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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour tout le monde!
La commission est réunie, ce matin, afin de procéder
à une consultation générale et tenir des auditions
publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi, Loi sur les
services de santé et les services sociaux.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Atkinson
(Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Holden (Westmount) et
M. Chevrette (Joliette) par Mme Blackburn (Chicoutimi).
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Aujourd'hui, nous
allons entendre la Coalition des aînés du Québec, le
Conseil canadien des droits des minorités, l'Association
québécoise des organismes régionaux de concertation et de
développement, la Fédération des centres d'action
bénévole du Québec, la Confédération des
organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec, le
Réseau d'action et d'information pour les femmes, les Comités de
bénéficiaires des établissements à vocation
psychiatrique et finalement le Conseil québécois pour l'enfance
et la jeunesse.
Je demanderais donc au premier groupe de bien vouloir s'avancer, de
prendre place, la Coalition des aînés du Québec
représentée par Mme Yvette Brunet, présidente de
l'association. Mme Brunet, vous connaissez sans doute les règles.
Normalement, nous consentons une vingtaine de minutes pour l'exposé de
votre mémoire et, suite à ça, il y a un temps égal
qui est imparti aux deux formations afin de vous poser des questions et essayer
d'apporter un peu d'éclairage sur ce que vous avez à nous
présenter. Avant de procéder, j'apprécierais que vous
présentiez les gens qui vous accompagnent.
Coalition des aînés du
Québec
mme brunet (yvette): oui. et j'espère que vous ne
compterez pas ça dans mon temps, je voudrais faire une rectification, je
ne suis pas présidente de la coalition. je suis, ce matin, la
porte-parole, avec david wodsworth de l'association ndg et avec léo
hudon, président du forum des citoyens âgés.
Le Président (M. Joly): Merci, madame.
Mme Brunet: Alors, M. le ministre, MM. les commissaires et Mme la
commissaire, il nous fait plaisir d'être avec vous ce matin parce que
nous pensons que ce que nous allons vous présenter est extrêmement
important pour, je dirais, même pas la qualité de vie des
aînés, mais pour une vie décente.
Nous voulons d'abord remercier les membres de la commission de bien
vouloir prêter attention aux observations et critiques des associations
que nous représentons, associations toutes centrées sur la
problématique des aînés de notre société. La
Coalition des aînés du Québec est un regroupement de quinze
organismes bénévoles. Si j'ai un peu de temps, j'aimerais
beaucoup vous les nommer. Alors, c'est...
Le Président (M. Joly): En fait, si vous prenez le temps
de les nommer, ça va être un peu retranché sur votre
mémoire.
Mme Brunet: Bon, j'irai vers la fin, s'il me reste du
temps...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
Mme Brunet:... dans ce cas-là, O. K.
Alors, la Coalition des aînés du Québec est un
regroupement de quinze organismes bénévoles qui
représentent plusieurs centaines de milliers de personnes
retraitées et préretraitées, préoccupées par
les effets possibles de plusieurs aspects de ce projet de loi.
La Coalition s'est constituée en 1984. Elle s'est
manifestée lors de la bataille de la désin-dexation des pensions,
de l'adoption de mesures fiscales discriminatoires à l'égard des
aînés par le gouvernement du Québec, de la réforme
fiscale fédérale, de la TPS et de l'attaque au principe de
l'universalité des pensions de sécurité de la
vieillesse.
Dans le domaine de la santé et des services sociaux, la
première intervention publique de la Coalition fut la remise d'une
pétition sur la crise dans les urgences des hôpitaux et la
présentation d'un mémoire sur les services de maintien à
domicile à la ministre de la Santé et des Services sociaux. Lors
d'une rencontre avec nos délégués, Mme Lavoie-Roux avait
accepté l'idée d'une collaboration dans l'élaboration des
futures orientations gouvernementales sur le maintien à domicile des
aînés.
Aujourd'hui, la Coalition désire présenter à la
commission ses observations sur certains éléments majeurs du
point de vue des représentants de la population des aînés.
Nous voulons,
en premier lieu, souligner quelques principes de base que nous jugeons
de première importance. Il s'agit de la participation de la population
aux décisions, de l'approche préventive, de
l'universalité, de l'accessibilité et de la gratuité. Il
nous apparaît que la participation de la population à
l'orientation et à la gestion des services constitue un
élément essentiel afin que le système de santé et
de services sociaux continue de répondre et de s'ajuster aux besoins
réels.
Les personnes âgées, à cause de leur
expérience, surtout à cause de leur expérience, sont les
mieux placées pour définir leurs besoins et apporter un
éclairage adéquat sur les interventions à
privilégier. Une telle participation nécessite cependant que l'on
établisse des structures et des moyens d'exercer adéquatement
cette participation de la population. Dans cet esprit, il s'avère
nécessaire de reconnaître les organismes communautaires que la
population s'est donnés, non seulement au niveau des principes, mais
surtout concrètement au niveau des instances décisionnelles et de
favoriser le rapport dans le respect des orientations et de l'autonomie des
divers mouvements. D'ailleurs, les gouvernements ont reconnu à maintes
reprises les services indispensables apportés par le réseau des
organismes communautaires.
Parlons maintenant du deuxième principe qu'il soulève,
à savoir l'approche préventive. Nous sommes de ceux qui affirmons
que le contexte économique, politique, social et culturel constitue un
des facteurs déterminants de la santé des personnes. Nous croyons
que l'approche collective et la promotion de la santé sont des principes
intégrateurs de tout le processus sociosanitaire incluant la
prévention, le curatif et la réadaptation. Il est dangereux de ne
s'en tenir qu'à la prévention de la maladie et de ne cibler que
les clientèles à risques. Ce n'est pas là le
véritable sens de la prévention. Pour nous, comme nous l'avons
expliqué à Mme Lavoie-Roux lors de la rencontre du 18 novembre
1989 et lors des échanges avec les fonctionnaires du MSSS, la
prévention doit surtout faire en sorte d'empêcher ou de retarder
le plus longtemps possible la détérioration de l'autonomie des
personnes tout en leur assurant une qualité de vie convenable selon leur
état.
Enfin, rappelons que les principes de l'universalité, de la
gratuité et de l'accessibilité des soins de santé et des
services sociaux constituent des acquis auxquels tient beaucoup toute la
population. Comme l'affirmait le gouvernement dans son document d'orientation,
il s'agit là de la première garantie d'équité. Bien
que plusieurs viennent brandir le spectre du coût des services de
santé et des services sociaux à l'encontre du maintien de
l'accessibilité universelle et gratuite, nous voulons rappeler que nous
disposons d'un régime, en définitive, moins coûteux que
celui de plusieurs autres pays et qu'on admire à ce chapitre. Nous
refusons d'aller de l'avant dans une époque où deux
systèmes de santé se côtoieraient, celui des pauvres,
financé par l'État et celui que pourraient se payer les mieux
nantis de notre société. Nous vous apportons l'exemple du
système d'éducation actuel, c'est-à-dire des écoles
privées subventionnées à 80 % par l'État et
fréquentées par les mieux nantis. Nous craignons beaucoup que le
système de santé et de services sociaux présenté
dans l'avant-projet ne suive ce modèle.
En regard de ces principes, des critiques à formuler sur des
dispositions prises dans l'avant-projet de loi, le document des orientations
résumait assez bien les objectifs avec lesquels nous étions
d'accord. Toutefois, des écarts apparaissent entre ce document et
l'avant-projet de loi. Ce dernier ne respecte pas vraiment, dans les moyens
proposés, les principes de base sur lesquels nous attirons votre
attention. Nous demandons donc au gouvernement d'être plus fidèle
à l'esprit qui a inspiré ses orientations gouvernementales.
Quant à la participation de la population, les objectifs et le
régime institué par l'avant-projet de loi cherchent à
favoriser la participation de la population et des groupes à
l'instauration, à l'administration et au développement des
services. Les changements apportés au niveau des structures
démontrent que le ministère et ses fonctionnaires conserveront
les pouvoirs de base, comme cela existe présentement,
c'est-à-dire, déterminer les orientations, les programmes-cadres
et les budgets alloués aux régions, et cela, sans qu'aucun
mécanisme réel de consultation, sauf en passant par les
régies, ne soit prévu à ce niveau.
Par ailleurs, la complexité des structures et des paliers
décisionnels ainsi que le mode de désignation des membres des
conseils d'administration des régies et des territoires des CLSC nous
laissent croire que la population ne pourra exercer un pouvoir réel en
les éloignant des lieux de décision qui la concernent et en
rendant impossible l'appropriation des décisions.
La création des régies régionales nous
apparaît comme un essai de solution aux nombreux problèmes de
dédoublement et d'incoordination des services dans un même
territoire. Mais, quand on y regarde de plus près, il ne s'agit pas
d'une véritable régionalisation, mais plutôt d'une
déconcentration administrative. L'engorgement du système pourrait
se déplacer vers les diverses régions administratives, car ces
dernières ne disposeront pas d'un pouvoir réel d'orientation et
de décision, étant obligées de respecter les
programmes-cadres du MSSS. Les membres des conseils d'administration des
régies régionales auront une lourde tâche à
accomplir, si l'on en juge par rénumération des fonctions et
pouvoirs de ces régies. Il en est de même pour les personnes qui
formeront les C. A. pour l'ensemble des établissements d'un même
territoire. La participation des citoyens est essen-
tiollo et il faut mettre sur pied des structures qui permettent une
réelle participation. Les structures actuelles des CLSC et d'autres
établissements du réseau font que les citoyens n'ont pas un
accès réel au pouvoir de décision. D'ailleurs, ceci a
été dit et écrit dans notre mémoire à la
commission Rochon et par nous et par beaucoup d'autres groupes.
Le gouvernement veut mettre beaucoup d'ornphnso sur la participation don
oit oyons Coci no devrait pas oxcluro los pormanonts do nos organismes qui
assurent la stabilité, la continuité et possèdent
l'expertise accumulée par leurs associations. C'est aussi l'une des
raisons qui nous fait contester l'élimination des permanents de nos
organisations des C.A. des différentes instances.
La proposition d'unifier les conseils d'administration dans les
territoires des CLSC et des CSS nous apparaît très peu sage. La
plupart des territoires dans la région montréalaise et dans
d'autres régions aussi, mais de façon moindre, contiennent
plusieurs établissements à fonctions multiples. Ces
établissements se distinguent grandement quant à leurs buts, leur
clientèle, leur taille, leur expertise, leur technologie, leur personnel
et quant à leurs traditions et à la fidélité des
usagers de la communauté. Un conseil d'administration unifié sera
incompétent ou incapable, voire les deux, de s'occuper de la gestion
détaillée de tous ces établissements. De plus, comment les
groupes communautaires comme les nôtres pourront-ils faire
connaître les besoins de leurs membres et de la population qu'ils
représentent si une planification dirigée ne leur permet pas de
s'adresser directement à la plus haute instance qui gère cette
opération? Le gouvernement ne crée-t-il pas ainsi une illusion de
participation démocratique? En effet, les divers conseils
d'administration du système de santé et de services sociaux sont
formés en majorité de personnes choisies par les instances
actuellement en place. Les représentants des organismes communautaires
étant très minoritaires dans les nouvelles structures, alors le
pouvoir réel sera déposé entre les mains des
fonctionnaires.
Enfin, la régionalisation est peut-être souhaitée
par des intervenants du système, mais nous craignons fort que le
modèle proposé par l'avant-projet de loi ne vienne
détruire le réseau des organismes communautaires. Les
revendications de ces organismes ne pourront plus être
présentées directement au MSSS mais devront suivre la
filière des régies régionales s'ils parviennent à
s'y faire entendre. Les interventions de ces organismes devront se mouler dans
des programmes régionaux et le gouvernement, par ces régies
régionales, subventionnera désormais uniquement les organismes
communautaires en autant que ceux-ci se mouleront dans les critères
d'admissibilité et d'attribution contenus dans les règles
budgétaires applicables.
De plus, les regroupements communautaires ne seront pas admissibles
à des subventions. Il y a de quoi s'inquiéter de l'avenir des
organismes communautaires, comme l'a d'ailleurs souligné la Coalition
des organismes communautaires du Québec. Nous croyons, pour notre part,
qu'il vaudrait mieux, pour le bien-être de la population, conserver aux
organismes communautaires l'originalité de leur démarche et ne
pas les enformor dans des programmes de services qui réduiront une
action sociale s'attaquant aux causes des problèmes à tel point
que cela peut empêcher la créativité et une réponse
adéquate aux besoins réels de la population.
Quant à la prévention, la Coalition déplore que le
système actuel de santé et de services sociaux soit surtout
orienté sur le curatlf et sur une certaine conception de la
prévention, à savoir une intervention centrée uniquement
sur les facteurs d'aggravation de la condition des personnes et sur les
clientèles à risque. Nous ne voyons pas dans la nouvelle
législation quelque correctif qui viendrait amenuiser cette
fâcheuse tendance.
La question des services de maintien à domicile est un dossier
majeur au sein de notre Coalition. L'avant-projet de loi ne donne aucun
aperçu des intentions gouvernementales sur ce point précis et ne
laisse pas prévoir comment ce sujet capital sera traité dans le
nouveau système de santé et de services sociaux. Toutes les
études démontrent que les mesures de maintien à domicile
sont plus efficaces et beaucoup moins coûteuses pour maintenir
l'autonomie des individus que toute forme d'institutionnalisation dont
malheureusement le Québec est champion. L'aspect clinique et urgent
l'emportent présentement sur le préventif. Les services de
maintien à domicile, qui étaient une des responsabilités
des CLSC, ne réussissent à répondre qu'aux cas lourds.
Toute autre personne ayant besoin d'un soutien est référée
à sa famille, à son voisinage, aux organismes
bénévoles et aux agences privées. (10 h 30)
La politique actuelle est présentée comme une tentative de
responsabiliser les familles envers leurs proches et de redresser une situation
où l'État se serait substitué aux familles dans le soutien
aux personnes âgées.
Nous tenons à souligner que le désengagement de la famille
envers les personnes âgées est un mythe. En fait, les familles ont
toujours continue, au Québec, à prendre soin de leurs proches. La
famille n'a pas cessé d'accomplir son rôle de support. D'ailleurs,
les subventions accordées aux CLSC pour le maintien à domicile
sont grandement insuffisantes et ne peuvent plus répondre aux besoins de
la population et leur permettre de remplir leur mandat.
Une enquête de Renaud, Jutras et Bouchard, en 1987, dans le cadre
de la commission Rochon, établit que la sélection
effectuée par les CLSC fait en sorte que ces derniers ne contribuent
que
pour 2, 4 % de l'aide fournie aux personnes âgées à
domicile pour rencontrer leurs besoins essentiels, c'est-à-dire
préparation des repas, travaux ménagers, toilette personnelle,
soins infirmiers. Quant à l'aide des familles, elle couvre une
majorité de ces besoins.
Les restrictions budgétaires ont mené à un
rationnement des ressources et la volonté de limiter les places en
institution a produit un effet de cascade qui a mené à un
engorgement des autres services par des cas trop lourds pour leurs
ressources.
Par ailleurs, il est nécessaire, dans une optique de
prévention, de mettre l'accent sur le développement des
ressources intermédiaires entre les services de maintien à
domicile et l'institutionnalisation, c'est-à-dire centres de jour,
familles d'accueil, support aux aidants naturels, centres communautaires. Ces
ressources devraient être davantage financées. Nous voulons aussi
souligner, dans la prévention de l'autonomie des personnes
âgées, l'importance des services de transport permettant aux
personnes à mobilité réduite de participer à leurs
activités quotidiennes, socioculturelles et sociosanitaires.
Il va de pair avec le développement des ressources
intermédiaires de services et de résidences que les interventions
ne soient pas effectuées avec une définition de catégories
trop exclusives et limitatives des clientèles visées qui
enferment dans un type de service unique mais que nous envisagions la situation
dans un continuum de services. Il nous apparaît essentiel que le
gouvernement se penche sur une réelle politique du vieillissement.
Soulignons enfin que les organismes communautaires, par des
activités qui n'entrent pas toujours dans les programmes-cadres du MSSS,
amènent leurs membres et la population participante à une plus
grande autonomie et une prise en charge. Quant à l'accessibilité
universelle et gratuite, il apparaît que les principes de gratuité
et d'accessibilité sont quelque peu écorchés. Quant au
principe de l'accessibilité, les longues listes d'attente pour
l'obtention de services sociaux notamment, indiquent que ces services sont
réservés aux cas lourds. Les personnes en perte d'autonomie sont
très peu considérées. Le renvoi des personnes
âgées ayant besoin de services de maintien à domicile
à leur famille est aussi pour nous une limite à
l'accessibilité puisqu'il ne s'agit pas d'une
complémentarité des ressources mais d'un remplacement, d'un
déversement des clientèles, lesquelles manquent totalement de
support aux familles aidantes, ce qui est une preuve tangible. Les perspectives
de privatisation s'insinuent dans plusieurs articles de l'avant-projet de loi.
L'ouverture vers l'expérimentation des Organisations de soins
intégrés de santé, les OSIS, et l'avènement de
services privatisés que seuls les bien nantis pourront utiliser risquent
de faire apparaître une médecine parallèle.
Le jugement de la Cour supérieure, en août 1988, dans la
cause du CLSC Kateri, ne signifie nullement que les services de maintien
à domicile soient compris dans la gratuité des services aux
bénéficiaires. L'orientation des personnes vers les agences
privées est une autre mesure constante de privatisation. Nous voulons
réaffirmer avec force que nous nous objectons à la privatisation
des soins de santé et de services sociaux, car nous craignons que cette
réforme du système ne nous ramène à la situation
des années trente où des familles se sont endettées
largement et pour longtemps pour se faire soigner.
Les recommandations.
Le Président (M. Joly): Mme Brunet, il nous reste environ
une minute. Par contre, avec le consentement des deux partis on peut vous
permettre peut-être d'apporter une conclusion, s'il vous plaît.
Mme Brunet: Je vais accélérer.
Le Président (M. Joly): Vous pouvez aller.
Mme Brunet: Merci. Que le gouvernement introduise dans son projet
de loi des mesures qui permettront réellement, tant aux organismes
communautaires qu'au système de santé et de services sociaux, de
promouvoir dans la population des attitudes et des comportements favorisant une
meilleure santé physique et mentale, prévenant ainsi
l'émergence ou le développement d'un environnement morbide et de
maladies qui auraient pu être évitées avec des programmes
adéquats d'intervention préventive.
Que soient mis sur pied des services de maintien à domicile et
des ressources intermédiaires, sachant que dans le contexte actuel les
personnes désirent demeurer à domicile.
Que le gouvernement prenne les mesures pour maintenir la gratuité
des services de santé et de services sociaux et son caractère
public pour éviter que ce système ne glisse graduellement vers
une certaine forme de privatisation des services et, conséquemment, vers
un système de santé parallèle.
Que la section de l'avant-projet de loi portant sur les organismes
communautaires soit repensée et reformulée afin de mieux
protéger le dynamisme et l'autonomie de ces organismes contre
l'assujettissement aux programmes bureaucratiques et l'asservissement à
des structures lourdes qui les empêcheraient d'apporter des
réponses originales aux besoins actuels et futurs de la population.
Que les organismes communautaires puissent disposer d'une subvention
provenant directement du MSSS, comme cela se pratique actuellement, afin de
mieux protéger leur autonomie et leur capacité de mettre sur pied
de nouveaux programmes ajustés aux besoins de la population. Que les
regroupements d'organismes communau-
taires reçoivent directement du MSSS les subventions requises
leur permettant de soutenir leur section locale, au plan des orientations de
leurs activités, et d'assurer la formation de leurs
bénévoles et la transmission d'informations pertinentes dans le
but de supporter leur action de prévention auprès de la
population, action plutôt négligée par le système de
santé et de services sociaux.
Que l'on étende au conseil d'administration de chaque territoire
de Centre de services sociaux et de la régie régionale
l'obligation de compter une personne de 65 ans ou plus parmi ses membres, comme
le projet de loi l'indique à l'article concernant les conseils
d'administration de chaque territoire de CLSC. La personne représentant
les personnes âgées pourrait être aussi un membre d'un
organisme communautaire regroupant des personnes du troisième
âge.
Que le gouvernement du Québec et son ministre de la Santé
et des Services sociaux reconnaissent dans les lois et les règlements le
statut et les droits de la personne à mobilité réduite
dans la zone grise comprise entre le transport en commun et le transport
adapté. À cet effet, qu'il prévoie dans sa politique de
santé et de maintien à domicile, les services de transport
permettant aux personnes à mobilité réduite de participer
à leurs activités quotidiennes socioculturelles et
sociosanitaires. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Brunet. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, madame, messieurs.
Évidemment, votre participation à cette commission est une
participation attendue, puisque le consensus qui s'est dégagé
partout à travers le Québec est effectivement que le
vieillissement de notre population est le problème numéro un
auquel on doit faire face aujourd'hui, demain et, de manière plus
dramatique, au tournant du siècle. Vous représentez donc un
regroupement de personnes âgées à leur retraite qui passent
un message un peu d'inquiétude face à certains courants ou
à certaines tendances.
Vous avez fait beaucoup de place au communautaire, dans votre
présentation et aussi à l'intérieur de vos
recommandations, et ça m'apparaît très important, à
ce moment-ci, de consacrer quelques minutes à vous interroger. Si je
décode bien, vous avez un très grand respect du comunautaire.
Vous nous dites: Ils nous rendent bien service pour pas cher. En termes
très clairs: Essayez donc, autant que possible, d'en donner un petit peu
plus et de ne pas trop trop vous fourrer le nez dans leurs affaires parce que,
effectivement, ils nous donnent un meilleur rendement que ce qu'une structure
bureaucratique - j'ai mal saisi? - pourrait finalement faire.
J'aimerais vous entendre un petit peu plus parce que, effectivement, il
y a, à travers les mémoires, une préoccupation constante
ou, à tout le moins, il y a eu un bon lobby du communautaire pour dire:
II faut conserver notre place. C'est un message qui est double. On dit: La
décentralisation que vous proposez, ce n'est pas suffisant parce qu'il
n'y a pas assez de pouvoirs au niveau régional pour être capable
de décider. Et, en contrepartie, on sent une inquiétude du
communautaire de se faire engouffrer par une structure
décentralisée et plus autonome. On dit: Tout ce beau
monde-là - et ce n'est pas péjoratif - devrait avoir ses
subventions directement du ministère lui-même, en termes de
garantir son autonomie vis-à-vis du pouvoir décentralisé.
Alors, ce que je comprends, c'est que le communautaire, pour vous, c'est une
solution d'avenir.
Mme Brunet: Je répondrais à ce que vous venez de
dire: Oui, c'est vrai et, à plus forte raison, ça a
été reconnu dans le rapport Rochon et, comme on l'a dit dans le
mémoire, ça a été dit, ça a
été écrit que le communautaire, s'il fallait qu'il
disparaisse demain matin, ce sont des millions que le gouvernement devrait
payer. Quand vous dites que vous comprenez à travers le message qu'on
vous dit de ne pas mettre le nez dans nos affaires, je dirais que c'est
plutôt l'inverse. C'est nous qui voulons nous mettre le nez dans vos
affaires. C'est-à-dire qu'on veut être consultés, on veut
participer. D'ailleurs, on vous dit qu'on a déjà rencontré
Mme Thérèse Lavoie-Roux et qu'on a demandé une
consultation. Après, il y a eu deux personnes, deux fonctionnaires du
gouvernement qui sont venus nous consulter. Je vous dirais, là-dessus,
M. le ministre, que les retraités ne sont plus ce qu'ils étaient.
C'est-à-dire que ce sont des gens très bien informés, qui
participent de plus en plus à la collectivité et qui veulent
participer davantage. Alors, ifs veulent se faire entendre sur les choses qui
les concernent. Je pense que c'est heureux qu'il en soit ainsi au
Québec.
M. Côté (Charlesbourg): Je partage parfaitement
votre opinion lorsque vous dites que les personnes retraitées ou
âgées sont maintenant mieux informées. Lorsque je regarde
la liste des quinze membres de la Coalition, je me dis: II y a un potentiel,
là, tout à fait exceptionnel de personnes qui ont vécu
différentes expériences et qui, effectivement, doivent être
reconnues. D'ailleurs, c'est ce que le projet de loi fait, vous le reconnaissez
de manière très claire dans une de vos recommandations puisqu'une
personne de 65 ans et plus doit être dans un conseil d'administration de
CLSC. Vous dites: Ça ne va pas encore assez loin, il faut que ce soit au
niveau de la régie régionale, il faut que ce soit aussi au niveau
du territoire des CSS. Je pense que la logique doit suivre. Donc, il y a
déjà cette reconnaissance-là assez importante. Il est
clair qu'il y a beaucoup de personnes retraitées, aujourd'hui,
qui sont chez elles et qui ne demandent pas mieux que d'aider et d'apporter
leur contribution à un système qui en a largement besoin.
Sur le plan du communautaire, ce que je comprends, c'est que le
système qui est en place actuellement n'est quand même pas un si
mauvais système, si je vous comprends, où c'est une
administration centralisée qui donne des budgets à des organismes
communautaires de la base et à certains regroupements. Ce que vous
souhaitez, c'est que ça continue dans ce sens-là.
Mme Brunet: Oui, parce que ce qu'on a compris, en tout cas dans
l'avant-projet de loi, et on le dit, c'est le danger qu'on dise aux organismes
communautaires. Oui, on va vous subventionner, mais à la condition que
vous rendiez tel service à la population. On dit dans le mémoire
que les organismes communautaires ont une vocation très précise
et il y a comme un danger que cette vocation, qui répond à un
besoin réel de la population... Si on parle des associations des
personnes retraitées, qui est plus près de cette situation que
les retraités eux-mêmes? Alors, je pense que les organisations,
dans l'ensemble, répondent aux besoins réels. On craint
qu'à force d'aller dans un conseil d'administration, dans une
régie et à un conseil exécutif, finalement, au bout de la
ligne, les besoins, qui doivent répondre aux personnes, soient comme un
peu dilués dans tout ce cheminement. (10 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): L'inquiétude
fondamentale des gens du communautaire, c'est de se retrouver au niveau
régional et d'être engloutis par une structure régionale
qui ne leur ferait pas de place. La logique qui sous-tend une régie
régionale - appelons-la comme ça pour le moment, elle pourra
peut-être changer de nom éventuellement; le nom, ce n'est pas
important - c'était de décentraliser un pouvoir de
décision. Évidemment, il y a des craintes, il y a des limites
à ça sur le plan de la Loi sur l'administration
financière. Il faut pousser plus loin tous les pouvoirs qu'on peut
donner à une régie régionale. Ce que le ministère
pensait et ceux qui ont pensé la réforme, je souscris à
cette idée-là, c'est que les gens des régions sont mieux
habilités, mieux connaissants de leurs problèmes et de leur
problématique, des solutions qu'on devrait envisager et de la
priorisation qu'on devrait donner à certains secteurs par rapport
à certains autres pour faire face à la musique. Ce que j'ai de la
difficulté à comprendre du communautaire lorsqu'on en parle,
c'est cette appréhension que le pouvoir régional pourrait les
engloutir, prétendant qu'eux ne réussiront pas à faire
leur place à l'intérieur d'uno régie régionale ou
sur le plan des décisions à prendre. Ça, ça
m'inquiète, ça me préoccupe un peu. Évidemment,
j'ai dit qu'il y aurait des régies régionales et ça
m'apparaît extrêmement important.
Dans ces conditions-là, j'aimerais peut-être pousser
davantage avec vous: Quelle est la crainte que vous avez de vous faire
engloutir? Je comprends qu'un mouvement provincial puisse avoir certaines
craintes. Ça, c'est le regroupement. Peut-être que, demain matin,
la solution c'est que ce soit le gouvernement du Québec qui
décide de prendre à sa charge, dans un budget centralisé,
les regroupements, mais qu'à tout le moins, pour les régions du
Québec, ces régions-là puissent participer, décider
aussi avec la régie régionale des orientations et faire leur
place sur le plan régional. Alors, je fais une distinction très
nette, dans le communautaire, entre ce qui est regroupement d'organismes et
organismes communautaires dédiés aux services aux gens - prenons
un exemple - à domicile. On peut bien s'en parler, nous autres, au
ministère, on peut bien s'en parier avec vous autres qui êtes des
représentants des aînés à juste titre, mais ce qu'on
vise, c'est que la personne qui est à domicile, qui est en perte
d'autonomie, puisse avoir davantage de services.
J'ai de la difficulté à comprendre cette résistance
du communautaire à faire partie d'une régie régionale
où c'est au niveau régional qu'on déciderait de
l'attribution des subventions sur le plan régional.
Mme Brunet: Là-dessus, je vous répondrais. . Et je
pense qu'on a ici, dans la salle, deux personnes qui sont directrices du Forum
des citoyens âgés et de l'AQDR, qui pourraient peut-être
vous répondre plus largement que moi je peux le faire. Mais je tiens
à vous dire que ce qui arrive c'est que le conseil d'administration, de
la façon dont il est proposé, il y a seulement un
représentant du communautaire. Alors, a ce moment-là, quel peut
être le poids de cette personne-là? Et je vous dirais, M. le
ministre, pour avoir fait partie du conseil d'administration d'un CLSC pendant
deux ans, et je vous assure que, même si on s'appelle Yvette Brunet et
qu'on n'est pas gênée de parler, c'est pas facile d'être
capable d'avoir notre place dans le conseil d'administration, actuellement,
d'un CLSC Et on craint que ça se répète parce que,
à cause de tous les autres intervenants qui sont là, la personne
qui représente le communautaire est comme noyée et n'est pas
capable de saisir l'ensemble des autres, de ce qui se dit et de ce qui se passe
de la part des autres intervenants et des autres personnes qui sont
là.
M. Côté (Charlesbourg): ..pas ça, moi lorsque
Yvette Brunet nous parle de son expérience de participation à un
conseil d'administration d'un CLSC. Parce que le CLSC, le C de la fin c'est
pour communautaires, et s'il y a une place où l'exemple doit être
donné, c'est
bien là. Alors, vous êtes en train de me dire que, vous,
avec tous les moyens dont vous disposez, vous avez de la misère à
faire votre place à l'intérieur d'un CLSC.
Mme Brunet: Oui. Et c'est une réalité dans presque
tous les CLSC, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, O.K. Je vais vous poser
des questions encore plus précises. Pourquoi? Parce que le D.-G. prend
trop de place? Est-ce que c'est parce que le médecin prend trop de
place? Qui prend trop de place dans cette boîte-là?
Mme Brunet: Parce que, connaissant encore la mentalité des
personnes de 65 ans et plus, quand elles se retrouvent dans un conseil
d'administration où le langage, les structures sont faites en sorte
qu'elles ne trouvent pas leur place, comment voulez-vous que ces personnes
osent affronter un D.-G., osent affronter le président, osent affronter
le médecin, osent affronter tout ce beau monde autour de la table?
Alors, ces personnes-là... On trouve important, nous les
retraités, d'être au conseil d'administration, mais, au bout du
compte, notre place est tellement difficile à prendre qu'on finit par se
décourager et en sortir.
M. Côté (Charlesbourg): Est ce que je dois
comprendre que dans la proposition initiale... parce qu'on a entendu, pendant
deux semaines, des gens venir nous dire: II est indispensable que le D.G., que
le médecin, que le personnel professionnel soient au conseil
d'administration parce qu'ils ont une connaissance très importante. Dans
le projet, on dit: On les exclut. Effectivement, pour redonner le pouvoir
à ceux qui sont au conseil d'administration, on les exclut. On dit: On
ne s'en privera pas sur le plan de l'expertise, ils vont pouvoir venir
échanger, mais on les exclut. Ce que vous êtes en train de me
dire, c'est que ce sont eux qui mènent. J'ai toujours posé la
question. Il y a une différence fondamentale entre qui décide et
qui mène. Qui décide? C'est le conseil d'administration,
normalement. Mais qui mène? C'est une autre affaire. C'est ce que vous
êtes en train de me confirmer.
Mme Brunet:...
M. Côté (Charlesbourg): Ce que vous craignez dans
une régie régionale, c'est que le même
phénomène... les permanents prennent la place du monde ordinaire.
C'est ce que voulez me dire?
Mme Brunet: Quelques permanents, oui. Mais le président
n'est pas nécessairement permanent. Alors, je pense qu'il y a souvent
des ententes, je dirais, sur certains dossiers. Quand vous arrivez à la
table de la réunion du CA, c'est là que c'est très
difficile d'avoir un pouvoir de décision.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve fantastique, dans
ce beau monde que je connais de manière particulière depuis
quatre mois et demi, cinq mois, que tout le monde travaille pour les
bénéficiaires. C'est extraordinaire. L'échange qu'on a ce
matin - il y a plusieurs personnes qui ont perçu ça depuis
déjà fort longtemps -c'est que la structure prend bien de la
place. Il y aurait peut-être avantage à l'ouvrir ou à la
restreindre un peu sur le plan de son...
Mme Brunet: On craint qu'il se répète aussi dans
les régies, M. le ministre. Je vois que Daniel Lavoie voudrait prendre
la parole, mais il y a aussi David qui représente le groupe anglophone,
qui aurait peut-être quelque chose à vous dire.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M.
David.
M. Wodsworth (David): If you will allow me, M. Chairman, to speak
in English?
Le Président (M. Joly): We do. No problem. Une voix: It's
your right.
M. Wodsworth: I think that the question of participation is made
difficult, as Mme Brunet has said, when individuals face the formality of
procedures in an administrative board, i think the problem is, in part, the
complexity of the subject matter that has brought before a board, and specially
under the proposed unified boards where several institutions will be combined,
and the complexity of the detail will be beyond the capacity of individuals to
understand. We feel that the policies that are going to be proposed by the
ministry, will effectively represent ministerial and bureaucratic perceptions
of the needs of the people. We feel that these perceptions do not, in fact,
always accurately reflect the actual needs of the people themselves, and that
it is very important for the consumers, in our case, for seniors, to be able to
participate fully in understanding the nature of the services that are offered
to them and to have a genuine opportunity to contribute their experience of
their own needs, rather than have them filtered through the perceptions of the
professionals and of the bureaucrats. We therefore feel that the centralization
of boards and the domination of the boards by representatives appointed by the
ministry, will exclude a sense of genuine participation by seniors.
There is another aspect to this too - I think, that Mme Brunet referred
to - which is the difference between curative and preventive services. Many of
our organisations are, in fact, providing preventive services, because they
are
enabling people to stay out of institutions. And there are best done, I
think, by the sort of volunteers who are working in organizations like ours.
That sort of service is not available through the usual professionnal
perceptions, the usual professional services in institutions. Therefore, we
feel it is very important that this voluntary perspective should be brought,
should be ensured expression in the administrative boards. I think those are
the central points that we are trying to raise.
Le Président (M. Joly): Thank you, Mr. Wodsworth, we
appreciate your comments. Je pense que madame, ici, avait mentionné le
désir de s'exprimer. Mme Lavoie, je crois?
Mme Lavoie (Danièle): Oui. Danielle Lavoie. Je suis
directrice du Forum des citoyens âgés de Montréal. Ce que
j'aimerais apporter comme précision, c'est que souventefois, nous sommes
appelés à siéger à différents conseils
administratifs et ce qui se produit, c'est que la journée même ou
une semaine avant, nos représentants sont "affublés" de
documents. Alors, c'est de la pseudo-consultation. Ce qu'on veut vraiment, ce
que les personnes âgées veulent, c'est participer aux
décisions mais de façon éclairée. Cela veut dire
recevoir l'information préalablement avec un genre d'encadrement qui
puisse leur fournir un meilleur éclairage. Parce que, qu'on siège
n'importe où, si on dit: Bien, dans nos comités, on a des
représentants des usagers, des personnes âgées, ça
fait une belle brochette, ça paraît bien dans les papiers, mais
dans les faits, quels sont les rôles véritables de ces
personnes-là? On pense que les personnes âgées peuvent
être habilitées à prendre des décisions concernant
leur situation propre, c'est-à-dire des orientations de politique de
santé, des orientations d'administration de budget sur les
priorités. Alors, ce qu'on veut vraiment, c'est un effort
véritable de démocratisation de la participation.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je vous saisis
bien? Parce que, évidemment quand je vous ai entendu parler de la
"pile", ça aussi, c'est le lot d'un ministre à tous les jours:
une grosse pilel II y a un moyen de le noyer. On en met plus qu'il faut et
ça aussi, c'est le même phénomène. C'est un peu le
phénomène du privé aussi. Il ne faut pas se faire
d'illusions. Cependant, le privé s'est un petit peu ajusté en ce
sens qu'il ne questionnera pas trop les chiffres ou les colonnes de chiffres,
parce que sans ça, ça va prendre toute une série de
spécialistes, mais il va davantage faire le questionnement sur des
questions de fond. Si on se retrouve demain matin dans un CLSC, au conseil
d'administration, il me semble bien que, lorsqu'on parle de maintien à
domicile, puisque c'est un mandat qui est décentralisé - c'est un
de vos objectifs - c'est davantage sur les ajustements qu'on devrait faire au
programme de maintien à domicile - est-ce qu'on devrait faire telle
affaire ou telle affaire? - qu'il faudrait se questionner à savoir si on
remplit notre mission à ce niveau-là que de tenter d'inonder des
gens par toutes sortes de documents sur le plan administratif. Donc, discuter
de politiques vis-à-vis des personnes qu'on veut desservir. Ça me
paraît important parce que ce qu'on entend, c'est la crainte, le syndrome
du papier, là. Et ça, c'est répandu un petit peu partout.
Vous m'arrêtez, M. le Président, mais...
Le Président (M. Joly): Allez, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): ...j'aurais peut-être
une dernière question. J'en ai d'autres, mais j'ai pris note d'un
certain nombre de commentaires qui...
Mme Brunet: M. le ministre, je voudrais vous dire une chose. Je
pense que les gens qui vont retourner chez eux, si on n'a pas au moins
abordé un tout petit peu la question du maintien à domicile, ils
vont être très déçus. Actuellement, c'est un grave
problème parce qu'on le dit, l'accessibilité à ces
services est de moins en moins grande, la privatisation s'installe de plus en
plus. Je pense qu'on aimerait vous entendre là-dessus parce qu'il y a
vraiment quelque chose qui est en train de se passer et on va se ramasser dans
quelques années où les gens devront payer. Et, vous le savez
aussi bien que moi, on a parlé du vieillissement de la population, mais
on sait en même temps que les retraités ne sont pas les plus
riches de la société, ils sont majoritairement pauvres, comme on
peut dire. Alors, qu'est-ce qui va arriver à cette
clientèle-là de personnes ayant très peu d'argent et
même aux personnes qui ont des revenus de 20 000 $ et de 25 000 $
à leur retraite, qu'on ne qualifie pas de pauvres? Mais est-ce qu'on
peut penser que ces personnes-là vont être en mesure de payer tous
les services et les soins qu'elles vont devoir se payer?
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, vous
m'avez dit tantôt lorsqu'on a parlé de communautaire que ce que
vous vouliez davantage que de nous dire quoi faire, c'est que je vous dise ce
que nous allions faire. Ai-je bien compris ça?
Mme Brunet: On va changer de termes parce qu'on veut être
consultés.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je pense que
ça...
Mme Brunet: C'est plus précis
M. Côté (Charlesbourg): ...m'apparaît
élé-
mentaire. Ce que j'ai compris en arrivant chez nous, en regardant les
sommes qui sont investies dans le maintien à domicile.. J'ai
demandé: Fournissez-moi un rapport sur: en a-t-on pour notre argent? Pas
rien que parce qu'on en a pour notre argent; ce n'est pas ça,
l'objectif. L'objectif: est-ce que notre argent est bien dépensé
et va aux bonnes choses dans le maintien à domicile? Parce qu'on entend
chez nous au cabinet et dans le courrier des récriminations
vis-à-vis du maintien à domicile: inaccessibilité ou
certaines mesures qui sont fournies, mais qui ne sont pas adéquates. (11
heures)
Évidemment, moi, j'ai dit: II va falloir faire l'analyse de ce
qu'on veut donner comme maintien à domicile. On a ajouté, au fil
des années, des mesures. C'est clair que c'est un élément
extrêmement important et indispensable dans l'avenir, le maintien
à domicile, si on veut être capables de faire face à nos
défis de l'an 2000 et d'en maintenir davantage à domicile. Ce
qu'on a sauvé depuis quelques années avec le maintien à
domicile, c'est éviter l'institutionnalisation, la retarder de deux ans
ou de trois ans. Alors, on a besoin d'un réajustement extrêmement
important. C'est clair que, à ce niveau-là, dans la
réforme, le maintien à domicile va prendre une place
extrêmement importante parce que c'est un élément de
première importance au niveau de la réforme, mais pas tous
azimuts, pas n'importe comment, sur le territoire, avec des normes
différentes dans le CLSC La Source, le mien, à Charlesbourg, du
CLSC de Grande-Vallée, en Gaspésie ou du centre-ville à
Montréal. Finalement, l'interprétation est fort différente
un peu partout. Oui, effectivement, il y a des choses à faire, il y a
des choses qui vont se faire et qui vont se maintenir.
Mais moi, j'aimerais davantage vous entendre, vous, me parler de ce
qu'est le maintien à domicile dans le champ, autrement que par des
rapports sur papier. Et vous êtes bien placés pour me dire ce qui
va et ce qui ne va pas dans le maintien à domicile.
Mme Brunet: Nous autres de la Coalition, bon, vous avez dit: On
est nombreux. Oui, c'est vrai, ça représente 500 000 personnes au
Québec. Ce qu'on sait des personnes, elles veulent rester chez elles le
plus longtemps possible. Je pense que tout le monde comprend ça. On n'a
pas besoin de faire un dessin là-dessus. Bon. Mais à ce
moment-là, pour rester à la maison... Aussi, on sait aujourd'hui
qu'à cause de l'évolution de la science les personnes
âgées commencent à être vraiment incapables
physiquement vers l'âge de 75 ans. Alors, déjà, ça,
c'est écrit. Alors, à ce moment-là, de quoi les personnes
ont-elles besoin? C'est de l'accompagnement, c'est de la popote, c'est de faire
un petit peu de ménage, c'est-à-dire de se sentir appuyées
par un réseau quelconque. Ça peut être - on l'a dit, on
n'est pas contre - la famille. Et on vous l'a dit, ça n'a jamais
cessé, la famille a toujours été présente.
Permettez-moi une petite parenthèse. Je peux vous dire que ce
sont les femmes, la famille, par exemple, qui prennent soin des personnes
à la maison. Ce sont principalement des femmes qui font ce travail.
Alors, ces personnes-là, avec un tout petit peu... Et c'est ça,
M. le ministre, qu'on appelle de la prévention. A ce moment-là,
ça se fait dans beaucoup d'endroits. Je pense qu'on pourrait copier
certains modèles qu'ils ont déjà
expérimentés, qui ont déjà obtenu une
société, je dirais, plus équitable en appliquant et les
services et les soins à domicile.
Au bout de la ligne, M. le ministre, vous savez fort bien que
présentement, étant donné que les gens qui demandent des
soins, qui ont besoin des soins ne les obtiennent que huit mois, que neuf mois,
qu'un an après, ce n'est plus des services qu'ils ont besoin, ils ont
besoin d'entrer dans un centre d'accueil. Et dans les centres d'accueil, M. le
ministre, il y a actuellement 8000 places qui sont demandées au
Québec et ils ne peuvent pas y entrer. Alors, quand les personnes
réussissent à entrer, c'est pour mourir dans le centre d'accueil.
Et ce n'était pas la vocation des centres d'accueil et ce n'était
pas la vocation des CLSC au départ.
Alors, ce serait peut-être de revoir ce qu'on peut faire avec
ça parce qu'il n'y a rien, non plus - et il y a, au CSSRMM,
région métropolitaine, des rapports qui ont été
faits là-dessus - entre les personnes qui sont à la maison et le
centre d'accueil. Il n'y a rien qui existe. C'est-à-dire que oui, il y a
les centres hospitaliers de courte durée, de moyenne durée, mais
j'ai encore entendu, la semaine dernière, qu'il y a une personne qui
attend pour entrer dans un centre d'accueil, ça fait un an qu'elle est
à l'hôpital. On sait ce que ça coûte être
à l'hôpital. Elle ne devrait pas être là.
Alors, je dirais de mettre un peu plus d'ordre dans tout ça parce
que ça nous apparaît présentement une espèce de
politique de cataplasme sur une jambe de bois.
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, mais on a
sûrement...
M. Côté (Charlesbourg): On aura très
certainement l'occasion d'en reparler. Il y a beaucoup d'efforts qui ont
été faits dans ce domaine-là, peu importe par qui,
beaucoup d'efforts qui ont été faits. Ce ne sont peut-être
pas des mesures qui s'enchaînent bien. Évidemment, il y a un
manque très évident de places - c'est ce que Mme Lavoie-Roux
disait dans ses "Orientations" - pour la longue durée. De dire qu'il y
en a 16 % ou 14 % ou 15 % qui occupent des lits de courte durée dans les
hôpitaux, tout le monde a compris depuis déjà fort
longtemps
que ce n'est pas nécessairement là leur place et où
c'est le plus économique, non plus.
J'aurais eu bien d'autres questions, mais je pense que je prendrai
l'occasion, avant la fin de la réforme, de vous consulter.
Le Président (M. Joly): Merci, M le ministre. Maintenant,
je vais reconnaître Mme la députée de Chicoutimi, Mme
Blackburn.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président Mme Brunet,
messieurs, ça me fait plaisir de vous saluer au nom de l'Opposition
officielle. Votre mémoire suggère tant de questions que le
problème, c'est de savoir par où commencer. J'ai choisi de le
faire davantage autour de deux questions touchant d'abord les soins ou les
services offerts aux personnes âgées et la
régionalisation.
Le ministre parlait tout à l'heure du problème du
vieillissement. Je vous avoue que, chaque fois que j'entends parler de cette
question comme étant un problème, j'appelle ça plus une
réalité, la réalité québécoise. La
population vieillit et comment peut-on aménager les services en fonction
de cette réalité? Peut-être parce que je m'approche
tranquillement du vieillissement aussi, comme le ministre et d'autres, cette
idée de parler de nous en termes de problème m'est toujours un
peu désagréable, d'autant que la nouvelle population
âgée, vous l'avez fait remarquer, peut être
extrêmement productive et utile en raison des expériences et des
connaissances qu'elle a. Il y a aussi le fait qu'elle demeure en santé
plus longtemps, étant donné qu'elle prend sa retraite plus
tôt.
Deux questions qui me préoccupent. Le ministre se demandait
comment on pouvait permettre à des citoyens ordinaires de participer aux
décisions d'un conseil d'administration de CLSC ou d'un conseil
d'administration d'hôpital. Je dirais que ce n'est pas possible; c'est
une fausse démocratie, je pense que tout le monde l'a reconnu, pour une
raison extrêmement simple: pas par mauvaise volonté des CLSC -
quoiqu'il doit bien y en avoir, je ne veux pas les blanchir, les bénir
comme ça - mais simplement parce que tous nos établissements de
santé, et c'est vrai pour les collèges, c'est vrai un peu
partout, sont tenus de remplir des formules, des rapports et ça n'en
finit plus. Ils doivent avoir des résolutions des conseils
d'administration. Donc, les conseils d'administration prennent des
résolutions sur des décisions dont ils ne connaissent pas la
portée, sauf qu'ils les prennent. Alors, le seul à comprendre
tout ça, c'est généralement l'adminis-tateur ou le
permanent, qui s'appelle le directeur général, le directeur des
services financiers.
La raison, c'est exclusivement parce que ces établissements n'ont
pas de pouvoirs. C'est la lecture que j'ai faite pour avoir siégé
à plusieurs conseils d'administration. Ils sont des "rubber stamps",
pour utiliser l'expression anglaise, des estampillées de
décisions prises ailleurs. Dans ce sens, est-ce qu'une
décentralisation réelle des pouvoirs et des décisions
touchant les orientations d'une région, dans cette hypothèse
d'une réelle décentralisation, parce que vous qualifiez la
décentralisation de déconcentration, avec justesse d'ailleurs,
ça pourrait vous rassurer quant à la possibilité de ces
régies régionales de prendre en compte la réalité
des organismes communautaires?
Mme Brunet: Je pense que c'est difficile de répondre
à ça parce que, quand on regarde les structures des CLSC
actuellement qui n'ont pas réussi à répondre
adéquatement et selon leur vocation aux besoins de la population, est-ce
qu'on peut penser que des régies vont être capables de faire
mieux? Est-ce que les structures des CLSC actuellement ont fait en sorte qu'on
n'a pas été capables de réaliser ce qu'on voulait faire et
qu'on est allés vers des urgences? C'est la question qu'on se pose.
Est-ce que les régies vont pouvoir le faire, c'est-à-dire
décentraliser davantage? Qui aura le pouvoir dans ces régies?
Est-ce que la personne concernée aura sa place, sera capable de
s'intégrer dans ces structures, de comprendre ce qui se passe? Comme
l'intervention tantôt de Mme Lavoie qui disait: II faudrait une
préparation, parce que c'est vrai qu'on reçoit d'abord une pile
épaisse comme ça avant la réunion, mais comprendre tout ce
qui est écrit... Je pense que ce n'est pas comme ça que les
personnes vont pouvoir fonctionner à travers les régies. C'est
pour ça qu'on a tout un questionnement face à ça
aussi.
Mme Blackburn: Je partage les sentiments du ministre lorsque les
gens arrivent ici en disant: On n'en veut pas vraiment de la
régionalisation. Ça nous est venu beaucoup des organismes
communautaires. C'est comme si on avait plus confiance en un gouvernement
central qui doit prendre en compte la norme, une espèce de moyenne
nationale, pour distribuer les budgets. Dans ma région, des sans-abri,
je n'en ai pas. Il y en a 20 000 à Montréal, cependant, selon les
statistiques. Alors, ce n'est pas tout à fait la même
réalité. Cependant, j'ai plus de chômeurs qu'il n'y en a
à Montréal et la même chose dans la région d'origine
du ministre.
J'y reviens brièvement, le problème des CLSC, c'est qu'on
a orienté, on a exigé d'eux qu'ils répondent à
trois missions - vous vous rappelez, avec le rapport Harvey - c'étaient
les clientèles à risque, le maintien à domicile et la
santé mentale, si je ne m'abuse, ce qui fait que tout ce qui sortait de
ça... Comme ils n'avaient pas de budget, et qu'ils étaient
constamment restreints, évidemment, ils ont dû s'en tenir à
ce qu'étaient les orientations gouvernementales.
Mais, dans les régions, est-ce qu'on peut penser que ça
pourrait vous rassurer si on parlait d'une enveloppe ou d'un pourcentage
d'une enveloppe régionalisée qui serait accordée
aux organismes communautaires et où il faudrait établir un
mécanisme en vertu duquel ces organismes pourraient définir les
priorités de la région? Ça me dérange toujours que
les priorités des régions, que ce soit la mienne, l'Abitibi, la
Gaspésie, la Beauce, soient établies en fonction des besoins de
Montréal. Je m'excuse de le dire aussi brutalement, mais c'est ça
le problème qu'on vit dans les régions, et la centralisation de
l'enveloppe a toujours été ça. Alors, je me dis que
vous...
Mme Brunet: En tout cas, je pense aux organismes qui sont un
regroupement, c'est-à-dire qu'ils ont beaucoup de sections, comme on les
appelle, à travers la province. À ce moment-là, quelles
garanties avons-nous pour la subvention? Si on la répartit un peu
partout à travers le Québec, qu'est-ce qui resterait pour ce
qu'on appelle le provincial qui travaille, justement, en collaboration avec les
sections? Parce que vous savez que l'AQDR est une association de défense
des droits; il y a d'autres associations qui aussi travaillent pour leurs
membres. Alors, est-ce que ça ne serait pas noyé là-dedans
et qu'il restera si peu d'argent, finalement, pour le regroupement même
qu'on ne pourra plus apporter l'aide qu'on a toujours apportée à
ces gens, faire la prévention, les informer, les former, autrement dit,
aider une association, quelle qu'elle soit, qui fait en sorte que ses membres
sont autonomes, se prennent en charge et continuent à fonctionner dans
la société? Alors, ça nous apparaît bien important
qu'il y ait un financement pour ça.
Mme Blackburn: Je pense que, là-dessus, vous avez raison.
Vous avez raison à la fois sur la nécessité de maintenir
le financement des regroupements. Moi, j'y crois aux regroupements. C'est la
meilleure façon de mettre ensemble, de faire des mises en commun par
rapport aux expériences, aux problèmes vécus, mais je
pense que c'est vrai également régionalement. On a
déjà abordé ça. Mais il n'y a rien qui
empêcherait ou qui exclut que le ministère se conserve un
organisme, pas de concertation, mais des tables provinciales, des regroupements
nationaux sur cette question.
Mme Brunet: J'ajouterais là-dessus, Mme Blackburn, qu'il
n'y a rien qui est écrit qui le dit, ça.
Mme Blackburn: Non, vous avez raison.
Mme Brunet: Alors, de là notre inquiétude et c'est
pour ça qu'on vous en a fait part.
Mme Blackburn: Vous notez avec justesse, d'ailleurs, qu'il y a un
écart considérable, pour ne pas dire un fossé, entre les
"Orientations" et le projet de loi. Et les questions que vous soulevez font
exactement paraître ce que nous appréhendons: comment pouvoir
établir des structures sans des orientations claires et précises
en ce qui touche les grandes questions de l'accessibilité, la
gratuité, l'universalité, ainsi de suite, et la
régionalisation? Alors, c'est ce qu'on a déploré. Comment
et en vertu de quels principes pourrions-nous décider de la grandeur de
la maison si on ne sait pas qui on veut mettre dedans? Ça
m'apparaît élémentaire.
Vous avez rappelé aussi une autre vérité qu'on
oublie trop facilement. Il y a seulement 2,4 % des services de maintien
à domicile qui sont assurés par les CLSC. Pourtant, partout on
dit: Les familles ont abandonné leurs personnes âgées.
C'est faux aussi. J'ai eu l'occasion de le constater à maintes reprises
et plus particulièrement dans un dossier qui devrait intéresser
le ministre. Chez nous, les personnes en perte d'autonomie sont
hospitalisées à une centaine de kilomètres de Chicoutimi,
à Saint-Jérôme ou à Métabetchouan, selon la
façon dont vous l'appelez, avec le résultat que les personnes qui
ont actuellement leurs personnes âgées à l'hôpital de
Chicoutimi, dans l'unité de soins prolongés, vont les voir deux
fois par jour, trois fois par jour, vont les nourrir, les soigner et tout
ça, et c'est courant, tout le département le sait. Ça pose
des problèmes parce que, quand ils les transfèrent là-bas,
ils ne le peuvent plus.
Mme Brunet: Je vais dire quelque chose là-dessus, si vous
me le permettez, Mme Blackburn.
Mme Blackburn: Oui. (11 h 15)
Mme Brunet: Vous disiez, tantôt: On parle du
problème du vieillissement. Ça fait drôle d'entendre parler
d'un problème de vieillissement parce qu'en même temps ça
peut signifier: On a un problème avec les personnes âgées.
Je pense qu'il est important de reconnaître que la personne a encore sa
place dans la société. Et ce que Mme Blackburn est en train de
dire... J'étais à Roberval et la personne, justement, est
allée voir sa mère qui est partie de Jonquière pour
être placée dans un centre d'accueil à
Saint-Jérôme. C'est inhumain qu'on vive ça dans notre
société, actuellement, séparer les maris et les femmes,
dans certains cas...
Mme Blackburn: C'est ça.
