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(Dix heures douze minutes)
La Présidente (Mme Marois): À l'ordre, s'il vous
plaît!
J'inviterais, maintenant, le Regroupement inter-organismes pour une
politique familiale au Québec à prendre place. Je rappelle,
évidemment, le mandat de la commission, qui est une commission
établie en vue de consulter et d'entendre des groupes dans le cadre de
l'étude de l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé
et les services sociaux.
Je crois qu'il y a deux remplacements aujourd'hui: Mme Blackburn
(Chicoutlml) en remplacement de M. Chevrette (Joliette); c'est ça, Mme
la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Et M. Holden (Westmount) en
remplacement de M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce). Ça va ici, il
n'y a pas d'autre remplacement.
Alors, Mme Casimir, je vous inviterais à présenter les
personnes qui vous accompagnent. L'une ou l'autre des personnes ou
vous-même pourrez présenter le mémoire, évidemment
pas plus d'une vingtaine de minutes, ou même si c'est possible de le
ramasser un petit peu. Ensuite, les membres de la commission vont, soit vous
poser des questions ou échanger des commentaires avec vous sur votre
mémoire. Merci.
Regroupement inter-organismes pour une politique
familiale au Québec
Mme Casimir (Denise T.): Il me fait plaisir de vous
présenter M. Richard Sarrasin, qui est le secrétaire du
Regroupement inter-organismes, et M. Georges Savard, qui est membre du conseil
d'administration.
Pourquoi le Regroupement inter-organismes pour une politique familiale
au Québec présente-t-il un mémoire sur le projet de loi
sur la santé et les services sociaux? Le 3 décembre 1987, le
Conseil des ministres du gouvernement du Québec adoptait, en
matière de politique familiale, un énoncé des orientations
et de la dynamique administrative. Le 9 décembre suivant,
l'Assemblée nationale adoptait à son tour cet
énoncé. Or, dans cet énoncé, apparaît au
chapitre 2, intitulé "L'État et la famille", en page 7,
deuxième paragraphe, la déclaration suivante: "De façon
générale, la principale préoccupation du gouvernement est
de chercher à répondre le plus directement possible à
cette attente des repré- sentants des familles qui réclament du
gouvernement de "penser famille" et à mieux soutenir la natalité,
le cas échéant, en tenant compte de la réalité
familiale dans toutes les politiques où il peut être requis de le
faire: dans le soutien économique pour collaborer au coût de la
prise en charge des enfants, dans l'habitation, dans l'organisation du travail,
dans les relations entre l'école et la famille, dans les services
sociaux et de santé, dans le droit de la famille, dans les autres
questions de justice et de sécurité pour les membres de la
famille, dans la recherche et la coopération qui s'imposent à une
époque où il y a tant d'efforts à faire pour tenter de
mieux saisir la réalité familiale."
Soulignons qu'il s'agit ici d'un texte gouvernemental, d'une
décision d'orientation adoptée à l'Assemblée
nationale du Québec. Il nous apparaît donc indispensable, comme
organisme de promotion d'une politique familiale au Québec, de devoir
rappeler aux proposeurs de ce projet de loi sur la santé et les services
sociaux l'obligation de tenir compte de cette déclaration
gouvernementale de décembre 1987 en matière de politique
familiale.
Plus près de nous dans le temps, soit le 13 septembre dernier, le
plan d'action "Famille en tête" du gouvernement du Québec en
matière de politique familiale, préfacé par M. le premier
ministre Robert Bourassa, était déposé par Mme
Thérèse Lavoie-Roux, ministre de la Santé et des Services
sociaux. Au chapitre 4 de ce plan intitulé "Les familles et les services
de santé, sociaux et communautaires", apparaît en page 31
l'affirmation suivante: "Les parents réclament à l'égard
de ces services un accueil orienté davantage en fonction des familles et
une plus grande humanisation. Les parents sont les responsables des enfants et
ont à coeur l'exercice de leurs responsabilités. Les intervenants
des réseaux n'ont pas à se substituer à eux, même
avec la meilleure volonté professionnelle. Ils ont à les soutenir
et à les outiller pour les rendre habiles à subvenir à la
majorité des besoins d'éducation, de santé et de
socialisation de leurs enfants. Les responsables des services sont
conviés à intervenir d'une façon plus globale,
c'est-à-dire en fonction du milieu de vie de la famille et des personnes
qui la composent, car il est démontré qu'une approche purement
individuelle connaît rapidement ses limites. Les services sociaux et de
santé ont un impact majeur sur la vie et les relations familiales.
Lorsqu'une personne reçoit des soins, les autres membres de la famille
sont touchés et, en particulier, les parents. Il est alors essentiel que
dans l'élaboration des politiques et des programmes, de même que
dans la
distribution des services, cette dimension sort considérée
pour tirer profit du dynamisme familial et amener la famHIe à se prendre
en charge dans la mesure du possible.
Cela donne lieu à un premier objectif d'intervention dans ce
secteur essentiel de la vie de la politique familiale: accroître
l'approche familiale et préventive dans les programmes d'intervention
existants. Il se traduira notamment par une démarche préliminaire
consistant à: "mettre en place une équipe de travail regroupant
des représentants des différentes directions du ministère
de la Santé et des Services sociaux et du Secrétariat à la
famHIe pour réviser les programmes d'intervention afin d'accroître
l'approche familiale dans une perspective de prévention et de respect
des responsabilités des parents."
Dans cette longue citation, il nous semble important d'attirer votre
attention sur les deux paragraphes suivants de la citation: "Les services
sociaux et la santé ont un impact sur la vie et les relations
familiales" et, la seconde phrase: "Lorsqu'une personne reçoit des
soins, les autres membres de la famille sont touchés."
Nous constatons que, trop souvent hélas, les
bénéficiaires de services des différentes institutions du
réseau public ou parapublic des services de santé et des services
sociaux sont traités comme individus et non comme des personnes en
continuelle interdépendance avec un milieu, le plus souvent leur milieu
familial. Et pourtant, l'expérience journalière vécue
Intensément en milieu hospitalier, par exemple, démontre à
quel point la victime d'un infarctus, l'hôpitalisé en attente de
diagnostic, le patient en phase terminale, la personne âgée en
centre d'accueil, le jeune en besoin de protection dans un centre de services
sociaux, la personne violentée faisant appel à un centre local
des services communautaires, la clientèle de cliniques psychiatriques,
combien toutes ces victimes dites hospitalisées dans une Institution du
réseau vivent par leur pensée dans leur milieu familial; combien
aussi les membres du milieu familial de l'hospitalisé vivent
également par la pensée dans l'institution qui reçoit
leurs proches! Comment peut-on réellement traiter adéquatement
des bénéficiaires de services institutionnels en faisant
abstraction de leur milieu familial avec lequel ils continuent à vivre
pourtant? Un plan de traitement efficace nécessite la participation des
différents milieux de vie du bénéficiaire de services,
notamment son milieu familial.
C'est donc à cause de ces perspectives d'orientation familiale
que le Regroupement a voulu, aujourd'hui, se présenter devant cette
commission parlementaire et attirer l'attention des membres qui la composent
sur l'obligation de donner à ce projet de loi la dimension familiale qui
nous apparaît, à ce moment-ci du moins, totalement inexistante.
Bien que nous déplorions cet état de fait, nous ne nous en
étonnons pas trop par ailleurs. En effet, les orientations
gouvernementales en matière de santé et de services sociaux,
publiées en avril 1989, et orientations annonciatrices de ce projet de
loi ne sont elles-mêmes aucunement de nature familiale. Il s'agissait
pourtant d'un document d'orientation visant à améliorer la
santé et le bien-être au Québec et qui plus est, d'un
document proposé à la population du Québec par Mme
Thérèse Lavoie-Roux, ministre de la Santé et des Services
sociaux, mais également ministre responsable de la politique
familiale.
Le Regroupement a procédé à l'analyse de ce
document et il publiait, en juillet 1989, un rapport à ce sujet. Les
conclusions de ce rapport sont les suivantes: Tous s'accordent pour dire que le
discours gouvernemental de Mme Thérèse Lavoie-Roux ne
reflète pas le "penser famille" que chacun était en droit
d'espérer; le livre blanc sur les orientations aurait dû
être l'endroit de choix pour traduire et concrétiser les
intentions gouvernementales dans les différents champs d'action en
matière de politique familiale; pour l'instant, la politique familiale
dans ce document semble être marginale par rapport aux grandes
préoccupations du gouvernement; le système de la santé et
des services sociaux est un système de services qui reste centré
sur l'individu et ses besoins, et la famille n'y est pas vue comme une
entité structurante de base.
Voilà donc les constatations que nous avons faites à la
lecture des orientations gouvernementales en matière de santé et
de services sociaux publiées en avril 1989. Était-il
réaliste de notre part de croire que le projet de loi en cause
aujourd'hui s'avérerait, lui, une pièce légale
s'inscrivant dans la lignée de la pensée familiale
déjà adoptée par le gouvernement du Québec? La
réponse est brutale: non. L'avant-projet de loi sur les services de
santé et les services sociaux ne véhicule aucune orientation
familiale. Il nous revient donc la responsabilité, au nom des organismes
familiaux et des groupes à intérêt familial du
Québec, de sensibiliser le ministre pour que soit intégrée
à ce projet de loi remanié la dimension ou la perspective
familiale.
Il nous apparaît, en effet, impensable qu'un ministère
aussi important que le ministère de la Santé et des Services
sociaux soit quasi silencieux à l'endroit de la famille, alors que le
plan d'action gouvernemental en matière de politique familiale,
déposé en septembre dernier, soflictte ou impose une
collaboration ou une participation active en faveur de la famHIe. De plus,
cette sollicitation du plan d'action s'adresse, entre autres, à des
ministères où, souvent, la famille constitue une mineure dans
l'ensemble de leurs activités. Ainsi, comment le ministère de la
Santé et des Services sociaux, en regard de sa mission de
prévention et de protection sociale, peut-il affirmer un certain
leadership en matière familiale si, dans le texte de loi
régissant les services de santé et les services sociaux, on
dénote
une absence complète d'orientation familiale? Ce projet de loi
doit être remanié, de toute évidence. Ceux et celles qui
pensent et agissent famille au Québec l'exigent.
À titre d'exemple, on pourrait citer ici le ministère de
l'Éducation du Québec qui publiait dernièrement un recueil
d'activités pour la classe de français intitulé
"L'école et les familles d'aujourd'hui". Ce type d'action
ministérielle répond parfaitement aux attentes du plan d'action
gouvernemental en matière de politique familiale et on ne peut que
féliciter ce ministère pour son implication familiale.
Mme la ministre, M. le ministre, si vous permettez, les pages 7, 8 et
9...
La Présidente (Mme Marois): Mme la présidente.
Mme Casimir: ...sont quelques réflexions que nous avons
faites sur les articles de ce projet de loi. On va les passer à cause du
temps, et on aimerait parler davantage sur le financement. Donc, je vais
céder la parole à M. Sarrasin, qui va vous parler du
financement.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci, madame.
Oui?
M. Sarrasin (Richard): Merci, madame. À propos du
financement des organismes communautaires, les articles du projet de loi 228
à 233 traitent du financement des organismes communautaires au sein
desquels on retrouve les organisations familiales selon la classification de la
Direction des services de soutien aux organismes communautaires du
ministère de la Santé et des Services sociaux.
Inspirés par le document déjà cité sur les
orientations en matière de santé et de bien-être au
Québec, publié en avril 1989, ces articles reflètent
l'esprit de dépendance, pour ne pas dire de soumission, dont doivent
faire montre les organismes communautaires à l'égard du
réseau des services publics et, particulièrement, à
l'égard du ministère de la Santé et des Services
sociaux.
Le comité de lecture formé par notre Regroupement sur le
document d'orientation d'avril 1989 de Mme la ministre Thérèse
Lavoie-Roux résumait la politique de financement des organismes
communautaires qu'il y percevait de la façon suivante: Une telle
politique s'intègre indûment dans l'autonomie des groupes; elle ne
tient compte que des organisations de services; elle occulte le sentiment
d'appartenance, d'entraide et de solidarité des groupes hors prestations
de services; elle diminue l'impact d'une force provinciale; elle dilue l'impact
de la spécificité de chacun des groupes; elle enrôle les
groupes dans un regroupement régional à
multi-spécificités et multiproblématiques; enfin, elle
compte évaluer l'efficience et l'efficacité des organismes
communautaires en termes d'aide au réseau, de support au réseau,
en termes d'intégration de chacun dans un tout régional.
Ce jugement sévère sur les orientations de la ministre,
publiées peu avant ce projet de loi, peut être repris à
l'endroit de ce projet de loi. L'article 229, par exemple, amène
l'organisme communautaire à se constituer en un organisme sans but
lucratif, constitué en vertu de la troisième partie de la Loi sur
les compagnies, et à avoir un conseil d'administration composé
à l'image des organismes du réseau parapublic, entre autres,
c'est-à-dire composé majoritairement d'usagers de l'organisme ou
de membres de la communauté.
Ce moulage aux structures du réseau, on le retrouve à
l'article 230 où la régie régionale aurait droit de vie
sur l'organisme communautaire qui devra satisfaire "régionalement" aux
critères que cette régie déterminerait pour sa
région. Dans son esprit, l'article 230 assujettit les organismes
communautaires aux organismes du réseau. On peut craindre, ici, que tout
cet acharnement à désirer "encadrer" dans des structures tue la
spontanéité, la vitalité, le goût du
bénévolat, toutes ces caractéristiques propres aux
organismes communautaires.
L'article 231 - et c'est l'article sur lequel nous appuyons davantage
notre position, ce matin - tue, à toutes fins pratiques, les
regroupements d'organismes communautaires. Cet article est inconcevable et
inacceptable pour nous. D'une part, on laisse ainsi voir que les regroupements
peuvent se financer à partir des cotisations versées par leurs
membres qui, comme organismes communautaires, ont peine déjà
à assurer leur propre survie. D'autre part, cet article, si
accepté, détruira les organismes communautaires eux-mêmes.
Il est, en effet, de notoriété publique qu'un organisme familial
local laissé à lui-même, sans le concours d'un organisme
régional ou national qui lui apporte tout le "counseling" requis, stagne
et dépérit à brève échéance.
Les organismes locaux vigoureux se réclament, dans la
majorité des cas, d'organismes de même type, mais de nature
nationale ou régionale. On pourrait ici se référer
à la structure du syndicat local qui n'aurait aucune relation
d'appartenance à une centrale nationale. La portée d'un tel
syndicat est forcément limitée et ne peut jouir de
l'enrichissement que lui apporte la centrale.
Il nous apparaît devoir apporter de sérieuses
réserves sur l'ensemble des articles 228 à 233. Le financement
des organismes communautaires, à notre avis, doit être revu dans
de nouvelles perspectives. Il ne s'agit pas, d'abord, de situer ces organismes
dans la lignée du réseau des services publics et parapublics,
mais plutôt de les considérer comme entités autonomes ayant
droit de cité par eux-mêmes. La philosophie du mouvement familial
que nous préconisons, veut que tous les secteurs de vie concourent
à créer
un environnement favorable à l'épanouissement de la
famille. Il appartient autant aux milieux du travail et de l'éducation,
aux mondes municipal et de l'habitation qu'au secteur de la santé et des
services sociaux de soutenir les organismes promoteurs de la vie familiale. (10
h 30)
En conséquence, le financement de ces organismes doit être
assuré par l'ensemble des régies ministérielles. Que des
accommodements soient faits pour qu'un seul ministère soit responsable
du financement, on le veut bien, mais il ne faudrait pas limiter l'action des
organismes familiaux et à intérêt familial à la
mission de ce seul ministère.
Des formules concernant les processus d'accréditation par
l'État de ces organisations nationales, régionales ou locales
à subventionner ont déjà été
expérimentées ailleurs. Nous n'avons pas, dans ce domaine,
à réinventer la roue et nous sommes prêts a expliciter les
processus requis auprès de ceux et celles qui auront la
responsabilité du financement de ce type d'organisation.
Ici, Mme la Présidente, nous avons déposé, tout
à l'heure, un second document qui décrit ce que nous pensons du
financement des organismes communautaires, en termes très concrets. Je
ne sais pas si c'est le temps de le passer - on a peur de dépasser les
20 minutes - ou si on devrait, en période des questions, revenir sur ce
second document où on explicite les critères de.
La Présidente (Mme Marois): II serait peut-être
intéressant pour les fins d'information de la commission que vous
explicitiez brièvement, un peu, ce que vous entendez par les
critères que vous voulez proposer.
M. Sarrasin: immédiatement? La Présidente (Mme
Marois): Ouf.
M. Sarrasin: Merci. Nous avons remis aussi, ce matin, un document
qui s'intitule Décret du 8 avril 1976 et arrêté
d'application de l'éducation permanente des adultes. C'est un
décret belge qui, en Belgique, est un document actuellement... C'est un
arrêté en conseil en vigueur et qui prévoit le financement
des organisations, tels les organismes communautaires ou les organismes
familiaux, parce qu'en Belgique, un peu comme la DGEA, ici, au Québec,
ça passe par l'Éducation.
Tout en disant ça, on reconnaît que le ministère de
la Santé et des Services sociaux a une très grande importance par
rapport aux familles et on ne voudra pas dire qu'H faut que le ministère
de la Santé et des Services sociaux laisse tomber cette
responsabilité financière par laquelle nous pouvons tout de
même survivre dans le moment.
Alors, le document en question, Mme la Présidente, comme on le
mentionne dans le dernier document qu'on vous a remis, on voudrait, dans les
trois ou quatre premières pages, ne pas les lire Ici, mais tenter de
donner un sommaire de ce qui existe dans ce document.
Or, on y voit, premièrement, que les organisations familiales
sont acceptées comme des outils indispensables de développement
social; deuxièmement, la nécessité pour l'État de
collaborer à leur financement; troisièmement, la
responsabilité gouvernementale d'établir des critères
d'accréditation de ces organisations; quatrièmement, la
pluralité des organisations et leur niveau d'action au plan national,
régional ou local; cinquièmement, une formule de financement
préconisée pour chacun de ces titres. Voici ce qu'on peut
retrouver dans ce document que nous vous laissons.
Et maintenant, nous aimerions vous faire part de quelques
réflexions qu'on retrouve en page 6 du deuxième document qu'on
vous a remis, ce matin.
La Présidente (Mme Marois): On avait, si vous me
permettez, l'annexe A.
M. Sarrasin: C'est ça, à la page 6.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Sarrasin: Ce sont nos réflexions depuis surtout deux
ans qui, chez nous, ont été véhiculées. Alors, une
première réflexion, c'est l'établissement d'un cadre de
référence théorique. Il nous apparaît d'abord, Mme
la Présidente et M. le ministre, qu'il faille établir, pour le
financement des organismes familiaux, un cadre de référence
théorique. Outre le principe de reconnaissance par l'État de
l'action des organisations familiales comme des investissements
méthodiques de ressources collectives en vue du développement
socioculturel de la communauté, principe que nous retrouvons dans le
décret belge, nous désirons vous exprimer qu'à notre avis
le financement des organismes familiaux est une question de justice
distributive.
Il y a quelques années, les families et les organismes du milieu
s'organisaient et payaient eux-mêmes pour les services qu'ils se
donnaient. L'évolution de la situation de l'État a fait que de
nombreux services ont été pris en charge par les gouvernements
et, par voie de conséquence, une taxation plus ou moins correspondante
s'enuivit. Ce que les organismes familiaux demandent à l'État,
dont nous sommes à titre de payeurs de taxes, c'est non pas de leur
donner de l'argent, mais de leur attribuer leur part et dans la décision
des priorités de la redistribution et dans la redistribution
elle-même. Autrement dit, l'État ne donne pas des fonds, N
attribue la part qui revient aux organismes familiaux.
Deuxième réflexion. L'État doit définir des
mécanismes d'accréditation. Suite à cette reconnaissance
de l'État envers les organismes fami-
llaux et ce droit pour eux à l'organisation de fonds
gouvernementaux en vertu de la justice distributive, nous reconnaissons, Mme la
Présidente et M. le ministre, que l'État doit définir des
mécanismes d'accréditation des organismes. Le décret belge
nous en fait part et est descriptif à ce sujet.
Troisième réflexion. Le financement des organismes
familiaux doit s'établir sur une base de trois ans. Le financement des
organismes familiaux doit se faire sur une base de trois années et
être révisé chaque année, de sorte que chaque
année devient la première de trois. Dans
l'éventualité d'une coupure, l'organisation a au moins deux
années pour se retourner.
Quatrième réflexion. Les modalités annuelles
concourantes de financement pourraient être les suivantes: d'abord, un
financement de base: une subvention annuelle de l'État aux organismes
accrédités doit permettre le financement du loyer, du
téléphone et d'un personnel technique minimum;
deuxièmement, une participation volontaire aux priorités
gouvernementales: un montant de l'État doit être
dégagé qui comprendra des sommes à être
attribuées par contrat aux organismes désireux d'acheter une ou
des priorités annuelles du gouvernement; troisièmement, un achat
par l'État de projets des organismes: un montant de l'État doit
être dégagé qui comprendra des sommes à être
attribuées par contrat aux organismes qui créent des projets pour
eux prioritaires et bénéfiques à la société
comme, par exemple, actuellement, les projets fédéraux de
développement de l'emploi et les projets qu'on appelle de l'article 25;
quatrièmement, un encouragement à la recherche sur le terrain: un
montant de l'État doit être dégagé pour permettre
aux organismes de poursuivre des recherches sur le terrain. Et la
dernière, cinquième réflexion. Combien l'État
doit-il investir? Comment évaluer les sommes gouvernementales à
investir dans les organismes familiaux? D'après nos informations,
l'État investit, actuellement, environ 1 265 570 $ pour 95 organismes
familiaux, soit une moyenne de 13 323 $ par organisme. Nous est-il permis de
vous faire observer qu'un poste dans le réseau de la santé et des
services sociaux peut se chiffrer à 50 000 $ par année, qu'un
délinquant peut aussi coûter à l'État 50 000 $ par
année? Peut-on imaginer qu'un organisme familial, qui voit à
l'encadrement des ressources volontaires d'un milieu et qui reçoit
présentement, en moyenne, 13 323 $ par année, comment peut-on
imaginer ce que cet organisme familial pourrait accomplir avec l'allocation
financière d'un seul poste de 50 000 $ accordée aux
employés du réseau? Peut-on penser qu'une telle allocation
annuelle de 50 000 $ accordée à un organisme familial pourrait
éviter une seule délinquance?
Mme la Présidente, M. le ministre, on nous dit qu'un
kilomètre d'autoroute coûte environ 1 500 000 $; c'est plus que ce
que reçoivent l'ensemble de tous les organismes familiaux au
Québec. Autre façon de voir les chiffres, l'État investit
actuellement environ 1 $ par enfant dans les organismes familiaux. Viendra-t-il
au gouvernement l'idée de se valoriser en disant: Nous investissons 1 $
par année via les organismes familiaux? Ne peut-on pas penser, M. le
ministre, qu'une somme minimale de 10 $ par enfant devrait être investie
par l'État dans les organismes familiaux? 15 000 000 $ pour les familles
du Québec via les forces vives des organismes familiaux, n'est-ce pas
raisonnable? Encore une fois, l'échangeur du Carré Viger,
à Montréal, n'a-t-il pas coûté 35 000 000 $ pour un
demi-kilomètre?
Pour toutes ces raisons invoquées, nous en arrivons à la
conclusion qu'il est de l'intérêt de l'État de mieux
financer les organismes familiaux et les regroupements de ces organismes, ces
derniers menacés de disparition par l'article 231 du présent
projet de loi. Il me resterait la dernière page, Madame, du premier
document que vous avez.
La Présidente (Mme Marois): Je pense que c'est
peut-être une façon un peu nouvelle de voir les choses, M. le
ministre va en convenir, et ce serait peut-être intéressant de
vous laisser aller pour une page encore.
M. Sarrasin: Une page. Alors, nous sommes, certes, conscients que
l'État est sollicité de plus en plus pour multiplier les
programmes curatifs, mais nous tenons à rappeler de nouveau que de tels
programmes s'avèrent de plus en plus dispendieux, tandis que des
programmes de nature préventive le sont beaucoup moins. Il s'agit
là, en effet, de programmes où sont appelés à
participer différents secteurs d'activité de la
société, tels le monde du travail et aussi le monde municipal, le
domaine de l'habitation, entre autres. Les coûts de tels programmes sont
alors à la charge des différents bailleurs de fonds. De plus, les
promoteurs de ces programmes, qu'ils soient de nature municipale, peuvent
compter sur un ensemble de forces bénévoles ayant à coeur
la promotion de la famille et l'épanouissement des personnes qui la
composent.
L'apport au bien public des organismes familiaux et des groupes à
intérêt familial est incalculable. Le Regroupement
inter-organismes pour une politique familiale au Québec, qui compte une
soixantaine d'organisations représentatives de plus de 500 000 membres
au Québec, est prêt à poursuivre sa collaboration
auprès de l'État québécois pour doter ce dernier
d'une véritable politique de la famille, mais encore faut-il lui donner
un minimum de moyens. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Nous vous remercions de votre
présentation. Je vais inviter, maintenant, M. le ministre de la
Santé et des
Services sociaux à vous adresser quelques questions.
M. Côté (Charlesbourg): Ouf. Mme la
Présidente, ce que j'ai compris c'est qu'il y a au moins deux
éléments très importants de votre présentation:
l'aspect famille, que vous avez placé comme première
préoccupation, et le deuxième, votre survie. Je suis un petit
peu... Quand je regarde le mémoire, je le trouve dur, mais il a
peut-être raison d'être dur. Je ne veux pas le juger. Je veux tout
simplement regarder ce qui a été fait et le reprendre à
partir du document d'orientation, puisque vous avez évoqué
beaucoup le document d'orientation. Je comprends que dans le projet de loi, ce
n'est peut-être pas si apparent que ça. Ça ne va
probablement pas assez loin. Évidemment, le projet de loi se voulait en
harmonie avec le document et on y a réussi plus ou moins bien. C'est ce
qu'on se fait dire depuis le début et j'ai l'impression que c'est ce
qu'on va se faire dire jusqu'à la fin. évidemment, lorsqu'on
confie à des légistes le soin de mettre dans un projet de loi des
orientations, il paraît que ça devient assez difficile. Mettons
ça de côté parce qu'il est à refaire. Vous nous
l'avez dit. J'en suis pleinement conscient. Il est en bonne partie à
refaire et c'est ce que nous tentons de faire.
Lorsque je regarde les orientations pour améliorer la
santé et le bien-être au Québec - je finirai par la
politique familiale - quand on se retrouve dans te document, page 18, H y a des
notions qui sont là qui m'apparaissent assez importantes,
peut-être pas assez, mais c'est de ça dont je veux discuter avec
vous. Il y a quatre stratégies fondamentales dans le document.
Peut-être qu'on y est mal parvenu, mais c'est ce que je veux essayer de
comprendre pour corriger des choses si on peut les corriger. On disait: "La
prévention et la promotion". Ça c'est évident. Je pense
qu'on ne se fera pas de cachette du tout. On est dans un système
curatif. Ça c'est clair. Vous l'avez dit, vous l'avez
répété. On est dans un système curatif et il faut
prendre le virage de la prévention, qui ne se fera pas du jour au
lendemain, mais il faut au moins que la volonté politique soit là
de le faire et de donner l'orientation au ministère et, par le fait
même aussi, au réseau, qu'il faut faire le virage de la
prévention.
La deuxième, c'est le renforcement de l'autonomie des personnes,
des réseaux naturels et des communautés. Et il y a un petit
paragraphe - il n'est quand même pas très gros, mais il est
là, où on dit: "La personne vit et agit dans un réseau
composé de parents, d'amis et de voisins. De nombreux besoins sont
comblés par ce réseau sans que des recours aux services soient
nécessaires. Le renforcement de l'autonomie des personnes, des
réseaux naturels, particulièrement de la famille...". Il y avait
donc dans l'idée de ceux qui ont travaillé à l'origine...
Effectivement la famille était une référence
extrêmement importante. Et si on a un peu de problèmes dans notre
système aujourd'hui, c'est qu'il y a eu éclatement des familles
pour toutes sortes de raisons. Lorsqu'on continue, on va dans les objectifs -
parce que, s'il y a des stratégies, il y a aussi des objectifs - on se
retrouve à la page 31 du document et on se retrouve avec l'objectif 18.
Je vais y arriver là. L'objectif 18 - bon, ce n'est peut-être pas
clair comme de l'eau de roche, j'allais dire de l'eau Perrier mais ce n'est
pas...
Des voix: Ha, ha, ha! (10 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): ...le bon exemple de ce
temps-ci, semble-t-il mais ça va le redevenir, souhaitons-le. Objectif
18: réduire l'incidence et les conséquences de la violence
familiale. Bon, ce n'est pas une préoccupation très large, mais
il y avait une préoccupation qui était là.
Évidemment, dans ce document d'orientation, lorsqu'on se retrouve
à la page 35, on fait place à la politique familiale qui a
été décrétée, qui a été
adoptée par le gouvernement.
Évidemment, quand j'entends votre présentation, là
je me dis: II y a quelque chose qui ne marche pas à quelque part, disons
que c'est chez nous. Je suis prêt à comprendre ça.
J'aimerais ça, effectivement qu'on en revienne à la discussion
qu'il y a là. Ce que vous trouvez, c'est que ce n'est pas assez clair.
Est-ce que vous souhaitez qu'on en revienne à la politique de 1987 et
que ce soit ça ou est-elle suffisante en termes de réajustement?
Parce que, évidemment, quand on fait le constat, on fait le même
constat. La famille, il faut redonner un certain sens à la famille et il
faut effectivement prendre les moyens d'y arriver. Évidemment, quand tu
veux traduire ça dans un projet de loi ce n'est pas facile; ce n'est pas
impossible mais ce n'est pas facile. Mais, moi, j'avais compris, en tout cas vu
de l'extérieur, que, au niveau des orientations, il y avait eu une
volonté là mais vous ne la trouvez pas assez loin et j'aimerais
vous entendre davantage là-dessus, parce que ça va être
pour nous capital sur le plan des gestes qu'on aura à poser
éventuellement.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Sarrasin.
M. Sarrasin: M. le ministre, on doit dire nous, au Regroupement,
que depuis 1967, entre autres, lorsque l'Assemblée nationale a
voté un énoncé de la dynamique en matière de
politique familiale, il y a eu la nomination d'un ministre
délégué à la Famille avec M. Dutil, qu'il y a eu la
création d'un Secrétariat à la famlle et d'un Conseil de
la famille. Nous avons applaudi à tout rompre à chaque fois. On
est venus ici, en commission parlementaire, appuyer M. Dutil, entre autres,
lorsqu'il a parlé d'un Conseil de la
lamllle. Et, dans ct> quo vous venez de dire, nous applaudissons
encore une fois, c'est bon, c'est bon et c'est bon. Mais c'est dans la
pratique. On arrive avec un projet de loi et on ne retrouve pas ce qu'il y a de
beau là. Quand on parle d'un plan de traitement auprès des
bénéficiaires, soit dans un hôpital ou ailleurs, on
n'inclut pas du tout le milieu familial. On parle des spécialistes ici
et là, mais on le sait très bien qu'une personne qui est à
l'hôpital, un mari, une épouse ou un conjoint, un frère ou
une soeur, elle vit avec celui ou celle qui reste à la maison, et
inversement. Et je pense que dans un plan de traitement on devrait tenir compte
de ça et on devrait, à ce moment-là, inclure la
participation d'un membre de la famille, le mettre au courant de ce qui se
passe entre autres. On a des exemples qu'on a donnés. Donc, ce qu'on
veut dire, c'est qu'il y a réellement eu un effort du gouvernement du
Québec depuis 1980, 1981. On ne fait pas de politique ici, mais avec M.
René Lévesque qui en a été le premier, bon, et par
la suite aussi, sous le gouvernement libéral - on ne veut pas faire de
politique - on a eu tout de même des réalisations concrètes
comme des créations d'organismes. On a une sous-structure qui est pas
mal complète. Ce qui nous manque maintenant, c'est que les lois suivent
en conséquence. C'est que les familles soient valorisées,
qu'elles ne soient réellement pas comme des fois on les trouve. C'est
bien important mais, en réalité, on n'arrive pas à les
affirmer dans la pratique. C'est un peu ça qu'on déplore. Le
mouvement est bien lancé, les orientations c'est correct. On s'en va du
bon côté. Le train est parti. On a sauté dans le train.
Quand on parlait du Conseil de la famille, on a sauté dans le train,
mais il reste qu'en pratique maintenant, dans le travail, dans
l'éducation, dans les loisirs, dans l'ensemble de la communauté
québécoise, dans l'ensemble des secteurs de la communauté
québécoise, on doit "penser famille".
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
qu'on n'a pas besoin de réinventer la roue. Le plan d'action est
là, c'est un document de référence qui est toujours
valable, cependant, ce que vous souhaitez, c'est que dans le texte
législatif ce soit beaucoup plus apparent. Évidemment, on a
reçu les gens qui parlaient des bénéficiaires aussi
beaucoup, on devra mettre davantage d'emphase au niveau du
bénéficiaire. Par exemple, des gens nous ont dit davantage de
parler du dossier du bénéficiaire que du dossier médical.
Donc, c'est la propriété du bénéficiaire et non pas
du médical. Ça paraît être des éléments
assez intéressants et vous ajoutez, vous, la notion familiale parce que,
effectivement, si vous avez un enfant qui est soigné à
l'hôpital, qui a besoin de soins, il va y avoir au moins un des deux
parents proche, que ce soit une famille monoparentale ou pas, mais c'est
là que la famille se regroupe, en règle
générale.
Ce que je comprends, c'est que vous souhaitez... Et ce n'est pas
évident que dans i'avant-projet de loi on retrouve ce qui a
été exprime comme point de vue au niveau dé la politique
et c'est davantage ce que vous voulez retrouver dans le projet de loi.
Heureusement, on a un avant-projet de loi et ça nous permet de le dire.
On verra comment on pourra le traduire dans le projet de loi qui va commencer
à prendre forme dans pas grand temps. Je comprends mieux. En lisant le
texte de votre présentation, je ne savais plus si la politique
elle-même était devenue un bon élément de
référence ou si elle était encore acceptable. Je comprends
que c'est acceptable, mais il faut recentrer notre action en fonction de ce
plan d'action et, à partir de ça, bien le camper comme
préoccupation à l'intérieur du projet de loi.
Organismes communautaires. C'est le deuxième volet. Oui?
Une voix: M. Savard aimerait ajouter quelque chose.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Savard.
M. Savard (Georges): Est-ce que je peux me permettre d'ajouter
juste une chose...
M. Côté (Charlesbourg): Certainement.
M. Savard: ...qui peut encourager peut-être notre ministre?
C'est de voir ce qui se fait au niveau des maisons de parents et des maisons de
la famille. Elles se multiplient maintenant, les maisons de la famille. La
dernière qui vient d'être ouverte, c'est celle de
Lotbinière, mais on en a déjà quatre à
Québec. Je pense que c'est un lieu où on voit les familles
s'entraider, un peu à la façon dont les alcooliques s'entraident
entre eux. Je pense que ça pourrait être encourageant pour le
gouvernement de voir que, déjà, dans la population, il y a
énormément d'efforts qui sont en train de grandir encore.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez une
présentation assez originale au plan des organismes communautaires, avec
les annexes et des références. Évidemment, vous avez
touché un peu au volet transport.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): J'ai l'impression que c'est
une comparaison qui voulait me toucher de plus près compte tenu des
connaissances que j'ai. Vous avez, en bonne partie, réussi, mais on
aurait pu aussi prendre comme comparaison les investissements que l'État
fait en pédiatrie dans les centres hospitaliers et ainsi de suite parce
que, là aussi, il se dépense des sommes assez fabuleuses de la
part de l'État et c'est fait
aussi pour l'enfant et la famille, évidemment, j'ai bien saisi le
message de la comparaison avec le transport.
Je voudrais revenir parce que, depuis le début, on a entendu des
organismes communautaires qui font à peu près front commun en
disant: On veut être reconnus, on veut être financés sur une
base plus solide et mieux financés que nous le sommes. Je pense que
c'est le constat général. J'aurais été très
surpris que les organismes communautaires viennent nous dire: On en a trop;
enlevez-nous-en un peu. J'aurais été bien surpris. Effectivement,
si ça vaut pour la famille, ça vaut aussi pour les organismes
communautaires; lorsqu'on essaie de camper dans un projet de loi - et Dieu sait
que je ne suis pas avocat, donc je peux facilement en parler - camper dans un
texte de loi, dans un article précis, ce qu'on a là-dedans,
ça devient difficile. Mais je voudrais y revenir - parce qu'on devra
refaire nos devoirs au plan législatif - je voudrais revenir aux
orientations, à la page 82, pour tenter de voir si au moins on se
comprend sur les objectifs. Qu'ils soient mal traduits en termes
législatifs, c'est une chose. Si les objectifs sont clairs et qu'on
s'entend bien là-dessus, ça me paraissait être des pas
extrêmement importants de la part du gouvernement. Peut-être qu'Us
ne sont pas suffisants; on va se le dire.
On retrouve, à la page 81, un titre très important:
Reconnaissance des organismes communautaires. En caractères gras, il y a
quatre éléments: "Définissent librement leur orientation,
leur politique et leur approche, réalisent soit des activités
bénévoles, soit des activités partiellement
rémunérées, mais sans but lucratif dans le domaine de la
santé et des services sociaux; sont incorporés en vertu de la
partie III de la Loi sur les compagnies; ont un conseil d'administration
composé majoritairement d'usagers ou de membres de leur
communauté". Est-ce que ça vous apparaît réaliste?
Est-ce que ça a du bon sens ou si ça n'a pas de bon sens? Je
retrouvais dans vos définitions de tantôt certains
éléments qui sont là. On va se parler du financement
après parce que ce que je souhaite maintenant avec les groupes
communautaires, c'est de progresser pour voir si les orientations et les
objectifs sont bons. Si on les a mal traduits au plan législatif, on va
refaire nos devoirs. Mais, si cette base-là est bonne, on va partir de
ça et, si elle n'est pas bonne, il faut le dire maintenant pour qu'on
puisse essayer de la changer.
M. Sarrasin: Comme toile de fond, on ne peut pas dire que ce ne
sont pas de bons objectifs. Peut-être que, pour les regroupements
d'organismes, ça ne fonctionne plus parce que les usagers sont les
organismes qui sont membres; ce ne sont plus des usagers au sens de recevoir
des services directs, comme citoyens et citoyennes. Qu'on veuille exiger que
les organismes soient incorporés peut être une protection, mais
nous connaissons beaucoup d'organismes qui fonctionnent sans
nécessairement d'incorporation légale selon la troisième
partie de la Loi sur les compagnies. Il faut penser que, souvent, les
organisations familiales, ce sont des organisations de bénévoles
qui prennent de leur temps et ne sont pas familières avec la structure
qu'on retrouve dans les organisations du réseau des services
parapublics.
Enfin, dans les accréditations dont on parlait, le critère
d'accréditation, le gouvernement du Québec peut toujours dire: Ce
sont là mes critères. Je pense que c'est à lui de le
faire. On lui fait observer toutefois que, pour des organismes communautaires,
la structure elle-même de reconnaissance des services, etc., ne doit pas
être aussi rigide que lorsqu'on a affaire avec des organisations de
réseau.
Ça ne répond pas complètement, M. le ministre, je
pense bien, à votre question.
M. Côté (Charlesbourg): Mais je l'apprends avec le
complément que vous nous avez fourni, parce qu'il y a des
éléments intéressants dans votre présentation au
niveau des organismes communautaires où vous dites: On est prêts
à avoir un contrat dans un champ plus libre et dans des champs
spécifiques de base. Évidemment, c'est à nous de s'adapter
à ce que le ministère veut à partir d'une enveloppe
budgétaire et, finalement, de vendre nos services. Je pense que c'est
une approche qui me paraît beaucoup plus ouverte que ce qu'on a entendu
jusqu'à maintenant, dans le sens que vous reconnaissez que, si on dort
laisser l'autonomie aux organismes communautaires d'oeuvrer dans les domaines
qu'ils veulent avec les moyens qu'ils veulent, on doit laisser aussi
l'autonomie au gouvernement de reconnaître ou de ne pas
reconnaître. Cela m'apparait être un élément
important qu'on n'a pas entendu jusqu'à maintenant. Non. Jusqu'à
maintenant, ce qu'on a entendu, c'est: Plus d'argent, plus d'autonomie, pas
absorbé par le réseau - je comprends ça - et, aussi,
défendre des regroupements sur le plan national par rapport à des
organismes plus locaux.
Moi aussi, ça m'achale, lorsqu'on donne 5000 $ ou 10 000 $, de
demander des rapports et des rapports. Ça, c'est du
bénévolat. Évidemment, dans certains autres niveaux plus
substantiels, c'est moins du bénévolat. C'est toujours du
bénévolat, mais, puisqu'il y a quand même des sommes
d'argent qui sont là et qu'on doit être imputables, il faut
être capables d'en répondre.
Là-dessus, je n'ai pas de problème. Je pense qu'avec le
complément d'information que vous nous avez fourni: mieux
encadrés, prêts à jouer le jeu du contrat avec le
ministère ou, si c'est décentralisé avec enveloppe
régionale, avec la région, ça me paraît très
raisonnable comme demande. Merci.
La Présidente (Mme Marois): merci, m. le ministre. je
pense, mme casimir, que vous vouliez intervenir?
Mme Casimir: C'est juste une petite intervention. Ce qu'on veut,
dans le fond, c'est que le gouvernement reconnaisse le bien-fondé des
organismes et nous aide parce qu'on a des problèmes financiers,
évidemment. On accepte de rendre compte de l'argent qui nous est
donné et, dans le document, comme vous allez voir, comme vous le disiez,
on dit: On va acheter vos préoccupations mais vous pouvez aussi acheter
les nôtres. Je pense que c'est comme ça qu'on va faire progresser
les choses au Québec. Je vous remercie de nous avoir
écoutés.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord vous
remercier de vous être présentés devant nous et de nous
faire voir très clairement l'importance et la grandeur des
responsabilités qui sont toujours confiées à la famille
dans l'évolution de la société québécoise,
dimension qui est encore - oui, vous l'avez bien rappelé - souvent
oubliée. Et c'est important que des regroupements comme le vôtre
puissent venir nous dire, au moment même où le ministre le
reconnaît, comme nous l'avons dit d'ailleurs à l'ouverture de la
présente commission, qu'il faut d'abord réaliser un vaste
débat sur les orientations et les fondements sur lesquels nous devrions
baser toute réforme des services de santé et des services sociaux
au Québec. (11 heures)
On s'en rend compte au fur et à mesure du déroulement de
cette commission et c'est important que des groupes comme les vôtres
viennent nous rappeler qu'effectivement on est soit allé trop vite au
niveau de la traduction ou on a fait une mauvaise traduction pratique dans
l'avant-projet de loi qui nous a été déposé, et
qu'on risque, à cet égard, de commettre des erreurs ou des
impairs et d'inscrire, au niveau de la loi, des mécanismes de
réalisation d'orientations qui ne répondent pas du tout aux
préoccupations fondamentales de certains secteurs de la
société québécoise. Et, à cet égard,
le double, la deuxième partie du risque que nous courons... Le ministre
vous répond, ce matin: Oui, il va falloir qu'on refasse ce projet de
loi; nous allons le réécrire. Mais qui sera interpellé
pour discuter, pour échanger, pour vérifier si les orientations,
si les inscriptions qui seront faites dans le projet de loi visant à la
réforme de la santé et des services sociaux sont vraiment en
adéquation avec des dimensions fondamentales que vous nous rappelez, ce
matin, par exemple, quant aux responsabilités, à l'importance du
groupe familial dans l'ensemble de l'évolution de la
société québécoise?
Il y a là à avoir de vastes inquiétudes sur la
forme que prend le débat, les rappels que vous nous faites, sans aucune
garantie que nous aurons sur la place publique largement à discuter de
ce que sera la loi qui va administrer le tiers du budget de l'État
québécois et dans laquelle les organismes familiaux, les familles
sont quotidiennement et profondément impliqués. Je vous rappelle
à cet égard, sur la dimension familiale, que nous n'avons pas, au
Québec, de politique familiale. Nous avons un énoncé de
politique, ce qui est tout à fait différent, et on comprend
pourquoi le législateur, lorsqu'il a à inscrire, dans un projet
de loi sectoriel spécifique comme celui sur la santé et les
services sociaux, le rôle, les responsabilités de la famille et le
mode de collaboration qu'il souhaite instituer, n'a pas, finalement, de texte
législatif adopté par l'Assemblée nationale puisqu'il
s'agit d'un énoncé de politique du Conseil des ministres. C'est
très différent parce que cela suppose, en termes d'une loi
adoptée par l'Assemblée nationale, qu'il y a eu débat,
qu'il y a eu largement débat dans la société et que
ça s'est traduit à l'Assemblée des représentants de
la nation, et ça je pense que c'est un élément fondamental
qu'il faut rappeler, il manque un morceau, très clairement, dans toute
la dynamique de la politique familiale nécessaire au Québec.
Petite question, au départ. Vous avez certainement pris
connaissance du dernier avis du Conseil de la famille du Québec quant
à la façon dont devraient agir le gouvernement du Québec
et ses différents ministères, "Penser et agir famille au
Québec". Il y a même une grille d'évaluation de ce que
c'est qu'être orienté et tenir compte de la dimension familiale
dans toutes les actions du gouvernement. Vous donnez combien de notes sur 100
au gouvernement du Québec, après avoir appliqué la grille,
quand vous lisez le projet de loi sur la réforme de la santé et
des services sociaux d'un gouvernement qui dit avoir une politique familiale
quand il ne s'agit, en fait, que d'un énoncé? C'est quoi la
note?
La Présidente (Mme Marois): La note de passage ou
plus?
Mme Casimir: Disons que je ne m'aventurerais pas à donner
une note. Je risquerais que, peut-être, ça nous retombe sur le nez
aussi à un moment donné parce qu'on a tous à faire un
examen de conscience à ce niveau. Il y a une chose que j'aurais
aimé peut-être dire dans l'exposé que vous avez fait tout
à l'heure. C'est vrai qu'on va faire des comités. On va repenser
le projet de loi et tout. Mais j'aimerais qu'on n'oublie pas les organismes
communautaires, les organismes familiaux ou à intérêt
famillial, qu'ils fassent partie de ces comités pour réviser ces
politiques. On a tendance à les oublier. C'est sûr que les gens
qui font partie de ces comités, qui
font partie des comités d'étude, sont des parents, ont des
families, mais ils ont peut-être tendance à prendre leur
rôle politique plus que leur rôle de parents, à ce
moment-là. Donc, ce serait bon qu'il y ait des gens des organismes
familiaux qui vont rédiger ces politiques ou qui vont les proposer.
M. Trudel: Ce n'est pas seulement pour l'illustration, mais je
reviens sur la question.
Mme Casimir: Vous voulez une note.
M. Trudel: ...la forme exprimée en disant quelle note vous
donnez, mais est-ce que vous jugez réellement que le législateur,
dans l'avant-projet de loi qui nous est présenté, a vraiment agi
et pensé famille dans ce projet de loi?
Mme Casimir: Je pense que, dans notre texte, on l'a dit tout
à l'heure, on ne retrouvait pas la pensée famille dans ça.
Au niveau de la politique, au départ, elle était là, mais
on ne l'a pas appliquée dans le projet de loi effectivement. C'est ce
qu'on a dit tout à l'heure.
M. Trudel: Très bien. Je reviens aussi sur une affirmation
qui est dans votre mémoire à la page 12 sur le financement des
organismes familiaux. Au moins un éclaircissement de départ, vers
la fin de la page 12. Vous dites: "En conséquence, le financement de ces
organismes doit être assuré pour l'ensemble des "régies"
ministérielles. Que des accommodements soient faits pour qu'un seul
ministère soit responsable du financement, on le veut bien, mais il ne
faudrait pas limiter l'action des organismes familiaux et à
intérêt familial à la mission de ce seul ministère."
Souhaitez-vous la décentralisation aussi du financement des organismes
communautaires, des organismes familiaux ou si vous souhaitez que ça
demeure à un endroit, à une place au gouvernement du
Québec?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Sarrasin.
M. Sarrasin: À partir de la philosophie même qu'on
développe d'une politique de la famille au Québec, on se dit:
C'est l'ensemble des secteurs de la vie québécoise qui doivent
contribuer à penser famille et, s'ils pensent famille, à payer en
conséquence s'ils veulent donner un support. Donc, on est d'avis qu'il
faudrait qu'il y ait plusieurs milieux de vie, donc, plusieurs
ministères qui soient concernés par une politique de la famille,
puisque c'est une politique horizontale comme celle de la condition
féminine. Donc, il faut que le ministère du Travail, il faut que
le ministère de l'Éducation, il faut que le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche - peut-être en tout cas - il
faut que le ministère de la Santé et des Services sociaux qui a
une grande part... Évidemment les services de santé et les
services sociaux, ça touche de près la famille. Il faut que tous
ces ministères collaborent. Qu'on s'entende au niveau gouvernemental
pour que ça passe par un ministère ou une régie, je ne
sais pas comment l'appeler, on est bien d'accord. Et puis il faudra
créer un mécanisme au cabinet du premier ministre peut-être
- je ne sais pas exactement où - comme le Secrétariat à la
famille, qui participe à voir de quelle façon les
différents ministères pourraient contribuer. On est ouverts
à...
