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(Onze heures cinquante-six minutes)
La Présidente (Mme Marois): À l'ordre, s'il vous
plaît! Si les membres de la commission veulent bien prendre place, nous
allons reprendre nos travaux. Nous en avons maintenant reçu l'ordre de
la Chambre. Notre vice-président, le député de Fabre, y a
contribué et je l'en remercie au nom des groupes qui, souvent, attendent
depuis un bon moment.
Alors, il est prévu que, ce matin, nous entendions... Ah pardon!
Mme la secrétaire de la commission me mentionne qu'il y a des
remplacements ce matin.
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente, en effet. M.
Marcil, député de Salaberry-Soulanges, sera remplacé par
M. MacMillan de Papineau; M. Tremblay, de Rimouski, par M. Parent, de
Sauvé; M. Trudel, de Rouyn-Noranda-Témiscamingue par M. Lazure,
de La Prairie.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, Mme la
secrétaire. Nous devrions entendre, ce matin, deux groupes: d'abord,
l'Association des hôpitaux du Québec et, ensuite, le Conseil des
affaires sociales. Il est midi, on devait terminer à 13 heures. Est-ce
que, M. le ministre, on peut prolonger un peu, d'une demi-heure, jusqu'à
13 h 30? À ce moment-là, ça permettrait de donner environ
45 minutes à chaque groupe. Les autres groupes ont eu autour d'une
heure, certains ont pris moins de temps, mais je crois qu'en 45 minutes on
devrait être capable d'avoir le temps d'entendre chaque mémoire et
d'interroger les personnes qui sont sûrement présentes pour le
défendre. Je vais donc demander à l'Association des
hôpitaux de prendre place, s'il vous plaît.
Bienvenue. Je vais demander au président, M. Favre, de nous
présenter les personnes qui l'accompagnent et de procéder
à la présentation du mémoire proprement dit.
Habituellement, c'est une quinzaine de minutes tout au plus pour la
présentation du mémoire. Si ça devait déborder,
évidemment, c'est autant de temps de moins pour nous pour vous poser des
questions. Ça va?
Association des hôpitaux du
Québec
M. Favre (Henri): Oui, madame. Merci, Mme la Présidente.
La délégation comprend - je commence par la droite - M. Pierre
Bourbonnais, conseiller juridique; Mme Gyslaine Desrosiers, directrice des
programmes de santé et des services sociaux; partant de la droite ici,
M. Carol Kelly, directeur des programmes d'assurances à l'Association
des hôpitaux; le Dr Mireille Lajoie, chef du Département de
santé commu- nautaire du centre hospitalier Sainte-Marie de
Trois-Rivières et présidente du comité de coordination des
DSC de la province et, à ma droite immédiate, le Dr Paul Landry,
vice-président, programmes et recherche à l'Association des
hôpitaux.
Nous avons soumis un mémoire, Mme la Présidente, et nous
avons un texte nouveau qui circule parce qu'il y a certains faits nouveaux que
nous désirons porter à l'attention de la commission
parlementaire, en particulier en ce qui concerne les assurances.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Je crois que les
membres de la commission ont déjà en main ce texte nouveau, 5-R.
Ça va? Parfait.
M. Favre: Parfait.
La Présidente (Mme Marois): Allez-y, M. le
président.
M. Favre: Depuis 1985, l'Association des hôpitaux du
Québec, qui représente plus de 200 hôpitaux de vocations
diverses, a contribué aux consultations du ministère de la
Santé et des Services sociaux concernant les orientations à
privilégier en périnatalité. Récemment encore, les
départements de santé communautaire furent impliqués dans
la production de quatre avis sur des sujets prioritaires en
périnatalité. Si l'on ajoute à cela le fait que les
accouchements au Québec ont lieu presque exclusivement dans les
hôpitaux, l'Association des hôpitaux est en droit de se
définir comme un intervenant majeur dans l'évolution du dossier
de la pratique des sages-femmes.
L'AHQ a considéré avec sérieux le projet de loi 4
sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes. Ayant
consulté ses instances hospitalières ainsi que celles des
départements de santé communautaire, l'AHQ, tout en tenant compte
du contexte organisationnel des hôpitaux, a développé une
position sur ce projet de loi qui est susceptible d'apporter des
éléments de solution aux objectifs poursuivis par le
Québec en matière de périnatalité.
C'est dans cet esprit de collaboration que nous présentons aux
membres de la commission notre mémoire qui est constitué de deux
parties. La première porte une réflexion de fond sur les aspects
suivants: la pertinence des projets-pilotes, la responsabilité civile
professionnelle, la pratique de la sage-femme et son admissibilité, les
conditions de reconnaissance des projets-pilotes et les modalités
organisationnelles. La seconde partie du mémoire reprend dans son
ensemble le projet de loi et propose des modifications au texte. Je me
réfère ici au document
d'origine, le document jaune.
Avant môme d'analyser le projet de loi comme tel, une question
préalable s'impose. En effet, quelle est la pertinence de
projets-pilotes permettant la pratique de sages-femmes au Québec? En
1987, l'Association des hôpitaux a émis des réserves
sérieuses sur le document de consultation du ministère de la
Santé et des Services sociaux qui proposait la création d'une
corporation professionnelle à exercice exclusif de sages-femmes. Les
conclusions de ce rapport nous apparaissaient prématurées tant au
niveau du cadre juridique proposé que de la pertinence du moyen
privilégié comme tel.
En effet, la reconnaissance d'une nouvelle profession ne nous semblait
pas répondre à une pertinence socio-sanitaire
démontrée dans l'organisation des soins de santé au
Québec. Nous déplorions également le fait qu'en mettant
beaucoup d'emphase sur le moyen des sages-femmes comme si c'était la
panacée universelle, toute la gamme des autres moyens requis, voire
même plus évidents pour l'atteinte des objectifs en
périnatalité, étaient plus ou moins relégués
dans l'ombre. À titre d'exemple, pour favoriser le suivi des femmes et
des familles plus à risque sur le plan social et, donc, susceptibles
d'engendrer des bébés de petit poids ou prématurés,
un moyen élémentaire serait le développement d'un
mécanisme de référence obligatoire entre les cabinets
privés et les CLSC.
Sur le plan de l'analyse coûts-bénéfices, nous
avions insisté auprès du ministère pour qu'il poursuive
avec plus de rigueur ses études. Notamment, il nous apparaissait
important de consolider les efforts déjà entrepris,
particulièrement au niveau du développement en CLSC de programmes
de périnatalité axés sur des clientèles cibles plus
à risque et au niveau de l'aménagement des unités
d'obstétrique en milieu hospitalier.
Toujours dans ce rapport du ministère, en 1987, concernant la
question du cadre juridique, la possibilité d'augmenter le champ de
pratique des infirmières en périnatalité nous apparaissait
avoir été rejetée trop rapidement. D'une manière
générale, nous mettions le ministère en garde en lui
soulignant que toute proposition concernant les sages-femmes serait
vouée à l'échec si elle ne tenait pas compte du contexte
québécois sur les plans organisationnel, culturel et
professionnel. En effet, l'expérience de plusieurs décennies des
pays de la Communauté européenne ne peut être en soi un
gage de succès dans notre contexte.
Depuis cette consultation, le ministère a pris la position de
reconnaître la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes
et soumet maintenant un projet de loi allant dans ce sens. Devant l'impasse
idéologique dans ce dossier et le fait que l'introduction d'une nouvelle
intervenante soit loin de faire l'una- nimité, la proposition de
projets-pilotes peut être considérée comme une sage
décision qui ne doit pas s'avérer être une façon
élégante de faire avaler la pilule en douceur aux opposants.
C'est pourquoi la position de l'AHQ est très ferme. Nous
endossons le principe de projets-pilotes sur la pratique des sages-femmes
strictement dans le cadre d'une approche de recherche évaluative,
c'est-à-dire de projets-pilotes balisés prévoyant un
protocole d'évaluation sérieux. Les projets-pilotes doivent
permettre d'apporter un éclairage nouveau ou, tout au moins, une
documentation sur les impacts de telles expériences sur les objectifs
visés en périnatalité. L'évaluation des
projets-pilotes devra porter sur des indicateurs de santé, telle la
réduction de la prématurité et de l'insuffisance de poids
à la naissance, sur le niveau des interventions obstétricales et
sur des indicateurs de qualité de vie individuelle et familiale, telle
la satisfaction des femmes. De plus, parmi les projets-pilotes, certains
devraient s'adresser spécifiquement aux femmes et aux familles les plus
à risque sur le plan social.
L'AHQ recommande également un processus formel et
éclairé d'évaluation de l'ensemble des projets-pilotes,
à savoir: la mise sur pied d'un comité provincial
d'évaluation, formé de représentants des organismes
pertinents, tel que nous le proposons dans notre mémoire. Ce
comité devrait faire rapport au ministre de la Santé et des
Services sociaux et à celui responsable de l'application des lois
professionnelles.
Un dernier élément concernant la pertinence des
projets-pilotes retient notre attention. C'est le fait que les
établissements hospitaliers soient les seuls, en vertu du projet de loi,
à pouvoir proposer des projets. L'AHQ considère qu'il y a
là une confusion entre le lieu souhaitable de l'accouchement et
l'habilité d'un établissement à pouvoir être le
maître d'oeuvre d'un projet-pilote. Considérant qu'un des
caractères propres à la pratique des sages-femmes est la
continuité de services du prénatal au postnatal,
considérant également l'implication actuelle des CLSC dans des
programmes en périnatalité, l'AHQ recommande que les CLSC
puissent proposer des projets-pilotes après avoir négocié
une entente avec un centre hospitalier concernant les accouchements.
Enfin, sur un plan pratique, l'appui de l'AHQ concernant les
projets-pilotes est conditionnel au financement complet des projets par le
ministère de la Santé et des Services sociaux. À cet
effet, le ministère devra également prévoir les fonds
suffisants en regard de la couverture du risque encouru en matière de
responsabilité civile par les établissements
intéressés par des projets-pilotes. Cette question importante du
nouveau risque à couvrir se situe au coeur des préoccupations de
l'AHQ. En effet, l'Association serait irresponsable de favoriser l'implantation
de
projets-pilotes dans les centres hospitaliers sans connaître
précisément son impact en matière de responsabilité
civile qui leur incombe, notamment en regard des coûts additionnels que
ces projets risquent d'engendrer pour l'ensemble de nos membres.
Notre intention n'est nullement ici de mettre en cause la
compétence des sages-femmes qui pourraient être reconnues
admissibles à la pratique dans le cadre de la loi, mais bien de
souligner que la pratique de l'accouchement et de l'ensemble des interventions
qu'elle implique représente un risque de poursuite, du point de vue des
assureurs, en responsabilité civile professionnelle pour l'ensemble des
intervenants de la santé appelés à assister la future
mère.
Dans le secteur de la santé, les réclamations les plus
onéreuses, tant au point de vue des frais de défense que des
paiements d'indemnité, sont celles provenant de complications durant les
grossesses et les accouchements. Le projet de loi 4 ne précise pas si la
sage-femme constituera un intervenant paramédical indépendant
engageant sa seule responsabilité dans le cadre d'un nouveau type de
contrat de soins ou si elle sera préposée d'un
établissement, ce qui engagerait la responsabilité civile de ce
dernier.
Dans l'hypothèse où les sages-femmes seraient
préposées d'établissement, nous sommes en mesure
d'apporter aujourd'hui des précisions qui ne sont pas contenues dans
notre mémoire, qui fut rédigé en août dernier.
L'éventualité que les sages-femmes soient des
préposées des centres hospitaliers ne signifie pas pour autant
qu'elles seraient automatiquement couvertes par les assureurs en matière
de responsabilité civile et professionnelle. En effet, en vertu des
articles 2485, 2486, 2487 et 2488 du Code civil, le preneur de même que
l'assuré sont tenus de déclarer toutes les circonstances qui leur
sont connues et qui sont de nature à influencer de façon
importante la tarification et l'acceptation du risque par l'assureur. Faute de
quoi, ce dernier peut invoquer la nullité du contrat.
C'est pourquoi l'AHQ devrait informer l'assureur excédentaire de
l'arrivée des sages-femmes en tant que préposées,
même en vertu de projets-pilotes. Le programme de gestion en
responsabilité civile et professionnelle de l'AHQ a été
mis en place pour gérer une franchise collective pour les
établissements membres. Nous ne pouvons pas accepter de nouveaux risques
sans que l'assureur excédentaire n'accepte de les couvrir d'abord. C'est
la raison pour laquelle nous avons déjà fait une demande à
l'assureur, qui devra nous indiquer l'impact que le projet des sages-femmes
pourrait avoir sur la prime de l'assurance excédentaire.
Quant à la gestion de la franchise, l'actuaire, dans son rapport
de 1989, nous avisait que l'étude des risques ne tenait pas compte de
développements exceptionnels dans l'environne- ment hospitalier.
Après vérification auprès de ce dernier, il nous a
confirmé que le projet des sages-femmes était un
développement exceptionnel dont il faut tenir compte dans
l'évaluation des risques. Nous obtiendrons, d'ici à la fin de
décembre, une étude actuarielle complémentaire analysant
l'impact du projet des sages-femmes sur l'augmentation du fonds de
réserve pour couvrir les réclamations. On peut envisager que
l'ordre de grandeur de cette augmentation du fonds serait de quelques millions
de dollars récurrents chaque année.
Revenons maintenant au texte du projet de loi, aux aspects qui
concernent la pratique des sages-femmes et son admissibilité. Nous
reconnaissons la pertinence de l'article 3 du projet de loi qui suspend, dans
le cadre des projets-pilotes, l'application de la Loi médicale et de la
Loi sur les infirmières et infirmiers pour les sages-femmes. En effet,
cet article, associé à la définition du champ de pratique
prévu à l'article 2, détermine un cadre juridique
suffisamment large et propice à des expériences-pilotes. Ce champ
de pratique s'inspire, de toute évidence, de celui reconnu par les pays
membres de la Communauté européenne.
Ces dispositions favoriseront l'émergence de projets-pilotes
variés et adaptés aux besoins du milieu, sans contrainte a priori
de champ de pratique réservé. Ainsi, les projets-pilotes seront
véritablement l'occasion d'apprécier la pertinence du champ
d'exercice avant même de créer une nouvelle corporation. Les
particularités locales des différents projets-pilotes, quant aux
actes médicaux et infirmiers qui seront posés, permettront
d'évaluer l'ouverture des milieux à un champ d'exercice
potentiellement large et la capacité d'intégration des
sages-femmes aux équipes de professionnels oeuvrant déjà
en périnatal ité.
Concernant le mécanisme prévu au projet de loi pour
reconnaître l'admissibilité d'une personne à la pratique de
sage-femme dans le cadre des projets-pilotes, il nous apparaît que le
comité proposé n'offre pas toutes les garanties de
crédibilité. Cette procédure transitoire de reconnaissance
de compétences ne devrait en aucun temps inspirer le moindre doute
à la population à l'effet que quiconque puisse s'improviser
sage-femme.
C'est pourquoi nous recommandons qu'il s'ajoute au comité
déjà prévu un médecin et une infirmière
supplémentaires ainsi qu'une personne issue du milieu universitaire.
Nous recommandons également que les médecins et les
infirmières membres de ce comité présentent des
qualifications cliniques spécifiques, à savoir, pour les
médecins, un spécialiste en obstétrique et l'autre en
pédiatrie et, pour les infirmières, une clini-cienne dans un
domaine connexe à l'obstétrique ou à la
périnatalité et l'autre qualifiée et oeuvrant en
santé communautaire.
Les trois sages-femmes seraient nommées par les ministres
concernés après consultation des organismes représentatifs
des sages-femmes au Québec. Les deux médecins devraient
être désignés par la Corporation des médecins du
Québec et les deux infirmières, par l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec. Quant à la personne
issue du milieu universitaire, elle devrait être nommée par les
ministres concernés.
L'AHQ endosse complètement l'article 6 qui spécifie que
seule une sage-femme reconnue admissible pourrait participer à un
projet-pilote. Toutefois, nous recommandons d'ajouter qu'un
établissement ne pourra être contraint de faire participer
à un projet-pilote une sage-femme par ailleurs reconnue admissible.
La critique fondamentale que l'AHQ adresse au projet de loi concerne les
conditions de reconnaissance des projets-pilotes et les modalités
organisationnelles. Nous remettons en cause autant le principe d'imposer un
cadre organisa-tionnel unique que les modalités qui sont
proposées. Les modalités organisationnelles d'encadrement et de
soutien d'un projet-pilote sont des éléments inhérents
à l'expérimentation et doivent être issues d'un consensus
établi localement dans l'établissement intéressé
par un projet-pilote. D'ailleurs, le consensus local sur les modalités
d'organisation et de suivi du projet nous apparaît une condition si
importante que c'est lui qui va déterminer, d'une part, la
volonté même d'initier un projet-pilote et, d'autre part, les
chances de succès de ce dernier. De toute évidence,
l'efficacité même de la pratique des sages-femmes repose sur la
complémentarité et le travail d'équipe avec les autres
professionnels, principalement les médecins et les infirmières.
Donc, on peut difficilement envisager reconnaître les sages-femmes au
Québec sans un minimum de collaboration de ces professionnelles.
Actuellement, nos consultations nous permettent de croire que le cadre
organisationnel proposé par le projet de loi va décourager toute
velléité du milieu hospitalier d'élaborer un
projet-pilote. Le fait de proposer un cadre organisationnel unique fait
dévier le débat vers une dimension non essentielle à
l'émergence de projets-pilotes et suscite inutilement des
résistances. L'objet des projets-pilotes n'est pas de tester un cadre
organisationnel particulier, mais de valider l'impact d'une pratique de
sage-femme eu égard aux objectifs poursuivis en périnatal
ité et de démontrer la possiblité d'un partage de
responsabilités entre les médecins, les sages-femmes et les
infirmières, en vue d'une plus grande efficacité
d'intervention.
En conséquence, l'AHQ recommande l'abolition des articles
touchant les modalités structurelles et organisationnelles - article
4.2, articles 11 à 22 - et propose, en contrepartie, un ensemble de
conditions précises en vertu desquelles serait approuvé tout
projet présenté par un établissement de santé.
Ainsi, parmi les conditions d'approbation d'un projet-pilote, il y aurait
l'obligation pour l'établissement de préciser les
mécanismes prévus localement pour assurer la supervision du
projet, le rattachement administratif, l'évaluation et le contrôle
de la pratique d'une sage-femme dans le cadre du projet-pilote. L'ensemble des
autres conditions d'approbation des projets-pilotes est plus amplement
développé à l'article 4 que nous proposons comme
modification à la loi dans la deuxième partie du mémoire.
(12 h 15)
Afin d'éviter des disparités importantes sur le plan des
prévisions budgétaires relatives à un projet-pilote, l'AHQ
recommande que les ministres responsables des projets-pilotes
déterminent le statut d'emploi et la rémunération
applicable aux sages-femmes. Par ailleurs, l'AHQ supporte la proposition du
projet de loi à l'effet que les sages-femmes fassent partie du conseil
consultatif du personnel clinique du centre hospitalier, le cas
échéant.
En conclusion, l'Association des hôpitaux du Québec
souscrit à des projets-pilotes sur la pratique des sages-femmes pour
autant qu'ils s'inscrivent dans un cadre d'évaluation défini et
rigoureux, qu'ils favorisent la souplesse locale des modalités
organisationnelles et que la question de l'assurance-responsabilité
civile professionnelle soit résolue adéquatement, sans affecter
l'ensemble du programme actuel d'assurance en milieu hospitalier.
Voila, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le président.
Je vous suivais et je réfléchissais en même temps à
ce que vous proposiez. Oui, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Je veux remercier M. Favre, ainsi que ceux qui
l'accompagnent, et leur dire, d'entrée de jeu, que je trouve
rafraîchissant d'avoir un mémoire comme celui-là ce matin,
dans le difficile exercice que nous faisons d'entendre ce qui est blanc et ce
qui est noir et de tenter d'en arriver à un juste milieu acceptable pour
qu'effectivement on puisse avoir des projets-pilotes qui puissent faire
l'expérience, puisque c'est une expérience. Quand on parle de
projet-pilote, c'est d'abord et avant tout une expérience. Je le prends
comme tel, c'est une contribution très très intéressante,
une ouverture d'esprit qui permet de faire un bout de chemin additionnel et,
compte tenu de l'expérience que vous avez à travers tous les
centres hospitaliers et de tout l'éventail aussi des professions qui ont
à exercer dans chacun de vos milieux, ça me paraît
être un document du milieu qui est très intéressant. Je
tenais à vous le dire, d'entrée de jeu. C'est pour nous
rafraîchissant d'entendre ça ce matin.
Je trouve que ça démarre bien la journée.
Je voudrais peut-être, dans un premier temps, refaire le constat
que tout le monde fait et que vous faites aussi, pour ne jamais l'oublier. Cela
m'apparaît extrêmement important. Malgré l'excellence de
notre bilan à travers le Québec, surtout comparé à
d'autres provinces et à d'autres pays, nous avons un bon bilan, mais
nous avons aussi des faiblesses, comme des bébés de petit poids
que l'on retrouve, de manière plus évidente, dans les milieux
isolés, les milieux défavorisés et aussi chez les
mères jeunes adolescentes. En tout cas, c'est ce qui se dégage
d'à peu près toutes les conversations qu'on a pu avoir, c'est
dans les documents, mais c'est toujours bon de se le répéter,
parce que c'est effectivement vers ces clientèles qu'on doit orienter
notre action et tenter de régler une partie des problèmes qui
subsistent.
On a entendu hier - hier soir aussi, c'était rafraîchissant
parce que, pour la première fois, le corps médical est venu nous
dire qu'effectivement il y avait de la place pour de l'amélioration dans
la relation plus humaine du contact avec la mère ou avec la cellule
familiale qui s'apprête à vivre ce que certains qualifient d'acte
naturel, d'autres d'acte médical. C'est déjà une bonne
partie du débat et je trouve très heureux que la commission
puisse permettre ce genre de débat.
Ma première question va être la suivante. Vous nous dites
qu'il faut, sur le plan de l'encadrement, au milieu local le soin de
régir une bonne partie du fonctionnement du projet-pilote. Je trouve
ça louable. Un projet-pilote ou une expérience de cette
envergure, dans huit endroits différents, ne peut pas fonctionner
à partir de la même organisation. Les principes
d'évaluation et d'encadrement sont importants, mais on doit laisser une
certaine souplesse. Est-ce qu'il n'y a pas quand même un minimum à
donner à la fois aux sages-femmes et au corps médical et qui
serait les deux points suivants - je l'ai dit hier, je le répète
- premièrement, l'autonomie des sages-femmes et, deuxièmement, un
support médical nécessaire? Lorsque je vous ai entendu parler de
la relation, vous avez dit: Bien, on n'est pas si égoïste que
ça, on ne les veut pas uniquement en centre hospitalier. C'est plausible
aussi dans un CLSC pour autant qu'il ait une relation directe avec un centre
hospitalier au cas où des événements malheureux
surviendraient. J'ai compris que vous ne parlez pas uniquement pour votre
chaire, mais qu'il y a de la place pour d'autres dans cette expérience
de projets-pilotes.
Est-ce que l'autonomie de la sage-femme et le support médical ne
sont pas deux conditions minimales pour s'assurer qu'on puisse avoir
véritablement des projets-pilotes et être capables de mesurer
toute la valeur positive ou négative de l'expérience?
M. Favre: Mme la Présidente, je demanderais au Dr Landry
de bien vouloir répondre au ministre.
La Présidente (Mme Marois): Certainement.
M. Landry (Paul): Très brièvement, Mme la ministre.
Je m'excuse, Mme la Présidente. Il s'agit de deux valeurs essentielles,
je pense, pour toute profession et pour tout projet-pilote. D'une part,
l'autonomie d'une profession est ce qui la caractérise. Donc, il faut
très certainement trouver moyen de donner à un intervenant, si on
veut réellement qu'il agisse comme un professionnel, la
possibilité d'exercer son autonomie. D'autre part - et je pense que
notre mémoire est assez explicite là-dessus - on ne saurait avoir
des projets-pilotes sécuritaires et réalisables, compte tenu du
fonctionnement de notre réseau, sans avoir un support de la part des
médecins.
Je pense que c'est souvent une question de degré et on a fait la
preuve dans nos hôpitaux qu'il y a moyen d'avoir des professionnels de
différents types, des infirmières, des physiothéra-peutes,
des travailleurs sociaux qui, tout en gardant leur autonomie professionnelle,
travaillent en équipe avec des médecins. Finalement, cette
dynamique de l'équipe prend un certain temps souvent à se
créer, mais il n'est ni impensable ni impossible de définir des
conditions qui vont favoriser un tel rapprochement et le travail
d'équipe au niveau des hôpitaux à l'intérieur des
projets-pilotes. Les moyens peuvent être multiples. Il s'agit, je pense,
dès le départ - et dans les différents projets les
hôpitaux y verront - de respecter un petit peu les susceptibilités
des différents intervenants. Il y a moyen d'enlever une partie des
irritants pour la profession médicale de voir arriver un nouvel
intervenant, pourvu que ça se fasse en douce. Je pense que les
sages-femmes ont l'habitude d'utiliser des médecines douces ou des
approches douces pour l'accouchement. Alors, avec le temps, dans les milieux
qui vont accepter d'embarquer dans des projets-pilotes, il y a moyen de
repasser les différences et d'en arriver à un travail
d'équipe. Ça ne me semble pas du tout impossible. Ça ne
sera pas facile. De fait, l'avantage d'un projet-pilote, c'est qu'on n'impose
pas une formule mur à mur à tous les hôpitaux, ce sont des
hôpitaux qui, volontairement, vont choisir de s'embarquer dans ces
projets-là. Et je pense que ces éléments-là, si on
se donne le temps de le faire, sont garants de succès.
La Présidente (Mme Marois): Merci.
M. Favre: Mme la Présidente, Mme Desrosiers voudrait
ajouter un complément.
