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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 6 décembre 1989 - Vol. 31 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 4, Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes


Journal des débats

 

(Onze heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Marois): Bonjour. C'est mon baptême de l'air comme présidente de la commission. Bonjour, bienvenue aux membres de la commission et aux gens qui vont nous assister dans notre travail.

J'aimerais d'abord que l'on constate le quorum. Je pense que ça va, ça ne pose aucun problème. J'aimerais surtout rappeler le mandat de la commission qui fait que l'on se réunit ce matin: Nous souhaitons procéder à des consultations particulières et, donc, tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi 4, soit la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes. Alors, voilà pour le mandat de notre commission.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.

Organisation des travaux

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Je crois qu'il y a la présence, comme prévu par un ordre de la Chambre, de deux ministres représentant le gouvernement, dont le porteur du projet de loi et sa collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine... et à la Famille, j'allais le dire; on m'enlève les mots de la bouche.

Je crois qu'il y a eu entente quant au partage du temps de parole. Je le rappelle pour être bien certaine que tout cela est clair. D'abord, évidemment, on s'entend que le ou la ministre - libre à vous de partager le temps comme vous le souhaitez - prendra 20 minutes pour la déclaration d'ouverture. De la même façon, les porte-parole de l'Opposition officielle prendront à leur tour 20 minutes et il est prévu 10 minutes pour le député indépendant qui souhaiterait faire des remarques.

Nous sommes ce matin, bien sûr, aux déclarations d'ouverture et c'est à la reprise de la séance, cet après-midi, que nous commencerons à entendre les groupes et, à ce moment-là, on établira aussi les temps qui seront alloués pour les auditions. D'accord? Est-ce que ça va, Mme la secrétaire? Il n'y a pas d'oubli?

Mme la secrétaire me souligne qu'il serait peut-être utile de mentionner l'ordre du jour. Effectivement, après les allocutions qui sont prévues, nous entendrons, au début de l'après-midi, l'Association des sages-femmes du Québec; par la suite, la Fédération des CLSC du Québec et la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, pour reprendre au début de la soirée avec le Regroupement de professionnels en santé communautaire, suivi de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Nous ter- minerons les audiences avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Pardon, on ne terminera pas avec eux; s'ajoute, à la toute fin de la soirée, l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. Voilà pour ce qui est de l'ordre du jour prévu pour notre séance de travail.

Je voudrais souhaiter la bienvenue aux membres de la commission et leur dire le plaisir que j'ai à assumer cette fonction qui m'a été dévolue, d'une part, par la connaissance que j'ai d'un certain nombre de dossiers. Je veux vous dire que ça me fait particulièrement plaisir que l'on commence avec le dossier des sages-femmes, puisque j'ai eu - tout le monde le sait - quatre enfants jusqu'à maintenant et que j'ai été assistée, lors d'un de mes accouchements, par une sage-femme en présence aussi, bien sûr, de mon médecin.

Alors, ce sera pour moi un plaisir que de les entendre, d'entendre aussi d'autres groupes, que l'on puisse aussi imaginer des avenues de solution aux problèmes qui sont soulevés, puisque quelques-uns sont soulevés et je puis compter - j'en suis persuadée - sur la collaboration de l'ensemble des membres de la commission.

M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Déclarations d'ouverture M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, je veux vous assurer de mon entière collaboration pour ce projet et pour d'autres qui suivront puisque, dès janvier 1990, nous aurons à nous réunir pendant de longues semaines pour entendre les intervenants sur la réforme proposée par Mme Lavoie-Roux.

Il me fait donc plaisir, Mme la Présidente, de prononcer le discours d'ouverture de cette commission parlementaire qui, avec la participation de l'Opposition, devra constituer une étape cruciale pour l'aboutissement d'un projet qui a subi un long cheminement, tout au long des dernières décennies.

Depuis le milieu des années soixante-dix, plusieurs groupes, organismes et individus, tant du monde de la santé, du mouvement féministe et syndical que d'ailleurs, ont réclamé du gouvernement de légiférer, afin de légaliser la pratique des sages-femmes au Québec. Mentionnons plus particulièrement les colloques "Accoucher ou se faire accoucher", tenus en 1981 dans presque toutes les régions du Québec, qui ont livré un message clair et explicite au législateur qui pourrait se résumer ainsi: L'humanisation des soins entourant la grossesse et la naissance est

une nécessité et l'un des moyens est l'implication dune pratique de sages-femmes au Québec.

Ces colloques ont été suivis de travaux de plusieurs comités, dont le comité interministériel sur les sages-femmes, en 1983, et le comité de travail sur la pratique des sages-femmes au Québec en 1987. Tous ont recommandé la légalisation de la pratique de sages-femmes au Québec. Ce sont ces travaux qui ont conduit, en juin dernier, au dépôt par Mme Thérèse Lavoie-Roux du projet de loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes.

Mon premier geste, en tant que ministre de la Santé et des Services sociaux, fut de redéposer ce projet de loi. Je m'associe donc à un mouvement initié depuis déjà deux décennies.

Ce projet de loi vise deux objectifs: premièrement, de permettre la pratique des sages-femmes au Québec et, deuxièmement, d'encadrer cette pratique en la permettant uniquement à l'intérieur de projets-pHotes. Une telle expérimentation nous permettra de voir si la pratique des sages-femmes constitue, effectivement, un moyen pour améliorer les services entourant la grossesse et la naissance au Québec.

Pour démontrer le bien-fondé de ce projet de loi, permettez-moi d'insister brièvement sur les trois points suivants: premièrement, l'évolution de la périnatalité au Québec; deuxièmement, l'impact possible de la pratique des sages-femmes et, troisièmement, les raisons militant en faveur de projets-pilotes.

Je terminerai en précisant les objectifs que devrait poursuivre cette commission par ces audiences.

L'évolution de la périnatalité au Québec. Il faut reconnaître au point de départ que le Québec a réussi des progrès remarquables dans le domaine de la santé de la mère et de l'enfant au cours des dernières décennies. Il s'y est même constitué une place enviable et enviée sur la scène canadienne et même sur la scène internationale. Le meilleur exemple de ce progrès est certes la baisse vertigineuse qu'a subie la mortalité chez les nourrissons, donc dans les sept premiers jours après la naissance, chez l'enfant, de la naissance jusqu'à la première année, et chez la mère.

Entre 1965 et 1985, la mortalité des nourrissons et des enfants a chuté de près de 70 %, pour atteindre 8,2 décès de nourrissons par 1000 naissances vivantes et 7,2 décès chez les enfants de moins d'un an. Le Québec affiche, avec l'Alberta, les meilleurs taux canadiens à ces égards. Sur le plan international, le Québec se classe parmi les pays les plus performants après la Suède, la Finlande et le Japon et sa performance est supérieure à celle de pays tels les États-Unis, la France et l'Angleterre.

Quant à la mortalité maternelle, la tendance est aussi nettement à la baisse. Entre 1975 et 1985, la mortalité maternelle a diminué des deux tiers. Le taux québécois de 1985 (0,2) est plus faible que celui du Canada (0,4) et de l'Ontario (0,7).

Parmi les facteurs responsables de ces diminutions, mentionnons l'espacement des grossesses, des conditions hygiéniques supérieures, une meilleure surveillance prénatale, le développement de la technologie médicale et une plus grande information des femmes enceintes.

Bien que ces résultats soient encourageants pour le Québec, les efforts doivent se poursuivre dans les quatre domaines suivants: le poids à la naissance et la prématurité; la grossesse chez les adolescentes, chez les femmes de milieux défavorisés et chez tes femmes des régions éloignées; l'utilisation des interventions obstétricales et, quatrièmement, l'humanisation des services entourant la grossesse et la naissance.

Le poids à la naissance et la prématurité. La relation entre le poids à la naissance, la prématurité, la mortalité et la morbidité des nourrissons est bien établie. Qu'il nous suffise de rappeler que les nouveau-nés de petit poids, pesant donc moins de 2500 grammes, représentent 70 % des décès survenant avant le premier mois, présentent deux fois plus d'anomalies congénitales, ont dix fois plus de risques de souffrir d'infirmités motrices cérébrales qui influencent leur développement cognitrf et social et sont plus susceptibles d'abus physiques et de négligence.

Les nombreuses complications rencontrées chez ces bébés, dont certains disent qu'ils naissent perdants, justifient l'insistance que nous voulons mettre sur la réduction des taux de prématurité et de bébés de petit poids. À ces égards, le Québec a encore des progrès à accomplir.

