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(Dix heures onze minutes)
La Présidente (Mme Marois): SI vous voulez bien prendre
place, nous allons reprendre nos travaux. La commission des affaires sociales
procède actuellement à une consultation générale et
à des auditions publiques dans le cadre de l'étude de
l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé et les services
sociaux. Nous entendrons aujourd'hui six groupes en commençant ce matin
par les représentantes, je crois, de la Clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles. Si les personnes veulent bien s'avancer et prendre place
dans les fauteuils devant nous.
Nous allons d'abord procéder aux remplacements, s'il y a lieu.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Gautrin
(Verdun) sera remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert) et Mme
Vermette (Marie-Victorin), par Mme Blackburn (Chicoutimi).
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Il faut souligner la
présence du ministre délégué à la
Santé et aux Services sociaux, M. Sirros, député de
Laurier.
Je vous rappelle brièvement nos règles: environ 20
minutes, pas plus, pour présenter votre mémoire. Par la suite,
les membres de la commission sont invités à vous poser des
questions, à émettre des commentaires, à échanger
avec vous dans un temps qui se partage à peu près à parts
égales, de part et d'autre de la table. Bienvenue à cette
commission, nous vous écoutons.
Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles
Mme Guay (Lorraine): Au nom du conseil d'administration de la
Clinique de Pointe-Saint-Charles...
La Présidente (Mme Marois): Je m'excuse. Pouvez-vous vous
présenter et présenter la personne qui vous accompagne?
Mme Guay: D'accord. Je suis Lorraine Guay. Je suis
présidente du conseil d'administration de la Clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles et Jocelyne Bernier est la coordonnatrice
générale de la clinique. On vous remercie de nous accueillir en
commission parlementaire-Juste quelques constations. Probablement que vous
connaissez Pointe-Saint-Charles; je vous donne quelques chiffres qui vont vous
situer encore mieux. notre quartier comprend 14 000 habitants, habitantes. nous
avons un taux de sans-emploi dans le quartier qui est supérieur à
55 %, avec 35 % environ de la population qui est sur le bien-être social
et le reste au chômage. nous avons 52 %, forcément, des gens qui
sont sous le seuil de la pauvreté, un taux de chômage qui est
autour de 20 %, légèrement supérieur à celui du
sud-ouest en général, qui est de 16 %. un tiers des familles sont
des familles monoparentales avec, évidemment, les femmes à la
tête de ces familles-là. plus de 50 % aussi de la population est
analphabète et, enfin, 18 % des personnes sont des personnes seules.
dans un contexte comme ça, mme la présidente, vous comprendrez
que ce ne sont pas la haute technologie médicale ni les "scans" qui vont
régler nos problèmes. c'est pourquoi on tient à dire qu'on
est complètement en accord avec le fait que le système se propose
maintenant d'axer toutes ses énergies sur des objectifs de santé
à atteindre et pas seulement sur des services à mettre sur pied.
à ce niveau-là, on est d'accord avec ça et on tient
à le souligner. sauf que, au niveau de ces objectifs de santé, un
aspect qui nous apparaît sous-estimé dans l'avant-projet de loi,
c'est le fait que la réduction des inégalités ou la lutte
à la pauvreté - vous comprendrez qu'on en parle parce qu'on vit
dedans quotidiennement - ça ne nous apparaît pas suffisamment
fort, suffisamment ciblé comme objectif global de notre système.
par exemple, on est d'accord pour dire qu'il faut réduire de 20 %, bien
sûr, les maladies cardio-vasculaires, personne ne veut mourir de
ça, sauf que, dans notre coin, par exemple, la simple réforme du
bien-être social, les réductions dans l'assurance-chômage
qui vont être amenées par la réforme de
l'assurance-chômage vont produire au moins 20 % de stress
supplémentaire et des conditions encore plus difficiles. ce qui fait que
le climat général du quartier est à la baisse, au niveau
des conditions de vie et, dans ce sens-là, toutes les campagnes
possibles pour faire diminuer la cigarette, pour manger mieux, pour avoir de
meilleurs comportements sexuels etc., ça devient très difficile.
alors, on trouve que les objectifs du système ne sont pas suffisamment
axés sur les causes fondamentales des problèmes de santé
qui sont reliés aux conditions socio-économiques, et je pense
qu'on en est la preuve vivante.
C'est pour ça qu'à la Clinique communautaire de
Polnte-Saint-Charles, bien sûr, on donne des services. Cette
clinique-là, qui existe depuis plus de 20 ans maintenant, donne des
services de santé dans les différents domaines, mais fait en
sorte que les services ne soient pas le seul objectif et la fin en soi
de ce système-là. On n'a jamais dit à la population que
c'est ça qui va régler principalement les problèmes de
santé. Alors, la clinique s'est beaucoup engagée dans toute son
existence sur des luttes qui concernent les conditions de vie.
Je vous donne juste quelques exemples. On a, par exemple, investi
énormément d'énergie au niveau du logement, pas tout
seuls, avec l'ensemble des acteurs communautaires de notre quartier parce que,
si on réussit à maintenir à la baisse le prix des loyers,
c'est autant de gagné, c'est autant d'acquis pour rendre un climat plus
favorable à la santé pour les locataires de notre coin.
La même chose au niveau des jeunes. On a mis sur pied une table de
concertation jeunesse où se retrouvent la ville de Montréal, la
CECM, les écoles, les comités de parents, les groupes
communautaires et les organisations de jeunes du quartier pour faire en sorte
qu'on s'attaque ensemble à ces problèmes. C'est une dimension
très importante du travail de la clinique, autant que de faire un examen
des oreilles ou un examen vaginal.
Encore une fois, au niveau des objectifs de santé, pour finir
là-dessus, on trouve qu'il faudrait que ce soit davantage axé sur
l'ensemble des conditions de vie. On est sceptiques et on embarque très
peu dans des objectifs qui ne font que s'attaquer aux comportements
déviants des gens. À ce compte-là, on est tous, dans notre
quartier, des déviants à plus d'un titre à cause de nos
habitudes de vie et, encore une fois, ce ne sont pas des campagnes qui vont
changer ça.
Un dernier aspect. On trouverait à ce moment-là
très important qu'il y ait une large consultation publique sur la
politique de santé et de bien-âtre parce que c'est là que
pourrait se déterminer la façon dont on va fixer et
réaliser ces objectifs. Je ne sais pas, Jocelyne, si tu veux ajouter
quelque chose. Ça va?
Le deuxième aspect de notre mémoire traite du mode
d'organisation proposé. On tient à souligner assez fortement que
nous sommes contre la proposition de fusionner les conseils d'administration de
l'ensemble des établissements par territoire de CLSC. On trouve que ce
n'est aucunement un exercice démocratique qui va faciliter et promouvoir
une véritable participation des citoyens. Ça nous semble une
mesure administrative qui est en contradiction avec l'un des objectifs de la
loi qui vise à promouvoir la participation des citoyens et même
à améliorer cette participation, compte tenu de ce qui a
été fait durant les vingt dernières années.
On trouve qu'à ce niveau-là il y a des dangers
évidents de réduire la participation des citoyens. De même,
le fait que seulement le tiers de ces citoyens-là soient élus et
que les autres soient cooptés le fait que soient exclus des conseils
d'administration les représentants des travailleurs et des travailleuses
de ces institutions nous semblent aussi une lacune importante à ce
niveau-là. À cause de notre expérience qui dure maintenant
depuis plus de 20 ans, on est tout à fait favorables à la
participation des représentants d'employés aux conseils
d'administration. Nous sommes un conseil d'administration, nous avons des
représentants d'employés et, loin de faire valoir uniquement les
intérêts des employés là-dessus, c'est un
élément de plus qui permet au conseil d'administration de prendre
des décisions plus éclairées, en s'assurant justement de
la participation des travailleurs.
Ce sur quoi on veut insister, c'est sur notre expérience à
Pointe-Saint-Charles. Comme je le disais tout à l'heure, c'est une
clinique qui existe depuis plus de 20 ans. Ça a été une
des premières cliniques communautaires au Québec. Notre
expérience prouve, je pense, dans les faits, la participation des
citoyens. Nous avons un conseil d'administration qui est entièrement
composé de citoyens, dix citoyens et un représentant des
employés. Les citoyens sont élus en assemblée
générale annuelle où le taux de participation, compte tenu
de notre population, est très important, très
élevé. L'intérêt se maintient d'année en
année, bien sûr, entretenu et stimulé par l'organisation
communautaire, mais on trouve que cette expérience est infiniment
positive pour l'implication des citoyens dans l'orientation et dans la gestion
de leurs services.
À ce compte-là, on voudrait attirer l'attention de la
commission parlementaire sur le fart que la Clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles jouit d'un statut particulier. C'est un organisme sans but
lucratif complètement contrôlé par les citoyens, mais qui a
un mandat public de CLSC, qui remplit, à toutes fins pratiques, les
mêmes fonctions qu'un CLSC, mais dont le mode de gestion est
complètement différent. Dans les différents articles de
loi, il nous est apparu qu'il n'y a rien qui puisse garantir le statut de notre
clinique. Alors, on voudrait demander à la commission d'appuyer le
maintien de notre statut et, même, s'il y a d'autres milieux qui ont la
volonté et les capacités de mettre en oeuvre, de mettre sur pied
de telles cliniques, on trouve que ça devrait être possible.
Je me souviens très bien, parce que j'y étais à
l'époque, en 1972, que la clinique avait présenté, au
moment de la loi 65, un mémoire qui demandait au gouvernement de
l'époque de faire en sorte que des cliniques qui existent
déjà, qui ont une expérience, qui sont
contrôlées par la communauté, puissent continuer et que
ça ne soit pas passé sous le rouleau compresseur de modes
d'organisation unifiés à travers la province de Québec.
Cela avait été refusé, évidemment, sauf qu'on
s'était battus pour garder notre statut particulier. Alors, encore une
fois, on refait la même demande. On voudrait conserver ce statut
particulier parce qu'on trouve que c'est ce qu'il
y a de plus valable pour notre quartier.
Quelques mots sur la décentralisation qui nous apparaît
être plus, dans ce que nous en avons compris, une déconcentration
administrative. On trouve qu'à ce niveau aussi cette orientation, qui
est valable, qu'on appuie, nous apparaît un peu handicapée par le
fait que le ministère continue quand même de conserver
l'orientation générale. Au niveau d'une politique globale de
santé, bien sûr, ça revient au gouvernement élu,
mais concernant la fameuse question de programmes-cadres, on trouve qu'il y a
là un risque de bureaucratisation, d'uniformisation des pratiques qui
est très dangereux.
Même chose, la question de la participation des citoyens, du
pouvoir réel des régions à ce niveau-là par leurs
citoyens nous apparaît très faible dans cet aspect.
La place aussi des organismes communautaires. Je pense que vous
conviendrez avec nous que c'est un des secteurs de la société
québécoise particulièrement vivant, qui a apporté
depuis plusieurs années des façons nouvelles de répondre
à des besoins nouveaux, beaucoup de vitalité, de dynamisme,
beaucoup d'Implication. À ce niveau, la volonté, un peu,
d'encadrer de façon beaucoup trop précise le communautaire
à l'intérieur du réseau ou d'en faire un volet qui veut
simplement compléter le réseau nous apparaît aussi
très dangereuse et réductrice par rapport à la pratique
des groupes communautaires. En particulier, le fait que les groupes
communautaires seront soumis aux programmes-cadres, qu'ils devront se soumettre
à des mécanismes d'évaluation dirigés depuis la
régie régionale, etc., nous apparaît contraire à la
pratique des groupes communautaires. On risque là de tarir la source, si
on veut.
En particulier, on trouve dommage que les regroupements d'organismes
communautaires soient retirés du financement possible parce que vous
savez comme nous autres, je pense, qu'un regroupement provincial de maisons
d'hébergement, de centres de femmes, de jeunes, etc., c'est un
véritable laboratoire d'échanges de pratiques, etc., et que
couper les vivres à ces organisations qui donnent déjà
énormément de temps, d'investissements et d'énergie,
c'est, encore une fois, priver la société
québécoise d'un apport extrêmement riche.
Finalement, il nous est apparu que dans ce projet de loi il y avait un
oubli surprenant qui était les polycliniques privées. En fait, on
a bien compris M. Castonguay quand il est venu demander une privatisation
accrue de ce système pour introduire la concurrence. On trouve que
ça existe déjà pas mal et que le réseau des
polycliniques privées est, en fait, un système de santé
parallèle qui n'est soumis à aucun objectif de santé et
à aucun contrôle de la part de la population.
À ce niveau-là, on pense qu'il y a deux poids, deux
mesures. On introduit dans le système des objectifs très
précis, des modes d'évaluation. On va juger la performance de
tous les acteurs du système, ce qui est bon, sur un certain nombre
d'objectifs à atteindre, mais les polycliniques privées sont
complètement flottantes dans notre système et impriment à
ce système-là aussi une direction sur laquelle ni les citoyens,
ni le gouvernement n'ont de prise.
C'est sûr qu'avoir une clinique communautaire dans un quartier,
puis à trois pas de la rue avoir une polyclinique privée qui
donne aux citoyens une tout autre vision de la santé, qui les traite
différemment, c'est une sorte de schizophrénie dans notre
système qui est très malsaine à l'heure actuelle. On
trouve qu'il pourrait très bien y avoir un bilan des performances des
polycliniques privées, de tout le système privé au niveau
de la santé - est-ce que ça améliore vraiment notre
santé, ce genre de système-là? - avant de continuer dans
la même direction.
Alors, j'arrête là. Ce sont les principaux
éléments de notre réflexion.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. J'inviterais maintenant le ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux
à échanger avec vous et à poser des questions.
M. le ministre.
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Mme
Guay. Je trouve toujours intéressant d'entendre la Clinique
communautaire de Pointe-Saint-Charles faire des recommandations, parce que vous
êtes effectivement un modèle à peu près unique, je
pense, dans le domaine de la santé. Vous avez survécu pendant 20
ans maintenant. Même si vous avez des craintes par rapport à votre
survie face au conseil d'administration unifié, je reste confiant, parce
que vous avez su, à travers ces 20 dernières années, faire
face à toutes sortes de difficultés et de problèmes, que
ce soit au niveau du manque de ressources, de la mise sur pied du réseau
des CLSC, des efforts qui ont été faits peut-être pour vous
transformer en CLSC. Vous êtes devenue, en quelque sorte, un CLSC, tout
en restant une clinique communautaire basée beaucoup sur un
modèle de participation des citoyens. Et c'est peut-être à
partir de ça que j'aimerais commencer la discussion, parce que la
réforme, en quelque sorte, elle vise beaucoup une réforme
basée, elle aussi, sur la participation des citoyens. On peut discuter
des modalités qui sont mises de l'avant, mais les citoyens ont une plus
grande place dans les structures qui sont proposées qu'ils n'en ont
actuellement et, même, il y en a plusieurs qui disent que c'est trop,
dans le sens qu'on a évacué les professionnels qui peuvent
représenter des intérêts, etc., pour les remplacer
strictement par des gens élus, des citoyens qui, par la suite, en
choisissent d'autres, etc.
J'aimerais vous entendre un petit peu sur comment vous, vous avez
réussi, en quelque sorte, l'implication de vos citoyens, même avec
la concurrence que vous souligniez tout à l'heure des polycliniques qui
offrent une autre vision de santé dans le quartier, même dans un
quartier dont beaucoup disent que c'est un quartier difficile. Mais vous avez
quand même réussi à développer une participation,
puis une implication active de la part de la population autour de la clinique
communautaire. Vous avez un conseil d'administration qui est différent
de celui des CLSC. En particulier, j'aimerais vous entendre un peu sur le
rôle que joue le personnel ou le représentant du personnel sur le
conseil d'administration. Vous n'en avez qu'un, d'après ce que je vois,
ce qui est déjà différent, parce que les autres ont les
professionnels, les non-professionnels, le Conseil des médecins et
dentistes, etc. Et c'est souvent une source de frustration dans beaucoup de
conseils d'administration des autres établissements. (10 h 30)
Alors, peut-être avoir un peu vos réflexions sur
l'implication et la participation des citoyens et le rôle que peuvent
jouer les citoyens dans d'autres contextes, parce que, effectivement, les
autres contextes sont différents de ceux de Pointe-Saint-Charles.
Mme Guay: Merci de ces questions-là, c'est
intéressant. Si on est défavorisés au niveau
socio-économique, on ne l'est pas du tout au niveau de la participation
et, je dirais, de la culture de la participation qui s'est
développée dans ce quartier-là. Je pense que la clinique
en a bénéficié en même temps qu'elle a enrichi ce
mouvement, parce que la même prise en charge qu'on retrouve à la
clinique, elle se fait au niveau de tous les autres secteurs, au niveau du
logement, au niveau du développement économique communautaire, au
niveau de la garderie, au niveau du carrefour d'éducation populaire, au
niveau de la pharmacie communautaire. L'ensemble des organisations
communautaires fait en sorte que c'est la population elle-même qui est
appelée à gérer ses institutions. Alors, on n'est pas
différents et ça, ça aide énormément.
Évidemment, on n'est pas tout seuls dans notre coin à vouloir
faire cette expérience-là. Il y a, encore une fois, une
espèce de culture qui s'est développée, à laquelle
on tient énormément et dans laquelle on met
énormément d'énergie.
Par exemple, je pense que, si on a réussi a mousser la
participation des citoyens, c'est parce que c'est un objectif important. Donc,
on y consacre du temps, des énergies. Quand vient le temps de
préparer les assemblées générales de la clinique,
les assemblées générales, ce ne sont pas des exercices
formels. On ne fait pas juste envoyer un petit avis, comme ça, où
on dit aux gens: Venezl Ça ne marche pas de même. Ils .ont aller
plus au bingo qu'à l'assemblée de la clini- que. Alors, il y a
beaucoup d'énergie en porte-à-porte. Au niveau du travail avec
les patients, quand les patients viennent pour leur rendez-vous, on leur parle
de ce qui va se dérouler à l'assemblée
générale. Il y a des petits théâtres populaires qui
sont organisés, on va chercher la participation des groupes. Il y a un
effort de mobilisation et les gens répondent très bien à
cet effort-là. Quand on place les gens dans des conditions pour
participer, ils vont participer. Ça ne tombe pas du ciel comme ça
la participation; elle se bâtit, elle se construit avec des moyens comme
l'organisation communautaire.
Au fil des années, on trouve que la présence majoritaire,
et exclusivement majoritaire dans notre cas, de citoyens sur le conseil
d'administration, c'est ça qui garantit que la boîte, si on veut,
ne tourne pas à vide ou ne tourne pas juste pour elle-même. Du
fait d'avoir des citoyens sur un conseil d'administration, qui arrivent avec un
regard très différent, qui arrivent avec leur vécu, avec
ce qu'ils vivent dans la maison chez eux, etc., avec leurs voisins, ils sont
capables de voir si ce qu'on fait répond aux besoins de santé
d'une population. Alors, il y a des débats au niveau du conseil
d'administration sur les services qu'on donne, sur la façon dont le
personnel les donne aussi et il y a une espèce de débat constant
à ce niveau. Le fait d'avoir des gens qui sont extérieurs
à la boite elle-même, c'est superimportant pour apporter la vision
du quartier sur un conseil d'administration.
Mme Bernier (Jocelyne): J'aimerais compléter un petit peu.
Je suis un peu dans la situation de gestionnaire. Je pense qu'il y a des acquis
à tirer de l'expérience de la clinique. Quand on veut orienter un
réseau de santé vers des objectifs de santé, rien de mieux
que d'avoir une présence, à mon avis, majoritaire des usagers sur
le conseil d'administration. Ils vous questionnent sur les résultats.
Vous avez des comptes à rendre et, quand les gens sentent qu'ils ont un
pouvoir réel, ils viennent l'exercer.
Je vais vous donner un exemple qui a été vécu,
disons, il y a quelques années à la clinique autour de la
situation des jeunes assistés sociaux qui ne recevaient que 180 $ par
mois. La population nous a dit: Écoutez, vous avez beau les soigner,
ça développe de la criminalité, de la prostitution et le
reste. Il faut que la clinique fasse quelque chose, il faut qu'elle
déplace ses énergies. C'est une institution comme une autre. Ce
n'est pas facile. À l'interne, parfois les services existent, mais les
citoyens ont insisté, ont demandé qu'on déplace les
énergies, qu'on établisse des priorités.
À travers ça, on a développé des organismes
jeunesse, on a développé une table de concertation jeunesse.
Donc, les usagers étant de l'extérieur vous questionnent sur
votre performance. Si on veut vraiment orienter le système dans ce
sens-là, un des outils, c'est de créer des
conseils d'administration où ils peuvent exercer - pas des
superstructures où ils vont être perdus à gérer cinq
établissements en même temps - où ils vont questionner les
gestionnaires des établissements. Je pense que les employés
étant présents, ça permet cet échange et
c'était justement pour répondre aux attentes de la
population.
L'autre élément que je veux dire, c'est que, dans
l'approche, aussi, les citoyens amènent... Ce n'est pas le réseau
qui digère le communautaire. Mais la clinique, à travers son
histoire, a contribué à la mise sur pied d'une pharmacie
communautaire, d'une garderie populaire, d'une maison de jeunes, d'un
café pour jeunes adultes qui a une vocation sociale. Elle a
contribué au programme économique de Pointe-Saint-Charles. La
clinique a une ressource alternative en santé mentale. La clinique a
ceci comme approche: souvent, elle développe des programmes et les remet
aux usagers progressivement, en les soutenant dans ça, ce qui a permis
à la clinique de jouer un rôle dans le développement d'un
réseau communautaire et dans la prise en charge, par la population, des
difficultés qu'elle rencontre. Bien sûr, on ne contrôle pas
tout le développement économique. C'est ça qui a fait, par
exemple - ce qui a un petit peu dérangé le gouvernement, j'ai eu
à le vivre - qu'on a critiqué la réforme de l'aide
sociale, à un moment donné, sous la pression du milieu qui
disait: Écoutez, c'est une question de santé. Et c'est ça,
l'approche que le projet de loi prétend faire.
Déjà, dans le document d'orientations, on dit qu'il faut
une approche multisectorielle. Il faut penser aux conséquences sur la
santé des mesures socio-économiques qu'on prend, telle la
réforme de l'aide sociale, ou d'autres mesures au niveau du
développement économique. Cette approche, qui est un peu
particulière, moi, je dirais qu'elle est attribuable à la
participation des citoyens. Leur vision des services de santé est une
vision qui est très proche de l'impact des conditions de vie sur leur
santé.
Mme Guay: Je voudrais... Est-ce que je peux?
La Présidente (Mme Marois): Oui. Ça va, allez-y,
Mme Guay.
Mme Guay: Je voudrais ajouter, sur la question de la
participation des citoyens, que le conseil d'administration, c'est un des lieux
pour le faire, mais qu'on développe aussi d'autres lieux à
l'intérieur même de la clinique. Parce que ça pourrait
aussi n'être qu'un seul des endroits. Mais, par exemple, le comité
de sélection du personnel est composé aussi, majoritairement, de
citoyens du quartier. Alors, ce sont eux qui font la sélection, avec la
représentante des employés du métier concerné. Si
c'est une infirmière qu'il faut engager, il va y avoir une
représentante infirmière, avec la directrice du personnel aussi,
à ce niveau-là. Mais c'est un comité de sélection
dirigé par les citoyens du quartier, qui, de même, est
nommé par le conseil d'administration. Il y a aussi un comité de
relations avec les usagers où, encore une fois, les citoyens vont
être majoritaires. De sorte qu'il y a différents lieux à
l'intérieur même de la clinique où les citoyens ont leur
place et pas juste pour décider de la couleur des murs, mais pour
décider profondément sur des orientations importantes.
Sur la question qu'il n'y ait qu'un seul représentant des
employés professionnels et non professionnels, nous avons toujours tenu
à ça mordicus et on va continuer à y tenir parce qu'on
trouve que le conflit professionnels-non-professionnels est réel, bien
sûr, mais que, quelque part, c'est un faux conflit aussi. Et le
reproduire dans des structures ne fait qu'accentuer ce conflit-là,
à notre avis. Les professionnels, médecins, infirmières,
en particulier, dans des CLSC ou dans une clinique comme la nôtre, sont
un des éléments de la promotion d'une santé communautaire;
ils ne sont pas le seul. Ils n'ont pas nécessairement tout le temps le
rôle capital qui leur revient. Nous, on a des travailleurs
communautaires. On a des organisateurs communautaires. On a des gens à
l'accueil. On a des gens qui travaillent en lien avec les patients et qui ont
un apport parfois aussi important et, des fois, je dirais plus important que
certains professionnels, de sorte que, si on prétend poursuivre ensemble
des objectifs de santé et réduire les inégalités
dans notre coin, on ne voit pas pourquoi il y aurait une sorte du
supériorité de pouvoir accordée à l'un ou l'autre
de ces corps professionnels. De sorte qu'il y a un représentant du
personnel qui est élu par l'assemblée générale du
personnel. Ça a parfois été un médecin, mais pas
souvent; ça a souvent été d'autres travailleurs, une
infirmière, une travailleuse communautaire, une secrétaire. Au
fil des années, une variété de personnels ont
été représentés. On va continuer de tenir à
ça. On trouve que ce qui est apporté au conseil d'administration,
ce qui doit être apporté par le représentant du personnel,
c'est la vision d'un personnel qui doit fonctionner en équipe dans une
clinique comme celle-là. Il n'y a pas de raison, encore une fois,
d'accorder à un métier ou à l'autre... En tout cas, en
santé communautaire, les médecins ont une part importante
à jouer, mais sûrement pas la part la plus importante. On tient
à marquer ça d'une façon structurelle aussi.
M. Sirros: D'accord. L'autre volet qui m'intéressait un
peu et sur lequel j'aimerais vous entendre aussi, c'est la question des
organismes communautaires. Vous avez participé à la mise sur pied
de plusieurs organismes communautaires dans votre quartier, vous en avez fait
l'énuméra-
tion, des organismes communautaires pourtant qui sont axés vers
la dispensation de services à des gens autour des objectifs
communautaires reliés à la santé, dans votre cas. Ce qui
est probablement l'une des façons les plus, je dirais, correcte ou
claire de faire de l'organisation communautaire à l'intérieur
d'un centre communautaire, d'une clinique communautaire qui aide l'organisation
de la communauté autour des objectifs de services en santé
à la communauté et reliés aux besoins de la
population.
Vous avez aussi dit que, finalement, les organismes communautaires ne
devraient pas être associés comme tels aux programmes qui seraient
mis de l'avant par la région et devraient maintenir en quelque sorte,
donc, une indépendance ou une autonomie qui leur permettrait d'agir
selon les besoins locaux. Deux questions: Est-ce le cas actuellement des
organismes communautaires qui oeuvrent dans votre coin? Reçoivent-ils
des subventions? Ont-ils des comptes à rendre? Quel est le statut,
finalement, de leur association par rapport aux objectifs du réseau? 2.
Ça m'étonne, mais "étonne", c'est peut-être fort
comme mot, la demande que plusieurs font de maintenir le lien entre les
organismes communautaires et le ministère directement plutôt que
de les associer à la planification régionale. Je comprends le
souci d'accaparer en quelque sorte ou de conscrire des organismes
communautaires dans des objectifs qui seraient définis ailleurs. Mais ne
trouvez-vous pas aussi que plus on va rapprocher le centre de décision
de l'endroit où les besoins se font sentir le plus clairement et le plus
directement, plus on a de chance d'avoir véritablement un rôle
influent que les groupes peuvent jouer au niveau de la détermination des
objectifs de leur coin?
Mme Guay: Sur la première partie de la question, à
savoir nos liens avec les organismes communautaires de notre quartier, je pense
que la clinique, depuis toujours, a éliminé de son approche
l'impérialisme en matière de... Évidemment, ce serait
très facile, la clinique étant...
M. Sirros: Ce qui se fait souvent.
Mme Guay: Pardon?
M. Sirros: Ce qui existe souvent.
Mme Guay: Oui, oui. On connaît ça, oui, parce qu'on
est l'un des gros organismes aussi par la taille, par la dimension du budget,
par le nombre d'employés etc., donc par les ressources. Mais ce serait,
d'ailleurs, une attitude complètement...
M. Sirros: Antidémocratique.
Mme Guay: ...antidémocratique et qui serait refusée
par le milieu lui-même, à cause encore une fois de la culture
que... Alors, ce que Jocelyne disait, tous les organismes qui ont
été mis sur pied par la clinique ont très vite pris leur
autonomie par rapport à cette clinique-là et on trouve que c'est
quelque chose de très riche, de très intéressant de
maintenir cette autonomie-là. Alors, par exemple, la garderie...
M. Sirros: Je voulais dire aussi l'autonomie par rapport
au...
Mme Guay: Réseau.
M. Sirros: ...gouvernement. (10 h 45)
Mme Guay: Oui, oui, je vais répondre sur cette autre
question-là. Je veux insister là-dessus parce que, au niveau des
CLSC aussi, souvent, il peut y avoir cette volonté-là, à
toutes fins pratiques, de contrôler le milieu plutôt que
cT'autonomiser" le milieu. En tout cas, notre expérience nous prouve
que, par exemple, "Le Café sans mur", qui a été l'un des
organismes que la clinique a aidé à mettre sur pied et qui est en
train de... Les jeunes, quand ils viennent, quand ils s'adressent à la
clinique en assemblée générale, par exemple, ils nous ont
fait des demandes très précises et pas juste en termes de
financement, non plus. Il y a des choses très importantes qui naissent
quand le groupe a l'autonomie nécessaire pour le faire. On aime mieux
gérer des problèmes d'autonomie que des problèmes de
dépendance, d'une certaine façon.
L'autre aspect du volet. Je pense que, pour l'ensemble des organisations
communautaires, il y a deux aspects. Le fait de pouvoir avoir accès au
centre du pouvoir... Dans l'avant-projet de loi et dans le document
d'orientations c'est évident que les programmes-cadres, que tout ce qui
fait le coeur de ces objectifs-là, c'est décidé au niveau
du ministère. Alors, ne pas avoir accès à ça et
être relégué à un niveau second où ces
choses-là vont être tout simplement appliquées, je pense
qu'il y a une réaction saine de vouloir aller là où est le
coeur des choses, premièrement. Deuxièmement, je pense que les
organismes ne sont pas du tout contre le fait d'avoir à entretenir des
relations avec le niveau régional, au contraire. Ce sont tous des
organismes qui ont des pratiques importantes dans des quartiers et dans des
régions. Il n'y a aucun problème à ce niveau-là. Le
problème se situe au niveau où est déterminée
l'orientation générale du système et ne pas y avoir
accès alors que d'autres vont pouvoir y avoir accès, c'est
là qu'est le problème.
Mme Bernier: Je voudrais juste compléter brièvement
sur les liens de la clinique avec le réseau. Je représente la
clinique; que ce soit au niveau du département de santé
communautaire, je siège au comité directeur. J'ai des liens
réguliers, pour représenter la clinique, avec le
conseil régional. La clinique est donc un organisme communautaire
qui se concerte. On a des ententes de services, par exemple, en santé
mentale, avec le centre hospitalier psychiatrique, le centre hospitalier
Douglas, où on a une approche très particulière. C'est
possible pour des organismes et, pourtant, à travers tout ça, la
clinique exerce son autonomie.
À notre avis, l'un des problèmes de la réforme
comme telle: le ministère doit déterminer les grandes
orientations, mais, si le ministère va jusqu'à la programmation,
il risque d'y avoir une vision trop éloignée des milieux. Et,
à ce moment-là, ce qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir
possibilité d'autonomie. On donne les services équivalents
à un CLSC, mais avec une approche qui correspond aux
particularités du milieu. L'autre élément peut-être
à signaler qui questionne le réseau, c'est que la réponse
à des nouveaux besoins et les nouvelles approches - pensez aux
ressources alternatives en santé mentale, pensez aux centres
d'hébergement pour femmes violentées - ce n'est pas le
réseau qui les a développées. Ce sont les citoyens qui se
sont regroupés dans des organisations communautaires et les
regroupements de ces organisations-là sont des milieux d'échange
de pratiques qui doivent se poursuivre, parce que quand on est isolés...
La clinique garde sa vitalité parce qu'elle est au coeur d'un
réseau communautaire aussi. Dans un organisme communautaire, sans ces
regroupements, ces échanges de dynamisme risquent un peu d'être
atrophiés. Dans ce sens-là, si l'on veut que le réseau se
fasse questionner par la population, il y a peut-être lieu de maintenir
des regroupements provinciaux d'organismes communautaires.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Sirros: On me dit que mon temps est écoulé, mais
on aurait pu continuer longtemps encore. J'espère que d'autres questions
seront soulevées de votre côté. Sûrement.
La Présidente (Mme Marois): Oui, sûrement, il y a
d'autres questions qui seront soulevées qui vous permettront d'explorer
un autre point de vue. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. On va aller dans le
même sens, dans la même direction que le ministre
délégué, compte tenu effectivement de la longue
expérience que vous avez dans le communautaire et, faut-il le
préciser encore une fois, des succès que vous avez obtenus avec
cette formule de l'approche communautaire. Je pense qu'il serait important
d'essayer de voir à travers votre expérience du communautaire
jusqu'où on peut aller à l'extrême limite, parce que votre
première critique sur la place du communautaire dans le projet de loi
est sur- tout - et, là, ça m'apparaît comme fondamental -
le message que vous laissez au ministre et au ministère sur la
définition des objectifs de santé en relation avec les causes, et
vous avez absolument raison. Quant à nous, il n'y a pas suffisamment de
liaison entre les causes, par exemple, pauvreté, situation des
populations, et la détermination des objectifs de santé.
Au cours des présentes auditions, on a été, j'ai
été, en tout cas, particulièrement un peu beaucoup surpris
que plusieurs groupes communautaires ou des regroupements nous disent: La
régionalisation, oui, mais, pour ce qui concerne le communautaire, s'il
vous plaît, laissez-nous entre les mains du ministre. Il y a comme
quelque chose de gros, là, qui m'est difficilement explicable. On a une
approche communautaire et on se fait dire: Nous aimerions mieux fonctionner
avec le centralisé et, entre guillemets, quel que soit le ministre et
quel que soit le fonctionnement du ministère, avec plus d'arbitraire,
forcément. Comment expliquez-vous ça et quelle est votre
façon de voir les choses là-dessus? Deuxièmement,
j'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus sur: oui, effectivement,
quant à vous, vous êtes prêtes pour l'approche
communautaire, la Clinique de Pointe-Saint-Charles est prête à
gager, entre guillemets, sur le jeu de la complémentarité, de la
concertation et de la collaboration avec un organisme régional.
La Présidente (Mme Marois): Mme Bernier.
Mme Bernier: Je pense que le fait que la réforme... Il
n'est pas clair quel est le mandat des régies régionales. Nous,
on dit: Oui, décentralisez, mais pas une décentralisation
strictement administrative. Donnez aux régies régionales le
pouvoir d'établir des programmations. Ce que le communautaire veut,
c'est se greffer à l'endroit et se faire entendre là où se
déterminent non seulement les objectifs généraux, mais
aussi la programmation. Je pense que c'est un élément important.
Si vous pensez à une régionalisation uniquement par une
décentralisation administrative et des programmes définis en
haut, il y a un risque qu'on ne tienne pas compte des communautés et les
gens du communautaire veulent avoir, comme interlocuteur, le lieu où se
décident les programmations. C'est un premier élément. Je
pense que, dans la survie des regroupements communautaires, j'ai parlé
brièvement de l'importance de ces regroupements comme lieux
d'échange de pratiques. Si vous voulez en maintenir la vitalité,
je pense que vous devez les maintenir.
L'autre élément, c'est qu'au niveau des régies
régionales, en tout cas, nous, et, je pense, plusieurs organismes
communautaires veulent participer, mais une participation qui leur soit
accordée sur une base réelle. Si vous remarquez, entre le
collège électoral et le conseil d'ad-
ministration, la proportion du communautaire diminue. Pourquoi ne la
maintient-on pas, d'une part? D'autre part, il est possible de se concerter
avec le réseau tout en gardant une autonomie dans l'approche. Je pense
que ça aussi, c'est un autre message du communautaire. La clinique le
fait; elle le fait depuis de longues années. On est partie prenante du
réseau, on collabore avec plusieurs établissements, on a des
ententes interétablissements dans différents domaines de
services, mais on garde une approche qui est contrôlée par la
communauté. La contradiction est peut-être plus apparente que
réelle, dépendant des options qui seront faites au niveau du
réseau. Si vous gardez la programmation au niveau central, oui, le
communautaire doit y avoir accès si ce sont des approches nouvelles.
Gardez, ne perdez pas les lieux de vitalité qui existent dans les
regroupements; donnez-leur une place réelle avec un pouvoir de
programmation au niveau régional et peut-être qu'on se comprendra
mieux.
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y.
Mme Guay: Deux aspects sur cette question-là aussi. Je
pense que la méfiance du communautaire face au régional vient
beaucoup de son expérience de la régionalisation, de
l'expérience des CRSSS. Je pense que le rapport Rochon, à ce
niveau-là, et plusieurs rapports de recherche, entre autres, les
filières d'action sociale, racontent à répétition
les expériences malheureuses du communautaire avec les CRSSS. Je pense
qu'il y a là une explication historique de cette méfiance.
