Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures sept minutes)
La Présidente (Mme Marois): J'invite les membres de la
commission, s'il vous plaît, à prendre place à la table.
Nous reprenons nos travaux dans le cadre de la consultation
générale et des auditions publiques portant sur l'étude de
l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé et les services
sociaux.
Je vais rappeler aux membres de la commission que notre journée
sera longue, que les groupes qui se présentent aujourd'hui devant nous
sont nombreux, sont bien représentés et je dirais, en nombre
significatif et important. Il faudra donc être très
disciplinés dans l'utilisation de notre temps, sinon on risque de se
retrouver à terminer nos travaux à des heures fort indues.
Cela étant dit, j'inviterais, dès le départ,
l'Association des hôpitaux du Québec à prendre place devant
nous, s'il vous plaît. Merci. Alors, je rappelle brièvement les
règles: une vingtaine de minutes pour la présentation de votre
mémoire, 20 minutes sont accordées au gouvernement, 20 minutes
à l'Opposition pour soulever des questions, de telle sorte que le temps
imparti à chaque groupe est d'environ une heure. Ça peut
être un peu moins, ça peut être un peu plus, mais pas
beaucoup plus. D'accord? Alors, je vous remercie et j'inviterais M. Favre,
j'imagine, à présenter les personnes qui l'accompagnent.
Association des hôpitaux du
Québec
M. Fabre (Henri): Oui, Mme la Présidente, M. le ministre,
Mmes, MM. les membres de la commission des affaires sociales. J'aimerais vous
remercier, Mme la Présidente, de me donner l'occasion ce matin de
présenter le "rapport" que nous avons préparé et que nous
soumettons à cette commission.
Je voudrais vous présenter les membres de l'Association des
hôpitaux du Québec qui m'accompagnent. À ma gauche, le
premier vice-président de l'Association, le Dr Jacques Brunet, et le
deuxième vice-président de l'Association, M. Marcel Gagnon.
À ma droite, M. Jacques Nadeau, vice-président exécutif,
le Dr Paul Landry, vice-président, programmes et recherche, et Me
Ghislaine Gosselin, directeur des affaires juridiques.
L'Association des hôpitaux du Québec regroupe les quelque
200 centres hospitaliers et centres de santé du Québec, ainsi
qu'une trentaine d'autres établissements et organismes agissant dans le
domaine de la santé et des services sociaux. Nous sommes, ainsi que les
membres que nous représentons, fortement con- cernés par les
débats entourant l'évolution du système de santé et
l'organisation des soins et des services à la population. À ce
titre, nous nous réjouissons de la volonté ferme du gouvernement
et, plus particulièrement, du ministre de la Santé et des
Services sociaux de passer à l'action pour améliorer le
système de santé et de services sociaux.
En effet, notre système de santé fait face à des
problèmes sérieux et nécessite des améliorations
importantes et urgentes. Cependant, il faut bien se comprendre:
améliorer ne veut pas dire faire table rase des acquis et tout
reconstruire. Au contraire, il faut bien identifier les problèmes les
plus criants et mobiliser les forces et le dynamisme du réseau et du
gouvernement pour y faire face.
Ces problèmes auxquels nous avons à faire face sont de
plusieurs ordres. D'abord, au niveau même de ce qui constitue la raison
d'être du réseau, nous devons admettre que les services sont
souvent discontinus, manquent de complémentarité entre eux et que
ce sont nos clients, et particulièrement les plus vulnérables,
qui en font les frais. À un autre niveau, soit celui de la structure et
du fonctionnement, nous devons constater que le système est lourd et
rigide. Il y a beaucoup trop de structures, de procédures
compliquées, d'étapes et de délais qui retardent l'action.
En contrepartie, il y a peu d'incitatifs, de stimulation et de reconnaissance
du travail réalisé. Enfin, il y a aussi un problème majeur
au niveau du financement du système. Le vieillissement de la population
et les pressions exercées par les nouvelles technologies exigent
d'investir davantage. Par contre, la capacité de payer des gouvernements
est de plus en plus limitée.
Ces problèmes sont sérieux et exigent des solutions
énergiques. Malheureusement, l'avant-projet de loi qui nous est
proposé n'offre pas de réponse adéquate, ni dans son
contenu, ni dans son approche. Ce projet repose sur une vision technocratique
selon laquelle les solutions ne peuvent venir que d'en haut et il
prévoit la mise en place d'une bureaucratie encore plus lourde ainsi que
la multiplication des contrôles sur ce qui se fait à la base.
L'avant-projet de loi entraîne une réelle centralisation
des pouvoirs. On le réalise d'abord au niveau des régies
régionales qui, au lieu d'être un outil privilégié
de concertation et d'assistance aux ressources de la base, sont en fait des
bureaucraties régionales prolongeant le rôle central du
ministère. On le réalise aussi et surtout dans la tentative de
ramener les établissements à un rôle de point de service,
amputés
de leur propre conseil d'administration et devant agir comme de simples
exécutants des programmes conçus, planifiés,
gérés et évalués par le niveau régional. Au
lieu de dynamiser et de responsabiliser le réseau des ressources qui
sont sur le terrain, on les neutralise.
L'avant-projet de loi affiche aussi une approche extrêmement
rigide et complexe quant aux solutions qui sont proposées. Le
regroupement des conseils d'administration sur la base des territoires de CLSC
en est l'exemple le plus évident. Ce modèle unique ne tient pas
compte, ni dans la base territoriale de regroupement proposée, ni dans
son organisation, des particularités propres à chaque milieu et
du fait que le bassin de clientèle desservi par un centre hospitalier
dépasse largement un territoire de CLSC.
La redéfinition des rôles des catégories
d'établissement illustre aussi cette approche rigide et manquant
d'ouverture. Il en est de même pour plusieurs aspects, notamment les
mécanismes de nomination des membres de conseil ou encore la limite
imposée au renouvellement de mandat des directeurs
généraux. Si l'on ajoute à cela la multitude de nouveaux
contrôles et l'ensemble des autorisations qui seraient requises avant
d'agir, force nous est de reconnaître que l'avant-projet de loi traduit
un manque de confiance évident à l'égard des
établissements, de leurs administrateurs et gestionnaires, ainsi que des
médecins et du personnel.
Nous ne pouvons donc souscrire à une telle approche et c'est
pourquoi nous recommandons fermement au ministre de prendre ses distances par
rapport à ce projet et de considérer plutôt les
améliorations essentielles à apporter à la loi
actuelle.
Les changements à la loi actuelle. L'amélioration de notre
système de santé, de son fonctionnement et surtout de sa
capacité de produire en quantité et en qualité les
services requis par la population exige qu'un certain nombre de changements
soient apportés à la législation actuelle. Ces changements
concernent notamment le cadre dans lequel est exercé le droit
d'accès aux services, la place des établissements dans le
système, ainsi que leur organisation et leur gestion et, enfin, le
partage des responsabilités.
D'abord, en ce qui touche le droit d'accès aux services, nous
considérons que, dans un contexte de ressources limitées et afin
d'assurer la qualité des services, il importe que le législateur
précise mieux ou balise l'exercice de ce droit par les
bénéficiaires. Si l'on se fie à la jurisprudence
récente, il semble que l'on ne reconnaisse pas vraiment aux
établissements la possibilité de rationaliser l'accès aux
services qu'ils dispensent.
En effet, le jugement rendu récemment dans la cause d'Yvon Jasmin
et alia contre la Cité de la santé de Laval empêche cet
établissement d'appliquer des critères d'accès à
ses services obstétricaux, de même qu'à ses services
diagnostiques et cela, même si la demande que doit satisfaire ce centre
dépasse largement la capacité des ressources en place. Cette
situation a pour effet de rompre le fragile, mais nécessaire
équilibre entre les différents services offerts par
l'établissement.
Il n'est évidemment pas question d'aller à l'encontre du
droit d'accès aux services. Cependant, qu'il s'agisse de services
d'obstétrique ou d'autres services, il est de plus en plus important que
les établissements puissent établir des critères et des
mécanismes leur permettant de déterminer et de faire
connaître à la population les services disponibles en fonction des
ressources dont ils disposent. Par exemple, ces critères pourraient
prendre la forme de délimitation du territoire desservi par un centre
hospitalier dans tel ou tel domaine. Dans la mesure où de tels
critères sont établis en tenant compte de la
complémentarité nécessaire entre les centres hospitaliers,
l'accessibilité aux services est non seulement maintenue, mais il est
davantage possible d'en garantir la qualité.
Quant à la place des établissements dans le
système, on doit s'assurer que le rôle attribué à
chaque catégorie demeure assez ouvert. Il ne faut pas les cloisonner
indûment dans des rôles trop limitatifs, mais plutôt leur
permettre d'assumer le plus complètement possible leur mission de soins
de courte ou de longue durée, d'enseignement et de recherche ou de
santé communautaire, de la façon qui corresponde le mieux aux
besoins des populations qu'ils desservent. De même, on doit créer
les conditions et trouver les incitatifs qui amènent les
établissements à travailler en plus étroite collaboration.
La complémentarité des services et la rationalisation du
réseau doivent venir de la base et respecter les caractéristiques
propres à chaque milieu. Pour ce faire, nous croyons que, dans chacune
des régions, les établissements appartenant à un
même milieu naturel devraient se voir confier le mandat
d'élaborer, pour leur milieu, un plan de complémentarité
des services. Ils pourraient disposer d'au plus deux ans pour déposer
ces plans. Quant aux solutions qui pourraient y être prévues,
elles sont variées, allant des ententes de services à la mise en
commun de services et de ressources entre des établissements qui
demeurent autonomes jusqu'à, lorsque cela est possible et voulu, la
création de réels ensembles de santé réunissant des
établissements ayant des missions complémentaires dans un
même milieu.
En ce qui concerne les centres hospitaliers eux-mêmes, il faut
reconnaître leurs respon sabllltés et confirmer leur place dans le
réseau de soins. Ceci exige d'abord qu'on confirme l'existence de leur
conseil d'administration propre et qu'on en réajuste la composition pour
en faire
des instances de gestion plus efficaces. À cet égard, nous
considérons qu'il est possible d'en faire une structure de
décision plus dynamique, plus cohesive, plus efficace sans
nécessairement en exclure toute expertise reliée aux services de
santé et aux services sociaux.
Nous proposons donc pour un centre hospitalier un conseil
d'administration comprenant un maximum de douze personnes dont deux personnes
nommées par le ministre après consultation de la régie
régionale, une personne nommée par la municipalité
régionale de comté ou, à défaut, par la ville
où l'établissement est situé...
La Présidente (Mme Marois): Si vous me le permettez, nous
avons devant nous un mémoire qui est un résumé, mais que
nous suivions assez fidèlement jusqu'à il y a quelques instants.
Est-ce que vous avez révisé ce document?
Une voix: Le texte de présentation n'a pas
été suivi.
M. Favre: Le texte de présentation que je lis?
La Présidente (Mme Marois): Oui, c'est ça. Nous
avons le mémoire complet, bien sûr...
M. Favre: Et le résumé.
La Présidente (Mme Marois): ...et nous avons un
résumé.
M. Favre: Mais je ne lis pas le résumé.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Parce que, à
certains moments, on vous suivait assez bien, vous le suiviez vous-même,
mais vous l'avez étoffé, si je comprends bien.
M. Favre: II est possible, lorsque je parle, Mme la
Présidente... Il y a des choses qui doivent être écrites et
lues et d'autres choses sont faites pour être
présentées.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. Favre:
Mais c'est le même...
La Présidente (Mme Marois): Parfait. Je voulais savoir, au
profit des membres de la commission, si le texte comprenant aussi les ajouts ou
les commentaires était disponible. Sinon, on va...
M. Favre: C'est le même exactement. Nous parlons toujours
du même mémoire. Il n'y a rien de changé.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Nous vous
écoutons.
M. Favre: Merci, Mme la Présidente.
Nous disions donc, par rapport au conseil d'administration, deux
personnes nommées par le ministre; une personne nommée par la
municipalité régionale; une personne nommée par le
comité des bénéficiaires, si un tel comité existe
dans l'établissement; une personne nommée par l'université
à laquelle l'établissement est affilié ou, à
défaut d'une telle affiliation, une personne nommée par les
milieux d'enseignement de la région; trois personnes nommées par
les membres de la corporation propriétaire des actifs immobiliers autre
qu'une corporation constituée en vertu de la présente loi; trois
personnes peuvent être nommées par les membres visés
précédemment par cooptation. Le nombre et les autres
modalités de nomination de ces personnes sont prévus dans le
règlement de régie interne du centre hospitalier. Toutefois, au
moins une de ces personnes doit être un employé ou une personne
oeuvrant dans l'établissement; le directeur général. Cette
formule a pour avantage de respecter le caractère distinct de chaque
centre hospitalier et de recruter des personnes intéressées
à les gérer, et à les gérer avec efficacité
et efficience.
De même, il faut reconnaître l'apport des corporations
propriétaires et maintenir leur participation très
dévouée à la vie des établissements. Enfin, il faut
aussi alléger, au moins ne pas alourdir davantage, les règles de
gestion (procédures, autorisations, contrôle) et permettre
à chaque centre hospitalier d'organiser lui-même ses ressources en
fonction de sa mission et des résultats qu'il doit atteindre. Il faut
aussi, au même titre, leur donner des moyens essentiels d'agir, notamment
en investissant davantage dans la formation et en leur permettant d'Impliquer
les médecins dans la gestion.
Les centres hospitaliers peuvent et veulent faire plus. Il faut leur en
donner les moyens et leur permettre de mobiliser leurs ressources à
cette fin. Dans ces conditions, il est certain que le réseau des centres
hospitaliers pourra davantage répondre non seulement de l'utilisation de
ses ressources, mais aussi des résultats produits et de la
qualité des soins et des services dispensés.
Quant au rôle du palier régional, il nous apparaît
qu'il devrait d'abord en être un de concertation et de support au
réseau des établissements et des autres ressources. À ce
titre, par exemple, les conseils régionaux devraient assumer un
rôle-clé pour aider les établissements de chaque milieu
naturel à élaborer des plans de complémentarité. Ce
sont aussi les centres régionaux qui devraient faire la consolidation de
ces plans pour l'ensemble de leur région et en recommander l'approbation
au ministre. Ces fonctions doivent être renforcées et on devrait
aussi leur confier des responsabilités précises quant au choix
d'objectifs de santé prioritaires pour leur région et à la
mise en place, en
concertation avec les établissements, de programmes permettant de
réaliser ces objectifs.
Il nous apparaît donc que l'approche de centralisation des
pouvoirs et des responsabilités des établissements vers des
régies régionales doit être rejetée au profit d'une
plus grande responsabilisation de l'ensemble du réseau.
Au-delà de la loi... quelques vraies priorités. En plus
d'améliorer le cadre législatif, il est essentiel de ne pas
perdre de vue certains besoins particulièrement criants et de s'en faire
des priorités appuyées par des plans d'action concrets. Ces
besoins sont d'abord ceux des personnes âgées, des malades ayant
besoin de services médicaux d'urgence et des populations résidant
en régions éloignées et intermédiaires. Ces
clientèles sont en droit de recevoir des services plus complets, plus
continus et plus facilement accessibles.
La mise en place de services mieux intégrés et favorisant
l'autonomie des personnes âgées exige qu'on investisse
résolument dans des programmes qui permettront leur maintien dans la
communauté, que ce soit en prévenant l'hospitalisation ou encore
en facilitant le retour et le maintien à domicile après un
séjour hospitalier. De même, on devra faire en sorte que les
personnes âgées devant malgré tout être
hébergées le soient dans des conditions qui recréent des
milieux de vie stimulant, et qui garantissent une qualité de vie
certaine.
L'accès aux services d'urgence doit aussi faire partie des
priorités. Malgré les investissements des dernières
années, les salles d'urgence demeurent congestionnées.
L'articulation entre les services d'urgence préhospitaliers et les
services et ressources des centres hospitaliers demeure nettement
déficiente. Les ressources et services qui devraient permettre de
prévenir l'utilisation de ces services, d'accélérer le
retour à domicile et de libérer des lits hospitaliers ne sont que
partiellement en place. Quant à la gestion interne des ressources
hospitalières (lits, services diagnostiques) qui conditionne directement
le bon fonctionnement des urgences, elle devrait aussi être
améliorée sérieusement. En somme, l'accès à
des services d'urgence bien adaptés aux besoins et de haute
qualité doit reposer non plus sur des actions isolées, mais sur
une combinaison de solutions bien articulées. Celles-ci devraient
porter, notamment, sur la mise en place d'un véritable réseau de
traumatologie, le développement de services plus complets et mieux
intégrés aux clientèles en perte d'autonomie et une
meilleure implication des médecins.
Il est évident que la capacité du réseau de
répondre aux besoins dépend d'abord de ses ressources. À
cet égard, des pas importants restent à réaliser pour
atteindre une répartition équitable des ressources
médicales au Québec. Ainsi, le gouvernement devra intensifier et
réajuster au besoin les efforts réalisés en ce sens au
cours des dernières années. De même, il faut se doter d'une
véritable planification et de moyens concrets pour répondre aux
besoins de main-d'oeuvre en soins infirmiers et en réadaptation.
Enfin, particulièrement dans le contexte du vieillissement de la
population et de l'introduction de nouvelles technologies, il est certain que
les limites actuelles au financement du système ne permettront pas de
répondre à tous les besoins prioritaires. Il importe donc, comme
en fait état le mémoire que nous avons déposé
récemment au gouvernement sur ce sujet, d'identifier et de mettre en
place, de façon urgente, de nouvelles sources de financement des soins
et des services de santé au Québec.
Je présenterai ici les différentes recommandations.
Premièrement, refaire le projet de loi sur les services de santé
et les services sociaux en se dissociant et en s'éloignant de la logique
technocratique et bureaucratique de l'avant-projet de loi et en se centrant sur
les besoins des personnes et des clientèles à desservir; baliser
de façon claire et précise dans la loi l'exercice du droit
d'accès universel aux services et la liberté du choix du
médecin pour tenir compte des plans d'organisation, des plans
d'effectifs médicaux et des ressources disponibles dans les
établissements; reconnaître que les CHSLD, les centres
hospitaliers de soins de longue durée, peuvent dispenser une gamme
diversifiée de services pour leurs clientèles internes et
externes; maintenir, dans la loi, la responsabilité des centres
hospitaliers à l'égard de la prévention; reconnaître
qu'un centre hospitalier peut avoir une vocation d'enseignement majeure ou
partielle, selon la nature de son contrat d'affiliation à une
université; maintenir les départements de santé
communautaire intégrés aux centres hospitaliers et en
déterminer les territoires selon le nombre de résidents, la
densité de la population et les caractéristiques des
communautés; désigner, dans les régions où il
existe plus d'un centre hospitalier de soins de courte durée - ah non!
DSC, c'est la santé communautaire - parmi les chefs de
département de santé communautaire en place, un médecin
responsable d'intervenir en situation d'urgence et de coordonner, en
l'occurrence, les actions requises en matière de protection de la
santé publique avec les autres intervenants; renforcer l'organisation de
la santé communautaire au niveau provincial par la création d'un
conseil consultatif de santé publique et par la mise en place, au
ministère, d'une direction générale de la santé
publique; créer des incitatifs favorisant la
complémentarité des services, dont la création d'ensembles
de santé; confier aux conseils régionaux le mandat d'assumer la
concertation des établissements pour l'élaboration de plans de
complémentarité et ce, dans un délai d'au plus deux ans;
revoir la composition des conseils d'administration des centres hospitaliers
pour favoriser une gestion optimale; confier à chaque
conseil régional le mandat de "prioriser", en concertation avec
les départements de santé communautaire de la région, un
nombre restreint d'objectifs de santé et de les traduire en programmes
régionaux; alléger les règles de gestion des
établissements du réseau; laisser aux établissements la
possibilité d'établir leur plan d'organisation et de choisir les
mécanismes de participation qui leur conviennent, en ne mentionnant,
dans la loi, que les conseils des médecins, dentistes et pharmaciens,
les conseils consultatifs du personnel clinique et les comités de
vérification; favoriser la participation des médecins à la
gestion des établissements en assurant une rémunération
spécifique et adéquate pour les fonctions
médico-administratives; améliorer les mesures incitatives de
nature financière et organisationnelle pour assurer la
répartition équitable des effectifs médicaux, plus
particulièrement en régions éloignées et
intermédiaires; élaborer une politique de main-d'oeuvre en soins
infirmiers, incluant la planification des effectifs et l'amélioration du
contexte de travail; favoriser le développement d'un réseau de
services en réadaptation et s'assurer de la disponibilité d'une
main-d'oeuvre qualifiée et suffisante; parachever et compléter la
mise en place des mesures pour décongestionner les urgences et
développer un réseau intégré de traumatologie avec
des programmes coordonnés de services d'urgence préhospitaliers;
développer des mesures favorisant la pratique médicale dans les
secteurs de la gériatrie, de la réadaptation et des services
d'urgence; resituer le phénomène du vieillissement de la
population au centre des priorités gouvernementales et favoriser le
développement d'un réseau intégré de services aux
personnes en perte d'autonomie; identifier et mettre en place, à court
terme, de nouvelles sources de financement des services de santé au
Québec; confirmer l'existence propre des corporations
propriétaires des actifs immobiliers et reconnaître leur apport
à la vie des établissements, particulièrement par leur
participation aux conseils d'administration de ceux-ci. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup, M. Favre. Vous
êtes resté dans les limites prévues. M. le ministre de la
Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Évidemment, ce matin et toute la journée,
c'est une journée assez exceptionnelle et très importante,
puisque tout au long de la journée, nous aurons à recevoir l'avis
de ceux qui ont à dispenser des soins aux bénéficiaires de
ces soins.
Avec 23 recommandations, vous comprendrez facilement que, dans l'espace
de quinze ou vingt minutes, on n'aura pas le temps de passer à travers.
Évidemment, j'ai choisi, quant à moi, deux thèmes
extrêmement importants, majeurs.
Comme vous êtes les premiers, ce matin, on va y aller.
D'abord, il y a un certain nombre de constats qu'on fait et on les fait
ensemble. Je pense qu'à peu près tout le monde les fait. On a des
difficultés dans le réseau. Si on n'avait pas de
difficultés, vous ne seriez probablement pas là ce matin et nous
non plus; je pense qu'on pourrait faire autre chose. Allongement des listes
d'attente, désuétude et vétusté de certains
équipements, comme vous l'avez évoqué à plusieurs
reprises, et un certain sous-développement sur le plan technologique. Et
on pourrait ajouter autre chose, mais c'est sur le plan des constats. (10 h
30)
Quant à moi, ça ne fait pas longtemps que je suis
là et je suis très très concerné, très
impliqué. Je pense qu'il y a deux raisons qu'on peut facilement avancer.
On peut être d'accord ou pas. J'ai tenté de le faire dans mon
discours d'ouverture et c'est là-dessus que vont porter mes questions et
mes échanges avec vous. On peut parler d'un niveau de financement et on
peut parler de la dynamique même du système. Donc, je ne
m'attarderai pas à me demander si on doit avoir 21 personnes au conseil
d'administration, un conseil d'administration unifié ou pas, parce que
ce qui arrivera après la commission, sur le plan des analyses,
dépendra de certaines décisions que nous aurons à
prendre.
Votre mémoire, d'ailleurs, fait état de comparaisons avec
l'Ontario, avec le Canada et même, à l'occasion, avec les
États-Unis, et ça m'apparaît extrêmement important.
Donc, si vous nous le permettez, on va d'abord commencer par le premier
élément qui est celui du niveau de financement. Effectivement, le
Québec met moins d'argent que l'Ontario dans le système,
globalement, et on peut qualifier de 215 $ per capita l'effort du Québec
qui est mis en moins, sur le plan de l'argent, que celui de l'Ontario.
Évidemment, au bout de la ligne, lorsqu'on considère les
populations, ça veut dire que le Québec met 1 400 000 000 $ de
moins que l'Ontario pour tenter de régler ses problèmes de
santé et de services sociaux. C'est un écart très
très important qui vaut la peine d'être regardé de
très près, puisque, dans vos tableaux mêmes de
présentation, c'est là. Lorsqu'on veut décortiquer les 215
$ de moins qui sont mis per capita, je pense qu'on peut regarder un certain
nombre de catégories. Je suis sûr que, ce matin, ça va
faire plaisir, mon constat, à un certain nombre de personnes, moins
à d'autres, mais on verra, cet après-midi, comment est-ce qu'on
rebalance les affaires. Lorsqu'on décortique les 215 $, on se rend
compte que, comparé à l'Ontario, le Québec investit 60 $
de plus per capita pour les établissements, à partir de vos
tableaux. On investit 209 $ de moins pour les services professionnels. Et,
d'ailleurs, les médecins le disent à qui veut l'entendre: C'est
40 % de moins que les médecins
gagnent au Québec qu'en Ontario. Mais on verra cet
après-midi cette partie-là. On investit 72 $ de moins pour les
médicaments et appareils. Quand on parte d'appareils, c'est
orthèses et prothèses, ce n'est pas dans l'équipement
technique. Et il y a 6 $ de plus, pour les autres dépenses. C'est ce qui
explique les 215 $ d'écart.
Mon premier constat est à l'effet que - il est contestable, mais
je le fais à partir de vos chiffres - le Québec investit pour ses
établissements 60 $ de plus per capita qu'en Ontario et que ce sont les
professionnels de la santé qui sont, aujourd'hui, les plus
défavorisés par rapport à l'Ontario. Lorsqu'on
décortique les 60 $ de plus per capita qui sont mis dans les
établissements, notre conclusion à nous - à partir de vos
chiffres - c'est qu'il y a 73 $ de plus dans les centres hospitaliers de courte
durée et 15 $ dans les centres hospitaliers de longue durée, dans
les centres d'hébergement et dans les CAR. Donc, lorsqu'on dit qu'au
Québec on est sous-flnancé au niveau des établissements de
santé, après une analyse comme celle-là sur le plan des
chiffres, moi, j'ai l'impression, par rapport à l'Ontario, qu'on n'est
pas sous-financé, mais que nos établissements en reçoivent
- en tout cas, à partir des chiffres et des tableaux que nous avons - en
moyenne, dans les courtes durées, 73 $ de plus qu'en Ontario. Et
ça, évidemment, c'est une question qui est extrêmement
importante parce que là, on parle du financement.
Donc, avec moins de ressources au niveau du Québec, on est dans
une situation où le financement de nos centres hospitaliers de courte
durée serait nettement supérieur à ce qui est offert en
Ontario. Et ça, je le fais à partir de vos tableaux. Donc, dans
ces conditions-là, évidemment, on dit - et votre mémoire
le disait bien - il faut ajouter de l'argent. Parce que le
fédéral s'est retiré, il faut trouver une nouvelle source
de financement. Mais, vous avez l'honnêteté de le dire dans votre
mémoire, il faut ajouter de l'argent, mais d'abord et en premier lieu
pour le vieillissement de notre population.
À partir de cette analyse-là, je dis que, si on avait des
sommes additionnelles qu'on pouvait dégager - quand je fais l'analyse,
je ne dis pas qu'il n'y a pas de besoins, on pourra y revenir -
véritablement, on devrait les affecter en toute première
priorité au traitement des personnes âgées et, a ce
moment-là, l'endroit idéal ne me paraît pas les centres
hospitaliers de courte durée. Et vous dites dans votre mémoire
qu'il doit y avoir des mesures préhospitalières et qu'on doit
davantage viser les personnes âgées. Or, j'aimerais vous entendre
davantage sur le sous-financement, en particulier, des centres hospitaliers que
vous représentez. Mais ma conclusion à moi, sur le plan de
l'analyse faite avec vos chiffres, c'est qu'on est plus généreux
vis-à-vis de vous que l'Ontario ne l'est vis-à-vis de ses centres
hospitaliers. Si j'ai une mauvaise lecture, ne vous gênez pas pour me le
dire.
M. Favre: Mme la Présidente, vous me permettez de faire
appel aux compétences autour de cette-La Présidente (Mme
Marois): Très certainement. Vous savez, selon nos règles, que
vous pouvez inviter l'un ou l'autre de vos collègues à la table
à intervenir. Vous pouvez même inviter une autre personne qui vous
serait nécessaire. Ça va.
M. Favre: Oui, merci, Mme la Présidente. Je demanderais au
Dr Brunet de...
M. Brunet (Jacques): Je pense que, dans les documents qui ont
été remis par l'Association, on ne se rend pas au niveau de
détails et de sophistication, malheureusement, que le ministre vient de
nous donner ce matin L'Association n'a pas les chiffres pour infirmer,
confirmer ou discuter la notion que les centres hospitaliers du Québec
reçoivent plus d'argent que les centres hospitaliers de l'Ontario.
L'impression qu'on avait - et je pense qu'il faudrait la vérifier, il
faudra probablement approfondir ces notions-là - c'est que les centres
hospitaliers du Québec reçoivent moins d'argent que ceux de
l'Ontario et, s'il y a des différences qui sont significatives, c'est
possiblement aussi relié avec les contraintes des conventions
collectives. Une bonne partie de l'argent qui est reçu chez nous est
allouée... Les conventions collectives sont négociées
provincialement et, pour être capable de comparer en détail le
montant reçu et l'utilisation qu'on peut en faire entre l'Ontario et le
Québec, il semble assez évident qu'il faudrait pouvoir comparer
toutes ces données. Jusqu'à maintenant, les données qui
nous sont disponibles, tant dans les documents qui sont publiés par le
ministère que dans ceux qu'on peut obtenir de l'Ontario, ne nous ont pas
permis de confirmer ou d'infirmer les affirmations du ministre, et je pense que
je suis incapable de vous répondre de façon spécifique
là-dessus. Il reste qu'on demeure avec la conviction qu'à
comparer et pour avoir l'occasion de fréquenter des centres hospitaliers
de l'Ontario, il semble que leur richesse relative par rapport à la
nôtre est relativement élevée. C'est tout ce que je peux
ajouter là-dessus, M. le Président.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je vous
ferai parvenir l'analyse qu'on fait. C'est à partir de l'annexe 11,
l'année de référence totale étant celle de 1987
où on parle de dépenses totales per capita au Québec. Les
données sont là. Puisque les données de 1988-1989
n'étaient pas disponibles par rapport à l'Ontario, c'est à
partir de cette année de référence, de vos tableaux, que
nous avons ventilé les sommes qui sont indiquées et...
Une voix: Sur la même base que les données du
fédéral.
M. Côté (Charlesbourg): ...exactement, sur la
même base que les données du gouvernement fédéral,
on en arrive à cette conclusion. Donc, ce que je veux tenter de
vérifier avec vous parce que... Les conventions collectives peuvent
être un élément. Règle générale, on
nous reproche toujours, lorsqu'on négocie, qu'on paie moins nos
employés que l'Ontario; ça aussi, ça doit être tenu
en compte. C'est un premier élément. Je comprends qu'on aura
à échanger ultérieurement sur cette base-là, je
vous ferai parvenir les données.
Le sentiment que nous avons maintenant suite à cette analyse...
Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème, ce n'est pas
ça que ça cherche à cacher. Je pense qu'il y a des
problèmes. Quand on parle des problèmes de listes d'attente, des
problèmes au niveau des urgences, c'est sûr qu'il y a des
problèmes. Mais, dans mon livre à moi, il y a deux
éléments. Ça peut être le financement ou ça
peut être la dynamique elle-même du système. C'est ça
aussi qui est questionnable et c'est ce sur quoi je veux m'entretenir avec vous
sur le deuxième point. On verra sur le plan des chiffres, je pense qu'on
peut toujours en discuter.
Dans le discours d'introduction hier - je pense que vous le reprenez
aussi à votre manière dans votre présentation - on parle
de complémentarité, on parle de discontinuité, de
distorsion et d'une série de choses. Moi, je m'interroge beaucoup sur la
dynamique même du système. Est-ce qu'on n'est pas... Je demande
votre opinion très simplement; moi, j'ai l'impression que notre
système est orienté vers une production de services. Vous avez
évoqué dans votre texte aussi qu'il fallait laisser aux centres
hospitaliers de la prévention, qu'il faudrait en traiter beaucoup.
Ça m'apparaît extrêmement important qu'on ait toujours
présente à l'esprit la prévention, mais, lorsqu'on va dans
les centres hospitaliers, règle générale, on est rendu
dans le curatif. Est-ce qu'il y a un problème avec la dynamique du
système? Est-ce que vous autres, vous en percevez un, parce que vous
avez à l'administrer chaque jour, autre que technocratique? Je pense que
vous êtes assez clairs là-dessus. On ne passera pas trop de temps.
Technocratique, bureaucratique, évidemment, aux CRSSS, au
ministère. Mais, moi, je vous dis très clairement: Est-ce que la
dynamique même du système n'engendre pas des problèmes au
système sur le plan de la dispensation des services?
M. Favre: Dr Brunet.
M. Brunet: M. le ministre, je pense que c'est sûr que la
dynamique du système entraîne un certain nombre de
difficultés et que les centres hospitaliers - on est ici principalement
et on parle des centres hospitaliers de courte durée - sont d'abord et
avant tout des producteurs de services. Je pense que, si tel n'était pas
le cas, les listes d'attente s'allongeraient et l'insatisfaction serait
généralisée. Je voudrais dire, sur la dynamique du
système, que les hôpitaux que je connais sont des endroits
dynamiques. Ce sont des entreprises dynamiques qui fonctionnent avec plusieurs
types de professionnels. C'est une bureaucratie professionnelle fort complexe
et fort difficile à gérer qui a sa dynamique propre, qui offre
des services et je pense qu'on peut dire qu'elle est d'une assez grande
efficacité. Malgré les listes d'attente, malgré certaines
Insatisfactions, malgré les difficultés vécues dans les
urgences, je pense que n'importe qui qui viendra passer une journée dans
un centre hospitalier pourra y voir jusqu'à quel point, je dirais,
l'ensemble du personnel y travaille fort à compter des aides jusqu'aux
infirmières sans parler des médecins. Venez faire un tour, venez
passer une journée comme observateur dans un milieu hospitalier et vous
y trouverez un milieu qui est fort occupé où la masse de travail
est énorme et où la plupart des gens sont débordés
à donner des services. Ce sont, évidemment, des centres
productifs. Je pense que vous l'avez dit et je suis bien d'accord
là-dessus.
Quand vous parlez de la dynamique, vous laissez entendre - et je pense
qu'on retrouve ça dans l'avant-projet de loi et dans certains documents
qui proviennent du ministère - que, s'il y avait, je dirais... On a
l'Impression que s'il y avait moins de concurrence et s'il y avait plus de
concertation... que c'est un problème, vraiment, de partager les
services ou les activités. Je pense qu'il existe dans le système
certaines duplications à l'occasion et, de façon
générale, si vous regardez les grandes villes comme Québec
ou Montréal, la duplication de services est relativement minime. Dans
une ville comme Québec, je pense qu'il y a eu une rationalisation assez
importante. Il y a un institut de cardiologie qui regroupe presque tous les
services ultra-spécialisés de cardiologie, il y a un centre de
neurologie et de neurochirurgie. Je pense que la duplication est relativement
mineure et que pour le reste il y a une dynamique. Il ne faut pas se faire
d'illusions: la dynamique du système, actuellement, la plus grande
difficulté, c'est vraiment de répondre à la demande qui
est croissante dans nos milieux. Est-ce que les gens sont plus malades au
Québec qu'en Ontario? Est-ce qu'on gère moins bien les
hôpitaux qu'on ne les gère en Ontario? Je pense que, chaque fois
qu'il y a eu des firmes privées qui se sont impliquées dans la
gestion hospitalière, ça n'a pas eu comme conséquence de
diminuer les coûts. En général, ça s'est
terminé par une injection de budgets à l'intérieur des
centres hospitaliers. Et là-dessus, ma conviction profonde, c'est qu'on
a un système, qui, malgré ses difficultés, malgré,
je
pense, des difficultés au niveau financier qui sont importantes,
a une dynamique à l'intérieur qui est fort positive et qui, je
pense, nous permet d'offrir à la population du Québec des
services de qualité. Les services qu'on offre au Québec se
comparent avantageusement à peu près à tous ceux qui sont
offerts dans les pays comparables au nôtre et les difficultés
qu'on signale sont des difficultés réelles, mais dans un monde
qui est fort dynamique et qui offre une qualité de services qui est
rarement atteinte dans des pays comme le nôtre sur le plan
industriel.
M. Côté (Charlesbourg): Mes questions ne visent pas
à mettre en doute la gérance de nos centres hospitaliers, je veux
être très clair à ce niveau-là, parce que c'est
tenter de faire une comparaison avec ce qui se passe en Ontario avec beaucoup
plus d'argent. On l'a dit, l'Ontario, avec 1 400 000 000 $ de plus, a
exactement les mômes problèmes que nous autres. Il y a des
engorgements au niveau des urgences. Il y a des listes d'attente dans des
domaines de pointe et ça, c'est très évident à un
tel point que le premier ministre de l'Ontario a senti le besoin de
créer une commission, comme la nôtre pour être capable de
voir qu'est-ce qu'on peut faire pour corriger les lacunes du système.
(10 h 45)
Évidemment, on manque de ressources; il faudra en mettre un peu
plus. Nos problèmes des dernières années, c'est que,
dû au désengagement du fédéral, on a
été obligés de prendre cela à notre charge et on
dit: Demain matin, on doit faire face à des problèmes
additionnels. Vous l'avez dit dans votre mémoire, le vieillissement de
la population est un problème extrêmement important auquel on
devra faire face et il faut trouver les sommes nécessaires.
Moi aussi, je crois que le système est bien géré au
Québec et que tout le monde fait des efforts pour y arriver.
Évidemment, on est pris dans une dynamique où on a des listes
d'attente et des problèmes à solutionner, et c'est là
où je me pose véritablement la question avant de le
défendre auprès du gouvernement: Est-ce uniquement par l'ajout
d'argent additionnel qu'on va régler nos problèmes? On l'a vu
dans le cas des urgences et on va arriver avec un problème plus
spécifique. Dans le cas des urgences, on a effectivement investi des
sommes assez importantes et substantielles sur une période de trois ans
pour tenter de régler le problème des urgences. Ça s'est
réglé pour un an ou deux et cette difficulté revient
maintenant puisque, effectivement, les personnes âgées
réoccupent des lits qui sont dévolus à des soins de courte
durée.
Comment fait-on pour régler le problème des urgences?
Comment fait-on pour régler le problème de Brome-Missisquoi et de
Granby qui se chicanent pour savoir lequel des deux aura un "scanner"? Comment
est-ce qu'on fait ça? Je pense que ce sont des questions, et vous
êtes dedans, vous autres, dans l'action quotidienne. Est-ce par une
régie régionale? En tout cas, je ne suis pas sûr,
malgré le fait qu'elle pourrait avoir bien des pouvoirs. Comment est-ce
qu'on fait? Dans d'autres cas, on a réussi à régler des
problèmes. Pierre-Boucher et Charles-LeMoyne, sur la rive sud de
Montréal, avec l'aide du CRSSS, ont réussi à faire une
conciliation et un partage, donc à être complémentaires.
Comment fait-on, demain matin, pour régler nos problèmes
d'urgence? Est-ce uniquement par l'ajout d'argent ou si on ne doit pas
questionner la manière dont notre système fonctionne et
interroger et interpeller la dynamique?
Je vous le dis tout de suite: Oui, Dr Brunet, les urgences, je sais
comment ça fonctionne. J'y suis allé à deux reprises
moi-même et j'ai vu qu'il y a bien des gens qui y travaillent et qui y
occupent passablement leur temps. Comme patient, oui, comme patient.
M. Brunet: Là-dessus, je répondrai, M. le ministre,
si on veut prendre les problèmes un par un, que le problème des
urgences, c'est un problème difficile. C'est sûr qu'il s'est
amélioré. Il s'est amélioré pour deux raisons. On a
mis des ressources importantes pour favoriser le maintien des personnes
âgées dans leur milieu de vie naturel. Je pense qu'on a obtenu un
certain succès et qu'on a eu une amélioration temporaire avec une
baisse... L'amélioration dans les urgences a correspondu à une
certaine baisse des malades de soins prolongés qui sont dans des lits de
soins de courte durée. À mesure que les mesures ont eu leur effet
et qu'on a l'impression d'atteindre un point de saturation, le nombre de
malades en soins prolongés dans les lits de courte durée
réaugmente progressivement et la congestion des urgences augmente. Je
pense que, dans la région de Québec que je connais mieux, la
situation est de plus en plus difficile, je dirais de mois en mois, et qu'on
s'en va vers une situation dont les solutions vont devenir de plus en plus
difficiles.
On a, dans notre mémoire, présenté un certain
nombre de solutions qui peuvent aider. Il y a des solutions qui sont
reliées à la gestion des lits, il y a des solutions qui sont
reliées au financement et il y a des solutions qui sont reliées
à des problèmes sociaux plus larges. Comment fait-on pour garder
plus de nos personnes âgées dans leur milieu de vie naturel?
Est-ce qu'il faut injecter plus d'argent dans les soins à domicile?
Quelle est la réponse aux problèmes vécus dans notre
société par des personnes âgées? Est-ce qu'il faut
trouver des incitatifs financiers qui soient fiscaux? Quelles sont les sources
ou les moyens pour permettre de garder ces gens-là dans leur milieu de
vie naturel et ne pas atteindre au Québec un taux
d'institutionnalisation de nos personnes âgées qui dépasse
celui de tous les pays industrialisés? Je pense
qu'il y a un réel problème et on est prêts à
collaborer avec vous pour y chercher des solutions. Les solutions ne sont pas
faciles et je pense qu'il faut, tous ensemble, essayer d'en trouver.
Le problème le plus difficile actuellement dans la province de
Québec est peut-être de trouver des services qui sont acceptables
pour les personnes âgées, qui permettent de répondre et de
ne pas les garder dans les lits hospitaliers où elles ne
reçoivent ni des traitements adéquats ni des soins qui sont
adaptés à leurs besoins. Je pense que, si on réglait
ça, on réglerait, à toutes fins pratiques, en même
temps, le problème des urgences. Baissons de 6 % le nombre de personnes
âgées de soins prolongés qui sont dans les lits de soins de
courte durée et vous venez de régler le problème des
urgences du même coup. Ça m'apparaît peut-être un des
problèmes les plus difficiles à régler et celui auquel il
faut s'attaquer. Ce n'est pas uniquement de l'argent, mais c'est de l'argent
quelque part pour essayer de trouver des solutions.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas
nécessairement de l'argent dans les hôpitaux pour régler le
problème.
M. Brunet: Pas nécessairement.
La Présidente (Mme Marois): Oui, brièvement, M.
Nadeau, parce que le temps évidemment alloué... Mais,
allez-y.
M. Nadeau (Jacques A.): Je vais faire rapidement. C'est clair, M.
le ministre, qu'il y a des solutions dans du financement additionnel. C'est
aussi clair qu'il y a des solutions dans de la meilleure organisation, dans de
la complémentarité.
Ce que nous vous disons, c'est que ce n'est pas par le biais des
structures qu'on va créer une complémentarité au niveau
des établissements. C'est en les responsabilisant. Ce n'est pas en les
réglementant, ce n'est pas en les étouffant, c'est en les
responsabilisant. Votre problème de Brome-Missisquoi, c'est ça.
Quand on responsabilise des gens, il y en a peut-être qui vont faire des
erreurs, mais il faut qu'ils les assument.
Je ne sais pas si Brome-Missisquoi doit avoir un "scan", je ne connais
pas tout à fait la nature du problème, sauf ce que j'ai lu dans
les journaux, mais je n'ai pas toutes les informations du ministère. Si,
dans votre esprit, Brome-Missisquoi ne devrait pas avoir un "scan" et s'il l'a,
bien, il en assumera ses responsabilités et, avec sa communauté
locale et son conseil d'administration, il choisira ses priorités, ses
services à la population. Mais tout ça va s'inscrire dans un plan
de complémentarité qui va être fait au niveau
régional. C'est bien de valeur, mais si on responsabilise les
établisse- ments, si on déréglemente, on va
peut-être échapper quelques affaires comme ça, mais on est
mieux d'en échapper quelques-unes et de créer une dynamique dans
le réseau que d'étouffer tout le monde.
C'est un peu, dans ce sens, le message qu'on vous livre dans le
mémoire. D'accord, il y a du travail à faire au niveau de la
complémentarité et je peux vous assurer qu'on va le faire. Mais
il y a aussi d'autres choses à faire sur le plan du financement. Je vais
vous donner un exemple au niveau des problèmes d'urgence. On a dit: On a
mis de l'argent, et c'est vrai que votre gouvernement a fait des efforts
à partir de 1986 pour régler le problème des urgences.
Mais, vous savez, pendant qu'on a sorti des patients de longue durée et
qu'on les a envoyés dans les lits de longue durée pour des
raisons budgétaires, globalement, on a fermé en trois ans
l'équivalent de 1000 lits d'hospitalisation. Bien, on ne peut pas, d'une
part, les sortir et en fermer et penser qu'on va réussir
complètement. Ce n'est pas juste ça. C'est un ensemble de moyens,
mais c'est un exemple. Il faut que tout ça soit
complémentaire.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le leader de
l'Opposition et critique en matière de santé.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je pense que je
vais opter pour faire plutôt des commentaires parce que j'ai peur qu'en
donnant des réponses on prenne tout le temps. J'en ai beaucoup à
dire. C'est une invitation à être très brefs dans vos
réponses.
Notre mission, c'est la santé et notre religion, c'est
l'équilibre budgétaire. C'est ce que j'ai lu dans certains
rapports émanant de certains centres hospitaliers du Québec et
ça m'a inquiété. Ça m'a inquiété
drôlement parce que je me suis rendu compte que, dans certains centres
hospitaliers, c'était du dogme et que la religion était tellement
appliquée avec rigueur qu'elle primait sur la mission. Quand c'est rendu
que, dans certains centres hospitaliers, la norme ou la règle
générale la plus facile à appliquer, c'est la fermeture
des lits pour faire un équilibre budgétaire, votre mission en
prend un coup et ça se fait à peu près partout, des 500
lits régulièrement fermés.
Personnellement, je trouve que l'Association des hôpitaux sombre
dans la solution facile. Vous sombrez dans les solutions faciles et je vais
m'expliquer. J'ai lu votre mémoire, y compris celui des suggestions pour
corriger le sous-financement. Il me semble que c'est là une étude
ou des suggestions d'une facilité totale. Vous êtes prêts
à abandonner la gratuité des soins de santé, à
toutes fins pratiques, sans faire une analyse des utilisateurs qui auront
à payer. Quand on sait que c'est dans les milieux économiquement
pauvres qu'on requiert le plus souvent des services de santé, je suis
surpris et déçu du
fait que les administrateurs n'aient pas fait cette analyse ou ces
suggestions à partir d'une vision humanitaire et à partir d'une
vision sociale également des consommateurs qui bénéficient
des soins hospitaliers.
Avec autant de facilité, se prononcer pour bannir la
gratuité comme principe fondamental et ne pas avoir entendu un mot, par
exemple, sur les iniquités fondamentales qui se sont
créées par la loi 160 dans les hôpitaux, qui ont eu un
impact énorme sur le climat des relations de travail à l'Interne,
des relations humaines, et qui avaient un impact sur la qualité des
soins aux bénéficiaires, ça me surprend. Il me semble y
avoir une absence de vision sociale, de vision humanitaire dans votre approche.
Je tenais à le dire d'entrée de jeu.
Également, je vous référerai au rapport de la
commission Rochon qui est assez explicite - je le disais à l'ouverture
des travaux de cette commission - qui dit que "les administrateurs
d'hôpitaux sont devenus, au fil des ans, de par le système, des
gérants de conventions collectives et des directives plutôt que
des gestionnaires de ressources humaines". Page 413 du rapport Rochon.
Je voudrais, ce matin, vous demander si vous avez eu le temps depuis
quelques jours de réfléchir sur la remise en question de la
gratuité des soins hospitaliers et j'espère que je pourrai vous
poser une autre question.
M. Brunet: Pour répondre rapidement, je pense qu'au niveau
de l'humanisation des services ou des soins on en est, à
l'intérieur des hôpitaux, très préoccupé. Il
n'y a pas uniquement le problème de la gratuité. Il y a aussi le
problème de l'accès aux soins. Je pense que l'humanisation des
soins, ça concerne aussi les gens qui sont en attente à l'urgence
sur des civières. Je pense que les malades de soins prolongés qui
sont dans des lits, soit dans une unité de chirurgie, soit dans une
unité de médecine où ce n'est pas leur place, sont dans
des conditions difficiles et aussi inacceptables.
Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas tellement remettre en cause
la gratuité. Je pense qu'on mentionne dans le mémoire qu'on veut
s'assurer que le système demeure équitable, accessible à
l'ensemble de la population. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut regarder pour des
sources supplémentaires de financement. Le gouvernement
fédéral baisse sa contribution. Le gouvernement provincial a des
difficultés financières. Je pense que, si on regarde les dix
dernières années, il est passé plus d'un gouvernement et
on a augmenté les ressources consacrées à la santé
d'une certaine façon. Mais notre conclusion, c'est que ces ressources,
malgré qu'elles soient importantes au niveau gouvernemental, ne sont pas
suffisantes et il nous apparaît opportun de regarder des alternatives et
de rechercher d'autres sources de financement pour une marge de manoeuvre qui
nous apparaît essentielle en fonction et dans le but d'améliorer
la qualité des services qui sont rendus.
M. Chevrette: Sauf que, Mme la Présidente, ma question
portait spécifiquement sur le fait que vous avez sombré dans la
facilité: taxer le consommateur. Je donne un exemple: les frais
d'hôtellerie. Je donne un exemple: un ticket modérateur sous
prétexte que, facilement, on peut contrer certains abus. Est-ce qu'il
faut véritablement là la solution drastique ou s'il n'y a pas des
solutions beaucoup plus humanitaires? Je donne un exemple. Quelqu'un qui
"chargerait" 10 $ à l'urgence. Connaissez-vous quelqu'un, sur le pian
humain, qui refuserait à un enfant, par exemple, ou à une
personne âgée d'être traitée à l'urgence s'il
n'a pas ses 10 $? Il faut voir l'approche, il me semble, du côté
humain et dire: S'il y a des abus à contrer... Par exemple, on parle de
la multiplicité des visites. Est-ce que c'est par un ticket
modérateur automatiquement qu'on peut corriger le point de vue ou si ce
n'est pas par le carnet de santé, par exemple?
N'avez-vous pas eu ce réflexe, dans l'analyse de la correction
des aberrations ou des abus, dans l'analyse, par exemple, d'un financement
accru, n'avez-vous pas pensé à d'autres formules qui pouvaient ne
pas pénaliser les plus grands consommateurs parce que ce sont les plus
démunis de notre société? C'est dans les milieux
économiquement pauvres que l'on retrouve le plus de maladies
causées par la malnutrition, par des logements insalubres. Vous le
savez. Comment se fait-il que vous n'ayez pas cette approche vis-à-vis
du petit monde, comme on dit en bon québécois, qui n'a pas la
capacité de payer? Mais ce qui importe pour vous, ça semble
être l'équilibre budgétaire et non pas un équilibre
budgétaire tenant compte de la situation économique des gens et
des consommateurs.
M. Nadeau: M. Chevrette, qu'on le veuille ou non,
l'équilibre budgétaire, c'est la règle dans le
réseau depuis 1986. Et quand vous n'avez pas d'équilibre
budgétaire dans votre hôpital, vous n'avez pas de coûts de
système, vous n'avez pas de projets d'aménagement, vous n'avez
pas de développement. Si vous n'atteignez pas l'équilibre
budgétaire, vous pouvez priver encore votre population de services.
Donc, les administrateurs, par rapport à l'équilibre
budgétaire, ce n'est pas une chose qu'ils peuvent atteindre, c'est une
chose qu'ils doivent atteindre. (11 heures)
Vous nous dites: L'Association des hôpitaux, vous n'avez
peut-être pas de pensée sociale. Vous voulez faire payer les
pauvres gens pour faire en sorte qu'ils ne puissent pas consommer les services
de santé et, après ça, on aura peut-être une facture
un peu plus grande ou ces gens-là vont se priver de services de
santé, alors que notre société leur en a donné le
droit. C'est
faux. Vous ne pouvez pas dire qu'on n'a pas une vision sociale. Si on
parle de ça aujourd'hui, c'est pour bâtir l'avenir. Demain matin,
on est encore capables de s'organiser et peut-être après-demain,
encore un bout de temps. Mais, dans quatre ans et dans trois ans, si on ne pose
pas des gestes sérieux, on ne sera pas capables de le faire et
là, on va entamer de façon très sérieuse des
problèmes qui vont compromettre de façon radicale
l'accessibilité. Et là, on dira: Bien, si vous y aviez vu dans le
temps, si on avait regardé dans le temps et qu'on avait prévu ces
choses-là, peut-être qu'on ne serait pas dans la situation
où on est. Or, nous, on veut bâtir l'avenir et c'est, au
contraire, parce qu'on a une vision sociale qu'on parle de ça
aujourd'hui.
Le deuxième élément: faire payer les pauvres gens.
Ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: Faire participer les citoyens aux
coûts, sans compromettre d'aucune façon l'accessibilité aux
services de santé. On ne veut pas que votre madame dont vous nous
parlez, à l'urgence, qui n'a pas un sou, soit privée des services
à l'urgence. Et il y a des moyens à trouver pour faire en sorte
que cette personne ne soit pas pénalisée. Je suis d'accord avec
vous, il ne faut pas pénaliser l'accès aux services de
santé et c'est un objectif qu'on doit poursuivre et ça, on en est
très conscients.
Maintenant, dans les mesures qu'on a suggérées, on n'a pas
dit: Imposez un ticket modérateur. On dit: On pourrait regarder une
formule où les citoyens seraient appelés à contribuer
à des visites médicales. Vous, vous pouvez bien l'appeler ticket
modérateur, notre idée, ce n'est pas de le modérer parce
que, au contraire, on dit tenant compte de la capacité. Mais on dit: Ce
n'est pas nécessairement la seule solution. On met un ensemble de
formules sur la table et on dit: Regardons ça et, tenant compte de ce
que l'Ontario fait comme effort dans le secteur privé, essayons de nous
dégager une marge de 550 000 000 $ sur quatre ans. Justement, on ne
demande pas un effort qui est plus grand, globalement, que ce que l'Ontario
fait et cela, tenant compte de la richesse relative des deux provinces. On est
conscients que, si on ne fait pas quelque chose de ce
côté-là, on compromet notre accessibilité dans
l'avenir. Mais ça, je pense que c'est avoir une vision sociale.
M. Chevrette: Mme la Présidente, ma question portait sur
la gratuité et je m'aperçois que vous débordez sur des
comparaisons avec l'Ontario. Je ne suis pas en mesure, moi non plus, de dire si
le ministre a raison ou si vous avez raison, peu importe. Je pense que, quand
on regarde la part du produit intérieur brut qui est consacrée
à la santé, qui est en diminution, en décroissance depuis
1986 - je pense que ça n'a été nié par personne -
c'est peut-être là aussi une question à se poser,
dépendamment du fait qu'on fasse de la santé des gens une
priorité ou pas. Ce n'est peut-être pas catastrophique, 7,3 %
comme portion du produit intérieur brut consacrée à la
santé quand on se compare aux Américains, par exemple, dont
au-delà de 25 000 000 n'y ont même pas accès. Et nous, on a
une accessibilité universelle, totale pour 7,3 %. Si on continue
à baisser la portion, la part du produit intérieur brut pour la
santé, c'est évident qu'on va avoir des problèmes. Mais
ça, c'est un choix de société. Et le choix de
société, on n'est pas obligés de le faire en fonction de
toujours pénaliser les consommateurs.
Les plus grands consommateurs de soins... C'est sur ça que j'ai
voulu insister, M. Nadeau. Vous savez que c'est dans les milieux
économiquement pauvres que l'on retrouve le plus grand taux de maladies,
de maladies infantiles également, et vous le savez. Il y a des
médecins à votre table. Vous savez que, même chez les
jeunes... Les maladies infantiles, dans les milieux pauvres et dans les milieux
défavorisés, vous le savez que c'est là. C'est bien
évident que toute taxe à la consommation, si je peux m'exprimer
ainsi, pénalise ces gens-là qui sont déjà
défavorisés collectivement. Et c'est le rôle de
l'État, c'est le rôle du gouvernement de répartir la
richesse collective le plus équitablement possible. Et c'est ça
que j'ai voulu souligner au-delà des réponses que vous pouvez me
donner. Comme principe, c'est à ça que je crois
fondamentalement.
J'aurais une question à vous poser sur la
"concurrentialité". Vous en avez parlé, je pense que c'est le Dr
Brunet qui en a parié. On a vu, on y a assisté, on a entendu le
père de cette réforme venir nous dire que ça prendrait des
secteurs témoins, des secteurs concurrentiels. Et vous venez vous
plaindre, ce matin, vous, de la "concurrentialité" entre les
établissements de santé existants. Est-ce que vous êtes
d'accord avec une concurrence accrue?
M. Brunet: Je n'avais pas l'intention de donner l'impression
qu'on craignait une concurrence accrue. Je pense que, dans le secteur
hospitalier, comme dans plusieurs autres secteurs, une saine concurrence n'est
qu'un apport positif à une meilleure gestion, à des services de
meilleure qualité. Je pense qu'il faut garder une saine concurrence
entre les établissements et que, là-dessus, ça ne pose pas
de difficulté ou d'inquiétude. Au contraire, je pense que cette
concurrence existe actuellement et qu'il faut la garder. On est des directeurs
généraux d'hôpitaux, chacun est fier de son hôpital,
chacun a ses secteurs d'excellence et chacun veut essayer de faire les choses
le mieux possible et, si possible, mieux que son voisin. Là-dessus,
c'est une concurrence qui, à mon avis, est correcte et je pense qu'on
doit l'encourager.
Pour ce qui est d'une concurrence avec le secteur privé, je pense
que là il peut y avoir des initiatives. Il y a une formule qui a
été tentée
avec un certain succès au Québec depuis longtemps, c'est
dans le secteur de l'éducation où on a des écoles
privées qui compétitionnent avec des écoles publiques.
Ça a fait l'objet de nombreux débats. Je pense qu'à
l'occasion elles ont une popularité assez grande et que ça rend
des services. Ça permet une saine concurrence là aussi. Je pense
qu'on pourra examiner, du côté de la santé, l'option ou des
options qui permettraient une concurrence plus grande, même au point de
vue d'une forme de privatisation.
M. Chevrette: Subventionne» ou pnn, le secteur
concurrentiel privé?
M. Brunet: Comme dans l'éducation.
M. Chevrette: non, non. vous dites exactement comme dans
l'éducation ou bien, si c'est privé, laissé aux
initiatives et au paiement des individus?
M. Brunet: Dans mon optique et dans les discussions qu'on a eues
à l'intérieur de l'AHQ, c'était plus une orientation d'un
maintien du contrôle de l'État sur l'ensemble du système et
un système qui se rapproche de celui de l'éducation, où
vous pouvez envisager des entreprises privées qui sont soumises aux
mêmes règles que les établissements du réseau au
point de vue du fonctionnement, mais qui peuvent avoir un financement
partiel.
M. Chevrette: Est-ce à dire, à ce moment-là,
que vous acceptez qu'une société, par exemple, puisse
subventionner, à même les impôts de la majorité, une
base? Par exemple, à supposer que ça coûte 400 $ par jour
pour une chirurgie élective, le gouvernement subventionne les 400 $
comme le coût du public et l'individu qui est riche, lui, se paie un
hôpital privé un peu plus luxueux, est-ce que c'est ça?
Est-ce que vous allez jusqu'à accepter ça comme principe de
base?
M. Brunet: Ce qu'on dit, c'est que, dans le système
actuel, il n'y a pas d'alternative possible. On dit: II faut regarder avec le
ministère et il faut discuter publiquement des possibilités de
trouver des solutions alternatives. On pense qu'actuellement le système
est fermé sur lui même et qu'on a des difficultés
très grandes à répondre à la demande. Si la demande
continue à augmenter au cours des dix prochaines années, que les
budgets demeurent au même niveau ou que la part du gouvernement du PIB
demeure à peu près au même niveau, inutile de se faire des
illusions, il sera impossible de répondre, de façon raisonnable,
à la demande. Si on ne trouve pas soit des fonds supplémentaires
qui viennent de l'État, soit des sources alternatives de financement, on
s'en va vers un système qui va offrir une gratuité et une
accessibilité universelles théoriques, mais qui, en pratique, va
être de plus en plus incapable de répondre à la
demande.
Alors, on dit: II faut trouver des solutions. Si l'État est
prêt à augmenter sa part de financement, ça ne nous cause
pas de problème, quant à nous. Par ailleurs, à
écouter les discours qui sont faits au niveau gouvernemental, avec les
difficultés financières actuelles, la situation financière
du gouvernement fédéral et son désengagement progressif,
on voit difficilement comment la part du gouvernement provincial va augmenter
au cours des prochaines années
M. Chevrette: Merci
M. Brunet: Ça nous inquiète et ça nous force
à regarder des alternatives. On n'a pas de solution miracle, on n'a pas
fait de tentative ou de projet-pilote dans ce sens-là, mais on dit qu'il
faut regarder des alternatives pour trouver des solutions.