Mme Brunet: ...qui ont vécu pendant 50 ans ensemble, qu'un
soit à un endroit et l'autre à un autre. Je pense qu'il est
grandement temps qu'on ait une véritable politique de vieillissement,
avec ce que les personnes souhaitent vivre, qu'on reconnaisse
l'expérience et qu'on reconnaisse que la vieillesse, ce n'est pas une
tare dans notre société.
Mme Blackburn: II y a 90 pensionnaires de
cette institution qui viennent de Chicoutimi et de Jonquière.
Alors, c'est 90 personnes en perte d'autonomie qui sont originaires de
Chicoutimi et de Jonquière et qui sont hospitalisées à une
centaine de kilomètres pour aller terminer là leurs jours. C'est
totalement, complètement inhumain. J'ai rencontré des personnes,
un monsieur qui pleurait. Il n'a plus de permis de conduire, il ne peut pas y
aller, sauf une fois par mois quand sa famille lui dit: Bien, écoute, je
peux y aller, on va aller voir maman. Mais c'est ça, la
réalité.
Revenons à quelque chose que vous abordez dans votre
mémoire, c'est la privatisation. Et, comme on aborde toute la question
de la privatisation plus particulièrement, je dirais, en fonction des
services à être offerts aux personnes âgées,
parlez-moi de la perception que vous en avez et des effets que ça
pourrait avoir quant à la qualité et à
l'universalité des soins destinés aux personnes
âgées. C'est à la page 14 de votre mémoire.
Mme Brunet: Oui. L'AQDR a présenté un
mémoire à la commission Rochon, ça fait déjà
quelques années. On avait demandé à nos sections de
présenter un mémoire. On avait appris par certaines sections que,
déjà, on demandait aux personnes de payer ne serait-ce que 1 $,
mais de payer pour avoir ces services. Alors, nous et toutes les associations
de la Coalition pensons la même chose, c'est-à-dire que, quand on
commence à faire payer, je l'ai dit tantôt, on ouvre la porte. Je
vous ai aussi dit que nous travaillons actuellement sur le principe de
l'universalité des pensions. Je pense que je n'ai pas besoin de vous
expliquer ce que nous autres, on trouve qui n'est pas correct là-dedans,
c'est-à-dire qu'on ouvre la porte.
Alors, quand on commence à faire payer les gens, ça veut
dire qu'on vient de perdre la gratuité et que ces personnes-là
doivent avoir affaire au privé. J'entendais dire, justement, il n'y a
pas très longtemps, au CSSRMM, à Montréal, que les
familles d'accueil, par exemple, il est en train de s'en installer beaucoup
beaucoup dans le privé. Ces familles d'accueil privées, pendant
les fêtes, ne voulaient pas garder les personnes qui étaient
là parce qu'elles voulaient fêter comme beaucoup d'autres; elles
ont renvoyé des personnes se faire garder dans les centres de jour.
Alors, il y a toujours tout un problème. Quand on s'en va vers la
privatisation, quel contrôle le gouvernement a-t-il sur ça? On
risque de payer pour des soins. Quelle sera la qualité de ces soins et
de ces services? Ça aussi, c'est très inquiétant pour les
personnes vieillissantes dans la société.
Je l'ai dit, on l'a dit dans le mémoire, on se souvient des
années trente. Quand on a entendu M. Nadeau dire qu'il faudrait
peut-être payer dans les hôpitaux, tous les gens nous renvoyaient,
ceux qui en parlaient, bien sûr: Mais non, ça ne se peut pas, on
ne se retrouvera pas comme dans les années trente. Mon père a
été malade et on a dû payer toute notre vie son
hospitalisation et ça a fait qu'on était pauvres. Alors, il y a
une crainte et je pense que cette crainte est fondée.
Le Président (M. Joly): Oui, merci. Est-ce que, madame,
vous voulez continuer?
Mme Blackburn: Je pourrais poursuivre, mais je vois que j'ai une
collègue qui voudrait.
Le Président (M. Joly): Vous avez encore quelques minutes
et aussi, Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: À la page 9 de votre mémoire, vous
faites mention que les organismes communautaires ont devancé le
gouvernement dans ses initiatives face à la détresse. J'aimerais
bien que vous nous parliez de la détresse des personnes
âgées, notamment en ce qui concerne l'utilisation de
médicaments, la consommation de médicaments. On soigne beaucoup
plus les personnes âgées par des médicaments que par autre
chose, aujourd'hui et c'est peut-être une façon de régler
leurs problèmes face à leur détresse.
Alors, j'aimerais bien que vous commentiez, en fait, l'action que vous
pouvez apporter à ce niveau-là. Qu'est-ce que vous pensez,
justement, de la pratique, actuellement, face aux personnes âgées
avec la consommation de médicaments?
Mme Brunet: C'est intéressant que vous posiez la question
parce que, partout, dans les "Orientations", dans l'avant-projet de loi, on
parle toujours des usagers qui abusent du système. Et nous, on dit qu'il
n'y a pas seulement les usagers qui abusent du système; il y a bien
d'autre monde à l'intérieur de ce système-là qui
abuse du système. Je pense que je n'ai pas besoin, non plus, de vous
dire que, partout où on retrouve des individus, on en retrouve qui
abusent du système, quelle que soit la forme. Alors, à ce
moment-là, c'est bien évident que les personnes qui sont
bourrées de médicaments...
Entre parenthèses, les femmes se font prescrire beaucoup plus de
médicaments que les hommes; les hommes se font prescrire trois
médicaments par jour, les femmes, onze médicaments par jour.
Alors, à ce moment-là, c'est évident que ce sont surtout
des tranquillisants qu'on leur donne, parce que, connaissant les conditions,
par exemple, dans les centres d'accueil, connaissant les conditions dans les
hôpitaux, dans les centres hospitaliers de courte durée, de longue
durée où on coupe le personnel, qu'est ce qu'il reste à
faire aux personnes qui travaillent dans ce milieu-là quand elles ne
peuvent pas répondre aux besoins de la clientèle? C'est
très facile de donner un médicament parce
qu'on les fait taire pour un bout de temps et c'est moins
dérangeant. Je ne dis pas que c'est vraiment la volonté des gens
qui sont à l'intérieur de faire ça, mais je dis que, comme
est le système actuellement, souvent c'est la seule solution.
Alors, c'est bien sûr que, encore une fois, ce à quoi
ça renvoie, c'est à la dignité de la personne, à
l'importance de la personne. Est-ce que c'est la seule façon de
maintenir ces personnes en vie, c'est-à-dire d'étirer, je dirais,
des morts vivants? Est-ce qu'on pense que c'est important, la contribution,
parce que ça renvoie à tout ça? Qu'est-ce qu'on fait dans
notre société des personnes vieillissantes? Moi, je tiens
à vous dire, parce que je vois qu'il y en a qui sont quand même en
bas de 50 ans ici, que les retraités aujourd'hui ont souvent 53 ans, 55
ans et on les classe parmi les personnes âgées. Alors, où
est-ce qu'on s'en va avec ça? Je ne pense pas que personne ici accepte
de se faire classer personne âgée à l'âge de 55 ans,
mais c'est non seulement de l'accepter, mais c'est d'être traité
comme tel aussi, c'est-à-dire ne jamais retrouver sa place nulle part et
ne jamais tenir compte de l'expérience tellement enrichissante de
beaucoup de personnes.
Alors, ça fait que tout le système et surtout, pour
répondre à votre question, la médicalisation à
travers ça joue un grand rôle de désengagement des
personnes. C'est comme dire - ça me fait penser à un exemple -
dans les centres d'accueil, il y a une personne sur le comité; ah oui,
une personne! Il y a un bénéficiaire sur le comité, mais
comment voulez-vous que cette personne-là sur le comité
intervienne? D'abord, elles ont très peur d'intervenir parce que, si
elles disent qu'il y a quelque chose qui ne marche pas correct, on va commencer
à les brasser un peu; la famille a peur. Alors, ces personnes-là
se taisent et ces personnes-là ne peuvent apporter aucun changement dans
le centre d'accueil parce qu'elles sont surmédicalisées, elles
sont fatiguées, malades et à la veille de mourir.
Le Président (M. Joly): Mme la députée de
Chicoutimi, brièvement, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: Oui, une question. Vous avez fait allusion au fait
que les organismes communautaires pris en charge par les régies
régionales pourraient devenir l'équivalent de sous-traitants,
vous ne l'avez pas utilisé, mais on l'a entendu souvent, des CLSC, des
hôpitaux. En quoi un financement national assure-t-il une garantie quant
à l'utilisation ou quant aux pressions qui pourraient être
éventuellement faites, particulièrement auprès des
organismes qui s'occupent du maintien à domicile? Parce que la tentation
est grande, actuellement, de faire de ces organismes-là
l'équivalent de sous-traitants et la tentation est grande pour la
société actuelle de retourner les femmes à la maison pour
s'occuper des personnes âgées, alors que ça ne prend pas en
compte les changements dans la société qui font que les femmes
travaillent toutes ou presque - les jeunes femmes en particulier -et que ce qui
va se passer, c'est ce qui s'est passé antérieurement: c'est
toujours sur les femmes qu'on va remettre l'éducation des enfants et,
après ça, le soutien aux personnes âgées. Je veux
dire: Comment réagissez-vous par rapport à ça et comment
l'assurance d'un financement national peut-elle vous protéger contre
l'envahissement ou contre le fait d'être
récupérés?
Mme Brunet: Comme on le dit dans le mémoire, ce qu'on
craint, c'est d'être moulus à ce que les régies veulent
bien. Parce que l'influence aussi... Il faut voir qui va faire partie des
conseils d'administration. Il y a des gens de la place et tout ça.
Alors, l'influence de toutes ces personnes-là... Est-ce qu'il va y avoir
une connaissance et une compréhension du communautaire des personnes qui
sont présentes? Est-ce que le communautaire va devoir se battre avec,
encore une fois, très peu de moyens pour être capable d'assurer le
financement? Mais une des grandes craintes, c'est que, comme on le dit dans le
mémoire, le gouvernement dise: O.K., on va vous donner une subvention,
mais on veut que vous fassiez ça, ça et ça. Alors, c'est
là, comme on vient de le dire, que les groupes communautaires ne
répondront plus à leur vocation et ne répondront plus aux
besoins réels dans certains cas - je ne dis pas dans tous -des personnes
âgées.
Le Président (M. Joly): La dernière intervention
que je vais permettre, c'est celle de Mme la députée de
Marie-Victorin. S'il vous plaît. Dernière, très
brièvement parce qu'on a déjà débordé
beaucoup.
Mme Vermette: Très brièvement. En fait, ce que j'ai
compris dans votre "rapport", c'est que vous dites que le communautaire
s'attaque davantage à la cause des maladies, alors que, finalement, au
niveau des hôpitaux, en tout cas dans le système de santé,
tout ce qu'on a, c'est quand on est devant l'inévitable. Ce que j'ai
compris, c'est que votre crainte, c'est qu'on vous oblige à devoir
toujours faire face à l'inévitable, puisqu'il y a un manque de
ressources dans l'inévitable, et à laisser tomber le
préventif. Est-ce que c'est vrai?
mme brunet: oui. mais de là notre intervention en disant:
à quand une politique du vieillissement, d'ailleurs, une politique de la
famille? il faut aller avec ça, parce que, sinon, personne ne sait
où on s'en va.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Mme Brunet, M.
Wodsworth, M. Hudon et Mme
Lavoie. Merci beaucoup, pour ce que vous nous avez apporté. On
vous souhaite un bon retour dans votre milieu...
Mme Brunet: Merci.
Le Président (M. Joly): ..et continuez votre bonne action.
Merci.
Je demanderais maintenant au représentant du Conseil canadien des
droits des minorités de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.
Merci. J'apprécierais beaucoup si les gens pouvaient peut-être se
retirer un peu de façon qu'on puisse entendre le représentant du
Conseil canadien des droits des minorités. J'apprécierais si vous
pouviez vous identifier, s'il vous plaît.
M. Teltelbaum (Benjamin): Mon nom est Benjamin Teltelbaum. Je
suis le président du Conseil canadien des droits des
minorités.
Le Président (M. Joly): Parfait. Vous connaissez la
procédure. On vous donne le temps qu'il faut pour présenter votre
mémoire et, par après, suivant les questions posées, on
répartit le temps...
M. Teltelbaum: D'accord.
Le Président (M. Joly): ...également entre les deux
formations. Allez, M. Teltelbaum, s'il vous plaît.
M. Teltelbaum: Bon. Est-ce que vous m'entendez? Oui.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, les gens
à l'extérieur. Merci. Allez, M. Teltelbaum.
Conseil canadien des droits des
minorités
M. Teitelbaum: O.K. D'abord, le Conseil canadien des droits des
minorités veut remercier les membres de cette commission de nous avoir
permis de présenter le mémoire et les commentaires suivants.
Le Conseil canadien des droits des minorités est une organisation
nationale à but non lucratif, fondée en 1988. Le Conseil
encourage les citoyens et les citoyennes à participer à
l'élaboration des politiques sociales, économiques et culturelles
qui reflètent le pluralisme canadien et québécois. (11 h
30)
Le CCDM veut pouvoir atteindre ses objectifs par la voie de la recherche
indépendante et de l'analyse des politiques nationales, provinciales, la
consultation communautaire et la diffusion de l'information. Le CCDM a parmi
ses membres des individus qui représentent les différentes
couches de la société canadienne. Une liste des membres est
incluse en annexe avec ce mémoire.
Les membres du CCDM, et surtout ceux qui participent au conseil
régional, section du Québec, veulent féliciter le
gouvernement d'avoir fait suite aux recommandations du rapport Rochon et
entrepris une réforme de fond, à partir du présent
avant-projet de loi, du système de la santé et des services
sociaux au Québec. La présente loi date déjà de
plus de 20 ans et ne peut plus répondre aux besoins de la population et
de ses nouveaux membres.
Les multiples études sur le changement que connaît
présentement la société québécoise
démontrent que nous vivons une période de mutation et de
transformation. Le vieillissement de notre société, comme l'a
démontré déjà le dernier mémoire, le
problème de son autoreproduction démographique, qui est une
question contemporaine qui est discutée souvent, et du maintien de la
qualité des services dans les institutions ne sont que quelques-uns des
indicateurs qui ont déjà été soulevés. Pour
les membres du CCDM, c'est surtout la question de l'adaptation de nos
institutions à la transformation du Québec en
société pluraliste, multicul-turelle et multiraciale qui nous
préoccupe.
Depuis maintenant 20 ans, le Québec vit une mutation importante
dans la composition de sa population. Ces changements sont surtout
évidents dans la région métropolitaine de Montréal
où l'on retrouve la majorité des membres de communautés
culturelles.
Nous savons que le Québec, comme le reste du Canada, est un pays
d'immigration. Depuis 1970, le Québec a reçu plus de 300 000
nouveaux immigrants. Plus de 85 % de cette population a choisi de vivre dans la
région métropolitaine de Montréal. Pendant cette
même période, l'immigration de souche européenne est
devenue minoritaire et celle de pays "du sud" est devenue majoritaire. Un des
résultats préoccupants de cette transformation dans la
composition de l'immigration est le problème de l'adaptation vécu
par nos institutions. La montée du racisme, des préjugés,
le refus d'accès aux services et le problème de la discrimination
systémlque sont des phénomènes nouveaux au Québec.
Pour la première fois de l'histoire du Québec, nous avons des
citoyens qui, à cause de leur couleur de peau, sont victimes de
discrimination. Cette discrimination se reflète dans des
problèmes d'accès aux services de la santé et aux services
sociaux. On fait référence au rapport de M. Christos Sirros, il y
a un an à peu près. Pour les membres du CCDM, cette
problématique devrait être une des préoccupations majeures
du gouvernement et de cette commission.
Commentaires sur l'avant-projet de loi. En premier lieu, nous voulons
exprimer notre appui à la décision du gouvernement de faire suite
aux recommandations du rapport Rochon et maintenir la notion d'accès
universel. C'est important de le souligner. Nous trouvons aussi Innovateur
l'inclusion de l'article 2, alinéas 3 et
4, qui reconnaît la diversité linguistique,
géographique, socioculturelle et socio-économique des
différentes régions du Québec. Mais nous nous
arrêtons surtout à l'alinéa 4° qui veut favoriser -
comme c'est inscrit - l'accessibilité à des services de
santé et à des services sociaux dans leur langue aux
différentes communautés culturelles. Cet article reflète,
en grande partie, une des recommandations du rapport Sirros et vient rejoindre
une préoccupation exprimée à plusieurs reprises par des
membres et des associations de communautés culturelles. Cependant, la
question linguistique n'est pas la seule préoccupation des membres de
communautés culturelles et de minorités visibles.
La création d'un poste de coordinateur à l'accès
aux services de santé et services sociaux pour les communautés
culturelles en 1987 ne suffit pas. La création d'un seul poste ne
répond pas aux besoins de près d'un million de citoyens et de
citoyennes qui ne sont pas d'origine française de vieille souche ou
anglaise de vieille souche. Il serait important que cet énoncé
initial mais positif soit suivi d'une allocation financière
supplémentaire du gouvernement par le biais de la création d'un
bureau pour favoriser l'accès et répondre aux
préoccupations en ce qui concerne la qualité des services
disponibles pour les membres de communautés ethniques et raciales au
Québec. Ce bureau devrait être dirigé par un directeur
général dans le ministère de la Santé et des
Services sociaux. Le bureau devrait avoir un budget suffisant pour
répondre aux priorités identifiées dans ce dossier par le
gouvernement et produire un rapport annuel sur les problèmes et
l'amélioration qui ont été identifiés. Le bureau
devait être clairement identifié dans le texte de loi ainsi que sa
composition et son mandat.
Nous voulons aussi souligner que le terme "communautés
culturelles" ne doit pas être confondu avec la problématique
spécifique vécue par les membres de minorités visibles,
tels la discrimination raciale et le manque de représentation dans
l'emploi dans les services public et parapublic. Nous sommes surtout
préoccupés par le manque d'agressivité de la part des
responsables du réseau de la santé et des services sociaux de
diffuser l'information sur les politiques antiracistes du gouvernement du
Québec et sur la responsabilité du personnel de ne pas
discriminer sur la base des conditions identifiées par l'article 10 de
la Charte québécoise des droits et libertés de la
personne. À ce sujet, les membres du CCDM voudraient voir les articles
2, 10, 15 et 43 concernant le droit à l'accès et la
discrimination, ainsi que l'article 86, qui touche surtout les programmes
d'accès à l'égalité, inclus dans le
préambule ou l'introduction de la Loi sur les services de santé
et les services sociaux. En termes de références, en termes de...
C'est à voir, c'est sûrement au législateur de voir comment
cela pourrait être entrepris.
En ce qui concerne la composition des conseils d'administration des
établissements publics... Et je voudrais m'arrêter une seconde
pour dire qu'on a lu le texte de loi, mais qu'on n'a pas répondu
à tous les articles, j'en suis sûr, comme tout le monde, II y en a
400. C'est assez pour fatiguer la moitié de l'Assemblée nationale
pour assez longtemps. En ce qui concerne la composition des conseils
d'administration des établissements publics, le CCDM voudrait qu'une
procédure soit adoptée pour permettre et assurer une
représentation équitable des membres des communautés
culturelles et des minorités visibles. Nous sommes conscients de la
diversité régionale et du problème que pose la
concentration résidentielle des membres des communautés
culturelles et des minorités visibles dans la région
métropolitaine de Montréal. Et je voudrais souligner qu'on a
quelques données que je voudrais présenter à la suite de
notre présentation concernant la concentration résidentielle des
différents groupes ethniques dans la région métropolitaine
et que des études comparatives avec le reste du Canada démontrent
que Montréal a le plus haut taux de concentration résidentielle
en Amérique du Nord, presque, en termes de communautés
culturelles. Cependant, dans l'esprit de l'article 2, alinéa 3, du
chapitre i sur les "Objectifs du système de services de santé et
de services sociaux" de "répondre aux besoins de ia population", et
tenant compte plus particulièrement des besoins des communautés
culturelles et des minorités visibles, on voudrait s'assurer que, dans
tous les établissements, tel que défini dans l'article 43,
section I, chapitre III, dans une région où il existe 10 % ou
plus de cette population, une personne soit nommée comme membre des
conseils par le ministre. Cette formule pourrait répondre à une
préoccupation émise à plusieurs occasions pour que la
composition des conseils reflète la composition de ia population de la
région en question.
Une autre préoccupation du Conseil canadien des droits des
minorités concerne l'organisation des ressources humaines des
établissements, tel que défini dans le chapitre IV. Dans cet
article, il est prévu la création d'un comité consultatif
à la direction générale. Nous sommes d'opinion que les
questions d'accessibilité et d'équité en emploi devraient
être clairement identifiées comme une des responsabilités
de ce comité dans le texte de loi. Trop souvent, des politiques et des
programmes reliés à la gestion des ressources humaines ne font
pas l'objet de vérification adéquate par les directions
générales. La formule que nous proposons pourrait être
utile surtout dans les établissements qui font partie d'une
région où il existe une concentration importante. Ça veut
dire 10 % ou plus, tel qu'on l'a identifié, de membres de
communautés culturelles et de minorités visibles. Il faut
comprendre que l'inclusion d'un programme d'accès à
l'égalité répond aussi en grande partie aux besoins
définis dans l'accessibilité des
membres de ce groupe cible aux services de santé et aux services
sociaux. Par exemple, le recrutement des membres des groupes cibles, la
sélection des membres des groupes cibles, l'élimination des
barrières discriminatoires, la sensibilisation du personnel et la
liaison avec les associations et les groupes communautaires, cela fait partie
des programmes d'accès à l'égalité.
Dans la section III, il est fait mention des plans et des
différentes modalités à suivre dans la préparation
d'un plan d'organisation pour tous les établissements. Le Conseil
canadien des droits des minorités est d'opinion que les associations et
les autres organismes des communautés culturelles devraient être
des partenaires dans la mise en place, le développement et la
consultation pour la préparation des plans d'organisation des
établissements dans les régions où ils sont
présents.
Il est important aussi de mentionner à ce stade de notre
présentation que l'un des problèmes auxquels font face les
établissements est un manque de personnel de la santé. Cette
pénurie a déjà affecté la qualité même
de l'universalité des services. Un manque de médecins
spécialisés, de techniciens de la santé et
d'infirmières a forcé plusieurs établissements à
réduire, à fermer ou même à ne pas offrir certains
services de santé. Cependant, la Corporation des médecins refuse
systématiquement l'accès à des postes pour des
professionnels de la santé des communautés culturelles qui ont
reçu leur formation à l'extérieur du Canada même
quand leurs compétences sont reconnues au Canada. Ce refus a comme
résultat l'émigration de ces professionnels aux États-Unis
ou dans les autres provinces du Canada.
Le CCDM demande donc aux membres de la commission d'assurer la
population québécoise que, dans la loi, il sera possible, pour
des membres de communautés culturelles et des minorités visibles
qui ont démontré leurs qualifications à pratiquer dans le
domaine de la santé au Canada, qu'ils ou elles pourront travailler dans
les établissements du Québec, dans des emplois qui
reflètent leur formation et qualifications, et ainsi contribuer à
soulager la pénurie qui existe présentement dans le réseau
de la santé.
Nous voulons, en terminant, remercier les membres de la commission de
nous avoir écoutés et nous sommes à votre disposition pour
toute clarification reliée au présent mémoire.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Teitel-baum. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci bien. Je vais excuser,
en premier lieu, mon collègue, M. Sirros, qui, malgré le fait
qu'il soit ministre avec une limousine, a des problèmes d'auto sur
l'autoroute 20.
M. Trudel: C'est l'autoroute qui a des problèmes.
M. Côté (Charlesbourg): C'est probablement
l'autoroute...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): J'allais dire que, dans
certains endroits, ce sont les autoroutes qui ont des problèmes. Alors,
dans ce cas-ci, ce n'est pas l'autoroute, c'est la voiture.
À la page 5 de votre présentation, votre dernier
paragraphe suscite mes interrogations ou, à tout le moins, demande un
peu d'explications. Vous dites, dans la dernière phrase: "Nous sommes
surtout préoccupés par le manque d'agressivité de la part
des responsables du réseau de la santé et des services sociaux de
diffuser l'information sur les politiques antiracistes du gouvernement du
Québec et sur les responsabilités du personnel", et ainsi de
suite. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus parce que c'est
quand même une affirmation assez importante. Lorsque vous parlez du
réseau de la santé et des services sociaux, ça se situe
à quel niveau?
M. Teitelbaum: Je pense qu'on parlait des services, que ce soit
au niveau hospitalier ou que ce soit au niveau des CLSC, que ce soit dans les
choix qui sont faits de personnels, des fois, offerts par contrat par d'autres
services. On nous a rapporté plusieurs situations et ces situations ont
déjà été rapportées à plusieurs
intervenants de votre ministère, tant au niveau politique qu'au niveau
administratif. On sait qu'il y a au Québec présentement des
déclarations sur la question de la discrimination raciale. Il y a aussi
des dispositions qu'on connaît de la Charte québécoise des
droits et libertés de la personne. Il y a plusieurs dispositions qu'on
connaît et ces obligations sont connues, je pense, du personnel, mais
c'est relativement faible, parce que, souvent - et c'est une question
d'information et de publicité - les agents qui sont responsables, les
travailleurs sociaux, les infirmières, ceux qui sont impliqués
dans les services ne connaissent pas ou ne sont pas conscients de leurs
responsabilités par rapport à ces articles. Je vois ça
comme une façon assez... Ce n'est pas une question financière; on
ne parie pas d'un montant alloué. C'est vraiment de mettre en
application les directives qui existent présentement et de s'assurer que
tous les membres du personnel, quels que soient les services, sont au courant
du fait que la discrimination raciale, nationale, etc., toute forme de
discrimination telle que prévue dans l'article 10 de la charte n'est pas
permissible. Je pense que c'est important. Ça a été fait
en Ontario, pour le souligner, d'une façon agressive. Ils ont même
inclus une publicité dans les autobus, dans les services sociaux,
des
déclarations sont affichées sur chacun des
établissements, des affiches déclarent que la discrimination
raciale n'est pas permise. Je pense que ça, ça peut aider. Ce
n'est pas une solution, mais, au moins. Quand on dit qu'on va sensibiliser le
personnel au phénomène des communautés culturelles, avant
de le sensibiliser, il faudrait savoir aussi ses obligations. (11 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): C'est quand même
très vaste. Je pense que ce n'est pas uniquement une question
d'information. C'est une question aussi de volonté de diffuser, si j'ai
bien compris.
M. Teitelbaum: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'il y a aussi une
question de connaissance? Forcément, je ne crois pas... Peut-être
que notre personnel n'est pas, non plus, suffisamment forme à ce niveau
et je pense que les orientations en faisaient état. C'était
davantage une question de connaissance aussi, de formation de notre
personnel.
M. Teitelbaum: D'abord, je pense que ça devrait être
inclus comme une partie intégrante des cours de formation des
professionnels, de chacun des intervenants dans les services de santé et
les services sociaux, du corps médical, du corps technique, de tous les
aspects. Étant donné les changements qu'on vit maintenant dans la
société, on ne peut pas se permettre de ne pas sensibiliser ces
gens.
Récemment, j'ai participé à plusieurs
activités qui rejoignent plutôt la problématique
d'équité en matière d'emploi. Plusieurs des intervenants
ont dit c'est bien beau, on sensibilise, on peut mettre des programmes de
sensibilisation de la haute direction ou, même, des cadres moyens ou des
cadres en général, mais il y a toujours les "gatekeepers", comme
on dit en anglais. C'est un phénomène sociologique. Ce sont des
gens qui décident, par leur propre volonté, leur propre
degré d'intérêt. Ils reflètent souvent une image qui
est vécue dans la société de décider que ce sont
eux qui vont prévenir la participation ou déclarer qui a droit
à un service ou à un autre. Pour être plus concret, plus
direct, j'ai, à ma connaissance, des cas assez importants. Si je les ai
entendus, c'est qu'il y en a d'autres qui en ont entendu d'autres. Ce n'est pas
une étude systématique où des gens appellent et disent: Je
ne veux pas qu'un noir vienne travailler chez moi. Qu'on ait besoin d'une aide
domestique ou de quelque chose. Mais il faut se faire à la
réalité des choses. A Montréal, si ce n'était de la
communauté d'immigrants récents qui sont prêts à
travailler à des bas salaires, avec les budgets que les CLSC ont pour
offrir des services de soins à domicile pour les personnes
âgées, il n'y aurait pas de services de santé et de
services sociaux, il n'en existerait pas. Qui nous soigne au Québec? Il
faudrait poser la question.
Ça, c'est un côté de la médaille. L'autre
côté de la médaille, c'est s'il y a des personnes
âgées dans ces communautés et comment, elles, vivent leurs
besoins culturels de services et d'accessibilité aux services sociaux.
On s'en va dans une société vieillissante, c'est certain, mais
c'est un vieillissement général de tous les groupes; que ce soit
dans la communauté juive, italienne, noire, chinoise, indo-pakistanaise,
c'est le même phénomène.
M. Côté (Charlesbourg): Si je ne m'abuse, l'an
dernier, le ministère a publié un plan d'action.
M. Teitelbaum: Un plan d'action concret, c'est-à-dire que
je pense que même demain, sans attendre nécessairement la
législation, et ce serait peut-être une responsabilité du
ministre délégué à la Santé et aux Services
sociaux, M. Christos Sirros... Je ne veux pas passer la balle entre je ne sais
pas qui... Ce serait facile de dire: O.K. Dorénavant, il y a une
politique antidiscriminatoire dans nos services de santé et services
sociaux. Elle est connue. Voici notre politique, voici ce qu'elle
représente et voici vos responsabilités qui consistent à
sensibiliser les membres de votre personnel, partout, dans les services. Le
problème est certainement... D'ailleurs, on le voit dans les
dispositions de la loi. Je comprends très bien la tendance à
centraliser parce que le gouvernement a de la difficulté à
contrôler la qualité des services dans les établissements
qui sont presque indépendants, dans une certaine mesure.
Donc, il faut qu'elle se fasse par le biais d'une politique clairement
identifiée, une responsabilité, de la part des gestionnaires, de
s'assurer que cette politique soit administrée.
M. Côté (Charlesbourg): Vous évoquez, dans
les pages 6 et suivantes, un problème qui est facile à
énoncer, mais pas facile à régler. Vous dites le CCDM
voudrait qu'une procédure soit adoptée pour permettre et assurer
une représentation équitable des membres de la communauté
culturelle et des minorités visibles. Vous évoquez 10 % en termes
de régions et vous terminez, dans le paragraphe suivant, en disant:
"Cette formule pourrait répondre à une préoccupation
émise à plusieurs occasions pour que la composition des conseils
reflète la composition de la population de la région."
Évidemment, la difficulté, et je pense que c'était
la volonté aussi au niveau du ministère, c'est de le camper dans
un texte de loi où, à ce moment-là, ça devient un
peu universel et ce n'est pas facile d'application. À tout le moins de
ce que j'ai perçu de toutes les conversations que j'ai eues avec les
gens du ministère, c'est qu'il y a cette volonté, mais la formule
idéale n'est pas
facile à trouver. Si vous avez de bonnes propositions ou d'autres
qui peuvent nous permettre de solutionner le problème, il est clair
qu'il est de l'intention, au niveau de la réforme, de faire en sorte que
les communautés culturelles, là où il y a une bonne
concentration, puissent être représentées aux
différents conseils d'administration.
M. Teitelbaum: Bon, comme on sait, dans tout texte de loi, il y a
la loi et il y a les applications, il y a les directives. On ne peut pas
prendre la place des responsables de l'Assemblée nationale qui sont sur
ces dossiers, de certains des gestionnaires qui, peut-être, ont souvent
une compréhension plus technique de la situation. Mais ce qu'on dit,
c'est qu'il est évident que le Québec vit une certaine
polarisation en termes de composition de population, avec Montréal, d'un
côté. Et on peut lui donner le no 06, 05, 04, je pense que
ça ne change rien à la réalité; ce n'est pas 06,
c'est Montréal métropolitain et ça veut dire qu'il y a 800
000 membres des communautés culturelles dans la région,
contrairement aux autres régions du Québec où c'est
très possible qu'il n'y en ait pas vraiment et où la
problématique se pose peut-être différemment en termes de
composition des conseils.
Mais je sais que, depuis que vous avez commencé vos audiences, il
y a eu plusieurs groupes qui ont montré une insécurité par
rapport à ça, que ce soit au niveau... Parce que, comme je dis -
et j'ai des données à vous soumettre après - les
concentrations résidentielles de Montréal ne sont pas tout
à fait normales comparées à Toronto, Vancouver,
Détroit, New York, Los Angeles, et ça reflète
peut-être des structures plus antérieures, de divisions
linguistiques qui ont fait en sorte que plusieurs communautés ont
développé leurs propres services. Ce n'est pas tout à fait
positif, ce n'est pas tout à fait négatif; c'est la
réalité.
Dans cette structure, certain qu'on comprend la volonté du
gouvernement de vouloir centraliser un peu pour pouvoir contrôler et
donner une gestion et un service plus positifs à la clientèle.
Mais, cependant, il faut que ça soit bien équilibré par
rapport à la préoccupation des membres de la communauté
culturelle afin qu'ils ne perdent pas ce qu'ils ont, d'abord, et pour ceux qui
sont peut-être de petites communautés, mais qui sont en voie de
prendre de la place... On pense, maintenant, à la communauté
d'origine arabe, par exemple, à Montréal, qui est une
communauté en expansion très rapide et, avec les nouveaux
services qui vont être offerts par le ministère de
l'Immigration... Il faut penser au futur un peu.
C'est certain qu'il va y avoir des agglomérations, qu'il va y
avoir des concentrations. C'est l'histoire de Montréal. Et, en fonction
de ça, on disait 10 %, mais ça pourrait être 10 %,
ça pourrait être 15 %, on a mis un chiffre parce qu'on voulait
simplement dire qu'il faut penser en termes statistiques et c'est tout.
M. Côté (Charlesbourg): Ça va. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue et aussi porte-parole de l'Opposition en
matière de services sociaux.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je veux remercier aussi
M. Teitelbaum de la présentation qu'il nous fait ce matin et de quelques
rappels bien utiles, bien nécessaires compte tenu de la composition
actuelle de la société québécoise et de l'apport
indéniable de nombreux représentants ou de nombreuses parties de
notre population qui sont maintenant comme des minorités visibles ou
autres et qui ont traditionnellement, et qui continuent toujours à le
faire, rendu, avec générosité, de très grands
services à la société québécoise. Oui,
compte tenu de notre histoire, nous avons quelquefois à être
très attentifs à comment, à quelle vie nous faisons,
à quel accueil nous réservons et à quelle place nous
faisons à ces nouveaux citoyens et à ces nouvelles citoyennes du
Québec. Et, parfois, on a besoin, donc, de se rappeler qu'une grande
partie - en particulier dans la région de Montréal - de la
population est constituée de ses minorités et nous devons faire
en sorte que ce soit maintenant ou que ça devienne un réflexe
d'inscrire dans nos lois et dans nos différentes législations la
participation et les caractéristiques de ces populations.
À cet égard, j'aimerais commencer par la fin de votre
mémoire à propos des professionnels de la santé des
communautés culturelles qui ont reçu leur formation à
l'extérieur. J'en profite pour souligner, d'entrée de jeu, que de
très nombreuses régions périphériques au
Québec ont particulièrement joui de leur travail et de leurs
interventions dans le domaine de la santé. Que ce soit au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, en
Abitibi-Témiscamingue, nous pouvons affirmer que, n'eût
été d'une contribution assez exceptionnelle de différents
représentants, dans le domaine de la santé et dos services
sociaux, de certaines minorités, nous n'aurions pu nous-mêmes,
dans ces régions, jouir d'une espèce de même statut
d'égalité et d'universalité à l'accès par un
manque de ressources humaines. Et très souvent des membres de ces
communautés ont généreusement, très
généreusement, accepté de venir suppléer à
un manque, à une pénurie, en termes de spécialistes, par
exemple, au niveau médical. Encore aujourd'hui, on se rendra compte,
lorsqu'on analyse la composition des personnels au niveau médical, de la
très large contribution - et ça il faut le dire en public, il
faut le souligner, le rappeler et ça nous aide, par ailleurs, à
moduler le reste de votre mémoi-
re, les interventions que vous faites - nous avons pu constater, donc,
et nous constatons toujours cette générosité.
Cependant, en particulier au niveau de ces ressources, vous soulignez le
manque de médecins spécialistes, de techniciens de la
santé et d'infirmières qui a forcé plusieurs
établissements à réduire, à fermer et même
à ne pas offrir certains services de santé. Nous avons eu
l'occasion, devant cette commission, d'entendre différents responsables
de corporations professionnelles, en particulier au niveau des professions
médicales, et nous avons entendu aussi des directeurs
généraux d'établissements de santé et de services
sociaux qui ont très bien fait ressortir, et le ministre a fait quelques
remarques là-dessus, la répartition des ressources, en
particulier au niveau médical, dans les différentes
régions au Québec. Les directeurs généraux des
institutions de santé et de services sociaux ont émis l'avis que
toute ouverture de pratique au niveau médical, au Québec, devrait
être assortie d'un permis ministériel qui permettrait, comme dans
certaines provinces au Canada, de contrôler la répartition des
ressources.
Et je m'en viens avec ma question, même si le préambule est
très long. Le problème est peut-être moins le nombre de
personnes, le nombre de spécialistes que nous avons que,
précisément, leur concentration et leur répartition sur le
territoire. À l'intérieur de cette tradition de liberté,
de générosité, d'ouverture que nous avons, est-ce que,
à votre Conseil, vous seriez prêts à accueillir et à
appuyer une recommandation au ministre, au ministère et au gouvernement
d'aller de l'avant avec la nécessité de détenir un permis
pour tout professionnel de la santé qui voudrait ouvrir, qui voudrait
intervenir, à partir de notre régime universel et public de soins
de santé et de services sociaux, pour permettre une meilleure
répartition des effectifs médicaux en particulier?
M. Teitelbaum: Bon. Pour répondre à la fin et puis
revenir au début, je vais dire: Oui, en principe, mais II y a beaucoup
de conditions. Je sais que ça a été mis en place en
Colombie-Britannique; il y a eu de la résistance, mais il y a eu des
résultats assez positifs. Ce n'est pas la seule place où
ça existe dans le monde, non plus, où il y a des besoins de
services de santé et de services sociaux dans les régions et une
concentration relativement importante dans les régions
métropolitaines. Le problème répondrait en partie aussi au
problème qu'a posé la ministre des Communautés culturelles
et de l'Immigration, la régionalisation de l'immigration au
Québec. La régionalisation va se faire par le biais
économique, va se faire par des emplois. Les gens ne vont pas
déménager de Montréal parce qu'on leur dit que c'est beau
dans le Lac-Saint-Jean ou que c'est intéressant de vivre dans la Beauce,
etc. Ils n'ont pas les mêmes habitudes de vie. C'est un choc culturel,
certainement, pour tout le monde, pour les gens qui habitent dans les
régions, qui ne sont pas habitués à voir des membres de
différentes vagues d'immigration dans leurs services, dans leur
région, et c'est un choc pour les gens qui vont arriver là et qui
ne sont pas habitués nécessairement - je m'excuse, entre
parenthèses - de manger de la poutine ou de... Tu sais? Il y a des
habitudes différentes. Ça s'est vécu au Québec avec
les fameux réfugiés vietnamiens qu'on a essayé de
régionaliser, en termes de choix résidentiel, et il y a eu une
tendance à revenir à Montréal. (12 heures)
Alors, je pense que la question qui se pose, en termes qu'on a
soulevés, en termes de l'appui que peuvent apporter les
Communautés culturelles, se pose aussi par le biais de l'immigration.
Ça veut dire qu'il y a des gens, des professionnels qu'on connaît,
il y a plusieurs cas de gens qui sont venus ici, qualifiés, qui n'ont
pas pu travailler au Québec et qui se sont retrouvés au Texas, en
Californie, à gagner 250 000 $, ou quel que soit le salaire, mais ils
ont été reconnus pour leur compétence et n'ont pas pu
pratiquer au Québec. Je pense que ça, c'est doublement une perte:
une perte au niveau des services, une perte au niveau de l'individu qui vient
apporter un appui au développement du Québec et une perte pour
tout ce qui est de la question de la régionalisation aussi. Alors, oui,
mais avec beaucoup de questionnement. C'est vraiment une activité, ce
n'est pas quelque chose qui peut être une politique simplement du
ministère de la Santé et des Services sociaux. Il faut vraiment
que ce soit jumelé avec les intentions qu'a énoncées le
ministre responsable des Communautés culturelles et de
l'Immigration.
Si on est pour laisser entrer, venir au Canada et au Québec des
gens qui sont formés en médecine, qu'ils signent un papier ou
qu'ils ne signent pas de papier comme quoi ils vont pratiquer ou qu'ils ne vont
pas pratiquer... D'abord, c'est assez stupide de dire à des gens qui ont
une formation professionnelle: Bon, vous acceptez de ne pas pratiquer votre
profession quand vous venez au Québec. Une fois qu'ils arrivent ici, ils
sont sous les règlements d'une constitution canadienne qui leur permet
toutes libertés. Donc, il y a une contradiction entre la loi de
l'immigration et les chartes canadienne et québécoise. Alors, je
pense qu'il faudrait d'abord que le gouvernement montre sa volonté de
travailler avec la Corporation des médecins pour qu'il soit un
instrument d'ouverture et non pas une barrière. Pour l'instant, II faut
le dire, on a vécu des grèves de la faim, on a vécu toutes
sortes de crises dans ce dossier. C'est bien beau, pour le gouvernement, de
dire: On va ouvrir 100 postes l'année prochaine. Mais ça ne
règle pas le problème fondamental.
M. Trudel: Je suis d'accord avec vous là-
dessus, tout en ajoutant qu'à cet égard, sur votre
dernière partie d'intervention, c'est encore une fois tout le
problème de la répartition des effectifs médicaux, parce
qu'on a regardé assez attentivement ici... C'est une
préoccupation pour tous les partis ici, à l'Assemblée
nationale, la question du contrôle des coûts, également, de
système. Il est évident que, comme nous avons un régime
universel à l'acte, majoritairement au niveau du paiement de ce qui est
réalisé comme acte médical, il va de soi que la RAMQ,
comme agent payeur - le ministre a dit que nous allions regarder, durant cette
commission, peut-être d'autres rôles pour la Régie de
l'assurance-maladie du Québec - il est évident que ça
cause un certain nombre de problèmes de libérer le système
parce qu'il y a une telle ouverture qui est faite qu'au niveau du
législateur et de l'imputabilité de ce même
législateur devant l'Assemblée nationale ça cause un
certain nombre de problèmes. Vous avez raison, c'est une attitude
globale qu'il faut prendre et il faut, en particulier dans le domaine de la
santé et des services sociaux, être capable de régler les
deux problèmes de répartition des effectifs médicaux en
même temps que nous pourrions aborder l'accessibilité à
certaines professions, en particulier de personnes qui nous arrivent
formées de l'extérieur, et ça demeure toujours une
contribution très valable. le temps file rapidement, il me reste au
moins une question à vous poser. au niveau de la protection des droits
des minorités, vous en faites largement état dans votre
mémoire, vous prônez, entre autres choses, la création de
ce bureau avec direction générale, rattaché directement au
ministère ou au ministre, tout en mentionnant que le coordonnateur qui
est actuellement en place ne suffit pas pour répondre aux demandes.
est-ce que vous n'avez pas l'impression que ce serait plutôt dans les
régies régionales qu'il faudrait retrouver ces responsables - on
va les appeler comme ça en termes généraux - de la
protection des droits des minorités, de s'assurer que les services aux
personnes, tels quo mentionnés au quatrième alinéa de
l'article '? qui manifeste, encore une fois - faut-il le noter, cet
article-là - la générosité, je pense, du
québec, de servir tous les membres de ses communautés sur une
base universelle, est-ce que vous ne pensez pas, donc, que ce serait dans les
régies régionales que nous devrions retrouver cette
intéressante suggestion d'inclure les préoccupations de
protection des droits des minorités? ce serait ma question et,
deuxièmement, j'ajouterai à cette question: est-ce que vous
pensez que nous devrions, par ailleurs, faire en sorte que l'ombudsman du
québec, que le protecteur du citoyen, ait les responsabilités et
la juridiction nécessaire pour exercer dans les établissements de
santé et de services sociaux les recours nécessaires pour les
usagers qui s'estiment lésés en termes d'accès aux
services? Parce que - je termine là-dessus - vous nous dites quelque
chose de gros dans votre mémoire. Je vais retrouver cela. Vous nous
dites qu'il y a des gens qui ont été... C'est à la page 3
de votre mémoire: "La montée du racisme et des
préjugés, le refus d'accès aux services et le
problème de la discrimination systémique... " c'est une
affirmation qui est grosse dans notre tradition québécoise
d'ouverture et de gestion de cette ouverture-là. Alors, à cet
égard, est-ce qu'on ne devrait pas permettre au Protecteur du citoyen
d'avoir le mandat juridique nécessaire, le champ juridique
nécessaire pour exercer ses responsabilités vis-à-vis des
usagers dans le système de santé et de services sociaux?
M. Teitelbaum: Premièrement, la question du bureau
même. C'est comme toute initiative gouvernementale, il y a un aspect
politique et un aspect administratif. Et ce qu'on veut, nous, c'est de voir
qu'au niveau politique, au niveau du développement des politiques
plutôt, et de la rigueur que doivent entreprendre les différents
départements qui sont responsables - dans ce cas, le ministère de
la Santé et des Services sociaux - il y ait quelqu'un - identifier un
bureau avec du personnel, avec un budget - qui peut s'assurer de la mise en
place, que ce soient des agents dans chacun des établissements, que ce
soit une autre structure qui soit développée. Oui. pour
répondre partiellement à votre question, mais sans
nécessairement éliminer la notion d'avoir à
l'intérieur du ministère quelqu'un ou un bureau plutôt qui
soit responsable de s'assurer de l'application de cette politique.
Des fois, et c'est souvent le cas - et ce n'est pas pour blâmer le
gouvernement - il y a des énoncés de politique et il n'y a pas de
soutien administratif pour s'assurer que ces énoncés de politique
soient mis en application. Et ce qui arrive, c'est qu'on se retrouve avec des
énoncés comme le programme d'accès à
l'égalité. Ça fait des années qu'on en parle, le
niveau de participation dans la fonction publique des communautés
culturelles reste plus ou moins le même et on va nous nommer
bientôt, on va nous dire qu'il y a eu un coordinateur qui a
été nommé. Un coordinateur, ça ne fait pas la job.
Ça prend quelqu'un avec une responsabilité et un pouvoir à
l'intérieur du service. Ça, c'est la première chose.
En ce qui concerne l'ombudsman - et ce n'est pas nécessairement
ma propre opinion, mais celle des membres qu'on a consultés et des
autres personnes qu'on a consultées - on n'est pas tellement favorables.
Ses réponses sont souvent faciles, mais difficiles à traduire.
D'abord, on voit ce qui se passe au niveau des structures où il y a
déjà des ombudsmans, que c'est difficile pour les ombudsmans de
répondre au nombre de cas. C'est créer encore une autre pour
utiliser les termes qui sont à la
mode - superstructure par-dessus quelque chose qui existe
déjà.
M. Trudel: Définissez-nous ça.
M. Teitelbaum: La Commission des droits de la personne, par
exemple, on sait que c'est un établissement qui est très reconnu
pour son travail d'excellence, mais où il y a eu beaucoup de critiques
par rapport à son habileté à répondra aux dossiers,
dos dossiers qui traînent souvent doux et trois ans, et on parle de gens
qui sont des clients, comme on utilise le terme dans les services sociaux. Ces
clients viennent de différents secteurs socio-économiques et
souvent - rarement, plutôt - ils vont rarement exprimer leur
mécontentement du service. Et, si on faisait une étude
comparative de l'utilisation, par exemple, du Protecteur du citoyen du
Québec par la communauté francophone de souche et par celle qui
est issue des communautés culturelles, vous verriez que le taux
d'utilisation de ces services existants par les communautés culturelles
est relativement très faible. Et là il y a un travail à
faire avec les services qui existent déjà, que ce soit le
Protecteur du citoyen, que ce soit la Commission des normes du travail, que ce
soit la Commission des droits de la personne, enfin toutes ces structures qui
sont là pour protéger les citoyens québécois on
termes d'accessibilité aux services, pour qu'ils aient une
qualité de services adéquate, de s'assurer que les populations
des communautés culturelles soient au courant que ça existe. Ce
n'est pas possible, je me dis, avec le problème qu'on vit... On entend -
on peut le dire entre nous - des syndicats à l'intérieur de la
CEQ qui prônent des notions de 30 % dans les écoles. Je leur ai
répondu: 30 % dans les écoles, oui, mais 30 % du personnel aussi.
On serait prêt à accepter un équilibre des forces. Mais,
étant donné la gravité de la situation vécue en ce
qui concerne la discrimination, pourquoi le taux de plaintes qui sont fartes
à la Commission des droits de la personne diminue-t-il d'année en
année sur les questions de racisme, de discrimination raciale et
nationale? C'est incompréhensible.
Le Président (M. Joly): Brièvement, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Juste en conclusion, en vous remerciant de votre
participation, sur l'aspect de la création d'un bureau avec un
responsable, il faut quand même noter qu'au gouvernement du
Québec, sur le plan politique, la protection est quand même assez
large, puisqu'il existe un ministre délégué, en
particulier responsable de l'administration de la loi 142, et qu'à cet
égard-là, comme pouvoir politique, disons que ce n'est pas mal.
Je pense qu'il faut moduler ça comme il faut, comme réponse dans
la réflexion qu'on à faire, par ailleurs, sur la
nécessaire responsabilité que nous avons vis-à-vis des
droits des minorités. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Merci, M. Teitelbaum.
M. Teitelbaum: Merci.
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de la
commission, merci d'avoir été présent et de nous avoir
exprimé ce que vous aviez à dire. Merci beaucoup.
Je vais maintenant demander à l'Association
québécoise des organismes régionaux de concertation et de
développement de bien vouloir s'avancer et prendre place, s'il vous
plaît.
J'apprécierais si la personne responsable pouvait s'identifier et
identifier les personnes qui l'accompagnent.
AQORCD
M. Ménard (Pierre): M. le Président, je suis Pierre
Ménard, le président de l'organisme et m'accompagne ce matin M.
Normand Thériault, qui est notre directeur général.
Le Président (M. Joly): Merci. Vous connaissez la
procédure. On vous donne le temps de nous présenter votre
mémoire. Après, les deux formations auront le loisir de vous
poser des questions. Allez, M. Ménard, s'il vous plaît.
M. Ménard: M. le Président, M. le ministre, Mmes et
MM. les députés, en guise d'introduction, on me permettra de
rappeler aux membres de la commission que l'Association
québécoise des organismes régionaux de concertation et de
développement ou l'AQORCD a été créée en
1987 en remplacement des CRDAQ, qui regroupaient les anciens conseils
régionaux de développement du Québec. Je parle donc au nom
des douze organismes régionaux de concertation et de
développement qui ont pris la suite des CRD et qui ont reçu, en
1987, du gouvernement du Québec le mandat de développer la
concertation au Québec par la tenue des sommets régionaux,
notamment, auxquels le gouvernement s'associe à titre de partenaire de
premier plan.
Nous avons axé notre mémoire sur le projet de
régionalisation contenu dans l'avant-projet de loi, on comprendra
aisément pourquoi. Je me permets de dire, dès maintenant, que
nous applaudissons chaleureusement cet avant-projet de loi. Ce projet nous
réjouit parce qu'il remet en lumière la nécessité
de la régionalisation, c'est-à-dire l'urgence, pour notre
société, de consolider le contrat ou l'association que le
gouvernement et les régions négocient depuis une trentaine
d'années.
Dans un premier temps, vous me permettrez de faire quelques remarques
générales sur le
projet de régionalisation, remarques qui tiendront compte du
débat que cette commission a permis de faire depuis le début de
ses travaux. Dans un deuxième temps, je reviendrai aux
considérations plus spécifiques présentées dans le
mémoire, qui touchent certains aspects de l'avant-projet relatifs
à la régionalisation. Je terminerai par un rappel de
l'expérience que nous, les organismes régionaux, nous avons de la
régionalisation et sur les leçons que, collectivement, nous
devrions tirer de cette expérience pour la mise en oeuvre de la
régionalisation dans le champ de la santé et des services
sociaux.
Je pose d'emblée la question: Pourquoi préconiser la
régionalisation dans le champ de la santé et des services
sociaux? Dès la première semaine des travaux de la commission,
nous avons entendu des témoignages et non les moindres, celui, par
exemple, de M. Claude Castonguay, père de la réforme, ou celui de
l'Association des hôpitaux du Québec, qui se sont
élevés contre la régionalisation. Ça va augmenter
ta bureaucratie, ça va créer des mini-ministères en
région. Décentralisons vers la base, c'est-à-dire vers les
établissements qui sont les acteurs importants de ce système.
Évidemment, tout ça, je le dis entre guillemets. (12 h 15)
A notre avis, de tels préjugés contre la
régionalisation empêchent de saisir ce qui constitue une
réalité profonde de l'évolution du Québec depuis le
début de la Révolution tranquille et surtout depuis le
début des années quatre-vingt. La régionalisation au
Québec s'est faite à deux niveaux de région: celui de la
grande région, la région administrative, la région de
concertation, et celui de la petite région, la municipalité
régionale de comté. Qui connaît l'histoire de cette
régionalisation sait qu'elle s'est faite lentement et bien timidement
aussi avec des essais et des erreurs, mais il sait aussi que ces processus se
sont enracinés dans les régions et que les régions ont
poussé sur ces réformes. Elles les ont assimilées pour
devenir des entités politiques réelles qu'aucun élu,
qu'aucun ministre ne pourra désormais nier ou oublier. La
réalité régionale est à ce point incrustée
dans notre paysage que, dans la foulée de la réforme de la carte
administrative de 1967 dans un milieu aussi urbanisé que Montréal
et si peu périphérique, on a vu la ville de Laval, qui avait
déjà le statut de MRC, obtenir celui de région
administrative. Désormais, il faut compter avec les régions et
l'avant-projet de loi a la sagesse de fonder sur elles la nouvelle architecture
du système de santé et de services sociaux. Je crois donc qu'il
correspond à une bonne lecture de la réalité politique du
Québec et le gouvernement doit, à tout prix, le mettre en oeuvre
tout en le bonifiant.
Pour résumer ma pensée, M. le Président, je dirai
que le projet de régionalisation dans le champ de la santé et des
services sociaux va constituer un plus pour ce système et un plus pour
l'ensemble de la société québécoise. Un plus pour
ce système, car il va mettre en rapport plus direct les populations et
ceux qui produisent des services en faisant davantage dépendre ceux-ci
de ceux-là. Un plus pour la société, car un renforcement
de la régionalisation dans le champ de la santé et des services
sociaux va rajouter une pièce importante à la construction du
pouvoir des régions. Cela va enrichir le paysage des régions d'un
nouveau lien de concertation, d'une nouvelle dynamique interne et d'une
nouvelle ressource.
On me permettra maintenant de rappeler les considérations plus
spécifiques que nous avons présentées dans notre
mémoire. En premier lieu, nous suggérons que l'ORCD,
c'est-à-dire l'organisme régional de concertation et de
développement, soit mandaté dans chaque région pour
proposer au collège électoral de la régie les membres
issus des groupes socio-économiques, du milieu municipal et scolaire, et
des autres groupes intéressés au domaine de la santé et
des services sociaux.
Selon l'article 278 de l'avant-projet de loi, le collège
électoral est formé de trois groupes de membres: celui des
établissements, celui des organismes communautaires et celui des
organismes socio-économiques, du milieu municipal et scolaire, et des
autres groupes intéressés au domaine de la santé et des
services sociaux. Nous avançons l'idée que les membres de ce
troisième groupe au collège électoral soient
proposés par l'organisme régional de concertation et de
développement de la région.