Évidemment, le danger de ça, M. le ministre, c'est qu'on
tombe entre deux chaises. Si le ministère de la Santé et des
Services sociaux dit: Si vous voulez avoir d'autre chose, allez ailleurs,
évidemment, on est bien conscients qu'à ce moment-là c'est
par le ministère de la Santé et des Services sociaux qu'on vit
depuis... C'est une question historique si on regarde comment ça s'est
développé au Québec, les services sociaux. Alors, on
dépend du ministère de la Santé et des Services sociaux,
mais peut-être qu'à plus ou moins brève
échéance il faudra penser que d'autres ministères doivent
être impliqués. S'ils sont impliqués pour penser famille,
il faut qu'ils soient impliqués pour payer famille aussi.
M. Trudel: Est-ce qu'à cet égard vous iriez aussi
loin que de dire: Un ministre délégué, ça n'a pas
la possibilité, la capacité, le réseau d'influence
nécessaire à la table ministérielle pour vraiment
véhiculer, dans le cas qui nous intéresse ici, une
véritable politique familiale et qu'il faille envisager au Québec
la création d'un véritable ministère de la famille et des
politiques familiales? Est-ce que vous allez aussi loin que cela quand il faut
se poser la question très clairement: Est-ce qu'on y va à
moitié ou si on y va complètement?
M. Sarrasin: Bien, quand on dit: II y a justice et il y a
apparence de justice, c'est sûr que... On a mentionné tout
à l'heure qu'il y a une évolution au Québec qui est
intéressante. On commence à avoir une structure au moins
administrative au gouvernement; on sait qu'H y a un conseil, il y a un
secrétariat, il y a... Mais c'est clair que si on va jusqu'au bout, vu
qu'on vient de dire que c'est une politique horizontale, la politique de la
famille, ce serait intéressant d'avoir au-dessus, si je peux dire... Et,
déjà, - II faut tout de même regarder ce qui se fait
- le fait que Mme Violette Trépanier, entre autres, soit responsable du
dossier de la politique familiale et soit rattachée au cabinet du
premier ministre, bien, ça, c'est intéressant. Alors,
je ne voudrais pas y aller trop négativement. Mais,
ça, c'est réellement positif dans le sens qu'on a toujours
voulu que le dossier de la politique familiale soit rattaché au bureau
du premier ministre. C'est un minimum.
M. Trudel: Intéressant et suffisant? Vous voyez, nous
sommes, ce matin, à fa commission des affaires sociales et, môme
si la ministre est rattachée1 au bureau du premier ministre,
au moment où nous discutons fondamentalement de l'importance des
organismes familiaux, de la politique familiale au Québec, dans un
projet de loi qui, encore une fois, concerne le tiers du budget de
l'État, la ministre déléguée qui a la
responsabilité de la famille n'est pas avec nous ce matin. Et, vraiment,
on ne sent pas l'horizontalité là-dedans ni, en même temps,
une véritable responsabilité ministérielle à cet
égard. C'est pourquoi on va demeurer longtemps, à mon avis, je
pense que vous allez en convenir, avec des énoncés de politique,
avec des souhaits, avec des grilles qui sont bien pensés, qui sont assez
bien définis, mais qui, finalement, demeurent toujours... On le voit
bien dans un projet de loi qui concerne le tiers de l'État, on n'y
retrouve pas leur écho. Et ça, c'est une carence qui nous
apparaît aussi fondamentale.
Monsieur et madame, quelques questions aussi sur le financement des
organismes communautaires. D'abord, c'est extrêmement intéressant
parce qu'il faut bien dire que, lorsque le ministre aura à refaire ses
devoirs... Nous lui avions dit au début de la commission qu'il aurait
à refaire cela parce que ce n'était pas son projet de loi et
qu'il fallait savoir où on s'en allait quant à cela. C'est
extrêmement intéressant, ce décret, l'exemple d'un autre
pays qui inscrit, dans sa législation même, la façon de
faire les choses en regard de ses préoccupations quant aux organismes
communautaires, le cas échéant ici, des organismes communautaires
dans le domaine familial. Il est très important de noter que je
comprends le ministre qui revient, dans la discussion qu'il a avec vous,
uniquement sur les orientations parce qu'il n'y a rien là-dedans, dans
le projet de loi. On ne retrouve pas la traduction, absolument. Est-ce que vous
pensez que nous devrions inscrire dans la loi ou demander que l'État
inscrive, soit par décret ou dans la loi, qu'il faille avoir un niveau
de financement des organismes communautaires, par exemple, et je ne fais pas la
traduction légale, du type: l'État conservera 1 % de son budget
comme support aux organismes communautaires au Québec, compte tenu de la
reconnaissance et de l'importance que nous aurions accordées auparavant
à de ces organismes? Est-ce qu'il vous apparaît important que,
dans la loi, nous fixions le niveau de financement qu'il faut réserver
à l'action communautaire tout comme - je le cite à la fin de ma
question - de nombreux organismes communautaires en région nous
demandent de fixer, de protéger une enveloppe dans la santé et
les services sociaux pour les organismes communautaires? Est-ce qu'on devrait
également protéger le plancher?
M. Sarrasin: Écoutez, on pourrait vous attribuer une bonne
note. C'est embêtant un peu. Le fixer dans la loi, ça
m'apparaît peut-être... Il faudrait revenir à un moment
donné pour changer le pourcentage qu'on aurait mis. Mais c'est clair
qu'on serait gagnants au début. Si vous avez présentement 1 275
000 $ attribués à l'ensemble des organismes familiaux, pour
parler des organismes familiaux, c'est sûr qu'avec 1 % du budget je pense
qu'on serait beaucoup plus servis. Mais je ne suis pas certain s'il faut
l'inscrire exactement. Vous savez, la norme qu'on a essayé, tout
à l'heure, de donner, c'est 1 $ par enfant, présentement.
Ça fait tant, ça fait 1 200 000 $, ça correspond à
peu près... Mais 10 $ par enfant ça nous apparaissait, pour le
moment, une façon d'améliorer, mais on ne l'a pas. Je ne sais pas
exactement si ce serait l'idéal d'avoir un pourcentage.
La Présidente (Mme Marois): Une toute petite
dernière.
M. Trudel: Tout en ayant le souci, vous en convenez, d'inscrire
une espèce de garantie que pour les organismes communautaires il faut
avoir un niveau, un plancher de financement dans les enveloppes, dans la grosse
enveloppe santé et services sociaux, 10 000 000 000 $. Le ministre l'a
reconnu, il le répète aussi assez souvent... Je vous disais
tantôt: On est dans le curatif. Pour employer d'autres expressions, le
rouleau compresseur de la santé a souvent raison du petit morceau qui
est réservé au travail, par ailleurs, bien utile et
nécessaire, que l'on doit reconnaître dans notre
société et qui risque de se rapetisser comme une peau de chagrin,
surtout lorsqu'on est en période de difficulté ou de
récession. C'est toujours ce morceau-là qui est la
première victime de toute restriction. (11 h 15)
Une toute dernière question. Est-ce que vous pensez, par
ailleurs, qu'il ne serait pas important d'inscrire aussi dans la loi le
principe du financement triennal et non pas seulement le financement annuel?
Encore une fois, oui, au niveau des orientations, il en était question
et c'est tout le travail du législateur qui est en question ici: Publier
un document d'orientation avec de bonnes intentions, il n'y a jamais de
problème pour personne là. La vraie vie et la vraie
volonté du législateur, elle se manifeste dans une loi.
Devrait-on inscrire la nécessité du financement triennal des
organismes communautaires au sein même de la loi?
Mme Casimir: Je pense que oui, c'est important pour qu'on ne se
retrouve pas, que des organismes ne se retrouvent pas comme on s'est
retrouvés, nous, à un moment donné, avec, une
année, une subvention, une année, rien du tout et qu'on travaille
quand même. Donc, je pense que c'est important, oui, qu'au moins on ait
le temps de se retourner de bord.
M. Trudel: Très bien.
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Trudel: Merci.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Verdun, une dernière question...
M. Gautrin: J'ai, très rapidement...
La Présidente (Mme Marois):... parce qu'on a
déjà dépassé le temps.
M. Gautrin:... un point qui n'a pas été
abordé par les questions qui vous ont été posées.
Dans votre document, vous dites que l'article 231, qui dit qu'on ne doit pas
financer les regroupements - et je comprends bien parce que vous êtes un
regroupement - est quelque chose qui ne devrait pas être,
c'est-à-dire que vous voulez pouvoir avoir accès au financement
de l'État, donc vous voulez l'abrogation de l'article 231.
Cependant, quand je lis l'annexe A de votre document, où sont les
raisons pourquoi l'on doit financer les organismes communautaires, vous dites,
dans vos réflexions: "L'État doit définir des
mécanismes d'accréditation", et ça, ça touche les
organismes individuels, pas des regroupements. Et, ensuite, troisième
réflexion: "Le financement des organismes familiaux doit
s'établir sur une base de trois ans". Ça, c'est clairement la
question de M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.
Et la quatrième réflexion introduisait la notion de contrat, de
contrat entre l'État et l'organisme communautaire. Ça ne touchait
pas non plus les regroupements. Les contrats, ça toucherait, bien
sûr, l'organisme communautaire et l'État.
Donc, je ne vois pas dans vos réflexions comment on peut financer
les regroupements, dans votre approche. Je ne sais pas si vous comprenez ma
question. Vous dites "financez-nous quand même", c'est-à-dire
abrogez l'article 231, mais, dans votre approché au financement, vous ne
nous précisez pas pourquoi on doit financer des regroupements...
La Présidente (Mme Marois): M. Sarrasin. M.Gautrin:... ou comment on doit le faire.
M. Sarrasin: Dans le mémoire, on dit, toutefois, que vous
ne pouvez pas avoir d'organismes locaux familiaux viables, forts si vous n'avez
pas pour ces organismes-là un aviseur-conseil qui permet de
réellement vitallser cet organisme familial. À courte
échéance, l'expérience le prouve, ça vivoté
deux ou trois ans et ça tombe.
Là, Je ne le sais pas, M. le député, où vous
prenez qu'on ne peut pas passer un contrat comme regroupement avec le
gouvernement. C'est ce qui nous Iie depuis plusieurs années.
M. Gautrin: J'ai cru comprendre, à la lecture de votre
document...
M. Sarrasin: Non, non.
M. Gautrin:... je m'excuse, alors j'ai peut-être mal lu
votre document, mais vous parlez des contrats entre les organismes ou un
organisme familial et l'état.
M. Sarrasin: Oui, oui.
M. Gautrin: Ça pourrait, dans votre esprit, aller
jusqu'à un contrat entre un regroupement et l'État.
M. Sarrasin: Et dans le document belge, on voit très bien
qu'il y a des critères d'accréditation, autant pour les nationaux
- ici, provinciaux, peu importe - que régionaux ou locaux. Alors, on
reconnaît, en Belgique, trois niveaux: le niveau national, le niveau
régional et le niveau local. Il y a des critères
d'accréditation que l'État reconnaît pour ces trois sortes
d'organisations. Ils sont différents.
M. Gautrin: Donc, dans votre esprit, si vous me permettez, on
pourrait concevoir une accréditation pour les regroupements.
M. Sarrasin: Ah, bien sûr! M. Gautrin: Parfait,
merci.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Nous vous
remercions de votre présence à la commission et de vos
représentations, je pense que ça donne sûrement
matière à réflexion aux membres de la commission. Merci
beaucoup.
M. Sarrasin: Merci, madame.
La Présidente (Mme Marois): J'inviterais maintenant la
Confédération des organismes familiaux du Québec à
venir prendre place à la table, s'il vous plaît. Bienvenue
à la commission. J'aimerais que Mme la présidente, je crois Mme
Godbout-Perreault, se présente et présente les personnes qui
raccompagnent. S'H vous plaît, essayez ensuite de respecter le temps
parce qu'on a déjà pris un petit peu de retard. Vous avez une
vingtaine de minutes tout au plus pour présenter votre
mémoire.
Confédération des organismes familiaux
du Québec
Mme Godbout-Perreault (Pierrette): Bonjour, madame. Bonjour
mesdames et messieurs. Je vous présente des membres du comité qui
ont préparé
ce mémoire. Alors, il y a Michel Morel, Johanne
Pichet-Bédard et Paul-André Tremblay.
Au nom de toutes les familles membres de la Confédération
des organismes familiaux du Québec, nous vous remercions de nous
permettre de venir vous faire part de ce que pensent les familles membres des
organismes que nous regroupons. Ces organismes sont des
fédérations provinciales et régionales d'organismes
familiaux et des associations locales et régionales implantées
dans tout le Québec.
La COFAQ est née en 1971 du désir des organismes familiaux
de se doter d'une structure démocratique de représentation qui
puisse être le porte-parole des familles et de leur projet de
société qui est axé sur l'esprit communautaire et la
prévention.
Nous disons que la COFAQ existe pour les familles, en servant et en
reflétant le mieux possible leurs intérêts, et que la COFAQ
existe par les familles, car c'est dans la communauté qu'est survenue
l'étincelle première d'un tel mouvement, entre des gens
engagés, mus par le même élan de partage et de croissance.
Enfin la COFAQ existe avec les familles. Elle les écoute et se fait leur
porte-parole. De plus, elle ne regroupe que des familles et c'est d'ailleurs
cette particularité qui assure homogénéité,
densité et cohérence à sa pensée, à ses
paroles et à ses actions.
Pour nous, le projet de société dont je vous faisais part
tout à l'heure nous le nommons "politique familiale globale". Nous
travaillons à son élaboration en conformité avec les
attentes et les besoins des familles qui assurent un rôle social de
première importance et, de ce fait, elles doivent être
assurées d'un soutien de l'État.
Dans l'étude du projet de loi, comme pour toutes nos autres
actions, nous nous appuyons sur les postulats suivants: miser sur la
prévention, c'est-à-dire prévenir plutôt que
guérir; intervenir avant qu'il y ait détérioration;
être à l'écoute des familles qui lancent souvent des
signaux d'alarme - et on attend habituellement que le drame soit arrivé
pour leur offrir de l'aide - miser sur le soutien à la solidarité
dans la famille et entre les familles. il nous semble important de rappeler que
la famille, c'est un milieu communautaire. C'est un milieu de vie. C'est un
milieu où on sent qu'on a besoin de sécurité. C'est
là qu'on apprend à se socialiser. C'est là qu'on
développe des préoccupations d'éducation, des
préoccupations de santé. C'est là aussi que se fait la
transmission de la culture. Quand, dans les familles, on parle de milieu
communautaire, pour nous, ce n'est pas simplement une juxtaposition des
individus. C'est une petite communauté où il s'établit des
relations interpersonnelles. C'est un système où le groupe
affecte le développement de chacun. La réalité familiale
se présente toujours sous la dualité du groupe et des individus
qui la com- posent et les membres de la famille se définissent dans leur
identité, tant en fonction des rôles et des liens de
parenté, qu'en fonction de leur originalité, leurs besoins, leurs
aspirations propres.
Le groupe familial est composé d'un ou des parents, d'un ou des
enfants ainsi que des personnes qui gravitent autour du noyau selon la
structure familiale et le type de familles. La relation entre le parent et
l'enfant c'est le fondement même de l'existence d'une famille. Les liens
qui façonnent les structures du milieu familial dépendent des
valeurs et des choix de vie personnels et culturels des parents. Les familles
diffèrent par ces choix, mais aussi par leur cycle de vie. Chaque stade
de développement, telles la naissance, la petite enfance, l'adolescence,
demande des ajustements qui varient selon les enfants et les familles. Il y a
aussi l'évolution des adultes et du couple qui intervient au niveau de
la famille. Il y a aussi parfois des séparations, des ruptures
d'union.
Maintenant que je viens de faire part de ce qui se vit au sein des
familles, je voudrais aussi vous parier d'un des principes que nous avons
affirmé au début du mémoire. Quand nous disons que la
famille est la première responsable de la santé et du
bien-être de ses membres nous disons qu'au sein de la famille, c'est
là qu'on donne les premiers soins de santé, c'est là qu'on
enseigne les habitudes alimentaires, c'est là qu'on enseigne les
règles d'hygiène, c'est aussi là que les habitudes de vie
se développent et, par ce fait même, nous voyons que nous
intervenons dans deux autres déterminismes de la santé quand on
parle de l'environnement, de l'organisation sociale, des habitudes de vie. Ce
sont deux autres déterminismes, et ce n'est pas de cette façon
qu'on a vu notre rôle comme organisme communautaire. On nous a
plutôt relégués au rôle de dispensateur de soins.
Alors, de par les fonctions mêmes qu'assume la famille, nous sommes aussi
intervenants à deux autres déterminismes.
Maintenant, les organismes familiaux remplissent différentes
fonctions dans la société. Ils permettent la transmission rapide,
de manière non conventionnelle, d'informations vulgarisées qui,
autrement, demeureraient inaccessibles aux familles. Ils assurent les bases
d'une éducation populaire permanente au sein des différents
milieux de vie de famille en fonction des étapes, des cycles de vie, et
le principal mécanisme, c'est toujours la prévention sociale. Ils
fournissent des lieux de rencontres, d'échanges, d'entraide entre les
familles. Ils permettent aux familles de se donner une structure
décisionnelle et représentative vis-à-vis des instances
politiques afin que les familles soient des sujets et non pas des objets de
l'évolution sociale.
Maintenant, pour répondre rapidement, efficacement, de
façon originale aux besoins et aux demandes d'aide formulées par
les familles,
c'est aussi au sein des organismes familiaux que l'on fait cela. Et je
voudrais attirer votre attention sur le fait que nous n'avons pas des clients,
ni des bénéficiaires. Nous avons des membres qui sont des
personnes qui vivent dans une famille et, même si souvent nous devons
répondre à des formulaires où on indique les gens avec
lesquels nous travaillons de cette façon, pour nous, ce sont des
familles et des personnes.
Bien sûr, les organismes familiaux veulent aussi influencer
l'État en soulignant l'impact des diverses politiques sur la
qualité de vie familiale en leur donnant une voix officielle de
revendication, en rendant compte de leur réalité quotidienne, en
suggérant des approches alternatives de services aux familles. Nous
attachons, de ce fait, comme vous le voyez, beaucoup d'importance à
l'autonomie des organismes puisque c'est de cette façon qu'ils sont
capables de répondre aux besoins de leurs membres.
Je voudrais attirer aussi votre attention sur la définition que
nous donnons d'un organisme familial. Pour nous, il est issu de la
communauté et engagé dans son milieu. Il a une existence
légale. Il définit librement ses orientations, ses politiques et
ses approches. Il a un conseil d'administration composé majoritairement
de personnes membres de l'organisme. Il réalise soit des
activités bénévoles, soit des activités
partiellement rémunérées, mais sans but lucratif. Il
s'appuie essentiellement sur la participation des bénévoles,
laquelle peut être soutenue par du personnel
rémunéré. De façon plus spécifique, puisque
ces caractéristiques peuvent aussi s'appliquer à un organisme
communautaire, nous ajoutons qu'un organisme familial regroupe dès
personnes, des familles ou des organismes à l'échelon local,
régional ou provincial, qui favorise essentiellement la prise en charge
des families par elles-mêmes, l'amélioration de la qualité
de la vie familiale, l'épanouissement des personnes vivant en milieu
familial.
À la suite de cette définition, vous comprendrez que nous
nous posons des questions et nous nous demandons: Comment se fait-il que l'on
ne tienne pas davantage compte de là famille et de ce que nous faisons?
Afin de vous faire part de l'analyse qu'on fait des organismes familiaux et de
la place qui leur est faite dans l'avant-projet de loi sur les services de
santé et les services sociaux, M. Michel Morel vous fera part de cette
partie. (11 h 30)
M. Morel (Michel): Merci, Mme Perreault. Je vous avoue, M. le
ministre, que c'est beaucoup plus facile, à ce moment-ci, de
procéder à l'analyse de l'avant-projet de loi une fois que je
vous ai entendu répondre et rétorquer au premier groupe qui est
passé. Quant à l'analyse que, nous, on fait de l'avant-projet de
loi, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle n'était pas très
positive en regard de ce que sont les organismes familiaux. D'abord, on a
attaqué ça vu sous deux angles: d'une part, le partenariat tel
qu'il se dessinait à l'intérieur de l'avant-projet de loi et,
d'autre part, la fameuse question du financement.
En ce qui concerne le partenariat, l'analyse qu'on faisait,
c'était que - c'était et c'est encore, iI n'y a pas lieu de
changer pour le moment - l'avant-projet de loi venait déterminer que les
organismes communautaires en général et les familiaux en
particulier seraient maintenant, ou à compter de maintenant,
attachés aux régies régionales et feraient partie d'un
ensemble de ressources qui viseraient à réaliser les programmes
édictés par le ministère de la Santé et des
Services sociaux. Notre réaction là-dedans, c'était de
dire: Écoutez, il y a là une méconnaissance profonde de ce
que sont les organismes communautaires. Les organismes communautaires ne sont
pas que des "faiseux", que des dispensateurs de services; ce n'est pas du
"cheap labour", les organismes communautaires. Les organismes familiaux sont
nés des familles; Ils ne sont pas nés en relation avec un besoin
qui avait été manifesté par la société ou
par le gouvernement, Ils sont nés des familles en lien avec leurs
besoins; des familles se sont mises ensemble pour se dire: Comment peut-on
Intervenir pour s'entraider? C'est comme ça que sont nés les
organismes familiaux.
Donc, dans la place qui nous était désignée
là-dedans, lorsqu'on lit, par exemple, que, dorénavant, les
régies régionales seront chargées d'allouer les budgets
aux établissements et aux organismes communautaires, de contrôler
les budgets des organismes communautaires, d'évaluer les programmes des
organismes communautaires, les services des organismes communautaires, de
coordonner l'action des organismes communautaires, d'éviter les
dédoublements, on se dit: Bon, ça y est; le ministère de
la Santé et des Services sociaux vient de mettre les deux grappins sur
l'existence propre de nos organismes pour essayer de nous amalgamer avec le
réseau de la santé et des services sociaux en vue de
répondre à des objectifs de santé qu'il a lui-même
identifiés comme étant prioritaires. On ne dit pas qu'ils ne sont
pas prioritaires, ces objectifs-là. Oui, ils sont prioritaires. On dit
cependant qu'il y en a d'autres. On dit cependant que les organismes familiaux
n'ont pas attendu le document, et là je ne veux pas être
sarcastique, mais ils n'ont pas attendu le document pour se préoccuper
de la qualité de vie des familles. Et quand on parie de qualité
de vie des familles, d'entraide, de services communautaires entre les familles,
on parie d'activités qui ont pour but d'améliorer la
qualité de la vie de façon globale. À partir du moment
où on améliore la qualité de vie et où on
s'entraide, on concourt à ce qu'il y ait moins de demandes au niveau du
réseau de la santé et des services sociaux. Je pense que
ça va ensemble. Ça, c'est une chose.
Deuxièmement, le fait de vouloir demander
à des organisations communautaires et familiales de jouer un
rôle autour d'une vingtaine d'objectifs de santé là-dedans,
on peut être tentés de dire oui, et je dirai: Oui, les objectifs
qui sont là-dedans sont aussi les nôtres, mais ils ne sont pas que
ceux-là. L'entraide familiale, le soutien aux familles, la
définition de nouvelles approches, tout ça c'est le propre des
organismes familiaux. Il y a beaucoup d'initiatives des organisations
familiales qui ont été récupérées par le
système de la santé et des services sociaux et qui sont
utilisées maintenant dans le réseau. Si on décidait de
dire: Maintenant, toute la question du financement des organismes familiaux est
reléguée aux régies régionales, je pense que ce
qu'on risquerait de faire, c'est de tuer l'espèce de dynamisme du
mouvement familial qui est là depuis 25, 30, 40 ans. Donc, l'analyse
qu'on faisait, c'était celle-là, que c'était très
nettement préjudiciable.
Il y a un autre commentaire que je voudrais apporter qui est un peu
plate, je dois admettre que c'est plate de venir dire ça, et c'est ceci.
L'avant-projet de loi venait dire: Nous allons financer les organisations
communautaires locales qui, par la suite, décideront de leur lien
d'affiliation. C'est quoi, les regroupements d'organismes communautaires? C'est
quoi, la Confédération si elle n'est pas issue justement de la
volonté à la base des familles? L'avant-projet de loi, par cet
article, venait dire en trois lignes que ce que vous avez fait depuis des
années, nous ne le reconnaissons pas et, à compter de maintenant,
on fait table rase avec ça et on recommence à neuf. C'est comme
ça qu'on reçoit ça et on a beaucoup de difficultés
à l'admettre, parce que ces organisations sont liées aux familles
et ont suivi l'évolution des familles. Ça, c'est le premier
aspect.
Le deuxième aspect, c'est l'aspect du financement des organismes
familiaux. Il va de soi, je pense, que vous devinez aisément où
on se loge par rapport à la question du financement. Il va de soi que de
lier le financement des organismes familiaux aux régies
régionales en lien avec l'application de programmes-cadres, ça
nous heurte profondément. Le type d'activité, le type d'action,
le type d'intervention des organismes familiaux ne va pas dans des objectifs
aussi spécifiques et pointus que ceux qui sont là-dedans. Donc,
on risque fort, si on était relégués aux régies
régionales, d'être un petit peu perdus, d'être un petit peu
non pris en considération par les programmes-cadres du ministère
qui viendraient en lien avec des objectifs aussi précis que
ceux-là. On approche la question familiale avec une perspective globale.
Les objectifs qui sont là sont très spécifiques. Je pense
que vous saisissez un peu la problématique qu'il y a là.
Ce que nous demandons, entre autres, c'est le retrait de l'article 231.
L'article 231, c'est le plus litigieux à ce moment-ci dans le sens qu'il
vient dire: On va financer les organisations locales et ce sont elles qui, par
la suite, vont financer leurs regroupements provinciaux. Les regroupements
provinciaux sont ceux qui ont très souvent fait vivre les organisations
locales, qui les ont alimentées, qui les ont formées, qui les ont
sensibilisées.
La troisième partie de l'intervention sera faite par
Paul-André Tremblay et, là, on amène des recommandations
précises en lien avec l'avant-projet de loi.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Oui,
brièvement. Il vous reste deux minutes et demie.
M. Tremblay (Paul-André): Mme la Présidente, vous
n'êtes pas sérieuse?
Une voix: On peut le prendre sur notre temps.
La Présidente (Mme Marois): Si vous le prenez sur votre
temps, M. le ministre, comme vous m'avez dit qu'on terminait à 13
heures, ça réduira le temps de questions.
M. Tremblay (Paul-André): D'accord. Mais je pense que les
messages que nous avons à transmettre à ce moment-ci sont
importants parce que, pour nous, ce sont des conditions préalables pour
un véritable partenariat et un financement adéquat des organismes
communautaires et, particulièrement, des organismes familiaux.
On va s'appuyer sur le document des orientations qui a été
produit en avril 1989 où on affirmait que les organismes communautaires
contribuent largement à l'amélioration de la santé et du
bien-être de la population. L'action volontaire favorise la
diversification des interventions et établit des relais essentiels entre
la collectivité et le réseau public de services. Eh ouil Nous y
croyons toujours même si depuis quand même plusieurs années
nous avons une reconnaissance mitigée, même si nous avons un
financement inadéquat. Je pense que l'ensemble des organismes
communautaires et des organismes familiaux en particulier ont des
réalisations certaines à mettre sur la table. Surtout, ce
réseau est en mesure de répondre à des besoins de
personnes qui retrouvent peu ou pas de ces réponses à
l'intérieur du réseau institutionnel.
On vient de vous le mentionner, la place que vous nous faites comme
partenaire, pour nous, n'est pas acceptable. On a parlé dans le groupe
précédent d'harnachement, on a parié tout à l'heure
d'amalgamation. J'oserais parier de récupération du réseau
par le système, par les institutionnels. Pour nous, pour être de
véritables partenaires, les conditions préalables se situent
à deux niveaux. Tout d'abord, au niveau d'une reconnaissance effective
des organismes communautaires et des organismes familiaux, et cette
reconnaissance se traduit de la façon suivante: 1° Par le respect de
l'essence même de nos
approches, de nos valeurs. C'est ce qui dynamise, en fin de compte, te
réseau des organismes familiaux et des organismes communautaires. C'est
ce qui fait que des individus vont s'engager à l'intérieur de nos
organismes. Et tant et aussi longtemps qu'il en sera ainsi, je ne crois pas que
l'on doive ou que l'on soit obligé de payer nos membres pour
siéger à nos conseils d'administration. 2° En
privilégiant l'objectif de prévention comme priorité et en
nous associant, nous, les organismes communautaires et familiaux, dans la
définition des moyens qui seront mis de l'avant pour atteindre cette
priorité. 3° En officialisant le statut ou les structures
démocratiques de nos organismes. 4° En consultant les organismes et
les regroupements de ces organismes-là, qui ne font qu'un, dans les
prises de décision qui nous concernent, qui touchent la
collectivité québécoise. 5° En fournissant temps et
ressources aux organismes pour nous permettre, justement, de planifier plus
adéquatement notre développement. 6° Et en identifiant le
soutien à la famille comme une priorité à
l'intérieur du programme, une priorité, donc, dans les
différentes catégories, qui sont touchées dans les
programmes de subvention des organismes familiaux et communautaires. Ça,
c'était le premier volet des conditions préalables. Donc, une
reconnaissance effective.
Le deuxième volet, c'est le soutien financier adéquat, un
soutien financier qui va permettre le développement de nos organismes.
Et pour nous, il y a des dispositions essentielles qui sont les suivantes,
quand on parie de financement adéquat. Premièrement, augmenter
l'enveloppe budgétaire. Et nous, on ose avancer le pourcentage de 1 % du
budget du ministère de la Santé et des Services sociaux et on
s'appuie, à ce moment-là, sur les recommandations que le SSOC a
déjà fartes en ce sens. On recommande également de
maintenir sous la juridiction du ministère et de son service de soutien
aux organismes communautaires toute la responsabilité du financement de
nos organismes. On recommande également de dissocier les notions de
financement de l'aspect de complémentarité directe ou Indirecte
avec les services offerts par les institutions du réseau de la
santé et des services sociaux.
On veut voir introduire également un principe de
récurrence dans la formule de soutien actuelle. Nous voulons
également voir s'établir un principe de financement triennal.
Pour nous, c'est la façon essentielle, c'est la seule façon
d'assurer un fonctionnement adéquat, des organismes familiaux et
communautaires. Et, finalement, on souhaiterait une indexation annuelle, parce
que, depuis plusieurs années, je pense que c'est un terme qui est banni,
au niveau du soutien financier que le ministère fait auprès des
organismes. Donc, une indexation annuelle des sommes qui sont allouées
aux organismes financiers.
En résumé, alors, pour mettre en place un véritable
partenariat des organismes communautaires et des organismes familiaux, c'est ce
que nous voyons. Évidemment c'est un défi. Je pense que par le
passé nous avons prouvé que nous étions en mesure de
réaliser des choses nécessaires, des choses importantes, pour ne
pas dire essentielles, pour les familles et pour la collectivité. Alors,
c'est un défi que nous sommes prêts à relever. Et la
question que je vous poserais maintenant, c'est: M. le ministre, est-ce que
vous êtes prêt à vous associer aux organismes communautaires
et familiaux pour relever ce défi qui ferait de la prévention,
entre autres, une des priorités majeures qui nous permettrait par la
suite de responsabiliser davantage les personnes, les familles, d'engager,
sinon de réengager, les familles, les personnes, de façon
à faire en sorte que, collectivement, on puisse améliorer - parce
qu'il y a quand môme de la place pour ce faire - la qualité de vie
et des famines et de la société québécoise. (11 h
45)
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Tremblay. Ça
va? Je pense que ça fait le point sur l'ensemble de votre
mémoire. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Évidemment, on pourrait facilement reprendre la
discussion qu'on a eue avec le groupe précédent. Je ne suis pas
sûr qu'on irait plus loin, parce qu'il y a des évidences qui
sautent aux yeux. Vous avez reconnu qu'on a reconnu qu'il y a des
évidences qui sautent aux yeux et, de se parier du rôle de la
famille, je pense qu'il s'agit d'être dans une famille pour savoir
l'importance de la famille, l'importance de la prévention.
Évidemment, je pense qu'une bonne partie de nos problèmes
aujourd'hui est due au fait qu'on n'a pas fait, dans le passé - ce n'est
pas porter un blâme à personne - le virage de la
prévention. On a davantage investi, encore une fois, dans le curatif et,
évidemment, encouragé dans le développement du
ministère, le curatif au possible. Et ce sont des choses qu'il faut
requestionner, parce qu'on a eu, au niveau du Trésor - parce qu'on
blâme souvent le Trésor de ne pas donner suffisamment d'argent -
ce qu'on a appelé un coût de système. Et le coût de
système a été affecté. Ça, c'est nous. Je ne
blâme pas les autres partis politiques qui ont été au
pouvoir. On peut s'autocritiquer à l'occasion. Semble-t-il que ça
fait du bien. On l'a donné à ceux qui sont bien nantis, le
coût de système. On l'a donné dans le domaine des bien
nantis - il faut quand même faire attention, parce qu'il y a des gens qui
vont sauter demain matin - aux bien nantis du système, le système
étant lui-même pauvre. Il y a tous les bémols qu'il faut
et, finalement, ce coût de système-là a été
donné à ceux qui, aujourd'hui, sont riches tout en
étant
pauvres, on se comprend bien, mais pas à l'ensemble du
ministère-Une voix: C'est compliqué.
M. Côté (Charlesbourg): Non, ce n'est pas si
compliqué que ça. On va prendre un exemple. Le coût de
système qu'on a obtenu, c'est allé principalement dans les
centres hospitaliers, les CHU. C'est allé dans les centres hospitaliers
de courte durée. Et c'est ça qu'on a fait avec un coût de
système de 1 % qui n'est quand même pas de la petite bière.
Si on arrivait demain matin en disant: On a 40 000 000 $ de plus pour les
organismes communautaires, vous seriez très heureux. Au moins, avec le 1
%, on est rendus là ou à peu près. C'est ce que ça
prendrait pour en arriver au 1 %.
Mais il y a toute une série de problèmes de maintien
à domicile. On s'est dit: La solution de l'avenir, c'est, bien
sûr, de faire en sorte qu'au lieu d'institutionnaliser, on maintienne le
plus longtemps possible les gens à domicile. Alors, il y a des choix
fondamentaux à faire au niveau du gouvernement et vous avez parfaitement
raison de dire qu'il faut prendre un virage et faire le pari de la
prévention et il faut que ça paraisse. Là-dessus, je pense
qu'on ne se chicanera pas très longtemps. Évidemment, à
partir du moment où on se l'est dit, et qu'on l'a écrit, il faut
le faire. Et quand tu entreprends ce virage et que tu décides de le
faire, c'est que tu vas heurter des gens qui, aujourd'hui, sont confortables
dans le système. Moi, je n'ai pas de problème avec ça. Et
quand vous dites: Êtes-vous prêts à vous associer à
nous pour la prévention, la reconnaissance de la famille et faire ce
qu'il faut pour que ça puisse, dans la pratique, se matérialiser?
Moi, je dis que oui. Je n'ai pas de problème avec ça.
Et quand je vais plus loin, je dis que sur le plan des organismes
communautaires, je n'ai tellement pas de problème avec ça. Ce que
vous me dites, c'est qu'au lieu d'aller financer, comme vous proposez de le
faire au niveau dès organismes communautaires, la base, finalement, en
éliminant la subvention aux organismes sur le plan provincial, vous
dites: De grâce - corrigez-moi si j'ai mal compris - conservez ce que
vous faites maintenant et mettez-en plus, parce que ce qu'on fait aujourd'hui,
c'est qu'on reconnaît que les organismes comme les vôtres, par une
subvention qui, de toute façon - à ce que j'ai compris - n'est
pas suffisante... Je suis prêt à partager une partie de cette
affirmation-là. Mais ce que vous nous dites, c'est qu'il y a
déjà un partenariat qui s'est installé avec le
gouvernement par la reconnaissance de votre organisme à ce
niveau-là et du rôle que vous jouez. C'est le cas actuellement. Ce
serait plus difficile avec l'article 231, s'il était maintenu, parce
qu'à ce moment-là, c'est la base qui déciderait si vous
existez ou si vous n'existez pas. C'est ça, le problème.
Mme Godbout-Perreautt: C'est même plus que ça, M. le
ministre. Me permettez-vous d'Intervenir?
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y.
Mme Godbout-Perreault: Bon, très bien. C'est même
plus que ça. C'est que, dans le cas de plusieurs de nos
fédérations régionales et provinciales, vous ne les
financez pas à la base. Donc, leurs fédérations
régionales, n'ayant plus de financement, elles ne seraient même
pas capables de financer la confédération. Dans le cas des
fédérations provinciales, elles ont un financement, mais vous
semblez, par l'article du projet de loi, leur enlever aussi ce
financement-là. Alors, si personne n'en a, comment pourront-elles
financer une confédération?
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, ça peut
nous mener loin, cette discussion-là, vous en êtes consciente.
Parce que, sur le plan du financement régional, ce que le
ministère souhaitait faire, quand on parie de régionalisation...
Finalement, les gens des régions viennent nous dire: On est capables de
prendre nous-mêmes nos décisions et d'établir
nous-mêmes nos priorités. C'est ce que toutes les régions
viennent nous dire. Elles disent: Étant nous-mêmes capables de
prendre nos décisions, vous allez nous donner les pouvoirs et vous allez
nous transférer les sommes d'argent pour être capables de prendre
ces décisions là, y compris sur le plan communautaire. Alors,
nous, ce qu'on dit, c'est: Oui, on va faire en sorte qu'on prenne le budget
dévolu aux organismes communautaires, celui qui est en cours et à
venir - souhaitons qu'il puisse atteindre 1 % - on va le transférer aux
régions et les régions vont décider d'elles-mêmes
à qui elles vont l'octroyer, compte tenu de leurs priorités au
niveau des régions, avec un budget protégé, au niveau de
la région, pour les organismes communautaires. À ce
moment-là, sur le plan des régions, ils vont pouvoir identifier:
Oui, effectivement, le regroupement régional, pour nous, sur le plan
familial, est important, il va donc être subventionné. Et ce
partage se fait à partir d'un équilibre de un tiers, un tiers, un
tiers, sur le plan de la composition de ceux qui auront à
décider: un tiers des établissements, un tiers des organismes
communautaires et un tiers représentant la population. C'était
ça, la proposition. Elle est contestée, je l'admets, en
particulier par des organismes qui ont un rôle plus provincial. Il y a
peut-être quelque chose là où la responsabilité
devrait peut-être rester au niveau du ministère lui-même.
Évidemment, c'est une discussion qui est ouverte et les décisions
ne sont pas prises de manière finale, mais c'est ça
qu'il faut regarder. Il y aurait donc la possibilité, au niveau
régional, qu'Us puissent être financés.
La Présidente (Mme Marois): M. Morel, est ce que vous voulez
intervenir sur ça?
M. Moral: Oui. Peu importent les moyens, peu Importent les
modalités, les organisations provinciales doivent être
financées par le provincial et les organisations régionales et
locales par le régional. Peu importent les modalités, ce qui nous
questionne, c'est: Pourquoi nous serons financés? Pour quelle raison
nous serons financés? En vertu de quels objectifs qui sont les
nôtres nous serons finances? Autrement dit, quels seront les motifs qui
vont être sous-jacents à la reconnaissance? Est-ce que vont nous
être reconnus nos propres objectifs en fonction de notre vision de ce que
devrait être une intervention de soutien aux familles ou uniquement en
lien avec des orientations décidées par le ministère, en
fonction de problématiques de santé précises?
Je vous ai vu sortir le document. Dans ce document, on parlait de
reconnaître l'existence des organismes communautaires et on les
décrivait comme étant ceux qui définissent librement leurs
orientations, leurs politiques et leurs approches. Je veux juste vous dire que,
là-dedans, ce n'est pas clair, ce n'est pas évident. Et quand on
regarde le mandat des régies régionales, ce n'est pas
évident que les organismes communautaires qui vont vouloir être
financés par les régies régionales vont définir
librement leurs approches. Elles vont être tentées, ces
organisations-là, de se définir en lien avec les objectifs de la
régie régionale de la façon la plus pointue possible, pour
être certaines d'avoir un financement.
Mme la Présidente mentionnait tantôt, en réponse
à une autre question que, très souvent, tes
confédérations ou les regroupements comme les nôtres
s'appuient sur un membership des organisations qui ne sont même pas
financées ou qui fonctionnent bénévolement. Il y a 15 % de
nos organisations qui reçoivent un financement et le financement, il est
minimal. Quand on dit minimal, c'est 1000 $ par année. Donc, on ne va
pas loin avec ça. Et pourtant, avec ces 1000 $ par année et le
petit nombre d'organisations, on rejoint 100 000 femmes, au Québec,
annuellement, qui participent à des activités. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Je pense que monsieur veut ajouter
quelque chose. Oui, brièvement. Madame aussi, par la suite.
M. Tramway (Paul-André): Je voudrais revenir sur la
question, justement, du financement des regroupements. Je pense que la
proposition qui est faite dans l'avant-projet de loi traduit une
méconnaissance flagrante du rôle des regroupements. Il y a deux
types de regroupements. Vous avez des regroupements multisec-toriels, à
l'instar de la COFAQ, à un moment donné, qui se veulent des
tables de concertation, qui se veulent des porte-parole du monde ou du milieu
communautaire, du milieu des organismes familiaux, mais vous avez aussi des
regroupements sectoriels, en fin de compte, qui sont nés à la
demande, à l'initiative des organismes de base qui ont voulu se
regrouper pour se donner de meilleurs services, pour être en mesure de
rendre des services de meilleure qualité aux populations qu'ils doivent
desservir à la base. Ce sont donc des organismes qui offrent à
l'ensemble de leurs membres, à la base, des services, de la motivation,
de la formation, de façon à s'assurer que vraiment les services
qui sont rendus par les organismes de base soient de meilleure qualité
possible et aussi aient une certaine continuité dans le temps.
La Présidente (Mme Marois): Mme Pichet-Bédard, vous
vouliez intervenir sur ça?
Mme Pichet-Bédard (Johanne): Oui. Je voulais rappeler le
contexte actuel du partenariat, également. Les structures de jonction
entre le réseau et les organismes communautaires, ce n'est pas
développé à un point tel qu'on a juste à se dire
des choses pour avancer. Il n'y a pas de structure, de lien, de point de
jonction entre les communautaires actuels sur des dossiers importants. Dans la
région 03, parce que je représente la Fédération de
la région 03, je peux vous assurer, par exemple, qu'il y a un
comité auquel je travaille avec la régie régionale de la
région 03; il s'agit d'un comité en santé mentale. C'est
le seul auquel nous travaillons ensemble. C'est parce que nous avons
été les voir. Mais les conditions de partenariat, les liens, les
lieux pour se parler ne sont pas en place, actuellement. Je peux vous dire
qu'actuellement, le seul point de jonction, c'est le formulaire de demande de
subvention. C'est le seul point où on se parle ensemble. Donc, la
communication n'est pas en place.
La Présidents (Mme Marois): D'accord. Oui, M. le ministre.
M. Coté (Charlesbourg): Oui, si vous me le permettez,
parce que, comme mon temps est terminé, je retiens de votre
présentation que beaucoup d'initiatives sont venues du milieu et de
votre groupement Je partage ça, d'aieurs, comme du communautaire. Il y a
eu une propension du réseau à être capable de s'approprier
un certain nombre de ces choses, globalement, pas juste dans votre domaine, je
parle plus globalement sur le pian communautaire - I y a des gens qui sont
venus nous donner des témoignages à cet effet-là - alors
que ce travail-là peut continuer d'être fait à bien
moindres frais que
ça ne le serait par le réseau.
Au-delà de tout cela, évidemment, on a discuté du
projet de loi, on a discuté des objectifs, mais ça fait trois
semaines, c'est la quatrième maintenant ou la troisième semaine,
on a évolué aussi beaucoup sur le plan des échanges et de
se référer au projet de loi tel qu'il est, je pense qu'il est pas
mal amoché, il a du plomb dans l'aile pas mal, il faut le refaire... Je
partage définitivement l'objectif qu'on devra s'asseoir, d'ici à
ce que le projet de loi soit refait, en mettant au centre de nos
préoccupations la famille et la prévention. Dans la mesure
où on n'aura fait que ça d'ici ce temps-là et très
bien les camper à l'intérieur du projet de loi, il y a des
mesures qui devront suivre sur le plan de l'action. Mais il m'apparaît
indispensable aujourd'hui qu'on prenne la décision et l'orientation que
la prévention, ça passe par la famille. Je pense qu'on aura fait
pas mal de chemin et, bien sûr, en conséquence, les moyens
d'action qu'on prendra se feront en fonction de tout ça et aussi en
collaboration. Quand on parte du milieu régional, il a aussi beaucoup
à évoluer. Vous avez fait allusion à la politique de
santé mentale et à une collaboration. Globalement, je pense que
ce n'est pas une mauvaise expérience, il y a des choses à
améliorer bien sûr, mais c'est une culture qui commence à
se développer, où, effectivement, il peut y avoir une meilleure
complémentarité sans que personne ne soit absorbé ou perde
son identité ou son autonomie. C'est un peu vers ça qu'il faut
tendre et, évidemment, ce que j'ai compris dans votre message, c'est
qu'il nous reste encore une partie de nos devoirs à refaire et c'est ce
qu'on va essayer de faire. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. M. le ministre
s'étant absenté quelques minutes à la fin de l'audition de
l'autre groupe, malheureusement...
M. Côté (Charlesbourg): Je m'absente à
nouveau.
M. Trudel: ...je veux juste vous dire que je n'aurai pas besoin
de demander à ce groupe-là, au niveau des organismes familiaux,
combien il accorde au gouvernement du Québec quand il passe à
travers la grille, parce que vous dites vous-même que vous n'avez pas la
note de passage, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est le
réflexe d'un ex-professeur: toujours tenté de donner une note,
évidemment... (12 heures)
M. Trudel: Pour mieux se reprendre et réussir, quand on
refait ses devoirs.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!
M. Trudel: Là-dessus, oui, vous avez bien raison. Je n'ai
pas besoin de vous le demander. Donc, vous réalisez - le ministre vient
de le dire - qu'il aura, au niveau de la réécriture du projet de
loi, fondamentalement, à familiariser, à donner la dimension
familiale fondamentale que l'on doit retrouver dans ce grand pan de la vie et
de l'évolution de la société québécoise, au
niveau de la santé et des services sociaux, tout l'aspect important
qu'il convient de reconnaître à la dimension familiale et qui,
dans ce projet de loi, ne correspond pas, pour une grande part, aux
orientations qui avaient été soumises. On ne retrouve pas
ça dans le projet de loi, et il va falloir retrouver dans ce projet le
rôle central de la famille, des organismes familiaux et des regroupements
également.
Je n'irai pas jusqu'à dire, par honnêteté
intellectuelle, que le ministre avait comme une espèce de plan
d'extermination des organismes familiaux, à l'intérieur de ce
projet de loi, comme on l'a dit dans d'autres cas. Tout en disant que vous y
allez très carrément au niveau de vos affirmations dans votre
mémoire en disant... A la page 29, vous parlez de
"machiavélisme". Vous parlez de "harnachement". Est-ce à dire
qu'au niveau des responsabilités que vous souhaitez partager dans le
réseau de la santé et des services sociaux, vous seriez d'accord
avec des formules qui vous amèneraient... Prenons la formule de contrat
qui a été évoquée ici, hier, c'est-à-dire si
dans des régions, dans certains secteurs de l'activité, des
activités de responsabilité en matière de santé et
de services sociaux, on demandait à des organismes familiaux d'assurer
des responsabilités bien définies, là où ça
commence, la où ça finit, et qu'on est d'accord sur les modes
d'évaluation de cela. Est-ce que vous seriez d'accord pour partager avec
l'État par voie ou par formule de contrat certaines
responsabilités en matière de prévention, par exemple?
La Présidente (Mme Marois): M. Morel.
M. Morel: Je vais répondre là-dessus,
effectivement. Et là je vais reprendre quelques-uns de vos propos.
L'analyse qu'on faisait, on mentionnait le mot "machiaveliquement" on
mentionnait le mot "harnacher". C'est que, à travers l'avant-projet de
loi, on ne se voyait pas respecter dans ce que sont nos objectifs, nos
pratiques, nos modes d'intervention. Vous me reposez une question qui va dans
le sens: Est-ce que vous accepteriez des contrats spécifiques dans le
temps avec des objectifs très clairs? Je comprends, acceptés de
part et d'autre. Ça c'est l'essence même d'un véritable
partenariat. Moi je vous dis... je vous réponds ceci: à partir
du
moment où les organisations ne sont pas forcées de se
dénaturer elles-mêmes pour entrer dans ce contrat-là, je ne
crois pas qu'il y ait de problème. Je veux vous dire ceci. C'est qu'on
en a passé un contrat, nous, les organisations familiales, avec le
gouvernement du Québec. A chaque année, en demandant nos
subventions, on dit qu'on travaille à améliorer la qualité
de vie familiale. C'est un contrat que nous, on se donne. Nous, on se l'est
donné. Je ne sais pas si ça répond à votre
question.
La Présidente (Mme Marois): Oui, vous voulez ajouter
quelque chose?