Entre 1965 et 1980, le pourcentage de naissances de moins de 2500 grammes a diminué de 30 %. Mais, depuis 1979, on assiste à une quasi-stabilité de ce pourcentage, aux environs de 6,3 bébés de moins de 2500 grammes par 100 naissances vivantes. Ce pourcentage est supérieur à celui du Canada, 5,8 %, et de la plupart des pays européens. Il est près du double de celui de la Finlande et de l'Irlande, qui enregistrent les taux les plus bas, soit 3,7 %. Quant à la proportion des naissances prématurées, à moins de 37 semaines, elle se maintient aux environs de 6 %. On note toutefois une légère hausse depuis 1980-1981.

Grossesses chez les femmes à risque. Toujours dans le but d'améliorer la santé de la mère et de l'enfant, trois groupes de femmes sont considérés comme socialement à risque: les adolescentes, les femmes de milieux défavorisés et les femmes des régions éloignées. Les plus hauts taux de naissance de bébés de faible poids se retrouvent chez les femmes de moins de 20 ans. Plus particulièrement depuis 1983, on note une augmentation des taux annuels de première

grossesse chez les femmes de moins de 20 ans, soft +6 %. L'augmentation est d'ailleurs plus prononcée chez les moins de 15 ans, soit +26 %. En plus d'être associée à des problèmes de santé, la grossesse pose des problèmes à l'adolescente non encore fixée sur son avenir et dépendante de ses parents. Si elle est désirée par quelques adolescentes, la grossesse vient souvent confirmer un échec à la contraception et un manque d'information.

En ce qui concerne la maternité en milieux défavorisés, l'environnement physique, le niveau socio-économique et les habitudes de vie ont des effets sur la santé de la mère et de l'enfant. Quel que soit l'indicateur utilisé, la scolarité de la mère, le revenu ou la classe sociale, on constate toujours plus de prématurité, d'insuffisance de poids à la naissance, de retard de croissance intra-utérine et de mortalité dans les classes défavorisées.

Ces clientèles ont une chose importante en commun: le système de soins, tel qu'il existe actuellement, semble avoir de la difficulté à les rejoindre. Actuellement, au Québec, il y a peu de services conçus spécifiquement pour les jeunes. Malgré les résultats obtenus par les cliniques d'adolescents qui existent, les établissements hésitent à implanter et à supporter des services à la jeunesse. Les femmes jeunes, peu scolarisées ou de bas niveau socio-économique bénéficient moins de soins prénatals. Elles ont de plus tendance à consulter plus tardivement et moins fréquemment au cours de la grossesse.

L'utilisation des interventions obstétricales. Je vous vois écrire, Mme la Présidente. Je suis à faire faire des photocopies pour vous en remettre. Je pense que ça facilitera le travail de tous les membres de la commission.

La Présidente (Mme Marois): Merci. J'aime bien compter aussi sur mes notes, parfois une remarque ou l'autre.

M. Côté (Charlesbourg): Au cours des dernières années, l'utilisation de certaines interventions obstétricales a fait l'objet de nombreuses remises en question. Aujourd'hui, le dicton "une césarienne un jour, une césarienne toujours", devient graduellement hors standard. Le recours routinier à l'épisiotomie et à l'application des forceps n'est plus acceptable en obstétrique moderne, affirme d'ailleurs la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Or, le taux de césariennes au Québec a triplé au cours des 20 dernières années. Il se chiffre à environ 19 %, ce qui est comparable à ce qui se fait sur le continent nord-américain. Mais, avec des taux de mortalité comparables à ceux du Québec, certains pays européens ont des taux de césariennes qui se situent entre 4 % et 12 %.

L'utilisation de forceps a aussi diminué depuis 1981, -8,3 %. On assiste toutefois à une augmentation parallèle de l'utilisation des ventouses, ce qui laisse supposer une substitution d'une technique par une autre.

Le taux d'épisiotomie tend à baisser au Québec depuis 1981, mais il est demeuré élevé. En 1987, l'épisiotomie est pratiquée chez les deux tiers des femmes qui accouchent par voies naturelles. L'Organisation mondiale de la santé considère qu'un taux acceptable d'épisiotomie ne devrait pas excéder 20 %.

Bref, en ce qui concerne les interventions obstétricales lors de l'accouchement, seulement 8 % des femmes ne subissent aucune intervention. Ces taux d'intervention lors de l'accouchement sont plus élevés que dans la plupart des pays européens.

Humanisation des soins à l'accouchement. Enfin, au cours de la dernière décennie, divers groupes de femmes et de parents ont réclamé une plus grande humanisation des soins entourant la maternité. Ces demandes ont été à l'origine de plusieurs changements dans les hôpitaux. Cependant, le développement des services parallèles s'est poursuivi, démontrant ainsi qu'il nous faut aller plus loin.

Parmi les raisons évoquées pour le développement des services parallèles, trois attirent particulièrement notre attention. Ces services se développent là où les services périnatals officiels ont mis l'accent sur l'aspect plus technologique des soins; ces services sont presque exclusivement dispensés en milieu hospitalier et, troisièmement, là où il y a absence de continuité des soins, c'est-à-dire des soins qui ne sont pas assurés par la même personne ou par la même petite équipe avant, pendant et après la naissance.

Pour la femme, l'assurance de contrôler les événements, la possibilité d'influencer certaines décisions, le sentiment de faire partie de l'équipe et l'assurance de l'implication de la famille l'amènent à vivre une expérience positive de sa grossesse et de son accouchement.

C'est donc à ces problèmes que doit s'attaquer le Québec. C'est d'ailleurs dans ce contexte que s'inscrit la volonté du gouvernement de permettre l'expérience de projets-pilotes de sages-femmes au Québec. Nous n'avons certes pas la prétention de laisser croire que les sages-femmes peuvent, à elles seules, solutionner tous ces problèmes, mais les résultats obtenus dans d'autres pays nous permettent de croire que les sages-femmes peuvent contribuer de façon significative à en diminuer leur importance au Québec.

La pratique des sages-femmes. La pratique des sages-femmes existe dans presque tous les pays du monde et ce, depuis déjà fort longtemps. Nous nous sommes toutefois limités aux expériences des sages-femmes dans des pays aussi, sinon plus développés que le Canada et le Québec, tels la Finlande, la France, l'Angleterre et prin-

cipalement les États-Unis.

Dans ces pays, la pratique des sages-femmes a fait l'objet de certaines évaluations qui, quoique souvent contestables, nous permettent quand même d'en apprécier les résultats. Il ressort de ces études que là où elles oeuvrent, seules ou au sein d'une équipe multidisciplinaire, les sages-femmes contribuent à la solution de problèmes rencontrés en périnatal ité et ce, même pour des clientèles défavorisées. Il est également rapporté que le taux d'interventions obstétricales sont plus bas lorsque les sages-femmes ont la responsabilité des accouchements.

En ce qui concerne l'amélioration des taux de mortalité périnatale et la diminution des taux de naissances prématurées et de faible poids, nous nous référons à des études principalement américaines. Destinés à des clientèles favorisées ou socio-économiquement à risque, les projets qui ont été examinés, qu'ils soient de l'État du Kentucky, de la Californie, du Texas ou de l'Arizona, obtiennent des résultats semblables: les centres où oeuvrent les sages-femmes affichent des taux inférieurs à ceux constatés dans leur milieu avoisinant.

Je n'ai certes pas l'intention de vous inonder et de m'inonder moi aussi de toute une série de chiffres, mais un cas semble particulièrement remarquable. Le Madera County Hospital de Californie a mis sur pied un projet expérimental d'une durée de trois ans, afin de réduire la mortalité néonatale. La clientèle visée est constituée d'agriculteurs pauvres. Les intervenants sont des sages-femmes et une équipe médicale. Le projet a donc été retiré après trois ans. Or, pendant le temps du projet, le taux de mortalité néonatale est passé de 23,9 à 10,3 par 1000 naissances. La prématurité a été réduite. Mais, trois ans après la fin du projet, le taux de prématurité avait augmenté et le taux de mortalité néonatale se situait à 32,1 pour 1000 naissances, soit un niveau supérieur à celui constaté avant la réalisation du projet.

L'adaptation des approches et services à des clientèles cibles est illustrée par des projets impliquant des sages-femmes destinés aux adolescentes enceintes, à des femmes enceintes provenant de milieux défavorisés ou habitant des régions périphériques ou éloignées. À cause de leur situation, ces femmes constituent une clientèle à risque social et médical. Les résultats de ces projets, qu'ils soient de la Caroline du Sud, du Wisconsin ou de Povungnituk dans le Nord du Québec, indiquent que, malgré ce potentiel de risque, des taux plus bas que ceux du milieu de référence sont constatés pour les principaux indicateurs en périnatalité, soit la mortalité et le petit poids, de même que des taux moindres au chapitre des interventions obstétricales.

