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(Neuf heures trente-sept minutes)
La Présidente (Mme Marois): La commission des affaires
sociales va reprendre ses travaux. Je rappelle que le mandat de la commission
est d'étudier l'avant-projet de loi, Loi sur les services de
santé et les services sociaux, en consultant un certain nombre de
groupes et d'organismes qui ont bien voulu nous faire connaître leur
point de vue.
Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Atkinson
(Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Holden (Westmount); M.
Beaudin (Gaspé) par M. Camden (Lotbinière); M. Chevrette
(Joliette) par Mme Blackburn (Chicoutimi)...
M. Trudel: II ne siégeait pas à Montréal,
aujourd'hui?
M. Côté (Charlesbourg): II ne siège pas
à Montréal aujourd'hui?
La Présidente (Mme Marois): II ne semble pas qu'il soit
à Montréal. Peut-être sera-t-il avec nous.
La Secrétaire: ...et M. Marcil (Salaberry-Soulanges) par
M. Poulin (Chauveau).
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
secrétaire. Nous entendrons ce matin l'Association des pharmaciens des
établissements de santé du Québec.
Je rappelle aux gens de la commission que nous terminerons à 12 h
30, pour reprendre à 14 h 30. C'est bien cela, M. le ministre? Ça
va?
M. Côté (Charlesbourg): Ça pourrait
même être 14 heures, si vous le souhaitez. Mais je ne pense pas. On
n'est pas capables? O.K.
La Présidente (Mme Marois): C'est parce que les groupes
ont été prévenus, je crois. À 14 h 15? Alors, on
pourrait reprendre à 14 h 15. Est-ce qu'il y a des objections de la part
des autres membres de la commission? Ça va? Alors, on préviendra
les groupes d'être disponibles à ce moment-là.
Je vous souhaite la bienvenue à la commission. Mme Pagé,
j'imagine, la présidente, j'aimerais que vous présentiez les
personnes qui vous accompagnent et que vous procédiez à la
présentation de votre mémoire en une vingtaine de minutes.
Ensuite, les membres de la commission, le ministre, le critique de l'Opposition
officielle, pourront vous poser des questions et échanger avec vous.
Merci.
Association des pharmaciens des établissements
de santé du Québec
Mme Pagé (Claire): Merci, Mme la Présidente. Alors,
il me fait plaisir de vous présenter les pharmaciens qui m'accompagnent:
à mon extrême droite, Mme Denise Demers, qui est pharmacienne au
Centre hospitalier universitaire de Laval et qui est vice-présidente de
l'Association; M. Raynald Tremblay, qui est au Centre hospitalier de Chicoutimi
et qui est vice-président de l'Association; à mon extrême
gauche, M. Jean Trudel, qui est au Centre hospitalier de Valleyfietd et qui est
trésorier de l'Association; et M. Robert Létoumeau, qui est au
centre hospitalier Fleury et qui est le rédacteur de notre
mémoire. Je suis Claire Pagé et je suis à
l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme.
Mme la Présidente, M. le ministre, distingués membres de
la commission parlementaire, il nous est agréable de vous
présenter les commentaires de l'Association des pharmaciens des
établissements de santé du Québec, relativement à
l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services
sociaux.
Constituée en vertu de la loi des syndicats professionnels du
Québec, notre Association regroupe 850 pharmaciens et représente
l'ensemble des pharmaciens oeuvrant dans les établissements de
santé du Québec. Au-delà de la mission traditionnelle de
défense des intérêts professionnels et économiques
des pharmaciens d'établissements, l'APES a toujours eu le souci de
rechercher l'organisation fonctionnelle et le développement harmonieux
de la pharmacie dans le réseau des affaires sociales, en étroite
collaboration avec le ministère.
Fondée il y a 28 ans, l'APES s'est fait un devoir de participer
tout au long de son existence aux commissions parlementaires qui ont
contribué à doter le Québec d'un système de
santé toujours orienté vers les intérêts les plus
légitimes des citoyens, grâce aux ajustements périodiques
apportés par la législation.
En 1981 et 1983, la loi 27 et sa réglementation ont
entraîné une réforme majeure des services pharmaceutiques
en établissement de santé, en modifiant considérablement
le statut du pharmacien au sein de l'établissement. Le but
recherché et atteint de cette réforme visait à favoriser
une communication accrue entre le
médecin et le pharmacien, et une contribution significative des
pharmaciens aux activités de leurs principaux collègues, les
médecins.
Les principales caractéristiques de la loi et des
règlements qui ont traduit cette volonté de changement furent les
suivantes: insertion du pharmacien au Conseil des médecins et dentistes;
création du département de pharmacie; relation d'autorité
avec le directeur des services professionnels; relation d'autorité avec
le Conseil des médecins et dentistes; changement de nom du CMD en CMDP;
ajout de la vocation pharmaceutique au mandat du CMDP; ouverture au pharmacien
du comité exécutif; engagement du pharmacien par le C.A. et
nomination du chef de département de pharmacie par le C.A.
Ce changement radical du statut du pharmacien a permis de maximiser le
rendement de la ressource pharmaceutique de l'établissement au profit
des intervenants: le patient, les professionnels de la santé et les
administrateurs. Ainsi donc, aujourd'hui, alors que l'ensemble du réseau
vit une phase de réorientation, la pharmacie hospitalière vit
davantage une phase de consolidation.
À cet effet, au-delà de nos remarques particulières
à propos de certains articles, nous présentons les demandes
suivantes à cette commission parlementaire:
Que la Loi sur les services de santé et les services sociaux soit
modifiée afin que: le département de pharmacie soit formellement
reconnu comme département clinique; Que les mesures soient prises pour
ouvrir enfin le réseau des CLSC et des DSC aux pharmaciens des
établissements de santé, de sorte que les services
pharmaceutiques de nature préventive y soient désormais
disponibles.
Que la Loi sur l'assurance-maladie soit amendée pour que le
ministre de la Santé et des Services sociaux ait le pouvoir, avec
l'approbation du gouvernement, de conclure avec l'Association des pharmaciens
des établissements de santé du Québec une entente qui
s'applique à tous les pharmaciens en établissement et lie tous
les établissements de santé.
Au titre de la représentation de ses membres, l'Association a
toujours tenu le même langage: elle demande d'être reconnue comme
l'agent négociateur de tous les pharmaciens oeuvrant dans tous les
établissements de santé du Québec aux fins de
négocier leurs conditions de travail.
Présentement, tel que prévu à l'article 3 de la Loi
sur l'assurance-hospitalisation, l'Association des pharmaciens des
établissements de santé du Québec est l'agent
négociateur de tous les pharmaciens oeuvrant en centre hospitalier.
Cette reconnaissance doit maintenant être extensionnée à
l'égard des pharmaciens oeuvrant dans les autres établissements
de santé. C'est à la fois une question de principe et une
question de rationalisation administrative.
C'est une question de principe parce que, dans notre
société, le droit à la négociation des conditions
de travail fait partie de nos valeurs démocratiques fondamentales. C'est
ainsi que les conditions de pratique et de rémunération des
médecins spécialistes ou généralistes, des
dentistes, des pharmaciens communautaires, des op-tométristes sont
déterminées par négociation entre le ministre de la
Santé et des Services sociaux et leur association représentative.
Pourquoi ce droit à la libre négociation nous serait-il reconnu
pour les pharmaciens oeuvrant en centre hospitalier, alors qu'il nous est
refusé pour ceux exerçant dans les autres établissements
de santé?
Nous avons toujours tenu le même langage sur cette question. Il y
a quelques années, le gouvernement a cru répondre partiellement
à notre demande en décidant que les conditions de travail des
pharmaciens oeuvrant en centre d'accueil ou en CLSC seraient établies
par décret gouvernemental suite à une consultation avec
l'Association. En pratique, nous disait-on, vous négocierez vos
conditions de travail pour les centres hospitaliers et celles-ci seront
extension-nées par décret gouvernemental aux
établissements de santé.
Depuis deux ans, nous avons appris à nos dépens qu'une
consultation n'est pas une négociation. Il est évident que le
comportement de l'appareil gouvernemental est fondamentalement différent
lorsque le texte de loi prévoit qu'il doit y avoir négociation
des conditions de travail ou qu'il doit simplement y avoir consultation quant
aux conditions de travail. Nous le savons pour l'avoir vécu. Nous savons
également, parce que cela est une évidence, qu'aucun autre groupe
de professionnels de la santé n'accepterait d'être simplement
consulté avant la détermination par décret des conditions
de travail de ses membres.
Cette discrimination à notre égard est d'autant moins
justifiée qu'elle amène la société
québécoise à se priver d'un outil de rationalisation et
d'optimisation des ressources pharmaceutiques dans les établissements de
santé. Il est évident, pour quiconque veut regarder les faits
avec objectivité, qu'une entente collective unique s'appliquant à
tous les établissements de santé peut permettre d'optimiser les
ressources pharmaceutiques disponibles. Cette optimisation est importante pour
rencontrer les besoins de nombreux centres d'accueil ou centres locaux de
services communautaires laissés à eux-mêmes.
Personne ne contestera que TAPES a toujours collaboré à
améliorer, tant au plan administratif qu'au plan professionnel, la
dispensation des services pharmaceutiques dans les établissements de
santé. Nous offrons, une fois de plus, notre collaboration.
En pratique, les demandes de l'Association au titre de la
représentation de tous les pharmaciens oeuvrant dans tous les
établissements de santé impliquent simplement que la loi soit
amendée pour autoriser le ministre de la Santé et des
Services sociaux à conclure une entente dans un tel cadre
législatif. Nous suggérons que le législateur
procède à notre égard comme il l'a fait avec les internes
et les médecins résidents. Comme les pharmaciens, les internes et
les médecins résidents sont à l'emploi des
établissements. L'article 19.1 de la Loi sur l'assurance-maladie
prévoit que le ministre de la Santé et des Services sociaux est
autorisé à conclure avec eux une entente collective. L'ajout d'un
article 19.2 visant les pharmaciens répondrait à nos attentes
sans modifier pour autant les autres paramètres de notre statut
juridique.
Permettez-moi de passer en revuo quelques articles qui, pour nous, sont
plus importants. L'article 9, le plan de services individualisé.
L'importance du médicament comme agent de prévention ou de
traitement est indéniable. Largement utilisé chez la très
grande majorité de ceux qui ont recours à des services de
santé, le médicament doit faire l'objet d'une pharmacovi-gilance
accentuée qui garantisse l'atteinte des résultats
souhaités et la détection des effets secondaires ou
indésirables. L'orientation clinique qui caractérise
désormais l'acte pharmaceutique concrétise l'importance capitale
de la fonction de contrôle de l'utilisation des médicaments. Cette
fonction fut trop longtemps en veilleuse ou encore masquée par la
très évidente fonction de distribution du médicament.
Le pharmacien d'établissement entend collaborer et contribuer
à l'élaboration d'un plan de services individualisé,
lequel pourra comprendre les services pharmaceutiques suivants: l'histoire
médicamenteuse du patient à son arrivée; les conseils en
cours d'hospitalisation et au départ; les services de
pharmacocinétique; la surveillance thérapeutique des dosages
sanguins des médicaments; le contrôle des algies; le suivi des
protocoles d'alimentation parentérale; les programmes de
dépistage des réactions adverses.
La dispensation de ces services cliniques est conditionnée non
pas par l'intérêt des pharmaciens, mais bien par le nombre des
ressources disponibles supplémentaires à celles qui sont
assignées à la distribution des médicaments.
Nous passons à l'article 121, les départements cliniques
au plan d'organisation. C'est à la page 15 de notre mémoire.
L'évolution constante de la pratique de la pharmacie depuis les
années soixante-dix a fait que le rôle du pharmacien en
établissement de santé est désormais axé sur des
activités de contrôle clinique de la médication.
Selon le règlement sur la tenue des dossiers (règlement 8
de l'Ordre des pharmaciens), un pharmacien doit tenir un dossier pour chaque
patient pour le compte de qui une ordonnance est exécutée. Ce
dossier contient les principaux renseignements susceptibles d'aider à
l'homologation des ordonnances, par exemple: l'âge du patient, son poids,
le diagnostic, ses pathologies, les allergies, les habitudes de vie, la
fonction rénale. Le dossier pharmacologique du patient est la pierre
angulaire de la pharmacie clinique puisque le médicament n'est pas
délivré à l'aveuglette, mais bien en tenant compte des
besoins particuliers de chaque individu.
Ce médicament spécifique, utilisé à un
dosage déterminé, administré selon une posologie
adaptée devant procurer un effet thérapeutique visé, doit
être surveillé afin de vérifier s'il n'entraîne pas
d'effets secondaires défavorables, d'interactions
médicamenteuses, de toxicité, et ce, pour chaque patient.
La pharmacie clinique s'exerce donc via le contrôle de
l'utilisation des médicaments chez un individu et consacre
l'adéquation entre médicament spécifique et patient
particulier.
Cette dimension clinique, c'est-à-dire cette orientation du
médicament et des services pharmaceutiques vers le patient, est inscrite
à l'article le plus fondamental de la Loi sur la pharmacie, soit celui
qui définit et décrit l'exercice de la pharmacie. En effet, on y
stipule entre autres que "l'exercice de la pharmacie comprend la communication
de renseignements sur l'usage prescrit (...) des médicaments." En
établissement de santé, cette disposition trouve application lors
des rencontres avec les patients en vue de dresser leur histoire
médicamenteuse, lorsque des conseils sont donnés en cours
d'hospitalisation ou en fin d'hospitalisation ou, encore, lorsque des malades
externes reçoivent leurs médicaments à partir des
départements de pharmacie.
On retrouve une autre illustration de la pharmacie clinique à
l'intérieur des programmes de pharmacocinétique où le
pharmacien conseille le médecin sur la dose appropriée de
certains médicaments en fonction de l'interprétation par le
pharmacien des paramètres biologiques et biochimiques du patient.
L'ultime consécration de l'exercice clinique en pharmacie
intervient lorsque les pharmaciens regroupés en réunion
départementale évaluent, entre pairs, la qualité des actes
posés envers des patients particuliers dont les dossiers ont
été sélectionnés, exactement de la même
façon que le font les médecins lors des réunions de leurs
départements cliniques.
En conséquence, l'APES revendique à nouveau la
reconnaissance par le législateur du statut de département
clinique pour le département de pharmacie.
À l'article 122, le plan d'organisation des CLSC, page 18 de
notre mémoire. Les nouvelles orientations du ministère de la
Santé et des Services sociaux mettent en évidence des objectifs
orientés vers la réduction des problèmes de santé.
On y affirme qu'une fois ces problèmes identifiés les
priorités d'action doivent être arrêtées et
l'allocation des ressources doit permettre la réduction de ces
anomalies.
S'il est un problème qui a été clairement
identifié et dont l'ampleur est incontestable, c'est bien celui
de la surconsommation des médicaments chez la population adulte, en
particulier chez la personne âgée.
Avant d'indiquer une mesure importante pour s'attaquer à ce
problème de façon efficace, il importe d'abord de modifier une
perception du rôle du pharmacien. La fonction de distribution des
médicaments, parce qu'elle est la plus évidente, la plus visible,
la plus perceptible, la mieux connue, a pour effet pervers de créer
ombrage à d'autres fonctions qui méritent une reconnaissance
grandissante si l'on convient que la distribution du médicament n'est
pas une fin en soi, mais plutôt un moyen d'atteindre l'objectif majeur,
soit l'utilisation optimale du médicament.
L'intérêt public nous incite à faire la promotion
des fonctions qui sont indispensables à la prestation de services
pharmaceutiques de qualité; il s'agit de l'information pharmaceutique et
du contrôle de l'utilisation des médicaments. À cet
égard, notons que le phénomène de l'utilisation
inadéquate des médicaments est directement responsable de 10 %
des hospitalisations. Par ailleurs, les nombreuses réactions adverses et
les effets secondaires imputables aux médicaments diminuent la
qualité de vie des patients. Tous ces facteurs témoignent des
limites de l'accessibilité aux médicaments et de
l'impératif d'organiser les services pharmaceutiques pour atteindre la
finalité du médicament comme: agent diagnostique, agent de
prévention de la maladie ou agent thérapeutique devant servir
à ajouter, et je cite: "des années à la vie, de la
santé à la vie et du bien-être à la vie. "
Dans les établissements de santé où les pharmaciens
sont présents, on a assisté au cours des 15 dernières
années, avec l'orientation clinique de nos activités
pharmaceutiques, à l'effet bénéfique d'une nouvelle
catégorie de services pharmaceutiques dissociés de la
distribution des médicaments, notamment: des études
pharmacologiques des dossiers patients; des revues d'utilisation des
médicaments; la surveillance thérapeutique des dosages sanguins
des médicaments; l'instauration des programmes de pharmacovigilance; le
développement des services pharmacocinétiques; les entrevues
à l'arrivée pour dresser l'histoire médicamenteuse; les
conseils au patient en cours d'hospitalisation ou au départ; le
contrôle de l'analgésie chez les patients en phase terminale; le
suivi des protocoles d'alimentation parentérale.
Tous ces services à orientation clinique, adaptés de plus
en plus aux besoins individuels et spécifiques de chaque
bénéficiaire, contribuent à garantir l'activité
recherchée pour chaque médicament et à renforcer le volet
prévention dans la prestation de services pharmaceutiques. Cependant,
ils sont actuellement accessibles à une clientèle fort
restreinte: celle des centres hospitaliers et des centres d'accueil. Force nous
est de constater une lacune majeure dans l'organisation des services
pharmaceutiques dans les établissements de santé: les services
pharmaceutiques préventifs font tragiquement défaut dans le
réseau des centres locaux de services communautaires, type
d'établissement dont la vocation est, paradoxalement, la plus
appropriée à la dispensation des services de
prévention.
Vu l'absence de programme de prévention relié aux
médicaments dans les CLSC, ceux-ci n'ont généralement pu
retenir les services de la ressource compétente formée à
cette fin, le pharmacien, il faudra recourir à des moyens particuliers
pour assurer que cette situation préjudiciable au patient soit
corrigée.
Conséquemment, l'APES demande: qu'un plan régional
d'effectifs pharmaceutiques soit créé; que le plan d'organisation
d'un centre local de services communautaires prévoie le nombre de
pharmaciens qui peuvent exercer leur profession dans ce centre.
En 1983, devant la commission parlementaire permanente des affaires
sociales, lors de l'étude du projet de règlement en vertu de la
loi 27, nous affirmions: "À notre avis, l'établissement constitue
le milieu privilégié de questionnement et de
réévaluation de la médication pour chacun des patients.
L'établissement doit devenir l'usine de filtration des ordonnances de
médicament et, si indiqué, le milieu de modification des
habitudes de consommation des médicaments".
Nous pouvons affirmer que nos usines de filtration fonctionnent à
la satisfaction générale dans les centres hospitaliers et les
centres d'accueil. La filtration étant un moyen de prévention,
nous recommandons que les mesures soient adoptées pour rendre
opérationnelle l'usine de filtration dans les établissements dont
la mission est la prévention: le centre local de services
communautaires.
À l'article 132, page 25 de notre mémoire, le
département de santé communautaire. L'exercice d'activités
de prévention, de promotion et de protection de la santé par les
départements de santé communautaire concerne également le
médicament et les services pharmaceutiques. Même si la
collaboration interdépartementale peut permettre la réalisation
de certains programmes, nous croyons qu'il serait souhaitable et avantageux que
des pharmaciens, particulièrement s'ils ont complété des
études en santé communautaire, puissent faire partie des
départements de santé communautaire et contribuer de
l'intérieur à l'atteinte des objectifs de ces derniers. Nous
n'avons pas de raison de douter que l'apport des pharmaciens
spécialisés en santé communautaire ne puisse être
apprécié et que leur intégration ne puisse s'effectuer
aussi harmonieusement, pour établir un parallèle, que lors de
l'intégration des pharmaciens au conseil des médecins, dentistes
et pharmaciens.
À la page 29, l'article 152, les ententes
interétablissements. Nous avons identifié
précé-
demment l'absence des services pharmaceutiques au niveau des CLSC et
l'importante lacune qui en découle en ce qui a trait à la
prestation des services pharmaceutiques de nature préventive. Nous
croyons que la gestion de plus d'un établissement ou d'une
catégorie d'établissements par un même conseil
d'administration est susceptible de favoriser le partage, l'extension ou
l'échange de services pharmaceutiques au sein de ces
établissements. Voilà un des moyens à exploiter pour
corriger le problème majeur relié aux services de
prévention en pharmacie.
Nous croyons également que la structure prévue permettra
enfin à l'APES de voir se réaliser un vieux rêve
d'échange temporaire de pharmaciens entre établissements, pour le
plus grand bénéfice à la fois des établissements et
des pharmaciens. Ces échanges nous apparaissent comme un moyen de
développer l'expertise professionnelle et une mesure
complémentaire pour favoriser la formation continue de nos membres.
En conclusion, l'Association des pharmaciens des établissements
de santé s'est toujours préoccupée d'aligner la
défense des intérêts de ses membres sur les besoins
réels des concitoyens québécois, en toute collaboration
avec le ministère de la Santé et des Services sociaux. Toutes nos
représentations, lors des diverses commissions parlementaires
antérieures appelées à étudier la
législation dans le domaine de la santé, ont visé à
conseiller le plus judicieusement et le plus consciencieusement le
législateur dans sa recherche des meilleurs intérêts de la
population. La même constance a guidé la présente
consultation législative, à la préparation de laquelle
nous avons apporté autant de soin que s'il s'agissait d'une des
nombreuses consultations d'ordre clinique que nous fournissons
régulièrement à nos collègues médecins et
autres professionnels de la santé. (10 heures)
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. J'inviterais maintenant le ministre de la Santé et
des Services sociaux à vous adresser quelques questions et à
échanger avec vous.
Mme Pagé: Merci, madame.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Je trouve rafraîchissant de vous entendre. Je disais
à mes collaborateurs que, même si je vais avoir bien des choses
à lire en fin de semaine, je vais prendre le soin de l'amener à
la maison pour le relire parce qu'il me paraît aborder des questions
très importantes qu'on se pose. Effectivement, je l'ai dit
moi-même, on est dans un contexte où il y a un abus de
consommation et, inévitablement, si les patients consomment
peut-être trop... Si j'ai bien saisi, vous nous avez dit que 10 % des
hospitalisations sont liées à une mauvaise utilisation des
médicaments.
Une voix: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Quand on considère
qu'il y a 27 000 lits en courte durée au Québec, ça
commence à faire du monde un peu. Évidemment, tout ça est
au centre de nos préoccupations. On en a discuté, pas
nécessairement en connaissance de cause - je parle de moi - au fil des
jours de la commission, mais c'est la première fois ce matin qu'on
réussit à aborder un point de vue comme le vôtre sur le
plan de la médication et je trouve ça très
intéressant. Il y a un pharmacien à côté de moi qui
a pris la peine de venir de Mont-Joli, ce matin.
Vous souhaitez que le département de pharmacie devienne un
département clinique. Très clairement, l'objectif visé,
quel est-il? Un meilleur rapport de forces avec le prescripteur ou une
meilleure position pour le pharmacien pour être capable de discuter
à l'intérieur de rétablissement?
Mme Pagé: Je vous répondrai spontanément que
c'est à la fois l'un et l'autre. C'est surtout pour concrétiser
les changements qui sont intervenus dans la pratique de la pharmacie à
l'intérieur des établissements de santé depuis cinq ans,
compte tenu que la pratique de la pharmacie en établissement de
santé, a évolué très rapidement vers un contexte de
clinique, en ce sens que les services que l'on dispense sont orientés
vers le patient. De plus en plus, les pharmaciens qui oeuvrent en
établissement de santé sont en contact avec les patients, tout en
ayant développé des contacts plus intimes avec les
médecins et les autres professionnels de la santé.
Avec les programmes qu'on vous a cités brièvement, le
pharmacien a développé une expertise très précise
de tout ce qui s'appelle médicament et devenir du médicament dans
l'organisme. Donc, la demande de contexte clinique du département, c'est
un peu une concordance par rapport à ce qu'on vit actuellement dans les
établissements de santé.
Il y a peut-être de mes collègues qui désirent
ajouter quelque chose là-dessus. Robert?
M. Létourneau (Robert): En fait, ce qu'il faut dire, c'est
que le médicament comme tel, on l'a vu, doit être approprié
à une personne donnée qui a une pathologie particulière.
C'est ça, justement, la dimension clinique, c'est ce trait d'union qui
s'établit entre un agent thérapeutique, qui est le
médicament, et une personne particulière qui a besoin de doses
particulières, de sélection de médicaments tout à
fait appropriés. C'est ça qui, en fait, concrétise la
dimension clinique, c'est ce trait d'union qu'on établit entre un
médicament donné et un patient donné.
Pour revenir à l'affirmation de tout à l'heure quant aux
hospitalisations qui sont dues aux médicaments, c'est là qu'on
volt qu'il peut y avoir un lien, si le médicament qui est utilisé
par l'individu n'est pas le médicament approprié ou, encore, est
un médicament approprié, mais dont le dosage ne convient
pas à l'individu. Entre autres, je peux citer chez des asthmatiques la
médication théophylline qui a une marge de sécurité
très étroite, de sorte qu'en augmentant quelque peu le dosage on
sort de la zone thérapeutique pour s'en aller dans une zone toxique. Un
certain nombre de patients qui figurent dans les 10 % mentionnés, entre
autres, sont des patients asthmatiques.
M. Côté (Charlesbourg): Ça me rend inquiet.
Ça me rend très Inquiet et je vais vous dire pourquoi. Il
faut donc qu'il y ait quelqu'un, quelque part, qui prescrive le
médicament. Il faut aussi qu'il y ait un pharmacien dans ia chaîne
qui, lui aussi, finalement, fasse la dispensation. Quel est le lien, dans ces
cas-là, entre.. Parce que, évidemment, les patients dont on
parle, ceux que vous traitez, ce sont ceux qui sont déjà
hospitalisés. Donc, le problème est déjà là.
On est rendu dans le curatif, rendu chez vous. De votre expérience,
qu'est-ce qui fait qu'on se retrouve avec 10 % des patients chez vous qui
ont déjà vu un professionnel de la santé, qui
s'appelle un médecin, qui, lui, a prescrit et qui sont passés
aussi au tamisage ou au filtrage chez le pharmacien? J'ai de jeunes enfants,
moi aussi, puis, évidemment, pour savoir les effets d'un
médicament, on va bien plus chez un pharmacien. En tout cas, je ne dis
pas ça pour vous glorifier, mais c'est la pratique chez nous aussi. Mais
comment est-ce que vous expliquez ça? C'est quand même
considérable, 10 %.
M. Létourneau: C'est dû, M. le ministre, au fait que
le médicament est un agent chimique complexe. On est porté
à les idéaliser; on voudrait bien que les médicaments, ce
soit une substance simple qu'on emploie, qui automatiquement donnerait le
résultat qu'on souhaiterait. Or, c'est une réalité qui est
complètement différente. Il s'agit de penser que le
médicament est un élément chimique, un produit chimique
particulier qui circule dans un organisme qui a à le
métabo-liser. Cet organisme-là est variable. L'individu peut
avoir une bonne fonction rénale, avoir une mauvaise fonction
hépatique, etc., et, dans le fond, c'est la complexité du
médicament qui est à l'origine de ces problèmes-là.
Ce n'est pas tellement que les praticiens pourraient avoir des lacunes. Il est
bien sûr que tout médecin ou tout pharmacien n'est pas
parfait.
M. Côté (Charlesbourg): Comme les politiciens.
M. Létourneau: Mais il faut voir que le pharmacien est,
dans le fond, dans ses fonctions, impliqué dans quelque chose qui est
très difficile à manier, qui est lu médicament. Souvent,
les gens sont habitués à un médicament: Ah! je prends les
petites pilules jaunes depuis cinq ans. Un consommateur prétend
connaître son médicament souvent parce qu'il en prend depuis
longtemps. La réalité qu'il y a dans l'organisme est tout autre.
Justement, un produit peut avoir donné des effets
bénéfiques pendant un bout de temps et, au bout de trois ou
quatre ans, à un moment donné, il se développe une
toxicité dans l'organisme et, à ce moment-là l'objectif
thérapeutique qui existait au départ n'existe plus. Donc, on peut
voir que le médicament a une bonté en soi, de façon
objective, mais relié à un individu, c'est variable, et c'est
variable même par rapport au temps, c'est-à-dire que ça
peut faire un certain bout de temps, puis, à un moment donné,
ça ne fait plus du tout.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ce qui fait qu'en
milieu hospitalier ou en centre d'hébergement il y a un meilleur suivi
du bénéficiaire On peut le suivre de très près pour
voir les effets secondaires, ce qui n'est pas le cas dans le public en
général. Lorsqu'on lui prescrit, qu'on lui donne un
médicament et qu'il est chez lui, évidemment, le patient est
moins suivi. C'est un peu ça, le problème qui fait que tous les
effets secondaires se répercutent et qu'il se retrouve chez vous
éventuellement.
Je reviens à la question principale, parce qu'on est toujours
limité dans le temps: Si, demain, on acceptait votre demande que le
département de pharmacie devienne un département clinique,
ça changerait quoi? J'imagine que c'est pour changer des choses. Donc,
ça changerait quoi dans la dynamique? Ça changerait quoi pour le
bénéficiaire?
La Présidente (Mme Marois): Mme Pagé.
Mme Pagé: Oui, d'accord. Au niveau des
établissements de santé dans lesquels on vit actuellement,
l'importance du département clinique, c'est de reconnaître la
valeur des interventions cliniques que le pharmacien fait, compte tenu
qu'auparavant le pharmacien n'intervenait pas vraiment dans toute
l'étude pharmacocinéti-que, la pharmacovigilance. Cette
pratique-ià s'est développée au cours des années.
Moi qui ai quinze ans de pratique, je me souviens fort bien que, dans mes
premières années, c'était la fonction de distribution qui
était primordiale et qui existait partout et qui était à
quelques exceptions près, la seule. La fonction de pharmacien, les
activités pharmaceutiques se sont grandement diversifiées et
l'implication des pharmaciens directement auprès des patients et
directement auprès des prescripteurs et aussi des infirmières qui
administrent les médicaments s'est développée. Et,
maintenant, la pratique de la
pharmacie est constituée, je dirais... La fonction de
distribution demeure encore importante, c'est bien évident. Mais il y a
de nos collègues, dans tous les milieux, qui consacrent la
totalité de leur temps à des activités cliniques.
Quand on fait de la pharmacocinétique, c'est l'évaluation
de paramètres, l'interprétation des paramètres
biochimiques et biologiques des patients. Et on conseille le médecin,
tout comme un autre médecin, un consultant en neurologie va conseiller
un omnipraticien dans le traitement, par exemple, d'un ACV. Et, donc,
l'appellation clinique du département, c'est surtout une espèce
de reconnaissance de ce qui se passe déjà dans le milieu.
Ensuite de ça, pour revenir aussi à l'histoire des 10 %
d'hospitalisations dues aux effets secondaires des médicaments, c'est
sûr qu'en milieu hospitalier on les a. Ils sont hospitalisés, les
patients. Mais ce sur quoi on travaille beaucoup, c'est, quand ils vont avoir
leur congé, que ça ne se reproduise pas. Et c'est à ce
moment-là que l'activité clinique du pharmacien auprès du
patient est très importante au niveau des conseils sur comment prendre
ses médicaments. Et même, de plus en plus, dans certains milieux,
entre autres, où on fait de la gériatrie active, on instaure des
programmes d'automédication, c'est-à-dire que les patients,
pendant leur hospitalisation, prennent eux-mêmes leurs médicaments
sous surveillance du personnel infirmier et des pharmaciens qui vont les voir,
tous les jours, afin de créer de bonnes habitudes de prise de
médicaments, parce qu'on sait fort bien que les patients, quand ils sont
hospitalisés...
Par exemple, une personne âgée qui est hospitalisée
pour une intoxication à la digitale. Il y a quelques années, on
lui a prescrit de la digitale parce qu'elle a eu un problème cardiaque
ou qu'on a suspecté un problème cardiaque; elle en a pris depuis
tout ce temps, elle a vieilli et ses fonctions naturelles ont vieilli, elles
aussi; donc, là, elle est intoxiquée parce qu'elle a
continué à toujours prendre son médicament. Après
avoir vérifié la concentration sanguine de sa digitale, avoir
consulté les médecins, on va suggérer aux médecins
de diminuer progressivement la médication ou même de la cesser. Si
on doit la réinstaurer parce qu'elle a toujours des besoins
d'améliorer sa fonction cardiaque, le pharmacien peut, si c'est une
personne âgée, permettre à la personne de prendre
elle-même ses médicaments et surveiller la prise de la
médication.
Ça aussi, c'est une activité clinique. Et c'est dans ce
sens-là aussi qu'on réclame le clinique du département de
pharmacie.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je comprends mal
en interprétant que, si c'était le cas, votre opinion aurait plus
de poids et irait davantage dans la prévention que ce qu'on fait
maintenant?
Mme Pagé: C'est probablement vrai.
Mme Demers (Denise): Je travaille déjà depuis cinq
ans en milieu gériatrique. Nous avons implanté des services
cliniques avec la personne âgée et le problème auquel on
est confrontés actuellement, c'est lorsque la personne âgée
est libérée du centre hospitalier, lorsqu'elle s'en va en
ressources d'hébergement, on ne fait pas le suivi de sa
médication. Actuellement, elle nous revient et, dans une très
forte proportion des cas - et ça, on peut l'affirmer - la
réhospitalisation est due à une mauvaise gestion de ses
médicaments.
Alors, la confirmation du statut clinique actuellement viendrait, je
crois, faciliter dans beaucoup d'autres milieux l'instauration de ces
services-là et viendrait diminuer l'apparition de réactions
indésirables, surtout chez nos personnes âgées qui ont,
comme on le sait, un problème de surconsommation qui est
identifié par tous les professionnels.
M. Côté (Charlesbourg): À ce que j'ai compris
vous travaillez principalement en centre hospitalier de courte et de longue
durée et en centre d'accueil d'hébergement.
Mme Demers: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg): évidemment, ils sont
rendus chez vous, là.
Mme Demers: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Et quand on parle de 10 %,
c'est majeur, je le répète. Est-ce que vous croyez que, pour
être capables de contrer ça à la base même sur le
plan de la prévention, cette prévention-là devrait se
faire au niveau, par exemple, des CLSC? (10 h 15)
Mme Demers: II devrait y avoir une concertation. Effectivement,
c'est déjà dans leur milieu, avant qu'ils viennent en centre
hospitalier, qu'on doit travailler sur le problème de surconsommation de
médicaments. Actuellement, nous, ce qui nous limite, c'est le volet
préventif qu'on ne peut assurer. Une fois que l'individu est
libéré du centre hospitalier, on n'a aucun contact avec la
personne âgée. Alors, ça, c'est un volet important:
développer l'aspect préventif, parce que la personne
âgée est très sensible aux réactions
indésirables des médicaments. Si on ne développe pas le
volet prévention, on va tout simplement réussir à terminer
l'hospitalisation, mais elle nous reviendra à plus ou moins brève
échéance avec une autre réaction indésirable.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça
très intéressant parce que c'est une piste et on parle de
prévention depuis le début. Évidemment, on
peut en parier en termes très larges, de prévention. Tout
le monde est capable d'en parier, mais je pense que vous nous fournissez, ce
matin, un exemple plus précis où la prévention peut se
faire en CLSC pour éviter, finalement, les engorgements que l'on
connaît dans nos hôpitaux, au moment où on se parie: 10 %.
Évidemment, c'est peut-être une mauvaise nouvelle pour ceux qui
espèrent des agrandissements ou des ajouts de capacité, mais on
n'a pas un système pour ajouter des lits. On a un système pour,
autant que possible, tenter d'en diminuer.
Ce que j'ai bien saisi: d'abord, j'ai saisi le message de consultation
par rapport à décret. Je pense qu'il est bien livré. Au
moment où nous nous parlons, vous êtes
rémunérés par les établissements. Est-ce que j'ai
bien saisi que vous souhaiteriez être rémunérés par
la RAMQ ou si c'est une mauvaise perception de ce que j'ai pu entendre?
M. Tremblay (RaynakJ): Je pense que notre demande va en fonction
d'un encadrement législatif. Pour nous, la Loi sur i'assurance-maladie,
parce qu'elle avait une concordance avec nos collègues médecins
et qu'il y avait une image qui cadrait bien avec celle du pharmacien en
établissement de santé, celle du résident ou de l'Interne
en médecine qui, lui, est rémunéré par
l'établissement, on trouvait que c'était une façon logique
et conséquente, pour nous, de négocier pour tous les pharmaciens
dans cet encadrement législatif.
D'un autre côté, pour nous, ce n'est pas comme telle une
demande de passer à la Régie de l'assurance-maladie. C'est
plutôt une demande de négocier en fonction de la Loi sur
l'assurance-maladie, ce qui n'est pas nécessairement une demande de
changement de statut par rapport au statut de salarié ou non dans
l'établissement, ou de travailleur autonome. Je pense que ce n'est pas
l'objectif de la demande. C'est beaucoup plus de trouver un moyen, dans ce
contexte-ci un moyen légal, de nous permettre de négocier pour
l'ensemble de nos membres parce que, actuellement, on ne peut pas le faire. Ce
qui fait que, pour nous, la Loi sur l'assurance-maladie, c'est un moyen, ce
n'est pas une fin en soi. Je pense que c'est une piste, comme je l'ai
mentionné.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez parié de
mobilité. Ça aussi, c'est intéressant parce que c'est un
des problèmes de notre système où il n'y en a pas, de
mobilité. On a de la difficulté à demander à
quelqu'un qui travaille dans un département, s'il y a un surplus
ailleurs, d'aller dans un autre département si ce n'est pas dans la
convention collective ou si ce n'est pas selon les règles. Mon syndicat
me l'interdit ou, évidemment la convention l'interdit C'est facile de
dire le syndicat, mais...
Vous pariez de mobilité. J'aimerais vous entendre davantage
là-dessus parce que c'est la mobilité interétablissements,
peu importe, pas uniquement des centres hospitaliers. Ça pourrait
être un centre d'hébergement, ça pourrait être un
CLSC éventuellement, si c'était le cas. L'objectif de ça
est-il d'avoir une meilleure connaissance de ce qui se passe partout, à
la fois pour le pharmacien et pour le bénéficiaire?
Mme Pagé: Oui, d'une part, et ce qui est
intéressant pour nous... C'est peut-être une
caractéristique de l'APES, même si on est un syndicat: la
convention collective, c'est important, mais on n'a jamais fonctionné
"by the book", comme on dit en bon français. Ce qui est important pour
nos membres, pour les établissements et pour les patients, c'est aussi
d'avoir une personne de référence souvent. En plus de ça,
on est fort conscients du fait qu'il y a certains petits établissements
qui pourraient difficilement recruter une ressource pharmaceutique
professionnelle à temps complet. Donc, en assurant la mobilité
interétablissement... C'est déjà actualisé, M. le
ministre. Il y a beaucoup de centres hospitaliers de soins de courte
durée qui ont des contrats de services professionnels et je ne parie pas
de services de distribution de médicaments interhospitaliers,
c'est-à-dire un pharmacien qui est rattaché, qui est à
l'emploi d'un centre hospitalier de soins de courte durée, qui peut
passer sept heures par semaine à travailler au centre d'accueil
d'hébergement de la même localité, par exemple.
Il est évident que ces programmes existent beaucoup plus dans les
régions. Dans le grand Montréal et dans le grand Québec,
ça existe, mais c'est beaucoup plus popularisé et
développé dans des régions un peu excentriques des grandes
villes, des centres-villes.
Cette mobilité-là, d'une part, est très
intéressante pour le pharmacien, compte tenu qu'il y a une
continuité de services. Parce que, souvent, les patients qui sont
hospitalisés se retrouvent en centre d'accueil d'hébergement et,
éventuellement, quand on le peut, ils se retrouvent à domicile.
S'il y avait, via les CLSC, des ententes de services où la ressource
professionnelle est disponible, le pharmacien pourrait asssurer une
espèce de surveillance à distance de ses patients qui ont
été hospitalisés à son unité de
gériatrie, par exemple, qui ont été en centre d'accueil
d'hébergement ou même de retour à domicile. Parce qu'il est
évident que nous, les pharmaciens, dans les moyens limités qu'on
a d'intervenir là-dedans, on souhaite beaucoup plus que les patients
soient retournés chez eux, dans leur milieu de vie, que dans un contexte
d'hébergement, parce qu'on crée toute la dépendance
vis-à-vis des services en hébergeant les patients. La
mobilité interétablissements nous apparaît comme
étant un moyen bénéfique pour le patient et très
intéressant pour les pharmaciens. Ça permet effectivement une
expertise dans tous les domaines.
