert de la crise économique pour congédier un
salarié qui est rendu trop vieux ou trop vieille, ou trop onéreux
ou trop onéreuse, ce qui fait que les gens de 50 ans et plus se
retrouvent souvent sans emploi après 15 ou 20 ans de service chez leur
même employeur. nous proposons que la notion d'ancienneté au sein
de l'entreprise soit reconnue dans la loi sur les normes du travail et que les
mises à pied ou les rappels au travail soient faits selon l'ordre
d'ancienneté du ou de la salariée au sein de l'entreprise.
Au niveau des congés fériés payés, la loi et
le règlement sur les normes du travail fixent actuellement les jours
fériés et chômés, pendant l'année. En plus,
la Loi sur la fête nationale prévoit que le 24 juin est
férié et chômé. Cependant, c'est le seul jour
férié qui est payé, qu'il tombe un jour ouvrable ou non.
Alors, si Noël et le Jour de l'an coïncident avec un jour non
ouvrable pour le ou la salariée, ces derniers n'auront pas droit
à un congé, comme ce fut le cas le 25 décembre 1988 et le
1er janvier 1989. Alors, nous proposons que la Loi sur les normes du travail
soit modifiée de façon que les jours fériés soient
chômés et payés, qu'ils tombent un
jour ouvrable ou non.
Vacances annuelles. Les salariés ont présentement droit
à deux semaines de vacances annuelles après un an de service chez
le même employeur. Nous croyons qu'en ajoutant une troisième
semaine de vacances, cela permettrait de mettre notre législation en
accord avec les recommandations de l'Organisation internationale du travail, en
plus d'être bénéfique pour les salariés. Enfin,
cette mesure permettrait de créer de l'emploi, ce qui n'est pas
négligeable dans la situation actuelle. Nous proposons que soient
modifiés les articles pertinents de la Loi sur les normes du travail
pour qu'ils se lisent ainsi: Un salarié ou une salariée qui,
à la fin d'une année de référence, compte au moins
trois ans de service continu chez le même employeur, a droit à un
congé annuel d'une durée minimale de trois semaines Un ou une
salarié qui, à la fin d'une année de
référence, compte au moins dix ans de service continu chez le
même employeur, a droit à un congé annuel d'une
durée minimale de quatre semaines, dont deux semaines
consécutives.
Au niveau de la pause santé, à l'heure actuelle, il n'y a
rien dans la loi qui couvre la pause santé. Nous proposons que soit
établie une pause santé obligatoire de quinze minutes
payée à l'intérieur de quatre heures de travail
consécutives.
Au niveau de la création d'une nouvelle norme, le congé de
maladie. Actuellement, plus de 70 % des travailleurs et des travailleuses du
Québec n'ont pas le droit d'être malades. En effet, la Loi sur les
normes du travail ne prévoit pas qu'un ou une salarié puisse
s'absenter de son travail pour cause de maladie. Il s'ensuit que son employeur
pourra le ou la remplacer et lui signifier son congédiement lors de son
retour. Le congédiement n'est donc pas illégal et il n'ouvre donc
pas la porte aux recours prévus à l'article 122 de la loi portant
sur les congédiements illégaux.
Nous proposons d'inclure dans la Loi sur les normes du travail un nouvel
article dont le contenu respecterait les principes suivants: un employeur ne
peut congédier ou mettre à pied un ou une employé pour le
seul motif de son absence pour cause de maladie lorsque ledit employé ou
ladite employée a été à son service de façon
continue durant trois mois avant son absence, lorsqu'il n'est pas absent
pendant plus de douze semaines ou pendant une période plus longue que
celle de son traitement et qu'il fournit à l'employeur, à la
demande de celui-ci, dans les quinze jours de son retour au travail, un
certificat de maladie ou d'incapacité de travailler justifiant son
absence. Pour le calcul de la pension ou des autres avantages d'un ou d'une
employé qui s'est absenté de son travail pour cause de maladie,
l'emploi occupé après son retour au travail est
réputé être le prolongement ininterrompu de l'emploi
occupé avant cette absence, si les conditions
énumérées ci-haut sont respectées. Un ou une
employé, qui a accumulé trois mois de service continu pour un
employeur, a droit à une demi-journée de maladie, par mois,
payée. Ces journées s'accumulent sur une période maximale
de douze mois. Les pourboires doivent être inclus dans le calcul de la
rémunération des congés de maladie.
Maintenant, au niveau du préavis en cas de départ
involontaire. Il nous apparaît que ce qui est prévu actuellement
dans la loi est non seulement insuffisant, mais que cela ne correspond pas
à la réalité du marché du travail au niveau du
roulement du personnel. Au niveau du recours prévu, un préavis
non versé à un employé ayant moins de trois mois de
service doit être réclamé par la Cour des petites
créances. Lorsqu'une personne est en congé de maladie, qu'elle
reçoit une assurance-salaire et qu'elle est congédiée,
elle n'a pas droit au préavis, car elle n'est pas une personne
salariée au sens de la loi.
Nous proposons que le délai pour le préavis lors de
congédiement, de licenciement ou de mise à pied soit
établi comme suit: zéro à trois mois, une semaine; trois
mois à un an, deux semaines; un an à trois ans, trois semaines;
trois ans à cinq ans, quatre semaines; cinq ans à dix ans, six
semaines; dix ans et plus, huit semaines; que l'infraction au préavis,
lorsqu'il y a moins de trois mois de service, soit incluse dans la Loi sur les
normes du travail; qu'on élargisse la notion de salarié en regard
du préavis pour toute personne qui est encore à l'emploi de
l'employeur, mais qui se trouve temporairement en congé de maladie et
que soient inclus les pourboires dans le calcul d'une
rémunération tenant lieu de préavis.
Au niveau de l'accès au recours prévu à rencontre
des congédiements illégaux, à l'article 122. Le recours
prévu à l'article 122 de la Loi sur les normes du travail vise
à réintégrer le ou la salarié
congédié illégalement dans son emploi. Or, un tel
congédiement ne prédispose pas les parties à vouloir se
retrouver a nouveau dans le même milieu de travail. C'est pourquoi nous
croyons approprié de permettre à l'employé d'être
pleinement indemnisé, sans préjudice, plutôt que
réintégré. Par ailleurs, le délai de 30 jours
prévu pour le dépôt des plaintes est excessivement court et
plusieurs plaignants éventuels ne prennent connaissance de leurs droits
qu'une fois que le délai est écoulé.
Nous proposons que le ou la salarié puisse choisir d'être
indemnisé monétairement plutôt que
réintégré dans son emploi sans subir de préjudice,
que le délai pour porter une plainte à rencontre d'un
congédiement illégal en vertu de l'article 122 soit porté
à six mois.
Il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme Marois): II vous reste à peu
près cinq minutes.
M. Bousquet: O.K.
La Présidente (Mme Marois): Je vois que vous
accélérez un petit peu le processus.
M. Bousquet: Oui.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'il y a consentement
pour que l'on prolonge de quelques minutes peut-être la
présentation? Et on réduira d'autant le temps qui est...
M. Bousquet: J'en ai environ pour dix minutes.
La Présidente (Mme Marois): environ une dizaine de
minutes, parce que je vous sens accélérer effectivement le
débit et j'allais vous prévenir de cela aussi.
M. Bousquet: Bon. Je vous remercie. Au niveau du
congédiement pour cause injuste ou insuffisante, en effet, de 1981
à 1987, seulement 9824 plaintes ont été
déposées à la Commission des normes du travail en vertu de
l'article 124, soit une moyenne de 1637 par année: 1637
congédiements injustes surviennent au Québec, chaque
année. Selon nous, cela tient plutôt à ce que la loi, en
exigeant un minimum de cinq ans do service pour contester un
congédiement, tient une forte proportion de travailleurs et
travailleuses à l'écart de ce recours.
Pour éviter que ces catégories de travailleurs ne soient,
en pratique, tenues à l'écart d'un recours aussi fondamental, la
loi devrait prévoir que tout salarié justifiant d'une
année de service continu pour le même employeur puisse se
prévaloir de ce recours.
Nous proposons donc que toute personne justifiant d'une année de
service continu pour un même employeur puisse se prévaloir du
recours prévu à l'article 124 de la Loi sur les normes du
travail, comme c'est le cas dans le Code canadien du travail; que le
délai de prescription pour porter plainte soit porté de 30 jours
à six mois. (14 h 30)
Au niveau de l'accès au recours à rencontre des
congédiements faits sans une cause juste et suffisante, la personne
congédiée injustement après cinq ans de service doit faire
face à des frais considérables. Il lui faut tout d'abord payer
les honoraires d'un avocat. Selon une étude de la Commission des normes
du travail, plus de 20 % des plaignants défraient des coûts
d'environ 1000 $; une proportion importante de 24 % paient entre 1000 $ et 2000
$ et 12 % paient 6000 $ et plus. La moyenne se situe à 3151 $ pour
porter plainte.
Jusqu'en 1982, la Commission des normes du travail fournissait les
services de ses avocats gratuitement aux personnes qui avaient
été victimes de congédiements illégaux en vertu de
l'article 124. Alors, nous proposons que les frais d'avocat de la personne
congédiée et portant plainte soient assumés par la
Commission des normes du travail ou par le ministère
québécois du Travail.
Au niveau du dépôt de plaintes à l'encontre de
violation des normes du travail, actuellement, un salarié dont les
normes minimales d'emploi ne sont pas respectées doit déposer
lui-même ou elle-même une plainte écrite auprès de la
Commission des normes du travail. Cela entraîne évidemment
certains désavantages. Même si la loi prévoit que la
Commission doit préserver l'anonymat du salarié durant
l'enquête, l'employeur finit, dans la plupart des cas, par
découvrir qui est l'auteur de la plainte.
D'autres lois prévoient qu'un organisme voué à la
défense d'un groupe de personnes peut porter plainte au nom d'individus
auprès d'un organisme gouvernemental. C'est notamment le cas de la
Charte des droits et libertés de la personne.
Nous proposons que tout organisme puisse saisir la Commission des normes
du travail de plaintes alléguant les infractions à la Loi sur les
normes du travail le droit de révision au salarié dont la demande
d'enquête est rejetée par la Commission des normes du travail.
Présentement, d'après la Loi sur les normes du travail,
une demande d'enquête d'un salarié peut être rejetée
si elle est frivole ou de mauvaise foi ou, si de l'avis de la Commission, elle
est mal fondée. Il est à noter que, dans certains cas, c'est
souvent l'inspecteur de la commission lui-même qui prend la
décision en se basant sur des interprétations administratives qui
n'ont pas nécessairement force de loi.
Nous proposons que la Loi sur les normes du travail prévoie un
droit de révision pour les salariés qui voient leur demande
d'enquête rejetée par la Commission des normes du travail.
Distribution à chaque salarié d'une vulgarisation des principales
dispositions de la Loi sur les normes du travail. Le manque d'information des
salariés quant à leurs droits est chronique et dramatique. Nos
contacts quotidiens avec eux et elles nous montrent qu'ils ne sont souvent
même pas au courant des droits les plus élémentaires que
leur accorde la Loi sur le salaire minimum, vacances, semaines de travail,
etc.
L'information dispensée par la Commission des normes du travail,
à cet égard, est loin de suffire à la tâche. Nous
proposons que la Commission des normes du travail prépare à
l'intention de chaque employeur, en nombre suffisant, des copies
vulgarisées des principales dispositions de la Loi sur les normes du
travail au niveau du salaire, temps de travail, préavis, vacances,
etc.
Au moment de l'embauche d'un salarié ou d'une salariée,
l'employeur devrait remettre à celui-ci ou celle-ci un exemplaire de ce
document. Les mêmes dispositions s'appliqueraient mutatis mutandis aux
comités paritaires à l'égard
des décrets de la convention collective dont ils ont la
responsabilité.
Recouvrement des sommes dues aux salariés dans le cas de
faillites et d'infractions à la Loi sur les normes du travail. Les
salariés qui ont des réclamations à faire contre leur
employeur doivent porter plainte à la Commission des normes du travail.
Celle-ci fait enquête puis réclame, s'il y a lieu, à
l'employeur fautif le paiement de la somme due. Au mieux, l'employeur consent
et fait un paiement à l'ordre de la Commission. Celle-ci émet
alors un chèque à l'employé. Ce processus dure de trois
à quatre mois. Au pire, l'employeur refuse de payer et la Commission
doit alors le poursuivre devant les tribunaux civils,
généralement, la Cour provinciale, ce qui rallonge le
processus.
La Loi sur les normes du travail prévoit pourtant une
procédure plus expéditive. Les articles 29.6, 39.6 et 112
stipulent, en effet, que la Commission des normes du travail peut indemniser
elle-même les salariés impayés, sans attendre que
l'employeur soit condamné par un tribunal. Mais ces articles ne sont
toujours pas en vigueur. Nous proposons que le gouvernement mette
immédiatement en vigueur les articles 29.6, 39.6, 112 et 136 à
138 de la loi des normes minimales, que dans ces articles, le mot "peut" soit
remplacé par le mot "doit".
Les pouvoirs d'enquête de la Commission des normes du travail. La
Commission des normes du travail ne mène actuellement d'enquête
sur le respect des normes du travail dans une entreprise que dans des cas
prévus à l'article 102 de la Loi sur les normes du travail,
c'est-à-dire quand un salarié a déposé
individuellement une plainte contre son employeur. Il serait
préférable, pour assurer un respect de la loi, que la Commission
puisse donner à ces enquêtes un caractère préventif,
les enquêtes portent sur des situations collectives et
systématiques de violation des normes du travail et que la Commission
puisse réclamer les sommes dues aux salariés dans les deux ans
qui précèdent le dépôt des plaintes comme cela
existe, d'ailleurs, en Ontario.
Nous proposons que la Commission entreprenne obligatoirement des
enquêtes préventives sur le respect des normes du travail; que
l'enquête de la Commission suite au dépôt d'une plainte
porte sur l'ensemble de la situation dans l'entreprise et non seulement sur le
principe de cas individuels; que le délai de prescription et
d'enquête pour les réclamations soit porté à deux
ans.
Au niveau des travailleurs et travailleuses à pourboires, nous
proposons que l'employeur paie l'uniforme et l'entretien de celui-ci, s'il
oblige ses employés à porter l'uniforme maison; qu'en aucun temps
l'employeur ne prenne les pourboires et les redistribue aux employés;
qu'il soit interdit à l'employeur de faire payer aux employés les
frais d'administration des cartes de crédit lorsque les pourboires y
sont inclus.
Au niveau des congés de maternité et parentaux, le Front
de défense des non-syndiqués s'est penché sur la
réalité des travailleuses et des travailleurs non
syndiqués qui désirent avoir des enfants ou obtenir de meilleures
conditions de travail en fonction de leur rôle de parents. L'avant-projet
de loi propose des solutions intéressantes quoique insatisfaisantes en
regard de la réalité vécue par cette catégorie de
la population travailleuse. En conséquence, nous appuyons le
mémoire déposé à cette fin, à cette
consultation par le Regroupement pour les congés de maternité et
parentaux.
Toutes les revendications contenues dans ce mémoire sont
oubliées dans la révision de la loi 126 et nous en sommes
profondément abasourdis. En effet, depuis déjà dix ans,
les non-syndiqués du Québec subissent la même convention
collective dénudée d'une véritable reconnaissance de leur
apport essentiel à l'épanouissement économique du
Québec - je commence à être fatigué. Avec
l'avènement du néolibéralisme, au début des
années 1980, le marché du travail s'est considérablement
détérioré, entraînant avec lui les conditions de vie
et de travail des travailleuses et des travailleurs du Québec. La
dégénération des ressources palliatives au marché
du travail amène une plus grande dépendance envers la Loi sur les
normes du travail. C'est pourquoi il ne suffit plus, lors de la révision
des normes du travail, d'aménager des notions reliées à la
nouvelle politique familiale portée par le gouvernement, mais bien de
transformer cette loi afin qu'une véritable reconnaissance soit
donnée aux travailleurs et travailleuses non syndiqués du
Québec.
Avec le libre-échange, le début des années
quatre-vingt-dix promet d'être encore plus houleux pour le marché
du travail entraînant un niveau de vie et de travail encore plus bas. La
Loi sur les normes du travail qui protège les non-syndiqués,
cette loi qui devrait assurer un minimum de droits décent aux deux tiers
d'une population qui met sa force de travail à l'avancement
économique du Québec, ne répond pas à leurs
besoins. Nous demandons aujourd'hui aux décideurs politiques qu'ils
reconnaissent et boni fient la contribution des travailleurs et travailleuses
non syndiqués au profit du Québec. Nous nous attendons aussi
à ce que le gouvernement révise la Loi sur les normes du travail
à une période plus courte qu'à tous les dix ans. Car si
notre société s'inscrit dans un modèle où la
qualité de vie est importante, il ne faudra pas qu'on puisse redire
qu'il y a chez nous des nègres blancs d'Amérique.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Bousquet, pour votre
présentation. Je sentais que l'accélération vous obligeait
à bousculer un peu les propos, mais je pense qu'ils ont
été bien entendus. Je vous remercie. J'invite M. le ministre
à vous poser des questions, à échanger
des avis avec vous.
M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Je comprends que le
Front de défense des non-syndiqués accueille favorablement, d'une
certaine façon, l'avant-projet de loi, mais estime que les
améliorations qui sont contenues sont peut-être un peu trop
modestes par rapport à ce que l'on souhaiterait et suit,
évidemment, un catalogue de toutes les améliorations que vous
aimeriez voir apporter à la loi. On va regarder ça attentivement.
J'aimerais peut-être prendre certains aspects. Je ne peux pas toucher
tous les points parce que, à ce moment-là, j'en aurais
peut-être pour trois heures.
J'aimerais en venir avec vous à votre première
recommandation qui touche le salaire minimum. Vous aimeriez voir le salaire
minimum porté à 6 $ l'heure. Bon, alors je rappelle qu'il y a
quatre ans, lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le salaire minimum
était de 4 $. Il est de 5 $ aujourd'hui. On a donc augmenté le
salaire minimum de 25 % en quatre ans, c'est-à-dire un taux
d'augmentation qui est supérieur à l'indice des prix à la
consommation depuis les quatre dernières années. On peut donc
dire que les travailleurs ont fait des gains à l'égard du salaire
minimum par rapport au coût de la vie.
Par ailleurs, si on devait porter le salaire minimum à 6 $
maintenant, il pourrait y avoir d'autres problèmes qui surgiraient. Je
parle des problèmes de compétitivité, par exemple, de nos
entreprises avec la concurrence dans le cadre du libre-échange et de la
mondialisation des échanges et des marchés. Par exemple, si on
regarde la situation au Canada, dans les autres provinces, la plupart des
provinces ne sont même pas à 5 $ l'heure, présentement. Il
y a l'Ontario qui est à 5 $ de même que le Québec. Il y a
le Yukon qui excède un peu 5 $ mais, à part ça, toutes les
autres provinces canadiennes sont en deçà de cela. Le Manitoba:
4,70 $; la Nouvelle-Ecosse: 4,50 $ de même que
l'île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan et l'Alberta; la
Colombie-Britannique: 4,75 $; le Nouveau-Brunswick: 4,50 $; Terre-Neuve: 4,25 $
et le taux fédéral est de 4 $. Maintenant, si on regarde les
États-Unis et qu'on prend le taux du salaire minimum américain
converti en dollars canadiens, le taux fédéral est de 3,98 $, en
valeur canadienne. Le président Bush a suggéré des
modifications, l'administration Bush, qui feraient en sorte que le salaire
américain passerait, en janvier 1990, à 4,34 $ canadiens, je
parle toujours de la valeur canadienne; en janvier 1991: 4,70 $ canadiens et en
janvier 1992, à 5,05 $ canadiens. Autrement dit, l'administration
américaine proposerait que, dans deux ans d'aujourd'hui, le salaire
minimum américain soit au niveau de ce qu'il est présentement au
Québec.
Regardons les États américains qui sont limitrophes. Le
Connecticut est présentement à peu près au niveau du
Québec. Mais les autres
États, le Maine est à 4,46 $ en valeurs canadiennes de
même que le Massachusetts, le New-Hampshire, à 4,34 $
équivalents canadiens. Tout ça pour dire qu'il pourrait y
avoir... J'aimerais vous poser la question: Trouvez-vous important, dans votre
optique à vous, que le Québec maintienne une certaine
parité avec ses voisins, l'Ontario et les États
américains, dans le but de maintenir une certaine
compétitivité des entreprises canadiennes ou
québécoises par rapport à la concurrence? Est-ce qu'il n'y
aurait pas un danger que des pertes d'emplois soient occasionnées si on
situait le taux du salaire minimum bien au-delà de la concurrence?
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): II nous apparaît... Bien
sûr, des comparaisons, je pense qu'on peut en faire de tous les genres.
Et, au fond, si on creusait davantage la question, vous nous soulignez, M. le
ministre, que, oui, dans les dernières années, on a connu un
accroissement de 25 % du salaire minimum. C'est réel. Mais il faut aussi
se rappeler que les années qui ont précédé ont
été des années très difficiles où le salaire
minimum a été gelé et, en bout de ligne, ça
signifie une perte significative de pouvoir d'achat pour, au fond, les
travailleurs et les travailleuses les plus démunis. Quand je vous
pariais de comparaison, il y a peut-être lieu de rappeler aussi - c'est
une comparaison qui peut se faire - qu'actuellement, au Québec, le
salaire minimum représente à peine 40 % du salaire industriel
moyen payé. De ce côté-là, il ne nous apparaît
pas que la revendication qu'on porte, soit de 6 $ l'heure, et d'une indexation
qui prenne aussi en considération l'enrichissement collectif, soit une
demande démesurée.
Par rapport aux autres aspects que vous soulevez, entre autres, les
questions de compétition, il y a là-dedans effectivement des
choix de société. Je pense qu'il ne faut pas passer sous silence
les effets des mauvaises conditions salariales et de travail qui frappent des
franges importantes de la population; ça a des répercussions sur
différents coûts sociaux, au niveau de la santé, etc. Je
pense que, de ce côté-là, le salaire minimum demeure une
balise. Et pour qu'elle ait une quelconque signification dans une
société comme la nôtre - je vous réfère
à la première comparaison que je faisais - je pense que 40 % du
salaire industriel moyen, ma foi, ce n'est pas une demande abusive, loin de
la.
M. Bourbeau: Écoutez, je peux dire que l'actuel
gouvernement ne s'est pas privé d'augmenter le salaire minimum. Je suis
absolument d'accord avec vous qu'on doit tenter d'augmenter le salaire minimum
le plus rapidement possible et le plus haut possible. On est bien placés
pour en parler puisqu'on l'a fait régulièrement, chaque
année. Le but de ma question est simplement de vous demander:
Est-ce qu'il n'y a pas un danger si on va unilatéralement, sans le faire
de concert avec nos compétiteurs, entre autres, l'Ontario, est-ce qu'il
n'y a pas un danger que ça résulte dans des pertes d'emplois, ce
qui irait, évidemment, à l'encontre de ce que vous souhaitez,
bien sûr? C'est uniquement dans ce sens-là que je pose la
question. Est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'il y ait des pertes d'emplois
dans le cas où un gouvernement est le seul à hausser le salaire
minimum au-dessus de celui de ses concurrents? (14 h 45)
La Présidente (Mme Marois): Mme Carbon-neau.
Mme Carbonneau: Qu'on élargisse effectivement le
débat avec les autres provinces canadiennes en soutenant fermement la
nécessité d'augmenter partout le salaire minimum, j'en suis.
Cependant, je ne pourrais pas accepter une position de la part de nos
élus politiques qui irait dans le sens de s'aligner de façon
très docile par rapport à ce qui se passe dans les autres
provinces.
La Présidente (Mme Marois): Voulez-vous ajouter quelque
chose, M. Bousquet?
M. Bousquet: Ce sera aux autres provinces de s'ajuster à
nous.
M. Bourbeau: Alors, je tiens pour acquis que vous êtes
d'accord avec la politique qu'on a adoptée d'être un peu les
leaders au Canada dans ce domaine-là, parce que c'est le Québec
qui est la locomotive un peu dans le salaire minimum, avec l'Ontario. C'est
donc ce qu'on tente de faire depuis un certain nombre d'années,
d'inciter nos partenaires et peut-être nos compétiteurs à
hausser conjointement, avec nous, le salaire minimum. En tout cas, moi,
ça m'apparaît une bonne façon de procéder et je n'ai
pas saisi que vous étiez opposés à ça, au
contraire.
La Présidente (Mme Marois): Oui, je pense que M.
Bousquet...
M. Bousquet: Ce qu'on dit actuellement, c'est que le salaire
minimum, à l'heure actuelle, pour quelqu'un qui travaille 40 heures par
semaine, c'est sous le seuil de pauvreté. Et c'est ça qu'il est
important, je pense, de préciser. C'est qu'on veut qu'on rattrape un
jour ce seuil de pauvreté, et que, par la suite, on puisse être
toujours au-dessus du seuil de pauvreté. Je pense qu'il ne faut pas
viser le minimum à ce stade-ci, mais bien viser à ce que le
salaire minimum permette au moins de vivre décemment, d'avoir de bonnes
conditions de vie liées aux conditions de travail. Alors, quand on va un
peu améliorer les conditions financières de ces gens-là,
on va donc améliorer leurs conditions de vie et peut-être qu'au
niveau des coûts sociaux ça pourrait peut-être coûter
moins cher à l'État à ce moment-là parce que je
pense que ce n'est pas juste une question de coûts de production
reliés à la main-d'oeuvre, mais bien une question de coûts
sociaux également.
M. Bourbeau: Oui, je suis entièrement d'accord, d'autant
plus que si on ne relève pas le salaire minimum
régulièrement et qu'on indexe, par exemple, les prestations
d'aide sociale régulièrement, on attire littéralement
à l'aide sociale des travailleurs qui seraient découragés
d'aller travailler si ça devenait plus rentable d'être à la
sécurité du revenu.
J'aimerais passer à un autre...
La Présidente (Mme Marois): Je pense qu'il y avait une
autre intervention de madame à ce sujet.
Mme Carbonneau: Je vais être très brève sur
cette question. Quand vous évoquez, M. le ministre, la question de la
compétition des entreprises québécoises, je pense
qu'effectivement on ne peut pas traiter à la légère de
cette question, sauf qu'il m'apparaît que tout ne réside pas
strictement dans le taux du salaire minimum. Je pense qu'une partie de la
productivité de nos entreprises tient aussi à la qualité
de la main-d'oeuvre, à sa formation, à son intérêt
à demeurer dans une entreprise. Et, au fond, des conditions
extraordinairement marginales ne favorisent pas l'excellence au niveau de la
main-d'oeuvre québécoise. De ce côté-là, il
me semble que tout n'est pas blanc et tout n'est pas noir non plus.
M. Bourbeau: Très bien. Vous faites état de
personnes salariées qui travailleraient jusqu'à dix ou onze
heures par jour sans jamais être payées à temps et demi,
comme on dit, pour les heures supplémentaires parce que ces personnes ne
dépassent pas la durée de la semaine normale de travail, et vous
suggérez d'instituer un mécanisme différent de calcul des
heures supplémentaires qui serait adapté aux personnes
salariées payées à la semaine ou bénéficiant
d'un régime des horaires variables. Est-ce que vous pourriez fournir
plus de précisions sur la problématique particulière des
catégories de personnes salariées pour lesquelles vous proposez
justement un mode différent de calcul des heures supplémentaires
et à quelle méthode de calcul songez-vous pour ces
catégories particulières de personnes?
La Présidente (Mme Marois): Oui
M. Bousquet: La méthode de calcul comme telle, on ne l'a
pas encore pondue. Ce qu'on voulait surtout préciser, c'était de
calculer le temps supplémentaire à partir de la journée,
de façon quotidienne. Après huit heures, bon, il y a
du temps supplémentaire, et non pas à la semaine. Au
niveau des horaires variables, je n'ai pas d'exemple. J'avais un exemple, je ne
m'en souviens plus...
La Présidente (Mme Marois): Mme Malette, oui.
Mme Malette (Jocelyne): Ce que je pourrais préciser dans
ce sens-là, c'est que dans tes cas quo j'ai rencontrés il y a
souvent des personnes qui ont travaillé dix heures par jour, pendant
trois jours de temps, et qui n'ont jamais bénéficié
d'aucune rémunération supplémentaire et que, par la suite,
ça revenait à cinq heures par jour. On calcule que ce n'est pas
tout à fait normal que des dix heures par jour soient travaillées
et que ce ne soit pas rémunéré en supplémentaire.
Ce sont un peu des exemples qui ont été vécus chez nous
par des personnes que j'ai rencontrées dans différents milieux;
c'est surtout dans des emplois précaires, surtout dans le travail
précaire qu'on a pu rencontrer ces situations-là.
M. Bourbeau: oui, je comprends très bien. il s'agit de
voir comment on pourrait introduire une façon de calculer ce temps
supplémentaire. de toute façon, on va y réfléchir,
nous aussi. si jamais il vous vient une idée un peu plus précise,
vous pourrez toujours nous en faire part.
Mme Malette: Ce qu'on voulait surtout, c'était de porter
à votre attention que ça se faisait, que cette pratique se
faisait. Ensemble, on pourrait peut-être trouver un moyen, justement, de
trouver un calcul. On ne s'est pas arrêtés vraiment au calcul,
mais on s'est plutôt arrêtés à vouloir
démontrer que c'étaient des pratiques qui se faisaient et on
voulait aussi un peu les dénoncer.
M. Bousquet: L'exemple qui me vient finalement en tête,
c'est l'employé qui travaille et qui est payé aux quinze jours.
Souvent, dans une première semaine de travail, il peut faire 60 heures
et, la deuxième semaine, il va faire 20 heures. Au niveau de
l'étalement, ce qui arrive, c'est que le temps supplémentaire de
la première semaine ne sera jamais payé parce qu'on permet
actuellement de faire cet étalement dans certaines entreprises, et on
voit souvent ça dans l'hôtellerie, ce genre de
rémunération. Donc, il y a même des horaires de travail qui
existent; il y a du monde qui travaille sept jours et qui sont cinq jours en
congé. Alors qu'est-ce qui arrive avec ça? On permet le mode de
paiement réparti sur deux semaines, mais il y a quand même eu du
temps supplémentaire.
La Présidente (Mme Marois): Une dernière question,
M. le ministre ou Mme la ministre-peu importe?
M. Bourbeau: C'était au sujet des pourboires. Vous
proposez d'inclure les pourboires dans le calcul de l'indemnité en cas
de préavis, de maladie, etc. Comment voyez-vous l'application de cette
proposition? Sur quelle base? Quel pourcentage serait pris en
considération pour y arriver?
M. Bousquet: Actuellement, il existe un livre dans lequel
l'employé doit déclarer ses pourboires. À ce
moment-là, je pense qu'en accord avec l'employeur, il y a toujours un
salaire moyen qui est établi avec pourboires. Je pense que les
pourboires varient peu dans une entreprise quand ça fait plusieurs
semaines que tu travailles pour la même entreprise. Alors, ce serait,
selon les deux ou trois dernières semaines travaillées, la
moyenne du salaire et des pourboires.
La Présidente (Mme Marois): Merci Mme la
députée de Hochelaga-Malsonneuve, s'il vous plaît.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. C'est assez
impressionnant de prendre connaissance de la liste des organismes qui font
partie du Fonds de défense. Je suis contente que nous ayons finalement
pu vous entendre dès le début de nos travaux. Je déplore
toujours que l'organisme Au bas de l'échelle, qui représente les
salariés, les travailleurs et les travailleuses les plus démunis
de la société, ne soit entendu qu'à la toute fin, à
21 heures, ce soir. Si vous me le permettez, d'abord, je commencerais par la
fin de votre présentation. Vous souhaitez que le gouvernement
révise la loi sur les normes à une période plus courte
qu'à tous les dix ans. L'actuelle loi, d'ailleurs, aurait dû
être révisée, suite à l'examen approfondi qu'avait
fait la commission Beaudry, en 1985. Donc, c'est cinq ans plus tard seulement
qu'on revient sur ces questions qui avaient finalement été, comme
je le signalais ce matin, examinées suite à une consultation
très large. C'est d'autant plus de rattrapage à faire en regard
des modifications qu'il faut apporter à la loi.
Commençons par le salaire minimum. J'ai apprécié le
ton sobre du ministre sur cette question. Cela dit, il nous citait le salaire
minimum américain au niveau fédéral. Mais encore faut-il
se rappeler qu'on n'est pas en compétition avec le Nebraska, la
Caroline, le Texas ou la Louisiane. Essentiellement, nos compétiteurs,
ce sont les États d'à côté et, là, le salaire
minimum est beaucoup plus élevé. J'aimerais qu'il puisse, pour le
bénéfice des membres de la commission parlementaire, nous
déposer les salaires minimums horaires qui sont payés dans les
États voisins, ceux des États de la Nouvelle-Angleterre, parce
que c'est finalement avec le Nord-Est américain qu'il faut aussi se
comparer. Et aussi...
M. Bourbeau: Je pense que la députée n'a pas
écouté. Je les ai nommés, les États limitrophes.
Mais je vais déposer le document encore.
Mme Harel: Ah ouil Les États limitrophes?
La Présidente (Mme Marois): Vous allez le déposer,
M. le ministre? Vous n'avez pas d'objection.
M. Bourbeau: Oui, oui, je vais faire faire la copie. Je l'ai
déjà déposé. Je l'ai déjà dit.
Mme Harel: De toute façon, son ministère vient de
compléter, la semaine passée, une étude très
exhaustive sur toutes les conditions de travail, y compris la
rémunération en regard du libre-échange entre le
Québec et les Américains. Ce qu'il en conclut, c'est qu'il n'y a
pas de différence. Alors, il n'y aurait pas de différence quand
il y trouve un bénéfice et, là, il nous dit qu'il y a
beaucoup de différence. Ce qu'il en conclut, c'est que le pouvoir
d'achat est le même, finalement. Même si le salaire là-bas
est plus bas, les prix étant moins élevés, finalement,
pour le coût de la vie, en général, ici le montant du
salaire minimum permet de se procurer à peu près
l'équivalent.
Donc, le problème qui est le plus important, c'est: En quoi ce
salaire minimum est-il une désincitation, finalement, à
travailler parce que, vous le signaliez, c'est en deçà du seuil
de pauvreté pour une personne seule? C'est évident que le salaire
minimum ne permet pas de faire vivre une famille, on ne parle pas de ça,
mais même pas une personne de plus que la personne qui travaille.
Ça c'est carrément, maintenant, mis de côté.
Moi, je vais vous dire, là-dessus: Le ministre a raison. Depuis
quatre ans, il indexe, comme l'avait fait le gouvernement
précédent durant son premier mandat. J'ai hâte de voir et
je le souhaite, j'applaudis chaque fois, parce que, dans le premier mandat, on
l'avait fait huit fois en quatre ans. Après, il y a eu une crise
économique, une récession. Là, j'espère quo ce
gouvernement va continuer à l'indexer. Mais moi, ce que je souhaite,
comme vous, et c'est ce qu'on a proposé, finalement, au gouvernement,
c'est qu'on retire de l'arbitraire et du discrétionnaire cette question,
qu'on la mette dans la loi. Ce qui m'a beaucoup inquiétée, c'est
que dans la loi de l'aide sociale, on ait retiré, dans la nouvelle
réforme, l'indexation qui s'y trouvait de manière
réglementaire. Maintenant, c'est laissé à l'arbitraire et
au discrétionnaire.
Mais je voudrais qu'au contraire, on introduise dans la Loi sur les
normes du travail un mécanisme qui fasse en sorte que les gouvernements
ne soient plus l'objet des pressions. Parce que, avant, chaque fois que
c'était augmenté, il y a de ses collègues - je lui en ai
cité, je ne veux pas reprendre ça - souvent, qui criaient
quasiment au socialisme parce qu'on indexait le salaire minimum. Moi, je
l'applaudis. Ça, il peut vous le dire. Mais il faut que ce soit un
mécanisme. Vous dites: C'est 40 %. Nous, ce qu'on propose, c'est que
ça devienne de façon permanente réajusté au salaire
industriel moyen et que ce soit à 45 % du salaire industriel moyen.
Ça se négocie, mais l'idée de base, c'est que la
locomotive du salaire industriel moyen entraîne l'ensemble des
travailleurs de notre société, parce que ceux qui travaillent au
salaire minimum ne le font pas dans des entreprises concurrentielles. Ils le
font dans des secteurs de service ou ils travaillent pour des gens qui
travaillent dans des entreprises concurrentielles avec, finalement, nos voisins
d'à côté ou d'en bas.
Je ne sais pas, je vais peut-être vous entendre là-dessus,
mais surtout, revenir sur la question des heures de travail. Vous avez dit:
C'est important que la législation québécoise s'accorde
avec la majorité des autres législations du Canada. Et là,
il faut bien distinguer la notion d'heures maximales et d'heures normales. Dans
la loi, présentement, ce n'est pas compliqué, tout ce qu'il y a
depuis bien des décennies, c'est 44 heures, au-delà de quoi le
temps supplémentaire est payé, par semaine. Mais,
évidemment, à ce moment-là, la personne n'a aucun droit de
refus de faire du temps supplémentaire.
Dans les autres législations qui ont toutes rafraîchi leurs
dispositions, il y a ce qu'on appelle une semaine normale, c'est-à-dire
des heures à partir de quoi on paie du temps supplémentaire, et
il y a une semaine maximale, les heures à partir desquelles on peut
refuser de faire du temps supplémentaire. Ce sont deux choses
différentes. Vous dites qu'il faut s'accorder avec la majorité
des législations, donc, une journée de travail de 8 heures, 40
heures de travail par semaine. Mais je pense, entre autres, à la loi
ontarienne qui prévoit une semaine maximale de 48 heures,
c'est-à-dire que le temps supplémentaire est payé, mais on
ne peut pas refuser d'en faire. Alors, je voulais juste savoir si vous voulez
vraiment vous ajuster avec la majorité des autres législations,
tel que vous le souhaitez de la part du gouvernement.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Bousquet.