Mme Pichet-Bédard: II y a une nuance à faire aussi
entre la notion de services qui sont dispensés aux familles dans le
réseau par les CLSC et la notion de programmes donnés par les
organismes familiaux. Une famille dans un organisme familial peut travailler
dans un mouvement familial pendant un an, deux ans, cinq ans, dix ans. Elle
peut venir chercher des services pendant un an, mais elle peut rester dans
l'orbite d'un groupe de support pendant des années. Nous, on a de la
difficulté à mettre une notion de contrat là-dedans. Ce
n'est pas un service avec un début et une fin définie, avec un
appel qui commence et un appel qui finit. C'est un réseau de support. Il
y a des organismes qui donnent des services, mais il y a des organismes aussi
qui travaillent comme réseau de support. C'est une réalité
qui n'est pas... en tout cas, on doit en tenir compte. Parce que dans les
cycles de la famille H y a plusieurs moments de dérapage. Il y a la
naissance d'un enfant. Il y a la relation parents-enfant. Il y a actuellement
la tension dans les relations homme-femme. Ce n'est pas évident qu'une
famille qui a pris un service au début, à la naissance d'un
enfant, n'a plus besoin de rien après. Il y a plusieurs étapes
qui viennent. Et nous, on est là pour les différentes
étapes. Donc, la notion de "services" et de contrat avec un service, on
a de la difficulté, nous, avec ça.
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez, Mme ta
présidente, vous pouvez ajouter...
Mme Godbout-Perreault: Oui, je voudrais dire aussi que le fait de
faire partie d'un groupe de soutien peut très bien produire, qu'à
certains moments, parce qu'on en côtoie d'autres qui ont vécu un
problème que nous rencontrons à un moment donné, cela fait
qu'on ne rencontre pas... on peut solutionner le problème sans avoir
besoin d'aller chercher un service puisqu'on en a vu d'autres agir et
ça, ça nous permet, nous, de changer notre façon de faire
et d'essayer de ne pas vivre la même situation qu'une autre famille.
Donc, ce n'est pas écrit ça, nulle part, ces
changements-là que des familles vivent de par, en cotoyant d'autres
familles et ça n'entre pas dans un programme où on est capable de
dire: Bien on a rendu tant de services puisque souvent on ne sera même
pas conscients que ça s'est vécu; ça ne sera pas dit,
ça ne sera pas écrit, mais ça s'est vécu pour la
famille même en cotoyant les autres.
M. Trudel: Je comprends qu'il y a comme deux volets à la
mission des organismes familiaux. Tout ce rôle de prévention,
soutien, connaissance, évolution dans le milieu à partir de la
notion et de la base de la cellule familiale et par ailleurs, vous n'excluez
pas que, dans certains autres secteurs d'activités, il puisse y avoir un
partenariat qui peut s'établir, mais de ne pas trancher entre soit l'un,
soit l'autre puisque la philosophie des regroupements, la philosophie des
organismes de famille au Québec est précisément ce soutien
continu, d'une façon de faire les choses à partir de la lunette
de la famille. Je dois vous avouer que je suis un peu, beaucoup, inquiet quand,
à la page 47, vous nous dites: Un partenariat véritable suppose
une reconnaissance effective des organismes et, votre première
recommandation, c'est abandonner la formule de partenariat actuellement
envisagée dans le projet de loi tel que libellé. Est-ce qu'on
pourrait dire au minimum, compléter la formule de partenariat
prévue pour respecter ce que vous êtes, ce que vous
réalisez au Québec? Parce que si... l'abandon complet du volet
actuel, de la façon de voir les choses, vous exclurait en quelque sorte
de la réalisation d'un certain nombre de services, et moi, je pense
qu'il ne faille pas l'exclure automatiquement; mais l'autre aspect, par
exemple, au niveau de la prévention et de l'évolution et du
soutien que vous souhaitez donner aux familles, n'est pas là. Est-ce
qu'on peut comprendre ça que la formule est à compléter
pour reconnaître ce que vous nous soulevez ce matin?
Mme Godbout-Perreault: Voici, nous parlons d'abandon parce que
nous voudrions que les conditions préalables que nous avons
mentionnées soient respectées. Ici, il nous semble important de
repartir dès le début et voilà pourquoi nous parlons
d'abandon de la façon dont on l'envisage actuellement.
M. Trudel: II faut que les conditions préalables soient
là?
Mme Godbout-Perreault: Oui.
M. Trudel: Et on verra pour la formule, par après.
Très bien.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Tremblay, je pense que
vous voulez ajouter.
M. Tremblay (Paul-André): La lecture qu'on peut faire de
l'avant-projet de loi est celle-ci.
en tout cas, on a l'impression évidemment que les partenaires
reconnus, donc, qui seraient financés sont ceux, uniquement, qui
cadreraient selon les programmes, selon les priorités établies
par le ministère. et, à ce moment-là, pour nous c'est
très insuffisant.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Trudel: Une autre question, maintenant, en regard du
financement. Là, moi qui ai appartenu à plusieurs organismes
familiaux, au Conseil des affaires sociales et de la famille du Québec
et à beaucoup d'organismes de type familial de régions, je suis
très Inquiet, là, pour les organismes familiaux de
régions, quant à la recommandation faite à la page 53, de
maintenir sous la juridiction - à moins que je lise mal et je voudrais
bien le savoir - du ministère de la Santé et des Services sociaux
et de son service de soutien aux organismes communautaires, la
responsabilité du financement de ces organismes en fonction des
critères permettant leur évolution et leur développement
conformément aux orientations de ces organismes. Est-ce qu'on doit lire
que vous vous opposez très fermement au transfert, à la
régionalisation du soutien aux organismes communautaires aux instances
régionales? Est-ce que vous vous opposez à cela? Vous savez
qu'ici nous avons eu, admettons-le, une très vive discussion où,
finalement, beaucoup de regroupements et beaucoup d'organismes communautaires
nous ont dit: La décentralisation, 100 milles à l'heure. Principe
fondamental, pour les autres. Je vous avoue qu'on comprend mal.
On comprend mal comment, de par la dynamique même du mouvement
communautaire, du mouvement familial, on peut nous dire: Plus c'est en haut,
plus c'est centralisé; plus c'est monopolisé, meilleur c'est pour
nous autres. Pour les régionaux régionalistes, pour le
communautaire, il y a comme quelque chose qui, en quelque part, est difficile.
Remarquez que, là-dessus - je fais une petite observation - on a bien
compris, hier, que c'est la peur du niveau de financement qui fait
réagir comme cela, sauf que le message clair qui est laissé, ce
n'est pas celui-là jusqu'à maintenant. Alors, est-ce que, chez
vous, vous êtes en train de nous dire aussi: Non, non, pas de
régionalisation là-dessus. Il faut garder ça à un
endroit central, au ministère de la Santé et des Services
sociaux.
La Présidente (Mme Marois): M. Morel ou Mme
Godbout-Perreault.
Mme Godbout-Perreault: Ce que nous sommes en train de vous dire,
c'est que les organismes familiaux qui ont une expérience de travail
avec le SOC considèrent que, si on augmentait les subventions qui leur
sont accordées, ils seraient satisfaits de la façon dont on les
traite. Actuellement, nous regroupons des fédérations qui sont
provinciales aussi et, si les sommes sont allouées selon les
régions, une même fédération provinciale verra donc
certains de ces régionaux financés pour un nombre plus important
et en verra d'autres n'avoir aucune somme d'argent. Alors c'est une des
raisons.
Lorsque nous regardons le financement régional, ça voudra
donc dire des priorités différentes et ça voudra dire
aussi que beaucoup de bénévoles qui ne sont pas familiers avec
tous ces formulaires, avec toutes ces formes de représentation, devront
le devenir, et ce n'est pas certain qu'ils seront prêts à mettre
autant d'heures pour cela, pour des questions financières. Ils sont
membres pour des services, ils sont membres pour un milieu de vie, ils sont
membres parce qu'ils veulent améliorer la qualité de la vie
familiale qu'ils veulent vivre; ils ne sont pas membres pour aller discuter de
questions d'argent.
La Présidente (Mme Marois): M. Morel, est-ce que vous
voulez ajouter un commentaire?
M. Morel: Oui, mon commentaire était à l'effet...
Je reviens à la page 53, à la phrase qui vous heurte. Je vous dis
que la phrase qui vous heurte là-dedans est en réaction à
cet avant-projet de loi. Donnez-nous un autre modèle de projet de loi ou
d'avant-projet de loi qui parie d'un autre modèle de
régionalisation et sans doute qu'on va refaire, nous aussi, nos devoirs
et qu'on va le prendre en considération. Mais, toujours, il y a une
chose qui est importante de considérer, c'est que l'analyse qu'on va
faire sera toujours en lien et en fonction de nos objectifs spécifiques
de soutien à la famille, en lien également avec une approche qui
soit globale de la famille. Et, quand on parie de régionalisation et
d'objectifs régionaux, ça me questionne. Dans chacune des
régions, est-ce qu'il y aura des objectifs spécifiques qui vont
faire en sorte que l'approche globale, on va l'oublier et qu'on va avoir douze,
treize ou quatorze approches différentes, qu'on va avoir des objectifs
différents? C'est là que ça nous questionne
grandement.
La Présidente (Mme Marois): M. Tremblay?
M. Tremblay (Paul-André): Moi, j'ajouterais deux
éléments, disons, qui nous font hésiter et qui nous font
prendre une telle position. C'est évidemment les centres d'influence ou
les centres de décision en régions. Nous sommes convaincus que,
dans la mécanique qui est proposée, nous serons perdants, que
nous ne serons pas en mesure d'influencer adéquatement les
décideurs, même si nous sommes présents.
Deuxièmement, c'est aussi la vocation presque exclusive d'action
curative que le ministère de la Santé et des Services sociaux
mène présentement, qui va se traduire forcément dans la
régionalisation, qui
nous fait aussi hésiter et qui nous fait aussi refuser
l'avant-projet de loi.
La Présidente (Mme Marois): Une dernière
Intervention. (12 h 15)
M. Trudel: Mme la Présidente, nous aussi, on a des
problèmes et nous l'avions dit, au départ, à cette
commission qu'il fallait d'abord débattre des orientations et des
objectifs fondamentaux poursuivis par la réforme, avant de s'engager
dans une mécanique dont nous n'étions pas sûrs qu'elle
était celle du proposeur actuel de l'avant-projet de loi, qui nous dit
aujourd'hui: Vous savez, le projet de loi est pas mal amoché,
après avoir écouté tout le monde, et la dynamique et
l'économie générale de ça. Quand aurons-nous
l'occasion de revenir sur le véritable projet de toi et quand
pourrez-vous, les organismes de l'extérieur, les organismes qui sont sur
le terrain, nous prononcer là-dessus? Ça, ça nous
inquiète aussi très profondément, tout en souhaitant, au
nfveau du financement, ce que vous nous avez mentionné dans votre
réponse, c'est-à-dire qu'il faut distinguer tes organismes au
niveau régional, les organismes qui peuvent peut-être y aller au
niveau d'un partenariat au niveau du service, mais aussi l'importance des
regroupements, pour que le soutien à ses propres organismes
régionaux soit reconnu dans un projet de loi. À cet égard,
sur l'article 231, nous sommes tout à fait d'accord avec vous, il faut
que cet article très tranchant, excluant toute possibilité de
financement de regroupements, soit également sorti du projet de loi par
le ministre et qu'il puisse nous le dire en commission parlementaire,
aujourd'hui, au moment où on entend les organismes familiaux, nous dire
que cela, ce sera retiré du projet de foi, parce que vous nous faites la
démonstration de la nécessité du soutien que vous apportez
aux organismes régionaux. À partir de ce moment-là, j'ai
comme l'impression que ça va adoucir les affirmations sur la
régionalisation du financement des organismes communautaires.
Mme Pichet-Bédard: Finalement, on peut dire que
subventionner le mouvement communautaire familial au Québec, c'est aussi
donner une voix aux familles. Actuellement, les familles n'ont pas de Voix pour
être présentes dans les grands débats de notre
société. C'est tout ça aussi qui est en question quand on
remet en question le financement des regroupements.
La Présidente (Mme Marois): C'est probablement le plus
beau souhait que vous puissiez faire auprès des membres dé la
commission. Oui, une dernière intervention.
M. Tremblay (PauI-André): Peut-être un dernier
message au ministère de la Santé et des Services sociaux,
même au gouvernement. Je dirais: Devenez nos partenaires, investissez
davantage dans le mouvement communautaire et familial, je suis convaincu
qu'à court, à moyen et à long terme, vous allez en
récolter des dividendes au niveau du curatif.
Association canadienne pour la santé mentale -
division du Québec
La Présidente (Mme Marois): Nous vous remercions de votre
présentation et de votre présence devant les membres de la
commission.
J'inviterais maintenant les représentants de l'Association
canadienne pour la santé mentale, division du Québec, à
bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. nous allons reprendre nos
travaux. le ministre va se joindre à nous d'ici une minute ou deux.
j'inviterais donc m. trottier et mme lamarche à nous présenter
leur mémoire. pas plus de 20 minutes, évidemment, parce qu'on a
déjà dépassé le temps et on a un petit peu
comprimé, à ce moment-ci... notre espace est un peu
comprimé.
M. Trottier (Michel): Je vous remercie infiniment, Mme la
Présidente. Nous allons tenter de nous limiter. Je pourrais vous lire en
10 minutes notre mémoire, mais je vous le résumerai en 20
minutes.
La Présidente (Mme Marois): Je vous reconnais bien
(à.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trottier: Alors, nous disions dès le début de
notre mémoire que, dans un sens, venir parler de cet avant-projet de loi
qui surtout porte sur la structure nous embarrassait un peu, parce qu'à
l'Association canadienne pour la santé mentale nous n'avons jamais, pour
ainsi dire, porté autant d'attention à des notions de structure.
Nous avons toujours considéré que ce qui était plus
important, c'étaient les personnes qui animaient ces structures et que
c'étaient les personnes qui pouvaient user ou mésuser ces
structures. Alors, dans un sens, parler de structures, nous restions un peu, si
vous voulez, plutôt moins intéressés que plus
intéressés.
Nous n'avons quand même pas laissé passer la chance de
venir parler à cette commission parlementaire parce que, dans un sens,
nous avions aussi beaucoup d'autres choses à dire.
Nous nous présentons dans notre mémoire en vous disant que
notre Association existe depuis quand même 70 ans au Canada, qu'elle
existe depuis plus de 30 ans au Québec, qu'elle a toujours
été un chien de gardé et qu'elle a toujours, d'une part,
eu des filiales au Québec qui ont eu des programmes et qui ont vu
à ce que, dans un sens, nos trois grands objectifs soient toujours bien
représentés, le premier étant
la promotion de la santé mentale, le deuxième, la
prévention de la maladie et le troisième, la défense des
droits, des droits des personnes en souffrance mentale, cela s'entend. Alors,
essentiellement, nous allons sûrement vous entretenir, si vous voulez,
d'un côté, de notre point central qui est la personne qui nous
intéresse et, d'un autre côté, nous allons sûrement
vous entretenir de promotion de la santé et de prévention de la
maladie.
Alors, essentiellement, nous avons toujours parié de la personne
et nous avons toujours déploré, si vous voulez, que, dans un
sens, quand on parlait des soins de santé, elle était, pour ainsi
dire, passablement segmentée. Elle était passablement, si vous
voulez, compartimentée. On s'occupait de chacun de ses organes, mais on
oubliait, si vous voulez, de ramasser ça dans un tout et chacun
regardait essentiellement soit le foie, soit l'estomac, soit d'autres petits
organes plus ou moins nécessaires et essentiellement, à ce
moment-là, on oubliait de penser qu'il y avait une personne
derrière tout ça qui avait à subir tout ça.
Nous avons toujours insisté sur l'importance de globaliser le
traitement, de globaliser, si vous voulez, la perspective et d'insister aussi
sur les relations entre l'intervenant et la personne dite malade. Parce que
pour nous, essentiellement, le traitement n'est pas quelque chose qui va se
donner comme tel et les anciens philosophes disaient: Ex opère, operato
et ça se traduisait en français, à un moment donné,
quand on avait des notions d'anglais... Il est très important de bien
saisir que c'est l'intervention, que c'est essentiellement la relation entre
l'intervenant et le malade qui doit prendre, pour ainsi dire, de
l'importance.
Nous avons assurément été heureux de voir que le
plan d'intervention individualisé prenait de l'importance même
à l'intérieur de cet avant-projet de loi. Nous avons
souhaité que, d'autre part, ce soit le malade qui demeure avec ce qu'il
est et ce dont il est capable d'exister, de vraiment participer à son
traitement. Et, pour nous, c'est très important, cette participation,
cette motivation.
Nous avons parlé, dans le mémoire par la suite, de la
gestion participative et représentative de la population. Et nous
étions un peu déçus de voir que l'avant-projet de loi,
dans un sens, ne semblait pas favoriser énormément cette gestion
participative et cette notion de représentation de la population.
Nous étions un peu inquiets de voir que, dans un sens, la
restriction que l'on apportait dans chacun des territoires ne semblait pas
favoriser cette participation. De la même façon, nous avons dit
aussi que la référence territoriale était une notion un
peu embarrassante parce que, bien sûr, à l'intérieur de
cadres semi-urbains ou de cadres ruraux, il peut y avoir une notion de
territoire qui peut être importante, mais à l'intérieur de
milieux urbains, cette notion est beaucoup moins importante et même un
peu plus embarrassante. Et nous aurions souhaité» dans un sens,
que des structures différentes soient suggérées pour des
conditions géosociopo-lltiques différentes.
Et remarquez qu'on pense que le gouvernement a cette capacité et
cette possibilité de vraiment développer des moyens qui
pourraient être utiles pour tout le monde.
Nous avons déploré le fait, dans cet avant-projet de loi,
qu'il y avait quand même un chaînon manquant. Toute la
médecine privée est, pour ainsi dire, laissée de
côté. Cette médecine privée est aussi assujettie
à la Régie de l'assu-rance-maladie du Québec et nous
disons: Pourquoi régir, d'un côté, toute la médecine
des établissements et laisser de côté cette médecine
privée qui, dans un sens, quand même très souvent,
participe à cette médecine d'établissement et qui, dans
l'autre sens, va aussi alimenter constamment cette médecine
d'établissement?
Alors, nous nous sommes dit: Dans un sens, pourquoi encore segmenter,
compartimenter et pourquoi avoir une vision en tunnel, avec des visières
qui nous empêchent de voir la globalité? Et nous aimerions
beaucoup que le ministère se penche sur une vision un peu plus large des
soins de santé et même de la santé comme telle.
Nous parlons, par la suite, des soins de santé basés sur
la santé, parce que, pour nous, c'est très important. Nous
aimerions que cet avant-projet de loi ou dans le futur avant-projet de loi nous
puissions retrouver un préambule à la loi qui nous
empêcherait de refaire à tous les vingt ans la même loi
parce que, dans un sens, à tous les vingt ans, on dit: Ce n'est pas
ça qu'ils voulaient dire, il me semble. Mais si on l'inscrivait dans un
préambule à la loi, on saurait ce que les gens veulent dire et on
verrait essentiellement qu'au-delà la loi, il y a toute une notion de
désir, de pensée et de réalisation qui pourrait, pour
ainsi dire, devenir un peu plus perméable dans la loi et permettre
d'avoir, justement, une pensée un peu plus éclairée.
Dès les débuts dans ce préambule, on aimerait voir
justement les facteurs déterminants pour la santé. Je ferai
observer qu'en page 5, déjà, dans les objectifs du système
de services de santé et services sociaux, on dit au paragraphe 2: "1"
réduire la mortalité due aux maladies et aux traumatismes,
réduire la morbidité et les incapacités, agir sur les
facteurs déterminants pour la santé..." À croire que,
justement, le ministre de la Santé est probablement plus un ministre de
la maladie. Pour moi, je pense que c'est très important d'être un
ministre de la Santé. Et, à ce moment-là, nous aimerions
que, en premier, nous commencions dans le préambule de la loi à
déterminer, à parler des facteurs déterminants pour la
santé et, dans un sens, à nous prédisposer à une
santé plutôt que nous prédisposer à une maladie.
Dans ce sens-là, je prends un exemple, si vous voulez, du train
social. Je dis qu'on a porté beaucoup plus attention à la queue
du train qu'à la tête du train, qu'à la locomotive. Je dis
que, dans un sens, les occupants du bout du train ont acquis un statut. Ils
sont devenus de plus en plus bénéficiaires d'un système.
Dans ce sens-là, évidemment, ceux qui étaient dans le
milieu du train ou au tout début du train ont commencé à
perdre des avantages de la mitoyenneté. Les écarts qui,
autrefois, les distançaient, tant de la queue que de la tête,
avaient tendance à s'amenuiser. Les gens de la queue les rejoignaient et
les valeurs motivationnelles de tendre vers la tète étaient de
plus en plus ridiculisées. Heureux, disait-on, ceux qui pouvaient
obtenir le maximum du système en donnant le minimum! Comme les services
de santé étaient gratuits, la meilleure façon de jouir de
ce système était d'être malade et on l'a utilisée
pleinement. Le rapprochement vers ta queue du train a entraîné,
comme dans toute épidémie, une croissance du nombre de
bénéficiaires, plus d'urgences auxquelles il fallait
répondre et plus de cas dont il fallait s'occuper. (12 h 30)
Pendant ce temps-là, les occupants de ta tête du trahi ne
pouvaient pas faire autrement que de remarquer l'essoufflement du train. Tant
d'occupants monopolisant les énergies sans payer leur ticket, même
pas modérateur, forçaient les quelques éléments
sains à travailler plus et à fournir plus d'efforts. Ou bien ils
acceptaient ce plus grand décalage entre eux et les autres occupants, ou
bien ils croulaient dans la morbidité.
Et j'insiste énormément ici. N'avons-nous pas appris, dans
les dernières décennies, que, si nous avons changé le
comportement de nos Québécois quant à leurs habitudes de
vie, c'est que nous avons proposé d'autres modèles de
santé. De la personne bien en chair des années 1930 ou 1940, le
modèle de santé est devenu plus svelte, plus actif, plus
aéré, moins vorace. Ces changements dans les habitudes de vie
n'ont pas été. accomplis en informant la population sur la
stigmatisation de la maladie ou en évitant la non-tolérance de la
population face à la maladie. Ils ont été atteints, ces
objectifs-là, en parlant, justement, en donnant des modèles de
santé. C'est dans la proposition de modèles positifs de
santé que l'on a réussi à faire progresser la notion de
santé.
Les pompiers ont compris ça depuis longtemps. Et peut-être
que le ministre de la Santé préférerait devenir le
ministre des pompiers. Il ferait de la prévention des incendies. Parce
que, actuellement, on ne fait pas de prévention, on ne fait pas de
promotion de la santé. Et à ce moment-là, on a, pour ainsi
dire, l'orientation strictement vers le curatif, strictement vers, si vous
voulez, la simple notion d'éviter le pire, d'éteindre les
feux.
Cette insistance sur la prévention des maladies et sur la
promotion de modèles attrayants ne signifie pas que le processus
curatif, pour ceux qui sont malades, doit être abandonné, mais le
traitement prend une autre perspective. Dans le processus de
santé-maladie-santé, la maladie n'est qu'un épisode qui
met en branle les mécanismes d'adaptation. Alors, essentiellement, nous
disions ça et, pour nous, c'est très important que, dans un sens,
tout le ministère de la Santé soit capable, pour ainsi dire, de
s'orienter définitivement vers la santé et, dans un sens, de
négliger, pour ainsi dire, plus ou moins cette perspective unique de la
maladie.
Évidemment, dans l'avant-projet de loi, on reconnaît aux
départements de santé communautaire cette responsabilité
d'exercer des activités de prévention, de promotion et de
protection de la santé. Remarquez que, encore Ici, on ne semble pas
savoir exactement ce que c'est, puisque les établissements semblent
avoir très bien réussi à prévenir la santé.
C'est ce que l'on dit dans l'avant-projet de loi, on veut prévenir,
promouvoir et protéger la santé; ça, c'est tout ensemble:
prévention, promotion, protection. Alors, essentiellement, nous, nous
partons de la prévention de la maladie et non pas de la
prévention de la santé parce que, s'il faut prévenir la
santé, on a réussi depuis un bon moment.
L'association se perçoit donc, si vous voulez, essentiellement
comme capable de parler de prévention de la maladie et de promotion de
la santé et elle aimerait être directement associée au
ministère pour, justement, faire ça. Nous nous percevons, avec
les ministères, avec les départements de santé
communautaire, comme des partenaires, comme des "réverbérants"
sociaux, si vous voulez, de ces départements parce que, dans un sens,
essentiellement, nous sommes inscrits dans le milieu communautaire et nous
sommes capables de savoir exactement ce qui est nécessaire, ce qui est
bon et ce qui, pour ainsi dire, pourrait apporter vraiment une promotion
intelligente et apporter aussi une prévention de la maladie.
Nous sommes très inquiets quand nous voyons l'article 230 qui dit
qu'au niveau régional, des activités de promotion, de
sensibilisation et de défense des droits et des intérêts
des usagers de ses services peuvent entraîner, si vous voulez, pour ceux
qui exercent de telles activités, une certaine subvention. Nous disons
qu'il n'y a pas que la promotion des droits qui est importante, il y a aussi la
promotion, si vous voulez, des grands objectifs de santé. La promotion
des droits a pu être très importante à des moments
donnés de notre existence, mais, seulement elle n'est pas unique, il y a
aussi d'autres promotions qui sont très importantes.
L'Association croit donc que ses activités de sensibilisation
à des conditions de santé et de promotion de santé
mentale, d'activités de
prévention de la maladie sont plus importantes pour l'état
de santé de la population que la promotion des droits et des
intérêts des usagers.
Enfin, à l'article 231, comme tous ceux qui sont passés
ici ce matin, à tout le moins, nous disons la même chose, nous
n'avons pas encore compris la logique qui permettrait de statuer que le
regroupement d'organismes communautaires n'est pas admissible à une
subvention, non pas parce que nous espérons avoir, si vous voulez, des
millions, non, mais tout simplement parce que nous aimerions qu'une logique
soit, pour ainsi dire, conservée. Notre organisme, regroupement, la
division du Québec, est responsable de ses filiales; les filiales
reçoivent, d'une certaine façon, une autorité de la
division. Si vous voulez, nous avons une autorité face à nos
filiales, comment pourrions-nous exiger d'elles, par après, qu'elles
fournissent un certain montant à partir des subventions qu'elles
recevraient? Ça deviendrait presque impossible et, à ce
moment-là, nous disons que la logique n'est pas conservée.
Je dis, d'autre part, que, dans un sens, quand les organismes
communautaires accomplissent avec un même dollar dix fois plus que les
établissements publics, il devient difficile de comprendre encore plus
la logique établie par cet article. Pour moi, ça devient
absolument impossible de survivre.
En conclusion et à l'intérieur de 18 minutes, Mme la
Présidente, je remercie la commission parlementaire de nous avoir permis
de nous exprimer. Nous avons cherché à ne pas cacher nos espoirs
et à réclamer une politique de santé globale qui
permettrait l'amélioration de la santé mentale. Nous
espérons que nous avons affaire à un législateur
préoccupé par les facteurs positifs de la santé afin que
la législation permette à la population québécoise
de se dégager de la maladie pour élever le niveau d'aspiration
vers la santé. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. J'inviterais maintenant le ministre de la Santé et
des Services sociaux à vous poser quelques questions.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Même de l'autre côté, il y a des
perroquets qui nous permettent d'entendre. Vos premiers propos m'ont
intéressé puisqu'on essaie de centrer la réforme sur le
bénéficiaire. Ça va en parfaite harmonie avec ce qu'on
pense.
Je vous ai entendu, sans référer au texte... Je partage,
presque du début à la fin, ce que vous nous avez dit. Le
problème, c'est comment. Je vais être très simple: Comment
est-ce qu'on fait ça? Parce qu'à partir du moment où on
partage les mêmes objectifs, c'est vrai qu'on a des problèmes
très importants. C'est vrai que le système est malade parce qu'on
pense d'abord maladie et qu'il faut faire le virage de la prévention et
parler davantage de la santé que de la maladie. Je suis d'accord avec
ça, c'est vrai. Mais quand je regarde à peu près à
tous les stades, pas uniquement au ministère - parce qu'au
ministère, c'est 1100 personnes sur un réseau de 250 000
personnes, sans compter les organismes communautaires... Quand je regarde dans
nos universités, vis-à-vis de la santé, est-ce qu'on
traite en fonction et on prépare en fonction de la prévention ou
si on traite et on prépare en fonction du traitement de la maladie? Sur
ça aussi, il faut se poser la question. La question fondamentale - je
sais que vous avez une bonne expérience de ce qui s'est passsé en
Ontario - du Québec: quand est-ce qu'on fait ça? Comment est-ce
qu'on fait le virage? On s'organise comment et on prend ça par quel bout
demain matin? On dit: Parfait, dorénavant, sur le plan budgétaire
il y a un budget beaucoup plus substantiel, gelé, qui va à la
prévention. Alors ça sera la chicane pour la distribution
après mais au moins on dit: tant de pourcentage du budget du
ministère doit, obligatoirement, être dévolu à la
prévention. Comment est-ce qu'on fait ça après?
Mme Lamarche (Gratienne): D'abord, il y a deux choses que
j'aimerais dire par rapport à ce que vous venez juste de dire. Je crois
qu'on en parle dans les milieux de formation. Je crois qu'il y a aussi
plusieurs programmes. Quand on regarde les travaux préalables à
la politique de santé mentale, il y a plusieurs programmes de
prévention qui ont été, je dirais, mis sur pied. Je crois
que ce qui manque, ce sont des valeurs référentes. D'abord parler
- en tout cas, je pense que M. Trottier l'a dit très clairement -
très clairement de la santé. Je dirais, référer
à des valeurs de santé, de dynamisme, de ce qui est vivant au
lieu de parler de sectorisation, de segmentation, de coupures. Je crois que ce
serait déjà très aidant d'installer un nouveau langage
où il est question de dynamique, de quelque chose qui est en
interaction. Je pense que ça, c'est très, très important.
Je crois que tous les programmes qui ont été comme mis sur pied,
ont souvent été essoufflés ou ont perdu leur
vitalité parce que, justement, il n'y avait pas ces valeurs
référentes qui étaient, je dirais, reconnues,
cohérentes et constantes. Je sais que je parle au niveau des valeurs et
pour moi c'est très important. J'ai un peu de difficulté à
me situer en termes d'operational isation et c'est un choix que je fais, mais
je crois que c'est la première chose à instaurer et c'est pour
ça que M. Trottier soulignait l'importance de faire un préambule
au niveau de l'avant-projet de loi pour clarifier et dire explicitement comment
c'est important la santé. C'est ce que j'ai à dire.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Trottier.
M. Trottier: Je pourrais peut-être tenter
d'ajouter juste quelques éléments. C'est que, dans bien
des cas, que ce soit, si vous voulez, chez l'individu travailleur, que ce soit
chez l'individu qui n'a pas grand-chose à faire dans la vie si ce n'est
que de retirer le bien-être social, dans bien des cas, la plupart du
temps, vous aurez, si vous voulez, une orientation qui est faite au niveau de
la maladie On n'est pas attentif en aucune façon aux petits
problèmes, aux petits malaises et personne ne nous dit jamais qu'il faut
être attentif à ça. On vous dit essentiellement qu'il y a
des moyens pour enlever les petits malaises. C'est tout. On vous dit
régulièrement à la télévision que si vous
avez un mal de tête, vous pouvez le faire disparaître. Il y aurait
des meilleurs moyens que ceux-là. La guillotine en était un
particulièrement fort.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Trottier: Mais il reste malgré tout que,
essentiellement, on ne dit pas et on n'insiste jamais sur le fait que la
première chose qu'il faut faire face à un petit malaise, il faut
d'abord, si vous vouiez, se regarder, se poser des questions. Que
m'arrive-t-il? Comment se fait-Il que j'ai aujourd'hui ce malaise-là?
Pourquoi j'ai ce malaise-la? De quelle façon puis-je d'abord essayer
d'en devenir responsable et capable de le maîtriser? Ça, c'est
toute la notion, M. le ministre, de la médecine, si vous voulez, qui
vient de l'extérieur. J'ai déjà commencé a vous
parler latin tantôt, je vous parlerai encore latin, du "Deus ex machina".
Du petit génie qu'on faisait sortir, si vous voulez, à la
dernière minute, dans les pièces de théâtre grec et
latin, bien, on le fait sortir de façon régulière, le
petit génie. Il s'appelle "médecin" et H est dans un
établissement. Il va assurément vous donner toutes les bonnes
raisons de régler tous vos problèmes. Ce n'est pas ça et,
ça, c'est très important que, dès à présent,
quand on parle de prévention, on ait la chance de dire essentiellement:
Vous avez une responsabilité sur votre état de santé, non
pas l'unique responsabilité - ce ne serait pas vrai - mais une
responsabilité sur votre état de santé personnel et vous
allez vous poser les bonnes questions. Remarquez que, pour moi, je pense que
ça, c'est de la prévention et ça, c'est jouer, si vous
voulez, à l'Intérieur. Vous savez, dans une grosse structure
comme celle d'un ministère et avec beaucoup d'établissements,
vous savez qu'il y a une notion naturelle d'expansion. Vous save7 qu'il y a une
notion naturelle de prendre le contrôle. Vous avez déjà vu
ça, vous connaissez ça probablement beaucoup mieux que moi. Et on
va demander, dans un phénomène de sensibilisation et de
prévention de la maladie, de dire. Non, vous n'avez pas tout le
contrôle. Non, vous n'avez pas toute la possibilité de vous
"expansionner" parce qu'il est plus important qu'on diminue. Remarquez que,
pour moi, c'est très important. On n'a pas besoin de toutes ces
urgences-là si on savait utiliser les moyens que l'on a et faire de la
bonne prévention. Donc, c'est une partie de votre comment. Je sais que
ça ne résout pas tout, je sais que ça n'empêchera
pas certains feux d'exister, mais ça va en empêcher quelques-uns,
au bout d'un certain temps. Qu'on ait une politique qui ne soit pas uniquement
celle... la politique la politique pour tout de suite suite, mais une politique
pour dans vingt ans. (12 h 45)
La Présidente (Mme Marois): Oui, madame, vous voulez
ajouter quelque chose?
Mme Lamarche: Oui, je pensais à un article récent
dans La Presse, à la fin de janvier, où on apportait les
propos du ministre de la Santé et des Services sociaux, où on
disait que bon, enfin... On disait que tout le lobby était fait autour
de la maladie. Il n'était pas fait autour de la santé. Bon, je
crois que ça, c'est quelque chose d'important parce que, vous savez,
quand on prête l'écoute ou l'oreille à quelque chose, c'est
ça qui est reconnu. Et je crois que ça. c'est un constat
important. Bon, ça, c'est la première chose. La deuxième
chose que je veux aussi dire, c'est que, dans ce même article, on avait
proposé des choses intéressantes: Renforcer ou donner des
incitatifs dans le sens de la santé. Bon, comme moyens, c'est
intéressant. Je trouve que c'est une piste qui a été
ouverte et je trouve qu'il faut continuer dans ce sens-là. On a
même parlé aussi du projet américain des OSIS Je ne sais
pas ce que ça donne en ternies vraiment d'études très
poussées. Enfin, je sais de quoi il s'agit, par exemple. Je trouve que
ce sont des initiatives qui sont intéressantes et qui
mériteraient, en tout cas, qu'on expérimente. Et je ne suis pas
sûre - et ça... - que, actuellement, certains intervenants du
ministère de la Santé et des Services sociaux ne seraient pas
prêts à faire ça. Je sais pertinemment qu'il y a des gens
qui seraient prêts à expérimenter des choses comme
ça dans certains secteurs défavorisés, entre autres.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on est
très durs lorsqu'on dit qu'il n'y a rien qui se fait.
Mme Lamarche: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): II y a quand même
toute la panoplie des CLSC qui sont sur le terrain et où il y a des
tentatives.
Mme Lamarche: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense à toutes les
campagnes qui ont été menées contre le tabac,
contre l'alcool et qui, je pense, ont donné des résultats assez
intéressants. Il y a donc des choses qui se font, mais on n'a pas
réussi à renverser l'importance. Et votre message, de ce
que je comprends, c'est qu'il faut en mettre encore davantage...
Mme Lamarche: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...au niveau de la
prévention pour être capables, dans dix ans, quinze ans ou vingt
ans, de dire: Oui, on a fait un bon bout de chemin, mais il faut
accélérer le processus. Je pense que c'est ce message-là
que je comprends.
Vous avez évoqué tantôt, et vous êtes les
premiers à l'avoir fait ici, la médecine privée. Vous avez
parlé d'intégrer la médecine privée. J'aimerais
vous entendre davantage. Comment?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Trottier.
M. Trottier: C'est facile de donner un sens à
l'intégration, n'est-ce pas? Non, la médecine privée, si
vous voulez, est assujettie, et nous l'avons dit, à la régie
de... comment ça s'appelle?
M. Côté (Charlesbourg): La RAMQ. Mme Lamarche:
L'assurance-maladie.
M. Trottier: La Régie de l'assurance-maladie, c'est
ça. Bon, essentiellement, ce que je veux dire, c'est que, dans un projet
de loi qui parle des services de santé et des services sociaux,
j'aimerais bien qu'on globalise la perspective. Cette médecine
privée, quand même, elle exerçait, je vous ai dit qu'elle
avait et qu'elle alimentait les établissements, je vous ai dit, dans un
sens, qu'elle est, pour ainsi dire, très liée avec la
médecine d'établissement puisque, très souvent, ce sont
même les mêmes personnes qui sont à l'un et à l'autre
et, à ce moment-là, je vous dis dans un sens: Comment voulez-vous
avoir un certain contrôle et avoir une certaine capacité de
limiter vos dépenses si, dans un sens, vous laissez d'un
côté totalement toute cette médecine privée?
À ce moment-là, je vous parle de l'intégrer, au moins,
dans une perspective de politique, je vous parle de l'intégrer, au
moins, dans une perspective d'orientation. Qu'on détermine et qu'on
définisse exactement ce que la médecine privée peut faire
par rapport à la médecine d'établissement, de telle
façon que, dans un sens, il n'y ait pas vraiment une confusion totale.
Et ça, pour moi, c'est très important et, pour notre association,
c'est important parce que la confusion existe. Elle existe à tous les
niveaux et c'est pour ça que je ne voudrais pas que, dans un sens, on
ait de nouveau une politique qui ne soit pas globale.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous vouliez
intervenir?
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
La Présidente (Mme Marois): Non, d'accord. M.
Côté (Charlesbourg): Merci.
La Présidente (Mme Marois): Alors, M. le
député de La Prairie, je crois, a une question à poser.
Non? M. le député de Rouyn-Noranda-Té-miscamingue,
après.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. Nous
avons, de notre côté, tellement répété ce que
vous venez si brièvement de nous réintroduire comme
préoccupation que toute notre attention, tout notre système
très largement et notre coûteux système s'occupe des
conséquences, s'occupe du résultat, de la maladie et ne s'occupe
pas suffisamment, n'a pas encore pris les dispositions pour s'occuper de la
cause des phénomènes comme, par exemple, lorsque vous indiquez
dans votre texte toute la situation sociale des individus, des personnes,
l'environnement dans lequel elles vivent et qu'on appelle très
clairement la pauvreté. Nous avons bien reconnu que les plus grands
consommateurs, les plus grands utilisateurs au bout du système, ce sont
les personnes qui sont dans des situations de pauvreté, qui sont non
seulement, et c'est important, des pauvres, mais qui vivent dans des trappes de
pauvreté, dans une sous-culture de la pauvreté. Ça nous
donne toute une espèce de cheminement qui fait en sorte qu'on va
retrouver ces guillemets, "consommateurs de services" de façon effarante
à l'autre bout du système et qui fart en sorte qu'aujourd'hui, on
est aussi pris avec des coûts de système qui sont très
élevés, qui sont inquiétants sur le plan de la
responsabilité nationale de s'occuper, comme vous l'avez si bien dit,
toujours de la maladie, mais d'en diminuer la récurrence, d'en diminuer
la prévalence. On n'a pas fait beaucoup de choses là-dessus et si
on ne commence pas un jour, évidemment, on n'y arrivera pas.
Je vais revenir un peu, moi aussi, sur la question que le ministre vous
posait au sujet du privé. Vous l'avez dit d'ailleurs, toute la
médecine privée est assujettie à la mécanique de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Quant à moi, et ce
ne sont pas les mots que je vous passe, je dirais qu'ils s'abreuvent à
la Régie de l'assurance-maladie du Québec parce que,
effectivement, le système est une espèce de bar ouvert qui fait
en sorte qu'on n'a aucun moyen, aucune direction. La Régie de
l'assurance-maladie du Québec est un agent-payeur et elle ne s'est pas
donné ou on n'a pas demandé qu'elle soit également
participante à la prévention, un agent de contrôle
également et, sans l'ombre d'un doute, qu'il faudra regarder
ça.
Quand le ministre vous demande, par ailleurs, comment on prend ce
virage, est-ce que vous pensez que nous pourrions, dans un projet de loi, comme
nous l'avions fait, comme il a été
fait dans un document d'orientations, fixer des objectifs de
santé nationaux qu'il faudrait chercher à atteindre à des
périodes déterminées, demander à des organismes
décentralisés de nous présenter - quand je dis nous,
à l'État - la façon dont ils vont atteindre ces objectifs,
et que nous puissions annuellement, dans un débat public et dans une
Assemblée nationale - ça s'appelle les commissions parlementaires
- être capables de discuter, de répondre des actions qui ont
été entreprises et du niveau d'atteinte des objectifs qui ont
été réalisés suivant ces objectifs nationaux? Donc,
la loi ne devrait-elle pas prévoir la nécessité pour
l'État de fixer des objectifs nationaux de santé, des objectifs
de santé à atteindre, et les mécaniques pour permettre aux
instances régionales de les atteindre? Est-ce qu'on n'irait pas dans le
sens de la prévention dans ce sens?
La Présidente (Mme Marois): Oui. Mme Là marche.
Mme Lamarche: Je trouve toujours ça Compliqué de
répondre par un oui ou par un non Ce que je peux dire, c'est...
La Présidente (Mme Marois): Vous avez l'occasion d'y aller
plus largement, si vous voulez.
Mme Lamarche: Vous soulignez quelque chose qui est
intéressant, qui est important C'est la question d'imputabilité
par rapport à des objectifs de santé. C'est sûrement
très incitatif. Ce qui me questionne, et je vais le formuler en termes
de question: Quand on parte d'objectifs de santé, qui devrait d'abord
les déterminer? Est-ce que c'est le gouvernement? Est-ce que ce sont des
personnes cibles? Est-ce que c'est la population? C'est çà qui me
questionne. Ce que j'entends, parce que je travaille à l'Association
canadienne pour la santé mentale, je travaille aussi dans un centre
hospitalier, c'est que les personnes savent ce dont elles ont besoin. Elles ne
sont pas capables de le traduire souvent en des termes cohérents. Des
fois oui, des fois non. Votre question m'amène à poser la
question: Qui devrait déterminer ces objectifs-là de façon
très très claire, très précise? Quel est le
mécanisme qui ferait, en sorte qu'on pourrait rejoindre
fondamentalement, à partir d'une réalité, parce qu'on peut
faire des objectifs de santé qui ne sont pas réels, qui ne sont
pas réalistes, qui peuvent être idéaux.. Qui peut nous
assurer que les objectifs de santé seraient collés à des
besoins de population? C'est ça ma question.
M. Trudel: est-ce qu'un débat public ne nous permettrait
pas d'atteindre le meilleur au niveau de la détermination des objectifs
de santé?
Mme Lamarche: Auquel seraient conviés plusieurs
Intervenants ou des gens de la population? Des gens de la population?
M. Trudel: Tout à fait. Vous voyez, à titre
d'exemple, cette commission parlementaire est ouverte à quiconque. Et,
là-dessus, je ferai remarquer que - c'est be que vous dites - bien des
gens dans le système, quand vous les retrouvez dans votre hôpital,
ils le savent. Ils ont de la difficulté à l'exprimer. Nous avons
vu Ici, par exemple - je pense que c'est le meilleur exemple qu'on peut citer -
une représentante d'un organisme, un tout petit organisme qui s'appelait
Les messagères de l'espoir, qui, en apparence - disait cette personne -
n'avait pas la façon de nous formuler ce qu'elle voulait comme objectifs
de santé en termes de répit dans le secteur de la santé
mentale où elle opérait. Et, pourtant, ça a
été pour le ministre et pour les parlementaires ici une grande
leçon de quel type d'objectifs on devrait atteindre dans ce
secteur-là. Donc, c'est une façon dont on pourrait approcher les
choses, tout à fait. Et le ministre, M. Sirros, a reconnu que c'est une
vision rafraîchissante des choses et qu'il fallait prendre en
considération le type de besoins qui était exprimé
là-dessus. Nonobstant la présentation du député de
Verdun, ça a été... Mon collègue de La Prairie a
des questions.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
La Prairie, s'il vous plaît, brièvement.
M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. M. Joly:...
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): II est 12 h 55,
M. le vice-président.
M. Joly: Oui, mais je voudrais quand même dire, afin de se
conformer à ce que normalement oh devrait avoir, je pense que M. le
député de La Prairie n'est pas membre de cette commission. Il
serait peut-être souhaitable qu'un consentement des membres de cette
commission lui soit accordé et que ses propos soient pertinents avec le
sujet débattu qui est l'avancement du projet de loi.
La Présidente (Mme Marois): Oui, tout à fait. Je
pense qu'il n'y a pas d'objection à ce que le député de La
Prairie soft inscrit.
M. Joly: Mon, vous, vous n'avez pas d'objection. Par contre, il
faudrait que...
La Présidente (Mme Marois): J'imagine qu'il ne doit pas y
avoir d'objection de votre côté, non plus.
M. Joly:... des deux côtés, on s'entende sur
Ça-
La Présidente (Mme Marois): Alors, on se comprend bien
qu'il n'y a pas d'objection à ce que le député de La
Prairie puisse intervenir à la commission des affaires sociales.
M. Lazure: Je vous promets d'être pertinent, mon
collègue.
M. Joly: Merci.
M. Lazure: Pour apaiser vos craintes tout de suite, je vais
d'abord saluer les gens de l'Association canadienne pour la santé
mentale, association dans laquelle j'ai oeuvré pendant longtemps, les
féliciter pour leur message et, pour être bien sûr que je
suis pertinent, je vais même suivre le sillon ébauché par
votre ministre.
Une voix: Merveilleux.
M. Lazure: Les Chinois, dans leur sagesse, autrefois, avait
imaginé un système où les médecins étaient
payés selon l'état de santé de leur population et non pas
selon la maladie. Mais sans retourner dans les vieilles civilisations
chinoises, je pense qu'il y a quand même là une leçon
à tirer et, d'ailleurs, il y a des pays d'Europe, si on revient à
1990, qui subventionnent avec les fonds publics des activités de
médecins en médecine privée, en particulier, qui sont
rattachées à la promotion de la santé, à la
prévention de la maladie. Alors, ce n'est pas une idée farfelue
que vous proposez là, au contraire. C'est vrai que c'est le premier
groupe qui la propose, mais j'espère que le perroquet va transmettre mes
paroles au ministre ou il lira les propos. Mais il me semble qu'il faudrait
regarder ça encore de près. Il y a moyen... Je suis d'accord avec
l'Association. Il faut impliquer les médecins en cabinet privé,
et ça, ça pourrait être une des façons de les
impliquer.
Vous êtes un peu durs. Je m'en tiens au texte, MM. les
collègues, en face de moi. "Les penseurs du ministère - à
la page 9 - ne semblent pas comprendre ce qu'est la promotion", etc. En 1976
à 1981, quand on a enclenché des campagnes de promotion de la
santé, c'était surtout en santé physique: alcool, tabac,
exercice physique, alimentation, et je pense que ça a donné des
résultats intéressants. Mais là, je reviens à votre
texte ici et je dois dire, malheureusement, que vous avez un peu raison parce
que je me souviens clairement, à l'époque, d'avoir insisté
auprès des fonctionnaires et leur demandant: De grâce,
apportez-moi des ébauches de projets pour qu'on fasse de la promotion,
non seulement en santé physique mais en santé mentale aussi. Mais
c'est difficile, en santé mentale. Il faut reconnaître que c'est
difficile, beaucoup plus difficile qu'en santé physique. Mais moi, je
pense qu'il faudrait, tout en pesant la légitimité de vos
remarques, revenir à la charge. J'enjoins notre ministre de la
Santé pour qu'il revienne à la charge auprès de ses
collabora-teurs, de ses collègues pour qu'on puisse imaginer, avec la
collaboration de l'Assocation canadienne pour la santé mentale, des
programmes de promotion de la santé mentale, comme on l'a si bien fait
autrefois pour la santé physique. Malheureusement, ces
campagnes-là ont été discontinuées depuis quelques
années. Je ferme la parenthèse, M. le Président.
Deuxième volet - et là, c'est une question - au
début de votre texte, vous parlez des groupes d'intérêt,
aux pages 3 et 4, représentation de la population. Vous dites qu'il faut
éviter le noyautage des groupes d'intérêt dans la
représentation. À cet égard, est-ce que vous ne pensez pas
que la meilleure façon de sortir de cette ornière des chicanes de
groupes d'intérêt, que ce soit au collège électoral,
dans le conseil d'administration de l'instance régionale, qu'une des
meilleures façons d'en sortir, c'est d'avoir un suffrage direct et
universel, autrement dit, que toute la population ait voix au chapitre et
choisisse les gens qui vont administrer leur système?
M. Trottier: Si ça fonctionnait bien, ce serait
sûrement une excellente façon d'y arriver. Malheureusement, on
sait, par exemple, que le vote, habituellement, pour les commissions scolaires
est de 10 %, 15 % ou 20 % et que le suffrage universel, à ce
moment-là, ne réussit pas, si vous voulez, justement à
combattre vraiment. Le gros problème, c'est que, dans un sens, il
faudra, si vous voulez, parallèlement à un intérêt
qu'on veut global, faire des campagnes de sensibilisation à cette
responsabilité qu'a l'individu, d'abord, de sa propre santé et,
par la suite aussi, des systèmes qu'il veut établir pour
être soigné. Je pense que vous avez raison, dans un sens.