M. Côté (Charlesbourg): On sait que, pour l'ensemble
des établissements du Québec, la dimension achat, c'est 1 300 000
000 $. Ce n'est pas de la petite bière, 1 300 000 000 $, en termes de
volume d'achat. Qui décide de l'achat des médicaments au niveau
d'un centre hospitalier? Je sais que, dans certaines régions, on a
réussi à "pooler" des achats pour avoir des meilleurs prix. C'est
une question que je me pose et que je vous pose, si vous pouvez me
répondre: Qui décide de l'achat de tel ou tel médicament
et du volume de médicaments?
Mme Pagé: Bon. Dans un premier temps, qui décide de
l'achat des médicaments? Ultimement, c'est le pharmacien, le chef du
département, avec ses collègues pharmaciens et ses
collègues médecins, au sein d'un comité de pharmacologie.
Vous savez fort bien que la liste des médicaments acceptée par le
ministère, la liste des médicaments-établissements est
restreinte par rapport à la liste générale. Et, à
l'intérieur de la liste des médicaments-établissements, le
chef du département a la responsabilité de sélectionner
d'autres médicaments. Donc, avant d'acheter un médicament, il
doit être accepté pour utilisation dans le centre, via une demande
au comité de pharmacologie. Ce comité-là étudie les
demandes et juge de la pertinence de la demande et du besoin du
médicament. Je dois vous dire qu'actuellement les comités de
pharmacologie sont très actifs dans tous les établissements de
santé, courte durée, longue durée et centre d'accueil, ce
qui est tout à fait récent, nouveau; ce n'était pas
habituel auparavant.
On a, quand même, un problème majeur, c'est qu'on a des
moyens bien minces face au lobbying des compagnies pharmaceutiques. Ultimement,
votre milliard, le voici, M. Côté, et il risque d'augmenter
très rapidement si on n'a pas des moyens plus appropriés, plus
développés de justifier l'utilisation des médicaments dans
un établissement. Parce qu'il est évident que tout le monde a
besoin de tout, mais est-ce qu'on a les moyens de tout donner? Pas vraiment. On
est convaincus de ça. Je dois vous dire que souvent, dans les
établissements de santé, un pharmacien qui, au comité de
pharmacologie, discute d'une demande d'introduction d'un médicament dans
un centre hospitalier et qui refuse parce que, disons, ce n'est pas
prouvé - un de mes collègues, hier soir, en citait un exemple,
Raynald pourra vous en parler - il a très mauvaise presse parce que la
compagnie pharmaceutique a fait beaucoup de lobbying, a mis souvent beaucoup de
ressources pour faire accepter un médicament, parce que les compagnies
pharmaceutiques ont très bien compris que, si vous l'utilisez à
l'hôpital, le patient risque de sortir avec sa prescription, puis de
l'avoir longtemps. Mais, les moyens dont on dispose sont très
limités pour faire face à ça. Il est évident que le
coût des médicaments, si on ne développe pas de meilleurs
moyens, va continuer d'augmenter de façon faramineuse. Les achats en
commun permettent une certaine économie, oui, mais on sait fort bien que
les compagnies qui répondent aux appels d'offres sont celles qui ont des
médicaments copiés et non pas les compagnies novatrices.
M. Côté (Charlesbourg): Les compagnies
pharmaceutiques ont développé des moyens assez extraordinaires,
des fondations...
Mme Pagé: Elles ont beaucoup d'argent, M.
Côté.
M. Tremblay (Raynald): C'est plus subtil que ça encore,
maintenant. Par exemple, si on prend vos quelque 1 300 000 000 $, il y a
sûrement 500 000 000 $ qui vont à l'achat d'antibiotiques. Alors,
il y a une concurrence féroce de la part des compagnies pharmaceutiques
pour l'introduction de leurs molécules dans le centre hospitalier.
Maintenant, par exemple, ce qu'on fait, on appelle ça des études
de phase IV, des études postcommercialisation. Là, on dit
à un groupe de recherche d'un centre hospitalier X: Vous avez le bonheur
d'être sélectionné pour participer à une
étude multicentrique nord-américaine sur l'utilisation de tel
nouvel antibiotique. Là, on sélectionne 20 ou 30 patients, on
utilise le produit. Une fois que les résultats sont cumulés, on
envoie l'équipe de recherche à Hong Kong ou à Tokyo, en
congrès, deux semaines, pour présenter les résultats et
tout ça. Ce qui fait qu'on a créé l'habitude de
l'utilisation du produit, on a créé une pression sur les
médecins et sur l'équipe de recherche pour dire que les
résultats sont concluants. Mais ce qu'on ne dit pas, c'est que, d'un
autre côté, on pourrait peut-être arriver aux mêmes
fins thérapeutiques à des coûts souvent, on parle en termes
de 100 fois moindres en antibiothérapie, dans quelques cas. C'est ce qui
fait qu'à ce moment-là, au retour de l'équipe de recherche
dans le milieu, comme Mme Pagé l'illustrait tout à l'heure, on a
effectivement, dans les mois qui suivent, une demande au comité de
pharmacologie. Là, vous, comme pharmacien, vous arrivez, en
contrepartie, et vous dites à l'équipe: Bien, je ne crois pas que
les avantages coûts-bénéfices de l'utilisation de ce
produit-là soient suffisants pour justifier son introduction au
formulaire de l'hôpital. Évidemment, à ce moment-là,
vous êtes assez dépourvu pour résister à la pression
qui s'exerce sur le département de pharmacie pour l'introduction de la
nouvelle molécule. Ça, ce sont les moyens les plus subtils qu'on
utilise à ce jour.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai été
victime, personnellement, pas comme consommateur, mais comme ministre, de ce
genre d'action là par une compagnie de Toronto, où on a fait
l'expérience pendant six mois et payé le produit. Et, comme
le produit va être reconnu ou serait reconnu au mois de mars de
cette année, au mois d'octobre ou novembre, on a dit aux patients: Nous,
on ne fournit plus, l'expérience est finie, c'était six mois;
débrouillez-vous. Ça coûtait 8000 $ par année par
patient. C'est nous qui l'avons pris, mais vous avez raison, c'est un point
auquel je suis sensibilisé; on va mettre de l'ordre un peu.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci de
cette présentation de votre groupe, qui a une place extrêmement
importante dans l'ensemble du système de santé au Québec.
Vous nous soulevez, dans votre mémoire, de grandes questions au niveau
de l'orientation de nos services de santé et, vous le savez très
bien, également, sur une opinion publique qui, souvent, face à la
médicalisation, répète et répète encore
qu'il y a surmédicalisation au Québec et, dans l'utilisation de
ce que vous avez appelé vous-même tantôt, des produits qui
ont des bases chimiques, on a de la difficulté, au niveau du public,
à s'y retrouver.
Et, un peu dans la même veine que le ministre, j'aurais une
première question qui a trait à une recommandation que vous
faites en regard de l'article 160 de la loi quant aux nouveaux
médicaments qui sont introduits. Quand on voit toute l'espèce de
saga autour du 714X, c'est quoi, votre position quand vous en voyez
l'introduction? Je vous avoue que je suis probablement comme la majorité
du public, on a de la misère a retrouver nos petits là-dedans. Il
y a des institutions qui ont été autorisées, sauf erreur,
à distribuer ce médicament-là sans qu'il soit
homologué. Et l'article de l'avant-projet de loi permettrait,
effectivement, à un établissement, de façon
exceptionnelle, de distribuer ou d'offrir un nouveau médicament, puisque
la dernière partie de l'article dit: II peut, en outre, fournir d'autres
médicaments que ceux mentionnés dans la liste qui a
été fabriquée pour l'établissement. Le "il"
réfère à l'établissement. On ne sait plus trop qui
est ou n'est pas responsable de la distribution d'un nouveau médicament.
C'est quoi, votre position, à partir de l'exemple du 714X, sur
l'introduction des nouveaux médicaments dans les plans de traitement?
(10 h 30)
Mme Pagé: Bon! Je vais commencer et il y en a
peut-être d'autres qui rajouteront quelque chose. Par rapport aux drogues
nouvelles, il faut voir qu'une drogue nouvelle, quand on en parle dans notre
mémoire, à la page 31, c'est une catégorie
déjà décrite dans la Loi des aliments et drogues et
ça suppose qu'il y a quand même des choses qui sont connues
à propos de cette drogue-là. Ce n'est pas une chose comme le
714X. Personnellement, je dois vous dire qu'une chose comme le 714X, c'est
comme de la poudre de perlimpinpin. Si on ne connaît pas ce qu'il y a
dedans, moi, je suis tout à fait en désaccord d'utiliser
ça et de sanctionner ça dans un milieu d'établissement. Et
ça, c'est mon avis personnel là-dessus. Et je pense
qu'heureusement je ne suis pas à l'emploi d'un établissement qui
l'utilise. J'en suis très heureuse. Nos patients atteints de cancer ou
de sida, on les traite avec des agents thérapeutiques connus avec
lesquels, au moins, on sait ce qui se passe. C'est sûr qu'il y a des
impondérables, mais là c'est presque de la magie, ça. Et
je dois vous dire que, scientifiquement et rigoureusement, moi, je pense qu'on
est très mal placés, dans un système public, d'accepter
que des choses comme ça se passent. Mais je comprends qu'on fait face
à une force. L'opinion publique s'emballe facilement pour des choses
comme ça et c'est très malheureux de ne pas être capables
de faire l'éducation du public. Parce que tout ce dont on a entendu
parler à propos de ce produit-là - je ne l'appellerai pas
médicament - c'est des ouï-dire et on n'a pas de preuves
rigoureuses.
Au moins, quand un médicament est accepté comme drogue
nouvelle, il y a des études qui ont été faites. Il y a des
études de phase 1, de phase 2, de phase 3. C'est vrai que l'avis de
conformité de la DGPS, au ministère de la Santé
fédéral, n'a pas été émis, mais, au moins,
on connaît ce que c'est que ce médicament-là. Mais dans le
cas qui nous occupe, on ne le connaît pas. On ne sait vraiment pas ce que
c'est. Et je dois vous dire que, personnellement, ça m'horripilerait
beaucoup. Je ne sais pas s'il y a de mes collègues qui veulent
ajouter.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
Mme Demers: En ce qui concerne les sources de financement, il est
certain que c'est pris à même des deniers publics qui sont
déjà restreints. On a de la difficulté à obtenir
des budgets pour des substances thérapeutiques qui ont un effet reconnu;
alors, si on doit, pour des raisons humanitaires ou autres, utiliser ces
substances, il faudrait peut-être trouver d'autres moyens de financement
qui ne viennent pas hypothéquer les budgets des médicaments
reconnus. Alors, ça, c'est peut-être une avenue qu'il faudrait
explorer pour ces drogues nouvelles là avec lesquelles on n'a pas
d'expérience.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M.Létoumeau.
M. Létoumeau: Le ministre Côté tout à
l'heure, s'intéressait aux économies possibles reliées aux
médicaments. C'est une très grande question. Les besoins sont
immenses de la part de tous les intervenants. Et vous avez abordé, tout
à l'heure, la question de la négociation de prix au niveau des
achats de groupe de médicaments. Ce que je veux présenter ici,
c'est que
c'est un des moyens d'économie qui existe depuis un certain
nombre d'années et qui, effectivement, procure des résultats. Ce
que je veux identifier, ce sont d'autres moyens d'économie. Et
ceux-là sont beaucoup plus reliés au rôle du
pharmacien.
Je veux parler, entre autres, de la sélection des
médicaments qui se fait au niveau d'un hôpital. Si on
sélectionne un médicament efficace, l'efficacité du
produit n'est pas nécessairement directement proportionnelle au
coût du médicament. Donc, il y a des médicaments qui sont
meilleur marché et qui sont aussi efficaces et parfois plus efficaces
que des médicaments plus dispendieux. L'économie est
énorme. L'économie se fait au niveau de chaque centre hospitalier
et c'est le résultat de l'exercice de la responsabilité du chef
de département de pharmacie qui est responsable de la sélection
des médicaments dans l'établissement. Ça, c'est la porte
no 1. La porte no 2, c'est d'aller négocier par la suite ces
produits-là qui ont été sélectionnés.
Et l'autre élément qui est très important au niveau
de l'économie et qui dépend, encore une fois, du pharmacien,
c'est le contrôle de l'utilisation. Une fois que, dans un centre
hospitalier, on est allé chercher les meilleurs médicaments
possible, au meilleur coût possible, ii s'agit de s'assurer que ces
médicaments-là seront utilisés de la meilleure
façon possible, de façon optimale. Et c'est à ce
niveau-là que le pharmacien peut intervenir. Donc, trois
possibilités d'économie dont deux concernent réellement le
pharmacien dans ses fonctions et l'autre, les commissions régionales
d'achat.
Je veux parler aussi des nouveaux médicaments. Il ne faut pas,
non plus, penser que tout nouveau médicament a une connotation
négative nécessairement. Il y a certains nouveaux
médicaments qui sont essentiels, qui représentent le
progrès technologique, mais, à ce moment-là, on doit
accepter des coûts énormes au niveau de nos budgets de
médicaments. Quand on parle, par exemple, d'augmentation de coût
du médicament qui peuvent être de 2 % ou 3 % par année,
c'est pour les mêmes médicaments négociés d'une
année à l'autre.
Ce qui se passe: lorsqu'il sort des nouvelles molécules
chimiques, ces molécules-là sont des fois cinq fois ou dix fois
plus chères que les médicaments qui existent déjà.
Si ces médicaments-là sont très importants et très
efficaces, s'ils ont pour effet, par exemple, de réduire une
hospitalisation de huit jours à six jours, c'est sûr que le budget
du département de pharmacie au chapiire des médicaments peut
augmenter à cause de ces nouvelles molécules. D'autre part, il
faut voir ça dans un ensemble et par rapport au budget global d'un
centre hospitalier; il y a des économies1 ou encore une
possibilité de libération de lits, qui est non
négligeable. Et je pense que de plus (in plus on devra regarder les
budgets de fonctionne nent des départements de pharmacie
I
i ! quant à leur évolution dans une perspective
d'établissement.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Trudel: Merci. Toujours sur cela, à partir de
l'introduction des nouveaux médicaments, c'est quoi le mécanisme
qu'il faudrait ajouter, qu'il faudrait instaurer dans le système pour
que vous soyez - si j'ai bien compris -toujours sur la première ligne?
Parce que, tel qu'est actuellement rédigé l'avant-projet de loi,
un professionnel de la santé peut, à partir de la notion de
nécessité médicale particulière... Et, là,
la définition peut être très large; qu'est-ce que c'est
qu'une nécessité médicale particulière? Je
comprends bien qu'un médicament peut être introduit, du moins une
première fois, par un professionnel de la santé, sans que vous
soyez dans le portrait aucunement. Alors, est-ce que vous avez des suggestions
sur des mécanismes de contrôle ou d'équilibre pour
permettre une utilisation ou l'introduction de médicaments à
partir de la connaissance... Parce que c'est inquiétant ce que vous nous
disiez tantôt comme opinion personnelle, je le saisis bien,
écoutez, un établissement permet l'utilisation d'un nouveau
médicament - le cas échéant ici, c'est le 714X -vous
dites: Bien, ça, c'est de la poudre de perlimpinpin, cette
histoire-là, et vous n'avez jamais été dans le portrait au
niveau des professionnels du secteur. C'est quoi, les mécanismes qu'il
faut introduire dans la loi pour éviter ça?
Mme Pagé: De façon définitive, je pense que
ce serait difficile de vous dire, ce matin, la recette qu'il faut implanter
pour tout le monde; ce serait très prétentieux de notre part,
parce que ça doit se discuter avec plusieurs intervenants dont le
ministère. Il est évident que la nécessité
médicale particulière doit exister. Je veux dire qu'il n'est pas
question de dire que ça ne peut pas exister parce qu'on ne peut pas tout
gérer et tout planifier là. On peut tout gérer, mais de
façon tellement restrictive que ça n'a pas de sens. Ce qu'il
faut, je pense, faire, c'est peut-être renforcer l'implication, obliger
l'implication des différents intervenants, parce que, si on regarde la
loi telle qu'elle est rédigée actuellement, la
nécessité médicale particulière pour utiliser,
entre autres, un médicament, ça pourrait être une autre
technologie là, mais on parle d'un médicament... Bon, le
médecin va l'utiliser, va juste nous envoyer sa commande:
nécessité médicale particulière. Il est
évident que dans énormément de milieux le pharmacien qui
reçoit ça va tout de suite intervenir auprès du
médecin en disant: C'est quoi, ta nécessité
médicale particulière? As-tu épuisé tous les
mécanismes actuels, tout ce qu'on a comme possibilités
actuellement? Si ça a été fait, ça peut être
justifié, mais il y a encore dans certains milieux...
Justement, hier soir, en en partant, on a eu un exemple avec un nouveau
médicament qui est utilisé en psychiatrie, qui est probablement
très efficace, mais qui avait été refusé par un
centre hospitalier. Le médecin est allé voir le DSP, il a
chialé un peu et c'est le DSP lui-même qui a commandé le
médicament. Ça regarde mal, ça, monsieur, entre nous. Bon.
Alors, ce qu'il faut, c'est peut-être obliger la consultation des
intervenants dont le pharmacien, quand on parle de médicaments, pour de
nouveaux médicaments. L'exemple qu'on avait, c'est un médicament
qui est commercialisé etc., qui est thérapeutiquement efficace,
dont on ne nie pas l'efficacité. Est-ce qu'il doit être
nécessairement utilisé? Il coûte quinze fois plus cher que
ce qu'on a actuellement, en général, dans les
établissements. Bon, peut-être qu'on en a besoin, mais on n'en a
peut-être pas besoin pour tout le monde et on n'en a surtout pas besoin
parce qu'un médecin veut l'avoir. On en a besoin si le patient ne
répond à aucun autre traitement, non pas parce que le
médecin a eu la visite du représentant médical.
Et c'est là qu'il faut peut-être un peu restreindre la
nécessité médicale particulière, tout en nous
laissant le concept parce qu'il est très important, mais en obligeant
l'intervention du pharmacien avant, alors qu'actuellement ce n'est pas
enchâssé dans la loi. Ça se passe très
fréquemment. Ce sont des exemples minoritaires; on ne vit pas ça
tous les jours, vous savez.
M. Trudel: Je comprends que ce n'est pas la règle
quotidienne, sauf que, plus on ajoute de questions, plus on ajoute d'exemples,
vous excuserez le terme - ce n'est pas vous qui l'avez utilisé - mais
c'est le bordel là-dedans. Tout le monde achète à peu
près ce qu'il souhaite acheter; en tout cas, il y a de très
nombreuses exceptions qui vont demander très certainement... Au niveau
des coûts qui sont impliqués, écoutez, c'est au-delà
de 1 000 000 000 $. On dit que notre système de santé et de
services sociaux souffre de surconsommation, de surutilisation ou de
surproduction et qu'on a de la difficulté, au niveau de l'État,
à maintenir l'universalité comme défi de
société qu'on s'est donné il y a au-delà d'une
dizaine d'années, et qu'il faut trouver, en quelque part, les endroits
où ça fait mal, où ça blesse et apporter les
correctifs nécessaires. C'est très important, ce que vous nous
donnez comme lecture de la situation.
Parlant toujours de consommation et de surmédication ou de
consommation abusive, on a tous à peu près des exemples
vulgarisés, populaires du magasinage des médicaments. Des gens
amassent à peu près tout ce qu'ils peuvent amasser comme
médicaments; ils font d'abord la première course qu'il s'agit de
faire dans ce cas-là, c'est-à-dire la tournée des
médecins, et ils vont recueillir... Parce que vous contrôlez au
niveau de la distribution dans l'acte profession- nel, de la consommation. Sauf
que, lorsque vous arrivez avec une demande, une prescription, vous
opérez suivant l'ordre de médication d'un médecin.
Beaucoup d'organismes communautaires et beaucoup de bénévoles
dans le secteur vous diront, et vous le savez probablement: Nous, lorsqu'on se
réveille chez la personne et qu'on essaie, par exemple, en centre de
jour, de la supporter au niveau de sa réinsertion ou de son insertion
sociale, la première chose qu'on va voir généralement,
c'est sa pharmacie ou sa petite boîte à la maison et, là,
on trouve à peu près tout ce qu'on veut, y compris de la revente
qui se fait à partir de la surconsommation.
Même chose au niveau des actes médicaux. Nous cherchons
tous ensemble, dans le fond, s'il y a surconsommation de la part des usagers ou
s'il y a surproduction des actes au niveau des producteurs. L'idée qui
nous vient un peu tous à la tête, c'est: Bon, tout ça est
lié à un système d'information. Il y a des gestes
isolés qui se réalisent suivant le bout de la ligne où on
est situé et on est, évidemment, tous très tentés
de regarder, avec les méthodologies modernes, l'introduction des cartes
à puce, l'informatisation du dossier médical - et là,
c'est particulièrement vrai dans le domaine de la médication -
l'espèce de magasinage, dit-on dans certains cercles, dans certains
endroits, éhonté qui se fait et les accumulations qui se font.
Vous qui êtes des professionnels du secteur, qu'est-ce que vous pensez de
cette idée? Et, bien sûr, si vous voulez aborder la question de la
confidentialité, est-ce qu'on devrait?
Mme Pagé: Je pense que l'idée est très
attrayante, il est évident que, pour nous, en établissements de
santé, cette universalité des dossiers peut être
très importante compte tenu du fait qu'on veut dresser des histoires
médicamenteuses des patients et qu'on veut connaître tout ce
qu'ils prennent quand ils sont hospitalisés. D'ailleurs, l'intervention
majeure qu'on fait au niveau de cette commission parlementaire, c'est la nature
préventive des services qu'on voudrait rendre accessibles à la
population via le réseau des CLSC. C'est, justement, ce que les gens
nous rapportent quand ils vont à domicile. Vous savez qu'actuellement,
dans le milieu, il y a quelques exemples de pharmaciens qui vont à
domicile chez les patients voir ce que la pharmacie contient. On a une
expression: parce que nos patients arrivent des fois à l'hôpital,
dans les centres d'accueil ou dans les centres de jour avec leur poche de
médicaments, alors on appelle ça une étude de poche. Donc,
tout ce que la poche contient, on le regarde. Et c'est ce qu'il est important
de pouvoir faire et de pouvoir concrétiser.
Quand un patient est hospitalisé, si on met au point un
système où toutes les données relatives au patient, tant
des données de santé que des données de consommation de
médica-
merits, sont au point, les pharmaciens d'établissements ne
pourront qu'être gagnants avec un tel système puisqu'on
connaîtra au départ ce que le patient prenait chez lui. (10 h
45)
II faut voir aussi qu'il n'y a pas juste la consommation de
médicaments prescrits qui est importante. Il y a toute la consommation
de médicaments ou de produits dits en vente libre et de produits dits
naturels. Vous savez fort bien que, dans les magasins de produits naturels, on
vend des vitamines qui sont naturelles. Les vitamines qu'on vend en pharmacie
sont tout à fait naturelles. C'est aberrant quand on regarde ça.
Ces produits-là ne sont pas sanctionnés, ils sont
distribués par des personnes qui n'ont aucune compétence
scientifique vérifiée et validée. C'est inquiétant
un peu quand on regarde ce que ça peut donner, en plus de tout ce que
les patients prennent en se disant: Ce sont des produits naturels. Mais ce sont
des produits naturels. La pharmacognosie, c'est une branche de la pharmacie qui
est faite à partir de produits naturels; les antibiotiques, ce sont des
produits naturels; la digitale, c'est un produit naturel. On pourrait vous en
nommer encore, mais ce sont des produits qui ont une activité et des
dangers. Dans un contexte de connaissance de dossiers complets, on ne peut pas
être contre. Ce serait tout à fait...
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Létourneau,
vous voulez ajouter quelque chose?
M. Létourneau: Oui. Si on veut comparer ce qui se passe au
niveau d'un centre hospitalier par rapport aux autres lieux de consommation de
médicaments, c'est qu'en centre hospitalier on a le contrôle de la
distribution des médicaments et, aussi, on a le contrôle de
l'utilisation des médicaments qui s'illustre par le fait que chaque dose
administrée au patient figure à son dossier.
Si on place ça dans un contexte hors hospitalier, on voit qu'il y
a un contrôle de la distribution de médicaments. L'individu va
à la pharmacie, obtient une quantité de médicaments. Mais
là cesse le tout, car le contrôle de la distribution, c'est
prendre connaissance de ce qu'on distribue à un individu, mais on vient
de perdre l'autre partie, la suite des choses, soit comment ces
médicaments seront consommés au domicile du patient.
Par exemple, un patient peut fort bien accumuler des anciens
médicaments qu'il avait il y a six mois. Un tel médicament a
été changé pour un autre agent thérapeutique ayant
le même effet et, une fois rendu à domicile, le patient, dans sa
provision de médicaments, mélange les médicaments actuels
aux anciens médicaments qui ont le même effet, d'où la
toxicité qui peut se déclarer et, à ce moment-là,
la réhospitalisation. C'est comme ça qu'on peut voir la
distinction.
C'est qu'au niveau hospitalier il y a le contrôle de l'utilisation
des médicaments et, par la suite, II y a une difficulté d'exercer
ce contrôle parce qu'on n'a pas la contribution du personnel infirmier
à l'extérieur, dans les familles, etc. C'est là qu'on volt
toute la possibilité, de sorte que si, au niveau d'un CLSC, on
établit des services pharmaceutiques où, justement, on fait
l'analyse de ces provisions de médicaments des patients, on voit qu'il y
a une distinction entre ce qui peut être fait au niveau du CLSC quant au
contrôle de l'utilisation des médicaments par rapport au potentiel
restreint d'un pharmacien qui distribue des médicaments, mais qui, par
la suite, perd de vue la façon dont le patient peut les utiliser
à domicile.
La Présidente (Mme Marois): Oui? Une dernière
question, M. le député.
M. Trudel: Oui, Mme la Présidente. Au niveau des personnes
âgées, est-ce que la gratuité nous a conduits à une
surconsommation, à de l'abus?
Mme Pagé: C'est une bonne question.
M. Trudel: Je voudrais avoir une bonne réponse.
Mme Pagé: On va faire notre possible. Je pense qu'on ne
peut pas faire... Ce n'est pas directement proportionnel. Il y a d'autres
facteurs qui entraînent une surconsommation de médicaments et ce
sont des facteurs éducatifs, je pense. On ne peut pas dire que c'est
parce qu'une personne est âgée qu'elle surconsomme. Il y a des
études qui vont nous montrer qu'il y a des personnes qui sont beaucoup
moins âgées, mais qui n'ont pas grand-chose à faire dans la
vie et, pour elles, un petit bobo, c'est un médicament, par exemple. Ce
n'est pas facile de le dire. C'est sûr que la personne âgée
a des pathologie multiples. Évidemment, elle va être sujette
à recevoir des ordonnances de médicaments.
Je pense que ce serait trop dangereux, parce qu'il y a des gens qui ont
besoin de médicaments. Ce qu'il faut faire, c'est plus de
l'éducation, essayer de faire comprendre aux gens, et une hygiène
de vie aussi. Vous savez, si on prend l'exemple des hypnotiques, c'est vrai
que, quand on vieillit, on dort moins longtemps et les personnes
âgées consomment beaucoup d'hypnotiques et beaucoup de
tranquillisants majeurs qui leur sont administrés, qui leur sont
prescrits pour les faire dormir. Par contre, quand une personne est
âgée, si elle ne travaille plus, si elle a peu d'exercice
physique, elle va s'asseoir dans sa chaise, au milieu de l'après-midi et
elle va faire un petit roupillon. C'est sûr que, si le soir elle se
couche à 9 heures, bien, à 3 heures du matin, elle est
peut-être
réveillée et ce n'est pas parce qu'elle dort mal, sauf que
c'est très facile d'ajouter un médicament.
La patiente vient voir son médecin en disant: Je me
réveille à 3 heures du matin. C'est vrai que c'est bien plate de
se réveiller à 3 heures du matin, mais c'est peut-être bien
plus d'essayer de faire comprendre a la personne de changer ses habitudes de
vie, de se coucher un peu plus tard, de prendre une marche dans la
soirée ou, si elle a un chien-chien, d'aller promener son chien-chien
à l'heure du souper. Elle va peut-être se coucher un peu plus
tard, mais elle va dormir un peu plus longtemps la nuit. Peut-être que se
réveiller à 5 heures le matin, quand on s'est couché
à 10 heures le soir, ce n'est pas tragique pour une personne, mais c'est
un facteur éducatif et c'est facile de surconsommer, dans ce
cas-là. Je ne peux pas faire l'équation parce que ce ne serait
pas juste pour les personnes âgées.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci. M. le
député de Matapédia, un petit commentaire?
M. Paradis (Matapédia): Oui, c'est ça, juste pour
remercier mes consoeurs et confrères qui sont venus démontrer
clairement, de brillante façon, le rôle fondamental du pharmacien.
J'en suis très fier et je vous remercie.
Mme Pagé: Merci, M. le député.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
intéressante présentation et de votre contribution à la
commission.
Mme Pagé: Merci, M. le ministre. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Marois): J'inviterais maintenant
l'Ordre des pharmaciens du Québec à se présenter à
la table, s'il vous plaît. Je fais remarquer aux membres de la commission
qu'on a pris un peu de retard. Je pense qu'effectivement ça
évitera peut-être des questions par la suite, et c'était
tout à fait intéressant, mais on va le ramasser maintenant, on va
repartager le temps un peu.
Alors, M. Lafontaine, c'est bien cela? Je vous invite à
présenter les personnes qui vous accompagnent et, ensuite, à
procéder à la présentation de votre mémoire, une
vingtaine de minutes. Nous procéderons, par la suite, à des
questions et à des échanges avec vous.
Ordre des pharmaciens du Québec
M. Lafontaine (Claude): J'aimerais d'abord présenter,
à ma droite, M. Alain Boisvert, secrétaire et directeur
général de l'Ordre; à ma gauche, Mme Janine Matte, 1re
vice-présidente; et à côté de M. Boisvert, M.
Jean-Pierre Grégoire, qui est professeur en pharmacie à
l'Université Laval et président de notre comité
d'inspection professionnelle. Je voudrais aussi porter à votre attention
que le synopsis que je vais vous présenter résume l'essentiel de
nos mémoires déjà présentés et apporte aussi
un complément d'information à nos recommandations
antérieures. Le temps qui m'est alloué ne pourra pas me permettre
d'en faire une lecture intégrale cependant.
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de
cette commission, l'Ordre des pharmaciens du Québec a accueilli
très favorablement le document intitulé "Orientations pour
améliorer la santé et le bien-être au Québec",
publié par le ministère de la Santé et des Services
sociaux, en avril 1989. L'ensemble de ce document fait appel à la notion
de partenariat responsable à laquelle l'Ordre souscrit d'emblée.
C'est d'ailleurs en réponse à la proposition du ministère
que, lors de sa réunion régulière du 12 décembre
dernier, le bureau de l'Ordre a adopté à l'unanimité
l'énoncé de mission qui suit, et je cite: "L'Ordre des
pharmaciens du Québec, dont le rôle consiste à
protéger la santé du public en matière de services
pharmaceutiques, entend apporter son entière coopération,
à faire des pharmaciens des partenaires responsables orientés
vers l'amélioration de la santé et du bien-être des
Québécois, en collaboration avec le ministère de la
Santé et des Services sociaux et les autres intervenants en
santé. "
À cette fin, l'Ordre entend poursuivre quatre objectifs, et notre
présentation gravite autour de deux de ces objectifs, soit: collaborer
avec les gouvernements et les autres intervenants en santé dans la
recherche, l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes compatibles
avec le rôle de l'Ordre, qui permettront d'améliorer la
santé et le bien-être des Québécois, d'inciter ces
derniers à tirer davantage profit de l'ampleur et de
l'accessibilité du réseau des pharmacies communautaires et des
pharmacies en établissements de santé, dans la diffusion et la
mise en oeuvre de ces programmes.
En adoptant cet énoncé de mission, l'Ordre a donc pris, au
nom de ses membres, l'engagement formel de contribuer de façon
significative à l'atteinte de huit objectifs poursuivis par le
ministère et auxquels nous avons la responsabilité de nous
associer, en raison de la nature et de l'exclusivité de nos services
professionnels.
Voici la liste de ces objectifs et, pour chacun, les recommandations de
notre corporation: L'objectif no 1 vise à réduire de 20 % la
mortalité due aux maladies cardio-vasculaires, d'ici l'an 2000. À
cette fin, nous recommandons que les médicaments et services
pharmaceutiques dispensés dans le but de contrôler l'hypertension,
le diabète et les dyslipidémies soient remboursés de
façon universelle dans le cadre des program-
mes administrés par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec.
L'objectif no 2 vise à arrêter la progression de la
mortalité par le cancer du poumon. À cette fin, nous recommandons
que les pharmacies soient utilisées dans le cadre de toute campagne
d'information sur le rôle du tabac dans l'étyolo-gie du cancer du
poumon et des maladies cardio-vasculaires.
L'objectif no 9 vise, en concordance avec les objectifs no 1 et no 2,
à augmenter à 80 % la proportion de non-fumeurs. Pour atteindre
cet objectif, l'Ordre des pharmaciens recommande que les pharmaciens
s'abstiennent de vendre des produits du tabac directement ou indirectement,
notamment, par personne interposée ou par l'entremise d'une personne
morale, même dans les locaux adjacents à la section où ils
exercent leurs activités professionnelles.
L'Ordre recommande également que les pharmacies privées
soient utilisées aux fins de distribution du matériel
d'information gouvernementale sur les méfaits du tabac.
L'objectif no 3 vise à réduire de 35 % la mortalité
due aux traumatismes routiers. À cette fin, nous recommandons que les
médicaments vendus sans ordonnance et susceptibles de provoquer de la
somnolence fassent l'objet d'une étude attentive de la part des
autorités gouvernementales quant à leur mode de distribution.
L'Ordre rappelle à la commission que ces médicaments sont souvent
cités comme cause d'accidents de la route. Nous avons
déjà, d'ailleurs, émis des recommandations au gouvernement
à propos du contrôle de la distribution des médicaments en
vente libre.
L'objectif no 5 vise à réduire la mortalité
infantile. A cette fin, nous recommandons que les comités
prénataux et les CLSC s'associent à des pharmaciens afin que
soient mis sur pied des plans d'intervention visant à surveiller
adéquatement l'utilisation des médicaments durant la
grossesse.
Les objectifs no 6 et no 8 visent respectivement à stabiliser la
progression de la mortalité due au SIDA ainsi que la progression des
maladies transmises sexuellement. A cette fin, l'Ordre recommande que les
pharmacies privées soient utilisées aux fins d'une distribution
du matériel d'information gouvernementale sur la prévention du
SIDA et également dans le cadre de toute campagne d'information sur la
prévention des maladies transmises sexuellement, par exemple, lors de la
remise de contraceptifs oraux, de spermicides ou de condoms.
Enfin, l'objectif no 14 vise à favoriser l'autonomie des
personnes âgées. Pour faciliter l'atteinte de cet objectif,
l'Ordre recommande que le gouvernement retienne les services des pharmaciens
sur les comités régionaux d'évaluation pour
admissibilité en centre d'accueil et d'hébergement et que les
pharmaciens soient intégrés aux équipes
multidisciplinaires de soins à domicile des CLSC, afin de fournir
à nos aînés les services pharmaceutiques
particulièrement adaptés à leurs besoins.
Nos recommandations, ainsi que vous pourrez maintenant le constater,
s'accordent parfaitement avec la stratégie priviligiée par le
ministre pour atteindre son but, c'est-à-dire de considérer les
services selon trois aspects: l'accessibilité, la continuité et
la qualité.
L'accessibilité des soins et des services constitue pour le
ministère un premier moyen à mettre en oeuvre pour atteindre son
but. L'accessibilité est liée à des facteurs
géographiques et économiques, dans le cas des personnes
âgées, les mêmes souvent liés aussi à des
facteurs d'autonomie. L'accessibilité géographique ne constitue
pas un problème. Notre profession possède, à
l'intérieur de son réseau de 1400 pharmacies privées,
ainsi qu'au sein du réseau public d'établissements de
santé, un nombre et une répartition territoriale de pharmacies
adéquats.
D'autre part, le pharmacien est reconnu comme le professionnel de la
santé qui établit les contacts les plus constants avec les
patients et, en pratique privée, il est presque toujours le dernier
professionnel de la santé à intervenir avec le patient avant sa
prise de médication. Cette grande disponibilité du pharmacien est
unique parmi les professionnels de la santé. Nous croyons, pour cette
raison, que le réseau québécois des pharmacies
privées devrait être considéré comme un prolongement
du réseau public des établissements de santé et mis
à contribution, comme tel, par le ministère, notamment
dans ses programmes de prévention et d'éducation
sociosanitaire.
L'accessibilité économique, quant à elle, nous
apparaît plus problématique. Les orientations
ministérielles réitèrent la volonté du gouvernement
d'assurer l'accessibilité des services médicalement requis.
L'Ordre des pharmaciens souscrit entièrement à cette politique.
Cependant, nous savons tous qu'un nombre important de services
médicalement requis trouvent leur aboutissement dans l'ordonnance de
médicaments. (11 heures)
Or, le système peut-il se payer le luxe de dépenser des
sommes importantes à diagnostiquer des maladies si les traitements
prescrits ne sont pas suivis par les patients ou sont mal suivis, comme c'est
trop souvent le cas? Il est bien établi, aujourd'hui, que l'inobservance
de certains traitements médicamenteux conduit non seulement à un
échec coûteux, mais s'avère souvent responsable
d'hospitalisations encore beaucoup plus coûteuses.
L'Ordre des pharmaciens croit qu'au plan de l'accessibilité
économique aux services pharmaceutiques des barrières
économiques subsistent présentement et entravent l'accès
à des traitements médicamenteux essentiels. En effet, il est
prouvé qu'un bon nombre d'hypertendus, de diabétiques et
de dyslipidémiques ont tendance à négliger leur traitement
souvent à cause de facteurs économiques. Or, un contrôle
inadéquat de ces maladies résulte inévitablement en une
dégradation de la santé de ceux qui en sont atteints, celle-ci
s'effectuant la plupart du temps à leur insu, puisque ces complications
se développent souvent à bas bruit.
La morbidité et le caractère irréversible de
certaines de ces complications conduisent inévitablement l'État
à assumer le coût de traitements médicaux et chirurgicaux
beaucoup plus coûteux que les médicaments initialement
chargés de les prévenir.
Présentement, le programme de médicaments et de services
pharmaceutiques du ministère ne garantit un accès gratuit
à ces biens et services qu'aux personnes âgées de plus de
65 ans et aux bénéficiaires de l'aide sociale. L'Ordre estime
donc qu'il est de son devoir de vous faire part que le gouvernement tirerait de
grands avantages à redéfinir son programme de médicaments
et de services pharmaceutiques, s'il veut bien atteindre son objectif no 1, qui
vise à réduire de 20 % la mortalité due aux maladies
cardio-vasculaires.
Cette redéfinition que nous recommandons ferait en sorte que
l'État prendrait totalement à sa charge les médicaments
utilisés pour traiter l'hypertension, le diabète et les
dyslipidémies chez l'ensemble des porteurs de ces trois facteurs de
risques majeurs de maladies cardio-vasculaires. Une telle mesure aura, selon
nous, une influence considérable sur la fidélité du
bénéficiaire à son traitement médicamenteux et
permettra de prévenir les complications tardives et fort coûteuses
associées à ces maladies.
Nous croyons donc qu'à long terme cet investissement
s'avérera non seulement bénéfique à la santé
et au bien-être des Québécois, mais également
à l'économie même du système de santé. Mais
n'allez pas croire que l'Ordre des pharmaciens du Québec soit insensible
à la nécessité, pour le gouvernement, de contenir les
coûts des services de santé. C'est pourquoi nous recommandons que
des mesures de contrôle déjà reconnues efficaces tant sur
le plan économique que sur la qualité des soins, comme les
procédures de revue d'utilisation des médicaments, soient
simultanément implantées. D'ailleurs, le gouvernement
fédéral américain envisage l'enchâssement de telles
procédures dans ses propres programmes pharmaceutiques.