M. Chevrette: Maintenant, une dernière question, je
suppose?
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Chevrette: Je voudrais vous entendre sur la
décentralisation puisque, dans votre mémoire, au tout
début, on lit: Votre avant-projet constitue une centralisation des
pouvoirs. C'est votre affirmation. Êtes-vous en faveur d'une
véritable décentralisation, y compris décentraliser les
enveloppes de la RAMQ au niveau régional et responsabiliser le milieu
pour qu'il se prenne en main véritablement?
M. Brunet: Pour ce qui est de la décentralisation, c'est
la réaction de l'Association qui est dans le mémoire. On dit que
la régie régionale est un organisme qu'on confie, dans le fond,
à des citoyens, où on nomme un président-directeur
général qui, lui, est nommé par le gouvernement et qui
répond directement au ministère. C'est, dans notre esprit et dans
nos notions de décentralisation, une forme de
non-décentralisation. C'est, au plus, une déconcentration des
pouvoirs et non pas une véritable décentralisation. Le jour
où l'État sera prêt à transférer des pouvoirs
au niveau régional, à transférer des impôts au
niveau régional, jo pense qu'on pourra envisager une véritable
régionalisation.
Vous parlez des enveloppes médicales décentralisées
sur une base de régie. Je pense que c'est une avenue qu'il faut
examiner. Le problème de la disparité des effectifs
médicaux est un problème réel. Le ministère fait de
gros efforts. Ça fait 20 ans que le ministère tente de trouver
des solutions à ce problème-là. Il y a eu des
améliorations importantes, mais il reste des problèmes
importants. Il faut dire qu'on a une province assez excentrique aussi, je veux
dire si on la compare à l'Ontario. L'Ontario a à peu
près une région éloignée alors que nous,
nous en avons trois ou quatre. Le problème est donc beaucoup plus
difficile à régler au Québec qu'en Ontario. Et je pense
que, là-dessus, les solutions ontariennes ne peuvent pas s'appliquer au
Québec.
Quand vous nous parlez d'une enveloppe de la régie sur une base
régionale, c'est une option qui a été mentionnée et
qui est soumise dans certains mémoires. Je pense qu'elle mérite
d'être examinée attentivement, mais je ne pense pas que ça
puisse se faire d'un coup, rapidement et, encore là, il faudrait faire
des simulations pour voir ce que ça signifie sur le plan technique.
Parce que ce n'est pas une solution qui ne va pas changer profondément
la nature des choses.
La Présidente (mme
marois): merci. malheureusement,
le temps qui vous était imparti est terminé. vous voulez faire un
commentaire, m. nadeau? oui.
M. Nadeau: Je voudrais, en réponse à la question du
ministre sur les données financières, déposer aux membres
de la commission le tableau 5-B qui démontre que l'effort financier en
courte durée en Ontario est de 26,9 % supérieur au Québec.
Ce qui est probablement différent dans les statistiques du
ministère, c'est qu'on ne tient peut-être pas compte des patients
de longue durée qui occupent des lits de courte durée qui,
évidemment, ne sont pas utilisés pour la courte durée.
Je vais le déposer, M. le ministre, et on pourra échanger
avec vous sur ces données-là.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Aucun problème, Mme
la Présidente. De toute façon, c'est fait pour une discussion
ouverte et pour tenter de trouver une solution à nos problèmes.
Évidemment, si la vérité se trouve chez vous... Peu
importe où elle se trouve, l'important, c'est de savoir la
vérité.
M. Nadeau: Exactement.
La Présidente (Mme Marois): C'est de la trouver.
M. Nadeau: Exactement.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre
présentation. On s'excuse du peu de temps que l'on a, mais on essaie de
respecter aussi des règles d'équité. Pendant que je vais
demander au prochain groupe de prendre place, qui est l'Association des
directeurs généraux des services de santé et des services
sociaux, j'aimerais informer les membres qui sont dans la salle que les
galeries en haut sont ouvertes, de telle sorte que, s'il n'y a pas suffisamment
d'espace pour certains de vos groupes, ils peuvent aller aux galeries. (11 h
15)
Si l'on veut bien prendre place, s'il vous plaît! Voilà, le
calme revient, un certain silence, à tout le moins, nous permettant de
reprendre nos travaux. Je vais souhaiter la bienvenue à l'Association
des directeurs généraux des services de santé et des
services sociaux. J'inviterais M. Levine, qui est président, à
nous présenter les personnes qui l'accompagnent, à
présenter son mémoire en une vingtaine de minutes; vingt minutes
de part et d'autre, ensuite, pour des questions.
Association des directeurs
généraux
des services de santé et des
services sociaux
M. Levine (David): Merci beaucoup, Mme la Présidente. M.
le ministre, membres de la commission, à titre de président de
l'Association des directeurs généraux des services de
santé et des services sociaux de la province de Québec, je suis
très fier d'être ici aujourd'hui. J'ai l'honneur de vous
présenter nos réflexions sur le mémoire de l'avant-projet
de loi.
J'ai avec moi aujourd'hui l'ensemble des membres de l'exécutif,
mais ici, à la table, il y a M. Reginald Grenier, directeur
général du centre hospitalier Saint-Sauveur; M. Miville Lapointe,
directeur général du centre de services sociaux
Laurentides-Lanaudlère; M. Lucien Lessard, directeur
général du CLSC de Forestville; Mme Micheline Larose, directeur
général du centre de réadaptation Mont-Saint-Antoine et
notre directeur général, M. Michel Denis. Je suis moi-même
directeur général du centre hospitalier de Verdun. Vous avez
devant vous des représentants de l'ensemble des établissements du
réseau. Notre association regroupe 600 directeurs généraux
parmi les 800 établissements du Québec. La concertation pour nous
' permettre de vous livrer un mémoire, c'est parmi l'ensemble de nos
établissements du territoire qu'elle a été
menée.
Premièrement, j'aimerais dire que l'Association est très
heureuse de voir qu'on a devant nous un avant-projet de loi qui touche les
objectifs de santé, qui touche des objectifs mesurables et des objectifs
qui peuvent nous guider dans l'avenir de notre réseau. Ce qu'on note
quand même, c'est qu'il y a un manque de perspective en ce qui concerne
une vision sociale à l'intérieur de cet avant-projet de loi.
Notre réseau est effectivement un système de santé et de
services sociaux, mais, à toutes fins pratiques, c'est un système
de maladie. Le ministre l'a bien dit tout à l'heure: Ça a l'air
d'un système de production de services et pas nécessairement un
système de prévention de la maladie. Je pense qu'il est fort
important de regarder cette question de prévention. La commission
Caston-
guay, en 1970, a créé un réseau où la
prévention est un des éléments de base. Malheureusement,
on n'a pas réussi à investir, ni en termes d'argent, ni en termes
d'efforts, ce qu'on devrait investir à ce sujet. Réduire le
nombre de DSC, n'est pas un moyen pour assurer la prévention et le
développement de la prévention a travers le Québec. Il
faut renforcer nos départements de santé communautaire, s'assurer
qu'il y a une masse critique dans chacun de nos départements de
santé communautaire et, aussi, donner un leadership provincial, un
leadership où la prévention peut jouer un rôle important au
sein du gouvernement et au sein du ministère.
Le sujet qu'on aimerait toucher est la question de rendre les
Québécois responsables de leur santé. On a
créé, à travers les années, une dépendance
des Québécois envers leur système de santé en
disant: C'est un système gratuit. Ce n'est pas un système gratuit
du tout. On paie tous, chacun d'entre nous, pour les services de santé,
mais on n'a aucune idée de ce que ça nous coûte, chacun
individuellement, d'avoir ces services. Alors, on n'a aucune
responsabilité chacun, individuellement envers les services de
santé qu'on consomme. Cette attitude a influencé la famille, le
rôle de la famille dans notre société, a influencé
l'approche qu'on a envers les personnes âgées dans notre
société actuelle et on peut dire que depuis 20 ans et
l'arrivée du nouveau système, il y a beaucoup de changements, et
dans le taux de natalité, et dans nos valeurs et l'attitude qu'on a
envers les personnes âgées de notre société.
Je pense qu'il est temps maintenant qu'on regarde comment stimuler cette
participation de la population, comment stimuler cette prise de conscience de
la population, de leur rôle de prise en charge de leur santé. Dans
ce sens-là, on trouve qu'il est important d'être capable
d'informer chaque Québécois et Québécoise du
coût qu'il en revient à chacun, individuellement, pas pour les
modérer, mais simplement pour les responsabiliser. Une fois qu'on aura
les données nécessaires, qu'on pourra faire connaître ce
que ça coûte, on aura des moyens comme gestionnaires de notre
réseau de mieux gérer, et j'en parlerai bientôt.
Je trouve qu'il est important aussi qu'il y ait des mesures de support
à la famille, des mesures de support à des groupes communautaires
qui veulent développer des programmes d'entraide. Elle est là la
solution de l'avenir dans le système de santé. Si on veut
désinstitution-naliser, il faut avoir un service à l'autre bout
et ce service à l'autre bout ne devrait pas être payé par
l'État. Il devrait être subventionné par l'État,
mais organisé à l'intérieur de la communauté par
des personnes qui veulent l'organiser et qui voient la valeur de
l'organiser.
Une chose que j'aimerais regarder maintenant est l'ensemble de la
question de la consommation des services de santé et aussi la pratique
médicale. On parte beaucoup de coûts de notre système. Il
faut poser la question: Est-ce qu'on consomme trop de médicaments?
Est-ce qu'il y a trop de césariennes? Est-ce qu'on fait trop d'examens?
Est-ce que notre séjour est trop long? Oui, notre séjour est trop
long. Qu'on ait 1200 jours-présence par 1000 habitants au Canada, c'est
800 aux États-Unis. Dans les HMO, c'est 560, et on ne peut pas dire
qu'ils sont moins bien servis. On a un problème de séjours moyens
trop longs dans nos institutions. Pour être capable d'attaquer ce
problème, on a besoin de données. Comme directeurs
généraux dans notre système, on n'a pas les données
nécessaires pour gérer le système de santé et de
services sociaux. A titre de D.G. d'un hôpital, je ne sais pas combien
ça coûte traiter une infection pulmonaire dans l'institution chez
moi. Je n'ai aucune idée de ce que les médecins offrent pour un
diagnostic comparé à un autre diagnostic. On ne veut pas
intervenir dans leur pratique professionnelle, mais, comme directeurs
généraux dans le réseau, il est important de savoir ce
qu'on doit payer. Là, on demande qu'il y ait des mécanismes qui
semblent des "DRG", ça veut dire le coût par diagnostic, et de
cette manière-là on sera capable de financer nos institutions sur
une base de justice et on sera capable de suivre aussi par le biais du
protocole de pratique la pratique qu'on fait à l'intérieur de nos
institutions.
Je fais référence à notre mémoire à
la page 8 où on mentionne quatre points qui sont, pour nous, très
importants. Que l'article 289 soit amendé pour permettre au ministre de
porter un regard critique sur la pratique médicale et ce, par une
collecte de données qui favoriserait rétablissement de protocoles
plus rigoureux permettant une meilleure gestion. Deuxièmement, on
mentionne que la question de la rémunération est fort importante
et il faut avoir une variété de rémunérations,
à l'acte, à vacations, à salaire, et qu'on commence
à être beaucoup plus flexibles dans nos modes de
rémunération des médecins à travers le
Québec. Troisièmement, on mentionne que la répartition des
effectifs médicaux est importante et on supporte la
régionalisation des budgets de la Régie pour permettre à
chaque région du Québec de connaître les sommes d'argent
allouées aux services médicaux. Quatrièmement, on
mentionne que l'article 291 exige un permis pour tout établissement
public. Comme directeurs généraux, on dit que cet article doit
être étendu pour exiger un permis à tous les cabinets
privés. Il faut comprendre l'impact de l'installation des cabinets
privés sur notre territoire, l'impact sur les demandes de diagnostic,
l'impact sur les services de laboratoire, l'impact sur les CLSC. Quand on
commence à regarder ça, on réalise qu'on ne fait pas une
planification efficace si on planifie juste une moitié et si l'autre
moitié des services, on ne la planifie pas du tout.
Maintenant, j'aimerais toucher la question de la réforme des
conseils d'administration. L'Association des directeurs généraux
est très consciente d'un besoin important de décloisonnement, que
la fragmentation est néfaste pour le système, qu'une concertation
est nécessaire. La commission Rochon a indiqué très
clairement que la voie de l'avenir, c'est une planification par programme. Mais
les programmes débordent chaque établissement et ils ne sont pas
attachés ni à l'un ni à l'autre. Ce qu'on doit faire est
de déterminer c'est quoi l'objectif de cette concertation, c'est quoi
les critères et, par la suite, demander à chaque région,
à chaque territoire de développer son propre mécanisme de
concertation. Vous comprenez, les particularités locales donnent une
grande richesse à une institution. Il Y a 800 institutions au
Québec, il y en a beaucoup, mais il y en a plusieurs qui sont
très proches de leur clientèle. Il y en a plusieurs qui ont
développé une philosophie, une attitude distincte qui leur
appartient, qui offre une richesse à la clientèle qui est
desservie. Il y a un danger à vouloir regrouper trop vite, sans
réflexion, les établissements à ce sujet. Ce qu'on
suggère, c'est une période de cinq ans, avec des critères
bien établis, appliqués par le gouvernement et par le conseil
régional ou les régies, où chaque territoire doit
atteindre ses objectifs, sinon le gouvernement impose la structure qu'il juge
à propos dans chacun des territoires.
La composition des conseils d'administration est évidemment, pour
nous, un élément important. On est tous membres d'un conseil
d'administration et on est tous présents à chacune de ses
réunions. On dit que l'élément important à
éviter. ce sont les conflits d'intérêts D'où
vionnent les conflits d'Intérêts? Ils viennent de la participation
des membres de l'établissement au conseil d'administration. Alors, on
recommande qu'à l'intérieur du conseil d'administration d'un
établissement donné il n'y ait pas de membre qui travaille ou qui
reçoit de l'argent de l'établissement donné. Mais il ne
faut pas créer deux classes de citoyens au Québec.
L'infirmière qui travaille chez nous et qui veut siéger au
conseil d'administration du CLSC de son territoire, parce qu'elle a trois
enfants, qu'elle a le goût d'assurer qu'ils aient de bons soins scolaires
et parce qu'elle a quelque chose à apporter comme professionnelle
à ce conseil d'administration, il ne faut pas priver les
Québécois et les Québécoises de cette expertise qui
existe chez les 130 000 personnes qui travaillent dans le réseau de la
santé et le réseau de service social.
Là, je veux toucher un point qui, pour l'Association des D.G et
pour l'ensemble de mes collègues, est probablement un des points les
plus fondamentaux et celui qui nous frustre le plus dans cet avant-projet de
loi. Je parle évidemment de l'idée de deux mandats, chacun d'un
maximum de quatre ans. Il faut se mettre dans notre position. Imaginez que
c'est la sixième année de notre mandat; on a des projets à
l'intérieur de l'hôpital; on veut changer quelque chose; il y a un
redressement qui vient du ministère; on veut faire un nouveau
développement. Tout le monde dit: Bah! Dans deux ans, il ne sera pas
là; le syndicat fait ce qu'il veut; les médecins font ce qu'ils
veulent. Cela devient extrêmement difficile de gérer un
établissement avec ce type d'approche; cela devient même
impossible. Il faut comprendre que les établissements de santé
sont des bureaucraties professionnelles extrêmement complexes à
gérer, probablement les structures de gestion les plus complexes, parce
que le pouvoir n'appartient pas au D.G. Le pouvoir appartient aux groupes de
professionnels à l'intérieur de l'établissement qui ont
leurs pouvoirs de leur corporation. Pour être capable de gérer
à l'intérieur de ce type de jungle, il est nécessaire
d'avoir tout le respect de l'ensemble des collègues de
l'établissement. À ce sujet-là, on dit qu'un
système comme ça est un système unique. Je vous pose la
question. Tous les membres de l'Assemblée nationale ont la chance
d'aller devant le public et de lui demander: Êtes-vous satisfaits de
notre performance? Et, s'ils sont satisfaits, vous êtes
réélus. Mais nous, comme D.G., on demande simplement le droit
d'aller devant nos conseils d'administration et d'être jugés par
nos conseils d'administration et, s'ils sont satisfaits de nos efforts, on
continue à travailler. S'ils ne sont pas satisfaits, ils nous
remercient.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Ça arrive
aussi à l'occasion.
M. Levine: Une question importante ici: le nombre d'années
moyen dans lo réseau ne dépasse pas huit ans. Si on veut
encourager la mobilité, il faut développer des programmes de
mobilité pour les directeurs généraux. Il faut
développer des programmes de formation, des plans de carrière,
des plans de retraite. Un de nos grands problèmes actuellement, c'est
que le régime de retraite pour les directeurs généraux
dans le réseau a été tellement chambardé avec
l'entrée du RREGOP qu'actuellement on a beaucoup de D.G. qui seraient
prêts à partir si on était capables de leur offrir une
retraite équitable. Je pense que ces préoccupations doivent
être celles du ministère et on est prêts à vous
rencontrer à ce sujet.
Il y a un autre point extrêmement important à toucher.
C'est peut-être maintenant le moment de corriger, je ne suis pas
prêt à dire une erreur du passé, mais peut-être une
injustice du passé. Je parle, évidemment, du projet de loi 97 qui
a été introduit pour régler un ensemble de petits
problèmes qui sont arrivés à un moment donné, et je
vous explique. Ce projet de loi fait une présomption de
culpabilité immédiatement une fois que quelqu'un est nommé
D.G. On n'a même pas une présomption d'innocence, on a une
présomption de culpabilité avant de commencer à
travailler.
(11 h 30)
On dit dans ce projet de loi que si, moi, pendant mes vacances au
chalet, je fais une coupe de bois et je veux vendre le bois à mes
voisins d'à côté et que quelqu'un est au courant, je peux
être congédié et être trois ans à
l'extérieur du réseau si je n'ai pas obtenu, premièrement,
la permission du conseil d'administration de vendre cette corde de bois.
Évidemment, je donne un exemple caricatural, mais la loi dit exactement
ça. Je pense que c'est le temps de créer cette confiance. Vous
comprenez, un D.G. dans le réseau a besoin de chercher l'appui de nos
patients, l'appui de nos employés, l'appui des médecins et, pour
avoir cet appui, on a besoin de leur respect. Notre pouvoir vient uniquement du
respect qu'on peut obtenir dans le réseau et on demande au
ministère et au gouvernement, parce qu'on est, à toutes fins
pratiques, vos employés, de nous accorder ce respect.
Je veux brièvement toucher deux derniers points. Le premier est
le rôle du directeur général au conseil d'administration.
Peu importe le modèle, peu importe la structure, il est fondamental que
le D.G. soit toujours présent au conseil d'administration. On a
parlé de chaise musicale dans la loi et l'idée que mon conseil
d'administration siège et que je ne suis pas là, ça ne
marche pas. C'est du conseil d'administration qu'on reçoit nos
orientations, qu'on reçoit les explications et la façon que notre
conseil veut qu'on exécute ses résolutions. Il est fondamental
que les D.G. soient présents. On ne demande pas d'être membre avec
droit de vote. On demande que, dans la loi, il soit clair que les D.G. soient
toujours présents à leur conseil d'administration.
Finalement, la question de la régionalisation. Je pense, à
ce titre, pour l'Association des D.G., qu'il est important que si on fait une
régionalisation il y ait une vraie régionalisation avec les
pouvoirs qui sont donnés à chaque région de gérer
les services. Vous comprenez que les conseils régionaux sont
formés des représen tants de chaque région, qu'il y a une
consultation et une collaboration à l'intérieur d'une
région donnée et je pense qu'il y a un potentiel de faire ici
quelque chose de très important que, jusqu'à maintenant, on n'a
pas fait au Québec. Il devient très frustrant qu'on mette
beaucoup d'énergies autour de nos conseils régionaux, que leurs
décisions soient mises de côté et qu'on ait besoin, de
toute façon, de retourner à Québec, de retourner au niveau
ministériel pour faire valoir nos points de vue. Je pense qu'il y a un
pas en avant qu'on peut faire.
Nous vous remercions de votre attention. On espère que vous
prendrez en considération nos propos et les membres de l'exécutif
sont prêts à répondre, mesdames et messieurs, à
l'ensemble de vos questions. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. Si les membres de la commission ont semblé parfois
distraits, c'est parce qu'ils étaient intéressés par vos
propos et ils se passaient un certain nombre de commentaires sur ceux-ci. Je
peux mentionner d'ailleurs qu'il y a beaucoup d'humour à certains
moments dans votre mémoire et ça fait du bien aussi. On peut
être tout à fait sérieux en étant capables de rire
de nous un peu.
M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. Il y a longtemps que
j'entendais parler de M. Levine. Je pense qu'on en a une bonne
démonstration ce matin, avec une très bonne réputation
dans le réseau. On l'envoie très souvent là où il y
a du trouble. Je veux quand même le dire, si jamais on l'envoie où
il y a du trouble, c'est une marque d'appréciation de la qualité
du travail qui est produit.
Au-delà de tout ça, je pense que le mémoire est
rafraîchissant parmi les quelque 250 mémoires. C'est ma
première observation, parce qu'il n'a pas peur de s'attaquer à un
certain nombre de problèmes et de dénoncer certaines situations.
C'est rafraîchissant. C'est un peu le genre de choses qu'on souhaite
avoir au cours de la commission parlementaire Je me devais do vous le dire
dès le départ parce que je ne me serais pas senti à l'aise
de ne pas vous le dire. Comme vous l'avez dit tantôt, les D.G. jouent un
rôle extrêmement important, les politiciens aussi et, à
l'occasion, ils aiment bien recevoir le retour de la médaille. Vous
abordez de front un certain nombre de problèmes, y compris votre
problème comme D.G. On va l'aborder dans les questions tout à
l'heure
Décentralisation. Ce qui me frappe, l'AHQ est réticente
face à la décentralisation, alors que vous semblez, vous,
beaucoup plus ouvert à la décentralisation ou aux régies
régionales, avec un certain nombre de pouvoirs. Ça peut
être une contradiction apparente, mais elle est quand même
là et vous êtes prêts à vous embarquer, si je
comprends bien, dans ces régies régionales. Je n'irais pas vous
demander qu'est-ce qui fait que l'AHQ a plus de réticence, parce que ce
serait à l'AHQ qu'on va le demander ou qu'on devrait le demander.
Mais, par rapport à ce qu'on connaît aujourd'hui, CRSSS,
par rapport à ce que nous proposons comme régie régionale,
premièrement, qu'est-ce qu'on doit faire pour que ce soit
opérationnel? L'imputabilité m'apparaît un
élément extrêmement important et imputabilité,
ça veut dire du début à la fin. Est-ce que cette
règle, vous croyez que le monde régional et ceux qui auront
à le faire sont prêts à vivre avec tout, tout ce que
représente l'imputabilité au
niveau des régies régionales?
M. Levine: Moi, je pense que c'est tout à fait la question
clé, l'imputabilité, pourquoi on a, si vous voulez, une
divergence avec l'AHQ. On regroupe, on consulte évidemment 600 D.G. dans
le réseau et, au conseil régional, on trouve les CLSC, les
centres d'accueil, les hôpitaux chacun en train de se battre pour leur
programme. On voit même les commissions du CRSSS aujourd'hui
divisées par catégories d'établissements. C'est un
problème. Mais on réalise que, si autour d'une région
donnée vous pouvez avoir cette intégration autour d'un conseil
régional ou d'une régie, ce serait possible d'avoir cette
discussion et cette planification par programme. L'AHQ a les orientations face
à des institutions de courte durée. L'association des D.G. veut
s'assurer qu'on est capable d'offrir à l'ensemble de la population
l'ensemble des catégories de services qu'on doit offrir.
La question d'imputabilité est fort importante et très
très possible, mais il faut avoir la confiance de la part du
ministère d'accorder les sommes d'argent, les budgets et les
capacités de gérer au niveau local. Et si c'est par le biais d'un
P.-D.G. que le ministère a voulu introduire qu'il crée le lien
étroit parce qu'il est nommé par le ministre, bon, c'est
nécessaire de s'assurer que le gouvernement soit confortable d'accorder
à des régies un moyen d'oeuvrer sur chaque territoire.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais être
obligé de passer vite parce que le temps passe toujours vite. Je vais
aborder le problème de deux mandats. Évidemment, si on ne
l'aborde pas avec vous autres, on pourrait régler ça sans vous
autres, mais ce n'est pas sûr qu'on aura la bonne solution.
On m'a donné, transmis, ce matin, des statistiques qui viennent
d'Ottawa parce qu'évidemment la première question que je me suis
posée, je me suis dit: Oui, un terme de huit ans, si c'est bon pour le
président des États-Unis... Les États-Unis n'ont pas
arrêté de fonctionner dans la septième année du
mandat de Reagan, comme ils n'arrêteront pas dans la septième
année de Bush, si jamais il en fait huit. Tantôt vous avez dit: On
est dans une situation où peut-être qu'à la sixième
ou à la septième année on finirait par questionner la
légitimité du D.G. Par conséquent, ça
arrêterait. Je ne suis pas sûr. En prenant l'exemple des
États-Unis, l'appareil continue parce qu'un D.G. c'est un homme
orchestre, mais il y a aussi l'orchestre en dessous.
Donc, j'ai fait sortir les statistiques et on me donne, à ce
moment-ci, 32 % qui ont moins de cinq ans, 28 % qui ont entre cinq et dix et,
par conséquent, 40 % qui ont plus de dix ans. On s'adresse quand
même à un pourcentage assez élevé. Si j'ai bien
compris, vous n'en avez pas nécessairement contre la règle des
huit ans, mais c'est ce qui peut découler comme Instabilité
à la fois de l'institution et de la personne elle-même aussi quant
à son avenir. C'est là que vient l'idée de la
mobilité du personnel.
Est-ce que ça voudrait dire que vous seriez prêts à
accepter ce principe-là dans la mesure où il y ait la
reconnaissance d'un principe de mobilité de la part du gouvernement? Si
tu as fait un bon service pendant huit ans, dans une institution, tu pourrais
te retrouver dans un bassin et repêché par une autre institution
éventuellement, avec les garanties, bien sûr, que ça
suppose.
M. Levine: Premièrement, c'est l'exemple à prendre,
effectivement, celui du président des États-Unis. On a
donné nous-mêmes cet exemple. Et si, moi, J'avais le plan de
retraite qu'avait le président des Etats-Unis...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Levine: ...je serais très heureux de quitter le
réseau après huit ans.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): mais je ne reconnais pas le
filon que vous avez développé dans le mémoire parce que,
là, c'est de l'intérêt personnel.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Levine: Comme on dit, l'humeur autour de la table... Sur la
question des 40 % qui ont plus de dix ans, il faut noter que c'est dix ans dans
le réseau, qu'il n'est pas dix ans à titre de directeur
général, que la moyenne est autour de huit ans pour être
D.G. dans le réseau et qu'on change nous-mêmes. La seule chose
qu'on dit ici, c'est que ça ne prend pas une règle rigide de huit
ans. On a de la difficulté à comprendre la
nécessité d'une règle de cet ordre-là. C'est une
règle punitive. Quand il y a un D.G. de huit ans et que, dans ses deux,
trois dernières années, il embarque dans une nouvelle
planification stratégique, réanime l'ensemble de
l'établissement, mais - pouf! - à huit ans, il part, qui
développe un an auparavant les comités de sélection, le
changement, les luttes de pouvoir à l'intérieur de
l'établissement? Il n'est pas nécessaire d'atteindre les
objectifs de mobilité, de stimulation à l'intérieur de
chacun de nos établissements. Et, oui, si elle est imposée, la
règle de huit ans, au maximum, effectivement, il est absolument
nécessaire d'avoir un plan de mobilité, un bassin et un moyen
d'être repêché par d'autres établissements. On croit
que ça créerait une imposition à d'autres
établissements, minerait l'autonomie des conseils d'administration de
choisir, évidemment, le chef d'orchestre qu'ils aimeraient avoir
à l'intérieur de leur institution. Mais on n'est pas
convaincu que ça va donner les résultats recherchés.
La Présidente (Mme Marois): Je crois que vous vouliez
ajouter, M. Lessard ou M. Lapoin-te... Oui.
M. Lapointe (Miville): M. le ministre, je pense qu'il pourrait
aussi être intéressant, pour un ministre de la Santé, de
compter sur, je dirais, des ressources humaines qualifiées, dans les
postes de cadres clés, dans certaines régions, lorsque ça
se présente. À ce moment-là, on pense que le
ministère pourrait se donner une politique de mobilité des
ressources humaines, cadres et directeurs généraux, axée
sur l'utilisation des compétences, possiblement avec des
mécanismes régionaux permettant, lorsqu'un poste ouvert est
là, d'identifier les candidatures potentielles. Il y a quelque chose
là qui pourrait être dynamique dans le système, favoriser
une meilleure planification de carrière et rendre des défis
nouveaux aux gestionnaires en place.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Lessard.
M. Lessard (Lucien): Mme la Présidente, ce que nous
interrogeons, justement à partir de la réponse du ministre,
c'est: Pourquoi nous, les directeurs généraux, on serait
limités à huit ans? Je connais des députés qui sont
rendus à 32 ans et qui sont ministres des Finances. Pourquoi nous
autres? Qui a à juger de notre compétence? On est engagés
par des conseils d'administration. Huit ans, c'est très court. Si je
suis en train, au cours de mon mandat - par exemple, six ans - de faire une
construction et qu'il ne me reste que deux ans pour la finir ou la terminer -
vous savez combien c'est long, M. le ministre - quelle sera, à ce
moment-là, ma force de négociation? Quels seront, à ce
moment-là, les moyens que j'aurai, tant auprès de mon personnel
qu'auprès du ministre ou auprès de... Ce que nous disons, nous
autres, c'est: Pourquoi nous limiter à huit ans? Quand on ne sera pas
compétents, M. le ministre, il y a des instances, il y a des organismes
qui sont capables de nous dire: Vous n'êtes pas compétents. La
mobilité, nous en sommes convaincus, c'est une bonne chose, mais pas
nécessairement après huit ans. Peut-être que ce sera
après quatre ans, mais pas nécessairement après huit ans.
Je pense qu'il y a des compétences, dans le gouvernement, qui sont
rendues à plusieurs années et qui sont encore
compétentes.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'il y a quelqu'un
d'autre de votre groupe? M. Grenier?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais je voudrais quand
même...
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai d'autres questions
à poser, aussi, sur d'autres sujets, si vous me le permettez. À
un moment donné, Mme la Présidente, vous allez me dire que je
n'ai plus de temps.
La Présidente (Mme Marois): Oui, ça s'en vient
d'ailleurs, là. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, hal
M. Côté (Charlesbourg): Ça me tenterait de
répondre à Lucien. Évidemment, il faudrait laisser la
même marge de manoeuvre, de latitude qu'en politique, décider de
s'en aller après un certain nombre d'années. C'est ce que j'ai
compris.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je vous répondrais
par ce que M. Levine nous disait tantôt. Si, au bout de huit ans, vous
nous laissez la possibilité de convaincre notre conseil d'administration
qu'on est compétents, qu'on a bien fait notre job, évidemment,
c'est le même principe qui revient, à ce moment-là. Mais on
verra en cours de route. Je pense que, le point étant fart, on pourra
voir et échanger. (11 h 45)
II y a un élément que vous avez soulevé. Ma
question s'adresse à M. Levine parce que, étant
déjà D.G. d'un hôpital, donc les deux pieds sur le plancher
de l'action quotidienne, j'ai l'impression que vos interventions sont
passablement motivées par un vécu quotidien. Évidemment,
lorsqu'on arrive avec l'objectif de résultats - vous l'avez
évoqué tantôt - auquel je crois, il s'agit de voir comment
on peut y arriver. Moi, je pose la question directement a un directeur
général d'un hôpital qui a à vivre avec le CMDP, qui
a à vivre avec tout le monde dans son hôpital à chaque
jour: Est-ce que vous pensez que c'est possible d'en arriver à l'Implan
tation d'objectifs de résultats, par exemple, dans un centre
hospitalier?
M. Levine: II faut regarder les deux ordres de résultats.
Il y a des résultats financiers, il y a des résultats qu'on
appelle "outcome" de santé, des résultats de la qualité de
santé d'un patient qui entre. Quelqu'un entre avec une infection
pulmonaire, on le traite, il sort; on peut évaluer après s'il est
bien guéri ou pas bien guéri et c'est quoi la conséquence,
le résultat. Ce que je dis, on doit être capable de
connaître ce qu'on investit pour arriver à cette guérison,
assurer qu'il y ait un protocole qui nous permette de dire "voilà, le
moyen qu'on doit faire pour atteindre cet objectif. Quand on voit qu'il y a
deux médecins dans un établissement pour poser
le même diagnostic, l'un utilise deux fois les services de
l'hôpital pour atteindre le même résultat, il faut en
arriver à se poser des questions là-dessus. Et on sera capable,
oui, de faire ça si on a les collectes de données
nécessaires pour suivre un diagnostic dans nos institutions.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, je surveille toujours
à ma gauche, parce que c'est le temps. Vous avez soulevé un point
qui est assez Intéressant quant à la participation au niveau des
conseils d'administration, unifiés ou pas; ça, c'est un autre
débat. Mais, quant à la participation aux conseils
d'administration, ce que vous dites, c'est qu'à partir du moment
où un employé d'une institution demeure sur un territoire autre -
prenons l'exemple - que celui où il travaille il devient un simple
citoyen, et pourquoi ne pas profiter de son expérience au niveau d'un
conseil d'administration? Il y a de quoi à fouiller de ce
côté-ià, je pense, et ce sont déjà des gens
formés qui connaissent ce qui peut se passer.
Sur la composition même des conseils d'administration,
unifiés ou pas, peu importe, on a vu, hier, les
bénéficiaires qui sont intervenus. Ils ont dit: Notre
présence n'est pas assez marquée. On a vu des gens du
communautaire qui sont venus nous voir et ont dit: Notre présence n'est
pas assez marquée. Et, d'autre part, on a aussi la difficulté
d'être sur un conseil d'administration où l'on a de la
difficulté à. suivre parce qu'on se fait facilement enterrer par
des documents très volumieux; finalement, on prend des décisions
sans nécessairement savoir les décisions qu'on a prises. Comment
est-ce qu'on fait pour régler ça?
M. Levine: Là, on touche un problème, pas
nécessairement de la composition comme telle. Nous, on dit: Pas des gens
à l'intérieur de rétablissement. Il peut y avoir, on
espère qu'il va y avoir des gens de compétence sur les conseils
d'administration qui sont des professionnels de toutes sortes de domaines,
avocats, comptables ou autres. Mais il y a aussi des
bénéficiaires qui n'ont pas les niveaux d'éducation, et
c'est une responsabilité de l'établissement même, une
responsabilité du conseil régional d'assurer qu'il y ait des
programmes de formation et qu'il y ait une compréhension de ces
difficultés. Je le vis quotidiennement, mes collègues le vivent
aussi. Ça fait une partie importante de notre rôle, comme D.G.,
d'assurer ce niveau de participation. Effectivement, quand il y a trop de
professionnels de l'établissement même, ils prennent trop de
place, la discussion devient autour de leurs préoccupations et,
effectivement, les autres participants sentent qu'ils sont sur les bancs en
arrière. Ça, on peut l'éviter en évitant le conflit
d'intérêts qui n'est pas juste monétaire, c'est direct et
indirect, et assurer la formation de ses membres.
La Présidente (Mme Marois): Mme Larose, je crois que vous
voulez intervenir.
Mme Larose (Micheline): Je voulais tout simplement insister sur
ce que David vient de dire. Effectivement, je crois important que les membres
de conseils d'administration, quelle que soit la formule finalement
adoptée, puissent profiter de formation parce que plusieurs d'entre eux,
je pense aux bénéficiaires, par exemple, arrivent et ont de la
difficulté à lire les états financiers, à
comprendre un bilan et ça se comprend quand ils n'ont pas la chance de
travailler dans un milieu analogue; c'est difficile pour eux.
Alors, c'est à cette seule condition, à mon point de vue,
que les gens du communautaire, nos bénéficiaires, peuvent
vraiment profiter d'être à un conseil d'administration et tenter
d'influencer les orientations d'un établissement.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez
évoqué, parce qu'il faut se questionner aussi au niveau du
ministère, je ne suis pas convaincu que c'est parfait chez nous non
plus... Vous avez beaucoup parlé de réglementation abondante, ce
que j'ai compris, sur le plan de certaines interventions... D'ailleurs, c'est
un peu ce qu'on entend de bien des gens: trop de direction venant du
ministère, trop d'encadrement, parce qu'on a entendu ça. Tu peux
avoir un encadrement réglementaire qui découle d'une loi.
J'aimerais vous entendre là-dessus parce que, effectivement, on nous dit
qu'au niveau du ministère on en fait trop, on encadre trop, et que
l'autonomie, à ce moment-là, n'est que partielle. Sur le plan de
la réglementation, est-ce que vous avez la même opinion? Parce que
ça m'apparaît extrêmement important. On a entendu ça
depuis le début: Vous nous passez des budgets mais on est
encadrés. Donc, si on n'a pas un plan d'équilibre
budgétaire - on a entendu ça tantôt - on n'a pas ci, on n'a
pas ça. Évidemment, avec tous les problèmes que ça
suppose, on ne peut pas défoncer les enveloppes comme on veut.
M. Levine: O.K. Je pense que c'est évidemment la
responsabilité de l'État de s'assurer que les fonds qu'il
dépense sont bien utilisés. Et il faut absolument avoir des
mécanismes et des moyens de contrôle. Il faut que ces moyens
soient logiques. Il faut que les moyens soient applicables. Il ne faut pas
arriver avec une directive pour laquelle je dois mettre un demi-poste
là-dessus qui me coûte 15 000 $ de plus par année et je
n'ai pas les 15 000 $ parce que je donne ça au service à la
clientèle mais, à cause de la collecte de données requise
par le ministère, j'ai besoin de mettre quelqu'un là-dessus. Mais
je pense qu'il y a un juste moyen.
Je ne suis pas pour dire: Aucune réglementation n'est suivie.
Ça ne peut pas marcher comme ça. Il est absolument
nécessaire d'avoir ce suivi-là. Ce sont de grosses organisations.
Mais je pense que ça doit être fait judicieusement et que le
réseau serait très prêt à passer à travers
les différents types de réglementations qui existent pour voir
celles qu'on peut éliminer, celles qu'on peut alléger et celles
qui sont nécessaires à maintenir.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Denis.
M. Dsnls (Michel R.): SI vous me permettez de compléter
dans le môme sens. Je pense que ce qui pourrait corriger ça, entre
autres choses, c'est, indépendamment que la réglementation soit
abondante ou pas, s'U y avait une certaine souplesse administrative dans son
interprétation. Vous parliez tout à l'heure des régies. Il
arrive régulièrement des situations où deux ou trois
conseils d'administration locaux sont d'accord pour que se passe tel ou tel
événement complémentaire, telle ou telle
intégration, sont d'accord pour tel ou tel transfert. Et, à cause
d'une réglementation excessive, abusive, c'est difficile. Or, il arrive
des cas patents où la réglementation empêche que les choses
se fassent. S'il y avait une espèce de clause omnibus ou des pouvoirs
généraux donnés à une régie de dire que dans
certaines circonstances, lorsque toutes les parties sont d'accord que
manifestement tout va bien, on puisse avoir une souplesse administrative. C'est
comme ça dans le cadre d'indemnités de départ. C'est comme
ça dans le cadre de retraite. C'est comme ça dans le cadre de
rachat d'années de service. Il y a beaucoup d'éléments
où tout le monde pense - y compris les hauts fonctionnaires - que
ça devrait se passer comme ça, mais les normes ne le permettent
pas.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière question
qui va porter - parce que vous n'êtes pas les premiers à
l'évoquer - sur la décentralisation de l'enveloppe de la RAMQ.
C'est quand même un élément extrêmement important qui
est discuté aujourd'hui sans que ça ait été
abordé directement par les orientations mais qui m'ap-paraît un
point sur lequel on doit se questionner. J'aimerais vous entendre
résumer les objectifs de la décentralisation. Qu'est-ce qu'on
fait avec? Qu'est-ce qu'on veut faire avec la décentralisation de la
RAMQ?
M. Levine: On cherche à l'intéresser à ce
qu'on appelle une équité régionale. Une
équité régionale basée principalement sur une offre
de services médicaux à la population par du personnel
compétent pour le faire. Ce qui arrive actuellement, c'est qu'il y a un
certain "incentive" pour faire que les médecins décident d'aller
en région éloignée ou autre. On trouve qu'une
régionalisation serait plus équitable parce que permettre
à une population donnée, per capita, de recevoir une somme
d'argent... Si cette région a besoin d'acheter, par après, des
services litraspécialisôs d'une autre région, par exemple,
ça pourrait être au tour du conseil régional ou de la
régie qui gère ce type d'orientation-là, mais ça va
assurer, à ce moment-là, qu'il y a une disponibilité de
services sur un territoire donné et on ne peut pas concentrer nos
effectifs médicaux juste dans quelques endroits, au Québec.
M. Côté (Charlesbourg): En termes clairs, ce que
ça veut dire - si j'essaie de vous résumer - c'est que,
d'après vous, on réglerait le problème des médecins
en région parce qu'ils vont être obligés d'aller là
où est l'argent. C'est ça que vous voulez dire?
M. Levine: Ils seraient obligés d'aller où il y a
l'argent, effectivement, et ça le règle d'une façon
équitable. Mais ça va permettre aussi de connaître la
consommation des services d'une région face à une autre, de
comprendre combien on doit acheter de services dans d'autres régions
parce qu'on n'a pas les services chez nous et si c'est rentable d'avoir des
services chez nous plutôt que d'envoyer les patients dans une autre
région avec tout le transport et tout ce que ça inclut. Ça
va nous permettre de mieux gérer notre système.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui, une
phrase.
M. Lessard: Oui, je voulais répondre à M. le
ministre. Certainement que ça va nous permettre, en tout cas, d'utiliser
les médecins là où on en a besoin et d'éviter,
comme on l'a vu dans certaines revues, que des médecins enseignent des
choses qui pourraient être enseignées par d'autres professionnels
et qui coûteraient moins cher.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Je voudrais vous féliciter, d'abord, pour le
courage que vous avez de toucher les vrais problèmes. Je pense que vous
touchez du doigt le véritable problème. Je suis heureux de voir
que vous êtes en faveur d'une décentralisation réelle,
certaine, y compris des enveloppes. Le payeur d'impôt, qu'il soit en
Gaspésie, en Abitibi ou sur la Côte-Nord, n'a pas une
réduction d'impôt parce qu'il y a moins de médecins et
qu'il y a moins d'équipement sophistiqué dans ses hôpitaux
ou dans ses CLSC, parce qu'il y a moins de personnel. Je pense que c'est
là une justice distributive, une équité. Ça a
été compris, et je vous en félicite. Je pensais d'ailleurs
que plusieurs groupes de professionnels
devraient aller dans ce sens-là. Ma question est la suivante:
Vous touchez du doigt le coût réel des frais de santé et
vous remettez en question, à toutes fins pratiques, le paiement à
l'acte. L'alternative, je suppose que c'est le salariat, j'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Levine: O.K. Je ne pense pas qu'on dise qu'il y a une
méthode meilleure que l'autre. On n'a pas remis en question, comme tel,
l'ensemble du paiement à l'acte. On dit simplement: II doit y avoir une
flexibilité dans le mode de paiement. Je donne l'exemple: Dans nos
urgences où on a des problèmes, où un certain nombre de
gens ont de la difficulté à avoir des médecins
disponibles, surtout pour les urgences majeures qui ne sont pas payantes, cela
pourrait être fort intéressant d'avoir des médecins
à salaire dans nos urgences, un bon salaire pour les encourager à
être là. Mais, à ce moment, il y aurait un
intérêt pour ces médecins à envoyer les patients
à l'urgence ou à l'urgence majeure dans les CLSC, dans les
cliniques locales, dans d'autres services du territoire et à ne pas
encombrer les urgences parce qu'ils ne chercheraient pas leur clientèle.
Vous comprenez que, chaque fois qu'on a essayé d'envoyer l'ensemble de
nos personnes dans nos urgences à l'extérieur de l'institution,
nos médecins de l'urgence ne sont pas tout à fait heureux ni
contents, on est en train d'enlever leur acte médical qui est tout
à fait justifié dans la nature du système qu'on a
actuellement. Mais on ne dit pas d'enlever le système à l'acte
à tous les médecins. On dit qu'il y a certains endroits où
d'autres modes de rémunération seraient plus efficaces, et il
serait important de les étudier.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Lessard.
M. Lessard: Oui. J'ajouterai sur ça que la solution n'est
pas facile; qu'on la regarde d'un côté ou de l'autre, elle n'est
pas facile. Cependant, c'est que la situation actuelle, à savoir le
paiement en grande majorité des médecins à l'acte,
crée certainement, Mme la Présidente, une surconsommation d'actes
médicaux. C'est pour ça qu'on dit au ministre: Essayez de
vérifier ça; une surconsommation.
Vous pariiez tout à l'heure du carnet de santé. Je pense
que c'est l'un des éléments de solution qui va permettre la
responsabilisation des gens. Je me rappelle, il y a quelque temps, on avait
dans notre T4 un élément où on voyait ce que l'on
consommait en santé, c'est-à-dire ce qu'on payait en santé
en impôt; on ne l'a plus, actuellement. Mais le problème, c'est
qu'on fonctionne comme si on avait une carte de crédit illimitée
dans le secteur de la santé. Comment voulez-vous que je me
préoccupe de ma santé quand je sais que, demain matin, il n'y a
pas de problème, je m'en vais avec ma carte et tout va être
payé. C'est dans ce sens-là que la question de l'acte est
reliée aussi avec une responsabilisation des gens afin que les gens
voient combien ça coûte un acte médical chez le docteur.
Avez-vous déjà payé vous, M. le ministre, M. le
député, excusez...
M. Chevrette: M. l'ex-futur. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lessard: Avez-vous déjà vu sur votre carte, une
fois que vous avez donné votre carte-soleil, quel était le
coût qui était réclamé à la Régie de
l'assurance-maladie du Québec? Moi, je ne l'ai jamais vu.
M. Chevrette: Mme la Présidente... M. Lessard: Je
m'excuse du lapsus.
M. Chevrette: ...je ne voudrais pas renchérir mais, quand
vous pariez de carte de crédit, qui plus est, vous donnez votre carte de
crédit et vous ne savez pas ce qui est écrit dessus, en plus. Je
suis entièrement d'accord avec votre perception. Je sais qu'il y a
certains médecins, à part ça - et ce serait une
façon, je pense, de corriger les situations - qui indiquent à
leurs patients qu'ils sont de garde à l'urgence, cette
journée-là, et d'y aller. Après ça, on parie
d'encombrement. Ce sont les mômes qui se plaignent d'encombrement. Vous
avez passablement raison. Il y a beaucoup de correctifs à apporter dans
ce secteur-là. (12 heures)
Je voudrais aussi vous parier de la gratuité versus les tickets
modérateurs. Ceux qui vous suivent vont parier de ticket
modérateur. Je voudrais savoir, vous, les D.G., quelle est votre
perspective là-dessus, quant à la responsabilité du
paiement de la facture dans le domaine de la santé.
M. Levine: On a eu sûrement beaucoup de discussions
à ce sujet-là, et, sûrement, avant d'intervenir, je voulais
avoir un appui de mes collègues. Nous autres, comme association,
trouvons qu'il est fondamental que la gratuité du système qui
n'est pas réellement gratuit...
M. Chevrette: II n'est pas réellement gratuit.
M. Levine: ...mais l'illusion de la gratuité continue
à exister à tout prix. La base sociale et social-démocrate
de notre société est là-dessus. Je pense qu'il ne faut
aucunement toucher cette approche. On n'est pas du tout d'accord avec la notion
d'un ticket modérateur ou d'un moyen d'exiger des individus de payer. On
dit: On va exclure les assistés sociaux, on va leur mettre une
étiquette sur le front, ça va "flasher" là, on
va bien les Identifier et on va être capable de les exclure. Je
pense qu'on doit considérer tous les citoyens égaux, mais il y a
des moyens pour que les individus participent plus dans les soins qu'ils
consomment et on doit les responsabiliser. C'est ça, la clé de
l'avenir, non pas nécessairement de les charger.
La Présidente (Mme Marois): II y avait M. Grenier qui
voulait intervenir, tout à l'heure. Est ce que c'est...
M. Grenier (Reginald): Je voulais dire que le meilleur ticket
modérateur, peut-être, dans un centre hospitalier où on a
des entrepreneurs libres, des médecins, il faut bien les appeler comme
ça, ce serait peut-être que le médecin aussi sache ce que
ça coûte de prescrire telle analyse-Une voix: Oui...
M. Grenier: ...et de prescrire tel transfer d'un patient, de
prescrire une multitude d'écho-graphies, par exemple, pour une patiente.
S'il le savait, on le responsabiliserait lui aussi, s'il savait quotidiennement
ce que ça coûte, son patient Mais là on ne le sait pas. Il
n'y a personne qui le sait.
M. Chevrette: Remarquez, on va leur demander à eux si
c'est parce que les hôpitaux et le gouvernement ne prennent pas fait et
cause et si c'est parce qu'ils ont peur, par exemple, de poursuites qu'ils
prescrivent quasiment des radiographies de la tête aux pieds pour un
orteil cassé, tu sais. Effectivement, il y a quelque chose là qui
accroche parce que, moi, j'ai vu des aberrations. Il arrive un
dermatologue...
La Présidente (Mme Marois): Alors, monsieur... Oui.
M. Levine: La seule chose à répondre
là-dessus... Je vais laisser mes collègues répondre
après. On veut développer des OSIS. On dit, dans un OSIS, pour
rendre le médecin responsable, donnez-lui un "incentive" financier, il
va contrôler ses actes. Alors, si lui on lui donne un "incentive"
monétaire pour voir à contrôler ses actes, ce ne sont pas
les questions des assurances et ce ne sont pas les questions de poursuite.
C'est une question qu'il n'y a aucun contrôle, qu'il n'y a aucun suivi,
ça ne coûte rien à prescrire un "scan". "Why not?" C'est 85
$, "so what"! Un rayon-X traditionnel, c'est 3 $, je vais demander un "scan".
Ça ne coûte rien, ça ne coûte rien. S'ils
étaient dans les OSIS, là ça coûte et il y aurait un
gestionnaire ou un médecin qui dirait: Ah, ah! Pas de scan. Un rayon-X
traditionnel, ça coûte moins cher et après on va voir si un
"scan" est requis.
La Présidente (Mme Marois): M. Denis, oui.
M. Denis: moi, je pense, m. chevrette, que l'expression n'est
peut-être pas bien choisie dans le cadre de la discussion qu'on a. quand
on parie de ticket modérateur, c'est qu'on soupçonne qu'il y a un
abus et qu'on veut modérer l'abus.
M. Chevrette: Exact.
M. Denis: Alors, ça, c'est la notion qui est importante.
Si, par hypothèse, je dis bien par hypothèse, il y a trop
d'échographies pour des grossesses normales - j'insiste sur
l'hypothèse - s'il y a trop de césariennes, si les gens restent
trop longtemps à l'hôpital, alors à ce moment-là, il
faut faire de la publicité et faire de l'information, renseigner les
médecins, renseigner les patients et attention...
M. Chevrette: C'est très bon.
M. Denis: ...lorsque vous avez une petite grippe et que vous vous
ramassez à l'urgence, voici très exactement ce que ça
coûte à l'État. Vous ne pensez pas que vous pouvez attendre
à demain ou aller faire un tour au CLSC pour ne pas engorger les
urgences? Donc, à ce niveau-là, s'il y a abus, modérons
par la publicité. Si l'État a bien distingué quels sont
les services essentiels, si se faire opérer pour l'appendicite c'est
essentiel et nécessaire pour tout le monde, disons: C'est
nécessaire et essentiel pour tout le monde, et ne chargeons pas au plus
pauvre comme au plus riche 10 $ par jour parce que vous dites, sous le
prétexte que tout le monde mange... Quand on va à l'hôpital
et que le médecin dit: C'est huit jours pour une césarienne, bien
tu restes huit jours et, normalement, tu manges huit jours sauf les deux
premières journées, tu es sur le carreau. Alors, ça,
ça me semble une chose importante. Si, par ailleurs, on dit: On manque
d'argent, comme le Dr Brunet a dit tout à l'heure, ça va craquer
pour manque d'argent, bien ça c'est un tout autre problème.
Ça, c'est une question de finance, c'est une question de taxation mais
pas une question de ticket modérateur.
M. Chevrette: Merci. Je vais laisser mon collègue de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue vous questionner aussi. Il y en a eu
d'autres, par exemple.
M. Trudel: Très bien, merci beaucoup, cher
collègue. Je veux vous féliciter à mon tour de la
qualité de la présentation. Je pense que tout le monde l'a vu
ici. On le voyait bien, d'après les observations, parce que, au niveau
des responsabilités qui vous sont confiées, je pense qu'il faut
le dire, on a souvent vu des groupes et des gens qui sont surtout portes
à nous parier de
leurs propres intérêts, des Intérêts
personnels de leur regroupement. Il est intéressant, par exemple, de
noter, dans un premier temps, certainement à l'attention du ministre,
que cette qualité de mémoire, effectivement, c'est parce que vous
connaissez bien votre réseau. On voit que vous le vivez et je pense que
ça va à l'appui de votre recommandation de ne pas exclure toutes
les personnes qui ont des compétences dans ce réseau de tout
conseil d'administration ou de toute direction d'Institution - on a là
une belle démonstration - avec une limite que vous mettez
vous-même quant au conseil ou a l'organisme de direction ou
d'établissement où est employée directement cette
personne. Mais on ne peut pas se priver, dans notre réseau public, des
130 000 compétences qui y existent.
Par ailleurs, sur le contenu, vous y allez très fermement au
niveau de la réduction des coûts en termes de prévention.
C'est la première fois qu'on entend jusqu'à maintenant qu'il faut
mettre beaucoup d'accent sur la prévention comme mécanisme pour
réduire les coûts. Au lieu d'aller à l'autre bout et de
dire au ministre: Mets du fric; rajoute de l'argent; rajoute à l'offre
et c'est de même qu'on va régler le problème, vous le
prenez d'abord à la base et vous citez particulièrement deux
éléments au niveau des jeunes et au niveau des familles. Une
petite question par rapport à ce qu'on a entendu ce matin d'abord, soit
de garder la prévention au niveau des hôpitaux. Vous avez entendu
ça tantôt; vous étiez là. Est-ce qu'on doit
effectivement garder la mission prévention dans l'optique que vous nous
avez dite, de la réduction de l'offre et des coûts? Est-ce qu'on
doit garder ça dans les hôpitaux?
M. Levine: Je pense que, pour répondre, il faut dire,
premièrement, que la prévention n'est pas le champ exclusif des
32 DSC rattachés à une institution, à un centre
hospitalier. Premièrement, j'en ai un chez moi, notre centre hospitalier
offre au DSC deux étages; on offre le service, mais c'est vraiment le
DSC du territoire du sud-ouest de l'île de Montréal.
Mais la prévention est aussi faite dans les CLSC et elle doit
sûrement être faite dans les CSS et on doit commencer à la
faire dans les hôpitaux d'une façon très très
sérieuse. Il ne faut pas laisser la prévention uniquement dans le
champ des DSC. Je me pose la question spécifique: Est-ce que le DSC doit
être rattaché à un hôpital? Je dis que cela ne change
rien de le rattacher à un hôpital ou non; ça chambarde les
structures actuelles, si quelqu'un a le goût de les chambarder. Je ne
connais pas les raisons pour lesquelles il voudrait les chambarder, mais cela
ne change rien. Si le mandat du DSC est clair, s'il y a un leadership au niveau
provincial par un médecin en chef de la santé publique au
Québec, on serait capable d'avoir une vraie coordination des services de
prévention.
M. Trudel: M. Lessard...
M. Lessard: J'ajouterais ceci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y, M. Lessard.
M. Lessard: Excusez-moi, Mme la Présidente. Quand on est
rendu à l'hôpital, II n'est plus temps de faire de la
prévention, on est malade. Là, II faut corriger la situation. La
prévention, c'est à la base qu'elle doit se faire. J'indique
encore que, quand on parle, on ne demande pas de budget supplémentaire,
mais je pense qu'il va falloir réétudier le budget du
ministère des affaires sociales pour revoir s'il n'y aurait pas des
ajustements possibles. On est quand même rendu à 30 % de
l'ensemble du budget dans le secteur social. Quand on regarde la mission
économique, il n'en reste plus gros, etc.
Par ailleurs, on constate, par exemple, que, là où c'est
normalement la responsabilité de faire de la prévention, c'est au
niveau de la première ligne, à savoir les CLSC. C'est 475 000 000
$, soit à peu près 5 % du budget de l'ensemble de l'État,
qu'on donne aux CLSC pour faire de la prévention, y compris les soins
à domicile, etc., alors que l'hospitalisation consomme 47,3 % de
l'ensemble du budget des affaires sociales.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. Trudel:
Très éclairant. M. Lessard: 47,3 %.
M. Trudel: Au niveau administratif, on a entendu beaucoup de
groupes, en fait quelques groupes nous dire, au niveau de la
réorganisation administrative: La base géographique, territoire
de CLSC ou de MRC, ça n'a pas d'allure. Ce n'est pas comme ça
qu'il faut faire ça. Ce n'est pas réaliste. On l'a entendu, et ce
n'est pas toujours étroitement en réaction à ce qu'on a vu
d'abord ce matin. Est-ce que vous êtes d'accord ou non sur la base
territoriale de réorganisation proposée dans le projet de loi, si
non, où devrait-on ancrer la base de toute réforme administrative
en termes de complémentarité et assurer toujours une meilleure
dispensation de services?
M. Levine: Je pense que la question ne devrait pas se poser:
Est-ce à l'intérieur d'Un territoire donné? Cela doit
être en fonction d'un ensemble d'objectifs et de critères qu'on
veut atteindre dans la concertation, dans le décloisonnement. Il y a des
territoires qui se prêtent très bien à un regroupement
mais, vous comprenez, les établissements existent déjà. Il
y en a 800 à travers le Québec. Ils n'étaient pas
planifiés sur
une base territoriale, ils n'étalent pas prévus sur une
base territoriale et de vouloir maintenant les entrer tous sur une base
territoriale serait une fausse façon d'aborder le problème. Il
faut l'aborder en donnant à ces entités des objectifs à
atteindre, leur exiger de les atteindre. Ça peut être territorial,
ça peut être un territoire plus large, mais exigeons qu'ils
atteignent ces objectifs. Je ne vous conseille pas de les laisser aller du
tout, mais mettre une balise de cinq ans dans l'idée des regroupements
requis et, après, le gouvernement réagit.
Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter quelque chose.
Michel?
La Présidente (Mme Marois): Oui. M. Denis?
M. Denis: Pour répondre à votre question, M. le
député, quant à cet aspect, ça n'a pas
été l'euphorie non plus du côté des directeurs
généraux. Je pense que ce qu'il mentionne, c'est que ce serait
plus sage, plus intelligent de regrouper, de favoriser des regroupements
d'établissements identiques sur un territoire donné, par exemple,
deux centres d'accueil de même vocation particulière. Ça
nous semblerait un élément plus important. On se dit que
regrouper des établissements par un territoire de CLSC, c'est une
solution parmi plusieurs. Ce qui nous heurte davantage, ce sont les solutions
mur à mur, de dire: Pour l'ensemble de la province de Québec, ce
sera comme ça partout alors qu'il y a beaucoup d'établissements
qui ont des vocations régionales beaucoup plus larges que celles de
territoires de CLSC, entre autres choses.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui? Une
dernière.
M. Trudel: Une dernière qui me semble très
importante. À la page 6 de votre mémoire, vous traitez des
articles de l'avant-projet de loi en ce qui concerne les protocoles
d'investigation médicale dans les institutions. Je vous sens très
prudent là-dessus en disant que vous souhaiteriez que les directeurs
généraux se fassent donner de par la loi un certain nombre de
pouvoirs pour que les directeurs généraux puissent exercer un
contrôle efficace, non pas sur l'acte médical mais, bien
sûr, sur certains protocoles appliqués de façon
systématique et qui avaient été jugés
insatisfaisants.
On voit que ça ne va pas très loin dans le projet de loi.
C'est ce que vous dites. Personne ne semble avoir le pouvoir, dans cette loi,
de rappeler les médecins au respect des protocoles convenus. Clairement,
c'est que vous n'êtes pas capables de gérer vos affaires parce que
vous êtes dominés par un autre groupe.