Mme Desrosiers (Gyslaine): En fait, l'essentiel de notre
proposition est à l'effet que, si on évite de proposer un cadre
organisationnel préétabli, la concertation préalable entre
les sages-femmes et les médecins d'un centre hospitalier, ne serait-ce
que pour arriver à s'entendre et à présenter un
projet-pilote à partir d'une grille, d'un devis d'éléments
qu'on propose en modification à l'article 4, fera déjà foi
de cette collaboration éventuelle. Par ailleurs, pour fins de garantie
et peut-être du point de vue gouvernemental à l'effet que ces
projets-pilotes favorisent éventuellement une autonomie acceptable pour
les sages-femmes, nous proposons, à l'article 7, qu'au niveau de
l'approbation comme telle des projets l'autonomie soit le premier
critère et que le deuxième critère soit la
continuité du suivi prénatal et postnatal. Ce qui veut dire que,
de façon pratique, à la suite de la concertation entre
sages-femmes et médecins et de l'approbation d'un conseil
d'administration, par exemple, d'un hôpital, cet
établissement-là soumettrait un projet. Si, par hasard ou par
malheur, les éléments du projet ne sont pas satisfaisants sur le
plan de l'autonomie, le comité provincial que nous proposons comme
mesure d'encadrement de l'ensemble de l'opération pourrait, à la
limite, refuser ce projet-pilote là. C'est le mécanisme qu'on
propose.
M. Côté (Charlesbourg): Je fais un bon bout de
chemin avec vous et je trouve que la proposition a beaucoup de sens. Mais je me
dis: est-ce qu'il n'y a pas quand même un minimum à mettre dans la
loi pour bien s'assurer que ça puisse fonctionner? Est-ce que, par
exemple, l'un des moyens ne serait pas le privilège d'admission?
M. Landry: Mme la Présidente, cette question-là, je
pense, est centrale et fondamentale à l'ensemble du débat. Comme
vous savez, l'organisation hospitalière actuellement repose sur ce
privilège d'admission et de congé. Donner son congé
à un patient est aussi confié en exclusivité aux
médecins. C'est une réalité qui est d'une extrême
importance, parce que, comme vous le savez, un hôpital, c'est
essentiellement un ensemble de lits. L'utilisation que l'on fait des lits a des
impacts majeurs sur l'ensemble des coûts et sur l'organisation de
l'hôpital. Alors, l'introduction du droit d'admission pour les
sages-femmes, si cette commission et le gouvernement retiennent cette
proposition, est un changement majeur dans l'organisation des services
hospitaliers. C'est une option que vous pourriez conserver, mais il y en a
d'autres.
Il y a deux autres options qui peuvent se présenter. La
première serait celle, qui est peut-être un peu difficile, d'une
admission conjointe et, encore là, cela pourrait faciliter la
concertation qu'on souhaitait ou qu'on cherchait à établir dans
la première partie de la question du ministre tantôt. On pourrait
avoir un mécanisme qui permettrait à une femme, qui est enceinte,
d'être admise conjointement. Elle le serait au nom de son médecin
traitant, mais elle serait suivie par une sage-femme qui pourrait
procéder à l'accouchement et, au besoin, si par hasard il y avait
une complication, faire appel au médecin traitant. Le problème
que ça pose, c'est celui de la responsabilité conjointe du
médecin, mais je pense qu'il y a plusieurs médecins qui seraient
certainement prêts, quand la relation de confiance sera établie
avec les sages-femmes, à accepter de partager cette
responsabilité. Encore là, cela va prendre du temps, il va
falloir que les médecins développent une confiance envers les
sages-femmes. C'est sûr que ce serait plus facile si les sages-femmes
étaient d'emblée des infirmières, parce que les
médecins sont habitués de travailler avec des infirmières
en milieu hospitalier et que la relation de confiance existe déjà
entre eux. Il y a beaucoup d'infirmières qui, déjà,
travaillent avec les médecins en milieu obstétrique.
Il y a une deuxième modalité. Ce n'est pas à nous
de décider, on vous les livre à titre d'hypothèses. La
deuxième modalité pourrait être celle d'une admission qui
est faite par le DSP, le directeur des services professionnels. Une admission
purement administrative éviterait de donner un droit d'admission
à un nouvel intervenant, parce que cela, c'est réellement une
brèche dans l'organisation hospitalière. Cela voudrait dire
qu'à la limite, un peu plus tard, vous pourriez donner des
privilèges d'admission à des psychologues, à des
physiothérapeutes, à toute une série d'autres
professionnels. À ce moment-là, le contrôle sur
l'utilisation des lits deviendrait beaucoup plus difficile, parce que cela
changerait le jeu et les rapports de pouvoir, enfin les rapports qui existent
entre les différents intervenants.
Alors, il y a ces trois hypothèses-là. Vous donnez un
privilège d'admission ou il y aurait un mécanisme d'admission
conjointe comme cela existe dans certains hôpitaux. Il y a des
hôpitaux où ce sont les généralistes qui admettent
et le patient est suivi conjointement par le cardiologue, surtout par le
cardiologue, mais le généraliste ou le médecin de famille
est toujours là. Souvent il va faire une visite de courtoisie à
son patient durant son hospitalisation.
La trosième hypothèse qui est plus administrative, plus
prudente, ferait que le DSP admettrait d'emblée ces
parturientes-là qui seraient par la suite suivies et traitées par
une sage-femme. C'est une autre hypothèse.
La Présidente (Mme Marois): m. le ministre,
brièvement, parce que ce serait à l'autre côté
à poser des questions. vous pourriez revenir par la suite.
M. Côté (Charlesbourg): C'est dommage, mais ils vont
faire partie des gens que je consulterai au mois de janvier très
tôt, de manière privilégiée, pour finaliser, parce
que je pense qu'on fait du chemin très intéressant ce matin.
Évidemment, vous avez soulevé le problème de la
responsabilité et vous l'avez évoqué tantôt de
manière très sensée dans votre mémoire.
Effectivement, je ne m'en souviens pas, mais je pense que c'est la
Fédération des CLSC qui a déposé un document disant
qu'il y aurait des possibilités de couverture d'assurances qui vont un
peu à rencontre de ce que vous nous dites ce matin. Cela coûterait
entre 500 $ et 700 $ pour chacune des sages-femmes, sur la foi d'une lettre
déposée par une firme de courtage assez sérieuse. Alors,
il y a un écart quand même assez important et j'aimerais vous
entendre là-dessus. (12 h 30)
M. Favre: Bon, Mme la Présidente, nous administrons,
à l'AHQ, un programme d'assurances au nom des hôpitaux. C'est une
entreprise qui se chiffre par millions, une entreprise éminemment
considérable et, je dirais, éminemment professionnelle. Il y a
des aspects ici que nous, les profanes... On n'entre pas dans des
considérations tout à fait spécialisées. Mais nous
avons avec nous M. Kelly, qui est le directeur des programmes d'assurances. Il
pourrait, en quelques mots, je pense, avant de répondre
spécifiquement à la question posée, peut-être juste
en quelques mots, dire ce qu'est ce programme d'assurances et comment est-ce
qu'il fonctionne pour qu'on le comprenne. C'est une chose que,
généralement, on ignore.
La Présidente (Mme Marois): Bien sûr, et ça
éclairera les membres de la commission parce que cette question est
revenue à quelques reprises, puis là on a différentes
hypothèses devant nous. Allez-y, M. Kelly.
M. Kelly (Carol A. ): Mme la Présidente, en 1986, le 1er
avril 1986, alors qu'on venait de subir, dans l'industrie de l'assurance,
toutes sortes d'anomalies ou de cycles, les hôpitaux se sont
retrouvés sans être capables de s'assurer en ce qui concerne la
responsabilité professionnelle. Il n'y avait aucun assureur, ni au
Canada, ni au États-Unis, ni en Europe, qui voulait assurer les
hôpitaux. Alors, en collaboration avec le ministère, nous avons
mis sur pied une formule, formule qui consiste à ce que les
hôpitaux acceptent une franchise importante par réclamation en
matière de responsabilités.
Le programme a débuté avec une franchise de 2 000 000 $
par réclamation. L'AHQ n'est pas un assureur. L'AHQ a un mandat des
centres hospitaliers pour gérer cette franchise-là. La loi sur
les services de santé exige que les établissements soient
assurés par une police d'assurance de responsabilités civiles et
professionnelles.
Donc, la façon dont nous procédons, c'est que nous avons
un assureur qui couvre l'excédent, c'est-à-dire que l'AHQ
gère la franchise de 3 000 000 $ et l'assureur couvre 3 000 000 $
excédentaires. Ce qui veut dire que les centres hospitaliers sont
assurés présentement pour 6 000 000 $ par réclamation: 3
000 000 $ payables en vertu du fonds. le fonds qui a été
créé, étant donné que l'ahq n'est pas un assureur
et que nous ne devons pas aller à l'encontre de la loi sur les
assurances, est mis en place par le ministère parce que, comme vous le
savez, si plusieurs personnes, au québec, décident de se
regrouper ensemble pour gérer une franchise d'assurances, ils deviennent
assureurs et sont soumis à la loi sur les assurances. donc, pour
éviter ça, c'est le ministère qui fait de
l'auto-assurance, jusqu'à 3 000 000 $, pour chacun des centres
hospitaliers. alors, ce fonds-là est constitué chaque
année, au moyen d'une subvention. la subvention est transmise à
l'ahq et ce fonds-là est déposé, est placé en
attendant qu'on puisse payer les réclamations. les réclamations
sont toutes rapportées au programme des assurances à l'ahq qui
gère entièrement le fonds et qui gère toutes les
réclamations incluant les réclamations ou les montants qui
peuvent excéder les 3 000 000 $ de franchise par réclamation,
autrement dit, l'assureur nous a donné tous les pouvoirs de le faire. et
c'est de cette façon que le programme fonctionne à l'heure
actuelle.
Seulement pour vous donner une petite idée, en fait de
statistiques, jusqu'au 31 mars dernier, nous avons eu, en
responsabilités professionnelles, 620 réclamations. Nous avons
des réserves établies pour 15 000 000 $. Et en plus de ça,
nous avons 45 réclamations concernant les accouchements ou en salle de
travail. Pour ces 45 réclamations-là, nous avons 7 000 000 $ de
réserve à l'heure actuelle. Les réclamations en salle de
travail ou lors d'un accouchement ne sont pas fréquentes, sauf que c'est
le genre de réclamations qui coûtent cher. Sur les 7 000 000 $ que
nous avons à l'heure actuelle, on considère que, soit par manque
d'un équipement, soit par une négligence ou quelque chose de ce
genre-là, nous sommes responsables, que notre pourcentage de
responsabilité pourrait s'établir à 50 % parce que, dans
la majorité des cas, le centre hospitalier est poursuivi conjointement
avec le médecin.
Tenant compte de tous ces facteurs, il faut évaluer l'impact
financier de l'arrivée des sages-femmes en milieu hospitalier. Comme on
l'indique dans le document et contrairement à un autre document qui a
été déposé, l'assureur ne peut pas dire tout
simplement: Je vais augmenter ma prime et je vais couvrir ce nouveau
risque-là. En vertu des articles cités dans notre mémoire,
l'assureur n'est pas obligé d'accepter un nouveau risque, surtout si le
risque n'est pas connu. Pour l'assureur, lui, ce n'est pas compliqué,
c'est: Est-
ce que je vais être obligé de payer quelque chose en bout
de ligne? Et si je suis obligé de payer quelque chose, ce sera combien
et ça vaut tant en primes. C'est purement mécanique et
financier.
Donc, nous avons déjà entrepris les démarches en ce
qui concerne l'assureur de l'excédentaire parce que, dans notre
programme, on ne peut pas couvrir le nouveau risque si l'assureur de la somme
excédentaire ne le couvre pas. Nous avons entrepris des démarches
avec l'assureur de l'excédentaire. Notre assureur malheureusement, n'est
pas un assureur québécois ni un assureur canadien parce qu'il n'y
en a pas qui veulent couvrir les hôpitaux. Donc, c'est un assureur
américain. À l'heure actuelle, aux États-Unis, la prime
par sage-femme est de 20 000 $ par année. Étant donné que
nous avons une franchise de 3 000 000 $, l'impact va être beaucoup moins
fort vis-à-vis de l'assureur de l'excédentaire. Mais ce qui est
important pour l'AHQ, c'est d'évaluer, par des études
actuarielles, quel sera l'impact financier, combien nous aurons à payer
de réclamations, disons, d'ici quelques années ou combien par
année, et quel sera l'impact financier pour le réseau,
finalement, de ce nouveau risque-là. Nous avons commandé des
études actuarielles. On ne peut pas prendre ce qui existe ici à
l'heure actuelle; on n'a pas de chiffres.
Donc, nos actuaires vont aller chercher des chiffres aux
États-Unis et en Europe, ils vont faire des simulations et nous allons
tenir compte du contexte québécois, aussi bien légal que
social et nous allons simuler, pour plusieurs années, l'impact financier
que cela pourrait avoir dans la franchise gérée par les centres
hospitaliers.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. On vous remercie de
ces éclairages. M. le député de La Prairie, s'il vous
plaît.
M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je veux remercier
l'AHQ et la féliciter aussi pour l'excellence de sa présentation.
Je peux vous assurer, Mme la Présidente, qu'il n'y a pas eu de
consultation ces jours derniers entre l'AHQ et moi. Nous sommes, sur quelques
sujets, sur la même longueur d'onde, en particulier en ce qui concerne le
modèle organisationnel.
Comme l'AHQ, Je répète que j'ai la conviction profonde que
des projets-pilotes qu'on voudrait implanter dans un hôpital ou un CLSC,
quant à ça, et qui ne seraient pas acceptés par le
consensus du personnel de l'institution, médecins et infirmières
notamment, mais l'ensemble du personnel, seraient voués à
l'échec. Moi, je pense qu'avec ce mémoire le ministre a un
excellent instrument pour bonifier, améliorer le projet de loi. Je crois
que le modèle unique de l'organisation - j'en ai parlé un peu
hier - est à rejeter. Je pense qu'il faut retenir la suggestion fort
intéressante faite par l'AHQ qui demande l'abolition des articles qui
touchent les modalités structurelles et organisationneiles et proposent,
en contrepartie, un ensemble de conditions précises en vertu desquelles
serait approuvé tout projet présenté par un
établissement de santé.
Je pense que c'est une piste très intéressante. Ça
permettrait aux sages-femmes qui entreraient dans un hôpital ou dans un
CLSC d'éviter ce qui était en train de se créer dans notre
société, soit un climat de tension, pour ne pas dire plus, entre
médecins d'un côté et sages-femmes de l'autre
côté. Pour les sages-femmes qui iraient pratiquer dans un tel
climat, évidemment, ce serait invivable.
Je pense qu'il faut retenir que l'hôpital ou le CLSC où il
y aurait une expérience-pilote devrait avoir la motivation de recevoir
cette expérience-pilote, devrait pouvoir négocier avec un
comité central, un comité consultatif central, peu importe
comment on l'appelle, comme le mémoire le dit ici, les conditions
précises en vertu desquelles serait approuvé un projet-pilote,
laissant place, de cette façon, à une certaine flexibilité
entre un projet qui se déroulerait dans un hôpital et un projet
qui se déroulerait dans un CLSC ou ailleurs. Et, même entre deux
hôpitaux, les conditions pourraient être différentes.
Je pense que le mémoire, je le trouve particulièrement
bien fait et particulièrement pertinent, surtout qu'il correspond
à peu près à 100 % à la position que j'exprimais
hier sur certains points. Je pense que, s'il y a un groupement qui peut
contribuer à améliorer le climat actuel par rapport aux
sages-femmes... Parce qu'il ne faut pas se faire d'illusions! Il y a un climat
de tension entre les sages-femmes, d'une part, et les médecins, d'autre
part. Il ne faut pas faire le jeu de l'autruche et nier qu'il existe. Il
existe. Si on veut que les sages-femmes fonctionnent de façon normale,
comme tout autre professionnel dans un hôpital, durant cette
expérience-pilote, il faut absolument que ce climat soit changé,
et les propositions de l'AHQ, je pense, constituent un très bon
instrument.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le
député. Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui. En fait, pour aller un petit peu dans la
même veine que mon collègue, je suis d'accord avec cette ouverture
d'esprit dans le sens qu'on dit qu'il faut établir un consensus. Je
pense que c'est important d'établir ce consensus. Maintenant,
tantôt, on parlait de garantie d'esprit de collaboration. Là, il
n'y en a pas. On n'a aucune garantie, ni, d'une part, des médecins ni,
d'autre part, des infirmières. On sait que ce qui est mis en cause,
actuellement, c'est la pratique des sages-femmes. Même dans votre
mémoire, en tout premier lieu, vous faites
mention que ce n'est pas nécessairement en établissant une
nouvelle structure qu'on va régler le problème de la
périnatalité.
Donc, où est-elle, cette garantie, d'une part? Est-ce que le fait
que ce sera à l'intérieur d'un hôpital, où il y aura
davantage de médecins et d'infirmières qui participeront
justement aux prises de décisions en ce qui concerne le cadre bien
défini de la pratique, sera une meilleure garantie de collaboration,
à votre avis? Et, comment pourrait-on en arriver à cette garantie
de collaboration? D'autre part, vous n'avez pas touché du tout le volet
des plaintes parce qu'il a été souvent... Oui? O.K. Il a
été souvent dit que les plaintes devront être
acheminées à l'AHQ, en ce qui concerne une "malpratique"
où il arrive des séquelles. Cela a été dit, en tout
cas dans d'autres mémoires, en fait, parce qu'on cherchait à
savoir où devront être acheminées ces plaintes et qui
devront évaluer, finalement, ces plaintes.
Ce qui me fait un peu peur c'est que, lors de certaines
expériences s'il arrive des cas, malheureusement, des cas dramatiques,
pour X nombre de raisons, finalement, on évoque que les projets-pilotes
sont dangereux ou que la pratique de sages-femmes peut être dangereuse.
Et ça me fait peur car, si les mentalités ne sont pas propices
à recevoir justement les sages-femmes et, plus particulièrement,
le monde médical aussi, on les pointera toujours du doigt, on les aura
beaucoup à l'oeil et, finalement, on sera plus "tatillonneux" sur leur
pratique et sur les résultats de la pratique.
Une voix: Mme la Présidente!
La Présidente (Mme Marois): Oui?
Une voix: Est-ce que Mme Desrosiers peut répondre
brièvement?
La Présidente (Mme Marois): Certainement. Je voudrais
juste indiquer à tout le monde qu'on a évidemment terminé
notre temps mais qu'on va prendre encore un petit moment. Il s'agit d'essayer
de se ramasser un petit peu, tout simplement, mais de prendre le temps quand
même, de bien donner l'information à laquelle vous tenez. (12 h
45)
Mme Desrosiers: Mme la Présidente, j'aimerais signaler
qu'avant même que le projet de loi soit déposé, dans les
dernières années, on connaît quelques hôpitaux qui
avaient déjà commencé à négocier avec des
sages-femmes. Il y a même un hôpital de la région de
Québec qui était très avancé dans
l'élaboration d'un éventuel projet-pilote. On en connaît
également un à Montréal et quelques autres
commençaient à s'y intéresser. Donc, avant même que
le projet soit déposé, il y avait déjà des
intentions ou des intérêts indéniables de certains
départements de gynécologie-obstétrique.
Évidemment, avec les manifestations actuelles des organisations
médicales, je ne sais pas si ces intentions-là vont se
poursuivre, mais toujours est-il qu'elles existaient. Des sages-femmes avaient
réussi à communiquer avec des départements et avaient
déjà élaboré des ébauches de projets-pilotes
fort substantielles. Ce qui veut dire qu'a priori on pense qu'il y a une
concertation possible, tout au moins afin d'en arriver à élaborer
un projet-pilote.
Donc, ce qu'on suggère, c'est qu'il y ait des garanties de
volontariat de projets-pilotes. Et cette garantie-là c'est,
éventuellement, pour favoriser l'émergence de ces
intérêts, de ne pas leur proposer de modalités
organisationnelles a priori. Mais je répète ce qu'on disait
tantôt, c'est que, si vous voulez vous donner des garanties, en termes de
champ de pratique, ou d'autonomie, ou de type de projet, ces garanties ne
devraient pas être au niveau des garanties organisationnelles, mais au
chapitre des modalités d'approbation des projets-pilotes. Advenant qu'il
y ait foule, émergence de 20 établissements voulant des
projets-pilotes - je caricature - le...
La Présidente (Mme Marois): Pourquoi pas?
Mme Desrosiers: ...comité provincial d'évaluation
et de suivi des projets-pilotes qu'on suggère pourrait évaluer,
au mérite, les projets présentés et les conditions
organisationnelles dans lesquelles ils désirent opérer pour
savoir si c'est satisfaisant sur le plan des garanties d'autonomie de pratique,
sur le plan de la continuité du suivi, etc. C'est ce qu'on
suggère. Concernant les mécanismes de plaintes, peut-être
ici que notre aviseur juridique pourrait vous dire qu'on fait des suggestions
fort précises dans notre mémoire là-dessus, parce qu'il
doit y avoir, évidemment, des contrôles de qualité de la
pratique.
M. Bourbonnais (Pierre): En fait, c'est un petit peu ce qui
surprend dans le projet de loi 4, quand on connaît les mécanismes
autant en ce qui concerne le système des hôpitaux qu'en
matière de régime professionnel, ce peu d'attention qui leur est
accordé dans le cadre du projet de loi 4. Il me semble, bien qu'on ne le
souhaite pas, qu'une loi qui viendrait régir la pratique des
sages-femmes, même dans le cadre d'un projet-pilote, devrait toucher,
normaliser cette question. Nous suggérons une approche dans notre
mémoire. Mais notre message est à l'effet qu'il devrait y avoir
des dispositions précises qui permettraient d'intervenir, pour
l'établissement, lorsqu'il y a des conduites qui ne sont pas acceptables
pour une sage-femme.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Oui, madame.
Mme Lajoie (Mireille): J'aimerais peut-être rajouter, par
rapport à la garantie future du maintien du travail de la sage-femme,
qu'il faut peut-être se rappeler et ne pas oublier que la nature du
travail de la sage-femme doit être différent de la nature du
travail de l'obstétricien. C'est la définition même du
travail de sage-femme. Elle doit s'adresser à une personne non seulement
pendant l'accouchement, mais, surtout et avant tout, avant l'accouchement et
après l'accouchement. Je pense que si on est capable d'Illustrer la
capacité d'une sage-femme d'intervenir auprès de
clientèles plus défavorisées, parce que c'est
habituellement vers cette clientèle-là qu'on dirige nos actions
si on veut diminuer les bébés de petit poids et les risques
reliés à des maternités qui sont moins assumées, on
va pouvoir démontrer que le travail même de la sage-femme, il est
distinct.
Il n'est pas en compétition avec le travail de
l'obstétricien, mais il s'adresse à des clientèles
peut-être différentes et dans un objectif différent. Alors,
je pense que si on arrive à le démontrer, la garantie va
être là.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Dr Lajoie. Ça
va? Oui, M. le député de Fabre.
M. Joly: Brièvement, Mme la Présidente. Je
brûle d'envie de poser une petite question. En fait, dans l'ensemble, on
semble supporter, de par le contenu du mémoire, l'idée qu'on
aille de l'avant avec un projet de loi, du moins c'est ce que votre
association, disons, démontre. Sauf que, dans une partie de votre
mémoire, il y a une petite douche d'eau froide qui est jetée en
ce qui concerne la responsabilité civile et professionnelle où on
lance un chiffre de 2 500 000 $ de prime d'assurance. Si on regarde le projet
comme tel, on dit que ce sera établi dans huit endroits
différents et qu'il y aura une possibilité, peut-être,
d'une cinquantaine de sages-femmes. Partant de là, avec la
capacité maximum qu'une sage-femme a, de par la qualité des soins
qu'elles nous ont démontrée, soins qu'elles donnaient et qu'elles
donneraient autant avant, pendant et après, on arrive à une
capacité maximum de 2500 enfants qui naîtront par le biais du
concours des sages-femmes. Si on prend un montant de 2 500 000 $ et qu'on
divise ça par 2500 enfants, on en arrive à une prime de 1000 $
par enfant au chapitre du risque.
Je pense qu'on a été excessivement prudents ou qu'on a
démontré une peur démesurée pour en arriver
à dire que, comparativement aux États-Unis où on dit qu'on
demande 20 000 $ de prime, c'est rendu qu'on demande aux sages-femmes du
Québec 50 000 $ de prime, parce que c'est 50 enfants multipliés
par 1000 $. Mon raisonnement, ce qui m'amène à vous soumettre ces
chiffres, c'est que je me demande s'il n'y a pas eu une peur
démesurée ou si c'était volontaire d'en arriver à
donner un chiffre de 2 500 000 $.
La Présidente (Mme Marois): Oui, s'il vous
plaît.
M. Kelly: mme la présidente, tout d'abord, tel
qu'indiqué dans notre mémoire, nous sommes en train de faire
faire les études actuarielles. la seule chose que je vais ajouter ici,
c'est qu'à ce chapitre si on a seulement une réclamation par
année pour un enfant à la naissance, par exemple, qui devient
quadriplégique, bien, c'est une réclamation qui,
vérifiée par la jurisprudence, vaut 2 400 000 $. qu'il s'agisse
d'un enfant, d'une réclamation par année comme ça,
et...
M. Joly: Je ne suis pas contre ça. Je ne voudrais pas
qu'on règle la réclamation avant qu'elle arrive.
M. Kelly: D'accord.
M. Joly: Je voudrais qu'on s'entende sur ce que ça
coûte vraiment comme risque, à savoir: Est-ce que chez nous, au
Québec, ça sera 50 000 $ par sage-femme pendant qu'aux
États-Unis c'est 20 000 $, d'après ce que vous dites, même
si elles sont assistées par des médecins, alors qu'on sait qu'ici
au niveau professionnel, ça coûte en moyenne entre 10 000 $ et 13
000 $ pour les spécialistes? Donc, il y a des choses qui sont
reflétées et qui, à mon sens, auraient peut-être
dû être vraiment investlgées avant d'être
extrapolées.
La Présidente (Mme Marois): Je crois que Mme Desrosiers
veut donner un complément.