D'autre part, afin que le gouvernement puisse respecter les contingences
budgétaires auxquelles le système continuera à faire face,
l'Ordre recommande fortement au ministère que des mesures plus
restrictives telles que la limitation de la durée de traitement
assurée puissent être appliquées aux médicaments
susceptibles de faire l'objet de surconsommation.
Mme la Présidente, l'Ordre vise clairement les médicaments
reconnus pour leur efficacité dans le traitement symptomatlque de
l'anxiété et de l'insomnie, mais qui ne doivent être
utilisés que sur une courte période de temps à cause de
leur potentiel élevé de causer de l'accoutumance et de faire
alors l'objet de surconsommation. En préconisant la limitation de leur
durée de traitement assurée, chez les patients non psychiatriques
évidemment, l'Ordre estime que le gouvernement va favoriser une
utilisation plus rationnelle de ces médicaments et une réduction
des coûts directs et des coûts liés aux traitements des
toxicomanies médicamenteuses engendrées par leur mauvaise
utilisation. Tout en réallouant ses coûts immédiats et
à long terme, le ministère favorisera en même temps une
meilleure qualité de vie et un meilleur bien-être des
Québécois.
Je passe à la page 7. Quant aux services aux personnes
âgées, par respect et reconnaissance pour celles-ci, il nous
apparaît important d'insister sur le maintien de leur
accessibilité entière aux médicaments et aux services
pharmaceutiques. Toutefois, compte tenu d'une plus grande
vulnérabilité des personnes âgées aux effets
secondaires toujours possibles de leur médication, la rationalisation et
le suivi méticuleux de leur thérapie médicamenteuse
s'avèrent des facteurs essentiels au maintien à domicile de cette
clientèle particulière. Autrement, l'hébergement ou
même l'hospitalisation prématurée de personnes
âgées, consécutive à l'absence ou à un
mauvais suivi de leur médication, risque d'occasionner des coûts
inutiles pour le système. Or, compte tenu de la disponibilité des
pharmaciens et de leur grande accessibilité, aucun professionnel de la
santé n'est mieux placé que lui pour prévenir ces
coûts; encore faut-il que le système de santé soit
préparé à accepter ses interventions.
Dans son document d'orientation, le ministère accorde beaucoup
d'importance à la continuité des services pour atteindre son but.
Or, aussi curieux que cela puisse paraître, il existe peu de
continuité entre les services pharmaceutiques dispensés dans les
établissements du réseau et ceux fournis dans les pharmacies
privées. Cette situation ne peut être attribuée qu'à
l'absence d'un système de communication bien structuré entre les
deux réseaux et sur lequel il est urgent de se pencher. De façon
similaire, la communication entre médecins et pharmaciens mérite
d'être améliorée afin d'assurer les patients d'une
meilleure qualité de soins.
En effet, en vertu du droit du patient à l'excellence en
matière de services médicaux et pharmaceutiques, l'échange
d'information entre ces deux professionnels ne doit subir aucune entrave
lorsqu'il s'agit pour eux de connaître les conditions physiopathologiques
d'un patient et son profil pharmacothérapeutique. C'est pour ces raisons
que l'Ordre se réjouit de l'intérêt du ministère
pour la carte santé. Le principal avantage qu'elle offre au pharmacien
se situe au
niveau de la circulation d'une information essentielle à la
dispensation de services de qualité. Cette carte permettra aussi au
ministère d'évaluer les effets à long terme des services
médicaux et pharmaceutiques sur l'amélioration de la santé
des Québécois.
L'Ordre prône l'usage d'une carte informatisée compatible
avec les systèmes et les logiciels pharmaceutiques. L'information
contenue dans les dossiers patients tenus en pharmacie doit y être
incorporée. Pour pouvoir exercer son jugement et jouer correctement son
rôle, le pharmacien doit cependant avoir accès, dans le respect de
la confidentialité due au patient, à toute l'information
médicale contenue dans une telle carte dont il peut avoir besoin.
L'Ordre offre à l'État son concours pour expérimenter et
mettre au point la carte santé.
Quant à la formule des OSIS, l'Ordre se montre ouvert à
son expérimentation. Toutefois, ainsi que nous l'avons
déjà mentionné, puisqu'un nombre important de services
médicalement requis trouvent leur aboutissement dans l'ordonnance de
médicaments, nous voyons mal la validité d'une telle
expérimentation sans complète intégration des services
pharmaceutiques.
La qualité des soins et des services constitue pour le
ministère le troisième moyen à privilégier pour
atteindre son but. Les ordres professionnels ont un rôle majeur à
jouer à propos de la qualité des services offerts par leurs
membres. Les professionnels ainsi que les établissements qui les
engagent doivent donc se doter de mécanismes d'assurance de la
qualité et, surtout, pouvoir la mesurer. Les dispositions du Code des
professions prévoient d'ailleurs cette fonction qu'elles confient au
comité d'inspection professionnelle. À notre avis, c'est par le
truchement de ces comités que les professionnels peuvent encore le mieux
améliorer et mesurer la qualité de leurs services.
Pour sa part, l'Ordre des pharmaciens a modifié
considérablement le fonctionnement de son comité d'inspection
professionnelle, dans le but d'aider les pharmaciens à optimiser leur
pratique. De plus, l'Ordre a toujours cherché à faciliter la
meilleure transparence possible à propos de ses activités. C'est
ainsi qu'un de ses administrateurs nommé par l'Office des professions,
à notre bureau, est également invité à
siéger à notre comité d'inspection professionnelle,
à titre de représentant du public. C'est en maintenant cette
transparence que le comité de discipline de l'Ordre a pu aussi maintenir
sa bonne réputation. En effet, notre corporation n'utilise aucun
mécanisme d'examen préliminaire des plaintes,
préférant plutôt les acheminer toutes directement au bureau
du syndic.
L'assurance de la qualité et de l'efficacité dans les
soins de santé doit maintenant tenir compte de l'engouement actuel des
Québécois pour les médecines dites douces ou alternatives.
L'Ordre est toutefois d'avis que l'acceptation de cette expression
"médecine douce" ou "médecine alternative" constituerait une
erreur en soi qui ne contribuerait qu'à alimenter une plus grande
confusion. À notre sens, il n'existe ni médecine douce, ni
médecine dure. Il n'existera toujours qu'une seule médecine:
c'est celle capable d'allier science et art dans la prévention, le
diagnostic et le traitement des maladies. Toutefois, l'Ordre ne s'oppose pas
à l'utilisation des expressions "thérapie douce" ou
'thérapie alternative", ni à ce que le gouvernement envisage le
recours à certaines de ces thérapies. L'approche de l'État
et des corporations professionnelles devra cependant être prudente, car
il serait inapproprié de traiter toutes ces thérapies sur le
même pied. Certaines de ces thérapies se réfèrent
à une expérience clinique crédible, quoique mal
documentée et souvent encore anecdotique. Nous recommandons qu'elle soit
étudiée avec ouverture d'esprit, sans pour autant abandonner la
rigueur intellectuelle, qui doit servir de base à l'encadrement
réglementaire de toute forme de thérapie. D'autres de ces
thérapies ne semblent toutefois reposer que sur de pures
spéculations et devront être publiquement identifiées comme
telles.
Nous tenons à signaler que plusieurs des pratiques visées
font appel à des biens assimilables à des médicaments:
préparation naturopa-thique, herboristerie, homéopathie,
oligo-éléments, etc. Nous sommes d'avis que les mécanismes
de contrôle réglementaire de la distribution de ces produits
devraient respecter le modèle proposé par l'Ordre dans son
mémoire intitulé "Pour une politique québécoise de
distribution des médicaments", et qui est présentement à
l'étude par l'Office des professions.
Enfin, nous tenons à insister sur le fait que tous les individus
engagés dans la dispensation de quelque forme de thérapie que ce
soit devraient avoir à se prêter aux exigences normatives
prévues au Code des professions. Quant à la publicité
entourant la pratique des thérapies alternatives, elle devrait
également être soumise aux mêmes normes
réglementaires que celle qui touche aux services des professionnels de
la santé.
Avant de conclure, nous aimerions ajouter, à propos des
ressources humaines, que pour favoriser l'échange et
l'interdisciplinarité souhaitée par la commission Rochon, l'Ordre
recommande que certaines modalités de traitements médicamenteux
deviennent des actes à partage restreint entre le médecin et le
pharmacien, ce consentement mutuel des deux professionnels, comme le permet
déjà l'État de Washington.
Quant aux établissements, puisque c'est l'intention du
gouvernement de voir les CLSC jouer un rôle de premier plan dans la
coordination locale des services, il nous semble que, dans un but de
continuité et d'efficacité interdisciplinaire, des services
pharmaceutiques devraient être incorporés à la gamme des
services offerts
par les CLSC. Nous recommandons donc que l'article 122 de l'avant-projet
de loi soit amendé pour respecter nos recommandations.
D'autre part, la contribution des pharmaciens aux DSC est
déjà établie. Elle permet, notamment, d'atteindre certains
objectifs de santé Hés à la rationalisation de l'usage des
médicaments. Afin de favoriser l'Interdisciplinarité au sein des
DSC, l'Ordre recommande que le mode de rémunération, salariat ou
paiement par la Régie de l'assurance-maladle du Québec, soit
uniformisé pour tous les professionnels de la santé y oeuvrant.
Par conséquent, nous recommandons que l'article 132 de l'avant-projet de
loi soit modifié en ce sens.
Enfin, une réforme introduite par le législateur via la
toi 27, en 1982, a conduit les pharmaciens à siéger au Conseil
des médecins, dentistes et pharmaciens des établissements. Cette
réforme confirmait le statut clinique du pharmacien au sein des
établissements. Conformément à l'une des principales
recommandations de l'Ordre, dans son mémoire de 1981 sur la loi 27,
l'Ordre recommande à nouveau que l'article 121 de l'avant-projet de loi
soit modifié pour que les départements de pharmacie des
établissements de santé soient reconnus comme des
départements cliniques.
D'autre part, en regard des régies régionales, l'Ordre ne
s'oppose pas à une décentralisation pourvu que celle-ci n'entrave
ni l'accessibilité, ni la continuité, ni la qualité des
services désirées par le ministère à
l'intérieur d'une région ou d'une région à
l'autre.
Quant à la recherche, l'Ordre est évidemment d'accord avec
les orientations ministérielles à ce sujet. Nous
suggérons, entre autres, l'instauration de programmes de recherche en
pharmacie sociale, discipline qui s'intéresse à
l'épidé-mioiogie, à l'économie et aux
déterminants de l'usage des médicaments.
Mme la Présidente, depuis 1972, les pharmaciens du Québec
ont considérablement amélioré leurs services. Ce n'est
d'ailleurs pas pour rien que quatre enquêtes Gallup successives ont
constamment démontré que c'est au Québec que les gens font
le plus confiance aux connaissances de leurs pharmaciens pour discuter de leurs
médicaments d'ordonnance, d'un médicament en vente libre ou
même d'un problème de santé, ce qui explique que 85 % des
patients demeurent fidèles à leur pharmacien. (11 h 15)
Les résultats de ces sondages témoignent de
l'évolution de la pharmacie québécoise. Or, cette
évolution ne s'est pas faite au hasard. Bien au contraire, elle a
résulté d'une suite de décisions importantes prises depuis
1972, sur nos recommandations, par nos législateurs qui ont su
démontrer l'ouverture d'esprit nécessaire pour adopter, en
matière de services pharmaceutiques, les mesures capables de favoriser
une plus grande protection de la santé des Québécois dans
le respect de leurs droits et de leurs intérêts les meilleurs.
L'Ordre des pharmaciens du Québec et la profession pharmaceutique
dans son ensemble entendent continuer à jouer un rôle de premier
pian en matière de santé au Québec, et c'est
essentiellement le sens qu'il faut donner à nos recommandations. Nous
sommes confiants que nos commentaires et recommandations sauront recevoir une
fois de plus l'approbation du gouvernement.
En terminant, nous voulons assurer le gouvernement et la
société québécoise que les pharmaciens veulent
être les partenaires responsables que souhaite le ministère de la
Santé et des Services sociaux et contribuer de façon
significative à l'amélioration de la santé et du
bien-être de tous les Québécois. Je vous remercie de votre
bienveillante attention.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
intéressante présentation. M. le ministre de la Santé et
des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. On est dans des premières, ce matin, fort
intéressantes, puisque vous êtes le premier groupe qu'on entend -
et on est rendu à quelque 70...
La Présidente (Mme Marois): Le 74e groupe ce matin.
M. Côté (Charlesbourg): ...74e - vous êtes les
premiers à aborder et à présenter votre mémoire en
fonction des objectifs sur le plan des orientations. Je tenais à le
souligner parce que, d'abord, ça va réjouir mon monde. Ils vont
dire: il y en a au moins un groupe qui a pris la peine de lire tout ça
et, compte tenu du travail qu'on a fait, qui a fait des commentaires en
fonction des objectifs qu'on voulait donner à la réorganisation
de la santé.
À la page 15, vous questionnez l'article 160. Si je tire une
bonne conclusion de ce que vous dites, l'article est peut-être
désuet. Pour moi, la question est simple. On en a discuté avec
ceux qui vous ont précédés. Qu'est-ce qu'il faudrait avoir
comme article et qu'est-ce qu'il faudrait ajouter pour qu'il ne le soit
pas?
M. Lafontaine: Quand... Je pense que même un
médicament en état de recherche... Je vais vous donner un
exemple. Une pellicule photographique que vous achetez dans un magasin, est-ce
que c'est une photo? Ce n'est pas une photo, ça. C'est une pellicule
photographique. Pour que ça devienne une photo, il faut que ça
soit exposé à la lumière. Ça prend quelqu'un qui
connaît ça. Ça prend un expert pour développer le
film et ça va prendre un expert pour imprimer la photo. Il y a trois
étapes. Pour qu'un produit pharmaceutique qui est sur la tablette du
fabricant ou qui est
sur la tablette du pharmacien dans son officine ou à
l'hôpital devienne un médicament et non pas un poison, il va
falloir qu'il soit bien évalué par la compagnie. Il va falloir
que la compagnie puisse dire aux pharmaciens et aux médecins: Voici ce
produit. Ses indications sont telles. Ses contre-indications sont telles. Ses
interactions avec d'autres choses, avec d'autres médicaments sont
telles, avec des aliments, sont telles. Ses effets secondaires sont tels. Une
fois qu'on connaît tous ces paramètres, on peut gérer
l'utilisation du produit. Mais tant qu'on n'en connaît pas les
paramètres, on ne peut pas gérer les indications du produit, les
utilisations du produit.
Alors, à ce moment-là, les produits qui sont en
recherche... Ah oui, ça c'est le rôle de la compagnie. Le
médecin doit le prescrire avec toute connaissance de la cause,
connaissant bien le diagnostic de son patient. Le pharmacien, c'est lui qui
connaît les interactions et toutes ces choses-là. C'est lui qui
joue avec ça, la gestion du produit chez l'individu connaissant ses
paramètres physiopathologiques. Et, finalement, au bout de la ligne,
ça a des bonnes chances de devenir un médicament. Le risques que
ça devienne un poison sont amoindris. Un médicament de recherche
est un médicament qui n'est pas encore tout à fait connu. Alors
je pense que c'est important qu'il passe par la pharmacie, que la gestion de
tous les médicaments de recherche passe par la pharmacie parce que c'est
le pharmacien qui a le dossier pharmacothérapeuti-que du patient. Et je
pense que c'est la raison pour laquelle...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, O.K. Si vous insistez
pour nous le dire de cette manière-là, est-ce que je dois tirer
la conclusion que ce n'est pas le cas aujourd'hui?
La Présidente (Mme Marois): Est ce que votre
collègue veut intervenir aussi sur un complément de
réponse, peut-être?
M. Boisvert (Alain): Peut-être ajouter un complément
et également répondre à la seconde question de M. le
ministre Côté. Je crois, comme M. Lafontaine le mentionnait, que
l'élément de réforme le plus important à apporter
à l'article 160, en ce qui concerne le contrôle de l'utilisation
des médicaments de recherche, est de spécifier dans l'article 160
que ces médicaments sont, comme l'ensemble des médicaments
utilisés dans le centre hospitalier, confiés... doivent
être supervisés par le chef du département de pharmacie.
Ça ne se fait pas présentement dans l'ensemble des
établissements en ce qui concerne les médicaments de recherche.
Dans beaucoup de cas, on confiera spontanément au pharmacien la
responsabilité de contrôler l'usage de ses médicaments,
mais dans beaucoup de centres également ces médicaments sont
envoyés directe- ment à l'équipe de recherche et sont
parfois placés sous le contrôle d'une technicienne ou d'une
infirmière de recherche ou du chercheur lui-même. Alors, il n'y a
pas d'uniformité présentement. Nous considérons que les
pharmaciens sont les mieux qualifiés pour contrôler l'usage des
médicaments dans l'établissement, et ce contrôle devrait
s'étendre aux médicaments de recherche.
D'autre part, d'une façon corollaire, ce rôle du pharmacien
serait certainement facilité par la confirmation du statut de
département clinique ou département de pharmacie. Il existe
parfois un rapport de force auquel vous faisiez allusion, M. Côté,
dans la présentation qui nous a précédés, qui peut
intervenir ici. Si on veut confier au pharmacien la responsabilité
ultime de contrôler les médicaments, la confirmation de son statut
clinique ou du statut clinique de son département serait d'une
assistance considérable.
M. Côté (Charlesbourg): Ça m'intéresse
beaucoup, parce que j'ai été personnellement profondément
choqué de l'expérience que j'ai vécue parce qu'on a
été mis devant une situation de fait où le
ministère n'a même pas eu à autoriser l'expérience.
Et tu te retrouvais dans une situation où la conclusion de l'essai,
c'était positif. Et, moi j'ai dit: II va falloir faire faire des choses,
changer des choses. C'est pour ça que je suis heureux de la conversation
et des suggestions, parce que ce sont des choses très
intéressantes et il faut y mettre de l'ordre. Moi, ça
m'apparaît extrêmement important, toujours au profit du
bénéficiaire. Et si on a créé un comité de
pharmacologie pour être capable de faire l'analyse et de
reconnaître un certain nombre de choses sur le plan de la liste des
médicaments, il me semble qu'on a reconnu là que les pharmaciens
avaient un rôle extrêmement important à jouer sur la
détermination d'une liste de médicaments qui allait être
reconnue, donc, qui était payable et qui était payée. Je
trouve ça... Ça précise davantage ce que je voulais savoir
sur le plan du lien. Ce que vous nous dites, c'est qu'on est quand même
mieux placés que bien du monde, que même un chercheur, parce que,
évidemment, le lien chercheur et compagnies, il est aussi assez intime.
En règle générale, quand tu fais une recherche, c'est pour
prouver quelque chose. Et quand la compagnie la finance, c'est pour prouver
aussi, c'est ce que j'ai compris. Au-delà de tout ça, je pense
que votre rôle neutre permettrait davantage d'en arriver à des
solutions heureuses. À ce niveau-là, j'ai bien pris le
message.
M. Lafontaine: L'expression du "rôle neutre".
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui. Là, ce sont
les fleurs. Le pot, il s'en vient tantôt; je le garde pour la fin.
M. Lafontaine: Merci.
La Présidente (Mme Marois): Prenons-le en passant.
M. Côté (Charlesbourg): À la page 6, vous
évoquez dans le paragraphe premier et le troisième paragraphe en
particulier... Vous dites: L'Ordre vise clairement des médicaments
reconnus pour leur efficacité dans le traitement symptomatique de
l'anxiété, de l'insomnie, etc. Bon, donnons des noms de
médicaments: Vaiium.
M. Lafontaine: Oui, oui, les mêmes autres: Vaiium, Halcion,
Atlvan.
M. Côté (Charlesbourg): Ativan. Moi, on m'a dit - je
n'en prends pas, donc, je n'ai pas d'effet ou d'expérience personnelle
que je peux mettre sur la table - que certains de ces médicaments,
après huit jours, n'avaient plus aucun effet. Ce n'est pas... et
ça vient de la parenté proche des pharmaciens.
M. Lafontaine: C'est ça. On pourra laisser un
comité d'experts se pencher là-dessus, mais je pense quand ils
seront rendus à 21 jours, ils auront probablement atteint le
maximum.
M. Côté (Charlesbourg): C'est entre 8 et 21,
parfait.
M. Lafontaine: Disons, on s'entend bien là-dessus.
M. Côté (Charlesbourg): Disons 21.
M. Lafontaine: II y a beaucoup d'avantages, je pense. Il y a un
avantage économique, mais ce n'est pas toujours l'avantage
économique qu'il faut mettre prioritaire. Comme administrateur d'un
ministère peut-être, mais on parle d'orientations du gouvernement,
on pense à la santé et au bien-être des
Québécois. Les autres avantages sont encore probablement
supérieurs. Quand vous avez des personnes âgées qui
prennent des médicaments et qui sont confuses à un moment dorme,
qu'est-ce que les intervenants font? On les héberge. La solution, ce
n'était pas l'hébergement, c'était de gérer la
prise médicale, le médicament. Quand vous avez des gens qui
prennent la route et qui ne sont pas trop, trop au courant des effets
secondaires de ces médicaments-là, ou qui en abusent et qui
prennent un peu d'alcool par hasard, bon, bien ça fait des accidents de
la route. C'est encore le gouvernement qui paie la note au bout.
Les toxicomanies, on y fait face. Je comprends que, si on diminue le
risque de toxicomanie en étant un peu plus sévère sur le
renouvellement... C'est ce qu'on recommande ici, de ne pas renouveler
automatiquement un anxiolytique ou un médicament utilisé pour
l'insomnie, comme la Régie de l'assurance-maladie du Québec
n'autorise pas le paiement d'un renouvellement de narcotique. Dans le domaine
des narcotiques, il n'y a pas tellement d'abus non plus qui se passent. Alors,
on pense que ça va avoir un incitatif négatif sur la
consommation. Les avantages positifs de ça, c'est de réduire les
hébergements et possiblement les hospitalisations. Quand une personne
âgée est intoxiquée au benzodiazépine, qu'elle
s'écrase, qu'elle se casse la hanche, vous savez à peu
près ce que ça coûte ensuite à l'État.
On essaie de trouver une solution qui apporte une épargne dans
l'immédiat, mais qui, à long terme, va apporter des
épargnes beaucoup plus substantielles.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, ce que je suis heureux
de constater, c'est que, peu importe si c'est 8 ou 21, ça a une
limite.
M. Lafontaine: Oui, ça a une limite,
définitivement.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on n'est
pas dans une situation aujourd'hui où on limite la consommation. C'est
une consommation presque annuelle, à l'année et, à ce
moment-là, il y a des effets...
M. Lafontaine: Oui, mais on pourrait limiter la prescription,
dans le cas des hypnotiques, à disons - on mettra un comité
d'experts là-dessus - 21 jours pour les hypnotiques, et à 30
jours, non renouvelable, pour un anxiolytique utilisé durant la
journée. Si le type doit passer chez le médecin, il a
déjà un incitatif négatif. C'est ce que l'on vous
suggère clairement.
M. Côté (Charlesbourg): C'est une très bonne
suggestion. Vous avez abordé la thérapie douce et la
thérapie alternative.
M. Lafontaine: Elles sont entre guillemets. Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui. Je vous comprends.
Évidemment, votre propos est de dire, et ceux qui vous ont
précédé ont dit la même chose: Ça se retrouve
un petit peu partout maintenant, et les gens l'adoptent de plus en plus. C'est
un vécu. Ça commence à entrer dans les moeurs de
consommation. Ce que vous nous passez comme message, c'est qu'il y a
peut-être autant d'effets nocifs sur certains de ces produits qu'il y en
a sur d'autres produits et qu'il nous faut donc les contrôler. C'est ce
que vous nous dites comme message? Moi, je suis d'accord.
M. Lafontaine: C'est-à-dire qu'on en parle Ici...
M. Côté (Charlesbourg): Mais pour tes
contrôler...
M. Lafontaine: Nous, on s'en réfère à
l'Office des professions, parce qu'on a soumis à l'Office de professions
une politique avec des annexes de médicaments, mais on voulait vous en
faire part.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. Mais, pour
les contrôler, il va falloir les reconnaître, et les
reconnaître ne veut pas nécessairement dire les assurer.
M. Lafontaine: Ah non, non, non!
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais je comprends.
Évidemment, c'est un débat. Le prochain débat, ça
va être celui-là, la thérapie douce ou alternative. On a
annoncé une commission parlementaire. On va la situer à un
certain moment donné, et c'est pour ça que je vous pose la
question: Est-ce que c'est votre avis? Si on doit les contrôler, il faut
donc les reconnaître et on aurait avantage, donc, à les
contrôler. C'est ce que je comprends du point de vue de gens qui sont des
spécialistes de ces produits-là, sur le plan de l'analyse et des
conséquences de la consommation de ces produits-là.
La Présidente (Mme Marois): Oui?
M. Boisvert: En ce qui concerne les thérapies qu'on
appelle douces, M. le ministre et Mme la Présidente, il faut distinguer,
à l'intérieur de ces thérapies, à la fois les biens
et les services. Certains biens - on y a référé dans notre
mémoire - sont des biens assimilables à des médicaments;
certains d'entre eux, quoique l'expérience à l'heure actuelle
avec ces produits ne soit qu'anecdotique, semblent présenter certains
effets. Il y a donc là une piste qu'il faut investiguer. Si cette
investigation est positive, ça mènera à une reconnaissance
de ces produits comme des médicaments. Il y a certains autres produits,
par exemple, qui ne reposent que sur de la pure spéculation, et il
faudra les identifier publiquement. Il faudra donc qu'on regarde l'ensemble de
ces produits-là, qui sont utilisés au sein des thérapies
douces, et qu'on y applique, finalement, les mêmes critères que
ceux qui nous mènent à la reconnaissance de statut de
médicament à une substance particulière. Je ne pense pas
qu'on puisse faire l'exercice d'une autre façon que celle-là. Il
faut faire preuve d'ouverture d'esprit.
Comme M. Lafontaine le spécifiait plus tôt, on ne doit plus
rejeter d'emblée, je pense, en 1990, ces thérapies-là.
L'expérience antérieure dans le domaine de l'acupuncture, par
exemple, ou dans le domaine de la chiropratique a démontré que
certaines thérapies qui, à un moment donné de l'histoire,
sont identifiées comme marginales, peuvent apporter une contribution au
système de santé. Cependant, je n'irais pas jusqu'à
affirmer que l'ensemble de ces thérapies qui nous sont proposées
aujourd'hui doit être intégré à l'intérieur
de notre système de santé. C'est le propos que nous tiendrons, si
nous y sommes invités, lors de la commission parlementaire sur les
médecines douces.
M. Côté (Charlesbourg): Soyez sûr d'une chose,
c'est que, si je suis encore là, je retiens que vous serez des
participants à la commission parlementaire. Vous allez pouvoir nous
donner un éclairage neutre.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Non. Je finis.
La Présidente (Mme Marois): Une dernière (11 h
30)
M. Côté (Charlesbourg): Oui, une dernière.
Une dernière, parce qu'elle m'apparaît importante dans le contexte
actuel. Comme on s'adresse à la corporation, à des gens neutres,
comment est-ce qu'on fait la distinction entre un homme d'affaires et un
pharmacien?
M. Lafontaine: Très bonne question. Le pharmacien, c'est
celui qui gère-Une voix:... Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lafontaine: Le pharmacien, tel qu'il est préparé
à l'université, c'est celui qui gère la consommation de
médicaments chez les gens. Les gens de TAPES en ont parié tout
à l'heure. Le médicament a sa connotation propre, et le
même médicament, donné à un adulte en santé
de 40 ans ou à une personne souffrant d'insuffisance rénale de 70
ans, n'a pas, au bout de la ligne, le même effet. C'est pour ça
que je vous disais tout à l'heure que le produit pharmaceutique peut se
transformer en médicament ou en poison selon qu'il est bien
utilisé ou pas. C'est le rôle du pharmacien.
Il joue son rôle à l'intérieur de ce que nous
appelons la "section professionnelle" qui est, elle-même, située
à l'intérieur d'un grand établissement. Dans ce grand
établissement, il se vend toutes sortes de choses dont du tabac, ce que
nous déplorons grandement. D'ailleurs, nous pensons que le bureau de
l'Ordre va accepter la recommandation de considérer comme
dérogatoire au code d'éthique des pharmaciens de vendre du tabac,
même dans la partie commerciale adjacente à la partie
professionnelle à l'intérieur de son établissement.
En 1972, à peu près, les pharmaciens
avaient demandé des murs pleins pour faire la distinction entre
la partie professionnelle et la partie commerciale. C'était un compromis
qui a eu lieu, à ce moment-là, avec le législateur, parce
qu'il y avait eu des pressions de certains pharmaciens, même si la
majorité des pharmaciens avaient demandé des murs pleins pour
fairs la distinction. Alors, il y a eu compromis et on a, aujourd'hui, ce mur
qui est tout à fait virtuel parce que, si vous entrez dans une
pharmacie, vous allez avoir de la misère à le trouver et puis on
ne veut pas...
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que vous diriez que
c'est le volume qui a gagné sur le nombre?
M. Lafontaine: Le volume d'affaires. M. Côté
(Charlesbourg): Oui.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
La Présidente (Mme Marois): Oui? Vous voulez ajouter un
complément de réponse et madame aussi.
M. Boisvert: Oui. En tant que secrétaire de la
corporation, je peux peut-être vous proposer quelques statistiques sur
nos membres, distinguer ceux qu'on peut qualifier d'hommes d'affaires de ceux
qu'on peut qualifier de professionnels, quoique beaucoup de ceux qu'on qualifie
d'hommes d'affaires sont également des professionnels, et je tiens
à insister là-dessus.
L'Ordre des pharmaciens compte 4500 membres et, là-dessus, 1200
sont des propriétaires de pharmacie. Ce sont les seuls entrepreneurs
privés, ce sont les seuls qu'on peut vraiment qualifier de gens
d'affaires. C'est donc une minorité importante, on le concède,
mais une minorité au sein de notre profession. L'encadrement
professionnel qui est rattaché à cette profession est
extrêmement sévère. Il pose beaucoup de problèmes
à ces gens sur le plan strictement affaires. On leur a imposé,
entre autres, de distinguer une section professionnelle à
l'intérieur de leur établissement, ce que d'autres provinces nous
envient. La commission Lowy, en Ontario, recommande, entre autres, que ce qui
existe au Québec depuis 1974 en termes de distinction des services
professionnels ou entre la partie professionnelle de la pharmacie et la partie
commerciale soit instauré en Ontario.
Il existe donc une certaine distinction. Les mécanismes
prévus par le Code des professions, qui sont ceux du recours au syndic,
de l'inspection professionnelle, etc., et les exigences en termes de formation
continue sont les mêmes. Alors, on insiste véritablement sur
l'aspect professionnel.
Malheureusement, comme ces aspects ne peuvent être publicises, ce
qui ressort aux yeux du grand public, c'est la section commerciale, sur
laquelle on peut faire de l'annonce. Ça ne doit pas nous faire perdre de
vue que s'exercent dans ces officines des activités professionnelles
très bien encadrées.
La Présidente (Mme Marois): Mme Matte?
Mme Matte (Janine): Oui. Je voulais justement dire, pour
continuer ce que M. Boisvert disait, que je pense que votre ministère a
justement reçu un rapport de l'équipe Dumas de l'école de
pharmacie de l'Université Laval, qui avait fait faire des interventions
par des pharmaciens, dans des pharmacies communautaires, sur les analyses de
profil de médicaments de gens. Les pharmaciens avaient trois
possibilités: la possibilité de dire d'augmenter, d'ajouter un
médicament dans les types d'intervention; la possibilité de dire
de garder le statu quo; la possibilité de dire de cesser le
médicament.
Donc, pour le pharmacien propriétaire, dire de cesser le
médicament, ça veut dire pour lui de ne plus vendre ce
médicament. À notre grande surprise, les pharmaciens, en grande
majorité, ont choisi de dire de ne plus vendre, de ne plus utiliser le
médicament. Votre ministère a justement reçu ça, et
c'était en milieu communautaire. Donc, je pense que les pharmaciens ont
un aspect qui est peut-être vu par le public comme étant des
vendeurs de médicaments, mais quand on leur donne la chance de le
prouver, iis sont vraiment très professionnels.
M. Côté (Charlesbourg): Mais ce que j'ai compris,
c'est surtout: Au prix qu'on paie, il n'y a pas grand argent à faire.
C'est ce que M. Paradis m'a dit, puisqu'il en a, des pharmacies, lui.
Alors...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Matte: C'est ça, exactement. Peut-être qu'il y
aurait lieu de bonifier des actes de la sorte.
M. Côté (Charlesbourg): Et avoir un prix plus clair
sur le prix moyen, le prix le plus haut, le prix modulé. Il faudrait
peut-être regarder ça aussi un peu avec les compagnies.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Merci de votre
présentation. Il y a effectivement des aspects de différents
problèmes auxquels nous sommes confrontés dans notre
système de santé et de services sociaux qui nous sont ici
présentés
en termes de recommandations sous un nouvel angle, c'est-à-dire
la santé et le bien-être d'abord, et comment on peut arriver
à atteindre ces objectifs. Vous vous êtes vous-mêmes
engagés sur (a voie de la première question que j'allais vous
poser au sujet du rôle des pharmacies en établissement, lit, vous
êtes d'une très grande habileté dans votre
présentation, quant à l'objectif 9 visant à augmenter
à 80 % la proportion des non-fumeurs; vous dites: "L'Ordre des
pharmaciens recommande que les pharmaciens s'abstiennent de vendre des produits
du tabac." Alors là, pour être clair, si le gouvernement, si le
ministre intervient et défend la vente du tabac dans les pharmacies et
même dans la partie qui ne renferme pas les produits pharmaceutiques
eux-mêmes, vous êtes d'accord avec cela, vous allez respecter
cela?
M. Laforrtaine: Disons que présentement, comme Ordre des
pharmaciens, nous devons reconnaître que nous n'avons aucune juridiction
sur les activités d'un pharmacien dans la partie commerciale de son
établissement; deuxièmement, l'Ordre recommande depuis plusieurs
années à ses membres de ne pas vendre de tabac, même dans
la partie commerciale, et félicite même publiquement les
pharmaciens-propriétaires qui ne vendent pas de tabac actuellement.
Parce qu'il y en a. L'Ordre étudie très sérieusement la
possibilité d'enchâsser dans son code de déontologie que le
fait, pour un pharmacien, de vendre du tabac dans la partie commerciale,
c'est-à-dire la partie adjacente à la partie professionnelle,
constitue un acte dérogatoire à l'éthique professionnelle.
Le mécanisme étant enclenché, si ça arrive sur la
table du Conseil des ministres un jour, nous comptons sur les ministres de la
Santé, des Corporations et de la Justice pour appuyer notre projet et le
faire passer par le Conseil des ministres. Vous pouvez être certains de
ça. Nous souhaitons être capables d'acheminer ceci d'ici six
mois.
M. Trudel: Et vous allez féliciter le ministre qui passera
cette législation?
M. Lafontaine: Nous allons féliciter le gouvernement.
M. Trudel: Le message, j'espère, sera reçu et nous
verrons dans les six prochains mois ce qu'il adviendra de votre recommandation
qui, là, est très, très claire.
Je voudrais revenir sur un autre aspect, bien sûr, de votre
mémoire en ce qui concerne le mécanisme de plaintes via les
comités professionnels à l'Ordre. Vous nous dites à la
page 9, au chapitre de la qualité des soins et des services, que vous ne
réalisez aucun filtrage des plaintes qui sont adressées. Est-ce
que vous pourriez me dire l'ordre de grandeur sur une année? La
dernière année, par exemple, combien de plaintes ont
été reçues au comité professionnel concerné
chez vous, à l'Ordre des pharmaciens du Québec?
M. Lafontaine: M. Boisvert a sûrement les statistiques
comme secrétaire.
M. Boisvert: II y a eu 75 décisions du comité de
discipline, ce qui est beaucoup, si on considère l'ensemble des
décisions qui sont rendues par les comités de discipline du
Québec. Ça place l'Ordre des pharmaciens au quatrième
rang, derrière les corporations qui comptent beaucoup plus de membres,
comme le Barreau et la Chambre des notaires. Alors, je crois qu'en termes de
décision du comité de discipline notre comité de
discipline est très actif. Pour vous donner un ordre de grandeur, ce
comité se réunit présentement à des intervalles
variant entre trois semaines et un mois, habituellement pour des
réunions de deux jours. Donc, c'est un comité qui est très
actif. Toutes les plaintes sont acheminées directement au service du
syndic. Toutes les plaintes font l'objet d'enquêtes, mais toutes ne sont
pas amenées devant le comité de dispiine. Et ça s'explique
par le fait que beaucoup de gens ne sont pas au courant des exigences de la
loi, ne sont pas au courant également de certaines subtilités
techniques de l'exercice de notre profession. Alors, certaines de ces plaintes
sont, en fait, beaucoup plus des demandes d'information auxquelles
répond le service du syndic.
Dans certains cas également, les gens se plaindront d'un
comportement du pharmacien qui est un comportement purement professionnel. Nous
avons, à l'occasion, des gens qui se plaignent du fait que le pharmacien
n'a pas rempli une ordonnance ou n'a pas accédé à la
demande d'une personne pour un renouvellement non autorisé. Alors, ces
gens-là portent plainte auprès du syndic de l'Ordre des
pharmaciens, qui ne peut que confirmer que non seulement il n'y a pas
matière à plainte, mais que le pharmacien a posé le geste
qui devait être posé.
Nous ne pouvons pas prétendre à une parfaite
objectivité ici, mais je crois néanmoins profondément que
notre Corporation, de ce côté-là, rejoint l'esprit du
législateur dans le Code des professions, en ce sens qu'il n'y pas de
complaisance de la part de la Corporation vis-à-vis des plaintes qui
sont déposées.
M. Trudel: Là, vous m'avez donné les
résultats du nombre de décisions au niveau du comité de
discipline, mais est-ce que vous avez en tête, à peu près,
le nombre de plaintes qui ont été adressées? Il en sort 75
en termes de décisions du comité de discipline. Combien sont
entrées? Est-ce que vous avez le volume de ça?
M. Boisvert: Oui. Je dirais que ça doit varier entre 400
et 500 par année, si on exclut les demandes d'information qui ne peuvent
pas
être considérées comme des plaintes.
M. Trudel: Dans l'ensemble du système de
santé-La Présidente (Mme Marois): Vous vouliez ajouter
quelque chose?
M. Trudel: Pardon. Je m'excuse.
M. Boisvert: Oui. J'aimerais ajouter que nous ne faisons pas que
donner le suivi aux plaintes provenant du public ou des autres professionnels
de la santé ou, parfois, de l'État ou des corps policiers, mais
que notre service du syndic opère indépendamment du comité
d'Inspec tion professionnelle qui a, lui aussi, une équipe
d'enquêteurs. Le service du syndic opère des enquêtes
anonymes dans les pharmacies. Donc, des enquêteurs de l'Ordre des
pharmaciens se présentent dans les pharmacies d'une façon
anonyme, vont requérir des services pharmaceutiques ou acheter des
médicaments et vérifient si ces médicaments et ces
services pharmaceutiques sont prodigués d'une façon conforme
à notre réglementation.
Donc, le service du syndic génère lui aussi des plaintes,
à l'occasion.
M. Trudel: Relié à cette question toujours, on a eu
ici des groupes communautaires, des groupes de défense des droits des
usagers ou des bénéficiaires qui nous ont fort peu
rassurés sur le support, justement, qui est accordé au traitement
des plaintes et pour aider au traitement des plaintes ou du droit des
bénéficiaires dans le système. Vous prenez ça par
l'autre bout, vous autres, en disant: Nous, on ne filtre pas. Toute demande est
acheminée à notre comité, sauf, bien sûr, celles qui
ne concerneraient que les demandes d'information. On peut comprendre facilement
là-dessus.
Par exemple, au système actuel, toute personne qui pense avoir
été lésée au niveau d'un droit en termes
d'accessibilité doit passer par le Conseil régional de la
santé et des services sociaux pour l'acheminement de sa plainte quant
aux services auxquels elle pense avoir droit. Et, généralement,
sans que ce soit extrêmement rigide, mais très largement, on
demande à ces personnes de déposer leurs plaintes par
écrit.
