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(Douze heures sept minutes)
La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la
commission veulent bien prendre leur siège, nous allons reprendre nos
travaux. Je vous souhaite la bienvenue à la reprise de nos travaux ce
matin. Nous poursuivons les consultations particulières dans le cadre de
l'étude du projet de loi 4 sur la pratique des sages-femmes dans le
cadre de projets-pilotes.
Avant de démarrer nos travaux j'aimerais constater que M.
MacMillan, député de Papineau, remplace le député
de Rimouski. C'est bien cela? Est-ce qu'il y a d'autres remplacements à
signaler?
La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Non. Alors, nous pouvons
procéder. Notre ordre du jour prévoit aujourd'hui l'audition de
quatre groupes, en commençant par l'Alliance des professionnels en
pratiques alternatives de santé du Québec. On poursuivra, au
début de l'après-midi, avec l'Association des conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens, suivie du Conseil régional de
la santé et des services sociaux de l'Outaouais, pour terminer avec la
section Québec du Collège des médecins de famille du
Canada.
Voilà! J'inviterais maintenant l'Alliance des professionnels en
pratiques alternatives de santé du Québec à venir prendre
place, s'il vous plaît, à l'avant.
Je vous répète nos règles du jeu. Peut-être
que vous n'étiez pas là, la. semaine dernière. On prend
environ une heure pour couvrir chacun des mémoires. Certains
mémoires prennent moins de temps, évidemment. Je faisais le
décompte ce matin, on a déjà entendu 21 groupes ou
personnes, la semaine dernière. Bien sûr, on a clarifié un
certain nombre de questions. On peut prendre avec certains groupes un peu moins
que l'heure, mais on essaie de prendre autour d'une soixantaine de minutes par
présentation: une quinzaine de minutes de votre part, le reste du temps
étant alloué aux questions du ministre et des
députés, tant du côté du gouvernement que de
l'Opposition.
Mme Lévesque, qui êtes la présidente-directrice
générale, si vous voulez présenter les gens qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
APPASQ
Mme Lévesque (Jacinthe): Merci beaucoup, Mme la
Présidente. M. le ministre, mesdames les députées,
messieurs les députés, j'aimerais vous présenter
l'équipe porte-parole du regroupement que nous sommes aujourdhui.
À ma droite, vous avez Mme Colette Harrison, sage-femme
diplômée. À ma gauche, vous avez Mme Marjolaine Piquette,
sage-femme diplômée et moi-même, Jacinthe Lévesque,
présidente de l'Alliance.
Je prends peut-être quelques instants au début, pour
présenter l'organisme que nous représentons aujourd'hui, qui est
un regroupement de différents professionnels en pratiques alternatives
de santé, notamment la pratique sage-femme, qui est une des sept
pratiques que nous représentons et que nous avons, avec beaucoup de
coeur, voulu faire avancer jusqu'à ce jour.
Comme le mémoire le souligne, je m'abstiendrai de lire
textuellement le mémoire, parce que je pense que vous en avez bien pris
connaissance. Nous allons plutôt nous attarder aux différentes
recommandations et pouvoir répondre, de part et d'autres, à vos
questions sur les mécanismes d'intégration de la pratique
sage-femme que nous proposons à cette étape-ci de notre
démarche.
Il faut peut-être souligner aussi que l'organisme que nous
représentons est une structure qui se distingue principalement par un
critère, c'est-à-dire que l'accès à l'Alliance des
professionnels se fait selon des critères et des standards
professionnels. Dans la plupart de nos pratiques, nous nous sommes fiés
à différents standards professionnels de compétence, qui
existent. Pour la pratique sage-femme, il est bien entendu que nous avons
utilisé les standards internationaux qui sont un critère que vous
avez sûrement entendu beaucoup de fois dans les différentes
présentations que vous avez pu entendre jusqu'à ce jour. Alors,
pour nous, c'est très clair que la pratique sage-femme est une pratique
parmi tant d'autres dans le circuit, si on veut, des pratiques alternatives et
elle est importante pour des raisons qu'on pourra vous donner tout à
l'heure, dans la partie plus spécifique du dossier sages-femmes.
Alors, je me permets de commenter à brûle-pourpoint un peu
les différents commentaires généraux que notre organisme a
porté à l'égard du projet de loi 156, qui considère
la pratique sage-femme vue selon l'optique des différents
projets-pilotes. Pour nous, il est bien clair que la volonté
ministérielle de déjà se pencher sur le dossier
sages-femmes est quand même un degré d'expression de conscience
sociale qui est très considérable pour nous et, avec tout le
processus aussi rétroactif qu'on a pu voir du dossier sages-femmes, il
nous apparaît qu'à cette étape-ci du dossier, la pratique
sage-femme mériterait d'être encadrée non pas sous le
format projets-pilotes mais que la reconnaissance de la pratique sage-femme
devrait être un fondement, devrait être un critère
solidement ancré et ce qui nous
apparaît comme sujet à des projets-pilotes, ce serait
beaucoup plus les différentes modalités d'intégration de
la pratique sage-femme. Je pense qu'il y a une nuance. Pour nous, c'est
fondamen tal dans la prise de position qu'on vous présente ce matin. La
pratique sage-femme mérite ou devrait être reconnue comme une
pratique autonome et ce qui pourrait être évalué à
l'aide de différents projets-pilotes, ce sont les différentes
façons d'intégrer la pratique sage-femme dans le
réseau existant. Ça, je pense que pour nous c'est très
important.
Deuxième commentaire pour nous ce matin À travers
l'analyse aussi du réseau de santé au Québec, et aussi
à l'analyse sociologique de la conjoncture financière de la
situation de la santé, non seulement au Québec mais un peu sur le
plan international, il va de soi pour nous que le réseau sages-femmes
devrait s'intégrer dans une structure déjà existante,
c'est-à-dire l'utilisation des ressources existantes. Et je me permets
de faire une parenthèse quand même intéressante pour nous,
c'est que nous, on est tout à fait convaincus que le réseau des
CLSC pourrait être facilement utilisé et cela, sans ajout de
coûts supplémentaires au fardeau financier que pourrait
représenter l'intégration de la pratique. Alors, pour nous, c'est
quand même fondamental et toute notre optique, toute notre analyse a
été basée en fonction de l'intégration de la
pratique sage-femme via le réseau des CLSC.
Évidemment, le projet de loi 156 tient compte beaucoup aussi du
réseau hospitalier mais nous, je pense qu'on positionne le dossier
sages-femmes un peu à l'autre bout de la lunette, c'est-à-dire
que la partie de la pratique sage femme qui nécessite ou qui pourrait
nécessiter de se faire en centre hospitalier est probablement la partie
la plus courte du processus, du suivi qu'une sage-femme peut accorder. Alors
nous, on pense que la pratique sage femme aurait beaucoup plus de chances de
survivre si elle était d'emblée intégrée au
réseau des CLSC. c'est à dire toute la partie, toute la
définition, autant la définition internationale de la pratique
sage femme que les sept ou huit fonctions que le projet de loi veut bien donner
aux sages femmes Ce sont toutes des fonctions qui, à ce moment ci,
pourraient très bien se faire dans le réseau existant. Lorsqu'on
parle de soins prénataux, de cours prénataux, de "counseling" de
couples, toute l'infrastructure des CLSC existante pourrait très
facilement loger sans coût supplémentaire toute
l'infrastructure.
Évidemment, un troisième commentaire non moins important,
c'est-à-dire que la pratique sage-femme, telle que définie dans
le projet de loi va sûrement avoir une difficulté majeure, parce
que la déréglementation, l'article 2 qui donne quand même
la possibilité aux sages femmes de faire l'accouchement et de faire tous
les actes définis, rentre un peu en contradiction, pour ne pas dire en
conflit, avec une loi qui est déjà existante et qui est comprise
dans la loi médicale. Alors, tant que cette situation ne se sera pas
clarifiée, il va être très difficile pour les sages-femmes
d'être capables de travailler de façon fonctionnelle dans le
réseau, autant au niveau des centres hospitaliers qu'au niveau des CLSC.
C'étaient nos trois points principaux.
Une autre optique aussi qu'il faut quand même souligner, c'est que
la pratique sage-femme a été vue, a pris beaucoup de place au
niveau de la place publique et je pense qu'il faut être très
vigilant en ce qui concerne l'ampleur de la demande réollo de la
pratique sage-femme. C'est très évident que c'est en demande,
mais si l'application du projet de loi se continue tel qu'il est, je pense
qu'on risque d'augmenter une demande ou de créer un nouveau besoin qu'on
ne pourra pas satisfaire à très court terme. Ça va
engendrer des coûts supplémentaires et nous allons créer un
nouveau besoin. Alors que c'est peut-être plus conservateur et plus
prudent de regarder la demande réelle à ce momeht -ci. Lorsqu'on
sait que le taux de natalité au Québec est quand même un
des taux les plus bas, alors il faudrait peut-être considérer
quand même en termes de priorité l'ampleur du dossier des
sages-femmes par rapport aux besoins exprimés dans d'autres domaines des
pratiques alternatives de santé.
Je me permets de passer tout de suite à la section
"recommandations" que nous souhaiterions voir appliquer. En partie, il y a
déjà des choses dans la recommandation qui semblent
déjà en bonne voie. Première recommandation
évidemment de notre organisme, c'est que le ministre de la Santé
et des Services sociaux, c'est-à-dire M. Marc Yvan Côté, et
les principaux intervenants dans le dossier de la pratique sage-femme,
manifestent clairement leur intention que le gouvernement
légifère et accorde un véritable statut professionnel
à la pratique sage-femme, mais intégrée dans un
regroupement de différents thérapeutes alternatifs, puisque la
démarche de législation sera la même pour toutes les
pratiques.
Également, que le ministre responsable de l'application des lois
professionnelles, M. Savoie, de concert avec l'Office des professions, autorise
la création d'une structure qui pourrait facilement encadrer les
pratiques alternatives - ce que nous appelons notre corporation "parapluie" -
qui régirait toutes les pratiques; alternatives et qui verrait à
réglementer les conditions d'accréditation dans chacune des
pratiques.
Évidemment, l'encadrement "parapluie" que l'on propose respecte
quand même l'autonomie et l'intégrité de chacune des
pratiques, c'est-à dire que la pratique sage-femme, comme chacune des
pratiques qui pourra être intégrée, aura le loisir de voir
ses critères, de voir ses mécanis-
mes d'accréditation faits par l'expertise sage-femme dans le cas
présent et aura aussi lo loisir de travailler avec des gens qui ne sont
que de cette profession. Ce qui est tout à fait raisonnable au niveau
encadrement professionnel.
Aussi, une de nos recommandations, c'est que dans la période de
transition, dans la période où nous sommes en train d'instituer
des nouveaux mécanismes de collaboration avec les différentes
corporations professionnelles et aussi avec les différents intervenants
des instances gouvernementales qui pourront s'impliquer, on pense qu'un
moratoire dans le temps, un moratoire limité pourrait être
décrété, de sorte que le mécanisme de collaboration
soit beaucoup plus facile. Je dirais même que le mécanisme
d'identification des personnages au Québec qui ont une formation de
sages-femmes soit rendu possible, parce que le phénomène de
répression qui existe à ce moment-ci au niveau des pratiques
alternatives et également pour le dossier sages-femmes, fait qu'on a
même du mal à identifier les personnages qui sont de la pratique
concernée.
Aussi, c'est bien évident qu'à travers tout le discours,
ça revient toujours. Je pense que ça serait vraiment essentiel de
calquer le modèle québécois au niveau des critères
internationaux, c'est-à-dire que je pense que dans une
société quand même évoluée où il y a
eu des progrès de faits au niveau de l'humanisation des soins, tout ce
qui touche le processus de la grossesse et de l'accouchement, il serait normal
que, tout au moins, les critères internationaux soient
respectés.
Évidemment, au niveau de l'accréditation de la pratique
sage-femme, je pense que c'est là qu'on entre essentiellement dans le
coeur du sujet, c'est-à-dire comment - à travers la pratique
sage-femme, l'existence de professionnels sages-femmes - est-ce qu'on va
être capable de niveler la formation et de faire en sorte que la
liberté de choix des couples, des individus qui voudront se
prévaloir des services des sages-femmes pourront être
assurés, tout en assurant la protection du public?
Et c'est vraiment là, à notre sens, le coeur, l'essence
même de toute la problématique du dossier sages-femmes. Et nous,
on va privilégier plutôt une approche où, dans un premier
temps, il suffirait d'identifier, d'une part, les sages-femmes qui ont une
formation. Et, par définition dans la pratique ou dans la
définition internationale de la pratique sage-femme, une sage-femme est
une personne qui a suivi un programme de formation dans le pays
concerné.
Alors, ici au Québec, on sait qu'il y a eu une école de
formation, une tendance de formation, si on veut, qui a été faite
à l'Université Laval, fin des années soixante,
début des années soixante-dix et les autres pratiquantes
sages-femmes diplômées ont reçu leur formation à'
l'extérieur. Alors, dans un premier temps, on suggérerait
peut-être de voir à identifier les sages femmes
diplômées qui, selon des statistiques de nos consultantes,
pourraient être aux alentours de 110 à 130 personnes à
avoir une formation de sages-femmes diplômées.
Selon les critères, aussi, de plusieurs écoles
européennes, des gens qui ont une formation de sages-femmes
diplômées et qui n'ont pas été en pratique,
admettons, depuis plus de dix ans, on pourrait arriver à recycler ces
gens-là, à parfaire leur formation facilement dans un
délai de trois à six mois. Première stratégie au
niveau des sages-femmes diplômées.
Et, pour le groupe de sages-femmes qui ont une formation autre ou qui
ont de l'expertise, qui ont de l'expérience, et qui pourraient passer
par un autre mécanisme d'accréditation qui serait celui de la
reconnaissance des acquis et une fois ce processus d'accréditation fait,
c'est un processus un peu plus exhaustif qui tient compte de tout l'inventaire
des activités de la personne, toutes les situations d'apprentissage que
la personne a pu avoir ailleurs que dans le réseau traditionnel de
formation. Une fois qu'on aurait pu statuer et établir ce que l'autre
groupe de sages-femmes ou l'autre clientèle sages-femmes possède
comme formation à l'intérieur d'un exercice
d'accréditation, là, il serait probablement facile
d'établir un programme de formation pour celles qui n'ont pas
nécessairement les fondements de base et un programme de recyclage aussi
qui pourrait être mis sur pied pour l'autre groupe de sages-femmes.
Et quand vous lisez notre mémoire, ça se retrouve
principalement à la fin de nos recommandations où nous
suggérons qu'un programme de recyclage théorique et pratique
à l'intention des sages-femmes soit institué. Et là, on
pourrait retrouver aussi dans la pratique des sages-femmes
diplômées et des sages-femmes autodidactes qui pourraient
très facilement se retrouver dans une structure de formation.
Évidemment, l'autre recommandation, c'est que la loi des
hôpitaux soit modifiée pour permettre aux sages-femmes
professionnelles d'avoir le privilège d'exercer leur profession à
l'intérieur de la corporation professionnelle des sages-femmes et, un
peu comme tout autre professionnel, elles auraient un privilège ou des
privilèges d'exercer l'accouchement dans les différents centres
hospitaliers.
Alors, je pense que, brièvement, ça conclut la position
générale, je dirais, de notre organisme au niveau du projet de
loi 156. La plus grande faiblesse du projet, à notre sens, c'est qu'il
ne donne aucune garantie de la reconnaissance de la pratique sage-femme au bout
de cinq ans et aussi, le projet de loi, tel qu'il est, crée
d'emblée deux catégorie^ de sages-femmes, parce que le projet de
loi ne tient aucunement compte de la venue des sages-femmes qui sont en
pratique privée. Il ne tient compte que des
sages-femmes qui auraient l'occasion de travailler au niveau des
différents projets-pilotes. Donc, tout de suite on partirait encore avec
deux catégories de professionnels ce qui, à notre sens, affaiblit
beaucoup la partie, l'intention première puisque, en partant, c'est un
phénomène de dissension que ça crée alors
qu'à cette étape-ci, je pense qu'on doit penser des
mécanismes d'unification du réseau sages-femmes plutôt
qu'un mécanisme de dissension.
Alors, je pense que ça fait un peu le tour de la question
textuelle du projet de loi. Quelques commentaires, à part ça,
qu'on peut peut-être ajouter: Nous pensons que la description du projet
de loi, tel qu'il est fait, c'est-à-dire en partant essentiellement du
centre hospitalier, c'est une structure qui va coûter beaucoup d'argent
à l'État dans une période où on ne peut pas se
permettre d'ouvrir encore plus la pratique et d'élargir les coûts
associés à cette pratique.
Je pense qu'il faut vraiment voir ça dans un contexte culturel et
sociologique. C'est peut-être mon âme de professionnelle en
santé communautaire qui parle à cette étape-ci. Je pense
qu'il faut tenir compte de la conjoncture économique et le réseau
CLSC, avec toutes les infrastruc-tures, toutes les accommodations, toutes les
facilités qu'il peut avoir, je pense, pourrait, à court terme,
être utilisé plutôt que de recréer au niveau des
centrés hospitaliers toute une infrastructure qui s'appelle centres de
naissance, qui s'appelle maternité, peu importe l'appellation. À
notre sens, ce serait peut-être plus intéressant de débuter
dans une structure avec ce qu'on a comme ressources et, au fur et à
mesure que le réseau pourra se développer, on pourra, à ce
moment, voir différentes modalités d'application.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme
Lévesque.
Mme Lévesque: Alors merci.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Ça fait
le tour de la présentation. Il nous reste environ 35 minutes pour une
période de questions. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme Lèves que.
Si j'ai bien saisi le mémoire, il me paraît y avoir deux
questionnements d'importance: le premier sur les sages-femmes et un
deuxième bloc qui m'apparaît tout aussi important dans vos
préoccupations sur les pratiques alternatives dont vous faites
état à l'intérieur du mémoire, d'entrée de
jeu d'ailleurs, de chacune des catégories
Abordons la première, l'objet de la commission, et on ne tentera
pas d'éviter la deuxième. On gardera ça pour le dessert de
notre échange sur le plan des pratiques alternatives.
Vous dites, dans un premier temps: II faudrait davantage
reconnaître, à ce moment-ci. la pratique légale de la
sage-femme que de reconnaître des projets-pilotes, les projets-pilotes
étant, quant à eux, davantage du ressort de la mécanique
opérationnelle de cette situation qui est avant, pendant et
après.
D'après tout ce que j'ai entendu - on en est à la
quatrième journée, je sais que vous avez assisté vendredi
- est-ce que vous croyez réaliste que, demain matin, on puisse en
arriver à dire: On reconnaît demain matin, légalement, la
pratique des sages-femmes sans expériences-pilotes, les
expériences-pilotes étant davantage la mise en place du
système de manière permanente et de voir de quelle manière
ça va opérer? Est-ce que vous ne pensez pas que si on faisait ce
que vous souhaitez, on se retrouverait devant des sages-femmes reconnues mais
qui, en principe, ne pourraient pas pratiquer? C'est ça. Ce n'est pas
d'aujourd'hui que les gouvernements tentent d'en arriver à solutionner
le problème; ça fait 15 ou 20 ans. Mais l'os a toujours
été très clair là où vous le situez, vous
aussi, et où tout le monde l'a situé. La naissance est un acte
naturel d'abord. Ça peut, à l'occasion, être un acte
médical. Si c'est un acte médical, dans ces conditions, dans le
contexte actuel de nos lois, c'est le médecin qui doit intervenir et
c'est là que se situe l'os. Tout le monde a convenu que lorsqu'il y a
des accouchements normaux, il n'y a pas de problème, la sage-femme est
parfaitement habilitée à faire le travail. Cependant, il faut
bien admettre qu'il n'y a pas grand monde qui a fait la démonstration
très claire devant cette commission qu'à partir du moment
où il y a complications, il y a une urgence d'intervention au niveau des
complications et qu'à ce moment-là on doit toujours être
dans une situation où on puisse se référer à un
médecin où qu'il y ait le support médical. (12 h 30)
Mon opinion - elle est très personnelle, on verra ce qui se
dégagera à la fin de la commission - c'est qu'on pourrait
légaliser demain matin par une loi, mais, dans la pratique, il n'y aura
pas de pratique, alors que les projets-pilotes permettraient de faire la
démonstration, positive ou négative, je ne présume pas du
résultat de l'expérience-pilote, qu'effectivement ça peut
se passer, ça peut se passer en centre hospitalier, ça peut se
passer en CLSC, comme vous le souhaitez maintenant, ce qui n'est pas le cas du
projet de loi. J'ai l'impression qu'accepter votre position d'une
reconnaissance légale dès maintenant de la pratique des
sages-femmes ne ferait pas avancer le dossier, mais davantage le percuterait
contre un mur difficile à défaire.
Mme Lévesque: Si vous me le permettez, M. le ministre, il
y a peut-être une parenthèse que je me permettrais d'ouvrir. Notre
organisme, tel qu'il est, on a quand même un code d'éthique et
de déontologie et, même si ça peut sembler
différent de la définition de la pratique des sages-femmes
internationale, nous, on a vraiment comme préoccupation d'humaniser le
processus de l'accouchement - c'est une chose - mais on ne voudrait pas
retourner à la pratique des sages-femmes de brousse pour aucune
considération. Pour nous, c'est vraiment très important,
même que ça fait partie de notre code de déontologie; les
accouchements que nos sages-femmes font à l'intérieur du
mouvement se font exclusivement dans un centre hospitalier. Je pense que c'est
important de comprendre que, pour nous, s'il y a une urgence qui arrive durant
l'accouchement, c'est très clair que notre sage-femme est sur place dans
un centre hospitalier, mais ça n'empêche pas que tout le processus
do "counseling", de consultation, soins prénataux, tout ce qui est autre
que l'accouchement comme tel, peut se passer dans d'autres endroits que le
centre hospitalier comme tel.
Il est bien évident que, lorsqu'on dit aussi reconnaître la
pratique sage-femme, il faut quand même prévoir dans le temps des
mécanismes d'intégration. Il faut quand même être
réaliste, l'accréditation demain matin de la pratique sage-femme,
je ne pense pas que ça permettrait à tout le monde de faire
n'importe quoi n'importe comment. Dans ce sens, vous avez tout à fait
raison de dire que ça ne ferait pas nécessairement avancer le
dossier.
Avec une stratégie d'implantation et un calendrier raisonnable,
si on prend de six à huit mois pour faire un recyclage des sages-femmes
diplômées au Québec, je pense qu'à
l'intérieur de ce délai, pendant que les sages-femmes seront en
processus de recyclage, soit théorique, soit pratique, ce serait
très plausible d'être capable de voir, au niveau de
différents établissements de santé du Québec,
l'intégration de la pratique sage-femme. Je vois très bien, au
lieu de huit projets-pilotes dans différents centres hospitaliers qui en
ont fait la demande, peut-être un projet-pilote par région
sociosanitaire et que le CRSSS de chacune des régions sociosanitaires du
Québec pourrait très bien déterminer comment les
privilèges d'exercice de la pratique sage-femme se feraient dans les
établissements, les centres hospitaliers de son territoire. Pour nous,
c'est un mécanisme, une stratégie très plausible et qui
semble être possible avec les ressources existantes.
M. Côté (Charlesbourg): II y a toujours la notion
d'avant, pendant et après. Ça semble assez clair sur l'avant et
('après et sur l'humanisation de tous ces soins, je pense que c'est
unanime devant la commission, tout le monde en convient, une politique
périnatale, tout le monde convient de ça
J'aimerais que vous me précisiez davantage votre point de vue sur
le pendant, puisque vous nous dites que tous les accouchements devraient se
faire en centre hospitalier. Si ça se fait en centre hospitalier, qui
fait l'accouchement? Est-ce que c'est la sage-femme ou si c'est le
médecin?
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Lévesque.
Mme Lévesque: C'est la grande question. Je vais
peut-être me permettre de laisser répondre une sage-femme, qui est
peut-être meilleure porte-parole que moi à ce sujet.
La Présidente (Mme Marois): Mme Piquette.
Mme Piquette (Marjolaine): Je pense que, effectivement, ça
doit être la sage-femme. Pour autant qu'on parle d'un accouchement qui va
bien, qui se déroule dans la normalité et qu'on a fait ces
convenances dans le cadre des projets, je pense que d'aider à la
naissance de l'enfant, c'est également la tâche de la sage-femme.
Advenant une complication, advenant un problème, je pense qu'on aurait
le même mécanisme de recours qu'un autre généraliste
qui viendrait à l'hôpital d'accoucher quelqu'un, de demander
à un obstétricien-gynécologue en consultation ou le
pédiatre, si c'est un problème au niveau du nouveau-né. Je
pense qu'on suivrait la même procédure d'accompagnement à
ce niveau.
M. Côté (Charlesbourg): Sauf que le seul hic... Si
c'était aussi simple que ça, ça ferait longtemps que
ça se ferait. Le seul hic, c'est que les médecins, entre eux
autres, sont capables de se sentir mais je ne suis pas sûr, avec la
démonstration qu'on a eue, qu'ils sont prêts à endurer les
sages-femmes, du moins sur le plan des corporations. C'est là qu'est le
hic. Parce que si cette solution-là avait été faisable, je
pense qu'on serait déjà dans une situation où il y aurait
un processus qui aurait reconnu la légalité de tout ça.
Évidemment, pour nous, la préoccupation, c'est bien sûr, et
comme la vôtre aussi, c'est la préoccupation de tout le monde,
c'est la santé de la mère et du bébé qui est
extrêmement importante, et c'est pour ça que vous allez à
la fois plus loin et moins loin que ce qu'on a entendu. Plus loin dans la
reconnaissance immédiate de la sage-femme, mais avec la
précaution que ça doit se passer en centre hospitalier au niveau
de l'accouchement, compte tenu que c'est à ce moment-là que
peuvent intervenir des problèmes un petit peu plus importants. C'est une
distinction qui est quand même assez importante par rapport à ce
qu'on a entendu jusqu'à maintenant et ça me paraissait important
qu'on en discute.