M. Bousquet: La revendication, c'est vraiment à partir
d'une semaine normale de 40 heures et de 8 heures par jour. Pour le calcul du
temps supplémentaire, évidemment, c'est après 40 heures ou
8 heures par jour. Et puis, aussi, le droit de refuser de faire du temps
supplémentaire.
Mme Harel: Ce n'est pas tout à fait un ajustement avec les
autres, disons, législations.
M. Bousquet: C'est le modèle ontarien que vous venez de
décrire.
Mme Harel: C'est-à-dire que le modèle ontarien
prévoit une semaine de 48 heures, d'heures travaillées,
au-delà de quoi on peut refuser de faire du temps
supplémentaire.
M. Bousquet: D'accord.
Mme Harel: Et, donc, le temps est payé, mais on ne peut
pas refuser de le faire. (15 heures)
M. Bousquet: D'accord. Donc, à ce moment-là, il
fixe un nombre d'heures pour pouvoir refuser. Nous, on dit: C'est après
40 heures. On peut refuser après 40 heures, si l'employé
veut.
Mme Harel: Une autre question importante, c'est toute la question
des recours. Finalement, les droits ne valent que le papier sur lequel ils sont
publiés, s'il n'y a pas de recours et si on ne peut pas les faire
valoir, évidemment. Vous faites valoir que le délai de 30 jours
pour porter une plainte de congédiement illégal est beaucoup trop
court; j'imagine que c'est reçu. Mais c'est toute la question des
délais. Vous voyez, actuellement, ça prend cinq ans de service
continu pour avoir un recours pour congédiement illégal. Et puis,
vous, vous proposez toutes sortes de délais. Par exemple, vous en
proposez un de trois mois pour avoir droit à un congé de maladie
sans solde ou quelque chose comme ça, en tout cas, avec un droit de
retour; trois mois. Vous dites: Trois ans pour avoir trois semaines de
vacances. Actuellement, c'est deux semaines après un an et trois
semaines après dix ans. Le ministre propose trois semaines après
cinq; vous le réduisez à trois.
M. Bousquet: Oui.
Mme Harel: Et vous dites: Un an, comme le Code canadien, pour
avoir droit de déposer une plainte pour congédiement sans cause
juste et suffisante. Est-ce que ce ne serait pas préférable, pour
que, vraiment, les travailleurs et travailleuses du Québec, l'ensemble
des 70 % du secteur privé qui n'ont pas d'autres recours que ça,
n'aient pas besoin d'aller voir personne, dans le fond, pas de
spécialistes des normes, mais qu'ils puissent l'imposer à tout le
monde, y compris à leur employeur, l'idée qu'après un an
de service continu on ait toutes sortes de recours possibles, qu'après
un an de service continu on puisse avoir recours à la Commission des
normes pour porter plainte, mais qu'on puisse aussi avoir les trois semaines de
vacances, et qu'on puisse, après un an de service continu, avoir droit
de garantie de retour à l'emploi pour un congé de maladie? Est-ce
qu'il n'y a pas plus intérêt à avoir, par exemple, une
uniformité, de manière à ce que: C'est un an, et ça
s'imprime dans les esprits, tout le monde le sait, et comme ça,
ça s'applique, dans le fond, plus efficacement?
M. Bousquet: Tout cela passe, bien entendu, un peu par notre
proposition au niveau de la vulgarisation. En tout cas, on se rend bien compte
aujourd'hui que la loi sur les normes est méconnue par l'ensemble des
travailleurs non syndiqués. Alors, on a une proposition où on
disait: Si on pouvait vulgariser ou informer davantage les gens qui sont
reliés à la Loi sur les normes du travail, déjà,
ça pourrait être une première amorce intéressante.
Si tous les délais étaient uniformisés, c'est sûr
que ce serait intéressant. Si c'est une solution pour que le monde
comprenne mieux, on est bien d'accord. Mais ce qu'on voulait surtout dire dans
notre revendication, c'est que le délai de cinq ans pour porter plainte,
c'est vraiment dépassé. Il faut vraiment ramener ça
à un an au plus coupant, parce que, actuellement, le délai brime
beaucoup le travailleur. Des travailleurs qui ont cinq ans de service continu,
ça se compte sur le bout des doigts, quasiment.
Mme Harel: J'ai été surprise, dans vos
revendications, qu'on ne retrouve pas cette idée qui circule qu'il
faudrait, justement, en cas d'aliénation des entreprises de vente, des
entreprises de transfert, où il y a changement de
propriété et où les employés, même s'ils
continuent le service, doivent recommencer à zéro à
calculer leurs années de service... j'ai été surprise que
vous ne recommandiez pas une amélioration à cet égard.
M. Bousquet: C'est parce qu'on n'a peut-être pas eu le
temps de regarder les revendications. On est quand même une trentaine de
groupes à s'asseoir et à regarder ça. On a essayé
de faire un tour complet, mais je suis sûr que ce que vous venez de dire
là, Mme Harel, c'est très intéressant. C'est sûr
qu'au niveau de la reconnaissance de l'ancienneté ou lorsqu'on revient
dans une entreprise qui a été déjà
aliénée, il faudrait le regarder. Je pense qu'on accueille
ça favorablement.
Mme Harel: C'est tout le temps qui m'était imparti.
Gillette et Simpson ont fermé, elles n'ont pas fait faillite. Et les
indemnités qui devraient être versées en cas de fermeture,
ce n'est pas nécessairement par l'État, avec le fonds
consolidé et les impôts de tout le monde. Lorsqu'il y a fermeture
pour restructuration industrielle, ça devrait être versé
par l'entreprise. J'ai été surprise que vous recommandiez,
finalement, dans ces cas de fermeture, que ce soit la Commission des normes et,
éventuellement, l'État qui aient à verser ces
indemnités.
M. Bousquet: Je comprends. C'est une question qu'on n'a pas plus
approfondie.
Mme Harel: D'accord.
La Présidente (Mme Marois): D'accord? Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve. Mme la ministre, M. le
ministre, ça va? Ça va?
Mme Trépanier: Juste un petit mot pour dire que, s'il y a
une clientèle qui est concernée par la loi des normes, c'est bien
celle que vous représentez. On aurait aimé avoir plus de temps
pour vous interroger sur votre mémoire. J'ai été surprise
de ne pas voir une position plus forte sur le travail à temps partiel.
On voulait profiter de cette commission pour recueillir les impressions, les
suggestions des groupes, et ce sera partie remise, ainsi qu'élaborer sur
les congés parentaux. Vous appuyez la position du regroupement des
congés de maternité et parentaux. Alors, surtout sur les
congés parentaux, les congés de parents adoptifs versus les
congés de parents biologiques, j'aurais aimé avoir votre position
là-dessus. C'est partie remise. Merci beaucoup pour votre contribution
et, au nom du ministre et de la commission, merci pour votre belle
présentation.
La Présidente (Mme Marois): Merci pour votre apport
à la commission.
J'inviterais maintenant les représentants et
représentantes de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec à bien vouloir venir prendre place devant
nous.
Je souhaite la bienvenue aux représentantes et
représentants de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec. J'imagine, M. Daoust, que vous allez nous
présenter les personnes qui vous accompagnent, par la suite
procéder en une vingtaine de minutes à la présentation de
votre mémoire. Cette présentation sera suivie, évidemment,
d'un échange, d'une discussion et d'une période de questions de
la part des membres de la commission. Alors, bienvenue à cette
commission.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec
M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Messieurs, mesdames, je vais, comme vous m'avez invité à le
faire, vous présenter ceux et celles qui m'accompagnent. Je vais
commencer à ma gauche: Diane Bissonnette, de l'Association
internationale des machinistes et aussi vice-présidente de la FTQ; Marc
Bellemare, de l'Alliance de la fonction publique du Canada et aussi
vice-président de la FTQ; Rolande Pinard, de notre service de recherche,
à la FTQ; Guy Cousineau, le secrétaire général du
Conseil des travailleuses et des travailleurs du Montréal
métropolitain, vice-président de la FTQ aussi; et Jean-Marc
Couture, le directeur québécois des travailleurs du
vêtement et du textile, aussi vice-président de la FTQ.
Mme la Présidente, je vais vous faire un exposé, comme le
veut cette commission parlementaire, d'une vingtaine de minutes, exposé
qui reprend substantiellement les positions que vous trouvez dans notre
document, notre mémoire, qui vous fut distribué, sans aucun
doute.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Daoust: La FTQ a tenu à être entendue devant
cette commission, parce que la Loi sur les normes du travail concerne tous les
travailleurs et toutes les travailleuses du Québec. La syn-dicalisation,
vous en conviendrez, constitue la seule assurance pour ces derniers d'obtenir
des conditions de travail améliorées et qui respectent leurs
intérêts et leurs besoins. Cependant, devant les grandes
difficultés de syndicalisation d'une très grande partie de la
main-d'oeuvre active, la Loi sur les normes du travail revêt une
importance primordiale. la mise en application de cette loi, il y a dix ans, a
coïncidé avec une grave crise économique qui a
coûté cher aux travailleurs et aux travailleuses. nous croyons
qu'il est temps de reconnaître l'apport de ceux-ci et de celles-ci dans
la reprise qui a suivi et de leur accorder des protections minimales
améliorées. nous demandons donc au gouvernement, par la
présente, de modifier cette loi selon les quatre principaux objectifs
suivants: une loi à caractère universel, une loi qui reconnaisse
le caractère social de la maternité et des responsabilités
parentales, un relèvement immédiat de certaines normes du travail
et, enfin, une loi accessible et respectée.
Une loi à caractère universel. Une loi d'ordre public et
qui, par conséquent, constitue un minimum juridique devrait, selon nous,
s'appliquer de manière universelle. C'est donc dire qu'aucune exclusion
de la loi n'est justifiable lorsqu'elle a pour effet de permettre d'accorder
des conditions inférieures à celles qui sont prévues dans
la loi.
Or, il arrive que les exclusions de salariés de toute ou de
parties de la loi touchent essentiellement des catégories à
statut précaire ou, si l'on préfère, des emplois
atypiques: les travailleurs et travailleuses agricoles, saisonniers, les
stagiaires et le reste. Ces exclusions explicites s'ajoutent à d'autres
qui sont plus implicites et qui tirent leur origine des exigences requises pour
se prévaloir de certaines normes. Par exemple, les salariés
à temps partiel, temporaires, à contrat à durée
déterminée arrivent beaucoup plus difficilement à se
qualifier pour bénéficier des normes reliées à une
exigence de service continu lorsque, toutefois, ils y arrivent. De plus, des
études démontrent que ces salariés
bénéfi-
cient souvent de conditions salariales moindres que les salariés
réguliers à plein temps.
Devant l'importance croissante que prennent ces catégories de
salariés - et rappelons qu'une étude publiée par le
gouvernement du Québec affirme qu'il s'agit d'une personne sur deux dans
la population active - il devient impérieux que la Loi sur les normes du
travail leur assure les mêmes droits, protection et recours qu'aux
salariés réguliers à plein temps.
C'est pourquoi nous demandons que les modifications à apporter
concernant la protection des salariés à statut précaire
respectent les principes généraux suivants: une révision
de la définition du service continu pour inclure les salariés
dont les liens d'emploi sont souvent interrompus avec un employeur, ainsi que
l'ajout de la présomption de service continu dans les cas de contrats
à durée déterminée successifs et d'emplois
temporaires récurrents; l'abolition ou la réduction significative
du nombre de jours ou d'années de service pour avoir droit à
certaines protections ou recours; la reconnaissance du droit aux mêmes
avantages sociaux au prorata, s'il y a lieu, en plus du droit . au même
salaire pour un travail équivalent pour les salariés qui
travaillent selon un horaire réduit ou régulier; un
contrôle gouvernemental sur le travail à domicile concernant les
conditions de travail accordées à ces salariés. Nous ne
saurions trop insister sur l'importance de légiférer pour
protéger ces salariés par la Loi sur les normes du travail vu
qu'ils constituent une partie fort importante de la population active.
Deuxième principe: une loi qui reconnaisse le caractère
social de la maternité et des responsabilités parentales. Les
modifications proposées à la loi en ce qui concerne les
congés parentaux sont fort intéressantes et constituent une
amélioration certaine par rapport à la situation actuelle. (15 h
15)
Sans entrer dans le détail des diverses propositions que nous
faisons dans notre mémoire sur les congés parentaux, je voudrais
souligner ici un aspect essentiel sur lequel l'avant-projet de loi est
silencieux. Il s'agit du remplacement du revenu pour les personnes qui se
prévalent d'un congé de maternité, de paternité ou
d'adoption. Il est inadmissible que les femmes, c'est-à-dire celles qui
utilisent le plus ce congé, soient encore pénalisées
économiquement lorsqu'elles décident de mettre au monde des
enfants. C'est pourquoi nous souscrivons entièrement avec d'autres
organismes, dont le Conseil du statut de la femme, à la création
d'un régime d'assurance parentale, financé par l'État, les
employeurs et les salariés. Un tel régime devrait être
d'application universelle et assurer un remplacement du revenu pendant toute la
durée du congé de maternité, de paternité ou
d'adoption. De plus, il devrait également servir à assurer le
maintien du revenu pour certains congés parentaux additionnels. Les
propositions que nous faisons pour améliorer les congés parentaux
sont fondées sur la création d'un tel régime
d'assurance.
Enfin, l'amélioration des congés parentaux perd beaucoup
de son efficacité si une partie importante de la main-d'oeuvre a de
moins en moins les moyens de fonder une famille. La précarité et
les bas salaires sont peu propices à la prise d'une telle
décision. Aussi, la loi doit-elle, selon nous, prévoir une
amélioration immédiate de certaines normes du travail, surtout
celles ayant trait aux salaires et au temps de travail et de repos.
Un relèvement immédiat de certaines normes de travail
constitue le troisième des principes. Étant donné leur
importance, nous avons décidé d'axer nos revendications sur les
normes salariales, ainsi que sur celles qui réfèrent au temps de
travail et hors travail. Une hausse immédiate du salaire minimum
à 6 $ l'heure s'impose. Il s'agit là vraiment d'un minimum si
l'on considère qu'une telle hausse réussirait tout juste à
amener le salaire annuel d'une personne travaillant 40 heures par semaine au
niveau du seuil de la pauvreté de 1989. L'indexation automatique est
également nécessaire afin de ne pas dépendre de
règlements que le gouvernement, soulignons-le, est parfois très
lent à changer.
Que l'avant-projet de loi ne fasse aucune proposition pour
réduire la durée de la semaine normale de travail et introduire
la notion de journée normale de travail dépasse notre
entendement. La journée de huit heures et la semaine de 40 heures
existent dans la majorité des législations canadiennes sur les
normes de travail. La durée moyenne de la semaine de travail au Canada
est d'un peu plus de 38 heures. La revendication, on s'en souvient, pour la
journée de huit heures en Amérique du Nord remonte au XIXe
siècle et la plupart des grands syndicats ouvriers l'ont obtenue au
début du siècle. Nous savons que la législation vient
souvent entériner une pratique déjà établie dans la
réalité, que, surtout en matière de normes de travail, la
loi suit les gains des travailleurs et travailleuses syndiqués, tout en
conservant un certain écart. En matière de durée de
travail, l'écart qui va s'amplifiant justifie amplement un ajustement
immédiat de ia loi. Il faut donc décréter
immédiatement la journée de huit heures et la semaine de 40
heures.
Reliée à cette question de la durée du travail est
celle du temps supplémentaire. La loi doit réglementer les heures
supplémentaires de manière à laisser le choix au
salarié ou à la salariée de refuser d'en faire, du temps
supplémentaire, et le droit de décider d'être
compensé en temps ou en argent. La pratique du temps
supplémentaire est largement répandue à l'initiative des
employeurs; cela nuit à la création d'emplois et peut même
créer du chômage. Sur la question de refuser de faire du temps
supplémentaire, les parents de jeunes enfants ne sont pas les
seuls à avoir besoin de temps après les heures de travail pour
vaquer à d'autres occupations. Nous acceptons difficilement cette
distinction. Tous les salariés et salariées doivent
bénéficier des mêmes droits.
Enfin, la FTQ réclame des améliorations au niveau des
périodes rémunérées de congé ou de repos.
Les jours fériés chômés et payés devraient
être accessibles à tous les salariés, qu'ils
coïncident ou non avec une journée ouvrable. Les salariés
à temps partiel devraient pouvoir en bénéficier
également en temps ou en argent sur une base proportionnelle. Ces
congés, tout autant qu'une occasion de célébration d'une
fête importante, sont devenus des jours de repos
rémunérés, reconnus socialement. Ici, comme pour la
période de repos annuelle, c'est-à-dire les vacances, tous les
salariés devraient y avoir droit car ces moments de
récupération sont vitaux pour la santé physique et
mentale. Ceci nous amène à cette revendication d'un droit
élémentaire qui devrait inclus dans la Loi sur les normes du
travail, c'est-à-dire celui de s'absenter pour maladie sans risquer le
congédiement.
Enfin, le dernier principe: une loi accessible et respectée.
Cette partie de notre mémoire est très importante puisque
l'efficacité d'une loi améliorée dépend de la
connaissance qu'ont les salariés de leurs droits, de la surveillance
étroite de l'application de la loi par la Commission des normes du
travail et de l'accessibilité aux recours que la loi prévoit. La
Commission a un rôle stratégique. Et, tout d'abord, il nous
apparaît tout à fait inadmissible qu'au conseil d'administration
de la Commission les membres qui ont été nommés ou
renommés en 1987 proviennent tous du milieu des affaires ou d'autres
milieux qui en sont très proches. Étant donné que
l'obligation qui est faite actuellement de consulter les organismes les plus
représentatifs des salariés ne semble pas tellement
respectée, nous demandons que la loi prévoie que les six
commissaires, ainsi que le président ou la présidente de la
Commission soient choisis à partir d'une liste de personnes
dressée par le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'?uvre. Ensuite, les quatre fonctions de la Commission,
établies dans la loi actuelle, devraient être renforcées,
précisées pour trois d'entre elles et concrétisée
pour la quatrième qui n'est pas en vigueur.
Je vais reprendre rapidement ces quatre fonctions: 1° Informer et
renseigner. Nous ne pouvons que constater une déficience à ce
niveau puisque, selon les données mêmes de la Commission dans son
rapport annuel 1987-1988, la plupart des salariés ne connaissent pas
leurs droits. Nous proposons donc la production d'une brochure d'information
simplifiée par le ministère du Travail qui comprenne non
seulement les droits inscrits dans la loi sur les normes, mais également
ceux inscrits dans la quinzaine d'au- tres lois qui contiennent des
dispositions relatives aux salariés. Tout employeur devrait avoir
l'obligation d'en remettre un exemplaire à toute personne nouvellement
embauchée. 2° Surveiller l'application des normes du travail. Cette
fonction devrait être renforcée par le pouvoir d'effectuer des
enquêtes préventives, de même que la possibilité de
faire une enquête qui s'applique à l'ensemble des salariés
de l'employeur, suite à une plainte individuelle. 3° Recevoir les
plaintes et indemniser les salariés. Premièrement, nous croyons
que le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour
réduire le délai de traitement des plaintes. Dernièrement,
nous tenons à souligner que la fonction d'indemnisation n'était
pas mise en vigueur dans la loi actuelle. Le gouvernement a probablement
l'intention de la mettre en vigueur en même temps que les autres
modifications qui seront apportées. Nous nous interrogeons
là-dessus; c'est une question que nous nous posons. 4°
Dédommager les salariés à la suite de la faillite d'un
employeur. Ce paragraphe 4° de l'article 5 n'est pas non plus en vigueur
à l'heure actuelle, ni les autres parties de la loi reliées
à la faillite: le paragraphe 4° de l'article 29 et tout le chapitre
VI de cette loi.
Avant de songer à octroyer une nouvelle fonction de
médiation à la Commission, fonction sur laquelle je reviendrai
dans un instant, il nous semble que le législateur devait au moins voir
à ce que les fonctions déjà prévues à la loi
soient actualisées. Il nous apparaît inconcevable qu'une loi
d'ordre public ne soit que partiellement mise en vigueur. En ce qui concerne
l'ajout d'une cinquième fonction de médiation, telle que
proposée dans l'avant-projet de loi, nous la jugeons tout à fait
impertinente, non seulement à cause du rôle même de la
Commission qui, selon nous, doit rester neutre, mais également à
cause du caractère minimal des dispositions de cette loi, dont le
contenu ne saurait être négociable.
Enfin, la loi doit assurer des recours accessibles et efficaces pour
l'ensemble des travailleurs et des travailleuses. Cela veut dire réduire
significativement l'exigence du service continu pour porter plainte contre un
congédiement sans cause juste et suffisante. L'avant-projet de loi ne
propose aucune amélioration aux cinq ans exigés actuellement qui
écartent une bonne partie de la main-d'oeuvre du droit à ces
recours. Nous proposons de les ramener à six mois. Cela veut dire aussi
réduire les frais reliés à l'exercice des recours. Le
remplacement de l'arbitre par un commissaire du travail pour rendre une
décision dans les cas de congédiements injustes contribuera
à réduire ces frais. Cependant, la FTQ tient à souligner
que cela créera une injustice envers les travailleurs et les
travailleuses syndiqués qui, eux, devront continuer à payer les
frais d'arbitres. C'est pourquoi nous demandons que cet article, l'article
126 modifié, s'applique également, lorsque c'est leur
choix, aux travailleurs et travailleuses syndiqués.
Enfin, nous n'acceptons pas davantage le rôle de médiation
que l'avant-projet de loi veut renforcer dans les cas de congédiements
injustes et arbitraires. Même s'il s'agit là de cas où la
médiation pourrait être plus acceptable, compte tenu de la nature
moins tranchée des causes, nous sommes d'avis que ce n'est pas le
rôle de la Commission des normes qui a, par ailleurs, un rôle de
représentation des salariés, de se donner ici un statut de
neutralité. Cela viendrait en contradiction avec le fait qu'elle
constitue, pour ainsi dire, le seul lieu de recours pour les salariés
lésés.
Pour conclure, nous tenons à revenir sur l'urgence de favoriser
la syndicalisation du plus grand nombre possible de salariés au
Québec, par l'accréditation multipatronale. C'est, selon nous, la
seule voie possible vers l'amélioration des conditions de travail et le
respect des travailleurs et travailleuses par les employeurs. Nous vous
demandons donc de réexaminer la Loi sur les normes du travail en tenant
compte des revendications exposées dans ce mémoire.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. Vous êtes sûrement des pros à cet
égard. Vous avez respecté parfaitement le temps en nous ramassant
votre mémoire et - je vous suivais tout au long de la
présentation - en n'oubliant aucun des éléments qui s'y
trouvaient. M. le ministre.
M. Bourbeau: Alors, il me fait plaisir de saluer les
représentants de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec. Ma première question. Vous proposez de
couvrir ce qu'on appelle les gardiennes d'enfants dans la loi, à
l'exception de celles qui ne gardent qu'occasionnellement. Est-ce que vous
pourriez nous dire quels critères vous retiendriez pour exclure ceux ou
celles qui font du gardiennage occasionnel? Comment pourrait-on distinguer
entre les occasionnels et les permanents?
M. Oaoust: II n'est peut-être pas simple de trouver des
critères qui puissent départager, parmi ce personnel-là,
ceux qui font ça de façon occasionnelle et ceux qui le font de
façon exclusive, quoique le mot "exclusif1, ça veut
dire que les gens s'y consacrent. C'est leur revenu le plus important qui les
distingue. Les gens qui le font de façon occasionnelle, ça
peut-être un revenu d'appoint, quelques heures ici et là de
façon non continue, de façon lointaine et ce sont ces
gens-là, évidemment, qui pourraient être exclus de la loi.
Mais ceux dont c'est la tâche principale, qui font ça
systématiquement là où il y a une certaine
continuité, devraient être assujettis à la loi. Et, quand
on parle d'exclusion, encore une fois, c'est vraiment quand c'est "en passant"
- comment vous dire ça? - de façon véritablement non
structurée et non précisée.
La Présidente (Mme Marois): Mme Pinard, vous vouliez
ajouter quelque chose?
Mme Pinard (Rolande): Oui. Je pense que ça ne devrait pas
être trop difficile à évaluer parce qu'il s'agit de
personnes qui ont besoin de soins habituellement, soit des personnes
âgées ou des enfants. Alors, une personne qui en prend soin d'une
manière continuelle, elle est là à tous les jours, elle
s'en occupe tout le temps. Ce qu'on veut éviter, ce sont des
gardiennages de soirée ou de fins de semaine et ça, c'est assez
facile, d'après moi, à évaluer.
M. Bourbeau: Évidemment, il y a des gardiennes qui gardent
tous les jours, mais pas au même endroit. Alors, vous avez une gardienne
qui peut avoir gardé dans cinq familles différentes, cinq jours
différents. Là, ça devient plus compliqué
d'assujettir ces gens-là.
La semaine dernière, le Conseil du statut de la femme a rendu
public son mémoire sur un régime de congés parentaux
comportant, notamment, des prestations de remplacement du revenu de travail.
Est-ce que la FTQ a pris position relativement aux recommandations du Conseil
du statut de la femme?
M. Daoust: Substantiellement, dans le mémoire que nous
vous avons présenté, nous faisons nôtre cet avis du Conseil
du statut de la femme et nous saluons, puisque l'occasion nous en est
donnée, le Conseil qui a étudié à fond cette
question et qui suggère une méthode innovatrice, des
critères et des solutions modernes à l'égard d'un
problème comme celui-là. On sait à quel point le
problème de la natalité nous préoccupe tous et toutes au
Québec. Des données démographiques que nous connaissons
nous permettent de conclure qu'il faut, par tous les moyens, appuyer une
politique qui permettra au Québec de se doter d'une véritable
stratégie nataliste, une stratégie familiale. (15 h 30)
Nous appuyons ces grandes revendications et c'est pour ça que
nous parlons d'une assurance parentale qui puisse permettre à ces
femmes, qui donnent naissance à un enfant, de ne pas être
pénalisées, comme c'est le cas à ce moment-ci, par des
pertes de revenus ou par des revenus qui sont charcutés de façon
telle que ça peut constituer une désincitation à la
maternité. C'est dans ce sens-là que, encore une fois, dans notre
mémoire, nous reprenons ces positions qu'un congé de
maternité ou un congé de paternité, ou un congé de
maternité de 20 semaines ou un congé parental de six semaines qui
s'y ajoute, un congé parental, pour le père ou pour la
mère, de douze semaines, en deux
blocs de six semaines, soient rémunérés.
Donc, là-dessus, nous sommes en communion de pensée avec
le Conseil du statut de la femme et nous souhaitons bien que ce document fera
son bout de chemin à l'intérieur du gouvernement et que, dans les
plus brefs délais, on pourra parvenir à surmonter les
problèmes liés à la maternité. C'est vraiment
impensable... Je ne vous en ferai pas la démonstration très
très longtemps: je pense qu'il y a à peu près
unanimité au sein de la société québécoise
pour dire que ces femmes qui donnent des enfants à la
société ne devraient pas être pénalisées.
Elles le sont systématiquement et il faut tout mettre en oeuvre pour
qu'elles ne le soient plus dans les plus brefs délais. Encore une fois,
cette position du Conseil du statut de la femme nous semblerait la solution la
plus acceptable à ce moment-ci pour permettre au Québec de
commencer à se doter des éléments d'une politique
nataliste.
M. Bourbeau: J'aimerais, si vous le voulez, maintenant qu'on
parle un peu de la problématique du temps partiel puisque le
gouvernement n'a pas caché qu'il souhaite recevoir de la part des
intervenants un certain éclairage sur cette question-là. Est-ce
que, à votre connaissance, parlant de travail égal et de salaire
égal ou de taux de salaire égal pour un travail égal, il
existe des conventions collectives actuellement qui tolèrent qu'un
salaire inférieur soit payé à certaines personnes pour le
seul motif qu'elles travailleraient à temps partiel?
La Présidente (Mme Marois): Évidemment, c'est
salaire égal pour travail équivalent.
M. Bourbeau: Très bien.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Vous me
permettrez...
M. Bourbeau: Oui, oui, ces nuances.
La Présidente (Mme Marois): ..c'est ma longue
expérience.
M. Bourbeau: On aura compris que c'est ce que je voulais
dire.
M. Oaoust: M. le ministre, je serais assez malvenu de vous dire
qu'il n'en existe pas. Il en existe peut-être et, s'il en existe, elles
devraient être corrigées dans les plus brefs délais. Vous
savez à quel point les centrales syndicales et la FTQ font une bataille
pour l'instauration de programmes d'accès à
l'égalité, pour des politiques d'équité salariale
qui soient reconnues par les employeurs. On souligne toujours que le
gouvernement du Québec, dans ses récentes négociations, a
permis d'ouvrir le chemin à bien des employeurs ici au Québec
dans ce domaine-là Oui, bravo, il faut le souligner. Ça arrive
assez souvent et on le mentionne quand ça arrive; il faut le souligner.
Mais c'est le résultat de négociations. Il fallait qu'on vous
pousse quelque peu dans le dos.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Daoust: Ce n'est pas venu comme ça, par
l'opération du Saint-Esprit, mais c'est de bonne guerre et ça
s'est fait dans des négociations. Bon.
Le problème de l'équité salariale est fondamental
et les textes que nous avons examinés et qui approfondissent ce
problème nous révèlent des choses extraordinairement
déprimantes. Des données statistiques nous indiquent - ces
données sont dans notre mémoire - qu'il y a un fort pourcentage
d'employeurs au Québec, où il n'y a pas de syndicat, qui
s'autorisent de la faiblesse de notre loi pour ne pas payer des salaires
identiques à des postes équivalents, pour reprendre l'expression
de Mme la Présidente. On souhaiterait bien que la loi, là-dessus,
réaffirme les principes contenus dans la Charte des droits de la
personne et qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. C'est tellement
important que les textes soient connus.
À l'égard du temps partiel, permettez-moi de commenter un
peu ce phénomène-là qui est un des plus porteurs
d'inquiétude à l'intérieur de nos sociétés
du Québec, comme du reste du Canada, quant au nombre de travailleurs et
de travailleuses qui n'ont pas un emploi permanent dans le vrai sens du mot. Il
y a des données révélatrices qui ne sont pas
contradictoires, d'un document à l'autre. Le Conseil économique
du Canada, il y a à peine quelques jours - Le Devoir nous en faisait
état le 15 février dernier - nous disait en gros qu'entre 1980 et
1988... J'essaie de retrouver la donnée. Attendez juste un instant. Bon,
je ne la retrouve pas. Mais il est question d'environ 30 % de la main-d'oeuvre,
ici au Canada - je l'ai - entre 1980 et 1988; ces types d'emploi ont
représenté pas moins de 50 % de tous les postes
créés au pays. Quand on parle de ces types d'emploi, ce sont les
types d'emploi à temps partiel: les postes de courte durée,
l'emploi autonome, comme les pigistes, et le travail effectué pour le
compte d'entreprises offrant des services de personnel temporaire. Et je
reprends la phrase: "Entre 1980 et 1988, ces types d'emploi ont
représenté pas moins de 50 % de tous les postes
créés au pays. Ils forment actuellement 30 % de l'emploi total au
Canada." C'est le Conseil économique du Canada qui le constate.
C'est, d'ailleurs, pour cette raison - je cite toujours l'article - que
"le Conseil presse les gouvernements du pays - le gouvernement du Québec
comme tous les autres gouvernements - d'adopter des lois qui permettront aux
employés à temps partiel, ayant de fortes attaches à
l'égard d'un employeur, de bénéficier
des avantages sociaux généralement offerts aux
employés à temps plein. " Bon, je ne veux pas vous lire l'article
en entier, mais c'est pour illustrer l'importance du phénomène de
gens qui, de plus en plus, au Québec et au Canada, ne sont pas des
travailleurs typiques, comme on dit, mais sont devenus des travailleurs - pour
employer une expression du jargon des économistes, des sociologues -
atypiques. On parle de 30 % ici, alors que, dans un autre document
québécois, cette fois-là, qui a été produit
par la Commission consultative sur le travail et la révision du Code du
travail et qui est relativement récent, même si la Commission a
fini ses travaux il y a quelque temps, on dit qu'en vertu des données du
recensement de 1981, c'est désormais 50 % de la population active
canadienne qui, en 1980, a occupé des emplois n'ayant pas les
caractéristiques de l'emploi typique.
C'est fantastique. Que ce soit 30 %, 40 % ou 50 %, c'est une statistique
déconcertante, qui doit nous faire réfléchir et qui
devrait faire en sorte que, dans des lois comme celle sur les normes du
travail, on en tienne compte, de ces gens-là qui n'ont pratiquement
aucun droit; explicitement, des fois, ils sont exclus, puis implicitement,
à cause du service continu, ils n'ont pas accès aux dispositions
de la loi, ils ne sont pas assujettis à la loi. On y revient beaucoup
dans notre mémoire et on fait des recommandations dans ce
sens-là. Je m'excuse d'avoir répondu un peu longtemps à
votre question, M. le ministre.
M. Bourbeau: Écoutez, on est là pour écouter
et non pas nécessairement pour parler; enfin, quant à moi. Je ne
parle pas pour l'Opposition qui semble avoir une façon différente
de travailler.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre, vous avez une
question?
M. Bourbeau: Écoutez, on suggère dans
l'avant-projet de loi de remplacer le recours à un arbitre par un
recours à un commissaire du travail à l'égard des
non-syndiqués pour, justement, leur permettre une meilleure justice,
étant donné que les frais d'arbitre sont tellement importants
que, souvent, on nous fait observer que les simples travailleurs n'ont pas les
moyens de se payer un arbitre. Pourquoi dites-vous que le recours à un
commissaire plutôt qu'à un arbitre pour les non-syndiqués
crée une injustice aux travailleurs syndiqués, puisque les
travailleurs syndiqués n'ont pas, actuellement, le droit de recours
à un arbitre? Remarquez qu'il y a des avocats, derrière moi, qui
veulent avoir des précisions. Je trouve la question un peu
embêtante, mais j'aimerais quand même... Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Daoust: Le mot "injustice". On pourrait peut-être dire
qu'on fait justice à ces travailleurs et à ces travailleuses en
permettant, dans le cas de congédiement sans cause juste et suffisante,
qu'ils ou qu'elles puissent avoir recours à un commissaire du travail.
Mais là où il y a une espèce de contradiction, c'est que
les syndiqués, eux, techniquement, à moins que la loi ne soit
amendée, n'auraient pas le même recours. Ils ont des recours en
vertu de leur convention collective de travail. Ils ont des recours, sauf
qu'ils paient pour ces recours. Ils paient pour ça à même
leurs cotisations syndicales. On se partage les frais de l'arbitre, vous le
savez, dans l'immense majorité des cas. Et ces frais-là, ils
peuvent être fort élevés. Ils sont payés par le
syndicat. Ce n'est pas le syndiqué, personnellement, qui va
débourser 2000 $, 3000 $, 4000 $, c'est le syndicat. Mais le syndicat,
il se nourrit exclusivement des cotisations syndicales. Donc, le travailleur
syndiqué, lui, il paie pour sa défense, alors que celui qui n'est
pas syndiqué et qu'on voudrait bien voir syndiqué, lui,
aurait...
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: En passant!
M. Daoust:... accès au commissaire du travail et ne
paierait pas. Alors, iI y a une contradiction là. Le mot "injustice". Il
y a une injustice par rapport à quelqu'un qui a un droit qu'il peut
s'arroger et qui n'est pas à la portée de celui qui n'y a pas
accès. Alors, c'est ce qu'on veut dire. Ce qu'on dit, c'est que le
syndiqué devrait avoir le choix: ou bien il procède selon la
convention collective de travail et, à ce moment-là, il paie
à même ses cotisations ou bien il procède devant le
commissaire du travail et, à ce moment-là, c'est la
collectivité qui paie.
M. Bourbeau: À ce moment-là, ça ne
coûte rien au syndicat.
M. Daoust: Voilà!
M. Bourbeau: On a une bonne idée de ce qui arriverait.
M. Daoust: Je ne sais pas. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Daoust: Pas nécessairement! Je m'excuse! Pas
nécessairement parce que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Daoust:... ce recours-là existe en vertu de certaines
lois, le même type de recours. Souvent, les syndiqués... Et,
vraiment, là-dessus,
on s'est longuement interrogé. On a discuté, dans les
instances de la FTQ, assez longuement sur ce sujet-là. Ce n'est pas
toujours le cas. On ne devrait pas conclure que, si cet accès-là
était permis, l'ensemble des syndiqués procéderait par le
commissaire du travail. Il y a bien des raisons. On s'interroge sur
l'institutionnalisation du mode de règlement des griefs de cette
façon-là. Il y a bien des syndicats et bien des syndiqués
qui sont habitués avec des arbitrages de nature privée, ça
va de soi. Ils choisissent leur arbitre. Évidemment, les deux parties
concourent au choix de l'arbitre. Il y a un problème de rapidité
d'exécution, de délais, tout ça. Alors, ce n'est pas
écrit dans le ciel qu'il y aurait une ruée coûteuse pour le
gouvernement si un tel accès leur était permis, loin de
là; moi, je suis loin d'en être convaincu.
La Présidente (Mme Marois): Alors, c'était votre
dernière question. Merci, M. le ministre. Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve
Mme Harel: Mme la Présidente, je veux d'abord saluer M.
Daoust et les personnes qui l'accompagnent et entrer immédiatement dans
cet échange sur la question de l'arbitre, du commissaire du travail. En
vertu de la loi actuelle les honoraires et frais de l'arbitre sont payés
conjointement et à parts égales par l'employeur et le
salarié, conformément au tarif établi, etc. C'est
l'article 135 de la loi actuelle sur les normes. Et parce qu'il y a ce partage,
il n'y a pas d'arbitrage. Oui, on a une bonne idée de ce qui arrive
quand c'est à frais partagés, c'est qu'il y a plein de
désistements, c'est que les travailleurs congédiés n'ont
pas les moyens d'aller devant un arbitre pour faire valoir leurs droits. Ce
n'est pas moi qui le dis; c'est une étude très sérieuse
qui a été faite et produite par la Commission des normes
minimales. (15 h 45)
Évidemment, le sujet est litigieux parce que la demande du
Conseil du trésor actuellement - et je pense que c'est là l'objet
le plus controversé des présentes négociations dans le
secteur public - c'est de faire partager les frais d'arbitre également
aux employés du secteur public. Mais si on revient finalement à
la proposition dans l'avant-projet de loi, c'est qu'il n'y ait plus d'arbitre
parce que, dans le fond, comme le gouvernement ne veut pas assumer seul les
frais de l'arbitre, il propose de revenir au commissaire du travail. Mais le
commissaire du travail - le problème de l'article 126, c'est aussi qu'il
n'y a pas de révision - sa décision est finale. C'est un droit,
pourtant, qui prévaut dans toutes les autres législations
sociales et, là. il n'y a aucune révision de prévue et le
problème reste posé du salarié congédié qui
doit s'offrir les services d'un avocat, puis payer les honoraires, parce que la
Commission n'a pas l'obligation de représenter le salarié. Alors,
la boucle est bouclée finalement, puis on va se retrouver devant un
problème où il y a des accommodements, mais où il n'y aura
pas de vraies solutions.