Je voudrais aussi quand même, en fonction de votre
parenthèse préalable, vous dire que si on est un peu critiques
sur le ministère de la Santé, c'est parce que depuis qu'il y a eu
une politique de santé mentale, on a aussi établi une campagne de
sensibilisation pour la santé mentale. Mais remarquez bien que, quand on
parle de santé mentale, on ne sait jamais, au juste, de quoi on parte.
Si vous demandez à des gens du secondaire: Qu'est-ce que ça veut
dire, la santé mentale? Ils ont trouvé le terme exact pour vous
le décrire, ils disent: Bien, c'est ça, la santé
mentale.
Une voix: Le geste exact.
M. Trottier: Des fois, j'ai l'impression qu'on est dans une
confusion mentale. À ce moment-là, je voudrais bien, si vous
voulez... Dans cette campagne de sensibilisation qui est sur le point de
démarrer, il semble bien qu'on va aller
justement vers la déstigmatisation de la maladie et qu'on va
aller vers la tolérance à la maladie, ce qui, pour moi, n'est pas
de la santé mentale. Je suis en désaccord avec l'Association,
à ce niveau-là.
M. Lazure: Est-ce que vous avez été
consultés?
M. Trottier: Malheureusement pas.
M. Lazure: Moi, je pense que vous devriez être
consultés...
M. Trottier. On nous avait conviés à un
partenariat, vous savez, mais le partenariat n'était pas ouvert, cette
journée-là.
M. Lazure: II est dommage que votre association n'ait pas
été consultée. Il n'est jamais trop tard pour bien faire,
alors on enjoint notre collègue le ministre et ses fonctionnaires de
s'adresser à l'Association pour avoir ses recommandations.
M. Trottier: Je vous remercie, M. le député. M.
Lazure: Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures cet
après-midi. On essaiera de reprendre à temps. Si on reprend
à temps, on risque de terminer à temps aussi.
(Suspension de la séance à 13 h 7)
(Reprise à 15 h 8)
La Présidente (Mme Marois): À l'ordre, s'il vous
plat!
Nous allons reprendre nos travaux. J'inviterais les représentants
du Conseil canadien de développement social à nous
présenter leur mémoire. Vous avez une vingtaine de minutes pour
le faire. Par la suite, des questions vous seront posées par les membres
de la commission et vous pourrez avoir des échanges avec des membres de
la commission. Je crois que c'est M. Panet-Raymond. C'est ça? Vous
présentez la personne qui vous accompagne et, par la suite, on vous
entend.
Conseiltt canadien de développement
social
M. Panet-Raymond (Jean): D'accord. Je vais même
présenter une personne qui n'est pas avec nous, malheureusement. A ma
gauche, normalement, B y aurait eu Mme Anne Usher, qui est la présidente
sortante du Conseil canadien de développement social et qui est aussi
activement impliquée dans un certain nombre d'organismes communautaires
à titre d'infirmière, et qui, notamment, était dans la
Coalition canadienne de la santé; à ma droite, M. Jean-Bernard
Robi-chaud, qui est conseiller principal en politiques sociales au Conseil et
directeur du bureau de Montréal, ou du bureau du Québec qui est
à Montréal. A titre personnel, il est aussi président du
comité canadien du Conseil international d'action sociale et il a
été, comme vous le savez sans doute, directeur
général du CSSMM. Donc, c'est une personne qui connaît
assez bien le réseau. Il a été aussi consultant à
la commission Rochon. Pour ma part, je suis vice-président du Conseil
canadien et je suis aussi professeur à l'Université de
Montréal en service social. Donc, je suis impliqué depuis un bon
nombre d'années avec des organismes communautaires et des CLSC. Mes
recherches actuelles portent plus particulièrement sur les rapports de
collaboration entre organismes communautaires et CLSC. Donc, vous allez voir
que, dans le mémoire, il y a tes positions du Conseil, mais H y a aussi
des expériences personnelles.
Peut-être que je pourrais prendre quelques minutes pour vous
présenter le Conseil canadien de développement social qui a
été créé en 1920 et qui a essentiellement quatre
grandes fonctions, la première fonction étant la recherche.
À titre d'exemple, le Conseil va publier dans une semaine ou deux - il y
aura un lancement - une étude sur les centres de services sociaux et de
santé, une étude comparative du Canada et plus
particulièrement du Québec, dont l'un des auteurs est, justement,
Jean-Bernard Robichaud.
Le deuxième volet du travail du Conseil est un volet
d'information et de consultation. À ce titre, il y a plusieurs
publications et revues du Conseil, mais notamment les publications qui ont
porté sur les données concernant la pauvreté. Dans le
cadre des activités d'information, on organise aussi certains colloques,
dont un qui se tiendra à Montréal au mois de mai sur: Politiques
sociales et libre-échange.
Le troisième volet est un volet qui favorise la concertation
entre organismes communautaires et publics et, à ce titre, il y a
notamment un groupe sur les politiques sociales qui existe au Canada et un
groupe qui s'attarde plus particulièrement à identifier et
à combattre la pauvreté à l'égard des enfants.
Le quatrième volet qui justifie notre présence, c'est un
volet de représentation et de consultation. Donc, on a
été, notamment très impliqués dans les critiques
sur la Loi sur l'assurance-chômage et le programme de formation
professionnelle dont un volet Important, évidemment, touche ce
gouvernement-ci. On a été aussi présents en commission
parlementaire sur le projet de loi sur l'aide sociale et nous sommes ici,
aujourd'hui, pour vous apporter le fruit de notre réflexion sur
l'avant-projet de loi.
Ce que je vais faire - je présume que vous avez eu la chance de
regarder notre mémoire - je voudrais simplement résumer les trois
axes les plus importants et soulever certains points plus importants pour nous
autour de ces trois axes-là. Le premier axe, c'est l'universalité
des services; le deuxième, c'est la démocratisation du
système des services sociaux et de la santé; et le
troisième, c'est le développement du secteur communautaire,
toujours relié dans une perspective de développement actif, tant
individuel que collectif.
D'abord, sur l'universalité, pour nous, et en continuité
avec les commissions Castonguay et Rochon, on considère que
l'universalité de l'accessibilité aux services de soins est
fondamentale et doit demeurer, sinon une réalité, au moins un
idéal à viser et, on l'espère, à atteindre. Pour
nous, c'est l'expression d'une responsabilité collective à
l'égard de tous et chacun et c'est un élément
extrêmement important de l'ensemble de l'appareil.
On considère que, malgré des lacunes, ça demeure un
système qui est adéquat et efficace et on ne croit pas du tout
que ça crée des abus de la part des consommateurs. On
considère donc que l'universalité ne doit pas être
complétée par quelques mesures dans le style d'un ticket
modérateur ou autres. Et on considère qu'une fiscalité
progressive vient, de toute façon, corriger ce que certains pourraient
dénoncer comme un abus de la part des gens mieux nantis.
Mais une condition pour l'universalité, pour nous - c'est le
deuxième grand axe de notre mémoire - c'est la
démocratisation du système des services sociaux et de
santé. Pour nous, il y a quelques caractéristiques de cette
démocratisation qu'on retrouve dans l'avant-projet, mais d'autres qui
méritent d'être soulignées. Pour nous, la
démocratisation implique une participation active et maximisée de
la part de la population et c'est un élément extrêmement
important, que cette participation-là, pour amener une forme de
responsabilisation, tant individuelle que collective, qui favorise la recherche
d'une certaine autonomie, autant des individus que des collectivités
donc une prise en charge de ces collectivités-là. Ça va
à rencontre d'un réflexe de consommation passive des services.
Donc, pour nous, c'est un élément extrêmement important
dans la vision de l'avant-projet.
Troisième point: la démocratisation, évidemment,
ça implique une appropriation par la population des institutions et des
appareils et ça, ça implique une plus grande imputabilité
des institutions. On parle beaucoup - on l'a dénoncé dans le
rapport de la commission Rochon - d'une dynamique assez passive de
différentes corporations, de droits acquis qui se confrontent
constamment. Alors, pour nous, la démocratisation et une participation
plus grande de la population peuvent favoriser une espèce de
contrepoids, si vous voulez, et amener un certain équilibre et
contrôle à l'égard de cet appareil bureaucratique qui est
beaucoup trop lourd, de l'avis de tous. Donc, pour nous, la
démocratisation est une réponse, justement, à ce besoin de
contrôle et on favorise cette forme de contrôle plutôt qu'une
hyperbureaucratisation, qu'on retrouve beaucoup dans l'avant-projet de loi,
d'ailleurs. Il s'agit de changer la dynamique comme le disait le rapport Rochon
et on est d'accord, mais par le biais d'une participation plus grande de la
population. Et cette participation, enfin, peut apporter une forme d'innovation
et de créativité qui est certainement essentielle après un
certain nombre d'années de ce système-là.
Dans le volet démocratisation, certaines mesures précises,
dans le projet de loi, méritent d'être soulignées. D'abord,
au niveau des responsabilités du ministre énoncées,
notamment, à l'article 289, on considère que le ministre doit
garder la responsabilité d'ensemble de développer les politiques.
Donc, on est d'accord qu'il y ait quand même une responsabilité du
ministre a ce niveau-là.
Au niveau des régies, de la régionalisation, on favorise
cette régionalisation-là, mais nous, on favorise plutôt des
élections au suffrage universel sur les conseils de ces
régies-là. On considère, encore une fois, que ce
système de suffrage universel peut permettre de donner plus de place aux
bénéficiaires et, donc, aux partenaires essentiels du
système des services sociaux. Ces partenaires - on y reviendra tout
à l'heure, évidemment - qu'on favorise, c'est le secteur
communautaire.
On est d'accord grosso modo avec le mandat qui est attribué
à ces régies-là, à l'article 242, notamment quand
on parle de la mise en oeuvre des programmes et de la conception des
programmes, et surtout au niveau du rôle de concertation et d'essayer de
développer une plus grande cohérence entre les différents
organismes et établissements.
Par ailleurs, on est d'accord que les régies financent les
organismes communautaires et même, malgré l'article 233, les
organismes dits innovateurs, les nouveaux organismes. C'est-à-dire qu'on
est d'accord que le ministre, au départ, puisse avoir la
possibilité de financer de nouveaux organismes qui ne sont pas encore
reconnus par des régies, mais pour une période qui ne devrait pas
excéder trois ans, c'est-à-dire que, une fois reconnues, ces
expériences innovatrices devraient être financées au
même titre que les autres organismes par les régies. On est
plutôt embêtés, pour ne pas dire qu'on est plutôt
opposés au pouvoir abusif, par contre, des régies sur les
établissements. Je pense que le ministre, tout à l'heure, l'a
mentionné. On considère que les établissements doivent
garder des conseils d'administration autonomes et on voit mal la régie
s'embourber dans des contrôles technocra-
tiques sur les formes de convocation d'assemblée et des choses de
ce genre-là. Je pense que, si les régies doivent coller aux
besoins du milieu, elles doivent pouvoir innover et découvrir les
formules aptes à rejoindre la population et en respectant les
caractéristiques propres à chacune des régions.
On considère de la même façon aussi que, au niveau
de la présidence de la régie, le directeur général
et le président ne devraient pas être une seule et même
personne et, encore une fois, ça va dans l'esprit de la
démocratisation, donc, que le directeur général soit
choisi par le conseil d'administration qui serait, lui, évidemment,
élu au suffrage universel. On considère que la régie peut
favoriser la concertation entre les établissements, mais ne doit
évidemment pas nommer les conseils d'administration de ces
établissements-là.
Le troisième volet au niveau de la démocratisation, donc,
ce sont les établissements. On l'a dit, on souhaite qu'ils restent
autonomes, encore une fois pour favoriser une plus grande participation de la
population et donner une plus grande place aux bénéficiaires et
aux usagers. À ce niveau-là, peut-être une petite
parenthèse. Dans l'esprit d'intégration des personnes, on trouve
que l'expression "personne déficiente intellectuelle ou physique"
devrait être remplacée par "personne ayant une déficience".
Donc, ce n'est pas la personne qui est déficiente et, si on veut
favoriser l'intégration de plus en plus de bénéficiaires
et d'usagers, il faudrait déjà, au niveau des étiquettes,
faire attention et ne pas stigmatiser des personnes qui peuvent avoir une
contribution extrêmement importante. C'est une petite parenthèse
au niveau de la nomenclature elle-même.
Enfin, on considère que les établissements doivent de plus
en plus s'ouvrir à la concertation et à ta collaboration avec les
organismes communautaires, qui est le troisième et dernier volet de
notre mémoire. Pour nous, il est clair que l'innovation, la
créativité doivent passer par le développement des
ressources communautaires. On est contents de voir qu'il y a une reconnaissance
formelle de ce secteur communautaire comme partenaire, mais il ne faudrait pas
oublier qu'il y a un certain nombre de conditions qu'on ne retrouve pas
toujours dans l'avant-projet de loi. D'abord, un respect de l'autonomie qui est
fondamental. Je suis confronté quotidiennement à
l'évaluation de tentatives de collaboration, justement, entre les deux
et, sans ce respect de l'autonomie vice versa, il n'y a aucune collaboration
qui peut fonctionner.
Deuxièmement, II doit aussi y avoir un respect des modes
d'intervention tout à fait différenciés à
l'intérieur des organismes et là, on peut parler de formes
peut-être moins professionnallsées dans le sens corporatiste du
terme, de formes d'intervention plus préventives, plus collectives et
qui ont une approche souvent beaucoup plus globale, ce qui m'amène au
quatrième point, le problème de l'évaluation. On dit qu'il
faut développer des modes d'évaluation qui soient plus
adaptés, moins bureaucratiques, moins quantitatifs, moins statistiques
et qui tiennent compte, justement, des formes différenciées
d'intervention de la part des organismes communautaires, notamment.
Il y a une quatrième condition qui est importante aussi pour
permettre cette reconnaissance de façon réelle, c'est de
respecter les modes de gestion différents des différentes
organisations communautaires. On peut avoir des modes de gestion qui sont plus
démocratiques, plus décentralisés, mais aussi plus souples
à l'occasion et qui pourraient peut-être ne pas paraître
conformes à ce qu'on appelle la démocratie formelle. Donc, il
faut reconnaître ces formes de gestion différentes, par collectif,
par cogestion ou autogestion.
Une cinquième condition, évidemment, et la plus
fondamentale, que vous avez entendue certainement déjà, c'est le
besoin de financement adéquat, de préférence triennal,
même si techniquement peut-être les allocations de budgets ne
peuvent pas le garantir, mais au moins que les organismes n'aient pas à
passer 80 % de leur existence à chercher à survivre et à
chercher du financement. Perdre sa vie à la gagner pour les organismes,
ce n'est pas un investissement très rentable. Donc, dans ce sens, que le
gouvernement puisse garantir une certaine stabilité du financement et un
montant adéquat, c'est fondamental pour nous.
Enfin, dans cette collaboration, une autre des conditions importantes,
c'est qu'il y ait une utilisation réciproque des organismes du
réseau public et communautaires. Dans les articles 27, 28 et 29, quand
on décrit les fonctions des établissements, on parle de la
capacité des établissements de se référer à
des organismes communautaires. Mais ça ne doit pas être à
sens unique, ces sources de référence là et ça
risque souvent d'être ce qu'on appelle du dumping ou que les organismes
communautaires servent de déversoir au trop-plein des organismes du
réseau qui ne peuvent plus ou qui ne veulent plus répondre
à certains besoins.
Ça, on le voit constamment et ça ne favorise pas du tout
le climat de collaboration et de concertation. Donc, dans ce sens-là,
les organismes publics doivent respecter aussi les ressources limitées
des organismes communautaires et Ils doivent accepter, dans un esprit de
concertation et d'ouverture réciproque, cet aller retour de
référence, que ce ne soit pas uniquement les organismes
communautaires qui écopent du trop-plein du secteur public.
Il y a une question ici, évidemment, qui est très
épineuse sur les organismes communautaires, c'est la définition
des organismes communautaires. Et l'article 229, évidemment, est assez
vague. Il reprend les éléments qu'on retrouvait
déjà dans le document les "Orientations" de Mme
Lavoie-Roux. Pour nous, une loi n'est peut-être pas le meilleur endroit
pour essayer de définir un organisme communautaire et, dans ce
sens-là, on favoriserait de garder un article qui est peut-être un
peu vague, mais qu'on voie à la création d'un conseil du
communautaire, qui pourrait être rattaché au ministre, mais
où se retrouveraient des représentants des organismes
communautaires qui pourraient tenter au moins de définir des balises
pour assurer un minimum à l'échelle de l'ensemble du
Québec, mais des balises qui n'étoufferaient pas la vie, des
balises qui ne forceraient pas tout organisme à rentrer dans un
même moule. Donc, on souhaiterait la création d'un tel conseil du
communautaire qui pourrait aviser le ministre sur les modes de collaboration,
sur les programmes et sur les modes de financement. Donc, pour assurer,
à l'échelle de l'ensemble du Québec, un certain minimum de
normes et d'uniformité, mais non étouffantes.
Enfin, pour terminer, c'est sûr qu'on doit conclure que nous
favorisons cette concertation et ce partenariat actif par le biais d'une
régionalisation et qu'on favorise d'élargir peut-être cette
concertation pas juste sur la création, la conception de programmes,
mais aussi sur la recherche. C'est peut-être un volet qui
n'apparaît pas autant, mais on a dit déjà à la
commission Rochon que la recherche sociale accusait un sérieux retard.
Beaucoup d'organismes communautaires gagneraient à s'associer avec des
établissements ou des régies régionales pour apporter leur
contribution à des recherches. Vous seriez surpris de la richesse des
compétences qui existent dans les organismes communautaires au niveau
des recherches. Même si, des fois, ça ne correspond pas aux canons
établis par les sphères universitaires ou ministérielles,
il y a des formes de recherches différentes. Là-dessus, je pense
qu'on a beaucoup à apprendre au niveau des formes de recherches qui sont
très collées à la cueillette de données au niveau
des besoins et qui peuvent favoriser des approches différentes. Donc, il
faudrait identifier aussi cette participation à la recherche.
En terminant, Mme la Présidente, je veux juste dire que cette
collaboration et le développement du réseau communautaire ne
doivent surtout pas se faire dans un esprit d'économie, mais dans un
esprit de développement social d'une société active
où les gens peuvent apprendre à participer, apprendre à
être présents dans des établissements, dans des
régies, par le biais de bénévolat ou de militantisme dans
des organismes communautaires. C'est souvent une des meilleures écoles
de citoyenneté, si on peut dire, et c'est une des meilleures voies vers
la responsabilisation d'une société dans son ensemble. Je pense
qu'on a vu plusieurs personnes à des niveaux ministériels qui ont
fait leurs classes dans des organismes communautaires et, donc, on n'a pas
à redire la richesse de ces organismes-là.
Alors, je termine là-dessus. J'espère que j'ai
respecté mes 20 minutes et 10 secondes.
La Présidente (Mme Marois): Tout à fait, cher ami.
Merci de votre présentation. J'inviterais maintenant le ministre de la
Santé et des Services sociaux à vous poser des questions,
à avoir un échange avec vous.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Il y a, derrière le mémoire, un vécu
qui transpire et qui est très intéressant à souligner.
Vous abordez volontairement, en premier lieu, la gratuité et
l'universalité. Est-ce que vous constatez que, dans le système
dans lequel on est, il y a des abus? Évidemment, je vous dirai, au cas
où vous ne le sauriez pas, que j'ai moi-même dit qu'il y en avait,
à la fois, des dispensateurs et des consommateurs. Vous êtes
libres de le partager ou pas. Mais, à partir du moment où il y a
des abus, quels moyens doit-on prendre pour les contrer? Parce que,
effectivement, 10 400 000 000 $, c'est peut-être le maximum de la
capacité des Québécois de payer pour leur système.
Et un des moyens de dégager des marges de manoeuvre, c'est, bien
sûr, d'éliminer des abus. Moi, je vous le dis: Je suis abasourdi,
tous les jours, d'en apprendre.
Alors, est-ce que, d'abord, il y a des abus, pensez vous? Et, s'il y en
a, qu'est-ce qu'on fait pour les éliminer? (15 h 30)
M. Panet-Raymond: Je vais amorcer une première partie de
réponse puis, après ça, je vais laisser la parole à
Jean-Bernard sur ce point-là. Je pense qu'il y a travaillé
beaucoup. Je dirais, à partir de ce que j'ai lu comme études et
à partir d'expériences de recherches et d'intervenant
moi-même, que les abus n'existent pas autant au niveau des consommateurs
- même, pas du tout - mais peut-être plus au niveau des
producteurs. Et, là, quand on dit producteurs, il faut faire attention,
c'est-à-dire qu'il y a, d'une part, des intervenants qui sont souvent
dans des situations où il y a peut-être des abus.
On a nommé, souvent sur le dos des médecins, l'abus de la
médicalisation et de résoudre beaucoup de problèmes par
une forme de "médicamentation" abusive. Dans ce sens-là, je pense
qu'il peut y avoir des abus, mais pas certainement du côté des
consommateurs. Puis, il ne faut pas passer trop de temps dans une urgence ou
dans une salle d'attente d'institution pour savoir que ce n'est pas un loisir
qui est recherché énormément par les consommateurs.
Mais je veux quand même souligner que ce qu'on a peut-être
appelé "abus du système", c'étaient des gens qui
cherchaient des réponses et qui s'adressaient, faute de meilleures
réponses, à une réponse qu'on a dite médicale et
qui n'était pas la bonne, dans le sens qu'il y a beaucoup de gens qui
sont peut-être abusivement
sur des pilules, mais qui auraient besoin d'une aide sociale qui n'est
pas accessible, elle. Donc, les abus, il faut faire attention, même si on
veut les quantifier à ce niveau-là. Donc, je ne pense pas qu'il y
ait des abus des consommateurs.
En termes de réponse, je vais laisser Jean-Bernard continuer
là-dessus. Je pense que nous, ce qu'on avance comme réponse,
c'est, avant tout, qu'il y ait une plus grande transparence, d'une part, du
système parce que, là où il n'y a pas de transparence, il
risque toujours d'y avoir une forme d'abus, administrative ou autre, et,
deuxièmement, qu'il y ait une transparence, une participation et une
imputabilité, et j'irais même jusqu'à dire une concurrence
du secteur communautaire, dans le sens que le secteur communautaire, c'est
là qu'on voit la forme de concurrence saine qui peut amener une pression
pour éviter les abus.
Si les gens se mettent à regarder ce qui se fait au niveau d'un
CSS ou d'un CLSC, puis qu'ils volent les chiffres, si c'est transparent au
niveau de la gestion, il va y avoir des pressions qui vont se faire. Les
journalistes - je leur fais confiance - vont s'y mettre le nez et ça
peut amener, donc, une certaine forme de contrôle. Là-dessus, je
vais laisser la parole à Jean-Bernard pour poursuivre sur ce
point-là.
M. Robichaud (Jean-Bernard): Merci, Jean. Je ne poursuivrai pas
sur ce volet-là, exactement. Je vais poursuivre sur la notion de la
masse monétaire qui est consacrée au domaine de la santé:
10 400 000 000 $. C'est beaucoup, évidemment, c'est une grosse
proportion des dépenses gouvernementales. Mais - je ne vous l'apprendrai
pas, mais je pense que je vais quand même le dire pour être certain
que ce soit entendu - quand on place ce chiffre en relation de la richesse
collective, on s'aperçoit que le Québec, avec 9 % de la richesse
collective consacrés à la santé, a une performance tout
à fait adéquate avec le système qu'il a mis en place.
Ça, par exemple, c'est 2 % de moins que la proportion de la richesse
collective que les États-Unis qui ont un système de santé
basé sur une logique de libre entreprise... Donc, elle est plus
élevée là-bas. C'est-à-dire qu'ici on consacre 9 %
de notre richesse collective à la santé alors qu'eux consacrent
11 % de leur richesse collective à assurer la santé de leur
population dans un système qui est diamétralement opposé
au nôtre. Alors, je ne sais pas si le système de libre entreprise,
là-bas, réussit à contrôler les abus, mats, en tout
cas, ça a l'air de leur coûter plus cher, en termes relatifs, que
ça nous coûte ici.
Dans ce sens-là, moi, je suis assez d'accord avec les
observations et les études qui ont été faites par ta
commission Rochon à ce niveau. Blés situaient le Québec
vraiment dans la bonne moyenne des pays occidentaux, à 9 %. On se
comparait très avantageusement à la Hollande, à la France
et à certains pays de l'Europe de l'Ouest. On avait une fraction de 1 %
de dépenses supérieure à certaines autres provinces
canadiennes, mais, effectivement, le système québécois et
les dépenses québécoises en matière de services de
santé et de services sociaux ne sont pas hors contrôle,
l'expérience des 20 dernières années est là pour le
démontrer.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai pensé ça
longtemps, moi, que ce n'était pas hors contrôle, mais plus on
avance, plus je me dis qu'il y a des endroits où, effectivement, on peut
faire des économies. Plus on avance, plus j'y crois: de la duplication -
parce que ça aussi, c'est une forme d'abus - de nos services, il y en a.
Finalement, autour de la commission, on en a eu des exemples et, si les gens
parlaient encore un peu plus de leur vécu, on en aurait encore
davantage. Évidemment, c'est après la commission que ça se
passe; chacun vient parler de sa petite expérience pour dire: J'ai vu
telle chose et j'ai vécu telle chose. Finalement, il n'y a personne qui
fait ça mal intentionné.
Je pense qu'il doit s'assumer un certain leadership venant du
ministère. Évidemment, dans la mesure où on va vers une
décentralisation, une véritable, avec des pouvoirs au niveau
régional, il va y avoir de l'intérêt à gérer
puisqu'on pourra réallouer ces ressources en fonction des besoins
"priorisés" au niveau d'une région. Mais, quant à moi - je
prends cet exemple parce qu'H m'a frappé - oui, il y a abus de
consommation de médicaments au Québec. C'est clair qu'il n'y a
pas une personne qui peut en obtenir si elle n'a pas le petit papier. Bon! Une
personne âgée ne peut pas se présenter, demain matin, dans
une pharmacie et dire: Je vous donne ma carte-soleil en même temps, puis
voulez-vous me donner les médicaments? Ce n'est pas comme ça que
ça marche. Donc, H faut, au moins, qu'il y ait un acte de posé,
mais il y en a. Vous l'avez dit tantôt, c'est peut-être parce qu'il
y a des ressources alternatives qui ne sont pas là qu'on consomme
davantage de médicaments.
En tout cas, dans mon livre à moi, il me paraît que, si on
faisait l'effort collectivement, on pourrait trouver des sommes assez
importantes qu'on pourrait réaffecter à des priorités.
C'est pour ça que, quand je pose la question d'abus - je sais que vous
avez une bonne connaissance de ce côté-là - ce
n'était pas pour me le faire confirmer, à moi, parce que,
évidemment, c'est moins important, un peu, mais c'est pour
dégager des marges de manoeuvre pour être capable de faire face
aux défis de demain. Alliez-vous ajouter autre chose? Oui.
M. Robichaud: J'allais tout simplement dire qu'il y a
peut-être un abus qui est comme systémique ou qui n'est pas
nécessairement dû, comme vous disiez, à la bonne
volonté ou à la
mauvaise volonté des producteurs. Mais je pense que chaque fois
qu'une réponse légère, dans la communauté,
préventive, échoue, c'est sûr que ça va coûter
plus cher quelque part dans le système. Donc, plus on axe nos ressources
vers du curatif lourd, plus on risque d'avoir des dépenses qui sont
abusives. Parce que, si on avait réussi au premier niveau, on aurait
effectivement économisé des ressources importantes dans le
système. Et c'est une des raisons pourquoi nous, on pense que le
développement du communautaire, de petits organismes, où la
population s'implique... Parce que, finalement, conserver sa santé ou
bien fonctionner sur le plan social, c'est-à-dire régler des
crises familiales avant qu'elles rejoignent le niveau de la violence qui
amène un enfant avec un bras cassé à l'hôpital...
Ça, ça coûte cher. Mais la petite ressource communautaire
qui aurait peut-être pu être à l'écoute et
régler ce problème-là avant que le bras soit cassé,
c'aurait été, effectivement, en termes de système, une
économie vraiment très importante. Et c'est peut-être
là que c'est moins coûteux. C'est dans ce sens-là qu'on
pense que, s'il y a quelque chose à faire dans ce
système-là, c'est essayer de recanaliser les sommes d'argent qui
sont consacrées à du curatif très lourd, un peu
chromé - ça veut dire que tout le monde veut avoir ses gros
équipements et tout le reste - vers des ressources beaucoup plus
légères qui impliquent la population.
M. Côté (Charlesbourg): J'avais suivi dans l'ordre
par mes questions: universalité, démocratie et communautaire,
mais votre intervention me fait aller à la troisième,
communautaire. Vous la voyez comme une alternative au système actuel,
beaucoup moins coûteuse. Non, pas l'alternative, là. On se
comprend.
M. Panet-Raymond: Ça ne remplacera pas...
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, c'est clair. J'ai
très très bien saisi. Une des solutions alternatives qui ne
remplacera pas le système, mais qui va alléger le système
et qui va être davantage préventive que curative.
Lorsque j'entends tous les groupes communautaires venir nous dire: Bon,
ça nous prend plus d'argent et on peut faire plus avec notre dollar que
le système actuellement chromé qui investit dans le curatif, on
peut en faire davantage, est-ce qu'il n'y a pas un risque? Bon! Ce n'est pas
avec 100 000 000 $ demain matin, dans le communautaire, par rapport aux 10 000
000 000 $, qu'on va monter un système parallèle, je ne pense pas.
En tout cas, si jamais c'est prouvé, on va faire bien des
économies. Ça va être le meilleur placement qu'on aura
jamais fait. Mais est-ce qu'il n'y a pas un danger d'institutionnaliser le
communautaire? Parce que, avant que ce soit public, il y en avait, du
communautaire, il y en avait, du bénévolat. Les
communautés religieuses, c'était du bénévolat,
ça. Est-ce qu'il n'y a pas ce danger-là? Est-ce qu'il n'y a pas
une limite? Est-ce qu'il n'y a pas un seuil qu'il ne faut pas franchir? Moi,
j'écoute et j'en entends, des fédérations, des
coopérations, finalement, avec des gens affiliés. Est-ce qu'il
n'y a pas ce danger-là d'institutionnaliser le communautaire?
M. Panet-Raymond: le danger, il coûterait beaucoup plus que
100 000 000 $, ce qui est déjà trois fois plus que ce que votre
ministère donne...
M. Côté (Charlesbourg): Non.
M. Panet-Raymond: ...comme soutien aux organismes
communautaires...
M. Côté (Charlesbourg): Non.
M. Panet-Raymond: ...dans le sens qu'il est très loin, le
seuil, s'il y en a un.
M. Côté (Charlesbourg): C'est 47 000 000 $,
maintenant.
M. Panet-Raymond: O.K.
M. Côté (Charlesbourg): II y a une progression assez
intéressante.
M. Panet-Raymond: Oui, il y a eu une progression énorme
l'an dernier, c'est un fait.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
M. Panet-Raymond: On le reconnaît, mais c'est quand
même moins de la moitié des organismes qui en reçoivent et
ils reçoivent moins de la moitié de ce qu'ils demandent. Donc,
dans ce sens, on est encore loin.
La Présidente (Mme Marois): Donc, ce n'est pas suffisant,
quoi.
M. Panet-Raymond: Et ce sont encore des organismes qui ont la
sophistication, qui ont les connaissances et l'expérience pour vous
adresser une demande, mais il y en a combien - ça, c'est à peine
un millier d'organismes - d'organismes? Et je suis sur des organismes de
bailleurs de fonds, justement, d'institutions religieuses et autres et il y a
une panoplie de petits organismes à Val-Bélair ou à
Saint-Jérôme, etc., qui n'ont même pas accès à
ces sources de financement. Donc, on est quand même très loin de
l'institutionnalisation.
Vous me demandez: Est-ce qu'il n'y a pas un danger? Je vous inviterais
à venir en rencontrer parmi les plus institutionnalisés. Il y a
une ACEF derrière moi, je suis encore membre d'une ACEF et je l'ai
été assez longtemps.
L'institutionnalisation, elle est pas mal pauvre, je vous prie de me
croire. Et le danger d'institutionnalisation, je le vois dans le sens où
des organismes ont dû adapter certaines de leurs pratiques aux sources de
financement. Là, il y a un danger d'institutionnalisation, dans le sens
qu'il faut entrer dans tel programme pour telle population cible avec tels
critères d'évaluation.
C'est là que je reviens à ce qu'on disait tout à
l'heure: les modes d'évaluation et la collaboration respectueuse ouverte
à des formes différentes de fonctionnement; c'est la condition,
là collaboration. Donc, dans ce sens-là, je ne crains pas
l'institutionnalisation dans la mesure où les organismes ne doivent pas
entrer dans le giron des programmes du ministère. Je peux vous rassurer
que les moyens financiers sont incomparables. Vous avez eu sans doute des
histoires d'horreur d'autres organismes beaucoup plus pauvres qui les ont
dites, mais je ne crains pas cette institutionnalisation.
Deuxièmement, je pense qu'il faut reconnaître que les temps
ont changé aussi et les institutions religieuses ont fait leur temps.
Les gens ne vivent pas uniquement d'amour et d'eau fraîche, dé
chômage et d'aide sociale, mais je vous assure que l'effet multiplicateur
de cet argent dans des organismes communautaires n'a aucune comparaison avec la
contribution que vous donnez. Chaque dollar est multiplié par beaucoup
de bénévoles et, donc, je ne pense pas qu'il y ait un danger
à ce niveau-là, même s'il y a quelques personnes, au niveau
des fédérations, qui ont des salaires et qui peuvent se
déplacer, de peine et de misère, pour venir vous faire des
mémoires ici.
M. Côté (Charlesbourg): Qu'il y ait une concertation
de tous les groupes communautaires - il y a presque unanimité - dans les
revendications, je pense que ça répond quand même à
un besoin qui est là. Et il y a différents messages qui sont
passés, qui sont entendus. Évidemment, on verra comment on va
réussir à régler tout ça, mais le message est assez
clair.
Évidemment, il ne me reste pas grand temps, je veux aborder la
démocratisation. Parce que vous allez très loin, au niveau de la
démocratisation, en disant: Élection au suffrage universel des
conseils d'administration d'instituts et d'établissements et de la
régie régionale. On s'est fait servir l'exemple par des maires,
hier, je vous le repasse. Ils disaient: Bon, écoutez, sur le plan
municipal, H y a une participation d'à peu près 60 %, 65 % des
gens qui vont voter et ce sont leurs taxes directes. Au niveau scolaire, 15 %,
16 %, 17 % des gens qui y vont, qui participent. Est-ce que ce n'est pas un peu
illusoire de penser qu'on pourrait, éventuellement, avoir un suffrage
universel pour l'élection de membres du conseil d'administration d'un
établissement et aussi d'une régie régionale? (15 h
45)
M. Panot-Raymond: Je pense que l'intérêt est
proportionnel à l'enjeu et aux pouvoirs qu'on y accorde. Les pouvoirs
étant limités, l'intérêt va être
limité. Quand vous dites: Bon, c'est leur argent, quelle est la marge de
manoeuvre de ces commissions scolaires? Ou même actuellement dans les
CLSC où la participation n'est pas féroce, la place des usagers
élus est si mince elle-même dans les conseils d'administration que
je pense qu'il faut faire attention; les échecs apparents du
passé doivent être gages de leçons, mais ne peuvent
être corrigés. Dans ce sens-là, on croit au suffrage
universel dans un contexte de transparence et de participation active. Ce n'est
pas une élection une fois par trois ans et, après ça, on
se referme. Et de plus en plus, avec le vieillissement, bon, l'évolution
démographique de la population, les gens sont confrontés à
utiliser l'ensemble du réseau peut-être plus quotidiennement.
Donc, H y aurait un intérêt plus concret qui assurerait une plus
grande participation. Là, encore une fois, je pense qu'il y a un
parallèle avec l'ampleur du pouvoir qu'on donne et des ressources, et
l'intérêt.
Deuxièmement, je pense que, encore une fois au risque de radoter,
les organismes communautaires risquent d'agir aussi comme courroies de
transmission de cet intérêt-là et, donc, ça peut
créer un phénomène d'entraînement. Dans ce
sens-là, on croit à ce pari-là et on y croit pour, comme
je l'ai dit, responsabiliser l'ensemble d'une société face
à ce problème de santé et de services sociaux.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Vous auriez peut-être
des questions que le ministre aurait aimé poser aussi. On finit par se
compléter, tout le monde.
Une voix: D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): Depuis le début, on
ne se complimente pas, mais on se complémente.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: On fait la démonstration de ce qu'on cherche
dans ce projet de loi là.
M. Panet-Raymond: C'est rare qu'on voit ça. C'est
beau.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Bien, vous voyez, il y a tellement de
mouvements politiques par les temps qui courent qu'on ne sait plus lequel
est de ce bord-là...
D08 voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...et qui va avancer, etc. On ne sait plus si
ça va être par étapes ou tout à la fois.
M. Côté (Charlesbourg): non, ce n'est pas ça.
c'est parce que, je pense, on a compris qu'au centre de tout ça,
ça devait être le bénéficiaire.
M. Panet-Raymond: Tout à fait d'accord.
M. Trudel: Merci de cette présentation où vous nous
apportez des éclaircissements très précieux sur un bon
nombre de volets, en particulier cette préoccupation que nous avons eue
devant cette commission à propos du financement du mouvement
communautaire. Et vous nous expliquez dans deux ou trois phrases pourquoi nous
avions entendu, ici, si souvent le mouvement communautaire nous dire, par
exemple, quant au financement et quant à l'organisation des services de
santé et des services sociaux au Québec: Vive la
décentralisation! Vive les régies régionales! Allons vers
les régions parce qu'elles sont capables, elles ont la
possibilité, elles ont la capacité d'administrer au mieux
l'argent en termes de santé et de services sociaux. Cependant, le volet
du communautaire, veuillez gardez ça centralisé au
ministère. On ne veut pas aller dans les régions avec ce
volet-là. J'avoue que c'était un peu, beaucoup très
étonnant d'entendre cela mais...
M. Panet-Raymond: Ce n'est pas notre solution.
M. Trudel: Ha, ha, ha! Pas du tout! Mais vous nous expliquez
très bien, cependant, pourquoi il y a peut-être de la
résistance au niveau du mouvement communautaire pour que ce soit
décentralisé, quand vous nous dites à la page 13 de votre
mémoire: "Cependant, différents mécanismes pourraient
pallier cette crainte justifiée." On a tellement eu de mauvaises
expériences avec les organismes actuels qui s'appellent les CRSSS, et on
reviendra là-dessus au niveau de la démocratisation, qu'on... La
réponse qui nous est donnée, nous avons l'impression, par le
mouvement communautaire, c'était plus la peur d'être privé
de ce minimum qui existe dans le système, actuellement, qu'un refus de
la régionalisation. Et, là-dessus, le ministre s'est
exprimé en disant que, finalement, il allait aller probablement vers la
protection des enveloppes du communautaire, au minimum, si nous allions vers la
décentralisation.
Parlant de décentralisation et de démocratisation,
à la page 18, je pense, de votre mémoire à propos des
régies régionales, j'aimerais ça que vous m'apportiez un
peu de précisions là-dessus. À la page 19, dans le haut de
la page, vous recommandez qu'on éclaircisse de beaucoup les
responsabilités, au niveau de la région et au niveau du ministre.
Dans quelque domaine que l'on soit, on a toujours avantage à être
plus clair. J'ai un petit peu de difficulté lorsque vous "dichotomisez"
ça en disant: L'élaboration et l'évaluation d'une
politique globale de santé et de bien-être, au ministre;
l'exécution, la réalisation, en région. Et, du même
coup, vous nous amenez sur le terrain de la démocratisation et de la
responsabilité, en particulier au niveau - et nous sommes d'accord avec
vous là-dessus amplement - du suffrage universel pour les
représentants à la régie. Pourquoi, d'abord, vous insistez
tellement pour que ce soit seulement l'opération en région,
seulement "l'opérationalisa-tlon"? Parce que finalement ça va
peut-être ressembler plus, peut-être, à la
déconcentration qu'à la décentralisation.
M. Panet-Raymond: Je vais amorcer encore une fois et
Jean-Bernard, je pense, pourra étoffer plus. On favorise une
réelle décentralisation dans le sens qu'elle implique une
délégation de pouvoirs plutôt qu'une
déconcentration, ça c'est très clair. Et', peut-être
qu'au niveau des termes, de fait, il y a lieu d'être un peu plus clair.
Quand on parle de l'élaboration, de la conception d'une politique
globale par le ministre, c'est qu'on reconnaît qu'il y a un besoin
d'établir un minimum de cadre et de normes qui intègrent
l'ensemble des facettes aussi, tant économiques qu'environnementales et
autres, donc, qui appartiennent au ministre pour assurer un minimum partout. On
est dans une province qui a énormément d'écarts au niveau
des ressources. Vous le savez, vous venez d'une de ces régions
peut-être trop souvent privée de certaines ressources, mais qui a
développé beaucoup d'initiatives, beaucoup de coopératives
et beaucoup d'outils. Donc, dans ce sens-là, on veut assurer qu'il y ait
un minimum de plancher de la Gaspésie jusqu'au Témiscamingue.
Mais, dans l'élaboration, je pense qu'on englobe aussi une marge de
manoeuvre pour développer des programmes propres aux besoins de ces
régions et adaptés aux besoins de ces régions. Et c'est
là que le cadre développé par le ministre doit
prévoir des enveloppes en conséquence pour cette marge de
manoeuvre là, et certainement plus que ce que les CRSSS ont en ce moment
ou ce que le rapport Brunet identifie au niveau des CLSC, par exemple,
où ils peuvent développer un programme auprès d'une
clientèle à part le programme monolithique. Donc, ce qu'on
critique, finalement, c'est le monolithisme exagéré qui a
toujours existé au niveau du ministre. Mais, il faut qu'il y ait un
minimum de cadre, quand même, qui définisse de grandes
priorités. Je ne sais pas si ça répond.
M. Robichaud: Moi, je voudrais juste ajouter un
élément. On considère, je crois, que
l'article 289 qui énonce une responsabilité au ministre de
façon vraiment très articulée... J'espère que je
cite le bon numéro, c'est celui où le ministre a la
responsabilité de définir des politiques globales de
santé. À mon avis, cet article-là dans cette loi introduit
vraiment un élément de changement excessivement important. C'est
en conformité avec les recommandations de la commission Rochon, à
savoir que l'un des éléments pour transformer ce
système-là, c'est qu'il faut de plus en plus le gérer par
les finalités. Mais la constatation qui a été faite,
comment le ministère a fonctionné dans les années qui ont
suivi l'implantation de la commission, c'est qu'on a beaucoup plus
contrôlé au niveau des moyens. On a vu des sous-ministres - et je
ne les blâme pas, mais on a observé ça - qui se sont
transformés en pompiers pour aller éteindre des feux à
travers la province. Mais je pense qu'on ne réformera pas le
système de santé et de services sociaux au Québec si on
perpétue cette affaire-là. Et, pour moi, l'article 289 vient
marquer un changement de perspective excessivement important, annoncer que le
ministre va avoir la responsabilité de définir des objectifs
globaux de santé et de services sociaux, et de s'assurer par des mesures
d'évaluation que ces objectifs et que ces finalités sont
poursuivis et sont atteints, alors que la dimension de
"l'opérationalisation", la dimension de l'adaptation de ces
objectifs-là au niveau des régions devrait carrément
être remise aux régies régionales. Ça a
peut-être l'air de rien, mais, pour moi, c'est une transformation
vraiment très importante du rôle du ministère. Je verrais
beaucoup des fonctionnaires actuels du ministère se retrouver dans des
régies pour faire certaines des fonctions qu'ils faisaient au
ministère parce que, dorénavant, si l'article 289 est vraiment
appliqué, ils ne serviront plus à faire ce qu'ils faisaient au
ministère; c'est dans les régies que ce genre de choses là
se feront ou se feraient.
Dans ce sens-là, quand on fait la dichotomie, qui a
peut-être l'air un petit peu simpliste, le ministre se situe au niveau
des objectifs globaux, se porte garant des objectifs globaux, est imputable sur
cette dimension et prend les moyens par des mesures évaluattves pour
s'assurer que les objectifs soient poursuivis, et il laisse les dimensions plus
opérationnelles à des régies. Ça ne veut pas dire
que les régies ne doivent pas planifier dans leur propre région
leurs programmes, ne doivent pas bien connaître leur population et que
toute la dimension recherche et tout le reste, c'est attaché au
ministère, mais ça veut dire qu'il y a des champs distinctifs au
niveau des responsabilités.
M. Panet-Raymond: Je pourrais peut-être ajouter que
ça peut remonter aussi vers le ministre par le biais des régies
et directement par le biais des groupes. Dans ce sens-là, la
planification va se faire, on l'espère, aussi par les suggestions qui
émanent des régies.
M. Trudel: Et ça m'amène à cette autre
question. Oui, il faut, au départ, que l'on puisse, au niveau national,
se fixer des objectifs de santé, ce qu'on va chercher à atteindre
dans le système au niveau des personnes et des objectifs de
santé. Mais là, la question qui vient tout de suite après,
c'est: Le ministre responsable, comment "priorise"-t-il? Qu'est-ce qui va aller
vers le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie? Qu'est-ce qui va aller au
centre-sud de Montréal? Qu'est-ce qui va aller à
l'île-Jésus? Là, on peut "opérationaliser", dans un
deuxième temps. Enfin, je vous dis ma crainte tout de suite, c'est un
peu comme dans le communautaire; on peut "opérationaliser" la
pauvreté aussi. Alors, qui "priorise"? Comment fait-on ça? Ce
n'est pas une question piège, on cherche à voir comment on
pourrait y arriver. Parce qu'à partir du moment où nous avons des
objectifs de santé, on a la base de l'édifice. Comment va-t-on
faire en sorte que ça se rende vraiment au niveau de la finalité?
Comment est-ce que ça va se rendre jusqu'au bout sur le terrain?
M. Robichaud: Je pense que la question de l'équité
régionale ou d'une distribution d'enveloppes régionales - on sait
qu'il y a des disparités régionales - ça doit être
une responsabilité centrale. Vous ne pouvez pas demander à des
régions d'arbitrer ça entre elles. Elles sont juge et partie. Il
faut qu'il y ait un pouvoir central qui s'assure que, même si les
enveloppes, la première fois qu'elles seront distribuées, vont
probablement refléter la situation du passé, on ait introduit,
dans les mécanismes, des mesures de correction qui permettront
d'établir une certaine équité régionale. Mais je ne
pense pas que ce soit une moyenne arithmétique bête où, par
exemple, si on pense à la situation de Montréal, on va tout
simplement établir un per capita de la santé et des services
sociaux à l'échelle de l'ensemble des régions, en disant
que c'est tout à fait équivalent. Il faut qu'il y ait ce souci
d'équité et de distribution d'enveloppes interrégionales,
et c'est une responsabilité ministérielle.
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Trudel: C'est une responsabilité. Le ministre est
imputable devant l'Assemblée nationale d'environ 10 000 000 000 $ pour
la santé, parce qu'on est partis sur l'objectif de santé.
M. Panet-Raymond: II ne faut pas oublier l'objectif social, par
contre.
La Présidente (Mme Marois): L'objectif de la santé
sociale. Ha, ha, ha!
M. Trudel: La santé sociale, oui - on
s'entend là-dessus - pour la population.
M. Panet-Raymond: II faut s'entendre: les outils sont sanitaires
et non pas sociaux. (16 heures)
M. Trudel: Ah oui, oui! C'est justement le point auquel je veux
arriver. Le ministre, en termes d'équité, pourrait très
bien choisir, par exemple, de faire une distribution per capita, et vous venez
de l'évoquer. Mais quel serait le mécanisme de contrôle
pour s'assurer que l'argent va vraiment là où sont les
difficultés, en termes de population? Est-ce que, par exemple, les
ressources ne devraient pas être augmentées dans une poche de
pauvreté? Parce que l'on sait que ça entraîne des
coûts de système élevés, une plus grande
consommation des services, d'avoir des objectifs de santé et de services
sociaux, d'avoir de la recherche d'équité, d'avoir des objectifs
à réaliser au niveau national. C'est fondamental. Mais au niveau
de comment on va faire l'allocation des ressources pour en arriver à
l'efficacité du système, il y a toute une mécanique
à développer, là aussi, là-dessus. Et quand on
souhaite que peut-être les régies régionales soient
seulement au niveau de l'"opérationall-sation", de la distribution ou de
l'organisation, je souhaiterais bien que l'on retrouve, entre les deux, un
mécanisme beaucoup plus serré, et au niveau de
l'imputabilité, et au niveau de la fixation des priorités. Parce
qu'on risque d'y aller non pas en fonction de l'état de santé, de
développement et de sous-développement social des populations,
mais en fonction, par exemple, de la puissance des établissements, des
besoins démontrés par les producteurs de systèmes,
etc.
Il va falloir, je pense, regarder l'entre-deux au niveau de l'allocation
des ressources quand on veut atteindre ces objectifs sociaux et ces objectifs
de santé. Je dois vous dire, à cet égard - j'imagine que
le temps achève - que je pense, M. le ministre, que c'est la
première fois, à la page 18, dans un mémoire, qu'un
organisme insiste, par ailleurs, sur l'importance des systèmes
d'information régionaux pour assurer une cohérence dans les
systèmes d'information des différents établissements et
aussi au niveau du fonctionnement du système. Là-dessus, juste le
renforcer, ça me semble fondamental, cette recommandation. Il est,
à mon avis, impossible que le ministre puisse agir efficacement sur les
bonnes cibles s'il n'a pas un système d'information, des indicateurs
précis, bien organisés qui lui permettent de diagnostiquer
l'état de santé et de développement ou de
sous-développement social des populations.