Nos arguments en faveur de cette proposition sont les suivants: ce
troisième groupe constitue en réalité le membership de
l'ORCD et les différents partenaires qui le composent (parmi lesquels il
faut noter la participation importante des représentants municipaux et
des préfets de MRC) ont déjà développé une
habitude de concertation à l'intérieur de cet organisme dont ils
pourraient faire profiter la régie régionale. De plus, à
l'occasion des sommets socio-économiques, l'ORCD a défini des
orientations et des projets en matière de développement
socio-sanitaire ou socio-communautaire. Ces orientations et ces projets ont
fait l'objet de consensus à l'intérieur de la région. Ils
ont souventefois été négociés avec le
ministère et le gouvernement à l'occasion des sommets ou des
conférences "bi-annuelles". Il faudrait que la régie
récupère en quelque sorte le travail déjà fait par
l'ORCD et la meilleure manière de le faire est sans doute de resserrer
l'alliance entre ces instances régionales. D'ailleurs, on doit
mentionner que le membership des ORCD comprend déjà des
représentants des CRSSS.
Ainsi, nous proposons que les arènes politiques dans une
même région s'imbriquent au lieu de se disjoindre. Nous proposons
que la multisectorialité souvent souhaitée pour que se
développe une politique globale de santé passe par une
association forte avec l'organisme régional qui a charge de la
multisectorialité.
En deuxième lieu, nous proposons une modulation des conseils
d'administration des régies, un peu à la manière de celle
qui guide la composition des conseils d'administration de nos organismes.
Pourquoi souhaitons-nous pour les régies une telle disposition? Nous
souhaitons que les régies s'adaptent le mieux possible à
l'état de développement des forces vives de leur région et
qu'elles respectent l'équilibre de ces forces dans chacune des
régions. En somme, nous souhaitons que la régionalisation
s'instaure de manière régionalisante et non centralisante.
En troisième lieu, au sujet des dispositions contenues dans
l'avant-projet de loi pour le poste de président-directeur
général de la régie, nous proposons de revenir à
celles qui ont été recommandées par la commission Rochon:
distinguer les postes de président et de directeur général
de la régie et faire élire le président par le conseil
d'administration.
Dans un premier temps, nous proposons que soient scindés les
postes de président et de directeur général. Dans la
mesure où nous souhaitons que les régies deviennent des instances
régionales les plus imputables possible vis-à-vis des populations
régionales, il importe que le président de cette régie
soit une figure politique visible, reconnue, à l'intérieur de la
région. Pour ce faire, il faut que sa candidature à ce poste
s'impose parmi les autres membres du conseil d'administration à titre de
leader dans la région, de personne engagée. Il n'est absolument
pas nécessaire que le président ait à son avantage une
expérience d'administrateur et de gestionnaire qui l'habilite à
diriger la régie. D'ailleurs, les deux profils se cumulent rarement. De
plus, il nous apparaît que, pour des raisons démocratiques, il n'y
a pas lieu de faire cumuler les deux charges par la même personne.
Nous pensons, de plus, que la disposition de l'avant-projet de loi,
article 260, aliéna 4, relativement à la nomination par le
ministre du président-directeur général de la régie
constitue un reliquat de l'ancienne manière de penser le rapport entre
le gouvernement et les régions. Symboliquement et politiquement, le fait
que le président de la régie soit choisi par elle constitue une
reconnaissance que la région n'est pas un simple prolongement ou relais
du centre, mais qu'elle existe par elle même. Celui qui la dirige
émerge d'elle et il doit d'abord lui rendre des comptes au lieu
d'être fondé en droit comme un simple mandaté du pouvoir
central ou, à la limite, comme son adjoint.
Finalement, nous proposons que le président de la régie
soit choisi parmi les membres qui sont issus des groupes communautaires ou
socio-économiques. Il nous apparaît qu'un président issu du
groupe représentatif des établissements puisse être en
conflit de situation compte tenu de son rattachement à un
établissement.
En quatrième lieu, nous proposons de doter chaque région
administrative d'une régie régionale. Le document des
"Orientations" de l'ex-ministre prévoyait la mise en place de
régies pour 13 territoires, ce qui constitue le statu quo par rapport au
territoire actuel des CRSSS. Or, comme on le sait, selon un décret de
1987 du Conseil des ministres, il existe 16 régions au Québec. La
raison pour laquelle nous préconisons une adéquation entre le
découpage du territoire des régies et celui des régions
administratives est bien simple: on ne peut admettre deux types de
régions administratives, celles qui possèdent une régie de
la santé et des services sociaux et celles qui n'en ont pas. Car, il
faut le reconnaître, la régie constituera une ressource importante
dans une région. C'est elle qui fera la planification des services, qui
mobilisera les ressources communautaires et multisectorielles, qui servira de
lieu de débat sur les enjeux de la santé et du mieux-être,
qui sera le lieu de rassemblement des ressources de la région pour
l'établissement d'un rapport de forces avec le centre. On ne peut priver
une région d'une telle ressource si on a à coeur un
développement équitable des régions.
Finalement, notre cinquième et dernière recommandation
spécifique encourage le ministère à développer des
critères d'allocation des ressources entre les régions qui soient
davantage équitables. Comme il a été souhaité par
la commission Rochon, la régionalisation devrait permettre au centre "un
retour sur l'essentiel". Or, parmi les enjeux essentiels dont le centre devrait
prendre davantage la responsabilité, il en est un qui nous
apparaît important; c'est celui des disparités régionales
de développement. Nous notons, d'ailleurs, que le ministre Marc-Yvan
Côté, dans son plan d'action en matière de
développement régional datant de 1988, a réservé un
volet "aux régions en difficulté" et plus spécifiquement
aux MRC les plus démunies et aux milieux à économie
simple.
De plus, ce plan contenait un volet relatif à la "modulation de
politiques et de programmes" qui se fondait sur le principe suivant: "la
reconnaissance de caractéristiques distinctes entre les régions
dort conduire le gouvernement à moduler ses interventions. Le
gouvernement ne doit pas avoir la même attitude à l'égard
de la région de Montréal qu'à l'égard de la
région de là Gaspésie - Îles-de-la-Madeleine". Nous
souhaitons que ce double principe de la lutte aux disparités et de la
modulation des interventions gouvernementales, tout à l'honneur du plan
d'action proposé par le ministre Marc-Yvan Côté lorsqu'il
était responsable du développement régional, se retrouve
d'une façon plus évidente dans la reformulation à venir de
l'avant-projet de loi.
Voilà, M. le Président, l'essentiel de notre pensée
sur l'avant-projet de loi. C'est la pensée des organismes
régionaux de concertation et de
développement du Québec qui se fonde sur une
expérience de développement régional, de concertation, de
respect des dynamismes régionaux, qui a déjà une bonne
vingtaine d'années de tradition. Cette pensée, nous la
résumons dans les idées-clés suivantes. Oui, la
régionalisation est une bonne idée; cependant, il faut faire
vraiment confiance aux régions et il faut régionaliser dans une
perspective d'équité.
À ce message essentiel, je voudrais en ajouter un autre que je
qualifierais de davantage institutionnel, puisqu'il se fonde sur cette
expérience et sur cette tradition de régionalisation qui
caractérisent notre histoire et notre vécu. Une chose nous frappe
dans la proposition gouvernementale de créer des régies
régionales de la santé et des services sociaux, c'est ce qu'on
pourrait appeler son caractère pragmatique. Cette proposition ne se
situe pas dans un contexte de planification hiérarchisée, avec
des plans en cascade, du haut vers le bas, s'em-boîtant comme des
poupées russes, ainsi que la pensée technocratique aimait
imaginer la planification et la régionalisation à l'époque
des années soixante et soixante-dix.
On sait, d'ailleurs, ce qu'il est advenu de ces idées. Les
conseils régionaux de développement, nos
prédécesseurs, sont issus de cette pensée. Ils devaient
faire des consultations sur les plans de développement régional
que devait proposer le gouvernement. Le gouvernement leur en a fait
préparer et cela a pris beaucoup d'années de travail, mais, au
bout du compte, il ne les a jamais soumis à la consultation des CRD.
C'est au tournant des années quatre-vingt, avec la popularisation
des sommets socio-économiques régionaux, qu'un virage majeur a
été pris et que les CRD ont été confrontés
à un mandat nouveau, authentique, à tel point, d'ailleurs, qu'il
est apparu justifié de changer leur nom, tout comme la réforme
propose de changer le nom des CRSSS en celui de régies
régionales.
Ces sommets régionaux, commencés sous l'ancien
gouvernement, que l'ex-ministre du Développement régional, M.
Marc-Yvan Côté, a étendus à toute la province et
dont il a amélioré la formule, fournissent aux régions une
véritable arène politique qui constitue un lieu où
gouvernement et régions négocient et décident. C'est un
lieu d'exercice du pouvoir.
Or, ce pragmatisme politique qui a finalement permis aux régions
et aux CRD, devenus les ORCD, d'exister véritablement devrait
présider à la mise en place de ces nouvelles instances
régionales dans le champ de la santé et des services sociaux.
C'est, d'ailleurs, pensons-nous, à cette seule condition qu'elles
pourront voir le jour et exister de plein droit. Autrement, elles
connaîtront le même sort qu'ont connu les offices régionaux
des affaires sociales proposés dans le rapport Castonguay-Nepveu, soit
la tablette ou bien, ce qui n'est guère mieux, leur transformation en
conseils consultatifs sans véritable pouvoir. On sait ce que la
commission Rochon a pensé de cette situation, puisqu'elle a
affirmé que "les CRSSS sont dans une impasse".
Si c'est en faisant confiance aux régions qu'un véritable
mécanisme de développement régional a pu s'instaurer,
c'est aussi en faisant confiance aux régions que la
régionalisation dans le champ de la santé et des services sociaux
devrait s'implanter.
M. le Président, je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Ménard. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. C'est avec beaucoup d'intérêt que je retrouve,
j'oserais presque dire, mes compagnons d'armes de quatre années de
batailles pour faire reconnaître le développement régional
et la capacité des régions de se prendre en main. Je suis
très heureux de vous revoir dans un autre fauteuil. Il faut bien se
rendre compte qu'on vit aujourd'hui une réforme - on est tenté de
l'écrire et de la rendre la plus pragmatique possible - avec à
peu près les mêmes combats vis-à-vis des
éléments les plus conservateurs de la société,
où c'est toujours plus facile de centraliser.
Le réseau de la santé et des services sociaux est un
réseau aussi très, très bien organisé un peu
partout. Sans dire que je partage la totalité du mémoire,
à tout le moins, j'en partage 90 %, 95 %. Donc, on ne s'obstinera pas
longtemps à ce niveau-là. Je pense qu'on se retrouve facilement,
pour avoir vécu pendant quatre ans la même volonté de
développement régional. Un terme là-dedans qui est
important, d'après moi: faire confiance aux régions. C'est clair,
mais ce n'est pas facile. On s'en est rendu compte depuis... Vous êtes le
51e mémoire qu'on entend. Il y a beaucoup de réticences à
l'égard du pouvoir central qui veut décentraliser. Il y a de la
méfiance. Disons qu'il y a de la réticence, il y a de la
méfiance vis-à-vis du pouvoir central et ce qu'on pourrait
éventuellement transférer comme pouvoir, et aussi
vis-à-vis du pouvoir régional. (12 h 30)
Là, je suis assis à cette table-ci et ça me permet
de voir un certain nombre de choses. Et ce qui me frappe, c'est que les
éléments communautaires - et on le voit dans à peu
près 263 mémoires - tous ceux qui parlent ou qui vien nent
défendre la place du communautaire sont systématiquement contre
l'idée de dépendre d'un pouvoir régional. Bon. Je
comprends la résistance, la réticence vis-à-vis du pouvoir
central. Il est toujours bien plus épeurant que d'autres et
peut-être assez habile aussi pour enterrer le pouvoir
régional.
lorsqu'on parle de groupes communautaires, il me semble qu'on
s'évertue, et il y a un accord entre l'opposition et le gouvernement,
à dire que les régions sont bien capables de prendre leur
destinée en main et de faire leurs propres choix. c'est mme blackburn
qui faisait la comparaison précédemment en disant: les
itinérants, chez nous, au saguenay-lac-saint-jean, on n'en a pas, mais
on a d'autres sortes de problèmes. on veut avoir la liberté et la
marge de manoeuvre pour être capables de décider où on va
mettre nos priorités dans le domaine de la santé et des services
sociaux au niveau du saguenay-lac-saint-jean. c'est vers ça qu'on tend,
c'est ça qu'on essaie de faire.
Mais êtes-vous capable de m'expliquer, vous qui avez une
très vaste connaissance de ces milieux, qu'est-ce qui fait que,
fondamentalement, le communautaire résiste au pouvoir régional
tel qu'on veut le faire? On dit: On va occuper une petite place et, quand
l'arbitrage va se faire ou les orientations, on ne sera plus là.
Qu'est-ce qui explique que le communautaire est si réticent? Ils disent:
Le pouvoir central est un pouvoir trop fort. Quand vous décentralisez,
vous ne décentralisez pas assez. Mais, malgré le fait que vous
pourriez bien décentraliser, on veut quand même dépendre du
pouvoir central sur le plan de l'attribution des subventions au niveau du
communautaire. Je ne comprends rien. Mais, vous, un gars qui vit la
concertation sur le plan régional, est-ce que vous sentez la même
chose?
M. Ménard: Oui, on sent en partie la même chose, M.
le ministre. Effectivement, je pense qu'au départ ça peut
paraître surprenant, cette résistance-là et
j'écoutais Mme Brunet, tantôt, qui, elle aussi, a exprimé
le même genre de réticence. Je pense que ça s'explique par
plusieurs phénomènes. Il y a un premier phénomène -
je vais juste le dire sans vouloir blesser personne - ça a
été peut-être historiquement le rôle des
députés qui ont été des distributeurs de bonbons ou
des distributeurs de chèques, que ce soit au provincial ou au
fédéral, je ne fais pas de... Mais, il y avait toujours cette
image de la photo dans l'hebdo local avec le député qui remettait
un chèque à l'association de l'âge d'or Unetelle, bon.
Ça, ça peut être un petit élément qui teinte
la toile de fond.
Les autres éléments, je pense que, d'une part, on n'a pas
véritablement vécu une décentralisation ni une
régionalisation. Tant qu'on n'a pas vécu quelque chose,
évidemment, on ne connaît que des demi-mesures. On a
peut-être été bien mal servi souvent par des demi-mesures.
C'est évident que, si on se fie aux modèles passés qu'on
a, il y a des éléments qui peuvent faire peur, mais si on la vit
vraiment, cette régionalisation-là, si on la vit avec un
gâteau qu'on pense suffisamment gros pour tout le monde. Si on imagine
que le gâteau va être tellement petit qu'il va y avoir une main au
centre du gâteau et 25 fourchettes qui vont piquer la main qui essaie de
prendre le morceau qui est là, c'est évident qu'à ce
moment-là c'est peut-être plus rassurant de penser que ça
va se faire à un autre niveau, la distribution, en espérant qu'on
peut faire valoir qu'on est un peu moins bien nanti qu'un autre. Mais, moi, je
pense que le manque de ressources insécurise aussi les gens et on les
voit, les compressions budgétaires, on les sent, les manques de marge de
manoeuvre des gouvernements au niveau financier et ça, je pense que
c'est quelque chose qui peut insécuriser ces groupes-là. Mais,
d'autre part, je pense qu'il est important peut-être de vous rappeler que
nous, on préconise que ces régies, justement... Et tantôt
vous avez évoqué la difficulté que vous aviez, entre
autres avec le Conseil des communautés culturelles, de voir comment on
pourrait moduler la composition de ces régies-là. Pour nous,
effectivement, il n'y a pas une région pareille, il n'y a pas une
sous-région pareille, et vous en savez quelque chose. On pense qu'il
serait important d'en arriver à ce mécanisme de modulation. Qu'on
mette des balises minimales et maximales pour ne pas créer des monopoles
par rapport à certaines catégories, je pense que ce serait
important, mais qu'on en arrive vraiment à dire que chaque milieu puisse
créer la régie qui est le reflet de son milieu. Alors, un milieu
qui est beaucoup plus fort, au niveau des groupes socio-économiques ou
des groupes communautaires, pourrait, à ce moment-là, avoir une
meilleure proportion à l'intérieur de cette
régie-là. À ce moment-là, je pense qu'on va enlever
cet élément d'insécurité que peuvent avoir les
groupes.
M. Côté (Charlesbourg): L'idée de la
modulation du conseil d'administration de la régie m'apparaît
très intéressante. Jusqu'à maintenant, je l'avoue
très candidement, elle ne m'avait pas frappé. Elle aurait
dû, compte tenu des efforts qu'on a faits et de tout ce dont on a
parlé comme modulation. Ce que ça me rappelle, c'est l'exemple
des sommets. On est partis, à un moment donné, avec 36 en trois
tiers, 12-12-12, et, dans certaines circonstances, on a augmenté
jusqu'à 42 pour être capables d'aller chercher le plus grand
bassin possible d'individus, pour que tout le monde se sente impliqué
dans la structure et puisse participer. On a donc modulé sur le plan du
nombre et c'est probablement à ça que vous faisiez allusion,
tantôt, quand vous parliez de minimum et de maximum, mais laissant une
certaine autonomie à l'intérieur de tout cela pour que chacun des
champs puisse... Ce n'est peut-être pas là que risque d'être
le plus gros hic. Dans votre présentation, vous parlez du monde
socio-économique, municipal, nos fameux tiers. Et, lorsque vous parlez
du monde socio-économique pour déléguer des personnes,
dans votre esprit à vous, est-ce que c'est aussi le municipal ou si le
municipal
serait représenté d'une autre manière?
M. Menant: Nous, on n'a surtout pas voulu faire
d'arithmétique parce qu'on voulait s'en tenir beaucoup plus aux
principes que d'essayer de faire des jeux de proportion. Pour nous, le
municipal est effectivement une catégorie en soi et le
socio-économique est une catégorie en soi aussi. On y voit
clairement une distinction. Mais nous, on dit: Tout ce monde-là, on l'a
déjà autour de la table dans les ORCD, pourquoi ne pas combiner
des rôles ou pourquoi ne pas constituer une espèce de
collège électoral qui serait plus homogène à
l'intérieur d'une région qui regroupe déjà ces
éléments-là? Mais sans m'embarquer, surtout pas, dans la
bataille des pourcentages.
M. Côté (Charlesbourg): Non, je comprends
très bien. Mais compte tenu des problèmes qu'on a eus, à
l'époque, d'intégration du monde municipal et du
socio-économique, je pense que les mentalités ont quand
même évolué. Tout le monde a appris un petit peu à
s'apprivoiser...
M. Ménard: Exact.
M. Côté (Charlesbourg): ...et à travailler
ensemble. Il en manque peut-être encore un bout, mais, au moins, il y a
un bon bout de chemin de fait.
Sur le plan de la régionalisation, un des problèmes qu'on
a vécus dans le passé, c'est les sous-régions à
l'intérieur des régions. Évidemment, quand on parte
d'être équitables sur le plan des ressources, il faut aller aussi
au-delà de tout ça; alors, équitables de manière
interrégionale, mais aussi équitables dans les
sous-régions à l'intérieur de la région. Comment
est-ce qu'on fait ça? Comment allez-vous faire ça, en vous
faisant confiance? Ça va se passer comment?
M. Ménard: Bien, surtout pas si on nous met un cahier de
normes ça d'épais pour essayer de le suivre. C'est
peut-être répondre a contrario, mais je pense que c'est
peut-être la première règle. C'est-à-dire que plus
on va nous normer, plus on va nous imposer de savants calculs
mathématiques pour en arriver à des ratios, je pense qu'on n'y
parviendra pas. C'est sûr qu'il y a des équipements qui sont au
niveau des sous-régions et qu'il y a des équipements qui sont au
niveau des régions. Il y a même des équipements qui sont au
niveau de toute la province. Ce qui est important, c'est, d'une part, encore
là, si on respecte un bon équilibre au niveau du conseil
d'administration de la régie, aussi si on a vraiment toute la latitude
au niveau régional de faire une distribution des ressources, en tenant
compte des ressources ou des caractéristiques socio-sanitaires,
socio-économiques de chacune des sous-régions, je pense qu'on est
capables de faire quelque chose.
Sauf qu'il ne faudra pas oublier une chose: les établissements du
réseau, ce ne sont pas juste des dispensateurs de services; c'est aussi
un outil de développement régional. Dans certaines
régions, c'est un pôle de création d'emplois, c'est un
pôle d'attrait pour d'autres éléments qui viennent s'y
greffer. C'est une façon, peut-être, de conserver certains jeunes
professionnels à l'intérieur des régions, au lieu de voir
l'exode vers les grands centres. Bien sûr, les enveloppes ne sont pas
illimitées, mais à l'Intérieur des enveloppes
régionales, il va falloir permettre cette flexibilité-là.
Si vos régies sont trop normées, on n'y parviendra pas, à
cet objectif-là.
M. Côté (Charlesbourg): Je vous comprends
très bien. De toute façon, même s'il y a un cahier de
normes ça d'épais, il y a plus de monde qui passe plus de temps
à trouver comment on va faire pour passer à côté que
pour les respecter. Ça, c'est maintenant très clair Comment?
Mme Blackburn: Ça gruge du temps pareil.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, pareil, de toute
manière. Donc, évidemment, si on fait une régionalisation,
on va passer le pouvoir avec et, effectivement, sur le plan de la dotation
budgétaire, en arriver avec une dotation budgétaire qui est X,
qui tient compte du per capita, plus peut-être une
péréquation éventuelle, compte tenu qu'il y a des
régions qui sont plus riches aujourd'hui que d'autres. Notre
système, tel qu'il est conçu aujourd'hui, engraisse les riches
davantage que les pauvres qui en ont besoin. C'est comme ça que le
système est fait, aujourd'hui. On l'a vu, là; les CHU sont venus
nous faire une démonstration, en commission parlementaire - je ne sais
pas si vous vous en souvenez, là - qu'ils étaient les plus
pauvres du réseau. Je ne suis pas sûr de ça encore, ce
n'est pas l'évidence même. Il n'y en a pas beaucoup, des CHU, dans
les régions du Québec. Donc il y a, effectivement, cette
problématique-là, il faut accorder une dotation budgétaire
adéquate, mais, évidemment, à partir des budgets qu'on a.
On ne réinventera pas la roue, c'est à peu près clair,
mais qu'on laisse le choix aux régions de décider de leurs
priorités à partir d'objectifs sur le plan national qui seront
quand même déterminés; le ministère aura quand
même une responsabilité à ce niveau-là. Et,
contrôle après sur la qualité par programme et
contrôle de la dépense budgétaire.
J'en arrive à ma question, parce que là où on a un
os qui n'est pas facile à contourner, c'est sur l'imputabUité.
Mors, il n'y a personne qui va tenter de faire croire que je ne suis pas un
régionaliste et que je n'y crois pas; j'y crois tout autant où je
suis, peut-être même encore davantage que du temps où
j'occupais la fonction
de responsable des régions. Évidemment, la logique veut
qu'on en passe davantage aux régions, mais elle veut aussi que, sur le
plan administratif, il y ait quelque part l'imputabilité. Comment est-ce
qu'on règle l'imputabilité, à partir du moment où
on a transféré ces pouvoirs-là au niveau régional?
Comment est-ce qu'on réussit à régler le problème
de l'imputabilité? Parce que, actuellement, c'est mon principal
problème. Et, en réglant ça, il y a une bonne partie du
reste qui va pouvoir se régler facilement. Mais mon problème,
c'est l'imputabilité. Comment est-ce qu'on le règle à ce
moment-ci? Comment est-ce qu'on convainc le gouvernement de le régler?
Alors, comment est-ce qu'on fait?
M. Ménard: je ne suis pas juriste et je ne peux pas vous
dire comment changer la fameuse loi sur l'administration financière.
mais je peux juste vous dire que, de facto, une régie qui émane
d'une région, qui a les véritables forces d'une région,
assise à une table, va être beaucoup plus imputable qu'un ministre
qui est à québec. c'est sûr que le ministre, de droit,
c'est lui qui, selon la législation actuelle, porte le fardeau de cette
imputabilité-là. de fait, le ministre vient faire des visites
dans une région, mais les gens d'une régie, ça reste dans
une région, ça vit là, ça oeuvre là. si ces
gens-là ne font pas un bon boulot au niveau de l'allocation des
ressources ou au niveau même de \a gestion de ces ressources-là,
ces gens-là sont bien plus directement imputables qu'un ministre peut
l'être. (12 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): Oui, imputables à la
région.
M. Ménard: Imputables à la région, O.K.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, là-dessus, je
n'ai pas de problème. Je n'ai pas bien bien de problèmes parce
que, dans la mesure où il y a un collège électoral et un
processus de choix à une nomination, il m'apparaît bien
évident qu'au niveau de la région l'imputabilité va
être là. Pour ça, je n'ai pas de problème, mais
c'est en haut de tout ça. Comme, jusqu'à maintenant, il n'y a pas
eu de décision de confier un pouvoir de taxation à la
régie régionale, il faut nécessairement que les sommes
financières proviennent du gouvernement lui-même, donc d'un
ministre qui est redevable devant l'Assemblée nationale à ce
niveau-là. Donc, c'est sur cette partie-là de
l'imputabilité qu'il faut tenter d'être ingénieux pour
trouver des réponses. C'est notre os.
M. Ménard: Je comprends, M. le ministre. Mais il ne
faudrait pas que ça serve de prétexte pour nous faire faire
encore ici une régionalisation de demi-mesures. C'est qu'on a toujours
fait ça un petit peu timidement. On a toujours fait ça à
moitié, ou au quart, ou aux cinq huitièmes. Je me rappelle - je
suis issu du monde municipal, bien que j'aie été dans le
réseau des affaires sociales aussi, mais mon expérience a plus
porté au niveau municipal - qu'au niveau de la régionalisation
dans le monde municipal on a fait deux pas en avant et, à un moment
donné, en 1980, on en a fait un en arrière. Les
communautés régionales et les communautés urbaines avaient
le droit de taxer et, en 1980, elles ont perdu leur droit de taxer. Je pense
qu'on a toujours cette espèce de timidité en faisant de la
régionalisation. Vous l'avez vécu dans d'autres instances, vous
savez la difficulté qu'on a à faire établir le
caractère horizontal du développement régional. Ça,
c'était une des batailles et une des difficultés au niveau du
Conseil du trésor. Mais, chaque fois, on dirait qu'on est obligé
de juste faire un demi-pas quelque part.
Je me dis: II y a certainement moyen, sans donner des dépressions
nerveuses à tous les gens du Conseil du trésor, d'en arriver
à avoir un mécanisme où, effectivement, les régions
peuvent prendre des décisions. Je comprends l'imputabilité du
ministre, mais je me dis que, de toute façon, l'imputabilité du
ministre est de droit et elle n'est pas toujours de fait, c'est-à-dire
qu'il ne peut pas contrôler absolument tout. Il délègue des
choses là-dedans. Rappelez-vous l'exemple que vous m'avez toujours
cité. Il ne faudrait pas se retrancher derrière ça. C'est
juste ça que je voudrais dire.
M. Côté (Charlesbourg): Le message que je veux vous
passer: Je ne suis pas un peureux. J'en ai vécu des bonnes batailles sur
le plan du développement régional à l'intérieur de
l'appareil gouvernemental et ce n'est pas au Trésor que j'ai
trouvé les plus centralisateurs et les plus antidéveloppement
régional. Il y en a, mais ce n'est pas là. C'est partout dans
l'appareil où on a peur de transférer son pouvoir qui est
centralisé dans chacune des régions du Québec. On a
vécu de ces bonnes batailles. Évidemment, il reste un principe,
c'est que, sur le plan de la taxation, c'est le pouvoir central qui taxe, qui
prélève les impôts et qui les redistribue après. Il
faut trouver un moyen pour qu'on puisse, à l'occasion, si on ne va pas
vers la solution de taxation, il semble bien que ça a été
écarté... À un moment donné, s'il y avait un
pouvoir de taxation sur le plan régional, cette partie serait
probablement en bonne partie réglée. C'est un débat qui a
été tranché avant que j'arrive, auquel je souscrivais,
mais on est dans une situation où, effectivement, il faut régler
cet os. Ce n'est pas moi qui vais freiner le déplacement du pouvoir au
niveau des régions quant aux choix fondamentaux qu'il y aura à
faire. On est dans une situation aujourd'hui où a donné certains
pouvoirs à nos CRSSS et, comme ils n'ont pas le budget financier pour
être capables d'aller avec ça sur le plan de
l'imputabilité, ce n'est rien
qu'un petit pouvoir d'arbitrage et ça revient au ministère
par la suite. Donc, on est "pogné" avec le même problème.
Mais je suis conscient des forces et des faiblesses. Je ne suis pas
intéressé à faire un demi-pas, mais il faut trouver la
réponse à nos problèmes d'imputabilité. Ça
m'apparaît extrêmement important.
Je veux juste vous dire que j'ai compris. Ce n'est pas moi, demain
matin, qui vais défendre 13 régies régionales pour 16
régions. Je pense que vous avez compris ça facilement. Si j'ai
été celui qui a vendu au gouvernement qu'il y ait 16
régions, elles vont être pleines et entières. Ça va
commencer chez nous. Il faudra donner l'exemple et, dans ce cas-là, ce
n'est plus un problème de 13, ça va être une
réalité de 16. Je pense qu'on s'est bien compris.
Évidemment, je suis très très heureux du
mémoire, pas rien que parce que vous me citez, parce que c'est
très habile, à l'occasion, on a reconnu ça. Au moins, je
pense qu'on a une même vision du développement régional et
des efforts qui doivent être faits. Ça va être fait au
niveau de la santé et dans la réforme aussi. Continuez
d'être vigilants pour nous ramener à l'ordre, à l'occasion
et même souvent. On en a besoin. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, porte-parole de l'Opposition en
matière de services de santé et de services sociaux.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Merci de cette
présentation. On a tellement entendu ici d'organismes centraux, de
grandes corporations dans le domaine de la santé et des services
sociaux, qu'on en arrivait à se désespérer quelquefois et
quelques soirs des présentations qui nous étaient faites et du
lot qui était dévolu aux régions. Quand on dit les
régions, ce ne sont pas uniquement les régions
périphériques ou les régions extérieures aux grands
centres urbains, à Montréal et à Québec, parce
qu'il y a aussi, en termes de régionalisation, de la modulation, pour
reprendre votre terme, à réaliser dans ces grands centres compte
tenu de la caractéristique des populations.
Et, pour avoir déjà été membre de votre
organisme, au niveau des CRDAQ, je sais quel temps vous avez passé
à la réflexion et quels sont les efforts que vous avez
réalisés pour essayer d'incarner dans la réalité ce
que veut dire la régionalisation. Et quand vous dites que, oui,
effectivement, il y a des problèmes au niveau d'entrer cette
pensée de la responsabilité des régions dans tous les
appareils gouvernementaux et que le ministre vous répond
là-dessus que ce n'est pas toujours au Conseil du trésor, on a
l'impression depuis le 6 décembre de cette année,
qu'effectivement il y a plus de pouvoir au Conseil du trésor en termes
de nivellement de certaines responsabilités dans certains
ministères qu'on ne veut bien le laisser croire quelquefois.
À l'égard de la modulation, vous nous amenez assez loin
parce que vous avez l'expérience effectivement de la réalisation
de la régionalisation. Et ce principe de la modulation des interventions
dans chacune des régions, vous allez même jusqu'à nous dire
que ça doit être fondé sur le principe de la reconnaissance
des caractéristiques distinctes entre les régions.
J'espère qu'on aura plus de succès ici sur les
caractéristiques distinctes qu'on n'en a dans d'autres niveaux de
gouvernement parce que ce n'est pas très largement accepté,
voyez-vous. Et vous insistez à cet égard pour que le
président de la régie soit une personne élue par le
conseil d'administration de la régie. On comprend le souci. Vous allez
plus loin en disant: "II importe que le président de cette régie
soit une figure politique visible, reconnue, à l'intérieur de la
région. Pour ce faire, il faut que sa candidature à ce poste
s'impose parmi les autres membres du conseil d'administration à titre de
leader dans la région." Ne pensez-vous pas qu'on peut rejoindre tout
ça en procédant par l'élection au suffrage universel et
que nous pourrions, à cet égard, régler certains
problèmes d'imputabilité soulevés avec justesse par le
ministre, il y a quelques secondes?
M. Ménard: Si on aborde la question du suffrage universel
au niveau d'une région, il ne faudrait pas le limiter au domaine de la
santé ou bien on crée de véritables gouvernements
régionaux. Mais, selon moi, ce ne serait pas nécessairement sage
d'avoir des élus au suffrage universel dans des secteurs particuliers.
Moi, je crois, personnellement, à l'établissement de
véritables gouvernements régionaux. Je pense qu'effectivement la
seule façon d'atteindre la régionalisation, c'est par
l'établissement de gouvernements régionaux. Mais, à ce
moment-là, je ne verrais pas nécessairement d'un bon oeil que ce
soit limité au seul secteur de la santé et des services
sociaux.
M. Trudel: comme ça concerne à peu près le
tiers du budget de l'état, est-ce que ce serait une bonne idée de
commencer par la santé et les services sociaux?
M. Ménard: Ça pourrait être une bonne
idée de commencer par là, effectivement, mais je pense que, si on
établit des gouvernements régionaux, oui, il pourra y avoir un
volet... Regardons les exemples européens; il y a des volets
santé et services sociaux, bien sûr, mais il pourrait y avoir des
volets de développement économique, de développement
culturel et de développement social, beaucoup plus larges que juste le
volet santé et services sociaux.
M. Trudel: Mais vous souscrivez à ce principe qu'il serait
heureux que nous allions dans cette direction et que nous pourrions
peut-être - je ne veux pas insister trop - saisir l'occasion de
réaliser un effort, saisir cette possibilité de
régionalisation à l'intérieur d'une perspective de
démocratisation très large de l'administration des ressources de
l'État à travers la santé et les services sociaux, puisque
vous avez ajouté aussi, dans votre présentation au départ,
avec très grande justesse, que, dans le domaine de la santé et
des services sociaux, on n'est pas uniquement en matière de distribution
de services. On est aussi, et vous le savez très bien, en particulier
dans les régions, en matière de création d'une certaine
richesse et d'articulation du développement. Alors, quand on pense en
particulier à cet aspect-là, je pense que l'élection au
suffrage universel dans le domaine de la santé et des services sociaux
s'impose avec d'autant plus d'acuité.
M. Ménard: Quant à moi, M. Trudel, tout pas qui va
nous mener à des étapes vers la création d'un
véritable gouvernement régional, je vais y souscrire.
M. Trudel: J'aurais peut-être une autre question, M.
Ménard, avant de passer la parole à ma collègue, la
députée de Chicoutimi, un peu plus délicate, pour vous,
probablement. La régionalisation, oui, l'expérience est
suffisamment forte dans ce secteur-là. Le ministre soulignait même
tantôt une difficulté assez grande au niveau de la
sous-région. On sait qu'au Québec tous nos efforts de
régionalisation ont eu aussi quelques effets pervers,
c'est-à-dire que, si la régionalisation a permis de stopper une
certaine fuite ou un certain délaissement de certaines régions,
les sous-régions ont souvent elles-mêmes été
victimes de cette décentralisation vers les capitales régionales,
vers les chefs-lieux. À cet égard, est-ce que vous ne seriez pas
d'accord pour dire que la réalité de base sur laquelle devrait se
guider le ministre, dans la présentation et la rédaction d'un
nouveau projet de loi, ça ne devrait pas être la région
d'appartenance, quitte d'ailleurs à trouver les aménagements
nécessaires, me semble-t-il, au niveau de la région
administrative? Parce que autant, Je pense, enfin - et je voudrais avoir votre
avis là-dessus - il peut être difficile pour le ministre
d'administrer la dispensation de services sur l'ensemble du territoire, avec
des normes mur à mur qui ne font pas de différenciation de
caractéristiques des populations et des régions, je pense que
nous vivons également ce même problème à
l'intérieur des régions du Québec et, comme façon
de contourner ça et d'être proches des usagers et du type de
besoins que ces usagers ont, est-ce qu'on ne pourrait pas émettre comme
principe de base, au niveau de la réforme, que le territoire de
régionalisation des activités, de décentralisation, ce
soit la région d'appartenance, le territoire de la MRC ou le territoire
de CLSC qui, à toutes fins utiles, se confondent? (13 heures)
M. Ménard: Je n'ai pas de difficulté de fond avec
cette notion-là. Je ne sais pas si ce serait toujours réalisable,
par exemple. La seule chose sur laquelle je ne voudrais pas qu'on
dérape, c'est que la MRC devienne l'instance à tout faire. Je
voudrais vraiment qu'on fasse... et j'avais compris dans votre intervention que
vous faisiez la distinction, mais je voulais juste la refaire pour que ce soit
clair. C'est que je ne voudrais pas... On ne voudrait pas penser que, autant la
MRC peut être effectivement le modèle de base d'une
régionalisation, autant il ne faut pas y associer nécessairement
la structure politique qui est là présentement.
C'est-à-dire qu'il ne faut pas... Il faut faire la distinction entre le
territoire et le conseil des maires qui est là.
Le Président (M. Joly): Excusez-moi, M. Ménard,
j'aurais besoin du consentement des membres de la commission pour poursuivre
encore quelques minutes, s'il vous plaît.
Des voix: Oui.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Trudel: C'est tout à fait loin de nous, la
pensée d'aller vers la MRC comme structure de concertation. On parlait
du territoire de la MRC ou territoire de CLSC qui, souvente-fois, se
confondent, ou à peu près, là-dessus. Je vais passer la
parole à... M. le Président, je vous demanderais... Mme la
députée de Chicoutimi.
Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître la
députée de Chicoutimi, Mme Blackburn.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour.
Dans le prolongement de ce qui a été avancé par à
la fois le ministre et mon collègue d'Abitibi-Ouest?
M. Trudel: Témiscamingue.
Mme Blackburn: Témiscamingue,
Abitibi-Témiscamingue, je pourrais peut-être développer un
peu sur les pouvoirs qui pourraient être effectivement octroyés
aux régions. Vous dites un certain nombre de choses. D'abord, je dois
dire, pour relancer mon collègue, que j'ai été
vice-présidente du CRD chez nous aussi, dans la région 02. Alors,
je connais l'organisme et j'ai pu apprécier la qualité de ses
interventions, à l'occasion, comme aussi ses limites. Vous dites des
choses dans votre mémoire et, en même temps, je veux dire, je me
sens un peu mal à
l'aise de vous suivre parce que, si on pense à
l'expérience actuelle des sommets économiques régionaux...
En page 4, vous dites: "Longtemps en attente d'un mandat officiel, de se situer
dans un lieu de pouvoir, les sommets régionaux, à
l'intérieur desquels gouvernement et régions négocient et
décident ensemble". Je comprends qu'ils décident un certain
nombre de choses, mais de là à ce qu'ils se réalisent,
j'ai l'impression que les conseils régionaux n'avaient pas beaucoup de
pouvoirs parce que lorsqu'il s'agit de passer aux actes, de réaliser les
projets sur lesquels il y a eu une entente entre les deux niveaux de
gouvernement...
Ça m'amène à toute la question que vous soulevez
par rapport au système de décentralisation qu'on s'était
donné avec la création des CRSSS, des Conseils régionaux
de la santé et des services sociaux. Vous dites, en rappelant les propos
de la commission Rochon, que les problèmes des CRSSS, c'est
effectivement qu'ils n'avaient pas de pouvoir. Ils avaient un pouvoir de
recommandation et je pense, de mémoire plutôt douloureuse,
à une recommandation du CRSSS de notre région qui proposait
l'implantation d'un taco, d'un tomographe axial à l'hôpital
d'Alma. La décision a été prise qu'il s'installerait, une
décision très politique, à Roberval. Ensuite, on a dit oui
à Aima et, après ça, on dit: On vous financera en 1993.
Alors, ça vous donne une idée du pouvoir des CRSSS. Alors, vous
n'avez pas beaucoup abordé la question des pouvoirs qui font,
finalement, la capacité de prendre des décisions
éclairées.
Là-dessus, le parallèle que vous faites entre les sommets
régionaux et leurs pouvoirs et ce qu'ils sont effectivement dans la
réalité... Je sais un peu comment ça s'est passé
dans les autres régions mais, dans notre région, ça n'a
pas eu tout à fait les retombées financières qu'on en
attendait. Mais, au-delà de ça, les régies
régionales pourront effectivement répondre aux besoins des
régions, dans la mesure où elles ont des pouvoirs réels.
Et le ministre soulève, avec justesse d'ailleurs, comme l'a fait mon
collègue, les problèmes que pose l'imputabilité, donc
l'idée d'une élection au suffrage universel. On pourrait le
faire, comme ça se fait beaucoup aux États-Unis, en même
temps qu'on fait l'élection des commissaires d'école, par
exemple. Ça pourrait très bien se faire. Ça ne
coûterait pas plus cher et on s'habituerait probablement. Mais, dans les
pouvoirs qui devraient être dévolus aux régions, on dit: II
devrait y avoir une régionalisation de l'enveloppe - le ministre l'a
abordé tout à l'heure - au prorata de la population et on devrait
y ajouter des mesures tenant compte des situations géographiques, de
l'étendue du territoire, ainsi de suite. Est-ce qu'on ne devrait pas
aussi, en se rappelant que les trois problèmes auxquels est
confronté le système de santé au Québec, c'est la
régionalisation des décisions, la décentralisation, c'est
la forte centralisation des enveloppes et le manque de ressources physiques et
humaines dans les régions... Je pense en particulier aux médecins
spécialistes. Ça n'a pas été abordé
beaucoup, ça. Il y avait une proposition dans Rochon qui était:
décentralisons les pouvoirs, décentralisons l'enveloppe de la
RAMQ et décentralisons l'enveloppe du MAS. Bon, on sait ce qui a
été retenu, c'est l'enveloppe du ministère, mais celle de
la RAMQ, on n'en parle pas souvent parce que, décentraliser l'enveloppe
de la RAMQ, ça veut dire que les médecins suivraient où
est l'argent, normalement. Vous n'avez pas abordé cette
question-là. J'aimerais savoir, là-dessus, si vous y avez
réfléchi et dans quel sens.
M. Ménard: Oui, on y a réfléchi. On n'est
pas allés, effectivement, jusqu'à parler de la
décentralisation de la RAMQ, non pas parce qu'on avait
nécessairement des hésitations philosophiques, c'est parce qu'on
ne s'est pas attaqués particulièrement à celui-là,
mais quand on parle de toute la question de l'équité, pour nous,
entre les régions, c'est sous-entendu à ça aussi
C'est-à-dire qu'effectivement, pour nous, quand on parle
d'équité, on parle d'équité en ressources aussi, on
parle d'équité en infrastruc tures et on parle
d'équité en enveloppes budgétaires mais, pour nous,
effectivement, à Tinté rieur de la notion d'équité
qui a été très globalisée, dans notre
exposé, rentre toute la question des ressources, et toute la question de
la non-disponibilité ou de la difficulté pour les régions
d'avoir des médecins spécialistes nous préoccupe
particulièrement Effectivement, probablement que c'est par la
décentralisation du budget de la RAMQ qu'on pourrait le faire mais, pour
nous, il est effectivement essentiel d'avoir une équité. Et dans
l'équité, il y a les médecins spécialistes,
inévitablement
Mme Blackburn: Est-ce que vous voyez d'autres moyens d'assurer
une certaine équité dans le partage des ressources humaines,
particulièrement des médecins spécialistes dans les
régions, autre que par la régionalisation de l'enveloppe? Est-ce
que vous aviez...
M. Ménard: Non, je vous avoue qu'on n'en a pas
trouvé d'autre. On n'a pas été plus créateurs que
d'autres. On n'en a pas.
Mme Blackburn: II y a peut être finalement, le permis de
travail qui pourrait..
M. Ménard: II y a la question des permis II y avait la
question des... Il y a la question des fameuses allocations régionales
à l'intérieur des facultés de médecine où il
faut peut-être se poser des questions. Il y a peut-être la question
d'établissement de bourses régionales. Bon. Mais on n'a pas voulu
concentrer sur ce volet-là, et on n'a pas toutes les réponses
là-dessus, mal-
heureusement.
Mme Blackburn: Parce que, pour les régions, c'est un
problème - pour les régions et les régionaux - c'est un
problème de taille et les coûts pour avoir accès aux
services de santé dans certaines disciplines sont astronomiques, pour
les régionaux, parce qu'ils doivent se déplacer constamment vers
les centres. Et vers les centres, c'est vrai pour les régions
également. Les gens de Roberval qui s'en viennent à Chicoutimi,
ça coûte cher aussi. Une autre question. Vous parlez de
modulation, de laisser aux régions le choix de moduler la composition de
ces futures régies. Ça suppose que vous pourriez voir un partage
différent de celui qui est proposé entre les
socio-économiques, les représentants des établissements et
les représentants des grands groupes socio-économiques,
c'est-à-dire les communautaires, établissements et l'ensemble des
groupes dont vous voudriez être en mesure d'identifier les
représentants. Ici, on a fait souvent état du problème que
posait la représentation des représentants
d'établissements, surtout lorsqu'il s'agissait d'employés du
réseau parce que, potentiellement étant... risquant d'être
davantage en conflit d'intérêts. Est-ce que vous avez
réfléchi à cette question? Et si vous aviez,
théoriquement, à nous proposer un modèle de partage entre
vos trois groupes - n'allez pas me répondre qu'il faudrait que ce soit
différent d'une région à l'autre, vous l'avez dit, mais
parlons pour votre région - comment ça se partagerait?
M. Ménard: Nous, on aime bien les tiers, tiers, tiers,
malgré le fait que, par bout, ça avait créé des
difficultés dans la question des sommets. Les tiers, tiers, tiers, ce
n'est pas mauvais non plus. Effectivement, 50 % au niveau des
établissements, c'est... moi, si j'avais ma région chez nous, je
trouve ça peut-être beaucoup. D'autre part, j'y mettrais beaucoup
plus, je lui en mettrais beaucoup plus au niveau du socio-économique, en
ce qui concerne, encore là, la région chez nous. Mais vous savez,
la modulation, ça va loin. Ça va même jusqu'à dire
qu'il va falloir que les régies soient dotées de budgets en
conséquence. Parce que, réunir une régie sur la
Côte-Nord versus réunir une régie dans une région
comme chez nous, qui est l'Outaouais, au niveau des frais de
déplacement, ce n'est pas tout à fait pareil. C'est
drôlement dispendieux de faire une réunion de la régie sur
la Côte-Nord versus ce que ça peut être chez nous où
il n'y a pas plus de 100 kilomètres entre le centre et les pôles
les plus éloignés des MRC. Ça fait des différences
de budget ça aussi.
Pour nous, ce qui est important, c'est vraiment que la région ait
de la flexibilité. Au-delà de ça, moi, je dis que chacune
des régions a sa sagesse fondamentale qui va faire en sorte que
ça ne sera pas 100 % d'établissement, ou ça ne sera pas
100 % de communautaire, ou ça ne sera pas 100 % de
socio-économique. Chacune va en arriver à son véritable
équilibre en fonction de sa réalité géographique et
en fonction de ses forces vives du milieu. Il y a des milieux où le
communautaire est beaucoup moins présent qu'ailleurs. Il y a des milieux
où le bénévolat se porte mal, merci. Donc, dans ces
milieux-là, le volet communautaire est moins fort qu'ailleurs.
Tantôt, on parlait des minorités linguistiques et des
minorités visibles. C'en est un élément de modulation
à introduire dans un milieu comme Montréal, par exemple, versus
un autre milieu où il n'y en a pas. Alors, c'est pour ça que,
nous, on dit: Soyons le plus large possible et soyons le moins contraignant
possible par rapport à la composition de la Régie.
Le Président (M. Joly): Merci. Je me dois, en fait, de
clore parce que, dans le fond, il est 13 h 10 et il faut revenir.
Mme Blackburn: Une toute petite... C'était la place du
communautaire.
Le Président (M. Joly): C'est que la toute petite
nécessite une réponse aussi. Alors, à ce moment-là,
si vous vous engagez à la faire toute petite et monsieur dans sa
réponse aussi.
Mme Blackburn: La question est brève, la réponse
pourra l'être autant.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
Mme Blackburn: Vous avez dit: II faudrait que ça soit
variable selon les régions, selon l'importance des différents
organismes dans les régions, mais ici, on a beaucoup entendu parler - je
dois dire que je suis assez ouverte à ça, assez sensible à
ce discours - de l'importance et du rôle que jouent les organismes
communautaires dans la promotion de la santé et dans la
prévention. Est-ce qu'ils auraient une place privilégiée?
Comment est-ce que vous voyez ça, surtout de leur inquiétude par
rapport à la décentralisation?
M. Ménard: Si c'est pour les faire adhérer à
la régionalisation, moi, je serais bien prêt à leur faire
une place privilégiée, madame.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Merci. Alors, M. Boucher, M.
Thériault, merci beaucoup de vous être déplacés et
d'être venus nous offrir votre expérience.
Nous allons suspendre jusqu'à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 13)
(Reprisée 15 h 12)
Le Président (M. Joly): Bonjour à tous. La
commission va maintenant reprendre ses travaux et j'inviterais donc la
Fédération des centres d'action bénévole du
Québec à bien vouloir s'avancer et à prendre place, s'il
vous plaît
Avant de débuter, j'aurais besoin d'un consentement des membres
de la commission, à savoir que M. Lazure, député de La
Prairie remplacerait M. Trudel, Rouyn-Noranda-Témis-camingue. D'accord?
M. le secrétaire, s'il vous plaît. J'apprécierais, si la
personne responsable du groupe pouvait s'identifier et identifier les membres
qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Fédération des centres d'action
bénévole du Québec
M. Leblond (Normand): M. le Président, je m'appelle
Normand Leblond et je suis le président de la Fédération
des centres d'action bénévole du Québec. A mon
extrême gauche, Mme Lucie Bernier qui est la directrice
générale de la fédération. Et Mme Danièle
Feredj, la vice-présidente.
Le Président (M. Joly): Merci. Vous connaissez sans doute
la procédure. Vous avez une vingtaine de minutes pour exposer votre
mémoire, une vingtaine de minutes ou moins et par après, les
membres de cette commission ont un temps égal et pourront vous poser les
questions d'usage. Merci.
M. Leblond: Ça va bien. Alors, j'aimerais commencer par un
avant-propos vous soulignant qu'au Québec, nous sommes plus de 1 000 000
d'hommes et de femmes, jeunes et vieux, à faire des activités
bénévoles. Les bénévoles sont actifs dans tous les
secteurs de l'activité humaine. Chaque bénévole consacre
en moyenne 206 heures par année à la société
québécoise. Rémunérée au salaire minimum,
cette implication représenterait la rondelette somme de 1 000 000 000 $,
c'est-à-dire 150 000 emplois à raison de 35 heures par semaine.
La Fédération des centres d'action bénévole a
été fondée en 1972, et elle regroupe près de 80
centres, ce qui représente plus de 100 000 bénévoles
à la grandeur du Québec.
Les centres d'action bénévole agissent à deux
niveaux. Nous sommes les seuls à faire la promotion de l'action
bénévole et, en plus, nous, les centres, donnons des services
à la population. Et ces services sont dispensés par les
organismes communautaires. Les centres d'action bénévole du
Québec sont les seuls organismes dont le mandat soit la promotion du
bénévolat et les services aux bénévoles. Une part
importante et, pour certains centres, la totalité de leurs
activités concerne le recrutement, la formation, le support,
l'affectation des bénévoles aux services du centre ou leur
référence à d'autres organismes de la
communauté.
La Fédération est l'instigatrice, depuis seize ans, de la
Semaine de l'action bénévole, qui est un événement
annuel d'envergure provinciale, qui vise la promotion et la reconnaissance de
l'action bénévole à la grandeur du Québec. Dans
chacune des régions, les centres se joignent aux organismes
communautaires pour manifester de façon originale ce mandat qu'est la
Semaine de l'action bénévole. Les centres d'action
bénévole aussi interviennent dans le secteur de la santé
et des services sociaux grâce aux services dispensés directement
par des bénévoles. Exemple: popote roulante, visites amicales,
transport, écoute téléphonique, gardiennage et
accompagnement. Mais ce qui nous différencie, à la
fédération des organismes, c'est que ce qui est important, c'est
qu'on est les seuls à faire la promotion de l'action
bénévole. Aussi, la Fédération donne des services
à des membres qui sont les centres ne donne aucun service
directement.
M. le Président, l'avant-projet de loi nous propose un
réaménagement des éléments actuels du réseau
de la santé et des services sociaux et fait une place, pour la
première fois, à des éléments hors réseau
qu'on appelle les organismes communautaires. L'objectif du gouvernement, c'est
de faire plus et mieux et, en même temps, de diminuer les coûts. Ce
qu'on s'aperçoit, c'est qu'on dirait que l'État, lorsque arrive
une crise, reconnaît les organismes bénévoles et les
redécouvre seulement lorsqu'il y a une crise dans le réseau de la
santé et des services sociaux. Ça, c'est un élément
un petit peu nouveau qu'on voit apparaître au cours des dernières
années, que cette reconnaissance-là des organismes
bénévoles.
Nous aimerions, dans ce mémoire, vous parler de certains points:
l'accessibilité universelle et gratuite aux services, le maintien de la
participation de la population aux orientations et à la gestion des
services, la place de la personne dans le système, les stratégies
basées sur la prévention, le renforcement et l'autonomie des
personnes, des réseaux naturels et des communautés, sur la
coopération entre les différents secteurs de la
société québécoise et, enfin, aussi vous parler de
la reconnaissance officielle de l'existence des organismes communautaires.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président, vous avez terminé?
M. Leblond: Non. C'est seulement la première partie de
l'avant-propos. Alors, je vais partir...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Vous continuez.
M. Leblond: ...maintenant sur l'accessibilité universelle.
La Fédération ne peut que souscrire aux préoccupations
d'équité du gouvernement qui maintient l'objectif
d'accessibilité universelle et
gratuite. Il nous apparaît, par contre, inacceptable que des
disparités persistent toujours selon les lieux, l'appartenance
socio-économique ou le sexe; de même, lorsque les services sont
disponibles, que leur accès soit limité à des situations
d'urgence. Nous, ce qu'on vous propose, ce qu'on vous dit: en appuyant le
développement des ressources bénévoles, le gouvernement
pourrait s'assurer d'améliorer de beaucoup cette accessibilité
aux services, car des bénévoles, il y en a dans tous les milieux
et ils sont toujours présents. Les communautés des régions
plus éloignées ne risqueraient pas de faire face à une
pénurie de bénévoles, comme c'est souvent le cas pour les
ressources sociomédicales.
La reconnaissance des organismes bénévoles. Les organismes
communautaires vous applaudissent. Pour la première fois, leur existence
est consacrée par quelques articles d'un projet de loi. Les organismes
bénévoles souhaitent que leur existence soit consacrée de
même. Mais cette reconnaissance obligée, compte tenu de la place
que les organismes communautaires et bénévoles occupent
déjà et celle que le ministre leur propose, doit aller bien
au-delà de ces mots, si officiels soient-ils.
