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(Dix heures huit minutes)
La Présidente (Mme Marois): La commission des affaires
sociales va reprendre ses travaux dans le cadre de la consultation
générale et des auditions publiques dans le cadre de
l'étude de l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé
et les services sociaux.
J'inviterais maintenant les représentants de l'Institut Nazareth
et Louis-Braille à prendre place, s'il vous plaît. Prenez les
sièges qui sont devant nous, c'est ça. Est-ce qu'il... Oui, il y
a des remplaçants, Mme la secrétaire.
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Atkinson
(Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Holden (Westmount).
La Présidente (Mme Marois): Merci. C'est Mme Louise
Lacroix-Charest - c'est ça - qui est présidente?
Mme Lacroix-Charest (Louise): C'est ça.
La Présidente (Mme Marois): Je vous souhaite la bienvenue.
Je vous demanderais de présenter les personnes qui vous
accompagnent.
Mme Lacroix-Charest: Oui.
La Présidente (Mme Marois): Vous avez environ une
vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire et par la
suite, nous vous adresserons un certain nombre de questions.
Institut Nazareth et Louis-Braille
Mme Lacroix-Charest: Très bien, madame. Merci. Alors,
bonjour tout le monde. Je vous présente, à ma droite, M. Normand
Giroux, qui est le directeur général de l'Institut, et M.
Emmanuel Lebreux, qui est le président du comité des
bénéficiaires de l'Institut.
Je vous remercie, en premier, de nous recevoir et de nous écouter
ce matin dans la cause qui nous tient tout particulièrement à
coeur. Madame m'a présentée, Louise Lacroix-Charest. Je
représente, au conseil d'administration, les organismes
socio-économiques de la région de la Montérégie. Je
débute cette année une première année d'un
deuxième mandat de trois ans. Je vous ai présenté les
gens. Alors, M. Giroux et M. Lebreux viendront à tout de rôle vous
transmettre les témoignages de leur milieu et vous faire voir à
quel point nous tenons à obtenir la reconnaissance de Nazareth et
Louis-Braille comme institut universitaire.
Pour ma part, Mme la Présidente, je me présente devant
cette commission parlementaire à titre de porte-parole de tous les
membres du conseil d'administration de l'Institut. En effet, la requête
que nous vous présentons aujourd'hui a reçu un appui
inconditionnel des représentants de tous les milieux du conseil. Que ce
soit les délégués du personnel de soutien, que ce soit les
délégués du personnel clinique, que ce soit la
représentante des centres hospitaliers de la région, que ce soit
les représentants des bénéficiaires, tous sont unanimes
à croire et à vouloir que l'institut Nazareth et Louis-Braille
reçoive le statut d'institut universitaire.
Le mémoire que nous transmettons aujourd'hui en commission
parlementaire est une requête en vue de faire inscrire dans la loi une
provision qui garantisse à la déficience visuelle une place juste
et équitable dans le réseau, au même titre que les autres
dimensions de la santé protégées par les programmes de
l'État. De plus, il réclame d'être affranchi de la
contingence territoriale, pour exercer en toute liberté et intelligence
son mandat, là où il est requis. En somme, Mme la
Présidente, si la réforme crée, selon les termes de
l'article 37 du projet de loi, une catégorie d'établissements
universitaires, l'institut Nazareth et Louis-Braille se qualifie
entièrement à ce titre, comme le démontre d'ailleurs le
mémoire que nous vous présentons aujourd'hui.
Notre démarche ne peut pas être considérée
comme un geste isolé du conseil d'administration; loin de là, en
effet, puisque nous avons reçu de nombreux appuis. Les mentionner tous
serait long et je m'en voudrais de prolonger ma présentation. Cependant,
je tiens à nommer certains des groupes qui nous appuient: le
Comité de bénéficiaires, l'Association des aveugles de la
rive sud, l'Institut national canadien pour les aveugles, l'Association
québécoise des parents d'enfants handicapés visuels, le
Conseil canadien des aveugles, connu sous le nom anglophone de Canadian Council
for the Blind, la Fondation Mira, l'Université de Montréal,
l'Université de Sherbrooke et l'Association des gens d'affaires de la
rive sud. Tous ces groupes reconnaissent avec nous que la personne
handicapée de la vue ne doit pas être noyée dans des
établissements pluralistes et vous prient, Mme le Présidente, et
vous, membres de cette commission, de prendre en bonne et sérieuse
considération notre demande et de recommander au gouvernement du
Québec d'accorder à l'institut Nazareth et Louis-Braille le
statut d'institut universitaire. Mme la Présidente, Mmes et MM. les
membres de cette commission, je vous remercie. J'invite maintenant
M. Emmanuel Lebreux, si vous me le permettez, à venir exposer le
point de vue des bénéficiaires. M. Lebreux.
La Présidente (Mme Marois): Merci.
M. Lebreux (Emmanuel): Mme la Présidente, MM. et Mmes de
la commission, comme vous le savez, mon nom est Emmanuel Lebreux. Je
représente le comité de bénéficiaires de l'institut
Nazareth et Louis-Braille qui compte 3600 membres. Je me fais leur
porte-parole, aujourd'hui, et je me prends comme exemple pour démontrer
ce que c'est une personne handicapée visuelle.
Pour commencer, j'ai une formation en technique infirmière. J'ai
perdu la vue. Je suis retourné aux études et j'ai maintenant un
certificat en intervention psychosociale. Je termine mon baccalauréat en
psychologie de la communication et ceci, c'est grâce à l'institut
Nazareth et Louis-Braille qui m'a permis, m'a donné les outils, les
instruments et la technologie nécessaires pour poursuivre mes
études. Le braille, c'est la première chose qu'on doit apprendre,
mais vu l'âge où j'étais rendu, je n'avais pas le temps de
m'arrôter pour apprendre le braille pendant trois ans parce que je
n'aurais jamais pu retourner sur le marché du travail à
temps.
Comme toutes ces choses se sont passées... Vous avez, parmi vos
documents, toute la liste des personnes qui ont demandé un appui sans
condition à l'Institut pour que le gouvernement du Québec nous
octroie le droit de devenir un institut universitaire. Ce qui arrive avec
ça, c'est que, lorsque l'Institut recevra son statut universitaire, il
aura beaucoup plus de facilité et sera reconnu avec une
crédibilité pour continuer à faire la recherche
technologique qui se développe continuellement pour les personnes
handicapées visuelles. Et suite à toute cette nouvelle
technologie, les personnes handicapées visuelles vont être en
mesure de devenir plus compétitives sur le marché du travail
parce que, dans le moment, ce n'est pas le cas, puisque le taux de
chômage est de 77 % et plus.
Ce que nous vous demandons, Mmes et MM. de la commission, c'est de
porter nos demandes et la requête de l'institut Nazareth et Louis-Braille
aux instances mêmes du ministère de la Santé et des
Services sociaux. Suite à ça, lorsque nous recevrons une
réponse favorable à la requête, nous pourrons dire que
l'Institut nous fournira une autonomie pour pouvoir fonctionner plus rapidement
et être vraiment efficaces dans la société. Suite à
toutes ces revendications, si nous avons une réponse favorable, nous
pourrons dire après que le gouvernement veut vraiment qu'on fasse une
partie Intégrale de la société québécoise.
Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M.
Lebreux. Oui, Mme la présidente.
Mme Lacroix-Charest: Oui. Maintenant, M. Normand Giroux,
directeur général, s'adressera à vous.
M. Giroux (Normand): Madame, membres de cette commission, je suis
le directeur général de l'institut Nazareth et Louis-Braille
depuis douze ans. Je crois connaître le milieu des personnes
handicapées de la vue. Je crois connaître aussi celui du
réseau de la santé et des services sociaux. Une réforme
d'importance se prépare et, aujourd'hui, je voudrais vous livrer le
message suivant, que nous avons, pour ainsi dire, nous, du domaine de la
déficience visuelle, un très gros handicap lorsqu'une pareille
réforme s'amorce. Notre handicap, c'est que nous sommes un petit groupe.
La déficience visuelle, c'est le groupe, parmi les personnes
handicapées, le moins nombreux. Bien sûr, quand on est petit, on
encourt le risque d'être oublié. Nous pensons que la
réforme, effectivement, est passée un peu vite, ou le projet est
passé un peu vite sur des cas comme le nôtre.
Dans le mémoire qui vous a été remis, nous avons
d'abord voulu faire la démonstration qu'en appliquant à
l'institut Nazareth et Louis-Braille le modèle de regroupement
d'établissements sous une même entité administrative par
région, on créait une situation aberrante. C'est-à-dire
qu'on lie l'établissement Nazareth et Louis-Braille, qui est un
établissement de portée provinciale, nationale et internationale,
à des établissements qui oeuvrent dans des domaines non
assimilables au sien, déficience intellectuelle, soins de longue
durée. Donc, dans cet environnement territorial où nous sommes
situés en Montérégie, nous nous trouverions liés
à des établissements que nous ne connaissons pratiquement pas,
puisque nous ne partageons que neuf bénéficiaires avec eux sur
3600. C'est une situation qui est extrêmement préoccupante. Bien
sûr, nous sommes convaincus que l'Assemblée nationale, que les
autorités de notre ministère sauront aménager pour nous,
et sans doute pour d'autres établissements, une place appropriée.
Mais je voudrais vous signaler très respectueusement qu'appliquée
telle quelle, la réforme nous boulonne littéralement à une
région et, pour ainsi dire, techniquement, pourrait nous créer
beaucoup plus de gêne et d'embarras qu'autre chose. Donc, cette
contingence du rattachement régional, nous demandons qu'elle soit
assouplie dans notre cas puisque nous débordons la région pour
étendre notre rayonnement à travers le Québec et à
l'extérieur du Québec.
Nous demandons, par conséquent, que cette représentation,
ce matin, soit vue comme celle de la déficience visuelle qui,
heureusement, grâce à vous, peut se faire entendre au moins une
fois dans le périlleux cheminement, n'est-ce pas, qui vous
amènera à une nouvelle loi. Ce petit monde
de la déficience visuelle - nous ne savons pas s'il y a 40 000 ou
50 000 personnes handicapées de la vue au Québec,
dispersées, les plus connues... Enfin, nous n'en connaissons même
pas 10 000 - ce sont des gens pour qui je voudrais parler, non pas que j'y sois
plus autorisé ou à un titre spécial plus que d'autres,
mais, néanmoins, puisque je vis avec eux depuis douze ans, je sais
qu'ils ont besoin de ce statut, puisque c'est le cas de Nazareth et
Louis-Braille, que le principal établissement de services au
Québec pour les personnes handicapées de la vue puisse disposer
d'un statut qui lui donne la franchise, la liberté d'agir, de rayonner
et d'exercer son mandat.
Nous avons démontré dans le mémoire que, de toute
évidence, nous respectons et nous satisfaisons toutes les conditions
connues, bien sûr, à ce jour pour être virtuellement
déclaré institut universitaire. Pourquoi cette insistance? C'est
que nous avons lu, dans les orientations qui ont précédé
le projet de loi, une liste indicative d'établissements destinés
à devenir des instituts universitaires et nous n'en sommes pas. À
notre grand étonnement, n'est-ce pas, nous n'étions pas
pressentis. Je crois que c'est un oubli. Quand on procède, j'imagine,
à des réformes de cette envergure, encore une fois les plus
petits, on s'en occupe dans un second temps.
Voilà ce que Je voudrais vous laisser comme message. C'est la
cause de la déficience visuelle, qui a sa place dans ce réseau,
que nous défendons. C'est la nôtre aussi, je ne m'en cache pas.
Nous prétendons que nous donnons une qualité très grande
de services. Nous désirons continuer et nous vous demandons de
recommander au gouvernement de nous ménager une place appropriée
qui nous permette d'exercer et de poursuivre notre rayonnement. Merci,
madame.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Giroux. Mme la
présidente, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose? Cela va?
Mme Lacroix-Charest: Je crois que nous pourrions répondre
à vos questions.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci. M. le
ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Vous me permettrez de saluer Mme Charest et M. Giroux et, de
manière tout à fait particulière, M. Lebreux, de par
certaines affinités que nous avons de ses origines
gaspé-siennes.
Premièrement, discutons donc de conseil d'administration
unifié. La résistance la plus farouche au conseil
d'administration unifié vient de tous ceux qui oeuvrent dans le secteur
de la réadaptation. Je dois vous dire qu'il y a des arguments qui me
touchent, qui m'atteignent parce que le risque, c'est d'être noyé.
Je vous prendrai un exemple de la région de Québec, parce que je
représente la région de Québec, qui peut finalement coller
à d'autres régions aussi. L'Institut des sourds de Charlesbourg,
- ce n'est pas dans le visuel mais je prends l'exemple que je connais
très bien chez nous, - dessert l'ensemble de la clientèle de
l'Est du Québec. Donc, ce que je comprends de votre démonstration
à vous, dans votre domaine comme dans les autres domaines, c'est que
demain matin, l'Institut risquerait d'être noyé dans la
région de Québec, sans nécessairement perdre son
identité, et perdrait le peu de marge de manoeuvre qu'elle a
déjà dans la défense des intérêts de ses
bénéficiaires et aurait de la difficulté à se faire
une place dans ces grands conseils d'administration. Si c'est vrai pour
l'Institut des sourds, c'est probablement vrai pour vous aussi. Donc, c'est un
élément extrêmement important dont il faut tenir compte.
Mais est-ce qu'on n'a pas une obligation ou un certain profit - quand je parle
de profit, ce n'est pas un profit de piastres et cennes - certains
bénéfices à tirer d'une complémentarité ou
d'un regroupement d'un certain nombre de services? Et, si ça ne peut pas
se faire par l'unification des conseils d'administration, est-ce qu'à
votre esprit il y a des moyens pour être capable de le faire,
expérimentés aujourd'hui ou que vous avez à l'esprit qui
ne l'ont pas été?
Donc, c'est pour se dire que l'objectif du départ, c'est
d'être plus complémentaires et, par le fait même, de
ménager un peu les efforts de tout le monde. On sait que dans ces
domaines il y a beaucoup de bénévolat. On le respecte et je pense
que ça va paraître quand on va refaire nos devoirs, mais ça
m'apparaît important de trouver des mécanismes où on sera
davantage complémentaires qu'en compétition, si ce n'est pas par
un conseil d'administration unifié dans le domaine spécifique de
réadaptation. Pour le reste, on verra à ce moment-là quels
moyens on a à notre disposition pour être capables de le
faire.
Mme Lacroix-Charest: Je demanderais à M. Giroux de vous
répondre sur cette question.
M. Giroux: M. le ministre, vous avez eu des commentaires tout
à fait judicieux. Je crois que la question de la
complémentarité s'impose à nous comme aux autres Instances
de services et très certainement qu'il y a lieu de prévoir, et
nous le faisons déjà, mais d'intensifier nos collaborations avec
d'autres lignes de services. Par exemple, nous développons des ententes,
parfois très formelles, parfois semi-formelles, avec les divers CSS dans
les régions qui, bien sûr, nous réfèrent des
bénéficiaires handicapés de la vue quand ils
découvrent qu'une personne est atteinte de ce handicap. Bien sûr,
les travailleurs sociaux de ces instances sont justement les personnes qui vont
assurer le suivi après
notre intervention de réadaptation qui sera
généralement intensive et soutenue.
Par conséquent, nous avons ces liens avec les CSS. Nous avons des
liens avec les cliniques d'ophtalmologie des hôpitaux; nous avons des
liens de faits avec 200 établissements, écoles, CLSC, centres
d'hébergement de toutes sortes à travers le Québec, qui
découvrent qu'ils ont parfois des bénéficiaires
handicapés de la vue et, comme c'est rare, ont besoin de ce petit brin
d'expertise que nous pouvons leur fournir, savoir comment se comporter envers
ces bénéficiaires.
Donc, ces 200 établissements, c'est notre réseau non
officiel de collaborateurs. Je conçois très bien que nous devrons
poursuivre dans ce sens et assurer, comme vous le dites, cette
complémentarité qui, à ce niveau, est assurée d'une
grande efficacité, puisque c'est le niveau de l'intervention, celui des
professionnels et des bénéficiaires.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on a
abordé sous l'angle des conseils d'administration unifiés
où on dit: Pour vous autres, ce n'est pas bon pour deux raisons: compte
tenu de votre spécificité et compte tenu des limites
géographiques qu'on imposerait alors qu'on sait, dans les domaines que
vous représentez, qu'il n'y a pas de limite géographique. C'est
assez étendu et ce ne sont pas les limites d'une région qui
limitent votre action. Ça, je le comprends très bien.
Ce que vous me dites, c'est qu'il y a déjà, au moment
où on se parle, complémentarité des différents
services...
M. Gfroux: Oui.
M. Côté (Charlesbourg):... en particulier
grâce à l'interaction du CSS, dans les cas qui vous concernent.
(10 h 30)
Abordons l'autre question, celle de la reconnaissance, parce que vous
semblez y tenir beaucoup, la reconnaissance d'un Institut. Je ne vous cacherai
pas qu'en analysant certains mémoires - je ne dis pas que c'est le
vôtre de manière spécifique - mais en particulier du
secteur de la réadaptation, du sentiment que j'ai eu, c'est: On va faire
la revendication d'être reconnu comme institut. Étant reconnu
comme institut, ça nous laisse un conseil d'administration autonome,
donc pas unifié. Ce que j'ai compris, sur le plan de l'astuce, c'est
qu'en demandant ça on évite de passer dans la ronde, de se faire
noyer dans des conseils d'administration unifiés. Parce qu'il y a des
critères, il y a des éléments de base pour être
reconnu institut: enseignement, recherche, ainsi de suite, il y en a quatre en
particulier, soins spécialisés et évaluation des
technologies.
Dites-moi donc, dans votre cas, parce qu'on aura ultérieurement
à prendre des décisions - ce n'est pas tous les cas qui vont
être reconnus institut, sinon ça va être une
véritable réforme; je ne suis pas sûr qu'on aura atteint
nos buts - dites-nous si vous correspondez à ces quatre
critères-là au niveau de l'enseignement, au niveau de la
recherche, au niveau des soins spécialisés et au niveau de
l'évaluation des technologies.
M. Giroux: Bien sûr. D'abord, j'ai aimé votre
allusion à l'astuce et je crois que vous êtes un homme très
perspicace, mais, de fait, il n'y a pas de manoeuvre dans notre démarche
et ce n'est pas pour obtenir par voie de conséquence le conseil
d'administration propre, que nous avons réclamé le statut
d'institut universitaire. De fait, notre prétention, enfin notre demande
est à l'effet d'avoir les deux. D'avoir, bien sûr, le CA propre et
spécifique mais, au-delà de ça, le statut d'institut
universitaire pour la raison que nous satisfaisons les quatre exigences que
vous évoquez. D'abord, en matière d'enseignement, Nazareth et
Louis-Braille est le seul établissement au Canada qui offre
actuellement, en association avec l'Université de Sherbrooke, le premier
programme canadien de spécialistes en orientation et
mobilité.
Je vous signale que, pendant les douze ans précédents,
nous avons envoyé des gens être formés aux
États-Unis pour obtenir cette ressource très
spécialisée et désormais elle est donc accessible au
Québec, puisque nous offrons ce programme, et le programme tout entier
est dispensé à l'institut Nazareth et Louis-Braille, dans ses
locaux de Longueuil, par des professionnels de notre personnel, et la
certification est donnée par l'Université de Sherbrooke. Alors,
en matière d'enseignement, sans aller dans d'autres détails, je
vous signale donc que nous offrons ce programme en exclusivité à
travers le Canada et, d'ailleurs, d'autres provinces canadiennes ont
commencé à nous demander de l'offrir en anglais.
En matière de recherche, je suis très à l'aise de
vous dire que nous poursuivons des travaux très importants de recherche
technologique surtout pour développer ou faire développer avec
des firmes qui s'y consacrent des technologies nouvelles au service des
personnes handicapées de la vue. Par exemple, nous avons mis au point -
et vous allez l'apprendre très bientôt par les médias et,
bien sûr, par le ministère, et je suis en contact avec le
sous-ministre de qui je relève - un système qui permet à
la personne non voyante l'accès direct à l'imprimé sans
aide, donc la possibilité de lire l'imprimé sans avoir recours
à de l'assistance extérieure, et grâce aux technologies de
la reconnaissance des caractères et de la synthèse vocale, nous
avons créé cette première mondiale et nous sommes à
étudier les différents marchés: européen,
américain et canadien, pour mettre en disponibilité notre
produit. Je vous donne un cas. Je ne veux pas faire des preuves à partir
d'éléments anecdotiques, mais puisqu'il faut
parler de choses concrètes, je peux vous dire qu'il y a chez nous
des ingénieurs qui font de la recherche, des analystes-programmeurs qui
travaillent à plein temps à l'Institut et qui font avancer le
domaine de la haute technologie pour les aveugles.
Soins spécialisés. Écoutez! Qui fait le braille au
Québec? Quand des gens ont besoin de braille, ils s'adressent à
Nazareth et Louis-Braille, n'est-ce pas, et c'est nous qui le faisons. Le
braille scolaire, nous faisons tout le braille de tous les enfants
handicapés de la vue dans les écoles du Québec. Nous
faisons le braille pour le ministère des affaires sociales, l'Office des
personnes handicapées, différentes instances du gouvernement, des
restaurants, des compagnies de transport, des individus. Bref, c'est un service
très certainement spécialisé, vous le devinez. Faire le
braille littéraire, le braille mathématique, le braille
scientifique, le braille informatique, je vous assure que c'est très
spécialisé. Nous avons les équipes de techniciens qui sont
donc habilités à faire ça. Ma réponse est
très spontanée, M. le ministre, mais je pense que vous allez y
trouver des éléments.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne m'attendais pas
à une autre réponse que celle-là, évidemment.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je n'avais pas de
problème sur l'enseignement, je n'avais pas de problème sur les
soins spécialisés, mais, évidemment, si j'avais
posé la question uniquement sur un volet, j'aurais eu l'air d'un gars
qui vous en voulait et qui voulait vous dire non.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je voulais au moins vous
donner la chance de dire ce que vous faites et je pense que c'est excellent.
Là, c'est le quatrième point et c'est celui de la recherche
où le questionnement est important. Quelle est la part de la recherche?
Vous avez fait quoi comme recherche cette année ou obtenu quoi en
subventions sur le plan de la recherche?
M. Giroux: Je suis très heureux que vous me posiez cette
question-là. Je désirais vous dire que nous n'avons rien obtenu.
Excusez-moi, mais, cependant, il y a des espoirs. Le sous-ministre qui suit
notre dossier que j'évoquais tantôt a clairement laissé
entendre qu'il poserait des gestes concrets. Donc, je nuance ma première
affirmation. Potentiellement, nous obtiendrons quelque chose. Mais nous avons
mis nous-mêmes 500 000 $ de la Fondation de l'Institut pour
développer le système de lecture informatisé dont je
parlais tantôt et ce sont de très gros risques parce que, bien
sûr, notre Fondation, c'est la poule aux oeufs d'or et il ne faudrait pas
la tuer parce qu'il n'y aura plus tantôt, n'est-ce pas, de
possibilités d'y recourir. Nous avons mis 500 000 $ parce que nous
croyons à cette recherche-là et nous avions raison d'y croire
parce que nous avons réussi, au plan technologique, à mettre le
système au point et, par conséquent, l'investissement en valait
le coût. Mais, néanmoins, pour un petit établissement comme
le mien, qui a un budget de 7 000 000 $, c'est beaucoup, 500 000 $, pour
développer quelque chose comme ça.
M. Côté (Charlesbourg): Je dois vous dire que c'est
impressionnant. Je suis très heureux que vous soyez en contact avec mon
sous-ministre adjoint. Cependant, une petite distinction très nette: les
fonds affectés à la recherche proviennent du Fonds de recherche
en santé du Québec...
M. Giroux: Je sais.
M. Côté (Charlesbourg):... qui est autonome dans sa
répartition des sommes affectées à la recherche et, je
vous l'admets très candidement - et ça a été une
préoccupation du ministère bien avant que j'arrive; donc, on va
rendre à César ce qui appartient à César -
ça n'a pas été une préoccupation très
importante au niveau de la recherche en réadaptation. Évidemment,
il y a des messages qui se sont passés sur le plan des
réorientations et c'est probablement ce que voulait vous dire notre
sous-ministre adjoint, où il y a des messages qui sont passés, on
doit davantage faire place à la recherche en réadaptation et
c'est là qu'il y a des courants d'espoir.
Cela amène ma question. Il y a eu des consortiums de recherche de
faits en réadaptation au niveau de Québec et au niveau de
Montréal. Est-ce que vous faites partie de ce consortium de
recherche?
M. Giroux: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Ça fonctionne
comment? Est-ce que c'est intéressant? Autant on parlait de
complémentarité tantôt, vous le savez fort bien, en
recherche il peut se perdre des sommes absolument fabuleuses s'il n'y a pas
cette complémentarité sur le plan de la recherche. Alors, le
consortium actuel fonctionne comment? Et est-ce que ce n'est pas là une
piste, une solution d'avenir?
M. Giroux: Vous avez raison, ce consortium s'est
créé tout récemment dans le cas de Montréal. Nous
avons pris cette initiative après Québec et nous avons suivi
l'exemple de Québec, d'ailleurs, de créer ce consortium des
principaux centres de recherche en réadaptation de Montréal sur
lequel nous siégeons, Nazareth et
Louis-Braille. Au moment où vous me posez la question, c'est le
démarrage à peine, mais, néanmoins, il y a
déjà un sentiment commun de bien partager entre les parties au
consortium. C'est que, enfin, nous nous retrouvons, toutes les instances qui
génèrent de la recherche, que ce soit recherche médicale
ou paramédicale dans le domaine du handicap moteur, auditif ou visuel.
Pour la première fois, nous sommes assis à la même table,
nous y amenons nos chercheurs. Gestionnaires et chercheurs y sont, et nous
allons ensemble développer des programmes et bénéficier
des allocations du Fonds de recherche en santé du Québec.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Verdun, je crois, vous aviez une question à soulever.
M. Gautrin: Oui, brièvement, Mme la Présidente. Sur
le même domaine, la recherche, dans votre témoignage vous faites
état de résultats qui ont l'air assez impressionnants et je
voudrais savoir quelle est votre participation dans ces résultats de
recherche. Vous parlez, en page 13, du développement d'un certain nombre
de logiciels, des logiciels de lecture pour microordinateurs braille. Vous
faites état aussi d'un projet de recherche financé par l'APO,
c'est-à-dire l'application pédagogique de l'ordinateur, sur la
lecture optique, et, en page 14, de développement d'un certain nombre
d'autres logiciels de communication et des liens avec l'Université
Paul-Sabatier de Toulouse. Par contre, ce que je ne comprends pas à la
lecture de votre document, c'est quelle est la part réelle de votre
Institut dans la production de ces recherches. Si c'est uniquement vous qui
avez produit tout ça, il n'y a aucun problème, pour moi, quant au
fait que vous êtes un institut universitaire. Mais je n'ai pas
réellement compris, à l'intérieur de votre document,
quelle était votre participation dans ces résultats de
recherche.
M. Giroux: Très bien. Les logiciels qui sont
identifiés à l'annexe V de la page 13 sont tous des logiciels que
nous avons développés nous-mêmes pour la raison suivante.
Le microordinateur braille qui est distribué dans le cadre de
l'accès aux aides visuelles par la Régie de l'assurance-maladie
du Québec est un appareil américain pour lequel il n'y avait pas,
jusqu'à ce que nous intervenions, de logiciels français pour
notre clientèle d'expression française. Alors, nous avons
développé nous-mêmes ces logiciels en français et
nous les commercialisons ici, au Canada, et en Europe également,
là où il y a des bénéficiaires francophones. Donc,
ça, c'est entièrement notre initiative.
M. Gautrin: Parfait.
M. Giroux: À l'annexe VI, INLB-Truquet, il faut comprendre
que c'est l'université paul-sabatier, a l'origine, et un chercheur,
monique truquet, qui ont développé un important logiciel qui
permettait à une personne, par exemple, comme vous et moi qui ne
connaissons pas le braille, de faire du braille, c'est-à-dire, avec un
clavier conventionnel, saisir un texte et sortir du braille sur l'écran
ou sur l'imprimante braille qui est branchée à l'ordinateur.
alors, le logiciel truquet fonctionnait seulement sur mini-ordinateur. ce que
nous avons fait, c'est que nous l'avons réécrit pour fonctionner
sur microordinateur personnel. nous avons mis 150 000 $ dans cette
opération-là, mais le logiciel initial n'était pas le
nôtre.
Les autres logiciels. Écono-braille, c'est une initiative de chez
nous. Certains autres ont été faits en collaboration avec des
instances comme APO-Québec ou d'autres organismes. Je pense pouvoir
affirmer que, généralement, le leadership a été le
nôtre et nous nous sommes associé ces instances à titre de
partenaires.
M. Gautrin: Je vous remercie. M. Giroux: Bien.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je ne reprendrai
pas les thèmes que vous avez touchés. Je vais plutôt vous
questionner sur des aspects que vous ne couvrez pas, sans doute sur lesquels
vous avez des idées. La décentralisation du ministère de
la Santé en région, comment voyez-vous ça et quelle place
vous attribuez-vous dans cette décentralisation? C'est une question de
quelques dollars, ce matin.
M. Giroux: Je crois qu'il faut faire une certaine
décentralisation et je crois que c'est un miroir aux alouettes aussi de
penser que la décentralisation a toutes les vertus. Enfin, je sais que
le sujet est controversé. À mon sens, c'est bien de ramener la
responsabilité le plus près possible de ceux qui sont
concernés, les instances régionales de toutes sortes.
Néanmoins, dans la mesure où c'est la classe politique, en
dernière instance, qui est responsable, il ne faudrait pas qu'il y ait
trop d'intermédiaires entre la classe politique et les instances de
services parce que, finalement, on en arrive à ne plus se rejoindre et
à ne plus pouvoir communiquer. Bref, je crois que nous sommes favorables
à la décentralisation comme philosophie, mais, avec toutes les
nuances nécessaires et, dans notre esprit, elles sont nombreuses. (10 h
45)
M. Chevrette: Jugez-vous que la proposition quant à la
formation des conseils d'administration des établissements sur un
même territoire, que vous retrouvez dans l'avant-projet de loi, c'est
de nature à assurer une certaine autonomie ou une autonomie
certaine au milieu, ou si vous croyez que c'est dangereux? Par exemple, le fait
de ne pas avoir les professionnels, qu'est-ce que vous pensez de ça?
Vous avez remarqué qu'on évince les professionnels... Ce sont les
salariés, plutôt, pour être plus précis. Ce sont les
salariés et les professionnels, ou les salariés, mais directement
liés à un établissement.
M. Giroux: Je ne pense pas beaucoup de bien de la formule des
conseils d'administration telle qu'elle est...
M. Chevrette: Tels qu'ils sont?
M. Giroux: Tels qu'ils sont présentement...
M. Chevrette: Présentement.
M. Giroux:... conçus. Bien, pas dans leur forme actuelle,
dans la forme véhiculée par la réforme.
M. Chevrette: Ah, O. K.
M. Giroux: Je ne pense pas beaucoup de bien. Je me permets de
croire que ça va être un canard boiteux.
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Chevrette: Ça va assez bien, merci, oui. Une autre
question...
M. Côté (Charlesbourg):... dans leur domaine...
La Présidente (Mme Marois): Allez-y, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je voulais la poser
tantôt, mais finalement, en cours de route, je l'ai oubliée. Bon.
Ça, c'est vrai pour votre domaine. Est-ce que c'est vrai pour d'autres
domaines? C'est vrai pour le domaine de la réadaptation, mais est-ce que
c'est vrai pour le reste?
M. Giroux: Moi, je crois que pour certains cas précis,
c'est tout à fait nécessaire d'avoir des conseils
d'administration unifiés. Quant à moi, je pense que ça
demeurera une demi-mesure, parce que ce qu'il faudrait, ce sont des fusions
d'établissements. Bon. Mais ça, c'est dans les cas clairs. Ces
cas-là ne sont pas débattus. Dans les autres, à mon sens,
ça va être bien difficile, je crois. Enfin, j'appréhende
non pas une catastrophe, mais il me semble que ça va être
difficile de faire rouler sur des roues aussi carrées des instances qui
vont regrouper des intérêts aussi disparates. Puisque vous
m'offrez l'occasion de le dire, je ne vous cache pas que je suis non pas
amusé, mais attristé de voir qu'on aura, sans doute
involontairement, écarté les directeurs généraux de
ces instances très importantes. Je ne conçois pas... Croyez-moi,
ce n'est pas, je l'espère, une vue "nombrilesque" que je vous livre,
mais je peux vous assurer que les directeurs généraux sont utiles
pour faire fonctionner ce réseau qui est très complexe, n'est-ce
pas? Je me demande comment ça va bien rouler, ces régies
où les directeurs généraux n'auront ni droit de vote ni
à peu près droit de parole, et ne pourront y siéger
qu'à chacun leur tour pendant un an.
M. Chevrette: Vous ne croyez pas, M. le directeur
général, qu'autant il serait dangereux d'enlever l'expertise des
professionnels sur les conseils, ce qui ferait du directeur
général, dans certains établissements, le seul
maître à bord, le grand dieu des routes, tout autant il serait
dangereux de ne pas donner la place qui convient à un directeur
général qui vit l'ensemble, qui est peut-être le seul dans
l'institution ou dans l'établissement, effectivement, à avoir une
vision globale? Est-ce que ce n'est pas un heureux mariage des deux
présences qui ferait en sorte que l'équilibre des forces puisse
se créer, mais trouver un moyen, cependant? C'est là le souci des
hommes et des femmes politiques, c'est de trouver un moyen pour que le
bénéficiaire ou la population comme telle ne soit pas
prisonnière ou captive, si vous voulez, de la superpuissance des
professionnels, d'une part, ou du D. G., d'autre part. Comment trouver un
moyen, là, qui donnerait au bénéficiaire une force
réelle sur ces instances-là? C'est un peu ça qu'on
cherche. Je ne pense pas qu'on ait trouvé de solution, personne, de
solution miracle. Mais comment vous verriez ça, vous, améliorer
la possibilité de représentation, la qualité de
représentation des bénéficiaires, tout en maintenant une
certaine expertise au niveau du conseil? Votre expérience vous
indiquerait quoi? Qu'est-ce que vous diriez à des politiciens qui
recherchent la vertu puis la tarte aux pommes puis qui ne la trouvent pas?
M. Giroux: Je crois que, dans le cas des professionnels, une
formule viable serait, d'abord, d'assurer leur présence par une
représentation appropriée, mais de...
M. Chevrette: C'est tout, moi.
M. Giroux:... mais de prévoir, par règlement ou
autrement, qu'en aucun cas, cette représentation soit formée de
professionnels qui originent des établissements concernés parce
que là, évidemment... Écoutez, il ne faut pas être
un grand phénix pour savoir que ça place les gens dans des
conflits d'intérêts, que ça crée des tiraillement
paralysants au niveau des conseils d'administration. Moi, je suis pour la
représentation des professionnels, mais qu'on aille les
chercher ailleurs que dans les établissements
immédiatement concernés ou tombant sous la juridiction de ces
instances administratives. Voilà, dans le cas des professionnels.
Dans le cas des bénéficiaires, personnellement, je suis
favorable à un accroissement de la représentation des
bénéficiaires sur les conseils d'administration. Ils sont
éminemment concernés, ils ne sont pas dangereux et ce sont des
gens qui... A mon sens, les administrations ont tout Intérêt,
c'est tout à fait sain pour les administrations d'être à
l'écoute des bénéficiaires, très près des
bénéficiaires; ils ne sont pas en conflits
d'intérêts, ils ne cherchent pas à protéger leurs
intérêts comme d'autres et, par conséquent, ce sont les
meilleurs partenaires des administrations. C'est ça qu'il me semblerait
souhaitable de faire.