D'abord, je veux vous poser une question importante: Vous êtes une
association de salariés. Vous l'avez tantôt bien signalé:
II y a des difficultés de syndicalisation. Et je veux vous
féliciter parce que vous prenez fermement le parti de ceux qui sont non
syndiqués en ne souhaitant pas qu'il y en ait moins pour qu'ils vous
rejoignent, mais en souhaitant que leur sort s'améliore parce que c'est
là l'objet des recommandations que vous nous faites. Et vous avez
présenté le mémoire le plus fouillé dont j'aie pu
prendre connaissance sur les travailleurs à travail précaire.
C'est certain. Vous avez fait sans doute définitivement le travail le
plus approfondi sur cette question.
Dans votre mémoire, à la page 18, vous rappeliez une
recommandation que vous aviez faite à la commission Beaudry "d'unifier
la législation du travail dans un code du travail qui comprendrait
essentiellement quatre parties" et vous les exposez: soit les rapports
collectifs de travail, le contrat individuel, les normes du travail, la
santé et la sécurité. La commission Beaudry avait retenu
votre recommandation et proposait un code intégré du travail avec
les contrats collectifs et les contrats individuels. Je voulais juste vous
entendre là-dessus - c'est là une vision généreuse,
d'une certaine façon, des rapports sociaux dans notre
société - et également vous entendre sur la question de la
médiation. Vous insistez beaucoup sur le fait qu'il peut être
dangereux qu'une commission des normes chargée de l'application d'une
loi se voie comme chargée de la négocier en faisant de la
médiation entre un employeur et un salarié. Là-dessus
également, je souhaiterais vous entendre.
M. Daoust: Oui. Cette proposition que nous soumettions à
la commission Beaudry, il y a quelque temps déjà, d'unifier la
législation du travail, on l'a mentionné, c'était pour
permettre une rationalisation de l'ensemble de ces
législations-là, pour que les gens s'y retrouvent. C'est un
fouillis indescriptible pour quelque travailleur que ce soit ou quelque
employeur que ce soit de s'y retrouver facilement. C'est un problème
d'harmonisation, de clarté et de transparence. On sait très bien
où est-ce qu'on s'en va. Ce n'est pas archicompliqué de
procéder à ce type d'unification et ça permet à
tout le monde de ne pas passer une partie d'un temps précieux à
fouiller dans 10, 12 ou 15 lois. On s'y retrouve beaucoup plus facilement.
D'ailleurs, à la FTQ, quand on a discuté de la Loi sur les normes
du travail, on souhaitait que, dans cette loi-là, entre autres, on
décrive un peu mieux les recours devant le commissaire du travail,
même si ce n'est pas dans la loi comme telle, pour que les gens, en
prenant cette loi-là, puissent savoir de quelle
façon on peut se débrouiller quand on est affecté
par un congédiement pour cause injuste ou encore un congédiement
de type illégal. Alors, c'est donc pour ça qu'on parlait
d'unification des législations.
À l'égard du rôle de médiation,
là-dessus, on est très précis. On se dit: II y a une
Commission qui est là; on souhaite, encore une fois, dans sa
composition, retrouver pas rien que des gens qui sont d'un côté,
qu'ils soient amis du régime ou non, mais des gens qui aient une
qualité d'impartialité. Et je comprends que, quel que soit le
gouvernement au pouvoir, il est toujours tout à fait - je ne dis pas
normal - souhaité dans bien des milieux qu'on puisse distribuer des
postes - je ne dirai pas à des amis - à des gens qui sont
près de nous idéologiquement. Mais, des fois, ce sont des amis
aussi. N'entrons pas trop là-dedans, c'est compliqué. On se
comprend très bien!
Il me semble que l'occasion est toute rêvée, puisque la
loi, déjà, en fait état, pour dire: On va confier à
ce Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, où on retrouve
le patronat, puis les syndicats, le soin de faire des recommandations, ce qui
permettrait à la Commission en question d'avoir une plus grande
crédibilité.
Ceci étant dit à l'égard de son rôle de
médiation, voici une Commission, avec des normes qui sont minimales.
C'est minimal. Ce n'est pas tellement élevé. Pourquoi faut-il
négocier des normes minimales? Ou bien l'employeur s'est mis les pieds
dans les plats volontairement ou non en ne respectant pas la loi; à ce
moment-là, qu'on le lui dise et, bon, le salarié a droit à
telle ou telle compensation. Ce n'est pas de la médiation. Ça ne
se tranche pas en deux. Écoutez, le salaire minimum, 5 $ l'heure,
ça ne se tranche pas en deux; c'est déjà assez bas. En
tout cas, je ne veux pas donner un tas d'exemples, vous le savez.
On ne souhaite pas que la Commission joue un rôle de
médiation. La même chose dans les cas de congédiements,
bien que, là-dessus, l'arbitre - ou plutôt le commissaire
maintenant - a toute la latitude de trouver, dans la décision qu'il
rendra, entre les demandes qui lui sont faites, des moyens multiples. Mais on
trouve que la Commission se mettrait dans une espèce de conflit
d'intérêts en faisant une médiation qui ferait en sorte que
ceux qui sont les objets visés par la médiation porteraient
inévitablement un jugement en disant: Ils ont penché d'un
côté ou ils ont penché de l'autre. Et ça affecterait
la crédibilité de la Commission. Puis, c'est pour ça qu'on
ne lui voit pas un rôle de médiation. La loi est là.
Partout où il y a moyen, qu'elle la fasse appliquer très
rigoureusement - je ne dirais même pas le plus rigoureusement possible -
comme c'est le rôle de ceux qui se retrouvent dans des postes
d'exécution des décisions de la loi, et sans qu'il y ait
médiation.
Mme Harel: Alors, j'aimerais peut-être faire une
correction.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
Mme Harel: En fait, la révision d'une décision du
commissaire du travail est possible devant le tribunal du travail. C'est la
décision de la Commission de référer ou non au
commissaire, qui, elle, n'est pas révisable en vertu de l'avant-projet
de loi. Et c'est ça qui nous inquiète.
Il y a également dans votre mémoire, à la page 7,
toute la question de l'exclusion des personnes dites en formation
professionnelle - je pense, en particulier, évidemment, au programme de
sécurité du revenu à l'aide sociale du ministre - et de
l'exclusion, donc, du recours à des stagiaires. Vous dites: "Le recours
à des stagiaires permet actuellement à des employeurs d'obtenir
une main-d'oeuvre payée à rabais. Cela a des effets
d'entraînement sur l'ensemble des salariés, en plus de contraindre
cette main-d'oeuvre à bon marché à travailler et à
vivre dans des conditions économiques des plus pénibles." Et vous
dites qu'il ne devrait jamais y avoir d'exclusion sauf - et, là, vous le
balisez très bien - lorsqu'il s'agit de crédits
académiques qui bénéficient d'un encadrement dans des
activités axées sur l'apprentissage, plutôt que sur la
production.
J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous avez une
expérience dans le marché privé et le ministre s'en vient,
d'ici un mois à peine, avec un programme à la grandeur du
Québec, qui va s'appeler PAIE, mais qui ne sera pas payant, en fait;
payant juste pour l'employeur, mais pas pour le bénéficiaire
d'aide sociale qui va être obligé d'y participer, puisque
l'employeur va pouvoir verser en deçà du salaire minimum la
compensation de la prestation qui serait versée. Alors, la prestation
serait versée et l'employeur n'aurait qu'à compenser
l'équivalent du salaire minimum. C'est bien le cas?
M. Bourbeau: Ce n'est pas en deçà du salaire
minimum. C'est en haut du salaire minimum.
Mme Harel: De toute façon, vous dites que ces programmes
qui excluent des catégories de personnes ne devraient pas l'être.
C'est ce qu'on doit donc retenir. C'est bien le cas?
M. Daoust: Oui, c'est le cas. Ce qu'on dit, dans le dernier
paragraphe de la page 7, c'est que "seules les personnes effectuant un stage
d'études donnant droit à des crédits
académiques..." Bon, ça, c'est une partie. Ce qu'il y a de plus
important, c'est: "un encadrement sur place et dont les activités sont
essentiellement axées sur l'apprentissage plutôt que sur la
production". Vous savez qu'en d'autres lieux on a souvent dit, et on le
répète, que le syndicat devrait être
impliqué, partie prenante - là où il y a un
syndicat, évidemment - à l'égard de l'accueil de ces
gens-là et de ta façon dont ils devraient être
traités en vertu des lois qui les régissent. Mais on veut par
tous les moyens - et je pense bien que tout le monde le souhaite -
éviter le phénomène du "cheap labor" où des
employeurs, s'autorisant de certains programmes...
Une voix: De subventions.
M. Daoust: ...de subventions de toutes sortes, vont se servir de
cette main-d'oeuvre-là pour la faire travailler, vont l'affecter
à des tâches de production de biens ou de services, que ce soit
dans des usines ou des bureaux. Et c'est ça qu'on veut carrément
éviter. Pour des fins d'apprentissage, de recyclage, de formation, dans
le cadre d'un programme accepté - on dit académique, bon,
ça peut être pris dans un sens peut-être un peu plus large -
avec l'accord des parties quand il y a un syndicat, sans aucun doute, ça
ne devrait pas causer de difficultés.
Mme Harel: En matière de pratique de travail à
domicile, vous citez une étude qui avait été
réalisée pour la FTQ dans l'industrie du vêtement et qui,
notamment, démontrait que la majorité des travailleuses à
domicile recevaient moins que le salaire minimum. Et vous nous dites qu'il faut
étroitement surveiller ça - notamment, entre autres, à
cause de l'informatique qui introduit de nouveaux types de travail à
domicile - comme c'est le cas au Manitoba et en Ontario. Et, là, vous
faites valoir qu'il y a inscription obligatoire par l'employeur de tous les
salariés auprès du ministère du Travail. Est-ce que c'est
là, finalement, une pratique qui tend à se développer,
à votre connaissance, le travail à domicile?
M. Daoust: Je pense que oui. Non seulement je pense, mais on a la
certitude que, oui, ça se développe - c'est un peu comme le
travail au noir dans la construction - le travail à domicile dans un tas
de secteurs professionnels. Il nous vient à l'idée, avec
rapidité, le vêtement, la fourrure, de plus en plus des
tâches plus techniques. Les études sont abondantes qui nous
révèlent que le taux va en augmentant. Soit dit en passant, tous
les gouvernements devraient s'y intéresser et nous autres, on
applaudirait - je ne sais pas ce que M. Wilson va nous dire tout à
l'heure - si on trouvait les moyens - et je pense qu'il y en a - pour
éviter ces évasions fiscales de la part de ceux qui donnent le
travail à domicile, dans bien des cas, et de ceux qui le font. Ces
gens-là paient peu d'impôt et ce n'est pas sur la tête de
ceux-ci qu'il faut frapper avec le plus de force. Mais je pense qu'il faudrait
peut-être trouver des moyens... On parle du Manitoba, de l'Ontario qui
permettent une espèce de réglementation du travail à
domicile. Il y a une forme d'exploitation éhontée. L'impôt,
admettons que ce n'est pas ce qu'il y a de plus important à ce
moment-ci. On a tous des exemples à donner. On a tous plus ou moins
vécu des cas où des gens travaillent à des salaires de 2 $
ou 3 $ l'heure et c'est toute la famille qui, assez souvent, travaille dans ces
occupations-là. Alors, on souhaiterait bien que, par la loi et par
d'autres moyens, on trouve les techniques voulues pour encadrer ce type de
travail à domicile.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, ça va?
Mme Harel: Est-ce que mon temps est écoulé?
La Présidente (Mme Marois): Votre temps est
écoulé, madame. Ça va? Merci. M. le ministre, ça
va?
M. Bourbeau: Oui, le mot de la fin, peut-être.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Bourbeau: Tout en soulignant qu'il n'est pas question que le
gouvernement lance quelque programme que ce soit où des travailleurs
seraient rémunérés à un salaire inférieur au
salaire minimum, je tiens à le dire et à le
répéter, je tiens à remercier la FTQ. C'est la
troisième fois, si je ne m'abuse, en quinze mois que j'ai l'honneur de
piloter une réforme à caractère social où la FTQ
vient nous faire part de ses commentaires. À l'automne 1988,
c'était la réforme de l'aide sociale; au mois de juin dernier, la
réforme des régimes supplémentaires de rentes, les
régimes complémentaires de retraite et, maintenant, c'est la
réforme de la loi sur les normes. Donc, la FTQ est toujours
présente à nos travaux. Je peux assurer la FTQ qu'on va tenir
compte des commentaires, très judicieux d'ailleurs, qu'elle nous a
faits, au cours des semaines et des mois qui vont suivre. Merci.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
Mme Harel: Mme la Présidente, vous allez me permettre de
remercier également, pour l'importante contribution qui vient
d'être faite, les représentants de la FTQ, pour leur dire qu'ils
attendent sans doute, comme moi, la consultation que le ministre avait promise
sur l'indexation et sur la disposition des surplus en matière de
régimes de retraite et, également, pour leur signaler que, si le
salaire minimum est payé dans ces programmes de subventions,
malheureusement, l'employeur peut obtenir une main-d'oeuvre payée
à rabais puisqu'il peut s'autoriser des subventions
qui sont versées pour une seule catégorie pour mettre de
côté des travailleurs qui, eux, n'ont pas le
bénéfice d'être assujettis à ces subventions des
programmes de sécurité du revenu. Je veux remercier la FTQ
surtout pour l'importante contribution à l'égard des travailleurs
qui sont en emploi précaire. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Vous vouliez ajouter quelque
chose?
M. Oaoust: Oui.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Daoust, allez-y.
M. Daoust: Deux mots, très rapidement. J'aurais bien
aimé vous parler - et je sais que vous en entendez parler abondamment -
du salaire minimum. Il me semble qu'on a atteint, tout ce qu'on en est dans
notre société, un degré de maturité tel qu'on
pourrait dépolitiser le salaire minimum et l'indexer à l'indice
des prix à la consommation, faire en sorte que ces gens-là ne
soient pas des années et des années à ne pas voir de
relèvement du salaire minimum. De toute façon, les courbes qui
vont vous être présentées par d'autres, un peu plus tard -
j'ai vu certains mémoires - vous indiquent que le salaire minimum, si on
le compare à ce qu'il était il y a je ne sais trop combien
d'années, ne cesse de régresser. Je trouve ça un peu
malheureux pour ces travailleurs et ces travailleuses, qui sont tellement mal
pris, d'être obligés de venir quémander et
"quêtailler", devant quelque gouvernement que ce soit, une augmentation
du salaire minimum.
L'autre remarque très rapide, c'est à l'égard de la
durée de travail. Le Québec, on ne lui demande pas d'être
à l'avant-garde de toutes les sociétés industrielles, mais
il me semble que 40 heures-semaine, huit heures par jour - il y a des
problèmes de paiement de temps supplémentaire là-dedans
qui y sont liés - ça ne serait pas l'un des gestes les plus
difficiles à accepter, loin de là, et ça irait dans le
sens de certaines avancées d'autres provinces qui sont
déjà rendues à ce type d'heures là. Il y a bien
d'autre chose, mais vous avez lu notre mémoire et on aura l'occasion de
le commenter en d'autres lieux.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie de votre
intéressante...
M. Daoust: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): ...contribution aux travaux de
la commission. J'inviterais maintenant l'Association des manufacturiers
canadiens à bien vouloir prendre place. Nous suspendons pour une
minute.
(Suspension de la séance à 16 h 3)
(Reprise à 16 h 6)
Association des manufacturiers canadiens
La Présidente (Mme Marois): Alors, nous vous souhaitons la
bienvenue à la commission des affaires sociales. Vous avez entendu, je
pense bien, depuis le début de la journée, chaque fois, les
règles du jeu que je répète: une vingtaine de minutes pour
la présentation de votre mémoire et, par la suite, nous
échangeons des propos avec vous.
Je me permets de vous dire que - et je le disais à quelqu'un
d'entre vous tout à l'heure - je me sers de vos publications, à
l'occasion, qui sont toujours très intéressantes sur les analyses
de situation en termes, entre autres, de main-d'oeuvre et de son importance
dans l'industrie manufacturière.
Alors, M. Le Hir, j'imagine.
M. Charland (Gaston): Gaston Charland.
La Présidente (Mme Marois): Pardon, M. Charland, vous
allez présenter les gens qui vous accompagnent.
M. Charland: Oui, merci, Mme la Présidente. J'aimerais,
premièrement, vous saluer, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés. Les personnes qui m'accompagnent, qui sont avec moi
aujourd'hui, sont les membres du comité des relations de travail. Vous
avez: M. Georges Cross, Me Jean-René Ranger ainsi que M. Fernand
Legault.
Je vais maintenant procéder à notre présentation.
Je dois vous dire que notre mémoire a fait l'objet de nombreuses
discussions et a été le résultat de travaux menés
par une équipe d'experts dans le domaine des ressources humaines qui se
sont rencontrés de multiples fois.
Voici quels sont nos commentaires généraux sur
l'avant-projet de loi. Bien que ne contestant pas, en principe, certaines
orientations exprimées par le gouvernement, l'AMC exprime de
sérieuses réserves sur plusieurs des aspects contenus dans
l'avant-projet de loi, réserves particulièrement fondées
sur le souci de l'AMC de préserver la position concurrentielle des
entreprises manufacturières québécoises dans l'actuel
contexte économique nord-américain.
En effet, les coûts et les sérieuses difficultés
d'opération éventuellement engendrés par plusieurs
dispositions de l'avant-projet de loi, particulièrement quant aux divers
congés familiaux, risquent de nuire sérieusement à
plusieurs entreprises manufacturières, spécialement de petite et
de moyenne taille, et, conséquemment, de mettre en danger le maintien
d'emplois ou le degré de compétitivité, si vous
préférez.
De plus, plusieurs des dispositions contenues à l'avant-projet de
loi sont vagues, ambiguës et risquent ainsi, dans plusieurs cas,
d'être inter-
prêtées ou appliquées de façon telle qu'on y
perdra l'intention première et réelle du législateur.
Vous allez me permettre maintenant de passer des commentaires
particuliers sur l'avant-projet de loi, que je vais essayer de résumer
de la façon la plus succincte possible.
Au chapitre 1: Rôle et pouvoirs de la Commission: Le rôle de
médiation. L'article 5, paragraphe 5°. L'AMC reconnaît les
effets bénéfiques probables d'un tel processus de
médiation, mais s'oppose à ce qu'ils relèvent du personnel
de la Commission. Le double rôle de médiateur et de partie
prenante qu'aurait ainsi la Commission risque de créer des effets
négatifs sur le résultat de la médiation. Nous pensons que
la médiation doit s'effectuer dans un climat de confiance et que la
confidentialité des informations doit être garantie. Par contre,
l'AMC est d'accord, à certaines conditions, pour conserver à la
Commission son rôle actuel de médiation dans les cas de plainte
logée à rencontre d'un congédiement sans cause juste et
suffisante. Ce que nous vous recommandons, c'est de confier le rôle de
médiation à un organisme autre que la Commission, de maintenir
l'actuel rôle de médiation prévu à l'article 125,
mais de le confier à du personnel de la Commission, exclusivement
affecte à cette tâche et formé spécifiquement
à cet effet. un autre point sur lequel nous voulons intervenir, le
règlement des litiges pour un groupe de salariés, l'article 39,
paragraphe 5°. l'amc accueille favorablement cet amendement qui permettra
une solution plus rapide des réclamations concernant un groupe de
salariés. le texte de loi ne prévoit pas cependant le processus
de détermination de la majorité, à savoir si elle sera
acquise en fonction du nombre de salariés ou plutôt en proportion
des sommes réclamées. ce que nous recommandons, c'est de
prévoir précisément le processus de détermination
de la majorité, lors du règlement d'une réclamation visant
un groupe de salariés, et qu'un tel règlement lie tous les
salariés du groupe. c'est souvent dans la mécanique d'application
que se créent les problèmes et non pas dans les principes.
Le 1.3, le pouvoir de représentation dans les cas de
congédiement illégal, l'article 123, alinéa 4. L'AMC
s'oppose à cette modification parce qu'elle a pour effet de faire porter
la totalité du fardeau économique de la représentation des
salariés sur les épaules de l'employeur, de favoriser la
multiplication des recours frivoles et d'élargir le rôle et les
fonctions actuels de la Commission. À notre point de vue, le
législateur a déjà corrigé le potentiel
déséquilibre en instituant un régime de présomption
par lequel l'employeur est forcé de contrer la conclusion automatique
qu'il a agi à rencontre de l'article 122. Ce que nous recommandons
simplement, c'est de retirer la proposition voulant que la commis- sion puisse
représenter un salarié lors d'un congédiement
illégal.
Le chapitre 2, la notion de cadre supérieur. Le
législateur propose d'exclure les cadres supérieurs de
l'application de la loi. Il ne définit pas cependant cette
catégorie de salariés. Conséquemment, compte tenu de la
structure hiérarchique et organisationnelle propre à chaque
entreprise, il sera virtuellement impossible aux tribunaux de pouvoir
établir de grands principes directeurs. Par ailleurs, l'AMC accueille
avec satisfaction le constat fait par le législateur à savoir que
la Loi sur les normes du travail est une loi conçue avant tout pour les
salariés et qu'elle s'applique difficilement aux conditions de travail
de certains cadres. Permettez-moi de vous mentionner, entre autres, le droit
à la réintégration qui cause souvent des problèmes
énormes. L'AMC propose d'étendre ce constat
d'inap-plicabilité de la loi à l'ensemble des cadres d'une
entreprise. Ce que nous recommandons, c'est d'exclure les cadres de
l'application de la loi de façon totale ou, à tout le moins,
quant aux recours prévus à l'article 124 dans les cas de
congédiement injuste.
Le chapitre 3, la responsabilité parentale. Le droit de refuser
d'exécuter du temps supplémentaire, l'article 51.1.
L'institutionnalisation du droit pour un salarié de refuser de
travailler après ses heures régulières de travail, pour un
motif exprimé de façon aussi générale que celui
d'avoir des obligations reliées à la garde, à la
santé ou à l'éducation de son enfant mineur, ne tient pas
compte des contraintes organisationnel-les et opérationnelles propres
à chaque entreprise et risque d'entraîner des abus. Ai-je besoin
de vous mentionner les conditions diverses de l'entreprise, un délai de
livraison à respecter, un événement fortuit ayant
retardé la production ou le retard d'un employé qui travaille
dans des opérations continues. L'autre problème qui peut nous
être occasionné: le préavis de douze heures pour le temps
supplémentaire n'est strictement pas applicable; ce n'est pas possible
de le prévoir. Ce que nous recommandons simplement, c'est de retirer la
proposition donnant à un salarié le droit de refuser
d'exécuter du temps supplémentaire pour cause d'obligation
familiale.
Le 3.2, la permission d'absence pour obligation familiale, l'article
81.2. L'AMC donnerait son accord à une telle disposition si elle
prévoyait diverses modalités régissant l'exercice de ce
droit par le salarié, telle l'obligation de donner un préavis
raisonnable, de mentionner de façon spécifique le motif de
l'absence et d'établir, de façon satisfaisante, que son
obligation parentale ne peut être remplie en dehors de ses heures
normales de travail.
L'AMC souligne de plus que cette disposition ne confère pas
à l'employeur un droit de regard sur la durée et le moment de
l'absence. Un exemple qui nous a été fourni lors de nos
discussions: Cette disposition ne pourrait-elle pas
être interprétée, par exemple, comme permettant
à un père divorcé, qui a la garde de son enfant mineur,
d'amener ce dernier faire du ski pendant une journée de congé
scolaire? Ce que nous vous disons, c'est que, finalement, le législateur
n'a pas tenu compte que de telles absences ne nécessitent pas toujours
une libération d'une journée, même d'une
demi-journée. Ce que nous vous recommandons, c'est de limiter les
absences d'un salarié ayant des obligations familiales à cinq
occasions annuellement, chacune étant d'une durée maximale d'une
journée, d'amender le texte pour mieux encadrer l'exercice de ce droit
par le salarié et pour conférer un droit de regard à
l'employeur sur la durée et le moment de l'absence. 3.3, le congé
de maternité, de paternité ou d'adoption, l'article 81.3. L'AMC
s'étonne que le législateur ait prévu que tous les aspects
de cette disposition fort importante, à l'exception de la durée
maximale du congé, fassent l'objet d'une réglementation du
gouvernement. L'AMC n'est pas en mesure de se prononcer sur l'à-propos
d'une telle disposition, tant que n'en seront pas connus tous les
détails qui lui permettront alors d'en évaluer la portée
réelle ainsi que les effets sur les pians financier et
opérationnel.
À notre point de vue, en termes clairs, il y a lieu d'y repenser
et d'examiner si, dans la pratique, une telle chose peut être
appliquée. Le législateur devra aussi se pencher
sérieusement sur les problèmes qu'occasionnera, à
l'occasion, l'instauration d'un tel congé, plus particulièrement
quant à la disponibilité de la main-d'oeuvre qualifiée.
Ces problèmes seront d'autant plus sérieux dans les entreprises
manufacturières de petite et de moyenne taille. Ce que nous vous
recommandons, c'est de réévaluer l'impact d'un tel congé
sur les entreprises, particulièrement sur celles de petite et de moyenne
taille.
Un autre point, le chapitre 4, l'avis de cessation d'emploi, de mise
à pied supérieure à six mois et l'indemnité
compensatrice. De façon générale, l'AMC est d'accord avec
la plupart des modifications proposées. Par ailleurs, elle
déplore que le législateur ait enlevé à l'employeur
la possibilité de transmettre à un salarié un
préavis pendant la période de mise à pied, de même
qu'il n'ait pas profité de l'occasion pour remplacer l'exception de
faute grave, prévue à l'article 82.1, par l'exception de
congédiement pour une cause juste et suffisante. De plus, le
législateur devrait prévoir, à l'article 83, une
disposition libérant l'employeur de l'obligation de donner un
deuxième préavis à un salarié rappelé
pendant la période de mise à pied et mis à pied à
nouveau par la suite.
Finalement, l'AMC accueille favorablement la proposition voulant qu'un
salarié qui bénéficie d'un droit de rappel au travail
pendant plus de six mois, en vertu d'une convention collective, ne
reçoive l'indemnité compensatrice qu'à compter de
l'expiration du droit de rappel ou d'un délai d'un an après la
mise à pied, selon la première des deux
éventualités. Elle souligne toutefois au législateur que
plusieurs conventions collectives ou politiques écrites d'un emploi
accordent à des salariés un droit de rappel supérieur
à un an. Ce que nous recommandons, comme nous vous l'avons
précisé, c'est de remplacer le troisième alinéa de
l'article 82.1 pour qu'il se lise dorénavant comme suit: ...qui a fait
l'objet d'un congédiement pour une cause juste et suffisante; d'amender
l'article 83 pour prévoir, dans des cas spécifiques, la
possibilité de donner, pendant la période de mise à pied,
un avis de mise à pied supérieur à six mois; d'amender
l'article 83 pour y ajouter qu'un employé qui a reçu un avis de
mise à pied supérieur à six mois, mais qui est
rappelé au travail pour une période déterminée
à l'intérieur de ces six mois n'ait pas droit à un
deuxième préavis quand il est à nouveau mis à pied.
Ensuite, biffer les termes "un an après la mise à pied"
apparaissant au paragraphe deuxième du premier alinéa de
l'article 83.1.1 et élargir cette disposition aux salariés
bénéficiant d'un droit de rappel, en vertu d'un décret,
d'un contrat individuel de travail ou d'une politique écrite de
l'employeur.
Un autre point sur lequel nous désirons intervenir est le
chapitre 5, le recours à rencontre d'un congédiement fait sans
une cause juste et suffisante. L'amendement principal proposé par le
législateur sur ces dispositions consiste en le fait de
référer dorénavant les plaintes de congédiement au
bureau du commissaire général du travail plutôt qu'à
un arbitre. L'AMC s'oppose à un tel amendement et propose que le bureau
du commissaire général du travail demeure un forum
consacré exclusivement aux rapports collectifs de travail. L'AMC
déplore également que le législateur n'ait pas saisi
l'occasion pour amender certaines autres dispositions régissant ce
recours, compte tenu de l'expérience vécue depuis près
d'une dizaine d'années. À cet effet, l'AMC souligne l'importance
de conférer un droit d'appel aux parties, mais de sanctionner les abus
de procédure.
Un autre point sur lequel nous désirons intervenir, les
dispositions diverses, l'indemnité de congé annuel. Ce que nous
recommandons, c'est de retirer la proposition voulant que l'indemnité de
congé annuel ne soit pas réduite du fait d'un congé
familial pris pendant l'année de référence. Nous ne sommes
pas d'accord avec cette position.
Les retenues sur le salaire, l'article 49. Ce que nous recommandons,
c'est de modifier l'article 49 de la loi afin de permettre à un
employeur d'effectuer une retenue sur le salaire lorsqu'il y a une
compensation, c'est-à-dire compensation au sens du Code civil, lorsque
le salarié est responsable d'une dette liquide exigible envers
l'employeur ou afin de corriger une erreur ayant occasionné un
surpaiement de
salaire.
Sur la présomption lors du congédiement d'un
salarié ayant bénéficié d'un congé
prévu à l'article 81.3, article 122.2, nous recommandons de
retirer cette proposition, puisque l'établissement de la
présomption est une question de fait, et qu'il est inapproprié
qu'elle fasse l'objet d'une détermination législative quant
à sa durée.
Sur le congé annuel de trois semaines, l'article 69, nous
suggérons de revoir l'opportunité d'abaisser de dix à cinq
ans le nombre d'années de service continu nécessaires pour qu'un
employé bénéficie d'un congé annuel de trois
semaines ou, à tout le moins, échelonner sur une plus longue
période la réduction de cette exigence.
En ce qui concerne la double indemnisation, ce que nous recommandons:
Prévoir que toute indemnité versée en vertu de la Loi sur
les normes du travail doive être réduite d'une indemnité
reçue en vertu d'une autre loi, telle la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles ou la Loi sur l'indemnisation des
victimes d'accidents d'automobile.
En conclusion, ce que nous vous transmettons, c'est que la Loi sur les
normes du travail est entrée en vigueur il y a maintenant près de
dix ans et l'AMC partage l'opinion du législateur à l'effet
qu'elle devrait être revue en profondeur et faire l'objet de divers
ajustements. Merci. Est-ce qu'il nous reste encore quelques secondes?
La Présidente (Mme Marois): Oui, certainement, il vous
reste encore cinq minutes.
M. Charland: II me ferait plaisir, à ce moment-ci, de vous
présenter notre vice-président et directeur
général, M. Richard Le Hir, qui vient de se joindre à
nous. Je ne sais pas s! Richard a des commentaires à ce moment-ci ou si
on va passer directement à la période des questions.
M. Le Hir (Richard): Je pense que ce serait
préférable de passer directement aux questions et, à
l'occasion, on fera les remarques appropriées.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. On vous remercie de
votre présentation. M. le ministre.
M. Bourbeau: Alors, il me fait plaisir de saluer les
représentants de l'Association des manufacturiers canadiens. Je
voudrais, en premier lieu, traiter de la question du refus de faire du temps
supplémentaire s'il n'y a pas un préavis. Dans l'avant-projet de
loi, on avance un préavis de douze heures. Vous nous dites qu'à
toutes fins pratiques ce ne serait pas applicable, il pourrait y avoir des
problèmes dans les industries, dans les compagnies, si on procède
de cette façon-là, des bris, des arrêts de chaîne de
montage, etc.
Pourtant, si on retourne la situation et qu'on la considère du
point de vue de la mère, parce que l'objectif que nous poursuivons est
de tenter de concilier les obligations qui découlent du statut de parent
avec le statut de travailleur, de plus en plus on constate qu'il y a un grand
nombre de femmes qui occupent des emplois et ces femmes-là, bien
sûr, si on veut que le Québec se reproduise et ait un taux de
natalité suffisant, vont vouloir avoir des enfants et donc, il faut
favoriser la natalité.
Alors, comment pouvez-vous... Enfin, si vous n'acceptez pas la
proposition que l'on fait, moi, je vous retourne la question: Quelle solution
alternative proposeriez-vous alors pour permettre à une femme qui a des
enfants de pouvoir s'occuper de ses enfants si on lui demande de faire du temps
supplémentaire à la dernière minute? Prenez, par exemple,
une femme qui a des enfants à la garderie et qui doit aller les chercher
à cinq heures de l'après-midi et qui n'a pas pris de dispositions
autres. Tout à coup, le patron s'amène à cinq heures moins
quinze et lui dit: Bon, il faut faire du temps supplémentaire. Alors,
là, vous avez l'intérêt de l'employeur, bien sûr, qui
est en cause et vous avez aussi les enfants qui sont là et qui attendent
leur mère. Ça m'apparaît un peu difficile d'obliger une
personne, une femme, à laisser ses enfants sur le trottoir, pour ainsi
dire. Alors, comment pourrait-on régler ce problème-là,
parce qu'on veut inciter, bien sûr, les femmes à avoir des
enfants, et ne pas brimer les intérêts de l'employeur dans un cas
comme ça? Est-ce que vous auriez des suggestions alternatives, si
celle-là ne vous convient pas?
Mme Marois: Évidemment, il pourrait s'agir de l'homme
aussi qui laisse ses enfants sur le trottoir à l'occasion.
Une voix: Oui, oui.
M. Bourbeau: Ah! oui, oui, bien sûr.
Mme Marois: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Je ne voulais pas compliquer davantage la
question.
Mme Marois: M. Ranger, je crois que vous vouliez intervenir?
M. Ranger (Jean-René): Merci, Mme la Présidente,
vous m'avez volé mon premier commentaire, puisque la loi ne fait pas de
distinction entre le père et la mère. D'abord, je vous souligne
qu'à notre mémoire, celui qui est en version allongée, au
paragraphe 3.2, sur les permissions d'absence de cinq jours-année, l'AMC
dit bien là-dedans qu'il est évidemment très
légitime, dans des cas où le parent n'a pas le choix, qu'on
puisse ou qu'on doive libérer cette
personne-là de son obligation d'effectuer par exemple, dans le
cas qui nous concerne, du temps supplémentaire. Je vous souligne
cependant, et c'est un peu ça le message qu'on veut passer, d'abord le
droit qui serait reconnu ou qui est mentionné à l'avant-projet de
loi et qui traite du père ou de la mère.
Deuxièmement, on parle d'une notion fort générale
d'obligation reliée à la garde, l'éducation ou à la
santé de son enfant mineur. Évidemment, cette
expression-là est fort large. Alors, est-ce qu'un salarié ou une
salariée pourrait me dire, à moi, l'employeur qui lui demande de
rester: Bien, là, j'ai des obligations reliées à la garde,
la santé et à l'éducation de mon enfant et je dois
quitter. Si, à tout le moins - et c'est ce qui est dit à la page
12 du mémoire allongé - on avait une notion d'urgence ou une
notion du fait que le salarié n'a pas le choix, à ce
moment-là, on restreindrait de façon beaucoup plus satisfaisante
ce droit et il serait certainement plus acceptable.
L'autre chose, c'est que, il est sûr qu'il y a des parents qui ont
des problèmes à concilier leurs obligations parentales et leur
travail et il est sûr qu'il faut y voir. Cependant, on doit quand
même reconnaître que, dans une bonne partie, sinon la
majorité des cas, les gens se débrouillent. Par exemple, le
professeur de notre enfant qu'on doit rencontrer, bien, à l'occasion et
même régulièrement, le prof peut être disponible
à cinq heures et quinze ou à cinq heures trente, si c'est une
journée pédagogique, à titre d'exemple. Le médecin:
il y a des médecins ou des dentistes qui rencontrent ou qui donnent des
rendez-vous à cinq heures trente ou à cinq heures quinze. Et ce
que nous craignons, c'est que l'instauration d'un droit aussi
catégorique, et pour lequel le législateur n'apporte aucune
nuance, sauf le préavis de douze heures et l'urgence pour les
équipements ou la santé-sécurité, mais qu'à
peu près aucune nuance fasse en sorte que les gens ne tentent plus de se
débrouiller. Et je ne vous dis pas qu'on... Il y a des cas,
effectivement, et on le reconnaît, où les gens auront à
partir à cinq heures, s'ils terminent à cinq heures, ou
après leurs heures normales, et ça, "fine", sauf qu'il y a
plusieurs autres cas où on peut se débrouiller. Maintenant, il
faut faire le poids de ça - qui est très important et on le
reconnaît - avec les contraintes de l'entreprise. Si on a quatre
employés qui font le même travail et qu'il y en a un qui doit
quitter puis qu'on en a besoin seulement de deux, on peut se
débrouiller. Mais si c'est mon "king pin", mon supermécanicien ou
ma supermécanicienne et là ça casse... Vous parlez
d'exceptions à l'équipement, mais s'il faut que ça sorte,
j'ai un délai de livraison, on peut peut-être s'organiser pour
rester quinze, vingt minutes de plus, ou si mon collègue qui prend le
chiffre de soir arrive avec une demi-heure de retard, je peux peut-être
attendre une demi-heure avant de partir. C'est un peu ça le message
qu'on passe. (16 h 30)
Si vous me permettez un dernier commentaire. On a trouvé assez
paradoxal le préavis de douze heures pour la raison suivante. D'une
part, il est vrai que très souvent le temps supplémentaire ne
peut être prévu la veille parce que, quand on parle de douze
heures, on ne parle pas de 4 heures du matin, donc on parle de la veille au
soir, d'une part. D'autre part, il nous apparaît paradoxal que le
législateur dit: Dès que je te donne un avis de douze heures, tu
n'as pas le choix, même si tu avais la meilleure raison du monde. On se
dit, est-ce que le législateur, en prévoyant ces exceptions,
s'est vraiment adressé au problème et a vraiment tenté de
temporiser les impératifs du patron versus les impératifs de la
famille ou de l'employé? Voilà.