M. le ministre, ce n'est pas à un texte de loi, si bon soit-il,
qu'on reconnaîtra le bénévolat. On devrait trouver des
façons originales de le faire et, là-dessus, le gouvernement n'a
pas démontré d'énormes capacités. Il y a peu de
politiques pour appuyer l'appart des bénévoles à la
communauté. Le gouvernement va reconnaître ses écrivains,
va reconnaître ses artistes, mais, pour les bénévoles, il
n'y a rien. Il a fallu que ce soit le gouvernement fédéral qui
institue un prix, le prix Bénévolat Canada, pour
reconnaître qu'au Québec il y avait des bénévoles
très impliqués. Alors, on aimerait que le gouvernement du
Québec fasse peut-être la même chose, qu'il reconnaisse
qu'au Québec il y a des gens qui font et qui sont impliqués dans
l'action bénévole depuis de nombreuses années.
Or, force nous est de conclure, si malheureusement notre
réflexion est exacte, que pour le gouvernement, les ressources
bénévoles de la communauté ne constituent qu'un maillon
d'une chaîne d'aidants, qui va de la famille immédiate à
l'extrémité du réseau public, là où se
trouvent les coûteuses ressources spécialisées. Il est vrai
et rassurant que les bénévoles des centres, notamment par un
ensemble d'activités dites de maintien à domicile - ce que
j'expliquais tantôt, popote roulante, transport, accompagnement, visites
amicales - remplissent ces rôles d'aidants.
Nous sommes loin d'une reconnaissance réelle de ces instances
démocratiques que sont les centres d'action bénévole,
capables de transformer les conditions d'existence, d'apporter des solutions
originales et efficaces aux problèmes de leur milieu. C'est donc
à cette reconnaissance que nous aspirons.
On s'entend aussi pour dire qu'un des problèmes majeurs à
venir au cours des prochaines années est le vieillissement de la
population. Les centres peuvent justement aider, lorsqu'on parle du
vieillissement de la population, en diminuant les coûts de ces gens pour
les services de santé et les services sociaux, car on sait très
bien qu'une personne âgée, qui va s'impliquer, qui va faire de
l'action bénévole, va utiliser beaucoup moins les services de
santé. Et, par le fait même, si on utilise moins les services, les
coûts vont diminuer. Il pourrait en être ainsi pour d'autres
groupes de citoyens qu'on pourrait inciter à faire de l'action
bénévole.
Alors, ce qu'on aimerait avoir, c'est non pas une reconnaissance mais
une dont on retrouve la trace dans les conditions faites à la
participation des citoyens et à la participation que nous sommes, en
tant que partenaires du réseau institutionnel. C'est au gouvernement que
revient la possibilité, non seulement de reconnaître ces
rôles, mais de supporter concrètement les centres d'action
bénévole qui permettent l'actualisation de ce que je vous
disais.
J'aimerais, en terminant cette partie, vous démontrer la
différence entre un organisme bénévole et un organisme
communautaire. Un organisme bénévole, pour nous, est toujours un
organisme communautaire, tandis qu'un organisme communautaire n'est pas
nécessairement un organisme bénévole. Parce que, à
l'intérieur d'un organisme communautaire, ce sont des gens qui ont
vécu un problème, qui se l'approprient et qui veulent le
régler. Tandis qu'un organisme bénévole, pour nous, c'est
un organisme qui peut compter sur des bénévoles qui n'ont pas
vécu nécessairement avec le problème, mais qui sont
prêts à donner de leur temps pour aider des gens qui auraient des
problèmes. Alors je pense que c'est important de faire cette
distinction-là entre un organisme communautaire et un organisme
bénévole. C'est pourquoi la Fédération recommande
que les organismes bénévoles soient officiellement reconnus dans
la Loi sur la santé et les services sociaux.
Financement par les programmes-cadres. Nous comprenons que, suivant
l'avant-projet de loi, les centres d'action bénévole seraient
financés sur la base de programmes-cadres, lesquels visent une
clientèle cible. C'est, malheureusement, pour nous, un encadrement trop
rigide où les centres d'action bénévole se voient imposer
des problématiques et des clientèles à partir d'en haut.
Le dynamisme des centres est tout à fait à l'opposé, ce
qui en fait d'ailleurs leur intérêt et leur richesse
jusqu'à ce jour.
La souplesse, l'adaptabilité des activités des centres, la
disponibilité et, la motivation des bénévoles furent
maintes fois soulignées et, souvent, les établissements ont
recours constamment aux organismes bénévoles. De plus, cette
gestion par programme, à laquelle tous les partenaires devront
participer, risque d'accentuer
le délestage et le pouvoir contraignant du réseau public
vers les centres d'action bénévole et les organismes
communautaires. Il ne s'agit nullement de spéculations oisives, car tout
observateur constatera de plus en plus cette tendance dans le cadre des
programmes de maintien à domicile. De nombreux centres d'action
bénévole y participent avec les CLSC et reçoivent des
fonds de leur conseil régional.
Nos craintes sont à l'effet que le réseau nous impose des
clientèles que nous devrons desservir. Nous ne voulons pas être la
bouée de sauvetage des CRSSS ou des CLSC. Ainsi, quand un CRSSS dit
à un organisme bénévole: Dorénavant tu devras
desservir tel type de clientèle ou tu n'auras pas d'argent, alors je
pense qu'on vit un problème au niveau des subventions. Que se
passe-t-il? À ce moment-là, les bénévoles quittent
l'organisme. Il y a du désintéressement et souvent l'organisme va
mourir. Ce que je vous dis, ce sont des situations qui sont déjà
vécues. Nous avons peur que le financement par programme n'accentue le
pouvoir des CRSSS sur les organismes bénévoles.
Présents en tout temps au sein de leur communauté, et ce
avant même que l'État providence n'en occupe la place, les
organismes communautaires, dont les centres d'action bénévole,
conçoivent et sont des plus disponible à collaborer avec le
réseau. Cette collaboration existe, d'ailleurs, déjà dans
maints domaines, implique maints interlocuteurs et établissements. Il
importe toutefois que l'originalité et l'autonomie des parties soient
respectées et favorisées par la formule de collaboration
retenue.
On ne conteste pas le contrôle. On est prêts à
répondre à certains contrôles. Ce qu'on ne veut pas, c'est
que les services que les centres donnent nous soient imposés, que les
clientèles nous soient absolument imposées, qu'on ne soit pas
capables d'aller à l'extérieur des champs de ces
clientèles.
Budget global de fonctionnement. Le document d'orientation faisait
mention de l'attribution d'un budget de fonctionnement garanti pour trois ans
et récurrent. Il répondait aussi aux demandes maintes fois
formulées de la Fédération des centres d'action
bénévole et des organismes communautaires. Nous avons vainement
cherché une telle clause dans l'avant-projet de loi. Aucune trace de
financement minimum, ni de financement global n'est prévue pour nos
organismes, pour les organismes communautaires, et nous n'avons vu aucune trace
de récurrence.
Alors comment financer l'infrastructure de nos centres? Comment
favoriser la recherche et le développement de nouvelles solutions aux
problèmes qui se profilent déjà et auxquels notre
réseau ne peut répondre? Comment stimuler le recrutement, la
formation, l'encadrement des bénévoles, sans financement
adéquat des centres d'action bénévole, dont c'est l'un des
mandats principaux?
La promotion de l'action bénévole, le recrutement, la
formation et l'encadrement des bénévoles, la recherche et le
développement de nouvelles avenues, toutes ces activités sont
essentielles à la réalisation et à l'amélioration
des services. Dans le contexte proposé, nos énergies devront,
encore une fois, se concentrer sur des demandes de subventions plutôt que
sur la réalisation d'activités. Or, nous déplorons,
actuellement, une telle situation. Il est inutile de l'accentuer par des
dispositions prévues dans i'avant-projet de loi.
Ce qui est important, c'est que les centres d'action
bénévole ne donnent pas seulement des services aux personnes dans
le besoin. Nous sommes les principaux promoteurs de l'action
bénévole. Ce sont les centres d'action bénévole et
la Fédération qui incitent la population à s'impliquer,
qui sélectionnent et qui recommandent les bénévoles aux
organismes. Sans les centres, que feraient les organismes communautaires? Et
là-dessus, il n'y a rien de prévu dans l'avant-projet de loi.
C'est pourquoi nous recommandons que le budget global des centres
d'action bénévole et de leur Fédération soit
établi sur trois ans; qu'il soit récurrent et assorti d'une
indexation annuelle équivalente au coût de la vie; que les centres
d'action bénévole soient financés directement par le MSSS
et qu'il assure le financement de l'infrastructure nécessaire pour
donner des bons services.
Les regroupements provinciaux et régionaux. Les centres d'action
bénévole sont stupéfaits de constater qu'ils devront
dorénavant financer en totalité leur fédération et
leurs regroupements régionaux. instances démocratiques dont les
centres d'action bénévole ont cru nécessaire de se doter
en 1972 pour s'épauler, partager des expériences, travailler
à des dossiers communs, la Fédération est devenue avec les
années une mémoire collective pour aider chaque centre à
mieux s'établir dans son milieu. Actuellement, nous vous rappelons que
la Fédération des centres d'action bénévole
regroupe 82 centres répartis dans l'ensemble du Québec, de
l'Abitibi à la Côte-Nord, de la Gaspésie à
l'Outaouais. Il est, à notre avis, indécent, inadmissible de
demander aux centres de financer leur Fédération, car certains
salariés ont un salaire d'environ 10 000 $ par année et certains
centres sont sous-équipés. Et, on leur demanderait en plus de
financer leur Fédération à même leur maigre marge de
subvention que, déjà, on trouve insuffisante.
Ainsi, si le gouvernement souhaite ultime-ment affaiblir le mouvement
communautaire, dont le pouvoir central de son ministère et de la
santé et des services sociaux, et devant les collèges
électoraux et des régies, il a juste à persister dans la
voie qu'il a prise. Il se débarrassera d'un partenaire embarrassant.
niais amputera également le Québec d'une pâlie
importante de son dynamisme et de son originalité. C'est pourquoi
nous recommandons que le financement des regroupements régionaux et
provinciaux des centres soit assuré directement par le ministère;
que le financement des regroupements régionaux et de la
Fédération soit autorisé par les centres d'action
bénévole affiliés. On n'a absolument pas peur que ce
soient les centres qui nous financent à même une enveloppe qui
serait réservée au ministère et que le ministère
demande à chaque centre s'il est prêt à légitimer la
Fédération. On est prêts à accepter un tel genre de
proposition.
Enfin, la participation de la population. Nous appuyons le gouvernement
lorsqu'il indique sa volonté de poursuivre dans le sens de la
réforme des années soixante-dix et de maintenir la participation
des citoyens et citoyennes à l'orientation et à la gestion des
services. Toutefois, cet appui ne va pas sans réserve. (15 h 30)
La participation des salariés et des bénévoles aux
conseils d'administration. Il n'est pas souhaitable que la participation de la
population soit restrictive, qu'elle exclue les bénévoles et les
permanents des organismes bénévoles. Ce faisant, on se priverait
d'une expertise précieuse. Il faut se rendre compte que, lorsqu'il
s'agit de services directs, les usagers d'un centre ne sont pas
nécessairement les bénévoles, mais ceux qui
reçoivent des services dispensés par des bénévoles.
Ce qu'il faut démystifier, c'est le fait que le bénévole
est un usager de services. Voici l'exemple que je voudrais vous donner:
être chauffeur de taxi pour accompagner une personne âgée en
vue de recevoir un service ne fait pas du chauffeur de taxi un usager d'un
service; il est un bénévole. C'est un peu ce qu'on voulait vous
souligner à l'intérieur de cette partie-là.
On se priverait également d'une continuité dans la gestion
administrative des fonds publics et dans le suivi des services si on
éliminait les bénévoles et les permanents des organismes
bénévoles sur les conseils d'administration. De même,
trouvons-nous inconvenable et antidémocratique de restreindre, voire
même soustraire en totalité les représentants des
organismes bénévoles sur les conseils d'administration
unifiés, alors que, présentement, de nombreux
représentants des centres d'action bénévole siègent
aux conseils des établissements du réseau de la santé et
des services sociaux. C'est pourquoi nous recommandons que les
bénévoles et les salariés des organismes
bénévoles siègent aux conseils unifiés, aux
collèges électoraux et aux régies régionales
prévus par la loi.
Représentation des organismes bénévoles. De
même, la représentation des organismes bénévoles aux
conseils d'administration des collèges électoraux et des
régies régionales, pour autant qu'elle soit incluse dans la
représentation des organismes communautaires, nous semble tout à
fait hors proportion, si on se réfère aux objec- tifs de
partenariat entre le réseau institutionnel et le réseau
communautaire.
Être partenaire présuppose un principe
d'égalité, de connivence, de respect et de mise en commun.
L'élément économique devient ici très important
pour rendre le discours et la pratique congruents. Comment peut-on demander et,
en même temps, exiger face à la pauvreté? L'importance
d'équilibrer l'écart entre l'institutionnel et le communautaire
devient prioritaire pour nous. il est indispensable de considérer la
diversité des organismes communautaires dont la population d'une
même région s'est dotée et de respecter cette
réalité. de même, est-il essentiel de tenir compte du
pouvoir que les établissements du réseau possèdent
déjà vis-à-vis de leurs partenaires. existerait-il moins
de similitudes entre les établissements du réseau qu'entre les
organismes démocratiques communautaires? comment peut se justifier que
les créatures institutionnelles accaparent 50 % des sièges, alors
que les organismes communautaires s'en voient octroyer 25 % et les
collèges électoraux régies régionales 15 %? c'est
pourquoi la fédération recommande que les organismes
bénévoles aient au moins 25 % de représentation tant au
collège électoral qu'à la régie régionale,
au conseil d'administration unifié, et qu'au moins un siège soit
réservé aux centres d'action bénévole.
Enfin, indépendamment du nombre de sièges
réservés aux organismes bénévoles, la participation
de leurs représentants soulève la question de leur statut, du
mode de délégation, de leur compétence et de leur pouvoir
comparativement aux représentants du réseau. Il nous semble
indispensable de prévoir un support et une formation aux citoyens et
citoyennes des organismes bénévoles appelés à
participer à ces conseils, car nous craignons que les centres, dans la
structure actuelle et dans celle proposée, ne soient que des David face
aux Goliath. D'ailleurs, j'aimerais vous rappeler que tout le monde juge
important qu'il y ait de la formation. Tout député nouvellement
élu reçoit une session de formation pour savoir comment il devra
se comporter, et on pense que ça devrait aussi être prévu
dans l'avant-projet de loi pour les bénévoles qui vont aller
siéger sur les conseils d'administration.
Enfin, c'est pourquoi la Fédération recommande que les
organismes bénévoles soient officiellement reconnus dans la Loi
sur la santé et les services sociaux, que le budget global des centres
d'action bénévole soit établi sur trois ans et qu'il soit
récurrent, que les centres d'action bénévole soient
financés directement par le ministère de la Santé et des
Services sociaux et qu'il assure le financement de l'infrastructure, que le
financement des regroupements régionaux et provinciaux des centres soit
assuré par le ministère, que les organismes
bénévoles aient au moins 25 % de représentation tant au
collège
électoral, à la régie régionale, au conseil
d'administration unifié, et qu'au moins un siège soit
réservé aux centres d'action bénévole, que le
financement de la Fédération soit assuré par le MSSS, que
les bénévoles et les salariés des organismes
bénévoles qui siègent aux C.A. (unifiés,
collèges électoraux) soient prévus par la loi ainsi que
leur formation.
Enfin, la Fédération des centres d'action
bénévole du Québec ne peut qu'être supportante du
gouvernement du Québec lorsqu'il jette un regard critique sur notre
système de santé et de services sociaux. Nous souhaitons que
notre gouvernement, en tant que partenaire privilégié, soit aussi
supportant dans notre contribution à l'élaboration de cette loi
en y insérant les quelques recommandations contenues dans le
mémoire. Les centres d'action bénévole se sont sentis
interpellés par l'avant-projet de loi sur la santé en ce qu'il
est question d'organismes communautaires et qu'une partie importante de leurs
activités relève du domaine de la santé et des services
sociaux. Merci.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président, M. Leblond, je vous remercie pour la présentation de
votre rapport. Est-ce qu'il y a d'autres personnes de votre organisme qui
voudraient prendre la parole?
M. Leblond: Non, ça va.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Pas à ce
stade-ci. Alors, je vais reconnaître maintenant le ministre des Affaires
sociales. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, mesdames et
messieurs. C'est un mémoire qui jette un éclairage nouveau sur ce
qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Effectivement, on a entendu beaucoup
de représentants communautaires exprimer leur point de vue sur la
réforme, ayant des réticences quant au pouvoir régional et
voulant toujours être rattachés au central avec tous les
problèmes que ça peut supposer. Là, ce que je comprends,
c'est qu'il y a moins de problèmes au central qu'il y en aurait
éventuellement dans un pouvoir décentralisé à une
régie. J'ai compris ça ce matin. Au moins, les fonctionnaires du
ministère au central vont être heureux d'apprendre qu'il y en a au
moins quelques-uns, au central, qui sont compris.
Pour être capable de bien creuser la distinction que vous avez
faite tantôt, parce que dès les premières pages, les
premiers paragraphes, j'ai senti que vous vouliez nous passer un message
très clair, qu'il y avait une distinction entre communautaire et
bénévole. Je pense que ça m'apparaissait évident
là. Et vous avez donné, par un exemple, ce qu'était la
différence. J'aimerais vous entendre davantage dans des cas concrets.
Quelle osl la différence? parce quo, effectivement, c'est toujours dans
un hôpital que tu vas rencontrer des bénévoles qui vont
aller supporter des gens, aider... Ce que vous décrivez comme fonction
où on les retrouve, tu les reconnais parce que tu vois que c'est fait
avec beaucoup de détachement et beaucoup de plaisir, tu vois un
sourire.
Moi, ça me touche parce que, effectivement, c'est un
élément extrêmement important. On n'a peut-être pas
assez fait de distinction entre les deux, communautaire et
bénévole, parce que je pense qu'on a regroupé ça
sous le même chapeau. Mais, par vos explications, donnez-nous un peu plus
d'information pour nous donner la chance de nous reprendre si jamais on a
manqué notre coup.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Feredj.
Mme Feredj (Danièle): Danièle Feredj.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
madame.
Mme Feredj: M. le Président, M. le ministre. Alors,
l'exemple que je vais vous donner, je pense, va emprunter aux relations que les
centres d'action bénévole ont avec les CLSC. On retrouve dans les
CLSC des travailleurs communautaires. Alors, les travailleurs communautaires
ont pour tâche essentielle, à notre point de vue, de mettre sur
pied des groupes avec des personnes qui sont, par exemple, affligées de
problèmes de surconsommation de médicaments, des problèmes
d'obésité; par exemple, vous avez les outre-mangeurs, vous avez
aussi des groupes d'entraide entre parents qui sont des parents abusifs. Voici
ce que nous appelons, nous, des groupes communautaires. Ce sont des gens, donc,
qui ont un problème identique. Ils se regroupent, ils forment des
groupes d'entraide, ils vont travailler ensemble à améliorer
leurs conditions de vie, à améliorer, à vaincre certains
problèmes de comportement, tandis que nous, les bénévoles,
dans les centres d'action bénévole, ce que nous faisons comme
bénévoles, c'est que nous recrutons, nous faisons la promotion de
l'action bénévole, nous incitons la population à venir
s'engager comme bénévoles et nous les dirigeons, nous les
orientons, une fois que nous avons fait des entrevues, que nous avons
exploré leurs intérêts, une fois que nous leur avons offert
du perfectionnement. Nous avons donc stimulé une partie de la population
à faire du bénévolat, et nous les orientons, nous les
dirigeons là où sont les besoins. Et ces besoins, nous les
connaissons tout simplement parce que des individus s'adressent à nous
pour avoir certains services dont nous avons parlé tout à
l'heure. Il se peut que ce soient des services de maintien à domicile,
de transport, de popote, des choses comme ça Ou bleu, co sont des
organist nos qui s'adressent à nous pour avoir des ressources
bénévoles.
Et qui sont ces organismes? Eh bien, c'est l'ensemble des organismes
communautaires et bénévoles. Vous pouvez penser aux grandes
fondations qui ont besoin de bénévoles pour faire des collectes
de fonds. Vous pouvez penser, également, à un petit groupe qui
veut partir, par exemple, une garderie dans son milieu. Je pense souvent aux
personnes âgées. Et elles ont besoin d'autres
bénévoles âgés pour venir grossir leurs groupes de
grand-maman tendresse. Ils s'adressent à nous et nous les aidons
à remplir leurs effectifs de bénévoles. Est-ce que
ça répond?
M. Leblond: Je voudrais peut-être juste compléter.
C'est que si on prend l'exemple, tantôt, de personnes obèses,
alors, les gens vont se regrouper parce qu'ils ont un problème
d'obésité et, souvent, on va leur fournir des
bénévoles. Ce ne sont pas des gens qui vivent le problème
ou qui ont le problème, mais qui vont aider ces gens-là. Alors,
on va leur fournir des bénévoles qui ne sont pas pris avec ce
problème-là, soit pour les aider dans une démarche ou des
choses comme ça. Alors, c'est pour ça qu'on dit qu'il y a une
différence énorme entre l'organisme communautaire et un centre
d'action bénévole.
M. Côté (Charlesbourg): Dans votre entrée en
matière, vous nous avez dit: II y a 80 centres à travers le
Québec.
M. Leblond: Ce qu'on regroupe, à l'heure actuelle.
M. Côté (Charlesbourg): De regroupements.
M. Leblond: 82.
M. Côté (Charlesbourg): Pardon?
M. Leblond: 82, à l'heure actuelle, qu'on regroupe.
M. Côté (Charlesbourg): O. K. Qui sont
répartis un peu partout sur le territoire.
M. Leblond: Dans toutes les régions du Québec.
M. Côté (Charlesbourg): O. K. Et il y a un lien avec
la Fédération qui, elle, dispense la formation.
M. Leblond: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Alors que dans chacun des
centres du Québec, vous pouvez téléphoner à ce
centre-là pour avoir des bénévoles, éventuellement,
au niveau d'un hôpital. Est-ce que vous avez des liens avec certains
hôpitaux qui pourraient vous appeler et vous dire: On voudrait
créer chez nous...
M. Leblond: Un comité de bénéficiaires.
M. Côté (Charlesbourg):... un comité de
bénévoles.
M. Leblond: Certainement.
M. Côté (Charlesbourg): Lorsqu'on parle des 82,
c'est ce genre de comité-là que vous avez un partout à
travers le Québec.
M. Leblond: C'est-à-dire que ce sont des centres que l'on
regroupe, qui vont, dépendam-ment de leur structure, regrouper d'autres
organismes - si je donne un exemple - comme le Centre d'action
bénévole de la ville de Québec, lui, regroupe 115
organismes, dont certains comités de services aux personnes
hospitalisées. Au C. H. de l'Université Laval, il y a un service
bénévole qui est membre du Centre d'action
bénévole; ça peut être les Grands Frères, les
Grandes Soeurs, les familles monoparentales, dépendamment des
milieux.
M. Côté (Charlesbourg): J'imagine que, malgré
le fait que nous ne sommes pas très très présents sur le
plan financier - vous nous passez un bon message en même temps; disons
qu'on vous sollicite dans la période de crise, vous avez réussi
à passer votre message et c'est vrai, je pense que l'histoire le
démontre et, il y a une histoire assez récente qui ne date pas
d'un an tout à fait, ça me paraît évident - quel est
le support que vous recevez, à ce moment-ci, du gouvernement du
Québec?
M. Leblond: Nous avons, depuis les quatre dernières
années, une subvention qui est aux alentours de 125 000 $ et qui n'a pas
été indexée au cours des quatre dernières
années.
M. Côté (Charlesbourg): Comme
fédération. M. Leblond: Comme
fédération.
M. Côté (Charlesbourg): Mais vous devez avoir des
centres affiliés qui, eux aussi, bénéficient...
M. Leblond: Oui, sauf que c'est variable d'une région
à l'autre. Certains centres peuvent avoir 10 000 $ du ministère
de la Santé et des Services sociaux, d'autres peuvent avoir 5000 $.
C'est variable d'une région à l'autre parce que l'un des
problèmes majeurs, c'est que certains centres, pour se faire
reconnaître, doivent faire du maintien à domicile pour lequel ils
n'ont aucune subvention. On n'a pas reconnu encore la promotion de l'action
bénévole, comme telle, au Québec.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce que je
comprends, c'est qu'un des éléments extrême-
ment importants de cette politique-là, c'est le maintien à
domicile. Et ça aussi, c'est un élément important.
M. Leblond: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Si, sur le plan de l'action
bénévole, on sent le besoin, dans des centres hospitaliers,
d'aller réconforter des malades par une visite pour des gens qui n'en
auraient pas, le maintien à domicile aussi... Je regardais la
définition: popotes roulantes, visites amicales; ça, on doit en
faire à domicile de temps en temps aussi, j'imagine.
M. Leblond: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Transport, écoute
téléphonique, gardiennage, accompagnement, ça me
paraît des mesures tout à fait extraordinaires qui vont permettre
le maintien à domicile.
M. Leblond: Oui. Sauf que nous, on dit que, si on n'a pas les
moyens d'amener la population à s'engager soit dans les popotes
roulantes, soit dans l'ensemble des organismes de maintien à domicile,
à un moment donné, ces organismes vont mourir parce qu'il faut
inciter les citoyens à s'impliquer.
M. Côté (Charlesbourg): Tout ça pour en
arriver à une de vos recommandations - je reviendrai avec autre chose
après - où vous dites: Ça nous prend un financement sur
trois ans, bien identifié, et là, vous pariez au nom de la
Fédération, en particulier de la Fédération, mais
pas nécessairement des centres.
M. Leblond: On parie et au nom des centres et au nom de la
Fédération.
M. Côté (Charlesbourg): Et c'est récurrent Si
c'est trois ans, c'est récurrent pour trois ans.
M. Leblond: C'est ça, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Au-delà de tout
ça, ça peut être remis en question et ça peut
être questionné à l'occasion, j'imagine?
M. Leblond: Je pense que, chaque année, ça peut
être remis en question si les gens n'atteignent pas les objectifs ou des
choses comme ça, tel qu'il est prévu dans les ententes. (15 h
45)
M. Côté (Charlesbourg): Vous, ça ne vous
achale pas de faire des rapports, parce qu'il y en a que ça achalait. Ce
que j'ai entendu des groupes communautaires, pour certains, c'est: II n'y a pas
assez d'argent, on en veut plus, et remplir le moins de papiers possible.
M. Leblond: Nous, ça ne nous dérange pas d'avoir
à répondre, à faire des évaluations des
activités qu'on fait.
Mme Feredj: M. le Président, ce qu'on demanderait, si on
obtenait la reconnaissance des centres d'action bénévole qui
sont, pour faire image, comme des centres d'emploi pour
bénévoles... Les personnes viennent nous voir, elles offrent leur
temps, on les stimule à le faire et, après, on redistribue cette
force. D'abord, on est l'action bénévole visible dans chacune des
MRC de la province de Québec. On est la force bénévole
visible. Alors, c'est un lieu où l'action bénévole
s'exprime. Si ceci était reconnu dans une politique et qu'il y ait un
cadre financier adéquat, ça nous permettrait de fonctionner
à l'année longue avec ça. Ensuite, nous pourrions aller
acheter des programmes de maintien à domicile dans les régions
pour donner des services de maintien à domicile, mais il n'y a pas que
ça qu'on peut donner, on peut donner aussi beaucoup d'autres... On
travaille dans les loisirs, dans les sports. On travaille dans bien d'autres
endroits.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez parié de
financement adéquat. Ça me fait toujours peur un peu, un
financement adéquat, parce qu'évidemment, ça dépend
toujours de notre appétit, le financement adéquat. Pour vous,
d'après vous, qu'est-ce qu'un financement adéquat? Je vous
demanderais de faire la distinction entre la Fédération et les
centres régionaux.
Mme Feredj: Bien, j'ai ici un budget type d'un centre d'action
bénévole qui pourrait être présenté. Il y
aurait un budget de fonctionnement de 121 000 $. Ce serait, pour nous, un
budget type. On retrouverait une secrétaire, une directrice ou un
directeur, un secrétaire ou une secrétaire et un technicien
quelconque, disons qu'on pourrait avoir trois salariés, avec les
bénéfices marginaux, ce qui nous mènerait à 98 500
$, alors qu'actuellement vous avez des directeurs ou des directrices de centre
qui travaillent pour, à peu près, entre 10 000 $ et 22 000 $ par
année, à temps plein. Ce sont des personnes qualifiées et
compétentes. On dirait que ces gens-là sont obligés de
travailler à rabais, je vous dis ça en passant. C'est comme si ce
n'était pas important, ces secteurs-là. Pourtant, ils travaillent
en collaboration étroite avec les institutions, avec toutes les forces
vives du milieu. Souvent, ils sont à compétence égale.
Donc, notre budget type, il est de 121 000 $ parce qu'il comprend, en plus des
salaires et avantages sociaux, des frais de logement de 8200 $, des frais
d'administration et de la papeterie, des timbres, des correspondances pour 3500
$ et des frais d'immobilisation, le téléphone, 3000 $, c'est un
outil. Bon! On a un budget type de 121 000 $ pour un centre moyen.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'il n'y a pas un
danger - je vous le pose très honnêtement, ce n'est pas pour
démolir - de tuer le bénévolat avec ça? Est-ce
qu'il n'y a pas ce danger-là? Je comprends que ça prend un
minimum, je comprends ça. Évidemment, dans différentes
structures où on a fini par organiser une structure où les gens
étaient payés pour encourager le bénévole,
tantôt, le bénévole finit par se poser la question: Est-ce
qu'il n'y a que lui qui n'est pas payé? C'est un peu ça,
finalement, quand tu descends, parce qu'au niveau de la structure... Et 100 000
$ pour une région, avec tout ce que ça comporte comme frais de
déplacement, etc., ce n'est pas le Klondike non plus, ce n'est pas
ça que je veux dire.
Est-ce qu'il n'y a pas un peu une dynamique, à ce
moment-là? Si on prend les 80 centres à travers le Québec,
si je calcule bien, à 100 000 $ chacun, ça signifie, demain
matin, 8 000 000 $; 10 400 000 000 $, ce n'est pas beaucoup pour de l'action
bénévole. On peut bien extrapoler en disant: Bien, s'il y a 1 000
000 de personnes bénévoles, ça ne fait pas cher du
bénévole, hein! Évidemment, c'est cette logique-là
aussi. Mais je me pose aussi la question: Est-ce qu'on ne se recoupe pas,
à un moment donné, dans ce réseau-là, communautaire
et bénévole, sur le plan de la dispensation des services? C'est
bien intentionné partout. C'est ça que je veux faire, la
distinction très nette - parce que je suis prêt à regarder
encore plus avant - entre les centres de bénévolat et le
communautaire. Je suis peut-être prêt à être plus
permissif au niveau des centres de bénévolat que du
communautaire, parce que, évidemment, j'ai bien compris tantôt,
selon votre expérience, il y a un agent ou peut-être deux dans les
CLSC qui créent des groupes communautaires pour répondre à
des besoins spécifiques. Alors, j'ai bien entendu ça
tantôt. Je le pensais depuis longtemps, mais vous me le confirmez parce
que vous le vivez dans le champ. Donc, on paie quelqu'un pour créer des
groupes communautaires qui, eux, vont venir demander des subventions pour
répondre à un besoin spécifique. Je pense qu'il y a un
questionnement à faire de ce côté-là et ce n'est pas
nécessairement... Dans certains cas, je le sais, dans mon CLSC, chez
nous, la popote roulante a été créée par un
organisme communautaire qu'a créé le CLSC. Mais pour avoir une
popote roulante qui, effectivement, répond à des besoins,
à des gens qui en ont besoin... Mais évidemment, si on les
décortique au complet, les quelque 2100 demandes, je pense qu'on va
peut-être trouver un peu d'argent, un petit peu d'argent et on va pouvoir
en donner aux bénévoles. Je crois à ça, les
bénévoles. Je crois à ça, le
bénévolat. J'en ai fait une bonne partie de ma vie aussi. Mais il
faut bien faire la distinction très nette entre bénévole
et garder la philosophie le plus longtemps possible. Ça me paraît
ça, en tout cas.
M. Leblond: Je pense, M. le ministre, pour nous, à l'heure
actuelle, que c'est important que les centres aient un financement parce que le
but qu'on poursuit, c'est d'amener les citoyens à s'impliquer dans
l'ensemble des organismes communautaires ou bénévoles à la
grandeur du Québec. À l'heure actuelle, un des problèmes,
c'est qu'on n'a pas les moyens de le faire. On a si peu les moyens de le faire
qu'à l'heure actuelle, c'est le Conseil canadien de la philanthropie qui
a entrepris une campagne qui s'appelle "Imagine" pour inciter les gens à
s'impliquer. On a si peu les moyens que lorsque arrive la Semaine de l'action
bénévole, au Québec, on est obligés - je le mets
entre parenthèses - d'aller quêter auprès des institutions
pour leur demander si elles ne pourraient pas nous donner de l'argent pour
pouvoir organiser cette semaine-là parce qu'on n'a même pas les
moyens de se payer un "poster", M. le ministre. Le but ultime que nous
poursuivons, ce n'est pas pour notre gloire, c'est de faire en sorte que
l'ensemble des citoyens soient mieux desservis dans leur milieu. Et si jamais,
en ayant de l'argent ou en ayant une subvention-cadre, les centres ne
remplissaient pas leur mandat, je peux vous garantir qu'ils vont mourir
d'eux-mêmes.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Bernier, vous voulez intervenir?
Mme Bernier (Lucie): Oui. Je voudrais seulement ajouter que je
trouverais dommage qu'on commence à jouer le communautaire contre le
bénévole.
M. Côté (Charlesbourg): Non, je ne joue pas le
communautaire contre le bénévole, pas du tout. Mais comme vous
avez senti le besoin de faire la distinction, il faut croire qu'il y en a une.
C'est ce que j'ai compris comme message. Alors, s'il y en a une, il faut, bien
sûr, que chacun occupe sa place. Et je vous dis: Tout ce qui se
véhicule au moment où nous nous parlons de communautaire n'est
pas seulement communautaire. C'est ce que je veux dire.
Mme Bernier: La question fondamentale qu'il faut se poser, peu
importe qui crée l'organisme, c'est: Est-ce qu'il y avait un besoin?
Alors, qu'on parle des travailleurs sociaux dans les CLSC ou qu'on parie de la
population, il faut voir si l'organisme qui est sur pied répond à
un besoin?
M. Côté (Charlesbourg): Moi, je vous dis tout
simplement qu'on est dans un réseau qui se pile sur les pieds.
Une voix: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Oui? Alors, à
partir
du moment où on investit 10 400 000 000 $ dans le système
aujourd'hui, on devrait avoir suffisamment d'argent pour être capable de
répondre à nos besoins. Et Dieu sait qu'on ne répond pas
à nos besoins. C'est parce qu'il y a duplication.
Mme Bernier: C'est ça. Ces 10 600 000 000$ ne sont
sûrement pas tout en bas. Ils ne sont sûrement pas rien qu'entre
les organismes communautaires et les organismes bénévoles.
M. Côté (Charlesbourg): 57 000 000 $ dans les
organismes communautaires, c'est une progression fantastique au cours des
dernières années. Ça ne veut pas dire qu'il y en a assez.
Ça ne veut pas dire non plus que les 57 000 000 $ sont bien
dépensés. C'est ça que je veux dire.
Mme Bernier: C'est vrai.
M. Côté (Charlesbourg): Parce que, là aussi,
ça se pile sur les pieds. Ça se pile sur les pieds là
aussi.
Mme Bernier: C'est beau.
M. Côté (Charlesbourg): II y a duplication et c'est
ça qu'il faut éliminer et, à ce moment-là,
peut-être qu'on peut, sur le plan de la reconnaissance des
bénévoles, faire une orientation différente de notre
action, en termes de choix. En tout cas, le message que vous me passez
aujourd'hui, je le prends, c'est qu'il doit y avoir une distinction entre le
bénévole et le communautaire, sans nécessairement que l'un
pige dans l'assiette de l'autre.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M le ministre, je
dois vous arrêter parce que le temps qui vous était dévolu
est terminé pour la partie ministérielle. Je vais maintenant
reconnaître le critique officiel de l'Opposition, la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames,
Messieurs. D'abord je dois dire que je m'étonne un peu de la distinction
qu'on est en train de tenter de faire entre communautaire et
bénévole. J'accepte qu'on dise: II ne faut pas confondre
communautaire et bénévole lorsqu'on parle des CLSC, des centres
locaux de services communautaires - c'est comme ça que ça
s'appelle - sauf qu'on sait qu'ils font du première ligne, ils font du
médical, ils font de tout. Ils ne font pas seulement le communautaire.
Ils font de moins en moins de communautaire.
M. Côté (Charlesbourg): Ils font de tout.
Mme Blackburn: Ils ont... Et d'ailleurs, c'était dans leur
mandat. Ils avaient la respon- sabilité d'organiser le communautaire. Et
ça, on l'a comme oublié parce que les derniers CLSC
créés, à partir de 1980, on n'a pas eu le moyen de les
financer pour qu'ils puissent faire du communautaire. Ils ont fait surtout du
première ligne.
M. Côté (Charlesbourg): On se repariera
là-dessus.
Mme Blackburn: Et je pense qu'on est en train de faire une
drôle de distinction. Et je pense à des actions qui ont
été menées par des CLSC, qui ont donné naissance
à des organismes pour venir en aide aux femmes victimes de violence.
Elles n'ont pas créé le besoin, le besoin était là.
Ils ont mis ensemble des personnes qui avaient sensiblement le même
besoin et ça a créé un organisme communautaire qui, je
pense, en vaut un autre: Parents anonymes. Là vous avez toute la
gamme.
Si je comprends bien, votre organisme, c'est l'équivalent d'une
agence. Appelons ça une agence de placement des bénévoles.
Sur la base bénévole, les gens s'engagent
bénévolement dans une action pour laquelle ils ont le goût
de travailler. Par rapport à l'action communautaire... Je reviens
à l'action communautaire. La perception que j'ai eu du rôle de
l'action communautaire dans la société
québécoise... Ce sont les organismes communautaires qui ont
donné naissance à l'essentiel des services qu'on offre
actuellement en santé. Ça a toujours commencé par de
l'action communautaire. Je ne m'avance pas dans un terrain miné. Vous le
savez tous, nous le savons, les CLSC, les CSS, les maisons d'accueil, tout
ça a commencé bénévolement, par de l'action
communautaire, des groupes qui s'organisaient et ensuite l'État les a
aidés; étant donné que le problème dépassait
largement la possibilité d'une structure de bénévoles, on
l'a institutionnalisé. On a eu tort, on a eu raison, je ne sais pas,
mais je pense que dans la majorité des cas, on a eu raison de le faire
pour assurer qu'il y ait une répartition équitable de ces
services à travers tout le Québec.
Lorsque vous dites qu'on devrait privilégier une structure de
financement pour les centres de bénévolat et une
fédération comme la vôtre et que, pour les autres, on
devrait faire des distinctions, à ce jour, avec tout le respect que j'ai
pour les bénévoles... J'ai fait du bénévolat
à peu près partout... dans un conseil d'administration un peu
partout. Comme tous ceux qui sont en politique, je pense qu'ils ont tous
commencé dans le bénévolat, ce n'est pas trop fatigant...
J'ai beaucoup de respect, sauf que l'action communautaire a ce mérite et
cet avantage qu'elle est, comme vous le dites si bien en page 9 de votre
mémoire, elle est à l'affût des problèmes de la
société. Elle s'organise pour solutionner un problème
précis, avec l'aide des bénévoles que vous leur envoyez,
mais la plupart du temps ça
naît dans le milieu. Je pense aux Parents anonymes qui se sentent
complètement Impuissants devant les adolescents, ils se sont
organisés entre eux et ils sont partis ensemble. C'est ça
l'action communautaire. On ne demande pas à l'institutionnel de le
faire. L'avantage de l'action communautaire, c'est qu'elle est à
l'affût des problèmes et elle met en place un début de
structure pour solutionner ses problèmes. Tandis que votre action
bénévole dit: SI vous désirez faire du
bénévolat, c'est gratifiant, c'est formateur, vous êtes
utiles à la société, vous pouvez aller n'importe
où. Mais ça ne me permet pas, moi, comme société,
d'être un peu rassurée parce qu'il y aura toujours quelqu'un en
train d'organiser pour venir en aide à ceux qui sont le plus en
difficulté. C'est cela mon problème, quand vous faites cette
distinction et quand vous parlez d'un financement qui devrait être
national plutôt que régional.
Si c'est le statu quo par rapport au financement des organismes
communautaires et bénévoles, qu'allons-nous faire dans les
régions avec les besoins en émergence? Je pense actuellement
à la prostitution juvénile. Il y en a peu chez nous, compte tenu
de la population, probablement pas parce qu'on a moins de vices, mais on est
moins populeux. C'est plus fréquent dans la grande région de
Montréal. Par ailleurs, chez nous, on a des problèmes d'isolement
qui sont différents dans la grande région métropolitaine.
Si on conserve cette structure où tout est financé par en haut,
comment allez-vous prendre en compte les besoins d'émergence?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Alors qui veut
réagir, M. Leblond?
M. Leblond: Je vais reprendre votre exemple. Je peux vous dire...
Prenons les femmes violentées. Souvent elles vont se rencontrer et
souvent elles vont venir au centre d'action bénévole en disant:
J'aimerais partir une association. Pouvez-vous m'aider? Alors les centres vont
avoir les ressources qui vont être souvent, soit un avocat
bénévole, qui va donner de son temps pour les aider à
partir. Prenons l'autre exemple que vous ameniez. Souvent, avec les jeunes, il
y a un problème de prostitution; on va fournir des
bénévoles, des gens qui vont se préoccuper de ce secteur,
qui disent: J'aimerais consacrer mon temps à des jeunes filles qui ont
des problèmes ou qui ont été agressées. On va les
rencontrer et on va les orienter vers des organismes qui nous ont fait des
demandes. C'est un peu ça qu'on veut faire ressortir de
l'originalité d'un centre d'action bénévole. Et, souvent,
les organismes communautaires viennent à bout de vivre
adéquatement parce que le centre d'action bénévole leur a
fourni les ressources les plus importantes que sont les bénévoles
pour se mettre en place. C'est un peu le rôle qu'on joue à l'heure
actuelle dans l'ensemble du Québec et ça, c'est un point
Important. (16 heures)
Mme Blackburn: Nous, comme parti, avions proposé que
l'équivalent de 1 % du budget du Québec soit consacré
à l'action communautaire bénévole. Je dois dire qu'on ne
faisait pas votre distinction parce que, dans les groupes communautaires que je
connais, la majorité des gens sont bénévoles.
M. Leblond: Je peux vous dire que c'est pour ça que nous
on veut amener la distinction qu'on disait tantôt. Les groupes
bénévoles sont toujours des groupes communautaires tandis que les
groupes communautaires ne sont pas toujours des groupes
bénévoles. Le plus bel exemple que vous mentionniez tantôt,
un CLSC qui est un organisme, que je mets entre parenthèses
communautaire, mais ce n'est pas un organisme bénévole.
Mme Blackburn: Mais dans le langage commun, vous admettrez avec
moi qu'on ne classe pas les CLSC dans les groupes communautaires.
M. Leblond: C'est ça, ça dépend à
quel niveau on va. Là, encore...
Mme Blackburn: J'ai l'impression que ce sont des communautaires
bien payés.
M. Leblond: Là encore, un CLSC est parti de
l'émergence de la base des problèmes qu'il y avait dans un
milieu.
Mme Blackburn: Nous avancions l'idée qu'on pourrait
envisager que 1 % du budget soit consacré à l'action
bénévole. Le ministre nous dit: II y a environ 57 000 000 $ du
budget du ministère de la Santé et des Services sociaux qui sont
consacrés à l'action communautaire ou bénévole.
Là, il semble que le ministre fasse une distinction qu'il est
peut-être plus à même que moi de connaître, mais pour
le moment il faudrait encore qu'il nous fasse sa démonstration. S'il met
les CLSC là-dedans, je comprends, mais je ne crois pas. Le budget des
CLSC est plus élevé que ça. Mais ça donnerait
environ 100 000 000 $ si l'on parlait de 1 % du budget du réseau de la
santé et des services sociaux pour l'action communautaire.
Si on acceptait l'idée d'un budget fixe, d'une enveloppe
fermée mais redistribuée dans les régions au prorata de la
population - parce que si ma région n'a pas les problèmes, je le
disais ce matin, des sans-abri, par ailleurs elle a d'autres problèmes -
donc, on pense que ce serait relativement équitable si c'était
partagé, ce budget, sur la base, le ratio de la population. Ayant cette
garantie, est-ce que les organismes seraient un peu plus ouverts à
l'idée que la gestion de cette enveloppe soit confiée à
un
organisme régional? Que ça s'appelle la régie ou
que ça s'appelle autre chose, on pourra voir.
Vous savez ce que je crains. Je me permets de le dire ouvertement.
L'impression que me laissent certaines interventions, non pas seulement des
organismes communautaires, des centres hospitaliers et on en verra d'autres,
c'est de protéger le statu quo, alors que l'avenir n'est pas
nécessairement dans le statu quo. Je le dis aussi. Et à cause des
besoins en émergence, je veux dire qu'il y a des situations qui ne
nécessitent pas le maintien d'organismes communautaires parce que le
problème s'est transféré ailleurs ou a disparu. Bon, par
exemple, il n'y a plus de tuberculose au Québec. Quand ça a
été le temps, on a fermé les sanatoriums, mais on est en
train d'ouvrir d'autres types de sanatoriums qui répondent à
d'autres besoins, d'autres maladies aussi menaçantes. Mais je veux dire
que si on s'était toujours enfermés là dessus, on serait
encore en train de faire vivre des sanatoriums. Alors, je me dis: C'est la
même chose pour les organismes communautaires. C'est un peu ce que je
crains et est-ce que la souplesse que pourrait introduire une
décentralisation du pouvoir de décision en ce qui concerne le
bénévolat et l'action communautaire, du moment où on
s'assure que, année après année, il y ait une enveloppe
fixe, est-ce que ça vous rassurerait?
M. Leblond: Ce que je peux vous dire là-dessus, madame,
pour avoir vécu l'expérience avec certains CRSSS, c'est
qu'à l'heure actuelle, les organismes bénévoles ont des
problèmes dans l'attribution des fonds. C'est que, il n'y a aucun
mécanisme d'appel de prévu lorsqu'un organisme se voit couper sa
subvention parce qu'il y a risque peut-être d'avoir des conflits de
personnalité avec le directeur du CLSC qui doit faire une recommandation
sur l'argent attribué à cet organisme-là. Alors, ce qui
fait que l'ensemble des organismes, on a très peur de l'ingérence
des employés, des CRSSS versus les clientèles. Je peux vous
donner des exemples où il a été dit spécifiquement
à un organisme: Dorénavant, tu vas desservir les personnes qui
vont être référées par notre réseau. Si tu ne
fais pas cela, tu n'auras plus de subvention. L'organisme a choisi de desservir
les gens du milieu auxquels il croyait et il a refusé les subventions du
ministère. C'est pour ça qu'on a très peur qu'une
décentralisation des montants d'argent ait une influence directe sur les
organismes en leur disant: On t'aime beaucoup, on t'en donne, mais la
journée où tu n'iras pas dans le cadre qu'on t'a
précisé, tu vas les perdre, tes subventions.
Mme Blackburn: Ce que vous me dites, dans le fond, et ce que j'ai
un peu entendu Ici, l'impression que ça laisse, c'est: Mettez
l'organisme de contrôle assez loin de nous autres pour que, au moins, une
fois qu'on a arraché notre budget, ils ne viennent pas contrôler
le quotidien.
M. Leblond: On n'a absolument aucune peur...
Mme Blackburn: Non?
M. Leblond: Je peux vous dire, madame, qu'on n'a absolument
aucune peur du contrôle et on est les premiers, lorsqu'un organisme
devient membre chez nous, à le contrôler en lui disant: Si tu veux
devenir membre, voici les critères auxquels tu dois correspondre et, si
jamais tu fais fi de ces critères, tu vas perdre ton droit
d'adhésion.
Mme Blackburn: Vous savez, j'ai pris connaissance aujourd'hui,
dans la presse régionale, chez nous, que Centrait, qui est un organisme
d'intégration des jeunes handicapés intellectuels, a fait du
patronage pour placer son fils, sa fille, sa future brue, ainsi de suite. Il
n'y a pas de contrôle là-dessus parce que, effectivement, on en
contrôle à peu près 10 % par année, et celui qui
préside - c'est un ex-député, ce qui n'est pas à
l'honneur de... - cet organisme-là dit que c'est normal; c'est normal,
ça a toujours existé; ça existe dans le réseau des
affaires sociales. Il dit: J'ai présidé l'Office municipal
d'habitation de La Baie et j'ai toujours engagé des enfants, des
frères, des soeurs des membres du conseil d'administration. Je trouve
ça assez joli. Alors, il pense que c'est une philosophie et que c'est
normal, comme s'il prenait l'argent dans ses poches.
Je me dis que ce genre de choses-là, on ne peut pas
contrôler parce qu'il n'y a pas vraiment de personne qui contrôle.
Commencer à contrôler les quelque 2000 organismes au Québec
qui reçoivent une subvention de 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $, c'est
plus difficile. Mais contrôler quand c'est partie du national, une fois
que c'est distribué, il y a moins de contrôle. Vous dites aussi
qu'il y a de l'ingérence du CRSSS. J'en ai eu connaissance aussi.
Beaucoup d'organismes sont venus me voir en disant: Ecoutez, on n'a pas... Je
pense aux organismes en santé mentale, en particulier, où on est
en train d'essayer d'établir un mode de fonctionnement. Ils viennent se
plaindre de l'incompréhension du CRSSS. Mais en quoi est-ce plus
rassurant quand c'est le ministre qui dit aux maisons de jeunes: je pense aux
maisons de jeunes, il y a trois ans. Ça arrête là. On n'en
finance plus; il y en a quelques-unes qu'on va réévaluer pour en
fermer. Effectivement, ils ont brassé et ils en ont fermé. En
quoi est-ce plus rassurant de relever de fonctionnaires ou du ministre, et qui,
selon sa sensibilité - et on est tous pareils - selon son degré
de sensibilité à certaines situations plutôt qu'à
d'autres, à un moment donné, met les X pareil sur ces
organismes?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Madame ou
monsieur.
M. Leblond: Je voudrais peut-être faire juste réagir
M. le ministre en lui disant qu'un des pouvoirs qu'a le citoyen lorsqu'il est
absolument mécontent, c'est le choix, lorsqu'il va voter, de remplacer
un ministre, tandis que je regarde les problèmes que j'ai eus avec le
CRSSS et je n'ai jamais eu le pouvoir de remplacer le président du
conseil d'administration du CRSSS.
Mme Blackburn: Alors vous serez d'accord pour que la régie
soit élue au suffrage universel.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Bernier, voulez-vous réagir?
Mme Blackburn: La régie régionale. Parce que
là, ça vous donnerait le pouvoir d'échanger.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Bernier, s'il vous plaît.
Mme Bernier: J'aimerais rapidement réagir à vos
inquiétudes par rapport au contrôle. A ce que je sache, les
centres d'action bénévole - je ne peux pas m'engager pour tout le
monde, mais je connais au moins la réalité des centres d'action
bénévole - ont des assemblées générales, des
comités de travail; ils doivent remettre des rapports financiers, ils
doivent remettre des rapports annuels, et ça se voit en assemblée
générale annuelle qu'un conseil d'administration est
contesté, qu'il est même contraint de démissionner, la
permanence exactement. Je pense qu'il y a du contrôle qui ne vient pas
nécessairement d'en haut, mais du contrôle de la base. Je pense
qu'il faut être respectueux également de ça.
Mme Blackburn: Je ne voudrais pas vous laisser l'impression que
je vous accuse. D'ailleurs, je ne connais pas suffisamment votre organisme et
ça ne m'est pas venu à l'Idée, mais je vois un cas, chez
nous, qui est patent et qui m'inquiète, ça c'est bien
évident, et ça se passe... Je dis que je vois un cas, chez nous,
qui est patent de patronage et qui est inquiétant aussi parce qu'on sait
qu'il est dans d'autres organismes également.
Je comprends votre appréhension quant au contrôle qui
serait laissé à un organisme qui n'a pas à répondre
de ses décisions devant la société, mais est-ce que
l'idée qui avait été avancée dans le rapport
Rochon, que les membres de la régie régionale soient élus
au suffrage universel, est-ce que ça ne vous donne pas cette garantie?
Vous pouvez remplacer le ministre, au prochain mandat. Des fois, on se prend
à le souhaiter, pas nécessairement pour lui mais pour l'ensemble,
mais ce qu'on se dit: Est-ce que... Cette garantie-là, est-ce que
ça ne serait pas une garantie suffisante?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Feredj.
Mme Feredj: Je voudrais plutôt répondre à
votre question en disant que notre intérêt, pour nous,
d'être rattachés au pouvoir central, c'est par rapport à
une philosophie. Une philosophie qui a déjà été
démontrée par le soutien aux organismes communautaires, qui
reconnaît l'existence de centres d'action bénévole qui font
de la promotion de l'action bénévole. Nous n'avons vu cette
intention nulle part ailleurs, et notre crainte des régies
régionales est beaucoup plus fondée sur la notion de services
qu'on retrouve partout et que reflètent, d'ailleurs, les
programmes-cadres. Nous trouvons que c'est trop lié à des
services.
Nous, nous nous sentons prêts, finalement, à créer
un secteur bénévole plein de vigueur, comme le disaient les
orientations. Nous acceptons la responsabilité d'une
décentralisation de prise de décisions comme ressource
appropriée, déjà en place, pour actualiser de nouvelles
pratiques dans le domaine de l'action bénévole, avec une garantie
minimale d'un financement hors programmes, justement, hors services. La notion
de services, on en a assez. On trouve que ce qu'il faut, c'est redynamiser le
milieu; et les centres d'action bénévole peuvent le faire. Je
vous signale aussi que l'action bénévole, c'est quelque chose de
nouveau qui travaille en collaboration avec l'action communautaire, n'est-ce
pas? C'est un phénomène nouveau de voir autant de
bénévoles engagés en dehors des églises, par
exemple. Autrefois, c'était massivement dans les églises et les
hôpitaux. Maintenant, les gens donnent leur temps gratuitement et,
croyez-moi, c'est une richesse inouïe. Donc, nous, nous nous sentons
prêts. Nous sommes là, nous sommes crédibles. Ça
fait très longtemps que nous existons. Nous sommes prêts à
assumer un leadership local en ce qui a trait à l'engagement du citoyen
dans son milieu. Est-ce que vous ne trouvez pas que, ça aussi, c'est de
l'action communautaire faite d'une autre façon?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
Mme Feredj.
Mme Blackburn: Je partage... Je termine là-dessus parce
que ça...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la
députée de Chicoutimi, si vous voulez conclure, s'il vous
plaît.
Mme Blackburn: Oui. M. le Président, je ne doute pas de
l'utilité et de la valeur de l'action communautaire - j'espère
que mes propos n'ont pas laissé cette impression - sauf que je crois
aussi à la décentralisation et je tente de voir, avec les
organismes qui se présentent ici, comment on pourrait gérer
l'action communautai-
re et bénévole régionalement sans perdre la
qualité de ce qui existe actuellement, mais sans non plus s'enfermer
dans cette cour. Je pense que vous ouvrez une porte intéressante quand
vous dites: La réforme qu'on voit ici est fondée essentiellement
sur les services alors qu'on voit peu de place faite à la promotion de
la santé, à la prévention, à tous ces
éléments qui devraient être en amont de toutes les autres
actions. Vous avez raison - et nous l'avons déploré à
plusieurs reprises - le fait que nous n'ayons pas de politique de la
santé au Québec alors qu'on est en train d'essayer de modifier
les structures, ça pose toujours ce problème-là, parce
qu'on n'a pas arrêté des objectifs très clairs
centrés sur la personne, la santé et la prévention, et
là, on est en train de changer les structures. Ça nous
amène toujours à ce type de débat et vous avez raison
là-dessus en disant que la proposition qui est sur la table est
davantage et est presque exclusivement axée sur les services.