Mme Lévesque, vous avez dit tantôt: Ça pourrait se
faire dans les CLSC sans nécessairement avoir de coûts
additionnels. Je comprends
un petit peu mieux maintenant parce que l'accouchement, dans tous les
cas, se ferait en centre hospitalier. Je comprends un petit peu mieux, mais
l'avant et l'après pourraient être des ressources de sages-femmes
intégrées au niveau des CLSC, et vous nous dites: Sans que
ça coûte d'argent additionnel. Expliquez-moi ça, moi,
ça m'intéresse. Quand ça ne coûte pas d'argent
additionnel puis qu'on donne plus de services, c'est très
intéressant.
Mme Lévesque: Je veux dire que la reconnaissance de la
pratique sage-femme, c'est bien clair que dans la démarche qu'on vous
propose, c'est une pratique privée. Alors, si un CLSC, si un
établissement de santé décide que, à travers la
gamme de professionnels existants, y compris la pratique sage-femme,
décide que, par exemple, le CLSC Plateau-Mont-Royal, qu'il a une
population à risques, qu'il a une population qui pourrait justifier
d'aller chercher une autre professionnelle pour venir, si on veut, travailler
au niveau de l'équipe en périnatalité, à ce
moment-là, les sommes pourront être votées au niveau de
l'enveloppe budgétaire. À ce moment-là, ce sera le choix
de l'établissement de voir s'il va se chercher un professionnel
sage-femme ou non. Mais c'est important de garder la pratique sage-femme dans
le réseau privé puisque, de toute façon, c'est comme
ça que la pratique sage-femme est venue au monde, c'est comme ça
qu'elle a grandi, et peut-être plus travailler au niveau des
différentes compagnies d'assurances, la reconnaissance de
différents services au niveau des polices d'assurance qui pourraient
partager, en partie, les services avec les consommateurs de ces
services-là. Pour nous, c'est très clair que, évidemment,
s'il y a des projets pilotes, il y aura des sommes d'argent - un projet-pilote,
par définition, c'est un projet subventionné entièrement
par le gouvernement - mais advenant le cas où on ne veut pas faire de
projets-pilotes tels que statues, ça pourrait carrément
être une subvention que le gouvernement donne pour voir le
mécanisme de fonctionnement et laisser le CLSC le comprendre dans sa
masse salariale tout simplement sans en faire un ajout et sans ajouter
d'infrastructure supplémentaire, sans avoir à bâtir
d'édifices, l'infrastructure étant déjà toute
présente.
M. Côté (Charlesbourg): j'aimerais com prendre
qu'est-ce qui est privé. ce que je comprends, c'est que le clsc,
à partir des choix que lui-même pourrait faire, on l'a dit, il y a
des zones un peu plus défavorisées où, effectivement, on
retrouve une présence de femmes qui ont besoin d'un meilleur encadrement
avant et après; pendant, je pense qu'elles en ont déjà
main tenant, alors on se place dans une situation où le clsc dirait,
lui: c'est un problème que j'ai sur mon territoire, donc, je suis
prêt à engager une sage-femme pour faire de l'encadrement, mais la
sage-femme serait dans le privé. Je ne comprends pas là Est-ce
que la femme qui ferait appel aux services d'une sage-femme privée
paierait? Parce que là, ce que je comprends, c'est le CLSC qui
paierait
Mme Lévesque: II y a deux choses. M. Côté
(Charlesbourg): Oui
Mme Lévesque: La sage-femme qui travaille dans le
réseau privé, ça c'est une possibilité et si le
CLSC veut avoir les services, à ce moment-là, lui, il pourra voir
à travers sa masse budgétaire s'il se permet les services de
cette professionnelle. C'est un choix.
M. Côté (Charlesbourg): Là, je comprends.
Finalement, c'est...
Mme Lévesque: Sans augmenter la...
M. Côté (Charlesbourg): elle est privée, mais
elle est payée par le public.
Mme Lévesque: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça, parce que
évidemment, si tu recours...
Mme Lévesque: C'est un choix. C'est un choix que le CLSC
pourra faire.
M. Côté (Charlesbourg): Mais ça devient
public, à ce moment-là, parce que, l'acte étant reconnu
par le ministère, il est public, tu paies À ce moment-là,
ce n'est pas privé. La sage-femme demeure avec son autonomie
privée mais convient d'un mode de rémunération, compte
tenu des services qu'elle va offrir au CLSC qui, lui, prend l'argent sur sa
masse...
Mme Lévesque: Oui
M. Côté (Charlesbourg): sur son budget pour
être capable de la payer.
mme lévesque: qui peut être de différentes
formes, ça peut être un contrat de services, ça peut
être un salaire, ça peut être... toutes les modalités
peuvent être possibles, selon les besoins du clsc.
M. Côté (Charlesbourg): O.K.
Mme Lévesque: Évidemment l'idéal, ce serait
aussi de prendre l'étude OSIS et de regarder au niveau d'un OSIS comment
on pourrait intégrer la pratique sage-femme aussi. C'est sûr que
si on s'en va à l'étude exploratoire, ça pourrait
être très intéressant, au niveau des OSIS, de l'in-
tégrer.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je passe
très rapidement sur des questions que vous avez soulevées comme
la liberté de choix, ça m'apparaît fondamental. Ce sont des
choses déjà réglées. La formation, vous l'avez bien
exprimé, je pense, dans la lignée de ce qu'on a entendu
jusqu'à maintenant, ça prend des gens bien formés pour
être capables de faire ce travail. J'en arrive à votre corporation
professionnelle "parapluie". Évidemment, comme on parle de sages-femmes
à ce moment-ci, est-ce qu'une proposition comme celle-là,
corporation "parapluie", a été validée ou êtes-vous
allées chercher de l'information, à savoir l'assentiment de
l'Alliance et de l'Association des sages-femmes, qui représentent quand
même la grande majorité des sages-femmes?
Mme Lévesque: C'est-à-dire que, pour nous, le
dossier sages-femmes est un dossier parmi tant d'autres et la reconnaissance
des pratiques alternatives dans toute sa globalité doit être vue
dans un bloc. On n'en est plus à l'étape où il faut
prendre les morceaux spécialité par spécialité
parce que, dans 35 ans, on sera encore... Je veux dire qu'on l'a vécu
avec l'acupuncture où on a eu des projets temporaires de cinq ans et
où on est rendus au bout de cinq ans, puis il n'y a rien de
réglé. Alors, au lieu de perpétuer quelque chose à
chacune des pratiques, des études exploratoires qui vont durer cinq ans
et qui font qu'on semble qu'on est dans un cul-de-sac, ce serait
peut-être plus intéressant de voir ça dans une optique
globale, vu que la problématique est la même, vu que ce sont
toutes des approches qui ont une même idéologie et vu aussi que ce
sont toutes des approches dans le privé et dont le consommateur choisit
de se prévaloir. Ce sont vraiment tous des points communs de chacune des
approches.
Alors, pour nous, la corporation professionnelle "parapluie", c'est bien
évident que les sept pratiques qu'on représente ne pourront pas
être intégrées à court terme, toutes en même
temps, mais dans un échéancier de quatre ans. Si on prend une
stratégie de quatre ans, c'est très clair que, de façon
prioritaire, le dossier sages-femmes et le dossier acupuncture devront
être encadrés. À la suite de mécanismes que ces deux
dossiers-là auront pu créer, on pourra facilement intégrer
d'autres pratiques qui vont se faire, parce que les mécanismes
d'intégration vont être les mêmes. Le plus gros
problème a toute l'infrastructure, c'est la reconnaissance des acquis.
Comment fait-on pour dire à quelqu'un, qui a été en
pratique pendant dix ans, quinze ans ou vingt ans et qui n'a pas
nécessairement de diplôme accrédité par
l'État: Oui je permets à cette personne-là de pratiquer,
tout en étant capable d'assurer la protection du public? C'est là
qu'est vraiment la pierre fondamentale de toute la reconnaissance. une fois
qu'on aura développé l'outil, je pense que toutes les approches
pourront facilement être intégrées. c'est le même
mécanisme.
M. Côté (Charlesbourg): Je m'étais bien dit
que je gardais, du temps et on me signifie que mon temps est termine. Mais,
plus globalement, sur ce que sous-entendait votre mémoire,
deuxième partie, les pratiques alternatives. Vous avez fait l'inventaire
de 7 spécialités, si on peut s'exprimer ainsi, que regroupe
l'Alliance. C'est un problème beaucoup plus large qu'on appelle, dans
d'autres milieux, les médecines douces, avec tout ce que ça
comporte. Il ne faut pas nier, à ce moment-ci, qu'il y a cette pratique
assez répandue à travers le Québec; les gens la veulent,
les gens la souhaitent et les gens paient pour. Finalement, ils trouvent
certains soulagements dans le cas de certains problèmes particuliers et
je suis un de ceux-là, pas dans tous les cas, mais je suis un de
ceux-là. Tout simplement pour vous passer le message très clair,
c'est qu'il avait été question, du temps de Mme Lavoie-Roux,
qu'on puisse éventuellement avoir une commission parlementaire que vous
évoquez dans le mémoire. Tenter de prendre connaissance du
phénomène dans une commission parlementaire, je suis très
ouvert à cela. Une commission parlementaire éventuelle, compte
tenu de ce qu'il y a sur la table, on en a pour 120 mémoires aux mois de
janvier, février et mars, ce qui veut dire que c'est très
chargé. Cela pourrait être à l'automne 1990, dans la mesure
où on réussirait à s'entendre sur une commission qui
n'entendrait pas 200 mémoires, parce que je ne suis pas sûr que
ça nous aiderait, mais davantage une commission plus limitée sur
invitation, avec entente, avec l'Opposition et avec les gens qui sont
directement concernés pour qu'on puisse siéger pendant une
période de temps. Si c'est deux semaines à l'automne, prendre
deux semaines à l'automne et dire: On va entendre les gens s'exprimer et
dire ce qu'ils ont à nous dire en termes de témoignages - c'est
peut-être là où on en est rendus aujourd'hui - puis de voir
les actions qu'on pourrait poser après. Voilà.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre.
J'inviterais maintenant M. le leader de l'Opposition et critique. (12 h
45)
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. La première
question qui m'intrigue, c'est de vous voir accompagnée de deux
sages-femmes qui disent, par votre intermédiaire, qu'elles veulent que
les accouchements se fassent dans les hôpitaux, alors qu'on a
rencontré deux groupements de sages-femmes qui nous ont dit que s'il
y a une place où il ne fallait pas que ça se fasse,
c'était à l'hôpital. J'aimerais savoir comment vous
conciliez ça ou à quel des deux groupes de sages-femmes vous
appartenez.
Mme Lévesque: Je vais laisser ma... Vas-y.
La Présidente (Mme Marois): Mme Harrison ou Mme
Piquette?
Mme Piquette: Je pense que la raison pour laquelle on a
proposé cette démarche, c'est un peu en réponse à
ce qu'on a dit tout à l'heure: C'est pour rester dans le réseau
actuel. On a propose le CLSC de première ligne qui fait., qui est actif,
qui a déjà des équipes périnatales en place, comme
étant un pied-à-terre où la sage-femme pourrait être
intégrée dans une équipe et faire un suivi de grossesse,
l'accompagnement de couples et tout.
On a déjà les structures hospitalières, on a
déjà un contexte obstétrical québécois qui a
quand même un haut standard, qui est reconnu, qui est coté. On ne
veut pas aller en deçà de cette pratique. On pense qu'on peut
très bien humaniser et garder notre identité sages-femmes, mais
en vivant à l'intérieur de ce genre de structure-là, sans
revenir aux accouchements tables de cuisine, entre guillemets.
M. Chevrette: Je reprends ma question sous une autre forme.
Mme Piquette: Oui.
M. Chevrette: Étant donné que vous vous
déclarez sage-femme, est-ce que vous appartenez à un des deux
groupes de sages-femmes ou si, purement et simplement, vous faites partie du
groupe alternatif, point?
Mme Piquette: On est membre de l'Alliance des professionnels en
pratiques alternatives, tout simplement.
M. Chevrette: Vous êtes deux sages femmes qui ne sont pas
membres d'un des deux groupes de sages-femmes.
Mme Piquette: Ça, c'est exact
M. Chevrette: Bon Dois je comprendre que vous vous situez,
à ce moment-là, plutôt comme un professionnel qui
s'intègre au réseau, une spécificité de
professionnel qui s'intégrerait au réseau actuel, dans le domaine
hospitalier, puisque c'est un peu... Autrement dit, il y a des médecins,
il y a des infirmières et il y aurait des sages-femmes et non pas comme
un statut d'autonomie complète et entière dune sago femme qui
nous est réclamé par le groupe de sages-femmes. Est-ce que j'ai
bien compris?
Mme Piquette: Nous autres, on réclame le même statut
d'autonomie de professionnel autonome, mais pouvant très bien oeuvrer
avec d'autres professionnels dans des structures déjà
existantes.
M. Chevrette: O.K. Mais pour l'acte d'accouchement comme tel,
parce que le reste, vous avez bien dit que ça pouvait se faire dans un
CLSC, que ça pouvait se faire à la maison. À ce
compte-là, il n'y aurait pas de problème. Mais pour l'acte de
l'accouchement lui-même, vous dites que vous réclamez l'autonomie
entière, à l'intérieur d'un centre hospitalier. C'est
ça que vous me dites?
Mme Piquette: Oui, c'est ce qu'on dit. Mais on le dit bien dans
le cadre d'un projet-pilote, parce qu'on parle, pour le moment, de
projet-pilote. Quand l'expérimentation du projet-pilote sera faite, si
ça ouvre sur d'autres possibilités, par exemple même
d'installer une infrastructure à l'intérieur d'un CLSC où
ça pourrait même, à la fols, se faire là dans un
"pattern" plus normal ou au niveau de certains couples avec un dispositif plus
spécial, répondre même à une demande d'accouchement
à domicile, ce sera à voir, mais dans un très long terme.
Pour le moment, ce qu'on propose, parce qu'on parle de projet-pilote, c'est
d'abord de reconnaître la sage-femme comme une professionnelle autonome
par le biais de sages-femmes cadres qui seraient reconnues à un niveau
international, qui viendraient ici donner une espèce
d'accréditation à ce qu'on est comme sages-femmes Ensuite, ces
sages-femmes qui seraient reconnues comme des sages-femmes, leur donner la
chance, dans des projets-pilotes, d'expérimenter un vécu pour
voir comment, au niveau des modalités, ça va fonctionner avec les
infirmières, tant au niveau CLSC que milieu hospitalier, comment
ça va fonctionner avec les médecins - vous avez dit: bon, on va
peut-être avoir des objections - et, à la suite de ça, on
va voir qu'elles seront les conclusions. Est-ce qu'on est bien dans ce style de
pratique-là? Est-ce que ça ouvre sur d'autres avenues? C'est
ça qu'on veut expérimenter. Ce sont les modalités à
l'intérieur des projets-pilotes.
M. Chevrette: Vous dites à la recommandation 5, je pense:
"Que dorénavant l'encadrement professionnel des sages-femmes
accréditées par un diplôme international ou par
reconnaissance des acquis soit assuré par la Corporation professionnelle
"parapluie", organisme totalement indépendant de la profession
médicale et sous l'autorité de l'Office des professions du
Québec"
J'ai essayé de comprendre ce que vous vouliez et vous allez
devoir me l'expliquer, parce que vous demandez la reconnaissance légale
du statut de sage-femme. Je vais vous demander ça,
dans un premier temps, et quasiment comme un préalable. Puis,
vous dites que l'encadrement professionnel, si vous reconnaissez la profession,
ça aurait l'air donc du ministre responsable des professions avec les
codes de déontologie qui existent dans la reconnaissance juridique.
Comment pouvez-vous, dans un même temps, demander que ce soit l'organisme
"parapluie" qui s'organise, qui contrôle l'encadrement professionnel
alors que vous demandez de reconnaître la corporation qui,
nécessairement, de par sa reconnaissance, doit avoir la
définition de son encadrement professionnel, son code de
déontologie, son comité de discipline, un peu tout? Je ne saisis
pas pourquoi vous demandez une reconnaissance légale préalable
et, après, un encadrement professionnel par un organisme "parapluie"
qui, lui-même, juridiquement, n'existe pas. J'ai de la difficulté
à me faire une "tête" là-dessus.
Mme Lévesque: La nuance, c'est que l'organisme "parapluie"
chapeaute cette pratique et ce qu'on demande, plus particulièrement au
dossier sages-femmes, de la reconnaissance de la pratique sage-femme comme
profession autonome, ça ne touche que la section sage-femme. L'organisme
"parapluie" a un rôle beaucoup plus large, mais qui serait comme une
corporation professionnelle autonome à tout niveau, qui
relèverait de l'Office des professions.
M. Chevrette: Je comprends, mais logiquement, si, demain matin,
j'étais ministre des corporations professionnelles, comment est-ce que
je pourrais vous reconnaître, vous, comme sages-femmes, par une loi,
quand on sait que la reconnaissance juridique d'une profession nécessite
toute la définition de l'encadrement professionnel, du champ d'action,
de la formation et des pouvoirs de sanction? C'est ça...
Mme Lévesque: C'est en plein ça. On dit la
même chose.
M. Chevrette: Mais quel rôle est-ce qu'une autre profession
pourrait venir jouer sur une profession reconnue légalement? C'est
ça.
Mme Lévesque: C'est que l'Office des professions serait
l'entité responsable de tout l'encadrement de cette corporation
professionnelle élargie, si vous voulez, qui comprendrait aussi les
sages-femmes, mais le volet sage-femme aurait toute son autonomie à
l'intérieur.
M. Chevrette: en d'autres mots, vous aimeriez que le ministre
responsable du code des professions vous confie le mandat d'encadrer la
profession des sages-femmes.
Mme Lévesque: Pas à nous. Qu'il confie ça
à un organisme...
M. Chevrette: Mais à l'organisme "parapluie", je
parle...
Mme Lévesque: Oui, "parapluie", qui verrait à
légiférer en ce qui concerne les pratiques alternatives de
santé, y compris celle des sages-femmes. On parle des sages-femmes parce
qu'on commence par celles-ci, c'est le but de la commission, mais ça ne
serait pas la seule entité qui serait chapeautée par le
parapluie.
M. Chevrette: Vous me permettrez de vous féliciter pour
votre habileté à parler de votre dossier par le biais des
sages-femmes.
Mme Lévesque: Je vous remercie.
M. Chevrette: Cela dit, à mon point de vue cependant, et
un peu dans le sens du ministre, je suis obligé de reconnaître que
le volet sage-femme, pour le régler juridiquement, je pense qu'il y a de
deux choses l'une: ou on la reconnaît juridiquement avec tout ce que
ça implique ou on s'en va vers des projets-pilotes, mais qui n'en font
pas une professionnelle. C'est une professionnelle potentielle qui verra son
aboutissement dans cinq ans. C'est ce que j'ai compris des propos du ministre.
Vous autres, qu'est-ce que vous préconisez?
Mme Lévesque: Nous, ce qu'on veut, c'est que la profession
sage-femme, à très court terme, soit reconnue une fois pour
toutes, comme une profession autonome, et on propose une modalité
d'encadrement qui est plus large que juste la profession de sage-femme. Pour
nous, c'est important que l'autonomie de la pratique soit respectée
parce que, sinon, on pense que les projets-pilotes sont voués à
l'échec parce qu'on ne donne aucune reconnaissance en partant. On ne
sait pas où ça va aller et, comme il y a beaucoup d'irritants
dans l'implantation avec tout ce que ça peut apporter, bien ça
risque de décourager la profession au bout de cinq ans. On ne le sait
pas. Alors, si on part et qu'on prend comme fondement de base: Oui, la
profession de sage-femme elle existe, ce qui sera projet-pilote, ce sont les
différentes modalités d'intégration dans le réseau.
Est-ce qu'on veut voir comment ça marchera une maison de naissances?
Ça peut être un choix. Comment est-ce qu'une sage-femme va
s'intégrer dans un centre hospitalier? C'est un autre choix.
Un peu pour répondre aussi à votre question de tout
à l'heure: Pourquoi on s'est quand même donné comme
objectif de garder la pratique au niveau du centre hospitalier, je pense que la
réponse est aussi fort simple. Pour nous, c'est le gros bon sens. Ce
n'est pas toujours évident, mais quand on vient pour négocier des
polices
d'assurance-responsabilité professionnelle avec plusieurs
compagnies - parce que nous l'avons fait depuis plusieurs mois - il est bien
évident qu'il n'y a aucune police d'assurance-respon sabilité
professionnelle qui va couvrir des accouchements à domicile. Pour nous,
c'est important que, si on veut légiférer sur la pratique
sage-femme et lui donner la chance d'être capable de faire ses preuves,
positivement, on lui donne toutes les chances, dans les meilleures conditions
possible. Dans cinq ans, on verra. Dans deux ans, dans trois ans, on pourra
déterminer des modalités. On n'est pas contre, d'emblée,
l'accouchement à domicile. De toute façon, ça fait partie
de la définition de la pratique sage-femme. Mais c'est, à notre
sens, dangereux de comparer la Hollande avec le Québec, parce qu'on n'a
pas une infrastructure de système d'urgence équivalente à
celle de la Hollande. Je veux dire, il faut quand même vivre ici.
M. Chevrette: Moi, je reviens sur ce que vous venez de dire.
C'est effectivement vrai que vous pourriez interpréter que le fait de ne
pas reconnaître la profession de sage-femme, dès le départ,
signifie que c'est dans cinq ans, à ce moment-là, par des
projets-pilotes, qu'on saura s'il y aura des sages-femmes ou s'il n'y en aura
pas au Québec. Je pense que vous touchez du doigt le véritable
dilemme auquel on fait face à la lecture des mémoires. Ou bien on
la reconnaît tout de suite en disant: Voici quel est le mini mum de
formation, parce que ça suppose, s'il y a une reconnaissance
légale, qu'on va parier nécessairement de la formation exigible
dès le départ, qu'on va nécessairement parler du code de
déontologie ou du processus, en tout cas, devant juger de la
qualité de l'acte posé, et qu'on va sûrement parler aussi
des actes à transférer. Si vous demandez, dans une profession, de
transférer des actes qui sont normalement dévolus à un
médecin, à un obstétricien ou à un
gynécologue, il va falloir qu'il y ait, au niveau de la
législation, la définition d'un champ de pratique, et si le champ
de pratique était exclusif à une autre profession, il faudrait
donc en enlever l'exclusivité à l'autre profession pour la donner
à celle-ci. C'est une mécanique qui peut être
compliquée, mais c'est à peu près ça qu'il faut
faire.
Les projets-pilotes tels que présentés dans le projet de
loi, c'est un essai en surveillance pour décider si, dans cinq ans, il y
aura ou pas des sages-femmes. C'est là tout le dilemme qui n'est
peut-être pas ressorti assez clairement à la commission, mais qui
était clair dans les ques tions qui ont été posées
des deux côtés de la table. Je pense qu'on savait que, par rapport
aux demandes dès groupes, à date, qui voulaient avoir
l'autonomie, cette autonomie exigéo sup posait la reconnaissance
immédiate Sinon, tu ne peux pas, légalement, avoir une autonomie,
à moins qu'il n'y ait un contrôle. Là, un contrôle,
c'est une tutelle, et une tutelle, ça veut dire qu'il n'y a pas
d'autonomie, dans mon jargon à moi.
Je voulais vous dire que vous êtes en accord avec les groupes de
sages-femmes en ce qui regarde la demande d'autonomie, mais, pour le reste, je
vous avoue qu'à moins que je ne comprenne mal, je n'ai pas senti que les
sages-femmes allaient dans votre sens, en ce qui regarde, entre autres, la
façon de fonctionner. Vous êtes plutôt, à ce
moment-là, Je dirais, en accord avec le côté
médical. Quand vous partez du centre hospitalier, la surveillance, la
complémentarité des professions, ça m apparaît que
vous exigez plus, à ce moment-là. En exigeant l'autonomie
dès le départ, vous exigez une complémentarité par
la suite, ce qui m'apparaît plutôt être un type de
professionnalisme. L'impression que j'ai eue à lire votre
mémoire, c'est que - d'abord, ne parlons pas du volet alternatif - vous
vouliez être des professionnelles qui s'intégreraient dans le
pluralisme des professionnels à l'intérieur d'un centre
hospitalier, à un moment donné. C'est l'impression que j'ai
eue.
Mme Lévesque: Vous avez tout à fait raison.
M. Chevrette: Bon, j'ai bien compris. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Donc, il donne une
Interprétation juste de vos propos. Je crois qu'il y a une
dernière question de la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: C'est peut-être une question ou un
commentaire. J'ai compris à peu près la même chose que mon
collègue de Joliette et leader parlementaire. En fait, ce que j'ai
compris, c'est que, pour vous, la question fondamentale, en fait, c'est la
reconnaissance des sages-femmes, la pratique des sages-femmes comme telle.
Quant au reste, ça demeure des modalités qui pourront être
considérées, en fait, par les projets-pilotes Mais, l'important,
c'est que vous demandez maintenant au gouvernement ou au ministre, en fait, de
trancher la question un peu comme Salomon, entre, finalement, les corporations
médicales qui disent qu'il n'y a pas de place pour les sages-femmes dans
le réseau et vos prises de position en disant: Oui, il y a une place
pour nous dans le réseau puisque, déjà, on fait 2000
accouchements par année au Québec et, effectivement, s'il n'y
avait pas ce débat, peut-être qu'on en ferait davantage. Alors,
vous dites: Écoutez, il est grand temps. Plutôt que d'attendre
dans cinq ans, de remettre à dans cinq ans cette décision, on
aimerait bien connaître exactement les orientations quant à notre
avenir professionnel et savoir si ça vaut encore la
peine, quant à nous, de mettre du temps, de l'énergie et
des études dans la profession de sage-femme. C'est à peu
près ça, si j'ai bien compris, et vous n'êtes pas
nécessairement en contradiction avec les autres groupes. Il y a des
possibilités de modalités, mais vous voulez avoir le plus
d'assurances possible, en fait, pour qu'à un moment donné, on
arrive à un cadre de référence pour établir des
modalités d'exercice de la profession.