On peut apporter ici deux exemples: l'Adolescent Obstetric Clinic de la Caroline du Sud et le North Central Bronx Hospital de New York. Dans le premier cas, on y reçoit une clientèle d'adolescentes enceintes socio-économiquement défavorisées. Les sages-femmes coordonnent une équipe multidisciplinaire composée d'obstétriciens, de diététistes, de travailleurs sociaux et d'infirmières. On a constaté, lors d'une recherche avec des groupes témoins d'adolescentes, que les clientes de la clinique avaient des taux de complication, soit anémie, pré-éclampsie, bébé de faible poids et mortalité périnatale, plus bas que chez les groupes témoins. Le North Central Bronx Hospital, situé dans l'un des quartiers les plus défavorisés de la ville de New York et où travaillent des infirmières sages-femmes, dessert une clientèle ethnique sujette à des problèmes obstétricaux. L'étude révèle un taux de mortalité périnatale de 14,5 pour 1000 naissances comparativement à 15,9 pour la ville de New York et un taux de césariennes de 9 %.

Concernant l'impact du travail de la sage-femme en regard des interventions obstétricales, notons ici une étude de l'Organisation mondiale de la santé qui indique que le taux d'interventions obstétricales est moindre dans les pays où la pratique des sages-femmes est bien implantée. Cette même étude met en évidence le fait que les taux de mortalité périnatale les plus bas sont observés dans les pays où les taux de césariennes sont inférieurs à 10 %.

Il nous apparaît donc important d'apprécier l'impact de la pratique des sages-femmes en réponse aux problématiques soulevées en périnatalité. C'est dans ce contexte que nous proposons la réalisation de projets-pilotes, vu le rôle que les sages-femmes peuvent assumer dans la prestation des soins et services en périnatalité. Il serait, en effet, approprié d'expérimenter cette approche avant de procéder à une reconnaissance légale de la pratique des sages-femmes.

Pourquoi, à ce moment-ci, des projets-pilotes? L'approche des projets-pilotes s'inscrit dans un cadre évaluât if qui devrait permettre de voir comment la sage-femme s'intègre à l'équipe périnatale actuelle, de préciser le champ de pratique que peut ou pourrait occuper la sage-femme et la formation qui lui serait en conséquence nécessaire, et surtout, tel que je viens de le mentionner, d'apprécier l'impact de la pratique des sages-femmes en réponse aux problématiques vécues en périnatalité.

À cet effet, les résultats des expériences étrangères citées précédemment sont révélateurs, mais ils soulèvent aussi deux questions. On peut douter de la fiabilité des données rapportées, puisqu'il n'y a pas eu de validation à la source de celles-ci ni de la méthodologie de recherche. On peut également se demander si des résultats obtenus ailleurs sont transposâmes au Québec. J'en conclus que ces expériences nous fournissent des indications mais non des certitudes. En ce sens, il devient important de valider l'impact de

la pratique dans le contexte québécois.

Le nombre de projets est limité à huit. C'est un nombre peu élevé afin de garder le contrôle de l'expérience et de ne pas procéder dans les faits à une implantation déguisée de la pratique des sages-femmes. C'est aussi un nombre suffisant puisqu'il permet la réalisation de projets en milieux urbain et rural ainsi que selon des modes d'organisation différents, tels qu'en centre hospitalier ou dans des lieux qui lui sont rattachés. Ces projets devraient aussi permettre de valider un cadre de pratique visant à assurer la sécurité aux personnes qui font le choix d'une approche différente.

Au terme de cette expérience, dans cinq ans, le gouvernement sera appelé à se prononcer sur la légalisation de la pratique des sages-femmes. Il le fera en tenant compte des conclusions à tirer des projets-pilotes quant à l'intégration de la sage-femme au sein de l'équipe et aussi en considérant les résultats obtenus quant à l'atteinte des objectifs en périnatalité.

La Présidente (Mme Marois): J'imagine, M. le ministre, que vous en êtes à vos conclusions?

M. Côté (Charlesbourg): Effectivement. Donc...

La Présidente (Mme Marois): Pas de problème.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente, de votre niveau de compréhension. On vous en assure tout autant.

Je voudrais en terminant, Mme la Présidente, vous signifier qu'en tant que ministre de la Santé et des Services sociaux il ne fait aucun doute que nous aurons, au Québec, une loi permettant la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes. Il ne fait aucun doute non plus que nous aurons, au Québec, des projets-pilotes. Il importe toutefois de préciser le cadre dans lequel évolueront ces projets-pilotes, afin qu'ils puissent clairement indiquer l'apport de la pratique des sages-femmes en périnatalité au Québec tout en fournissant, tant aux sages-femmes qu'à leur clientèle, le support médical approprié. (12 heures)

C'est sur ce cadre que j'invite particulièrement les membres de cette commission à se pencher. Au cours des quatre prochains jours, nous aurons l'occasion d'entendre les commentaires et les recommandations de divers groupes concernés par cette pratique: les sages-femmes, les médecins, les infirmières, les organismes gouvernementaux et aussi les associations féminines. Je les invite donc à se prononcer, à partir du libellé du projet de loi, sur les aspects suivants: le champ de pratique des sages-femmes, la reconnaissance des projets-pilotes et les modalités organisationnelles. J'aimerais également connaître les articles du projet de loi qui rencontrent leur accord et aussi ceux sur lesquels ils ont des réserves ou une opposition. Dans ce dernier cas, il serait intéressant qu'ils soumettent à cette commission des alternatives.

En terminant, Mme la Présidente, je suis convaincu qu'avec la collaboration des membres de l'Opposition de même que de la majorité gouvernementale, ainsi qu'avec l'ouverture d'esprit dont on a besoin pour être capable d'y arriver, nous saurons trouver le juste terme pour que cette pratique soit expérimentée dans huit projets à travers le Québec et qu'on puisse donner la chance au coureur, de part et d'autre. Merci bien.

La Présidente (Mme Marois): Je le souhaite avec vous. Merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Avec l'assentiment des membres de la commission, nous permettrions au député de Notre-Dame-de-Grâce de présenter son intervention, compte tenu que le leader du gouvernement est actuellement à l'Assemblée en train de terminer son discours. Il devrait pouvoir se joindre à nous d'ici une dizaine de minutes. Est-ce qu'il y a objection à ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce fasse maintenant son intervention? Cela va? Alors, s'il vous plaît, M. le député.

M. Gordon Atkinson

M. Atkinson: Merci, Mme la Présidente. L'existence des sages-femmes remonte au tout début de notre civilisation. Avant l'entrée en scène de la profession médicale, c'étaient les femmes elles-mêmes qui s'entraidaient durant la grossesse et l'accouchement. Les efforts de ces femmes "sages", en ce qui concernait ce processus merveilleux qu'est la naissance d'un enfant, ont certainement amélioré la vie de nos ancêtres.

Les sages-femmes peuvent être un atout important dans notre système de santé. Au point de vue économique, les coûts d'un accouchement chez soi sans l'intervention d'un médecin sont nettement inférieurs à ceux de l'accouchement traditionnel. Dû au manque d'espace qui existe aujourd'hui dans nos hôpitaux, nous devons sérieusement examiner toute proposition qui pourrait améliorer cette situation.

There are quite possibly some of the deputies sitting today in this Legislature who were delivered without the assistance of a medical doctor but through the intervention of a midwife. Most assuredly some of the parents of the current members of this Assembly were indeed given the breath of life by a sympathetic midwife.

The medical advances in the field of obstetrics have been astounding. The infant

mortality rate has decreased dramatically but even one newborn death is one too many. And this is the dilemma facing the introduction of the midwife system. We should not, however, be fearful of facing the future using all the skills of the medical practitioner in conjunction with midwifery in a strict controlled environment.

The first obvious course of action would be to licence midwives to operate only under the supervision of a hospital surrounding. That, however, does not take into consideration that many remote communities of Québec do not have an easy access to the skills of a modern hospital or immediate access to an obstetrician.

Il va sans dire que les femmes du Québec ont droit au meilleur service médical que peut leur fournir la science moderne. Mais nous devons aussi regarder l'aspect pratique, surtout en ce qui concerne les services dans les petits villages et les régions isolées. Un système qui incorpore les sages-femmes nous semble acceptable et pratique. Mais ce système doit être surveillé par des responsables choisis par la communauté ainsi que par des corporations professionnelles dans le domaine de la santé. De plus, le gouvernement doit s'assurer que les sages-femmes reçoivent un entraînement du plus haut calibre.