Je vous remercie infiniment de votre présentation. Je l'ai
beaucoup appréciée. (16 h 15)
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président, M. Leblond, Mmes Feredj et Bernier, nous vous remercions pour
la présentation de votre rapport.
Nous appelons maintenant la Confédération des organismes
provinciaux de personnes handicapées du Québec.
Confédération des organismes provinciaux
de personnes handicapées du Québec
La commission reprend ses travaux. Elle entend maintenant la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec. M. le président ou Mme la
présidente, si vous voulez nous présenter, s'il vous plaît,
les personnes qui vous accompagnent.
M. Geoffrlon (Richard): Merci, M. le Président. Je suis le
directeur général de la Confédération des
organismes provinciaux des personnes handicapées du Québec, la
COPHAN. Mon nom est Richard Geoffrion. M. le ministre, chers membres de cette
commission, il me fait plaisir d'être parmi vous aujourd'hui et
j'aimerais vous présenter la délégation de la COPHAN qui
m'accompagne. Alors, à mes côtés, M. Rémy Turmel,
qui est conseiller; à ma droite, M. Léon Bossé, qui a les
services d'un interprète; et Mme la présidente du conseil
d'administration de la COPHAN, Mme Carole Hamel, qui fera la
présentation du mémoire de la COPHAN aujourd'hui. Alors, sans
plus tarder, je vais laisser la parole à Mme Hamel.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
Mme Hamel.
Mme Hamel (Carole): Je vous remercie. Tout d'abord, nous
aimerions vous informer que la Confédération des organismes
provinciaux de personnes handicapées, la COPHAN, est active dans la
défense des droits et intérêts des personnes
handicapées depuis 1981, et qu'issue d'une table de concertation
provinciale, nous nous sommes constitués en confédération
depuis cinq ans, avec des règlements généraux assurant
notre représentativité d'une façon démocratique
Nous regroupons actuellement 26 associations provinciales de personnes
handicapées et, par la voie de leur chapitre et de leurs membres
répartis dans toutes les régions du Québec, nous prenons
en considération les réalités régionales et locales
dans nos prises de décisions.
Nous sommes heureux, à la COPHAN, de saisir l'occasion qui nous
est offerte par cette commission pour vous faire part des revendications qui
préoccupent nos membres à l'égard de cet avant-projet de
loi et des nouvelles orientations qui le sous-tendent.
Nos recommandations se présentent en deux volets, le premier
étant une série de modifications se rapportant à
l'avant-projet de loi et, le deuxième, à des
considérations générales préoccupant les personnes
handicapées.
Au cours de cette présentation concernant les modifications sur
l'avant-projet de loi, nous privilégierons trois angles d'approches:
l'accessibilité aux services de santé et aux services sociaux, la
participation des différents partenaires, la répartition des
ressources financières aux organismes communautaires.
Nous sommes satisfaits de constater l'évolution des approches en
matière de santé et de bien-être dont témoigne cet
avant-projet de loi. L'introduction d'une nouvelle conception de l'intervention
plus large que l'approche curative traditionnelle, où les services ne
sont plus des fins en soi mais plutôt un moyen de répondre aux
besoins des individus, des familles et des groupes sur les plans physique,
psychique et social, nous permet de croire que la population aura accès
à des services d'une plus grande qualité.
Afin de contrer les obstacles sociaux à la participation des
personnes handicapées à la vie de leur communauté, il est
prioritaire de leur assurer le droit d'être informées de
l'existence de services, des ressources disponibles ainsi que des
modalités d'accès sur leur territoire en matière de
santé et de services sociaux. Pour atteindre cet objectif, nous
suggérons d'utiliser des modes de communication adaptés aux
limitations fonctionnelles des personnes handicapées.
Toute personne ou son représentant a le droit d'être
informée sur l'existence des services et des ressources disponibles sur
son territoire en matière de santé et de services sociaux, ainsi
que des modalités d'accès à ces services et à ces
ressources selon des modes de communication adaptés à leurs
limitations fonctionnelles, le cas
échéant.
Tenant compte, par exemple, de la présence de plus de 400 000
personnes sourdes et malentendantes au Québec, l'élimination des
barrières en matière d'accès à l'information pour
toutes ces personnes ayant des déficiences sensorielles consisterait en
l'utilisation de médias substituts. Nous suggérons, par exemple,
que les documents d'information et de promotion de tous les
établissements soient disponibles en version braille ou sur cassettes
audio, ou que soient prévus des services d'interprète gestuel ou
oral, lors des assemblées publiques et que, d'une façon
générale, cette préoccupation donne lieu à
l'élaboration de programmes spécifiques par les régies
régionales, de façon à permettre: 1. une meilleure
communication des professionnels de la santé et des services sociaux
avec les bénéficiaires; 2. l'accès aux séances
publiques d'information de tous les conseils d'administration des
établissements; 3. la participation des bénéficiaires aux
assemblées publiques organisées pour élire leurs
représentants. Outre l'accessibilité à l'information et
à la vie démocratique, l'accessibilité physique aux locaux
dispensant les services de santé et les services sociaux pour les
personnes handicapées doit constituer une priorité. Ainsi, nous
suggérons d'ajouter un cinquième alinéa à l'article
2 qui se lirait comme suit: Assurer l'accessibilité universelle des
locaux dispensant les services de santé et les services sociaux.
Dans le cadre de nos réflexions concernant la participation des
différents partenaires, nous aborderons de façon plus
précise les articles concernant les bénéficiaires, les
organismes communautaires, les institutions régionales. Au coeur du
système se retrouve le bénéficiaire. En
conséquence, les objectifs généraux de l'avant-projet de
loi doivent prioriser la santé et le bien-être de sa
clientèle et, plus particulièrement, l'amélioration de la
qualité de vie des personnes handicapées, en accord avec les
principes énoncés dans la politique "À part...
égale". Pour cette raison, nous suggérons de modifier le premier
alinéa de l'article 2 comme suit: "Réduire la mortalité
due aux maladies et aux traumatismes, réduire la morbidité et les
incapacités, agir sur les facteurs déterminants pour la
santé et assurer l'adaptation et la réadaptation des personnes
ayant une déficience et/ou des limitations fonctionnelles, de
façon à favoriser leur autonomie et leur intégration
sociale."
Pour positionner les bénéficiaires au centre des
préoccupations du système de santé, les membres des
conseils d'administration des établissements publics devraient user des
pouvoirs qui leur sont conférés non pas dans
l'intérêt des établissements, mais dans
l'intérêt de la population desservie. Pour ce faire, nous
suggérons que l'article 67 se lise comme suit: "Les membres du conseil
d'administration doivent agir dans les limites des pouvoirs qui leurs sont
conférés avec soin, prudence, diligence et compétence,
comme le ferait en pareille circonstance une personne raisonnable, avec
honnêteté, loyauté et dans l'intérêt de la
population desservie, de concert avec l'établissement ou, selon le cas,
l'ensemble des établissements qu'ils administrent."
D'autre part, pour assurer la représentation des
intérêts des bénéficiaires auprès des
établissements publics, nous recommandons que les directeurs devraient
non seulement rencontrer périodiquement les comités de
bénéficiaires pour les renseigner sur l'administration de leur
établissement, mais aussi leur demander avis sur les recommandations de
leur comité consultatif. Nous suggérons donc de modifier
l'alinéa 10 de l'article 93 qui se lirait comme suit: "Rencontrer
périodiquement le comité des bénéficiaires pour les
renseigner sur l'administration générale de
l'établissement et lui demander avis sur les recommandations du
comité consultatif." Les devoirs des directeurs généraux
d'établissements relativement aux comités de
bénéficiaires doivent inclure des consultations concernant toute
mesure touchant les conditions de vie et de séjour des
bénéficiaires. Nous suggérons d'ajouter un
troisième paragraphe à l'article 118: "Le directeur est tenu de
consulter le comité de bénéficiaires avant d'adopter toute
mesure touchant les conditions de vie et de séjour des
bénéficiaires."
Enfin, nous sommes favorables à la mise en place d'un
mécanisme permettant des requêtes en contestation dans la loi ou
la réglementation de toute élection ou nomination devant la
Commission des affaires sociales. En conséquence, nous désirons
que soit modifié le premier paragraphe de l'article 55 de la
manière suivante: 'Toute personne intéressée peut
présenter devant la Commission des affaires sociales une requête
en contestation ou annulation de toute élection et nomination tenue en
vertu de la présente sous-section."
Le deuxième réseau de partenaires à tenir compte et
pour lequel nous désirons vous suggérer des modifications est
celui des organisations communautaires. Une innovation majeure à
l'avant-projet de loi est la reconnaissance des organismes communautaires en
tant que partenaires du système de santé et de services sociaux.
Pour jouer pleinement leur rôle, ces partenaires doivent
bénéficier d'une représentation appropriée aux
différents niveaux de décisions. C'est ainsi que nous
considérons que pour reconnaître l'importance de ces partenaires,
il faut leur offrir une participation équitable au processus
démocratique en augmentant le nombre de leurs représentants au
sein des conseils d'administration des territoires de CLSC, des territoires de
CSS, des instituts et des centres hospitaliers universitaires et des
régies régionales.
Nous suggérons que le cinquième alinéa de l'article
49 concernant le conseil d'administration
des établissements des territoires de CLSC soit modifié
comme suit: "5. trois personnes nommées par les membres visés aux
paragraphes 1 à 4 et choisies, deux sur la recommandation des organismes
communautaires parmi les membres de ces organismes, l'autre sur la
recommandation des organismes communautaires de personnes handicapées et
parmi les membres de ces organismes."
Nous suggérons que le quatrième alinéa de l'article
50 concernant le conseil d'administration des établissements de chaque
territoire de CSS soit modifié comme suit: "4. quatre personnes
nommées par les membres visés aux paragraphes 1 à 3, dont
une après consultation d'organismes représentatifs du milieu de
la justice, une après consultation d'organismes représentatifs du
milieu scolaire et les deux autres, après consultation des organismes
communautaires."
Nous suggérons que le quatrième alinéa de l'article
51 concernant les conseils d'administration des instituts et des centres
hospitaliers universitaires soit modifié de la façon suivante:
"4. quatre personnes nommées par les membres visés aux
paragraphes 1 à 3, dont une sur recommandation des universités du
territoire, une sur recommandation de la fondation liée à
rétablissement, le cas échéant, et une sur recommandation
des organismes communautaires."
Considérant la représentativité des organismes
communautaires au sein des collèges régionaux, nous sommes d'avis
qu'une proportion similaire devrait se retrouver au niveau des conseils
d'administration des régies régionales. Ainsi, nous
suggérons de modifier les deuxième et troisième
alinéas de l'article 260 comme suit: "2. trois personnes provenant des
organismes communautaires de la région; 3. quatre personnes provenant
des groupes socio-économiques du milieu municipal, du milieu scolaire et
des autres groupes intéressés au domaine de la santé et
des services sociaux.
Le troisième réseau de partenaires pour lesquels nous
désirons vous faire part de nos commentaires concerne les Institutions
régionales et, plus particulièrement, leurs conseils
d'administration. L'implication bénévole des personnes qui
composent les conseils d'administration des régies régionales et
les collèges régionaux, en perspective avec l'importance des
mandats qui leur sont dévolus, pose un problème. Pour
atténuer les difficultés de gestion de ces conseils
d'administration, nous vous suggérons de leur offrir le support
d'experts-conseils chargés de produire, à leur demande, des
études et des recommandations sur tous les points qu'ils jugeront
nécessaires. En conséquence, ces deux institutions
régionales devraient prévoir des fonds qui seraient
affectés à ces fins.
Nous recommandons d'ajouter un paragraphe à l'article 286
où il sera stipulé que "le collège régional peut
prévoir des fonds nécessaires pour s'assurer le support
d'experts-conseils pour prendre des décisions
éclairées."
Nous recommandons d'ajouter un neuvième alinéa à
l'article 242 qui se lirait comme suit: "9. que la régie
régionale peut prévoir des fonds nécessaires pour
s'assurer le support d'experts-conseils de façon à prendre des
décisions éclairées." Si le législateur ne
prévoit pas de support aux administrateurs bénévoles des
conseils d'administration, nous exprimons des réserves quant à
l'atteinte des objectifs prescrits dans les dispositions
générales de l'avant-projet de loi.
Maintenant, nous désirons vous faire part de nos commentaires au
sujet de la répartition des ressources financières entre les
organismes communautaires. Les mandats spécifiques qu'accorderont les
régies régionales aux organismes communautaires dans le cadre de
la prestation de certains services pourront porter atteinte à
l'autonomie de leur fonctionnement. Nous considérons que l'allocation de
budgets spécifiques aux organismes communautaires par les régies
régionales ne doit pas être un prétexte pour
contrôler le budget global des organismes communautaires. Le
contrôle des régies devrait s'exercer uniquement sur les budgets
qu'elles allouent aux organismes communautaires. Nous suggérons de
modifier le cinquième alinéa de l'article 234 comme suit: "De
contrôler uniquement les budgets qu'elle alloue aux établissements
et aux organismes communautaires." (16 h 30)
D'autre part, tenant compte de l'importance accordée aux
organismes communautaires dans la réalisation des objectifs
tracés par cet avant-projet de loi, des moyens doivent être mis de
l'avant pour assurer leur développement. En ce sens, nous appuyons
l'admissibilité des regroupements d'organismes communautaires aux
subventions des régies régionales par la proposition de modifier
l'article 231 de la façon suivante: "Un regroupement d'organismes
communautaires de promotion et de défense des droits est admissible
à une subvention."
Dans le même ordre d'idées, le financement des organismes
communautaires qui ont une vocation suprarégionale doit être
assuré par la modification suivante de l'article 232: "Le ministre peut,
conformément, aux règles budgétaires applicables,
subventionner les organismes communautaires qui s'occupent, pour plus d'une
région du Québec ou pour l'ensemble du Québec, de la
défense des droits et de la promotion des intérêts des
usagers des organismes communautaires ou de ceux des
bénéficiaires."
Aux modifications de l'avant-projet de loi que nous venons
d'énoncer s'ajoutent des considérations générales
permettant à cette commission d'avoir l'heure juste relativement aux
préoccupations de nos organismes de promotion et de défense des
droits des personnes handicapées du Québec.
Transfert des programmes. Compte tenu que les personnes
handicapées sont concernées par le transfert des programmes
actuellement en cours à
l'Office des personnes handicapées du Québec, il y a
nécessité pour le ministère de la Santé et des
Services sociaux d'indiquer explicitement dans la Loi sur les services de
santé et les services sociaux la prise en charge de ces
clientèles dont il devient responsable. Bien sûr, les personnes
handicapées ne veulent pas de transfert de programme à rabais.
C'est pourquoi nous demandons la préservation des acquis et le
développement des ressources nécessaires pour répondre aux
besoins des personnes handicapées.
Le fonds de compensation universel. Tenant compte de l'engagement pris
lors du discours du trône au sujet de la mise en place d'une commission
chargée d'étudier la faisabilité d'un fonds de
compensation universel, nous réaffirmons notre appui à cette
démarche et nous demandons au ministère de la Santé et des
Services sociaux d'accorder le financement nécessaire à l'OPHQ
pour mener à bien une étude préalable à
l'implantation d'un fonds de compensation universel.
L'allocation directe aux personnes handicapées. Pour
reconnaître l'autonomie des personnes handicapées, nous
considérons que le ministère de la Santé et des Services
sociaux doit procéder au choix définitif en faveur de
l'allocation financière directe aux bénéficiaires
relativement au service de maintien à domicile.
Indexation de l'allocation personnelle aux bénéficiaires.
Nous désirons appuyer les recommandations du Comité provincial
des malades concernant les montants alloués pour les dépenses
personnelles des bénéficiaires. Nous demandons au
ministère de la Santé et des Services sociaux d'entreprendre des
démarches auprès du gouvernement pour revoir à la hausse
ces allocations et indexer automatiquement ces montants par la suite.
Réseau téléphonique d'information. Nous demandons
que le ministère de la Santé et des Services sociaux
intègre à ses prochains plans d'action l'implantation d'un
service d'information téléphonique sur ses services de
santé et ses services sociaux disponibles ainsi que leurs
modalités d'accès et ce, dans toutes les régions du
Québec.
Banques d'interprètes. Nous demandons que le ministère de
la Santé et des Services sociaux favorise la mise en place, dans toutes
les régions du Québec, des banques d'interprètes gestuels
et oraux pour la communauté des personnes sourdes et malentendantes du
Québec.
Conseil d'administration du territoire des CLSC. Compte tenu des
nombreux commentaires relatifs à la surcharge des responsabilités
dévolues aux conseils d'administration de territoires de CLSC, nous
demandons que soit reconsidérée la structure de ces conseils
d'administration de façon à tenir compte des
préoccupations des différentes clientèles qui font partie
de ces établissements. 1 % du budget aux organismes communautaires,
comme le nerf de l'action s'avère souvent être la
régularité de l'approvi- sionnement en ressources humaines et
matérielles. Une véritable reconnaissance de l'existence d'un
partenariat entre le secteur communautaire et celui des services de
santé et des services sociaux suppose l'allocation d'un budget suffisant
aux organismes provinciaux et régionaux dont nous situons le seuil
à 1 % du budget total du ministère.
Consultations en matière de réglementation. Enfin,
considérant l'étendue des pouvoirs réglementaires
qu'octroie l'avant-projet de loi au ministre, nous sommes d'avis que le
partenariat promu dans le futur texte législatif doit prévoir un
processus de consultation des organismes de promotion des intérêts
et de droits des personnes handicapées, et ce, avant la rédaction
de tous les textes de réglementation susceptibles d'influer sur les
conditions de vie des personnes handicapées.
Nous vous remercions de votre attention et nous vous faisons part de
notre disponibilité et de notre intérêt pour
échanger des vues en tout temps avec les membres de la commission sur
les énoncés contenus dans ce mémoire. Je vous
remercie.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la
vice-présidente, Mme Hamel, je vous remercie pour la présentation
de votre rapport. Je vais maintenant reconnaître le ministre des Affaires
sociales. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci bien pour la
présentation. Évidemment, il n'est pas de mon intention de
discuter article par article, en particulier de l'équilibre au sein des
conseils d'administration, unifiés ou pas. Vos recommandations sont
là. Ce qu'il faut davantage comprendre...
Une voix: Excusez-moi, M. le ministre. Est-ce que vous pourriez
parler un peu plus fort, s'il vous plaît, parce que je dois
interpréter tout ce que vous dites? Merci.
Une voix: Un peu plus fort et plus lentement, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): O. K. Je m'étais
habitué, la semaine dernière, lors de notre rencontre, mais c'est
à refaire continuellement. Ce que je disais, je ne souhaite pas du tout
discuter dans le détail vos recommandations au niveau de conseils
d'administration unifiés ou des régies régionales. Ce que
je comprends du message, c'est que vous souhaitez un meilleur équilibre,
une meilleure représentation au niveau de ces conseils d'administration.
Je pense que le message est très clair dans votre
présentation.
À la page 6, vous consacrez presque essentiellement votre page 6
à deux demandes qui sont de même niveau, puisque vous dites:
D'autre
part, pour assurer la représentation des intérêts
des bénéficiaires auprès des établissements
publics, nous recommandons que les directeurs devraient non seulement
rencontrer périodiquement les comités de
bénéficiaires pour renseigner sur l'administration de leur
établissement, mais aussi leur demander avis sur les recommandations de
leur comité consultatif.
Dans le paragraphe en bas, vous dites: Les devoirs des directeurs
généraux d'établissements, relativement aux comités
de bénéficiaires, doivent inclure des consultations concernant
toute mesure touchant des conditions de vie et de séjour des
bénéficiaires. J'aimerais vous entendre davantage
là-dessus. Est-ce que ça ne demande pas un volume assez
appréciable de rencontres? Évidemment, quand j'ai posé la
question à ma gauche, on m'a dit: On le fait déjà
auprès des infirmières, on le fait déjà
auprès des médecins. Ça se fait. Ce qu'on fait, c'est
qu'on ajoute une étape additionnelle dans cette consultation. Mais,
est-ce qu'il est réaliste de penser que ça puisse se faire sans
accroc, parce que c'est quand même un volume assez
appréciable?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Quelle est la personne qui veut réagir? M. Geoffrion. Très
bien.
M. Geoffrion: Brièvement. Évidemment, ça
peut être perçu comme une étape qui peut représenter
une étape de plus dans les mécanismes de consultation. Je pense
que ce qui nous importe, dans notre propos, c'est que dans les devoirs du
directeur soit prise en compte la nécessité de considérer
les besoins des bénéficiaires. Dans la section dont on parle ici,
l'article 18, "qu'on fasse en sorte que le directeur est tenu de consulter les
comités des bénéficiaires avant d'adopter toute mesure" on
veut s'assurer que le directeur va vraiment mettre en place des
mécanismes qui vont permettre aux bénéficiaires de se
prononcer d'une façon élargie. Il n'est pas question
d'entreprendre des... Je pense que l'idée ce n'est pas de ralentir le
mécanisme de prises de décisions que les directeurs ont à
prendre, mais c'est de s'assurer qu'ils ont l'appui des
bénéficiaires dans les décisions qui vont concerner la
vie... Il faut comprendre que ces gens-là passent une période de
temps très longue dans ces établissements, ceux dont on parte,
donc ils sont directement concernés par toutes les modifications qui
vont se dérouler dans l'endroit où ils vivent. Alors, ce qu'on
veut c'est qu'ils soient pris en compte et on s'est arrangés, nous,
finalement, dans la proposition qu'on vous fait, pour que, à la fois
dans les devoirs du directeur et dans les mécanismes qui
régissent le comité consultatif, soit prise en compte cette
préoccupation.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):très bien, m.
le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je dois
comprendre qu'un centre hospitalier de courte durée ne serait pas soumis
à ça et que c'est davantage là où il y a des
clientèles qui séjournent pour une plus longue
période?
M. Geoffrion: Oui, oui.
M. Côté (Charlesbourg): O.K.
M. Geoffrion: C'est surtout exactement pour les clientèles
dans la mesure où elles sont concernées par la durée de
leur séjour, ce sont surtout pour celles-là que cette mesure
là est d'autant plus importante, parce que les décisions qui vont
être prises vont les concerner pendant des mois et des années.
M. Côté (Charlesbourg): Autrement, ces
gens-là, d'après vous, n'ont pas suffisamment d'écoute par
l'entremise du conseil d'administration, même s'il y a des
bénéficiaires qui sont là pour décider d'un certain
nombre de choses ou orienter un certain nombre de choses. Alors, ça
devrait se faire de manière encore plus formelle et, si c'était
dans la loi, ce serait plus facile.
M. Geoffrion: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Ça me paraît un
élément intéressant, novateur et un élément
très intéressant. Ce qu'il faut voir dans la mécanique
c'est si on n'ajoute pas. Il s'agit de ne pas embourber, finalement, le
processus mais bien de s'assurer que ça puisse se faire de
manière convenable. dans une des recommandations - ne bougez pas, je
trouve la page - page 14 à 2.3, vous touchez an point assez important:
l'allocation directe aux personnes handicapées. j'ai souvenance d'en
avoir discuté, soit avec des groupes communautaires ou avec des
représentants de clsc je ne vous dis pas que c'est la majorité,
non, mais certains ont des inquiétudes vis-à-vis d'une mesure
comme celle-là. je ne sais pas si vous en êtes informés,
mais on nous dit qu'ils sont inquiets quant à cette possibilité
et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est attrayant au
départ. j'en ai beaucoup entendu parler la semaine dernière,
l'argent directement à l'usager, au bénéficiaire, qui,
lui, pourra choisir ses services et aller un peu partout, mais on me dit que,
dans certains milieux, même communautaires, il y aurait un peu de
réticence vis-à-vis d'une formule comme celle-là.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M
Geoffrion.
M. Geoffrion: J'aimerais présenter quelques
éléments de réponse. Je laisserai la parole,
peut-être, à d'autres personnes pour compléter. Ce que je
peux vous répondre là-dessus, c'est que je
ne connais pas les motifs qu'on vous a présentés
concernant les réserves qu'on aurait pour l'allocation directe, mais
nous, les personnes qui sont membres à la COPHAN, les organismes que
nous représentons, dans toutes les assemblées
générales qu'on a organisées, à tous les lieux
où on a permis des discussions sur ce sujet et à tous les modules
de consultation qu'on a tenus, il y a eu unanimité, M. le ministre, sur
les avanta ges, pour les personnes concernées, d'avoir la
possibilité de - utilisons le mot - acheter leurs services et je dirais
même de les magasiner éventuellement et de les acheter. Je pense
que ça reconnaît à la personne handicapée
fondamentalement un droit de gérance sur la façon dont elle
entend acquérir les services dont elle a besoin. Ça lui permet
aussi d'être plus autonome. Elle n'est pas soumise aux aléas d'une
machine qui fonctionne en parallèle et qui va lui fournir les services
sans qu'elle soit vraiment impliquée. Je pense que, dans d'autres
provinces canadiennes aussi, on fonctionne beaucoup avec ce type de politique.
Nous pensons qu'en bout de ligne le même dollar attribué sous
forme d'allocation directe finira par donner davantage de services que s'il
passe par la machine administrative. (16 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): Moi, je suis d'accord avec
ce principe-là. Évidemment, est-ce que je dois comprendre que
c'est pour toutes les personnes handicapées, peu importe leur handicap,
parce que j'ai l'impression qu'il y a quand même certaines
catégories de gens qui pourraient être victimes d'abus. C'est
peut-être davantage là qu'il y a des réticences, mais,
lorsqu'on dit ça, est-ce qu'on dit ça pour l'ensemble des
personnes handicapées, peu importe le handicap?
M. Geoffrion: Non. Je pense qu'il faut nuancer. Je pense que
ça devrait être établi comme une règle de
départ à laquelle pourraient s'ajouter éventuellement des
mesures d'exception, dépendamment des types de personnes
handicapées, dépendamment de leur type d'autonomie. Le principe
qui est sous-tendu derrière tout ça, c'est la capacité
d'autonomie de la personne à gérer l'allocation qu'on lui
attribue. Donc, il n'est pas question de répandre ça sans
analyser ou sans prendre en considération sa capacité
d'autonomie.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M.
le ministre, une autre question?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, s'il vous
plaît. On a beaucoup entendu dans le mémoire
précédent, les mots "communautaire" et "bénévole".
Je ne sais pas si vous étiez présent. Il semble bien qu'il y ait
une distinction assez importante entre "communautaire" et
"bénévole". Tout simplement, est-ce que vous en voyez une,
vous?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Bossé, est-ce que vous voulez répondre?
M. Bossé (Léon): Je suis d'un organisme
communautaire de personnes déficientes auditives devenues sourdes ou
malentendantes. Nous sommes un organisme communautaire qui est pour une petite
partie financé par le gouvernement. Mais nous ne pouvons pas, avec
ça, fonctionner à plein. Nous avons besoin de services
bénévoles. Chez nous, ce sont surtout les membres qui font du
bénévolat. Il faut avoir un minimum de fonds pour tenir le
secrétariat; avec des personnes déficientes auditives, il y a
beaucoup de correspondance, le téléphone - qu'est-ce que tu veux
- un téléscripteur, plus ou moins... beaucoup de correspondance,
alors ça demande une imprimante, des timbres, allons-y. Oui, ça
mange beaucoup... L'organisme communautaire, à ce moment-là, a
besoin de ressources pour mettre sur pied des services aux membres, donner de
l'information aux personnes déficientes. Mais le support, ce sont des
bénévoles qui font ça. Actuellement, ils ne viennent pas
par les services de bénévolat comme les gens qui étaient
ici tout à l'heure. Ils viennent directement, ils sont suscités
par l'association. Tu es venu à l'association, tu as eu des
renseignements pour obtenir les services dont tu as besoin, pour la lecture
labiale, etc. Maintenant, est-ce que tu pourrais aider d'autres personnes,
expliquer à d'autres personnes comment on peut vivre avec la
surdité, soutenir une personne qui a beaucoup de difficulté dans
sa famille? Moi, je suis devenu sourd. Ma femme, elle, ne le prend pas et mes
grands enfants ne le prennent pas. Bon, on s'aide les uns les autres.
Du bénévolat, dans une action communautaire, ça ne
se tranche pas au couteau, comprenez-nous là. Je crois qu'il peut y
avoir... Si à un moment donné, j'ai besoin de
bénévoles pour tel service spécialisé, je peux
peut-être demander au service de bénévolat de la ville de
Laval ou de Montréal: J'aurais besoin d'une bénévole ou
d'un bénévole pour tel genre de travail. En
général, les organismes de promotion ou de défense des
droits des personnes suscitent ça auprès de leurs membres. Je
pense qu'il n'y a rien comme une personne déficiente auditive pour
comprendre une autre personne déficiente auditive. Il n'y a rien comme
un handicapé d'une telle sorte pour bien comprendre un autre
handicapé. Je ne veux pas dire que les autres ne le comprennent pas,
mais, pour bien comprendre la situation, il faut s'aider au départ. Le
handicapé n'a rien extérieurement; il a un handicap invisible. La
personne voudrait que ça reste toujours invisible et ce n'est pas
possible. Si je n'avais pas les services d'interprétation ici, je ne
saurais absolument pas ce qui se passe dans la boite ici. C'est le grand
silence et c'est tout. C'est beau, c'est bien. Je n'ai aucune information.
Donc, j'ai besoin de la personne. Vous allez
dire: Mais comment peut-on... Il faut développer la lecture
labiale, parce que l'interprète parle, mais il ne faut pas qu'elle mette
de voix, et elle ne met pas de... Par contre, II y a aussi l'interprète
gestuel pour les sourds de naissance, l'interprète tactile pour les
sourds aveugles. Ce sont des services que les organismes communautaires doivent
essayer de susciter, aller chercher les fonds pour développer
l'information, mais soutenus par une action bénévole.
Donc, comment ça peut directement se diviser? Je vous donne ce
que nous autres, nous vivons, ce que beaucoup d'organismes de promotion de
personnes handicapées vivent, mais je crois que, malgré tout, on
aurait besoin d'un peu plus de ressources pour soutenir l'action communautaire.
Les bénévoles peuvent être pleins de bonne volonté,
mais si je demande aux bénévoles d'écrire 400 lettres
à la main, ce n'est pas utile. Ça prend des moyens techniques
pour ça. Ça prend des moyens financiers pour aHer dans les
régions pour rencontrer les personnes et leur expliquer... À
Montréal, à Québec, la déficience auditive, c'est
connu un peu, mais, dans les régions, les personnes attendent encore
après un minimum de services et elles ne savent pas que ça
existe. Notre rôle, c'est de les informer. Donc, c'est ça: Faire
du bénévolat, mais aussi avoir les moyens financiers de soutenir
l'action communautaire.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Bossé. Mme la vice-présidente, vous voulez ajouter quelque
chose?
Mme Hamel: Oui, M. le Président. Peut-être juste un
petit élément d'information. Il ne s'agit peut-être pas de
faire le débat entre organismes communautaires et
bénévoles, mais de se rattacher au 2.8 et, pour renforcer ce que
M. Bossé vient de dire, justement, que, si 1 % du budget aux organismes
communautaires était alloué comme nous le souhaitons, je pense
que les coûts sociaux récupérés par cet
investissement-là fait dans les organismes communautaires que nous
représentons seraient des coûts sociaux
générés par toute la force bénévole qui est
sous-tendue par ça et seraient vraiment un bon investissement pour un
gouvernement en place.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
Mme la vice-présidente. Je vais maintenant reconnaître le
député de Verdun.
M. Gautrin: Madame, j'ai une question relativement très
précise et locale dans votre document. J'ai vu que vous
représentez l'AGIR, l'Association générale des
insuffisants rénaux, et aussi l'Association du diabète du
Québec. J'ai eu l'occasion de rencontrer des personnes dialysées,
et je voudrais avoir vos commentaires sur la question que je vais vous poser,
qui m'ont fait valoir que la définition du mot "handicapé"
actuellement, qui veut que les gens aient un handicap pendant 24 heures par
jour, excluait les dialyses qui ont un handicap seulement la journée qui
précède la période où ils sont en dialyse et
peut-être la journée qui succède au jour où ils sont
en dialyse et que la définition légale actuellement ne les
reconnaît pas comme handicapés. Je ne sais pas si vous avez des
commentaires sur la définition actuelle du terme "handicapé" qui
est dans la loi. Est-ce que vous suggérez qu'elle soit modifiée
ou améliorée? Je pense que ça touche aussi les gens qui
sont diabétiques et peut-être d'autres handicapés. La
question qui m'a été soulevée, c'est qu'il semblerait que
la définition du mot "handicapé" soit un peu trop restrictive
dans la loi actuellement. Est-ce que vous avez des commentaires sur ce
sujet?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Geoffrion.
M. Geoffrion: J'aurais le goût de vous répondre que,
malheureusement, à la COPHAN, on n'a pas les ressources juridiques pour
nous permettre de vous éclairer sur cette question-là. On essaie
d'adopter la position la plus généreuse quant à nous pour
regrouper l'ensemble des organismes qui vivent des situations similaires,
finalement. On ne s'arrête pas à la définition prescrite ou
à l'interprétation légale de l'appellation de personne
handicapée. On a fait des représentations, bien sûr. On
sait que l'Office des personnes handicapées, quant à nous, est le
véhicule principal, si on veut, d'une définition ou d'une
proposition de définition de personne handicapée et j'aurais le
goût de vous suggérer de vous adresser aux services juridiques
d'environ deux personnes à l'Office des personnes handicapées,
parce qu'au Québec il y a environ... Ce sont ces seules deux personnes
qui sont vraiment spécialisées pour répondre à des
questions de cet ordre-là. Ce n'est évidemment pas beaucoup de
personnes. Alors, je présume que c'est un problème qui doit se
poser pour d'autres organismes. On n'est pas vraiment en mesure de
répondre d'une façon précise.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Geoffrion. M. Bossé, vous voulez rajouter, brièvement.
M. Bossé: En fait, la personne est handicapée
à cause de l'entourage social, l'entourage physique. J'ai une
déficience auditive. Quand je suis dans l'autobus, je ne suis pas
handicapé. Bien handicapé, oui. Si on annonce, par exemple, que
l'autobus n'arrêtera pas au terminus central, qu'il va continuer, je suis
handicapé à ce moment-là. J'ai dépassé de 40
milles. Mais oui, mais ce n'est pas ça que j'ai prévu. La chaise
roulante devant trois marches, c'est là qu'est créé le
handicap. Jusque-là, une personne avec
déficience est limitée. elle est limitée dans ses
fonctions. je ne peux pas téléphoner, mais, comme j'ai un
téléscripteur maintenant, je ne suis plus handicapé face
au téléphone. j'ai ma déficience auditive; elle n'est pas
changée. j'avais une limitation, mais on a créé un
appareil téléphonique pour les sourds et ma limitation est
pratiquement disparue. je ne suis plus limité par l'emploi du
téléphone ordinaire. j'ai un autre genre de
téléphone. mon handicap de communication
téléphonique est pratiquement disparu à ce
moment-là.
Donc, le handicap, c'est l'empêchement d'agir. Vous comprenez,
là. Pensez aux trois marches, c'est ça le handicap. Mais, si vous
faites disparaître les trois marches, la personne reste déficiente
moteur, mais n'est plus handicapée. Par contre, si j'ai à manger
et que je n'ai pas de main, je peux être handicapé vrai. Si on
crée un appareil ou une structure qui fait que la personne
reçoit... Son handicap disparaît ou, enfin, diminue de
beaucoup.
Là, vous dites: Une personne dialysée est
handicapée dans le sens qu'elle ne peut pas... Elle est liée
à une machine à ce moment-là et ne peut pas faire autre
chose. Elle est handicapée pendant ce temps-là. Elle restera
toujours avec sa déficience. Ça crée des limitations.
Ça en crée si l'entourage n'est pas adapté.
L'accessibilité n'est pas là. C'est là que ça
crée des handicaps. Si vous parlez japonais et que je parle
français, nous sommes handicapés.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
bien.
M. Bossé: Si on trouve un interprète qui fait les
deux, ça va Irèa bien
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
monsieur. Madame, je vais reconnaître...
Mme Hamel: Brièvement...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui,
brièvement.
Mme Hamel: ...justement pour dire que cet après-midi, si
M. Bossé a un interprète oral avec lui, c'est qu'il n'est pas
handicapé pour participer aux travaux. On avait demandé,
justement, au niveau de la COPHAN si la commission pouvait subventionner les
interprètes gestuels ou oraux pour faciliter la communication dans une
audience qu'on considère comme publique. Donc, on pourrait dire que la
commission a peut-être handicapé momentanément une personne
qui voudrait s'exprimer ici.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Voilà une
bonne constatation, madame. Je vais reconnaître maintenant le
porte-parole officiel de l'Opposition, le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer, au nom
de notre formation, les gens de la COPHAN et les remercier pour leur
mémoire. Je dois dire aussi d'emblée que nous sommes d'accord
avec à peu près toutes les recommandations, plus
particulièrement celles qu'on retrouve de la page 12 à la page
15; 12, 13, 14 et 15. J'ai quelques questions à poser, justement, en
rapport avec certaines des recommandations dans ces quatre pages-là.
L'allocation personnelle aux bénéficiaires.
Évidemment, nous sommes d'accord avec votre demande que ce soit
indexé annuellement. Mais la question que je pose - que vous
répondiez maintenant ou tantôt quand j'aurai fini mon
intervention, c'est à votre goût - c'est: Depuis quelques
années, est ce que cette allocation personnelle aux
bénéficiaires a été Indexée et, si oui,
quand?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Geoffrion.
M. Geoffrion: Selon les informations qu'on a du Comité
provincial des malades, l'allocation pour les dépenses personnelles des
bénéficiaires n'a pas été augmentée depuis
plusieurs années. Il y a beaucoup de demandes qui ont été
faites à ce sujet. Il faut comprendre qu'on parle d'un montant d'environ
100 $, peut-être un peu plus...
M. Lazure: 110 $.
M. Geoffrion: 110 $, qui sert...
M. Lazure: L'information que nous avons aussi, c'est qu'elle n'a
pas été indexée depuis 1985.
M. Geoffrion: Depuis environ quatre ans. C'est ça.
M. Lazure: Oui, depuis 1985 et c'est pourquoi nous sommes d'avis
qu'on devrait vous donner raison, qu'elle devrait être indexée,
cette allocation directe aux bénéficiaires qui avait l'habitude
d'être indexée chaque année auparavant.
Le transfert des programmes, à la page 13. Nous sommes d'accord
avec vous aussi. Il faut qu'il y ait des précisions dans le projet de
loi sur la responsabilité, la prise en charge de ces clientèles,
comme vous dites. Je cite votre texte. Et on sait tous que depuis quelque temps
il y a eu énormément de problèmes à l'occasion du
transfert de certains programmes de l'Office des personnes handicapées
en faveur de certains ministères, notamment, le ministère de la
Santé et des Services sociaux, et surtout quant à l'aide
matérielle, le maintien à domicile plus
précisément, les services éducatifs
supplémentaires, les services éducatifs d'appoint. Durant la
campagne
électorale, M. le ministre, votre collègue qui
était ministre responsable de l'Office à ce moment-là
avait pris l'engagement de verser 8 400 000 $. Justement, disait-elle: "Les
crédits supplémentaires actuels nous permettront de mettre
entièrement fin à la liste d'attente. Après coup, la
période d'attente des nouvelles demandes devrait être
réduite à six mois. "
Alors, la question que je pose à la fois à la COPHAN et au
ministre: Est-ce que les 8 400 000 $, premièrement, ont
été versés? Si oui, est-ce qu'ils ont contribué
à réduire les listes d'attente dans le temps? L'information que
nous avons, c'est que les listes d'attente sont d'environ deux ans
actuellement, ça peut aller jusqu'à deux ans, et qu'il y a
quelque chose comme 5000 noms qui sont sur les listes d'attente de l'Office des
personnes handicapées. Alors, ma question s'adresse autant à la
COPHAN qu'au ministre: Qu'en est-il des 8 400 000 $ et, s'ils ont
été versés, est-ce qu'il y a eu un effet sur les listes
d'attente et sur la durée de l'attente? Et, s'ils n'ont pas
été versés, quand seront-ils versés?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Alors, qui
répond? Est-ce que c'est le ministre ou... Alors, on va laisser
répondre le ministre. (17 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Effectivement, ce sont 8 000
000 $ qui se partagent en deux tranches de 4 000 000 $ - dont la
première de 4 000 000 $ a été versée; l'autre est
à venir -qui devaient régler définitivement les listes
d'attente du moment au moment où ça a été
évoqué. La semaine dernière, j'ai eu l'immense plaisir de
recevoir au ministère, et ce n'est pas fini, on aura une autre
rencontre, la COPHAN ainsi que plusieurs représentants régionaux
et le conseil d'administration de l'OPHQ pour faire le point sur un certain
nombre de choses, de dossiers, dont ceux-là. Il n'est pas évident
du tout que, malgré ces sommes d'argent, on réussira à
éliminer les listes d'attente et à atteindre l'objectif qui avait
été fixé à l'époque, pour toutes sortes de
raisons. Il y a un traitement très uniforme, dépendamment de la
région où vous êtes, et ça, je pense que ce n'est
pas un dossier qui est réglé.
Les réunions de la semaine dernière - c'était une
première - vont se poursuivre. On s'est donné un
échéancier de deux mois pour se revoir afin de tenter
effectivement de mettre le doigt sur le bobo au niveau des programmes de
transfert, parce qu'il y a beaucoup d'appréhensions et
d'inquiétudes - pour avoir entendu ce que j'ai entendu la semaine
dernière - justifiées quant au transfert des programmes. Ce que
les gens ont souhaité, c'est qu'on tire davantage profit des
expériences vécues jusqu'à maintenant pour éviter
des erreurs dans le transfert d'autres programmes, des erreurs vécues.
Je pense que les gens sont très libres, au niveau de la COPHAN,
d'exprimer leur point de vue là-dessus. Mais il est clair que les 8 000
000 $ ne régleront pas la problématique des listes d'attente.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous
voulez réagir, messieurs, mesdames? Non?
M. Geoffrion: J'ai juste un commentaire à faire au niveau
de toute la problématique de toutes les listes d'attente qu'on pourrait
imaginer qu'il pourrait y avoir au Québec concernant les besoins des
personnes handicapées. À partir du moment où, dans cette
province, on n'a pas d'étude sérieuse, démographique, qui
présenterait le développement ou la croissance de la population
des personnes handicapées, autrement dit, une vraie étude
actuarielle qui nous permettrait de planifier, d'ici cinq ans, dix ans ou
quinze ans, quels seront le nombre et le type de personnes qui auront un
handicap, ça va être extrêmement difficile d'imaginer un
système où il n'y aura pas de liste d'attente.
Le réflexe de la personne qui arrive au comptoir à
l'Office des personnes handicapées, présentement, est très
simple. Quand elle arrive là et qu'on lui dit: Écoutez, il y en a
déjà 500 dans votre région, ici, qui attendent
présentement, alors vous pouvez bien donner votre nom si vous voulez,
peut-être que vous allez avoir un service dans 18 mois, on ne le sait
pas, cette personne, ce n'est pas évident qu'elle va s'inscrire. Elle va
probablement retourner chez elle en se disant: Je vais y retourner dans
quelques mois, je vais téléphoner et je vais voir ce qui en est.
Les personnes handicapées qui sont les plus vigilantes vont faire des
démarches auprès de vous, peut-être certains
députés vont essayer de s'associer avec des organismes de
promotion, enfin, ils vont essayer de s'organiser pour avoir ce à quoi
elles ont droit. Autrement dit, il y a des gens sur des listes d'attente, mais
il ne faut pas s'imaginer qu'il n'y a que ces gens-là qui ont des
besoins. Il y en a beaucoup d'autres qui ne prennent pas le temps de s'y
inscrire.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M.
le député de La Prairie.
M. Lazure: Je dois dire que la réponse du ministre ne me
satisfait pas entièrement parce que ça ajoute un
élément nouveau. Le ministre dit: C'est vrai, il y avait eu 8 400
000 $ de promis durant la campagne, mais la moitié a été
versée et l'autre moitié si je comprends bien - sera
versée plus tard. Mais sa collègue disait en toutes lettres: Par
contre, l'OPHQ pourra engager le montant total de 8 400 000 $ dès
1989-1990. Je constate que, malgré l'ajout de 4 000 000 $. Il n'y a pas
ou tellement de changement dans les listes d'attente. Je pense que tout le
monde est d'accord là-dessus. Ce qu'il
faut retenir, ce n'est pas tellement s'il y a 5000 ou 4000 noms sur les
listes d'attente, mais: est-ce qu'il y a, dans le moment, un système qui
va permettre de donner un service plus rapide?
Moi, dans le but de remettre le débat non pas sur un plan
technocratique, mais de le remettre sur un plan humain, je me permets, M. le
Président, de citer quelques extraits d'une lettre que j'ai
reçue, toute récente, comme député. Elle est
datée du 23 janvier et c'est d'une dame de mon comté: Si je vous
écris aujourd'hui, c'est pour vous faire part de la situation devenue
insupportable pour nous, les parents d'un enfant de dix ans qui a une
encé-phalopathie et qui a l'intelligence d'un enfant de deux ans et qui
vit à domicile depuis toujours. L'enfant a dix ans et une intelligence
de deux ans. Elle dit: J'ai élaboré une demande
d'admissibilité à l'OPHQ - l'Office des personnes
handicapées - avec l'aide de la travailleuse sociale de l'école
spéciale que l'enfant fréquente, à la fin de 1988, pour
des loisirs et diverses rénovations domiciliaires suite à son
handicap: les rénovations: les barres dans la salle de bain, etc.
L'ergothérapeute est venue visiter, a complété la demande
et acheminé la demande à l'OPHQ en avril 1989 - presque un an de
ça. En mai 1989, on m'a répondu que la demande avait
été reçue, mais qu'on ne devait pas débourser
d'argent parce qu'on ne promettait pas de rembourser. En juin 1989, on
écrit de nouveau pour dire qu'on est dans l'impossibilité de
donner suite à la demande pour ce qui est des loisirs
d'été. Bon, une question de réglée, réponse
négative. Des rénovations demandées, aucune nouvelle. J'ai
téléphoné à plusieurs reprises, et encore en
janvier 1990, pour savoir l'évolution de mon dossier en ce qui a trait
aux rénovations; que des réponses négatives. On me
répond sans cesse qu'il y a un manque de fonds et que des demandes
remontent jusqu'à 1987 et ne sont pas encore réglées.
Ça, je l'ai vérifié moi-même à l'Office,
c'est véridique, il y a des demandes qui datent de 1987.
Alors, c'est ma première demande en dix ans - c'est la
mère qui parle - et il va de la sécurité de mon fils.
Alors, comment pouvons-nous parler de la qualité de vie d'un
handicapé quand il n'est même pas en sécurité chez
lui, et cela dure depuis 1987? Etc., etc.
M. le Président, je pense qu'il y a un malaise
considérable. Je suis un peu surpris que le malaise ne soit pas ressorti
tellement dans la présentation de la COPHAN. Par exemple, on m'informe
que, dans le malaise grave qui existe actuellement entourant l'Office des
personnes handicapées, pas plus tard qu'en décembre dernier
plusieurs groupements régionaux ont demandé la démission
du président de l'Office, par écrit, et de tous les membres du
conseil de l'Office, devant l'insatisfaction - je pense que ce sont quinze
groupes régionaux sur seize qui ont fait un front commun pour demander
ces démis- sions-là. Il est clair que l'Office a
procédé trop rapidement au transfert des programmes sans
s'assurer que les ministères étaient en mesure d'assurer les
programmes. Je pense que tout le monde convient de ça aujourd'hui,
même le gouvernement en place. Et une des raisons, je pense, pour
lesquelles ça s'est fait de façon pas très bien
préparée, c'est qu'il y a eu une succession de ministres
responsables de l'Office. Je le soumets à mon collègue de
l'Assemblée, au ministre de la Santé et des Services sociaux, il
aurait peut-être de la difficulté à me donner la
séquence exacte des nominations de ministre responsable de l'Office des
personnes handicapées de décembre 1985 à septembre 1989.
Il y a eu cinq nominations successives de ministre responsable de l'Office des
personnes handicapées; cinq, en quatre ans, alors que les années
précédentes, de 1976 à 1984, les personnes
handicapées n'avaient eu qu'un seul ministre. C'était rendu,
entre 1985 et 1989, que les personnes handicapées ne savaient pas qui
était leur ministre responsable; à ce point-là, M. le
Président!
Alors, c'est bien beau de dire: Oui, il y aura toujours des listes
d'attente; non, les 8 000 000 $ n'aboliront pas les listes d'attente. Il n'y a
personne qui demande l'abolition des listes d'attente. Mais ce que nous
prétendons, c'est qu'il est grandement temps, comme M. Bourassa l'avait
promis - j'ai la citation ici - en 1985 à la COPHAN: "Nous allons
assurer une stabilité ministérielle en nommant un ministre
responsable de l'Office, probablement pour tout le mandat". Ce qui est
arrivé, c'est qu'il y en a eu cinq d'affilée qui ont eu la
responsabilité de l'Office. Alors, c'a été une
instabilité ministérielle et non pas une stabilité
ministérielle. Alors, je pense que les personnes handicapées ont
le droit d'avoir une stabilité dans la représentation politique
qui surveille les actions ou les fonctions de l'Office des personnes
handicapées. Alors, j'aimerais bien que la COPHAN ou que le ministre
responsable de l'Office nous dise un peu ce qu'il en est de ces rumeurs qui
circulent, qu'il y a un mécontentement très sérieux,
très grave vis-à-vis de l'Office et ses dirigeants.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): On s'éloigne, bien
sûr, de la réforme, un petit peu beaucoup, là. Je vois
l'habileté du député de La Prairie à soulever des
questions de...
M. Lazure: De fond.
M. Côté (Charlesbourg): ...des questions qui sont
quand même des questions importantes. Alors, ce n'est pas que je veux
nier, évidemment, on pourrait facilement se dédouaner, tous ce
qu'on en est, en disant que tout le problème relève de l'OPHQ ou
de l'administration de
I'OPHQ. Je pense que c'est pas mal plus compliqué que ça.
Ce serait simple que de faire cette affirmation-là, de la même
manière qu'on pourrait mettre sur le dos de mes collègues la
succession de cinq ministres responsables de l'OPHQ pendant quatre ans. J'ai
vécu la même situation au moment où je suis arrivé
aux Transports, il était passé six ministres avant moi dans pas
beaucoup de temps. Ce n'est pas la meilleure stabilité pour un
ministère et pour une meilleure continuité des opérations.
C'est moi qui ai demandé d'avoir l'OPHQ, comme ministre responsable,
pour le passer sous la responsabilité du senior, de façon
à ce que l'action soit directe. C'est pour ça que, la semaine
dernière, on a commencé une série de rencontres avec les
intervenants, avec le président de l'OPHQ, avec le conseil
d'administration de l'OPHQ, avec la COPHAN, avec des représentants
régionaux, pour faire le point sur chacun des dossiers, pour que chacun
puisse exprimer son point de vue sur ce qui va, ce qui ne va pas et ce que nous
devrions faire pour corriger la situation. Et je pense que, la semaine
dernière, ça s'est amorce. Ça doit se poursuivre et c'est
à partir de ça que je tirerai moi-même les conclusions qui
s'imposent dans à peu près toutes les circonstances ou
situations. Évidemment, à partir du moment où on
connaîtra mieux l'état de la situation, on sera à
même de dire: Oui, effectivement ça prend des sommes
additionnelles d'argent pour régler les problèmes, et on fera une
démarche plus intelligente dans cet exercice-là. Mais ce n'est
pas la situation aujourd'hui et le problème fondamental est de savoir
combien il y en a. Évidemment, on a toujours traité dans le
passé les cas par ordre d'arrivée. Je ne suis pas sûr qu'on
rend service aux bénéficiaires en les traitant par ordre
d'arrivée. Il y a peut-être des cas qui arrivent en dernier, qui
sont sur la liste d'attente et qui sont peut-être prioritaires par
rapport à d'autres. Alors là, c'est une question de Jugement.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Je
voudrais maintenant, étant donné que le temps nous presse,
peut-être reconnaître une dernière question à M. le
député de La Prairie. Après ça, je vais
reconnaître la députée de Marie-Victorin.
M. Lazure: Je me réjouis de ce que le ministre ait offert
de prendre charge de l'Office. Avec le leadership qu'on lui reconnaît, on
peut s'attendre à des changements. Espérons qu'ils viendront
rapidement, ces changements-là. J'espère qu'il ne sera quand
même pas trop débordé par ses autres tâches comme
cette commission parlementaire ou une autre commission parlementaire.
Une question. Le discours inaugural disait, à la page 16: "Le
gouvernement entend créer une commission chargée d'étudier
la mise sur pied d'un fonds de compensation pour les personnes
handicapées". Qu'en est-il de la formation, M. le ministre, de ce
comité, de cette commission, la commission que vous deviez créer
pour étudier la pertinence de créer un fonds de compensation pour
les personnes handicapées?
M. Côté (Charlesbourg): À ma première
rencontre avec une partie du conseil d'administration de l'OPHQ, en
décembre 1989, on m'a religieusement remis sur la table l'engagement que
le gouvernement a pris, le gouvernement actuel, durant la campagne
électorale. Nous en avons à nouveau discuté la semaine
dernière et nous sommes dans une phase où on devrait recevoir de
l'OPHQ un devis quant à une étude dont il était fait
mention tout à l'heure, sur le plan des étapes
préliminaires à ce niveau-là. Donc...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):très bien, m.
le député de la prairie. une toute dernière. j'aimerais
que vos questions soient adressées à nos représentants qui
ont présenté un mémoire, la cophan, s'il vous
plaît.
M. Lazure: Bien, je l'adresse aux gens de la COPHAN, quitte
à ce que le ministre réponde aussi. Est-ce que vos membres vous
ont fait rapport de certaines réductions de person nel - ça
serait dû à des compressions budgétaires - dans les bureaux
régionaux de l'Office?
M. Geoffrion: Effectivement, il y a eu une réduction du
personnel dans les bureaux de l'Office en région, compte tenu du
décret qui a été adopté pour ne pas renouveler les
postes contractuels, je pense, jusqu'au 1er avril.
C'est évident aussi que, quand vous parliez tantôt d'une
insatisfaction... Je pense que, quand vous soulignez le fart que des
regroupements régionaux ont demandé la démission des
membres du conseil d'administration de l'Office et même de son
président, c'est un indice d'un sentiment d'insatisfaction. Je pense
qu'il est grandement temps, maintenant, que les intervenants s'assoient et
recherchent des solutions pour les personnes dont il faut s'assurer du
bien-être. C'est un fait qu'on ne peut que déplorer qu'il y ait
cinq ou six ministres délégués ou responsables de l'Office
des personnes handicapées quand on s'était attendu à tant
de régularité auparavant.
Les besoins sont grands. Tantôt vous faisiez allusion... Je prends
cet exemple-là parce que ça laisse sur une fausse impression.
Quand vous lisiez la lettre de la personne, tantôt, qui avait besoin de
support chez elle, vous avez dit: Elle a besoin de services pour ses loisirs
d'été. Il faut comprendre que, dans un cas comme celui-là,
ce dont on parle, c'est d'un parent qui a probablement...
M. Lazure: Non, non, c'était pour les loisirs de
l'enfant...