Mme Piquette: On pense que la légalisation de la pratique
sage-femme, de toute façon, à peu près partout ailleurs
dans le monde, elle est déjà établie, elle est
déjà reconnue. On pense qu'il y a des pays où il y a des
écoles de sages-femmes cadres qui sont très compétentes,
qui pourraient venir ici. On propose un mécanisme d'encadrement avec la
fameuse corporation où on pourrait dresser des critères de
compétence, d'éthique, et le reste, et le reste. À partir
de ces individus qui seront reconnus, on pourrait ensuite leur donner les
projets-pilotes comme plancher d'expérimentation et puis, effectivement,
aller détacher toutes les modalités qui devraient s'ensuivre
pour, après ça, établir un modèle typiquement
québécois de sages-femmes, qu'on devrait avoir dans cinq ans ou
ne pas avoir, selon ce qui en ressortira.
Mme Vermette: Ce qui veut dire que tout ce que vous proposez une
fois, en fait, que la réponse vous serait donnée clairement,
à savoir si, oui, vous allez exister comme des professionnelles, c'est
que tout le reste serait à négocier ou en tout cas à
reconsidérer, et, là, qu'on pourrait travailler dans un esprit de
collaboration, y compris avec le corps médical, les infirmières
et les gens du réseau.
Mme Piquette: Oui, parce qu'on pense qu'on va peut-être,
par le biais des projets-pilotes, si on n'est pas reconnues d'emblée,
faire un petit peu l'odieux d'une situation et on va plutôt
générer des guerres de professionnels où on aura un
statut, entre guillemets, inférieur dans notre pouvoir de
négociation. C'est pour ça qu'on pense qu'il faudrait la
connaissance d'abord, l'expérimentation ensuite, avec les gens qui
auront été reconnus.
Mme Vermette: Alors, avec cette reconnaissance-là, vous
seriez peut-être plus en mesure de faire votre place à
l'intérieur des équipes multidisciplinaires dans les
hôpitaux?
Mme Piquette: Oui.
Mme Vermette: C'est à peu près ça que vous
dites comme message. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): J'entends tout ça,
j'enregistre. Évidemment, c'est une question d'ouverture d'esprit,
point, "period", qui va se traduire par une pratique. Ce n'est pas du fait que
vous reconnaissez légalement que ça va bien fonctionner, c'est du
fait que chacun accepte que la pratique des sages-femmes est aujourd'hui une
nécessité et qu'on doit l'intégrer dans un processus
multidisciplinaire. Ce n'est pas le fait que c'est légal. Légal,
forcé - ce que j'ai compris - à ce moment-ci, va davantage
créer de problèmes que de faire l'expérience-pilote.
D'ailleurs, le Plateau-Mont-Royal a soumis une proposition dans les
projets-pilotes, c'est ça qui est intéressant, en collaboration
avec l'hôpital Saint-Luc. Donc, il y a une ouverture d'esprit au niveau
de certains hôpitaux pour que ça puisse se faire et je pense que
c'est dans ce sens-là que ça va aller. Alors, merci beaucoup de
votre présentation.
La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup de votre
présentation. Alors, nous suspendons les travaux jusqu'à 15
heures où nous reprendrons avec l'Association des conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens du Québec. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 3)
(Reprise à 15 h 9)
La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la
commission veulent bien reprendre leur siège, leur fauteuil, nous allons
reprendre nos travaux.
J'inviterais maintenant... Ah oui! Est-ce qu'il y a des remplacements,
Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Avec le consentement de la commission ?
La Présidente
(Mme Marois): oui. avec le
consentement de la commission, le député de la prairie
remplacerait le député de joliette. ça va?
M. Côté (Charlesbourg): Pas de problème.
La Présidente (Mme Marois): Parfait, merci, il n'y a pas
d'autre remplacement à constater. Alors, je vais maintenant inviter
l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du
Québec, s'il vous plaît, à bien vouloir prendre place. Et
pendant que vous prenez un fauteuil, j'aimerais vous rappeler,
évidemment, les règles: de quinze à vingt minutes, tout au
plus, pour la présentation du mémoire, ensuite des questions
seront soulevées par les membres de la
commission, le temps étant partagé à part
égale entre le gouvernement et l'Opposition,
Alors, Dr Aubry, le président, j'aimerais vous inviter à
présenter les personnes qui vous accompagnent et à
procéder à la présentation de votre mémoire.
Merci.
Association des conseils des médecins,
dentistes et pharmaciens du Québec
M. Aubry (André): Merci, Mme la Prési dente. M. le
ministre, MM. les membres du Parlement du Québec, je suis André
Aubry, président de l'Association des conseils des médecins,
dentistes et pharmaciens de la province de Québec, organisme qui a
pignon sur rue depuis près d'un demi-siècle, 50 ans. J'ai
à mes côtés ici le vice-président, Dr Robert Marier,
de Sacré-Coeur; Louise Lafond, pharmacienne, notre conseiller juridique,
Me Jacques Laurent, et un autre membre de l'exécutif, psychiatre
à Louis Hippolyte-Lafontaine, Gérard Cournoyer
Je me sens fort à l'aise d'être assis devant cette
Assemblée, aujourd'hui, d'autant plus que, dans la littérature
que nous recevons tout à fait fréquemment, je voyais que notre
ministre de la Santé a fait son cours à l'UQTR, à
Trois-Riviè res, en sciences politiques et en histoire, de sorte que
j'ai la sensation que les vibrations qu'on va émettre, aujourd'hui,
seront bien perçues à l'extrémité de la table.
Par hasard, ou tout autrement - notre association élit par voie
démocratique, bien sûr, son exécutif - je suis
obstétricien-gynécologue depuis 1965. Tout à l'heure, je
mentionnerai peut-être quelques-uns des 11 242 accouchements que j'ai
faits. Également, j'ai à ma droite, ici, Robert Marier, qui est
obstétricien-gynécologue et professeur à
l'Université de Montréal, pour l'entraînement de nos jeunes
du futur. Robert est également obstétricien-gynécologue.
Non pas que nous ne soyons pas psychiatres à nos heures, au bureau, mais
Gérard, permets-nous de prendre la première place.
Le projet de loi 4, actuellement sous étude, a pour objet de
reconnaître la pratique des sages-femmes à titre
expérimental à travers des projets-pilotes en milieu hospitalier
ou dans un lieu qui s'y rattache. L'Association des conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens du Québec a
étudié attentivement le contenu de ce projet de loi pour conclure
qu'il était inacceptable, tant dans son libellé actuel que dans
son orientation fondamentale.
Avant môme d'aborder certains arguments de fond à l'appui
de ces conclusions, l'Associa tion tient d'abord à souligner l'absence
totale de consultation préalable au dépôt formel dudit
projet de loi. Les intervenants du monde de la santé ont
été victimes de la politique du fait accompli. Bien sûr,
l'actuelle commission par lementaire nous permet de nous oxprimor, mais
seulement à l'égard d'une volonté déjà
consacrée de reconnaître la pratique des sages-femmes. La
réflexion préalable sur l'opportunité, les incidences et
l'intégration d'une telle démarche dans le cadre d'une politique
globale de périnatalité semble avoir été
ignorée. Nous ne pouvons que déplorer cette mesure
d'improvisation qui marque, en outre, la marginalisation du corps
médical, pilier pourtant fondamental du système de santé -
nous nous référons au rapport Rochon, clef de voûte,
disait-on.
Les contraintes de temps nous imposent une limite à
l'énoncé des nombreux arguments qui militent en faveur du rejet
de ce projet de loi Nous évoquerons dans le présent
mémoire certaines considérations à l'égard de la
protection du public, mais, d'abord, nous soumettrons quelques motifs de nature
administrative qui justifient notre position.
L'administration des services de santé et des services sociaux.
Par sa vocation consacrée dans la Loi sur les services de santé
et les services sociaux, le Conseil des médecins, dentistes et
pharmaciens de chaque établissement doit assumer un rôle
administratif à l'égard, notamment, des règles de soins,
de la qualité des services, de l'appréciation des actes et de
l'utilisation des ressources en milieu hospitalier. Ceci est écrit
textuellement dans la loi. Il n'est donc pas étonnant que notre
association, au nom des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens
agissant localement, se préoccupe des impacts administratifs qui
découleraient du présent projet de loi.
La structure administrative d'un centre hospitalier constitue une
réalité complexe mettant en équilibre les
préoccupations d'un grand nombre d'intervenants. Par-delà cette
complexité, l'efficacité administrative commande une
cohérence d'actions et l'évitement de duplication.
Or, le projet de loi propose la venue d'un nouvel intervenant - nous
utiliserons ce terme très fréquemment en cours de conversation -
je répète, nouvel intervenant dans un cadre qui se situe en marge
des structures existantes. En effet, au terme du projet de loi, pour accueillir
les sages-femmes, cg nouvel intervenant, un centre hospitalier devra
créer un conseil de sages-femmes qui assumera des fonctions
parallèles à celles des conseils des médecins, dentistes
et pharmaciens. Par exemple: nombreux comités que nous avons,
contrôle des actes, élaboration des règles de soins,
règles d'utilisation des ressources, etc. En outre, les sages-femmes
auront une pratique qui s'exercera hors les cadres du département
d'obstétrique déjà existant, puisque nous créerons
un service de maternité dont le coordinateur agira directement sous
l'autorité du directeur général de
l'établissement.
Pour ajouter à la duplication, les sages-femmes auront, tout
comme les médecins, une responsabilité à l'égard de
l'admission et de la
sortie des bénéficiaires en établissement. À
la suite de l'admission des bénéficiaires, les sages-femmes
poseront des gestes de nature médicale qui échapperont à
l'évaluation des médecins, en violation flagrante des
règles actuelles. En d'autres mots, la pratique des sages-femmes sera
marquée d'une autonomie exceptionnelle échappant au
contrôle des structures administratives déjà existantes.
Les sages-femmes seront seules responsables de la qualité des actes
médicaux qu'elles poseront, sans même avoir une
responsabilité analogue à celle des conseils des médecins,
dentistes et pharmaciens qui, eux, doivent s'assurer du maintien de la
compétence de leurs membres. Une duplication, et qui plus est
imparfaite, des responsabilités semble être à la base du
texte législatif qui nous est proposé.
Bref, le projet de loi 4 donne aux sages-femmes le droit de poser des
actes médicaux dans une structure administrative distincte et autonome
sans, cependant, prévoir des mesures pour assurer le maintien de la
compétence de ses membres, comme c'est le cas pour les médecins.
Cette source de confusion risque de s'accroître, en raison d'une marge de
manoeuvre consacrée localement. En d'autres mots, le degré
d'autonomie de la sage-femme dans l'exercice de ses fonctions pourra varier
d'un projet-pilote à l'autre.
Dans cette même perspective d'initiative locale, chaque
projet-pilote pourra fournir une identification différente des actes
médicaux que les sages-femmes sont autorisées à poser.
Enfin, les critères d'admissibilité aux services seront
établis eux aussi localement par chaque conseil des sages-femmes.
De l'autonomie administrative des établissements, nous en
arrivons maintenant à ce que nous appelons l'embrouillement
institutionnalisé. Chaque projet-pilote obéira à sa propre
logique, tant et si bien qu'il devient un mandat en blanc à
l'administration des établissements concernés. Dans l'état
actuel, nous ne pouvons que condamner ce principe. Il est impossible de faire
plus, puisque la teneur des projets-pilotes non seulement est inconnue, mais
sera variable. En clair, l'essence même de la pratique réelle des
sages-femmes n'est pas l'objet de la présente consultation puisqu'elle
est inconnue de tous, y compris du législateur.
Dans un semblable contexte, ce projet de loi expérimental a
raison d'inquiéter. Non seulement la substance est-elle absente, mais .
encore les objectifs poursuivis dans l'expérimentation sont
indéterminés, le projet de loi n'y faisant aucune allusion. Il
s'agit d'une recette infaillible pour être en situation
d'incapacité de juger de l'efficacité des mesures mises de
l'avant. Nous serons simplement à nouveau devant le fait accompli dans
cinq ans. De telles lacunes sont inacceptables à l'égard du
présent projet de loi qui recèle des conséquences lourdes
au plan administratif et qui, plus fondamentalement, a des incidences sur la
protection du public, parlons-en.
Les préoccupations marquées traditionnellement par
l'autorité législative gouvernementale - tous ceux qui sont ici
en sont - face aux activités professionnelles ne sont pas le fruit du
hasard. Ce ne sont pas les intérêts corporatistes, mais
plutôt la protection du public qui est au coeur des règles
régissant l'activité professionnelle. La formation
adéquate, la compétence, l'identification des
responsabilités et devoirs et la qualité de l'acte posé
constituent des normes professionnelles visant à garantir minimalement
un service adéquat au public.
Or, en reconnaissant à titre expérimental la pratique des
sages-femmes, les autorités semblent en rupture avec cette tradition de
protection du public. D'une part, la reconnaissance d'un droit de pratique
simultanément à l'élaboration de critères de
formation paraît un processus tout aussi innovateur que redoutable.
Jusqu'à ce jour, le Québec ne connaît aucun processus
formel de formation des sages-femmes. Pour l'avenir, un comité
ministériel sera chargé d'élaborer les critères
généraux de formation et de compétence.
Je me réfère, entre parenthèses, aux articles
concernés. Toutefois, dans l'immédiat, un certain nombre de
sages-femmes seront accréditées, passant directement de la
clandestinité à la reconnaissance formelle de leur statut. Sur
quelles bases, un comité ministériel pourra-t-il juger de
l'aptitude de l'un et de l'inaptitude de l'autre? Les critères
établis par la Confédération internationale des
sages-femmes seront-ils un substitut aux critères généraux
de formation et de compétence établis pour le Québec?
L'évaluation Immédiate de chaque sage-femme qui en fera la
demande se fera-t-elle sur une base purement théorique?
À quels critères doit-on actuellement répondre pour
prétendre au titre de sage-femme et être admissible à une
évaluation? Toutes ces questions sont sans réponse. À nos
yeux, les autorités ne peuvent pas se soustraire ainsi à leurs
responsabilités face au public en confiant un aussi large mandat
à un comité ministériel. Faut-il le rappeler, les
sages-femmes auront à poser des actes de nature médicale, le
suivi d'une grossesse, le dépistage de conditions anormales chez la
mère ou l'enfant, l'accouchement, etc. D'ailleurs, l'article 3 du projet
de loi énonce clairement et de façon non limitative, le principe
de la délégation d'actes médicaux en faveur des
sages-femmes. Il est pour le moins étonnant qu'un champ aussi large
d'exercice soit accordé aux sages-femmes, tout en n'établissant
pas un cadre plus fixe et rigoureux quant à leur formation et à
leur compétence. Une lecture attentive des différentes
responsabilités confiées aux sages-femmes nous permet de conclure
que leur activité professionnelle chevauchera, notam-
ment, la pratique des infirmières, des médecins
généralistes, des obstétriciens, des pédiatres,
sans compter le rôle d'éducation et de prévention. De toute
évidence, leur formation devrait être pour le moins polyvalente et
très dense pour rencontrer de pareilles exigences. L'étendue de
leur champ de pratique paraît inversement proportionnelle aux exigences
imposées quant à leur formation et compétence. N'est-on
pas en train d'accroître indûment les risques?
Bien qu'actuellement au Québec la qualité du travail
obstétrical ne soit pas mise en cause, il faut constater que les
médecins qui y oeuvrent doivent acquitter des sommes
considérables au chapitre de l'assurance-responsabilité
professionnelle. Il y a fort à parier que la présence des
sages-femmes ne fera pas diminuer le nombre de poursuites reliées
à la pratique obstétricale. En effet, les mêmes actes
médicaux posés par des personnes non-médecins ne sont pas
de nature à diminuer les risques. Qui en défraierait la note en
bout de ligne?
Dans cette même foulée, la protection du public requiert un
mécanisme efficace en cas de plaintes professionnelles. Dans
l'état actuel du projet de loi, seul l'article 9 aborde sommaire ment
cette question en référant le tout au directeur
général de l'établissement qui doit faire rapport au
conseil d'administration. À son tour, ce dernier fait une recommandation
au ministre do la Santé ot dos Surviens sociaux ot au ministre
responsable de l'application des lois professionnelles. Nulle part mention
n'est faite de pouvoirs spécifiques quant aux sanctions. Chaque plainte
trouvera réponse devant les deux ministres concernés. Point n'est
besoin d'insister sur le caractère inapproprié et inefficace d'un
tel processus.
Mais il y a plus. Les sages-femmes n'ont pas à répondre
aux exigences d'un code de déontologie. Le projet de loi ne fait aucune
mention à cet égard. Les devoirs et obligations envers le public
et envers la patiente, les conditions d'exercice, les obligations
d'intégrité, de disponibilité, de responsabilité,
d'indépendance, de désintéressement, les relations avec
les autres sages-femmes, la tenue et l'accessibilité des dossiers et
même le secret professionnel ne font pas l'objet d'obligations
déontologiques spécifiques pour les sages-femmes. Pourtant,
toutes ces obligations sont à juste titre jugées essentielles
dans la pratique médicale actuelle.
Déléguer des actes médicaux à des personnes
dont la formation et l'encadrement sont moindres, voilà
l'expérimentation à laquelle nous convie le présent projet
de loi, au risque de mettre en péril la protection du public.
Au-delà des idées reçues, nous ne saurions conclure
cette brève présentation sans aborder sommairement quelques
arguments traitant plus globalement du système de santé. Tous les
observateurs s'entendent actuellement pour constater l'extrême
fragilité du système devenu incapable de répondre à
la demande croissante des besoins. Les coûts augmentent, les pressions se
multiplient, les conflits se font persistants et le climat de travail se
perturbe. Dans cette tourmente, où se situe la priorité dans le
système de santé? Nous nous posons la question. Nous avons la
profonde conviction que la reconnaissance d'un nouvel acteur et la mise sur
pied d'une structure parallèle pour l'accueillir ne sont pas la
tâche première du nouveau ministre de la Santé et des
Services sociaux
Les statistiques démontrent la qualité de travail en
obstétrique. Comme d'ailleurs plusieurs intervenants l'ont
souligné, nous sommes les quatrièmes au monde, pour ce qui est de
la qualité et du degré élevé de satisfaction de la
part des bénéficiaires. Vous avez eu notion, bien sûr, des
études faites par la Corporation professionnelle et l'Association
médicale du Canada; on se situe entre 95 % et 98 %. Bien sûr,
même là, nous disons que tout cela demeure perfectible, mais les
autorités doivent savoir choisir leurs priorités. Le temps,
l'énergie, les coûts, les adaptations qu'entraînera la
pratique des sages-femmes nous semblent faire largement contrepoids aux
bénéfices escomptés dans le contexte actuel.
On aura certainement fait grand état, au cours des travaux de la
présente commission, du besoin pressant d'humaniser les soins de
santé. Cette vérité est indéniable. Pourtant,
l'atteinte de cet objectif comporte des enjeux qui vont bien au-delà du
contenu du projet de loi 4. Aussi longtemps que nous vivrons dans un
système de santé marqué par la rationalisation, les
coupures de budget et d'effectif et la polarisation dans les relations de
travail, il sera illusoire de prétendre véritablement humaniser
les soins.
La pratique des sages-femmes ne change en rien la fermeture des petites
unités d'obstétrique en milieu hospitalier. Les sages-femmes,
tout comme les médecins, devront s'accommoder souvent de pratiquer au
sein d'un gros service à l'intérieur de grands centres et c'est
souvent là où commence la déshumanisation Confier aux
sages-femmes des tâches jusqu'ici exercées par les
médecins, sous prétexte de vouloir humaniser les soins,
reviendrait à affirmer que le problème d'humanisation est
attribuable au corps médical. Nous ne pouvons souscrire à un tel
postulat.
Dans la relation avec sa patiente, le médecin n'est pas qu'un
scientifique froid et distant, seulement capable de diagnostics et de
traitement. La tradition médicale a toujours su ménager un espace
pour le counselling et pour les confidences, en vue d'assurer présence
et réconfort.
La femme enceinte vit une période intense de sa vie où
elle a des besoins spécifiques et multiples auxquels les professionnels
de la santé sont actuellement capables de répondre. Si
naturel que soit le phénomène de la grossesse, il requiert
néanmoins une attention médicale puisqu'il commande à
l'organisme humain un fonctionnement inhabituel. Au risque de choquer, la
grossesse n'est pas un phénomène normal, dans le sens où
il s'agit plutôt d'une physiologie poussée à son maximum
qui demande une expertise qualifiée. Si un athlète qui court les
100 mètres aux Jeux olympiques a besoin d'expertise ou d'experts
médicaux pour atteindre ses objectifs, il est tout au moins logique de
penser que la femme enceinte puisse profiter d'une telle expertise.
Se soucier notamment de l'intégrité de la mère et
de l'enfant n'est pas, contrairement à la prétention de certaines
idéologies, une médicalisation à outrance. Joindre
compétence et humanisme, voilà la qualité du service
à rendre. Pour ces raisons, le projet de loi 4 est, aux yeux de
l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du
Québec, totalement inacceptable. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le président.
On est entrés dans le temps prévu. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense, Dr Aubry, qu'on va
se faire vibrer tous les deux en toute amitié et loin de renier
l'excellente formation que j'ai reçue à Trois-Rivières,
j'en suis extrêmement fier, et de l'accueil aussi que j'ai reçu
là-bas, pour un Gaspésien, de la part des gens de la Mauricie.
(15 h 30)
Évidemment, c'est un mémoire qui n'y va pas avec le dos de
la cuillère sur le plan du fond et sur le plan des questions qu'il
écorche en allant dans le vif. Il y a des choses que je veux clarifier
dès le départ, avant même d'entamer le sujet qui nous
préoccupe actuellement. Évidemment, le ministre de la
Santé et des Services sociaux aurait peut-être pu choisir un autre
sujet pour faire son entrée parlementaire que le dossier des
sages-femmes, mais, compte tenu des priorités, il a choisi
celui-là, et c'est sa responsabilité à lui qui est
toujours validée par l'électorat qui choisit les hommes
politiques qui, eux, se font des priorités. Donc, c'est celui-là
que j'ai choisi, parce qu'il avait déjà été
entamé sous mon prédécesseur, qui était Mme
Thérèse Lavoie-Roux, et qu'il a fait l'objet d'un premier
dépôt à l'Assemblée nationale; c'est aussi parce
qu'il peut facilement se détacher de la réforme qui, elle, sera
abordée après les fêtes.
Qu'on se le dise et qu'on le tienne pour dit, à ce moment-ci: la
réforme que nous allons aborder en commission parlementaire, le 23
janvier, va devoir toucher tout le monde. Et ce ne sera pas uniquement
l'affaire de structures, de corporations, de fédérations, de
patients, mais ça va aussi être l'affaire de tout le monde, y
compris les hommes politiques, y compris les structures du ministère, y
compris les pouvoirs locaux dans tous les domaines: CLSC, CSS, centres
hospitaliers. La responsabilité qui nous incombe maintenant est de faire
en sorte qu'on ait une réforme et de se dire aussi, une fois pour
toutes, qu'avec au-delà de 10 000 000 000 $ du budget du Québec
affectés à la Santé et aux Services sociaux, qui est le
tiers du budget du Québec, il va falloir, un de ces jours, finir par
admettre que le gouvernement fait probablement plus que son effort sur le plan
financier. Il est maintenant venu le temps de demander à nos partenaires
partout dans le réseau, y compris des dispensateurs de services et les
utilisateurs de services de faire aussi leur part pour éviter les abus,
éliminer les abus et faire en sorte qu'on ne retrouve pas ce que vous
qualifiiez tantôt de budget de rationalisation, de coupures d'effectif et
de voir là où il y a des abus. Vous le savez pour être un
pratiquant: il y a des abus de la part de tout le monde, dans le
système, à la fois des dispensateurs de services et des
utilisateurs. Mais on y reviendra, parce que 120 mémoires après
les fêtes... On aura très certainement l'occasion d'y revenir.
Autre chose que je veux tenter de "clairer" de manière non
équivoque, ça fait... Chaque fois que les médecins se sont
présentés, ils nous ont toujours dit: II n'y a pas eu de
consultation de la part du ministère. Vous avez raison de le dire, dans
votre cas. Vous n'avez pas été associés à la
consultation, après les différents documents. Ce n'est pas du
tout le cas et ce n'est pas vrai pour toutes' les corporations et les
fédérations de médecins qui ont soumis des
réactions à la suite des études rendues publiques et des
différents comités. La Corporation professionnelle des
médecins a été mis dans le coup sur le plan de la
préparation du projet de loi, ayant choisi la voie législative
qu'on connaît aujourd'hui, qui ne faisait pas l'affaire de la
Corporation. Mais, effectivement, dans votre cas, vous n'avez pas
été consultés et on va s'assurer que vous le soyez dans le
prochain qui va être déposé au début du mois de mars
et très rapidement, puisque c'est ce qu'on fait aujourd'hui.
Il y a une question fondamentale qui se pose, à la lecture de
votre mémoire et, d'entrée de jeu, premier paragraphe, où
vous nous dites: "L'Association des conseils des médecins, dentistes et
pharmaciens du Québec a étudié attentivement le contenu de
ce projet de loi pour conclure qu'il était inacceptable, tant dans son
libellé actuel que dans son orientation fondamentale." Je pense que
"tant dans son libellé actuel" peut devenir accessoire si on ne
répond pas à la question fondamentale qui est la suivante, et je
vous la pose: Est-ce qu'il doit y avoir des sages-femmes ou non? S'il ne doit
pas y en avoir, tout le reste, oublions-le, si ce qu'il y a pour objectif,
c'est de supporter la thèse qu'il ne doit pas
y en avoir.