Mme Desrosiers: Je voudrais peut-être faire des petits
correctifs, Mme la Présidente. En fait, ce qu'on a exprimé ce
n'est pas notre inquiétude à nous. Nous, l'Association des
hôpitaux, si on supporte l'idée de projets-pilotes c'est qu'on a
confiance qu'éventuellement ils pourraient faire une
démonstration favorable. Ce qu'on a dit, c'est qu'indépendamment
même de l'arrivée de projets de sages-femmes, on a eu, par le
passé, des difficultés à avoir des assureurs
intéressés. Donc, ce qu'on vous exprime, c'est
l'inquiétude qu'on connaît des assureurs, et ce qu'on vous a
exprimé, ce sont deux mécanismes différents. En fait, il
faut prévoir des fonds pour couvrir les réclamations
éventuelles et c'est ce fonds qui se chiffre par millions,
éventuellement. C'est une réserve actuarielle qui est à
prévoir. Si le gouvernement désirait ne pas la mettre maintenant
et dire: La journée où il y en aura une on la paiera... Mais, en
fait, ce qu'on dit, c'est que les millions ne sont pas au chapitre de la prime,
ils sont au chapitre des réserves actuarielles pour la gestion de notre
franchise.
L'autre élément concernant la prime qui
sera exigée par l'assureur de l'excédentaire, on n'en
connaît pas l'importance exacte. On vous a donné un exemple de la
prime qui est en vigueur aux États-Unis et, encore là, ce sont
des mécanismes. L'évaluation des risques par lès assureurs
ne met pas en cause la compétence des sages-femmes, aucunement.
Strictement en termes de statistiques concernant les poursuites
éventuelles, selon l'expérience acquise actuellement en
Amérique du Nord concernant des poursuites éventuelles pour un
bébé qui aurait des problèmes à la naissance, ce
sont des réclamations qui se chiffrent par millions, c'est tout. En
fait, nous, le principe est que, comme employeur, on serait
éventuellement oblige de les couvrir dans le cas où elles
seraient nos employés. Ce n'est pas une inquiétude qu'on veut
exagérer ou une douche froide, aucunement. On voulait simplement
sensibiliser la commission à cet aspect qui doit tout simplement
être pris en compte.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui, M. le
président.
M. Favre: Mme la Présidente, puis-je ajouter qu'on dit
bien souvent que "plaie d'argent n'est pas mortelle". Il faudrait donc que le
projet ou les projets-pilotes ne soient pas mis à mort à la suite
de constatations qui sont un peu inquiétantes, il est vrai. Mais, d'un
autre côté, il ne faut pas oublier que les assureurs, lorsqu'ils
voient arriver des projets-pilotes, s'interrogent sur les risques. Ils se
disent: Pourquoi fait-on des projets-pilotes? C'est peut-être parce qu'on
n'a pas toutes les garanties, au départ. J'ai l'impression que c'est
quand même un peu la réalité que nous vivons aujourd'hui.
Les assureurs, Mme la Présidente, sont là, vous le savez, pour
faire certains profits.
La Présidente (Mme Marois): C'est la règle du jeu,
semble-t-il.
M. Favre: Donc, nous sommes obligés de dialoguer avec eux,
et ce n'est pas facile. On a expliqué le climat dans lequel
l'association a construit un climat de confiance et disons qu'on est
obligés de tenir compte de cette réalité.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Ça va.
Peut-être que mon collègue...
M. Gautrin: Moi, je voudrais profiter...
La Présidente (Mme Marois): Oui, très
brièvement, si vous me le permettez.
M. Gautrin: Très brièvement, je voudrais profiter
du fait que le président de l'Association des hôpitaux est un
ancien doyen de la Faculté des études supérieures pour
poser une question sur la formation des sages-femmes. Autrement dit, comment
voyez-vous la formation des sages-femmes par rapport à la formation en
sciences infirmières? Est-ce que c'est une spécialisation de
deuxième cycle des sciences infirmières? Est-ce que c'est au
niveau du premier cycle pour vous? Est-ce que ce serait plus au niveau de la
formation en Faculté de médecine? Je voudrais avoir vos
commentaires sur la formation des sages-femmes telle que vous la verriez, vous,
comme directeur et, bien sûr, ancien doyen de la Faculté des
études supérieures de l'Université de Montréal.
M. Favre: Mme la Présidente, on me demande ici de quitter
mon chapeau, de le virer de 60 degrés pour revenir à
l'université à laquelle j'appartiens, évidemment. Bon,
cette question est abordée souvent et, moi, je dirais, en fait, que
justement les projets-pilotes sont là pour nous éclairer. On n'a
pas véritablement, disons, d'idées extrêmement
précises. D'autre part, je pense que, lorsqu'on se sera fait une
idée, il faudra que les universités... Il y a une chose, je
pense, qui est claire, c'est qu'il faudra que ce soit de niveau
universitaire.
M. Gautrin: Premier cycle ou deuxième cycle?
M. Favre: Oh! Commençons par le premier cycle et on verra
par la suite si, disons, c'est de deuxième cycle. Il faut faire
attention; l'inflation nous est commune au Québec. Si c'est
déjà de niveau universitaire, avec une bonne préparation
dans les cégeps, comme ça se fait pour un programme en
santé, avec par la suite, disons, des internats ou des contrôles
professionnels une fois qu'une corporation sera érigée, je dirais
qu'on aurait là les éléments. Mais c'est
prématuré pour le moment de dire exactement comment ça va
se faire, parce qu'il y a deux éléments. D'abord, il y a les
universités; ensuite, il y a les corporations professionnelles. Les
ordres professionnels sont là pour surveiller l'arrivée à
la pratique professionnelle et surveiller la pratique professionnelle. On ne
peut donc pas anticiper et décider a priori que ça devrait se
faire comme ci, comme ci, comme ça. Mais c'est
l'expérience-pilote, Mme la Présidente, qui devrait nous aider,
nous guider afin de voir clair dans ce dossier.
La Présidente (Mme Marois): Merci d'avoir mis cet autre
chapeau. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier.
Comme vous voyez, on a débordé, mais c'est parce que c'est
assurément très intéressant. C'est une très bonne
contribution et on se
reverra très tôt, au début du mois de janvier, pour
achever la rédaction de ce que sera le projet de loi.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie d'être
venus.
J'inviterais maintenant, sans plus de préambule, le Conseil des
affaires sociales, s'il vous plait, à prendre place, les
représentants du conseil. je vous préviens dès maintenant,
pendant que le changement se fait, que c'est un nouveau mémoire pour le
conseil des affaires sociales. j'imagine que vous l'avez par-devers vous, le 22
m.
Alors, si les membres de la commission veulent bien reprendre leur
siège, s'il vous plaît. Comme nous avons pris un peu de retard,
sans vous bousculer, j'aimerais que l'on puisse procéder.
Alors, Mme la présidente, si vous voulez nous présenter
les personnes qui vous accompagnent et ensuite procéder à la
présentation de votre mémoire. (13 heures)
Conseil des affaires sociales
Mme Blanchet (Madeleine): Alors, Mme la Présidente, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, j'aimerais vous
présenter les personnes qui vont représenter le Conseil des
affaires sociales.
À ma droite, Mme Solange Fernet-Gervais. Mme Fernet-Gervais est
membre du Conseil des affaires sociales depuis de nombreuses années.
Elle a oeuvré principalement dans les milieux du bénévolat
et a été présidente d'associations féminines aussi
prestigieuses que l'ACFAS au moment où l'ACFAS examinait la question des
sages-femmes. Elle est mère de sept enfants et grand-mère de onze
petits-enfants, dont un certain nombre ont été accouchées
par des sages-femmes.
À ma gauche, Hélène Valentini, qui est agente de
recherche au Conseil des affaires sociales. Hélène a
préparé avec le Conseil l'avis que le Conseil avait fait
antérieurement et elle a préparé également la
matière que nous allons vous présenter aujourd'hui, bien entendu,
avec le reste du Conseil des affaires sociales. Hélène aussi a eu
deux enfants, dont un tout récemment. Dans les deux cas, l'accouchement
a été fait par une sage-femme. Alors, vous voyez que vous avez
ici de quoi poser des questions peut-être d'ordre tout à fait
pragmatique sur la pratique des sages-femmes.
Sans plus tarder, vous avez devant vous un mémoire qui a
déjà été présenté le 6
décembre par le Conseil des affaires sociales. Mais, si vous permettez,
je vais le résumer et je vais tenter de rester tout à fait dans
les limites qui nous sont allouées.
Les travaux de cette commission se déroulent au moment où
toute la société québécoise s'Inquiète de
son avenir démographique, devant le faible taux de natalité qui
la caractérise. Il est donc de toute première importance que les
couples qui attendent actuellement un enfant ou qui planifient la venue d'un
enfant puissent vivre l'expérience de la maternité dans un climat
de sérénité et l'accouchement dans la joie. Or, l'accent
mis au cours des dernières années sur la notion du risque de la
maternité et de l'accouchement produit l'effet suivant: celui de
créer chez les femmes enceintes un climat de crainte et même
d'angoisse. Vous comprendrez avec moi que cette notion de risque offre peu de
chances d'encourager les couples à mettre au monde un grand nombre
d'enfants.
Ainsi, une recherche récente de la sociologue Anne
Quéniart, de l'Université du Québec à
Montréal, montre que le sentiment dominant chez les femmes enceintes est
un sentiment d'anxiété vis-à-vis de la maternité et
de l'accouchement et encore plus vis-à-vis de l'état de leur
enfant. C'est dans ce climat d'idées, ce courant d'idées
axé sur le risque et l'interventionnisme... Est-on vraiment en train
d'oublier que le processus de l'enfantement, après tout, est
parfaitement normal, physiologique et que ça n'est certainement pas une
maladie?
La sage-femme, c'est là son intérêt, c'est celle qui
incarne cette conception positive de la maternité. La maternité
réussie, c'est beaucoup plus qu'un enfant et une mère qui
survivent à l'accouchement. C'est aussi l'occasion d'un
épanouissement lié à la participation active de la
mère à l'acte de la naissance. Ce que les femmes qui ont
été accompagnées par une sage-femme tout au long de leur
grossesse et de leur accouchement et de leur suite de couches ont surtout
apprécié chez cette professionnelle, c'est sa
disponibilité, le temps qu'elle consacre à expliquer le processus
de l'accouchement, à assister la future mère, du début des
contractions jusqu'à la naissance du bébé. Pendant le
travail, elles ont aimé, disent-elles, le réalisme, la prudence
et le sérieux de ces sages-femmes. Si elles avaient un autre enfant,
elles souhaiteraient de nouveau être accompagnées d'une sage-femme
et de nouveau être maîtres d'oeuvre de la naissance de leur enfant.
Donc, aide et support par opposition à contrôle et
intervention.
Le Conseil est fermement convaincu que les progrès futurs que
fera le Québec dans le domaine périnatal dépendront
essentiellement de la prise en compte des aspects sociaux et psychologiques de
la maternité, tout autant que ses aspects biologiques et
médicaux. En 1973, le ministère de la Santé et des
Services sociaux se fixait comme objectif d'une part de diminuer de
moitié les mortalités périnatales et d'autre part de
ramener le pourcentage de naissances avant
terme et d'enfants de faible poids au niveau de celui de la
Suède, c'est-à-dire à 4 %. Quinze ans plus tard,
l'objectif de la diminution de la mortalité était atteint: d'un
taux de 17, 9 % en 1970, le taux est passé à 8, 2 % en 1988,
alors que pour les naissances avant terme et les enfants de faible poids,
l'objectif est loin d'être atteint. En 1970, le pourcentage de ces
naissances était de 8, 3 % et il s'élève encore à
6, 9 % en 1988. En nombre absolu, il s'agit de 6000 nouveau-nés et c'est
ça qui nous préoccupe le plus.
Ces problèmes de prématurité et de faible poids -
le ministre l'a évoqué - demeurent très
élevés. Nous sommes au quinzième rang des pays de
même niveau socio-économique que le nôtre pour cet
indicateur et les naissances à moins de 2000 grammes, qui sont celles
qui contribuent te plus à la morbidité et à la
mortalité périnatale, n'ont pas diminué de façon
sensible depuis 1979. On sait que certains quartiers défavorisés
de Montréal ont un taux de bébés de petit poids à
la naissance supérieur à celui de plusieurs pays du tiers monde:
Pointe-Saint-Charles, 12, 9 %; Centre-sud, 11, 5 %; Saint-Henri, 10, 9 %, et
ceci, en dépit de l'excellence des services spécialisés et
malgré l'accès universel à ces services. On doit constater
l'impuissance du réseau des services de santé et des services
sociaux à rejoindre les clientèles d'adolescentes et de femmes
issues de milieux défavorisés.
Selon le Dispensaire diététique de Montréal, il
s'agit de 25 000 Québécoises issues de milieux à faibles
revenus qui deviennent mères chaque année et près de 4000
d'entre elles sont des adolescentes. Pour ces femmes, la
nécessité d'une approche globale ne fait aucun doute: elles ont
besoin d'aide, de soutien psychologique, de suppléments alimentaires
même, tout autant que des examens habituels de la surveillance
médicale. C'est ici, nous semble-t-il, que la sage-femme pourra jouer un
rôle primordial en assurant la continuité des soins et en
apportant l'aide psychologique et sociale dont elles ont besoin. Les
sages-femmes entreront dans les familles, dans les maisons, tout comme le
médecin le faisait auparavant.
Les services de sages-femmes toucheront des femmes vivant des conditions
socio-économiques diverses, mais c'est aussi auprès des femmes
issues des milieux défavorisés que le rôle de ces
professionnelles sera important. C'est pourquoi le rapport sera très
apprécié dans les équipes multidisciplinaires comme on en
retrouve dans les CLSC. Ces équipes pourront alors déployer avec
encore plus d'efficacité leurs efforts pour rejoindre les adolescentes
et les femmes enceintes qui échappaient jusqu'à maintenant aux
rencontres prénatales.
C'est aussi au moment de la naissance que le soutien accordé par
la sage-femme est particulièrement apprécié des femmes. La
présence constante, je le répète, de la sage-femme depuis
le début des contractions jusqu'à la fin de l'accouchement, ses
conseils et son art permettent à celles qui ont choisi d'accoucher
naturellement, sans aucune intervention, de recevoir le soutien
nécessaire pour traverser sans encombre cette étape cruciale de
la vie d'une femme.
Au cours des dernières années, les restrictions
budgétaires ont réduit le personnel affecté à la
surveillance des femmes en travail. Cette surveillance est assurée
souvent par des appareils de monitorage du coeur foetal qui sont reliés
à un poste de contrôle où se trouvent une ou plusieurs
infirmières. Si certaines femmes peuvent se trouver rassurées par
l'usage de cet appareil, on ne peut pas affirmer que cette façon de
faire soit idéale lorsque la grossesse est absolument normale et
qu'aucune complication n'est prévue. Cette façon de voir du
risque présumé est tellement omniprésente que les femmes
dont la grossesse et l'accouchement se déroulent de nos jours sans
complication représentent actuellement des exceptions.
Les membres de cette commission ont pris connaissance des taux
élevés d'interventions au Québec. Peut-être ne
savent-ils pas que ces taux varient considérablement selon les
régions, sans que l'état de santé des femmes ne soft en
cause. Ainsi, en moins de dix ans, le pourcentage d'accouchements
présentant des complications a considérablement augmenté,
passant de 72, 3 % à 83 %. Cette situation ne peut s'expliquer, comme on
l'a déjà proposé, par une plus forte proportion de
naissances chez les femmes de 35 ans et plus, parce que pendant ces
années-là le pourcentage n'a augmenté que de 5 %. Par
ailleurs, en ce qui concerne les différentes formes d'anesthésies
administrées lors de l'accouchement, près de neuf femmes sur dix
accouchent sous anesthésle générale, épldurale ou
locale. Bien que l'anesthésie générale soit en
légère régression, l'anesthésie épidurale
est en progression constante.
En 1986-1987, une femme sur quatre a donné naissance sous
épidurale et l'épidurale est utilisée, pour un
accouchement sur deux dans les régions de Québec et de l'Estrle,
cette forme d'anesthé8le étant pratiquement inconnue dans
d'autres régions telles que l'Outaouais, Laurentides-Lanaudière,
la Gaspésie, alors qu'on sait que l'épidurale est tout à
fait indiquée dans les cas de césariennes.
Même si on observe une légère diminution de
l'utilisation des ventouses et des forceps, il n'en demeure pas moins qu'en
1987-1988 presque une femme sur cinq a été accouchée
à l'aide de forceps ou de ventouses. Et les régions où
l'on observe les plus hauts taux d'anesthésie péridurale sont
aussi celles où on enregistre les plus forts taux de forceps et de
ventouses.
Quant au taux de césariennes, il est passé de 16, 3 %
à 19, 5 % dans les cinq dernières années. Toutes les
régions du Québec ont connu
une augmentation au cours de cette période, les régions
éloignées ayant enregistré la plus forte croissance. Les
taux de césariennes varient beaucoup selon les régions, allant
d'un taux relativement faible de 12 % en Estrie, taux qui se situe dans les
limites recommandées par i'OMS et également par la Corporation
des médecins, à un taux fort élevé de 22 % au
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Et, ici, je vais vous dire une chose qui est assez stupéfiante.
C'est que le taux de mortalités périnatales dans ces deux
régions est exactement le même. Alors, ça nous laisse assez
surprises de voir qu'on peut avoir des variations aussi considérables
dans les taux d'Intervention pour exactement le môme résultat. On
assiste donc non seulement à l'invasion des technologies, mais
également à leur utilisation en cascade. L'épidu-rale
entraîne l'utilisation de forceps ou de ventouses et l'utilisation de
ceux-ci entraîne l'épisiotomie.
Tout ceci montre à quel point la pratique obstétricale des
dernières années a été marquée du sceau de
l'interventionnisme. L'intégration des sages-femmes dans les
équipes périnatales pourra contribuer, nous semble-t-il, à
modifier certaines de ces pratiques. Pour s'en convaincre, si on examine la
comparaison entre le Québec et les Pays-Bas que vous pouvez voir
à l'annexe, page 21, annexe qui figure ici à la fin, vous voyez
que dans le cas des Pays-Bas, les taux de mortalité du Québec et
des Pays-Bas sont assez comparables et le taux de césariennes est trois
fois plus élevé au Québec qu'aux Pays-Bas, et
également le taux d'extractions manuelles. Et même, au risque d'en
surprendre plusieurs, on sait qu'aux Pays-Bas il y a quand même 35 % des
accouchements qui ont lieu à ta maison.
En définitive, le Québec a franchi, au cours des quinze
dernières années, une étape importante dans la lutte
contre la mortalité périnatale. Mais maintenant, ce qu'il lui
reste à faire, c'est de s'attaquer aux facteurs sous-jacents des
maladies du nouveau-né, soit la naissance avant-terme ou la naissance
d'enfants de petit poids. À cette fin, l'accent mis, au cours des
dernières années, sur le risque médical doit céder
le pas à une approche globale qui considère à la fois les
risques sociaux et les risques biomédicaux.
En outre, la tendance actuelle pousse à prendre en
considération le côté humanitaire et personnalisé de
la naissance et d'ajuster ainsi la pratique aux besoins et aux aspirations de
chaque couple. C'est pourquoi le Conseil croit que l'intégration de la
sage-femme au système de soins viendra compléter heureusement la
panoplie des services offerts actuellement. Dans une société
pluraliste comme le Québec d'aujourd'hui, offrir cette option aux femmes
et aux couples qui la désirent ne peut qu'être favorable à
l'accueil à la vie dans un climat de confiance et de
sérénité.
J'aborderai maintenant certains aspects du projet de loi. Le Conseil est
très heureux de constater, M. le ministre, que vous êtes
prêt à apporter des modifications substantielles au projet actuel.
À notre avis, il y a quatre omissions importantes. La première
concerne la légalisation de la profession de sage-femme. Seule la
légalisation peut protéger le public contre les pratiques
clandestines qui risquent de se perpétuer. En outre, la pratique dans le
cadre des projets-pilotes ne permettrait qu'à un nombre limité de
femmes de bénéficier de ce service. La demande actuelle pour les
services de sages-femmes ne serait donc pas nécessairement
comblée. Pendant plusieurs années, il y aurait deux types de
sages-femmes: celles qui pratiquent dans la légalité et celles
qui pratiquent dans l'illégalité. En définitive, deux
types de femmes: celles qui accouchent librement et celles qui sont
confinées à la clandestinité. (13 h 15)
La deuxième omission a trait à la formation et à
l'actualisation des connaissances. On sait que les sages-femmes actuellement en
pratique ici ont une formation de niveau inégal en raison du fait que
l'exercice de la profession n'a pas encore été
réglementé. Il faut donc prévoir un mécanisme de
formation et d'actualisation des connaissances qui permettrait d'assurer une
qualité de soins uniforme, quel que soit le lieu de pratique et ce, pour
toutes les sages-femmes en exercice. Il faut s'assurer que cette formation soit
au niveau de celle qui fait l'excellence des sages-femmes dans la
Communauté économique européenne.
La troisième omission a trait à l'absence des CLSC du
projet de loi. Le Conseil croit que c'est en diversifiant les lieux de pratique
que l'on pourra déterminer le contexte d'exercice le plus propice, celui
où la science et l'art de la sage-femme pourront le mieux être au
service des femmes et des couples.
En effet, pour nous, les projets-pilotes de la loi ne sont pas une fin
en soi. Ils constituent surtout un moyen pour faciliter l'interaction entre les
professionnels concernés et examiner comment peut se faire cette
intégration de la sage-femme dans une équipe périnatale.
Ces projets permettront aussi de vérifier l'atteinte des objectifs que
se fixe le ministère en matière de périnatalité, la
diminution des naissances avant terme, les enfants de faible poids, la
réorientation de l'approche vers une conception plus normale de la
maternité ainsi que la baisse des taux d'intervention sont les plus
urgents à poursuivre.
Les CLSC présentent le grand avantage de pouvoir cibler des
clientèles ayant des caractéristiques particulières et qui
permettent, entre autres, de rejoindre plus facilement des femmes de milieux
socio-économiques défavorisés. Les CLSC devraient pouvoir
présenter plusieurs
types de projets-pilotes. D'une part, ils pourraient offrir des services
de sages-femmes couvrant l'ensemble de la période périnatale,
à l'exception de l'accouchement qui se déroulerait en milieu
hospitalier. D'autre part, ils pourraient mettre sur pied une maison des
naissances physiquement indépendante mais administratfve-ment
rattachée au CLSC. Dans les deux cas, ils devront conclure des ententes
de service avec un centre hospitalier.
Autre absence du projet de loi: un mécanisme d'information et de
sensibilisation des corps professionnels, des institutions et du public. Chaque
projet-pilote devrait obligatoirement avoir un volet information, ceci afin de
faire fondre certains préjugés et de mieux faire connaître
le travail des sages-femmes.
En ce qui a trait à l'évaluation des compétences
des sages-femmes, le Conseil adhère au fait qu'elles soient
évaluées par un comité multidisciplinaire d'expertes et
d'experts indépendants des établissements, composé de
trois sages-femmes, d'un médecin et d'une infirmière. Là
présence des trois sages-femmes exerçant leur métier selon
la définition internationale des sages-femmes, comme le propose le
projet de loi, constitue une garantie de respect des caractéristiques du
champ de pratique de cette profession. Le Conseil considère cependant
que cette évaluation doit être offerte à toutes les
sages-femmes, qu'elles pratiquent ou non dans le cadre de projets-pilotes. en
terminant, rappelons que la démarche suivie en ontario est la suivante.
on y mène de front trois actions: d'abord, la légalisation de la
profession. soulignons que le projet de loi sera en deuxième lecture, au
printemps prochain. deuxièmement, la formation de sages-femmes. à
cet égard, a été créé, en juin dernier, un
comité dont le mandat comprend notamment l'actualisation des
connaissances des sages-femmes en exercice et la formation des futures
sages-femmes. enfin, la création, en troisième lieu, de maisons
des naissances qui sont affiliées à certains centres
hospitaliers.
L'Ontario privilégie les maisons des naissances affiliées
à des centres hospitaliers comme lieu d'implication de la pratique
sage-femme, ceci afin d'éviter de bousculer la pratique
obstétricale en milieu hospitalier et, également, peut-être
surtout encore, de permettre aux sages-femmes d'exercer en protégeant le
mieux leur autonomie.
En conclusion, Mme la Présidente, le Conseil propose quatre
importantes modifications au projet de loi. La première, c'est la
légalisation de la profession de sage-femme pour que cesse la
clandestinité actuelle; l'établissement d'un mécanisme de
formation pour toutes les sages-femmes, des projets-pilotes en CLSC et,
finalement, ia création d'un comité provincial qui assurera la
bonne marche de l'ensemble du projet.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, Mme la
présidente. Comme vous le voyez, notre temps fond comme neige au soleil,
alors on va essayer d'être un peu serré dans les questions. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Évidemment, on ne fera pas le tour de tout ce dont on
a déjà discuté, je pense qu'il y a des lieux communs, il y
a des différences, aussi, sur le plan des positionnements. Vous
évoquez la reconnaissance légale de la sage-femme, ce qui est un
point extrêmement important, et vous craignez que, par les
projets-pilotes, on ne se retrouve avec deux catégories de sages-femmes:
une qui pourra travailler dans un milieu légal, donc reconnu par les
projets-pilotes, et d'autres à l'extérieur. Il faut être
clair. Il n'y aura que du légal. Il y aura un bassin de sages-femmes
auxquelles pourront se référer des projets-pilotes qui seront,
eux, reconnus par le gouvernement en termes d'exercice, point final à la
ligne. C'est justement pour tenter de régler le problème qu'on
vit aujourd'hui qu'on doit aller dans cette direction.
En prenant connaissance du mémoire, il m'est venu une question.