M. Bourbeau: Je vais revenir encore une fois sur le sujet parce
que c'est important de tenter de préciser ça. Si je comprends
bien ce que vous me dites, vous n'auriez pas d'objection si, en cas d'urgence,
la situation se présentait. Mais prenons une femme, par exemple, je veux
bien concevoir que ça peut être un homme aussi, mais prenons comme
exemple une femme, une chef de famille monoparentale qui a deux enfants et,
à chaque jour, pour cette femme-là, à 17 heures, c'est une
urgence, dans ce cas-là. Parce que si elle doit aller chercher ses
enfants tous les (ours à la garderie, chaque jour est la même
chose. Donc, on ne peut pas dire que dans son cas, oui, on serait d'accord en
cas d'urgence. Chaque jour demande la présence de la mère. Dans
ce cas-là, si je comprends bien, vous ne seriez pas d'accord pour qu'on
introduise le mécanisme parce que vous direz que ce n'est pas un cas
d'urgence, c'est régulier. Mais il peut arriver et il arrive
effectivement, quand on est chef de famille monoparentale, qu'à tous les
jours on doive s'occuper de ses enfants.
Alors, moi, je vous repose la question. Est-ce que vous auriez une
alternative? Moi, j'en ai une, c'est dans le projet de loi, c'est douze heures.
C'est ça pour l'instant. Si vous me dites que ce n'est pas acceptable,
moi, je vous dis: qu'est-ce qui serait acceptable? Vous me dites qu'il faut
autre chose, mais je n'ai rien entendu de concret. J'aimerais entendre des
choses plus... Peut-être que vous n'êtes pas en mesure aujourd'hui
de nous le dire, mais j'aimerais, d'ici à ce qu'on dépose un
projet de loi définitif, si ce n'est pas acceptable, qu'on puisse nous
suggérer quelque chose d'acceptable. Je vois des mains qui se
lèvent.
M. Charland: II va y avoir deux commentaires qui vont se
faire...
La Présidente (Mme Marois): M. Charland, je pense que M.
Le Hir...
M. Charland: ...peut-être laisser la parole à M. Le
Hir en premier.
M. Le Hir: La chose qui pour nous est extrêmement
importante, c'est de préserver, pour nos manufacturiers, une certaine
flexibilité dans leurs opérations. Plus on demande d'introduire
des rigidités, plus on ajoute des coûts, moins nos entreprises
sont concurrentielles. Je suis très sensible au problème que vous
venez de décrire. Je sais que c'est une situation qui est vécue
dans un bon nombre d'entreprises. Je n'ai malheureusement pas de réponse
facile à vous offrir, ça dépend des circonstances. C'est
clair que, dans les grandes entreprises où il y a une bonne structure
d'organisation, c'est plus facile d'accommoder des situations comme
celles-là et, en général, sans même qu'il y ait de
règlements, on arrive à trouver des solutions.
Par contre, dans les plus petites entreprises, là où on
n'a pas cette flexibilité, c'est là que l'exigence que vous allez
imposer va se révéler la plus difficile à vivre et c'est
là qu'elle va avoir les conséquences les plus néfastes.
Une fois qu'on se trouvera devant une situation où effectivement, ce
qu'on fait, c'est de limiter la création d'emplois, je ne pense pas
qu'on aura non plus facilité la tâche ou l'intégration des
femmes qui veulent entrer sur le marché du travail.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Ranger.
M. Ranger: Mme la Présidente, merci. Vous parlez de
quelque chose de concret. En échange, vous me permettrez la suggestion
suivante. Plusieurs entreprises, syndiquées ou non, ont un
système par lequel tu peux d'avance annoncer tes couleurs quant au temps
supplémentaire. Le projet de loi parle de situations ponctuelles,
c'est-à-dire: Aujourd'hui, j'ai besoin de toi, ça presse. Je ne
peux pas. C'est comme ça qu'on l'a lu. Il n'est pas impensable de penser
à un système où les gens pourraient à l'avance,
pour une certaine période de temps, dire: Là, oublie-moi pour le
temps supplémentaire. Le patron, à ce moment-là, peut se
revirer de bord et prévoir. S'il arrive des occasions, il pourra
à ce moment-là voir venir ou avoir vu venir et trouver le ou les
remplaçants appropriés. Souvent, dans les entreprises, on dit aux
gens: Bon, pour les prochains trois mois, ou pour les prochains six mois, qui
ferait du temps supplémentaire si j'en ai besoin? Ou on pourrait faire
l'inverse: Qui ne veut pas en faire? À ce moment-là, on peut
s'organiser. Mais il y a la situation ponctuelle à laquelle on fait face
là-dedans: s'il faut que ça sorte à 17 heures et que ce
n'est pas sorti et si le salarié me laisse en plan, quelles que soient
les bonnes raisons, je suis mal pris aussi. Or, il peut peut-être y avoir
une piste de systématiser, si on veut, sur une période plus
longue plutôt que le caractère ponctuel qui semble être la
toile de fond des dispositions de l'avant-projet de loi.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M le ministre.
M. Bourbeau: II semble qu'en Ontario, un syndiqué peut
refuser de faire du temps supplémentaire après huit heures.
Comment vos membres vivent-ils cette situation-là en Ontario?
M. Le Hir: Là-dessus, M. le ministre, il faut bien
examiner la différence - c'est le mot en anglais - entre le "make-up" du
secteur manufacturier en Ontario et au Québec. Et il y a une beaucoup
plus forte proportion de grandes entreprises en Ontario que c'est le cas au
Québec, ce qui fait que c'est plus facile d'accommoder des exigences
comme celle-là. Au Québec, il faut réaliser que la
plupart, en fait le plus grand nombre des entreprises manufacturières
sont des PME et imposer - je reviens là-dessus - une telle
rigidité à ces entreprises-là, c'est les placer dans une
position extrêmement difficile.
M. Bourbeau: J'aimerais, si vous voulez, parler maintenant du
cumul des congés. Votre proposition de ne pas appliquer le droit
à des congés parentaux de courte durée, de cinq jours,
lorsqu'une convention collective prévoit une banque de congés,
est-ce que cette proposition-là ne risque pas de défavoriser les
parents syndiqués par rapport aux autres salariés? Par exemple,
une personne syndiquée qui n'a pas d'enfant peut prendre tous les
congés mobiles prévus dans sa convention collective pour son
propre plaisir tandis que ceux qui ont des enfants, eux, devraient prendre les
cinq congés pour des soins d'enfants, à même leur banque de
congés. Alors, est-ce que ça ne défavorise pas ces
derniers?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M Charland.
M. Charland: Sur le point qui nous est apporté, on
répond à la question d'obligations parentales et on regarde de
quelle façon ça peut être appliqué comme tel. Notre
opinion est dans le sens que ça peut être appliqué d'une
certaine façon, en parlant d'occasions. Maintenant, on n'a pas fait le
parallèle avec le fait qu'on accorde à un groupe
d'employés des avantages qu'on n'accorderait pas à un autre
groupe d'employés. Je sais que ça été
soulevé au cours de la journée par d'autres groupes qui nous ont
posé la question. Est-ce que ce n'est pas de marginaliser certains
groupes en essayant d'identifier des conditions particulières? Mais on
n'a pas répondu à cette question-là dans notre
mémoire comme tel.
M. Ranger: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Ranger: M. le ministre, pour répondre
spécifiquement à votre question. Le message qui était
véhiculé par ce paragraphe était de dire: S'il y a des
mesures équivalentes dans la convention collective, et, par
équivalentes, on entendait forcément des congés de nature
familiale et non pas des congés mobiles qui peuvent être
utilisés à d'autres fins... Alors, c'était pour
éviter qu'il y ait vraiment double emploi, mais pour des congés
non seulement équivalents en termes de durée, mais en termes de
nature aussi. Ce n'était peut-être pas exprimé clairement,
mais ça se voulait être le message.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Une dernière
question, M. le ministre?
M. Bourbeau: Oui. Écoutez, je ne pense pas que ça
ait fait l'objet de vos préoccupations majeures, mais j'aimerais vous
poser une question à l'égard du taux du salaire minimum. Les
intervenants qui vous ont précédés ont beaucoup fait
état de ça. Vous êtes la première partie patronale
qu'on a l'occasion de questionner. On nous a demandé de hausser le
salaire minimum assez rapidement. Entre autres, il a été question
d'indexer le salaire minimum, soit au coût de la vie ou encore à
un pourcentage du salaire industriel moyen. Ma collègue, la
députée d'Hochelaga, proposait de le faire -
Hochelaga-Maisonneuve, bien sûr - je crois que c'est à 45 % du
salaire industriel moyen. C'est bien ça? Oui. Qu'est-ce que vous pensez
de ces propositions-là?
M. Le Hir: Sur la question d'une indexation, M. le ministre,
c'est contraire, évidemment, à toute la philosophie qu'on
défend. On ne peut pas être en accord avec une mesure comme
celle-là qui a un caractère automatique alors que les conditions
que vivent nos entreprises n'ont rien d'automatique, laissez-moi vous dire.
C'est, encore une fois, une rigidité dont on paierait finalement
très cher le prix à moyen et à long terme.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Mme la
députée d'Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Ça me fait
plaisir de retrouver les porte-parole de l'Association des manufacturiers
canadiens, M. Le Hir, en particulier, avec lequel j'ai eu l'occasion
d'échanger des propos dans le passé et vous, messieurs.
Première remarque, et vous ne m'en voudrez certainement pas de vous
faire remarquer que vous êtes le premier groupe qui se présente
devant nous et qui n'avez aucune représentation féminine en votre
sein. La question me venait finalement: Quelle est la propor- tion de femmes
membres de l'exécutif de la section?
La Présidente (Mme Marois): M. Le Hir.
M. Le Hir: À notre conseil d'administration, je dois bien
admettre humblement que, pour l'instant, il n'y a pas encore de
représentation féminine. Il y a un certain nombre de femmes qui
siègent dans certains de nos comités, mais elles n'ont pas
manifesté l'intérêt elles-mêmes pour accéder
à notre conseil d'administration. D'autre part, les fonctions qu'elles
occupent dans les entreprises ne les prédisposent pas pour l'instant
à participer à notre conseil d'administration.
Mme Harel: C'est quand même une question
intéressante et c'est un sujet qui est brûlant d'actualité
puisque la question qui est posée dans tous les milieux, c'est: Est-ce
que c'est parce que les femmes manquent d'intérêt, parce que les
conditions qu'on leur fait ne sont pas satisfaisantes compte tenu de leurs
autres obligations? J'avais ici un sondage récent du Conference Board.
Selon ce sondage, et je vous cite textuellement ce qui en est dit: Le travail
et la famille ne font pas bon ménage. Près de 80 % des
travailleurs interrogés disent éprouver du stress et de
l'anxiété quand il s'agit de concilier les besoins reliés
au travail et les besoins de la famille. Les problèmes rencontrés
chez cette catégorie de travailleurs: une moins bonne performance, un
taux d'absentéisme plus élevé, des qualifications
inférieures.
Le sondage révèle également que les deux tiers des
travailleurs consultés ont ressenti de la difficulté à
équilibrer la fonction famille et la fonction travail; que 10 % des gens
auraient laissé leur emploi à cause de cette difficile
conciliation entre les deux tâches, que 17 % des personnes
interviewées avaient refusé des promotions et que 25 % avaient
refusé de déménager à cause de leurs obligations.
C'est donc là une réalité, celle des charges parentales,
qui peut même avoir un effet négatif finalement si l'entreprise,
plutôt que d'être sur la défensive, d'une certaine
façon, ne passe pas à l'offensive sur ces
questions-là.
Il y a trois dimensions de votre mémoire sur lesquelles
j'aimerais vous interroger: la première, c'est les heures d'affaires;
ensuite, les mises à pied, les licenciements et le préavis et,
finalement, les recours. La première sur la question du droit de refuser
de faire du temps supplémentaire. Vous avez dit, et je vous comprends
aussi: II faut s'ajuster au contexte, n'est-ce pas? Et, d'une certaine
façon, ça a comme soulevé la désapprobation
générale - la disposition de l'avant-projet de loi - pas
simplement de votre côté, mais du côté aussi des
organismes de défense parce que, finalement, ce sont des mesures
protectionnistes
qui, malgré leur caractère généreux, peuvent
avoir finalement un effet pervers étant donné qu'à
l'usage, ça peut se retourner contre les personnes.
Contrairement à la loi ontarienne et contrairement au nouveau
Code canadien qui s'applique au Québec pour les travailleurs qui sont
assujettis aux entreprises de juridiction fédérale, contrairement
aussi non seulement à l'Ontario, mais au Manitoba, à la
Saskatchewan, à l'Alberta, à la Colombie-Britannique où il
y a déjà une journée maximale, je ne parle pas de la
journée normale au-delà de laquelle on compte le temps
supplémentaire, on s'entend bien, je parle de la journée maximale
de huit heures. C'est-à-dire qu'il y a même une journée
normale... En Colombie-Britannique et dans les autres provinces de l'Ouest,
c'est la journée normale, mais en Ontario, c'est une journée
maximale, c'est-à-dire qu'au-delà de ces huit heures, on peut
refuser de faire du temps supplémentaire et c'est un droit qui est
offert à l'ensemble des salariés. Ce n'est donc pas une mesure
protectionniste en particulier. Il n'y a pas toutes ces difficultés
d'application avec les contrôles sur la vie familiale: est-ce bien votre
enfant? Ou est-ce l'enfant de votre conjointe? Est-ce que c'est votre conjointe
nouvellement acquise ou... Ha, ha, ha! Avec tous les problèmes que
ça peut poser dans notre société de familles
reconstituées, et donc, systématiser sur une période plus
longue parce que... Tantôt c'était intéressant, Me Ranger,
vous disiez que le travailleur pourrait dire: Oublie-moi pour un temps. Mais
comment lui donner le droit de dire: Oublie-moi pour un temps? Il faut donc lui
donner le droit de refuser de faire du temps supplémentaire. Et pourquoi
ne pas convenir de s'ajuster à ce qui se passe dans l'ensemble des
législations de nos voisins, et même ici, au Québec, d'une
journée maximale - on peut en discuter - au-delà de laquelle tout
le monde aurait le droit de refuser de faire du temps
supplémentaire?
M. Charland: Écoutez, au niveau du temps
supplémentaire, il nous est difficile de comparer sans avoir des
informations précises. Souvent, il y a des approches qui sont
différentes dans les diverses législations et le choix de
l'employé est souvent conditionné par un contexte qui est fort
différent. Au sujet de l'applicabilité au niveau du
Québec, je pense que notre point essentiel c'est: Est-ce qu'il y a
vraiment un besoin présentement d'établir des règlements
ou d'établir des prescriptions dans la loi sur ce sujet-là? Nous
autres, ce qu'on croit, c'est que présentement, étant
donné notre type d'entreprises ou étant donné que nous
avons une proportion fort importante de petites et de moyennes entreprises, il
n'est pas nécessaire d'établir des articles de loi qui vont
réglementer l'application du temps supplémentaire. (16 h 45)
Mme Harel: Je vais demander à Mme la Présidente de
vous transmettre un tableau qui a été préparé par
le centre de documentation de la Bibliothèque de l'Assemblée
nationale qui est, semble-t-il, à jour et qui indique tous les
tempéraments mêmes qu'il peut y avoir pour l'ensemble des
provinces et les notions de journée maximale, de semaine maximale, de
semaine normale. Alors, vous allez pouvoir avoir, comme nous, le tableau de ce
qui se fait chez nos voisins.
M. Le Hir: Juste une mise en garde...
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Le Hir.
M. Le Hir: ..par exemple sur cette question, madame. On ne peut
pas prendre des mesures à la carte et se faire un menu de ce qui nous
convient quand on ne tient pas compte de l'ensemble d'un système qui a
été établi. Il est possible qu'effectivement dans d'autres
provinces, dans d'autres juridictions, il y ait des avantages ou des
différences dans la législation et qu'on se dise en les
regardant. Ça pourrait être une bonne idée pour le
Québec. Mais on ne peut pas sortir une mesure de façon
isolée comme celle-là et en conclure que si c'est bon ailleurs,
ça peut être bon chez nous. Il faut regarder un contexte beaucoup
plus large que la seule mesure en question.
Mme Harel: Très bien. Alors, on va regarder, si vous
voulez, le contexte des mises à pied, des licenciements et des
préavis lors de la fermeture ou de la cessation d'une partie des
activités dans une entreprise. Donc, vous avez fait faloir de
façon très précise les modifications que vous vouliez
obtenir à l'égard du préavis. J'aimerais vous entendre sur
les dispositions qui ont été introduites dans la loi ontarienne,
depuis 1987, relatives aux licenciements collectifs ou individuels et qui font
finalement...? d'indemnités de cessation d'emploi indépendamment
du préavis, parce que, au Québec, évidemment
l'indemnité n'est versée que lorsqu'il y a défaut
d'envoyer le préavis, tandis que, maintenant en Ontario, il y a donc
cette indemnité lorsqu'on constate pour toute entreprise de plus de 50
employés ou une entreprise, je pense, qui a une masse salariale de plus
de 2 500 000 $... Alors, cette indemnité, elle est d'une semaine par
année de services jusqu'à l'équivalent de 26 semaines. Le
rapport d'adaptation de la main-d'?uvre qui avait été
commandé par le fédéral l'an dernier, le rapport de
Grand-pré soulignait avec beaucoup d'insistance la
nécessité de telles indemnités de départ. Et de
Grandpré justement recommandait cette semaine d'indemnité
par année de service continu et même une semaine et
demie pour les travailleurs de plus de 55 ans. Alors, je voulais savoir si vous
pensez, comme un certain nombre d'inter-
venants qui se présentent devant nous, que le fait que l'Ontario
ait une telle disposition et que le Québec ne l'ait pas peut amener,
dans des cas précis, à considérer que les coûts
étant à rabais au Québec, la fermeture étant
meilleur marché, qu'il vaut mieux fermer parfois? Je pense, entre
autres, à GE, sur la rue Faillon, qui va déménager sa
production, qui était pourtant très rentable et très
profitable, de son usine de Montréal à celle de l'Ontario
où la production cessait parce que tout était
transféré aux États-Unis et parce que d'avoir
licencié en Ontario aurait coûté infiniment plus cher que
de licencier au Québec. Ne pensez-vous pas qu'il faut aussi avoir une
position concurrentielle en matière de fermetures et que ça ne
coûte pas moins cher de licencier au Québec qu'en Ontario?
M. Le Hir: Sur le principe, je suis parfaitement d'accord avec
vous. Mais si on prenait le cas en particulier, on se rendrait compte qu'il est
pas mal plus complexe que la description que vous en faites et on se rendrait
compte également qu'il n'y a pas une seule entreprise parmi nos membres,
et même une manufacturière qui a du succès, qui
réussit, qui fait des profits, qui va prendre le risque de compromettre
sa position, ses profits avec une main-d'oeuvre qu'elle connaît pour
aller ailleurs, dans une situation comme celle que vous décrivez.
Mme Harel: À ce moment-là, vous considérez
que les entreprises que vous représentez n'ont pas de filiales
ailleurs.
M. Le Hir: Ah! Certainement qu'elles ont des filiales ailleurs.
Il s'agit autant d'entreprises québécoises qui ont des filiales
ailleurs que d'entreprises américaines ou canadiennes qui ont des
filiales au Québec. Mais, pour nous, ce qui est important, c'est de
réaliser qu'une entreprise qui réussit quelque part n'a aucun
intérêt à s'en aller. Donc, le scénario que vous
venez de décrire ne correspond pas à la réalité.
Ça ne...
Mme Harel: Holà! M. Le Hir. Écoutez, on mange
encore des petits biscuits David, des petits "whippets".
M. Le Hir: Oui.
Mme Harel: II y avait beaucoup d'intérêt à
continuer d'en faire. Ils se font toujours, mais ils ne se font plus sur la rue
Hochelaga; ils se font maintenant en Ontario.
M. Le Hir: Parce que les équipements étaient
vétustés.
Mme Harel: Et les équipements étaient
extrêmement modernes. La SDI venait d'investir une subvention de
plusieurs millions de dollars et on a simplement déménagé
l'équipement en ontario. si vous voulez des exemples, malheureusement
trop nombreux dans la circonscription que je représente, je peux vous en
fournir plusieurs.
M. Le Hir: Mais on ne peut pas prendre un seul facteur
isolément.
Mme Harel: Y compris Catelli, y compris ce qui se passe
actuellement dans cette entreprise qui va fermer et qui va mettre à
pied, semble-t-il, près de 400 employés. Enfin! Je veux
simplement, là-dessus, vous dire que ce ne sont pas que des
considérations, ce n'est pas que... Pensez à GE, qui va fermer,
sur la rue Faillon, et qui faisait pourtant des profits très
intéressants.
M. Le Hir: II y a d'autres raisons qui entrent en ligne de compte
systématiquement dans chaque cas.
Mme Harel: Voilà! Et ces raisons peuvent être des
raisons de restructuration industrielle, mais, dans la balance, on y met aussi
parfois les indemnités qu'on doit ou non verser.
M. Le Hir: L'expérience qu'on a chez nous, c'est que, plus
souvent qu'autrement, il s'agit d'autres problèmes, en particulier, par
exemple, la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée lorsqu'on
fait de nouveaux investissements, qu'on a de nouveaux équipements et
qu'on se rend compte que la main-d'oeuvre qu'on avait n'est plus
adaptée. C'est un facteur qui pèse lourd, c'est un secteur dans
lequel on devrait intervenir d'une façon beaucoup plus ordonnée
qu'on ne le fait à l'heure actuelle et, pour notre part, c'est
certainement un sujet qui devrait recevoir plus d'attention à l'heure
actuelle que celui qui est devant nous.
Mme Harel: II y a également la question des recours. Je ne
sais pas si vous avez pu prendre connaissance d'une étude
réalisée par la Commission des normes du travail, qui est assez
récente, août 1988, et qui s'intitule "L'arbitrage, un recours
luxueux", qui fait la démonstration qu'il faut avoir les moyens de se
payer le recours à l'arbitrage actuellement parce que,
évidemment, il en coûte en moyenne près de 1000 $ pour
l'arbitre et un peu plus de 3000 $ pour son avocat; c'est à peu
près 4000 $, le coût moyen. Vous recommandez, je pense, qu'on
maintienne l'arbitrage et que, contrairement a la disposition qui est dans
l'avant-projet, finalement, ces dossiers ne soient pas transférés
au commissaire du travail par la Commission. Est-ce que vous êtes en
faveur du paiement de l'arbitre par la Commission des normes ou pensez-vous que
le système actuel est suffisant?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Ranger.
M. Ranger: Mme Harel, dans un premier temps, l'AMC s'oppose
à ce que la juridiction soit transférée au commissaire du
travail. Comme nous le disons dans notre mémoire, le Commissariat du
travail est un bureau qui est principalement axé sur les rapports
collectifs de travail et, si à l'époque, on lui a confié
les congédiements illégaux de la Loi sur les normes, c'est parce
que ces congédiements illégaux avaient le même
régime juridique de présomption que le congédiement pour
activités syndicales, d'une part. D'autre part, j'en sais quelque chose,
les commissaires du travail en ont déjà jusque-là et,
à mon sens, ce serait malvenu de leur envoyer cette autre
juridiction.
Finalement, on sait que le projet de loi qui fera peut-être
disparaître le Commissariat du travail - bien, c'est-à-dire, ce
qui est encore sur les tablettes, c'est la création de la commission -
fera peut-être en sorte qu'il n'y aura plus de commissaire du travail.
Maintenant, ce que l'AMC dit aussi, pour répondre spécifiquement
à votre question, c'est ceci. Si le législateur veut que le
salarié n'ait pas à débourser lui-même les frais
d'arbitre, à ce moment-là - ce n'est pas dit textuellement comme
ça - étatisons les frais d'arbitrage. Au fédéral,
le gouvernement paie les frais d'arbitrage pour les deux parties. Alors, donc,
étatisons - et c'est dit à la page 21 du mémoire - ou bien
ramenons sur le plancher un projet qui, semble-t-il, à ce qu'on m'a dit,
se promène encore dans les couloirs de l'Assemblée nationale, la
création d'une chambre du travail, où on y amènerait,
entre autres, la question des congédiements injustes, qui donnerait un
meilleur accès à la justice aux salariés et qui
réglerait, nous le pensons, le problème que vous avez
soulevé et pour lequel, comme vous le voyez dans le mémoire, nous
sommes fort conscients et préoccupés.
Mme Harel: Je vous remercie pour ces précisions. Je pense
que ça clarifie votre position.
La Présidente (Mme Marois): Ça va, Mme la
députée?
Mme Harel: Oui.
La Présidente (Mme Marois): Merci Oui, voulez-vous ajouter
une intervention? Non? Oui, monsieur...
M. Legault (Fernand): Moi, je voudrais revenir deux secondes sur
un propos qu'a tenu Mme Harel, lors d'une présentation
précédente. Je voudrais bien que M. le ministre retienne
ça lorsqu'on parie du salaire minimum. Vous avez dit qu'on devait garder
le salaire minimum comparable à notre entourage. Bien, dans notre
entreprise, nous, la concurrence va jusqu'en Louisianne puis en Floride, au Sud
de la Floride.
Alors, ce n'est pas tout simplement l'Ontario et les alentours qu'on
doit prendre en considération.
Mme Harel: II y a...
La Présidente (Mme Marois): Allez.
Mme Harel: C'est intéressant. Il y a une étude, la
semaine dernière, je pense, M. Legault, qui a été
réalisée par un service du ministère du Travail - c'est
ça? - par le ministère du Travail, pas de la Main-d'oeuvre, et
qui tente de comparer, mais vraiment, toutes les conditions de travail, de
rémunération des travailleurs québécois et de ceux
des États-Unis pour essayer d'illustrer quelles sont les ressemblances
ou les différences, et qui conclut au fait que, finalement, le pouvoir
d'achat est le même et, finalement, que ça aurait relativement peu
de différence.
Mais il y a peut-être une question qui est importante. C'est celle
du salaire minimum. Vous, vous offrez plus que le salaire minimum dans votre
entreprise, M. Legault, n'est-ce pas?
M. Legault: C'est ça.
Mme Harel: Parce que les travailleurs du salaire minimum, en
fait, ce sont des femmes à 75 %, puis c'est dans les services à
80 %. Ce sont, finalement, des gens qui travaillent sur le territoire pour
d'autres gens qui travaillent pour des entreprises en concurrence, mais, pour
la plupart, ce ne sont pas des employés qui sont dans des services
concurrentiels. La question c'est, évidemment, comment
dépolitiser le salaire minimum. C'a toujours l'air d'être un
cadeau, ça, l'indexation, puis c'est toujours sujet à bien des
pressions favorables ou défavorables.
Comment le dépolitiser? Nous, ce qu'on dit, il est à 40 %
du salaire industriel moyen, on dit au ministre: Ajustez-le de façon
permanente au salaire industriel moyen. Et on propose qu'il soit ajusté
à 45 % du salaire industriel moyen. Puis là, il va suivre le
salaire industriel moyen. Si ça va moins bien, la progression ne sera
pas la même. Si ça va bien pour l'ensemble de la
société, tout le monde va progresser. C'est ça qu'on
dit
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Le Hir.
M. Le Hir: Une dernière chose, Mme la Présidente,
c'est qu'il faut faire bien attention. On est bien conscients qu'un bon nombre
des problèmes qu'on essaie de traiter par la législation qui est
proposée ne sont pas des problèmes qu'on rencontre
nécessairement dans le secteur manufacturier, que bien plus souvent il
s'agit de problèmes qu'on rencontre dans l'industrie des services. Le
triste de la chose, finalement, c'est qu'à l'occasion d'une
législation comme celle-là,
pour régler des problèmes dans le secteur de l'industrie
des services, on se trouve à créer des rigidités dans le
secteur manufacturier qui vont causer ou qui risquent de causer des
problèmes opérationnels sérieux, en particulier à
nos PME manufacturières qui, elles, ont à vivre une
réalité particulièrement difficile, non seulement à
cause de la conjoncture économique, mais à cause du fait qu'elles
cherchent à percer sur des marchés nouveaux pour elles, comme les
États-Unis, et qu'en plus tout le secteur manufacturier va devoir faire
face, au cours des années qui viennent, à une restructuration
industrielle majeure. (17 heures)
La Présidente (Mme Marois): Ça va? M. le
ministre?
Mme Harel: Merci pour votre contribution.
La Présidente (Mme Marois): Merci pour votre contribution
aux travaux de la commission.
J'inviterais maintenant les personnes représentant la Centrale de
l'enseignement du Québec à bien vouloir venir prendre place.
Je souhaite la bienvenue aux personnes qui représentent la
Centrale de l'enseignement du Québec. Je demanderais au porte-parole de
se présenter et de présenter les personnes qui l'accompagnent.
Ensuite, vous présenterez votre mémoire en une vingtaine de
minutes. D'accord? Bienvenue à la commission.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Johnston (Raymond): mme la présidente, m. le ministre,
mesdames et messieurs les membres de la commission, je voudrais d'abord vous
présenter les gens qui m'accompagnent: jean-marcel lapierre, avocat
salarié à l'emploi de la centrale; réal caron,
employé salarié à la centrale, qui s'occupe de divers
dossiers; et moi-même, raymond johnston, vice-président de la ceq.
Je vous rappelle que la Centrale représente environ 130 000
personnes au Québec. Elle est particulièrement implantée
dans l'éducation, elle commence à l'être dans le secteur de
la santé et des services sociaux et elle l'est aussi dans les services
de garde, les loisirs, les communications.
Je veux également vous dire que l'intérêt qu'on
porte à ce dossier repose sur au moins quelques facteurs. Le premier,
c'est que, comme bien des groupes au Québec, on représente des
gens dont un certain nombre de conditions de travail sont quand même
définies par les normes du travail, même si les gens sont
régis par des conventions collectives, particulièrement les
personnels à statut précaire, et on pourra revenir
là-dessus. Deuxième question d'intérêt, il nous
semble que la façon dont on traite les travailleuses et les travailleurs
assujettis à la Loi sur les normes a une répercussion assez
générale sur les conditions dans lesquelles s'inscrivent les
luttes syndicales au Québec. Troisième facteur
d'intérêt, qui n'est pas négligeable, la majeure partie de
nos membres travaillent dans le secteur de l'éducation et ils sont
confrontés quotidiennement à des situations qui sont liées
aux conditions de vie des familles, des enfants.
Incidemment, je voudrais ouvrir ma présentation en vous disant
que, récemment, en faisant préparer un dossier sur la question de
l'appauvrissement au Québec, un économiste, chez nous, a mis la
main sur une donnée qui n'est pas inintéressante, mais qui est
assez décevante. Dans l'ensemble des familles québécoises
de type biparental, il y a 6,4 % des familles dont les deux conjoints
travaillent à temps plein et qui vivent des conditions situées
globalement en bas du salaire minimum telles que décrites par Satistique
Canada.
Une voix: Sous le seuil de la pauvreté.
M. Johnston: Du seuil de la pauvreté, je m'excuse. Donc,
6,4 % des familles dont les deux conjoints travaillent à temps plein,
pas à temps partiel. Il y a quelque chose d'inquiétant
là-dedans. Je vais essayer de faire un survol rapide, parce que vous
comprendrez qu'en 20 minutes je n'aurai pas le temps de parcourir l'ensemble du
mémoire.
D'abord, vous signaler que nous souhaiterions que, dans la poursuite de
l'étude de l'avant-projet de loi, on sorte de l'approche un peu
minimaliste des normes, qu'on élargisse la portée des normes et
qu'on tente de les raffermir. Deuxièmement, vous signaler aussi qu'on
pense qu'il est temps de tenir compte d'un certain nombre de conditions en
développement de façon plus significative qu'on le fait dans
l'avant-projet de loi, par exemple, la participation des femmes au
marché du travail, qui est de plus en plus importante, l'obligation
d'arriver à concilier les responsabilités parentales et les
responsabilités liées à une participation au marché
du travail, ce qui est une donnée importante qui fait partie des
intentions décrites par le ministre, mais pour lesquelles, croyons-nous,
les mesures sont insuffisantes.
Deuxième facteur relativement lourd, c'est le courant important
de précarisation de l'emploi au Québec. Nous croyons qu'il faut,
de façon absolue, prendre des mesures qui vont faire en sorte que
l'emploi précaire ne se développera pas sous le seul
prétexte que c'est plus rentable pour l'entreprise. C'est la seule
façon de contrer un peu le développement de la
précarité de l'emploi. Nous pensons aborder succinctement les
grandes questions qui sont traitées de façon plus approfondie
dans notre mémoire.
Nous abordons d'abord les questions de discrimination. Nous attirons
votre attention sur le fait qu'il serait peut-être temps d'éviter
que des débats sur l'orientation sexuelle viennent
teinter la législation. Il y a une définition de conjoint
dans la loi, qui est restrictive. Même si les gens n'ont pas tous la
même approche de cette question, nous pensons qu'il est temps de
reconnaître que, dans une législation, il peut y avoir des
conjoints de même sexe. Ça demande peut-être plus de courage
politique pour le faire dans le contexte actuel. Il y a peut-être
d'autres moyens de le faire, mais il faut mettre fin à la discrimination
sous cet angle-là.
Il faut développer des mesures aussi pour mettre fin au
harcèlement sexuel, obliger les employeurs à assumer la
responsabilité d'un milieu de travail exempt de harcèlement
sexuel, obliger aussi les employeurs à adopter des politiques, des
déclarations, à les publier, un peu comme on retrouve dans le
Code canadien. Il est probablement temps aussi de tenir compte du fait qu'il y
a un bon nombre de démissions qui surviennent en contexte de
harcèlement sexuel, qui devraient être assimilées à
des congédiements.
Nous pensons aussi qu'il est temps de développer, ou dans cette
loi ou par une autre loi, des mesures qui visent à contrer la
discrimination salariale à l'endroit des femmes. La mesure que nous
mettons de l'avant est une législation proactive à rencontre de
la discrimination systémique dont les femmes sont l'objet. Mais je pense
qu'il y a quelque chose là qui doit nécessiter une intervention
de l'État.
De la même façon, nous croyons qu'il faut, comme
d'ailleurs, je crois, le Comité jeunesse du Parti libéral le
demande avec insistance depuis quelques années, il faut mettre fin
à la pratique des régimes différenciés selon la
date d'entrée au travail. Il faut donc mettre fin à la
discrimination salariale à l'égard des jeunes.
Pensons aussi qu'il faut s'attaquer à certaines exclusions de la
loi, notamment celles qui concernent les travailleuses et travailleurs
agricoles. Il faut aussi, à notre point de vue, non seulement
prévoir dans cette loi, mais il faut aussi revoir la loi sur la
sécurité du revenu pour faire disparaître les exclusions
quant à l'application de la Loi sur les normes aux personnes qui
travaillent effectivement, soit dans des stages en milieu de travail, soit dans
des travaux communautaires, du seul fait qu'elles ont le statut
d'assisté social ou d'assistés sociaux.
Nous pensons aussi qu'il faut trouver le moyen de rendre la Commission
des normes un peu plus représentative des milieux
intéressés. Nous pensons aussi qu'il faut agir sur les conditions
économiques des travailleuses et travailleurs assujettis à la loi
des normes.
Donc, il faut envisager un relèvement important du salaire
minimum. Nous sommes d'avis qu'il faudrait fixer l'objectif à environ 55
% de la rémunération hebdomadaire moyenne, mais nous proposons
que ce relèvement se fasse progressivement, mais que d'ores et
déjà il y ait une formule d'ajustement automatique selon
révolution de la rémunération hebdomadaire moyenne.
(17 h 15)
Au plan de la conciliation des responsabilités parentales et de
l'implication sur le marché du travail, nous proposons substantiellement
d'aller vers une généralisation progressive du régime de
droits parentaux qui a été négocié dans les
secteurs public et parapublic, en pensant d'abord à améliorer les
conditions applicables aux personnes à qui ces mesures pourraient
s'appliquer et en allant ensuite vers une intégration complète
des dispositions relatives à l'assurance-chômage avec les
dispositions qui pourraient être prévues par cette loi. Et nous
mettons de l'avant l'idée que ce régime-là devrait
être financé par des contributions patronales à une caisse
unique gérée provincialement.
Sur la durée du travail et le temps supplémentaire, la
position que nous mettons de l'avant peut tenir en gros dans les trois phrases
suivantes: une semaine normale maximale, au point de départ, de 40
heures, avec des journées de travail maximales de huit heures avec
possibilité d'étalement de modulations selon les cas, parce qu'il
y a des gens qui réussissent à se négocier des semaines de
quatre jours en augmentant le nombre d'heures par jour. Donc, une semaine
maximale de 40 heures avec l'inscription de la recherche progressive d'une
semaine de travail de 35 heures, en considérant que le temps
supplémentaire, au sens de la loi, devrait être
comptabilisé et monnayé à compter du moment où le
ou la salariée dépasse ou la journée normale ou la semaine
normale de travail. Et sa semaine normale c'est la semaine qui est applicable
dans l'industrie ou dans rétablissement, ce n'est pas
nécessairement celle qui est prévue comme maximale dans la loi.
Je veux ajouter là-dessus que c'est important de faire la distinction
entre la semaine normale dans rétablissement et la semaine maximale
prévue dans la loi parce que, pour les fins d'établissement du
statut et des bénéfices des gens qui travaillent à temps
partiel, si on ne fait pas cette différence, à chaque fois qu'il
y a des gens qui sont engagés sous un régime un peu atypique, ils
se trouvent automatiquement défavorisés dans le calcul de leur
traitement et de leurs bénéfices, si on se réfère
toujours au maximum qui est prévu par la loi et non pas au régime
normal prévu dans l'entreprise.