M. Chevrette: Merci beaucoup, madame, messieurs.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre,
avez-vous d'autres questions à soulever ou...
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve que c'est une
prestation très intéressante, ouverte et
équilibrée, et particulièrement lorsque Je vous ai entendu
dire qu'effectivement, des professionnels d'une institution siégeant sur
le conseil d'administration, on pouvait au moins les questionner, mais qu'on
devrait ouvrir la porte à ces mêmes professionnels venant d'une
autre institution, puisqu'ils ne sont pas potentiellement en conflit
d'intérêts. Ça me paraît un point assez important qui
est soulevé. Merci de votre présentation et bonne chance.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre
contribution aux travaux de la commission.
Une voix: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): J'inviterais maintenant les
représentants de l'institut Ray-mond-Dewar à venir prendre place,
s'il y a lieu. Je crois qu'il y a une personne qui va agir comme
interprète. C'est cela, on s'est entendu avec la secrétaire de la
commission pour que vous puissiez prendre place à un endroit qui vous
convienne bien. S'il est nécessaire que la commission prenne un peu plus
de temps pour entendre le groupe, on le fera.
Je vous souhaite la bienvenue à la commission des affaires
sociales. J'inviterais les membres de la commission à parler
peut-être un peu plus lentement pour faciliter le travail, d'une part, de
l'interprète et, bien sûr, la compréhension de ce que nous
allons tenir comme propos. M. le président du conseil, M. Léger,
voulez-vous, s'il vous plaît, nous présenter les personnes qui
vous accompagnent et, par la suite, nous présenter le mémoire -
ou quelqu'un d'autre de votre groupe - mémoire qui sera ensuite suivi de
questions de la part des membres de la commission.
Institut Raymond-Dewar
M. Léger (Pierre Noël): Merci, Mme le
Présidente. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux,
madame et messieurs les membres du comité, nous tenons à vous
remercier du temps que vous avez accepté de prendre pour nous
écouter faire la présentation du mémoire que nous avons
soumis. D'abord, je me présente, Pierre Noël Léger,
président du conseil d'administration de l'institut Raymond-Dewar. Je
suis aussi membre du comité permanent sur les communications de l'Office
des personnes handicapées et, dans la vie, je travaille aux ateliers
Litho Acme comme chargé de projets. Je vous présente Mme Mariette
Hillion, vice-présidente du conseil d'administration de l'institut
Raymond-Dewar, présidente du comité des
bénéficiaires et psychologue à la polyvalente
Lucien-Pagé de Montréal, et, pour terminer, M. Gabriel Coilard,
directeur général de l'institut Raymond-Dewar.
Alors, nous sommes Ici, ce matin... notre but n'est pas de vous lire le
mémoire car nous savons que vous en avez pris connaissance. Nous n'avons
pas l'intention non plus de contester le projet de loi que vous avez
présenté. Ce que vous avez pu voir, d'après notre
mémoire, c'est que, contrairement à d'autres associations, les
hôpitaux, le Conseil du patronat et bien d'autres qui ont fait des vues
d'ensemble ou macroscopiques de ce projet de loi, nous, par contre, nous
voulons nous arrêter surtout à l'article 37 du projet de loi sur
les centres d'adaptation et de réadaptation.
Si l'on considère la population déficiente auditive de la
province qui est assez nombreuse, qu'on évalue à 6,9 % de la
population ou pas loin de 500 000 personnes dont plus de 154 000 personnes sont
sourdes "profondes", nous jugeons important que la déficience auditive
soit prise sérieusement en considération. L'institut
Raymond-Dewar étant un centre suprarégional en déficience
auditive qui dessert les personnes déficientes auditives de
Montréal et de l'ouest du Québec et les personnes
sourdes-aveugles de la province au complet, nous considérons que si nous
étions sous un conseil unifié dans notre région, qui est
le Plateau-Mont-Royal, ce serait assez difficile vu que, dans le
Plateau-Mont-Royal, nous avons seulement 5 % de nos
bénéficiaires. Je voudrais laisser à M. Coilard, le
directeur général, l'occasion de pouvoir vous présenter
les grandes lignes de ce mémoire.
M. Coilard (Gabriel): Alors, Mme la Présidente, M. le
ministre, membres de la commission parlementaire, le conseil d'administration
de
l'institut Raymond-Dewar a voulu montrer à travers son
mémoire que nous partageons cette volonté du ministère
d'apporter, à travers sa réforme, un certain nombre de
correctifs, non seulement aux problèmes de financement du réseau,
mais aussi aux problèmes de structure. Nous avons voulu, à
travers notre mémoire, montrer que nous sommes d'accord, comme beaucoup
d'intervenants à cette commission avec des regroupements
d'établissements, soit par territoires de CLSC, par territoires de CSS
ou par régions, d'une part, je pense, afin de réduire le nombre
de centres de décisions au sein de ce réseau de quelque 900
établissements et aussi, on pense, pour assurer une meilleure
complémentarité et continuité de services, notamment en ce
qui concerne les services aux personnes âgées et les services
aussi aux jeunes en difficulté d'adaptation.
Là, où nous nous interrogeons, cependant, c'est sur cette
volonté du ministère qu'un modèle unique s'applique
à des établissements spécialisés et
suprarégionaux comme l'IRD, comme, vous venez de l'entendre, l'institut
Nazareth et Louis-Braille, le centre Lucie-Bruneau et quelques autres. Alors,
la question qu'on se pose dans ce mémoire c'est: Pourquoi un organisme
comme l'institut Raymond-Dewar se sent-il trop à l'étroit dans le
modèle proposé? C'est important donc - vous avez ces
réponses aux pages 2 à 13 du mémoire - de connaître
un petit peu plus qu'est-ce que c'est cet organisme. C'est important de savoir,
au plan historique, qu'il faut remonter jusqu'en 1848 pour retracer les
origines de cet établissement spécialisé. Jusqu'à
la fin des années soixante-dix, au début des années
quatre-vingt, c'était un collège spécialisé dans
lequel plus de 5000 personnes sourdes du Québec, du Canada et même
des États-Unis ont reçu une scolarisation. Notre
président, M. Léger a, d'ailleurs, fait une partie de sa
scolarisation à cette institution des sourds de Montréal. (11
heures)
Au début des années quatre-vingt, par ailleurs, c'est un
organisme qui a connu une mutation profonde pour devenir un véritable
centre de réadaptation fonctionnel pour enfants, adultes, personnes
âgées sourdes et sourdes-aveugles.
Présentement, notre Institut dispense des services à
quelque 1950 personnes avec déficience auditive ou sourdes-aveugles.
Ainsi, nous dispensons des services à quelque 83 petits enfants de
zéro à quatre ans; à 296 enfants âgés de 5
à 12 . ans; à 125 adolescents sourds qui ont des
difficultés importantes de comportement et autres; à quelque 765
adultes âgés entre 21 ans et 65 ans, principalement des personnes
devenues sourdes; à 567 personnes âgées qui ont de
sérieux problèmes auditifs et, aussi, une autre chose qui nous
caractérise et nous distingue, nous dispensons des services à 109
personnes sourdes et aveugles.
Tel qu'illustré au tableau 2 du mémoire, la plupart de ces
clients proviennent de la région du Montréal
métropolitain: 78,6 % proviennent de cette région et quelque 21 %
proviennent de l'extérieur de Montréal et de toutes les
régions du Québec. Nous avons des bénéficiaires qui
proviennent même de la Gaspésie, de la région de
Québec, des personnes sourdes et aveugles.
Quels sont les services que nous dispensons, soit à des enfants,
à des adolescents, à des adultes, ainsi qu'à des personnes
âgées? Ce sont d'abord des services d'évaluation des
déficiences, incapacités et handicaps de ces personnes. Une
personne, suite à une surdité, a une déficience. Sur la
déficience, on ne peut pas agir, sauf qu'il faut évaluer les
incapacités que cette personne rencontre dans sa vie quotidienne. Quelle
que soit la déficience pour certaines personnes, les incapacités,
soit de communiquer, soit de téléphoner, soit dans des
réunions, peuvent varier beaucoup d'une personne à l'autre.
On évalue aussi les handicaps, donc, l'impact que la
déficience a sur son vécu quotidien. Un enfant qui a une
surdité légère, par. exemple, dans son apprentissage,
c'est majeur comme problème, alors que, pour une personne adulte,
l'impact peut être moindre. Donc, il faut évaluer les
déficiences, incapacités et handicaps.
Nous dispensons aussi beaucoup d'informations sur les aides
technologiques, sur les moyens pour les aider, ces personnes. Nous prescrivons
ces aides, nous entraînons ces personnes à utiliser ces aides,
soit les téléscripteurs, les décodeurs, les
systèmes de contrôle de l'environnement. Alors, il y en a une
multitude.
Nous dispensons beaucoup d'informations aussi sur les moyens existants
pour fonctionner de façon autonome, malgré cette surdité.
Nous assurons aussi un processus suivi d'intervention en orthophonie, en
audiologie, en psychologie, visant à développer chez les enfants
la communication, le langage, en collaboration étroite avec les parents.
Chez les adultes qui ont perdu l'audition, il y a tout un processus de
rééducation fonctionnelle. Nous voyons à développer
d'autres moyens substitutifs de communication pour qu'ils redeviennent
fonctionnels dans la vie courante. Nous leur montrons diverses
stratégies de communication. Une personne sourde, par exemple, dans une
réunion, il faut qu'elle réapprenne comment redevenir
autonome.
Nous avons aussi tout un processus d'intervention et de
rééducation fonctionnelle à la communication chez les
personnes sourdes et aveugles. Nous avons des personnes aveugles qui deviennent
sourdes, nous avons des personnes sourdes qui deviennent aveugles, nous avons
des personnes qui ont été fonctionneilement voyantes et
entendantes qui perdent la vue et l'audition, alors, en collaboration
étroite avec l'institut Nazareth et Louis-Braille que vous avez entendu
tout à l'heure, nous avons toute une stratégie d'intervention
pour amener ces personnes soit à maintenir les acquisitions ou à
redevenir fonc-
tionnelles.
Un autre aspect important de nos services aussi: nous dispensons tout un
processus d'aide psychologique, d'aide psychosociale soit aux parents, soit aux
enfants, soit à la famille, afin de les aider à s'adapter aux
difficultés causées par la surdité.
Un autre aspect important dans notre mission: nous jouons un rôle
d'experts-conseils en surdité, notamment auprès de l'Office des
personnes handicapées du Québec. Ces dernières
années, nous avons eu des liens très étroits avec l'Office
des personnes handicapées du Québec pour développer ces
programmes d'intervention auprès des personnes qui ont une
surdité. Auprès de la CSST: nous commençons
présentement un processus de validation du programme d'intervention de
la CSST auprès des personnes qui ont une surdité professionnelle.
Nous intervenons, nous avons un rôle d'expert-conseil auprès du
ministère, aussi, dans le sens que le ministère a formé un
conseil consultatif des aides technologiques, nous avons des intervenants, nous
avons un rôle de leader aussi quant au développement des
programmes de gratuité des aides. Nous avons fait beaucoup de
représentations et de recherche dans ces domaines.
C'est la môme chose aussi auprès du Conseil régional
de la santé et des services sociaux, ou encore auprès de l'Aide
juridique et une multitude d'autres organismes. Alors, la question de fond
qu'on pose dans notre mémoire, c'est: Pourquoi un organisme comme
l'Institut doit-il conserver son propre conseil d'administration? Il y a deux
raisons qu'on vous mentionne dans le document, page 19. Il y a d'abord - M.
Léger y faisait référence - seulement 5,5 % de nos
bénéficiaires de Montréal qui proviennent du territoire du
CLSC Mont-Royal. Si on additionne l'ensemble des bénéficiaires
québécois à qui on donne des services, le pourcentage se
réduit aux alentours de 4 %.
Nous recevons aussi des bénéficiaires de tous les
territoires de CLSC de ITIe de Montréal. Nos
bénéficiaires proviennent en grande partie, en majeure partie des
centres hospitaliers, de l'Office des personnes handicapées, et, pour
nous, nous devons développer une étroite
complémentarité non seulement avec le CLSC du Plateau-Mont-Royal
sur lequel nous sommes situés, non seulement avec l'hôpital
Jean-Talon aussi dans notre territoire, mais avec l'ensemble des centres
hospitaliers qui nous réfèrent des clients. Nous avons
développé une complémentarité étroite avec
les centres de réadaptation régionaux de l'Ouest du
Québec, tels que celui de l'Estrie, celui de la Ressource à Hull,
du Bouclier à Joliette, aussi de la maison Rouyn-Noranda.
Alors, nous avons vraiment une complémentarité
étroite de services à développer avec une multitude
d'organismes, plus d'une centaine, si on fait vraiment le décompte de
ces différents organismes. Alors, quant à nous, sous l'angle
strictement des bénéficiaires à desservir, on se sent
vraiment trop à l'étroit sous un conseil d'administration
unifié quand, en fait, on sait que nous avons uniquement quelque 5 % de
nos bénéficiaires sur lesquels on a à travailler en
collaboration étroite. Ça, c'est une première raison.
Une deuxième raison, c'est qu'un organisme
spécialisé comme l'institut Raymond-Dewar, c'est un
établissement qui, au sein de son conseil, devrait voir une forte
représentation des différents groupes d'intérêt en
surdité. C'est important de savoir que la surdité, ce n'est pas
une chose qui est homogène. Il y a les personnes sourdes de naissance.
Dans la région de Montréal, il y a quelque 3000 personnes sourdes
de naissance qui ont leur langue, la langue des signes. Ces personnes-là
ont une culture, ont des organismes et un organisme comme l'Institut est
très important. C'est un groupe d'intérêt, ça, qui
voit notre Institut comme faisant partie de leur patrimoine.
Il y a aussi des personnes qui deviennent sourdes. Dans les statistiques
qu'on vous a livrées, on vous a mentionné que quelque 800
personnes sont des adultes devenus sourds, pour la majeure partie. Les
personnes devenues sourdes ont des besoins différents des personnes
sourdes, gestuelles de naissance. Les parents d'enfants sourds, aussi - Mme
Hillion peut vous en parler beaucoup mieux que moi - ont des
intérêts, ont vraiment des préoccupations
particulières, qui sont différentes de celles des adultes devenus
sourds ou celles aussi des sourds de naissance.
Les personnes sourdes aveugles aussi. C'est une problématique qui
devient de plus en plus importante au Québec. Alors, ces
différents groupes d'intérêt, normalement, devraient se
voir représentés au sein d'un conseil d'administration d'un
institut spécialisé comme le nôtre. Et la formule de
conseil unifié, telle que proposée, quant à nous, va
permettre vraiment difficilement, sinon de façon impossible, que ces
différents groupes d'intérêt puissent se faire entendre sur
notre conseil. Ce sont vraiment les deux raisons majeures.
Pourquoi notre organisme, aussi, dans son mémoire, en vertu de
l'article 37, si vous allez à la page 26, demande un statut d'institut
universitaire? C'est qu'il existe au Québec - on l'a mentionné
tout à l'heure - quelque 500 000 personnes qui ont une surdité.
En raison de son handicap de communication et d'accès à
l'information, dans une société moderne comme la nôtre qui
est basée essentiellement sur l'information, les conséquences
d'une surdité soit progressive ou subite sont parfois aussi
désastreuses ou dramatiques dans la vie d'une personne que la perte d'un
membre, que la perte de la vision, que même l'apparition de la
maladie.
Je pense que, comme député ou ministre, si vous vous
faites opérer demain, que vous avez le
malheur d'attraper un virus, que vous perdez l'audition - ce sont des
choses qui arrivent - vous allez réaliser que, pour redevenir
fonctionnel dans votre vie courante, vous avez tout une côte à
remonter. Vous avez vraiment besoin d'aide, de tout un processus de
rééducation fonctionnelle. Alors, quant à nous, la
surdité est vraiment une problématique sociale très
importante et on trouve important qu'elle soit reconnue. Nos professionnels
à l'institut Ray-mond-Dewar travaillent en étroite collaboration
avec des chercheurs de l'université dans divers projets de recherche
action. On en mentionne plusieurs dans notre mémoire. Aussi, il se fait
de plus en plus de recherches, soit au niveau de la lecture labiale, de la
langue des signes, des technologies vibro-tactiles, des implants
coch-léaires. Quant à nous, comme établissement
spécialisé de la région de Montréal, compte tenu de
notre mission, on pense que c'est vraiment un statut qui devrait nous
être reconnu. Par le passé, nous n'avons pas tellement
développé ce volet de notre mission. Par contre, compte tenu de
révolution des connaissances, de l'évolution de la recherche,
c'est important qu'un organisme comme le nôtre ait vraiment cette marque
de reconnaissance pour se doter d'une infrastructure, pour faire vraiment de la
recherche à l'instar d'organismes soit européens, soft aussi
américains pour que, de plus en plus, on puisse vraiment avancer et
évaluer de nouvelles technologies et aussi, vraiment faire avancer le
domaine des connaissances en surdité. Alors, je m'arrête là
et je laisserai le soin à d'autres tout à l'heure
d'élaborer davantage.
M. Léger: Mme Hillion.
La Présidente (Mme Marois): Merci.
Mme Hiliion (Mariette): Bon, je pense que ce matin, je dois vous
convaincre de quelque chose. Alors, je vais parler directement. D'abord, je
dois vous convaincre de la nécessité d'assurer une bonne
représentation des différentes catégories de personnes
sourdes du comité des bénéficiaires au sein d'un C.A.
unique.
Deuxièmement aussi, je dois... Est-ce que je recommence?
Alors, ce matin, je dois vous convaincre de la nécessité
d'assurer une bonne représentation des différentes
catégories de personnes sourdes du comité des
bénéficiaires dans un C.A. unique. Deuxièmement, de la
nécessité que l'IRD ait le statut d'institut universitaire pour
qu'elle puisse continuer à donner des services de qualité a ses
bénéficiaires.
D'abord, je vais parler du rôle un peu des
bénéficiaires dans un conseil d'administration.
Premièrement, je pense que les bénéficiaires ont d'abord
un rôle d'informer le conseil d'administration sur les besoins
réels de rappeler la réalité au-delà de la
théorie, de jouer un rôle de chien de garde, de les aider à
découvrir, à comprendre tous les aspects cachés de la
surdité et de rappeler aussi toute la problématique liée
à la surdité pour en avoir une vue globale. Je pense que dans la
surdité, son rôle est particulièrement important. Pourquoi?
D'abord, la surdité est une réalité complexe. Elle va bien
au-delà d'une déficience auditive parce qu'elle touche un aspect
fondamental, pour moi, de la vie affective et sociale, à savoir la
communication.
Deuxièmement, elle met la personne sourde dans une position
éclatée plus que tout autre handicap parce qu'elle touche toutes
les facettes de sa vie. La personne sourde n'est pas une paire d'oreilles qui
ne fonctionnent pas. La personne sourde n'est pas seulement une personne qui
parle ou qui écoute en cabine. La personne sourde vit sa surdité
à travers son identité sourde. À quel monde j'appartiens?
Celui des entendants ou des sourds? A travers son image de soi, blessée,
emmurée dans le silence et dans le manque de communication,
Isolée, dans ses relations aussi avec ses pairs, source de malentendus
et de frustrations continuelles dont son incapacité d'avoir accès
à l'information et aussi dans son sentiment de dépendance et de
perte d'autonomie, c'est ça la surdité.
La surdité aussi, je dois le dire, se vit différemment si
on est sourd oral, c'est-à-dire, que pour nous, la parole est
très importante. Pour nous, communiquer, c'est communiquer oralement
visuellement, verbalement ou si on est sourd gestuel, c'est-à-dire que
les gestes, le langage des signes devient la seule manière de
communiquer. On est différent aussi si on est sourd aveugle. On est
différent si on est sourd déficient mental. On est
différent aussi si on a un enfant, si on est étudiant, si on est
adulte, si on est surtout sourd de naissance ou devenu sourd, pour vous montrer
un peu toutes les facettes de la surdité. (11 h 15)
Donc, cette réalité que la personne sourde a besoin aussi
de faire connaître - c'est pour ça que c'est important qu'elle
soit sur un C.A. - et c'est aussi ce qui doit être reconnu. Ceci est
d'autant plus important que les droits acquis par la population sourde sont, en
général, assez précaires. Je vais vous donner quelques
exemples. Les aides matérielles qui sont distribuées par l'OPHQ
actuellement sont "stoppées" ou mises sur des listes d'attente depuis
deux ans. Le droit à une intervention précoce, qui normalement
est prioritaire, n'est plus tout à fait reconnu puisque, à l'IRD,
on a une liste d'attente de vingt enfants dans une intervention prioritaire et
précoce. Donc, ce sont toujours des droits à défendre.
Certains besoins essentiels non plus ne sont pas reconnus, comme les besoins
d'interprétation. M. Pierre Noël Léger a la chance, ce
matin, il a une interprète, et ce n'est pas toujours le cas pour la
majorité des sourds.
L'accompagnement aussi, pour les personnes sourdes, aveugles, devenues
autonomes: les sourds aveugles sont pris en charge quand ils sont enfants ou
quand Ils sont vieux; quand ils deviennent autonomes, ils sont
désinstitution-nalisés. On les laisse tout seuls.
Ça, ce sont des besoins à faire reconnaître. Enfin,
certains faits non plus ne sont pas du tout reconnus. Actuellement, le langage
des signes québécois n'est pas reconnu officiellement au
Québec. On ne reconnaît pas aux sourds une langue à eux.
Donc, il y a bien du travail à faire, autrement dit. Voilà
pourquoi je pense, moi, qu'il est essentiel que les personnes sourdes soient
représentées dans un C.A. unique, qui sera capable de comprendre
et de répondre à leurs besoins.
Pour mieux peut-être vous faire comprendre ce
rôle-là, j'ai essayé de donner un aperçu des
dossiers que nous avons travaillés, au comité des
bénéficiaires, depuis 1984. Juste pour attirer votre attention
sur la multitude des facettes que l'on doit travailler, que l'on doit
présenter et qu'on doit travailler en collaboration avec le CA et aussi
avec les professionnels du Centre de réadaptation, je vous donne un
exemple. Dès 1984, on recommandait qu'il y ait une formation
universitaire en déficience auditive, qui n'existe absolument pas
actuellement, aussi bien pour les orthophonistes qui travaillent en
rééducation que pour les éducateurs, pour tous les
professionnels de la déficience auditive, et aussi pour les
interprètes qui ne sont pas formés d'une manière
universitaire actuellement.
On Insistait aussi sur le perfectionnement et la formation du personnel,
sur le rôle important des parents qui sont sollicités
énormément dans la rééducation des enfants. En
fait, ce n'est pas avec une heure et demie d'orthophonie par semaine qu'on peut
vraiment donner la parole à un enfant. Donc, si les parents veulent que
les enfants travaillent, il faut les instrumenter.
On recommandait aussi le recours à des services
supplétifs: pourquoi une personne sourde n'enseignerait pas le langage
des signes aux enfants sourds, puisque c'est la seule manière, au fond,
d'apprendre une langue, d'avoir un contact direct avec les gens qui la
possèdent? On soulignait aussi l'importance de donner des services de
réadaptation aux personnes multihan-dlcapées et, ça aussi,
c'est pas facile: déjà, la surdité est complexe mais
lorsqu'on a un deuxième handicap, aussi bien au niveau de la
déficience mentale que de la cécité, ça devient
extrêmement difficile et là, il faut innover.
La présence de trois personnes sourdes aveugles au sein du
comité des bénéficiaires nous a permis de voir et de
sentir l'urgence d'une mesure vitale pour eux, à savoir la
présence d'un accompagnateur et d'un interprète qui garantisse
vraiment l'autonomie et l'insertion sociale. Si l'on veut vraiment que la
société croit à ce projet, il faut prendre les moyens pour
l'at- teindre. Actuellement, je vais vous donner un autre exemple, j'ai un
dossier qui me tient particulièrement à coeur, c'est le dossier
des enfants de 0-4 ans, qui doivent avoir une rééducation de la
communication. Actuellement, à l'IRD, il y a 60 places de disponibles et
le nombre d'inscrits est entre 104 et 88. Ça veut dire, naturellement,
qu'il y a des enfants qui n'ont pas de services. La situation est d'autant plus
grave actuellement que, malgré tout, le dépistage se fait encore
très tardivement: l'âge moyen où les enfants sont
dépistés sourds est encore deux ans et demi, ce qui est aberrant,
à mon avis. C'est d'autant plus grave aussi que les services qui
existaient dans les hôpitaux auparavant, à Montréal en
particulier, se ferment de plus en plus puisque l'IRD devient comme responsable
de ce rôle-là.
Il y a très peu de services en région et l'IRD, quelque
part, doit desservir des gens qui viennent de régions aussi loin que
Farnham, aussi loin que la Montérégie, aussi loin que la
Gaspésie. Enfin, le manque de services en région amène
l'IRD à répondre à des besoins Importants. Enfin aussi, il
faudra peut-être reconnaître que tout le monde sait que
l'intervention précoce minimise les conséquences négatives
de la surdité. Donc, nous, en tant que parents, on nous fait la
publicité pour ça et ce qu'on nous offre, ce sont des services
à deux, trois ans. Il y a un décalage qu'on ne comprend pas
très bien. Enfin, tout le monde le sait aussi, il y a un horaire
biologique: si l'enfant n'a pas acquis de langage avant trois ans, ça
risque d'avoir des conséquences catastrophiques, aussi bien pour lui, au
niveau affectif, au niveau de sa communication, mais aussi au niveau de son
avenir professionnel. Alors, je pense que, quelque part, c'est une situtation
intolérable pour les parents qui sont déjà démunis,
en deuil d'avoir un enfant sourd, qui sont angoissés, mais qui, en plus,
doivent être devant une attente. Nous avons pris plusieurs moyens. Je
pense que, d'abord, puisqu'il y a une bonne représentation au C.A.,
actuellement, nous avons réussi à convaincre le C.A. de prioriser
ce dossier. Nous avons mobilisé la presse. Nous avons mobilisé
certains hommes politiques également. Mais je pense que tout le monde,
actuellement, est convaincu de cette importance. Il ne nous reste
peut-être qu'à vous convaincre vous-mêmes, les hommes
politiques.
Pour conclure, je dois dire que les bénéfi claires,
actuellement, désirent deux choses très fortement: que leur
problématique soit reconnue et non pas à défendre à
tout moment; que la réadaptation qui se fait soit soutenue par une
recherche universitaire qui donne un statut officiel aux problématiques
liées à la surdité, pour ce statut officiel.
Je conclurai en disant qu'à cause des diversités des
facettes de la surdité, à cause aussi de l'unicité de la
vocation de l'IRD d'avoir aussi une représentation forte au niveau du
C.A.,
parce que le C.A., le conseil d'administration, doit bien
connaître les enjeux et prendre des décisions
éclairées, parce qu'il y a la nécessité de
consolider des recherches, parce qu'il y a la nécessité que l'IRD
devienne un lieu de formation et joue vraiment son rôle de conseil, on a
besoin d'un conseil unique, et on a besoin d'être reconnu comme un
institut universitaire.
M. Léger: Merci, Mme Hillion. Mme la Présidente,
est-ce que vous voulez poser des questions pour clarifier?
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, M.
Léger. Effectivement, il y a sûrement des questions que
soulève votre présentation. M. le ministre de la Santé et
des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. D'abord, je veux vous dire que c'est une présentation
assez impressionnante, très bien orchestrée sur la "dispensation"
des services et votre organisation aussi. C'était très,
très impressionnant.
Ma première question se voudra peut-être un petit retour en
arrière sur les orientations qu'a prises un institut comme le
vôtre ou comme l'Institut des sourds de Charlesbourg que vous connaissez
bien, où II y a eu, il y a quelques années - deux ans, trois ans
- un virage quant au traitement où à la manière de le
faire: davantage désinstitutionnaliser pour aller offrir des services
que j'appelle, moi, dans le champ, aux bénéficiaires.
J'aimerais peut-être entendre l'expérience vécue et
une partie des résultats, si possible, que ça donne maintenant,
avant d'aborder les changements ou les non-changements contenus à
l'intérieur de votre mémoire.
M. Léger: M. Coliard.
M. Coliard: En fait, effectivement, depuis le début des
années quatre-vingt, l'institut Raymond-Dewar, comme l'Institut des
sourds de Charlesbourg, a pris vraiment un tournant important. Nous avons
vraiment réaménagé complètement nos ressources pour
vraiment faire que nos intervenants, plutôt que d'organiser des services,
plus d'hôtelleries, en résidence, etc., puissent vraiment se
spécialiser et offrir des services de rééducation
fonctionnels. C'a été, pour un organisme comme le nôtre, un
tournant majeur, sur le plan des stratégies de
réaménagement de ressources humaines. On a eu vraiment l'appui du
ministère à ce niveau-là et c'est important de le
souligner. Cela nous a amenés vraiment à intervenir beaucoup
plus, en collaboration avec l'Office des personnes handicapées,
notamment, pour développer des services aux personnes qui deviennent
sourdes.
Par le passé, un organisme comme l'institut
Raymond-Dewar et comme l'Institut des sourds de Charlesbourg
répondait davantage. Presque tous leurs services étaient pour les
enfants. Maintenant, nous avons une grande partie de nos services qui
s'adressent à des adultes, des devenus sourds, des personnes
âgées aussi, qui perdent l'ouïe, des personnes
sourdes-aveugles - par le passé, c'est le genre de service qu'on ne
donnait pas - tout en développant aussi et vraiment en
spécialisant notre intervention auprès des tout-petits.
En termes de résultat, ce que ça donne, ça fait
qu'on est vraiment sollicités de plus en plus, même si on ne fait
pas beaucoup de publicité, pour accroître le nombre de services ou
la quantité de services qu'on donne. Les personnes âgées
qui souffrent de surdité ou tes personnes adultes qui perdent
l'ouïe, de plus en plus nous sont référées. Elles
demandent donc des services d'évaluation de leur déficience,
incapacité et handicap. Elles demandent des aides technologiques. Elles
demandent des processus d'aide d'intervention. Elles nous le donnent aussi,
elles nous donnent un "feed-back" fort intéressant sur la qualité
de nos services. On a régulièrement des témoignages quant
à la satisfaction des personnes qui viennent à l'institut, quant
à la qualité des services qu'on dispense, soit aux personnes
adultes, même aussi beaucoup aux parents. L'Association des devenus
sourds du Québec aussi est pour nous un partenaire très
important. Donc, comme type d'intervention, ce n'est plus maintenant en foyer
de groupe. Il nous reste uniquement douze enfants qui reçoivent des
services en interne. Sur ces douze enfants, il y a six enfants sourds-aveugles
et les autres sont des adolescents multihandicapés. Donc, sur 1950
bénéficiaires, il nous en reste douze à l'interne. On a
donc dû, par ailleurs, développer dés stratégies
énormes d'intervention dans le milieu, en collaboration avec les
services existant dans les diverses régions.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un virage assez
important et, sans négliger l'aspect des bénéficiaires
plus jeunes, je pense que tout cela a fait que les personnes âgées
- en allant dans le champ auprès des bénéficiaires - sont
maintenant une partie importante des bénéficiaires que vous avez
à recevoir et à traiter. Quelle est la proportion, surtout compte
tenu de ce qui nous attend au cours des prochaines années, en termes de
vieillissement de population - j'imagine que chez vous ça aura un effet
assez important sur le nombre de personnes à recevoir, qui seront en
consultation chez vous - quel est le pourcentage des personnes traitées
actuellement, personnes âgées par rapport aux 1900 que vous avez
comme cas?
M. Coliard: C'est 567 de notre programme qui sont des personnes
de plus de 65 ans, sur 1900 bénéficiaires, donc c'est environ le
tiers.
Maintenant, ce qu'il est important de se dire, c'est que ces personnes,
de plus en plus, découvrent nos services. Les professionnels aussi, dans
les centres de services sociaux, dans les CLSC, découvrent nos services
et nous les réfèrent pour recevoir des aides. On a de la
misère, présentement à répondre à ces
demandes, parce que, actuellement ces services relèvent de l'Office des
personnes handicapées. C'est le programme des aides technologiques, ou
le programme d'aide matérielle de l'Office des personnes
handicapées qui n'a pas encore été transféré
à la Régie de l'assurance-maladie qui fait qu'on a de longues
listes d'attente. Ce à quoi faisait référence Mme Hllllon
tout à l'heure, on pense, au niveau de la surdité, qu'on a
peut-être été pénalisés en ce qui concerne le
développement des aides technologiques, par rapport à ce qu'on
peut observer au niveau de la déficience motrice ou encore au niveau de
la déficience visuelle. C'est important, ce qui se fait dans ces
programmes pour les autres types de déficience, mais, en surdité
il y a eu un retard important, qu'on espère, avec le temps, pouvoir
être récupéré.
En ce qui concerne les personnes âgées, ce qu'il est
important de vous souligner, c'est qu'il y a beaucoup de personnes
âgées qui vont demeurer à domicile dans le futur et qu'on
va éviter d'aller placer en centre d'hébergement, parce que ces
personnes qui entendent... Des fois on confond beaucoup la surdité chez
les personnes âgées à la sénilité. On a dit:
Bon, papa, maman n'entend plus, c'est dangereux, II peut y avoir un voleur...
Toutes sortes de problèmes qui peuvent surgir, alors que les aides
technologiques peuvent faire que ces personnes vont demeurer beaucoup plus
fonctionnelles dans leur foyer. Mais, effectivement, on voit ce vieillissement
de la population et on anticipe énormément de demandes au niveau
des personnes âgées.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. Évidemment,
vous étiez ici tout à l'heure lorsqu'on a posé un certain
nombre de questions que je pourrais vous poser aussi, parce que c'est à
peu près le même problème vis-à-vis des
orientations, mais j'irais davantage vers la recherche. Ce que j'ai
remarqué au mémoire, pages 27 et 28, il y a une nomenclature de
vos intérêts de recherche, de ce que vous avez fait en recherche.
Quel est l'apport financier de recherche faite par vous et quelle est la
collaboration externe en termes de piastres et cennes? On s'est dit
tantôt que le Fonds de recherche en santé du Québec allait
davantage vers de la recherche biomédicale et suite à des
représentations faites par le milieu, ça a été
acheminé au Fonds de recherche en santé du Québec qui doit
être celui qui coordonne et donne les orientations sur le plan de la
recherche, et les mandats aussi, donc, pour un virage, une plus grande
considération du domaine que vous représentez. Donc, votre
recherche, chez vous, de quelle manière est-elle financée
à ce moment-ci?
M. Collard: Nous n'avons pas, à l'institut Raymond-Dewar,
comparativement à l'Institut de réadaptation de Montréal
ou à l'hôpital Marie Enfant, voire dans d'autres
établissements spécialisés du réseau, des
chercheurs qui font de la recherche pratiquement à temps plein.