L'autre explication aussi est plus profonde. Je pense que des grandes
problématiques comme, par exemple, la question de la violence faite aux
femmes, les maisons d'hébergement, etc., ne sont pas que des
problématiques régionales, à ce niveau-là. Si on
les particularise, c'est-à-dire si c'est la régie
régionale qui devient le seul lieu, pour un organisme qui s'occupe de
cette prati-que-là, de discuter et de débattre, il y a risque la
aussi d'un arbitraire assez important. Chaque régie régionale
pourrait dire, à toutes fins pratiques, que dans sa région il n'y
en a pas tellement, de violence faite aux femmes et qu'on ne va pas tellement
accorder d'importance à ça au niveau des budgets puis au niveau
de l'encouragement de pratiques. À ce moment-là, on peut
comprendre facilement que l'ensemble des regroupements de femmes qui s'occupent
de cette problématique-là tiennent mordicus à avoir
accès au pouvoir central qui, lui, va pouvoir dire, si c'est dans le
projet de loi: Bien, la violence faite aux femmes, elle est incontournable,
quelle que soit la régie régionale. Il y a cette
dynamique-là, à l'heure actuelle, qui joue, plus le fait que les
régies régionales, en tout cas dans ce qu'on en comprend, ce
n'est ni tout à fait une régionalisation totale, ni non plus une
simple déconcentration administrative. Alors, il y a une espèce
de structure un peu douteuse, en gros.
M. Trudel: Oui. Il m'apparaît assez clairement que c'est
effectivement l'expérience bureaucratique, entre guillemets, des
relations avec certains CRSSS, par exemple, ou plusieurs CRSSS,
peut-être, qui amène cette crainte qui, par ailleurs - je pense
qu'on peut bien le reconnaître - est encore difficile a comprendre. De
cette peur des CRSSS, on se reporte sur un organisme central, et vous venez
d'en parler, qui va décider des objectifs à poursuivre, qui va
fixer les horizons et qui, forcément, doit avoir une vision, par
définition même, plus large, moins individualisée, moins
particularisée, moins situationnelle, parce que devant tenir compte de
l'ensemble de la population du Québec.
À cet égard, vous avez parlé très
brièvement tantôt - et j'aimerais que vous élaboriez un peu
plus là-dessus - de la détermination des objectifs de
santé. À partir du moment où vous introduisez, à
très juste titre, quant à moi, la nécessité de lier
la détermination des objectifs de santé et, donc, tout ce qu'on
va faire en termes de programmation - ça aussi, on y reviendra
après - pour atteindre ces objectifs-là, dans quelle mesure
allez-vous être là pour en discuter, pour échanger? Est-ce
qu'il ne vous apparaît pas anormal, mais complètement anormal,
sinon anachronique, que la détermination des objectifs de santé
ou que les mécanismes de détermination des objectifs à
poursuivre ne comprennent pas les usagers, la population en
général et ceux et celles qui sont dans le système, et
quel devrait être, selon vous, ce mécanisme qui permette, à
mon avis, annuellement, à tout le moins, d'analyser les résultats
et de réviser, si tant est qu'il y aurait à réviser, les
objectifs poursuivis non seulement en termes d'une réforme, mais de
pratiques qu'on va introduire dans le système de santé et des
services sociaux? C'est où, et comment on devrait faire ça, selon
vous?
Mme Guay: Bon. Je pense qu'on n'a pas fait une analyse
détaillée, bien sûr, des mécanismes à ce
niveau-là. Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est qu'on parle
d'établir une politique de santé et de services sociaux. Ce n'est
pas encore fait. Il y a des pas qui vont dans ce sens-là. Cette
politique-là, à notre avis, c'est elle qui va être un peu
le coeur des futures années, en termes d'objectifs de santé.
M. Trudel: Je vais vous arrêter tout de suite en disant:
Écoutez, ça n'a pas de bon sens de dire qu'on va définir
une politique de la santé et du bien-être quand on est en train de
construire toute la machine pour les réaliser.
Allez, continuez. (11 heures)
Mme Guay: Là-dessus, il faut minimalement faire de vastes
consultations et donner la possibilité aux gens de dire ce qu'on veut
atteindre en termes d'objectifs de santé, sur quoi on veut travailler.
On l'a dit, on est très conscients de ça. On met en place,
effectivement, des structures, des mécanismes parce qu'on est en train
de passer d'un système axé sur des objectifs de services à
un système axé sur des objectifs de santé. Ça, on
dit que c'est la bonne voie. Mais là c'est bien sûr que toutes les
énergies sont mises pour changer les structures, changer les
mécanismes qui existent à l'heure actuelle. Ça ne va pas
nous faire atteindre ces objectifs-là, on en est convaincu. C'est pour
ça qu'on demande que sur la politique de santé il y ait un vaste
débat public important, capital, qui va déterminer non seulement
comment on va les atteindre mais ce qu'on va atteindre comme objectifs de
santé, ce qu'on se fixe comme société à atteindre
d'ici l'an 2000, par exemple.
Mme Bernier: J'ajouterais qu'on a été
déçu entre le document d'orientation et l'avant-projet de loi de
voir qu'il ne s'agissait que d'une réforme de structures. Nous, on
aurait souhaité - c'est pour ça que c'est le premier point dans
notre mémoire - des consultations sur les objectifs de santé.
C'est un premier élément. L'autre élément sur la
détermination de ces objectifs-là, je pense qu'on reconnaît
au ministère la responsabilité de définir des grandes
orientations et on souhaite qu'au niveau régional il y ait plus qu'une
décentralisation administrative. Donc, qu'il y ait de larges
débats là-dessus parce que nous, quand on regarde les objectifs
de santé, parfois ça nous questionne. Il y a des questions
d'orientation qui ne sont pas transparentes. Prenons, par exemple, l'objectif
de réduire à 6 pour 1000 le nombre de mortalités
périnatales. On peut, là-dessus, se lancer dans une technologie
à tous crins qui va nous coûter des millions, alors que les
facteurs principaux sont des facteurs de pauvreté, qui ne coûtent
pas tant que ça. C'est une intervention préventive qui est
peut-être moins "flashée", mais qui risque d'apporter plus de
résultats que d'investir dans un financement de haute technologie.
Ce n'est pas notre objectif de dire que les hôpitaux ne sont pas
nécessaires et qu'on ne doit pas se pencher sur la qualité des
services qui sont donnés. Je veux bien préciser la chose. Mais,
quand on discute d'objectifs de santé, il peut y avoir matière
à débats d'orientation extrêmement importants qui vont
faire en sorte qu'on va atteindre ou ne pas atteindre nos objectifs. Et ce
n'est pas parce que le système "hospitalocentrique", comme
j'appellerais, est le plus important et le plus gros que c'est là qu'on
doit continuer les développements. à notre avis, si on se laisse
questionner - et le gouvernement comme nous, on essaie de faire à la
clinique - par le milieu, on va être amené à faire
peut-être des choses qui, vues de loin, n'ont pas l'air d'Interventions
de santé. Par exemple, les luttes qu'on a menées sur la
réforme de l'aide sociale, parce que, pour nous, pauvreté et
santé, c'est une situation qui a été largement
établi et qui devrait être prise en compte. Ce n'est pas la
clinique. Il y a des chercheurs. Plusieurs chercheurs ont établi le fait
que les résultats ou l'état de santé de la population est
d'abord lié à ses conditions de vie, non pas à ses
habitudes de vie individuelle, mais à ses conditions de vie.
M. Trudel: D'habitude, le ministre de la Santé et des
Services sociaux répète souvent, à cette commission, qu'il
a son petit carnet vert pour prendre les notes les plus importantes quant au
travail qu'il va réaliser après les présentes auditions.
Certainement que le ministre délégué pourrait amener des
citations que vous venez de lui faire sur le lien pauvreté-santé.
Je suis...
Une voix: ...sur la couleur des carnets.
M. Trudel: ...certain qu'il va transmettre le message parce que
c'est central. C'est central, la description que vous faites là, et la
façon d'organiser les choses après. Si on n'a pas bien saisi les
racines du mal, les racines du problème, les racines de la situation, on
ne fait que passer par ce qu'on a appelé ici comme vous le rouleau
compresseur de la santé, parce que, quand on regarde dans tout le
système de la santé et des services sociaux, la proportion
même d'argent qu'on investit dans l'un ou l'autre des volets, on se rend
compte que, sur les quelque 10 000 000 000 $ - ce n'est pas des pinot-tes - que
l'on consacre à ces deux services au Québec, 20 % vont au
communautaire et aux services sociaux - et je répète - incluant
la réadaptation, par rapport à tout le restant évidemment,
80 %, quelque chose comme 6 000 000 000 $ pour les services de santé.
Avec la description que vous nous faites, comment penser diminuer la
deuxième partie qui gobe la plus large part du budget? Il y a comme une
mauvaise orientation quelque part.
Une dernière question avant de passer la parole à Mme la
députée de Chicoutimi. Vous travaillez beaucoup
évidemment, vous êtes en contact très étroit avec
les bénéficiaires. Est-ce que vous avez l'impression que les
bénéficiaires dans le système de santé et de
services sociaux au Québec sont suffisamment protégés,
qu'ils peuvent exercer leurs droits et qu'ils exercent leurs droits
correctement? Et est-ce que les mécanismes par lesquels ils peuvent
passer pour s'assurer de la jouissance de ces droits sont suffisants au
Québec?
Mme Guay: Ce n'était pas dans notre mémoire. On n'a
pas étudié ça de façon approfondie. On pense
globalement qu'il n'y a pas
suffisamment de protection des droits des bénéficiaires.
Il y a des mécanismes, bien sûr, des comité de
bénéficiaires, etc., mais comme ce ne sont pas des
mécanismes de pouvoir, il y a très peu de pouvoirs à ce
niveau-là, on n'a pas de système d'"advocacy" non plus... En
particulier, dans l'avant-projet de loi, le fait que le mécanisme de
défense des droits, que les plaintes que les bénéficiaires
peuvent apporter soient gérées par le système
lui-même - c'est la régie régionale qui va recevoir la
plainte de l'institution, etc.; la régie régionale va
déterminer un organisme communautaire qui va être le pilote d'une
plainte à l'intérieur du système - c'est une autre preuve,
à notre avis, d'encadrement du communautaire.
À mon avis, l'absence de système global d'"advocacy"
à ce niveau-là est une faiblesse fondamentale de notre
système. Ce qu'on essaie de développer au niveau de notre
quartier, c'est, comme on le disait tout à l'heure, des
mécanismes de comités de relations d'usagers, de comités
d'usagers qui, eux-mêmes, vont être en mesure de critiquer le
service lui-même et de le critiquer, comment dirais-je, au niveau des
objectifs et de la structure aussi. La plainte qu'un bénéficiaire
peut faire, bien sûr, elle est dans le cadre de sa pratique à lui,
avec un service, ou un médecin, ou une infirmière, etc., ou une
institution, mais il y a peu de places dans ça pour une critique plus
globale des structures elles-mêmes et de la qualité des services.
Alors, on veut mettre plus de mécanismes où les citoyens vont
avoir leur mot à dire à ce niveau-là.
Mme Bernier: À la clinique, ce comité de relation
avec les usagers gère les plaintes. On lui fait rapport de l'ensemble
des plaintes et il peut faire des recommandations au conseil d'administration
sur des modifications à apporter dans les services. Donc, je vous dirais
qu'au moindre problème les gens savent qu'ils ont accès direct au
conseil d'administration ou à ce comité d'usagers. Donc, le
téléphone, ça ne prend pas de temps qu'il sonne. Ils
sentent qu'il va y avoir des mesures. On ne va pas nécessairement dans
la confidentialité des dossiers, on va gérer, on fait un rapport
sur toutes les plaintes qui ont été faites, sur quoi elles
portaient, quels ont été les correctifs et, parfois, ça
peut amener à faire des recommandations plus générales au
conseil d'administration. C'est un peu la façon de fonctionner. Encore
là, en mettant la présence des usagers au coeur de la gestion, je
pense que ça assure une meilleure défense des droits des
usagers.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la
députée de Chicoutimi qui, en fait, je vais le corriger, remplace
le député de Joliette et leader de l'Opposition.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente.
Très brièvement, parce qu'il y aurait beaucoup de
questions à poser, mais le temps passe rapidement. Vous avez, je pense,
bien fait le tour de la question en signalant que le projet de loi que nous
avons sous la main ne donne pas vraiment suite au rapport Rochon, non plus
qu'au document de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux
qu'elle est allée consulter. L'impression générale qui
s'en dégage, c'est une loi touchant les structures, mais on n'est pas
certains qu'en dessous de ça la volonté réelle, ce n'est
pas une plus grande privatisation - le prétexte de la loi ressemble un
peu à ça - et tantôt, peut-être même, si on
suit le raisonnement de l'Association des hôpitaux, des tickets
modérateurs. Et, ça, c'est inquiétant.
J'aimerais juste rappeler que les organismes communautaires, pour le
Parti québécois et l'Opposition officielle, c'est à ce
point important qu'on s'était engagés, nous, à consacrer
l'équivalent de 1 % du budget du Québec aux organismes
communautaires, parce qu'on y croit, parce que c'est le seul endroit où
il se fait vraiment du travail, en tout cas, qui ressemble plus à de la
prévention que ce qu'on trouve dans le curattf, évidemment, parce
que c'est davantage votre action. Mais, si on veut vraiment parier de
prévention, il faudrait que ce soit encore un peu à la tête
et avant ce que vous faites. Vous êtes entre les deux, finalement. Alors,
pour nous, c'était majeur et important et il me plaît de le
rappeler.
Je comprends votre inquiétude touchant les CRSSS. Les CRSSS,
c'était le bras du ministère. Il y en a qui les appelaient la
boîte à lettres du ministère. Ils n'avaient pas de
pouvoirs, parce que l'essentiel des règles étaient
établies à Québec, au ministère ou par le
gouvernement. Le rapport entre la pauvreté et la sous-scolarisation,
ça m'a toujours préoccupée. La sous-scolarisation
égale chômage, maladie, pauvreté. Et ça, ça
va de pair. Et parler de prévention, c'est parler de scolarisation
aussi.
Alors, la réponse, c'est le BS, c'est-à-dire les
modifications au BS, les modifications à l'assurance-chômage qui
vont accroître le phénomène, de même les frais de
scolarité, les écoles privées, le gel de quatre ans des
budgets pour les maternelles. Alors, tout ça va
précisément à rencontre de tout ce que serait une
politique de prévention.
Là-dessus, j'aimerais que vous en pariiez haut et fort.
Cependant, je crois très fort à la décentralisation. Ma
question est dans un tout autre ordre d'idées. Mais j'aimerais vous
entendre, parce qu'on laisse planer l'idée de cette carte pour supprimer
les abus. Que pensez-vous de la carte à puce? Parce que ça vise
vos clientèles, si j'ai bien compris.
Mme Guay: Nous, nous sommes absolument contre toute mesure qui va
accroître le contrôle sur les gens. D'abord, cette notion d'abus,
nous,
on la conteste de façon importante. Il n'y a pas plus d'abus...
Il y a des abus dans notre système, mais ils ne sont pas plus importants
ni plus graves dans les milieux comme les nôtres que dans les milieux
gouvernementaux, dans les milieux de professionnels, dans les milieux
d'affaires ou bancaires, etc. S'il y avait eu des boubous macoutes dans les
milieux d'affaires, probablement qu'on aurait découvert plus que
quelques millions d'abusés.
Alors, je m'excuse. On est écoeurés de se faire traiter de
cette façon en laissant supposer que les populations, entre guillemets,
défavorisées sont celles qui abusent du système, alors que
c'est complètement faux. C'est complètement faux, cette
notion-là. Je pense qu'il faut se rendre compte à quel point les
conditions de vie sont difficiles, à quel point la misère est
dramatique dans certains quartiers et dans certaines régions.
Et quand on est une femme seule avec des enfants, etc., pas de travail,
difficultés d'accès à peu près à tout, de
venir à une clinique communautaire, de faire examiner son enfant et de
pouvoir parler d'autres choses en même temps... Les gens n'abusent pas du
système. Et toute mesure qui va... Ce que je pourrais dire, il peut
peut-être y avoir... Ils vont peut-être venir souvent, pour un
certain nombre de problèmes, mais ça fait juste nous dire
à quel point la misère est profonde et à quel point ce
qu'on leur offre n'est peut-être pas adéquat aux types de besoins
qu'ils ont.
Je veux dire, les gens qui... J'ai dit tout à l'heure qu'il y a
55 % de notre population qui n'a pas d'emploi. Mais, quand on n'a pas d'emploi,
les problèmes qu'on vit sont joliment plus dramatiques. Et on peut
venir, à ce moment-là, soi-disant, plus souvent. Mais ce qu'on
dit en venant souvent, c'est qu'on aimerait ça avoir un autre genre de
vie. On aimerait ça travailler pour pouvoir avoir accès à
un niveau de vie où on ne serait pas obligé d'avoir recours aux
pilules et à ces expédients-là.
Alors, à ce niveau-là, on est complètement en
désaccord avec ça, et toute mesure, bien sûr, qui va
diminuer des services qui existent déjà à des populations
comme les nôtres. Ça va produire le même effet que la
réforme de l'aide sociale, le même effet que la réforme de
l'assurance-chôma-ge. Ça va accroître la pauvreté.
(11 h 15)
Mme Bernier: J'aimerais aussi peut-être ajouter que ce
qu'on qualifie d'abus peut mettre en doute les services qui sont donnés.
Si, parfois, les gens vont voir plusieurs médecins de suite, on peut se
questionner: Est-ce que le corps médical est suffisamment formé
pour avoir une approche globale médico-sociale? Si l'usager qui reste
dix minutes avec son médecin a le sentiment qu'on n'a pas pris en compte
ses problèmes, il y a peut-être là des raisons qui
expliquent un certain "shopping" médical.
À ce moment-là, la carte, on n'en a pas vraiment
discuté. Ce qui est important pour le conseil d'administration, c'est de
protéger la confidentialité. Ça peut être un certain
outil, mais, à notre avis, ce n'est probablement pas l'outil principal.
Questionnons-nous sur l'attention qui est portée à l'usager quand
il va voir son médecin et peut-être qu'on comprendra pourquoi il
va en voir trois s'il ne trouve pas le service de qualité auquel il a
droit.
L'autre élément que je veux souligner là-dessus,
c'est la question de la privatisation qu'on critique dans le mémoire. On
est un organisme avec un statut privé communautaire, si vous voulez, on
collabore avec le réseau, mais si on veut s'engager dans le sens de la
privatisation, à notre avis, il y aurait un sérieux bilan
à faire des polycliniques privées. Quel est leur travail au
niveau préventif si on s'oriente vers une approche d'objectifs
santé? Quelle est leur performance? Pourquoi, dans le projet de loi,
n'en parle-t-on pas, et, pourtant, c'est financé à même les
fonds publics? C'est la Régie de l'assurance-maladie qui finance ces
services-là. Pourquoi n'en est-il pas question? Pourquoi ne sont-elles
pas parties prenante d'une concertation? Pourquoi les usagers n'ont-ils rien
à dire sur l'orientation des services qui est donnée? La carte
santé est peut-être un élément, mais si on veut
s'interroger sur les abus, entre guillemets, je pense qu'on doit aussi poser
ces questions. Quelle est la formation des médecins parce que, souvent,
une problématique de santé est aussi une problématique
sociale? Quelle est, finalement, la qualité de services que les gens
reçoivent et quel est le mot qu'ils ont à dire sur un certain
réseau privé de santé? Donc, avant de le
développer, questionnons-le.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Malheureusement,
notre temps est écoulé, il a même été
dépassé. Nous vous remercions du témoignage sûrement
très significatif pour les membres de la commission. M. le
député, madame, M. le ministre.
M. Sirros: Si on avait pu continuer plus longtemps, j'aurais eu
d'autres choses dont on aurait pu discuter au sujet de l'implication des
citoyens, le lien entre le communautaire, le privé et le gouvernement,
mais merci beaucoup, ça a été intéressant.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie.
M. Trudel: Malheureusement, ça a été trop
court.
La Présidente (Mme Marois): J'inviterais maintenant le
Regroupement des organismes communautaires jeunesse du Montréal
métropolitain à bien vouloir prendre place à la table.
Alors, c'est
Mme Ubaldi, qui est présidente. J'aimerais que vous nous
présentiez les personnes qui vous accompagnent. Vous avez ensuite une
vingtaine de minutes au maximum pour présenter votre mémoire, et,
par la suite, les membres de la commission pourront échanger des propos
avec vous.
Regroupement des organismes communautaires jeunesse du
Montréal métropolitain
Mme Ubaldi (Terry): Bonjour, je suis Terry Ubaldi, la
présidente du Regroupement des organismes communautaires jeunesse et je
suis déléguée du centre Head and Hands, une clinique
communautaire à Notre-Dame-de-Grâce. Je vais laisser les personnes
ici se présenter elles-mêmes avant de commencer.
M. Parazelli (Michel): Michel Parazelli, je suis
secrétaire administratif pour le Regroupement, c'est comme la
permanence.
M. Rivard (Marcel): Marcel Rivard, représentant de
l'organisme Carrefour jeunesse Lon-gueull.
M. Moïse (Jacques): Jacques Moïse, je suis
coordonnâtes du projet.
La Présidente (Mme Marois): Nous n'avons pas compris.
M. Moïse: C'est parce qu'il y avait un bruit.
La Présidente (Mme Marois): Oui, vous avez eu un peu de
concurrence.
M. Moïse: Jacques Moïse, du projet d'interventions
auprès des mineurs prostitués.
La Présidente (Mme Marois): Merci.
Mme Gervais (Lise): Use Gervais, du Bureau de consultation
jeunesse, bonjour.
mme ubaldi: avant de commencer à vous dire qui on est, ce
qu'on fait et un peu nos réflexions, on aimerait déposer une
tablette avec notre mémoire, notre nouveau mémoire et tous les
autres mémoires qu'on a déposés à plusieurs
commissions différentes. alors, on voudrait vous présenter
ça.
Une voix: ...tablette?
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Je ne sais pas. On
pourrait poser la question. Vous savez, le sens de tablette, au gouvernement,
ce n'est pas très positif. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Mais on comprend que
c'était pour vous aider à déplacer le nombre important de
mémoires que vous avez.
Une voix: Ou encore, c'est parce qu'ils ont été
"tablettes".
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): C'est pour ça que je
soulevais la question.
Mme Ubaldi: Le ROC est une association communautaire qui regroupe
seize ressources communautaires qui ne travaillent pas uniquement mais de
façon prioritaire avec les jeunes et les jeunes adultes. Nous sommes
dans la région du grand Montréal. On nous retrouve dans des
villes comme Laval et Longueuil, du nord au sud, à l'ouest, à
Pierrefonds, à l'est, dans Montréal-Est, et dans toutes les
différentes régions à l'intérieur du grand
Montréal: Hochelega, Verdun, LaSalle, NDG, etc.
Nos pratiques communautaires sont bien enracinées dans nos
diverses communautés par nos actions démocratiques qui
soutiennent les initiatives des citoyens et, pour plusieurs d'entre nous, on
est là depuis plus de 20 ans, ça veut dire même avant que
le réseau public soit là. Nous sommes différents et
semblables, l'un et l'autre. Différents, parce que nos organismes
représentent un peu les couleurs de nos diverses communautés et
leur réalité et qu'on travaille dans différents champs
d'action. Juste pour vous dire, il y a ceux qui travaillent plutôt sur la
vie scolaire, d'autres sur la vie familiale, la vie de non-travail pour les
jeunes, etc. Et semblables, parce que l'action communautaire autonome
représente des principes très importants; on est pareils dans ce
sens-là.
Je vais les expliquer un peu, ces principes: Que les citoyens - quand on
dit citoyens, on inclut les jeunes parce que, bien souvent, on pense que, les
citoyens, ce sont seulement les personnes qui peuvent voter, mais, pour nous,
les citoyens sont aussi les jeunes avec qui on travaille - puissent s'associer
volontairement aux activités des organismes et que ces citoyens
définissent eux-mêmes leurs problèmes, leurs besoins, leurs
projets et ce qu'est pour eux, une bonne qualité de vie; que ces
citoyens puissent participer à l'élaboration des actions et des
mécanismes de décision qui orientent les activités de
l'organisme et de leur vie associative; que les organismes aient une place
publique pour ces citoyens où ils puissent défendre leurs droits,
s'exprimer librement et que, par des représentations sociales, ils
puissent modifier ou influencer leur condition; et que, à travers les
actions, les projets et les interventions qu'on fait, qui ont tous
été conçus avec l'esprit et les causes des
problèmes, on vise toujours l'émancipation des personnes, une
place pour la socialisation et non pas la consommation passive des
services.
Bref, au-delà de nos multiples services et projets, nos objectifs
fondamentaux restent toujours que ces citoyens se réapproprient leur
dignité, qu'ils aient des moyens d'agir sur leur vie, qu'ils se prennent
en charge individuellement et collectivement et qu'ils exercent et conservent
un pouvoir sur leur vie sociale et leur condition sociale. On est le soutien
à l'expression démocratique.
Avant de passer la parole, le dernier point que j'aimerais soulever,
c'est qu'avec plusieurs commissions et dans l'avant-projet de loi, on voit
beaucoup le mot "complémentaire". Il y aurait peut-être une place
pour les organismes communautaires qui seraient un complément aux autres
services existants. Comme je l'ai dit, on est là depuis longtemps et on
n'est pas contre la complémentarité. On est contre ou on n'est
pas pour que les organismes communautaires complètent le travail d'un
réseau qui ne fonctionne pas bien. Je pense qu'on est tous d'accord pour
dire qu'on a besoin d'une réforme, mais on n'est peut-être pas
d'accord sur la forme que la réforme devrait prendre. Je vais passer la
parole à Michel Parazelli qui va soulever les aspects de notre
réflexion.
M. Parazelli: Bonjour. Le constat général que nous
pouvons faire est le suivant, c'est divisé en plusieurs points, entre
autres au niveau de la régionalisation, l'efficacité,
l'efficience, l'approche utilisée pour aborder le social et un peu une
analyse globale du type de gestion qui est proposé dans l'avant-projet
de loi et les orientations de i'ex-ministre, Mme Lavoie-Roux.
Le projet de régionalisation tel que formulé par
l'avant-projet de loi est une fausse décentralisation politique, et nous
ne pouvons y souscrire. En fait, on déconcentre au niveau de la
conception politique et administrative des services, et on décentralise
uniquement au niveau des tâches d'organisation du travail. C'est
l'analyse qu'on en a faite. Cette réorganisation n'offre aucune
autonomie régionale quant au choix des orientations. Contrairement au
discours véhiculé par le ministère, cette
régionalisation demeure initiée, orientée, dirigée
et évaluée par le pouvoir central. Même le contexte
structurel et les conditions politiques de la participation de la population
à la gestion des services soulèvent de sérieuses questions
sur le plan de la démocratie locale. En effet, on élimine ce qui
reste de dynamisme local au profit d'un monstre supralo-cal ou
sous-régional soumis lui-même à une régie
régionale. En ce sens, les fusions d'établissements constituent
une dépossession des pouvoirs locaux.
Au niveau de l'efficacité et de l'efficience, on parle beaucoup
d'efficacité et d'efficience, mais de l'efficacité de quoi au
juste? Ce n'est pas très clair, c'est comme si c'était
évident, l'amélioration des services liés au
bien-être et à la santé. Selon nous, l'efficacité et
l'efficience mises de l'avant dans le projet de réforme relèvent
plutôt d'une motivation électoraliste. En premier lieu, rendre
visibles de façon efficace les actions posées par le
gouvernement, c'est-à-dire transformer de plus en plus les actes
médicaux et les relations d'aide en objets statistiques. Pour ce faire,
on va Jusqu'à traiter les réalités sociales comme autant
de problèmes à comptabiliser qu'il y a de spécialistes,
sans se soucier des impacts négatifs de cette opération sur
l'existence humaine. Dans ce contexte, orienter les objectifs sur les
résultats n'est pas plus vertueux que de les orienter sur les services,
cela revient au même. Parce que les résultats, c'est plus de
l'ordre de la comptabilisation statistique des traitements qu'on offre
plutôt que vraiment sur le bien-être de la personne.
La lunette d'approche du social, ça, c'est effectivement
là qu'on a accroché le plus parce que c'est incompatible avec
notre approche au niveau communautaire. Quand on nous interpelle pour nous
associer, ça pose problème. La lunette d'approche du social,
c'est l'épidémiologie. Dans le cahier des orientations de la
réforme, nous remarquons que le ministère a choisi de
développer une véritable épidémiologie sociale. Les
techniques de dépistage et de mesures issues de
l'épidémiologie viennent renforcer cette objec-tivation du
social. Cette approche pose problème. Tout d'abord, les rapports sociaux
sont les produits d'une culture et non d'un corps organique et encore moins
l'objet de pathologies. Ce détournement pseudo-scientifique des
réalités socioculturelles vers une vision biomédicale du
social a comme conséquence de dissimuler les causes réelles des
problèmes sociaux et de n'agir que sur les symptômes. De cette
façon, le ministère centre le système sur les pathologies
de la personne et non sur la personne. Ça, c'est fondamental parce que
c'est là que, quelque part, on ne peut pas vraiment collaborer d'une
façon évidente avec un réseau qui ne travaille pas
vraiment sur la personne en tant que telle, mais uniquement sur des parties qui
ne vont pas bien.
Comme si cela n'était pas suffisant, cet avant-projet de loi
décrète le partenariat obligatoire et intègre les
organismes communautaires à la standardisation institutionnelle de la
production de services. De cette façon, l'État nivelle toute
possibilité de répondre différemment aux besoins sociaux.
Associée à la lecture épidémiolo-gique des
réalités sociales, cette uniformisation des services et des
actions sociales produira une marginalisation croissante des citoyens et des
citoyennes. De quelle manière? En individualisant la
responsabilité de leurs conditions de vie via les pathologies et en
traitant l'existence humaine de façon dispersée et
découpée. Bref, le ministère se dirige tout droit dans le
sens contraire de ses objectifs: ajouter du bien-être, des années
et de la santé à la vie. Par cette manière de gérer
le social, les établissements publics se
mettent hors-jeu des milieux de vie des jeunes. Du côté
communautaire, imaginez le non-sens. En réduisant les organismes
communautaires jeunesse à des thérapeutes de la pauvreté,
les jeunes devront traduire leurs besoins de socialisation en maladie pour
avoir accès à une ressource du milieu. On augmente alors la
pression sous le couvercle de la marmite. (11 h 30)
Par exemple, actuellement, à défaut de porter un regard
sur les causes des problèmes sociaux, les professionnels sont
amenés par les gestionnaires à considérer les jeunes sous
l'angle de leurs dysfonctionnements sociaux et à les traiter par des
techniques pseudo-préventives préconisant des modifications de
comportement comme remèdes magiques. Bref, une politique mettant en
oeuvre une répression préventive des comportements.
Las de se faire traiter en objets, de plus en plus de jeunes choisissent
entre guillemets de vivre en rupture avec le monde institutionnel, ce dernier
étant davantage préoccupé à justifier son travail
qu'à répondre aux besoins existentiels des jeunes en tant
qu'êtres humains. On peut presque qualifier cette situation
"d'état de non-service" du monde institutionnel pour les jeunes. Au
Québec ce sont les lois qui encadrent la vie sociale des jeunes: la loi
24, la loi des jeunes contrevenants, le monde scolaire et le service civil de
l'aide sociale. Les jeunes ont plutôt besoin d'espaces de socialisation
qui leur permettent d'acquérir un peu de pouvoir sur leur vie, et ce, de
façon volontaire, pour souffler, pour respirer, pour apprendre à
vivre collectivement, à définir eux-mêmes et non pas se
faire définir leurs problèmes, leurs besoins et leurs projets,
sans être obligés de se faire étiqueter "jeunes à
risque". Bref, être supportés dans leurs initiatives sans que leur
expérimentation sociale ne soit traversée uniquement
d'interdits.
Pour ce qui est du type de gestion qu'on en retire, on appelle ça
la consolidation de la gestion permanente du provisoire, compte tonu des
approches proposées par l'épidémiolo'jle. Selon nous,
l'avant-projet de loi et les orientations associées tels que
proposés consolident la gestion permanente de solutions provisoires: une
politique pour améliorer la gestion administrative de l'entreposage de
ce que le Dr Jean Robert appelle les BPC sociaux, et non une politique pour
améliorer le bien-être et la vie sociale des jeunes. En ce sens,
elle participera certainement à renforcer le mouvement actuel de
"dualisation" de la société. Vous êtes bien placés
pour savoir que, tout comme les BPC, une catastrophe sociale entreposée
trop longtemps explose un jour ou l'autre. Si vous ajoutez à ce sombre
portrait les conséquences d'appauvrissement des autres réformes
auxquelles les groupes communautaires ont été confrontés
cette année, comme l'aide sociale, l'assurance-chômage, les
politiques d'habitation et les autres qui auront des consé- quences
à long terme comme la TPS, les modifi cations à la loi des jeunes
contrevenants, le projet de loi sur l'avortement, nous pensons qu'à
l'instar d'autres pays occidentaux, le Québec consolide et
élargit l'état de sous-développement social, culturel et
économique à de plus en plus de citoyens et de citoyennes. Dans
ce contexte, l'amélioration du bien-être frise la supercherie
politique, car les effets de cet avant-projet de loi s'ajoutent aux autres
politiques d'appauvrissement. Voilà pour notre point de vue sur
l'avant-projet de loi.
Ce n'est pas terminé parce que, si vous avez remarqué, on
vous a apporté une tablette, pour y déposer tous les
mémoires avec le nôtre, mais ce n'était pas non plus pour
vous divertir ni pour être méchants. Dans le fond, c'est parce
qu'on se pose de sérieuses questions sur la pratique démocratique
de cette commission. Au moment où nous nous parlons, plusieurs aspects
de l'avant-projet de loi sont déjà en application. Par exemple,
dans certaines régions, la fusion d'établissements a
été opérée. Il n'y manque que la sanction
légale. D'autre part, nous apprenions par le Journal de
Montréal, mardi dernier, que M. Côté a
déjà pris la décision de créer des régies
régionales. Cela expliquerait que certains CRSSS envoient
déjà des formulaires de demande d'accréditation à
des organismes communautaires, alors que d'autres, dans le cadre de
l'application de la politique de santé mentale incitent
déjà les organismes communautaires à s'inscrire dans des
plans d'organisation de services. Ajoutez à cela la caution politique
qu'un ministère a fournie à certains groupes
d'établissements comme les centres d'accueil et les CSS, leur permettant
d'imiter les hôpitaux et de se doter de fondations privées. Avec
ces fondations, les établissements mettent sur pied des OSBL qu'ils
appellent "communautaires", que vous appelez "structures intermédiaires"
et que nous appelons "commu-nautiques". Ces organismes de services
institutionnels puisent dans le réservoir réduit des ressources
financières privées gouvernementales, mais avec beaucoup plus de
moyens que les organismes communautaires. Et cette orientation existe depuis
déjà huit ans. Ainsi, à quoi peut servir cette vaste
consultation, entre autres, pour les organismes communautaires, quand nous
constatons que les fonctionnaires du Service de soutiens aux organismes
communautaires ont reçu comme mandat de normaliser les organismes? On a
beau s'époumoner à convaincre les employés du
ministère de nous laisser une certaine marge de manoeuvre pour agir de
façon communautaire et non de façon institutionnelle, rien n'y
fait, le mot d'ordre est lancé: Rationalisez les dépenses en
réduisant les organismes communautaires à une fonction du
système sans souci pour l'entorse ainsi faite à la vie
démocratique. Bref, nous voyons bien que la machine des services sociaux
et de santé n'attend pas après les résultats de cette
commission pour amorcer la
réforme. Ainsi, nous ne vous demandons qu'une seule chose:
limiter les dégâts. C'est pourquoi nous vous soumettons les
revendications suivantes.
Attendu que nous ne voulons pas être réduits à des
distributeurs de services thérapeutiques à des clientèles
à risque pour être supportés financièrement par la
régie régionale; attendu que nous ne voulons pas assujettir la
gestion de nos services et de nos actions aux conditions de financement telles
que proposées par l'avant-projet de loi sur la santé et les
services sociaux; en continuité avec l'espace de gestion actuel, nous
voulons être supportés financièrement au niveau provincial
par le Service de soutiens aux organismes communautaires du ministère de
la Santé et des Services sociaux. Nous voulons le statu quo, mais avec
un freinage sur la normalisation qui s'y exerce. Nous demandons
rétablissement d'une enveloppe budgétaire protégée,
récurrente et réservée pour la réalité
groupale jeunesse, administrée par le Service de soutiens aux organismes
communautaires du ministère. Nous demandons la mise sur pied, au sein du
ministère, d'une table de discussion formelle composée des
regroupements des organismes communautaires jeunesse et des
représentants du ministère afin de discuter des questions
relatives au financement des organismes. Nous demandons le maintien du
financement des regroupements régionaux et provinciaux d'organismes
communautaires par le Service de soutien aux organismes communautaires.
Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. Effectivement, j'inviterais d'ailleurs les membres de la
commission à aller consulter la tablette qui nous a été
déposée. Elle est intéressante à consulter. C'est
un rappel des mémoires déposés par vos groupes, j'en
informe les membres. Évidemment, c'est très symbolique, puisque
tous ces mémoires-là sont liés, fermés et bien
gommés de telle sorte qu'on ne peut pas y avoir accès. Je
comprends que vous avez fait des recommandations, des représentations et
qu'un certain nombre d'entre elles n'ont pas été suivies.
D'accord.
Vous me rassurez un peu, quand je vous entends, quant à l'avenir
parce que je me dis: Si on n'est pas contestataire à 20 ans, qu'est-ce
qu'on va être à 40 ans? Alors, j'aime vous entendre. Je ne sais
pas s'il en ira de même de la part de mes collègues. Je vais
céder la parole au ministre délégué à la
Santé et aux Services sociaux.