On a dit: Bon, parfait, pas uniquement dans les centres hospitaliers, aussi
dans les CLSC. Je pense que c'est devenu une évidence, maintenant, que
nous devrons élargir la portée et inclure les CLSC dans nos
possibilités. Ce que je comprends, à la page 9, on y volt la
période qu'on a appelée "avant", donc qui pourra se faire
à l'extérieur; le pendant, pour vous, que ce soit en CLSC ou en
centre hospitalier, devra toujours se faire dans des conditions optimales de
sécurité pour la santé de la mère et de l'enfant.
Est-ce que ça n'élimine pas, du même coup, le
côté qu'on pourrait qualifier d'illégal, de sages-femmes
qui accoucheraient à la maison?
Mme Blanchet: Je pense, M. le ministre, que vous avez très
bien compris comment on pourrait assurer la continuité dans l'action des
sages-femmes, une sage-femme qui ferait partie d'un personnel de CLSC,
privilège d'accouchement en milieu hospitalier avec médecin qui
s'entend avec elle de façon qu'elle puisse accompagner la personne
qu'elle a déjà vue en CLSC, qui serait également,
évidemment, vue par un médecin. Il s'agit d'une combinaison telle
qu'on la trouve beaucoup dans les pays Scandinaves. Après, à la
suite des couches, retour à la maison et retour avec la sage-femme.
Comme vous le dites, ce serait tout à fait idéal, à notre
avis.
Le point que nous faisions valoir dans notre mémoire, c'est que
les CLSC s'adressent à l'ensemble de la population, mais ils s'adressent
également à des milieux très très
défavorisés. Si
nous avons le temps, Mme Fernet-Gervais voudrait vous faire part d'un
projet qui ressemble tout à fait à ça et qui existe dans
la région de Trois-Rivières.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, allez.
Mme Fernet-Gervais (Solange): Disons que c'est le CLSC voisin de
chez moi, ça veut dire le CLSC des Chenaux, qui a déjà,
depuis deux ans, demandé l'expérience d'un projet-pilote et -
ça m'a été garanti ce matin, parce que je voulais bien
vérifier - M. le directeur Lebel serait prêt, demain matin,
à commencer le processus d'engagement d'une négociation avec les
hôpitaux pour des contrats de service. Son équipe
multidisciplinaire est très prête à vivre
l'expérience. Quand je parle d'une équipe multidisciplinaire, ce
sont tous les gens au moment de la grossesse, au moment de l'accouchement et du
suivi. Considérant maintenant les nouveaux champs - je suis aussi membre
du conseil d'administration d'un CLSC - la nouvelle orientation
vis-à-vis des clientèles à risque, je pense qu'on arrive
à vouloir intentionnellement régler des problèmes
vis-à-vis de bébés de petit poids et autres
problèmes sort avant, pendant et après l'accouchement. Avec des
familles à risque et avec des enfants en difficulté, on pourrait
réussir, je pense bien, avec une nouvelle orientation de la pratique,
à combler beaucoup de ces problèmes et à diminuer des
statistiques qui continuent d'être effarantes.
M. Côté (Charlesbourg): dans le cas de votre
communication avec le clsc des chenaux, la communication était avec le
DG ou avec le DSP?
Mme Fernet-Gervais: Moi, j'ai fait la communication avec le
directeur général.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Puisque vous
êtes déjà très avancés, quel est le lien avec
l'hôpital? Est-ce qu'il y a un lien, une entente, au moment où
nous nous parlons, avec l'hôpital? Parce que toute l'argumentation des
médecins et qu'on doit prendre au sérieux, c'était:
Lorsque ça va mal, ça va mal rapidement et on a très peu
de temps pour intervenir, d'où la nécessité d'avoir une
excellente collaboration avec un centre hospitalier puisque notre objectif est
toujours que ça se fasse dans la joie mais que ça se fasse aussi
en toute sécurité pour la mère et pour l'enfant. Est-ce
que, dans ce cas-ci, il y a déjà des ententes avec un centre
hospitalier de la région de Trois-Rivières?
Mme Fernet-Gervais: Si on acceptait le principe, comme dit M.
Lebel, de tenter l'expérience d'être déclaré
zone-pilote ou CLSC-pilote, il y aurait des ententes qui pourraient se faire
avec trois centres hospitaliers de la région, ça veut dire un
à Trois-Rivières, Cap-de-la-Madeleine - il y a deux
hôpitaux à Trois-Rivières, mais il y en a un qui est plus
spécialisé - et Shawinigan possiblement, selon le choix des
femmes et le choix aussi des spécialistes de ces femmes-là.
Alors, ce serait la première démarche à faire dès
la reconnaissance d'une possibilité de...
M. Côté (Charlesbourg): Mais il n'y en a pas,
actuellement.
Mme Fernet-Gervais: Je ne crois pas.
La Présidente (Mme Marois): Dans le fond, la question,
c'est: Est-ce que, déjà, il y a une certaine ouverture, ou vous
ne le savez pas, de la part de ces institutions?
Mme Fernet-Gervais: Je n'ai pas connaissance des réponses
de ces institutions.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais laisser la chance
à d'autres collègues.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière, est-ce que vous avez
une question?
Mme Carrier-Perreault: Je viens d'entendre l'intervention du
ministre de la Santé et des Services sociaux. Il semble que par rapport
au projet de loi, il n'y aura pas de changement par rapport à la
légalisation avant, ou tout ça, mais il reste que par rapport...
Là, on est au moment d'écouter vos mémoires, alors
j'aimerais savoir, pour vous autres, c'était important dans votre esprit
- est-ce que j'ai bien compris? - que ce soit légalisé avant
d'aller en projet-pilote, oui?
Mme Blanchet: La difficulté que nous voyons à la
question des projets-pilotes, enfin quel qu'en soit le nombre, c'est que les
femmes qui, en ce moment, sont obligées de recourir aux... Si elles
veulent recourir aux services de sages-femmes, elles sont obligées
d'accoucher à domicile puisque les Institutions ne leur sont pas
ouvertes. Je ne suis pas sûre qu'il y ait une garantie, à l'heure
actuelle, qu'elles vont toutes se tourner là où il y a les
projets-pilotes. Les projets-pilotes aussi ne sont qu'un moyen d'obtenir cette
légalisation. Je note que l'Ontario a décidé qu'il
légaliserait. Évidemment, à ce moment, est-ce que
ça cause... Ce qui se produit, à ce moment, c'est qu'il y a une
sorte d'épuration de l'intérieur, exactement comme lorsqu'on
légalise une autre profession. Il y a... Les standards
s'élèvent, etc.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie. Mme la
députée, vous avez une sous-question?
Mme Carrier-Perreault: Hier, on entendait qu'avant que ce soit...
Pour les corporations professionnelles, en tout cas, ça prenait trois
ans au moins. Vous n'avez pas peur que ça prenne... passer par la
légalisation de la profession comme telle. Avant, ça retarderait
trop?
Mme Blanchet: Bien là, en ce moment, Mme la
députée, je pense qu'il va falloir attendre cinq ou six ans,
disons, pour la période d'évaluation, plus je ne sais combien
d'années pour la légalisation pour les projets-pilotes.
L'évaluation donc et, après ça, encore un certain nombre
d'autres années pour la légalisation. C'est qu'en ce moment il y
a quand même beaucoup de femmes au Québec qui sont forcées
d'accoucher à domicile en raison de la non-disponibilité de ces
services et est-ce que toutes ces femmes iraient dans les projets-pilotes?
Enfin, on a posé l'hypothèse qu'elles iraient, mais nous n'avons
pas de garantie de cela, ça c'est certain.
La Présidente (Mme Marois): L'histoire nous enseigne,
peut-être malheureusement, que c'est très compliqué de se
faire reconnaître dans une corporation et c'est très long,
surtout. J'avoue que c'est un questionnement que j'ai aussi. Je
préférerais que ce soit, dès le départ, reconnu
mais est-ce que ça ne risque pas de reporter à beaucoup plus tard
l'opérationnalisation de projets un peu partout sur le territoire?
Mme Blanchet: Mme Valentini voudrait intervenir.
Mme Valentini (Hélène): Si on se fie à ce
qui se passe actuellement en Ontario, je pense qu'ils mènent de front
trois actions simultanées. Ils ont démarré la
légalisation, ils mettent sur pied des projets-pilotes et ils mettent
sur pied un comité de formation. C'est de façon, justement,
à ne pas retarder toutes ces étapes qu'il serait bon de les
commencer en même temps. Par ailleurs, je voudrais ajouter que,
d'après ce qu'on a entendu beaucoup ici, on se rend compte qu'il y a, en
tout cas du point de vue des associations médicales, très peu
d'ouverture et que les sages-femmes vont se retrouver peut-être dans une
situation très inconfortable d'être persona non grata dans des
projets-pilotes où elles ne seront pas dans un contexte de permanence,
dans un contexte où elles seront là à très long
terme, et il va falloir leur faire une place de toute façon, qu'on le
veuille ou non. C'est un petit peu la différence, aussi, qu'on risque de
voir avec ou sans légalisation.
La Présidente (Mme Marois): Je veux bien comprendre,
là. Vous seriez d'accord que le processus de projets-pilotes s'engage en
même temps que le travail de reconnaissance légale à
l'intérieur d'une corporation se fasse ou mettez-vous l'un
préalable à l'autre?
Mme Blanchet: Mme la Présidente, je pense que nous serions
très heureuses si les processus s'engageaient en même temps.
La Président* (Mme Marois): D'accord.
Mme Blanchet: Compte tenu de ce que vous avez mentionné
aussi, la longueur de temps que ça peut prendre pour arriver à la
reconnaissance d'une nouvelle profession.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
La Prairie.
M. Lazure: Rapidement, je veux féliciter la
présidente et ses collègues pour ce mémoire. Je pense que
les quatre recommandations sont tout à fait pertinentes. Justement, mes
commentaires voulaient porter sur la légalisation. L'un n'empêche
pas l'autre, ce n'est pas nécessaire d'attendre que l'un soit en place
pour commencer l'autre processus. Dans le cas des sages-femmes, je pense que
c'est un peu excessif de parler de trois années, avant de
reconnaître cette nouvelle profession. C'est excessif, parce que les
sages-femmes, on ne part pas en terre inconnue, ça existe, comme
profession, dans plusieurs pays d'Europe. Je répète que ça
existe la collaboration entre sages-femmes, notamment en Hollande, justement,
médecins et infirmières. Ça existe, ça. Je pense
qu'il faut porter un jugement, peut-être politique, sur l'importance, la
priorité qu'on veut accorder à ce processus de reconnaissance du
caractère professionnel de l'exercice des sages-femmes. Je pense qu'il
faut accélérer ce processus, d'une part, et, en même temps,
essayer de mettre en place les projets-pilotes dans un climat de collaboration,
dans un climat de travail multidisciplinaire.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le
député de La Prairie. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Deux choses qui
m'apparaissent extrêmement importantes à ce moment-ci.
Évidemment, on est pris dans une situation où on fait des
projets-pilotes, c'est la voie qui a été choisie pour permettre
de faire l'expérience, d'avoir un encadrement suffisant, de permettre de
faire des évaluations et de pouvoir conclure, à la fin, les uns
faisant le pari que la conclusion sera positive, d'autres souhaitant
peut-être secrètement qu'elle soit négative. À
chacun son domaine, mais si on accepte de faire des projets-pilotes, on ne doit
pas conclure avant même qu'on ait fait l'expérience-pilote,
sinon, on n'a pas besoin d'expérience-pilote. Qu'est-ce qu'a pour
but l'expérience-pilote? C'est de dire oui, on reconnaît ou on ne
reconnaît pas et, par conséquent, on légalise ou on ne
légalise pas. Ça me paraît extrêmement important, sur
le plan de la base, de bien comprendre ce qu'on fait. C'est ça
l'objectif, et ça n'empêche d'aucune manière, en
parallèle, qu'on puisse démarrer un processus qui mènerait
à la reconnaissance, à l'échéance même du
projet-pilote, dans la mesure où il serait concluant, de telle sorte
qu'on ne prenne pas des années, après le projet-pilote, pour le
faire. Ça me semble être en parallèle que ça doit se
faire, sans présumer des résultats avant même qu'on fasse
l'expérience-pilote.
Quant à l'Ontario, je vous comprends d'être très
optimistes vis-à-vis de la démarche en cours. Je suis, quant
à moi, compte tenu de ma courte expérience, comme ministre -
quatre ans dans le domaine des transports - dans les relations avec l'Ontario,
beaucoup plus pessimiste quant à la capacité et à la
volonté de l'Ontario d'aller jusqu'au bout. Je l'ai vécu dans le
domaine des transports et il y a très souvent, en Ontario, beaucoup de
chemin à parcourir avant l'expression d'une opinion de faire et le
processus législatif mené à son aboutissement. C'est la
seule réserve que je peux faire, une petite expérience
personnelle dans le domaine des transports où on a pris la parole des
gens de l'Ontario, qui sont les mêmes aujourd'hui, de même famille
politique que moi, alors, je peux me permettre de les critiquer encore plus
sévèrement, et on est encore à attendre des gestes
aujourd'hui, quatre ans plus tard.
C'est un processus qui n'est pas très bien amorcé et
j'imagine que le corps médical en Ontario, sous toutes ses facettes, va
probablement poser les mêmes questions que le corps médical au
Québec se pose sur la pratique. Donc, je serais un petit peu plus
prudent vis-à-vis de la situation en Ontario, puisqu'il n'y a même
pas de procédure de démarrée devant le Parlement, alors
qu'ici on y est, et je vous assure, lorsqu'on reviendra, au mois de mars, que
ce sera un projet de loi qui sera déposé très
rapidement.
La Présidente (Mme Marois): Mme la présidente, je
crois, à voir votre réaction, que vous souhaitiez émettre
un commentaire.
Mme Blanchet: Nous serions très heureux que le
Québec puisse aller plus vite que l'Ontario. C'est connu que le
Québec a toujours innové en matière de services de
santé et services sociaux
Je voulais quand même le mentionner, notre province voisine s'en
va là-dedans, dans le processus de légalisation et, pour
justement permettre aux sages-femmes d'exercer dans des milieux qui vont leur
être d'emblée plus faciles, plus favorables, ils ont
décidé d'aller plutôt vers des maisons des naissances
affiliées à un centre hospitalier plutôt que chez nous,
centre hospitalier.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
Présidente. Cela va? Oui, M. le député de Fabre,
très brièvement.
M. Joly: Mme la Présidente, vous avez fait mention de
maisons des naissances en Ontario jumelées avec le centre hospitalier,
mais vous avez aussi semblé faire valoir que le centre hospitalier
semblait réservé strictement aux médecins pendant que les
maisons des naissances étaient réservées aux sages-femmes.
Est-ce que j'ai mal perçu ce que vous avez dit?
Mme Blanchet: La maison des naissances ou le département
et la maternité, c'est un lieu de pratique des sages-femmes
essentiellement pour les cas à risque minimum, tandis que
l'hôpital - il y a le clivage de l'hôpital et les
départements hospitaliers réguliers - est réservé
aux risques maximums.
M. Joly: Merci, madame.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
présidente. M. le ministre, pour conclure.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Dites-vous
que, c'est peut-être une bien petite consolation, mais, à tout le
moins, la locomotive est en marche et il ne reste que quelques wagons à
ajouter alors qu'en Ontario on est encore à faire la locomotive. Merci
bien.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Alors, on vous remercie
de votre présentation. Je rappelle, avant de suspendre nos travaux
jusqu'à 15 heures, que nous entendrons cet après-midi le groupe
Naissance-Renaissance, la Fédération des femmes du Québec
et la Confédération des syndicats nationaux. Nous suspendons nos
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 37)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux pour poursuivre les
consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de
l'étude du projet de loi 4, Loi sur la pratique des sages-femmes dans le
cadre de projets-pilotes. Comme je vois ici le groupe Naissance-Renaissance,
j'imagine qu'il s'est déjà présenté. Un instant, M.
le leader. Alors, comme je le vois, le groupe Naissance-Renaissance a
déjà pris place. Vous connaissez, j'imagine, pour avoir suivi un
peu les
débats, la façon de procéder. vous avez environ une
vingtaine de minutes pour expliquer ou présenter votre mémoire.
par après, le temps est dévolu en parties égales aux deux
formations qui peuvent vous poser des questions à tour de
rôle.
On me fait mention que M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques - le nouveau comté - veut faire partie de la
commission. Alors, je demande aux membres de la commission si on accepte que M.
le député puisse participer à nos séances et avoir
le privilège et le droit de poser des questions. Est-ce qu'on est
d'accord?
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Je demanderais
à Mme la présidente de s'identifier ainsi que les gens qui
l'accompagnent et ceci, pour le bénéfice du Journal des
débats. Merci.
Naissance-Renaissance
Mme Desjardins (Marie-Claude): Merci, M. le Président. Je
suis Marie-Claude Desjardins. Je suis présidente de
Naissance-Renaissance. À ma droite, Marie-Claude Martel, consultante
pour Naissance-Renaissance et à ma gauche, Renée Delarosbil,
membre du conseil d'administration et présidente d'un groupe qui
s'appelle Harmonie-Naissance de Sorel.
D'abord, je veux vous présenter un peu Naissance-Renaissance.
Naissance-Renaissance porte les demandes d'humanisation de naissances des
femmes depuis plus de dix ans. Actuellement, nous regroupons treize
associations dans toutes les régions du Québec. Malgré le
manque de financement, le volontariat et le dynamisme de tous nos membres
restent entiers. Souvent, nos membres répondent à des demandes
pressantes d'accompagnement durant la grossesse, l'accouchement, de support
à la nouvelle famille dans le postnatal et souvent de première
ligne auprès des jeunes adolescentes et des femmes de milieux
défavorisés. Au nom de toutes, je voudrais remercier nos
élus pour leur volonté manifeste, je dirais même leur
courage, de vouloir reconnaître les sages-femmes que nous demandons
depuis des années.
La maternité est une réalité pour nous,
évidemment, normale, globale et continue. Les femmes sont
compétentes. Les femmes sont autonomes; les femmes sont responsables. Je
ne connais aucune mère et aucun père qui veulent mettre la
santé et la vie de leur enfant et de leur bébé en danger.
Les femmes ont le droit d'avoir et de faire les choix qui répondent
à leurs besoins. Les femmes ont avant tout le droit au respect. Les
femmes, les conjoints et les bébés sont (e coeur et la raison
d'être de toute évolution entourant la naissance.
C'est sur cette conviction profonde que repose le mouvement de
l'humanisation et de la démédicalisation de la naissance. C'est
sur cette notion pourtant évidente que devrait se bâtir une
politique périnatale au Québec. Il faut remettre la femme et son
bébé au centre du système de soins. Évidemment, ils
risqueraient de prendre la place des lits, tel que mentionné un peu plus
tôt par l'AHQ, mais il me semble que c'est vraiment le coeur du
système, les mères et les bébés. Pour
réussir cela, il faut que tous les professionnels impliqués
laissent de côté leurs intérêts corporatifs et
cessent de tirer la couverture en oubliant que, sous la couverture, il y a
souvent une mère et son bébé qui gèlent.
Il faut aussi que nous remportions des championnats de statistiques, non
pas seulement au niveau des taux de mortalité et de morbidité
mais aussi au niveau des taux d'intervention médicale. Ce sont les
femmes qui font les frais de ces tristes records de taux de césariennes,
épisiotomies et autres interventions du même genre. On
préférerait de beaucoup entrer dans des statistiques qui
mesureraient la qualité de vie et la santé des mères et
des enfants.
Ce qu'on veut est fort simple. On veut que notre opinion
d'usagère soit considérée dans toute élaboration
d'organisation de service périnatal et, dans ce sens, on rejoint les
nouvelles orientations proposées par l'avant-projet de loi sur la
santé et les services sociaux. On veut être respectées dans
notre capacité de mettre nos enfants au monde, assistées par une
personne à notre écoute et qui nous accompagne tout au long de la
grossesse, de l'accouchement et des relevailles. Notre vision des soins
continus diffère profondément de celle décrite par
quelques porte-parole d'associations qui se sont exprimés ici depuis
deux jours.
La fameuse équipe multidisciplinaire. On n'est pas contre la
collaboration, mais on ne voudrait pas que ça ressemble à une
espèce de tapis roulant ou de chaîne de montage où la femme
passe d'un à l'autre. On veut une personne qui nous suive, qui nous
connaisse et qui nous écoute.
On veut aussi pouvoir accoucher dans des lieux qui nous ressemblent,
proches de nos milieux de vie, dans notre communauté. On n'a pas
beaucoup parlé de maisons des naissances et de domicile jusqu'à
maintenant, sauf peut-être des femmes de Povungnituk, et pour nous dire
comment une petite structure souple et autonome peut bien s'adapter à
cette nouvelle pratique de la sage-femme. En attendant les témoignages
des femmes de Povungnituk, je me disais qu'en fait les femmes et les
bébés de tout le Québec, indépendamment qu'elles
viennent des grandes villes ou des régions éloignées, sont
en droit de recevoir les mêmes soins de qualité, la même
sécurité physique et émotive que les femmes du
Grand-Nord.
Le Dr Augustin Roy dit que notre système
de santé n'a pas besoin d'une nouvelle intervenante. Il dit qu'il
y a des problèmes tellement plus urgents, et je suis touchée par
la préoccupation qu'il démontre pour les conditions de vie de
plusieurs femmes du Québec. À ce propos, j'aimerais toucher un
mot sur ce fameux problème des bébés de petit poids dont
on entend tant parler depuis deux jours. Il va sans dire que c'est un
problème inquiétant, mais je crois qu'il relève autant,
sinon plus, du ministère de votre collègue, M. Bourbeau,
c'est-à-dire le ministère de la Sécurité du revenu,
parce que, quant à nous, c'est un problème de pauvreté qui
est la base de ce problème-là. Évidemment, il y a des
effectifs de santé à regrouper, mais je pense qu'il faudrait des
revenus garantis et pas mal de problèmes seraient
réglés.
Pour revenir à M. Roy, je lui réponds: Le système,
lui, n'a peut-être pas besoin de sages-femmes, mais les femmes, elles, en
ont un grand besoin. Il n'y a rien dans le système actuel qui ressemble
à la pratique d'une sage-femme et les femmes, elles, ont choisi
d'accoucher avec des sages-femmes et la pratique de cette pertinence n'est plus
à prouver. Pour nous, l'expérimentation dure depuis quinze ans.
Pour nous c'est clair, on a expérimenté la pratique des
sages-femmes et on sait qu'elle nous convient. L'attitude réactionnaire
de plusieurs associations médicales et leur manque de collaboration nous
mettent parfois dans des situations fort précaires. Nous continuerons
d'accoucher avec des sages-femmes; rien ne va changer ce mouvement, car il
répond à un besoin fondamental, une volonté populaire, non
pas seulement une volonté politique ou Idéologique.
Nous vous demandons donc de reconnaître officiellement la
profession des sages-femmes pour que toutes les femmes du Québec aient
accès à leurs soins. Merci. Je passe la parole à
Marie-Claude.
Mme Martel (Marie-Claude): La légalisation pleine et
entière de la profession autonome de sages-femmes devrait constituer
l'objet principal de la loi. La phase d'expérimentation doit servir
à définir les meilleures modalités d'insertion - et je dis
bien ici "d'insertion" - de cette profession à l'Intérieur du
réseau québécois de la santé et des services
sociaux. Les usagères doivent jouer un rôle majeur tout au long de
ce processus d'expérimentation afin que l'ensemble des projets-pilotes
repose sur une demande réelle de la population et non seulement sur des
impératifs de rationalisation de rentabilité des services de
santé.
Au niveau du champ de pratique, le développement de la pratique
sage-femme au Québec doit être fondé sur les
définitions internationales des sages-femmes afin que
l'expérimentation porte sur l'ensemble de la pratique sage-femme et non
pas sur des conceptions disparates et tronquées de cette profession.
Afin également d'éviter les confusions et de minimiser les luttes
corporatistes dont la population fait trop souvent les frais.
Au niveau de la formation. Pour assurer la protection du public, un
programme de recyclage doit être mis sur pied pour toutes les
sages-femmes actuelles. De plus, pour assurer une continuité à la
période d'expérimentation, un programme autonome de premier cycle
universitaire doit être prévu pour la formation des sages-femmes
de demain.
Au niveau des lieux de pratique, Naissance-Renaissance considère
la diversité des lieux de pratique comme une composante
intrinsèque fondamentale à la profession de sage-femme. Limiter
l'expérimentation aux seuls centre hospitaliers ne permettrait pas
d'évaluer cette facette restreinte de la pratique sage-femme.
Il est donc essentiel d'étendre, dès le départ de
l'expérimentation, des projets-pilotes à autre chose que des
centres hospitaliers. Pour ce faire, Naissance-Renaissance privilégie
résolument la pratique en maisons des naissances autonomes et à
domicile qui seule permet à la grossesse, à l'accouchement et
à la naissance d'être ce qu'ils doivent être: un
événement normal se déroulant en continuité dans un
milieu familier, préservant l'intimité et la
sécurité.
Au niveau du cadre administratif, un comité de coordination
national devrait être créé afin d'assurer la
conformité de tous les projets-pilotes aux mêmes critères
d'expérimentation généraux fondés sur la demande de
la population.
De plus, une représentation des usagères dans tous les
projets-pilotes et à toutes les instances est essentielle pour assurer
que le développement de la pratique sage-femme réponde
adéquatement aux besoins exprimés par la population.
Alors, si je fais un bref bilan, pour nous, ce qui est clair, c'est que
le résultat d'une pratique sage-femme n'est pas à
démontrer actuellement, est là, a été
démontré et ce qu'on fait dans l'expérimentation, c'est de
savoir comment on l'intègre au système de santé
québécois. Je terminerais sur ça.
Le Président (M. Joly): Oui. Mme Delarosbil. C'est
ça? Vous avez la parole, madame.