Or, il y a 20 % de la population du Québec qui est
analphabète ou qui ne peut s'exprimer clairement de façon
écrite. C'est généralement cette catégorie qui
pense être victime d'une certaine discrimination au niveau des droits et
qui est peut-être - mais je dis bien "peut-être" - abusées
au niveau de ce qu'elle consomme comme services ou des services auxquels elle a
droit. Est-ce que vous ne pensez pas que l'économie
générale de la réforme que s'apprête à
inscrire ou à réaliser le ministère de la Santé et
des Services sociaux devrait, eu égard à votre expérience,
beaucoup mieux encadrer le mécanisme de support et de traitement des
plaintes? Et je ne parte pas uniquement par rapport à votre secteur
d'activité professionnelle, mais à l'ensemble des droits des
usagers dans le système. Est-ce qu'on ne devrait pas beaucoup mieux
encadrer le support et l'acheminement correct des plaintes quant à
l'exercice des droits dans le système? (11 h 45)
M. Boisvert: Je pense qu'il y a toujours place à
amélioration, et l'Ordre des pharmaciens est très ouvert à
toute amélioration qui peut être apportée à cet
élément-là, qui est fondamental à notre mission. Je
pense qu'un des éléments de support qui pourraient être
apportés au public, sur la base de notre expérience, c'est une
meilleure information quant aux recours que les citoyens du Québec ont
vis-à-vis d'un professionnel. Ces recours sont souvent mal compris.
Souvent, par exemple, les gens ont l'impression qu'on fonde les plaintes au
syndic avec des plaintes civiles, qui doivent être apportées
devant les tribunaux, et les gens décident de ne pas porter plainte
lorsqu'on leur apprend qu'une plainte déposée auprès d'un
ordre professionnel n'entraîne pas de compensations.
Il y a certains usagers du système qui, visiblement, ne
comprennent pas toutes les finalités du système. Je pense que le
gros du travail de ce support-là devrait être un travail
d'information. On devrait informer les gens de leurs recours, et je crois que
l'Office des professions commence à envisager cette
possibilité-là. À mon avis, elle est du recours de
l'Office, principalement.
Quant aux autres mécanismes qui peuvent être
apportés, l'Ordre des pharmaciens considère que le système
professionnel actuel, tel que défini dans ie Code des professions, est
efficace quant à l'acheminement des plaintes. L'Office des professions
l'a communique publiquement: il entend s'acquitter, avec une attention accrue,
de son rôle de moniteur des corporations professionnelles de ce
côté-là. L'Ordre des pharmaciens accueille cette
intention-là de façon très positive.
M. Trudel: II reste très peu de temps. Mme la
Présidente m'indique deux minutes.
La Présidente (Mme Marois): Une dernière question,
M. le député.
M. Trudel: Donc, on va être obligés d'y aller avec
des questions très carrées. Donc, toute cette question du
traitement des plaintes chez vous vous fait remettre en question ou questionner
la communication médecins-pharmaciens. Vous soulevez la couverte et
là, vous y allez avec la suggestion d'examiner la carte à puce,
suivant l'expression que l'on emploie. Est-ce que vous
estimez que vous êtes, dans tout le problème, dit-on, de la
surconsommation des médicaments, un peu victimes de l'ouverture du
système, c'est-à-dire que vous ne contrôlez pas,
finalement, le volume de la consommation? Vous, on vous fait prescription, et
un autre professionnel vous dit de distribuer. Vous avez un droit de regard
critique. Est-ce que vous estimez que vous êtes un peu victimes, en
termes de communication, de ce qui est entré dans la machine?
M. Lafontaine: La victime, ce n'est pas nous, c'est le patient.
Mais quand même, je comprends ce que vous voulez dire.
M. Trudel: Sur le plan professionnel.
M. Lafontaine: Oui. Mais il y a des patients qui surconsomment,
qui vont d'un médecin à l'autre pour éventuellement
surconsommer des médicaments. La carte à puce, nous, on la voit
avec deux compartiments: !e compartiment physiopathologique et le compartiment
pharma-cothérapeutique. Le code pour y avoir accès va appartenir
aux patients, comme le code pour avoir accès à un guichet
bancaire appartient au détenteur de la carte. Quand le patient va nous
dire: Je ne veux pas que vous ayez accès à mon dossier
médical, mais je veux que vous remplissiez ma prescription,
théoriquement, je ne pourrai pas le faire, je ne serai jamais capable
d'exercer mon jugement. Je vais dire: Une prescription, une ordonnance, au
Québec, c'est une autorisation, ce n'est pas un ordre. Mais tu peux
toujours aller la faire remplir, il y a encore 1100 autres pharmacies, tu peux
aller ailleurs. Alors, finalement, il va se résoudre à ce que je
voie dans son dossier son profil physiopathologique et son profil
pharmacothérapeutique. Je vais savoir qu'il en a eu, lui, un
médicament, une benzodiazépine il y a 10 jours, pour une
période de 30 jours. Je vais être obligé de lui refuser de
remplir la prescription.
Je pense qu'on va l'aider, mais je pense que la population va accepter
ça. La population en général, à 99 %, va accepter
ça d'emblée. Il y a peut-être 1 %, puis encore, c'est
peut-être beaucoup, 1 % de gens qui veulent jouer le système. Non,
la carte à puce, ça va être un outil extraordinaire pour
éviter la surconsommation, puis si on met de l'éducation à
côté de ça, quand elle va être introduite, si on met
beaucoup d'éducation, ça va être très positif, je
pense.
M. Trudel: Très bien. C'est effectivement, je pense, ce
qu'il faut questionner parce que, au fur et à mesure que la commission
progresse, on se demande parfois un peu...
M. Lafontaine: bien, on a parlé d'échanges entre
les pharmaciens d'hôpitaux et les pharmaciens du système
privé; aussi, la carte à puce va permettre ça. on a
parlé des actes à respon- sabilité partagée entre
médecins et pharmaciens. Avec le consentement, on a eu une rencontre
officieuse avec la Corporation des médecins et ils sont d'accord,
officieusement, avec le consentement du médecin au pharmacien, pour que
le pharmacien puisse faire un ajustement de dosage d'un médicament pour
le diabète, par exemple, après avoir fait une glycémie,
mais pour autant qu'il communique avec le médecin pour lui dire: Voici
ce qui se passe et je suggère qu'on change ça, ça va
éviter une visite médicale. Vous voyez, les implications de la
carte à puce, je pense, sont...
M. Trudel: En étant extrêmement prudent sur l'aspect
confidentialité, ça semble évident qu'on est
confrontés à l'examen de tout cela, compte tenu des coûts
de système qui sont impliqués et des problèmes qui sont
posés à l'autre bout. Parce que, au fur et à mesure que la
commission progresse, il commence à y avoir des Indications que ce que
l'on cherche, en termes d'objectif final, quant à
l'accessibilité, à l'universalité au niveau de
l'accès qui est mise en danger par les coûts... On se rend compte
que, appelons ça les abus, entre guillemets, un peu partout, nous
amènent à des constats assez effarants. Les gens nous ont dit
qu'en termes d'information il y aurait peut-être, par exemple, un lit sur
sept, dans les hôpitaux, qui serait occupé par des blessés,
très majoritairement, évidemment, ayant des blessures
causées par la circulation automobile, par le circuit routier. Alors,
que fait la Régie de l'assurance automobile là-dedans?
Deuxièmement, les gens ont affirmé qu'il y a des
indications à savoir qu'il y aurait presque jusqu'à 20 % des
actes médicaux et des analyses qui seraient de la production
défensive d'actes. On se prévient contre les poursuites. Ce
matin, vous ajoutez un morceau dans la colonne des abus, en quelque sorte: il y
en a 10 % qui seraient hospitalisés à cause d'un mauvais
contrôle, d'une mauvaise façon, d'une mauvaise consommation ou
d'une surconsommation au niveau des médicaments. Ça commence
à avoir des effets de système importants. I! est tellement
important qu'on regarde cela parce qu'on se rend peut-être compte que ce
n'est plus l'universalité de l'accès qui est remise en question,
mais la façon dont elle se réalise au Québec. Et c'est un
devoir que nous avons tous de regarder cela et de cesser de penser que la
privatisation, que les tickets modérateurs, que toute autre façon
d'impôt à rebours, en avant, en arrière, pour augmenter le
volume de dépenses, ce n'est peut-être pas là où
sont les problèmes, mais c'est tout ce qui se passe dans le circuit
actuel de distribution, de consommation, si vous voulez, des services sociaux
et des services de santé. À cet égard, vous soulevez la
couverte sur beaucoup d'aspects qu'il nous faudra, qu'on devra examiner
très attentivement, si l'objectif fondamental est
toujours le maintien de l'universalité de l'accès. Merci
beaucoup.
La Présidante (Mme Marois): Merci, M. le
député. Merci. M. le député de
Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Oui, Mme la Présidente,
peut-être en terminant. Au-delà de l'accessibilité de
l'universalité, je pense que, comme professionnels de la santé,
ce que les gens recherchent, c'est la santé du monde, du
bénéficiaire aussi. J'aimerais remercier ma corporation de
s'être présentée devant nous pour nous donner cet
éclairage et confirmer à mon ministre que je n'ai pas toujours
tort.
Corporation professionnelle des psychologues du
Québec
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Merci de votre
présentation.
J'inviterais maintenant des représentants et des
représentantes de la Corporation professionnelle des psychologues du
Québec à bien vouloir se joindre à nous. Je ferai
remarquer aux membres de la commission que tant le ministre que le critique de
l'Opposition sont bien bavards.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Alors, bienvenue à
notre commission. Je vous inviterais à présenter votre
mémoire en une vingtaine de minutes, pas plus. Si vous pouvez même
réduire un peu, ça donne du temps aussi pour soulever parfois des
questions ou des problèmes que vous nous présentez. Par la suite,
évidemment, des questions et des échanges auront lieu avec les
membres de la commission...
J'aimerais - je crois que c'est le Dr Poirier qui est président -
que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent.
M. Poirier (Mario): Alors, c'est ça, mon nom est Mario
Poirier, je suis le nouveau président élu de la Corporation des
psychologues; à ma gauche, Nicole Perreault, psychologue du DSC
Lakeshore, à ma droite, Francine Cyr, psychologue au centre hospitalier
de Montréal pour enfants et, à mon extrême droite, Daniel
Marchand, chargé de dossiers de la Corporation.
Alors, notre présentation se divise en deux grandes parties;
d'abord, Mme Cyr va relever les éléments principaux du
mémoire qu'on a soumis et qui porte sur des aspects de l'avant-projet de
loi tels que formulés et, dans la deuxième partie, moi, je vais
élaborer davantage sur ce qui semble beaucoup préoccuper les
membres de la présente commission, c'est-à-dire sur des aspects
du financement et de la structure du système. Alors, je passe la parole
à Mme Cyr.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci.
Mme Cyr (Francine): Merci. J'aimerais, en guise d'introduction,
simplement vous dire qu'après cette envolée mouvementée
dans la tempête qui sévissait encore à Montréal, ce
matin, j'espère que ma destination va être un peu plus calme et
plus accueillante.
La Présidente (Mme Marois): Ne vous inquiétez pas,
ça ira.
Mme Cyr: Je vous remercie. Alors, comme le disait mon
collègue, le président de notre Corporation, je vais reprendre,
assez succinctement, les grandes lignes de notre mémoire. D'abord, on
constate, évidemment, que l'avant-projet de loi jette les bases
d'importants changements structurels dans le système. On remarque, en
particulier, que la mise sur pied des régies régionales, les
mécanismes en vue d'accroître la participation des citoyens, tant
dans l'organisation que dans l'administration des services, sont des
modifications extrêmement importantes, desquelles nous nous
réjouissons beaucoup.
Il y a, par ailleurs, certaines choses qui nous inquiètent
à propos du projet de loi, c'est, en particulier et
spécifiquement, le rôle qu'on accorde et qu'on attribue aux
psychologues dans la santé et dans les services sociaux. Ce qu'on
souhaite demander à la commission et au ministère, c'est de
pouvoir obtenir un mandat très clair dans le texte de loi. Ça se
traduit en particulier dans le mémoire par des demandes précises
de modifications, tant en ce qui concerne les services eux-mêmes qui
devront être dispensés, d'après nous, dans le
réseau, de même que des modifications au niveau des
structures.
Alors, par rapport aux objectifs, nous étions ravis que, pour une
fois, le texte de loi assignait très clairement au système de
santé des objectifs extrêmement précis et qui
procédait de l'approche globale biopsychosociale. En effet, les articles
1 et 2 du chapitre I nomment très clairement les dimensions physiques,
psychiques et sociales. Donc, pour une fois, on tient compte de la personne
dans toute son entité, dans toute son entlèreté, avec
toutes ses dimensions.
Là où on était plus déçus ou plus
inquiets, c'est qu'on trouvait que ceci ne se traduisait pas assez clairement
dans le texte de loi, ni dans les services qui sont définis dans le
texte de loi, ni dans les structures qui déterminent la façon
dont ces services vont être dispensés. On trouvait que ça
ne reflétait pas l'approche globale qui était avancée dans
toutes les orientations. Et, plus spécifiquement, on sentait, on
percevait que la dimension psychologique était systématiquement
exclue dans l'avant-projet de loi. Or, on est d'avis que les psychologues
jouent un rôle extrêmement important dans le réseau et que
leur travail est directement relié à tous les
objectifs qui sont énumérés au paragraphe 1 de
l'article 2.
J'aimerais reprendre un petit peu avec vous, bien que vous sachiez
certainement de quelle manière les psychologues travaillent dans le
réseau, mais j'aimerais profiter de certains exemples concrets où
on peut bien illustrer de quelle manière ils ont un rôle important
et qui se situe vraiment au confluent des problèmes de la santé
et des services sociaux. On connaît, d'abord, le rôle des
psychologues; de façon plus connue, on sait très bien que c'est
un groupe de professionnels qui favorisent la réadaptation d'un grand
nombre d'individus, de familles, de couples qui sont aux prises avec des
problèmes émotifs, des problèmes personnels, des
problèmes reliés au stress, à l'anxiété,
à la dépression, à la toxicomanie, à l'alcoolisme,
au deuil. On sait aussi que les psychologues font de l'intervention, de la
prévention autour des problèmes sociaux de délinquance, de
violence. On les connaît aussi dans d'autres secteurs d'activité,
où ils sont impliqués dans le traitement de problèmes qui
sont causés ou maintenus par des habitudes de vie ou des facteurs de
l'environnement. On pense à des problèmes comme l'asthme, les
migraines, l'obésité, l'anorexie, le tabagisme, l'hypertension
artérielle, le sida, pour n'en nommer que quelques-uns. (12 heures)
Alors, on connaît donc assez clairement, je pense, le rôle
en santé mentale. On connaît un peu moins un autre domaine dans
lequel les psychologues jouent un rôle extrêmement important et qui
est très relié au domaine de la santé, c'est auprès
des personnes qui sont atteintes de maladies chroniques, aiguës ou
terminales. Par leur intervention auprès de cette
clientèle-là, qui reçoit soit un diagnostic qui, en
général, crée un choc important pour la famille et pour
ceux qui reçoivent le diagnostic, les psychologues par leur
intervention, tant au moment où le diagnostic arrive que dans le suivi
après, peuvent certainement faciliter l'adaptation de ces
personnes-là et de leur famille aux problèmes qu'ils vivent en
rapport avec certaines maladies. Ils peuvent faciliter le traitement et, par
certaines techniques précises que l'on connaît, ils peuvent, entre
autres, réduire les effets secondaires qui sont associés à
certains traitements qui amèneraient certains patients à vouloir
quitter le traitement ou à ne pas maintenir, en tout cas, le
traitement.
On sait aussi que par leur intervention, ils réduisent le stress
psychologique et les problèmes de santé et souvent le recours
excessif, dans bien des cas, à des services médicaux.
On constate aussi leur implication croissante dans les domaines de
l'hématologie, onco-logie, diabétologie, fibrose kystique,
cardiologie. Je voudrais montrer des exemples concrets où est-ce que
ça se passe dans le milieu où je travaille, où beaucoup de
mes collègues travail- lent. Je pense, entre autres, à l'Institut
de cardiologie de Montréal, par exemple, qui fait maintenant de plus en
plus systématiquement appel aux services d'un psychologue dans le cas
d'une transplantation, reconnaissant là que la dimension psychologique
joue un rôle très important dans le rejet.
Un autre exemple concret que j'aimerais vous donner à partir du
milieu c'est ce qui concerne chez les tout nouveau-nés, les petits
bébés, les retards, ce qu'on appelle le retard
staturo-pondéral et les troubles d'alimentation. C'est un
problème extrêmement aigu, extrêmement important dans la
population infantile. Ce sont les enfants qui refusent complètement la
nourriture, qui vomissent constamment, qui sont, par conséquent,
déshydratés, et dans certains cas qui en meurent et qui demandent
des hospitalisations répétées, prolongées,
d'importantes procédures chirurgicales, des nombreux examens et tests
médicaux. Et l'une des solutions qui a été mise en place
par le système de santé pour aider ces enfants-là, c'est,
entre autres, des techniques de gavage qui sont extrêmement difficiles,
douloureuses. C'est de nourrir de force ces petits
bébés-là par un tube qu'on introduit dans la gorge. Et les
succès sont assez peu réjouissants, ces enfants-là sont
constamment et très souvent réhospitalisés. Ils sont
à très grands risques. Il y a d'importantes séquelles tant
dans leur développement affectif et social, quand on pense à ce
que ça peut faire à une famille, un enfant qui a ce
problème-là. Ce sont des coûts importants aussi pour la
santé et pour les services sociaux.
Avec l'Intervention des psychologues qui a été, en tout
cas, particulièrement mise en place, chez nous, à l'institution
où je suis rattachée, ils sont intervenus originellement comme
dans une situation de crise. Ils ont dit: Est-ce qu'on peut avoir des
méthodes alternatives d'aider ces enfants-là à se
développer mieux, à être capables d'accepter cette
nourriture-là? Et, avec une série de techniques que je
n'élaborerai pas ici - mais si des personnes sont
intéressées à en entendre plus longuement, j'ai des textes
là-dessus - ils ont mis sur pied une approche assez intensive où
ils ont réussi, avec un très haut taux de succès, à
renverser ces procédures-là et à apporter des techniques
qui pouvaient être utilisées aussi auprès du personnel
soignant dans l'hôpital et impliquer aussi, ce qui est très
important, très rapidement, le parent dans l'application de ces
mêmes techniques-là pour, évidemment, redonner aussi au
parent qui va prendre soin de cet enfant-là, un sentiment de
compétence, d'être capable d'aider son enfant et de trouver
d'autres façons que ce sentiment d'être impuissant et de ne
pouvoir rien faire. Il y a eu un taux de succès assez important qui est
documenté dans une recherche qui a été publiée
aussi.
Je veux juste expliquer que c'est un genre de modèle qui est
encore peu développé et qui, à mon avis, constitue une
approche, en tout cas,
alternative à certains traitements et très
complémentaire aussi et que ça serait heureux que ça
puisse exister de façon beaucoup plus élargie. Maintenant,
ça réduit certainement les besoins d'hospitalisation. Le
diagnostic peut se faire plus sur une base externe. Ça n'a pas besoin de
se faire juste à l'interne.
Je pense que ça, c'est un autre exemple qui montre... Ces
exemples-là illustrent de quelle façon les psychologues agissent
bel et bien dans les facteurs déterminants pour la santé. Leur
implication poussée dans les multiples secteurs et à tous les
niveaux, justifient pleinement, à notre avis, qu'on inscrive dans
l'avant-projet de loi, dans le projet de loi, que des services psychologiques
doivent être dispensés, font partie des services qui doivent
être dispensés. On souhaite aussi que dans la mission des
établissements, la dispensation de services psychologiques soit
clairement inscrite dans le projet de loi.
J'aimerais parler de quelle manière aussi, dans le réseau
et dans les différents établissements, on pense que la
santé mentale ou l'approche globale est comme pas nécessairement
clairement, nommément, inscrite dans le projet. Dans les CLSC en
particulier, la définition du rôle des CLSC met l'accent vraiment
sur les soins physiques. On souhaiterait que les soins psychologiques fassent
aussi partie de la dimension des services qui seront offerts dans le cadre des
CLSC. On sait que c'est une instance du réseau dans laquelle il y a
place, et d'ailleurs, dans le document "Orientations", on donnait une place
très claire à cet aspect préventif et intervention au
niveau des CLSC. On pense qu'ils doivent jouer un rôle
complémentaire à celui des centres hospitaliers qui sont
débordés par des listes d'attente interminables. Or, à
l'article 28 de l'avant-projet de loi, ce sont seulement les CH qui se voient
attribuer un mandat spécifique en santé mentale. Nous
recommandons que ce soit aussi les CLSC qui aient cette mission et ce mandat
clair. C'est la même chose pour les CSS: la dimension psychologique,
l'intervention psychologique auprès de la clientèle très
lourde qui passe à travers les CSS nous apparaît totalement
absente ou à peu près absente et on souhaiterait, étant
donné l'importance des séquelles que vivent ces
enfants-là, que les services psychologiques soient quelque chose qui est
offert à cette clientèle, qu'on dispense ces services-là,
que nommément ce soit inscrit dans la loi.
Au niveau des structures administratives aussi, j'aimerais faire
ressortir les conseils d'administration. Dans l'avant-projet de loi, on trouve
ça fort intéressant qu'on demande d'accroître la
participation des citoyens à l'administration des établissements
et à la gestion. On pense que c'est très favorable. On
s'inquiète par ailleurs de l'absence totale à l'intérieur
des conseils d'administration d'intervenants qui travaillent dans les
établissements concernés. On craint que, de cette
façon-là, on se prive de l'expertise des intervenants de
même que de la vision de la réalité quotidienne. On sait
que la loi prévoit des comités consultatifs à la direction
générale; ça c'est à l'article 113. On n'est pas
tout à fait certains que ce sera suffisant pour que les professionnels
de l'établissement soient nettement entendus et nous demandons à
la commission de faire des modifications de façon à inscrire dans
le règlement des mécanismes clairs et précis sur la
façon dont les différents intervenants et les professionnels
seront entendus dans le système.
Un autre aspect dont j'aimerais parler, c'est celui de l'organisation
des ressources humaines à l'intérieur des établissements.
Je me réfère ici au CCPC, le Conseil consultatif du personnel
clinique, et au CMDP. On voit à l'article 106 qu'il y a un mandat
élargi pour le CCPC. Par contre, on constate que le pouvoir du CMDP
demeure nettement supérieur dans la structure. Le fait d'ailleurs qu'un
membre du CMDP siège au comité exécutif du CCPC et non
l'inverse démontre bien, à notre avis, la subordination du CCPC
au CMDP. J'évoque ici la notion du partenariat qui a été
mise de l'avant dans la politique de santé mentale de même que la
gestion participative qui est l'un des principes directeurs de l'actuelle
réforme du sytème de santé et des services sociaux pour
demander à la commission d'essayer peut-être de mieux
rétablir cet équilibre entre les diverses ressources humaines
à l'intérieur du système hospitalier. Je voudrais juste
montrer que la structure actuelle donne lieu à des choses illogiques.
Par exemple, dans certains centres hospitaliers psychiatriques, les dentistes
siègent au CMDP et les psychologues, qui sont pourtant avec les
psychiatres les seuls spécialistes de la santé mentale, n'y
siègent pas. Alors, notre recommandation précise à cet
effet, c'est que les membres du CCPC puissent siéger aussi au CMDP; que
les professionnels, particulièrement les psychologues, qui sont, par
leur formation, leur expertise, leur formation scientifique et clinique, et
leur formation de recherche... n'ont pas à être
relégués comme des citoyens de second ordre dans le
système. Et on pense que pour établir une espèce de
parité et d'équité dans les rapports entre les
différents intervenants, c'est une mesure qui serait fort heureuse. Je
veux juste mentionner aussi que ce n'est pas juste un voeu pieux ou quelque
chose d'aberrant, ce qu'on propose, puisque vous avez eu l'occasion
probablement... En tout cas, on sait que cette modification existe
déjà à l'hôpital de Montréal pour enfants,
où moi, je travaille, où le CMDP a effectivement invité
les membres, les professionnels non médicaux pour leur montrer que,
vraiment, on veut qu'ils fassent partie de la structure et qu'ensemble on
travaille a essayer de solutionner de la meilleure façon possible les
problèmes de santé et, qu'on se concerte et se consulte le plus
possible sur un pied d'égalité. Le dernier point... Non?
Ça va? D'accord.
M. Poirier: On va poursuivre peut-être de façon plus
globale. On reviendra après, si vous avez des questions, sur la
structure des établissements et sur la façon dont les
psychologues peuvent collaborer dans un esprit de partenariat avec les autres
intervenants. Nous, ce qu'on aimerait également ajouter, c'est que, un
peu tout le monde constate dans la société présentement
que les problèmes de santé mentale sont en croissance.
Différentes recherches ont démontré qu'à peu
près 20 % des gens dans leur vie vont connaître des
problèmes importants de santé mentale et qu'en moyenne, une
personne sur peut-être dix ou douze va être hospitalisée ou
avoir des soins aigus pour ces problématiques-là. On remarque
évidemment chez les jeunes des problématiques de suicide, de
violence. On connaît les problèmes familiaux présentement
dans la société, l'éclatement qui en résulte et les
problèmes vécus par les enfants et par les conjoints dans cette
situation. On a déjà souvent entendu parier de la solitude, de
l'isolement des aînés, des problèmes de déracinement
et d'itiné-rance, surtout dans les grandes villes. Par exemple le
dossier de "Dernier recours" l'a bien éclairé. L'impact du
chômage, des difficiles conditions de vie, de la misère et de la
pauvreté sur la santé mentale a été
documenté par maintes recherches. Tout ça nous fait voir
l'ampleur et l'acuité déroutantes des problèmes de
santé mentale présentement dans la société.
Avant-hier, à la Saint-Valentin, la Corporation des psychologues
a offert au public un certain nombre de lignes d'écoute dans un esprit
de sensibilisation du public et de disponibilité aux problèmes
vécus. On a ouvert un peu partout au Québec ces lignes et les
gens nous ont téléphoné. Il y avait 60 psychologues
bénévoles pour sept lignes ouvertes. Il y a eu 404 appels
auxquels les psychologues ont répondu et, d'après les
estimations, seulement un appel sur six a pu être acheminé
à un psychologue durant cette journée d'écoute.
C'était extrêmement impressionnant de voir l'ampleur des besoins
exprimés par la population. Le lendemain, il y avait encore des gens qui
nous téléphonaient pour avoir de l'écoute et qui se
sentaient également mis de côté parce qu'ils n'avaient pas
pu avoir accès à un psychologue. Tout ça souligne que,
présentement, les problèmes rencontrés sont urgents. Ils
sont lourds et urgents.
On constate également une popularité importante, publique,
des psychologues dans le réseau et en dehors du réseau,
c'est-à-dire que les gens, spontanément, quand ils ont des
problèmes importants de santé mentale, veulent consulter un
psychologue. La réalité, c'est qu'ils n'y ont pas facilement
accès. Dans le réseau public, en centre hospitalier, il faut
passer par une liste d'attente et également par un processus; on n'a pas
accès directement aux psychologues. Quant aux CLSC, on remarque qu'il y
en a 60 au Québec qui fonctionnent sans psychologues. On a tendance
également à engager des agents de relations humaines qui ont des
formations très différentes, mais qui ne sont pas
nécessairement axés sur la dimension psychologique. On remarque
également qu'en privé, les psychologues sont en hausse
importante. Il y a 50 % de plus de psychologues dans le secteur privé
qui fonctionnent en bureau, en consultations privées, depuis cinq ans.
Finalement, ce qui se passe présentement dans le système, c'est
que ceux qui n'ont pas les moyens d'avoir accès à un psychologue
pour des problèmes émotifs, relationnels, consultent dans le
secteur public et se voient plus ou moins mis de côté,
négligés par le système malgré que, souvent, la
pauvreté et les difficultés de chômage et tout ça
font que ces problèmes-là s'accroissent.
Quand on en arrive un petit peu à constater ces choses-là,
c'est aberrant de voir aussi à quel point le système ne
correspond pas aux vrais besoins. C'est un peu comme arroser des fleurs de
plastique; on arrose, on arrose et on arrose pendant des jours, mais ça
ne pousse pas. Et c'est ce qui se passe présentement. On peut bien
parler de restructuration, inventer de nouvelles structures, qu'on les appelle
des régies régionales ou des CRSSS améliorés, "new
and improved", ou d'autres noms, mais, dans la réalité, ce n'est
pas nécessairement en distribuant des sommes d'argent à ces
organismes en leur disant: Voici, prenez l'argent et faites-en ce que vous
voulez, le ministère gardant un rôle un peu de chien de garde, de
tampon, que ça va régler quoi que ce soit.
Si on veut que la structure soit efficace, encore faut-il qu'elle
réponde aux vrais besoins exprimés. Ce dont on se rend compte
souvent dans le domaine de la santé et des services sociaux, c'est qu'on
n'a pas tendance à offrir le service qui est adéquat au besoin
exprimé. Par exemple, tout le monde connaît les problèmes
de solitude et de déracinement des personnes âgées
présentement au Québec, et c'est un problème qui va
s'accroître dans les dix ou vingt prochaines années. Les familles
sont éclatées, les personnes se ramassent seules; il n'y a plus
de réseau primaire, il n'y a plus d'appartenance, il n'y a plus de
groupe. Elles se ramassent en foyer d'accueil ou ailleurs et il n'y a personne
qui s'occupe d'elles. Alors, elles vont consulter des omnis; elles vont
consulter des médecins. Pourquoi? Pour avoir un peu d'écoute, un
petit peu d'accueil, de chaleur, et on leur prescrit une somme effarante de
tranquillisants. J'ai des données sur lesquelles je pourrais beaucoup
élaborer, mais le temps ne nous permet pas d'en discuter. Mais on sait
que 73 % des médicaments totaux offerts par la RAMQ sont
dispensés aux personnes âgées, que plus de 38 000 000 $
sont investis pour prescrire des tranquillisants et des sédatifs, que 60
% de ces cas sont sans origine probablement physique des troubles
exprimés - il
y a des études qui le démontrent - et que ça ne
correspond donc pas aux véritables problèmes d'isolement, de
solitude et d'écoute qu'ont les aînés.
D'une certaine façon, j'estime personnellement que c'est de
l'euthanasie à petit feu que de fonctionner comme ça, puisqu'on
ne donne pas aux gens ce dont ils ont besoin vraiment pour réussir
à s'en sortir et que, si on poursuit dans cette ligne, avec
l'accroissement de la population des aînés, on aura beau inventer
mille et une structures et, même, ajouter - là-dessus, je pense
qu'on rejoint le ministre - 1 000 000 000 $ de plus, c'est comme arroser des
fleurs en plastique.
Ce qu'on demande, ce à quoi on en arrive comme recommandation
concrète au niveau du financement, c'est quelque chose qu'on avait
déjà souligné en 1986 a la commission Rochon, mais qui est
peut-être maintenant encore plus adéquat au processus, c'est de
développer un système mixte qui mettrait un peu au même
niveau des lois du marché les psychologues, les psychiatres, les TS, les
omnipratlciens qui veulent donner des services de psychothérapie et de
santé mentale, pas en mettant les psychologues sur la carte-soleil, ce
dont nous avons fait notre deuil, en tout cas pour le moment, mais
peut-être, ce qui correspond plus à la volonté
ministérielle, en enlevant les omnis de la carte-soleil pour ce qui est
des services de psychothérapie.
J'ai souvent travaillé avec des médecins et ce sont des
professionnels très compétents, mais ils n'ont pas la formation
adéquate pour offrir des services de qualité en santé
mentale. Ils ont peut-être deux ou trois semaines en cinq ans de
formation intensive sur les techniques d'entrevue, sur les
problématiques de santé mentale. Or, ces gens dispensent la
très grande majorité des soins de psychothérapie au
Québec. Il y a eu un accroissement effarant de 1987 à 1988
à ce niveau. On a, juste pour la rémunération à
l'acte, augmenté de 41,02 % les sommes investies - ce sont les
données de la RAMQ - et maintenant, c'est 58 000 000 $ qu'on donne aux
médecins, en grande majorité des omnipraticiens et des
résidents, pour faire de la psychothérapie dans leur petit
cabinet. (12 h 15)
Nous estimons que, face à ça, si on veut rétablir
une saine concurrence et rendre le système rentable et efficace, il
faudrait mettre une base équivalente au niveau de la dispensation des
actes entre psychologues, psychiatres, travailleurs sociaux et omnipraticiens,
et que ce soit le public qui choisisse et qui soit en mesure de
déterminer quels besoins ils ont.
Maintenant, c'est évident que dans ce système mixte, les
sommes économisées seraient importantes et on considère
que ce serait léser les populations défavorisées que de
prendre ces sommes et les envoyer pour investir dans une manufacture de
chaussures ailleurs. Il faut les investir évidemment dans le
système de santé, ne pas économiser sur le dos des
personnes défavorisées et réinvestir ces sommes dans le
système de santé. Mais, imaginez ce qu'on pourrait faire si on
réinvestissait 58 000 000 $ exclusivement dans le système des
services de santé mentale. Ce serait quand même une somme
intéressante pour améliorer les services psychologiques et le
mandat de santé mentale des CLSC. Ce seraient des sommes suffisantes
pour améliorer les services en CH. Ce seraient des sommes
également suffisantes pour subventionner adéquatement les
organismes communautaires qui peuvent fournir entraide, support et appartenance
aux gens qui en ont vraiment besoin et qui les amènent en
première place à consulter les omnis et à consommer des
tranquillisants.
En gros, c'est peut-être la principale recommandation que nous
amenons au niveau du financement du système. Je crois que tout ça
est cohérent avec la volonté du gouvernement et la volonté
des multiples intervenants qui, commission après commission,
comité après comité, enquête après
enquête, disent à peu près tous la même chose: On
peut améliorer les structures, on peut investir des fonds nouveaux, mais
il faut, d'abord et avant tout correspondre aux véritables besoins qu'on
observe et que les enquêtes et les recherches ont démontrés
depuis plusieurs années.
Alors, j'ai terminé là-dessus. On peut peut-être
ouvrir sur les questions que vous avez.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. M. ministre de la Santé et des Services sociaux
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Je me
permettrai peut-être quelques petites questions, d'entrée de jeu,
un peu plus sur les nombres. Il y a combien de psychologues au Québec au
moment où nous nous parlons? Et comment est-ce qu'ils se divisent en
pratique publique et privée? Évidemment, si c'était
possible de savoir un petit peu la présence en région, parce que,
évidemment, lorsqu'on parie des psychiatres... On posera la même
question pour être capable de comparer, parce que ce sont des services
qui doivent être partout à travers le Québec, mais on
connaît les problèmes qu'on a au niveau des psychiatres en
région.
M. Poirier: Peut-être que Mme Marchand peut élaborer
un petit peu là-dessus.
Mme Marchand (Danielle): Évidemment, ce dont on dispose,
c'est du rapport annuel de 1988-1989. On n'a pas celui de cette année.
Il y avait l'an dernier 4313 psychologues au Québec. Il y en a
maintenant à peu près 4600, parce que ça date quand
même du printemps dernier, ce rapport-là. Maintenant, la
répartition pratique privée, temps plein, temps partiel,
c'est-à-dire
entre la pratique privée et. le secteur public, c'est ce que vous
vouliez savoir, il y a exactement 47 % des membres qui font de la pratique
privée. Cela dit, certains le font sur une base de temps plein et
d'autres le font à temps partiel. Maintenant, dans la fonction publique
au complet...
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous avez la
distribution en région?
mme marchand: oui, j'ai ça et je peux vous le
déposer. vous le lire serait probablement très fastidieux, mais
j'ai la distribution en région, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne sais pas, de constat
un peu plus général, on regarde dans à peu près
toutes les professions et on a de la difficulté à avoir des gens
en région. Est-ce que c'est le cas aussi pour les psychologues?
Mme Marchand: C'est réparti, de toute évidence,
dans les neuf régions administratives québécoises. Il y a
des psychologues partout. Cela dit, il y en a un certain nombre qui sont dans
le secteur public, en commission scolaire, par exemple, ou dans le secteur de
la santé, en CLSC, et qui font de la pratique privée à
temps partiel. Mais la répartition, en tout cas, vous allez pouvoir le
constater, je déposerai les chiffres tout à l'heure. Pour ce qui
est des psychologues dans le secteur des affaires sociales proprement dit,
parce qu'il y en a dans le secteur de l'éducation, il y en avait l'an
dernier 41,46 %.
M. Côté (Charlesbourg): C'est 41 % des 4000 ?
Mme Marchand: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que ça se
retrouve dans des catégories spécifiques d'établissements
au niveau du ministère, parce que ça peut être à
différents stades, dans les CSS...
Mme Marchand: Ça se retrouve principalement dans le
secteur hospitalier où il y avait 708 psychologues l'an dernier; dans
les CLSC, 195 - cela dit, je vous signale qu'il y a 61 CLSC qui n'ont pas de
psychologues - dans les CSS, 130 et dans les centres d'accueil, 284. Il y a
aussi le fait qu'en CLSC, entre autres, des psychologues travaillent, mais ils
ne portent pas le titre de psychologues, ils sont engagés à titre
de ARH, ce qui est une autre catégorie d'emploi.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez parlé d'un
système mixte. C'est intéressant, à vous entendre, parce
que, évidemment, c'est dans le "comment" qu'on a toujours des
problèmes et je vous pose la question: Comment?
M. Poirier: Moi, je pense que c'est assez simple comme
méthode, c'est-à-dire ce qu'on soulevait finalement, c'est de
mettre tous les intervenants sur le même pied, que ce soit dans le
privé, en suivant les lois du marché, ce qui, à la limite,
va bénéficier au public, puisque les prix quelque part vont
probablement s'améliorer et que les gens vont pouvoir choisir, et
également dans le public, puisque, quelque part, on pourrait salarier
tous ceux qui font de l'intervention en psychothérapie, ce qui fait que
des sommes importantes pourraient probablement être
économisées là. Et ça correspond à la
réalité des champs de pratique, ça correspond à la
réalité de la formation des gens. Maintenant, comment s'y
prendre? Si vous me donnez, demain matin, l'autorisation de le faire, moi,
simplement, à tous les médecins qui font des réclamations
à la RAMQ pour services de psychothérapie, je leur retourne le
formulaire et j'économise 60 000 000 $. J'investis dans le
système.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Mais je veux quand
même aller plus loin que ça, parce que vous dites mettre sur le
même pied, donc, en compétition. Dans le privé, si je ne
m'abuse, ce sont des gens qui paient - donc, c'est à l'acte - alors que,
dans le public, dans le réseau, c'est le salariat.
M. Poirier: C'est-à-dire qu'il y a plusieurs... J'incluais
vraiment ia psychothérapie à l'acte, parce que beaucoup de
médecins fonctionnent en bureau privé et ils ont le droit
d'offrir des services de psychothérapie pour lesquels ils ont une
certaine rémunération à la demi-heure. Et, comme je le
disais, ce ne sont pas des gens qui sont nécessairement formés en
santé mentale. Même si on ne parle pas des psychiatres, qui sont
quand même des spécialistes dans leur domaine, mais qu'on ne parle
que des omniprati-ciens, on se rend compte qu'il y a des sommes énormes
qui sont investies là. Alors, c'est certain que, dans le réseau
public, tout ce monde-là pourrait être salarié. Mais dans
le réseau privé, c'est-à-dire dans le réseau des
services à l'acte faits en petit cabinet de médecin, il y a des
sommes énormes qui sont perdues et qui ne correspondent pas aux vrais
besoins. La personne âgée qui vient voir son médecin de
famille et qui s'assoit et parle, durant une demi-heure, un petit peu de ce qui
se passe, et qui se voit prescrire un tranquillisant pour retourner chez elle,
elle n'a rien, elle n'a pas nécessairement fait un processus, et le
médecin lui-même se sent peut-être mal avec ça. Il ne
sait pas à qui la référer; il ne sait pas quoi faire; il
n'a pas les techniques d'entrevue et les techniques, je dirais, de cheminement
pour aider la personne à se sentir mieux. Alors, il est obligé de
prescrire;
tout est lié ensemble.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux essayer de
comprendre et ma question n'est pas... Je vous le dis tout de suite, ce n'est
pas une question vicieuse et c'est une question très... Est-ce que je
comprends que si l'omnipraticien ne le fait plus, donc, on désassure?
Parce que s'il faut récupérer 60 000 000 $ dont vous pariez,
puisqu'on doit les réinjecter ailleurs, il faut nécessairement
que de ce qui est reconnu comme pratique, on désassure cette
partie-là payable par la RAMQ et que, là, les gens aillent
maintenant dans le privé chercher chez les psychologues ces
services-là, mais qu'ils paient en conséquence et que, là,
les 60 000 000 $ pourraient être réaffectés à
d'autres fins dans le système?