L'Institut, on vous le mentionnait tout à l'heure, a été
centré ces dernières années beaucoup sur une
réorganisation de ses services, de ses programmes. On n'a
présentement aucun budget de recherche On a des professionnels,
audiolo-gistes, orthophonistes, psychologues, qui sont drôlement
préoccupés par la recherche sauf qu'ils le font à travers
leur pratique professionnelle. La recherche qu'on vous mentionne Ici, elle se
fait de façon artisanale. Autrement dit, ces gens-là la font
à travers leur pratique, en collaboration avec des professeurs de
l'Université de Montréal, mais il n'y a vraiment pas
d'infrastructure de recherche de développée chez nous. Ce n'est
pas parce qu'il n'y a pas de besoins. Ils sont énormes. On n'a pas eu la
chance, dans un organisme comme le nôtre, d'avoir, il y a 40 ans, un Dr
Gustave Gingras, un Dr Armand Frappier. On a, par ailleurs, de jeunes
audiologistes bien formés sur le plan de la recherche, mais on doit
vraiment les occuper à travailler sur de l'intervention. La grosse
partie de leurs ressources ou de leur temps passe sur de l'intervention. (11 h
30)
On a d'ailleurs, dans le plan stratégique de l'Institut, cette
préoccupation de développer de la recherche. On collabore, avec
huit établissements de la région de Montréal, à la
mise sur pied du réseau de recherche en réadaptation qui sera
financé par le FRSQ. On collabore avec l'INLB, aussi avec
l'hôpital Marie Enfant, l'Institut de réadaptation, le centre
hospitalier Côte-des-Neiges, sauf que chez nous, il n'y a pas
d'infrastructure. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de besoins;
ça ne veut pas dire qu'on ne devrait pas être reconnu comme
institut. Ce qu'on demande, dans notre intervention, c'est, compte tenu de
l'importance de la surdité au Québec, compte tenu de l'impact que
la surdité a dans la vie quotidienne, de tous les jours, qu'on puisse
être reconnu comme institut pour se doter vraiment d'infrastructure et
vraiment collaborer, avoir des liens étroits avec les universités
pour vraiment faire de la recherche active.
On s'apprête bientôt, avec le Dr Ferron... On étudie
présentement une demande de recherche du Dr Ferron, que vous connaissez
bien. Il nous a fait une demande formelle; on est en train de l'étudier
au conseil et, pour nous, c'est une avenue fort intéressante pour
emboîter le pas au niveau de la recherche. On a aussi des demandes de
collaboration étroite au niveau de la recherche, au niveau de la langue
des signes, mais on n'a pas vraiment de structure formelle
existante présentement, sauf que le besoin est majeur.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça
très intéressant et c'est la raison spécifique pour
laquelle j'ai abordé la recherche. Évidemment, vous nous avez
parlé de l'hôpital Marie Enfant, de l'Institut. C'est une
recherche qui pourrait paraître, à première vue,
ôparse, mais, évidemment, c'est le consortium, si je comprends
bien, qui a été créé qui, lui, fera l'unité
et évitera la duplication au niveau de la recherche pour rendre plus
efficientes les sommes qui seront affectées à cette
recherche.
M. Collard: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez parlé dans
votre présentation d'implant cochléaire, c'est pour ça que
je m'étais réservé une petite question, connaissant
effectivement le Dr Desgagné et le Dr Ferron qui travaillent sur
l'implant cochléaire, à Québec. Ma question: Est-ce que la
recherche sur l'implant cochléaire qui se fait chez vous, comme
expérience, c'est en complémentarité avec celle qui se
fait dans la région de Québec?
M. Collard: Le Dr Ferron et son équipe nous ont
demandé d'ouvrir son projet de recherche pour qu'il soit non seulement
dans la région de Québec, mais aussi dans la région de
Montréal. Il veut associer l'institut Raymond-Dewar comme lieu
francophone de même aussi qu'un autre établissement du
côté anglophone. On est en train d'étudier sa demande. Le
Dr Ferron nous pose un défi important dans sa demande. Si c'était
pour les adultes, ça ne nous poserait pas de problème du tout,
sauf qu'il nous demande de faire des implants cochléaires chez les
tout-petits et à ce chapitre-là, on se pose beaucoup de
questions. On est en consultation présentement avec nos professionnels,
audiologistes, orthophonistes, psychologues, pour voir jusqu'où on peut
faire des implants cochléaires, compte tenu de toutes les questions
bioéthiques que ça pose. La réponse, on ne l'a pas encore.
On doit, au prochain conseil d'administration du mois de mars, avoir
terminé cette consultation: Est-ce qu'on emboîte le pas en ce qui
concerne la recherche sur les implants cochléaires chez les tout-petits?
C'est pour ça qu'on est en train d'étudier présentement.
Faire des implants cochléaires chez les adultes, ça ne nous pose
pas de problème; chez les enfants de six mois à un an, deux ans,
par contre, il faut y voir de près avant de s'embarquer.
La Présidente (Mme Marois): Ça va, M. le
ministre?
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être une
dernière.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas parce qu'il n'y
en aurait pas d'autres, mais je comprends le temps. Vous nous avez parlé
de 107 cas de sourds-aveugles et ceux qui vous ont
précédés avaient leur spécialité à
eux aussi. Comment se fait une jonction avec les gens qui nous ont
présenté leur mémoire précédemment puisque,
eux, représentaient les aveugles?
M. Collard: Elle se fait directement, je pense; elle commence au
niveau des intervenants, les Intervenants qui sont soit
spécialisés en surdité, soit spécialisés en
cécité: les intervenants spécialisés de Nazareth et
Louis-Braille et on a aussi vraiment de nos professionnels à l'Institut
qui ont développé toute une expertise particulière au
niveau de la surdi-cécité. Alors, cette collaboration, elle se
fait autour de chaque individu, chaque client qui nous est
référé dans le cadre d'un plan de services. Alors,
Nazareth et Louis-Braille a tout son champ d'expertise en ce qui concerne
l'évaluation, l'appareillage, l'entraînement et notre Institut,
nos spécialistes ont tous leur expertise au niveau de la surdité.
Alors, c'est vraiment un travail de terrain avec une collaboration
étroite des cadres intermédiaires, des directeurs de services et
des directions d'établissements. Alors, là-dessus, pour nous
c'est vraiment un exemple de collaboration étroite
interétablissements. Nous joignons nos expertises pour donner à
ces personnes ce qu'il y a de mieux. Mais, encore là, ça ne veut
pas dire qu'on règle tous les problèmes. Il manque beaucoup de
ressources en ce qui concerne les personnes sourdes-aveugles.
Mme Hillion: Moi, je voudrais ajouter que même si la
collaboration est efficace et marche bien, dans le cas de la
surdi-cécité, c'est une entité qui est différente
de la cécité et de la surdité. Donc, le rôle de
l'IRD est de développer vraiment une expertise, mais aussi une
intervention particulière, c'est-à-dire qu'elle doit combiner
à la fois la cécité et la surdité et c'est une
entité différente des deux. Je pense qu'il a un travail
très grand à faire en collaboration, oui, mais avec une
responsabilité particulière.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière petite
question à Mme Hillion sur le comité de
bénéficiaires. On a entendu, depuis deux semaines, des
comités de bénéficiaires qui sont venus ici nous dire
qu'il était extrêmement important que les comités de
bénéficiaires soient indépendants et aient pleine
autonomie de l'appareil. J'aimerais vous entendre là-dessus, comme vous
êtes...
Mme Hillion: J'aimerais d'abord que vous précisiez votre
question.
M. Côté (Charlesbourg): Des gens qui se
sont présentés ici disent qu'un comité de
bénéficiaires...
Mme Hllllon: Autonome?
M. Côté (Charlesbourg): ...qui dépend de
l'institution dans laquelle il est rattaché, qui a un lien direct ou qui
peut être financé par l'institution n'est pas un comité de
bénéficiaires autonome, donc pas libre de revendiquer les droits
des bénéficiaires, et ainsi de suite.
Mme Hillion: Moi, ça ne m'a jamais gênée. Je
dois dire que, quelque part, effectivement, il y a un lien financier, mais qui
est tellement mince qu'il ne faut quand même pas exagérer. Je
pense qu'on a 500 $. En fait, ce n'est pas un lien financier très
extraordinaire. Je ne pense pas que l'on puisse faire une dépendance
à cause de ce petit lien financier. Je pense qu'au niveau des
comités des bénéficiaires, ce qui est très
important à comprendre, c'est que les gens qui sont là doivent
être très très sensibles à défendre leurs
besoins et, quelque part, c'est difficile de le faire parce qu'on a des liens,
finalement, avec les gens qui nous desservent. Donc, chaque fols qu'on veut
défendre quelque chose, on a l'impression que les gens se sentent mal
par rapport à ça. Je pense qu'il faut vraiment s'éduquer,
connaître nos besoins et aussi développer des collaborations avec
l'institution qu'on défend. Je ne pense pas que ce soit les...
Non, je pense qu'à partir du moment où on connaît
bien ses besoins, c'est assez évident pour moi qu'on peut les
défendre, mais il faut bien connaître aussi le fonctionnement des
Institutions et dans ce sens, je recommanderais beaucoup que, lorsqu'il y a des
nouvelles personnes qui arrivent sur les conseils d'administration, on les
forme d'autant plus qu'on veut les faire changer tous les trois ans.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Oui. Vous me permettrez tout d'abord un
commentaire. Même si le ministre ne s'est pas encore commis en ce qui
regarde la formation des conseils d'administration par rapport aux critiques
qu'on a entendues jusqu'à présent, personnellement, je pense que
vous avez raison, dans votre cas bien spécifique et probablement comme
celui de l'organisme qui vous a précédés, de
réclamer un conseil d'administration unique et non regroupé sur
un territoire. Je pense que ce n'est pas du tout le même contexte. La
dimension recherche que vous avez, à mon point de vue, à la fois
recherche, traitement, éducation, je pense que ça mérite
d'être considéré seul, comme entité complète
globale, un conseil d'administration unique. C'est l'opinion que je voudrais
formuler. Je pense que, indépen- damment des réorientations qu'il
y aurait, dans votre cas... En tout cas, vous m'avez convaincu que
c'était important d'avoir un conseil d'ad-mlnistratlon unique. Les
arguments sont valables, logiques et je pense que ce serait trop lourd que de
penser oeuvrer d'une façon efficace dans un conseil d'administration
où les préoccupations ne seraient pas aussi spécifiques.
En tout cas, c'est la position que je défendrai lors du projet de loi.
Je voulais vous dire ça.
Je dois m'excuser parce que je dois aller au caucus. Je voudrais vous
remercier de votre mémoire et vous dire qu'il est fort enrichissant.
C'est bon de voir que des gens, autant des bénéficiaires, des
membres du personnel qu'un président, puissent soutenir avec autant de
force, mais aussi de valeur d'arguments, pas nécessairement de
conviction unique mais aussi de valeur d'arguments, votre point de vue et la
façon dont vous le défendez. Je pense que vous avez raison de
revendiquer. Souvent, le discours est très beau et les actions ne
correspondent pas au discours. Je suis sûr que le ministre, qui vous a
trouvés fantastiques, lui aussi, saura rendre son discours tout à
fait cohérent par rapport aux revendications que vous faites.
J'aurais peut-être une question à poser au ministre. Le
FRS, le Fonds de recherche en santé, il est rendu à combien?
M. Côté (Charlesbourg): 40 000 000 $
M. Chevrette: Est-ce que c'est toujours sur une programmation
triennale ou quinquennale?
M. Côté (Charlesbourg): Triennale. M. Chevrette:
Triennale?
M. Côté (Charlesbourg): 40 000 000 $,
annuellement.
M. Chevrette: Je pense que vous méritez votre part.
M. Côté (Charlesbourg): Ah bon! On se comprend. 40
000 000 $, annuellement.
M. Chevrette: Oui, oui. Mais c'est avec une programmation
triennale.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un budget triennal.
C'est ça. Et j'ai des discussions très intenses avec le Fonds de
recherche en santé du Québec sur un certain nombre de choses, y
compris dans le cadre de la réforme pour certains ajustements et,
à tout le moins, que les volontés gouvernementales soient bien
transmises et bien appliquées.
Juste pour vous dire que ce que souhaite le ministre aussi, après
avoir entendu, ce n'est pas seulement dans le discours, mais aussi dans
l'action.
M. Chevrette: Bien, c'est pour ça que je l'ai dit, voyons!
Merci beaucoup et bonjour. Il faut que j'aille.
La Présidente (Mme Marois): Ça va. Je crois que M.
le député de Verdun souhaitait soulever une question encore.
M. Gautrin: Une petite question, simplement pour
évaluer... Vous faites une demande d'être un institut
universitaire pour évaluer réellement ce que vous faites
actuellement en termes d'activités de recherche. Vous nous avez dit que,
évidemment, vous n'avez pas actuellement d'activités
subventionnées. Vous nous avez fait, dans votre mémoire, une
liste de projets de recherche qu'il serait nécessaire d'entreprendre
dans le domaine des malentendants. La question que je me pose, par contre: Dans
votre mémoire, vous dites: Un certain nombre de gens qui travaillent
à l'Institut publient, au fond, les activités de recherche, mais
dans d'autres cadres. J'aurais aimé savoir, peut-être
brièvement, quels étaient les résultats ou quelles sont
les activités de vos professionnels sur le plan de la recherche qui
peuvent bien se faire dans d'autres institutions. Est-ce que vous pourriez
élaborer un peu sur cette question?
M. Collard: Vous dites, votre dernière question? Quels
sont...
M. Gautrin: Je n'ai qu'une seule question à vous poser, si
vous me permettez. Vous dites: Ils entretiennent des liens et collaborent
à différents projets de recherche - je fais
référence à la page 27 de votre document. Vous parlez des
professionnels de votre Institut: Ils entretiennent des liens et collaborent
à différents projets de recherche avec des chercheurs de l'UDM,
de l'Université McGill, de l'Université du Québec à
Montréal. Donc, là, il y a une activité de recherche qui
est faite par des gens de chez vous dans d'autres cadres et dans d'autres
institutions. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu sur ce qui se
fait comme type de recherche par vos professionnels? La liste que vous nous
donnez ensuite est une liste de projets de recherche que vous souhaiteriez
éventuellement voir réalisés à l'intérieur
de votre institution.
M. Collard: En fait, nous avons, par exemple, des intervenants
audiologistes qui collaborent avec le professeur Raymond Hétu au niveau
de la recherche en surdité professionnelle, par exemple. Le Dr
Hétu est rattaché à l'Université de
Montréal. Nous avons d'autres professionnels qui collaborent avec M.
Michel Picard, un autre professeur de l'Université de Montréal
qui, aussi, fait de la recherche en surdité professionnelle. Nous avons
aussi certains intervenants spécialistes en surdité qui
collaborent avec d'autres professeurs d'université aussi, au
Québec et à l'étranger. (11 h 45)
Par contre, ces gens, à travers leur action, fournissent des
données, mais, nous, à l'Institut, nous n'initions vraiment pas
de projets de recherche. C'est vraiment de la collaboration ad hoc. Elle n'est
vraiment pas structurée. Elle est à structurer.
M. Gautrin: Merci.
La Présidente (Mme Marois): Ça va. Merci. Est-ce
que, M. le député de Westmount, vous aviez une question?
M. Holden: C'est un peu tard. J'allais dire que, contrairement
à ce qui se passait hier, je suis entièrement d'accord avec le
leader de l'Opposition officielle, mais il est parti.
La Présidente (Mme Marois): C'est toujours
intéressant de le souligner. Cela lui sera sûrement transmis, de
toute façon. Merci. Alors, nous vous remercions de l'excellente
présentation de votre organisme. M. le ministre, est-ce que ça
va?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, ça va. Merci
beaucoup.
M. Léger: Mme la Présidente, si vous me le
permettez, nous sommes bien reconnaissants que vous ayez pris le temps de nous
écouter et nous espérons que vous saurez répondre à
nos attentes dans les intérêts des 500 000 sourds du Québec
ou malentendants.
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup. J'inviterais
maintenant Mme Bourassa, qui est ombudsman au centre hospitalier Douglas,
à venir à la table, avec les personnes qui l'accompagnent. En
fait, je comprends qu'il s'agit d'un mémoire soumis par l'ombudsman du
centre hospitalier Douglas, Mme Bourassa, et par Mme Charbonneau, qui est
protectrice du bénéficiaire à l'hôpital
RMère-des-Prairies. C'est bien là?
Mines Francine Y. Bourassa, Jocelyne
Charbonneau, Françoise Laurin et
Suzanne Nadeau-Thibodeau
Mme Bourassa (Francine Y.): Exact, Mme la Présidente. M.
le ministre, MM., Mmes les députés, Mme Charbonneau et moi tenons
d'abord à vous remercier de nous avoir permis de nous faire entendre
aujourd'hui à la commission sur notre mémoire intitulé
"L'ombudsman hospitalier et l'avant-projet de loi sur les services de
santé et les services sociaux." Mme Charbonneau va vous présenter
les personnes qui nous accompagnent aujourd'hui.
Mme Charbonneau (Jocelyne): Bonjour.
La Présidente (Mme Marois): Bonjour.
Mme Charbonneau: II me fait plaisir de vous présenter Mme
Françoise Laurin et Mme Suzanne Nadeau-Thibodeau, qui sont toutes deux
représentantes du comité de bénéficiaires et de
l'Association des parents de l'hôpital Rivière-des-Prairies, de
qui nous avons reçu l'appui pour les recommandations que nous vous avons
présentées dans notre mémoire.
Môme si nous sommes des ombudsmen, il faut dire, au tout
début, que nous ne sommes mandatées ni par nos
établissements, ni par nos collègues pour nous présenter
devant vous. Nous avons rédigé ce mémoire à titre
personnel parce que nous étions convaincues qu'il était
nécessaire qu'il y ait des critères objectifs et non modifiables
concernant le mécanisme de traitement de plaintes à
l'intérieur des hôpitaux, et au point de vue professionnel, parce
que, quand nous nous sommes engagées en tant qu'ombudsman, nous avions
compris que nous devions aussi promouvoir et défendre les droits des
bénéficiaires, autant à l'intérieur qu'à
l'extérieur de l'établissement. Alors, c'est une précision
que nous voulions absolument faire aujourd'hui.
Sur ce, je vais repasser la parole à Mme Bourassa, qui va vous
expliquer les autres raisons qui ont motivé l'écriture de notre
document et ensuite nous allons alterner selon les facettes du mémoire.
Je vais peut-être avoir un problème de micro.
La Présidente (Mme Marois): Non, il n'y a pas de
problème de micro. C'est prévu comme tel. Vous avez chacune
accès à un micro.
Mme Charbonneau: Ça va.
Mme Bourassa: Merci, madame. Donc, les raisons qui nous ont
poussées à écrire ce mémoire sont nombreuses. D'une
part, nous avons été étonnées par l'absence dans
l'avant-projet de loi de dispositions législatives se rapportant au
mécanisme de traitement des plaintes à l'intérieur des
établissements versus les recommandations 3 et 4 du rapport Hamois se
référant à l'"ombudsperson" qui ne sont plus là et
le document "Orientations", qui recommandait l'élargissement du mandat
du Protecteur du citoyen. D'autre part, nous avons été saisies de
la perception négative de l'ombudsman hospitalier par les instances
extérieures impliquées auprès de personnes
vulnérables, notamment le Comité provincial des malades qui
s'adressait à vous tout dernièrement, de même que la
réserve de certains comités de bénéficiaires issus
de milieux psychiatriques quant à l'objectivité de l'ombudsman
hospitalier, finalement, le questionnement soulevé concernant la
disparité de cette fonction selon les milieux, voire les
établissements.
Mme Charbonneau: Face à ces allégations, nous
sommes allées vérifier les faits auprès de nos
collègues ombudsmen pour mieux cerner finalement comment c'était
vécu, ce titre qui n'est pas unique, dans le sens où la personne
qui occupe le poste d'ombudsman peut s'appeler protectrice du
bénéficiaire, comme c'est le cas pour moi; une autre,
conseillère à la clientèle; une autre, porte-parole des
malades. Alors, nous avons pris le temps de consulter nos collègues pour
savoir, selon elles ou selon eux - ce sont surtout des femmes qui occupent ces
postes-là - quelles étaient leurs préoccupations
prioritaires, leurs mandats prioritaires dans l'établissement.
La plupart d'entre eux nous ont dit qu'ils se considéraient comme
étant des promoteurs et des défenseurs des
bénéficiaires à l'intérieur de
rétablissement. Mais la plupart reconnaissaient qu'il y aurait des
avantages pour leur clientèle à ce que cette fonction soit
enchâssée dans la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. Tous sont d'accord pour reconnaître que, dans leurs
fonctions, il est essentiel qu'ils puissent traiter et évaluer
eux-mêmes les plaintes qui sont portées à leur attention -
parce que le mandat de base d'un ombudsman, finalement, c'est de recevoir les
plaintes des bénéficiaires, des familles ou du personnel en ce
qui a trait à un problème vécu par un
bénéficiaire - et d'enquêter de leur propre initiative sur
toute situation qui pourrait être préjudiciable aux
bénéficiaires.
Dans les pages 2 et 3 de notre mémoire, vous avez pu voir, comme
je le disais tantôt, que les titres de ces personnes sont
différents, les statuts sont différents. Vous avez des cadres,
des syndicales non syndiqués, des contractuels. Les rattachements
administratifs sont différents. Il y a des personnes qui relèvent
du conseil d'administration, d'autres de la direction générale ou
de l'adjoint à la direction générale. I) y a
différents rattachements et les pouvoirs sont différents, dans le
sens où certains ont le droit d'enquêter de leur propre
initiative; d'autres, c'est seulement sur demande; d'autres peuvent transmettre
des plaintes à l'extérieur de l'établissement; certains ne
peuvent pas le faire. Alors, c'est très diversifié.
Mme Bourassa: II faudrait peut-être noter, parce que Mme
Charbonneau l'a oublié, que, pour la région 6A, plus de 3600
dossiers ont été traités par huit ombudsmen des
établissements universitaires l'an passé en parallèle avec
le conseil régional du Montréal métropolitain qui traitait
399 plaintes issues des hôpitaux de courte durée et
également celles à vocation psychiatrique. Le constat, face
à cette disparité, nous a forcées à nous concentrer
sur les besoins de la clientèle que nous connaissions,
c'est-à-dire celle qui est desservie par les établissements
à vocation psychiatrique, elle-même fort diversifiée, je
désire le préciser, au niveau de l'âge (qui
passe de la pédopsychiatrie à la psychiatrie adulte,
à la psychogériatrie) et par rapport aux problématiques
cliniques présentées. La nature des problèmes est
très diversifiée: désordres mentaux passagers ou
temporaires associés à des problèmes psychiatriques,
clientèles ambulatoires ou grabataires qui nécessitent soit des
soins actifs ou ultraspécialisés en psychiatrie ou en
hébergement de longue durée.
De plus, on constate différents statuts juridiques qui
compliquent, je crois, la vulnérabilité des individus, à
savoir qu'on peut retrouver dans la population hébergée des
mineurs représentés par un parent ou un tuteur, des mineurs
âgés de quatorze ans et plus, des mineurs hospitalisés en
vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, des majeurs
hospitalisés sur une base volontaire, des majeurs hospitalisés
sous un régime de protection, des personnes admises en cure
fermée en vertu de la Loi sur la protection du malade mental, des
majeurs hospitalisés par ordonnance du lieutenant-gouverneur, des
détenus transférés pour soins, etc. En plus de ça,
il faut spécifier l'origine ethnique et on se rend compte dans les
établissements actuellement que, de plus en plus, on a une
diversité quant aux origines ethniques.
Toutefois, tel que présenté à la page 5 du
mémoire, nous soulevons que l'ensemble de cette population a un point en
commun, malgré toute sa disparité, c'est sa
vulnérabilité. Qu'elle soit hébergée ou suivie en
clinique externe, la défense de ses droits, selon nous, se subdivise en
trois grandes catégories. Premièrement, la défense
réactive, ou celle initiée par le dépôt d'une
plainte. Deuxièmement, la défense proactive ou préventive,
donc initiée par le constat d'une situation qui pourrait être
préjudiciable pour une ou des personnes vulnérables. Cette
approche, il va sans dire, est primordiale lorsque la clientèle est
incapable d'exprimer clairement elle-même ses besoins; cependant, le
traitement de tels dossiers n'est possible que si l'ombudsman a un mandat
d'enquête de sa propre initiative. Et, troisièmement, la
défense systémique, soit celle initiée par une ou des
plaintes, ou par un constat qui indique qu'un segment de la clientèle
est lésé. Ici, il faut souligner, et c'est important, qu'il est
fréquent que les dossiers ayant trait à la défense
préventive et systémique soient traités conjointement par
l'ombudsman hospitalier et le comité de bénéficiaires, de
façon à mieux protéger les personnes vulnérables.
C'est pourquoi, pour élaborer les recommandations qu'on vous a soumises,
nous avons focalisé sur ces personnes qui connaissent peu leurs droits
et dont la vulnérabilité est présente dans un
établissement comme dans l'autre.
Mme Charbonneau: Comme nous croyons qu'il est essentiel de
développer une pratique similaire, mais sensible aux
réalités propres à chaque établissement, nous avons
recommandé que la Loi sur les services de santé et les services
sociaux garantisse aux bénéficiaires un mécanisme de
traitement de plaintes à l'intérieur de l'établissement,
mais un mécanisme de traitement de plaintes qui soit standardisé,
qui soit le même pour tout le monde, et ce, en
complémentarité avec le comité de
bénéficiaires. Parce qu'on travaille beaucoup en
complémentarité avec le comité dés
bénéficiaires et on ne voudrait pas que ça soit
perçu comme si on voulait lui prendre quelque chose. Le comité
des bénéficiaires a le mandat d'accompagner les
bénéficiaires vers un recours et, actuellement, dans plusieurs
hôpitaux universitaires, il existe, ce recours, qui est celui de
l'ombudsman, mais ses mandats et ses pouvoirs ne sont pas standardisés;
ils sont à la discrétion de l'établissement qui engage la
personne. Alors, en demandant que ce soit garanti, inclus,
enchâssé dans la loi, nous demandons que les mandats et les
pouvoirs de l'ombudsman soient précisés.
Pour nous, ce qui nous semble le plus important à être
enchâssé dans la loi, dans les mandats et les pouvoirs, c'est la
collaboration de l'administration et du personnel avec l'ombudsman; que ce soit
très clairement établi que c'est une attente importante dans le
règlement des conflits soulevés au sujet des
bénéficiaires. Dans un deuxième temps, que l'ombudsman
puisse enquêter sur demande ou de sa propre initiative sur toute
situation qui pourrait être préjudiciable aux
bénéficiaires qui vivent dans ou qui sont affiliés
à l'établissement. Ce qui implique aussi l'autorisation de
circuler librement dans l'établissement, d'avoir accès à
toute la documentation pertinente au traitement de la plainte, dont le dossier
des bénéficiaires qui sont présumément
lésés. Ceci implique aussi d'exiger de l'administration, du
personnel, des contractuels de fournir les informations, les renseignements,
les explications nécessaires à l'accomplissement du mandat de
l'ombudsman et, après que le traitement de la plainte sera fait et si
cela démontre que la plainte est fondée, de pouvoir
émettre des recommandations et même des correctifs aux
autorités appropriées. Quand on parle des autorités
appropriées, c'est autant l'établissement et, si la plainte est
non résolue dans l'établissement, que cette plainte puisse
être acheminée à d'autres instances qui pourront avoir un
droit de regard sur l'établissement. Et, quelque chose de
préventif et d'éducatif: la diffusion systématique des
droits qui concernent les bénéficiaires, parce que, comme le
disait Mme Bourassa tantôt, c'est une population qui est très
vulnérable et très peu informée de ses droits. (12
heures)
II y a une chose dont nous aimerions aussi qu'elle demeure telle qu'elle
est maintenant: c'est que ce recours, actuellement, est simple, rapide et
gratuit. Ce que nous aimerions, c'est accroître sa transparence et
maintenir sa dimension humaine. Quand Mme Bourassa, tantôt, disait
qu'il y avait 3600 plaintes qui avaient été
traitées par des ombudsmen dans la région 6a, ça
démontre que, avec l'accessibilité, le fait que la personne soit
sur place, les bénéficiaires ont plus de facilité,
finalement, à s'adresser à une personne que directement à
une instance extérieure.
Mme Bourassa: Ainsi, quant à la recommandation 2, les
nombreuses critiques émises par divers milieux impliqués
auprès des personnes vulnérables portaient sur le manque
d'indépendance de l'ombudsman hospitalier. C'est pourquoi, afin
d'accroître la transparence et la crédibilité qui devraient
être reliées aux mécanismes internes de traitement de
plaintes, il est primordial que l'ombudsman hospitalier soit rattaché
admlnlstratlvement et financièrement à un organisme
indépendant du réseau des services de santé et des
services sociaux. En plus de maximiser la crédibilité et de
briser l'isolement professionnel de l'ombudsman, le rattachement à un
bureau de promotion et de défense des droits des personnes
vulnérables, issues ou non de milieux psychiatriques, devrait assurer un
standard de qualité en venant préciser, entre autres, les
obligations de l'ombudsman hospitalier envers la clientèle. Par
ailleurs, dans le processus de recrutement et de sélection d'un
ombudsman local, le choix du candidat devrait être effectué par un
comité tripartite composé d'un nombre égal de
représentants du bureau de défense des droits et du comité
des bénéficiaires, avec l'administration de
l'établissement concerné.
En terminant, nous aimerions préciser que nous sommes conscientes
que le législateur a un souci de graduer les mécanismes de
recours pour la protection des droits des bénéficiaires, mais
qu'on ne doit pas oublier l'alourdissement des pathologies des
clientèles hospitalisées présentement et dans le futur au
sein d'établissements de santé spécialisés,
ultraspécialisés, de même que la nécessité de
consolider les mécanismes de promotion et de défense des droits
des bénéficiaires à l'intérieur de ces mêmes
établissements. Nous tenons ici à souligner notre
appréciation de l'étroite collaboration
expérimentée avec nos comités de
bénéficiaires respectifs, ce qui nous a permis, entre autres, de
contribuer avec eux au mémoire élaboré par la coalition
des comités de bénéficiaires issus des milieux
psychiatriques.
Ceci dit, je cède maintenant la parole à Mme
Françoise Laurin.
Mme Laurin (Françoise): Mme la Présidente, M. le
ministre, MM. et Mmes les commissaires, nous, les parents, sommes convaincus de
la nécessité du rôle de l'ombudsman dans les services
hospitaliers. Nous demandons que ce poste soit standardisé et que les
mêmes pouvoirs soient accordés, que ce soit dans une institution
psychiatrique ou dans une autre. Nous insistons sur l'importance, pour
l'ombudsman, de pouvoir enquêter sur un problème de sa propre
initiative. Nous désirons que l'ombudsman ait le pouvoir
d'enquêter quand il constate qu'un bénéficiaire est ou peut
être lésé dans ses droits. L'ombudsman est là pour
prendre la défense de nos enfants, dont plusieurs ne parient pas. Son
rôle est primordial pour le bénéficiaire lui-même,
mais aussi pour la tranquillité d'esprit de ses proches.
Je cède maintenant la parole à Mme Na-deau-Thibodeau.
Mme Nadeau-Thibodeau (Suzanne): Mme la Présidente, M. le
ministre, Mmes et MM. les commissaires, il apparaît important pour nous,
les parents, que l'ombudsman hospitalier soit indépendant. Je
précise: qu'il ne reçoive pas son salaire du milieu où II
occupe ses fonctions ni du réseau de la santé. Nous recommandons
qu'il soit rémunéré par un organisme de promotion et de
défense des droits des personnes vulnérables. Cet organisme devra
être reconnu par loi et aura la fonction de vérifier la
qualité de son travail et par le fait même de lui offrir un
soutien professionnel en dehors de son milieu de travail.
L'ombudsman hospitalier, tout en étant indépendant, est
tenu de collaborer avec l'établissement où II travaille. Nous
demandons aussi qu'il ait le pouvoir de porter une plainte aux instances
appropriées lorsque cette plainte aurait été
étudiée, fondée et soumise à la direction de
rétablissement et que les corrections nécessaires n'auraient pas
été apportées. L'isolement professionnel des ombudsmen est
énorme.
Nous voulons retenir votre attention sur ces points, car II y va de la
santé et du mieux-être de nos enfants que nous aimons et de notre
santé mentale comme parents.
Mme Bourassa: Mme la Présidente, nous serions disponibles
pour répondre à toute question.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Je trouve très heureux que vous ayez choisi de nous
offrir l'opportunité de vous questionner sur un rôle qui est
nouveau dans les établissements du réseau, en particulier, si
j'ai bien compris, dans le cas des centres hospitaliers. Pour bien interroger
l'expérience que vous vivez, combien y a-t-il, à votre
connaissance, d'ombudsmen, au moment où nous nous parions, et les situer
par catégorie d'établissements au niveau du réseau?
Mme Bourassa: Avec des noms d'établissements, M. le
ministre?
M. Côté (Charlesbourg): Le nombre d'éta-
blissements, par exemple, en centres hospitaliers de courte
durée, de longue durée.
Mme Bourassa: Je pense que la plupart de nos collègues
ombudsmen travaillent dans des établissements de courte durée. Au
moins trois d'entre elles travaillent depuis plus de dix ans que ce soit dans
les milieux universitaires rattachés à l'Université McGIII
ou encore à l'Université de Montréal. Nous avons
également très peu d'ombudsmen qui oeuvrent dans des
établissements qui ne sont pas reconnus comme CH universitaires, donc
très peu en centres d'accueil, peut-être une seule personne. En
longue durée, trois personnes, dont une qui travaille à titre de
bénévole. Et au niveau des instituts, des futurs instituts
universitaires à vocation psychiatrique, quatre seulement de ces
instituts offrent le service d'un ombudsman à leurs
bénéficiaires.
M. Côté (Charlesbourg): C'est une expérience
qui est intéressante, parce qu'elle permet de situer la limite, les
contraintes d'opération de l'ombudsman, qui, de prime abord, doit avoir
comme objectif de défendre l'intérêt des
bénéficiaires. Vous avez évoqué, tout à
l'heure, que, dans des centres hospitaliers universitaires de la région
de Montréal, 3600 plaintes ont été traitées par des
ombudsmen. Donc, c'est dans combien de centres hospitaliers?
Mme Bourassa: Dans huit centres hospitaliers universitaires
seulement.
M. Côté (Charlesbourg): Et ça depuis
l'existence de l'ombudsman ou...
Mme Bourassa: Depuis la dernière année.
La Présidente (Mme Marois): Pendant la
dernière.
Mme Bourassa: Depuis la dernière année. C'est
comparable aux 399 plaintes qui ont été traitées par le
conseil régional, en courte durée et en milieu à vocation
psychiatrique, pour une même période.
M. Côté (Charlesbourg): L'apparition ou la
reconnaissance de ce rôle d'ombudsman - et vous l'avez
évoqué dans votre mémoire - compte tenu des critiques
qu'il y avait, de l'indépendance ou de la non-indépendance de
l'ombudsman, donc, pris entre l'arbre et l'écorce, entre celui qui le
paie et le bénéficiaire qu'il doit servir, donc pas beaucoup
d'indépendance de ce côté ou de possibilités
d'indépendance... Ça ne veut pas dire, à l'occasion, dans
ces cas-là, qu'un ombudsman qui est payé par
l'établissement n'a pas lui-même son indépendance.
Ça dépend toujours de la personne et de la capacité de la
personne à affronter le pouvoir administratif.
Mme Bourassa: Très juste.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que l'implantation de
ces ombudsmen a été faite par les centres hospitaliers - et je
vais y aller directement avec ma question, je n'ai pas l'habitude de passer
à côté - pour se donner bonne conscience, d'après
vous?
Mmo Charbonneau: Je pense que certains centres hospitaliers
avalent un souci d'avoir quelqu'un qui réponde aux demandes
répétées de la clientèle et ils ont nommé
une personne. Certains centres hospitaliers ont été forcés
de nommer un ombudsman; quelques-uns, sur recommandation
ministérielle.