M. Geoffrion: C'est ça.
M. Lazure: ...un camp d'été pour l'enfant...
M. Geoffrion: C'est ça. M. Lazure: ...pas pour
elle.
M. Geoffrion: Mais il faut comprendre aussi que ces
programmes-là, qui servent de loisirs pour l'enfant, servent aussi de
répit pour le parent qui, lui aussi, a besoin de prendre un
répit, un certain recul par rapport à son implication. Parce que
vous comprenez que ces parents-là ont un niveau de difficulté
doublement élevé. Alors, c'est un loisir, c'est vrai, pour son
enfant, mais c'est très important que ce Programme de soutien aux
rôles parentaux qui a été développé par
l'Office soit soutenu et développé davantage.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Geoffrion. Je vais maintenant reconnaître la députée de
Marie-Victorin. (17 h 15)
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Tantôt, M. le
ministre disait qu'il faisait des rencontres particulières parce qu'il a
d'autres dossiers à s'occuper, notamment au niveau de l'OPHQ. Mais je
trouve ça assez particulier, au moment où on a une commission
parlementaire, qu'il y ait beaucoup de rencontres individuelles qui se fassent
en même temps. Est-ce qu'il a fait des rencontres pro forma puis des
rencontres où il se passe vraiment de choses? Je me pose la question. Il
y a beaucoup de consultations privées en même temps que celle-ci.
D'autre part, ce que j'aimerais faire ressortir en ce qui concerne les
personnes handicapées au niveau des transferts de programme, c'est aussi
les formes de clientèle. On m'a dit beaucoup qu'à cause du
vieillissement de la population, on donnait de plus en plus de services
à domicile. Les transferts étaient au CLSC. Je voudrais
vérifier parce qu'on parle de plus en plus de ça. Est-ce que,
compte tenu de cette situation, le rôle que vous pourriez jouer ou
l'Office des personnes handi capôos, est co qu'il faudrait faire clos
distinctions au niveau des besoins, d'une part, entre la population qui est de
plus en plus vieillissante, qui demande des soins de santé et qui gruge
le budget de l'Office des personnes handicapées et, d'autre part, les
personnes ayant vraiment une limitation fonctionnelle, pour qu'on puisse aussi
leur apporter des soins?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Geoffrion, s'il vous plaît.
M. Geoffrion: Nous, c'est sûr qu'on privilégie que
les montants qui étaient alloués aupara vant, ou le même
ordre de grandeur des mon- tants qui étaient alloués par l'Office
des personnes handicapées par ces programmes qui sont pris en charge par
d'autres ministères, que les enveloppes de ces budgets soient
administrées de façon transparente pour une période
transitoire de deux ans, trois ans ou quatre ans, ça dépend des
ministères. On est d'avis que ces montants doivent être
transparents dans la présentation des états financiers de ces
ministères pour s'assurer que les clientèles pour lesquelles ils
ont été transférés recevront les services que ces
montants doivent leur rendre et même davantage développer,
à l'intérieur de ces ministères, des montants suffisants.
Il faut comprendre qu'au bout de la ligne, l'objectif du transfert des
programmes, c'est de responsabiliser les ministères envers la
population. Dans cette population, il y a des personnes handicapées.
Auparavant, l'Office était le guichet unique et la porte d'entrée
pour obtenir des services. D'un niveau, si on veut, social, je pense que c'est
très noble d'avoir une responsabilisation des ministères mais au
bout de la ligne, vous comprendrez que c'est très important aussi que,
dans ces ministères, on finisse par trouver des budgets suffisants et
qu'on finisse par développer les budgets pour répondre aux
besoins de ces clientèles. Si on ne fait que transférer le budget
de l'Office dans un gros ministère comme celui qui nous concerne, si, au
bout de la ligne, on a les mêmes services ou la même qualité
de service ou le même volume de services, on n'a pas résolu le
problème de la personne dont pariait M. Lazure tantôt. Nous
croyons que quand les ministères vont être responsabilisés,
il y aura davantage de gens qui vont être concernés. On souhaite
que, dans ces ministères, des gens vont prendre leurs
responsabilités pour aller chercher les montants d'argent dont on a
besoin pour répondre aux besoins des clientèles.
Mme Vermette: Dans l'éventualité d'une
régionalisation, en fait, la place que vous pourriez occuper pour
défendre les intérêts, est-ce que vous en avez fait
mention?
M. Geoffrion: On essaie de se positionner au niveau des
organismes communautaires. On essaie de faire en sorte que, dans l'avant-projet
de loi qui a été déposé, il y ait plus de
représentants des organismes communautaires parce qu'on croit que ce
sont eux qui sont près des bénéficiaires.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Pour terminer, je
vais reconnaître le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Puisqu'on a posé un
certain nombre de questions, je pense que ça mérite quand
même une petite réponse. Comme ministre et comme j'en ai la
responsabilité - c'est moi qui répondrai à la critique, je
ne me priverai certainement pas de rencontrer les
intervenants. Que ça corresponde à une commission
parlementaire ou pas, ce n'est pas ça mon objectif. L'objectif est bien
clair: c'est de régler des problèmes qui, pendant un certain
temps, ne l'ont pas été et de tirer la ligne de manière
très claire. S'il y a un problème fondamental au niveau de
l'Office, c'est qu'il a d'abord un rôle de promotion et de défense
des intérêts des personnes handicapées. On l'a
littéralement empêtré, pour ne pas dire une expression plus
crue et plus claire, en lui transférant des programmes qu'il devait
administrer en étant à la fois défenseur, promoteur et
dispensateur. On lui a rendu service, dans le bourbier dans lequel on est
aujourd'hui, et on questionne aussi l'efficacité. Ça
m'apparaît très important de le rappeler. Finalement, il faut
aussi rappeler que, s'il y a des mauvais coups, il y en a peut-être des
bons, à l'occasion. De ce que je me souvienne, l'aide matérielle
en 1985-1986, c'était un budget de 8 000 000 $ et il est rendu à
29 000 000 $. Il faut quand même admettre, à l'occasion, qu'il
peut y avoir des choses bien faites. Ça ne veut pas dire qu'il ne reste
pas de problèmes, il en reste. S'il n'en restait pas, on n'en parlerait
pas et il n'y aurait pas d'organisme comme COPHAN pour défendre
l'Intérêt, pour dire: Ça ne marche pas ou des regroupements
régionaux qui ont demandé, à certaines occasions, la
démission d'un certain nombre de personnes. Et quant aux contractuels,
il me semble bien qu'il doit y avoir une logique entre le nombre de personnes
qui travaillent à l'OPHQ qui administrent des programmes et le transfert
des responsabilités de programmes vis-à-vis des ministères
Ça doit paraître au niveau des employés tantôt, si on
veut que l'argent retourne au monde. Alors, c'est peut-être pour
ça que certains contractuels n'ont pas vu leur dossier... ah non,
écoutez, ça m'apparaît clair et la discussion est
très claire à ce niveau-là. Est-ce que vous voulez garder
quelqu'un chez vous comme employé pour dire: II n'y a plus d'argent dans
le fonds. Ah non!
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, malheureusement, le temps qui est dévolu est
arrêté. C'est terminé, Mme la députée de
Chicoutimi, malheureusement. Je vous remercie, mesdames de la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec, mesdames et messieurs. Et je vais appeler
le Réseau d'action et d'information pour les femmes.
Mesdames, messieurs, les membres de la commission reprennent leurs
travaux. Alors, le Réseau d'action et d'information pour les femmes,
représenté par Mme Marcelle Dolment. Est-ce que Mme Dolment est
ici?
Mme Dolment (Marcelle): Oui, c'est moi
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme dolment, si vous
voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, en
même temps, nous faire les représentations de votre
mémoire.
Mme Dolment: Excusez-moi C'est de s'installer.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je m'excuse, madame,
de vous presser quelque peu, mais enfin! On va vous attendre, il n'y a pas de
problème. Prenez votre temps.
Réseau d'action et d'information pour les
femmes
mme dolment: bonjour, m. le ministre. nous sommes très
heureuses de vous revoir à une autre commission parlementaire. on
espère qu'elle va se passer aussi bien que la dernière.
M. Côté (Charlesbourg): Je m'en rappelle.
Mme Dolment: Alors, la présentation... vous avez eu le
mémoire mais, comme c'était trop long, on a fait un
résumé et c'est la présenta tion que nous vous lisons.
L'introduction est divisée en deux: les services de santé et les
services sociaux. Le Réseau d'action et d'infor mation..
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Dolment, voulez-vous nous présenter les personnes qui vous
accompagnent, s'il vous plaît?
Mme Dolment: Oui, c'est vrai, je m'excuse. Alors, il y a
Micheline Lavoie, Chantale Ouellet, Marcelle Dolment et Nicole Laveau et Lily
Audet qui va venir nous rejoindre. Comme elle enseigne, elle va arriver un
petit peu en retard.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
madame, merci.
Mme Dolment: Le Réseau d'action et d'information pour les
femmes (RAIF), comme plusieurs autres, s'inquiète de l'avenir des soins
de santé dans le contexte d'un resserrement des finances publiques ainsi
que d'une escalade des coûts due au vieillissement de la population et
aussi aux maladies lourdes et contagieuses.
Autres sources d'inquiétude: la vétusté des
équipements et des bâtiments, les difficultés de
recrutement du personnel infirmier qu'il faudra mieux payer et traiter, les
abus du système par certains à l'intérieur et à
l'extérieur du réseau et l'impossibilité pour nos
hôpitaux de se tenir à jour dans le développement des
techniques modernes sans devoir recourir aux souscriptions publiques et au
bénévolat. Il est aussi évident que les services de
santé devront se repenser en tenant compte des besoins
spécifiques des femmes qui ne sont pas satisfaites de la prestation
de
services à leur égard, la santé étant autant
d'ordre psychologique que physique. Les soins de santé à la
chaîne que nous connaissons actuellement n'aident en rien cette
situation. C'est pourquoi, par exemple, des services de sages-femmes ont
été requis afin de répondre à ces besoins des
femmes. Bien des ressources moins coûteuses pourraient être
envisagées. On n'a pas suffisamment exploré cette alternative.
Autre besoin spécifique des femmes: des services d'interruption de
grossesse dans toutes les régions du Québec, avec des cliniques
spécialisées privées ou publiques telles les CLSC, surtout
de nos jours, c'est très important.
Dans le secteur des services sociaux, le RAIF est alarmé de voir
constamment s'allonger la liste des enfants victimes d'abus sexuels et
physiques et se prolonger le temps de prise en charge de leur dossier. Ainsi,
3458 noms de jeunes sont actuellement sur les listes d'attente pour recevoir
une forme ou l'autre de protection dans un contexte de société de
plus en plus violente et de foyers brisés. C'est inadmissible! Aux yeux
du RAIF et aux yeux de la plupart, ce problème constitue le scandale
majeur de notre société. Une société qui laisse
pourrir des enfants dans des situations intolérables et inhumaines ne
mérite pas de s'appeler civilisée. Tous les efforts doivent
être faits pour régler en priorité ce drame social. Les
enfants sont notre avenir, notre responsabilité première.
En second lieu, la situation des femmes victimes de violence et de
pauvreté par suite de lois familiales, fiscales et de lois du travail
inadéquates ainsi que d'un manque de ressources diverses devrait
préoccuper le ministère car, de la bonne santé mentale,
physique et financière des femmes, dépend aussi l'avenir social
du Québec et sa richesse, les femmes étant encore celles qui
éduquent les enfants et qui en prennent soin. Au Québec,
près de 1 000 000 de personnes vivent dans la pauvreté dont 600
000 dans une extrême pauvreté, la plupart des femmes et des
enfants. Le taux de mortalité infantile est deux fois plus
élevé en milieu défavorisé. Le nombre de
nouveaux-nés de poids insuffisant est très élevé,
requérant par la suite de nombreux soins de santé et des services
sociaux. Ils auront des difficultés d'apprentissage. Or, il existe un
lien entre revenu et maladie chez les adultes pour l'ensemble des maladies
aiguës et chroniques. Ce n'est pas un hasard si le secteur de
Montréal le plus pauvre est aussi celui où l'on retrouve la plus
grande concentration de familles monoparentales dirigées par une femme
et le plus grand nombre de bébés sous-alimentés au point
de se classer au rang des pays du Tiers-Monde.
En troisième lieu, les personnes âgées dont
l'espérance de vie augmente alors que leur qualité de vie
diminue, créeront un problème majeur croissant si on ne trouve
pas de solutions à leurs problèmes.
En dernier lieu, les problèmes de drogue et d'alcoolisme
constituent pour tous, et particulièrement pour les femmes enceintes et
pour les jeunes, mais aussi pour les travailleurs et les travailleuses, un
élément d'inquiétude pour l'avenir. Le ministère
devrait s'inquiéter des coûts d'hébergement et de
santé de ces tragédies personnelles qui entraînent souvent
des familles entières dans leur sillage et qui ont détruit bien
des entreprises. Les femmes des familles monoparentales ont à vivre plus
que d'autres ces problèmes d'origine familiale et sociale pour une bonne
part. Tous les ministères devraient coordonner leurs lois et leur action
pour améliorer leur sort et celui de leurs enfants.
Nous avons par ailleurs étudié avec attention les articles
de loi proposés dont plusieurs touchaient la réorganisation de
l'administration des services de santé et des services sociaux, rendant
le projet à étudier volumineux et très complexe. On aurait
dû le diviser en trois, avec trois commissions parlementaires:
financement du régime, prestation des services et éthique,
réorganisation administrative. On s'est très souvent
réunis, mais ça nous aurait pris encore six mois de
réunion pour vraiment approfondir à notre goût. C'est cette
approche en trois volets que le RAIF adopte dans son mémoire.
On commence par le financement parce que c'est le nerf de la guerre. Le
ticket modérateur. L'idée d'un ticket modérateur a
été discutée, mais elle a été rejetée
car trop dangereuse: risque d'escalade, danger d'éloigner de
l'accès aux soins ces personnes qui en ont justement le plus besoin. Le
système est en danger de sous-flnancement. non pas à cause de sa
conception mais à cause des abus, d'un certain laxisme, d'un manque de
prévention et d'organisation et, disons-le carrément, de la
fraude, mais aussi de certaines excroissances du régime qui n'ont pas
leur raison d'être, comme les médicaments gratuits pour les
personnes de 65 ans et plus alors qu'elles ne paient aucun surplus de
cotisation. N'oublions pas que c'est universel: riche ou pas riche,
millionnaire ou pas, les médicaments sont gratuits.
Avant de recourir au moyen extrême du ticket modérateur, il
conviendrait de commencer par corriger les lacunes du système et par
tenter des expériences susceptibles d'en améliorer le rendement
et d'éduquer le public. Voici quelques suggestions. La gratuité
complète serait maintenue pour les personnes qui n'ont que le minimum de
revenu, à propos de la gratuité des médicaments pour les
personnes de 65 ans et plus, mais qui serait basée sur le revenu
individuel. Alors, la gratuité complète pour les gens qui sont
pauvres, pension de vieillesse et supplément de revenu garanti. (17 h
30)
Deuxièmement, contribution à 50% du coût des
médicaments pour les personnes qui auraient entre le minimum de revenu
et 25 000 $ de
revenu net individuel, ce qui est encore assez élevé;
pleine contribution pour les personnes qui ont plus de 25 000 $ de revenu net
individuel toujours. Dans ces deux derniers cas, les déductions
d'impôt pour soins de santé comme les médicaments seront
maintenues, ce qui va faire qu'il ne restera pas grand-chose à payer
finalement.
Programme des médicaments gratuits pour les enfants de douze ans
et moins. Une partie de l'argent économisé par la modification
à la gratuité des médicaments pour les personnes
âgées irait pour financer ce programme de médicaments pour
les enfants de 12 ans et moins, un programme conçu dans le même
esprit que celui des soins dentaires.
Le transfert de fonds d'un programme à l'autre ne peut
qu'être bénéfique pour toutes et tous puisque l'abus de
médicaments et de prescriptions pour les personnes âgées
est dénoncé depuis longtemps par tous les spécialistes
dans le domaine. Si les personnes âgées sont, pour trop d'entre
elles, portées à abuser pour diverses raisons, II n'en est pas de
même des enfants qui rejettent tous les médicaments, on le
sait.
À propos de la carte d'assurance-maladie, depuis des
années, nombre de personnes dénoncent l'abus et les fraudes dans
l'emploi de la carte d'assurance-maladie, dont le RAIF et plusieurs autres,
abus qui entraîne des coûts de centaines de millions de dollars.
N'a-t-on pas laissé entendre, dans les journaux, que deux millions de
cartes d'assurance-maladie circulaient en trop? Est-ce que c'est exact? Je ne
le sais pas, mais on l'a dit.
Le RAIF réclame donc, premièrement, la signature du coupon
de prestation de soins; deuxièmement, la photo de la ou du
bénéficiaire intégrée à la carte afin
d'éviter des transferts de cartes; troisièmement, l'envoi annuel
d'un bilan des soins reçus et de leur coût pour conscien-tiser la
population sur le coût des soins reçus et pour les réduire
par un emploi plus judicieux.
Quant aux dispensateurs de soins, le paiement des soins de santé
à l'acte compte pour beaucoup dans la dégradation des services de
santé. Cette modalité du système est en bonne partie
responsable des coûts astronomiques des soins de santé, les actes
pouvant être multipliés presque à volonté. Dans
certains hôpitaux, on se passe la carte d'un service à l'autre.
Même pratique chez certains médecins spécialistes ou
même généralistes qui se sont constitué une
espèce d'équipe financière dont profitent aussi certains
pharmaciens. Une forme de salariat ou de paiement à la vacation, comme
dans certains centres hospitaliers universitaires ou dans les CLSC, pourrait
remplacer avantageusement le système actuel. Une éducation des
médecins pour qu'ils évitent de gaspiller les fonds publics, dans
certaines circonstances, par un manque flagrant d'organisation et de
concertation serait certainement possible. Certains médecins ont aussi
une pratique à domicile très payante, les personnes
âgées à qui ils prescrivent des tranquillisants à
chacune de leur tournée de visites de "l'âge d'or".
Résultat: ces personnes, qui étaient en relative bonne
santé, deviennent confuses et ont souvent des accidents dus à ce
régime de pilules et, très souvent, perte d'autonomie. Côut
pour le système? On le devine. Un contrôle serait
nécessaire.
Nos suggestions. Premièrement, éducation populaire qui
nous paraît très importante. Pour développer une certaine
écologie des soins de santé, le gouvernement devrait associer la
population à cette démarche de réduction des coûts
qui peut se faire sans réduire les services. Éducation populaire
donc, via le bilan annuel individuel avec des feuillets d'information sur
divers sujets de santé et de moyens simples pour ne pas surcharger le
système. Éducation populaire par la radio et la
télévision, prévention, soins légers à la
maison, service téléphonique Info-Santé, et le reste, afin
de désengorger les urgences; campagne de publicité pour
éviter le gaspillage, campagne dans les écoles ainsi que dans les
familles sur les soins d'hygiène préventifs et cours sur les
premiers soins légers à donner ou à se donner Les
médias seraient tenus de fournir du temps d'antenne gratuit pour ces
messages "sociétaux". Meilleure diffusion de l'éventail de
services autres que les hôpitaux comme les CLSC, les centres et maisons
de femmes qui aident à soulager l'angoisse psychologique et autres
moyens alternatifs. Financement accru de ces services communautaires et
consultation de ces services et des groupes sur une base
régulière parce que dans les structures, on n'a pas du tout. . On
a dit qu'on consultait, mais il n'y a aucune modalité qui est
émise pour la consultation - pour établir une politique
réaliste et globale de soins de santé et de services sociaux. On
ne mise pas suffisamment sur ces moyens d'éducation populaire qui ont
pourtant fait leurs preuves.
Chantale Ouellet va continuer.
Mme Ouellet (Chantale): L'avant-projet de loi. Droit à
l'égard des services de santé et des services sociaux.
L'avant-projet de loi n'élabore guère sur les droits des
bénéficiaires ni sur l'éthique des services de
santé. Entre autres, il n'y a aucune référence directe
à l'euthanasie, un sujet de plus en plus discuté, de plus en plus
crucial, si on veut respecter le plus important de tous les droits, le droit
à la dignité. L'article 7 réfère indirectement,
mais nous croyons nécessaire une référence claire à
cette alternative. Il faudrait ajouter un quatrième paragraphe. Le
désir d'euthanasie passive ou active, ou les deux, exprimé par
une personne soit dans un testament biologique, soit dans une
déclaration à cet effet sur sa carte d'assurance-maladie qui
devrait prévoir un tel espace, ou sur son permis de conduire, qui
devrait aussi prévoir un tel choix
comme pour le don d'organes, doit être respecté afin de
sauvegarder sa dignité. Et un cinquième alinéa: "Une
personne atteinte de handicap grave qui altère de façon
importante sa qualité de vie a droit à une intervention
médicale destinée à mettre fin à ses jours dans la
môme optique de droit à la dignité et à une
qualité de vie minimale, mais seulement après consultation avec
des professionnels du comportement, qui devront aussi rencontrer la famille et
les proches, et après une série de rencontres
régulières et fréquentes échelonnées sur une
période d'un an, au terme desquelles son choix serait
respecté."
L'euthanasie active ou passive doit être acceptée sans plus
d'hésitation pour le bien de tous et de toutes, individuellement et
collectivement. La prolongation des patients et patientes en phase terminale
est un des plus grands scandales modernes dans le domaine de la santé,
de l'humanité des soins et de la dignité de la personne qui
entraîne en plus des coûts astronomiques. Résultat: des
soins de santé à d'autres personnes devront être
réduits ou même refusés dans un proche avenir, si
l'expectative de vie continue de s'allonger... maintenir en vie presque
indéfiniment dans certains cas lourds.
Nous n'entrerons pas dans les détails d'une réglementation
que la loi pourrait aborder, mais il est certain que les testaments
biologiques, par exemple, ou une inscription sur la carte d'assurance-maladie
ou le permis de conduire pourraient assurer les médecins qu'ils peuvent,
en toute quiétude de conscience et sans risque de poursuite par les
proches, prendre des décisions raisonnables dans les circonstances. Un
alinéa concernant les handicapés graves qui désirent
mettre fin à leurs jours en recourant à une intervention
médicale a été ajouté, car on n'a pas le droit de
laisser agoniser ces personnes que plus rien ne rattache à une vie
intolérable et à une dégradation irréversible.
On ne doit pas obliger ces handicapés à avoir recours aux
tribunaux, comme on a pu le lire dans les médias à l'occasion. Il
y a une grande lâcheté de la société à ne pas
vouloir reconnaître ce droit par une intolérance religieuse ou par
crainte d'être taxé de cruauté, alors que le refus de
respecter le choix d'une personne ainsi affligée d'une vie de morte
constitue la véritable cruauté. Une éthique
médicale appropriée, inculquée dès le cours de
médecine, devrait préparer les professionnels à prendre de
telles décisions. On pourrait même envisager de parler
d'euthanasie dans les écoles, afin de familiariser les enfants avec la
notion de dignité et celle de qualité de vie et le droit de
chaque individu à sauvegarder cette dignité.
Confidentialité du dossier médical ou social. L'article
15, deuxième alinéa, stipule qu'"un professionnel peut prendre
connaissance d'un tel dossier - médical ou social - à des fins
d'étude, d'enseignement ou de recherche, avec (...) l'autorisation du
directeur des services profes- sionnels de rétablissement qui a la garde
du dossier". Le RAIF croit important de modifier cet article pour respecter
l'anonymat du dossier comme on le fait pour les causes familiales. Ainsi, le
nom serait remplacé par des initiales.
L'article 17 limite l'accès à son dossier médical
au ou à la bénéficiaire de quatorze ans et plus. La limite
d'âge était peut-être valable il y a 20 ans, mais elle ne
l'est plus dans le contexte actuel où les jeunes ont des
activités sexuelles à partir de onze, douze ans et, avec la
télévision, sont mis au courant des réalités de la
vie, même médicale, bien avant quatorze ans. Nous croyons donc
qu'il est impératif de la réduire à l'âge de douze
ans et plus pour avoir accès à un renseignement nominatif de
nature médicale ou sociale le concernant contenu dans le dossier de
l'établissement.
Le même raisonnement s'applique pour l'article 18. Il faudrait
modifier le paragraphe 2° de cet article pour permettre à un
bénéficiaire de douze ans et plus et, dans certains cas
exceptionnels, de moins de douze ans, qu'il puisse refuser les communications
de son dossier au titulaire de l'autorité parentale et voir ce
désir respecté dans les conditions prévues dans l'article,
c'est-à-dire l'évaluation faite par l'établissement que la
communication du dossier du bénéficiaire au titulaire de
l'autorité parentale cause ou pourrait causer préjudice à
la santé physique ou mentale de ce bénéficiaire.
D'ailleurs, sans qu'on le crie sur les toits, il semble que ce soit la
pratique actuellement dans plusieurs hôpitaux, car on
préfère que les jeunes consultent après une relation
sexuelle à risque, assurés qu'ils ou qu'elles sauront que les
parents ne seront pas au courant. On évite ainsi qu'ils ne recourent
à des solutions de rue ou qu'ils ne reçoivent pas les soins
nécessaires. Le réalisme doit prévaloir ainsi sur certains
principes parentaux.
À l'article 19, nous ne comprenons pas trop pourquoi on a choisi
le terme "peuvent" au quatrième alinéa au lieu du terme
"doivent", dans le cas d'un droit d'accès au dossier médical
d'une bénéficiaire décédée car il nous
semble qu'il y a là un droit important de la part des personnes
susceptibles d'être affectées par une maladie
héréditaire, terme médicalement plus juste dans ce cas-ci
que génétique ou à caractère familial, de savoir ce
qu'il en est du risque qu'elles ou leurs enfants courent.
Organisation des ressources humaines des établissements. Il est
certain qu'il faudrait augmenter et combler le nombre de postes à temps
plein dans les hôpitaux - infirmières, infirmiers, auxiliaires,
préposés - afin de rendre un peu plus humaine et plus rationnelle
la façon de desservir ces centres de soins et d'y attirer du personnel
qualifié et motivé, compte tenu de la charge anormale...
Le Président (M. Joly): Excusez, Mme
Ouellet! Il reste une petite minute. Je vous inviterais peut-être
à conclure, s'il vous plaît.
Mme Dolmerrt: On vous demanderait un petit peu plus long, si
possible, parce qu'on est trois personnes. Le dernier n'est pas tellement long,
c'est sur les structures.
M. Côté (Charlesbourg): Je n'ai pas de
problème à... La seule chose, je dois quitter absolument à
17 h 55. Je suis prêt à vous laisser mon temps pour vous entendre,
compte tenu de... Faites votre présentation, je pense que ça
paraît plus important que mes questions.
Mme Ouellet: O.K. Ha, ha, ha! ...d'augmenter le nombre de postes
à temps plein dans les hôpitaux afin de rendre plus humaine et
plus rationnelle la façon de desservir ces centres de soins.
Fonction et pouvoirs des établissements. Il faudrait
désengorger les hôpitaux en généralisant
l'expérience des hôpitaux volants qui permettent de maintenir dans
leur milieu des patients et des patientes avec l'aide de la
télévision et de l'informatique pour les renseigner - par
exemple, un canal santé - en leur prodiguant des soins qui peuvent
être dispensés par des équipes mobiles et ce, gratuitement.
La modification de leur logis pour répondre à leurs besoins, de
même que la nouvelle hypothèque renversée sont autant
d'avenues prometteuses et rentables. L'éducation des personnes
âgées elles-mêmes à la nécessité de se
tenir en forme aiderait sûrement à vider quelques salles
d'attente.
Dans un autre secteur problème, un meilleur aménagement
des hôpitaux réduirait le traumatisme d'une salle d'urgence
bondée et paniquante dans le cas de jeunes sous l'influence de la drogue
ou de personnes en état de crise émotive ou mentale ou de
tentative de suicide. Ainsi, en transformant, par exemple, un petit local en
chambre accueillante et intime pour ces cas dramatiques, bien des personnes et
surtout des jeunes accepteraient d'aller vers des soins qu'elles refusent
souvent, actuellement, à cause de cet obstacle d'une salle d'urgence
rébarbative qui ne convient pas du tout à de telles
situations.
Services. Des expériences nous ont prouvé que les heures
d'ouverture des CLSC ne conviennent pas à la vie moderne. Nous
recommandons donc que les CLSC soient ouverts 18 heures par jour et ce, sept
jours sur sept.
Ressources intermédiaires. L'article 202 indique qu'"un permis ou
un certificat municipal ne peut être refusé et une poursuite en
vertu d'un règlement ne peut être intentée pour le seul
motif qu'une construction ou un local d'habitation est destiné à
être occupé en tout ou en partie par une ressource
intermédiaire. Le présent article prévaut sur toute loi
générale ou spéciale et sur tout règlement
municipal adopté en vertu d'une telle loi". Il nous paraît qu'il
aurait dû y avoir des distinctions entre les ressources
intermédiaires susceptibles de relever de cet article, certaines
ressources s'occupant d'ex-détenus, de délinquants,
d'ex-psychiatrisés, mais aussi de maisons d'hébergement, de
centres de femmes, de maisons de jeunes. Il y a des différences
marquées entre ces sortes de res sources quant aux difficultés
à se faire accepter dans le milieu. En outre, dans le cas des
ex-psychiatrisés, le refus du milieu vient surtout du fait que le
gouvernement ne gradue pas assez la réintégration en milieu
ouvert. Certains sont laissés complètement à
eux-mêmes. Ils suscitent alors beaucoup de rejet, ce qui ne les aide
nullement. La politique de désinstitutionnalisation demanderait donc
à être raffinée, malgré le désir du
ministère de réaliser des économies par cette pratique
souvent sauvage et inhumaine.
L'article 205 traite de la prise en charge des
bénéficiaires par les ressources de type familial. Les montants
que prévoira la réglementation devront absolument couvrir les
frais réellement encourus si on veut avoir des ressources de ce type
très économique pour l'État. En outre, le RAI F recommande
fortement que ces montants ne soient pas imposables, non plus qu'ils ne
devraient être comptabilisés dans le calcul des divers
crédits d'impôt. L'État n'a-t-il pas, pendant des lustres
et encore aujourd'hui, exempté d'impôt les communautés
religieuses en raison de leur travail social? Les laïcs doivent être
traités sur le même pied. Ces avantages fiscaux devraient
compenser un peu les inconvénients ou la lourdeur de la
responsabilité de s'occuper de ces cas difficiles. Cependant, nous
souhaitons vivement que ce ne soit pas un incitatif à considérer
cette prise en charge des personnes en difficulté comme du ressort des
femmes. Inconsciemment, l'État compte sur elles pour le remplacer quand
il vide ses institutions. Il nous faut briser ce moule. (17 h 45)
Mme Dolmerrt: Nicole Laveau va terminer.
Mme Laveau (Nicole): Les structures. Comme nous l'avons
mentionné précédemment, les modifications en profondeur
des structures du système demanderaient une étude approfondie
à laquelle nous ne nous sommes pas consacrées, mais à la
lecture des articles concernant cette réorganisation, nous nous sommes
posé certaines questions et nous y avons vu certaines lacunes. Il nous
paraît qu'avant de se lancer dans des avenues qui affecteront en
profondeur la prestation de soins de santé, il serait nécessaire
de tenter des expériences pilotes dans les grands comme dans les petits
centres. Compte tenu que les femmes sont en majorité les
bénéficiaires de soins de santé, il est incongru que les
personnes responsables de l'administration du système soient très
majoritairement des hommes. Une équité de représentation
selon le sexe devrait
être établie dans les nouvelles structures.
Une incroyable indulgence envers les infractions ou crimes commis semble
avoir prévalu dans la rédaction des règles de
qualification des membres des conseils d'administration. Exemple: l'article 57
et ses corollaires. Comment peut-on permettre qu'un membre de conseil
d'administration d'un service de santé ou d'un service social puisse
avoir commis une infraction ou un crime suffisamment grave pour avoir
écopé d'une peine de trois ans? Généralement, les
peines sont de deux ans moins un jour pour des délits souvent
très sérieux. Et, en plus, on absout ces candidats après
cinq ans. En outre, on ne fait aucune distinction entre les genres de crimes
qui pourraient fort bien être de l'inceste, du viol, de la violence
conjugale, de la pédophi-lie. Nulle personne reconnue coupable de ce
genre de crime ne devrait jamais pouvoir faire partie d'un tel conseil
d'administration. Aucune levée de l'interdiction après quelque
nombre d'années que ce soit et la peine pour les infractions et crimes
ne devrait pas être de plus de deux ans moins deux jours.
Il y a aussi une incroyable imprudence dans le choix des balises pour
éviter les conflits d'intérêts aux articles 96, 97 et 98,
ainsi que 275 concernant la possibilité qu'un directeur
général puisse remplir d'autres fonctions
rémunérées. En fait, on tient la porte grande ouverte aux
abus après une belle déclaration de principe dans le premier
paragraphe. Cet article est troué comme un fromage de gruyère.
L'emploi de directeur général est suffisamment exigeant pour
qu'il soit exclusif. La composition des conseils d'administration où les
membres peuvent élire eux-mêmes d'autres membres, deux membres,
dans un premier temps, et trois membres, dans un deuxième temps, nous
paraît très étonnante comme conception et dangereuse pour
les conflits d'intérêts (voir l'article 49 et autres).
Nous nous sommes aussi demandé si les directeurs
généraux pouvaient se faire élire aux conseils
d'administration, ce qui pourrait constituer un autre genre de conflit
sérieux.
Autre interrogation inquiétante sur les privilèges
accordés aux institutions religieuses qui possèdent des
établissements, celles-ci se retrouvant probablement en fort grand
nombre dans la catégorie de l'article 39, paragrahe 1, puisqu'il s'agit
d'établissements publics institués avant 1972. Pourquoi leur
octroie-t-on le droit de refuser de se fusionner si l'intérêt
public l'exige? Et surtout, pourquoi les articles 49, 50 et 51 ainsi que 390,
391 et 392 leur permettraient-ils, au dernier paragraphe, de "bumper" les
membres élus par le public au point de pouvoir prendre un maximum de
trois places sur quatre, dans un cas, et de deux places sur trois, dans un
autre, ces établissements ayant droit à ce qu'une personne
nommée par les membres de ces établissements, soumis au maximum,
fassent partie des conseils d'administration des établis- sements?
Nouvelle structure. Que restera-t-il pour représenter le public?
Une seule personne dans plusieurs cas. L'article 261 limite les membres
élus du conseil d'administration des régies régionales de
même que le président à deux mandats. Or, il ne semble pas
qu'il en soit ainsi des conseils d'administration des établissements
publics qui pourraient bénéficier de sang neuf et d'idées
nouvelles si on élargissait cette restriction à deux
établissements. On pourrait limiter ses membres et le président
à deux mandats consécutifs.
Évaluation de la restructuration. À première vue,
il nous semble qu'on a multiplié les structures à plaisir dans un
enchevêtrement qui ne peut que semer la confusion, retarder le
fonctionnement et être très, coûteux tout en ne permettant
qu'aux seuls initiés de se retrouver et de mener la barque. Ainsi, le
niveau de collège régional nous semble de trop. Il est
artificiel. Les membres qui doivent faire partie des conseils d'administration
des régies régionales n'ont pas besoin d'être choisis par
une autre structure comme le collège. La composition des conseils
d'administration est beaucoup trop complexe et étendue dans le temps,
comme nous l'avons souligné plus haut. Puisqu'il y aura trois
étapes pour la nomination de ces conseils, on prendra six mois à
les former.
La représentation des établissements sur le conseil
d'administration des régies régionales ne nous semble pas
adéquate. Elle risque de favoriser le jeu de pouvoir des grands
établissements et laisser pour compte des établissements mineurs.
Il serait bon qu'il y ait rotation de représentation afin que tous les
établissements puissent, à intervalle régulier, être
représentés.
Un autre élément important nous semble avoir
été négligé. La durée des mandats n'est pas
toujours indiquée, mais surtout le nombre de réunions statutaires
par année n'a pas été indiqué. Si on ne veut pas
que le fonctionnement du système demeure dans les mains des seuls
initiés, il faudra, non seulement simplifier les structures, les
modalités de nomination, mais aussi établir une fréquence
de réunion suffisante pour que les membres puissent vraiment participer
en toute connaissance de cause à l'administration des conseils. Le RAI F
suggère entre 8 et 10 fois par année, pour tous les niveaux.
Représentation du public. Il est bien de penser des structures
qui accueillent les représentants du public, pour autant qu'ils ne se
soient pas fait supplanter par les établissements religieux ou
privés, mais encore faut-il mettre en place des modalités qui
leur permettent de le faire et qui le permettent à toutes les
catégories de la population et non pas seulement à celles qui ont
des loisirs ou de l'élasticité dans le choix de leurs heures de
travail. Le RAIF recommande donc que l'on adopte des modalités qui
s'apparentent à celles des jurys. Ainsi, les
entreprises privées ou publiques seraient tenues, dans la loi des
normes du travail, de libérer sans solde les employés qui se
seraient fait élire au conseil d'administration des
établissements de santé ou de services sociaux. Une compensation
uniforme raisonnable, genre jetons, payée par le gouvernement, leur
serait cependant versée. Autrement, on risque de ne pas avoir un bon
échantillonnage de représentants du public qui sont susceptibles
d'apporter une expérience variée. On devrait aussi prêter
une attention toute particulière à la manière de diffuser
les avis de communication, afin qu'ils rejoignent le plus de monde possible et
surtout les femmes qui sont les consommatrices les plus importantes des
services de santé et des services sociaux. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre de
la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Comme le disait Mme Dolment
tantôt, ce n'est pas notre première expérience, puisque
dans le cas de la Loi sur la Régie de l'assurance automobile, en
particulier pour l'indemnisation des victimes d'accidents de la route, on avait
fait un travail assez exceptionnel, je pense, de collaboration. Ça avait
permis de mettre le bénéficiaire au service de... Je me souviens
encore de nos petites rencontres au bureau, n'en déplaise au
député de Mar-guerite-Bourgeoys, on avait bonifié
passablement la loi et certains dossiers.
Vous êtes fidèles à ce qu'on connaît du RAI F.
Vous abordez les problèmes tels qu'ils sont directement. Il y a un point
sur lequel on est d'accord, où c'est clair: le ticket modérateur,
il faut le mettre de côté, compte tenu des impacts. Ce que je
trouve intéressant, c'est que vous proposez des alternatives. Notre
système, effectivement, est malade. Vous proposez des alternatives et
vous allez avec la gratuité des médicaments aux personnes
âgées. C'est un dossier qui n'est pas facile. Évidemment,
en 1990-1991, ce sera à peu près 450 000 000 $ de paiement en
médicaments pour les gens qui sont des prestataires d'aide sociale et
des personnes âgées, à peu près 300 000 000 $ pour
les personnes âgées, ce qui signifie quand même passablement
d'argent. On est dans un cercle vicieux. Ce que |'ai compris, c'est que vous ne
pouvez pas avoir de médicaments si vous n'avez pas une prescription,
règle générale. Vous faites la chaîne.
Évidemment, il y a le médecin qui est impliqué, il y a le
pharmacien et il y a le consommateur aussi. Est-ce qu'il n'y a pas un danger?
Est-ce que vous ne craignez pas, demain matin, si on arrivait avec des mesures
à ce niveau-là, qu'on puisse priver des personnes qui ont besoin
de médicaments?
Mme Ouellet: Le plafond qu'on suggère pour la
gratuité des médicaments aux personnes âgées... Il y
a quand même un seuil minimal. Ce n'est pas toutes les personnes
âgées qui se retrouveraient mal prises avec leur facture de
médicaments. Quand on parle d'un revenu net de 25 000 $ pour une
personne âgée, je pense que c'est quand même amplement
suffisant, surtout que ces revenus ne sont pas des emplois...
M. Côté (Charlesbourg): C'est juste pour tenter
de... Je comprends très bien là, 25 000 $, on peut dire que c'est
50 000 $ de revenus annuels ou à peu près, 45 000 $. Donc,
ceux-là on dit: Vous payez. Ceux qui sont en bas, il y a 50 % plus ceux
qui ont uniquement une sécurité de vieillesse, à ce
moment-là, on paie. Mais ça ne règle pas le
problème de consommation abusive de médicaments; ce n'est pas
parce que ça coûte de l'argent, mais parce que c'est
néfaste à la santé.
Mme Ouellet: Déjà quand même, ça va
enlever les personnes qui y vont parce que c'est gratuit. C'est certain qu'il y
a une indication à faire autant dans les facultés de
médecine que chez les médecins qui sont déjà
reçus de ne pas prescrire... Parce qu'on a souligné le cas - on
l'a vu, ce n'est pas pris en l'air ça - de certains médecins qui
font le tour des personnes âgées et puis qui vont donner des
prescriptions et même si la personne va payer, peut-être qu'elle va
le prendre le médicament. Alors, c'est sûr qu'on ne règle
pas tous les problèmes mais déjà... Il y a des pharmaciens
qui nous ont dit: Écoutez, madame, oui, c'est un scandale la question
des médicaments gratuits et l'un a dit: Moi, par exemple, si je demande
0,50 $ pour payer pour leurs médicaments sur prescription, logiquement
on suppose qu'ils en ont besoin puisqu'ils ont une prescription, mais si on
leur demande de payer 0,50 $ de plus pour certaines catégories, ils
refusent. Ils ne le prennent pas. Alors, il y a certainement un abus. Ils n'ont
pas besoin d'autant de médicaments que ça. Il dit, même les
pharmaciens trouvent que c'est un scandale. Vous savez qu'au Nouveau-Brunswick
- on n'a pas voulu le mettre ici - ils ont une espèce de ticket
modérateur. Il y a un papier qu'ils essaient depuis une couple
d'années. On n'a pas voulu, nous, prendre ça mais je pense que,
en limitant la gratuité, on va déjà en enlever plusieurs
et puis en éduquant aussi Et faire un contrôle des médecins
qui prescrivent beaucoup
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, dans
d'autres provinces, c'est 125 $ ou 126 $ de base. Les premiers 126 $ sont
payés par le bénéficiaire, le reste est assumé par
l'État. Mais évidemment, vous abordez le problème et il y
a véritablement un problème là très important. Ce
n'est pas encore une fois tant l'abus sur le plan financier que l'abus de la
santé au niveau de la médication qui est extrêmement
important. Et ça, je pense qu'il faut trouver des moyens pour en arriver
là. Évidemment, encore une fois, personne
ne peut avoir un médicament s'il n'a pas une prescription. Alors,
il y a aussi d'autres moyens qu'on peut examiner mais je vois dans quel sens
ça va. C'est davantage pour la santé de l'individu.
Vous évoquez aussi en termes de mesure: carte-soleil avec photo
et le relevé. Finalement, tout ce que ça comporte comme
mécanisme où vous recommandez que l'individu va chez le
médecin, même dans un hôpital, signe avant de sortir et
qu'il prenne conscience des coûts. Et, évidemment, quand vous
faites ça, vous avez l'impression que ça pourrait peut-être
freiner l'utilisation et que ça ferait prendre conscience du coût
du système à chacun des individus. Là, ce que vous
évoquez, c'est d'expédier à chaque
bénéficiaire, chaque année, le total de ce qui a
été encouru.
L'impôt à rebours, puisqu'on parle de financement, qui a
été proposé par le Conseil du patronat, est-ce que
ça vous dit quelque chose?
Mme Dolment: Oui. On avait lu quelque chose dans le journal
à propos de cet impôt à rebours. C'était plus
intéressant que le ticket modérateur, mais je pense qu'on devrait
essayer d'autres méthodes avant d'avoir l'impôt à rebours.
Ça peut être aussi qu'une personne va être
pénalisée parce qu'elle est malade. C'est vrai qu'elle a
peut-être des revenus, parce que les gens riches vont payer plus, mais,
déjà, ils paient plus via l'impôt sur le revenu parce que
c'est intégré maintenant. Je pense qu'on devrait commencer
par...
C'est une méthode certainement plus intéressante que le
ticket modérateur, plus juste socialement, mais je pense qu'il y aurait
moyen de couper beaucoup les coûts par les méthodes que nous
suggérons. La carte-soleil avec l'identification, tout le monde en
entend parler des horreurs là-dessus. Écoutez, avec Master Card
ou Visa, on signe et on reçoit un bilan chaque mois. Alors qu'ils ne
viennent pas... Surtout avec l'informatique, ça ne coûte pas si
cher envoyer un bilan par année, et ça fait réaliser.
C'est éducatif. (18 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Vous abordez, et je pense
que vous vous êtes peut-être le seul groupe, à ma
connaissance, qui ait abordé un dossier très brûlant et
dont pas tout le monde veut parler, l'euthanasie. Ça prend du courage
pour l'aborder de la manière dont vous l'abordez sur la place publique.
Évidemment, en tout cas si ma mémoire est bonne, il n'y a pas
d'autres mémoires qui l'abordent. Vous êtes les seuls et vous
l'abordez en fonction de la dignité de la personne et, finalement aussi,
des coûts Inhérents au maintien presque artificiel de personnes.
Le risque, la proposition, c'est qu'à partir du moment où
quelqu'un a effectivement signé, dans son testament ou sur un permis de
conduire, la volonté que vous avez exprimée et qui se
retrouverait dans une situation où son état s'améliore ou
avec une possibilité que l'état s'améliore, il y a un
problème de gestion assez important de ce
phénomène-là et je pense qu'il faut être
extrêmement prudent lorsqu'on progresse dans ces solutions-là.
Mais, quelles sont les raisons? Des raisons financières? Je pense qu'on
ne peut pas parier de ce problème-là avec une question
financière. Mais ça doit être davantage la question de la
dignité de la personne qui vous a fait aborder un dossier comme
celui-là.
Le Président (M. Joly): Excusez-moi. Un instant s'il vous
plaît. Je vais demander aux membres de cette commission si on a le
consentement de pouvoir continuer de déborder quelques minutes.
Mme Blackburn: Consentement. Le Président (M. Joly):
Oui? Merci.
Mme Ouellet: Je pense qu'il ne faut pas avoir peur de parier des
deux aspects. Les deux ont un impact important pour notre société
et les deux sont intimement liés aussi. Ces coûts-là pour
maintenir les gens en vie sont extrêmement dispendieux et mobilisent du
personnel et, parce qu'ils sont mobilisés là, il y a des soins
pour d'autres personnes qui sont négligés un peu, je dirais. Il
faut distinguer, comme on l'a fait avec l'euthanasie active où le
patient aurait, s'il est capable, des périodes de rencontre qui
s'échelonnent sur un an. À ce moment-là, il y a toujours
possibilité de revenir sur la décision d'un testament biologique.
Ce n'est peut-être pas toujours le temps d'appliquer la solution finale.
Par contre, j'imagine que, quand il y a un espoir du côté des gens
qui sont comateux ou qui n'ont plus leur mot à dire, les médecins
sont assez raisonnables pour décider d'attendre une certaine
période de temps avant de condamner ces gens-là.
Mme Dolment: J'aimerais peut-être souligner que Chantale
fait des recherches sur le cancer dans un milieu hospitalier. Donc, elle est
quand même un peu au courant.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Évidemment, on
pourrait parler du bénéficiaire, des conseils d'administration,
unifiés ou pas, mais de la représentation et je pense que
ça a été abordé jusqu'à maintenant d'une
manière assez importante. Il y a des éléments dans votre
présentation qui recoupent ceux d'autres mémoires. Ça me
paraît important, mais on en rediscutera éventuellement dans
d'autres circonstances. Au moins, on aura pris des décisions. J'ai des
problèmes de temps, je m'en excuse, mais je prendrai soin du
mémoire de la même manière que j'avais pris soin de
l'autre. Au besoin, je recommuniquerai avec vous. Je m'excuse, je suis
absolument obligé de quitter pour aller régler
certains petits problèmes au niveau du ministère. Il
semble qu'il y ait des problèmes dans les urgences. Alors, merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de Chicoutimi, Mme
Blackburn, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, j'aurais le goût de commencer là où a
terminé le ministre en parlant de toute la question de l'euthanasie. Je
dois vous dire - pourtant, on doit être de générations
assez rapprochées - que chaque fois que l'on propos» l'euthanasie
en raison des coûts reliés au fait de maintenir des personnes en
vie, j'ai des problèmes parce qu'on devrait dire la même chose de
l'enfant handicapé, de la personne lourdement handicapée. Je dois
vous dire que, chaque fois, là-dessus, je me sentirais plutôt mal
à l'aise si, demain, on disait: On pratique l'euthanasie parce que
ça coûte trop cher de les maintenir en vie. J'aurais un
problème. Par ailleurs, l'euthanasie... Je me permets juste de vous
rappeler un fait que nous avons vécu dans la famille. Une nièce,
à la suite d'un accident, était
décérébrée. Elle a passé tous les examens
à Chicoutimi. On l'a envoyée à l'hôpital à
Québec et ils l'ont retournée. Ils ont dit: C'est fini, elle est
décérébrée, elle va être légume toute
sa vie. Alors, son mari a dit: Écoutez, débranchez-la, parce que,
de toute façon, je pense que c'est ce qu'elle souhaiterait. Sauf que,
depuis, elle est retournée, elle est guérie et elle conduit sa
voiture. Elle est restée agressive à cause du traumatisme
crânien mais, à part ça, elle est retournée à
l'université. Alors, c'est toujours très, très,
très difficile et on n'aurait jamais su, si on l'avait piquée,
qu'elle était capable de guérir. Excusez-moi de dire ça
aussi brutalement. Dans ce sens-là, j'ai toujours des réserves
quand on aborde ce genre de questions. C'est peut-être à cause de
cette expérience, c'est certainement à cause de cette
expérience.
Dans votre mémoire, vous parlez des recommandations
ingénieuses de l'Association des hôpitaux. Je dois vous dire que
je ne partage pas cet avis. La réflexion que je me faisais, même
si ça peut paraître alléchant l'idée de payer pour
les coûts, l'équivalent des coûts d'hôtellerie et de
nourriture lorsque vous êtes à l'hôpital, je pense à
beaucoup des gens qui sont hospitalisés, qui le sont à 60 ou 65
ans pour la première fois, alors qu'ils ont payé pour le
système toute leur vie. C'était une des recommandations de
l'Association des hôpitaux, des frais d'hôtellerie. Oui. Je pense
bien avoir lu...
Une voix: Pas nous, l'Association des hôpitaux, pas
nous.
Mme Dolmerrt: Le RAI F n'a pas recommandé ça.
Mme Blackburn: Non, non, mais vous dites que vous trouvez cette
recommandation ingénieuse. Je vous disais que je ne partageais pas cet
avis. Je vois ça dans votre mémoire.
Mme Dolmerrt: Ah oui! c'était dans le premier
mémoire, pas dans ce qu'on a lu, mais dans le mémoire où
on disait qu'on ne voulait pas être trop critiques, disons que,
bon....
Mme Blackburn: Vous dites: Les solutions suggérées
par l'Association sont ingénieuses. Alors je voulais juste vous dire que
je n'étais pas tout à fait...
Mme Dolmerrt: C'était, c'est-à-dire, c'était
ingénieux, mais ça ne voulait pas dire qu'on l'approuvait
nécessairement; c'était in-gé-nieux, mais ça veut
pas dire qu'on approuve. Ça peut être rusé,
Ingénieux, mais pas...
Mme Blackburn: Bien. Ingénieux dans le sens
machiavélique, ça devait être ça
Mme Dolment: Oui, c'est peut-être ça.
Mme Blackburn: Par rapport aux médicaments, je vais
m'arrêter à deux ou trois questions. Par rapport à celle
des médicaments où vous recommandez que les personnes
âgées paient leurs médicaments. Cette approche de faire
porter le fardeau sur les bénéficiaires plutôt que de
questionner le système, c'est comme une mode. Et là, je me
permets de citer des exemples. Vous dites: Les personnes âgées
consomment trop. Par contre, à partir de 25 000 $, faisons-leur payer
leurs médicaments. Comme s'Us étaient responsables du fait qu'ils
aient des prescriptions. On dit la même chose lorsqu'on dit: À
l'assistance sociale, il y a des abus. Faisons payer les assistés
sociaux plutôt que de se demander pourquoi on ne crée pas
d'emplois. On dit: Les frais de scolarité, on manque d'argent dans les
universités, c'est à cause des étudiants.
Autrement dit, on dirait qu'on a inversé notre processus de
réflexion touchant la solution des problèmes en les faisant
porter sur les bénéficiaires et non plus sur le système.
Et ça, je dois dire que cette approche-la... Pas parce que je ne trouve
pas intéressante l'idée de dire qu'on devrait donner la
gratuité aux enfants de moins de douze ans, je trouve que l'idée
est intéressante, mais tous ceux qui ont plus de 65 ans ont payé
le système toute leur vie et la très grande majorité
d'entre eux ont peu consommé. Ils commencent à consommer en
vieillissant, c'est normal. Comme l'enfant commence à consommer des
services éducatifs à l'âge de six ans, commencer à
consommer des services de santé après 65 ans, alors que vous avez
payé toute votre vie.
Et l'abus est majoritairement dû au fait que les médecins
donnent facilement des prescriptions pour des médicaments. Ça
prend moins de temps pour rédiger une prescription que de se demander
qu'est-ce qui ne va pas avec la personne. Il faudrait peut-être la garder
quinze minutes de plus, parce qu'en plus, des fols, ça va un peu plus
lentement, ça cogite moins rapidement quand vous êtes plus
âgé. Alors, le problème, c'est qu'ils ne sont
peut-être pas assez longtemps à l'hôpital.
Votre solution, à mon avis... Là, vous arrivez avec une
série de solutions touchant les abus qui peuvent être commis par
le système, par les cartes d'assurance-maladie, par les médecins
eux-mêmes pour qui c'est plus facile de rédiger une prescription
que de passer un peu plus de temps avec le malade. Moi, ça
m'inquiète un peu cette approche où on inverse notre processus de
solution en allant du côté des bénéficiaires et en
leur faisant porter la responsabilité, du chômage, du
sous-financement, de sa maladie.
Mme Ouellet: Justement, en fait, vous dites qu'on fait aussi
allusion aux abus du système. Les bénéficiaires font
partie du système au même titre que les autres
éléments. Si certains d'entre eux ont des avantages indus
étant donné les circonstances financières dans lesquelles
on évolue, je pense qu'il ne faut pas se gêner pour les leur
enlever.
Mme Dolment: Surtout qu'on est dans une période de
récession. Alors, on ne peut pas tout donner. Ce serait bien beau. On
pourrait beaucoup plus le donner aux mères de famille. Pourquoi les
médicaments pour les mères de famille, alors qu'elles sont
enceintes, elles sont obligées de payer pour leurs médicaments?
Alors, s'il y a des gens qui n'ont pas de revenus, nous sommes
entièrement d'accord, et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a mis une
espèce de gradation. Comme on dit: le revenu net, ça monte
jusqu'à 50 000 $. Alors, je pense que ces gens-là devraient payer
et, deuxièmement, je pense que ça va aussi les aider et
peut-être que ça va faire redescendre la courbe de consommation
des médicaments.
Mme Blackburn: Mais, est-ce que la meilleure façon, la
plus efficace de faire descendre cette courbe de médicaments...
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, madame, c'est
très intéressant, mais ii faut quand même revenir pour 20
heures. Je vais vous permettre de formuler votre question; par après, je
vais reconnaître la députée de Marie-Victorin, et conclure
par après, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: Le Québec a le championnat de la
consommation des médicaments. Oui, oui, c'est prouvé.
Mme Ouellet: Ce n'est pas la gratuité des
médicaments aux personnes âgées qui va améliorer
ça.