S'il doit y avoir des sages-femmes, en termes de reconnaissance,
à ce moment-là, c'est une mécanique qu'il faut analyser et
il y a des arguments à l'intérieur de votre position qui sont
vrais - on en a déjà parlé - qu'il faudra s'attaquer
à corriger dans le prochain projet de loi puisqu'il sera
réécrit, ce projet de loi, et qu'on reviendra avec un nouveau
projet de loi, compte tenu de tout ce qu'on aura entendu. Une commission
parlementaire comme celle-là, c'est, bien sûr, pour nous
renseigner, corriger notre tir s'il n'est pas bon. Ce n'est pas pour venir vous
dire qu'on possède la totale et absolue vérité.
Ma question fondamentale. Est-ce que, comme ailleurs à travers le
monde, au Québec, il devrait y avoir reconnaissance ou existence ou non
des sages-femmes? C'est la question fondamentale. Après ça, on va
discuter tous les deux. Moi, je dis oui; vous, vous dites non. Mes arguments
vont supporter ma thèse, les vôtres vont supporter la vôtre.
Évidemment, on va pouvoir en débattre pendant des jours.
NI. Aubry: Au premier questionnement que vous avez fait sur la
consultation, nous n'avons pas été consultés. Je vous
remercie de nous annoncer comme étant présents dans la suite,
mais ce à quoi nous nous référions, ce sont des choses
comme ici, par exemple. Six livres écrits, aucune consultation.
Là, je ne dis pas: André Aubry n'a pas eu de consultation. Je lis
la première page du premier livre. Je lis même l'avant-propos, le
dernier paragraphe que je citerai mot à mot. "La collaboration des
corporations, ordres ou associations professionnelles des différents
organismes ou groupes populaires n'a pas été sollicitée
officiellement pour cette étape des travaux. Il fallait, dans un premier
temps, colliger le plus d'information possible sur l'état de la
problématique et l'ensemble du dossier, tel qu'il a été
communiqué, etc. " Il n'y en a pas eu de consultation. On est devant un
fait accompli. ma réponse à votre deuxième va
également être une réponse à cette portion. nous ne
sommes pas contre les sages-femmes, nous sommes contre un nouvel intervenant
dans un système qui est actuellement le quatrième au monde. pour
l'obstétrique, les naissances, nous sommes quatrième au
monde.
Or, nous disons ceci: Dans les structures qui existent
déjà dans le système hospitalier au Québec, il y a
abondance de solutions aux deux seuls éléments qui ont
été apportés dans ces mêmes consultations
après coup, à savoir les bébés
prématurés et ceux de petit poids. La solution qui est
apportée par un groupe, nommément les sages-femmes, ne vient pas
solutionner cet aspect. Nous vous disons, M. le ministre: Utilisez vos
ressources et nous sommes entière ment d'avis avec vous qu'il y a un
manque d'intégration et de coordination. Sur ce phéno-
mène, non seulement nous vous endossons, mais nous sommes prêts
à vous supporter. Mais quant à répondre aux demandes d'une
minorité par quelque chose qui ne règle pas de problèmes
ou qui en fait état alors qu'ils n'existent pas, nous vous disons: Nous
voulons être là au début et discuter avec vous,
précisément des moyens pour améliorer ces deux aspects qui
demeurent perfectibles. On ne trouve pas, dans la présentation d'une
solution qu'on identifie comme les sages-femmes, que ce soit la solution
à apporter. C'est simplement la réponse que l'on a à vous
donner.
M. Côté (Charlesbourg): O. K. On se rejoint sur
certains points. Le constat: II n'y en a pas de politique de
périnatalité. L'objectif des documents que vous avez
évoqués tantôt, c'était d'en avoir une,
éventuellement. La sage-femme est un moyen. Ce n'est pas le seul et le
projet de loi ne tend pas à dire que la sage-femme va régler tous
les problèmes dans ce merveilleux monde de la
périnatalité. Ce n'est pas vrai.
Vous avez évoqué l'humanisation des soins. C'est clair,
tout le monde l'a dit, même les médecins sont venus l'admettre: On
a du travail à faire, nous, pour humaniser les soins. Que ce soit la
FMOQ, la Fédération des médecins spécialistes, que
ce soient les pédiatres, que ce soient les gynécologues, ils sont
venus nous dire qu'effectivement, au niveau de l'humanisation des soins, il y
avait du travail à faire, et tout le monde le constate.
On dit: Oui, il y a le problème du petit poids - c'est un exemple
qui est pris. Il y a des problèmes, en particulier, pour trois
catégories de femmes: les adolescentes, les gens des régions
isolées et les gens des milieux socio-économique-ment
défavorisés. Évidemment, c'est un constat. Il n'y a
personne qui nie le constat. Il est là, les chiffres le
démontrent et c'est clair. Évidemment, l'autre constat qu'on se
doit de faire, c'est qu'il y a au-delà de 2000 accouchements par
année, au Québec, faits par des sages-femmes Ce n'est pas la
femme qui a décidé, chez elle, toute seule dans son milieu,
qu'elle préférait être accouchée par une sage femme
plutôt que par un médecin, c'est un choix personnel qu'elle fait.
Qu'il y en ait 2000 sur 75 000 ou 80 000 par année, c'est un
phénomène quand même assez important. Ça, ça
m'apparaît un constat sur lequel on doit travailler. Ou on décide
qu'elles sont illégales, ou on décide, finalement, de faire le
test, comme nous avons choisi de le faire, l'expérience-pilote, en
disant très clairement. Premièrement, il doit y avoir une
autonomie au niveau des sages-femmes et, deuxièmement, un support
médical. Et c'est là qu'on rejoint l'intérêt public
que vous évoque2 dans votre document.
Évidemment, votre position, qui est différente de la
nôtre, vise exactement aux mêmes buts: le bien d'autrui, le bien de
la sage-femme, le bien du bébé. Nous aussi, c'est ce qu'on
veut.
Mais on dit à la sage-femme. Vous n'êtes pas le seul moyen,
ça n'a pas pour but d'éliminer totalement les médecins de
cette pratique, ce n'est pas vrai. D'abord, c'est impossible. Mais on se dit:
C'est un intervenant additionnel qui peut, effectivement, apporter une
contribution intéressante sur le plan de l'humanisation des soins.
J'en arrive à ma question. Vous dites: On va se retrouver devant
un fait accompli. D'abord, le fait accompli de déposer un projet de loi
et, deuxièmement, l'expérience-pilote va nous mener, dans cinq
ans, devant un fait accompli où on sera obligés de
reconnaître la pratique des sages-femmes. Si on est obligés de la
reconnaître, c'est parce que, d'abord, elle sera utile et elle aura
prouvé son utilité. Ce que je dis, à la fois au
médecin et à la sage-femme: À partir du moment où
on enclenche le processus de projet-pilote, on aura, une fois pour toutes, la
vérité. Si des sages-femmes font la démonstration qu'elles
réussissent à humaniser les soins et que c'est un
élément extrêmement important dans ce processus pour
régler nos problèmes en périnata-lité, tant mieux,
c'est là l'objectif qu'on vise, c'est ça que vous visez, comme
objectif. Si, au contraire, l'expérience ne règle pas nos
problèmes, non pas tous les problèmes mais un certain nombre de
problèmes, ce sera non.
Vous dites: On n'a pas besoin d'un intervenant additionnel, mais vous ne
dites jamais, dans ces cas-là, que la sage-femme, effectivement, ne
réussira pas à apporter une contribution intéressante. Ce
qu'on a comme impression, à l'occasion, c'est qu'elle risque de prendre
la place d'autres, et ça, c'est achalant.
La question est la suivante: Si, effectivement, vous pensez que la
sage-femme n'apportera rien, ou si peu, pourquoi avoir peur de
l'expé-rience-pilote, en termes de conclusion? Je dirais la même
chose aux sages-femmes: Si vous ne voulez pas de l'expérience-pilote,
comme vous êtes tellement convaincues que vous allez faire la
démonstration de votre utilité, pourquoi avez-vous peur de
l'expérience-pilote? Je vous pose la question parce que cette
expérience-pilote semble vous faire peur. Si c'est juste la peur de vous
enlever une partie de l'espace que vous occupez actuellement, pour moi, ce
n'est pas convaincant. Par contre, lorsqu'on a interrogé les
pédiatres, ils nous ont dit: II y a des problèmes qui peuvent
survenir pour la santé et la sécurité du
bébé et de la mère. Ça, ça me touche.
Ça me touche profondément, compte tenu de la
responsabilité que j'ai. Mais, jusqu'à maintenant, sur le plan de
la difficulté de la structure organisation-nelle, avec une ouverture
d'esprit et une bonne volonté, on finit par régler ça.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Aubry: Vous avez deux aspects extrêmement
intéressants et c'est à ce genre de discus- sions qu'on
s'attendait ici, vous connaissant d'ailleurs antérieurement comme un
homme décisionnel. Je vais laisser la portion... À mon avis, non,
les sages-femmes ou ce nouveau groupe d'intervenants ne peut pas
améliorer, et je laisserai à mon universitaire le soin d'en
parler.
La question humanisation, pour moi, je retends plus loin parce que je
suis dans un centre plus petit et mon expérience de 11 240 accouchements
me permettrait de vous raconter des choses et il y a des gens qui
frémiraient. Mais je vais juste raconter la théorie. La
théorie, c'est que, oui, on a une solution à l'humanisation.
L'universitaire parlera des soins, de la qualité. Oui, on a une
solution. Pourquoi n'augmentez-vous pas le nombre d'infirmières
attitrées au département d'obstétrique? Et, de plus, nous
avons une qualité ici au Québec, pour avoir travaillé aux
États-Unis, qui est excellente en termes d'expertise. Alors, qu'il y ait
un nombre suffisant de ces gardes-malades entraînées
spécifiquement pour ce type de travail, comme ça se fait en
cardiologie, aux soins intensifs ou en chirurgie orthopédique ou
car-diovasculaire. Pourquoi ces gens-là ne sont-ils pas payés ce
qu'ils valent? C'est ça qui est la solution. Pas créer, utiliser
les ressources qu'on a.
On n'a pas besoin d'attitrer ou d'affubler un titre nouveau pour
attribuer les qualités qu'on connaît à nos
infirmières. Je vous dis même que c'est inopportun d'accepter de
faire un projet de loi pour à peu près 50 femmes au Québec
parce que c'est ça, le nombre, un peu moins, 50 soit disant reconnues
avec entraînement et 100 autres qui ne sont pas reconnues. Si vous
reconnaissez une marginalisation comme celle-là, demain, mon
confrère m'en faisait mention, vous aurez le groupe des 200 cardiaques
qui attendent des examens à l'Institut de cardiologie. Vous aurez les
300 autres qui attendent un traitement typique dans un domaine
spécifique. Pourquoi "sectionnaliser" un système qui, en soi,
s'est avéré actuellement productif? L'utilisation maximum de vos
ressources à l'intérieur, dans un système qui,
malgré toute la tourmente dans laquelle on vit, a
développé des expertises et une humanisation extraordinaire - les
enquêtes le prouvent, M. le ministre - c'est ça qu'on vous dit. On
ne nie pas votre compétence ni votre jugement, mais on veut apporter,
comme vous l'avez dit vous-même, un nouvel éclairage et une
nouvelle optique à ce problème. (15 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Avant d'avoir la
réponse à la deuxième partie de la question, parce que
vous soulevez des choses très intéressantes, j'ai deux questions
sur ce que vous avez dit. Premier commentaire. Pour moi, le projet de loi n'a
pas pour but de régler le problème de 50 sages-femmes, mais c'est
davan-
tage de régler le problème des 2000 femmes par
année qui se font accoucher par les sages-femmes parce que ça,
c'est un choix fondamental. Elles ont eu le choix de se faire accoucher par un
médecin ou par une sage-femme et elles ont choisi la sage-femme, pour
toutes sortes de raisons. Ce ne sont pas les 50 sages-femmes, le
problème qu'on essaie de régler. Je pense qu'ul-timement, ce sont
les 2000 qui, par année, sont accouchées, mais que, dans aucun
des cas, la Corporation professionnelle des médecins n'a poursuivies au
niveau des sages-femmes, alors que, dans d'autres, ça s'est fait. Il n'y
a pas eu de poursuite par la Corporation professionnelle des médecins,
à ma connaissance. Je regardais encore, dans ma quiétude de fin
de semaine, le rapport de la Corporation professionnelle des médecins et
je n'ai pas vu là dedans de poursuite vis-à-vis des sages-femmes
qui, supposément, auraient posé un acte médical, alors
que, dans d'autres circonstances, la Corporation les poursuit. Alors, ce n'est
pas le problème des 50, c'est le problème des 2000 La
santé publique, c'est là qu'elle est.
L'autre question, vous dites: Pourquoi ne pas ajouter davantage
d'infirmières, et mieux les payer? Mieux les payer, je pense que dans la
dernière convention collective on a réglé une bonne partie
à leur satisfaction, puisqu'elles l'ont signée, mais je vous pose
la question suivante: Ayant autant de considération sur
l'efficacité, la compétence et la qualité des
infirmières, comment expliquer que les infirmières
elles-mêmes soient venues ici, tant représentées par la CSN
que par la FIIQ et par la FTQ, pour nous dire: Vous devez reconnaître la
sage-femme pour autant que, sur le plan de la formation, elle soit
infirmière en plus d'avoir un diplôme de premier cycle
universitaire? Donc, ayant autant de considération vis-à-vis des
infirmières et de leur capacité de travail, elles-mêmes
jugent à propos de demander au gouvernement de reconnaître la
pratique des sages-femmes, ça me paraît aussi extrêmement
important.
M. Aubry: Sur les infirmières qui s'entendent avec les
sages-femmes, premièrement, alors, il faudrait poser la question aux
sages-femmes à savoir si ce sont des infirmières et vous aurez
une réponse, à ce moment-là, qui sera douteuse. Si je lis
"a University of California Berkeley letter", un centre mondialement reconnu,
on y mentionne que les "nurse-midwives" sont licenciées par le State
Board et qu'elles travaillent toutes associées à un corps
médical. On donne cinq suggestions, à la fin, pour dire quelle
sorte de sages-femmes la portion de 5 % aux États-Unis devraient choisir
et pourquoi. On y dit: Assurez-vous que le médecin consultant, vous le
connaissez avant de consulter la sage femme. Comme les gardes-malades font
déjà partie intégrante du réseau de la
santé, vous n'avez pas à bâtir de nouvelles structures. La
pensée médicale, la pensée scientifique est
déjà là. On ne vous reproche pas du tout de vous faire
influencer, mais on vous dit: Faites attention, parce que là, même
les 2000 femmes auxquelles vous faites allusion, je pense bien que
l'État à le devoir de les protéger contre
elles-mêmes, s'il est prouvé qu'une action qui est faite deviendra
coûteuse pour le gouvernement, puisqu'on est dans un système
d'assurance-maladie universel.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je vous traduis
bien, Dr Aubry, que... Corrigez-moi, on est là pour se corriger si
ça force, je pense que c'est un exercice très intéressant.
Des derniers propos que vous avez évoqués, est-ce que je
comprends que si c'était une infirmière à
l'intérieur déjà d'un centre hospitalier ou d'un CLSC avec
entente avec un centre hospitalier, si elle était une sage-femme, elle
pourrait être reconnue dans sa pratique, à l'intérieur d'un
centre hospitalier, comme sage femme, étant infirmière et
étant déjà à l'intérieur du système,
donc ne faisant pas intervenir un nouveau professionnel?
M. Aubry: Je ne vous corrigerai pas, je vais me corriger. C'est
que "sage-femme", c'est redondant. Le mot est redondant. Nous sommes
prêts à vous apporter l'expertise médicale pour vous
indiquer les moyens d'améliorer les aspects qui ont été
démontrés, même avec vous. Nous constatons les mêmes
choses. Mais vous prenez, et je compare ça... Parfois, au bureau - des
comparaisons à outrance, ça fait comprendre -quand je vois
quelqu'un qui prend des moyens excessifs, je lui dis vous voulez tuer une
mouche avec un marteau. Vous prenez un moyen qui est excessif dans une
situation que nous, nous vivons, que je vis depuis 25 ans, et que je sais ne
pas être le fait d'une seule solution, celle-ci. C'est juste l'aspect
qu'on veut développer, M. le ministre. Je vais demander à mon
confrère, l'universitaire, de vous parler de la qualité,
justement, des bébés, à moins qu'on n'ait d'autres
échanges à ce niveau-là, M. Côté.
M. Côté (Charlesbourg): Non, ça va.
M. Marier (Robert): Je n'ai pas la prétention d'être
universitaire, plus que... Écoutez, le raisonnement est le suivant, on
l'a souligné dans le rapport: avec le pourcentage de la qualité
des services que les infirmières et les médecins ont
donnés dans notre système de santé, on devrait
plutôt avoir été félicités des objectifs
atteints, puis on aurait dû nous demander, comme vous le disiez tout
à l'heure: Écoutez, on va regarder ça ensemble, si on ne
peut pas encore l'améliorer. Je pense que, sur le plan de la
compétence et de la qualité des services donnés, on ne
peut pas
dire grand-chose, sauf qu'on peut encore s'améliorer, même
si on est à 95 %. Cette chose-là, ça va.
Quand on arrive du côté de l'humanisation, on l'avait dit
dans une petite phrase, on n'était pas d'accord sur le blâme et
même sur le fait, comme vous le souligniez tout à l'heure,
même si des confrères ou d'autres associations ont dit qu'il y a
place pour améliorer les rapports humains. Je pense que oui, dans toutes
nos relations, que ce soit au Parlement, que ce soit dans la vie quotidienne,
il faut les améliorer.
Je pense qu'il faudrait rappeler certaines choses. On a vécu les
compressions budgétaires, la rationalisation des ressources, et
ça a eu pour effet de diminuer sensiblement le personnel dans nos
hôpitaux et également dans nos salles d'accouchement. Je pense que
si on a eu moins de personnel, moins d'individus, moins d'intervenants,
ça a eu un impact sur la qualité des services et sur
l'humanisation des services surtout. Je pense qu'actuellement les
infirmières et les médecins qui ont travaillé et qui
travaillent encore quotidiennement pour rendre des services en
obstétrique, je pense qu'ils rendent des services humains avec la bonne
foi et, s'il y a place actuellement pour de l'amélioration, il pourrait
y avoir du support et humain et technique pour qu'on les aide à
atteindre ces objectifs-là.
Quand on fait le raisonnement, on se dit: D'accord, les gens qui sont
déjà là sont capables d'être humains, ça ne
fera pas accuser toute la population d'être inhumaine. Quand les gens me
disent: Écoutez, il faudrait avoir des sages-femmes ou un nouvel
intervenant de ce côté, à ce moment-là, on peut se
poser la question suivante: Qu'est-ce que ça va apporter de plus,
surtout dans un contexte - vous nous le rappeliez tout à l'heure -
où le tiers du budget de la province est déjà dans les
services de santé? Est-ce qu'on va prendre de nouvelles ressources pour
créer un autre système en parallèle ou ajouter un
système quand déjà ça fonctionne bien? Si on
prenait plutôt cet argent-là pour essayer de régler les
problèmes vraiment existants dans le système, est-ce qu'on ne
ferait pas un meilleur choix? C'est la conclusion à laquelle on
arrivait, on disait: On ne veut pas d'un nou-vol Intervenant avec les
connaissances que noua avons et les problèmes du système, parce
que les ressources, on veut les utiliser, on veut identifier les
problèmes et essayer de corriger des situations qui sont là.
C'est ça, la dynamique qui est faite face à un nouvel
intervenant.
La Présidente (Mme Marois): Le temps est
écoulé, mais allez-y encore pour une autre question. Il y a un de
vos collègues qui voulait en soulever une aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais laisser la place
à mon collègue, ayant déjà dépassé
largement mon temps. C'est une discussion que j'aimerais avoir. On pourrait
continuer de beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Matapédia. C'est ça?
M. Paradis (Matapédia): Oui, c'est ça. Merci, Mme
la Présidente. Je n'ai pas abusé vraiment de mon temps devant
cette commission.
La Présidente (Mme Marois): Tout à fait.
D'ailleurs, vous avez vu comment nous avons reconnu ce fait-là.
M. Paradis (Matapédia): Oui, c'est ça. Puisque
c'est le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens et que je suis
moi-même pharmacien, j'aimerais m'adressser à Mme Lafond. Par
principe, est-elle pour ou contre les sages-femmes ou si elle se rallie
à la décision qui a été prise au Conseil des
médecins et dentistes?
Mme Lafond (Louise): II faut dire honnêtement, de par
l'histoire familiale chez nous, que je ne suis pas tellement pour les
sages-femmes, donc je ne me rallie pas par esprit de corps, mais tout
simplement par les histoires de famille qui sont arrivées par chez nous.
Ça fait que moi, les sages-femmes, je vous remercie, mais je n'en ai pas
besoin. Je calcule qu'avoir eu des enfants, je ne les aurais jamais eus
à domicile; je les aurais eus en milieu hospitalier, puis je les aurais
eus avec un médecin qui aurait été là pour
m'accoucher. Tout simplement.
M. Paradis (Matapédia): Je vais poser une autre question.
Vous vous souvenez des guérillas que nous avons pu tenir, comme
professionnels, pour être reconnus au Conseil des médecins,
dentistes, et maintenant pharmaciens depuis peu. Notre place, comme
professionnels de la santé, comme intervenants... Avec les connaissances
que nous pouvons avoir, je comprends mal que, finalement, un professionnel de
la santé qui a eu à se battre pour se faire reconnaître par
le corps médical - il ne faut pas se le cacher, c'est ça - ait de
la difficulté, maintenant, à essayer de comprendre qu'une autre
corporation profes sionnelle pourrait voir le jour, avec toutes les
compétences et la formation qu'elle pourrait avoir.
Mme Lafond: Premièrement, ce n'est pas une corporation
professionnelle. En tout cas. Moi, je vais vous dire, là-dessus, que
c'est sûr qu'en ce qui concerne les pharmaciens, on s'est battu à
l'intérieur des centres hospitaliers pour les faire reconnaître,
mais ce n'est pas juste une question de pharmaciens en milieu hospitalier,
c'est une question aussi d'image du pharmacien
"at large", dans tout le Québec. Ce n'est pas juste le pharmacien
hospitalier qui a des problèmes, à l'heure actuelle. Je calcule
que les gens du détail - on déborde un peu - ont plus de
problèmes que nous à faire reconnaître leur
professionnalisme versus le gouvernement, où tu es
considéré plus, à un moment donné, comme un
distributeur et comme un vendeur de bebelles en avant. Je ne pense pas que ce
soit le cas ici. Je comprends des problèmes de guerre... qu'elles
veulent faire reconnaître des choses. Je me dis: Je travaille dans le
milieu, je travaille dans le système, je suis dans un hôpital
général, à l'heure actuelle, affilié à une
université. Je vois les problèmes qu'on vit dans un milieu. J'ai
des problèmes. On a des problèmes de ressources. On a des
problèmes de budget. On a des coupures. Ça ne fonctionne pas. On
n'a pas d'argent. On se fait dire chaque année: Pour avoir ton fameux
coût de système, il faut que tu coupes dans le gras. Là on
est rendu à l'os.
Tantôt, quand M. Côté a dit qu'il y avait des abus
qui se faisaient dans le système, j'aimerais beaucoup les
connaître, parce que dans le milieu où je suis à l'heure
actuelle, les abus, s'il y en a, sont fichument bien camouflés. On vit
vraiment avec ce qu'on a. Tu ajoutes un Intervenant de plus, et si tu n'es
môme pas capable de faire travailler des gens en obstétrique, si
c'est une fille qui est obligée de couvrir deux salles en même
temps, bien, ce n'est pas bien bon pour l'humanisation des soins. T'as ton
premier petit comme ça, et au deuxième, tu dis: Je vais essayer
autre chose. Si tu avais eu les budgets, s'il y avait eu des gens qui avaient
pu, lors de l'accouchement, être présents et te suivre durant
toute la période, je calcule qu'on ne serait peut-être pas en
train d'en parler aujourd'hui.
M. Paradis (Matapédia): C'est dommage qu'on n'ait pas plus
de temps. Je suis obligé de comprimer, si je comprends bien, Mme la
Présidente. De toute façon, ce que les médecins nous
disent, que ce soient vous autres, aujourd'hui, ou d'autres corporations
professionnelles, ou les fédérations qui sont finalement des
syndicats qui défendent les intérêts de certains
médecins...
Mme Lafond: On n'est pas un syndicat, en passant.
M. Paradis (Matapédia): Non, non, je parle des
fédérations qui sont venues avant vous.
Mme Lafond: D'accord.
M. Paradis (Matapédia): C'est ça, les
fédérations, que je sache, ça défend les
Intérêts économiques des médecins. Ce que je veux
dire, c'est qu'on aurait pu poursuivre cette discussion; je trouve malheureux
qu'on manque de temps pour le faire. Je continue à dire
qu'au-delà de vos convictions ou de vos perceptions personnelles vous
représentez peut-être un certain nombre du corps pharmaceutique,
mais surtout pas moi.
Mme Lafond: Mettons que vous avez droit à votre opinion et
que j'ai droit à la mienne. Vous avez votre historique, j'ai le
mien.
M. Paradis (Matapédia): Parfait.
La Présidente (Mme Marois): Merci, madame. Mme la
députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Vermette: Oui, merci, Mme la Présidente. Tantôt,
on disait: Compte tenu du fait que le système de santé au
Québec coûte très cher. Je vous dirai: Oui, effectivement.