M. Côté (Charlesbourg): Sur recommandation...
Mme Charbonneau: ...ministérielle.
M. Côté (Charlesbourg): ...ministérielle,
compte tenu du nombre de plaintes.
Mme Charbonneau: Compte tenu du nombre de plaintes, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, pour les
parlementaires et chez moi de manière plus particulière depuis le
mois d'octobre au niveau du cabinet, on a effectivement des gens qui se
plaignent, qui téléphonent pour se plaindre de tel traitement. Et
j'imagine que, dans chaque bureau de député, on a à
l'occasion, peu importe l'institution, des gens qui veulent se plaindre. Il y
en a qu'on peut "discarter" très rapidement, parce qu'on
s'aperçoit que c'est plus ou moins sérieux. Il reste, quand
même, qu'il y a des plaintes qui sont plus sérieuses que
d'autres.
Mme Charbonneau: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Les 3600 cas traités
dans les huit centres hospitaliers, cela se ventile comment sur le plan du
sérieux des plaintes, sur le plan de la véracité des
plaintes? Et comment opérez-vous? Dans le mémoire, on demande des
choses qui laissent supposer que ce n'est pas facile d'opérer dans tout
ça: accès au dossier, indépendance, support professionnel.
Ça laisse supposer qu'il y a, quand môme, peut-être quelques
petits problèmes au-delà de la conscience tranquille d'avoir
nommé un ombudsman et de pouvoir lui référer tous les cas
qui appellent sur le plan administratif pour se plaindre. On passe ça
à l'ombudsman et, évidemment, comme on le paie, il va s'en
occuper et c'est facile de référer ça à un bureau
ou à une personne qui s'en occupe. Mais ça procède
comment? Faites-moi donc une ventilation, si c'est possible.
Mme Charbonneau: J'aimerais vous répondre pour une partie
de la question et Mme Bourassa pourrait compléter. Quand vous demandez
cette ventilation-là, elle n'est pas possible dans le sens où,
quand nous avons posé cette question-là, nous avons
demandé les statistiques. Chacune des personnes qui occupent un poste
comme celui-là fait des statistiques annuelles. Alors, on a
demandé quel était le taux de statistiques annuelles. Mais, comme
il n'y a pas de regroupement formel des ombudsmen, comme chaque
établissement a son ombudsman, alors chacun est tenu de garder
confidentielles actuellement les statistiques, la ventilation justement. C'est
pour ça qu'on a réussi à obtenir l'information
annuellement, une statistique annuelle. Mais vous dire
précisément combien sont fondées et combien ne le sont
pas, partiellement fondées, irrecevables, ça, c'est une
information que certains établissements n'apprécieraient pas,
dans l'état actuel des choses, que ce soit public. Alors, ce sont des
questions que nous avons évité de poser à nos
collègues pour ne pas les mettre dans l'eau bouillante.
M. Côté (Charlesbourg): C'est pour ça que je
comprends maintenant mieux votre entrée en matière au
début de la présentation en disant: On n'est pas mandatés
par nos Institutions ni par nos collègues. Parce que ça
m'intriguait.
Mme Charbonneau: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Ça m'intriguait
beaucoup d'avoir entendu ça au début de la commission. Ce que je
comprends, c'est donc uniquement une statistique froide de 3600 plaintes.
Évidemment, si je vous posais la question pour votre Institution
à vous, vous pourriez me répondre pour votre institution ou vous
pourriez décider de ne pas me répondre parce que, si c'est
gênant pour les autres, ça va l'être pour vous aussi,
j'imagine, en termes de situation. Mais ça explique bien le genre de
situation et la dénonciation du comité des
bénéficiaires qui disait qu'un ombudsman payé par un
centre hospitalier est peut-être redevable au centre hospitalier d'abord
au lieu du bénéficiaire.
Mme Charbonneau: Est-ce que je peux préciser quelque
chose?
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Mme Charbonneau: Comme certaines d'entre nous sont reliées
au conseil d'administration et comme le comité de
bénéficiaires siège au conseil d'administration, alors ils
sont informés d'une façon régulière ou, en tout
cas, quelques fois par année, sinon mensuellement, du nombre de plaintes
que nous traitons et du type de plaintes que nous traitons. Le comité de
bénéficiaires en est saisi. C'est quand même quelque chose
qui est...
M. Côté (Charlesbourg): On parle du comité de
bénéficiaires, mais est-ce que dans la pratique cet état
de fait... Parce que, si le centre hospitalier a décidé de
créer un ombudsman, c'est qu'il y avait des problèmes.
Mme Charbonneau: II y a toujours des plaintes dans un
système.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. ça, je le
comprends. Donc, si on a décidé de le faire, c'est parce que
ça devait répondre à un besoin?
Mme Charbonneau: Oui. (12 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que le conseil
d'administration de l'hôpital est saisi deux fois par année ou
annuellement de l'état de la situation, du genre de plainte qui est
formulée et des résultats que ça donne?
Mme Charbonneau: C'est variable, ça aussi.
Mme Bourassa: Absolument. Je pense que chaque
établissement procède différemment. Je pourrai parler de
mon expérience où je dois faire rapport à chaque
séance du conseil d'administration des plaintes courantes, des objets de
plaintes sérieuses et de la résolution ou des problèmes
que ça peut présenter en amenant des recommandations. Donc, quand
on parlait tantôt de statistiques, le comité de
bénéficiaires a accès aux statistiques mensuellement,
étant donné que nous siégeons tous deux sur un
comité d'éthique et de droits des patients. Donc, mensuellement,
ils reçoivent les statistiques, les pourcentages et aussi, au niveau
"bi-annuel", étant membres du conseil d'administration, ils
reçoivent exactement la même documentation que tous les autres
membres du conseil. Chez nous, il y a quelque chose de spécial, c'est
une entente à savoir que le comité de bénéficiaires
va traiter des questions d'Intérêt collectif, tandis que
I'ombudsman hospitaller va recevoir les plaintes d'individus. Et c'est, je
pense, l'harmonie que nous avons trouvée en délimitant et en
travaillant en complémentarité.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
que votre expérience est une bonne expérience?
Mme Bourassa: Je n'aimerais pas commenter par rapport à
mon expérience pour blanchir ou noircir des établissements. Je
pense que ce pourquoi nous avons présenté le mémoire,
c'est dans le but de standardiser le rôle de l'om-budsman. S'il manque de
transparence, travaillons à augmenter et à accroître sa
transparence. Je
pense que, au niveau de la courte durée, les
bénéficiaires rentrent et sortent. Donc, nos collègues qui
travaillent en milieux de courte durée vous diront eux-mêmes que
le travail est fort différent. Quand nous travaillons dans un institut
à vocation psychiatrique, chez nous, en moyenne, les gens
séjournent pour sept ans. Donc, c'est leur maison, c'est leur lieu de
vie et on peut penser que, de par leur vulnérabilité,
différentes situations, tant au niveau des droits thérapeutiques
que sociaux ou légaux, seront amenées pour être
résolues.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que, de par votre
expérience... Parce qu'on a véritablement deux types: courte
durée et longue durée et, évidemment, on sait que le
séjour moyen est à peu près de sept ou huit jours pour une
personne hospitalisée en courte durée, alors que vous parlez de
sept ans dans d'autres cas. Évidemment, ce n'est pas le même genre
de plainte inhérente au bénéficiaire qui est vécue
dans l'institution.
D'après ce que je comprends, la création et la
reconnaissance du rôle de l'ombudsman seraient les mêmes, que ce
soit en longue durée ou que ce soit en courte durée. Et, est-ce
que vous le souhaitez pour l'ensemble des 950 établissements du
réseau?
Mme Bourassa: Je pense que nous ne pouvons pas répondre
pour nos collègues en courte durée et c'est pour ça que
nous avons plus concentré notre effort sur comment tenter de mieux
protéger les clientèles que nous représentons. Nous
croyons que les comités de bénéficiaires doivent rester,
doivent demeurer, doivent être composés majoritairement de
bénéficiaires, mais, d'autre part, nous devons tenter d'assurer
la qualité des mécanismes de traitement de plaintes à
l'intérieur de l'établissement et ça, à
l'échelle de la province.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je comprends que
vous quatre, vous représentez la longue durée?
Mme Bourassa: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): O.K.
Mme Bourassa: Et à la fois courte durée dans mon
cas.
Mme Charbonneau: Oui, c'est bon de le préciser. Ce n'est
pas longue durée seulement. Il y a de la courte durée aussi. En
psychiatrie, vous vous retrouvez avec les deux types de clientèle...
M. Côté (Charlesbourg): Correct. Ça va, oui.
Mme Charbonneau: ...mais majoritairement de la longue durée.
M. Côté (Charlesbourg): J'essayais d'accrocher les
3600 plaintes en courte durée principalement dans huit
établissements de la région de Montréal. J'essayais de
faire le lien là, mais je viens de saisir.
Dans le rapport Harnois, il était fait mention d'un ombudsman. La
politique de santé mentale, elle, a davantage reconnu un comité
de bénéficiaires. Et, évidemment, la structure
proposée dans les orientations est une structure régionale qui
est extrêmement importante. Vous avez dit, tantôt: Nous, on
préfère un ombudsman avec des pouvoirs inscrits dans la loi,
totale liberté, indépendance. Mais est-ce qu'il n'y a pas
l'obligation d'avoir une certaine coordination à un niveau
régional?
Mme Bourassa: Oui. Et je pense, tantôt, quand vous avez dit
3600 plaintes... Ce qu'on peut faire actuellement, c'est une lecture
indépendante, c'est-à-dire verticale. Si nous avions une
coordination provinciale ou régionale, nous pourrions faire une lecture
horizontale des problèmes du réseau. Je pense qu'en faisant mieux
respecter les droits des bénéficiaires avec lesquels on travaille
on pourrait aussi viser l'excellence dans la qualité des soins qu'on
leur donne. Je pense que c'est dans cette optique que nous réclamons...
Le rôle est déjà, depuis plus de dix ans, présent,
mais, étant donné qu'il est laissé à la
discrétion des établissements, qu'il est accompli de
différentes façons, qu'il n'a pas nécessairement
d'obligations face à la clientèle, nous trouvons actuellement
coinçant de la saborder. Ce que nous demandons actuellement, c'est de
réviser le rôle, de faire en sorte qu'il soit plus clair, à
savoir quels sont les pouvoirs, quels sont les devoirs d'un D.G. par rapport
à l'ombudsman hospitalier, d'obliger la collaboration de
l'administration et des employés, mais d'obliger aussi l'ombudsman
à collaborer avec le comité de bénéficiaires. Selon
moi, on ne peut pas se maintenir dans un établissement où l'on
défend et où l'on fait la promotion des droits des
bénéficiaires sans être capables de travailler en
étroite collaboration avec le comité des
bénéficiaires.
M. Côté (Charlesbourg): Et votre rôle par
rapport à celui du Protecteur du citoyen?
Mme Bourassa: Je pense que le Protecteur du citoyen est là
comme recours ultime. Actuellement, je pense que l'articulation par rapport
à la gamme des services de promotion et de défense des droits
n'est pas encore finalisée.
Ce que nous disons, c'est que l'ombudsman hospitalier local avec le
comité de bénéficiaires sont les personnes qui sont le
plus près du milieu où se trouvent les personnes
vulnérables, et nous devons maintenir ça. Je ne crois pas au
rôle d'un ombudsman extérieur qui vient, mais le besoin
pour l'ombudsman hospitalier, de même que pour le comité de
bénéficiaires, d'avoir un recours extérieur, si
nécessaire, et d'amener les dossiers au Protecteur du citoyen, on le
fait déjà dans notre pratique, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
mesdames.
À vous voir là, je me suis demandé si vous n'aviez
pas eu la tentation de féminiser le terme en "ombudswoman". Il n'y a que
des femmes. Il faudra peut-être l'envisager.
Mme Charbonneau: C'est un terme suédois qui est un terme
neutre. Souvent, on a l'impression que c'est un terme qui souligne la
présence d'un homme parce que ça finit par "man", mais c'est un
terme neutre qui n'a pas de genre.
Mme Blackburn: Générique. Mais il faudra
peut-être, quand même, y voir.
Mme Charbonneau: II y a eu un effort avec Pombudspersonne".
Mme Blackburn: "Ombudspersonne".
Bien. Alors, je vais y aller de questions rapides, un peu pour avoir un
peu plus d'éclairage. Je n'en avais pas l'intention, mais, avec la
dernière question du ministre, je vais commencer peut-être par la
fin. Vous avez fait état du fait que vous référiez au
Protecteur du citoyen le cas de personnes qui avaient subi des
préjudices. À ma connaissance, le Protecteur du citoyen n'a pas
juridiction. Est-ce que je me trompe?
Mme Bourassa: Bien, il a juridiction dans certains domaines. La
plupart des bénéficiaires - ça peut varier entre 50 % et
90 % - sont sous le régime de protection de la curatelle publique,
domaine où le Protecteur du citoyen a juridiction, de même que sur
l'aide sociale. La plupart de nos bénéficiaires vivent d'aide
sociale. Donc, ce sont deux grands domaines où, en vocation
psychiatrique, nous allons frapper à sa porte quand rien ne bouge.
Mme Blackburn: Ça veut dire qu'il y a 50 % des plaintes
qui échappent au Protecteur du citoyen parce que les personnes
concernées ne sont pas sous la protection de la curatelle publique ou
des affaires sociales.
Mme Bourassa: Je crois que le bureau du Protecteur du citoyen
n'agit pas lorsqu'une instance est déjà en place pour solutionner
des dossiers, des doléances, mais il devient le recours ultime quand le
plaignant a trouvé insatisfaction à tous les niveaux. Je pense
qu'il faut quand même préserver ce principe; sinon, nous pouvons
prévoir inondation au bureau du Protecteur du citoyen, qui ne pourra pas
suffire à la tâche et qui deviendra moins pratique, moins
accessible, plus lent.
Mme Blackburn: Bien. Je voulais comprendre un peu la
donnée qui apparaît dans le rapport annuel du Protecteur du
citoyen, qui estime qu'il ne peut traiter 350 plaintes. On peut penser qu'il y
a plus de plaintes que ça, mais celles qu'il ne peut pas traiter,
échappant à sa juridiction, ce sont des personnes qui ne sont pas
couvertes par la curatelle publique.
Mme Bourassa: Je pense aussi qu'il travaille beaucoup, au niveau
de la courte durée, avec la CSST, par exemple, ce qui nous touche moins,
nous, en vocation psychiatrique.
Mme Blackburn: Vous dites, dans votre mémoire, qu'il y a
près de douze centres hospitaliers québécois qui sont
spécialisés en psychiatrie, parmi lesquels cinq institutions
universitaires et un à vocation carcérale. Rares sont les
établissements qui acceptent de publier et de distribuer
systématiquement à chaque bénéficiaire et à
sa famille, si elle est présente, une brochure faisant état des
droits des bénéficiaires et même l'information à
savoir s'il existe un comité de bénéficiaires.
Mme Bourassa: Par rapport au comité de
bénéficiaires, le D.G. a quand même une obligation de faire
connaître au bénéficiaire l'existence du comité de
bénéficiaires. Je pense que ça, c'est inscrit dans la
loi.
Mme Blackburn: "Et ce, même s'il existe un comité de
bénéficiaires." Je ne savais pas comment il fallait le lire, mais
je comprends. Je veux dire que je partage un peu la perception. Il me semble
que, pour les personnes qui sont en longue durée ou en centre d'accueil,
les torts causés, les préjudices peuvent être plus graves
et s'étaler sur une période beaucoup plus longue que dans les cas
de courte durée. Là, l'impression, c'est que... Vos
recommandations, d'ailleurs, sont claires. Elles ne touchent que les centres
psychiatriques. J'ai essayé de comprendre. Je l'ai relu trois fois en me
disant: II me semble qu'ils n'ont pas dû parler juste des centres
psychiatriques. Mais ce que vous demandez qu'il soit inscrit dans la loi,
ça touche spécifiquement et uniquement les centres
psychiatriques: "enchâsser le mandat et les pouvoirs de l'ombudsman d'un
établissement à vocation psychiatrique dans la Loi sur les
services de santé et les services sociaux" et "garantir
l'indépendance et le soutien professionnel."
J'ai relu et je suis d'avis que c'est plus
important - c'est la perception que j'ai - là qu'en courte
durée, par exemple, pour ne pas dire urgent d'en avoir. y a-t-il autre
chose? est-ce que j'ai bien lu votre mémoire?
Mme Bourassa: Je crois que nous disions: Quoique nous pensions...
nous exprimons peut-être qu'à travers tous les
établissements un ombudsman hospitalier devrait être
présent. Nous demandons, à l'heure actuelle, pour parler de notre
expérience - et nous ne sommes pas les porte-parole des ombudsmen de la
courte durée; nous tenons encore à le souligner - donc, au moins,
de garantir pour les gens qui vivent... Vous savez, ce sont les bouts de ligne,
ce sont des soins ultraspécialisés, des soins
spécialisés où il y a de la recherche, où il y a de
l'enseignement. À ma connaissance, on a entendu ce matin que des
établissements désirent être reconnus comme instituts
universitaires.
Nous avons cinq instituts universitaires à vocation psychiatrique
et, si c'est la volonté du législateur de reconnaître leur
statut, la différence dans leur statut, nous vous avons, je pense,
décrit les différents types de populations que l'on y retrouve et
aussi leur point commun qui est leur vulnérabilité.
Mme Blackburn: D'accord, mais j'ai bien compris votre
mémoire. Vous, vous privilégiez ce secteur d'intervention qui
s'appelle les soins dans les centres psychiatriques.
Mme Bourassa: C'est celui que l'on connaît, madame.
Mme Blackburn: Très bien. Je partage votre avis, je dois
dire; l'urgence, s'il y en a une, elle est davantage dans les soins de longue
durée, psychiatriques ou pour les personnes âgées. (12 h
30)
Dans les 3600 plaintes dont vous faites état - peut-être
l'avez-vous dit, mais je ne l'ai pas bien compris - le pourcentage de plaintes
fondées? Prenons l'établissement qui est le vôtre.
Mme Bourassa: Une bien bonne question.
Mme Blackburn: Vous allez me dire: Elles sont toutes
fondées. Je veux dire qu'entre l'impatience, l'irritation, la fatigue,
la maladie et une plainte fondée, des fois, il peut y avoir...
mme bourassa: pour brosser un tableau très sommaire, je
dirais que le tiers des demandes et plaintes formulées à mon
bureau... la catégorie des plaintes s'avère du tiers.
Mme Blackburn: Qui sont fondées? Mme Bourassa: En
totalité. Mme Blackburn: D'accord.
Mme Bourassa: Et, à travers les plaintes
présentées, nous allons retrouver des plaintes fondées
à plus de 10 %, des plaintes partiellement fondées à plus
de 11 % et le reste, non fondées.
Mme Blackburn: D'accord.
Mme Bourassa: C'est à peu près, je dirais, 14 % ou
17 %, quelque chose comme ça. C'est un peu plus du tiers, mais moins de
40 % et, pour le reste, beaucoup de demandes d'information, de demandes
d'assistance. Nous devons faire la différence entre comment fournir
l'assistance d'une requête ou d'une plainte en bonne et due forme.
Très souvent, les gens ne savent pas comment faire, qui peut les aider
ou demandent un levier pour que la situation soit résolue un peu plus
vite.
Mme Blackburn: Les hôpitaux qui se sont donné ou
auxquels on a imposé la présence d'un ombudsman, est-ce que c'est
majoritairement dans les grands centres? Est-ce qu'il y en a en
région?
Mme Bourassa: Très peu en région, mais
quelques-uns.
Mme Blackburn: Comment est-ce qu'on explique ça? Parce
qu'il y a quand même des centres hospitaliers psychiatriques, dans les
régions. Il y a aussi des soins de longue durée. Est-ce que c'est
la proximité des personnes ou des administrations en raison de la taille
des établissements qui fait qu'on a moins de plaintes? Parce qu'on est
moins "chialeux" en région ou quoi?
Des voix: Ha, ha, hal
Mme Bourassa: Je n'en ai aucune idée. L'isolement y serait
peut-être pour beaucoup de choses.
Mme Blackburn: La perception que j'ai, à tort ou à
raison, et on ne peut pas faire de généralités sur la base
d'une perception, est-ce que le fait de régionaliser, d'accorder un peu
plus de pouvoirs dans des instances locales, semi-régionales, la
proximité des lieux de décision et d'intervention a un effet sur
la satisfaction des bénéficiaires? Est-ce que le fait qu'on
puisse prendre le téléphone pour appeler parce qu'on est dans un
milieu plus connu, parce que les pouvoirs sont plus proches... Autrement dit,
la question que je me pose: Est-ce qu'il ne serait pas pertinent, utile et plus
efficace, à la fois par rapport à la qualité des services
offerts aux populations, aux bénéficiaires dans nos
différents établissements, qu'on décentralise les
pouvoirs...
Mme Bourassa: Je pense que...
Mme Blackburn:... de manière à ce que votre
interlocuteur auquel vous pariez ne soit pas obligé d'aller
référer à la dixième autorité?
Mme Bourassa: Je vais répondre à votre question.
Peut-être que je l'ai mal comprise. Nous désirons préserver
l'accès direct à l'om-budsman local. Les patients frappent
à notre porte et on est faciles d'accès. La procédure est
simple, souple et, habituellement, on peut voir les gens, recevoir leur plainte
et regarder la plainte en dedans de 24 heures. Je pense que nous devons
préserver ces aspects-là. Ce que nous demandons, au niveau du
soutien professionnel, c'est qu'au lieu de demander... Là-dessus, s'il y
a des gens intéressés, le modèle ontarien existe depuis
1981, à savoir qu'un "aviseur légal" et un ombudsman
séjournent tous deux dans chaque établissement à vocation
psychiatrique. Donc, en Ontario, nous parions de dix ou douze ombudsmen avec un
"aviseur légal" par établissement. Nous disons, par exemple, pour
la région 6A, si quatre instituts universitaires à vocation
psychiatrique sont dotés d'ombudsmen, nous devrions tenter de leur
prodiguer un soutien professionnel mais commun, de manière à
développer des stratégies, de manière à quantifier,
à organiser, à standardiser des outils, à mettre en commun
des experts. Vous seriez surpris du genre de plaintes qu'ils nous ont
confiées dans toutes sortes de domaines possibles.
Mme Blackburn: Je rappelle l'idée d'om-budsman dans les
centres psychiatriques. Je pense que, rapidement, on pourrait essayer de faire
l'unanimité là-dessus. Est-ce qu'on pourrait envisager la
création d'un tel poste, par exemple, dans un CLSC qui desservirait les
établissements avoisinants de son territoire? Parlons des
établissements... Moi, je vais vous confier que, quand je rêve -
parce qu'il faut rêver; mais on m'a dit que c'est peut-être un
cauchemar, rêver aussi - d'une réorganisation au niveau du
système de santé, iI serait davantage assis sur les CLSC, sur la
structure de base des CLSC, comme porte d'entrée du réseau, ce
qui avait été envisagé comme devant être le cas et,
à cause de l'ensemble du lobbying, puis de pressions, puis de
résistances et de ce qui existait déjà, ça ne s'est
jamais fait. Mais, je pense toujours que la porte d'entrée du
réseau devrait être le CLSC, et ça se réalisera dans
la mesure où on donne un certain nombre d'outils aux CLSC, de
responsabilités précises et exclusives. Par exemple, dans la
grande région de Montréal comme dans la mienne, où vous
avez un CLSC avec un territoire de CLSC, est-ce que ce n'est pas là
qu'on devrait retrouver un poste d'om-budsman qui aurait la
responsabilité de répondre aux plaintes qui sont posées
par les bénéficiaires des établissements de son
territoire?
Mme Bourassa: C'est une solution intéres- sante. Je ne
sais pas si je commenterai sur ça, mais je pense que... Par exemple,
moi, je viens d'une sous-région où, pour la santé mentale,
on a tenté, depuis de nombreuses années, d'articuler les
différentes ressources ou gammes d'intervenants qui font
différentes interventions. Ensemble, avec le comité de
bénéficiaires, avec les groupes de défense des droits de
notre sous-région, avec moi en tant qu'ombudsman, on a tenté de
voir et de consolider les manques pour garantir un meilleur service aux
psychia-trisés de notre sous-région. Je pense qu'il serait
à espérer que toutes les régions fassent de
même.
Pour ce qui est des CLSC, nous savons que les usagers sont
organisés et que leurs membres ont des comités de
bénéficiaires d'usagers de CLSC ou de centres de services
sociaux, ça existe déjà.
La Présidente (Mme Marois): Je crois, Mme Charbonneau, que
vous vouliez ajouter quelque chose? Oui, allez.
Mme Charbonneau: Oui. Vous pariez d'une clientèle
psychiatrique qui est ambulatoire, qui s'exprime, qui peut aller chercher de
l'aide, se déplacer pour aller dans un CLSC. Il y a des
clientèles, dans certaines Institutions, qui sont en majorité des
personnes qui sont incapables de s'exprimer, incapables même de formuler
clairement qu'elles sont lésées quelque part. Alors, c'est pour
ça tantôt qu'on pariait d'enquête de sa propre initiative,
de l'importance de confier ce mandat-là à l'ombudsman, en
complémentarité avec le comité des
bénéficiaires.
Mais, quand on travaille ensemble, je pense que c'est plus facile. Je
comité des bénéficiaires n'a pas la possibilité
d'enquêter, de traiter, d'aller chercher dans les dossiers les
informations qui sont pertinentes parfois au traitement d'une plainte, et ce
serait délicat, finalement, de donner ce pouvoir-là,
peut-être, à certains comités de
bénéficiaires. Alors, c'est dans cette optlque-là,
finalement, qu'on demandait que ce soit quelqu'un localement qui ait un pouvoir
d'enquête à la fois sur demande et de sa propre initiative, et que
ça soit inscrit dans la loi pour que ça soit compris de la
même façon par tous les établissements
concernés.
Mme Bourassa: Pour compléter ce que vient de dire Mme
Charbonneau, j'aimerais seulement souligner que, en psychiatrie adulte, on a
aussi des clientèles qui sont tenues de ne pas quitter le terrain de
l'hôpital...
Mme Blackburn: Mais oui.
Mme Bourassa:... les gens sous ordonnance du
lieutenant-gouverneur, les gens qui sont en cure fermée, les gens qui
sont dans des unités fermées, qui ne peuvent quitter leur
unité à
cause des problèmes qu'ils présentent. Donc, je pense
qu'il faut garder la dimension d'être dans le milieu le plus près
de la personne. Si ce sont des gens psychiatrisés dans la
communauté, que ce soient les groupes communautaires qui fassent le
suivi, l'entraide ou la défense, aucun problème.
Mme Blackburn: Je voudrais...
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui?
Mme Blackburn: Oui, peut-être juste parce que j'ai dû
mal me faire comprendre. Dans mon esprit, il y a une exception et,
effectivement, je reconnaîtrais avec vous assez rapidement que la
présence d'un ombudsman dans les centres psychiatriques est utile, pour
ne pas dire indispensable. Je dirais presque la même chose dans les
établissements où l'on retrouve majoritairement des
déficients intellectuels et/ou physiques, parce que là, vous avez
vraiment une clientèle, un qui ne peut pas sortir, qui est très
vulnérable et qui, en plus, est déjà souvent très
silencieuse, par crainte des représailles. Ça, c'est vrai chez
les personnes âgées, on le voit assez fréquemment - je
pense bien qu'on a dû attirer l'attention du ministre là-dessus
-et ça pose des problèmes réels.
Et, quand je parlais d'une responsabilité à confier
à un CLSC, c'était dans mon esprit, davantage en ce qui avait
trait aux centres d'accueil, aux hôpitaux de soins de courte
durée, à ce genre d'établissements ou aux autres services,
pour porter une plainte par rapport au traitement qu'on a eu dans un cabinet de
médecin. On pense souvent à nos institutions, mais il faudrait
peut-être aussi penser au privé. Ça ne veut pas dire que,
parce que c'est privé, c'est nécessairement tout a fait
équitable et juste à l'endroit des bénéficiaires.
Alors, je voudrais vous rassurer: en ce qui a trait aux hôpitaux
psychiatriques, je partage votre avis que c'est utile.
Est-ce que vous ne pensez pas qu'avec l'idée de créer des
postes permanents il faudrait envisager la rotation des ombudsmen dans les
établissements? Au cours des années, il finit par se créer
ou des tensions ou encore des connivences, c'est humain. Et la façon
d'éviter ça: tous les cinq ans, on fait un peu comme dans les
paroisses où les curés changent à peu près aux cinq
ans; on fait faire une rotation de manière à éviter les
pièges de cette fausse sécurité que serait quelqu'un qui
finit par être une institution dans l'établissement.
Mme Charbonneau: Dans l'évaluation onta-rienne qui a
été faite, du bureau de défense des droits, c'était
une remarque qui était faite et qui réapparaissait judicieuse. Ce
n'est pas un dossier sur lequel nous avons réfléchi, mais,
effectivement, oui.
Mme Blackburn: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Verdun, une courte question?
M. Gautrin: Brièvement, Mme la Présidente. Je pense
que vous avez deux recommandations: une première qui est
d'enchâsser dans la loi le principe d'un ombudsman, et vous avez
plaidé avec beaucoup d'éloquence sur l'importance et la
nécessité, dans les hôpitaux psychiatriques, d'avoir un
ombudsman. La deuxième recommandation, c'est - et je pense que c'est
implicite - qu'un ombudsman doit être indépendant de
l'administration en place. Vous demandez que ce soit rattaché à
une structure qui soit différente des conseils d'administration ou des
gestionnaires des hôpitaux psychiatriques. Est-ce que, dans votre
expérience - et je comprends qu'il y a à peu près huit ou
neuf ombudsmen qui fonctionnent - le fait que vous soyez rattachée
à des conseils d'administration a posé des problèmes quant
à l'indépendance de vos fonctions et à votre travail, dans
votre expérience? Parce que j'ai un peu de difficulté. Je me dis:
Si on enchâsse le principe de l'ombudsman, si on précise
très clairement sa liberté d'action, est-ce que c'est
nécessaire de le rattacher réellement à un organisme
à l'extérieur de l'hôpital? Alors, est-ce que vous avez des
difficultés de fonctionnement ou est-ce que vous connaissez des
ombudsmen qui ont eu des difficultés de fonctionnement?
mme bourassa: vous voulez nous mettre sur la sellette. je pense
que ce n'est pas très compliqué à envisager, des conflits
d'intérêts potentiels.
M. Gautrin: Mais réels?
Mme Bourassa: Nous présentons ce mémoire à
titre d'individus, nous tenons à le souligner.
M. Gautrin: O.K.
La Présidente (Mme Marois): Juste une dernière
question. J'essaie de fouiller encore à travers votre mémoire et
à travers votre présentation, et je ne pense pas que vous en
faites une évaluation systématique. Si vous aviez à faire
- parce que, là, on a posé des questions sur les structures, sur
votre rôle, votre indépendance, vos outils, vos moyens - votre
bilan, dans le sens de l'impact réel que vous avez eu sur la correction
des situations qui vous ont été présentées, est-ce
que vous évalueriez que ce sont des résultats satisfaisants,
très satisfaisants que vous obtenez ou s'il y a vraiment des
résistances encore très sérieuses lorsque les plaintes
sont fondées et que vous recommandez, j'imagine, un certain nombre de
correctifs?
Mme Bourassa: Je pense que les réponses varieront d'un
établissement à l'autre. Mais je pense qu'étant
donné qu'il n'y a pas d'obligation de mettre en poste des ombudsmen
hospitaliers il y a quand même un souci de chaque administration de
tenter d'apporter des correctifs nécessaires, par exemple, pour
éviter des poursuites judiciaires, dans le courte durée. Il peut
y avoir certainement lieu de tenter d'assouplir les tensions et d'imposer
d'améliorer les services. La meilleure façon de ne plus avoir
besoin d'ombudsman, c'est d'offrir des services de qualité et des
services excellents. Donc, quelquefois, c'est la réponse qu'on peut
servir aux gens qui, on en a l'impression, nous ont trop vus, etc.
Donc, notre rôle n'est pas simplement celui de chien de garde.
Nous sommes là pour éduquer à la fois les
bénéficiaires sur leurs droits, mais aussi les employés de
l'hôpital qui doivent être respectueux et soucieux de viser
l'excellence dans leur travail. Je pense que, si c'est la position que l'on
peut adopter, nous n'avons pas à être perçus comme des
chiens de garde dans rétablissement, mais à rappeler à
tout le monde que nous devons travailler pour le mieux-être des
bénéficiaires. Je pense que quiconque oeuvre dans la santé
doit avoir ce souci constamment à l'esprit.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. On vous remercie de
votre contribution à nos travaux. Oui, Mme la députée de
Bourget, vous avez un...
Mme Boucher-Bacon: J'aimerais juste poser une dernière
question. Ma question s'adresse à Mme Bourassa. Vous recommandez, au no
1, l'enchâssement. Bon, c'est louable et le ministre en prendra bonne
note, mais j'aimerais savoir ce que vous feriez du cas de la vocation
carcérale de Plnel. Vous prévoyez l'enchâssement; alors,
pour l'ombudsman, est-ce que vous ne voyez pas un problème ou bien
est-ce que vous nous suggéreriez que l'institut Pinel ne soit plus une
institution universitaire?
Mme Bourassa: Non, je pense qu'actuellement, malgré les
efforts qui ont été faits plus par les comités de
bénéficiaires en milieu psychiatrique pour entrer en contact avec
Pinel, les bénéficiaires de Pinel demeurent très
isolés. Je n'ai pas beaucoup d'expérience par rapport à ce
qui se passe à Pinel, mais, selon nous, ces gens-là ont une
double problématique: pas nécessairement parce qu'ils sont
là à cause de leur délit, mais aussi a cause de leur
pathologie clinique. Donc, je pense qu'on ne peut pas les traiter
différemment...
Mme Boucher-Bacon: Donc, vous en feriez un cas d'exception
à votre recommandation? C'est bien ce que j'en déduis.
Mme Bourassa: Non. C'est que nous reconnaissons Pinel comme un
institut universitaire psychiatrique et carcéral, et c'est ça la
nuance.
Mme Boucher-Bacon: Comment voyez-vous l'enchâssement
à ce moment-là?
Mme Bourassa: Je pense que le législateur devrait
garantir, pour les détenus bénéficiaires, le même...
Vous savez, vivre constamment dans des lieux exigus devient très
difficile et, en plus, il n'y a pas seulement les relations entre les
employés versus les patients, mais entre, je dirais, dominants et
dominés. Je pense qu'il y a un souci de... Ce sont des malades et on
doit aussi offrir des services humains à ces personnes.
Mme Boucher-Bacon: Merci. Mme Bourassa: Merci, madame.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Nous suspendons nos
travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 48)
(Reprise à 15 h 11)
Direction du programme d'ergothérapie de
l'École de réadaptation de l'Université de
Montréal
Le Président (M. Joly): Nous allons reprendre nos travaux.
Je demanderais aux représentants de la Direction du programme
d'ergothérapie de l'École de réadaptation de
l'Université de Montréal de bien vouloir s'approcher, s'il vous
plaît, et prendre place. Bonjour, mesdames. Bienvenue.