Moi, je trouve que dans l'ensemble des recommandations que vous nous
faites, ça devient central. C'est extrêmement Important. C'est
fondamental si on veut penser fonctionner à partir d'objectifs de
santé. Merci de votre contribution.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Chutes-de-la-Chaudière, une question brève.
Mme Carrier-Perreault: Une petite question. Merci, Mme la
Présidente. Ma question, c'est par rapport à la fonction de
protection des droits des bénéficiaires. Vous en parlez à
la page 17 de votre mémoire. On a rencontré, évidemment,
des ombudsmans qui sont passés ici. On a vu aussi des comités de
bénéficiaires. De part et d'autre, on nous a parlé des
problèmes de manque d'autonomie. D'une part, les ombudsmans parlaient
des liens hiérarchiques qui les liaient avec leurs patrons qui
étaient leurs D.G. D'autre part, les comités de
bénéficiaires, eux autres, nous ont parlé du financement
qui leur vient de l'établissement et tout ça; donc, ils sont
liés. Vous pensez aux organismes communautaires, en faisant
référence à l'article 238. Est-ce que vous croyez que des
organismes communautaires qui reçoivent leur part de financement,
finalement, d'une régie régionale qu'ils n'ont pas un peu le
même problème au niveau du manque d'autonomie?
D'un autre côté, on a un ombudsman qui existe,
évidemment. La fonction existe ici, mais il n'a pas juridiction sur le
réseau. Alors, je voudrais savoir ce que vous pensez de ça.
M. Panet-Raymond: Sur la deuxième question parce qu'il y a
deux questions là.
Mme Carrier-Perreault: Sur les deux questions, monsieur.
M. Panet-Raymond: II y a le financement... Mme
Carrier-Perreault: Oui.
M. Panet-Raymond: ...et la juridiction de l'ombudsman.
Mme Carrier-Perreault: L'autonomie des organismes communautaires
qui seraient financés par une régie régionale, d'une part.
D'autre part, par rapport à l'ombudsman qu'on connaît.
M. Panet-Raymond: Oui. Sur la première question, je pense
que le problème existe depuis tous les temps, c'est-à-dire qu'on
est condamnés à mordre la main qui nous nourrit. C'est
peut-être un peu à ça que vous faites allusion. Je pense
que le financement des comités de bénéficiaires par les
établissements eux-mêmes n'est pas la solution idéale. Je
collabore avec un certain nombre de comités de
bénéficiaires ou de comités d'usagers et ça
crée des situations très difficiles de par la nature même
de leur fonction qui est vraiment la défense de droits. Donc, dans ce
sens, il faudrait assurer des mécanismes qui ne rendent pas
aléatoire au rapport entre les deux le financement, c'est-à-dire
qu'un directeur
général d'établissement qui s'est fait
dénoncer pour telle ou telle mesure, qui n'a pas accordé les
services prévus par la loi, qui décide dans l'allocation de
budget l'année suivante de couper le budget du comité d'usagers,
ça ne devrait pas être et ça existe en ce moment. C'est un
petit peu ça, le problème. Il faudrait donc trouver... Et je ne
pense pas qu'avec la régie il y ait ce problème-là autant,
parce que ce n'est pas la régie qui va être nécessairement
la cible de la plupart des interventions de ces comités de
bénéficiaires. Donc, il faut assurer un mécanisme
d'intermédiaire, si je peux dire, pour ne pas qu'on soit constamment
dans cette relation-là.
Au niveau des organismes communautaires, dans leur ensemble, face au
financement par l'État, je pense qu'on n'en sortira pas, dans le sens
qu'il y aura toujours un certain élément-problème, sauf
que ce qu'on propose, c'est qu'il y ait des critères et justement un
certain mécanisme, d'où l'idée du conseil du
communautaire, qui ne soit pas totalement relié à des
critères purement politiques et aléatoires, donc aux bonnes
volontés d'un parti au pouvoir qui, du jour au lendemain, pourrait
décider de couper. Dieu sait s'il y a beaucoup d'organismes qui ont
été coupés dans le passé. On l'a tous ressenti
vivement. Donc, c'est pour ça qu'on dit qu'il y a des balises à
déterminer qui prévoient assez de souplesse.
Pour ce qui est de l'autre question, qui était celle de
l'ombudsman, je pense que c'est clair qu'il faudrait élargir le mandat
de l'ombudsman pour qu'il puisse couvrir l'ensemble du réseau. Il n'y a
aucun doute là-dessus. Dieu sait s'il a déjà beaucoup de
misère à remplir son mandat. Ce n'est pas un rôle facile de
toute façon. Il est, par nature même, pris entre l'arbre et
l'écorce, mais il faudrait certainement lui donner plus de pouvoirs,
élargir son mandat, mais lui donner plus de moyens aussi.
La Présidente (Mme Marois): Nous vous remercions de votre
présentation. J'inviterais maintenant les représentants et les
représentantes - je crois que ce sont des représentantes - de la
Fédération du Québec pour le planning des naissances
à bien vouloir venir prendre place à l'avant, s'il vous
plaît.
Mme Bréniel, vous êtes la présidente, c'est
ça? Je vous inviterais à présenter les personnes qui vous
accompagnent, ensuite à présenter votre mémoire, ou l'une
ou l'autre des personnes qui sont avec vous, aux membres de la commission. Vous
avez environ une vingtaine de minutes pour le faire. Par la suite, les membres
de la commission pourront vous questionner.
Fédération du Québec pour le
planning des naissances
Mme Bréniel (Anlck): Ce n'est pas mol qui ferai la
présentation, ce sont nos deux travail- leuses de la
Fédération, France Tardif et Margot Frenette, qui la feront. Cela
pour des raisons bien évidentes chez nous: la présidence et
l'implication, c'est du militantisme, et venir ici aujourd'hui vous
présenter nos réflexions, nos inquiétudes par rapport
à ce projet de loi, c'est un travail énorme, et c'était
aussi au niveau de ce que nous avons comme outil pour vous présenter
ça. Chacune, on n'a pas nécessairement tout le vocabulaire
juridique, législatif, administratif, tout ça, pour comprendre -
je pense qu'on a travaillé en équipe sur ça - mais aussi
pour exprimer quelles sont nos inquiétudes. Alors, c'est pour ça
que je venais aujourd'hui, pour être là, pour comprendre mieux,
pour être supportante de mon équipe, mais c'est aussi la
réalité que, comme militante dans un organisme comme ça,
je n'ai pas la disponibilité pour Intervenir et peut-être pas
toutes les capacités pour le faire. Alors, j'interviendrai
éventuellement, mais c'est France Tardif, qui est agente d'information
chez nous, qui va présenter notre mémoire, notre allocution, et
c'est Margot Frenette, qui est travailleuse aussi... Ce sont des travailleuses,
mais ce sont aussi des militantes et des femmes impliquées chez nous
depuis longtemps, qui vont agir principalement.
La Présidente (mme
marois): je pense que
l'important, c'est de nous dire le fond de votre pensée, peu importent
les mots que vous aurez choisis pour le faire. d'accord?
Mme Bréniel: En tout cas, une chose est sûre, c'est
qu'on en a beaucoup discuté en équipe et je suis sûre
qu'elles vont vous rapporter le travail qu'on a fait.
Mme Tardif (France): Bonjour, j'aimerais souligner qu'il devait y
avoir une autre personne avec nous, qui est membre chez nous, Mme Marie Allard.
Elle n'a pu venir faute d'avoir quelqu'un pour s'occuper de son enfant
aujourd'hui. J'aimerais aussi souligner qu'on était déçues
de ne pas être entendues en même temps que les autres groupes de
femmes avec qui on a, en plus, signé un mémoire commun. Donc, je
tenais à le dire parce que, comme partenaires, on aurait aimé
à être un petit peu plus égalitaires dans cette
décision-là. Ça n'a pas été possible.
J'aimerais vous rappeler tout d'abord que la Fédération du
Québec pour le planning des naissances, c'est un regroupement
féministe de groupes autonomes de femmes et d'individus. On travaille
principalement dans le domaine de la santé des femmes en
général, mais avec un accent particulier sur la sexualité
et la fécondité qui, pour nous, se situent au coeur de la
santé des femmes. Il y a très peu de questions qui touchent les
femmes d'aussi près comme individus et, en même temps, qui jouent
un rôle aussi déterminant pour les femmes, comme groupe social,
dans leur vie.
L'ensemble du débat sur l'avant-projet de loi, depuis le
début, selon ce qu'on a vu dans les journaux, a surtout porté sur
les coûts des services, sur l'engorgement. Selon nous, cette perspective
est trop étroite parce qu'elle nous fait oublier l'essence même de
l'existence des services sociaux et de santé. Elle nous fait oublier
aussi l'importance de l'association entre la santé et l'environnement
social, économique et culturel dans lequel on vit. Ce lien a d'ailleurs
été souligné par l'Institut canadien de recherches
avancées, dans un article du Devoir du 1er février
où l'Institut nous rappelle que le lien santé et contexte de vie
est maintenant tellement bien documenté qu'il force une
réorientation de l'approche des problèmes de santé de la
population.
Nous ne retrouvons malheureusement pas cette réorientation dans
l'avant-projet de loi. Nous nous butons à une multitude d'objectifs
quantifiés devant mener à la réduction des
problèmes de santé et de bien-être. Cette approche
quantitative constitue, selon nous, une approche réductionniste de la
santé et du bien-être. On ne peut souscrire à cette
approche morcelée de la personne, car elle détermine une
orientation curative des moyens et des interventions. Nous préconisons
à la Fédération plutôt une perspective de travail
globale et intégrée aux contextes social, économique,
politique et environnemental dans lesquels nous vivons.
Par ailleurs, l'objectif de la mission du système prévu
à l'article 1 glisse, selon nous, du renforcement de l'autonomie de la
personne vers le renforcement exclusif de la responsabilité de la
personne. Alors, je vais maintenant essayer de centrer sur la conception de la
santé et son lien avec les conditions de vie, c'est-à-dire la
santé reproductive des femmes. Je vais essayer de vous illustrer le plus
concrètement possible comment ce qui est dans l'avant-projet de loi peut
avoir un impact sur la santé reproductive des femmes.
Depuis nos tout débuts à la Fédération, on
travaille à favoriser le libre choix face à la maternité,
mais au fil des ans, vu la présence de plus en plus marquée de la
médecine dans la maternité, présence pas toujours heureuse
si on se rappelle la DES, la thalidomide et le Dalkon shield, on a
été obligées d'ajouter un qualificatif à notre
objectif de libre choix, c'est le mot "éclairé". Ce mot fait
référence à une décision prise en toute
connaissancce de ses avantages et inconvénients, de même qu'en
toute connaissance des conséquences possibles d'un choix. Contrairement
à ce que bien des gens peuvent penser, tout n'est pas
réglé dans le merveilleux monde de la contraception. Les
méthodes contraceptives les plus efficaces sont celles qui comportent
des risques plus élevés pour la santé et pour la
fertilité. De plus, ces méthodes s'adressent
particulièrement aux femmes. On peut même maintenant questionner
l'efficacité, par exemple, de la pilule parce qu'il y a de plus en plus
de besoins d'avortement, même chez des femmes qui prennent la pilule,
à cause de l'utilisation. Si on oublie la pilule ou si, à des
périodes où on n'a pas de partenaire, on arrête de prendre
la pilule, et qu'on a un partenaire et qu'on recommence, des fois, il est un
petit peu tard pour recommencer.
Donc, la réalité oblige les femmes à choisir le
moins grand risque dans le but de réaliser leur projet familial. Pour
chaque femme, la question se pose comme suit: Quel est le moins grand risque
pour moi? La contraception dure pendant quelques années ou une grossesse
non désirée?
La Fédération du Québec pour le planning des
naissances estime aussi que l'État devrait inclure des services de
contraception dans les services médicalement requis prévus dans
la loi de la santé. Pour que les femmes puissent exercer leur
liberté de choix, il faudrait aussi que les professionnels de la
santé et des services sociaux considèrent la possibilité
de diffuser toutes les Informations pertinentes comme faisant partie
intégrante des services à offrir, ce qui est loin d'être le
cas. Si on regarde, par exemple, dans toute une vie, une femme passe à
peu près par toutes les méthodes contraceptives dépendant
de la situation où elle se trouve. Mais un grand nombre de femmes
reçoivent très peu de renseignements sur les avantages et les
inconvénients de chaque méthode et, parfois, il arrive que les
médecins choisissent pour les femmes leur méthode contraceptive
sans leur donner l'information pertinente. (16 h 15)
Si on regarde maintenant les insistances politiques par rapport à
l'inquiétude sur le taux de natalité qui est rendu à 1,5
enfant par femme, on trouve que notre système économique
basé sur le marché exige toujours plus de consommateurs et de
consommatrices. Donc, la diminution du nombre de personnes actives et le
vieillissement de la population ont des conséquences sur le dynamisme de
notre pays dans le marché mondial. Le redressement économique de
l'État, par ailleurs, passe par des coupures dans les budgets de
santé et de services sociaux. Les budgets de services de planification
des naissances, les programmes de promotion de la femme, les services de
soutien aux familles avec personne handicapée, les programmes d'aide
économique ont tous chuté. Ceci a de lourdes conséquences
sur les conditions de vie des femmes.
Dans ce contexte économique, social et politique, le discours de
revalorisation du projet d'enfants arrive à point. L'idée que
toute femme normale veut et a besoin d'être mère resurgit en
force. La maternité est considérée comme l'accomplissement
des femmes. Tous les autres accomplissements d'une femme qui n'a pas d'enfant
sont considérés comme des compensations par nos instances
sociales ou comme des
sublimations par les théories psychologiques. On peut ajouter
à ça la réalité humaine insatisfaisante, difficile
et précaire du marché du travail qui aide à la
revalorisation du projet d'enfants. Les femmes qui travaillent vont souvent
dire: C'est tellement difficile, la réalité du travail que, dans
ma vie, je veux vivre une expérience humaine enrichissante et tout ce
qui me reste, à peu près, c'est d'avoir un enfant.
Un autre aspect de la santé reproductive des femmes, c'est que,
dans les pays occidentaux, on note une augmentation des consultations dans les
cliniques de fertilité. Pourtant, si on regarde, il n'y a pas eu
d'augmentation des stérilités primaires. Cependant, il y a eu une
augmentation des problèmes d'infertilité secondaire chez les
hommes et chez les femmes. Ces problèmes d'infertilité secondaire
ont été associés aux produits chimiques répandus
dans l'environnement ou utilisés sur les lieux de travail. Ils peuvent
aussi résulter de chirurgies excessives, d'expérimentations de
contraceptifs ou de conséquences des maladies transmises sexuellement.
La pilule contraceptive, par exemple, et le Depo Provera, pour ne mentionner
que ceux-là, ont un effet négatif sur la fécondité
ultérieure des femmes, effet qui peut prendre deux à trois ans
pour se résorber. Le DES, lui, a eu un effet sur la capacité
reproductrice des enfants portés par des femmes à qui on l'a
administré. Dans les 25 dernières années, donc, on a vu
apparaître de nouveaux problèmes d'infertilité qui
étaient provoqués par les industries biomédicales et
chimiques. Et maintenant, pour solutionner ces problèmes, on offre aux
femmes les nouvelles technologies de reproduction.
On est forcés de constater, en plus de ça, une lacune
majeure, c'est le désintéressement ou l'indifférence de
l'État québécois pour la prévention et la recherche
dans le domaine de la contraception. La Fédération pour le
planning des naissances estime que la population québécoise y
gagnerait si l'État adoptait une politique de prévention et de
services en ce domaine, c'est-à-dire si l'État investissait moins
pour guérir que pour prévenir l'une des conséquences de la
contraception dure et des maladies transmises sexuellement, c'est-à-dire
prévenir l'infertilité plutôt que d'essayer de la traiter
une fois qu'elle est arrivée.
On sent d'ailleurs une évidente absence de sens critique et
parfois de compétence chez plusieurs professionnels travaillant dans le
domaine de la contraception, absence de sens critique qui favorise
malheureusement l'installation d'une nouvelle logique médicale. Cette
nouvelle logique, on pourrait l'énoncer comme suit: On n'a plus besoin
de s'occuper des conséquences fâcheuses de certains contraceptifs
ou de certaines maladies, puisque les nouvelles technologies de reproduction
nous permettent de remédier à ces conséquences-là.
Cette logique-là entretient le besoin des médecins et la
médicalisation de la maternité. D'ailleurs, en 1989, certains
médecins vont même jusqu'à prescrire des laparoscopies aux
adolescentes de seize ans pour vérifier leur fertilité, suite
à une maladie transmise sexuellement. On trouve que c'est
peut-être un peu tôt pour prescrire une vérification comme
ça. En faisant ça, on se trouve à expliquer à une
jeune femme la fertilité en examinant les possibilités
d'infertilité. C'est une démonstration éloquente du mot
d'ordre du système scientifique et médical: Appliquons la
technique, nous verrons les conséquences plus tard.
Si on revient à la question de l'infertilité, il faut
savoir qu'une personne infertile diminue de beaucoup sa liberté de choix
et surtout de choix éclairé si elle désire un enfant. Les
premiers problèmes qui se posent dans le domaine des nouvelles
technologies de reproduction qui sont proposées à ces
gens-là, c'est la rareté d'information scientifique disponible et
accessible. Il est actuellement difficile pour une femme ou un couple infertile
d'obtenir des informations claires sur le quoi, le comment, le pourquoi et les
conséquences des interventions qu'ils subiront dans un processus de
fertilisation artificielle. Certaines de ces interventions et techniques en
sont encore, selon nous, au stade expérimental et les femmes s'y
engagent sans le savoir. Je dis "les femmes" parce qu'en général
ce sont les femmes qui s'engagent dans ces interventions-là, elles sont
prévues pour les femmes.
Le rapport de pouvoir qui s'établit alors entre un médecin
préoccupé de réussite - il ne faut pas se le cacher - et
une femme ou un couple qui souffre de ne pas avoir d'enfants, donc ce rapport
de pouvoir comporte un certain potentiel de manipulation émotive qui
nous incite à la prudence et à la réflexion. L'ensemble
des littératures sur les nouvelles technologies de reproduction tend
à faire oublier une donnée de base, c'est l'infertilité
chez des femmes et des hommes, sans laquelle les nouvelles technologies
n'auraient peut-être pas une raison d'être. Bien que la
prévention et les recherches pour éliminer les causes
d'infertilité soient moins prestigieuses que les expériences
spectaculaires de fécondation in vitro et de transfert d'embryons, c'est
pourtant dans la prévention et la recherche que le gouvernement du
Québec devrait investir en priorité, nous semble-t-il. On
s'attaquerait alors aux causes plutôt qu'aux conséquences d'une
infertilité et, à long terme, on réduirait les coûts
engendrés par l'infertilité.
Nous considérons que le développement des nouvelles
technologies de reproduction, développement qu'on a laissé un peu
aller, cadre bien avec la logique des groupes à risque qui est
préconisée dans l'avant-projet de loi. Une femme infertile,
c'est, semble-t-il, une femme qui nuit au potentiel démographique et
économique du pays. Tout marche comme si on disait à cette
femme-là: Vous ne pouvez pas avoir d'enfants, madame, il vous en
faut un, nous allons vous en faire un. Le ministère propose une morale
de l'opérationnalité en faisant ça; ce qui importe, ce
sont les statistiques de traitement et de réduction des
problèmes.
Pour nous, la capacité de reproduction spécifique des
femmes, c'est-à-dire la grossesse et l'accouchement, engendre des
situations de vie, de santé et de bien-être différentes de
celles des hommes, ce qui fait qu'on ne peut pas la considérer comme un
risque ou comme un problème. Par ailleurs, selon l'approche
d'épidé-miologie qui est préconisée dans
l'avant-projet de loi, la pauvreté chez les femmes enceintes deviendra
une caractéristique pathogène à traiter le temps d'une
grossesse. Pour qu'elle ait un bébé de poids normal, on
l'intègre dans un programme OLO - programme appelle OLO, c'est O pour
orange, L pour lait et l'autre O pour oeuf. Donc, pendant qu'elle est enceinte,
on va lui proposer de lui donner, à tous les jours, une orange, du lait
et un oeuf pour qu'elle ait un bébé de poids normal. Cependant,
après sa grossesse, elle va retourner à son régime
habituel d'alimentation. Ce n'est pas une mauvaise idée en soi, le
programme OLO, mais on aura alors seulement camouflé une
réalité qui cause problème. Seuls les effets seront
éliminés et non les causes.
Ayant un poids normal à la naissance, l'enfant, qui sera
né suite à un programme OLO, aura de meilleures chances d'avoir
une meilleure santé, c'est sûr, mais qu'est-ce qu'il en sera du
reste de sa vie? La visibilité statistique du ministère sera
meilleure, mais cette femme et son enfant n'auront pas plus de pouvoir sur leur
vie sociale, sur leur habitat, sur leurs conditions. Cette normalisation
médicale aura donc comme conséquence de rendre les personnes
responsables de leurs problèmes. On les invitera à
améliorer, par exemple, leur alimentation sans qu'ils en aient,
cependant, les moyens. On attribue ainsi des problèmes à des
habitudes de vie qu'on dit malsaines, ce qui amène à prôner
presque exclusivement quelques changements de comportement individuel. Ce
faisant, on ne tient pas compte du fait que ces habitudes de vie
représentent une façon de réagir aux difficultés de
la vie. Les habitudes de vie, il faut se le rappeler, résultent
d'interactions complexes entre des facteurs sociaux, économiques et
culturels. Ils ne sont pas uniquement une question de choix individuel comme le
serait le choix d'une plante verte ou le choix d'un savon. L'association entre
la pauvreté et la santé est extrêmement bien
documentée, l'évidence est maintenant suffisamment forte pour
inciter les autorités publiques à agir.
Cette approche par groupe à risque autorise aussi la coupure de
certains services déjà existants. Par exemple, au CLSC Chaleurs,
en Gaspésie, il n'y a plus de cours prénataux depuis le printemps
dernier. Quelle en est la raison? On nous a dit que les jeunes, qui sont un
groupe à risque, n'y vont pas, à ces cours prénataux, donc
plus de cours prénataux parce qu'on ne rejoint pas les groupes à
risque avec ça. Les femmes qui y allaient, qu'est-ce qu'on en fait?
Est-ce qu'on devient invisible quand on ne représente pas une menace
sociale pour le gouvernement? Est-ce qu'il faut menacer les statistiques du
gouvernement pour exister à ses yeux? D'ailleurs, le fait que ce service
soit coupé questionne la nécessité de la commission
parlementaire aujourd'hui. Si les changements dans les CLSC sont
déjà commencés, même si l'avant-projet de loi n'est
pas adopté, on se demande parfois qu'est-ce qu'on vient faire ici.
Donc, lasses de se considérer en objet irresponsable, de plus en
plus de femmes choisiront peut-être la voie de l'autosanté et le
contact avec les groupes communautaires, donc choisiront la rupture avec le
monde institutionnel parce que ce dernier est davantage préoccupé
à justifier son travail qu'à répondre aux besoins des
femmes. Nous sommes quasiment dans une situation d'état de non-service
du monde institutionnel pour les femmes, comme c'est le cas, assez souvent,
pour les jeunes. Il n'est pas étonnant que de plus en plus de femmes,
non plus, soient en faveur du choix de sages-femmes, celles-ci ont une approche
de la grossesse et de l'accouchement très différente de celle des
médecins. Les femmes veulent être écoutées et
supportées dans leur cheminement sans que leur itinéraire soit
jonché d'interdits et de morale. Si les groupes communautaires en
viennent à changer leurs orientations pour être éligibles
à un financement, les femmes devront alors traduire leurs
problèmes et leurs besoins en maladie pour avoir accès à
une ressource du milieu.
En conclusion, j'aimerais dire que nous ne pouvons souscrire à
l'approche quantitative de la santé et à l'approche
morcelée de la personne qui est le point central de l'avant-projet de
loi sur la santé et les services sociaux. Si cette conception-là
était adoptée par l'Assemblée nationale, il est clair que
tous les intervenants qui ont une approche globale de la santé seront
éliminés du financement et du fonctionnement du
système.
J'aimerais, en terminant, vous laisser sur quelques questions
auxquelles, j'espère, vous serez en mesure de répondre. Par
rapport à la santé reproductive des femmes, où allez-vous
intervenir? Si on regarde la notion de programme-cadre, il y en aura
sûrement un sur le sida alors que la chlamydia, une infection pelvienne,
est en augmentation et presque à l'état d'épidémie,
actuellement; est-ce qu'en l'an 2000 on se retrouvera avec 25 ans de
problèmes de fertilité chez les gens qui ont actuellement de 15
à 25 ans?
Plutôt que d'intervenir maintenant sur
l'ensemble des conditions négatives sur la santé
reproductive des femmes, avec l'idée des programmes-cadres, est-ce que
vous allez faire un programme Nouvelles technologies de reproduction?
J'aimerais vous souligner que, contrairement à ce qu'on en dit, les
nouvelles technologies de reproduction ont souvent des incidences sur la
fertilité ultérieure des femmes. Ça n'améliore pas
toujours la fertilité. Est-ce que nous allons avoir aussi des
programmes-cadres Contraception qui vont informer les femmes des
méthodes de contraception, sans référence à
l'ensemble de leur vécu, et qui rendent certains moyens pertinents
à des moments donnés et d'autres moyens contraceptifs non
pertinents? Ensuite, qui fournira l'information, les outils de réflexion
sur la santé reproductive? Car déjà, en 1990, la
Fédération du Québec pour le planning des naissances
fournit les CLSC et les centres hospitaliers avec sa documentation et ses
dépliants sur la contraception, l'avortement et les nouvelles
technologies. Si vous coupez les subventions à notre organisme, qui
amènera le point de vue des femmes que nous représentons?
Je vous remercie de votre attention.
La Présidente
(Mme Marois): merci de votre
présentation. alors, h y a autant de questions que de remarques. m. le
ministre de la santé et des services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Il y a beaucoup de choses qui ont du bon sens, qui semblent
tomber sous le sens lorsqu'on vous écoute et qu'on vous entnnd À
voua entendre, j'ai revécu certaines périodes sur les
sages-femmes, parce que, évidemment, c'est un débat qui est
encore frais à notre esprit et qui va revenir dans pas grand temps,
quand la session va recommencer. Et je me permettrais une première
question. SI je comprends, dans le message principal vous dénoncez
l'absence d'orientations spécifiques sur la santé des femmes.
Évidemment, ce n'est pas votre rôle... parce que votre organisme
est bien campé. La lecture que je fais ou, à tout le moins, qu'on
m'a donnée, c'est que ceux qui sont le plus mal en point dans la
société, sur le plan santé, ce sont les hommes. Je ne veux
pas parier pour moi. Évidamment, je fais partie du lot
l'espérance de vie des femmes est plus élevée.
Règle générale... Oui?
La Présidente (Mme Marois): C'est parce que je vous
entends. On pourrait avoir un débat absolument extraordinaire à
cet égard-là.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, mais en termes de
durée de vie.
La Présidente (Mme Marois): Oui, oui, ça va.
M. Côté (Charlesbourg): II y a la qualité, je
comprends. Bien sûr. C'est ça.
La Présidente (Mme Marois): Mieux vaut être... Oui,
c'est ça.
Mme Frenette (Margot): Vous, vous pouvez dire non.
Des voix: Ha. ha. ha!
M. Côté (Charlesbourg): II y a la qualité de
vie, c'est clair. Évidemment, tu ne peux pas parler de... Je pense que
le document d'orientation était assez clair quand on disait d'ajouter
des lits aussi, tenter autant que possible d'ajou-ter la quaIité de vie.
L'idéal puis le rêve, ce n'est pas de finir nécessairement
dans un centre d'hébergement attaché, ne pas être capable
de passer tes journées... et semi-conscient. Mais j'aimerais ça,
moi... Donnez-nous les raisons fondamentales. Parce que, quand je vous parte du
problème des hommes... Il y en a, des problèmes de santé
des hommes. Donc, on devrait avoir aussi une politique de santé pour les
homme. Je ne sais pas. Je veux vous entendre là-dessus parce que, si on
se rejoint sur le plan de la qualité de la vie, c'est sûr...
Évidemment, tu peux bien vivre dix ans de plus, mais, si tu vis tout
croche et avec des problèmes multiples, ce n'est pas une qualité
de vie, ça. Mais dormez-moi des raisons fondamentales pourquoi on
devrait avoir ça au niveau de notre politique. (16 h 30)
Mme Frenette: Je pense que l'élément fondamental
qu'on a essayé de présenter ici, c'est de dire: II faut des
orientations de santé Après ça on parle des femmes, parce
que nous autres, c'est ce qu'on connaît. C'est comme ça qu'on l'a
illustré. Mais ce qu'on reçoit comme message avec l'avant-projet,
c'est qu'on parle d'orientations, de réduction de problèmes. Et
là on dit: Ce n'est pas possible, ni pour les femmes, ni pour les
hommes, ni pour les enfants.
L'image qui me venait, moi, c'est: disons, dans le golfe Saint-Laurent,
à certaines périodes, il y a des risques pour la navigation parce
qu'il y a des icebergs. C'est bien beau à voir mais il y a un risque.
Et, avec le type d'orientations et d'objectifs qu'on propose, la
réduction des problèmes, c'est exactement comme si on voulait
enlever les tètes des icebergs, ce qui fait que les passagers n'auront
plus peur, on ne les verra plus. Cependant, le danger, il est quatre fois plus
grand, et ça, pour tout le monde: pour les femmes, les enfants et les
maris à bord. C'est dans ce sens-là, je pense.
On l'a illustré en pariant des femmes et c'est vrai aussi que les
femmes sont dans notre société encore le noyau, et ça, on
ne peut pas le nier. Au niveau du travail, au niveau de la famille, puis
là, on ne veut surtout pas tomber en disant C'est ça, on vu tout
mettre sur le dos
des femmes et continuons à mettre tous les rôles sur le dos
des femmes. Ce n'est pas ça qu'on vous dit. On vous dit que les femmes
ont un rôle central, Important, et on ne va parler d'elles comme des
autres qu'en termes de problèmes, et là, nous, on n'est pas bien,
on n'est pas chez nous dans cette démarche-là. C'est un peu
ça. Je ne nie pas qu'il y ait des problèmes de santé mais,
comme vous disiez tantôt: Oui, on a une espérance de vie plus
longue, mais la qualité, elle? C'est quoi la qualité de vie? Je
veux dire, comme femme, on a le pied dans la machine médicale à
partir du premier examen gynécologique, à douze ans, dix ans.
Moi, ça a été sept. C'est un peu exceptionnel, mais quand
même. Et on est prise dans ce processus-là jusqu'après la
ménopause. D'où l'importance de parler d'objectifs de
santé et non pas de réduction de problèmes.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, la
réduction de l'iceberg, moi aussi, étant originaire d'un petit
peu plus bas, il était un petit peu plus gros.
Mme Frenette: II était plus gros?
M. Côté (Charlesbourg): Plus vers la
Gaspésie, sur la pointe. L'idée à la base était
que, dans la mesure où vous éliminez des parties graduellement,
vous allez éliminer le taux. C'est dans l'objectif de trouver les
causes.
Mme Frenette: Voilà!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est
clair que c'est ce qu'on vise aussi et ce qui avait été
décidé à l'époque, en se donnant des objectifs tels
que vous les connaissez maintenant, c'était bien sûr de
réduire. Évidemment, l'objectif ultime est de les
éliminer.
Mme Frenette: Mais la seule façon de réduire, en
tout cas, de par notre expérience à nous, c'est en termes de
prévention, de promotion et d'information et non pas d'interventions
telles que proposées dans l'avant-projet.
M. Côté (Charlesbourg): Mais là-dessus on ne
se chicanera pas longtemps parce que, sur le plan de la prévention - je
l'ai dit à plusieurs reprises - il y a un virage à faire. Il y a
déjà des choses qui se font. Il y a un virage à faire qui
est assez important. Évidemment, à partir du moment où on
se l'est dit, comment est-ce qu'on le fait? C'est dans le comment qu'on
commence à avoir des problèmes puis qu'on a de la
difficulté parce qu'on est pris avec un système, un
système qui est très bien implanté, qui est dans le
curatif. On est dans le curatif du début à la fin. Et là,
ce qu'on dit, c'est qu'il faut changer de cap. C'est vrai, c'est vrai, mais
comment est-ce qu'on le fait? C'est ça. Tout le débat sur les
objectifs, sur les principes, on va partager ça très rapidement.
Mais c'est le comment.
Mme Frenette: En tout cas, l'un des aspects, moi, qui me vient en
tête lorsqu'on parle de la question du curatif versus le
préventif, le communautaire a toujours été axé
beaucoup plus sur le préventif au niveau de la promotion de la
santé, parce qu'on est dans le concret. On est directement avec le
monde. On ne parle pas juste du petit bobo. Et à ce niveau-là je
pense que, oui, on a un rôle à jouer dans la société
québécoise. On le joue, on essaie de le jouer avec les moyens
qu'on a depuis 18 ans, mais il y a moyen, je pense, de faire plus de place,
justement, à cet aspect et à cet apport du communautaire. Et
cette place-là peut même aller jusqu'à, à un moment
donné, discuter des orientations avec le communautaire, parce que le
communautaire, il est dans la terre, il est avec le monde.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez raison,
parfaitement raison. C'est pour ça que sur le plan des régies
régionales il y avait, sur le plan des discussions fondamentales, un
tiers des places qui étaient occupées par les gens du
communautaire.
Mme Frenette: Oui, mais les régies régionales,
elles, n'ont pas vraiment à dire sur les orientations, je pense, M.
Côté.
M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire qu'il
faut faire attention. Ils auront beaucoup à dire sur le choix que voudra
prendre chacune des régions compte tenu des problèmes
spécifiques de chacune des régions. C'était ça,
l'objectif de base. C'est clair que le ministère reste avec une
responsabilité provinciale; il n'est pas question de passer ça
à personne d'autre. En termes d'objectifs, c'est le ministère
qui, au niveau national, va faire son travail; c'est sa responsabilité,
d'où l'obligation, bien sûr, d'avoir une très bonne
concertation avec les différents intervenants. Je ne suis pas
fermé à l'hypothèse de... Je trouvais l'idée
attrayante d'un conseil national communautaire auprès duquel on pourrait
se référer pour un certain nombre de choses. Un rapport de
forces, moi, je ne déteste pas ça. Il n'est pas là
maintenant ou très peu, mais je ne déteste pas ça, que des
gens du communautaire puissent nous parler. Effectivement, c'est vrai, il ne
faut pas dire qu'il ne s'en fait pas ailleurs. Il y a d'excellents
médecins que vous rencontrez qui font aussi de la prévention et
qui prennent le temps de vous instruire.
Mme Frenette: Et qui prennent le temps d'appeler la
Fédération pour savoir ce qu'on a de nouveau sur tel ou tel
produit. Oui, il y en a.
M. Côté (Charlesbourg): Ah! Ça, c'est
clair.
C'est fort possible.
Il y a une allusion qui m'a chatouillé l'oreille. J'ai entendu
CLSC Chaleurs et, par la suite, vous nous avez dit: Est-ce là
déjà l'application de la réforme? C'est un réseau
très autonome, qui revendique l'autonomie et très jaloux de son
autonomie. Évidemment, il nous vient des échos, à
l'occasion, que certains ont déjà pris les devants et ont
commencé à appliquer la réforme avant même qu'on ait
fini nos travaux et qu'on sache ce qu'est la réforme. Ce que je
comprends de votre message, c'est qu'il y en a déjà sur le
terrain qui ont commencé à le faire, ou, à tout le moins,
c'est votre perception. Mais ils n'ont eu l'autorisation de personne, alors
c'est de leur propre principe d'autonomie qu'ils ont décidé de le
faire. Il y en a plusieurs au niveau régional et au niveau local qui
vont se retrouver avec de joyeux problèmes, tout à l'heure, si on
ne met pas fin immédiatement à ce genre d'exercice. C'est
être irrespectueux de la démarche qu'on fait et, tant qu'à
ça, on aurait pu mettre en application la réforme telle qu'elle a
été planifiée dans un premier temps, ni mise dans un
avant-projet de loi. Évidemment, on ne se retrouvera pas, à la
fin, je l'ai dit tantôt, on s'en rend compte. Si on fait un avant-projet
de loi, c'est au moins pour entendre les gens pour être capable d'avoir
les bonnes orientations. Si, dans le réseau, le réseau a
déjà commencé à appliquer la réforme,
ça mérite d'être dénoncé et ça
mérite d'être sanctionné. Je suis ouvert, non pas à
la délation, mais j'ai déjà compris qu'il y a des choses
qui se passent dans les CSS, dans les CRSSS, au niveau d'établissements
où c'est déjà dans la mentalité d'appliquer la
réforme parce que ça va être ça, la reforme. On
n'est pas rendus là. On n'est pas rendus là. Je voulais au moins
vous rassurer là-dessus. Il va y avoir des messages assez clairs de
passés.
Communautaire, tout le monde est venu nous dire: Au communautaire, on
veut continuer de dépendre du ministère, même si on
souhaiterait qu'il soit plus généreux, qu'il y ait moins de
formulaires, moins de ci et moins de ça. Mais quand même,
malgré tout, il y a l'appréhension de dépendre du
régional. Je comprends que des organismes qui ont une vocation plus
provinciale auraient de la difficulté à se retrouver dans une
délégation des responsabilités du communautaire au niveau
régional. Je comprends ça. Mais, à partir du moment
où l'enveloppe du communautaire est bien identifiée et
réservée au communautaire au niveau d'une région, pourquoi
les régions ne pourraient-elles pas elles-mêmes décider au
niveau de leur communautaire?
Mme Frenette: Qu'est-ce que vous faites des organismes
provinciaux, dans ce patron-là?
M. Côté (Charlesbourg): Bon, dans l'avant-projet de
loi, ce qui était déterminé, c'est que les nationaux
devaient aller chercher leur financement par la base, soit les
régionaux. mais ça fait bien peur. je trouve que ça fait
bien peur aux nationaux. expliquez-moi ça, cette peur-là.
Mme Frenette: Mais ce n'est pas réaliste, M.
Côté.
M. Côté (Charlesbourg): Non?
Mme Frenette: Ce n'est absolument pas réaliste. Je prends,
entre autres, et vous pourrez compléter, des groupes, des maisons de
femmes, que ce soit d'autres regroupements ou les nôtres, des collectifs;
actuellement, ils n'ont même pas le financement pour assurer une
permanence continue chez eux. C'est du bénévolat a la tonne. Ces
groupes-là se sont donné des organismes provinciaux, entre
autres, pour être des interlocuteurs auprès des lieux de
décision, mais aussi pour penser, pour préparer, pour faire de la
recherche, pour donner un coup de main. Vous demandez à des organismes
qui n'ont même pas actuellement de quoi survivre de faire vivre un niveau
de représentation, de recherche et de services pour eux. Je ne vois pas
comment, M. Côté.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais me faire l'avocat du
diable. Je vous le dis tout de suite, je fais exprès.
Mme Frenette: On est là...
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
Mme Frenette: On est là pour ça.
M. Côté (Charlesbourg): Ce qui est dévolu,
à ce moment-ci, dans les subventions aux organismes communautaires
à des organismes dits nationaux, cet argent, le ministère ne le
gardera pas. Mettons l'hypothèse où tout est
transféré au niveau des régions. Par conséquent,
les enveloppes qui seraient affectées aux organismes régionaux
tiendraient compte de cette nouvelle répartition d'argent qui est au
national... Non, non, laissez-moi finir. Cet argent était au national et
se retrouve maintenant au niveau d'une région. Ce dont vous avez peur,
ce que je comprends, c'est qu'à partir du moment où H est
retourné au niveau d'une région, d'un organisme régional,
qu'elle se dise: Maintenant que je l'ai, je le garde. Je n'en ai pas besoin au
national. Est-ce que c'est ça?
Mme Frenette: Ce n'est pas: Maintenant, j'en ai besoin, je le
garde. Je n'ai pas besoin du national. C'est que j'en ai tellement besoin,
depuis tellement longtemps, pour venir à bout de faire ce que je veux
faire en région. On va essayer de faire vivre des organismes nationaux,
j'en suis certaine, parce que ce n'est pas - corn-
ment vous dirais-je - une structure qui est partie dans l'air là.
O.K.? Je veux dire que ce sont les gens de la base qui, au fur et à
mesure, se sont donné des organismes pour venir à bout de
défendre leurs points de vue, etc. Je veux dire: On en a besoin, mais il
faut être capable de se les payer.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'il y a les deux.
Honnêtement, il y a les deux: il y a des organismes qui sont partis de la
base et qui ont créé la structure sur le plan national; II y a
aussi des organismes qui se sont créés d'abord au plan national,
et qui ont créé des chapitres au niveau régional.
Mme Frenette: C'est exact.
M. Côté (Charlesbourg): Moi, je pense qu'il y a les
deux.
Mme Frenette: Mais vous posez la question du pain et de l'esprit.
Est-ce qu'on doit nourrir l'esprit avant le pain, ou donner à une bouche
du pain?
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que... Je la
pose très très honnêtement parce que c'est un débat
qui n'est pas fini et qui va durer encore pendant quelques semaines. Vous
êtes là et que vous êtes les principaux acteurs. Je ne mets
pas en doute du tout l'argent qui est versé. On nous dit que le dollar
qui est versé au communautaire est bien placé, rapporte davantage
que ce qui est dans l'institutionnel. Je partage ça, moi, comme
idée. Mais demain matin, si on disait: 1 % du budget du
ministère, ça veut dire qu'on passe à 80 000 000 $. Donc,
on passe de 50 000 000 $ à 80 000 000 $, c'est 30 000 000 $. Vous me
direz: 30 000 000 $, c'est extraordinaire, 30 000 000 $ de plus, mais c'est
ça qu'on revendique. On dit: 1 %.
Quand j'entends l'ensemble des demandes et des préoccupations, ce
n'est pas sûr qu'on aurait tout ce qu'il faut pour être capable
à la fois de satisfaire les femmes, les organismes de femmes dont vous
parliez tantôt et tout ceux qu'on entend, parce qu'il y a beaucoup de
demandes, et il y a beaucoup de pressions sur le système. S'il y a des
pressions, c'est peut-être parce qu'il y a des carences du système
institutionnel et que ces pressions sont réelles et ces
demandes-là sont réelles. Donc, il va falloir se poser la
question. Je n'ai pas de fermeture, moi, quant aux organismes dits nationaux
parce qu'il y a un certain nombre de services qui doivent être
regroupés et, quand on prêche nous-mêmes la réforme
qu'on aurait sauvé bien des choses si on réussissait à
unifier certains conseils d'administration, c'est qu'on prouve par là
qu'il y a une nécessité d'avoir des choses centralisées au
niveau du service, pour une meilleure efficience. Évidemment, ça
me paraît être gros que de dire qu'on va leur couper ça au
niveau national.
L'idée du ministère, à l'époque,
était de dire: C'est par la base qu'ils sont financés.
Évidemment, je comprends que vous...
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Tardif.
Mme Tardif: J'aimerais ajouter là-dessus que ce
débat-là sur comment être financé, tout ça,
pour nous, c'est secondaire. Le primordial, c'est la conception de la
santé parce que même si on trouve une meilleure façon de
financer le communautaire, si les objectifs de santé restent les
mêmes, on ne sera plus là quand même parce qu'on n'entre pas
dans ces programmes. On n'entre pas dans les objectifs quantitatifs. On n'entre
pas dans les programmes-cadres. On a une vision plus globale de la
santé. Donc, on ne sera pas subventionné "any way". Ça
fait que moi, je trouve que le débat devrait se faire plutôt sur
les orientations et les objectifs de santé, parce que, si on entre dans
les objectifs de l'avant-projet de loi, on renie ce qu'on a toujours
été et ce qu'on a toujours prôné.
C'est là qu'on demande de ramener dans l'avant-projet de loi ce
qui était dans le document d'orientation. Je ne me souviens plus
à quel article, mais où on reconnaît que les organismes
communautaires pourraient avoir leurs propres orientations. En tout cas, vous
savez, je suis sûre, de quoi je parle. (16 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): Oui, d'accord. Non, non,
c'est à la page 31...
La Présidente (Mme Marois): Vous voulez dire quelque
chose, Mme Frenette?
Mme Frenette: Et ça, c'est une des peurs au niveau des
régions et au niveau des organismes locaux de, quelque part, avoir
à faire un exercice entre ce que les membres et l'organisme veulent
faire versus un programme des orientations déterminées par une
régie alors que, dans le fond, ils n'ont pas vraiment leur mot à
dire: 13 %, là, il ne faut pas...
M. Côté (Charlesbourg): Non, un tiers.
Mme Frenette: Bon, un tiers, mais de toute façon, compte
tenu... on n'entrera pas dans ces détails-là. Comment feront-ils
pour faire l'exercice entre des objectifs qui viennent d'en haut, prévus
et quantifiables, par rapport à une réalité de groupe qui
vient de leurs membres et de la base? Ça, ça fait partie de leurs
peurs et c'est une autre des raisons pour lesquelles il est tellement important
pour ces organismes-là d'avoir justement un regroupement qui permette
d'avoir une vision d'ensemble et un interlocuteur, et c'est pourquoi on demande
l'interlocution directe avec le ministère aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Juste une petite
dernière, pour essayer de clore. Dans l'hypothèse où, bon,
on accepte le principe que, sur le plan de l'organisme national c'est
financé par le ministère, ça reste au ministère,
est-ce que vous seriez tout de même d'avis que, tout en partageant ce que
vous nous avez dit - parce que je pense qu'il faut qu'on s'entende sur les
objectifs aussi - en transférant au niveau régional, il y aurait
probablement un meilleur choix qui serait fait au niveau régional que
par le national, mais que les organismes dits nationaux au niveau du provincial
soient toujours rattachés au ministère, mais que les autres
puissent être rattachés, en termes de subvention, à la
régie régionale?
Mme Frenette: En tout cas, je pense que la question se pose
justement, comme vous le disiez, liée à toute la question des
orientations, groupes cibles, etc. Entre autres, on posait la question suivante
quelque part: Par rapport à une régie régionale, qu'est-ce
qu'on privilégiera entre un groupe pro-vie, qu'on considérera
représentatif, et un collectif de santé qui est
complètement opposé, deux groupes complètement
opposés l'un à l'autre, un collectif de santé des femmes,
qui lui aussi est dans la région et qui revendique des choses? Comment
la régie déterminera, en disant: Lui, on le subventionne et
l'autre pas? Ça fait partie des craintes du monde de la base, le comment
ça va se vivre tout ça, compte tenu justement des
éléments qu'il y a actuellement dans la réforme.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Absolument
très intéressant de voir l'angle sous lequel vous regardez
l'avant-projet de loi ou ce qu'il en reste aujourd'hui et la
réécriture que nous allons faire. Nous avons fait, je pense, des
pas importants dans la véritable orientation que l'on devrait retrouver
ou qu'on retrouvera, je l'espère, dans le projet de loi, parce que
beaucoup d'organismes sont venus ici avec une présentation et des
intérêts, d'évidence, très corporatistes, et on se
demande quelquefois s'ils ne défendaient pas plus leurs
intérêts particuliers que les intérêts de
santé et de bien-être de la population. Dans ce cadre-là,
vos remarques sont tout à fait dans le sens de ce que, je pense, nous
devrions retrouver dans toute réforme de l'organisation de nos services
de santé et de nos services sociaux: d'abord atteindre des objectifs de
santé et de bien-être social. Et, là, on sait que, par
ailleurs, on va régler un certain nombre de problèmes de
consommation lorsque nous aurons adopté cette perspective-là.
Vous avez fait le tour de deux ou trois questions avec le ministre
là-dessus, et je vais moins y revenir, par exemple sur le communautaire,
quoique j'aurais encore une petite question au niveau du financement du
communautaire. Par ailleurs, en ce qui concerne l'espèce de crainte que
l'histoire nous permet de justifier, que l'histoire nous amène à
comprendre vis-à-vis de la décentralisation vers les
régies - disons qu'on ne sait même pas si c'est de même
qu'on va appeler ça - vers les instances régionales, est-ce que
vous pensez que la démocratie ou encore, plus simplement dit,
l'élection au suffrage universel des membres de l'instance
régionale chargés d'arbitrer un certain nombre de choses... Vous
nous avez fait une belle illustration, quelqu'un arriverait pour une demande de
subvention dans le communautaire avec une tendance pro-vie ou une tendance de
l'autre côté. Ce serait comme très difficile et, à
partir du moment où l'on catégorise à l'avance le type de
représentants ou de représentantes qui seront autour de la table,
est-ce que vous pensez que ce serait intéressant, sinon essentiel,
puisqu'il s'agit d'éléments fondamentaux de l'évolution de
la vie collective, santé et services sociaux et bien-être, qu'on
aille vers un système de nomination des membres, de désignation
par l'élection au suffrage universel? Du même coup, est-ce que
nous n'augmenterions pas, de ce fait, les espèces de garanties
d'équilibre qu'on finit toujours, normalement, par atteindre plus ou
moins, mais enfin qu'on cherche à atteindre dans un système
démocratique? Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme Frenette: Je pense que vous vous référez au
mémoire qu'on a présenté, entre autres sur la question de
la régionalisation, quand on dit: au moins que ça soit dans
l'esprit du rapport Rochon. La décentralisation c'est, entre autres,
ça. Je veux dire élection réelle des vrais
représentants dans une structure, et là, je vous avoue, je ne
suis pas spécialiste de cette structure-là, mais pas du tout,
mais ce que j'en conçois et ce que j'en comprends, c'est qu'à
partir du moment où ce sont des gens qui sont élus, donc qui
présentent un point de vue et qui s'inscrivent, à ce
moment-là, à l'intérieur d'objectifs, je pense qu'on a
plus de garanties d'une décentralisation en autant qu'il y ait des
pouvoirs qui vont avec. Un peu comme on disait tantôt, s'il n'y a pas de
pouvoirs, il n'y aura pas de gens qui voudront y aller. Et en même temps,
dans la structure telle que je la comprends, actuellement, au niveau de
l'avant-projet, même les gens... Bon, les citoyens et le communautaire,
on dit bien: pas les travailleurs. Ça, il ne faut pas oublier qu'au
niveau du communautaire c'est souvent des bénévoles - il y a bien
du monde qui ne pourra pas y aller - et, pour qu'ils puissent aller dans ces
régies-là, il faut, à quelque part, qu'il y art un minimum
de formation. Être dans une régie régionale pour lever ma
main, pour le bilan financier de telle ou telle affaire, je ne suis pas
intéressée et je ne pense pas que le communautaire soit
intéressé à
cette démarche-là. ça ne veut rien dire. c'est un
peu ça, en tout cas, les inquiétudes et les craintes, notre point
de vue par rapport à la régionalisation.