Quand on considère que la maternité n'est pas un
phénomène normal, mais un phénomène presque d'une
médicalisation à outrance, je considère que ça peut
hausser les soins de santé. Vous savez, vous êtes des
entrepreneurs au niveau de la santé. Très souvent, on n'a aucun
contrôle sur la demande. Moi, en tant que femme, je peux vous dire
qu'à lire votre mémoire je trouve ça très difficile
d'accepter ce qui est écrit. D'une part, en tant que femme, je
considère que nous sommes capables de juger qui peut nous accompagner,
surtout dans les moments d'un accouchement, et de faire la distinction entre ce
qui est bon pour notre santé et pour le bébé et aussi en
pouvant constater qu'une solidarité peut exister entre les femmes et en
pouvant aussi considérer qu'au niveau de la maternité, beaucoup
plus que l'accouchement comme tel, il y a tout ce processus de
solidarité qui existe entre femmes, qui est drôlement
considéré. C'est un côté que vous n'avez
abordé d'aucune façon.
Je trouve ça intéressant, quand des hommes viennent nous
dire à nous, les femmes, ce qui est bon pour nous, alors que nous
pouvons nous pencher sur notre condition de femme et savoir très bien ce
qui est bon pour nous, et ce, tout en prenant en considération le bien
de notre santé et le bien de notre bébé et tout on
constatant que le bien du public aussi sera bien gardé.
Pour avoir été présidente d'un conseil
d'administration et pour avoir eu beaucoup à faire avec le Conseil des
médecins et dentistes, pour savoir que ce n'est pas toujours facile de
manier et de travailler dans un esprit de collaboration, avec un esprit
d'ouverture, je trouve ça un peu dommage... J'aimerais bien que vous
m'expliquiez en quoi le corps médical pourrait être
marginalisé du fait qu'on accepte la profession de sage-femme. Est-ce
que ça va avoir une influence à un point tel sur la pratique
médicale dans son ensemble? En fait, ce qui est écrit ici, c'est
que toutes ces mesures d'improvisation, de
marginaliser le corps médical, qui est un pilier pourtant
fondamental du système de santé... Est-ce que vous vous sentez
remis en cause du fait qu'il y aura des sages-femmes à
l'intérieur de l'équipe multidisciplinaire, parce qu'on apporte
une autre discipline à l'intérieur du réseau? J'aimerais
bien vous entendre parler là-dessus. (16 heures)
M. Aubry: Très rapidement, nous ne nous sentons pas
marginalisés en tant que travail et en tant qu'opinion à donner
sur un système qui se voue à l'amélioration des soins de
la santé, il y a une grosse différence. Mais la première
portion de votre intervention est davantage intéressante. À
propos, vous mentionnez que vous avez été présidente d'un
conseil d'administration; je suis président d'un conseil d'aministration
et j'ai été également président d'un conseil de
médecins et dentistes pendant 14 ans, 17 ans au niveau de
l'administration. Évidemment, les expériences sont
différentes selon les lieux. Mais quand on dit que la sage-femme est la
spécialiste de l'accouchement normal, c'est le sophisme
extraordinairement dangereux qu'on doit rectifier.
Je vous donne ici juste une lecture et ça répond justement
à votre question, madame, quand vous dites: On sait ce qu'on ressent
à ce qu'on est. Alors, dans cette étude qui a été
faite par le Dr Moutquin dont j'ai des suppléments, 800 femmes ont
été suivies entre 1979 et 1984 - 790 - chacun des cas est
identifié dans ce mémo, avec l'expertise des
gynécologues-obstétriciens, donc ce sont des critères que
nous avons bâtis à même notre expérience. Ce n'est
que dix ans d'entraînement, six ans de médecine et quatre ans de
spécialité qu'on fait, bien sûr. Avec les critères
que nous avons bâtis et l'expérience, la conclusion, malgré
tout, est que l'existence d'un risque de complication est de l'ordre de 23 %.
On débute en disant ce que vous venez de dire. Entre novembre 1979 et
avril 1984, série consécutive de 790 grossesses, normales
d'après la mère, et réputées sans facteur reconnu
de risque lors de la visite prénatale, et pourtant, 23 %. Il n'y a pas
d'accouchements normaux. La définition d'un accouchement normal, et je
vous la donne après 11 242 accouchements, c'est celui qui s'est bien
passé après qu'il est fait. Ça n'existe pas, un
accouchement normal, et il n'y a rien dans les 25 années où j'ai
travaillé que je n'ai pas vu et je ne voudrais pas en voir d'inattendu.
C'est ça qu'on vous dit.
On vous donne tout, les femmes qui veulent accoucher, maintenant, je
suis un apôtre chez moi; le père y assiste, la belle-mère,
la mère, les enfants y assistent. Les deux conditions que je pose aux
personnes qui, à mon bureau, viennent me voir, c'est que la vie de la
mère et la vie de l'enfant à venir ne doivent pas être en
péril. En dehors de ça, je fais tout ce qu'ils veulent. On est
des avocats de cette chose-là. Alors, ça n'existe pas, un
accouchement normal. Il faut arrêter de dire qu'il y a des
spécialistes d'ac couchements normaux. S'il y a eu amélioration
au point que nous sommes quatrième au monde, le Québec, c'est
dû précisément aux interventions qui ont été
faites par les gens qui pratiquent ce métier qui est glorifiant, je vous
le dis, qui est le plus beau métier au monde, parce que c'est toujours
nouveau.
Robert avait quelque chose à dire là-dessus
également.
M. Marier: Simplement pour terminer là-dessus, c'est que
concernant la question de la grossesse, je pense qu'il y a le normal et
l'anormal mais, entre les deux, il y a une physiologie qui est poussée
au maximum et c'est l'état de la grossesse. Je pense que souvent les
gens, ou en tout cas dans la publicité qui a été faite,
ont peut-être un peu mêlé ça. Quand une femme est
enceinte, elle a des hormones en circulation que la voisine n'a pas quand elle
n'est pas enceinte ou qu'elle-même n'a pas. Quand la femme est enceinte
et qu'elle a 100 000 fois plus d'hormones en circulation, quand la femme est
enceinte et qu'il arrive à un moment donné où son coeur
travaille à 40 % fois plus, ses reins à 50 % fois plus, quand son
volume sanguin est doublé, quand sa capacité respiratoire est
modifiée ou diminuée, même sur le plan physique tout
ça change. Ce n'est pas normal en soi. C'est naturel mais ce n'est pas
normal.
C'est un peu comme le coureur du stade. Tout le monde est capable de
courir, mais tout le monde n'est pas capable de courir le marathon. Si vous
courez le marathon, vous devez faire un entraînement et développer
de l'expertise pour être capable d'atteindre cet objectif. Donc, la
grossesse, c'est naturel mais le phénomène de la grossesse
entraîne une physiologie qui est poussée au maximum et qui
demande, pour les gens qui suivent cette personne-là qui est enceinte,
une expertise qui est différente. En fait, ce qui se passe, c'est que
les intervenants comme les sages-femmes deviennent des sortes de techniciens en
obstétrique et non pas nécessairement des spécialistes du
normal parce que, à ce moment-là, ça donne l'impression
qu'on peut identifier ce qui est vraiment normal ou pas quand tout ça
est en équilibre.
Quand on regarde un peu partout dans les pays où ça
existe, ces gens-là travaillent avec les experts ou les
spécialistes de ce secteur en collaboration. Mais quand on dit, ici au
Québec, la même chose et qu'on se pose la question, à
savoir si on a besoin de ces techniciens, à ce moment-là, on se
dit: Bien, compte tenu du contexte budgétaire, compte tenu des objectifs
à viser, pour l'instant, la réponse est non, sauf que si le
ministre veut faire un programme de périnatalité et
étudier ça sous tous les angles, peut-être qu'on arrivera
à oui à un moment
donné, mais pour l'instant, on arrive à la conclusion que
c'est non.
Mme Vermette: Écoutez, c'est parce que vous avez de vos
collègues de la Corporation des médecins et des pédiatres
aussi qui sont venus et qui ont vécu certaines expériences, en
région éloignée, qui se sont avérées
très satisfaisantes. En fait, le discours était à l'effet
que, dans les régions éloignées, la pratique de la
sage-femme était admissible mais que, par contre, c'est plutôt
dans les centres à forte agglomération, avec tous les services,
qu'on défend le plus, en fait, que ça se passe en milieu
hospitalier. Et ça, c'est le même principe, dans le fond: on
défend toujours la pratique de la sage-femme. Pourquoi est-ce que ce
serait admissible dans les régions éloignées tandis que,
rendu dans les régions beaucoup plus équipées où il
y a davantage de médecins, on est davantage pour une pratique en milieu
hospitalier? Je m'explique mal, en tout cas, cette prise de position.
M. Marier: Je suis très sensible à votre question,
madame, puisque j'ai eu l'occasion d'aller pratiquer en région
éloignée durant sept ans, dans la région de Rouyn-Noranda,
et je suis très sensibilisé aux problèmes des
régions éloignées. Je pense que vous avez parfaitement
raison, dans toutes les régions du Québec on doit être
capable d'assurer aux femmes le meilleur suivi de la grossesse et le meilleur
contexte d'accouchement. Il peut arriver que dans certains pays... Dans un des
congrès internationaux auxquels on a participé, on nous a
expliqué qu'en Amérique du Sud on avait mis sur pied la formation
de techniciens pour aller chercher des populations qu'on n'avait pas la
facilité de rejoindre parce qu'on manquait de ressources, on manquait de
gens qualifiés, formés, etc. Donc, dans un choix comme
celui-là, on peut former des techniciens pour essayer d'apporter un
support; mais ici, au Québec, ce serait vraiment dans des régions
très, très excentriques, parce que je pense que, dans tous les
territoires, actuellement, on est capable d'avoir une accessibilité
à ces services-là et un service de qualité pour les
femmes.
Mme Vermette: C'est parce que ce qui sortait, c'est que le
service qui était donné, surtout dans la région nordique,
était une expérience des plus formidables et qui avait
démontré que c'était un projet-pilote qui fonctionnait
très bien, qui a déjà quatre ans d'existence et,
effectivement, il y avait un accompagnement qui se faisait davantage et il y
avait beaucoup moins de problèmes qu'il n'y en avait déjà
eu au niveau de la grossesse comme telle. Pour répondre au
médecin qui tantôt disait que ce n'était pas
nécessairement normal, puisque la normale, c'est quand elle est
terminée et que tout s'est bien passé, en fin de compte, on
disait que plus on fait d'empathie avec la femme, plus on diminue son stress,
et le fait de diminuer le stress face à l'accouchement, on risque
d'avoir un accouchement beaucoup plus normal, ce qui ne se produit plus parce
qu'on n'a plus le temps, etc., pour x nombre de raisons, et que finalement la
sage-femme le fait. Il y a une culture aussi qu'il faut respecter dans ces
régions et cette culture-là a été très
respectée. Plus on prend le temps, on suit la parturlente du
début jusqu'à la fin, plus on est là pour l'accoucher,
plus il y a de chances de réussite, de succès, sans traumatisme,
d'une part, pour la mère, et pour l'enfant aussi.
Mais, actuellement, ce n'est pas ce qui se passe dans les "pools" de
médecins, parce qu'on voit un médecin au début, on en voit
un autre à la fin et un troisième vers la... Celui qui vient
t'accoucher n'est pas du tout celui que tu as vu et, très souvent, tu as
quatre versions différentes de ta grossesse ou du suivi de ta grossesse
parce que chacun raconte son histoire. Donc, pourquoi, finalement, vu qu'il y a
déjà des expériences-pilotes qui semblent concluantes au
niveau de la pratique des sages-femmes, considérez-vous toujours - et
vous le dites même dans votre mémoire - que cette loi serait
à titre expérimental et pourrait mettre en danger la protection
du public? Je m'explique mal cela, puisque déjà il y a des
médecins qui favorisent ce genre d'expérience dans des
régions éloignées et qui ne mettent pas en cause du tout
la protection du public dans ces cas-là.
M. Marier: Écoutez, un service qu'un technicien peut
rendre dans une situation difficile ou en région éloignée,
je pense que c'est mieux qu'aucun service, mais il ne faudrait quand même
pas offrir à nos femmes du Québec un système où on
va dire: Désormais, on va vous offrir un service de techniciennes en
obstétrique plutôt que de vous offrir un service de
spécialistes auquel vous avez déjà droit. Je pense qu'il
faudrait au moins offrir le vrai choix aux femmes.
La Présidente (Mme Marois): Oui, M le député
de La Prairie, s'il vous plaît.
M. Lazure: vie vais répéter ce que j'ai dit au
président-directeur général de la Corporation des
médecins, tout en faisant preuve de solidarité avec l'Association
des conseils des médecins. Je me dissocie évidemment de leur
position de fond. Ce n'est pas une nécessité clinique, j'en
conviens, mais c'est une nécessité, comme je le disais l'autre
jour, sociologique, et je pense qu'il faut absolument que les femmes au
Québec, comme dans la plupart des pays d'Europe occidentale et
même d'Europe, aient ce choix et elles décideront si elles veulent
choisir le
médecin ou la sage-femme. Ceci étant dit, je suis d'accord
avec la plupart de vos critiques, surtout celles qui touchent l'organisation et
aussi celles qui touchent l'humanisation des soins. Je suis d'accord avec vous
quand vous dites que c'est vraiment un peu trop court de dire: on va introduire
quelqu'un qui n'est pas médecin et là les soins vont être
plus humains. Moi aussi, je m'insurge contre ce raisonnement.
Je ferai remarquer au ministre que - je ne sais pas quelle est la
situation au moment où on se parle - pendant plusieurs années, le
ministère, par ses fonctionnaires, avait tendance à fermer les
petits services d'obstétrique. Le mémoire y fait allusion ici.
Lorsque j'ai été en fonction pendant quatre ans et demi, je me
suis opposé à ces fermetures de petits services
d'obstétrique. Mais je sais que ça a repris après. Les
ministres passent, les fonctionnaires restent.
Je pense qu'il y a quelque chose d'assez cocasse dans le fait qu'on sait
qu'il y a environ 2000 accouchements faits par les sages-femmes au
Québec, toujours dans le cadre de l'humanisation, et que le
ministère, pendant longtemps, disait: La norme, c'est qu'un service
d'obstétrique qui fait moins de 2000 accouchements doit fermer.
Longtemps, ça a été la norme, je ne sais pas combien c'est
actuellement, pour toutes sortes de considérations, que plus on en fait,
plus on a d'expertises. Peu importe le nombre, le principe demeure que si on
veut miser sur une plus grande humanisation des soins, parce que les
sages-femmes vont avoir moins d'accouchements que l'obstétricien moyen,
à ce moment-là, il faudra peut-être réviser cet
autre raisonnement qui dit qu'un hôpital trop petit, qui ne fait que 400
accouchements par année, doit fermer son obstétrique, ou 500 ou
1000. Je vais demander aux représentants de l'Association des conseils
des médecins: Est-ce que vous êtes en train de dire au ministre:
"Nous souhaiterions que les petits services d'obstétrique soient
maintenus"? Quelle est votre position sur cette question-là?
La Présidente (Mme Marois): Allez-y, l'un ou l'autre de
vous peut répondre.
M. Marier: Écoutez, ce qu'on souhaite, c'est
d'éviter le gigantisme. On souhaite, disons, que les services
d'obstétrique, qui ont quand même un minimum d'expertise, soient
maintenus et non pas conglomérés comme ça a
été le cas. Je pense qu'il y a eu sûrement un
problème de planification quelque part puisqu'on se retrouve, dans
certains hôpitaux, à des dépassements de 4500, 5000
accouchements. Ça veut dire qu'on a fermé peut-être trop
des petits; après coup, on peut constater qu'on en a peut-être
fermé trop. Je pense qu'on devrait avoir un niveau entre 1500 et
peut-être 3000 au maximum, comme chiffres, mais on ne devrait pas arriver
dans des conglomérats aussi gros qu'on l'a vécu dans certains
centres.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre veut
intervenir.
M. Côté (Charlesbourg): prenons le cas de
cité de la santé de laval, je ne suis pas sûr que ce ne
sont pas vos collègues qui sont à la base des problèmes de
conglomérat.
M. Marier: Je pense que, dans ce cas-là, c'est la
population qui veut aller accoucher là et un individu qui intervient ou
qui fait des démarches, c'est un individu, que ce soit un médecin
ou un autre.
M. Côté (Charlesbourg): Non, c'est parce que, si on
prend l'exemple de Cité de la santé de Laval, si c'est 3500, on
en fait presque 4500, ce n'est pas le ministère. Le ministère a
tenté de faire en sorte que ce soit une proportion raisonnable, celle
qui a été reconnue. On s'est fait poursuivre par les
médecins devant les tribunaux et on a perdu. Alors, ce n'est pas le
ministère, dans ce cas-ci.
M. Marier: Oui. Ah! un médecin!
M. Côté (Charlesbourg): En voulez-vous d'autres? Je
vais vous en sortir d'autres, je pense qu'on a un bon examen de conscience
à faire au ministère et vous en avez un bon à faire aussi.
En tout cas, c'est à ça qu'on est conviés au mois de
janvier et au mois de février. (16 h 15)
La Présidente (Mme Marois): J'aimerais poser une ou deux
questions. Quand je lis en plus qu'environ 350 omnipraticiens avaient
pratiqué 30 accouchements et plus en 1985, à vous entendre,
j'imagine que vous ne souhaiteriez pas non plus que les omnipraticiens
pratiquent des accouchements parce que ce que vous semblez nous dire, c'est
qu'il n'y a pas une formation imaginable et possible pour les sages-femmes
parce que, au départ, bien sûr, vous les rejetez - ça,
ça va, je pense qu'on a tous bien compris ça - mais vous semblez
dire qu'il n'y a aucune avenue possible à imaginer pour les former, pour
les reconnaître et qu'elles n'ont aucune place dans notre système
parce que vous craignez pour la santé - et je reprends mon propos - ou
de la mère ou de l'enfant.
Si vous regardez, d'autre part, un om-nipraticien qui a une formation
générale, qui doit, évidemment, toucher l'ensemble du
système de la personne humaine au plan de la santé et qui, par la
suite, procède à des accouchements, semble-t-il, dans ce
cas-là, sans danger et qu'il n'en fait pas nécessairement une
spécialité ou une réalité de son quotidien - c'est
le cas pour un bon nombre d'omnipraticiens, les données nous le disent -
vous devriez avoir les mêmes
craintes à leur endroit. Est-ce que vous comprenez mon
raisonnement? J'aimerais ça que vous essayiez de questionner ce
raisonnement-là.
M. Aubry: Sûrement. Voici: la raison réelle pour
laquelle vous avez un pourcentage aussi bas n'est pas celle que vous
explicitez. L'omniprati-cien a, en effet, une formation médicale
collée à la physiologie qui a été expliquée
tout à l'heure. Cette année, je paie 12 000 $ d'assurances.
Uniquement pour payer son assurance, l'om-nipraticien devra faire 35
accouchements, c'est pour ça qu'ils n'en font plus, madame. Ce n'est pas
ce que vous dites.
Nous reconnaissons aux omnipraticiens et nous souhaitons...
Actuellement, la tendance est à la hausse. Les chiffres - vous pourrez
les demander à la corporation, on ne s'occupe pas de cet
aspect-là, nous, mais de la qualité de l'acte - nous en avons
pris connaissance, sont à la hausse. Il y a plus de praticiens
généraux et nous souhaitons qu'il y en ait plus, le praticien
général étant déjà dans la structure
hospitalière dont j'ai fait mention tout à l'heure.
M. Marier: J'aurais une question à vous poser. Dans le
fond, d'accord, l'omnipraticien n'est pas un spécialiste en
obstétrique-gynécologie, il fait de l'obstétrique. Je suis
moi-même responsable d'un programme de formation à
l'Université de Montréal pour les futurs omnipraticiens. À
ce moment-ci, la question est la suivante: Si on forme des sages-femmes de
façon adéquate, comme on l'avait dit déjà, à
ce moment-là, elles ont la capacité, comme techniciennes en
obstétrique, de faire de l'obstétrique. On s'est posé la
question ici au Québec. Compte tenu de nos contraintes
budgétaires, compte tenu de la rationalisation des ressources que l'on
vit, on dit: Compte tenu de la qualité des services qu'on donne à
la population, est-ce qu'on a besoin d'investir des sommes pour avoir un nouvel
intervenant pour rendre les mêmes services qu'on a et pour régler
des problèmes, s'il y en a, plutôt que de travailler avec les
équipes déjà existantes et aller de l'avant, investir ces
fonds pour régler les problèmes réels? C'est ce dont la
population a besoin.
La Présidente (Mme Marois): oui, à cela on dit,
enfin, des gens qui sont concernés par la question nous ont dit: une des
façons d'ouvrir une avenue nouvelle, c'est la reconnaissance de la
pratique sage-femme, pour autant qu'elle se fasse dans un encadrement correct,
avec une formation qui est solide et qui fait en sorte qu'on évite les
risques que vous présentez et qui peuvent exister si on n'était
pas sérieux, effectivement, dans une démarche comme celle
là. il y a eu des gens qui ont exprimé ce besoin. je ne
reprendrai pas les propos de mon collègue, le député de la
prairie, mais il le mentionnait, ce n'est pas une réalité
nécessairement clinique, mais une réalité sociologique
devant laquelle on se trouve. Moi, je vous dis: Dans cette perspective, est-ce
que l'attitude que vous devriez avoir ne serait pas celle de dire:
"Voilà ce que nous souhaitons comme formation, voilà le type
d'encadrement que nous vous recommandons", plutôt que d'opposer une fin
de non-recevoir?
Je vais vous poser une ou deux autres questions. Vous dites: Le Conseil
des médecins et dentistes, bien sûr, est déjà dans
l'établissement et on veut mettre à côté les
sages-femmes. Est-ce que vous accepteriez qu'elles soient membres, si elles
sont reconnues, du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens d'un
centre hospitalier?
M. Aubry: Nous nous attendions à cette question, bien
sûr, on en a discuté. Nous avons parfois le goût de
répondre comme un politicien: C'est une question hypothétique. Si
vous analysez notre attitude...
La Présidente (Mme Marois): C'est un talent
intéressant, vous savez, que d'être une personne politique.
M. Aubry: Oui, ça peut être intéressant.
D'ailleurs, votre façon de présenter la chose est très
intéressante. C'est que si on n'admet pas la nécessité, au
préalable, de l'intervenant à cause des conditions
mentionnées, on va vous répondre d'une façon
hypothétique. Non, nous n'accepterons pas la venue d'un nouvel
intervenant dans les problèmes qui ont été
identifiés dans ces choses. Là, on dérive vers un
problème qui est fort intéressant et je vais laisser
Gérard ici en parler. Vous abordez un problème d'éthique,
c'est ce que vous faites, autant une éthique gouvernementale que
médicale. J'aimerais ça que Gérard - il est psychiatre et
il est habitué de manipuler les idées et les concepts - vous
donne une petite idée de ce qu'on pense de cet aspect.
M. Cournoyer (Gérard): Vous comprendrez, Mme la
Présidente, que mon président a une bonne opinion des
psychiatres.
La Présidente (Mme Marois): Enfin, il a une opinion,
à tout le moins.
M. Cournoyer: Oui, vous savez, je pense que, dans tout ça,
moi, ce qui m'inquiète le plus, parce que je ne suis ni
obstétricien, ni gynécologue, c'est qu'il y a une question, je
pense, d'éthique dans l'allocation des ressources. L'argument qu'on
défend, c'est qu'on ne voit pas, à l'heure actuelle, la
nécessité d'introduire des nouveaux intervenants, et il n'y a pas
que les sages-femmes. Je pense que le problème avec les sages-femmes,
c'est qu'il y a toute une argumentation féministe qui est
derrière ça et...
La Présidente (Mme Marois): J'imagine que vous ne la
critiquez pas nécessairement.
M. Cournoyer: Je m'excuse.
La Présidente (Mme Marois): J'imagine que vous ne la
critiquez pas nécessairement.
M. Cournoyer: Non, pas du tout.
La Présidente (Mme Marois): Vous la reconnaissez.
M. Cournoyer: Non, pas du tout. Même que j'ai
peut-être un...
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Cournoyer: ...petit commentaire additionnel que je vous ferai
là-dessus, si vous me le permettez. Je pense qu'au niveau de
l'éthique de l'allocation des ressources, les ressources, on nous dit et
je pense qu'on l'accepte, seront toujours limitées. Et, quand on parle
d'humanisation, il faudrait peut-être s'interroger à un moment
donné très sérieusement. Je pense que si c'est une
réalité sociologique, le désir exprimé de certaines
femmes d'accoucher avec une sage-femme, il reste qu'à l'heure actuelle
les femmes qui viennent accoucher ont quand même, malgré tout,
sauf peut-être dans des régions très
éloignées, un statut assez particulier. Elles n'attendent
à peu près jamais dans une salle d'urgence. Elles ne sont jamais
sur des listes d'attente. Elles n'ont pas de cancer, pas de maladie de coeur,
pas de schizophrénie, elles n'ont pas de maladie épouvantable qui
font que... Qu'elles utilisent les ressources et qu'elles aient les soins
appropriés, tout le monde est d'accord avec ça. Mais je pense
que, comme société, à un moment donné, c'est une
question qui m'apparaît fondamentale au niveau de l'allocation des
ressources. Que ce soient les sages-femmes ou n'importe quel autre type
d'intervenants en santé, je pense que ça, c'est une question que,
comme société, on ne doit pas contourner. L'argumentation
féministe... Quand Mme la députée de... Vous m'excuserez,
madame, je ne me souviens pas de quel comté.
La Présidente (Mme Marois): Je suis la
députée de Taillon.
M. Cournoyer: Taillon, oui, mais l'autre, votre
collègue-La Présidente (Mme Marois): Mme la
députée de Marie-Victorin.