M. Poirier. Il faut bien faire attention. Les gens, dans le
privé, consultent déjà les psychologues. Il y a
déjà, comme je le disais, 50 % d'augmentation de la pratique
privée chez les psychologues et à peu près tous ceux qui
ont les moyens de faire une psychothérapie vont aller consulter des
psychologues. Ça, c'est la réalité. Il y a des chiffres
qui le démontrent.
Ce que je dis, c'est que les omnis qui offrent des services de
psychothérapie, ça ne correspond pas vraiment à leur
formation. C'est comme si on demandait - là, j'exagère, mais je
pense que le sens est là - à des bouchers de faire de la
chirurgie. Ce ne sont pas des gens qui sont spécialisés dans ce
domaine.
Si on récupère ces sommes et qu'on les investit dans le
réseau public pour donner aux personnes qui n'ont pas les moyens d'aller
en privé - c'est déjà le cas - d'aller chercher dans le
réseau public des services de psychothérapie, des services
d'aide, des services d'entraide, des services de support, on a la conviction
que ça va améliorer la qualité des services, que ça
va améliorer la qualité de vie des personnes qui vont chercher
des services et diminuer la surmédicalisation et la
surmédicamentation des problématiques sociales.
Ça, c'est une conviction qui est basée sur plein de
recherches, autant sur des études américaines de "costs of sets",
c'est-à-dire de coûts de la pratique médicale, que sur des
études sur la rentabilité et l'efficacité de la
psychothérapie. Il y a, par exemple, une étude de Howard et
compagnie, en 1986, qui détermine qu'après 8 entrevues, dans 50 %
des cas, le problème originel à la base de la consultation de
psychothérapie est disparu et que dans 75 % des cas, il est disparu
après 26 entrevues. Alors, l'efficacité de la
psychothérapie, elle est démontrée dans beaucoup de
situations, particulièrement dans celles où il y a du
désarroi, de l'anxiété, de la dépression qui sont
à la base de la surconsommation de tranquilisants et de sédatifs.
Si on donne vraiment des services adéquats et qu'on arrête
d'arroser des fleurs en plastique, on ne peut pas faire autrement que
d'économiser tout en améliorant la qualité des
services.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière petite
question...
La Présidente (Mme Marois): Oui, une dernière, M.
le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): ...parce qu'on vient de me
signifier que... À la page 8 de votre mémoire, vous
évoquez la situation dans les CSS et vous dites, à un moment
donné: Tes programmes de traitement pour enfants victimes d'inceste et
d'abus sexuel ont été maintenus dans un petit nombre de "gros"
CSS."
Mme Marchand: Depuis le début des années
quatre-vingt, M. Côté, les CSS n'engagent plus de psychologues. Je
pense que c'est un phénomène qui est assez peu connu, mais c'est
un fait. Il y a des psychologues qui sont embauchés, qui sont membres de
la Corporation, mais qui sont embauchés comme agents de relations
humaines, ce dont je vous pariais tout à l'heure. Bien sûr, ces
gens-là ne font pas ou à peu près pas de traitements
psychologiques en CSS, et c'est une chose qui est peu connue. La seule chose
qui est maintenue en CSS - et je pense que c'est assez facile à
vérifier - ce sont les programmes pour abus sexuel et Inceste, à
Québec et à Montréal. Mais les CSS, entre autres celui de
Laurentides-Lanaudière, celui de la Montérégie, etc., les
CSS en région sont particulièrement sous-pourvus en termes de
ressources psychologiques, de véritables psychologues qui peuvent
effectivement faire de la thérapie auprès des gens qui sont
à peu près les plus lourdement taxés socialement et
psychologiquement.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends de votre
intervention que, là où il y en a, la démonstration est
faite de l'utilité. Donc, poser la question, c'est presque avoir la
réponse. Ce qui est peut-être un petit peu inquiétant,
c'est qu'on se retrouve dans des situations, comme en Montérégie
et à Lanaudière, où nos listes d'attente... c'est dans ces
CSS-là où il y a le plus de difficultés. C'est pour
ça que je voulais au moins dire que j'ai compris le message parce qu'il
m'apparaît extrêmement important. J'en prends note. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Un nouvel
éclairage absolument intéressant sur la personne dans le
système, globalement. Je voulais bien souligner ça au
départ. C'est un principe de réflexion important, je pense,
lorsqu'on fait le choix de société de s'intéresser
à la personne,
au bénéficiaire, à l'usager pour qu'il ait des
services les plus complets et une accessibilité des plus
complètes. Et la toute petite question du ministre, à la fin, sur
les CSS, c'était, quant à moi, ma première. Et c'est
très inquiétant, ce que vous nous dites là, par rapport
à une catégorie, d'autant plus que, dans les paragraphes qui
précèdent votre présentation, à propos des CSS,
vous nous décrivez une image peu reluisante de la réalité
du service des CLSC en pareille matière, compte tenu des ressources.
Est-ce qu'il vous apparaît qu'il y a du dédoublement administratif
ou de services - vous choisirez - est-ce qu'il y a du dédoublement, en
termes de structure, CLSC, CSS, et est-ce que, finalement, il n'y a
peut-être pas là-dedans plus d'administrateurs, plus de
gérants, plus de "géreurs" de services qu'il y a de services que
l'on dispense ou que l'on peut dispenser?
M. Poirier: C'est un danger, je pense, qui a été
observé un peu partout. Par exemple, dans une volonté de
régionalisation, on ne peut que souligner la valeur démocratique
d'un tel processus, dans la mesure où ça implique la population
et non pas dans la mesure où ça ne fait que créer de
nouveaux emplois pour les gestionnaires de haut niveau. Et ça reste
à démontrer. Nous, on est ouverts et intéressés par
le processus, mais il faudrait voir si ça n'amène pas une
technocratie supplémentaire où, finalement, les intervenants,
ceux qui donnent les services directs deviennent marginalisés dans leur
système de santé, de services sociaux et psychologiques. Je pense
que ça reste à démontrer.
Maintenant, vous parliez de dédoublement de services. Dans le cas
des services psychologiques, ce qu'on observe, et ce n'est pas seulement un
point de vue corporatiste que J'essaie de passer parce que les données
le démontrent clairement, c'est que les gens n'ont pas accès aux
services psychologiques dans le réseau public, au point que - Mme Cyr en
faisait la remarque un peu plus tôt, dans une discussion - dans les CH
présentement, quand on reçoit des coups de
téléphone disant: Je voudrais rencontrer un psychologue,
ça va très mal, il y a de la violence conjugale à la
maison, ma fille est victime d'inceste, on leur dit, d'abord et avant tout:
Écoutez, c'est un problème sérieux; si possible, avez-vous
les moyens d'aller voir un psychologue en service privé? Sinon, nous, on
a une liste d'attente de plusieurs mois, on ne sait pas quoi faire. Si on vous
envoie dans un CSS, vous rentrez dans les dédales administratifs et les
services ne sont pas nécessairement des services d'aide.
Alors, je pense que, écoutez, il y a vraiment une montée
importante dans la société des problématiques de
santé mentale, c'est quelque chose qu'on observe. On se promène
à Montréal, on voit les itinérants. On fait un tour chez
les personnes âgées, on voit la solitude. On va voir la violence
et l'angoisse des jeunes par rapport à leur place dans la
société. On se rend compte, dans les familles, que
l'éclatement crée mille et une souffrances qui, parfois, sont
très aiguës, parfois sont comme refoulées très
longtemps et que la médicalisation ne correspond pas aux besoins
réels. Je pense qu'il n'y a pas de danger de dédoublement de
services, du moins pour l'aspect psychologique. Pour le moment, c'est plus:
Est-ce que la société est prête à assumer le minimum
vital dans ce domaine-là?
M. Trudel: Là, ]e ne partais pas, évidemment, du
dédoublement des services au niveau psychologique, au niveau de la
santé mentale, mais ça nous révèle une situation
inquiétante. Le niveau prévu dans l'économie
générale de la loi actuelle pour rendre le service, vous nous
faites une description à peine caricaturale qui dit: II y a seulement
les gros CSS qui encore offrent des services et, on s'entend ou on l'entend, la
majorité ne l'offre plus; ils sont incapables de l'offrir. Alors
là, on a une structure spécifiquement prévue pour l'effet
recherché et il n'y a pas de pratiques auxquelles correspond
l'établissement de cette structure-là. Mais il va falloir
chercher la réponse: Ou la structure ne doit pas exister ou elle est
là, sur place, et ne rend pas le service, ou il y a du monde
là-dedans qui ne sont pas préoccupés, suffisamment
préoccupés par ces cas graves que vous soulignez, par exemple, au
niveau des enfants victimes d'inceste et d'abus sexuel.
Là-dessus, je suis toujours très inquiet aussi, j'ai
visité un bon nombre de centres de jour, de centres communautaires qui,
à la suite de la mise en oeuvre de la nouvelle politique de santé
mentale au Québec, le jour et surtout la fin de semaine, sont
chargés d'accueillir un certain nombre de bénéficiaires,
dans l'ensemble du Québec, et qui sont obligés, en quelque sorte,
de réaliser ce que vous décrivez comme étant un des
rôles du CLSC qui ne serait, lui-même, pas très bien rempli
quant au dépistage et au traitement des problèmes de santé
mentale primaires. Est-ce que vous avez l'impression qu'à travers toute
la désinstitutionnalisation et la nouvelle politique de santé
mentale, effectivement, ceux et celles que l'on tente de réadapter, de
réinsérer au niveau social, reçoivent le support correct,
effectif, normal qu'on est en droit d'espérer pour ces personnes dans
l'actuelle réalisation de la désinstitutionnalisation?
M. Poirier: Dans le contexte de la
désinstitutionnalisation, il va falloir nuancer. Parce que ce qui se
produit, c'est que présentement, dans la clientèle
désinstitutionnalisée, il y en a qui ont en quelque sorte de
meilleurs services que d'autres. Il y a des disparités
régionales. Il y a des disparités d'établissements. Et,
dépendant de la région dans laquelle ils sont
réinsérés, ça change du tout au tout. Si vous
réinsérez
quelqu'un dans une région où il y a beaucoup d'organismes
communautaires, où le CLSC a un bon service de santé mentale,
où les intervenants sont Intéressés à
coopérer et à créer un partenariat, c'est tout à
fait différent que si vous le réinsérez dans un endroit
où il n'y a rien. Si vous réinsérez dans un endroit
où il n'y a rien la personne désinstitutionnalisée, vous
êtes mieux de la médicamenter comme il faut, de la brancher sur sa
télé, sur sa chaise berçante 24 heures par jour parce
qu'il n'y aura certainement pas de réinsertion là, c'est juste
qu'on a déplacé la chambre d'hôpital dans une chambre de
foyer d'accueil quelconque.
Je pense que la disparité est effroyable au niveau des CLSC. Dans
deux sous-régions extrêmement collées, la région du
Plateau-Mont-Royal, le CLSC du Plateau-Mont-Royal, il y a un service complet,
excellent, de santé mentale Incluant plusieurs psychologues et plusieurs
travailleurs sociaux. Dans la région adjacente centre-sud, qui comprend
toute la clientèle, les sidéens et tout ça et une grande
pauvreté, il y a 0 % de services de santé mentale. Il n'y a aucun
psychologue. Il n'y a pas de mandat de santé mentale. Et ça ce
sont deux sous-régions avoisi-nantes.
Je pense que le partenariat, c'est encore à établir. Il
faut faire attention d'ailleurs à deux tendances qui sont un peu des
tendances de gestionnaires. L'une, c'est la "financite": si on met beaucoup,
beaucoup d'argent, ça va s'améliorer. Moi, je ne suis pas
convaincu de ça, même si, évidemment, on nous donne 1 000
000 000 $, on va l'utiliser. Et l'autre tendance, c'est la "structurité"
qui est qu'on va refaire toutes les boîtes, recréer les CA,
recréer les endroits, sauf que si on ne correspond pas aux
véritables besoins, si on ne correspond pas aux vériabies
services nécessaires, bien c'est du "more of the same", c'est du plus de
la même chose, comme on dit en approche systémique. Ça ne
conduit nulle part. C'est arroser des fleurs en plastique.
Peut-être que Mme Perreault, qui est une spécialiste de la
santé communautaire, elle vient du DSC Lakeshore, pourrait
élaborer un petit peu aussi sur ce domaine là.
Mme Perreault (Nicole): D'accord. Parce qu'il ne faut quand
même pas nier qu'actuellement quelqu'un qui a été
désinstitutionnalisé, qui retourne dans la société
n'est quand même pas laissé pour compte. Je pense qu'il y a quand
même eu une volonté de faire quelque chose dans le passé,
notamment dans la région de Montréal. On a maintenant, depuis
avril 1985, la présence de comités aviseurs. Ce sont des
comités qui sont voués à la mise en place et au
développement des ressources communautaires, des ressources qui sont
vraiment là pour voir à la réadaptation et à la
réinsertion sociale des ex-psychiatrisés. Maintenant, ce qui est
peut-être inquiétant, c'est que, malgré cet
effort-là de vouloir réinsérer socialement ces
individus-là, il reste que l'effort a été mis beaucoup au
niveau du développement du réseau communautaire peut-être
aux dépens du réseau institutionnel. Peut-être que ce qui
serait intéressant maintenant de questionner, c'est dans un continuum de
services à partir du moment où la personne est
institutionnalisée jusqu'à la fin de sa réinsertion
sociale, ce qui est possible de faire de façon à assurer une
continuité de services, et c'est probablement ce que Mario disait aussi
et que je tiens à réitérer. C'est, à notre avis,
là où il y a un manque. Entre autres, au niveau des services
psychologiques. Toujours à l'intérieur d'un continuum de
services, il serait important de garantir que l'individu, à
l'intérieur de son traitement, ait la possibilité de se situer au
niveau affectif, au niveau relationnel par rapport à sa famille,
à son travail, à sa qualité de vie. Et, c'est à
notre avis, peut-être là où il y a une lacune
actuellement.
La Présidente (Mme Marois): Une toute dernière
question, M. le député.
M. Trudel: Le temps ne nous le permet plus. J'aurais aimé
bien ça creuser encore davantage vos 60 000 000 $ payés par la
Régie de l'assurance-maladie du Québec à des
médecins omni-praticiens pour des actes de psychothérapie. On
reviendra sur la mécanique là-dessus, comment on peut aller
chercher 60 000 000 $ pour de la psychothérapie par un
spécialiste qui n'en est pas un dans ce secteur, malheureusement. Si
vous aviez par ailleurs... Parce que le temps presse et file là, je suis
surpris un peu que vous ne nous donniez pas beaucoup d'Indications par ailleurs
sur toutes les pratiques alternatives qui se sont développées au
Québec depuis de très nombreuses années là. Une
question simple: Est-ce qu'il vous apparaît y avoir, toujours dans la
foulée de la désinstitutionnalisation, de la montée du
type de problèmes ou de situations reliés à la
santé mentale, à la santé psychologique, est-ce qu'il y a
beaucoup de charlatanisme, à votre avis, au Québec, dans ce
secteur-là?
M. Poirier: Alors, il y a deux points à votre question. Le
premier, c'est au niveau des chiffres. J'en ai ici un petit tableau. Il faut
être bien attentifs. Il y 58 000 000 $ présentement d'argent
versé par la RAMQ pour les services à l'acte de traitements
psychiatriques et de psychothérapie. Les données de la RAMQ
démontrent que la majorité des ces sommes-là, donc disons
peut-être 60 % à 70 %, sont versées à des
omnipraticiens et à des résidents. Donc, non pas à des
psychiatres. Alors, ça fait environ au moins 40 000 000 $. Les argents
qui sont versés à des gens, à des omnis peu ou pas
formés pour faire de la psychothérapie. Il y a eu une
montée de 41, 02 % en un an, 41 % d'augmentation du nombre d'actes de
traitements psychiatriques et de services de psychothérapie. Ça
indique
justement, puisqu'on parie de désinstltutionnalisa-tion, que ce
que les gens font, c'est qu'ils vont voir leur omni; ils sortent de
l'hôpital... C'est pour ça qu'en un an ça a monté de
41 %. Il y a plein d'autres facteurs, y compris la misère humaine, mais
ça a monté de 41 %; alors, les gens vont consulter
spontanément pour des problèmes personnels, affectifs,
relationnels majeurs; ils vont consulter l'omni et ils sortent de là
avec une prescription de tranquillisants, de sédatifs: montée en
flèche des coûts de la médicalisation, puis ça ne
résoud pas le problème. Alors on continue dans le système.
Vous pouvez imaginer dans 20 ans ou 30 ans la même chose se produire.
Pour ce qui est de la deuxième partie de la question, la
montée de la médecine douce et de ce que vous appelez le
charlatanisme, moi, je pense qu'il faut également nuancer. Oui, il y a
des gens là-dedans qui sont très compétents, qui ont
reçu des formations très articulées qu'il reste à
évaluer scientifiquement et d'autres qui, volontairement, font du
charlatanisme et qui sont vraiment quasiment des criminels; mais si on regarde
ça comme phénomène social, la montée de la
médecine douce, c'est également quelque chose qui illustre le mal
de vivre contemporain. C'est incroyable, la montée de ce
phénomène-là, les consultations qu'on fait chez
l'auriculothéra-peute, le spécialiste de la polarité, le
réflexolo-gue, le massothérapeute et autres choses du même
genre qui peuvent avoir leur valeur - je ne suis pas placé pour
commenter ça - mais qui indiquent certainement que les gens ont besoin,
quelque part, d'un contact chaleureux et humain et, si possible, d'un service
d'aide adéquat.
M. Trudel: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre intervention et
de votre présentation auprès des membres de la commission.
Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 h 30, parce que nous
ne pouvons pas rejoindre le prochain groupe pour le faire devancer. Donc, on va
reprendre nos travaux à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 42)
(Reprise à 14 h 36)
La Présidente (Mme Marois): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Si les membres le veulent bien, on va reprendre nos travaux. Je vais
souhaiter la bienvenue à la Corporation professionnelle des travailleurs
sociaux du Québec qui est représentée par un certain
nombre de ses membres, dont Mme Émond, la présidente.
Je vais vous demander, madame, de présenter les personnes qui
vous accompagnent. Ensuite, vous avez entre 15 et 20 minutes pour
présenter votre mémoire. Cette présentation sera suivie
d'échanges d'idées, de commentaires, de questions de la part des
membres de la commission avec vous et vos représentants.
Si vous le désirez bien, on vous entend.
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux
du Québec
Mme Émond (Marie): Je vous remercie, Mme la
Présidente de la commission parlementaire. M. le ministre, M. le
député de l'Opposition, mesdames et messieurs.
Je vais d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent.
René Pagé, qui est directeur administratif de la Corporation des
travailleurs sociaux du Québec, et, à ma gauche, Pierre Pinard,
qui est responsable du comité des enjeux, qui se penche sur les
principales questions sociales qui nous préoccupent comme
corporation.
Vous avez notre mémoire, qui est court. Je ne le relirai pas
parce que vous pouvez le parcourir pendant que je parie s'il y a des points
où vous voulez vous rafraîchir la mémoire. Compte tenu du
fait que c'est vendredi après-midi, je vous lirai donc un bref
résumé et nous essaierons, à trois, d'élaborer sur
des points particuliers qui n'ont pas été traités dans
notre mémoire.
La première chose qui nous a préoccupés comme
corporation professionnelle, c'est la question des principes
d'universalité et d'accessibilité qui ont été la
base des réformes depuis 20 ans au Québec. Qu'en est-il par
rapport à ces questions? Il est normal, après douze ans, qu'on se
préoccupe du coût de réformes qu'on a mises sur pied, mais
c'est tout de même sur les principes, comme travailleurs sociaux, qui,
traditionnellement, ne se préoccupent pas seulement de points
corporatifs, qu'on se pose des questions. Pour nous, ça reste important,
l'universalité et l'accessibilité.
Nous trouvions dans cet avant-projet de loi qu'on précisait
beaucoup les structures administratives, mais beaucoup moins les services
auxquels la population aura droit. Nous nous sommes donc posé la
question: Est-ce qu'on va avoir affaire à une déconcentration de
l'exécution ou à une véritable décentralisation de
la gestion des services? Peut-être est-ce que nous donnons des coups
d'épée dans l'eau en pariant de ça, étant
donné que ce matin, en regardant La Presse, nous avons vu qu'il y
était dit que le ministre voulait une réforme en profondeur.
C'est ce que nous espérons.
Ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est le fait que le mot "social"
semble avoir disparu de la formulation. Ça nous préoccupe, pas
seulement parce que nous nous appelons travailleurs sociaux, mais parce que
nous sommes profondément convaincus que, si on ne s'occupe pas de la
composante sociale, ce sera beaucoup plus coûteux et qu'il y aura une
dépersonnalisation
des services et que personne n'y trouvera son compte, ni la familIe, ni
l'individu, ni la société. Alors, il nous semble qu'il faudrait
réintroduire la dimension sociale de façon beaucoup plus directe
dans la politique qui existe. J'aimerais laisser parler René Pagé
de cette question du social.
M. Pagé (René): Dans la notion d'individu qui est
apportée dans l'avant-projet de loi, on ne retrouve pas comme on pouvait
le retrouver dans la loi actuelle les notions d'individus regroupés, que
ce soit au sein d'un couple, d'une famille, d'un groupe ou des
communautés qui étaient quand môme l'objet et le sujet de
loi. Blés sont importantes ces notions-là, pour nous, parce que
ça se situe justement dans une vision globale de la santé. On
peut prendre peut-être de façon plus concrète l'exemple du
développement de la politique familiale qui est une politique que
l'État québécois a développée depuis 1980;
nous sommes arrivés actuellement avec des résultats plus concrets
avec une loi, avec un Conseil de la famille et une préoccupation que dit
avoir le gouvernement pour l'ensemble des citoyens à ce
niveau-là.
Si, dans une loi aussi majeure, aussi importante et agissante sur la
santé de tout le monde, on n'inclut pas la famille, par exemple, comme
un objet dont on se préoccupe de la santé, c'est-à-dire
des individus qui la composent, des parents, des enfants, des familles
étendues également... On sait toute la question des personnes
âgées. C'est une des grandes préoccupations. La commission
Rochon l'a apportée. On la retrouve dans les orientations. Et la notion
également des groupes et des communautés. Il s'agit bien d'une
vision, non pas d'une vision abstraite, mais bien d'une réalité
prouvée sur laquelle lorsqu'on veut agir sur le milieu pour s'assurer
qu'une société est en santé - et on entend naturellement
le terme "santé" au sens où l'Organisation mondiale de la
santé l'entend, non pas seulement physique... Il faut quand même
que ces notions-là soient présentes d'abord, d'après nous,
par une volonté politique de l'intégrer dans un projet de
société. Et c'est dans les lois que les projets de
société se concrétisent. Alors, ces notions-là ne
sont pas dans la loi. Elles y étaient. Nous aimerions les revoir
à nouveau.
Justement concernant la question de la politique familiale, le
ministère de la Santé et des Services sociaux, qui est un
ministère crucial, qui a des budgets très importants, devrait
avoir un leadership majeur sur la politique familiale et donc intégrer
cette notion-là parce que, d'abord et avant tout, les gens auront des
enfants, élèveront une famille s'ils ont des conditions de
santé et des conditions sociales qui vont le permettre. Il s'agit d'un
ministère et d'une loi qui est majeure à ce niveau-là.
Elle doit assumer le leadership pour l'ensemble des autres ministères et
des politiques du gouvernement, à notre avis.
En terminant, sur une dernière notion, on parle également
de la question des groupes communautaires. Dans le respect de l'autonomie des
gens, qui a toujours été à la base de la réforme
des services sociaux et des services de santé, on a toujours soutenu,
comme travailleurs sociaux, la question de l'autonomie des gens, de leur
développement, de leur prise en charge. Nous croyons que c'est important
que cette notion demeure et qu'il y ait toujours une volonté du
gouvernement de soutenir les groupes communautaires, mais de les soutenir sans,
on dirait, les bureaucratiser, sans rendre les notions ou les structures trop
lourdes, ce qui empêcherait leur fonctionnement.
Souvent, ce sont des structures qui sont légères, ce sont
des initiatives de gens qui n'ont pas nécessairement une
spécialité en administration ou autre. Alors, que le gouvernement
soit un facilitateur et encourage, justement, cette question de groupes
communautaires, d'actions communautaires et qui seront complémentaires,
mais non pas nécessairement directement intégrés dans le
système. Je pense qu'il faut même l'éviter si on veut
soutenir cette créativité. Qu'on pense seulement à
l'origine des CLSC où ça a commencé avec des groupes de
citoyens, des préoccupations de santé. On est arrivés avec
des cliniques de santé puis, aujourd'hui, on a développé
une notion originale à ce niveau-là. (14 h 45)
Mme Émond: Je reviendrai à nos
préoccupations d'ensemble. Une question que nous avons c'est: Est-ce que
l'avant-projet de loi représente une volonté politique de
réduire les engagements de l'État en matière de services
de santé et de services sociaux? Si j'observe - et je suis en situation
de l'observer - de près, je prendrai le milieu hospitalier comme
exemple, je prendrai un deuxième exemple en médiation, je
prendrai un troisième exemple dans les bureaux de service social. Si on
observe la croissance en ternies de budgets, si on observe la croissance en
termes d'effectifs, on assiste à une croissance négative pour ces
milieux où les travailleurs sociaux sont traditionnellement bien
ancrés. Pourquoi?
Beaucoup d'argent et d'énergie ont été mis dans les
nouveaux projets, mais un vieux principe, c'est que les problèmes
fondamentaux restent là. Alors, je pense qu'il faut faire attention
d'assumer les effectifs de base, même si on réorganise et on se
relance dans de nouveaux projets. Cette croissance négative a des effets
néfastes sur la santé et le bien-être de la population. Je
n'entrerai pas dans une description détaillée, mais j'attire
l'attention sur la quantité d'effectifs et d'argent que ça prend
pour simplement assurer le maintien de ce qui existe déjà, ce qui
ne veut pas dire qu'il n'y a pas moyen de réorganiser de façon
plus efficace certaines problématiques à long terme, maintenant
que le
Québec s'est doté d'un système de santé et
de services sociaux qui fait l'envie d'autres pays, en Amérique du Nord
et dans d'autres provinces canadiennes. Je pense que c'est important de ne pas
dégarnir, d'assurer une croissance normale dans ce qui existe
déjà et de réorganiser non pas tellement les structures,
mais essayer de voir, maintenant qu'il y a un système installé,
comment ce système peut se suffire à lui-même de
façon plus efficace. Là-dessus, je laisserais peut-être la
parole à Pierre Pinard, parce que ça comprend aussi
l'évaluation des services qui existent.
M. Pinard (Pierre): Oui. Dans l'avant-projet de loi, on lit que
les départements de santé communautaire ont la mission
d'effectuer de la recherche dans le domaine de la santé. Cependant, dans
l'avant-projet de loi, on ne voit pas le pendant d'un mandat de recherche
sociale octroyé à qui que ce soit. À notre point de vue,
et je pense que la commission Rochon et les orientations en matière de
santé et de services sociaux le démontraient assez clairement, la
recherche sociale est pratiquement inexistante ou, en tout cas, très
pauvre. Ça nous préoccupe beaucoup. Nous pensons que nous devons
consentir des budgets pour que la recherche sociale s'effectue au
Québec: recherche d'évaluation de programmes, recherche-action,
mesure d'impact, mesure des résultats qu'on atteint. Je pense que vous
allez recevoir un autre groupe, en fin de journée, qui va vous parier de
ça, le Centre de recherche sur les services communautaires qui est sous
contrat avec la Fédération des CLSC et l'Association des CSS. Je
pense que c'est un mécanisme qui peut être intéressant.
Mais je crois aussi qu'on devrait allouer des budgets aux établissements
à caractère social pour qu'ils puissent aussi,
éventuellement, développer des recherches avec les
universités de leurs territoires. Ça se fait, je ne dirais pas
partout, mais ça se fait un peu dans plusieurs sous-régions de la
province, ces collaborations de recherche entre un établissement de
santé ou de services sociaux et les universités. Alors, nous,
nous pensons que ça devrait s'accentuer considérablement et,
possiblement, avec un mécanisme ou des mécanismes provinciaux de
coordination qui nous permettraient d'avoir accès à un bassin
plus large de spécialistes en sciences humaines. Alors, voilà
pour la recherche.
Mme Émond: II y a d'autres points spécifiques pour
lesquels nous avons un intérêt particulier et dont nous aimerions
parler. Un des points, la question des plaintes.
M. Pinard: Oui, parce que l'avant-projet de loi prévoit
que les plaintes seront confiées pour traitement à la
régie. À notre point de vue, les plaintes ont tout
intérêt à être traitées le plus près
possible du plaignant, c'est-à-dire du bénéficiaire. Et,
à notre point de vue, chaque établissement de santé et de
services sociaux devrait posséder, devrait développer son propre
mécanisme de plaintes parce que, dans les faits, à l'exercice, on
se rend compte que les plaintes, la plupart du temps, pour une très
grande proportion, sont réglées souvent entre l'intervenant
direct ou le supérieur immédiat et le plaignant, pour la plupart.
Alors, je ne pense pas qu'il y ait intérêt à ce qu'on
transfère ça aux régies. À ce moment-là, si
les établissements ont leur mécanisme de plaintes, la
régie pourrait intervenir comme recours, comme un second recours dans
des cas où les plaintes ne seraient pas résolues à la
satisfaction du plaignant.
Peut-être que je pourrais aussi continuer sur une des
préoccupations que nous avons concernant l'équité, la
répartition des budgets et l'équité interrégionale,
parce que c'est pour nous une préoccupation. À notre point de
vue, et l'avant-projet de loi le mentionne, on parle, on souhaite en tout cas
qu'il y ait une plus grande, une plus juste répartition des ressources
entre les régions. Nous, on souhaiterait que l'engagement, en ce
sens-là, soit beaucoup plus vigoureux, beaucoup plus formel, parce
qu'à notre point de vue il n'y a pas cette équité
interrégionale partout. On mentionne, par exemple, à titre
d'exemple, et je ne mentionnerai que celui-là, que la médiation
en matière de conflit familial n'existe qu'à Québec et
Montréal, alors que c'est un service auquel tout le monde devrait avoir
droit, normalement.
Donc, on parle d'équité interrégionale et
d'équité intrarégionale et, a ce moment-là, on
réfère à deux notions, l'équité entre
santé, à l'intérieur d'une région, et le social. On
sait, je pense que tout le monde sait que le social par rapport à la
santé ne fait pas le poids ou, en tout cas, les budgets sont beaucoup
moins importants, les effectifs sont moins importants et on craint qu'avec une
régionalisation cette équité-là soit difficile
à sauvegarder. On aimerait avoir des formes de garantie à ce
niveau-là. Donc, équité intrarégionale au niveau
santé sociale et équité aussi entre les programmes de
services aux différents clients.
Je vais donner un exemple, à mon sens, de services qui ne sont
pas équitablement répartis entre la population. Les services
offerts aux déficients adultes. Dans les services offerts aux
déficients adultes, on poursuit un objectif de développement
optimal de la personne déficiente, alors que, si on regarde les
objectifs en protection de la jeunesse concernant le développement des
enfants, ce que la protection de la jeunesse assure, c'est un
développement minimal. Il me semble y avoir là deux poids, deux
mesures dans la volonté de l'État qui est manifestée
à travers une loi à l'endroit de ces différentes
clientèles. Alors, on dit: À l'intérieur des
régions et même à la grandeur du Québec, il faut en
arriver à un traitement plus juste des différents programmes
de services aux clients.
Mme Émond: Donc, pour conclure, je résumerai en
disant que nous sommes préoccupés de continuation historique. Il
y a eu un service, dont on peut être fier, mis sur pied. Il est normal de
le réenligner mais évacuer le social, ne pas lui donner
l'importance voulue, constitue un recul pour une société.
Pour ce qui est de la décentralisation et de la
déconcentration qui était notre deuxième propos, il me
semble que vous avez déjà été sensibilisé
à cette question-là, donc je n'y reviendrai pas et je conclurai
en disant: Le social, toujours le social, encore le social. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Je commencerai par, d'abord, vous interroger sur la
recherche sociale. Peut-être n'est-ce pas clair dans le projet de loi ou
l'avant-projet de loi. À tout le moins, partons d'une base. Partons des
"Orientations" où, effectivement, aux pages 130 et 131, la recherche
sociale occupait une place assez importante et on en était à
élaborer un certain nombre de choses. Permettez-moi de vous les lire. Et
c'est là-dessus que je voudrais savoir votre opinion, si ça
risque de changer des choses ou non. Parce que si les orientations ne sont pas
bonnes à la base, le projet de loi ne sera jamais bon et si on ne
partage pas le même point de vue qui a été largement
inspiré de ce qui a été entendu lors des
différentes auditions, que ce soit lors de la commission Rochon ou de la
tournée de Mme Lavoie-Roux, à ce moment-là, on ne
réussira jamais à rien corriger. Mais, si, à la base, les
orientations sont bonnes, il y a de fortes chances qu'on se retrouve,
éventuellement, même si l'espace d'un projet de loi, que ce soit
loi ou règlement, est plus restreint sur le plan de traduire, en termes
législatifs, des éléments de recherche, donc l'espace est
plus restreint mais, à tout le moins, au niveau des orientations, on
devrait s'entendre.
Il était dit: "Pour le secteur de la recherche sociale, le
ministère propose trois mesures: "le Conseil québécois de
la recherche sociale mettra sur pied des programmes de bourses de formation
afin d'assurer un meilleur développement de la recherche sociale. Il
facilitera en outre l'organisation de stages prolongés en milieu de
pratique pour chercheurs universitaires ou jeunes diplômés; "le
Conseil québécois de la recherche sociale investira dans la
création et dans le maintien de postes de chercheurs à temps
plein pour garantir une plus grande permanence dans le développement et
l'organisation de la recher- che sociale. Ainsi, il financera des
équipes et des centres de recherche dotés d'une infrastructure
appropriée en nombre suffisant et en relation à la fois avec le
milieu de pratique et l'université; "pour parer au sous-financement et
comme mesure de rattrapage, le ministère augmentera la part du budget
réservée à la recherche sociale."
Je n'étais pas là, moi, donc je peux regarder ça
avec quelqu'un qui a peut-être un peu de recul. Je n'étais pas
là, moi. On me dit que c'est la base même de la discussion et que
ça "rencontrait" un certain consensus sur la réorganisation de la
recherche sociale en harmonie avec le Conseil qui a ces
responsabilités-là. Est-ce que sur cette base-là ça
vous apparaît être ce qu'il faut faire?
Mme Émond: J'ajouterais deux points. Je trouve le principe
très valable. Ce qui pour moi demeure important, c'est ce qui fera
l'objet de cette recherche-là. Est-ce qu'il y aura une évaluation
des services qui sont donnés actuellement? C'est une réforme qui
a été faite il y a douze ans, mais est-ce qu'on a
évalué qu'est-ce que ça donnait, ces services-là?
J'attire l'attention sur la nécessité de ce genre de recherche.
Deuxième chose, c'est que les principes sont beaux, mais j'aimerais voir
en termes d'argent à quoi ça correspond par rapport à
l'argent qui va être mis sur la recherche en santé et par rapport
aux sources de financement possible dans le domaine de la santé.
M. Côté (Charlesbourg): Et vous avez dit
tantôt: Le social est le parent pauvre et a toujours été le
parent pauvre...
Mme Émond: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): ..par rapport à la
santé.
Mme Émond: Alors, j'aimerais voir en termes de chiffres
à quoi ça correspond. Bien sûr, je ne peux pas être
en désaccord avec d'aussi beaux principes que ceux que vous...
M. Côté (Charlesbourg): Pardon?
Mme Émond: Je ne peux pas être en désaccord
avec d'aussi beaux principes que ceux que vous émettez, mais les deux
questions que j'ai, c'est: Ça correspondra à quoi en termes
d'argent réel et, deuxièmement, quel sera l'objet même de
cette recherche-là? Et j'observe qu'il s'agit de mettre sur pied toute
une infrastructure, mais la recherche se fera quand?
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais c'est plus que des
principes, ça dépend un peu de quel côté on se
situe. En tout cas, à tout le moins, lorsqu'on parle d'infrastructure,
l'infrastructure
peut assurer une permanence que l'on ne connaît pas maintenant.
Ça me paraît être un élément de base puisque,
jusqu'à maintenant, tout ce qui s'est fait, ce sont des contrats. Donc,
il n'y a pas nécessairement de lien. Il peut y en avoir, mais il n'y a
pas nécessairement de continuité de lien dans cette recherche.
Ayant moi-même une formation en histoire, la recherche, on en a fait un
petit peu; il faut qu'il y ait ce fil conducteur sur le plan de la recherche
et, évidemment, des sommes d'argent qui vont aller avec.
Évidemment, si je vous disais 5 000 000 $ demain matin, vous me diriez:
Ce n'est pas assez, c'est 10 000 000 $. Je comprends ça. Mais une chose
est certaine, c'est plus d'argent que ce qui y a été
consacré jusqu'à maintenant, ça m'apparaît
évident.
D'un autre côte, il ne m'apparaît pas évident
à moi que, pour ce faire et pour que ça se réalise, il
faut que ce soit dans un projet de loi. C'est peut-être la meilleure
manière de bien s'encarcaner et de ne pas être capable d'en sortir
éventuellement. Le projet de loi doit avoir un certain nombre
d'objectifs, certains énoncés dans la mécanique, et c'est
ce que les "Orientations" tentaient de bien camper. Je comprends que ce
n'était quand même pas si mal, mais qu'il s'agit de voir comment
ça va se traduire. Tout est toujours question de piastres et de cents,
évidemment, et l'argent devrait éventuellement suivre. Mais on
est dans un système qui a investi beaucoup, vous l'avez dit
tantôt, où ce que nous tentons de faire, c'est d'abord de voir ce
qui peut être alloué à nouveau à l'intérieur
du système. Je pense que vous n'aviez pas la chance d'être
là ce matin; on a appris qu'il y avait quand même un peu de
dédoublement dans le système, un petit peu beaucoup, et qu'il y
avait aussi des places où on pouvait sauver de l'argent pour être
capable de le réinvestir. Ça revolait ce i matin à coups
de 10 000 000 $ et de 60 000 000 $. On avait des exemples dans le domaine de la
santé où, évidemment, les risques sont plus grands compte
tenu des budgets. Ce que je comprends, à tout le moins, c'est qu'il y a
une base là qui peut être intéressante, qu'il y a des
fondations intéressantes. O.K.
Vous évoquiez beaucoup, dans vos propos de tout à l'heure
et dans votre texte, que le social est un peu absent du libellé de
l'avant-projet de loi. Je regarde l'article 1 et l'article 2. Il me semble y
avoir des éléments du social qui sont là; je ne sais pas
si vous avez une copie de l'avant-projet de loi. Ça me paraît
transpirer. À l'article 1, il est dit: "Le système de..."
Peut-être que ce n'est pas suffisant; vous avez juste à le dire,
ce n'est pas plus compliqué que ça. Je n'ai pas l'intention de
passer à travers les 400 articles, mais je veux bien saisir. L'objectif
n'est pas de dire: Le social, on l'évacué. On a parlé,
depuis le début - j'en ai parlé et je vais continuer à en
parler - de la prévention. Ça m'apparaît extrêmement
important de faire un virage de ce côté-là. Lorsqu'on a
discuté avec les milieux représentant la famille, hier, on a vu
qu'il est évident que la famille doit être au coeur de nos
préoccupations et de nos efforts sur le plan de la prévention et
sur le plan aussi de l'encadrement social. Je regarde les deux premiers
articles, parce que ce sont les plus faciles à aller chercher, et,
coudon, ça me paraît présent. J'aimerais vous entendre
davantage là-dessus parce qu'il y a peut-être une
incompréhension et, comme c'est un avant-projet de loi, je l'ai dit et
je le répète, tout ce qu'il mérite, c'est d'être
bonifié à la lumière de ce que vous allez nous dire. (15
heures)
M. Pinard: Non, M. le ministre, malheureusement, je n'ai pas
l'avant-projet de loi sous les yeux pour relire les articles. Effectivement,
dans les objectifs au départ, c'est assez global et assez
général. Évidemment qu'on a regardé ça avec
nos idées à nous et il nous a semblé retouver, dans
l'avant-projet de loi, beaucoup d'allusions directes à la santé,
à sa confirmation dans la structure, dans la recherche à travers
les DSC, mais on n'a pas retrouvé le pendant social de ça et
c'est ça qui nous Inquiète. On n'affirme pas
nécessairement qu'il n'est pas présent, mais il est moins
évident, et c'est ça qui nous inquiète beaucoup parce
qu'on a énormément cette préoccupation.