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Je ne sais pas trop
comment commencer. Je commencerai en disant que ça me
déçoit. Ça me déçoit, bien que je ne mette
pas en doute ni en cause la bonne volonté et le désir de vraiment
agir sur les besoins, les problèmes et, globalement, sur l'être
humain, surtout dans son volet jeunesse, comme vous êtes un regroupement
d'organismes communautaires jeunesse. Ça me déçoit dans le
sens suivant. Vous prenez pour acquis, d'une part, qu'il y a comme un complot
quelque part qui vise à exterminer ou à éliminer les
organismes communautaires et, d'autre part, et c'est peut-être plus
ça qui me déçoit, je vois un agir qui me rappelle
beaucoup, et je vais le dire très sincèrement et très
simplement, les meilleures défenses d'intérêts corporatifs
que de grosses corporations ont pu faire ici devant les commissions
parlementaires, non seulement ici, mais ailleurs, et c'est ça, ma
déception. Je le comprends, par exemple. Je le comprends parce que je
relève un peu ce que la présidente a dit: Si on n'a pas de coeur
à 20 ans, qu'est-ce qu'on va avoir à 42 ans, dans mon cas, ou
à 50 ans pour d'autres, etc., et je ne veux pas le banaliser en disant
ça.
Je veux tout simplement vous soumettre qu'il peut y avoir des aspects
partisans en politique, mais il reste fondamentalement, quand on aborde des
problèmes d'organisation et de distribution de soins de services sociaux
et de santé, qu'il faut quand même prendre une certaine distance
et voir au niveau de son efficacité par rapport aux problèmes
auxquels on est confrontés et auxquels on doit faire face, comme
ensemble et comme société. Quand je dis que ça me
déçoit, c'est dans le sens que vous avez présenté,
à mon point de vue, une argumentation pour défendre un peu le
point de vue de vos intérêts corporatifs, entre guillemets, je le
disais dans le sens que, finalement, vous êtes des groupes privés,
communautaires, mais privés, sans but lucratif et que, dans ce sens,
vous représentez un point de vue qui regroupe celui de vos membres,
celui des gens qui sont impliqués avec vous.
Nous avons aussi ici un système étatique dans le bon sens
du mot, social, qui appartient à l'ensemble de la société,
qui n'est pas composé strictement d'un point de vue des groupes
privés. L'effort qui est sur la table, c'est de voir comment on peut
composer ensemble sans dire que le monopole exclusif appartient aux grands
penseurs de l'État qui vont déterminer ce que tout le monde va
faire et écarter tous les autres joueurs de la scène, mais de
voir comment on peut, d'une part, retourner le vrai pouvoir là où
il devrait être, entre les mains des citoyens, tout en tenant compte que
c'est un système pour lequel tout le monde paie et en reconnaissant
également qu'il y a des intérêts privés sans but
lucratif, qu'on appelle les organismes communautaires, qui ont un rôle
à jouer. On le définit en accédant, par exemple, à
la demande qui est là pour que les organismes aient un financement
triennal, une reconnaissance dans la planification des programmes. On peut
discuter de ce qu'est un programme-cadre par rapport à un programme sur
des bases régionales, etc. Mais la volonté qui est mise de
l'avant, je peux l'affirmer, c'est de définir effectivement les grandes
orientations et
les politiques au niveau national ou provincial et
d'opérationaliser et définir la programmation sur la base
régionale en ayant une place en particulier pour les groupes
communautaires.
Vous réclamez que le lien soit fait directement entre les groupes
communautaires et le ministère, sans rendre de comptes finalement.
Ça revient un peu à ça. Je vous poserai la question
suivante: Supposez pour un instant qu'au niveau de la régie
régionale, où, dans le collège électoral, II y
aurait une part définie des groupes communautaires comme faisant partie
des membres qui élisent le conseil d'administration, mais que,
également, il y aurait... Vous demandez un budget protégé
au niveau du ministère. Supposez pour un instant qu'il y ait un budget
protégé pour de l'action communautaire au niveau régional,
qui serait, en quelque sorte, partagé ou dont le partage serait
décidé par l'instance régionale. Pourquoi seriez-vous
contre ça?
M. Parazelli: II y a plusieurs trucs auxquels je veux
réagir. Vous avez interprété qu'on voyait un complot,
quand, en fait, c'est sous une autre forme beaucoup plus subtile que les choses
s'associent, c'est-à-dire que nous... Premièrement, on vous a
présenté des faits qu'il y a déjà des choses qui se
font, malgré que l'avant-projet de loi ne soit môme pas
adopté. Ce sont des faits. On n'Invente rien. L'Idée du complot,
c'est davantage, je dirais plus, ce n'est pas ce dont on parle, on parle d'une
association, d'une complaisance aux valeurs socioculturelles des
intérêts techno-médicaux, par exemple, des
intérêts des médecins ou de l'approche biologique du
social. À ce moment-là, quand les gens s'associent à
ça pour être plus efficaces et traiter les problèmes
sociaux, nous sommes contre. Ce n'est pas l'idée d'être
corporatif. Je me demande où vous allez chercher ça parce que
quand on dit ça... Écoutez, qu'est-ce que nous répondent
les jeunes quand on leur dit: Tu es un cas ou tu as une pathologie? Ce n'est
pas pour nos intérêts corporatifs qu'on dit ça. À
quelque part, il n'y a aucun droit d'émancipation dans cette
perspective. Comprenez-vous ce que je veux dire? C'est dans ce sens que ce
n'est pas... La société, au niveau de l'impact des politiques
sociales qui nous sont tombées dessus depuis un an, favorise une
marginalisation croissante des jeunes, qui sont de plus en plus en rupture des
institutions. Ça, c'est à cause d'une approche
d'efficacité du genre où on cite des problèmes sociaux,
des trucs, on divise le jeune en trois ou quatre cinq mille parties et le jeune
ne se reconnaît pas. Ils ont besoin des espaces d'émancipation et
de socialisation que sont les groupes communautaires. C'est dans ce sens qu'on
devient une nécessité, ce n'est pas pour défendre
uniquement des intérêts corporatifs. Je ne vois pas où vous
avez pu comprendre ça dans notre discours. Je ne sais pas s'il y en a
d'autres qui veulent aussi réagir.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Gervais?
Mme Gervais: Oui. Sur la question des... Effectivement, on est
des organismes privés sans but lucratif, mais on est redevables à
nos membres. Nos membres, ce n'est pas n'importe qui, ce sont les jeunes avec
qui on travaille. C'est une façon de faire participer les citoyens
aussi. Je trouvais que, dans votre affirmation, c'est comme si on balayait
cette façon de (aire et ça fonctionne: Les jeunes sont
présents dans nos conseils d'administration, il y a des lieux de
rencontre, ils prennent des décisions. Pour moi, c'est une forme de
participation. Les jeunes, les gens qui travaillent avec eux, leurs parents
sont présents dans nos structures. Donc, on n'est pas si corporatistes,
en tout cas, je trouve ça un peu étroit la façon dont cela
a été nommé. (11 h 45)
L'autre chose, c'est la question de la définition des grandes
politiques. Une des façons de faire des organismes communautaires, c'est
de définir nos politiques, nos programmes, notre façon de faire
à partir du terrain, à partir des jeunes avec qui on travaille.
Les jeunes, ça va vite. Ça change, ça se déplace.
J'ai de grosses craintes à l'effet que des politiques
générales soient quelque peu décalées de ce que
nous autres on est capables d'observer et de vivre avec des jeunes sur le
terrain. J'ai l'impression que quand on arrive avec des politiques
gouvernementales... Bon, je peux prendre un exemple, la prévention
contre les MTS et le sida, bien ça fait deux ou trois ans que nous
autres, avec plus ou moins de moyens, on travaille là-dessus. À
Montréal, parce qu'on est un regroupement montréalais, les gens
se préoccupent de la violence parce que, bon, il y a eu des agressions
et tout ça, et ça fait quelques années qu'on travaille
là-dessus. Si on perd cette capacité de se servir de ce gros gros
avantage qu'on a d'être avec les jeunes dans notre façon de
travailler, dans notre façon d'identifier ce qu'on a à faire avec
eux autres, je pense que, la, on perd une richesse importante des
organismes.
Et l'autre chose que je voulais dire, c'est que dans la proposition
amenée, ça ne veut pas dire qu'on ne veut pas rendre de comptes.
Je pense qu'on ne veut pas faire de vol, même si on travaille à
certains moments avec des délinquants, on n'a pas nécessairement
cette pratique avec l'État. Tous les ans, on remplit des demandes de
subventions. Tous les ans, on envoie un rapport annuel. Tous les ans, on
fournit des états financiers. On n'a jamais refusé de rencontrer
quiconque du ministère. On s'est déjà vus. Je pense que ce
n'est pas parce qu'on ne veut pas rendre de comptes, mais on veut aussi que
soient pris en considération les comptes qu'on rend à nos membres
qui sont les jeunes avec qui on travaille. Dans les orientations,
surtout, il y a toute une préoccupation que les usagers soient
parties prenantes des services - nous autres, on le fait depuis longtemps et on
a peur que ça, ce soit mis en péril - pour que cet effort de
démocratisation de rapprocher des citoyens, ça se fasse à
un niveau autre que celui où ça se fait déjà... Et
nous, on le fait et ça marche. On a peur qu'en se transformant,
ça devienne plus gros. Montréal, c'est une très grosse
ville. Ça va être difficile que le ou les représentants des
citoyens à la régie régionale se sentent concernés
de ce qui se passe dans tous les quartiers avec toutes les dimensions qu'a la
vie montréalaise actuellement.
M. Sirros: Je veux clarifier une chose, d'une part. Je ne remets
pas en question le fonctionnement démocratique des groupes.
L'affirmation que c'est une présentation corporatiste, ce n'était
pas dans le sens de dire que vous n'êtes pas démocratique, que
vous ne définissez pas les orientations de vos membres et que ce ne sont
pas vos membres qui définissent vos orientations, c'était par
rapport à certaines demandes. On pourrait y revenir... Par exemple, que
le financement des regroupements soit assuré par le ministère,
que ce soit le ministère qui finance les groupes communautaires, parce
que vous jugez, finalement... En tout cas, on pourra y revenir. Mais j'aimerais
reprendre plus le fond de la discussion par rapport au communautaire, à
son rôle et à son implication.
Je trouve ça intéressant, ceux qui viennent de vous
précéder, la Clinique communautaire de Pointe Saint-Charles,
c'est peut-être un excellent exemple. Je m'aventure peut-être un
peu sur un terrain risqué parce que je ne connais pas tous les
détails du fonctionnement de la clinique. Mais je me rappelle
très bien, au début des années soixante-dix, quand la
clinique commençait, qu'il y avait à peu près le
même genre de positionnement qui disait finalement: Nous, on veut
être à l'extérieur du réseau, on ne veut pas avoir
de comptes à rendre, etc., mais on veut être financés et on
veut définir nous-mêmes nos propres objectifs, etc. Vingt ans plus
tard, il y a une clinique communautaire à Pointe Saint-Charles, dans un
quartier très défavorisé, très difficile, avec de
grands besoins, où, d'une part, l'esprit communautaire et l'implication
des citoyens sont vraiment implantés et régnent et qui pourrait
peut-être servir de modèle et, d'autre part, un groupe
communautaire qui, en quelque sorte, est devenu l'équivalent d'un
établissement, parce qu'il remplit le rôle d'un CLSC dans le coin.
Il n'y a pas de CLSC dans le coin, parce que le gouvernement a reconnu
l'organisme communautaire comme étant l'endroit où seraient
dispensés les services que normalement un CLSC dispense. Je me dis:
C'est peut-être un excellent exemple de ce que je voulais dire quand je
dis qu'il y a une place pour les groupes communautaires, mais qu'il y a aussi
une place pour une collaboration entre l'implication communautaire et la
participation réelle des citoyens dans la gestion de leurs affaires et
de leur prise en charge, et un système qui appartient à la
collectivité où ces groupes ont un rôle à jouer.
Ça devrait être possible de trouver des façons de faire
cette jonction.
S'il y a des mesures concrètes ici où on trouve, où
vous trouvez que ça ne va pas dans ce sens-là, qu'on en discute,
on est là pour ça, mais qu'on écarte du revers de la main
cette possiblllté-là en disant: Ce n'est pas possible,
aussitôt que les groupes communautaires vont embarquer dans le
système, ils vont être - c'est quoi, votre mot? - "internalises",
comme si le système va les avaler tout d'un coup, les digérer et
les déchiqueter, puis ils vont perdre leur spécificité...
Je vous soumets tout simplement que tout n'est pas noir ou blanc et que
peut-être on pourrait tirer profit de l'exemple de la clinique qui vous a
précédés pour voir qu'il y a possiblement des voies
intéressantes à suivre qui permettent de faire cette jonction
entre le communautaire et l'étatique, dans le bon sens du mot, sans
qu'on prenne des positions de part et d'autre qui disent: C'est noir ou c'est
blanc, on veut être à l'extérieur ou on veut tous vous
avaler. C'est tout ce que je voulais dire quand je disais que
l'élément spécifique... On pourrait y revenir, parce qu'il
me reste très peu de temps, c'est terminé.
Je permettrais peut-être à mon collègue de l'autre
côté de poursuivre. J'imagine qu'il aura, lui aussi, des
questions, peut-être pas dans le même sens; on verra. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous voulez
répondre au ministre sur ça?
M. Moïse: Ce n'est pas de façon directe, mais
peut-être que le ministre délégué voudrait quand
même entendre des sons de cloche des jeunes, parce que les jeunes,
quelque part, ont pris connaissance, à leur façon, de ce
mémoire-là et ils pensent que le fait de s'intégrer
à la même structure administrative de gestion de l'État,
ça pourrait causer problème, comme on peut dire. Et je peux vous
donner quelques réponses de jeunes à qui je demandais certaines
questions, que j'ai notées. Il y en a eu beaucoup, mais j'en ai
notées quelques-unes. La première question que j'ai posée,
c'est à l'enfant d'un parlementaire qui fréquente nos locaux,
ça tombe bien, qui me disait exactement ceci, parce que moi, je suis
coordonnateur d'un projet qu'on appelle "Le repaire": Je ne suis pas
prostitué. Est-ce que je ne pourrais plus venir ici si tout est
étiqueté et rationalisé? Je ne suis pas prostitué,
mais j'aime bien venir dans ce local-là parce que je peux communiquer,
socialiser avec d'autres jeunes, je peux parler de prostitution. Le jeune,
qu'est-ce qu'il voit? C'est qu'en rationalisant les choses, tel organisme est
étiqueté "violence" et tel autre
"drogue" et tel autre... Ça, quelque part, c'est
étriqué, c'est étroit. Je vais vous en donner d'autres: II
y en a un qui m'a dit: Je ne viendrai plus ici si "Le repaire" devient le lieu
exclusif réservé à une clientèle et je ne pourrai
plus participer ou créer des choses.
Une autre affaire qui est bien importante, c'est quand... Un jeune m'a
dit, j'ai noté ça ici: on va tous partir de ce local s'il devient
rationalisé. On n'ira plus dans le réseau. On n'ira plus chez
vous. Où est-ce qu'on va aller? Qu'est-ce qui va arriver avec ça?
Les jeunes ne viendront plus chez nous, ne viendront plus, non plus, dans le
réseau. Où est-ce qu'ils sont, ces jeunes-là? On ne fait
pas de complot, là. Mais ce qu'on dit carrément, c'est que ces
jeunes-là qui ne vont plus dans le réseau, ils ne viennent plus
dans les organismes communautaires. Statistiquement, c'est déjà
perdu. Donc, c'est très tentant quelque part de dire dans nos gros
rapports qu'il y en a eu 15 % ou 20 % de moins. Mais où est-ce qu'ils
sont, ces jeunes-là, à quelque part? Ce sont des jeunes qui ne
veulent plus venir chez nous, parce que, nous autres, c'est tout le temps des
jeunes de façon volontaire et qui viennent puis avec une certaine
confidentialité.
Mais, lui, là, quand il voit "rationalisation", qu'est-ce qu'il
pense? Je parle du jeune, et il faut écouter ce jeune qui parle,
môme si J'ai 42 ans!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Moïse: Je vous donne le son des jeunes. Si vous avez une
réponse, je peux tout le temps la refiler aux jeunes. C'est comme les
bénévoles aussi, l'action bénévole. Il y a un
bénévole de ce local-là qui pense sincèrement qu'il
va être récupéré quelque part puis que l'action
bénévole n'aura plus le même impact pour lui, parce qu'il
est dans un système rationnel, tandis que le bénévolat, ce
n'est pas tout à fait ça. En tout cas, je pourrais vous en donner
une liste de choses comme ça. Je vais laisser la parole à
d'autres personnes.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Très
brièvement, M. le ministre.
M. Slrros: Tout ce que je veux dire, c'est que je trouve dommage,
effectivement, que le cadre de ces considérations ne nous donne que
quelques minutes, finalement, pour échanger sur des choses sur
lesquelles on pourrait continuer longtemps. Je ne veux pas laisser l'impression
que je ne suis pas à l'écoute de ce que les jeunes ont à
dire, puis que je n'apprécie pas de recevoir ce genre de critique quand
même, parce qu'effectivement...
M. Moïse: II y a une chose. C'est peut-être qu'il y a
un manque de clarté quelque part, parce que les jeunes comme les plus
vieux...
C'est peut-être qu'il y a un manque de clarté quelque part
dans l'avant-projet de loi. Il peut y avoir des interprétations. C'est
peut-être qu'il faut regarder par là aussi.
M. Sirros: Je pense que oui, on prend ce qui est dit pour pouvoir
regarder de nouveau ce qu'on a dit.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue?
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Bien sûr qu'on
va aller aussi dans le sens de l'interrogation du ministre, en
commençant cependant par dire que s'il est déçu de votre
approche, nous, on en est extrêmement réjouis. C'est
rafraîchissant de vous entendre ce matin. Ce que vous nous dites
d'entrée de jeu et ce que vous dites - non seulement à la partie
gouvernementale - aux parlementaires, c'est que vous êtes en train de
vous concocter une mécanique. Vous êtes en train de mettre au
point tout un système et il n'y a pas eu de discussion sur les
orientations, sur les objectifs, sur la façon de faire les choses, sur
l'état des populations, sur l'état de catégories de
populations comme les jeunes, et vous nous dites que vous êtes en train
de poursuivre le raffinement de la mécanique et vous êtes
probablement en train, par rapport à bien des égards, de tomber
dans une espèce d'approche que vous avez qualifiée de
techno-médicale, qu'on appelle aussi souvent le rouleau compresseur de
la santé et du curatif, qui va nous chercher, mais dans les milliards et
les milliards. Et vous refusez, en quelque sorte, de regarder non pas le
symptôme, mais la cause, d'où ça vient
profondément.
Le fait qu'on soit obligé - mais obligé
littéralement et socialement - de consacrer des montants si importants,
si fantastiques, finalement... Écoutez, on le répète parce
qu'il faut le redire. On parle, on est en train de discuter ici du tiers du
budget de l'État. S'il nous arrivait de prendre les mauvaises pistes,
admettons ensemble qu'on se prépare de très mauvais lendemains.
Et compte tenu aussi de ce que vous nous dites en ce qui regarde en particulier
le mouvement communautaire - je l'appellerai portion jeunesse - puis qu'on a
constaté ici, à cette commission, depuis quelque huit jours qu'on
est en audiences, qu'on est comme très mal pris pour toute la
clientèle, pour toutes les personnes qui sont de plus en plus
vieillissantes, puis on a un très grave problème là, un
problème de société qui se confirme de plus en plus - vous
nous le redécrivez - un immense problème pour les jeunes, 18-25
ans, peut-être pourrions-nous dire 18-30 ans. (12 heures)
II ne resterait qu'une partie très congrue de la population qui
serait, possiblement, dans une situation un peu meilleure. Et, si on s'en
Va,
avec notre population vieillissante, vers des problèmes affreux -
on ne se prépare pas, non plus, à en vivre, des problèmes
non moins affreux, avec ce qui se passe au niveau des jeunes, si on parle de
précarité dans l'emploi, de situation de la pauvreté,
d'impossibilité d'augmenter actuellement l'employabilité - et
qu'on s'intéresse uniquement à la rationalisation, à la
rationalisation budgétaire peut-être nécessaire du
système en disant: Où est-ce qu'on va en poigner le plus possible
pour rapetisser les coûts, pour rapetisser l'assiette budgétaire
que l'on consacre aux problèmes qu'on s'est créés
collectivement? C'est à cet égard-là que je trouve
rafraîchissante... Parce que vous nous donnez comme une taloche, mais une
bonne taloche qui va, je l'espère, obliger la nécessaire
réflexion au niveau de la poursuite du travail - en particulier, je fais
comme ça, parce que c'est une responsabilité ministérielle
- au niveau du nécessaire travail à réaliser dans la
préparation d'un projet visant à définir... À cet
égard-là, il y a quand même lieu d'avoir un certain nombre
d'inquiétudes quant à votre perception des choses et la
mécanique qui est voie de se préparer.
Ces régies régionales, encore une fois, ici, vous nous
décrivez, par votre première recommandation, par le Service de
soutien aux organismes communautaires du ministère de la Santé et
des Services sociaux, votre préférence, en quelque sorte, pour un
endroit protégé - on le comprend bien - mais centralisé,
au lieu d'aller vers ce qu'on pourrait appeler le monde plus proche, le monde
qui connaîtrait mieux nos affaires. C'est difficile. Je vous le dis
franchement, moi qui suis d'une région qui s'appelle
l'Abitibi-Témiscamingue, j'ai bien de la misère avec ça,
parce que, vous voyez, mes jeunes, sur la rue Reilly, à Rouyn, mes
jeunes à Ville-Marie, à Témiscaming, quand ils sont
poignés pour aller parler à un appareil central, ils se sentent
comme avalés par une très grosse machine. Ils sentent comme une
impossibilité à avoir de l'influence sur la machine. Est-ce qu'il
y a une voie, quelque part, qui nous permettrait de réaliser cette
nécessaire décentralisation, et non pas déconcentration,
comme vous l'avez si bien expliqué dans votre document, et, pour
employer un langage un peu plus commun, que les jeunes aient, en termes de
système de santé et de services sociaux, des poignées, au
niveau communautaire? Est-ce qu'il y a des voies?
M. Parazelli: Moi, ce que j'aimerais dire par rapport à
ça, c'est qu'on trouve que ça va un peu trop vite, pas dans le
temps, mais dans les gestes posés au sein du gouvernement, dans ses
rapports de partenariat avec nous autres, dans le sens que, là, on veut
tout de suite... Au moment où on dit qu'on reconnaît le
communautaire, on s'en débarrasse dans les régions. Mais quelle
reconnaissance a-t-on eue au sein du ministère lui-même? Il n'y a
aucune place où on peut effectivement discuter comme on le fait
là. Non, il n'y a aucune place, au sein du Service de soutiens aux
organismes communautaires, où on peut discuter de notre financement, des
réalités avec lesquelles on travaille, etc. C'est sur des projets
ponctuels, comme sur la violence, que vous nous avez invités à un
moment donné. Mais il n'y a aucun endroit. Il faudrait peut-être
prêcher par l'exemple, au sein même du ministère,
là-dessus, et commencer à s'attabler pour commencer à
parler. Ce n'est même pas fait. C'est dans ce sens-là qu'on trouve
Important de dire que la régionalisation, c'est beau, mais, quelque
part, il faudrait au moins commencer à se parler de ça.
L'autre aspect, c'est plus... En tout cas, je vais y revenir parce
que...
M. Trudel: Au niveau des régies régionales, que le
communautaire, qu'on puisse s'adresser à...
M. Parazelli: Ah oui!
M. Trudel: Je dis régies, mais mécanisme
régional.
M. Parazelli: Le fait du rapprochement au niveau des
régions. Nous autres, ce qui nous préoccupe, c'est que les jeunes
aient plus de pouvoir sur leur vie, à travers nos associations. C'est
pour ça qu'on a un fonctionnement démocratique. Si on va dans une
région, même si on dit qu'elle est plus proche physiquement, mais
dont l'approche, dont les niveaux décisionnels sont plus loins, par
exemple, du niveau de pouvoir, on va aller directement là où on
en a eu un plus fort qui est au service de soutien aux organismes
communautaires; c'est comme une logique d'intérêt, tout court. On
n'ira pas se mettre la main dans l'engrenage quand on sait qu'elle va se faire
arracher. C'est dans ce sens qu'on dit que c'est plus proche malgré
l'éloigne-ment physique.
M. Trudel: Madame.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Chicoutimi.
M. Trudel: Non, non.
La Présidente (Mme Marois): Non? Excusez-moi. Oui.
M. Trudel: C'est parce que madame voulait continuer.
Mme Gervais: Je pense qu'il y a aussi une pratique. Ça a
été mentionné par les gens de la clinique tantôt. Il
y a une certaine pratique douloureuse des rapports particulièrement avec
les CRSSS. J'ai, par hasard, un exemple qui s'est
passé dans votre région il y a quelques années
où un ensemble de groupes communautaires se sont mis ensemble, dans le
cadre d'un sommet socio-économique, pour essayer d'avoir une plus grande
reconnaissance. Ils ont demandé l'appui au CRSSS, qui leur a
été refusé. Et après, tu vas t'en aller te faire
diriger et fonctionner avec ces gens-là? C'est un peu inquiétant;
c'est môme très inquiétant. Comment cela pourrait-il se
faire? Je pense que ça prendrait des études, mais |e sais que la
piste "régie régionale" me semble très très
hasardeuse d'autant plus que - et là, Je vais revenir à un
exemple plus montréalais -pour nous... Moi, je travaille dans un
organisme qui va se trouver à couvrir trois régions
administratives, petit détail. Je prends le point de service qu'on a
à Longueuil. Les jeunes de Longueuil vivent une force d'attraction vers
Montréal, ce qui est normal: un pont à traverser, un métro
à prendre, et on est rendu au centre-ville de Montréal. Ce qui
fait que la dynamique et la réalité de ces jeunes-là sont
beaucoup plus proches de celles de Montréal que de celles de
Saint-Hyacinthe ou de Granby, sauf qu'admlnls-trativement, maintenant, ils vont
relever de... Il va y avoir une espèce de... Et ça n'a pas de
sens pour les jeunes. Je ne veux pas parler pour les autres, mais les jeunes
voyagent. Montréal est une force d'attraction importante. Les jeunes de
Laval s'en vont au centre-ville de Montréal. Et ces
dynamiques-là, ça nous permet de travailler avec tout ça
autant quand Ils sont à Laval que quand ils sont à
Montréal. Mais les jeunes ne respectent pas le découpage
administratif. Le pont, ce n'est pas énervant; un autobus, ça se
prend. Comment va-t-on faire, nous, après, pour travailler avec ce que
vous allez imposer comme réalité? Je ne sais pas. C'est
très très inquiétant.
La Présidente (Mme Marois): Allez-y, M. le
député, oui.
M. Trudel: Le temps file et c'est vraiment malheureux. Est-ce
qu'on peut conclure de votre intervention qu'à la suite
d'expériences, mais extrêmement malheureuses, que vous venez de
décrire dans ma région - ce qui est connu, communément
appelé le coup des ballons du sommet socio-économique, vous vous
en souvenez? La conscience du ministre était là à
l'époque aussi, le coup des ballons sur le communautaire - l'histoire et
les pratiques des CRSSS ont été tellement terribles entre
guillemets, à certains égards, que ça se transporte sur un
terrain de la méfiance généralisée sur un organisme
plus démocratique, plus représentatif qui s'appellerait, ici, la
régie régionale? Par ailleurs, vous dites: À ce
prix-là, on aime mieux, encore une fois, ministre et central, parce
qu'on a au moins une poignée là-dessus, on en a au moins une;
c'est qu'on peut faire de la pression de type politique, y compris contribuer
à faire renvoyer le ministre chez lui si ça ne faisait pas notre
affaire. C'est la démarche de la démocratie. Si on se donnait, au
niveau des régies régionales, des organismes régionaux
décentralisés véritablement, les mêmes
mécanismes en clair, en net et en précis, et si ces organismes
étalent administrés par des conseils d'administration élus
- des élus au sens d'élection universelle, large participation,
et pas des collèges électoraux, mais des élections au
suffrage universel - est-ce que ça pourrait contribuer, d'une part,
à cette espèce de garantie minimale que vous retrouvez
actuellement au ministère, même si c'est loin, même si
ça peut être difficile en particulier pour certaines
régions? Est-ce que ça pourrait être une garantie
suffisante de dire: On veut bien travailler avec notre monde, mais on veut
être capables aussi de les renvoyer lorsque ça ne fonctionne pas
et d'avoir le contrepoids? Est-ce que ce serait une forme qui pourrait nous
permettre de rejoindre, par exemple, vos objectifs?
M. Parazelli: C'est sûr que ce serait à
étudier, comme je vous dis, il faudrait la regarder. Ce n'est pas comme
ça qu'on va vous répondre tout de suite, de même. C'est
clair, par exemple, que ça créerait, vite de même, un
intermédiaire de plus aussi. Là où je trouve qu'on est
peut-être mal compris, c'est quand vous parlez de méfiance. Ce
n'est pas une méfiance aveugle ou comme si on avait été
échaudés. Les gens qui... Parce qu'on a été
d'ailleurs commissaire comme regroupement, pendant sept ans, aux CRSSS de la
région de Montréal. Donc, on en a du bagage dans ce
sens-là. Ce qu'on a remarqué, c'est l'analyse qu'on fait
aujourd'hui, c'est le pouvoir techno-médical qui est sous-jacent
à une vision de la santé, du social mais plus que ça, du
communautaire. C'est là qu'on trouve qu'il y a un problème. C'est
au niveau de la conception politique du gouvernement à investir dans
l'action communautaire. C'est que tu ne peux pas faire ça comme une
institution. Une action communautaire, ce sont des initiatives des citoyens.
Donc, tu dois prendre le risque, comme gouvernement, d'attendre un bout de
temps et que l'expérimentation se fasse et, après, d'avoir des
résultats. Mais ce sont les résultats. On ne peut pas planifier
le communautaire. Le communautaire demande des ressources seulement. C'est
ça... C'est au niveau de la conception politique de l'investissement
dans l'action communautaire qui pose problème actuellement au
gouvernement. Ce n'est pas l'une des branches du social ou de la santé
ou de ci ou des loisirs ou de n'importe quoi. Ça ne se gère pas
de cette manière-là.
M. Trudel: Une minute.
La Présidente (Mme Marois): Très bref, M. le
député. Après ça, Mme la députée de
Chicou-
timi, vous aurez une question seulement parce que notre temps... On est
vraiment... On a pris du retard un peu.
M. Trudel: Le moins que l'on puisse penser, c'est que s'il
existait ces organismes, ces régies régionales, il faudrait
prévoir les audiences publiques annuelles de discussions et
d'échanges et qu'on arrête de dire comme on dit ce matin: C'est
vraiment trop court, c'est vraiment trop difficile, c'est vraiment rapetisser
dans le temps, pour qu'on puisse aller au fond de choses extrêmement
intéressantes, comme vous nous le soulignez ce matin.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Chlcoutimi.
Mme Blackburn: Un bref commentaire. Je pense que ce qu'il faut se
dire ici, je pense que la conclusion de Rochon était claire: Les CRSSS
tels qu'on les a connus et qu'ils existent, il faut mettre un X
là-dessus. Parce qu'ils avaient été un peu
envisagés, au départ, comme étant des organismes à
la fois boîtes à lettres du ministère, mais aussi à
la fois porte-parole des besoins de la région. Mais on a
réalisé, à l'usage, que la très grande
majorité d'entre eux sont devenus les bras du ministère et du
ministre, avec tous les effets que vous signalez que je connais. Et je pense
que ça a été la conclusion. La plupart des intervenants
qui sont venus Ici ont dit: Le CRSSS tel qu'il a été conçu
et tel qu'il exerce actuellement ses activités, il faudrait mettre un X
là-dessus. SI on veut vraiment décentraliser et non pas
déconcentrer, il faut revoir une structure qui a de véritables
pouvoirs sur les orientations des services de santé et des services
sociaux dans les régions, ce que je partage. Mais l'État, pour
qu'on fasse ça, on ne commence pas par les structures, on commence par
définir des grands objectifs nationaux: la santé. Ça,
c'est la responsabilité de l'État et du ministère. Le
deuxième: les grands principes généraux que sont la
gratuité et l'accessibilité, l'équité dans le
partage des ressources. Ensuite, vous décentralisez et les
régions ont la responsabilité d'établir les moyens de
rejoindre les objectifs. C'est comme ça que ça se... Quand on
parle de décentralisation, c'est ça. Alors, moi-Juste une
question. Je sais, parce qu'il y en aurait trop, mais... Le problème qui
s'est posé par rapport aux organismes communautaires, ce que j'ai
constaté au cours des quatre dernières années, ça a
été les coupures sombres dans les budgets reliés aux
tables de concertation nationales ou aux regroupements nationaux. A un moment
donné, on a dit: Les organismes paieront, mais le gouvernement ne paie
plus, là. Et je sais qu'ils se sont retirés un peu partout, et
l'effet net, c'est que ça réduit ou ça réduit le
nombre de rencontres, mais ça empêchait, à toutes fins
utiles, ces organismes-là de se concerter pour voir ce qui se faisait un
peu partout, de se consulter et d'établir des stratégies
d'intervention. Moi, ce que je me demandais et c'était là ma
question: Est-ce qu'on pourrait penser une régionalisation telle que je
l'entends, une fois que les grands objectifs sont arrêtés? Les
régions se donnent les moyens qui correspondent à leur situation
économique et sociale, mais nos organismes communautaires devraient
bénéficier d'un budget, les regroupements de ces
différents organismes, qui leur permette de maintenir, au plan national,
le contact pour à la fols mieux comprendre ce qui se passe dans les
différentes régions, pouvoir faire certaines évaluations,
partager les expériences heureuses ou malheureuses. Et ce budget devrait
venir d'un organisme central et ne devrait pas dépendre des organismes
membres non plus que des régies régionales. C'était un peu
l'idée que j'avais brassée. (12 h 15)
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y.
Mme Gervais: C'est sûr qu'on est d'accord. Je pense qu'il
faut qu'un maintien se fasse au niveau du financement des organismes, des
regroupements tant nationaux que régionaux. Mais on n'exclut pas du tout
la participation des groupes membres. Je pense que la plupart des regroupements
ont un financement mixte, à la fols des cotisations des membres et des
subventions qui viennent de Québec. On pourrait éventuellement
augmenter la participation des membres, sauf que les subventions données
aux membres sont tellement dans un piètre état qu'on se retrouve
dans une situation de double contrainte. Ce n'est pas qu'on ne veuille pas
que... Je pense que c'est important aussi que les groupes membres
s'investissent dans leur regroupement; par contre, il faut donner les moyens
pour que ça se fasse. Je pense que le financement mixte est
intéressant dans ce sens-là, comme il fonctionne actuellement.
C'est pour ça qu'on demande le maintien.
Mme Blackburn: La question était: Comment s'assurer que
ces organismes continuent de jouer un rôle important lorsqu'il s'agit de
transmettre les Informations, pour savoir comment ça se passe d'une
région à une autre ou d'un organisme à un autre? Je trouve
que c'est majeur lorsqu'on veut évoluer. Et s'assurer, en même
temps, que les organismes ne soient pas tous formés sur le même
modèle. Votre crainte - est-ce que vous ne dites pas - que j'ai entendue
souvent, c'est: De plus en plus, les organismes communautaires risquent de
devenir des sous-traitants du système? Parce que c'est ça. Quand
on dit: II faudrait juste s'occuper des jeunes prostitués, comme vous le
disiez tout à l'heure, et, là, ça exclurait tous les
autres; ça veut dire que là, on est en train de se donner un
modèle unique. C'était l'idée que j'essayais de voir.
J'essayais
de voir, dans la pratique, comment on pouvait garder les avantages du
système d'un regroupement régional et national et, en môme
temps, s'assurer que les décisions locales, régionales
correspondent le mieux possible aux besoins locaux et régionaux. Pour
mol, c'était davantage dans le sens d'une véritable
décentralisation des moyens.
La Présidante (Mme Marois): Un commentaire bref, s'il y a
lieu. Oui?
M. Parazelli: Oui. Je pense que, môme au niveau de la
commission Rochon, cette tendance à la médicalisation du social
était présente. O.K. Donc, quand on arrive à des moyens
comme "déréglonallser", on n'est pas plus en accord sauf
qu'effectivement, quand c'est un pouvoir accru, on dirait: C'est quand
môme mieux. Sauf que ce n'est pas ça. Ce n'est pas là. Ce
n'est pas au niveau des régions, pour nous autres. Ce ne sont pas des
moyens de gestion du système. C'est qu'est-ce qu'on gère? C'est
quoi qu'on gère? Et c'est ça qu'on questionne ici. Est-ce que ce
sont des problèmes pathologiques ou si ce sont, dans le fond, des
réalités humaines qui sont globales? Dans ce sens-là,
l'action communautaire est inhérente à l'initiative des citoyens
pour essayer de chercher et de s'enligner dans des projets, etc., qui
répondent beaucoup plus à leurs besoins. C'est dans ce
sens-là que l'appel qu'on fait beaucoup plus, c'est au niveau bien plus
de votre conscience sociale ici, dans le sens que l'initiative des citoyens,
est-ce important? Donc, est-ce que c'est de choisir de le rattacher à un
système d'État ou si c'est de lui laisser souffler et respirer un
peu pour qu'il y ait un minimum de liberté afin qu'il y ait autre chose
qui puisse exister dans le social et au niveau de la santé? C'est
carrément là que se pose la question. Ce n'est pas corporatif,
c'est purement et simplement une analyse de la société dans le
sens de laisser un peu de marge de manoeuvre aux gens qui sont
marginalisés déjà et exclus.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Bourget, très brièvement.