Mme Delarosbil (Renée): Je peux y aller? Moi, je trouve
que mes deux collègues ont touché les points théoriques et
ce qu'on avait à dire. Moi, ce que j'ai le goût de vous dire,
c'est que ma raison d'être de venir ici, c'était de donner la
place aux femmes de pouvoir dire ce qu'elles avaient à dire. Je pense
que dans les regroupements qu'on a à travers le Québec, on les
entend, les femmes. On entend leurs insatisfactions par rapport au
système. Quand j'écou-
tais, pendant les deux jours, dire, finalement, que c'est une
minorité et que le système répond bien, à certaines
personnes, je dirais: Oui, II répond. Mais à beaucoup d'autres,
il ne répond pas à leurs attentes parce que quand des femmes
arrivent et ont l'Impression de ne pas être respectées dans leur
corps, de ne pas être respectées dans leur tête, leur
intelligence quand elles demandent quelque chose, quand elles ont bien pris
l'information et qu'elles font un choix, elles sont en mesure de savoir ce qui
leur convient à elles.
Le feed-back qu'on a souvent, c'est qu'une femme qui a bien
accouché, qui a bien fait ça, c'est la femme qui n'a pas
dérangé, c'est la femme qui n'a pas gémi, c'est la femme
qui n'a pas demandé ou refusé des choses. Ce n'est pas ça,
une femme qui accouche bien. Une femme qui accouche bien, c'est une femme qui
accouche comme elle le veut, quand elle le veut, dans la position qu'elle veut,
avec qui elle veut. Pour moi, c'est ça, une femme qui accouche.
On n'a pas à établir des critères, des
critères dans le temps, dire qu'un accouchement qui va bien, c'est un
accouchement qui est rentré dans les normes de temps qu'on s'est
fixées très arbitrairement parce que les normes ont
changé, au courant des années. C'est curieux, j'ai l'impression
que les femmes accouchent quand même de la même façon
qu'elles accouchaient il y a 10 ans, 20 ans, 30 ans. Il y a comme, quelque
part... Ce n'est pas logigue qu'on dise: Bien maintenant, vous ne rentrez pas
dans ce temps-là, ça ne marche pas. Vous accouchez mal
maintenant. Ce n'est pas vrai. Quelque part, je me dis: Oui, il y a des choses
à améliorer.
Moi, je ne voulais pas venir pour discréditer le système
parce qu'il y a des choses qui sont intéressantes, sauf que je pense que
le point majeur c'est de voir les femmes là-dedans. On n'est pas contre
quelque chose, on est pour les femmes, pour les bébés qui
viennent et pour la famille. Il faut comme leur laisser cette place, je pense.
C'est à peu près ce que je voulais vous dire
brièvement.
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous avez d'autres
commentaires avant que je cède la parole à M. le ministre?
Une voix: Non.
Le Président (M. Joly): Non, parfait. Je voudrais aussi
souligner la présence de Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine-Une voix: Et à la
Famille.
Le Président (M. Joly): ...et à la Famille, - merci
de l'avoir rappelé - Mme la ministre, qui, avec la permission de cette
commission, se joint à nous afin de contribuer à l'avancement du
projet. Est-ce qu'on est d'accord pour que Mme la ministre pose des questions?
Oui, il n'y a pas de problème. M. le ministre, c'est à vous.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais d'abord laisser
à ma collègue de Dorion la priorité des questions. Je
reviendrai par la suite.
Mme Trépanier: Merci.
Le Président (M. Joly): Mme la ministre.
Mme Trépanier: Merci, mesdames, de votre
témoigagne. Hier soir, la présidente des Cercles de
fermières, qui n'est plus ici cet après-midi, nous a rendu un
beau témoignage aussi d'une personne qui a eu treize enfants. Comme elle
nous le disait, elle en a accouché six avec une sage-femme et sept en
milieu hospitalier. Elle aussi, elle revendiquait pour le droit des femmes.
Cette commission-ci est le reflet de ça et c'est heureux que vous soyez
venues donner votre témoignage.
J'ai regardé votre mémoire et j'ai essayé de le
comparer avec celui des autres associations de sages-femmes. La question que je
veux vous poser, c'est... Il me semble que vous allez un peu plus loin que
certaines autres associations en ce qui concerne, entre autres... Ce qui me
chicote un peu, c'est pour les projets-pilotes, pour les lieux d'accouchement.
Vous, vous êtes prêtes à favoriser l'accouchement à
domicile même pour les projets-pilotes. Est-ce que j'ai bien compris?
Vous inscririez ça dans quel contexte, dans quel cadre, étant
donné qu'il doit y avoir, quand même, un encadrement? Comment
pourrait-on ajuster les projets-pilotes à domicile?
Mme Desjardins: Je sais qu'actuellement, à
Montréal, il y a un groupe de sages-femmes qui sont à
écrire ce que pourrait être une expérimentation d'un projet
à domicile. Je pense qu'on pourrait aussi regarder - évidemment,
il faut se fier sur ce qui se fait ailleurs puisqu'on n'a rien, ici, au
Québec - ce qui se fait en Hollande où, comme le disait Mme
Blanchet, 35 % des accouchements se font à domicile. Pourquoi pense-t-on
cela, quoiqu'on n'ait pas arrêté de détails techniques par
rapport à un projet particulier, comment ça pourrait s'articuler?
On pense ça parce que, actuellement, et depuis quinze ans, les femmes
accouchent à domicile et nous ne croyons pas que les femmes vont
arrêter, demain matin, d'accoucher à domicile...
Mme Trépanier: Là, on parle toujours dans le cadre
de projets-pilotes.
Mme Desjardins: Oui, je sais.
Mme Trépanier: C'est ça que j'essaie de voir avec
vous, qu'est-ce qui...
Mme Desjardins: Exactement. Si on désire ce type
d'accouchement aussi, il va falloir trouver une façon de
l'intégrer. On considère que, à la limite, on l'a
expérimenté. C'est sûr que, bon, on n'a pas
nécessairement des statistiques à l'appui, nous, on l'a
vécu dans le quotidien. Moi, j'ai accouché à la maison
avec une sage-femme. Je peux vous dire ce que c'est, ce que ça
représente, j'ai accouché des deux façons, à
l'hôpital et à la maison. Pour moi, c'est une
réalité évidente, ça peut se faire, ce n'est pas
farfelu. Évidemment, si on est dans un contexte d'évaluation, on
peut trouver une formule pour l'encadrer, mais toujours en se disant que
l'enjeu n'est pas d'évaluer si la pratique des sages-femmes est
pertinente ou non, mais comment on pourrait vivre au Québec avec les
sages-femmes, dans différents contextes. Comment va se faire la pratique
des sages-femmes à la maison. Actuellement, II y a quelques petits
problèmes. Quant à nous, une meilleure collaboration, que ce soit
des unités d'urgence... Enfin, je pense qu'il y a lieu, avec un peu
d'imagination, de trouver une façon de rendre cette pratique tout
à fait sécuritaire comme elle l'est dans d'autres pays.
Mme Martel: J'aimerais peut-être préciser qu'on
tient à l'accouchement à la maison pour la simple et unique
raison qu'il y a des femmes qui vont continuer à accoucher à la
maison et que c'est un lieu qu'elles désirent et qu'on doit respecter ce
choix. Quand on demande quelque chose d'intermédiaire comme les maisons
des naissances autonomes, l'accouchement à domicile va permettre que ces
maisons des naissances autonomes respectent le plus la réalité
d'une pratique sage-femme, c'est-à-dire une pratique axée sur le
familial, sur ce qui est le normal. Nous, les maisons des naissances, on ne
veut pas les voir comme des maxi-hôpitaux, on veut les voir comme des
maxi-maisons. On veut que ça ressemble le plus possible à
domicile mais avec toutes les choses qui permettent la sécurité.
Ne pas garder la possibilité de l'accouchement à la maison comme
autre pôle, ce serait permettre d'aller un petit peu plus rapidement au
niveau des structures hospitalières et ne pas modifier la conception
fondamentale de l'accouchement qui est un accouchement naturel, c'est un acte
naturel. Pour ça, c'est important de respecter ces choix pour les femmes
qui désirent le faire.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Dans la même veine
parce qu'il y a des choses que je partage avec allégresse dans vos
propositions et il y a d'autres choses que je partage peut-être aussi,
mais dans le temps, j'ai un questionnement. J'ai toujours dit et je vais
continuer de le répéter, il y a deux conditions qui
m'apparaissent essentielles à la réussite de
l'expérience-pilote. C'est d'abord l'autonomie des sages-femmes, qui
m'apparaît extrêmement importante, la deuxième, le support
médical. Des témoignages, on en a eu. Beaucoup nous disent qu'on
peut être dans des situations qui tournent au dramatique très
rapidement et qu'il faut, par conséquent, être dans une situation
où on puisse intervenir rapidement et ça c'est une question de
santé de la mère et du bébé. Ça, ça
m'apparaît extrêmement important. Dans le projet de loi Initial,
c'était en centre hospitalier, puis il se dégage très
nettement, en termes de conclusion de notre commission, qu'il faut aller au
niveau des CLSC. Vous allez plus loin en nous disant: II faudrait que ça
se fasse aussi au niveau de la cellule familiale, du foyer familial. Là,
j'ai un petit peu plus de problèmes, je vous le dis, malgré le
fait que - vous le décrivez très bien - sur le plan naturel,
c'est ce qu'il y a de plus naturel, que c'est un phénomène
naturel. J'ai de la difficulté avec la garantie - mon deuxième
point - parce que c'est ma responsabilité comme ministre, sur le plan de
la sécurité, de la santé de la mère et de l'enfant
et sur le plan médical.
Ça voudrait dire que, dans le cas où ça se
passerait à la maison, on n'en a pas nécessairement. Vous avez
dit tantôt qu'on pouvait être Imaginatifs pour tenter de trouver
les formules. Ça fait longtemps, ce que j'ai compris, ça fait 15
ans, au moins 20 ans, que les gens tentent d'être Imaginatifs pour
trouver des solutions qui vont agréer à cette
complémentarité des rôles. Personne n'a réussi
à trouver encore le consensus. On va peut-être être
obligés de l'imposer - s'il faut, on le fera - par un projet de loi.
Mais une chose est certaine, on va tenter de le trouver et, à ce
moment-là, aller aussi loin que vous le souhaitez à ce moment-ci
me paraît un peu dangereux. (15 h 30)
Mme Martel: Ce qu'on veut, c'est vraiment qu'il y ait
coopération médicale de la même façon que vous
l'énonciez. Par contre, je pense qu'il faut relativiser la peur qu'on a
entendue hier soir et peut-être descendre un petit peu. Il est
évident que, quand il arrive des choses, elles peuvent arriver
rapidement, mais il n'arrive jamais, en tout cas, quand on parie avec des
sages-femmes - et je ne vous ferai pas la démonstration ici, parce que
je ne suis pas compétente pour le faire - des choses aussi dramatiques
comme on l'entend à l'hôpital.
À l'hôpital, je pense qu'il faut voir aussi ce qui se passe
actuellement dans les soins obstétricaux. Une femme rencontre son
gynécologue obstétricien ou son omnipraticien une fois par mois,
cinq minutes par mois, pour mesurer le ventre et pour faire une analyse
d'urine. La maternité n'est pas uniquement une mesure
d'utérus et une analyse d'urine, c'est un tout. Quand une
sage-femme fait le dépistage de tout ça, c'est toute
l'économique dans la situation de vie de la femme, le social, dans
quelle relation elle vit avec son conjoint, sa famille. Et une sage-femme,
quand elle vient faire ça à la maison, quand on est capables de
dialoguer une demi-heure, trois quarts d'heure, une heure, une heure et demie
avec elle par mois, il y a des dépistages qui se font beaucoup plus
prématurément que lors de l'accouchement à
l'hôpital. Ça, je pense qu'il faut comme apaiser tout ça.
il faut voir aussi que, dans les centres hospitaliers, quand on parle d'urgence
- j'ai sorti quelques statistiques sur les urgences - une césarienne
d'urgence, c'est trois quarts d'heure, mais trois quarts d'heure dans une
maison des naissances, s'il y a possibilité de transfert quand il y a
coopération avec l'équipe médicale, on
téléphone. il y a une femme qui s'en vient avec une
difficulté. je crois qu'il faut avoir une certaine ouverture et essayer
de réduire cette peur. c'est exactement le jeu de la corporation
professionnelle des médecins, je m'excuse de le redire, que de camper la
pratique sage-femme uniquement à domicile et de camper la pratique
sage-femme comme étant rétro et apeurante.
C'est ça qui nous bloque depuis des années et j'ai
l'impression que, comme ministre responsable de la Santé, vous allez
avoir à faire des pas et des pas francs et clairs pour démontrer
que c'est une volonté politique et que c'est une volonté
populaire aussi. Ça vient d'une base qui est là.
M. Côté (Charlesbourg): Là-dessus, je veux
vous rassurer. J'ai toujours dit qu'il y aurait un projet de loi, qu'il y
aurait des expériences-pilotes, je le répète,
évidemment, parce qu'on a entendu ça aussi, c'est une
décision politique, mais pour qu'elle subsiste, il faut aussi qu'elle
soit populaire. Forcément, quand elfe est politique, elle est soumise
à un jugement de l'élec-torat qui, lui, le juge.
Là-dessus, je n'ai pas peur. On peut se mesurer n'importe quand, si
jamais il y en a qui avaient l'intention de se mesurer. au-delà de tout
cela, évidemment, vous imaginez que là jusqu'où on peut
aller, il y a une marge, à ce moment-ci. nous sommes prêts
à aller pas mal plus loin que ce qu'il y avait dans le projet de loi sur
le plan de la reconnaissance des lieux, donc, un pas dans votre direction, un
pas, ce que je comprends, un peu plus humain encore. la problématique,
vous la traduisez très bien, et je pense que là-dessus on n'a pas
trop d'écart. il faut respecter, d'autre part, la prestation des
médecins qui nous alertent, et c'est leur devoir et leur
responsabilité de nous alerter sur les dangers, parce que s'il arrivait
quelque chose demain matin, l'homme politique serait le premier à
être blâmé des décisions qu'il a prises. Donc, il
faut mesurer tout ça, toujours dans l'esprit de protéger la
mère et l'enfant.
Je veux vous, rassurer. Tantôt, vous avez dit: II ne doit pas
être question de rentabilisation dans un projet comme celui-là.
Évidemment, si vous avez suivi un petit peu, ce n'est pas une question
de piastres et de cennes ou de rentabilité. Il faut quand même
être capables d'évaluer ce que ça coûtera.
Là-dessus, ce n'est pas une question - on doit l'avoir à
l'esprit, parce que les deniers publics, on ne peut pas les jeter par la
fenêtre - de faire cette expérience au niveau des projets-pilotes,
avec le support financier, je considère que c'est un bon placement pour
l'humanisation des soins au Québec.
Je voudrais en arriver à un élément que vous avez
soulevé que je trouve très intéressant: l'usagère.
On doit quand même s'en préoccuper un petit peu. Je pense que
plusieurs Intervenants s'en sont préoccupé par le biais de leurs
préoccupations propres. Ce qui est important dans votre prestation,
c'est que vous avez dit: l'usagère doit peut-être être
quelque part pour donner son point de vue de temps en temps. En bout de piste,
c'est sa santé, c'est son bien-être qu'on veut, de même que
celui de l'enfant. Je peux vous dire, d'ores et déjà, à ce
moment-ci, que je vois au moins deux comités sur lesquels il pourrait y
avoir une usagère. Alors, si ce n'était pas clair jusqu'à
maintenant, je le clarifie. Si c'est la volonté de la Chambre, il y aura
une usagère dans le comité provincial et il y aura une
usagère dans le comité local. Ça me paraît les deux
endroits où il pourrait y en avoir. Dans le comité aviseur, quant
aux choses beaucoup plus techniques, je ne la vois pas, mais, à tout le
moins, dans les deux comités, on fera les amendements nécessaires
au projet de loi pour que ça puisse être reconnu, si ça
peut vous soulager. Effectivement, l'usager, dans tous les domaines, si on veut
s'en couper, on va se couper d'une réalité et d'un vécu du
terrain. Ça a été vrai dans le domaine des transports, je
suis déformé parce que j'ai passé quatre ans aux
Transports. Il n'y a rien de mieux que de prendre un usager qui prend l'autobus
de temps en temps et de l'amener à une commission de transports pour
montrer à ceux qui prennent des décisions que, à
l'occasion, ils prennent des décisions aberrantes qui ne servent pas
l'usager, mais davantage d'autres buts qu'on ne connaît pas. Dans ce
cas-ci aussi, je pense que ça m'apparaît extrêmement
important. Retenez, à tout le moins, que vous m'aurez finalement
convaincu - même si je l'étais un petit peu avant - de dire
dès ce moment-ci que l'usagère serait dans les différents
comités. Voilà pour le moment.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître l'autre formation politique, dont la
députée de Taillon,
présidente de la commission.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je suis très
heureuse d'entendre le ministre reconnaître l'Importance de la place des
usagères. Je pense que comme ça fait l'objet d'un des
éléments majeurs de votre présentation sur lequel peu de
gens sont venus avant, c'est heureux que, dès maintenant, ce soit clair
à cet égard. Dans ce sens, la philosophie que vous appliquiez aux
Transports s'applique là aussi, et tout aussi correctement sinon plus,
bien sûr. Effectivement, je vais revenir sur la pratique à
domicile. J'ai regardé les chiffres que nous apportait ce matin le
Conseil des affaires sociales. Le Conseil des affaires sociales compare les
Pays-Bas et le Québec. On dit: La mortalité périnatale en
1988 - c'est la donnée dont on fait état ici - 9,3 % pour 1000
naissances aux Pays-Bas, 8,3 % au Québec, sachant que plus que la
majorité des accouchements se font à domicile. Vous faites
référence dans votre document au dépistage précoce,
je pense que ça va assez bien. On imagine à quoi ça fait
référence. Quand vous parlez d'unité d'intervention
mobile, bien sûr dans une perspective de sécurité, à
quoi faites-vous référence comme appareillage? J'imagine que vous
faites référence a un certain nombre d'outils ou de
professionnels.
Mme Desjardins: Actuellement, le système ambulancier...
C'est sûrement, en tout cas, le premier embryon de ce système.
Mme Marois: D'accord.
Mme Desjardins: Là, évidemment, il s'agit
d'évaluer quels problèmes surviennent, lesquels causent des
problèmes majeurs en l'espace d'une minute, cinq minutes.
Évidemment, on n'est pas des professionnelles. Sûrement qu'une
sage-femme ou même un médecin compréhensif pourrait mieux
que nous définir exactement. Pour avoir moi-môme accouché
à la maison, pour avoir eu une complication et avoir vécu un
transfert à l'hôpital et finalement, bon, je ne sais pas si
j'étais un cas de force majeure, enfin, bref, cinq minutes... En une
heure, mon transfert s'est effectué et l'hôpital a très
bien répondu aux problèmes de santé que j'avais à
ce moment-là. Et je n'aurais pas accouché à
l'hôpital pour autant, sachant cela. J'ai eu un accouchement facile. Cela
a été une expérience vraiment complète. Et
après ça, j'ai fait de la rétention placentaire. Alors,
évidemment, il y avait un problème, on a appelé les
ambulanciers. Ils sont venus me chercher. Ils m'ont amenée et
j'étais... Moi, je me considérais en pleine forme. Au bout de
deux jours, j'étais revenue à la maison avec mon
bébé. La première fois, à l'hôpital, j'ai eu
exactement la même chose. Cela s'est passé tout à fait
différemment. J'ai passé une semaine à l'hôpital et
là, j'étais malade. Et mon bébé... J'ai
pleuré pendant une semaine. C'était presque tragique. Tout
était entre les deux oreilles, quant à moi. Il y avait
là... Le système a répondu à mes besoins
parfaitement. Je pense qu'il y a moyen de prévoir. Je pense que les
sages-femmes vont savoir et vont avoir dans leur formation tous les outils
nécessaires pour répondre aux premières
nécessités. Il n'est pas vrai que dans tous les hôpitaux du
Québec et dans les régions les plus éloignées,
comme ils l'ont dit eux-mêmes, il y ait des néonatalogues, cela
est évident, il n'y a souvent même pas de pédiatre.
Même parfois, il n'y a même pas d'omnipraticien. Alors, je pense
que toutes les femmes du Québec ont droit à un traitement
égal.
Mme Marois: D'accord. C'est intéressant,
l'expérience que vous racontez parce que c'est vrai qu'il y a un doute,
qu'il y a une crainte de ce côté-là et c'est probablement
celle qui, enfin, permet de montrer le plus spectaculaire de l'aspect
négatif, c'est-à-dire le plus spectaculaire de ce qui peut se
passer si jamais ça n'allait pas bien.
Mme Desjardins: Cela dit, moi, je pense que les femmes ont
vraiment le droit de choisir et je pense que demain matin, les femmes ne vont
pas vouloir aller accoucher à la maison en quantité
énorme. L'hôpital reste le lieu privilégié pour les
Québécoises. C'est sûr que lorsqu'on ne connaît pas
autre chose, c'est difficile de faire un choix éclairé,
mais...
Mme Marois: II y a un discours qui s'est développé
depuis qu'on est là en commission, enfin un discours ou une approche,
qui est revenu à plusieurs reprises - j'avoue que ça m'agace un
peu et j'aimerais avoir votre point de vue - qui est de sembler vouloir dire
qu'évidemment, a cause des problèmes de bébés de
petit poids, de problèmes à la naissance d'enfants qui se
retrouvent avec des carences au départ, on devrait
particulièrement offrir ces services en milieux
défavorisés ou en milieux vivant des problématiques
particulières. Est-ce que, à votre point de vue, c'est ce que
vous souhaitez aussi? Enfin, je sais que ce n'est pas ce que vous souhaitez,
mais j'aimerais que vous élaboriez un peu.
Mme Desjardins: Je trouve que ce serait vraiment se servir de la
sage-femme comme la panacée universelle pour tenter de régler un
problème qu'on n'est pas capable de prendre à deux mains. Quant
à moi, le problème des bébés de petit poids, je
l'ai dit tout à l'heure, c'est un problème de
société. Ce sont des choix qu'on fait Si les femmes n'ont pas le
minimum vital, quand les femmes qui sont monoparentales... Je ne vous
décrirai pas toutes les conditions de
pauvreté quand on a rencontré Mme Trépanier, la
semaine passée, avec des groupes de femmes. Elle a très bien pu
se rendre compte que les femmes vivaient parfois dans des conditions
économiques déplorables. Évidemment, c'est un cercle
vicieux et on ne le brisera pas avec des hyperéquipes de
néonatalogie. Ce n'est pas vrai. Evidemment, la sage-femme pourrait
très bien s'intégrer dans le travail qui se fait
déjà, mais ne pas lui mettre sur les épaules le poids
entier de régler ce problème. Je pense que la sage-femme, c'est
finalement une philosophie et c'est quelque chose qui va changer
l'entièreté du système, sa pratique, et ça va
déteindre sur tous les aspects non seulement, je dirais, de la
périnatalité mais peut-être de la santé au complet
si on le lui laisse.
Mme Marois: D'accord. Je trouvais ça important qu'on
revienne un peu là-dessus parce que, effectivement, ça fait
plusieurs fois que ça revient dans toutes les discussions qu'on a et je
serais mal à l'aise aussi qu'on dise: Bon, voilà, parce qu'il y a
un problème particulier, elle va répondre à ce
problème alors que je suis plutôt de votre point de vue que c'est
une philosophie. C'est une approche neuve et ça doit s'adresser aux
femmes qui ont le goût et qui sentent le besoin aussi - ça peut
être le cas - de vivre cette réalité-là plutôt
qu'une approche plus traditionnelle.
Mme Desjardins: On va l'expérimenter.
Mme Marois: D'accord. Ça va pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): merci, mme la
députée de taillon. je vais maintenant reconnaître mme la
députée de les chutes-de-la-chaudière. madame.
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Vice-Président ou M.
le Président?
Le Président (M. Joly): Oui, toujours le Président
ici.
Mme Carrier-Perreault: C'est par rapport à ce qui est
écrit à la page 13 de votre mémoire. Je trouve ça
intéressant, de toute façon. Par rapport à la
représentation des usagères aux différentes instances, M.
le ministre a un peu devancé ma question en parlant des deux
comités où il voyait une représentation des
usagères. J'aimerais entendre votre réaction parce que je n'ai
pas entendu. Est-ce que c'est exactement ce que vous vouliez dire quand vous
parliez des différentes instances? (15 h 45)
Mme Martel: Je pense que c'est une partie de la réponse
qu'on voulait entendre, mais je pense qu'on peut aller encore plus loin. On
aimerait même être aux comités techniques parce que la
raison d'être des sages-femmes, c'est le lien qu'elles ont avec les
femmes. Nous, on irait même jusqu'à dire qu'on voudrait être
aux comités de discipline des sages-femmes pour que ce lien se
maintienne et je pense qu'il y a encore un petit pas à faire du
côté du ministre pour qu'on soit complètement reconnues
comme participantes entières dans cette expérimentation.
Mme Desjardins: Non seulement reconnues mais
financées.
Une voix: Merci. Cela va.
Le Président (M. Joly): C'est tout, Mme la
députée?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mesdames, et surtout Mme la présidente, vous
permettrez à votre député puisque vous êtes bien de
Sainte-Marie-Saint-Jacques - de vous remercier. Que voulez-vous, ce n'est pas
ma faute s'il y a l'abondance dans ma circonscription, en termes d'organismes
dynamiques, dans tous les domaines d'activités. Je veux quand même
vous remercier de la documentation que régulièrement vous
adressez à mon bureau et qui me permet de suivre très
attentivement vos activités et vos revendications.
Avant d'aller à la question que je désirerais vous
adresser, vous allez me permettre très brièvement de vous
raconter une anecdote qui date de cinq ans, une anecdote véridique au
moment où j'étais au conseil d'administration d'un hôpital
universitaire on ne peut plus prestigieux, à Montréal et qu'au
conseil, le représentant du CMD, c'est-à-dire le conseil des
médecins et dentistes est arrivé, un peu pontife, en disant:
Aucune analyse de laboratoire ne sera effectuée dans cet hôpital
si cette analyse est demandée par une sage-femme. Vous comprenez que je
ne pouvais pas accepter une réponse comme celle-là et que, fort
heureusement, j'avais dans le conseil bien des alliés. J'avais
rencontré... Et finalement, on avait dit: Écoutez, ce n'est pas
un acte uniquement médical, l'accouchement. On avait dû employer
des argumentations aussi sévères que... Je me place dans le cas
où ce serait mon épouse, docteur, et qu'il arriverait quelque
chose à l'enfant ou à la mère, je vous préviens, je
vous traîne jusqu'en Cour suprême et je gagne, j'en suis certain.