That being said, it is also incumbent upon the medical profession not to close its eyes and ears to the reality of the world that surrounds it. Qualified doctors are not always available to service the needs in the more remote communities. Hence the need for an additional support-arm that would extend the health care system beyond the strict confines and jurisdiction of doctors. Such a system is now before this Legislature, the adoption of a bill allowing midwives to assist in the delivery of a healthy child.

Même dans des cas de naissance difficile, les sages-femmes peuvent être très utiles. J'ai entendu l'histoire d'une sage-femme qui a sauvé la vie d'un bébé né avec le cordon ombilical autour de son cou. Après avoir enlevé le cordon, la sage-femme lui a donné de l'oxygène pour le ranimer. Le nouveau né était en bonne condition à l'arrivée de l'ambulance qui avait été appelée.

Le but de ce projet n'est pas de diminuer le rôle de la profession médicale dans l'obstétrique, mais de simplifier le processus des accouchements normaux. Reconnaître les sages-femmes et le rôle qu'elles ont joué depuis l'antiquité, c'est reconnaître la réalité d'aujourd'hui.

Midwives have been and will continue to be. if controlled and supervised with the life of the mother and the child foremost in the minds of the Government and the medical practitioners, an asset to the present system in which babies are born, more often than not, without the intervention of a third party.

Sûrement qu'à l'intérieur de notre vaste système de santé il doit y avoir de la place pour ces femmes qui ont desservi l'humanité durant des siècles et qui ont accouché des milliards d'enfants sans aucun problème.

It must not, however, become a license for the abuse of the prerogatives of the medical profession, which is dedicated to the preservation of life itself.

The five-year pilot project in the major hospitals of Québec should be initiated with a further extension of the program to be undertaken sometime within this five-year period in order to better serve the needs and health of our mothers-to-be, in the more remote regions of Québec.

Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je céderai maintenant la parole au leader de l'Opposition et critique en matière de santé et de services sociaux.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je m'excuse, je devais faire mon exposé sur le message inaugural. Vous me permettrez tout d'abord de souhaiter la bienvenue aux groupes qui défileront devant nous; je pense que nous en aurons une vingtaine. Je dois vous dire que pour moi, c'est un genre de vieux rêve qui se réalise, puisque je me souviens qu'en 1984, au congrès de l'Association des sages-femmes, nous avions lancé cette idée, précisément, d'une reconnaissance de cette profession. Et comme ministre, à l'époque, je m'étais engagé précisément à reconnaître la profession de sage-femme, moyennant certaines conditions. Donc, il n'y a pas grand nouvelle dans ça, sauf que de considérer que le projet de loi, à mon point de vue, est un suçon, est une béquille temporaire, et, plus que ça, est un outil qui risque de faire, à moyen terme, disparaître les sages-femmes.

Je vais m'expliquer, parce que je ne suis pas sûr que tout le monde partage mon point de vue. À mon point de vue, tel que conçu, c'est un projet-pilote, d'abord, dans huit centres hospitaliers. Où? Sans doute qu'on pourra questionner le ministre qui nous dira les endroits qu'il favorisera. Est-ce que ce sont des centres universitaires? Est-ce qu'il favorisera des régions différentes au Québec? Est-ce qu'il pourra permettre, en bout de ligne, que ce ne soit pas nécessairement sous la tutelle d'un hôpital, parce qu'on verra ce que viendront nous dire les centres hospitaliers. C'est très différent. Il y a un article dans la loi qui risque de créer tellement de confusion et qui risque peut-être, à mon point de vue, d'étouffer toute cette expérience, c'est l'article 15. Je sais

qu'on n'en est pas au moment de l'étude article par article, mais c'est là qu'on retrouve peut-être une des clés de l'argumentation, à savoir la responsabilité.

Dans le projet de loi, on dit très bien jusqu'où va la responsabilité en cas d'une grossesse à risque. Mais dans le cas d'une grossesse naturelle, on n'identifie pas qui a la responsabilité. Et ça, c'est aussi important pour une sage-femme de le savoir avant que pour un centre hospitalier, pour une administration, ou pour tout le système, parce que notre système est maintenant judiciarisé avec nos législations, de sorte qu'il y a des poursuites possibles; et on le sait, il y en aura même une la semaine prochaine, je le sais.

Donc, il nous faut clarifier nos positions dans le projet de loi pour bien Identifier qui est responsable de quoi et c'est là que je dis que le projet de loi demeure extrêmement dangereux. Peut-être que les sages-femmes, nous diront certains groupes, vaut mieux ça que rien. J'en al entendu dire ça. Mais je peux vous dire que sous la responsabilité... Une sage-femme, est-ce que c'est une femme qui aura la responsabilité de l'accouchement dans le cas d'une grossesse qui ne présente aucun risque, qui aura la responsabilité de A à Z à ce moment-là, ou si elle sera considérée, par exemple, dans le plan du ministre ou dans les projets du ministre, comme étant une professionnelle au service du centre hospitalier, dépendant du centre hospitalier, sous la responsabilité du centre hospitalier? A ce moment-là, qui prend fait et cause? Le centre hospitalier, ou si c'est une professionnelle qui a la responsabilité de A à Z? C'est très différent comme approche.

Je pourrais vous donner un exemple concret. Si la sage-femme, on veut que ce soit une femme qui ait la responsabilité de l'accouchement parce que ça ne présente aucun risque, c'est elle qui, de A à Z, donne les ordres, les directives, et conduit l'accouchement jusqu'à terme. Mais si c'est une professionnelle au sein d'un centre hospitalier, elle relève des professionnels, des cadres de l'institution. Tout ça devra être clarifié. C'est très important que ça le soit à part ça, parce qu'il y a de la responsabilité qui est accordé à ça. Est ce que c'est une police d'assurance qu'on fera prendre à une sage-femme ou si c'est le centre ou le ministère qui prendra fait et cause pour les sages-femmes? Voilà autant de questions qu'à mon point de vue il est très important de régler parce que, si on ne les règle pas au départ et si on va continuellement d'un problème à l'autre, au bout de cinq ans, on dira: Expérience négative, projets-pilotes négatifs, on met un gros X là-dessus et on ne s'en occupe pas. Pourtant, Dieu sait que ce n'est pas ça que doit rechercher le gouvernement, je pense, ce n'est pas ça que doit rechercher le législateur quand il légifère. Je pense qu'on a trop long- temps considéré l'accouchement au Québec comme quelque chose de médical, d'exclusivement médical. On n'a qu'à aller dans les réserves indiennes, chez les Inuit, on sait qu'il y en a des sages femmes. Je suis né d'une sage-femme et je ne suis pas mort. J'aurais peut-être avantage à être refait un peu, mais je ne suis pas mort.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ça n'enlève rien. Mes frères et soeurs, on est tous nés d'une sage-femme. On vivait de même dans nos petits villages à l'époque et ce n'est pas si loin que ça. Cette tradition-là a changé, on a pris des précautions, on a médicalisé l'accouchement, on a fait en sorte qu'aujourd'hui on sait d'avance si ce sera un gars ou une fille qu'on aura, si on veut le savoir, si le bébé se présente bien, etc. Tout ça, c'est sûrement bon, mais je pense que le côté fondamental qu'on veut faire ressortir, c'est l'humanisation de l'accouchement, du processus de maternité. C'est ça qui m'avait fait adhérer spontanément, au moment où j'étais ministre de la Santé et des Services sociaux, à la profession de sage-femme, c'est toute la dimension humaine qu'il faut ajouter.

Certains centres hospitaliers ont compris, ils ont même des chambres de maternité qui sont beaucoup mieux équipées maintenant et ou tout le monde peut participer. Par contre, on voit aussi - et j'ai hâte d'entendre les médecins - de plus en plus de gynécologues qui ne veulent plus en faire. Il y a des omnis qui ne veulent plus en faire sous prétexte que leur police d'assurance coûte tellement cher que ce n'est plus payant s'ils n'en font pas à un rythme assez imposant. Durant ce temps, qui se retrouve seule? C'est souvent la femme. Avec le type de famille que nous avons présentement au Québec, de plus en plus, il ne faut pas se cacher les réalités, il y a de plus en plus de familles monoparentales et les femmes se retrouvent démunies, personne. Moi, je considère que c'est une dimension qu'il faut rechercher. C'est l'humanisation du processus de maternité comme tel.