Pensons aussi qu'il faut resserrer les dispositions concernant les
congés fériés. Les dispositions actuelles sont des
dispositions qui permettent à peu près à tout le monde de
les contourner. Et, même dans nos secteurs, c'est contourné. Il
faut s'assurer que les congés fériés qui sont
prévus dans la loi des normes sont applicables à tout le monde,
mais qu'il peut y avoir une possibilité de changer des jours dans une
entente négociée et que le minimum qui est prévu dans la
loi est applicable de façon gêné-
rale.
Sur les vacances, la proposition que nous mettons de l'avant, c'est le
droit à quatre semaines de vacances, dont au moins deux
consécutives. Nous voulons attirer aussi votre attention sur deux
questions qui, jusqu'à ce jour, n'ont probablement pas été
vraiment traitées devant vous: l'utilisation de plus en plus importante
du polygraphe et toute la question des tests de dépistage dos sidatiques
ou sidéens et les tests de dépistage des gens qui utiliseraient
ou qui seraient présumés utiliser des drogues. Il y a des
pratiques de plus en plus importantes dans différents milieux de
travail, autour de ces questions, qui conduisent à la discrimination,
à la marginalisation de ces personnes-là. Nous croyons que la loi
devrait intervenir dans ce contexte pour interdire l'utilisation de ces
instruments qui conduisent, comme je le disais tantôt, à la
discrimination.
Nous mettons aussi de l'avant l'idée que sous l'empire de la loi
des normes il devrait y avoir, minimalement, un droit à un congé
de maladie. Ce n'est pas le Pérou, ce qu'on propose, mais ce serait
diablement mieux que ce qui existe, puisqu'il n'y a rien.
Je disais tantôt, en introduction, que nous pensons qu'il est
important d'adopter des dispositions qui permettent de contrer la
précarisation de l'emploi. À cet égard, nous croyons que
les propositions que nous avons faites concernant la semaine de travail de
même que les propositions que nous faisons sur l'application des
avantages sociaux réduiraient l'avantage pour l'employeur de recourir
à ces statuts d'emplois atypiques et, donc, pourraient renforcer le
courant vers la création d'emplois à temps plein
régulier.
Sur les recours, substantiellement, nous proposons une augmentation de
la qualité des recours de même qu'une augmentation aussi des
moyens pour assumer ces recours. On pourrait y revenir dans le détail,
mais, vu que le temps passe, je voudrais aller un peu plus loin. Il est aussi
important d'asseoir dans la loi une obligation de diffusion de l'information
sur cette législation, entre autres, et sur les autres
législations qui s'appliquent à l'ensemble des travailleuses et
travailleurs au Québec. Il est important aussi d'asseoir un pouvoir
d'enquête qui ne soit pas un pouvoir d'enquête, à toutes
fins pratiques, presque inutile. Mettons donc de l'avant la piste qu'il devrait
y avoir de l'enquête préventive, qu'on devrait aussi revenir
à la formule qui a déjà été appliquée
à savoir que, quand il y a une plainte pour un employeur sur une
question donnée, on fouille l'ensemble du dossier de l'employeur sous
cet angle-là. Nous croyons aussi qu'il faut mettre de l'avant, dans la
législation, la mise en place de mécanismes dans les
établissements qui permettent aux travailleuses et aux travailleurs
d'assurer eux-mêmes, elles-mêmes, avec la protection de la loi, la
surveillance des normes dans leur milieu respectif.
Finalement, je voudrais vous signaler que nous ne prétendons pas
avoir tout couvert par ce mémoire. Il y a des zones qu'on aurait
avantage à examiner de façon plus attentive, notamment concernant
les délais de licenciement. Il faudrait aussi examiner la question des
licenciements collectifs. J'en parlais, avec le député de
Trois-Rivières tantôt, de Northern qui vient de fermer encore au
Cap-de-la-Madeleine; 120 emplois disparaissent parce qu'un employeur
décide que, se conformer aux règlements sur l'environnement,
c'est incompatible avec le maintien des emplois. Il va donc falloir
s'arrêter sur la question des licenciements et des licenciements
collectifs de façon plus importante. Mais on a entendu dire qu'il s'en
venait probablement une révision de la Loi sur la qualification
professionnelle qui comprend un certain nombre de dispositions sur les
licenciements collectifs, alors on pourrait peut-être, à cette
occasion-là, regarder ce dossier.
Le dernier point que je me sens obligé de vous rappeler, c'est
que tout ça ne doit pas nous exempter de relancer le débat sur
les moyens qui pourraient faciliter un accès plus égal, plus
généralisé à la syndicalisation au Québec,
parce que nous sommes convaincus que, finalement, les améliorations les
plus significatives que les travailleuses et les travailleurs pourraient avoir
et celles qui seraient les plus durables seraient éventuellement celles
qui pourraient être négociées dans un rapport collectif de
travail.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Johnston.
J'inviterais maintenant le ministre à échanger avec vous. M. le
ministre.
M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Alors, vous traitez
abondamment, là, dans votre mémoire des problèmes de
harcèlement sexuel, de discrimination, etc. Vous suggérez qu'on
inscrive dans la loi des articles qui protégeraient d'une façon
additionnelle contre le harcèlement sexuel. Mais pourquoi, étant
donné que la Charte des droits les protège déjà,
trouvez-vous essentiel qu'on reprenne ça dans la loi? Est-ce qu'on ne
peut pas considérer que la Charte des droits protège suffisamment
les individus contre le harcèlement sexuel et la discrimination?
M. Johnston: Sur cette question, M. le ministre, laisser toute
cette question entre les mains des personnes qui peuvent être
éventuellement visées par le harcèlement face à un
seul recours, c'est-à-dire le recours à la Commission des droits
de la personne et, le cas échant, quand la loi 140 sera vraiment en
application, au tribunal des droits humains, ça peut peut-être
permettre de régler des cas à la pièce. Mais nous sommes
convaincus que la question du harcèlement sexuel au Québec, comme
dans l'ensemble de la société occidentale, c'est un
problème de
société qui mérite qu'on s'y attarde et qu'on
prenne des mesures à portée collective. Il faut que la protection
contre le harcèlement sexuel soit assurée dans tous les milieux
de travail. Et ce n'est pas parce qu'une personne l'aurait subi que, par le
seul fait de loger une plainte, de peut-être avoir une indemnité,
on va régler le problème. Il faut être capable de prendre
le problème de façon globale et d'imposer un certain nombre de
règles, comme le législateur fédéral l'a fait avec
le Code canadien, qui créent des obligations à l'employeur et qui
évitent de placer les personnes en situation de harcèlement parce
que ces mesures-là ont un effet préventif.
M. Bourbeau: Je voudrais changer de sujet. Vous proposez
d'accorder au père et à la mère le droit à une
réserve annuelle de cinq jours rémunérés par la
caisse, que vous suggérez d'établir, pour des
responsabilités parentales, ce congé pouvant être
fractionné en journée ou en demi-journée. La question que
je vous pose est la suivante: Relativement au congé ponctuel pour
responsabilités parentales, selon l'expression que vous employez,
pourriez-vous nous expliquer comment fonctionnerait le partage des coûts
entre l'employeur et la caisse que vous proposez?
La Présidente (Mme Marois): Si vous souhaitez que M. Caron
intervienne, il peut le faire.
M. Johnston: Nous, on croit qu'il faut assurer un régime
qui garantisse l'essentiel. C'est vrai qu'il y a des coûts importants
autour d'une mesure comme celle-là. Si, pour l'instant, c'est
inaccessible, l'option que nous mettons de l'avant, c'est de permettre aux gens
qui seraient couverts par la loi des normes de pouvoir faire à peu
près la même chose que les travailleuses et travailleurs du
secteur public qui n'ont pas pu négocier les cinq jours payés par
leur employeur, c'est-à-dire l'utilisation de leur caisse de
congés de maladie. S'il y avait au moins le moyen de partir de
ça... Mais, ultimement, nous pensons que, dans un régime complet
et intégré, il faudrait que ce soit vraiment assumé par la
caisse québécoise dont on parlait tantôt, ce qui
permettrait l'accès à tout le monde à ce
bénéfice. En termes de financement, l'approche que nous avons,
c'est-à-dire qu'actuellement le peu qui existe, c'est
l'assurance-chômage. C'est financé par 'es contributions de
l'employeur, les contributions des salariés. (17 h 30)
L'approche que nous mettons de l'avant, c'est que la nouvelle caisse
pour les bénéfices complémentaires devrait être
alimentée par les contributions de l'employeur, mais, au moment
où on serait capable de faire l'intégration, nous n'avons aucune
objection à ce que le niveau de contribution actuelle des
salariés à la Loi sur l'assurance-chômage pour les fins de
ces bénéfi- ces-là soit maintenu. Je ne sais pas si
ça répond à votre question.
M. Bourbeau: Oui, oui, mais... Ça va. Vos propos sont
enregistrés. On les relira à tête reposée et, si
ça n'apparaît pas très clair, on communiquera avec
vous.
Une dernière question relative aux emplois à temps
partiel. Selon vous, comment devrait être calculée
l'indemnité ou la compensation financière pour la
non-participation des personnes à temps partiel a un régime
contributif d'assurance collective? Selon vous, les travailleurs à plein
temps seraient-ils prêts à absorber une augmentation de primes
d'assurance pour intégrer à leur régime les personnes
à temps partiel?
M. Johnston: Écoutez, on a déjà fait des
batailles chez nous pour faire en sorte que les gens qui étaient
à temps partiel aient le droit de contribuer à leur régime
de retraite, puis on a assumé une partie des coûts. Je crois qu'on
pourrait faire des analogies. Dans l'expérience d'un régime
d'assurance collective, le poids des travailleurs à temps partiel, en
tout cas au niveau de l'expérience, ne risquerait pas d'être
très différent du poids, en termes de risque, des employés
réguliers. Mais, ceci dit, je ne suis pas en mesure de vous quantifier
un pourcentage de la masse salariale qui devrait être versé en
termes d'indemnité.
Ce que nous disons, c'est que, chaque fois où c'est impossible
d'appliquer le même bénéfice, ça prend une
indemnité qui correspond aux coûts qui auraient normalement
été assumés si les personnes avaient participé.
La Présidente (Mme Marois): Ça va, M le
ministre?
M. Bourbeau: Oui.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de
saluer M. Johnston et MM. Caron et Lapierre. Votre mémoire est
intéressant et il introduit des aspects qui n'ont pas été
examinés de toute la journée, notamment en regard de la
discrimination et des recours à introduire pour permettre l'exercice des
droits. Le ministre vous a interrogés sur la pertinence d'introduire,
dans une législation du travail comme la loi sur les normes, les motifs
de discrimination interdits par la charte en vous disant: Pourquoi est-ce que
ce ne serait pas redondant? Je pense qu'il faudrait peut-être avoir en
mémoire le cas récent de l'employée féminine de la
GM qui a dû recourir aux tribunaux supérieurs, avec les
coûts afférents.
Évidemment, on peut espérer que le Tribu-
nal des droits de la personne vienne le plus rapidement possible
permettre d'entendre ce genre de cause, mais il n'en reste pas moins que, dans
la mesure où, comme vous le suggérez, les motifs de
discrimination interdits, y compris ce que vous proposez en matière de
harcèlement sexuel, seraient introduits dans une loi sur les normes, les
pouvoirs du commissaire du travail, qui sont considérables et qui
permettent de réinstaller la personne à l'emploi - en fait, ce
sont des pouvoirs dont on est en train de me faire la liste à l'instant
- mais ces pouvoirs... Est-ce qu'on peut me la passer parce que j'aimerais...
Enfin, de toute façon, ils permettraient certainement de solutionner
beaucoup plus rapidement que ne peut le faire la Commission qui va simplement
faire enquête, qui peut conclure à une discrimination ou à
un harcèlement, mais qui doit se référer à des
tribunaux, jusqu'à maintenant en tout cas, faire homologuer par un
tribunal supérieur ou s'y référer pour que la personne
trouve finalement justice.
Dans la recommandation que vous faites, il y a certainement
intérêt à examiner la possibilité d'introduire ces
motifs de discrimination interdits et l'interdiction du harcèlement
sexuel dans les lois sur les normes. De toute façon, de plus en plus de
conventions collectives ont de telles dispositions et les arbitres, de plus en
plus, sont amenés à devoir, je pense, examiner ce genre de
règle.
J'aimerais vous entendre sur l'équité salariale. Le
ministre ne vous a pas interrogé, je pense, sur cette question.
M. Bourbeau: Je vous ai laissé ce soin.
Mme Harel: Vous m'avez laissé ce soin? Alors, vous nous
rappelez l'expérience de l'Ontario qui a une législation qui
oblige les employeurs à démontrer que leur structure salariale
n'est pas discriminatoire. J'aimerais savoir ce que vous entendez par la
législation proactive assurant l'équité salariale pour les
travailleuses québécoises. Vous en faites une recommandation,
mais qu'est-ce que c'est que vous avez en tête comme législation
proactive?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Johnston.
M. Johnston: II existe quelques modèles. Quand on se
réfère à la législation ontarienne, on a un
modèle là. Il y a un autre modèle qui a été
développé, je crois, au Manitoba, à une certaine
époque où on a imposé l'obligation de même
prévoir un pourcentage de la masse salariale pour rétablir
l'équité salariale entre les hommes et les femmes, 1 % par
année, je crois. Nous soumettons qu'il y a lieu à une
intervention pour réglementer ce dossier-là, pour le faire
progresser rapidement. Est-ce que c'est à l'intérieur de la loi
des normes qu'on devrait le faire ou si on ne peut pas le faire par une
législation à part? Je laisse ça à l'examen de la
part de la commission. Mais nous croyons qu'il commence à y avoir
urgence parce qu'on remarque encore, de façon très significative,
des différences salariales très importantes entre les femmes
salariées puis les hommes salariés dans des emplois parfaitement
comparables au Québec. Si on veut se sortir de ce cercle-là, il
va falloir, à un moment donné, un train de mesures convergentes
qui changent cette approche-là progressivement.
Il y a des bouts que certaines organisations essaient de faire par la
voie de la négociation. On a tenté de faire des bouts dans la
négociation du secteur public et parapublic, avec un succès tout
à fait relatif, doit-on dire. Mais pensons que, si on veut être
capable de rétablir une forme d'équité et de justice un
peu significative à l'égard des femmes plus nombreuses sur le
marché du travail, ça va prendre une législation de cette
nature-là. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant. On n'a
pas fait le portrait de ce que devrait comprendre une telle loi, mais if y a au
moins une couple de modèles au Canada sur lesquels on pourrait se
pencher ensemble.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Oui, Mme la
députée.
Mme Harel: À la page 60, vous proposez l'inclusion de
motifs nouveaux dans la liste des motifs de pratiques patronales interdites en
matière de congédiement illégal et, bon, vous en proposez
un certain nombre dont celui assimilable à une discrimination interdite
par la charte. Effectivement, tout ça reviendrait devant le commissaire
du travail qui pourrait, en vertu de ses pouvoirs, soit réinstaller la
personne dans son emploi ou accorder des indemnités compensatoires. Il
peut y avoir, comme vous le signaliez, Intérêt à
procéder de cette façon-là.
A la page suivante, à 62, s'il avait été utile
d'avoir des statistiques pour démontrer au ministre qu'il fallait
réduire à un an de service continu plutôt qu'à cinq
la durée pour avoir accès à un recours en matière
de congédiement sans cause juste et suffisante, vraiment, vous avez
trouvé la bonne façon de faire en citant des statistiques
compilées par son propre ministère et qui révèlent,
finalement, que c'est l'immense majorité des salariés non
syndiqués qui compte moins de cinq ans d'ancienneté auprès
du même employeur. Je vous en remercie. C'est une contribution
importante, ça, aux travaux de la commission. Je ne sais pas où
vous avez pris ces statistiques. Peut-être que le ministre voudrait avoir
votre source. Mais c'est très pertinent. Ça veut dire que, quand
on connaît ces statistiques-là, les cinq ans, c'est donner
à quelqu'un juste le hochet sans avoir la possibilité d'avoir
vraiment un recours pour exercer un droit. Je ne sais pas si vous voulez vous
faire entendre là-
dessus.
M. Johnston: Sur ce bout-là, c'est évident que ces
chiffres-là parlent. Ils parlent drôlement, c'est pour ça
qu'on les a utilisés, d'ailleurs. Ce n'est pas un document pirate. C'est
un document officiel du ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, donc des données qui sont à la
connaissance du ministre, je pense. Il y a un point sur lequel je voudrais
revenir, si vous me le permettez. Puisque vous avez parlé de cette
question-là et que vous avez parlé aussi de la question des
motifs de discrimination et du recours que nous proposions, notamment en
matière de congédiement, moi, je voudrais porter à
l'attention des membres de la commission qu'il suffit de se promener dans
quelques établissements de la région de Montréal qui sont
spécialisés dans la confection de vêtements pour dames ou
autres similaires pour se rendre compte de la discrimination courante, ouverte
à l'égard, notamment, des femmes immigrantes. Si on ne trouve pas
le moyen, par la législation, de donner une prise pour combattre cette
discrimination-là, c'est qu'on accepte de façon
délibérée, c'est qu'on donne la permission aux employeurs
de continuer les pratiques ouvertes. Là, ce n'est pas de la
discrimination systémique, c'est de la discrimination ouverte et
directe. C'est le temps de faire quelque chose là-dessus, pour autant
qu'on veuille rétablir un peu d'équité et tenir compte que
la société n'existe peut-être pas juste pour les profits,
mais aussi pour les humains. Il y a quelque chose à regarder
là.
Mme Harel: Cette discrimination à laquelle vous faites
référence, elle a un effet aussi sur les
Québécoises d'origine canadienne-française. Parce que j'en
reçois souvent à mon bureau qui me disent que la seule
façon de se faire engager dans les manufactures c'est de dire: No habla
francés, no habla inglés. Elles ont appris ces mots-là et,
après, elles ne disent plus rien. Alors, ça, c'est la
manière par laquelle, souvent, on peut obtenir un emploi, quand
l'employeur est convaincu qu'on ne parle ni français, ni anglais, et il
faut le dire en espagnol, de préférence, ou en créole. Ha,
ha, ha!
M. Johnston: II y a d'autres endroits où c'est la
discrimination sur la base de la couleur qui prime. Et ça, il n'y a
malheureusement pas moyen de maquiller ça par un discours.
Mme Harel: Le Conseil du statut de la femme, ce matin, a
proposé l'institution d'un régime de congé parental et de
maternité et a proposé au gouvernement d'instituer son propre
régime québécois, de procéder au rapatriement des
sommes versées par l'assurance-chômage, de les bonifier et
d'instituer, finalement, un régime universel et plus
généreux. Est-ce que vous avez un point de vue là-dessus?
Est-ce que vous préférez votre proposition ou celle qui est sur
la table, déposée par le Conseil du statut et je pense par la
coalition des groupes de femmes pour un congé de maternité?
M. Johnston: Je ne voudrais pas qu'on porte de jugement trop
rapide, mais je ne voudrais pas non plus qu'on se serve du prétexte
d'une bataille de juridictions entre le provincial et le fédéral
pour éviter d'améliorer les conditions des personnes qui
travaillent au salaire minimum ou les conditions de l'ensemble des
travailleuses et travailleurs du Québec. Nous, on est favorables
à l'idée d'un régime complet intégré, mais,
quand on regarde la perspective d'un régime intégré - puis
on se le fixe comme objectif - on dit: Est-ce qu'il faut poser comme
prérequis que ça doit être, au point de départ, un
régime intégré ou bien s'il faut jouer sur
l'amélioration des conditions, pour qu'une fois qu'on aura atteint, par
voie complémentaire, quelque chose qui commence à avoir du bon
sens pour le monde, là, on essaie d'organiser le tout dans un ensemble
intégré, ayant réglé entre-temps les questions de
transferts entre le Québec et le fédéral, le cas
échéant? Mais on ne voudrait pas que l'idée de
l'intégration vienne en quelque sorte nuire à
l'amélioration des conditions. C'est un objectif, mais le premier
objectif c'est l'amélioration des conditions pour les personnes qui
travaillent.
Mme Harel: Est-ce que ce n'est pas un peu périlleux de
penser bâtir un système qui soit adéquat, quand une grande
partie de sa mise en place échappe... Par exemple, le Conseil du statut
de la femme démontrait que 50 % des mères qui ont accouché
l'an dernier, au Québec, n'ont pas touché de prestations de
maternité, qu'un bon nombre d'entre elles travaillaient, étaient
sur le marché du travail et qu'elles étaient soit des
travailleuses autonomes ou encore des travailleuses qui n'avaient pas
complété les semaines de service continu chez le même
employeur pour se qualifier. Avec une accumulation de conditions que l'on sait
de plus en plus difficiles à l'assurance-chômage, avec la
réforme de l'assurance-chômage, est-ce que ce n'est pas.
finalement, penser bâtir un système qui va reposer sur une
fondation qui est finalement boiteuse?
M. Johnston: Écoutez, nous ne disons pas que les seules
personnes qui devraient avoir accès à ça sont des
personnes qui seraient reconnues admissibles à
l'assurance-chômage, nous ne disons pas que la durée des
congés doit être la même que celle de
l'assurance-chômage et nous ne disons pas qu'il ne peut pas y avoir de
protection supplémentaire à celle de l'assurance-chômage.
Ce que nous disons, c'est qu'il existe là quelque chose qui est
d'ailleurs financé, qui existe par une législation. Il y a moyen
de construire un appareil complémentaire, qui peut déborder par
en haut, mais qui peut déborder sur
les côtés aussi, et, petit à petit, en construisant
cet édifice-là, on peut avoir à l'esprit qu'en bout de
course, quand on aura des conditions complémentaires satisfaisantes, on
fera l'intégration. Comme je le disais tantôt, là, nous, on
ne la pose pas comme un préalable, on pose ça comme étant
quasiment l'aboutissement d'un processus, mais ça ne veut pas dire que
les conditions de l'assurance-chômage doivent s'appliquer
nécessairement, loin de là.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée,
une dernière question? Ça va?
Mme Harel: Non, Mme la Présidente, non. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Ça va. M. le
ministre, ça va?
M. Bourbeau: Oui...
La Présidente (Mme Marois): Oui, vous avez une
dernière question?
M. Bourbeau: Oui, un dernier mot, oui. Une observation,
là, et je pense que c'est important de le dire. La députée
de Maisonneuve, tout à l'heure, a fait allusion aux statistiques que
détenait la CEQ en suggérant de nous les faire parvenir, si j'ai
bien compris, ou...
Mme Harel: De nous les faire... Non...
M. Bourbeau: ...de vous les faire parvenir.
Mme Harel: ...de nous donner ia source. M. Bourbeau: Ah
bon!
Mme Harel: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Je vais simplement rappeler à tout le monde
que cet avant-projet de loi a fait l'objet d'une très large
consultation, une préconsultation de nos fonctionnaires et les membres
de mon cabinet même, à l'égard de tous ceux qui avaient un
intérêt pour l'avant-projet de loi. À ma connaissance,
à moi, je n'ai jamais vu, en tout cas de mon expérience à
moi, un tel effort de transparence de la part du ministère ou d'un
ministère. Nous avons tenu des séances d'infor mation avec un
très grand nombre des intervenants qui se sont présentés
ou qui vont se présenter. Il y en a eu en septembre, en octobre, je
pourrais les nommer; la CEQ a été visitée le 12 octobre,
la CSN, la FTQ, la CSD, enfin tous les groupes et, à chaque groupe, on a
remis des documents, en fait tous les documents, des tableaux, des graphiques,
un document ici: changements sur les normes, bref, je pense qu'on a
vraiment...
Mme Harel: Des choses que je n'ai pas eues, moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: on a vraiment... si la députée de
hochelaga-maisonneuve ne les a pas eus, ça me fera plaisir de lui faire
parvenir dès ce soir. ce sont des renseignements...
Mme Harel: Vous avez rencontré tout le monde sauf moi.
M. Bourbeau: On a littéralement déversé dans
la population la totalité de l'information qu'on avait. Alors je suis
heureux de voir que ces statistiques ont pu servir et d'autres, probablement,
que vous aviez vous-même, à une meilleure compréhension du
projet de loi et à la formulation de propositions dont nous tiendrons
compte certainement. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Johnston, vous vouliez
ajouter quelque chose.
M. Johnston: Oui. Je voudrais attirer votre attention sur la page
64 de notre mémoire. Immédiatement après la recommandation
37, on cite, au deuxième alinéa de l'article 124 - et on me
faisait remarquer tantôt, l'avocat salarié qui travaille pour la
Centrale me faisait remarquer tantôt que la formulation qu'on retrouve au
début de cet alinéa, "pour l'application du présent
article", ça pourrait, le cas échéant, avoir pour effet de
contrer la jurisprudence qui est en voie de se développer sur toute la
question du service continu aux fins de l'application d'autres dispositions de
la loi sur les normes. On pourra peut-être s'en reparler au moment
où on se retrouvera devant un projet de loi, mais il y a peut-être
lieu de faire attention à des dispositions de cette nature qui viennent
refermer en quelque sorte des progrès qui commençaient à
s'enregistrer sous l'empire de la présente loi.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie. Je crois que
votre mémoire était très exhaustif quant à son
analyse et quant à sa présentation. Merci beaucoup. Nous
suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures où nous entendrons deux
groupes, la Centrale des syndicats démocratiques et Au bas de
l'échelle. Nous reprendrons à 20 heures précises.
(Suspension de la séance à 17 h 51)
(Reprise à 20 h 5)
La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la
commission veulent bien prendre place à la table, nous allons reprendre
nos audiences. Nous recevons ce soir deux groupes. Le premier, c'est
la Centrale des syndicats démocratiques. Alors, je demanderai
à M. Gingras, le président - d'abord je lui souhaite la bienvenue
ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent - de présenter les personnes
qui vous accompagnent et ensuite de présenter votre mémoire en ne
prenant pas plus qu'une vingtaine de minutes. Par la suite, on procédera
à des échanges de vues avec vous.
Centrale des syndicats démocratiques
M. Gingras (Claude): Merci, Mme la Présidente. M. le
ministre, Mme la Présidente, distingués membres de la commission
des affaires sociales, la CSD désire, en tout premier lieu, vous
remercier de l'opportunité que vous lui procurez de témoigner de
sa position sur l'avant-projet de loi visant à modifier la Loi sur les
normes du travail et d'autres dispositions législatives.
Je suis assisté, pour cette présentation, par M. Richard
Beaulieu, qui est directeur professionnel de la Fédération de la
métallurgie, des mines et des produits chimiques à la CSD, Mme
Michèle Bourget, qui est responsable de la condition féminine
à la CSD, ainsi que Pierre Yvon Ouellette, du service de recherche de la
CSD.
Le défi majeur auquel la société
québécoise a à faire face en ce début des
années 1990 est, sans contredit, le plein emploi. Or, quel que soit
l'angle qu'on choisisse pour analyser la situation, une économie en
santé est une économie qui fournit à toutes et à
tous un emploi convenable.
Avec un taux de chômage qui oscille toujours autour de 10 % avec
les nouvelles réalités dues aux changements technologiques et
à la rationalisation de la production dans les entreprises - parce que
vous comprendrez bien qu'en ce qui concerne la CSD nous avons une solide
implantation dans ces secteurs - avec les exigences qu'entraîne
l'internationalisation du commerce qui est un nouveau phénomène,
le défi du plein emploi exige plus que jamais le développement
d'attitudes nouvelles.
Or, toutes les actions gouvernementales doivent donc converger vers la
réalisation de cet objectif de plein emploi. Si auparavant les
partenaires socio-économiques avaient tendance à s'en remettre
massivement à l'État pour initier et mener à bien de
grands projets économiques, sociaux et culturels, la situation est
changée quelque peu aujourd'hui. En effet, il n'y a qu'à regarder
la multiplication des initiatives extérieures au gouvernement pour
comprendre la nouvelle tangente prise par les forces vives du Québec.
L'heure est au développement de nouvelles solidarités sans
attendre du gouvernement qu'il s'associe nécessairement à la
démarche. Ce nouveau partenariat développé tout à
fait en dehors des structures gouvernementales de concertation est un signe de
santé et de vitalité.
Alors, le gouvernement, à la lumière de ces changements,
doit revoir son rôle, réajuster ses interventions dans le sens
d'un soutien réel aux partenaires socio-économiques. Dans ce
cadre, les législations doivent répondre aux besoins nouveaux et,
dans un effort de concomitance, permettre à ce nouveau partenariat de
s'exercer.
Les divers secteurs liés à la vie des travailleuses et
travailleurs sont encadrés et régis par des législations
particulières. Mentionnons seulement le cas de la santé et de la
sécurité du travail, les libertés fondamentales,
l'éducation, la formation professionnelle, la langue française,
les relations du travail, les normes minimales. À tous ces secteurs, qui
constituent autant d'enjeux pour notre société correspondent des
législations particulières. Un seul manque à l'appel: la
famille. S'il est vrai que le plein-emploi constitue à lui seul un
projet de société, il ne veut cependant rien dire s'il n'est pas
associé à d'autres mesures sociales et économiques. Dans
le cas du Québec, la preuve n'est plus à faire quant à la
nécessité de mettre en place une politique familiale. Celle-ci
doit d'ailleurs englober un ensemble de mesures visant à mieux concilier
travail et famille sans se réduire uniquement à celles
prévoyant des arrêts de travail. Il faut qu'elles comportent des
dispositions allant beaucoup plus loin que de simples congés
parentaux.
En ce sens, la CSD est convaincue que la politique familiale va faire
l'objet de législations distinctes et doit être traitée
dans sa globalité. Cette réflexion nous amène à
questionner profondément l'approche actuelle du gouvernement face
à la Loi sur les normes du travail.
La CSD recommande enfin que toutes les dispositions touchant la famille
soient distinguées de la Loi sur les normes du travail et fassent
plutôt l'objet d'une législation particulière comme c'est
le cas, par exemple, pour la santé et la sécurité du
travail.
Depuis de nombreuses années, les législations sur le
travail au Québec, tant le Code du travail que la Loi sur les
décrets de convention collective, sont stagnantes. Les dispositions
régissant les relations de travail sont démodées, souvent
dépassées et le dialogue est rompu. On fait du surplace. Au lieu
de s'attaquer à cette pièce législative centrale pour le
monde du travail, le gouvernement choisit plutôt la voie du changement
aux conditions minimales de travail. Alors on se questionne. On se demande
effectivement pourquoi. Bien que l'un n'empêche pas l'autre, les
énergies devraient prioritairement être dirigées vers un
changement radical du Code du travail en vue, notamment, de favoriser
l'émergence de droits nouveaux pour les travailleuses et les
travailleurs. Par contre, modifier le code exige la tenue de véritables
discussions avec le monde syndical sur la vision du travail, sur les relations
entre les parties, ce que le gouvernement semble vouloir éviter Selon
la
CSD, le gouvernement préfère apporter des amendements
à la Loi sur les normes du travail, parce que cela ne confère
aucun droit additionnel aux syndicats.
De tout temps, les centrales syndicales ont été exclues de
la définition des conditions de base et de l'application de cette loi.
Associer le monde syndical à une véritable révision du
Code du travail et des autres législations, y compris la Loi sur les
normes du travail, dans le sens d'une intégration de toutes les
dispositions, ne semble pas être le type d'exercice correspondant
à la vision du développement économique et des relations
de travail du gouvernement. Le préalable à toute discussion
à ce sujet est la reconnaissance absolue du rôle indispensable des
centrales syndicales à titre de partenaires dans l'élaboration,
l'application et l'évaluation des dispositions touchant les
travailleuses et les travailleurs.
D'autre part, en apportant des améliorations à la loi des
normes du travail, le gouvernement renforce l'illusion selon laquelle les
travailleuses et les travailleurs sont protégés et
bénéficient de conditions de travail, qu'ils soient
syndiqués ou non. Avec cet avant-projet de loi, le gouvernement fait
diversion, c'est-à-dire qu'il se cache derrière ces quelques
modifications à la loi, dont le libre accès est loin d'être
assuré, pour ne pas accorder de véritables droits aux
travailleuses et travailleurs. Or, l'avancement social du Québec ne se
mesurera pas en nombre de jours de congé, très souvent sans
solde, accordés par la loi des normes. On pourrait ajouter que ce n'est
pas nécessairement par le biais d'une loi des normes qu'on
réussit quand même à inculquer dans notre
société des changements majeurs.
Les agents de changement du monde du travail sont les centrales
syndicales. À cet égard, des droits doivent leur être
reconnus dans la défense des travailleurs et des travailleuses,
syndiqués ou non. La CSD préconisait, dans son mémoire
présenté à la commission Beaudry, l'élargissement
du rôle des centrales dans l'application des lois touchant le travail par
le représentation de salarié-e-s sur une base individuelle, selon
le choix de la personne Les centrales syndicales ont l'expertise requise dans
la promotion collective des travailleurs et travailleuses. C'est à elles
qu'appartiennent cette responsabilité et non exclusivement à un
organisme gouvernemental. Alors, la CSD recommande que soit accordé aux
centrales syndicales le droit d'appliquer les normes minimales pour tous les
salarié-e-s. Les centrales seraient automatiquement les parties
intéressées, dès que la Loi sur les normes du travail
s'applique. La CSD recommande donc que les centrales syndicales soient
reconnues comme représentantes des salariés qui le
désirent, même s'ils ne sont pas membres d'un syndicat
affilié à l'une d'entre elles. Un salarié aurait le choix
de se faire représenter à la Commission des normes du travail par
la commis- sion ou par une centrale syndicale qu'il détermine. La
commission rembourserait alors les centrales syndicales des frais de
représentation, selon des barèmes qu'on pourrait
établir.
Quant à l'avant-projet de loi comme tel en regard de l'avancement
social du Québec, la CSD est convenue de s'attarder à commenter
plus précisément certains points, entre autres, les congés
parentaux, le travail à temps partiel, les recours d'une personne
salariée, le préavis de licenciement ou de mise à pied,
les jours fériés ou chômés, les congés
annuels, la révision de normes diverses. Pour les congés
parentaux, nous estimons que la politique familiale fait partie
intégrante d'un projet de société et ne doit pas se
limiter au seul aspect des congés parentaux. À ce titre, elle
doit être traitée dans une législation distincte. De plus,
son application, pour être efficace, doit rapatrier en un seul lieu
plusieurs mandats actuellement éparpillés.
En intégrant les mesures familiales dans une sorte de guichet
unique, on se trouve, non seulement à en simplifier l'application au
plus grand bénéfice des utilisatrices et utilisateurs, mais, en
plus, on consacre à la politique familiale toute l'importance qui lui
revient dans la société. Cette solution répond à la
plus élémentaire logique, notamment pour ce qui est du
remplacement du revenu, sujet sur lequel l'avant-projet de loi est muet. (20 h
15)
La CSD recommande que soient intégrées toutes les
dispositions relatives à la famille et qu'elles soient
administrées par un organisme responsable. Il s'agit,
particulièrement, des services de garde, du retrait préventif, du
remplacement du revenu lors du congé de maternité, des
congés parentaux, des allocations familiales et de naissance et de
programmes d'aide à l'habitation et d'accès à la
propriété pour les parents. Il semble que c'est seulement
à ce prix-là qu'on affirmera vraiment notre volonté de
prendre le problème globalement et non pas à la pièce.
La CSD recommande également que le gouvernement du Québec
verse à la personne admissible à un congé de
maternité ou d'adoption une indemnité de remplacement du revenu
égale à 93 % de son salaire net et ce, pendant une durée
minimale de 30 semaines. Nous suggérons également les
modalités de financement d'une telle mesure.
Quelques commentaires relatifs aux congés parentaux. Le
congé de naissance ou d'adoption de courte durée doit
prévoir la rémunération des cinq jours prévus.
Quant au congé de naissance ou d'adoption de longue durée, la CSD
recommande que la garantie de protection du poste de la personne
salariée soit inscrite dans la loi et non pas simplement dans un
règlement, pour éviter toute ambiguïté à ce
sujet. On doit prévoir également, pour la durée du
congé sans solde de naissance ou d'adoption, les mêmes
dispositions concernant les avantages sociaux que pour le congé
de maternité de 18 semaines, soit que la participation de la personne
salariée aux avantages sociaux reconnus à son lieu de travail ne
doit pas être affectée par son congé, sous réserve
du paiement de sa part des cotisations.
Quant à la possibilité de refuser d'effectuer du temps
supplémentaire, la CSD considère que les mesures prévues
sont totalement inapplicables. Nous recommandons que soit enlevé l'avis
de douze heures et que soit retiré le paragraphe 2 du deuxième
alinéa à cause de son imprécision et de la trop grande
marge de manoeuvre qu'il accorde aux employeurs.
La CSD recommande également qu'il y ait présomption
automatique si un employeur diminue les heures de travail ou exerce toute
mesure discriminatoire à l'endroit d'une personne après qu'elle a
exercé son droit de refuser d'effectuer du temps
supplémentaire.
Selon les données en ce qui a trait au travail à temps
partiel, 430 000 emplois au Québec sont à temps partiel. 71,4 %
de ceux-ci sont détenus par des femmes. Un autre phénomène
important à noter est l'augmentation significative des emplois à
temps partiel. En effet, selon une étude publiée en 1987 par le
Bureau de la statistique du Québec, de 1980 à 1985, le nombre
d'emplois à temps partiel a crû de 43,4 %, soit de façon
nettement plus marquée que les emplois à temps plein.
La CSD recommande que soient accordées aux salariés
à temps partiel des conditions de travail équivalentes à
celles des salariés à temps plein, ainsi que la
proportionnalité des avantages sociaux. Dans le cas des jours de
congé fériés et chômés, leur plein
accès doit être garanti aux salariés à temps
partiel. Pour ce faire et ainsi éviter toutes les manoeuvres des
employeurs qui veulent s'en exempter, la CSD recommande qu'un pourcentage du
salaire représentatif de ces jours soit versé aux personnes
à temps partiel.