M. Cournoyer: Bon. Je vous remercie. Elle disait: Les femmes ont
le droit de s'autodéter-miner et tout ça. C'est dans ça
que je perçois qu'il y a une certaine argumentation féministe
pour les sages-femmes comme pour autre chose. Il y a un livre, Mme la
Présidente, assez extraordinaire qui a été écrit
par un gars qui s'appelle Edward Shorter et qui s'appelle "Le Corps des
femmes". C'est un professeur d'histoire de l'Université de Toronto qui
dit que, dans le fond, d'après lui, la source principale de l'oppression
des femmes, c'a été leur corps et qu'elles en ont
été les victimes parce qu'elles étaient extrêmement
vulnérables à ce niveau-là, en particulier, à cause
des grossesses répétées, des risques. Évidemment,
il remonte à 150 ans. Aujourd'hui, ce qu'il nous dit, c'est qu'il y a eu
un renversement historique à cause des progrès de
l'obstétrique et de la gynécologie et que c'est probablement une
des choses qui a le plus libéré les femmes. Donc, on ne peut pas
être contre les sages-femmes parce que c'est assez vertueux d'une
certaine façon, mais ce n'est pas nécessairement un besoin, je
pense, à l'heure actuelle. Et, moi, comme médecin, je me dis: Si
on commence à faire des... C'est vrai qu'il y a 2000 femmes qui ont
choisi ça, mais si on commence à faire des lois et à
allouer des ressources en fonction des désirs exprimés de la
population, peut-être, comme M. le ministre Côté le disait
tantôt, qu'après les fêtes on va arriver avec notre liste
d'épicerie parce qu'on a plein de besoins en santé avec des gens
qui sont très malades et qui... On a un beau principe
d'accessibilité qui, à certains niveaux, n'est pas
complètement réalisé.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui? Mme Vermette:
Je voudrais juste dire-La Présidente (Mme Marois):
Très très brièvement, parce que nous avons
terminé pour l'instant.
Mme Vermette: Très très court. Sans vouloir tout
à fait faire un dialogue, j'ai lu moi aussi le livre et je pourrais vous
dire que là-dedans, ce à quoi on fait référence...
C'est grâce aux sages-femmes que l'anatomie a pris forme et c'est
grâce aux sages-femmes que les hommes médecins ont pu mettre
à profit les connaissances obstétricales. C'est là-dedans
que les femmes ont découvert leur solidarité et leur
complémentarité aussi.
La Présidente (Mme Marois): Évidemment, il n'est
pas censé y avoir de manifestation, mais j'imagine que ce doit
être un cri du coeur quelque part. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): En remerciant le Dr Aubry
ainsi que ceux qui l'accompagnent. Je pense que c'a été un
échange corsé. C'est peut-être le plus corsé qu'on
ait eu depuis le début.
C'est peut-être l'avantage ou le désavantage de passer en
dernier, ou à peu près, à ce moment-là. Mais il
faut quand même admettre que le ton de votre mémoire était
aussi assez sévère, mais ça représente ce que vous
pensez et ça, je pense que c'était ça le but de
l'exercice.
En terminant, puisqu'on a été interpellé à
quelques occasions sur l'allocation des ressources sur le plan financier, j'ai
hâte, je vous le dis, j'ai hâte au mois de février ou mars,
parce que, je vous le dis tout de suite, je vais arriver avec des exemples
d'abus dans les hôpitaux, à l'extérieur des hôpitaux,
de gens qui consomment et de gens qui dispensent des services. Et on va le
faire, l'examen, une fois pour toutes, de ce qui est attribué en termes
de ressources et des besoins. Et je pense qu'on pourra arriver à des
conclusions très intéressantes, si tout le monde est ouvert et si
on doit se questionner, nous, comme gouvernement, on va se questionner. Parce
que ça ne doit pas être à sens unique, et ce n'est pas
uniquement les gens dans le champ qui ont des torts; on en a nous aussi. Mais
on va le faire très très ouvertement. En terminant, je veux vous
rappeler que l'Ontario s'apprête à reconnaître l'existence
des sages-femmes et que, selon une étude économique faite par
eux-mêmes, le gouvernement là-bas sauverait 270 $ par grossesse.
En tout cas, sur le plan des ressources, prenez ça comme une affirmation
qui est faite par l'Ontario. Je n'ai pas les moyens de valider tout ça,
mais si on sauve 270 $ par grossesse parce qu'il y a des sages-femmes,
ça va peut-être nous donner quelques ressources additionnelles
à réinvestir dans le système pour satisfaire d'autres
besoins que vous évoquez.
M. Aubry: Juste une petite minute, puisqu'on a abordé
ça, si vous avez remarqué, on n'a pas abordé l'aspect
monétaire. C'est la première fois..
La Présidente (Mme Marois): Très brièvement,
s'il vous plaît.
M. Aubry: Non, on ne l'abordera pas. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Aubry: C'est juste pour dire que M. Côté vient de
mentionner qu'on sauve 270 $ et dans le livre que je vous ai
présenté tout à l'heure - les six qui ont
été faits sans consultation aucune - un des chapitres est
consacré juste à ça, de diminuer les coûts. On
diminue les coûts après que les services ont été
rendus, pas avant. Alors, cette affirmation-là, en Ontario, ça
peut exister, c'est différent. On serait prêts à en
discuter, pas aujourd'hui, mais ce n'est pas notre souci majeur. Nous parlons
de la qualité de l'acte, c'est ce que je voulais souligner, tout
simplement.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre
présentation.
J'appellerais maintenant le Conseil régional de la santé
et des services sociaux de l'Outaouais à prendre place, s'il vous
plaît.
Alors, nous allons procéder. Mme Hutton, c'est ça?
Conseil régional de la santé et des
services sociaux de l'Outaouais
Mme Hutton (Géraldine): Oui.
La Présidente (Mme Marois): Vous êtes directrice
générale, vous allez présenter les gens qui vous
accompagnent.
Mme Hutton: Merci.
La Présidente (Mme Marois): Et vous y allez ensuite avec
la présentation de votre mémoire.
Mme Hutton: Merci. Je suis Géraldine Hutton, directrice
générale du Conseil régional de la santé et des
services sociaux de l'Outaouais. Avec moi, Mme Colette Trent, membre du conseil
d'administration du Conseil régional. Il y a également Mme
Thérèse Maloney, sage-femme professionnelle, qui travaille dans
l'Outaouais, qui est aussi membre de notre comité consultatif sur les
services de maternité des sages-femmes, et qui travaille aussi en
collaboration avec le comité consultatif sur les sages-femmes à
l'hôpital Riverside, à Ottawa; Mme Marie-Claude Desjardins, qui
est présidente de Naissance-Renaissance de l'Outaouais; Mme Jocelyne
Gadbois, directrice des soins infirmiers du Centre hospitalier de Maniwaki; et
Mme Madeleine Émond, conseillère en planification au Conseil
régional.
Je laisse la parole à ce moment-ci à Mme Trent, pour vous
faire un exposé de notre document.
Mme Trent (Colette): Merci. Mme la Présidente, M. le
ministre, Mmes et MM. les commissaires. Depuis plus de dix ans, la
région de l'Outaouais déploie des efforts importants en regard de
l'adaptation des services de périnata-lité en faveur, soit du
développement de lieux de naissance accueillants, soit du
développement d'outils susceptibles de rejoindre de façon plus
adéquate les clientèles démunies, soit en favorisant des
démarches personnelles de prise en charge de la grossesse et de
l'accouchement dans une perspective de globalité.
À l'intérieur de ces nombreuses démarches, s'est
défini de plus en plus clairement le besoin d'aborder diverses approches
de services en périnatalité, de façon à
considérer des lieux de naissance autonomes où les principales
concer-
nées présideraient aux orientations de la
maternité, de façon à offrir une réponse
satisfaisante à leurs besoins. (16 h 30)
Le Conseil régional de la santé et des services sociaux de
l'Outaouais a participé activement à la définition
d'approches de services de maternité. C'est pourquoi, aujourd'hui, il
désire porter à votre attention, d'une part, les besoins
exprimés par les femmes de l'Outaouais en regard d'une ressource
alternative et innovatrice en périnatalité, soit une
maternité autonome avec sages-femmes dans l'Outaouais. D'autre part, le
Conseil régional de la santé et des services sociaux de
l'Outaouais désire vous faire part de son intérêt à
participer à l'expérimentation de la pratique sage-femme au
Québec.
La région de l'Outaouais est située en zone
frontalière, près d'Ottawa, et compte un bassin de 68 000 femmes
en âge de procréer, soit entre 15 et 44 ans. Dans le contexte
d'une zone urbaine et d'une zone rurale de 3600 naissances, 2100 ou 66 % ont
lieu en milieu urbain. Depuis 1976, les 9 centres locaux de services
communautaires de la région offrent des services préventifs
périnatals à plus de 60 % de la clientèle. Les centres
hospitaliers ayant un service d'obstétrique disposent, pour la plupart,
de chambres des naissances. Des obstétriciens-gynécologues et
omnipraticiens effectuent des suivis périnatals individuels en cabinet
privé, à l'intérieur d'une gamme diverse de services
professionnels. On dénombre annuellement environ une cinquantaine de
femmes de l'Outaouais qui décident d'accoucher à domicile. Un
nombre important de femmes de l'Outaouais utilisent les services
d'obstétrique d'Ottawa où l'on constate la présence de
services alternatifs, comme un centre de maternité intrahospitalier.
Les femmes donnant naissance en Outaouais se caractérisent par
une fécondité plus élevée que la moyenne des femmes
du Québec, un âge moyen plus jeune, mettant ainsi au monde des
enfants plus tôt dans leur vie, une proportion plus élevée
qu'au Québec n'ayant pas complété leurs études
secondaires, et une proportion plus élevée qu'au Québec de
mères adolescentes.
Bien que le taux de mortalité infantile dans l'Outaouais se
compare au taux provincial, ce sont les naissances de bébés de
poids insuffisant, c'est-à-dire moins de 2500 grammes, qui contribuent
à la problématique de santé infantile dans notre
région. Ces caractéristiques se retrouvent chez des groupes de
population pour lesquels l'approche sage-femme se prête
particulièrement bien.
En 1980, les femmes de l'Outaouais, lors du colloque "Accoucher ou se
faire accoucher", ont exprimé les mêmes demandes que l'ensemble
des femmes du Québec, soit: une approche globale, l'humanisation des
soins, la démédicalisation de l'accouchement, un non-morcellement
des soins, un suivi avant, pendant l'accouchement et postnaissance par une
même personne, un même soutien; la reconnaissance de la pratique
des sages-femmes, la reconnaissance de la compétence des femmes,
c'est-à-dire le droit des femmes de choisir le milieu, le mode, la
façon dont elles vont donner naissance; des centres de maternité,
des maisons des naissances autonomes ou des chambres des naissances comme
substitut à la salle de travail et d'accouchement; finalement, des
interventions limitées en termes d'épisiotomie, de forceps, de
césarienne. Comme le disaient tantôt les représentants de
l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du
Québec, si le Québec se situe au quatrième rang en
obstétrique, je me demande à quel rang on vient dans le domaine
des césariennes. Je n'ai pas la réponse, mais ça
m'inquiète.
En plus d'exprimer les mêmes demandes que l'ensemble des femmes du
Québec, deux actions majeures ont été entreprises: la
formation d'un groupe de pression pour obtenir des maternités avec
sages-femmes et la formation d'un comité de travail d'intervenants en
vue de l'établissement d'une maternité à proximité
d'un centre hospitalier.
La détermination des femmes de l'Outaouais s'est
concrétisée dans la formation d'un groupe de pression important,
Naissance-Renaissance Outaouais, par sa représentativité et par
les démarches exploratoires entreprises en vue de définir
l'idée d'une maternité en visitant le Maternity Center de New
York. On pourra vous donner plus de détails sur ce centre à New
York, au moment de la période de discussion.
Dans la foulée de ces actions, le Conseil régional de la
santé et des services sociaux de l'Outaouais a été
sensibilisé à ces demandes et s'est associé aux
intervenants impliqués. En 1986, le conseil effectuait, avec le support
d'un comité aviseur regroupant les principaux acteurs des milieux
concernés, une étude d'opportunité d'une maternité
avec sages-femmes dans l'Outaouais, en vue d'éclaircir le concept d'une
telle ressource. À l'intérieur de cette étude, un sondage
d'opinion a été réalisé auprès des femmes de
15 à 44 ans. Les résultats de ce sondage indiquent que: 72 % des
répondantes connaissaient ce que fait la sage-femme; 62 % choisiraient
une sage-femme pour les assister durant leur grossesse et lors de
l'accouchement, dans l'éventualité où celle-ci aurait une
formation universitaire de trois ans; 61 % des répondantes choisiraient
d'accoucher dans un centre de maternité, plutôt qu'à
l'hôpital; 55 % des répondantes, choisissant d'accoucher dans un
centre de maternité, estiment que le site privilégié pour
un éventuel centre de maternité serait à
l'extérieur de l'hôpital. Je vous ferai noter que c'était
une erreur qu'il y avait dans le document que vous avez peut-être
reçu. Ça disait "à l'intérieur". Alors, c'est
à
l'extérieur de l'hôpital que 55 % choisissent de voir ce
centre.
Ces résultats sont l'expression d'un besoin indéniable,
pour les femmes de l'Outaouais, d'une ressource offrant des services de
maternité dans un cadre différent du milieu hospitalier et en
présence de la sage-femme. l'étude d'opportunité d'une
maternité avec sages-femmes, réalisée par le conseil
régional de l'outaouais, définit des principes d'orientation et
de fonctionnement ainsi que cinq hypothèses de structuration, soit: un
centre de maternité autonome, localisé près d'un centre
hospitalier, ça serait une première possibilité; 2° un
centre de maternité géré par un clsc et localisé,
aussi, près d'un centre hospitalier; troisième
possibilité, un centre de maternité géré par un
centre hospitalier, localisé près d'un centre hospitalier; 4°
un centre de maternité géré par un centre hospitalier,
localisé dans un centre hospitalier; 5° un contre do matornllô
autonome, localisé dans un centre hospitalier. ça vous donne un
peu l'éventail des possibilités de ces centres.
Chacune de ces hypothèses demeure en soi intéressante.
Cependant, en raison des besoins des femmes déjà
identifiés lors du colloque "Accoucher ou se faire accoucher", en raison
des résultats du sondage réalisé dans l'Outaouais
auprès des femmes de 15 à 44 ans, en raison des efforts
déjà consentis dans les structures actuelles afin
d'améliorer la qualité des réponses aux demandes de la
clientèle, en raison de l'aspect alternatif et novateur d'une
expérimentation, en raison des inconvénients liés aux
autres hypothèses, le choix d'une maternité autonome, avec
sages-femmes, est favorisé par l'Outaouais. Ce choix a été
réitéré, en 1989, par un comité d'experts
formé pour valider l'étude de 1986.
Ce sur quoi le CRSSS de l'Outaouais aimerait que la commission
parlementaire se penche, c'est sur la possibilité d'avoir plus d'un type
de projet-pilote. Peut-être pourrait-on envisager d'autres formes de
structures alternatives, comme, par exemple, celles examinées par notre
étude. Offrons une alternative réelle à l'accouchement
médicalisé que doit connaître la majorité des
femmes, aujourd'hui.
La région de l'Outaouais serait très
intéressée à être associée à un
projet-pilote d'un autre type, soit hors d'un centre hospitalier et autonome.
Encore une fois, on pourra revenir, au moment de la discussion, sur la
définition d'un centre autonome. Par ailleurs, reconnaissant que le
projet de loi 156 actuel se situe peut-être dans une approche à
petits pas, la région de l'Outaouais demeure intéressée et
prête à participer à l'expérience de la pratique de
la sage-femme au Québec telle qu'identifiée dans le
projet-pilote. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Marois): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. Vous nous dites
à la page 2: "On dénombre annuellement une cinquantaine de femmes
de l'Outaouais qui décident d'accoucher à domicile;" donc, un
phénomène qui est connu. "Un nombre important de femmes de
l'Outaouais utilisent les services d'obstétrique d'Ottawa où l'on
constate la présence de services alternatifs comme un centre de
maternité intrahospitalier." Évidemment, vous êtes dans une
situation, j'allais peut-être dire à tort,
privilégiée, compte tenu de votre situation géographique
par rapport à l'Ontario. C'est un phénomène que l'on
connaît bien. L'Ontario, au moment où nous nous parions, envisage
de reconnaître la pratique des sages-femmes et on me dit même qu'il
y a eu certaines expériences-pilotes en Ontario qui n'ont pas
été concluantes. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Qu'est-ce qui s'est passé en Ontario et qu'est-ce qui fait que ça
n'a pas fonctionné, parce que je pense que voua ôtas peut
être les personnes les plus habilitées à nous
renseigner?
Mme Hutton: Je vais laisser la parole à Mme Maloney qui
peut vous donner certaines informations.
Mme Maloney (Thérèse): Je suis sur le comité
consultatif au Riverside Birthing Center qui est un des quatre centres de
naissance qui ont été formés dernièrement en
Ontario dans les centres hospitaliers, gérés par les centres
hospitaliers. Là, on trouve qu'après un an et demi à peu
près de fonctionnement, ça ne présente pas
nécessairement une alternative, premièrement, parce que le
pouvoir décisionnel reste toujours à l'hôpital. Ça
veut dire que le comité consultatif, dont je suis membre, répond
à un comité exécutif qui, lui, répond au
département d'obstétrique de l'hôpital et à Ta
direction administrative de l'hôpital. Ça veut dire que toutes les
décisions d'engagement de personnel, la gestion de personnel, les
protocoles, les admissions, les congés, l'évaluation des risques,
les soins, les interventions sont tous dirigés, finalement, par
l'hôpital. Les sages-femmes fonctionnent plutôt comme les
infirmières et sont aussi engagées comme infirmières, pas
comme sages-femmes. Elles n'ont pas le droit de fonctionner complètement
comme des sages-femmes, seulement comme aides. Ce sont les médecins qui
fonctionnent, finalement, dans le centre avec l'aide de sages-femmes. Mais il y
a un manque de continuité toujours et il y a un manque de
présence des usagères dans les comités pour prendre des
décisions. Ce sont les problèmes qu'on a vus à
l'hôpital Riverside, évidemment.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, si je comprends bien,
par rapport à ce qu'on a entendu antérieurement, c'est un
problème organisation-
nel. C'est un problème de structures qui ne fonctionnent pas ou
qui n'acceptent pas de fonctionner, si je comprends bien.
Mme Hutton: D'après les informations que nous avons
reçues, ça semble toujours être une approche
organisationnelle qui est problématique. C'est un des
éléments qui sont ressortis au niveau de notre étude quand
on a regardé les différentes hypothèses. C'est un petit
peu ça dont on a peur au niveau de votre projet de loi où vous
avez encore des structures qui reportent à des conseils de sages-femmes,
des comités exécutifs et ainsi de suite. Je pense
qu'éventuellement, ça reporte au niveau du conseil
d'administration de rétablissement, mais il y a tellement de paliers, de
reports avant qu'on puisse vraiment régler une problématique de
situation à l'intérieur du centre hospitalier, ça prend
beaucoup de temps.
M. Côté (Charlesbourg): C'est là où
vous en arrivez, compte tenu de votre expérience vécue à
Ottawa, à parler de centre autonome. C'est probablement là et
vous nous avez dit: On peut répondre à davantage de questions sur
le centre autonome. Parlez-nous donc de ce centre autonome. (16 h 45)
Mme Hutton: Le centre autonome, comme tel, on parle de la
formation d'un conseil d'administration, un petit peu comme ça se fait
au niveau d'autres éléments dans la région de l'Outaouais.
Je vais vous donner un exemple: notre centre de santé des femmes
où on pratique à ce moment-ci les "abortions", les avortements;
également au niveau du centre de crises, en ce qui concerne la
santé mentale, ce n'est pas un centre à l'intérieur d'un
établissement, ni au niveau du CLSC, ni au niveau du centre hospitalier
dit psychiatrique. L'objectif, c'est de vraiment avoir un genre d'organisme
à but non lucratif avec un conseil d'administration comme tel.
Je laisserais Mme Gadbois expliquer un petit peu la façon dont on
veut fonctionner.
La Présidente (Mme Marois): Vous pouvez nous aider, s'il
vous plaît.
Mme Gadbois (Jocelyne): Mme la Présidente, M. le ministre,
ici, le choix du conseil d'administration du Conseil régional de la
santé se porte sur un projet autonome d'abord et en raison de l'aspect
créateur et innovateur d'une maison des naissances avec sages-femmes.
Dans un premier temps, la prémisse est de faire gérer les
usagères. Nous allons chercher nos raisons à l'intérieur
du sondage que nous avons fait en 1986 et qui a été
revalidé au cours de cette année-ci, donc, l'importance que les
usagères jouent un rôle actif à l'intérieur d'une
maison des naissances. Nous croyons qu'à l'intérieur - pour
reprendre les mots du monsieur de tantôt - de I'"embrouillement
administratif' existant dans les hôpitaux présentement,
l'usagère n'aura pas sa place ou, du moins, n'aura pas une place de
choix. C'est là un principe fondamental qui justifie la gestion autonome
de maisons des naissances.
Dans un deuxième temps, les orientations de cette maison des
naissances veulent renforcer l'autonomie de ces personnes et veulent
également les encourager à siéger au conseil
d'administration. Donc, il y a lieu, à l'intérieur d'un conseil
d'administration d'une maison des naissances, d'avoir place et pour des
intervenants, entre autres des sages-femmes, et pour des usagères, et
aussi pour d'autres intervenants du milieu, tels que des médecins, des
obstétriciens omnipraticiens, tels d'autres établissements avec
lesquels nous aurons le besoin d'établir des protocoles ou des contrats
de services pour assurer la continuité des soins et des services, car
c'est là un autre aspect fondamental d'une maison des naissances:
assurer la sécurité dans le respect du choix ot du vécu
des femmes qui veulent mettre au monde des enfants dans le cadre d'une maison
des naissances. C'est donc un projet alternatif qui veut offrir aux femmes,
à côté de l'hôpital traditionnel, un projet
sécuritaire où elles vont aller accoucher avec l'aide
d'intervenantes que sont les sages-femmes.
Nous voulons également que ce projet soit géré de
façon autonome, parce que nous croyons en la compétence de la
femme quant à son vécu et nous croyons également qu'elle
puisse associer cette compétence au savoir professionnel. Nous pensons
que l'alliance de ces deux connaissances est fondamentale. Alors, c'est
pourquoi nous voulons favoriser une approche globale de soins continus dans le
cadre d'une maison des naissances. Nous voulons qu'elle soit située
à l'extérieur d'un centre hospitalier parce qu'il va de soi que
créer un milieu de vie de style "maison des naissances", il nous faut
là un milieu plus petit, un milieu qui soit accueillant et un milieu qui
se désinstitutionnalise, alors que le centre hospitalier est tout de
suite associé à la maladie. Nous voulons briser ce concept,
éliminer cette image de maladie.
Alors, nous voulons favoriser l'application des principes d'orientation,
c'est-à-dire: le droit à l'autonomie et au respect de la
compétence spécifique de la femme enceinte, la
sécurité psychologique de la mère et du nouveau-né
et, il va de soi, sa sécurité physiologique, la prise en charge
par la famille et l'orientation communautaire d'un centre tel qu'une maison des
naissances et l'offre de soins et services en fonction de
l'événement vécu. Nous voulons favoriser, en respectant
cette série de principes que je viens d'énoncer, la
personnalisation des soins et des
soins non routiniers lors du vécu d'un accouchement, même
avant, pendant et après. Évidemment, nous maintenons le principe
que, pour assurer ce suivi dans le respect des principes que nous mettons de
l'avant, il est prépondérant de reconnaître l'intervenante
qu'est la sage-femme.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme Gadbois. Est-ce
qu'il y a d'autres questions? Une petite dernière.
M. Côté (Charlesbourg): Une petite dernière,
oui. Je comprends, dans le projet autonome et aussi par rapport au
mémoire et à l'historique que vous avez fait dans l'Outaouais,
qu'il y a une préoccupation d'être à proximité d'un
centre hospitalier parce qu'on ne peut pas négliger le fait qu'on est
dans des situations critiques, à l'occasion, et qu'il faut, par
conséquent, avoir un protocole avec un centre hospitalier pour
être capable de récupérer des situations d'urgence, et Dieu
sait qu'il y en a! Il n'y a personne qui les souhaite et personne ne les
veut.
Dans le cas actuel, au-delà des ententes particulières que
vous pourriez avoir avec un médecin spécialiste qui, lui,
pourrait s'associer à la maison des naissances, est-ce qu'il y a des
approches faites auprès de centres hospitaliers de l'Outaouais qui
seraient prêts à signer un protocole de cette nature avec
vous?
Mme Hutton: Nous avons, oui, une approche faite, de toute
façon, avec un centre hospitalier de la région de l'Outaouais et,
également, une approche avec deux CLSC qui sont prêts à
s'impliquer davantage au niveau d'une partie des cours prénataux, avec
le centre de maternité également et au niveau de tout ce qui
touche les urgences de la situation. Il y aura aussi des protocoles avec un
service ambulancier de très près également, au niveau du
besoin d'aller au centre hospitalier.
À l'intérieur de ce centre hospitalier, il y a doux
obstétricions, à ce moment-ci, qui travaillent et certains
omnipraticiens accouchent également. Un des obstétriciens
était sur le comité de travail avec nous. Donc, il y a quand
même une collaboration volontaire qui est là, au niveau de la
région comme telle.
M. Côté (Charlesbourg): L'approche est-elle
concluante, le fait qu'il va y avoir un protocole avec le centre
hospitalier?
Mme Hutton: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Merci. Si je com- prends bien, vous venez
de dire que les obstétriciens collaborent avec vous autres, à ce
niveau-là. Il y a une collaboration présentement.
Mme Hutton: Oui, effectivement, il y a une collaboration des
obstétriciens; également au niveau du Département de
santé communautaire, le chef de service, à ce moment-là,
était sur notre comité de travail. Le Département de
santé communautaire est prêt à s'impliquer davantage
également au niveau de l'évaluation, au niveau du projet-pilote
également.
Mme Carrier-Perreault: Vous nous avez présenté un
projet. Si jamais ce projet ne pouvait pas s'actualiser comme tel, est-ce que
vous seriez intéressés quand même à participer
à une autre forme, si on veut, de projet, d'expérimentation?