La Présidente (Mme Marois): Mme Tardif.
Mme Tardif: Oui, j'ajouterais, là-dessus, une autre
crainte. Je vais reprendre l'exemple pro-vie, pro-choix, c'est concret, donc
ça peut nous faire voir clairement une situation. Si dans une
région, par exemple, il y a plus de gens qui sont pro-vie, et ils sont
élus dans une structure régionale, bon peut-être qu'il n'y
aura pas de services d'avortement dans cette région-là. Est-ce
que, un, comme gouvernement provincial, on veut qu'il y ait des
inégalités régionales dans l'accessibilité des
services? Je dis l'avortement, mais ça pourrait être bien d'autres
choses, là. Cet exemple-là est frappant, on le comprend vite.
Est-ce que, par ailleurs, on ne veut pas plus avoir les services d'avortement
partout et le choix se trouve là, et les femmes qui n'en n'ont pas
besoin n'y ont pas recours, et celles qui en ont besoin ne sont pas
obligées de venir à Montréal ou à
Québec?
C'est aussi sur le suffrage universel. Un suffrage universel, ça
ne garantit pas une égalité régionale. Avec l'exemple de
l'avortement, je trouve que c'est clair.
M. Trudel: Et là-dessus, je pense qu'il faut bien convenir
que si nous allions, si le ministre allait dans cette direction-là, je
pense qu'il faut quand même toujours chercher... On parlait de rapports
de forces tantôt, il y a des rapports d'équilibre qui doivent
s'établir là-dedans. Et si nous allions dans cette
direction-là, je pense qu'il faudrait aussi suivre les recommandations
de beaucoup d'autres organismes qui nous prient de distinguer président
et directeur général de la structure régionale et,
à ce moment-là, je pense qu'en termes de protection des usagers,
la population, il faudra augmenter de beaucoup le pouvoir des présidents
pour qu'ils ne soient pas de simples machines, de simples répondeurs
automatiques, des leveurs de mains pour approuver les états financiers
annuels préparés par une firme spécialisée. Il
faudra s'assurer des contrepoids nécessaires.
Vous avez touché un petit mot de la question, parce qu'il nous
faut bien discuter, dans le cadre actuel de ce qui nous est
déposé comme avant-projet de loi, de l'exclusion des
professionnels ou des participants, des fonctionnaires qui sont dans le
réseau de la santé et des services sociaux, actuellement.
D'abord, je voudrais que vous nous le disiez, est-ce que vous êtes
complètement en désaccord avec toute exclusion de participation
à quelque conseil d'administration de quelque forme que ce soit, pour
ces conseils d'administration là, pour tous les employés du
réseau et, deuxièmement, vous avez compris, dans le projet, qu'un
organisme communautaire qui ferait, par exemple, un contrat de services avec un
organisme du réseau, Ça excluait, en termes de mouvement
communautaire, une permanente du mouvement communautaire de toute
participation? Deux volets.
Mme Frenette: Je vais vous dire une crainte que j'ai pour le
moment. Effectivement, j'ai réfléchi, j'ai pensé à
ces choses-là. Mais la crainte que j'ai, c'est à partir du moment
où je dirais: Oui, j'aime mieux ça ou c'est telle chose qui est
importante, c'est de se retrouver à un moment donné en disant:
Écoutez, on vous a accordé, disons, la représentation des
travailleurs et donc la machine est correcte. C'est là que je me sens un
petit peu coincée de répondre à ce genre de question dans
le sens que ce n'est pas ça, le problème, pour nous autres.
M. Trudel: Non, mais entendons-nous bien, je ne veux pas vous
faire faire de choix.
Mme Frenette: Non, non.
M. Trudel: II y avait deux questions.
Mme Frenette: Oui.
M. Trudel: II y a 130 000 personnes, grosso modo, qui sont
exclues du système, au niveau de la gestion de tous nos services de
santé et services sociaux, dans l'avant-projet de loi. Vous êtes
en désaccord avec cela? Après ça, il y a une autre
question. Vous dites, au niveau du communautaire, dans votre mémoire,
que vous avez l'impression que le communautaire est rejeté, en termes de
participation. C'est ça que vous avez compris du projet de loi.
Mme Frenette: Oui.
M. Trudel: C'est ça, la deuxième. Je vais aller
à la première...
Mme Frenette: Je pense que les travailleurs et les travailleuses
du réseau sont les premiers sur la ligne de front et je pense qu'ils
doivent être représentés. En tout cas, rapidement, comme
ça, je crois qu'ils doivent avoir une place. Et, par rapport à la
question du communautaire, Anick peut peut-être en parler. Elle posait
justement la question en fonction de l'organisme, chez nous, et du conseil
d'administration.
Mme Bréniel: Alors, si je peux... La Présidente
(Mme Marois): Oui.
Mme Bréniel: D'accord. C'est qu'on l'a regardé
à travers chez nous et qui on était, chez nous. On est des femmes
et les femmes, où est-ce qu'elles travaillent, aussi, sinon dans le
réseau
de la santé et des services sociaux d'abord, ensuite, dans le
communautaire? Alors, les gens qui sont militantes chez nous sont souvent, ou
bien travailleuses dans le réseau de la santé et des services
sociaux ou bien travailleuses dans le communautaire, même si elles sont
militantes chez nous. Alors, dans ce sens-là, j'ai l'impression que
ça vous priverait de notre présence et de notre expertise et, en
même temps, ça nous priverait, nous, de notre mot à dire.
Parce que, les femmes, on travaille beaucoup dans la santé et les
services sociaux, donc, toute une partie des gens... Il y a aussi
l'intérêt. Il faut voir pourquoi, chez nous, il y a beaucoup de
femmes qui sont infirmières, qui travaillent dans les services sociaux,
qui viennent militer au niveau des collectifs ou de la
fédération. C'est qu'elles viennent y chercher quelque chose
qu'elles ne retrouvent pas nécessairement dans le réseau. Et
elles viennent y apporter quelque chose qu'elles vivent là-bas, aussi.
Alors, pour nous, ce serait être privé des deux
côtés.
M. Trudel: Très bien. Une dernière question. Dans
le financement du mouvement ou des organismes communautaires, la question de
l'autonomie, des approches, du fonctionnement, j'ai comme l'impression que,
quelque part, le terrain d'entente n'est pas très loin quant au
respect... D'ailleurs, il y a des indications assez claires. Sur
l'évaluation, cependant, et sur l'imputabilité, le ministre met
en circulation quelque chose comme 57 000 000 $ par année. Il y a une
Opposition assez vigoureuse qui lui pose des questions, qui le tiraille et qui
voudrait bien savoir si, effectivement, en termes d'imputabilité,
ça a été bien utilisé aux fins des objectifs que
nous aurions décidés. Vous nous dites, ici: Nous, on a
développé, dans nos différents groupes communautaires, des
mécanismes d'évaluation. Et, pour en avoir
fréquenté et avoir travaillé tellement avec ce
monde-là, je pense bien que oui. Sauf que ça demeure des
critères que vous avez réalisés. Comment
réconcilier - c'est une grosse question et c'est difficile, j'essaie d'y
répondre - cette notion d'imputabilité et de
responsabilité au niveau du financement des organismes par l'État
et celle de la liberté, de l'autonomie, du respect, à aller
jusqu'à l'évaluation, dans des groupes communautaires? Comment
essayer d'attacher les deux au bout, là?
Mme Frenette: Par le phénomène même de la
structure ou du vécu des organismes communautaires où nos
premiers redevants, c'est, bien sûr, en termes d'argent, le
ministère, mais les premiers redevants, ce sont les membres.
Je vous avoue qu'à partir du moment où un groupe, une
assemblée générale dirait l'utilisation qu'on en a
faite... On n'a pas cet argent-là en l'air, on a des objectifs et des
priorités tous les ans, qu'on présente, entre autres, au
ministère. D'ailleurs, là-dessus, on a un petit problème
de 'liming"; vous nous demandez souvent de présenter nos projets avant
nos assemblées générales, ce qui fait que ce sont des
consultations rapides et, des fois, les assemblées
générales vont modifier un peu les objectifs qu'on vous a
présentés, mais sans pour autant être à
l'extérieur. Mais c'est là, on a présenté, on
revient en assemblée générale, c'est adopté; on vit
avec ça et, à la fin de l'année, on fait un bilan de tout
ça et nos gens nous disent: Oui. Y a-t-il quelqu'un qui a plus
d'intérêt à dire: Oui, l'argent est bien utilisé,
que les gens qui sont les gens de l'assemblée générale?
Et, de toute façon, on a toujours remis tous les ans nos bilans au
ministère. Je crois qu'il y a là toute la matière
nécessaire pour vérifier qu'on utilise effectivement bien
l'argent et que tout mécanisme additionnel ne ferait que nous enfarger
et même alourdir la machine plus qu'autre chose.
M. Trudel: C'est dans cet... Je m'excuse, est-ce qu'il y avait
quelque chose à ajouter?
Une voix: Ça va.
M. Trudel: C'est dans ce sens-là qu'à la page 21
vous nous dites: "II serait bon de rappeler que les organismes communautaires
ont développé leurs propres mécanismes
d'évaluation. Il suffirait que le gouvernement accepte de les
reconnaître et de les respecter. "
Mme Frenette: Oui.
M. Trudel: C'est que vous êtes prêtes, votre opinion
à vous, vous êtes prêtes à vous asseoir avec le
gouvernement, avec l'État et à dire: Nous, nos mécanismes,
on les a travaillés, on les a adoptés; évidemment, on
fonctionne avec satisfaction à l'intérieur. Vous êtes
prêtes à dire à l'État, comme pourvoyeur de fonds:
Si on s'entend, si vous voulez vous entendre avec nous autres sur les
mécanismes d'évaluation, on va accepter ça.
Mme Frenette: On le fait déjà, d'ailleurs, et avec
plaisir. Eh oui!
M. Trudel: Bon! Donc, ce ne serait pas extrêmement
difficile. Ce n'est pas extrêmement difficile de dire: Quand le respect
est assuré au niveau du fonctionnement, au niveau de
l'évaluation, on peut toujours y arriver assez rapidement et ce n'est
pas un obstacle majeur au niveau de la reconnaissance du financement qui
pourrait, par ailleurs, devenir triennal.
Mme Frenette: En autant qu'on ne se retrouve pas avec des
formulaires qui ne sont pas remplissables et des ci, des ça.
Là-dessus, à un moment donné, on devient... Ça nous
demande du temps, en termes de vocabulaire, mais actuellement, dans le
processus tel qu'il est, avec le
ministère de la santé et des services sociaux, oui, on n'a
aucun problème à ce niveau-là, de présenter ce
qu'on fait avec l'argent, avec le bilan et tout ça. non, il n'y a pas de
problème avec ça.
M. Trudel: C'est pour ça que, par après, vous
êtes obligées de vous faire des regroupements pour faire en sorte
que vous puissiez présenter vos demandes et vos bilans...
Mme Frenette: Entre autres.
M. Trudel: ...pour être capables de vous financer?
Des voix: Ha, ha, ha! Mme Frenette: Entre autres.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre contribution.
La Présidente (Mme Marois): Ça va. Merci beaucoup
aux représentantes de la Fédération.
Mme Frenette: Je voudrais juste ajouter une chose, Mme
Marois...
La Présidente (Mme Marois): Certainement.
Mme Frenette: ...je pense qu'on en a parlé, mais on s'est
présentées avec un point de vue de femmes, avec un patron de
femmes, mais on n'a pas perdu de vue la famille et tout ça. On s'est
présentées là-dessus, mais notre souci au niveau familial
est toujours là parce que c'est le coeur même, de toute
façon, de tout notre travail.
La Présidente (Mme Marois): D'accord Merci beaucoup de
votre présentation.
J'inviterais maintenant les représentants et les
représentantes de la Fédération nationale des associations
de consommateurs du Québec à bien vouloir prendre place, s'il
vous plaît.
On va suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 17 h 4)
(Reprise à 17 h 6)
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec
La Présidente (Mme Marois): La commission reprend ses
travaux. Alors, M. Beaudoin, c'est ça? Veuillez, s'il vous plaît,
présenter les personnes qui vous accompagnent et ensuite procéder
à la présentation de votre mémoire.
M. Beaudoin (Roger): D'accord, d'autant plus qu'il y a quelques
petites corrections à faire sur la liste qui est sortie. Je commencerai
par ma gauche, une personne qui n'est pas dans la liste, c'est Micheline
Ouellet, membre bénévole du comité santé de l'ACEF
de Québec et de la Fédération nationale des associations
de consommateurs du Québec. Un peu plus par ici, Lucie Dupré,
intervenante sociale et non pas psychologue, intervenante sociale à
Auto-Psy, région de Québec, qui est un des groupes membres de
notre Fédération. À ma droite, Charles Rice, membre
bénévole du comité santé de l'ACEF de Québec
et de la FNACQ, il travaille pour le comité des
bénéficiaires du Centre hospitalier Robert-Giffard, et
moi-même, Roger Beaudoin, coordon-nateur du comité
santé.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Beaudoin: Alors, grosso modo, notre Fédération
est assez connue, mais brièvement, je vais rappeler qu'elle est
née en 1978 par l'union de quatre ACEF de différents territoires
du Québec et, depuis 1984, on a un membership un peu plus étendu,
entre autres, avec des groupes de consommateurs et de consommatrices de la
Côte-Nord et aussi, on a accueilli parmi nous des groupes qui sont, on
pourrait dire, spécialisés dans certaines problématiques
de la consommation. Ce qui fait que maintenant on intervient de toutes sortes
de manières dans des domaines comme l'agro-alimentation, les services
essentiels comme la téléphonie et l'électricité,
l'endettement, le crédit et, évidemment, la santé aussi et
des dossiers parfois macro-économiques, comme le
libre-échange.
Notre point de vue par rapport à l'avant-projet de loi, on va le
résumer. Je ne serai pas le seul à intervenir, on va être
trois et, possiblement, une quatrième personne. En ce qui nous concerne,
c'est très, très important pour la population du Québec de
maintenir l'universalité, la gratuité, l'accessibilité des
services de santé et des services sociaux. Et pour nous, ce sont des
valeurs très importantes. Ce ne sont pas seulement des valeurs
philosophiques. Ce sont des choses très importantes. Ce sont des acquis
de ce qu'on pourrait appeler la Révolution tranquille, de ce que
plusieurs ont appelée comme ça. Nos propositions vont dans le
sens de conserver ces valeurs-là et, par la suite, d'essayer
d'améliorer le système public de santé avec,
effectivement, la gratuité des services, avec l'universalité,
etc. Et on est contre les projets, comme c'a été dit depuis
quelques années et c'a été redit devant la commission ici,
de ticket modérateur ou encore d'impôt à rebours.
Rappelons que la commission Rochon et même le document
"Orientations" paru en avril 1989 réaffirmaient la pertinence de ces
principes et nous pensons que le gouvernement et le nouveau ministre de la
Santé et des Services sociaux devraient les réaffirmer fortement
face aux propositions qui les remettent en cause. Nous
craignons que ces propositions ne nous amènent, à court ou
à moyen terme, à adopter le modèle américain qui
est plus coûteux que le nôtre, où une partie de la
population n'est pas couverte par une assurance privée, ou publique et
où les services pour les personnes à revenu modeste sont de moins
bonne qualité. Rappelons que les gouvernements Reagan et même
Bush, aux États-Unis, ont coupé fortement dans les programmes
Medicaid et Medicare qui sont supposés aider les gens à faible
revenu à avoir accès à des services de santé, On ne
veut pas que le Québec retourne à la période, à la
situation des années cinquante ou des années trente, comme
disaient des personnes âgées dernièrement. Nous avons fait
le choix, comme population, de nous doter de services de santé gratuits
pour l'usager et l'usagère et d'assumer collectivement les
problèmes de santé de façon à éviter des
drames sociaux en, plus du drame personnel que représente souvent la
maladie pour une personne ou une famille. Nous pensons, dans l'hypothèse
de l'impôt à rebours, que si des gens à revenu moyen et
élevé paient une partie de la note, ce ne sera pas long qu'ils
vont trouver qu'ils méritent des soins de meilleure qualité que
les autres à revenu modeste et c'en sera fait à moyen terme de la
solidarité qu'implique un système public comme le nôtre et
les pressions se multiplieront pour adopter un système du type
américain.
Nous pensons que le système de santé, comme la commission
Rochon l'a dit, n'est pas si inefficace que ça; il est perfectible, mais
on peut maintenir les grands principes dont on vient de parler et
réussir à changer des choses et à améliorer le
système. Une des possibilités, ce serait par exemple d'adopter,
de façon généralisée, le salariat pour les
médecins. Selon nous, ce serait le mode de rémunération
privilégié pour favoriser une relation patient-médecin
qualitativement supérieure et ouverte à la prévention, en
plus de se prêter davantage à l'économie des actes. Et si
cela vous intéresse, à la période de questions, Mme
Micheline Ouellet pourra vous parler un peu plus de son expérience de
relation avec une femme-médecin qui était salariée.
Nous pensons qu'effectivement le système de
rémunération à l'acte entraîne ou contribue à
l'inflation de l'offre des services et qu'il participe à l'inflation des
coûts du système public de santé et, parfois, qu'il
empêche de développer une plus grande intervention au niveau
préventif. Donc, selon nous, le salariat serait une bonne chose à
examiner. Ça n'a pas été le cas véritablement, mais
nous pensons que c'est à réintroduire dans les débats.
D'autre part, en termes d'objectifs du système de santé,
on est contents que, dans l'avant-projet de loi, on donne un peu plus de
précisions sur les objectifs du système de santé. Par
exemple, on dit qu'un des objectifs serait d'agir sur les facteurs
déterminants pour la santé: favoriser la réadaptation des
personnes et diminuer l'impact des problèmes qui compromettent
l'équilibre, l'épanouissement et l'autonomie des personnes. Pour
nous, cela pourrait vouloir dire que le système public de santé
et de services sociaux ne doit pas se contenter d'avoir des services curatifs
ou même préventifs, seulement au niveau des mauvaises habitudes de
vie, mais devrait contribuer concrètement à la lutte contre la
pauvreté et à la lutte contre le chômage qui affectent une
grande partie du Québec et qui contribuent, comme cela a
été démontré de nombreuses fois, aux coûts de
santé et des services sociaux. Et donc, nous pensons que ça
devrait être même plus précisé encore dans
l'avant-projet de loi, dans le futur projet de loi. Notre mémoire
explicite un peu plus. On veut vraiment que ce soit marqué dans les
objectifs que le système de santé et de services sociaux devrait
contribuer à la lutte contre la pauvreté et à la lutte
contre le chômage. Et, on regrette, d'après notre impression
qu'actuellement il y ait différents intervenants, les CLSC par exemple,
qui ont l'air de moins s'impliquer dans ces questions-là depuis quelques
années. C'est sûr que ça peut déranger un
gouvernement, quel qu'il sort, d'entendre parler de lutte contre la
pauvreté parce que, en principe les choses vont bien, mais on pense que
c'est l'un des rôles qui doit être intégré à
l'intérieur du sytème public de santé et de services
sociaux, et on peut évidemment penser que c'est plus de l'ordre de
l'action communautaire ou de l'action sociale que des services
préventifs, mauvaises habitudes de vie ou des services curatifs. Mais
pourquoi ne pas développer ce qui a été appelé
"l'organisation communautaire" ou "l'action communautaire" qui est quasiment en
train de mourir à l'Intérieur du cadre public du système
de santé. Évidemment, ce ne sera pas le système de
santé qui va bâtir tout seul une politique de plein emploi, par
exemple au Québec, mais il devrait contribuer à ça. Alors,
je vais passer maintenant la parole à Mme Dupré qui va nous
parler un peu plus de ce qu'on pourrait appeler les droits, à commencer
par une suggestion de notre part qu'on trouve bien intéressante.
Mme Dupré (Lucie): Oui. c'est ça. Dans un premier
temps, la FNACQ propose que la désignation "usager" et "usagère"
soit généralisée à l'ensemble du système de
services de santé et de services sociaux parce que, selon nous, l'emploi
du terme "bénéficiaire" comporte trop de connotations
péjoratives. L'avant-projet de loi se réfère au terme
"bénéficiaire" pour désigner toute personne qui utilise
des services de santé et des services sociaux. Or, il s'est
révélé, au cours des dernières années que
l'appellation "bénéficiaire" est péjorative et insinue un
état passif en regard des services reçus, particulièrement
dans le domaine de la santé mentale. Cette référence aux
usagers et aux usagères comme
étant des bénéficiaires est stigmatisante et peu
normalisante dans le contexte actuel de réinsertion sociale. Un usager
ne bénéficie pas d'un service, mais il utilise ce service et
souvent de façon volontaire et en connaissance de cause. C'est pourquoi
la FNACQ recommande de remplacer dans la nouvelle loi le terme
"bénéficiaire" par celui plus approprié et adapté
d'"usager" ou "usagère".
Nous nous sommes penchés sur la partie qui concerne les droits
des usagers. Afin d'éviter que la pratique médicale limite la
portée véritable des droits des usagers en s'appuyant sur une
législation déficiente, la FNACQ réclame la
prédominance des droits des usagers dans le réseau.
L'avant-projet de loi reconnaît des droits aux usagers: le droit
d'être informé des services et des ressources disponibles, le
droit d'être accompagné par la personne de son choix lorsqu'on
fait une démarche pour faire valoir ses droits, le droit d'être
informé de son état de santé et des alternatives de
traitement. Toutefois, la FNACQ juge que certains droits inscrits dans
l'avant-projet de loi n'ont qu'une portée légale limitée.
Ainsi, l'accessibilité des services du réseau devrait être
reconnue à toute la population sans que des restrictions ne soient
inscrites dans la loi et ce, pour empêcher une justification abusive de
la part des établissements face au manque de ressources
matérielles et humaines auquel ils sont souvent confrontés.
Le droit des usagers de choisir le professionnel et
rétablissement duquel ils désirent recevoir des services devrait
prévaloir sur ce même droit qu'ont le professionnel et
l'établissement à l'égard des usagers. La formulation de
ce droit dans l'avant-projet de loi privilégie les professionnels et les
établissements au détriment des usagers. L'expérience de
la pratique médicale en santé mentale met en évidence le
fait qu'il est pratiquement impossible pour une personne de changer de
médecin, puisque ceux-ci refusent de recevoir une personne qui est
déjà suivie par un autre médecin. Le même
problème peut se poser devant une démarche de transfert d'un
établissement à un autre. Cette entente tacite entre
médecins et établissements dans le milieu psychiatrique bloque
systématiquement toute tentative pour un usager de voir sa
liberté de choix reconnue. De plus, les usagers ne devraient pas
seulement avoir le droit de participer, mais celui de collaborer activement
à l'élaboration de leur plan de service individualisé et
de leur plan d'intervention. Une mention de révision obligatoire aux 90
jours devrait également être inscrite. La FNACQ recommande donc le
plein respect des droits des usagers des services de santé et des
services sociaux.
Dans un autre ordre d'idée, la FNACQ doute que les conseils
d'administration regoupés facilitent la participation de la population.
En effet, bien que l'avant-projet de loi propose d'accroître la
participation des usagers aux instances décisionnelles du réseau
comme les conseils d'administration, la FNACQ s'interroge sur la
possibilité pour les usagers de prendre une part active et de se voir
conférer un pouvoir décisionnel. On se questionne sur l'incidence
que pourrait avoir la formation de conseils d'administration regroupés
sur la participation des usagers. Ils se font déjà rares aux
conseils d'administration des établissements dont ils reçoivent
des services; il est à craindre qu'ils soient encore moins
attirés à siéger à des conseils d'administration
regroupant plusieurs établissements dont les enjeux sont davantage
administratifs et éloignés de leurs préoccupations
immédiates. Il est possible de croire que les sièges aux conseils
d'administration qui sont réservés à la population seront
occupés par des quasi-professionnels de la gestion, même s'ils
agissent comme bénévoles. Dans ce contexte, on peut penser que M.
et Mme Tout-le-Monde ne seront pas représentés.
Nous ne sommes pas favorables à ce que des représentants
des fondations soient présents aux conseils d'administration. Nous ne
sommes pas favorables non plus à la présence de
représentants des corporations propriétaires parce que ces
personnes sont trop près des administrations d'établissement.
Nous favorisons que des employés des organismes de défense des
droits ou de vigilance puissent avoir le droit de siéger aux conseils
d'administration. Cela constituerait une assurance plus grande que les
établissements et les conseils d'administration tiennent compte
sérieusement des demandes des usagers et des plaintes reçues.
Nous privilégions que le nombre de quatre personnes élues lors
des assemblées publiques soit maintenu pour tous les types de conseils
d'administration. Nous désirons que la population puisse avoir, par ce
moyen électif, une place importante aux instances décisionnelles.
La FNACQ recommande donc que la structure des conseils d'administration
regroupés, si elle était appliquée, le soit de
façon limitée sur une base expérimentale en tenant compte
de la participation des usagers.
D'autre part, malgré la volonté du législateur de
consolider les comités d'usagers et de renforcer leurs pouvoirs, la
FNACQ constate que certains amendements contenus dans l'avant-projet de loi
limitent l'autonomie et le fonctionnement des comités d'usagers. On se
réjouit de la création de comités d'usagers dans les
établissements du réseau. Toutefois, ces comités ne
devraient pas être limités aux soins de longue durée, mais
être présents dans tous les types d'établissements, y
compris les CSS et les CLSC. Afin que les comités d'usagers soient
fonctionnels et s'acquittent adéquatement de leurs mandats, la FNACQ
recommande que la loi leur accorde un statut indépendant des
établissements et que la responsabilité de veiller à leur
bon fonctionnement incombe à un organisme plutôt qu'au directeur
général. Les comités d'usagers
devraient être composés majoritairement d'usagers,
contrairement à ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi, et
deux représentants de ces comités choisis par eux devraient
être présents aux conseils d'administration des
établissements. Merci.
M. Beaudoin: Pour terminer, nous allons parler des
mécanismes de traitement de plaintes qui sont importants pour les
associations de consommateurs et pour les consommateurs et consommatrices.
M. Rice (Charles): Pour commencer, j'aimerais vous parier de la
régionalisation, mais de la régionalisation sous l'angle de
l'imputabilité du système par rapport à la population. On
se rappelle que la commission Rochon... Un des principaux constats du rapport
Rochon, c'est que le système est pris en otage par différents
groupes d'intérêt. L'organisation des services est
conditionnée par des rapports de forces politiques de sorte que la
finalité du système sert beaucoup plus les intérêts
des groupes de pression qu'elle ne sert les intérêts de la
population. La FNACQ estime que la décentralisation comme telle ne
règle en rien ce problème de fond qui a été
soulevé par le rapport Rochon.
Bien que le rapport Rochon recommande une décentralisation du
système, il recommande aussi que les personnes qui siègent aux
instances régionales soient élues par la population. La FNACQ
propose de créer une fonction de vigilance à l'intérieur
du système de santé. Cette fonction de vigilance serait
assumée par un mécanisme d'évaluation indépendant
du système de santé, ainsi qu'un mécanisme de recours
indépendant et crédible pour les usagers. La FNACQ déplore
le fait qu'il n'y ait aucun mécanisme formel d'évaluation
permettant d'apprécier la qualité et la pertinence des services
que les usagers et usagères reçoivent et ce, malgré les 10
000 000 000 $ que l'État injecte annuellement dans le système de
santé et de services sociaux.
Ce problème de l'évaluation a clairement été
identifié par le rapport Rochon qui propose d'orienter le système
en fonction d'objectifs et de résultats. Bien que l'avant-projet de loi
reconnaisse l'importance d'instituer un mécanisme d'évaluation,
il confie cette tâche aux futures régies régionales qui
seront également responsables de l'évaluation et de
l'implantation des programmes à être évalués. La
FNACQ estime qu'il faut dissocier ces deux fonctions. L'échec des CRSSS
dans leur responsabilité en regard des plaintes démontre bien que
l'exercice de ces deux fonctions est incompatible et que nous devons les
dissocier.
Pour nous, la question de l'évaluation est importante.
Malgré toutes les réticences que ça peut soulever dans le
milieu la FNACQ estime que c'est important de mettre de l'avant des
mécanismes crédibles d'évaluation. On n'a rien contre le
fait que les institutions se dotent de mécanismes d'évaluation,
mais de là à ce que ce soit le seul mécanisme
d'évaluation, je pense qu'il y a un autre pas, là. Cette fonction
d'évaluation serait assumée par un organisme indépendant
du réseau qui coordonne et distribue les services. Cet organisme
pourrait avoir son propre conseil d'administration.
Le deuxième axe qu'on mentionne dans notre mémoire est le
mécanisme de traitement des plaintes. La proposition de l'avant-projet
de loi, justement, ne brille pas tellement par son originalité,
c'est-à-dire qu'on ne fait que reconduire le mandat des CRSSS, qui
deviendraient des régies régionales, de s'occuper du traitement
des plaintes. Nous questionnons la pertinence de confier aux régies
régionales le mandat de recevoir et de traiter les plaintes des usagers
de même que toute fonction reliée à la protection des
droits, y compris, comme nous l'avons déjà mentionné,
celles relatives à l'évaluation des programmes et des services.
L'expérience vécue jusqu'à ce jour avec les CRSSS
révèle que ce recours est peu crédible et peu
utilisé.
Il appert que les CRSSS sont trop associés à la prestation
des services pour avoir une indépendance réelle dans le
traitement des plaintes des usagers. Pour réaliser ses autres mandats,
le CRSSS doit travailler en étroite liaison avec les
établissements et conserver de bonnes relations avec ceux-ci. Les CRSSS,
et à plus forte raison les futures régies régionales qui
seront encore plus associées à l'organisation des services, se
trouvent en contradiction administrative lorsqu'ils traitent des plaintes des
usagers. Ce qu'on propose, c'est la création d'un office
indépendant dont le mandat serait d'assumer la protection des droits des
usagers et qui serait complètement indépendant du réseau
de santé et de services sociaux. En plus de recevoir et de traiter les
plaintes, cet office serait responsable du financement des groupes voués
à la défense des droits des usagers et usagères. Il serait
possible de penser aussi que la fonction d'évaluation soit
confiée à cet organisme-là qui serait complètement
distinct des régies régionales ou des organismes qui s'occupent
de la distribution des services. On propose également d'élargir
de façon importante la juridiction de la Commission des affaires
sociales, de façon à ce qu'elle devienne le recours de
deuxième niveau pour le secteur de la santé et des services
sociaux. Nous croyons que la Commission des affaires sociales est l'instance
tout indiquée pour remplir un tel rôle.
Enfin, on aimerait attirer votre attention sur la question de la
réforme des corporations professionnelles. On comprend que cette
question-là ne fait pas l'objet de la présente consultation, sauf
qu'on tient à rappeler que la question des corporations professionnelles
a fait l'objet d'un chapitre dans le rapport Rochon et
on n'aimerait pas que cette question soit oubliée. On aimerait
finalement, que l'État ou le gouvernement procède à une
réforme majeure des corporations professionnelles.
Mme Dupré: Alors, je pense qu'on a à peu
près respecté les 20 minutes et on attend vos questions.
La Présidente (Mme Marois): Tout à fait, vous avez
tout à fait respecté les 20 minutes. Je vous remercie de votre
présentation. M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. Je commencerai
peut-être par la fin de vos propositions, si vous me le permettez,
puisque l'intérêt commun est, j'allais dire le
bénéficiaire, mais il faut que je dise P"usager",
T'usagère"...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha!
M. Trudel: Sitôt dit, sitôt fait.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
M. Trudel: Sitôt dit, sitôt fait.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas! Il s'agirait de
voir effectivement, de fouiller, parce qu'il y a peut-être des
interprétations négatives. Je vous poserais d'abord une question.
Quelle est l'évaluation que vous faites des CRSSS, tels qu'ils sont
aujourd'hui et qu'est-ce qu'il faut donner de pouvoirs additionnels pour qu'ils
soient efficaces? J'arriverai aux plaintes spécifiques après; je
veux dissocier les plaintes au niveau des CRSSS. Mais davantage dans la
fonction des CRSSS aujourd'hui par rapport aux régies, qu'est-ce qu'il
faut mettre de plus pour que le pouvoir régional puisse s'exercer?
M. Rice: Bien, les CRSSS ont toujours été dans une
position ambivalente. C'est difficile de dire quel sera le rôle des
régies régionales, sauf que ce qu'on dit, nous autres, c'est que
finalement les deux fonctions, coordonner des services et recevoir des
plaintes, sont incompatibles l'une avec l'autre, qu'il faut les dissocier.
Actuellement, les CRSSS ont tous les pouvoirs pour exercer leur mandat par
rapport à ça, sauf qu'il n'y a jamais eu de volonté
politique de la part des CRSSS de l'exercer comme il le faut. Actuellement, les
CRSSS ont un mandat très clair par rapport à la réception
des plaintes. Si jamais un établissement ne se conforme pas à une
recommandation faite par le CRSSS, ils ont la possibilité de porter le
dossier devant la Commission des affaires sociales, sauf que, depuis dix ans,
il y a eu six ou sept cas qui ont été portés à
l'attention de la Commission des affaires sociales.
Donc, il n'y a jamais eu vraiment de volonté politique de la part
des CRSSS d'exercer ce mandat au niveau de la protection des droits. Nous
autres, on en vient à la conclusion que, finalement, ils ne peuvent pas
faire les deux en même temps et on pense que les régies
régionales, qui vont avoir des pouvoirs accrus au niveau de la
distribution des services, vont être encore plus en conflit
d'intérêts par rapport à ça.
Mme Oupré: Quant à la question plus large que vous
avez posée - parce que je pense que M. le ministre a posé une
question un peu plus large que strictement la question des plaintes - je vous
avoue qu'on n'a pas énormément discuté de cette question.
Disons qu'on voyait d'un bon oeil la recommandation de la commission Rochon en
termes de rapports avec la population, c'est-à-dire que les
administrateurs des conseils d'administration de la régie soient
élus, en partie parce que ça créait beaucoup un
intérêt dans la population, on pensait, compte tenu des enjeux de
la santé et des services sociaux et aussi - cela a été
mentionné tantôt, je pense, par le Conseil canadien du
développement social - parce qu'il y aurait même un
intérêt de plus grande recherche de l'information du
côté des médias par rapport à ce qui se passe
régionalement dans ce système. Mais on n'a pas
énormément discuté de cette question-là. Est-ce que
c'était mieux, est-ce que ce n'était pas mieux? Disons qu'on
voyait ça, je pense, d'un assez bon oeil, quoique, au niveau de ce qui
est actuellement proposé dans l'avant-projet de loi, on voulait que les
organismes communautaires soient davantage représentés aux
régies régionales.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais y aller
peut-être de manière un petit peu plus pointue, parce que vous
l'avez abordé... Vous nous dites: Au niveau des CRSSS, ils ont tous les
pouvoirs. Ce n'est pas très fonctionnel, à moins qu'on né
réussisse à régler tous les problèmes de plaintes
sans nécessairement aller à la Commission des affaires sociales.
Six plaintes, avez-vous dit, dans...
M. Rice: ...plaintes sur dix ans. (17 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): Pour l'ensemble du
Québec?
M. Rice: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Bon! Dans la mesure
où on achète votre proposition en disant: Créons un office
qui va régler les plaintes, est-ce que vous le voyez sur le plan d'un
office légal ou davantage d'évaluation? Parce qu'il y a une
distinction très nette entre les deux. On peut créer un office et
dire: On vous donne des pouvoirs, ça devient légal, tu ne fais
pas ci, tu
ne fais pas ça, on te tape sur les doigts, on te coupe ton
budget. Bon! Une série de mesures, ce qui devient très
légaliste par rapport à un comité de plaintes qui ferait
l'évaluation. En tout cas, j'ai un peu de craintes, si on embarquait
dans le légalisme à ce niveau-là. Et le rôle
précis de votre office, ça fonctionnerait... Le rôle, le
traitement des plaintes, et quand on va jusqu'au bout là, ça se
ferait comment?
La Présidente (Mme Marois): M Beaudoin ou M. Rice.
M. Rice: Oui, c'est ça. Bien, j'essaie de comprendre votre
question. Vous voulez dire...
M. Côté (Charlesbourg): Bien, écoutez. Ce que
vous voulez, voulez-vous un office comme un protecteur du citoyen, où il
va y avoir tout ce qu'il faut sur le plan de la panoplie des moyens sur le plan
légal pour être capable de régler des plaintes ou si c'est
d'autres choses qu'on va chercher?
M. Rice: Oui. Nous autres, une des principales lacunes qu'on voit
actuellement avec l'expérience des CRSSS, c'est qu'il n'y a aucune
instance qui a un pouvoir correctif par rapport aux établissements.
Même le Protecteur du citoyen a simplement un pouvoir de recommandation,
un pouvoir moral, sauf qu'il ne peut pas, il n'a aucun pouvoir correctif
à l'égard d'un établissement et quant à nous, c'est
une des lacunes importantes par rapport au système qu'on a là.
Actuellement, les CRSSS pourraient le faire. Quant à nous, actuellement
la mécanique qui est en place, elle est correcte, sauf qu'il n'y a
jamais eu de volonté de le faire comme du monde. Les CRSSS auraient la
possibilité de soumettre les plaintes ou les recommandations qui ne sont
pas suivies par les établissements à la Commission des affaires
sociales, sauf qu'ils ne le font pas. Mais le fait qu'il n'y ait aucun
organisme qui ait un pouvoir correctif, c'est une des principales lacunes du
système de traitement de plaintes actuellement.
Mme Dupré: Comment ça fonctionnerait? Bien, c'est
en annexe, si vous voulez, à notre... Il y a un projet, c'est un projet,
parce que c'est une idée un peu neuve quand même, cette
histolre-là d'un office de protection des droits des usagers et
usagères. Grosso modo, ce serait un office qui serait
créé, mais qui ne serait pas bureaucratique et des organismes de
défense de droits locaux, régionaux et même nationaux,
éventuellement, des fédérations, y seraient
associés étroitement. Des principes, c'est qu'il y a un conseil
d'administration au niveau national, il y en a aussi au niveau régional
et on retrouve plus de représentants d'usagers et d'usagères et
des organismes de consommateurs ou de défense de droits à ces
conseils d'administration. On peut trouver aussi des représentants
d'établissements. Par contre, les gens qui font partie de ces CA disons,
si c'est un conseil d'administration, sont rémunérés;
selon nous, c'est mieux. Et par contre, les gens qui sont représentants
d'établissements, à ce moment-là, ils sont
rémunérés par l'office dans leur rôle de
siéger au conseil d'administration. Grosso modo, c'est un rôle de
vigilance concernant tout le secteur de la santé et des services sociaux
et chaque année, il y a un rapport détaillé concernant
l'ensemble des plaintes qui ont été adressées à cet
office-là un peu partout. Il accrédite également les
associations de défense de droits aux niveaux local et régional.
Il nomme les représentants des usagers et usagères à
l'Office des professions, aux corporations professionnelles, aux comités
de discipline des corporations, à la Commission des affaires sociales et
II embauche tout le personnel de l'office. Ça, c'est au niveau national.
Les gens sont élus ou nommés, enfin selon ce que l'on a dit tout
à l'heure. Il y a des structures régionales aussi et les
principes de base, c'est que ces structures régionales là, comme
la structure nationale, sont indépendantes des établissements en
tant que tells et elles ont un pouvoir d'enquête, et elles ont même
une forme d'immunité. Il y a du personnel au niveau régional,
comme il y en a au niveau national et, entre autres, des avocats, des juristes
et une possibilité de faire un peu plus de recherche, peut-être
plus au niveau national.
Il y a un comité de vérification des plaintes qui est au
niveau régional. Il y a évidemment du personnel permanent, on en
a parlé. Les comités locaux de plaintes, eux autres aussi,
financièrement, sont indépendants des établissements et
ils ont aussi un pouvoir d'enquête et ce sont des représentants
des organismes de défense de droits qui siègent à ces
comités locaux et aussi des représentants
d'établissements, mais en minorité. Donc, ça c'est
vraiment au niveau local, là. Et il peut y avoir des plaintes concernant
des installations, il y peut avoir des plaintes concernant le personnel.
Évidemment, là il y a des choses à régler, à
clarifier, sur le pouvoir de ces comités de plaintes par rapport, par
exemple, au personnel. Et ce qu'il y a d'un peu spécial, c'est le
rôle de la Commission des affaires sociales, un peu comme la commission,
actuellement, fait au niveau de l'aide sociale et au niveau de la CSST: elle
devient une espèce de tribunal administratif, mais d'appel. On a eu des
exemples où il y a eu un certain nombre de plaintes, surtout des
plaintes plus sérieuses ou plus embêtantes à traiter qui,
finalement, se sont un peu perdues dans la bureaucratie. Alors, quand une
personne ou un organisme de défense des droits ne serait pas satisfait,
au niveau local ou régional, du traitement, de ce qui s'est passé
avec cette plainte-là, il y aurait une possibilité d'aller
à la Commission des affaires sociales. Je dois dire aussi que, pour
nous, ce n'est pas une
fin, les mécanismes de traitement de plaintes, c'est un moyen de
s'assurer que les usagers et usagères seront mieux respectés.
C'est aussi un moyen de s'assurer que les droits des usagers et usagères
soient respectés autant par le personnel, par les professionnels que par
les administrations. C'est pour nous un outil pour améliorer la
qualité des services et des soins et, dans certains cas, peut-être
sur la base des décisions de la Commission des affaires sociales, pour
établir d'une manière plus claire certaines normes, en termes
d'accessibilité à des services ou à des
possibilités, dans l'ensemble du réseau. Grosso modo.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, ça me
paraît une structure pas mal complète. Par rapport à ce
qu'on a entendu jusqu'à maintenant... On a eu l'expérience
d'ombudsmen. Ils sont venus nous dire: Si on était plus
indépendants financièrement, on pourrait peut-être faire
encore un meilleur travail que ce qu'on a fait jusqu'à maintenant. On a
vu des comités de bénéficiaires venir nous dire encore
hier, si je ne m'abuse: Nous, à Rlvière-des-Prairies, on a un
ombudsman et on veut le garder. Ce sont des bénéficiaires,
usagers et usagères, qui sont venus nous dire ça. Donc, dans
certains cas, ça fonctionne, il y a une bonne relation, malgré le
fait qu'ils soient financés par l'institution. Je comprends le
caractère délicat du lien entre celui qui te nourrit et celui qui
a à décider, mais on avait mis l'emphase sur la reconnaissance de
comités de bénéficiaires au niveau de chacun des
établissements. Est-ce qu'il n'y a pas là, déjà,
une base assez intéressante, dans la mesure où le financement ne
vient pas de l'institution, mais est davantage reconnu par le niveau
régional ou le niveau national?
M. Rice: II faut dire qu'on fait une distinction entre les
mécanismes d'accompagnement et les recours comme tels. Les
comités de bénéficiaires ou les services d'aide et
d'accompagnement dont on parlait dans le document d'orientation, ce sont des
ressources pour aider ou accompagner les gens dans les démarches pour
revendiquer leurs droits, mais ce ne sont pas des recours comme tels. Je pense
que c'est important de dissocier ou de distinguer les... C'est-à-dire
qu'une personne qui va au comité de bénéficiaires, elle va
là pour se faire aider, pour savoir où aller, où
s'adresser. Finalement, le comité va l'aider ou va l'assister dans cette
démarche-là. Ça, c'est un volet.
L'autre volet, c'est le recours comme tel. Sur ce
côté-là, je pense qu'il y aurait des
réaménagements à faire au niveau des recours. Notre
proposition touche plus la question des recours que la question de l'aide ou de
l'accompagnement.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que c'est
Mme Dupré qui, à un certain moment donné, nous a
dit: Le représentation à des conseils d'administration, groupes
communautaires, ça va, un tiers de l'établissement, mais il y
aurait une autre portion qui risquerait d'être occupée par des
professionnels. J'ai peut-être été distrait et je voudrais
peut-être vous réentendre là-dessus parce que, si ce sont
des sièges qui sont ouverts à la population, je pense qu'autant
le communautaire peut lui-même s'organiser pour le faire que les
professionnels.
Mme Dupré: Je peux en parler un peu et peut-être que
Roger pourra compléter par la suite. Ce que j'ai voulu dire, c'est que,
si ce sont des postes qui sont ouverts à la population, qui va avoir
intérêt à se présenter? Est-ce que c'est M. et Mme
Tout-le-Monde qui vont être un peu impressionnés par toute la
grosse structure des conseils d'administration regroupés ou si ce ne
sera pas des personnes, qu'on a qualifiées de quasi-professionnels de
gestion, qui vont se retrouver à plusieurs conseils d'administration, un
peu partout, qui sont habiles dans la gestion, qui vont se retrouver à
ces conseils d'administration là? Nous, on craint que ce soit ce type de
personne-là qui ait intérêt à siéger aux
conseils d'administration.
M. Beaudoin: Finalement, il a été dit beaucoup de
choses sur ça, sur le fait qu'il n'y avait pas assez de participation de
la base, autrement dit des gens qui ne sont pas nécessairement des
professionnels aux conseils d'administration, par exemple. Nous, on pense qu'il
y a peut-être deux éléments. D'abord, les gens s'impliquent
d'une manière bénévole, la plupart du temps, quand on
s'implique à part notre travail, quand on a un travail. Et ça
prend des mécanismes d'implication. De là l'idée de
développer les comités d'usagers, pas nécessairement
toujours dans le sens défense de droits exclusivement, mais aussi dans
le sens animation, animation de l'intérêt de la population dans un
secteur pour ce qui se passe dans un établissement.
Évidemment, dans certains cas, ce sera peut-être impossible
qu'il y ait un comité d'usagers, mais, à Montréal entre
autres, au CSS du Montréal métropolitain, il y a un comité
d'usagers qui a l'air de faire un travail très intéressant
d'animation. Et quand il y a ce genre de groupe-là qui existe, bien, il
y a vraiment un accueil à la participation. L'accueil à la
participation, dans une deuxième étape, à ce
moment-là, ça crée des gens qui, eux, sont
intéressés... Ils sont plus formés et ils peuvent
après ça devenir membres de conseils d'administration sans trop
être perdus, même si ce ne sont pas des professionnels de la
gestion. Donc, ça prend une espèce de mécanisme comme
ça, puis il faut encourager vraiment la participation des usagers et
usagères de la base.
D'autre part, la crainte, c'est que s'il n'y a pas de comité
d'usagers de cet ordre-là et, en plus, s'il y a beaucoup, beaucoup de
paperasse, d'administration, de finance, etc., alors, ça va être
plutôt des gens, des professionnels qui ne seront pas dans le domaine de
la santé et des services sociaux et ça va être des
administrateurs dans d'autres domaines, ou ça va être des
entrepreneurs. Ce sont des gens qui peuvent être très
intéressants. C'est juste qu'il ne faut pas que ce soit toujours ces
gens-là qui soient dans les conseils d'administration.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors,
l'usager et l'usagère sont encore au centre du questionnement. Vous nous
parlez aussi, cependant, au départ... Une personne est intervenue
beaucoup ici, devant cette commission, sur la grosse question de la
rémunération des producteurs. Alors, vous y allez très
carrément, votre choix est clair et définitif. Vous dites: On ne
s'en sort pas si on ne va pas vers le salariat des médecins. Bon, c'est
clair! L'État, ceux qui décident auront à choisir.
Si nous devions, par ailleurs, aller vers un certain nombre de
mécanismes de contrôle de la production des actes, si on demeure
dans un système à l'acte, est-ce que vous considérez que
celui qui paie, en l'occurrence, dans l'État du Québec, la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, devrait avoir aussi comme
mandat de contrôler la production des actes par les personnes qui
interviennent au niveau, bien sûr, du procossus médical? Est-ce
que la Régie de l'assurance-maladie du Québec devrait continuer
à simplement être un agent-payeur ou ne devrait pas être
aussi un agent contrôleur du nombre d'actes qui sont posés par les
producteurs médicaux?
M. Beaudoin: En excluant l'hypothèse du salariat.
M. Trudel: Oui.
M. Beaudoin: Supposons.
M. Trudel: Parce que c'est très clair, votre position est
claire là-dessus.
M. Beaudoin: O. K.
M. Trudel: Et l'État aura à décider, le
ministre actuel et le gouvernement auront à décider. Vous nous le
dites très clairement. Si ce n'était pas cela, est-ce qu'on
pourrait aller confier à un organisme te contrôle?
M. Beaudoin: Ça pourrait être possible, sauf
qu'à ce moment-là ce à quoi il faudrait faire attention...