Donc, nous allons avoir les yeux et les oreilles grands ouverts pour écouter ce que les groupes nous diront. Nous n'avons pas l'intention de bloquer un projet de loi pour le plaisir de le bloquer, mais non plus d'accepter un projet de loi qui ne serait que de la poudre aux yeux, qui ne serait qu'un projet de loi qui donne l'impression d'avoir une grande sensibilité mais qui, par son libellé actuel, risquerait d'être plus négatif que positif à la fin de l'expérience. Et nous allons travailler fort sur son contenu. Nous allons faire en sorte que cette expérience qu'on veut vivre soit une expérience valable, une expérience, bien sûr, qui sera suivie selon certaines normes, selon un certain encadrement, mais ce n'est pas vrai qu'on va voter pour une

expérience qui, à toutes fins utiles, ne donnerait peu ou pas d'autonomie aux sages-femmes.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le leader de l'Opposition. Est-ce que Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière a quelque chose à ajouter?

Mme Carrier Perreault: Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Marois): Ne vous inquiétez pas trop, il prend bien la voix.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission. De mon côté, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que je me joins à mon collègue, le député de Joliette, pour prendre part à ces consultations particulières portant sur la Loi sur la pratique des sages femmes dans le cadre de projets-pilotes. Cette loi comme nous le savons, est attendue par une importante partie de la collectivité québécoise, et ce, depuis longtemps.

En tant que porte-parole officielle de l'Opposition en matière de condition féminine et étant nouvellement élue dans ce Parlement, je me ferai un devoir d'écouter attentivement tous les intervenants et intervenantes qui viendront aujourd'hui et au cours des prochains jours nous présenter leurs recommandations à l'égard de ce projet de loi. Ayant à coeur le bien-être des femmes du Québec, je tenterai évidemment de mesurer la pertinence de cette loi et d'identifier les possibilités qu'elle offre ainsi que les limites qu'elle impose. le projet de loi sur lequel nous nous penchons suscite des réactions divergentes, qu'elles proviennent du milieu des femmes, des sages-femmes, ou du corps médical québécois. Heureusement, les groupes auront la possibilité de se faire entendre et pourront ainsi éclairer les membres de cette commission à plusieurs égards Si les associations, fédérations ou corporations peuvent, au cours de cette consultation, faire connaître leur opinion aux membres de cette commission, il en va tout autrement pour les hommes et les femmes qui choisissent de donner la vie, c'est-à-dire les parents québécois. C'est donc dans cet esprit que je me permets de rappeler aux membres de cette commission les résultats d'un sondage effectué par la firme Léger & Léger, rendu public le 22 avril 1989, et dans lequel on apprenait que 80, 2 % de la population adulte du Québec souhaite la reconnaissance officielle des sages-femmes et que 60, 5 % des femmes aimeraient pouvoir compter sur la présente d'une sage-femme si elles avaient à vivre un accouchement.

De plus, je désire rappeler que ce projet de loi n'arrive pas à l'improviste. Cette question, en plus d'avoir fait l'objet d'études lors du dernier mandat du Parti québécois, a donné lieu à la formation d'un comité de travail sur la pratique des sages-femmes qui rendait son rapport public en août 1987. Il recommandait entre autres que différentes possibilités d'implantation de la pratique des sages-femmes dans le système actuel soient expérimentées et évaluées. Le Conseil des affaires sociales et de la famille faisait également connaître son point de vue à ce sujet en janvier 1988, recommandant que soient mis en place des projets-pilotes dans différents milieux auprès de clientèles différentes et qu'à cette fin les projets-pilotes soient développés dans des centres hospitaliers, CLSC et maisons de naissance. Le Conseil faisait aussi d'autres recommandations dont nous pourrons faire état au cours de cette consultation. C'est avec ces données en tête que je m'appliquerai à écouter très attentivement tous les propos émis par les Invités de cette commission. Je souhaite vivement que ce travail en soit un de collaboration entre les membres de cette commission et les représentants des différents groupes sociaux. J'espère sincèrement que le travail de cette commission permettra au gouvernement de prendre les bonnes décisions dans ce dossier si important pour les hommes et les femmes du Québec.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Est-ce qu'il... Oui, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, vous auriez souhaité intervenir? Cela me prend le consentement...

Mme Harel: La règle d'alternance va sans doute amener..

La Présidente (Mme Marois): Non, le temps n'est pas terminé. Si vous le souhaitez et si vous le permettez... Il nous reste, combien? Il nous reste sept minutes, alors, si vous en preniez quatre ou cinq.

Mme Harel: Je serai très brève parce que.

M. Chevrette: Vous avez été bons pour nous.

Mme Harel:... j'imagine que vous êtes tellement bons pour nous que je vais...

La Présidente (Mme Marois): un instant cependant, mme la députée. il n'y a pas d'objection de votre côté à ce que mme la députée soit entendue? merci.

Mme Louise Harel Mme Harel: Merci de votre consentement.

C'est avec un intérêt très très grand que |e souhaite pouvoir épisodiquement suivre les travaux de votre commission parlementaire sur cette question des sages-femmes qui m'intéresse au plus haut point, malgré que d'autres responsabilités m'amènent à siéger à d'autres commissions parlementaires.

Je remercie mon collègue, le député de Joliette. En écoutant les interventions du ministre responsable du dossier et celles du porte-parole pour l'Opposition, cela me rappelait la même commission que nous tenions ici sur un tout autre sujet, celui du patrimoine familial, au printemps dernier, et où de nombreux éditorialistes avaient fait état qu'un sujet aussi important ne pouvait pas, disaient-ils, être discuté qu'entre deux femmes: l'une étant ministre et l'autre étant porte-parole. Là, je me disais que nous aurons peut-être l'occasion - sans doute pas -de lire demain des éditorialistes mettant en cause le fait qu'un tel dossier puisse être géré, en fait, animé lors de nos travaux parlementaires par deux hommes. Je ne le fais pas moi-même, mais je pense qu'il est utile de rappeler à ce moment-ci de nos travaux que si tout le monda naît et meurt, il n'y a toujours que les femmes qui accouchent. S'il y a deux gestes les plus naturels au monde, c'est évidemment de naître et de mourir et, pourtant, ces gestes, qui sont les plus naturels, ont malheureusement très souvent été détournés de leur fin.

Quand j'entendais mon collègue, le député de Joliette, rappeler que l'accouchement est parfois considéré comme un acte médical, je veux lui signaler que la loi elle-même de 1973 considère l'accouchement comme faisant partie de l'exercice de la médecine. Je vous lis l'article 31 de cette loi qui dit ceci: "Constitue l'exercice de la médecine tout acte qui a pour objet de diagnostiquer ou de traiter toute déficience de la santé d'un être humain - et suit la nomenclature - notamment, la pratique des accouchements". C'est l'objet même des dispositions légales dans notre société. On en est... On a, je crois, perverti ces gestes jusqu'à les écarter de leur sens premier. Je voulais simplement le rappeler, parce que l'accouchement n'est pas plus un acte médical que la mort et les rasages, les lavements, les étriers, les forceps, l'épisiotomie qui ont été l'expérience des femmes de ma génération qui ont accouché et les ont amenées pour la majorité d'entre elles à souhaiter un changement profond dans la conception même qu'on se fait de ces gestes qui sont évidemment les expériences humaines les plus profondes que l'on puisse vivre. C'est dans cette optique évidemment, Mme la Présidente, que je souhaite qu'on n'oublie jamais qu'il s'agit essentiellement du début de la réappropriation par les femmes du Québec de ce que bien d'autres femmes dans bien d'autres sociétés ont déjà acquis: la réappropriation de ce geste qu'elles ont, elles d'abord, à déci- der.

Je ne pensais pas, et c'est depuis peu que j'ai pu vérifier, que la pratique des sages-femmes pourrait être poursuivie comme illégale, puisque c'est considéré comme un acte médical. Alors, est-ce qu'il est même envisageable qu'une femme puisse être interdite de choix quant à ce geste fondamentale qui est de son accouchement?

Évidemment, Mme la Présidente, on a un grand bout de chemin à faire pour permettre aux femmes du Québec de se réapproprier leurs accouchements. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Si vous me permettez, il nous reste deux minutes, quelques commentaires seulement. J'écoutais le ministre de la Santé et des Services sociaux faire état d'un certain nombre de données et, dans le fond, ce qu'il faut retirer, je dirais, de toutes les expériences qui ont été vécues, des expériences que les sages-femmes elles-mêmes nous citent, c'est de dire: On ne veut pas humaniser seulement le geste spectaculaire, parce que ça en est un l'événement spectaculaire qu'est l'accouchement, mais c'est tout ce qui entoure, tout oe qui précède et ce qui suit l'accouchement. Souvent, justement, les médecins se sont préoccupés de l'événement lui-même qui est - et, la député d'Hochelaga-Maisonneuve l'a rappelé à juste titre - une réalité que vivent les femmes assistées par des personnes qui veulent bien les aider, mais c'est la femme qui est la première à procéder à l'accouchement, on en conviendra.