M. Levine: Ce n'est pas dire qu'on est dominés mais qu'on
comprenne qu'il n'y a aucune business dont vous avez un budget fermé
avec les portes ouvertes. SI GM essayait de gérer de cette
manière, ils auraient de la difficulté. La folie de la fin de
l'année de vouloir atteindre un équilibre budgétaire est
la vraie folie. Il faut voir: Hé! Arrête d'acheter des sutures, on
va les acheter le 1er avril. On n'achète pas maintenant, ne stocke rien,
on n'arrive pas. Qu'est-ce qui se passe? Il faut fermer, on va fermer pour les
vacances scolaires. Trois semaines? Ce n'est pas assez, on va fermer quatre
semaines. À un moment donné, ça devient effectivement un
mode de gestion très curieux. Pourquoi? Nous disons que c'est parce
qu'on n'a pas de moyens de contrôler ce que nos entrepreneurs libres dans
l'établissement dépensent Et on ne demande pas un contrôle
en intervenant dans leurs actes médicaux. On n'a pas de
compétences et on ne veut jamais demander les compétences. On
veut simplement avoir la capacité de dire: Vous avez
dépensé tant et votre collègue avait dépensé
deux fois plus, et vous faites la même chose dans la même
spécialité. Si vous continuez comme ça, comme
gestionnaire, je vais être obligé de fermer deux semaines de plus
cette année. Pouvez-vous regarder vos dépenses entre vous autres?
Je le laisse là pour voir la réaction. À la fin, je vais
fermer deux semaines si ça ne s'améliore pas. Mais c'est dans
leur intérêt aussi et celui du public de ne pas fermer.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Lessard.
M. Lessard: J'ajouterais ceci: Je pense que c'est complet,
mais...
La Présidente (Mme Marois): Brièvement.
M. Lessard: C'est ça. C'est qu'on ne peut pas fermer, nous
autres, le 1er janvier, quand on s'aperçoit qu'on a des déficits
dans le laboratoire ou en radiologie. On ne peut pas fermer. C'est un bar
ouvert avec, comme on le disait, un budget fermé quand même. (12 h
15)
Je voudrais, cependant, Mme la Présidente, souligner un point sur
lequel nous n'avons pas eu de questions, un point qui est important dans notre
mémoire. Simplement, je le souligne, Mme la Présidente. Les
cliniques privées. Je pense que c'est un point important dans notre
mémoire où on recommande au ministre d'émettre des permis
concernant les cliniques privées. Excusez, il n'y a pas un bordel au
Québec qui n'a pas de permis. Je me demande pourquoi on peut
élaborer sur ce point.
M. Côté (Charlesbourg): Ils sont
subventionnés.
M. Lessard: Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): C'est
subventionné.
M. Lessard: Ils sont même subventionnés. Ce que je
veux dire, Mme la Présidente, c'est qu'actuellement, nous autres les
directeurs généraux, nous sommes dans l'obligation, comme
établissement, de fournir aux cliniques privées tous les
diagnostics de radiologie, de laboratoire, etc., et nous n'avons aucun
contrôle. Et pour vous donner l'importance d'une réglementation
sur ce point-là, on dit actuellement à Montréal que dans
les régions périphériques il n'y a plus de
médecins. Il n'y en a plus maintenant dans les établissements
à Montréal. Ils sont tous en clinique privée. 64 % des
médecins, à Montréal, sont maintenant rendus en cliniques
privées. Et le problème - je vais vous donner un drôle
d'exemple qu'on vit chez nous. Nous avons eu dans un établissement de la
Côte-Nord huit médecins qui ont été boursiers, qui
sont venus s'installer chez nous. Trois de ces médecins, maintenant
ayant un peu plus d'argent, etc., et ayant fait leur clientèle, s'en
vont maintenant en clinique privée. Est-ce que c'est normal? Est-ce
qu'un ministre peut planifier, est-ce qu'un organisme peut planifier des
effectifs médicaux? Si on laisse la liberté complète
d'aller s'installer n'importe où, même si on fait des plans
d'effectifs médicaux, si on laisse les cliniques privées en
dehors des effectifs médicaux, ça ne donnera absolument rien.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Vous n'avez parlé
d'aucune façon du carnet de santé. Oui? Vous n'en avez pas...
M. Levine: La notion du carnet de santé est fort
intéressante. C'est vraiment la technologie de l'avenir et on pourrait
avoir chacun la capacité d'avoir avec nous autres une carte intelligente
qui nous indique ce qu'on a consommé et être capable de voir
régulièrement... Pour atteindre ça, on a besoin d'avoir la
base de données dont on a parlé tout le long de notre
présentation.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Juste pour dire à mon
bon ami Lucien qu'on ne l'avait pas soulevé, mais c'est un point qui
était important dans le mémoire et qui mérite très
certainement qu'on s'y arrête. Merci beaucoup pour l'excellence de votre
présentation.
La Présidante (Mme Marois): Merci beaucoup. J'Inviterais
maintenant le groupe suivant à prendre place, soit les
représentants du Conseil patronat du Québec.
Alors, s'il vous plaît, si les personnes qui veulent maintenant
nous présenter leur mémoire veulent bien prendre place. C'est
autant de temps qui reste en moins aux membres de la commission. À cause
d'obligations d'un certain nombre des membres de la commission, nous devons
terminer à 13 heures. Donc, on va ramasser les présentations et
les questions. Je vous demanderais de procéder, en environ quinze
minutes, à votre présentation de mémoire. Ensuite, de part
et d'autre, il y aura quinze minutes de période de questions.
Alors, M. Dufour, si vous voulez bien présenter les personnes qui
vous accompagnent.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghialaln): Mme la Présidente, vous excuserez
d'abord ma laryngite. Je devrai peut-être donner ma place en cours de
présentation. De toute façon, je suis convaincu que M. Chevrette
aura compris qu'à ce moment-là je ne pourrai pas lui
répondre.
Je voudrais vous présenter mes collègues: à ma
droite, Mme Denise Turenne, qui est présidente-directrice
générale du Centre patronal de santé et
sécurité du travail et qui est également présidente
du conseil d'administration de l'hôpital Fleury; à ma gauche, le
Dr Michel Guillemette, qui est directeur des services médicaux à
la compagnie Produits forestiers Canadien Pacifique et est également
membre du conseil d'administration de la CSST, et à ma toute gauche, M.
Jacques Garon, qui est le directeur de la recherche au Conseil du patronat.
Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, messieurs, notre
mémoire comprend quatre volets. Le premier volet fait un certain nombre
de recommandations sur le projet de loi lui-même; le deuxième
volet regarde les possibilités actuelles de nos gouvernements de mieux
financer le réseau de santé; le troisième volet fait un
certain nombre de suggestions de financement et, dans le quatrième
volet, nous parlons un peu de la médecine du travail.
Quant au premier volet sur les recommandations, compte tenu du temps que
nous avons, je vais simplement les lire. La première, c'est que le
législateur s'assure que les conseils d'administration puissent compter
dans leurs rangs des gestionnaires médicaux, financiers et
administratifs compétents. De la façon dont la proposition du
projet de loi est faite, on a l'impression qu'on se priverait de ressources
importantes, notamment au plan médical. Pour nous, c'est important
qu'à un bon conseil d'administration - on le sait - on puisse avoir les
réactions médicales.
Deuxième recommandation: Que le législateur s'assure que
les modalités du mandat des directeurs généraux soient de
nature à attirer des gestionnaires de qualité à la
tête des établissements de santé. Je vous avoue qu'on ne
comprend pas du tout le sens de cette proposition-là. Ça voudrait
dire qu'après huit ans le meilleur des gestionnaires ne pourrait plus
rester dans son établissement. C'est contraire à tout ce qu'on
rencontre dans le secteur privé. Après huit
ans, s'il est bon, justement, on veut le garder pour lui faire faire
carrière. Il y a probablement des raisons à cette recommandation,
que l'on voudrait connaître.
Troisième recommandation: Que le législateur reconnaisse
clairement que la qualité des soins dispensés par les
établissements est tributaire des règlements et des budgets qui
sont cependant hors de leur contrôle. Donc, on donne toute la
responsabilité de la qualité des soins à
rétablissement, mais les règlements, les budgets leur
échappent complètement.
Quatrième recommandation: Que le législateur reconnaisse
davantage l'autonomie et la compétence administrative et
budgétaire des établissements de soins de santé. On a
l'Impression, actuellement, qu'il n'y a à peu près pas
d'imputabillté au niveau des directeurs généraux
d'établissement, par exemple, et on pense, selon les schémas
modernes de gestion, que si, justement, il n'y a pas une certaine
responsabilisation au niveau local, on ne s'en va pas vers un assainissement
des fonctions administratives dans nos établissements.
Cinquième recommandation: Que le législateur analyse bien
l'opportunité de confier aux régies régionales ie soin de
décider de l'allocation et du contrôle des budgets des
établissements des soins de santé. L'à-propos des
propositions gouvernementales à cet égard n'est pas
évident, actuellement. Bon, dans le texte, on explique cette
recommandation. Ce qu'elle veut dire, pour l'essentiel, c'est que nous sommes
tout à fait d'accord avec la décentralisation. Nous la
réclamons, nous aussi, depuis toujours, sauf qu'on n'a pas l'Impression
que le projet de loi, par la création des régies
régionales, décentralise. On a l'impression qu'on crée un
petit peu des ministères sur le territoire et, selon l'expression qui
est utilisée dans d'autres mémoires, on s'oriente vers la
déconcentration, parce que c'est très gros, un ministère
des Affaires sociales, et on ne décentralise pas vraiment.
Mme la Présidente, en deuxième partie de notre
mémoire: Les propositions gouvernementales de financement du
réseau. On est très préoccupé par le financement
des services de santé et des services sociaux au Québec.
Pourtant, tous les observateurs le constatent, les besoins dans ces deux
domaines-là sont énormes. Et, je le répète: II ne
faut pas s'attendre que nos deux paliers de gouvernement aient beaucoup
d'argent a injecter dans le réseau au cours des prochaines
années. Ça, c'est autant au niveau fédéral qu'au
niveau provincial.
Des chiffres sur les besoins, évidemment, chacun peut les
établir à sa façon, mais, selon les données de
l'AHQ, on parie de 400 000 000 $ comme besoins minimums par année,
peut-être 300 000 000 $, peut-être 350 000 000 $, mais, en tout
cas, un ordre de grandeur qui est de 400 000 000 $.
L'été passé, lors de la campagne électorale,
nous avions demandé au Parti québécois et au Parti
libéral de nous dire quel était leur plan de financement des
réseaux de santé. Je ne retiens pas la proposition qui avait
été faite, à ce moment-là, par le Parti
québécois, mais je prends la proposition du Parti libéral
qui était l'inflation plus 2 %. Ça paraît beau, l'inflation
plus 2 %, compte tenu des contraintes économiques actuelles. Mais vous
voyez dans notre mémoire qu'on a fait un tableau de ce que ça
donnerait. Or, ça ne donnerait pas beaucoup d'argent, compte tenu de ce
qui s'est donné dans le passé. Ça représenterait
543 000 000 $ par année, alors que la moyenne des trois ou quatre
dernières années a été de 510 000 000 $.
Bon, ce n'est pas à vous, gestionnaires de la chose publique, que
je vais dire qu'il n'y a pas d'argent au gouvernement. Évidemment, c'est
peut-être plus facile pour l'Opposition de dire qu'il y en a. Mais je me
rappelle que, quand ils étaient au gouvernement, ils nous disaient qu'il
n'y en avait pas. Et ça, je pense qu'on l'endosse. C'est un
problème aujourd'hui de tous les gouvernements.
Face à ça, nous avons, nous, certaines propositions. Une
première proposition, c'est de dire... Et là, on est d'accord
avec le gouvernement qui nous répondait au mois de juillet ou août
- comme je le mentionnais tout à l'heure - qu'il y a encore
possibilité de rendre le réseau plus efficient. Et ça, je
pense que le ministre lui-même l'a déjà constaté et
il l'a déjà dit. Il y a des problèmes auxquels le
gouvernement doit s'attarder dont le problème - évidemment, on ne
peut pas, nous, ne pas le mentionner - de la rigidité actuelle des
conventions collectives qui génère des coûts dans le
système à un point tel que, si ça reproduisait, cette
rldigfté-là, dans les conventions collectives du secteur
privé, on pourrait en mettre certaines en faillite.
Face à ça, est-ce qu'il est possible de faire des
propositions - et je dis des propositions responsables - qui maintiennent - et
ça, c'est important parce que, quand on fait ce genre de propositions
là, on a toujours l'impression qu'on bascule le système public et
il n'en est pas question - ou qui font que le régime va demeurer
accessible, universel, essentiellement public? Alors, nous en avons un certain
nombre. Elles ne sont pas toutes détaillées. On pourrait en
redébattre avec des comités techniques du ministre.
La première suggestion que nous faisons, c'est le ticket
modérateur. Et pourquoi la refait-on? C'est parce que le rapport Rochon
ne s'y était pas attardé de quelque façon; il a
complètement évacué ce débat-là de son
rapport. Évidemment, le projet de loi ne reprend pas non plus ce type de
proposition. Mais on vous rappelle, Mme la Présidente, que 40 % des
systèmes de santé nationalisés dans les pays de l'OCDE ont
une forme quelconque de ticket
modérateur. Vous remarquez qu'on ne fait pas des propositions
très concrètes: 5 $ ici, 10 $ là, 22 $ là. Ce n'est
pas ça, notre objectif à ce moment-ci, M. le ministre; c'est
plutôt de dire: Ne rejetez pas ce concept-là. Vous n'avez pas
l'argent, il faut en trouver quelque part. Alors, il faut analyser ce
système-là.
Une autre recommandation que nous faisons, c'est l'impôt à
rebours. Déjà, le Parti libéral, Mme la Présidente,
dans son programme, a une orientation qu'on endosse pleinement qui est,
à un moment donné, probablement en fin d'année, de dire
à un utilisateur de services de santé combien ça a
coûté dans l'année. On a l'impression que, parce que c'est
gratuit, la population dit: Ça ne coûte rien. D'ailleurs, vous
l'avez entendu comme nous: Ça ne coûte rien, on ne paie pas, alors
qu'un per diem d'hôpital peut valoir 300 $, 400 $, 500 $ et qu'une
opération peut aller chercher dans les 20 000 $. Personne ne sait
vraiment ce que représentent les coûts des services de
santé. Donc, en fin d'année, on pourrait remettre à
l'utilisateur un bordereau qui indiquerait les coûts des services de
santé qu'il a reçus.
Et, en même temps, nous suggérons qu'il y ait ce que l'on
appelle un impôt à rebours, faute de mieux, qui ferait que les
mieux nantis, les plus fortunés de la population, au moment de leur
rapport d'impôt, participeraient au financement du réseau de
santé selon les services qu'ils auraient obtenus. S'ils n'en ont pas
obtenu, ils ne paient pas. Supposons quelqu'un qui a obtenu pour 25 000 $ de
soins de santé et qui gagne 100 000 $, pourquoi ne pas lui "charger",
par exemple, 1000 $? D'autant que la majorité de ces gens-là qui
sont capables de payer peuvent le faire par le biais d'une assurance
privée qui va tout simplement les rembourser.
Alors, c'est bien expliqué dans le mémoire. Mme la
Présidente, il n'est pas possible de résumer cette
proposition-là, mais j'aimerais ça que vous la regardiez. Il y a
sûrement une possibilité d'aller chercher de l'argent chez les
mieux nantis sans de quelque façon pénaliser les moins nantis.
Qu'on mette 30 000 $ ou 40 000 $ d'exemption, nous sommes ouverts. C'est de
faire accepter le principe dans la structure des impôts. (12 h 30)
Vous me permettrez, évidemment, quelques mots sur la
privatisation. Encore là, il ne s'agit pas de quelque façon de
privatiser le réseau de la santé; on n'a jamais demandé
ça, puis on ne le demandera jamais. Mais il y a certaines
activités dans un hôpital qui ont déjà
été privatisées, d'autres qui pourraient l'être
encore. Il y a de la privatisation qui existe actuellement, par exemple, dans
les buanderies, dans les cafétérias, mais, quant à nous,
ce n'est pas assez développé; on pourrait aller encore beaucoup
plus loin là-dedans.
L'objectif n'est pas d'aller chercher de l'argent neuf. L'objectif est
de réduire tes coûts parce que les directeurs d'hôpitaux qui
l'ont fait ont réalisé que ça coûte moins cher. Vous
avez tous donné votre bénédiction au plus récent
hôpital de Valleyfield, Anna-Laberge, qui est un peu structuré,
finalement, autour de ce concept de services rendus par des services
privés environnants.
Un mot. Pour aller peut-être plus loin, Mme la Présidente,
il faudrait penser aussi à privatiser, pas purement la
cafétéria, mais, pourquoi pas, la photographie médicale,
pourquoi pas des examens de cardiologie? Vous avez vu, dans certains
hôpitaux, par exemple, s'établir la clinique privée, juste
de l'autre côté de la rue, qui donne d'excellents services: quand
on te donne un rendez-vous à 10 h 30, ton rendez-vous est à 10 h
30. Avec le même médecin responsable dans l'hôpital en face,
si tu as un rendez-vous à 10 h 30, attends-toi à passer - on
n'exagérera pas - à 14 heures, parce que le système est
embarqué dans la gestion d'un hôpital qui n'est pas la gestion de
la clinique privée. Alors, pourquoi ne pas essayer de penser à la
privatisation de certains services médicaux? Les médecins qui
pratiquent à l'extérieur sont aussi bons qu'à
l'intérieur de l'hôpital.
On vous dit aussi qu'il serait peut-être possible de regarder la
gestion totale d'un hôpital, comme on l'a à Hawkesbury et il
semble que Hawkesbury va bien. Encore là, je le répète, on
ne veut pas que tous les hôpitaux soient gérés par le
secteur privé, mais qu'il y ait de ta gestion privée comme
secteurs témoins dans un certain nombre d'endroits, tout en gardant cet
hôpital public. Ça, j'insiste. À Hawkesbury, c'est un
hôpital public, mais géré par une firme de gestion
américaine.
Mme la Présidente, le quatrième volet de notre
mémoire, c'est la médecine du travail. Quel lien, pensez-vous, on
doit faire entre le projet de loi, puis ça? C'est très simple,
c'est parce que la loi 17 sur la santé et la sécurité du
travail, donc toute la santé communautaire, la santé et la
médecine du travail, qui est d'ailleurs reprise dans un chapitre du
projet de loi, a été ce que nous, on a appelé
nationalisée, dans le sens que tout ça a été
transféré au réseau public, en 1980. Actuellement, il y a
des entreprises qui disent: Si on nous avait laissé l'organisation de la
médecine privée du travail, ce serait probablement mieux que ce
que l'on a aujourd'hui parce qu'on ne peut pas, compte tenu, justement, de
l'état du réseau, avoir les services qu'on se donnait
peut-être en 1979-1980.
Alors, si on revenait un peu à la situation de départ
où vous aviez une certaine médecine du travail privée,
mais on serait d'accord pour qu'elle soit contrôlée en
totalité par le gouvernement, par le ministère, on pense que vous
pourriez économiser des sous et les mettre peut-être à des
endroits où il y a plus de nécessité, par exemple, pour
une salle d'urgence. Si une
grande entreprise peut le payer, pourquoi ne pas prendre cet
argent-là pour améliorer les services dans notre salle
d'urgence?
Mme la Présidente, je pense que ça fait 18 minutes.
La Présidente (Mme Marois): Vous calculez bien le temps.
Je vous remercie, M. Dufour. J'inviterais maintenant M. le ministre de la
Santé et des Services sociaux à vous poser des questions.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. Dufour. Le premier
constat est que c'est dans la même ligne que ce qui a été
déposé au rapport Rochon, sensiblement. Évidemment, la
proposition de l'impôt à rebours est, à première
vue, intéressante et pas seulement à la première, mais
à la deuxième aussi par rapport au ticket modérateur. Je
pense que l'impôt à rebours serait moins dommageable pour
l'accessibilité qu'un ticket modérateur.
Dans le document, vous en parlez et ce que j'ai compris, c'est que plus
votre revenu serait gradué, 30 000 $, 40 000 $, 50 000 $, 60 000 $, 70
000 $, 80 000 $ - évidemment, ça a arrêté à
80 000 $, mais on continue parce qu'il y en a d'autres qui sont encore plus
capables de payer - 90 000 $, 100 000 $, il y aurait une gradation dans ce que
vous devriez normalement être capables de payer. Je pense que c'est le
principe qui est évoqué. Évidemment, on s'attaque à
une partie de la classe moyenne qui, elle aussi, trouve qu'elle est
passablement chargée sur le plan des impôts. Pourquoi avoir choisi
les 30 000 $, par exemple, comme proposition? Évidemment, c'est une
proposition, mais pourquoi avoir choisi les 30 000 $?
M. Dufour (Ghislain): Vous avez la réponse. C'est parce
que c'est une proposition. Ça pourrait être 35 000 $. Ça
pourrait être 40 000 $. Vous n'avez pas d'argent. L'objectif, c'est
d'aller en chercher sans pénaliser les moins bien nantis. Maintenant, la
définition des moins bien nantis, c'est-u 30 000 $? C'est-u 25 000 $?
C'est-u 32 000 $? On pense 30 000 $. Ça pourrait être 40 000 $.
Par ailleurs, vous avez remarqué qu'on l'arrête à 80 000 $.
On peut la rendre à 100 000 $, mais, à un moment donné, il
faut l'arrêter, parce que plus les gens sont en haut, plus les gens ont
déjà payé au réseau de la santé, parce que
plus tu gagnes, plus tu payes à l'impôt. Mais on n'a pas
d'objection à ce que ce soit gradué. L'important, M. le ministre,
c'est qu'on arrête; qu'on ne "charge" pas 2000 $, 5000 $ ou 20 000 $.
C'est une proposition d'aide; ce n'est pas une proposition de financement,
parce qu'à ce moment-là on remettrait en cause le
caractère universel et accessible, ce qu'on ne fait pas. Alors, c'est
d'aller chercher de l'argent additionnel et on pense à 500 $, 800 $,
1000 $ maximum par année.
M. Côté (Charlesbourg): C'est intéressant.
Évidemment, le plafond de 80 000 $, je le questionne un peu plus, parce
que, évidemment, on dit toujours que celui qui gagne 100 000 $,
règle générale, il lui en reste un petit peu plus que
celui qui en gagne 80 000 $. Il n'est pas rare au Québec d'en trouver,
de ces catégories de gens qui sont au-dessus de ça.
Est-ce que les entreprises au Québec pourraient en faire
davantage pour le réseau de la santé?
M. Dufour (Ghislain): En faire. Comment? Vous voulez dire par les
fondations ou par l'impôt?
M. Côté (Charlesbourg): Non. On sait que,
déjà, par les fondations, effectivement, les entreprises en
donnent beaucoup, mais, évidemment, on va se le dire honnêtement:
C'est bien plus glorifiant pour une entreprise de donner 500 000 $ ou 1 000 000
$ à la fondation d'un gros hôpital à Montréal que de
les donner dans un petit hôpital en Gaspésie. Je pense à ce
moment-là que ceux qui ont la capacité d'attraction, une
visibilité plus grande sont susceptibles d'en avoir plus facilement.
À ce moment-là, ça vient dans des priorités
d'équipements ou des choses comme celles-là qui sont fort utiles
Je ne pensais pas aux fondations; je pensais peut-être à la
capacité des entreprises. Évidemment, il faut faire attention
à l'aspect concurrence de nos entreprises. Vous allez certainement me
répondre qu'on en fait déjà assez pour la CSST, ça,
j'en suis convaincu.
M. Dufour (Ghislain): Notamment. Même moi, je ne voulais
pas vous amener sur ce terrain-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): Quand M. Levesque, dans son dernier budget
au mois de mai, a monté de 3,22 % à 3,32 % la taxe sur la masse
salariale pour, justement, financer le réseau, parce que c'est là
qu'il est financé en très grande partie, vous vous rappelez la
réaction, notamment, de la Fédération des entreprises
Indépendantes, donc, des PME, qui ont réagi très
négativement en disant: C'est une taxe sur la masse salariale et c'est
la plus régressive qui existe, parce que, là, tu taxes des
emplois, puis celui qui est en haute technologie n'a pas d'emploi, ne participe
pas de la même façon. M. le ministre, si le sous-entendu de la
question - et je suis sûr que ce n'est pas ça - est d'augmenter de
3,32 % à quelque chose la taxe sur la masse salariale dans le prochain
budget de M. Levesque, on va réagir négativement, parce qu'on
pense, et je le répète, que c'est une taxe régressive.
Si l'impôt des corporations au Québec par rapport aux
impôts dans les autres provinces,
tout en gardant comme objectif de demeurer concurrentiel, n'est pas
suffisant, bien là, je dois dire, c'est évident qu'on peut le
regarder, mais le danger... Je sais que certains ont suggéré une
taxe additionnelle de 1 %, par exemple, sur les profits des
sociétés pour fins de financement du réseau de la
santé: 1 % pour les jeunes, qu'ils demandent au niveau universitaire, 1
% pour la santé, 1 % pour l'environnement et 1 %... On ne peut pas
embarquer dans ce genre de choses là. Il faut vraiment que ce soit le
budget de façon globale.
Par ailleurs, je pense, M. le ministre, que les deux derniers
gouvernements, j'inclus le Parti québécois de 1983-1984, on a
vraiment enligné notre fiscalité sur notre capacité
globale de payer. C'est pour ça que nous, on ne pense pas que, pour
financer la santé, il faut aller chercher encore chez les individus ou
chez les corporations, mais qu'il faut aller plutôt dans le genre de
proposition que l'on vous fait.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, davantage une gestion
plus serrée pour économiser ce qu'on peut, à la fois chez
ceux qui consomment et chez ceux qui dispensent des services, si je comprends
bien. Et c'est pour ça, si j'ai bien compris, que vous n'auriez pas
d'objection, par exemple, à ce que chaque citoyen se présentant
pour obtenir des services puisse signer, comme tu le fais sur le plan de ta
carte de crédit, un petit document pour se sensibiliser aux coûts
Inhérents au système des soins qu'il a reçus. Ce que je
comprends, c'est que le Conseil du patronat n'a pas d'objection à ce que
ça puisse se faire éventuellement pour un meilleur contrôle
des coûts et aussi une meilleure éducation des gens qui utilisent
et consomment.
Je changerai de sujet sur le plan du financement, il est quand
même important, en parlant de décentralisation, de régies
régionales. J'ai senti un petit peu de résistance quant à
ce que nous proposons. J'aimerais savoir de vous ce qu'on devrait ajouter
à nos régies régionales pour que ce soit une
véritable décentralisation.
M. Dufour (ghislain): je vais demander à mme turenne, qui
vit ce problème actuellement et qui le vivrait dans la nouvelle
structure, de vous en parler.
Mme Turenne (Denise): En fait, M. le ministre, ce qu'on dit ici,
comme bien d'autres l'ont dit avant nous, c'est qu'on favorise la
décentralisation en s'assurant que le gouvernement donne des pouvoirs
à ces régies. Toutefois, on remet en question la décision
au niveau de l'allocation et du contrôle des budgets, de même que
de la distribution des services. Ceci veut dire qu'au niveau de ces
régies régionales, toutefois, nous sommes - comme on l'a dit
à la page 8 de ce mémoire - d'accord pour que les règles
régionales travaillent au niveau d'objectifs en matière de
santé, d'élaboration de programmes qui répondraient
vraiment aux besoins régionaux et la même chose au niveau de la
concertation avec le public et l'analyse qui est faite des besoins de
santé.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, si je comprends, c'est
un peu le rôle que jouent les CRSSS aujourd'hui, sauf quelques exceptions
de petits budgets qu'ils ont. Donc, davantage de concertation, conciliation,
planification, mais pas, au niveau des régions, un pouvoir
budgétaire, pas de prélever, mais de répartir les
budgets.
Mme Turenne: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, beaucoup
de personnes sont intervenues en nous disant: Si on veut avoir une
véritable décentralisation, il faut, effectivement, qu'il y ait
des moyens de contrôle budgétaire et, donc, de distribution
d'argent et même, plus loin que ça, il faudrait
régionaliser les enveloppes de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec pour faire en sorte que les médecins puissent aussi aller
en région. Et ce que les régions semblent nous dire, c'est:
Donnez-nous à ce niveau-là plus de pouvoirs sur le contrôle
budgétaire tous azimuts et, à ce moment-là, on sera
capables de contrôler notre planification, notre
développement.
Ce que je comprends, c'est que vous dites: Limitons-nous à la
planification sur le plan budgétaire. Mais vous ne seriez même pas
pour si on trouvait un mécanisme d'imputabillté au niveau des
régions. S'il y a un mécanisme d'imputabilité, si on
trouve les moyens de rendre imputables les gestionnaires en région,
à ce moment-là, est-ce qu'il serait acceptable que le
contrôle budgétaire soit donné à la
régie?
Mme Turenne: II le serait certainement plus, M. le ministre,
parce que, dans le système actuellement et celui qui est proposé,
l'imputabi-lité demeure au niveau des élus de notre
Assemblée nationale. Et ça, je ne pense pas que nos élus
devraient déléguer cette responsabilité.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, peu
importe ce qu'on trouvera comme moyen, il restera toujours que l'élu, le
ministre a la responsabilité, même si c'était de l'argent
de transfert, de la même manière qu'Ottawa en nous
transférant des sommes a quand même son imputabilité aussi
sur le plan des dépenses à ce niveau.
M. Dufour (Ghislain): Si vous me permettez, M. le ministre,
là-dessus...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Dufour (Ghislain): ...je pense qu'au lieu de prendre ça
en haut il faut le prendre en bas.
Ce dont les établissements se plaignent - et j'ai
été, moi aussi, dans le milieu hospitalier sept ou huit ans - ce
dont on se plaignait déjà, il y a plusieurs années,
c'était, justement, de l'absence d'imputabilité. Tu es toujours
obligé d'aller à un niveau supérieur pour prendre la
décision, alors que tu es toujours responsable du geste qui est
posé. Puis si tu ne le poses pas, puis si ta salle d'urgence a
refusé tant de cas, bien, c'est toi qui as la manchette le lendemain,
alors que la décision est prise au niveau budgétaire, à un
tout autre niveau. Alors, ce qui nous apparaît dans le cas de la
Régie actuellement, c'est de transposer certaines fonctions du
ministère à ces régies-là sans leur donner
véritablement un pouvoir. Alors, on crée un autre intervenant
dans le réseau qui va être encore plus embêtant au niveau de
l'établissement, sans lui donner vraiment les pouvoirs. (12 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, on pourrait
parler longuement de l'autonomie des institutions au niveau du
ministère. Je suis un jeune, j'arrive dans ce ministère. Moi,
j'étais demeuré sous l'impression, jusqu'à maintenant,
qu'effectivement il y a passablement d'autonomie. Il y a un certain
encadrement, mais j'ai l'impression qu'il y a passablement d'autonomie au
niveau du réseau. Alors, c'est peut-être mol qui ne suis pas
correct, mais les prochaines semaines, les prochains mois vont me le
démontrer.
Parce que, effectivement, à une certaine époque, on s'est
retrouvé face à un déficit budgétaire assez
appréciable. On peut aujourd'hui critiquer le fait qu'on dise: Vous
devez être en plan d'équilibre budgétaire si vous voulez
avoir ci, ça et ça. Mais, évidemment, le gouvernement
s'est retrouvé devant un trou de 280 000 000 $. Évidemment, on
est souvent invité, au gouvernement, à gérer comme dans
l'entreprise privée, donc avec des budgets avec lesquels il faut
fonctionner. Évidemment, les centres hospitaliers, comme les autres, on
l'a su tantôt, c'est le bar ouvert avec un budget fermé. C'est
assez difficile de gérer dans des conditions comme celles-là,
mais il faudra trouver des mécanismes. Pour le moment, ça irait,
merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. M. le
leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Moi, je vais partir de la dernière question
du ministre. Il m'a semblé y avoir contradiction à votre table.
C'est peut-être moi qui n'ai pas compris. J'avais compris de la bouche de
M. Dufour que le projet de loi assurait une déconcentration, mais que le
Conseil du patronat voulait une véritable décentralisation. Et ce
n'est pas ce que j'ai compris par la suite dans la réponse de Mme
Turenne au ministre. Est-ce que j'ai mal saisi ou non?
La Présidente (Mme Marois): Mme Turenne.
Mme Turenne: En fait, je reprends, Mme la Présidente. Ce
qu'on a mentionné ici, c'est qu'on suggère au législateur
d'analyser l'opportunité de confier à des régies
régionales le soin de décider de l'allocation et du
contrôle des budgets des établissements de soins de santé,
en ce sens qu'on suggère que ce soient nos élus qui demeurent
imputables de la répartition des ressources au point de vue financier.
Par contre, nous soutenons, finalement, qu'au niveau régional on
pourrait continuer à avoir un contact avec la population, à faire
l'analyse des besoins et des services de cette population, à
élaborer des programmes qui correspondent à ces
besoins-là.
M. Chevrette: D'accord. Je voudrais parler maintenant du principe
même de l'impôt à rebours et de l'impact que ça peut
avoir sur le système, compte tenu du fait qu'il y a une partie qu'on ne
contrôle pas du tout, qui est le paiement à l'acte. Vous demandez
aux citoyens de payer à la fin de l'année ce qui a
été dépensé au cours de l'année. Sur le plan
administratif, que ce soit préconisé par le Conseil du patronat,
ça me surprend parce que vous êtes plutôt habitues à
nous dire: Je voudrais savoir combien tu me "charges" et je te dirai si je suis
capable de te payer. Là, vous me dites: "Charge"-moi ce que ça
aura coûté à la fin de l'année. N'est-ce pas
contradictoire avec la philosophie traditionnelle du patronat?
M. Dufour (Ghislain): II ne faudrait quand même pas vous
demander de faire des rapports d'impôt à tous les mois. C'est
parce que tu ne peux pas avoir d'autre contrôle, finalement, que celui de
la fiscalité. On fait un rapport une fois par année. Maintenant,
il n'y a pas purement, dans ce régime-là, que c'est à la
fin de l'année. Je sais que vous allez comprendre mon exemple:
l'assurance-chômage. Tu peux avoir reçu des prestations
d'assurance-chômage, mais si, dans la balance de l'année, tu fais
plus que ce que tu dois faire, en fin d'année tu retournes l'argent au
gouvernement. Ce n'est pas nouveau, ce système-là. La philosophie
de l'assurance-chômage est à peu près celle que l'on
retrouve ici, sauf que ce n'est pas dans le même cadre.
M. Chevrette: Mais vous ne pensez pas que sur le système,
M. Dufour, ça peut avoir un impact très différent de
l'objectif recherché? Votre objectif, c'est de rechercher
l'équilibre budgétaire, de trouver de nouvelles sources de
financement.
M. Dufour (Ghislain): De revenu.
M. Chevrette: Et vous ne contrôlez pas une large portion...
Je pense que c'est 80 % de la RAMQ qui va en rémunération; 80 %
de 2 200 000 000 $, c'est du foin pas mal, vous
savez. Ne pensez-vous pas que vous contribueriez, par un tel
système, à un non-resserrement alors que vous parlez de
resserrement tout au long de votre mémoire?
M. Dufour (Ghislain): À la fin de la page 12, M. le
député, il y a une recommandation qui va exactement dans l'ordre
de vos préoccupations.
M. Chevrette: Oui, j'ai vu ça.
M. Dufour (Ghislain): On a fait le paragraphe non pas en fonction
de l'impôt à rebours, on l'a fait en fonction du ticket
modérateur, mais il s'applique de la même façon. "Pour
être efficace, le ticket modérateur - donc, pour être
efficace, l'impôt à rebours - devrait être assorti d'un
système de contrôle de la demande de soins prescrits par les
professionnels de la santé. Les études sur le sujet tendent
à démontrer que l'impact d'un paiement dégressif sur le
nombre d'actes médicaux prescrits serait aléatoire..."
M. Chevrette: Non, c'est l'entreprise.
M. Dufour (Ghislain): Ce n'est pas celle-là, je
m'excuse.
La Présidente (Mme Marois): Page 13.
M. Dufour (Ghislain): Page 13, Mme la Présidente. Merci
beaucoup.
M. Chevrette: Le dernier paragraphe.
M. Dufour (Ghislain): Non, c'est là où on dit qu'il
faut maintenant s'interroger sur le nombre de gestes médicaux prescrits.
Aidez-moi, là. En tout cas, je vais le dire sans le lire. Ce que l'on
dit, c'est que, justement, dans le régime actuel, cela
génère des coûts qui, souvent, sont inutiles parce que vous
avez des médecins qui ont la "castonguette" facile ou qui prescrivent
l'ensemble des tests de laboratoire ou de radiologie lorsqu'ils ont un malade
devant eux, parce que souvent, psychologiquement, si le malade n'a pas eu tout
ça, il ne sentira pas qu'il a eu affaire à un bon médecin.
On vous propose, justement, de regarder ça, dans le dossier de la
rémunération médicale, pour essayer d'agir aussi sur le
nombre de gestes posés par le médecin. Et vous avez raison, c'est
une autre cause de coûts sur laquelle il faut vraiment agir.
M. Chevrette: C'est-à-dire que l'impôt à
rebours ne peut pas seul, comme mécanisme, si je vous comprends bien,
apporter une solution de facto on ne met pas un contrôle de l'acte; cela
pourrait avoir un effet complètement négatif.
M. Dufour (Ghislain): Je suis absolument d'accord.
M. Chevrette: Cela pourrait même inciter les gens à
ne pas se préoccuper du nombre d'actes, par exemple, à ne pas se
préoccuper du type d'examens qu'on multiplie des fois, nous dit-on, de
façon futile, en tout cas non connexe ou non Inhérente au bobo
que le gars ou que la femme s'en va déclarer à l'hôpital.
Je comprends votre point de vue. Une question...
M. Dufour (Ghislain): Tout comme, si vous me le permettez, cela
pourrait être, comme la TPS, une source de revenus incroyables.
Aujourd'hui, on parle d'un maximum de 1000 $ et qui dit que, parce que vous
avez besoin d'argent l'année prochaine, ça ne montera pas
à 1200 $ ou à 1500 $, comme la TPS peut monter à 10 % ou
à 12 %? Alors, il faudrait être très prudent dans
l'utilisation qu'on fera de ça. C'est pour ça qu'on dit que c'est
un élément du système. Il y en a bien d'autres; on ne peut
pas le considérer tout seul.
M. Chevrette: Comme vous pourriez être tenté, comme
gouvernement, de baisser à 25 000 $, à 20 000 $ ou à 15
000 $, dépendant des problèmes.
M. Dufour (Ghislain): On vous fait confiance.
M. Chevrette: Oui, sûrement. Je voudrais vous poser la
question suivante. Vous savez qu'il y a encore des entreprises polluantes qui
posent des gestes et qui créent des coûts exorbitants au niveau de
la santé. Je pense, par exemple, à la décontamination des
sols; on sait que c'est le principe du pollueur-payeur. Mais les frais de
santé engendrés, par exemple, les types d'examen, les
diagnostics, les traitements et les visites sont à peu près
inévalués. Est-ce que vous seriez d'accord, comme Conseil du
patronat, pour qu'une telle compagnie qui a généré des
coûts extraordinaires au niveau de la santé soit également
sur le même principe que le pollueur-payeur?
M. Dufour (Ghislain): Je dois dire qu'au départ ma
réponse de tout à l'heure au ministre s'applique
également. Mais l'ensemble du réseau de la santé
actuellement est payé exclusivement par les employeurs avec les 3,32 %.
Cela a été fait sous votre gouvernement et c'a été
une façon d'enlever le prélèvement qu'on faisait sur la
paie de chaque travailleur en transférant la facture en totalité
aux employeurs. Il participe déjà beaucoup à tout dans la
société. Donc, le travailleur - pas simplement le travailleur,
mais le citoyen - qui pourrait être contaminé par le plomb et qui
aurait besoin d'un service hospitalier ne le paie pas actuellement. C'est
l'entreprise, avec les 3,32 %, qui le paie.
M. Chevrette: Je vous arrête, M. Dufour. Je pense que vous
n'avez pas saisi ma question. Je n'ai pas demandé à l'ensemble de
l'entreprise québécoise de payer l'addition. J'ai fait
référence spécifiquement à l'entreprise qui est
prise en flagrant délit de pollution et qui provoque des coûts
extraordinaires, des coûts exorbitants et qui est responsable d'une
certaine façon, possiblement, de la hausse des 3,32 % dont vous parlez.
Je ne vous demande pas de... Vous m'avez répondu comme si l'ensemble du
monde patronal était d'accord pour payer les dégâts. C'est
vrai que, généralement, c'est l'ensemble qui paie, mais si, par
exemple, au niveau de l'alcoolisme, ce sont les mauvais conducteurs qui paient
une facture additionnelle, est-ce que, par rapport à ceux qui provoquent
précisément des conflagrations, par exemple, au plomb ou à
d'autres produits toxiques, ce ne serait pas normal que ce soit le
pollueur-payeur, même au niveau des frais de santé?
M. Dufour (Ghisiain): Je pense qu'il ne faudrait pas regarder
ça dans le cadre du régime d'assurance-maladie selon la facture
actuelle. On pourrait peut-être le regarder dans un nouveau programme,
comme on le fait dans le cas de la CSST, lorsqu'il s'agit du travailleur. Ce
travailleur auquel vous vous référez, qui aurait
été contaminé par le plomb, c'est la CSST qui va le
prendre en compte, donc l'ensemble des employeurs. Mais lui, parce qu'il aura
une responsabilité plus particulière dans sa facture, il sera au
mérite ou au démérite. Il serait au démérite
dans ce cas-ci parce que la facture a été très
élevée au niveau de ses travailleurs.
Alors, si vous extensionnez ça pour le citoyen qui vit autour,
par exemple, de certaines usines qu'on ne nommera pas, je pense qu'il faudrait
revoir... Pour ne pas pénaliser, si vous voulez - vous avez raison -
l'ensemble des employeurs, il faudrait que ce soit une proposition globale
où il y aurait du mérite et du démérite. S'occuper
du citoyen, comme on s'occupe actuellement du travailleur dans le régime
CSST. Je n'ai pas d'objection de principe.
M. Chevrette: SI je vous soumets ce cas-là, M. Dufour,
c'est que, si je prends la réforme du système ambulancier au
Québec, on sait pertinemment que l'employeur, à cause de la
réforme, n'est pas pénalisé, alors que c'est l'ensemble
des conducteurs québécois, via la Régie de l'assurance
automobile, qui en absorbe une large part, pour ne pas dire une trop large
part, à mon point de vue, beaucoup trop large, par rapport au type
d'accidents ou au nombre d'accidents qui se produisent au Québec et
à ceux qui utilisent ce service. À ce moment-là, dans le
cas d'une entreprise qui serait polluante, il me semble qu'on doit avoir le
même traitement au niveau de la perception des coûts
vis-à-vis de celui qui pollue par rapport au bon diable, au bon
garçon ou à la bonne femme qui respectent toutes les normes de
sécurité. Ça m'intrigue de voir que, spontanément,
on adhère souvent à des principes et que, quand il s'agit de
toucher spécifiquement des cas, on hésite un petit peu plus. Vous
ne seriez pas contre ça, vous, qu'un pollueur paie ses
dégâts.
M. Dufour (Ghisiain): Le principe du pollueur-payeur, on l'a
accepté depuis très longtemps. Vous dites: C'est toujours beau
d'accepter le principe mais, que je sache, vous ne nous avez pas fait de
proposition concrète là-dessus. Le jour où on en aura
une... Je vous dis tout de suite qu'on n'a pas une réflexion faite, mais
on a acheté ces principes dans d'autres régimes. C'est le cas de
la CSST. Je n'ai pas le goût de m'embarquer avec vous dans le dossier des
ambulances, parce que vous le connaissez fort bien, sauf que c'est vrai que
cela a augmenté à la RAAQ, la nationalisation, entre guillemets,
des assurances. Mais n'oubliez jamais, M. Chevrette, et vous le savez
très bien, que l'employeur à la CSST paie trois fois: il paie
pour les cas d'accidents de travail, il paie à la RAAQ et il paie aussi
dans le régime avec son "pay-roir. Alors, dans la proposition que vous
nous ferez, vous tiendrez compte de ça.
M. Chevrette: Ce n'est pas bâte.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: II y a aussi d'autres positions qui étonnent un
peu dans le mémoire, par exemple à la page 3, où vous
affirmez que "la pratique de fermer des postes à temps complet pour les
remplacer par des postes à temps partiel (...) a pris une ampleur
démesurée au cours des dernières années." Je vous
le dis franchement, c'est particulièrement vrai, vous avez raison. Je ne
sais pas si vous avez des indices particuliers à nous donner
là-dessus, sur le temps partiel dans les institutions et la
démesure que cela a pris et s'il y a des mesures de contrôle que
l'on devrait imposer. Par ailleurs, parce qu'il reste peu de temps, qu'est-ce
que vous pensez de l'idée, qui a été
suggérée, de la nécessité d'un permis, par exemple,
pour une clinique médicale, pour un médecin, pour aller
s'établir, pour ouvrir son entreprise? Entre guillemets, c'est votre
secteur, les entreprises. Qu'est-ce que vous pensez de la
nécessité d'avoir un permis du ministre, du ministère pour
avoir la possibilité d'ouvrir un cabinet ou une pratique privée
quelque part au Québec? Deux questions.
M. Dufour (Ghisiain): écoutez, j'ai entendu comme vous la
proposition qui a été faite par le groupe
précédent. Je la trouvais tout à fait correcte venant du
groupe qui était ici.
M. Trudel: De vous?
M. Dufour (Ghislain): Ce n'étaient pas, pour autant que je
sache, les établissements privés qui vous présentaient un
mémoire. Il faudrait en rediscuter. Écoutez, le domaine des
permis vous ne pensez pas qu'il y en a déjà assez! Il y a
d'autres moyens de contrôle pour le ministère dans ce domaine. Je
i'ai entendue comme vous, tout à l'heure, cette interrogation du groupe
qui nous a précédés.
Sur le dossier du temps partiel, qui est beaucoup plus sérieux -
je pense que Mme Turenne le vit - nous, on l'a mis dans notre mémoire
à partir de la situation des infirmières, cet été.
Ça a été ça, le débat. Peut-être que
le ministre me corrigera, mais, pour autant que je me le rappelle, 60 % des
infirmières, actuellement, sont à temps partiel, ce qui est
énorme dans le réseau. Et ça, c'est un poste de travail.
Je ne sais pas si tu veux témoigner d'autres choses.
Mme Turenne: En fait, c'est un mécanisme que les
gestionnaires du réseau ont développé pour gérer
autant que faire se peut les conventions collectives qui sont fort
élaborées. C'est certain que, pour les gens qui ont à
vivre cette situation, ce n'est pas une situation idéale. C'est un
résultat, c'est un biais épouvantable, d'avoir des choses comme
celles-là. Alors, nous, on le déplore et on dit: En
définitive, améliorons la gestion des ressources humaines et
diminuons, finalement, les conventions collectives. On va peut-être
créer une situation, à ce moment-là, où nos
gestionnaires n'auront pas à développer des biais comme ceux
auxquels on assiste quand on voit des choses comme ça. En bref, c'est ce
qu'on vous disait, M. le député.
La Présidente (Mme Marois): Merci. J'aurais une question
à soulever. Vous dites, dans votre mémoire, à deux
reprises... D'abord, une première chose dont je suis assez heureuse de
voir l'évolution au fil des années, à savoir que vous ne
souhaitez pas qu'il y ait une privatisation, généralement, de la
distribution de la santé et des services sociaux, au Québec. Vous
proposez un certain nombre de mesures, cependant, qui pourraient amener
à privatiser certains services auxiliaires. Vous proposez l'implantation
d'un ticket modérateur. Quand on regarde là où les
systèmes de distribution de santé et de services sociaux sont
parfaitement, à toutes fins pratiques, privatisés,
évidemment, on se retourne vers notre voisin du Sud pour constater que
c'est chez lui que c'est davantage privatisé, que les tickets
modérateurs sont les plus importants, si on peut dire que les
régimes d'assurance privés qui sont très
élevés peuvent en être. Si on fait des comparaisons entre
les coûts - et là, je cite le rapport Rochon - "on constate qu'au
niveau international, une comparaison en dollars US des dépenses de
santé par habitant, en 1984, montre que le Québec vient au
quatrième rang derrière les États-Unis, la Suède et
le Canada en matière de dépenses de santé."
Alors, moi, je veux bien qu'on explore certaines avenues. Vous parliez
de l'expérience du centre hospitalier de Verdun. Je ne pense pas que ce
soit une expérience de privatisation, mais c'est une expérience
novatrice, par exemple. Ça, c'est autre chose. Alors, quand on regarde
les comparaisons et qu'on regarde notre système, je ne vois pas pourquoi
on a l'air d'Insister encore et souvent sur le fait qu'on devrait quand
môme y aller, on devrait quand même le faire. J'entendais M. Dufour
parler de l'expérience de Hawkesbury, entre autres. J'ai de la
difficulté, un petit peu, à accepter cette logique-là.
M. Dufour (Ghislain): Sans vous corriger, Mme la
Présidente, lorsque vous dites: II y a eu évolution dans votre
pensée, vous ne demandez plus la privatisation, en tout cas, en ce qui
concerne notre groupe, nous n'avons jamais demandé la privatisation du
réseau de la santé. On n'a même jamais demandé la
privatisation de la CSST, imaginez-vous!
La Présidente
(Mme Marois): ha, ha, ha! j'en
conviens, mais disons qu'il y a toujours eu, quand même, une philosophie
qui prônait cette orientatlon-là.
M. Dufour (Ghislain): Vous avez raison, il y a des
éléments auxquels on fait référence. Ça,
c'est dans un objectif de réduction des coûts, tout simplement. La
mission première d'un hôpital n'est sûrement pas de faire de
la buanderie. Alors, pourquoi ne pas la faire autour, cette
buanderie-là? La mission première de l'hôpital n'est pas de
faire de la photo médicale. Alors, tout ce qui s'appelle comme ça
peut facilement être fait à l'extérieur. Bon, c'est ce
qu'on appelle la privatisation de certains services, ou administratifs ou
médicaux.
L'expérience de Hawkesbury, on vous la cite là-dedans et -
qu'est-ce que vous voulez? - on ne peut pas faire autrement que d'y souscrire
lorsqu'on regarde les bénéfices financiers que ça a
apporté à l'hôpital. C'est évident que c'est un
milieu qui est très différent du nôtre. C'est le milieu
ontarien. C'est juste sur la frontière, mais ce n'est pas au
Québec. Et les conventions collectives sont pas mal moins
sévères que les nôtres. Alors, il y a une série de
facteurs. On ne vous demande pas de faire cette expérience-là
partout, mais pourquoi n'y aurait-il pas un Hawkesbury comme expérience,
au Québec, quelque part? C'est ça qu'on vous demande.
Peut-être que, de là, vous pourriez avoir une projection qui vous
amènerait à revoir un bon nombre de choses.
Je veux aussi vous dire, Mme la Présidente, que, si vous avez
d'autres suggestions, on va
être très ouverts à les discuter. Nous, notre
problème, c'est de dire: II n'y a pas d'argent, puis vous le savez et
tout le monde chicane sur le réseau. Il faut trouver de l'argent neuf.
C'est dans ce sens-là que ces propositions vous sont faites.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Je vous remercie, M.
le président. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Nous suspendons nos
travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 6)
(Reprise à 15 h 4)
La Présidente (Mme Marois): Que les membres de la
commission veuillent bien prendre place. Nous allons reprendre nos travaux.
Nous entendrons cet après-midi trois groupes: la Corporation
professionnelle des médecins du Québec, la
Fédération des médecins omniprati-ciens du Québec
et la Fédération des médecins spécialistes du
Québec. On restera donc à peu près dans le môme
champ d'activités professionnelles. J'Inviterais maintenant la
Corporation professionnelle des médecins du Québec à nous
présenter son mémoire. Bienvenue, M. Roy. J'aimerais que vous
présentiez les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Roy (Augustin): Merci, Mme la Présidente. M. le
ministre, MM. les membres de la commission, je suis accompagné à
ma gauche du Dr André Lapierre, secrétaire général
adjoint de la Corporation professionnelle des médecins du Québec,
et du Dr Pierre Saint-Georges, directeur du département de l'inspection
professionnelle de la Corporation.
Au nom de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, je remercie la commission des affaires sociales de l'occasion
qu'elle nous offre de commenter l'avant-projet de loi sur les services de
santé et les services sociaux.
D'entrée de jeu, la Corporation tient à faire part
à la commission que cet avant-projet sent la précipitation et ne
lui semble pas approprié aux problèmes actuels du système
de santé. Elle se demande, à la lecture de ce texte
législatif de 400 articles, s'il est vraiment nécessaire de
procéder à une refonte d'une telle ampleur, alors que l'actuelle
Loi sur les services de santé et les services sociaux est loin d'avoir
épuisé tout son potentiel. Aux yeux de la Corporation, des
amendements à la loi actuelle lui apparaîtraient plus
appropriés aux besoins actuels et seraient plus susceptibles
d'entraîner l'adhésion des gens qui oeuvrent sur le terrain dans
les domaines sanitaires et sociaux qu'un texte qui constitue non seulement un
changement de forme mais une loi d'une toute nouvelle économie. Les
notes explicatives de l'avant-projet de loi n'annoncent pourtant qu'une
révision de la loi actuelle.
Au cours de cette présentation, nous nous en tenons à des
généralités en faisant des commentaires sur le fond et sur
la forme de l'avant-projet et nous tirons des conclusions.
Commentaires sur le fond. Ambiguïtés, d'abord. Au titre I du
chapitre I, il est question des objectifs du système des services de
santé et de services sociaux. Dès le départ,
apparaît une notion nouvelle par rapport à la loi actuelle, celle
d'un système de services sans qu'aucune définition ne soit
donnée du mot "système". Pour ajouter à la confusion, le
"système" devient "régime" un peu plus loin dans le chapitre et
l'"objectiT devient un "but", une "mission" et un "objet"; de même, le
mot "établissement" très fréquemment utilisé dans
l'avant-projet de loi a non seulement un sens différent de celui qui est
actuellement courant et accepté depuis près de 20 ans mais peut
avoir diverses significations selon le contexte dans lequel il se retrouve.
L'absence de définition, le choix de certains mots et
l'utilisation de mots différents pour parler d'une même chose
rendent ce chapitre pour le moins ambigu. De plus, l'article 3 ne traite
qu'à son septième paragraphe de l'objectif réel d'un
système de santé qui est d'assurer la prestation des services de
santé et des services sociaux. Les six premiers paragraphes ne sont que
des contraintes ou des conditions auxquelles on voudrait que le système
soit soumis. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'au chapitre I on ne
détermine pas clairement ce que le titre annonce en termes d'objectifs.
L'avant-projet de loi ne constitue pas une politique de santé. Seuls les
articles 1, 2 et 3 font référence à une telle politique.
Il serait logique d'établir d'abord une politique de santé et,
par la suite, les services de santé. J'ai ajouté cette phrase
pour répondre un peu aux commentaires du ministre, avant-hier
après-midi, à l'ouverture de la commission.
La même ambiguïté se retrouve au titre IV, chapitre I,
qui concerne les régies régionales. L'objet de l'organisation et
de la mise en oeuvre par la régie régionale de programmes de
santé ou de services sociaux n'est-il pas de répondre aux besoins
sanitaires et sociaux de la population de la région? L'article 234, dans
ses divers paragraphes, confond objectifs et moyens. Relativement au titre I,
chapitre II, intitulé "Droits à l'égard des services de
santé et de services sociaux", on est justifié de se demander si
ce chapitre s'applique exclusivement en établissement ou s'il en est un
d'application générale, c'est-à-dire s'il s'applique
partout où des services sont offerts. Ceci revêt une importance
particulière quant aux
articles 6 et 7 de l'avant-projet de loi.
L'économie générale de la loi voudrait quo ce
chapitre n'ait trait qu'aux établissements. Cependant la formulation va
dans le sens contraire. En effet, le chapitre I du titre I qui traite des
"objectifs du système de services de santé et des services
sociaux" est très général et paraît embrasser tous
les services de santé et services sociaux et non pas seulement ceux
dispensés en établissement. Ceci est particulièrement
renforcé par les paragraphes 2, 3 et 5 de l'article 3.
Cette interprétation est aussi renforcée, à
l'article 7, par les mots "ou tout médecin". Il est à noter qu'on
ne dit pas "tout médecin y oeuvrant". Les articles 6 et 7 sont
d'ailleurs rédigés en termes très généraux.
Cette interprétation est encore renforcée à l'article 22,
et je cite: 'Toute personne à qui des services de santé et des
services sociaux sont fournis par un établissement est un
bénéficiaire aux fins de la présente loi", impliquant
nettement que les services de santé et services sociaux envisagés
par la loi peuvent être fournis ailleurs qu'en établissement. Il
s'agit là d'ambiguïtés qu'il faudrait clarifier.
Articulation entre le plan d'organisation et les responsabilités
de l'établissement. L'article 120 qui traite du plan d'organisation ne
comporte que des dispositions de nature administrative. On n'en trouve aucune
concernant les services qui doivent être dispensés dans
l'établissement. De fait, ce n'est qu'à l'article 150 qu'il en
est question, dans le cadre des fonctions et pouvoirs de
l'établissement. Pourtant, la responsabilité première d'un
établissement étant d'assurer la dispensation de services,
l'organisation d'activités et de programmes et les structures mises en
place ne devraient-elles pas l'être en fonction des services à
rendre? Un plan d'organisation n'est pas un but en soi. Il ne peut constituer
un instrument utile de gestion que s'il s'articule parfaitement avec toutes les
responsabilités de l'établissement, principalement avec sa
responsabilité première.
Notions et structures nouvelles. La Corporation des médecins
s'interroge sur la pertinence d'introduire dans la loi une clause qui laisse
croire que les établissements dispensent des services. L'article 148,
à son paragraphe 2, stipule, en effet, que l'établissement doit
notamment dispenser lui-même les services de santé et les services
sociaux requis ou les faire dispenser par un établissement, un organisme
ou une personne avec laquelle il a conclu une entente. La même notion se
retrouve dans plusieurs articles de l'avant-projet de loi. La Corporation croit
que c'est fausser la réalité que d'établir dans une loi
que c'est la responsabilité des établissements de dispenser
eux-mêmes des services. Ce sont les personnes qui oeuvrent au sein d'un
établissement, professionnels de divers ordres et autres membres du
personnel, qui dispensent les services. La responsabilité de
l'établissement est, comme le stipule l'article 147 de l'avant-projet de
loi, de s'assurer que les services sont rendus et que les
bénéficiaires reçoivent ceux auxquels ils ont droit pour
répondre à leurs besoins, toujours eu égard aux ressources
dont dispose l'établissement. La formulation de l'article 148 nous fait
nous demander si, à l'avenir, il ne faudra pas considérer que ce
sont les établissements qui pratiquent la médecine, les soins
infirmiers ou les diverses professions qui y oeuvrent. Ceci nous apparaît
aussi contraire à la réalité et au bon sens qu'au contexte
législatif existant tant au provincial qu'au fédéral. Il
faudrait absolument que cette section soit clarifiée parce
qu'actuellement elle est très complexe et elle pourrait avoir beaucoup
d'Implications, dans le futur.
Quant aux structures actuelles dont traite l'avant-projet de loi, nos
commentaires porteront sur les conseils d'administration prévus par les
établissements, les régies régionales et les
collèges régionaux.
En ce qui concerne le conseil d'administration prévu pour les
établissements, les régies régionales et les
collèges régionaux, signalons les articles 57, 262 et 281 qui ont
trait à la formation et à la composition de ces conseils et au
mode de désignation de leurs membres. Rien ne nous rassure sur la
compétence de ceux qui sont ainsi désignés, quand on prend
en compte, notamment, les critères d'exclusion qui sont prévus
à ces articles. En seront exclues, à toutes fins pratiques, la
majorité des personnes qui connaissent le milieu de la santé et
des services sociaux. Il y a peu d'organisations dans la société
actuelle qui ont comme caractéristique d'écarter de leurs
structures de décision les personnes qui en ont une bonne connaissance.
À noter également à ces articles que les mineurs, les
interdits, les malades en cure fermée et les personnes coupables de
crimes ou d'infractions sont sur le même pied que les fonctionnaires du
ministère de la Santé et des Services sociaux ou les personnes
qui sont rémunérées par la Régie de
l'assurance-maladie du Québec, par un établissement ou par tout
autre organisme dispensant des services reliés au domaine de la
santé et des services sociaux.
En plus d'être odieuse pour ces dernières personnes en les
traitant sur le même pied que les coupables de crimes et d'infractions,
cette proposition apparaît être un modèle
d'inefficacité et prive certaines classes de personnes d'un droit
fondamental de représentation. La Corporation est d'avis que tout comme
la commission Rochon et le document "Orientations" du ministère,
l'avant-projet de loi exagère l'importance de la possibilité de
conflit d'intérêts et oublie qu'il existe encore dans le milieu de
la santé et des services sociaux des gens impliqués, qui sont
capables de faire montre d'objectivité sans qu'il
y ait nécessairement conflit d'intérêts.