C'est qu'à ce moment-là, possiblement, si jamais, par exemple,
pour le gouvernement, d'abord, son intérêt, c'est de diminuer les
dépenses et de gérer plus, c'est-à-dire d'essayer de
diminuer la croissance des actes médicaux, etc., ça pourrait
éventuellement être dangereux parce que ça pourrait
être des notions plus d'administration ou d'essayer de sauver de l'argent
à tout prix qui pourraient intervenir. Parce que ça va être
difficile à établir.
Donc, c'est une question délicate, évidemment. Par contre,
ce n'est pas impensable, mais à ce moment-là, il faudrait avoir
quelque chose de très précis et avoir des balises très
précises. Et je trouve que c'est délicat. On n'a pas beaucoup
pensé à une alternative à ça parce qu'on estimait
que le salariat, c'était vraiment bien, entre autres, pour la
qualité de la relation entre le professionnel et le consommateur ou la
consommatrice. Donc, on n'a pas beaucoup de réponses à ça,
à moins que Micheline ait le goût de commenter cette
possibilité-là: contrôler sans nécessairement le
salariat. (17 h 45)
Mme Ouellet (Micheline): Bien, moi, ce que j'aurais envie de dire
là-dessus, c'est que j'ai fréquenté les CLSC et, à
la suite d'une direction qui est intervenue, un changement, on m'a dit:
Écoute, tu ne peux plus venir au CLSC parce que tu appartiens à
la haute-ville. Alors j'allais à la basse-ville et, à partir de
ce moment-là, j'ai recommencé à magasiner des
médecins. La question que je me pose quand j'entends des intervenants du
milieu des affaires nous dire que nous sommes les abuseurs.. Je me dis que le
paiement à l'acte, finalement, est une porte ouverte à la
multiplication des actes. Parce que quand tu n'es pas satisfait, comme
bénéficiaire, tu vas voir un médecin, deux
médecins, trois médecins pour la même chose. Et je ne suis
pas sûre... Parce que quand j'étais au CLSC, il me semble que
j'avais un médecin qui était devenu quasiment mon médecin
de famille parce que j'étais satisfaite de la qualité que je
recevais dans ce CLSC. Alors depuis ce temps-là, je sais qu'au CLSC les
médecins sont payés à salaire. Et depuis que je n'ai plus
accès au CLSC de la basse-ville, je suis retournée à
différentes cliniques et, souvent, plus ou moins satisfaite du rapport
qu'on n'a pas. C'est-à-dire que la mentalité du médecin
à salaire, dans les CLSC, est bien différente de l'approche que
tu as avec le médecin en général.
Peut-être qu'il y a de très bons médecins aussi dans
la médecine privée mais, souvent, on rencontre des
difficultés au niveau de la qualité du rapport humain. Et
ça me dérange de voir que, dans le milieu des affaires, on nous
pointe du doigt nécessairement. Est-ce qu'il n'y aurait pas des abus de
la part des producteurs de services, les médecins? Ce qui, finalement,
de la façon dont c'est structuré, ça nous amène
à
peut-être... Ils font moins de prévention. Ils ont
peut-être... Moi, j'avais envie de parler de spéculation sur la
santé. Je dis que, ça ne devrait pas être ouvert, cette
Idée-là. Mais qu'est-ce qui dit que dans ce domaine-là
aussi, involontairement, on n'en arrive pas à ce même
résultat finalement? C'est un peu ce que j'avais à dire.
Ce que je voudrais compléter, avec le CLSC, à la question
que vous avez posée à Roger Beaudoin, c'est que la
différence entre le CLSC, est-ce qu'on devrait aussi vérifier...
s'il y avait seulement du salariat, est-ce qu'on devrait vérifier les
actes? Je pense que ça ne se poserait peut-être plus de la
même façon pour les actes posés. Parce que le salariat ne
court pas nécessairement à atteindre un chiffre d'affaires - si
je peux m'exprimer comme ça - alors qu'avec le paiement à l'acte,
on ne sait pas où ça s'arrête.
M. Trudel: oui, on a souvent l'impression du chiffre d'affaires
quand on regarde... et j'espère qu'on aura l'occasion d'examiner les
données là-dessus.
Mme Ouellet: Je voudrais ajouter de quoi aussi, parce que je
trouve qu'au niveau du droit des usagers et des usagères... Je n'avais
pas de problème dans les CLSC. À un moment donné, je me
suis mise à magasiner les médecins et, quand j'ai demandé
le droit à mon dossier médical, la réponse a
été de me dire: Non. Alors, j'ai insisté parce que j'avais
pris mes informations et, sachant que j'étais bien informée, la
personne, le médecin en question a fini par me remettre mon dossier,
mais en me faisant signer une lettre que j'ai en témoin, par laquelle je
refusais de venir à la clinique, je refusais, finalement, d'aller
chercher des soins à cette clinique-là. Il y avait, au moins,
trois médecins dans la clinique et je n'avais jamais eu affaire avec les
autres médecins. Et ça, je trouve que ce sont des choses que tu
ne rencontreras pas dans les CLSC parce que le médecin n'a pas la
même mentalité. J'ai déjà demandé mon dossier
dans un CLSC quand j'ai dû quitter le CLSC et on m'a dit: Oui, mais c'est
tant de la copie, il n'y a pas de problème. Alors que le médecin
dans la clinique privée, ça a été de me faire
signer une lettre que j'ai ici, d'ailleurs. Cette lettre témoigne que sa
réponse pour me donner le dossier, c'était. Oui, je te donne ton
dossier mais tu ne remets plus les pieds ici. Alors, l'hostilité qui
s'en dégage, c'est qu'à un moment donné, je n'avais comme
pas envie d'aller voir une clinique où je serais mal reçue.
Ça, je l'ai, cette lettre-là. Et mon but, ce n'était pas
de poursuivre le médecin, c'était d'avoir mon dossier. C'est ce
que je tenais à dire.
M. Trudel: C'est une belle pièce à déposer.
Je souhaite que vous envoyiez ça au ministre, comme autre
pièce...
Mme Ouellet: Je l'ai ici.
M. Beaudoin: On pourra vous l'envoyer, une fois qu'on aura mis du
blanc sur le nom du médecin.
La Présidente (Mme Marois): II faut respecter...
M. Trudel: La confidentialité.
M. Beaudoin: On pourra le faire, Micheline.
M. Trudel: À cet égard-là, j'ai bien
l'impression...
Une voix: Pardon?
M. Trudel: Alors, la carte à puce dans cette façon
de voir les choses.
Une voix: Oui.
M. Beaudoin: O.K. Vous voulez savoir ce qu'on pense de la carte
à puce, c'est ça? Écoutez, disons que ça pourrait
être intéressant, mais il y a des membres à l'ACEF qui
craignent énormément sur la question de la circulation de
l'information. Il y a déjà des problèmes. On ne les
connaît pas tous. Des histoires du style... une personne qui va aux
États-Unis, qui fait un accident, qui se fait soigner pour une affaire,
O.K., et qui revient au Canada et au Québec et qui, finalement, demande
au niveau des assurances, par exemple, une couverture quelconque et qui
reçoit un non parce qu'on a su qu'il y avait un diagnostic de telle
chose de posé alors qu'elle n'avait jamais communiqué
l'information. Enfin! Ça, c'est une chose qu'on n'a pas, c'est un
dossier qu'on n'a pas vérifié de bout en bout, mais ça
nous vient d'une personne quand même assez sérieuse. Et c'est le
genre de choses que si ça se passe, ce serait grave. Il y a beaucoup
d'informations qui circulent dans les milieux d'affaires, ce ne sont pas des
milieux d'affaires mais je veux dire des gens qui ont des choses à
vendre, O.K. et aussi au niveau des assurances, par exemple. Et ça,
c'est le genre d'information qui pourrait être très très
délicate. Comment peut-on faire pour se défendre contre
ça? Ça aussi, c'est difficile. Donc, ça pourrait
être utile mais il faut évaluer les dangers.
M. Trudel: Revenant sur les producteurs, moi qui suis originaire
d'une région éloignée, nous n'avons pas souvent le cas de
la surproduction parce qu'il n'y a pas de producteurs, il n'y a pas de
médecins. Il y a un organisme ici qui a énoncé la
possibilité que la pratique médicale au Québec, devrait
faire l'objet de l'obtention d'un permis avant, ou pour pratiquer, pour
établir une pratique. Un médecin veut aller pratiquer
actuellement, il peut aller dans n'importe quel coin de
rue, H y a douze cliniques sur telle rue à Montréal, dans
tel quartier, un treizième médecin peut très bien
décider qu'il va s'installer à l'autre bout et on note, en
passant, que le treizième vit toujours très bien, le
quatorzième aussi. Je ne sais pas si ce sont les médecins qui
font la maladie ou s'il y a d'autres causes. Qu'est-ce que vous pensez de cette
suggestion que tout médecin au Québec, pour pouvoir pratiquer et
intervenir dans une clinique privée comme ailleurs, ait l'obligation de
détenir un permis ministériel, ce qui nous permettrait,
évidemment, de répartir les effectifs médicaux d'une
façon plus respectueuse de là où sont les populations, de
répondre à un certain nombre de services fondamentaux et
d'éviter le cas, par exemple, que vous nous citez dans votre
mémoire? Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion-là?
M. Beaudoin: Est-ce qu'il y a un commentaire d'une personne?
À vrai dire, on n'a pas réfléchi à cette
question-là. Comme vous le savez, il y a beaucoup de choses dans
l'avant-projet de loi et il y a beaucoup de choses dans la question de la
santé et des services sociaux. Je dirai qu'effectivement on a des
groupes membres qui sont situés, par exemple, sur la Côte-Nord et
je sais qu'il y a des problèmes, sauf qu'on n'a pas encore de solution.
Je vous dirai que c'est une piste à évaluer, à discuter.
Je pense que ça peut être intéressant à
considérer comme hypothèse.
M. Trudel: Maintenant, sur le mécanisme des plaintes, la
création de l'office que vous suggérez... Vous nous diagnostiquez
très bien que l'usager et l'usagère, dans le système
actuel, sont très peu protégés au niveau des
possibilités d'appel et d'examen sérieux, à savoir si on a
respecté ou non leur droit, s'ils ont eu la qualité de services,
s'ils ont eu le service auquel ils avaient droit. Je pense qu'on peut convenir
de ça. Mais n'avez-vous pas peur, avec la création d'un office
comme celui que vous suggérez, qu'on s'en aille vers un processus de
judiciarisation énorme? Là, j'imagine tout de suite, vous voyez
que de vouloir bien encadrer, et avec raison, les droits des usagers et des
usagères, ça veut dire qu'on s'en va dans la machine judiciaire
où, supposons, une institution hospitalière, un
établissement va évidemment vouloir se faire entendre, va faire
appel à la batterie de support juridique qu'elle peut se payer. Est-ce
qu'on ne serait pas en train de monter une espèce de supersystème
de judiciarisation d'un système et est-ce qu'on ne va pas se
réveiller avec un autre monstre bureaucratique? Et, parce que le temps
fUe, est-ce qu'on ne peut pas penser - on verra votre réponse sur la
première partie - que donner la responsabilité au Protecteur du
citoyen, quant à la protection, mais surtout de régionaliser,
parce que ce n'est pas tout de donner un droit, un endroit où on peut
exercer un droit, il faut encore qu'on y ait accès et que ce soit
possible... Est-ce que toute la mécanique illustrative que vous nous
avez présentée - vous l'avez dit, c'est un exemple - ne pourrait
pas passer par un élargissement des responsabilités du Protecteur
du citoyen, actuellement, avec une organisation de réception et de
traitement - c'est important - des plaintes, de support au traitement des
plaintes via des supports régionaux sans un territoire du CLSC.
M. Rice: Je vais commencer par la deuxième question au
sujet du Protecteur du citoyen. Ça fait l'objet de longues discussions
de la part du comité santé. C'est-à-dire que ça
peut être une piste de donner un mandat au Protecteur du citoyen, sauf
qu'on a quand même un certain nombre de réserves. Une des
premières réserves qu'on a, et vous l'avez souligné, c'est
que les bureaux du Protecteur sont centralisés à Québec et
à Montréal puis, pour nous, pour avoir une mécanisme de
plaintes efficace, il faut que ce soit accessible pour les personnes qui
habitent en région, il faudrait qu'elles puissent avoir accès
à ce recours-là. Donc, ça impliquerait une
régionalisation majeure des bureaux du Protecteur du citoyen. Je pense
que vous avez à jongler avec cette hypothèse-là parce que
j'imagine que ça peut impliquer des coûts assez importants
aussi.
L'autre problème qu'on avait, surtout par rapport à la
proposition qui était dans le document d'orientation, c'est que le
mandat du Protecteur du citoyen était limité à un certain
nombre de groupes cibles dits vulnérables. Dans le document
d'orientation, on disait que la juridiction du Protecteur du citoyen serait
élargie, mais en regard des personnes âgées, des personnes
ayant une déficience intellectuelle ou des personnes ayant un
problème de santé mentale. Pour nous, il faudrait avoir un
système de recours qui s'applique à l'ensemble de la population
et non par rapport à des groupes cibles, même si on pourrait, dans
ce cas-là, privilégier un certain nombre de groupes qui sont
peut-être plus vulnérables que d'autres.
L'autre problème qu'on avait avec le recours au Protecteur du
citoyen, puis je l'avais mentionné tantôt, c'est que le Protecteur
du citoyen n'a aucun pouvoir correctif comme tel à l'égard des
établissements. Il a certainement un pouvoir de recommandation. Il a un
pouvoir moral à l'endroit des établissements. Ce
recours-là est quand même efficace, sauf qu'on se demandait, dans
le cadre du type de plaintes qu'on reçoit, dans le domaine de la
santé, qui est très différent du type de plaintes que le
Protecteur peut recevoir par rapport à des ministères, tu sais,
quand on parie de la qualité des soins, etc., est-ce que ce
recours-là serait tout aussi efficace dans le domaine de la santé
comme il peut l'être dans d'autres secteurs?
Ce sont des questions qu'on se posait. C'est pourquoi on vous propose la
création d'un office, plutôt que du Protecteur. Mais, il faut dire
que la question du Protecteur n'est pas à exclure
systématiquement non plus.
M. Beaudoin: Juste pour ajouter quelque chose rapidement.
L'office a un pouvoir correctif au niveau des établissements, alors que
le pouvoir du Protecteur du citoyen ne l'a pas. Et deuxièmement, il y a
un mécanisme d'appel au niveau de la Commission des affaires sociales,
ce qui est différent du Protecteur du citoyen.
M. Trudel: Ce que vous constatez, à tout le moins, c'est
que, au niveau du traitement des plaintes, actuellement, le projet de loi est
insuffisant et on doit prévoir autre chose. Vous nous amenez une
suggestion et vous n'en refusez pas une autre qu'il faudra regarder comme il
faut.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation aux membres de la commission. Nous allons maintenant
suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 5)
Association du Québec pour enfants avec
problèmes auditifs
La Présidente (Mme Marois): La commission des affaires
sociales va reprendre ses travaux. J'inviterais les représentantes et
les représentants de l'Association du Québec pour enfants avec
problèmes auditifs à venir prendre place à l'avant, s'il
vous plaît. Pendant que le groupe s'installe, j'aimerais peut-être
rappeler aux membres de la commission que demain matin il est prévu que
l'on commence à 9 h 30. D'accord? Et il est possible que l'on reprenne
en après-midi, à 14 h 30, je crois. C'est cela?
Alors, bienvenue à la commission. Nos règles ne sont pas
très compliquées: une vingtaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire. Si moins de temps vous suffit,
vous le resserrez, c'est tout. Par la suite, les représentants du
gouvernement, le ministre de la Santé et des Services sociaux, le
critique de l'Opposition, partagent avec vous des commentaires ou vous
questionnent sur le contenu de votre mémoire.
Alors, j'aimerais que Mme Fortin, j'imagine, ou MmeChevrier...
Mme Chevrier (Madeleine): Mme Chevrier.
La Présidente (Mme Marois): ...qui êtes
présidente, vous nous présentiez les personnes qui vous
accompagnent.
Mme Chevrier: On comptait se présenter chacun
soi-même.
La Présidente (Mme Marois): Pas de problème.
Mme Chevrier: Madeleine Chevrier, présidente provinciale
de L'AQEPA, parent d'un grand garçon de 20 ans, sourd profond.
Mme Bédard (Odette): Odette Bédard, je suis
mère d'un garçon de six ans qui est déficient auditif
profond et je suis également présidente du secteur de
Québec de l'Association du Québec pour enfants avec
problèmes auditifs.
M. Bergeron (Gaétan): Bonjour, moi, c'est Gaétan
Bergeron. Je suis papa d'une petite fille devenue sourde à la suite
d'une méningite, une petite fille de deux ans et demi et je suis sur
l'exécutif de l'AQEPA provinciale.
Mme Ducharme (Marie-Noël): Bonjour, mon nom est
Marie-Noël Ducharme. Je suis permanente à l'Association
provinciale.
La Présidente (Mme Marois): Bonjour, bienvenue.
Mme Chevrier: L'Association du Québec pour enfants avec
problèmes auditifs est un organisme sans but lucratif regroupant des
parents, des intervenants, des jeunes déficients auditifs et leurs amis
autour d'un but commun: améliorer le sort des jeunes déficients
auditifs, depuis la naissance jusqu'au marché du travail. Depuis sa
création en 1969, l'AQEPA s'intéresse de très près
au système de santé et des services sociaux
québécois, puisque celui-ci dispense des services essentiels au
développement des jeunes déficients auditifs. L'Association est
intervenue à maintes reprises au cours des 20 dernières
années pour faire reconnaître le droit de ses enfants à des
services sociaux d'adaptation ou de réadaptation de qualité
accessibles en nombre suffisant. C'est dans cette même optique que
l'AQEPA a participé aux audiences publiques entourant la commission
Rochon, aux "Orientations" qui ont suivi, jusqu'à l'actuel projet de
loi.
Avant toute chose, il est bon de rappeler l'importance que revêt,
pour chaque enfant ayant une déficience auditive, l'intervention du
système de santé, depuis le diagnostic jusqu'à
l'intégration scolaire, en passant par l'appareillage, la stimulation du
langage et de la communication, afin de lui assurer les moyens d'une
intégration harmonieuse dans la société. Nous
n'insisterons jamais assez sur l'importance cruciale d'un dépistage et
d'une intervention rapide, complète et continue, dès les
premières années de leur
vie, puisque cette étape correspond à l'acquisition du
langage. Cola peut présenter toute la différence entre une
Intégration scolaire et sociale réussie ou le début d'un
retard irréparable.
Malgré cela, en 1990, plusieurs territoires du Québec
n'offrent que peu ou pas de services pour les enfants Fréquemment, en ce
moment, des parents de la Gaspésie et do l'Outaouais sont forcés
d'aller chercher des services d'audiologie dans la province voisine. Et
même si la réalité est plus aiguë en
périphérie, l'accessibilité et la continuité des
services sont aussi compromises dans les grands centres. Et que dire de la
pénurie chronique d'orthophonistes qui prive systématiquement
plusieurs enfants de thérapie pendant les précieux mois de leur
petite enfance? À ce chapitre, force nous est de constater que
près de vingt ans après la création d'un système de
santé et de services sociaux au Québec, et malgré
d'incessantes demandes, les services reliés au dépistage,
à l'adaptation et à la réadaptation en surdité
accusent toujours les mêmes lacunes. C'est là notre
prémisse de base dans l'évaluation de la réforme à
venir.
Le présent mémoire est séparé en trois
parties: des remarques générales sur les enjeux du projet de loi,
des remarques concernant les nouvelles propositions du projet de loi et des
propositions de modifications.
L'enjeu premier: améliorer l'accessibilité. L'AQEPA se
réjouit des orientations retenues dans l'actuel projet de loi, notamment
en ce qui a trait à la décentralisation des services, à
l'introduction du plan de services et à la reconnaissance du rôle
des organismes communautaires ainsi que du rôle accru des
bénéficiaires dans le processus décisionnel. Nous sommes
d'avis que, devant la complexité croissante du système de
santé et de services sociaux, les régions du Québec et
leur population respective sont les mieux placées pour identifier
l'ensemble de leurs besoins et y répondre. Mais il faut comprendre que,
pour nous, les axes de ce projet de réforme demeurent valables pour
autant qu'ils assureront l'accessibilité des services en qualité
et en nombre suffisant pour les enfants déficients auditifs du
Québec.
L'accessibilité des services, voilà, pour nous, le
véritable enjeu de cette réforme. Dans cette perspective, nous
tenons à rappeler à votre attention quelques
éléments clés du "puzzle", garants du succès de
cette réforme. En effet, une constante demeure parmi les buts
visés par les membres de l'AQUA, il s, agit de services de
qualité le plus près possible de chez eux. Mais si la
décentralisation projetée veut dire une poignée d'enfants
et de parents déficients auditifs isolés dans une région
donnée, qui doivent eux-mêmes, sons bénéficier du
poids du nombre, faire pres sion auprès des autorités locales et
régionales pour obtenir des services, l'idée de
régionalisation risque de rater sa cible.
Des espoirs teintés de scepticisme. Ce projet de loi s'inscrit,
selon nous, dans une conjoncture caractérisée par des contraintes
budgétaires et administratives qui auront des impacts certains, non
seulement sur l'application de la loi et de sa réglementation, mais
également sur les conditions de vie des jeunes et des parents quo nous
regroupons Le Québec est entré, depuis quelques années,
dans ce que certains ont appelé "crise de l'État-proidence".
Cette situation s'est traduite pour plusieurs par une diminution sensible des
services auxquels ils devaient s'attendre. Les listes d'attonto se sont
allongées dramatiquement, autant à l'OPHQ que dans les
différents établissements de services. Des programmes ont
été coupés ou diminués. Corrélativement, le
gouvernement et les dispensateurs de services ont adopté
différentes mesures visant, ultimement, à restreindre les
coûts engendrés par le développement des services.
Rôle futur de l'OPHQ. Ainsi, nous ne pouvons passer sous silence
notre inquiétude devant l'évolution actuelle de la situation de
l'ensemble des enfants handicapés, dans le contexte de la disparition du
mandat d'aide palliative, avec les transferts des programmes de l'OPHQ. Les
programmes transférés au ministère ne jouissent plus de
cette garantie et iront se dissoudre dans une mer de besoins. Cette
perspective, ajoutée à celle de la disparition du rôle de
guichet unique que joue, actuellement, l'OPHQ, donne à penser que
l'accessibilité et le développement dos services seront
compromis.
Comment le ministère entrevoit-il le rôle de l'OPHQ dans la
coordination des plans de services9 De qui relèvera,
désormais, le financement des organismes de base de personnes
handicapées, compte tenu des nouveaux modes de financement
annoncés? De l'OPHQ ou du ministère? Nulle part, ni dans les
"Orientations", ni dans l'actuel projet de loi, n'est-il fait mention des
orientations du gouvernement quant aux engagements de la politique "À
part... Égale" et des rôles futurs de l'OPHQ. Nous sommes
déçus et inquiets que cette question ait été
escamotée à toutes les étapes qui ont
précédé et jusqu'à ce projet de réforme.
Nos membres et les membres d'autres organismes semblables au nôtre
aimeraient, dès maintenant, recevoir une réponse, si courte
soit-elle, à la question suivante: Qu'adviendra-t-il de l'OPHQ, une fois
la loi adoptée et les transferts de programmes
complétés?
La mission MSSS MFQ. Il en va de même pour les efforts entrepris,
il y a quelques années, dans le cadre de la mission MSSS-MEQ, afin d'en
arriver à un meilleur partage des rôles et des
responsabilités des deux ministères dans la prestation des
services aux élèves handicapés. II semble que les
principes de porte d'entrée unique ainsi que les autres garanties qui
devaient sous-tendre les travaux de cette mission n'aient pas
donné de résultats concrets.
Enfin, nous espérons que, dans l'élaboration de vos
politiques ultérieures, vous ne négligerez pas les mesures qui
ont contribué, jusqu'à maintenant, à l'intégration
des enfants déficients auditifs dans la société. Le
processus de désins-titutionnalisation amorcé il y a une
quinzaine d'années relève d'un choix de société. Le
mouvement est amorcé et bien amorcé. Pourtant, en
déficience auditive, beaucoup reste à faire. Cette année,
l'Association des centres d'accueil du Québec en a fait sa
priorité, car il ne suffit pas de sortir les sourds des institutions et
les malentendants des ghettos pour assurer leur intégration. Des mesures
pour pallier fa déficience et supporter l'intégration sont
nécessaires dès la petite enfance.
À cet effet, nous nous croyons en droit de profiter de la tribune
qui nous est offerte pour attirer votre attention sur la situation critique qui
prévaut actuellement au Québec dans les services d'adaptation et
de réadaptation offerts aux enfants de 0 à 4 ans en stimulation
précoce. L'augmentation des demandes, notamment dans la région de
Montréal, a eu pour effet, au cours de la dernière année,
d'embourber les services et de faire allonger l'attente des enfants et des
parents pour l'obtention des services essentiels et ce, d'une façon tout
à fait intolérable. Nous vous prions, M. le ministre,
d'intervenir le plus rapidement possible dans ce dossier. Il en va de l'avenir
de nos enfants.
Plus précocement ces mesures sont prescrites, moins les
répercussions sont coûteuses à long terme pour le
gouvernement et pour l'ensemble de la société. C'est la logique
du "investir au départ ou débourser pour toute une vie", logique,
il faut le dire, plus compatible à la famille qu'à des
gouvernements élus aux quatre ans.
Politique familiale. Justement, les familles ont, elles aussi, leurs
limites. La présence d'un enfant handicapé dans la famille
représente une responsabilité parfois accablante. C'est
d'ailleurs une des conséquences notoires du processus de
désinstitutionnalisation au Québec. Telles qu'elles sont
maintenant devenues, il serait illusoire de demander aux familles de se
substituer à l'État. Tout en demeurant les premiers intervenants
auprès de leurs enfants, les parents ont besoin, pour supporter leurs
enfants, d'être supportés à leur tour.
Pour toutes les raisons évoquées ci-haut, nous demandons
donc que le ministère se penche d'une façon prioritaire sur les
problèmes des personnes handicapées et qu'il se prononce
clairement sur l'avenir de l'OPHQ et de ses rôles futurs; que le ministre
se prononce également sur une politique d'ensemble en santé et
services sociaux et ce, dans un délai rapproché; que le
gouvernement reconnaisse le rôle primordial de la famille et de la
communauté et leur contribution à la santé et au
bien-être de la population. Cette reconnaissance doit passer par une
véritable politique de soutien aux familles.
Le droit au plan de services, pour des catégories de personnes
requérant plusieurs ressources, constitue une mesure importante et
consacre un outil généralement reconnu pour assurer la
coordination et un meilleur suivi des enfants ayant une déficience
auditive. Cependant, le fait que le plan de services soit élaboré
par l'établissement qui dispense la majorité des services nous
laisse perplexes quant à son efficacité et à sa
portée. Ainsi conçu, le plan de services apparaît
plutôt comme une formule administrative regroupant les différents
plans d'intervention que comme un outil dynamique au service des
bénéficiaires, car comment imaginer qu'un établissement
seul, déjà accablé par sa propre demande, puisse
intervenir dans les champs de responsabilité d'autres
établissements, à moins que ceux-ci ne fonctionnent
déjà en équipes multidisciplinaires
interétablissements?
Par ailleurs, il est significatif qu'aucun mécanisme n'ait
été prévu pour assurer la coordination des interventions
qui dépassent du réseau de la santé et des services
sociaux. Les services éducatifs et le transport sont souvent fortement
imbriqués dans l'ensemble des services aux enfants déficients
auditifs. Déjà, des ententes de services ont cours entre
établissements de santé et d'éducation, et ces structures
de concertation, lorsqu'elles existent, demeurent fragiles en raison de
l'absence de partage clair de responsabilités entre le ministère
de la Santé et des Services sociaux et le ministère de
l'Éducation.
En conséquence, il est recommandé que le ministère
confie la coordination des plans de services à une instance
indépendante, relevant de la régie régionale, et que le
ministère étende également la portée de ces plans
de services au réseau scolaire.
Les mesures prévues dans l'actuel projet de loi sont lourdes de
conséquences pour les organismes communautaires puisqu'elles instituent
clairement, pour l'avenir, deux catégories d'organismes communautaires:
les dispensateurs de services et les organismes de promotion et de
défense des droits d'un groupe de personnes donné. À cet
effet, l'utilisation du mot "usager" pour désigner les membres ou les
personnes qui fréquentent ces organismes en dit long sur la perception
du rôle de ces organismes.
Lors des consultations entourant la commission Rochon, l'AQEPA
s'était réjouie de l'emphase accordée à la
reconnaissance des organismes communautaires. Simple organisme d'entraide de
parents d'enfants sourds et malentendants à ses débuts, l'AQEPA
est vite devenue le point de ralliement de tous ceux qui travaillent au
mieux-être des jeunes déficients auditifs. Parce qu'ils sont unis
autour d'une seule et même problématique, les membres retrouvent
en l'AQEPA cette dimension humaine et communautaire qui fait
défaut à un système étatique par trop
bureaucratique. Toutefois, le soutien alloué à l'AQEPA et aux
organismes à vocation semblable doit se garder d'être
utilisé pour dispenser les services qui relèvent de la
responsabilité du ministère. Une telle formule aurait pour effet
de court-circuiter notre travail d'évaluation des besoins des enfants
déficients auditifs en regard de l'organisation des services
dispensés par le système en place. En aucun cas, la ressource que
constituent les organismes communautaires ne saurait se substituer à
l'État quant à son mandat de pourvoyeur de services de
santé et de bien-être, sinon ils seraient réduits à
fournir des services à rabais. Notre fonction dans le système de
santé doit en être une de partenariat et non pas de compensateur.
En conséquence, il est recommandé que les subventions
accordées aux organismes qui dispensent des services d'aide et de
support ne suppléent en rien aux responsabilités des
établissements du réseau; que les regroupements des organismes
communautaires soient admissibles à des subventions, à
défaut de quoi, les organismes membres devront recevoir du gouvernement
des sommes suffisantes pour assurer l'existence de tels organismes.
La création de conseils d'administration formés en partie
d'usagers et de représentants de la communauté consacre la
volonté du gouvernement de rapprocher les services de la population. Si
le principe est excellent, dans ce cas-ci, les moyens pour y arriver sont plus
douteux. En effet, l'idée d'un seul conseil d'administration
géré par des bénévoles plus familiers avec les
problèmes du groupe auquel ils appartiennent qu'à la
complexité d'un grand territoire, que ce conseil puisse gérer
à lui seul une trentaine d'établissements et même plus nous
laisse perplexes. Par ailleurs, les fonctions et les pouvoirs de ces conseils
d'administration demeurent obscurs, notamment en regard des prérogatives
des régies régionales. Il est d'ailleurs ironique que le ministre
n'ait pas cru bon de les clarifier dans la loi, considérant l'importance
de cette nouvelle structure. Pour ces raisons, les conseils d'administration
des établissements sont perçus par notre association comme des
relais administratifs déguisés en instances démocratiques
décisionnelles.
En revanche, les régies régionales s'affirment comme les
véritables lieux décisionnels du réseau de la santé
et des services sociaux. Mais là encore, la nature encore
inusitée d'une telle structure recèle des dangers qu'il est
important de souligner. Encore une fois, la gouverne d'un territoire
donné est confiée à un conseil d'administration
formé de représentants de la population, mais, cette fois, une
région entière leur est confiée, un véritable petit
gouvernement. La gestion et la répartition des ressources sur de si
vastes territoires appellent indéniablement une grande
compétence. Si tant est que légitimité ne contredit pas
efficacité, nous sommes prêts à accorder crédit
à une telle démarche, mais non sans une certaine
appréhension. La possibilité d'élire les membres des
régies présuppose l'émergence d'approches variées
de gestion ainsi que l'apparition de rapports politiques de forces dynamiques
en présence. Il est clair que les groupes les plus importants et les
mieux articulés sont favorisés par cette structure.
Il n'en va pas de même pour une problématique aussi
particulière que la déficience auditive, à plus forte
raison qu'il s'agit d'un handicap invisible et dont les conséquences
bien réelles sont encore largement méconnues,
sous-estimées, donc négligées. Il s'agit d'ailleurs d'une
variable intrinsèque et historique à l'ensemble des personnes
ayant une déficience auditive. Compte tenu que plusieurs régions
ne disposent d'aucune structure de services en adaptation et
réadaptation, que certains territoires ne sont pas couverts par les
services et que les outils épidémio-logiques de recherche sont
très pauvres, la problématique surdité risque d'être
reléguée au second plan.
En conséquence, nous recommandons que des mécanismes
soient mis en place pour tenir compte des problématiques
particulières telles que la déficience auditive à
l'intérieur du processus décisionnel des régies
régionales; qu'un statut d'institut universitaire soit accordé
à un centre de réadaptation en déficience auditive qui
offre déjà des services suprarégionaux, afin de coordonner
la recherche et d'accroître la visibilité et la reconnaissance de
la déficience auditive.
Dans cette dernière partie, nous avons relevé sans
exhaustivité quelques articles dont la formulation nous laisse
insatisfaits. L'article 2. Le ministère indique, au premier paragraphe
de l'article 2, son intention de "...favoriser la réadaptation des
personnes et diminuer l'impact des problèmes qui compromettent
l'équilibre, l'épanouissement et l'autonomie des personnes." Cet
énoncé est incomplet puisqu'il omet une partie importante et
cruciale pour le développement des enfants ayant une déficience
auditive, celle de l'adaptation.
Dans le cas des enfants déficients auditifs, les services les
plus couramment requis sont en adaptation, c'est-à-dire pour les enfants
qui présentent une déficience auditive natale ou postnatale.
Citons seulement les besoins en audiologie, en orthophonie, en apprentissage de
la lecture labiale ou du langage gestuel, en appareillage et en adaptation
fonctionnelle, en support psychosocial, en soutien à
l'intégration scolaire et sociale.
Les services de réadaptation s'adressent plutôt à
des personnes devenues sourdes suite à un accident ou à une
maladie, et qui doivent réapprendre à fonctionner
différemment. Il est déplorable qu'après une dizaine
d'années d'efforts dans l'établissement des services et de
programmes destinés à la clientèle déficiente
auditive et handicapée en général par le ministère,
ce
dernier ait même omis de l'inclure dans ses objectifs de base. De
là à croire que cette omission reflète l'importance
accordée aux services d'adaptation pour les enfants déficients
auditifs, il n'y avait qu'un pas, que nous nous sommes permis de franchir.
En conséquence, nous proposons d'inclure, au premier paragraphe
de l'article 2, l'accès à des services d'adaptation comme faisant
partie des services accessibles dans le système de santé et de
services sociaux.
En conclusion, nous avons été déçus et
inquiets de constater que des aspects majeurs de la réforme aient
échappé à la législation en se faisant
reléguer au plan de la réglementation du ministère ou des
régies régionales. Conscients que la restructuration du
réseau de santé et des services sociaux passe autant, sinon plus,
par l'épreuve de la réalité que par la législation,
nous insistons pour que le ministère associe les groupes comme le
nôtre au processus de réglementation ainsi qu'à la mise en
oeuvre d'une véritable politique de santé et de services
sociaux.
Finalement, ce sur quoi nous voulons attirer votre attention, c'est
l'accessibilité des services, l'adaptation, réadaptation pour la
petite enfance, donc, les 0-4 ans, et tous les transferts de l'OPHQ qui ont
quand même une incidence au niveau des services des jeunes
déficients auditifs.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme Chevrier. M. le
ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci bien. Abordons
directement - parce que vous avez posé des questions dans votre
présentation - le rôle de l'Office. Le gouvernement s'est
retrouvé dans une situation où l'Office, l'OPHQ, se trouvait
à la fois dans une situation de défense et de promotion, et en
même temps dispensateur de services. Et tout le monde convient, ou
à peu près, que cela le place dans une situation pas très
très confortable. C'est un peu ça qui a été
interpellé. C'est à ce niveau-là qu'il y a eu beaucoup de
discussions, compte tenu de toute la problématique de règlement
des listes d'attente au niveau de l'OPHQ et qui, annuellement, ou aux six mois,
requérait des sommes d'argent additionnelles.
Les budgets de l'Office ont quand même été
augmentés de manière très substantielle sans
nécessairement, pour autant, que les listes d'attente diminuent, elles,
de même. C'est pour ça qu'il y a eu cette décision de
transférer certains programmes de l'OPHQ vers des ministères qui
pourraient être - et je le dis avec tout ce que ça comporte comme
mise en garde - plus aptes à donner ces services. Le rôle
fondamental de l'OPHQ, d'après moi - si vous n'êtes pas d'accord,
vous me le direz, on est là pour échanger des idées -
c'est: promotion et défense des intérêts. Non pas de
dispenser des services. Si je ne me trompe pas, dans la politique "A part...
égale", ce qu'on souhaitait, c'était l'intégration avec
des budgets palliatifs au niveau de l'OPHQ. Ce n'est pas ça qui se
passe. C'est qu'on traite de manière différente alors qu'en
intégrant à l'intérieur des ministères - et
ça ne se fait pas de manière si facile que ça, on l'a vu
la semaine dernière avec le regroupement du conseil d'administration de
l'OPHQ et des représentants de toutes les régions du
Québec - ça ne se fait pas de manière facile.
Mais, essentiellement, le rôle de l'Office, si on en arrive
là et il arrive un consensus, c'est promotion et défense des
intérêts.
Mme Ducharme: Je vais peut-être me permettre de vous
répondre là-dessus. L'AQEPA, aucun problème,
reconnaît le principe que vous avez énoncé. On pense,
effectivement, que l'OPHQ à l'origine a été
créé pour défendre, et d'une façon secondaire au
fond, donner des services d'une façon palliative. Au fil de l'histoire,
ce mandat a été enflé d'une façon qu'il semble que
l'office ne soit plus en mesure de jouer son rôle. Le gouvernement ne lui
permet plus de jouer son rôle d'aide palliative adéquatement. Ce
qu'on retient, dans le fond, comme interrogation, c'est, premièrement,
est-ce que l'OPHQ accordait toutefois dans le cadre de son rôle
palliatif, c'est-à-dire les principes d'individualisation des services,
complémentarité, développement au fond, parce que l'OPHQ
permet souvent d'intégrer des modèles innovateurs qui,
éventuellement, sont devenus monnaie courante dans les
ministères... Est-ce que ces fonctions-là vont être
maintenues dans la perspective d'un transfert des programmes? Ça, on
s'inquiète de ça. (20 h 30)
L'autre aspect, c'est que, comme on le dit dans notre mémoire,
dans le fond, l'impression qu'on a c'est que le transfert se passe à la
fois en douce parce qu'on n'en entend parler nulle part, ça ne fait pas
partie, semble-t-il, des priorités du gouvernement, ça se fait un
peu en douce. Par ailleurs, c'est un bulldozer qu'on a de la difficulté
à maîtriser, parce que les programmes sont en train d'être
transférés. Alors, nulle part, ni dans la Commission Rochon, ni
dans les "Orientations" de Mme Lavoie-Roux, ni dans l'actuel projet de loi, on
a eu d'indices sur les intentions du gouvernement de ce qu'il allait faire.
Alors, c'est ce qui nous inquiète. Mais rassurez-vous, sur le principe,
on est d'accord. Sur les moyens, là on est inquiets, on est vraiment
inquiets.
M. Côté (Charlesbourg): Vous n'êtes pas la
seule à véhiculer le message d'inquiétude parce que la
semaine dernière, j'ai rencontré le conseil d'administration de
l'OPHQ, COPHAN, les regroupements régionaux où on a fait le point
sur le
transfert des programmes et il y a cette Inquiétude. Tout le
monde convient que tout le monde s'est entendu pour que l'OPHQ revienne
à son rôle premier. Il y a un peu d'inquiétude parce que,
évidemment, le niveau d'acceptation au niveau de certains
ministères n'est pas ce que l'on souhaiterait. Et c'est là que
commencent les inquiétudes. Est-ce qu'on aura autant d'écoute
dans un ministère que nous en avons eu à l'OPHQ. Je le comprends
parce que si j'étais dans votre situation, ce serait probablement le
même phénomène et c'est un transfert de programme qui met
du temps à s'appliquer au niveau du transport, par exemple, dans le cas
des CRSSS, parce qu'il y a deux programmes de transférés, et au
niveau de l'aide matérielle.
Mais, c'est ça que l'on veut faire. Moi, je n'ai pas voulu le
faire seul, j'ai voulu faire le point avec tous les intervenants, à tout
le moins, ceux qui se retrouvent à l'intérieur de l'OPHQ et c'est
ça qu'on essaie de faire maintenant, de dire qu'est-ce qu'on a fait qui
n'est pas correct et qu'est-ce qu'on devrait faire pour que ça soit
correct. Et c'est ça qui se passe au moment où l'on se parte et
évidemment on a une côte à monter sur le plan de la
crédibilité de l'opération. Une chose qui est certaine
c'est que ça se fait, actuellement, avec la complicité de l'OPHQ
et de gens qui ont été mandatés par l'OPHQ et les
différents intervenants, et vous avez raison de dire que l'information
ne circulait pas. Il y avait seulement une certaine information qui circulait,
compte tenu des intérêts de certains individus ou de certains
regroupements au niveau de ce transfert. Et la réunion de la semaine
dernière qui sera suivie d'une autre dans un mois ou un mois et demi,
c'est effectivement pour que l'information circule, pas seulement pour rassurer
les gens, mais pour bien s'assurer nous-mêmes qu'on fait ce qu'on a
à faire dans le meilleur intérêt de ceux qui se retrouvent
bien défendus par l'OPHQ.
Mais c'est clair, le rôle futur, promotion et défense, et
les ministères responsables et ce qu'on a fait sur le plan des
programmes, c'est qu'on va d'abord se permettre de bien livrer les deux qui
sont en cours, les autres on prendra le temps de le faire, mais bien sûr
en s'assurant que l'OPHQ puisse être palliatif en attendant qu'on puisse
faire un transfert selon des conditions normales.
Mme Ducharme: En fait, si on a un souhait à formuler dans
le fond, ça serait que, en votre pouvoir de ministre responsable de
l'OPHQ, dans un contexte de transfert, vous puissiez mobiliser et informer le
plus grand nombre de personnes possible, les titulaires de chacun des
ministères concernés, entre autres, pour les inviter à
réfléchir sur les enjeux de ce transfert-là, de
façon à ce que les acquis de l'OPHQ ne disparaissent pas.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, je pense que oui, sur
le plan de la philosophie et que cette philosophie-là puisse être
dans la pratique. Un des problèmes extrêmement importants qu'il
faut se rappeler et qu'il faut se dire dans ce transfert des programmes...
Prenons le transfert scolaire, l'adaptation scolaire qui n'est pas
transférée. Au moment où je suis arrivé, on m'a
dit: II faut aller chercher 9 000 000 $, ça presse pour le transfert
scolaire en plein milieu de l'année scolaire. J'ai dit: Pour combien
d'élèves. On m'a dit: 762. J'ai dit: Où sont-ils? Parce
que lorsque vous arrivez au ministère de l'Éducation, vous voulez
dire, on veut vous transférer un programme, c'est plus normal que ce
soit chez vous et il y a donc 762 étudiants concernés. On nous
dit: Où sont-ils? Et lorsque l'on s'est informés à l'OPHQ,
on n'a pas été capables de nous identifier les 762... et
où étaient-ils? Je comprends un ministère d'être
réticent, de se faire passer quelque chose sans savoir ce qu'il y a
dedans. Et ça, je pense que c'est là, il y a
définitivement bonne foi de la part de tout le monde. Et je ne mets pas
en doute, du tout, la bonne foi de l'OPHQ, en aucune manière. Mais je
pense qu'il faut transférer des choses claires, de façon à
sécuriser tout le monde, à la fois les
bénéficiaires - on a changé notre vocabulaire en cours de
route, les usagers et usagères, semble-t-il, c'est moins
péjoratif - et aussi assurer le ministère qui va être le
ministère qui va accueillir. Il faut que ça se fasse dans des
conditions optimales, si ça peut vous rassurer.
Je dois vous dire que je partage les points de vue exprimés dans
certaines de vos recommandations, à la page 6. Vous avez des
recommandations, là. Je nomme celle-là parce qu'elle m'est venue.
Mais je suis inquiet de vous voir inquiets quant au pouvoir des régies
régionales. Parce que vous êtes les personnes qui exprimez le plus
de réserve quant à la capacité d'une entité
régionale d'être capable de se prendre en main et de choisir ses
priorités au niveau d'une région. Et j'aimerais peut-être
vous entendre davantage là-dessus parce que ça m'inquiète
un peu.
Mme Chevrier: O. K. On va retrouver dans certains secteurs du
Québec, peut-être... Un exemple précis que je pourrais vous
donner, c'est une ville comme Chibougamau où vous allez retrouver un
enfant déficient auditif. Il est bien évident que les parents qui
vont essayer de se battre pour faire l'intégration scolaire ont peu de
chance de réussir. Et là, vous allez retrouver l'enfant en
famille d'accueil, à Montréal, intégré dans un
centre suprarégional, avec une déficience de moyenne à
sévère, donc, qui aurait normalement, s'N avait demeuré
à Montréal, été intégré dans le
réseau scolaire régulier, peut-être. C'est plus dans ce
sens-là. C'est que, la surdité, il reste qu'il n'y en a pas, dans
certaines régions, la concentration est faible. Et on se demande
jusqu'à quel point ce ne sera pas relégué en second
plan, compte tenu de la prévalence, justement, de ce handicap-là
dans certaines régions, jusqu'à quel point il ne sera pas
carrément oublié. On risque de se retrouver dans des situations
où les parents devront envoyer leurs enfants complètement
à l'autre bout de la province. Ça se vit actuellement. Ça,
c'est une partie de notre inquiétude.
M. Côté (Charlesbourg): Mais vous craignez que
ça puisse se produire davantage si le pouvoir est entre les mains d'une
région que, actuellement, au niveau du ministère.
Mme Chevrier: C'est qu'au niveau du ministère - comment je
dirais ça? - on travaille déjà énormément au
niveau des services d'adaptation et réadaptation. Il y a quand
même certains acquis. Il y a des choses importantes à travailler
au niveau de 0-4 ans. Mais dans la mesure où... En tout cas, moi, je
constate que le discours est peut-être plus écouté parce
que le nombre, il reste qu'il est là aussi, au niveau de l'ensemble de
la province, et que, au niveau d'une région, en tout cas, compte tenu
qu'ils risquent de se retrouver avec - je ne sais pas, moi - 56
problèmes x qui vont faire que, dans la mesure où ils vont
prioriser les budgets ou prioriser les programmes, la déficience
auditive risque de se retrouver loin, loin... à cause du nombre.
Effectivement, on trouve que le fait de s'adresser directement au
ministère on a peut-être un peu plus de chance...
M. Côté (Charlesbourg): Donc, je comprends par
l'exemple de Chibougamau. Ça pourrait être un autre exemple
ailleurs, aussi... La crainte, c'est, évidemment, que ce soit un petit
problème pour la régie régionale et qu'on décide de
choisir autre chose...
Mme Chevrier: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): ...alors que vous semblez
avoir un petit peu plus d'écoute dans la structure actuelle.
Mme Chevrier: Oui
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce n'est
pas impossible. À partir du moment où l'on transfère des
pouvoirs comme on s'apprête à le faire sur le plan
régional, il y a peut-être bien des gens qui décriaient le
ministère et qui vont s'en ennuyer éventuellement, mais ce n'est
pas ce que je souhaite. Alors, on va tenter de donner le pouvoir qu'il faut.
Évidemment, lorsqu'on parle d'intégration scolaire - je pense
qu'on va se le dire - le bout de chemin le plus dur à faire et le plus
important à faire, c'est au niveau des commissions scolaires locales.
Parce qu'il y a besoin d'écoute là aussi et de com-
prendre...
Mme Chevrier: O.K. Mais si je vous parle des services de
réadaptation 0-4 ans, il est évident aussi que, dans un certain
sens, il n'y aura pas de services, en termes d'orthophonie, compte tenu qu'un
hôpital n'engagera pas x, y, z orthophonistes s'il y a cinq enfants, deux
enfants ou trois enfants. Ils vont plutôt être portés
à les référer dans les centres suprarégionaux.
M. Côté (Charlesbourg): ce que j'ai compris
tantôt de la réaction de mon voisin de gauche qui travaille sur ce
dossier depuis fort longtemps, lorsque vous avez parlé d'adaptation et
de réadaptation, j'ai entendu un "oui, c'est vrai". elles ont raison.
donc, vous aurez au moins cette...
Mme Ducharme: On a pensé que c'était une
coquille.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
Mme Ducharme: On a pensé que c'était une coquille.
C'est probablement... ça, la coquille.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): C'est une bonne façon
de présenter la chose.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, ce que j'ai
compris, c'est que c'était une déficience du texte.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça que vous
m'avez indiqué.
Mme Ducharme: Ça, c'est encore plus beau.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, parfait, ça
va.
La Présidente (Mme Marois): Ça va, M. le ministre?
Merci. M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup. Des remarques effectivement
extrêmement intéressantes sur des effets pervers possibles d'un
système qu'on voudrait décentralisé, mais qui peut nous
amener certains effets non désirés. Parce que c'est
étonnant, oui, effectivement, au niveau de l'organisation du
système, l'organisation projetée, la volonté de
régionalisation et la demande des régions très forte pour
être proches de la réalité des besoins, être capables
de mieux les saisir et d'éviter soit les délais administratifs,
soit la non-considération ou l'insensibilité à des
besoins, que parfois ça pourrait se transformer. Et vous
soulevez là un point d'interrogation qui nous amène
à réfléchir sur la possibilité que la grandeur du
besoin ou du bruit qu'on est capable de faire ou de ne pas faire nous
amène à être délaissés aussi. Est-ce que
vous, vous avez songé à des mécanismes dont il faudrait
doter l'éventuelle structure régionale pour donner
l'accès... Je pense que vous le situez très bien, l'enjeu premier
de cette réforme: améliorer l'accessibilité. Nous nous
sommes donné un régime universel d'accès aux soins de
santé et de services sociaux et on doit aller vers
l'amélioration.