Mme Boucher-Bacon: Oui. Je ne voudrais pas non plus prendre trop
de temps, dans ce sens que je voudrais partager un peu le point de vue du
ministre délégué à l'effet que je trouve votre
mémoire, l'ayant lu, pas trop rafraîchissant et pas trop
réjouissant, comme le disait le critique des services sociaux du
Témiscamingue, M.Trudel.
Quand je lis, moi, des "monstres supra-locaux", la guerre des groupes
d'intérêt, un bas d'écluse, décontamination sociale,
souffrir d'amnésie volontaire, hypermarché des services sociaux
et communautique, je me pose de sérieuses questions sur la jeunesse
d'aujourd'hui. Je tiens à vous dire que j'étais sensée ou,
enfin, j'avais comme conscience sociale de me pencher sur les services
communautaires pour pouvoir essayer de convaincre ou changer des choses. Mais,
à vous entendre aujourd'hui, ça ne me réjouit pas
d'essayer de vous défendre. J'aurais aimé entendre Ici un cri du
coeur qui m'aurait permis de savoir ce que vous faisiez pour améliorer
la drogue, les courants sociaux, la délinquance, la prostitution, qui
m'aurait encouragée à vous supporter. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Ça va. Peut-être
oui, s'il vous plaît, un commentaire?
M. Rlvard: Pour pouvoir avoir une idée de tout ça.
de ce qu'on fait et comment on te fait, je vous Invite à passer chez
nous n'Importe quand.
La Présidente (Mme Marois): C'est sûrement une
invitation que l'ensemble des membres de la commission reçoivent et,
à un moment ou à un autre, à laquelle ils
accéderont, c'est-à-dire qu'ils accepteront cette invitation et
sûrement qu'ils vous rencontreront.
M. Slrros: Un mot de remerciement. Même si j'ai
exprimé une certaine déception au début, je veux vous
remercier pour la vigueur de votre présentation, la
sincérité de votre engagement. Je pense que, en dépit de
tout ce qui a été dit, il y a une voie sur laquelle on peut
développer un partenariat intéressant, réel et
démocratique entre la société comme un ensemble et les
groupes communautaires que j'appelais des groupes privés sans but
lucratif. Ils le sont, mais ils travaillent aussi pour le bien commun et je le
crois. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. On vous
remercie de votre participation aux travaux de la commission.
J'inviterais maintenant les représentants du centre hospitalier
de St. Mary, du Centre hospitalier des convalescents de Montréal, du
Centre d'accueil Father Dowd et du CLSC Côte-des-Neiges à venir
prendre place à la table, s'il vous plaît.
Nous vous souhaitons la bienvenue à la commission. Nous vous
invitons à nous présenter votre mémoire en le ramassant
à l'intérieur d'une vingtaine de minutes, au maximum. Je
préviens d'ailleurs les membres de la commission que je vais resserrer
un peu les contrôles, même si je n'aime pas trop ça, mais ce
sont des règles que nous-mêmes avons acceptées, que l'on
enfreint, à l'occasion. Évidemment, c'est toujours très
intéressant, de toute façon, d'entendre les groupes qui se
présentent devant nous.
J'inviterais la personne qui est porte-parole pour le groupe à se
présenter et à nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Centre hospitalier de St. Mary, Centre
hospitalier des convalescents de
Montréal,
centre d'accueil Father Dowd et
CLSC Côte-des-Neiges
M. Nucci (Constant): Mme la Présidente, M. le ministre
délégué, membres de la commission, je suis Constant Nucci,
le directeur général du centre hospitalier de St. Mary.
J'aimerais vous présenter mes collègues: du centre d'accueil
Father Dowd, représenté par son directeur général,
M. Al Eisenring; du Centre hospitalier des convalescents de Montréal,
représenté par son directeur général, M. Michel
Brunet; et du CLSC Côte-des-Neiges, représenté par son
directeur général, M. Jacques Lotion.
Ce mémoire vous est présenté conjointement par
quatre institutions du territoire du CLSC Côte-des-Neiges. Nous vous
sommes reconnaissants de votre invitation et vous en remercions. Nous vous
souhaitons tout le succès possible dans votre mandat, lequel est si
difficile mais si terriblement important. Mes collègues m'ont
demandé de faire la présentation et je les remercie de ce
privilège.
Ma présentation n'est pas un résumé du
mémoire mais des commentaires additionnels, à l'exception de ce
qui concerne les comités, les conseils d'administration. En
général, nous croyons à la philosophie et à
l'esprit qui animent l'avant-projet de loi. Par des efforts de collaboration,
de rationalisation, un usage judicieux des ressources, une
responsabilité fiscale, nous désirons offrir des services de
santé et des services sociaux à nos patients, allant de la
promotion de la santé et la prévention des maladies jusqu'au
traitement des maladies aiguës, la réadaptation, les soins à
long terme et des services à domicile pour la communauté. Nos
quatre institutions situées dans le secteur du CLSC
Côte-des-Neiges sont particulièrement sensibles 'au fait que notre
communauté est caractérisée par une proportion
élevée de gens âgés et par le multiculturalisme.
À la page 19 du document "Orientations... Pour améliorer
la santé et le bien-être au Québec", on trouve, dans le
choix des objectifs ce qui suit: "Pour améliorer la santé et le
bien-être de la population, le système de services doit enfin
adopter des objectifs qui concourent simultanément à: Ajouter des
années à la vie... Ajouter de la santé à la vie...
ajouter du bien-être à la vie..." Avant même la publication
du document "Orientations" nos quatre institutions ont collaboré
ensemble avec ces objectifs en vue. Les premiers efforts de collaboration entre
nous ont débuté, il y a deux ans, avec le CLSC
Côte-des-Neiges et le Centre hospitalier de St. Mary.
Des comités des deux institutions ont été
formés en administration, médecine familiale, gériatrie,
soins à domicile, services obstétriques et psychiatrie. De plus,
les conseils d'administration, aussi bien du CLSC que du Centre hospita- lier
de St. Mary, ont approuvé, en principe, le déménagement du
CLSC sur le site de l'hôpital. Aussi, les résidents en
médecine familiale reçoivent leur formation des médecins
de St. Mary au CLSC Côte-des-Neiges, les deux établissements
faisant partie de la Faculté de médecine de l'Université
McGill. Au cours des dernières années, les directeurs
généraux ici présents, représentant les quatre
établissements, se sont réunis pour établir des mesures
concrètes afin d'assurer une meilleure coordination entre eux et une
continuité au plan des services offerts à nos patients.
Les cadres supérieurs de nos quatre établissements se sont
ensuite réunis pour discuter, poursuivre des négociations et
accélérer le processus. Les services qui se prêteraient
bien au partage et à une meilleure coordination sont les suivants: la
formation, la physiothérapie, la pharmacie, la buanderie, l'imprimerie,
service dentaire, services sociaux, réadaptation, comptabilité,
les ressources humaines, médecine familiale, la planification, le
transport, la diététique, les laboratoires, les soins palliatifs.
Afin d'atteindre les objectifs précédemment mentionnés,
tout en étant respectueux de la nature, de l'historique, des
réalisations antérieures, de la mission, de
l'individualité et du support culturel de chaque institution, il nous
semble impérieux que St. Mary maintienne pleinement son affiliation
universitaire et soit classé comme un hôpital universitaire;
deuxièmement, de conserver nos conseils d'administration respectifs et
non un conseil d'administration pour l'ensemble des établissements quand
il s'agit de leur siège social dans le territoire d'un CLSC comme celui
de Côte-des-Neiges. La coordination parmi les quatre
établissements pourrait être assurée par un comité
formé par les directeurs généraux qui, à leur tour,
feraient rapport à leur conseil d'administration respectif. Et ceci
fonctionne maintenant très bien pour nous.
Je vais maintenant expliquer le point de vue de l'hôpital St. Mary
en ce qui touche ses propositions, St. Mary comme hôpital universitaire.
St. Mary a toujours été, depuis sa fondation, un hôpital
d'enseignement affilié à l'Université McGill. Il a fait
appel à beaucoup de ressources, tant humaines que financières,
pour bâtir sa réputation dans le domaine de l'enseignement. (12 h
30)
Au cours des dix dernières années, environ 1 000 000 $
provenant des fonds de la fondation de St. Mary ont été
consacrés à des services de support pour l'enseignement, excluant
le salaire de certains professeurs. Notre rôle dans le domaine de
l'enseignement nous permet de nous attirer un personnel très
compétent qui rehausse la qualité des soins que nous
dispensons.
St. Mary remplit toutes les exigences décrites à l'article
34 de l'avant-projet de loi, à l'exception du fait qu'il ne
possède pas de centre
ou d'institut de recherche dûment reconnu par le Fonds de
recherche en santé du Québec. En 1986, notre demande à Mme
Lavoie-Roux a été refusée, malgré le fait que nous
étions prêts à investir 1 000 000 $ en immobilisations. La
raison invoquée pour le refus, que nous avons très bien
acceptée, était que ni le ministère ni le FRSQ ne
pourraient supporter les frais de fonctionnement de ce nouvel institut. Par
conséquent, St. Mary a poursuivi ses travaux de recherche, sans avoir un
institut comme tel.
Les fonds alloués pour la recherche par la Fondation de
l'hôpital St. Mary au cours des quinze dernières années
sont de près de 2 000 000 $. Je pourrais, de façon plus
détaillée, vous donner un rayonnement de notre recherche. Le
personnel de St. Mary, affecté à l'enseignement universitaire,
comprend 206 personnes. Nous sommes également fiers de notre affiliation
avec le département de médecine dentaire à
l'Université de Montréal. St. Mary a eu au cours des
années et a encore des résidents dans certaines
spécialités médicales, notamment, chirurgie, pathologie,
psychiatrie, orthopédie, urgence, soins intensifs. Dû à la
diminution du nombre de résidents dans le réseau et aussi
probablement au fait que nous étions un hôpital affilié et
non un hôpital totalement universitaire, selon la classification des
hôpitaux à l'Université McGill, au cours de ces
dernières années, le nombre a diminué à St. Mary
peut-être - non, pas peut-être - a plus diminué, en
comparaison avec les autres hôpitaux du réseau de McGill.
Contrairement aux établissements de soins tertiaires qui traitent
les pathologies peu communes, St. Mary soigne un grand nombre de maladies
couramment rencontrées dans la population du Québec. Les
institutions offrant des soins tertiaires sont fières, et avec raison,
de pouvoir former des médecins très spécialisés qui
sont principalement intéressés à la recherche et à
un enseignement hautement spécialisé. La même fierté
et la même considération devraient exister, mais ceci n'existe
pas, ce n'est pas le cas, pour la formation des spécialistes et des
médecins en médecine familiale qui devront soigner des maladies
fréquemment rencontrées au sein de la population en
général.
En plus d'avoir l'expertise, le volume de patients, le désir et
la fierté de soigner des malades observés quotidiennement
à St. Mary, nous offrons, dans le cadre de notre enseignement, une
approche globale en ce qui concerne les soins offerts aux
bénéficiaires. Cela est possible grâce à la
continuité des soins offerts à la communauté par le CLSC
Côte-des-Neiges, grâce aux liens que nous entretenons avec le
Centre hospitalier des convalescents de Montréal, dans le domaine de la
médecine de réadaptation et des soins palliatifs, et avec le
centre Father Dowd, dans le domaine de la gériatrie. Notre programme de
médecine familiale offre également la possibilité de
rotation à la Baie-James,
Chlbougamau, Shawvllle, Hull, Cowansville et au CLSC
Côte-des-Neiges.
Donc, est-ce que le fait de former des médecins qui seront
appelés à soigner des patients atteints de maladies courantes
à travers la province a moins d'importance que le fait de former des
scientifiques? Or, l'hôpital qui dispense de l'enseignement dans cette
dernière catégorie de médecins lui vaut d'être
classifié comme hôpital universitaire, tandis que l'hôpital
qui dispense de l'enseignement à la catégorie
précédente de médecins ne bénéficie pas de
cette même considération. Ce genre d'hôpital est
considéré comme un hôpital de seconde classe et est
simplement affilié à une université sur une base de
contrat.
Il y a également toute la question des réalisations
personnelles à l'intérieur de la Faculté de
médecine. Cela s'accomplit grâce à la possibilité de
siéger sur des comités, à l'accessibilité à
une formation poussée, à l'échange des idées et au
fait de pouvoir se tenir constamment à jour. Je voudrais très
fortement insister sur le point suivant, que le plus grand avantage d'un statut
universitaire serait que St. Mary pourrait exercer une plus grande influence au
plan des programmes d'études destinés à nos
médecins, de façon à les orienter en fonction des besoins
de la personne et de la communauté dans son ensemble. Mais cela ne sera
pas possible si nous ne sommes pas liés de près au statut
universitaire. Nous devons accorder le même statut à ceux qui
dispensent un enseignement aux étudiants en médecine qui devront
soigner un grand nombre de patients qu'à ceux qui donnent une formation
dans un domaine médical très spécialisé et la
recherche. Si cela n'est pas fait, la vocation des soins primaires et
secondaires sera reléguée au second plan. Cela a malheureusement
été le cas dans le passé et nous avons dû en subir
les conséquences.
Le conseil d'administration. D'après notre expérience dans
le domaine, nous croyons que le fait de conserver nos conseils d'administration
respectifs assurerait une continuité au plan de la gestion, le maintien
des services du bénévolat et l'Injection de fonds
considérables. Nous craignons que l'application de la législation
proposée nous fasse perdre beaucoup dans ces trois domaines. Il n'y
aurait plus de sentiment d'appartenance envers une institution ou un
hôpital, ni de continuité. Nous risquons également de
perdre de nombreuses heures de bénévolat qui nous permettent
d'offrir des services de qualité supérieure.
Si nous étions en présence d'un conseil unifié qui
représenterait plusieurs établissements, nous risquerions de ne
pouvoir obtenir des sommes aussi substantielles lors des campagnes de
levée de fonds. Nous croyons que par le biais d'un comité
dûment structuré des directeurs généraux, qui ferait
rapport à leur conseil d'administration respectif doté d'un
mandat spécifique de collaboration, il serait possible
d'atteindre les objectifs énoncés dans l'avant-projet de
loi. Notre expérience vécue avec les quatre établissements
a déjà fait ses preuves.
De cette manière, nous pourrions être assurés de
l'expertise, de la continuité, de même que de la participation
d'un nombre important de bénévoles qui représentent la
vaste communauté desservie par St. Mary.
Nous croyons fermement que si les citoyens et les
bénéficiaires constituent un élément important dans
le domaine de l'administration d'une institution, il est aussi important de
maximiser l'expertise au sein du réseau. Par conséquent, nous
quatre recommandons que le conseil d'administration soit composé de
façon suivante: trois membres nommés par la corporation
propriétaire; un membre nommé par l'université; un membre
nommé par le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens; un
membre nommé par le ministère et trois membres dont un
nommé, respectivement, avec l'approbation du ministre, par le CLSC, le
Centre d'accueil Father Dowd et l'Hôpital des convalescents de
Montréal; le centre hospitalier de St. Mary nommera également un
membre à chacun des conseils respectifs des autres institutions, et que
le directeur général soit inclus à ce conseil
d'administration. À notre avis, un conseil composé de dix
membres, tel que décrit ci-haut, avec une certaine représentation
conjointe, tout en conservant les éléments positifs de la
composition actuelle des conseils, permettrait une gestion saine et
efficace.
Enfin, nous croyons fermement qu'en introduisant certains changements
que nous proposons, nous contribuerons à ajouter des années
à la vie, de la santé à la vie et du bien-être
à la vie de la population, en tenant compte de la force qui se manifeste
au plan des missions respectives de nos quatre établissements, de
même que dans notre leadership et ce, dans un esprit de collaboration et
de complémentarité. Nous pourrons ainsi affronter les
défis actuels et futurs d'une manière réaliste et
innovatrice pour le bien-être des bénéficiaires du
système de santé et des services sociaux et ce,
conformément aux orientations proposées par le réseau et
par le ministre.
En conclusion, ceci met fin à notre présentation. Nous
avions décidé, à nous quatre, de partager le temps
alloué. Cependant, vu l'importance que St. Mary conserve son statut de
centre hospitalier universitaire, mes collègues m'ont proposé de
faire cette présentation et je les remercie. Nous avons vécu une
expérience enrichissante en travaillant ensemble. Nous anticipons les
nouveaux défis que nous aurons à relever pour offrir à nos
bénéficiaires des services complets, intégrés et
continus, de grande qualité, ceci dans un esprit de collaboration et de
complémentarité et de concert avec les autres personnes
concernées dans ie réseau, tout particulièrement avec le
conseil régional, les conseils régionaux et le ministre de la
Santé et des Services sociaux. C'est un plaisir et un honneur, pour moi,
d'être ici, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. J'inviterais maintenant le ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux
à vous poser des questions ou à faire des commentaires, à
échanger avec vous.
M. Sirro8: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais centrer,
peut-être, nos échanges autour de la question du statut
universitaire et du conseil d'administration, ensuite. On a eu l'occasion, la
semaine passée, d'échanger un peu avec le centre d'accueil Father
Dowd. Je pense que les deux autres sont ici surtout par rapport à toute
cette question de l'unification des conseils et c'est peut-être autour de
ça qu'on peut avoir une discussion. D'abord, concernant le centre
hospitalier St. Mary et le statut universitaire, vous savez qu'il y avait
quatre critères mis de l'avant par la commission Rochon pour la
reconnaissance d'un statut universitaire. J'aimerais peut-être, dans un
premier temps, vérifier avec vous chacun de ces critères par
rapport à l'hôpital St. Mary. Les quatre critères
étaient que l'établissement devait offrir des soins
ultraspécialisés et spécialisés, faire de la
recherche et contribuer à l'évaluation des techonolo-gies. En
première réaction, où est-ce que l'hôpital St. Mary
se situe par rapport à ces quatre critères-là?
M. Nucci: Du point de vue de l'ultraspécia-lisation, nous
faisons de la dialyse et de l'hémo-dialyse à
l'hôpital...
M. Sirros: O.K.
M. Nucci: ...comme vous le savez. C'est une fonction très
importante de notre institution. Nous avons développé dans les
années - et je pourrais vous fournir des statistiques - un
département interdisciplinaire en oncologie où le volume de
patients traités est énorme. Nous avons l'enseignement depuis les
dernières 30 années; j'ai fait mon internat là en 1956 et
je peux vous assurer que c'est...
M. Slrro»: Ça continue. (12 h 45)
M. Nucci: ...un aspect croissant d'année en année
dans les spécialités. Maintenant, dû au fait, comme vous le
savez, du contingentement des résidents dans les dernières
années, nous avons perdu quelques résidents dans certaines
spécialités, non pas parce que notre enseignement n'était
pas égal ou souvent même inférieur, et ceci, c'est bien...
Si on voit les accréditations des différentes corporations et des
collèges, il est bien écrit que notre enseignement était
même mieux qu'ailleurs. On les a perdus, comme vous
pouvez comprendre... L'aspect, comme j'ai expliqué un peu plus
tôt, dans les universités, naturellement les hôpitaux
universitaires où siègent les chefs de département et les
différents directeurs de programmes gardent leurs résidents.
Peut-être que... Je n'ai rien à dire à part de
ça.
Du point de vue de médecine familiale, nous avons augmenté
nos résidents en médecine familiale; nous en avions douze iI y a
quelques années et nous en avons maintenant 44; nous sommes le plus gros
département. Du point de vue de l'enseignement au niveau de
sous-gradués à la Faculté de médecine de McGill, je
crois que le chiffre que nous avons eu cette année est de 389
étudiants qui sont passés chez nous.
M. Sirros: Par rapport à la recherche?
M. Nucci: Pour la technologie encore une fois, pour un
hôpital de notre grosseur et ainsi de suite, on fait une technologie
assez avancée. Surtout, comme vous le savez probablement, nous sommes un
centre obstétrical assez important dans la province, nous faisons 4000
accouchements par année. Certainement qu'avec notre technologie et celle
qui s'en vient, qu'on va recevoir bientôt, ce sera quelque chose qui
n'existe pas ici à Montréal. Notre point, c'est qu'on n'a pas
d'institut de recherche, M. Sirros.
M. Sirros: O. K. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on peut
prendre l'engagement de revalider tous les critères auprès des
universités d'une part et on prend aussi l'engagement de revoir la liste
des établissements. Il y a, comme vous savez, actuellement, quelque
chose comme 40 établissements universitaires, centres hospitaliers et
instituts. Il y a une proposition de diminuer ce nombre-là, mais avant
de le faire, on regardera très soigneusement toute la question de la
validation des critères ainsi que des particularités qui peuvent
entrer en ligne de compte par rapport à la désignation comme
telle. Ça, c'est sur le statut universitaire.
J'aimerais peut-être vous entendre un peu au niveau des conseils
d'administration. Vous êtes contre le conseil d'administration
unifié. D'abord, on voit de plus en plus un genre de communauté
d'intérêts qui fait en sorte que c'est un concept qui trouve
beaucoup de résistance sans qu'il y ait des bénéfices
très grands par la suite. Le souci qui est derrière l'idée
de mettre sur pied des conseils d'administration unifiés, c'est un souci
de concertation, de collaboration, de mise en commun de ressources et de ne pas
faire de la compétition pour la gloire, en quelque sorte, dans un
territoire donné. Vous avez mentionné un peu dans votre
exposé les choses qui pourraient être mises en commun: la
buanderie, le laboratoire etc. Comment est-ce que vous pourriez sans un conseil
d'administration unique, comment est-ce qu'on pourrait envisager la mise en
commun de ce genre de ressources de façon efficace?
M. Nucci: M. le ministre délégué, est-ce que
vous permettriez que peut-être M. Lorion réponde à cette
question ou...
M. Sirros: Tout à fait.
M. Lorion (Jacques): Nous avons vécu depuis plusieurs
années, enfin, près de trois ans, des liens très
étroits comme CLSC avec les établissements de notre territoire,
notamment avec l'Hôpital général juif et avec
l'hôpital St. Mary. Les objectifs visés par l'Intégration
des conseils d'administration, comme vous venez de le dire, c'était
vraiment d'améliorer l'articulation entre ces établissements.
Nous, on n'a pas eu besoin de ça, ce sont les circonstances de la vie
qui ont fait qu'on avait besoin des hôpitaux généraux de
courte durée de notre territoire pour pouvoir offrir des services de
qualité. Aussi, comme vous le savez, dans les CLSC, par exemple, on
n'avait pas de médecin. Et on a essayé de comprendre pourquoi on
n'avait pas de médecin dans nos établissements. La raison
était: Quand on va travailler dans un CLSC, on est isolés
professionnellement. Donc, on a obtenu l'affiliation de McGill et on s'est
aussitôt rapprochés de nos deux centres hospitaliers qui faisaient
de la médecine familiale et on a créé un modèle de
fonctionnement où on a des médecins qui sont aux deux endroits:
à la fois à l'hôpital St. Mary et à la fois à
l'Hôpital général juif et à la fois au CLSC
Côte-des-Neiges. Donc, on n'a plus cette brisure entre les
établissements quand un client a besoin de services. On n'a plus cette
brisure où le client, quand iI quitte notre CLSC, compte tenu de la
complexité de son problème, il doit absolument être
réadmis, réintégré dans un autre hôpital avec
toutes les conséquences que vous connaissez.
Donc, c'est un modèle déjà mis en place qui
fonctionne et cette articulation que tout le monde souhaite, pour nous, c'est
une réalité. Donc, pourquoi intégrer nos conseils
d'administration quand on sait que... Je donne l'exemple du conseil
d'administration de St. Mary sur lequel je siège. C'est un conseil qui a
réussi à inviter ou à solliciter de la grande
communauté beaucoup de personnes et donc, cet intérêt
volontaire et aussi cet intérêt qui se traduit souvent par des
apports d'argent, je ne suis pas sûr qu'il serait soulevé si on
intégrait les conseils d'administration. Donc, les effets
négatifs.
M. Sirros: II y a une autre chose, une autre question, quelque
chose qui me frappe dans votre proposition par rapport aux conseils
d'administration tels que vous le proposez qui serait un conseil pour chaque
établissement. Il y a deux choses en fait qui me frappent. D'une part,
tous
les membres sont des membres nommés qui représentent soit
les universités, soit les établissements, soit nommés par
le ministre, soit nommés par les fondations, soit nommés... Ils
sont tous nommés, il n'y a aucune prévision de faite pour une
élection de la part des citoyens comme tels, des citoyens purs et
simples. une deuxième chose sur laquelle j'aimerais avoir votre
réaction. vous y mettez quelqu'un qui serait nommé par le conseil
des médecins, dentistes et pharmaciens, mais vous excluez tous les
autres membres du personnel dans votre proposition. deux choses: pourquoi ne
pas avoir laissé une place au niveau de l'élection d'usagers ou
de citoyens et est-ce que ça ne devrait pas être majoritaire au
bout de la ligne, les citoyens? deuxième chose, est-ce que vous faites
une distinction entre médecins et autres employés et, avant
ça, est-ce que je prends pour acquis, donc, que vous êtes pour la
participation des employés d'un établissement sur le conseil
d'administration de l'établissement?
La Présidente (Mme Marois): L'un ou l'autre de vous peut
répondre.
M. Nucci: Très bien. Dans notre proposition, quand nous
disons que les trois autres établissements pourraient avoir un
siège sur notre conseil d'administration, cela n'exclut pas que ces
trois membres soient élus de la communauté de cette institution.
On a marqué "approuvé par le ministère" parce qu'on a
pensé que peut-être vous voudriez faire la coordination. Mais les
trois ou quatre institutions, dans leur communauté, pourraient
élire quelqu'un sur les quatre conseils d'administration.
M. Sirros: Et les employés? Est-ce qu'ils devraient
être sur le conseil?
M. Nucci: Les employés, vu qu'on voulait essayer de faire
un compromis, on ne les a pas inclus. On a inclus les médecins parce
que, de plus en plus, la profession médicale se sent de plus en plus
éloignée des fonctions administratives qui se passent dans nos
hôpitaux. Étant médecin, peut-être que j'entends ceci
plus que d'autres dans mon institution, et je crois que c'est malheureux parce
qu'ils sont en train de s'éloigner tellement qu'ils sont en train de
peut-être perdre intérêt. Je crois que, s'ils perdent
intérêt, notre niveau de soins va en souffrir. Il va souffrir de
leur dévotion à la population, du point de vue qu'ils ne se
sentent pas impliqués. On va en souffrir aussi du point de vue financier
parce que c'est essentiel, et je crois que ça devient de plus en plus
essentiel que les médecins, que les chefs de département assument
des responsabilités fiscales. Comme professionnels, dans le
passé, on n'a jamais été mis dans une position qu'il
faille prendre en considération l'aspect financier. Quand on voyait des
patients, notre seul intérêt, dans le passé, était
de traiter ces patients de la meilleure façon que nous puissions le
faire. Aujourd'hui, je crois qu'il y a un autre facteur qui rentre dans
l'équation. C'est très Important et on peut se lancer avec tout
ça dans des questions d'éthique, des questions de priorisation de
soins, relier tout ça au coût financier et les choses qui sont
discutées au niveau du conseil d'administration, du point de vue des
finances, sont extrêmement importantes et je crois que s'il n'y a pas de
médecins qui siègent à ce niveau, avec un rôle
important à jouer, peut-être que nous allons en souffrir.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci, M. le
ministre. Oui? Vous voulez ajouter, M. Brunet? Allez, oui.
M. Brunet (Michel): J'aimerais revenir rapidement sur les propos
du Dr Nucci. Le fait que nous avons exclu les employés soit cliniques ou
non cliniques de nos conseils d'administration n'exclut pas le fait que le
représentant que nous mentionnons dans le mémoire sort un
employé qui représente ie centre hospitalier Untel sur un autre
conseil d'administration.
En ce qui a trait au Conseil des médecins, dentistes et
pharmaciens, le fait que ce ne sont pas des employés à titre
d'employés, qu'ils ne sont pas rémunérés par
l'établissement, nous avons cru bon d'avoir leur représentation
sur (e conseil d'administration parce que nous croyons qu'ils jouent un
rôle très important dans l'établissement.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Assez
rapidement...
La Présidente (Mme Marois): Oui, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Oui. On va regarder l'heure comme il faut. On va
essayer de couper les questions en commençant par quelques remarques. Il
ne faut pas trop vous forcer pour expliquer pourquoi seront exclus dans la
nouvelle formule les employés, les autres employés dans vos
institutions, puisque l'avant-projet de loi les exclut systématiquement,
partout. Si la raison que vous donnez et si ce qu'on vous demande ici de
justifier demande de faire quelques entour-loupettes, j'espère que
ça se fera également de ce côté, lorsqu'on ira au
niveau du projet de loi.
Par ailleurs, je ne m'adresserai pas beaucoup à vous en termes de
conseil d'administration unifié et de toutes ces formules de
complémentarité puisque c'est réglé, dans ie sens
où le ministre a bien dit, hier, que ce n'était pas la formule,
et qu'il allait regarder autre chose en termes de
complémentarité. C'est pour ça qu'on
va économiser le temps et les minutes pour regarder autre chose,
en particulier, peut-être quelques questions supplémentaires en
regard de votre fonctionnement qui est particulièrement
intégré en termes de services à la population. Vous en
avez donné un bon aperçu.
À la page 3, vous nous donnez dans les dimensions de votre
institution, par exemple, l'ordre budgétaire, l'ordre du budget de votre
institution. Vous nous dites 52 800 000 $ et ce budget a été
respecté. Vous êtes en équilibre.
M. Nucci: Oui.
M. Trudel: Avez-vous des lits fermés?
M. Nucci: Oui.
M. Trudel: Combien?
M. Nucci: 24 sur 414.
M. Trudel: Sur 414. Pour quelle période de temps ont-ils
été fermés si vous avez ça comme moyenne?
M. Nucci: Ils ont été fermés pour une
période de deux ou trois ans, les 24, à peu près, avec des
hauts et des bas.
M. Trudel: Oui.
M. Nucci: Pour les périodes naturellement près de
Noël, des périodes durant les vacances, ainsi de suite, c'est
peut-être un petit peu plus élevé. La fermeture maintenant
est pour une raison seulement, c'est le manque d'Infirmières, parce que
nous n'avons pas de lits fermés dû au budget. Nos lits sont
fermés parce que nous ne pouvons pas trouver des infirmières.
Nous avons des postes que nous ne pouvons pas remplir. (13 heures)
M. Trudel: Très bien. Est-ce que vous avez, parmi les
quelque 414 lits de courte de durée, des lits qui sont occupés
par des malades de longue durée, des chroniques?
M. Nucci: Nous en avons trop, comme vous le savez. Le chiffre qui
nous avait été proposé, quand on a ouvert des lits de
longue durée, était d'à peu près 10 % de nos lits.
C'est maintenant rendu que nous en avons à peu près 90 a la place
de 41...
M. Trudel: 20 %.
M. Nucci: ...lits de longue durée.
M. Trudel: Plus de 20 %...
M. Nucci: Oui.
M. Trudel: ...qui sont occupés par longue durée.
Voyez-vous, je vous pose ces questions parce que vous recherchez en même
temps, pour votre institution, une reconnaissance d'institution d'enseignement
universitaire affiliée à une université. Or, il nous a
été donné d'entendre, ici, à cette commission, que,
si tout le monde veut aller au paradis avec cette reconnaissance de la part du
ministre, il appert que ça coûte cher d'avoir cette vocation. Il y
a des institutions, ici, qui nous ont affirmé que d'être reconnues
hôpital, établissement d'enseignement ou institution
universitaire, ça coûtait jusqu'à 20 % de leur budget et,
à cet égard, elles sont allées plus loin, ces
institutions, elles nous ont dit: Nous sommes obligées en quelque sorte
de rogner sur notre budget de soins de courte durée, fondamentalement,
pour être capables de réaliser cette mission et cette fonction
universitaires.
C'est très inquiétant lorsqu'on entend une institution qui
est d'abord dévouée, vous le reconnaissez bien, aux besoins d'une
population donnée et qui, pour faire mieux, recherche cette
reconnaissance de type universitaire, mais par ailleurs on se rendrait compte,
dans le système, que ça vous coûterait, dans les
paramètres actuels, 20 %. Vous seriez obligés de rogner et si
j'additionne cela, vos 20 % de longue durée qui occupent des lits de
courte durée, si j'ajoute à cela le problème de
recrutement et le problème de personnel au niveau Infirmier, la portion
d'argent, la portion des ressources qui vont aller directement aux
bénéficiaires, ça me semble devenir de plus en plus
inquiétant. Comment vous entendez concilier toutes ces
dimensions-là pour à la fols obtenir pour l'augmentation de la
qualité des services - vous l'avez bien décrit, sur ce statut -
et en même temps rendre le service aux bénéficiaires?
M. Nucci: Premièrement, je crois que le chiffre de 20 %
pourrait être "questionné". En octobre, à Winnipeg, II y a
eu une réunion de l'Association des hôpitaux enseignants du Canada
avec l'Association des collèges médicaux au Canada où un
après-midi a été "dévoué" à ce sujet.
Les présentations n'étaient pas d'accord et II y avait de la
controverse sur cet aspect. Je crois que ça n'a pas été
prouvé. Je crois qu'on mélange aussi, monsieur, l'aspect que la
majorité des hôpitaux classifies comme étant des
hôpitaux universitaires, ce sont des hôpitaux de soins tertiaires
et ceci, naturellement, coûte beaucoup plus cher que des soins ordinaires
à des pathologies ordinaires. Et pour distinguer si le coût
augmenté aux hôpitaux universitaires est dû au fait qu'il y
a de l'enseignement ou est dû au fait qu'il y a une pathologie beaucoup
plus aiguë, encore une fois, c'est difficile à voir.
L'autre point, peut-être, que je voudrais souligner, c'est qu'on
devrait assurer que si nous avons de l'enseignement, la supervision des
résidents, internes et l'effet sur tous les méde-
cins devrait être, peut-être, l'habileté à
faire un diagnostic sans prescrire de tests énormes. Ça devrait
être, peut-être, mieux que, disons, dans une institution où
il ne se fait pas d'enseignement. Je dis peut-être.
M. Trudel: Expliquez-nous donc cela. M.Nucci:
Pardon?
M. Trudel: Expliquez ça, comment ça pourrait amener
la diminution du nombre d'actes et d'analyses. C'est intéressant parce
que... Juste une petite précision...
M. Nucci: Oui.
M. Trudel: Je regarde dans l'ensemble du financement du
système, le ministre est très inquiet là-dessus, la
société est très inquiète là-dessus. Vous
avez entendu, ce matin, au niveau de la consommation, on dit souvent que ce
sont les usagers qui consomment trop et qui y vont trop largement. Il faut
aussi questionner les producteurs d'actes et, là, vous nous fournissez
une piste en disant: Au niveau des producteurs des actes qui amènent,
évidemment, la dépense, le fait d'être une institution
reconnue d'enseignement universitaire, ça pourrait... Pourrlez-vous nous
expliquer ça assez concrètement, s'il vous plaît?
M. Nucci: Bien, comme nous ne sommes pas très à
l'aise avec le diagnostic, on prescrit de plus en plus d'examens de laboratoire
et d'examens radiologiques. L'autre chose qui nous fait prescrire beaucoup de
ces examens, c'est la peur de poursuites, et je crois que la profession ne peut
pas y faire grand chose pour essayer de limiter ceci; mais peut-être que
les législateurs pourront faire quelque chose de cette façon. Je
crois que, de plus en plus, les médecins sont très conscients du
fait du coût de tous ces tests et ainsi de suite. Je crois que nous avons
fait du progrès pour essayer d'établir certaines normes, mais il
y a des abus qui pourraient être contrôlés.
M. Trudel: Merci beaucoup, Dr. Nucci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le
député. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce,
s'il vous plaît.
M. Atkinson: Merci, Mme la Présidente. J'ai
étudié votre présentation sur le mémoire avec
intérêt, c'est bien clair, mais j'ai deux questions. Je vais poser
ma question en anglais, vous pourrez répondre en anglais ou en
français, si vous voulez, c'est sur le centre hospitalier de St. Mary et
le centre d'accueil Father Dowd, le centre hospitalier des convalescents et le
CLSC Côte-des-Neiges, c'est un groupement de quatre.
These four institutions, from what I can read in your presentation, have
already started to work together in the areas you mentioned of administration,
family médecine, geriatrics, home care, obstetrics and psychiatry that
in many ways are kind of in the avant-projet de loi. You have already
introduced something that I'avant-projet de loi is proposing. Where did this
initiative come from and how is it working and how did you get It to work?
M. Nucci: Very good question, Sir. The initiative came from... He
is blushing. As Mr. Lorlon told you, he sat on our Board of directors. We got
to know each other, we discovered that we had a similar vision, basically - and
I am very proud to say this - devoid of all political considerations, but what
we wanted was the best for our patients and this was the motivating factor. We
did not know each other before that at all and the relationship, I can assure
you for my part, has been an education for me because I am a bit of the old
school. I came out of medical school in 1956, I am an obstetrician-gynecologist
by profession. I have academic ties. I was vice-dean at McGill University and I
did not know a lot about CLSC's and what they do. Mr. Lorion educated me and it
has been an enriching experience for me and then, just before the avant-projet
de loi, when we joined with the other two institutions, again, I did not have
much knowledge about them because I was what we call in my profession a
"cutter" - it is surgery.
What an experience it has been for me to sit in this seat for the last
three years and to broaden my horizons and visions and I think that for other
people, other professionals in my profession and others, there is a lot to
learn out there and to contribute and I have been very proud to be associated
with Mr. Lorion.
M. Atkinson: Mr. Eisenring, from Father Oowd's point of view, do
you concur and what are you getting out of it that you were not getting or
could not get before?