Dans son rapport annuel de 1987-1988, la Commission des normes du
travail estime que la loi s'applique à plus de 1 300 000 salariés
québécois. Cette statistique nous laisse songeur quant à
son application effective, lorsqu'on établit la comparaison avec le
nombre de recours exercés par les salariés face au non-respect de
certaines dispositions En 1987-1988, 14 482 enquêtes ont
été menées par la Commission, touchant majoritairement les
normes concernant les vacances annuelles, le salaire et le préavis de
licenciement. De ce nombre, 5811 ont donné lieu à un
règlement. Un si maigre pourcentage de plaintes par rapport au nombre de
personnes visées par la loi ne doit pas nous fournir une raison de nous
réjouir. L'attitude passive de la Commission, le manque d'information,
les multiples complexités administratives ainsi que la crainte de
représailles suffisent à expliquer ce faible pourcentage. Nous
proposons donc une série de mesures visant à améliorer
l'applicabilité de cette législation minimum. Les mesures
touchent plus particulièrement les articles 124, 123, 126,39, 113 et
111.
La CSD recommande aussi que, dans le cas de faillite et
d'insolvabilité, les articles 136, 137 et 138, prévus dans la loi
et non mis en vigueur encore, soient enfin promulgés et reçoivent
leur pleine application, plutôt que d'essayer de prévoir des
mesures pour un peu les mettre au rancart.
Sur le préavis de licenciement ou de mise à pied, le fait
de porter de six mois à un an le versement de l'indemnité
compensatrice, dans le cas des salariés couverts par une convention
collective prévoyant un droit de rappel, est carrément
discriminatoire. En vertu de quel principe les syndiqués devraient-ils
attendre six mois de plus que les autres pour atteindre ce droit? Or, la CSD
recommande le retrait de l'article 83.1 de l'avant-projet de loi et le maintien
de l'obligation pour les employeurs de verser à tous les
salariés, dans un maximum de six mois, l'indemnité compensatrice
à laquelle ces personnes ont droit si elles n'ont pas reçu le
préavis.
La CSD transmet également sa position et plusieurs
recommandations relatives aux jours chômés et payés, aux
congés annuels, à l'indemnité afférente aux
congés annuels, à la compensation du travail en temps
supplémentaire, au versement du salaire, aux frais d'achat, d'usage et
d'entretien d'un uniforme.
Pour ce qui est de l'essentiel, la CSD s'en est tenue à commenter
les modifications contenues dans l'avant-projet de loi et il est entendu que
d'autres modifications auraient tout lieu d'être apportées, entre
autres à l'article 102 quant aux plaintes à la Commission. Cet
article prévoit que les salariés, liés par une convention
collective ou un décret, doivent avoir épuisé tous les
recours qui y sont prévus avant de déposer une plainte à
la Commission. Dans la pratique, une fois ces recours épuisés,
les délais, pour déposer une plainte, le sont aussi. Alors, la
CSD recommande, en fait, que soit abrogé le deuxième
alinéa de l'article 102 qui crée encore une discrimination pour
les travailleurs syndiqués.
L'article 106, plainte frivole. La CSD recommande qu'un salarié
puisse en appeler de la décision de la CNT lorsqu'elle refuse de pour
suivre une plainte qu'elle qualifie de frivole Quant à l'article 58,
indemnité de trois heures, pour ce qui est de cette indemnité,
dans plusieurs cas, des employeurs se servent du "cas fortuit" pour se
soustraire à l'obligation de verser à la personne salariée
une indemnité égale à au moins trois heures de son salaire
horaire habituel. Or, nous recommandons que soit précisé
l'obligation pour l'employeur de verser l'indemnité minimale de trois
heures à chaque occasion où l'employeur requiert la
présence de la personne salariée
Comme nous l'indiquions au début de ce
document, la CSD est convaincue que le fait d'avoir confié la
gestion et l'application des normes de travail à un organisme
gouvernemental n'a en rien contribué à accroître les droits
des personnes salariées, bien au contraire. De plus, on peut dire que,
par cette opération, l'État a réussi un double tour de
force.
Premièrement, il a dépossédé les
véritables intervenants du monde du travail, que sont les centrales
syndicales, de tout le champ des conditions de base s'appliquant aux
salariés et en a profité pour le confier aux fonctionnaires. Ce
n'est pas qu'on en a contre les fonctionnaires, mais je pense qu'on a une
mission et on désire la remplir.
Deuxièmement, avec la Loi sur les normes du travail,
l'État charrie un grand mythe, soit celui qu'il existe une réelle
protection pour les travailleuses et les travailleurs non syndiqués. Il
n'y a qu'à constater le nombre de plaintes déposées pour
des cas de congédiements pour se convaincre de la fausseté de
cette assertion. Selon le rapport annuel, 1531 plaintes ont été
déposées en vertu de l'article 124. De ce nombre, 30 % se sont
terminées par un désistement, laissant un peu plus de 1000
dossiers actifs. Pour une loi qui couvre environ 1 300 000 salariés et
avec le taux de roulement du personnel qu'on constate dans les entreprises, il
n'y a pas de quoi se réjouir.
La Commission doit développer une approche plus globale face
à l'application de la loi. Au lieu d'agir défensivement et de
faire des enquêtes à la pièce lorsqu'il y a plainte, elle
doit aller au-devant. Pour ce faire, elle pourrait développer des
interventions par secteur économique, en commençant par ceux
où sont plus susceptibles de se retrouver les employeurs contrevenants.
Si on se fie au pourcentage de plaintes déposées par secteur,
c'est le commerce de détail, pour une proportion de 20 %,
l'hébergement et la restauration, dans une proportion de 18 %, qui
remportent la palme et exigeraient une action systématique de la part de
la Commission, du moins pour débuter.
De plus, des mesures punitives réellement dissuasives devraient
être prévues dans le cas d'employeurs contrevenants parce qu'on
s'aperçoit souvent que ce sont toujours les mêmes contrevenants.
Des amendes allant en augmentant, dans les cas de récidive, devraient
être aussi imposées. La CSD recommande que soit mis sur pied un
fichier central d'entreprises contenant des informations issues de multiples
sources sur le degré de conformité de ces entreprises aux
diverses lois et règlements. Plus particulièrement, le portrait
de chaque entreprise permettrait de connaître son bilan social et
comprendrait notamment des éléments concernant la santé et
la sécurité, l'Impôt, les taxes, l'assurance chômage,
le respect des normes du travail et le respect des droits et libertés.
Un tel recueil d'informations permettrait sûrement de cibler les entre-
prises qui agissent en mauvais citoyens. Notre expérience nous prouve
qu'une entreprise qui fait défaut de se conformer à une
législation généralise ce comportement face à
l'ensemble de celle-ci.
Voilà, messieurs dames de la commission, la position de la CSD
relativement au projet de modification de la loi sur les normes minimales. Nous
demeurons à votre disposition pour échanger avec vous sur la
nature de ces propositions, de ces recommandations que nous avons à
l'endroit du projet.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Gin-gras, de votre
présentation. J'inviterais maintenant le ministre à
échanger avec vous.
M. Bourbeau: Mme la Présidente, ma collègue, la
ministre déléguée à la Condition féminine et
à la Famille, aimerait poser quelques questions en premier lieu, si vous
le voulez bien.
La Présidente (Mme Marois): Certainement. M. le
député de Verdun, vous serez reconnu dans le temps imparti
à votre formation politique.
Mme Trépanier: Monsieur, comme ministre responsable de la
Famille, vous me comprendrez de revenir sur vos commentaires face à la
politique en matière familiale. Dans votre intervention, vous avez
recommandé que toutes les propositions relatives à la famille
fassent l'objet d'une législation spécifique. Ce que vous voulez
dire, c'est que, non pas uniquement dans les normes de travail, dans toutes les
législations, dans tous les ministères, vous souhaiteriez que les
propositions relatives à la famille fassent l'objet d'une
législation spécifique?
M. Gingras: Oui. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne devrait pas, dans
chacune des législations, prévoir des dispositions touchant...
qui visent à favoriser la famille. On ne devrait pas les
éparpiller dans toutes sortes de législations distinctes et
séparées, on devrait regrouper toutes ces dispositions ou ces
mesures visant à favoriser la famille dans une seule et même
législation qui affirmerait, au Québec, un enjeu social
important. C'est en ce sens que, pour nous autres, il est important qu'on
rapatrie l'ensemble des droits parentaux, les droits à la famille dans
une seule pièce législative qui consacrerait l'importance de cet
enjeu pour notre société.
Mme Trépanier: Vous comprendrez que la famille, les
besoins de la famille, c'est vaste et ça touche à tous les
ministères. La démarche que le gouvernement a adoptée a
été plutôt l'inverse, c'est d'adopter un plan d'action en
matière familiale suivant une politique familiale qui chapeaute 58 ou 60
mesures qui rejoignent chacun des ministères. Ce que nous avons
décidé de faire, c'est de nous assurer, par un réseau
de
répondants, au niveau des ministères et au niveau des
instances politiques également, que chacun des ministères tienne
en compte et prenne en compte les besoins familiaux quotidiennement. Le
problème, tant dans la politique familiale qu'au niveau de la condition
des femmes, c'est de s'assurer qu'il y ait une coordination puis de s'assurer
aussi que chacun des ministères, lors de l'élaboration d'un
projet de loi, tienne en compte des besoins de la famille.
Je me demande, si nous adoptions l'approche que vous suggérez,
s'il y aurait ce souci toujours aussi constant de faire en sorte que, dans
chacun des projets de loi, on tienne en compte, on prenne en compte les besoins
de la famille. Et, si oui, est-ce qu'il n'y aurait pas danger de
dédoublement? Comment pourrait-on... Pourquoi voyez-vous ça de
façon plus efficace?
M. Gingras: C'est parce que, dans le contexte où on le
voit, plutôt que de confier à la loi des normes minimales du
travail le soin de régler une partie du problème des familles, on
considère que l'ensemble des mesures qu'on veut mettre de l'avant pour
favoriser la famille devraient se retrouver dans un guichet unique accessible
pour les familles au lieu d'être éparpillé dans une
série de mesures que les gens ont de la peine à coordonner. Parce
que si vous dites que vous avez créé un organisme de
coordination, justement pour essayer de voir à ce que tous les
ministères respectent les grandes priorités de la famille dans
chacun leur vocation respective, c'est que vous avez déjà senti,
pour le gouvernement, la nécessité de coordonner cette
démarche-là parce que, pour vous autres, ce n'est pas simple, la
démarche, et elle n'est pas simple non plus pour les travailleurs et
travailleuses qui sont dans les milieux de travail. (20 h 30)
Dans ce sens-là, ce qu'on propose c'est que, plutôt que
d'éparpiller les mesures et, après ça, essayer de les
coordonner, on fasse donc ressortir les mesures qui sont spécifiques
à favoriser la famille et qu'on les place dans une législation,
dans une charte de la famille qui soit quand même un guichet unique et
où les familles vont se retrouver, en termes de mesures, vont retrouver
l'ensemble des mesures qui favorisent justement le droit à la famille.
Or, c'est dans ce sens-là que notre recommandation arrive. C'est que,
plutôt que d'éparpiller cette série de droits, on les
rassemble et on en fasse un guichet unique. En plus d'être plus simple et
d'être plus rapide à gérer c'est que ce genre de politique,
ces mesures regroupées permettraient aussi d'affirmer, de façon
non équivoque, l'engagement de notre société vers cet
enjeu important qu'est la famille.
De plus en plus on est à même de constater que la
dénatalité nous cause des problèmes importants. On est
à même de constater que les milieux de travail et le genre
d'économie avec laquelle on est obligé de composer, où les
deux partenaires qui composent la cellule familiale, le mari et la femme, sont
souvent obligés d'être les deux pour travailler et gagner, si vous
voulez, la vie... De façon générale, c'est devenu un
pattern, c'est devenu une façon de vivre. Or, dans ce sens-là, ce
n'est pas seulement un droit, le travail pour l'épouse, c'est devenu une
nécessité pour plusieurs. Dans ce sens-là, il est
important qu'on retrouve l'ensemble des mesures qui vont favoriser la famille
dans un regroupement, dans un guichet unique, mais qui touchent aussi l'aspect
du travail parce que, souvent, les personnes vont devoir composer avec les
milieux de travail, c'est bien sûr. Mais ces
législations-là ne devraient pas nécessairement
apparaître dans ce qu'on appelle... dans les législations du
travail proprement dites, mais devraient apparaître dans la
législation qui favorise, justement, l'accès à la famille.
C'est dans ce sens-là qu'on le voit.
Mme Trépanier: Nos préoccupations vous rejoignent
un peu parce que nous avons un plan d'action intégré en
matière de politique familiale. De ce plan d'action, un volet important
c'est les normes du travail et nous avons fait la démarche inverse mais
l'objectif reste le même et le résultat se veut un résultat
le plus bénéfique possible pour les familles du Québec. Ce
qui est important c'est de la coordination, et le souci quotidien que les
familles aient ce qui leur revient dans chacune des législations, dans
chacun des ministères.
Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Marois): Oui.
Mme Trépanier:... je vais céder la parole à
M. le ministre.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.
M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Dans votre
document, au sujet du travail à temps partiel, vous proposez de garantir
aux personnes à temps partiel les jours de congé
fériés et chômés en versant un pourcentage de ce que
vous appelez le salaire représentatif de ces jours. J'aimerais savoir ce
que vous entendez par le salaire représentatif des jours
fériés à verser aux personnes qui, justement, travaillent
à temps partiel...
M. Gingras: Écoutez, si de façon
générale les travailleurs à temps plein ont accès
à tant de congés, en vertu de la loi des normes minimales, ce
nombre de congés, si on le traduit en coût, en pourcentage,
ça équivaut à un pourcentage du salaire d'un
employé à temps régulier. Alors on sait que les
employés à temps partiel, de façon générale,
n'ont pas accès aux congés. Ils n'ont pas accès aux jours
fériés. Alors ils sont privés constamment de ce qu'on
appelle les congés
reliés à leur tâche, de façon
générale. Dans ce sens-là, ce qu'on dit c'est de prendre
le pourcentage requis pour assumer le nombre de congés et en fonction du
salaire qu'ils recevront... C'est qu'ils recevront au moins le pourcentage des
congés auxquels ils auraient normalement droit alors qu'actuellement ils
n'en profitent pas.
M. Bourbeau: Bon. Je voudrais changer de sujet. J'aimerais que
vous nous expliquiez pourquoi vous vous objectez à appliquer la
règle de la majorité pour le règlement d'une
réclamation de salaire impayé qui touche plusieurs personnes.
Dans la loi actuelle, la loi exige l'unanimité. On propose de changer
l'unanimité pour la majorité, de façon à pouvoir
régler les questions de salaire impayé lorsque la situation se
présente. Et il nous apparaît, en tous les cas, que la
règle de la majorité est une règle qui est
démocratique. Et sûrement en tant que président d'un
syndicat qui se veut démocratique, vous devez être sensible
à ça. Mais, si vous n'êtes pas d'accord avec notre
proposition, j'aimerais savoir quelle proposition vous feriez dans le cas d'une
entreprise qui fait face à une fermeture, par exemple, et que, sans ce
règlement-là, il est possible que les salariés perdent
toutes leurs réclamations. Ne trouvez-vous pas qu'il serait
préférable de régler sur la base de la majorité ou,
sinon, est-ce que c'est vraiment à l'unanimité que vous souhaitez
et sine qua non?
M. Gingras: Non, écoutez, ce n'est pas
nécessairement l'unanimité, mais entre l'unanimité et le
fait que chaque personne individuellement ait droit de dire: Moi, j'accepte le
règlement ou je n'accepte pas le règlement, il y a une
différence. Je pense qu'une décision majoritaire tend à
imposer à un individu qui refuserait un règlement
inférieur une règle, soit que la majorité aurait
décidé pour lui.
Prenons l'exemple d'une entreprise où la majorité des gens
seraient des travailleurs qui proviennent de la famille de la personne qui a
fait une faillite ou qui a des redevances à l'endroit de l'ensemble des
salariés d'une entreprise - prenons cette hypothèse-là
seulement -et que la majorité de ceux-ci, étant des gens de la
famille du propriétaire de l'entreprise ou de rétablissement,
décident que, majoritairement, ils sont prêts à accepter un
règlement moindre avec la connivence de l'employeur disant que...
Écoutez, ce règlement-là, on vous récompensera,
vous autres, les membres de la famille, mais on va l'imposer aux autres de
cette façon-là. Nous croyons que, dans des réclamations
d'ordre civil, comme celles qui émanent de l'application de la loi des
normes, le droit individuel des personnes de refuser un règlement
moindre doit continuer d'exister. Si la majorité décide
d'accepter un règlement inférieur, bien, individuellement, ils
l'accepteront, mais dans le cadre d'un règlement qui leur est soumis et
ce sera leur décision personnelle. Je pense que c'est ça, la
démocratie, ce n'est pas nécessairement de tenter... Parce qu'une
décision démocratique, ça peut être une
décision majoritaire dans certains cas, mais ià il ne s'agit pas
d'une plainte collective; dans le cas de la loi des normes, c'est une plainte
individuelle.
M. Bourbeau: Oui, mais il reste que si je comprends bien ce que
vous dites, si la majorité l'accepte, que la majorité
règle son problème comme ça, mais les autres qui ne
l'acceptent pas... Vous conviendrez avec moi que l'employeur, lui, ne
réglera pas, à moins d'avoir un règlement global. S'il
règle avec la moitié des gens sur une base et que les autres,
après, arrivent et disent: Nous, on veut plus, il n'y aura aucun
règlement du tout. Dans ces cas-là, il y a un règlement
qui se fait ou rien du tout. C'est difficile de dire que certains vont avoir un
traitement de faveur par rapport à ceux qui ont réglé.
M. Gingras: Non, je comprends, M. le ministre, que ce sera
probablement plus compliqué pour lui d'apprendre que la majorité
n'est pas capable de régler le problème comme lui l'entend.
Cependant, si la majorité est prête à accepter un
règlement moindre et que c'est déjà pour lui
inférieur à ce qui est actuellement prévu dans la loi,
c'est une décision individuelle. Alors s'il y a des gens qui sont
prêts à accepter un règlement moindre, ce qui devrait
à ce moment-là... Ça devrait probablement être
acceptable à ce moment-là pour... Mais c'est que la
décision doit demeurer une décision individuelle.
La Présidente (Mme Marois): Oui, merci, M. le ministre. M.
le député de Verdun, vous aviez une question?
M. Gautrin: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je vais
saluer la CSD pour son... Historiquement, ça toujours été
une centrale très originale dans la manière d'aborder les
relations de travail et très imaginative dans ce qu'il fallait aborder.
Je pense que plusieurs peuvent en témoigner ici. Vous voulez... Vous
dites à la page 7 de votre mémoire: "La CSD recommande que soit
accordé aux centrales syndicales le droit d'appliquer les normes
minimales pour tous les salarié-e-s. " Pratiquement, quand je regarde
l'endroit où ça s'applique, c'est à la page 18 de votre
mémoire dans lequel vous voulez le droit de représenter, que les
centrales éventuellement représentent les salariés qui
pourraient y faire droit. Mais est-ce que, à part ça, à
part ce que vous énoncez en page 18, vous voyez d'autres moyens ou
d'autres éléments d'application du principe très
général que vous avez énoncé en page 7, qui est un
principe global dans lequel, grosso modo, vous dites: Les normes minimales de
travail, ça concerne les centrales syndicales. L'application pratique,
excusez-moi, mais elle est
un peu restreinte, si je dois dire, en page 18, en disant: Le cas
échéant, on donnera un coup de main aux gens et une aide sur le
plan juridique éventuellement lorsqu'ils veulent aller à la
Commission des normes du travail. Est-ce que voyez autrement ou comment vous
voyez... J'aimerais vous entendre parce qu'en général vous avez
été historiquement, probablement, les gens qui, dans le monde du
travail, ont été les plus imaginatifs. Vous pensiez à quoi
là-dedans?
M. Gingras: Bon, écoutez, notre position là-dedans,
vous avez raison quand on regarde la première partie du mémoire
telle qu'elle apparaît, ce n'est peut-être pas complet en ce qui a
trait à notre position ou la vision de la position qu'on essaie
d'exprimer. Cependant, à la page 7, à la fin du paragraphe qui
précède notre recommandation, on vous réfère...
M. Gautrin: À l'annexe I.
M. Gingras: ...à l'annexe I de notre mémoire. On a
exposé à la commission Beaudry... C'est un extrait du rapport,
c'est-à-dire de la position qu'on a soumise à la commission
Beaudry et qui fait état de la possibilité de se syndiquer
à titre individuel pour les travailleurs. Alors, c'est que les
travailleurs n'auraient pas besoin de se syndiquer nécessairement dans
le cadre d'une accréditation tel qu'on le conçoit actuellement
dans le régime de relations de travail au Québec. Actuellement,
les travailleurs se syndiquent automatiquement pour en venir à obtenir
une accréditation et négocier de façon majoritaire avec
les entreprises. Ce qu'on propose d'instaurer, c'est plutôt un
syndicalisme où, à titre d'individu, une personne pourrait se
donner, à un moment donné, le statut de travailleur
syndiqué et, s'il n'atteint pas le droit de négocier une
convention parce que la majorité des travailleurs de son entreprise ne
sont pas syndiqués, à ce moment-là, la centrale syndicale
qui le représente pourrait avoir le mandat de le représenter, au
moins en vertu de la loi des normes minimales de travail, sur les conditions de
santé, de sécurité et de prévention, et
différentes conditions qui existent actuellement et qui sont accessibles
à l'ensemble des salariés travailleuses et travailleurs du
Québec. Alors, dans ce sens-là, le travailleur n'aurait pas
nécessairement à confier son sort à n'importe qui, ou
à des fonctionnaires, ou à des gens de l'aide juridique ou
à des gens qui n'ont aucune expertise en matière de relations de
travail, mais pourrait choisir une allégeance syndicale au même
titre qu'un travailleur en choisit une pour obtenir une accréditation et
négocier une convention collective dans son entreprise. Il pourrait,
à ce titre-là, choisir une allégeance syndicale qui serait
en fonction de défendre ses intérêts, au moins en vertu des
lois minimales qui existent dans notre société.
M. Gautrin: Est-ce que...
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui, une
dernière...
M. Gautrin: Une dernière. Autrement dit, est-ce que, dans
une même unité d'accréditation, il pourrait y avoir des
gens qui seraient affiliés à différents syndicats? Est-ce
que c'est ce que vous voulez dire?
M. Gingras: Non, c'est que, tant qu'il n'y aurait pas une
majorité de salariés syndiqués dans une entreprise, dans
une même allégeance syndicale, il n'y aurait pas
d'accréditation. C'est pour ça, c'est que...
M. Gautrin: Ah! c'est avant l'accréditation.
M. Gingras: ...c'est un syndicalisme à titre
individuel.
M. Gautrin: Avant l'accréditation?
M. Gingras: Avant l'accréditation. On continuerait d'avoir
la même règle qu'actuellement: pour être
accrédité, ce serait une majorité de travailleurs dans une
organisation qui ferait que les travailleurs puissent réussir à
être accrédités dans une entreprise, mais, avant
d'accéder à ça, ce ne serait pas nécessaire que ce
soit une majorité qui soit désireuse de se syndiquer pour avoir
une convention collective pour qu'on soit syndiqué au Québec.
Nous autres, on estime que ça ne devrait pas être une condition
sine qua non pour être syndiqué que d'être obligatoirement
enfermé dans une majorité. Alors, c'est dans ce sens-là
qu'on aborde la problématique. On dit: II y a des lois minimums et puis,
comme centrale syndicale, on peut jouer un rôle, mais à la
condition nécessairement que ces gens-là puissent quand
même avoir accès à une centrale syndicale et accès
à des services de cette centrale-là, et on est prêts, nous
autres, à donner des services au moins en vertu des lois minimums qui
existent dans notre société pour défendre les
intérêts des travailleurs et des travailleuses qu'on pourrait
représenter à ce titre individuel, pas nécessairement dans
le cadre d'une négociation avec l'employeur.
M. Gautrin: C'est certainement une piste intéressante
à poursuivre Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le
député de Verdun. Mme la députée de
Hochela-ga-Maisonneuve, s'il vous plaît
Mme Harel: Oui. Alors, Mme la Présidente, ça me
fait plaisir de saluer M. Qingras et les personnes qui l'accompagnent,
certaines d'entre elles avec lesquelles j'ai déjà eu
l'occasion
d'échanger ses idées. M. Gingras, cette proposition, la
même dont vous discutiez avec le député de Verdun, a fait
l'objet d'une discussion au sein de ma formation politique, enfin au caucus du
Parti québécois, et ce que nous considérions... Vous avez
vraiment bien fait valoir que finalement l'exercice peut être assez
futile et que les plus belles pièces législatives ne valent rien
si elles ne sont pas mises en application, et que parfois même le risque
d'exercer des recours, pour un travailleur ou une travailleuse qui n'a pas le
soutien, est trop élevé en regard du bénéfice
même qui est recherché. On le voit avec tous les
désistements de plaintes qui se produisent et avec le fait que bien des
gens n'osent pas même obtenir ces normes minimales, de peur du courroux
qui peut s'ensuivre ou des répercussions, comme le dit mon
collègue. (20 h 45)
À ce moment-là, est-ce qu'il faut envisager... La
Commission, jusqu'à maintenant, est seule à avoir le mandat de
faire appliquer les normes minimales. En fait, vous, vous dites:
Élargissons, de manière qu'il y en ait d'autres aussi dans notre
société. Ça pourrait être au choix du
salarié, ça pourrait être au choix, à ce
moment-là, de préférer l'intervention d'un
représentant de la Commission. On sait que, présentement, la
Commission peut intervenir. Est-ce qu'il faut qu'au choix le salarié
obtienne que la Commission doive intervenir, s'il choisit de se faire
représenter par la Commission, mais que son choix puisse aussi
être en faveur d'une association de salariés ou d'un organisme de
défense des droits?
Tout de suite après vous, viendra l'organisme Au Bas de
l'échelle qui reçoit surtout des travailleurs et des
travailleuses assujettis aux normes minimales, et qui pourrait les
représenter devant la Commission. Ma question est la suivante: Est-ce
que vous pensez souhaitable d'élargir votre recommandation à la
page 18, de façon que les associations de salariés et les
organismes de défense des droits, identifiés évidemment,
puissent représenter les salariés qui le désirent et
qu'à ce titre-là des frais de représentation soient
remboursés selon les barèmes à établir?
M. Gingras: Écoutez, je pense qu'il y a toute la question
de reconnaissance de l'organisme en question. Ça soulève un
problème quand même. Quand on parie d'une centrale syndicale, on
parle quand même d'une organisation qui, quotiennement, est
impliquée dans le règlement de certains dossiers, est
impliquée dans la démarche de défense des travailleurs et
travailleuses et possède une expertise. Il y a des conditions minimums.
Je ne pense pas que notre position mette à l'écart ce genre
d'organisme qui pourrait éventuellement recevoir une
accréditation quelconque parce que, justement, il possède les
qualités requises. Mais il ne faudrait pas que ce soit une invitation
à la création d'une série d'organismes qui seraient
là pour laisser voir qu'ils jouent le rôle, mais qui, dans les
faits, ne le jouent pas nécessairement.
C'est pour ça que je dis qu'il faut être prudents. Je pense
qu'il faudrait qu'il y ait un mécanisme d'accréditation quand
même et que les organismes qui seraient reconnus pour défendre les
travailleurs, en dehors des centrales syndicales, devraient être
accrédités en fonction de règles et de critères
minimums qui assureraient la garantie des intérêts des
travailleurs et travailleuses qui font appel à ce genre de services. Il
ne faudrait pas tomber dans un autre excès et faire en sorte que la
centralisation devienne une décentralisation, au point que n'importe
quelle personne d'un coin de rue pourrait se partir un service de
représentation des travailleurs et avoir accès à ces
sommes-là indûment, sans nécessairement faire le travail
auquel, normalement, on doit s'attendre dans une situation comme
celle-là.
Mme Harel: En tout cas, c'est certainement la question la plus
névralgique de nos travaux, soit de se demander comment faire en sorte
que les bas salariés voient appliquer les lois qui sont votées en
leur faveur, puisqu'on sait que le tiers au moins des bas salariés ont
des conditions de travail inférieures aux normes du travail. Avoir des
partenaires pour pouvoir le faire est certainement souhaitable, mais confier
à l'État seul une sorte de monopole de représentation des
droits des personnes, ce n'est pas nécessairement dans l'esprit des
temps actuels. C'est certain que ça pourrait être
intéressant que soit envisagé un élargissement dans le
sens que vous proposez et dans le sens qu'on peut le souhaiter aussi, avec une
reconnaissance d'organismes qui ont déjà de l'expertise en
matière de défense des bas salariés.
Des organismes avant vous ont fait valoir que, finalement, toutes ces
législations du travail sont tellement éparpillées... Et
je pense, entre autres, à la Fédération des travailleurs
du Québec qui illustrait, dans son mémoire, une série de
lois qui contiennent des dispositions relatives aux droits des salariés:
la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles, celle sur la
fête nationale, sur les jurés, la Loi électorale, le Code
civil, la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la
main-d'oeuvre, etc. Il y en avait une quinzaine comme ça. Et ça,
ça ne facilite pas, évidemment, l'application, la connaissance
des lois, le fait qu'elles soient à ce point éparpillées,
et certains ont repris la recommandation de la commission Beaudry, en ce sens
d'intégrer toutes les dispositions relatives au travail dans un code
intégré, un Code du travail, comprenant à la fois les
contrats collectifs et les contrats individuels dans une sorte d'ensemble, pour
en arriver à une certaine harmonisation aussi, finalement à
une économie générale de ce droit d'une certaine
façon.
Je vais vous dire ce qui m'a étonnée, parce que vous, vous
semblez aller dans ce sens-là. Dans votre mémoire, vous
recommandez, je pense, qu'il y ait une véritable révision du Code
du travail, des autres législations, y compris la Loi sur les normes du
travail, dans le sens d'une intégration. En fait, vous allez dans le
même sens. Et là ce qui m'a étonnée, c'est que vous
proposiez, pour les familles, une loi à part. Ça m'a vraiment
surprise parce que, dans le fond, qui, parmi les travailleurs et les
travailleuses, n'est pas dans une famille? Ils ne sont peut-être pas
parents de jeunes enfants, mais ils sont certainement enfants de parents et la
famille n'est pas que celle des petits bébés. En fait la
responsabilité familiale n'est pas qu'à l'égard des petits
enfants. Ce n'est pas seulement les congés de maternité,
même si c'est là un aspect très important.
Il y a une logique implacable, dans le fond, à faire partie d'une
famille. Ce n'est pas une minorité visible ou invisible dans notre
société, la famille. Tout le monde est d'une famille. Les
orphelins complets, c'est... Et je me dis: Quels recours auraient-ils? C'est
une loi qui devrait, de toute façon, avoir les recours des autres
dispositions des normes minimales pour qu'advenant qu'il y ait défaut la
personne puisse faire sanctionner, finalement, donc il faudrait qu'elle se
réfère aussi au commissaire du travail et à la Commission
des normes. Alors, pourquoi une loi à part quand on a
intérêt, dans le fond, à ce que la réalité
famille, penser famille, ce soit intégré au point où,
finalement, nos lois respirent la famille sans qu'on ait besoin d'en faire
à côté?
M. Gingras: C'est que parler de lois qui respirent la famille, on
ne pense pas que l'épar-pillement donne l'impression, justement, que les
lois respirent la famille. On n'y croit pas en termes d'orientations. Nous, on
favorise plutôt le guichet unique parce qu'on pense qu'on a un
problème de société par rapport à la famille,
actuellement. On pense que la seule façon d'affirmer vraiment une
orientation majeure favorisant la famille repose sur le fait qu'on regroupe les
mesures qui concernent la famille dans un guichet unique. Je comprends votre
intervention. Quand on parle de regrouper les législations du travail,
oui on partage cet objectif-là. L'ensemble des législations du
travail doivent être regroupées.
Cependant, on dit oui à ça, on dit oui au regroupement de
l'ensemble des législations, mais il y a certaines législations
d'espèce. On va prendre, entre autres, la santé et
sécurité au travail, qui fait l'objet d'une législation
particulière. Je pense qu'on devra continuer de composer avec une
législation de nature un peu particulière, pour la santé
et la sécurité, et ça affirme une volonté, en
même temps, de s'atta- quer à un problème fondamental qui
est celui de la santé et de la sécurité.
On le voit comme ça. Si c'était intégré dans
un ensemble de législations constituant les législations du
travail, on n'aurait pas le même sentiment que c'est une priorité
au même titre. Ce serait une priorité à l'intérieur
des priorités, bien sûr, mais ce ne serait pas une priorité
au même titre. Je pense que l'enjeu du problème familial
actuellement dans notre société est tellement important qu'il
nécessite qu'on affirme vraiment cette priorité et qu'on la
retrouve à l'intérieur d'une législation, d'une
pièce législative qui soit tout à fait spécifique
à cet enjeu.
Or, c'est dans ce sens-là que notre recommandation va, aussi
surprenante soit-elle, mais je pense que c'est sur ça qu'elle repose. Le
motif fondamental est sur ça. Quant au regroupement de l'ensemble des
législations du travail, on partage aussi cet objectif-là et on
croit qu'on doit le réaliser parce que l'éparpillement des
législations du travail dessert actuellement le monde du travail.
Ça, c'est clair. Je pense qu'on l'a demandé à la
commission Beaudry. On continue de le demander à toutes les occasions,
qu'on regroupe cet ensemble de législations-là et qu'on puisse
faire référence à une seule législation du travail
malgré notre position.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Merci, Mme la Présidente. Disons
qu'on a parlé avec des groupes, cet après-midi entre autres, du
sujet de l'équité salariale. Je remarque qu'il n'en est pas du
tout question dans le mémoire que vous nous avez présenté.
Est-ce que vous verriez d'un bon oeil qu'une mesure comme
l'équité salariale s'ajoute à un projet de loi comme
celui-là?
M. Gingras: Bien, écoutez, concernant
l'équité salariale, je verrais sûrement d'un bon oeil que
la loi des normes minimales traite de l'équité salariale, bien
sûr. C'est que si on parle d'équité salariale dans notre
société, et à quelque niveau que ce soit, je pense que
toutes les occasions qu'on a de pouvoir y référer, de pouvoir en
traiter de façon à résoudre les problèmes
d'équité qui existent actuellement, si on a des
mécanismes... Mais je ne vois pas encore comment on peut l'introduire.
C'est parce qu'il s'agit quand même de voir comment on va traiter la
compensation des postes de travail et le travail dans notre
société, pas nécessairement en fonction de ce qu'il est
exécuté par un homme ou une femme, mais qu'il est
exécuté en fonction de ce que mérite une tâche.
Alors là on parle d'échelles salariales, on parle
d'équité salariale, c'est différent d'une échelle
de salaire minimum. On parle de toute une autre philosophie en termes de
traitement de base, traitement minimum. C'est un traitement minimum qui
serait
plus conforme peut-être à la réalité ou
à l'équité salariale que comporterait le fait d'effectuer
un travail plutôt qu'un autre. Je ne sais pas si c'est dans ce
sens-là que vous le voyez?
Mme Carrier-Perreault: Disons qu'il y a des groupes aussi qui
nous ont dit que ce serait important que cette mesure-là sort inscrite
dans une loi, si on veut, proactive.
À la page 31 de votre mémoire, vous nous parlez du
rôle de la Commission des normes du travail. Disons que personnellement
je vois beaucoup de similitudes avec la Commission de la santé et de la
sécurité du travail en quelque part. Disons que le genre de
recommandations que vous faites, c'est un peu pour un inventaire de risques, si
on veut, avec les mauvais... On ne prend pas de chances avec les mauvais
employeurs, on sait d'avance, donc on fait de la prévention, si on veut.
Est-ce que ça n'aurait pas pour but de rendre la loi proactive à
ce moment-là, c'est qu'on pourrait aller justement au-devant avec la
loi, sans attendre qu'il y ait des plaintes?
M. Gingras: C'est exact.
Mme Carrier-Perreault: Est-ce que c'est dans ce but-là que
vous avez...
M. Gingras: C'est dans ce but-là. C'est qu'actuellement la
loi est passive et, à notre avis, l'application de la loi est passive.
Or, dans ce sens-là, c'est qu'on veut la rendre proactive. Il est
important, en fait, qu'on ait une stratégie d'application de cette loi.
Ce n'est pas tout de rendre une loi... Parce que, actuellement, dans les
milieux de travail, force nous est de constater que souvent, lorsqu'on arrive
à syndiquer des endroits de travail, des milieux de travail, on
s'aperçoit que même la loi des normes minimales ne s'applique pas
et ce n'est qu'à ce moment-là que certains employés
viennent nous voir et nous disent: Bien, écoutez, j'ai eu telle
situation, on n'a pas respecté mes droits élémentaires. On
leur demande toujours: Mais pourquoi vous n'avez pas fait appliquer vos droits?
On n'a pas fait appliquer nos droits parce que, si on les fait appliquer,
l'employeur va l'apprendre et on va perdre notre job. On n'aura pas de travail
demain matin. Or, par déduction ou par information qu'il recevra d'un
agent de la Commission, on sera littéralement mis à la porte de
notre travail. Et, d'ailleurs, des exemples se produisent
régulièrement dans les milieux de travail et il y a des gens qui
viennent même se plaindre chez nous. Ils viennent nous voir et ils
viennent chercher des conseils, comment agir dans des situations comme
ça, parce qu'ils viennent de perdre leur travail parce qu'ils ont
réclamé à la Commission des normes du travail le
traitement minimum qui est prévu dans la législation. Alors, ils
ne savent pas comment s'en sortir, parce que l'employeur ne le
congédiera pas parce qu'il a réclamé mais il va trouver un
autre motif pour s'en débarrasser. Alors, c'est un peu la situation que
vivent les gens dans le champ. Or, dans ce sens-là, il y a lieu, dans
une législation minimum comme celle-là, et connaissant les
milieux de travail comme ceux qui existent actuellement dans notre
société, qu'on ait quand même au moins la volonté de
faire appliquer ces minimums parce qu'il faut que ça se ressente aussi.