Comme il y a un danger d'effets pervers dans le système, est-ce
que vous avez regardé ou analysé des mécanismes de
balancement qui permettraient - l'expression est un peu grosse -aux
minorités invisibles, inaudibles ici, dans le cas, de se faire entendre?
Parce que ce danger-là, il est présent, effectivement.
Mme Ducharme: Je pense que le danger de la
décentralisation du système ne se pose pas pour les grands
groupes, pour les minorités plus nombreuses, plus visibles, plus connues
aussi traditionnellement. Le problème se pose dans le cas de
problématiques particulières comme la nôtre,
surdité. On peut parler d'autres types de handicaps dont la
prévalence n'est pas très élevée. Mol, je pense que
la nature de notre problématique appelle peut-être des solutions,
dans le fond, provinciales, dans le sens de penser d'une façon globale
parce qu'elle est méconnue, peut-être, peu connue tout partout
dans la région, parce que les cas ne se présentent pas tout
partout, puis ça ne fait pas partie nécessairement d'habitudes
courantes que de rencontrer des personnes déficientes auditives.
Dans le fond, ça, des mécanismes, on n'en a pas
trouvé. Je pense qu'on ne se sentait pas les compétences pour
vraiment imaginer quelle serait une alternative, sauf que je pense que
ça relève aussi peut-être d'une politique d'ensemble en
santé. Dans le fond, c'est peut-être une implication plus qu'une
déconcentration. Ce qui est important, en tout cas, c'est que les
services en adaptation et en réadaptation soient accessibles partout
dans les régions pour faire en sorte que les enfants de régions
éloignées, ou peut-être pas nécessairement
éloignées, mais de régions Intermédiaires - je
pense à une région comme Saint-Hyacinthe, Farnham ou des
régions qui ne sont pas vraiment... - en tout cas, puissent avoir
accès à des services près de chez eux.
En ce moment, le réseau n'est pas complété du tout,
du tout.
M. Trudel: Je continue cependant à penser, tout en
partageant un peu votre inquiétude, que des régies
régionales ou des instances régionales avec de véritables
pouvoirs, avec des représentants de la population qui seraient aux
aguets, seraient sûrement capables, d'une part - je sais que ce n'est pas
la réponse complète, quant à moi - certainement de crier
assez fort pour les délaissés dont vous venez de nous parler, les
laissés pour compte parce que le nombre ne le justifie pas, parce qu'ils
sont dans un entredeux, quelque part, ou ils sont trop loin des centres mieux
organisés. Je pense que les structures régionales le pourraient
effectivement, à condition cependant, bien sûr, qu'on puisse
retrouver dans ces lieux d'administration régionale la capacité
de vous y retrouver vous-mêmes. A cet égard, j'ai une question.
Vous dites, à la page 10 - et, encore la, on retrouve bien des morceaux
de la réalité là-dedans - que la possibilité
d'élire les membres des régies présuppose
l'émergence d'approches variées de gestion ainsi que l'apparition
de rapports politiques des forces dynamiques en présence. C'est bien
décrit pour dire qu'il y a des groupes qui pourraient prendre le
contrôle de la patente et qui pourraient s'organiser pour
contrôler, dans un rapport de forces en leur faveur, bien
évidemment, ce nouvel instrument qui serait mis à la disposition.
Si ces personnes qui administreraient éventuellement cette structure
régionale étaient des personnes élues au suffrage
universel, par exemple - à titre d'exemple seulement - à
l'occasion des élections municipales, est-ce qu'on ne pourrait pas se
donner là un mécanisme un peu plus rassurant parce qu'on aurait
à répondre au public, on aurait à répondre à
la population de la carence ou de la bonne administration dans la
réponse aux besoins? (20 h 45)
Mme Chevrier: Savez-vous, moi, ce que je serais tentée de
vous répondre? Je ferais un pendant avec les comités
d'école ou avec les commissaires, au niveau des commissions scolaires,
où le taux de gens qui vont voter n'est pas tellement
élevé, et je me demanderais jusqu'à quel point, si on
mettait un système comme ça en place au niveau régional,
le nombre de votants serait bien, bien élevé ou si les gens
seraient vraiment assez conscients pour prendre la peine, en tout cas,
d'assumer un devoir comme ça.
M. Trudel: C'est évident qu'on arriverait à ce
résultat-là, si on fait comme les commissions scolaires puis
qu'on ne peut rien administrer. Ce n'est pas très intéressant de
s'en aller non plus comme commissaire d'école, et c'est pour ça
aussi beaucoup qu'on a vidé de toute substance ce que c'est que
d'être au conseil scolaire. Alors, il n'y a pas d'intérêt,
puisqu'on n'est que des leveurs de bras, des répondeurs automatiques ou
à peu près dans les commissions scolaires. Vous nous faites une
remarque qui a été faite aussi par d'autres groupes au niveau du
suffrage universel.
A la toute fin de votre mémoire, vous indiquez aussi la
possibilité qu'un statut d'ins-
tltut universitaire soit accordé à un centre de
réadaptation en déficience auditive. Il me semble que vous avez
l'air d'avoir quelque chose à suggérer, là. Est-ce
que vous avez identifié un centre particulier qui devrait être
reconnu, qui devrait avoir un statut d'institut universitaire?
Mme Ducharme: On n'a voulu en identifier aucun. On a retenu
l'idée, cependant, dans le même sens de ce qu'on explique,
à cause de la particularité de la problématique, on pense
qu'une problématique de déficience auditive, noyée dans
une mer d'établissements, aurait peine à...
Autre chose aussi, c'est que la déficience auditive, dans le
fond, est un handicap très invisible, très peu connu: on ne sait
pas qu'un enfant sur mille naît sourd. Un peu plus tard, c'est un sur
cent pour les causes postnatales, plus tard, pour l'ensemble de la population,
c'est un sur dix qui est déficient auditif et, pour les personnes
âgées, ça monte à un sur trois. Ça, les gens
ne le savent pas, en général. Il y a beaucoup de
développement à y avoir en déficience auditive, peu de
coordination en ce moment en recherche; en fait, il n'y en a aucune, aucune
coordination. Pourtant on sait, pour avoir entendu parler ici et là de
quelques projets de recherche, qu'il y a des universitaires qui s'occupent,
autant en termes de technologie, de cognition, etc., de la
problématique. Ça prend, je pense, un centre qui puisse avoir,
à un moment donné, une forme de coordination de ces
recherches-là et dont le mandat serait étendu pour assurer un
certain développement en déficience auditive.
M. Trudel: Alors, maintenant, après avoir remplacé
"bénéficiaire" par "usager", c'est "groupe cible".
Mme Ducharme: Ah oui, ben ça... Une voix: Ha, ha,
ha!
Mme Ducharme: Dans le fond, là, ne prenez pas la
recommandation au pied de la lettre. Dans le fond, ce qu'on a senti, dans le
mémoire, c'est que, pour les groupes... Nous, on ne s'est pas reconnus
dans ce terme-là, "usager", parce qu'on est un groupe communautaire. Les
membres du groupe ne sont pas des usagers, on ne donne pas de services, c'est
de l'entraide qu'on fait, ce sont des parents, etc. Alors, on ne s'est pas
reconnus mais on a dit: Bon, qu'est-ce que ça induit, ça? Est-ce
que ça induit que le gouvernement souhaite que les organismes se mettent
à donner des services, soit un petit peu une extension des
établissements de services? Alors, on a dit: Bon, ce serait quoi? On a
cherché longuement et on a trouvé ça. Mais retenez d'abord
le message que le mot "usager", on ne se reconnaît pas là-dedans,
on trouve ça... je ne sais pas. Qu'est-ce qui se profile derrière
ce mot-là, cette utilisation-là? C'est douteux, c'est
douteux.
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Trudel: C'est bien d'avoir averti, parce que... Ça
va.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Quand vous dites - une dernière question - que
le ministre doit se prononcer sur une politique d'ensemble en santé et
services sociaux, et ça dans un délai rapproché,
ça, ce n'en est pas une? Ça, est-ce que ça en était
une?
Mme Ducharme: Ça, ça en était une. La loi
n'est pas une politique d'ensemble. Dans le fond, on veut savoir où on
s'en va. Il y avait des idées intéressantes, très
intéressantes dans les "Orientations" de Mme Lavoie-Roux, notamment au
plan de la régionalisation des centres de réadaptation en
déficience auditive. Si on pouvait voir ça s'appliquer dans le
cadre d'une politique d'ensemble, ça serait merveilleux pour nous. C'est
ça le sens de...
M. Trudel: Est-ce que ce serait bien d'avoir une commission
parlementaire sur une politique d'ensemble aussi, sur les orientations et les
objectifs de santé et de bien-être au Québec?
Mme Ducharme: Comme vous voyez, on s'est permis, nous autres, de
déborder le sens de la loi pour discuter d'enjeux. Je pense que
l'avant-projet de loi le permettait aussi et, dans ce sens-là, je pense
que vous aurez compris que notre projet de loi s'attardait beaucoup moins
à la structure du système de santé qu'à ses
enjeux.
M. Trudel: Malheureusement, ce n'est pas tous les groupes qui
l'ont fait, mais c'est tellement plaisant. Je pense qu'il va falloir retenir
ça, on va peut-être y revenir. Merci, Mesdames.
Corporations propriétaires religieuses
La Présidente (Mme Marois): Alors, je voudrais vous
remercier au nom des membres de la commission d'avoir témoigné de
votre expérience, d'une part, de vos besoins et de vos souhaits, d'autre
part. Merci beaucoup.
J'inviterais maintenant des représentantes et des
représentants des Corporations propriétaires religieuses de
Québec. Bonsoir, M. Poitras. J'inviterais les représentants et
les représentantes des Corporations propriétaires religieuses
à bien vouloir prendre place dans les sièges qui sont devant
nous.
Alors, bonsoir. On vous souhaite la bien-
venue à la commission. J'imagine qu'un représentant ou une
représentante, peut-être M. Poitras, fera la présentation
des personnes qui sont devant nous, qui l'accompagnent et, ensuite,
procédera à la présentation du mémoire. Il y a
environ une vingtaine de minutes qui vous sont accordées pour la
présentation du mémoire. Par la suite, il y a des questions, des
échanges tant avec le ministre de la Santé et des Services
sociaux qu'avec un représentant de l'Opposition officielle.
M. Poitras (Jean-Marie): Merci, Mme la Présidente. Mon nom
est Jean-Marie Poitras. Je suis ici, ce soir, en tant qu'administrateur, membre
du conseil d'administration de l'Hôtel-Dieu de Québec. Je
représente la corporation à ce conseil. J'ai avec moi, ce soir,
Me Claude Boulanger, président du conseil de l'Hôtel-Dieu de
Québec; Me Michel Dugal, président du conseil d'administration de
l'Hôpital général; Soeur Claire Gagnon, présidente
de la Corporation de l'Hôtel-Dieu de Québec; Soeur Rita Caron,
présidente de la Corporation de l'Hôpital général de
Québec; Soeur Cécile Coulombe, présidente de la
Corporation de l'hôpital du Saint-Sacrement, et Soeur Huguette Michaud,
présidente de la Corporation de l'hôpital de
l'Enfant-Jésus.
Mme la Présidente, nous vous avons fait parvenir le
mémoire que nous vous présentons ce soir. Nous
représentons ici la Corporation de l'Hôtel-Dieu de Québec,
la Corporation de l'Hôpital général, la Corporation de
l'Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur de Jésus, la Corporation de
l'Hôtel-Dieu de Lévis, la Corporation de l'Hôtel-Dieu de
Roberval, la Corporation de l'Hôtel-Dieu de Gaspé, la Corporation
de l'Hôtel-Dieu de Montmagny, la Corporation du Centre hospitalier
Robert-Giffard, la Corporation de l'hôpital Saint-Sacrement, la
Corporation de l'hôpital Saint-Julien, la Corporation de la Clinique
Roy-Rousseau, la Corporation de l'hôpital de l'Enfant-Jésus et la
Corporation du Centre hospitalier Paul-GHbert.
Comme notre mémoire est assez court, je pense que nous pouvons
vous en faire lecture. Compte tenu de leur spécificité, les
corporations propriétaires religieuses mentionnées
précédemment ont cru bon de se regrouper et de vous
présenter ce document, même si elles endossent dans son ensemble
les points de vue exprimés par l'Association des hôpitaux du
Québec dans le mémoire déposé devant vous. Cette
démarche est essentielle, compte tenu des impacts majeurs de certaines
dispositions de l'avant-projet de loi quant à l'avenir des corporations
propriétaires. Nous souhaitons, par la présente, vous informer de
la position des corporations propriétaires religieuses demeurées
intéressées à leur oeuvre. Précisons, avant d'aller
plus loin, que les corporations propriétaires religieuses, partie
à notre démarche, originent de plusieurs communautés
religieuses, soit celles dont je vous ai fait lecture auparavant.
L'avant-projet de loi déposé par Mme la ministre
Thérèse Lavoie-Roux en fin de session et redéposé
par le titulaire actuel du ministère de la Santé et des Services
sociaux, M. Marc-Yvan Côté, propose, entre autres, une nouvelle
composition des conseils d'administration des établissements publics, en
plus de prévoir le regroupement de plusieurs établissements sous
un même conseil d'administration. Ce faisant, le nombre de membres des
conseils d'administration délégués par les corporations
propriétaires passerait de trois à deux, dans le cas des
établissements exclus des éventuels regroupements, et de trois
à un, dans le cas des établissements regroupés. De plus,
il serait même possible qu'une corporation propriétaire se
retrouve sans représentant direct au conseil d'administration qui
gère son établissement lorsque plus de trois corporations
propriétaires existent dans un même territoire de CLSC ou de
CSS.
Nous considérons cette diminution de la représentation des
corporations propriétaires au sein des conseils d'administration comme
étant de nature à y rendre Impossible l'action qu'elles y
exercent encore et, pour cette raison, nous croyons de notre devoir de
soumettre respectueusement que cette mesure est tout à fait
inacceptable.
Nous croyons de plus que cette orientation ministérielle ne peut
provenir que de la méconnaissance du rôle effectivement
joué par les corporations propriétaires religieuses. Elles ne se
sont jamais limitées au rôle exclusif de propriétaire des
immeubles, mais se sont préoccupées de la qualité et de
l'humanisation des soins et services aux bénéficiaires de
même que de la vocation de leur établissement.
Nous tenons également à souligner le fait que
l'avant-projet de loi semble confondre juridiquement l'établissement
public et la corporation propriétaire, contrairement à la loi
actuelle qui les distingue d'une façon opérationnelle. Cette
constatation nous inquiète, même si l'avant-projet de loi
prévoit des exceptions à cette règle, soit l'article 385.
Nous ne voyons vraiment pas pourquoi les communautés religieuses
fondatrices devraient obtenir une autorisation du ministre pour continuer
à être intéressées à leur oeuvre. (21
heures)
Un retour dans le passé relativement récent nous rappelle
l'importance qu'ont eue les communautés religieuses dans la
création et la gestion d'un réseau d'établissement, de
soins et de services de santé pour les Québécois. Nous
pouvons, en effet, affirmer que les communautés religieuses sont
à l'origine de la plupart de nos centres hospitaliers, qu'elles ont
gérés pendant de nombreuses années. Elles les ont bien
souvent aussi, ne l'oublions pas, fondés et construits à
même leurs deniers et cela, bien avant que l'État
ne s'y implique financièrement.
Déjà, avant l'entrée en vigueur de la
présente Loi sur les services de santé et les services sociaux,
qui date de 1971, les communautés religieuses formaient des corporations
indépendantes avec mission d'administrer des établissements et de
sauvegarder le patrimoine immobilier. Avec l'entrée en vigueur de la
loi, les corporations propriétaires voyaient leur influence diminuer par
la création de nouveaux conseils d'administration dont la composition
permettait une participation accrue du public et des intervenants à la
gestion des établissements.
Malgré cela, les corporations propriétaires religieuses,
via leurs représentants au conseil d'administration desdits
établissements, sont restées impliquées dans la gestion de
leur oeuvre sans se limiter exclusivement à leur rôle de
propriétaire. Leur action a permis de transmettre à cette
nouvelle équipe les valeurs humaines, morales et culturelles
attachées à leur oeuvre, permettant ainsi à nos
établissements de continuer d'être imprégnés de ces
valeurs essentielles à notre société. De plus, elles se
sont, de tous les temps, préoccupées de la qualité et de
l'humanisation des soins et services aux bénéficiaires,
obligeant, de ce fait, les nouveaux administrateurs à intégrer
opérationnellement ces concepts essentiels.
Ce serait donc une erreur de considérer que les corporations
propriétaires religieuses n'ont agi qu'à titre de
propriétaires d'immeubles. Leur apport au milieu a toujours
été beaucoup plus important. Toute décision de nature
à diminuer encore une fois l'action des corporations
propriétaires religieuses risque cette fois-ci de couper
définitivement ce lien qui permet à nos établissements de
se développer tout en conservant les valeurs d'humanisme qui leur ont
été transmises par leurs fondateurs et fondatrices.
Il est important de préciser que l'existence des corporations
propriétaires permet au réseau d'établissements de
bénéficier de l'apport d'administrateurs chevronnés,
dotés d'une expérience de gestion des plus diversifiées.
Ces administrateurs sont en bonne partie issus du public et ont
été choisis par les corporations propriétaires pour leur
expérience de gestion et leurs réalisations. Le réseau
peut donc compter sur une source additionnelle de recrutement des plus valables
de gestionnaires de haut calibre, non intéressés
financièrement au fonctionnement du réseau.
L'avant-projet de loi, désirant, entre autres, assurer la
participation de bénévoles à la gestion du réseau.
II est essentiel que cette source ne soit pas tarie et que l'on puisse
continuer de compter sur la capacité de recrutement des corporations
propriétaires.
La Loi sur les services de santé et les services sociaux,
adoptée en 1971, confirmait la prise en charge du système de
santé et de services sociaux par le gouvernement du Québec.
Par ailleurs, elle maintenait chacune des corporations
propriétaires en lui reconnaissant un statut d'établissement
public si ses actifs immobiliers étaient utilisés pour
opérer un centre hospitalier. Le gouvernement confiait donc
l'administration des établissements à des conseils
d'administration formé en vertu de la loi, en s'assurant, d'une part,
que des représentants des corporations propriétaires
siègent sur ces conseils et, d'autre part, que l'aliénation des
actifs immobiliers ou le changement de destination requiert l'accord des
membres de ladite corporation propriétaire.
Les décisions prises à l'égard du droit de
propriété des corporations propriétaires étaient
justifiées, le sont encore et méritent, en conséquence,
d'être réaffirmées. Il est important ici de rappeler que la
quasi-totalité des actifs a été acquise à
même des crédits fournis par les corporations propriétaires
ou les communautés religieuses qui ont fondé ces
établissements. Celles-ci sont en partie redevables envers la population
des sommes recueillies qui devaient servir à la construction et à
l'exploitation d'un type particulier d'établissements. Les corporations
propriétaires religieuses sont donc moralement responsables de la
vocation de leur établissement et se doivent de la défendre.
Il est donc essentiel que l'État évite que des
dispositions législatives équivoques, modifiant une loi, en
viennent à nier tout droit de propriété aux corporations
propriétaires puisqu'elles seraient placées dans
l'impossibilité de continuer à jouer un rôle significatif
au niveau de l'avenir des établissements qu'elles ont fondés.
Nous ne croyons pas, pour notre part, qu'il est de l'intention de l'Etat de
procéder ainsi et, pour cette raison, nous avons cru bon de soulever ce
point.
Aller trop loin dans cette prise de contrôle indirecte des
établissements reviendrait à acquérir les actifs que nous
jugeons nécessaires pour dispenser nos services sans indemniser les
propriétaires légitimes. Voilà donc, d'une façon
très sommaire, les principales réflexions que nous suggère
l'avant-projet de loi. Pour toutes les raisons exprimées
précédemment, nous soumettons que l'État a avantage
à compter encore sur l'apport essentiel des corporations
propriétaires religieuses à la gestion du réseau de
santé et de services sociaux et que, pour ce faire, l'on doit maintenir
la représentation des corporations propriétaires religieuses au
niveau actuel, soit trois représentants au minimum lorsqu'il s'agit
d'une corporation constituée en corporation sans but lucratif, qu'elle
origine d'une communauté religieuse et que cette dernière ne
s'est pas désintéressée de son oeuvre.
Nous sommes convaincus que cette façon de faire
n'empêcherait pas l'État de procéder à une
restructuration de son réseau s'il persistait dans cette orientation,
entendu que le nombre de corporations propriétaires religieuses
restées intéressées à leur oeuvre est quand
même limité.
Malgré ce nombre restreint, il serait sûrement
intéressant pour le gouvernement de pouvoir éventuellement
évaluer l'administration des établissements dont le conseil
d'administration prévoit une participation suffisante de membres des
corporations propriétaires avec celle où ceux-ci seront à
peu près absents suite à des regroupements. La solution dite mur
à mur proposée par l'avant-projet de loi se verrait donc ainsi
remplacée par une approche plus respectueuse des particularités
du réseau.
Il est de plus essentiel que les ambiguïtés qui existent
dans l'avant-projet de loi entre l'établissement, c'est-à-dire le
conseil d'administration, et la corporation propriétaire des actifs
immobiliers soient éliminées de façon à ce que
chacun possède son existence juridique distincte. Agir autrement serait
nier aux communautés religieuses l'exercice de droits que leur
confère la Charte des droits et libertés de la personne, ainsi
que le Code civil, droit de propriété, droit d'association.
En terminant, nous vous remercions de l'attention dont vous avez fait
preuve tout au long de cet exposé et espérons que les quelques
considérations précitées sauront vous éclairer dans
cette démarche importante. Ceci est la fin de notre présentation,
Mme la Présidente, et avec votre permission, mes collègues et
moi-même sommes disposés à répondre aux questions de
la commission.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Poitras.
J'inviterais le ministre de la Santé et des Services sociaux à
échanger avec vous.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'on n'aura pas
besoin d'échanger très longuement, compte tenu de ce que nous
avons vécu il y a deux semaines. Effectivement, le même genre de
situation avec des communautés ayant principalement leur point d'appui
dans la région de Montréal et j'avais dit, à
l'époque, et je veux le répéter devant vous, qu'il
n'était pas de l'intention du tout de l'avant-projet de loi de toucher
aux droits acquis. Ça, ça me paraissait extrêmement
important, et c'est un minimum. J'ai presque envie de vous dire, M. le
sénateur, que de la manière que c'est présenté, de
manière très habile, je partage presque tout ce que vous avez
évoqué là-dedans, et que, comme j'ai déjà
dit qu'il n'y aurait pas de conseil d'administration unifié, ça
règle une partie des problèmes.
Quant à ce qui reste, il n'est pas du tout de mon intention,
prenant la distance qu'il faut puisque je ne suis pas le gouvernement et que
j'aurai à repasser devant le gouvernement, mais il n'est pas du tout de
mon intention de changer des choses par rapport à la loi actuelle. En
conséquence, sur le plan des conseils d'administration, je suis
personnellement d'accord avec le maintien des trois représentants et,
évidemment, pour faire les ajustements nécessaires au fur et
à mesure que viendront les décisions à prendre dans le
projet de loi qui sera déposé a l'Assemblée nationale,
autant que possible à l'automne.
Je pense que ça répond à peu près à
toutes les questions que vous pouvez vous poser, mais moi, j'aurais presque
envie de me laisser aller par la suite. Compte tenu de cette
présentation tout à fait exceptionnelle que vous nous avez faite
et qui est vérkJlque, qui s'appuie sur l'histoire... Sans votre
présence un peu partout à travers le Québec, je ne suis
pas sûr que les régions de tout le Québec auraient eu ies
services qu'elles ont, sans ce dévouement et sans cet esprit de
travailler pour une oeuvre et vous l'avez érigée au fil des
années un peu partout sur le territoire à travers le
Québec. Ça me tenterait de vous poser une question bien simple,
puisque vous avez cette expérience quotidienne et puisqu'on remonte dans
l'histoire: Si vous étiez ministre de la Santé et des Services
sociaux, demain matin, qu'est-ce que vous feriez en premier pour faire en sorte
qu'on soit dans un système qui soit meilleur, parce qu'on veut toujours
l'améliorer, centré sur le bénéficiaire?
La Présidente (Mme Marois): Si quelqu'un d'autre que M.
Poitras veut répondre, ou si M. Poitras veut répondre.
M. Poitras: Je pense qu'effectivement, nous voulions ce soir
présenter un point bien spécifique propre aux corporations
religieuses. Quant à d'autres suggestions, nous avons fait nôtre
le mémoire présenté par les hôpitaux du
Québec. Je pense que peut-être... Est-ce qu'il y a certaines
religieuses, supérieures d'une communauté ou l'autre, qui veulent
ajouter des spécificités?
Mme Caron (Rita): Est-ce que vous pourriez éclaiclr
davantage votre question, s'il vous plaît?
M. Côté (Charlesbourg): Tout le monde nous dit qu'il
y a des problèmes au niveau de notre système de santé. Le
gouvernement dit qu'avec 10 400 000 000 $ dans le réseau, au moment
où nous nous parlons, c'est peut-être la limite de ce que peut
mettre le gouvernement du Québec dans les soins de santé et de
services sociaux. Si vous aviez un premier geste à poser demain pour
faire en sorte que le système soit centré davantage sur le
bénéficiaire, qu'est-ce que vous poseriez comme geste? Toute
votre action a toujours été centrée sur le
bénéficiaire. Évidemment, c'est ce que les
communautés religieuses nous ont dit, il y a deux semaines: Nous, c'est
une mission, l'humanisation des soins et... Bon, il s'agit d'aller dans les
hôpitaux pour s'apercevoir que, effectivement, l'humanisation des soins,
c'est Important. Vous avez marqué l'histoire du Québec par cette
humanisation des soins. On disait: Nous, il n'y a pas de temps pour nous. C'est
huit, c'est dix, c'est douze - des vrais politiciens!
La Présidente (Mme Marois): C'est ce que j'allais vous
dire. Ha! Ha! Ha!
M. Côté (Charlesbourg): C'est quatorze, c'est seize,
c'est dix-huit heures par jour. Mais c'est une véritable mission.
Autrement, si la question vous embâte trop: Qu'est-ce qui ne va pas dans
le sytème et qu'est-ce qu'on devrait changer?
M. Pottras: Soeur Michaud, peut-être.
Mme Michaud (Huguette): Je peux vous dire les grandes lignes que
je pense qui pourraient peut-être aider, peut-être
complètement à côté de... Mais quand même, je
me lance. Moi, je suis dans un hôpital de soins de courte durée et
évidemment, vous savez tous, parce qu'on l'entend partout, il y a trois
choses, moi qui me... Je trouve qu'elles empêchent vraiment le rôle
qu'on doit jouer dans un hôpital de courte durée, et par le fait
même, il y a les urgences qui débordent, et c'est un
problème, on le sait.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, c'est moins pire.
Aujourd'hui, dans la région de Québec, au lieu de 38,
c'étaient onze.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ça fait du bien,
hein!
Mme Michaud: Mais, ça doit être parce que je suis en
retraite.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Michaud: Moi, je pense que, quand même, II y a
sûrement dans les... Je vais parler très objectivement, là.
Les malades à long terme sont un problème dans les hôpitaux
de courte durée. On sait que c'était 10 %, et on est à 15
%, 18 %, quelquefois 20 % et je pense que ça coûte assez cher.
Moi, je dirais qu'il y a assez de lits dans la province de Québec, comme
beaucoup de gens l'ont dit, mais qu'ils ne sont pas à la bonne place.
Parce que, si ces malades-là étaient aux bons endroits, les
malades pourraient être traités, ceux qui ont besoin d'être
traités. Et dans ça, il y a d'autres choses qui jouent pour les
engorgements de l'urgence aussi, je pense que... Là, je vais toucher
différents groupes, mais il me semble que c'est avec une bonne intention
que je le fais. Je pense que s'il y avait un peu plus de coordination, je
prends le corps médical... Si le corps médical par exemple, je
dirais, avait une discipline un peu plus grande, si les visites se faisaient
plutôt le matin - différentes choses comme ça - et si les
malades partaient aux heures où ils doivent partir et tout ça,
l'engorgement des urgences ne se ferait peut- être pas à 10
heures, le soir, ce serait peut-être un petit peu plus tôt... Mais
en tout cas, ce sont des facteurs qui entrent sûrement en ligne de
compte. Et le troisième élément auquel je pense, ce
serait... Je regarde les exigences universitaires qui nous obligent, dans les
hôpitaux - parce que je suis dans un bureau d'admission, alors, j'ai les
problèmes... (21 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Je me le rappelle.
Mme Michaud: Vous vous le rappelez, hein? Des voix: Ha,
ha, ha!
Mme Michaud: C'est ce que je pensais. Alors, les exigences
universitaires pour les accréditations des hôpitaux, et tout
ça, nous obligent à avoir des unités d'enseignement de la
médecine, donc, des lits protégés. C'est nous autres qui
faisons respecter ça, mais ça crée de jolis
problèmes. Il faut faire venir des patients qui sont externes pendant
qu'on a des patients qui sont à l'urgence. C'est là que vous
entendez dire: Bon, on entre des cas électifs et il y a des malades
à l'urgence. Moi, je ne le sais pas. Peut-être qu'on ne peut pas
faire autrement pour être accrédité par une
université. Je pense que l'université, c'est important aussi,
mais je trouve que, quand même, ce sont trois points pour lesquels un peu
plus de coordination aiderait sûrement à un meilleur
fonctionnement, où chacun prendrait ses responsabilités.
La Présidente (Mme Marois): Je pense que soeur Caron
voulait ajouter quelque chose.
Mme Caron: Oui, j'ai demandé la parole.
Premièrement, je tiens à saluer notre député du
comté qui, lui, compte trois hôpitaux des Augus-tines dans le
comté de Taschereau. Je vous remercie d'être présent parmi
nous ce soir.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Caron: On a touché le problème des malades de
longue durée. Les Augustines qui sont ici représentent trois
hôpitaux de vocation différente. Alors, les soins de courte
durée à l'Hôtel-Dieu de Québec, elles pourront en
parler elles-mêmes tout à l'heure, les soeurs de
l'Hôtei-Dieu-du-Sacré-Coeur représentent la psychiatrie
infantile, avec des spécialités et est rattaché à
l'université également. Nous, nous sommés un centre
hospitalier de longue durée, avec centre d'accueil, qui comprend un
hôpital de jour. Il y a quand même des gens qui attendent pour
entrer à l'hôpital de jour; la liste d'attente est là aussi
et, pour entrer à l'hôpital de longue durée, la liste aussi
est très longue. Alors, soeur Michaud parlait du nombre de lits et le
reste. On a dit souvent que le nombre de lits pour les soins de longue
durée était adéquat, mais je pense qu'il y
aurait peut-être quelque chose à réviser. Si demain
matin, j'étais ministre de la Santé et des Services sociaux, je
ne suis pas sûre que j'aurais les sommes d'argent en main, par exemple,
pour construire un hôpital de longue durée, mais je pense que ce
serait une de mes priorités, vu que la population s'en va vers une
longévité toujours plus longue, si on peut ainsi dire. Je pense
que c'est une très grande priorité.
Au niveau monétaire, par exemple, au niveau du budget, il y a une
partie assez importante, j'oserais dire, peut-être 80 % à 82 %
où on n'a à peu près aucun contrôle; vous savez
d'ailleurs de quelle partie je veux parler. Alors, c'est assez complexe, cette
partie-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Caron: Je ne dis pas qu'à votre place j'aurais une
réponse adéquate comme ministre de la Santé et des
Services sociaux. Alors, je fais attention. J'aimerais peut-être que Me
Dugal ajoute quelque chose là-dessus.
La Présidente (Mme Marois): Ça va, vous pouvez y
aller. On s'occupe de ça ici.
M. Dugal (Michel): Je ne voudrais pas m'attarder et je ne
voudrais pas assumer un rôle qui n'est pas le mien. J'ai peut-être
assez du mien dans ma fonction. Quand je me présenterai comme
député, peut-être que je voudrai être ministre. Quand
même, je pense qu'il y a des choses qui peuvent aider. Je n'ai pas de
réponse, bien sûr, à votre question. Il y a des choses qui
pourraient peut-être aider. Moi, je ne suis pas dans le milieu
hospitalier. Je suis membre d'un conseil d'administration depuis quinze ans. Je
le préside depuis au-dessus de dix ans. Bien sûr qu'on est pris
avec toutes sortes de contraintes qui sont les vôtres, qui sont les
nôtres, des contraintes de budget, des contraintes de... La
clientèle, nous autres, à l'Hôpital général,
par exemple, s'alourdit de façon absolument considérable
d'année en année, ce qui fait que les budgets qui, en
théorie ou en statistique, ont l'air de s'améliorer ne
s'améliorent pas parce qu'on a des malades qui sont des cas beaucoup
plus graves. Je pense qu'une des choses que je ferais - mais ce ne serait
peut-être pas la seule et je n'ai peut-être pas la connaissance
pour aller beaucoup plus loin - ce serait peut-être d'utiliser plus de
bénévoles, dont les corporations, les religieuses qui se rendent
disponibles, qui se veulent disponibles, mais qui n'ont pas toujours la
facilité de s'exprimer dans ce contexte-là parce qu'on les a
beaucoup exclues. Je pense que, quand on tient compte de l'actif immobilier que
ça représente, tous ces hôpitaux-là... Vous savez
que, dans les seules corporations qui sont ici ce soir, vous avez au-dessus de
500 000 000 000 $ de biens immobiliers; je ne le dis pas dans le sens qu'ils
veulent avoir un rendement sur leurs biens immobiliers, loin de là, ils
ont fait la preuve, depuis longtemps, qu'ils ne sont pas très regardants
de ce côté-là. Mais je pense que si on considérait
ça comme un actif et qu'on leur disait la fierté qu'on a de les
avoir comme Québécois et Québécoises qui oeuvrent
dans notre société et si on allait chercher tous les gens du
même acabit qui sont prêts à aider, je pense qu'on pourrait
peut-être, en partie, solutionner la question de l'humanisation des
soins. C'est simplement une opinion que je vous donne, mais je pense qu'on ne
tient pas compte assez de la capacité des gens de s'entraider. Et puis,
quels que soient les moyens qu'on aura, on n'arrivera jamais, avec la situation
actuelle, à avoir suffisamment de moyens financiers pour combler les
besoins qui vont se présenter.
Autre chose, je pense qu'il y a peut-être moyen, dans une petite
mesure... Je ne sais pas si on peut appeler ça le système de
paiement, mais je ne peux pas m'empêcher d'être frappé par
le fait que, dans certains cas, il y a des gens qui paient pour leur nourriture
chez eux, qui paient avec plaisir pour leur blanchiment, qui paient avec
plaisir pour leur note d'hôtel quand Ils y vont et quand ils vont
à l'hôpital, ils considèrent que ça leur est
dû d'être blanchi, d'être lavé, etc. Je ne dis pas
qu'il n'y a pas une proportion Importante de la population qui ne doit pas
avoir ces soins-là gratuitement, qui ne pourrait pas se le payer
autrement, mais je pense qu'il y aurait peut-être... En tout cas, si on
doit manquer de soins quelque part, peut-être qu'il y a des gens pour qui
ce ne serait pas si important que ça que de payer une partie de leurs
soins, au même titre qu'on le fait avec d'autres sortes d'assurances.
Également, dans les choses qui sont possibles - remarquez que ce
sont des opinions bien personnelles - il y a peut-être l'utilisation de
chambres, que ce soient des chambres d'hôtel ou de motel, qui seraient
construites pour des gens qui auraient besoin de soins moins grands. On
pourrait utiliser des systèmes comme Argus et ces gens-là
pourraient appeler à l'aide s'ils ont des besoins, des besoins
d'urgence, mais qui ne coûteraient pas, je ne sais pas combien de
centaines de dollars que coûte un malade dans un hôpital. Alors, si
on pense qu'une chambre au Château Frontenac coûte 150 $ et que ce
n'est pas cher par rapport à ce que ça coûte dans un
hôpital, peut-être qu'on pourrait songer à d'autres
méthodes d'hébergement que celles qu'on utilise dans le moment.
Alors, c'est mon point de vue.
M. Boulanger (Claude): M. Boulanger. La Présidente (Mme
Marois): Oui.
M. Boulanger: J'ajouterais quelques commentaires. Si on se
réfère dans l'histoire au temps où les religieuses
étaient entièrement propriétai-
res de leurs centres et qu'elles faisaient toute l'administration
du système de santé qui devait exister dans ce temps-là,
iI n'y avait pas de déficit. Et, aujourd'hui, malheureusement, on en
retrouve de plus en plus. Pour quelles raisons? Je ne le sais pas. Soeur Claire
se plaisait, au cours des fêtes du 350e, de souligner que Catherine de
saint Augustin avait construit le premier hôpital sans déficit et
que, durant tout le temps où elle en avait été
l'administratrice, il n'y en avait pas eu.
Le commentaire que je veux ajouter est quand môme... Je trouve
difficile - ça fait peut-être quatre ou cinq mandats que j'ai,
moi, à l'Hôtel-Dieu, et je trouve toujours difficile... On est
encarcané en tant que conseil d'administration; on est toujours
tributaire, iI faut toujours aller chercher quelques commentaires au
ministère, pas des commentaires, mais des autorisations, que ce soit
pour des constructions nouvelles ou des expansions. Ça, ça
m'agace, moi, en tant que tel, parce qu'en définitive, au moment
où on nous alloue un certain budget, quel qu'il soit, on sait que, de ce
budget-là, il y a pratiquement 80 % ou 85 % qui ne vont que pour les
salaires et il nous reste un certain budget, en définitive, pour tout le
reste de l'hôpital. Alors, c'est quand même minime. Et de voir tout
ce carcan-là qu'on peut retrouver au conseil d'administration, ça
devient difficile, en bout de ligne, d'avoir, de concrétiser des projets
à très très court terme. Je pense que ça se ressent
aussi dans la motivation qu'on peut retrouver à l'interne chez les gens,
que ce soit du côté du personnel infirmier, des médecins,
de tous ceux qui y travaillent.
L'autre élément que je désire ajouter, c'est que je
pense que dans cet esprit de donner plus de latitude, on devrait encourager
davantage les hôpitaux qui réussissent à avoir, via des
fondations, des montants d'argent, à se lancer et à être
capables de récupérer des montants d'argent assez substantiels.
Le ministère devrait encourager davantage, à mon sens, le
développement de ces hôpitaux-là pour démontrer que
les gens font un effort. Travailler et écouter, être sur un
conseil d'administration d'un centre hospitalier, c'est beaucoup d'heures de
bénévolat, en définitive, dans une année et dans
tout un mandat qui peuvent se faire, mais des fois on devient
découragé de ça et, certainement, ça peut se
ressentir, et c'est de toujours motiver les troupes, en quelque sorte. Et il y
a certainement ce qui a été mentionné au niveau des soins
en tant que tels: par exemple à l'Hôtel-Dieu, sur 540 lits qu'on
peut avoir, quand vous avez entre 80 et 100 personnes chroniques qui peuvent
s'y retrouver, c'est très, très lourd à supporter, c'est
très lourd. Heureusement, on n'a pas de problèmes d'urgence, on
ne fait pas parler de nous très souvent à la radio ou ailleurs,
mais ces cas-là sont quand même lourds à supporter et on
sera toujours prêts à dépanner les autres hôpi- taux
lorsqu'ils auront besoin d'aide à ce niveau-là.
M. Poitras: Soeur Coulombe pourrait...
La Présidente (Mme Marois): Oui, certainement.
Mme Coulombe (Cécile): Mme la Présidente, je
voudrais dire que j'appuie les propos qui ont été émis
jusqu'à présent. Je partage surtout, en regard de l'hôpital
du Saint-Sacrement, le seul hôpital général que nous avons
présentement, les Soeurs de la Charité de Québec,
l'opinion de Soeur Michaud et de Me Boulanger au sujet des malades à
long terme. C'est vraiment un poids lourd pour l'hôpital, parce que
ça limite les lits pour courte durée et, au point de vue
budgétaire, c'est très lourd à supporter aussi, parce que
ces malades-là coûtent très cher.
Une opinion personnelle. Moi, je me dis, ce qui pourrait peut-être
aider à baisser les budgets des hôpitaux et les déficits,
c'est que, si nous étions capables de faire l'éducation du
public, il ne viendrait pas à l'urgence et à la clinique externe
pour des riens ou presque. On est habitué à y venir: un enfant se
coupe, il tombe, il se fait une "pock". Autrefois, on soignait ça avec
un baiser, puis ça faisait bien.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): On le fait encore, vous savez,
à l'occasion, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): En terminant, la semaine
dernière, j'ai eu l'occasion de visiter l'hôpital
Maisonneuve-Rosemont à Montréal où il y a cette
expérience d'une urgence et d'une clinique tout à
côté, dans la cour, et on m'a fait visiter l'urgence. Je me suis
informé combien la clinique externe d'urgence avait traité de cas
qui provenaient de l'urgence dans la journée, c'était 112, ce qui
veut dire que, s'il n'y avait pas eu cette installation-là à
côté, c'est 112 personnes qui se seraient retrouvées
à la vraie urgence, celle de l'hôpital, alors que, finalement,
c'était une clinique externe dont elles avaient besoin et avec tout ce
que ça suppose comme problème.
Merci, c'est bien le "fun". Je n'attendrai pas d'être
hospitalisé à nouveau pour être capable de dialoguer, pour
tirer des bonnes leçons. Merci de vous être prêtés au
jeu d'être ministre quelques minutes. Pour moi c'était
intéressant.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.
Je m'excuse, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?
Mme Caron: J'ajouterais seulement un petit mot, parce qu'on a dit
que les chroniques dans les hôpitaux coûtent très cher,
c'est-à-dire que, quand ils arrivent chez nous, ils coûtent le
même prix et nous n'avons pas les mômes budgets que les
hôpitaux généraux.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Caron: Et ensuite, un autre mot, parce que, quand on parlait
d'un mémoire de Montréal, ils ont insisté eux-mêmes
sur quatre membres de la corporation. Alors, nous autres, on ne s'opposera
jamais à avoir quatre membres nommés par la corporation au lieu
de trois. C'est tout.
Une voix: Ha, ha, ha! Une voix: D'accord.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Au nom de l'Opposition, je veux vous remercier aussi
de votre représentation de ce soir. Le questionnement ne sera pas
très long, puisque le ministre a répondu complètement
à la demande que vous lui avez faite au niveau des corporations et
qu'entre les deux visites des deux regroupements des corporations
propriétaires le ministre nous a annoncé qu'il n'y aurait pas de
ces conseils d'administration unifiés. On lui avait bien dit d'ailleurs
que, s'il nous avait présenté son projet de loi à lui,
ça aurait été moins long puis ça aurait
créé moins de difficultés, mais c'était le projet
d'un autre là-dessus et on va probablement être obligés de
revenir une deuxième fols encore. Alors, les réponses
étant faites là-dessus, je veux juste réitérer, de
mon côté, l'indication que j'avais donnée à
l'occasion de la visite du Regroupement des corporations religieuses de
Montréal à l'effet que les services inestimables qui ont
été rendus par les communautés religieuses dans les
institutions hospitalières... Moi, qui suis d'une région
éloignée, de la région de l'Abitibi-Témiscamingue
où nous connaissons toute la signification aussi de ce dévouement
et du travail que vous avez investi dans la société, je crois
qu'il faut, oui, historiquement, dans la continuité des
opérations, le reconnaître et, bien plus que cela. On a souvent
l'impression, aujourd'hui - et c'est la Conférence religieuse canadienne
qui nous le rappelait l'an passé et encore en début d'automne -
que la plus grande cause de la consommation de soins, de
l'élévation du nombre de personnes que nous avons à
soigner dans notre société, c'est encore la pauvreté. Et
vous nous aviez bien rappelé, à cette occasion, dans un texte
très bien élaboré, qu'il faut peut-être reprendre
ça à la base, puisqu'il est clair qu'il y a une relation
évidente entre l'état de pauvreté d'une population et la
quantité de services de santé et de services sociaux que nous
devons accorder à une population et que, s'il faut regarder bien
attentivement, bien sûr, la façon dont nous distribuons avec la
plus grande accessibilité les soins et les services à ceux et
celles qui en ont besoin, iI y a aussi beaucoup de travail, comme vous nous
l'avez si bien démontré dans l'histoire en oeuvrant auprès
des plus pauvres dans notre société. Il faut aussi rappeler
ça à l'État quel qu'il soit, au gouvernement quel qu'il
soit, la lutte à la pauvreté. Un oganisme, cet après-midi,
une association de consommateurs nous rappelait qu'il y a 24 % de la population
du Québec qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Alors, il ne
faut parfois pas se surprendre qu'il y ait une si grande consommation et de si
grands besoins au niveau des services de santé et des services sociaux.
Alors, c'est le message que vous nous aviez laissé en 1988, que vous
aviez laissé au premier ministre en 1988, que vous avez
réitéré l'an passé en disant, au niveau de la
conférence canadienne des religieuses, religieux et religieuses, que
vous étiez même débordés de faire de la
suppléance. Et ça, il faut rappeler ça aussi à
l'État, le devoir et la responsabilité de l'État.
Sur un ton un peu plus léger, je dirais, en concluant, que quant
aux problèmes les plus urgents, je pense que vous avez sûrement
raison. Et quand vous dites, soeur Caron, qu'il faut développer un
certain nombre de places ou quand votre prédécesseur disait: iI
faut développer un nombre de places pour la longue durée qui
ferait en sorte qu'on pourrait libérer des lits de courte durée
et probablement diminuer les coûts assez gigantesques de notre
sytème... Soeur Caron, dites-lui, nous, on n'est plus capable. Il ne
nous écoute pas. Alors, si vous voulez lui répéter de
développer des places en centres d'accueil, que des places en centres
d'accueil, jamais on ne le répétera trop, c'est très
important, compte tenu du phénomène du vieillissement, qu'il
s'agit d'un des grands défis que nous avons pour la prochaine
décennie, à ne pas en douter. Alors, tout simplement merci de
votre contribution. Il y a le sénateur Poltras qui avait peut-être
quelque chose à...
La Présidente (Mme Marois): Oui, c'est ça. Vous
vouliez ajouter quelque chose et, je pense, votre collègue à
votre gauche aussi.
M. Poltras: Avant de terminer, et en vous remerciant de nous
avoir reçus, je pense que je suis en position pour vouloir dire un mot
au nom des communautés qui sont ici ce soir. J'oeuvre dans un
hôpital. J'y ai appris beaucoup. Il y a des frustrations que nous avons
comme administrateurs alors que nous parions essentiellement et que nous
prenons beaucoup trop de temps pour parler des choses matérielles et de
l'argent, à balancer des budgets et qu'on se trouve souvent sans moyen
pour aider les malades, eux-mêmes, pour faire quelque chose sur
le plan de l'humanisation, au niveau des conseils. C'est une frustration
pour le monde de l'extérieur qui viennent y servir parce que, ce n'est
pas nécessairement valorisant de s'occuper seulement des finances. C'est
une de nos frustrations d'avoir trop à donner là plutôt que
pour les malades eux-mêmes. Deuxièmement, je voudrais rendre
hommage, ici, ce soir, aux communautés parce que je suis en position de
savoir qu'au-delà des responsabilités qu'elles assument, des
corporations, des biens immobiliers qu'elles possèdent, elles continuent
très discrètement à aider, sur le plan social, partout au
Québec. Et je peux parler pour Québec parce que j'y suis
mêlé depuis de nombreuses années. Nous sommes conscients
qu'elles ont donné des terrains pour des institutions privées,
qu'elles ont participé d'une façon très
particulière pour aider les sidatiques, pour aider toutes sortes
d'oeuvres. Elles le font très discrètement. Alors toutes ces
organisations, je ne voudrais pas en nommer par crainte d'en oublier, je pense
que c'est la place pour leur rendre hommage. Je sais qu'à
l'Hôtel-Dieu, entre autres, où je siège, que
discrètement, au-delà de leurs responsabilités, elles
visitent des malades en soins prolongés, elles aident, elles
soutiennent, et je pense que c'est ça, ce soir, que nous venons
défendre et que nous voulons conserver. Je voulais leur rendre hommage
et vous le dire publiquement. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Nous le recevons très
bien. D'ailleurs, si vous me permettez une phrase, mes collègues me le
permettront sûrement. Je pense que la présence nombreuse de
religieuses ce soir marque sûrement l'importance de la place
occupée par des femmes dans la construction de nos ressources et de nos
institutions, une histoire qui sera sûrement reconnue un jour, je le
souhaite. Je vous remercie de votre présence avec nous ce soir. Oui,
vous vouliez ajouter quelque chose?
Une voix: Merci. M. Poitras: Merci.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): ça me tenterait
d'être politicien. vous savez comment je suis, m. poitras, surtout quand
j'ai en ma présence un sénateur, pour lui dire qu'il y a des
messages aussi à passer.
M. Poitras: Des accidents de parcours, ça ne nous
empêche pas de servir.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): On peut se parler en dehors de
la table aussi, Ha, ha, ha!
Merci de votre...
M. Poitras:... peut-être des responsabilités.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présence.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
La Présidente (Mme Marois): Nous ajournons nos travaux
à 9 h 30 demain matin.
(Fin de la séance à 21 h 37)