En ce qui a trait aux établissements, la nomination pour un an
seulement d'un directeur général au titre de secrétaire de
leur conseil d'administration nous apparaît une entrave importante au
besoin d'assurer la continuité des travaux de ce conseil quand on sait
que c'est ordinairement le directeur général qui en est la
cheville ouvrière.
Quant à la réduction du nombre des conseils
d'administration des établissements et à la fusion que propose
l'avant-projet de loi, la Corporation professionnelle des médecins,
même si elle est d'accord en principe avec cette orientation, serait
malheureuse de la voir se concrétiser de la manière prévue
à l'avant-projet de loi. Selon la Corporation, les établissements
d'un même secteur géographique devraient être
regroupés autour des centres hospitaliers plutôt qu'autour des
territoires de CLSC. Il faudrait préalablement bien évaluer les
résultats des fusions d'établissements qui ont déjà
été faites et s'en inspirer pour tenter des regroupements dans
des régions qui se prêteraient bien à l'expérience.
Il importe de rappeler qu'une fusion imposée par voie de
législation ou de décret est loin d'être garante de
succès. Les fusions d'établissements comportent des
chambardements trop majeurs pour les entreprendre les yeux fermés et les
appliquer sans discernement à l'étendue du Québec. (15 h
15)
Pour ce qui est des régies régionales que veut instituer
l'avant-projet de loi, plusieurs questions nous semblent devoir être
soulevées. Il est loin d'être clair que les régies
régionales contribueront à assurer une décentralisation du
pouvoir décisionnel. Si l'on peut croire que l'avant-projet de loi
propose une augmentation du pouvoir décisionnel des régies
à l'égard des choses prévues aux programmes et aux
budgets, elles ne constitueront, de fait, qu'un échelon de plus à
franchir. Dans ces cas, le pouvoir de décision ne sera pas
décentralisé. Il demeurera toujours celui du ministère.
Comment pourrait-il en être autrement puisque le système
prévoit l'exclusion du conseil des personnes qui ont une bonne
connaissance du milieu, la rotation annuelle du secrétaire du conseil,
la nomination par le ministre du président-directeur
général de la régie et de son conseil, et l'obligation de
soumettre un nombre important de décisions à l'approbation du
ministre?
La Corporation s'interroge sur le rôle que l'article 246 attribue
à la régie régionale relativement aux plans
régionaux des effectifs médicaux et dentaires des
établissements de la région à partir des plans
d'organisation d'établissements qu'elle a approuvés. Même
s'il s'agit là de la reconduction d'un article des règlements en
cours qui limite la liberté des médecins de s'installer dans la
région de leur choix, nous répétons que les plans
d'effectifs qui veulent permettre au ministère de répartir les
effectifs équttablement entre les régions ne tiennent pas compte
des besoins de la population de chacune de ces régions et des
particularités de chacun des établissements. D'une manière
générale, comment peut-on croire que les changements que propose
l'avant-projet de loi relativement aux régies régionales
permettront à ces dernières d'avoir plus de succès qu'en
ont eu les conseils régionaux actuels qui existent depuis près de
20 ans, qui ont coûté des centaines de millions de dollars et qui
ont été très peu productifs?
En ce qui concerne les collèges régionaux, la Corporation
est d'avis qu'il s'agit d'une structure lourde, inutile et superflue. De
surcroît, l'article sur la composition de ces collèges est,
à toutes fins utiles, incompréhensible.
L'extension du pouvoir du ministre. L'avant-projet de loi propose une
extension importante des pouvoirs du ministre par rapport à ceux dont il
dispose en vertu de la loi actuelle. L'article 155, en transférant dans
la loi des pouvoirs qui sont actuellement prévus par voie
réglementaire, soustrairait le ministre à l'obligation de
consulter par le biais de la Gazette officielle et de la discussion en
commission parlementaire. L'article 18 du règlement actuellement en
vigueur détermine quels sont les secteurs, les services
ultraspécialisés, les nouvelles technologies pour lesquelles une
autorisation du ministre doit être obtenue pour les offrir. Ayant fait
l'objet d'un règlement, ils ont permis la consultation des gens du
milieu. L'article 155 de l'avant-projet de loi accorderait au ministre, en vue
de rationaliser les services, des pouvoirs discrétionnaires
relativement: premièrement, à la limitation à certains
établissements de services ultraspécialisés ou de
nouvelles technologies et, deuxièmement, à la
détermination de la vocation locale, sous-régionale,
régionale ou suprarégionale d'un établissement, eu
égard à certains services ultraspécialisés. Nous
sommes d'avis qu'il s'agirait là d'un abus de pouvoir
ministériel. Le mécanisme actuel par voie réglementaire
nous apparaît plus démocratique et amplement suffisant pour
permettre au ministre d'administrer efficacement.
De plus, l'article 290 - j'avais envie de dire l'article Ceausescu -
accorderait au ministre un pouvoir discrétionnaire supplémentaire
à l'endroit de tout projet expérimental.
Une voix:...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy: Encore ici, c'est par voie réglementaire et avec
l'obligation de consulter que le ministre devrait assumer ce pouvoir afin de
permettre aux personnes et organismes qui le désirent de faire valoir
leur point de vue avant qu'une décision de sa part ne soit
arrêtée. Cette disposition de la loi est inacceptable.
Technocratie. Plusieurs sections de l'avant-projet de loi semblent
découler de considérations
purement technocratiques. Le meilleur exemple en est la série
d'articles allant de 162 à 200 traitant des ressources
matérielles, financières et intermédiaires. Nous ne voyons
pas pourquoi ces sections se retrouvent dans la loi.
Notion de consentement. Les articles 6, 7 et 23 de l'avant-projet de loi
ont trait directement ou indirectement au consentement. Ces articles nous
apparaissent créer un nouveau régime de consentement. La
Corporation tient à signaler l'Incohérence qui tend à
s'introduire dans nos lois à l'égard de la notion de
consentement. Nous croyons que de telles dispositions n'ont pas leur place dans
la présente loi. Si on décide de les maintenir, on gagnerait
à mettre en parallèle tous les articles des diverses lois qui
traitent de consentement. Il serait en effet souhaitable que le régime
de consentement en matière de soins médicaux fasse l'objet de
textes cohérents, en harmonie les uns avec les autres. Sans entrer dans
plus de détails, signalons que d'autres lois traitent de consentement,
notamment le Code civil du Bas-Canada - projet de loi 145 récemment
sanctionné et non encore en vigueur, articles 19.1 à 19.4 - la
Loi sur la protection de la santé publique, article 43; la Loi portant
réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des
successions et des biens, chapitre 18 de 1987, sanctionnée le 15 avril
1987 et non encore en vigueur, articles 10 à 14; et la nouvelle Loi sur
le Curateur public qui, normalement, devrait bientôt entrer en
vigueur.
Maintenant, les commentaires sur la forme. L'ordre de
présentation de l'avant-projet de loi. Le mode de présentation,
notamment l'ordre dans lequel les divers éléments apparaissent,
rend la lecture de cet avant-projet de loi laborieuse et sa
compréhension difficile. On traite, en effet, des éléments
particuliers au début pour en arriver, ultérieurement, aux
éléments ayant une portée plus générale, au
lieu de procéder à l'inverse, comme le législateur nous y
avait habitués.
Absence de définitions. Pourquoi n'a-t-on pas regroupé
dans un article liminaire, comme il est d'usage, toutes les définitions
que l'utilisateur de la loi doit chercher, de-ci de-là, dans ce long
texte législatif? On doit se demander, au surplus, si tous les mots ou
notions qui appellent une définition en ont effectivement fait l'objet.
Nous avons déjà signalé que le terme
"établissement" a une signification différente de celle de la loi
en cours et qu'il est utilisé dans au moins quatre sens
différents dans le présent avant-projet de loi. Ces quatre sens
sont les suivants: corporation autorisée par un acte constitutif, ou
corporation titulaire d'un permis d'exploitation, ou personne physique offrant
des services, ou société de personnes physiques offrant des
services.
Renvois nombreux à divers articles et à diverses autres
lois. Il existe dans l'avant-projet de loi de nombreux renvois à des
articles de la présente loi ou d'autres lois, ce qui complique sa
compréhension et l'usage que doivent en faire les gens du milieu. Il
nous apparaît que cela devrait préoccuper le législateur.
Ajouté à d'autres commentaires antérieurs, cela nous fait
dire que cet avant-projet de loi semble conçu pour aider le
ministère et ceux qui y travaillent à gérer le
système plutôt que pour aider les établissements à
mieux rendre les services. Pour les gens sur le terrain, II ne sera pas facile
de s'y retrouver.
Conclusion. Selon la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, la profession médicale et le milieu hospitalier ne
ressentent pas le besoin de procéder aux chambardements
législatifs majeurs que prévoit l'avant-projet de loi pour donner
suite à certaines recommandations du document "Orientations". La loi
actuelle est loin d'avoir épuisé tout son potentiel et il est
plus facile d'amender cette loi en fonction des besoins qu'imposent les
circonstances nouvelles que d'en altérer l'économie et la
forme.
Les objectifs qu'il faut poursuivre dans les domaines de la santé
et des services sociaux sont principalement: 1. de favoriser la création
d'ensembles d'établissements complémentaires les uns des autres,
localement et régionalement; 2. de s'assurer, au sein de chaque
établissement, d'une bonne articulation des plans de services avec les
plans d'organisation; 3. de motiver le personnel à réaliser ses
plans; 4.d'éviter une réglementation excessive.
Dans notre présentation, nous nous en sommes tenus à des
considérations plutôt générales. Nous voulons tout
de même, en terminant, dire avec insistance aux membres de cette
commission et au gouvernement et à M. le ministre que nous comptons
revenir devant eux pour discuter du nouveau projet de loi que le ministre dit
vouloir déposer avant la fin de cette année. M. Castonguay, avec
qui nous n'étions pas toujours d'accord au début des
années soixante-dix, nous avait habitués à procéder
de cette manière et tout le monde en avait profité. C'est pour
nous une démarche que nous considérons non seulement utile mais
essentielle pour assurer la participation des gens du milieu et qui nous permet
de venir vous rencontrer de temps à autre. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le président.
M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Compte tenu de l'interpellation que m'a faite M. Roy,
ça me tenterait de lui dire: Bienvenue, camarade...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...à cette
entreprise
que nous avons et nous allons partager les labeurs et les solutions. Ce
que j'ai compris, c'est qu'il y a un très large consensus sur le
diagnostic des problèmes que nous vivons. Peu importe si on est
médecin, si on est Infirmière, si on est
bénéficiaire ou si on est administrateur ou politicien, le
diagnostic est assez large. On a quand môme des problèmes dans
notre système que tout le monde reconnaît: l'allongement des
listes d'attente, désuétude et vétusté de certains
équipements et, dans certains cas, sous-développement
technologique. En tout cas, je ne vous demande pas de le partager. Je vous
donne mon point de vue.
Il y a deux raisons qui sont avancées et que je partage. D'abord,
une question de financement et, deuxièmement, une question de dynamique
môme du système. Elles sont extrêmement importantes.
Évidemment, ce matin, je ne sais pas si... On vous a rapporté mes
propos d'hier; j'espère qu'on vous a rapporté ceux de ce matin
aussi, parce que je n'ai pas vu les ajustements dans le texte. Ce matin, avec
l'AHQ, j'ai dit: Parfait, à partir des chiffres connus de comparaison
Québec-Ontario - on se compare toujours, il arrive à l'occasion
que les médecins nous font une comparaison sur le plan de la masse
salariale qui est dévolue aux médecins, 40 % de moins au
Québec qu'en Ontario.
Regardons si, effectivement, au niveau des centres hospitaliers de
courte durée, on donne moins d'argent que l'Ontario. Les 215 $ per
capita de moins qui étaient investis au Québec en santé
par rapport à l'Ontario, on l'a dit ce matin, c'est 1 400 000 000 $ de
moins, ce qui se traduit comme suit. Je le répète parce que
ça va vous faire plaisir de l'entendre. On verra après
évidemment. On investit 60 $ per capita de plus dans les centres
hospitaliers de courte durée, au Québec, qu'en Ontario. On
investit 209 $ de moins pour les services professionnels. Ce ne sont pas
exclusivement les médecins, mais, quand on parle de services
professionnels, ça peut être aussi d'autres professionnels que les
médecins, donc ça vous inclut, 209 $ de moins et 72 $ de moins
pour les médicaments et appareils: prothèses, orthèses
ainsi de suite, et en plus 6 $ pour d'autres dépenses, ce qui fait un
net de 215 $ de moins. Donc, ce n'est pas dans les budgets
transférés aux centres hospitaliers de courte durée qu'est
notre problème, à comparer à l'Ontario. Ça ne veut
pas dire que, malgré ce qu'on donne, il n'y a pas des problèmes.
Donc, ce sont les médecins, entre guillemets, qui paient le prix de
l'argent investi en moins au Québec par rapport à l'Ontario. Je
dis, malgré tout ça, en Ontario, malgré le fait qu'il y
ait 1 400 000 000 $ de plus dans le système, malgré le fait que
les médecins soient mieux payés en Ontario qu'au Québec,
ils ont des listes d'attente dans à peu près tous les domaines et
ils ont les problèmes qui sont à peu près similaires
à ceux du Québec. C'est pour ça que M. Peterson a
décidé de créer une commission qui ressemble à
celle qui a été créée au Québec pour tenter
de voir ce qu'il y a.
Il y a donc une interrogation au niveau de la dynamique du
système. Elle peut être vraie en Ontario et elle peut être
vraie chez nous. N'avez-vous pas l'impression que la dynamique de notre
système nous force à en donner davantage, à produire? On
n'est pas dans un système de production, je le sais. Tous les
médecins qui travaillent au Québec ont à l'esprit, comme
tout le monde, que c'est le bénéficiaire qu'on doit mettre en
premier, en toute première priorité. Dans la loi, ça doit
être ça aussi. Ce ne sont pas les établissements, ce ne
sont pas les structures, on doit avoir à l'esprit le
bénéficiaire lui-même, celui qui est malade ou celui qu'on
peut prévenir de la maladie. N'avez-vous pas l'impression que le
système, tel qu'il est actuellement, on est pris dans une dynamique de
production?
M. Roy: Merci, M. le ministre, je vais mettre mon chapeau
d'économiste de la santé. Ce n'est pas à tous les jours
que j'ai ce genre de question, mais ça me surprend un peu... Certaines
de vos affirmations devraient être vérifiées. À ma
connaissance, le Québec dépense moins, en pourcentage de produit
intérieur brut, que l'Ontario et d'autres provinces du Canada dans les
soins de santé et les services sociaux.
Quand on compare le Québec et l'Ontario et surtout les centres
hospitaliers, il faudrait peut-être essayer de comparer des choses
semblables, pas des pommes avec des oranges. Est-ce que les structures de nos
centres hospitaliers de soins aigus sont les mêmes que celles de
l'Ontario? Est-ce qu'on offre le même genre de service? Y a-t-il autant
de services sociaux en Ontario qu'il y en a au Québec, qui sont
intégrés dans nos structures de santé? Il faudrait
comparer des choses semblables. Y a-t-il autant de personnel non
médical, autant d'employés? Est-ce que les syndicats sont aussi
forts? Il y a tellement de choses à vérifier, il faudrait quand
même s'assurer que l'on compare des choses absolument identiques.
Actuellement, le gouvernement est d'une certaine façon victime de
ses propres lois. Ce ne sont pas les médecins qui ont couru après
l'assurance-maladie et l'assurance-hospitalisation. Je me souviens très
bien quand l'assurance-hospitalisation a été discutée et
votée; on en a fait une plate-forme électorale, en 1960, pour
amener des gens à voter libéral, à l'époque, avec
M. Lesage. Ça a marché et c'était bien. Et je me souviens
même qu'en 1961, parce que c'est entré en vigueur le 1er janvier
1961, il y avait des annonces dans les journaux, à pleine page, à
ce moment-là - il y en a de ma génération qui vont s'en
souvenir - où on incitait les gens à aller à
l'hôpital, et ça s'appelait M. Tout-le-Monde, à ce
moment-là: Les services hospitaliers sont gratuits. Ne vous gênez
pas, allez-y! À ce moment-
là, il n'y avait pas de monde dans les services d'urgence des
hôpitaux parce que les gens n'avaient pas pris l'habitude d'y aller et
ils y allaient quand ils avaient vraiment besoin d'y aller. Le gouvernement
nous a habitués à aller dans les urgences des hôpitaux. (15
h 30)
Ensuite, est arrivée l'assurance-maladie. Ce sont de très
bonnes mesures. On ne peut pas les remettre en cause, mais, encore là,
les gouvernements se sont fait du capital politique en disant: On assure
l'accessibilité des services. Ne vous gênez pas, c'est accessible,
c'est universel et ça ne coûte rien. Et, là, quand on est
pris avec le coût, on se dit: Bien écoute, on coupe, sans vouloir
le dire; on coupe en coupant les budgets d'une façon, je ne dirais pas,
discriminatoire, mais d'une façon indirecte, subreptice parce qu'on n'a
pas le courage de dire: II va falloir couper, à un moment donné,
à quelque part, parce qu'on ne veut pas que ça fasse mal aux
citoyens et on ne veut pas que le citoyen pense que l'accessibilité va
être diminuée.
Alors, ça coûte cher, on en est absolument conscients, mais
on est conscients également que le système n'encourage pas la
productivité. Mais comment l'encourager, la productivité? J'ai lu
ce qu'a dit M. Castonguay avant-hier, je suis complètement d'accord avec
la très grande partie de ce qu'il a dit. Comment encourager la
productivité dans un système où, par exemple, tous les
employés ont la sécurité d'emploi? Ce que je dis là
n'est pas seulement vrai pour le système de santé et des services
sociaux, II est également vrai pour l'éducation. C'est une
aberration de donner la sécurité d'emploi à tout le monde
dans le système public. C'est pour ça que ça coûte
si cher, c'est pour ça que les gens commencent à penser au
secteur privé, à un moment donné. Là, ce sont des
considérations très générales, mais je dis: II n'y
a pas d'erreur, le système est malade, le système a besoin d'une
révision en profondeur, non pas d'une révision de structure mais
d'une révision de fonds où on va avoir le courage d'attaquer les
problèmes réels.
M. Côté (Charlesbourg): Je suis bien heureux de la
fin, parce que évidemment on ne partage pas toujours la même
opinion sur les sujets, mais je suis bien heureux de la fin.
D'abord, une petite information au niveau du PIB. Le Québec,
public, par rapport à l'Ontario dépense plus en 1988-1989 par un
rapport de 7 % au Québec, 6 % en Ontario, alors que la moyenne
provinciale est de 6,7 %. Mais, évidemment, on a moins d'argent per
capita parce qu'on est moins riche. Alors, c'est comme ça que ça
s'explique.
M. Roy: Je ne voudrais pas faire une querelle de chiffres avec
vous mais il y a des documents du ministère qu'il faudrait ventiler dans
un autre milieu qu'une commission par- lementaire, parce qu'on pourrait
argumenter longtemps sur ça.
M. Côté (Charlesbourg): Camarade, on va le faire
certain, ça, soyez sûr de ça. Je vais vous faire parvenir
les chiffres qui font la démonstration, pour les mêmes services,
de ce qui est donné en Ontario par rapport à ce qui est
donné au Québec. C'est discutable sur la place publique, je n'ai
aucun problème avec ça. Je vais vous les envoyer pour vous donner
la chance de faire l'analyse. Je me suis aperçu, avec votre
mémoire, que vous étiez capable de faire une analyse
corsée et serrée, puis, ça, je suis sûr que vous
avez les moyens de le faire à part de ça.
M. Roy: Absolument. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): En conclusion, M. Roy, vous
disiez tantôt: Oui, il y a des problèmes importants dans le
système. Ce que je dois comprendre de votre intervention, c'est que cela
ne nécessite pas un chambardement aussi important qu'on le souhaite pour
régler les problèmes. Alors comment fait-on pour régler
les problèmes de listes d'attente? Comment fait-on pour régler
les problèmes de salles d'urgence? Comment fait-on pour régler
les problèmes de deux hôpitaux du même territoire qui se
chicanent pour avoir un scanner? J'ai donné l'exemple, ce matin, de
Brome-Missisquoi - je suis aussi bien de le répéter - et Granby,
je pourrais prendre d'autres exemples partout à travers le
Québec. À l'occasion, il faut bien se le rappeler, ils sont un
petit peu poussés par les dispensateurs de services qui veulent l'avoir
dans un hôpital plutôt que dans un autre.
M. Roy: Je vais laisser la parole au Dr Saint-Georges, mais,
avant, j'aimerais vous le dire tout simplement, vous savez que j'ai
déjà rêvé d'avoir votre jobl
Des voix: Ha, ha, hal
M. Roy: J'aurais aimé ça. J'y pense encore, je ne
rêve pas à ça, mais il reste qu'il y a
énormément de choses à faire. À un moment
donné, II faut passer à l'action. Il y a des problèmes
fondamentaux. Pourquoi les urgences sont-elles si encombrées? Il y a
plusieurs facteurs à ça. D'abord, il faudrait regarder qui va
à l'urgence, quelle quantité de personnes y vont inutilement,
quoi faire pour empêcher ça. Pourquoi y a-t-il des gens qui
reviennent à l'urgence à répétition, des malades
psychiatriques, des personnes âgées, le phénomène de
la porte tournante? Pourquoi des gens sont-ils obligés d'aller à
l'urgence? Parce qu'ils n'ont pas d'autre place où aller dans le
système. Les CLSC sont fermés le soir, les fins de semaine, la
nuit; il
manque de lits dans les hôpitaux pour malades chroniques, pour
personnes âgées. Il manque de centres d'accueil
d'hébergement. Mais qu'est-ce que vous voulez? Et puis vous avez
donné la gratuité, l'accessibilité et il n'y a pas
d'autres ressources sociales familiales sur lesquelles un certain nombre de
personnes peuvent compter. Alors que voulez-vous? Ce n'est pas surprenant que
le système actuel soit encombré, engorgé, et il va le
demeurer longtemps si des remèdes de fond n'y sont pas
apportés.
Mais II reste que ce n'est pas en chambardant les structures, en
fusionnant les hôpitaux sur la base des CLSC, en changeant la composition
des membres de conseils d'administration ou en faisant des régies
régionales qu'on va régler ça. Ça ne changera
strictement rien. Il va falloir l'examiner et trouver les moyens de
l'améliorer selon les problèmes de chaque milieu parce que tous
les milieux ne sont pas pareils. Il y a des endroits où ça
fonctionne bien. Quand on parte de problèmes dans le système de
santé, on parle surtout de Montréal et un peu de Québec.
Mais Montréal, c'est quand même 60 % de la province.
M. Saint-Georges (Pierre): M. le ministre, j'ai l'impression que
votre question comprend sa réponse. Effectivement, c'est facile de
trouver un problème concernant les urgences, les listes d'attente ou les
malades chroniques si on s'occupe des urgences, si on s'occupe des listes
d'attente et si on s'occupe des malades chroniques plutôt que de vouloir
établir des structures.
Pour être dans le domaine depuis tout près de 25 ans, j'ai
l'impression qu'on a beaucoup trop discuté de structures. Je peux vous
dire qu'en 1968 j'ai abandonné le milieu hospitalier - j'ai
abandonné le milieu hospitalier comme directeur médical du temps,
parce qu'on appelait ça un directeur médical - justement à
cause de l'inefficacité de ce que les efforts pouvaient donner en termes
de résultats et, depuis, on a tout simplement amplifié les
structures et les modes de contrôle.
Ce matin, j'assistais à la présentation de certains
organismes et les directeurs généraux, par exemple, vous ont
parlé de la possibilité pour eux de savoir ce que les protocoles
d'investigation que les médecins suivaient pouvaient représenter,
etc. On a demandé, en 1981, que les directeurs généraux
informent les médecins des conséquences de leur exercice. C'est
dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux à
l'article 105, paragraphe g. C'est écrit textuellement et ça a
été déposé à notre demande. On a
demandé que les chefs de départements cliniques aient des
responsabilités et qu'ils puissent assumer des responsabilités de
contrôle à l'égard de l'allocation des ressources.
Ça existe dans la loi depuis 1981 et, actuellement, on discute pour
tâcher de trouver des modes de financement du système et des
façons d'améliorer l'efficacité. On discute de nouveaux
organismes qui remplace- raient éventuellement les CRSSS actuels par des
régies régionales. J'ai l'impression qu'on ne vise pas tout
à fait le bon objectif.
Je reviendrais au commentaire que le Dr Roy vous avait fait
tantôt, qui est parti de ce que Le Devoir rapportait au sujet de
vos propos où vous disiez que, finalement, on est dans un système
où l'objectif est de rendre des services et non pas de viser des
objectifs d'amélioration de santé. Ce que le Dr Roy voulait vous
dire, c'est que l'avant-projet de loi qui est déposé, c'est un
avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux.
Ça devrait probablement être un avant-projet de loi sur la
santé et sur les services de santé et les services sociaux.
Là, on aurait peut-être l'occasion de discuter d'objectifs de
santé dans la province de Québec et de discuter d'une structure
qui pourrait éventuellement répondre à des besoins de
santé dans la province de Québec.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, si je vous comprends,
si on fait la discussion sur une politique de santé au Québec,
vous admettez par le fait même que la structure actuelle ne répond
pas à ce que nous nous attendons. Dans la mesure où elle ne
répond pas, il y a à l'intérieur de ces
documents-là des propositions... C'est pour ça qu'on est
là. Un avant-projet de loi, c'est pour que ce soit critiqué. Vous
ne vous êtes pas gênés non plus. Vous y êtes
allés et je pense que c'était le rôle. À partir de
ça, on va arriver avec un projet de loi à un moment donné
et, bien sûr, le débat va continuer. Mais pour être capable
d'avoir les bonnes solutions, il faut avoir le bon diagnostic. Je ne suis pas
médecin, mais je me mets dans la situation de mon ami, le Dr Roy, qui a
toujours rêvé d'être dans ma position.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, moi
aussi, je rêverais d'être dans la vôtre. Je pense qu'il y
aurait aussi des choses à faire de ce côté-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Et j'en arrive à une
question qui est fondamentale, que tout le monde se pose et on va se la poser
parce que je pense que c'est là pour des échanges de propos:
Est-ce que le médecin dans le système n'est pas un
générateur de services? On a entendu ça ce matin.
M. Roy: Comment dites-vous ça? Un quoi? M.
Côté (Charlesbourg): Un générateur...
M. Roy: Un générateur de services. Écoutez,
c'est bien sûr que, s'il n'y avait pas d'hôpitaux, il n'y aurait
pas de malades, il n'y aurait pas
de morts dans les hôpitaux. Et, s'il n'y avait pas de
médecins, on continuerait à vivre comme dans l'ancien temps,
môme dans le temps d'HIppocrate. S'il n'y avait pas d'avocats, est-ce que
les palais de justice fonctionneraient? Écoutez, les médecins
sont là pour traiter les malades. Le médecin répond
à la demande des malades. Le médecin ne s'assoit pas dans les
rues pour courir après les malades. On ne fait pas de publicité
pour aller les chercher. Alors, qu'est-ce que vous voulez? On ne fait pas de
publicité pour aller les chercher. Je sais qu'aux
États-Unis...
M. Côté (Charlesbourg): II y en a qui vont dans les
centres d'accueil dans ce temps-là.
M. Roy: ...à des endroits où il y a peut-être
trop de médecins et trop d'hôpitaux, on fait une certaine
publicité, mais ici il n'y a absolument aucune publicité pour
aller chercher des gens dans les salles d'urgence ou dans les bureaux des
médecins. Les gens y vont parce qu'il semble qu'ils aient des besoins.
Ils y vont peut-être plus qu'ils y allaient avant parce que c'est gratuit
totalement. C'est comme si, demain matin, le gouvernement, dans un geste de
générosité extraordinaire, disait: Le pain est une
denrée que tout le monde utilise, le pain est un élément
essentiel. Donc, demain matin, on fait une loi en disant: Le pain est gratuit.
Il ne se consommerait peut-être pas plus de pains, mais il s'en
gaspillerait pas mal plus. Alors, il y a des abus. C'est bien sûr qu'il y
a des gens qui consultent pour rien. Mais quoi faire pour diminuer ça?
D'un autre côté, les lois de la santé ont quand même
apporté des bénéfices importants à la population.
L'état de santé de la population est de beaucoup meilleur
aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 25 ans. Il y a 25 ans, on voyait des
gens qui se privaient d'aller voir des médecins dans des hôpitaux
parce qu'ils n'avaient pas d'argent pour payer. On ne rencontre plus ça
maintenant. On ne peut plus revenir à ça.
D'un autre côté, c'est bien évident aussi que le
médecin pratique dans le contexte médico-légal de
l'Amérique du Nord, où il doit tout faire dans
l'intérêt de son patient. Si son patient s'en vient dans une salle
d'urgence et dit: Je me suis frappé le pied, je me suis tourné le
pied en marchant, il ne peut pas, de nos jours, ne pas demander une
radiographie. Autrefois, on n'en demandait pas parce qu'on se fiait à
notre flair en disant: Je ne pense pas qu'il y ait fracture, à moins que
ce ne soit bien enflé et bien bleu. Mais aujourd'hui, le médecin
ne peut pas faire cela parce que, s'il ne demande pas de radiographie et qu'il
y a fracture effectivement, c'est une poursuite automatique. Il faut qu'il la
demande.
Pour les tests de laboratoire, c'est la même chose. C'est
générateur de coûts, c'est évident. Mais, qu'est-ce
que vous voulez, c'est le contexte social qui a voulu que la pratique de la
médecine devienne ainsi. Ce n'est pas la faute des médecins. Les
médecins ne font que répondre à la demande.
La Présidente (Mme Marois): Une dernière question,
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière. De
toute façon, je pense qu'on aura l'occasion d'en rediscuter, bien
sûr, de manière plus longue. Vous admettez qu'il peut y avoir des
abus, à la fois de la part du consommateur et aussi, je pense, à
l'occasion, de la part de celui qui distribue les services. Est-ce que vous
pensez qu'une mesure comme celle qui obligerait le patient à signer,
comme on signe une carte de crédit, les frais inhérents qu'il a
demandés à un professionnel en milieu hospitalier ou dans un
cabinet privé serait de nature, de part et d'autre, à
éliminer les abus dont on parle?
M. Roy: Écoutez, je ne dirai rien de nouveau. En
commission parlementaire, dans le temps de M. Castonguay, quand il avait
été question de la loi de l'assurance-maladie, il avait
été suggéré cette méthode de la carte
Chargex ou American Express, pour qu'à chaque fois que le patient irait
voir un médecin il y ait une signature. Ça avait
été suggéré, mais ça n'avait pas
été retenu pour des fins administratives et bureaucratiques.
Ça coûtait trop cher. Comme il avait été
suggéré également le fait que la Régie devrait
envoyer un compte rendu, à un moment donné, des coûts
engendrés par des patients à chaque année ou à
chaque deux ans, ce qui n'a pas été fait, ça
coûterait trop cher ou ce serait compliqué sur le plan
bureaucratique.
Il y a peut-être des modèles pour améliorer la
consommation, pour diminuer la consommation. Il y a la question du carnet de
santé. Est-ce que les gens devraient avoir un carnet de santé
qu'ils devraient obligatoirement présenter au professionnel de la
santé qui vient les voir? C'est un débat de
société. Écoutez, c'est comme la carte de citoyen. En
Europe, tout le monde a sa carte et cette carte-là sert aux
élections, elle sert à toutes sortes de fins. Elle est
extrêmement utile. Ça éviterait bien des
télégraphes aux élections. Ce serait extrêmement
bon, je pense. En Amérique du Nord, il y a une espèce de
résistance à ça alors qu'en Europe tout le monde a sa
carte, mais ça pourrait être extrêmement utile d'avoir une
carte avec sa photo. Les gens honnêtes n'auraient pas peur de ça,
d'après moi. Évidemment, certains mécréants
n'aimeraient peut-être pas ça se faire demander leur carte.
Ça éviterait des abus. Mais ça, c'est une décision
politique. C'est au gouvernement de faire le débat dans la
société et de voir si des instruments comme ça, la carte
de santé, une carte signée à chaque fois qu'on va voir un
professionnel de la santé, une carte de citoyen, devraient être
instaurés dans notre société. Que
voulez-vous que je vous dise? Si j'étais à votre place, je
ferais des affaires que vous n'avez pas faites encore. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Non. Plutôt, en
conclusion, je pense que vous avez eu l'occasion de me lire dernièrement
parce que j'ai parlé de la carte. Évidemment, comme j'en ai la
responsabilité et que mon critique est toujours le môme, on risque
de se retrouver encore tous les trois sur le môme sujet et on va
probablement s'entendre bien plus facilememnt sur la carte.
La Présidente (Mme Marois): Ça va. Merci, M. le
ministre. M. le leader de l'Opposition. (15 h 45)
M. Chevrette: Mme la Présidente, à la grande
surprise de M. Roy, je vais commencer par le défendre...
M. Roy: Merci beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: ...et, après ça, se parler.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: La "joke" aurait été facile de dire
"de vous descendre".
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Tout d'abord, je me rends compte que vous avez
répondu au projet de loi. Vous ne pouviez pas parler trop trop de
financement. Vous ne pouviez pas parler trop trop du communautaire; on n'en
parle pas dans le projet de loi comme tel, à part de le définir.
Les problèmes de financement ne sont pas soulevés dans un projet
de loi de structure. J'ai même remarqué que le ministre se
permettait des questions en dehors de son propre avant-projet de loi pour voir
ce que vous avez dans les tripes. Parce que, j'en suis convaincu, je l'ai dit
au départ, il n'y croit pas à son avant-projet de loi.
D'ailleurs, ce n'est pas son bébé.
Cela dit, vous avez commencé par admettre des choses qui m'ont
fait sursauter et que Je vais reprendre, que je ne peux pas laisser passer.
C'est vrai que, dans la fonction publique, il y a une sécurité
d'emploi des enseignants, des travailleurs de la fonction publique. Mais quand
il n'y a pas d'enfants, tu as beau faire ton cours d'enseignant, tu ne
travailles pas. Quand les hôpitaux ont atteint leur cadre
d'employés, tu auras beau avoir ton cours d'infirmière auxiliaire
ou d'infirmière, si tu n'as pas de poste, tu n'entres pas; ce qui n'est
pas le cas pour les médecins.
C'est nettement différent pour la question des coûts dans
le domaine de la santé et des services sociaux. Vous vous êtes
fait varloper, si vous me permettez l'expression, ce matin, d'une façon
assez correcte par les groupes qui ont défilé devant nous en
disant, précisément, qu'il n'y a à peu près pas de
contrôle sur les actes. Il y a des D.G. qui ont admis - des D.G.
d'hôpitaux - qu'ils ne savaient même pas combien pouvait
coûter, par exemple, un diagnostic pulmonaire, chez eux, dans leur centre
hospitalier, et qu'ils ne pouvaient absolument pas contrôler ça.
Est-ce que c'est comparable avec d'autres institutions? Ils ne le savaient pas.
Et on ne sait pas si la RAMQ a même des données là-dessus.
J'ai demandé qu'on les rencontre, à un moment donné, ces
messieurs-là, pour qu'ils pltonnent un peu d'ici ce temps-là et
qu'ils puissent nous donner certains chiffres. Mais ne croyez-vous pas qu'une
des causes du système de paiement à l'acte, c'est le manque de
contrôle, précisément? Est-ce que c'est assez clair comme
question?
M. Roy: il n'y a pas de... quand on parle du paiement à
l'acte, on revient toujours aux médecins. les médecins ne
représentent que 18 % du coût du système de santé,
18 % du coût, en fait, des services et un faible pourcentage en ce qui
concerne le produit intérieur brut. alors, ce sont les hôpitaux
qui coûtent cher dans le système. et, dans les hôpitaux, ce
sont les salariés, évidemment, qui coûtent 80 % des budgets
des hôpitaux, pour lesquels on dépense 80 %. qu'est-ce que vous
voulez? les médecins ne représentent donc pas des coûts
excessifs. mais qu'on les paie à l'acte ou d'une autre façon, il
va falloir qu'il y ait des coûts. le paiement à l'acte, ce n'est
pas un paiement, c'est une sorte de paiement. il n'y a pas de solution miracle
dans ce domaine-là. mais je pense que, quand les gens font l'analyse des
différents modes de rémunération des médecins,
c'est peut-être encore le meilleur mode de rémunération, le
plus efficace, celui qui encourage la productivité, l'efficacité
et la qualité.
Le salariat. Il y en a, des médecins salariés. Il y a
peut-être 20 % ou 25 % des médecins qui sont salariés d'une
façon ou d'une autre. C'est un choix. Moi, je suis salarié, je ne
m'en plains pas. Mais le salariat, dans la pratique de la médecine comme
telle, coûterait beaucoup plus cher au gouvernement que le paiement
à l'acte. C'est bien clair qu'un médecin salarié ne
travaillerait pas 50 heures par semaine. Autrefois, c'étaient 60 heures
par semaine. Ce sont des moyennes, 50 heures par semaine. Il faudrait que vous
les payiez le soir, la nuit, les fins de semaine pour chacune des visites
qu'ils iraient faire à l'hôpital, ou chaque fois qu'ils verraient
des patients. Il faudrait que vous organisiez un système de
contrôle, de la surveillance, comme des salariés, qui
coûterait extrêmement cher, avec des préfets de discipline
à gauche et à
droite. La pratique salariée ne s'applique absolument pas, sauf
peut-être dans certains endroits, dans certains hôpitaux. À
part ça, ça ne peut pas s'appliquer comme tel.
Vous avez le modèle des pays communistes. Ils en ont, dans les
pays communistes, des médecins salariés. Mais qu'est-ce qu'il y a
à côté? Il y a une autre médecine qui se
développe en parallèle, qui est la médecine pour les
dirigeants du parti et pour les riches dans le pays. Là, vous l'avez
vraiment, la médecine de riches et la médecine de pauvres, dans
les pays communistes. Et c'est justement ça que vous ne pouvez pas
avoir, parce que vous avez là de la médecine salariée et
de la médecine non productive. Ce n'est pas dans les pays communistes
que se font les plus grandes découvertes médicales. Vous voyez,
le paiement à l'acte, ça encourage la productivité et
l'efficacité et c'est ça qu'on n'a pas dans notre système
de santé. Si tout le personnel de santé était aussi
efficace que les médecins, ça irait bien dans notre
système.
M. Chevrette: Mais, Dr Roy...
M. Roy: Et c'est, d'une certaine façon, ce que M.
Castonguay suggérait dans son système de secteur privé
parallèle au secteur public actuel.
M. Chevrette: Dr Roy, c'est sans doute pour ça, parce que
c'est bien payant qu'on n'est pas capable d'avoir des spécialistes dans
les régions marginales. Ça doit être sans doute parce que
c'est bien payant à l'acte, précisément, qu'on n'est pas
capable, parce qu'on vient de l'Abitibi, parce qu'on vient de la
Gaspésie, parce qu'on vient du Bas-Saint-Laurent, parce qu'on vient de
la Basse-Côte-Nord, parce qu'on vient de la Côte-Nord et qu'on paie
pourtant les mêmes impôts qu'on n'est pas capable d'avoir certains
types de spécialistes, parce que le paiement à l'acte ne rapporte
pas assez parce qu'il n'y a pas assez d'actes dans ces milieux dits
excentriques.
Là-dessus, si vous me permettez, on pourrait...
M. Roy: Ce n'est pas la même chose.
M. Chevrette: ...discuter longuement. On pourrait tellement
discuter longuement quant à la notion d'efficacité, par exemple,
que quelqu'un... Le nombre de médecins est passé de 1 par 575
personnes à 1 par 450 personnes, je pense, du moins, ce sont les
chiffres qui ont été sortis ici par quelqu'un. La moyenne
salariale des médecins n'a pas baissé pour autant, Dr Roy, au
contraire, elle a tendance même à monter, la moyenne salariale.
À ce moment-là, ne croyez-vous pas... Vous n'êtes pas
à l'abri, parce que vous avez le titre de médecin, des vices du
système, où le bobo est beaucoup moins joli parce que vous n'avez
pas trop de rendez-vous le lendemain. Je jasais, ce midi, avec quelqu'un qui
s'est planté un clou dans un pied, en vacances, par exemple, et qui m'a
dit: Moi, je suis allé à une telle clinique, ils m'ont dit: Oui,
ce n'est pas bien beau. Ils m'ont donné une piqûre contre le
tétanos et là ils m'ont dit: Tu reviendras dans deux jours. Il a
dit: Mes vacances sont finies. Ah bien, dans ce cas-là, mets-toi de
l'onguent dessus. Tu sais, c'est quoi? C'est quoi? Vous ne me ferez pas
accroire que vous êtes complètement immunisés contre les
vices d'un système, vous autres non plus. Et plus on rouvre
carrément sur cette possibilité de non contrôle, je pense
qu'il y a des abus, des abus énormes. Et vous devriez, il me semble,
comme corporation professionnelle, parce que vous n'avez pas le statut de
syndicat, vous autres - une corporation, votre chapeau, c'est de corpo... Le
chapeau de corporation doit, il me semble, aller dans le sens de favoriser des
contrôles, précisément ça rentre dans le code de
déontologie.
M. Roy: M: le ministre, on parle de beaucoup de notions.
M. Chevrette: M. l'ex-futur, vous ne dites pas M. le
ministre.
M. Roy: On n'aura jamais assez de temps pour parler de tout
ça. Il y a bien des sujets qui touchent, d'abord, les syndicats, les
fédérations médicales, la question de la
négociation des tarifs et des revenus des médecins. Ce sont des
mécanismes qui ont été institués par le
gouvernement lui-même. Si le gouvernement n'en est pas content, qu'il les
change, qu'il négocie des changements avec les organismes syndicaux. La
Corporation des médecins s'occupe de la compétence des
médecins. On peut vous dire que la compétence, elle est bonne;
elle est là et les médecins sont bons. Mais qu'on ne me dise pas,
évidemment, qu'il n'y a pas de médecins, qu'il manque de
spécialistes en Abitibi par rapport à Montréal parce qu'on
les paie à l'acte plutôt qu'à salaire, ça n'a rien
à voir dans le portrait. Ce n'est pas la même chose du tout. En
fait...
M. Chevrette: Ah bien!
M. Roy: ...c'est une question de régionalisation, de
distribution des effectifs à laquelle on est bien sensible.
M. Chevrette: M. Roy, puis-je vous arrêter
là-dessus?
M. Roy: Ça fait longtemps qu'on parle de ça.
M. Chevrette: Est-ce que je peux vous arrêter
là-dessus? J'ai été ministre de la Santé, moi, et
il y a des médecins spécialistes, en région, qui m'ont
supplié de ne pas en envoyer un deuxième pour donner un meilleur
service à la
population parce que, disaient-ils, le nombre d'actes ne justifierait
pas un deuxième et, mol, je ne ferais pas assez un bon salaire pour
rester là. Vous allez me faire accroire que j'ai inventé
ça, je ne suis pas médecin!
M. Roy: Non, non. Écoutez, c'est le gouvernement qui
distribue la masse monétaire et qui négocie avec les
fédérations, alors, c'est au gouvernement de s'entendre. Mais,
écoutez, ce n'est généralement pas à cause du
manque d'argent qu'il n'y a pas de médecins spécialistes dans les
régions éloignées, c'est pour toutes sortes d'autres
facteurs: l'isolement, les problèmes technologiques, les
problèmes du support du personnel, du support de matériel, des
problèmes d'encadrement. Le vrai besoin, à ce moment-là,
dans une région d'avoir de tels spécialistes, l'encadrement, les
coûts que ça engendre... Souvent, il y a des médecins
spécialistes qui sont prêts à aller dans des
régions, mais l'hôpital ne peut pas les recueillir, les recevoir
parce que l'hôpital n'a pas le support, n'a pas les budgets pour leur
donner ce dont ils ont besoin. Si vous avez des cardiologues et que vous n'avez
pas d'hémodynamie, si vous avez des chirurgiens et que vous n'avez pas
de salles d'opération à leur donner, vous n'avez même pas
l'appareil pour les faire opérer, si vous avez des radiologistes et que
vous n'avez pas de "scan", comment voulez-vous les inciter à aller dans
les régions? D'un autre côté, quand le gouvernement veut
avoir du personnel pour la Baie James ou pour des endroits
éloignés, qu'est-ce qu'il fait? Il donne des primes
particulières et il attire du monde.
M. Chevrette: êtes-vous d'accord, à ce
moment-là?
M. Roy: Alors, qu'on fasse la même chose avec les
médecins. Qu'on en discute avec les syndicaux médicaux.
M. Chevrette: Seriez-vous d'accord, à ce moment-là,
Dr Roy, pour que le ministère, le gouvernement, décide demain
matin de décentraliser les enveloppes de la RAMQ et de permettre aux
citoyens du Québec, quelle que soit la région au Québec,
qui payent des impôts au même pourcentage, quel que soit l'endroit
où ils sont au Québec, d'avoir l'enveloppe budgétaire
nécessaire pour se donner une qualité équitable de
services par rapport aux grands centres urbains...
M. Roy: Ce serait une très grande erreur.
M. Chevrette:... et de permettre également à ces
régions-là d'avoir des spécialités de base au moins
qu'on pourrait retrouver dans l'ensemble du Québec? Parce que vous avez
affirmé quelque chose tantôt. C'est une autre chose que je voulais
relever. À une réponse au ministre, vous avez dit que les
problèmes de santé, c'était surtout à
montréal. si j'ai mal compris... en tout cas, on a réagi ici. il
y a des problèmes de santé un peu partout au québec, pas
seulement à montréal.
M. Roy: Les urgences.
M. Chevrette: Ils peuvent être plus en évidence
parce qu'ils ont la télé, mais ça ne veut pas dire qu'il
n'y a pas de problèmes majeurs parce qu'ils ont peu de médias
d'information pour couvrir les événements. Et moi, je pense que
ça pourrait être une façon d'être très
équitable envers l'ensemble des contribuables québécois.
Quelle est votre vision de la décentralisation du ministère vers
les régions et de la RAMQ vers les régions?
M. Roy: D'abord, les problèmes de santé ne sont pas
les mêmes partout au Québec, c'est bien évident. Dans les
régions, il y a assez de lits d'hôpitaux, mais il manque de
personnel pour soigner les gens, alors qu'à Montréal il manque de
lits pour leur donner le traitement requis. Et les urgences ne sont pas
débordées dans les régions, alors qu'elles le sont dans
les grandes villes, particulièrement à Montréal et un peu
à Québec. Mais quand on touche au problème de la
décentralisation, qu'on fasse une vraie décentralisation ou qu'on
n'en fasse pas. Une vraie décentralisation s'accompagne d'un pouvoir de
taxation. Alors, à ce moment-là, qu'on dise: Dans la province, il
y a quatorze ou seize régions et chaque région est
organisée, a son plan autonome; elle a son pouvoir de taxation. À
l'heure actuelle, on ne décentralise pas. On ne décentralise pas
du tout On centralise plutôt en donnant tous les pouvoirs à des
régies régionales et en les enlevant aux hôpitaux tout en
laissant au gouvernement le soin d'arbitrer tout ça. Mais il reste que
la décentralisation des masses monétaires pour les
professionnels, ce serait une très grande erreur et ce serait au
détriment de la population, parce que, là. on pourrait se
retrouver avec seize systèmes différents de santé selon
les masses à la disposition de la régie régionale qui
aurait à distribuer l'argent et de l'utilisation qu'on ferait de ces
masses. Alors, on est dans un régime provincial. On est 6 000 000. On
n'est quand même pas 200 000 000. On est une petite province. Ce n'est
quand même pas la fin du monde.
M. Chevrette: Mais qu'est-ce que vous allez faire?
M. Roy: Que le ministère s'organise comme il faut avec des
bons services, avec des bons départements pour voir à la bonne
application de la loi et des règlements. Mais ce n'est pas en
centralisant d'une façon excessive au niveau des régies
régionales qu'on va régler tout ça. On ne réglera
rien. On peut peut-être arriver à des
fusions d'établissements, mais on l'a dit, des fusions
d'établissements autour des centres hospitaliers. Qu'un centre
hospitalier, par exemple, ait dans son giron un ou deux CLSC - et pas le
contraire - ou trois, deux, trois ou quatre centres d'accueil
d'hébergement, un centre ou deux de soins prolongés, de
façon à faire un tout, un centre de santé, vraiment,
où ce serait un conseil d'administration qui organiserait la
santé dans son entourage, dans son environnement - il y a ça en
Europe; vous avez ça en France - à ce moment-là, ce serait
bien plus efficace que de centraliser autour des CLSC ou de centraliser autour
des régies régionales, ce qui est juste une centralisation de
structures.
M. Chevrette: Qu'est-ce que vous répondez, alors qu'on a
essayé par 14 à 17, je ne sais pas si c'est pas rendu à 20
mesures incitatives pour essayer de faire en sorte qu'on puisse avoir des
effectifs médicaux d'une façon un peu équitable à
travers le Québec? Et puis, au niveau des omni-praticiens, il faut
reconnaître qu'il y a eu un succès assez marqué. Mais, au
niveau des psychiatres, au niveau des anesthésistes, au niveau des
cardiologues, vous savez très bien ce qui arrive encore.
M. Roy: Oui.
M. Chevrette: On est à 30 milles de Montréal, nous
autres, et on n'est pas capables d'avoir un psychiatre. Ils sont
cantonnés à Montréal et à Québec. Qu'est-ce
que ça va prendre pour les sortir? Va-t-il falloir les psychanalyser eux
autres mômes? Leur faire comprendre que c'est du monde aussi en province?
Qu'est-ce que vous suggérez, vous?
M. Roy: Écoutez, il y a une table de concertation qui se
penche sur ça depuis longtemps. Qu'est-ce que vous voulez? On ne peut
pas en inventer des psychiatres quand il n'y en a pas assez qui veulent se
former en psychiatrie. Mais, actuellement, on a réglé un paquet
de problèmes. D'abord, comme vous dites, il y a une assez bonne
distribution, répartition des omnipraticiens. Du côté des
spécialistes, ce n'est pas catastrophique. Il ne faut pas
exagérer là. Il y a beaucoup plus d'anesthésistes
qu'avant, des chirurgiens, des radiologistes, et il y en a plusieurs en
formation. Mais, encore là, il faut avoir des politiques pour former
plus de spécialistes. (16 heures)
Pendant un certain temps - ça commence juste à peine
à vouloir changer, l'orientation au ministère - on a
diminué le nombre de postes de résidents pour la formation de
futurs spécialistes. On a rendu la tâche tellement difficile qu'on
a apeuré un paquet de nos jeunes résidents qui vont se former
ailleurs qu'au Québec et qui restent ailleurs qu'au Québec. Avec
les plans d'effectifs médicaux, là, on est en train de semer
l'inquiétude totale chez nos jeunes Québécois parce qu'ils
se disent: On ne pourra plus pratiquer à Québec et à
Montréal, on va tenter d'y entrer par la porte d'en arrière ou
bien on va aller pratiquer en Ontario. On perd presque 25 % de nos jeunes
spécialistes à tous les ans qui s'en vont dans d'autres provinces
parce qu'ils ne veulent pas être contraints aux plans d'effectifs
médicaux du ministère qui ne fonctionnent pas. Parce qu'on a
voulu dorer un peu la pilule l'année dernière pour des fins
politiques, on a ajouté quelques postes supplémentaires, pour
mieux faire avaler la pilule, et on va le faire encore cette année. Mais
il reste que les plans d'effectifs médicaux n'ont rien changé;
s'ils n'ont rien changé, qu'on les abolisse, parce que c'est un
régime bureaucratique qui fait peur aux médecins et qui aura
exactement l'effet contraire de celui prévu, c'est-à-dire mieux
distribuer les médecins. Alors, si on veut distribuer les
médecins, qu'on fasse vraiment un plan cohérent et qu'on
s'organise pour rétribuer convenablement celui qui accepte d'aller
pratiquer sur la Côte-Nord, en Gaspésie, en Abitibi ou ailleurs,
comme on le fait pour d'autres travailleurs de la société.
Le docteur Saint-Georges veut dire un petit mot depuis à peu
près cinq minutes.
M. Saint-Georges: M. Chevrette, si vous permettez, selon votre
formule qui vous est consacrée, vous avez dit quelque chose tantôt
que je ne peux pas laisser passer. Vous vous êtes étonné du
fait que les directeurs généraux ne connaissaient pas justement
le coût du traitement d'une maladie...
M. Chevrette: Ils l'ont dit ici...
M. Saint-Georges: ...pulmonaire ou de diverses affections qui
peuvent être traitées dans les établissements. Remarquez
que, moi aussi, je suis aussi étonné que vous. J'ai de la
difficulté à comprendre que des directeurs
généraux, dont c'est la tâche justement d'administrer le
système, ne puissent pas avoir les outils nécessaires pour le
faire. Je peux par ailleurs vous dire qu'il existe actuellement un projet qui,
éventuellement, aura cours dans peu de temps pour fournir cette
information-là et je voudrais revenir sur une chose que j'ai dite
tantôt. Depuis 1981, on demande d'être informés des
coûts générés dans la santé et on a
demandé que les directeurs généraux informent les chefs de
départements cliniques, qu'on rémunère les chefs de
départements cliniques pour y arriver et, malheureusement, après
huit ou neuf ans, on n'a pas plus de résultat, on n'a pas plus de
réponse qu'il y en avait.
M. Chevrette: Quand je vous ai dit ce que les directeurs
généraux ont affirmé, ce n'était
pas nécessairement un blâme vis-à-vis de la
corporation, vis-à-vis des individus, vis-à-vis des
médecins.
M. Saint-Georges: Non, mais ce que je veux...
M. Chevrette: C'est que le directeur général dit:
Comment voulez-vous qu'à l'intérieur d'un budget fermé, je
ne puisse contrôler même pas les coûts d'un acte? À ce
moment-là, c'est l'exemple du bar ouvert dans un budget fermé
qu'on a donné et, effectivement, c'est ce qui se produit. Ce n'est pas
nécessairement un blâme vis-à-vis des personnes, mais c'est
une situation par rapport à la structure, au système
lui-même, et c'est ça qui a été annoncé ce
matin.
M. Saint-Georges: Ce que je veux relever, M. Chevrette, c'est que
les directeurs généraux sont eux-mêmes responsables, sont
eux-mêmes...
M. Chevrette: Oui, mais, par exemple... Oui.
M. Saint-Georges: ...membres des conseils des médecins et
dentistes, eux-mêmes membres des comités exécutifs de ces
conseils des médecins et dentistes dont la tâche principale est de
contrôler l'exercice professionnel.
M. Chevrette: Oui.
M. Saint-Georges: Et je peux vous dire, parce qu'on se
promène dans les hôpitaux probablement plus que quiconque dans la
province, on visite tous les hôpitaux au minimum à tous les deux
ans, que le contrôle de l'exercice qui s'exerce dans la presque
totalité des hôpitaux de la province ferait honte à la
totalité des hôpitaux du pays.
M. Chevrette: Mais je vous pose une question bien
précise.
La Présidente (Mme Marois): La dernière, M. le
leader.
M. Chevrette: Oui, merci. Par exemple, même dans le cas des
grossesses normales, sans problème, presque toutes les femmes maintenant
ont leur échographie. C'est le médecin qui décide si c'est
un scanner qu'il faut ou bien une radiographie pure et simple. De ce
côté-là, pensez-vous qu'il n'est pas normal qu'un centre
hospitalier qui a le carcan d'un budget fermé ne soit pas en mesure
d'évaluer son équipe médicale sur qui il n'a aucun
contrôle quant à la dispensation des services professionnels?
Pensez-vous que ça a de l'allure qu'un directeur général
soit obligé de se présenter au ministère et de dire:
Voyez-vous, je suis mal foutu, je ne sais même pas si c'est tel acte par
rapport à tel autre, qu'on a choisi un scanner au lieu d'une radiogra-
phie. Toutes les femmes enceintes qui sont passées à
l'hôpital ont eu une échographie.
M. Saint-Georges: M. Chevrette, en réponse à votre
question, parlons tout simplement d'échographie. Lorsque
l'échographie a été adoptée il y a un certain
nombre d'années, il y a eu des abus...
M. Chevrette: Tout le monde a "chiré"
là-dessus...
M. Saint-Georges: ...exagérés à travers
l'Amérique du Nord. Il y a eu de la part de la Corporation des documents
qui ont été publicises pour les médecins à savoir
que l'utilisation d'une échographie par grossesse était
couramment et généralement acceptée et que peut-être
une deuxième échographie pouvait être souhaitable dans
certaines circonstances. On a contrôlé l'utilisation de
l'échographie depuis longtemps et, contrairement à ce que vous
venez de dire, les abus concernant l'échographie en grossesse n'existent
plus. Ils ont existé il y a quatre ou cinq ans au moment du début
de l'utilisation de l'échographie. Et je pense qu'il faut aussi
rectifier une chose que vous laissez entendre quand vous dites que les
établissements hospitaliers n'ont aucun contrôle sur l'exercice.
C'est malheureux. Les établissements hospitaliers ont un contrôle
important sur l'exercice; ils ne l'exercent pas. C'est très
différent entre avoir un contrôle, l'exercer ou ne pas l'exercer.
Il faut comprendre la dynamique de la Loi sur les services de santé et
les services sociaux actuelle pour voir de quelle façon le directeur
général et le directeur des services professionnels sont
placés dans un établissement.
M. Chevrette: Mais qu'ils soient en position. Vous
reconnaîtrez avec moi que dans un poste avec autant d'autorité, il
faut qu'ils soient en position avec les outils possibles de contrôle,
sinon c'est fou comme balai comme système de lui dire: Tu as un carcan
serré, tu ne peux pas t'en sortir; par contre, tu ne contrôles pas
le nombre, la qualité et, je ne sais pas, la multitude d'actes qui
peuvent se poser. Il y a des médecins, et vous le savez très
bien, M. Roy, qui peuvent poser des actes purement et simplement parce qu'ils
ont peur des poursuites; vous en avez donné des exemples
vous-même. Il y en a qui ont dit: Bien, si on prenait fait et cause, si
les hôpitaux ou le ministère ou le gouvernement prenaient fait et
cause pour les médecins, il y aurait peut-être moins d'actes
professionnels de réclamés pour se couvrir. Bien, pourquoi
n'étu-die-t-on pas ce genre de formule si ça peut diminuer les
abus plutôt que de penser au ticket modérateur et à toutes
sortes de formules du genre?
M. Roy: II y a plusieurs formules à
envisager pour essayer de contraindre les coûts. Mais prenez
l'échographie, ce n'est pas si simple que ça, et les actes que
les médecins posent... Supposons qu'un médecin dissuade une femme
d'avoir une échographie, parce que les patientes font des pressions
énormes, hein! Il faut se mettre à la place des gens. La
population est devenue très exigeante. Les patients veulent le dernier
examen et avec le dernier instrument à la mode. Alors, supposons qu'un
médecin dise: Écoutez, madame, je ne vois pas l'utilité
d'une échographie dans votre cas. Et supposons qu'elle accouche d'un
bébé difforme, un bébé mongol ou un
bébé atteint d'une malformation qui aurait pu être
détectée à l'échographie. Qu'est-ce que vous pensez
qu'elle va faire, la femme? Elle va poursuivre net, fret, sec et elle va avoir
un gain de 2 000 000 $, 3 000 000 $. Qu'est-ce que vous voulez? C'est de la
pratique médicale adaptée à la société. Les
médecins font leur possible, les médecins sont des hommes et des
femmes qui viennent de notre population. Ils font leur possible pour rendre les
meilleurs services à la population et ils sont bien
contrôlés, les médecins. Ça se peut qu'ils fassent
des erreurs, ça se peut qu'il y ait des abus, mais je peux vous dire que
si toute la population se comportait aussi bien que les médecins, on
aurait une société pas mal bonne.
La Présidente (Mme Marois): la loi des moyennes devrait
s'appliquer partout, m. le président. m. le député de
wesmount, s'il vous plaît.
M. Holden: Dr Roy, le ministre aime beaucoup parler de dynamisme
ou de dynamique du système. Pour moi, la dynamique du système est
justement qu'il n'y a pas de dynamique et la raison pour laquelle il n'y a pas
de dynamique, c'est que c'est trop bureaucratisé. Et là, on veut
ajouter et augmenter cette bureaucratisation du système et, en plus, on
veut noyer le système et le réseau anglophone et minoritaire dans
les régions qui n'ont pas d'application chez nous. J'aimerais bien que
vous disiez ce que vous pensez. Pourriez-vous nous dire si vous voyez un danger
pour nos institutions anglophones et minoritaires qui existent depuis 100
ans?