Mais c'est tout le processus qui précède cela, donc, le suivi de la grossesse et ce qui suit la grossesse qui permet, justement, d'aller vers des gens qui autrement ne donneraient pas naissance à certains enfants, qui, d'autre part, pourraient donner naissance a des enfants, mais dans des conditions et des circonstances qui font en sorte que cet enfant-là risque d'être handicapé loudement et pour toute sa vie. C'est à cela que le ministre référait, lorsqu'il nous donnait les Informations et des données. Je pense qu'on ferait fausse route - c'est ce que j'aimerais rappeler aux membres de la commission - si on ne s'attardait qu'à l'événement qui est l'accouchement qui est, bien sûr, celui le plus clair, le plus évident et qu'on oubliait le rôle qu'ont joué ou qu'on souhaite voir jouer aux sages-femmes tout au long de la grossesse avant et par la suite, aussi.

Alors, je vous remercie de l'attention qui a été accordée aux interventions, de part et d'autre. Nous sommes prêts à suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi où nous procéderons à l'audition des groupes qui sont présents ici. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 15 h 7)

La Présidente (Mme Marois): Si vous me le permettez, la commission des affaires sociales va reprendre ses travaux là où elle les avait laissés. Avant que nous nous engagions dans l'audition des différents groupes qui veulent présenter différents points de vue, je rappelle au monde de la commission qu'on s'est entendus - et ]e m'adresse aussi aux groupes qui vont présenter des mémoires - qu'environ une vingtaine de minutes étalent allouées à l'exposé de l'organisme pour la présentation des mémoires. Quand je dis "environ", si en 15 minutes vous pouvez le faire, ça va. Si, par contre, ça vous prend 22 minutes, on va vous écouter jusqu'à 22 minutes. De la môme façon, entre les partis, II y a des temps sur lesquels on s'est entendus, c'est-à-dire qu'on prévoit une quarantaine de minutes pour des questions, des échanges de vues avec les gens qui vont avoir présenté leur mémoire, et ce temps se répartissant le plus équttablement entre les partis, laissant aussi au député de Notre Dame de Grâce, qui siège comme indépendant, la possibilité, à l'occasion, de poser une question ou l'autre.

Si on est d'accord, si les membres de la commission sont d'accord, j'inviterais, à ce moment-ci, l'Association des sages-femmes du Québec à venir nous faire part de son point de vue. Alors, vous prenez place dans les fauteuils qui sont là. J'aimerais que la porte-parole de l'organisme se présente et présente les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît. Vous ne vous préoccupez pas des micros, tout ça fonctionne tout seul. Il y a des gens qui nous aident et puis qui s'occupent de nous.

Une voix: Merci

Auditions

La Présidente (Mme Marois): Alors, vous vous présentez et vous présentez les personnes qui vous accompagnent.

Association des sages-femmes du Québec

Mme Couillard (Lucie): D'accord. Mme la Présidente de la commission, M. le ministre de la Santé, messieurs les ministres, messieurs et mesdames les députés, mon nom est Lucie Couillard, je suis vice-présidente de l'Association des sages-femmes du Québec, justement, et j'aimerais vous présenter mes collègues. Nous sommes fières de représenter, cet après-midi, notre association.

D'abord, à ma gauche, Mme Marcelle Rousseau, présidente actuelle de l'association. Marcelle est infirmière de formation, elle a travaillé trois ans en obstétrique à Montréal avant de poursuivre ses études de sage-femme en

Angleterre. Au cours de huit années passées en Afrique, elle a eu l'occasion de pratiquer la profession nouvellement acquise dans des maternités de brousse, dans un centre hospitalier de 200 lits dont elle avait la charge et même dans un camion devenu, pour l'occasion, une clinique prénatale mobile. Bilan sommaire: 700 à 800 suivis de grossesse et 400 nouveau-nés vigoureux.

Depuis sa rentrée au pays, II y a tout juste 20 ans, elle enseigne l'obstétrique à des étudiantes infirmières qu'elle accompagne en centre hospitalier pour la totalité de leur stage. Poursuivant ses études au niveau de la maîtrise en éducation, elle a fait partager son enthousiasme pour les soins mère-enfant à ses professeurs à travers ses travaux orientés vers un projet de mise à jour et de rehaussement des connaissances destinées à des sages-femmes désireuses de pratiquer leur art chez nous. La recherche d'un moyen d'offrir des stages pratiques l'a amenée à préparer un projet-pilote à double visée: L'intégration des sages femmes dans un centre hospitalier qui serait apppelé à devenir un milieu de stage pour que les sages-femmes se réapproprient les gestes importants de leur profession.

À ma droite, Mme Gertrude Lavoie, actuellement secrétaire, nouvellement secrétaire, qui était présidente de l'association - les gens de Québec la connaissent bien - jusqu'à il y a quelques semaines. Alors, Mme Lavoie est infirmière sage-femme aussi. Elle possède une expérience diversifiée en milieu hospitalier et communautaire. Ses deux ans de pratique en milieu rural péruvien lui ont permis d'instaurer le suivi des femmes enceintes et des nourrissons. Elle y a été responsable de 250 accouchements un plus du répondre aux urgences d'un poste sanitaire isolé. A son compte à Québec depuis janvier 1983, elle a effectué 300 suivis de grossesse, assisté 180 mères lors de leur accouchement à domicile et accompagné les 120 autres à l'hôpital. À cause de la situation actuelle au Québec, toutes ses clientes ont été suivies parallèlement par des médecins ou des obstétriciens. N'est-ce pas tout de même la preuve vivante que la collaboration entre médecins et sages-femmes n'est pas une mission impossible?

Mme Lavoie travaille au sein de l'Association des sages-femmes depuis 1981. Elle est co-auteure d'un projet-pilote de maisons de naissance intitulé "Centres de maternité de Québec". Ce projet, logé à proximité d'un hôpital, où la collaboration avec les services médicaux existants a déjà été manifestée, deviendrait le lieu d'une recherche-action. À chaque année, une centaine de femmes, dont la grossesse serait considérée comme normale, auraient l'occasion de vivre dans un endroit, avec un suivi de grossesse, une préparation, un accouchement et un suivi postna-

tal.

Enfin, moi-môme, qui suis d'abord mère, comme d'ailleurs mes deux compagnes, Infirmière spécialisée en obstétrique et sage-femme aussi depuis 1964. Mes expériences de pratique sage-femme se sont déroulées surtout dans le Grand-Nord, de la pointe de Terre-Neuve jusqu'au Yukon, et aussi en Afrique de l'Ouest, sur une période d'environ douze ans. J'ai également fait de l'enseignement aux étudiantes Infirmières, enseignement de l'obstétrique, et à des infirmières licenciées qui se préparaient à travailler dans le Grand-Nord. J'ai eu, pendant quelques années, des responsabilités en ce qui concerne l'organisation des soins de santé primaires et des responsabilités en gestion et en évaluation de projets de santé en pays en développement. J'ai même travaillé avec le gouvernement du Québec à la direction Afrique sur un projet de santé en Afrique. Enfin, j'ai eu aussi le grand plaisir d'accueillir au moins 250 nouveau-nés, 250 beaux accouchements normaux, me permettant de continuer à penser, avec les sages-femmes et les femmes, qu'avec un bon suivi de grossesse, jusqu'à preuve du contraire, un accouchement demeure un phénomène physiologique et naturel. Je suis co-auteure du projet énoncé par Mme Lavole. Depuis trois ans, je travaille au sein de l'Association. Les tâches y sont tout aussi variées qu'intéressantes et quelquefois imprévisibles, comme se retrouver à l'Assemblée nationale.

Bien. Au nom de tous les membres de l'Association des sages-femmes, je remercie le gouvernement d'avoir mis sur pied cette commission parlementaire. Je tiens à souligner l'aspect démocratique de ce geste envers la population, et particulièrement envers les femmes et les couples qui réclament, depuis plus de dix ans, l'accès à une approche plus naturelle de la maternité, englobant les aspects psychologiques et sociaux du devenir parents. Sans plus tarder, je vous parlerai de nos attentes et de nos recommandations relatives à ce projet de loi 4. Mais, avant de m'engager dans cette brève communication, j'oserais vous demander 40 secondes d'attention pour écouter, en ce temps particulier de l'année, l'extrait d'une histoire racontée aux enfants pour Noël. "Beaucoup de paille jonchait le sol si bien qu'ils purent en faire un beau lit douillet. Ils s'endormirent très vite. Mais, en plein milieu de la nuit, Marie s'éveilla: "Joseph, j'ai très mal au ventre. Éveille-toi, je pense que le bébé arrive". Et le bébé naquit. Il avait de petits cheveux duveteux et des doigts minuscules. Ils l'appelèrent Jésus et l'enveloppèrent dans les couvertures de laine. Heureux et soulagés, ils étalent tous les trois couchés dans la paille, l'un contre l'autre. " A mentionner que ceci n'est pas une promotion pour des projets-pilotes dans une étable.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mm» Couillard: Je suppose que l'accouchement de Marie devait être parmi les 80 % d'accouchements considérés comme normaux et peut-être dans les 5 % ou 10 % d'accouchements où absolument aucune intervention n'est nécessaire, sinon un support psychologique et affectif que Joseph s'est bien débrouillé pour offrit à son épouse.