J'apprécierais si la personne responsable pouvait s'identifier et
identifier la personne qui l'accompagne.
mme ferland (francine): mon nom est francine ferland, je suis
directrice du programme d'ergothérapie à l'école de
réadaptation de l'université de montréal. il me fait
plaisir de vous présenter mme micheline saint-jean qui est professeure
agrégée et membre du comité de programme
d'ergothérapie à l'université de montréal.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Je vous rappelle
brièvement les règles de procédure. Nous consentons une
vingtaine de minutes pour l'exposé de votre mémoire ou moins et,
par après, les deux formations se réservent le plaisir et le
loisir de vous questionner et peut-être d'essayer de répondre
à certaines de vos questions. A vous, madame.
Mme Ferland: D'accord. M. le Président, M.
le ministre, mesdames, messieurs les députés, nous vous
remercions de votre invitation et c'est avec beaucoup de plaisir que nous
voulons partager les réflexions qu'a suscitées l'avant-projet de
loi chez les professeurs d'ergothérapie de l'Université de
Montréal. Je voudrais, au départ, vous préciser
qu'étant donné que les recommandations que nous avons
acheminées étaient quelque peu succinctes nous avons cru bon
d'élaborer davantage notre idée. Nous représentons un
programme universitaire de formation professionnelle. Nous offrons, en effet,
la formation universitaire de base aux futurs ergothérapeutes. Il peut
être intéressant de savoir que le programme de l'Université
de Montréal a été le premier programme
d'ergothérapie en langue française au monde. Former des
professionnels de la santé et, en l'occurrence, des
ergothérapeutes, représente pour nous une responsabilité
sociale. Offrir un programme qui soit de haute qualité, qui s'adapte
bien aux besoins de santé de gens et qui s'inscrit bien dans les
orientations des services de santé, c'est le défi qu'on a
à relever. Quand on réussit cette entreprise-là, on a
l'impression qu'on contribue à l'amélioration des services de
santé au Québec.
Le réseau des services de santé et des services sociaux
représente le principal employeur de nos finissants. En effet, on
retrouve des ergothérapeutes dans les CLSC, dans les centres
hospitaliers généraux, spécialisés, psychiatriques,
dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée et,
aussi, dans les centres de réadaptation. De plus, nos étudiants
reçoivent leur formation clinique dans les différents
établissements lors de stages pratiques. Vous comprendrez notre
intérêt à l'avant-projet de loi sur les services de
santé et les services sociaux. Les principaux points que l'on
désirerait soulever sont la réadaptation et ses implications dans
l'avant-projet de loi, la place des professionnels de la santé dans la
structure administrative, l'enseignement et la recherche.
De par leur formation, les ergothérapeutes sont des intervenants
importants dans les services de réadaptation. Et c'est avec plaisir
qu'on a constaté que les services de réadaptation physique et
mentale étaient identifiés dans les centres hospitaliers,
à l'article 28. Il nous a semblé également tout à
fait opportun de les retrouver dans les centres d'hébergement et de
soins de longue durée, à l'article 30, de même que dans les
centres de réadaptation, à l'article 31.
La réadaptation, c'est un processus qui s'échelonne dans
le temps et qui, en vue de favoriser un fonctionnement optimal de l'individu
dans son milieu, vise à diminuer les séquelles qui peuvent
être laissées par une maladie, un handicap, une incapacité,
que ce soit au plan physique ou mental. On peut identifier de façon
schématique l'implication de l'ergothérapeute à trois
niveaux dans ce processus: le premier, dans lequel on retrouve d'autres
Intervenants, concerne la récupération maximale des fonctions
atteintes. C'est ce qu'on peut identifier comme étant la
réadaptation fonctionnelle. Le deuxième vise la compensation pour
les fonctions qui n'ont pas pu être récupérées en
utilisant les capacités résiduelles. Et c'est là qu'on
retrouve l'utilisation d'aide technique, d'adaptation à domicile. Et la
troisième étape que l'on peut identifier, en quelque sorte, comme
l'objectif ultime de la réadaptation concerne la
réintégration dans le milieu, que ce soit au domicile ou dans le
milieu de travail.
Pour faire de tout ce processus une réussite, il est essentiel
que les structures du réseau favorisent une concertation administrative
entre les établissements et une concertation qu'on pourrait identifier
comme thérapeutique entre les professionnels des différents
établissements.
À notre avis, le bénéficiaire devrait être le
centre d'intérêt autour duquel gravitent les services de
santé et non l'inverse. Dans ce sens, les critères d'admission
des différents établissements doivent favoriser la
continuité des soins, doivent être congruents entre eux. Les
différentes structures doivent éviter le morcellement des
interventions, s'assurant, d'une part, que le bénéficiaire n'ait
pas à recommencer sa démarche à zéro lorsqu'il est
transféré dans un autre établissement et s'assurant,
d'autre part, que les différents services requis pour la
réadaptation du bénéficiaire lui soient offerts. À
titre d'exemple, on peut penser aux personnes victimes de traumatisme
crânien. Elles sont, en général, soignées en milieu
hospitalier durant la phase aiguë et, par la suite, la majorité
d'entre elles nécessitent un séjour en centre de
réadaptation. Or, certaines sont retournées à domicile,
d'autres peuvent demeurer pendant quelques mois dans le centre hospitalier
avant d'être transférées au centre de
réadaptation.
Quand on pense aux services de réadaptation, certains peuvent les
voir comme étant des services de luxe, des services très
coûteux. Si l'on considère la qualité de vie des personnes
concernées, à notre avis, il est important que l'État
offre les services de base permettant une qualité de vie acceptable.
Quand on parie de services de base en réadaptation, ça
peut être pour une personne qui doit se déplacer en fauteuil
roulant, avoir accès à une évaluation d'un fauteuil
roulant et avoir la prescription du fauteuil qui lui convienne. Ce type de
services doit être accessible à tous. Peut-être qu'on peut
voir une certaine iniquité dans l'accessibilité à nos
services. Si on regarde les individus qui sont victimes d'accidents de la route
ou d'accidents de travail, ils ont beaucoup plus de facilité à
arriver à la réadaptation parce qu'ils sont pris en charge par
deux organismes: la CSST et la RAAQ. Par contre, des personnes qui souffrent,
par exemple, de sclérose en plaques ou d'arthrite peuvent avoir de
réels
besoins pour arriver à obtenir des services de
réadaptation. Si l'on considère les enjeux économiques, II
faut les voir à long terme et comparer l'argent impliqué, par
exemple, pour la réadaptation d'un jeune adulte victime d'un accident de
la route qui, grâce à la réadaptation, peut
récupérer une partie de son autonomie et peut-être assumer
un travail adapté à ses capacités, avec les sommes que
doit défrayer l'État pour subvenir aux besoins de cette
personne-là tout au long de sa vie.
En santé mentale, où les ressources sont encore plus
restreintes, les services de réadaptation psychiatrique peuvent faire la
différence entre une réintégration sociale réussie
et une porte ouverte sur l'itinérance. En plus de la continuité
de soins entre les établissements, un autre facteur important pour
maximiser les services offerts est le travail en équipe
multidis-ciplinaire. Dans cet esprit, tous les intervenants d'un même
établissement devraient être considérés comme des
partenaires mettant en commun leur expertise spécifique pour le
mieux-être du bénéficiaire. Dans ce sens, tous les
professionnels concernés doivent être impliqués dans le
processus décisionnel en regard d'un bénéficiaire. Un
partenariat réel permettrait de maintenir chez les intervenants une
motivation, un intérêt certain pour leur travail parce que leur
participation serait valorisée par le système. Ce
véritable travail d'équipe permettrait d'assurer une meilleure
qualité de soins à la population et serait susceptible de
contribuer à l'humanisation des soins.
À ce niveau, nous avons cherché la place des
professionnels de la santé dans l'ensemble des structures
proposées. On a d'abord remarqué qu'au chapitre III, à la
page 8, on identifie le dossier du bénéficiaire comme
étant le dossier médical ou social et, de ça, on a compris
qu'on semblait faire l'équation entre services de santé, services
médicaux, donc dossier médical. Pourtant, les professionnels de
la santé contribuent à ce dossier et parler du dossier du
bénéficiaire nous semblerait plus approprié parce qu'il
permet aussi de replacer le bénéficiaire au centre des services
de santé offerts.
Dans les structures proposées, on a cherché la voie
administrative spécifique aux professionnels de la santé. On les
retrouve dans la composition du conseil consultatif du personnel clinique,
à l'article 105. Ce conseil consultatif fait des recommandations au
conseil d'administration. Le comité exécutif de ce conseil est
formé de cinq personnes de ce même conseil, du D. G., du D. S. P.
et si, dans l'établissement, il y a un conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens, d'un représentant de ce conseil. Et on a
trouvé étrange qu'on ne retrouve par l'équivalent dans la
composition du comité exécutif du conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens où il n'y a aucun représentant du
conseil consultatif du personnel clinique.
À l'article 104, on conserve la possibilité, si le plan
d'organisation le prévoit, qu'un directeur des services hospitaliers
soit nommé. A notre avis, ce directeur est essentiel dans tout
établissement embauchant des professionnels de la santé autres
que médecins et infirmiers, ces deux groupes ayant déjà
des structures précises. Les fonctions et responsabilités du
directeur des services hospitaliers doivent être clairement
établies. Les professionnels de la santé doivent avoir une voie
administrative qui leur soit spécifique puisque l'activité
professionnelle d'un centre n'est pas, à notre avis, que
l'activité médicale.
Les structures proposées devraient miser sur un véritable
partenariat évitant qu'une catégorie d'intervenants ne soient, au
plan administratif, laissés pour compte. Travailler dans un
système qui ne semble pas reconnaître de droits à un
certain groupe de travailleurs peut entraîner une importante
démotivation.
En plus de cette voie administrative spécifique pour l'ensemble
des professionnels, nous aimerions voir dans l'avant-projet de loi une autre
mesure susceptible de favoriser l'évolution de chacun des groupes
professionnels et ce serait le regroupement systématique de ceux-ci en
disciplines. Nous nous sentons particulièrement concernés par
cette mesure puisque, selon les normes nationales de formation en
ergothérapie, plus de la moitié de la formation clinique doit
être assumée dans des établissements où les
ergothérapeutes sont regroupés sous l'autorité d'un chef
de service de la même discipline.
Dans un tel contexte, on réalise facilement que le chef de
service est la personne clé pour évaluer la compétence
professionnelle et favoriser révolution de ce service.
Le dernier point que nous souhaitons soulever concerne la recherche et
l'enseignement. C'est avec plaisir que nous avons lu le sixième des
objectifs des services de santé et des services sociaux, à savoir
promouvoir la recherche et l'enseignement de façon à mieux
répondre aux besoins de la population. Malheureusement, dans les
articles suivants, on retrouve peu de moyens qu'entend se donner le
ministère de la Santé et des Services sociaux pour favoriser la
réalisation de cet objectif. En tant que programme universitaire de
formation professionnelle, nous nous sentons très
préoccupés par cette lacune.
À notre avis, si l'on veut répondre adéquatement
aux besoins de santé des Québécois et offrir des
interventions de qualité, une réflexion systématique sur
les interventions offertes doit être présente dans les milieux de
santé. Et c'est là qu'on retrouve la nécessité
d'une collaboration entre chercheurs et cliniciens. Dans notre secteur
d'activité, la recherche est en plein essor et elle est surtout de type
clinique et évaluatif. Le Fonds de recherche en santé du
Québec, le FRSQ, a démontré, depuis quelques
années, un
intérêt évident pour la recherche en
réadaptation. Cependant, il doit y avoir, dans les
établissements, une structure prévue pour favoriser une telle
recherche en milieu clinique, en termes, entre autres, de conditions d'accueil
et de types de collaboration.
Il serait aberrant de simuler en milieu artificiel des interventions
cliniques pour les évaluer. L'organisation administrative devrait donc
prévoir l'intégration des activités de recherche tout
comme l'enseignement universitaire. Précédemment, on a
mentionné que la formation clinique était assumée par les
ergothérapeutes du milieu clinique. Les ergothé-rapeutes
participent tout à fait à cette formation et reconnaissent
l'importance de leur contribution dans la formation de leurs futurs
collègues. Et c'est très précieux pour nous. Cependant,
les conditions faites à ces moniteurs cliniques ne sont pas toujours
faciles. Il serait important que, rapidement, interviennent des ententes entre
le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et le
ministère de la Santé et des Services sociaux pour régler
toute la question du financement de la formation clinique et pour qu'on en
arrive à de l'encadrement, à des structures qui favorisent
l'encadrement professionnel des stagiaires et à une infrastructure
permanente de soutien à l'enseignement.
Il faut réaliser que recevoir des stagiaires, c'est aussi un
apport pour le centre. D'ailleurs, c'est le commentaire qu'on reçoit des
ergothérapeutes qui accueillent les étudiants, de dire que c'est
très stimulant. Puisque la formation n'est pas que le miroir de la
pratique, il y a toujours les recherches les plus récentes, il y a
toujours la fine pointe dans les connaissances, et cet
élément-là est apporté dans le milieu clinique par
les étudiants. Donc, il y a vraiment un enrichissement mutuel et le
réseau contribue à la formation, mais reçoit aussi par
cette contribution.
Nous aimerions souligner que la formation que nous offrons se veut en
constant accord avec, évidemment, l'évolution des connaissances
de notre discipline, mais aussi avec les nouveaux besoins de santé de la
population. Dans ce sens-là, depuis l'instauration d'un nouveau
programme à notre université qui a vu le jour en 1986, à
la suite d'une révision majeure de notre ancien programme, les
caractéristiques que vous êtes susceptibles de retrouver chez nos
finissants et que nous espérons que vous retrouverez sont les suivantes:
comme toujours, une pratique polyvalente permettant de travailler auprès
de différentes clientèles dans différents milieux; une
autonomie professionnelle alliée à une capacité de
travailler en équipe; un approfondissement des connaissances
professionnelles, toujours comme à ses débuts, dans une approche
biopsychosociale de l'individu et une formation accrue quant à l'apport
de l'ergothérapie en santé communautaire, une formation accrue en
regard de la population vieillissante et une plus grande sensibilisation
à l'apport de nouvelles technologies.
En terminant, nous aimerions vous souligner que le programme
d'ergothérapie de l'Université de Montréal est conscient
du problème de pénurie d'ergothérapeutes,
identifié, entre autres, par le ministère de la Santé et
des Services sociaux, et est conscient aussi de l'impact d'une telle situation
sur les services de santé. Soyez assurés que notre programme met
tout en oeuvre pour trouver une solution à ce problème et ce,
dans les plus brefs délais. Nous osons espérer que les instances
supérieures, à savoir le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science, de concert avec les autorités
universitaires, nous donneront les moyens pour nous permettre d'appliquer de
véritables solutions.
Nous vous remercions de votre attention et nous sommes disponibles pour
élaborer, si vous le souhaitez.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Ferland. Je vais
maintenant reconnaître le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Peut-être, d'abord, pour mon information personnelle -
et j'accepte d'emblée de la partager avec mes collègues
députés - ergothéra-peute, c'est premier cycle
universitaire?
Mme Ferland: Actuellement, c'est une formation de
baccalauréat, effectivement, de premier cycle universitaire, et les
bacheliers peuvent avoir accès à des études
supérieures également.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Et il s'en forme
combien par année?
Mme Ferland: À l'Université de Montréal,
jusqu'en septembre dernier, on en avait 50 par année et, l'automne
dernier, en septembre 1989, l'université a augmenté la
capacité d'accueil: on en a accepté 75...
M. Côté (Charlesbourg): Et...
Mme Ferland: ...avec un corps professoral de...
M. Côté (Charlesbourg): Le même corps
professoral.
Mme Ferland: Quelques ajouts, quand même.
M. Côté (Charlesbourg): Disons que vous en faites
plus...
Mme Ferland: Quelques...
M. Côté (Charlesbourg): ...avec le même
personnel; c'est bien, ça.
Mme Fertand: Mais disons qu'on a eu quand même quelques
ajouts, parce que...
M. Côté (Charlesbourg): On va demander au
réseau d'en faire autant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ça s'enseigne
ailleurs, me dit-on, à Laval peut-être?
Mme Ferland: Laval, McGill et Montréal.
M. Côté (Charlesbourg): Et il y en a combien par
année de formés, dans l'ensemble des universités?
Mme Ferland: Â McGIII, c'est une soixantaine, à
Laval, 45 et à Montréal, maintenant 75.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que tout le monde
réussit à se trouver un emploi?
Mme Ferland: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Oui?
Mme Ferland: Quand on parle de pénurie... Il y a eu le
rapport qui a été déposé en décembre et un
groupe de travail sur la pénurie en ergothérapie qui
réunissait les différentes instances. Il y avait quelqu'un du
ministère aussi. Et c'était évident. De notre
côté, on reçoit des appels d'employeurs qui veulent venir
rencontrer des ergothérapeutes, quand ils commencent leur
troisième année, pour s'assurer qu'ils pourront en avoir,
éventuellement. Alors, c'est une pénurie qui est tout à
fait réelle.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, ce que je comprends,
c'est que la corporation professionnelle qu'on a entendue hier n'a pas à
s'inquiéter, sur le plan de l'existence. Ce n'est pas parce qu'elle
s'inquiétait, mais ça semble promu à un avenir assez
intéressant si...
Mme Ferland: Oui. Il y a une chose qui est peut-être
caractéristique, c'est qu'au moment où il y a eu la crise, au
début des années quatre-vingt, c'est un moment où il y a
eu, malgré l'époque de crise, des ouvertures de postes. Je pense
que c'est peut-être la pratique polyvalente qui est rentable,
finalement.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Joly): Oui, monsieur.
M. Chevrette: ...je voudrais juste demander au ministre de jeter
un coup d'oeil au-dessus de l'épaule de madame et il va voir sourire la
corpo.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. D'ailleurs, je n'ai
même pas besoin de regarder au-dessus parce que...
M. Chevrette: Ha, ha, ha! Tu la vois, là. (15 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): ...le regard est direct.
O.K. Le conseil d'administration, évidemment, c'est une question
qui est soulevée avec beaucoup d'intérêt par les
professionnels de la santé, particulièrement, puisque, dans
l'avant-projet de loi, la décision était de les exclure. On
arrive avec des modèles différents. Des gens disent: Bon,
parfait! Il faut en tenir compte, il faut les intégrer au conseil
d'administration parce que c'est une expertise dont on ne peut pas se priver.
C'est vrai. Je pense qu'au bout de la ligne, s'il y a une vérité,
c'est celle-là. Par contre, on arrive avec des variantes de proposition
pour éviter tout conflit d'intérêts potentiel et faire en
sorte qu'on puisse les faire participer dans des institutions où ils ne
travaillent pas. Est-ce que c'est votre avis aussi?
Mme Ferland: Quand on parlait des conseils d'administration, je
pense qu'il est important qu'on aille chercher cette expertise. Et je pense que
c'est une logique implacable que, peut-être, ce soient des professionnels
qui viennent d'un autre établissement.
M. Côté (Charlesbourg): L'autre
élément qui a été recherché à
l'époque, donc, la possibilité de conflit
d'intérêts, est éliminé à ce
moment-là. Â tout le moins,* s'il y en a un, il est plus faible.
La solidarité envers des collègues professionnels. Â tout
le moins, on aura atténué, si jamais c'est possible.
L'autre problème au niveau des conseils d'administration est
celui, bien sûr, d'un équilibre à trouver entre ce qui est
permanent au niveau de l'institution, que ce soit le D.G., que ce soit dans
certains cas des médecins ou d'autres professionnels, et qui occupent
une place extrêmement importante, pas numériquement, mais de par
leur présence, leur connaissance des dossiers, leur vécu,
à l'intérieur de l'institution. Évidemment, les conseils
d'administration sont vite noyés. Il n'y a pas de véritable
partenariat. C'est pour ça que j'ai posé la question au
début de la commission. Ce n'est pas nécessairement
évident que celui qui décide est celui qui mène.
Peut-être que celui qui mène est celui qui décide, avec
toutes les subtilités que ça peut...
Qu'est-ce qu'on fait pour maintenir cet équilibre? Effectivement,
il faut avoir un équilibre au niveau des conseils d'administration.
Qu'ils soient unifiés ou pas, de toute façon le problème
va être le même. Je pense qu'on a compris que, dans certains
domaines spécifiques,
les conseils d'administration unifiés ne seront pas très
utiles. On en a eu des démonstrations ce matin. J'imagine qu'on nous
dira la même chose cet après-midi. Mais pour désigner les
professionnels à des conseils d'administration, qui devrait le faire? Le
ministre, la régie régionale, parce qu'on a dit qu'il y aurait
une instance régionale, les bénéficiaires...
Une voix:... décentralisé.
M. Côté (Charlesbourg): Oui,
décentralisé. Ou si ces nominations doivent relever d'un
partenariat des professionnels? Comment ce partenariat va-t-il s'exercer? On a
le même problème aujourd'hui. Ce n'est pas évident que
partout il y a un partenariat ou cette com-plémentalité... Ce
n'est pas évident. Alors, qui devrait les nommer?
Mme Ferland: J'aurais le goût de prendre un repos, une
minute et laisser ma collègue répondre, peut-être...
Mme Saint-Jean (Micheline): C'est gentil, très gentil.
M. Chevrette:... la question.
Mme Saint-Jean: Je pense que ce partenariat qui doit être,
comme vous dites, au niveau des conseils administratifs et la nomination de ces
conseils administratifs peuvent dépendre de plusieurs facteurs, à
savoir: la régie, les pouvoirs de cette régie, la composition de
la régie. On s'interrogeait effectivement sur la superstructure d'une
régie régionale. Je pense que le besoin semble être assez
évident pour répondre à des besoins spécifiques de
chacune des régions. Mais est-ce que la superstructure régionale
va permettre la complémentarité? Ceci étant dit, est-ce
que, si le ministre veut bien nommer ou prendre en charge ce problème,
je pense...
M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes prête
à lui laisser.
Mme Saint-Jean: Je suis prête à vous le laisser. Ce
que nous voulions faire ressortir, ce qu'on a lu dans l'avant-projet de loi,
c'est qu'il y a un partenariat au niveau des structures administratives pour
permettre la participation de chacun des intervenants, le
bénéficiaire étant au centre des interventions, et que
ça doit se traduire aussi dans une pratique quotidienne de chacun des
intervenants. Pour nous, c'est assez primordial que ce ne soit pas confondu
dans... On a souvent l'impression que les professionnels de la santé
sont un petit peu pris, je dirais en sandwich, entre les structures
administratives que je dirais de type plus fonctionnaire, l'administration
pure, et un autre type de structure médicale et nous, entre ces deux
structures qui, des fois... Oups!
M. Côté (Charlesbourg): Pourtant, on essaie de faire
la lumière.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Saint-Jean: Dois-je conclure que c'est mon "cue" pour me
taire? Je disais qu'entre ces deux éléments de structure,
souvent, on a l'impression que les professionnels de la santé sont un
peu coincés et ça a des répercussions dans une pratique
quotidienne clinique...
M. Côté (Charlesbourg): En termes clairs, si
j'essaie de traduire...
Mme Saint-Jean:... dans vos mots.
M. Côté (Charlesbourg):... mon vécu à
moi, c'est qu'à l'occasion vous pouvez être pris entre les
médecins et le directeur général.
Mme Saint-Jean: Oui.
M. Côté (Charlesbourg):... et ce n'est pas toujours
évident que c'est complémentaire.
Mme Saint-Jean: C'est ça. M. Côté
(Charlesbourg): O. K.
Mme Saint-Jean: Tout à fait.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, évidemment,
ça, c'est le vécu d'aujourd'hui. On s'attaque à la
structure pour changer ces choses-là alors que je pense qu'on doit faire
évoluer aussi des mentalités. Si on ne réussit pas
à faire évoluer les mentalités, je pense qu'on aura
beaucoup de problèmes, énormément de problèmes.
J'ai encore frais à la mémoire notre commission d'avant les
fêtes sur les sages-femmes où... Vous avez fait
référence tantôt à "médical", donc, je me
rappelle que la naissance est un acte médical. Ça avait
été frappant durant cette commission parlementaire, alors que
d'autres prétendent que c'est un acte naturel avec tout ce que ça
suppose comme difficulté de bien arrimer toutes ces définitions
dans le vécu quotidien. Évidemment, tout ce beau monde, les
médecins, le directeur général, les professionnels de la
santé ont toujours comme objectif le bénéficiaire...
Mme Saint-Jean:... disent-ils.
M. Côté (Charlesbourg):... disent-ils. ah! parfait.
bon, j'apprécie beaucoup que vous ajoutiez ce petit bout de phrase parce
que, effectivement, je voulais dire la même chose: disent-ils. alors que
dans le quotidien, ce que l'on essaie, c'est de faire des choses ou d'apporter
des modifications qui vont amener une
dynamique nouvelle sur le plan du partenariat, sur le plan de la
complémentarité. Je pense que, dans certains cas, on va
peut-être être obligés de le forcer, mais le seul moyen pour
nous de le forcer, c'est de s'adresser à la structure parce que c'est la
seule place où on a une certaine poigne sur le plan législatif,
et tenter de la faire appliquer par après. Mais ça n'a pas
nécessairement changé les mentalités, ça. Ça
a juste donné un moyen d'être capable de l'appliquer et de faire
appel au sens des responsabilités de ceux qui y travaillent.
Une petite Information puisque, dans votre mémoire, à la
première page ou à la page 2, vous parlez de professionnels de la
santé non médecins ou infirmiers et vous dites au centre du
paragraphe: "Qu'un directeur des services hospitaliers soit nommé. "
Évidemment, ce n'est pas dit comme tel dans la loi pour la simple et
bonne raison qu'on se retrouve dans certaines situations au niveau de CLSC, au
niveau de centres d'hébergement très petits qui n'en ont pas et
qui n'en ont pas besoin. À ce moment-là, si c'était inclus
dans la loi, il aurait l'obligation... C'est pour ça que la porte
était un peu plus ouverte pour laisser la souplesse de... Étant
bien entendu que l'obligation est là pour d'autres.
Mme Ferland: Juste une chose peut-être à ajouter
à titre d'Information...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Mme Ferland:... c'est qu'actuellement, quand vous regardez sous
l'autorité de qui se trouvent les ergothérapeutes, il y a
vraiment des choses très différentes. Dans certains milieux,
ça peut être le directeur des services infirmiers; dans d'autres,
ça peut être le DSP; dans d'autres, il y a un directeur des
services hospitaliers, ce qui fait qu'il n'y a aucune structure comme telle. On
sait que normalement, si on travaille comme professionnel, on relève
d'un endroit. Mais je suis d'accord avec vous en termes des CLSC,
évidemment.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
qu'il faut se poser la question très sérieusement pour
éviter ce que vous évoquez.
Mme Ferland: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière question
à ce moment-ci. Vous avez parlé de recherche et de
réadaptation. Je ne sais pas si vous étiez ici ce matin, mais on
fait un bon bout sur le plan du constat et on a partagé le constat de ce
que les gens nous disaient ce matin en termes de recherche en
réadaptation. Il n'y a pas eu d'efforts substantiels de faits de la part
de nos chercheurs et, comme vous êtes du milieu universitaire, il faut
bien dire aussi du milieu universitaire, parce qu'on est plongés aussi
dans le milieu universitaire dans le biomédical en termes de recherche.
En tout cas, disons, pour bien se comprendre, ayant fait une majeure et une
mineure, disons que le majeure est en biomédical et que la mineure
mineure est en réadaptation. Dans ce cas-là, on a une part de
responsabilité parce qu'il faut envoyer, nous aussi, un signal au Fonds
de recherche en santé du Québec mais ce ne doit pas être
épars; ça ne doit pas être: chacun doit avoir sa petite
cellule de chercheurs. Il faut inévitablement que cette recherche soit
concentrée et c'est pour ça qu'il y a maintenant des consortiums
à Montréal et à Québec sur le plan de la recherche
en réadaptation pour être capable de bien canaliser la recherche
et faire en sorte qu'on ne soit pas épars partout parce que ça
risquerait de donner des résultats très épars.
Évidemment, je pourrais vous demander quelle est votre
Idée sur les consortiums. Ça ne fait pas assez longtemps qu'ils
sont en place pour être capable de s'en faire une bonne idée et
des changements à apporter, mais il est évident que par votre
intervention, ce que vous souhaitez, c'est qu'on fasse davantage de recherche,
un peu plus d'accent sur la recherche en réadaptation. C'est ce que j'ai
compris des messages et, là-dessus, Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): merci. m. le mi- nistre. je vais
maintenant reconnaître m. le leader de l'opposition et
député de joliette, m. chevrette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Moi, je voudrais
vous dire que je vais essayer d'aller peut-être plus loin que vous,
ça va vous surprendre. Je pense que dans notre système actuel des
personnes sont maintenues dans des lits de soins de courte durée, qui
sont chroniques et à qui on n'aide pas et qui nous coûtent 350 $
par jour alors que si elles étaient, soit dans un pavillon à 22 $
par jour, une famille d'accueil à 15 $ par jour, un centre d'accueil
à 70 $ par jour mais qu'on leur donnait un service d'ergothérapie
qui les conserve de plus en plus autonomes, le plus longtemps possible,
ça serait une économie en termes de coût social d'une
façon extraordinaire. Donc, je me prononce d'emblée en faveur de
tout ce qui s'appelle recherche, tout ce qui vient renforcer, si vous voulez,
ou qui vient supporter davantage la personne dite âgée, en
particulier dans un contexte de développement de l'autonomie.
Je regardais les statistiques du vieillissement et c'est effarant. Vous
avez des bouchées doubles à rattraper et tout le monde dans notre
société, en général... Quand je pense qu'en l'an
2000 - on n'est pas loin de là, c'est dans dix ans - il y en aura 13, 7
% qui auront 65 ans et plus, qu'il y en aura 16, 7 % en l'an 2011, c'est dans
20 ans, c'est une génération, pas plus que
ça. 27 % en l'an 2031, ce n'est pas des farces, et quand on sait
qu'il y a 6,3 fois plus de soins et de services donnés aux personnes de
65 ans et plus, c'est une aberration. Il y a de quoi en faire frémir une
société et, entre vous et moi, non pas seulement dans le domaine
de la santé, il va falloir que les gouvernements pensent en fonction des
régimes de rentes, etc. Quand on regarde les statistiques de
vieillissement du genre où on était sept personnes à payer
pour une, on va se ramasser, je crois, dans 25-30 ans d'ici à trois
personnes à payer pour une. On n'a pas le choix. Il faut
réfléchir rapidement, il faut prendre le taureau par les cornes,
il faut rattraper le temps perdu et moi, c'est pour ça que je n'aurai
pas de question à vous poser. J'ai été convaincu par la
corpo hier, puis vous ne faites qu'ajouter à l'importance. Je vous dis
merci du témoignage que vous faites.
Mme Ferland: Merci.
Le Président (M. Joly): Est-ce qu'il y a un mot de la fin
ou une conclusion?
M. Côté (Charlesbourg): Merci bien. Je suis
très heureux de voir que malgré tout ce qu'on dit sur la place
publique sur le plan universitaire, qu'on forme des gens qui n'ont pas
d'emploi, que ça ne soit pas votre cas, en vous souhaitant que ce soit
de même pour de nombreuses années, évidemment. Merci.
Le Président (M. Joly): Alors, mesdames, Mme Ferland et
Mme Saint-Jean, je vous remercie beaucoup de votre présentation. Alors,
bon voyage de retour, merci de nous avoir éclairés.
Nous allons suspendre les travaux cinq minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 45)
(Reprise à 15 h 53)
La Présidente (Mme Marois): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission va reprendre ses travaux. J'inviterais maintenant les
représentants de la Table des directeurs généraux des
centres de services de réadaptation en mésadaptation sociale du
Montréal métropolitain à prendre place à la table.
J'inviterais M. le président, j'imagine, M. Patenaude, à nous
présenter les membres qui l'accompagnent et à faire état
de la position de cette Table.
Table des directeurs généraux des
centres
de services de réadaptation en
mésadaptation
sociale du Montréal
métropolitain
M. Patenaude (Pierre): Je vous remercie, Mme la
Présidente. Je voudrais vous saluer, ainsi que M. le ministre, M. le
leader de l'Opposition, Mmes et MM. les parlementaires. En commençant
par ma gauche, M. Gilbert Cardinal, vice-président de la Table et
directeur général de l'auberge des Quatre Vents, à
Saint-Donat; Mme Micheline Larose, à ma droite, membre de la Table et
directrice générale du Mont Saint-Antoine; M. Yvon
Guérard, membre de la Table et directeur général de
Rose-Virginie Pelletier; M. Gilles Langelier, membre de la Table et directeur
général de Boscoville; et moi-môme, Pierre Patenaude,
directeur général de Maison Notre-Dame de Laval.
Je pense tout d'abord important de-Pardon. J'ai un mal de gorge.
Ça va revenir. Je pense tout d'abord important de préciser que la
Table des directeurs généraux, malgré son nom, est un
regroupement d'établissements, qui est représenté par des
directeurs généraux. C'est un regroupement qui est fait sur une
base volontaire d'établissements et qui regroupe tous les centres de
réadaptation pour mésadaptés sociaux jeunes de
Montréal.
C'est un regroupement qui a été formé sur une base
volontaire, donc, pour favoriser les échanges, l'information, la
concertation et la complémentarité des services. Cette Table
regroupe l'ensemble des établissements qui sont au nombre de vingt,
à Montréal. Ces vingt établissements représentent
50 % de tous les établissements de la province qui offrent des services
aux jeunes mésadaptés sociaux. J'aimerais aussi préciser
que la Table ne va pas à rencontre d'autres regroupements tels l'ACAQ.
Les dossiers que l'on travaille sont des dossiers tout à fait
différents; ce sont des dossiers surtout professionnels, des dossiers de
concertation sur le territoire de Montréal et pour la clientèle
de Montréal.
Lev mémoire que vous avez entre les mains est un mémoire
qui traite strictement des centres francophones, donc de seize centres
francophones. Les centres anglophones ayant une problématique qui est
différente et qui leur est propre, ici, on ne traitera que des centres
francophones de Montréal.
La clientèle que nous desservons ou que nous recevons dans les
établissements de Montréal est une clientèle qui nous est
référée en vertu de trois lois: la Loi sur les services de
santé et les services sociaux et deux lois d'exception, la Loi sur la
protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes contrevenants.
Les seize centres qui sont membres de la Table ont approximativement
3200 places, donc offrent des services à au moins 3200 jeunes et, compte
tenu du roulement qui se passe dans ces centres, donc c'est une population
beaucoup plus importante que ça, et tout ça, dans 110 points de
services, autant en internat qu'en externat. Donc, c'est quand même, sur
un territoire comme Montréal, un réseau qui est assez vaste.
Qui est notre clientèle? C'est souvent une
clientèle de laissés-pour-compte. Ce sont des jeunes de
zéro à 18 ans qui ont des problèmes affectifs importants,
qui ont des problèmes familiaux importants. Ça peut valoir pour
toute la clientèle jeune de la province ayant des problèmes
d'adaptation. Particulièrement à Montréal, on pense que la
clientèle est particulière, compte tenu des problèmes
particuliers liés à une grande ville, des problèmes
d'urbanisation importants. Ce sont des jeunes qui sont violents ou qui peuvent
être violents. Ce sont des jeunes qui sont dans le métro et dont
on lit les exploits dans le journal presque tous les matins. Ce sont des jeunes
qui font partie de gangs, soit parce qu'ils en sont membres, soit parce qu'ils
en sont victimes. Ce sont des jeunes qui sont des souteneurs, dans certains
cas, qui sont des jeunes prostitués, dans d'autres cas. Ce sont des
jeunes qui commettent des vols à main armée ou des cambriolages.