M. Roy: Ça me fait plaisir de répondre à une
question de mon député, parce que je suis dans votre
comté. J'ai bien lu, d'ailleurs, l'opinion dans le journal d'hier ou
d'avant-hler, dans la Gazette d'hier, au sujet de l'introduction que
vous avez faite sur les dangers de cet avant-projet de loi vis-à-vis des
droits et privilèges des minorités et particulièrement de
la population anglophone du Québec qui compte pour à peu
près 20 %. C'est bien sûr qu'en décentralisant de la
façon prévue et en fusionnant les établissements autour
des CLSC, la population anglophone de Montréal, qui est
concentrée dans Montréal, pourrait peut-être se
réveiller avec des méchantes surprises. Alors, ce n'est pas du
tout ce qui serait souhaitable pour améliorer les services de
santé. Je pense qu'il faut plutôt faire des fusions autour des
centres hospitaliers en conservant l'homogénéité des gens
vivant dans une région et non pas en essayant de faire un "melting-pot"
qui serait ingouvernable. C'est bien sûr que ce n'est certainement pas
volontairement que le gouvernement amène cette disposition dans le
projet de loi, mais c'est clair qu'il faudrait peut-être voir les
conséquences que cela pourrait amener. Sauf que si la fusion se faisait
autour d'un établissement, je verrais très bien, par exemple, le
Montreal General avec deux ou trois CLSC environnants, trois, quatre, cinq ou
six centres d'accueil et une couple de centres de soins prolongés, faire
un tout et, à ce moment-là, je verrais ça de façon
très rationnelle en protégeant, évidemment, les
intérêts de la population desservie par ce genre d'institution.
Vous avez raison de vous Inquiéter et de regarder attentivement ce que
le projet de loi éventuel pourrait apporter quant aux services à
donner à la population anglophone de Montréal en particulier.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le
député de Matapédia, et ce sera vraiment la
dernière intervention.
M. Paradis (Matapédia): Merci, Mme la Présidente.
Je n'abuse pas vraiment de mon temps.
La Présidente (Mme Marois): Pas vraiment.
M. Paradis (Matapédia): Bon. On parle de médecins
en régions et, évidemment, je me préoccupe de cette
question depuis longtemps. Ce n'est pas une question que je vais poser; je vais
tout simplement lire un texte. Tout à l'heure, on parlait de limiter la
liberté des médecins de pratiquer la médecine, alors j'ai
retrouvé un texte tout à l'heure qui dit ceci, et je cite: "Pour
régler le problème de la répartition des médecins
en général, en commençant par rejeter le statu quo qui a
donné des résultats décevants, malgré les bonbons
déjà accordés par les gouvernements, personne n'est, en
effet, forcé d'étudier la médecine ou d'entrer en
spécialité. Chaque année, à peu près 3000
étudiants se battent pour obtenir un des 550 postes disponibles en
médecine. Chaque étudiant choisit, obtient la possibilité,
à la fin de ses études, de faire un revenu assuré de loin
supérieur à celui de la majorité des citoyens qui ont
payé une très grande partie de ses études. En guise de
compensation pour l'octroi des privilèges accordés, le
gouvernement est légitimé de demander à tout nouveau
médecin de s'engager à exercer sa profession pendant un certain
temps dans un endroit où on a besoin de ses services." Et la
conclusion: "Le gouvernement ne peut consentir davantage aux jeunes
médecins qui doivent se rendre compte que la médecine est une
profession sociale au service des citoyens qui peuvent être malades
à toute heure du jour et de la semaine. Il appartient au gouvernement de
s'assurer que tous les citoyens puissent recevoir des services médicaux
de qualité partout au Québec en tout temps. C'est maintenant le
temps d'agir. " Cela a paru dans Le Devoir sous le titre "Les enfants
gâtés" et signé par Augustin Roy.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy: En quelle année?
M. Paradis (Matapédia): En 1986.
M. Roy: Vous savez, si...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy: Voyez-vous, les gens qui n'ont jamais rien écrit
ou qui n'ont jamais rien dit n'ont jamais de problèmes. Alors, quand on
participe à la vie en société...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy:... à ce moment-là, évidemment, quand
on est actif, c'est sûr qu'on peut se faire dire des choses qu'on a dites
il y a 20 ans. Je ne regrette rien de ce j'ai dit, je vous dis ça. Si
plusieurs gouvernements, actuel et antérieurs, avaient suivi plusieurs
des choses que j'ai dites, il y aurait peut-être bien des affaires de
réglées déjà.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidante (Mme Marois): Alors, c'est celle-là
que vous voudriez que nous suivions maintenant?
M. Roy: Bien oui. Ça s'applique aussi dans le temps de mon
ami, Denis Lazure, qui n'est pas ici et de Pierre Marc Johnson
également, alors que j'ai écrit bien des choses que les
gouvernements n'ont jamais eu le courage d'envisager. Écoutez, ce sont
des débats de société à un moment donné.
J'ai eu le courage de mettre des solutions sur la table, que les gouvernements
n'ont même jamais eu le courage de regarder, même Camille Laurin,
avant vous, M. Chevrette. Alors, qu'est-ce que vous voulez? Je fais des
suggestions à un moment donné et, quand elles tombent dans
l'oreille d'un sourd, je me dis: Coudon, que le diable les emporte. Est-ce que
je vais, moi. chambarder la société? Qu'on me donne le titre de
ministre ou de premier ministre et, là, je vais faire quelque chose.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): ii y a quelques étapes
à franchir pour y arriver, mais libre à vous d'essayer de le
faire. ha, ha, ha! on vous remercie de votre présentation. j'inviterais
maintenant la fédération des médecins omnipraticiens du
québec à venir nous présenter son mémoire.
(Suspension de la séance à 16 h 14)
(Reprise à 16 h 15)
La Présidente (Mme Marois): Alors, si vous le permettez,
on va reprendre nos travaux.
Dr Richer - c'est ça? - j'aimerais bien que vous
présentiez les personnes qui vous accompagnent.
Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec
M. Richer (Clément): Merci, Mme la Présidente. A
mon extrême gauche, le Dr André Munger qui est membre du conseil
d'administration de la Fédération, donc du bureau et
président de l'Association des médecins de CLSC, à
honoraires fixes, M. Chevrette; le Dr Marie Girard qui est deuxième
vice-présidente de la Fédération et présidente de
l'Association des médecins omnipraticiens de Québec; à ma
droite immédiatement, le Dr Renald Dutil, premier vice-président
de la Fédération et président de l'Association des
médecins omnipraticiens de Montréal; le Dr Gilles des Rosiers qui
est directeur de la formation professionnelle à la
Fédération; Me Ginette Primeau qui est avocate au contentieux de
la Fédération; et le Dr Georges Boileau qui est directeur des
communications à la Fédération.
La Présidente (Mme Marois): D'accord
M. Richer: J'ai pensé, Mme la Présidente, avec
votre permission, de passer outre à la lecture de mon mémoire.
J'aime mieux peut-être vous faire quelques réflexions. Je pense
que le Dr Boileau en a distribué des copies. C'est une réflexion
qui essaie, en tout cas, de détailler un petit peu l'argumentation qui
justifie nos recommandations. Par la suite, évidemment, on essaiera d'en
discuter un peu plus longuement, si vous voulez.
Après la commission Rochon et la tournée de la ministre
Lavoie-Roux, le dépôt des orientations pour améliorer la
santé et le bien-être au Québec, voilà que le
ministre redépose l'avant-projet de loi qui remplacerait l'actuelle Loi
sur les services de santé et les services sociaux. Encore une fois, le
ministère semble privilégier l'approche de la réforme en
profondeur. Repartir à zéro ou presque est tellement plus
gratifiant. Ce qui est troublant dans cet exercice, c'est que
les vrais problèmes sont ignorés. Au lieu de proposer une
loi qui apporterait des solutions au problème du vieillissement de la
population, de l'engorgement chronique des salles d'urgence, de l'allongement
indu des listes d'admission, de la démotivation des médecins
d'exercer en établis semant, des malaises évidents du personnel
infirmier et j'en passe, l'avant-projet propose plutôt une réforme
des structures. Il est vrai que les structures comportent des lacunes et
qu'elles sont perfectibles. Cependant, elles ne constituent pas la
finalité d'un régime universel de soins de santé. Ce n'est
qu'un moyen pour atteindre des objectifs. Le régime n'existe qu'en
fonction des patients et des autres personnes qui ont besoin de services.
L'avant-projet prétend remettre le pouvoir à ia
population. Comment le fait-il au juste? En partant d'un collège
régional dont on a pris grand soin de bannir certains citoyens: les
mineurs, les gens interdits, ceux en cure fermée, les criminels, les
gens déchus de leur fonction, les fonctionnaires et les professionnels
de la santé. Heureusement, on est dans le même groupe toujours,
c'est moins pire. Par respect pour la démocratie, quatre personnes sont
élues alors que neuf autres sont nommées par la régie
régionale, par le ministre ou par un processus complexe de cooptation
qui confirme l'emprise du ministre ou de la régie régionale. Le
procédé utilisé est limpide. Il assure le contrôle
de l'appareil technocratique sur tout le régime en privant le
médecin, entre autres, de son statut fondamental de citoyen de plein
droit de la société québécoise.
En quoi le régime sera-t-il plus efficient si nous privons sa
gestion de l'expertise du médecin? Selon l'avant-projet, la
participation et le partenariat n'ont de sens qui si on élimine un des
acteurs essentiels du monde de la santé, le médecin. On le
relègue au niveau consultatif, et encore, sur une base semestrielle,
entre deux pèlerinages aux sources du pouvoir, et le retournera
exécuter des soins. Bien sûr, il est censé demeurer
motivé dans un tel système. Ces quelques réflexions
expliquent que notre Fédération recommande de reconnaître
expressément au médecin la place qui lui revient comme membre
essentiel de toutes les instances décisionnelles.
La Fédération fait également les recommandations
suivantes. 1° Réviser le chapitre V de l'avant-projet relatif aux
contrats de services, aux contrats d'affiliation ou aux lettres d'entente en
regard de la priorité qui devrait être apportée à
l'enseignement de la médecine familiale par des médecins
omnipraticiens. 2° Conserver le statut de centre hospitalier aux centres
hospitaliers de soins de longue durée. 3° Assurer aux
médecins exerçant en CLSC la possibilité de former un CMDP
lorsque deux médecins et un pharmacien y exercent. 4° Prévoir
à la loi les procédures applicables aux médecins qui font
l'objet de mesures disciplinaires dans un CLSC. 5° Étendre la
juridiction de la Commission des affaires sociales à tout recours de
tout médecin exerçant dans un établissement et faisant
l'objet d'une mesure non disciplinaire. 6° Introduire une clause
reconnaissant expressément que les parties négociantes,
Fédération et ministre, ont, en vortu de l'article 19 de In loi
do l'assurance maladie du Québec, I» pouvoir de conclure toute
entente relative aux conditions d'exercice et à la
rémunération des médecins.
En conclusion, l'avant-projet de loi semble répondre davantage
à des Impératifs de pouvoir de la structure qu'à des
impératifs de services. Nous recommandons donc au ministre la prudence
avant de modifier un écosystème de soins dont l'équilibre
est précaire. En changeant les structures, en substituant de nouveaux
sigles aux anciens, atteindrons-nous, de cette façon, les
véritables objectifs du régime d'assurance-maladie? Il est plus
difficile mais plus rentable, à long terme, de choisir la voie de la
concertation que celle des décisions autoritaires. Depuis trois ans, la
table de concertation sur les effectifs médicaux le démontre
amplement.
Plus récemment, l'entente intervenue entre les centres
hospitaliers Pierre-Boucher et Char-les-LeMoyne en est un autre exemple. Tout
cela, dans le cadre de la loi actuelle. Nous savons, à cause de ses
déclarations récentes, que le ministre attache beaucoup
d'importance à la solution des véritables problèmes:
services aux personnes âgées, soins d'urgence, maintien à
domicile, démographie médicale, etc. Dans ces domaines, le
ministre peut compter sur la même collaboration que la
Fédération a apportée à la table de concertation
sur les effectifs médicaux. Les structures sont secondaires. Ce qui
importe, ce sont les services à la population.
la
présidente (Mme Marois): merci, m. le
président. vous avez été très bref, ce qui nous
permettra de disposer d'un peu de temps. m. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Évidemment, ce que j'ai compris, ce n'est pas
nécessaire d'être très long pour passer le message qu'on a
à passer, qui est un message très clair. Ce qui me frappe, dans
un premier temps, c'est le deuxième paragraphe. Il va direct au
problème. Lorsque vous dites: Au lieu de proposer une loi qui
apporterait des solutions - cette façon, je vous la laisse - il faut
s'attaquer au problème du vieillissement de la population, de
l'engorgement chronique des salles d'urgence, de l'allongement indu des listes
d'admission, de la démotivation des médecins dans l'exercice en
établissements, des malaises évidents du personnel infirmier, et
on pourrait en ajouter d'autres, c'est un diagnostic qui est clair pour tout le
monde, où tout le monde met le doigt sur nos bobos et nos
problèmes, pour en avoir discuté personnellement avec vous.
Évidemment, dans les mesures qu'il faut appliquer demain pour
tenter de solutionner un certain nombre de ces problèmes, c'est clair
qu'il y a divergence totale ou quasi totale sur les moyens utilisés. On
reviendra aux conseils d'administration tantôt parce que je suis, et je
l'ai toujours dit moi-même, un régionaliste à tout cran qui
croit que les régions du Québec sont suffisamment matures pour
être capables de régler un certain nombre de leurs
problèmes.
Je prendrais l'exemple que vous citez dans votre texte, celui de
Pierre-Boucher et de Charles-LeMoyne où, effectivement - c'est
salutaire, je l'ai dit, c'est la voie de l'avenir - deux centres hospitaliers
ont décidé de se parler, de se respecter puis d'être
complémentaires. Et ça, je trouve ça extraordinaire. Mais,
si j'ai bien saisi, ça a pris le CRSSS de la Montérégie
pour être capable d'y arriver. Ça a pris quelqu'un quelque part
qui a été capable d'amener ce monde-là à une table,
de se parier et de dire aux gens: On a davantage à tirer, à
obtenir si on se comprend et si on va dans le même sens, que si on se
chicane tous les deux pour avoir la même chose. Moi, j'ai toujours
pensé qu'une structure régionale, c'était bon et ça
pouvait être bon pour les réglons elles-mêmes qui ont des
difficultés aussi sur le plan des soins de santé et pour faire un
certain nombre d'arbitrages. Ce que je comprends, c'est que ce n'est pas clair
que la structure régionale qui est proposée, vous l'endossez, du
moins de la manière dont elle est présentée. Mais si vous
en supportez une autre, j'aimerais la connaître.
M. Richer: Moi, je pense un petit peu comme mon
prédécesseur, Augustin. SI on doit décentraliser, on ne
peut pas se permettre d'être excentriques en y allant juste un petit peu.
Si on veut aller au centre du problème en décentralisant, bien,
décentralisons. Et on est dans une province petite, de 6 000 000
d'habitants. Il y a des pays qui, pour eux autres, décentraliser,
ça veut dire avoir des corpus à gérer qui sont beaucoup
plus importants que 6 000 000 d'habitants. C'est quoi, 6 000 000 d'habitants?
On peut bien décentraliser, mais, à ce moment-là, allons-y
avec des pouvoirs de taxation pour que les gens puissent faire
réellement quelque chose. Autrement, pour moi, vous allez faire de la
péréquation. Vous allez donner des pouvoirs à des
régions et des budgets probablement, sauf que ça ne va être
que dans un contexte de péréquation. Et je sais les
problèmes que vous vivez, probablement avec nos amis du
fédéral, où les montants diminuent d'année en
année. J'ai l'impression qu'on va vivre dans un système où
les régions qu'on pourrait dire riches, enfin, plus fortunées
vont vous dire la même chose. Elles vont vous dire: On ne peut pas payer
indéfiniment pour d'autres régions. Qu'on prenne le service de
taxation, qu'on prenne le pouvoir de taxation pour que les gens deviennent
autonomes parce que, sinon, pour moi, on ne décentralise pas vraiment
tout à fait.
M. Côté (Charlesbourg): II m'apparaît
évident qu'on partage le même diagnostic: une vraie
décentralisation va impliquer un certain nombre de choses. Mais qu'il y
ait pouvoir de taxation ou pas, on serait dans une situation où il faut
nécessairement une péréquation. Parce que les pauvres,
aujourd'hui, sont encore pauvres et on est dans un système où ce
sont les riches qui sont plus riches, sur le plan de nos établissements.
Inévitablement, si on en arrivait là, il faudrait arriver
à un système de péréquation, peu importe si on
donne le pouvoir de taxation ou pas.
Le Dr Roy nous disait tantôt - et je n'ai pas eu la chance ou le
temps de le relever - On n'est pas contre l'unification d'un certain nombre
d'établissements de catégories différentes sur un
territoire donné, si j'ai bien saisi. Je trouve ça
intéressant parce que je pense que la différence - et c'est
là que je veux avoir votre appréciation - si j'ai bien compris le
Dr Roy, c'est que, lui, il dit: Oui, on peut regrouper dans l'esprit, dans
l'optique d'un centre de santé, d'un centre hospitalier, d'un centre
d'hébergement pour personnes âgées, CLSC, mais pas sous la
responsabilité du CLSC, sous la responsabilité du centre
hospitalier. Ce que je comprends, c'est que le questionnement n'est pas
à savoir si on doit avoir un regroupement ou pas; c'est oui. Le
questionnement, c'est: Qui devrait assumer le leadership? Le CLSC ou le centre
hospitalier? Je ne sais pas si vous avez des opinions là-dessus.
M. Richer: Là-dessus, mol, je suis de l'opinion du Dr Roy.
On en avait discuté, d'ailleurs. On n'est pas défavorables du
tout à une certaine forme de regroupement des établissements.
C'est vrai que, gérer un système où il y a plus ou moins
1000 établissements, c'est complexe. Il y a des petits
établissements là-dedans qui auraient certainement avantage
à se rapprocher d'établissements plus considérables. Mais
moi aussi, j'aurais tendance à recommander que ce regroupement-là
se fasse autour de centres hospitaliers qui ont déjà une longue
tradition, qui sont finalement, à l'origine des problèmes du
système et qui peuvent bénéficier peut-être plus
encore et faire bénéficier, donc, au système d'être
le maître d'oeuvre dans une région d'un certain réseau
local de distribution de soins de santé.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que dans une
politique de santé, par exemple, parce que c'est là qu'on
arrive... Ce que je comprends, c'est que tout le monde chemine vers un
regroupement forcé ou pas, ou avec des incitatifs possiblement. On
chemine vers l'unification d'un certain nombre de services à la
population. Est-ce que, dans le cas des CLSC - parce qu'il y a
un débat et je pense qu'en posant ça aux médecins,
je pose ça aussi aux bonnes personnes comme je le poserai aux CLSC quand
je les verrai - on devrait donner aux CLSC davantage la prévention que
la première ligne et laisser aux centres hospitaliers toute la partie du
curatif? Quelle est la place que les CLSC devraient occuper, compte tenu du
fait que - on l'entend souvent, là - les CLSC compétitionnent les
médecins? (16 h 30)
M. Richer: Moi, je pense...
M. Côté (Charlesbourg): Et ce que j'ai compris,
c'est que vous aviez un médecin de CLSC avec vous.
M. Richer: Oui, on a un médecin de CLSC avec nous. Il va
vous revoir ce soir, d'ailleurs.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Richer: Moi, je pense qu'on peut difficilement concevoir que
la médecine puisse se pratiquer en tiroirs comme ça: le tiroir
préventif, le tiroir curatif. Moi, j'ai fait de la médecine
pendant 22 ans, 11 ans avant le système et 11 ans après le
système, de 1959 à 1970, de 1970 à 1981 et, après
ça, j'ai fait un peu de politique pour compléter
l'expérience! Je trouve... Dans ma petite expérience de
médecin, il m'a été impossible, sauf des gestes
évidents - bien sûr, quand je vaccine, je sais que je
préviens quelque chose - de dissocier constamment la partie
préventive de mon geste médical. Quand j'encourageais un patient
à diminuer son poids, à cesser de fumer, à prendre un coup
un peu moins parce que le foie était un peu plus gros, bien sûr,
il y a une partie curative là-dedans, vous me direz, mais c'est surtout
une partie préventive. Je pense que tout médecin, tout
établissement doit faire de la médecine préventive et
curative. Si on a affaire à un bobo, le clou dans le pied, il faut bien
le soigner, mais si on peut avertir les gens de regarder où ils marchent
aussi pour ne pas se planter un clou dans le pied, pour moi, ça fait
aussi partie d'un geste professionnel, de sorte que je ne vois pas qu'on puisse
donner l'exclusivité... On peut, cependant, donner une plus grande
mission à un réseau quelconque, à une partie du
réseau, par exemple, les soins à domicile, bien sûr, mais
je ne pense pas qu'on puisse donner l'exclusivité, comme il ne
m'apparaît pas correct - ce que le projet de loi fait - d'extraire la
partie préventive d'un centre hospitalier de soins
spécialisés ou général. Je trouve qu'on divise
arbitrairement la tradition de la pratique de la médecine que nous, nous
faisons.
Alors, c'est pour ça... Qu'on donne une vocation, peut-être
en insistant plus sur ce volet, oui, je pense que le réseau de CLSC peut
faire ça, mais on ne peut pas amputer les autres parties du grand
réseau de la santé de la vocation préventive.
M. Côté (Charlesbourg): Abordons la question des
conseils d'administration unifiés ou des conseils d'administration tout
court. Même si c'est un projet très technocratique, très
bureaucratique, il y a au moins une chose que je constate - vous avez pris la
peine de le dire tantôt - c'est que les fonctionnaires sont sur le
même pied que les médecins. On a dit: Pour une fois, il doit y
avoir une certaine unanimité vis-à-vis de cette
proposition-là.
L'idée, à la base, de dire: Les professionnels, tant les
fonctionnaires que les médecins, qui sont sur les conseils
d'administration d'institutions ont une présence très forte, il
n'est pas évident qu'aujourd'hui, ceux qui sont les autres membres du
conseil d'administration ont suffisamment de pouvoirs pour orienter certaines
décisions de ces conseils d'administration. Je pense qu'on peut se le
dire entre nous autres, un médecin qui arrive à une table d'un
conseil d'administration d'un hôpital ou d'un centre
d'hébergement, c'a du poids pas mal. Et quand ça parle, en
règle générale, il sait de quoi il parle. C'a beaucoup
beaucoup de poids. Si vous ajoutez à ça les fonctionnaires du
centre hospitalier qui sont sur le conseil d'administration, bien, les autres
sont vite noyés et ils n'ont pas... Ils peuvent dire un certain nombre
de choses, mais ça ne fait pas le poids. C'est l'idée de base qui
était là: tenter de ramener un certain équilibre à
l'Intérieur du conseil d'administration pour faire en sorte que les
décisions puissent refléter peut-être davantage ce que
veulent le bénéficiaire et la population. Vous avez raison de
dire qu'on se prive d'une expertise extrêmement Importante et presque
Indispensable.
Est-ce que c'est nécessairement dans le conseil d'administration
de l'institution où il dispense des soins qu'un professionnel doit
être et qu'on puisse profiter de son expertise ou s'il ne pourrait pas
être dans un conseil d'administration d'une autre institution?
M. Richer: On peut se poser bien des questions, mais ça
m'apparaît... Je comprends le but que l'avant-projet de loi vise, mais
ça m'apparaît de vouloir essayer d'avoir un conseil
d'administration également faible pour ne pas qu'un plus fort puisse
trop l'influencer, et on se prive d'une expertise. C'est comme si être
trop fort en système bancaire vous empêchait d'être
président de la Banque provinciale, de la Banque Nationale du Canada.
Ça m'apparaît illogique de dire: Parce qu'il a de l'expertise dans
le système de santé, on ne le mettra pas là parce que les
autres en ont un peu moins et c'est embêtant. J'ai été
membre d'un conseil d'administration, M. le ministre, d'un hôpital, d'un
centre hospitalier de soins spécialisés pendant quatre ans,
délégué du CMDP de mon hôpital. Savez-vous qu'on
est
16, 17 autour de cette table-là? J'étais tout seul de
docteur. Il n'y a toujours bien pas de danger que je contrôle toute
l'assemblée. Et je pense que c'était important, à un
moment donné, que je fasse le contre-poids à un autre qui est pas
mal pesant et qui va l'être encore bien plus, le D.G. Parce que, lui, il
sait tout. Alors là, on était deux à savoir un peu plus
d'affaires et on pouvait se répondre un petit peu, jaser et tenter de
diffuser la réalité. Et les gens des conseils d'administration,
contrairement à ce qu'on pense, il y en a plusieurs peut-être qui
n'ont pas une connaissance ni de la médecine ni de la gestion de
l'hôpital, mais ils ont une connaissance des choses en
général et ils ne se gênent pas pour poser des questions.
Il me semble que ce n'est pas si dangereux que ça d'en avoir un. On
était un avant.
M. Côté (Charlesbourg): Mais ce que je comprends,
c'est que j'aurais aimé ça être petit oiseau pour vous voir
aller. Je pense que le un faisait pas mal de poids. En vous voyant aller et en
défendant les dossiers comme vous les défendez...
M. Richer: Ha, on avait un bon hôpital!
M. Côté (Charlesbourg): ...ça devait
être... Poids pour poids, ça devait être intéressant.
Effectivement, vous avez raison de dire que les D.G. aussi ont un pouvoir assez
important. Mais à ce que j'ai compris, c'est que, dans le projet, vous
êtes à peu près sur le même pied dans la proposition.
Ça aussi m'apparaît évident. Évidemment, c'est de
concilier l'expertise qui est là, qui est réelle et qui est
nécessaire pour être capable de prendre les bonnes
décisions. Mais la notion qui avait été avancée,
c'est la notion du conflit d'intérêts. Être sur un conseil
d'administration qui doit décider d'orientations que doit prendre le
centre hospitalier alors que vous êtes vous-même, à
l'intérieur, un dispensateur de services comme le D.G., de toute
manière, c'est cette notlon-là et vous composez comment avec
ça?
M. Richer: Oui, bien, c'est sûr que le conflit
d'intérêts, on peut toujours le mettre en frontispice.
Effectivement, il peut y avoir certains conflits d'intérêts, mais
je pense qu'on peut difficilement demander à un médecin de ne pas
avoir un intérêt dans la boîte dans laquelle il oeuvre. On
s'identifie à notre boîte. Tant mieux! On est en train de tout
perdre ça. On vit dans un système qui devient drab pas mal,
actuellement, parce qu'on est démotivé. Qu'on ait des
intérêts à ce que notre hôpital rayonne, moi, je peux
vivre avec ça. Si on est en conflit malhonnête
d'intérêts, II n'y a pas de pardon. Que ce soit un médecin,
que ce soit un D.G. d'hôpital, on l'ôtera de là. Ça,
je suis d'accord avec vous là-dessus. On n'essaie pas de défendre
les gens qui sont malhonnêtes avec le système.
Mais il y a des gens honnêtes qui, tant mieux,
s'Intéressent à ça. Il faut qu'il y ait des gens
Intéressés qui aillent s'asseoir là, a mon sens. Et s'il
faut nommer des gens plus forts pour les entourer, bien, trouvons des moyens de
niveler par le haut, si vous voulez, le poids des conseils d'administration. Et
je pense qu'il ne devrait pas y avoir de problèmes.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que ça
permet d'exprimer des points de vue de quelqu'un qui a été sur un
conseil d'administration et qui a un vécu que, finalement, bien du monde
a aussi.
J'en reviendrais, puisque le temps presse, à votre
deuxième recommandation qui dit: Conserver le statut de centre
hospitalier aux centres hospitaliers de soins de longue durée. Ma
question est très simple: Pourquoi?
M. Richer: Ah! C'est parce que... Ah! C'est de l'atavisme
médical, si vous voulez. On est habitué de vivre dans un
réseau d'hôpitaux. Et là, on se rend compte que le centre
hospitalier de soins de longue durée va devenir un centre d'accueil de
soins de longue durée. Moi. je n'aurais pas de problèmes avec
cette notion-là, M. le ministre, si les droits des médecins qui
travaillent dans les centres d'accueil de soins de longue durée, peu
importe, sont les mêmes, au sens de la loi, que ceux qui sont dans les
hôpitaux. Donc, qu'on clarifie la notion des recours possibles des
médecins. Parce qu'on ne veut pas se ramasser devant les tribunaux de
droit commun à tout coup pour prendre cinq ans avant de faire une
jurisprudence. Vous savez comme c'est long, le processus. On souhaite que la
commission des affaires sociales soit encore le premier intervenant pour les
cas de mesures disciplinaires, par exemple, pour le médecin. Et
ça, ça s'applique dans le réseau hospitalier, pas dans le
réseau des centres d'accueil. Alors, si ça s'applique à
tous les établissements, moi, je n'ai pas de problème avec votre
division, que ce soit un centre d'accueil de soins prolongés ou un
CHSLD. Alors, c'est dans ce sens-là. C'est plus technique qu'autre
chose.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. Ce que je
comprends, c'est qu'il n'y a pas une opposition de fond. C'est davantage des
accommodements pour éviter un certain nombre de choses.
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Côté (Charlesbourg): Alors, je le prends comme
tel.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Dr Richer, je
voudrais aller sur tout autre chose que sur l'avant-projet de loi. J'aurais
une
question, tout d'abord, à votre collègue de droite qui,
dans L'Actualité médicale du 15 février 1989,
disait ceci: "Les patients subissent d'énormes préjudices parce
que leur condition physique a le temps de se détériorer avant que
l'on puisse les traiter." Est-ce que vous maintenez ça encore, en
1990?
M. Dutil (Renald): Bien, écoutez, cette déclaration
a été faite dans le cadre des problèmes de congestion dans
les salles d'urgence, si je me souviens bien, et la date de février est
particulièrement propice. On vit encore les mêmes problèmes
malheureusement cette année.
M. Chevrette: Un an après.
M. Dutil (Renald): C'est une période où les salles
d'urgence de Montréal et aussi dans d'autres régions, à
Québec principalement, où les salles d'urgence sont très
congestionnées pour diverses raisons, mais aussi pour une raison
particulière à la période de février c'est parce
qu'il y a des fermetures de lits comme moyen pour équilibrer un budget.
L'année financière se termine, comme on le sait, vers la fin de
mars. En février 1989, nous avons subi ce problème. Je dois dire
qu'en février 1990, il s'avère que nous allons aussi subir ce
problème dans certains centres hospitaliers. C'est bien sûr que
lorsqu'il y a congestion dans les salles d'urgence, il y a des problèmes
qui se posent dans plusieurs services de l'hôpital parce que la salle
d'urgence, c'est l'endroit où se catalysent tous les problèmes
d'un hôpital. Si vous n'êtes pas capable d'hospitaliser vos malades
en salle d'urgence, qu'ils restent sur des civières, ça
crée des problèmes pour ces patients-là. Les patients
électifs, eux, qui étaient déjà sur des listes
depuis longtemps, sont obligés d'attendre encore plus longtemps, parce
qu'on doit "prioriser" les cas à la salle d'urgence. Et il y a les
patients dont l'état de santé se détériore parce
qu'ils auraient dû être traités avant et ils ne le sont pas.
C'est l'explication, si vous voulez, de cette déclaration, une
déclaration qui est encore actuelle en janvier 1990.
M. Chevrette: Face au financement du réseau ou des
problèmes que vit le ministère de la Santé et des Services
sociaux, quels sont les suggestions que vous feriez aujourd'hui pour sortir de
ce merdier du sous-financement? Docteur Richer.
M. Richer: On s'est posé la question nous autres aussi; on
se demande quel est le chiffre idéal, est-ce 8,9, 11,4 du PIB? Je pense
que c'est une décision de société. Sauf que ce que j'ai
entendu jusqu'ici me laisse croire que le médecin est souvent le bouc
émissaire des coûts du système. On est porté
à dire que... Évidemment, c'est le médecin qui prescrit,
c'est vrai, je ne peux le nier, c'est comme l'ingénieur qui n'est pas
responsable du coût du pont Victoria, mais c'est lui qui fait le pont,
que voulez-vous que je fasse? Si le pont coûte 100 000 000 $, on ne peut
pas dire que c'est l'ingénieur qui coûte 100 000 000 $ à la
société. On a axé les contrôles - et vous le savez,
M. Chevrette, parce que vous avez été ministre - beaucoup de
contrôles sont faits sur les médecins. Les profils de pratique
à la Régie de l'assurance-maladie du Québec sont bien
faits, les médecins sont bien contrôlés. Il y a une chose
qu'on contrôle mal, par exemple, c'est l'utilisateur des services, le
consommateur de médicaments. Quand même on aurait une carte...
Quand même on signerait la Mastercard, le médecin... Comme je vous
dis, j'en ai fait 22 ans, je ne pourrai jamais savoir qu'en signant la
Mastercard, tout ce que le patient va savoir, c'est comment ça
coûte et il s'en fout, il ne paie pas. Mais moi, je ne pourrai jamais
savoir qu'il est allé voir Marie avant, qu'il est allé voir
Renald après, et qu'il s'apprête à aller voir Gilles et
Georges. Ça, ça peut être dans la même semaine. On a
des mécanismes à la Régie de l'assurance-maladie du
Québec qui permettraient sans doute de savoir qu'il y a peut-être
des abuseurs là-dedans et ceux-là, qu'on les fasse payer,
ça ne me dérange pas. On fait payer les abuseurs médecins,
il y en a, et ça ne me dérange pas non plus, ce n'est pas
ceux-là que je défends. Mais heureusement, c'est une petite
minorité; sans ça, je perdrais ma job.
M. Chevrette: Mais est-ce que ce n'est pas une minorité
non plus qui se promène chez deux ou trois médecins?
M. Richer: Oui.
Ml. Chevrette: Est-ce qu'on n'est pas porté à
généraliser là nous autres mêmes en disant: C'est
effrayant le nombre de ceux qui abusent, par exemple, qui veulent voir trois
médecins dans la même semaine.
M. Richer: Non. M. Chevrette, je me suis fait tellement dire que
c'était effrayant le nombre de médecins qui abusaient que jamais
je ne dirai que c'est effrayant le nombre de citoyens qui abusent. Je
soulève le problème, je n'en connais pas l'ampleur, mais quand on
parle d'une masse de 2 000 000 000 $, même si c'était seulement 5
%, admettons, il y a peut-être pas mal d'argent là, mais je ne dis
pas qu'il y en a beaucoup, je dis qu'il y en a peut-être, regardons.
M. Chevrette: Avez-vous envisagé que le carnet
santé pourrait être une solution, par exemple, à certains
types d'abus?
M. Richer: Je pense d'abord voir la nature du problème.
Avec les moyens informatiques
qu'on a, je sais que le président de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec pense à la puce, la carte
informatisée, avec des projets pilotes. Allons voir. Si c'est utile,
c'est utile; si on est capable de respecter la confidentialité du
dossier; ce sur quoi on a exprimé des craintes, ce n'est pas sur le
fondement même du projet. Moi, je pense qu'il y a quelque chose
là. Il peut y avoir un montant d'argent considérable à
vérifier là. Peut-être un autre moyen qu'on n'a pas
regardé, vous en avez parlé tout à l'heure avec le Dr Roy,
c'est: comment le gouvernement, parce que seul le gouvernement peut faire
ça, peut-il nous aider, nous les médecins, à pratiquer une
médecine moins défensive? Là, on parle de sous pas mal
plus. Les abus et des médecins et des utilisateurs, je veux croire qu'il
y a des sous là-dedans, je ne sais pas combien mais dans la
médecine défensive là, je pense qu'on monte d'une coche.
Là, on rentre dans le club des millionnaires. Et si on était
capable, nous, d'avoir votre aide pour pouvoir pratiquer en toute
sécurité, selon les règles de l'art... (16 h 45)
M. Chevrette: Moi, je parlais de l'exemple...
M. Richer: Je pense qu'il y a des sous là-dedans de
façon importante.
M. Chevrette: L'exemple que je prenais, Dr Richer, c'était
que l'État pouvait prendre fait et cause, comme ça arrive dans
plusieurs contrats collectifs de travail avec certaines catégories
d'employés, prendre fait et cause sauf en cas de fautes lourdes. Si le
médecin est saoul, il payera la facture, c'est une... Le gouvernement ne
peut pas prendre fait et cause en cas de fautes lourdes, mais en cas de travail
régulier, normal, il me semble que ça pourrait... En tout cas,
j'ai vu les coûts astronomiques de la hausse des tarifs d'assurances
individuelles d'abord et des centres hospitaliers aussi. Je pense que le
ministre... ça doit être 400 % d'augmentation au niveau des primes
dans l'assurance en ce qui regarde la responsabilité. C'est assez
affolant de voir ça. Il y a même certains gynécologues qui
me disent: Bien, ce n'est plus payant de faire des accouchements. La prime
d'assurance me coûte plus cher que ce que vont me rapporter les sept, ou
huit ou dix que je pourrais faire. Donc, j'abandonne l'obstétrique et
bonjour Luc. A ce moment-là, c'est assez inquiétant comme
système. Il faut trouver... Ça, c'en est un problème
concret qui, à mon point de vue, enlèverait de la tête du
médecin aussi cette phobie d'aller donner au cas où, au cas
où. Je vais te prescrire ça au cas où. Je ne suis pas
sûr que le cas ne représente pas des millions et des millions de
dollars. C'est dans ce sens-là que je pariais à votre
prédécesseur sans aller peut-être aussi dans le
détail que j'y vais présentement mais je pense qu'il y a
là une piste de réflexion avec un carnet santé et
ça m'apparaît être une formule plus correcte pour contrer
les abus que d'y aller toujours par le ticket modérateur punitif. Le
ticket modérateur, c'est pour modérer des abus, ça le dit
ça. Alors que des formules pour contrer des abus, il me semble que tu
peux le faire. Tu économises par des moyens concrets et qui sont
peut-être éducatifs en même temps, qui peuvent changer de
cap au niveau des mentalités, qui peuvent influencer des changements de
mentalité autant chez les médecins que chez les consommateurs.
Ceci dit, dans les hôpitaux, ce matin, les D.G. on vous a sans doute
rapporté ce que les D.G. - j'en ai parié d'ailleurs avec votre
prédécesseur, vous étiez ici, je crois... Quels sont les
moyens de contrôle que vous verriez face, par exemple, à la
surutilisation ou la surproduction de services? Le D.G. semble
démuni.
M. Richer: Ça m'étonne un peu parce qu'il n'est pas
si démuni que ça, peut-être qu'il se sent démuni
parce qu'il ne gratte pas assez. Je pense qu'il y a des moyens de savoir. Il y
a des moyens de s'asseoir avec des médecins. Il fait partie de
l'exécutif du CNDP. Il peut aller s'asseoir. Moi, je répugne
à dire qu'on va pratiquer la médecine par protocole. Ça
veut dire qu'à chaque fois que je rencontre tel râle pulmonaire,
je vais faire telle affaire parce que ça peut nous entraîner dans
des drôles de situations aussi. Donc, il faut qu'il y ait, je pense bien,
une certaine latitude professionnelle laissée à un médecin
pour exercer son jugement. Maintenant, il est vrai qu'il y a des gens qui
peuvent peut-être, pour un même type de pathologie, prescrire deux
fois plus d'examens qu'un autre. C'est possible, mais je pense que pour
ça, le D.G. peut s'asseoir avec les médecins; la concertation
c'est difficile mais ça paie. C'est bien plus payant à
Pierre-Boucher, Charles-LeMoyne que Beauceville ou Saint-Georges. Mon voisin
beauceron peut vous en parier. Alors, moi, je pense qu'un D.G. peut s'asseoir
avec les médecins et dire: Comment se fait-il que pour une même
pathologie donnée, disons, il y a deux fois plus d'examens qui sont
prescrits? Sans accuser personne, c'est peut-être celui qui en fait deux
fois plus qui est correct là dedans aussi. Alors, c'est par les
échanges que ça peut se faire.
M. Chevrette: Mais, je veux aller plus loin. Je veux pousser plus
loin la réflexion. À supposer qu'il y ait des hôpitaux dans
une agglomération bien précise qui auraient avantage à
changer de vocation, vous pariez de complémentarité entre
Saint-Joseph et Sainte-Marie, mais quand on voit des institutions
hospitalières prendre des brefs d'évocation contre un ministre
qui essaie de changer la vocation d'un centre hospitalier. Dans le cas de
Sainte-Jeanne-d'Arc et dans le cas de... Ce n'est pas Queen Mary mais
c'était quoi l'autre? En tout cas, il y avait deux centres hospitaliers
où on a eu même des
brefs d'évocation contre... Ready Memorial.
M. Richer: Ready, dans le temps de M. Johnson.
M. Chevrette: On a eu des brefs d'évocation contre les
autorités gouvernementales précisément sous
prétexte de la sacro-sainte autonomie d'un centre hospitalier ou d'une
corporation hospitalière. On n'est pas capable d'établir une
complémentarité entre les établissements. Prenez ici,
à Québec, Saint-Sacrement par rapport au CHUL en ce qui regarde
toute la question des traitements pour la maternité; ça n'a pas
fini de perdurer. À un moment donné, croyez-vous que le ministre
ou le ministère doit avoir l'autorité pour trancher ces
choses-là en vertu d'une loi? Tant qu'à retoucher une loi, est-ce
que ce n'est pas le temps de regarder ces aberrations-là pour les
corriger une fois pour toutes?
M. Richer: Oui, je me souviens très bien du dossier que
vous évoquez. Je pense que c'était dans le temps de M.
Johnson.
M. Chevrette: Moi aussi, j'ai eu à y goûter.
M. Richer: Je dois dire qu'il avait surpris la profession
peut-être un peu. Il avait procédé sans consultation -
enfin, avec des consultations minimes - et il y a eu des réactions. Je
pense qu'on peut s'attendre à ça quand on touche à des
établissements d'une certaine importance. Bien sûr que des
médecins ont peut-être pris des injonctions pour faire qu'un
hôpital ne ferme pas, mais n'oubliez pas, M. Chevrette, qu'on a
déjà pris des injonctions contre le ministre aussi pour faire
ouvrir un hôpital; on l'a gagnée, celle-là aussi.
M. Chevrette: Ah! La folie de l'un ne l'emporte pas sur la folie
de l'autre. Ce n'est pas ça que je dis.
M. Richer: C'est ce qu'on pensait.
M. Chevrette: Moi, je vous dis que, quand on arrive avec des
aberrations du genre, où iI n'y a pas de complémentarité,
puis ça en prendrait une dans le milieu et on n'est pas capable de le
faire, ça veut dire qu'un établissement qui est dépendant
à 100 %, de la première à la dernière cent, ou
presque... Vous le savez, il faut même notre autorisation pour
dépenser ton avoir propre, donc il n'y a pas trop d'autonomie
là-dedans, quand on regarde ça en termes de dépenses de
sous. Comment se fait-il qu'on arrive à des situations du genre? Mol,
ça m'Inquiète.
M. Richer: Non, ça vous avez raison de dire qu'il n'y a
peut-être pas assez de complémentarité, puis moi, je pense
qu'on peut participer à tenter d'améliorer le climat pour
favoriser une plus grande complémentarité. Je pense qu'il n'y a
pas de médecins qui sont contre ça. De la façon que
ç'a été fait en 1981, c'était un petit peu brutal
et ça fait dix ans de ça. Mais il n'y a personne qui est à
l'encontre de ça.
Moi, quand on me dit que le directeur du CRSSS de la rive sud a dû
s'impliquer sérieusement pour faire que Pierre-Boucher et
Charles-LeMoyne arrivent à quelque chose, bien, je me dis: C'est son
travail de le faire; tant mieux qu'il l'ait fait. Chapeau! II l'a fait.
Ça prend du temps, peut-être, mais ça va être
durable, par exemple, je pense, et ça va surtout donner l'exemple,
peut-être, à d'autres centres hospitaliers. Moi, je crois à
ça, la complémentarité, en assoyant des gens responsables
de chacun des deux centres ou de trois centres hospitaliers pour dire:
Qu'est-ce qu'on fait dans notre région qui fait qu'on ne se marchera pas
sur les pieds puis qu'on va donner un service potable à la population?
On est ouverts à ça.
M. Chevrette: O.K. Maintenant, face à la
décentralisation, je voudrais revenir là-dessus. Vous avez dit:
Mollo, on est 6 000 000. Vous êtes à peu près sur le
même chemin que M. Augustin Roy là-dessus. Mais, entre vous et
moi, qu'est-ce qu'il va falloir faire pour rétablir
l'équité ou, en tout cas, une plus grande équité
entre les régions du Québec, quand on sait que ce ne sont pas
toutes les régions du Québec qui ont le même nombre de
spécialités de base, alors qu'elles y ont droit? Ce sont les
mêmes personnes qui paient les mêmes impôts, le même
taux, le même pourcentage d'impôts. Qu'est-ce que vous faites,
qu'est-ce que vous répondez à ça? Si on n'y va pas par une
décentralisation des enveloppes, qu'est-ce que vous allez faire?
M. Richer: Je pense que la décentralisation des enveloppes
ne corrigera pas le problème, si elle le fait d'autorité. Je
pense qu'on doit continuer dans la voie où on est engagés. La
situation est bien mieux comme ça, M. Chevrette, qu'elle ne
l'était il y a dix ans. Vous l'admettrez avec mol.
M. Chevrette: Ahl bien sûr!
M. Richer: bon. vous l'avez dit tout à l'heure, puis je
pense que, quand vous étiez ministre, ça s'était
déjà amélioré grandement, mais je pense que, depuis
le temps où vous y étiez, la répartition des omnis...
M. Chevrette: Au niveau des omnis, vous avez raison.
M. Richer: ...on peut dire qu'elle est satisfaisante. Elle n'est
peut-être pas parfaite. Atteindre la perfection, à Matagami, quand
il en part un - il y en a deux - ça fait qu'il en manque 50 %.
Mais, ceci dit, bien sûr que, pour les médecins
spécialistes, c'est plus complexe, mais on ne vit pas une
tragédie nationale. Je ne parle pas des gens qui sont en pénurie
d'un médecin spécialiste. C'est plate pour eux, je veux bien le
croire. Mais il manque au total, si on est bien généreux - puis
on peut se chicaner longtemps sur les chiffres, les stricts vont dire 200 puis
les généreux vont dire 300 - disons 250 spécialistes. Si
on pouvait distribuer volontairement 250 spécialistes demain, on
n'aurait plus de pénurie de spécialistes dans la province de
Québec. Ça, c'est une chose, et c'est 5 % de la force. Il y a
7000 spécialistes. Donc, avec moins de 5 %, vous réglez le
problème. Crime, il y a quelque chose qu'on peut faire, certain! On a
les effectifs et on n'est pas en face d'un problème qui exige qu'on en
déplace 50 %. Donc, qu'est-ce qu'on fait? Sauf qu'on ne peut pas
envoyer, même si j'ai beaucoup de respect pour une région
éloignée, un neurochirurgien, et vous l'admettrez comme moi,
à Gaspé. Premièrement, il va être bon pendant six
mois parce qu'il va opérer tellement peu souvent, à cause du peu
de bassin de population, qu'il va perdre sa qualité de
spécialiste. Donc, on reconnaît qu'il y a des
spécialités qui ne peuvent pas s'exercer ou presque pas en dehors
de grands centres qui ont une Infrastructure et qui assurent un débit
tel que le médecin entretient son expertise.
M. Chevrette: Mais reconnaissez-vous que certaines
spécialités n'existent pas et pourraient exister? Je vous donne
un exemple: l'hémodialyse. Combien de gens sont obligés de
franchir des distances épouvantables à des coûts
astronomiques pour se faire hémodlalyser? Et, quand on regarde le
coût d'un service d'hemodialyse, ce n'est pas à tomber sur le dos.
Nous autres, à Joliette, on en a eu un et je peux vous dire qu'il s'est
payé en un an et demi quand on regarde l'économie qu'on fait
juste en voyage-ment. À ce moment-là - c'est ce que je veux dire
- je ne parle pas nécessairement d'envoyer un spécialiste,
surtout dans l'ultraspécialisé ou dans l'équipement
ultrasophistiqué ou ultraspécialisé dans des
régions dites éloignées, mais des
spécialités de base, normalement reconnues par l'ensemble du
corps médical et des travailleurs du monde hospitalier. Comment va-t-on
y arriver si on ne prend pas le taureau par les cornes pour créer, pour
donner cette équité fondamentale aux régions?
M. Richer: Moi, je pense qu'on est en train d'y arriver, M.
Chevrette. On commence à en manquer de moins en moins. Je ne dis pas que
c'est réglé partout, loin de là. Mais quand on me dit
qu'il en arrive six d'un coup sec à Sept-îles...
M. Chevrette: Oui, je le reconnais.
M. Richer: II y a Pierre Gauthier qui a été les
chercher, il a fait sa job. ll a contribué à faire ça. Six
d'un coup à Sept-Îles. Il ne peut pas en arriver 32 à
Sept-îles non plus. C'est une petite ville. Ce n'est pas seulement une
question de salaire non plus, M. l'ancien ministre, l'exfutur ministre
peut-être...
M. Chevrette: L'ex-futur, oui. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Richer: C'est une question de densité de
population...
M. Chevrette: Vous apprenez vite. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Richer: ... qui fait qu'on doit poser un certain nombre
d'actes pour garder sa dextérité. ce n'est pas toujours une
question de revenu, loin de là.
M. Chevrette: Oui, je le reconnais. Mais, l'équipement, je
reconnais que pour le matériel humain, si vous me permettez
l'expression, si on ne jumelle pas l'équipement avec le personnel,
ça ne donne rien. C'est un cul-de-sac. SI tu envoies un radiologiste
avec une bebelle de 1940 et qu'il est habitué de travailler sur de
l'ultramoderne, vous avez absolument raison. J'ai entendu la ribambelle de
toutes les complémentarités de décisions qu'il faut dans
ça.
Cela dit, oui, il y a une amélioration sur le plan des
omnipraticiens, mais je ne crois pas qu'au niveau des spécialités
de base comme l'hémodialyse, la médecine nucléaire... ce
n'est pas encore rendu partout dans chacune des régions du
Québec.
M. Richer: Non, non...
M. Chevrette: Un scanner par région, là, ça
ne serait pas exagéré.
M. Richer: Je ne pense pas, surtout que les jeunes
médecins qui font leur spécialité en radiologie, à
moins que je ne me trompe, apprennent à travailler avec ça de
sorte qu'il faut leur donner l'outil. Qu'est-ce que vous voulez? On est rendus
là. Ce n'est pas nous autres qui l'inventons, on n'est pas assez fins
pour ça, sauf qu'on apprend à s'en servir pendant notre
formation. Et si on arrive à un endroit où on ne l'a pas, on
devient quelqu'un de presque inutile, compte tenu qu'on n'a pas l'outil dont on
doit se servir et dont on a appris à se servir.
M. Chevrette: On me dit que c'est terminé,
malheureusement.
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Richer: Dommage!
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Chevrette: Merci.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je veux revenir sur le
phénomène des urgences. On se retrouve plus facilement sur la
place publique à parler des urgences parce que c'est plus spectaculaire
et c'est un maudit bon moyen de pression aussi, pour bien s'en parler, et c'est
très comestible par les médias lorsqu'on parle des urgences ou de
salles d'urgence bloquées. Il y a eu une évolution assez
importante, je pense, avec les mesures et on a toujours pensé qu'on
pouvait régler nos problèmes par une question d'argent. Puisque
vous vous êtes penchés sur la question, je pense que le
règlement du problème des urgences n'est pas un
phénomène uniquement d'investissement de nouvel argent. Il est
d'abord un phénomène de reconnaissance des médecins qui
pratiquent à l'urgence et d'organisation aussi, de revoir
l'organisation, même si on n'aime pas toujours toucher aux structures,
des urgences. C'est bien plus facile au mois de février, quand on manque
d'argent, de fermer des lits que de prendre d'autres mesures. C'est clair que
sur le plan public, ça met de la pression sur le gouvernement: II a
l'air fou, on est bien contents et ça permet de justifier d'autres
choses. Évidemment, quand on est en surplus d'argent, parce que dans
certains cas ça arrive, là, on va acheter du matériel,
bien sûr, dont on n'aura peut-être pas besoin tout de suite, mais
probablement beaucoup plus tard. Donc, ça joue des deux
côtés, ça. (17 heures)
Fondamentalement, demain matin, si vous étiez le ministre -
Augustin en rêvait; il n'a pas pu, il s'est essayé - quelle est la
première mesure que vous appliqueriez pour régler le
problème? Parce qu'on sait une chose, c'est qu'il y a des lits, à
l'occasion, qui sont fermés dans la période des fêtes parce
que les gens ne sont pas intéressés à se faire
opérer et il y a certains médecins qui ne sont pas
intéressés à pratiquer, non plus. Alors, il y a des
fermetures de lits à la période des fêtes pour certaines
raisons alors qu'au mois de février et au mois de mars, il y a des
fermetures de lits, effectivement, pour un certain plan d'équilibre
budgétaire.
Mais, quelle est la première mesure - au-delà de l'argent,
parce qu'il y a 185 000 000 $ qui ont été investis au cours des
dernières années et on a eu un certain succès avec
ça. On revient à une situation qui est un peu plus
précaire - que vous appliqueriez pour régler ces
problèmes?
M. Richer: On parle des urgences dans les
CHSCD, de toute évidence. Moi, je pense qu'il va falloir qu'on
trouve un moyen d'éviter que les malades chroniques soient
hospitalisés dans des établissements de courte durée.
Ça, c'est inéluctable. Premièrement, le malade chronique
lui-même coûte beaucoup plus cher quand il est dans un CD parce
qu'il jouit de l'infrastructure dont il n'a pas besoin souvent, mais il faut
bien qu'il reste là; deuxièmement, le fait que les lits soient
engorgés, soient pris empêche que le médecin qui est de
garde à l'urgence puisse hospitaliser un cas aigu et il doit le garder
dans le corridor et, éventuellement, deux civières,
éventuellement trois civières, éventuellement des
civières à deux étages, comme on disait, parce qu'il n'y a
plus de place pareil. De sorte qu'il faut, premièrement, enlever les
malades chroniques le plus possible des centres hospitaliers de soins aigus.
Bien sûr, éviter les fermetures de lits.
Et là, il y a des moyens dont on commence à discuter un
petit peu avec vous. On en a parié avec d'autres ministres
antérieurement. On pense que des unités d'évaluation en
gériatrie dans la plupart des hôpitaux, je devrais dire dans tous
les hôpitaux de courte durée, ça devrait être fait.
Pourquoi? Un hôpital de courte durée, pour mol, dans mon livre,
ça devrait toujours avoir la fonction d'évaluer les gens, les
traiter, faire un plan de traitement et amorcer ce traitement vers une
guérison, ou enfin, l'atteinte d'un état qu'on ne peut plus
améliorer. À ce moment-là, le patient est
congédié, si c'est quelqu'un de jeune qui a une pathologie
très limitée, ou il est envoyé dans la section où
il doit aller: centre d'accueil, centre d'hébergement, maintien à
domicile, retour purement et simplement chez lui parce qu'il est correct. Et
ça, je pense que si on est capables d'amorcer ce mouvement dans nos
centres hospitaliers, de pouvoir diriger nos patients plus âgés,
on devrait être capables d'aider à désengorger les salles
d'urgence d'une façon remarquable. Est-ce que tu...
M. Dutil (Renald): Oui, oui, bien sûr.
La Présidente (Mme Marois): Oui, vous pouvez y aller.
Ça va.
M. Dutil (Renald): Quand on parle d'encombrement des salles
d'urgence, il faut, je pense, toujours se souvenir que les causes sont
multiples. Ce n'est pas par hasard que Mme Lavole-Roux a, si vous voulez,
défini 21 mesures pour contribuer à solutionner le cas des salles
d'urgence, 21 mesures parce que les problèmes sont multiples. Mais quand
on décortique un petit peu plus, il faut d'abord faire une grande
distinction au départ entre l'achalandage dans une salle d'urgence et
l'encombrement ou la congestion. L'achalandage, c'est le nombre de patients qui
vient dans une salle d'urgence. Et ça, pour la majorité, c'est
des patients qui
viennent pour un traitement ponctuel et qui quittent. Ce n'est pas eux
autres qui créent un problème aigu. Ça peut créer
une atmosphère plus difficile pour le travail, mais ceux qui vraiment
créent un grand problème, c'est ceux qu'on a besoin de garder sur
civière d'observation ou des patients qu'on admet et qu'on doit garder
à la salle d'urgence parce qu'il n'y a pas de lit sur les étages
pour les monter. C'est dans ce sens que lorsque les lits aigus sont
occupés soit par des malades chroniques ou fermés pour diverses
raisons, ça vient nettement aggraver le problème.
Par ailleurs, quand on décortique un petit peu plus et qu'on
regarde quel type de patients sont en attente d'admission dans une salle
d'urgence, le plus grand nombre, c'est des malades âgés ou encore
des patients qui souffrent de problèmes psychiatriques. Et c'est
là qu'il faut additionner des ressources et pour les patients
âgés - le Dr Richer vient d'en discuter - et pour les malades qui
souffrent de troubles mentaux dont souvent la salle d'urgence est la seule
ressource lorsqu'ils ont une crise pas toujours médicale. Parfois la
crise est d'ordre purement social, mais à 10 heures du soir, la seule
ressource c'est la salle d'urgence. Alors, il faut vraiment s'attaquer, si vous
voulez, aux ressources pour ces deux catégories de
bénéficiaires.
Il y a un petit moyen que notre association, à Montréal,
avait suggéré et qui est encore d'actualité, un petit
moyen qui peut être adapté très rapidement. C'est qu'il y
ait un nombre de lits de malades aigus réservés pour les
admissions prioritaires venant de la salle d'urgence. On connaît
très bien le nombre de demandes quotidiennes qu'on a venant de la salle
d'urgence. Si c'est dix par jour, il y a dix lits qui sont
réservés pour ces demandes venant de la salle d'urgence, de
façon à respecter, si vous voulez, le délai de
séjour qu'on s'est imposé, soit de ne pas dépasser 24
heures. C'est une méthode qui peut être adoptée dans tous
les centres hospitaliers. C'est une question de gestion des lits.
M. Côté (Charlesbourg): Je suis bien heureux que
vous terminiez avec ça parce que j'allais vous poser la question
spécifique: Est-ce qu'il n'y a pas un problème de gestion de lits
au niveau des centres hospitaliers? Il y a des choix à faire. Et ce que
je comprends, c'est que vous dites: II devrait y avoir un minimum de lits de
réservés, compte tenu de l'expérience qu'on a à
telle période ou telle période quant aux lits
réservés à l'urgence. Évidemment, ce qu'on a
entendu à l'occasion, c'est qu'effectivement il y avait des
problèmes parce qu'il y avait des lits de réservés pour
certaines spécialités et c'était beaucoup plus
électif. Et ces lits n'étaient pas disponibles pour régler
le problème de congestion des urgences. Évidemment, ce ne sont
pas des choix qui sont toujours faciles à faire à l'inté-
rieur des hôpitaux, compte tenu du pouvoir de l'un par rapport à
l'autre, parce qu'il y a aussi ce pouvoir-là à l'Intérieur
des hôpitaux.
M. Dutil (Renald): Je dois dire que l'arrivée de
médecins coordonnateurs a nettement amélioré le
problème de la gestion des lits. Je dois dire aussi, d'autre part, que,
môme s'il est vrai qu'il peut y avoir, à certains endroits, des
lits réservés pour certaines spécialités, les
malades électifs ont aussi besoin d'être admis un jour, sinon, ils
deviennent urgents et ils viennent, si vous voulez, aggraver le problème
et on est dans un cercle vicieux. Il est normal que les médecins, qui se
font un peu les ombudsmen de leurs patients - et c'est leur devoir de le faire
- fassent des pressions, à un moment donné, pour que leur malade
électif, un jour, entre à l'hôpital avant que sa condition
se détériore. Alors, on revient toujours, si vous voulez,
à la case départ. Ça nous prend des facilités au
niveau des lits pour malades aigus.
La Présidente (Mme Marois): Avez-vous terminé?
M. Côté (Charlesbourg): Je termine. Avant de passer
la parole à mon collègue, j'ai des statistiques sur les
médecins en régions. Ça m'apparaît important de les
donner, puisqu'on les a. Spécialistes en place, en 1972, c'était
80 %, dans les réglons universitaires. C'est passé, en 1986,
à 78 %. Avec les nouvelles mesures, donc, les nouveaux médecins
spécialistes qui sortent et qui s'installent, 1987-1988, 70 % dans les
régions universitaires. On voyait déjà des effets des
premières mesures. 1988-1989, 41 %, donc, on voit des effets très
importants, de nouveaux effectifs s'installent dans les régoins
universitaires. Ce qui veut dire que le reste, c'est dans les régions
éloignées à travers le Québec. On passe donc, en
1987-1988, de 70,1 % à 41,3 %, en 1988-1989, ce qui me paraît
assez important comme glissement vers les régions.
M. Chevrette: Je peux peut-être poser une question au
ministre. La mesure qui visait à faire entrer des gens à
l'université en prenant l'engagement d'aller en régions
éloignées, des 70 postes que vous aviez réservés,
est-il exact qu'il y en a seulement 39 qui ont été pris?