De notre mémoire, je ne retiendrai que les aspects les plus conséquents pour l'étape à venir, c'est-à-dire celle de l'implantation de projets-pilotes. Nous espérons que la période de questions pourra répondre aux points qui ne seraient pas suffisamment explicités dans le mémoire. Le tout dans l'espoir que, pour nous, ce projet de loi soit plutôt bonifié que totalement changé. Nous appuyons ce projet de loi dans la mesure où il subira des modifications, bien sûr, le rendant conforme aux attentes et aux demandes de la population, c'est-à-dire qu'il permettra aux femmes d'avoir un choix, donc un accès à une forme de pratique en périnatalité conforme à leur attente, choix de lieu, choix d'intervenant. Si le projet ne devait pas permettre aux sages-femmes d'exercer une pratique différente de celle actuellement offerte dans le système, il serait Inutile de se donner la peine de le mettre en oeuvre. Je suis d'accord avec M. le député Chevrette; une intervenante de plus qui n'apporterait rien de spécifique et de souhaité par la clientèle, ce serait déraisonnable et superflu. Je crois que les minutes passent et qu'on devrait peut-être aller directement aux recommandations.

Dans nos recommandations, je voudrais vous redire que nous avons essayé de proposer des solutions les plus concrètes possible plutôt que d'élaborer sur la situation sociale. L'association recommande que la définition internationale de la sage-femme soit reconnue comme la pierre angulaire de la profession de sage-femme au Québec. Nous savons que sa définition englobe des champs de pratique, des activités mais, tout de même, elle est ce que nous avons en commun, toutes les sages-femmes dans le monde, et elle a été approuvée par des groupes d'obstétriciens au niveau de l'OMS.

L'association recommande aussi que la délimitation précise du champ de pratique soit identifiée avant la mise en route des projets-pilotes par un comité d'experts, ce qui n'est pas clair dans la version actuelle.

Nous recommandons que soient considérés comme admissibles les projets présentés par un CLSC ou par des sages-femmes avec l'accord explicite d'un centre hospitalier. Cet accord a d'ailleurs déjà été fourni et exprimé au ministère de la Santé et des Services sociaux dans quatre cas.

En ce qui concerne la diversité des lieux, nous recommandons que le gouvernement réponde

aux demandes répétées de In population on mettant sur pied un éventail de projets-pilotes en centres hospitaliers, CLSC, maisons de naissances, tant en milieu rural qu'urbain. Un effort devrait être fait pour conserver un certain équilibre dans le choix des divers types de projets.

Les types de projets devenant différents les uns des autres, nous pensons que l'organisation autour de ces projets pourrait être déterminés localement. L'organigramme avec ses canaux de communication et les relations d'autorité seront différents d'un projet à l'autre. En conséquence, nous recommandons que le projet de loi ne retienne pas une formule unique et rigide, mais qu'il prévoie plutôt une structure de type léger pour l'encadrement de tous les projets pendant la période de cinq ans.

Pour nous, les caractéristiques essentielles à respecter dans chaque projet sont: le respect de l'autonomie professionnelle des sages-femmes à partir d'un champ de pratique prédéterminé, de conventions et d'ententes avec les partenaires qui seront au projet, de la continuité dans les services professionnels décrits ce matin, c'est-à-dire que les mômes personnes, la môme équipe de deux sages-femmes suive la cliente ou le couple du début de la grossesse jusqu'après l'accouchement, et de l'autogestion dans l'administration quotidienne des projets, ce point étant important pour donner une liberté en ce qui concerne les programmes d'activité. Nous recommandons que le gouvernement s'assure que ces trois éléments soient bien présents tout au long des projets.

L'ASFQ recommande aussi que le gouvernement nomme, dès l'acceptation du projet do loi 4, un comité consultatif. Pour nous, ce pourrait être un comité temporaire d'où certaines personnes-ressources seraient reprises au moment de l'implantation. Ce comité devrait étudier les projets-pilotes proposés avec des recommandations aux deux ministères concernés, voir à l'identification du champ de pratique, à l'établissement des critères de sélection des sages-femmes candidates, à l'approbation d'un contenu de programme d'actualisation, à la mise en place de mécanismes d'évaluation des sages-femmes.

Ce comité pourrait être formé de trois sages-femmes, d'un représentant du corps médical (un obstétricien probablement), d'un représentant du ministère de la Santé et des Services sociaux (peut-être un administrateur gestionnaire), d'un représentant de l'Office des professions (probablement quelqu'un qui est expert en évaluation et surtout familier avec la profession de sage-femme). Ce comité pourrait être remplacé, au moment de l'implantation, par un comité qui justement pourrait superviser l'implantation, le suivi, le fonctionnement et l'évaluation périodique et finale des projets. De plus, ce comité, qui superviserait l'ensemble de l'expérimentation, pourrait voir au bon déroulement des projets. faciliter, dans des situations difficiles, le dialogue entre les partenaires et assumer un rôle d'inspection professionnelle, de médiateur, comme je viens de le dire. Il déterminera les objectifs de recherche reliés à cette expérimentation et pourra fournir aux responsables des projets les outils requis à cet effet.

Paraît-Il que je dois conclure. Il reste quelques recommandations que vous avez avec voua. Je pense que, pour nous, la mise à jour des connaissances des sages-femmes est une étape importante. Elle ne remet pas en question la préparation qui est déjà là: II ne s'agit pas d'un cours de base, mais d'une actualisation pour mieux s'ajuster à la pratique actuelle dans le système de santé. Pour l'évaluation des candidates et même pour la formation ou l'actualisation, le principe de la formation par les pairs est très important; II est même mis de l'avant par le corps médical régulièrement. C'est vrai pour toutes les professions, pour les Infirmières, et cela devrait être vrai pour les sages-femmes aussi, d'autant plus que l'Association et les associations de sages-femmes comprennent des gens qui ont beaucoup d'expérience et aussi que nous avons accès à des ressources extérieures si besoin est.

Un dernier mot, sur l'assurance-responsabilité. La position de l'Association est que nous sommes responsables de A à Z, comme le dirait M. Chevrette, du suivi du déroulement d'une grossesse et de l'accouchement. La formation de sage-femme, qui est de premier cycle universitaire en tout cas, qui correspond à quatre années d'expérience pour l'obstétrique normale, est très longue par rapport à la formation que les médecins reçoivent, qui est de l'ordre de quatre à cinq mois. Je ne parle pas des obstétriciens qui devraient s'occuper des cas compliqués. La formation de sage-femme la prépare bien à prendre des responsabilités totales par rapport à une évolution normale d'une grossesse. Nous sommes prêtes à prendre nos responsabilités. Il y a des questions d'assurances qu'il faut régler. C'est un dossier qui doit être investigué. Je vous remercie et vous invite à poser des questions.

La Présidente (Mme Marois): C'est nous qui vous remercions, Mme Couillard. Est-ce que M. le ministre a des questions à poser?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, définitivement. Je réserverai une partie de mon temps pour ma collègue de Dorion, sur le plan de partage notre temps.

D'abord, je veux saluer d'une manière tout à fait particulière Mmes Couillard, Rousseau et Lavoie et les féliciter pour la manière assez originale... Ce n'est pas très souvent qu'on a une présentation, une entrée en matière comme celle-là qui nous ramène un peu a nos origines les plus naturelles possible. Évidemment, je l'ai dit

dans mon discours d'Introduction, |e l'ai répété depuis un certain temps, II y aura un projet de lof sur les sages-femmes, je veux le répéter à ce moment-ci, et il y aura des projets-pilotes qui vont se faire au niveau de tout le Québec contre vents et marées, en souhaitant qu'il n'y ait pas de vent ni de marée.

Évidemment, on est dans une situation où, à partir du projet de loi 4, qui est forcément un projet de loi qui, au lendemain de la commission parlementaire, devra être modifié, étant assez clair là-dessus, dans sa forme actuelle, ne pourrait pas, bien sûr, assurer que les projets-pilotes puissent être viables et puissent subir le test d'un projet-pilote avec tout l'encadrement et toute la liberté qu'il faut.