Ce sont des jeunes incestués. Il y a énormément d'inceste
qui se produit et les jeunes se retrouvent très perturbés et,
donc, par la suite, évidemment, vivent des problèmes importants.
Ce sont aussi des jeunes qui ont des problèmes particuliers
découlant de la multiethnicité. Montréal,
particulièrement, sur le plan de la multiethnicité, ayant
beaucoup de groupes ethniques différents, l'émergence de
problèmes commence à se faire sentir d'une façon
importante. Il y a là, nous pensons, un problème particulier
qu'il faudra, un jour, regarder sérieusement. Ce sont aussi des jeunes,
évidemment, qui sont pris dans des réseaux de drogues, soit comme
vendeurs ou soit comme consommateurs ou autrement, mais qui ont des
problèmes de drogues aussi importants. Ce sont aussi des adolescentes,
comme les quatre qui sont mortes, la semaine dernière, dans un incendie
à Shawbridge dont vous avez entendu parier, incendie qui,
présumément, a été mis par deux autres
adolescentes. Donc, des jeunes qui vivent des problèmes tellement
terribles que, parfois, les gestes aussi sont terribles et les gestes sont
souvent incompréhensibles. Mais, les gestes, ils sont posés, et
c'est avec ces jeunes qu'on doit travailler.
Si on regarde le modèle qui nous est proposé dans
l'avant-projet de loi, on trouve que, encore une fois, malheureusement, le
modèle qui est proposé est un modèle qui est calqué
sur le modèle de la santé. Le social et particulièrement
les jeunes en difficulté n'ont pas souvent leur place. C'est une
clientèle qui est souvent laissée pour compte et qui môme
ici, encore là, est encore un petit peu laissée pour compte. Si
on regarde, par exemple, le rapport Rochon qui contenait des milliers de pages,
iI y avait quelques pages sur les jeunes en difficulté. Si on regarde
les orientations ministérielles, il y avait un paragraphe de quatorze
lignes, ce qui est peu, on pense, pour une clientèle et une population
si fragiles. C'est l'avenir de demain. Je pense qu'on doit s'en occuper d'une
façon particulière.
Donc, le modèle qui est proposé est un modèle qui
se juxtapose sur la santé et qui, jusqu'à un certain point, peut
même, à la limite, ressembler aussi à un modèle
scolaire. Ici, on ne voudrait pas que vous pensiez qu'on pose des jugements sur
soit le modèle de la santé ou le modèle scolaire. Ce n'est
pas notre propos. Sauf qu'on se dit qu'il serait peut-être temps qu'il y
ait un modèle qui soit spécifique au modèle social et on
pense que l'exercice n'a pas été fait pour le secteur social.
On retrouve, par contre, dans l'avant projet de loi des choses que l'on
trouve fort intéressantes - je pense que, dans la conclusion de notre
mémoire, on y fait référence et j'aimerais qu'on y
revienne peut-être un peu plus particulièrement - la
réaffirmation des grands principes et des préoccupations
reliées aux causes des difficultés et à la qualité
des services et aux droits des bénéficiaires. Effectivement, la
clientèle qui est desservie dans les centres de réadaptation est
une clientèle qui est fragile, est une clientèle qui vit des
problèmes, comme je vous l'ai dit tantôt, très particuliers
et très graves. Il serait important qu'on s'attaque aux causes de ces
problèmes, qu'on les traite évidemment, mais qu'on s'attaque aux
causes, qu'on essaie de les prévenir et qu'on regarde, dans ce
sens-là, la qualité des services que l'on offre directement
à cette clientèle. L'avant-projet de loi réaffirme les
objectifs là-dessus.
Un autre objectif avec lequel on est tout à fait en accord, c'est
la nécessité d'une plus grande concertation
interétablissements. Bon. Le fait que la Table des directeurs
généraux existe en est un exemple concret. Effectivement, avant
même qu'on nous oblige à faire de la concertation, il y a
longtemps qu'on en faisait. Il y a plusieurs années que la Table existe
et c'est une table de concertation. C'est une table où on traite des
dossiers de la clientèle, des dossiers concernant les programmes. Il y a
aussi différents dossiers, différents projets que l'on
mène en commun, soit entre nous, soit avec des organismes
communautaires, soit avec des CLSC. Et, dans ce sens, on croit qu'effectivement
la concertation est une valeur sûre qu'il faut définitivement
développer encore plus.
On croit aussi à une décentralisation en faveur d'une
instance régionale vigoureuse, une instance régionale en mesure
de prendre les décisions de façon à faire avancer les
dossiers, une instance régionale qui pourra aider à la
concertation des établissements et jouer le rôle de catalyseur que
toute instance régionale connaissant les problèmes locaux est en
mesure de jouer. On reconnaît également la nécessité
de trouver des modèles administratifs nouveaux. Effectivement, il y
aurait lieu de trouver des modèles administratifs nouveaux qui
favorisent des mises en commun, des partages d'expertise et des
expériences. À ce niveau, on n'a peut-être pas encore
trouvé nous-mêmes les modèles
administratifs qu'il faudrait mettre en place. Par contre, on peut vous
dire qu'on y travaille, présentement. C'est une réflexion que
l'on a amorcée déjà, il y a quelques mois, et à
laquelle on travaille très activement. D'ici quelques mois, on sera
peut-être en mesure de proposer des modèles administratifs qui
pourraient faire en sorte que les services rendus, au bout de la ligne,
seraient de meilleure qualité et seraient plus concertés que ce
qu'ils sont présentement.
Par contre, dans l'avant-projet de loi, on déplore des choses
avec lesquelles on est peut-être moins en accord. Je vous en ai parte
tantôt. Je voudrais y revenir parce que je trouve que c'est important.
L'avant-projet de loi ou ce qu'on retrouve dans l'avant-projet de loi s'inspire
grandement ou reflète grandement des modèles qui ne sont pas des
modèles qui reflètent les problématiques sociales du
Québec et les problématiques de la clientèle qui nous est
confiée. Il y a moult exemples qu'on pourrait relever à travers
l'avant-projet de loi où on parle de santé, où on parle de
médecins et où on est à peu près absents. On pense
que, au niveau de la clientèle, c'est important qu'elle se retrouve
spécifiquement dans ce projet de loi.
On déplore, peut-être, aussi le fait qu'on veuille
articuler ça avec des mécanismes lourds, uniformes. On pense au
conseil d'administration unifié. Quand on pense à 17
établissements qui auraient un conseil d'administration et qu'on regarde
strictement le nombre effarant de rapports, d'états financiers, de
budgets, de mémoires, etc., qui seraient présentés
à ce conseil-là, c'est absolument incroyable. Le conseil ne fera
que regarder des papiers et sera coupé de la réalité de la
clientèle, c'est important d'avoir un contact avec la clientèle,
de sentir la clientèle de façon à lui offrir les meilleurs
services possible.
On trouve aussi peut-être déplorable qu'on évacue du
système des milliers de bénévoles et là, on pense
à nos conseils d'administration qui sont des gens du milieu, qui sont
des gens qui viennent volontairement et bénévolement donner de
leur temps et qui apportent énormément à un
établissement, ne serait-ce que par leurs connaissances personnelles,
par leur vécu, leur expérience et leur compétence. Ce
qu'on remarque de plus en plus dans les conseils d'administration où
l'on siège, évidemment, c'est que les membres du conseil
s'intéressent toujours aux affaires administratives, aux affaires
financières, mais que de plus en plus les membres s'intéressent
aux programmes, aux services à la clientèle. Les questions sont
très précises là-dessus et de moins en moins la chose
administrative prend la place, et de plus en plus la chose plus programmes,
plus clientèle, plus services prend la place et ça, on trouve
ça fort intéressant. Il serait malheureux de se priver de cette
expertise de ces gens qui travaillent bénévolement et qui, je
pense, rapporte énormément.
Enfin, en augmentant les structures, en augmentant les paliers
décisionnels, on crée, nous pensons, une lourdeur. On pourrait
atteindre le même but et le même objectif - au lieu de créer
des structures - en employant tout simplement quelque chose qui est
déjà là, dont on parie depuis des années, mais qui
ne s'active pas de la façon dont ça devrait s'activer, et c'est
le plan de services. Tantôt, pour les membres de la commission, on pourra
expliquer en détail c'est quoi, le plan de services, si ça vous
intéresse; mais rapidement, le plan de services, on pense que ça
permet à un groupe d'établissements, soit du social avec des gens
du scolaire, avec des gens du communautaire, avec des gens des hôpitaux,
avec des gens de la justice, avec des gens de la police, tout ce
monde-là ensemble autour d'une table de trouver les meilleurs services
possible pour un jeune qui a des problèmes, donc de traiter le jeune
dans son entité au lieu de tirer un tiroir, de fermer le tiroir, de
retirer l'autre tiroir et de refermer l'autre tiroir, comme on le fait souvent,
malheureusement, là où l'on offre des services qui sont
très morcelés, au lieu d'avoir des services qui sont
concertés pour un individu qui a des besoins en particulier.
Donc, la Table des directeurs généraux des centres de
services de réadaptation rejette le modèle administratif d'un
seul conseil d'administration parce qu'on considère que c'est un
modèle qui est irréaliste et inapplicable, et
particulièrement à Montréal. On ne parle pas des autres
régions; on parle de Montréal. Compte tenu de l'ampleur des
activités (dans le mémoire, on retrouve une liste
d'activités qu'un tel conseil devrait régulièrement avoir)
on trouve aberrant qu'un conseil ait à avoir toutes ces activités
pour 17 établissements: ça fait une quantité de rapports
absolument incroyable et une quantité d'obligations imposées par
la loi qui est aussi énorme.
C'est aussi, on pense, irréaliste et inapplicable, à cause
du processus décisionnel qui va s'alourdir, et de beaucoup. Avant de
descendre à la clientèle, ça va passer par un nombre
Important de dédales administratifs, structurels, ce qui fait que le
client, en bout de ligne, on ne pense pas qu'il sera mieux servi; on pense
qu'il va être même servi peut-être un petit peu moins bien
qu'il ne l'est présentement.
La structure administrative proposée est loin de rencontrer les
intentions de concertation et de complémentarité
énoncées dans l'avant-projet de loi; elle renferme les
établissements dans un fonctionnement rigide, standardisé et
dépersonnalisé. Dans les établissements comme les centres
de réadaptation pour jeunes, on connaît la clientèle. Les
directeurs connaissent la clientèle. Les chefs de services connaissent
la clientèle. Et c'est important pour nous de connaître la
clientèle, de connaître les besoins de la clientèle. On
connaît même souvent des jeunes
en particulier, avec qui on peut parler, avec qui on peut aller chercher
ce dont ces jeunes ont vraiment besoin, pour sentir le pouls.
Évidemment, dans un établissement d'une envergure telle que 17
établissements ensemble, ça prend une proportion absolument
effarante et ça devient très gros. Évidemment, il y en a,
des gros établissements, on en connaît dans le milieu hospitalier.
Par contre, on se dit que, quand on y va comme client ou comme
bénéficiaire, on se trouve souvent très perdu parce que
c'est une grosse machine où c'est très standardisé,
où l'être humain ne trouve pas toujours la place qu'il devrait
trouver. On ne voudrait pas devenir comme ça parce qu'on pense que le
client, en bout de ligne, va être perdu là-dedans, d'autant plus
que c'est un jeune qui est déjà perturbé, c'est un jeune
qui a besoin d'affection, qui a besoin de chaleur. Et dans une grosse structure
absolument impersonnelle, on pense que ce serait terrible.
On aimerait mieux miser sur un réseau de services plutôt
que sur un réseau d'établissements. Les établissements, en
soi, ce sont des entités. Mais un réseau de services, donc, un
réseau faisant appel à la concertation, faisant appel à la
bonne volonté de tout le monde, de façon à mettre en
commun des choses, mais d'une façon sérieuse et d'une
façon encadrée, nous pensons que ça pourrait donner des
résultats absolument meilleurs que d'avoir des structures
différentes. Jamais, pensons-nous, la concertation n'a passé par
les structures. D'ailleurs, je pense que le passé prouve souvent que les
structures n'ont jamais amené la concertation, bien au contraire.
J'ai terminé là-dessus. Je vous remercie de votre
attention. Si vous avez des questions à nous poser, ça nous fera
plaisir d'y répondre dans la mesure de nos connaissances.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie de votre
présentation. M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je commencerai d'abord
par les conseils d'administration unifiés parce que, aux pages 7 et 8 de
votre mémoire, ça me paraît assez percutant, merci, comme
exemple. C'est peut-être l'exemple extrême, mais, à tout le
moins, c'est un exemple possible et réel. Donc, évidemment,
ça donne un peu jusqu'où ça peut aller. Évidemment,
quand tu parcours les deux pages, tu te dis: Ce n'est peut-être pas
nécessairement ce que le législateur pensait faire au moment
où il a...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment...
M. Chevrette: Une autre partie que vous n'endossez pas, M. le
ministre?
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Des voix:
Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Non, laissez-moi finir.
Cependant, ce que je comprends, c'est qu'il avait eu au moins la clairvoyance
de dire: II y a trois critères qui peuvent permettre effectivement de
faire en sorte qu'on n'ait pas de conseil unifié, reliés à
la culture, reliés à la géographie, donc au territoire, et
reliés au nombre, me dit-on. Parce que je n'ai pas été
dans le secret de tous les dieux au moment où ça a
été fait. Me dit-on, à l'époque, la moyenne
souhaitée ou espérée était à peu près
de quatre ou cinq établissements qui pourraient se regrouper. Ce que
j'ai compris lorsqu'on a interrogé les gens du secteur hospitalier, en
particulier, et même certaines personnes du social, c'est que regrouper
un certain nombre de services ou d'institutions qui donnent des services
différents sur un territoire donné, ce n'est pas une idée
qui est absurde. Même, bien du monde le souhaite. Le centre hospitalier
le souhaite, les médecins sont venus nous le dire, complémentaire
avec le CLSC, complémentaire avec un centre d'hébergement et tout
ça. Oui, ça a du bon sens. Évidemment, quand vous
interrogez les gens, on dit: Oui, bien, c'est le centre hospitalier qui doit
mener.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Quand tu arrives avec les
CLSC et que tu en paries aux CLSC, on dit: Bien sûr, ça a bien du
bon sens. Et c'est toujours pour le plus grand bénéfice du
bénéficiaire, mais c'est le CLSC qui doit mener.
Des voix: Ha, ha, ha!
(16 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Donc, l'idée
même d'unifier un certain nombre d'établissements avec des
services différents, complémentaires est attrayante.
Évidemment, lorsqu'on commence à penser qu'il y a peut-être
des choses qui vont... Il n'y aura plus quatre directeurs du personnel. Il n'y
aura plus quatre directeurs des services techniques. Il n'y aura
peut-être plus quatre... Je ne sais pas. Mettez-en, vous connaissez
ça, vous en aviez 17 tantôt. Multipliez. Évidemment,
là, on commence à toucher à l'être humain qui est
quasi en conflit quand il a à porter un jugement. Est-ce qu'il porte le
jugement pour le bénéficiaire ou s'il porte le jugement pour son
bien-être à lui? Évidemment, ce sont des frontières
difficiles à atteindre. Ce que je veux vous dire là-dessus, c'est
que vous avez un exemple qui est vrai et qui nous porte à
réfléchir jusqu'où on peut aller.
Je vous pose la question suivante. C'est vrai que se priver de 25 000,
30 000 bénévoles sur les conseils d'administration, c'est
questionnable. C'est vrai qu'on peut questionner le fait que, si
les représentants des services professionnels ne sont pas sur le
conseil d'administration, ou le D. G., on pense qu'on peut se priver d'une
expertise tout à fait exceptionnelle mais est-ce qu'il n'y a pas quand
même, malgré tout ça, duplication de services? Comment
fait-on pour être capables d'en arriver à ce qu'il n'y ait pas de
duplication dans l'offre de services? Comment est-ce qu'on fait ça sans
que ça puisse se faire par un conseil d'administration unifié?
Qu'est-ce qu'on pourrait se donner comme moyens pour être capables
d'atteindre ces buts? Il s'agit d'être sur le terrain pour s'apercevoir
qu'il y a des choses qu'on peut faire. Vous le savez encore bien plus que nous
autres. Nous, on est au central et on s'en fait passer et on n'en passe pas
souvent. On est bien ignorants de tout ce qui se passe. Imaginez-vous 950
établissements! Je peux vous dire rien qu'une chose: Si on savait tout,
je pense que les quelques cheveux qui me restent disparaîtraient. Mais il
y a certainement quelque chose à faire là, et vous le vivez
quotidiennement. C'est votre expertise que j'aimerais avoir et, si vous avez
des solutions...
M. Patenaude: Deux choses là-dessus. Tantôt, je vous
disais qu'on travaille et on réfléchit présentement, d'une
façon très sérieuse - d'ailleurs, on le dit dans le
mémoire - à des modèles qui pourraient effectivement
fonctionner. On n'a pas encore trouvé les solutions, on y travaille
présentement. Par contre, on dit aussi qu'on est prêts à
s'asseoir avec les gens du ministère de la Santé et des Services
sociaux, de façon à examiner avec eux les possibilités de
modèles administratifs qui pourraient rencontrer les objectifs que vous
énoncez, je pense, très bien. Les objectifs sont là.
La deuxième chose que j'aimerais dire là-dessus, c'est
qu'on pense aussi que les objectifs visés peuvent être
rencontrés - et je reviens là-dessus - avec le plan de services.
Le plan de services dont on a parlé un peu partout, à
différents niveaux - le rapport Harvey en a parlé, le rapport
Rochon en a parlé - mais qui, malheureusement, ne prend pas la place
qu'il devrait prendre. Là-dessus, si la régie régionale
dont on parle dans l'avant-projet de loi était installée avec les
pouvoirs qu'on voudrait lui donner, elle pourrait peut-être avoir les
guides nécessaires pour pouvoir installer ce processus de plan de
services qui, on pense, pourrait permettre de donner de meilleurs services
à la clientèle et, donc, d'éviter la duplication de
services qui peut, effectivement, se produire dans un réseau aussi vaste
que le réseau des affaires sociales.
Peut-être que mes confrères ou consoeurs voudraient ajouter
des choses là-dessus.
La Présidente (Mme Marois): Mme Larose, est-ce que vous
voulez intervenir?
Mme Larose (Micheline): Oui. Je voulais tout simplement ajouter
là-dessus que, si on a senti le besoin, à Montréal, depuis
plusieurs années, de se regrouper, de se former en table de
concertation, c'était justement parce qu'on voulait se donner des
mécanismes pour travailler ensemble et éviter le plus possible,
en tout cas, les duplications. Par exemple, tout dernièrement, des
centres de Montréal se sont associés pour faire le recrutement de
leur personnel éducateur, pour éviter de tomber dans le
piège du recrutement des infirmières, par exemple. On sait qu'il
y a certains établissements qui font même tirer des voyages en
Floride. On ne veut pas en arriver là. Avant d'en arriver là, on
s'est doté d'un mécanisme de concertation pour faire du
recrutement ensemble.
Un autre exemple - et il y en a des centaines qui se passent à
Montréal continuellement et, j'imagine, dans toutes les régions -
au Mont Saint-Antoine, on a développé une expertise avec une
unité de jeunes pour les arrêts d'agir, des jeunes qui ne sont
momentanément pas capables de suivre les programmes réguliers et
qu'on traite de façon un peu particulière, alors qu'un centre
voisin, qui est Boscoville, voulait se doter du même service en disant:
C'est coûteux. Nous, on a déjà fait l'expérience.
Alors, on a fait tout simplement une entente entre les deux
établissements et nous offrons le service à cet
établissement-là. Mais nous croyons en même temps que c'est
le rôle d'une régie régionale ou d'un conseil
régional, à l'heure actuelle, de le faire. Pourquoi ça ne
se fait pas? Est-ce que ça se fait dans d'autres régions?
Pourquoi est-ce laissé à l'initiative des établissements?
Je ne sais trop, mais ce qu'on dit, c'est que c'est peut-être heureux
aussi, finalement, que les établissements ressentent ce besoin-là
et se dotent de mécanismes comme nous pour en faire, de la
concertation.
La Présidente (Mme Marois): M. Langelier, vous vouliez
intervenir sur ça?
M. Langelier (Gilles): Peut-être un point à ajouter
en réponse à la question de M. le ministre. Comment pourrait-on
arriver à éviter les duplications ou les dédoublements?
C'est un fait qu'il y en a beaucoup actuellement et les jeunes en souffrent
aussi de toute cette segmentation, ce fractionnement dans l'organisation des
services. Quand, dans un certain nombre de travaux présentés
à la commission, présentés ici même aussi au cours
des années, on parlait d'un système client, d'une approche
clientèle, ça avait l'air encore dans ces années-là
assez vaporeux, assez conceptuel, mais on se rend compte à l'exercice
que c'est là une ligne vers laquelle il faut absolument aller. De quoi
ces jeunes-là ont-ils besoin? Ils n'ont pas besoin de bâtisses,
ils n'ont pas besoin de structures, de comités et de savantes personnes
qui se réunissent. Ils ont besoin de services de qualité et ils
ont surtout
besoin d'une relation avec des personnes solides dans une
continuité. C'est tout à fait à l'opposé de
l'organisation actuelle des services.
Il y a un délit qui est commis dans une station de métro,
le jeune est arrêté. Tout le processus s'enclenche. Quand il
arrive en centre de réadaptation, il a brûlé une quinzaine
de ressources précédemment et il reste à peu près
neuf mois pour faire un travail de qualité avec ce jeune-là.
L'organisation actuelle, dans ce contexte-là, nous empêche de
faire un bon travail; ça nuit, je pense, au jeune. Bien sûr,
ça permet des duplications, de l'évaluation, de la
surévaluation. Un jeune qui a 17 ans aujourd'hui et qui est en trouble
depuis l'âge de 8 ans, il a peut-être reçu des services
pendant deux ans et il a attendu les services pendant sept ou huit ans, pendant
qu'il était évalué dans des bureaux et tout ça.
Alors, c'est dans cette ligne-là et on ne pense pas que ce soit un
problème de structures ou de comités; c'est une façon de
travailler qu'il faut se donner. Quand M. Patenaude parlait du plan de services
tantôt, c'est là un instrument tout à fait
privilégié qui éviterait ce genre de chicane de
professionnels.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça
très très intéressant, mais je voudrais continuer dans la
même veine. Vous avez une expertise certaine. Vous vivez sur le terrain.
L'histoire du plan de services, je trouve que c'est une idée
intéressante et je vais plus loin dans mes questions parce que je suis
pour quelqu'un qui était à l'extérieur du réseau,
qui est là depuis quatre mois et qui essaie de comprendre. La principale
demande qu'on fait au ministre, c'est de l'argent: Donnez-nous de l'argent, on
va régler les problèmes et, autant que possible, allez en
chercher plus qu'il n'y en a, pas mal plus qu'il n'y en a là. J'ai dit:
Avec 10 400 000 000 $, je vais peut-être essayer de comprendre un petit
peu ce qui se passe dans le réseau et essayer de voir s'il n'y a pas des
duplications. D'abord, commencer a voir ce qui va et ce qui ne va pas et faire
en sorte qu'on puisse avoir davantage de complémentarité avant
d'aller chercher de l'argent additionnel.
Évidemment, j'aimerais vous entendre sur: CSS, DPJ
vis-à-vis de vous autres et de vos clientèles, parce que vous
êtes là aussi. Ça fait bien des intervenants. Tout ce
monde-là nous demande toujours de l'argent additionnel pour des listes
d'attente qui sont bien longues et, évidemment, c'est de l'ajout de
personnel et, inévitablement, le service va à la clientèle
aussi. Mais ce que j'ai remarqué au cours des dernières
années, c'est qu'on a effectivement ajouté de l'argent pour
traiter les listes d'attente, mais le volume de cas traités n'est pas
plus impressionnant que ce qu'était avant. Peut-être que les cas
sont plus lourds et nécessitent davantage d'attention; ça, c'est
fort possible. Mais j'aimerais vous entendre: Comment est-ce qu'on fait
là - parce qu'on est bien obligés de travailler avec des
structures, on en a là - d'abord, pour les comprendre et comment est-ce
qu'on va faire pour faire de l'approche clientèle, parce qu'on peut bien
se dire ça entre nous autres: L'approche clientèle et le plan de
services, demain matin, on fait l'arrimage de tout ça, comment? CSS,
DPJ, vous autres, comment est-ce qu'on fait ça?
La Présidente (Mme Marois): Oui
M. Patenaude: Ce dont M. Langelier parlait tantôt,
c'était des services en cascade. Quand on parle de jeunes,
effectivement, on demande de l'argent, on demande de l'argent. Il reste des
jeunes. Les jeunes se promènent énormément dans ce
réseau, en partant des familles d'accueil et en allant jusqu'aux centres
plus sécuritaires. Le jeune, souvent, arrive dans nos
établissements et en est à son troisième,
quatrième, cinquième et même jusqu'à son
vingtième placement avant d'arriver chez nous. Donc, on joue: essai
erreur. On va l'essayer dans une famille d'accueil; s'il la brûle, on en
prendra une autre, on va l'essayer ailleurs, jusqu'à ce qu'on arrive au
centre un peu plus structuré parce qu'on se rend compte de ce dont II a
besoin.
Je ne voudrais pas paraître revenir là-dessus, mais on
pense que la façon - en tout cas, ce n'est peut-être pas la seule
- l'une des meilleures façons de régler ça. c'est
effectivement le plan de services parce qu'avec un comité de plan de
services régional, on peut étudier. On le fait un peu avec les
personnes âgées, à Montréal, pour ceux qui
connaissent un peu le réseau des personnes âgées: on a ce
qu'on appelle un comité - je ne me rappelle pas le nom - où on
étudie chaque personne et on dit: Cette personne-là a besoin de
tant d'heures-soins; donc, elle a besoin de tel établissement. C'est un
peu ça le plan de services. Chaque intervenant pourrait regarder les
problématiques du jeune et dire: Ce jeune-là, ce dont il a
besoin, c'est d'une famille d'accueil. Parfait! Non, ce jeune-là, ce
dont il a besoin, même si c'est la première fois qu'il arrive dans
le réseau, c'est d'un centre structuré parce qu'il est rendu
là, au lieu d'essayer de le changer de place à chaque fois. Si on
se rend compte qu'un jeune, en dedans d'un an, passe par trois, quatre, cinq,
huit, dix ressources, évidemment, ce jeune-là prend de la place
qu'il ne prendrait pas autrement et on ne réussit à rien faire
avec ce jeune-là. Si on intervenait peut-être de la bonne
façon tout de suite, peut-être qu'on réussirait et
peut-être que le jeune, au bout de quelques mois, serait retourné
avec sa famille dans une vie normale tandis que, là, on le
promène d'une place à l'autre.
Évidemment, il y a les centres d'accueil, il y a la DPJ, il y a
le CSS. Le CSS est l'organisme référant des centres d'accueil.
Nous, les
jeunes qu'on reçoit, on les reçoit si le CSS nous les
réfère. Si le CSS ne nous les réfère pas, on ne
peut pas rien y faire, on n'a pas de contrôle ou d'influence sur le
réseau des familles d'accueil ou sur d'autres réseaux, on prend
la clientèle qui nous est envoyée. Par la clientèle que
l'on reçoit, on se rend compte souvent qu'on aurait peut-être pu
faire beaucoup plus. Quand un jeune arrive à 17 ans et 3 mois ou
à 17 ans et 6 mois et qu'on dit: Vous avez six mois pour essayer de
faire quelque chose avec lui, et qu'il est dans le réseau depuis
l'âge de 13 ans, c'est difficile parfois. C'est peut-être là
que ça passe, on revient au plan de services. M. le ministre, on pense
que c'est peut-être là une solution qui serait à
investiguer d'une façon particulière.
M. Côté (Charlesbourg): En recevant des petits
commentaires à gauche et à droite, parce qu'un ministre, il faut
tenter de l'emplir le plus possible pour qu'il comprenne.
Mme Larose: D'abord qu'il ne se laisse pas emplir!
M. Côté (Charlesbourg): Pardon?
Mme Larose: D'abord qu'il ne se laisse pas emplir, c'est
correct.
M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire qu'on
peut lui apporter bien des choses, on peut lui dire bien des choses. Dans ce
cas-ci, c'est lui qui va décider ce qu'il dit. En tout cas, c'est un
parallèle que je trouve intéressant: lorsqu'on est rendu chez
vous, on est rendu dans les cas les plus lourds. Donc, on est, chez vous, dans
le curatif, si on peut faire un parallèle avec la santé.
Qu'est-ce qu'on devrait faire demain matin? Parce qu'on dit beaucoup en
commission qu'on devrait faire le virage du préventif et, si on fait un
virage préventif, possiblement que ce sera moins lourd sur le plan du
curatif. Il en restera toujours de toute façon, je pense qu'on ne peut
pas éliminer ça demain matin, ce serait utopique. Mais avant
d'arriver chez vous, si vous aviez des décisions à prendre comme
ministre demain matin, parce qu'un plan de services, c'est lorsqu'ils sont
rendus chez vous, qu'est-ce qu'on devrait faire? Qu'est-ce que je devrais faire
ou conseiller à mes sous-ministres qui auront à décider
dans cette réforme-là? Qu'est-ce qu'on devrait faire pour tenter
de régler des problèmes avant que ça arrive chez vous?
Mme Larose: M. le ministre, plusieurs expériences
pourraient être tentées, par exemple, avec le réseau des
centres d'accueil, ne serait-ce qu'au niveau de la prévention. C'est
sûr qu'on a misé beaucoup sur la création des CLSC qui
devaient être la porte d'entrée du système. Rapidement, les
CLSC sont devenus des établissements de santé. Les programmes
jeunesse en
CLSC, il y en a très peu. À Montréal, on peut les
compter sur les doigts d'une seule main et ça, c'est, à mon point
de vue, assez Inquiétant. Bien sûr, les CSS ont tenté de
prendre la relève, mais, encore là, II y a une certaine
duplication. On a cantonné les centres de réadaptation avec toute
leur expertise simplement au niveau, à l'époque, de l'internat,
alors qu'on peut très bien, et qu'on le fait, d'ailleurs, beaucoup,
travailler à l'externe. Actuellement, on travaille de plus en plus sur
ce qu'on appelle nos listes d'attente. Avant que le jeune ait une place en
admis, on va travailler avec lui et ses parents, dans sa famille. Et puis,
souvent, ça a pour effet de lui éviter un placement ou un
placement trop long. Donc, on a plein de ressources qu'on utilise mal, qu'on
utilise mal parce qu'on n'est pas concertés, parce que, souvent, on
oublie le bénéfice du jeune pour se concentrer sur des objectifs
que je qualifie de plus corporatifs. Donc, il y a des choses à faire
avec les établissements qui sont déjà en place à la
condition qu'il y ait une volonté politique claire de faire en sorte que
tout le monde travaille ensemble et non pas chacun dans son petit champ
d'expertise. (16 h 30)
 Montréal, ça se complique du fait que le partage
avec les CLSC n'a pas été fait de sorte, comme je le disais
tantôt, qu'il n'y a pas de ressources jeunesse dans les CLSC ou
très peu. De plus, la police de Montréal a pratiquement aboli son
service de police à la jeunesse, de policiers éducateurs, dans un
temps et dans un lieu où il faudrait, au contraire, qu'on augmente les
effectifs.
Que fait le réseau scolaire? Comment se fait-il que le
réseau de la santé et des services sociaux ne prenne pas le
leadership pour l'obliger d'une certaine façon, et je viens du
réseau scolaire, à lâcher son mandat strictement
d'enseignement, mais à reprendre son mandat d'éducation? Il
pourrait travailler en collaboration avec nous. Au lieu de ça, on est
complètement coupés du réseau scolaire. À 15
heures, il n'y a plus une école d'ouverte ou très peu. On se bat
pour obtenir des services de garde. On parie de prévention. C'est de
choses comme ça dont il faut se parier. La ville a des
responsabilités. Les services de loisir ont des responsabilités.
Nous, à Mont Saint-Antoine, on est à côté du
métro Beaugrand; on est à côté de Place Versailles.
On collabore continuellement avec les surveillants de métro ou avec les
surveillants de Place Versailles, pas juste pour nos clients, mais pour la
clientèle de jeunes qui, à 14 h 50, sont lâchés
"loose" dans le trafic, alors que leurs deux parents travaillent, et ils sont
obligés de travailler, il ne faut pas oublier ça, non plus. Donc,
il faudrait que le ministère de la Santé et des Services sociaux
exerce un leadership ferme autour de la prévention et que ce ne soit pas
laissé à la seule initiative des établissements de dire:
C'est mon "boutte", la prévention; mêle-toi
pas de ça. Il faut que ce soit une affaire de concertation, pas
juste au niveau des établissements, au niveau du gouvernement d'abord,
au niveau des instances plus locales comme les villes et comme les MRC. Je
m'emporte...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Mme Larose: ...parce que ça me fâche toujours de
voir que des jeunes sont victimes de cette espèce d'inertie au profit
d'organisations qui vivent... Moi, je dis toujours qu'il y a certains services
sociaux qui existent actuellement, dans leur forme actuelle, qui pourraient
être sans clients pendant un an et qui ne s'en apercevraient pas,
tellement ils vivent pour leur propre organisation sans s'occuper vraiment de
leur clientèle.
M. Côté (Charlesbourg): Vous m'avez dit tantôt
que vous veniez du monde de l'éducation.
Mme Larose: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Je dois vous dire que moi
aussi.
Mme Larose: Ah bon!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, un des
handicaps très importants, c'est qu'on gère encore des
conventions collectives au lieu de gérer des ressources humaines.
Mme Larose: Des minutes, M. le ministre, des minutes.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Mme Larose: On
gère des minutes.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un des
problèmes très importants auquel il faudra s'adresser un de ces
jours, les ressources humaines. Le diagnostic posé dans le document qu'a
rendu public Mme Lavoie-Roux est, à ce niveau-là, assez clair.
Évidemment, on a du chemin à faire un peu avant de le partager.
Je me souviens de l'époque où j'étais enseignant,
c'était peut-être difficile à l'occasion d'avoir quelqu'un,
passé 16 heures, pour s'occuper des jeunes, pour toutes sortes de
choses. Ça, c'est tout notre contexte de conventions collectives qui
n'est pas facile à traiter.
On me signifie que mon temps est déjà terminé, je
trouve ça dommage. Mais je me traîne un petit calepin vert.
Ça, c'est l'espérance des solutions. J'ai un "item" qui est
marqué: Table des D.G. des centres de services de réadaptation,
mémoire 125; M. Patenaude, d'Ici deux mois, aura des solutions".
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, comme on
a encore huit semaines de commission parlementaire, ça vous donne le
temps de réfléchir, souhaitant que vous puissiez nous faire
parvenir des possibilités de solutions qui seront accueillies avec grand
plaisir.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Oui, je
pense, M. Langelier, que vous vouliez intervenir maintenant.
M. Langelier: Sur la question qui a été
posée tantôt. M. le ministre parlait des listes d'attente. J'ai le
goût de dire des grosses choses par rapport à ça.
La Présidente (Mme Marois): Oui, mais, juste avant que
vous vous engagiez et pour le profit des membres de la commission, est-ce que
vous avez actuellement de grandes listes d'attente dans vos centres et est-ce
que vous recevez toujours - parce que j'essayais de fouiller dans votre
mémoire - dans la grande région de Montréal, des jeunes
qui viennent de régions extérieures?
M. Patenaude: II n'y en a pas beaucoup comparativement à
ce qu'il y a déjà eu.