M. Côté (Charlesbourg): ii y a eu, d'ailleurs
ça a été dans les journaux... je reviendrai probablement
demain avec des données plus précises. il y a eu, effectivement,
dans certains cas, des problèmes d'admission à
l'université reliés davantage au moment où a
été reconnu le plan d'effectif. c'est davantage là
qu'était le problème qu'ailleurs.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Fabre.
M. Joly: Merci, Mme la Présidente. Nécessairement,
en commission parlementaire, il y a beaucoup de choses qui se disent. On en
retient beaucoup, mais il y en a quand même beaucoup qui nous
échappent. Mais il y en a qui nous marquent davantage. Il y a deux
choses que je retiens de ce qui s'est dit par votre groupe, votre mouvement,
cet après-midi, c'est la détérioration de la santé
de certains patients, tout ceci parce qu'on ne pouvait pas avoir droit de faire
la chirurgie élective avec la rapidité que ça commandait.
Il y a certaines statistiques qui m'ont été apportées, qui
disent qu'actuellement, à travers toutes les opérations
chirurgicales qui se font, c'est quand même 60 % qui est de la chirurgie
élective. Je pense qu'on pourrait améliorer ce pourcentage et
tout ceci pour le mieux-être, le bien-être de la personne
principale qui est le patient et la patiente en allant chercher plus de
coopération de la part des médecins, de la part des
spécialistes au niveau justement de la gestion et de l'attribution des
lits.
J'aimerais vous parier d'une petite expérience qui s'est
vécue l'été dernier, dans un certain centre
considéré comme universitaire, dans la grande région de
Montréal. Un médecin a hospitalisé un patient un vendredi,
sachant que lui-même partait en vacances le samedi, mais tout ceci pour
être certain que son patient serait prêt, quinze jours
après, à être opéré pour des pontages
cardiaques. Alors, peut-être qu'on peut penser que je charrie, mais je
pourrai vous apporter des faits précis, des dates, le nom du
patient.
Vous savez, en commission parlementaire, on cherche, des fois, à
faire avouer ou à faire dire des choses, à savoir s'il y a des
abus ou pas, et on s'en sauve toujours en disant "peut-être qu'il y en a,
peut-être qu'il n'y en a pas", mais la personne la première qui va
avouer qu'il y a des abus, c'est la patiente ou le patient lui-même,
parce qu'ils ne sont pas fous. Ils réalisent que s'ils sont dans un
centre hospitalier et que ça coûte 600 $ à 700 $ par jour,
tout ceci pour faire prendre la tension artérielle ou la
température et se faire servir les repas, ça coûterait
encore moins cher d'être au Ritz-Cariton ou encore au Reine
Elizabeth.
Alors, je pense qu'à moins qu'il y ait une très grande
coopération de la part des professionnels de la santé,
définitivement, on aura toujours le chaos qu'en bas ça refoule
parce que en haut, nécessairement, on veut protéger certains
acquis. Merci.
M. Richer: Vous citez un exemple, je pense bien que c'est un cas
d'abus qui m'apparaît clair et net, mais il y a quelqu'un qui n'a pas
fait sa job là-dedans. Le D.G. a tout à fait l'autorité
pour aller voir ce qui se passe; on n'hospitalise pas quinze jours en attente
d'une opération, ça n'a pas de bon sens. Je suis parfaitement
d'ac- cord avec vous. Il y avait peut-être d'autres raisons, qu'il soit
équilibré... Qu'il soit en vacances ou pas, le médecin, si
le patient doit être préparé, je pense qu'on doit
l'hospitaliser.
M. Joly: Dr Richer, pour le patient dans la même chambre,
à côté, qui avait le même médecin,
c'était exactement la même situation. Mais une chose que Je
retiens aussi, c'est que vous avez dit que "des fols, II y a peut-être
des abus parce qu'il y a un manque de contrôle", mais s'il y a un manque
de contrôle, à ce moment-là, il y a quelqu'un qui est
malhonnête. Sachant qu'il y a un manque de contrôle et qu'on abuse,
on abuse d'une faiblesse dans le système et, à ce
moment-là, je me demande si le serment d'Hippocrate n'est pas
plutôt un serment d'hypocrite pour certains.
M. Richer: Bien, ce sont des mots que je trouve regrettables
parce que vous me sortez un exemple.
M. Joly: Pour certains, Dr Richer, pour certains.
M. Richer: Chaque fois que vous allez me donner un exemple comme
ça, monsieur, je peux vous en donner 25 autres qui se sont
comportés conformément, heureusement, aux règles
d'éthique. Heureusement, sans ça, dans quel système
vivrions-nous? Je peux vous donner des exemples de patients qui attendent
pendant un an pour avoir des pontages coronariens, des patients que je connais
très bien et là, c'est le système qui abuse d'eux autres,
monsieur.
Alors, qu'il y ait un médecin qui ait fait un abus du
système en hospitalisant des patients pour les faire attendre quinze
jours, j'achète ça; bien sûr, c'est bien possible, on est
14 000 au Québec, on n'est pas tous aussi vertueux que le prétend
le Dr Roy, ce n'est pas vrai, mais on est quand même,
généralement, très honnêtes. Sauf que je ne dis pas
que les 14 000 vont se comporter conformément à ce qu'on
souhaiterait de tout le monde, mais on ne peut pas non plus, à partir
d'un exemple, juger un système comme ça, sinon c'est une vision
rapetissante.
M. Joly: ...Dr Richer, c'est qu'à moins de la grande
coopération de la part des professionnels, à moins que les autres
médecins qui côtoient ce spécialiste et ces
spécialistes, qui voient ce qui se passe et qui cautionnent, je pense
que c'est plus que le système qui est malade, à ce
moment-là. Ce sont certains individus qui, nécessairement - je ne
sais pas pour quelle raison - peuvent cautionner ce genre d'acte ou ce genre
d'inaction, tout ceci pour protéger, si vous voulez, des dates
d'opération. Je n'embarque pas, je ne cautionne pas. Je pense que c'est
mon devoir de parlementaire de le souligner. Je ne dis
pas que c'est une généralité, mais je dis que
ça se fait, que ça se passe. C'est de là que la
coopération des professionnels de la santé, qui, je l'avoue, au
contraire de ce qui se disait tantôt, je pense que ce ne sont pas tous
des puritains, mais que, dans l'ensemble, en général, ça
fonctionne. Mais ce sont souvent ces petits abus... Vous parliez de couper de 5
%, tantôt, la facture de 2 000 000 000 $, on parle de 100 000 000 $; 100
000 000 $, on fait beaucoup de chemin avec ça.
M. Richer: Je suis bien d'accord, même il y en a qui disent
que 150 000 000 $, ça va nous faire faire un bon bout de chemin dans la
réforme de la loi. On pourrait sauver ça tout de suite,
là!
La Présidente (Mme Marois): Alors, on vous remercie de
votre présentation. J'inviterais maintenant la Fédération
des médecins spécialistes du Québec à prendre
place, s'il vous plaît. (17 h 15)
Si les représentants de la Fédération veulent bien
prendre place, nous allons procéder à l'audition de leur
mémoire. Alors, Dr Desjardins - c'est ça? - si vous voulez bien
présenter les personnes qui vous accompagnent et, par la suite,
procéder.
Fédération des médecins
spécialiste» du Québec
M. Desjardins (Paul): Merci, Mme la Présidente. À
ma gauche, Me Patrick Molinari, conseiller juridique à la
Fédération; à mon extrême gauche, Dr Jean-Marie
Albert, directeur des affaires professionnelles; à ma droite, Me
François Aquin, conseiller juridique à la
Fédération, Dr Morrie Gelfand, vice-président de la
Fédération et Dr Gilles Robert, conseiller sur le conseil
d'administration de la Fédération.
Notre mémoire s'avérant un peu trop long, nous avons
décidé de tenter de le raccourcir et j'ai fourni aux membres, cet
après-midi, un document qui s'appelle "Présentation du
mémoire", qui recoupe fidèlement le mémoire original mais
qui le rend plus facilement présentable.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, députés,
mesdames, messieurs, les organismes qui ont été invités
à s'exprimer sur l'avant-projet de 101 sur les services de santé
et les services sociaux ont été conviés à un
programme peu banal: analyser, comprendre et critiquer un texte manifestement
rédigé à la hâte qui remplacerait la loi actuelle
dans son entier et qui rendrait caduque la majeure partie des règlements
aujourd'hui en vigueur. nous sommes donc convies à discuter du
bouleversement de tout le cadre juridique des soins de santé et des
services sociaux au québec.
La Fédération des médecins spécialistes dont
les membres représentent toutes les spécia- lités
médicales est particulièrement inquiète du sort de notre
système de santé. Déjà affaibli par l'absence de
politiques cohérentes et d'Investissements essentiels, ce système
serait chambardé pour laisser encore plus de place à la seule
volonté des autorités centrales. Ceux et celles qui sont au
chevet des malades et en contact direct avec les besoins de la population
québécoise seraient mis à l'écart des
décisions et des orientations. Les établissements de santé
seraient également démembrés et privés de leur
dynamisme.
La vaste majorité des initiatives et des projets locaux serait
soumise à des procédures d'approbation et de contrôle qui
auraient des effets paralysants. À l'heure où l'appel au
partenariat devient le leitmotiv des déclarations ministérielles
et où l'affirmation d'un partage des responsabilités qui soit
respectueux de la contribution des partenaires est
réitérée, la Fédération est d'avis que
l'avant-projet de loi véhicule une vision technocratique des soins de
santé. Les objectifs de qualité, d'accessibilité, de
décentralisation si souvent invoqués sont masqués par un
appareil d'une lourdeur excessive. Les concepteurs du texte ont retenu les
objectifs qui leur convenaient sans avoir le souci de les harmoniser avec la
réalité. Ils choisissent au contraire d'ignorer, de contourner ou
de changer la réalité au nom d'un régime
élaboré selon un modèle tiré de l'imaginaire. Selon
le texte même de l'avant-projet de loi, la prestation des services de
santé et des services sociaux est la dernière des sept missions
de ce régime. Et encore, cette mission n'est assortie d'aucune exigence
de qualité et doit plutôt respecter d'Imprécises notions
administratives et économiques d'efficience.
La critique de la Fédération des médecins
spécialistes est donc vive. L'éviction de ses membres des lieux
où se prendront les décisions les plus susceptibles d'affecter la
pratique médicale et, partant, la qualité des soins
spécialisés dispenses aux malades ne peut que provoquer une
opposition implacable. Non satisfaits de l'éviction de tous les
professionnels de la santé des lieux de décision, les concepteurs
de l'avant-projet de loi cherchent également à écarter
l'influence des rapports de force et des intérêts multiples en
privant chaque établissement de ses organes de gestion: l'expropriation
du pouvoir des établissements au profit d'une sorte de démocratie
populaire est un leurre qui masque une entreprise d'appropriation du pouvoir.
La Fédération n'entend pas rester impassible devant l'ambition
d'un système de santé animé par un appareil bureaucratique
devenu omnipotent. Dans un tel contexte, on comprendra que la
Fédération ne se soit pas livrée à une analyse
exégétique de l'avant-projet de loi et qu'il ne suffirait pas de
changer ici et là un mot ou une virgule pour emporter son
adhésion au texte projeté.
Les observations que nous ferons portent
sur quatre volets et chacun Illustre des failles majeures dans la
conception de l'avant-projet de loi. Celui-ci requiert donc une révision
complète et il n'est pas approprié de discuter de sa lettre avant
que son esprit soit remanié et soit inspiré dans des jalons de
réflexion. Nous en proposons cinq. Premièrement...
La Présidente (Mme Marois): Je vais me permettre
d'intervenir brièvement. Vous avez un texte de 18 pages. Si nous passons
à travers ce texte-là au complet, vous aurez largement
dépassé le temps. est-Il possible de le ramasser un peu?
M. Desjardins: Vous m'avez suggéré vingt
minutes...
La Présidente (Mme Marois): Oui.
M. Desjardins: Et je fais ma présentation en vingt
minutes.
La Présidente (Mme Marois): Parfait, nous vous
écoutons.
M. Desjardins: Merci. Premièrement, l'éviction des
médecins spécialistes. Plusieurs dizaines de milliers de citoyens
du Québec cessent d'être des citoyens lorsqu'ils sont
privés d'exercer le droit fondamental de participer à la gestion
des affaires publiques. Voilà l'une des conséquences
découlant immédiatement du texte projeté. Les
médecins membres de la Fédération des médecins
spécialistes sont au nombre de celles et de ceux que les concepteurs de
l'avant-projet évincent des conseils d'administration des
établissements au nom de la participation. Le procédé est
tout simplement inacceptable. Il est, à la vérité,
tellement inconcevable que son rejet ne devrait requérir aucune
argumentation. C'est pourtant une argumentation qui a conduit à la
proposition d'exclure les médecins, les professionnels et les
travailleurs de la santé et de les ranger avec les interdits et les
criminels.
Pour partie inspirée des observations de la commission Rochon et
des nombreuses études qui soulevaient les difficultés que posait
la participation des usagers aux conseils d'administration, on conclut à
la nécessité de revoir les modalités d'exercice de la
participation des citoyens. En admettant qu'il en soit ainsi, on peut souscrire
à l'objectif d'encourager la contribution des citoyens. C'est le moyen
qui étonne: encourager la participation des citoyens, c'est exclure ceux
et celles qui disposent d'une expérience et d'une expertise dans le
domaine des services de santé.
La proposition reformulée serait à peu près la
suivante: Puisque les citoyens ont éprouvé de la
difficulté à représenter les intérêts de la
communauté au sein des conseils d'administration, seuls seront
désormais représentés ses intérêts
communautaires. Les intérêts des gestionnaires, des
professionnels, des travailleurs sont exclus comme s'ils perdaient toute
légitimité. L'avant-projet de loi préconise le rejet pur
et simple d'un modèle de gestion qui favorise l'expression et
l'arbitrage d'intérêts multiples.
Curieusement, toutefois, ce projet sauvegarde les intérêts
du ministère de la Santé et des Services sociaux et
reconnaît ceux des régies régionales. Quatre des huit
membres des conseils de territoire des centres locaux de services
communautaires seraient en effet nommés par ces deux Instances et
pourraient ainsi servir de contrepoids aux quatre membres élus lors
d'assemblées publiques. Déclarer vouloir redonner le pouvoir aux
citoyens en accroissant la part relative des nominations bureaucratiques est
une bien étrange façon de faire. Les médecins
spécialistes, tout comme les médecins omniprati-ciens et tous les
autres professionnels de la santé, sont porteurs d'intérêt
dans le domaine de la santé et des services sociaux. Ils sont
également des citoyens, des contribuables et des représentants de
leur communauté scientifique, territoriale, ethnique ainsi que
professionnelle. Nier aux médecins spécialistes le droit de
porter ces intérêts, de les affirmer et de les défendre,
c'est nier à près de 6000 citoyens du Québec le droit de
participer à l'orientation et à la gestion d'un système
qui devrait servir tous les citoyens.
La Fédération n'acceptera jamais une discrimination aussi
flagrante et n'hésitera pas à la contester jusqu'à ce
qu'elle soit définitivement écartée.
Deuxièmement, l'expropriation des établissements publics.
L'attitude carrément cavalière des concepteurs de l'avant-projet
de loi à l'égard des professionnels et des travailleurs de la
santé va de pair avec l'opinion qu'ils ont des établissements,
l'identité propre à chacun de ceux-ci est un obstacle à
l'idéal déclaré d'intégration des services. Ayant
découvert des rapports de force entre les établissements, les
concepteurs retiennent que le moyen de faire sauter l'obstacle consiste
simplement à priver les établissements du seul organe
compétent pour en assumer les obligations et en exercer les pouvoirs. Il
s'agit d'un mode nouveau d'expropriation qui consiste à faire
disparaître le titulaire des pouvoirs de gestion plutôt qu'à
le priver de l'objet sur lequel il exerce ces pouvoirs.
Ignore-t-on que le dynamisme déployé dans plusieurs
centres hospitaliers est le produit d'un important sentiment d'appartenance
à une institution? Ignore-t-on que de nombreuses initiatives pour
favoriser le développement de ces établissements sont prises et
menées à bon terme par des administrateurs, des professionnels et
des médecins motivés à améliorer leur milieu?
Ignore-t-on que l'apport significatif des fondations est intimement lié
à des projets, à des ambitions animés dans chacun des
centres hospitaliers. Voilà donc, si d'aventure la proposition des
concepteurs de l'avant-projet de loi
était retenue, que chaque établissement
public, exception faite des centres hospitaliers et des instituts
universitaires, ne serait plus qu'une succursale de dispensation de soins et de
services.
La Fédération des médecins
spécialistes est d'avis que l'idée de priver les
établissements publics de leur organe décisionnel et de confondre
les besoins et les spécificités de ceux-ci dans un conseil
d'administration territorial est parfaitement saugrenue et relève de
l'utopie. Quelques remarques suffiront à étayer ce jugement
sévère mais inéluctable. La mesure projetée est un
véritable coup de force législatif à propos duquel des
représentants du ministère de la Santé et des Services
sociaux ont déjà déclaré qu'ils ne fonctionneraient
pas dans certains milieux. Il s'agit d'une fusion forcée de l'ensemble
des établissements sans égard pour la mission propre à
chacun. Il s'agit d'une fusion qui engendre la confusion. Confusion au plan
juridique, puisque les conseils auront à transiger avec eux-mêmes
et seront aux prises avec des problèmes de gestion incontournables.
Confusion au plan administratif en raison d'une structure en
porte-à-faux avec l'organisation interne des établissements et
avec des organismes intermédiaires, les comités
d'établissement qui détiendront les véritables
pouvoirs.
On répliquera peut-être que l'avant-projet de
loi accroît le rôle consultatif des instances de chaque
établissement. La proposition est trompeuse. D'une part, l'existence de
ces instances, et notamment celle des conseils des médecins, dentistes
et pharmaciens, est loin d'être assurée dans tous les
établissements. D'autre part, les modalités des consultations
sont telles qu'elles se limitent à la possibilité de faire deux
fois l'an des représentations devant un conseil d'administration
ignorant le quotidien de chaque établissement.
Quant aux centres hospitaliers universitaires, la
Fédération reconnaît qu'ils échappent en partie aux
risques engendrés par ces modifications. Toutefois, il faut bien
souligner qu'au chapitre de la composition des conseils d'administration de ces
établissements, on a aussi choisi d'évincer les médecins
spécialistes. La très haute compétitivité nationale
et internationale dans le secteur de la recherche médicale de pointe
exige une intime connaissance des impératifs et des règles du
financement et du développement de la recherche scientifique. La
poursuite de l'excellence ne laisse pas de place à l'amateurisme. De
même, et dans l'hypothèse regrettable où les conseils des
autres établissements étaient démantelés, la
Fédération s'inquiète du sort de ceux des hôpitaux
universitaires qui, à la faveur d'une discrète modification
législative pourraient également être
démantelés. L'absence de garantie de reconnaissance des
hôpitaux universitaires de même que l'absence de garantie du
maintien de leur structure emporte que la Fédération exercera une
infinie vigilance et réagira fortement à toute tentative de saper
les fondements de la médecine spécialisée au
Québec.
Le renforcement des appareils technocratiques. Il se
dégage de l'économie générale de l'avant-projet de
loi la nette impression que le renforcement des appareils technocratiques sert
de trame aux différentes mesures qui sont proposées. Il est
étonnant de constater jusqu'à quel point l'avant-projet de loi
confie la juridiction de prendre la plupart des décisions importantes
à des autorités discrétionnaires qui ne sont soumises
qu'à des contrôles politiques diffus. Tout se passe comme si les
concepteurs de ce texte souhaitaient s'affranchir des principes clairs qu'un
texte législatif doit énoncer pour accorder aux appareils
technocratiques une marge de manoeuvre qui échappe à toute
intervention externe de ces appareils. Déclarer, comme il est fait
à l'article 150 du projet, qu'un établissement détermine
les services de santé et les services sociaux qu'il dispense "en tenant
compte des orientations et des priorités d'action fixées par la
régie régionale pour atteindre des objectifs prévus aux
divers programmes établis par le ministre", c'est soumettre les
établissements au respect de normes floues, imprécises et
volatiles qui autorisent cependant les régies régionales et le
ministère à agir à leur guise. (17 h 30)
Cette toile de fond étant déployée, il
ne faut peut-être pas s'étonner que les concepteurs de
l'avant-projet de loi prévoient même que la logique technocratique
pourra s'imposer sans respecter le texte législatif proposé.
L'article 250 du projet prévoit la mise en oeuvre de projets
qualifiés d'expérimentaux qui pourraient emporter la violation de
toute mesure législative pour autant que le gouvernement délimite
le champ et les conditions de ces projets. Le ministre de la Santé et
des Services sociaux pourrait donc se soustraire à une loi votée
par l'Assemblée nationale afin d'exercer des fonctions que cette
même loi lui confie. Il y a là un paradoxe inquiétant. Se
trouve-t-ll plus de sagesse au sein d'un ministère sectoriel qu'au sein
d'une assemblée élue démocratiquement?
Les établissements de santé sont en voie de
devenir de simples distributeurs de services aux conditions qui conviendraient
à l'appareil technocratique. Les centres hospitaliers ne seraient plus
que des succursales assujetties à un régime auquel ils ne
pourront contribuer qu'en satisfaisant des commandes venues d'ailleurs. Les
constats qui ont jusqu'ici été posés pour regretter
l'absence de motivation des professionnels et leur isolement dans le
système de santé seront longtemps réitérés
si l'on n'admet pas, une fois pour toutes, qu'il y a une limite à
présumer que les professionnels de la santé et les
établissements dans lesquels ils oeuvrent sont incapables de servir le
bien commun. Présumer qu'un hôpital
est incapable de s'organiser correctement et que les médecins qui
y oeuvrent n'ont qu'une vision étroite de leur rôle, c'est lancer
une insulte dont on ne devrait pas s'étonner des effets.
La Fédération n'est pas dupe du cynisme avec lequel il est
fait appel au partenariat, alors que l'un des partenaires entend s'approprier
tous les pouvoirs. Le refus de reconnaître l'importance du rôle de
celles et de ceux qui oeuvrent immédiatement auprès des malades,
la prétention selon laquelle ces professionnels font un usage
immodéré des ressources et la crainte que l'initiative
privée génère des résultats favorables sont des
attitudes qui permettent de douter fortement de la sagesse de ceux qui veulent
définir de nouveaux rapports sociaux.
Le coût de l'improvisation législative. L'avant-projet de
loi sur les services de santé et les services sociaux est affligé
de vices majeurs. Si les objectifs explicites qui ont servi à guider ses
concepteurs peuvent emporter l'adhésion, il en va autrement des
objectifs implicites qui semblent être ceux qui ont orienté le
choix des moyens. Contrairement à ce que d'aucuns ont pu affirmer, il ne
s'agit pas d'une affaire d'orthodoxie dont il faut assurer le respect au nom
des objectifs qui devraient s'Imposer malgré les réalités.
Les constats qui ont été posés et les hypothèses de
solution qui ont été énoncées n'exigent pas un
bouleversement aussi radical que celui qui est projeté. La
Fédération est particulièrement inquiète de
constater que l'avant-projet de loi relève de l'improvisation
législative et d'une passion incontrôlée pour les
structures. Quelques commentaires s'imposent pour illustrer les avatars qui
menacent ceux qui interviennent dans le champ législatif.
L'avant-projet de loi propose le remplacement en entier de l'actuelle
loi. Pourtant, un nombre important de dispositions de ce texte
législatif demeurent inchangées alors qu'il eut été
souhaitable de réviser plusieurs d'entre elles. Il est remarquable, par
exemple, que les obscurs concepts de règles d'utilisation des ressources
et de règles de soins n'aient pas été
précisés. Il faut aussi souligner que là où les
concepteurs ont choisi de remanier le droit en vigueur, leurs interventions ne
sont pas toujours des plus limpides. Il en est ainsi au chapitre du statut
juridique des établissements, déjà complexe, qui ne le
sera pas moins lorsqu'il faudra tirer au clair les notions
d'établissement, de corporation, de centre d'installation et de
ressources. Il y a plus étonnant encore. Ainsi en est-il des
dispositions qui énoncent que le membre d'un conseil d'administration
qui s'abstient de voter relativement à une proposition est
réputé avoir voté contre celle-ci. Contraire à
l'économie de tous les principes juridiques de prise de décision
par vote, la mesure proposée porte atteinte aux fondements de
l'expression démocratique de la liberté de ne pas voter.
Malhabile, quoique répétée dans deux dispositions
distinctes, la proposition illustre le caractère improvisé de la
rédaction du texte et les conséquences graves qui
résulteraient de son adoption.
Enfin, que dire des dispositions qui déterminent
i'Inéligibilité de la candidature à un conseil
d'administration de celui qui a été trouvé coupable d'une
infraction ou d'un crime pouvant entraîner jusqu'à trois
années de détention? Faut-il comprendre que les crimes comportant
des sanctions plus sévères sont ignorés? Que dire de
l'absence de précision sur la durée du mandat des membres des
conseils d'administration?
Sauf à retourner l'avant-projet de loi sur la table de ses
concepteurs et à leur assigner des mandats précis, la
Fédération est d'avis que le texte déposé, s'il
était adopté par l'Assemblée nationale, provoquerait un
véritable chaos juridique et ajouterait au chaos administratif auquel il
mène allègrement.
Quelques jalons pour une réflexion. La Fédération
n'estime pas que son rôle soit celui de faire des loi que
l'Assemblée nationale a pour rôle d'adopter. Elle est toutefois
régie par ces lois et ses membres y sont quotidiennement soumis. Sa
contribution n'est pas celle d'un légiste, mais celle d'un organisme
qui, légitimement, s'attend à ce que les textes
législatifs soient clairs et cohérents. Cinq jalons de
réflexion doivent être posés: ils sont incontournables.
Le style législatif. L'avant-projet de loi est
rédigé de façon discursive en empruntant un vocabulaire
bureaucratique qui n'a de sens que pour ceux qui affectionnent les langages
obscurs et éphémères. Trop de mots, de concepts et de
notions sont utilisés pour décrire des réalités
floues. Le texte ne comporte aucune disposition qui définisse les
expressions qu'il utilise et qu'il confond souvent. Ainsi, on utilise le mot
"ressource" pour désigner tantôt des lieux, tantôt des
personnes, tantôt des équipements. On évoque des
"regroupements de concertation multisec-toriels" sans en dire autre chose. On
fait un usage excessif et inutile de l'expression "le cas
échéant."
La structure et la gestion des centres hospitaliers. Partant de la
prémisse que chaque centre hospitalier doit être dirigé par
un conseil d'administration qui lui soit propre et qui représente les
principaux participants à ses activités et à ses missions,
un avant-projet de loi remanié devrait énoncer clairement la
définition de cette catégorie d'établissement pour
minimiser les chevauchements avec d'autres catégories. De même,
dans tous les établissements où les soins médicaux
spécialisés sont le pivot des services dispensés, il faut
impérativement que les structures soient les mêmes que dans les
centres hospitaliers.
La Présidente (Mme Marois): Je vous arrête, M. le
président. Je vais demander aux membres de la commission s'ils acceptent
que vous
terminiez votre présentation, puisque nous avons
déjà atteint les 20 minutes prévues.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça
très bon. Je veux l'entendre jusqu'à la fin.
La Présidente (Mme Marois): Alors, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: J'allais lui demander: À part de ça,
ça va bien? Je vais le laisser continuer.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Alors, avec l'accord des
membres de la commission, vous pouvez continuer à nous présenter
votre mémoire.
M. Desjardins: La pratique médicale. Si, retournés
à leur table de travail, les concepteurs de l'avant-projet de loi
choisissaient encore de remplacer le texte entier de l'actuelle loi, il leur
faudrait être plus critiques à l'égard de nombreuses
dispositions qu'ils ne font que reconduire dans le projet actuel. Quiconque
observe la pratique dans les centres hospitaliers s'aperçoit que la
multiplication des structures n'est pas une solution aux problèmes de
gestion. À la base des services dispensés dans ces
établissements, les soins médicaux spécialisés
occupent un rang prioritaire, tant sur le plan du diagnostic que du traitement
et de la réadaptation. Les promoteurs du projet de loi 27 avaient,
dès 1981, compris que l'enjeu de la gestion hospitalière passait
par les départements cliniques et par les médecins qui y
oeuvrent. La réforme alors introduite est restée
incomplète parce qu'on n'a pas eu le courage de confier clairement aux
chefs de départements cliniques des instruments et des pouvoirs de
gestion performants. On a ainsi négligé de compenser
adéquatement ces gestionnaires. Un texte adapté à la
nécessité de centrer les activités hospitalières
sur les départements cliniques exige que soit confié à
ceux-ci l'ensemble de la gestion des ressources et que leur soient
assignées des responsabilités budgétaires précises.
Seule une direction cohérente de l'activité de l'ensemble des
professionnels de la santé oeuvrant dans un département clinique
peut garantir la qualité des soins et l'utilisation judicieuse des
ressources. L'application d'un régime spécifique de
contrôle de l'activité professionnelle des médecins est
évidemment rendue nécessaire par le statut qu'ils occupent dans
les établissements. Il est, a cet égard, étonnant qu'on
n'étende pas à l'ensemble des catégories
d'établissements où ils oeuvrent la procédure de
contrôle en vigueur dans les centres hospitaliers.
L'accès aux soins et aux services. L'avant-projet de loi est
particulièrement généreux sur l'affirmation des droits des
citoyennes et des citoyens du Québec de recevoir des services du
réseau de la santé et des services sociaux. Il innove en imposant
aux établissements des obligations corrélatives à ces
droits. Il néglige toutefois d'assurer à la population le droit
strict d'avoir accès aux médecins dans les établissements
et ouvre la porte à des procédures de sélection et
d'admission qui seraient adoptées et appliquées par des personnes
qui n'ont pas la formation requise. C'est aux médecins et aux
médecins seuls qu'il revient de poser un diagnostic et de
déterminer un traitement. Ce sont eux qui doivent déterminer les
soins et les services requis et c'est à eux que les malades doivent
avoir accès. L'accès à des structures ne guérit
pas. La Fédération des médecins spécialistes a
toujours favorisé l'expression du libre choix par les patients de leur
hôpital et de leur médecin. C'est là une condition
essentielle d'existence d'une pratique centrée sur la personne. Le libre
choix doit pouvoir être exercé sans être assujetti à
des règles qui, à toutes fins utiles, en nient l'expression. Les
règles d'admission devraient expressément tenir compte et
être limitées à l'énoncé des critères
objectifs qui ne cachent pas des contingentements arbitraires ou des choix
discriminatoires.
S'agissant des soins et à l'heure où on procède
à une révision du Code civil, au chapitre du consentement, les
dispositions retenues par les concepteurs de l'avant-projet de loi devraient
être harmonisées parfaitement. Agir autrement risquerait
d'Introduire des incertitudes sur les exigences de qualité du
consentement et sur l'information dont il dépend. De même, il y
aurait lieu d'éviter les ambiguïtés sur l'imposition de
soins en cas d'urgence et sur l'obligation de fournir des soins dans tous les
cas où l'intégrité d'une personne est en cause.
La régionalisation et les pouvoirs centraux. Malgré les
nombreuses déclarations sur la décentralisation et la recherche
d'un nouveau partenariat, l'avant-projet de loi emporterait dans sa version
actuelle une concentration de tous les pouvoirs effectifs au niveau du
ministère et des régions. Le nouveau modèle de partage
fait des établissements et des professionnels les perdants de la
réforme.
Les programmes seront arrêtés et mis en oeuvre par les
régies régionales. Balkanisés et affaiblis, les
établissements devront probablement se satisfaire de joindre à la
demande de la régie un regroupement de concertation multisectoriel. De
toute manière, tous devront s'assurer du respect des règlements
et des orientations et politiques du ministre. Il y a plus de changements dans
le discours que dans le texte législatif projeté et les
concepteurs n'ont pas fait montre d'un grand renoncement au pouvoir. Les
alternatives aux projets des concepteurs sont disponibles. Il est encore temps
de revoir le modèle plutôt que de constater son échec pour
ensuite le camoufler à la faveur de mesures
expérimentales soustraites à la loi qu'aura adoptée
l'Assemblée nationale. La fédération insiste pour que le
processus de réforme législative soit planifié,
cohérent et concerté. C'est de l'avenir du système de
santé qu'il est question. Il convient de procéder avec le plus
grand soin.
Là-dessus, je ne lirai pas les recommandations, étant
donné que vous les avez dans votre mémoire. On va sauver deux
minutes.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie de votre
présentation. J'inviterais maintenant M. le ministre de la Santé
et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. En écoutant le texte, dans un français tout
à fait extraordinaire, avec toute la richesse que peut contenir un
dictionnaire en termes d'expression, ça m'a rappelé certains
souvenirs de mon coin d'origine. À l'occasion, on disait: Passer une
"varlope". Ils se sont fait passer une bonne "varlope", comme on disait chez
nous à un moment donné, ils se sont fait passer comme il faut.
Ça, je considère comme texte que vous avez réussi à
passer une bonne "varlope", évidemment, de votre point de vue, avec les
opinions que vous émettez là-dedans et les constats que vous
faites. Donc, c'est un mémoire qui est très dur. Je pense que
c'est peut-être le plus dur des 240 mémoires qui nous sont soumis.
Évidemment, c'est votre opinion qui, dans certains cas, remet en
question un certain nombre de choses auxquelles je suis prêt à me
prêter parce qu'il y a des arguments, entre autres et en particulier, sur
l'absence des médecins sur les conseils d'administration.
Je dois vous dire qu'il y a du vécu qui est exposé ici qui
nous oblige au moins à se questionner. Évidemment, l'idée
de base n'était pas de dire: On se prive de l'expertise et de la
richesse d'expertise de la profession médicale au niveau des conseils
d'administration. C'était pour tenter d'en arriver à un certain
équilibre qui n'est pas aujourd'hui. Donc, je dois vous dire que
malgré le fait que ce n'est pas toujours plaisant d'entendre ce que vous
dites et de la manière dont vous le dites, il y a quand même des
choses à l'intérieur de ça sur lesquelles II faut
s'arrêter et prendre le temps d'y penser.
Au-delà de tout cela, je pense que la "varlope" est un petit peu
trop forte pour le pouvoir technocratique. Je ne me considère pas, moi,
un technocrate, mais je pense que vous n'y allez pas avec le dos de la
cuillère et je pense que tous ceux et toutes celles qui ont
travaillé sur ces propositions-là l'ont fait à la
lumière de milliers et de milliers de personnes qui ont
été entendues partout à travers le Québec et qui
ont travaillé sous des commandes souhaitant proposer une
alternative.
Ce que je comprends, à tout le moins, c'est que ça permet
à des gens d'intervenir et d'exprimer leur point de vue en disant: Non,
ça va trop loin, ça n'a pas de bon sens, c'est un pouvoir
technocrate, un pouvoir bureaucratique. Mais il y a une chose qui est
fondamentale: vous ne l'avez pas souhaité et vous ne l'avez pas voulu.
Je pense que le Dr Augustin Roy nous l'a dit bien comme il faut: Ça nous
a été imposé, ce système-là, à
l'époque, que ce soit universel, gratuit et c'est le gouvernement qui a
décidé à l'époque, qu'il vive avec son mal.
Évidemment, au-delà de 95 %, 96 % du financement du réseau
viennent du pouvoir qui est central. Qu'on le veuille ou pas, c'est à
peu près fait pour rester, d'après ce que j'ai compris. Et le
central doit nécessairement avoir un certain contrôle. Comme un
médecin qui dépense son argent personnel veut avoir un
contrôle sur l'argent qu'il dépense, il va falloir,
nécessairement, qu'il persiste des contrôles ou qu'il existe des
contrôles au niveau central, sur le plan des budgets. 10 400 000 000 $ au
Québec, dans le domaine de la santé, ce n'est pas de la petite
bière. C'est quand même extrêmement important. Et on est
pris avec un système qui a des problèmes. Je pense que vous les
vivez, vous autres aussi. Et probablement que si on faisait exactement, si on
recommençait le diagnostic des problèmes, vous arriveriez
exactement aux mêmes conclusions auxquelles on arrive. (17 h 45)
Évidemment, quand tu arrives dans les solutions du
système, c'est là que les divergences apparaissent. Il
m'apparaissait quand même extrêmement important de dire que le
pouvoir technocratique a livré une marchandise que, forcément, le
pouvoir politique a acceptée puisque c'est dans l'avant-projet de loi.
Mais l'étape où nous sommes, c'est un avant-projet de loi donc
qui peut être "questionné". Il peut être et sera
modifié en fonction de ce que nous avons à faire.
Donc, ceci étant dit, il y a évidemment plusieurs points
sur lesquels je pourrais intervenir point par point, mais je pense que ce ne
serait pas utile pour les fins de notre discussion. Je vais aller directement
à une question que je peux relever à la page 9. Dans le
deuxième paragraphe, vous dites: l'article 250 du projet de loi
prévolt la mise en oeuvre de projets qualifiés
d'expérimentaux qui pourraient emporter la violation de toute mesure
législative, ainsi de suite. Je vais aller directement à la
question. Est-ce que, lorsque vous dites ça, vous visez des OSIS? Et si
tel est le cas, qu'est-ce qui vous ferait peur dans l'implantation d'OSIS?
Une voix: Moi, je suis perdu, là. Il parle de quoi?
M. Côté (Charlesbourg): Page 9...
La Présidente (Mme Marois): Page 9 du mémoire.
M. Côté (Charlesbourg): ...de celui dont vous avez
fait la lecture. À l'article 250 du... C'est ça. Vous parlez de
projets expérimentaux. On ne parte pas des sages-femmes. Ici, je pense
que ce n'est pas à ça que vous faites allusion. Vous faites
définitivement allusion à quelque chose d'autre. Moi, je vous
dis: Est-ce que les organismes de soins Intégrés en santé,
les OSIS. c'est ça que vous visez? Et si c'est ça, pourquoi,
à ce moment-là, aurait-on peur des OSIS? Si jamais ce n'est pas
ça que vous visez, dites-nous votre opinion sur l'implantation
d'OSIS.
M. Desjardins: Non, ce n'est pas ça que nous visions.
C'est une remarque qui se voulait une remarque théorique face à
la lecture du projet de loi, à une inquiétude de notre part que
vous puissiez passer à côté d'une loi qui aurait
été votée. On ne visait pas un projet en particulier.
Vous me demandez de m'exprimer quant au projet des OSIS. J'ai eu
beaucoup de discussions avec vos représentants quant à cette
question. Nous en avons discuté à l'intérieur de notre
organisme. Nous avons même Invité quelques-uns de vos
représentants à venir adresser la parole et tenter d'expliquer.
Nous nous sommes quittés en espérant avoir des données
additionnelles, des précisions additionnelles, que nous n'avons pas
reçues, donc sur lesquelles nous ne nous sommes pas repenchés.
Nous sommes, à l'heure actuelle, dans une situation que je qualifierais
d'ambivalente. Nous ne pouvons pas dire: Oui, nous sommes d'accord, parce qu'il
nous manque des informations, pas plus qu'on peut dire: Non, on n'est pas
d'accord, encore là, parce qu'il nous manque des informations.
Ce qui relève d'un principe qui peut paraître
intéressant, c'est la question de mettre en compétition, en
émulation, je ne dirai pas des structures parce que je passe mon temps
à dire que je n'aime pas les structures, mais deux types de
système. À ce moment-là, il est peut-être possible
que le nouveau système proposé en soit un qui aiderait à
réallouer de l'argent qui pourrait être possiblement
économisé dans un système A et réinvesti dans un
système B. Une chose certaine, c'est qu'avant de se prononcer, on va
étudier attentivement la façon dont le Toronto General
évolue avec son système. Je ne dis pas que c'est un OSIS parfait,
selon les définitions actuelles, mais ça ressemble à une
recherche de la part de la province voisine pour une structure qui va
économiser des sous. Une des grosses différences, c'est qu'en
Ontario, ils ont choisi le plus gros centre hospitalier, celui qui est le plus
dispendieux, celui qui a les ramifications les plus importantes étant
situé à quelques pieds, je dis bien quelques pieds, de
l'hôpital pour enfants et, d'un côté de rue, c'est encore
à quelques pieds, d'un très gros centre à distribution de
services généraux. Alors, c'est un centre hospitalier qui,
effectivement, pourrait toucher ou regrouper deux autres centres hospitaliers
dont un ultra-spécialisé. Alors, cette évaluation nous
sera précieuse.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez - parce qu'on n'a
quand même pas beaucoup de temps - abordé la question de la
régionalisation. Je pense qu'on peut l'aborder à plusieurs
volets. On connaît, aujourd'hui, l'existence des CRSSS qui ont un pouvoir
de planification davantage consultatif puisqu'ils ont quelques programmes
où ils peuvent, effectivement, faire des choix sur le pian
budgétaire.
Est-ce que, par rapport à la situation vécue aujourd'hui
et au rôle que jouent les CRSSS qui ont été
soulignés tantôt comme étant, à l'occasion,
très effectifs, dans le cas de Pierre-Boucher et de Charies-LeMoyne,
où c'est sous l'égide du CRSSS qu'on a réussi à
faire des choix - Dieu sait que ce n'est pas facile de faire des choix en
termes de spécialités dans les hôpitaux; ça s'est
réussi dans ce cas-là... Est-ce que vous voyez dans le futur une
quelconque utilité à un organisme de niveau régional? Si
oui, laquelle? Et, qu'est-ce qu'on pourrait lui confier comme
responsabilité en tenant pour acquis qu'il n'y a pas de financement sur
le plan local?
M. Des|ardlns: Notre position, depuis de nombreuses années
c'est: Non, il n'y a pas d'avantage à avoir cette structure
régionale. Nous croyons que le centre hospitalier, dans une relation
directe avec une section du ministère, serait plus efficace que d'avoir
un intermédiaire qui ne fait que compliquer ou alourdir la relation
entre le décideur, qui est le ministre et son équipe, et le
dispensateur de services qui est le centre hospitalier.
M. Côté (Charlesbourg): À ce
moment-là, si je vous comprends, vous préférez les
technocrates du central aux technocrates régionaux?
M. Desjardins: Bien, c'est qu'à un moment donné on
en multiplie tellement. C'est une affaire qui s'autogénère et,
après ça, en plus d'un conseil régional, il faudrait avoir
des petits conseils pour chacune des paroisses. Et, là, on va ajouter
encore d'autres fonctionnaires. Ça prend des fonctionnaires qui sont
proches du décideur qu'est le ministre et ça ne prend pas des
structures intermédiaires qui vont tout simplement ralentir le processus
ou alourdir le processus décisionnel.
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y pour une
autre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, parce que c'est quand
même très important. On est quand même dans une structure
où il y a tout près de 1000 établissements et il est
humainement
impossible de penser que le ministre peut être l'arbitre de tout
ça. On a des exemples quotidiens. Pour prendre un exemple actuellement
dans la région de Québec - on en vit un autre; on prend
celui-là parce que c'est celui qui m'intéresse - où il est
question d'hémodynamie, alors c'est exactement la même maudite
chicane qu'on a vécue dans d'autres domaines où tout le monde se
chicane pour être capable d'avoir le morceau chez eux. Évidemment,
tantôt, c'est le ministre qui va être obligé de trancher,
parce que concertation, complémentarité, c'est bien difficile,
parce que, évidemment, le spécialiste qui est à
l'Enfant-Jésus est aussi bon que celui qui est à
l'Hôtel-Dieu et il est aussi bon que celui qui est à
l'hôpital Laval, et c'est une concertation qui est extrêmement
difficile. Moi, ça me fait peur.
Si j'ai peur, vous me direz: Vous avez juste à vous en aller
ailleurs. Mais, comme il y a juste 365 jours dans l'année et 24 heures
par jour sur le plan des décisions à prendre de manière
quotidienne, c'est une structure qui me fait peur, qui me fait très
très peur. Dans ce cas-là, je pense et je crois qu'il y a de la
place pour un organisme régional, qu'on l'appelle régie, qu'on
l'appelle CRSSS, et c'est là que je m'adresse à vous de
manière plus précise pour être mieux capable de comprendre
la problématique des régions éloignées. Dieu sait
que lorsqu'on s'adresse aux spécialistes, on a eu une excellente
collaboration de la part de la Fédération au cours des
dernières années pour tenter de solutionner des problèmes
au niveau des régions et une disponibilité en termes de cours.
Bravo! On a réglé un certain nombre de problèmes à
ce niveau-là et j'en profite pour vous remercier sur le plan de la
collaboration. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on est dans une situation
où si nous avions une structure régionale, on serait mieux
placé pour être capable de comprendre la problématique des
régions et aussi les dispositions adéquates pour solutionner les
problèmes au niveau des régions?
M. Desjardins: Moi, je vous réponds: Non, M. le ministre,
je ne crois pas. On a une structure en place depuis de nombreuses années
et elle n'est pas si efficace que ça. Pourquoi en avoir une autre?
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Desjardins: Pourquoi ne pas envisager... C'est parce que vous
soulevez deux problèmes en même temps. En tout cas, ma perception,
c'est que vous m'avez lancé deux problèmes en même temps.
Vous me parlez de la complémentarité dans une ville
universitaire, où il y a un bon nombre de centres hospitaliers, dans un
dossier précis qui est l'hémodynamie...
M. Côté (Charlesbourg): Je peux en nommer
d'autres.
M. Desjardins: oui, il y en a beaucoup. et c'est vrai que c'est
essentiel qu'on en arrive à ça. c'est l'un des
éléments qui vous amèneraient à économiser
des sous dans le réseau si cette complémentarité existait
davantage qu'elle n'existe aujourd'hui et beaucoup. à partir de
là, ça n'a rien à faire avec le conseil régional de
la ville de québec de pouvoir dire: l'hémodynamie va être
ici ou là. en tout cas, mol, je ne le vols pas.
M. Côté (Charlesbourg): Je pourrais vous donner
l'exemple. Le CRSSS a formé un comité sur lequel
siégeaient les médecins spécialistes de la
région...
M. Desjardins: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...pour être capable
d'en arriver avec des critères de sélection qui feraient en sorte
qu'on fasse le bon choix. On s'est retrouvé définitivement dans
une situation de cul-de-sac où il n'y a pas eu de choix de fait. Si le
CRSSS n'a pas fait de choix, c'est qu'il ne pouvait pas en faire parce qu'il
avait un rôle consultatif, alors que ce qu'on propose dans les
régies régionales, c'est de donner davantage de pouvoirs sur le
plan décisionnel. SI on avait plus de pouvoirs sur le plan
décisionnel, je pense qu'on pourrait régler un certain nombre de
ces dossiers-là. Évidemment, il y a l'importance de bien
connaître aussi la région pour être capable d'apporter les
solutions qui collent à cette région-là.
Évidemment, on critique toujours les technocrates sur le plan central,
qui ont une vision centrale, ils connaissent peut-être moins bien les
régions. C'est vrai, à l'occasion.
M. Desjardins: Vous avez dit tantôt que - je m'excuse si je
ne vous cite pas correctement - 97,3 % du pouvoir est centralisé.
M. Côté (Charlesbourg): Non.
M. Desjardins: Tant que le pouvoir est centralisé...
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas ça que
j'ai dit. Vous avez raison de prendre ça en disant: II faut faire
attention. J'ai dit: C'est 97 % du financement du réseau qui est
financé par le gouvernement, donc public. Je n'ai pas dit les
décisions, parce que c'est 100 %, les décisions.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Desjardins: Parfait. Là, on se comprend. 100 % des
décisions appartiennent au ministre. Vous voulez 99,9 %. 100 % des
décisions appartiennent au ministre. Pourquoi avoir des intervenants
entre la décision et ceux qui ont à vous consulter et à
essayer de vous convaincre?
C'est aussi simple que ça.
M. Côté (Charlesbourg): Non, je pense qu'on ne se
comprend pas parce que, pour moi, fondamentalement, c'est peut-être parce
que je suis issu d'une région. Vous avez raison de dire qu'on a toujours
l'impression dans les régions qu'on est mal compris à
Québec. La réaction que vous avez vis-à-vis des
technocrates du central, les gens des régions l'ont vis-à-vis des
technocrates du central. Ils se disent: On est assez matures et on
connaît assez notre région, nos besoins et notre capacité
pour être capables de décider nous-mêmes d'un certain nombre
de choses quant aux choix fondamentaux à faire et à effectuer. Et
c'est ça que les régies régionales pourraient faire dans
certains cas. Évidemment, on pourrait en discuter longtemps et j'ai
l'Impression qu'on va probablement s'en reparler. Je veux juste finir. Vous me
permettrez de vous en repousser une, parce que j'avais l'impression
d'être Millen, le gardien de but des Nordiques, tantôt parce que
ça rentrait passablement. Je tenterai de vous en passer au moins une
petite vite. À la page 11, vous dites: Enfin, que dire des dispositions
qui déterminent l'inôligibilité de la candidature à
un conseil d'administration de celui qui a été trouvé
coupable d'une Infraction ou d'un crime pouvant entraîner jusqu'à
trois années de détention? Faut-il comprendre que les crimes
comportant des sanctions plus sévères sont ignorés? Que
dire de l'absence de précisions durant la durée des mandats des
membres du conseil d'administration? (18 heures)
Évidemment, ça va aux toasts pas mal. Là-dessus, ce
que je vous dis, c'est que c'est la reproduction in extenso de ce qui existe
déjà et, ce qu'on me dit, c'est qu'on n'a jamais eu de
représentation pour le changer.
La Présidente (Mme Marois): Alors, le temps que vous
regardiez si vous voulez réintervenir, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. En écoutant
le mémoire, j'ai revécu l'année 1984. Vous, vous avez
mangé une dégelée à peu près comparable.
C'est pour ça que Je vous al dit, tantôt: À part ça,
ça va bien?
Des voix: Ha, ha. hal
M. Chevrette: Et ce qu'il y a de pire, c'est que le style se
ressemble.
Une voix:...
M. Chevrette: Oui, dans tous les sens.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Effectivement, dans le style et dans le contenu. Je
vous avoue que vous passez à sac à peu près tout ce qui
bouge dans l'avant-projet de loi. Je pense, effectivement, que ce n'est pas un
projet de loi qui va résister longtemps. Un avant-projet de loi... Je
pense qu'on va avoir un projet de loi tout à fait nouveau qui va
peut-être tenir compte beaucoup plus des réalités. Je pense
que ça s'est voulu un ramassis d'orientations. On aurait eu avantage -
je le disais hier, à l'ouverture - à discuter sur des grandes
orientations avant de rédiger un projet qui vous amène à
discuter de structures. Moi, je suis convaincu de ça. Ça aurait
fait un débat beaucoup plus consistant au niveau de la commission
parlementaire que de discuter de structures parce que, quand on vous
amène à discuter de structures, c'est bien évident
que-Moi, je suis ébranlé personnellement, en tout cas, sur la
composition. Je ne sais pas ce que sera mon orientation finale après
avoir entendu les 240 groupes, mais je suis personnellement déjà
ébranlé quant à la composition des conseils
d'administration. Je ne suis pas certain... C'est une bonne chose d'amener du
monde pour donner des pouvoirs disproportionnés à d'autres. C'est
quand on a trop peur de quelqu'un et qu'on l'enlève complètement,
on se ramasse avec un autre qui va faire peur à tout le monde. C'est
dangereux, ça. Ça, je pense que ça se vit. Pour avoir
été sur un conseil d'administration de trois corporations
hospitalières, y compris psychiatrique aigu et soins prolongés,
je pense qu'il faut un équilibre dans les rapports de force des gens qui
s'affrontent dans un milieu.
Ceci dit, je vais vous poser les questions que je crois important de
poser à tous les groupes. Vous semblez être en profond
désaccord avec la régionalisation, en disant au ministre: Vous
devriez avoir des technocrates à côté de vous pour entendre
nos doléances, mais plus d'intermédiaires avec les
établissements de base. D'abord, je vous avoue, avec la manière
dont vous avez taxé les technocrates dans votre projet, vous allez en
avoir une série pour être bien renseignés parce qu'ils vont
avoir peur de vous autres. Je ne vous comprends pas d'être contre une
structure dans le milieu, dans la région. Comment voulez-vous qu'on
discute de complémentarités, les faire accepter par le milieu,
avec toute la longueur de temps que ça prend, si c'est à
Québec seulement qu'on décide de ça? Comment va-ton faire
cheminer du monde dans le milieu pour accepter, par exemple, que
l'obstétrique, c'est à tel centre hospitalier et que la
gériatrie devrait être dans tel autre? Pour qu'on puisse faire,
peut-être, avec tout ce qu'on sait sur l'indépendance, l'autonomie
des corporations individuellement, vous ne pensez pas que c'est le milieu qui
doit avoir un rôle à jouer au lieu d'être l'omnlpulssance
d'un ministre? Il ne contrôle pas les déclarations des 900 D.G. ou
des 900 présidents du centre hospitalier, lui. Encore moins dans un
contexte où on enlèverait le palier intermédiaire qui
oblige les gens à se
parler. J'aimerais ça que vous m'expliquiez pourquoi vous ne
tenez pas à cette structure intermédiaire, surtout dans le cadre
où on donnerait le véritable pouvoir de décentralisation,
pas de déconcentration. Je suis d'accord avec vous, si vous traitez de
la déconcentration. Mais si on parle d'une véritable
décentralisation, est-ce que vous vous objecteriez avec la même
insistance?
M. Desjardins: L'opinion de notre Fédération, on
part de l'existence d'un centre hospitalier de soins de courte durée et
on dit que ce centre hospitalier, pour qu'il fonctionne le mieux possible, il
faut qu'il soit le plus facilement possible en contact avec le lieu de
décisions. Le lieu de décisions, ça s'appelle le bureau du
ministre. Plus il y a d'intermédiaires, plus ça prend de temps,
plus c'est compliqué, plus il y a une lourdeur à faire prendre
une décision et à faire avancer un dossier. C'est dans ce
contexte-là qu'on dit: Le centre hospitalier de soins de courte
durée, c'est là que ça devrait se passer et c'est de
là que vient l'initiative d'un développement quelconque.
Là où le ministre peut influencer cette initiative qui doit
sortir du milieu, c'est, dans le contexte de l'application de la loi
actuelle... il a le devoir d'approuver le plan d'organisation du centre
hospitalier. Alors, le centre hospitalier doit écrire son plan
d'organisation dans lequel il doit définir: c'est quoi ma mission
à moi? Et c'est là que le ministre a un rôle important
à jouer en essayant de pousser la complémentarité dans les
missions des divers centres hospitaliers des diverses régions. Moins il
y a d'Intermédiaires, plus la prise de décision peut se faire
rapidement et facilement. Plus II y a d'intermédiaires, plus c'est
compliqué, plus ça prend de temps et plus c'est lourd.
M. Chevrette: Mais vous ne croyez pas, M. Desjardins, que si vous
faites d'un ministre, quel qu'il soit, de quelque formation politique que ce
soit, le seul et unique maître à bord, vous risquez
précisément que le ministre devienne un instrument de lobby
épouvantable, épouvantable, ou les puissances qui sont
structurées, qui sont organisées et qui ont les ressources
financières pour faire leur lobby accaparent la grosse part du
gâteau et qu'on oublie les dimensions, ce qu'on appelle les dimensions
sociales et santé? Parce qu'on n'a jamais voulu, au Québec,
dissocier la santé des services sociaux, à cause de
l'interdépendance de l'un par rapport à l'autre. Vous ne croyez
pas que c'est précisément de créer, à ce
moment-là, une disproportion au niveau du pouvoir de pression entre les
différents groupes et que c'est grâce à une structure
décentralisée en région qu'on va recréer, au moins,
une forme d'équilibre? J'écoutais les communautaires qui ont
défilé, la première journée. Eux autres, savez-vous
ce qu'ils disent? Même en région, ils ont la trouille de vous
autres, parce qu'ils disent: Comment allons-nous être aussi puissants sur
un conseil régional pour aller chercher notre petite part du
gâteau quand le monstre santé va se faire valoir? Et vous
m'arrivez en disant: C'est directement au ministre. Il va leur rester quoi
à eux autres, dans le monde régional, pour venir à bout
d'influencer un tant soit peu les choses? Je ne sais pas...
M. Desjardins: Ma vision des choses n'est pas que le ministre est
dans une situation de se faire tordre le bras à tous les jours. Vous me
parlez comme si le CRSSS devrait servir de paravent ou de discussion
préambulaire ou de portique avant d'arriver au bureau du ministre. Moi,
je pense que dans la structure même du ministère, il y a une place
pour un secteur qui ferait ce travail-là de prévenir un peu que
le ministre se fasse tordre le bras et, en même temps, d'essayer de faire
en sorte que ce soit la meilleure décision possible pour chacune des
régions.
Deuxièmement, l'inquiétude qu'on pourrait avoir qu'une
région plus riche puisse aller chercher plus de ressources et qu'une
région plus pauvre devienne plus pauvre, je reviens sur les propos que
vous teniez, il y a quelques minutes: Au lieu d'avoir un avant-projet de loi
sur des structures, on a besoin d'élaborer des principes d'une politique
de santé et, à l'intérieur de cette politique de
santé, je présume qu'un des objectifs de tous nos élus est
d'avoir une accessibilité dans toutes les régions et que
ça se tienne, cette affaire-là. Vous avez changé des
régions pour en faire seize à partir des neuf ou des dix que nous
avions, il y a quelques années, bien, ça doit vouloir dire que
vous essayez de maintenir un certain équilibre entre ces seize
régions-là. Dans une politique de santé, c'est possible
d'intégrer ça comme un des objectifs essentiels.
M. Chevrette: Le Dr Albert veut compléter, je crois.
La Présidente (Mme Marois): Vous voulez compléter,
oui, Dr Albert.
M. Albert (Jean-Marie): Oui.
M. Chevrette: J'aurais une dernière question.
La Présidente (Mme Marois): Une dernière
question.
M. Albert: Peut-être, M. Chevrette, que nos commentaires et
notre attitude face aux CRSSS correspondent à l'évaluation du
vécu passé de ces structures-là. Vous savez, on
s'était fait dire, dans le temps, par un de vos
prédécesseurs: Vous faites partie de la charge de cavalerie
contre les CRSSS; c'était en 1981, ça, je pense,
avec d'autres qui passaient. Et puis, les gens des CRSSS ont
invité mon président. Ce sont des gens intelligents, ils ont dit:
Qu'est-ce que c'est ça, votre position? Le président nous avait
répondu, puis je pense que l'autre président... y était,
à ce moment-là: Écoutez, messieurs, ou bien vous avez des
pouvoirs ou bien vous n'en avez pas; puis, ce bout-ci, c'est moi qui dis
ça dans mes mots à moi: Vous servez d'entremetteur ou
d'entremetteuse.
Peut-être que notre évaluation, c'est comme si... Ça
nous paraît de la façon suivante. Quand il y a des mauvaises
décisions à donner, le ministre ou le ministère - on ne
garroche pas des roches au ministre - envole ça aux CRSSS, puis les
bonnes nouvelles viennent du ministère. Donc, on a un fonctionnement, au
cours des années, qui nous fait dire: Qu'est-ce qu'ils font? Je
siège sur des commissions aux CRSSS, on a collaboré, on
travaille, etc., puis tu t'aperçois que les décisions qu'on
qualifie d'importantes ne viennent pas de là.
M. Chevrette: Dites-moi pas qu'ils ont commencé ce
texte-là, eux autres!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Non, j'avais l'impression
que les sages-femmes, c'était une mauvaise nouvelle pour les
spécialistes, puis ce ne sont pas les fonctionnaires qui l'ont
livrée, c'est le ministre.
M. Albert: On ne parte pas des sages-femmes, là, du
tout.
M. Côté (Charlesbourg): Non, on parte de bonne ou de
mauvaise nouvelle...
M. Chevrette: Quant au financement, parce que je suis
obligé de faire vite, on m'a dit que l'avais trois questions
à...
La Présidente (Mme Marois): C'est terminé; c'est
votre dernière question.
M. Chevrette: Dernière question. Le financement, c'est un
grave problème. Comment on s'en sort?
M. Desjardins: C'est une grosse question, ça: Le
financement, comment est-ce qu'on se sort de ça? C'est sûr que
c'est énorme comme problème, puis comment...
M. Chevrette: Je vais vous poser la question autrement. Si vous
aviez eu à faire un paragraphe aussi ronflant que ceux que vous avez
faits, qu'est-ce que vous auriez dit?
Une voix: II pourrait porter sur le financement.
M. Desjardins: Je suppose que je n'ai pas grand temps pour
répondre à ça, ça fait que je vais me
dépêcher aussi, avant de me faire couper la parole.
La Présidente (Mme Marois): Jusqu'à maintenant,
ça a été assez bien, à cet égard.
M. Desjardins: Oui, c'est magnifique. Je sors avec deux sur
deux.
La Présidente (Mme Marois): Parfait.