M. Elsenring (AI): Of course, St. Mary's and Father Dowd have had
a long association with each other. They are our primary source for
emergencies; our doctors are affiliated with St. Mary's. Some of the services,
when you are a small resource, a small Institution like we are, relatively
speaking, we cannot afford some of the services or we can ill-afford them. So,
this is why some of the examples that Dr. Nucci mentioned, pharmacy, staff
formation, those are the things from which we can only benefit if this happens.
Also, there is the psychogeriatrics supplied to us from St. Mary's,
ophtalmology. So, we have very close liaison, the same as with the CLSC, and we
share some services with them.
Of course, when they come to the hospital, they often come via the
Montreal Convalescents Hospital. It is a natural kind of affiliation.
M. Atkinson: So, has the administration been cut down now? I
mean, with the four of you grouping together, do you have less Individual
administration?
M. Nucci: We have more coordination among the administration with
a view to, yes, cutting down and, if you will allow me, Sir, the other comment
that I want to make and, maybe that Is why we are a little heavy on the
directors general getting together to work this out rather than common
boards... I can assure you...
Je peux vous assurer que si M. Lorion n'avait pas siégé
à notre conseil et qu'il était directeur général,
nos deux conseils, et je ne veux pas parler pour lui, mais certainement, mon
conseil d'administration et les autres conseils ne seraient pas réunis
de cette façon. C'est grâce à nous quatre et, aussi
à l'acceptation de nos concepts, mais les gens, c'est nous qui avons
développé ceci. C'est pour ça que je crois que ça
devrait continuer de cette façon parce qu'on comprend un peu plus.
Ça prend moins de temps, moins d'explications pour pouvoir comprendre
où on peut se réunir, où on peut se compléter.
Pour expliquer tout ceci à un conseil d'administration, ça
va prendre beaucoup de temps parce que, aussi, II va y avoir certaines
opinions, certains conflits et je ne sais pas... Je crois que nous, surtout
à St. Mary's, avons énormément à perdre si nous ne
gardons pas notre conseil parce que notre conseil, avec sa vision et sa
dévotion, nous a mis à la place où nous sommes aujourd'hui
avec fierté.
M. Atkinson: Madame?
La Présidente (Mme Marois): Oui?
M. Atkinson: Une petite question.
La Présidente (Mme Marois): Toute petite.
M. Atkinson: M. le docteur, dans votre mémoire, vous
faites opposition à l'article 44, the elimination of the boards, c'est
pour l'effet que de la Fondation... Pouvez-vous l'expliquer?
M. Nucci: We, as everyone knows here, have naturally a cultural
tradition. Our roots, our finances, our campaigns, our growth and development
have been traditionally and historically, since 1924, through our community.
Now, our community originally was an English Catholic, maybe in brackets, Irish
community. Our community has now changed. It has grown and evolved with the
times but that background, that history, that tradition has given us our
volunteers, our foundation, our auxiliaries, again that have made us what we
are, and we are very fearful of losing this time, but we are also very much
aware that we live in a new society, that we live in québec, and this is
why we are sitting here together. maybe we can send the message out there.
M. Atkinson: Merci, M. le docteur. Merci, madame.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. J'imagine que M. Lorion est allé à la bonne
école. Nous avons été aux HEC ensemble. Ça me fait
plaisir de le saluer.
D'un commun accord, et le député de
Notre-Dame-de-Grâce a accepté ça aussi, nous reprendrions
nos travaux à 14 h 30 cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 16)
(Reprise à 14 h 33)
La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la
commission veulent bien prendre place, nous allons reprendre nos travaux.
J'inviterais les personnes qui sont déjà présentes devant
nous et qui représentent le CLSC centre-ville à nous
présenter leur mémoire, une vingtaine de minutes pour la
présentation et, ensuite, il restera du temps aux membres de la
commission pour échanger avec vous, discuter, poser des questions.
J'aimerais que la personne qui va présenter le mémoire ou
présenter le groupe se présente elle-même et, ensuite,
présente les personnes qui l'accompagnent.
CLSC centre-ville
Mme Thibaudeau (Marie-France): Merci, Mme la Présidente.
M. le ministre, mesdames et messieurs, je suis Marie-France Thibaudeau, la
présidente du conseil d'administration du CLSC centre-ville. Je vais
d'abord vous présenter les membres de notre équipe du CLSC
centre-ville: à ma gauche, Mme Justiane Ruel, coordonnatrice du
programme de santé à domicile; M. Jacques Gagné, directeur
général du CLSC; à ma droite, M. Jean Fortier,
secrétaire du conseil d'administration et représentant du
personnel clinique au conseil d'administration.
Je veux d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de vous
présenter des commentaires relatifs à certains aspects de
l'avant-projet de loi qui nous touchent plus directement, et vous
présenter aussi certaines caractéristiques de la population du
territoire de notre CLSC qui en tracent la mission.
Notre CLSC est situé au coeur de Montréal. C'est peu dire.
Ce centre-ville est caractérisé par une très grande
détérioration du tissu social
et par la coexistence de populations vivant aux extrémités
de l'échelle sociale. On compte une population résidente
d'environ 7200 personnes, dont 1700 personnes ont plus de 65 ans et 60 % de ce
groupe ont plus de 75 ans.
Les célibataires de plus de quinze ans comptent pour presque la
moitié de la population et, si on ajoute les veufs et les
divorcés, on arrive à 60 % de la population. Nous avons un grand
nombre de chambreurs, au moins 1000, une population chinoise d'à peu
près 730 personnes, chinoise et allophone. Nous avons certains complexes
d'habitation à prix modique, les HLM. Une caractéristique qui
identifie très bien notre secteur: il n'y a que cinq maisons
individuelles.
Nous avons une population résidente qui est très petite,
comme vous le voyez, mais notre population de passage quotidien -
c'est-à-dire qui passe une grande partie de sa vie et une partie
essentielle de sa vie dans le centre-ville -est très grande. Nous
comptons environ 200 000 travailleurs qui sont des fonctionnaires dans des
édifices à bureaux pollués, des commerces, de la
restauration, des petites industries; 20 % de cette population des travailleurs
sont syndiqués; 80 % ne sont pas syndiqués. Ils sont dans des
emplois précaires, souvent dans des conditions d'insalubrité
très grande et, parce que ce sont des emplois précaires, ce sont
souvent des emplois occupés par des femmes.
Nous avons aussi... Nous servons, devrais-je dire, une population
d'itinérants qui peut se chiffrer à environ 15 000. C'est un
chiffre énorme. Il y en a 7000, ou environ 7000, qui vont dans Dernier
recours, qui viennent chercher des abris temporaires. Ils vont et viennent,
c'est difficile de classifier les itinérants, et d'autres, environ 8000,
qui viennent utiliser les services. Il y a un médecin qui va à
Dernier recours et on a aussi un rapport avec du personnel qui essaie d'aider
les itinérants dans ces maisons. On essaie de les supporter de diverses
façons. On pourra parler davantage de ce problème parce que c'est
un problème important.
On sert aussi - et on ne la sert pas bien, je pense, parce qu'on n'a pas
assez de ressources - la population étudiante de l'UQAM et aussi le
cégep du Vieux-Montréal. Ce sont aussi des populations avec un
certain risque parce que ce sont des populations stressées. Ce sont des
populations de jeunes où les services en prévention et en
promotion de la santé devraient être beaucoup plus
développés parce que là, je pense que le
"payoff1 est beaucoup plus grand.
On a aussi un programme avec le gouvernement fédéral et le
gouvernement provincial sur la prévention du sida. C'est ce programme
qui s'appelle CACTUS. Un programme de nuit, parce que c'est un programme pour
les drogués, alors, c'est la nuit qu'ils vivent. C'est un programme qui
fonctionne de 10 heures le soir à 4 heures du matin, où on
échange des seringues aux Intoxiqués, des seringues
souillées pour des seringues propres, où ça nous donne
l'occasion de donner beaucoup d'information et de faire un peu de
prévention. C'est un programme qui est en processus d'évaluation
et, déjà, on sait qu'il pourrait avoir des répercussions
plus grandes sur l'arrêt de la drogue parce que ça nous
amène, à ceux qui le demandent, à les
référer à des organismes pour un programme de
désintoxication.
On a aussi cet autre programme provincial - et le CLSC Métro en a
un aussi - où on travaille avec les personnes qui sont atteintes du
virus HIV et celles qui veulent être testées, c'est
déjà une préoccupation qu'elles ont de se protéger.
Ça veut dire qu'on a encore un potentiel de prévention qui est
très grand.
Ces données donnent une image des besoins et des problèmes
de notre population qui sont complexes, diversifiés et particuliers.
Vous comprendrez que cette évaluation de la population nous amène
à affirmer un certain nombre de principes et de valeurs qui doivent
guider les services de santé et les services sociaux, et on les a
présentés dans notre mémoire. C'est le principe de
l'universalité, l'accessibilité universelle et la gratuité
des services, la participation des citoyennes et des citoyens à
l'administration des services, la continuité avec les organismes du
réseau et l'articulation de ses services, la prévention et la
promotion de la santé qui ne sont pas assez présentées
dans l'avant-projet de loi - et on ne donne pas un rôle assez grand aux
CLSC dans ce sens, la décentralisation qui est le pendant de la
participation et l'humanisation des services qui implique de minimiser la
bureaucratie et la technocratisation des services.
Le CLSC, c'est, dans le réseau des services de santé et
services sociaux, l'organisme qui peut le mieux assurer les soins de
santé primaires, les soins fondés sur des méthodes et
techniques pratiques. Et là, je vous donne la définition des
soins de santé primaires de l'OMS: des services qui sont
scientifiquement valables et socialement acceptables, accessibles à tous
les individus et les familles dans la communauté, avec leur pleine
participation et à un coût que la communauté et le pays
peuvent assumer dans un esprit d'auto-responsabilité et
d'autodétermination. C'est un peu, si vous voulez, notre acte de foi
quand on dit ça.
A ce point-ci, je voudrais passer la parole à M. Jacques
Gagné, qui va vous expliquer davantage certaines dimensions que nous
avons présentées dans notre programme.
M. Gagné (Jacques): Je vais essayer d'être le plus
bref possible pour laisser du temps pour les discussions.
Je vais reprendre un certain nombre de points du mémoire.
D'abord, un point qu'on a voulu faire, c'est celui de la définition du
CLSC. Une des raisons pour lesquelles on s'est préoccupés de
cette question de la définition du
CLSC, d'abord II faut dire qu'à partir de la loi qu'on veut
modifier et qu'on veut bonifier dans l'avant-projet de loi, dans la loi qui
existait, la définition était très vague et très
générale, puis pas juste pour nous mais pour l'ensemble des
établissements. Tout le monde sait fort bien que, depuis vingt ans, il
n'y a pas une catégorie d'établissement qui n'a pas passé
un nombre d'heures à réécrire sa mission, puis à
clarifier ou à interpréter sa définition. Je pense que
c'est important qu'on arrête ce genre de champ de bataille, ce genre de
patinoire et qu'on établisse le plus clairement possible, au moins au
point de départ, à ce moment-ci, avec l'expérience du
vécu des vingt dernières années et du vécu et du
cadre de partage CSS-CLSC, qu'on assoie plus clairement les définitions
d'établissement pour qu'on ne revive pas le tiraillage CSS-CLSC, le
tiraillage DSC-CLSC, et parlons-en, hein!
C'était important, pour nous, de le mentionner parce que, quand
on regarde l'article 27 de l'avant-projet de loi, jusqu'à un certain
point, l'article 27 dit bien, dans sa première partie, ses deux petits
paragraphes, les règles des services de prévention, mais c'est
surtout quand on regarde, dans le fond, et qu'on dit "À cette fin", puis
ce qu'on décrit à cette fin, eh bien, là, il ne s'agit
plus de faire de la prévention; ce qu'on fait, c'est du service direct
clinique curatif. Il y a comme une forme de contradiction, ce qui veut dire que
ça traduit fort bien ce qu'on veut traduire: c'est qu'il n'y a pas
beaucoup de conviction, dans l'avant-projet de loi, sur la dimension
prévention et promotion de la santé qui peut relever d'une
fonction de première ligne, d'une fonction terrain dans des services
locaux. On aimerait, pour éviter le tiraillage à l'avenir, que la
définition de CLSC soit le plus près possible de cette notion
d'un CLSC porte d'entrée, d'un CLSC charnière entre le
réseau public et la population, de se laisser le premier contact pour la
population une définition plus large et qui permette non seulement de
faire des services primaires, mais de faire des services de prévention
aux primaires.
Alors, ça ne veut pas dire qu'une définition semblable
nous amène a rejeter l'Idée qu'il faut aussi donner des services
curatifs, qu'il faut aussi donner des services palliatifs. Je pense que donner
des services, ça fait partie du "bag" important pour établir des
contacts avec une population et répondre à un besoin de base.
Mais il ne faut pas juste faire ça parce que, jusqu'à un certain
point, on se situe dans un contexte où on vadrouillerait beaucoup le
plancher sans jamais fermer l'eau, sans jamais travailler à fermer
l'eau. Ça pose un problème sérieux dans un contexte
où... On le fait. Dans les faits, il y a des choses de prévention
qui se font, mais ce n'est jamais comme par la grande porte d'entrée.
D'ailleurs, on aimerait une définition qui soit plus claire, qui nous
donnerait plus de portée pour, par la suite, clarifier nos programmes et
nous présenter clairement avec la population et ne pas vivre dans ce
demi-monde gris lorsqu'on parle du communautaire, lorsqu'on parle du
préventif, lorsqu'on parle de la promotion de la santé.
Cette définition du CLSC, on suggère une
définition. Il y a bien du monde qui va en suggérer une. La
fédération va revenir avec ça. Je pense que ce qui est
important, c'est de véhiculer une notion d'établissement dans
laquelle on est sûrs qu'on va avoir, avec cette notion-là,
suffisamment de paramètres pour bien travailler à la fois
à la promotion de la santé, aussi bien que de travailler,
jusqu'à un certain point, au maintien à domicile, à des
services sociaux courants de première ligne. Il faut avoir une
définition qui nous permette de travailler à tous les niveaux et
qui nous permette aussi, jusqu'à un certain point, de vraiment
s'associer à ce que je pourrais appeler "la construction des milieux de
vie". Pour Montréal, pour nous, ça représente encore plus
qu'ailleurs, mais on sait que dans l'ensemble du monde moderne, industriel, les
tissus sociaux, ça a pris une dégringolade. Ça, on le
sait, mais plus à Montréal qu'ailleurs, on sait que même
si, en apparence, il y a moins de population, les gens sont de beaucoup plus
démunis. Quand on regarde les recherches les plus récentes sur la
problématique de l'itinérance et d'autres types de
problèmes plus récents, surtout des problèmes urbains, la
grande catastrophe, jusqu'à un certain point, c'est la
désorganisation des milieux primaires qui ont pris le bord, l'absence de
la relation d'amour. Il ne faut pas avoir peur de ça, la relation
familiale, puis la relation d'un milieu de voisinage qui est significatif. Je
pense que les CLSC doivent avoir la souplesse nécessaire dans leur
définition puis dans tout ce qui suit, à partir d'une
définition, la souplesse nécessaire pour pouvoir travailler
à l'aise, en pleine lumière, sans travailler en cachette pour
l'avenir dans la reconstruction des milieux de vie. Je pense aussi que quand on
parie d'une définition des CLSC, il faut aussi non seulement mettre le
curatif et le préventif en lien, c'est ce qu'on essaie de faire, il faut
donner les deux dimensions et les donner à part égale. Mais il
faut aussi, jusqu'à un certain point, si on veut être
réalistes avec le préventif et la promotion, reconnaître
que les CLSC ont des approches. Ils doivent avoir une approche, on doit
reconnaître une approche qui leur permette de travailler avec les milieux
de vie, donc une approche communautaire, une approche en milieu ouvert. Bien,
je dis ça et ça n'a l'air de rien, tout le monde est d'accord
avec ça, sauf que quand on regarde le nombre de postes en communautaire
dans les CLSC, c'est une dégringolade depuis les dix dernières
années. Alors, il y a quelque chose qui ne marche pas certain quelque
part, entre le discours et ce qui arrive dans les faits. Alors, je me dis que
c'est peut-être le temps de se dire clairement ce qu'on veut. Mais
si vraiment on veut une reconstruction des milieux de vie et des tissus
sociaux et qu'on pense, comme charnière, comme prolongement pour le
réseau le plus près possible dans cette fonction-là, je
pense que les CLSC peuvent jouer un rôle et on est mieux de le dire
clairement.
Une dernière dimension que je trouve importante pour les CLSC,
c'est de reconnaître que les CLSC, et on a vu qu'à Montréal
on vit avec les extrêmes, les plus riches mais aussi les plus pauvres,
surtout dans le quartier, on voit très bien c'est quoi les écarts
entre les riches et les pauvres, et l'écart grandissant entre la
richesse et la pauvreté, entre les gens qui vivent... je pense que le
CLSC, parce qu'il vit dans cette réalité du milieu, ne peut pas
faire abstraction de sa responsabilité qu'on pourrait appeler de
développement social, mais sa responsabilité de travailler aux
conditions de vie et aux niveaux de vie des populations. Et ça, c'est un
long débat. On va peut-être dire: C'est lequel des
ministères? Mais je ne voudrais pas embarquer dans ce niveau du
débat de lequel des ministère. Je pense qu'il y a, jusqu'à
un certain point, un rôle stratégique des CLSC, un positionnement
stratégique. On n'est pas près du milieu pour rien, on est
l'établissement peut-être le plus près des
défavorisés dans ce sens-là, et je pense que
l'opportunité étant là, la dimension plus
stratégique étant là, je ne vois pas pourquoi on ne
trouverait pas le moyen, dans la planification des CLSC, dans la programmation
des CLSC, de reconnaître cette fonction-là, la fonction de
travailler à l'amélioration des conditions de vie et des niveaux
de vie des populations avec lesquelles on travaille.
Je pense qu'il y a moyen, dans l'avant-projet de loi et dans la
réécriture du projet de loi, de redonner aux CLSC plus de
spécificité. Je ne veux pas enlever de la prévention
à d'autres. Je rie veux pas enlever de la prévention aux DSC.
Tout le monde, à mon point de vue, doit avoir une dimension
préventive. On doit faire chacun nos bouts et ça va nous demander
de la complémentarité. Mais je pense que ce qu'il faut... je ne
veux surtout pas que les CLSC, que nous, en tout cas, notre CLSC, se
considère comme la personne qui assume de façon exclusive un
rôle de prévention. Ce n'est pas ça que je veux dire. Mais
il faut l'assumer nous, à notre niveau, le plus possible. Et ça,
il faut que ce soit reconnu.
Une dimension dans notre rapport, si je peux changer de point, de sujet,
je vais passer assez rapidement, on a parié aussi des CA unifiés,
ou des conseils d'administration. Nous, on a dit des conseils d'administration
plus près de la population. Je pense que... je ne reviendrai pas, je ne
ferai pas une longue plaidoierie là, pour démontrer qu'il y a
vraiment un certain nombre de handicaps qui est associé à
l'idée des CA unifiés. Je lisais les journaux de ce matin,
à moins que les journalistes n'aient été dans l'erreur
complète, je pense que M. le ministre, hier, a annoncé qu'il
reculait un peu, qu'il évoluait. C'est normal et je trouve que c'est
encourageant pour nous de venir, ce matin, en se disant qu'il y a des
idées qui ont changé. Tant mieux. Ha, ha, ha! Mais au cas
où, par hasard, le clou ne soit pas assez planté, je me dis: Ce
n'est pas une bonne affaire pour nous, les CA unifiés. Et c'est
peut-être une bonne affaire pour d'autres types d'établissement
qui ont des vocations plus près, mais on a l'impression que pour le
CLSC, étant donné sa vocation qui doit plus se définir en
relation avec la population, elle se définit moins en relation avec les
autres établissements. Et j'ai l'impression qu'il y a comme un genre
de... ou bien on fait l'option technocratique et bureaucratique de se
définir avec, dans nos bonnes relations, dans un club
d'établissements, comme on dit, nos bonnes relations avec les CH ou nos
bonnes relations avec les centres de longue durée; après
ça, quand II nous reste des espaces où on peut faire participer
les gens aux définitions, alors on va voir la population, surtout pour
leur faire accepter ce qu'on a décidé avec les autres. Je pense
que ce n'est pas ça, la stratégie, Et la stratégie,
à mon point de vue, devrait être moins bureaucratique, moins
technocratique et on devrait laisser, dans la logique même de ce qu'est
un CLSC, sa possibilité d'être le plus près possible et
d'avoir sur son conseil d'administration, sur ses mécanismes de prise de
décisions, le plus possible de la population. C'est pourquoi on voudrait
que notre CLSC soit moins... On n'est pas tellement chauds vis-à-vis des
représentants d'autres établissements parce qu'il y a
peut-être d'autres moyens pour le faire, mais surtout des gens qui sont
élus, qui viennent des milieux avec lesquels on travaille. et c'est le
point qu'on voulait faire avec le conseil d'administration unifié. par
exemple, je vais vous donner juste une idée qu'on pourrait discuter
après, mais on a parlé d'un comité
d'établissements. bon, l'idée n'est pas bête, sauf qu'on
sait fort bien qu'un comité d'établissements avec un seul conseil
et des d.g. ensemble, quand on connaît les d.g., ils vont facilement
s'organiser pour avoir un bon pouvoir. quand ils sont tous d'accord, je ne suis
pas sûr que beaucoup de conseils d'administration vont aller contre une
idée unanime, une proposition unanime des d.q., vous savez.
C'est très technocratique. Il y a un grand danger là, mais
je me dis que cette même idée d'un comité
d'établissements, si on veut vraiment, parce que je comprends le
problème que les législateurs peuvent avoir... On veut vraiment
une stratégie horizontale, une statégie d'intégration
à ras le sol pour que les gens, soient pour une population, se mettent
ensemble. C'est ça qu'on veut. Alors, peut-être qu'il y aurait
possibilité de prendre ce comité d'établissements et de le
mettre plus politique, un peu semblable
aux MRC par rapport aux municipalités et leur donner une fonction
plus politique, avec les présidents d'établissements. Les MRC
n'ont jamais enlevé - on a su comment c'était, cette
bataille-là - l'autorité aux municipalités. Bien, je pense
que ce comité n'enlèverait pas l'autorité des conseils
d'administration, mais permettrait d'être une table de négociation
surtout pour s'attarder à des questions qui concernent les
éléments, les relations interétablissements pour une
population, pour un territoire donné, pour une problématique
donnée. Ça, c'était l'Idée derrière le CA
unifié.
Un autre point qu'on a traité, ce sont les régies. On
voulait des régies véritables. Là-dedans, vous savez,
c'est un problème qu'on traîne depuis les auras, depuis le
début de la réforme. On a voulu, jusqu'à un certain point,
finalement, donner aux régions, on a voulu... Tout le monde a
parlé de la décentralisation, on en reparle encore toujours et je
pense qu'on est sérieux quand on en parle. Le seul problème,
c'est un peu comme "tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut
mourir", c'est jusqu'à quel point on va se déléguer des
responsabilités et on va les déléguer vers le bas, puis
jusqu'à quel point on peut le faire.
Alors, à ce moment-là, les régies doivent avoir une
forme de légitimité. L'idée de la commission Rochon
n'était pas fantastique de les faire élire comme les commissions
scolaires, mais, en tout cas, c'est une recherche et on a le même
problème. La proposition de la régie ne règle pas beaucoup
le problème de la légitimité, mais il y a quand même
un effort. Mais je me dis que d'une façon ou d'une autre, si on veut
faire des régies et qu'on veut que les gens prennent ça au
sérieux et investissent les énergies qu'il faut, il faut ce que
j'appelle couper le téléphone rouge, c'est-à-dire couper
l'intégration verticale. Autrement dit, mol, je suis D.G., je vais jouer
le jeu au conseil régional de mon territoire, mais j'ai toujours la
possibilité, puisque le décideur ultime est à
Québec, à un moment donné, quand ça ne fait pas mon
affaire, je ne dis rien et j'appelle Québec. Et ça, ça se
fait couramment.
Je me dis que si la proposition ne donne pas la possibilité de
couper cette dimension, bien, on s'en va encore dans un cul-de-sac et, dans dix
ans d'ici, on va encore faire une autre étude comme on a fait dans les
années quatre-vingt pour dire: Ah! les pauvres régies, comme les
pauvres CRSSS, ils n'ont pas réussi à... Alors, je me dis que si
on prend la peine d'établir des régies, et je trouve ça
important qu'on régionalise et qu'on décentralise mais, à
ce moment-là, faisons donc le bout de chemin nécessaire pour
éliminer cette apparente tutelle. On a un problème, je le sais,
et je ne peux pas le régler maintenant. On a un problème de
légitimité. On a peut-être des possibilités de
donner plus de légitimité à ces structures, mais je pense
que c'est important que les régies régionales puissent jouer les
rôles qu'on décrit dans l'avant-projet de loi, qu'on leur donne la
dimension décisionnelle qui leur appartient, qui doit leur appartenir
pour éviter ce genre d'ambiguïté des prises de
décisions, à l'heure actuelle.
Évidemment, vous allez le voir dans le mémoire, on est
contre la nomination si elle va dans cette ligne, c'est pour clarifier le
pouvoir vraiment d'une régie, la nomination du D.G. par le ministre,
toute la dimension où il y a une forme d'emprise. Je comprends aussi
qu'à cause de la faible légitimité, parce qu'il ne s'agit
pas d'élus, il faut maintenir une forme d'emprise. Alors, on a un
problème là, mais je pense que dans la mesure où on peut
la réduire, on devrait la réduire le plus possible pour que ce
sort le plus réel possible, la décentralisation. Et ça va
de même pour la nomination du président. On est un peu contre
l'idée d'un P.-D.G., d'abord, parce que c'est la seule chance que les
régies vont avoir d'avoir une forme de légitimité, c'est
d'avoir des Mens avec la population. C'est sûr que si la personne qui
exerce le plus de pouvoir, qui s'appellera un directeur général
et un P.-D.G., si, en plus, elle est nommée par le ministre, elle assume
toute cette concertation du pouvoir, cette concentration du pouvoir chez elle,
à ce moment-là, la dimension participation de la
communauté, pour donner une légitimité aux régies,
est plus faible, est d'autant plus faible. On est pour une position où
les régies vont plutôt aller chercher leur
légitimité par un président de la communauté
élu par eux. (15 heures)
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Gagné: On a parlé dans notre mémoire d'un
réseau public fort. Ce n'est pas qu'on est contre le privé, on
est contre une certaine commercialisation du privé. Je pense qu'au
niveau des questions, je pourrais aller plus loin. Il y a différentes
solutions possibles. On n'est pas contre la concurrence, on n'est pas contre
une émulation, une stimulation qui pourrait nous venir, mais on est
contre toute proposition qui risquerait d'amplifier dans notre
société une santé des riches et une santé des
pauvres. Une fois qu'on a saisi ça, ça nous permet d'avoir une
forme de paramètre pour identifier des propositions, ce qui risque de
produire plus de distances dans la société ou ce qui risque de
développer une plus grande égalité de chances chez les
gens.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? M.
Gagné: Merci.
La Présidente (Mme Marois): Nous vous remercions de cette
très Intéressante présentation. J'allais vous dire que
vous vous retrouvez dans le club, parce qu'il y a au moins deux anciens, un
directeur général et une directrice générale de
CLSC à cette table, le ministre et
moi-même. Ça nous fait probablement doublement plaisir de
vous entendre. Je vais lui céder la parole pour des questions ou des
commentaires.
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. D'ailleurs, c'est bon
de retrouver M. Gagné qui, avant qu'il soit D.G. de CLSC, avant que Je
le sois, a été mon employeur, en quelque sorte.
La Présidente (Mme Marois): Moi aussi, imaginez donc.
M. Sirros: C'est vrai? Il l'a été aussi?
La Présidente (Mme Marois): Oui, tout à fait.
M. Sirros: Mon Dieu! Quelque part, nos chemins se sont
séparés, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Pour se rencontrer
aujourd'hui.
M. Sirros: Parfait. Merci pour la présentation. Je pense
que l'aimerais reprendre ce que vous avez amené au niveau de la
définition des CLSC, de leur mission, parier un petit peu du conseil
d'administration unifié et plus du fonctionnement des CA et,
évidemment, l'autre point que vous avez touché, la
régie.
Au niveau de la définition, je pense que je ne peux que bien
entendre ce que vous avez dit et, en relisant effectivement la
définition qui est là, il y a une constatation, c'est que la
première partie, c'est presque le mot à mot du rapport Brunet,
dont j'avais eu le plaisir et l'honneur d'être un des participants,
à l'époque, du comité Brunet. La deuxième partie,
on ne la retrouve pas dans le rapport Brunet. Effectivement, il y a
peut-être quelque chose à ajouter par rapport à la
prévention qui est mentionnée dans la première partie.
D'ailleurs, quand on retourne dans le document d'orientation comme tel, on voit
qu'effectivement, c'est probablement un oubli non voulu parce que, dans le
document d'orientation, il y a quand même une place qui est
réservée à la prévention. Il y a aussi un souci et
un désir, je pense, de passer de ce que plusieurs ont dit être une
définition tellement large qu'on avait de la difficulté à
cerner, et que la population aussi avait de la difficulté à
cerner, à la mission véritable des CLSC, d'où venait la
situation, possiblement, où on avait et on a toujours 30 et quelques
programmes différents qui se trouvent à l'intérieur des
CLSC, d'où vient la proposition du rapport Brunet et qui est reprise
dans le document d'orientation de ramener ça autour de trois grands
secteurs. Vous les trouvez là en termes de services aux groupes à
risques, de services psychosociaux courants et le maintien à domicile.
Donc, une première chose pour vous dire qu'on est sensibles, et je suis
sensible, à toute cette question de la définition, mais il y a
aussi un souci de cerner les choses pour avoir une globalité
prévention-curatif, mais autour de certains axes.
J'aimerais peut-être revenir sur la question des CA. C'est
peut-être vrai qu'il y a quelque chose de spécial par rapport aux
CLSC, parce que c'est le territoire des CLSC qui avait été retenu
pour faire un peu l'unification des CA. Dans ce sens, vous proposez que,
indépendamment de ce qui peut arriver aux autres, les CLSC en soi ont
une particularité qui devrait leur donner accès à des CA
spécifiques. Peut-être il y a lieu d'unifier d'autres conseils
d'établissements similaires. Donc, si je poursuis la logique, ce serait
de dire que si, sur un territoire donné, à proximité, il y
a plus d'un centre d'accueil, par exemple, d'hébergement, un CHSP ou un
centre hospitalier de courte durée non universitaire, on pourrait
peut-être songer à des fusions d'établissements,
peut-être à des unifications de tous les CA d'un territoire.
Est-ce que je suis un peu votre raisonnement?
M. Gagné: Oui. Je ne veux pas proposer des fusions
d'établissements en soi. Je sais que je m'embarquerais dans une
longue...
M. Sirros: Ha, ha, ha!
M. Gagné: Parce que j'ai l'Impression qu'il y ades...
M. Sirros: Bon! Trouvons une autre façon de dire
ça.
M. Gagné: Non, que ce soient des fusions ou des formes
d'unification, je pense que c'est plus facile et plus réaliste, si on
veut aller vers cette voie-là et si on veut simplifier le nombre de
conseils d'administration, je crois que c'est plus facile de le faire pour des
établissements à vocation commune que les établissements
CLSC et autres qui ont des vocations très différentes.
M. Sirros: et qu'est-ce qu'on fait par la suite pour assurer la
concertation et la coordination des services sur un territoire donné
entre ces différents établissements?
M. Gagné: Mol, ce que j'ai suggéré, j'en ai
parlé un peu tout à l'heure. Vous savez, dans la proposition de
l'avant-projet de loi, il y a un comité d'établissements qui est
en fonction - dans le fond, c'est un comité de D.G. - pour
préparer le travail du conseil d'administration, pour que ce ne soit pas
trop lourd pour lui de gérer plusieurs types d'établissements.
Mais cette idée d'un comité d'établissements, mais
au-dessus des conseils d'administration, qui regrouperait les différents
conseils d'administration d'établissements, comme une table, et qui
pourrait avoir une sanction - j'ai donné comme comparaison l'exemple des
MRC par rapport aux
municipalités - je pense que c'en est une voie.
Il ne faut pas sous-estimer aussi l'expérience des CRSSS dans les
commissions administratives autour de problématiques. Je pense qu'il y a
quand même eu un certain niveau de concertation. Si les CRSSS avaient eu
des pouvoirs de décision plus réels et qu'ils avaient
été des partenaires, vraiment, avec une emprise dans les
décisions, je pense que cette stratégie de commission
administrative aurait été bonne. Je me méfie aussi de
planifier une concertation pour un territoire uniquement avec des
établissements qui vont avoir tendance à sauvegarder leurs
intérêts. Et je me dis qu'il serait peut-être
intéressant aussi, pas uniquement de planifier pour qu'on rende
complémentaires des établissements, mais en fonction d'une
problématique, parce que, très souvent, en fonction d'une
problématique, on va se rendre compte que, même chez les gens
autour de la table, il y a des établissements qui n'existent pas et
qu'il faut créer, qu'il faut innover par rapport à une
problématique donnée, tandis que, quand vous mettez une
série d'établissements, Ils vont avoir tendance à ne
parler que des choses que, généralement, ils font. Pour la
concertation et la complémentarité, c'est un domaine beaucoup
plus complexe et j'ai l'impression qu'il ne faut pas l'aborder avec une seule
stratégie simple. Il faut l'aborder de façon multiple, comme
stratégie.
Mme Thibaudeau: M. le ministre, je voudrais intervenir
là-dessus parce que ça me paraît un point extrêmement
important. C'est basé sur la mission du CLSC qui est près de la
population. Et le danger des fusions, c'est: Mettez ensemble un conseil
d'administration où il y a des gens, des directeurs
généraux qui ont l'artillerie lourde des hôpitaux qui
coûte extrêmement cher, on l'a vu hier soir, et vous savez
où l'argent va aller, dans la maladie. Il ne restera rien au CLSC parce
que c'est la prévention, c'est la promotion. C'est plus difficile
à cerner. Mais quand vous avez des pauvres malades qui font bien
pitié et qui ont besoin de lits, qui ont besoin de ci et qui ont besoin
de ça, l'argent va là-dedans. Et c'est très évident
que, dans le conseil d'administration, les gens vont tirer sur la maladie,
parce que c'est elle qui parle, et elle parie fort. On le sait, l'argent va
là-dedans, dans les systèmes de santé. Alors, le CLSC, il
faut le protéger. Il faut que le ministère le protège avec
sa mission de santé si, dans les orientations du ministère, la
santé a une place aussi grande que la maladie. C'est clair, ça,
hein?
M. Sirros: Qu'est-ce qu'on peut dire? Peut-être juste un
dernier point sur les conseils d'administration. Je vois que vous êtes
accompagnés de votre secrétaire qui est organisateur
communautaire, j'imagine, au CLSC?
M. Fortier (Jean): Oui.
M. Sirros: Et vous savez qu'une des propositions du document,
c'est effectivement d'évacuer la présence du personnel sur les
conseils d'administration des établissements, ceci surtout parce que,
souvent, c'est une situation - je ne dis pas que c'est le cas actuel - de
conflit. Il y a quelque chose de contradictoire à ce que le personnel
soit - le personnel syndiqué et non syndiqué, les médecins
le sont aussi s'il y a une présence au conseil... Il y a quelque chose
de contradictoire, on nous l'a dit souvent, d'avoir le personnel qui devienne,
en quelque sorte, le patron du patron, parce que le conseil, finalement, c'est
le définisseur des orientations, engage le directeur
général, suit les opérations du CLSC, etc. Votre
réaction face à ça, c'est quoi? On s'est fait dire aussi,
une deuxième chose que les gens disent, c'est qu'il faut quand
même tirer profit de l'expertise et de l'intérêt que peuvent
avoir les employés du réseau. Il y a aussi, donc, dans l'air,
l'hypothèse de dire: On va permettre à des gens d'être sur
les conseils d'administration mais, peut-être, d'un autre
établissement que le leur. Est-ce qu'il y a une reaction face à
ça? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez regardé?
M. Fortier: On a fait une réflexion au conseil
d'administration sur le projet de loi et on a débattu cette question.
Notre position sur la composition des CLSC, c'est qu'on trouve très
important que la majorité des membres du conseil d'administration soient
issus de la communauté, des usagers, qu'ils soient élus, et on
croit important de conserver des représentants des employés.
L'expérience au CLSC est positive. Il semble, pour ce qu'on a vu aussi
dans le reste des établissements qu'on connaît, que ça a
été positif aussi; il est possible qu'il y ait eu des
accrochages. Mais le principe est le suivant. C'est qu'il y a des initiatives
pour essayer de développer la motivation du personnel, responsabiliser
le personnel, faire participer le personnel au niveau de la définition
des programmes, de l'évaluation, de la prise en compte des besoins de la
population et tout ça. Il y a une tradition, en tout cas dans notre
CLSC, où il y a une bonne participation du personnel à tous ces
niveaux. Selon nous, ça a toujours été dans cette logique
qu'il y a eu l'élection de deux représentants pour
représenter le personnel clinique et non clinique. C'est vraiment dans
le sens de dire: Pourquoi, dans une partie de la réalité, on
trouve important, et je pense que la commission Rochon l'a souligné,
d'impliquer le personnel puis de tabler sur son sens des responsabilités
et, quand vient le temps du conseil d'administration, lui enlever toute place
au conseil d'administration? Là, est-ce qu'il s'agit de conserver
beaucoup de place? C'est une autre question. Mais la position que nous avons
chez nous, c'est que d'éliminer du conseil d'administration des
représentants des employés, ce ne serait pas une
initiative qui nous ferait avancer. Je ne sais pas si ça
répond bien à la question. Chez nous, les conflits
d'intérêts, on ne les vit pas.