Mme Blackburn: En France, les médicaments sont gratuits au
même titre que les examens médicaux. Il n'y a pas de
surconsommation. En tout cas, pas comparé à la nôtre. Ils
consomment moins. Alors, ce n'est pas une question de gratuité, c'est
une question d'éducation.
Mme Dolment: II faut tenir compte du contexte, quand même,
et le contexte, au Québec, c'est que si c'est gratuit les gens vont
consommer. C'est un autre contexte et il faut tenir compte du contexte. On
n'est pas en France, on est au Québec.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Je vais
reconnaître la députée de Marie-Victorin, brièvement
s'il vous plaît.
Mme Vermette: Oui. Alors, Mme Dolment, juste pour une petite
précision au niveau de la consommation de médicaments chez les
personnes âgées; 72 % des personnes âgées consomment
des médicaments et la majeure partie des médicaments qu'elles
consomment, ce sont des psychotropes, autrement dit des tranquillisants. En
fait, il est démontré que plus on est pauvre, plus on consomme de
psychotropes, en fait des tranquillisants, plus particulièrement chez
les femmes. Et ça n'a rien à voir avec l'état de
santé causé par un malaise physiologique de la personne, mais
bien plus, en fait, parce qu'on ne veut pas donner du temps aux gens et,
finalement, on ne veut pas voir les véritables problèmes
là où ils sont posés.
Maintenant, vous avez parlé un petit peu d'un sujet, aussi,
toujours dans le domaine du secteur des drogues. Vous avez apporté une
nouvelle dimension, en fait, en disant: Au niveau des urgences, justement, vu
que ce problème-là existe maintenant, il faudrait peut-être
trouver des moyens de donner un meilleur service que celui qu'on donne à
l'heure actuelle, notamment au niveau des jeunes parce que, justement, les gens
ne savent pas comment faire face à cette problématique-là.
Il faudrait peut-être équiper davantage nos urgences et avoir des
intervenants plus qualifiés qu'ils ne le sont à l'heure actuelle.
Est-ce que c'est ce que vous faites comme recommandation?
Mme Dolment: Mais il y a le lieu physique, aussi, qui est
très important. Ce n'est pas juste la prestation de services,
l'infirmier, l'infirmière ou le médecin. C'est qu'il y a beaucoup
de jeunes - je le sais pour avoir accompagné des gens - qui sont
complètement traumatisés en arrivant à la salle d'urgence,
parce qu'ils sont dans un état émotif - que ce soit la drogue,
que ce soit émotif ou que ce soit une dépression, peu
importe - et ça les panique. Ils aiment mieux ne pas aller se
faire soigner, puis il y en a qui se sont suicidés, comme ça,
plutôt que d'aller par l'urgence, parce que l'urgence est trop
rébarbative et elle est traumatisante. Alors, qu'est-ce que c'est? Vu
qu'on fait une chambre de naissance pour les enfants, pourquoi est-ce qu'on ne
ferait pas un petit local qui serait simplement accueillant? Au lieu de les
étendre sur une civière, dans une espèce de local
absolument épouvantable, pourquoi ne pas avoir une petite chambre qui
ressemblerait à une chambre à la maison? Ça ne
coûterait pas plus cher d'avoir des rideaux, quelque chose. Ça
ferait le pas, l'espèce de seuil pour pénétrer dans
l'hôpital. Ils accepteraient les soins, après. Souvent, ils
veulent les soins, mais ils ne veulent pas attendre trois heures dans l'urgence
où tout le monde les regarde avec des yeux gros comme ça.
Mme Vermette: Mme Dolment, je veux vous remercier parce que,
habituellement, je trouve que vous faites toujours choc avec vos
présentations. Cette fois-ci, vous avez encore apporté des
éléments assez intéressants, d'autant plus que vous avez
soulevé l'épineux problème de l'euthanasie chez les
personnes âgées. En fait, ça reste des grands débats
et de nouvelles orientations sont à prendre sûrement quant
à cet avenir-là. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci. Alors, je vais à mon
tour, au nom de la commission, remercier les gens du Réseau d'action et
d'information pour les femmes et vous souhaiter bon retour. Merci beaucoup et
bon mémoire! Merci. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20
heures. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 14)
(Reprise à 20 h 4)
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons maintenant reprendre nos travaux.
Nous avons le plaisir de recevoir les comités de
bénéficiaires des établissements à vocation
psychiatrique qui, déjà, ont pris place. J'apprécie leur
coopération. Je demanderais à M. Landry, qui est le porte-parole,
de bien vouloir identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Comités de bénéficiaires des
établissements à vocation psychiatrique
M. Landry (Lucien): Merci, M. le Président. Je voudrais,
en premier lieu, vous souligner que vous avez devant vous la coalition des
comités de bénéficiaires à vocation psychiatrique.
Je tiens à vous faire part aussi que nous avons avec nous
différents comités de bénéficiaires des
établisse- ments. En l'occurrence, je vais commencer par M. André
Perrault, qui est le président du comité de
bénéficiaires de l'hôpital Robert-Giffard,
accompagné de M. Mario Lortie, de l'hôpital Robert-Giffard. J'ai
aussi Mme Diane Huard, présidente du comité de
bénéficiaires de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine. J'ai Mme
Grace Caslaw de l'hôpital Douglas. Mme - je n'ai pas son nom
indiqué...
Une voix: Françoise Laurin.
M. Landry: Françoise Laurin, de l'hôpital
Rivière-des-Prairies, vice-présidente du comité des
bénéficiaires. Et je suis accompagné de personnes
extraordinaires, M. le Président, de la Faculté de droit et de
l'école du Barreau du Québec, en l'occurrence, Mmes Anne-Marie
Bélanger et Diane Fournier, qui sont étudiantes en droit et qui
ont collaboré à la rédaction du mémoire.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Landry, de la
présentation. Je vois qu'il y a des gens qui vous accompagnent qui sont
déjà connus des membres de cette commission. Alors, on vous
souhaite officiellement la bienvenue.
Vous connaissez nécessairement la procédure et les
règles, à savoir qu'on vous accorde une vingtaine de minutes pour
présenter votre mémoire et, après, eh bien, les membres de
cette commission, autant le côté ministériel que le
côté de l'Opposition, se réservent le privilège et
le plaisir de vous questionner selon les points d'intérêt que vous
soulignerez.
Allez, M. Landry. Merci.
M. Landry: Merci, M. le Président. Nous avons
préparé toute notre démarche dans le but de faire la
présentation et de privilégier davantage le fait de converser, de
répondre aux questions et d'échanger avec les législateurs
sur les différents dossiers qu'on aura à vous présenter.
Il va de soi que nous n'avons pas voulu répéter de long en large
toute la présentation du mémoire.
Comme vous l'avez constaté, les différents comités
de bénéficiaires à vocation psychiatrique n'ont pas voulu
faire de présentation de façon très claire,
élaborer sur les orientations, élaborer aussi sur l'organisation,
parce que c'est déjà connu, le fonctionnement, mais bien plus
vous faire connaître les besoins en matière juridique, au niveau
de la loi, de ce que sont les formations de comités de
bénéficiaires et aussi en ce qui a trait aux droits des
bénéficiaires.
Alors, je vais commencer par la présentation. Les comités
de bénéficiaires des établissements à vocation
psychiatrique s'associent au ministère de la Santé et des
Services sociaux afin d'améliorer la qualité de vie de tous les
bénéficiaires. En effet, ces comités de
bénéficiaires, oeuvrant dans le réseau de la santé
et
des services sociaux, désirent unir leurs efforts à ceux
du ministre, Marc-Yvan Côté, dans le but de s'assurer que les
objectifs visés par la loi de la santé et des services sociaux
soient atteints et qu'aussi les besoins dispensés dans les
hôpitaux du Québec soient meilleurs et mieux adaptés
à la réalité psychiatrique.
C'est dans ce but de coopération avec le ministère que les
comités de bénéficiaires ont rédigé un
mémoire sur l'avant-projet de loi de la santé et des services
sociaux. Ce mémoire se veut non pas une critique du texte de loi
présenté par le ministère a l'automne 1989, mais
plutôt une démarche à travers laquelle les comités
de bénéficiaires espèrent travailler en équipe avec
le ministère afin que le fonctionnement du réseau de la
santé au Québec soit en harmonie avec les droits et les
intérêts des bénéficiaires.
Le mémoire présenté à la commission
parlementaire est divisé en deux parties, la première partie
portant sur les articles de l'avant-projet de loi de la santé et des
services sociaux qui touchent de façon plus particulière les
comités de bénéficiaires et la deuxième partie qui
vise à améliorer la qualité de vie des
bénéficiaires qui sont dans les hôpitaux à vocation
psychiatrique.
En effet, les comités de bénéficiaires, afin de
mieux accomplir les fonctions qui leur sont attribuées par la loi de la
santé, et ce, pour le mieux-être de tous les
bénéficiaires d'hôpitaux psychiatriques, veulent
bénéficier d'une plus grande autonomie. Pour ce, ils aimeraient
que soient consolidés dans le texte de loi le rôle, les devoirs et
les pouvoirs des comités de bénéficiaires.
Afin d'acquérir plus d'autonomie, les comités de
bénéficiaires désirent obtenir un financement
adéquat, c'est-à-dire un financement dont toutes les
modalités de gestion seront négociées par les
comités de bénéficiaires et selon les besoins des
comités. Il est important que la loi reconnaisse aux comités de
bénéficiaires un droit de regard sur le budget qui leur est
confié par le ministère afin qu'ils puissent assurer la
défense des droits et des intérêts des
bénéficiaires.
En plus, les comités de bénéficiaires
désirent que les membres pouvant faire partie des comités, ce
soit laissé à leur discrétion sous réserve d'un
minimum imposé par la loi. Une telle discrétion s'impose afin que
chaque comité de bénéficiaires s'adapte à la
réalité dans un établissement en particulier. Les
comités de bénéficiaires demandent également que la
loi sur la santé et les services sociaux accorde le pouvoir
unilatéral de fixer la durée du mandat des membres du
comité de bénéficiaires.
Il convient de souligner l'importance pour les comités de
bénéficiaires d'être représentés dans les
divers conseils d'administration prévus par la loi dont celui des
instituts universitaires, des régies régionales et des
collèges électoraux. La présence des membres du
comité de bénéficiaires au sein des conseils
d'administration est essentielle afin que soit entendue la voix des plus
démunis et que, de ce fait, soient vraiment réalisés les
objectifs visés par le ministère de la Santé et des
Services sociaux, soit la promotion et le respect de tous les
bénéficiaires.
Finalement, une autre recommandation faite par les comités de
bénéficiaires d'hôpitaux à vocation psychiatrique
dans le but de favoriser leur autonomie est que la loi reconnaisse à ces
comités la possibilité de s'incorporer en vertu de la partie III
de la Loi sur les compagnies. Un tel ajout à la loi permettrait, entre
autres, aux comités de bénéficiaires d'ester en justice
lorsqu'une situation l'exige. À cet effet, des recommandations portent
spécifiquement sur les droits des bénéficiaires de soins
psychiatriques et à des soins de services adéquats. Nous
demandons que le plan d'intervention prévu aux articles 8 et 9 soit
axé sur la participation du bénéficiaire en lui permettant
d'avoir son mot à dire et en lui donnant son droit de refus sans
pénalité.
Nous nous penchons sur le problème de la relation
patient-médecin. Le droit de refus du médecin devrait être
assorti de conditions d'exercice limitant l'usage de celui-ci à des fins
autres qu'administratives. Nous nous questionnons sur le pouvoir de discipline
sur l'art médical. Nous savons que, sur ce dernier point, la
procédure actuelle est très secrète et que le pouvoir de
discipline repose entre les mains de pairs qui n'ont pas à justifier
leurs décisions.
Un autre point important abordé par les comités de
bénéficiaires est la question du comité consultatif
à la direction générale. Ce comité devra avoir un
rôle à jouer au niveau de la qualité des soins et des
services et de la qualité des conditions de séjour pour les
bénéficiaires. Nous demandons donc qu'un représentant des
bénéficiaires siège à ce comité afin d'aider
celui-ci à rencontrer les objectifs présentés.
En somme, c'est dans un but de coopération et d'accompagnement
que les comités de bénéficiaires des quatre plus
importants établissements à vocation psychiatrique ont
présenté ces recommandations au ministère de la
Santé .et des Services sociaux. Ils espèrent ainsi que les
deniers publics soient bien dépensés pour le bien-être de
tous les bénéficiaires de santé et de services
sociaux.
Alors, M. le Président, je voudrais souligner aussi que nous
apportons une attention particulière à la présentation de
notre mémoire et souligner que nous parlons aussi au nom des
bénéficiaires qui ne sont pas aptes à parler et qui, en
grande partie, dans les établissements à vocation psychiatrique,
sont sous la responsabilité de la curatelle publique. Alors, M. le
Président, c'est important de vous souligner ça parce que nous
sommes leurs porte-parole. Je
voudrais inviter M. André Perrault qui va faire aussi une
présentation. (20 h 15)
M. Perrault (André): Merci. Un des problèmes contre
lesquels se battent les usagers, c'est la possibilité de choisir le
professionnel ou l'établissement duquel ils désirent recevoir des
services. Bien que la loi reconnaisse à l'usager le droit de choisir son
médecin ou son établissement, elle reconnaît
également le droit du médecin de refuser un client. La situation
est telle qu'il est pratiquement impossible pour une personne qui reçoit
des services en santé mentale de changer de médecin ou
d'établissement. La liberté de choix du médecin prime
toujours celle des usagers. Par exemple, on sait que, dans la région
métropolitaine de Montréal, le CRSSS a limité
considérablement l'exercice de ce droit en adoptant une politique de
sectorisation. Même à Québec où il n'existe aucune
politique officielle de sectorisation, il existe une entente tacite entre les
médecins et les établissements, à savoir que ceux-ci ne
s'échangent pas des patients entre eux.
Les difficultés au niveau de l'application de cette disposition
sont dues à la façon dont cet article est libellé. C'est
pourquoi nous recommandons donc que l'on modifie l'article 14 de l'avant-projet
de loi pour que le droit de choisir son établissement ou son
professionnel soit applicable et qu'on énumère les raisons pour
lesquelles un établissement ou un médecin peut refuser un
client.
Par ailleurs, il nous paraît important de questionner la
façon dont les règles relatives au consentement sont
appliquées dans le milieu psychiatrique. Nous souhaitons que la question
du consentement apparaisse plus clairement dans les articles qui portent sur
les plans de soins et sur les plans de services individualises.
Le bénéficiaire doit non seulement collaborer, mais aussi
consentir à son plan d'intervention ou de services. Il doit aussi
être consulté. Souvent, le bénéficiaire doit
consentir en bloc au plan qui lui est proposé. Nous recommandons donc
qu'on ajoute une disposition dans l'avant-projet de loi qui préciserait
qu'un usager peut consentir en tout ou en partie à son plan
d'intervention ou de services. Si jamais il refusait, il serait important qu'on
lui suggère une autre alternative à son plan d'intervention.
Nous demandons également qu'un délai minimum de 90 jours
soit fixé pour la révision du plan de services individualise ou
du plan d'intervention. Enfin, nous croyons que le plan de services qui devrait
recevoir le consentement du bénéficiaire devrait également
être suivi d'une obligation pour l'établissement. Nous
recommandons qu'on ajoute une disposition dans l'avant-projet de loi qui
préciserait qu'un usager peut consentir en tout ou en partie à
son plan d'intervention ou de services.
Nous désirons enfin souligner que l'avant- projet de loi est
vague sur la définition d'une personne qui peut représenter un
bénéficiaire. Selon l'article 23, paragraphe 3°, de
l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux,
est considérée comme représentant d'un
bénéficiaire toute personne désignée par un
bénéficiaire majeur dont l'état de santé ne lui
permet pas d'accomplir certaines fonctions prévues à la loi.
Cette définition nous parait très large et risque d'ouvrir les
portes à bien des abus. Nous croyons que les modalités
prévues à la nouvelle loi sur la curatelle publique sont beaucoup
plus claires à ce sujet et nous recommandons de les adapter à la
présente loi.
M. Landry: Je vais inviter Mme Caslaw à se
présenter.
Mme Caslaw (Grace): Mon nom est Grace Caslaw. Le comité
des bénéficiaires du centre hospitalier Douglas m'a nommée
afin de les représenter ce soir. C'est une première que les
hôpitaux psychiatriques se réunissent pour défendre les
droits et les intérêts des bénéficiaires.
M. Landry: Mme Laurin.
Mme Laurin (Françoise): Mon nom est
Françoise Laurin. Je suis vice-présidente du comité
de bénéficiaires de l'hôpital RMère-des-Prairies. Je
représente environ 600 bénéficiaires internes et 1200
bénéficiaires à l'externe. Les comités de
bénéficiaires collaborent étroitement avec les
dispensateurs de soins et de services de santé afin que la
qualité de ceux-ci soit meilleure. Nous désirons donc collaborer
avec les législateurs pour l'adoption de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux
M. Landry: Mme Diane Huard.
Mme Huard (Diane): Mon nom est Diane Huard. Je suis
présidente du comité de bénéficiaires de
l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je représente environ 2040
bénéficiaires internes et 5000 externes. Je suis ici ce soir pour
faire entendre la voix des plus démunis.
M. Landry: Mario.
M. Lortie (Mario): Maintenant, j'aimerais aborder la question des
recours. Concernant la régie régionale, on lui confère des
fonctions et des pouvoirs reliés à la planification et à
l'évaluation des programmes de santé et de services sociaux,
d'une part, et, d'autre part, la régie régionale assurera aussi
la protection des bénéficiaires. À notre avis, il est peu
compatible, voire même non crédible de confier à un
même organisme la gestion des services, son évaluation, en plus de
devoir traiter les plaintes occasionnées lors de la dispensation de ces
mêmes
services. Comment croire sérieusement à
l'efficacité de la régie régionale en matière de
traitement de plaintes lorsqu'on regarde un tant soit peu l'expérience
donnée par les CRSSS? Observons, d'ailleurs, que le mandat de la
régie régionale en regard du traitement des plaintes ressemble
étrangement à celui des CRSSS. Il suffit de remarquer à
quel point la régie régionale sera intimement liée aux
établissements, puisqu'elle devra planifier, coordonner, participer et
évaluer l'organisation des services, pour comprendre que les apparences
de conflit d'intérêts sont plus qu'apparentes, mais très
évidentes, lorsqu'elle aura à traiter une plainte.
Enfin, nous voyons difficilement la responsabilité de la
régie régionale en ce qui a trait à l'évaluation
des services. Selon nous, l'évaluation des services, de même que
le traitement des plaintes pourront être fortement compromis par la
préoccupation qu'aura la régie de préserver les bonnes
relations avec les établissements. Elle sera beaucoup trop
associée à la prestation des services pour avoir
véritablement une indépendance lors de son évaluation et
du traitement des plaintes des usagers. C'est pourquoi nous recommandons que
les fonctions reliées à l'évaluation des programmes et des
services et celles rattachées à la protection des droits des
usagers soient assumées par un organisme autre que la régie
régionale.
Concernant le rôle du CMDP en regard du traitement des plaintes,
dans l'avant-projet de loi, il est réaffirmé que le CMDP doit
constituer les comités déterminés par règlement.
Parmi ces comités, il existe le comité des plaintes dont
l'ancienne loi faisait état. Nous, des comités de
bénéficiaires, croyons que ce ne devrait pas être des pairs
qui jugent l'activité de ces professionnels. Le CMDP ne doit plus
s'occuper de filtrer les plaintes disciplinaires. Ceci devrait être
également le cas pour toute corporation professionnelle. Les conflits
d'intérêts sont indiscutables dans ces circonstances et, de ce
fait, cette situation est catégoriquement inacceptable et ne doit plus
être tolérée. La commission Rochon a reconnu cette
nécessité sachant, cependant, que cette question relève du
ministère de l'Éducation et que des représentations
devraient lui être faites à ce sujet.
Par contre, le ministère de la Santé a une
responsabilité importante dans le processus qui doit engager cette
réforme. Il y a de quoi se poser des questions quand on remarque que les
dossiers et procès-verbaux des CMDP doivent rester confidentiels et
demeurent inaccessibles même en vertu de la loi sur l'accès
à l'information. Comment pouvons-nous comprendre cette situation? Cette
organisation a un rôle trop important à jouer dans le
réseau de la santé pour que restent obscures les décisions
qu'elle prend et les actions qu'elle pose. Il en va de même concernant le
statut des médecins. Ces derniers sont tellement indépendants de
tout que leur liberté d'action les rend pratiquement inatteignables. La
nouvelle loi est l'occasion de préciser le statut des médecins.
Nous proposons que le ministère trouve une définition
précise du rôle et du statut des médecins travaillant en
centre hospitalier. Ce statut privilégié actuel doit être
remis en question. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Lortie. Est-ce que vous
voulez ajouter quelque chose, M. Landry?
M. Landry: Oui, seulement à titre d'information, je
voudrais informer la commission que, depuis environ un an, les
différents comités de bénéficiaires travaillent
d'arrache-pied à la préparation de ce mémoire. Il va sans
dire que nous avons eu aussi une rencontre, au mois de mai, avec l'un des
principaux responsables du dossier d'orientation, M. Paul Lamarche, qui est le
sous-ministre et qui nous a rencontrés d'une façon très
claire, très constructive. Alors, je tiens quand même à le
souligner devant cette commission, les comités de
bénéficiaires ont préparé et vu venir cette
nouvelle loi.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Landry. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, merci, M. le
Président. Je veux d'abord dire à M. Landry, ainsi qu'aux gens
qui l'accompagnent que c'est un mémoire qui est assez volumineux, mais
aussi impressionnant parce qu'à l'occasion ça peut être
épais, mais il peut ne pas y avoir grand-chose dedans. Ça
paraît que ça a été fouillé et que vous avez
fait beaucoup d'efforts, et c'est tout à votre honneur, je pense, quant
au travail qui a été fait et aux résultats aussi.
Évidemment, en quinze ou vingt minutes, on n'aurait pas le temps de
passer à travers, mais je veux vous assurer que les gens, chez nous, qui
en ont déjà fait une analyse sont très
impressionnés par ce qu'il y a à l'intérieur du document
et que ça fera définitivement l'objet de nos
préoccupations dans les jours et dans les mois qui viennent, quant au
résultat final, à la commission. Je le dis, et je me
répète peut-être: C'est très très
impressionnant par rapport aux moyens que d'autres qui se présentent ici
ont. Il y a certainement des leçons à tirer de votre
expérience.
M. Landry: C'est du partenariat, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Ha, ha, ha!
M. Landry: Et je peux vous dire que nous y avons consacré
des heures et des nuits, M. le Président.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on y
voit une approche juridique et c'est très certainement dû
aux bons conseils des deux personnes qui sont à votre droite, qui ont
travaillé sur ce dossier.
On a reçu, il y a deux semaines, des comités de
bénéficiaires; on a reçu aussi des gens, qui
s'étaient regroupés comme ombudsman, venus témoigner ici
pour nous parler de leurs malheurs et de leur vision de ce qui fonctionnait et
de ce qui ne fonctionnait pas. Évidemment, tout le monde veut et
souhaite, de par la vision ou la position qu'il occupe, mettre le
bénéficiaire comme principale préoccupation, au centre de
nos préoccupations. L'ombudsman, à tout le moins ceux qui sont
venus nous ont dit: Notre préoccupation, c'est le
bénéficiaire. Là, on a le comité des
bénéficiaires qui nous dit: Effectivement, notre
préoccupation, c'est le bénéficiaire. J'aimerais vous
entendre sur la distinction que vous faites du rôle du comité de
bénéficiaires par rapport à l'ombudsman dans chacune des
institutions que vous représentez.
M. Landry: Je voudrais seulement donner un préambule, M.
le Président, mais je pense qu'il va de soi que, dans différents
établissements à vocation psychiatrique, il y a certains
ombuds-mans qui travaillent en étroite collaboration avec les
comités de bénéficiaires et qui, en somme, ont des liens
très étroits, je tiens quand même à le souligner.
Par contre, il y en a d'autres, M. le ministre, où il n'y a pas de
relations très claires entre les comités de
bénéficiaires et d'échanges. Nous, ce qu'on dit, à
cette position-là, c'est que nous assumons notre propre
responsabilité de l'accompagnement, de la promotion et de la
défense des droits. Et amener à l'intérieur les structures
d'un service d'ombudsman, c'est ce qu'on appelle de la duplication. Nous avons
dit: On prend notre responsabilité; on assume cette
responsabilité et nous participons en collaboration avec
l'établissement.
D'une façon très claire, j'ai même osé dire
chez nous, comme un exemple très clair, à Louis-H.-Lafontaine:
Prenez l'argent, prenez le poste de l'ombudsman, affectez-le auprès des
préposés aux bénéficiaires au niveau des soins, et
nous, nous assumons notre propre responsabilité en termes de
dispensation. Ça, c'est notre point de vue.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je comprends, M.
Landry, que vous nous dites qu'un bon comité de
bénéficiaires peut facilement jouer ce rôle et qu'il est
plus indépendant vis-à-vis de l'administration que l'ombudsman
pourrait l'être?
M. Landry: Je dirais, pour mon établissement, M. le
ministre, oui, mais je vais quand même, peut-être, laisser à
Giffard, qui ont aussi une expérience avec leur ombudsman,
Rivière-des-Prairies, un autre type d'expérience... Il y a une
dynamique différente dans différents établis- sements.
Mais, de l'expérience de chez nous, on en vient à la conclusion
de demander l'abolition du poste de l'ombudsman et d'affecter le budget... On
ne le demande pas pour le comité, leur budget. On dit: Dispensez-le
auprès des bénéficiaires au niveau des soins, ajoutez du
personnel au niveau des infirmiers ou des infirmières ou des
préposés avec la responsabilité et le support et le
financement du comité de bénéficiaires. Nous assumons
cette responsabilité. Ça, c'est notre position à Louis-H.
-Lafontaine.
Je vais quand même laisser M Perrault dire son point de vue
là-dessus et peut-être aussi Rivière-des-Prairies et
Douglas. (20 h 30)
Une voix: Et avoir le portrait.
M. Perrault: Je pense que, si je regarde notre position, nous, en
tant que comité de bénéficiaires de Robert-Giffard, je ne
pourrais pas dire que le rôle d'ombudsman est un rôle qui ne fait
pas une job. Pour moi, c'était pour que l'ombudsman relève
vraiment des comités de bénéficiaires, soit des
employés du comité de bénéficiaires, et qu'il
puisse être là aussi pour soutenir le comité de
bénéficiaires. Il ne faut pas se le cacher, je pense qu'il n'y a
pas beaucoup de comités de bénéficiaires dans la province
qui sont vraiment fonctionnels et autonomes, qui sont capables de
défendre vraiment, en plus de remplir leur rôle, le mandat qui
leur est confié.
Je pense que l'ombudsman peut être une façon de venir
renforcer les comités de bénéficiaires tout en
reconnaissant le rôle du comité de bénéficiaires.
L'ombudsman va devenir quelqu'un qui va l'aider à défendre les
droits des bénéficiaires, il va l'aider aussi à être
de plus en plus fonctionnel. C'est un peu, pour moi, la façon dont je
verrais les ombudsmans parce qu'il ne faut pas penser juste pour nos deux
établissements. Je pense qu'il y a beaucoup d'autres
établissements, d'autres comités de bénéficiaires
qui ont de la difficulté à fonctionner et je ne peux pas nier
leur rôle.
Le Président (M. Joly): Mme Laurin.
Mme Laurin: Moi, comme représentante du comité de
bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies,
notre expérience c'est que notre ombudsman, on y tient beaucoup. On a
une étroite collaboration avec elle. Ça fait trois ans que je
fais partie du comité de bénéficiaires et, depuis que
Jocelyne Charbonneau a été notre ombudsman hospitalier, Jocelyne
n'a jamais manqué un comité de bénéficiaires.
Maintenant, la moindre plainte, elle la rapporte au comité de
bénéficiaires, on a une étroite collaboration ensemble.
C'est une personne aussi de ressources, qui est disponible, près de
nous, près des bénéficiaires et des enfants qui ne parlent
pas encore. Elle est ià pour prendre leur défense, et
je pense que ce serait retourner en arrière que de penser perdre
notre ombudsman hospitalier. C'est ce que j'ai à dire.
M. Landry: M. Mario Lortie.
M. Lortie: Oui. Simplement qu'il ne faut pas voir la question des
ombudsmans et comités en termes de confrontation, qui peut avoir le
dessus sur l'autre. La question serait mal posée. Je pense que
l'ombudsman a son utilité, comme le comité de
bénéficiaires, bien entendu. Mais, à savoir s'il est
capable de jouer son rôle, c'est certain.
La seule chose qu'on peut déplorer, et c'est concernant le
duplicata, c'est quand un comité de bénéficiaires, comme
le nôtre, qui est capable d'assumer son rôle, c'est qu'on s'efforce
en haut, par exemple, au conseil d'administration, d'adopter un protocole de
traitement de plaintes qui, maintenant, nous prive d'exercer ce rôle.
Pourtant, on est capables, mais on nous met les bâtons dans les roues
pour dire: Vous ne ie ferez plus, on va adopter un protocole de traitement de
plaintes, et tout traitement de plaintes va passer par l'ombudsman. Là,
quelque part, il se trouve à y avoir un problème qui se pose.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'avais compris -
c'est pour ça que je pose la question pour y arriver, dans ie
mémoire - c'est que vous ne souhaitiez pas que le traitement des
plaintes soit confié au comité des bénéficiaires.
Est-ce que j'ai mai saisi?
M. Landry: Je pense que c'est très clair que de prime
abord, quand le comité des bénéficiaires a pour mission et
rôle principal la promotion, la défense des droits, je pense que
ça commence par l'accueil, l'écoute, recevoir le
bénéficiaire, écouter sa plainte, et par la suite
d'acheminer et de traiter la plainte. Quand un bon comité de
bénéficiaires fonctionne, M. le ministre, il fait sa bonne job de
traitement de plaintes et il collabore avec l'établissement. Je pense
que c'est important de souligner que l'attitude que les comités de
bénéficiaires ont, M. le Président, c'est d'approcher sur
une forme positive, de collaborer.
Je pense que vous avez été témoins, ce midi, lors
d'une présentation dans un dossier particulier, mais je pense que
c'était dans cet esprit et non pas dans le but d'avoir de l'affrontement
entre les ombudsmans et les comités de bénéficiaires.
M. Côté (Charlesbourg): Si on monte plus haut, parce
qu'il y a un personnage assez important, aussi, sur le plan administratif qui
s'appelle le D.G. Évidemment, si on a senti le besoin d'avoir des
expériences diverses, qui sont profitables dans le cas de
Rivière-des-Prairies, d'un ombudsman ou de comités de
bénéficiaires qui prennent la relève, c'est qu'il y a donc
des plaintes qui viennent, il y a donc des préoccupations du
bénéficiaire qui doivent être prises en compte. Comment se
fait la relation avec le D.G.? Elle se fait bien, elle ne se fait pas, parce
que ce que les ombudsmans sont venus nous dire, quand on les a entendus, qu'ils
voulaient être indépendants parce qu'ils se sentaient
dépendants. Étant payés par l'institution, ils
étaient dans une situation qu'eux trouvaient de dépendance
vis-à-vis l'institution, malgré le fait qu'on n'a pas eu de cas
spécifique d'intervention de la part de la direction pour entraver le
travail de l'ombudsman; ils se sentaient quand même un peu payés
par ceux qui avaient à dispenser les services. Ça les mettait
dans des situations pas très confortables.
Ça m'apparaît extrêmement important à ce
moment-là, s'il y a des ombudsmans, de les séparer du financier
de l'institution pour leur donner pleine autonomie et pleine action. Il en
serait de même, j'imagine, sur le plan du comité des
bénéficiaires parce que vous abordez la question du
financement.
M. Landry: C'est très clair, M. le Président, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, vous êtes
financés comment, les comités de bénéficiaires, au
moment où on se parle?
M. Landry: Au moment où on se parle, suite à la
politique en santé mentale, il y a une recommandation, une directive
à l'effet qu'on doit allouer, je pense, de 5000 $ pour les petits
comités jusqu'à concurrence de 75 000 $. Et on peut dire
qu'à partir de janvier 1989, la politique en santé mentale, le
ministère a fait parvenir certaines directives aux établissements
à l'effet qu'ils allouaient un budget identifié auprès du
comité des bénéficiaires, mais par contre je tiens
à souligner, M. le ministre, que nous nous sentons, d'une façon
très claire, au comité des bénéficiaires Louis-H.,
je ne sais pas, peut-être avec Giffard, Rivière-des-Prairies,
Douglas, une forme d'épée de Damoclès au-dessus de nos
têtes, que, si nous élaborons des dossiers qui sont très
délicats à l'égard de l'établissement, il va de soi
que nos budgets ne sont pas reconduits. À un tel point, une situation
flagrante, M. le ministre, je vais vous donner un geste concret. Avant les
fêtes, le comité des bénéficiaires avait
présenté un projet d'un guide des droits et des
responsabilités à l'égard du bénéficiaire,
à l'égard de l'établissement, et le guide des droits n'a
pas été retenu par la direction générale.
Parallèlement à ça, nous avons présenté un
projet d'un même montant, de l'ordre de 2800 $, pour une
récréathèque, l'achat de jouets et, en l'espace de cinq
minutes, on a approuvé le projet. Mais le guide des droits et des
responsabilités du bénéficiaire à l'égard de
l'établisse-
ment n'était pas approuvé. Il appartient à la
discrétion de la direction générale d'approuver chaque
montant que le comité doit dépenser parce qu'il fait partie du
budget global de rétablissement. Et la responsabilité
légale appartient à l'établissement, c'est-à-dire
à la direction, au conseil d'administration. Ils ont le devoir final. Ce
qu'on avait dit au bureau de M. Lamarche: Voulez-vous, s'il vous plaît,
donner des directives spécifiques à l'établissement afin
d'élaborer certaines balises d'autonomie, pour élaborer un
protocole d'entente entre les comités des bénéficiaires et
celui de la direction générale, pour être
entériné au conseil d'administration. Avec Giffard... Je vais
quand même laisser M. Perrault donner son expérience
là-dessus.
M. Perrault: Actuellement, face à la direction
générale, je peux dire une chose, nos relations sont bonnes.
Mais, un peu comme M. Landry a dit, dans le passé on a vécu
ça, nous autres aussi. On avait sorti un mémoire sur les
conditions de vie et on s'était fait couper notre budget à
zéro. On l'a vécu. Mais, actuellement, je peux dire une chose, au
niveau de notre protocole, il a été très bien
signé, nos relations sont bonnes, actuellement.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je ne
voudrais pas qu'on fasse le tour pour mettre des gens dans l'eau bouillante, si
on nous donnait des témoignages un peu plus percutants que d'autres. Ce
n'était pas l'objectif de ma question. L'objectif, c'est que, dans la
politique, il y avait effectivement des budgets dédiés aux
comités de bénéficiaires qui étaient à leur
autonomie à eux, pleine autonomie. Évidemment, s'il y a des
problèmes en cours de route, il y a des moyens de corriger un certain
nombre de choses. Ce que je comprends, ce que vous souhaiteriez, c'est avoir
parfaite autonomie et parfaite autonomie de gestion des sommes, et qui ne
transitent pas nécessairement par l'institution que vous
représentez.
M. Landry: je vais quand même à anne-marie, qui a
fait cela plus spécifiquement, l'article de loi qu'on devrait retrouver,
m. le ministre...
M. Côté (Charlesbourg): O.K.
Mme Bélanger (Anne-Marie): La politique en santé
mentale au Québec suggérait qu'il y ait des modalités de
gestion du budget qui soient élaborées entre le comité de
bénéficiaires et la direction de l'établissement. Ce qu'on
aimerait, c'est que cette idée-là soit reprise dans la loi et,
pour les modalités de gestion, qu'il y ait un processus de
négociation qui puisse être fixé d'avance, qu'on doive
suivre, par exemple, une entente conjointe; si on n'arrive pas à
s'entendre dans X temps, dans une période
prédéterminée, qu'il y ait un mécanisme d'arbitrage
qui soit établi en cas de mésentente et qu'il y ait une instance
indépendante qui puisse décider si, oui ou non, tel projet doit
être accepté, par exemple, ou telle dépense. Le
comité de bénéficiaires ne désire pas avoir une
indépendance totale, mais désirerait élaborer, de
façon conjointe avec la direction de l'établissement, le budget
ou les modalités de gestion de ce budget-là qui lui est
accordé.
M. Côté (Charlesbourg): Et, évidemment, qu'il
puisse y avoir un mécanisme d'arbitrage, dans la mesure où
ça achoppe. O.K., ça va.
Mme Bélanger: C'est ça.
M. Landry: II va de soi, M. le ministre, qu'actuellement... Nous
nous sommes parlé, entre les comités de
bénéficiaires. On sait que, prochainement, nous serons à
l'étude, à la préparation des budgets, à la
planification des budgets à l'intérieur des différents
établissements. Avec mon collègue, Charles Rice, qui travaille
aussi au comité de bénéficiaires de Giffard, on disait
qu'il fallait, entre les comités de bénéficiaires,
élaborer un projet de protocole collectif pour qu'on puisse, chacun
respectivement dans nos établissements, proposer à la direction
générale une procédure de fonctionnement,
d'élaboration de protocole d'entente. En collaboration avec les
étudiants de la Faculté de droit et de l'école du Barreau,
on a préparé un protocole immédiatement après que
la politique fut sortie. On s'est mis à la tâche, M. le ministre,
et nous avons assumé notre responsabilité.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière question
parce qu'on me signale que je n'ai pas beaucoup de temps. Lorsqu'on a entendu
des organismes communautaires qui avaient un organisme central qui pouvait les
chapeauter, on nous a toujours dit: Nous, on ne veut pas être
financés par la base, on veut être financés par le
ministère. On veut que les organismes de la base soient aussi
financés par le ministère. Ce que je comprends, c'est que votre
proposition est un peu différente, en ce sens qu'il n'y a pas
d'inquiétude pour vous d'aller à la base au niveau des
comités. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Landry: II va de soi que les comités de
bénéficiaires sont financés par l'établissement.
Ils n'ont pas à recevoir les cotisations ou les revenus des
bénéficiaires parce que, en grande partie, M. le ministre, les
bénéficiaires habitent dans l'hôpital, ils sont sur l'aide
sociale, ils sont sous la juridiction de la curatelle. Il va de soi aussi que
le comité organise différents types de campagnes de financement,
comme la vente de chocolat ou de crème glacée à
l'intérieur pour qu'on puisse, encore là, avoir une marge de
manoeuvre, d'autonomie. Mais il va de soi qu'en
grande partie, M. le ministre, les revenus sont, pour le moment,
fixés uniquement par le budget identifié de
l'établissement.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière, vite,
M. le Président.
Le Président (M. Joly): Allez, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Au niveau des organismes
communautaires, vous voulez limiter davantage la définition. Ça
me paraît, en tout cas, à tout le moins... On retrouve cela
à la page 60, recommandation 30, selon quatre critères. Ça
nous paraît... Limiter la portée de la définition, est-ce
que c'est ça l'objectif ou si c'est parce que vous souhaitez avoir un
meilleur... J'ai des réponses à ma droite... Ou si vous voulez
limiter la portée, finalement, des organismes communautaires?
M. Landry: Je pense qu'il faut souligner qu'à cet
article-là, M. le Président, on a voulu aussi appuyer la
recommandation qui était émise par le regroupement alternatif et
communautaire des organismes, ce qu'on appelle le Regroupement des ressources
alternatives en santé mentale, dont ils ont fait la même
proposition et que nous, nous avons reconduit à l'intérieur de
notre mémoire, un appui formel à ce sens-là. Nous
étions d'accord.
M. Lortie: II faut dire, M. le ministre, qu'il y a certains
principes à respecter quand on veut s'appeler organisme communautaire.
N'importe qui, en tout cas beaucoup trop de groupes pourraient s'appeler
organismes communautaires du simple fait qu'ils existent. Je pense qu'il faut
avoir la préoccupation que l'organisme en question soit pris en main par
les usagers; en tout cas, il y a des critères comme ça qui ne
sont quand même pas très durs à comprendre pour
définir un organisme communautaire.
M. Côté (Charlesbourg): Vous dites que ça
peut exister, est-ce que ça existe?
M. Lortie: De?
M. Côté (Charlesbourg): Beaucoup trop d'organismes
communautaires peuvent... (20 h 45)
M. Lortie: Non, non. Beaucoup trop d'organismes peuvent se dire
communautaires. Mais le principe - ce n'est pas qu'il en existe beaucoup trop,
loin de là - à respecter, il y a un principe de base, c'est que
les services vers lesquels sont dirigés les usagers... C'est que
l'organisme soit pris en main par les usagers qui reçoivent
eux-mêmes ces services-là.
M. Côté (Charlesbourg): C'est une très bonne
distinction.
M. Landry: Mais on voudrait, M. le ministre, que la loi
précise davantage ce que sont les structures communautaires.
Le Président (M. Joly): Est-ce que ça va, M. le
ministre? Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître le
député de La Prairie, M. Lazure.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux
féliciter la coalition. Je pense que c'est un développement
heureux qu'il y ait eu ce regroupement des quatre comités de
bénéficiaires des quatre établissements psychiatriques. Je
vois que M. Landry continue sa progression. Ça fait plusieurs
années que je le vois à l'oeuvre, bien avant la politique, et je
dois le féliciter pour l'évolution très positive que sa
carrière est en train de prendre.
Je veux revenir sur certains points avec lesquels je suis d'accord,
simplement pour les renforcer. Quand vous demandez que le comité de
bénéficiaires soit représenté au comité de
la direction générale, je pense que c'est absolument essentiel.
Il me semble que c'est un comité consultatif qui a, dans plusieurs cas,
beaucoup d'influence sur la marche de l'établissement et il me
paraît élémentaire que le comité de
bénéficiaires soit représenté.
Sectorisation. Je comprends les soucis derrière les remarques,
mais il faut aussi comprendre que la sectorisation a été
établie, justement, d'abord et avant tout, en psychiatrie pour corriger
une situation où plusieurs patients, plusieurs clients, appelez-les
comme vous voulez, tombaient entre deux chaises et étaient
rejetés par les médecins, par les établissements. Et
l'avantage fondamental de la sectorisation c'est de s'assurer qu'un
établissement a la responsabilité de donner les services à
cette personne-là. Maintenant, il arrive sûrement des cas -
surtout à l'intérieur d'un grand établissement, comme
Giffard ou Louis-Hippolyte - où il peut y avoir incompatibilité
entre le patient et le médecin. Il me semble que là ce n'est pas
nécessaire de défaire tout le système de sectorisation. Il
me semble que là il faut que l'autorité locale prenne ses
responsabilités. Un établissement qui fonctionne bien doit
prévoir que, dans certains cas où il y a un motif valable, un
patient peut choisir son médecin, soit le psychiatre ou un autre
spécialiste. Et, à ce moment-là, il doit se faire une
espèce de règlement du problème localement, surtout dans
un établissement où il y a 20, 30 ou 40 médecins.
Le traitement des plaintes. Avec le recul des années, moi aussi
j'ai développé la conviction - et ça c'est avec toute ma
déférence vis-à-vis des conseils régionaux, y
compris le conseil régional de Montréal, le directeur
général est ici - avec toute la déférence que je
leur dois,
j'ai acquis la conviction que ce n'est pas un bon système, que le
conseil régional n'est pas l'organisme qu'il faut pour traiter les
plaintes des établissements, je devrais dire des clients des
établissements, justement parce qu'il est trop lié aux
établissements. Et même si on changeait la composition des
conseils d'administration des futures régies ou des futurs conseils
régionaux, ils resteront toujours très liés aux directions
des établissements, quasiment en conflit d'intérêts. Et
avec le recul, je dois dire que ça n'a pas été un
système, ni efficace, ni équitable, malgré toute la bonne
volonté des conseils régionaux.
Il me semble qu'on devrait regarder de plus en plus vers le Protecteur
du citoyen. Il existe au Québec, comme dans plusieurs États, une
institution qui s'appelle l'ombudsman, le Protecteur du citoyen, et il me
semble que c'est ce Protecteur du citoyen qui devrait d'abord se voir donner
plus de pouvoirs et devrait se voir accorder, par le gouvernement, par
l'Assemblée nationale, la juridiction sur les réseaux de
santé et de services sociaux.
Et on peut imaginer un mécanisme d'articulation entre les
comités de bénéficiaires et le Protecteur du citoyen qui
pourrait avoir des antennes région par région. C'est un
débat intéressant, celui des ombudsmans locaux - je reviens
à l'établissement - versus comités des
bénéficiaires. Moi, je suis plutôt porté à
être du même avis que M. Landry. L'ombudsman dans sa structure
actuelle, c'est un peu comme pour le CRSSS qui traite les plaintes. Je pense
que l'ombudsman, étant engagé par l'établissement, n'est
pas en mesure d'assumer totalement son autonomie malgré toute sa bonne
volonté. Il peut arriver des cas comme Rivière-des-Prairies
où ça fonctionne bien, mais je pense que ça prend une
personnalité très forte à ce moment-là, très
particulière. Mais la structure elle-même fait en sorte que le
travail de l'ombudsman est rendu très difficile. Moi, je pense que, s'il
y avait un droit de regard du Protecteur du citoyen peut-être par des
adjoints régionaux qui, eux, seraient articulés sur des
établissements, surtout quand on parle d'établissements
psychiatriques où le séjour est prolongé, souvent,
à ce moment-là, le Protecteur et son adjoint régional
pourraient s'articuler avec le comité des bénéficiaires.
Moi, je ne vois pas tellement l'utilité de l'ombudsman. C'est devenu
à la mode de nommer des ombudsmans. La plupart des hôpitaux le
font, pas seulement les hôpitaux psychiatriques. Je pense que, à
choisir entre les deux, si un comité de bénéficiaires
fonctionne bien, prend bien ses responsabilités, le rôle de
l'ombudsman est plus ou moins superflu, à ce moment-là.
Le budget. C'est essentiel que le budget soit un budget
protégé. C'est bien sûr que, si le comité des
bénéficiaires se voit menacer à tout bout de champ de se
voir couper son budget, bien, c'est tout à fait inéquitable, puis
c'est invivable. Alors, je pense qu'on a déjà vu ça dans
d'autres domaines. La formule du budget protégé est une bonne
formule. Ça peut être par le biais du budget de l'hôpital
mais de façon très protégée.
Finalement, M. Landry a parlé des médecins tantôt et
d'autres en ont parlé aussi. Il y a eu certaines remarques
peut-être pas très gentilles pour mes confrères. Moi, je
lis les journaux comme tout le monde. À Louis-H. dernièrement
encore, il y a quelques jours, il y avait un article dans le journal qui disait
que la direction de l'hôpital allait engager une firme extérieure
pour régler un conflit entre la direction de l'hôpital et les
médecins. Est-ce que le comité des bénéficiaires
est au courant de cette situation-là? Sûrement.
M. Landry: M. le Président, je voudrais quand même
souligner là-dessus que quelque chose sans précédent s'est
passé aujourd'hui. Je n'en reviens pas que les miracles arrivent enfin
au ministère, où il y a une personne qui passe à l'action.
Je pense que ce qu'il dit, il le fait. Mais je tiens quand même à
le souligner parce que, ce midi, on m'a dit d'une façon très
claire qu'on avait eu une rencontre avec les autorités et le ministre en
question et j'ai rarement vu quelqu'un au ministère prendre ses
responsabilités précises d'une façon très claire et
ferme dans cette position-là et considérer d'une façon
sans précédent la primauté des
bénéficiaires, l'intérêt des
bénéficiaires, la qualité des soins. Je tiens quand
même à le souligner ce soir, M. le Président, parce que
j'étais témoin de cette action sans précédent. Je
peux même le qualifier d'historique, parce que souvent les dossiers
à Louis-H. traînaient en longueur.
M. Lazure: Historique depuis cinq ans, là! Lucien! Lucien!
Lucien!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Landry: M. Lazure, pour répondre plus
précisément à la question, nous nous étions
inquiétés. Nous avons lancé un S.O.S. au ministère.
Nous avons demandé l'intervention du ministère et nous avons eu
réponse. Et encore plus, M. Lazure, nous avons fait part au
ministère que c'est beau de demander des choses, mais nous voulons
collaborer avec le ministère afin d'aider le ministère à
participer à la solution des problèmes, de l'ensemble des
problématiques qui existent à Louis-H.
Le Président (M. Joly): M. le député de La
Prairie, est-ce que vous avez d'autres choses? Je pense qu'après un tel
témoignage...
M. Lazure: Oui. Après un tel témoignage... Mais je
vais résister à la tentation de rester bouche bée. Je ne
resterai pas bouche bée. Tant mieux si le comité des
bénéficiaires de Louis-H
est très actif, qu'il fait un bon travail.
M. Landry: ...revenir au mémoire, M. Lazure.
M. Lazure: Pardon?
M. Landry: Je ne veux pas régler Louis H. mais
revenir...
M. Lazure: Mais tant mieux si les autorités du
ministère, le ministre en particulier et ses collègues ont
posé des gestes utiles aux bénéficiaires. Je m'en
réjouis. Si l'on revient à quelques points qui ont
été soulevés à même le contenu de votre
mémoire, il reste que moi, je trouve qu'il faudrait essayer de creuser
cette hypothèse-là d'une présence du Protecteur du citoyen
dans le traitement des plaintes; non seulement dans la question comité
de bénéficiaires et ombudsman mais aussi dans la question plus
générale du traitement des plaintes. L'avant-projet de loi qui,
à toutes fins pratiques, maintient le statu quo sur la question du
traitement des plaintes, je pense que ce n'est pas satisfaisant, je pense qu'il
faudrait regarder ça de nouveau. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de La Prairie. Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière, Mme
Carrier-Perreault.
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Ça
va être une question très technique. Je ne vous donnerai pas trop
de chances d'en mettre encore plus pour le ministre. Moi, je me demandais,
j'écoute ça depuis aussi un certain temps et il semble qu'il y
ait un malaise, en tout cas, au niveau de l'autonomie, que ce soit de la part
des ombudsmans ou encore de votre part, peut-être à des niveaux
différents. On parlait de liens d'autorité, de liens
hiérarchiques dans le cas des ombudsmans, dans votre cas, vous autres,
c'est le financement. Je regarde dans votre mémoire à la page 13,
vous avez une recommandation qui prévoit... Vous dites que
l'avant-projet prévoit la faculté pour certains comités de
bénéficiaires de s'incorporer en vertu de la partie III de la Loi
sur les compagnies avec les adaptations nécessaires. Alors, je me
demandais, et j'aimerais vous entendre là-dessus, est-ce que c'est
toujours en regard de cette recherche, si on veut, d'autonomie? Quels seraient
les avantages autres que vous voulez avoir avec ce genre de... À la page
13, dans le bas. Recommandations 26.
M. Landry: Je voudrais souligner ici, M. le Président,
qu'il y a une personne, qui est étudiant en droit, qui a
collaboré à une recherche d'une façon très
exhaustive sur la Loi sur les compagnies, la partie III, notre ami Alain
Camirand, qui a travaillé aussi comme étudiant stagiaire
chez nous et qui travaille actuellement. Il a fait une recherche: les bons
côtés et les mauvais côtés d'une incorporation en
vertu des organismes à but non lucratif. Alain.
M. Camirand (Alain): Bon, du point de vue de l'incorporation, on
avait considéré que ce serait une bonne chose de s'incorporer
parce que, dans l'avant-projet de loi sur les services de santé et
services sociaux, il n'y a rien, à part une disposition qui dit que les
dossiers du comité de bénéficiaires doivent rester
confidentiels, il n'y a rien qui empêche l'administration de s'immiscer
dans l'élaboration des règlements du comité de
bénéficiaires, dans la fixation de ses objectifs. Il n'y a rien,
rien. Nous autres, on considère que l'incorporation serait une bonne
chose parce que l'article 91 de la Loi sur les compagnies, qui s'applique
à la partie III grâce à l'article 224, permettrait au
comité de bénéficiaires de se donner des pouvoirs
d'autonomie. Les administrateurs de la corporation fixeraient leurs propres
règlements et fixeraient leur propre politique. Et on pense que
ça serait une bonne chose. C'est un des arguments qui ont fait qu'on a
demandé l'incorporation du point de vue autonomie.
M. Landry: Je voudrais souligner aussi à
l'intérieur des établissements, en général, il y a
certaines structures qui sont déjà incorporées et qui
collaborent. Un exemple: Le syndicat a sa propre incorporation. Le Conseil des
médecins, c'est reconnu, mais ils ont des liens très
étroits avec la Corporation professionnelle des médecins. Alors,
il y a déjà quand même des liens de structure.
Mme Carrier-Perreault: Est-ce que vous voyez quand même
d'autres avantages? Par exemple, excusez mon ignorance, je ne suis pas du
milieu de la santé et des services sociaux, est-ce qu'en étant
incorporés de cette façon-là, mettons, ça ne vous
donnerait pas aussi l'opportunité d'aller chercher, je ne sais pas, des
dons ou des choses comme ça ou est-ce que le comité des
bénéficiaires, tel qu'il est présentement, peut avoir les
mêmes privilèges, avoir des dons, par exemple, et administrer des
fonds qui viennent d'ailleurs que de l'établissement?
M. Camirand: II est probable que le comité des
bénéficiaires peut recevoir des dons présentement et les
administrer lui-même mais, du point de vue de la corporation, on est
convaincus que ça nous permettrait peut-être d'exercer des
activités lucratives accessoires qui resteraient, évidemment,
liées aux objets du comité comme, mettons... Prenons l'exemple
ici, une espèce de petite cantine mobile à l'intérieur de
l'établissement hospitalier qui nous permettrait de ramasser des fonds
que la corporation gérerait
do son propre chef, sans l'ingérence de l'hôpital. C'est un
autre des... J'aimerais souligner aussi qu'une des grosses raisons pourquoi on
demande l'incorporation, c'est la possibilité pour les comités de
bénéficiaires d'ester en justice. (21 heures)
Présentement, l'avant-projet de loi prévoit que le
comité de bénéficiaires peut représenter un
bénéficiaire, l'assister s'il porte plainte. On peut aussi
souligner que le Code de procédure civile permettra probablement aussi
que le comité de bénéficiaires en défense - mais,
en demande, ce n'est pas évident, c'est même très peu
probable - puisse ester en justice. Or, on considère qu'il est anormal
qu'un organisme créé pour la défense des droits des
bénéficiaires ne puisse pas aller en demande, en justice, pour
des choses qui peuvent lui tenir à coeur; pour des questions, il ne
pourrait pas aller ester en justice en représentant des
bénéficiaires. Ça semble anormal et, grâce à
l'incorporation, on pourrait le faire. C'est un des points majeurs pour
lesquels on demande ça.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Je pense que nous
avons utilisé le temps mis à notre disposition. Au nom des
membres de la commission, je tiens à vous remercier. M. le ministre,
est-ce que vous aimeriez ajouter un mot?
M. Côté (Charlesbourg): Vous dire merci,
évidemment...
M. Lazure: Je comprends.
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! M. Lazure est
jaloux. Il dit: Je comprends.
M. Lazure: Presque, presque.
M. Côté (Charlesbourg): Vous dire merci pour le
travail. Ce sera un document de référence, quant à nous,
pour le travail qu'il nous reste à faire. Il en reste encore
passablement à faire, de ce que je comprends lorsqu'on a une commission
comme celle-là. On s'inspirera définitivement du travail que vous
avez fait. Merci.
M. Landry: Je voudrais seulement souligner, M. le
Président, que les comités de bénéficiaires
désirent ardemment continuer leur forme de partenariat avec le
ministère et actualiser plus cette recherche en profondeur au niveau du
rôle du protecteur du citoyen. On retient cette remarque et on va
envisager avec les différentes facultés, l'école du
Barreau, de regarder ça de très près et acheminer nos
recommandations au ministère.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Landry. M. Lazure.