Évidemment, quand on parle de social, on déborde aussi.
Vous savez, autant que nous je pense, que les conditions économiques ont
une incidence directe et sur les conditions sociales et sur les conditions de
santé. Alors c'est à tout ça qu'on se réfère
quand on dit qu'on pense que le social est un peu trop absent, à notre
avis. En tout cas, c'est notre lecture. C'est beaucoup plus une
inquiétude qu'une affirmation d'un tort quelconque.
M. Côté (Charlesbourg): C'est davantage le "feeling"
que vous avez d'une lecture globale de l'avant-projet de loi.
M. Pinard: Oui. C'est ça. Comme tantôt, au niveau de
la recherche, évidemment, on avait souscrit aux orientations auxquelles
vous référez sur ces trois principes. Effectivement, je pense
notamment d'allier CQRS et les établissements, c'est extrêmement
prometteur comme développement de recherche. Je comprends qu'on ne peut
pas tout mettre dans un avant-projet de loi mais, pour nous, ce n'était
pas évident que vous y référiez aussi fortement que vous
venez de le faire. Je trouve ça rassurant de voir que vous vous y
référez et que vous avez une forme d'engagement
là-dedans.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je peux vous
dire qu'il n'y a pas de fermeture et c'est le but d'une commission
parlementaire comme celle-ci de vérifier un certain nombre de
choses.
Je prendrais peut-être universalité et
accessibilité. Je pense qu'il faut les distinguer. Universalité,
je ne suis pas prêt de partager votre point de vue. Il me semble que le
régime est encore assez universel et j'aimerais vous entendre davantage
là-dessus parce que je suis prêt à en partager un bout sur
le plan de l'accessibilité mats, sur le plan de l'universalité,
j'aimerais vous entendre de manière plus spécifique parce que,
pour moi, ça ne me paraît pas évident.
Mme Émond: Je vais vous donner des exemples concrets
à ce moment-là. Le principe demeure mais, dans les faits, il y a
une série de services qui ne sont plus disponibles pour certaines
personnes. Je vais prendre trois exemples, le premier est en santé
mentale. Étant dorme l'accent qui est mis, et c'est inévitable,
sur les malades souffrant de psychose et de troubles très graves, il est
à peu près impossible pour des gens qui souffrent d'un trouble
moins grave d'avoir des soins actuellement dans un hôpital psychiatrique,
la raison étant que toute l'attention est prise par la population plus
lourde. C'est donc une accessibilité toute relative puisqu'il faut
souffrir de psychose pour être suivi à ce moment-là. C'est
un peu cher comme prix.
Dans beaucoup de services sociaux, toute l'attention est prise par les
cas de protection d'abus sexuels. On peut toujours - mon dieu, qui n'a pas un
peu de violence dans sa famille - mettre l'action là-dessus et avoir un
service. Mais, si on ne fait pas ça, le service n'existe pas. C'est donc
une accessibilité qui est toute relative simplement parce que le
système est ainsi fait que certaines problématiques lourdes ont
drainé toute l'énergie. Il reste donc des poches de population
non couvertes. L'accessibilité est là sur papier mais, dans les
faits, ce n'est pas exact.
M. Côté (Charlesbourg): J'avais pris soin de vous
dire que, accessibilité, je partageais en bonne partie certaines
Inquiétudes, ne serait-ce qu'au niveau des listes d'attente. C'est une
accessibilité, oui, mais qui a quand même son temps d'attente,
avec tous les problèmes que ça suppose.
Évidemment...
Mme Émond: Je parie plus... C'est qu'il y a des endroits
où H n'y en a pas du tout.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Je comprends.
Mme Émond: On a beau attendre, il n'y en aura pas.
M. Côté (Charlesbourg): Accessibilité...
listes d'attente. J'ai acquis la conviction maintenant qu'il y a aussi un peu
une question de gestion.
On a un système qui s'est développé au fil des
années où on encourageait les listes d'attente, dans le sens que
ceux qui avaient des listes d'attente, ce sont ceux qui recevaient de l'argent.
J'ai des exemples aussi très précis à ce niveau-là.
Nous avons donc entrepris une démarche pour faire en sorte qu'il y ait
une meilleure gestion et un meilleur cadre d'intervention sans que la culotte
soit identique à Gaspé et à Saint-Jérôme. Il
y a tout de même un ensemble de mesures qu'on doit tenter d'uniformiser
au niveau de l'intervention de nos CSS. Ces mesures-là permettent
déjà de faire sentir et de faire voir que la liste d'attente peut
s'atténuer.
Au fil des années, je vous ai entendu dire tantôt:
Rareté de ressources, peut-être moins d'argent. C'est plus ou
moins vrai aussi, il n'y en a peut-être pas assez, mais il n'y a pas eu
de réduction de budget au niveau des CSS.
Mme Émond: Là-dessus c'est que, si vous voulez,
comme il y a eu des nouvelles problématiques de
développées, la plus évidente et la plus éclatante
étant, par exemple, la protection de la jeunesse, ça veut dire
que d'autres endroits plus traditionnels - je prends le service social
hospitalier - les postes n'ont pas été renouvelés. Alors,
il y a eu une croissance dans certains secteurs, mais il y a eu certains
secteurs où la croissance a été négative. Puisqu'on
parle de santé, c'est très lié à la santé ce
secteur-là.
M. Côté (Charlesbourg): sauf que vous allez admettre
avec moi que la capacité de payer a quand même ses limites et vous
êtes probablement, comme payeur de taxes, la première à le
dire.
Mme Émond: Je le dis quelquefois aussi. Je suis consciente
que ce n'est pas facile, mais j'attire votre attention sur ce fait. Même
s'il y a eu des sommes d'argent très importantes, beaucoup de services
développés, il y a eu certains secteurs qui ont été
stagnants et même une croissance négative.
M. Côté (Charlesbourg): Si demain matin j'avais des
choix à faire, je vous le dis honnêtement, définitivement -
je l'ai dit et je l'affirme, puis on va le prouver éventuellement - on
peut, au niveau de la santé, là où on est dans le curatif,
par l'élimination de la duplication, par l'élimination de
certains abus, trouver des sommes, les réallouer. Possiblement que mon
choix demain matin, ce serait: D'abord prévention, et que ça
pourrait aller là. C'est pour ça que tantôt, lorsque vous
pariiez de médiation familiale, aussi, c'est vrai que c'est important,
c'est vrai que ça ne doit pas être uniquement Québec et
Montréal, mais l'ensemble du Québec.
Quant à moi, si j'avais un choix demain matin de
disponibilités sur le plan financier dans la réforme, les
premiers sous seraient affectés à
la prévention, parce qu'on est dans le curatif. Dans nos CSS, on
est aussi dans le curatif. Quand on parle de curatif dans la santé, on
est dans le curatif aussi dans le social. C'est ce virage-là qu'il faut
tenter de faire, mais il n'est pas facile à faire, et quand on se pose
la question du comment, là ça devient encore plus
compliqué. Évidemment, c'est avec une question de piastres et
cents où on devra mettre davantage l'emphase sur une prévention
très large à ce niveau-là, et je pense qu'on pourrait
finir par y arriver.
Je vous pose ma dernière question... 0 minute? O.K.
La Présidente (Mme Marois): Votre dernière
question, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Vous qui êtes des
observateurs de chaque jour de cette grande structure qu'est le
ministère avec ses établissements, est-ce que vous croyez qu'il y
a effectivement duplication ou pas? S'il y a duplication dans les services? On
en parle assez souvent: CLSC, CSS, département de santé
communautaire. Est-ce qu'il y a duplication?
Mme Émond: Je vais laisser mes deux compagnons
répondre. Moi, je dirais que ce n'est pas dans le domaine strictement
social. Ce n'est pas la duplication qui me frappe, c'est plutôt une
coordination difficile entre différents services dans le domaine qui
m'occupe.
M. Côté (Charlesbourg): C'est pour ça que la
notion de plan de services prend son sens sur le plan de la continuité
des services.
Mme Émond: Moi, je suis aussi préoccupée par
le coût quand on coordonne trop aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, sauf que, dans
certaines occasions où on en est, on ne coordonne pas, puis ça
coûte cher aussi.
Mme Émond: Oui, mais quelquefois je pense à
Montaigne qui préférait se faire voler un peu par son valet,
plutôt que de prendre tout le temps que ça prend pour surveiller
chaque sou. Alors, il y a un équilibre difficile entre laisser de
l'initiative pour répondre et coordonner tellement que c'est très
coûteux et on arrive à une structure trop compliquée. Ma
zone de préoccupation est plus là que dans la duplication.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne suis pas sûr que
Montaigne avait un budget de 10 400 000 000 $.
La Présidente (Mme Marois): Tout est relatif.
M. Pagé (René): Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Pagé.
M. Pagé (René): Une dernière: Lorsqu'on
parle de la continuité des services, justement, on sait qu'il y a eu des
projets très intéressants au Québec, dans le sens
où il y a une responsabilisation de chacun des établissements.
C'est-à-dire que, si un bénéficiaire se présente
dans quelque établissement ou quelque service du ministère que ce
soit, on lui assure qu'on va faire une démarche avec lui, évaluer
très sommairement sa situation et au moins le référer
à un établissement qui peut lui donner le service ou, encore
mieux, l'orienter.
Je pense que si on parle de début d'un plan de services
individualisé, ça commence par ça et non pas de dire aux
bénéficiaires: Bien, ce n'est pas ici qu'on donne le service, ce
qui est malheureusement parfois le cas où les gens vont quasiment
magasiner, tourner en rond. Si on parie de duplication, il y a peut-être
le danger de celui-là, si on accepte et que chacun des
établissements accepte de s'impliquer auprès des personnes qui
viennent les voir parce qu'elles ne savent peut-être pas où
entrer. Il y a tellement d'établissements que, parfois, c'est assez
compliqué. Il faut connaître le système.
Déjà, ce serait beaucoup et ça se fait.
La régionalisation, là-dessus, peut apporter, j'en suis
sûr, d'excellents résultats parce que les établissements
peuvent se parler entre eux, échanger des projets, des protocoles
très simples - ce n'est pas parce que ça s'appelle un protocole
que ça doit être compliqué - qui permettraient, qui
assureraient la connaissance des ressources du milieu et des régions.
Comme travailleurs sociaux, on réfère très souvent les
gens. On travaille beaucoup avec le milieu en plus de travailler avec les gens
qui sont là. On travaille avec le milieu aidant, le milieu
référant et ça, ça nous semble, en termes de
duplication, majeur à ce point de vue-là.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. le
député de Verdun, vous aviez une question.
M. Gautrin: Brièvement, Mme la Présidente, je vais
revenir sur la question de la recherche sociale. Vous avez signalé
l'importance de la recherche sociale, toujours aussi préoccupés
pour éviter ies duplications. Comment voyez-vous les liens ou y a-t-il
duplication entre le Conseil québécois de la recherche sociale et
le fonds FCAR, comme on dit, qui finance aussi une partie de la recherche?
Est-ce que, d'après vous, il y a raison de maintenir deux organismes
subventionnâmes pour subventionner la recherche dans des champs qui
peut-être sont identiques?
M. Pinard: Je m'excuse, je ne pourrai pas répondre
à votre question parce que je ne suis pas techniquement suffisamment
informé quant à la constitution des deux; notamment, le
deuxième.
Le CQRS, je le sais un peu plus.
M. Gautrin: Je reposerai ma question aux gens qui viendront cet
après-midi.
M. Pinard: Oui, je pense que ça serait
préférable.
M. Gautrin: Probablement que ça serait plus pertinent
à ce moment-là. Merci.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Merci, Mme la Présidente. Moi,
j'aurais une couple de petites questions. On a parlé de la
prévention. Il semble que, si M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux trouve un petit peu ie moyen d'avoir de l'argent, il en fera
un choix. J'aimerais savoir comment, dans le concret, vous voyez ça
faire de la prévention? Comment est-ce que ça peut s'articuler
dans le concret? Est-ce que ce serait mettre l'argent ou l'emphase, si on veut,
sur des campagnes au niveau national, sur des thèmes précis, par
exemple, je pense au sida, aux MTS et autres, ou encore si ce serait
plutôt dans le sens de faire du cas-par-cas ou du travail quotidien?
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Émond: Je crois qu'H faut les deux. Il faut des
regroupements par problématique, à partir d'intervenants dans le
milieu, mais aussi de gens... Par exemple, vous parlez du sida, il y a du
travail qui peut être fait à partir de gens atteints, de groupes,
de familles. Ça peut être coordonné par les intervenants.
Il faut des interventions à plusieurs niveaux, à mon avis.
Mme Carrier-Perreault: Est-ce que vous en "priorisez" l'une ou
l'autre? De façon particulière, vous iriez vers quoi en
premier?
Mme Émond: Je crois qu'en 1990 nous avons un ensemble de
ressources et il faut utiliser un ensemble de ressources et de mesures. Je
crois qu'U ne faut pas oublier, cependant, l'approche individuelle, mais
possiblement utiliser plus les individus par la suite qu'on ne le fait
actuellement.
M. Pinard: Est-ce que je peux essayer d'apporter un
complément a cette question? Moi, je pense que la prévention
devrait être axée sur ce que Santé Québec a
appelé les déterminants de la santé et élargir
beaucoup plus largement sur ce à quoi je faisais allusion tantôt,
toutes les conditions socio-économiques. Je pense qu'il faut agir
là-dessus si on veut effectivement prévenir la
détérioration du tissu social et des conditions sociales. Je
pense qu'il faut aller sur les déterminants de la santé et des
conditions sociales.
(15 h 15)
Maintenant, pour être dans le milieu des affaires sociales depuis
une vingtaine d'années, ce qui s'avère toujours le plus difficile
en termes de prévention, c'est lorsqu'on essaie d'appliquer ce concept
aux groupes à risques. D'abord, c'est ceux-là qu'on ne rejoint
pas. On le sait, même si on fait des pieds et des mains pour les
rejoindre, ils sont très difficilement accessibles, ils se laissent
très difficilement percer par la prévention. Finalement, c'est
à eux qu'on devrait s'intéresser en premier. Mais je ne pense pas
qu'on ait de formules toutes faites. Je n'en connais pas qui possèdent
des formules toutes faites pour rejoindre les groupes à risque et avoir
sur eux un impact évident, majeur. Ça demeure une question
extrêmement complexe. Par exemple, on a des services de
périnatalité à peu près partout; les CLSC en
donnent beaucoup. Mais les très jeunes mères, les mères de
milieux défavorisés, les femmes qui risquent de donner naissance
à des enfants de petit poids sont difficiles à rejoindre, puis,
une fois qu'elles ont été rejointes, sont difficiles à
garder dans un circuit de services. Il n'y a pas vraiment de recettes toutes
faites, à mon point de vue.
Mme Carrier-Perreault: D'accord. Dans un autre ordre
d'idées, dans votre mémoire, à la page 5, vous parlez des
ressources humaines. Vous dites: "Nous déplorons que la formation, la
qualification et l'encadrement... ne soient pas mieux énoncée".
Vous dites aussi qu'il y aurait lieu de prendre des engagements de rattrapage
plus articulés. J'aimerais que vous m'expliquiez ce que c'est, pour vous
autres, des engagements de rattrapage plus articulés.
Concrètement, est-ce que vous pariez de stages? J'aimerais que vous
m'expliquiez ce bout-là aussi un petit peu plus.
M. Pinard: Je peux essayer d'y aller. Je pense à
l'enseignement pratique, le mandat d'enseignement pratique que les
établissements ont en collaboration avec les universités, pour
lequel on n'a à peu près pas de financement ou si peu, ou
très peu. Je pense aussi à la formation en cours d'emploi, une
fois au travail. Je pense que, dans les orientations, il y avait des
pourcentages; la commission Rochon en donnait et les orientations revenaient
là-dessus. La masse budgétaire consentie au niveau de la
formation en cours d'emploi est très minime dans le domaine de la
santé et des services sociaux comparativement à d'autres
secteurs. On se référait notamment à ça, à
ce que nos programmes de formation en cours d'emploi soient beaucoup mieux
garnis, beaucoup plus étoffés, mieux organisés. C'est
ça qu'on voulait dire.
Mme Carrier-Perreault: D'accord.
La Présidente (Mme Marois): Une autre question?
Mme Carrier-Perreault: J'en ai une autre petite. Vous en aviez
une, Mme la Présidente?
Tantôt, vous avez fait un petit peu allusion à la
protection des bénéficiaires. Vous avez parlé de la
régie régionale comme possibilité de recours. Il y a des
gens qui nous ont parlé de la Commission des affaires sociales comme
possibilité de recours. Il y en a d'autres aussi qui nous ont
parlé du Protecteur du citoyen, le Protecteur du citoyen qu'on
connaît, en élargissant le mandat du Protecteur du citoyen, en le
mettant en région ou quelque chose comme ça. J'aimerais savoir
comment vous voyez ça, vous autres, la protection des
bénéficiaires par rapport, justement, au Protecteur du
citoyen.
M. Pinard: Si je pars d'un point de vue très concret,
parce que, moi, j'en traite des plaintes dans rétablissement où
je suis, les plaintes qu'on a, par exemple, ça part de: Moi, je n'aime
pas l'intervenant, le travailleur social que j'ai, je voudrais changer. Je ne
vois pas très bien ce que le Protecteur du citoyen va faire avec
ça, ou d'autres instances provinciales. Ça, je pense que
ça se règle à la base. Un client qui n'est pas satisfait
de la fermeture de son dossier ou de ce qu'on lui a dit qu'on ferait avec lui,
encore là, je pense que ça se règle beaucoup plus
près de lui qu'à un niveau provincial; je pense qu'on perdrait du
temps et des énergies. Je pense qu'en fin de compte le plaignant, il ne
poursuivrait pas sa démarche jusqu'à la fin si on
l'empêtrait dans des mécanismes très laborieux ou
très élaborés. Moi, je pense que c'est toujours mieux de
procéder plus simplement, quitte à donner des recours s'il y a
insatisfaction, et d'aller vraiment le plus près possible du
bénéficiaire. À mon sens, c'est une règle d'or.
Mme Carrier-Perreault: Quand vous dites ça, vous faites
référence aux comités des bénéficiaires,
vous faites référence aux ombudsmans qui existent dans les
établissements? Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous dites:
Plus près de la base?
M. Pinard: C'est dans ce sens-là. Je pense que le
responsable de premier niveau traite les plaintes qui concernent ses
employés. Il y a des recours à l'intérieur des
établissements. Bon. Et il y en a plusieurs de même, on peut
remonter très loin. Mais ça existe à l'intérieur
des établissements.
Mme Carrier-Perreault: Parmi ces groupes-là, on a
rencontré, entre autres, le groupe des ombudsmans. On a vu aussi les
comités de bénéficiaires qui nous ont expliqué
vraiment un malaise par rapport à l'autonomie. Disons qu'on sait que,
dans les établissements où il y a des ombudsmans, ils se
rapportent évidemment à un D.G. par rapport au lien
hiérarchique, si on veut...
M. Pinard: Oui.
Mme Carrier-Perreault: ...de leur fonction. Au niveau du
comité de bénéficiaires, on a le même
problème, le même malaise au niveau de l'autonomie, si on veut,
étant donné que le financement vient des établissements.
Alors, ne pensez-vous pas que ça crée un problème?
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Émond.
Mme Émond: Je pense que ce système existe depuis
une douzaine d'années. C'est un peu comme le représentant des
usagers dans un établissement. C'est un phénomène
relativement nouveau et il arrive que les gens ne soient pas à 100 %
à l'aise là-dedans. Je pense que ce n'est pas en enlevant la
présence là que ça va régler le problème.
Bien au contraire, ça va l'empirer. Je pense que, si les ombudsmans ont
l'occasion de se rencontrer, d'échanger entre eux, ils vont
développer des façons de devenir autonomes, mais c'est un
processus où il doit y avoir une continuation et ce n'est certainement
pas en mettant... En enlevant le recours immédiat, on tombe dans le
risque, à ce moment-là, de légaliser les procédures
qui sont beaucoup plus coûteuses.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Pagé.
M. Pagé (René): J'apporterais un complément,
simplement, pour avoir été proche de comités de
bénéficiaires dans les milieux psychiatriques. Effectivement, ce
n'est pas en enlevant ces structures-là qu'on pourra régler un
problème et en les mettant dans une structure a l'extérieur.
C'est évident qu'il y a des conflits, des objectifs différents,
des difficultés, je dirais, de vivre ensemble sous le même toit,
mais c'est peut-être comme ça qu'on apprend la
réalité et qu'on la dénonce. Il faut voir qu'il y a des
problèmes, les gens vont dénoncer les problèmes et les
gestionnaires, les responsables vont devoir répondre à ces
questions-là. C'est comme ça que toute situation se
développe dans toute société. Ce n'est jamais dans
l'harmonie totale, c'est toujours où il y a crise, où il y a
conflit qu'on finit par dénoncer des situations et apporter des
changements. Ce qui était correct voilà 25 ans ne l'est plus et
n'est plus acceptable aujourd'hui, mais le contexte a changé. Je pense
que c'est une évolution normale qui se fait à ce
nlveau-là. Il y a quand môme un ensemble de mécanismes qui
sont là. Au contraire, je pense qu'il faut que ces comités de
bénéficiaires ou les comités des usagers soient
renforcés.
Il y a d'autres mécanismes qui existent
encore et qui sont peut-être mal connus et, comme corporation,
nous avons cette responsabilité de protection du public. En autant que
les gens sont membres de leur corporation, parce que nous sommes une
corporation à titre réservé, on assume la protection du
public. Nos membres sont régis par un code de déontologie et une
loi de l'État. À ce moment-là, s'ils ne s'y conforment
pas, tout citoyen, tout collègue, toute personne peut porter plainte. Il
y a différents types de mécanismes qui existent et qui peuvent
apporter des solutions, selon la gravité. Un peu comme on le disait tout
à l'heure, ce n'est pas pour avoir, moi aussi, traité des
plaintes de bénéficiaires... Parfois, il y a des plaintes
très fondées par rapport à des actes inacceptables ou des
choses comme ça, mais, parfois, c'est par rapport à des
situations de vécu personnel. Ça, d'après moi, il ne faut
pas traiter ça, je dirais, d'une façon juridique. Il faut partir
de la personne, de ses besoins, de ce qu'elle désire. Si on dit qu'elle
est au centre du système, n'allons pas mettre une décision qui
est trop loin d'elle. Les gens ne se serviront pas, à notre avis, de
structures qui sont trop longues, trop difficiles et trop loin d'eux. C'est
l'expérience que nous avons.
Mme Carrier-Perreault: non, je veux être bien claire,
l'idée de ma question, ce n'est pas dans le but d'enlever les
comités de bénéficiaires...
M. Pagé (René): Non, non.
Mme Carrier-Perreault: ...ce n'est pas du tout ça, c'est
comment améliorer, si on veut, cette situation-là pour
éviter ce malaise-là. Je me demandais si vous aviez des
solutions.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci, Mme la
députée.
Deux questions, je vais les poser en même temps. Une
première. Vous affirmez, dès le départ de votre
intervention, de votre mémoire, vous dites: II semble y avoir un parti
pris pour la santé. Bon, le ministre dit: Quand on regarde les budgets
alloués proportionnellement, etc. Mais de tout temps, je dirais, il y a
eu quelque part, dans la perception qu'on a eue ou dans l'action que l'on a
eue, un parti pris, effectivement, pour un appareillage plus lourd, etc.
Fondamentalement, qu'est-ce qui est la cause de ça? Un, c'est ma
première question qui est d'un ordre, évidemment, plus
global.
La deuxième, plus précise: Vous n'avez pas réagi,
tout à l'heure, quand le ministre a dit: Pour assurer la
continuité qui est un des problèmes majeurs dans les services
sociaux, on le sait, un peu partout, on parle de plans de services. À
ça, vous n'avez pas réagi beaucoup. Est-ce que ça vous
apparaît l'avenue de solution ou s'il y a d'autres perspectives qui
pourraient se développer ou d'autres moyens qui pourraient être
utilisés?
M. Pagé (René): J'aurais peut-être deux
réponses brèves à vos deux questions. D'une part,
concernant la santé et le social, par mon expérience dans les
milieux hospitaliers, ce dont on se rend compte - c'est peut-être du fait
que ce n'est pas une évidence même - on sait, depuis très
longtemps et pas seulement ici, on le sait en Europe, on le sait partout, que
lorsqu'on intervient auprès d'une personne qui fait un infarctus du
myocarde, lorsqu'on intervient immédiatement lors du premier infarctus,
on diminue énormément des coûts sociaux et des coûts
de santé parce qu'il y a toute une dymani-que qui joue autour de
ça. C'est une maladie invisible, intérieure qui ne se voit pas.
Il y a toute une culture, je dirais, autour de la maladie cardiaque et,
pourtant, le tiers, actuellement, de nos citoyens meurent de cette
maladie-là. Ce service-là n'existe pas, pourtant c'est
prouvé scientifiquement, c'est prouvé à Barcelone, dans
les grands instituts de cardiologie; ça se fait ici, pourquoi ça
ne se fait pas où on traite les gens qui souffrent de maladie cardiaque,
où on ne voit pas le conjoint dès les premiers jours? Parce qu'il
y a toute une dynamique familiale. Il y a l'emploi, il y a le logement parfois,
les enfants qui sont mis face à cette situation-là de perdre le
parent. On peut imaginer tout l'impact que ça va avoir à
l'école pour les enfants, toutes ces choses-là. Je n'ai pas une
réponse directe, mais une réponse indirecte. Ce n'est pas
évident. Et la preuve c'est qu'on a développé... Je pense
que ça commence à changer maintenant. On ouvrait un nouveau
système de médecine. On oubliait d'y mettre le budget. Parce que
le budget partait et allait à l'hôpital. Mais l'hôpital ce
n'était pas le CSS, bon, quand ce n'était pas
transféré. Donc, le CSS n'avait pas l'argent pour mettre, je
dirais, un autre spécialiste des sciences humaines. Je ne parie pas que
des travailleurs sociaux. Mais la dimension, je dirais, psychosociale
n'était pas pourtant dans le budget, semble-t-il. L'argent était
inclus pour ces aspects-là. Quand on a pensé faire les greffes de
moelle et tout ça, on a comme oublié et on prend ça dans
les effectifs. Mais le temps d'effectif qu'on prend et qu'on met là, on
l'enlève d'ailleurs.
Quand on pariait de croissance, tout à l'heure, et de bonne
duplication et de gestion, je pense qu'il faut réserver, je ne dis pas
la majeure, c'est évident... mais qu'on pense à cet
impact-là quand même. Si on développe de nouvelles
technologies, les nouvelles technologies ont des impacts majeurs. Quand vous
prenez quelqu'un qui vient de 800 milles de Montréal, qui vient ici et
que c'est un enfant, et que c'est une greffe, et que ça dure des
semaines, et il y a les parents, et tout ça et il y a le frère
qui va donner la moelle, vous imaginez l'impact social que ça peut avoir
cette question-là? Je pense qu'il faut des ressources. Il faut de
l'aide
pour ces gens-là et tout ça.
Dans la deuxième question, concernant le plan de services, comme
travailleurs sociaux on a eu à développer des interventions qui
tenaient compte de ces aspects-là. On vient dans le domaine de la
santé parce qu'on y est. La santé physique n'est pas notre
spécialité, c'est bien évident. Par contre, lorsqu'on
travaille avec les gens de la santé physique, les travailleurs de la
santé physique, notre rôle spécifique à nous, c'est
d'apporter l'avant, le pendant et l'après de l'hospitalisation et tous
les impacts de ce qui s'y passe. Alors, c'est évident qu'on a dû
développer des méthodes qui ne s'appelaient pas
nécessairement plans de services, mais qui tenaient compte des
différents besoins, des différents niveaux de besoins des
individus concernés et des établissements concernés et
d'une collaboration entre... du maintien à domicile et autre chose.
C'est évident qu'on est d'accord avec un principe de
continuité de services de cette façon-là. Et ça
peut se faire entre établissements quand les rôles de chacun sont
respectés et bien précisés. C'est important.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Ça va?
Mme Émond: J'aurais peut-être deux petits
commentaires. Votre première question est très
intéressante, le parti pris pour la santé. C'est une question...
Nous avons, nous aussi, de longs débats là-dessus et je serais
tentée de vous faire parvenir un ouvrage que nous avons fait sur le
travail social et la santé au Québec où nous essayons de
répondre à cette question-là.
La Présidente (Mme Marois): Ce sera bienvenu.
Mme Émond: Dans une perspective historique, aussi dans une
perspective... Je donnerais juste deux petits points là-dessus. La
santé préoccupe tout le monde. Les services sociaux, une partie
de leur travail a trait à une population défavorisée.
Ça fait que l'ensemble de la population se situe différemment par
rapport aux deux problématiques. Enfin, il y a beaucoup d'autres raisons
à ça, mais je donnerai seulement ces deux points là.
Pour la question du plan de services, j'ajouterais... plan de services,
pour moi, c'est un mot très abstrait. Il faut que je voie de quoi II
s'agit. Il y a des plans de services qui peuvent assurer la continuité
de façon excellente. Il y a certains plans de services qui ont
été essayés dans certains pays où c'a
été désastreux. Alors pour moi c'est comme parier de
planification stratégique; quand je n'ai pas vu le contenu, je ne peux
pas me prononcer.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Ça va? Merci
de votre présentation et de votre contribution aux travaux de la
commission.
J'inviterais maintenant des représentants et
représentantes du Syndicat professionnel des acupuncteurs et
acupunctrices du Québec, s'il vous plaît, à bien vouloir
venir nous présenter leur mémoire. Alors, Mme Ouimet? C'est
ça. Bonjour. Bienvenue à la commission. Si vous voulez
présenter la personne qui vous accompagne.
Mme Ouimet (Renée): C'est Serge Quenne-ville, qui est
vice-président à l'information au syndicat. (15 h 30)
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Vous nous
présentez votre mémoire, une vingtaine de minutes. Après
ça on a un échange d'idées avec vous.
Syndicat professionnel des acupuncteurs et
acupunctrices du Québec
Mme Ouimet: Alors, ce qu'on va vous présenter c'est un peu
qui on est comme syndicat, la situation des acupuncteurs au Québec, un
peu l'historique vraiment bref parce que ce n'est pas tellement connu:
l'acupuncture comme méthode de traitement et prévention,
l'intégration des médecines alternatives dans le système
de santé, le public et ses droits. Donc, le droit à l'acupuncture
et nos recommandations.
Alors, au Québec, en ce moment, il y a environ 700 acupuncteurs,
700 acupunctrices. Ces acupuncteurs ne pratiquent pas tous à temps
plein, mais il y a comme trois gros organismes qui sont le: Syndicat
professionnel des acupuncteurs, l'Association d'acupuncture du Québec et
l'Association des acupuncteurs inscrits au registre de la Corporation des
médecins; ce sont présentement les trois gros organismes qui
gèrent les acupuncteurs. En plus de ça, il y a des acupuncteurs
qui ne font partie d'aucune association.
Le syndicat, lui, a été créé en 1987, n'est
pas sorti comme ça de toutes pièces, mais fait suite à un
rassemblement d'acupuncteurs et au Conseil général des
acupuncteurs du Québec qui étaient des regroupements de lutte
pour notre autonomie et notre reconnaissance. Les objectifs au syndicat sont
entre autres l'autonomie et la reconnaissance parce qu'on sait que,
présentement, les acupuncteurs sont sous la tutelle de la Corporation
des médecins; regrouper les acupuncteurs, essayer d'avoir une formation
universitaire éventuellement, avoir une corporation à champ
exclusif, promouvoir l'acupuncture et informer, protéger le public.
Pour nous, il était essentiel de venir présenter un
mémoire aujourd'hui parce qu'on sait que les médecines
alternatives sont encore peu connues au Québec. Mme Lavoie-Roux, dans
son document "Orientations - Pour améliorer la santé et le
bien-être au Québec", abordait un
peu, mais vraiment très peu, la place des médecines
alternatives, mais on s'est rendu compte que dans l'avant-projet de loi on ne
voyait plus rien dans ce sens-là et que ce n'était plus
abordé. Alors, aujourd'hui on peut vous sembler des professionnels
voulant défendre nos propres intérêts, mais nos objectifs
sont plus larges que ça. On veut aborder aujourd'hui la place des
médecines alternatives et de l'acupuncture dans le système de
santé québécois et, étant donné que la
population, de plus en plus, recourt à ces services-là,
l'évolution sociale face à ces médecines, parce qu'on sait
que le Québec est en transformation dans ce sens-là, et la
possibilité que ces médecines ont de prévenir des maladies
et donc de réduire les coûts de santé
éventuellement. En ce sens, il est clair pour nous que le système
de santé doit répondre aux besoins en évolution en
matière de santé. Donc, commencer à se transformer en ce
sens-là. Il est essentiel pour nous que la future loi doive envisager
l'équité, l'universalité et l'accessibilté des
services et qu'elle permette l'amélioration aussi des qualités de
vie des citoyens et citoyennes.
On ne va pas aborder tous les sujets qu'on pourrait aborder aujourd'hui,
mais on va les laisser à d'autres organismes, tels la gestion et la
répartition des budgets, le salariat des médecins, les objectifs
à privilégier en matière de santé, bon, les
rapports de forces qui pourraient exister à l'intérieur des
régies régionales. On considère qu'il y en a bien d'autres
que nous qui vont aborder ces sujets-là.
Au niveau de l'acupuncture, l'acupuncture existe au Québec depuis
environ 1967, du moins de façon connue et visible. Il y a eu
différents regroupements et différentes écoles qui ont
existé et les acupuncteurs ont toujours voulu la reconnaissance de leur
profession. On sait qu'il y a eu des dissensions et des divisions au sein des
acupuncteurs et ça ça a toujours créé des
problèmes mais, bon, de plus en plus, les acupuncteurs essaient de
s'associer.
En 1977, on a été intégrés à la Loi
médicale et pour nous ça ça n'a rien réglé.
Pour nous l'évaluation de la situation a dû être faite de
manière très partielle à l'époque et n'a pas
été réévaluée avec l'évolution du
système de santé ou l'évolution un peu des
mentalités de la population par rapport aux médecines
alternatives. Pour nous, la loi assujettit l'acupuncture à une autre
profession. Elle empêche son développement, elle en fait une
technique. Elle crée aussi différents types d'acupuncteurs parce
qu'il y a des acupuncteurs médecins, il y a des acupuncteurs non
médecins et des acupuncteurs qu'on dit illégaux parce qu'on est
plusieurs à avoir refusé de passer l'examen de la Corporation,
non parce qu'on ne veut pas être évalués mais parce qu'on
ne veut pas être sous la tutelle d'une autre corporation. Et, en ce sens,
ça n'a pas permis de protéger le public parce qu'on trouve encore
des acupuncteurs de toutes les catégories. Bon, presque tous les
acupuncteurs au Québec sont en accord avec l'autonomie professionnelle
et la reconnaissance, c'est-à-dire avec une corporation professionnelle
à champ exclusif D'ailleurs, en ce sens, on a déposé une
demande de corporation à la fin de décembre 1989, à
l'Office des professions.
Pour nous et selon nous, l'acupuncture est une médecine
thérapeutique préventive et peut être une médecine
de première ligne. Le travail de l'acupuncteur se fait en faisant
l'évaluation énergétique d'une personne,
c'est-à-dire en regardant la personne, en prenant son pouls, en
observant sa langue, en regardant son maintien, en parlant de ses conditions de
vie, de ses conditions sociales, de ses conditions économiques aussi.
C'est une médecine globale dans ce sens-là parce que l'individu,
dans son entier, est pris en considération et c'est seulement en ayant
toutes ces informations qu'on arrive à poser un véritable
diagnostic et à traiter. On s'est rendu compte qu'en acupuncture on peut
évaluer des déséquilibres énergétiques bien
avant que les maladies apparaissent. Donc, en ce sens-là, on peut
prévenir des maladies quand on se rend compte qu'il y a
déjà des déséquilibres; on peut prévenir des
problèmes de santé éventuels.
L'acupuncture renforce aussi le système de défense. Suite
à des traitements, on s'est rendu compte qu'on a beaucoup de clients qui
vont faire moins de crises d'asthme, qui n'auront plus de problèmes de
haute pression ou beaucoup moins et qui vont avoir moins de rhumes et moins
d'allergies. On peut intervenir dans plein de problèmes qu'on appelle
des problèmes chroniques actuellement. Elle fait appel à un
processus d'autoguérison et elle diminue aussi la dépendance face
aux moyens extérieurs de guérison. Il est possible de
prévenir la prise de médicaments et beaucoup d'hospitalisations
et de chirurgies. On traite des gens de tous les âges. On peut intervenir
sur des problèmes musculo-squeiettiques, des problèmes
cardiovasculaires, du système reproducteur, du système
respiratoire, etc. Mais vous savez bien, comme moi, que l'acupuncture n'est pas
une panacée universelle et qu'elle a ses limites aussi qui sont les
limites du code génétique, l'héritage chromosomique, les
limites du client qui vient nous voir et les limites des thérapeutes
aussi. Je vous répète que ça peut être une
médecine préventive, curative et une médecine de
soulagement pour bien des maux comme l'arthrite ou des problèmes
chroniques qui existent.
Pour nous, ce serait essentiel qu'il y ait un travail conjoint entre les
professionnels de la santé et qu'il y ait une éventuelle
intégration de l'acupuncture dans le système de santé qui
permettrait d'intervenir avant que des médecines plus dures soient
envisagées. On considère qu'au Québec on investit beaucoup
plus dans la maladie que dans la santé et qu'il existe peu de
collaboration entre le système de santé et les méde-
cines alternatives. Si les deux pouvaient être liées,
peut-être qu'on pourrait parler un peu plus d'intervention au niveau de
la santé. Il y a plusieurs médecins qui nous
réfèrent des clients seulement quand ils n'ont plus de solution
et quand ils considèrent qu'ils ne savent plus quoi faire avec ce
monde-là qui va les voir en clinique. Mais on pourrait intervenir bien
avant ça et il y aurait alors peut-être moins de consommation
inutile de consultations médicales. On sait que 80 % des maladies
maintenant sont chroniques et qu'on doit réenvisager les modes
d'intervention en ce sens-là.
Pour nous, prévenir signifie informer, édu-quer, rendre
les services accessibles, donner des outils concrets pour améliorer sa
santé, donner les moyens pour comprendre le processus de la maladie afin
qu'on puisse intervenir sur notre maladie, mais prévenir, c'est aussi
intervenir sur les conditions de vie, les conditions de travail, les conditions
économiques, etc. Pour nous, le nombre d'interventions et
d'hospitalisations et le nombre de visites médicales inutiles pour des
problèmes chroniques diminueraient si l'acupuncture et d'autres
médecines alternatives aussi étaient utilisées par le
système de santé. Donc, ça pourrait être une
économie pour l'État. C'est sûr qu'il y a des études
concrètes à faire, mais ce sera à envisager
éventuellement.
En ce qui a trait à l'intégration des médecines
alternatives dans le système de santé, c'est sûr que cette
intégration questionne les structures sociopolitiques du système
de santé et les mentalités, actuellement. On arrive mal encore
à voir la possibilité d'un travail multidis-ciplinaire et la
complémentarité des approches entre les différentes
médecines. Pourtant, on sait qu'une législation se doit
d'être adaptée à la réalité sociale de la
population, même si cela implique des changements et des changements dans
les rapports de forces aussi qui existent. On sait qu'il y a plusieurs groupes
d'usagers, tels l'association québécoise pour la promotion de la
santé, RAPSI, qui est plus un groupe de praticiens mais qui
intègre aussi des usagers, les cercles de fermières; ce sont tous
des groupes qui voient d'un bon oeil l'intégration des médecines
alternatives dans le système de santé.
Selon nous, le gouvernement doit reprendre en main l'analyse de ce
qu'est la santé globale sans la laisser aux seules mains des
médecins qui la voient bien souvent de façon réductrice.
La médecine est souvent utilisée comme une médecine de
rapiéçage, c'est-à-dire où on n'arrive pas à
faire de la prévention, mais on va plus traiter en donnant des
médicaments ou en faisant dos chirurgies sans trop trouver la sourco des
problèmes.