M. Sirros: Conflits de rôles plus que
d'intérêts, je pense.
M. Fortier: À notre sens, finalement, le conseil
d'administration, à certaines périodes dans l'année, fait
un examen des besoins de la population et doit, à ce moment, faire des
choix sur les programmations locales, par exemple, chez nous, les
itinérants, le sida, les services aux travailleurs. Même s'ils
sont en minorité, je crois que l'éclairage des
représentants des employés est très positif. Il y a
possibilité, évidemment, qu'ils soient invités comme
personnes-ressources pour donner l'Information. Mais Je crois que dans la
philosophie des CLSC d'Impliquer la population, d'impliquer le personnel et
d'Impliquer tous les gens concernés vers l'atteinte des objectifs, c'est
peut-être un symbole, une façon de faire qui est cohérente,
du reste. Ce n'est évidemment pas question d'une autogestion. On parle
de deux représentants élus. Il est sûr aussi qu'il y a le
représentant des médecins qui se rajoute à ça.
La question est de se dire: Nous pensons qu'à notre conseil
d'administration, il doit rester une place pour des représentants des
employés, parce que ça se situe en continuité avec tous
les gestes pour impliquer le personnel et développer son sens des
responsabilités, son engagement vers l'atteinte des objectifs et la
satisfaction des besoins de la population.
Mme Thibaudeau: M. le ministre, je voudrais ajouter quelque chose
parce que je n'ai pas de conflit de rôles, moi. Je trouve que c'est
très important pour les membres du conseil d'administration d'avoir au
moins une personne pour prendre le pouls de ce qui se passe dans la boutique
dont vous êtes responsable. On le demande à l'employé:
Comment çâ se passe? Qu'est-ce que vous voulez? Donnez-nous des
renseignements; donnez-nous de l'information. Autrement, on ne le sait pas. On
peut administrer tout simplement des papiers au conseil d'administration, les
budgets et ainsi de suite. Un tas de papier part... Il y a beaucoup de papier
qui vient du ministère, d'ailleurs. Mais on peut être tout
à fait détachés de ça. Mais il faut avoir une sorte
de thermomètre de ce qui se passe dans la boîte que vous
administrez. Et, souvent, il nous aide par rapport à ça.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Avec les
gens de Pointe-aux-Trembles, ce matin, c'est formellement le premier groupe, le
premier CLSC que nous recevons à cette commission, ici. Et, pour ma
part, j'avais hâte parce que, voyez-vous, la grosse machine, le gros
rouleau compresseur de la santé avait pris - comme, souvent, vous le
dites - le gros morceau et avait monopolisé l'attention et beaucoup de
temps de cette commission. J'avais hâte que l'on regarde ensemble ceux et
celles ou les établissements qui sont sur la première ligne, ceux
qui sont en avant et qui sont, je pense, près des populations.
Quelques questions et observations en même temps, donc, autour de
votre mission et je ne reviens pas beaucoup là-dessus, parce que le
ministre délégué convient bien qu'il y a comme de
l'ajustement dans les définitions à réaliser et on verra
ça au projet de loi qui sera présenté. Mais c'est assez
évident qu'il faut compléter la définition et l'ajuster
à la réalité, ne serait-ce que pour éviter ce que
vous dénoncez vous autres mêmes comme étant la perte
d'énergie qu'il y a eue au cours des dernières années,
à savoir: Qui va faire quoi? C'est quoi, la mission? Profitons de
l'expérience acquise dans les CLSC pour essayer de caser ça un
petit peu plus à cet égard-là.
Un peu découlant de cette affirmation et du rôle que vous
avez à jouer dans le système, les hôpitaux nous ont presque
tous demandé et ont demandé au ministre d'inclure dans leur
définition la mission de prévention. C'est quoi votre opinion
là-dessus et ce serait quoi l'avis que vous donneriez au ministre quand
il va ressaisir sa plume pour réécrire ce projet de loi quant
à la mission prévention dans les hôpitaux?
Mme Thibaudeau: M. le député, je trouve que dans
tous les services de santé, chaque fois que quelqu'un va dans un service
de santé, il doit en sortir avec un plus par rapport à la
connaissance de sa santé, la connaissance de ses besoins et comment se
débrouiller pour ne plus y revenir. Alors, à mon avis, c'est
foutu et on n'arrivera jamais à rien si chaque personne qui va à
l'hôpital ressort avec son petit paquet de pilules et peut-être un
petit paquet de pansements puis qu'elle revient à la prochaine
occasion.
Alors, ce n'est pas leur premier rôle, les hôpitaux. Leur
premier rôle, il est curatif, mais ils ont aussi ce rôle de
prévention et de promotion de la santé. Je pense que c'est
même écrit dans la loi aussi qu'ils peuvent l'avoir. Mais le CLSC,
lui, c'est fondamental, la prévention et la promotion. Mais tous les
hôpitaux, il faut qu'ils l'aient, ce rôle-là aussi, et
qu'ils l'assument, parce qu'ils ont des patients devant eux qui sont en
état de crise et c'est souvent en état de crise qu'on apprend le
mieux, et c'est souvent en état de crise qu'on apprend à changer
ses comportements.
Il y a un paquet de gens qui vont arrêter de fumer,
malheureusement parce qu'ils s'en
vont à l'hôpital avec un emphysème pulmonaire ou un
cancer du poumon. Il ne faut pas être rendu là, mais on peut en
prévenir un certain nombre avant quand on peut, à l'occasion, les
avoir. Ils sont captifs. Ils sont intéressés à leur
santé, à ce moment-là, ils ont un temps d'arrêt pour
y penser. Et je pense qu'il ne faut pas enlever ça aux hôpitaux.
Il faut leur donner et leur dire: Vous devez le faire.
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez y.
M. Fortler: Je suis d'accord avec ce qui a été dit.
Mais on est placés d'une façon assez incroyable, les CLSC, pour
faire de la prévention. Si on pense aux 200 000 travailleurs du
centre-ville ou aux 30 000 étudiants qui sont à l'UQAM et au
cégep du Vieux-Montréal... On est dans les milieux de travail.
Là, on n'est pas dans un hôpital. Ce sont des gens en
santé. Ce sont des gens, par ailleurs, qui ont différents
malaises. Par exemple, ce sont des malaises qui peuvent être
reliés au stress, au début de burn out, ou des maladies qui
peuvent être reliées à la mauvaise qualité de l'air,
par exemple.
Au centre-ville de Montréal, c'est un dossier sur lequel on est
souvent obligés d'intervenir, la question de la qualité de l'air
dans les édifices. Avec les normes d'économie d'énergie,
avec un certain laxisme au niveau de l'entretien des systèmes de
ventilation, il y a plusieurs personnes qui se plaignent de différents
malaises qui sont reliés à la qualité de l'air. Toutes ces
personnes-là, on est très bien placés pour intervenir sur
le milieu de travail. Mais en réalité, si on n'intervient pas, et
bien souvent c'est comme ça que ça se passe, qu'est-ce qui se
passe? La personne retourne dans sa banlieue, le soir, retourne dans l'est de
Montréal, bon, ces 200 000 personnes-là retournent chez elles. 5
%, 10 % vont voir le médecin avec des problèmes de sinus, de maux
de tête, ou avec différents problèmes associés au
stress.
On croit que c'est très coûteux parce que là, la
personne qui y va avec un problème de sinus, par exemple, parce que dans
son milieu de travail il y a un manque d'apport d'air frais ou
différents contaminants, c'est une référence chez
l'oto-rhino-laryngologiste, c'est une référence, après
ça, chez l'allergiste, ce sont des radiographies à
répétition et tu multiplies ça par le nombre de
travailleurs en question. Alors, si tu interviens dans le milieu de travail,
des fois on se rend compte, quand on intervient dans un milieu de travail,
qu'on a oublié de mettre une bouche d'apport d'air frais. Il y a des
locaux qui n'ont pas d'apport d'air frais, ou, dans d'autres locaux, ça
fait un an que le système d'humidification est débranché,
ou, dans d'autres locaux, ça n'a pas été nettoyé
mais il y a de la contamination.
Bien, ce sont tous des gens qui vont voir le médecin, ça -
ça coûte cher, la "castonguet- te" - et puis qui peuvent se
retrouver aussi à l'hôpital. Mais le médecin, lui, iI ne le
sait pas, ça. Assez souvent, la question n'est pas posée sur le
milieu de travail quand on rencontre le patient et puis, des fois,
peut-être que le médecin, ça lui passe par l'esprit, mais
poser cette question-là, qu'est-ce qu'il va faire avec la
réponse? Va-t-il venir au centre-ville - je ne le sais pas, dans le
bureau du Trust Royal ou dans le bureau de n'importe quelle compagnie du
centre-ville - et Intervenir sur le milieu de travail? Il n'est pas
placé pour ça puis, et dans le cadre dans lequel il pratique, II
n'est pas organisé pour ça.
Je crois que les CLSC, de par la proximité qu'on a avec les
milieux de vie, les milieux de travail, on est très bien placés
pour faire de la prévention et on est en présence de personnes en
santé. C'est avec ces gens-là qu'on doit travailler. Il y a
beaucoup de travail qui se fait dans notre CLSC au niveau de la promotion et de
la santé, entre autres, sur ces deux dossiers-là. Je crois que
c'est très payant. Ça épargne énormément de
coûts de médecin mais ça, évidemment, ça ne
rentre pas dans la comptabilité de tout le système. C'est
difficile à comptabiliser, tout ça, mais c'est incroyable, les
épargnes qu'on pourrait faire à ce niveau-là.
M. Trudel: Ce que vous nous dites, en particulier à partir
de votre expérience et des populations que vous avez à desservir,
c'est l'allocation des ressources à partir du type de clientèle,
du type de personne, du type de milieu dans lequel on vit parce que, par
exemple, votre réalité, la réalité
socio-économique de centre-ville fait en sorte, effectivement, que vous
avez beaucoup d'entreprises, entre guillemets, et de milieux de vie qui sont
immenses et que vous ne réussissez pas à atteindre, compte tenu
que l'allocation des ressources ne se fait pas nécessairement en
fonction des clientèles et de la particularité des
clientèles et du type de problème que l'on retrouve parmi ces
clientèles-là.
Le temps file rapidement. J'aurais une question avant de passer la
parole à Mme la députée de Chicoutimi. Au niveau des
régies régionales, c'est absolument intéressant, ce que
vous nous signalez; pas tellement en termes de régie en soi, mais de
nous dire: Si vous y allez sur la décentralisation, n'y allez pas
à moitié. Organisez-vous pour le couper, le fil, qu'on ne double
pas les structures et en prenant toutes les précautions, par ailleurs,
pour responsabiliser ces organismes-là. Qu'est-ce que vous pensez de
l'idée d'une véritable régie régionale,
véritablement décentralisée? On sait
généralement ce qu'on veut dire avec cela, avec un conseil
d'administration élu au suffrage universel et, deuxièmement, avec
un directeur général qu'il s'engage lui-même, puisqu'il
serait responsable... Qu'est-ce que vous pensez de cette façon de faire
les choses, en notant - parce que je
perdrai le droit de parole après ça - qu'au niveau de
l'imputabilité, il y a bien d'autres chefs d'institutions qui
gèrent de très gros budgets qui ne sont pas nommés
directement par le ministre ou le ministère, mais qui sont nommés
par des conseils d'administration et qui gèrent des budgets à 90
%, 95 % de l'argent en provenance de l'État? Vous n'avez pas
oublié la question? Qu'est-ce que vous pensez de ça, des
élus universels et redevables?
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Gagné: Je pense que ça en est une
stratégie. Ce que je voudrais éviter à ce moment-ci, c'est
de dire que c'est la seule. Je pense que de faire élire des élus
qui vont avoir une légitimité, à ce moment-là, pour
pouvoir prendre des décisions et dépenser des fonds publics,
c'est ce qu'on recherche. Ça en est une. Ce qu'il faut éviter
avec... Ma question que j'avais avec l'élection des membres du conseil
d'administration de la régie ou des gens de la régie,
c'était évidemment de saturer. On sait que nos milieux sont
saturés par différents niveaux d'élections, etc., et il y
aurait peut-être, à ce moment-là, des pistes à
explorer avec des élections ou un rôle avec les MRC. Je veux dire
qu'il y a des pistes à explorer, plutôt que de-Mais jusqu'à
un certain point, si on veut vraiment décentraliser, il faut leur donner
une forme de responsabilisation politique. Dans ce sens-là,
l'élection c'est la façon la plus simple et la plus claire.
J'imagine que la commission Rochon a dû explorer beaucoup d'autres
solutions: les solutions avec les MRC, les regroupements avec les
municipalités. Il y a peut-être des possiblités pour ne pas
trop saturer les milieux avec les niveaux d'élections, malgré que
je regarde la démocratie américaine, on peut bien en rire, mais
aux États-Unis, élire son shérif, c'est important. Je
pense qu'il y a une dynamique démocratique où on peut apprendre.
Je ne voudrais pas prendre tout le reste des États-Unis, mais cette
partie-là, je pourrais la regarder.
La Présidente (Mme Marois): Effectivement, les
shérifs, les juges, enfin, on passe son temps en élections,
d'ailleurs, aux États-Unis.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Je suis incapable
de ne pas faire le commentaire suivant concernant les conflits potentiels de
rôles entre un membre du personnel s'il siège au conseil
d'administration alors qu'il travaille dans le même établissement,
alors que jamais j'ai entendu quelqu'un ici s'interroger sur les conflits de
rôles possibles pour les médecins. Pourtant, Dieu sait que
l'accent plus ou moins mis sur le curatif, plutôt que le
préventif... on sait que la tendance générale chez le
médecin va être de privilégier davantage le curatif, parce
que c'est sa formation qui est telle. Ça m'étonne toujours quand
j'entends ça. Je ne peux pas m'empêcher de faire ce
commentaire.
Je vais éviter de faire des commentaires sur un tas d'autres
questions, y compris l'idée de la MRC que je trouve
particulièrement alléchante comme modèle pour voir
où on s'en va. Je trouve ça intéressant On voulait faire
des CLSC. C'était pour l'Opposition, et d'ailleurs au moment de sa
création, le pivot un peu des services de première ligne. Et
là, on voit qu'on a évacué, pour l'essentiel, tout ce qui
touche le psychosocial, dans le sens que tout le service social est pour ainsi
dire évacué au bénéfice de la santé mentale
des groupes cibles plus le maintien à domicile.
En matière de prévention, mon grand étonnement est:
Comment se fait-il qu'on n'ait jamais exigé des hôpitaux du
Québec que jamais quelqu'un puisse passer dans un hôpital sans
qu'on ait trouvé le moyen de lui accorder dix minutes, au cours de son
séjour, pour qu'il s'interroge sur les raisons qui l'ont amené
là, puis comment iI pourrait s'arranger pour ne pas y revenir? Il me
semble que c'est tellement élémentaire. La même chose,
obliger qu'il y ait une ou deux minutes des cinq minutes de consultation d'un
spécialiste de la santé, d'un professionnel de la santé,
qui soient consacrées à cette question. Ça me semble tout
à fait élémentaire. Je n'ai jamais compris qu'on n'ait pas
mis ça quelque part, de façon plus formelle - puis nous non plus,
je n'accuse personne - je veux dire que l'histoire de notre système de
santé n'ait pas fait de cette question-là une priorité.
Ça ne coûte pas cher.
Je veux m'arrêter à la privatisation. Vous l'abordez en
vous inquiétant de ses effets. Mais j'ai une question simple: Est-ce que
vous avez, dans votre CLSC, recours aux agences privées pour le maintien
à domicile? Comment cela fonctionne-t-il? (15 h 30)
La Présidente (Mme Marois): Oui, madame.
Mme Ruel (Justiane): Ç'a été débattu
au conseil d'administration, cette question-là, parce qu'on a fait face
à un problème de sous-financement. On avait plusieurs demandes
auxquelles on ne pouvait pas faire face. Alors, on s'est posé la
question si on devait faire affaire avec les agences. On devait
déjà faire affaire avec les agences pour des services qu'on ne
pouvait pas offrir, parce qu'il y avait plusieurs personnes d'absentes en
même temps et que notre liste de rappels n'était pas suffisante.
Alors, on doit faire affaire avec des agences pour, par exemple, des services
de soir ou de fin de semaine, ou pour des services qu'on ne peut pas offrir en
dehors des heures d'ouverture du CLSC, c'est-à-dire les auxiliaires
familiales, par exemple. Alors, on a choisi de ne pas s'en aller dans cette
direction. Je pense que si d'autres CLSC ont dû le faire, c'est à
cause du sous-financement. On
sait qu'avec une agence, par exemple, on va payer un service à
8.82 $ alors qu'on reçoit une subvention de 8.50 $, je vous donne un
exemple, par rapport aux services aux personnes handicapées de l'OPHQ.
Alors c'est sûr qu'on n'a pas le choix lorsque c'est cette
situation-là, mais c'est sûr qu'on peut donner plus de services
à môme nos budgets lorsqu'on prend une agence, sauf qu'on se pose
des questions sur la qualité. La personne qui donne un service par une
agence, elle n'est pas en contact avec l'équipe multkjisclplinaire qui a
élaboré le plan d'intervention et le plan de service. Alors, elle
donne un service qui, H nous semble, peut s'éloigner de l'orientation
qu'on veut lui donner.
D'autre part, au CLSC, on ne pouvait pas non plus s'orienter vers la
privatisation, parce qu'on a un programme de santé au travail qui
s'intéresse aux non-syndiqués, qui s'intéresse à la
précarité de l'emploi. Alors, comment, nous, pouvions-nous
choisir de donner des services à des agences, d'emblée, parce
qu'on voulait donner plus de services? Ça allait contre notre
conception, et le syndicat nous appuyait, faisait des pressions à ce
nlveau-là, pour qu'on crée plutôt des postes à temps
complet, qu'on assure quelqu'un dans un emploi. Je pense que ça allait
contre notre philosophie d'offrir ces services. Maintenant, c'est une partie
infime de notre budget qui va aux agences, pour répondre directement
à votre question. En maintien à domicile, cette année, on
aura, au maximum, investi 30 000 $, sur un budget de 3 000 000 $.
Mme Blackburn: À l'occasion des crédits... Mme
Ruel: Des agences privées, oui.
Mme Blackburn: ...que nous avons étudiés en
commission parlementaire...
La Présidente (Mme Marois): Dernière intervention,
Mme la députée.
Mme Blackburn: Merci, madame. Le printemps dernier, un
relevé assez sommaire nous a permis de voir qu'il s'était
consacré un peu plus de 20 000 000 $ - si ma mémoire est
fidèle c'est aux alentours de 25 000 000 $, juste le relevé qu'on
a pu faire, de façon volontaire auprès des différents
établissements - sur le recours aux agences privées. On ne s'est
pas aperçus qu'on avait fait un peu de privatisation. Quand le CRSSS du
Montréal métropolitain donne 8.50 $ à une agence pour
embaucher quelqu'un pour aller faire du maintien à domicile, l'agence se
retourne et en donne 6 $ à la personne, et elle n'est pas
protégée ni par l'assurance-chômage ni par la CSST, aucune
sécurité. Est-ce qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui a
déjà examiné la question suivante, peut-être que
ça été fait et je l'ignore. Quand on parie de
privatisation, on a l'air de parier des bons et des pas bons, des
méchants, d'opposer l'un à l'autre, exclusivement sur le biais
de: On va finir par faire une médecine pour les riches et une pour les
pauvres, ce avec quoi je serais assez d'accord, mais pas pour les mêmes
raisons. Est-ce qu'on s'est jamais interrogé sur la question suivante:
Les coûts, lorsqu'on a recours à une agence,
généralement, sont plus élevés en tout cas en ce
qui concerne les infirmières sûrement. Mais ne parions pas de
ça, parions de ce que ça nous coûte comme
société lorsque, avec les mêmes coûts pour le
système, on a recours à ce type d'agence, qui offre de moins
bonnes conditions de travail, c'est-à-dire que la personne qui est
embauchée par une agence a moins de sécurité, moins de
couverture, moins de salaire, investit moins dans la société, et
moins dans le long terme. Alors, au plan strictement économique, la
valeur d'un emploi un peu plus stable syndiqué, plus permanent, est-ce
qu'on s'est déjà interrogé là-dessus?
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Gagné. M.
Gagné: Très brièvement...
La Présidente (Mme Marois): II n'y a pas de
problème.
M. Gagné: Je vais vous référer aux travaux
de Mme David de TIRAT, par exemple, sur le temps partiel depuis les
années 1976. Avant de venir au CLSC, j'étais chercheur
associé au CCDS et j'ai fait des travaux, en particulier, sur la
relation entre la précarité et la santé mentale. Les
coûts de la précarité du travail sont énormes,
à tous les niveaux. Et j'ai l'impression qu'il y a toutes sortes de
coûts à la privatisation.
Mme Blackburn: C'est ça.
M. Gagné: Pour moi, il n'y a pas juste le
problème... J'ai mentionné le plus grave problème, c'est
d'avoir une société où on va avoir des mondes distincts de
pauvres et de riches. Mais il y a d'autre problèmes. Par exemple, si on
privatise avec les OSIS, il y a un élément intéressant. Il
y a d'autres problèmes pour lesquels j'ai beaucoup de questions mais, il
y a un élément intéressant dans cette
privatisation-là, c'est qu'il y a une dimension, jusqu'à un
certain point, d'Idée de promotion de la santé,
c'est-à-dire promotion de la santé, en ce sens que si vous voulez
faire de l'argent, il faut que vous mettiez les gens en santé et que
vous les mainteniez en santé plutôt que... Ça c'est
intéressant, il y a quand même un élément
intéressant là. Mais dans la proposition de l'avant-projet de
loi, quand on connaît ce genre de centres d'accueil privés...
parce qu'ils vont faire de l'argent en donnant des soins. Autrement dit, on
développe un système qui va nous coûter, si le panier est
percé encore, c'est-à-dire
où il n'y aura plus de fric, il va nous coûter très
cher parce que leur intérêt, pour faire de l'argent, c'est de
donner des soins. Là, vous avez un système qui va, jusqu'à
un certain point, tourner à vide pour créer des soins, un
système qui va être orienté par la maladie plutôt
qu'un système orienté vers la santé et vers la promotion
de la santé.
Dans ce sens-là, j'ai beaucoup de questions sur cet aspect de la
commercialisation de la santé parce que c'est faire faire de l'argent
dans un contexte de production de soins, sans obligation et sans frein pour la
santé.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Nous vous remercions
de votre participation à la commission. Je suis persuadée que vos
propos ont éclairé les membres de la commission. M. le ministre,
Mme la députée.
M. Sirros: Merci beaucoup également et on aura
sûrement l'occasion de se revoir.
La Présidente (Mme Marois): Merci. J'inviterais...
Mme Blackburn: ...ex-président, les directeurs
généraux des CLSC puissent un peu infléchir les
orientations du ministre en faveur du CLSC, il va de soi.
Organisation pour la sauvegarde des droits des
enfants
La Présidente (Mme Marois): On l'espère bien.
J'Inviterais maintenant les représentants de l'Organisation pour la
sauvegarde des droits des enfants à bien vouloir prendre place, s'il
vous plaît.
Alors, j'inviterais M. Di Done, c'est ça...
M. Di Done (Riccardo): C'est bien ça, oui.
La Présidente (Mme Marois): ...à nous
présenter le point de vue de son organisme, s'il vous plaît.
M. Di Done: Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames,
mesdemoiselles, messieurs, premièrement, j'aimerais vous remercier de
nous permettre d'être ici aujourd'hui. Ma collègue va être
de retour d'ici peu.
L'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants a vu le jour en
1983. Elle est composée de groupes multidlsclplinalres qui cherchent
à déterminer de nombreux secteurs dans lesquels les enfants ont
non seulement besoin de protection, mais également de reconnaissance de
leurs droits légaux, et à quel niveau se situe leur participation
dans la procédure juridique afin de respecter ces droits.
Parmi les aspects auxquels l'Organisation pour la sauvegarde des droits
des enfants s'Intéresse, citons - et il ne s'agit pas d'une liste
exhaustive - les mauvais traitements physiques, les mauvais traitements
psychologiques, les abus sexuels et les mauvais traitements en milieu scolaire.
Étant donné que 40 % des enfants et adolescents ont des
problèmes psychologiques significatifs et à long ternie, à
la suite des conditions qui entourent la séparation et le divorce,
étant donné que 50 % des femmes se retrouvent sous le seuil de la
pauvreté à la suite de séparations et de divorces,
étant donné le pourcentage très élevé
d'adolescents qui se retrouvent au Tribunal de la jeunesse, qui proviennent de
l'éclatement de la famille, étant donné qu'au Manitoba le
système de référence obligatoire à la
médiation a permis de régler hors cour 95 % des cas de divorce,
minimisant ainsi le choc émotif des enfants, et à la suite d'un
congrès national qui fut organisé par l'Organisation pour la
sauvegarde des droits des enfants dont le thème était "Divorce et
enfants, comment intervenir?", un congrès santé sur les moyens
d'action à prendre avant, pendant et après le divorce, où
plus de 400 participants de groupes multidisciplinaires étaient
présents, voici ce que nous proposons ici, aujourd'hui, pour faire en
sorte que l'agonie si souvent vécue par nos enfants et adolescents soit
des plus minimisée, sans parler des parents et grands-parents. Mais
advenant que cela survienne, il s'agit de s'assurer que notre
société ait les outils nécessaires pour mieux aider nos
enfants, adolescents et parents en difficulté.
Voici les avantages qu'apporterait un système où les
parents doivent se référer à la médiation, et le
fonctionnement de cette dite médiation. Lorsque des parents divorcent,
lis se présentent devant un juge avec leurs avocats. Au Manitoba, il y a
une cour spécialisée où les juges développent une
expérience approfondie dans le domaine, puisqu'ils ne président
que des causes de séparation et de divorce. Le fait est que les
solutions aux disputes familiales sont si importantes, mais en même temps
si difficiles, qu'il est important d'avoir une attention concentrée des
juges voués à cette tâche. La sélection de ces juges
demande une attention particulière. Le juge se doit de
référer les parents à la médiation. Les
travailleurs sociaux peuvent aussi sensibiliser les parents à la
nécessité de maintenir leurs responsabilités, tant sur
l'aspect physique, psychologique que monétaire. Le mot "garde" n'existe
plus, on parle plutôt de responsabilité parentale. Les
résultats du Manitoba en sont que les parents sont fortement
encouragés à maintenir leurs responsabilités et,
d'ailleurs, les deux tiers des parents s'entendront en première
Instance. Pour le tiers restant, lorsqu'ils se retrouvent devant une
conférence préalable qui est présidée par un juge
autre que celui qui présidera le procès éventuel, ce sera
réglé sans qu'il y ait procès. Les juges leur
suggèrent qu'en tant que parents ils de-
vraient être en moyen de trouver une solution mieux qu'un Juge qui
ne connaît point les parents et les enfants.
Un des grands bénéfices de la conférence
préalable est de donner aux parties l'occasion de se parler l'un
à l'autre dans une situation raisonnablement contrôlée. Un
autre avantage est de permettre aux parties de raconter leur histoire à
un juge. C'est souvent tout ce qu'ils désirent. Il leur en est
donné l'occasion dans une atmosphère informelle. Le
problème de séparation et de divorce est un problème
socio-économique et pour être médiateur on doit être
travailleur social ou psychologue, formé au travail auprès de
couples et de familles. Un avocat ne peut être médiateur, l'avocat
étant formé en droit et non en psychologie. Pourtant, un avocat
ou un notaire pourrait devenir un médiateur s'il se conforme au cours de
travailleur social ou de psychologue.
Soit dit en passant, au Manitoba, plus de 10 % des ruptures sont
épargnées. lorsqu'on calcule qu'au canada, en moyenne, on a plus
de 160 000 personnes qui divorcent annuellement, ça représente
quand même un total d'environ 16 000 parents pour une moyenne d'environ
8000 enfants. 8000 enfants qui auraient été
épargnés de la rupture de leurs parents. d'ailleurs ne
devrions-nous pas aller à une étape plus loin où un
système de réconciliation serait disponible en tout temps pour
les parents en difficulté?
Souvent, aujourd'hui, on parle de problématique de violence, de
délinquance, de drogue, de suicide. On fait des études sur toutes
ces problématiques pour pouvoir les minimiser. On fait des tables de
concertation. Écoutez, si vraiment on veut aller à la source des
problèmes, qu'on veuille les minimiser, une des sources premières
des pourcentages énormes de toutes ces difficultés ne
commencent-elles pas dans le noyau familial? C'est vrai que la violence
à la télévision n'aide peut-être pas, mais ce que je
peux dire, si je me fie à un éducateur qui travaille à un
centre de réhabilitation avec lequel on travaille en étroite
collaboration, au-delà de 85 % des causes qui lui sont confiées
proviennent de l'éclatement de la famille. le tribunal de la jeunesse de
montréal, d'ailleurs, a au-delà de 90 % des causes qui
proviennent soit de l'éclatement de la famille ou de familles
monoparentales. sachant que les enfants de l'éclatement de la famille ne
sont quand même pas la majorité de nos enfants, la
réalité est que le système ne favorise pas une entente
amicale entre les deux parties pour le bien-être des enfants. d'ailleurs,
le solliciteur général de l'ontario disait dans une
émission w5, il y a à peine deux semaines, lorsqu'on lui a
parlé de pension alimentaire, de soutien de famille: le système
ne fonctionne absolument pas, et ceci incluait aussi le droit de visite.
(15 h 45)
En bref, ce que nous vous suggérons, ici, aujourd'hui, c'est:
premièrement, de créer un service de réconciliation
disponible en tout temps auprès des services spécialisés;
l'instauration d'un service de médiation obligatoire, sous la
responsabilité du ministère des affaires sociales ou, si
possible, du ministère de la Famille, mettant en relief l'Importance
primordiale de garder impliqués les deux parents après une
rupture conjugale, au plan psychologique, physique et monétaire. Les
deux parents seraient référés à ce service par le
juge saisi de leur demande dès le début du dossier, sauf dans le
cas où il y a violence ou inceste. Par la suite, ce juge
étudierait le rapport du médiateur et, s'il n'y a pas d'entente,
à cette étape, il y aurait alors tenue d'une conférence
préparatoire avec les parties et leurs avocats. Si la médiation
n'est pas obligatoire et si on se fie aux statistiques exitant
déjà ici même, à Montréal, à peine 5 %
de la population s'en servirait, ce qui ferait que plus de 95 % de nos enfants
adolescents seraient défavorisés. Voulons-nous vraiment minimiser
les tragédies si souvent vécues par nos enfants? En voici une
chance inouïe.
Soit dit en passant, ces recommandations ont été
endossées par l'archevêché de Montréal, la
Fédération des travailleurs du Québec, la Ligue des droits
de la personne du Canada, l'Office de la famille de Montréal, les femmes
du B'nal Brith du Canada, la Fédération des CLSC du
Québec, l'Association des chefs de police et pompiers du Québec
et plusieurs ministres et députés, tant du Parti libéral
que du Parti québécois. Nous savons que la société
actuelle du Québec vit un problème financier sérieux.
Voici certains des avantages d'un système de médiation
obligatoire.
D'abord, la priorité. On sait qu'on minimiserait les
tragédies et le déchirement si souvent vécus par nos
enfants et adolescents. Les résultats seraient que la
société épargnerait des sommes importantes d'argent sur
les soins de santé, si on considère tous ces enfants qui ont
besoin de soins psychologiques, sans parler des soins physiques, car personne
ne peut dire à quel point leur santé sera affectée par ces
mois et souvent ces années de stress, le coût des
procédures, dans le système actuel, concernant la
séparation et le divorce, le système judiciaire et tout ce qui
s'ensuit lorsqu'on parie de délinquance, de violence, de drogue et de
prostitution, les 50 % des femmes qui se retrouvent sous le seuil de la
pauvreté que la société doit supporter.
En ce moment même, après le jugement... Les jugements ne
sont pratiquement jamais respectés et ceci fait que ça devient
très coûteux de poursuivre leur exécution et les gens
abandonnent. Ce qui fait que, tôt ou tard, on a un pourcentage d'environ
80 % des parents qui ne respecteront pas les jugements, tant en ce qui concerne
le soutien financier que les besoins de communication et ce qui vise à
assurer à ces
enfants qui nous sont si précieux l'amour et la
sécurité dont ils ont tant besoin et encore plus que jamais
lorsque les couples sont séparés.
Mme la Présidente, j'aimerais maintenant passer la parole
à ma collègue, le Dr Liliane Spector-Dunsky, qui a
travaillé très fort pour le comité scientifique de
l'organisation et qui est très sensibilisée à ce genre de
problématique.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci. Oui,
madame.
Mme Spector-Dunsky (Liliane): Avant de parler de la
médiation, je voudrais revenir un petit peu sur la question de ce qu'on
appelle l'éclatement de la famille et les retombées du divorce.
Je serais la dernière à dire qu'il n'y a pas de problème
ou qu'il n'y a pas de souffrance, mais je voudrais quand même nuancer ce
qui entoure cet état de la question. Quand on parle des
conséquences négatives, on ne peut pas faire un lien
immédiat entre divorce et conséquences négatives sans
identifier certaines des conditions qui entourent la situation de
séparation et de divorce. Je voudrais énumérer certaines
de ces conditions qui ont été identifiées à la
suite du nombre de recherches, en particulier aux États-Unis.
Les points suivants sont: premièrement, l'intensité des
conflits qui ont "pré-existé" le divorce - on n'arrive pas juste
au moment du divorce, il y a toute une situation qui a
précédé un des points finals qui est le divorce;
deuxièmement, comme l'a mentionné M. Di Done, c'est le taux de
pauvreté dont sont atteintes la plupart de ces familles dont la
mère serait à la tête de la famille; troisième
point, ce sont les conflits, c'est la persistance des conflits entre les deux
conjoints, persistance qui se perpétue longtemps après la
séparation, le divorce légal; enfin, un des points qui n'est pas
le moindre, c'est l'absence de contacts continus entre les enfants et leurs
deux parents. Malheureusement, le plus souvent, c'est le père. Donc, on
ne peut pas parier de conséquences sans tenir compte de tous ces
éléments-là.
Je voudrais vous présenter certains des résultats qui ont
été obtenus à la suite d'une recherche faite au Canada,
qui a été présentée, un rapport qui a
été soumis au ministre de la Justice du Canada, recherche qui
remonte à juillet 1987 - donc, c'est très récent - et des
résultats qui ressortent aussi de l'expérience au Manitoba.
Quels seraient donc les avantages à la médiation? Il y a
trois points, ou à peu près, qui rassortent d'une façon
consistante. Ce sont les suivants: Premièrement, la question des
montants de pension alimentaire. Ces montants sont payés d'une
façon beaucoup plus régulière à la suite d'une
médiation et, en général, sont aussi plus
élevés que lorsqu'il y a eu appel à l'aspect
"adversarial". Donc, la somme est plus élevée et celle-ci est
payée d'une façon plus régulière.
Une des retombées immédiates, donc, serait une diminution
des difficultés économiques, qui sont de taille pour les familles
séparées. Une deuxième retombée immédiate
serait une diminution des conflits entre les ex-conjoints.
Deuxième retombée. La recherche fait ressortir que,
lorsque les couples utilisent la médiation, ils s'entendent davantage
pour une garde partagée ou conjointe, ce qui, évidemment, a pour
implication Immédiate une bien plus grande implication de la part du
père et un contact continu entre les enfants et leurs deux parents, ce
qui n'est pas du tout le cas, nous le savons, quand les couples passent par le
système judiciaire actuel. De plus, les femmes qui passent par la
médiation semblent avoir une image gardée et avoir une Image
beaucoup plus positive de leur ex-conjoint que dans les autres cas. Nous savons
ce que ça peut avoir aussi comme effet sur les enfants.
Donc, retombée immédiate, c'est qu'il y aurait une
diminution des critiques mutuelles et des attaques mutuelles dans lesquelles
nous savons que les parents s'engagent à la suite d'une
séparation: Ton père ne vaut rien, ta mère ne sait pas
comment elle t'élevait, etc.
La troisième retombée est que le processus légal
est beaucoup plus rapide quand les couples passent par la médiation.
Autrement dit, le temps qui s'écoule entre la demande de
séparation jusqu'au moment de la passation en cour serait beaucoup plus
rapide lorsque les couples passent par la médiation.
Donc, retombée immédiate; il y aurait une diminution
d'angoisse et de stress pour tous les membres de la famille qui passent par
cette période qui est très pénible.
En conclusion, j'aimerais donc dire que, dans l'ensemble, la
médiation globale - et je voudrais mettre l'accent sur ta
médiation globale qui serait une formule qui a été
innovée à Montréal - par la médiation globale, il
s'agit de s'adresser aux aspects financiers, économiques, psychologiques
et émotifs de la famille. Donc, il n'y a pas de séparation, on ne
travaille pas que sur l'un de ces aspects.
Donc, dans l'ensemble, la médiation globale semble avoir des
retombées positives sur certains des points le plus
délétères au bon fonctionnement postdivorce. Dans ce sens,
la médiation peut avoir aussi, donc, un impact préventif.
Pour l'enfant, il est assuré d'un accès aux deux parents,
il n'est pas pris dans les jeux conflictuels et destructeurs dans lesquels les
deux parents s'engagent souvent. Ça permettrait aux enfants de
poursuivre leur développement et, enfin, ça les assure de
moindres difficultés financières.