M. Lazure: Juste un mot de remerciement à la coalition. Je
leur dis aussi: Ne sous-estimez pas le travail de l'Opposition.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette
commission, M. Landry, ainsi que les gens qui vous accompagnent, votre groupe,
merci d'avoir été présents. Bon voyage de retour.
Je demanderais maintenant aux représentants du Conseil
québécois pour l'enfance et la jeunesse de bien vouloir
s'avancer, s'il vous plaît, et prendre place.
Bonsoir, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir, au nom de la
commission, de vous souhaiter la bienvenue. J'apprécierais que la
personne responsable s'identifie et qu'elle identifie les membres qui
l'accompagnent, s'il vous plaît.
Conseil québécois pour l'enfance et la
jeunesse
M. Boisvert (Jean-Claude): Mon nom est Jean-Claude Boisvert. Je
suis directeur général du Conseil québécois pour
l'enfance et la jeunesse. M'accompagnent et s'adresseront à vous la
présidente du conseil d'administration, Mme Nicole De Grandmont-Fortier,
M. Hugues Létour-neau, qui est membre du conseil d'administration, et
Mme Carole Lalonde, qui est membre du conseil d'administration.
Le Président (M. Joly): Merci. Vous connaissez la
procédure. On vous laisse une vingtaine de minutes pour nous
présenter votre mémoire et, après, les membres de la
commission, autant de l'Opposition que du côté ministériel,
se réservent le plaisir et le loisir de vous poser les questions
d'usage. Merci. Allez, madame.
Mme De Grandmont-Fortier (Nicole): Le
Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse, qui,
anciennement, portait le nom de Conseil québécois de l'enfance
exceptionnelle, oeuvre depuis 27 ans au sein du milieu québécois.
Deux grandes missions l'ont de tout temps animé: la première,
favoriser une meilleure qualité possible des services en
influençant les politiques, les programmes destinés aux jeunes du
Québec; la deuxième mission, fournir un support adéquat et
original à tous les intervenants du réseau de l'éducation,
des services sociaux et de la justice et cela, à travers toutes les
régions du Québec.
Le CQEJ est reconnu comme étant un forum privilégié
où des intervenants des réseaux des services, des parents et des
jeunes peuvent venir partager leurs perceptions, souligner leurs besoins et
définir les problématiques prioritaires
sur lesquelles il faut agir. C'est donc un organisme multidisciplinaire
et panquébécois.
Pour y parvenir, le Conseil québécois pour l'enfance et la
jeunesse organise un congrès annuel qui regroupe les intervenants de
tous les réseaux, des colloques à thème, des stages
provinciaux et régionaux et diffuse, par le biais de sa revue
"Apprentissage et Socialisation en piste", les réflexions, tant du
milieu universitaire que du milieu de la pratique, tant au niveau de
l'éducation, des affaires sociales que de la justice.
Partant donc de cette mission du Conseil québécois pour
l'enfance et la jeunesse, on se devait, M. le ministre, de vous faire part de
nos réflexions sur l'avant-projet de loi sur les services de
santé et les services sociaux. Par le dépôt de notre
mémoire, nous tenons, M. le ministre, à attirer votre attention
sur certains points. Le Conseil, soucieux de la qualité des
interventions éducatives, tient à affirmer l'importance des
services accordés aux enfants et aux jeunes Québécois
comme l'une des priorités à maintenir. De plus, le Conseil
affirme que les modalités doivent permettre d'atteindre cette
priorité, donc être fonctionnelles. Enfin, le CQEJ désire
marquer l'importance de reconnaître des organismes communautaires et
provinciaux voués à la promotion des intérêts des
enfants et des jeunes du Québec.
M. le ministre, pour définir plus en détail les
réflexions qui ont mené à des recommandations, je
demanderais à deux officiers du conseil d'administration de faire
brièvement le tour de nos réflexions. Tout d'abord, Me Hugues
Létour-neau, du bureau du contentieux du CSSMM, qui vous exposera les
problèmes des enfants et des jeunes de la province de Québec,
puis Mme Carole Lalonde, de la Fédération des CLSC, abordera nos
réactions face à l'avant-projet de loi. Pour terminer, je
reviendrai, M. le ministre, pour vous apporter les recommandations que le CQEJ
espère voir retenir. Je passe donc la parole à Me
Létourneau.
M. Létourneau (Hugues): Merci. Bonsoir. Après plus
de quatre heures de route, nous voilà enfin devant vous. Les
réflexions qui nous viennent, et ça, suite à toute
l'expérience que le Conseil québécois pour l'enfance et la
jeunesse a pu développer, conserver depuis maintenant plus de 27 ans,
c'est que nous nous devons de constater que, bien sûr, les ressources se
font rares, que, bien sûr. l'argent se fait rare et que l'enfance aussi
se fait de plus en plus rare.
Cependant, nous nous devons de considérer que l'enfant sera
toujours un être faible, pauvre et dépendant. Parce qu'il a ces
caractéristiques, il nous semble aussi normal que notre
société ait des préoccupations spécifiques à
son égard. L'enfant est toujours la personne qui s'adapte d'une
façon constante à tous les changements de notre
société. Pensons ici à la séparation, au divorce,
à l'immigration, à la solitude, à la violence, aux
drogues, au sida et à bien d'autres fléaux qui frappent notre
société, mais qui frappent aussi plus durement les enfants que
d'autres groupes de notre société.
Ce dont nous désirons faire part ce soir à la commission,
c'est de notre désir et de notre croyance qu'il serait fondamental que
l'enfant, dans le projet de loi que vous soumettez, soit qualifié, qu'on
mette l'enfant sur un piédestal par rapport à des
préoccupations de société à son égard. Notre
inquiétude présentement, c'est que l'enfant soit
considéré comme étant une personne et qu'on lui offre des
services dans un contexte d'égalité. Ce que nous demandons, ce
sont des services supérieurs, des services aussi qui s'offrent dans un
contexte de prévention pour faire en sorte que des enfants victimes que
nous retrouvons présentement et qui tombent sous le couvert de la Loi
sur la protection de la jeunesse, il y en ait de moins en moins.
La Loi sur les services de santé et les services sociaux est une
loi qui a, il nous semble, toute la prérogative de mettre des services
à l'enfance, de ne pas attendre que l'enfant soit victime, de ne pas
attendre que l'enfant soit maltraité, de ne pas attendre que l'enfant
soit victime d'un abandon, mais, bien au contraire, que notre
société par ses services sociaux ait les yeux bien ouverts sur
l'enfance, qu'on soit toujours prêt à faire une intervention de
qualité et qu'elle soit faite dans un contexte de besoins à
l'égard de l'enfant. C'était ce dont nous voulions vous faire
part, pour ma part, ce soir.
Mme Lalonde (Carole): Alors, je voudrais enchaîner,
maintenant, avec les moyens qui sont mis de l'avant dans le cadre du projet de
loi. Évidemment, dans l'ensemble des informations, des
éléments qui sont mis de l'avant, le CQEJ a choisi de faire
porter ses commentaires sur quatre volets principaux. Le premier, sur le
regroupement des conseils d'administration unifiés. Le deuxième,
sur la reconnaissance des organismes communautaires. Le troisième, sur
le développement des ressources humaines. Le quatrième, sur le
plan d'intervention individualisé. Alors, sans reprendre toute
l'argumentation qu'il y a déjà dans notre mémoire, disons
tout simplement, sur le plan des conseils d'administration unifiés, que
le CQEJ estime, de par les pratiques qu'il a pu voir sur le terrain, qu'il y a
danger à mélanger des approches, des missions qui sont trop
différentes, qui risquent finalement d'homogénéiser
peut-être certaines Interventions; un cadre aussi à
l'intérieur duquel trop souvent le gros mange le petit, pour parler en
des termes les plus clairs possible, et où finalement le citoyen ne se
retrouve pas nécessairement plus, compte tenu que souvent les portes
d'entrée restent aussi différentes les unes que les autres
à l'intérieur de ces plus grosses structures. On
estime également que la loi permet déjà d'aller
assez loin dans d'autres formes d'intégration qui sont plus
intéressantes, peut-être, pour les jeunes.
Le deuxième point: quant à la reconnaissance des
organismes communautaires, l'avant-projet de loi a une propension à voir
les organismes communautaires un peu comme le prolongement du réseau
institutionnel. Ça nous inquiète un peu. On pense qu'il y a un
équilibre à maintenir entre l'autonomie des organismes et la
complémentarité nécessaire qu'ils doivent établir
avec le réseau public. Toutefois, ce qui nous préoccupe, c'est
que les organismes communautaires, qui naissent souvent de l'initiative des
citoyens et des groupes qui sont en dehors du système public, ont une
originalité qui est à préserver, une originalité
que le système public, souvent, ne peut pas avoir. Évidemment, on
est conscients que ces organismes-là doivent rendre des comptes à
l'État s'ils sont financés adéquatement. On pense qu'il y
a des mécanismes souples qui peuvent être adaptés comme les
rapports annuels, les rapports financiers, qui sont déjà des
sources d'information quant à l'utilisation des fonds publics. Donc, on
croit qu'il faut quand même, tout en étant conscients de la
responsabilité que ces organismes-là ont vis-à-vis de
l'État, que les moyens soient souples si on ne veut pas les noyer dans
la bureaucratie. (21 h 15)
On veut insister également sur la reconnaissance d'organismes
à portée provinciale qui sont souvent des forums
indépendants où on peut regrouper, comme c'est le cas au CQEJ,
différents intervenants, des partenaires, des gens qui
s'intéressent à l'enfance et à la jeunesse, pour ce qui
nous concerne et qui, donc, veulent aussi faire valoir un certain nombre de
points de vue.
Le troisième élément porte sur le
développement des ressources humaines. Comme vous l'aurez sans doute
constaté déjà dans ce qu'on vient de vous dire, le CQEJ a
fait beaucoup de choses en matière de formation. Chaque année, on
constate combien les besoins sont immenses. Les nouveaux problèmes dont
on vient de vous parler, les problèmes qui confrontent l'enfance et la
jeunesse, appellent, croyons-nous, de nouvelles interventions. Il est
fondamental d'insister sur le développement des ressources humaines
compétentes, efficaces et aussi en bonne santé mentale, si je
peux m'exprimer ainsi, pour agir auprès des jeunes du Québec.
Enfin, le dernier point porte sur le plan d'intervention
individualisé. Le CQEJ a une longue expérience. En tout cas, par
le biais de ses études, de ses analyses, de son implication en milieu
scolaire, il a pu voir que si, souvent, c'est un principe qui est fort utile et
bon, la pratique montre que les règles du jeu doivent être
très claires, notamment en ce qui concerne la responsabilité de
la coordination du plan de services et aussi ne pas croire que c'est un moyen
de passer par-dessus l'utilisation de ressources, mais, qu'au contraire
ça engage des ressources, qu'il faut mettre du temps à
définir et à participer à ces plans de services là.
Alors, donc, oui pour le principe, mais des conditions très
précises doivent être mises en place pour que ce soit un outil
efficace.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Lalonde. Est-ce que
quelqu'un de votre groupe a autre chose à ajouter?
Mme De Grandmont-Fortier: Oui, s'il vous plaît. J'aimerais
citer les sept recommandations que le mémoire veut porter à
l'attention du ministre, que nous considérons comme étant un
minimum de garanties pour des services adéquats aux jeunes et aux
enfants de chaque région du Québec: 1° que l'Assemblée
nationale accorde les crédits suffisants au ministre de la Santé
et des Services sociaux pour faire de nos enfants et de nos jeunes une
priorité majeure; 2° que l'avant-projet de loi soit amendé
afin de renoncer à l'administration de plusieurs établissements
par un seul conseil d'administration; 3° que l'avant-projet de loi accentue
les pouvoirs de coordination des régies régionales pour favoriser
la rationalisation des ressources consacrées aux clientèles des
établissements; 4° que les organismes communautaires reconnus par
l'avant-projet de loi soient financés adéquatement, pour une
contribution large aux objectifs de santé et de services sociaux, sans
mécanisme de contrôle onéreux; 5° que le
ministère de la Santé et des Services sociaux finance
adéquatement les organismes communautaires qui s'occupent, pour
l'ensemble du Québec, de la défense des droits ou de la promotion
des intérêts des populations particulières; 6° que le
ministère de la Santé et des Services sociaux finance
adéquatement les organismes communautaires qui offrent à la
grandeur du Québec des programmes de perfectionnement reconnus et
pertinents par un soutien de base; 7" que le ministère de la
Santé et des Services sociaux prévoie les mécanismes
d'implantation souhaitables pour favoriser l'application du concept de plan
d'intervention individualisé dans les établissements.
La jeunesse, c'est notre avenir et, dans le présent, cet avenir,
M. le ministre, nous semble être en détresse. Nous vous en
supplions, ayez un regard bienfaisant et actif envers les jeunes et les enfants
de chaque région du Québec Nous sommes disposés à
répondre à vos questions.
Le Président (M. Joly): Merci, madame Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Lorsque le Conseil parte
d'enfance et de jeunesse, je pense que vous l'avez présenté
tantôt do bonne manière, avec
une situation que l'on vit chaque jour: bouleversement de la
société, bouleversement de la famille, avec tout ce que ça
comporte comme problèmes vécus par les enfants. Vous touchez
là un des points extrêmement importants. Lorsqu'on parlait du
problème du vieillissement - je dis toujours "problème" et je me
fais reprendre, chaque coup - lorsqu'on parle de la problématique du
vieillissement au niveau du Québec comme étant une
priorité et qu'on parle aussi de la jeunesse, avec tout ce qu'on a
à vivre comme listes d'attente un peu partout, c'est une situation qui
est un peu dramatique, à laquelle il faut s'adresser le plus rapidement
possible pour tenter de régler un certain nombre de problèmes. Ce
n'est pas toujours facile, évidemment, et vous en convenez avec
nous.
Parmi les recommandations, la première, en tout cas, pour moi,
c'est un réconfort. Je n'ai pas de difficulté à vivre avec
la première recommandation; je ne sais pas comment est-ce que le
président du Conseil du trésor vivra avec, mais, en tout cas,
moi, je vis très bien avec.
La deuxième, vous dites: "Que l'avant-projet de loi soit
amendé afin de renoncer à l'administration de plusieurs
établissements par un seul conseil d'administration". Je me suis
déjà pas mal prononcé sur la survie des conseils
d'administration unifiés, tels que proposés dans la
réforme. Je pense qu'on n'est pas rendus là et on risque de se
priver d'une série de bénévoles compétents et qui
représentent très bien leur milieu. On risque de faire
disparaître l'attachement > de certaines personnes à un conseil
d'administration, donc, dans son milieu, avec tout ce que ça comporte
d'incitations auprès des fondations d'établissements. Quant
à moi, il n'y aura pas de conseils d'administration unifiés de la
manière dont on l'a mis dans le document.
Cela étant dit, je pense qu'il y a de la place pour regrouper un
certain nombre d'établissements, un certain nombre de services pour,
effectivement, bien sûr, "sauver" des sous, mais pouvoir les
réallouer, ces sous-là, à des priorités. Est-ce que
vous ne pensez pas qu'il y a de la place, au moment où nous parlons,
pour regrouper un certain nombre de services non pas de manière
législative mais davantage avec des incitatifs qui nous permettraient de
réallouer ces ressources-là pour en donner davantage à ce
qu'on appelle le bénéficiaire, que ce soit un enfant, un jeune ou
que ce soit une personne plus âgée?
M. Boisvert: Si vous le permettez, j'aimerais répondre
à cette question. J'ai le sentiment que les membres du conseil
d'administration, ceux qui travaillent au CQEJ depuis longtemps...
L'expérience des individus fait qu'il peut y avoir certains
regroupements, mais tout dépend des régions et de la mission des
établissements. Par exemple, j'ai été directeur de la
planification dans un CRSSS pendant cinq ans. Dans la région de
Montréal, si on essaie de regrouper de gros centres d'accueil comme le
Mont Saint-Antoine avec d'autres gros centres d'accueil semblables, je n'ai pas
le sentiment qu'on va gagner grand-chose a regrouper ces établissements.
Est-ce qu'on voudrait regrouper des établissements de nature
différente qui visent les mêmes clientèles, une partie de
ce qui existe comme fonctions au DPJ, des CSS avec certains centres d'accueil?
Encore là, selon les régions, il y a des essais qui se font. Je
ne sais pas, moi, je m'en vais à Baie-Comeau bientôt, il y a des
essais d'intégration et de concertation qui se font de façon
heureuse, mais c'est découper la mission des établissements selon
les clientèles. Ça pourrait vouloir dire des modifications aux
cinq types d'établissements qui sont proposés par l'actuel
avant-projet de loi.
Alors, quand je regarde notre environnement particulier à
Montréal, en plus, avec les enfants des communautés culturelles,
est-ce que c'est le CLSC Centre-Ville qu'on devrait regrouper avec d'autres
services? Il me semble qu'il y a des variables: mission des
établissements, région, taille des établissements, qui
sont en jeu, qui sont complexes et ça nous semble, en tout cas, un
défi important, à moins de regrouper uniquement des
établissements de même nature: deux CLSC, deux territoires
contigus, Longueuil-Est, Longueuil-Ouest. Oui, je peux penser qu'il y a
peut-être des choses à regarder de ce
côté-là.
Dans la perspective enfance-jeunesse, on touche DPJ, CSS, centres
d'accueil, mésadaptés socio-affectifs, équipes CLSC
jeunesse, enfance, les programmes de prévention des CSLC, les centres
d'accueil pour handicapés physiques ou en déficience
intellectuelle, les parents qui gardent leurs enfants à domicile. C'est
tellement de nature différente que j'ai peine à voir comment
est-ce qu'on peut réaliser un tel défi.
Mme Lalonde: J'aimerais peut-être juste compléter.
Il y a déjà, je pense, des interfaces qui existent. Par exemple,
on sait que les infirmières en milieu scolaire travaillent avec les
enseignants. D'ailleurs, souvent les principaux collaborateurs du personnel
d'intervention des CLSC sont les enseignants qu'on retrouve déjà
dans les écoles et qui peuvent, à partir, donc, de leur expertise
propre à chacun, développer des projets directement auprès
de la clientèle. Il y a aussi tout un mouvement, actuellement,
différents protocoles au niveau régional qui se
définissent entre les établissements, justement dans une
perspective d'aider les jeunes. On pense, notamment, aux protocoles
régionaux autour des cas connus de la Direction de la protection de la
jeunesse qui sont signalés par les établissements, mais qui sont
toujours sur une liste d'attente. Donc, quoi faire avec ces cas-là?
Donc, il y a plein d'autres mécanismes qui existent pour... Parce que le
souci d'intégrer... En tout cas, tout dépend des objectifs qu'on
poursuit en unifiant
ou en regroupant des services, mais, si on veut offrir un meilleur
service aux jeunes, je pense qu'il faut regarder peut-être les
mécanismes actuels, ceux qui ont porté des fruits et ceux qui
n'en portent pas. Mais je pense qu'il y a du potentiel déjà; si
on pense aux CLSC qui souvent donnent naissance à des maisons de jeunes
ou donnent naissance à des organismes au plan local qui peuvent
rejoindre mieux les jeunes parce que les jeunes s'y retrouvent mieux. Je pense
qu'il y a donc là aussi une foule de mécanismes qu'il faudrait
exploiter avant de songer à regrouper, sur une base administrative, des
services. Mais l'un n'exclut pas l'autre.
M. Côté (Charlesbourg): Puisque vous êtes
là, ça me rappelle... Au nombre de papiers qu'on passe et dont on
prend connaissance, excusez-moi si les chiffres ne sont pas très,
très précis, mais, comme vous êtes là, je pense que
vous êtes peut-être des intervenants privilégiés.
J'ai vu dans les rapports - puisque vous parlez de listes d'attente un peu
partout et particulièrement au niveau de la jeunesse - que, si ma
mémoire est fidèle, en l'espace de cinq ans, les signalements
sont passés de 19 000 à 50 000 cette année, ce qui me
paraît extrêmement impressionnant comme phénomène.
Et, évidemment, quand on parle de listes d'attente, ça
dépend toujours un petit peu du nombre de signalements qu'on a. Comment
est-ce que vous expliquez qu'en l'espace de cinq ans on puisse passer de 19 000
signalements à 50 000? Même je pense que c'étaient 52 000
signalements pour l'année qui est en cours.
M. Létourneau: Si vous me permettez, je travaille dans le
milieu de la protection de la jeunesse depuis maintenant dix ans. Ce qu'on peut
constater dans les cinq dernières années, c'est qu'il y a eu une
conscientisation de la population, je pense, qui s'est faite à
l'égard de l'enfance, donc à l'égard des devoirs du
citoyen de signaler la situation d'un enfant dont la sécurité et
le développement pourraient être compromis. Ça, je pense
que c'est une des facettes qui est importante. Il y a plus de signalements
parce que le citoyen se sent plus concerné que dans le passé.
Dans un deuxième temps, lorsqu'on regarde la situation de
l'enfance, dans la région de Montréal que je connais plus, il est
clair que la société a changé. Il est clair qu'il y a plus
d'enfants qui sont laissés à eux-mêmes. Il y a aussi des
mélanges de populations qui ont changé le tissu de nos villes. On
ne parle plus des mêmes villes qu'il y a dix ans, qu'il y a cinq ans. Il
y a aussi des problèmes au niveau des conditions de vie de nos familles
qui ont aussi changé. Il y a plus de pauvreté qu'il y en avait.
Le milieu scolaire aussi travaille peut-être différemment. (21 h
30)
Est-ce qu'on s'occupe vraiment des enfants jusqu'à un certain
seuil ou si on n'a pas tendance à les passer à la protection de
la jeunesse? Plus tôt, je vous faisais part que ce qui est important,
c'est la prévention, de faire en sorte qu'un enfant, autant que faire se
peut, ne passe pas sous l'égide de la protection de la jeunesse, pas
parce que ce n'est pas profitable, mais parce qu'on vient de franchir une
nouvelle marche, une nouvelle marche qui a beaucoup d'importance en termes de
relations entre l'enfant et son parent et l'enfant et son milieu Et ça,
je penso que ce n'est pas à minimiser. De là, il me semble que,
dans une loi telle que celle que nous avons, telle que votre projet de loi le
propose, il est important que le Parlement dise: Pour l'enfant, nous mettrons
des ressources. Nous vouions aussi que notre société ait des
préoccupations particulières pour l'enfant, et ce, parce qu'il y
va de son avenir et il y va aussi de l'avenir de notre société.
Enfin, c'est un peu... Je ne pourrais pas répondre à tout. Je
pense qu'il y a une multitude de "parce que", pourquoi ça a passé
comme ça.
M. Boisvert: Si vous me le permettez, j'aimerais bonifier et
rajouter qu'on va avoir bientôt un événement avec la
Fédération des CLSC. On s'attend à avoir 500 ou 600
personnes autour de nous pour travailler pendant deux jours sur la question de
la famille, les changements au niveau de la famille en transition; la
séparation, le divorce, la famille recomposée et l'impact sur les
intervenants en milieu scolaire, l'intervention en centre d'accueil,
l'intervention auprès d'un enfant handicapé, tous azimuts. Il y a
un chercheur ici, à l'Université Laval, Richard Cloutier, qui
faisait la démonstration - c'est dans une revue du mois de janvier de
cette année - que, dans la consultation psychologique en milieu
scolaire, il y a une plus grande proportion de jeunes avec des troubles de
comportement qui ont vécu une première séparation ou un
divorce. Ce n'est pas la situation monoparentale qui crée ça,
c'est l'absence du père. C'est l'absence d'un certain nombre de... C'est
un deuil à faire.
La violence, par exemple, dans les écoles. Nous, on a
été amenés à intervenir au niveau de la CECM qui
nous a demandé notre expertise pour regarder avec quelques chercheurs et
d'autres intervenants si cette croissance de la violence est réelle, de
quelle façon l'appréhender, les troubles de comportement
derrière ça. Et tout ça nous amène à voir
jusqu'à quel point, depuis cinq ans, il y a des phénomènes
qu'il ne faut pas sous-estimer. Par exemple, certains d'entre nous ont fait
partie de conseils d'administration dans le passé de groupes
communautaires de communautés culturelles. De voir même entre les
groupes à Montréal, dans certains quartiers, une certaine
rivalité au niveau des jeunes... Ce ne sont pas les communautés
culturelles qui sont sources de violence, c'est le choc des cultures,
quand on voit que, dans les commissions scolaires de l'île de
Montréal, c'est rendu un enfant sur deux, autre que britannique et
francophone. Il y a des nouveaux phénomènes, et je ne suis pas
sûr que ça va réduire le nombre de signalements. Les
enfants maltraités dans la communauté haïtienne, ce qu'on en
dit, c'est un trait culturel qui n'est pas facile à Identifier et
à traiter avec les parents parce qu'il y a quelque chose de
différent de notre culture. Il y a des problématiques de ce type
- je tourne les coins ronds un peu - qui nous font croire que ce n'est pas
vraiment artificiel. Il y a des changements de valeurs, les gens signalent
davantage, mais il y a de nouveaux phénomènes qu'il ne faut pas
sous-estimer, dont celui de la violence en particulier.
Le Président (M. Joly): Me Létourneau.
M. Létourneau: Si vous me le permettez, j'aimerais juste
donner un exemple à la commission. Il y a douze ans, j'ai fait une
incorporation dans la région de Montréal qui était une
résidence pour des gens qui souffraient de problèmes
d'alcoolisme. À ce moment-là, on parlait des clochards. La
moyenne d'âge était de 55 ans dans cette maison où il y
avait 25 personnes. Et la moyenne d'âge présentement, douze ans
après, on parle entre 25 et 30 ans. Si ça peut vous donner...
Alors, si on recule de dix ans, on a affaire à des mineurs. On pourrait
s'interroger sur ce que ces mineurs ont vécu pour devenir ce qu'ils sont
et sur ce que la société a fait pour eux et ce qu'elle n'a pas
fait pour eux. Est-ce qu'on a rempli tous nos devoirs ou est-ce qu'on aurait pu
faire plus? Je pense qu'on fait toujours beaucoup. La question, c'est: Est-ce
qu'on peut faire plus et pourquoi il faut faire plus? Parce qu'il y a des frais
considérables qu'on va devoir supporter très longtemps si on
reste dans l'inactivité, à l'égard des 0-18 ans.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un bon
témoignage et je suis très heureux que cette question-là
soit venue parce que ça permet d'avoir le vécu et je pense que
ça ne pouvait pas venir de meilleures personnes que vous autres. Vous
demandez, à la recommandation 3, "que l'avant-projet de loi accentue les
pouvoirs de coordination des régies régionales pour favoriser la
rationalisation des ressources consacrées aux clientèles des
établissements." C'est ce qu'on essaie de faire en passant le message de
nos régies régionales. Est-ce que c'est ça que vous
retrouvez dans notre proposition ou si on devrait aller plus loin pour corriger
des exemples que vous pourriez nous donner?
M. Boisvert: Je pense que de la discussion que j'ai entendue des
membres du conseil d'ad- ministration sur ces questions-là, et il y en a
plusieurs qui sont dans le réseau depuis fort longtemps, c'est davantage
que l'avant-projet de loi sous sa forme actuelle devrait même
peut-être aller un peu plus loin en termes de mécanismes autour
des commissions administratives pour déléguer en région
des décisions qui, anciennement se prenaient à Québec -
les établissements pouvaient contourner les CRSSS pour aller à
Québec - et pour obliger à ce que des décisions
régionales se prennent. J'ai entendu des commentaires de membres du
conseil disant: Est-ce que même, dans certaines régions, on ne
pourrait pas concevoir que des individus ou des corporations puissent avoir des
responsabilités régionales plus poussées que celles qui
existent présentement?
Si on regarde dans le domaine de l'enfance et de la jeunesse, il y a
place à ce que, par exemple, une région... Je connais bien
Lauren-tides-Lanaudière, mais quand la Maisonnée
Laurendière est responsable des enfants déficients intellectuels,
qui ont des services en foyers de groupes, en logements protégés
ou à la maison avec les parents, si on reconnaît l'expertise du
DSP, le directeur des services professionnels de la Maisonnée
Laurendière dans toute la région, pourquoi ne lui donnerait-on
pas la responsabilité de s'occuper de l'encadrement et du
perfectionnement de l'ensemble des autres ressources qui s'occupent de
déficience intellectuelle? On a le sentiment que, ayant
déjà vécu l'expérience d'un CRSSS, il y a place
à ce que vous donniez plus de possibilité et d'autorité
aux régies régionales pour prendre des décisions et pour
obliger des établissements, comme Carole le disait tantôt,
à s'entendre sur des contrats de services, à s'entendre sur qui
prend en charge les populations cibles ou à éviter qu'un jeune,
ou un enfant, ou une autre clientèle ne se retrouve entre deux chaises.
Moi, je résumerais avec le mot "autorité".
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
que, dans la situation actuelle, le plus grand handicap, c'est que les gens
peuvent toujours faire appel à la cour suprême qui est
Québec?
M. Boisvert: Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Alors...
M. Boisvert: D'expérience, je pourrais vous en donner
toutes sortes d'exemples. Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière
question, à moins que M. le Président...
Le Président (M. Joly): Allez, M. le ministre, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière question
sur les groupes communautaires, avec le financement. Ce qui me fait toujours un
petit peu peur lorsque j'entends le discours que vous avez évoqué
tout à l'heure et qui, de toute façon, a été repris
par bien des gens, c'est pleine autonomie et pas de gens qui vont
récupérer ce que le réseau n'est plus capable de faire.
Ça me fait peur un petit peu parce que ce n'est quand même pas de
la petite bière. C'est quoi? 57 000 000 $ qu'il y a dans ces
programmes-là et qui vont nécessairement augmenter au fil des
prochaines années, compte tenu du besoin et compte tenu aussi de
l'apport exceptionnel qu'on a de ces groupes communautaires ou de ces actions
bénévoles. Mais, comment est-ce qu'on fait pour parler de
complémentarité? Parce qu'il va bien falloir tantôt que
l'argent qui est dévolu à des organismes communautaires ou
à des comités de bénévoles aille aussi dans des
orientations ou dans des priorités gouvernementales. Si dans nos
priorités on parle d'enfance et de jeunesse et de vieillissement, il va
bien falloir qu'il y ait une direction de donnée quelque part et que
l'argent aussi dans ces domaines suive les priorités qu'on a sur le plan
provincial.
M. Bolevert: Si vous me le permettez, je vous dirais, et les
membres compléteront, que chez nous, par le contact qu'on a avec
beaucoup de groupes communautaires qui sont membres chez nous, les gens, je
pense, ne tiennent pas un discours où on essaie d'ignorer les
mécanismes de contrôle. J'ai le sentiment que le
développement des planifications régionales d'organisation de
services, que ce soit en santé mentale ou au niveau mésadaptation
ou à d'autres niveaux... Bien sûr, si le ministère ou les
futures régies régionales financent les organismes, il y a
peut-être lieu de distinguer deux types de financement.
Le premier, peut-être que le ministère aurait avantage,
avec les régies régionales, à reconnaître le
financement d'organismes communautaires qui agissent dans des champs
prioritaires pour des financements de base en reconnaissant que leur apport,
indépendamment de la planification régionale, est un apport qui
est judicieux et, par ailleurs, à avoir du financement par projet ou par
programme pour des actions bien précises reliées à la
planification régionale. Le danger, c'est qu'on évolue d'ici
quelques années de telle sorte que les groupes communautaires seront
perçus comme des sous-contractants à travers les valeurs des
professionnels et des administrateurs du réseau de la santé et
des services sociaux. Là, j'ai mes patrons, à côté
de moi, qui en sont. Je pense qu'il faut prendre une distance à la fois
des normes, des valeurs et de la façon de fonctionner du réseau,
mais, en même temps, oui, vous avez raison, il faut que ce soit
complémentaire. S'il y avait place à double financement... Un
groupe com- munautaire qui oeuvre dans une section troisième âge,
handicap, jeunesse, etc., on lui reconnaît - il existe depuis tant de
temps, ça fonctionne bien - un financement de base.
Par ailleurs, il y a un certain nombre de programmes qu'on veut
développer en complémentarité, réseau officiel
communautaire. Il y a de l'argent consacré à cette
complémentarité. Tout l'un ou tout l'autre est faux, mais je
pense que c'est l'agencement entre les deux qui serait judicieux.
Le Président (M. Joly): Merci. Aimeriez-vous ajouter
quelque chose, M. Létourneau?
M. Létourneau: Oui, s'il vous plaît. Concernant les
groupes communautaires, je pense que c'est fondamental aussi qu'on constate
qu'il s'agit là d'une mine d'or pour la société. Ce sont
des groupes qui s'organisent et qui répondent à des besoins que
les citoyens constatent. Lorsqu'on parle d'orientations ou de décisions
qui viennent du ministère ou d'organismes qui fonctionnent, ce n'est pas
toujours le même point de vue que le citoyen qui, dans son quartier,
constate qu'il y a tel problème et qu'il serait nécessaire qu'on
s'organise pour y répondre. Ce n'est pas le même point de vue et
ces groupes-là ne fonctionnent pas avec les mêmes besoins; ils
n'ont pas toujours aussi des principes de permanence. Alors, lorsqu'il y a des
demandes de supervision, de rendre des comptes, parfois ça constitue une
tâche supplémentaire à ce bénévolat. Je
dirais, pour avoir fait du bénévolat dans les quinze
dernières années où j'ai été pas mal
présent auprès de plusieurs groupes, que c'est le hic qui fait
déborder le vase. Tu viens de donner dix heures de ta semaine et
là, il faut que tu en donnes deux pour compléter les formulaires.
Là, on vient de tuer la madame, le monsieur, la fille ou le
garçon. Ces deux heures-là sont comme de trop.
Je pense que, s'il y a des comptes que vous désirez - et je pense
que c'est normal qu'on rende compte de ce qu'on fait avec les deniers publics -
il faut peut-être voir comment tout ça peut se faire dans un
contexte qui est respectueux pour la personne qui donne de son temps. L'argent
qui vient est souvent non pas pour payer des salaires, mais pour payer de
l'équipement, pour payer de l'organisation qui est essentielle au
fonctionnement et pour que ça dure. Pour ces groupes-là,
très souvent, le problème, c'est la continuité. La
continuité, pourquoi n'y est-elle pas? Parce qu'on décourage
parfois les gens.
Il faut avoir monté un camp de jour durant l'été
pour savoir qu'à tous les mois d'avril, quand tu repars ta machine,
ça te prend de l'énergie et, quand tu arrives au mois de
septembre, tu es épuisé. Puis, aux mois d'octobre et novembre, il
faut que tu rendes des comptes, tu n'as plus le goût. Qu'est-ce que tu
fais? Est-ce
que c'est parce que tu as mal dépensé cet argent ou que tu
n'as plus l'énergie pour rendre compte à ton mandant? Le
problème est là et je pense qu'il y a sûrement des
solutions que le législateur, que les fonctionnaires peuvent apporter.
Il faut se dire tout de suite: Est-ce qu'il y a une présomption de bonne
foi ou si les groupes sont présumés mal se servir de cet argent?
Je vous rappellerai que, dans notre bon vieux Code civil, il y a une
présomption de bonne foi.
Le Président (M. Joly): Merci. De la façon dont
ça fonctionne, je vais vous expliquer, vous répondez toujours sur
le temps du ministre et le temps du ministre est déjà
écoulé. Je voudrais quand même reconnaître
l'Opposition et peut-être qu'à l'intérieur des questions de
l'Opposition vous serez en mesure de glisser votre élément de
réponse en supplément.
Je vais maintenant reconnaître la députée de
Chicoutimi, s'il vous plaît. (21 h 45)
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. D'abord, je connais
vos travaux, j'apprécie ce que vous faites, d'ailleurs. Je dois dire
qu'on est toujours plus sensibles quand on se reconnaît dans certaines
recommandations. À la page 12 de votre mémoire, lorsque vous
dites: "II est nécessaire de faire de nos enfants et de nos jeunes une
priorité tout aussi importante que les personnes âgées", je
vous dis que ça me rejoint. Ça me rejoint parce qu'il me semble
urgent qu'on reconnaisse que ce sont les deux bouts de ce que j'appelle le
spectre où devraient être les clientèles cibles. Si on veut
avoir demain des personnes âgées en santé, il faut
commencer tout de suite avec les enfants et, si on veut avoir des jeunes
capables de faire vivre les personnes âgées, il faut qu'on s'en
occupe.
Actuellement, on sait avec une précision, avec une marge d'erreur
extrêmement faible, où vont se trouver, dans les milieux
scolaires, les décrocheurs dans quinze ans d'ici. On sait exactement
où ils se trouvent avec une marge d'erreur extrêmement faible. Ils
sont, comme par hasard, dans les milieux défavorisés, comme on
sait où seront davantage les enfants négligés et ainsi de
suite.
Donc, il faut avoir, par rapport aux enfants, l'approche qu'on a en
environnement. En environnement, il n'y a plus personne... En tout cas, on
commence à questionner l'idée qu'il faut mettre un filtre au
robinet. On va voir les causes de la pollution. Je me dis: En environnement et
en santé, il faut avoir la même approche et il est urgent qu'on
réalise ça. Il y a des expériences américaines
intéressantes, j'en profite pour le dire, où ils estiment que les
plus grands succès sont obtenus lorsqu'on intervient en
périnatalité dans les milieux défavorisés.
Il est urgent qu'on ait une politique de l'enfance et de la jeunesse.
Tout ce qu'on n'investit pas de zéro à 10 ans, on l'investit
malheureusement de 10 à 70 ans. C'est juste un calcul économique.
Je m'excuse un peu de le prendre sous cet angle, mais, pour nous, c'est
important, et on a travaillé longuement là-dessus, sur ce que
devrait être une politique de la petite enfance et de la jeunesse.
Il y a des problèmes que vous avez soulignés, qui sont les
listes d'attente à la DPJ. Les familles d'accueil pour les enfants, il y
a un contingentement et ça pose un problème. Mais il s'est
ajouté un nouveau problème - et j'imagine que ça doit
être dans les autres régions aussi - compte tenu des compressions
budgétaires, de gel de personnel dans les palais de justice, pour les
ordonnances d'expertise psychosociale pour fins de déterminer à
quelle place l'enfant va être gardé, chez le père ou la
mère, les délais d'attente sont de 12 à 24 mois. Il se
détériore, c'est bien évident, hein, s'il n'est pas
vraiment à la place où il devrait être-Ce sont des
problèmes qui, pour le moment, ne nous coûtent rien parce qu'on a
économisé, en tout cas, on économise. Des fois, c'est une
occasionnelle ou on n'a pas comblé tout de suite le poste de permanent
qui est vacant, mais ça va nous poser des problèmes qui vont nous
coûter énormément cher tantôt.
Là-dessus, je dois vous dire que, quand ça touche les
enfants, je trouve qu'on fait preuve d'inconscience parce qu'on est toujours en
train d'éteindre les feux, mais ces jeunes ne seront pas en mesure de
payer pour une population vieillissante.
Vous avez abordé la question de l'intégration et de la
décentralisation. Vous me permettrez d'aller aussi loin que de se
demander si on ne devrait pas - et c'était l'approche que nous avions
proposée, nous - réunir dans un territoire de CLSC, mais sous le
CLSC, la responsabilité de l'application la plus large possible de
toutes les mesures de soutien destinées aux enfants. Là, on sait
que les CSS se partagent ça, la DPJ; vous avez les écoles, les
hôpitaux. Moi, ce qu'on m'a raconté, par exemple, c'est que, dans
les cliniques d'urgence, à l'hôpital, il arrivait qu'on signale un
enfant qui avait subi des mauvais traitements jusqu'à trois fois, il
revenait trois semaines après, il revenait trois semaines après.
Et il n'y avait pas de contact avec l'école. Ils le signalent à
la DPJ, la DPJ ne le signale pas à l'école ni au CLSC, ce qui
fait qu'on perd l'enfant dans le système.
Est-ce qu'il y a moyen de se donner une structure qui nous permette un
peu de suivre l'enfant, je dis de la périnatalité au moins
jusqu'à la fin du primaire et est-ce que ce lieu, il ne serait pas
avantageux qu'on l'identifie comme étant le CLSC? Si c'est le CLSC qu'on
choisit... On sait que 80 % du travail du CSS consiste
précisément à offrir des services... C'est la DPJ. Est-ce
qu'on peut penser qu'éventuellement ça pourrait être offert
en très grande partie par les CLSC? Donc, rapprocher ça un
peu
du monde.
Mme Lalonde: Je pense que l'esprit de ce qu'on voulait
communiquer, c'était aussi de développer des services le plus
près des gens, le plus près des enfants, des parents, que
possible. Tantôt, on soulignait qu'il y avait une liste d'attente des
enfants qui sont signalés. On a évoqué un peu pourquoi. Ce
qu'on oublie aussi très souvent, c'est quand même une
modalité. Si ces jeunes aboutissent là si souvent, c'est
peut-être que les mécanismes d'aide ou de support au niveau de la
prévention du réseau communautaire ne sont pas suffisamment
importants, et ils sont débordés par la tâche.
Il faut aussi voir que le nombre semble important. C'est quand
même 2 % à 5 % de la population entre zéro et 18 ans qui
aboutit à la protection de la jeunesse. Donc, il reste quand même,
en tout cas, une très large place pour développer des services
qui vont venir en aide aux jeunes, car, sans avoir des problèmes aussi
graves qui nécessitent une intervention de protection, il n'en demeure
pas moins qu'ils peuvent vivre des problèmes suffisamment graves pour
que, rendus à l'âge adulte, ce soit inquiétant. Si
ça doit être dans un CLSC ou pas, je ne pourrais pas
répondre directement, mais je pense que plus c'est près du milieu
naturel des enfants, des jeunes et des parents, mieux c'est aussi.
Pour compléter, tantôt on parlait des organismes
communautaires, comme quoi c'est important qu'ils aient une certaine autonomie
et qu'ils puissent aussi être complémentaires. Mais il faut
peut-être savoir, en tout cas, à tout le moins pour les
adolescents, que, souvent, les initiatives viennent des parents ou des jeunes
eux-mêmes. Les jeunes, quand ils ont des problèmes, ce n'est pas
aux professionnels qu'ils en parlent en premier. C'est d'abord à
d'autres jeunes, à d'autres personnes qui leur ressemblent. Donc, je
pense qu'il y a là un potentiel à développer, tout le
réseau de la première ligne, le réseau communautaire, pour
pouvoir, justement, faire place à ce genre d'aide que les jeunes
eux-mêmes peuvent se fournir entre eux ou que les parents peuvent se
fournir entre eux.
Mme Blackburn: Mais est-ce que je vous traduis bien si je dis
que, si vous, vous aviez à prendre une décision sur cette
question quant à définir un lieu où on retrouverait
l'ensemble, un lieu de coordination - j'allais dire de contrôle - de
dispensation des services aux enfants, ça pourrait être le
CLSC?
M. Boisvert: Si vous me le permettez, quand vous le formulez
comme ça, c'est large parce que, quand on parle des services aux
enfants, est-ce que ça comprend les enfants handicapés physiques,
mentaux? Alors, là, j'ai le sentiment qu'à l'échelle d'un
territoire de CLSC ça voudrait dire multiplier des expertises qu'on a
peut-être intérêt à regrouper sur le plan
régional. Si je regarde, par exemple, les interventions qui se font
auprès d'enfants atteints de paralysie cérébrale, à
moins de vouloir que les CLSC soient des courtiers de ressources ou d'aller les
chercher dans des centres d'accueil ou à d'autres endroits, on ne
pourrait pas fournir, par territoire de CLSC, tous les services qu'on peut
obtenir à l'hôpital Marie Enfant, à Sainte-Justine ou bien
dans le milieu scolaire, à Victor-Doré. Alors, j'ai le sentiment
que ça dépend. Quand vous le prenez large comme ça, il
faut voir chacune des clientèles. Si on prenait juste enfance,
protection de la jeunesse, retour dans le milieu, service, prévention,
je peux voir qu'il y a quelque chose là. Mais si on regarde d'autres
problématiques: alcoolisme, handicaps, troubles d'apprentissage,
troubles de comportement, je ne suis pas sûr, vraiment. J'ai le sentiment
qu'il y a des distinctions à faire.
Mme Blackburn: Vous pourrez peut-être répondre en
même temps. Je me disais qu'il faudrait qu'on ait... En tout cas,
j'imaginais qu'on aurait avantage, collectivement, à avoir une porte
d'entrée pour éviter qu'à un moment donné on ne
perde... Vous savez, si vous prenez l'enfant en périnatalité,
vous l'avez ensuite à la naissance, avec la jeune maman, pour les
injections, le suivi, ainsi de suite, vous êtes déjà
capables de savoir un peu comment ça se présente, surtout quand
vous êtes dans ce qu'on appelle les milieux à risque. Ensuite,
vous êtes aussi au fait de ce qui se passe à l'école, s'il
a des problèmes d'apprentissage, s'il a l'air d'être craintif, il
est peut-être négligé, ou affamé le matin, sur le
point de s'évanouir, parce qu'on sait aussi que ça arrive, parce
qu'il n'a pas mangé depuis la veille.
Alors, ce qu'on me répète, c'est que le problème,
c'est que c'est trop complexe, il y a trop de portes d'entrée. Et
l'idée, c'était: est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un lieu, une
porte d'entrée, un guichet, un responsable identifié et connu qui
s'occupe aussi de la famille? Parce que les problèmes des enfants,
quelqu'un me faisait la remarque tantôt, ce n'est pas que les parents...
Les enfants négligés, battus, violentés, ce sont des
enfants mal aimés. Ce ne sont pas des enfants qu'on n'aime pas, on les
aime mal. C'est difficile à concevoir, mais ça doit ressembler
à ça. Le problème, c'est qu'il faut soigner la famille en
même temps.
Est-ce que ce n'est pas, finalement, le CLSC... Je reviens à
ça parce que c'est ce qui me semble le plus proche de ce
qu'étaient avant l'église et la paroisse, où il y avait
une espèce de référence, où on retrouvait ses
ressources, ses contacts, ses amis, les copains à qui on contait les
choses.
M. Létourneau: Si vous me le permettez, moi, j'y vois deux
problèmes. Je vois un problè-
me de continuité dans les services; s'il y a deux ou trois
secteurs qu'on implique en tant que secteur de première ligne, secteur
de seconde ligne, le problème, c'est la continuité dans
l'intervention. Le deuxième problème, c'est le transfert des
dossiers. C'est la continuité qui s'en ressent. L'idéal, ce
serait d'avoir certaines structures qui permettent aux gens de travailler
ensemble, de collaborer et de ne pas se sentir séparés par des
structures. Que je sois dans un CSS, dans un CLSC, dans un hôpital, dans
le fond, ce qui est important, c'est la personne, c'est l'enfant.
Est-ce que la structure présentement, ce qui est proposé
dans le projet de loi permet une bonne communication entre les groupes et
permet de générer et d'engendrer le goût de travailler,
tout le monde ensemble? Il me semble qu'à vouloir remettre ça
à un groupe plus qu'à un autre, est-ce qu'on ne vient pas de
repartir des batailles de pouvoir: qui fait quoi et quand est-ce que je le
fais? Et ça, je pense que, du moment qu'on se pose ces questions, on
vient de mettre un certain délai dans l'exécution de
l'intervention.
Mme Blackburn: Est-ce qu'on n'évite pas ce
problème-là lorsqu'il y a une autorité reconnue? Je
reviens toujours à ma structure. D'abord, est-ce que ce n'est pas
ça, le problème qu'on a, on n'a pas de continuité? Je le
dis encore: On perd un peu l'enfant qui est en besoin dans le système,
actuellement, selon qu'il est à l'école, qu'il est dans la salle
d'urgence ou qu'il est référé à la DPJ. Il n'y a
pas cette continuité. Est-ce que la façon d'assurer, de forcer,
j'allais dire d'obliger un peu les partenaires à collaborer et à
offrir les services en concertation, ce n'est pas d'identifier un responsable?
C'est ça, ma question.
M. Létourneau: si vous le permettez, il y a un
élément auquel je tiens beaucoup, c'est qu'il n'y a pas de
continuité parce qu'il y a des manques de ressources et, quand il y a
des manques de ressources, les groupes s'arrachent les ressources. à ce
moment-là, ça crée une certaine compétition entre
les groupes pour s'approprier ces ressources. ça, je pense que c'est
important à considérer.
Le Président (M. Joly): Excusez.
Mme Blackburn: On pourrait peut-être ajouter, dans cette
perspective-là, et je le dis au ministre: Si jamais c'était
laissé aux CLSC, il faudrait qu'il y ait une enveloppe
protégée parce qu'on sait actuellement que l'enveloppe
destinée à la prévention pour les enfants elle a
glissé progressivement du côté du maintien à
domicile, dans tous les CLSC que je connais.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître Mme la députée de Marie-Victorin. S'il vous
plaît.
Mme Vermette: Oui.
Le Président (M. Joly): Brièvement.
Mme Vermette: Moi, j'écoutais, en fait, vos propos et,
effectivement, je m'occupe surtout du dossier qui touche à la
toxicomanie, donc la consommation de drogue, et je sais à quel point,
actuellement, c'est rendu un fléau surtout chez nos jeunes. Même
si ce n'est pas l'ensemble des jeunes qui en consomment, ils en consomment tout
de même maintenant considérablement, un assez gros pourcentage.
Et, là comme ailleurs, je pense qu'il manque énormément de
ressources actuellement. Et c'est surtout des ressources en
réadaptation, en tout cas, que je regarde. Et, là aussi, on peut
soulever le fait qu'il manque énormément de concertation, en
fait, au niveau des intervenants et des actions à prendre à ce
niveau-là. Et ça fait augmenter le volume des gens à la
DPJ justement parce que c'est intimement lié avec tous les autres
troubles de comportement et de violence que l'on connaît
actuellement.
Ce qui m'amène à vous poser la question: Comment
croyez-vous qu'il serait capable actuellement, compte tenu du réseau que
l'on connaît... L'implication d'une approche beaucoup plus individuelle
face à toute cette problématique à l'heure actuelle?
Mme Lalonde: Une approche individuelle. Vous avez les jeunes
alcooliques et toxicomanes.
Mme Vermette: Voilà.
Mme Lalonde: Je pense qu'il y a des approches de groupes aussi
qui ont pu démontrer que c'était... Par exemple, ce qui se fait,
entre autres, en collaboration milieu scolaire, CLSC, centres de
réadaptation, c'est d'utiliser d'anciens décrocheurs ou des gens
qui ont vécu des problèmes et qui viennent témoigner
auprès des jeunes qui sont identifiés comme étant des
groupes plus à risque. Et les jeunes se forment un groupe pour
s'informer mutuellement sur les dangers de l'alcool, des drogues. Je ne sais
pas... En tout cas, en matière d'approche individuelle, c'est sûr
qu'il y a des choses qui sont possibles, mais il y a aussi des approches en
groupe, en tout cas, qui ont montré qu'il pouvait y avoir des
alternatives de ce côté-là.
Mme Vermette: Mais, je veux dire... bon... Le Président
(M. Joly): Excusez, madame...
Mme Vermette:... au niveau de réadaptation, à part
les...
Le Président (M. Joly): la députée, m.
boisvert avait quelque chose à ajouter. c'est à peu près
une des dernières interventions, s'il vous plaît.
M. Boisvert: Oui, sur ce sujet, comme dans beaucoup d'autres,
peut-être que M. le ministre peut intervenir auprès de son
confrère, le ministre de l'Éducation, pour qu'on conçoive
que l'école demeure un excellent lieu où le réseau
santé et services sociaux peut rejoindre les jeunes quand il est encore
temps, que ce soit pour les questions de violence, d'alcool, de
sexualité, de MTS. Je pense à la mission MSSS-MEQ et à
toutes les relations entre les deux ministères afin de faire en sorte
que l'école demeure un lieu de dépistage et de prévention;
il y a du travail à faire entre les deux ministères.
Le Président (M. Joly): Mme la députée, une
dernière petite question là, brièvement, très
brièvement, s'il vous plaît.
Mme Vermette: En fait, je reviens aussi, tout de même,
à cette question au niveau des ressources. Vous parliez des approches;
les enfants entre eux font tout ça. Mais très souvent au niveau
des urgences, on disait que, justement, quand il arrive des jeunes avec des
problèmes de cet ordre, on ne sait pas répondre
adéquatement ou on ne donne pas un service adéquat et,
très souvent, on les retourne, en tout cas bon an mal an, vers ce qui
peut être disponible très souvent. Et c'est surtout des enfants
qu'on trouve aussi qui ont été dans des familles d'accueil et
qui, à un moment donné, s'en vont dans une famille d'accueil
parce qu'ils n'en peuvent plus ou parce que, bon, on a brisé une forme
de confiance avec eux, une relation de confiance.
Le Président (M. Joly): M. Létourneau, s'il vous
plaît.
M. Létourneau: Si vous me le permettez. Il y a la notion
d'intervenir dans un contexte d'urgence.
Mme Vermette: Oui.
M. Létourneau: À ce moment-là, donc, on
intervient dans un contexte d'urgence. Alors, lorsqu'on applique, exemple,
donc, un 24 heures, on place l'enfant. Il faut lui donner, donc, un toit. Il
faut le nourrir. Il faut qu'il puisse se laver, cet enfant-là.
Ça, c'est la première priorité. C'est
postérieurement que le plan d'intervention doit se développer. Je
pense que ce qui est important, et le Conseil québécois insiste
beaucoup, c'est la formation du personnel et la transmission des connaissances.
Plus le personnel et plus les gens qui travailleront dans les milieux
connaîtront, sauront et auront des moyens d'intervention et plus on sera
probablement face à une efficacité et à un respect du
bénéficiaire tel que la loi le situe. Et pour nous, la notion de
respect pour l'enfant... Lorsqu'on entend dire: Ça fait trois fois que
l'enfant vient à l'urgence de l'hôpital, j'en ai assez et je le
signale, pourquoi faut-il qu'on attende trois fois avant de prévenir et
avant d'enclencher un contexte de protéger cet enfant? Où est le
respect de l'enfant dans ce retard de l'intervention?
Mme Blackburn: Ça faisait trois fois qu'il était
signalé?
M. Létourneau: Je ne sais pas qui tantôt donnait cet
exemple.
Mme Blackburn: C'est moi qui donnais cet exemple-là: trois
fois qu'il était signalé par l'infirmière de l'urgence et
il revenait.
M. Létourneau: II revenait
Mme Blackburn: bien oui. donc, il n'avait pas été
sorti de son milieu. ce n'était pas trois fois avant qu'elle le signale.
c'était la troisième fois qu'elle le signalait.
M. Létourneau: Ça aussi, c'est pour vous faire part
comment il y a des contextes de priorité. Cet enfant-là
n'était peut-être pas la priorité par rapport au type de
signalement qui était reçu. La machine présentement - le
Conseil québécois en est témoin et tout le monde ici qui
travaille dans le milieu social - travaille dans un contexte d'urgence. Il faut
se sortir de ce contexte d'urgence. À ce moment-là, il faut que
la loi sur les services de santé et les services sociaux permette de se
sortir de ce contexte d'urgence. Si l'enfance tombe sous la Loi sur la
protection de la jeunesse, on sera confrontés à un contexte
d'urgence.
Le Président (M. Joly): Merci. Alors, je pense qu'on a
accompli ce pourquoi on s'était réunis. Alors, Mme De
Grandmont-Fortier, je vous remercie, vous et votre groupe, pour nous avoir
présenté votre mémoire. Alors, nous allons maintenant
ajourner à demain matin, 14 février, 10 heures. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 5)