On sait aussi qu'au Québec les mentalités se transforment
et les gens revendiquent une médecine plus globale. Il est essentiel,
dans l'éventuelle loi, qu'on prenne en considération
l'acupuncture et les médecines alternatives afin de diminuer l'impact
des problèmes de santé qui compromettent l'équilibre,
c'est ce qu'on voit à l'article 2 de l'avant-projet de loi, afin de
favoriser la participation de tous les intervenants des différents
secteurs d'activité dont l'action peut avoir un impact sur la
santé et le bien-être - on retrouve ça à l'article 3
du projet de loi - et afin de rendre accessibles de réels services de
santé complets, ce qu'on retrouve à l'article 2.
C'est sûr qu'il y aura des recherches qui devront être
faites ou des recherches existantes qui devront être prises en
considération afin d'évaluer les enjeux sociaux, politiques et
économiques avec l'intégration de l'acupuncture dans le
système de santé. La réalité de l'acupuncture et
des médecines alternatives est une réalité qui existe
déjà et qu'on ne peut plus nier, mais les individus n'ont
absolument aucun support dans leur démarche, c'est-à-dire qu'ils
sont rarement référés, ils ne savent pas qui aller voir et
ils ne savent souvent pas quelle médecine choisir aussi et on sait qu'il
peut y avoir des abus en ce sens. Les services n'existent que dans le secteur
privé et sont donc inaccessibles pour une grande partie de la population
qui n'a pas le choix et doit continuer a se médicamenter et à
souffrir quand, souvent, les médecines alternatives pourraient
intervenir. C'est sur la qualité de vie qu'on veut intervenir comme
acupuncteurs.
Au niveau de la population, actuellement la population n'a pas un
réel droit à la santé. Le système de santé
actuel traite principalement la maladie et les médecins ont le monopole
de la santé au Québec. La population n'a pas le droit
légal d'avoir recours à d'autres médecines que la
médecine allopathique puisque, selon la Loi médicale, seuls les
médecins ont le droit de diagnostiquer et de déterminer un
traitement. Alors, la liberté de choix de la population est
brimée puisque, en ce sens, elle n'a pas le droit de consulter d'autres
praticiens en médecine alternative.
D'ailleurs, on se rend compte que, quand des personnes rentrent à
l'hôpital, ils n'ont absolument plus aucun pouvoir. S'ils ont envie de
consulter leur praticien en médecine alternative, ce n'est pas possible.
Ou ils doivent demander à leur médecin ou au conseil des
médecins et dentistes des hôpitaux et le choix ne leur revient pas
à eux ou à elles, mais bien au médecin qui choisit si
c'est possible ou non. Donc, la population n'a pas le droit de choisir.
Le fait de pouvoir gérer sa santé sans s'en remettre
totalement à un pouvoir extérieur on ayant l'information, le
choix et en pouvant participer à son plan de soins serait pour nous une
façon de réduire les coûts parce que ce serait une
implication réelle des gens dans leur propre cheminement.
Jusqu'ici, les priorités, les orientations en matière de
santé ont été décidées par le pouvoir
central, c'est-à-dire le gouvernement, sans aucune consultation
à la base. C'est sûr que quelquefois il y a des groupes qui sont
consultés, mais les enjeux sont tellement grands et les individus qui
sont à la base sont rarement eux-mêmes consultés. Ce
même type de pouvoir est repris quand on parle de santé parce que
les plans de soins sont déterminés sans aucune véritable
consultation des clients et des clientes.
Pour terminer, nous allons vous faire part de nos recommandations que
vous avez déjà. Étant donné que la population veut
avoir accès aux médecines alternatives et que la liberté
de choix de la population est essentielle, étant donné qu'un
travail de collaboration entre les différentes médecines pourra
offrir une meilleure qualité de vie et étant donné que
l'acupuncture offre des réponses à plusieurs problèmes de
santé auxquels la médecine n'a rien à offrir, on
recommande que le règlement concernant l'acupuncture dans la Loi
médicale soit aboli afin que notre profession ne soit plus assujettie
à une autre profession et qu'elle devienne une profession autonome hors
de la tutelle des médecins. Que soit modifié l'article 31 de la
Loi médicale afin que la population ait le droit de gérer sa
santé et de consulter qui elle désire. Que soient
coordonnées dès maintenant des recherches sur les enjeux sociaux,
politiques et économiques de l'intégration de l'acupuncture dans
le système de santé québécois, afin qu'elle soit
intégrée dans la prochaine loi sur la santé et les
services sociaux. Que l'acupuncture fasse partie intégrante des services
offerts à l'intérieur du système de santé
éventuellement. Qu'elle soit considérée dans
l'élaboration de tout plan de soins comme les autres médecines
alternatives, c'est-à-dire que les gens puissent avoir un réel
libre choix de gérer leur santé en connaissance de cause et que
le gouvernement envisage des structures et une loi permettant un travail de
collaboration réelle entre différents professionnels de la
santé. (15 h 45)
Pour terminer, on veut juste spécifier qu'on n'a toujours pas
d'intervenant spécifique au MSSS et qu'on aimerait bien, les
acupuncteurs, savoir à qui parler quand on téléphone au
ministère de la Santé et des Services sociaux. On sait qu'il doit
y avoir aussi une éventuelle commission sur les médecines
alternatives, puis on aimerait qu'éventuellement le gouvernement se
positionne là-dessus et que la commission ait lieu. Alors c'était
un résumé de notre...
La Présidente
(Mme Marois): de votre
mémoire. nous vous remercions de votre présentation. m. le
ministre de la santé et des services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Ça me reporte aux débats qu'on a eus ou
à la commission parlementaire qu'on a eue, fin 1989, sur les
sages-femmes où les médecines alternatives sont venues nous faire
une démonstration qu'il y avait une montée, de toute
façon, de l'exigence de la part de la population. On en veut de ces
médecines douces ou alternatives ou thérapies douces ou
alternatives. C'est un peu ça que reconnaissait le document de Mme
Lavoie-Roux, sans nécessairement se commettre quant à
l'inclusion, dans un avant-projet de loi, de la reconnaissance. Pour bien
être clair, ce à quoi Mme Lavoie-Roux s'est engagée,
c'était de tenir une commission parlementaire sur les médecines
alternatives. Je l'ai réitéré moi-même lors de la
commission parlementaire sur les sages-femmes, souhaitant la tenir à
l'automne 1990 ou au début de l'hiver 1991, de façon à ce
qu'elle se tienne, et elle va se tenir, mais elle ne se tiendra pas sur
n'importe quoi, n'importe comment et n'importe quand. Elle devra se tenir dans
un processus très clair, bien balisé, où c'est d'abord et
avant tout la protection du public dont il sera question et comment le faire.
Évidemment, on va y arriver. Là, on a quand même des gros
morceaux sur la table a ce moment-ci et on va tenter de cheminer avec ce que
nous avons, mais éventuellement il y aura une commission parlementaire
au plus tard au début de l'hiver 1991. si j'en reviens à votre
document de présentation, à la page 7, au niveau de la formation
des membres, vous nous dites que tous les acupuncteurs et acupunctrices de
votre groupement ont une formation d'au moins 1200 heures dans l'acupuncture;
61 % de vos membres ont une formation de niveau universitaire; 26 % ont une
formation de niveau collégial; 11 % une formation de niveau secondaire
complété. de plus, 51 % de vos membres ont une formation
supplémentaire en santé. quand on parle de formation
universitaire à 61 %, est-ce que c'est connexe dans le domaine
santé, biologie?
Mme Ouimet: Ce n'est pas nécessairement connexe au domaine
de la santé.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'il y a une
ventilation de cette formation-là?
Mme Ouimet: On ne sait pas exactement le nombre de membres qui
ont une formation spécifique universitaire dans le domaine de la
santé. Non, ça, on ne ie sait pas, sauf que nos critères
de sélection sont à peu près les mêmes que ce qui
est exigé au niveau gouvernemental. Ce qui est demandé par la
Corporation des médecins, c'est 1000 heures, 1200 heures de formation en
acupuncture, sans autre formation. Nos exigences à nous sont à
peu près les mêmes pour être membre.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai vu quelque part en
lisant le document, au niveau de la reconnaissance au cégep
Maisonneuve-Rosemont d'une technique en acupuncture que, si j'ai bien compris,
vous dénoncez, puisque, pour vous, un
peu à rabais, et co n'est pas ce quo vous souhaitez.
Mme Ouimet: Non.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, si j'ai bien saisi
aussi, dans l'évolution de la situation, il y a maintenant
l'Université du Québec à Trois-Rivières qui
revendique la possibilité d'offrir le cours sur le plan universitaire.
Avez-vous la même réaction vis-à-vis le niveau
universitaire que vous avez vis-à-vis le niveau collégial?
Mme Ouimet: Bien non, c'est nous qui avons entrepris les
démarches avec l'Université du Québec à
Trois-Rivières afin qu'éventuellement il y ait une formation de
niveau universitaire. Donc, c'est clair que c'est ce qu'on veut. Le niveau
cégep, la raison pour laquelle on réagit, c'est que ça
maintient l'acupuncture à une technique et l'acupuncture n'est pas une
technique, c'est une médecine. Au Québec, on a toujours
appelé l'acupuncture acupuncture, mais c'est un jeu sur les termes parce
que, dans le fond, ce dont on parle, c'est de médecine traditionnelle
chinoise et c'est un cours de médecine traditionnelle chinoise qu'on
voudrait à l'université. En ce sens-là, l'acupuncture est
une technique dans la médecine traditionnelle chinoise qui, elle, inclut
l'acupuncture, la moxibustion, des exercices énergétiques, la
pharmacopée chinoise, etc.
Donc, on est tout à fait d'accord avec le cours de
l'université si l'Université du Québec et lo gouvernement
sont on accord avec tel type de formation. C'est nous qui avons entrepris les
démarches.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, vous
dites: Si le gouvernement... Mais je pense qu'on n'est pas seuls dans ce
bateau, c'est pour ça que je m'informais. Il y a le Conseil des
universités...
Mme Ouimet: Oui, c'est ça, c'est la première
étape.
M. Côté (Charlesbourg): C'est la première
étape, mais c'est peut-être la plus importante aussi.
Mme Ouimet: Mais notre démarche a été
d'abord de demander un certificat de perfectionnement en acupuncture parce
qu'on s'est dit que ça allait être plus accessible.
Éventuellement, ce qu'on aimerait, c'est que de certificat ça
devienne un bac en médecine traditionnelle chinoise. Mais je pense qu'on
aura éventuellement, au Québec, à se pencher et à
réfléchir à des formations universitaires en d'autres
types de médecines que la médecine allopathique parce que c'est
une réalité qui existe. Le problème, au Québec,
c'est qu'il n'y a pas d'école et, souvent qu'il n'y a pas de formation
adéquate.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que des
démarches sont entreprises au niveau de la conférence des
universités?
Mme Ouimet: Non, pour l'instant c'est encore au stade de
l'Université du Québec, comme tel.
M. Côté (Charlesbourg): À la page 20, lorsque
vous évoquez, en particulier, la carte d'assurance-maladie, je veux
qu'on relise ça ensemble parce que je vous trouve audacieuse, j'aime
autant vous le dire. Et je ne passe pas nécessairement pour celui qui
défend les médecins - vous lirez Actualité
médicale qui est sortie hier, vous allez vous en rendre compte -
mais il y a une chose qui est certaine, c'est que, jusqu'à maintenant,
je pense qu'il n'y a personne de mieux préparé pour faire un
diagnostic que les médecins. Il faut quand même reconnaître
que ceux qui sortent de nos universités, spécialistes ou omnis,
ont une formation de longue haleine et une très bonne expérience.
Il faut, à tout le moins, leur reconnaître cette formation et
cette capacité. En tout cas, moi, je n'en connais pas d'autres - si vous
en connaissez d'autres, vous me le direz - de mieux placés pour faire un
diagnostic, qui n'est pas à toute épreuve, parce que ce sont des
humains, mais à ce niveau-là. C'est pour ça que je le
relis avec vous parce que je trouve ça chargé, très
chargé. Vous dites: "En ce qui nous concerne, cette forme de
rémunération déshumanise les soins de santé. En ce
sens, l'on sait que les client-e-s sont vu e s en consultation à un
rythme d'environ six à l'heure. Sur ce nombre, la science
médicale ne sera réellement pertinente et efficace que dans 20 %
à 30 % des cas, disent certains - J'aimerais bien savoir qui, parce que
c'est une affirmation bien générale qui mérite
d'être supportée - Les problèmes soumis aux médecins
dans 70 % des cas sont diagnostiqués comme d'origine psychosomatique ou
de stress, c'est-à-dire justement là où la science
médicale ne peut vraiment servir et là où bien des
médecines alternatives peuvent être bénéfiques.
"ainsi donc, environ 70 % des patient-e-s qui paient leurs consultations
reçoivent comme réponse, soit: on ne peut rien faire pour vous,
soit une prescription de médicaments. la forme de
rémunération serait donc à revoir ainsi que le choix des
pratiques rémunérées par l'état."
J'aimerais bien vous entendre davantage là-dessus parce que je la
trouve chargée comme affirmation.
Mme Ouimet: Au niveau de la déshumanisa-tion des soins,
effectivement, je considère que, quand on voit six clients à
l'heure, on ne peut pas avoir une pratique très humaine. Quand on veut
discuter avec les gens, qu'on veut prendre le temps de prendre en
considération leur santé
physique, économique, en tout cas d'avoir une vision un peu plus
globale de leur santé, à six à l'heure, c'est impossible,
et vous avez l'air d'accord avec moi pour ça.
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est la partie
la plus facile à expliquer.
Mme Ouimet: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): L'autre aussi..
Mme Ouimet: Je commence par la partie la plus facile.
M. Côté (Charlesbourg): La fin du premier paragraphe
aussi, je n'ai pas beaucoup de problèmes avec ça parce que
ça peut être vrai.
Mme Ouimet: La fin du premier, voulez-vous dire les
problèmes psychosomatiques?
M. Côté (Charlesbourg): "...c'est-à-dire
justement là où la science médicale ne peut vraiment
servir et là où bien des médecines alternatives peuvent
être bénéfiques." Je pense que oui. Il y a des exemples
où les médecines alternatives peuvent être
bénéfiques.
Mme Ouimet: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Mais le centre du
paragraphe, avec le deuxième...
Mme Ouimet: Oui. Quand on dit que la science médicale ne
sera efficace que dans 20 % à 30 % des cas, on parle de: efficace en
dehors de médications et de... C'est-à-dire que la personne va
sortir du bureau du médecin, va être satisfaite, va avoir une
réponse à son problème de santé et va pouvoir s'en
retourner chez elle et avoir une meilleure qualité de vie. En ce sens,
on sait qu'il y a énormément de problèmes - c'est ce qui a
été dit un peu plus tôt - un grand pourcentage, maintenant,
de problèmes de santé qui sont des problèmes chroniques
et, à ça, la médecine a peu de réponses, à
part des médicaments. Bon. C'est à peu près tout ce qu'il
y a comme réponse pour les problèmes chroniques. Les
médecines alternatives ont des réponses. C'est sûr qu'on
peut dire qu'il faudrait qu'il y ait des recherches scientifiques qui soient
faites là-dessus. Mais, dans nos cliniques, on s'est rendu compte
souvent qu'on pouvait améliorer la qualité de vie en dehors des
médicaments, pour des types de problèmes de santé qui sont
de cette catégorie-là.
M. Côté (Charlesbourg): Parce que "disent certains",
on ne l'a pas précisé Mais, si jamais vous avez l'occasion de me
confirmer ça et de me faire savoir c'est qui "disent certains",
j'apprécierais.
Mme Ouimet: Je vais vous trouver ça.
La Présidente (Mme Marois): Si vous voulez intervenir, M.
Quenneville, vous pouvez le faire.
M. Quenneville (Serge): Je peux peut-être intervenir sur ce
point-là...
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez!
M. Quenneville: ...essayer de l'éclaircir. Je ne pourrai
pas répondre exactement, je n'ai pas participé à la
rédaction comme telle du contenu. J'essayais de voir dans quelle ligne
de pensée allait la discussion et je me disais: II y a peut-être
des choses sur lesquelles ce serait intéres sant de revenir. Quand on
parle, nous, d'une part, d'un diagnostic, on parle d'un diagnostic qui fait
référence à un bagage théorique très
différent de ce que l'approche biomédicale donne aux
médecins, en milieu universitaire. On ne veut pas dire que les
médecins ne seraient pas capables de faire des diagnostics de type
énergétique, sauf que ça demande un bagage qui nous
apparaît aussi, sinon peut-être plus lourd, théoriquement,
à posséder. Il faut voir qu'on parle d'une médecine qui a
plusieurs milliers d'années, dans laquelle s'est développé
tout un niveau de connaissance, contrairement à la médecine
allopathique qui est beaucoup plus récente. Donc, de ce point de vue
là, c'est intéressant de creuser un peu plus cet
aspect-là. Ce qui fait que l'appropriation même du diagnostic...
Nous, on peut le poser. Les médecins sont peut-être bien
placés pour faire un diagnostic, dans leur bagage théorique, sauf
que, d'après nous, ils ne sont pas nécessairement les mieux
placés. Compte tenu du prisme avec lequel ils tentent de décrire
la réalité de la santé et de la maladie, ils ne sont
peut-être pas les mieux placés pour refaire une gymnastique
intellectuelle pour percevoir un diagnostic différemment. Donc, il y a
cet aspect-là.
Les gens qui sont intéressés d'abord à
l'acupuncture, ce sont des gens qui n'avaient pas une formation très
rigide au niveau diagnostic. C'est-à-dire que ce sont des gens qui
pouvaient avoir une certaine élasticité théorique. Ce sont
les infirmières, entre autres, qui ont pu s'approprier ce
bagage-là, en partie, et d'autres intervenants du domaine de la
santé aussi. Ça, c'est une chose. Ce qui fait que, quand on
regarde aussi la maladie et le traitement, la guérison ou les soins, on
va les regarder d'un point de vue différent, comme acupuncteurs, aussi.
D'une part, on ne fera pas de distinction entre des problèmes qui sont
d'ordre mental et des problèmes qui sont d'ordre physique. Il y a une
intégration dans ça, dans nos interventions, qui fait que le
diagnostic intègre ces deux volets de la personne.
L'autre chose que je voulais ajouter, c'est
que, quand on parle d'origine psychosomatique, pour nous, ça
devient assez important en pratique clinique parce que, justement, on ne fait
pas cette distinction-là. Le bagage ou l'outil théorique, en
médecine chinoise, permet d'aborder l'individu avec cette approche qu'on
considère, en Occident, comme psychosomatique, mais qui a d'autres
termes dans la médecine traditionnelle chinoise qui, je le
répète, ne sépare pas le mental du physique, dans
l'approche de l'individu. Cette originalité, pour nous, de perception de
la personne, de la maladie et de sa santé, d'après nous, a
avantage, d'une part, à être sortie du volet médical, du
pouvoir médical actuel et a avantage à intégrer le
réseau avec ses particularités propres. Et là, il y a un
enjeu qui, pour nous, est politique et très législatif aussi, un
cadre juridique qui empêche le développement. Ça, je pense
que c'est un outil qui est offert au gouvernement, actuellement. Je pense que
c'est carrément un rapport très direct entre le gouvernement ou
entre l'État et la Corporation des médecins sur ce
point-là, qu'il y a un enjeu très direct au niveau des services
offerts à la population quand on parle des médecines douces et de
la reconnaissance de ces médecines douces aussi. (16 heures)
Là, il y a un problème, parce qu'on a rencontré
l'Office des professions dernièrement... On s'aperçoit qu'il y a
un problème quand on parle de reconnaissance des médecines
douces. Encore là, on aborde ou on tente de justifier la ,
reconnaissance de ces médecines-là ou de prouver leur
efficacité avec un coup d'oeil très biomédical, avec,
encore là, un regard ou un prisme biomédical qui, curieusement,
coupe la réalité que les médecines douces tentent
d'intégrer. Alors, il y a là comme un cul-de-sac au niveau autant
de l'Office - l'Office a un gros problème sur les bras là-dessus
s'il continue de tenter de prouver scientifiquement les médecines
douces... Je pense que sur ça il y a des recherches à faire. Si,
éventuellement, il y a une commission parlementaire ou une commission
d'étude sur les médecines douces, je pense que,
préalablement à une commission comme celle-là, il devrait
y avoir des équipes de scientifiques, de gens qui sont
intéressés par la méthode scientifique et qui devraient se
pencher là-dessus et apporter des outils à la commission, avant
que cette commission-là se tienne, pour avoir vraiment, non pas
retrouver ce cul-de-sac à l'intérieur de la commission parce
qu'on risque de revenir intervenir avec les mêmes personnes et se
retrouver dans le même débat, mais pour élargir justement
ce débat-là et avoir des outils très concrets
là-dessus.
Je pense que la Corporation des médecins n'a pas
nécessairement intérêt à aller chercher ce genre
d'étude là, ce genre de travail là parce que ça
remet effectivement en question l'approche biomédicale au niveau de la
santé et donc ça remet en question la place des médecins
dans ce réseau-là.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est un
débat qui risque d'être très large parce que, quand on
parle de médecines alternatives ou de thérapies
alternatives...
La Présidente (Mme Marois): Thérapies alternatives,
nous a-t-on dit ce matin.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça, oui.
Évidemment, il y en a qui font peur, il y en a qui font moins peur, il y
en a qui dérangent parce que c'est clair que, selon nos habitudes,
ça peut déranger un peu. Mais vous avez suffisamment piqué
ma curiosité pour faire en sorte de raffermir mes positions quant
à la tenue d'une commission parlementaire. On m'informe qu'il y a une
recherche, actuellement, et aussi de manière pratique, qui est à
se faire, à se finaliser en Ontario et qui serait peut-être
terminée, disponible au moment où on aura notre commission
parlementaire. Ce serait peut-être intéressant de les faire venir
pour avoir cette expérience pratique que personne d'autre ne pourrait
contester.
Mais je retiens qu'il faut faire un peu de travail avant de faire la
commission parlementaire pour qu'on ne discute pas uniquement du
théorique, mais qu'on puisse arriver avec des choses vraiment
concrètes. On va se revoir comme ça, j'en suis pleinement
convaincu, d'ici un an. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Merci, Mme la Présidente. J'ai une
couple de petites questions. Par rapport à la médecine... Vous
dites que vous faites de la médecine préventive. On trouve
ça intéressant, quand on parle de prévention, on trouve
justement qu'il serait important qu'on se penche de ce
côté-là. J'aimerais que vous me donniez quand même
quelques exemples de ce que vous faites au niveau de la médecine
préventive, vraiment de prévention comme telle.
Mme Ouimet: Prévention, je le vois largement. On peut
faire de la prévention, c'est-à-dire faire un suivi avec des gens
qui viennent régulièrement, quelques fois par année, et
où on équilibre l'énergie, ce qui fait que les gens ont
bien moins de problèmes de santé. Je pense à des clients
ou des clientes qui sont venus, qui avaient des problèmes d'asthme ou
des problèmes d'anémie, où on est arrivés à
intervenir et à diminuer beaucoup les problèmes de santé.
Ça, c'est à long terme, mais on arrive à prévenir
des chutes ou des rechutes en maintenant un suivi et une continuité dans
les traitements.
On pourrait faire de la prévention comme telle, juste en voyant
les gens... Ça, dans
l'histoire chinoise ancienne, les Chinois étaient payés,
les acupunteurs chinois étaient payés seulement si les clients
étaient en santé; c'est-à-dire les clients allaient voir
les acupuncteurs régulièrement, les acupuncteurs faisaient une
rééquilibrage énergétique; c'est ça, ceux-ci
étaient payés seulement si leur patient n'était pas
malade. Donc, en ce sens-là, ça peut prévenir des
problèmes de santé.
À la suite de ça, on peut prévenir aussi la prise
de médicaments, ce qui, pour moi, est de la prévention aussi. On
peut intervenir dans des problèmes, on a vu de bons résultats
dans des problèmes de haute pression, on a eu, des fois.... Quand je dis
ça, je ne veux pas dire que c'est une panacée universelle parce
qu'on n'a pas des résultats dans tous les problèmes de haute
pression et dans tous les problèmes d'hyper-thyrotdie, mais on a souvent
des résultats dans les problèmes de haute pression, qui va
revenir à une pression normale, dans des problèmes
d'hyperthyroïdie, dans d'autres problèmes où il peut y avoir
des... bon, l'asthme où on peut être pris, à un moment
donné, à prendre des médicaments durs. Ça, pour
moi, c'est un type de prévention, aussi. Et on peut prévenir les
chirurgies aussi qui peuvent être de différents types, pour des
problèmes de genoux, pour des problèmes de vésicule
biliaire, bon, etc., des problèmes d'utérus, des fibromes, des
hémorragies. Ces trois chosés-là, pour moi, sont trois
types de prévention différents mais font toutes partie de la
prévention.
Mme Carrier-Perreault: D'accord. Je sais qu'il y a des gens aussi
qui utilisent vos services dans le cas de... bon, des gens qui veulent
arrêter de fumer, par exemple. Je ne sais si au ministère
ça existe, des chiffres sur le coût d'un fumeur? Au niveau de la
santé, on sait qu'un fumeur est une personne à risque. On ne le
sait pas?
M. Côté (Charlesbourg): II y a certainement des
coûts. Je ne les connais pas. Mais je peux fouiller ça pour notre
prochaine réunion. Je suis convaincu que ça existe.
Mme Carrier-Perreault: Non, c'est parce que j'aimerais ça,
savoir combien ça coûte pour quelqu'un qui décide
d'arrêter de fumer, d'aller voir un acupuncteur. À peu
près, là. C'est pour faire une espèce... Quand vous allez
avoir des chiffres, on va pouvoir comparer.
Mme Ouimet: Je vais laisser Serge répondre à
ça. Mais c'est juste pour revenir sur la prévention. On fait, les
acupuncteurs, une médecine préventive aussi parce qu'on fait une
médecine globale. C'est-à-dire, quand on fait notre acupuncture
de façon correcte, on ne va pas voir les individus rapidement mais on va
aussi faire une évaluation de tout leur état de santé et
leur état social. C'est sûr qu'au niveau social c'est difficile
d'intervenir. Mais on va regarder l'individu dans sa globalité puis on
va voir où on peut intervenir avec lui ou avec elle et de quelle
façon elle peut aussi arriver à changer des choses dans sa vie.
Donc, c'est sûr que l'acupuncture agit comme technique et comme
médecine, puis qu'il y a aussi notre type d'intervention qui prend la
personne dans sa globalité, qui est aussi un type d'intervention comme
tel
Mais je te laisse répondre sur la cigarette.
M. Quenneville: Sur la question de la cigarette même, je ne
penserais pas qu'il y ait des études actuellement bien précises
là-dessus. Mais nous autres, ça nous fait rire un petit peu parce
que c'est souvent l'exemple qu'on va donner. C'est quand même
intéressant parce que le tabagisme, ça peut être un
problème, puis on sait les coûts qui peuvent être
reliés à ça. Mais, effectivement, il semble y avoir une
certaine efficacité de l'acupuncture sur ça. Ça semble
aussi très difficile à prouver très directement parce que
le tabagisme, ce n'est pas juste un problème de santé comme tel.
C'est un problème d'attitude, de comportement et il y a un tas d'autres
composantes dans l'environnement de la personne qui font qu'elle peut continuer
ou arrêter de fumer.
Mais ceci dit, j'aimerais mieux revenir sur la question même de la
prévention. Ce qui peut être intéressant peut-être
à aborder, je pense, en tout cas au niveau de l'oeil qu'un acupuncteur
peut avoir par rapport à la prévention, c'est que le processus de
santé, de maintien de la santé chez l'individu va être
d'abord vu comme un processus d'autoguérison, d'autorégulation.
L'acupuncteur, dans son mode d'intervention, il va essayer d'intervenir le
moins possible là-dessus. Ce qui fait qu'à la limite la meilleure
prévention, c'est le moins d'intervention possible. Ce qui va dire une
prise de conscience de l'individu de sa propre condition et des propres
éléments autour d'elle, de la personne, qui va faire qu'elle va
pouvoir, par elle-même, réassurer un maintien de sa santé,
et être capable de - excusez l'anglicisme - "dealer" avec des contraintes
relationnelles, des contraintes extérieures. Ce qui fait que vous devez
être des gens probablement très en santé, mais il y a des
gens qui sont beaucoup moins capables que vous - peut-être pas - de
"dealer" avec, justement, des contraintes extérieures.
Donc, en termes de prévention, encore là c'est un regard
très différent parce que la médecine.. ou même au
ministère, on va tenter. Tantôt j'écoutais les gens parler.
On parle beaucoup d'intervention au niveau de la prévention. Si on le
regarde d'un autre oeil, on pourrait parler de non-intervention, le moins
possible auprès des gens, donc d'outiller les gens. Et c'est un
processus de couper la dépendance des gens au niveau des intervenants.
Et là, il y a des
intérêts qui peuvent entrer en jeu, en ligne de compte
à ce niveau-là. Ce qui fait que, dans cette optique-là,
l'acupuncture n'est pas nécessairement une médecine qu'on veut
voir prendre place parce qu'elle permet, cette vision de l'individu, sa propre
prise en charge et son propre processus d'autoguérison. Ce qui fait
aussi que, par exemple, tous les effets iatrogènes qui peuvent
être reliés à des modes d'intervention extérieurs,
qu'on parle de la médication chimique ou qu'on parle d'interventions
très biomédicales, ces effets iatrogènes, en acupuncture,
souvent, on a à travailler d'abord, à retravailler les gens... On
a souvent des patients qui nous arrivent avec ces effets-là d'abord.
Avant d'aller toucher le problème de santé, on va d'abord
travailler ce qu'il y a eu comme effets iatrogènes au niveau des
traitements, au niveau des soins que les gens ont eus. Donc, quand on essaie...
Finalement ce que je veux dire par là, c'est que la prévention en
travail clinique d'acupuncture, c'est très difficile à concevoir
en clinique privée actuellement, parce que les gens qu'on reçoit,
on n'est pas du tout à un niveau de prévention avec eux. On va
surtout être des intervenants de première ligne, mais on est au
bout de la ligne, c'est-à-dire que les gens ont fait le tour des
intervenants et ils arrivent au bout et puis, là, ils se disent: Bon, on
va appeler un acupuncteur.
La Présidente (Mme Marois):
Désespérés, ils s'adressent à vous.
M. Quenneville: Oui, c'est ça. Il y a une forme de
désespoir, si on veut, chez une bonne partie de la clientèle, en
tout cas. Pour nous, la prévention idéale, d'après nous,
ce serait une forme d'intégration de la perception que l'acupuncture ou
que la médecine chinoise permet d'avoir par rapport à la
santé et à la maladie dans le réseau, d'une part. Donc,
qu'il y ait une ouverture au niveau du réseau là-dessus, au
niveau des CLSC, au niveau des DSC aussi parce qu'on peut parler de perception
environnementale de fa santé en médecine traditionnelle chinoise
aussi et au niveau d'autres intervenants en santé, que ce soit des
centres d'accueil... On connaît très bien, ça on le
connaît bien, l'efficacité de l'acupuncture sur les
problèmes chroniques et on sait très bien que la place de
l'acupuncture dans 10 ans, 15 ans ou 20 ans au Québec va être
évidemment beaucoup plus importante et que ça va être des
traitements utilisés par des médecins et des non-médecins,
on l'espère aussi, qui vont s'adresser beaucoup à cette
population vieillissante pour laquelle on a beaucoup de difficultés
à trouver des solutions, à trouver des soulagements à
leurs problèmes. Je parle de l'acupuncture, mais je pense que ça
peut s'adresser à une bonne partie des pratiques alternatives aussi.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
Merci. Ça va, Mme la députée? Oui? Merci.
On vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission et
j'imagine que vous devriez revenir éventuellement à une autre
commission parlementaire pour traiter plus largement encore de toutes les
médecines alternatives ou thérapies alternatives, nous disait-on,
ce matin. Merci.
J'inviterais maintenant les représentants et
représentantes du Centre de recherche sur les services communautaires de
l'Université Laval à bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Est-ce qu'on peut suspendre pour une minute?
(Suspension de la séance à 16 h 13)
(Reprise à 16 h 15)
La Présidente (Mme Marois): Bienvenue à cette
commission.
Mme Grisé, qui êtes présidente du bureau de
direction, j'aimerais bien que vous présentiez les personnes qui vous
accompagnent et que vous procédiez à la présentation de
votre mémoire, vous ou vos collègues. Par la suite, vous pourrez
échanger avec les membres de la commission.
Centre de recherche sur les services communautaires de
l'université Laval
Mme Grisé (Lyne): D'accord. À ma droite, M.
Jean-Pierre Bélanger, de la Fédération des CSLC; M. Hector
Ouellet, directeur du Centre; M. Jean Boudreau, de l'Association des centres de
services sociaux, et M. Lionel Robert, chercheur au Centre.
La Présidente (Mme Marois): Bonjour.
Mme Grisé: Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes
et MM. les commissaires, au nom du Centre de recherche sur les services
communautaires, je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre sur le
mémoire que nous avons préparé à votre intention.
Le fait que vous nous receviez à ce moment-ci, un vendredi, en fin de
journée, m'incite à être concise et à chercher
à vous livrer les messages que nous jugeons essentiels concernant le
développement de la recherche sociale au Québec. Vous avez lu
notre mémoire, vous savez qui nous sommes. Vous savez, entre autres, que
le Centre de recherche sur les services communautaires est un "joint venture"
de l'Université Laval et de deux grandes associations
d'établissements responsables de la distribution des services sociaux au
Québec, soit la Fédération des CLSC et l'Association des
centres de services sociaux. Leurs représentants vont, d'ailleurs, vous
livrer leur message, à la suite du mien, pour vous dire chacun
l'importance qu'ils accordent à l'entreprise qui est la
nôtre.
Je veux insister sur deux idées principales: premièrement,
sur le fait qu'il y a un chaînon manquant dans l'organisation et le
développement de la recherche sociale au Québec et,
deuxièmement, sur les conditions qui, à notre avis, devraient
être assurées pour favoriser ce développement.
La recherche sociale, le chaînon manquant. On s'explique un peu.
Il nous faut prendre conscience que, dans le domaine de la recherche sociale,
il n'existe pas de parallèle avec ce qui s'est développé,
par exemple, dans le secteur de la santé. Comme nous le formulons dans
notre mémoire, la recherche sociale doit devenir aux services sociaux ce
que la recherche biomédicale est aux soins de santé, ou la
recherche scientifique au développement industriel du Québec.
Cette recherche sociale doit être développée, faute de quoi
les besoins de la population vont continuer à être mal connus et
les services mal adaptés.
En matière de recherche, qu'est-ce qui différencie
essentiellement le secteur santé du secteur social? C'est que, dans le
champ de la santé, il existe des centres de recherche
hospitalo-universitaires qui se sont créés quasi naturellement,
ce qui n'a pas eu lieu dans le champ social. Comme l'a noté la
commission Rochon, notre centre constitue à cet égard une "rare
exception". Dans le secteur de la santé, les centres de recherche qui
font la jonction entre les chercheurs universitaires et les chercheurs
cliniciens ne sont pas des exceptions; ils sont la norme. D'un
côté, des universitaires ont commencé à
développer la recherche fondamentale; de l'autre, dans les
hôpitaux, des praticiens, plus inquiets ou plus curieux que d'autres, ont
amorcé des recherches cliniques. Et c'est dans la jonction de ces deux
volontés de recherche que se sont développés des centres
et des instituts de recherche en santé.
Dans le champ social, cette jonction entre la recherche universitaire,
parfois plus fondamentale, et les besoins de recherche des
établissements existe à peine. Nous n'allons pas faire ici
l'analyse des causes de cet état de fait, mais je veux insister
auprès de vous sur cette idée que, dans le champ de la recherche
sociale, il y a un chaînon manquant, une carence organisationnelle que
nous devons combler. Il faut que, collectivement, nous nous donnions les moyens
de combler ce vide, car autrement nous allons continuer à gérer
le système de services dans une sorte de schizophrénie. D'une
part, on reconnaît que dans une société moderne les
problèmes sociaux se complexifient et s'aggravent et, d'autre part, on
reconnaît aussi que l'ensemble des services sociaux arrive difficilement
à répondre aux besoins. Or, comme l'a indiqué la
commission Rochon, il existe un rapport direct entre l'aggravation des
problèmes sociaux et le faible développement de la recherche
sociale. En effet, on peut difficilement corriger ce que l'on ne connaît
pas.
Pour aider à combler ce vide, donc à trouver le
chaînon manquant, je vais revenir ici aux recommandations que nous avons
formulées dans notre mémoire. Nos recommandations s'articulent
autour de deux objectifs. Le premier objectif, améliorer le financement
de la recherche sociale et cela, de deux façons: en augmentant le volume
de ce financement et en augmentant le nombre des demandeurs potentiels. Le
deuxième objectif: favoriser la perméabilité entre le
monde de la recherche et celui de la pratique.
En premier lieu, nous appuyons les propositions qui ont
été avancées dans le document d'"Orientations". Ces
propositions ne se retrouvent pas comme telles dans l'avant-projet de loi,
c'est peut-être explicable, mais nous suggérons au ministre et au
gouvernement de sanctionner l'importance qu'ils accordent à la recherche
sociale par l'inscription, dans la Loi sur la santé et les services
sociaux, de sa nécessité et par la formulation d'objectifs
spécifiques et réalistes de développement de ce type de
recherche.
Je rappelle ici que les propositions contenues dans le document
"Orientations11 visent principalement le Conseil
québécois de la recherche sociale et, secondairement, le
ministère. Il est proposé de faire développer par le
Conseil québécois de la recherche sociale des programmes de
bourses de formation, des stages prolongés en milieu de pratique pour
chercheurs universitaires ou jeunes diplômés, la création
et le maintien de postes de chercheurs à temps plein, le financement des
équipes et des centres de recherche dotés d'une infrastructure
appropriée, en nombre suffisant et en relation à la fois avec les
milieux de pratique et les universités. Du côté du
ministère, il est proposé d'augmenter la part de son budget
réservée à la recherche sociale.
Notre appui à ces mesures se fonde sur des objectifs avec
lesquels nous sommes d'accord. Il faut développer les infrastructures de
recherche. Il faut fournir les possibilités de développement de
carrières de recherche aux jeunes chercheurs. Il faut améliorer
la perméabilité entre le milieu de la recherche et celui des
services et, bien sûr, il faut augmenter le financement de la recherche
sociale.
Dans notre deuxième recommandation, nous proposons que le
ministère reconnaisse aux organismes de services la possibilité
d'affecter au développement de la recherche sociale une portion non
transférable de leur budget. Nous souhaitons que ces organismes soient
habilités non seulement à contracter la réalisatbn de
projets de recherche, mais aussi à participer au financement
d'infrastructures de recherche externes à eux. Il serait absurde de
penser que chacun des CLSC, par exemple, puisse se doter d'une infrastructure
de recherche appropriée, comme il est peu pensable aussi que cela
puisse
se faire à l'échelle régionale. Le
développement de la recherche exige de nos jours une masse critique qui
dépasse de telles possibilités. Il en va de même pour
chacun des CSS du Québec. Seuls les CSS de Montréal et de
Québec se sont dotés d'équipes de recherche qui sont, par
ailleurs, trop souvent mobilisées à préparer des
programmations.
Il y aurait lieu de penser que les organismes de services puissent
financer directement des postes de recherche dans des équipes ou des
centres universitaires appropriés, en plus qu'on leur reconnaisse la
capacité de financer la réalisation de certains projets
spécifiques. Une telle disposition permettrait de matérialiser
davantage l'association entre les partenaires universitaires et le milieu de la
pratique.
Dans notre troisième recommandation, nous proposons d'associer
les organismes de services aux décisions relatives à
l'affectation des fonds de recherche sociale. Nous pensons que les organismes
subventionnaires, dans le processus de décision relatif aux demandes de
subvention adressées par les chercheurs dans le champ de la recherche
sociale, devraient faire appel à des représentants des organismes
de services au même titre qu'ils font appel à des chercheurs
universitaires. Dans toute la mesure du possible, H faut chercher à
briser la logique d'isolement entre le monde de la recherche et celui de la
pratique à tous les niveaux ou étapes du processus de production
de la recherche.