La Présidente (Mme Marois): Moi, je ne viens pas de
l'enseignement, mais du monde des services sociaux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Patenaude: II n'y en a pas beaucoup comparativement à
ce qu'il y a déjà eu, mais il y en a encore certains. À
Montréal, il y a certains centres qui ont des services très
particuliers qu'en province on ne peut pas s'offrir compte tenu de l'ampleur de
la clientèle. Il n'y a pas de clientèle, un ou deux jeunes qui
nécessitent ce genre de services. On pense, par exemple, à
Cité des Prairies qui reçoit parfois des jeunes de
l'extérieur. Mais c'est quand même beaucoup moins qu'avant.
Au niveau des listes d'attente, il n'y a pas, je pense,
présentement, de grandes listes d'attente, mais par contre - et je vais
vous parler du réseau des adolescentes, des filles en particulier, parce
que c'est celui-là que je connais le plus - on a présentement,
d'une façon permanente, douze places de plus que le réseau. Donc,
il y a une unité qui existe avec douze filles - et c'est constamment
plein - de plus que le réseau officiel ne retrouve sur papier. Donc,
évidemment, ça ramasse la liste d'attente. O.K.?
Ce qui arrive, c'est que souvent II y a des mouvements de
clientèle et on se rend compte avec le temps que la clientèle,
effectivement, est plus lourde - tantôt, je vous décrivais des
phénomènes - ce qui fait qu'à un moment donné
on a peut-être moins besoin, dans certains cas, de ressources plus
légères et, des fois, des ressources plus lourdes. Il peut y
avoir des places libres dans les ressources légères et manquer de
places dans les ressources plus lourdes. Par contre, à d'autres moments,
c'est le contraire qui peut se produire. Donc, ce n'est pas facile de trouver
le bon dosage de places versus les problèmes qu'on rencontre avec les
jeunes qui sont là.
Présentement, peut-être que mes confrères et
consoeurs pourraient... Mais je ne pense pas qu'il y ait de grandes listes
d'attente.
La Présidente (Mme Marois): M. Langelier, vous vouliez
ajouter une phrase ou deux.
M. Langelier: Oui. Par rapport à ça, lorsqu'on
parle des listes d'attente au plan provincial, il n'y a pas si longtemps, il y
a peut-être un an ou deux, on parlait de 3000 jeunes en attente à
la DPJ au niveau de l'évaluation, au niveau de tout ça. Je suis
certain qu'il y avait 3000 jeunes en attente d'évaluation. Mais,
pourtant, moi, je refuse de croire qu'il y a une liste d'attente. Je peux
comprendre qu'il y ait une liste d'attente au niveau de l'admission dans les
centres d'accueil d'hébergement pour personnes âgées en
perte d'autonomie, parce que tout le monde sait qu'on manque de places au
Québec. Pour les jeunes, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas un
problème de places. Je pense que, pour reprendre votre question, M. le
ministre, ce qu'il faut questionner par rapport à ça, c'est la
pratique existante entre le moment où, pour le jeune, des services sont
requis et le moment où il commence à en recevoir. Qu'est-ce qui
se passe pendant ce temps-là? Il y a un important questionnement
à faire de ce côté-là.
Sur l'autre aspect de la prévention, dans le fond, c'est
sûr qu'on reçoit les jeunes qui sont les plus
hypothéqués. Où ils sont, les jeunes, avant d'arriver en
centre de réadaptation? Ils sont dans les écoles. Bon, Mme Larose
en a parlé et moi, au grand risque de me faire chicaner demain matin par
mon agent de liaison du ministère, je vais vous raconter une
expérience qu'on fait actuellement où Boscoville a, dans deux
écoles secondaires de Montréal, quatre éducateurs. Deux
salaires sont payés par la CECM et deux salaires sont payés par
Boscoville. Qu'est-ce qu'ils font, ces éducateurs-là? Ils
s'occupent de la vie de l'école, ils s'occupent des gangs, ils
s'occupent de tous les rackets qu'il peut y avoir, ils encadrent des
étudiants, ils suppléent, finalement, à toutes les
coupures qui ont été faites dans le secteur de l'éducation
depuis quelques années.
Quand vous posez la question: Qu'est-ce qu'il faut faire par rapport
à ça? Je pense qu'il faut décloisonner les affaires. Il
faut que les centres de réadaptation puissent s'impliquer dans une
communauté, participer à des tables de concertation, comme on le
fait dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve et dans le quartier
Rivière-des-Prairies qui se développent, où la population
augmente de 30 % par année. C'est à ce niveau-là qu'il
faut éclater jusqu'à un certain point un certain nombre de choses
pour rejoindre les jeunes là où ils sont. Ils peuvent être
très bien contrôlés entre 8 heures et 16 heures à
l'école. Qu'est-ce qui se passe entre 16 et 8? Là, il n'y a plus
personne qui s'en occupe. Ça nous prend des éducateurs dans la
rue, ça nous prend des éducateurs présents dans les
quartiers. C'est ce modèle qu'il faut développer,
actuellement.
La Présidente (Mme Marois): Oui. M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Oui. M. le Président... Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci, cher ami.
M. Chevrette: Moi, j'aurai un commentaire, d'abord.
J'espère être aussi calme que madame l'a été. Tout
d'abord, procéder avec une accessibilité ouverte et
complète et des budgets fermés dans le domaine du signalement
comme on ie fait présentement, on n'arrivera jamais. En tout cas, moi,
personnellement, dans ma région, il y a eu 700 signalements au moins sur
des listes d'attente. Ce n'est pas en attente de placement dans les centres
d'accueil nécessairement, c'est pour évaluation d'abord. On a
épuré artificiellement des listes pour faire croire au monde
qu'il n'y avait pas nécessairement une si longue liste que ça,
puis, quinze jours ou trois semaines après - je n'Invente rien, Je vais
envoyer au ministre le dossier en détail, avec les lettres, parce que ce
n'était pas de son temps; ça ne fait pas si longtemps que
ça - les listes sont redevenues à 700 ou 800, effectivement. Il y
en a qui prétendent que les "case loads" sont trop chargées, puis
que c'est pour ça que ne se font pas les évaluations pour fins de
placement. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est ça, la
réalité.
Je comprends que vous pouvez être enflammée, madame, par le
fait qu'il y a des jeunes qui pourraient, je dis bien - il ne faut pas
être pathétique au point de dire qu'ils le sont tous - être
agressés sexuellement ou en état d'être victimes de
violence parentale. Mais il peut y en avoir dans ça, puis on ne le sait
pas. On le sait après parce qu'ils n'ont pas été
évalués. On ne sait même pas si l'évaluation... Le
signalement ne précise pas toujours, me dit-on, l'état exact dans
lequel se retrouve la victime qui est signalée. Donc, à plus
forte raison, il y a une inquiétude très, très grande.
Surtout, c'est la classe la plus vulnérable de notre
société. Ça, je vous suis et je comprenais la chaleur de
vos
propos.
Ceci dit, est-ce que c'est parce qu'il y a un palier
intermédiaire de trop? Mon collègue vous questionnera
là-dessus. Je vais m'arrôter là-dessus parce que je ne
voudrais surtout pas lui enlever sa question. Mais je voudrais vous poser une
question précise, moi. C'est sur les structures. Quand je pense que
Quatre Vents, à Saint-Donat, fait partie du Montréal
métropolitain, je trouve ça grand, effectivement, le
Montréal métropolitain. C'est là qu'on voit les
aberrations du projet de loi: un conseil d'administration unique. Je n'en
reviens pas. Vous le posez, le problème, très, très bien,
je pense. Puis la complémentarité ne se ferait pas
nécessairement entre les centres. Elle pourrait se faire avec d'autres
Institutions du milieu, à part ça.
Donc, ce n'est pas une solution. Le législateur, à mon
point de vue, a erré dans ce secteur-là. Une chance que c'est un
avant-projet. On verra probablement un réalisme arriver, au niveau du
projet de loi, qui sera plus grand que celui de l'avant-projet de loi. Mais la
complémentarité, vous la touchez du doigt, à mon point de
vue, d'une façon évidente, ne se fera pas par les structures;
elle va se faire par les personnes et le désir des personnes de vouloir
collaborer en interétablissements. C'est aussi simple que ça.
Pour ce faire, moi, je pense qu'il va falloir mettre le poing sur la
table, puis qu'il y en ait qui sortent de leur chasse gardée. Mais je
vous avoue qu'à lire les mémoires... Parce que probablement vous
êtes issus, vous autres mêmes, de corporations différentes,
mais c'est parce que vous êtes O.G. que vous avez un discours au-dessus
des structures et au-dessus du corporatisme. Mais replacez-vous dans chacune de
vos corporations, vous allez voir les mémoires qu'on a. Chacun veut
garder son petit privilège à l'intérieur de sa corpo. Je
vous incite à les lire. Pas les 250, là. Une quarantaine, une
cinquantaine, là. Les groupes les plus structurés, qui ont
même des moyens financiers - probablement payés par l'État,
d'ailleurs, pour la plupart - pour rédiger d'excellents mémoires
pour défendre leur propre statut, en plus.
Ça, moi, je l'avoue - je sais que je vais me faire descendre; je
m'en fous, moi aussi, autant que vous autres - ça n'a pas de bon sens
que chacun voie la vérité à partir de son secteur. Et si
on avait une vision d'une complémentarité d'institution à
une autre institution, ça serait très différent, parce
qu'à l'intérieur de l'institution la multidisciplinarité
est plus facile à atteindre que d'un professionnel à un autre.
Dans une institution, les professionnels se regroupent puis ils vont travailler
en fonction de la personne. Ce qu'on veut, c'est qu'une institution du milieu
puisse collaborer avec une autre institution du milieu, mais qui ne se
dédouble pas dans ce même milieu en termes de services à
donner à la personne.
Moi, j'aimerais que vous réagissiez à la perception que
j'ai. Est-ce que c'est ça qu'on doit viser? Est-ce que c'est autre
chose? Est-ce qu'il y a des nuances à apporter? Mais, à mon point
de vue, si on se fie sur les catégories personnelles, on n'ira nulle
part. Si on se fie sur les catégories d'institutions, moi, je pense
qu'on peut espérer une complémentarité dans les
actions.
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y, M.
Patenaude.
M. Patenaude: Votre commentaire, M. Chevrette, ainsi que votre
question, je pense, sont Intimement liés. On parlait de listes
d'attente, on parle de signalement, et c'est peut-être là un
problème. On attend qu'un jeune soit signalé pour commencer
à s'en occuper. Est-ce que c'est nécessaire de signaler le cas
d'un jeune pour s'en occuper? Posons-nous cette question-là et on se la
pose, nous. Est-ce qu'on ne pourrait pas - on prend l'exemple de M. Langelier
tantôt, il y a des éducateurs dans l'école - s'occuper du
jeune? Et souvent on se rend compte que l'intervention souvent minimale,
simple, des moyens faciles - pas une grosse machine - souvent quelques
rencontres suffisent à régler des problématiques que
souvent certains professionnels, malheureusement, ont tendance à vouloir
grossir; faire un immense comité et là, parler avec des rapports,
des documents. Souvent, on rencontre le jeune, quelques rencontres, et on
règle un problème qui souvent a l'air tellement gros. On a
été adolescents nous-mêmes et on le sait que souvent on a
des gros problèmes, mais ils ne sont pas si gros que ça.
Souvent le problème, c'est que c'est un signalement.
Peut-être qu'on pourrait, avant de signaler, faire ça. Et si on
faisait ça, on éviterait peut-être d'avoir 700
signalements. On en aurait peut-être juste 100, signalements, parce que
les autres 600, on les aurait réglés avant de signaler. (16 h
45)
Votre autre commentaire - et, là-dessus, je vous dis qu'il est
intimement lié - concerne la complémentarité. Bien,
effectivement, la complémentarité, on pense que c'est par
là que ça va passer et qu'on va pouvoir rendre de meilleurs
services, mais une complémentarité pas seulement entre centres
d'accueil pour mésadaptés, mais entre l'école, le CLSC, la
DPJ, la police, entre tout le monde, pour qu'on puisse se parler parce que,
souvent, on se parle, mais on a des langages absolument hermétiques. On
va parler au domaine de l'éducation et souvent on ne se comprend pas, on
ne parle pas de la même chose, on ne dirait pas que ce sont les
mêmes jeunes, parce qu'on dirait qu'on n'a pas les mêmes
problématiques qu'eux autres. Mais si on pouvait franchir ces
murs-là et si on pouvait se parler, travailler ensemble pour un jeune et
dire: C'est ça qu'on va faire pour lui, puis c'est toi qui es le
mieux
pour le faire parce que tu es le mieux placé, la
problématique est plus d'ordre social ou d'ordre scolaire, mais, par
contre, je vais t'appuyer dans ta démarche auprès de ce
jeune-là, on pense que c'est comme ça qu'on pourrait
régler une grande partie des problèmes des jeunes, avant
même de faire des signalements, puis avant même de se rendre dans
nos établissements. On parle de prévention. C'est peut-être
un petit peu curatif, mais on pense que c'est beaucoup plus préventif
que curatif, parce que des problèmes, tout le monde en a et, si on
réussit, à la base, à les régler, ça ne
prendra pas l'ampleur que ça prend souvent présentement.
La Présidante (Mme Marois): Merci M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Compte tenu de ce que vous venez de dire, allons-y
directement au niveau de la gestion du service à donner à celui
ou à celle qui est en problème. Est-ce qu'il est
nécessaire, par exemple - et je donne simplement un exemple - qu'il y
ait une espèce de structure intermédiaire comme les CSS, pour que
vous puissiez réaliser votre travail comme il faut et que ça vous
donne vraiment l'espèce de complémentarité, que ça
vous amène la complémentarité pour bien réaliser
votre job auprès des bénéficiaires?
M. Patenaude: Bonne question.
M. Trudel: Si je peux avoir une bonne réponse, ce serait
bon!
La Présidente (Mme Marois): M. Cardinal, voulez-vous
intervenir? Oui. Vous pouvez le faire.
M. Cardinal (Gilbert): oui. j'ai connu l'époque où
je travaillais en milieu scolaire et puis on référait directement
un jeune à un établissement du réseau des affaires
sociales, à un centre d'accueil.
M. Trudel: Et puis?
M. Cardinal: Tandis qu'aujourd'hui l'école qui fait le
dépistage d'un jeune et qui est capable souvent de poser un diagnostic
est obligée, avant de le référer à un centre
d'accueil, de passer par le service de diagnostic officiel prévu par le
système. Et là s'écoulent des mois, des mois et des mois,
et le problème n'est alors plus le même que le problème
à l'origine, à mon avis.
M. Trudel: C'est correct.
M. Cardinal: Je l'ai connu, ce moment-là, et la
société n'était pas plus mal en point qu'aujourd'hui, en
tout cas.
M. Trudel: Voulez-vous me le qualifier, ce moment-là?
Ça marchait-u ou si ça ne marchait pas?
M. Cardinal: Ha, ha, ha! Je ne veux pas tomber dans le
piège de dire que dans mon temps ça marchait, mais...
M. Trudel: Non, non. Dites-nous ça, selon votre
expérience. Ça marchait-u?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cardinal:... à tout le moins, je peux dire que
ça ne créait pas plus de difficultés que ça n'en
crée aujourd'hui. Je ne pense pas que le jeune s'en portait plus mal.
À tout le moins, ça se faisait plus rapidement.
La Présidente (Mme Marois): Je pense qu'il y a M.
Guérard aussi qui veut intervenir. C'est sur ça aussi?
M. Guérard (Yvon): En réaction à votre
question, ce qui nous unit au CSS, ce n'est peut-être pas tout le CSS; je
pense que c'est le jeune, la clientèle, puis les programmes. À ce
moment-là, c'est plus la DPJ aussi, il faudrait que la DPJ soit vue
aussi comme un ombudsman dans tout ça. C'est sûr qu'il y a une
complémentarité à y avoir certains services de support,
mais je pense que ça pourrait s'arrêter là. Les
paramètres devraient être la clientèle, les programmes et
le jeune.
M. Trudel: Ce que vous dites, finalement, c'est qu'il y a moyen
de trouver une simplification structurelle qui amènerait à
rejoindre l'objectif du bénéficiaire, de la personne qui est le
centre de la problématique, qui est le centre de l'existence même
des institutions et qu'il y a beaucoup beaucoup de choses à faire
là-dedans. Je pense qu'on est capables de lire entre les lignes.
Bon!
Deuxièmement, la décentralisation. À la page 4 de
votre mémoire - on va retrouver ça - vous déplorez "qu'une
véritable décentralisation ne soit pas proposée.
L'avant-projet de loi met plutôt de l'avant un modèle qui favorise
la centralisation régionale. " Et, pourtant, j'essaie de lire, comme
tout le monde, l'article du projet de loi qui concerne les régies
régionales, leurs responsabilités, fonctions et pouvoirs et j'y
lis que "la régie régionale a pour fonction, à même
les enveloppes budgétaires globales qui lui sont transmises par le
ministre à cette fin, de répartir les ressources
financières prévues pour la mise en oeuvre et le fonctionnement
des programmes de santé et de services sociaux élaborés
pour sa région. " Qu'est-ce qui ne marche pas dans l'affaire? La
proposition me semble assez claire. Et vous dites: Ce n'est pas une
décentralisation, c'est de la centralisation régionale. On
ne serait pas capables de s'entendre, au niveau régional, pour
répondre aux besoins?
La Présidente (Mme Marois): M. Langelier.
M. Langelier: Je peux peut-être risquer une tentative de
réponse. Je pense qu'une réponse à ça appelle
beaucoup de nuances. Quand on dit: On n'a pas le sentiment de voir une
véritable décentralisation, c'est bien sûr que ça
part d'une conception de la décentralisation. La
décentralisation, on conçoit ça comme étant une
façon différente de travailler: c'est donner des
responsabilités à du monde, lui fixer des objectifs et
évaluer des résultats. Le projet de loi va beaucoup plus loin que
ça. Il va au niveau des moyens, et beaucoup. Quand on pense, par
exemple, qu'il y a seize articles, les articles 348 à 364 inclusivement,
où sont énumérés quantité de
règlements que le gouvernement peut promulguer et cela, sans compter les
autres dispositions qui prévoient que telle ou telle matière
pourra être ou sera réglementée, où est la
décentralisation à ce niveau-là?
Quand on se recule un peu plus, ce qu'on constate, c'est que cette
décentralisation, qu'on attendait du haut vers le bas, vient du bas et
s'en va au milieu, c'est-à-dire qu'il y a une centralisation Importante
au plan régional. On dit: On est d'accord avec des choses
là-dedans. Qu'il y ait une instance régionale vigoureuse, qui ait
des pouvoirs, qui puisse jouer le rôle de catalyseur, ça nous
semble très bien, on est d'accord avec ça. Mais ce à quoi
on assiste en même temps, c'est à une sorte de nivellement au
niveau local: on abolit les conseils d'administration, on implante de nouvelles
structures ou on renforce celles qui sont déjà là, on
limite le mandat des directeurs généraux, on les sort des
conseils d'administration. Il y a une sorte de nivellement qui se fait au
niveau local. C'est comme amené au niveau régional, mais, dans la
dynamique du provincial au régional, on ne sait pas trop ce qui a
changé de ce côté-là.
M. Chevrette: Vous êtes en train de nous dire que c'est une
centralisation déconcentrée?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Langelier: C'est pas pire, ça. Ho!
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le
député...
M. Langelier: C'est un peu le portrait qu'à ce moment-ci
on est portés à se donner par rapport à ça.
M. Trudel: Je n'ai pas eu le temps de regarder, aux deux places,
si le ministre avait sorti son petit calepin vert pour noter les articles.
M. Chevrette: M. Ryan a son noir, lui a son vert.
M. Trudel: Si le ministre a sorti son petit vert pour noter les
articles...
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que je ne veux
pas enterrer la réforme.
M. Trudel: ...qui dans votre tentative de réponse bien
faite par ailleurs, décrivent très bien que oui, c'est vrai que
ce n'est qu'une apparence de décentralisation, compte tenu des articles
que vous avez énumérés là-dessus.
Allons, toujours là-dessus et en terminant, dans les conclusions
de votre mémoire. Vous en avez parlé tout au long de votre
intervention, de cette nécessité de trouver des modèles
supplémentaires de complémentarité, et vous avez dit, sur
l'uniformité qui nous est présentée dans le projet de loi,
et le ministre l'a reconnu tantôt, qu'il y avait des ajustements
importants à faire. Je comprends qu'il peut difficilement aller plus
loin aujourd'hui. Est-ce que vous pensez qu'il serait réaliste qu'en
posant les grandes balises d'une nécessaire décentralisation les
régions ou les secteurs concernés pourraient nous donner, en deux
ans, des plans d'organisation, sur la base de la complémentarité,
qui répondraient aux objectifs recherchés? Est-ce qu'on peut se
fier que le réseau serait capable de produire ça à travers
tous ses établissements et avec tout son monde? Est-ce qu'on serait en
train de mettre au monde une vaste chicane, une vaste bagarre et de vastes
tiraillements qui paralyseraient le réseau pour longtemps ou si on peut
penser raisonnablement qu'on aurait des résultats dans un temps
donné qui seraient conformes à la réalité, soit des
régions, soit des secteurs, soit des clientèles?
La Présidente (Mme Marois): M. Patenaude.
M. Patenaude: On pense effectivement que, compte tenu que les
régions sont différentes, si on compare les régions de
Gaspé et de Montréal ou de l'Outaouais, ce ne sont pas les
mêmes problématiques, ce ne sont pas les mêmes
phénomènes qui se déroulent là. On pense
qu'effectivement il serait peut-être beaucoup plus opportun de demander
aux différentes régions - et ça serait peut être, en
faisant ça, une première démarche de
décentralisation - de s'organiser et de trouver des modèles de
concertation.
Maintenant, vous dites: Est-ce que ce serait pensable en deux ans? Je ne
peux pas, à ce stade-ci, moi, vous dire si c'est deux ou trois ans. Mais
on pense qu'en donnant les moyens et
les coudées franches aux régies régionales et en
donnant tous les moyens qu'il faut pour le faire il y a effectivement moyen.
Parce que les régies régionales, les gens qui y sont, ont une
connaissance de la région, ont une connaissance des
problématiques des clientèles et ont une connaissance des
établissements et des services qui sont possibles ou des services qui
n'existent pas, mais qu'il serait possible de mettre en place. On pense
qu'effectivement, sur une période de quelques années, il serait
pensable de pouvoir soumettre des plans où on retrouverait de la
concertation et où on tiendrait compte aussi - l'avant-projet de loi
n'en tient peut-être pas compte d'une façon suffisante - de
modèles propres à différents types de
clientèles.
J'écoutais tantôt, avant nous, les gens qui parlaient, les
ergothérapeutes, et je dois vous avouer qu'on était un peu loin
des ergothérapeutes. Si on a un modèle qui est le même pour
les handicapés physiques, pour les handicapés mentaux, ce ne sont
pas les mêmes problématiques. On ne peut pas avoir un
modèle unique. Il faut penser à des modèles qui soient
différents pour les différentes clientèles et aussi
dépendant des régions. Montréal est une
problématique en soi qui est peut-être différente d'une
région en périphérie. On pense que ça pourrait se
faire.
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Trudel: Une toute petite.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Trudel: II y a seize centres regroupés dans votre
Table.
M. Patenaude: Vingt au total. M. Trudel : Vingt au
total.
M. Patenaude: Quatre anglophones et seize francophones, dont un
centre pour mères en difficulté.
M. Trudel: Avez-vous un seul comité d'admission?
M. Chevrette: Holden va nous dire que ce n'est pas encore
assez.
M. Trudel: Est-ce que chacun des établissements a un
comité d'admission ou si votre Table vous a amenés à avoir
un seul comité d'admission pour l'envoyer à la bonne place?
M. Patenaude: Non, non. De la façon dont ça se
produit, les demandes sont faites dans les différents
établissements, selon le type de services, parce qu'on est
complémentaires, l'un avec l'autre, on n'offre pas les mêmes
services. Donc les demandes d'admission sont faites. À l'interne,
évidemment, on regarde la demande d'admission. S'il y a
problématique, il y a effectivement un comité d'admission, un
pour les garçons, un pour les filles, qui regarde les cas
problématiques seulement. Les autres cas qui ne font pas problème
passent directement et sont admis directement.
M. Trudel: Ça va. Merci beaucoup.
M. Chevrette: Merci, messieurs, dames.
La Présidente (Mme Marois): Je voudrais juste revenir sur
une impression qui pourrait rester chez les membres de la commission, qui ne
serait pas correcte, je pense, et vous en conviendrez avec moi. M. Langelier
particulièrement l'abordait en disant: Le centre, dans le fond, devrait
peut-être s'inscrire davantage dans son milieu et sortir un peu de ses
cadres - et vous rejoignez Mme Larose et là-dessus je vais vous
rejoindre aussi - qu'il y ait des éducateurs dans le milieu scolaire,
qu'il y ait des éducateurs de rue, à la limite. Sauf qu'on n'est
plus dans le modèle du pensionnat d'il y a 15 ou 20 ans, ni dans le
modèle de la maison de loisir où les portes sont ouvertes. Je
pense que vous vous adressez à une clientèle, entre guillemets,
poquée. Vous l'avez dit, elle est fragile, elle crie au secours. Vous
offrez des services spécialisés. Quand on regarde ce qui se fait
dans un centre de services sociaux, eux s'adressent à celle-là,
mais aussi à celle qui est en besoin de protection parce qu'un parent a
abusé d'un enfant, à celle qui, tout simplement, se retrouve sans
ressources du jour au lendemain, mais qui n'a pas nécessairement une
problématique de mesadaptation sociale. Il reste que, quelque part,
ça prend une institution. Est-ce que c'est le centre de services
sociaux, est-ce que c'est le CLSC, est-ce que c'est quelque chose de neuf qui
devrait assumer cette responsabilité? Je pense qu'il ne faudrait pas
laisser l'impression aux membres de la commission que cette
responsabilité n'a pas à s'exercer, que vous pourriez la prendre
au pied levé, sans que rien ne soit perturbé dans le
réseau. Je pense qu'il y a des fonctions qui seraient ainsi
oubliées quelque part. Oui, M. Patenaude.
M. Patenaude: Je ne serais pas en mesure de vous dire qui devrait
la prendre. Est-ce que ce serait nous ou le CSS? Par contre, je crois
profondément qu'on devrait se servir de l'expertise que, par exemple,
les éducateurs dans nos milieux ont pour aller aider cette
clientèle. On le fait. On pourrait vous donner des exemples. M.
Langelier en parlait; j'ai aussi des exemples chez nous, où on a des
ententes avec le CLSC du coin, où on va les aider, parce qu'ils n'ont
pas l'expertise. Quand on aide une clientèle aussi poquée que la
clientèle que l'on reçoit, c'est souvent, pour des
éducateurs, rafraîchissant
d'aller alder un jeune qui n'est pas très, très
"poqué" ot avec qui il n'y a pas beaucoup de problèmes dans le
fond, qu'ils trouvent ça facile môme Souvent, les solutions se
trouvent facile ment. Qui devrait coordonner tout ça? Je pense qu'on
n'est pas en mesure de vous le dire, mais on devrait se servir de cette
expertise-là qui, dans le fond, est une richesse incroyable et dont on
ne se sert peut-être pas assez.
La Présidente (Mme Marois): Je vous suis tout à
fait sur ce terrain-là, je suis tout à fait d'accord. D'ailleurs,
dans les écoles lorsqu'on fait du dépistage, on devrait aussi
pouvoir intervenir immédiatement sans attendre que le jeune se retrouve
en bout de ligne, en bout de piste avec un délit sur le dos et avec un
bris de relations avec son milieu environnant, qui devient à ce point
grave qu'on doit passer au placement. Il y a aussi toute cette philosophie qui
a animé - et je pense qui continue d'animer - les intervenants et les
gens qui sont impliqués un peu à l'égard des
problématiques sociales. Essayons de laisser le jeune le plus possible -
et vous avez sûrement cette préoccupation-là - dans son
milieu naturel et aidons plutôt le milieu à être un petit
peu plus capable de s'assumer, autonome, indépendant, etc., plutôt
que de dire: Morcelons tout ce réseau familial, que ce soit une nouvelle
famille ou pas, qui ne donne pas nécessairement les résultats que
l'on attend à ce moment-là.
Alors, on vous remercie de votre présentation, de votre
intervention qui a sûrement éclairé les membres de la
commission. J'inviterais maitenant le prochain groupe, qui est l'Institut de
réadaptation de Montréal, à venir présenter son
mémoire. On va suspendre nos travaux pour trois ou quatre minutes, le
temps que vous preniez place et que tous les membres se rapatrient à la
table.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 7)
La Présidente (Mme Marois): Les travaux de la commission
vont reprendre. Nous vous souhaitons la bienvenue. Je ne sais pas qui va
présenter le mémoire. Est-ce le Dr Voyer ou M. Adam?
M. Voyer (Jacques): Je vais le faire, madame.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, allez-y!
Institut de réadaptation de
Montréal
M. Voyer: D'abord, je veux vous remercier de nous permettre
d'exposer le point de vue de notre institution sur l'avant-projet de loi sur la
santé et les services sociaux. Comme vous pouvez le remarquer, je me
suis fait accompagner de notre bon directeur général. M Daniel
Adam. La pertinence de plusieurs des questions que j'ai entendues Jusqu'Ici
aujourd'hui me fait me sentir un peu plus rassuré.
Au fond, ce qu'on veut, c'est vous sensibiliser et sensibiliser
essentiellement la commission à un domaine extrêmement
méconnu qui est celui de la réadaptation et proposer des
solutions et des recommandations qui, nous l'espérons, pourraient aider
à améliorer la santé et la qualité de vie des
Québécois. Pourquoi est-ce qu'on a cette
prétention-là de pouvoir vous sensibiliser à la
réadaptation? Parce qu'on est un hôpital universitaire
affilié à l'Université de Montréal pour
l'enseignement et la recherche en réadaptation, hôpital recevant
des personnes devenues handicapées de façon permanente à
la suite d'accidents ou de maladie. Notre mission c'est donc de redonner
à ces personnes les moyens de vivre de façon plus autonome avec
leur incapacité. Nos principales clientèles: des amputés,
des paraplégiques, des quadraplégiques, donc, des gens en
fauteuil roulant, des gens traumatisés cranio-cérébraux,
enfin, des gens ayant souffert ce qu'on appelle des accidents
cérébro-vasculaires: quand vous entendez parier de thromboses
cérébrales, d'embolies cérébrales, de rupture
d'anévrisme cérébral, c'est de cette
clientèle-là dont on parle sous ce terme-là.
Notre hôpital est reconnu pour son excellence en technologie
destinée aux personnes handicapées. À titre d'exemple,
c'est à l'Institut de réadaptation de Montréal que s'est
fait le développement du contrôle céphalique de conduite
des fauteuils roulants électriques, si vous voulez. Quand une personne
est à ce point handicapée, qu'elle ne peut mener son fauteuil
roulant par un contrôle manuel, on a pu développer un
contrôle céphalique qui permet de le faire. Autre exemple de
prothèses, celles qui permettent à des gens amputés de
faire de l'alpinisme. C'est une prothèse qui a aussi été
développée à l'Institut. D'ailleurs, a ce sujet, l'an
passé, l'Institut a reçu le prix Walter Dinsdale une
espèce de prix d'excellence dans le domaine du développement de
technologie de réadaptation qui a une espèce de réputation
pancanadienne. De plus, notre hôpital est doté du plus important
centre de recherche en réadaptation du Québec. Nous avons une
équipe d'une douzaine de chercheurs qui oeuvrent, avec au total une
soixantaine de personnes, encore une fois, dans le domaine de la recherche en
réadaptation.
En ce qui concerne nos commentaires sur l'avant-projet de loi, nous
avons essentiellement cinq points. Le premier de ces commentaires porte sur la
définition du centre de réadaptation, c'est l'article 31. Je vous
lis cet article: "Le centre de réadaptation est une installation
où l'on offre en interne, à l'externe ou à domicile, des
services d'adaptation et de réadaptation, de réintégration
à des personnes dont l'état, en
raison de leurs déficiences physiques ou intellectuelles, de
leurs difficultés d'ordre caractériel, psychosocial ou familial
est tel qu'elles doivent être protégées, soignées ou
gardées en résidence protégée, à l'exception
d'une installation maintenue par une institution religieuse pour y recevoir ses
membres ou adhérents.
Eh bien, pour nous, en guise de commentaires, la définition d'un
centre de réadaptation, telle qu'indiquée dans cet article, va
tout à fait à rencontre de la notion d'autonomie des personnes,
d'"autonomisation" des personnes, devrais-je plutôt dire, qui est une
notion absolument de base en réadaptation, et cet article le fait en
utilisant des termes comme "protéger", "soigner", "garder en
résidence protégée" des personnes avec des
déficiences. Il nous semble qu'on confond alors centre de
réadaptation avec centre d'accueil et hôpital pour malades
chroniques. Nous recommandons donc d'évacuer ces termes pour parler du
centre de réadaptation comme d'une institution orientée vers la
maximisation de l'autonomie de personnes atteintes d'incapacités, de
déficiences ou de handicaps en favorisant ainsi l'adaptation, la
réadaptation et la réintégration de ces personnes à
la vie en société.
Notre deuxième commentaire porte sur les articles 34 et 37,
définitions de centre hospitalier universitaire et d'institut
universitaire. Je ne vous lirai pas les articles 34 et 37, mais j'irai
plutôt directement à notre commentaire qui est le suivant. Les
définitions de centre hospitalier universitaire et d'institut
universitaire devraient être similaires. En effet, un institut
universitaire est un hôpital universitaire possédant
généralement une seule spécialité, mais il n'est
pas différent du centre hospitalier universitaire en termes d'expertise
dans son domaine particulier. Les instituts doivent représenter et
maintenir l'excellence dans leur domaine particulier pour avoir un statut
universitaire et ils devraient répondre à ces quatre
critères qu'avait déjà annoncés, je crois que c'est
Mme Lavôie-Roux, M. Adam, et qui étaient les suivants: une
clientèle spécialisée; un enseignement de niveau
universitaire; recherche reconnue par les organismes subventionnâmes;
évaluation et développement des technologies. Notre
recommandation, c'est, comme vous pouvez la lire, que les définitions
d'hôpital et d'institut universitaires soient les mêmes et qu'elles
aillent dans le sens de l'article 34, avec la nuance qu'un institut
universitaire dispense des services spécialisés dans une ou
quelques disciplines.
Notre troisième commentaire porte sur les conseils
d'administration unifiés. Là-dessus, ce qu'on à dire,
c'est que le regroupement des conseils d'administration de différentes
institutions à l'intérieur d'un même territoire de CLSC est
un concept attrayant qui peut permettre d'établir une certaine
complémentarité entre les établissements concernés.
Cependant, le concept nous semble, toutefois, parfois difficile d'application,
particulièrement dans les régions urbaines,
particulièrement, en fait, devons-nous le dire, à Montréal
parce qu'il suscitera un grand nombre d'exceptions en raison des
particularités propres à certains établissements, comme
les divisions linguistiques et les spécialités
suprarégionales. Il pourrait devenir une exception au lieu d'être
la règle, en fait. Notre recommandation est donc que le concept de
regroupement des conseils d'administration soit maintenu, mais qu'en pratique
il soit nuancé pour tenir compte des particularités
régionales, surtout dans les centres urbains, un peu comme nos
prédécesseurs à cette table l'ont proposé tout
à l'heure, je pense. (17 h 15)
Notre quatrième commentaire porte sur la composition dés
conseils d'administration. Le conseil d'administration d'un hôpital ou
d'un institut universitaire devrait, à notre avis, maintenir la
présence des trois représentants de la corporation
propriétaire, en tout ou en partie, des actifs immobiliers, au lieu de
réduire cette présence à deux personnes. Ces personnes
sont, en effet, souvent issues d'un milieu différent de celui du
réseau public et peuvent, en conséquence, apporter une grande
richesse d'expertise aux établissements. S'en priver ou réduire
leur nombre n'apporterait, à notre avis, que désavantages, comme
nous le soulignons dans notre mémoire.