M. Desjardins: M. Chevrette, je l'ai dit dans notre
mémoire, puis je reviens sur le paragraphe. La loi 27 de 1981, les
règlements de 1984, je pense que c'est là qu'est la clef au
financement, donc, la clef du contrôle du système hospitalier de
soins de courte durée. C'est de dire: Le chef de département
clinique a une job à faire, puis on lui donne des
responsabilités. Il a la responsabilité des ressources
matérielles, financières et humaines. Et les outils à sa
disposition pour gérer ces ressources, c'est la règle de soins et
la règle d'utilisation des ressources. On n'a rien fait depuis 1981. Le
18 décembre 1981, la loi a été votée, il ne s'est
rien fait depuis ce temps-là. Les règlements sont de juin 1984,
il ne s'est rien fait depuis ce temps-là. C'est très complexe et
ça ne peut pas se faire selon une initiative locale d'un chef de
département, ça prend une politique gouvernementale pour encadrer
comment ça va se faire. Là, il y a une possibilité de
mieux gérer l'ensemble des ressources disponibles actuellement.
L'autre chose que je pourrais ajouter, c'est toute la notion de
l'informatique. Là-dessus, je reviens sur ce que j'ai entendu de mon
prédécesseur, le docteur Richer. Le carnet de santé, la
carte à puce, s'il y en a, des abus, dans la société, le
monde qui s'ennuie puis qui fait du "shopping", on ne sait pas s'il y en a, on
ne sait pas si c'est un pourcentage important, mais si on avait un dossier
santé que chacun des intervenants serait en mesure de lire et
d'interpréter, il n'y en aurait plus d'abus de ce
côté-là. L'autre chose sur laquelle l'informatique devrait
être très importante... Je vous entendais, un peu plus tôt
dans la journée, vous parliez de la rémunération à
l'acte, de la multiplication des actes, bon. Le carnet santé
éliminerait un certain nombre de cet aspect-là. Je
prétends qu'un des dossiers où il y a une dépense inutile,
c'est tout le dossier des tests de laboratoire et de la radiologie en
établissement. Là, on a besoin de l'aide du gouvernement pour un
réseau d'informatique qui va faire en sorte qu'on va pouvoir quantifier
et qualifier tout ce qui se fait dans les laboratoires de radiologie, de
médecine nucléaire, d'hématologie, de biochimie, de
microbiologie et j'en oublie un, de pathologie et, à ce
moment-là, être en mesure de dire: Le patient a eu ce test
à l'autre hôpital, hier, ou bien non, il l'a eu dans son
bilan de santé externe, il y a une semaine et ce n'est pas
nécessaire de le répéter. Que ce soit un bilan sanguin,
que ce soit une radiographie du poumon, que ce soit un
électrocardiogramme pré-opératoire. Là, on
éliminerait une source de gaspillage - c'est mon Interprétation,
c'est mon hypothèse, ce n'est pas prouvé - qui serait
énorme. Là, on a besoin, dans ça, de l'aide du
gouvernement dans l'informatisation. J'en ai discuté avec le
président de la Régie de l'assurance-maladie parce que,
évidemment, comme agent payeur, la Régie serait Impliquée
dans la gestion de ce système pour que la comptabilité se fasse
entre l'établissement et la Régie. Les statistiques
montées par la Régie et, ensuite, disponibles pour une plus saine
gestion. Mais, on ne marche pas à coups de 100 000 $ dans ça, on
marche à coups de millions.
Dans le même dossier, il y a une façon d'éliminer
des utilisateurs du système de santé, alors que les frais
devraient être payés, facturés à des tiers. Je suis
sûr que vous êtes aussi au courant que moi, comment est-ce qu'on en
"flush", du monde, pour des radiographies pulmonaires, que ce soit pour des
pré-emplois, des pré-retraites, des post-emplois ou des
relocalisations, des promotions, etc.
M. Chevrette: Des primes d'assurance.
M. Desjardins: Alors, vous êtes au courant autant, sinon
plus que moi. Ça représente, ça aussi, un nombre de
dollars important. Et ça, c'est dépistable uniquement par
l'entremise de l'informatique. Aujourd'hui, on n'a pas la capacité de
savoir qu'est-ce qui se passe dans ce système.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Alors, merci de
votre présentation. M. le ministre, vous avez une phrase, un mot.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, juste en terminant. Il
fut un temps où la Régie de l'assurance-maladie du Québec
s'était donné comme pouvoir un seul agent payeur. Ça a
été pendant longtemps. J'ai eu des rencontres avec le
président de la RAMQ. Ça va aussi être un agent
vérificateur, soyez-en sûr. Donc, on va tenter de contrôler
un certain nombre de choses et on va rejoindre ce que vous exprimez. Mais, un
gros changement à la RAMQ s'en vient.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Nous suspendons nos
travaux jusqu'à 20 heures précises.
(Suspension de la séance à 18 h 18)
(Reprise à 20 h 7)
La Présidente (Mme Marois): Nous allons reprendre nos
travaux. J'inviterais donc l'Association des médecins de CLSC du
Québec à prendre place, s'il vous plaît. Nous entendrons
par la suite un autre groupe, soit la Fédération des
médecins résidents et Internes du Québec.
J'Inviterais le Dr Munger, d'ailleurs, qui nous a été
déjà présenté cet après-midi, à
présenter les personnes qui l'accompagnent et à nous faire part
de l'essentiel de son mémoire. Vous connaissez les règles du jeu:
une vingtaine de minutes et nous avons autant de temps alloué à
chaque parti pour poser des questions.
Association des médecins de CLSC du
Québec
M. Munger (André): Mme la Présidente, j'aimerais
d'abord vous présenter, à ma droite, le Dr Mario Gaudreau qui
travaille au CLSC-CH des rois-Saumons qu'on peut définir comme un CLSC
périphérique, qui travaille à Saint-Jean-Port-Joli donc,
mais qui est aussi attaché au département de santé
communautaire à Montmagny; à ma droite immédiatement, le
Dr Jean Rodrigue, ancien président de notre Association, qui travaille
au CLSC centre-sud à Montréal, dans un milieu
défavorisé, et qui est aussi attaché à
l'hôpital Notre-Dame de Montréal; à ma droite, le Dr
Rémi Côté, qui est attaché, lui, au CLSC de la basse
ville, à Québec ici, qui a une emprise aussi dans un milieu
défavorisé.
Je vais faire la lecture du mémoire qui est relativement court,
mais vous me permettrez aussi d'apporter quelques commentaires
complémentaires.
L'Association des médecins de CLSC a lu avec intérêt
l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux:
celui-ci précise les orientations que le gouvernement entend donner au
système socio-sanitaire québécois, au terme des travaux de
la commission Rochon et des consultations subséquentes de la ministre de
la Santé et des Services sociaux.
Notre Association considère que le texte déposé
propose une réforme importante, voire radicale, de ce système
socio-sanitaire. Dans un premier temps, nous entendons commenter certains
éléments qui nous interpellent comme association syndicale, mais
aussi comme regroupement de professionnels de la santé exerçant
en CLSC et comme membres de la société
québécoise.
Premier élément: une politique réduction-niste en
regard de ses objectifs. Le système québécois de services
de santé et de services sociaux constitue, à plus d'un titre, un
modèle du genre dans le monde: organisation en un vaste réseau
public, intégration du sanitaire et du social, concertation des actions
de prévention et de soins, contrôle des coûts, pour n'en
citer que quelques caractéristiques. Ce système, au début
des années soixante-dix, innovait davantage en formulant des objectifs
audacieux: le ministre
exerce les pouvoirs que la présente loi lui
confère de façon à améliorer l'état de
santé de la population, l'état du milieu social dans lequel elle
vit et les conditions sociales des individus, des familles et des groupes;
à rendre accessible à toute personne, d'une façon continue
et pendant toute sa vie, la gamme complète des services de santé
et des services sociaux.
Nous ne retrouvons plus, dans l'avant-projet de loi, cette
préoccupation de l'état de santé de la population et de
l'état du milieu social. Plutôt, on y réduit le concept de
la santé à l'amélioration de la capacité des
personnes d'agir dans leur milieu et d'accomplir les rôles qu'elles
entendent assumer d'une manière acceptable. Nous ne pouvons souscrire
à une telle modification des objectifs.
D'abord, c'est faire porter sur les seuls individus le
poids de leurs problèmes socio-sanitaires et la responsabilité
d'y remédier: le rôle du gouvernement et de la
société se borne alors à offrir une gamme complète
de services. Cette attitude n'est pas nouvelle: nous l'avons déjà
dénoncée lors des audiences publiques sur le projet de loi sur la
sécurité du revenu.
À l'heure où, comme société,
nous sommes confrontés à de graves problèmes
environnementaux, à des problèmes démographiques et
culturels, le gouvernement ne saurait amenuiser son rôle dans le maintien
et la promotion de la santé des individus, de la population et de la
société.
Deuxième élément: la confusion sur les
notions de centre et d'établissement. L'avant-projet de loi propose une
réorganisation complète des établissements
socio-sanitaires, en regroupant ce qui s'appellera désormais les centres
(les anciens établissements) sous un seul conseil d'administration par
territoire de CLSC, conseil d'administration qui constituera désormais
l'établissement.
Cet aspect de la réforme est fondamental et
mérite de nombreuses remarques, quoique, à ce stade-ci, nous ne
pouvons en formuler qu'une: le texte proposé confond à plusieurs
endroits centre et établissement, ce qui rend difficile son
interprétation et parfois Incompréhensibles les intentions du
législateur.
Troisième élément: la place des
services médicaux en CLSC. Notre Association avait accueilli avec
satisfaction les conclusions du rapport Brunet, entre autres celles concernant
les services médicaux; ces conclusions ont été reprises
par la ministre dans le document "Orientations". Nous remarquons que
l'avant-projet de loi, s'il stipule de manière explicite sur les
départements cliniques des centres hospitaliers, est silencieux sur la
structure médico-administrative en CLSC. On y prévolt aussi la
nomination d'urgence d'un médecins en CH et en CHSLD, mais rien pour les
CLSC. Il en est de môme pour les procédures de nomination et pour
d'éventuelles mesures disciplinaires; aucune mention n'est faite
concernant la pratique médicale en CLSC.
En plus, si l'on prévoit trois médecins pour
constituer un CMDP dans un centre hospitalier ou dans toute autre
catégorie de centres, pourquoi en faut-il donc cinq dans un CLSC?
Nous accueillons favorablement le règlement sur la
structure médico-administrative en CLSC. Ce document, longtemps attendu,
permet une meilleure compréhension des rôles et des
responsabilités dévolus au chef de médecine
générale. Nous pensons que les CLSC et les services
médicaux s'y rattachant pourront jouer un rôle utile et
déterminant dans la mesure où une volonté est clairement
exprimée dans ce sens par le gouvernement.
Les médecins oeuvrant dans les CLSC sont prêts
à mettre l'épaule à la roue et à répondre,
d'une façon adéquate et originale, aux besoins exprimés
par la population desservie et aux priorités d'intervention
définies par votre gouvernement. Mais il faudra reconnaître que
les médecins de CLSC ont besoin, pour jouer le rôle qu'on attend
d'eux, au moins des mômes structures sur le plan
médico-administratif que leurs confrères exerçant dans les
autres centres du réseau de santé. L'avant-projet de loi,
à cet égard, laisse à désirer parce que peu loquace
sur la question. Il est temps que les tergiversations et les imbroglios
concernant le travail des médecins de CLSC cessent. Le projet de loi
actuel nous semble l'occasion rêvée pour que le gouvernement
clarifie la situation.
Pour me permettre, à moi, de clarifier mes
positions, nous pouvons faire certains commentaires qui sont les suivants. Le
réseau des CLSC. SI ce dernier a été
complété récemment au Québec, les services
médicaux qui s'y rattachent sont loin d'être complets. Dans
plusieurs CLSC, les médecins sont peu ou pas présents. Le
principal problème de l'image des services médicaux en CLSC,
c'est le manque d'uniformité. On compte près de 120 CLSC au
Québec qui offrent des services médicaux, mais ces services sont
complets, polyvalents et accessibles dans à peine 80 d'entre eux.
Équipes médicales en CLSC. Pour
prétendre offrir des services médicaux de qualité, il faut
compter sur une équipe médicale structurée. Nous avons
besoin d'un chef de médecine, d'un CMDP et de toutes les structures
accessoires nécessaires à la pratique médicale en
établissement. Là où nous retrouvons ces structures, avec
des lignes de responsabilité et d'autorité bien définies,
nous rencontrons des équipes médicales stables et polyvalentes
capables de faire face aux besoins exprimés par la population.
Le chef de médecine. Les rôles et
responsabilités du chef de médecine, comme nous l'avons dit, ont
été définis récemment, mais il faut comprendre que
ce dernier doit travailler en étroite collaboration avec les autres
cadres de l'établissement. À l'heure actuelle, 47 chefs de
médecine ont été invités à faire partie des
comités de régie de ces CLSC. On retrouve plus
d'harmonie, plus de services, une lecture et une réponse plus
rapides et adéquates aux problèmes rencontrés. C'est toute
la planification et l'organisation des services médicaux en CLSC qui
serait simplifiée par une telle reconnaissance.
Les honoraires fixes. Ce mode de rémunération a toujours
été privilégié dans les CLSC. Il nous semble encore
plus conforme à la réalité de la pratique médicale
contemporaine, surtout lorsqu'elle s'inscrit dans le cadre du travail d'une
équipe multidisciplinàire. Nous souhaitons les assouplissements
nécessaires rendant possible la rétribution à honoraires
fixes dans les autres unités du réseau de la santé.
Des mandats. Des services médicaux d'urgence en région
éloignée au désengorgement des urgences en territoire
urbain, l'éventail des services offerts est vaste et les équipes
médicales en CLSC sauront faire preuve de souplesse. Encore qu'il
faudrait préciser les mandats de ces institutions. Certaines commissions
se sont déjà penchées sur la question et nous ne
retrouvons pas dans cet avant-projet de loi les indications maîtresses
nous permettant de mieux circonscrire certaines priorités. Les
médecins de CLSC sont prêts à faire face à la
musique et vous disposez d'un réseau qui vous permet déjà
de supporter en région éloignée le réseau de garde
intégrée. Il est possible de faire plus, nous le croyons.
Même si la Fédération des CLSC semble endosser le volet
santé de sa mission, cela ne se traduit par rien de concret sur le
terrain et nous sommes à vivre encore dans bien des CLSC des pressions
inutiles liées aux préjugés négatifs et non
fondés qu'entretiennent certaines administrations envers la
médecine et la place qu'elle doit occuper dans les CLSC.
Les omnipraticiens en CLSC. Les médecins de CLSC payés
à honoraires fixes et engagés dans des programmes propres
à leur établissement souhaitent que cet exercice puisse clarifier
les mandats et la mission de chacun. Nous voulons demeurer des omnipraticiens
et nous sommes déterminés à maintenir une partie de cette
pratique en CLSC à l'intérieur d'un tronc commun
représentant les services de santé courants. Les services
médicaux de première ligne et l'engagement même
d'équipes de médecins stables et compétents en CLSC
dépendent de cette notion. Nous avons besoin d'une indication claire des
intentions de votre gouvernement et de moyens concrets pour répondre
adéquatement aux attentes de la population.
En guise de conclusion, notre association souscrit à la
volonté gouvernementale de procéder à une révision
de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ceci ne
doit pas servir de prétexte à l'abandon d'objectifs essentiels,
préalables à toute action véritable sur l'état de
santé des individus, de la population et de la
société.
Une réorganisation du système socio-sanitaire, pour
être efficace, suppose une adhésion massive de la population, mais
aussi celle des divers Intervenants du réseau. Cette dernière ne
saurait être acquise sans un contrat explicite. Le texte actuel nous
apparaît souvent trop confus au chapitre des droits et obligations des
intervenants.
Le réseau des CLSC compte actuellement 835 médecins. Il
serait temps que le législateur indique, de façon claire,
à quelle enseigne il entend nous loger. L'Association des
médecins de CLSC invite le ministre de la Santé et des Services
sociaux à réviser son avant-projet de loi et lui offre son
entière collaboration.
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup. M. le ministre
de la Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Évidemment, je pense que ma première question
s'adresse a votre interrogation quant au silence ou au supposé silence
quant à la santé des Québécois. Lorsqu'on
écoute et qu'on lit ce que vous dites, on semble en recul par rapport
à la loi existante. Quand j'entends ça, ça
m'inquiète parce que, si c'est comme ça que c'est perçu,
ce n'est certainement pas ce qu'on voulait comme perception de la part des gens
qui auront à interpréter, à travailler avec la loi qui est
proposée. Évidemment, lorsqu'on lit l'article 1 de
l'avant-projet, il est très clairement dit: "Objectifs du système
de services de santé et de services sociaux: 1. Le système de
services de santé et de services sociaux a pour but
l'amélioration de la capacité physique, psychique et sociale des
personnes d'agir dans leur milieu", et ainsi de suite. "2. Les services de
santé et les services sociaux prévus par la présente loi
sont dispensés en vue de: 1° réduire la mortalité,
2°, 3°, 4°, 5°, 6°." J'aimerais que vous soyez, si
possible, un petit peu plus précis sur ce qui manque. Je veux bien
saisir. S'il y a des modifications à apporter, on va les apporter. Si le
texte n'est pas assez clair ou ne dit pas ce qu'on voudrait qu'il dise, ou si
vous ne comprenez pas ce qu'on vous dit parce que c'est mal exprimé, ou
des choses comme celles-là, je veux le savoir.
M. Munger: Si vous me le permettez, je vais répondre en
deux temps sur l'ensemble du projet de loi. J'inviterai peut-être le Dr
Rodrigue à répondre en partie aussi à cette question.
Je vais réserver la question de la lecture des objectifs et de
son interprétation au Dr Rodrigue pour parler du fond, de ce qui vous a
été souligné cet après-midi quand j'étais
là. Dans le fond, cet exercice s'adresse à la structure, mais pas
aux problèmes de fond, pas à l'identification de certaines
problématiques fondamentales, pas à l'interprétation des
mandats et de la mission, ce que j'ai souligné, dans le fond. Ce qu'on a
besoin de sentir, c'est vraiment une
intention claire d'agir sur les problématiques actuelles. Je ne
pense pas - et j'ai l'Impression qu'un certain nombre de gens aussi qui
étalent ici cet après-midi l'ont souligné - que c'est en
agissant sur cette structure de fond qu'on va régler un certain nombre
de problèmes et qu'on va répondre aux attentes et aux objectifs
grandissants en termes de problématiques de santé et de services
sociaux au Québec. Je pourrais peut-être demander à Jean
de...
M. Rodrigue (Jean): Oui. Je vais commencer par un exemple.
Auparavant, je travaillais en campagne pendant une quinzaine d'années et
le phénomène de la monoparentallté en campagne
était quelque chose qui se vivait assez bien, parce qu'il y avait un
réseau familial autour de la famille monoparentale ou il y avait des
amis qui faisaient que les problèmes de la famille n'étaient pas
si importants.
Actuellement, je travaille dans un milieu, à Montréal,
où 50 % des familles sont monoparentales. À ce moment-là,
traiter une otite chez un enfant dans un milieu où il y a tant de
familles monoparentales, où il y a de l'isolement, où il y a der
la sédentartté des personnes, où II y a des
problèmes de logement, ne s'inscrit pas du tout de la même
façon. Traiter une otite, à Lac-Etchemin, pour une madame qui est
monoparentale, d'un enfant d'une famille monoparentale, et la traiter dans le
centre-sud de Montréal, c'est vraiment deux mondes et je pense
qu'à ce moment-là ce qu'il faut réaliser, c'est que la
santé d'un Individu ou la santé des individus est beaucoup plus
que la somme de l'état de santé de chacun.
Le texte de la loi actuelle est explicite dès les premiers
articles sur cette question, à savoir que le ministre est responsable de
la santé non seulement des individus, mais de la population. Vous me
comprendrez - je ne voudrais pas m'enfarger dans les mots, je ne suis pas un
juriste - mais disons qu'il est responsable de la santé de la population
comme telle, tandis que, dans votre projet de loi, dans les premiers articles,
on insiste beaucoup plus sur la santé des individus. Pour retrouver la
santé de la population, il faut s'en aller dans les articles sur les
DSC, à 130 et quelques, et il faut s'en aller à 289 pour entendre
parler de la santé de la population. Je pense que la
préoccupation de votre gouvernement pour la santé de la
population est là; ce que nous, on veut vous soulever, c'est qu'elle
n'est peut-être pas exprimée au bon endroit. Je pense que
c'était déjà soulevé dans le rapport Rochon;
ça a aussi été soulevé, je pense, dans le document
"Orientations", cette nécessité d'avoir une concertation
intersectorielle pour faire face à différents problèmes de
santé.
Je suis bien convaincu que les problèmes d'environnement ne sont
pas du ressort du ministre de la Santé et je ne voudrais pas non plus
que ça soit inscrit dans la loi, sauf qu'il nous apparaît
essentiel, comme association, que le ministre et le gouvernement se commettent
dans cette loi clairement en fonction non seulement de la santé des
individus, mais aussi de la santé de la population. Je pense que, dans
un tel esprit, il y aurait des changements par rapport à la perception
qu'on a des problèmes de santé, de telle sorte que c'est beaucoup
plus au poids que vous donnez à la santé de la population dans
votre projet de loi qu'on en a. On ne veut pas prétendre que vous n'avez
pas d'Intention par rapport à la santé de la population; ce qu'on
prétend, c'est que le poids que vous accordez à la santé
de la population par rapport à la santé des individus nous
apparaît disproportionné. On pense qu'il y a une importance
à donner à la santé de la population dès les
premiers articles de la loi.
M. Côté (Charlesbourg): Je saisis un petit peu
mieux, sans nécessairement comprendre totalement.
M. Rodrigue: II faudrait que vous veniez à centre-sud.
M. Côté (Charlesbourg): Je me suis contenté
à l'occasion, aux Transports, de les subventionner, parce que je
connaissais la problématique là-bas par l'entremise de l'OPDQ.
Évidemment, ce sont des situations assez particulières. Moi
aussi, je suis issu d'une région, la Gaspésie, et je comprenais
un peu ce que vous disiez tantôt. Mais je suis en ville depuis quelques
années; en ville étant Québec, pour moi.
Évidemment, c'est le maximum où je peux me plaire. Je trouve que
c'est véritablement un milieu de vie extraordinaire par rapport à
la grande ville, puis par rapport à ce que j'ai vécu dans mon
milieu d'origine.
Évidemment, vous avez dit: On en parle, on en traite dans les
articles 200 et quelques au niveau des départements de santé
communautaire. On parle beaucoup, effectivement... On est dans le curatlf
à plein régime - on l'a vu encore cet après-midi - et je
ne suis pas sûr que c'est demain qu'on va s'en sortir si on ne prend pas
le taureau par les cornes. Il faut donc parler de prévention, il faut
parier de promotion. Comme vous êtes des médecins qui travaillez
en CLSC et qu'il y a aussi des médecins qui travaillent en
départements de santé communautaire, un des problèmes que
j'ai avec le système, actuellement, c'est qu'on se pile sur les pieds.
Les champs ne sont pas toujours très très bien définis.
Évidemment, dans l'exercice qu'on s'apprête à faire,
malgré le fait que ça ne se veut pas nécessairement un
exercice de structures - on a peut-être plus ou moins bien réussi,
mais ce n'est pas ça que ça se voulait - il y a des choses qu'il
va falloir éclaircir. On est en rareté de ressources, il va
falloir que chacun s'occupe de son affaire. C'est quoi, la jonction, la
complémentarité, les
liens CLSC départements de santé communautaire dans les
objectifs qu'on poursuit? Ça m'apparaît important de vous poser la
question à vous autres. Je vous le dis tout de suite: Je vais la poser
aux départements de santé communautaire quand je vais les voir et
je vais faire la même chose quand les CSS vont venir, puis les CRSSS,
parce qu'il y a des grands pans de mur où ce sont des zones grises. On
va éliminer les zones grises, mais j'aimerais bien entendre tout le
monde là-dessus.
M. Munger: Je vais vous répondre à cette
question-là d'abord en précisant qu'il y a des notions qui sont
relativement galvaudées, comme celle de la prévention, par
exemple. Ça vous a été souligné cet
après-midi. C'est un concept qu'on utilise à toutes les sauces et
qui est articulé de façon souvent, à mon sens, malhabile.
Il y a, c'est sûr, des interfaces entre chacun des établissements
ou des rôles respectifs, j'entends, par exemple, les départements
de santé communautaire, les CLSC, les cliniques privées, les
hôpitaux. L'intérêt de la structure des CLSC, c'est
justement d'être une interface comme ça et de voir des gens
attachés à des programmes, à des secteurs, à des
problématiques particulières, en mariant certains aspects, bien
sûr, parce que le socio est à l'intérieur de cette
structure-là, être capables d'agir à l'intérieur
d'équipes multidisciplinaires, mais à l'intérieur de
programmes aussi. C'est-à-dire que la préoccupation de
planification santé et la reconnaissance des grands objectifs en termes
de prévention sont là. Il y a des équipes qui s'attachent
à des problèmes particuliers, mais qui ne font pas comme telle de
la santé communautaire.
On s'inspire des grandes priorités qui ont été
définies, des grandes problématiques de santé qui sont
définies à un autre niveau, par exemple, au niveau du
département qui devrait nous offrir le support sur le plan de la
recherche, sur le plan des indications des grandes problématiques de
santé. En fait, c'est, à mon sens, la responsabilité
fondamentale des départements de santé communautaire d'offrir ce
support-là et cette vision-là élargie, de disposer d'un
certain nombre de spécialistes ou d'éléments à
l'intérieur de cet établissement-là capables de
répondre aux grandes préoccupations des intervenants.
Mais dans le milieu, ce qu'on va demander à ces gens-là,
c'est d'être capables de traduire ça pour la population et pour
ceux qui le demandent justement, en services cohérents, justement, avec
les priorités définies et les moyens raisonnables, convenables de
circonscrire une problématique donnée.
L'intérêt de la pratique médicale en CLSC, et je
l'ai souligné tout à l'heure, c'est d'être capables,
justement, de jouer à cette interface-là. À mon sens, ce
n'est pas de la santé communautaire qu'on fait, ça s'inspire
beaucoup d'une problématique ou d'une préoccupation en termes de
prévention, mais c'est aussi être capables de marier ces
préoccupations-là avec le fait qu'on donne, sur place, des
réponses aux besoins qui sont exprimés par la population. Et
c'est vrai en Gaspésie. J'ai parlé du réseau de garde
intégrée, mais il faut comprendre aussi qu'il y a d'autres
problématiques. Il y a des gens qui travaillent en milieu
défavorisé, il y a des gens qui travaillent en milieu
périphérique et les besoins sont différents d'une place
à l'autre. C'est pour ça qu'il y a une certaine
originalité, une certaine souplesse qui doit être présente
aussi à l'intérieur de ces équipes soignantes
là.
M. Rodrigue: Juste pour ajouter... La Présidente (Mme
Marois): Oui.
M. Rodrigue: Je pense que le problème n'est pas tellement
au niveau de la complémentarité entre les DSC et les CLSC. Je
pense que ça, maintenant, c'est quelque chose de relativement clair, en
tout cas, sûrement beaucoup plus clair qu'entre les CSS et les CLSC dans
certains cas. Je pense qui, s'il y avait une question de
complémentarité ou même, si on peut soulever le mot, de
concurrence, c'est beaucoup plus avec la pratique médicale de tous les
jours. Je pense que les CLSC sont des établissements de soins de
première ligne, ce sont des soins médicaux, infirmiers et
psychosociaux, comme c'est marqué, d'ailleurs, dans le document
"Orientations", et c'est beaucoup plus à ce chapitre-là qu'on
doit parler de complémentarité ou de concurrence qu'avec les
relations avec les DSC comme tels. (20 h 30)
Si on a une préoccupation, c'est beaucoup plus au niveau de
savoir quelle est la place que vous voulez que les médecins
omnipraticiens, les médecins traitants de première ligne occupent
dans les CLSC.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, toutes
les questions s'enchaînent parce que, au fur et à mesure qu'on
discute, on discute de la problématique vécue sur le terrain. Je
me souviens de conversations que j'ai eues avec le président de la
Corporation professionnelle des médecins, le Dr Roy, dans un dossier
récent sur les sages-femmes où il avait, lui personnellement - et
là il s'exprimait comme président de la Corporation - beaucoup
d'interrogations sur ce qui se passerait dans les CLSC. Et, évidemment,
quand on entend ça, dans mon livre à moi, c'est par rapport aux
polycliniques. Il y a un débat sur la place publique. On parle de plus
en plus qu'il faut en privatiser une partie, tenter des expériences avec
des OSIS, en particulier. C'est quoi votre rôle par rapport à une
polyclinique qui serait sur le terrain, demain matin? Parce que, finalement,
tout le monde s'adresse à la première ligne. Est-ce qu'il y a de
la place pour les deux?
M. Munger: Bien sûr qu'il y a de la place pour les deux.
Évidemment, c'est complémentaire, bien sûr, si c'est un
réseau.
J'ai souligné tantôt, par exemple, sur le problème
d'image que vous soulignez, les réserves qu'on a. J'endosse ça en
partie. Je vous l'ai dit: Le réseau manque d'uniformité,
c'est-à-dire que dans certains endroits il y a des attentes, puis des
réponses, puis, dans d'autres, il n'y en a pas. C'est un système
qui, à mon avis, n'est pas fiable actuellement, qui rend des services
importants.
Bien sûr, on l'a souligné, il y a ce concept de
concurrence. Est-ce que la place existe pour les deux, est-ce qu'il y a un
mandat qui leur est propre? Moi, je dois vous avouer franchement que,
médecine pour médecine, nonobstant les modes de
rémunération, je pense que, dans le fond, ça s'inscrit
dans une certaine complémentarité. Je vois, par exemple, que pour
certaines régions il y avait des difficultés d'implantation de
polycliniques. Il y avait des médecins qui étaient des bons
médecins de famille depuis une certaine époque, surtout dans les
villages en région périphérique ou en région
éloignée. Il y a des CLSC qui se sont implantés, puis ils
ont offert les services médicaux à ces endroits-là, et
puis, pour toutes sortes de raisons, ça s'est greffé
là-dessus, les autres médecins se sont intégrés
dans ces services-là. Il y avait un modèle de pratique qui
était intéressant.
Il faut penser aussi qu'il y a le modèle de pratique qui joue et
qui entre en ligne de compte. Moi, j'achète en partie le concept des
polycliniques, bien sûr, mais il y a des réserves là-dessus
aussi. Penser que ce modèle-là va répondre à tous
les besoins puis à toutes les demandes au Québec, c'est une autre
chose aussi.
D'un autre côté, je vais vous dire franchement, où
est-ce qu'on va mettre une polyclinique puis où, plutôt, on va
favoriser un CLSC? Ça devient un débat insoluble. On n'en sortira
pas. À mon sens, ça prend une démarche relativement
uniforme. Il y a un certain nombre de médecins... Je pense que les CLSC,
n'ont pas un appétit sans limite. Je pense que ce qu'on souhaite
à l'intérieur des CLSC, c'est avoir une équipe
médicale en cohérence avec la mission, les besoins, le mandat,
etc. Bien sûr, ces médecins-là ont été
assaillis par une foule de demandes particulières en termes de
population. On attribue, par exemple, aux médecins de CLSC de travailler
beaucoup plus avec certaines couches de population, les populations
défavorisées, etc.
Effectivement, probablement que ça correspondait à un
besoin et que ça correspondra à un besoin pour les prochaines
années qui s'en viennent. Moi, je le crois encore. Mais, comme je vous
le dis, je pense que ces concepts-là, même au niveau de la
rémunération, ça peut être intéressant,
effectivement. Je pense qu'il y a une bonne qualité de services et,
jusqu'à un certain point, c'est un certain stimulus.
Je vous dirai aussi que, pour toutes sortes de raisons, moi, j'ai
privilégié l'approche ou la pratique médicale en CLSC,
d'une part, parce que je croyais à ce concept-là, j'ai
acheté ça. Je voyais aussi qu'on pouvait faire effectivement de
la prévention, mais qu'on ne perdait pas nos qualités
essentielles de médecin. Dans le fond, ce qu'on me demande de faire dans
un CLSC et ce que je comprends, c'est de la médecine et moi,
j'achète ça. Dans la mesure où ça ne sera plus
ça, je pense que je n'aurai plus affaire là. Ça, c'est
bien clair.
Je m'en tiendrai là pour le moment.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Merci, Mme la Présidente.
Je vais afficher tout de suite mes couleurs. Je suis pour les CLSC, je suis
pour le développement des CLSC éventuellement. Maintenant, on ne
peut pas se fermer à différentes hypothèses.
Mais j'aimerais, dans un premier temps, vous poser la question suivante.
Vous nous parlez de manque d'uniformité et, du même souffle, vous
nous dites: Respectons les disparités. Moi, j'y vois un certain
paradoxe. Par la suite, je poursuivrai avec un certain nombre de questions.
M. Munger: Quand je parle d'uniformité, j'entends un tronc
commun. En dehors d'un tronc commun, je pense que c'est impensable.
C'est-à-dire qu'on ne peut pas, par exemple... Quand je dis
uniformité - je pense à ce que j'ai dit tout à l'heure
quand je finissais la réponse à la question qui m'était
posée - c'est qu'on va demander au médecin de faire de la
médecine, bien sûr, et il y a un tronc commun qui s'appelle les
services de santé courants auxquels l'équipe médicale sera
rattachée, bien sûr.
Par contre, la pratique médicale en CLSC impose une nouvelle
vision, un nouveau modèle de pratique. Ça se fait par secteur
d'intervention, par programme, etc. Eux vont composer avec la
réalité qui est présente dans le milieu. Ces programmes,
ces secteurs qui vont être définis vont l'être en fonction
des problèmes qui sont locaux, qui sont territoriaux. Et ça va
demander, l'engagement sur le plan de la prévention ou sur le plan de la
santé communautaire comme telle, une certaine souplesse qui va faire,
par exemple, qu'au centre de la ville de Montréal les programmes qui
seront mis de l'avant, ce seront des programmes particuliers et que par
exemple, dans la Vallée de la Matapédia ou ailleurs, ce sera
d'autres programmes.
Ce que je vous dis, par exemple, c'est qu'en tout temps, dans ces
milieux, ce qu'on va demander au médecin, c'est les services de
consultation, besoins qui seront exprimés, par exemple, par l'entremise
du programme de périnatalogie. Bien sûr, ces enfants vont
vieillir,
ces enfants auront des familles, mais le concept de médecine
familiale reste là. On ne peut pas demander aux gens de consulter, pour
un problème, dans un établissement et de reconnaître que,
pour un autre problème, pour l'enfant voisin, celui qui suit ou le
grand-père, c'est ailleurs qu'on va. Les gens, dans cette dynamique de
soins et de services, identifient souvent, dans le milieu, des endroits
où ils sont raisonnablement bien servis et où ils ont
accès à des services de qualité, mais dans le concept de
la médecine globale, de la médecine familiale.
Dans ce sens, ça manque d'uniformité. Mais, bien
sûr, comme je l'ai dit, pour les régions, en termes de programmes,
il faudra s'attacher à des problématiques qui sont locales et
particulières.
M. Côté (Charlesbourg): O. K. Allons-y de
façon plus particulière. Vous me parlez d'un tronc où on
peut avoir une certaine équipe multidisciplinaire qui peut travailler.
Alors, expliquez-moi de quelle façon on peut, dans un projet de loi,
définir les missions de chacune des institutions et le respect des
champs de pratique des professionnels, et, en même temps, y aller de
façon multidisciplinaire, respecter le cloisonnement des conventions
collectives et les heures d'ouverture des CLSC. Allons-y là-dedans.
M. Munger: Oui. Regardez. Dans le choix des priorités, je
vais vous dire tout de suite des choses qui sont évidentes.
M. Côté (Charlesbourg): Mais comment le
définir et travailler en équipe lorsqu'on ne peut pas offrir le
service, en respectant le champ d'activité des conventions collectives?
Parce que ce sont les contraintes auxquelles on est soumis.
M. Munger: Mais vous savez déjà qu'il y a des
champs d'activités qu'il y a des créneaux qui sont clairs. Le
maintien à domicile, c'est un concept que les CLSC achètent. Je
pense que votre gouvernement a intérêt aussi à investir
dans ce concept-là. On a vu la lourdeur que ça pouvait
représenter, le vieillissement de la population, etc., les services
à domicile, etc., l'intégration d'équipes
multidisciplinaires. Alors, ce que je vous dis aussi, c'est qu'il y a des
créneaux comme ça qui sont relativement bien circonscrits
actuellement, par exemple, le maintien à domicile. Il existe d'autres
priorités. Par exemple, chez nous - je vais vous donner des exemples -
on a un service de périnatalogie qui était un service de "Mieux
naître" avec un service d'obstétrique, etc. Ça existe aussi
dans les CLSC, dans certains endroits, parce qu'on jugeait, à ce moment,
que c'était opportun.
Vous avez parlé d'accessibilité et ça, ça me
touche beaucoup. Moi, je viens de ce qu'on appelle un vieux CLSC, et je suis un
vieux médecin de CLSC parce que ça fait douze ou treize ans que
je suis dans le système. Et c'est relativement jeune, cette
réalité-là. Je veux bien. Et ce ne sont pas les
médecins qui résistent à l'accessibilité dans les
CLSC. Je vais vous dire honnêtement: Chez nous, c'est un concept qu'on
achète parce qu'il y a un concept plus fondamental qui est la
continuité des soins. Ce qui fait en sorte que, quand je vous ai dit
tout à l'heure que les gens autour de la table ici avaient des attaches
dans les CLSC, j'ai, de par cette responsabilité-là, moi aussi,
des attaches dans un centre hospitalier. Quand on fait du maintien à
domicile, c'est bien dommage, mais quand on intègre les services et les
soins, il faut être accessible, il faut avoir un système de garde
et nos entrées dans les hôpitaux. Quand je vous ai parlé
tantôt d'un peu d'ouverture nécessaire sur le plan des modes de
rémunération pour les autres unités du réseau, je
comprends et je témoigne de la difficulté que j'ai actuellement
à travailler à horaires fixes dans un CLSC, à traiter mes
patients et à devoir changer d'honoraires parce que je suis dans un
hôpital; ça ne finit plus, les emmerdes.
Je vais vous dire autre chose ou témoigner d'une situation. Les
médecins sont pour l'accessibilité, mais pas à tout prix.
J'ai vu dans des CLSC, par exemple, la situation suivante: on demandait
à une jeune femme médecin, qui n'avait pas beaucoup
d'expérience, d'assurer le service de garde avec une clé, dans
une région périphérique éloignée où
elle devait répondre le soir et la nuit aux services d'urgence,
où il arrivait n'importe quelle condition, sans aide, sans
infirmière, sans infirmier présent, sans garde de
sécurité, etc. Ce n'est pas uniquement aux médecins qui
travaillent dans les CLSC de faire les frais de l'accessibilité. Je vous
dis que nous sommes prêts à endosser, qu'on achète ce
concept-là, mais il faut encore que ça s'organise en
cohérence avec la réalité de la vie moderne.
M. Rodrigue: Un autre point que j'aimerais ajouter
là-dessus...
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y.
M. Rodrigue:... rapidement. Actuellement, vous avez un peu
défini... C'était votre prérogative de définir...
L'objet de la discussion, c'est l'avant-projet de loi. Si on avait eu à
discuter du document "Orientations", il y a beaucoup de choses sur les CLSC,
dans le document "Orientations", dont on aurait pu discuter, entre autres,
l'accessibilité et tout ça. Or, ce dont on discute, c'est de
l'avant-projet de loi. Si nous, on s'en rapporte un peu à l'histoire
antérieure, au moment de la loi 27 et des choses comme ça - ce
n'était pas votre gouvernement, c'en était un autre, mais quand
même - il y a eu un flou dans la loi au niveau du rôle des
médecins dans les CLSC, entre autres, par le fait qu'on ne
spécifiait pas les conditions d'exercice des médecins dans les
CLSC, comme on le stipulait
dans les hôpitaux. Ça a pris dix ans avant qu'on
réussisse à convaincre la ministre. Il y a eu d'autres ministres
par la suite et, finalement, ça a pris dix ans avant qu'on convainque
les différents ministres pour aboutir enfin à un projet de
règlement qui définissait qu'il y avait dans les CLSC un chef de
département de médecine générale.
Actuellement, l'avant-projet de loi stipule sur la pratique
médicale dans les hôpitaux, dans les centres hospitaliers de
longue durée et les centres hospitaliers de courte durée; il ne
stipule pas sur les CLSC. À ce moment-là, nous disons qu'il n'est
pas question de discuter de multidis-ciplinarité ou de choses comme
ça - ce sont des choses avec lesquelles on est d'accord - il n'est pas
question de ça dans le texte de loi. Ce qui est dans le texte de loi,
c'est qu'on stipule sur l'activité médicale dans tous les
établissements pratiquement, sauf dans les CLSC. On ne stipule pas sur
les conditions de nomination des médecins dans les CLSC, on ne stipule
pas sur les nominations d'urgence, on ne stipule pas lorsqu'il est temps
d'avoir des mesures disciplinaires sur les médecins. Ce que nous posons
comme question, c'est: Si on n'en parle pas, pourquoi? Est-ce que c'est parce
qu'on l'a oublié? Est-ce que c'est parce qu'on prétend que les
médecins dans les CLSC sont appelés à une vocation de
deuxième ordre? Est-ce que c'est simplement parce qu'on veut en parler
ailleurs? Nous disons qu'il y a 800 médecins dans les CLSC. Ces
médecins-là exercent une médecine familiale qu'on pense de
haut niveau, qui coûte sûrement un peu moins cher que d'autres
types de pratique, quand on regarde nos revenus à la fin de
l'année.
Tout cela étant dit, je pense que la qualité de la
pratique médicale dans les CLSC est sûrement présente. Il y
a une clientèle qui les fréquente; il y a 10 % des
médecins omniprati-ciens qui sont dans les CLSC. Dans l'enquête de
Santé Québec, il y avait environ 6 % à 10 % de la
clientèle qui consultaient dans les CLSC. On ne peut pas dire: Les gens
ne viennent pas dans les CLSC; il vient dans les CLSC autant de gens qu'il y a
de médecins pour les accueillir. On ne demande pas qu'il y ait 6000
médecins dans les CLSC, mais on dit: II faut que le secteur de la
pratique médicale en CLSC soit bien clarifié et que, vraiment, on
permette à ce secteur-là d'offrir des services à la
population, services qui sont à la fois complémentaires et
différents de ceux de la pratique privée et que la
clientèle puisse choisir.
M. Paradis (Matapédia): Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Une
dernière sous-question? Oui, d'accord. (20 h 45)
M. Paradis (Matapédia): Oui, c'est ça,
peut-être un commentaire pour terminer. Si on avait eu la
prétention d'avoir la vérité, nous aurions un projet de
loi et non pas un avant-projet de loi. Si l'oubli du CMDP dans les CLSC vous a
permis ou vous a donné l'occasion de le revendiquer ouvertement,
publiquement, eh bien tant mieux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je voudrais bien m'organiser
comme ça, moi.
La Présidente (Mme Marois): C'est une façon
très positive de voir les choses. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. C'est bref comme
présentation, mais extrêmement intéressant, la perspective
que vous nous présentez et ce que vous êtes comme alternative au
Québec, comme ressource. Vous disiez tantôt: Je suis un vieux
médecin de CLSC, depuis douze ou treize ans. On a vu pendant toute la
journée tout l'autre aspect de la santé au Québec et du
curatrf. Le ministre sera certainement d'accord pour dire que ça
présentait un certain nombre de difficultés qui étaient,
le moins que l'on puisse dire, incontournables dans beaucoup de cas. Et c'est
intéressant d'entendre ce que vous nous dites ce soir, en revenant
d'abord aussi sur cette question de la préoccupation des objectifs de la
loi. C'est la première fois, que je sache, qu'un groupe nous en parle
ici. Effectivement, c'est tout à fait différent que l'État
soit préoccupé de rendre des services aux individus, de le
définir comme objectif fondamental dans le projet global visant à
donner des services aux individus, s'il n'ajoute pas ou s'il n'inclut pas le
milieu dans lequel vit cet individu. Vous avez très bien
témoigné - et on a fait la démonstration à
plusieurs endroits ici, dans plusieurs mémoires - par exemple, et on est
un peu fatigués de le répéter, qu'il y a plus de
problèmes, plus de situations dramatiques, une plus grande
prévalence au niveau de la maladie, au niveau des problématiques
de santé dans un milieu pauvre, dans la pauvreté. Si nous
n'incluons pas, dans cet objectif de l'état global de santé de la
population, la préoccupation de l'environnement dans lequel est inscrit
cet individu-là, ça nous empêche de penser, dans toute la
mécanique qui en découle, a protéger et à voir
à cet aspect-là.
La première question serait la suivante. Comme beaucoup
d'organismes, les CLSC, pour avoir des contacts assez fréquents avec ce
monde-là, se plaignent d'un sous-financement. Ce n'est pas à
cette constatation spécifique que je veux m'attarder parce que tout le
monde est sous-financé dans le réseau actuellement, tout le monde
a une bonne raison pour dire qu'il est sous-financé. Cependant, le mode
d'allocation,
ne serait-ce que cela, le mode actuel d'allocation des ressources du
ministère de la Santé et des Services sociaux au gouvernement du
Québec ne tient pas compte, justement, ou n'est pas basé sur
l'état de l'environnement dans lequel est situé le service qu'on
aurait à rendre. Est-ce que vous pensez qu'il faudrait baser notre
système d'allocation des ressources dans un milieu donné sur
l'état de l'environnement, l'état de la population, le niveau de
risques que l'on retrouve dans cette population, le niveau de la
prévalence de maladies, etc.? Est-ce que vous pensez que cela devrait
être un critère fondamental au niveau de l'allocation des
ressources?
M. Munger: Vous me lancez là sur un terrain relativement
glissant où je n'ai pas de réponse facile.
La Présidente (Mme Marois): C'est celui où on
pratique, nous, habituellement.
M. Munger: C'est un terrain avec lequel je suis moins familier.
Je vous dirai simplement que je ne suis pas vraiment en mesure de
répondre à cette question-là. Je comprends la
préoccupation que vous amenez et je la trouve fort pertinente. Comment
ça se traduit, par exemple, chez nous? Ce n'est pas tout à fait
ça. Sur le plan des effectifs médicaux dans les CLSC, il y a un
problème. Vous parliez de l'allocation de ressources. Je vous ai
parié tantôt de non-uniformité du réseau. Quand on a
des vieux CLSC, par vieux, entendons d'une quinzaine d'années, d'une
"quatorzaine" d'années, il y a dans ces groupes des équipes
médicales constituées; le volet santé était mieux
organisé, etc. La réalité fait en sorte que les nouveaux
CLSC se plaignent actuellement des problèmes de
sous-budgétisation et voient dans l'arrivée de médecins
des frais afférents astronomiques. Je ne suis pas, encore là, en
mesure de voir si c'est vrai ou si ce n'est pas vrai. J'aurais des
réponses, des commentaires à faire, mais ii me semble que ce
serait moins pertinent de les faire ici. Ce que je pense, par contre, c'est
que, priorité pour priorité, l'éventail de ces
priorités est dur à circonscrire. Je vous avouerai franchement
que d'attacher des budgets à un certain nombre de priorités... Il
y a des priorités, quand même, qui font un relatif consensus. Je
vous ai parlé de notre engagement dans le maintien à domicile;
c'est probablement une réalité mur à mur au Québec.
Je dois vous dire qu'on a un certain nombre de contrats ou de services qu'on
peut offrir qui vont faire l'objet d'un certain nombre de consensus. Je vous
dirai, par contre, qu'il y aura probablement dans les CLSC, et sûrement
dans vos têtes, des choix douloureux à faire en termes de
priorité. J'imagine que ce sont les budgets qui vont circonscrire un
petit peu la pratique et la réalité. Ça, je pense que
c'est vraiment votre travail. Mais je ne peux pas vous éclairer
davantage là-dessus.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Trudel: Très bien. Regardons une autre dimension. On a
abordé la question de la complémentarité. Sous un autre
aspect, il y a toute la question de l'action du communautaire alternatif, le
communautaire tel que défini dans la loi. On a eu certains reproches au
cours des présentes audiences sur le manque de définitions ou de
précisions. Vous êtes dans le champ de l'action communautaire
à l'intérieur d'un organisme prévu à cet effet.
Comment voyez-vous ça, l'arrimage du communautaire non
institutionnalisé, entre guillemets, par rapport à l'action que
vous menez, à ce que vous faites dans la réalité sur le
terrain?
M. Munger: Chez nous, ça s'exprime par un concept, c'est
l'approche communautaire. Ce concept doit être acheté par les
différents intervenants, y compris les médecins.
C'est-à-dire que le modèle qui est proposé, et, je dirais,
enseigné dans les CLSC - parce qu'on y fait aussi là nos
écoles; n'Imaginez pas que c'est sur les bancs de l'université
qu'on va apprendre ça - nous apprend à composer avec cette
réalité, cette composante et cette manoeuvre
générale. Il ne faut jamais oublier que les CLSC s'inspirent d'un
triple volet, le volet santé, le volet psychosocial et le volet
communautaire. Volet communautaire qui en a pris peut-être un peu pour
son rhume dernièrement, mais ça a laissé des traces et
c'est encore présent. Je ne veux pas dire que c'est absent. Mais je veux
dire que ça a marqué l'ensemble des intervenants du
réseau. Je pense que ce qu'on favorise - et, d'ailleurs, il y a un
exercice qui est prévu dans mon CLSC actuellement dans ce sens - c'est
une approche collective qui est une approche communautaire. Ce n'est pas de
demander nécessairement aux organisateurs communautaires de porter sur
leurs épaules le "packsack" du communautaire, mais d'investir chacun des
intervenants de cette préoccupation. Ce qui me semble un concept, et
ça c'est la réalité de la pratique médicale en
CLSC, c'est d'être voisin des intervenants psychosociaux et de composer
avec cette réalité, donc travailler de concert, mais c'est aussi
endosser la mission générale et acheter l'emballage
général.
M. Rodrigue: Ici, on pourrait vous donner un exemple bien
précis. On a eu une discussion l'autre jour au sujet d'un patient
sidéen. Comme équipe, on était en train de se demander qui
était l'intervenant principal par rapport à ce sidéen, qui
faisait le plan de traitement, qui avait l'intervention la plus significative
par rapport à ce patient sidéen. Finalement, on a
réalisé, au bout de trois minutes - parce qu'on essaye de faire
en sorte que nos réunions ne durent pas trop longtemps - que
l'intervenant principal de ce sidéen, c'était l'auxiliaire
familial,
c'était la personne qui, régulièrement, deux, trois
fois par semaine, allait donner un bain à cette personne, allait
organiser son ordinaire. Dans un CLSC, quand on parie d'approche communautaire,
de complémentarité ou de choses comme ça, souvent on a
l'impression que c'est un tas de gens qui discutent autour d'une table et qui
ne font jamais rien, ou encore que ce sont des gens qui discutent pour essayer,
ni plus ni moins, d'infiltrer le milieu. Je pense que l'approche communautaire,
c'est beaucoup plus celle d'essayer vraiment que l'intervenant soit tout le
temps investi de sa place dans le milieu, surtout de la place du client dans
son milieu comme tel, pas dans le milieu de l'hôpital, pas dans le milieu
du système de santé, mais dans le milieu de vie de la personne.
Je pense que ce que permettent les CLSC, c'est vraiment ce partage des
rôles et aussi une certaine revalorisation de différents
rôles. Cette approche dans les CLSC m'apparaît actuellement
beaucoup plus importante et beaucoup plus significative que tout le fla-fla
qu'on peut faire autour de certaines actions communautaires qui, de toute
façon, n'existent plus beaucoup dans les CLSC, en termes d'organisateurs
communautaires qui infiltraient des associations et des choses comme ça.
Je pense que, maintenant, les intervenants communautaires supportent certains
organismes du milieu, mais on a beaucoup plus une espèce d'action autour
de l'approche des gens en tenant compte de leur milieu de vie.
M. Trudel: Et ça nous entraîne toujours sur le
terrain de la complémentarité, sous différents aspects.
Vous en avez parié dans votre présentation, vous disiez, à
titre personnel, par exemple: Comme pratique dans un CLSC, je dois aller
intervenir avec mon bénéficiaire dans un centre hospitalier
où le mode de rémunération fait beaucoup de choses, je
change de cadre, etc. Vous avez vu, évidemment, la proposition
ministérielle des conseils d'administration unifiés par
territoire de CLSC où, entre autres choses, vous vous retrouveriez
éventuellement avec des partenaires, au sein d'un même conseil
d'administration, avec un centre hospitalier, des centres d'adaptation, etc.
Est-ce que vous pensez que cette formule-là va effectivement favoriser
la complémentarité? Je sais que vous ne vouliez pas faire un
débat au niveau des structures, j'ose quand même vous en parier
parce que ça prend une dimension très importante dans le projet
de loi. Est-ce que vous pensez que l'objectif recherché de
complémentarité, on va l'atteindre avec un pareil instrument, un
conseil d'administration unifié pour un ensemble d'établissements
dans un même territoire de CLSC?
M. Munger: Au-delà du conseil d'administration
unifié, il y a un concept qui est extrêmement intéressant,
c'est le mariage de différentes institutions complémentaires
à l'intérieur duquel la circulation de services, la
compréhension et, je dirais, la complicité des intervenants
seront beaucoup plus faciles. Ça, c'est extrêmement
intéressant; ça, c'est extrêmement intéressant, et
je pense que ça favoriserait beaucoup... En fait, c'est un
système intégré de soins et de services où on
retrouvera des centres hospitaliers de courte durée, de longue
durée, des CLSC, des préoccupations de maintien à
domicile, une hospitalisation à domicile, si on veut, des centres
d'accueil, etc., et ça m'apparaît extrêmement important dans
la mesure où, justement, il y a cette souplesse-là. Quand on
l'aborde, moi, le concept, je le trouve extrêmement intéressant.
J'ai vu que certaines préoccupations sont sorties cet après-midi
dans le sens de dire: Oui, mais par territoire de CLSC ou par territoire de CH.
Ça m'apparaît, à mon point de vue, je vous le dis bien
humblement, très secondaire. Dans le fond, ce n'est pas tellement le
territoire du CLSC ou du CH qui est important, c'est une
représentativité et une espèce de concordance entre ces
unités et le fait qu'on a un service vraiment intégré pour
un territoire ou une population donnée. Moi, je trouve ça
très intéressant si, au-delà du conseil d'administration,
on est capable de trouver des façons pour que les gens se parient et que
les services se rendent, et que les gens puissent effectivement travailler
à l'intérieur de ce réseau-là de façon
facile. C'est épineux aujourd'hui.
Bien sûr, je ne veux pas tomber dans les exemples et tout
ça, mais on vit des exemples tous les jours, actuellement, où le
réseau est d'une telle lourdeur que c'est absolument
incom-préhensif. Juste un exemple que ça permettrait
peut-être d'éviter. On a une patiente qui est une profonde
déficiente mentale dont la mère est actuellement
extrêmement malade et qui est surprotectrice, etc. Cette jeune fille ne
sort pas de la maison, n'a jamais sorti, elle a 30 et quelques années.
La mère est prise avec un problème de santé
épineux: elle est angineuse, une nouvelle angine, donc une angine
instable, et elle a probablement un cancer de l'intestin. Donc, le
système va sauter prochainement. Tout ce qu'on veut, pour le moment,
c'est se documenter, on a besoin de rendre un service à cette
dame-là, donc l'hospitaliser, définir le diagnostic, apporter un
traitement adéquat et circonscrire mieux le problème. On essaie,
depuis avant Noël, de trouver une ressource dans le réseau pour
accommoder la fille en question. Impossible. Impossible, impossible. On a
cogné à toutes les portes et je vous le dis, on est une
équipe, les travailleurs sociaux sont là-dessus, ça ne
marche pas et c'est inacceptable. Ça, ça m'apparaît
épouvantable et il faut vaincre ça. Et si cette formule-là
permettait ça, moi, j'achète ça à cent milles
à l'heure.
M. Trudel: Mais vous faites quand même la
remarque que ce n'est certainement pas que ça, qu'un conseil
d'administration. Il faudrait qu'il y ait des mécanismes
afférents. Bon, ça va.
M. Munger: On ne parle que du conseil d'administration et
ça, ça me laisse sur mon appétit. (21 heures)
M. Trudel: C'est le moins que l'on puisse dire. Il y a un autre
des aspects que vous avez touché très rapidement. Vous disiez: On
est plusieurs à faire de la première ligne, chez nous, la
clinique privée, la polyclinique, etc., et vous faisiez remarquer, vous
disiez: Oui, il y a certainement de la complémentarité, on peut
facilement travailler avec cela. Tout cela dépend de: C'est où
ces histoires-là? Où est le CLSC? Il agit dans quel secteur? Les
polycliniques? Ce matin, les directeurs généraux d'institutions
de services de santé et de services sociaux nous ont fait une
suggestion, ils ont fait une suggestion au ministre, que pour la pratique
privée une des solutions de répartition de ces ressources serait
la nécessité d'obtenir un permis gouvernemental à
l'ouverture d'un cabinet, d'une clinique privée, dans telle
localité, tel territoire ou tel secteur. Vous réagissez comment
à cela, si l'État décidait de donner suite à cela,
pour mieux planifier la dispensation des services au Québec sur un
territoire? Dans le cas des CLSC, c'est vite réglé, la loi permet
de le faire, ils sont là. Dans le cas du privé.
M. Munger: Dans notre cas, effectivement, c'est vite
réglé. Par rapport à l'autre aspect, je ne sais pas. Il
m'est apparu, par exemple, quand même que, sur la question des
omnipraticiens et de leur répartition, il y avait eu des énergies
qui avaient été mises dans les dernières années et
qu'effectivement le problème était moins crucial actuellement
pour toutes sortes de raisons. Bien sûr, je pense qu'il faudra
prévoir d'autres modalités; ça me semblerait difficile. Je
pense que vous allez entendre prochainement les médecins internes et
résidents, la réalité de la pratique naissante, etc. Je
vais plutôt leur laisser le soin de répondre à une question
comme celle-là. Ça va moins nous toucher, ceux qui sont en
pratique active, et encore moins ceux qui sont en CLSC et quoique encore la
réalité de la médecine fait en sorte qu'il y a beaucoup
aussi, il faut comprendre, de médecins qui sont en CLSC et qui vivent
d'autres réalités et que les 800 que vous voyez dans les CLSC ne
sont pas en CLSC depuis douze ans; il y a des ramifications et ces
gens-ià vont aller s'implanter en région éloignée,
ils vont revenir. Pour toutes sortes de raisons, il y a beaucoup de mouvance
dans le réseau actuellement qui fait que, s'il y en a 800 dans le
réseau des CLSC, il y en a beaucoup plus qui y ont goûté ou
qui y ont touché.
M. Rodrigue: J'ajouterais que les effectifs médicaux ne
sont pas nécessairement l'objet de l'avant-projet de loi comme tel,
mais, à votre question, je vous dirais qu'il y a une chose qui devrait
être dans le projet de loi, c'est vraiment le "billing number" des
médecins de CLSC. Je veux dire, j'encourage les médecins à
pratiquer à l'acte comme tel. S'il y a une chose qu'on est venus
demander ici, c'est: S'il vous plaît, laissez-nous donc faire de la
médecine générale dans les CLSC; laissez-nous faire de la
médecine de première ligne, comme c'est la vocation, entre
autres, des CLSC; laissez-nous la faire comme on pense qu'elle doit être
faite, dans une perspective d'approche communautaire, et laissez-nous la faire
dans une perspective d'écoute des gens et d'écoute du milieu,
avec un mode de rémunération qui nous permet de le faire, de
telle sorte que, plutôt que de répondre aux questions par rapport
aux médecins à l'acte, on serait beaucoup plus
intéressés à répondre aux questions par rapport
à la pratique médicale comme telle en CLSC.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? M. Trudel:
Une toute petite dernière.
La Présidente (Mme Marois): Une toute petite
dernière.
M. Trudel: vous avez dit: les honoraires fixes en clsc, ça
va, mais il y aurait des assouplissements nécessaires. c'est quoi les
assouplissements nécessaires que vous recherchez, si ça peut se
dire rapidement?
M. Munger: Écoutez! On porte les honoraires fixes à
notre corps défendant, on ne s'en cache pas, c'est un mode qu'on a
choisi, mais il y a beaucoup de gens qui ne croient pas ou qui ne veulent pas
ce mode de rémunération là. Moi, quand j'ai parlé
de souplesse, c'est ça un petit peu. Quand j'introduisais la notion que
dans les autres unités du réseau... Vous parlez de circuit
intégré. Bien, moi, il m'apparaît logique, si on parle de
circuit intégré, qu'on puisse aussi voyager avec notre mode de
rémunération dans les unités de services de ce
réseau-là. Et ça, ce serait un grand assouplissement.
Ça, c'est une notion importante aussi que je voulais livrer, et c'est
une ouverture vers les honoraires fixes. Je suis conscient que ce n'est pas
tout le monde qui achète ce concept-là, mais c'est celui que
nous, on défend.