Ce n'est pas tout de passer une législation, mais il faut qu'on sente
aussi la mission d'en faire une application concrète. Or, quand on sait
qu'il y a des secteurs qui ont de la difficulté à faire
l'application de cette législation et la violent
systématiquement, je pense qu'il faut qu'on procède à ce
qu'on appelle des inspections de conformité. Ça existe dans le
domaine de la santé, de la sécurité. (21 heures)
II y a des entreprises qui sont de mauvais citoyens et il y a des
entreprises qui ont des taux de cotisation élevés parce que,
justement, elles ont un taux d'accidents important. Je pense qu'il y a des
inspections de conformité, chez ces entreprises-là, qui sont plus
régulières qu'ailleurs. Mais je pense que c'est justifié
parce qu'on veut les inciter à une approche préventive
plutôt qu'à une approche curative. Dans ce sens-là, je
pense qu'il est nécessaire, quand on a une loi minimum et qu'on
s'aperçoit qu'il y a des secteurs qui violent de façon
systématique ces lois minimums là, qu'au moins on fasse
comprendre aux entreprises ou aux employeurs qui violent
systématiquement ces législations-là qu'il y a une
volonté, quand même, qu'elles s'appliquent.
La Présidente (Mme Marois): Une dernière question,
Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Vermette: En page 37 de votre mémoire, vous parlez de
l'accessibilité à un fichier central des entreprises. Vous
aimeriez, en fait, être informés sur, en tout cas, tout ce qui est
conforme, en fait, à ces entreprises au niveau des divers
règlements. J'aimerais savoir pourquoi, justement, cette demande est
mise là, actuellement. Est-ce qu'il pourrait être plus favorable
pour les travailleurs et les travailleuses qu'on mette sur pied un fichier
central de cet ordre-là?
M. Gingras: Écoutez, je vais demander à Pierre Yvon
Ouellette, de notre service de recherche, de vous apporter une réponse
et je compléterai, s'il y a lieu.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Ouellette.
M. Ouellette (Pierre Yvon): Merci. L'idée du
fichier central, d'abord, on l'a exprimée par rapport à
l'action actuelle de la Commission des normes. La Commission des normes a
actuellement une action défensive. Elle répond à des
plaintes. Elle répond à des problèmes qui se produisent.
Ce qu'on dit, c'est que la Commission des normes devrait aller au-devant des
problèmes, donc devrait détecter des entreprises qui sont
susceptibles de violer la loi des normes. L'expérience qu'on a, c'est
qu'une entreprise qui a des problèmes à respecter la loi des
normes, c'est la même qui a des problèmes à respecter la
loi de la santé, la loi des accidents et maladies, l'application de la
Charte de la langue française; c'est toujours la même. Une
entreprise qui a des problèmes à respecter une de ces
lois-là qui sont des fondements minimaux, elle a des problèmes
à respecter toutes les autres.
Par exemple, dans certaines régions où il y a du
chômage actuellement, si on avait pu détecter des entreprises qui
avaient une fréquence à utiliser la mise à pied pour
régler leurs problèmes de vente, leurs problèmes de
production, on aurait peut-être évité des fermetures
d'entreprises. Si on avait pu aller au-devant d'entreprises, que ce soit en
termes de fréquence, de gravité d'accidents de travail, on
n'aurait peut-être pas les fermetures qu'on a, on n'aurait
peut-être pas les accidents qu'on a, on n'aurait peut-être pas les
maladies professionnelles qu'on a.
Alors, pour résumer, l'objectif d'avoir un fichier central, c'est
de ramasser dans la même banque d'informations les entreprises qui ont
des problèmes à respecter ces lois-là. Par rapport
à notre texte, on pourrait ajouter les entreprises qui ont des
problèmes à respecter les lois de l'environnement. C'est dans la
même famille que celles qui ont de la misère à respecter
les lois de la santé, des accidents, de l'impôt, etc.
La Présidente (Mme Marois): Les mauvais citoyens
corporatifs.
M. Ouellette: Voilà!
La Présidente (Mme Marois): Oui, est-ce que vous vouliez
ajouter quelque chose, M. Gingras?
M. Gingras: En fait, c'est ça. On le soumettait d'ailleurs
au gouvernement fédéral concernant le bill C-21, la Loi sur
l'assurance-chômage, on a soumis exactement la même position. On
pense que, de façon générale, un mauvais citoyen se
reproduit. Dans tous les régimes sociaux, on retrouve de quelle
façon il se reproduit. Pour nous autres, il est important que ces
mauvais citoyens corporatifs, quand même, on y porte une attention, parce
que ce sont des gens qui coûtent cher à la société.
Il ne faut pas penser qu'ils coûtent cher uniquement aux travailleurs et
travailleuses qu'ils emploient, mais ils coûtent cher aussi à la
société. Dans ce sens-là, je pense qu'il y a lieu qu'on
prévoie des règles spécifiques qui fassent en sorte qu'au
moins, à un moment donné, on puisse identifier ces gens et qu'on
ait un traitement particulier
La Présidente (Mme Marois): Je pense que ça va, M.
le ministre?
M. Bourbeau: Oui, j'aimerais simplement remercier la CSD et son
président pour un exposé très clair et très
intéressant sur le projet de loi. Je peux vous assurer que nous allons
tenir compte de toutes les représentations que vous nous avez faites et
dans votre mémoire et dans votre exposé verbal.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre
contribution aux travaux de la commission. Qu'on partage ou non votre point de
vue, je pense qu'il était intéressant et neuf par rapport
à d'autres mémoires qu'on a eus jusqu'à maintenant,
même si ça ne fait qu'une journée que l'on
siège.
M. Gingras: On est heureux que vous aviez reçu nos
commentaires avec autant de diligence. Je pense que, si on vous en fait part,
c'est parce qu'on y croit et je pense qu'on est convaincus que ces principes
doivent apparaître dans cette législation. Bien sûr,
même si vous ne partagez pas l'ensemble, je pense qu'on se devait de vous
les soumettre parce que c'est la pensée des gens qu'on
représente, quand même, par rapport à la loi sur les normes
minimales de travail. On vous remercie de la possibilité que vous nous
avez donnée de nous faire entendre par rapport à ce projet de loi
et on espère que vous tiendrez compte de l'ensemble des modifications,
au Parlement.
La Présidente (Mme Marois): Merci. J'inviterais maintenant
les représentants et représentantes de l'organisme Au Bas de
l'échelle à bien vouloir prendre place devant nous. Pendant ce
temps, je fais circuler l'ordre du jour pour les séances de travail de
demain.
Si les membres de la commission le veulent bien, nous allons reprendre
nos travaux. Comme je l'ai fait pour d'autres personnes qui sont venues,
j'inviterais la présidente du conseil, Mme Aveline, à se
présenter et à présenter les personnes qui l'accompagnent,
et à procéder à la présentation du mémoire
en une vingtaine de minutes pour nous permettre d'échanger avec vous par
la suite.
Au Bas de l'échelle
Mme Aveline (Danielle): Merci beaucoup, Mme la Présidente.
D'abord, merci de nous avoir invités. Mon nom est Danielle Aveline; je
suis
présidente de l'organisme Au Bas de l'échelle. Je suis
accompagnée par Gaétan Lévesque, qui est membre du conseil
d'administration; par Manon Richard et Lynda Nadeau, qui sont toutes les deux
permanentes au groupe. On vous remercie donc de nous avoir permis de venir ici.
On est très contents parce que, nous, ça fait 15 ans qu'on
existe. Ça fait 15 ans qu'on travaille, justement, avec cette loi, la
loi 126, et on peut dire qu'on la connaît très bien.
Notre organisme, on peut le dire, a une expertise sur cette loi et,
surtout, sur la façon dont elle est appliquée par les
non-syndiqués. On reçoit, depuis ces 15 années, de
nombreux non-syndiqués, qui, parce qu'on est un groupe de défense
et d'aide des non-syndiqués, viennent nous demander toutes sortes
d'informations sur la loi elle-même qu'ils ne connaissent pas -
ça, le constat est assez clair - sur les recours possibles qu'ils ont ou
qu'ils n'ont pas, sur les trous de la loi, enfin, et j'en passe.
On donne énormément d'informations également dans
les COFI, dans les groupes de jeunes, dans les groupes de femmes, dans les
écoles, dans les entreprises qui le demandent; bref, nous rejoignons un
grand nombre de personnes. Ce sont environ 2000 demandes par année qui
arrivent au groupe Au Bas de l'échelle et on peut dire que, sur ces 2000
demandes - on a des statistiques claires là-dessus - il y a 40 % des
gens qui n'ont pas de recours légaux, c'est-à-dire qu'on est
obliges de leur répondre: Votre cas n'est pas prévu par la loi;
on ne peut rien faire.
Je voudrais vous dire aussi qu'on vit quotidiennement cette loi et qu'on
est capables d'en analyser certaines faiblesses. Par contre, on n'a pas la
chance d'avoir la formule Rand. On n'a pas la chance de représenter...
On ne peut pas dire que les non-syndiqués sont membres d'Au Bas de
l'échelle. Bien sûr, on a un groupe de membres, un membership,
mais si tous les non-syndiqués étaient membres et si on avait la
formule Rand, ce serait extraordinaire. On n'aurait pas quatre permanentes,
mais on en aurait 2000. Ce serait formidable.
On va mettre "l'emphase" sur certains éléments du
mémoire. On ne veut pas détailler tout parce que, d'une part,
nous faisons partie du Front de défense des non-syndiqué-e-s que
vous avez eu l'occasion de rencontrer ce matin et on appuie, évidemment,
entièrement leur mémoire. D'autre part, on fait partie
également du Regroupement pour des congés de maternité et
parentaux qui va présenter son mémoire demain, que nous appuyons
également entièrement puisque nous avons travaillé avec
eux sur ce mémoire. Donc, on appuie trois mémoires. C'est
extraordinaire!
Mais on est venus, quand même, spécifiquement sur le
nôtre parce que, comme je vous le disais tantôt, on a une expertise
qu'on trouvait important de vous amener. Les deux constats principaux qu'on
fait sont que la loi nous paraît inadéquate et insuffisante, et
que les recours qui sont prévus dans la loi sont difficiles
d'accès, en général.
De plus, depuis dix ans, je ne vous apprendrai rien en vous disant que
la situation économique s'est détériorée avec les
fermetures, les faillites, la précarisation de l'emploi, la
dualité du marché du travail. Tous ces
éléments-là, que tout le monde connaît, font en
sorte que de plus en plus de personnes n'ont pas les moyens de se
défendre et, finalement, ont comme seul recours cette loi. La ioi est
donc devenue désuète, c'est clair, et il n'y a pas de
mécanisme clair pour la changer. Alors, je trouve qu'on a l'occasion
historique, avant l'an 2000 - parce que la prochaine fois, ce sera
peut-être en l'an 2000 - avec vous, les parlementaires et le ministre, de
changer cette loi. Et je trouve ça très très important
qu'on la fasse le mieux possible.
À cet égard, on voudrait dire qu'on a bien
étudié l'avant-projet de loi. On a, d'ailleurs, fortement
apprécié également que les agents du ministère
viennent nous rencontrer pour nous l'expliquer et on voudrait vous remercier de
cette initiative. Ça nous a beaucoup aidés. On a trouvé
qu'il y avait des choses très importantes dans ce projet de loi et un
pas en avant qui est tout à fait notable, mais on trouve que c'est
insuffisant. Naturellement, on va vous dire pourquoi.
Nos demandes sont, somme toute, très raisonnables, vous allez le
voir, et on ne pense pas que ces demandes soient irréalistes. D'abord,
on s'aligne par rapport à d'autres lois, comme le Code canadien du
travail ou d'autres lois provinciales. On essaie juste d'harmoniser pour que
ces lois dites minimales soient, quand même, un petit peu à
l'ordre du jour de 1990, et on pense qu'elles n'entraînent pas une
détérioration économique épouvantable. On nous
menace toujours, on a toujours l'épée de Damoclès: Si vous
augmentez le salaire minimum, ça va déranger l'économie.
En fait, on s'aperçoit que ça n'a pas un impact
considérable.
Par contre, on pense à des éléments incitateurs au
retour au marché de l'emploi. Parce que c'est sûr que, si les
conditions de travail sont difficiles, les gens préfèrent rester
au bien-être social. On le sait tous, il y a eu assez d'études
là-dessus.
Voilà les points qu'on voudrait amener assez rapidement. Je
voudrais, d'abord, toucher le champ d'application de la loi; ensuite, le
salaire minimum; ensuite, certaines normes comme les congés, les
vacances, le temps supplémentaire; puis, les recours et, enfin, parler
de la Commission, de son mandat et de son application. Je vais essayer
d'être brève.
En ce qui concerne le champ d'application de la loi, ça va
être très simple. C'est tout simplement pour dire que nous
demandons que
cette loi, qui est quand même une loi sur les normes minimales,
soit universelle, c'est-à-dire qu'elle touche tous les travailleurs,
qu'il n'y ait pas d'exclusions telles qu'elles sont actuellement - je ne vous
donnerai pas tous les détails techniques, vous les connaissez mieux que
moi sans doute - mais que les travailleurs agricoles, notamment, et les
travailleurs domestiques soient entièrement couverts par cette loi. ils
sont exclus actuellement de certaines dispositions. d'ailleurs, le
ministère, le mmsr, recommandait déjà, en 1987,
l'abrogation des mesures d'exception. donc, on va tout à fait dans le
même sens.
Sur le salaire minimum, nous avons - vous le trouverez en page 8 - trois
choses que nous voulons voir réformer: premièrement, que le
salaire minimum soit augmenté immédiatement à 6 $ l'heure
afin de rattraper l'inflation et d'aller au-delà du seuil de la
pauvreté. Nos calculs actuels nous disent qu'un travailleur au salaire
minimum est en dessous du seuil de la pauvreté de 1400 $ s'il n'a pas de
personne à charge. Donc, dès qu'il a une personne à
charge, il est encore plus en dessous du seuil. Donc, ça nous
apparaît une mesure de rattrapage immédiate, nécessaire.
Deuxièmement, étant donné qu'il y a souvent des
changements de gouvernement, de pouvoir, et qu'on a des périodes de gel
de salaires, de remontée de salaires, c'est assez aléatoire, on
pense qu'il faudrait qu'il y ait, n'est-ce pas, Mme la Présidente... (21
h 15)
La Présidente (Mme Marois): Oh!
Qu'élégamment ces choses sont dites, madame!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Vous voulez un changement de gouvernement, quoi?
C'est ça que j'ai...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Aveline: Nous pensons qu'il faut prévoir un
mécanisme d'indexation du salaire minimum qui soit révisé
une fois par année et qui repose, entre autres, sur le coût de la
vie. On pense qu'il faut, au moins, que les gens conservent leur niveau de
vie.
Une autre chose qu'on voudrait voir, c'est qu'un mécanisme de
hausse de la valeur réelle, c'est-à-dire qui tienne compte des
hausses du pouvoir d'achat, du salaire minimum, soit conçu à
titre de participation à l'enrichissement collectif. Vous trouverez,
à cet effet, dans les annexes de notre mémoire, un petit tableau
que nous avons fait faire par un économiste très sérieux
de l'UQAM, qui nous explique que, même si on mettait le salaire minimum
à 6 $ en 1990, la valeur réelle de ce salaire est de 3,78,
c'est-à-dire un petit peu en dessous de ce qu'il était
réellement en 1981. Donc, on ne rattrape même pas, on est
très conservateurs dans nos demandes.
Donc, ces trois points pour le salaire minimum nous apparaissent
importants. Une augmentation et un mécanisme d'indexation qui
permettrait de le revoir régulièrement.
En ce qui concerne maintenant les différentes petites normes -
qui ont l'air petites comme ça, mais qui sont grosses, et je vais en
parler rapidement, malheureusement - que je voulais passer, ce serait d'abord
les congés. Les congés parentaux, on n'en parlera pas... Comme je
le disais tout à l'heure, on appuie le mémoire qui sera
présenté demain. Pour les congés fériés, on
voudrait juste clarifier qu'actuellement ce n'est pas clair quand un
congé férié tombe un dimanche, etc. Nous proposons
simplement que les jours fériés soient vraiment
chômés et payés. Alors, il y a toutes sortes de nuances
là. Et, selon que ça tombe un dimanche, il y a des travailleurs
chaque année qui se plaignent; on a des appels, ça ne
dérougit pas, chaque fois qu'il y a des congés
fériés parce qu'ils veulent savoir s'ils ont le droit
d'être payés et tout ça; et, en fait, ils n'ont pas le
droit, ce qui fait qu'il y a des jours qui sont perdus de cette
façon.
Le congé de maladie, ça, c'est notre cheval de bataille.
On trouve ça vraiment invraisemblable qu'une loi minimale ne permette
pas à un travailleur d'être malade, de s'absenter. Pour cette
raison, il peut perdre son emploi, et ça arrive
régulièrement et très souvent. Un employé qui a
moins de cinq ans d'ancienneté, comme vous le savez, n'a pas de recours.
Alors, il y a des gens qui sont en maladie et qui reviennent avec un
licenciement sur la table, c'est absolument aberrant! Et ça, c'est un
gros, gros trou dans la loi et, nous, ça fait des années qu'on se
bat pour qu'il y ait une reconnaissance. C'est d'autant plus scandaleux que
ça fait des différences entre les travailleurs. Vous prenez un
travailleur de caisse populaire et de la Banque Nationale. La Banque Nationale
est de juridiction canadienne, le Code canadien du travail prévoit des
congés de maladie. On nous dit que c'est difficile à
gérer; je me demande comment les banques les gèrent. Ça
doit être possible. Nous ne voyons pas un problème à
ça. Il me semble que c'est absolument désincitateur pour les
travailleurs de ne pas avoir le droit d'être malades. C'est comme
fondamental. On insiste beaucoup sur ça.
Dans notre proposition, d'ailleurs, à la page 10... Je vois que
vous posez souvent des questions: Comment on peut faire et tout ça?
Justement, on vous donne tout le procédé, aux pages 11 et 12,
pour le gérer et on ne le fait pas simplement avec le chapeau ou du
point de vue des travailleurs. On sait aussi, parce qu'on connaît les
employeurs, que ce n'est pas facile pour eux. On a essayé de trouver un
mécanisme qui permette de ne pas abuser, justement, et on donne
certaines façons. Par exemple, il faut être en service continu
depuis trois mois, il ne faut pas être absent pendant plus de douze
semaines,
pendant une période plus longue que celle... Bon, etc. Je vous
laisse lire, aux pages 11 et 12, les différentes façons dont on
pourrait gérer ce congé-là, mais il nous apparaît
important qu'il y ait quelque chose.
Je veux parler aussi de vacances rapidement. Actuellement, il faut avoir
dix ans pour avoir deux semaines. Je ne sais pas s'il y en a beaucoup, autour
de la table, qui apprécieraient d'attendre dix ans d'ancienneté
pour avoir deux semaines. En tout cas, moi, je ne le prendrais pas et je pense
qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui...
Une voix: Trois semaines.
Mme Aveline: Trois semaines, pardon. Il n'y a beaucoup de gens
qui restent dix ans au même endroit. Et puis, trois semaines, c'est
vraiment pas beaucoup, non plus, hein. Alors, ça, c'est quelque chose
qu'on trouve très très... Pardon?
M. Gautrin: Les députés ne prennent pas trois
semaines de vacances.
Mme Aveline: Ah?
M. Bourbeau: C'est pour ça qu'on fait les modifications
là.
Mme Aveline: Bien, c'est ça, vous proposez, après
cinq ans, qu'il y ait trois semaines. D'après nos calculs, ça
touche moins de 40 % des travailleurs. Alors, ce n'est pas inintéressant
là, mais il faut aller un petit peu plus loin, parce qu'il me semble
qu'au niveau du ressourcement, du besoin de repos, de la motivation au travail
aussi... Quand on va chercher un emploi et qu'on vous dit d'avance qu'il faut
attendre cinq ans, et que ça touche moins de 40 % des travailleurs, moi,
je me dis: Quelque part, c'est insuffisant. Nous, on propose vraiment qu'il y
ait trois semaines après trois ans, ce qui n'est pas
révolutionnaire, non plus, et quatre semaines après cinq ans.
Ça améliorerait sensiblement la situation.
Je ne vous citerai pas mon pays d'origine parce que tout le monde vous
le met sous le nez, mais, quand même, en France, tout le monde a cinq
semaines de congé - je ne peux pas m'em-pêcher de le dire - et
ça fait un décalage tellement énorme que ça
paraît absolument incroyable qu'après un an on arrive à
avoir cinq semaines de congé. Et moi, quand je suis arrivée ici,
il y a 10 ans, je suis tombée à la renverse quand j'ai vu
ça et, 10 ans après, je tombe encore à la renverse parce
que votre avant-projet de loi n'avance pas encore beaucoup, puis, s'il est
là encore pour 10 ans, on va être encore pris, en l'an 2000, avec
ça. Ce n'est pas très avant-gardiste. Voilà pour les
vacances.
Pour le temps supplémentaire, bien, on avait deux demandes qu'on
trouvait fondamentales, car on a vécu ça depuis que la loi
existe. La semaine normale de travail à 44 heures est vraiment trop
longue; ça prend vraiment une semaine de 40 heures, comme dans le Code
canadien - une fois de plus, je vous cite le Code canadien, puis il y a cinq
autres provinces également qui ont ça - et puis aussi la
journée de huit heures. Parce que, si vous avez 44 heures et que vos 44
heures, vous les faites en trois jours, ça fait dur un peu. Et ça
arrive qu'il y a des gens qui font dix, douze, treize heures de travail par
jour parce qu'il n'y a pas de journée normale de travail. Alors, les
deux choses sont absolument indissociables. Il y a aussi le problème
pour les gens qui sont à temps partiel, qui ne travaillent que quelques
jours par semaine; bien, s'ils ont une journée dite normale de travail,
ils pourront refuser, après neuf ou dix heures, de faire ce temps
supplémentaire.
Justement, on parle du droit de refus et votre projet prévoit un
droit de refus pour les congés parentaux, pour les gens qui ont des
responsabilités parentales avec, d'ailleurs, des ambiguïtés
qui nous paraissent un peu difficiles à gérer. Enfin, c'est un
certain progrès, mais ça touche simplement les gens qui ont des
responsabilités parentales. Moi, je pense à tous ces gens qui
vont prendre, par exemple, des cours de formation professionnelle, qui prennent
des cours le soir, ce qui est tout à fait bénéfique
socialement, et qui ne peuvent pas rester au bureau le soir. Vous souriez,
monsieur, mais c'est vrai, il y a des employés, des secrétaires -
moi, j'en ai des exemples autour de moi - à qui on demande: Bien, reste
ce soir pour faire un "rush", puis qui ont un cours et elles sautent leur
cours. Je trouve ça dommage que ça ne permette pas le recyclage,
surtout que le ministère s'occupe aussi de formation professionnelle
maintenant, et je pense que c'est une préoccupation qu'on doit
avoir.
Donc, en ce qui concerne le temps supplémentaire, on demande, aux
fins du calcul des heures supplémentaires, que la semaine normale soit
de 40 heures et la journée de huit heures, et qu'on ait le droit de
refuser de faire des heures supplémentaires après ses heures
régulières de travail. Je ne pense pas que ce soit très
difficile à gérer, à partir du moment où on a fait
huit heures, de simplement dire: Je peux faire des heures
supplémentaires, mais je peux aussi refuser. Voilà en ce qui
concerne les différents points des normes.
Je voudrais aborder maintenant le quatrième point de notre
mémoire, qui concerne les recours. En ce qui concerne l'article 122, les
congédiements illégaux, on trouve qu'il y a quelques
améliorations dans l'avant-projet de loi, mais vous verrez, à la
page 18, qu'on propose d'aller un petit peu plus loin aussi. On pense que la
Commission des normes du travail devrait défendre gratuitement et
automatiquement les travailleurs. Ce n'est pas juste à leur demande,
etc. On sait qu'il y a beaucoup de travailleurs qui ne font pas cette
demande parce que, d'abord, ça coûte très, très
cher, c'est une des premières raisons. Il faut prévoir vraiment
une accessibilité parce que ce sont des congédiements vraiment
graves.
On a également le problème qu'on Joue avec les mots: on a
vu beaucoup de travailleurs subir des congédiements
déguisés, des mises à pied qui n'en sont pas
réellement, etc. Nous proposons d'élargir la portée de
l'article 122 afin qu'il comprenne les circonstances de mise à pied, de
situation de représailles, de discrimination et d'imposition de toute
autre sanction. On sait pertinemment qu'il y a des façons indirectes de
donner des conditions de travail aux gens qui font que ça revient
à décourager les gens qui démissionnent et c'est un
congédiement déguisé. Il y a toutes sortes de
jurisprudences autour de ces termes-là aussi qui sont ambigus. C'est
juste pour harmoniser aussi qu'on propose, finalement, que la portée de
l'article 122 soit plus générale. On donne l'exemple, à la
page 18, d'un employeur qui mettrait à pied un salarié, la veille
d'un congé férié, afin d'éviter de le
rémunérer et qui agirait en toute légalité puisque
l'article 122 ne prévoit pas le cas d'une mise à pied. C'est un
exemple parmi d'autres.
Pour l'article 124, nous pensons qu'il y a une très grosse
amélioration, parce que le fait que ça aille gratuitement devant
le commissaire, c'est une très, très grosse amélioration.
Bon! On se pose des questions sur comment ça va être
géré; il risque d'y avoir des attentes pour les auditions et tout
ça, mais ça, c'est un autre problème technique. On trouve
que c'est, quand même, une très nette amélioration parce
que ça coûte très cher comme c'est. Mais il reste aussi les
frais d'avocat. Les frais d'avocats, ça peut tourner autour de 3000 $.
Nous, actuellement, Au Bas de l'échelle, depuis un an, on a un
projet-pilote de financement de recours, qu'on a pu faire financer par le
ministère de la Justice parce que, justement, on avait trop de gens qui
arrivaient. On a une espèce de clinique juridique gratuite pour
consultation, mais, quand les gens avaient des recours à faire, on ne
pouvait pas les amener plus loin, ça coûtait trop cher. Là,
on a des projets-pilotes et on a commencé à financer des recours.
On a déjà une petite jurisprudence; on a déjà des
causes qui ont été gagnées grâce au financement de
recours, des gens qui, par ailleurs, ont une situation économique qui ne
leur permettrait pas - ils viennent de perdre leur emploi, etc. - de se
prévaloir de leurs droits. Alors, on a la démonstration que,
quand c'est gratuit, les gens peuvent y accéder, finalement, et gagner
leurs recours qui sont tout à fait justes.
Ce qu'on sait, c'est qu'il y a les deux tiers des salariés qui
n'accumulent pas cinq ans d'ancienneté, et vous savez que l'article 124
s'applique à ceux qui ont plus de cinq ans d'ancienneté. On a
calculé, nous autres, trois ans, deux ans. On a regardé un peu ce
que ça donnait. En tout cas, si on mettait ça à deux ans,
il y aurait encore 43 % des travailleurs qui seraient sans protection.
Ça n'a pas de bon sens; ce n'est môme pas la moitié. On se
dit qu'il faut mettre ça à un an parce que ramener ça
à un an, eh bien, on a 65 % des travailleurs qui sont couverts. C'est
quand même nettement plus satisfaisant; c'est plus que la moitié
des travailleurs. Vous voyez donc qu'il n'y a pas beaucoup d'ancienneté
qui est accumulée chez ces travailleurs-là. C'est un constat
qu'on peut faire. Donc, si on veut les toucher réellement et les
défendre, il faut avoir une période d'attente beaucoup plus
courte. La plupart ne restent pas cinq ans chez le même employeur; donc,
ils ne peuvent jamais se prévaloir de ce droit. Vous savez aussi qu'on a
beaucoup de travailleurs qui, après quatre ans et cinq mois, six mois,
ou quatre ans et onze mois - de moins en moins parce qu'il y a une
jurisprudence là-dessus - quatre ans et neuf mois, etc., se font,
congédier pour un prétexte ou pour un autre, pour empêcher,
finalement, qu'ils n'aient leurs cinq ans d'ancienneté. C'est un petit
peu aberrant.
Vous lirez, à la page 21, notre proposition concernant l'article
124. On demande que les frais d'avocat de la personne congédiée
et portant plainte soient assumés par la Commission des normes du
travail ou par le ministère québécois du Travail; que
toute personne justifiant d'une année de service continu pour un
même employeur puisse se prévaloir du recours prévu
à l'article 124 de la loi, comme c'est le cas également dans le
Code canadien du travail. Décidément, on s'en sert beaucoup, de
ce Code canadien, mais, au moins, sur certains points, il est plus
avancé. J'ai encore un peu de temps? Sur la notion de...
La Présidente (Mme Marois): Oui, très peu, à
peine une minute ou deux, mais je suis persuadée que les membres de la
commission...
Mme Aveline: Ah! Mais je vais conclure.
La Présidente (Mme Marois):... vous permettent de terminer
votre présentation qui ne prendra pas plus que quelques minutes.
Mme Aveline: Merci beaucoup. En ce qui concerne le
congédiement, je l'ai déjà signalé tout à
l'heure, vous retrouvez, en page 22, notre proposition. On propose que le mot
"congédiement", que l'on retrouve dans les articles 122, 122. 1 et 124,
soit remplacé par la notion plus contemporaine de rupture du lien
d'emploi, qui couvre, finalement, tout ce qu'on appelle "congédiement",
"licenciement", "mise à pied". Les employeurs jouent
énormément là-dessus. C'est difficile de prouver une mise
à pied et, pour des raisons économiques, on ferme un service
une
couple de mois, on le rouvre après, sous un autre nom. On joue
beaucoup là-dessus et, finalement, les travailleurs n'ont pas de recours
parce que c'est une mise à pied, ce n'est pas un congédiement.
Ça, c'est un jeu de passe-passe et les employeurs, disons que, dans nos
15 ans d'expérience, on s'est aperçus qu'ils jouent avec la loi,
qu'ils en connaissent les failles et, de plus en plus, qu'ils l'utilisent, et
ce recours-là est utilisé souvent.
On parle aussi de l'efficacité de la réintégration.
On a fait le constat que beaucoup de gens, même s'ils gagnent leur
recours et qu'ils demandent leur réintégration, ont des
difficultés à la vivre pour des raisons évidentes; le plus
souvent, ce sont des petites "jobines", avec le patron très, très
proche et c'est très difficile, quand le patron a perdu sa cause et
quand il a été obligé de reprendre son employé,
d'avoir des relations de travail très saines. C'est évident, ce
n'est pas facile. Beaucoup d'employés qui viennent chez nous demandent
une compensation financière. D'ailleurs, à la Commission des
normes aussi, je pense que c'est à peu près la moitié, si
je ne m'abuse. Donc, on propose tout simplement que le salarié puisse
choisir d'être indemnisé monétairement plutôt que
réintégré dans son emploi sans subir de préjudice.
Dans les faits, ils le réintègrent par principe parce qu'ils ont
gagné et, très vite, ils cherchent un emploi ailleurs et,
dès qu'ils peuvent trouver ailleurs, ils s'en vont; donc, ce n'est pas
très efficace comme recours. C'est peut-être dôsincitateur
pour l'employeur de se dire que, s'il a perdu, il est obligé de
reprendre l'employé, mais c'est à peu près le seul effet
qu'a ce recours.
Par rapport maintenant à la Commission des normes, la Commission
des normes avait plusieurs mandats. Dans son premier mandat, elle constatait
elle-même - évidemment - ça date de 1986, mais on n'a pas
de chiffres plus récents - qu'il y avait environ 44 % de la population
qui ignorait qu'il existait une loi, la loi des normes. Enormément de
gens sont très, très surpris de savoir qu'il existe une loi -
ça, c'est une chose mais de savoir ce qu'il y a dedans...
Régulièrement, on a des gens qui ont vingt ans
d'expérience sur le marché du travail et qui arrivent: Ah bon! On
n'a pas droit à des congés de maladie. Ah bon! Ils ne connaissent
pas leurs droits. Alors, il faudrait qu'il y ait des procédures assez
faciles d'accessibilité à cette loi. Dans certaines provinces
comme l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et même
l'île-du-Prince-Édouard, ils ont une espèce de disposition
qui permet de donner un résumé de la loi aux travailleurs. Comme
on leur donne leur convention collective quand ils sont syndiqués; on
leur donnerait, à l'embauche, une petite plaquette qui résumerait
leurs conditions de travail. Egalement, on demande que ce soit affiché
dans les milieux de travail. (21 h 30)
On propose donc que la Commission prépare à l'intention de
chaque employeur, en nombre suffisant, des copies vulgarisées des
principales dispositions de la loi: le salaire, le temps de travail, etc.,
qu'au moment de l'embauche l'employeur remette un exemplaire de ce document et
qu'un résumé soit affiché dans un endroit bien visible
pour tout le monde. Il me semble que c'est assez facile à faire et c'est
un besoin très, très important, parce que, dans la
clientèle qu'on volt, il y a énormément de besoins
d'information. Au téléphone, on n'arrête pas. On a un
service d'information et beaucoup de gens appellent pour savoir: Est-ce que
j'ai droit aux congés fériés? Qu'est-ce que c'est, le
salaire minimum? Est-ce que j'ai droit à un préavis, etc.? Donc,
ce serait la première chose sur la Commission des normes.
Au niveau de son deuxième mandat, qui est de surveiller
l'application des nonnes, j'ai écouté, tout à l'heure, la
CSD dire aussi que c'était difficile au niveau préventif. La
Commission n'a peut-être pas les moyens - ou elle le fait peut-être
moins, elle le fait de moins en moins -d'aller voir un petit peu ce qui se
passe dans les entreprises pour voir si, justement, les conditions des normes
minimales sont respectées.
On voudrait donc que tout organisme puisse saisir la Commission des
normes du travail de plaintes à l'égard des infractions à
la Loi sur les normes du travail, que la Commission entreprenne obligatoirement
des enquêtes préventives, des "spot-checks" sur le respect des
normes du travail, surtout dans les entreprises qui ont déjà un
passé, qui ont déjà eu des plaintes, etc., et que
l'enquête de la Commission, suite au dépôt d'une plainte,
porte sur l'ensemble de la situation de l'entreprise et non seulement sur de
simples cas individuels. Actuellement, ce n'est pas possible. Nous, on sait
très bien que, s'il y a une employée qui vient faire une plainte,
les 10 autres employés ont exactement les mêmes conditions. Mais
la Commission n'a pas le mandat de faire une enquête
générale. On trouve que c'est dommage parce qu'on gagnerait du
temps de cette façon. C'est ça.
On a un petit chapitre sur la représentation au sein de la
Commission des normes. On n'a pas de proposition très très
claire, mais on a un souci que la représentation des travailleurs
non-syndiqués soit plus équitable parce qu'on trouve qu'ils ne
sont pas très bien représentés à la Commission.
Alors, c'est une proposition générale de représentation.
On ne vous propose pas comment ce serait fait.
Pour conclure, donc, je voudrais souligner l'importance de ce moment
pour nous. Les revendications qu'on a faites sont un peu la conclusion d'un
travail de longue haleine. Nous étions déjà là
à la commission Beaudry. Nous avons déjà fait maintes et
maintes représentations pour faire changer des articles de loi. C'est un
avantage social pour 58 % des citoyens, soit
environ 1 000 000 de personnes qui seraient touchées par ces
changements.
Comme cette loi risque d'être là pour un bout de temps,
nous comptons sur vous pour tenir compte de notre expertise, même si elle
n'est peut-être pas aussi évidente que l'expertise des syndicats.
Vous savez, les syndicats défendent les travailleurs syndiqués et
puis, nous, on les défend aussi, les travailleurs syndiqués.
C'est étonnant de voir combien de personnes qui sont syndiquées
ne savent pas, premièrement, que leur convention collective est en
deçà des normes, ce qui fait que, vous le savez probablement,
quand la convention est en deçà des normes, c'est la norme qui
s'applique. Donc, nous aussi, on dessert parfois les travailleurs
syndiqués. Alors, je pense que l'ensemble des travailleurs sont
touchés par cette loi, y compris les travailleurs non
syndiqués.
Je vous remercie beaucoup de votre attention parce qu'à cette
heure-ci ce n'est pas facile de nous écouter, après tout ce que
vous avez entendu toute la journée. J'espère que j'ai su vous
convaincre un peu des revendications de notre groupe Au Bas de
l'échelle.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre
intéressante présentation. Vous êtes, en effet, le
huitième groupe, mais non le moins intéressant. M. le
ministre.
M. Bourbeau: Mme la Présidente, je vais poser une couple
de questions au groupe Au Bas de l'échelle et ma collègue, la
ministre déléguée à la Condition féminine et
à la Famille, aimerait compléter. Je devrai vous quitter avant la
fin de la séance, mais ma collègue pourra continuer à
garder le fort et je compte sur la députée de
Hochelaga-Maisonneuve pour meubler le reste du temps.
M. Marcil: J'ai une question aussi. M. Bourbeau:
Même le député, bon.
Mme Harel: Ce ne sera pas pour faire l'éloge du
ministre.
M. Bourbeau: Ça m'étonnerait beaucoup. Au sujet des
petites fermes - c'est un sujet dont on n'a pas beaucoup parlé, mais
vous avez une certaine expertise là-dessus - pensez vous que les
agriculteurs seraient en mesure de respecter l'ensemble des normes du travail
proposées? Je pense, par exemple, à la question du surtemps,
à la semaine de 44 heures. Je pense, par exemple, à la
problématique des récoltes où on doit se précipiter
par beau temps. Pensez-vous que la relation remployeur-salarié est
différente dans ce milieu-là par rapport aux autres milieux de
travail, et est-ce que c'est logique d'appliquer les mêmes normes dans le
milieu des petites fermes, par exemple, que dans les milieux normaux de
travail?
La Présidente (Mme Marois): M. Lévesque.
M. Lévesque (Gaétan): Oui, M. le ministre. On
pense, un peu comme vous l'avez fait dans votre présentation de la loi
qui venait du ministère, finalement, que ça a
évolué. On n'est plus en 1938 où...
Une voix: En 1937.