Nous croyons aussi, par ailleurs, que la participation du personnel de
la direction générale et des médecins devrait être
maintenue sur les conseils d'administration, notamment pour ceux des
hôpitaux et des institutions universitaires à cause, en
particulier, de leur vocation d'enseignement et de recherche. Autrement, les
conseils risquent d'être désincarnés des
réalités quotidiennes des établissements et de perdre
ainsi des sources d'information viables et fiables.
La recommandation devient donc que le conseil d'administration des
hôpitaux et des instituts universitaires maintienne au nombre de trois
les membres de la corporation et qu'il continue d'inclure la participation des
médecins et du personnel de l'établissement.
Notre dernier commentaire, c'est le clou sur lequel on veut taper, au
fond. C'est, encore une fois, de reparler de ce qui nous apparaît comme
vraiment un domaine très méconnu dans le secteur de la
santé, celui de la réadaptation. M. Chevrette le rappelait tout
à l'heure très bien, notre population vieillit, et les
statistiques, il les donnait beaucoup mieux encore que je ne pourrais le faire;
mais, autre statistique, après 65 ans, 35 % des femmes et 25 % des
hommes sont confrontés à une déficience ou à une
incapacité. Autre statistique assez troublante, le Canada, de tous les
pays industrialisés, est celui qui connaît le plus haut taux
d'institutionnalisation de ses personnes âgées. On parie de 9,5 %
versus 6 % en Australie, 5,3 % aux États-Unis et, finale-
ment, 5 % au Royaume-Uni. Les impacts, tant sur la qualité de vie
de ces citoyens que sur notre système de santé en termes
d'engorgement et d'augmentation de la demande et des besoins financiers, n'en
sont que plus énormes.
Autre idée à l'appui d'une meilleure reconnaissance de la
réadaptation, c'est que, comme vous le savez tous, les modes de
traitement plus efficaces, les technologies sophistiquées et
l'augmentation de la qualité des soins ont fait qu'on a peut-être
diminué le nombre des décès mais qu'on a probablement
aussi augmenté la morbidité reliée à la
chronicité. À titre d'exemple, on sait que les accidents de la
route constituaient en 1988 la première cause de décès de
la population âgée de 1 à 38 ans. Or, en 1987, on me disait
que pour chaque décès par traumatisme il y avait 26 personnes qui
vivaient avec une restriction d'activités à cause d'un accident.
C'est une statistique diablement troublante, ça.
Autre point dans notre plaidoyer pour la réadaptation, c'est
celui des données du dossier Accès, du Conseil régional de
Montréal publié tout à fait dernièrement et qui
disait, à la suite d'une étude entreprise sur une année
auprès de 20 centres de réadaptation et de soins de longue
durée, que seulement 4 % des personnes présentant des
incapacités avaient eu accès a des programmes de
réadaptation. Où étaient les autres? Dans les urgences,
dans les lits de courte durée, les centres d'accueil,
végétant à domicile? En tout cas, beaucoup de recherches
étaient souvent mobilisées inutilement ou pas mobilisées
suffisamment.
L'étude recommandait finalement d'augmenter la capacité
d'accueil des établissements de réadaptation jusqu'à 12 %
de la population présentant des incapacités significatives et
persistantes.
Qu'est-ce qu'on recommande par rapport à tout ça? Bien
sûr, l'éducation de la population pour une plus grande
prévention des maladies et des accidents et pour la promotion de la
santé de cette population - les campagnes antitabagisme vont
bientôt prouver le bien-fondé d'une telle campagne - mais aussi,
bien sûr, la réadaptation, qui encore une fois vise à
redonner l'autonomie aux personnes et à diminuer les effets morbides de
la chronicité. La qualité de vie des citoyens s'en trouve ainsi
améliorée et les coûts d'institutionnalisation, souvent de
beaucoup diminués. On vous dit: Écoutez, c'est un investissement,
la réadaptation. Essentiellement, pour en revenir à une phrase de
notre mémoire au tout début, il ne s'agit pas que d'ajouter des
années à la vie, mais aussi ajouter de la vie aux années.
Voilà, c'est tout.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie de votre
présentation. M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup de votre
présentation. Je vous poserais peut-être d'abord quelques
questions pour mieux vous situer. Vous avez parlé tout à l'heure
de clientèle chez vous qui était une clientèle qui pouvait
à l'occasion être accidentée. Vous y avez fait allusion.
Est-ce que ça s'adresse davantage aux personnes âgées, aux
jeunes? Quelle est la proportion des clientèles avec qui vous avez
à traiter?
M. Voyer: Daniel, là-dessus, as-tu tes statistiques?
M. Adam (Daniel): M. le ministre, je pourrais vous dire que notre
clientèle est une clientèle mixte, à savoir que les
clientèles qui viennent chez nous à la suite d'accidents sont
généralement des clientèles jeunes. On pense notamment aux
paraplégiques, aux quadraplégi-ques, aux traumatisés
cranio-cérébraux dont la moyenne d'âge est de l'ordre
d'à peu près 25 ans. Ce sont des jeunes. Ça
représente une bonne partie de notre clientèle. Les autres
clientèles que nous recevons sont des clientèles qui sont
devenues handicapées de façon permanente, comme le signalait le
Dr Voyer, à la suite d'une maladie ou d'un accident, donc, accidents
cérébro-vasculaires ou amputation due à des
problèmes vasculaires, entre autres.
Évidemment, on reçoit aussi des amputés qui sont
des personnes qui sont devenues amputées, d'une façon ou d'une
autre, des membres inférieurs ou des membres supérieurs à
la suite d'un accident. Alors, c'est une clientèle qui est mixte et je
vous dirais que la moyenne d'âge chez nous est d'à peu près
45 ans. Ce n'est pas une population âgée.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un domaine qui
m'intéresse particulièrement compte tenu du fait
qu'antérieurement - dans ma vie antérieure - j'étais
responsable de la Régie de l'assurance-automobile et, évidemment,
la Régie a fait beaucoup d'efforts pour faire de la réadaptation
parce qu'elle croyait qu'investir là-dedans c'était bien
Investir. J'ai eu l'opportunité aussi de visiter l'hôpital du
Sacré-Coeur. Ce qui m'avait particulièrement frappé
à l'époque, c'était le nombre très impressionnant
de jeunes qui étaient accidentés de la route pour toutes sortes
de causes, consommation de toute nature, et de voir ces éléments
de jeunesse totalement ou presque totalement détruits. Donc, c'est un
élément qui m'intéresse. Est-ce qu'il y a un lien avec la
Régie de l'assurance automobile et de quelle nature est-il sur le plan
de la recherche, sur le plan de la contribution que peut vous apporter la
Régie?
M. Adam: Écoutez, la Régie de l'assurance
automobile du Québec nous apporte de l'aide à nous et à
différents établissements dans le
continuum, en fait, parce que nous, chez nous, on reçoit les
clientèles immédiatement à la sortie de l'hôpital et
nous avons donc un certain nombre de places dans un des programmes que la
Régie avait mis de l'avant à l'époque où vous
étiez ministre, qui sont des programmes pour les traumatisés
cranio-cérébraux. Autrement, nous ne recevons pas d'aide de la
RAAQ, parce que finalement l'argent de la RAAQ est transféré au
fonds consolidé qui le verse au ministère et dont nous avons ces
sommes.
Par ailleurs, nous avons également à l'institut un
programme de recherche financé par la Régie de l'assurance
automobile du Québec, via le FRSQ, Fonds de la recherche en santé
du Québec, pour faire deux choses. Premièrement, principalement
développer des outils d'évaluation longitudinaux pour
évaluer et mesurer le progrès des personnes handicapées.
Donc, c'est un financement que nous recevons évidemment via le FRSQ par
la Régie de l'assurance automobile du Québec, qui est d'à
peu près 250 000 $ par année, sur quatre ou cinq ans.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, quand on
aborde l'aspect de la recherche, c'est un aspect qui est aussi
intéressant. Vous nous avez dit tout à l'heure, docteur, que vous
aviez douze chercheurs. Quelle est l'Importance de la vocation recherche chez
vous? Quelles sommes sont affectées et d'où
proviennent-elles?
M. Voyer: Encore là, très heureux d'avoir mon
directeur général avec moi. Il va vous donner les chiffres.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment,
j'ajouterais un volet à ma question...
Une voix: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...on a parlé avec
des gens, précédemment, du consortium - parce que je ne crois
pas, moi, qu'on puisse faire de la recherche de manière isolée -
on a parlé du consortium et j'aimerais vous entendre là-dessus,
si c'est la solution de l'avenir, parce qu'on ne pourra pas reconnaître
tout le monde. Je ne dis pas que c'est votre cas, là, mais tout le monde
qui vient veut être institut ou veut être centre universitaire.
Alors, je comprends que chacun veuille défendre sa situation
particulière, mais il est bien évident qu'on ne pourra pas
reconnaître tout ça, si le consortium ne nous apparaît pas
une solution intéressante quant à la reconnaissance de la
recherche.
M. Adam: Écoutez, je vais reprendre votre dernier propos,
si vous me le permettez. Je pense que la question de la notion des instituts
universitaires, il ne faut pas non plus la revendiquer pour échapper
à l'uniformisation des conseils d'administration. Ça, pour moi,
c'est extrêmement important parce qu'un institut universitaire, comme un
hôpital universitaire, ça doit représenter l'excellence
dans son domaine. Bon. Je pense que le Dr Voyer l'a souligné
tantôt.
En ce qui concerne la recherche à l'Institut, nous avons une
douzaine de chercheurs qui sont, pour beaucoup, à temps complet. Le FRSQ
subventionne à l'Institut également, pendant les cinq prochaines
années, un chercheur boursier par année, hors quota, ce qui est
extrêmement important, parce qu'un chercheur boursier, pendant les trois
ans, fait sa recherche à plein temps chez nous et donc,
évidemment, ce nombre-là va s'accroître. Le Dr Voyer vous
disait que nous avons une soixantaine de personnes qui gravitent autour du
centre de recherche dans le sens des assistants de recherche, notamment, et de
tout le personnel technique. Le centre de recherche occupe une place
extrêmement importante à l'Institut; je ne vous dirais pas en
termes de financement du FRSQ, parce qu'on reçoit un budget
d'infrastructure du FRSQ, mais les fonds obtenus des organismes
subventionnâmes et, donc, les fonds que nous obtenons au centre de
recherche de l'Institut sont des fonds qui proviennent d'organismes
subventlonnaires dotés de comités de pairs, et ça c'est,
à mon avis, un critère extrêmement Important pour
déterminer évidemment la qualité ou non d'une
recherche.
Nous avions donc, l'année dernière, pratiquement et pas
très loin de 1 000 000 $ en termes de subventions qui nous
étaient versées pour la recherche. Alors, c'est un secteur, chez
nous, qui est extrêmement important, qui s'est développé de
façon extrêmement importante au cours des années et nous
oeuvrons également, dans le domaine de la recherche, dans trois champs
principaux, à savoir: un, les aides technologiques - le Dr Voyer le
soulignait -deux, toute la recherche biomédicale. Et je vous entendais
dire, M. le ministre, tantôt, au sujet de la recherche
biomédicale, que c'était beau, le biomédical, mais qu'il y
avait d'autres choses, et je le conçois également, sauf que le
biomédical, c'est souvent la base, parce que c'est à partir du
biomédical que nous évaluons à terme, essentiellement, la
qualité des traitements que nous donnons aux personnes
handicapées. Et nous oeuvrons, comme troisième axe de recherche,
dans le domaine de la neuropsychologie, notamment avec le projet de la
Régie de l'assurance automobile du Québec.
En ce qui concerne les réseaux de recherche en
réadaptation, je pourrais vous dire deux choses, et ce sont
peut-être deux opinions un peu contradictoires, direz-vous. La
première, c'est que nous, quand ça c'est arrivé, on s'est
dit: Pourquoi le FRSQ ne veut-il pas développer dans des endroits qui
ont déjà beaucoup d'expertise dans ce domaine-là
l'ensemble des recher-
ches en réadaptation? Bon, le FRSQ a choisi de le faire de
façon différente via les réseaux, ce que je respecte, et
nous sommes donc, l'Institut, membre du Réseau de recherche en
réadaptation de Montréal et de l'Ouest du Québec. Et je
pense que, en y réfléchissant par la suite, je me suis dit: Ce
n'est pas une mauvaise chose, les réseaux, parce que ça va
permettre de développer une recherche qui est souvent oubliée,
qui est tout le domaine psychosocial, mais la développer de façon
scientifique, avec des subventions de recherche par des comités de
pairs, notamment Santé et Bien-être Canada, Fonds de la recherche
en santé du Québec, CRSNG au niveau fédéral. Donc,
ce réseau-là auquel nous participons va permettre de
développer à terme une recherche de qualité dans le
domaine psychosocial et il ne pourra pas en être autrement, de toute
façon, parce qu'il y a tellement de déficiences
représentées autour de la table - on parle des personnes
âgées, de déficience visuelle, auditive et physique - qu'on
va devoir s'axer vers des thèmes communs de recherche, et je pense que
la création des réseaux est une bonne chose, donc, en
définitive.
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être deux petits
commentaires sur des points spécifiques que vous avez abordés au
niveau de la définition de "centre de réadaptation". Je pense
qu'il faut revoir la définition et, sans vous dire pour autant qu'on
puisse garder la vôtre, je pense qu'on admet volontiers que des choses
peuvent être corrigées, certaines choses, et elle sera donc
retouchée. (17 h 30)
Deuxièmement, lorsqu'on parle, à la page 8, de centre
hospitalier universitaire et d'institut universitaire, est-ce que je dois
comprendre de votre recommandation que vous admettez qu'il doit y avoir une
distinction entre le centre hospitalier universitaire et l'institut?
Règle générale, un centre hospitalier universitaire, c'est
multidisciplinaire, sur le plan de la recherche. Alors que, dans le cas de
l'institut, c'est un secteur de recherche, règle générale.
Ce qui me fait peur un petit peu dans votre définition, c'est que vous
dites: "Avec la nuance qu'un institut universitaire dispense des services
spécialisés dans une ou quelques disciplines médicales."
Évidemment, quand on ouvre la porte à quelques disciplines
médicales - avec un s - on peut devenir multidisciplinaire très
rapidement. Mais pour autant qu'on se comprenne bien qu'il doit y avoir une
distinction entre centre hospitalier universitaire et institut, je pense qu'on
est capables de faire un certain bout de chemin.
M. Voyer: C'est qu'une pointe d'excellence peut être
multidisciplinaire. Par exemple, l'approche en réadaptation, c'est
nécessairement multidisciplinaire, M. le ministre. C'est dans ce
sens-là qu'on dit ça. Ce n'est pas pour dire que l'Institut de
réadaptation doit devenir un institut de neurologie, de
réadaptation de coeur, et de ceci et de cela. Ce n'est pas dans ce
sens-là qu'on le disait. C'est vraiment pour inclure différentes
disciplines dans ce secteur bien particulier.
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être un dernier
commentaire, parce qu'il y a d'autres recommandations. Ce que je constate du
mémoire et du ton du mémoire, c'est que ce n'est pas
catégorique. Évidemment, on est toujours tenté, dans ce
genre d'exercice, de dire: Écoutez, c'est totalement pas bon, ce que
vous nous proposez. Ce que je trouve, c'est qu'au moins vous ouvrez la porte et
vous dites: Oui, il y a peut-être possibilité d'unifier un certain
nombre de choses. Ce n'est pas totalement bon, mais c'est aussi pas totalement
mauvais. Il y a donc des possibilités. C'est un ton que j'accepte
volontiers et avec lequel on va composer.
Donc, II y a possibilité d'éviter des duplications parce
que notre système est un système qui est fait de façon
telle où il y a de la duplication. Et, inévitablement, ça
veut dire des coûts aussi, la duplication. Donc, il faut viser davantage
la complémentarité; je ne sais pas si on réussira, mais on
va essayer d'avoir le bénéficiaire comme objectif. À ce
moment-là, je pense que les structures, c'est un moyen. Quant à
moi, je peux prendre l'efface et toutes les effacer. Évidemment, quand
j'efface des structures, ça met plus d'argent dans la cagnotte pour les
vrais besoins. Mais, évidemment, ça ne se fait pas du jour au
lendemain et ce n'est pas toujours évident qu'on peut faire ça
aussi facilement. Donc, ce qu'on vise, c'est éviter les duplications,
les éliminer et faire en sorte qu'on ait toujours à l'esprit le
bénéficiaire. Et, si jamais on a ça à l'esprit, je
pense que ceux qui se sentent visés par des changements de structures,
des regroupements, dans la mesure où chacun tire profit de
l'expérience des autres... On en a eu un exemple tantôt. Les
centres de réadaptation sont venus nous dire: Écoutez, si on
applique votre proposition de conseil d'administration unifié, nous, on
est 17... Bon, le ridicule démontrait que ça n'avait pas de bon
sens dans ces cas-là, mais qu'il y avait quand même des
critères qui pouvaient exempter des regroupements, j'allais dire
monstrueux, qui ne régleraient pas nécessairement tous les
problèmes, non plus. Merci
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Adam, je pense que
vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Adam: M. le ministre, en terminant, je pense comme vous au
niveau des structures. Je pense que les structures engendrent les structures.
Il faut, au niveau de l'avant-projet de loi, à mon avis, minimiser
l'aspect structurel de l'avant-projet de loi pour faire en sorte que les
établissements puissent agir de façon
complémentaire, notamment, et mes prédécesseurs le
disaient, au niveau des plans de services auprès de la clientèle.
Je pense que ce n'est pas... J'ai peut-être deux reproches à faire
à l'avant-projet de loi dans ce sens-là. Le premier c'est, comme
l'actuelle Loi sur les services de santé et les services sociaux,
l'hyperréglemen-tation qu'on retrouve au niveau de l'avant-projet de loi
et de la loi actuelle, d'une part. D'autre part, en créant les
régies régionales, il faut faire attention de ne pas
recréer de miniministères de la santé et des services
sociaux dans chacune des régions. C'est extrêmement important
parce que c'est déjà extrêmement lourd à porter,
dans les régions, les conseils régionaux. Il ne faut pas, donc,
multiplier à l'infini ce type de structure là.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, la
volonté de ça - parce qu'il y en aura effectivement, un pouvoir
régional - c'est de leur donner suffisamment de pouvoir pour qu'ils
puissent décider des choses. Ce dans quoi sont empêtrés
à l'occasion les CRSSS, malgré leur bonne volonté, c'est
que, consultatif... Évidemment, tant et aussi longtemps que les
institutions vont se dire et pouvoir se dire: Tu peux toujours nous consulter,
tu peux toujours nous recommander des choses, mais on a un droit d'appel au
ministre et si ça ne fait pas avec toi, quand tu nous auras dit non, on
ira faire dire oui au ministre par toutes sortes de pressions: pressions
politiques, de "chums" qu'il connaît, de mes "chums" à moi qu'il
connaît, peu importent les critères... Évidemment, tant et
aussi longtemps que ce droit d'appel va demeurer, on va être dans une
situation où le pouvoir régional ne pourra pas exercer la
concertation et l'élimination de certaines structures doubles. C'est ce
défi, évidemment, étant confrontés aussi à
la Loi sur l'administration financière où l'imputabilité
devient extrêmement importante et c'est le ministre qui doit
répondre en tout temps.
Donc, c'est un exercice qui n'est pas facile. La volonté
politique est là de donner plus de pouvoir pour faire en sorte qu'il y
ait moins d'arbitrage au central et plus de pouvoir dans les régions de
façon à ce que la région puisse s'exprimer, parce qu'elle
connaît ses besoins beaucoup mieux que le pouvoir central et qu'elle
puisse prioriser les champs dans lesquels elle veut oeuvrer. Ça
m'apparaît très très important. Pierre-Boucher et
Charles-LeMoyne nous ont donné la démonstration il n'y a pas
tellement longtemps que, au lieu de se chicaner, ils avaient compris que, s'ils
se parlaient et qu'ils étaient complémentaires, ils pourraient
probablement en tirer davantage. Ça c'est une belle leçon. Je
pense que dans le réseau, dans la mesure où tout le monde va
tirer cette leçon, et qu'on donne des pouvoirs sur le plan
régional à une régie ou un organisme qu'on appellera je ne
sais pas trop comment... Donner les pouvoirs, mais pas créer, comme vous
le craignez, ou vous le dites, pas créer un pouvoir omnipuissant sur le
plan régional. Il faudra que ça se balise aussi un peu.
M. Adam: On se comprend bien.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Brièvement,
parce que les questions ont été assez précises quant aux
aspects que vous nous présentez aujourd'hui, je voudrais commencer
d'abord par vous dire que, moi qui suis d'une région
périphérique, j'ai comme l'impression qu'on connaît bien -
même si je sais qu'on le connaît peu, finalement, dans le
détail - l'Institut de réadaptation de Montréal parce
qu'on a beaucoup de personnes qui effectivement, dans nos familles ou aux
alentours, dans nos milieux de vie, sont passées par votre institut. Je
ne me souviens pas d'avoir eu un commentaire négatif. Il y en a
sûrement eu, comme dans n'importe quelle institution, mais ne prenons que
le positif. Je vous dis que je n'ai entendu que ces types de commentaires quant
au travail que vous faites. On comprend, à cet égard, que vous
placez au centre de vos préoccupations, dans votre mémoire court,
qui a le mérite - et je suis d'accord avec le ministre là-dessus
- d'être souple, intelligent et d'aller directement aux affaires, tout en
laissant de l'espace à la réflexion... J'ai comme l'Impression
que c'est une philosophie dans votre maison et c'est tout à votre
honneur de nous amener ça comme cela. Quoique, étant issu du
milieu universitaire, je vais aller tout de suite en contradiction avec
moi-même et vous poser un peu de questions pour avoir un peu plus de
précision sur les recommandations que vous nous faites. Il y a beaucoup
de monde, dans l'ensemble du réseau, qui vous envie comme institut, ou
les hôpitaux universitaires, parce qu'au départ vous conservez vos
conseils d'administration, avec des modifications. Des personnes qui sont
passées ici, des institutions, des établissements aimeraient bien
avoir, je dois vous le dire, aimeraient bien conserver le privilège
qu'elles ont actuellement d'avoir leur propre organisation, leur propre conseil
d'administration.
Quand vous dites dans votre recommandation que, oui, les conseils
d'administration unifiés ça peut faire de l'allure pour amener la
complémentarité, mais qu'il faudrait y retrouver, avoir la
permission, en quelque sorte, d'y inclure les particularités
régionales, est-ce que finalement vous n'êtes pas en train de nous
dire: Écoutez, une institution avec son conseil d'administration, c'est
encore ce qu'il y a de meilleur? Il y a toute une série de choses, une
philosophie, une culture, des objectifs particuliers et que, s'il faut
souhaiter la complémentarité, ce
ne sort pas au prix de faire disparaître les gens qui sont autour
de la table pour administrer une chose, un établissement.
M. Voyer: Sûrement pas au détriment du dynamisme des
institutions en question et, en tout cas, par rapport à des institutions
d'ordre universitaire, encore une fois, vous savez, diable, les vocations de
recherche et d'enseignement, ça ne peut pas non plus se remplir par...
Ce ne sont pas des mandats qui peuvent être tenus, des
responsabilités qui peuvent être tenues par des gens qui ne sont
pas au courant de ces réalités-là de façon
quotidienne et régulière. C'est, entre autres, dans ce
sens-là qu'on dit ça. Il y a quand même des expertises qui
ne sont pas à négliger à l'Intérieur des
boîtes elles-mêmes. S'assurer que tout ça est bien tenu,
bien dirigé, c'est une bonne façon - au niveau des conseils
d'administration, on donne à ces gens-là une voix - de
l'assurer.
M. Adam: Je voudrais ajouter, si vous le permettez, que dans ce
que nous disons, c'est que l'avant-projet de loi veut favoriser la concertation
et la complémentarité. Une façon de le faire, ça a
été de dire: Unifions les conseils d'administration de
façon à ce qu'on évite les chicanes de clocher entre les
établissements. Nous pensons, de façon très philosophique
et très globale, que ce n'est pas une mauvaise chose en soi, O. K. ?
Mais, par contre, il y a certains établissements, notamment dans les
régions urbaines, et on pariait de Montréal, qui ont des
particularités notamment suprarégionales, qui ont des
particularités linguistiques et qui ont, par exemple... On peut
retrouver, dans le territoire d'un CLSC, un CLSC, un hôpital et un
établissement pour les personnes déficientes visuelles ou
déficientes auditives. Donc, évidemment, ça ne colle pas
pantoute parce que ces gens-là vont chercher des clientèles un
peu partout. Ce que nous disons, c'est que nous ne sommes pas contre le
concept, mais je pense que ça mérite peut-être d'être
creusé davantage parce qu'il y a des régions, notamment les
régions urbaines, qui sont tellement particulières qu'il faudrait
peut-être étudier davantage le concept; c'est ce que nous
disons.
M. Trudel: J'ajoute - ce n'est pas votre opinion, je ne vous le
fais pas dire - qu'il y a peut-être suffisamment de particularités
et de démonstrations qui ont été faites à cette
commission pour ouvrir d'autres voles pour retrouver la
complémentarité que celle de fondre les conseils d'administration
pour une foule de raisons. Par exemple, ce n'est pas toujours le conseil
d'administration qui, effectivement, mène dans l'institution, compte
tenu de ce qu'il y a comme personnel et comme type de travail qu'on fait dans
l'institution. Il ne me semble pas que la meilleure façon... Pour
atteindre cette com- plémentarité - pour éviter, oui, la
duplication, pour éviter des coûts de système - ce n'est
peut-être pas la meilleure approche. Il y a suffisamment de
démonstrations qui ont été faites, oui, vous avez raison,
par ailleurs, pour trouver la complémentarité à travers
d'autres modèles peut-être beaucoup plus simples que cela et qui
ne déresponsabiliseraient pas les institutions et les membres des
conseils d'administration qui administrent ces institutions.
Je ne voulais pas poser de questions sur la régie, mais, dans la
dernière réponse au ministre, vous y avez touché. Alors,
vous ouvrez la porte et on va poser une question là-dessus. Vous dites:
II ne faudrait pas que les régies régionales deviennent douze,
treize, quatorze ou quinze petits ministères de la santé et des
services sociaux. C'est donc l'impression première que vous avez quand
vous lisez l'avant-projet de loi, qu'on serait peut-être en train de
reproduire et qu'on va continuer à augmenter le nombre de niveaux
administratifs au lieu de tendre à le diminuer.
M. Adam: Je vous dirais que ce n'est pas ce que j'ai vu dans
l'avant-projet de loi, c'est plutôt mon expérience. Et je vous
parle d'expérience pour vivre dans une région qui est celle de
Montréal et où tout est extrêmement lourd et laborieux. Mon
commentaire visait à indiquer qu'il faudrait éviter de maintenir
ou de recréer d'une autre façon cette lourdeur qui crée de
la "structurité" et qui crée de la "comitite" et des
comités à n'en plus finir et qui font en sorte qu'on fait des
comités pour faire des comités et pour étudier le
comité suivant. Bon. Alors, c'était le sens de mon
commentaire.
M. Trudel: Est-ce qu'on s'entendrait si l'on disait oui à
de nouvelles structures, mais il va falloir qu'il y en ait d'autres qui
disparaissent s'il y en a de nouvelles qui apparaissent? Si on ne fait
qu'ajouter aux structures, on tombe Inévitablement dans ce que vous
décrivez et il va falloir qu'il y ait des propositions de
dégraissage si on change les niveaux.
M. Adam: Écoutez, je vous répondrai en vous disant
ceci: À mon avis, pour utiliser une expression anglaise, pardonnez-moi,
il faut procéder à un "streamlining" dans l'ensemble des
structures dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Donc, aplanir les structures et faire en sorte - et je reprends votre
expression - faire en sorte de ne pas créer de nouvelles structures
par-dessus les anciennes structures, mais au moins les remplacer et de
façon probablement, je l'espère, plus efficace.
M. Trudel: Encore une fois, s'il y a quelque chose qui
apparaît, il va falloir qu'il y ait quelque chose qui disparaisse quelque
part. (17 h 45)
M. Adam: Je présume.
M. Trudel: voilà! au niveau de la recherche. une petite
question au niveau de la recherche: êtes-vous admissibles, vos
équipes sont-elles admissibles au crsng ou au crsh?
M. Adam: Oui.
M. Trudel: Grosso modo, votre budget de recherche comme tel, vous
parliez de douze chercheurs à temps complet tantôt, c'est de quel
ordre à peu près?
M. Adam: Écoutez, je vous dirai que notre budget
d'infrastructure comme tel, reçu du Fonds de la recherche en
santé du Québec, est de l'ordre d'à peu près 160
000 $ pour faire fonctionner l'infrastructure du centre.
M. Trudel: Ah, bateau!
M. Adam: Mais par contre, évidemment, nos fonds de
recherche sont annuellement de l'ordre de plus ou moins 800 000 $ à 1
000 000 $ avec lesquels, évidemment, nous pouvons financer à la
fois de nouvelles recherches et aider également à financer
l'infrastructure du centre de recherche ou son fonctionnement.
Évidemment pour chaque chercheur dans un centre de recherche il y a
toujours quatre ou cinq personnes autour du chercheur, à savoir
notamment un ou deux assistants de recherche, un technicien, des
équipements de laboratoire, du personnel de secrétariat, etc.
Alors, c'est très lourd à porter la recherche, ça demande
beaucoup de financement.
M. Trudel: Ce sont les coûts indirects de la recherche.
M. Adam: Les coûts indirects de la recherche sont
extrêmement importants.
M. Trudel: Est-ce que le gros des montants d'argent que vous
venez de nous donner, de l'ordre de 800 000 $ à 1 000 000 $ ou aux
alentours, est-ce que vous le tirez essentiellement des grands conseils
nationaux, le CRSH et le CRSNG?
M. Adam: C'est exact.
M. Trudel: Oui. Est-ce que vous estimez que vous avez votre juste
part dans le sens suivant, non pas dans le sens de la grande bataille qu'on
mène sur l'argent du fédéral pour la recherche et le
développement au Québec, mais dans le sens qu'on sait comment
sont attribuées ces subventions-là par les comités
disciplinaires? Est-ce que vous avez l'impression d'avoir votre juste place et
votre juste part à partir des décisions de ces comités
disciplinaires? Parce que, finale- ment, je pense qu'on pourrait s'entendre en
disant: Vous n'êtes pas la grosse équipe, vous faites de
l'excellent travail, mais vous êtes une équipe relativement
spécialisée et ça, ça amène
généralement, je le sais, des problèmes au niveau des
grands conseils subventionnaires. Avez-vous l'impression de tirer tout ce que
vous devriez tirer de ces fonds nationaux de recherche?
M. Adam: Pas du tout. Je pourrais vous dire que les fonds
nationaux de recherche sont orientés surtout sur le médical et le
biomédical. Donc, essentiellement, la recherche en réadaptation
est une recherche que je qualifierais de multidisplinaire dans le sens qu'elle
touche plusieurs aspects de la personne; elle touche le médical, elle
touche le social. Quand on arrive, par exemple, à Santé et
Bien-être Canada, pour se faire financer des projets de recherche, on se
fait rejeter souventefois, évidemment, pour beaucoup de soumissions
parce que nos recherches sont à vocation multidisciplinaire et que
ça n'entre pas, finalement, dans un cadre qu'on qualifierait de
médical et très biomédical. Par contre, tout ce qui est
très biomédical est très bien financé; il n'y a pas
de problème. Mais on n'a pas notre juste part, non.
M. Trudel: Notre façon de faire les choses ne cadre pas
tout à fait...
M. Voyer: Mais, en cela, vous le savez, dans le fond, c'est pour
ça que, quand le ministre soulevait la question du consortium, c'est une
initiative québécoise qui est vraiment à souligner et dont
nos législateurs doivent être félicités parce que
tout le problème de la recherche en réadaptation est dans le sens
que M. Adam vient de le dire, c'est que, étant multidisciplinaire, on
est régulièrement, comme tel, rejeté auprès des
conseils disciplinaires en question. Aussi, dans le domaine de la
réadaptation, plusieurs des disciplines sont essentiellement cliniques;
il s'est formé très peu de chercheurs. C'est pour ça que
c'est petit à petit que ça se fait. Mais, justement, on y vient
avec les années. Il y a, dans le domaine des ergothéra-peutes,
des physiothérapeutes et pour nommer ces deux disciplines, de plus en
plus de chercheurs chevronnés qui apparaissent. Mais, pour favoriser le
développement de ces chercheurs, il fallait d'abord des fonds et
c'était extrêmement difficile, puisque ces disciplines
s'inscrivaient dans des recherches à caractère
multidisciplinaire. Ça demeure un problème critique et vraiment,
là-dessus, je dois vous dire qu'on ne peut pas faire autrement
qu'être pour le consortium et espérer que vous continuerez
à le faire fructifier
M. Trudel: Une toute petite dernière.
La Présidente (Mme Marois): Une toute
petite.
M. Trudel: Vous recommandez donc, à la toute fin, que le
conseil d'administration des hôpitaux et des instituts universitaires
continue d'être composé en particulier des membres des
corporations et continue d'inclure la participation des médecins et du
personnel de l'établissement. Évidemment, vous le faites dans le
cadre de vos institutions, de votre type d'institutions, mais est-ce que
ça vaut pour tout le monde, ça, pour tous les types
d'institutions? Quant à vous, est-ce que ça vaudrait pour tout le
monde?
M. Adam: En ce qui me concerne, oui, parce que je pense que, si
on veut éviter de désin-carner le conseil d'administration des
réalités quotidiennes, il serait souhaitable qu'on continue
d'avoir la participation de membres internes au conseil d'administration. Mais
peut-être avec une nuance pour éviter, finalement, les batailles
dans les conseils d'administration entre le syndicat, les médecins et
les autres, faire en sorte que les gens qui viennent au conseil
d'administration et qui proviennent de l'établissement s'engagent au
moins à adhérer aux objectifs de l'établissement et
à travailler comme des administrateurs au sens large et non pas
travailler pour sa paroisse, par exemple, le syndicat ou le conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens. Cette nuance est importante mais,
oui, on le favorise.
M. Trudel: Très bien. Merci beaucoup.
M. Voyer: Je vais vous donner aussi une réponse de
médecin-psychiatre: S'identifier à l'institution, ça aide
en "rnosus" au dynamisme.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre réflexion et de votre
mémoire.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci. Oui, vous
vouliez ajouter quelque chose, M. Adam?
M. Adam: Oui, je voudrais ajouter, Mme la Présidente, en
terminant, que nous voulons insister, dans notre mémoire, sur
l'importance de la réadaptation au Québec. La réadaptation
est au carrefour des années 2000 et je pense que le mot
"réadaptation" va devenir le mot-clé dans les années 2000
parce que, de toute façon, économiquement et socialement, on ne
pourra pas y échapper. Je pense que c'est ça, le sens du message
qu'on veut transmettre.
La Présidente (Mme Marois): D'accord Merci beaucoup.
Nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 52)