M. Trudel: On peut vous aider, effectivement. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Il nous reste encore
une minute et demie. J'aimerais vous faire partager une réflexion que
j'ai faite depuis un moment et j'aimerais vous
entendre réagir sur ça. D'abord, je dois vous dire que
j'ai déjà été directrice générale de
CLSC il y a quelques années et j'aurais rêvé avoir des
médecins au CLSC, mais ils ne venaient pas, à ce
moment-là, dans les CLSC. Ça fait plus de douze ans, disons. Cela
étant dit, j'ai l'Impression que tout le brassage qu'on a connu dans le
réseau, de structures, de changements de modes de fonctionnement, a fait
en sorte qu'on a abandonné, non pas le concept de médecine
familiale, mais le concept de médecin de famille. Et l'impression aussi
que j'ai eue, et môme la volonté qu'il y avait, à certains
moments, à l'égard des CLSC, c'était de voir
renaître cette approche-là. Et on a discuté depuis le
début de la commission, et ce sera comme ça jusqu'à la
fin, du fait que l'on doive arriver à mieux contrôler les
coûts et du fart qu'il y avait surproduction d'actes et surconsommation
d'actes, dans les extrêmes, on s'entend, mais que ça existait. Et
le sentiment que j'avais en entendant tout le monde et que j'ai en vous
entendant, c'est de me dire: Si le pendule pouvait revenir à cette
notion de médecin de famille, est-ce que le système ne
s'autocontrôlerait pas de lui-même et on ne serait pas
amenés à inventer toute espèce de moyens très
technocratiques et bureaucratiques mais auxquels on est un petit peu
acculés parce qu'on ne voit pas d'autre porte de sortie?
M. Munger: Moi, j'endosse cette position-là quoique le
concept de médecine familiale est un concept qui est probablement plus
facile à articuler chez nos voisins dans l'Ouest du pays. Je vous
avouerai qu'on est profondément attachés quand même
à ce concept-là, mais il faut voir que la réalité
de la pratique familiale, compte tenu de la complexité de la
médecine et aussi de la complexité des familles, si vous me le
permettez, rend ce modèle-là ajustable, mais difficilement... On
ne peut pas récupérer un certain nombre de choses, c'est ce que
je veux dire.
Je vous dirai, par exemple, que, quand je parlais de tronc commun en
services de santé courants, j'étais bien conscient que tout un
chacun développait, parce qu'on a des programmes dans les CLSC, des
habiletés ou un attachement particulier à une clientèle,
restant entendu qu'il y a un tronc commun en services qu'il faut assurer et que
tout le monde doit mettre la main à la pâte.
Ce qu'on essaie de vendre comme concept sur le plan de la
médecine familiale dans les CLSC, c'est que le collectif des
médecins qui participent à la tâche, on a une belle
pratique de médecine familiale. Individuellement, c'est de plus en plus
difficile, c'est une réalité qui est de plus en plus difficile
à vivre. Il faudra dire aussi, par exemple, que ce concept-là,
c'est le concept de base de la formation des omnlpratlclens au Québec
encore à l'heure actuelle. Donc, c'est un concept qui est très
influent et très important encore dans la réalité de la
pratique des omnlpraticiens au Québec. Mais, dans son articulation,
c'est plus délicat un petit peu. Puis, je pourrais peut-être
demander à Jean de conclure là-dessus puisque j'ai oublié
de vous dire qu'il est aussi attaché au Département de
médecine familiale de l'Université de Montréal et c'est
une question qui l'intéresse particulièrement.
La Présidente (Mme Marois): Ce sera la phrase de
conclusion.
M. Rodrigue: Oui, mais, sans parler de l'enseignement, je vous
dirai, Mme Marois, que vos propos me surprennent. Je ne voudrais pas que le
poids de la loi et que le poids du système de santé reposent
essentiellement sur les médecins, fussent les médecins
omnipraticiens.
La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Ce
n'étaient surtout pas mes propos. D'accord. Alors, on vous remercie. M.
le ministre? Ça va.
M. Côté (Charlesbourg): Merci bien.
La Présidente (Mme Marois): Merci d'être venus
témoigner devant nous. J'inviterais maintenant la
Fédération des médecins résidents et internes du
Québec à prendre place, s'il vous plaît.
Alors, Dr Brossard, président, bienvenue. Ça me fait
plaisir de vous inviter à présenter les personnes qui vous
accompagnent et, ensuite, à procéder à la
présentation de vos propositions, remarques ou commentaires pour,
ensuite, nous laisser un peu de temps pour des questions.
Fédération des médecins
résidents et Internes du Québec
M. Brassard (Jean-Hugues): D'accord Jean-Hugues Brossard,
président de la Fédération. À partir de la droite,
Mme Johanne Poulin, qui est responsable des dossiers traitant des politiques de
santé à la Fédération; Dr Rolla Hraibeh, qui est
secrétaire de la Fédération; à ma gauche, M. Jean
Gouin, directeur général de la Fédération et, tout
au bout, M. Patrick Labelle, directeur administratif.
Je n'avais pas l'intention de relire le mémoire que vous avez
sûrement déjà lu, mais plutôt d'y apporter des
commentaires pour élargir un petit peu le cadre des affirmations qui
sont faites et des commentaires qui s'y trouvent. Les quelques commentaires que
je tiens à faire nous tiennent à coeur. Ils portent surtout sur
des grands principes, beaucoup plus que sur l'ensemble des dispositions qu'on
retrouve dans l'avant-projet de loi.
L'avant-projet de loi prévoit des modifications majeures des
structures. On suppose que ces modifications se posent en solution, en
thérapeutique si on peut dire, de problèmes et de
difficultés qu'on retrouve dans le système. Quand on n'est
pas d'accord avec les affirmations de l'avant-projet de loi, c'est de deux
choses l'une: ou on n'est pas d'accord avec le diagnostic qui était
préalablement posé, donc on ne peut pas être d'accord avec
la thérapeutique; ou, si on s'entend sur le diagnostic, c'est qu'on
n'est pas d'accord, tout simplement, sur la conduite thérapeutique du
traitement adopté.
Avant de discuter des solutions que suggère I1
avant-projet de loi, je pense que je vais apporter quelques mots sur ce qu'on
pense être le problème dans le système. Il y a une
commission qui s'est longuement penchée là-dessus, la commission
Rochon. Certaines de ses affirmations, quant au diagnostic, par de nombreuses
personnes, étaient désavouées. La perception des
problèmes que nous avons tient un peu de notre particularité dans
le système. Les médecins résidents sont de jeunes
médecins - vous pouvez le voir - et, pour la plupart, ils sont au
début d'une expérience professionnelle. Ils ont une courte
expérience professionnelle, mais elle est entièrement
consacrée au système de santé, au réseau de
santé universitaire.
La vision qu'on a du système tient au fait qu'on est très
mobiles, qu'on circule entre les établissements et qu'on en visite
plusieurs. Elle tient aussi au fait que, comme on travaille de longues heures,
on les visite de jour et de nuit et qu'on côtoie tout le monde dans ces
établissements. Que nous disent tous ces gens qu'on côtoie
à toute heure du jour? On côtoie des médecins, des
infirmiers, des infirmières, du personnel de soutien et on constate que
tous ressentent un malaise et que tous considèrent que les choses vont
plus mal qu'il y a dix ans. Mais, si on leur demande précisément
qu'est-ce qui va mal, ils ignorent l'état réel des choses, ils
ont très peu d'information sur ce qui se passe. Il y a un malaise mais
peu d'information. Ils ignorent les solutions qui sont
préconisées et ils ignorent souvent les instances qui les
préconisent, d'où ça vient. Bref, ils ne savent pas ce qui
se passe, ils ne savent pas d'où ça vient. Je parle autant pour
les médecins que pour le reste du personnel.
Mais, il y a une chose dont ils sont convaincus, c'est que, quelle que
soit la solution qui est apportée, ils n'en font pas partie, ce n'est
pas eu qui l'ont pondue et ils ne sont pas responsables de la situation ni de
la solution qui va être apportée. C'est leur perception. C'est
là, à mon avis, le principal problème; c'est que personne
ne se sent responsable dans le système.
Comme chacun de ces intervenants n'a pas une place importante dans les
décisions et dans les orientations du système, ils se sentent un
peu comme des pions dans un jeu dont les enjeux les dépassent. Ils se
désintéressent progressivement, ils négligent leur part de
responsabilité. Ils ont été, si on peut dire,
déresponsabilisés au cours des années. Un système
de santé ne peut pas être meilleur que les gens qui le forment.
Quand on a des artisans qui ont perdu une grande part de leur sentiment de
responsabilité parce qu'ils ont manqué d'information, parce qu'on
ne leur a pas laissé une assez grande marge de manoeuvre ou de
décision, comment construire quelque chose de solide?
Tout changement aux structures qui veut améliorer une lacune
actuelle doit prévoir une responsabilisation des gens, une plus grande
autonomie locale, une plus grande participation des principaux intervenants,
tant à la planification, à la gestion qu'à
l'administration locale. Il faut redonner des responsabilités et faire
en sorte que les gens les prennent.
Certains ont affirmé que le système est prisonnier de
divers groupes d'intérêts, dont les médecins. Ça a
été dit. En fait, ces groupes d'intérêts sont
souvent composés de gens qui devraient participer à la gestion et
qui n'y participent pas et qui ont, en fait, très peu de pouvoir et qui
se posent en quémandeurs. Ils viennent quémander qu'on les
entende simplement parce qu'ils ne se retrouvent pas aux bons endroits pour
revendiquer et pour exercer une certaine part de gestion, une certaine part du
pouvoir de gestion.
Il faut responsabiliser de nouveau ceux qui nient toute
responsabilité parce qu'ils ont perdu leur marge de manoeuvre et c'est
là la priorité à notre avis. C'est là que
l'avant-projet de loi nous Inquiète. C'est que, dans les faits, on a
l'impression que c'est le contraire qui va se passer et on a l'impression que
ça va aggraver la situation. On parle de l'avenir parce que c'est
sûr que notre rôle actuel, qui en est un important dans les divers
centres universitaires, va l'être de plus en plus puisque demain on
espère se retrouver à ces divers paliers dont on discute.
L'avant-projet de loi veut interdire toute participation aux structures
décisionnelles du personnel d'établissement; à notre avis,
ce sont des artisans importants dans le système de santé.
Voilà une mesure qui ne va pas encourager les gens à se sentir
autre chose qu'un outil ou qu'un objet entre les mains du ministère, qui
ne va pas encourager les gens à prendre en main leur destinée et
la destinée du système et à dépasser leurs
préoccupations quotidiennes. Rien ne peut vraiment changer, et ce ne
sont pas des directives, ce ne sont pas des règlements, ce ne sont pas
des ordres d'en haut qui vont changer quoi que ce soit si on ne change pas la
mentalité. L'avant-projet de loi, à notre avis, encourage une
vision viciée du système, toute la responsabilité du
côté ministériel et une très faible part de
responsabilité en périphérie localement. (21 h 15)
Nous croyons fermement que la gestion doit être participative au
sein des établissements et qu'il faut redéfinir les
responsabilités des
participants. Quand on dit participative, ça ne veut pas dire, il
ne faut pas y voir, excusez l'expression, un "free for air. C'est une
participation de tous ces intervenants. Mais II faut que ces gens aient des
comptes à rendre. Oui, il faut qu'ils soient imputables dans leur
gestion quand on les implique, mais il ne faut pas les éliminer; il faut
les inclure.
Ensuite, l'avant-projet de loi prévoit, pour les centres
hospitaliers autres que les CHU, une plus grande surface d'administration pour
chaque CA, deux ou trois fois plus de choses à gérer et, quand on
regarde leur composition, deux ou trois fois moins de connaissances du milieu
et fort peu de rencontres. Une structure qui risque de faire en sorte que les
conseils d'administration soient les spectateurs des
événements.
Les décisions vont revenir aux directeurs généraux
et à leurs adjoints, qui sont eux emprisonnés dans un filet
serré de règlements. Il faut que les conseils aient un espace
réaliste à gérer si on désire que ça
fonctionne, il faut qu'ils puissent le faire avec une liberté
réelle, détachée des mailles réglementaires qui les
étouffent. Et ça c'est particulièrement vrai en ce qui a
trait aux règles budgétaires. Il y a de nouveaux modes de
financement et de nouvelles règles budgétaires qui s'imposent, et
probablement, comme d'autres l'ont dit, c'est là le coeur du
problème. On nous affirme que l'État a atteint sa limite en ce
qui a trait à sa capacité de payer. C'est possible. En fait, pour
que cette limite puisse être dépassée, il faudrait que
quelqu'un pose la question clairement à la population:
Préférez-vous plus de services et plus d'impôts ou moins de
services et moins d'impôts? Évidemment, personne ne va aller poser
cette question parce qu'on sait très bien que la population veut plus de
services et moins d'Impôts et que ça ne nous avancera pas
beaucoup. Donc, la capacité de payer de l'État est fixe et on
sait qu'il y a de nouvelles sommes nécessaires. Alors, de deux choses
l'une: ou bien il faut contrôler étroitement les dépenses
actuelles... et ça c'est le travail de chacun et aussi des
médecins qui, si on réussit à les responsabiliser en les
faisant participer à la gestion, se sentiront peut-être
responsables aussi de contrôler les coûts de la pratique qu'ils
exercent.
Ça veut dire aussi qu'il faut laisser aux établissements
le moyen de trouver toute source de financement qui ne remettrait pas en cause
les principes d'universalité et d'accessibilité. À notre
sens, toute source de financement qui respecte ces principes-là est une
bonne source de financement. Il faut encourager les fondations et il faut
laisser aux établissements le loisir de gérer cet argent et de le
dépenser comme ils le veulent. Il faut laisser aux hôpitaux le
soin de gérer leurs surplus et ne pas les pénaliser les
années suivantes pour encourager une gestion saine. Certaines personnes
qui sont passées avant nous, entre autres les directeurs
généraux, semblaient déborder d'idées.
Peut-être que parmi leurs idées il y en a quelques-unes qui
peuvent amener une arrivée d'argent neuf qui respecte les principes
d'universalité et d'accessibilité. Bref, pour le ministère
et pour le ministre, se comporter un peu en actionnaires majoritaires
d'entreprises que les participants gèrent eux-mêmes, participants
qui ont des comptes à rendre toutefois et des principes fondamentaux
à respecter. Il faut garder le contrôle, mais laisser de la
marge.
On a beaucoup parlé des établissements, un petit peu moins
des régies régionales, des instances régionales. Une
planification régionale afin de concerter les efforts de chacun,
d'éviter les dédoublements, d'intégrer, à notre
avis, c'est nécessaire. Toutefois la description actuelle qui est faite
dans l'avant-projet de loi nous laisse sceptiques quant au pouvoir réel
que va posséder cette instance et on doute qu'elle va pouvoir
fonctionner vraiment bien et être efficace. On s'inquiète parce
que à quoi ça sert d'instaurer une instance qui n'aura pas de
réels pouvoirs auxquels vont participer beaucoup de gens, sinon aller
démotiver et renforcer leur sentiment d'impuissance le jour ils vont
s'apercevoir qu'ils n'ont pas de réels pouvoirs?
Oui à une instance régionale, mais à une instance
avec des pouvoirs. Sinon non, parce que c'est un simple facteur de
démotivation. Si le ministre peut nous assurer qu'après la
création de son instance régionale il n'aura plus 100 % du
pouvoir, comme il nous a dit qu'il avait, oui, alors, à une instance
régionale, sinon non.
Enfin, j'aimerais glisser quelques mots plus précisément
sur la place des médecins dans la gestion et la planification. Dans ces
domaines, les talents des médecins, à notre avis, reposent
essentiellement sur leur expertise médicale. C'est cette
expertise-là qui leur permet vraiment de statuer sur ce qui est
nécessaire pour exercer dans un milieu, de façon adéquate,
tant la médecine préventive que curative qui, à notre
avis, s'exerce en même temps et de façon indissociable et qui est
exercée ensemble par la majorité des médecins. Cette
expertise est sous-utilisée actuellement pour diverses raisons parce que
beaucoup de médecins ne sont pas impliqués, parce qu'au cours des
temps ils ont été démotivés, parce qu'il reste
moins de niches à occuper dans les sphères de pouvoir. En fait,
on devrait obliger - je dis bien obliger -l'expertise médicale à
se réinsérer dans les niches de décisions de façon
à pouvoir en profiter. Quelles niches pourrait-on prévoir pour
eux? C'est clair que l'expertise médicale est nécessaire dans un
rôle de contrôle de qualité et de quantité des
ressources. Vérifier que ce qui se passe est adéquat et pouvoir
tirer une sonnette d'alarme quand ça ne l'est pas. Une instance de ce
type-là doit exister et doit comporter une grande part dos
médecins.
Une Implication active dans une instance de
planification à long terme tant locale que régionale
demande la participation des médecins. Enfin, les CMDP sont un
réservoir d'individus qui sont vraisemblablement sous-utllisés et
qui, en tout cas, dans un domaine bien précis, seraient
intéressés à avoir plus de mots à dire dans les
régions en ce qui a trait aux effectifs médicaux. C'est en
quelques mots les commentaires qu'on veut faire autour de notre mémoire
et qui s'ajoutent à ce qui est déjà écrit
là. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre de la
Santé et des Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Évidemment, lorsqu'on s'entretient avec vous, on est
pleinement conscient qu'on a affaire à nos spécialistes de
demain. Ça m'ap-paraît extrêmement important puisque,
effectivement, ce qu'on essaie de faire - on ne réussit pas toujours
à 100 % - c'est de se doter de certains changements au niveau de notre
système qui vont répondre aux besoins de demain.
Évidemment, votre expertise est intéressante parce que -
vous avez bien pris soin de le noter au départ - vous n'êtes pas
payés cher, je ne suis pas sûr que vous l'ayez dit, mais j'ai
entendu ça ailleurs: On n'est pas payé cher, mais on fait
plusieurs hôpitaux et on travaille à des heures où il y en
a certains autres qui ne travaillent pas. Donc, on peut voir un peu et
apprécier un certain nombre de choses et ça, ce n'est pas une
expertise qui est négligeable. Effectivement, de se promener dans
différents centres hospitaliers, à des heures fort
différentes, ça permet de voir et de constater des choses... Ce
que je remarque comme constatation, c'est que le constat est moins dur que
celui de la Fédération des médecins spécialistes et
qu'il y a un peu plus d'ouverture quant à certaines modalités
d'opération.
Ma première question sera la suivante: Compte tenu du fait que
vous avez fait plusieurs institutions, que vous les faites à des heures
fort différentes, que notre système aujourd'hui connaît des
problèmes - on en a, je pense que tout le monde le reconnaît -
cela me tenterait de vous dire, étant donné que j'ai dit
qu'effectivement 100 % des décisions revenaient au ministre...
Évidemment, quand on interroge le ministre, c'est toujours uniquement
pour de l'argent. Alors, évidement, c'est 100 % des décisions
concernant l'argent. J'ai deux questions. Dans les centres hospitaliers
aujourd'hui, qui décide? Qui mène? Parce que, pour moi, il y a
une distinction entre qui décide et qui mène.
M. Brassard: Question intéressante. J'espère que
vous le savez parce que sinon c'est inquiétant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Je peux vous traduire...
M. Côté (Charlesbourg): J'ai hâte de voir si
votre réponse va m'inquiéter. Parce que, effectivement, j'ai des
éléments de réponse; si vous ne me donnez pas les bonnes,
je vais vous donner les miennes.
M. Brassard: Ce que je peux vous donner, c'est la perception
qu'on a de qui décide et qui mène. Les médecins ont, en
tout cas, la perception féroce que ce n'est pas eux autres. En tout
cas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: D'accord? Ce n'est pas eux autres qui mènent
ni dans les décisions qui ont trait aux conditions de l'exercice de la
médecine, c'est-à-dire dans le contrôle du nombre de lits
qu'ils ont, dans le contrôle des appareils et du matériel, dans le
contrôle du laboratoire... Ils n'ont pas toujours cette impression
d'avoir le contrôle là-dessus, le contrôle sur le
développement du cadre médical. Si on demande: Qui décide
et qui mène? je vous répondrai honnêtement que je ne suis
pas capable de dire pourquoi dans l'hôpital où je suis
actuellement ils ont décidé l'été passé de
remplacer tous les postes qu'il y avait autrefois en bois par des postes en
formica, je ne le sais pas. Je ne sais pas d'où elle vient, je ne sais
pas quelle est la raison. Pourquoi, cette année, Ils ont repeint la
moitié des murs de l'hôpital et pas l'autre moitié, Je ne
sais pas pourquoi. Pourquoi II s'est acheté à tel endroit,
pourquoi à l'hôpital Saint-Luc, il y a deux CAT-scans et une
résonnance magnétique alors qu'à l'Hôtel-Dieu,
pendant très longtemps il y a eu un vieux scan qui est tombé en
décrépitude? Je ne sais pas pourquoi. Je ne suis pas sûr
que je sais par quel processus et par quel moyen on en est arrivés
là. C'est ça le problème. C'est que les gens ne le savent
pas et la seule perception qu'ils ont, c'est de ne pas avoir été,
en tout cas, de ceux qui l'ont décidé. Et quand on pose la
question aux divers groupes, chacun nous dit: Non, ce n'est pas moi qui l'ai
décidé, non ce n'est pas moi, donc, je ne faisais pas partie,
non, je n'y étais pas. Mais à la fin on se dit: Mais qui y
était? Et c'est ça le problème.
M. Côté (Charlesbourg): C'est pour ça que...
Ma question ne se voulait pas un piège. Mais effectivement, on se
demande à l'occasion qui décide et qui mène? C'est
forcément les décideurs qui sont supposés être... Le
conseil d'administration de l'hôpital n'est pas nécessairement
constitué de ceux qui mènent. Il y a dans mon livre à moi
une distinction très nette entre les deux et votre réponse n'est
pas si claire que ça, parce qu'elle n'est pas si claire que ça.
Alors, parce que, effectivement, les décideurs et ceux
qui mènent ont une Influence directe sur un certain nombre de
choses. Et ce matin on Interrogeait des directeurs généraux qui,
eux, dans certains cas, nous ont dit: ce n'est pas nous autres qui
décidons et, dans certains cas, ce n'est pas nous autres qui menons
parce que c'est le médecin qui va décider si l'on doit
procéder à un examen sur un scan ou sur du très
conventionnel Mercier qui coûte moins cher. Ils disent: On n'a pas
d'autorité là-dessus. Effectivement, je pense que c'est vrai.
Donc, à ce moment-là, à l'intérieur des
établissements, et je pense que c'est encore le médecin - on se
l'est dit à plusieurs reprises - que c'est encore celui qui est le plus
habilité à faire des diagnostics. Quand même tu essaierais
de faire faire ça au ministre, je pense qu'on va avoir des
problèmes dans le problème de la santé. Faire un
diagnostic, ça c'est votre responsabilité et je ne la veux pas
non plus. Mais il y a, il faut bien l'admettre, dans des hôpitaux,
aujourd'hui, deux sortes de pouvoir. Il y a le pouvoir du D.G. et il y a le
pouvoir des médecins. Évidemment tout le monde agit au meilleur
de sa connaissance et pour des bonnes causes. Alors, quand on parle dans
l'avant-projet de loi - et je l'ai déjà admis en
après-midi - que d'exclure les médecins du conseil
d'administration, il y a de l'argumentation qui a été mise sur la
table au cours de la journée qui nous porte à
réfléchir et à dire: Je pense qu'on va revoir des choix,
un certain nombre de choses là-dessus, parce qu'il y a une expertise
extrêmement importante. L'idée de base était: II ne faut
pas que le conseil d'administration soit mené par une catégorie
de professionnels de l'hôpital, que ce soft le D.G. ou que ce soit le
médecin parce que, évidemment, le docteur Richer nous a dit, cet
après-midi là: Vous pouvez bien dire que le médecin est
bien fort au conseil d'administration, mais pensez au D.G. aussi, il est tout
aussi important. C'est une question d'arriver avec des poids relatifs où
il peut se prendre des décisions au profit du centre hospitalier. Donc,
c'est pour ça que ce n'est pas si clair que ça, et qu'on a
intérêt à finir par décider qui mène et qui
décide. Pour savoir qui décide, il va falloir en arriver à
une structure au niveau d'un conseil d'administration où il y a un
équilibre des forces en présence et, à ce
moment-là, on va peut-être probablement réussir à
faire un bon bout de chemin. J'en arrive à la régie
régionale ou ce qui est proposé comme régie
régionale. Vous dites: Peut-être pour autant que la régie
régionale ait des pouvoirs entre les mains. Quels sont les pouvoirs que
devrait avoir la régie pour être capable de planifier et aussi
pour être capable de décider sur le plan régional? Moi, je
suis un de ceux qui sont convaincus qu'une régie régionale est
nécessaire au niveau des régions pour être capable de
déterminer elle-même leurs besoins et les priorités
qu'elles veulent bien se donner au niveau d'une région parce qu'on l'a
entendu tantôt par les médecins de CLSC: Tu ne pratiques pas de la
même manière dans le monde rural que tu pratiques en milieu
urbain.
M. Brassard: Je vais d'abord revenir, avant de répondre
à cette question-là, sur les pouvoirs des médecins. Quand
on se réfère aux pouvoirs du médecin en se
référant à son exercice de la médecine, à sa
pratique de la médecine en disant: II y a du pouvoir parce que c'est lui
qui diagnostique et c'est lui qui prescrit, on peut voir ça comme un
pouvoir et on dit que son pouvoir est d'autant plus Important que c'est lui qui
décide des tests, et donc c'est lui qui génère les
coûts. (21 h 30)
II y a quelque chose de très important dans ça. On a
l'impression, quand on entend ça, que le médecin praticien a le
choix de demander n'importe quel test face à n'importe quelles
conditions, qu'il peut choisir entre un scan et un examen normal et que c'est
lui qui le décide vraiment. Ça, c'est un peu faux. Ce n'est pas
lui qui décide vraiment parce que la médecine qu'il exerce, il
l'exerce en vertu de recherches scientifiques et en vertu d'une
"littérature" scientifique qui lui dicte les conduites à observer
devant des problèmes de santé précis. Quand il se retrouve
en face d'un problème de santé X et que la "littérature"
recommande, dans ce cas-là, de faire un scan, il n'a pas le loisir,
vraiment, lui comme individu de choisir qu'on va juste faire un autre examen.
Ce n'est pas ça qu'il doit faire, et il n'est pas libre vraiment de
choisir ça. Je pense que c'était important d'arrêter de
présenter ça, la liberté du choix de l'examen. Il y a des
lignes de conduite, il y a des algorithmes décisionnels qui sont les
algorithmes de l'art, c'est-à-dire qui sont dans les règles de
l'art et qu'on doit respecter. Donc, en voulant, comme individu,
contrôler les coûts, on ne peut pas les contrôler en
deçà des règles de l'art. Parce que là, on fait de
la mauvaise médecine. Et ça, c'est important. Donc ce pouvoir...
La médecine n'est pas toujours inventive dans la mesure où elle
peut changer ses conduites comme ça. Elle est souvent reproductive dans
la mesure où elle reproduit ce qui est conseillé de faire. En ce
sens, ça limite de beaucoup le pouvoir du médecin ou le
contrôle du médecin là-dessus.
Quant aux régies régionales, il est clair que ce qui nous
importe c'est que ces instances aient... Elles ont comme principal rôle,
si elles existent, de concerter les efforts et de planifier de façon
à intégrer les efforts des différents
établissements pour ne pas faire de dédoublement et pour qu'ils
se complètent mutuellement. Pour faire ça, il faut donc qu'elles
aient un pouvoir d'imposer certaines choses aux établissements. Il faut
aussi qu'elles aient le pouvoir de répartir des budgets, sans s'en
référer constamment au ministre, sans s'en référer,
pour toute décision, à l'instance supérieure. Quand on
lit: La régie
régionale, dans la mesure où le ministre n'accorde... dans
la mesure où l'approbation du ministre... dans la mesure... au fond, on
va rédiger quelque chose, on va le mettre sur le bureau du ministre. on
va le faire signer, ça va revenir et là, ça va marcher. il
y a de ces étapes qui doivent sauter. il va falloir qu'on accepte le
fait que ces régies soient autonomes, gèrent des fonds sans que
le ministre ait un regard immédiat là-dessus. plus tard, quelque
temps après, quelques années après, s'il le faut, si ce
sont des pians triennaux, des plans quinquennaux - ça peut être
long des plans de santé - à un moment donné, vous dites:
ça n'a pas été fait correctement, on tape sur les doigts.
il y a des étapes de cet ordre qui devront sauter. quand on lit
l'avant-projet, on a l'impression qu'à chaque phrase il y a une
référence au retour au ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends ce n'est
pas nécessairement "non" aux régies pour autant qu'elles aient
des pouvoirs, mais quand même elles doivent demeurer imputables sur le
plan régional, de telle sorte que le ministre, peu importe qui il est,
à un certain moment donné, puisse faire l'évaluation de ce
qui s'est passé avec l'argent qu'on a transféré.
M. Brossard: c'est important que les gens qui participent soient
responsabilisés et pour ça, il faut qu'ils aient des pouvoirs
réels et qu'ils soient imputables. ça ne fait aucun doute.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Mme la Présidente, on dit
toujours que si le gouvernement ou si les représentants de
l'Assemblée nationale étaient en plus grand nombre du genre
féminin, on aurait une perception ou une différenciation des
perceptions. J'aimerais demander aux deux dames qui sont à cette table
si elles partagent, ou si elles ont une vision différente de ce que leur
confrère a énoncé, ou si le fait d'être
médecin rallie tous les points de vue?
Mme Hraibeh (Roila): Non, je pense que je suis parfaitement
d'accord avec le point de vue de Jean-Hughes qu'on ne peut pas accepter ou
qu'on ne peut pas complètement mettre de côté le
médecin comme participant dans le système de santé et dans
la gestion du système de santé, c'est certain. Comme l'a dit le
Dr Brossard, c'est évident que c'est celui qui est le plus apte à
évaluer les besoins du système dans le sens que c'est celui qui
est capable de diagnostiquer, c'est celui qui, en fonction de la technologie
disponible et de la recherche qui lui est disponible, est capable de
gérer, si vous voulez, les coûts de la santé. Comme l'a dit
Jean-Hughes, si on a besoin de faire un CT-scan on n'ira pas faire un examen,
comme un scan nucléaire, si on sait très bien que la
supériorité est démontrée dans un cas pour un
diagnostic. Le coût sera secondaire, à ce moment-là. Je
pense que les médecins, c'est important qu'ils soient
représentés au sein du système de gestion. C'est
évident qu'on a besoin de participer avec les autres
représentants dans le système de santé à cette
gestion. C'est évident. Ce n'est pas parce que je suis médecin
que je partage nécessairement toutes les opinions du Dr Brossard, mais
je pense que c'est parce qu'on est exposés, dans le même milieu,
aux mêmes conditions de travail et aux mêmes constatations et on ne
peut pas, en lisant l'avant-projet de loi, tout simplement accepter tout ce qui
est proposé et accepter aussi que notre rôle soit mis
complètement de côté et d'être simplement des acteurs
qui vont, comment dire? agir sur des ordres ou sur des suggestions sans avoir
un mot à dire sur ce qui va se décider dans le système
dans lequel on travaille, qu'on considère être... Vraiment, on est
responsables de ce qui se passe dans ces milieux-là. On ne peut pas
accepter de recevoir les commandes sans avoir un mot à dire sur la
façon dont ça devrait se passer au bout de la ligne. Moi, je suis
parfaitement d'accord avec le Dr Brossard.
M. Paradis (Matapédia): De toute façon, vous m'avez
amené un point de vue de médecin, mais j'aurais aimé, en
tout cas, une nuance un petit peu plus intéressante sur le fait que...
Parce que moi, comme politicien, il arrive souvent que je me fasse sermonner en
disant: Bon, la perception des femmes est différente, l'humanisation des
femmes est beaucoup plus facile, enfin...
Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Hraibeh: Mais, mais je pense...
M. Paradis (Matapédia): ...de telle sorte que j'aurais
peut-être aimé avoir cette différenciation.
Mme Hraibeh: Mais je pense que ce n'est pas parce qu'on est
médecin qu'on perd le côté humanitaire ou que ce n'est pas
parce qu'on est femme qu'on devrait nécessairement avoir une
caractéristique différente d'un médecin qui est
mâle. Je pense qu'on conserve quand même une certaine
identité, qu'on a certainement, peut-être... Il y a beaucoup de
gens qui disent: Depuis qu'il y a plus de femmes dans le système de
santé, II y a une certaine perspective sur... l'humanité revient,
le médecin redevient humanitaire, mais je ne pense pas que ça va
changer quoi que ce soit à la façon dont les femmes
médecins vont agir dans le système de santé actuel et je
ne pense pas que ça va changer quelque chose non plus, sur le plan
décisionnel,
qu'il y ait des femmes médecins dans le système de
santé. Je ne pense pas que les hommes médecins soient très
différents dans la perspective de la gestion du système de
santé. Je ne veux pas nécessairement paraître rien que
médecin professionnel, mais je pense qu'il n'y a pas de
différence. Je suis peut-être mal placée pour
répondre à votre question parce que... En tant que professionnel,
c'est primordial d'être professionnel avant d'être femme.
M. Paradis (Matapédia): Je ne veux pas épiloguer
là-dessus, on aura sûrement d'autres occasions, en tout cas, pour
échanger là-dessus. J'aimerais reprendre tout simplement, parce
que ça m'intéresse beaucoup, les médecins en
région, que ce soit par le biais des effectifs médicaux de la loi
75 ou par les régies, en tout cas, possibles... Que pensez-vous des
enfants gâtés d'Augustin Roy?
M. Brassard: Vous savez, les positions du Dr Roy sont souvent
très colorées et traduisent souvent sa simple opinion.
M. Paradis (Matapédia): Sa simple opinion?
M. Brassard: Oui, c'est ça.
M. Paradis (Matapédia): Ah bon!
M. Brassard: II représente la Corporation professionnelle
des médecins du Québec et ce n'est pas un organisme qui a pour
tâche de représenter les médecins, c'est un organisme qui a
pour tâche de défendre le public.
M. Paradis (Matapédia): Je vous arrête
immédiatement, j'aimerais vous demander si vous faisiez partie du groupe
de jeunes médecins, à l'époque, qui étaient
à l'université et qui étaient venus faire une parade ici,
en avant de l'Assemblée nationale où on vous a reçus en
compagnie de l'ex-ministre, Mme Lavole-Roux et l'ex-député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, mon copain Baril. Est-ce que vous faisiez
partie de ce groupe-là?
M. Brassard: Je ne faisais pas partie du groupe dont vous me
parlez, mais j'étais, à ce moment-là, déjà
à la Fédération des médecins résidents.
C'était lors des modifications à la loi 97, je pense.
Une voix: Quatre-vingt...
M. Paradis (Matapédia): La loi 97, article 1.
M. Brassard: 97, C'est ça. À ce moment-là,
on avait déposé un mémoire...
M. Chevrette: C'était le pourcentage de la
répartition des effectifs.
M. Brassard:... vous vous souviendrez, que j'avais d'ailleurs
présenté. Donc, j'étais venu présenter, au nom de
la Fédération, un mémoire.
M. Paradis (Matapédia): Ce que je veux dire c'est
que...
M. Brassard: Mais on n'était pas...
M. Paradis (Matapédia):... à cette
époque-là...
M. Brassard: À cette époque-là... M.
Paradis (Matapédia):... les gens...
M. Brassard: J'étais médecin résident,
à l'époque, je n'étais pas étudiant.
M. Paradis (Matapédia):... les jeunes médecins, les
Jeunes qui étudiaient nous avaient fait une promesse pratiquement
solennelle, lorsqu'on les avait rencontrés en aparté dans une
salle ici, dans cet édifice, où on nous avait dit: Ne vous
inquiétez pas, retirez l'article 1 et nous allons desservir toutes les
régions du Québec de par notre conscience sociale. Est-ce que
c'est toujours le cas?
M. Brassard: Je pense que si on regarde révolution des
effectifs médicaux depuis dix ans, il y a eu une nette
amélioration de la répartition des médecins omnipraticiens
et il y a des tendances qui suggèrent une amélioration de la
répartition des médecins spécialistes. Le problème
de la répartition des médecins au Québec, c'est plus
complexe qu'un simple discours sur la conscience des invididus. Il y a beaucoup
d'éléments qui entrent en ligne de compte et il y a des facteurs
qui font en sorte que certains ne sont plus mobiles à la fin de leur
résidence alors qu'ils l'étaient au début, et il y a des
facteurs humains et personnels qui sont généralement de l'ordre
du mariage et des enfants, qui font en sorte qu'il y a des
réalités dont il faut tenir compte, et dont le projet de loi
auquel vous faites référence, à l'époque, ne tenait
pas compte, et c'est ça qu'on était venus vous exprimer.
Je pense que, oui, il y a eu une évolution marquée dans la
perception qu'ont les jeunes médecins des régions et de la
pratique en région et que, oui, il y a une amélioration dans les
choix de pratique et dans les choix de région d'installation de la part
des jeunes médecins.
M. Paradis (Matapédia): Ça ne répond pas
à ma question. Je veux bien qu'il y ait des choix personnels, mais je
vais reprendre l'argumentation, à un moment donné, où on
dit: II y a 3000 étudiants qui font une demande d'admission aux
facultés de médecine. Là-dessus, on accepte bon an mal an
entre 500 et 600 étudiants qui coûtent
à l'État quelque chose, tout dépendant du cours
qu'ils feront, entre 200 000 $ et 300 000 $. Et vous me dites: Pour des raisons
personnelles, je ne desservirai pas les réglons. Mais vous avez aussi le
choix de ne pas étudier la médecine, si vous ne voulez pas aller
en région, d'où l'argumentation du Dr Roy qui disait ceci: En
guise de compensation pour les cours que la société a
décidé de vous payer, le gouvernement est légitimé
de demander à tout nouveau médecin de s'engager à exercer
sa profession pendant un certain temps dans un endroit où on a besoin de
ses services.
M. Brassard: Je ne sais pas si l'intention du législateur
est de faire...
M. Paradis (Matapédia): C'est que, moi, je viens d'une
région défavorisée au niveau des médecins,
où on est obligé de se battre bon an mal an, faire le tour des
campus universitaires, des hôpitaux universitaires pour essayer de
recruter des jeunes médecins. Finalement, ce grand pèlerinage
là, bien souvent, avorte - môme si ce ne sont pas les
sages-femmes, mais, enfin, il avorte.
M. Brassard: Je ne sais pas ce que vous voulez savoir exactement.
Si vous voulez savoir si on est de tout coeur avec le problème de la
répartition, oui.
M. Paradis (Matapédia): Je veux savoir si vous êtes
toujours disposés à le faire et si vous n'avez pas la
responsabilité, comme corporation médicale, tel que l'indiquait
votre président, de desservir toutes les régions du
Québec, parce que tout le monde a le droit d'avoir des services de
santé adéquats dans toutes les régions du
Québec.
M. Brassard: Je suis bien d'accord avec vous, tout le monde a le
droit d'avoir des services de santé, je suis...
M. Paradis (Matapédia): Non, on a le droit d'être
pour la vertu, mais comment on le fait, maintenant?
M. Brassard: Là, il y a plusieurs outils qui ont
été instaurés, dont certains fonctionnent et d'autres ne
fonctionnent pas; on n'en sait rien, ils n'ont pas été bien
réévalués depuis leur mise en place, que ce soient des
outils comme la rémunération différenciée ou que ce
soient des outils comme la loi 75. Le ministère s'est doté de
plusieurs mécanismes pour faire en sorte que les médecins aillent
en région. Je pense qu'il y a une amélioration dans le
déplacement des médecins; il y a plus de jeunes médecins
qui vont en région, il y en a plus qui ont des velléités
d'y aller... Malgré le fait qu'ils n'originent pas de ces
régions-là, malgré le fait qu'ils ne viennent pas des
endroits où ils s'installent, ils acceptent de se déraciner pour
y aller. Il y en a plus qu'avant. Je ne sais pas ce que vous désirez. Si
vous désirez régler le problème, un problème qui
existe depuis 60 ans, en 2 ans, je pense que c'est irréaliste. Je pense
que les choses s'améliorent, que les mentalités évoluent
et que tout ça est sur la bonne voie.
M. Paradis (Matapédia): Ça va.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, je voudrais continuer sur la même piste
pendant quelques minutes.
M. Brassard: Une piste fort fréquentée. M.
Chevrette: Pardon?
M. Brassard: C'est un sentier bien fréquenté.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Bien fréquenté, mais il y en a qui ne
se familiarisent pas vite. Ma question est la suivante: Si vous jugez qu'il y a
des individus qui vont en région qui ne sont pas nécessairement
des régions, est-ce à dire que vous pensez qu'il devrait y avoir
des chaises universitaires réservées à ceux qui viennent
des régions?
M. Brassard: Je pense que...
M. Chevrette: Est-ce que vous vous en prenez au mode de
sélection des universités à ce moment-là? (21 h
46)
M. Brassard: Certainement pas. Je pense que l'objectif principal
des universités est de former les meilleurs médecins possible et
de faire en sorte de sélectionner la meilleure population possible de
candidats. C'est évident que la meilleure population possible de
candidats dans les régions ne peut être représentée
qu'au prorata de la population, tout simplement parce qu'on suppose que les
courbes de qualité pour les futurs médecins sont
distribuées de façon normale et qu'il y en a autant dans une
région que dans une autre.
M. Chevrette: Si je vous dis ça, docteur, c'est que vous
savez pertinemment que les universités ont toujours dit: C'est la
liberté totale, la liberté totale basée en particulier sur
les résultats scolaires pour avoir une place en faculté. Et
là-dessus, le Dr Augustin Roy, effectivement, est un de ceux qui disent:
Écoutez, basée exclusivement sur les résultats scolaires,
on se retrouve potentiellement avec des
individus qui ne veulent absolument pas aller en région et c'est
anormal. Quelle est la différence entre un étudiant qui voudrait
aller en région et qui a 86% et un étudiant qui ne veut pas aller
en région, mais qui a 88% et qui passe avant? Je m'excuse, mais la
science infuse des universités là-dessus, ça ne m'a jamais
ébranlé, moi. Puis, je sais qu'il y en a qui peuvent se raidir
dans leur chaise pour essayer de défendre ça. Ça ne me
fatigue pas non plus. Je ne suis pas certain qu'un jour ou l'autre, pour
activer des changements de mentalité, il ne faudrait pas en arriver
à modifier précisément les critères
d'admissibilité en fonction des besoins d'une population, parce que
lorsque tu es en Abltlbi, mon cher docteur, ou en Gaspésie ou sur la
Basse-Côte-Nord, et que tu gagnes 40 000 $, tu paies les mêmes
maudits impôts que dans les autres régions du Québec. Et
à partir de là, je pense que ce citoyen-là est en droit
d'avoir une qualité et une équité de services tout autant
qu'ailleurs.
À ce compte-là, et je continue mon raisonnement - parce
que vous dites qu'il s'est amorcé un changement de mentalité; je
vais essayer de contribuer à l'accentuer - à ce compte-là,
ne croyez-vous pas que pour une profession où il n'y a aucune contrainte
à la sortie, il n'y a pas un étudiant en médecine,
résident ou interne qui, à la sortie de l'université, n'a
pas de travail. Il bâtit lui-même son travail, contrairement aux
autres professions. Tu étudies en pédagogie ou en
psychopédagogie, si tu n'as pas d'enfants suffisamment, tu restes
chez-vous. Tu étudies pour être infirmière, s'il n'y a pas
de postes, tu ne travailles pas. Pour être jardinière, pour
n'importe quelle profession autre que celle de médecin, au
Québec, alors que le médecin a un emploi automatique... Est-ce
qu'à partir de ce fait-là, à partir du fait que la
société - c'est un principe fondamental - reconnaît de
facto un emploi, on n'est pas en droit, comme collectivité, d'exiger que
ces emplois soient répartis pour l'ensemble des payeurs de taxes qui y
contribuent? C'est un principe qui se défend tout aussi bien qu'une
liberté fondamentale d'accès et d'aller n'importe où. Ne
croyez-vous pas ça?
M. Brossard: Je pense que rendu à ce niveau-là,
c'est au législateur de décider s'il veut imposer totalement la
répartition et faire en sorte de décider, ou si chaque praticien
va décider. C'est clair que les médecins ont, pour simplifier
l'exemple, un job assuré pour la simple raison, actuellement, que le
nombre et la quantité de médecins qu'on forme et qui sortent sont
déterminés de façon fort complexe à une table qui
se penche et qui analyse ça justement pour ne pas en produire plus que
ce qu'il faut au Québec et pour satisfaire très
précisément les niches disponibles pour ces médecins.
Bref, il ne peut pas y avoir de surproduction de médecins actuellement
au Québec parce qu'on contrôle beaucoup la production de
médecins.
M. Chevrette: Expliquez-moi donc pourquoi le ratio est
passé de un médecin par 575 à un médecin par 450
s'il n'y a pas de surproduction, à moins que quelqu'un nous ait menti
hier, je ne sais pas. Je ne suis pas spécialiste, mais il y a du monde
qui...
M. Brossard: Si je me souviens bien, la table de concertation qui
s'est penchée sur le sujet a décidé d'une tarte de
médecins qui était équivalente à celle de 1986 et
qui ne croît qu'en fonction de facteurs de vieillissement de la
population, de problèmes de santé, qui croît selon des
critères bien précis dont le rythme de croissance est à
déterminer dans les exercices jusqu'en 2016. Cette croissance
contrôlée explique, je pense, la raison pour laquelle il n'y a pas
de médecins au chômage au Québec.
M. Chevrette: Mais ça dépend de la
société. On pourrait décider demain matin... Le
gouvernement, ce pourrait être un choix politique de décider que
le ratio médecin-population est de un par 600. Ça pourrait
être une norme nationale qui serait fixée par un gouvernement.
C'est un choix politique. Il pourrait en payer la facture politique aussi, mais
ça pourrait être un choix politique.
M. Brossard: C'est aux politiciens de le faire.
M. Chevrette: Comment il se fait qu'au Québec, par
exemple, on a décidé de laisser évoluer normalement... On
a tenté des expériences. Je ne dis pas que ça a
été des succès partout, mais il y a eu des
expériences, par exemple, pour essayer d'équilibrer les
omniprati-ciens et les spécialistes, 60-40, rappelez-vous, avec le Or
Lazure à l'époque. C'est rendu un peu plus rapproché. Il y
a toutes sortes de phénomènes. Mais on arrive aujourd'hui, avec
l'évolution dans le domaine de la santé, et on se rend compte,
qu'il manque, par exemple, des anes-thésistes, des cardiologues, des
psychiatres et qu'il manque... Je ne me souviens plus. Il y a quatre ou cinq
spécialités qui manquent davanta ge.
Donc, à partir de là, c'est un choix de
société qu'on a fait, c'est un choix politique qu'on a fait.
Mais, est-ce que vous pouvez soutenir... Moi, c'est sur le plan des principes
et je trouve ça assez grave qu'on puisse se permettre, et je ne
l'admettrai pas non plus de vos grands frères, la
Fédération des spécialistes ou celle des omnipraticiens,
ce n'est pas à une profession - j'espère qu'on s'entend - de
décider du type de contrat social qu'on se donne en santé. Sinon,
c'est extrêmement grave, surtout que c'est un "open bar" dans la
production et que c'est un budget fermé dans le paiement. On
s'en va où?
M. Brossard: M. Chevrette, on n'a jamais soutenu ça. Vous
affirmez ça comme ça, mais ça n'a jamais fait partie de
nos affirmations, en tout cas, pas récentes.
M. Chevrette: Ah! Comme ça, j'ai inventé
ça?
M. Brossard: Enfin. Je ne me souviens pas d'abord d'avoir
déjà déclaré ça comme représentant de
la Fédération.
M. Chevrette: Je ne dis pas que vous l'avez fait, mais vous avez
l'air de soutenir que, d'ici 2016, tout est programmé. La France avait
été programmée et ils se sont ramassés à un
moment donné avec quoi? 14 000 médecins de trop.
M. Brossard: Vous savez, ce n'est pas moi qui l'ai choisie, cette
table de concertation et qui a conçu cette programmation de l'avenir. Ce
n'est pas moi qui ai conçu ça. Je constate ça. Vous me
demandez comment est faite la programmation.
M. Chevrette: Ah! Vous ne la défendez pas, vous la
constatez.
M. Brossard: J'y participe dans la mesure de la place qui nous
est laissée et quand vous dites qu'il manque d'anesthésistes,
qu'il manque de psychiatres, on est bien conscients de tout ça et on est
bien conscients qu'il y a certaines spécialités où on ne
forme pas assez de médecins pour nos besoins.
M. Chevrette: Pourquoi en est-on arrivé à la
discussion ici, monsieur? C'est parce que vous avez soutenu, M. Brossard, qu'il
y a une certaine forme de liberté et que vous excluez toute contrainte
pour l'équité des services à la grandeur du Québec.
Moi, ça m'agace à chaque fois qu'un groupe professionnel soutient
ça. Que ce soient les omnis qui ont fait un effort assez magistral... On
est en train d'aplanir les iniquités au niveau des omnipraticiens.
M. Brossard: Je pense que je vais...
M. Chevrette: Ce n'est pas encore le cas au niveau des
spécialistes.
M. Brossard: ...répéter ce que j'ai dit.
M. Chevrette: Si je me base sur ce que le député de
Matapédia disait tantôt, je me rappelle votre position lors de
l'adoption de la loi 97, où vous ne vouliez absolument aucune
contrainte. Je n'ai pas rêvé. À partir de là, est-ce
que vous soutenez toujours que cela doit s'aplanir au gré, aux
volontés, avec des mesures incitatives, s'il vous plaît,
payées par les citoyens du Québec, encore une fois, pour
permettre une équité ou si ce n'est pas à un gouvernement,
avec des choix politiques, à prendre des mesures pour assurer cette
équité-là? Moi, ça m'agace de voir qu'il n'y a pas
une volonté... C'est la seule profession qui ne se rend pas à
l'évidence d'un droit à l'équité. Ça me
chaque, ça m'agace, ça. Qu'ave/ vous do spécial Bon Dieu!
pour être différents des autres là-dessus?
Un prof qui sort de l'université... j'en ai défendu
pendant dix-sept ans, moi, des profs. Il n'y avait plus d'enfants à
Montréal. On les envoyait travailler sur la Côte-Nord, s'ils
voulaient travailler, parce qu'il y avait un ratio à respecter. En
médecine, les psychiatres se concentrent à Montréal et
à Québec et on niaise dans le reste de la province avec des
besoins. On va défendre ça tout le temps et le temps va arranger
les choses, 30 ans, 40 ans. Mon oeil! Ça ne va pas assez vite quant
à moi. Il va falloir se décider et se brancher. Ça,
là-dessus, ne défendez jamais ça devant moi, je ne vous
défendrai jamais.
M. Brossard: Bon, je n'ai rien à répondre à
ça. Il n'y avait pas de question vraiment. Juste un rappel pour votre
mémoire: Lorsqu'on avait présenté un mémoire sur la
loi 97, vous l'aviez défendue, notre position, à l'époque,
M. Chevrette.
M. Chevrette: Non, ce n'est pas ça que j'ai
défendu, M. Brossard. Ce n'est pas ça que j'ai défendu.
Quand vous avez demandé l'élimination, je m'excuse, Mme
Lavoie-Roux ne voulait pas de la table de concertation. Moi, j'avais dit que le
meilleur cheminement, c'était par la table de concertation. Vous nous
disiez que c'était là que vous étiez prêts à
signer. Rendus à la table, qu'est-ce que vous avez fait? Vous vous
êtes opposés. Vous avez dit: Le temps arrangera les choses. Vous
avez profité de cette tribune qu'est une commission parlementaire pour
dire: Laissez-nous aller à la table de concertation, on va
régler, et rendus à la table de concertation, vous avez dit:
C'est le temps qui va arranger les choses. Vrai ou faux?
M. Brossard: Ça n'a rien à voir avec les faits qui
se sont produits.
M. Chevrette: Bien voyons!
M. Brossard: Je pense que c'est en dehors de la discussion.
M. Chevrette: Bien voyons! En tout cas, vous ne nous ferez pas
accroire ici, qui que vous soyez, que les gens doivent attendre la bonne
volonté d'une profession pour recevoir l'équité des
services. Ça, c'est clair.
M. Brossard: On s'entend bien là-dessus.
M. Chevrette: Parfait! Donc, si on s'entend bien
là-dessus, vous êtes d'accord pour qu'il y ait des moyens
coercitifs pour assurer cette équité dans les plus brefs
délais?
M. Brossard: II y a déjà des moyens coercitifs en
place qui sont, à mon avis, fort suffisants.
M. Chevrette: Vous parlez du décret punitif?
M. Brossard: Le décret punitif, mais la loi 75 est un
moyen coercitif important.
M. Chevrette: Ensuite?
M. Brossard: C'est déjà bien suffisant.
M. Chevrette: Est-ce que les autres, ce ne sont pas tous des
incitatifs financiers?
M. Brossard: j'ai dit qu'il y avait des moyens incitatifs et des
moyens coercitifs existants, en place, qui étaient suffisants
actuellement; j'en ai nommé deux.
M. Chevrette: comment expliquez-vous que sur 70 postes
universitaires de spécialité l'an passé, 39 seulement ont
accepté? c'est suffisant?
M. Brossard: Ces 70 postes dont vous parlez, ce sont des postes
qui sont assujettis à faire un séjour en région.
M. Chevrette: De quatre ans, une signature de contrat de quatre
ans.
M. Brossard: vous savez, les gens, quand ils finissent leur cours
de médecine, ont à choisir entre faire de l'omnipratique, se
préparer à l'omnipratique, à l'exercice de médecine
de famille ou entrer dans un programme de spécialité. d'accord?
alors, dans les postes de spécialité, il y a des postes qui sont
non assujettis à des contrats et des postes qui sont assujettis à
des contrats. ce que vous me dites, c'est que tous les postes assujettis
à des contrats n'ont pas été choisis par des gens qui, au
contraire, ont préféré s'en aller pour se préparer
à faire de l'omnipratique. les raisons pour lesquelles ils n'ont pas
choisi, est-ce parce qu'ils préféraient l'omnipratique ou si
c'est parce que, en se liant par contrat, ils auraient une punition à la
lin, si, pour des raisons personnelles x, ils en arrivaient à ne pas
être capables de respecter leur contrat? je ne le sais pas.
peut-être que c'est vraiment parce qu'ils ont
préféré l'omnipratique.
M. Chevrette: Bon.
M. Brossard: Bon. Je ne suis pas capable de répondre
à leur place.
M. Chevrette: Je suis content que vous souligniez ça parce
que... Je vais vous donner un exemple. Le gouvernement offre une
opportunité, quelle qu'elle soit, de pouvoir équilibrer les
choses par des postes précis pour quatre ans, pas pour une vie. On va
grossir le nombre d'om-nipraticiens, le ratio va encore continuer à
baisser, la collectivité va payer, mais les moyennes de salaires ne
baissent pas; le fardeau fiscal en santé augmente et on trouve ça
normal. On s'en va vers un cul-de-sac s'il n'y a pas de mesures claires,
précises. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Est-ce que
vous êtes conscient deçà?
M. Brossard: Je no suis pas sûr quo jo vous suis
entièrement dans ce que vous déclarez
M. Chevrette: Je vais essayer de vous expliquer ça
différemment.
La Présidente (Mme Marois): On va le faire cependant dans
un temps relativement bref. On n'est pas non plus dans un débat
contradictoire. On va essayer de se resserrer un peu...
M. Chevrette: Non, non, mais même si ce n'est pas
contradictoire...
La Présidente (Mme Marois): II est 21 h 58, disons qu'on a
encore trois ou quatre minutes.
M. Chevrette: Supposons qu'il y a 7000 médecins au
Québec, 7000 omnis, et que, parce que les étudiants
décident d'être des omniprati-ciens et qu'à cause du
système, ils ont la liberté entière d'aller où ils
veulent, on se ramasse encore à Montréal avec un nombre
grandissant d'omnis. Le ratio au Québec est un par 450; à
Montréal il peut être de un par 400. Est-ce que, comme
collectivité, vous reconnaissez le droit ou l'obligation à
l'État de répartir équitablement les ressources? Parce que
vous n'en avez pas parlé. C'est pourquoi je vous pose la question. Vous
allez me... Je suis aussi bien de vous poser les deux à la fois parce
que Mme la Présidente nous dit qu'on n'a plus de temps. Si on est
obligés ou si l'on sent le besoin, en tout cas, nous les élus,
d'aller vers une décentralisation à laquelle vous vous opposez
à peu près tous comme corps professionnel,
précisément l'objectif, c'est d'en arriver à donner une
équité des services dans les régions Et vous restez sur
vos positions à savoir la liberté entière d'aller
où vous voulu/, de vous brancher comme vous voulez; mais c'est
drôle, il n'y en a pas un qui est en chômage et il n'y a pas un
salaire qui baisse. Vous partagez tout ça, vous autres?
M. Brossard: Premièrement, quant à l'objec
tion sur la décentralisation, je pense que notre position est un
peu plus nuancée que ça, là; on ne s'était pas
opposés à la décentralisation. Deuxièmement, vous
nous dites, au fond, que la liberté de choisir le type de
carrière qu'on veut faire entre omnipraticien et spécialiste,
est-ce qu'on ne devrait pas réglementer ça pour les
médecins de façon à leur imposer un choix de
carrière particulier? Moi, je suis un petit peu désolé
parce que les qualités et les choix de carrière, quand on en
vient à choisir entre une pratique spécialisée ou
l'omnipratique, etc., ça suppose une conviction et ce qu'on appelle une
vocation, ramenons ce terme, qui est importante et qui ne s'impose pas de
l'extérieur. Ne devient pas pathologiste qui veut, ne devient pas
chirurgien qui veut, ni omnipraticien qui veut. Ça ne se prédit
pas non plus à l'admission en médecine, qui voudra devenir
chirurgien ou qui voudra devenir omnipraticien. Et je suis un peu
désolé de dire: On va faire en sorte d'empêcher un certain
nombre d'étudiants de devenir omnipraticien; on va les obliger à
devenir psychiatre. Les qualités que ça prend pour devenir
psychiatre, les qualités d'empathie, l'intérêt pour ce
domaine-là, c'est quelque chose qui ne s'impose pas d'en haut et
malgré toute votre volonté, je pense que c'est tout à fait
irréaliste que de vouloir mettre sur pied un tel projet.
M. Chevrette: Mais sans forcer quelqu'un, est-ce que vous
êtes prêt à dire que si l'on changeait les critères
d'admissibilité...
M. Brassard: Mais c'est imprévisible, qui va faire
quoi?
M. Chevrette: Non, non, si on changeait les critères
d'admissibilité précisément au lieu de se baser sur la
liberté entière du choix de l'individu, ou sur les
résultats scolaires. Tu offres les opportunités en fonction des
besoins, à partir des balises minimales: tu ne prends pas un gars qui a
60 % ou une femme qui a 60 % de résultats scolaires au cégep,
mais tu peux prendre un gars qui a 80 % au lieu de 90 % et qui veut
véritablement, par exemple, s'engager à aller travailler en
région et à aller dans des branches qui lui plaisent.
M. Brassard: Est-ce que vous réalisez que pour former un
médecin spécialiste, c'est dix ans, au minimum, parce que,
après ça, il y a le "fellowship", ça peut aller à
douze, treize, des fois plus? Est-ce que vous concevez qu'au cours de ces
nombreuses années il se fait un développement personnel
important, un épanouissement de l'individu qui fait en sorte que ce
qu'il envisageait comme étant possible et comme étant
désirable au début, peut ne plus l'être après? Oui,
vous pouvez obliger des gens à choisir d'emblée quelque chose.
Vous pouvez toujours, vous avez le pouvoir de le faire, mais non, vous
n'obtiendrez pas, à la fin, des praticiens heureux, des praticiens plus
compétents et des praticiens qui vont faire une bonne médecine.
Vous allez obtenir des gens à qui on a imposé des choses,
à qui on a imposé un choix de carrière qui ne
répond peut-être absolument pas à leurs aspirations
à la fin de leur pratique. Je pense qu'au fin fond vous allez nuire
à la population du Québec en faisant en sorte que vous allez
avoir du personnel moins compétent.
La Présidente (Mme Marois): Ça va?
M. Chevrette: Je ne suis pas convaincu de ça.
La Présidente (Mme Marois): ii semble que ce soit un peu
difficile qu'on se convainque de part et d'autre, à ce moment-ci. m. le
ministre, en conclusion.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, pour conclure, merci de
l'ouverture au niveau des régies régionales. Je pense qu'on peut
faire beaucoup de chemin à ce niveau pour autant que les vrais pouvoirs
soient aux bonnes places, pas juste dans les mains du ministre, à ce que
j'ai compris, à tout le moins.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre
présentation. Nous ajournons nos travaux à 10 heures, demain
matin.
(Fin de la séance à 22 h 1)