Je ne sais pas si ça a été le commencement de la sagesse,
mais on est revenu avec une décision inverse peu de temps
après.
Mais c'est pour vous expliquer la réticence qu'il y avait et que
vous avez soulignée. C'est
pour ça que dans votre mémoire, à la page 12, quand
je vois: Elles seront intégrées au conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens. En fonction de ce que je viens de vous raconter, et
vous savez comme moi, Mme Desjardins, que ce n'est pas une attitude qu'on
retrouve uniquement au coin du boulevard René-Lévesque et de la
rue Saint-Denis, pour ne pas nommer cet hôpital. C'est quand même
répondu. À ce que vous demandez, il va y avoir de très
fortes réticences. Je serais curieux, d'ailleurs, de connaître la
position de nos deux collègues ministres quant à cette demande
que vous faites.
Mme Desjardins: Moi, je me suis un peu inspirée de la
maternité de Povungnftuk. Évidemment, elle est loin. Elle semble
moins menaçante parce que c'est le Grand-Nord. Mais comme elles nous
disaient, au bout de trois mois de vie commune, ils se sont rendu compte que,
finalement, ce n'était pas si menaçant. L'inconnu est toujours
menaçant. De toute façon, c'est sûr qu'il y a plusieurs
CMDP qui vont résister, mais moi, pour vivre en région,
déjà les sages-femmes . de ma région ont des relations,
à certains égards, de confiance avec certains médecins.
Des collaborations, II y en a et II y en a dans toutes les régions du
Québec. On ne peut pas dire qu'elles sont... Elles vont se consolider et
je pense que, aussi, la sage-femme est plus égali-taire parce qu'elle a
été reconnue. Quand tu es dans la clandestinité, tu n'as
pas les mêmes armes, bon.
Ceci dit, je pense que c'est important, la démarche qui va suivre
la commission parlementaire, ça va être des négociations.
Je pense que c'est ce qu'on vise à long terme. Je me dis que le vrai
lieu de pouvoir, dans un hôpital, c'est le CMDP. En fait, l'autre
instance, qui s'appelle le conseil du personnel clinique, parfois
réclamerait peut-être une meilleure écoute. Donc, je me
dis: Moi, je veux que ce soit une professionnelle autonome et à part
entière et égalitaire avec les autres professionnels. Je me dis:
C'est ce lieu qui convient. Mais là, évidemment, c'est à
travailler avec ces gens-là. Je vous dis, moi... Ce que ça
représente pour moi, c'est que j'ai envie d'avoir une sage-femme qui a
du pouvoir pour que moi j'en ai après, comme femme, que je ne sois pas
à la merci des handicaps qu'elle a elle-même dans sa propre
pratique.
M. Boulerice: D'accord. Si vous le permettez, une autre
brève question. Les projets-pilotes seraient aux alentours de cinq ans,
je crois. Est-ce que je me trompe? C'est bien ça? Pardon?
Une voix:...
M. Boulerice: Oui, c'est ça, cinq ans. Quelle formule de
suivi suggérez-vous, dans le sens qu'il y a bien des hypothèses
possibles: ça pourrait être un suivi effectué par le
ministère comme tel et sans savoir si le ministère s'adjoint
d'autres personnes; cela pourrait être un suivi qui est fait par la
commission elle-même qui aura déjà, si vous me permettez
l'expression, mis au monde de façon sage cette loi, ou bien
privilégiez-vous une formule différente et particulière
à laquelle vous avez songé?
Mme Desjardins: Qu'est-ce que vous entendez par suivi? Le suivi
après les cinq ans d'expérimentation?
M. Boulerice: Non, non, c'est-à-dire au moment de
l'adoption de la loi et de la mise en application, il y a les cinq ans. Il y a
quand même, à l'intérieur des cinq ans, des étapes
importantes à franchir. Alors, dans quelle mesure allons-nous les
évaluer et qui va les évaluer? Qui souhaitez-vous qui les
évalue?
Mme Desjardins: Je pense que tout le monde a proposé qu'il
y ait un comité national aviseur, enfin qui sera composé, je
pense, de professionnels impliqués et d'usagers. Là, il s'agira
d'évaluer d'abord selon des critères d'évaluation pour que
l'on ait en bout de ligne quelque chose d'intéressant. Donc, il faudrait
avoir des critères de travail commun et recevoir les projets-pilotes,
finalement, établir des critères et choisir des sages-femmes. Il
y a tellement de choses à penser à la fois, mais je pense que ce
comité-là va devoir, avec le ministère évidemment,
faire un travail de comité national comme plusieurs. On sait ce que
c'est. J'avoue que je n'ai pas plus de précision à vous dire pour
l'instant. Je ne sais pas si ça répond à votre question ou
si vous vous attendiez à plus?
M. Boulerice: non, mais on va se revoir au bureau de
comté, hors de tout doute. je vous remercie, mme desjardins, mme martel
et mme delarosbii.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. le ministre, auriez-vous autre chose à rajouter?
M. Côté (Charlesbourg): Non. Puisqu'on est aux
conclusions, tout simplement, pour répondre en même temps à
la question de M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
j'aimerais dire que je ne suis pas, quant à moi, attaché à
une structure à laquelle devrait être incorporée la
sage-femme. L'important c'est qu'elle soit dans la structure qui est
décisionnelle. Cela m'apparaît extrêmement important. Alors,
peu importe où elle est rattachée. Ce qu'on a compris dans tout
ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, c'est qu'il faut à tout le
moins laisser suffisamment, si on veut réussir, d'autonomie locale pour
que cet amal-
game de différentes personnes puisse se faire de manière
harmonieuse et laisser suffisamment de souplesse aux instances locales pour
être capables de décider entre elles la meilleure formule et le
meilleur rattachement possible. C'est comme ça qu'on réussira
à avoir un succès de ce qu'on veut être une
expérience-pilote bénéfique pour tout le monde. Alors,
merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Je pense que Mme Martel avait
quelque chose à ajouter.
Mme Martel: J'aimerais juste terminer en vous remerciant, M.
Côté, et en vous disant que vous ne serez pas un criminel en
légalisant les sages-femmes; par contre, les femmes qui utiliseront les
sages-femmes et qui les utilisent actuellement sont illégales et
ça, ça pose un problème.
Le Président (M. Joly): Je reconnais maintenant Mme la
ministre déléguée à la Condition féminine et
à la Famille.
Mme Trépanier: Trente secondes pour revenir sur vos
commentaires, Mme la députée de Taillon, sur les
bébés de petit poids. M. le ministre était absent lorsque
le commentaire est venu. Je ne pense pas que le gouvernement veuille faire
porter sur les épaules des sages-femmes tous les problèmes
socio-économiques qui entourent tout ça, sauf que nous
considérons que la sage-femme, comme elle a un rôle d'information
intense, comme elle prend le temps de donner de bonnes habitudes
alimentaires... d'ailleurs, les statistiques prouvent qu'il y a moins de
bébés de petit poids... Alors, vous êtes une partie de la
solution, mais pas toute la solution, c'est bien évident.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre. À
mon tour je remercie le groupe Naissance-Renaissance et je souhaite que vous
continuiez d'être motivées comme vous l'êtes. Merci.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Joly): Nous allons maintenant accueillir
la Fédération des femmes du Québec.
Bienvenue, mesdames. Je ne vous rappellerai pas le but, en fait, de la
consultation. Je pense que vous êtes ici depuis quelque temps; vous savez
ce qui en est. Par contre, je vais vous rappeler les règles: vous avez
entre quinze et vingt minutes pour exposer votre mémoire et
peut-être apporter des commentaires et, par après, le temps est
dévolu en parts égales, soit d'une vingtaine de minutes, à
chacune des formations.
Alors, si vous voulez, pour les besoins de l'enregistrement, vous
identifier, s'il vous plaît, et présenter la personne qui vous
accompagne.
Fédération des femmes du
Québec
Mme Thibault (Charlotte): M. le Président, mesdames et
messieurs, j'aimerais d'abord vous présenter la personne qui
m'accompagne, Mme Paula McKeown, consultante pour la Fédération
pour l'occasion. Mme McKeown a été coordonnatrice de
Naissance-Renaissance et a participé au Comité de maisons des
naissances de Montréal. Elle est active dans tout le mouvement de
l'humanisation des naissances depuis 1977.
Mon nom est Charlotte Thibault. Je suis directrice
générale de la Fédération des femmes du
Québec. Je suis, à la Fédération, la personne
responsable du dossier de l'humanisation des naissances. J'ai eu à
m'impliquer dans le dossier sous différents chapeaux et à
plusieurs reprises depuis 1982. Je vous signale d'ailleurs, M. le
Président, qu'il ne s'agit pas d'un mémoire mais plutôt
d'une présentation. Je voudrais m'excuser de la brièveté
du texte et des fautes qu'on peut retrouver à l'intérieur du
texte - je vais envoyer, lundi, une meilleure copie - mais les
événements tragiques des derniers jours ont grandement
perturbé mon emploi du temps et ma faculté de concentration. Il
est quand même bon, aujourd'hui, de pouvoir parler non pas de mort mais
de naissance.
À l'intérieur de la présentation, vous allez
trouver une description, comme telle, de la Fédération des femmes
du Québec. Je pense que plusieurs d'entre vous la connaissent
déjà. La Fédération a une vingtaine d'années
d'existence. Vous trouverez ses buts et objectifs à l'intérieur
de la présentation. Puis-je vous rappeler que la
Fédération regroupe actuellement 300 membres Individuels et 112
associations qui représentent plus de 100 000 femmes au Québec et
1000 au Nouveau-Brunswick. On y retrouve des organismes de services, de
promotion, des associations locales, régionales et provinciales. Vous
avez la liste de nos 112 associations membres en annexe.
J'aimerais aussi vous rappeler l'historique de ce dossier à la
Fédération, qui est le dossier de la maternité, parce
qu'évidemment, on est, aujourd'hui, à discuter des sages-femmes,
mais c'est beaucoup plus large que ça le dossier de la maternité,
c'est bon de se le rappeler. Au coeur de la vie des femmes, depuis que le monde
est monde, la reproduction, la maternité et tout ce qui l'entoure ont
toujours été des sujets de préoccupation et de discussion.
Il est donc normal que la Fédération des femmes du Québec
ait, dès sa création, été préoccupée
par ces questions. La Fédération qui regroupait, en 1966, bon
nombre de femmes sur le marché du travail s'est d'abord rapidement
intéressée aux impacts de la maternité sur les revenus et
le travail des femmes, en étudiant la question des allocations
familiales, en 1967, la discrimination dans les
avantages sociaux, en 1976, et les congés de maternité, en
1978. Toujours autour de la question de la reproduction, mais cette fois plus
précisément sur son contrôle et celui du corps des femmes,
la FFQ, en 1974, débute des discussions sur l'avortement et devient, en
1975, la première grande association de femmes au Québec à
souhaiter une maternité volontaire pour toutes les
Québécoises. En 1979, la Fédération s'est
préoccupée de la violence médicale et, en 1982, son
colloque portait sur la femme et la santé. En 1985, elle participait
à une conférence de presse sur la vulnérabilité du
patient face au pouvoir médical.
Depuis 1986, la maternité est au coeur des discussions et des
luttes de la Fédération, que ce soit par les discussions sur les
nouvelles techniques de reproduction, par une participation à la
Coalition québécoise pour l'avortement libre et gratuit ou encore
à la Coalition sur les congés de maternité. La
Fédération a, de plus, organisé un colloque, en 1988, dont
le titre était "Mère et travailleuse: un défi relevable?"
Notre objectif était de mettre en lumière les limites de la place
qui est faite à la maternité dans la société et sur
le marché du travail. La Fédération est aussi Intervenue
à quelques reprises, depuis 1987, pour donner des appuis au mouvement
d'humanisation des naissances. La Fédération a demandé la
reconnaissance des sages-femmes et, d'ailleurs, lors de notre dernière
assemblée générale annuelle, les membres de la
Fédération des femmes du Québec ont réclamé
unanimement que "la Fédération des femmes du Québec
demande à ta ministre de la Santé et des Services sociaux une loi
spéciale reconnaissant la profession de sage-femme, de môme qu'une
structure permettant l'encadrement et l'évaluation de projets-pilotes,
durant les cinq prochaines années". (16 heures)
Mes commentaires et les commentaires de la Fédération en
regard du projet de loi 4. En regard du projet de loi 4, la
Fédération des femmes du Québec a tenu à
comparaître devant la présente commission pour donner un appui
tout particulier aux demandes de trois de ses associations membres: L'Alliance
québécoise des sages-femmes praticiennes, l'Association des
sages-femmes du Québec et Naissance-Renaissance.
La Fédération veut d'abord exprimer sa joie qu'un projet
de loi concernant les sages-femmes soit enfin déposé pour
adoption. Plus de dix ans de lutte commencent à donner des
résultats. Nous n'en sommes toutefois qu'à une toute
première étape.
La Fédération demande que le gouvernement du Québec
utilise la définition de sage-femme commune à la
Confédération internationale des sages-femmes, à la
Fédération internationale des
gynécologues-obstétriciens et à l'Organisation mondiale de
la santé. La Fédération veut aussi féliciter le
gouvernement de vouloir créer huit projets-pilotes, mais émet un
certain nombre de réserves quant au choix et à la forme de ces
projets. La Fédération demande que ces projets-pilotes
reflètent l'ensemble des souhaits des usagères et des
sages-femmes en ce que devra être la pratique future des sages-femmes au
Québec.
Ces projets devraient tenir compte des composantes suivantes: la
pratique en milieu urbain et rural, en milieu hospitalier, en maison des
naissances et à domicile. La Fédération demande, de plus,
que les usagères soient partie prenante de l'évaluation qui est
proposée. Comme ce sont elles qui accouchent, elles doivent donc
participer à toutes les étapes de ces projets.
À propos des usagères, le gouvernement garantit-il la
gratuité des services des sages-femmes à l'intérieur des
projets-pilotes pour éviter que seules les familles déjà
convaincues et souvent plus à l'aise utilisent leurs services? La
Fédération s'interroge, d'ailleurs, sur le type d'engagement que
le gouvernement compte prendre à l'égard des associations de
sages-femmes et d'usagères pour leur permettre de participer activement
à l'encadrement et à l'évaluation de projets-pilotes. Nous
apprécierions, lors de l'échange prévu après la
présentation, recevoir réponse à toutes nos questions.
Le gouvernement prévoit-il un soutien financier afin de permettre
aux groupes précités de faire des recherches équivalentes
à ce que certaines corporations professionnelles auront les moyens de
faire au cours des cinq prochaines années? Le gouvernement
prévoit-il financer les groupes qui devront soutenir les sages-femmes
qui vont travailler dans un milieu qui risque de leur être souvent
hostile et qui auront sans doute besoin d'un certain type de counseling?
La Fédération s'inquiète aussi de
l'échéancier entourant la reconnaissance complète de la
pratique des sages-femmes au Québec. Quelle est la durée exacte
qu'auront les projets-pilotes puisque la loi présentée ici aura
une portée totale de cinq ans, voir l'article 22? L'évaluation
sera-t-elle faite sur quatre ans de pratique, comme le laisse sous-entendre
l'article 23? Où le ministre compte-t-il trouver les fonds à
partir de 1991-1992 pour financer les huit projets-pilotes et
l'évaluation? Qu'arrivera-t-il aux sages-femmes pratiquant leur
métier à l'intérieur des projets-pilotes, à la fin
de l'évaluation? Quel mécanisme prévoit le ministre pour
leur éviter de retourner à l'illégalité? Enfin,
quel engagement prend le gouvernement afin de rendre légale la pratique
des sages-femmes si l'évaluation globale s'avère positive?
La Fédération des femmes du Québec encourage le
gouvernement à adopter le projet de loi 4 modifié pour
intégrer les recommandations communes à l'Association
québécoise des
sages-femmes praticiennes, à l'Association des sages-femmes du
Québec et à Naissance-Renaissance. Nous espérons qu'il
intégrera, de plus, les réponses à nos propres
interrogations. La Fédération tient toutefois à rappeler
au gouvernement du Québec que la reconnaissance de la pratique des
sages-femmes n'est qu'une étape dans l'ensemble des transformations
demandées pour humaniser les naissances: chambres de naissances et
maison des naissances, transformation de la mentalité des
médecins, plus grand contrôle des femmes sur leur propre
accouchement et on en passe. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la Présidente.
Est-ce que votre collègue a quelque chose à ajouter?
Mme McKeown (Paula): Non, pas pour le moment. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, Madame. Je vais maintenant
passer la parole à Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine et à la Famille.
Mme Trépanier: Merci, M. le Président. D'abord, Mme
Thibault, je voudrais vous dire combien j'ai trouvé pertinent et
à point les propos que vous avez tenus hier, face aux
événements tragiques de l'École polytechnique. Je vais
vous poser deux, trois petites questions et je vais laisser le ministre
répondre à vos interrogations.
J'ai été surprise de voir que, dans vos lieux de
naissances... Vous favorisez aussi - ma surprise n'est pas là - la
naissance à domicile, l'accouchement à domicile, comme le groupe
précédent, mais, dans les lieux de naissances, vous faites
abstraction des CLSC. Est-ce que c'est un oubli ou si... Quelle en est la
raison?
Mme Thibault: Non, ce n'est pas un oubli, c'est-à-dire que
ce n'est pas... disons qu'on peut mentionner aussi les CLSC, il n'y a pas de
problème là-dedans. Je pense qu'on voulait surtout souligner
qu'il faudrait des maisons des naissances et, évidemment, que la
pratique à domicile doit exister.
Mme Trépanier: Nous avons parlé beaucoup, hier, de
la possibilité d'inclure les CLSC, plusieurs groupes en ont
parlé. Vous voyez ça aussi de bon augure?
Mme Thibault: Oui. Enfin, je constate aussi qu'avec les
années, on transforme beaucoup les Centres locaux de services
communautaires qui, au début, devaient être de petits lieux de
pratique et qui sont en train de devenir de très gros
établissements. Mais oui, Je pense que tous les groupes sont d'accord
que ça pourrait être intéressant. Il s'agirait
d'étudier, de voir quel genre de projets-pilotes va être
présenté.
Mme Trépanier: Vous désirez aussi inclure les
usagères. Comment pourrions-nous procéder au choix de ces
personnes? Comment voyez-vous ça?
Mme Thibault: Je pense qu'il y a des groupes, entre autres comme
Naissance-Renaissance, qui regroupent des usagères depuis de nombreuses
années. Elles ont sûrement un bassin de femmes qui accepteraient
de participer à l'évaluation et à l'encadrement de ces
projets. C'est sûr que c'est un très gros engagement de la part
d'usagères d'accepter de participer à ce genre d'encadrement, et
c'est pour ça que je posais entre autres, cette question au ministre:
Quel genre de financement pourrons-nous avoir pour les groupes qui devront voir
à l'évaluation et à l'encadrement de ce genre de
projet?
Mme Trépanier: Une question que vous n'abordez pas ou que
je n'ai pas vue, en tout cas, c'est la question de la
rémunération. Hier, un groupe nous a dit: Nous souhaiterions que
la rémunération se fasse au cas. Dans mon esprit, les
sages-femmes, vous êtes un peu, même si vous espérez ne plus
l'être, je pense, désinstitutionnalisées, mais il y a une
mission dans votre mandat, c'est clair, vous voyez ça de façon
différente. Lorsqu'on nous parle de rémunération au cas,
je trouve ça dangereux, je préfère de beaucoup la
rémunération à salaire, pour ne pas qu'il y ait le danger
de diminuer l'aide, diminuer les services à la personne. Est-ce que vous
avez une opinion sur ça, sur la rémunération des
sages-femmes?
Mme Thibault: Disons, Mme la ministre, que quand vous dites
"vous", je veux simplement vous rappeler que je ne suis pas sage-femme et que
je n'ai pas l'intention de l'être. Donc, je suis un peu dans la
même position que vous l'êtes probablement quand on essaie de
discuter de la question. Je ne me permettrai pas de répondre à la
place des deux associations, car je ne connais pas leur position sur cette
question-là. Il me semble, par contre, que, si elles travaillent avec
des CLSC, ça sera sans doute à salaire. Mon inquiétude est
beaucoup plus l'inquiétude d'une usagère potentielle qui se dit:
II me semble que ce serait important que ces services soient gratuits.
Mme Trépanier: Que les services...
Mme Thibault: Absolument. Et Je veux m'en assurer, parce qu'il y
a des services, dans les centres hospitaliers, un peu partout, qui ne sont pas
gratuits.
Mme Trépanler: Oui. Je pense qu'en ce qui concerne les
projets-pilotes, la réponse sera affirmative. O.K. Merci, mesdames.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Comme ça a
été fait de manière très professionnelle,
d'habitude, c'est nous qui posons les questions, mais, comme vous en avez
posé une bonne série, je vais y répondre volontiers.
Mme Thibault: Ça va me faire plaisir, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Prenons-les une par une.
À propos des usagères, le gouvernement garantit-il la
gratuité? Je pense que ça a été dit et redit depuis
le début, c'est clair. Ça sera par l'assurance-hospitalisation
que ces problèmes-là seront réglés.
Deuxièmement, "la Fédération s'interroge d'ailleurs
sur le type d'engagement que le gouvernement compte prendre à
l'égard des associations de sages-femmes et d'usagères pour leur
permettre de participer activement à l'encadrement et
l'évaluation de projets-pilotes." Ce sont deux choses: il y a
usagères et il y a sages-femmes. Dans le cas des usagères, on a
des programmes, au niveau du ministère, où on peut
reconnaître des organismes bénévoles et les supporter. Dans
le cas des sages-femmes, comme la volonté est de devenir une corporation
professionnelle, vous comprendrez que lorsqu'on veut s'élever à
un statut comme celui-là, on doit les traiter de la même
manière que les corporations professionnelles, soit par, bien sûr,
des cotisations qui sont payées, puisqu'on ne supporte pas les autres
corporations professionnelles.
Mme Thibault: Je voudrais intervenir.
Le Président (M. Joly): Oui, allez, madame.
Mme Thibault: Je veux simplement vous donner un exemple, M. le
ministre, de groupes qui ont été comme en transition. Prenons la
Fédération des agricultrices du Québec. Pendant un certain
temps, elle a été considérée comme un groupe de
femmes et financée, à tous les niveaux, comme un groupe de
femmes, alors qu'en réalité, c'était en train de devenir
un syndicat de l'UPA. Mais, comme c'était un groupe qui était en
train de se structurer, on a comme compris le besoin d'aider à la
structuration de ce groupe, et le ministère de l'Agriculture et le
Secrétariat d'État, le programme Promotion de la femme, ont
compris cette situation et ont donné du financement. Je pense qu'on
pourrait peut-être espérer, de la part du ministre de la
Santé et des Services sociaux, le même genre d'aide pour cette
période de transition.
M. Côté (Charlesbourg): Et du Secrétariat
d'État.
Mme Thibault: Fédéral.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui. Quand c'est
partagé, c'est toujours moins cher.
Mme Thibault: Oui, mais j'aimerais vous rappeler, M. le ministre,
que, dans le domaine de la santé, le financement au Secrétariat
d'État, programme Promotion de la femme, est extrêmement
difficile. Merci.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. C'est de notre
juridiction mais, de plus en plus, le fédéral nous envoie ses
responsabilités. Ce sont des débats qui viendront
éventuellement. De toute façon, s'il y a des cas particuliers
ailleurs, je pense que c'est à la lumière de ces
expériences qu'il faut analyser, être le plus juste, le plus
équitable, en regardant notre histoire et l'histoire d'autres cas et
savoir où on peut aller.
Une voix: Parfait.
M. Côté (Charlesbourg): Le gouvernement
prévoit-il un soutien financier afin de permettre au groupe
précité de faire des recherches équivalentes a ce que
certaines corporations professionnelles auront tes moyens de faire au cours des
cinq prochaines années? Évidemment, la Corporation
professionnelle des médecins fait des études qui sont très
bien documentées. Ils ont les moyens de le faire, aussi. Ils les paient
eux-mêmes. Je ne sais pas s'ils sont admissibles au Fonds de recherche en
santé du Québec, comme corporation professionnelle.
Une voix: Pas la corporation elle-même.
M. Côté (Charlesbourg): Pas la corporation
elle-même. À partir de ce moment-là, il y a le Fonds de
recherche en santé du Québec qui a des subventions pour supporter
la recherche. Si la question se pose à ce niveau, je pense que c'est
là qu'il faudra poser la question.
Mme Thibault: Oui. Pour ce qui est du Fonds de recherche en
santé du Québec, si ma mémoire est bonne, M. le ministre,
ce sont surtout des universitaires qui peuvent avoir accès à
cela.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. De ce que j'ai entendu
ici, moi, j'ai entendu des universitaires qui étaient aussi des
pro-sages-femmes.
Mme Thibault: Je veux simplement vous
rappeler que, comme il y a très peu de sages-femmes, je pense,
dans les deux associations, vous comprenez que leurs cotisations, comme elles
ont très peu de revenus, peuvent être très peu
élevées. Donc, je pense que ça fera partie de la
transition qu'il faudra souhaiter.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Mais il faut quand
même convenir que le ministère lui-même a fait toute une
série de recherches pour tenter d'étayer. Comme ça fait
quinze ans qu'on en parle, il n'y aura possiblement pas de roue
réinventée. Il y aura des choses à mettre à jour
sur le plan des statistiques, à partir de nos propres
expériences. À partir de ce moment-là, on va davantage se
baser sur nos projets-pilotes qui, eux, vont devoir faire des bilans chaque
année, année après année et qu'on puisse, à
partir de notre expérience propre au niveau de nos
expériences-pilotes, avoir un portrait global qui ne nécessitera
pas de multiples études pour refaire la roue. Évidemment,
à partir du moment où le gouvernement s'engage dans ce processus,
il faut, bien sûr, s'assurer qu'on ait tout l'éclairage possible
pour prendre de bonnes décisions.