M. Lévesque (Gaétan): On n'est plus en 1937;
ça a évolué, l'entreprise agricole et, en tout cas, nous,
on ne voit pas ce qui ferait qu'il pourrait y avoir une grosse
différence entre une entreprise agricole de trois employés et
moins et un dépanneur sur le coin de la rue. Évidemment, il y a
des questions de récoltes, de beau temps, ces aspects-là, sauf
qu'au niveau de la relation employeur-employé, pour répondre
directement à votre question, on n'en voit pas.
Cela étant dit, ce que l'on vous a sorti - et je pense qu'il faut
en être conscient - c'est qu'on voit toutes les années, vers le
mois d'août, arriver des gens de pays étrangers, et ça fait
toujours drôle aux Québécois de se dire: Comment ça
se fait qu'on est obligés d'embaucher des gens de l'extérieur?
Dans notre mémoire, on vous dit, à la page 5, que "les
principales régions du Québec continueront d'être aux
prises avec des pénuries d'ouvriers agricoles, en raison principalement
des conditions de travail qui leur sont offertes." On pense que, si on offrait,
aux employés des petites fermes comme des grandes fermes, des conditions
de travail comme celles des autres employés, on diminuerait probablement
les problèmes au niveau des pénuries et on donnerait aux gens des
conditions minimales qui sont respectables pour les autres et pour eux
aussi.
La Présidente (Mme Marois): Mme la ministre, vous avez une
question?
Mme Trépanier: Oui. D'abord, Mme la présidente,
j'ai une critique à formuler; je trouve que vous êtes trop humble.
Je connais le travail que vous effectuez dans le champ et c'est dans le champ
que ça se passe au niveau des travailleurs non syndiqués. Vous
les représentez très adéquatement, ça c'est clair.
Votre position est extrêmement importante pour nous; la loi des normes,
c'est à votre clientèle que ça s'adresse, un peu comme le
groupe de cet après-midi. Vous jugez les amendements à la loi
timides, modestes, mais, dans l'ensemble, si vous en voulez plus, vous
n'êtes pas en désaccord avec le virage que nous faisons, je
pense.
En ce qui concerne le champ d'action de la loi, c'est un moment
privilégié pour essayer d'ajuster nos positions et aussi de
trouver des solutions à certains problèmes que nous trouvons
difficiles, nous aussi. Je discutais avec certains d'entre vous dans le
corridor cet après-midi et je pense que les solutions ne sont pas
toujours faciles à trouver. Vous, vous êtes dans le champ et vous
ne les trouvez pas toujours aussi; alors, c'est pour ça qu'il faut avoir
une bonne collaboration pour essayer d'avoir la meilleure loi possible pour nos
travailleurs.
Vous proposez qu'on élargisse la couverture, que la loi
s'applique à tout le monde, dans le fond, aux travailleurs domestiques,
etc. Vous élargissez beaucoup. Vous incluez également les
gardiennes. Est-ce que vous avez une définition du mot "gardien" dans ce
cas-là? Est-ce que vous incluez la garde occasionnelle? Comment
allez-vous faire la démarcation? C'est une question très
difficile pour nous, on a de la difficulté à établir une
charnière.
La Présidente (Mme Marois): M. Lévesque.
M. Lévesque (Gaétan): Oui, je pense qu'on comprend
la difficulté, évidemment. Ce qu'on se dit, dans le fond, c'est
qu'il faut que tous les travailleurs, quand ils se déplacent pour aller
travailler, aient des conditions minimales le moindrement correctes. On
comprend les difficultés, dans le cas des gardiennes d'enfants, et je
pense que Mme la ministre de la famille... De la famille, enfin, je ne sais pas
au juste le nom.
Mme Trépanier: Ministre déléguée
à la Condition féminine et à la Famille.
M. Lévesque (Gaétan): O.K. Je pense que Mme la
ministre en est très consciente, sauf que, évidemment, si on le
voit du côté des parents qui payent une gardienne, leur demander
de payer 6 $ l'heure, ça peut être un peu difficile pour leur
budget. Sauf que si on le prend du côté des travailleuses, qui,
elles, doivent se déplacer pour gagner 3 $, 2 $ l'heure, on se dit qu'il
y a quelque chose qui ne fonctionne pas quelque part dans le système.
Dans le fond, notre proposition, c'est de se dire: II nous semble que ce serait
plus simple si tout le monde qui travaille avait un salaire minimal. On pense
que 6 $, ce serait peut-être un peu réaliste et, si c'est
difficile pour les parents, si c'est difficile pour d'autres, il y a
peut-être d'autres politiques sociales, fiscales, etc., à
évaluer.
La Présidente (Mme Marois): Allez-y, Mme la ministre.
Mme Trépanier: Une petite dernière. Je cède
la parole à mon collègue ensuite. Vous êtes solidaire de la
position du Regroupement en ce qui concerne la politique des congés
parentaux. Est-ce que vous avez pris connaissance de la position du Conseil du
statut de la femme et comment vous situez-vous face à cette position?
Elle est un peu différente de celle que le
Regroupement nous présentera demain. Le Conseil du statut de la
femme présente, pour sa part, une proposition d'indemnisation
universelle, ce que ne fait pas le Regroupement. Comment voyez-vous cette
position-là? Est-ce que vous la connaissiez quand vous avez pris comme
position celle du Regroupement?
La Présidente (Mme Marois): Mme Richard, Mme Nadeau, peu
importe. Oui, Mme Richard.
Mme Richard (Manon): Mme Richard, oui. Nous en avons pris
connaissance, mais de façon assez succincte. Et, comme c'est une
politique assez élaborée, vous en conviendrez, nous n'avons pas
eu le temps de... C'est certain que nous la trouvons fort avantageuse et fort
intéressante. Élaborer ici les nuances, je ne pense pas qu'on
soit à même de faire cet exercice-là à ce
moment-ci.
Mme Trépanier: Donc, vous êtes d'accord avec un
principe de politique de congé parental, sauf que, sur les
modalités, vous êtes ouverts à plusieurs...
Une voix: Oui.
Mme Trépanier: Ça pourrait être une formule
différente.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci, Mme la
ministre. Oui, M. le député de Salaberry-Soulanges.
M. Marcil: Merci, Mme la Présidente. C'est un avant-projet
de loi; ce n'est pas un projet de loi. Il y a beaucoup de modifications, quand
même, qui sont apportées au niveau des congés parentaux,
des congés de maternité, ainsi de suite. Il y a un point qui est
majeur, à mon sens, du moins. C'est un point sur lequel je me pose
énormément de questions et Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve également soulève souvent le point: les
fameux cinq ans d'ancienneté pour avoir un recours lorsqu'il y a un
congédiement. Maintenant, vous dites qu'au-delà de 60 % des
travailleurs et travailleuses ont moins de cinq ans d'ancienneté dans la
même entreprise. Au-delà de 40 % des travailleurs et travailleuses
ont moins de trois ans d'ancienneté. Compte tenu du rôle que vous
avez à jouer, êtes-vous capables de me donner... Si vous ne le
pouvez pas, vous pourrez l'écrire et me l'envoyer. J'aimerais savoir -
vous avez souvent des causes à défendre - par groupe
d'ancienneté, un an, deux ans, trois ans, quatre ans, c'est à
quel niveau qu'on ressent le plus de congédiements. Est-ce que c'est
entre quatre et cinq, entre trois et quatre ou est-ce que c'est la
première année?
Mme Aveline: Je ne suis même pas capable de vous dire
ça, je pense.
M. Marcil: Est-ce que vous avez des chiffres à ce
niveau-là?
Mme Aveline: On a des chiffres pour savoir quel pourcentage de
travailleurs ça toucherait de reculer à deux ans et tout
ça.
M. Marcil: Ça, ça va.
Mme Aveline: Ça, ça va. Mais par rapport...
M. Marcil: S'il n'y avait pas de congédiements, on ne se
poserait pas la question.
mme aveline: mais, intuitivement, on sait qu'il y a beaucoup de
travailleurs qui ont des congédiements autour de cinq ans, comme je le
disais tout à l'heure.
M. Marcil: Est-ce qu'il y en a plus...
Mme Aveline: Je ne le sais pas.
M. Marcil: Vous ne le savez pas, hein.
Mme Aveline: Je ne suis pas capable de vous le dire. Je ne sais
pas si vous êtes capable.
La Présidente (Mme Marois): Mme Richard.
Mme Richard: La moyenne d'ancienneté des gens qui font
appel à nos services à Au Bas de l'échelle, c'est dix mois
et demi.
M. Marcil: Dix mois et demi.
Mme Richard: Dix mois et demi d'ancienneté pour la
mâme entreprise. Alors, lorsqu'on demande un an, on est même
au-dessus du seuil qu'on retrouve chez nous. Quand Mme Aveline mentionnait tout
à l'heure que nous avions 2000 appels à Au Bas de
l'échelle, on ne parle que d'appels. C'est 6000 personnes qu'on rejoint
par année. C'est, quand même, assez considérable. On peut
estimer par la suite que des statistiques comme dix mois et demi, c'est assez
significatif.
M. Marcil: Oui, madame.
Mme Nadeau (Lynda): Ce que je pourrais ajouter, c'est que, depuis
quelques mois, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de gens qui ont fait
affaire avec nous, nos clients, qui ont plus que cinq ans, qui ont même
dix ou quinze ans d'ancienneté, mais ça, c'est beaucoup dû
aux licenciements massifs de ce temps-ci. Il y a une montée par rapport
aux gens qui font appel à nous qui...
M. Marcil: Ça, c'est un autre problème.
Mme Nadeau: Oui, c'est ça, c'est un autre problème,
quand même important, et eux ont plus que cinq ans d'ancienneté
souvent.
M. Marcil: Oui, qui est important aussi. Dans les
congédiements chez les moins de cinq ans, est-ce que vous avez un
pourcentage sur les congédiements pour cause de maladie, retour au
travail après cinq mois et on a comblé le vide? C'est quoi
à peu près? Parce que vous avez, quand même, des
causes.
Mme Aveline: On n'était pas préparés pour
avoir tous ces chiffres-là.
M. Marcil: Non, c'est parce que c'est important, ça.
La Présidente (Mme Marois): Mais est-ce que ce sont des
chiffres que vous pourriez éventuellement fournir aux membres de la
commission? On ne vous demande pas de faire une recherche en sus et tout
ça, mais peut-être qu'il y a des chiffres que vous avez
déjà cumulés, qui sont disponibles chez vous et qu'il
pourrait être intéressant de déposer devant la commission.
(21 h 45)
Mme Aveline: Tous les gens qui nous consultent par rapport
à ce recours, on pourrait faire une compilation.
M. Marcil: Vous savez, légiférer dans un domaine,
dans un secteur, il faut que ça ait des retombées positives, dans
le sens que moi, je suis prêt à faire un effort au niveau de notre
groupe et, je pense, au niveau de tous les parlementaires, si l'ensemble des
congédiements des moins de cinq ans sont dus à des causes de
maladie, parce qu'on a remplacé quelqu'un, bonjour, merci; ça,
c'est important de le savoir. Donc, si c'est une des causes principales, c'est
important de le savoir. Si on situe le nombre de congédiements aux
alentours de quatre ans, quatre ans et demi parce qu'on ne veut pas que les
gens atteignent une certaine sécurité d'emploi, comme on dit dans
le secteur public, parce que, chez nous, c'est après deux ans, la
troisième année de contrat, les gens ont une
sécurité d'emploi, ça aussi, c'est important de le savoir.
Parce qu'on peut avoir toutes sortes de causes de congédiement, mais
ça, ce sont des causes réellement discriminatoires par rapport
à... Si vous aviez des chiffres, ce serait intéressant pour nous
de le savoir.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Richard.
Mme Richard: Je voudrais peut-être compléter
là-dessus. On a fait une étude à Au Bas de
l'échelle; on a pris des dossiers pour les années 1986-1987,
1987-1988 où on a estimé que 24 % des congédiements dont
on avait eu con-
naissance - des gens qui avaient fait appel à nous -
étaient reliés directement à la notion de maladie,
c'est-à-dire que les gens avaient été malades une
journée, par exemple, comme certains cas que j'ai pu avoir; ils sont
retournés au travail le lendemain et se sont fait donner leurs 4 %.
Ça, c'est vrai. C'est la vraie vie, comme on dit, et c'est ça.
C'est un chiffre, 24 %, je pense que ça parle beaucoup.
M. Marcil: C'est important parce qu'il y a certains groupes
qui...
La Présidente (Mme Marois): M. le député,
c'est parce qu'on est en train de dépasser un peu
M. Marcil: Oui, la dernière. C'est important dans le sens
qu'il y a des groupes qui demandent une demi-journée par mois pour
maladie ou ainsi de suite, ce sont des cas...
Une voix: Comme nous. C'est nous. Des voix: Ha, ha,
hal
M. Marcil: Juste une petite remarque en passant. C'est sûr
que, si on pouvait augmenter le salaire minimum à 10 $ l'heure, ce
serait extraordinaire pour tout le monde. Sauf que j'imagine que, pour une
personne dont le conjoint ou la conjointe travaille déjà, qui
décide de retourner sur le marché du travail dans un emploi
à 7 $ l'heure, c'est assez difficile de payer une gardienne 6 $ l'heure,
c'est-à-dire que c'est possible, mais je ne vois pas
l'intérêt qu'elle ou qu'il aurait à retourner au
travail.
Une voix: C'est pour ça que ça prend des
garderies.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Surtout s'il n'y a pas de mesures fiscales ou de
mesures sociales qui viennent soutenir...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Je salue Mme Aveline
et les personnes qui l'accompagnent. Je trouve également que vos
demandes sont raisonnables et que vos propos sont très gentils, je n'ose
pas dire trop gentils, compte, tenu de l'heure tardive où le ministre a
décidé de vous entendre. Je le lui ai tellement dit que ça
ne me dérange pas de le répéter, même en son
absence; j'espère que ça lui sera répété,
d'ailleurs. Parce que cette loi des normes, c'est à votre
clientèle qu'elle s'adresse, moi, j'aurais souhaité que vous
soyez le groupe que l'on entende le premier. Mais il n'est jamais trop tard, de
toute façon, parce que vos propos sont pertinents et la réaction
du député de Salaberry-Soulanges l'indique bien, parce qu'il s'y
est intéressé.
Sur la question du congé de maladie, dans le Code canadien, il y
a une disposition qui dit ceci: "Sous réserve du paragraphe 1.1,
l'employeur ne peut congédier, suspendre, mettre à pied, ni
rétrograder un employé, ni prendre des mesures disciplinaires
contre lui pour absence en raison de maladie ou d'accident si celui-ci remplit,
par ailleurs, les conditions suivantes: travaille sans Interruption pour lui
depuis au moins trois mois; n'est pas absent plus de douze semaines, etc."
Alors, c'est la garantie de retour à l'emploi, mais il n'y a pas la
demi-journée payée par mois travaillé. Alors, je voulais
juste le signaler parce que parfois on fait dire plus au Code canadien ou aux
lois connexes des provinces d'à côté, mais il y a une
garantie de retour à l'emploi après un congé de
maladie.
Une voix: C'est au moins ça.
Mme Harel: Oui, je pense que c'est le minimum, en tout cas, qu'il
faut certainement viser par rapport aux amendements à la loi
québécoise. Le Front de défense des
non-syndi-qué-e-s, dans son mémoire, à la page 20,
mentionnait que pour votre organisme - il a illustré souvent ses
recommandations par la pratique d'Au Bas de l'échelle - les maladies et
les conflits de personnalités sont, à 65 %, les raisons
principales de congédiement. Est-ce que ça vous semble conforme
à ce que vous vivez dans votre organisme?
Mme Richard: Tout à fait.
Mme Harel: C'est donc un aspect, le congé de maladie,
très, très important, qu'il ne faut pas mettre de
côté. Est-ce ça qu'il faut conclure?
Une voix: Oui.
Mme Harel: D'autre part, il y a eu des chiffres. Je ne vais pas
vous les citer parce qu'on a peu de temps, mais je vais, quand même, vous
les transmettre. On les retrouvait dans le mémoire que la CEQ a
déposé devant la commission cet après-midi et ce sont des
statistiques qui ont été compilées par le ministère
de la Main-d'oeuvre et qui sont très, très éloquentes sur
la durée réduite de service continu chez un même employeur
par des travailleurs salariés non syndiqués. En fait, il
s'agissait de 65 % des salariés non syndiqués qui comptent moins
de cinq ans d'ancienneté auprès du même employeur et c'est
encore, en fait, plus important dans certains secteurs d'hébergement, de
restauration ou autre. Alors, ça aussi, ça argumente en faveur
d'une diminution.
La question que je souhaitais vous poser concernait, notamment, les
recours. Le Conseil du statut de la femme et le Front de défense des
non-syndiqué-e-s ont recommandé qu'un organisme puisse porter
plainte devant la Commission. Ils ont donné l'exemple de la Charte des
droits et libertés de la personne qui permet à la Commission de
recevoir des plaintes de personnes autres que le plaignant qui est victime
d'une discrimination. Et le Conseil, comme le Front de défense,
recommandait que des organismes puissent porter plainte pour les personnes.
Est-ce que ça vous semble un aspect important à retrouver dans
les amendements à cette loi?
Mme Aveline: On avait déjà discuté de cette
possibilité à Au Bas de l'échelle, mais on n'a jamais pris
position parce que, dans l'état actuel du financement des organismes
communautaires où on a une difficulté énorme à
absorber déjà les demandes et tout ça, on voit
difficilement comment on pourrait représenter des non-syndiqués.
Non pas pour le principe, parce qu'on a ce qu'il faut pour les
représenter, je pense qu'on est à même de le faire, sauf
qu'il faudrait qu'on nous donne les moyens de le faire éventuellement et
il faudrait voir à quelles conditions c'est fait aussi parce que, quand
on est isolés, quand... Par exemple, à la Commission des normes,
c'est pareil, un non-syndiqué ou une personne qui représente les
non-syndiqués qui est isolée, ça n'a pas beaucoup de
poids. De la même façon, vouloir représenter toutes les
causes des non-syndiqués, c'est très lourd aussi, comment
ça pourrait se faire, etc. C'est quelque chose qu'a
déjà...
Mme Harel: Encore faut-il peut-être distinguer "porter
plainte" et "représenter".
Mme Aveline: Oui.
Mme Harel: Parce que, dans votre mémoire, à la page
28, vous recommandez que tout organisme puisse saisir la Commission...
Mme Aveline: C'est ça, oui.
Mme Harel: ...de plaintes. Là, vous me dites: Oui,
ça, on pense que, comme, en fait, c'est indiqué dans le
mémoire, ce serait souhaitable, mais vous pensez que, pour la
représentation, il faudrait établir des barèmes et
rembourser les frais de représentation.
Mme Aveline: C'est ça, en quelque sorte, oui.
M. Lévesque (Gaétan): Dans le fond, ce que...
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Lévesque.
M. Lévesque (Gaétan): ...Mme Aveline disait, je
pense, c'est: Ce n'est pas compliqué pour nous de dire: On a eu une
plainte d'un employé de la compagnie ABC qui reçoit - je ne sais
pas - 5 $ l'heure tandis que le salaire minimum est de 6 $. Vu que cet
employé a peur de vous appeler lui-même à la Commission des
normes, on ne nomme pas le nom et on fait une plainte au nom de la compagnie.
Ça, je pense que c'est quelque chose qui n'est pas tellement
compliqué; avec les ressources qu'on a actuellement, il n'y a pas de
problèmes.
La représentation devant les tribunaux, devant les commissaires
du travail, devant les arbitres, si lavant-projet de loi n'est pas
modifié, ça passe devant des commissaires du travail, ça,
c'est autre chose. Quand on parle de 3000 $ de frais d'avocat, nous pouvons
embaucher des avocats à Au Bas de l'échelle, comme question de
principe, mais ça peut nous coûter cher aussi. Mais, vous
êtes conscients des problèmes de financement...
Une voix: Même s'ils sont au bas de l'échelle.
M. Lévesque (Gaétan): Même s'ils sont au bas
de l'échelle. Je pense que vous êtes, quand même, conscients
des problèmes de financement des organismes populaires.
Mme Harel: Devant le commissaire du travail, comment ça se
passe pour les gens qui vont vous voir? Ils s'engagent un avocat habituellement
devant l'arbitre, mais devant le commissaire du travail aussi?
Mme Nadeau: Oui, aussi devant le commissaire du travail.
Une voix: Ils ne peuvent pas se défendre. Mme Nadeau:
Non, c'est trop difficile.
Mme Harel: et est-ce qu'il y a beaucoup de désistement de
plaintes, à cause de ça, quand vous leur dites qu'il vont devoir
se faire représenter?
Mme Aveline: Oui, pour des raisons financières - c'est ce
qu'on disait tout à l'heure, c'est pour ça qu'on a un
projet-pilote pour financer les recours, entre autres - il y a des
désistements et, quelquefois, ça dure longtemps. Ça peut
aller, non pas en appel, je ne sais pas comment ça s'appelle, en...
Une voix: En évocation.
Mme Aveline: ...évocation. On en a vu des cas,
dernièrement. Les employés ne cèdent pas comme ça.
Alors, il faut avoir du souffle. Les personnes ont souvent perdu leur emploi;
quel-
quefois, elles s'en retrouvent un autre; alors, tant mieux, elles
laissent tomber. C'est souvent ça qui arrive aussi.
M. Lévesque (Gaétan): D'ailleurs, il y a des
statistiques - là, je ne les retrouve pas - de la Commission des normes
du travail, assez éloquentes sur le nombre de personnes qui
décident de ne pas... Bien, ça, c'est sur le recours 124. Mais,
le recours sur 124 et le recours sur 122, il n'y avait pas une grosse
différence; la seule différence, c'est qu'il fallait, en plus de
payer les frais d'avocat, payer les frais de l'arbitre qui tournaient autour de
1400 $ divisés par deux, une partie au patron et une partie à
l'employeur. Non, on n'est pas dans les milieux hospitaliers, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lévesque (Gaétan): Une partie au patron, une
partie au salarié. Ha, ha, ha)
Mme Harel: Alors, donc, compte tenu des frais d'à peu
près 4000 $ qui étaient encourus, là, on va soustraire
à peu près 1000 $ au plus pour les frais d'arbitre, mais...
Une voix: II reste...
Mme Harel: ...il reste toujours les 3000 $, c'est ça,
d'honoraires...
M. Lévesque (Gaétan): Exactement. Mme Harel:
...d'avocat.
M. Lévesque (Gaétan): Et, si on a droit à
l'aide juridique, c'est parfait, l'aide juridique va nous défendre. Le
problème, c'est que les barèmes ont changé. Si on est au
salaire minimum et qu'on travaille 40 heures par semaine, on est au-dessus de
l'aide juridique.
C'est intéressant d'être en commission parlementaire. Je me
rappelle qu'à la dernière commission parlementaire, à
l'époque, c'était le ministre Pierre Marc Johnson qui disait: Je
crois que les frais d'arbitre vont être payés par l'aide
juridique. Mais l'aide juridique a toujours refusé de payer les frais
d'arbitre. Ils considèrent, eux, que ce ne sont pas des frais
judiciaires au sens de la loi, de sorte que, même si on est à
l'aide juridique, les frais d'arbitre, il y a un problème actuellement,
c'est qu'on devrait techniquement les payer. Là, il y a des sentences
arbitrales récentes qui semblent indiquer que non, mais ce n'est pas
encore clair. Donc, même si on fait appel à l'aide juridique, on
pourrait être obligés de payer les frais d'arbitre. D'où
l'idée de l'avant-projet de loi de remettre ça aux commissaires;
c'est extraordinaire, parce que ce sont des fonctionnaires de l'État, on
n'a plus besoin de les payer.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!
Mme Harel: Et là, qui va représenter...
La Présidente (Mme Marois): Je pense que Mme Nadeau
veut...
Mme Harel: ...le salarié? Devant le commissaire, il va
devoir se faire représenter également et tout le problème
des honoraires se repose également, même avec la modification du
commissaire du travail plutôt que l'arbitre, c'est bien le cas?
M. Lévesque (Gaétan): Tandis que...
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y, Mme Nadeau. Vous
pourrez peut-être revenir, M. Lévesque.
Mme Nadeau: Je voulais, entre autres, répondre par rapport
aux désistements. Entre 1981 et 1987, il y a eu 9824 plaintes et,
là-dessus, il y a eu 35 % de ces personnes qui se sont
désistées. Elles ont fait un recours quand, après cinq ans
d'ancienneté, elles ont été congédiées sans
raison suffisante; 35 % se sont désistées après avoir fait
une plainte.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Lévesque.
M. Lévesque (Gaétan): Quant au pouvoir de
représentation, l'avant-projet de loi, c'est intéressant,
à l'article 123... Nous, on a pris l'ancienne loi et on a collé
l'avant-projet de loi et on peut voir assez facilement les différences.
Dans l'avant-projet de loi, on prévoit, au dernier paragraphe: "La
Commission peut représenter un salarié non assujetti à une
convention collective dans une instance relative à la présente
section." Donc, la Commission va peut-être représenter des
salariés, ce qui serait extraordinaire.
Mme Harel: Mais peut-être pas. Peut-être oui et
peut-être non.
M. Lévesque (Gaétan): Exactement. On aimerait, dans
le fond... Nous ce qu'on dit, c'est: on va changer le mot "peut" par "doit" et,
à ce moment-là, ça réglerait plusieurs
problèmes.
Mme Harel: Ça réglerait plusieurs problèmes,
mais revenons aux problèmes que ça réglerait, parce que,
si c'était "doit", nécessairement, ça supposerait une
sorte d'engorgement, à moins que ce soit là un service
gouvernemental qui, non seulement ne subisse aucune coupure, aucun gel ou
aucune diminution, mais qu'encore là il y ait des sommes d'argent
supplémentaires qui soient allouées, que ça devienne une
priorité prioritaire, sinon le salarié ou la salariée
en
cause ne pourra pas recevoir la représentation adéquate.
Alors, ne vaut-il pas mieux s'assurer qu'il y ait des partenaires de
l'État qui pourraient faire cette représentation à partir
de barèmes ou de tarifs à établir qui les rembourseraient,
mais qui permettraient, au choix, au salarié de se faire
représenter?
M. Aveline: Je trouve que c'est une idée
intéressante. On n'en a jamais discuté à Au Bas de
l'échelle, mais toute solution qui pourrait permettre aux
salariés d'être mieux représentés.. On avait la
même crainte par rapport a l'attente. Effectivement, c'est un joli
principe, mais, dans les faits, comment est-ce que ça va se passer?
Ça va peut-être être très compliqué. S'il y a
d'autres solutions qui permettent une représentation, on est ouvert
à cette idée-là.
M. Lévesque (Gaétan): D'autant plus que ça
respecterait un peu le principe qu'on respecte dans l'aide juridique,
c'est-à-dire de choisir son procureur ou son représentant. Quand
je vous disais "doit", c'est peut-être un peu exagéré;
c'était juste pour... Dans le fond, nous, on croit que la Commission
pourrait, devrait représenter, à sa demande, le salarié.
S'il y a d'autres partenaires... Tout à l'heure, vous discutiez, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, avec les représentants
de la CSD et je pense que, dans le fond, n'importe quoi pour faire en sorte que
le salarié soit bien représenté est bienvenu.
Mme Harel: Bien représenté.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. (22 heures)
Mme Harel: La notion de congédiement, c'est
peut-être la seule chose... Parce qu'elle est presque spécifique
à votre mémoire. Je ne crois pas qu'elle se retrouvait dans le
mémoire du Front de défense des non-syndiqué-e-s.
Ça semble important pour vous. Est-ce que c'est l'expertise que vous
avez eue suite à des plaintes de travailleurs? Comment en
êtes-vous venus à faire cette recommandation-là?
M. Lévesque (Gaétan): On pourrait dire que c'est
l'expertise... Dans notre projet de financement de recours, on a eu un cas.
C'est l'expertise aussi qu'on acquiert en lisant le Droit du travail
express. C'est de la jurisprudence en matière arbitrale et je pense
que c'est assez évident que je ne dirai pas systématiquement,
mais une bonne partie des employeurs vont faire ce qu'on appelle des objections
préliminaires à la compétence de l'arbitre, en disant que
l'arbitre n'a pas compétence puisqu'il ne s'agit pas d'un
congédiement, mais bien d'un licenciement. À ce moment-là,
ça remet le fardeau de la preuve sur les épaules du
salarié et sur son avocat, d'où les frais. Ça remet un
fardeau de preuve assez difficile en vue de prouver que le
congédiement-
La différence, essentiellement, c'est que le congédiement,
c'est à cause de la personne, de mesures disciplinaires ou encore parce
que la personne n'a pas la capacité; le licenciement, c'est relié
à l'entreprise. Donc, il faut montrer: non, non, l'entreprise n'avait
pas de difficultés financières, M. le président du
comité d'arbitrage, non, non. C'est ça qui est un peu difficile.
Ce qu'on dit dans le fond, c'est de remplacer ça par "rupture du lien
d'emploi". Ça ne veut pas dire que, parce qu'il y a eu un licenciement,
l'employé va être réintégré. Ça ne
veut pas dire ça du tout. Ça veut dire que l'arbitre va se dire:
Bon, là, il y a quelqu'un qui a eu une rupture du lien d'emploi. Ce
qu'on va regarder maintenant, c'est s'il y a une cause juste et suffisante.
S'il y a une cause juste et suffisante, et si le patron démontre
qu'effectivement sa situation financière était tellement mauvaise
qu'il n'avait pas le choix, à ce moment-là, le salarié
n'aura pas plus son emploi. N'ayez pas peur de ça. C'est qu'on ne veut
pas...
Mme Harel: C'est qu'il n'y aura pas les objections
préliminaires qui ne permettaient même pas de faire entendre la
cause au fond, si on se comprend bien.
M. Lévesque (Gaétan): Là, il y a eu la
jurisprudence des tribunaux supérieurs qui ont dit: L'arbitre a
décidé que, là, non ce n'était pas un
congédiement, c'était un licenciement. L'arbitre a
excédé sa juridiction, on casse la décision et, là,
ça a monté à la Cour d'appel. On voit à peu
près les difficultés.
Mme Harel: D'accord. La dernière chose. C'est un souci
constant que vous avez de rendre facilement accessible la connaissance des
droits pour qu'ils puissent s'exercer. Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable
qu'on l'ait très facilement en uniformisant, d'une certaine
façon, les délais pour avoir toutes sortes de droits auxquels la
loi donne accès, par exemple, pour avoir droit à des vacances de
trois semaines après un an éventuellement, ou pour avoir droit
à un congé de maladie après un an, ou pour avoir droit
à un recours pour congédiement après un an? En
définitive, qu'on n'oblige pas la personne à faire toutes sortes
de démarches pour savoir si, après tant de temps, elle y a droit
ou pas. On multiplie savamment les délais et, comme le signale la
présidente, oui, ça crée une sorte de complexité.
Il faut absolument se référer à quelqu'un parce qu'on ne
peut pas le savoir ou on ne peut pas se le dire en jouant aux cartes, mettons.
Il faut absolument appeler Au Bas de l'échelle pour vérifier si
le délai du congé de maladie n'est pas le même que celui
des vacances, qui ne serait pas le même que celui du recours, etc. Est-ce
qu'il n'y a pas intérêt le plus possible à harmoniser pour
que ce soit, finalement, le même délai qui donne droit à
des choses?
Mme Aveline: On est tout à fait d'accord, à
condition que ce soit trois mois, le délai. On le ramène au plus
petit commun dénominateur. C'est que, comme je vous le disais tout
à l'heure, on a été conservateur dans nos demandes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: On ne pourrait pas s'entendre sur un an,
là?
Mme Aveline: Alors, si on passe de cinq ans à un an, dans
dix ans, on va demander trois mois. Oui, ce n'est pas une mauvaise idée
d'harmoniser, mais les réalités ne sont pas les mêmes. On
peut avoir droit aux vacances après un an; c'est plus logique
qu'après trois mois. La maladie, on y a droit un peu plus tôt.
Enfin, il y a, quand même, des nuances à faire. Ce n'est pas si
simple que ça, je crois.
Mme Harel: Oui, mais la maladie, ça pose le
problème suivant. Quel est le droit successif d'absence pour maladie?
Par exemple, après trois mois, ça donnerait lieu à une
ouverture de douze semaines; douze semaines, c'est l'équivalent de trois
mois également. Est-ce qu'au retour de ce congé de maladie de
douze semaines on pourrait retomber malade pour douze autres semaines?
Mme Aveline: C'est comme la gestion dans une convention
collective. C'est pareil; on a une espèce de banque de journées
de maladie qu'on utilise au fur et à mesure qu'on a de
l'ancienneté. À chaque mois d'ancienneté
accumulé...
Mme Harel: Oui, mais ça, ça suppose une banque.
Mme Aveline: Oui.
Mme Harel: Je me réfère, moi, à ce qui
existe dans le Code canadien. Il n'y a pas de banque dans le Code canadien.
C'est seulement la garantie de retour à l'emploi qui n'existe pas, mais
on peut souhaiter qu'elle existe dans notre législation
québécoise. Mais, pour qu'elle existe, cette garantie de retour
à l'emploi, comment la baliser de manière qu'il n'y ait pas,
malgré tout, des congés successifs d'absence pour maladie
après trois mois seulement? Par exemple, quelqu'un fait trois mois de
travail, peut avoir, justement, une absence pour maladie de douze semaines,
donc l'équivalent, disons, de trois mois, revient pour deux ou trois
semaines, doit à nouveau utiliser un congé de maladie. Quelle est
la répétition de cette absence pour maladie?
Mme Aveline: Nous, on parlait d'un principe de journées de
maladie, mais pas cette possibilité de douze semaines, là. Je ne
sais pas de quoi on parle. on parlait d'une demi-journée de maladie par
mois pour un travailleur qui est à l'emploi, qui peut s'absenter au
courant de son emploi. alors, les douze semaines, là, je ne sais pas de
quoi il s'agit. du code canadien?
Mme Harel: Écoutez, si on reprend votre mémoire, il
n'a pas été absent plus de douze semaines. Vous dites donc que
c'est après trois mois de service et ça peut être pour
douze semaines.
Mme Aveline: Non, il n'est pas absent pendant plus de douze
semaines.
Mme Harel: Oui, voilà! Donc, c'est parce qu'il l'est
pendant moins de douze semaines.
Mme Aveline: Oui, c'est vrai.
Mme Harel: Alors, comme il l'est pendant moins de douze semaines,
il est en congé de maladie possiblement pendant douze semaines.
Mme Aveline: O. K. Là, je comprends.
Mme Harel: Donc, il a trois mois de service, puis il a un
congé de maladie de douze semaines et il revient ensuite pour quoi? Pour
trois autres mois de service...
Mme Aveline: Oui, c'est ça. Je comprends maintenant.
Mme Harel:... et pour combien de congés de maladie?
Mme Aveline: J'imagine qu'il faudrait mettre une...
Mme Harel: C'est-à-dire que quelque part il faut y
réfléchir parce que la question sera nécessairement
posée.
Mme Aveline: Ça peut être une fois par an, je ne
sais trop. Enfin, il y a sûrement moyen de trouver des
procédures.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
députée.
Mme Harel: D'accord. Merci.
Mme Aveline: Elle pose des bonnes questions.
La Présidente (Mme Marois): Une toute petite question, M.
le député de Verdun.
M. Gautrin: Elle était minuscule, ma question, mais elle a
été en partie répondue, si vous voulez, suite aux
interventions de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Avant
vous,
une centrale syndicale est venue dire - parce que la grande question est
la question des recours, hein. Nous, nous sommes prêts à nous en
occuper. Comment vous vous positionnez par rapport au fait que les centrales
syndicales aient le mécanisme qui a été proposé par
la CSO, ici, pour s'occuper des recours devant la Commission des normes du
travail?
Mme Aveline: Moi, le problème que j'ai par rapport
à ça, c'est comment ils vont le faire et avec quelle expertise.
Je ne suis pas contre le fait que n'importe quel groupe défende les
travailleurs. On ne veut pas, nous, se garder nécessairement ce
privilège. Mais, quand j'entendais parler, par exemple, de la
façon dont on pourrait défendre des travailleurs qui seraient
syndiqués individuellement, je me demande comment ça va se passer
dans les faits, parce que les petits syndicats ont déjà de la
difficulté à avoir le service des centrales, c'est difficile.
Alors, les syndiqués isolés, comment vont-ils le faire et les
non-syndiqués, comment vont-ils le faire aussi? J'ai des questions
là-dessus. Je ne suis pas sûre... C'est sûr que quelques
personnes vont s'adresser au syndicat pour avoir des informations, comme il
nous l'a mentionné tout à l'heure. Mais la plupart des
non-syndiqués s'adressent aux organismes qui les défendent, comme
nous. Alors, il me semble que l'expertise revient plus aux organismes
communautaires, les groupes d'immigrants, les groupes de femmes, beaucoup de
gens qui travaillent auprès de cette population la plus démunie.
C'est ma façon spontanée de réagir par rapport à
ça.
M. Gautrin: Une dernière chose. Vous avez dit, dans votre
témoignage, qu'il y avait des conventions collectives qui étaient
négociées en deçà des normes minimales du
travail.
Mme Aveline: Oui, certains articles. Il arrive parfois que les
gens ne connaissent pas les normes et prévoient des congés
fériés insuffisants, par exemple. Ça arrive
régulièrement. C'est assez surprenant.
La Présidente (Mme Marois): À ce moment-là,
c'est la Loi sur les normes du travail qui s'applique.
Mme Aveline: C'est ça.
M. Gautrin: Qui prime, bien sûr, mais ça
m'étonnerait, quand même.
La Présidente (Mme Marois): Non, non, ça arrive. Ah
oui! Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Trépanier: Mesdames, messieurs, merci pour votre
patience. Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve a
relevé le fait que vous étiez les derniers à passer ce
soir. Sauf que vous êtes effectivement les derniers, mais vous serez
frais à nos mémoires.
Mme Aveline: On sera les premiers pour nos revendications.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Trépanier: Les derniers seront les premiers. On se
souviendra de votre intervention, c'est évident.
Mme Aveline: Mais j'espère bien. Merci beaucoup.
Mme Trépanier: Au revoir!
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre
excellente contribution aux travaux de la commission.
Une voix: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Nous ajournons nos travaux
à demain, 10 heures. Nous entendrons demain six groupes. Je commence
à 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 10)