Enfin, dans notre quatrième et dernière recommandation,
nous souhaitons que le ministère de la Santé et des Services
sociaux puisse faire appel, d'une façon encore plus importante qu'il le
fait déjà, à des centres ou équipes de recherche
pour la réalisation de mandats de recherche sociale pertinents à
sa mission et à ses mandats.
En guise de conclusion, je me permettrai d'Insister brièvement
sur le sous-financement de la recherche sociale au Québec. Notre
mémoire cite sur ce sujet les constats faits par la commission Rochon,
qui sont précisés dans le document d'"Orientations". Je ferai une
seule citation, très brève: "En 1987-1988, le budget
réservé à la recherche sociale représentait moins
de 0, 1 % du budget consacré à la réadaptation sociale au
ministère. " J'insiste sur un point: Ce faible pourcentage n'est pas
établi par rapport à l'ensemble du budget du ministère,
mais bien à celui de la réadaptation sociale. Donc, 0, 1 % pour
la recherche sociale au Québec, alors que nous tenons un discours sur le
concept de santé globale qui intègre la dimension psychosociale
à celle de la santé entendue au sens biomédical; 0, 1 %
pour la recherche sociale, alors que nous tenons un discours sur la
nécessaire multisec-torlallté pour prendre en charge les
problèmes de santé au Québec; 0, 1 % enfin, pour la
recherche sociale au Québec, alors qu'un nombre important de
localités et de sous-régions au Québec sont en train de
basculer dans le sous-développement.
Un tel contraste entre nos objectifs généraux de
santé globale et de multisectorialité et les moyens que nous nous
donnons pour les atteindre devrait conduire à des changements majeurs de
stratégie dans la gestion du système de services de santé
et de services sociaux. Parmi ces changements, nous pensons que des mesures
visant à développer la recherche sociale devraient occuper une
place importante.
Je vous remercie de votre attention. Je laisse maintenant la parole,
tout d'abord, à M. Jean-Pierre Bélanger, de la
Fédération des CLSC, et, ensuite, à M. Jean Boudreau, de
l'Association des CSS. Par la suite, M. Hector Ouellet, directeur du Centre,
pourra, si vous le souhaitez, commenter l'analyse que nous faisons de la
recherche sociale et les solutions que nous préconisons.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui, M. Bélanger.
M. Bélanger (Jean-Pierre): J'aimerais, d'abord, rappeler
brièvement les motifs qui nous ont incités, nous de la
Fédération des CLSC, à "initier" cette démarche en
vue de la création d'un centre de recherche les services communautaires.
J'aimerais, d'abord, noter qu'on a voulu l'appeler Centre de recherche sur les
services communautaires parce qu'on n'a pas voulu bêtement et simplement
en faire un centre de recherche fondé uniquement sur ce que faisaient
les CLSC, mais axé sur la façon dont on peut mieux organiser et
mieux connaître les besoins des personnes en matière de services
de première ligne, ce qui implique, évidemment, les CLSC, mais
qui implique aussi les autres dispensateurs de services au niveau de la
première ligne, donc, y compris notamment les organismes
communautaires.
Au milieu des années quatre-vingt, en 1984-1985, on
réalisait quelque chose qu'à long terme on pensait dommageable
pour le développement de notre réseau, évidemment, mais
aussi pour l'ensemble du secteur des services au Québec; c'était
le faible nombre de recherches qui se faisaient sur ce qu'on peut appeler
globalement les services communautaires. Les premiers CLSC ont
été créés en 1972 et, au cours des 13 ou 14
années qui ont suivi, il n'y a pas eu au Québec plus d'une
demi-douzaine de recherches universitaires sérieuses qui ont
porté sur les services de première ligne. Comme Mme Grisé
le rappelait tantôt, la recherche en matière de santé s'est
surtout développée à partir de l'association de centres
hospitaliers universitaires et d'universités. Il y avait très peu
de gens qui se préoccupaient de savoir ce qui se passait au niveau de la
première ligne.
Alors, ça nous semblait important, à long terme, qu'on
sache mieux ce qui se passe à ce niveau-là, c'est-à-dire
que, si ce qu'on faisait était bien, on voulait le savoir, mais surtout,
si
ce qu'on faisait n'était pas bien, on voulait savoir pourquoi ce
n'était pas bien pour pouvoir enligner nos flûtes autrement. On
devait constater à ce niveau-là l'écart énorme
qu'il y avait entre les chercheurs universitaires, les CLSC et les gens qui
travaillaient sur le terrain. À la Fédération, on
était peut-être bien placés pour le savoir parce qu'on
était régulièrement invités à participer
à des cours à l'université ou à donner nos
commentaires sur des projets d'articles de chercheurs universitaires et on
était à même de constater à quel point ces
gens-là étaient loin des préoccupations qui nous
animaient.
Constatant cette lacune en matière de recherche et le fait que
les chercheurs universitaires étaient assez loin de nos
réalités, comment devions-nous nous y prendre? Est-ce qu'on
devait développer notre propre expertise en matière de recherche?
La réponse est venue facilement. On y a pensé pendant un an et il
est clair que, dans une association d'établissements, on est des
utilisateurs de recherche, on n'est surtout pas des chercheurs, on n'a pas le
temps de mettre en place une démarche de recherche scientifique qui peut
s'étendre sur deux, trois et même quatre ans. D'où cette
idée qui nous est venue de créer un centre de recherche en
association avec une université et, coutume assez peu courante dans le
milieu, qui en a, d'ailleurs, surpris plusieurs dans le milieu universitaire,
on a envoyé un appel d'offres à toutes les universités
québécoises leur disant: Si vous êtes
intéressées, voici, nous autres, on est intéressés
à mettre sur pied un centre de recherche qui porterait sur les services
communautaires. On demande une certaine implication financière de
l'université. On est prêts, nous, comme association
d'établissements, à s'impliquer financièrement. Alors,
faites-nous la meilleure offre et on s'associera avec celle d'entre vous qui
répondra le mieux à notre demande. Vous pouvez facilement en
conclure, aujourd'hui, que c'est l'Université Laval qui nous a fait la
meilleure offre. (16 h 30)
Le Centre existe maintenant depuis quatre ans. Il entre dans sa
cinquième année. On est, je pense, globalement satisfaits de ce
que le Centre a fait, même si ce n'est pas facie de développer la
recherche appliquée en milieu universitaire. Je veux dire que les cycles
de recherche sont des cycles longs; ce n'est pas du jour au lendemain qu'on
amène des chercheurs à orienter différemment leurs
priorités, mais globalement on est contents de ce qu'on est
arrivés à faire.
D'ailleurs, j'aimerais souligner au passage l'appart que le
ministère a eu dans le Centre parce que, pendant deux années
consécutives, on a eu droit à une subvention de 30 000 $ du
ministère qui nous a bien aidés à développer la
recherche. Aujourd'hui, le Centre a 80 projets de recherche qui sont soit
réalisés ou en cours, pour un budget global de subventions de
recher- che de l'ordre de 1 200 000 $.
On peut se poser la question: On veut chercher, mais est-ce qu'on
trouve? Et je pense qu'on a des projets de recherche, particulièrement
dans les derniers qui viennent, justement, d'être publiés par le
Centre, qui donnent des réponses Intéressantes. J'en prends un,
par exemple, qui s'appelle "Le chemin de l'urgence", qui est une étude
exploratoire qui explore quels sont les facteurs psychosociaux qui sont
liés à la présence des personnes âgées aux
urgences dans les hôpitaux. Qu'est-ce qui fait que les personnes
âgées vont se diriger à l'urgence de l'hôpital et que
d'autres n'iront pas? On se rend compte que les facteurs sociaux sont
extrêmement importants à ce niveau, notamment l'isolement, la
solitude, le support de l'entourage, etc. Évidemment, c'est une
étude exploratoire. Il y en a quelques autres, d'ailleurs, au Centre,
qui portent sur la question du vieillissement des personnes âgées,
de l'utli-sation des services et de l'efficacité des stratégies
de maintien à domicile. Ce n'est pas une expertise qu'on peut
développer du jour au lendemain. Je ne pense pas qu'on puisse un jour,
avec une seule étude, trouver la solution à ce genre de
problèmes. C'est plus une expertise qu'il faut développer
progressivement. En ce sens-là, quand on regarde ce que le Centre a fait
au cours des dernières années, je pense qu'on peut être
satisfaits de la progression qui s'y fait
Je pourrais en citer plusieurs autres. Il y a plusieurs études
qui ont cherché à évaluer l'efficacité de
programmes en milieu de CLSC, par exemple, des programmes de
périnatalité, des programmes d'hygiénistes dentaires, des
programmes famille-jeunesse, etc. Il y en a d'autres, dans deux régions,
notamment, qui ont cherché à explorer toute la
problématique des urgences sociales et à proposer aux CLSC des
façons d'organiser l'urgence sociale dans ces régions. On
pourrait, d'ailleurs, vous distribuer, si ça vous intéresse, le
catalogue des recherches du Centre. Je pense que vous y trouverez des choses
extrêmement variées et fort intéressantes.
La Présidente (Mme Marois): Ce serait intéressant,
effectivement, qu'il soit déposé. Pourquoi pas?
M. Bélanger (Jean-Pierre): M. Robert.
La Présidente (Mme Marois): Vous étiez prêts?
Ça, je ne le savais pas, mais c'est bien.
M. Côté (Charlesbourg): Ça paraît qu'il
y en a un qui a de l'expérience politique.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélanger (Jean-Pierre): Ce sera là la conclusion
de mon exposé. Donc, je laisserai la parole à mon
collègue, Jean Boudreau, nouvel associé au Centre, de
l'Association des centres
de services sociaux du Québec.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Boudreau, bonjour.
M. Boudreau (Jean): Les centres de services sociaux ont
adhéré au Centre de recherche sur les services communautaires
parce qu'ils voyaient là l'occasion à la fois de
bénéficier d'une expertise unique et de contribuer au
développement d'un lieu de recherche dynamique centré sur les
défis et les contraintes de l'intervention communautaire et sociale au
Québec.
Par rapport aux moyens limités des centres de services sociaux,
le Centre de recherche sur les services communautaires constituait le meilleur
levier pour développer davantage la connaissance des problèmes
sociaux et l'effet des services mis en place. Aux prises avec d'énormes
besoins de recherche sur les causes des divers problèmes sociaux, sur
les particularités régionales, sur la validité des
indicateurs sociaux - on n'a qu'à penser, par exemple, aux listes
d'attente à la protection de la jeunesse, au suicide des jeunes,
à la montée du sida - les centres de services sociaux ont donc
uni leurs maigres moyens - II faut bien dire qu'il y a 9 centres de services
sociaux sur 14 qui n'ont aucun poste de recherche - ont misé sur une
synergie avec les CLSC et le milieu universitaire pour développer une
expertise de pointe sur laquelle la collectivité
québécoise et, éventuellement, le ministère de la
Santé et des Services sociaux pourront compter pour tenter de
définir et de maintenir les services communautaires les plus pertinents
et les plus efficaces. Essentiellement, donc, ce sont les motivations qui nous
ont guidés pour entrer dans le Centre de recherche sur les services
communautaires.
La Présidente (Mme Marois): Ça va. Ça fait
le tour de la présentation que vous vouliez nous faire. Merci. M. le
ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup.
Évidemment, c'est vrai que c'est vendredi après-midi, que c'est
le dernier mémoire, mais ce n'est pas un signe de notre
non-préoccupation de ce que vous défendez, puisque je vois, dans
votre position, beaucoup de similitude avec la volonté de gens du
ministère, qui a été largement exprimée à
mon arrivée et supportée presque chaque jour, pour bien s'assurer
que le ministre aussi fasse le virage. Je crois déceler, parmi mes
principaux collaborateurs, d'ardents défenseurs de ce virage et de cette
recherche de ce chaînon manquant.
Évidemment, si on voulait rattraper, demain matin, ce qui se fait
dans le domaine biomédical en termes de recherche, juste pour se le
rappeler, c'est colossal: 23 centres ou instituts, financés chacun
à 500 000 $ par année; donc, un budget du FRSQ , d'à peu
près 38 000 000 $, 40 000 000 $. C'est considérable par rapport
à ce qui a été consacré à la recherche
sociale, qui est à peu près de 2 800 000 $, mais toujours dans
des projets de recherche spécifiques. Tantôt, je demandais
à mon collaborateur de sortir cer teins éléments:
santé mentale, adaptation-réadaptation, sida, alcoolisme et
toxicomanie, toujours dans des domaines spécifiques, sans
nécessairement qu'il y ait la vision globale.
Dans la mesure où on fait ce virage et où on fait une
place de plus en plus grande à la recherche sociale, II faudrait, bien
sûr, déterminer... Il ne s'agit pas de multiplier les centres de
recherche. Il s'agit d'en reconnaître un certain nombre. À votre
avis, combien devrions-nous reconnaître de centres de recherche, à
part le vôtre? Évidemment, on ne fait pas une démarche
comme celle-là pour défendre l'intérêt des autres,
mais je sais que ça prend, quand même, une masse critique, sur le
plan financier, bien orchestrée pour être capable d'en arriver
à des résultats probants. On devrait reconnaître, quoi,
deux, trois quatre centres de recherche? J'Imagine que, lorsqu'on dit
ça, s'il y en a un à Québec, l'autre, c'est clairement
à Montréal que ça doit aller.
La Présidente (Mme Marois): M. Ouellet.
M. Ouellet (Hector): C'est une question qui est très
difficile parce que ça va dépendre essentiellement du comment et
de quelle mission on va donner à chacun. À mon point de vue, le
terrain à couvrir en recherche sociale est tel que, pour moi, c'est une
question à laquelle j'ai de la difficulté à
répondre. J'aurais beaucoup de réserves, je pense, à ce
qu'il n'y ait qu'un ou deux centres, d'une part, parce que j'ai très
peur des monopoles là-dedans. J'aurais aussi autant de réserves
s'il y en avait une trentaine, parce que ça signifierait qu'il y en
aurait vraiment trop.
M. Côté (Charlesbourg): Ils vont être tous
pauvres, aussi, à 30.
M. Ouellet: Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): Ils vont tous être
pauvres, à 30.
M. Ouellet: Aussi, effectivement. De sorte que moi, j'ai vraiment
un peu de difficulté à répondre à cette question
dans ces termes-là. Ça va dépendre, bien sûr, de la
mission que vous leur donnez.
M. Côté (Charlesbourg): Mais je vous donne la chance
d'aller plus loin. Ça dépendra des champs de recherche?
M. Ouellet: Entre autres, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Oui? Quels seraient-ils, ces
champs de recherche et, autant que possible, par ordre de priorités?
M. Ouellet: encore une fois, j'ai beaucoup de difficulté
à répondre. je pense qu'il y a un certain nombre de
priorités où on voit des vides majeurs. par exemple, au
québec, en évaluation des programmes, des pratiques, des
politiques, l'ensemble du champ de l'évaluation n'est à peu
près pas couvert. ce n'est pas qu'il n'y a pas d'intérêt
sur ces questions; il n'y a pas de main-d'oeuvre là-dedans, il y a
très peu de professeurs qui ont été formés
là-dedans. il va s'agir de préparer simplement une équipe
convenable dans le domaine de l'éducation, à moins qu'on puisse
recruter la main-d'oeuvre. c'est un temps considérable. bon. on peut
penser à une équipe sur l'évaluation. alors, si on
commence à découper le champ comme ça: évaluation
versus autre chose, on a une facette. on aurait pu penser, par exemple,
à découper le secteur psychosocial. on aurait pu penser à
un centre de recherche sur les clsc versus un centre de recherche sur les css,
par exemple. je pense que ç'aurait été une aberration,
mais ç'aurait été une façon de le découper.
on peut penser: un centre de recherche pour montréal versus un centre de
recherche pour, quoi, québec, pour le reste du québec.
évidemment, c'est très facile, on découpe en deux quand on
fait ça. il y a beaucoup de besoins et tout va dépendre des
priorités qu'on va vouloir "rencontrer" au départ,
là-dessus.
La Présidente (Mme Marois): M. Bélanger,
vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Bélanger (Jean-Pierre): Oui. Ce que je voulais dire,
c'est qu'entre 2 centres et 30, on voit déjà comment le paysage
se dessine au niveau universitaire. Je veux dire que quand on fait le tour...
Pour qu'un centre de recherche soit dynamique, ça prend un noyau de
chercheurs intéressés, motivés qui vont entraîner le
mouvement. Et de ces noyaux-là, nous, on a la prétention d'en
avoir réussi un avec l'Université Laval à Québec,
mais quand on fait le tour des universités, on se rend compte qu'il n'y
en a pas 30, actuellement, au Québec et que certains même se sont
spécialisés déjà dans certains domaines. Si on
pense à la toxicologie, il n'y a pas énormément de noyaux
de chercheurs au Québec qui sont spécialisés
là-dedans.
Maintenant, je pense qu'il faudrait faire attention à ne pas
ultraspécialiser les centres de recherche dans des domaines trop
précis parce que finalement, ce qu'on découvre, c'est que les
problématiques finissent par se recouper et qu'elles sont liées
à des problèmes qui sont plus fondamentaux, notamment tout le
phénomène de la pauvreté ou le phénomène du
développement régional, par exemple. C'est dans ce sens-là
qu'il est aussi intéressant d'avoir des centres qui soient bien
équipés, mais qui soient, d'une certaine façon aussi,
suffisamment généralistes pour pouvoir relier ensemble les
problématiques qui se touchent.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on a nos
torts et j'en conviens parfaitement. J'aurais dû commencer par
féliciter la Fédération des CLSC d'avoir "initié"
ce processus - je pense que ça aurait peut-être été
la première chose que j'aurais dû faire - et l'Université
Laval, bien sûr - parce que ça ne se fait pas tout seul, à
ce que j'ai compris - d' voir relevé le gant. Et ça, c'est
très intéressant.
Lorsqu'on fait la comparaison avec ce qui existe dans le
biomédical, on se rend compte qu'il y a, quand même, un
très fort volume de recherches qui est subventionné par le
fédéral ou par d'autres intervenants que le gouvernement du
Québec. C'est, quand même, assez appréciable puisque
à peu près 2 000 000 $ à 3 000 000 $ par année, par
centre ou institut de recherche, viennent de l'extérieur des budgets du
Québec. Dans cet univers-là, je sais qu'il n'y aura pas de
compagnies pharmaceutiques, normalement, qui vont aller vous subventionner pour
trouver des solutions, une alternative aux pilules; ça, je comprends
ça. Mais est-ce qu'il y a un champ qu'il est possible d'explorer
à ce niveau-là, de support sur le plan financier pour faire de la
recherche sociale?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Ouellet.
M. Ouellet: Oui, effectivement, vous avez raison, il n'y aura pas
beaucoup de compagnies pharmaceutiques qui vont financer la recherche sociale,
il y a, effectivement, peu de chances. Cependant, une des
caractéristiques, je crois, de la recherche médicale et ce qui a
fait qu'elle s'est développée au point où elle s'est
développée présentement, ç'a été,
d'une part, le contact avec les milieux de pratique et la contribution des
milieux de pratique. Donc, l'argument qu'on cherche à développer
devant vous, c'est, d'une part, bien sûr, que le développement de
la recherche sociale, c'est une question de financement, entre autres.
Ça n'est pas, cependant, qu'une question de financement; c'est une
question aussi d'organisation de la recherche. C'est par rapport à cette
question qu'on parle de collaboration entre le milieu de pratique et le milieu
de la recherche, entre les organismes de services et l'université.
Le développement et le financement de la recherche, ça
n'est pas nécessairement et toujours du nouvel argent. Je pense que le
ministère pourrait assez facilement accroître
considérablement les fonds affectés à la recherche
sociale, tout en favorisant que les gens qui paient la recherche gardent un
contrôle, simplement en autorisant et en valorisant que les
organismes de services dépensent de l'argent à faire de la
recherche ou financent de la recherche. Et financent de la recherche de la
façon suivante: d'une part, en finançant des projets, mais aussi
en permettant le financement d'infrastructures.
Par exemple, on utilise un cas concret dans notre mémoire, qui
est une hypothèse, que les CLSC d'une région, par exemple - on
n'est pas aussi spécifique que ça dans le mémoire
contribuent pour un poste de professionnel de recherche dans une boîte
située dans un centre quelque part. Je pense que ça aurait des
effets; ça a déjà, d'ailleurs, des effets
considérables. C'est une des hypothèses qu'on
développe.
M. Côté (Charlesbourg): II n'y a pas un risque -
parce que je trouve l'idée bonne - de trouver un moyen, effectivement,
de pouvoir libérer, affecter des gens qui sont dans le réseau
à cette recherche, évidemment? Quand on le fait par
catégories d'établissements, soit CLSC, soit CSS, est-ce qu'il
n'y a pas un risque? Là, on parle de catégories.
Évidemment, ce qu'on recherche, c'est le chercheur ou la personne qui va
pouvoir collaborer. (16 h 45)
M. Ouellet: M. le ministre, j'ai lu le journal ce matin. Avec les
orientations que vous voulez donner aux régions, les pouvoirs que vous
voulez donner aux instances régionales, je pense qu'on peut,
effectivement, par ce genre d'instances, favoriser d'abord, des collaborations
qui sont déjà, d'ailleurs, relativement élevées. Il
peut y avoir, bien sûr, des discussions entre établissements, mais
en ce qui a trait à la recherche, il n'y a pas grand discussions
majeures.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne vois pas de
problèmes avec les régions. Compte tenu des pouvoirs qu'on veut
leur donner sur le plan de leur capacité de décider elles
mêmes, moi je ne vois pas de problèmes avec les
régions.
La Présidente (Mme Marois): M. Bélanger.
M. Bélanger (Jean-Pierre): Oui. Ce qu'on propose. M. le
ministre, ça ne serait pas le mécanisme unique de
subventionnement de la recherche, de financement de la recherche sociale. Le
Centre a vécu déjà plusieurs expériences à
ce niveau-là, parce que le Centre a déjà collaboré
avec des CSSS, des CLSC, des DSC qui, volontairement, ont mis de l'argent dans
des projets de recherche parce que c'étaient des projets qui les
concernaient directement. Et une chose dont je peux vous assurer, c'est que ces
projets de recherche là, les résultats en sont utilisés
par la suite et les gens suivent de près le déroulement de la
recherche parce qu'ils y ont un intérêt. Je pense que quand on
parle de faire le lien entre la recherche universitaire et son application sur
le terrain qui est toujours un problème énorme et complexe, ce
mode-là a, en tout cas, l'avantage de faire en sorte que le lien se fait
beaucoup plus facilement.
Maintenant, quand on parle de recherche, il y a effectivement aussi en
matière sociale des fonds de recherche qui sont disponibles au niveau
fédéral. Maintenant, ce qui différencie beaucoup la
recherche sociale de la recherche en santé a ce niveau-là, c'est
que la recherche sociale est encore essentiellement une recherche qui se fait
en solo dans l'université. C'est-à-dire que les chercheurs
fonctionnent de façon assez isolée les uns des autres, alors
qu'en santé le concept d'équipes de recherche est
déjà bien implanté, des équipes qui sont
permanentes. Les chercheurs peuvent s'épauler les uns les autres et cela
assure une certaine continuité d'expertise. C'est-à-dire que, si,
pendant un an ou deux, tel chercheur, par exemple, décide d'aller en
année sabbatique ou de faire autre chose, le restant de l'équipe
continue dans le même domaine.
Dans le secteur social, c'est moins développé. Nous, le
pari qu'on fait - et c'est ce qu'on essaye de développer même
à l'intérieur du Centre - c'est de développer des
équipes de chercheurs parce qu'on pense qu'à l'avenir ce sont les
équipes de chercheurs qui seront les mieux placées, en termes de
compétition, à la fois pour aller chercher des fonds
fédéraux et en même temps aussi pour répondre aux
besoins du réseau. Donc, si on veut, le pari que nous faisons, c'est
que, si on a des équipes de recherche qui sont capables de faire la
preuve de leur compétence et qui sont capables de faire la preuve de la
pertinence des objets sur lesquels elles travaillent, elles vont, à la
fois être mieux placées pour aller chercher les fonds disponibles
au niveau du Québec, au niveau d'Ottawa, mais aussi au niveau des
établissements
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Verdun.
M. Gautrin: Moi, j'aurais une question que je vais essayer de
poser. Je ne sais pas si vous étiez dans la salle au moment où a
témoigné le groupe qui vous a précédés,
enfin celui qui a précédé. Lorsque vous parlez de
développer des centres de recherche, de développer
l'infrastructure de recherche, de développer des équipes de
recherche dans le domaine de la recherche sociale, j'en suis. La question que
je me pose, c'est: Pourquoi est-ce que ça a besoin d'être
financé par le Conseil québécois de la recherche sociale?
Et à quoi ça sert, ce groupement, alors qu'il existe le fonds
FCAR que vous connaissez, j'imagine, de votre côté? Est-ce qu'il
n'y a pas, de fait, une duplication entre ce que fait actuellement le fonds
FCAR dans le soutien et le financement et pour bâtir des infrastructures
de recherche et les sommes qui sont données au
Conseil québécois de la recherche sociale? Donc, est-ce
qu'on n'est pas en train, de fait, d'avoir une duplication entre les deux
organismes de recherche et, dans un esprit de rationalité, qu'est-ce qui
justifie l'existence du Conseil québécois de la recherche
sociale? Ma position à moi, ce serait même de supprimer
complètement quasiment le Conseil québécois de la
recherche sociale compte tenu de l'existence du fonds FCAR, à moins que
vous ne me démontriez qu'il n'y a pas duplication entre les doux dans
les deux fonctions.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme la présidente,
Mme Grisé.
Mme Grisé: Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il y a
duplication parce qu'une des caractéristiques des organismes
subventionnaires qui financent un secteur en particulier, c'est qu'ils
évoluent avec le secteur qu'ils financent
Lorsque le FRSQ, par exemple, a commencé à financer la
recherche biomédicale, il y allait avec des projets spécifiques.
II a reproduit ce qui était déjà existant et il a
continué ensuite à évoluer, à renforcer ses
programmes, à les multiplier, à élaborer des thèmes
et des approches aussi: la recherche évaluative, la recherche
épidémiologique et autres.
Si on prend le FCAR, c'est un organisme qui est plus mature que le CQRS
et qui finance aussi de façon très spécifique. Ils se sont
orientés vers les équipes, ils recherchent un effet structurant
avec des critères qui rendraient la recherche sociale non accessible.
C'est non accessible présentement pour le secteur de la recherche
sociale qui finance des choses plus innovatrices, plus marginales, plus
curieuses, moins faciles à évaluer comme portée. Je pense
qu'il y a de la place pour une espèce de continuum et une certaine
variété de points de vue. Un organisme a tendance parfois
à devenir monolithique, à tailler tous ses programmes de la
même façon, à n'avoir qu'un point de vue ou à
favoriser de façon peut être excessive une certaine forme de
recherche, et ce n'est pas mauvais qu'il y ait un peu de variété.
Si Ion prend ce qu'il y a du côté fédéral et ce
qu'il y a du côté provincial, je pense qu'au total ça
satisfait, des problématiques qui, autrement, ne seraient pas
couvertes.
M. Gautrin: Est-ce que je peux poser une sous-question?
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez.
M. Gautrin: Écoutez, vous voulez créer, structurer
des équipes; le fonds FCAR veut le faire aussi. Vous voulez financer des
centres; le fonds FCAR le fait. Vous parlez de l'importance... Le fonds FCAR a
un spectre de disciplines extrêmement large puisque c'est à
partir. disons, des sciences fondamentales jusqu'aux sciences sociales, comme
vous le savez, avec les différents comités d'évaluation.
Sauf que ça a l'avantage de mettre tous les centres de recherche en
compétition les uns avec les autres uniquement en fonction de
critères de qualité. Pourquoi voulez-vous, à ce
moment-là, avoir un autre organisme subventionnaire où on ait des
critères de qualité différents ou des critères
séparés? Pourquoi ne pas mettre tous les centres de recherche
avec les mêmes critères de qualité, la qualité
étant essentiellement l'objectif du fonds FCAR?
mme grisé: je ferais un commentaire là-dessus;
ensuite, je vais passer la parole a m. ouellet. le fcar finance
également de la recherche bio-médicale. alors, on se retrouve
avec le frsq, le fcar et des organismes fédéraux qui financent
certains centres de recherche.
M. Gautrin: Madame, je suis désolé, sur ça.
le FCAR a un protocole d'entente avec le FRSQ pour, justement ne pas avoir de
recoupements entre le FCAR et le FRSQ.
La Présidente (Mme Marois): M Ouellet
M. Ouellet: Pour ma part, ce n'est pas une question de principe
Par exemple, il faut bien penser que, dans la décision d'affecter un
budget de recherche à tel ou tel projet, il y a deux décisions de
prises une décision de qualité du projet et une décision
de pertinence Dans la mesure où ces deux facettes sont bien
gardées sont bien protégées, je pense qu'il n'y a pas en
soi de problème. Je ne suis pas convaincu, cependant, qu'à ce
moment-ci, à voir les résultats, le FCAR dessert mieux les
besoins des organismes de services que ne le fait le CQRS, par exemple. Je
serais plutôt convaincu du contraire. Bon. maintenant qu'on change les
règles du jeu, on soi, l'important, cost quo los besoins dus organismes
de services apparaissent, soient visibles et qu'on en tienne compte, et qu'on
soit obligé d'en tenir compte. Par exemple, dans notre mémoire,
on fait une proposition pour qu'on implique les gens des organismes do services
dans les décisions. Si le FCAR fait ça finalement...
M. Gautrin: ii le fait dans la recherche thématique en
lien avec certains ministères, au ministère des transports, par
exemple. ii y a des liens entre le fcar et certains ministères.
La Présidente (Mme Marois): Oui. M. Bélanger, vous
vouliez ajouter quelque chose?
M. Bélanger (Jean-Pierre): Je vais renchérir sur ce
que mon collègue vient de dire. Pour avoir siégé sur les
comités d'approbation de
subventions de ces différents organismes au cours des dix
dernières annéos, la constatation que je peux faire, c'est
qu'à mon avis le CQRS a été beaucoup plus proche des
besoins des organismes de services du réseau que le FCAR n'a pu
l'être. La compétition qui se fait entre universitaires pour
l'obtention des subventions de recherche est une compétition
féroce el ils ne se font pas de cadeaux là-dedans. Et, dans le
dernier comité où j'ai siégé, il y avait neuf
psychologues autour de la table et je vous jure que les arguments sur les
méthodes de recherche différentes et sur la validité des
méthodes, ça se promenait d'un bord de la table à l'autre,
ce qui fait que, finalement, on ne tenait à peu près pas compte
de la pertinence du sujet à l'étude qui, à mon avis,
l'était. Je ne dis pas que c'est un tort qui ne s'applique qu'au FCAR et
que le CQRS est exempt de ça. Il y a eu des bouts de temps où le
CQRS est tombé dans ce piècje aussi Maintenant, je pense qu'il y
a un certain danger à avoir un monopole et à ce qu'il y ait un
seul organisme parce que, si le seul organisme qui a le monopole s'en va dans
une direction, à ce moment-là, il n'y a plus de porte de
sortie.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Bélanger (Jean-Pierre): Je trouve qu'au CQRS. de
façon générale, le critère de la pertinence de la
recherche et de son utilité a été davantage mis en relief
qu'il ne l'a été au FCAR même si le critère de la
qualité scientifique doit toujours rester.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Merci, Mme la Présidente Je trouve
aussi intéressant do voir cette collaboration Vous ave/ fait ressortir
l'écart entre les chercheurs et les gens du terrain, si l'on veut. Ce
que je voudrais savoir, deux petites questions, par rapport aux besoins. Je
regardais votre catalogue; vous avez, quand même, plusieurs études
déjà de faites et tout ça. J'imagine que les commandes,
les besoins doivent être assez nombreux. Je me demandais sur quels
critères vous vous appuyez pour choisir. Comment faites-vous pour
définir quel genre d'étude on fait plutôt qu'une autre par
rapport aux demandes qui vous sont adressées?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Ouellet.
M. Ouellet: On me signalait à côté: Ça
dépend s'ils ont de l'argent ou non. Ça n'est pas
nécessairement le cas. Effectivement, on va choisir à partir d'un
certain nombre de critères qui, bien sûr, peuvent demander encore
à être précisés. Cependant, pour l'essentiel, ils
sont les suivants. On est particulièrement intéressés,
finalement, à tout ce qui touche la problématique entre, pour
utiliser les termes courants l'aide naturelle et l'institutionnel, par exemple,
dans tous les rapports, au phénomène de l'entraide et, bien
sûr, on est intéressés aussi à l'ensemble des
besoins du monde des services, qui sont très divers Une fois qu'une
demande est faite - et je reviendrai sur cette notion-là parce que ce ne
sont pas très souvent des demandes qui viennent d'ailleurs - et nous
paraît entrer là-dedans, comme on travaille, bien sûr, avec
des possibilités limitées, on essaie de constituer des
équipes de professeurs intéressés à ces questions.
Bien sûr, on ne prendra pas un projet si on n'est pas en mesure de le
mener à terme. Ce sont donc les deux critères qui jouent pour
nous: est-ce que ça entre dans ce qu'on considère être
notre champ de compétence, d'une part, et est-ce qu'on a les
disponibilités nécessaires pour réaliser le projet en
question?
Je reviens tout de suite sur la notion de demande. Il faut dire qu'on
reçoit très peu de choses qui peuvent s'appeler des commandes
spécifiques. Ça se produit, mais très peu. Ce qu'on
reçoit, ce sont des inquiétudes, des questions du genre: Est-ce
qu'on peut faire quelque chose avec tel genre de question? Un directeur de
CLSC, un DSP de CSS peut nous appeler pour dire: J'ai tel genre de
problème. Est-ce qu'on peut faire quelque chose avec ça du point
de vue de la recherche? J'ai ou je n'ai pas d'argent pour y travailler; est-ce
qu'on peut monter un projet sur cette question-là? C'est plutôt
comme ça que ça se présente que des commandes finies.
C'est très rare, des commandes finies. On transforme des
inquiétudes, les questions en questions de recherche. On essaie de
trouver les ressources pour les réaliser. On prépare des projets,
par exemple, très fréquemment qui sont soumis conjointement entre
un CSS ou un CLSC aux programmes de subventions en santé communautaire
de telle région, par exemple, et on trouve le financement de cette
façon-là. On peut le présenter au CQRS conjointement.
C'est comme ça, finalement, qu'on finance les projets de recherche.
Mme Carrier-Perreault: Vous avez tantôt mentionné
aussi, dans un autre ordre d'idées, que c'était
intéressant quand les gens des CLSC ou des DSC participaient à la
recherche ou, après, à l'application. Je me demande s'il y a des
moyens de les inciter ou de les encourager à participer à ce
genre de...
M. Ouellet: Excusez-moi, je n'ai pas compris la question.
Mme Carrier-Perreault: Tout à l'heure, je pense que c'est
monsieur, ici, qui mentionnait que c'était intéressant lorsque
les CLSC ou les DSC participaient après, suite à la recherche,
soit dans la mise en application ou autrement.
Est-ce que c'est toujours comme ça, d'une part? Mais vous aviez
l'air de dire tantôt, à ce que j'ai compris - peut-être que
j'ai mal compris, mais j'ai cru entendre ça - que c'était
très intéressant lorsque eux autres participaient.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Ouellet.
M. Ouellet: Oui, effectivement, c'est toujours comme ça,
mais dépendamment de ce qu'on entend par là. c'est-à-dire
systématiquement, dans les activités de recherche qu'on
développe avec les organismes de services, on a un mécanisme,
qu'on appelle le comité "aviseur", qui vise essentiellement à
éviter que les demandeurs ou les gens qui avaient la question ou
l'inquiétude de départ ne soient désappropriés de
leur question. C'est, cependant, un comité qui peut être plus ou
moins utilisé concrètement, parce qu'il est là pour
veiller au grain. Or, dans la mesure où les gens sont contents de ce qui
se passe, qu'il n'y pas de problème particulier qui se présente
dans la réalisation du projet do recherche, l'information se fait
facilement et c'est moins impliquant. Dans la mesure où il y a un
problème à régler, on s'organise pour que les gens
pertinents, c'est-à-dire l'équipe de chercheurs qui y travaille
et l'organisme de services qui est intéressé au projet, se
rencontrent pour prendre la décision. Ça ne veut pas dire que
dans tous les projets les praticiens eux-mêmes sont impliqués dans
la réalisation du projet. C'est arrivé à quelques
reprises. Je ne suis pas convaincu, pour ma part, que c'est une solution
souhaitable habituellement. Ils sont utilisés pour autre chose.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci Je veux
bien comprendre quelque chose. Vous parlez de la commande qui est faite ou, du
moins, des inquiétudes qui vous sont soulignées, etc. Vous
parlez, d'autre part, en recherche sociale, du travail en solo qui s'est fait
dans le passé. Il s'en est fait, dans le fond, de la recherche et il
continue de s'en faire. Quand quelqu'un fait une thèse de doctorat en
sciences sociales, que ce soit en service social, que ce soit en psychologie,
que ce soit dans une autre science humaine, il s'en fait de la recherche, mais,
si je comprends bien, ce sont les équipes à constituer.
Est-ce que, dans votre façon de fonctionner, vous allez chercher
toutes ces ressources - bon, là, c'est à l'Université
Laval, mais ça peut être aussi à l'Université de
Montréal, à l'Université du Québec - de gens qui
s'orientent vers des projets de recherche, des personnes auxquelles vous
pourriez soumettre soit des thèmes, soit un certain nombre de
suggestions que vous pourriez même ramasser en équipes? Est-ce que
vous faites ça aussi à l'intérieur du Centre ou si c'est
l'essentiel de votre organisa- tion qui est un peu orienté comme
ça?
M. Ouellet: C'est effectivement ce qui nous guide dans la
constitution des équipes, cest-à-dire qu'on essaie de constituer
des équipes autour de problématiquos larges qu'on voit sur le
lorrain Évidemment, cependant, on travaille de Laval, ici a
Québec. On a quelques collaborations avec d'autres universités,
mais je dois dire qu'on est passablement occupés à faire ce qu'on
fait présentement. Ce qui nous guide, c'est effectivement d'amener des
regroupements de professeurs autour de problématiques qui nous
apparaissent être particulièrement criantes sur le terrain.
La Présidente (Mme Marois): Oui
M. Ouellet: Qu'en pense, par exemple, aux personnes
âgées, qu'on pense aux services, a l'enfance, à ce genre de
questions.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. M.
Bélanger
M. Bélanger (Jean-Pierre): Oui. J'ajouterais qu'on n'a pas
dit qu'il ne se faisait pas de recherche sociale avant. Ce qu'on a dit, c'est
qu'il se faisait de la recherche sociale, mais qu'elle n'était pas
toujours pertinente par rapport aux problèmes ou aux
problématiques qu'on avait à rencontrer sur le terrain, d'une
part, et c'est ça qui nous a motivés à "initier" le
processus.
Maintenant, pour que cette démarche soit solide, qu'elle se
poursuive dans le temps, qu'elle ne dépende pas d'un changement
d'intérêt d'un chercheur solo, que ça se développe
de façon structurée, la seule façon de le faire, c'est en
développant une équipe. C'est le noyau qu'on a voulu créer
autour du Centre.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Il y a un bel
exemple d'une recherche qui s'est faite dernièrement. Je pense à
"Deux Québec dans un" qui ne s'est pas fait nécessairement par
votre Centre ou un autre, mais qui s'est fait par le Conseil des affaires
sociales et qui a un impact quant à, ensuite, tracer des projets
d'action et d'autres projets de recherche plus fine pour corriger un peu le tir
dans certains cas.
M. Bélanger (Jean-Pierre): D'ailleurs, si vous le
permettez, le chercheur principal qui sous-tendait, "Deux Québec dans
un" est maintenant rendu au Centre.
La Présidente (Mme Marois): Ah, bon! C'est
intéressant de le savoir. Ça va9 Alors, on vous
remercie de votre présentation et. malgré que votre
présentation se soit faite un vendredi, je pense que les membres ont
été tout aussi intéressés par vos propos et qu'ils
y seront sen-
sibles, je l'espère bien.
J'aimerais rappeler aux membres de la commission que nous ajournons nos
travaux au 1er mars, à 10 heures, quant à la poursuite,
évidemment, des auditions sur l'avant-projet de loi, Loi sur les
services de santé et les services sociaux. Je rappelle aussi aux membres
de la commission qu'à compter de mardi matin, qui est le 20
février, à 10 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau,
nous procéderons à une consultation et tiendrons des auditions
publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi, Loi
modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions
législatives.
(Fin de la séance à 17 h 4)