Mme Hutton: Oui, au niveau de notre étude et au niveau des
décisions du conseil d'administration du Conseil régional et
également de la région, le numéro un, naturellement, c'est
un centre de maternité autonome. On pense, à ce moment-ci, que le
projet de loi qui est devant nous a besoin d'être changé si jamais
on s'aligne sur un projet autonome. On est prêtes, en deuxième
lieu, à s'approcher beaucoup plus près d'un CLSC,
c'est-à-dire un contrat de services avec une maison proche d'un centre
hospitalier mais gérée par un CLSC, comme ça se fait au
niveau de notre centre de santé des femmes, à ce moment-ci, au
niveau de l'avortement et, en troisième lieu, avec le centre hospitalier
en question avec lequel nous avons fait certaines approches pour avoir un
centre de maternité à l'extérieur du centre hospitalier,
mais géré par le centre hospitalier.
La Présidente (Mme Marois): Cela va. Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: J'aurais une question sur la formation, la
reconnaissance professionnel de la sage-femme. Est ce que vous
considérez comme important que la reconnaissance se fasse à
l'intérieur du cadre de la loi actuelle, c'est-à-dire
qu'après un certain temps, à mi-chemin dans l'expérience,
on réévalue, en fait, si c'est concluant ou non concluant, cette
approche telle que proposée ou, en tout cas, les projets-pilotes et,
à partir de ça, qu'on mette des mécanismes pour
reconnaître la corporation ou la profession de sage-femme, ou si on doit
attendre les cinq ans pour arriver à déclencher ce processus de
reconnaissance?
Mme Hutton: Pour nous, au niveau de la formation, c'est certain
que ça prend plus de temps avant de reconnaître la profession de
sage-femme. On a déjà essayé, je crois, il y a
presque deux ans, de reconnaître la profession comme telle. Je
pense, à ce moment-là, que l'objectif, c'est de laisser aller les
sages-femmes travailler de façon un petit peu plus autonome pour se
faire reconnaître. Au niveau de cet aspect, c'est certain qu'on aimerait,
à l'intérieur du temps du projet-pilote, qu'il y ait une
évaluation pour avancer vers une reconnaissance des sages-femmes.
La Présidente (Mme Marois): Ça va, Mme la
députée? Merci. Si je comprends bien, malgré le fait qu'il
y ait eu des gens de corporations, de fédérations ou
d'associations représentant des médecins ou des
spécialistes s'opposant, enfin, très fortement, je dirais, au
projet qui est devant nous, vous, de votre côté, vous avez
établi une possibilité d'entente avec des médecins qui,
eux, seraient d'accord pour être impliqués dans le projet dont
vous nous parlez aujourd'hui.
Mme Hutton: Effectivement. De toute façon, à ce
moment-ci, à l'intérieur de notre région-Peut-être
que je pourrais laisser Mme Maloney indiquer comment elle travaille avec des
médecins obstétriciens, à ce moment-ci, dans la
région de l'Outaouais.
La Présidente (Mme Marois): Ce serait intéressant
de connaître cette expérience
Mme Maloney: Certainement. Moi-même, du côté
personnel, ainsi que les cinq ou sept autres sages-femmes dans la région
qui travaillent en Ontario et dans l'Outaouais, on fonctionne, on travaille
avec des omnipraticiens et des obstétriciens; on a de très bonnes
relations. On a des protocoles qui sont établis entre nous. Ils nous
soutiennent pour des accouchements à la maison et aussi pour faire
l'accompagnement à l'hôpital, en tout cas, au niveau du travail
des sages-femmes qui pratiquent. Maintenant, dans la région de
l'Outaouais, on a la collaboration des gens, on a de l'aide, on a la
coopération des médecins qui travaillent actuellement dans notre
région.
La Présidente (Mme Marois): Vous sentez que cette relation
peut être très respectueuse et très égalitaire,
finalement, et ne pas poser de problèmes de subordination.
Mme Maloney: Non, pas du tout. Même, j'espère encore
plus, si on établit le projet-pilote, qu'on va avoir encore plus de
médecins qui vont être prêts à travailler avec
nous.
La Présidente (Mme Marois): Et vivre cette
expérience? D'accord. M. le ministre, avez-vous des choses à
ajouter?
M. Côté (Charlesbourg): Ça va. Je veux juste
vous remercier. Je pense que ça donne un éclairage assez
intéressant sur, effectivement, des possibilités de
réalisation et d'ouverture de certains spécialistes aussi pour
collaborer en toute sécurité. Ça, ça
m'apparaît extrêmement intéressant pour vivre
l'expérience et être capable de conclure, à la fin, si
c'est positif ou négatif. C'est ça, le but de l'exercice, sans
présumer de tout ce qui arrivera. En ce sens, je pense qu'on n'a
qu'à vous féliciter de l'initiative que vous avez prise, c'est en
parfaite continuité avec votre histoire dans ce dossier, et tirer profit
de l'expérience ontarienne qui, elle, a ses écueils, compte tenu
de l'organisation structurelle parce qu'on peut les étouffer, les
projets-pilotes, par les CMDP. Ça, je pense que ça
m'apparaît très clair. Ce n'est pas ça, le but de
l'exercice, c'est une collaboration de tout le monde. Et qu'il y en ait dans
l'Outaouais qui veuillent le faire, c'est une percée très
significative. Il restera aux sages-femmes de démontrer, disons, leur
place sur le plan professionnel et qu'on s'assure toujours, en tout temps, de
la santé de la mère et du bébé. Ça, c'est
absolument capital. Alors, merci de votre contribution.
Mme Hutton: Merci. Je voulais juste-La Présidente (Mme
Marois): Oui, je vois quelqu'un qui a la main levée, qui voudrait
peut-être...
Mme Hutton: ...dire qu'au niveau de la région il y a une
volonté régionale de s'avancer au niveau de cette pratique, de ce
type d'alternative. De toute façon, il y a des demandes de notre
population de femmes. Le sondage démontre qu'il y a une collaboration
des établissements et de certains professionnels. Je ne dis pas tous non
plus, mais je pense qu'à ce moment-là, au conseil
d'administration au Conseil régional, on est prêt à garder
notre genre de comité de coordination pour aider. On sait très
bien que des problèmes seront soulevés en cours de route, mais
c'est une question d'essayer de trouver des solutions. Donc, on vous remercie
beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Il y avait Mme
Desjardins, je crois, qui voulait... (17 heures)
Mme Desjardins (Marie-Claude): Oui, j'aimerais prendre quelques
secondes pour réaffirmer et un peu réagir à des propos que
j'ai entendus, tout à l'heure, en tant que représentante des
usagères et des femmes. J'ai été profondément
insultée par le manque de respect évident. On nous dit qu'on a
besoin d'être protégées contre nous-mêmes. Moi, j'ai
l'impression qu'on a besoin d'être protégées contre eux et
je sens parfois qu'on est à la merci d'intérêts corporatifs
à peine voilés. C'est vraiment décourageant. Je sais que
vous allez avoir, dans les mois qui s'en
viennent, des pressions terribles. C'est évident. J'espère
que vous allez continuer...
M. Côté (Charlesbourg): Je ne suis pas nerveux.
Mme Desjardins: ...de porter... Je sens qu'il y a vraiment une
volonté, de votre côté, d'avancer. Quant à moi,
j'espère que les mots ne vont pas choquer, mais je me dis qu'il faut
briser ce pouvoir immense. C'est insupportable. Moi, je trouve que ça
frise la violence. Enfin, je n'ai plus de mots. Je suis à court de mots.
Merci de continuer à y croire, pour nous les femmes. On n'est pas juste
2000. On est 2000 qui avons choisi d'accoucher avec des sages-femmes, mais il y
a toutes les autres qui ont toutes sortes d'histoires abominables à
raconter et il faut que ça cesse. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Oui, vous voulez terminer.
Mme Trent: On parie d'un projet-pilote de cinq ans. On avait
certaines inquiétudes à ce niveau-là parce que si c'est
tout de suite, au moment où la loi est sanctionnée, que ces cinq
ans commencent, on se demande si cinq ans, c'est assez long pour pouvoir
élaborer un tel projet, faire tout ce qu'il y a et faire une
évaluation valable et tout ça. Ça nous inquiète. Il
y a une autre chose qu'on se dit: II ne faudrait peut-être pas ignorer un
projet-pilote qui a quand même duré plus de 19 siècles,
tout ce temps où les femmes ont accouché avec l'aide d'autres
femmes. C'est peut-être un projet-pilote qui vaut la peine
d'être...
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): C'est une beau message. Merci
beaucoup de votre présentation. Sachons tirer les leçons de
l'histoire.
Je voudrais maintenant inviter la Section du Québec du
Collège des médecins de famille du Canada, s'il vous
plaît.
Alors, bienvenue à notre commission. J'aimerais que vous vous
présentiez. M. Lalonde, c'est ça, vous êtes le
président.
Section du Québec du Collège des
médecins de famille du Canada
M. Lalonde (Viateur): C'est moi.
La Présidente (Mme Marois): C'est vous. J'aimerais que
vous présentiez les gens qui vous accompagnent et, ensuite, passer
à la présentation de votre mémoire. Merci.
M. Lalonde: Oui. Je vais vous présenter, à ma
droite, Dr Jean-Pierre Despins qui est l'ancien président de notre
section; tout à fait à ma gauche, Dr Alain Pavilanls qui est le
vice-président et, à côté de moi, Dr Lyne Savoie,
membre de notre section.
Je vais vous lire le texte qu'on a fait.
Le Collège des médecins de famille est un organisme
national voué à la promotion de l'excellence en médecine.
Il est composé de dix sections, chacune représentant une
province. Le collège compte plus de 9000 membres, dont 1600 sont
représentés par la section du Québec. Le rôle du
Collège ainsi que celui des sections qui le composent en est un
spécifiquement éducatif, il s'assure de la qualité de la
formation des médecins de famille par l'évaluation des programmes
d'enseignement universitaire et du maintien de la compétence de ses
membres. C'est le Collège qui agrée les programmes
universitaires.
La Section du Québec présentait, en novembre 1987, au
ministère de la Santé et des Services sociaux un document en
réponse au rapport intitulé "Périnatalité au
Québec, étude d'un moyen pour atteindre les objectifs, la
pratique des sages-femmes".
En résumé, voici la teneur de notre document. D'abord,
nous ne croyions pas nécessaire l'ajout d'un troisième niveau en
soins de périnatalité au Québec, représenté
par la sage-femme. Nous précisions que le médecin de famille a la
formation et la compétence pour s'occuper de tous les soins de
première ligne en périnatalité. Nous favorisions
l'humanisation et la personnalisation des soins en périnatalité
en démontrant l'importance de soins continus et globaux. La pratique
limitée de la sage-femme aurait pour effet de compartimenter et de
cloisonner une partie des soins en périnatalité. Nous nous
demandions, finalement, comment la pratique des sages-femmes aurait pour effet
de diminuer la mortalité périnatale et de réduire la
prématurité au Québec, objectifs tant
recherchés.
Nous ne croyons toujours pas, en 1989, à la
nécessité d'introduire une nouvelle intervenante en
périnatalité. Nous vivons présentement au Québec
une période d'économies budgétaires à
l'intérieur de notre système de santé. Il semble paradoxal
de proposer des coûts supplémentaires par l'ajout d'un service de
sages-femmes qui n'apporte rien de neuf au système de santé
actuel. Il s'agit ici d'une duplication d'un service existant. C'est c
qu'on pourrait appeler un paradoxe économique.
Les recommandations qui suivent ne sont pas dictées par un
changement d'opinion de notre part. Elles reflètent une volonté
de participation face à la décision politique du ministre
d'imposer la pratique des sages-femmes.
L'article 2 propose une définition des champs de pratique de la
sage-femme. Si la pratique des sages-femmes est légalisée, nous
croyons qu'elles devraient avoir un champ d'action clinique plus restreint. Il
devrait couvrir
au plus le suivi de la grossesse normale et l'accouchement normal,
conjointement avec le suivi médical périodique. Quant aux
grossesses à risque, le médecin de famille et/ou
l'obstétricien-gynécoloque devraient en assurer le suivi.
L'article 5 propose la formation d'un comité constitué de
trois sages-femmes, d'un médecin et d'une infirmière afin
d'élaborer des critères généraux de formation et de
compétence des sages-femmes ainsi que de procéder à
l'évaluation de chaque sage-femme qui en fait la demande et de
déterminer si elle est admissible à exercer dans le cadre des
projets-pilotes la pratique des sages-femmes. Nous croyons que ce comité
devrait être formé d'un nombre égal de médecins
recommandés par la Corporation professionnelle des médecins du
Québec et de sages-femmes.
L'article 7 propose l'identification des actes médicaux que les
sages-femmes seront autorisées à poser en outre des actes
constituant la pratique des sages-femmes telle que définie à
l'article 2. Nous ne croyons pas pertinent le fait d'ajouter des actes
médicaux à la pratique courante des sages-femmes. Cet article 7
propose également pour l'approbation du projet-pilote d'avoir l'avis du
Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du centre hospitalier, le
cas échéant. Il nous apparaît important que cet avis du
CMDP soit obligatoirement obtenu.
L'article 15 propose qu'une femme qui présente une grossesse
à risque peut toutefois, avec l'accord de son médecin, recevoir
des soins d'une sage-femme. Dans ce cas, cependant, le médecin traitant
assume la responsabilité de l'accouchement. Nous croyons qu'on ne
devrait attribuer cette responsabilité au médecin que s'il
effectue lui-même l'accouchement et que cette responsabilité
devrait être partagée par la sage-femme si celle-ci a
effectué le suivi de grossesse.
L'article 17 propose que les pouvoirs du conseil des sages-femmes dans
un centre hospitalier soient exercés par un comité
exécutif formé de la façon suivante: deux sages-femmes
élues par et parmi celles qui exercent leur fonction dans le service de
maternité; deux médecins, dont l'un spécialisé en
obstétrique, nommé par le Conseil des médecins, dentistes
et pharmaciens. Nous croyons qu'un de ces deux médecins devrait
être un médecin de famille obstétricien et l'autre un
gynécologue obstétricien.
Les articles 11, 14 et 19 touchant les services de maternité
proposent une organisation de services parallèles au service
médical d'obstétrique. Nous croyons qu'il est important de
prévoir une interface fonctionnelle entre les deux services afin
d'éviter un fouillis organisationnel majeur. Nous ne croyons pas qu'il
soit pertinent de créer une nouvelle unité physique comme
telle.
L'article 23 propose que le ministre de la Santé et des Services
sociaux et le ministre responsable de l'application des lois professionnelles
doivent au plus tard, (une date à venir), faire au gouvernement un
rapport sur la mise en oeuvre de la présente loi.
Nous croyons que, dans ce projet de loi, les mesures d'évaluation
finale - au bout de cinq ans - de ces projets-pilotes ne sont pas assez
précises. Nous croyons que la Corporation professionnelle des
médecins du Québec doit y être impliquée de
façon claire. Cette évaluation devrait reposer sur des objectifs
bien définis au départ. Ces objectifs devraient
représenter des standards élevés de qualité,
comparables à ceux des services médicaux actuels. Cette
évaluation devrait nécessairement tenir compte du rapport
coûts-bénéfices.
En résumé, la position de la Section du Québec du
Collège des médecins de famille est la suivante. Nous ne croyons
pas qu'il soit nécessaire ni souhaitable d'ajouter un troisième
niveau d'intervenants en périnatalité au Québec. Le
médecin de famille a la formation et la compétence pour assurer
les soins à la mère pendant la grossesse, l'assister à
l'accouchement et lui prodiguer les soins après l'accouchement. Le
médecin de famille peut également assurer des soins continus et
globaux à la mère et à l'enfant en tout temps en dehors du
suivi périnatal et ce, de façon humaine et personnelle.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux remercier le Dr
Lalonde ainsi que ceux qui l'accompagnent. Je pense que ça termine bien
nos audiences. Ce que je perçois dans ce texte, c'est une ouverture
d'esprit. Ce que vous dites, c'est qu'on n'y croit pas à la
reconnaissance, mais, dans la mesure où le politique a
décidé de le faire, voici les conditions dans lesquelles
ça pourrait se faire. Ça me paraît... En tout cas, pour
moi, c'est un soulagement de voir une position comme celle-là et je vous
en félicite. Il y a des choses que je partage totalement, à
l'intérieur de ce que vous dites, à partir du moment où
vous dites: Vous les faites, on n'est pas d'accord, mais voici selon quelles
règles, sur le plan organisationnel, ça devrait se faire, pour
être capable de protéger la santé et la
sécurité des femmes.
J'aimerais peut-être vous entendre davantage sur le
résumé, à la page 2, de votre réponse au document
sur la périnatalité. Ce que j'ai oublié de dire:
Très heureux, au moins, de rencontrer un groupe de médecins qui
ont été consultés par le ministère. Il y en a au
moins un et on se le dit. Vous dites, dans le dernier paragraphe,
dernière phrase: "La pratique limitée de la sage-femme aurait
pour effet de compartimenter et de cloisonner une partie des soins en
périnatalité. " J'aimerais peut-être vous entendre
davantage là-dessus expliquer ce que vous voulez
dire précisément.
M. Lalonde: Si vous voulez, je vais laisser le Dr Despins
répondre à cette question.
M. Despins (Jean-Pierre): Vous savez, en médecine de
famille, notre collège a comme objectif - on le disait dans le
préambule - de promouvoir et de s'assurer que la formation du
médecin de famille soit complète, adéquate et
réponde aux réalités des années 2000, si je peux
m'exprimer ainsi. Et ça inclut l'intervention au niveau de la
première ligne: continuité des soins, globalité des soins.
Ça fait 35 ans que les objectifs de notre collège sont comme
ça; on ne les a pas inventés parce que le projet de loi
était là.
On a comme opinion que si la notion de médecin de famille
était bafouée, si je peux dire, avec l'ajout d'un intervenant qui
faisait une pratique orientée vers la périnatal ité, on
voit mal comment le client, au bout de la ligne, serait mieux servi. Je vais
m'expliquer. Lorsque le médecin de famille voit ses patients, en
général, il les connaît depuis des années; il voit
les grands-pères, les oncles, les nièces, le petit frère,
etc., il a vécu des choses avec cette famille-là. La
continuité des soins est là, la globalité des soins est
là, et il les a vécus, ces soins, tant au niveau de la
périnatalité qu'au niveau du soin palliatif que de la
gériatrie, en passant par la médecine d'adolescence, etc. De nos
jours, les gens ne recherchent plus, non plus, dans la clientèle, un
morcellement des soins en disant: J'ai mon spécialiste en ci, j'ai mon
pédiatre, j'ai mon ci, j'ai mon ça. On croit, nous, que le
médecin de famille, s'il y a un intervenant dans le réseau,
actuellement, qui peut faire la globalité, la continuité des
soins, c'est le médecin de famille. On ne croit pas
nécessairement que l'ajout de la sage-femme serait un avantage par
rapport à ça. (17 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Vous nous avez dit
tantôt, dans votre présentation, que vous étiez très
impliqués dans la préparation des cours, sur le plan de la
formation, au niveau des médecins de famille, en particulier.
Évidemment, des projets-pilotes comme ceux-là ne peuvent pas se
faire sans une formation adéquate de la part des sages-femmes. On l'a
posé à plusieurs autres mais, comme vous avez une implication
tout à fait particulière dans la préparation et la
reconnaissance des exigences de base sur le plan de la formation,
d'après vous, est-ce que ce qui semble se dégager comme constat
de cette commission, que la sage-femme ait au moins un cours de premier cycle
universitaire, vous apparaît être un minimum, vous apparaît
être souhaitable ou vous apparaît répondre à ce qu'on
s'apprête à demander à la sage-femme?
M. Lalonde: Je pense que c'est difficile à dire.
J'aimerais peut-être rectifier ce que vous venez dire. Le Collège
des médecins de famille est un organisme qui agrée les programmes
universitaires. Ce n'est pas lui qui fait les programmes universitaires, c'est
lui qui les agrée. Ce que je voudrais peut-être mentionner ici,
c'est que le gouvernement, récemment, a mis beaucoup d'argent dans le
développement de la médecine de famille dans nos
universités. Cet investissement a permis la formation de meilleurs
médecins et d'augmenter leur nombre aussi, ce qui a permis de faire que,
maintenant, le médecin est formé un an de plus qu'il ne
l'était avant. Donc, on a profité de cette année pour
donner une formation en périnatalité qui est plus grande. Donc,
on pense que le médecin de famille, maintenant, peut, avec la
compétence qu'il a, suivre les femmes d'autant mieux. Maintenant, c'est
sûr que si on prend la formation universitaire, si on volt ce qui se
passe du côté des infirmières, par exemple, les
médecins ne sont pas impliqués dans la formation des
infirmières. Les facultés de nursing, dans nos
universités, sont administrées par des infirmières et les
cours sont donnés par des infirmières. Je ne vois pas comment des
médecins pourraient participer à la formation des sages-femmes.
C'est la même chose. Je ne sais pas si ça répond exactement
à la question.
M. Côté (Charlesbourg): Je voulais avoir votre
opinion. Évidemment, vous avez bien fait de faire la différence
entre agréer et dire ce que j'ai dit, parce qu'il y a une distinction
entre les deux. Cela m'apparaît important, merci. Évidemment, la
formation étant extrêmement importante sur le plan de la
qualité des services qu'on donne, c'est un élément
extrêmement important pour qu'on prenne les décisions les plus
éclairées possible au niveau des exigences, pour donner les
orientations dans le projet de loi pour avoir des exigences à ce
niveau-là.
Tout à l'heure, vous avez évoqué les
médecins de famille. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais vous avez
dit: La venue de sages-femmes pourrait effectivement éliminer certains
médecins de famille de ce champ de pratique. Est-ce que j'ai bien
compris? Voulez-vous me le préciser? Parce qu'on sait, des statistiques
qui nous ont été fournies, qu'il y a 82% des omnis qui ne font
plus d'accouchements, ou à peu près.
M. Despins: D'accord. Deux choses, la première, ce que
j'ai dit, ce n'est pas que la venue d'un Intervenant ou d'une intervenante
supplémentaire était pour enlever un champ d'activité. Ce
que je disais surtout, c'était que j'étais loin d'être
convaincu que c'était pour ajouter à la continuité des
soins. Parce que, à nos yeux, le médecin fait la
périnatalogie et
plus. Deuxièmement, vous aviez une question aussi qui
concernait...
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que je parlais
du champ et du médecin de famille. C'est clair qu'on en a tous, y
compris chez moi où la famille est suivie au complet par le
médecin de famille, qui ne fait pas nécessairement et
obligatoirement les accouchements.
M. Despins: Vous parliez du chiffre de 82 %.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. La Présidente
(Mme Marois): Oui.
M. Despins: Je m'excuse, c'est ça, ça me revient.
J'avais un blanc de mémoire. Ecoutez, en médecine
générale, omnipratique ou médecine de famille, peu importe
comment on l'appelle, ce n'est pas tout le monde qui fait de l'urgence, ce
n'est pas tout le monde qui fait de l'hôpital, ce n'est pas tout le monde
qui fait de l'obstétrique. Par contre, environ la moitié des
accouchements sont faits par des omnipatriciens ou médecins de famille
quand même. Il y a une bonne expertise là-dessus et nous croyons
que le service que nous offrons par la formation même, la
spécificité de notre formation, la spécificité de
notre approche satisfait grandement notre clientèle. C'était
ça que je voulais dire.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'il y a des
études qui démontrent qu'il y a des niveaux de satisfaction
vis-à-vis des médecins de famille, des omnipratriciens. Je pense
qu'il n'y a pas grand monde qui contredit ça. Ce que je tentais de
savoir, à partir du fait qu'il y a 82 % des omnipraticiens qui ne
pratiquent pas d'accouchements, on est dans une situation où il y en a
18 % qui en pratiquent davantage, qui en font plus. Par rapport à la
continuité du suivi que vous évoquiez tantôt, c'est quand
même, à ce moment-là, au niveau des médecins de
famille, assez limité. Comment est-ce que vous expliquez ça?
Parce qu'un des principes de votre argumentation est la continuité et
vous avez parfaitement raison, continuité du médecin de famille
qui connaît l'historique de la famille, de tel enfant, de la mère,
du père, du grand-père, de la grand-mère. Ça
m'apparaft extrêmement important, mais dans ce cas-ci, comme il y a
uniquement 18 % qui en font, ce n'est pas dans tous les cas qu'on peut assurer
la continuité, j'imagine.
M. Despins: II peut sûrement y avoir diverses raisons pour
expliquer pourquoi c'est 18 % et non pas 40 % ou 45 %. J'écoutais
tantôt le mémoire de l'ACMDP qui mentionnait l'histoire des
coûts d'assurance-responsabilité. C'est sûrement un facteur
à ne pas négliger. Par contre, au niveau des programmes de
formation universitaire, des recommandations qui non seulement sont faites,
mais, en plus, sont appliquées dans les différents programmes, on
expose tous les résidents en médecine de famille durant leur
formation à des accouchements de première ligne faits par
d'autres omnipraticiens, et ceci, nous sommes convaincus que ça va les
encourager à faire de l'obstétrique. A nos yeux, nous croyons que
si les omnipraticiens font les accouchements avec d'autres omnipraticiens dans
des situations de première ligne, nous croyons qu'ils vont être
plus encouragés à en faire, ils vont se sentir plus à
l'aise, plus attirés par cette approche. Déjà, les
prochains finissants, dans six mois, des programmes universitaires de
médecine de famille expriment beaucoup, par les opinions que nous avons
lors de nos rencontres avec eux, de plus en plus le désir de faire de
l'obstétrique. Il y a un regain de ce côté-là,
ça, j'en suis convaincu.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment,
l'introduction de la sage-femme, il faut bien se le rappeler, n'a pas pour
objectif d'évacuer ou d'éliminer la possibilité pour le
médecin de le faire. C'est de donner une alternative à la femme,
qui me paraît tout à fait normal, et aussi de faire en sorte que
les 2000 accouchements qu'on a par année, qui sont faits par des
sages-femmes, puissent se faire dans un cadre qui est tout à fait
acceptable et qui est sécuritaire pour la mère et pour le
bébé. Ça, c'est une alternative.