Pour les parents. Pour la mère, évidemment, elle aurait
moins de problèmes économiques, il y aurait plus de
stabilité et d'assurance, puisqu'elle sait que les paiements seront
faits régulièrement,
elle gagne le soutien du père et ça Implique moins de
conflits entre les deux. Finalement, elle serait ainsi dégagée
pour continuer aussi sa vie. Pour le père, ça lui assure un
contact beaucoup plus continu avec ses enfants. Il ne se sentirait pas exclu ou
victimise en pensant qu'il a dû donner beaucoup plus d'argent qu'il ne le
pense nécessaire. Cela assure aussi, donc, une meilleure
coopération avec son ex-conjointe, moins de conflits et, lui aussi, 11
serait dégagé pour poursuivre sa vie.
Au niveau de retombées économiques à long terme, on
peut espérer qu'avec une réduction des problèmes
secondaires à un divorce les coûts financiers pour faire face
à ces problèmes risquent fortement d'être diminués.
Ça coûte très cher de travailler avec ces adultes - parce
que les adultes aussi font souvent appel aux soins en santé mentale -
ça coûte très cher, donc, et pour les adultes, et pour les
enfants d'avoir à faire face à toutes ces retombées
négatives par la suite.
J'aimerais ça quand même souligner certaines limites
à ce processus. Nous n'avons pas de drogue miracle. Il restera sans
doute encore un petit pourcentage de couples réfractaires et qui ne vont
pas pouvoir bénéficier de cette approche.
Le deuxième point touche à la formation des
médiateurs. Il est absolument nécessaire de savoir comment
travailler avec des couples, avec des familles. Il est aussi nécessaire
d'avoir une connaissance des lois concernant la famille. Donc, une connaissance
dans un seul de ces deux aspects ne serait pas suffisante.
Et, enfin, la limite concerne aussi le modèle de
médiation. Il semble que le modèle de médiation globale
donne de très bons résultats. Donc, les recommandations seraient,
premièrement, une médiation obligatoire et gratuite;
deuxièmement, un tribunal de la famille composé de professionnels
formés et sensibilisés à la problématique de cette
population; troisièmement, II faudrait s'adresser à la question
de formation des médiateurs. Et, finalement, un point que je trouve qui
est important, c'est que toute entente à laquelle seraient
arrivés les deux ex-conjoints soit une entente dynamique,
c'est-à-dire qu'elle risque de changer avec le temps. Ce n'est pas une
entente qui est écrite dans du ciment, mais qu'au bout d'un certain
temps il y ait possibilité de renégociation.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. M. le ministre délégué à la
Santé et aux Services sociaux.
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Je veux accueillir
d'abord nos invités. Je reconnais en M. Di Done une personne très
dévouée à toute la cause des enfants qui sont pris dans le
processus du divorce. Il y a évidemment des propositions mises sur la
table par rapport au service de médiation et, d'ailleurs, un vibrant
plaidoyer en faveur d'une médiation basée sur les travailleurs
sociaux et les psychologues plutôt que les avocats qu'on ne peut
qu'entériner et appuyer au ministère de la Santé et des
Services sociaux.
D'ailleurs, vous allez retrouver - et c'est peut-être de là
que vient votre mémoire - le service de médiation comme quelque
chose qui fait partie de la définition des CSS et du rôle des CSS,
des Centres de services sociaux. Et ce sont effectivement les travailleurs
sociaux, les psychologues, les agents de relations humaines, finalement, qui
travaillent à l'intérieur des CSS. C'est dans une perspective
d'aide qui est offerte aux couples, et non pas en termes d'une "litigation"
pour gagner ou perdre une cause, mais pour pouvoir passer à travers un
moment difficile dans la vie d'une famille, y inclus les enfants et les
adultes. C'est dans ce sens-là que le service de médiation est
prôné à l'intérieur des CSS.
Je ne sais pas si j'ai vraiment une question à vous poser, si ce
n'est une question à laquelle je connais déjà votre
réponse. Actuellement, le service de médiation existe seulement
dans les CSS de Montréal et de Québec. J'Imagine que vous
souhaiteriez le voir étendu à l'ensemble du territoire
québécois. J'aimerais peut-être vous entendre un petit peu
sur ça. Mais, de façon résumée, je prends bonne
note de votre plaidoyer en faveur de cette médiation basée sur
les travailleurs sociaux et de l'intérêt et de l'attention que
vous apportez à la cause des enfants qui sont pris dans un processus
auquel ils n'ont aucune participation, responsabilité et qui souvent
sont des victimes, finalement, d'un conflit qui les dépasse. (16
heures)
Peut-être quelques commentaires sur les bénéfices
que vous escomptez par un service de médiation dans l'ensemble de la
province.
M. Di Done: M. le ministre, c'est sûr qu'on aimerait le
voir dans toutes les régions du Québec. On l'avait
suggéré, d'ailleurs, dans tous les CSS de la province de
Québec. Mais pour supporter ce que Dr Spector-Dunsky disait auparavant,
il serait très important, quand même, que ça ne soit pas
juste parce que c'est un psychologue ou un travailleur social qu'il soit
automatiquement un médiateur. C'est très important que ce soient
des personnes formées pour faire de la médiation.
J'ai une liste ici. Je ne sais pas si... Je peux en nommer juste
quelques-uns de ce qui s'ensuit aujourd'hui, et on sait qu'il y a un rapport
direct, à un très haut pourcentage, avec les problèmes de
délinquance et de violence. Quand on parle que dans une année...
Il y a à peine quelques années, ici, au Québec, on avait
25 000 inscriptions de jeunes dans des centres d'accueil, 300 000 foyers
monoparentaux sous le seuil de la pauvreté au Québec, on a 30 000
cas
de poursuites judiciaires impliquant des adolescents. C'est un
problème, je pense, qui mérite une attention particulière
très rapide. J'aimerais ajouter aussi, parce que c'est une question qui
m'a été souvent posée. Qu'est-ce que vous faites quand un
parent disparaît, pour une personne, disons, plus jeune? Au Manitoba, ce
qu'ils font aujourd'hui, c'est que dans leur cour spécialisée,
vous faites une plainte formelle. Admettons que le mari s'en va, abandonne son
épouse avec ses quatre enfants, l'épouse dépose une
plainte formelle à la Cour de la famille du Manitoba et, à ce
moment-là, en dedans de deux semaines, une personne sera
"appointée" pour aller sensibiliser la ou le parent qui ne veut pas
maintenir ses responsabilités. Ce qu'il en est survenu, c'est qu'ils
s'aperçoivent que le parent va être beaucoup plus apte à
maintenir ses responsabilités. Ils vont le sensibiliser au
bien-être de maintenir les responsabilités tant sur l'aspect
moral, psychologique et monétaire, ce qui fait que c'est une
réussite totale.
Le processus, je pense, même ici, qu'on a au Québec, c'est
que si un parent, disons, ne veut pas maintenir ses responsabilités
financières, ça peut prendre jusqu'à six mois avant
d'être renforcé, sinon plus, et il y a mille et une
manières de s'en sortir.
J'aimerais aussi, juste pour supporter l'aspect: Pourquoi ça
devrait être, disons, la Santé ou sous le ministère de la
Famille? Disons que la médiation ait tombé sous le
ministère de la Justice. Un des gros problèmes qui vient:
premièrement, ils ne sont pas formés; deuxièmement, j'ai
pris le cours, moi-même, de médiateur. À ce
moment-là, un des avocats de l'université est venu nous donner
certaines formations en droit et il disait qu'un coût de
séparation par la médiation serait beaucoup moindre. Ça
coûterait 3000 $ environ à un couple, pour se séparer ou
divorcer.
Premièrement, advenant que le couple ne puisse pas se permettre
les 3000 $, que doit-il faire? On va à l'aide juridique.
Malheureusement, souvent, il arrive aujourd'hui qu'on ait des revenus qui ne
nous permettent pas d'avoir l'aide juridique; par contre, pas assez de revenus
pour pouvoir se permettre d'engager un avocat. Ce qui fait, encore là,
que tous ces enfants-là sont défavorisés, sans parler de
la violence qui peut s'ensuivre. Pour terminer, c'est que si on est
refusé à l'aide juridique, on veut aller en appel, ça
prend quatre mois. C'est un engrenage qui est très vicieux où
tout le monde est perdant à l'intérieur, incluant nos
gouvernements, étant donné le coût énorme que
ça apporte. Alors, on espère... D'ailleurs, je suis très
content de voir votre support à cet aspect et j'espère que
vraiment, dans un avenir très rapproché, le tout deviendra une
réalité.
La Présidente (Mme Marois): Merci, monsieur. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Mesdames et
messieurs, bonjour. Voilà, pour reprendre un peu la suggestion, la
question du ministre délégué à la Santé et
aux Services sociaux. Comme députée d'une région, le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, Chicoutimi, plus particulièrement,
évidemment, on déplore déjà, depuis un bon moment,
l'absence de services de médiation dans nos régions.
Évidemment, on s'interroge pourquoi. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas
réussi? Compte tenu des résultats très positifs de cette
mesure-là, comment se fait-il qu'on n'ait pas réussi à
étendre ça rapidement à tout le Québec?
Actuellement, la situation - je me permets de le dire, à ce moment-ci -
est particulièrement pénalisante pour ces couples et ces enfants
dans la région, à tout le moins, sur le territoire de Chicoutimi,
parce qu'en raison des coupures qu'on a faites dans les services judiciaires
dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean la durée d'attente pour
une expertise psychosociale, ce qui est ordonné par le juge au moment de
la séparation volontaire des couples - le juge ordonne une expertise
psychosociale pour définir qui va prendre charge de l'enfant, qui va
avoir la garde de l'enfant - l'attente, tenez-vous bien, j'ai été
informée de ça la semaine dernière, est de 12 à 18
mois. Alors, ça vous donne une idée dans quel climat et dans
quelles conditions vit l'enfant, comment ça se vit pour l'enfant et les
parents. C'est totalement inacceptable.
J'aurais une question très précise: Pour nous, on devrait
de plus en plus tenter de recentrer les services de première ligne des
services de santé et des services sociaux autour d'un territoire de
CLSC. Vous parlez des CSS; le projet de loi parle également des CSS.
J'aimerais qu'on revienne à l'idée des CLSC. Est-ce que ça
vous apparaîtrait faisable qu'on puisse confier cette
responsabilité aux CLSC plutôt qu'à un CSS? Et je
m'explique. Il me semble qu'on devrait de plus en plus tendre à
rapprocher les lieux d'exercice de ce type d'activité des
bénéficiaires, pour utiliser un terme que je n'aime pas toujours,
mais des personnes les plus concernées. Comme un divorce ou une
séparation, vous commencez à en avoir des séquelles
souvent plusieurs années avant le fait, on peut le voir
déjà, commencer à le déceler à
l'école avec des enfants, dans les CLSC, les visites, ainsi de suite.
Alors, je me demande toujours s'il n'y aurait pas lieu de plus en plus, par
rapport à une gamme de services, de recentrer ça autour du CLSC.
Et nous, nous envisagions avec beaucoup d'intérêt l'idée
que le CLSC se voie confier, par exemple, la gestion de ce que pourrait
être une politique de la petite enfance, vraiment très
intégrée, qui part de la périnatallté au
début de la fréquentation scolaire. Donc, l'idée que
ça pourrait être un des éléments de ce service,
est-ce que ça vous apparaît faisable?
Mme Spector-Dunsky: Oui, je pense que
c'est faisable mais, pour mol, la question est beaucoup moins
peut-être ou...
Mme Blackburn: Ou que de le faire.
Mme Spector-Dunsky: Évidemment, la question
d'accessibilité est très importante, mais beaucoup plus la
question de la formation des gens. Que ce soit au CLSC, au CSS ou dans les
hôpitaux ou dans les cliniques, c'est la question des personnes
formées pour répondre à ces questions. Autrement, on
risque de tomber dans une difficulté et de faire faire un travail par
des gens qui ne sont pas formés. Actuellement, à Montréal,
quand je voudrai référer des parents ou des couples, môme
avant le divorce, ne serait-ce qu'à la période pour
empêcher un divorce, il y a encore très peu d'endroits,
très peu de professionnels qui sont capables de travailler avec des
couples et des familles dans cette perspective-là. Alors, la perspective
encore d'une médiation qui demanderait une connaissance plus
poussée et une formation plus poussée, ça risque
d'être encore difficile à trouver au niveau du CLSC. Mais si on
entreprend un programme de formation, ça peut très bien se faire
au niveau du CLSC.
Mme Blackburn: Vous faites beaucoup référence
à la structure manitobaine, par rapport à celle qu'on s'est
donnée en matière de médiation familiale ici, au
Québec. Est-ce qu'il y a des différences majeures ou si ce sont
sensiblement les mêmes...
M. Di Done: Mme la Présidente, premièrement, juste
pour compléter la question originale, la raison pour laquelle on
poussait vers les CSS, c'était, premièrement, pour le coût
économique au gouvernement qui se sentait très crédible,
ce serait très rentable et ça pourrait se faire dans un avenir
rapproché, mais c'est sûr que s'il y en avait partout, ce serait
encore mieux.
La différence avec la médiation au Manitoba, c'est que le
médiateur au Manitoba, premièrement, peut sensibiliser le parent
à maintenir son Implication et le pourquoi. Au Québec, le
médiateur va modérer les deux parents et va faire en sorte que
les deux parents en viennent à une entente. Ça, c'est une des
grosses différences qui existent.
Deuxièmement, on sait qu'il y a une cour qui est
structurée, de sorte qu'on s'assure que les parents aillent à la
médiation. SI on laisse le libre choix aux gens d'aller à la
médiation ou de ne pas y aller, on sait qu'à peine 5 % de la
population s'en servira. Ce qui fait que, dans le fond, c'est une perte
d'énergie incroyable pour la société. Si vraiment on veut
améliorer le sort de nos enfants, de nos adolescents, on se doit de
s'assurer que les parents ne deviennent pas égoïstes dans une
séparation ou un divorce et qu'ils comprennent la
nécessité de maintenir leur implication à tous les
niveaux. Souvent, on m'a dit... Encore là, on dit: Écoutez, on ne
peut pas forcer les parents à aller à la médiation. Au
Québec, on porte une ceinture de sécurité pour
protéger notre intérêt. Je sais que dans la ville où
j'habite on se doit d'avoir un détecteur de fumée. Ici, on parle
de milliers d'enfants. On ne va pas me dire que pour protéger
l'intérêt de l'enfant, on va se servir de la charte des droits de
la personne. D'après moi, d'ailleurs, si on va suivant la charte des
droits de la personne, on se doit de protéger les intérêts
de l'enfant. Alors, ce sont deux des gros points, disons, de différence
entre la médiation au Québec et la médiation au
Manitoba.
Mme Blackburn: Je vous remercie.
M. Di Done: Ici, à date, la médiation n'est pas
supportée.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
députée. Vous vouliez ajouter une chose, oui?
Mme Spector-Dunsky: S'il vous plaît. En effet, je crois que
l'accent est à mettre sur une différence de perception. On parie
du droit du père, du droit de la mère et j'aimerais
suggérer que l'on remplace ça par la notion de
responsabilité. Le seul droit qui existe, c'est que les enfants aient le
droit de bien vivre. Ça, ils y ont droit, mais les parents, eux, Ils ont
des responsabilités.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Je pense que
c'est... Oui, M. Di Done.
M. Di Done: Mme la Présidente, excusez-moi, le fait qui
semble être une réalité pour la majorité des gens
aussi, c'est que lorsque le mot "garde" est employé et qu'un parent a
gagné la garde, qu'il soit le père ou la mère, le ciel
vient de tomber sur la tête de l'autre parent, c'est une catastrophe. On
s'imagine qu'on vient de les perdre, nos enfants. Et ce qu'on doit
démontrer, c'est que non, on ne perd pas nos enfants, on a une
responsabilité et on doit les encourager à le faire. Ça
minimiserait, d'ailleurs, plusieurs centaines de kidnappings qu'on a
anuellement...
La Présidente (Mme Marois): Oui, oui.
M. Di Done: ...par un parent ou l'autre, et le manque de
responsabilité à tous les niveaux.
La Présidente (Mme Marois): Je suis d'accord avec vous.
Merci de votre présentation, de votre éclairage apporté
aux membres de la commission.
J'inviterais maintenant les représentants de la résidence
Yvon-Brunet à venir prendre place à la table, s'il vous
plaît. Pour les fins de l'infor-
mation des membres de la commission, c'est le 48e groupe que nous
entendons aujourd'hui, depute le début de nos séances de travail
dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi.
Résidence Yvon-Brunet
M. Joly: Je peux vous rappeler, Mme la Présidente, qu'il
nous en reste encore 200.
La Présidente (Mme Marois): Je suis... Je crois qu'on a
été... On a bien travaillé, d'une part, mais surtout
c'est, d'une fois à l'autre, très intéressant, ce qui nous
est apporté par les groupes qui se présentent là, et je
suis persuadée que les représentants de la résidence
Yvon-Brunet ont aussi un certain nombre de choses à nous dire qui vont
venir éclairer notre lanterne. Merci. Nous vous écoutons.
M. Harvey (Germain): Bonjour, Mme la Présidente, M. le
ministre, mesdames et messieurs. Tout d'abord, je dois vous dire
honnêtement qu'on ne s'attendait pas à être invités,
de sorte que vous nous avez pris par surprise. D'autre part, je ne connais pas
non plus les façons de procéder des commissions
parlementaires.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous me permettez
une phrase ou deux?
M. Harvey: Allez-y.
La Présidente (Mme Marois): Vous avez pu voir un petit peu
comme on a fait ça très simplement. J'aimerais d'abord que vous
vous présentiez et que vous présentiez la personne qui vous
accompagne. Vous présentez ensuite une synthèse de votre
mémoire, ce que vous voulez faire comme représentation sur le
fond aux membres de la commission. Par la suite, nous échangeons avec
vous, soit des questions ou des commentaires.
M. Harvey : Merci. Mon nom est Germain Harvey, je suis directeur
général de la résidence Yvon-Brunet, et mon
coéquipier, M. Gérard Labelle, est président du conseil
d'administration de la résidence Yvon-Brunet.
Alors, je disais qu'on nous a pris un peu par surprise. Est-ce qu'il est
permis, dans les procédures de la commission... À la suite de la
lettre qu'on vous a envoyée, avec l'annexe de la philosophie du centre
d'accueil, j'ai résumé sur une page cinq ou six recommandations
supplémentaires qui allaient avec la lettre. Je les ai avec moi. Est-ce
que c'est permis de distribuer ça?
La Présidente (Mme Marois): Tout à fait, cher
monsieur. Vous pouvez les distribuer aux membres. On va même le faire
pour vous...
M- Harvey: Merci.
La Présidente (Mme Marois): ...distribuer ce petit
document qui va tout simplement s'ajouter à votre mémoire. (16 h
15)
M. Harvey: Tout d'abord, la résidence Yvon-Brunet est un
centre d'accueil public d'environ 200 places qui a ouvert ses portes il
y a sept ans, en janvier 1983. On a voulu vous donner nos Impressions, notre
opinion sur une partie seulement du projet de loi, et non pas sur l'ensemble,
surtout en ce qui concerne les personnes âgées, donc les centres
d'accueil d'hébergement. Notre but est aussi et surtout de vous montrer
qu'il est possible d'avoir une vision de la vieillesse qui n'est
peut-être pas celle qui est courante actuellement dans le réseau,
et que ça entraîne des conséquences qui sont quand
même importantes dans la façon de donner les services.
Les résidents des centres d'accueil et d'hébergement ont,
en moyenne, aux alentours de 82 ans - au centre d'accueil, en tout cas, chez
nous, c'est 82 ans, dont les trois quarts sont des femmes. C'est sûr que
leur façon de penser et leur façon de vivre sont souvent
complètement différentes des nôtres, alors que nous prenons
des décisions, quotidiennement, dans les centres d'accueil, qui les
concernent.
Ça se complique drôlement du fait que les personnes
âgées, pour plusieurs raisons, ne disent pas facilement ce
qu'elles veulent. D'une part, elles n'ont pas beaucoup d'énergie pour le
faire; à 88 ans, à 90 ans ou 95 ans, on n'a pas toujours
l'énergie pour demander. D'autre part, elles ont été
élevées à une époque où ce n'était
pas l'habitude, où ce n'était pas la tradition de revendiquer.
Elles ont une notion de l'autorité qui n'est plus celle qu'on a
aujourd'hui. La direction d'un centre d'accueil est une forme, une
représentation de l'autorité. Elles ne vont pas facilement
demander ou questionner ce qui est décidé dans un centre
d'accueil. D'autre part, elles sont dépendantes, quotidiennement, de
tous les gens qui les entourent, simplement pour survivre. Alors, dans ces
conditions-là, c'est bien difficile de critiquer et, en plus, elles
connaissent des gens de près qui n'ont pas une place dans les centres
d'accueil et se considèrent privilégiées de l'avoir, donc
raison de plus pour ne pas demander et revendiquer.
Ce qui est dangereux, dans le cas des personnes âgées,
c'est que, comme elles n'expriment pas ce qu'elles veulent, souvent les
directions des centres d'accueil vont décider de ce qu'elles veulent,
non pas dans le sens de leur faire du tort ou pour leur nuire, mais sans s'en
rendre compte.
Sans faire tout l'éloge du système privé, je trouve
quand même que le système privé, en général,
a un grand avantage, dans le sens que, si une entreprise ne répond plus
à un besoin du
consommateur, elle perd ses clients. Il n'y a, paraît-il, jamais
de clients insatisfaits dans le secteur privé, il n'y a que des
ex-clients. Quand il y a suffisamment d'ex-clients, il y a des ex-entreprises,
ce qui fait qu'on est certain, à moyen terme, que les entreprises vont
définitivement répondre à un besoin. Mais dans les centres
d'accueil publics, on peut très bien répondre,
c'est-à-dire que la totalité des résidents d'un centre
d'accueil peut très bien être insatisfaite des services et le
centre d'accueil va fonctionner pour les vingt prochaines années sans
que personne ne le sache. Ça, à mon avis, c'est
l'élément le plus dangereux de notre réseau des affaires
sociales.
Si on veut contrebalancer ça, il y a des façons, à
mon avis, de le faire. Une de ces façons, c'est de s'assurer que les
conseils d'administration soient près des résidents. Alors, le
|our où... Dans le projet de loi, par exemple, on recommande de
fusionner les conseils d'ad-minlstratlon. Je me demande comment les conseils
d'administration vont pouvoir être près de ces
résidents-là? Être près, ça veut dire,
d'abord, faire ses réunions sur place, au conseil, voir ce que les
résidents mangent, connaître des gens du personnel,
connaître des cadres, participer à des activités.
Être près, ça veut dire que dans les décisions que
le conseil aura à prendre quotidiennement, il connaît assez les
besoins des personnes âgées pour être capable de les
discerner au moment de prendre des décisions. C'est déjà
extrêmement difficile et exigeant, si, en plus, il faut regrouper quatre
ou cinq centres d'accueil, un CLSC et un hôpital, je pense qu'un
rapprochement entre les résidents et les membres du conseil
d'administration est presque impossible.
Ce qui m'amène à vous suggérer, dans la
première recommandation, dans les documents qu'on vous remettait
tantôt, que les bénéficiaires... Dans le fond, dans ce
document-là, on a regroupé sept recommandations qui sont un peu
la suite du document qu'on vous a envoyé et qui visent deux
thèmes: le premier, c'est de rapprocher le consommateur de services du
producteur. Puisque ça marche tellement bien dans le privé,
pourquoi est-ce que ça ne marcherait pas aussi dans le secteur public?
Une des façons, ce serait que les bénéficiaires -
j'utilise le terme "bénéficiaire" parce que c'est le terme
légal; chez nous, on emploie habituellement le terme "résident"
qui est, à mon avis, beaucoup plus juste - de chaque centre d'accueil et
d'hébergement conservent leur propre conseil d'administration, justement
pour que les conseils soient plus près de leurs résidents; qu'une
majorité des membres du conseil d'administration des centres d'accueil
et d'hébergement soient des parents des bénéficiaires
desservis, c'est-à-dire les fils, les filles, les frères, les
soeurs, de sorte qu'eux vont être beaucoup plus,
préoccupés, beaucoup plus près des besoins de leurs
parents dans le centre d'accueil; que le ministère encourage la
création de postes de conseiller en milieu de vie ou, si vous voulez,
d'ombudsman, dans les centres d'accueil et d'hébergement, dont le
rôle principal serait de représenter l'intérêt et les
droits des bénéficiaires dans l'organisation. Puisque les
personnes âgées ne le font pas elles-mêmes, puisqu'elles
n'ont pas l'énergie pour le faire, si on n'a pas un mécanisme qui
nous assure que c'est représenté, on va passer à
côté. Vous avez, en annexe, des recommandations, une description
des tâches de ce que pourrait être le rôle du conseiller en
milieu de vie. Ça existe, chez nous, depuis l'ouverture du centre
d'accueil, donc depuis plus de sept ans et je peux vous assurer que ça a
amené des changements majeurs dans l'organisation du centre
d'accueil.
Quatrième recommandation, qu'en termes de ligne d'autorité
le conseiller en milieu de vie dépende directement du directeur
général ou du conseil d'administration du centre d'accueil
d'hébergement. Pour qu'il y ait influence, il faut que la ligne
d'autorité passe par les lignes de pouvoir. À mon avis, à
ce niveau-là, des changements peuvent être apportés.
La deuxième partie, c'est pour élargir la vision actuelle
de la vieillesse d'un modèle uniquement médical à un
modèle global. Ça, à mon avis, c'est
l'élément clé, actuellement. SI J'avais à
résumer ce que Je pense être le problème le plus important
des centres d'accueil d'hébergement Je dirais que c'est la vision qu'on
a de la vieillesse aujourd'hui, dans nos centres.
Je vais vous donner des parallèles avec des exemples que je me
suis amusé à mettre par écrit tantôt. Dans le
modèle traditionnel, quand je dis modèle traditionnel, je dis
souvent... Le problème, vous le savez comme moi, c'est que pour
être admis dans un centre d'accueil d'hébergement iI faut avoir
besoin de soins qui varient entre une heure et demie et deux heures et demie,
dans notre langage. Sauf que ce qu'on a fait souvent comme erreur, c'est de
partir de cette identification des besoins et de dire: Parce que pour
être admis on a besoin de soins la réponse va être
uniquement de l'ordre des soins. C'est là, à mon avis, qu'on a
fait l'erreur la plus sérieuse.
Le modèle traditionnel, Je vais vous le décrire, et,
ensuite, le modèle qu'on vous propose, avec des exemples, juste pour
vous faire comprendre la différence. Dans le modèle traditionnel
actuel, que je dis médical, l'accent est mis quasi uniquement sur les
soins. Le personnel qui travaille est exclusivement composé
d'infirmiers, infirmiers auxiliaires, médecins. Le centre est
perçu comme un hôpital. La totalité des ressources est
consacrée au maintien de la vie. L'accent est mis sur l'hygiène,
la propreté, les bons soins, les bons médicaments, la bonne
alimentation, évidemment définis par les professionnels.
L'environnement est celui d'un hôpital. Les murs sont ce qu'on appelle en
anglais "off-
white", couleur coquille d'oeuf. Il y a des lits d'hôpital. Le
personnel est en uniforme. Il y a des postes de garde. L'activité
principale - et je caricature à peine - c'est la distribution des
médicaments. La réglementation est indue et on va décider
souvent, pour leur bien, ce qu'ils doivent manger, quand ils doivent se
coucher, quel médicament prendre, permettre ou non de consommer de
l'alcool, permettre ou non de recevoir quelqu'un dans leur chambre, quelles
sont leurs heures de visite, combien de bibelots ils doivent avoir dans leur
chambre, quels meubles doivent être dans leur chambre, de quelle couleur
doivent être leurs rideaux et leur couvre-lit, qu'ils doivent aller en
traitement de physiothérapie à 14 h 15, qu'ils devront aller chez
le dentiste le mardi à 16 h 45, qu'ils doivent prendre leur bain 2,3
fois en moyenne par semaine, selon le plan de soins, que le ménage sera
fait deux fois par semaine, le mardi à 16 heures et le jeudi à 15
heures pour permettre aux responsables de l'entretien ménager de
planifier, qu'ils doivent rester dans leur chambre quand on fait le
ménage de leur corridor, qu'ils ne doivent pas fumer, qu'ils ne doivent
pas consommer de sucre ou d'aliments salés, qu'ils ont droit à
trois onces de viande, deux onces de patates et pas plus de 350 calories par
repas et que ceux-ci doivent contenir les quatre aliments essentiels
définis par les nutritionnistes, qu'ils n'ont pas le droit de choisir
leur médecin, qu'ils doivent désormais suivre une diète
parce qu'ils sont trop gros, celle-ci définie par le professionnel de
service, qu'ils sont obligés de circuler en chaise roulante parce que le
médecin l'a prescrit, qu'ils doivent aller à l'hôpital pour
subir une opération du foie qu'ils le veulent ou pas, qu'ils doivent
prendre leur pilule rouge à 14 heures, la verte à 16 heures et
surtout ne pas oublier la jaune avant d'aller se coucher à 19 heures
parce que l'infirmière y veille, qu'on l'appellera désormais Mme
Hébert, même si elle s'appelle Mme Garon depuis son mariage, il y
a 60 ans - ainsi le veut la loi et surtout l'ordinateur -qu'on la tutoiera et
l'appellera par son prénom, même si leur fils et leur fille les
vouvoient depuis bientôt plus de 60 ans, alors que vous allez dans
n'importe quel McDonald's du coin et on va vous vouvoyer, que Mme Hébert
recevra un bain par Pierre, un préposé de 19 ans, que le nom
apparaissant à sa porte sera dorénavant A404, parce que c'est
plus facile pour les ressources matérielles.
Je pense qu'aucun d'entre nous n'aimerait vivre dans un environnement
où tous les professionnels, la direction, l'organisation viennent
définir quand on va aller à la toilette, quand on va sortir et
combien de temps on doit y rester. C'est, actuellement, et je ne pense pas que
j'exagère beaucoup, ce qu'on fait dans nos centres d'accueil
d'hébergement. Il est temps qu'on change cette approche.
Dans une approche différente, je vous dirai que les soins, dans
la philosophie qu'on préconise, sont une petite partie d'un ensemble,
dont les activités occupent la partie principale. Plusieurs formations
en sciences humaines s'ajoutent au modèle actuellement d'Infirmier. Le
centre est leur maison et n'est pas un hôpital. Les ressources visent
d'abord à la qualité de la vie et non pas à la
durée de la vie. L'accent est mis sur l'information et sur le respect de
tout citoyen de choisir ce qui est bon pour lui et non pas défini par le
professionnel qui est présent. L'environnement est celui qu'on retrouve
dans la société, c'est-à-dire qu'il doit y avoir des
couleurs, des plantes, des oiseaux, des aquariums, des animaux, peut-être
une rue commerciale, une garderie, du personnel qui n'est surtout pas en
uniforme, 60, 80 ou 150 activités organisées et les
médicaments, évidemment, ne constituent pas l'activité
principale. Finalement, on ne devrait pas y retrouver plus de
réglementation qu'en société, c'est-à-dire que,
tant que les droits collectifs ou le droit du voisin n'est pas touché,
on n'a pas le droit d'intervenir sur le droit d'une personne âgée
pour ses activités.
Dans ce sens-là - et vous avez en annexe un document beaucoup
plus élaboré sur la philosophie du centre d'accueil - on vous
recommande trois autres éléments qui se résument à
ceci: Pour élargir la vision actuelle de la vieillesse d'un
modèle uniquement médical à un modèle global, pour
la période d'introduction - parce que je pense qu'actuellement, ce qu'on
a à faire, c'est de changer la vision hôpital en une vision plus
milieu de vie - que la formation du conseiller en milieu de vie soit
obligatoirement en sciences humaines, pour compenser la
surreprésentation du personnel médical, paramédical et
infirmier actuellement en poste dans nos établissements; que le
ministère de la Santé et des Services sociaux adopte dans les
meilleurs délais une philosophie de services aux personnes
âgées qui identifie la vieillesse comme une étape normale
de la vie d'une personne, par opposition au modèle médical
actuel, et qu'en conséquence nos centres d'accueil soient vus comme des
milieux de vie et non comme des hôpitaux; que les articles 84.1 à
84.3 du règlement sur l'organisation et l'administration des
établissements soient rayés. Ce sont les articles où il
est dit que chaque centre d'accueil et d'hébergement doit
obligatoirement avoir un responsable des soins infirmiers qui soit membre de
l'Ordre de infirmières et infirmiers du Québec. En pratique, ce
règlement fait, compte tenu des budgets des centres d'accueil et
d'hébergement, que le directeur du département des services
cliniques est nécessairement un Infirmier et, à mon avis, c'est
une des raisons pour lesquelles on a une vision aussi médicale de la
vieillesse. La formation qu'on reçoit, je pense qu'elle teinte
sérieusement la réalité, la façon dont on voit
l'environnement. Si, dans un centre d'accueil, la seule profession qui est
présente est celle
d'infirmier, je ne m'étonne pas qu'au bout de la ligne la
réponse du besoin soit médicale. Ce sont les articles 84.1
à 84.3. En pratique, comme les centres d'accueil ne peuvent pas se
permettre d'avoir un responsable des soins médicaux et un directeur des
services cliniques, ils combinent les deux ensemble et, automatiquement, c'est
un infirmier.
Juste pour terminer la présentation là-dessus, à
moins que M. Labelle ne veuille en ajouter... Il n'y a pas longtemps, la
grand-mère de ma femme est entrée dans un centre d'accueil
public, à Montréal. Ça fait peut-être deux mois de
ça. La semaine passée, le médecin a décidé
qu'elle était trop grosse. Dorénavant, le soir, elle n'aura plus
droit à ses biscuits au chocolat ni à son lait; elle va se
contenter de trois biscuits secs. Et elle a dorénavant un régime,
une diète à suivre, qu'elle le veuille ou qu'elle ne le veuille
pas. Je pense bien qu'autour de la table il n'y a personne entre nous qui
aimerait se retrouver dans une organisation où on décide à
notre place. À mon avis, si on n'a pas des mécanismes qui
permettent de s'assurer de ce que les personnes âgées veulent
avoir, c'est excessivement facile de passer à côté.
Voilà!
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup. Est-ce que
ça va, M. Labelle?
M. Labelle (Gérard): Je ne voudrais pas ajouter
grand-chose. Je ne voudrais pas en ajouter beaucoup, il en a déjà
suffisamment dit pour nous donner un vrai portrait d'un centre d'accueil, celui
qui est le nôtre présentement, autrement que la caricature qu'il
nous a présentée tantôt. Nous avons une politique qui a
été bâtie à coups de problèmes ardus et
même, en passant, une petite "grèvette" qui nous a donné
des soucis, parce que la politique que nous avions brisait des habitudes du
personnel, pas des résidents. Les résidents, eux, ils voulaient
vivre autre chose que la caricature que M. Germain nous a donnée. Alors,
il fallait inculquer au personnel des habitudes nouvelles pour qu'il respecte
d'autant les personnalités des résidents et résidentes.
Nous avons, à ce moment-là, bâti une charte que vous avez
vue dans le présent document. En passant, cette charte-là a fait
figure dans le document de Mme Thérèse Lavoie-Roux, à la
page 53, dans le document d'orientation. Alors, c'est signe que la ministre l'a
vue, en passant. Nous avons eu ses commentaires à ce moment-là.
(16 h 30)
Ici, c'est pour vous dire que, si le centre d'accueil a pu vivre et
bâtir une politique comme celle qui se vit présentement, c'est
qu'il y a eu - on s'envoie des fleurs un petit peu - un conseil
d'administration qui était près des problèmes des
résidents et résidentes. Avec la section III du projet de loi, on
se fait balayer, en passant. On se demande comment les nou- veaux conseils
d'administration, avec un CLSC, des hôpitaux régionaux et
spécialisés, avec les autres organismes, vont être
près des problèmes des résidents et résidentes
alors qu'on va probablement parler, comme on l'a vu tantôt avec les CLSC,
d'hôpitaux, on va parler de médicaments, on va parler du milieu de
vie. Mais le milieu vrai, le résident, c'est lui qui doit être...
Le centre d'accueil n'existe pas pour nous, il existe pour le résident,
la résidente qui est là sur place, 24 heures par jour, 365 jours
par année. Ce n'est pas comme un hôpital où on vit cinq,
six jours puis ils nous foutent dehors après. C'est pourquoi nous nous
opposons un peu, beaucoup au projet de mélange des conseils
d'administration.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de, je
dirais, cet éloquent plaidoyer. Ça nous ramène très
concrètement, sûrement, dans le vécu de plusieurs personnes
âgées. Ce serait peut-être intéressant que d'autres
aient entendu ce qu'on a entendu à votre présentation. M. le
ministre délégué à la Santé et aux Services
sociaux.
M. Sirros: Je les conserve, les autres. Moi, je vous ai entendu
un peu, beaucoup aussi. Je pense effectivement que votre plaidoyer est
très éloquent.
Je voulais commencer en disant que je trouve que ce que vous
présentez et ce que vous décrivez est très
rafraîchissant dans un domaine où, souvent, les gens l'abordent
avec un pessimisme et une difficulté de vivre que... De toute
façon, c'est plein de choses, qui sont finalement des choses d'un bon
sens et d'une simplicité évidents, de choses que, finalement, on
fait tous les jours dans nos vies. Je regardais votre charte et je regardais un
peu certaines des règles que vous avez comme le fait que le chez-soi de
quelqu'un, c'est le chez-soi de quelqu'un, puis ce n'est pas parce que
quelqu'un est un infirmier ou une infirmière qu'il peut entrer là
impunément, n'importe quand, n'importe comment.