La Fédération s'inquiète de
l'échéancier entourant la reconnaissance complète à
partir des sages-femmes, cinq ans, quatre ans, l'article 23, l'article 22.
C'est un projet-pilote de cinq ans et on doit s'assurer, comme
législateur, qu'au terme des cinq, il y ait des mécanismes
nécessaires pour prendre une décision et que cette
décision suive le projet-pilote pour ne pas qu'il y ait de zone grise
entre le moment où l'on fait notre évaluation et le moment
où l'on prend notre décision. Je pense qu'il est peut-être
logique de se dire: La première année va être
révélatrice, la deuxième va l'être tout autant. A
partir de la troisième année, on va commencer à savoir un
petit peu ce que ça donne en termes de résultats dans la
pratique. Inévitablement, pour des gens responsables, on devra, à
ce moment-là, sans présumer du jugement final sur
l'expérience de cinq ans, enclencher des mécanismes qui vont nous
permettre d'éliminer la zone grise qu'il pourrait y avoir entre la fin
de l'expérience-pilote et une décision finale quant à la
reconnaissance, si l'expérience est positive. Évidemment, c'est
la question de 100 $: Où le ministre compte-t-il prendre les fonds? Je
n'ai pas besoin de vous rappeler que c'est un projet de loi qui est
passé par le Conseil des ministres avec, bien sûr, des
évaluations, quoique très sommaires, des coûts financiers,
qui a donc été accepté par le Conseil des ministres comme
avant-projet de loi et qui sera accepté comme projet de loi, non pas
avant mais comme projet de loi, et qui est accepté par le Conseil et,
nécessairement, je serais tenté de vous dire, à même
le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais
la démarche va très certainement être faite pour tenter
d'obtenir les crédits nécessaires à la bonne
réalisation de ces expériences-pilotes. Qu'arrivera-t-il aux
sages-femmes pratiquant leur métier à l'intérieur des
projets-pilotes, à la fin de l'évaluation? Deux choses possibles:
si l'expérience n'est pas concluante, c'est fini; si l'expérience
est concluante, il y a une reconnaissance. Donc, ça me paraît
très clair. Quand on a dit, tantôt, qu'il ne doit pas y avoir de
zone grise entre la fin de l'expérience et la position du gouvernement,
ça me paraît très clair, à ce moment-là,
dépendamment des résultats. Comme, d'un côté, les
sages-femmes et à peu près tout le monde qui est intervenu en
faveur de ce projet-là nous disent: II n'y a aucune espèce de
crainte quant aux résultats, compte tenu des expériences
étrangères. Alors, il y a tout lieu, si on est prohumanisation
des soins par l'entremise de la sage-femme, de penser qu'il y aura une
permanence dans la reconnaissance et que, au contraire, pour d'autres qui
pensent que ce ne sera pas positif mais qui ont droit de changer d'idée
en cours de route aussi, de par les résultats, à ce
moment-là, qui penseraient que ce ne serait pas viable, à ce
moment-là chacun aura à jouer son rôle, au moment opportun.
Mais c'est clair que ce serait là. Mais enfin, quel engagement prend le
gouvernement de rendre légale la pratique des sages-femmes, si
l'évaluation globale s'avère positive? Écoutez, je pense
qu'il n'y a pas un représentant politique qui pourrait, au terme de
l'expérience, après l'avoir fait accepter par le gouvernement,
après l'avoir encadrée, après avoir eu des objectifs et
des mécanismes d'évaluation, qui arriverait à la
conclusion que cette évaluation-là est positive qui pourrait
supporter la thèse de ne pas reconnaître légalement la
pratique. (16 h 15)
Mme Thibault: Donc l'engagement, M. le ministre?
M. Côté (Charlesbourg): Écoutez, moi, mes
convictions à moi sont là. Évidemment, comme j'ai dit que
c'était mon dernier terme sur le plan politique, à moins que le
premier ministre décide que ce soit un terme de cinq ans, à ce
moment-là, je pourrais vous dire: Oui, j'en prends l'engagement, comme
ministre. Je ne peux pas présumer de celui ou celle qui me remplacera
dans cinq ans parce que, éventuellement, ce n'est pas moi qui serai
là, dans cinq ans. Alors, ce sera quelqu'un d'autre mais il y en a un
engagement gouvernemental qui, lui, doit perdurer dans le temps. Moi, j'ai pris
la relève de Mme Lavoie-Roux qui, elle, avait pris l'engagement en
déposant le projet de loi que j'ai fait mien puisque j'étais au
Conseil des ministres, et j'imagine que ce n'est pas un problème
très très difficile à surmonter, à ce
moment-là.
Mme Thibault: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. J'imagine que de toute
façon, M. le ministre, vous portez la responsabilité, non pas la
responsabilité comme la volonté gouvernementale et qu'elle est,
à cet égard-là, entérinée donc par les
membres de votre gouvernement. La présence de la ministre aussi est
significative à cet égard.
La question ne porte pas spécifiquement sur le mémoire
mais a trait aux problèmes que l'on soulève. Toutes les
corporations qui sont venues, de médecins, de spécialistes,
fédérations ou autres ont fait valoir presque toujours un fait,
à savoir que la profession médicale de même que les
spécialités se féminisaient et, donc, que ça
rendait un peu caduc le fait qu'on reconnaisse la profession de sage-femme.
Est-ce que vous partagez ce point de vue?
Mme Thibault: Non, pas du tout. Non, je pense qu'on est
absolument convaincues que c'est une chose d'entrer dans une profession en
grand nombre, en plus grand nombre et c'est autre chose de changer la
profession. De toute façon, dans tous les lieux où il y a des
professions équivalentes à ce qu'on a au Québec, il y a
aussi, dans tous ces pays, des sages-femmes. Rappelons que 201 pays sur 210 ont
reconnu les sages-femmes. Je nous trouve vraiment, enfin, un peu en retard dans
ce domaine-là et j'espère qu'on va rattraper le retard
rapidement.
Mme Marois: D'accord.
Mme Thibault: Mme McKeown voudrait ajouter quelque chose.
Mme McKeown: Je voudrais juste ajouter quand même que j'ai
été l'un des auteurs dans la première demande officielle
pour avoir des sages-femmes au Québec, en 1977. On est douze ans plus
tard. Je pense que ce n'est pas une question. Même à cette
époque-là, ce que les usagères et les femmes ont
demandé, ce n'était pas d'avoir des femmes-médecins pour
les accoucher, c'était d'accoucher et d'avoir le soutien et l'aide
nécessaires pour le faire. Je pense que ce dont on parle aussi s'inscrit
un peu dans un aspect global de contrôle sur nos propres corps, de
contrôle et sur les événements aussi importants qui sont
des événements multidimensionnels, entre autres, sociaux,
psychologiques, etc. C'est une question de choix de civilisation, si je peux
dire aussi, la façon dont on vient au monde et la façon dont on
le quitte et tout ce qui se passe entre-temps. Donc, c'est vraiment une
question de changement fondamental de la façon dont cet acte-là
est perçu et non que ce soient des femmes ou des hommes qui
l'exécutent.
Mme Marois: Ça va pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée de Taillon. Maintenant, Mme la députée de
Les Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perraeult: Merci, M. le Président. Disons que
par rapport à la représentation des usagères, étant
donné que vous représentez en même temps... Je comprends
que vous représentez aussi Naissance-Renaissance mais vous
représentez aussi... non mais vous appuyez, je veux dire, et vous
représentez les usagères, définitivement Par rapport
à la réponse que le ministre faisait tout à l'heure, des
deux comités et tout ça, et par rapport à la
représentation, comment est-ce que vous voyez ça?
Mme Thibault: Je vais être bien honnête avec vous, je
ne suis pas en mesure de vous dire complètement, par rapport à la
participation dans chaque comité. Il me semble qu'elle doit être
plus que symbolique et qu'elle ne doit pas être non plus
bénévole, si ces comités-là sont pour être
très actifs, pour qu'on puisse s'assurer effectivement que les
usagères puissent vraiment jouer un rôle proactif à
l'intérieur des groupes. Mais, pour moi, c'est une évidence qu'il
faut que les usagères soient absolument à tous les niveaux, pour
s'assurer que ces différents projets-pilotes soient positifs. Mme
McKeown.
Mme McKeown: Je vois aussi l'importance, par exemple, de
considérer la présence des usagères non pas
nécessairement toujours comme individu. Il faudrait faire attention de
ne pas tomber dans ce piège-là, comme on l'a vu depuis bien des
années, et que, au minimum, au niveau régional et au niveau du
Québec, il y ait un comité de coordination quelconque, que ce
soit par la représentation de leur groupe, et aussi que ce ne soit pas
bénévole, s'il vous plaît.
Mme Marois: C'est très important.
Mme Carrier-Perreault: Le ministre a sûrement compris.
M. Côté (Charlesbourg): Non...
Mme Carrier-Perreault: II y a des notes là-dessus.
Mme Marois: Je pense que ce serait important peut-être...
Non, je sais qu'il y aura des notes mais, comme on est à la fin de la
journée... Ce serait intéressant que vous repreniez un petit peu
les derniers propos sur la participation des usagères à cet
égard-là, non pas quant à une, deux ou sur tous les
conseils, mais sur le
fond de votre intervention.
Mme Thibault: Je pense que sur le fond, entre autres, ce qu'on
veut mentionner, parce que c'est de plus en plus fréquent dans tous les
comités un peu partout, on demande des bénévoles et, si on
veut que ce soient des femmes qui soient là pendant peut-être cinq
ans et qu'elles aient du temps pour pouvoir approfondir les dossiers et tout
ça, il faut absolument que ce ne soient pas des femmes qui soient
bénévoles, mais qu'elles soient rémunérées
pour leur participation. Je ne parle pas de les rémunérer
à l'année, mais pour leur participation, comme dans d'autres
types de comités auxquels on peut penser, comme le Conseil
supérieur ou ailleurs. Mme McKeown.
Mme McKeown: Oui. Ce que je veux dire, c'est que c'est important
que, au moins aux niveaux régional et provincial, s'il y a des
comités de coordination, que cette participation soit à travers
les représentantes de leurs organismes et de leurs groupes. Donc, on ne
tombe pas dans le piège de...
Mme Marois: L'usagère isolée.
Mme McKeown: ...l'usagère bénévole...
Excusez-moi, de l'usagère qui est là seulement à titre
individuel, qui finalement se fait noyer dans une structure qui est plus ou
moins à son service. Je pense que le but de cette
présence-là, ce n'est pas non plus symbolique, mais c'est de
s'assurer réellement, vu que c'est une demande de la population, qu'on
réponde à ces besoins-là.
M. Côté (Charlesbourg): On va apprendre à se
connaître et à travailler ensemble. Je serai aussi direct que vous
pouvez l'être. Oui, effectivement, c'est une chose qu'il faudra regarder,
bien s'assurer qu'une usagère, qui serait bénévole et qui
n'en aurait pas les moyens, n'y sera pas. On risquerait de se retrouver avec
quelqu'un qui en a les moyens, qui, forcément, ne représente pas
nécessairement l'ensemble. L'autre piège qu'il faut
éviter, et c'est pour ça que je serais favorable à ce
qu'on puisse avoir une certaine rémunération, c'est
d'éviter d'avoir des usagères aussi qui viennent de structures
bien établies. Je pense que les deux sont vrais, dans ce sens-là.
Et, de la manière dont ça pourrait procéder, je n'ai
aucune espèce de problème, je l'ai dit tantôt, oui, des
usagères, des vraies, qui ont probablement vécu des
expériences d'accouchement par sage-femme et d'accouchement par un
médecin, pour être capables effectivement de savoir de quoi elles
parlent, et recommandées par les différentes associations qui ont
pu passer ici, venir exprimer leur point de vue, à partir d'un bassin
où nous pourrions choisir. Mais l'élimination de base quant
à la représentativité ayant déjà
été faite par les différents organismes et
fédérations, laissant le soin au ministre de déterminer
parmi X personnes celles qui pourraient être reconnues à ce
niveau-là, au niveau provincial.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Est-ce que
d'autres^ membres de la commission aimeraient s'exprimer, aimeraient
questionner? Mme McKeown ou Mme Thibault, avez-vous autre chose à
ajouter?
Mme Thibault: Non, je... Peut-être juste une petite chose:
se rappeler d'abord que la fameuse période de cinq ans au niveau, je
pense, du mouvement des femmes et de l'humanisation des naissances, c'est un
compromis qu'on fait dans une longue lutte. Je veux seulement rappeler
ça parce que je trouve ça quand même important de se le
rappeler. On espère que tout va effectivement être mis en place
pour que toutes les femmes qui souhaiteront avoir une sage-femme puissent en
avoir à partir de 1995 sans aucun problème. C'est tellement loin,
1995. Merci.
Le Président (M. Joly): À mon tour de vous
remercier, Mme Thibault, Mme McKeown, pour ce que vous nous avez apporté
à la commission.
Je vais maintenant demander aux représentants de la
Confédération des syndicats nationaux de bien vouloir prendre
place. Est-ce qu'ils sont tous ici? Oui? Merci.
Je vous souhaite la bienvenue. Est-ce qu'il est nécessaire que je
vous rappelle les objectifs de la commission ou déjà vous
êtes au courant? Je vais plutôt... Oui. Alors, c'est dans le cadre
d'une consultation particulière, l'étude du projet de loi 4, Loi
sur la pratique des sages-femmes, dans le cadre d'un projet-pilote.
Si, Mme la présidente, vous voulez bien vous identifier et
identifier aussi les gens qui vous accompagnent. Les règles du jeu, tel
que vous les connaissez sans doute: vous avez quinze à vingt minutes
pour exposer votre mémoire. Par après, nécessairement, il
y a quinze à vingt minutes aussi pour chacun des côtés,
soit le côté ministériel et le côté de
l'Opposition, pour vous questionner et aussi entendre vos commentaires.
Madame.
Mme Simard (Monique): Bonjour, je suis...
Le Président (M. Joly): Excusez. On peut aussi
dépasser un peu.
Confédération des syndicats
nationaux
Mme Simard: M. le Président, mesdames et messieurs, je me
présente. Je suis Monique Simard, vice-présidente de la CSN. Je
remplace Céline Lamontagne, vice-présidente également de
la CSN, qui devait être ici cet après-midi mais
qui, à la dernière minute, a été retenue
dans un autre dossier. Je vais tenter de faire de mon mieux.
Je suis accompagnée de Mme Catherine Loumède, qui est
présidente de la Fédération des affaires sociales; ici,
tout de suite à ma droite, M. Jacques Guérette, président
de la Fédération des professionnels et salariés cadres
à la CSN, qui représente les professionnels du secteur de la
santé, et, enfin, M. Claude Saint-Georges, conseiller à la CSN
et, plus particulièrement, affecté au dossier de
l'élaboration de nos orientations et de nos politiques dans le domaine
de la santé.
La question évidemment de la consultation aujourd'hui nous
intéresse comme organisation parce que, de tout temps, nous avons
été très liés au développement de services
dans le réseau de la santé et, plus particulièrement sur
la question des sages-femmes. Il y a maintenant quelques années que nous
avons arrêté nos positions, à savoir de reconnaître
le travail de sage-femme pouvant s'exercer ici, au Québec. Comme
organisation qui représente également des gens qui oeuvrent dans
le domaine de la santé et des services sociaux, notamment dans des
centres hospitaliers, des CLSC et d'autres centres, eh bien! évidemment
que tout nouveau projet, tout nouveau type de service nous intéresse
également. Enfin, en troisième lieu, notre implication,
particulièrement dans le domaine de la condition féminine, tout
le volet de la maternité dans le sens le plus large possible, a toujours
été une de nos priorités. C'est à ce titre
également que nous faisons cette présentation ici,
aujourd'hui.
Je pense évidemment qu'il y a eu beaucoup de mémoires. On
en est à la troisième journée. Je n'ai pas besoin de
revenir sur des grands faits saillants du type que nous sommes un des rares
pays où la pratique des sages-femmes n'est pas reconnue. Aussi, je pense
qu'il n'est pas nécessaire de revenir sur le fait que la question de
l'accouchement, ici, est absolument contrôlé par le corps
médical et que, malgré le fait qu'il y ait 200 sages-femmes ici,
au Québec, eh bien! que ces sages-femmes ne peuvent pas exercer en toute
liberté et dans des conditions convenables leur profession.
Malgré cela, il y a quand même 2000
Québécoises qui, l'an dernier, ont eu recours aux services de
sages-femmes. Je pense que c'est très significatif que, malgré
les difficultés d'accès, il y ait beaucoup de femmes qui se
prévalent quand même de ce choix.
Vous avez été probablement inondés aussi de
statistiques sur la surmédicalisation des accouchements ici, au
Québec, au Canada et en Amérique du Nord. Donc, je pense que je
n'ai pas besoin de vous répéter ces mêmes statistiques.
Elles sont contenues dans notre mémoire dont vous avez copie. (16 h
30)
Je pense qu'il y a peut-être une chose qu'il est peut-être
important de souligner, c'est que ça fait plusieurs années qu'on
parle de surmédicalisation, que beaucoup de groupes de femmes
préoccupées de la question de la santé des femmes ont fait
état de cette situation, mais malgré cela, malgré les
avertissements, on voit qu'il y a une tendance toujours croissante à
cela et c'est d'autant plus inquiétant.
Il y a une chose qui m'apparaît et qui nous apparaît, nous,
extrêmement importante, avant de vous faire part de nos recommandations
plus précisément, c'est que les femmes sont favorables au fait
que les sages-femmes soit, puissent offrir des services et puissent travailler
au Québec. Moi, je pense que c'est extrêmement important
d'insister sur cela, que les sondages qui ont pu être
réalisés au cours de la dernière année montrent
que, pour la majorité des femmes québécoises, si on leur
donnait le choix, elles choisiraient une sage-femme. Ça, je pense que
c'est un chiffre extrêmement révélateur de la
volonté des femmes au Québec.
Je pense que ce n'est pas inintéressant que les
Québécoises se disent prêtes et, en majorité,
voudraient avoir recours à une sage-femme. Je pense qu'il y a des
chiffres très éloquents qui ont été produits,
d'ailleurs, par des organismes gouvernementaux, sur des situations fort
difficiles qui pour plusieurs semblent assez aberrantes que dans une
société dite riche comme le Québec, une
société industrialisée comme le Québec, qu'au
niveau de la naissance, on ait des situations d'inégalité aussi
grandes, qu'on ait ici au Québec, dans une société qui,
pour beaucoup d'autres, semble extrêmement favorisée, qu'au niveau
de la naissance, dans certains milieux du Québec, dans certaines
régions du Québec, on puisse se comparer à certains pays
du tiers monde. Je trouve que ça, c'est extrêmement alarmant.
Pourquoi je le souligne? Parce que certains pourront dire: II n'y a pas
vraiment, nécessairement de corrélation entre sages-femmes et
condition de naissance, ou conditions faites aux femmes qui sont enceintes ou
aux bébés à naître. Je pense que ce n'est pas vrai
puisqu'on a pu remarquer que dans d'autres sociétés qui, d'un
point de vue économique, peuvent se comparer à la nôtre et
qui reconnaissent le métier de sage-femme, dans ces pays-là, dans
ces sociétés, il y a une approche à la naissance, il y a
une approche globale à la naissance qui fait en sorte que des femmes de
tous milieux, justement avec l'approche qu'apportent les sages-femmes, peuvent
vivre des grossesses et des accouchements, et mettre des enfants au monde dans
de bien meilleures conditions et des enfants qui, lorsqu'ils naissent, sont en
bien meilleure santé que ce qu'on peut retrouver ici au
Québec.
Et je pense qu'il y a un lien, effectivement,
et c'est une préoccupation d'une organisation comme la
nôtre, qui n'est pas juste de reconnaître un métier, parmi
tant d'autres, tout aussi louable qu'il peut l'être, mais aussi de faire
un tien qu'entre ce métier, l'approche qu'il a, on peut rehausser des
conditions qui sont faites à certaines couches de la
société, notamment, évidemment, je fais
référence aux femmes de milieux socio-économiques plus
défavorisés. Et ça, c'est extrêmement important pour
nous.
On sait que bon, dans notre société au Québec,
également, il y a un certain nombre d'institutions qui ont
commencé à mettre sur pied des programmes d'intervention pour
justement pallier le problème auquel je viens de faire
référence. Plusieurs CLSC, je pense, on doit le souligner, l'ont
fait et c'est tout à leur honneur. Mais, on n'a pas encore ici, au
Québec, je dirais, d'approche vraiment globale, de programmes de soins
globaux qui pourraient nous permettre, effectivement, d'avoir pour toutes des
conditions convenables pour mettre des enfants au monde, être enceinte,
avoir une grossesse convenable, heureuse, et mettre des enfants au monde en
santé.
Alors, plus particulièrement, sur ce qui est proposé dans
le projet, je vais vous faire part de nos recommandations. Bon, je veux dire
tout de suite, évidemment, que l'initiative que le gouvernement a prise
en déposant son projet de loi, tout en étant à
l'intérieur d'un cadre expérimental, constitue un premier geste,
je pense, qu'on doit signaler comme étant favorable, en tout cas,
à notre avis, je pense que c'est important de vous le dire. Que ce
mouvement vers l'humanisation des soins en périnatalité qui s'est
développé au cours des 20 dernières années et qui,
très largement, comme je le disais, trouve écho auprès des
femmes du Québec, exigeaient et exigent encore du gouvernement une
action déterminée qui, je pense et nous pensons, devra aller plus
loin que ce qui est expérimenté dans ce projet de loi.
D'ailleurs, les travaux qui avaient été menés par la
commission Rochon, les réflexions qui ont été faites
ensuite par le ministère, qu'on retrouve dans différents
rapports, nous permettent d'espérer que cette réforme va se
réaliser.
L'intégration, pour nous, dans le réseau des services de
santé et des services sociaux, des sages-femmes, à titre de
professionnelles, pour nous, comme professionnelles à part
entière, doit être vue dans le contexte de cette approche
très globale. On ne veut pas en faire quelque chose d'isolé, tout
en reconnaissant toute la pertinence et le bien-fondé de l'argumentation
qu'ont pu développer les associations de sages-femmes et les groupes de
femmes. Pour nous, ça s'inscrit dans un projet plus global que le
gouvernement aura à mener à terme. D'ailleurs, je pense que Mme
Lavoie-Roux, votre prédécesseur, M. le ministre, en avait fait
état à plusieurs reprises et nous étions d'accord avec
elle.
Alors, c'est ce qui, je pense, cette foulée de rapports, ces
déclarations, nous inspire, en tout cas, un certain optimisme que
ça se réalisera dans un avenir plutôt rapproché.
Quant à nos recommandations plus précises, sur le cadre
juridique, ce que nous recommandons, c'est que, suite à l'avis fourni en
mai 1987 par l'Office des professions, le Code des professions soit
modifié afin de prévoir la reconnaissance de la profession
autonome de sage-femme. Pour nous, cela constitue une étape vers la
création, éventuellement, d'une corporation professionnelle
à exercice exclusif.
Les orientations gouvernementales, en avril dernier, que la ministre
entendait rendre possibles, l'accès à certaines médecines
douces, comme le souhaite une partie de la population québécoise,
ça, nous sommes d'accord. Mme Lavoie-Roux, à ce moment-là,
précisait qu'elle voulait proposer au ministre responsable que l'Office
des professions assure un contrôle de l'activité professionnelle
lorsque des pratiques peuvent représenter un certain danger pour le
public, en attendant qu'une corporation puisse, le cas échéant,
l'assurer elle-même.
Alors, la profession de sage-femme devrait, à notre avis,
être la première à bénéficier de ces
intentions ministérielles. Il y en aura d'autres, mais, pour le propos
de cette commission parlementaire, nous pensons que ça devrait
être la première.
Quant au mandat et la composition du comité, nous recommandons
que le mandat du comité prévu à l'article 5 du projet de
loi soit élargi pour permettre l'admission à la profession de
toute sage-femme ayant la compétence requise. D'autre part, nous
proposons que le nombre de membres du comité, tel qu'il est inscrit,
soit élargi pour permettre la participation de représentantes du
public. Nous suggérons ici des personnes désignées, par
exemple, par le Conseil du statut de la femme et le Conseil des affaires
sociales, organismes gouvernementaux. Et, suite aux amendements
législatifs requis, le comité constituerait, à cette
étape, le bureau de la corporation des sages-femmes.
Quant au champ de pratique et à la formation, l'avis fourni
à la ministre par le comité de travail sur la pratique des
sages-femmes au Québec recommande que le champ de pratique des
sages-femmes leur permette une utilisation maximale de leur potentiel. Dans ce
sens, la définition internationale de la sage-femme, qu'on a reproduit
en annexe dans notre mémoire, et le code de pratique de la CEE sont
autant de références utiles pour fixer ce champ de pratique. Nous
recommandons que le comité responsable prévu à la loi ait
pour mandat d'élaborer un règlement sur le champ de pratique en
collaboration avec les sages-femmes et les autres professions impliquées
en périnatalité.
Pour nous, enfin, ce que nous voulons vous soumettre, c'est que la
sage-femme doit être considérée comme une professionnelle
distincte des autres professionnels de la santé. En regard des
connaissances requises et des responsabilités professionnelles qui lui
sont rattachées, la future sage-femme doit trouver un enseignement de
qualité, accessible réglonalement dans le réseau
universitaire.
Et en accord avec des positions déjà exprimées par
le comité des infirmières de la Fédération des
affaires sociales, CSN, nous recommandons que le diplôme de sage-femme
soit accordé par l'université, premier cycle, la formation
d'infirmière au niveau collégial n'étant pas requise, mais
pouvant cependant faciliter l'accès à cette profession. La vision
se confirme d'ailleurs de plus en plus à l'effet que les sages-femmes
auront à jouer un rôle de tout premier ordre dans l'atteinte de
nos objectifs collectifs de périnatalité.