Je terminerais peut-être avec la question suivante puisque,
à la page 8 du mémoire, je prends le dernier paragraphe parce que
je vais revenir avec le deuxième. Vous dites: "Cette évaluation
devrait reposer sur des objectifs bien définis au départ. Ces
objectifs devraient représenter des standards élevés de
qualité, comparables à ceux des services médicaux
actuels." Je pense qu'en termes de standards élevés, c'est
sûr. "Cette évaluation devrait nécessairement tenir compte
du rapport coûts-bénéfices." C'est vrai. Je partage
entièrement ce paragraphe-là. Je reviens au deuxième:
"Nous croyons que dans ce projet de loi les mesures d'évaluation
finales, (au bout de cinq ans) - parce que c'est un projet-pilote, parce qu'il
va falloir les faire quand même, chaque année, pour avoir un suivi
de cette expérience - de ces projets-pilotes ne sont pas assez
précises. Nous croyons que la Corporation professionnelle des
médecins du Québec doit y être impliquée de
façon claire."
J'en suis et ça me paraît aussi évident, mais pour
autant que la corporation professionnelle dise comme vous: Vous avez
décidé d'y aller, on respecte ça, voici des conditions,
maintenant, d'encadrement auxquelles on devrait répondre pour être
capables d'avoir une évaluation objective et de maintenir des standards
très
importants. Mais, jusqu'à maintenant, la Corporation
professionnelle a démontré une ouverture, à la fin du
témoignage; je me suis empressé de dire que j'allais tendre la
main, ouvrir la porte. On m'a dit: Faites attention pour ne pas vous faire
prendre le pied dedans. J'ai répondu que, si c'était le cas, ce
serait la première et la seule fois. J'irais voir un spécialiste
pour me travailler le pied et je m'en souviendrais.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): C'est beau de souhaiter
ça, mais encore faut-il que la Corporation elle-même le souhaite
et veuille jouer le jeu ouvertement, et ça, je pense que c'est un
préalable. Je ne vous demande même pas de commentaires
là-dessus, puisque ça pourrait vous placer dans une situation
délicate. Si vous voulez en faire, libre à vous, mais c'est un
commentaire que je voulais faire sur ça. Oui, on est très ouvert
à ce que la Corporation professionnelle des médecins... Ce sont
des gens sérieux qui sont capables d'apporter une contribution
exceptionnelle quant à l'encadrement et à la mise en place do ces
projets-pilotes, pour autant qu'après avoir fait la bataille contre les
projets-pilotes on accepte qu'il y en ait et de le faire dans des conditions
optimales.
M. Despins: J'aimerais, si vous le permettez, faire une petite
précision. Je n'aimerais pas qu'on laisse croire que notre position est
à rencontre de la Corporation. Nous endossons globalement ce que la
Corporation dit, c'est vrai, parce qu'on pense que la Corporation a un
rôle spécifique à jouer: le nôtre est en
éducation. Chaque association ou corporation a son rôle à
jouer et je crois que la position de la Corporation est tout à fait
explicable et, à bien des points de vue, justifiée de notre
part.
M. Côté (Charlesbourg): Tout ce que je voulais faire
comme distinction, c'est que, dans votre cas, vous avez dit: On est contre
mais, à partir du moment où vous décidez de le faire,
voici les conditions dans lesquelles ça doit être fait. Et,
lorsqu'on a entendu le Dr Augustin Roy, l'autre après-midi,
c'était un non très ferme et très catégorique, avec
l'argumentation qui, de son point de vue, se tient et que je n'ai pas à
juger, à ce moment-ci. Je pense que, finalement, on se sert des
arguments qui font notre affaire. Cependant, in extremis - in extremis, c'est
au Journal des débats - il a démontré une ouverture
et je vais l'inviter, le 16 janvier, à une réunion extraordinaire
d'une journée, non pas de cinq semaines, non pas d'une semaine, mais
d'une journée, pour finaliser le dossier. Je ne tenterai pas, par mes
propos, de démontrer qu'il y avait une dissociation sur le plan
idéologique avec la Corporation - je ne me serais pas permis ça
du tout - mais c'était pour faire le constat parce qu'il y a des
conditions d'encadrement qui me paraissent plus raisonnables chez vous que ce
qu'on a entendu de vos collègues, et je voulais vous féliciter
pour ça.
La Présidente (Mme Marois): Cela va? Il n'y a pas de
commentaires sur ce commentaire? Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui. Alors, comme on a affaire à des hommes
de bonne volonté, c'est à espérer que cette bonne
volonté va se manifester aussi...
M. Côté (Charlesbourg): Et des femmes, et des
femmes...
Mme Vermette: Mais c'est surtout parce que je m'adresse...
M. Côté (Charlesbourg): Ne soyez pas sexiste,
là.
Mme Vermette: On s'est fait dire tellement de propos. Mais, en
fait, j'espère que, oui, ce sera réalisable et que la
reconnaissance des sages-femmes sera aussi au Québec, comme ailleurs, un
fait accompli. Maintenant, je voulais vous demander, en ce qui concerne les
maisons de maternité... Vous n'êtes pas tout à fait en
accord avec cette formule où vous pourriez aussi, tout comme dans
l'Outaouais, en fait, où il y a certaines formules qui sont mises de
l'avant, où il y a déjà des démarches qui sont
accomplies... Est-ce que vous seriez d'accord aussi pour que ces
expériences-pilotes... Est-ce que vous seriez capable d'assurer votre
collaboration pour un tel projet-pilote?
M. Pavilanis (Alain): Je pense que je peux répondre
très vaguement à votre question parce qu'il faut voir tout projet
en détail, et il faudrait voir toutes les modalités de ce projet
de maisons des naissances avant d'être capables de dire si, oui ou non,
ça entre dans les critères qu'on trouverait acceptables, mais,
dans la mesure où les choses se font, nous sommes ouverts pour discuter
et revoir les projets, faire nos suggestions et voir si nous sommes capables de
collaborer. Je ne peux pas dire clairement oui ou non, qu'on est contre; on
revient à notre position, si vous voulez. La position qu'on a prise, au
départ, c'était qu'on ne voyait pas la nécessité de
création de ces services-là, qu'on croyait qu'on pouvait
répondre aux désirs des patientes, aux désirs de la
population et au maintien de la bonne qualité en préservant les
systèmes actuels et en préservant le champ de pratique du
médecin de famille. Par contre, s'il y a de nouvelles structures qui se
font, je pense qu'on est prêts à regarder ça et à
passer les
commentaires spécifiques sur les projets très
spécifiques.
Mme Vermette: Vous savez, M. le ministre, des fois, je me pose la
question à savoir si ça n'arrive pas à un mauvais temps de
parler des sages-femmes, au moment où il y a un taux de
dénatalité. À une période où il y avait
beaucoup beaucoup de femmes qui accouchaient, il n'y avait pas de
problèmes, chacun y trouvait son compte, mais peut-être
qu'aujourd'hui le fait qu'il y ait un peu moins de maternités, c'est
peut-être ça qui fait, qu'on remet en cause tant que ça
actuellement la pratique des sages-femmes. Il ne s'agit pas d'un message que je
renvoie aux femmes, mais, en fait, c'est un commentaire que je passe. (17 h
30)
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
députée. M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Je m'excuse auprès de nos invités, j'ai
dû m'absenter quelques minutes pour aller en Chambre. Je remplace le
député de Joliette, notre leader. Je me réjouis aussi,
comme d'autres, du ton de votre mémoire. Je pense que vous prenez une
position réaliste tout en étant contre le principe
d'établir une nouvelle profession dans l'hôpital. Vous dites: Si
la loi l'établit, nous allons collaborer. Remarquez que, M. le ministre,
j'ai la conviction assez profonde que l'ensemble des médecins, le jour
où ça deviendra loi, va collaborer à cette nouvelle
pratique. Cependant, il reste que les suggestions que vous faites comme celles
qui ont été faites par quelques autres groupes, notamment
l'Association des hôpitaux, sont fort pertinentes, par exemple, quand
vous suggérez, dans le comité dont on fait mention à
l'article 5, que ce soit une espèce de comité paritaire,
médecins et sages-femmes.
Mme la Présidente, je voudrais souligner que c'est un
défaut du projet de loi, en autant que je suis concerné. Il donne
plus d'autonomie pour ainsi dire - les sages-femmes n'aimeront pas la
façon dont je dis ça, mais je m'expliquerai ensuite avec elles
s'il le faut - aux sages-femmes qu'elles n'en veulent ou qu'elles n'en ont
besoin. C'est un peu comme si le projet de loi disait: On va établir les
sages-femmes dans l'hôpital, que les médecins soient d'accord ou
pas d'accord.
Imaginons un peu qu'on transpose la comparaison dans le domaine
judiciaire, qu'on veuille établir une nouvelle profession légale,
un conseiller légal. On va l'installer dans les palais de justice, on ne
s'occupera pas trop de l'avis des avocats ou des juges et on va dire: On va
former votre comité très majoritairement de conseillers
légaux, nouvelle profession. Je pense que ce serait voué à
l'échec, comme ce projet-là est voué à
l'échec si on continue de vouloir faire fonctionner, dans le futur, les
sages-femmes en marge des médecins et des infirmières et des
autres professionnels qui sont dans les hôpitaux.
Je pense que le groupe qui vient de nous présenter son
mémoire a fait un rappel au réalisme et je crois que c'est fort
utile. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le
député de La Prairie. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires,
remarques? M. le ministre. On va remercier d'abord le groupe qui est devant
nous.
M. Côté (Charlesbourg): Juste sur la dernière
intervention de mon collègue de La Prairie, avec la comparaison d'un
palais de justice. Personnellement, je trouverais ça intéressant
qu'on puisse peut-être avoir une nouvelle catégorie de personnes
dans les tribunaux, à côté des avocats.
M. Lazure: Moi aussi, j'aimerais ça.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouverais ça
peut-être pas si mauvais que ça, à l'occasion, quand on
voit ce qui se passe.
M. Lazure: Moi aussi, j'aimerais ça.
La Présidente (Mme Marois): On va suggérer
ça au ministre de la Justice.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: J'aimerais ça, mais je voudrais bien voir le
ministre de la Justice qui présenterait un projet de loi qui ne
tiendrait pas compte des avocats et des juges, par exemplel
La Présidente (Mme Marois): Je crois que vous aviez
quelque chose à ajouter. Nous vous entendons.
M. Despins: Avec tous mes respects, je suis un petit peu
étonné d'entendre qu'on semble être perçus comme
étant des gens qui vont collaborer facilement, etc. Ce n'est pas
ça nécessairement non plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): On vous trouve trop gentils,
quoi? Ha, ha, ha!
M. Despins: Ce qu'on veut passer comme message, le ministre l'a
bien résumé tout à l'heure, on ne voit pas exactement
pourquoi on aurait un Intervenant, mais votre décision politique est
là. Il y a un projet de loi qui est là, on a donné nos
commentaires. Nous avons cru comprendre qu'en mars 1990 il y aurait
probablement un projet de loi amendé qui serait présenté.
Évidemment, tout dépend aussi du contenu de ce projet de loi. Ce
n'est pas un chèque en blanc
qu'on donne. On tient à vous exprimer ça. C'est
important.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): En vous remerciant, soyez
sûrs que jamais je n'oserai prétendre, en sortant de la
commission, que j'ai reçu un chèque en blanc de la part des
médecins. Je me plaindrais si j'avais à me faire soigner. Non, je
comprends exactement la portée de votre mémoire. Ce qu'on a
dénoté par rapport à d'autres, c'est qu'il y avait une
compréhension de la situation qui nous disait: C'est non, mais si vous
décidez que c'est oui, voici les précautions que vous devez
prendre. C'est comme ça que je l'ai pris, étant entendu qu'on le
prend comme un conseil pour quelqu'un qui voudrait s'assurer que les
projets-pilotes puissent à tout le moins se réaliser. C'est comme
ça que je l'ai pris. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation. Nous en sommes à la fin de nos travaux. Je crois
que le ministre, de môme que l'Opposition, a souhaité faire
quelques remarques pour terminer nos travaux. Nous aurons entendu jusqu'ici,
d'ailleurs, 25 groupes ou personnes et à la fin, tout à l'heure,
je demanderai... On pourrait le faire maintenant parce qu'il y a des
mémoires qui nous ont été envoyés et on demanderait
qu'ils aient été compris comme étant récités
au long. Je vais donc déposer, à ce moment-ci, les
mémoires, d'une part, de l'Association féminine
d'éducation et d'action sociale, de la Centrale de l'enseignement du
Québec, de la Fédération des unions de famille et deux
autres mémoires qui sont présentés par des personnes,
individuellement, Mme Nora Quinn et Mme Cécile Rolland-Bouchard. Alors,
ces mémoires auront été considérés comme
étant lus et présentés à la commission.
Je vais donc inviter maintenant le député de La Prairie,
en remplacement du leader de l'Opposition et critique officiel, à nous
présenter un petit peu ses conclusions, succinctement, et ensuite je
demanderai au ministre de faire de même.
Conclusions M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Le
député de Joliette, leader de l'Opposition officielle, me demande
de l'excuser. Il a été pris par les débats à la
Chambre et les quelques mots que j'ai à dire sont le reflet de sa
pensée qu'il m'a transmise il y a quelques minutes.
Je le répète encore une fois: Nous sommes
foncièrement d'accord avec le gouvernement, avec le ministre, lorsqu'il
veut, par un projet de loi, permettre des expériences-pilotes de
sages-femmes au Québec. Le Parti québécois s'est
prononcé à plusieurs reprises pour le libre exercice des
sages-femmes au Québec et nous réitérons notre appui.
Cependant, dans les modalités, après avoir entendu tous
les groupements, il est bien évident que ce projet de loi mérite
d'être révisé. Plusieurs articles, notamment en ce qui
concerne l'organisation interne en particulier dans un milieu hospitalier,
doivent être révisés, à la lumière, en
particulier, d'une hypothèse de départ qui fait le pari que le
personnel hospitalier - et je ne parle pas seulement des médecins - doit
être dans le coup, sinon l'expérience ne sera pas concluante. Non
seulement elle ne sera pas concluante, mais elle sera un échec si le
personnel hospitalier n'est pas dans le coup. Quand je parle de personnel
hospitalier, ce sont les médecins, les infirmières, les
psychologues, les physiothérapeutes, le directeur général,
tout le monde.
Alors, il faut vraiment que les articles qui traitent de l'organisation
soient révisés de façon fondamentale pour permettre une
conciliation, sinon une réconciliation, dans ce milieu hospitalier pour
éviter que la petite équipe de sages-femmes qui entrerait dans un
hôpital à l'occasion d'une expérience-pilote soit en marge
de la grosse équipe hospitalière qui existe
déjà.
Ce sont des expériences qui seront surveillées de
très près par le gouvernement, bien sûr, par le
ministère, mais aussi par la population, par plusieurs professions et je
pense qu'il faut absolument que le ministre mette toutes les chances de son
côté, malgré la position qui est exprimée par le Dr
Roy. Je pense, personnellement, qu'il est possible d'obtenir un minimum de
collaboration de la part de l'ensemble des médecins et certainement que
le ou les projets qui se dérouleraient dans un hôpital ou des
hôpitaux, c'est bien évident qu'il faudra non seulement que le
conseil d'administration de l'hôpital soit d'accord, mais aussi
l'ensemble du personnel professionnel de cet hôpital.
Mme la Présidente, en conclusion, nous sommes toujours favorables
à un projet de loi, le plus tôt possible, mais un projet de loi
qui mettra toutes les chances du côté d'une réussite de ces
expériences pilotes.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le
député de La Prairie. M. le ministre.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Après avoir entendu 25 mémoires en quatre
jours et avoir pris connaissance d'une trentaine puisque, comme vous l'avez
fait tantôt, il y en a 5 que nous n'avons pas entendus, mais
dont nous avons eu les opinions, je pense qu'on peut tirer un certains
nombres de constats qu'il m'apparaît important à la fin de cette
commission de tirer.
On est dans une situation où plusieurs groupes se sont
prononcés en faveur de la reconnaissance des sages-femmes. Les
principales raisons invoquées par ces groupes sont, d'abord, de
répondre à un désir répété de la part
des femmes. Selon les expériences étrangères, les
sages-femmes peuvent contribuer à atteindre certains objectifs en
périnatalité et ce, principalement, en assurant la
continuité des soins avant, pendant et après, tout en
reconnaissant que les médecins peuvent le faire aussi très bien.
Deuxièmement, en rejoignant les clientèles les plus à
risque, à savoir les adolescentes, les femmes dans des régions
éloignées et les femmes dans des régions à faible
potentiel économique. Et donner, finalement, le choix aux parents quant
au suivi de la grossesse; ça m'apparaît un choix fondamental.
De ces 30 groupes, 8 se sont exprimés de manière
défavorable au projet et les raisons invoquées sont les
suivantes. Le Québec n'a pas besoin d'une nouvelle intervenante en
périnatalité. Deuxièmement, le système actuel sans
les sages-femmes a permis au Québec d'atteindre une situation
enviée et enviable dans le domaine de la périnatalité.
Troisièmement, on fait fi des lois régissant les corporations
professionnelles et l'organisation des centres hospitaliers.
Quatrièmement, pour certains, cela peut peut-être même
être préjudiciable à la santé et à la
sécurité de la mère et de l'enfant. D'autres groupes ont
formulé des propositions très intéressantes pour bonifier
ce projet de loi et permettre la réalisation de projets-pilotes.
Il y a quand même un certain nombre de choses à la fin de
cette commission parlementaire qu'on doit se rappeler, que je me dois de faire
comme porte-parole gouvernemental. Le constat, c'est que la sage-femme fait
l'objet d'un très large consensus. Il y aura donc une loi qui suivra le
projet de loi 4 et qui sera déposée dès la reprise,
dès les premiers jours de la session au mois de mars. Cela veut dire
aussi qu'il y aura des projets-pilotes.
Deux conditions sont obligatoires quant à la réalisation
des projets-pilotes et sont aussi importantes et essentielles l'une que
l'autre. Premièrement, l'autonomie de la sage-femme, c'est-à-dire
que les sages-femmes soient reconnues et que le milieu d'expérimentation
de même que les modalités d'organisation doivent permettre une
expression réelle de leur apport. Deuxièmement, le support
médical et infirmier est essentiel à la réalisation des
projets-pilotes parce qu'il y va de la santé et de la
sécurité de la mère et de l'enfant.
Je veux rappeler que cette loi n'a pas pour but de limiter la pratique
des médecins au niveau des pathologies ni même au niveau des
accouchements normaux. Elle veut donner une alternative à la femme quant
au lieu et aux modalités de son accouchement. Je le
répète, la femme a le droit de choisir le mode d'intervention. Il
y aura donc des projets-pilotes ailleurs qu'en centre hospitalier. Toutefois,
l'accouchement à domicile n'est pas retenu et ne sera pas retenu dans le
cadre de cette expérience de projets-pilotes. Il n'y aura qu'une seule
catégorie de sages-femmes et ça, je veux que ce soit très
clair, celles opérant légalement dans le cadre des
projets-pilotes. La compétence de la sage-femme est une condition
essentielle tant pour la santé et la sécurité que pour la
crédibilité de l'opération. Aucun établissement ne
sera forcé de réaliser des projets-pilotes.
L'établissement doit le vouloir, le souhaiter et le proposer. La loi
devra permettre des modèles administratifs diversifiés
permettant, d'une part, la flexibilité requise à
l'intégration harmonieuse des sages-femmes et assurant, d'autre part,
l'exercice de l'autorité de décision de l'instance responsable.
Il faut faire en sorte que les projets-pilotes puissent permettre une
véritable évaluation. À cet effet, un comité
provincial, des objectifs, des critères d'approbation des projets
devraient faire partie du projet de loi. Des indicateurs d'évaluation,
tant sur le plan de la santé et que sur le plan social, devront
être développés pour permettre d'évaluer l'impact
des projets-pilotes. Il faudrait que les modalités de réalisation
des projets-pilotes permettent une contribution des usagères tant au
plan local qu'au plan provincial.
Il reste quand même un certain nombre de points à
clarifier, et ça m'apparaît important de l'évoquer à
ce moment-ci. On s'interroge sur le moment de la création d'une
corporation, c'est-à-dire avant les projets-pilotes, pendant ou
après les projets-pilotes, pour reprendre des expressions
répétées à plusieurs reprises durant cette
commission parlementaire. Est-ce préférable de faire des
projets-pilotes pour définir le champ de pratique, la formation requise,
la capacité d'atteindre les objectifs en périnatalité,
l'intégration dans une équipe périnatale et dans divers
milieux organisationnels, ou est-ce préférable de
légaliser d'abord la pratique, donc de définir au départ
le champ de pratique et la formation et, en conséquence, les
projets-pilotes permettraient d'évaluer les autres objectifs:
périnatalité, intégration à l'équipe
périnatale? La précision du champ de pratique et la
responsabilité de la sage-femme, ainsi que
l'assurance-responsabilité restent des points encore à
questionner au lendemain de cette commission, le statut d'emploi et la
rémunération de la sage-femme, de même que les
privilèges d'admission des sages-femmes en milieu hospitalier.
Il y aura donc un projet de loi, il y aura donc des
expériences-pilotes et nous nous apprêtons, au cours des prochains
jours, à
reformuler le projet de loi puisqu'il sera réécrit.
J'inviterai, au cours des prochains jours, des gens que j'ai pu identifier en
cours de commission parlementaire à s'associer à une
démarche à mon cabinet le 16 janvier prochain, mardi donc, pour
une journée - pas une semaine, pas un mois, pas un an - à venir,
avec l'ouverture d'esprit manifestée devant cette commission,
perfectionner, parce que tout est perfectible, notre projet de loi ainsi que
les modalités d'application, dans les centres hospitaliers ou dans les
CLSC, des projets-pilotes. Évidemment, il y aura des usagères, il
y aura des sages-femmes, il y aura des médecins, il y aura des
pédiatres, il y aura ceux qui ont l'ouverture d'esprit, il y aura, bien
sûr, la Corporation professionnelle des médecins qui sera
invitée, puisqu'elle nous a offert sa collaboration. Il y aura donc, au
début du mois de mars, dès la reprise de la session, le
dépôt d'un nouveau projet de loi qui, lui, sera adopté dans
les semaines qui suivront, avec la collaboration des collègues, et il y
aura aussi, au cours de l'année 1990, le plus tôt possible,
obligatoirement, parce qu'on en a entendu parler beaucoup, l'annonce d'une
politique en périnatalité, parce que l'un ne va pas sans l'autre.
Et la difficulté qu'avait eue le ministère, ça a
été de tenter de faire en sorte qu'on puisse avoir une politique
de périnatalité, mais le problème relié aux
sages-femmes était un problème extrêmement important, et on
posait le questionnement.
Donc, ce sont là les principales conclusions que je tire de notre
commission parlementaire et les orientations à suivre au cours des
prochains jours et des prochaines semaines, voire des prochains mois, dans le
but d'en arriver à une conclusion finale sur les projets-pilotes qui
seront expérimentés, tant en milieu urbain qu'en milieu rural,
à travers le Québec, à la lumière de toutes les
expériences entendues ici et aussi à la lumière des mises
en garde que nous ont formulées les corporations professionnelles, les
fédérations de médecins, les associations, propos qui
étaient, à certains égards, extrêmement judicieux
sur le plan des risques qu'on court. Comme l'objectif est toujours la
santé et la sécurité et la liberté de choix des
individus, c'est un mariage que nous devrons faire au meilleur de notre
connaissance et de ce que la commission a pu nous apporter.
En terminant, Mme la Présidente, je veux remercier Mmes les
députées et MM. les députés de leur collaboration,
ainsi que tous ceux et celles qui ont pris le temps, dépensé des
énergies malgré les faibles moyens ou malgré des moyens un
peu plus fortunés, pour préparer, modifier des mémoires et
se présenter devant la commission parlementaire pour défendre
chacun de leurs points de vue pour tenter d'éclairer notre petite
lanterne en cette période où Hydro éprouve certains
problèmes. Je veux les remercier, ainsi que vous, Mme la
Présidente, pour le travail qui a été fait. Et on se
donne, bien sûr, rendez-vous le 23 janvier pour un exercice fantastique
d'audition de 120 mémoires sur ce dont je parlais cet après-midi,
la réforme de la santé, et on aura certainement beaucoup de
plaisir. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Alors,
je tiens à mon tour à remercier tous les groupes qui sont venus
éclairer les membres de la commission. Je remercie les membres de la
commission de leur collaboration; ça a facilité ma tâche.
Pour l'instant, les travaux de la commission sont ajournés sine die,
étant donné que nous avons accompli notre mandat. Oui, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Une petite question. Ma
formation politique m'avait dit qu'il y avait une nécessité de
peut-être présenter une motion, à ce moment-ci, de
réécriture, de réimpression.
La Présidente (Mme Marois): De réimpression.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, de réimpression.
Je ne sais pas si je...
La Présidente (Mme Marois): Effectivement, il est
prévu que le ministre... Est-ce que c'est le ministre qui fait cette
recommandation? Oui, sur motion du ministre, c'est la commission qui recommande
qu'il y ait réimpression du projet de loi. Oui, M. le
député de Fabre.
M. Joly: J'en fais la motion, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Le ministre la
faisait déjà, vous appuyez donc la motion présentée
par le ministre.
M. Joly: J'appuie.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Joly: Adopté.
La Présidente (Mme Marois): Pour une
réécriture et une réimpression surtout. Nos travaux sont
donc ajournés sine die.
(Fin de la séance à 17 h 52)