Donc, au niveau du respect humain du bénéficiaire, du
client, de l'usager ou de la personne hébergée dans le centre, je
pense que c'est quelque chose qui est très remarquable. Ce qui
m'amène à vous poser la question suivante: Qu'est-ce qui a fait
que ça s'est développé chez vous et qu'on le volt
tellement peu dans les autres centres d'accueil? Qu'est-ce que vous avez de
particulier?
M. Harvey: Je ne sais pas si je devrais dire ça mais,
avant que je devienne directeur général du centre d'accueil, ma
grand-mère a passé dans un centre d'accueil public. C'est assez.
Elle est morte d'Alzheimer à 92 ans. L'image que j'ai encore, c'est mon
père qui va voir ma grand-mère puis qui cache une boîte de
chocolat dans sa poche, puis je lui dis: Comment ça que tu
caches ça? Ma grand-mère ne reconnaissait ni mon
père ni moi quand on y allait. Elle était complètement
perdue, sauf qu'elle aimait beaucoup le chocolat. Ça fait que mon
père dit: Je suis obligé de le cacher parce que la direction dit
qu'elle n'a pas de budget, parce que, chaque fois que ma grand-mère
mangeait du chocolat, disons que ça faisait des dégâts et,
comme il n'y avait pas assez de culottes parce que ça coûtait cher
et, en plus, il n'y avait pas assez de personnel pour entretenir, donc,
c'était interdit d'apporter du chocolat à ma grand-mère.
Ça, c'est l'image qui m'est restée. Alors quand, plus tard, on a
commencé à appliquer la philosophie puis qu'on a commencé
a "collecter" tous les inconvénients - parce qu'on s'est payé une
grève, des visites, des inspections, puis des risques à tout bout
de champ - dans les moments difficiles, ce que je me suis rappelé,
c'était le visage de ma grand-mère. Ça, il faut dire que
ça aide beaucoup. Mais je pense bien que c'est surtout un travail
d'équipe, surtout un travail où un conseil d'administration nous
appuie puis qu'une équipe est prête à aller vers
ça.
Parce que, finalement, l'autre partie qui est aventureuse, qui est
excessivement excitante là-dedans, c'est que personne ne peut
prétendre connaître ia vieillesse. Donc, tout est permis. On peut
essayer à peu près n'importe quoi. Tout ce qu'on connaît
sur la vieillesse, ce sont les conséquences physiologiques: à tel
diagnostic, telle maladie. Mais le reste, on ne le sait pas. Donc, on peut
inventer, créer, essayer une foule de choses, contrairement à
d'autres types de clientèles où on a des systèmes qui
marchent peut-être depuis 25 ans, tous réglementés dans des
façons de travailler. Ça, c'est excitant, puis c'est une aventure
pour le personnel aussi. Avec le temps, on le découvre. Au début,
ce qu'on voit plutôt, ce sont les inconvénients parce qu'on vous
demande de changer vos habitudes de travail.
M. Sirros: C'est un centre d'accueil public? M. Harvey:
Oui.
M. Sirros: Ce n'est pas privé et subventionné,
c'est public, avec un conseil d'administration tel que défini par la loi
actuellement?
M. Harvey: Oui.
M. Sirros:ii y a au moins quelque chose qui me rend un peu
optimiste, finalement, c'est que, si nos structures actuelles ont quand
môme permis que ça se développe dans un centre d'accueil
comme ça, il y a des possibilités qu'on puisse le voir se
développer dans d'autres, si on prenait tes moyens, en quelque sorte.
parce qu'ici vous dites que c'est peut-être le fait que vous, vous avez
eu une volonté personnelle basée sur une expérience puis
un vécu qui vous a amené à... Pourriez-vous
peut-être décrire un peu les résistances que vous avez
trouvées, comme directeur et comme conseil, si vous avez trouvé
des résistances?
M. Harvey: Oui. D'abord, je voudrais juste dire que ça ne
partait pas juste du directeur général, d'accord? C'est une
expérience personnelle, mais il y avait aussi des membres du conseil qui
en avaient aussi.
M. Sinros: Oui, c'est pour ça que je dis les deux.
M. Harvey: C'est beaucoup, c'est toute une équipe. On
avait aussi la chance que c'est un nouveau centre d'accueil. Donc, on a choisi
le monde avec qui on voulait travailler et je vous avoue... Vous parlez de
types de difficultés; en l'espace de deux ans, j'ai perdu 50 % du
personnel, 60 % des cadres. C'est ça que ça veut dire.
M. Sirro8: Qui les a choisis? D'abord, le conseil a choisi un
directeur général.
M. Harvey: Le directeur.
M. Sirros: Et par la suite? Décrivez-moi un peu parce
qu'on a souvent entendu vivre des situations très conflictuelles au
niveau du choix des employés, le conseil vis-à-vis de
l'engagement du personnel, le D.G. vis-à-vis du conseil
d'administration. Qu'est-ce qui a fait en sorte que... Vous dites quand
même que vous avez vécu un "turnover", en quelque sorte, de 50 %.
Donc...
M. Harvey: Oui.
M. Sirros: Mais, au départ, vous avez établi
certains objectifs et certaines approches.
M. Harvey: Ce qui a aidé beaucoup, je pense, c'est que,
comme on le disait tantôt, les personnes âgées ne disent pas
ce qu'elles veulent. Alors, quand on arrive au conseil d'administration, la
direction arrive puis on ne sait pas ce que le consommateur veut, bref,
comparé au système privé.
On a engagé, à ce moment-là, une conseillère
en milieu de vie. Et un an après, après avoir rencontré
chacune des personnes une à une je ne sais combien de fois, des heures
et des heures, II est ressorti de façon évidente que les
personnes âgées voulaient ça, ne voulaient pas ça,
voulaient ça. La messe le dimanche, ça compte; celle du samedi,
ça ne compte pas; la messe du mercredi matin, ce n'est pas valide. Les
terrasses en arrière, ça ne compte pas; celles d'en avant, elles
comptent. Ils veulent avoir du poisson le vendredi; le repas du dimanche midi,
pas comme les autres. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Alors, quand c'est
devenu évident, ça... Ils ne veulent pas avoir des bains par
une
personne du sexe opposé. Ils ne veulent pas être
tutoyés. On en a des centaines et des centaines. Quand ça, c'est
devenu évident, pour nous, c'était comme de dire: Bien, la piste
est évidente, là. On a un centre d'accueil qui est censé
ôtre pour des personnes âgées et, pour une fois, on peut
affirmer que c'est ça qu'elles veulent et ce n'est pas ça qu'ils
veulent. À partir de là, on l'a changé.
Le conseil d'administration, ]e vais ôtre bien franc aussi, au
départ, on savait qu'on s'en allait vers beaucoup de risques et beaucoup
de problèmes. Déjà, le conseil d'administration, on s'est
assis avant de commencer toute cette démarche-là puis on s'est
dit: Est-ce que vous êtes prêts à aller jusqu'au bout de
cette démarche-là? Est-ce que vous êtes prêts - je
m'excuse s'il y a des gens du ministère dans le centre, Ici - avoir des
pressions politiques parce que vous dérangez un peu en coure de route
parce qu'il y a une grève, puis qu'ils font des pressions dans les
journaux, puis que le cabinet du ministre n'aime pas ça? Ou d'avoir des
grandes centrales syndicales qui disent: Bien là, vous touchez aux
droits à l'ancienneté quand vous respectez le droit à
l'Intimité des personnes âgées? Ou quand vous touchez aux
infirmières un peu, vous risquez d'avoir des problèmes? Alors,
est-ce que vous êtes prêts à prendre ces risques-là?
Les gens ont dit oui. Bien, je me dis: Je ne sais pas si c'est possible
partout. J'avais un conseil qui disait: Oui, on est prêts à
prendre ces risques-là et à aller jusqu'au bout.
Mais on savait aussi, honnêtement, qu'on avait tout un pouvoir
parce que la société, la collectivité, actuellement, la
moyenne d'âge, le baby-boom dont les parents arrivent dans les centres
d'accueil, ils savent très bien ce qui se passe actuellement. Et
ça, c'est un pouvoir qui est énorme, aussi. Alors, quand est
arrivée la grève, honnêtement, quand les journalistes sont
venus au centre d'accueil, j'ai sorti la convention collective à droite,
de 350 pages puis 850 articles, puis j'ai sorti la Charte des droits, avec 32
articles, et j'ai dit: Lequel des deux voulez-vous qu'on prenne? Parce que,
actuellement, dans le réseau, j'ai l'impression que c'est
celle-là qu'on prend parce que ça, ce n'est pas
risqué.
Souvent, on est en opposition ou, si on touche le droit des
employés, on se ramasse devant des problèmes et, si on touche le
droit des personnes âgées, il n'y a aucun problème, parce
qu'elles ne sont pas groupées, elles ne sont pas présentes
politiquement. Un exemple précis, toujours pour répondre à
votre question. Les personnes âgées nous ont dit, les femmes en
particulier: Quand c'est le temps des bains, ne nous envoyez pas un homme, on
n'en veut pas. C'était clair, mais pas dit avec des pancartes, pas avec
des pétitions, dit via le conseiller en milieu de vie. On a ouvert des
postes et on a dit: Les hommes pour les hommes et les femmes pour les femmes.
Le syndicat a dit: Ça ne respecte pas les normes d'ancienneté.
Qu'est-ce que vous faites? C'est vrai que ça ne respecte pas les normes
d'ancienneté, mais la priorité, d'abord, c'est le droit à
l'intimité et il arrivera ce qui arrivera. Il est arrivé une
grève illégale de douze jours. On est allés à la
télévision et je suis sûr que c'est ça qui nous a
évité d'avoir des pressions politiques.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Harvey: Et je le referais demain matin parce que ça a
été payant.
M. Slrro8: Ça va. O.K. Une des résistances que vous
avez eues, concrètement, c'était au niveau syndical où
l'organisation syndicale trouvait que c'était, en tout cas qu'il y avait
une priorité pour la convention collective par rapport à la
charte de vos droits, ce qui a résulté en une grève.
D'autres résistances? D'autres points de résistance?
M. Harvey: Oui, les corporations. On a eu en l'espace de trois
mois, par hasard, ta visite de la Corporation des médecins, celle des
infirmières et celle des pharmaciens. Ça doit être le
hasard. Voyez-vous, ce sont beaucoup de choses comme ça qui arrivent,
des hasards. Il y a beaucoup de résistance qu'on sent dans le
réseau actuellement parce que c'est vu comme une espèce de guerre
des professions. Est-ce que ce sont des infirmiers qui sont là? Alors,
nous, on dit: Pourquoi juste des infirmiers? Pourquoi le cadre ne serait-il pas
psychologue? Actuellement, chez nous, il y a un cadre qui est
ergothérapeute, l'autre est travailleur social et l'autre est
psychoéducateur. Pourquoi pas? Parce que chacun de ces gens-là
amène une vision de la vieillesse que l'autre n'a pas. Notre formation
atteint notre perception et on est censés être là pour
donner des services globaux. Alors, plus j'ai de perceptions différentes
de la vieillesse, plus je suis susceptible d'avoir des réponses
globales. Mais ça, ce n'est pas facilement accepté, ça
dérange de ne pas avoir juste des infirmiers.
M. Sirros: Je vous entends parier et je me dis: C'est
rafraîchissant, c'est intéressant et ça devrait être
quelque chose qui devienne "instruisant" pour le réseau. Est-ce que vous
estimez qu'il y a actuellement des mécanismes qui vous permettent de
transférer à d'autres l'expérience que vous avez ou si
c'est quelque chose qui demeure typique à vous, mais qui ne
déborde pas? Qu'est-ce qu'on pourrait faire dans le sens d'ouvrir un peu
les portes pour que ça déborde?
M. Harvey: Les seuls moyens que j'ai pu utiliser jusqu'à
présent, c'est quand j'avais l'occasion d'aller aux journaux, à
la télévision ou de donner des conférences. Ce sont les
moyens que j'ai pu utiliser.
M. Sirros:mais il n'y avait rien dans la structure comme telle.
vous n'avez pas trouvé, par exemple, je ne sais pas, au niveau
des...
Une voix: Des conseils régionaux.
M. Sirros: Oui, du conseil régional, des mises en commun
dans les tables.
M. Harvey: L'Association des centres d'accueil, un peu, sauf
qu'eux se heurtent un peu à la même situation, c'est-à-dire
qu'elle représente l'ensemble des centres d'accueil dont tous les
directeurs de soins sont infirmiers. Elle a pris position un peu, dans ce
sens-là aussi, depuis quelques années, l'Association des centres
d'accueil.
Des mécanismes, oui. Dans les recommandations qu'on faisait
tantôt, quand je parlais de conseillers en milieu de vie, je dis:
Ça peut aider en crime d'accepter qu'il y ait d'autres formations
professionnelles dans les établissements de centres d'accueil; oui.
D'avoir des parents - je ne pense pas qu'il faudrait le prendre à la
légère - des résidents sur les conseils d'administration.
Je vous garantis que, quand ils vont voir leur mère attachée six
heures sur la chaise, ils vont réagir au conseil d'administration. Les
portes barrées du centre d'accueil et les visites pas après 21
heures, je vous garantis qu'ils vont réagir. Parce qu'ils sont
poignés émotivement, ça va les rejoindre quelque part.
Ça prend ça un peu dans les...
M. Sirros: Donc, pour vous, si on n'avait pas de conseil
d'administration unifié et si on avait un conseil d'administration pour
votre établissement composé uniquement de citoyens, de parents,
par exemple, des usagers ou de bénéficiaires eux-mêmes
s'ils le peuvent, sans la présence de groupes d'intérêt
particuliers, que ce soit la Corporation des médecins, que ce soient les
syndiques ou les non-syndiqués, les cliniques et les non-cliniques,
ça c'est quelque chose que vous trouvez qui correspondrait plus à
votre philosophie?
M. Harvey: Oui, de beaucoup.
M. Sirros: Un conseil formé de gens qui reflètent
un peu les personnes qui sont dans l'institution...
M. Harvey: Oui.
M. Sirros:... et qui ont, comme premier intérêt,
l'intérêt des gens qui sont dans l'institution et non pas
là pour défendre...
M. Harvey: Voilà.
M. Sirros:... leur corporation, leur profes- sion, etc.
M. Harvey: Oui. Je peux vous faire un parallèle. Par
exemple, je connais des gens... Ma femme, par exemple, siège au
comité de l'école du quartier où on est. Nos deux enfants
sont à cette école là. Je vous garantis que quand il se
prend des décisions concernant les enfants, ce n'est pus long qu'il y a
des "feedbacks" Ça se répand, ça touche quelque part un
intérêt chez la personne. (16 h 45)
M. Sirros: Je crois que le temps file et on pourrait continuer
longtemps. J'ai peut-être deux autres petites questions. La proposition
dans le document d'orientation qui est reprise dans l'avant-projet de loi de
fusionner les centres hospitaliers de soins prolongés et les centres
d'accueil d'hébergement, parce que la constatation est faite que la
clientèle se ressemble de plus en plus au niveau de la condition
physique, quelle est votre réaction face à ça? Et
lié à ça, j'imagine que vous devez dire que ça doit
prendre un certain équilibre au niveau de la capacité physique de
la clientèle qui est hébergée dans le centre. Ma
sous-question, c'est: Comment faites-vous avec des gens qui sont plus
lourdement physiquement dans une situation difficile où ils n'ont pas la
capacité de prendre eux-mêmes certaines décisions?
M. Harvey: Tout d'abord, au niveau de la fusion des centres
hospitaliers de soins de longue durée et des centres d'accueil, je
dirais oui en principe, pour autant qu'on me garantisse bien que, par exemple,
le centre d'accueil, avec un budget de 3 000 000 $, qui est fusionné
avec le CHSP, qui a un budget de 45 000 000 $, il y aura quelque part une
espèce d'équilibre qui va se faire, parce que, actuellement, les
centres hospitaliers de soins prolongés ont une mentalité
d'hôpital. Ce qui va arriver, c'est que si le centre d'accueil a une
mentalité de milieu de vie, il va se faire avaler là dans les
semaines qui vont suivre. Il faudrait donc que le centre hospitalier ait des
garantis qu'il devienne lui aussi un milieu de vie et, dans ces
conditions-là, je dis oui.
Votre deuxième partie, dans le cas d'une personne
âgée qui devient de plus en plus confuse, dans le fond, ce qu'on
fait - et c'est là que le conseiller en milieu de vie est d'une
très grande utilité et les contacts avec la famille -on utilise
ces deux niveaux. Supposons qu'une personne âgée est
complètement confuse. D'abord, je n'en ai jamais vu une qui est
complètement confuse tout le temps; il faudrait qu'on m'en
présente une; il y a toujours moyen d'entrer en contact avec elle, soit
par des signes verbaux, des soupirs, des façons de s'exprimer. On va
entrer en contact avec elle le plus possible. Donc, le chef d'unité qui
la connaît va dire: Bien, je pense qu'elle veut me dire telle
chose. On va vérifier avec le conseiller en milieu de vie qui dit
oui ou non. S'il y a de la famille, on va aller voir. S'il n'y en a pas, on va
décider pour la personne évidemment, mais en se basant sur ce que
les autres personnes non confuses décident. Une personne
âgée qui a toujours mangé du chocolat toute sa vie, qui
adore le sucre, puis qui, à un moment donné, devient confuse. Sa
famille dit: Elle a toujours aimé ça. Vous lui présentez
un morceau de chocolat et elle veut l'avoir. Si le médecin dit: Non,
non, non, ce n'est pas bon pour son régime... Je regrette, elle va
l'avoir son chocolat. C'est dans ce sens-là qu'on met une
barrière.
M. Sirros: En tout cas, si je résume votre position, ou
votre point de vue plutôt, c'est de dire que les besoins humains de la
personne passent bien avant d'analyser ses besoins en termes
professionnels.
M. Harvey: Oui. Est-ce que je peux vous donner un exemple qui est
très concret, très pratique, et qui vient de se passer?
M. Sirros: Oui.
M. Harvey: II n'est pas fait pour dénigrer, c'est juste
pour vous faire comprendre. Il y a dans le DSC actuellement un nouvel exercice
qui a été mis sur pied: service dentaire dans les centres
d'accueil mobile. On a fait venir une espèce de service dentaire de
Californie, une dernière technologie: les dentistes arrivent dans les
centres d'accueil, font le tour de la clientèle et donnent les services
sur place. Au départ, ce n'est pas mauvais, c'est bien, mais regardez
bien ce qui arrive. Là, ils viennent chez nous et ils disent:
Maintenant, on va faire le tour des personnes âgées, on va
examiner leurs dents. Ils disent: Par exemple, j'ai vu dans tel autre centre
d'accueil une dame qui ne le savait pas, mais qui avait un ulcère dans
la bouche qui pouvait être cancéreux et, en l'examinant, on s'en
est aperçu Donc, un rationnel, qui n'est pas plus beau, qui est
très beau, qui est excellent. Sauf qu'ils disent: Par contre, celles qui
ne veulent pas vont signer un refus de traitement. Ça, là, signer
un refus de traitement à 88 ans? C'est vrai pour nous autres, des refus
de traitement. Alors, ils vont partir, vont faire le tour des centres
d'accueil, ils vont arriver avec je ne sais combien de factures de dentiers.
L'État, ça va lui coûter quelques billets, des centaines de
mille, minimum, pour réparer des dents que, de loute façon, les
personnes âgées ne veulent pas avoir. Ce qu'on a dit aux
dentistes, c'est: Oui, vous allez venir; on va mettre une affiche dans le
centre d'accueil, on va informer les personnes âgées que les
dentistes viennent; s'il y en a quatre qui se présentent, il y en a
quatre; s'il y en a vingt, il y en a vingt; mais vous n'allez pas créer
des besoins à leur place. Depuis quand, dans la société,
on ferme les deux bouts d'une rue d'une ville et on sort les gens des
appartements en disant: montrez-nous vos dents, vous avez besoin de services?
ça n'a pas d'allure. c'est un exemple.
M. Sirros: Ça illustre très bien ce que j'ai bien
compris de votre présentation et, en terminant, de ma part, je voudrais
tout simplement dire que j'apprécie énormément ce que vous
avez présenté. Je pense que les personnes qui sont chez vous
doivent apprécier énormément d'être chez vous. Je
pense que nous, de notre côté, on doit faire, et je m'engage
à le faire moi-même, tout ce qu'on peut faire pour voir si on ne
peut pas étendre ce genre de conditions de vie pour les personnes, qui
sont hébergées dans les centres d'accueil ou dans nos centres,
au-delà de simplement un accident de parcours d'un établissement
qui a réussi à mettre ensemble les éléments qui ont
permis d'arriver à ce que vous avez ici aujourd'hui. Je pense que si on
a pu le voir naître et exister à l'intérieur d'un centre,
il y a fort probablement des possibilités de le voir étendu
à d'autres et ailleurs. Et c'est dans ce sens-là qu'on doit
l'aborder.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci. Mme la
députée de Saint-Henri.
Mme Loiselle: Pour le bénéfice des membres de cette
commission, j'ai eu le plaisir de visiter le centre et c'est vraiment
extraordinaire. J'ai été estomaquée quand je suis
allée là, parce qu'il y a beaucoup de centres dans mon
comté, il n'y avait pas cette atmosphère de froideur quand on
entre dans un centre d'accueil qui est, comme on dirait, un hôpital.
Là-bas, il y a de la couleur partout. Mais il y a un point que vous
n'avez pas mentionné et que, brièvement, j'aimerais
peut-être décrire. C'est la rue principale.
La Présidente (Mme Marois): C'est dans le
mémoire.
mme loiselle: parce qu'il y a une rue principale où on
retrouve un coiffeur, une coiffeuse; il y a un mini bar, une taverne que pour
les hommes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Loiselle: Non, mais les gens de 75 ans ne sont pas
habitués aux brasseries. Il y a aussi un endroit où les femmes
peuvent aller popoter. Moi, quand j'y suis allée, il y avait trois
petites dames qui, avec l'aide d'une dame du communautaire, faisaient des pots
de confitures et de marinades. C'était l'automne. Qu'est-ce qu'il y a
à part ça?
M. Harvey: II y une garderie, il y a des serres.
Mme Loiselle: Ah oui, il y a une garderie où les personnes
âgées, qui décident une journée d'aller passer deux
heures avec les enfants, vont passer deux heures avec les enfants. Il y a un
aquarium.
M. Harvey: II y a une banque.
Mme Loiselle: II y a une banque où, ils peuvent aller
faire leurs dépôts.
M. Harvey: II y a une pharmacie, un magasin de
vêtements.
Mme Loiselle: C'est vraiment extraordinaire, c'est un milieu de
vie où l'on sent la chaleur. J'inviterais les gens de la commission, si
vous passez dans le sud-ouest de Montréal, vous me permettez, M.
Harvey...
M. Harvey: Je vous en prie.
Mme Loiselle:... à aller faire un tour parce que c'est
vraiment l'exemple typique d'un centre d'accueil comme ça devrait
être et non pas comme on retrouve aujourd'hui. Merci.
M. Harvey: Vous êtes les bienvenus.
La Présidente (Mme Marois): Oui, merci beaucoup. Merci,
Mme la députée, je pense que c'est intéressant qu'il y ait
aussi des témoignages des gens de la commission qui viennent encore
apporter davantage d'information. Merci. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Je pense qu'on peut faire ça un peu moins long
compte tenu du fait que les questions qui ont été posées
vont vraiment dans le sens... Vraiment, on devrait faire plus souvent de
vendredis après-midi. On a toujours les expériences
rafraîchissantes le vendredi après-midi et qui nous donnent de
l'espoir quant à ce grand système et à sa
déshumanisation évidente dans beaucoup d'endroits, dans beaucoup
de situations pour beaucoup de personnes, et c'est tout à votre honneur.
Pour ma part, comme on va tous finir un peu par passer par là,
j'aimerais m'inscrire tout de suite sur la liste d'attente pour être
sûr que j'aurai ma place, parce que j'ai l'impression que vous allez
avoir, à la suite de vos émissions à la
télévision et à votre témoignage et avec ce qu'on
en dit, vous allez avoir de très longues listes d'attente.
Je voudrais examiner - pas trop formellement - un des aspects de la
forme que peut prendre la protection des bénéficiaires. Si vous
permettez, M. le directeur général, je vais parler à votre
président de conseil d'administration. On sent très bien - et
ça, là, c'est tout à votre honneur - vous êtes, avec
votre personnel - vous l'avez bien décrit tantôt - vous êtes
la locomotive activante de tout ça et ça paraît
d'évidence que vous êtes convaincu, que vous fonctionnez avec
enthousiasme.
Mais au niveau du conseil d'administration, M. Labelle, d'abord, un,
comment vous êtes arrivé comme président du conseil? Le
hasard?
M. Labelle: Le jour où j'ai pris ma retraite, on m'a
demandé: Veux-tu être bénévole dans un centre
d'accueil quelque part? Alors, j'ai dit oui. Il y en avait un tout près
de chez nous, alors on ma envoyé comme délégué; je
représentais le CSSMM. Alors, j'arrive à Notre-Dame-du-Rosaire;
c'est un foyer qui était la caricature de celui que Germain a
présenter tantôt. Je vous assure que ce n'était pas un
cadeau. On m'envole dans le pire foyer qu'il pouvait y avoir dans tout
Montréal. Là, j'ai essayé, de différentes
façons, de m'éclipser pour aller ailleurs, mais seulement je suis
resté là. On a dû déménager parce que le
foyer était condamné par le service des incendies et le service
de santé. Il y avait des rats, des punaises, des coquerelles; il y avait
de tout ce que vous vouliez là-dedans. Une journée ou l'autre, il
a fallu fermer.
Il y avait un centre qui était en construction dans Ville
Émard. C'était loin de chez nous, mais on a
déménagé 33 résidentes - c'étaient que des
femmes - et avec un personnel presque uniquement féminin. Là, on
va avoir des problèmes. On arrive là-bas avec le personnel et 33
résidentes. Là, il fallait avoir du personnel masculin parce
qu'on avait des couples, là-bas. On avait des gens catholiques, pas
catholiques et on avait des Jéhovah, on en a eu de toutes les sortes,
à l'autre bout. La sexualisation des postes: un homme qui ne voulait pas
se faire donner son bain par une dame, puis la dame qui ne voulait... Alors,
c'est là qu'il y a eu des problèmes. C'est comme ça que
j'ai abouti là-dedans. Je vous assure que, s'il n'y avait pas eu,
d'abord, un directeur et des cadres hors pair, parce qu'on n'en trouve pas
beaucoup dans la province de ce calibre... Les journées d'étude
et journées de formation... Ce sont les comités de formation qui
ont eu lieu en cours d'année, c'est ça qui a permis de changer
tout le personnel qu'on avait à transporter de Notre-Dame-du-Rosaire
à là-bas. On avait fait une expérience avec le
collège Marie-Victorin qui a donné des cours pour
entraînement du personnel. Si c'était possible de transporter
ça dans toute la province, pour changer la mentalité du personnel
dans les centres d'accueil...
M. Trudel: Pour que je comprenne bien, M. Labelle, cette
première expérience assez malheureuse, dans un milieu assez
difficile, quand vous dites que vous avez déménagé,
parlez-vous d'Yvon-Brunet?
M. Labelle: Oui, c'est ça.
M. Trudel: M. Harvey, vous n'étiez pas là
à
ce moment-là?
M. Labelle: Notre-Dame-du-Rosaire est devenu Henri-Dunant et
Henri-Dunant, tout le quartier a fait une pétition pour le faire changer
de nom qui est devenu Yvon-Brunet.
M. Trudel: O. K. Bon. Est-ce qu'au moment, et c'est ça qui
m'intéresse beaucoup... Je suis très content quo vous nous disiez
ça, parce que je suis aussi beaucoup préoccupé comme le
ministre délégué. C'est beau, c'est fin, c'est
fantastique, c'est sensationnel, mais si ça n'en demeurait que
là, que la formule est bonne, qu'on y trouve de très gros
avantages et qu'il faille aller dans ce sens, il faut chercher des formules
vers une généralisation. Est-ce que vous avez l'impression que,
comme président du conseil d'administration, vous auriez eu l'inverse de
M. Harvey, comme directeur général? Est-ce que vous avez
l'impression que, comme président du conseil d'administration, en
supposant un certain nombre de conditions qui existeraient, vous auriez pu
avoir les poignées nécessaires pour transporter, en quelque
sorte, jusqu'à la direction générale des opérations
toutes les situations qui sont si bien décrites ici, par rapport aux
personnes, dans ce qu'est devenue votre philosophie? Vous êtes partis
vraiment de la réalité. Est-ce que vous sentiez que, comme
bénévole, président d'un conseil, vous aviez vraiment les
poignées pour faire changer quelque chose?
M. Labelle:tout d'abord, s'il y avait un directeur avec une
ouverture d'esprit comme celui que nous avons, d'accord. mais si - je ne
voudrais pas nommer de directeurs...
M. Trudel: Non.
M. Labelle:... mais il y en a que je... Je ne dis pas que je
n'accepterais pas, mais j'essaierais de faire changer quelque chose quelque
part. Parce qu'il y a des directeurs qui ne devraient pas être là.
Si nous avions un conseil d'administration tel que proposé dans la loi,
je vous assure que ce ne serait pas un cadeau de faire entrer dans la
tête des médecins ou des psychologues qu'un centre d'accueil, ce
n'est pas un hôpital. Ça, ce ne serait pas facile à faire
entrer dans la tête. Et c'est ce qui va se produire avec les nouveaux
conseils d'administration, avec les CLSC, les hôpitaux, etc. C'est
là que va être le danger. S'il y a un autre centre d'accueil comme
le nôtre - il y en a un à Saint-Pascal-de-Kamouraska, je suis
allé le voir au cours de l'été, je vous assure que c'est
emballant de le voir - et s'il y avait des conseils comme celui qu'on
prône dans la loi... Je vous assure que ça va être un
éteignoir.
M. Trudel: Oui. On ne s'étendra pas beau- coup
là-dessus, M. Labelle, sur ce que ça donnerait comme
résultat parce que je pense que le ministre a compris. Il a dit hier
qu'il allait réviser toute cette partie, que - ce sont mes mots, ce ne
sont pas les siens - ça n'avait pas grand bon sens et qu'il fallait se
rapprocher... Mais il va falloir aussi à l'appareil, au ministère
et au ministre, avoir le plus d'indications possible pour faire mieux par
rapport à la formule actuelle. Parce que. vous le dites si bien, vous le
dites très bien, c'est largement dû à la bonne
volonté, à la façon dont l'équipe d'Yvon-Brunel
fonctionne, en particulier son directeur général, que vous en
arrivez à des résultats aussi heureux, et tant mieux. Mais s'il
ne faut compter absolument que sur le hasard pour en arriver à des
résultats comme celui-là, il est inutile que le
législateur se paie une telle réforme du système et essaie
de trouver la fine fleur des structures pour arriver à ce
fonctionnement-là.
Dans ce cadre, je pense, par ailleurs, que M. Harvey nous donnait
tantôt un élément d'inspiration pour le ministère et
le ministre lorsqu'ils auront à composer cette partie de la loi au
niveau de la réforme. Vous nous avez dit: Ça n'a pas
été facile à implanter et des dimensions, entre autres,
très problématiques, ça a été le
corporatisme et la division du travail dans les conventions collectives. Vous
avez ajouté ceci: Nous sommes allés à la
télévision et c'est probablement grâce à ça
qu'on a pu un peu calmer toutes les affaires et passer a travers le
système.
Il y a donc là un aspect très important, c'est que le
rapport de forces entre ceux et celles qui reçoivent des services, ceux
et celles qui les organisent et qui les dispensent n'est absolument pas du
même ordre. C'est tout à fait disproportionné.
Quand vous dites: Vous savez, lorsqu'on a une moyenne d'âge, comme
dans votre centre, de 82 ans, on manque d'énergie, on n'a pas la
même énergie pour faire valoir ses droits. Ça nous semble,
de prime abord, tellement évident qu'il faille supporter le cheminement
des besoins ou de l'expression des besoins de ces gens, c'est le cas pour une
très grande partie aussi des bénéficiaires des autres
systèmes.
Par exemple, actuellement le mécanisme de plainte fait en sorte
que si tu veux faire un appel quelque part, tu déposes une plainte, la
mécanique est que tu vas au CRSSS. Petite enquête rapide faite, la
plupart des CRSSS, compte tenu du volume, vont dire à la personne: Ah!
Avant qu'on s'intéresse à ça, écrivez-nous
ça, faites-nous une plainte par écrit. Taux de personnes au
Québec qui ne sont pas capables d'écrire, tout le
phénomène de l'analphabétisa-tion, il y a 20 % des
Québécoises et des Québécois qui ne sont pas
capables de s'exprimer par écrit. Alors, pour eux, leurs droits, leur
rapport de forces est absolument débalancé.
Dans ce sens, je pense que le ministère et
le ministre auront à réfléchir sur la
création du rapport de forces, en particulier, au niveau des gens
extérieurs au système qui devront ou devraient occuper les
présidences de conseils d'administration. Je pense qu'il y aurait
avantage à regarder le fonctionnement dans un certain nombre
d'unités de soins aux États-Unis où, par exemple, à
Seattle, et je pourrais vous donner la référence là-dessus
dans un... À Seattle, compte tenu du volume, on va jusqu'à
fournir du personnel d'assistance au bureau du président, "chairperson"
du conseil d'administration, pour lui permettre de traiter les demandes et, en
quelque sorte, d'arriver au conseil et face à la direction des
opérations, à la direction générale, d'être
capable de créer ce rapport de forces qu'on a créé
à Yvon-Brunet de façon circonstancielle, avec leur
créativité, par les médias d'information.
On sait qu'on ne peut pas généraliser cette
formule-là, ça va de soi. Donc, il y aura à
réfléchir là-dessus, sur les pouvoirs accrus des
présidents de conseil d'administration, entre guillemets, comme
représentants des usagers, en n'excluant pas cette formule,
évidemment, de l'animateur comme milieu de vie, dans des
résidences comme vous avez chez vous, par exemple, tout en prenant garde
toujours...
Chez vous, le système fait en sorte que c'est vraiment un
représentant et vous le percevez comme tel. Vous avez
désigné le poste à cette fin-là, en prenant garde
que dans d'autres institutions où la philosophie ne serait pas la
même, une espèce d'ombudsman qui serait rattaché à
la direction générale aurait peut-être tout à fait
les effets contraires. Ça aiderait à faire passer les trucs de la
direction générale.
Alors, est-ce que, M. Brunet... M. Labelle, pardon, vous nous avez dit:
Heureusement qu'on avait le collège Marie-Victorin pour nous aider dans
le cheminement du personnel. Est-ce que vous pensez qu'on devrait aussi, dans
beaucoup de conseils d'administration avec des pouvoirs accrus, porter
assistance en termes d'information et de support à l'exercice du
rôle d'un bénévole, en particulier, au conseil
d'administration d'une institution publique?
M. Labelle: Une chose est certaine, c'est qu'on devrait favoriser
la formation du personnel. Maintenant, amener des bénévoles au
conseil d'administration, je ne comprends pas ce que vient faire la chose.
Mais, moi, je vois plutôt la formation du personnel sur place, avec
l'aide de la direction, l'aide du technicien en milieu de vie. Ça,
ça aide - comment je pourrais dire? - à mieux vivre avec les
residents, leur vio. Qu'on y crée un vrai milieu de vie, vivable,
semblable un peu à notre vie familiale à la maison. Il ne faut
pas oublier que les gens qui ont 80 ans ont déjà vécu
ailleurs que dans le centre d'accueil. C'est ça qu'on oublie. Si le
personnel est formé pour aider ces personnes âgées à
revivre leur vie familiale, bien là, ce serait l'idéal, mais
c'est la formation du personnel qu'il faut. Le collège Marie-Victorin a
participé là-dessus, pour aider et les cadres et le
personnel.
M. Trudel: Alors on aurait pu, oui, poursuivre l'échange
d'idées très longtemps. Merci beaucoup de votre contribution.
J'ai comme l'impression que ce mémoire va être un peu plus
élevé parmi l'ensemble de ceux que l'on a reçus et qu'il
va se retrouver tout au-dessus de la pile et rappeler que c'est souvent
à travers les lunettes de petites institutions que l'on voit mieux la
vérité que les grands intérêts de grandes
corporations et de grandes institutions.
M. Labelle: J'aurais la tentation de dire: II y a des
hôpitaux universitaires; pourquoi n'y aurait-il pas des centres d'accueil
universitaires?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Sirros: On me souffle que c'est prévu dans le document
d'orientation duquel découle le projet de loi. Il y a, peut-être,
des jonctions qu'il reste encore à faire entre ce que nous avons mis
dans le projet de loi par rapport à ce qu'il y avait dans le document
d'orientation. Parce que dans le document d'orientation vous avez
inspiré, et spécifiquement vous, le centre, vous avez inspirez
l'ajout d'un certain nombre de choses en termes d'orientation,
spécifiquement par rapport au droit à la dignité et le
désir de voir instaurer dans le réseau une charte des droits des
bénéficiaires. Il faudrait peut-être retrouver ça de
façon plus spécifique dans l'éventuel projet de loi. C'est
une des choses sur lesquelles je suis tout à fait d'accord. Ce genre
d'expérience et de mémoire va être au-dessus de la pile. Je
pense que je ne me tromperai pas en disant qu'on prêtera une attention
toute particulière, et je le ferai moi-même personnellement, afin
de voir, de regarder ça de plus près.
La Présidente (Mme Marois): Nous vous remercions de cet
apport aux membres de la commission et peut-être, surtout, nous vous
remercions de votre engagement auprès de gens qui l'apprécient
sûrement.
M. Harvey: Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup.
Nous ajournons nos travaux au mardi 13 février, 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 10)