Une autre de nos positions, c'est l'intégration au réseau
public. D'ailleurs, quand on regarde ce qui s'est passé dans d'autres
pays, leur exemple nous démontre que les sages-femmes réalisent
leur plein potentiel à l'intérieur d'équipes
périnatales caractérisées par des approches de
continuité et de globalité des soins. Alors, nous recommandons,
en conséquence, que les sages-femmes soient intégrées dans
le réseau public de la santé et des services sociaux au sein
d'équipes en périnatalité existantes ou à
être formées. Nous recommandons que le salariat soit le mode de
rémunération privilégié pour les sages-femmes.
Les suivis prénatal et postnatal de même que l'accouchement
sont des actes qui doivent être assumés entièrement par
notre système public de services de santé, croyons-nous. Il
devra, en conséquence, être prévu que l'ensemble de
coûts afférents à la rémunération des
sages-femmes émerge au budget de la Régie de l'assurance-maladie
du Québec. Nous nous opposerions au développement d'un
système privé de services en périnatalité où
des professionnels, sages-femmes ou autres, se feraient rembourser directement
par les utilisatrices pour leurs services, d'autant plus que,
évidemment, on pense que des femmes d'un milieu défavorisé
pourraient tellement bénéficier de ce type de services. Elles
n'ont pas d'argent, donc on pense que là, il y aurait une
incohérence assez grande. Il s'agit, évidemment, d'une question
de principe pour nous, en regard de la nature à préserver de
notre système de services de santé et de services sociaux.
En ce qui concerne la question des coûts qui pourrait être
soulevée, l'étude du comité de travail sur la pratique des
sages-femmes nous démontre qu'il n'y a pas lieu de craindre une hausse
des coûts dans le système de la santé du fait de
l'arrivée de nouvelles professionnelles que sont les sages-femmes. On
peut même peut-être soutenir le contraire, que la diminution des
coûts associée à la prématurité, à la
naissance de bébés de faible poids, la diminution de certaines
interventions et la diminution de la durée de séjour à
l'hôpital, par exemple, sont des phénomènes qui sont
observés dans les résultats de pratique des sages-femmes. On sait
que ce sont des choses qui coûtent très cher; si on arrive
à diminuer ce type de services, eh bien, on pourrait même penser
à des économies de coûts. On sait que le gouvernement est
toujours sensible à ce type d'arguments.
Si on ajoute, par ailleurs, que les omnipraticiens et les
médecins de famille ont déjà beaucoup réduit leur
tâche en obstétrique, la majorité s'excluant de cette
pratique, on ne doit donc pas trop craindre la montée d'une forte
concurrence interprofessionnelle, croyons-nous.
Alors, d'ici quelques années, c'est ce que nous souhaitons, les
femmes québécoises vivant une grossesse normale auront
accès, dans toutes les régions, au médecin omnipraticien
ou à la sage-femme, selon leur choix. Cette perspective doit être
vue comme une alternative proposée aux femmes afin qu'elles vivent leur
grossesse et leur accouchement de la façon la plus harmonieuse et la
plus sécurisante, non pas comme une occasion d'exacerber
l'hostilité entre familles professionnelles.
En ce qui concerne les projets-pilotes, le projet de loi
présentement à l'étude vise à soutenir des
projets-pilotes conçus par les centres hospitaliers approuvés par
le ministre de la Santé et des Services sociaux. Nous estimons que les
centres hospitaliers devront être associés, de toute façon,
à la réalisation des projets-pilotes, mais nous ne croyons pas
qu'ils sont les seuls établissements aptes à en être les
maîtres d'oeuvre, l'originalité de la pratique des sages-femmes se
retrouvant peut-être davantage dans les suivis prénatal et
postnatal autant que dans l'accouchement lui-même, on peut imaginer que
la responsabilité du projet-pilote relève d'un CLSC, d'une maison
des naissances ou d'un centre de santé de femmes. Une avenue qui serait
peut-être à explorer pourrait être de confier l'encadrement
d'un projet-pilote à un comité régional auquel seraient
associés des établissements (CLSC, centres hospitaliers, maisons
des naissances) et à des organismes reliés au mouvement
d'humanisation des naissances.
Afin de tenir compte d'un objectif à plus long terme
d'accès universel aux services de sages-femmes, nous croyons qu'H faut
permettre maintenant le développement d'une expertise dans chacune des
régions du Québec. Donc, en conséquence, nous recommandons
que, dans chacune des régions socio-sanitaires, au moins un
projet-pilote intégrant la pratique de sage-femme soit autorisé
par le ministère, après recommandation
par le Conseil de la santé et des services sociaux. Ces projets
pourront contribuer à la réalisation des objectifs prioritaires
de la région en périnatalité parce qu'on sait aussi qu'on
retrouve des différences assez marquantes entre les régions du
Québec. On pense que ce serait important de pouvoir mener ces
expériences dans toutes les régions du Québec qui vivent
des situations parfois très différentes. (16 h 45)
Alors, M. le ministre, M. le Président, mesdames et messieurs,
c'est l'essentiel de nos commentaires. Je ne sais pas si j'ai
dépassé mon temps, nous serons disposés à
répondre aux questions qui pourront nous être
présentées. Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre de
la Santé, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président, Mme Simard, Mme Loumède, messieurs. On me dit que vous
avez les 20 minutes, parfait. Vous avez possiblement l'habitude de ce genre de
prestation devant ce forum-là ou de la discipline, ce qui fait que vous
y arrivez très bien.
Évidemment, tout le monde a parlé de
périnatalité avec nos forces et nos faiblesses au niveau du
Québec. On a quand même dit, en termes de constat, que ce
n'était pas le tiers monde, qu'il y avait eu des progrès quand
même assez importants au cours des dernières années mais
qu'on avait des faiblesses aussi, en particulier, vous les avez
évoquées, au niveau des adolescentes, des régions
isolées ou en milieu socio-économique un peu plus difficile. Et
tout le monde en convient, y compris les médecins, que c'est par
l'humanisation des soins ou de l'encadrement global de la relation
professionnelle avec la mère et le milieu familial qu'on va
réussir à améliorer certaines de nos faiblesses ou de nos
carences actuellement.
Évidemment, là où ça devient plus difficile,
pas pour moi, mais de ce que j'ai entendu... C'est qu'on parle aux
sages-femmes. Les sages-femmes disent: Nous, on peut le faire. Il y en a
d'autres aussi. On ne dit pas que d'autres ne peuvent pas le faire. Nous, on
peut le faire. Alors que, lorsqu'on arrive avec les médecins, on est
dans une situation où on dit: Oui, nous, on peut le faire et on est
même prêt à en faire encore davantage que ce qu'on a fait.
Ils étalent très ouverts à ça, compte tenu des
moyens, des ressources, compte tenu aussi des attitudes. Mais on n'est pas
sûrs que les sages-femmes peuvent le faire au Québec, compte tenu
de notre spécificité et surtout, compte tenu aussi du faible taux
des naissances par rapport au nombre de médecins qui sont capables de le
faire maintenant et qui sont capables de bien le faire.
Et il y a eu une conclusion à un certain moment donné. On
dit: Ce qu'on vise par les sages-femmes, c'est d'évacuer les omnis de
cette pratique-là. J'en arrive à la page 5 de votre
mémoire où il y a un tableau qui saute aux yeux et qui nous
évoque que 82,2 % des omnis n'ont fait aucun ou, au maximum, quatre
accouchements durant l'année 1985. Ça ne m'a jamais frappé
comme ça me frappe là. Évidemment, vous avez le don de
présenter les choses. Vous avez l'habitude de présenter ce genre
de choses-là, de documents. Cela frappe plus parce que le blanc frappe
plus que ce qui est en noir ou en gris. J'aimerais avoir un petit peu plus
d'information sur les sources qui nous permettent d'arriver à cela et
peut-être un commentaire plus élaboré sur le tableau, cette
situation-là, qui a une tendance à dire que déjà
les omnis sont évacués de ce champ-là de pratique ou
à peu près.
Mme Simard: Alors ça vient... Le Président (M.
Joly): Madame...
Mme Simard: ...de vos propres documents. Ha, ha, hal
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Merci, je viens
d'arriver.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Simard: cela a été produit cet
été. c'est la périnatalité au québec, la
pratique des sages-femmes. il y a un relevé. c'est produit par le
ministère de la santé et des services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): C'est extraordinaire!
Mme Simard: Et c'est dans ce volume qui a été...
C'est cet été, je pense, en juillet, qu'on a recueilli ces
statistiques. D'ailleurs, c'est très très éloquent,
effectivement, de voir que les gens réclament et disent qu'ils font
très très bien les choses. Mais quand on regarde dans les faits,
ils ne le font pas quantitativement.
M. Côté (Charlesbourg): Mais donnez-moi toute la
source. Parce que si c'est l'été 1989, j'étais
occupé à faire autre chose...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): J'avais d'autres
préoccupations. J'ai au moins ça pour me pardonner, l'autre
étant le nombre de publications assez exceptionnel que fait le
ministère. Mais de toute façon...
Mme Simard: De bonnes publications. On tient à le dire. Ce
n'est pas toujours qu'on vous
dit que vous faites de bonnes choses.
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha!
Une voix: Où étiez-vous? Que falsiez-vous cet
été?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
que ce sont les fonctionnaires qui font les bonnes choses et ce sont les
ministres qui font les mauvaises.
Mme Simard: Je vous laisse spéculer là-dessus.
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! En tout cas,
ça m'a frappé et je vais aller chercher le complément
d'information que je sens le besoin d'avoir à ce moment-ci.
Mme Simard: M. le ministre... M. Côté
(Charlesbourg): Oui.
Mme Simard: ...la statistique à la page six aussi est
très révélatrice.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, celle-là, je la
connaissais, par exemple.
Mme Simard: Vous la connaissiez?
M. Côté (Charlesbourg): Je suis un peu moins pris en
défaut sur celle-ci.
Mme Simard: Et ça explique peut-être l'autre aussi,
le nombre accru de césariennes.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. J'arrivais.
C'était ma deuxième question, au niveau des césariennes.
Ça m'a frappé parce que plusieurs l'ont évoqué
comme pratique qui n'est pas nécessairement souhaitable et qui n'est pas
reconnue par l'Organisation mondiale de la santé, donc qui est au-dessus
des standards, peut-être même le double de ce que reconnaît
l'Organisation mondiale de la santé. Mais la réponse qu'on a eue
hier soir de ceux qui la pratiquent, c'est à la demande des femmes
elles-mêmes qu'il y a plus de pratique de césariennes au
Québec et qu'ils sont dans une situation où la femme le demandant
se sent plus sécure vis-à-vis de la césarienne que
d'accoucher par voie naturelle. C'est une explication qui nous a
été fournie hier et je vais vous donner toutes les informations
qu'on a reçues, parce qu'on en a eu aussi une explication par Mme de
Koninck de l'Université Laval, en fin de soirée hier soir, qui
disait qu'effectivement, ce comportement-là s'expliquait par la
médicalisation de l'accouchement et un encadrement qui, au fil des
dernières années, a davantage encouragé ou mis en
confiance à l'intérieur d'une pratique comme celle-là.
Mais il reste que le taux est là et, en bonne partie, c'est un choix
volontaire des femmes, de ce que j'ai compris.
Mme Simard: Écoutez, par rapport à cela, moi, je
pense que l'explication qui est donnée par Maria de Koninck, je pense,
est très bonne. Je pense que cela s'inscrit aussi dans le fait que, pour
la très grande majorité des femmes, elles n'ont pas une grossesse
qui est vécue par une approche globale ou le suivi est fait du
début jusqu'à la fin en présentant l'autre alternative
comme étant là possible. Pour beaucoup de femmes qui ont
accouché, on sait qu'il arrive un moment donné où,
effectivement, il est facile de demander la césarienne après tant
d'heures de travail, de douleur et de souffrances, qu'on dise: Bon, c'est-u
possible d'avoir une césarienne? Il y a deux approches à cela que
le médecin peut prendre. Dire: Oui, tout de suite, très bien, on
va régler ça. Ou alors de dire: Non, il y a une autre
façon de faire, il faut peut-être passer à travers. il y a
quand même d'autres statistiques qui me semblent indiquer que les femmes,
vraiment, lorsqu'on leur présente l'ensemble de la situation, font
d'autres choix, notamment, celui de dire, pour la majorité d'entre
elles, oui, si elles pouvaient avoir une sage-femme aimeraient cela, le
feraient, elles auraient une sage-femme. Donc, je pense que c'est à
défaut d'avoir autre chose, peut-être que oui, il y en a qui le
demandent, mais si elles pouvaient avoir un autre modèle et une autre
approche, je ne suis pas certaine qu'elles le demanderaient en aussi grand
nombre ou que ce serait finalement, ultimement la solution qu'entre deux maux,
on choisit celui-là.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne me souviens pas de la
page du... Mais vous avez évoqué que le pendant - parce qu'on a
toute une notion d'avant, pendant et après - devrait se faire en centre
hospitalier ou en CLSC et, si j'ai bien compris, toujours sous-entendu, sous
surveillance médicale. Et si j'erre et fait une mauvaise
interprétation dites-le-moi, mais ce que j'ai compris, c'est que vous
privilégiez: centre hospitalier, CLSC. J'ai cru déceler que
c'était pour le support médical au cas où il arriverait
des choses. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme Simard: Dans notre position, effectivement, nous excluons,
nous, l'accouchement à domicile. C'est la position de la CSN,
c'est-à-dire que, oui, évidemment, à la reconnaissance de
la pratique, oui, au fait que les sages-femmes puissent faire des
accouchements, mais en institution. Donc, ce n'est pas nécessairement
sous la supervision de, mais c'est dans une
institution.
M. Côté (Charlesbourg): ...avec support.
Mme Simard: C'est cela.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends.
Mme Simard: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que...
Mme Simard: Je pense que c'est important comme nuance.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. À la page 13,
vous évoquez la définition internationale de la sage-femme. C'est
important, on en a parlé à plusieurs reprises. J'ai tenté
à quelques occasions de vider la question parce que, selon mes
conseillers qui ont travaillé dans le projet avant même que
j'arrive et qui me le confirment à nouveau, la définition du
champ de pratique à l'intérieur du projet de loi, pour nous,
représente la définition internationale. Mais vous n'êtes
pas le premier groupe qui intervenez pour nous dire qu'on devrait
reconnaître la définition internationale. Je me demandais si,
effectivement, votre compréhension du texte que nous vous avons produit
est à l'effet que ça ne comprend pas l'ensemble de la
définition internationale.
M. Saint-Georges (Claude): Le projet de loi est assez concordant
avec la définition.
Mme Simard: Pourquoi est-ce qu'on y fait référence?
Effectivement, c'est que ça enlèverait toute
ambiguïté et que ça ferait en sorte qu'ici, on pourrait
reprendre ce qui est repris par d'autres et il n'y aurait pas
d'ambiguïté par la suite. C'est ce qu'on souhaiterait.
M. Côté (Charlesbourg): o.k. mais je dois comprendre
qu'il y a quand même, à l'intérieur du projet de loi,
l'ensemble des éléments que l'on retrouve à
l'intérieur de la définition internationale.
Mme Simard: II y a beaucoup de concordance; ce n'est pas
contradictoire.
M. Côté (Charlesbourg): Je termine avec la
reconnaissance professionnelle, parce que c'est un élément aussi
extrêmement important. Évidemment, l'office des professions n'est
pas très ouvert, II faut bien l'admettre, et II y a moins d'ouverture
maintenant qu'il y a quelque temps à la reconnaissance d'une nouvelle
profession dans ce domaine-là, il faut bien le dire. Je ne crois pas
révéler de secret de polichinelle en vous disant ça;
ça me paraît très évident à ce moment-ci.
En règle générale, ça prend à peu
près trois ans avant de passer à travers, si on est chanceux,
tout le processus de la reconnaissance professionnelle. Ça nous
apparaissait périlleux quant à la volonté politique de
voir réaliser le projet de loi et de voir l'implantation de
projets-pilotes, parce que c'est ça l'objectif. Si on pouvait le faire
sans projet de loi, ce serait encore bien mieux, mais on n'a pas le choix que
de le faire par un projet de loi. La volonté est là et on va y
arriver, mais tout le monde ou la plupart des tenants de l'accouchement avec la
sage-femme, du moins la liberté de choix, parce que ce sera toujours
ça, la liberté de choisir un médecin ou de choisir une
sage-femme, balisée par la reconnaissance professionnelle - donc, une
nouvelle profession - ça prend trois ans minimum, si on est chanceux.
À ce moment-là, ça risquerait de mettre en péril,
je pense, les projets qu'on veut élaborer. Est-ce que vous ne trouvez
pas ça un peu risqué à ce moment-ci d'avoir une exigence
comme celle-là, compte tenu que notre projet-pilote, on ne peut pas
conclure, avant même d'avoir fait notre expérience-pilote qui aura
une permanence?
Mme Simard: Je vais demander à M. Gué-rette de
répondre à la question.
M. Guérette (Jacques): Je pense qu'au premier abord on
peut dire, si on lit à la page 13 de nos recommandations, qu'on
recommande notamment, pour répondre très pratiquement à la
question: "Nous recommandons que le mandat du comité prévu
à l'article 5 du projet de loi soit élargi pour permettre
l'admission à la profession de toute sage-femme ayant la
compétence requise."
Essentiellement, ce qu'on veut dire par cette
précision-là, si on la place dans le contexte, c'est
qu'effectivement, oui on comprend le processus pour en arriver à une
corporation professionnelle, mais je me référerais aux
orientations de la précédente ministre où on parlait
effectivement de toute la question des médecines douces qui nous
intéresse aussi en général. Il faut, non seulement au
niveau de l'Office des professions, éclaircir certaines choses,
peut-être en modifier, mais créer des mécanismes
temporaires qui permettent, jusqu'à ce qu'on ait effectivement tous les
éléments nécessaires à l'établissement d'une
corporation, de protéger le public à partir de ces
mécanismes-là. C'est pour ça qu'on proposait effectivement
d'élargir le mandat du comité qui était prévu
à l'article 5: pour permettre justement d'atteindre cet
objectif-là, tout en protégeant le public.
M. Côté (Charlesbourg): En vous écoutant, mes
souvenirs se sont rafraîchis et pour ne pas qu'il y ait
d'équivoque et créer d'injustice vis-à-
vis de l'Office des professions, ils n'en ont pas contre la
reconnaissance de cette profession, mais davantage de jouer le rôle que
vous voulez lui faire assumer d'un contrôle en l'absence de. C'est
davantage là qu'ils ont des réticences à jouer le
rôle qu'on voudrait leur voir dévolu au bas de la page 12. Il n'y
a pas pour eux d'intérêt à ce moment-ci ni d'ambition de ce
côté-là. Évidemment, on pourrait toujours insister,
mais... Alors, ça va pour le moment.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de Les
Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Disons
qu'il ne me reste plus beaucoup de questions. J'en ai une petite cependant.
Ici, à la page 16, quand vous disiez que les sages-femmes
opèrent, soit en centre hospitalier ou en CLSC, par rapport justement au
support qui existe dans ces établissements-là, est-ce que, par
rapport aux centres de santé, parce que je pense... en tout cas,
à mon sens, vous êtes les premiers qui parlez du centre de
santé pour femmes aussi comme possibilité. Ce que je voudrais
savoir c'est, d'abord, croyez-vous que, dans ces
établissements-là, le support est suffisant, d'une part, et
est-ce que vous avez eu des pourparlers avec ces groupes-là pour nous
amener cette proposition-là?
Mme Simard: Non, on n'a pas eu de pourparlers
nécessairement mais, quand on élargit à d'autres types
d'établissements, pour nous, le travail des sages-femmes, ce n'est pas
qu'un travail à l'accouchement. C'est aussi avant et après
l'accouchement. Or, on sait que ces fonctions-là sont assumées
aussi par d'autres types d'établissements que les seuls centres
hospitaliers et les CLSC, entre autres, ou des projets de maisons des
naissances ou même des centres de santé. C'est dans ce
sens-là que, si on conçoit le travail des sages-femmes comme
étant très complet, du début jusqu'à la fin, la fin
étant après la naissance aussi, eh bien, à ce
moment-là, pourquoi ne pas faire des expériences-pilotes toujours
avec d'autres types, peut-être pas dans toutes les régions, est-ce
qu'il y aurait des expériences-pilotes avec un centre de santé,
mais admettons, par exemple, dans un certain centre d'une certaine
région comme Montréal, ce ne serait pas nécessairement
à exclure, d'après nous. Il ne faut pas oublier que les centres
de santé de femmes à Québec, à Montréal et
partout ailleurs ont beaucoup beaucoup contribué, depuis quinze ans,
à élargir les esprits de tout le monde sur la nouvelle approche
par rapport à la maternité, par rapport à l'accouchement,
et je pense qu'au moment où on entre probablement de plein pied dans ces
nouvelles approches, de ne pas les exclure complètement, mais de pouvoir
les associer à de nouvelles expériences.
Mme Loumède voudrait peut-être ajouter. Les centres de
santé de femmes - elle souligne un point important que je n'ai pas
mentionné - c'est tout le rôle éducatif que jouent ces
centres de santé auprès des femmes qui viennent au centre, qui
s'adressent au centre. Je pense que, encore là, il y a une collaboration
qui est peut-être intéressante.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. Je vais maintenant reconnaître le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, Mme Simard, Mme Loumède, messieurs, au
risque de provoquer l'agacement de mes collègues de façon a
exercer cette modestie coutumière que j'ai, je suis heureux d'accueillir
des gens qui ont feu et lieu dans la circonscription de
Salnte-Marie-Saint-Jacques.
J'ai tout. J'ai tout. Je suis comblé, effectivement. Je vais
aller d'abord par un commentaire, si vous le permettez, et, après, une
question. À la page 10, dans le dernier paragraphe, lorsque vous parlez
de l'État du New Jersey, dans cet article d'ailleurs du New York
Times dont j'ai lu le titre mais non pas l'article au complet, ce que vous
avez fait, je trouve que vous donnez, en le citant, je pense, une orientation,
une dimension qui véritablement rejoint ma préoccupation à
titre de député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je pourrais
probablement parler au nom de ma collègue, la députée
d'Ho-chelaga-Maisonneuve, Mme Harel. Vous savez fort bien, comme moi, Mme
Simard, que si, comme le dit M. le ministre, on s'est sortis du tiers monde, on
n'est pas sortis très très loin de cette porte-là dans le
centre-sud où, malheureusement, il y a des données
socio-économiques épouvantables. Je pense que la dimension que
vous donnez là-dedans serait, sans aucun doute, l'un des
éléments de solution les plus adaptés à la
situation qu'on vit malheureusement à ce niveau-là.
Quand on regarde pour ce qui est des enfants de petit poids, vous savez
comme moi que les statistiques en provenance du centre-sud et même du
plateau, d'ailleurs, où on a une déformation optique, croyant que
le plateau est uniquement yuppie. C'est faux, il y a des zones grises
également. On s'aperçoit que la statistique est
énormément forte et c'est drôlement préoccupant.
Donc, je vous dis que je suis heureux de voir ça dans le mémoire
que vous nous présentez.
La question que j'aimerais vous poser se trouve toujours dans
l'énoncé que vous faites à la page 10. C'est sous la
rubrique "Le programme de soins globaux" encore; c'est au deuxième
paragraphe. Vous dites: "...l'intervention sera faite d'une façon
privilégiée par une intervenante
unique pour chaque femme. Elle ferait l'évaluation initiale, le
suivi à domicile et guiderait la femme vers d'autres services - Bon,
d'accord - Cette intervenante privilégiée pourrait être une
infirmière ou une sage-femme." Je me pose la question: Est-ce que vous
voulez parler d'une infirmière avec formation de sage-femme ou d'une
infirmière infirmière, si je peux employer l'expression?
Mme Simard: On parle d'infirmières qui pourraient
être spécialisées en périnatallté mais qui,
à tout le moins, soit avant ou après l'accouchement, peuvent
très bien agir. Mais, en même temps, une sage-femme, elle, peut
aussi faire ça et, en plus, l'accouchement. Il ne s'agissait pas
d'exclure les unes parce que les autres peuvent tout faire. Mais ce qui est
très, très important dans ce qu'on veut ici vous dire, c'est que,
pour nous, les sages-femmes, la reconnaissance des sages-femmes, leur permettre
de pouvoir exercer au Québec leur approche changerait vraiment les
conditions faites aux femmes de milieu défavorisé. Toute
l'approche... il ne faut pas que ces nouvelles approches à la naissance
ne soient le lot que de femmes aisées, instruites, plus
renseignées, qui ont vu qu'ailleurs ça se faisait autrement. Au
contraire, ici on parte de quelque chose qui doit être universel,
égal pour tout le monde: avoir de bonnes conditions pour mettre des
enfants au monde. Dans ce sens, on pense que, oui, il faut une approche globale
avant l'accouchement, pendant la grossesse, à l'accouchement,
après; que cette approche globale doit être Individualisée
pour chacune des femmes qui a à recevoir ces services; que plusieurs
personnes appartenant à des disciplines différentes peuvent
être mises à contribution et que, à tout le moins, pour
certaines, le suivi de la grossesse et après, soit une infirmière
ou une sage-femme, sont tout à fait appropriées.
Donc, ce n'est pas l'une ou l'autre, ce n'est pas nécessairement
une infirmière sage-femme parce que si elle est sage-femme elle est
infirmière et sage-femme et, à ce moment-là, on dirait
"sage-femme" carrément.
M. Boulerice: D'accord. Vous avez répondu à mon
interrogation.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Est-ce que... M. le ministre, en conclusion, peut-être?
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier. Je
pense que c'est un projet de loi qui va dans le sens d'un très large
consensus... non pas le projet de loi, mais votre mémoire va dans le
sens du consensus qui semble se dégager de cette commission
parlementaire, où les projets-pilotes sont une étape
extrêmement importante pour valider un certain nombre de choses et donner
aussi toute la crédibilité qu'il faut pour être capable de
reconnaître éventuellement cette pratique de manière plus
étendue. Merci de votre contribution et bon retour.
Mme Simard: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): À mon tour de remercier les
représentants de la Confédération des syndicats nationaux
pour leur apport. Nous allons maintenant ajourner sine die.
(Fin de la séance à 17 h 8)