Dans ce sens-là, ma première question est: Comment définissez-vous l'autonomie de la sage-femme, parce que, évidemment, vous l'abordez dans votre mémoire dans le cadre des projets-pilote, parce que c'est dans ce cadre là que nous devrons procéder et, à cet égard-là, quelle condition serait essentielle à la matérialisation de votre conception de l'autonomie? Alors, c'est ma première question et j'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Marois): Vous êtes bien conscientes que vous répondez: une peut commencer et une autre peut ajouter. Vous y allez au mieux de ce qui vous apparaît être souhaitable.

Mme Lavole (Gertrude): Je vais y aller. L'autonomie dans la pratique des sages-femmes, en tout cas, dans le contexte des projets-pilotes, devrait avoir toute la latitude d'action dans les actes qui la concernent, mais compte tenu du contexte des projets-pilotes on pense que l'autonomie doit être définie au départ en ayant défini le champ de pratique, et les conventions ou les protocoles d'entente sur les actes en particulier doivent être acceptés au départ par les centres hospitaliers qui acceptent de collaborer à des projets-pilotes.

Alors, les ententes ou les protocoles ayant été ratifiés permettraient à la sage-femme d'avoir une attitude dans ses actes ou dans son quotidien. Dans les protocoles, évidemment, les champs de pratique ont été acceptés et les actes médicaux, si on peut les appeler ainsi, doivent permettre à la sage-femme de les faire et, quand il y a des cas d'exception ou des cas de référence, ils doivent être bien reçus de l'autre côté avec les spécialistes concernés.

Alors, les choses doivent être claires au départ pour permettre à la sage-femme une attitude d'agir dans son quotidien.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, si je comprends, c'est peut-être davantage... Ce n'est pas une trappe, là, parce que, il faut bien se com- prendre, on est dans un exercice où on va échanger des vues pour tenter de voir là où on doit aller. Si je comprends bien, c'est donc par le champ de pratique que l'on réussira à dégager le niveau d'autonomie que vous souhaitez avoir, pour que l'expérience soit vraiment une expérience-pilote et qu'on puisse conclure à la fin de l'expérience-pilote. Mais c'est par le champ de pratique qu'on réussira à définir l'autonomie.

Mme Lavoie: Oui, par un champ de pratique, mais aussi en respectant l'approche que les sages-femmes ont de particulier, de spécifique, c'est-à-dire aussi de permettre la continuité ou encore, pour vous donner un exemple très concret, si, dans une pratique sage-femme, une sage-femme ne conçoit pas nécessaire une échographie, elle doit avoir la latitude de la prescrire ou de passer à côté.

Alors les ententes peuvent être claires au départ, qu'on a le droit de faire certaines choses sans tous les jours aller demander une permission pour faire telle et telle choses.

M. Côté (Charlesbourg): O. K. Je vais aller plus loin dans ce rôle-là, parce que, évidemment, nous qui avons à légiférer et à prendre la responsabilité, on a la responsabilité de la santé des bénéficiaires. Quel rôle accordez-vous aux médecins dans ce cadre de projet-pilote par rapport à votre propre rôle d'autonomie? (15 h 30)

Mme Lavoie: C'est un rôle de collaboration qui est absolument nécessaire. Les sages-femmes ne conçoivent pas leur pratique sans la collaboration des médecins, surtout en ce qui concerne les spécialistes. Alors, le rôle des médecins est absolument nécessaire parce qu'il y a des limites, il y a des grilles, si vous voulez, des standards de pratique où les sages-femmes doivent absolument faire des références aux médecins. Alors, une sage-femme se tient dans tout ce qui est plus normal. À la première détection d'une anomalie, elle doit aller faire la référence au médecin. Alors, il est important d'avoir la collaboration et une acceptation d'avance de ce qu'une sage-femme peut faire comme référence au spécialiste.

La Présidente (Mme Marois): Mme Couillard, je crois que vous vouliez intervenir.

Mme Couillard: Oui. La difficulté existerait à peine si on était dans un cadre de maisons de naissances où on est responsable clairement de nos actes. Quand on parie d'un projet-pilote qui serait dans un centre hospitalier, ça devient plus délicat parce qu'on rentre dans une institution qui a déjà des standards, qui a déjà des pratiques. Habituellement, quand un médecin rentre, il a un droit d'accoucher dans un hôpital, il

accepte l'ensemble des règlements 81 un projet de sage-femme est accepté par un centre hospitalier, il pourrait y avoir des difficultés.

Une pratique de sage-femme, c'est une pratique qui est acceptable, qui est scientifiquement acceptable et qui est différente de celle pratiquée dans l'hôpital. C'est là que jouent les protocoles d'entente et les conventions. Si un centre hospitalier ne se sent pas prêt à laisser vivre une approche différente dans son hôpital et qu'il est trop Insécure, c'est qu'il ne peut pas accepter un projet-pilote. Mais la pratique de sage-femme ne faisant pas affaire à la maladie, les gens doivent se fier ou regarder notre formation qui prouve que nous sommes capables de détecter quand la normalité disparaît, que ça devient de l'anormalité. À cause de ça, je pense qu'il y a moyen de discuter. Dans nos relations personnelles avec beaucoup d'obstétriciens, ça ne fait pas de difficulté.

La Présidente (Mme Marois): Mme Rousseau, est-ce que vous vouliez intervenir?

Mme Rousseau (Marcelle): Non, elle a un peu répondu dans le sens de ce que je voulais dire sauf que j'ajouterais peut-être que, dans un premier temps, au début, il faudra que les protocoles soient très clairs. Je pense qu'avec un petit moment de collaboration, quelques semaines de collaboration et lorsque les personnes sur place nous auront observées un peu, elles se rendront compte que ce n'est pas si compliqué que ça de négocier avec nous. Les expériences qu'on a déjà à l'heure actuelle de relations avec certains médecins nous font voir que ce n'est pas compliqué, en fait. C'est évident qu'on a besoin d'âtre connues avant et les gens ont besoin de voir notre expertise et, après ça, je suis convaincue qu'on va nous faire confiance.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je ne voudrais pas priver ma collègue de Dorion de pouvoir intervenir. Je vous pose une question; en réalité, ce sont deux questions, mais je me tais après pour passer la parole à ma collègue. Vous avez évoqué beaucoup - et c'est là le projet de loi 4 - de centres hospitaliers, mais dans votre présentation vous avez évoqué d'autres possibilités à l'extérieur des murs d'un centre hospitalier sur le plan d'expériences à faire. Vous avez évoqué le CLSC. On sait qu'il y a des médecins aussi en CLSC. Ce que je comprends, c'est que vous souhaitez que le projet de loi soit plus large sur le plan des projets-pilotes et qu'on permette, au-delà des centres hospitaliers, la possibilité de le faire aussi au niveau du CLSC. Première question, si je comprends: Est-ce que vous appréhendez les mômes problèmes au niveau d'un CLSC que dans un centre hospitalier? Si oui, pourquoi? Et la dernière question que |e vous pose, vous me répondrez ça tout d'une même filée: est-ce que vous considérez que le privilège d'admission est essentiel à l'autonomie dont vous parlez?

Mme Rousseau: Est-ce que je pourrais répondre?

La Présidente (Mme Marois): Oui, oui, vous y allez.

Mme Rousseau: C'est vrai qu'on pense que ça serait souhaitable, très souhaitable môme, que l'expérience soit vécue et en milieu hospitalier et à l'extérieur du milieu hospitalier. En ce qui concerne les ententes possibles, les structures hospitalières nous apparaissent comme les plus difficiles. La structure du CLSC est déjà plus souple et plus ouverte à ce genre d'expérience. En ce qui concerne le privilège d'admission, ça nous apparaît Indispensable, oui. Dans la mesure où ça représente... On ne doit pas avoir à passer par un médecin pour rentrer une dame parce que, quand elle rentre en travail, ce n'est pas le temps de faire des démarches pour trouver quelqu'un d'autre pour signer.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'il y avait autre chose que vous vouliez ajouter à ce qu'a demandé le ministre? Cela va?

Mme Lavoie: Cela me fait penser à quelque chose. C'est que le CLSC ou les maisons de naissances actuellement, en tout cas, présentent pour nous une complexité d'organisation, si vous voulez, ou de hiérarchie d'autorité. C'est sûr que les projets en CLSC vont dépendre probablement d'un CA de CLSC. Ils ne peuvent à la fois dépendre d'un conseil d'administration aussi de l'hôpital. Alors, c'est pour ça qu'on demande d'avoir une certaine souplesse à l'intérieur du projet-pilote, par rapport à ces projets-là, et de regarder ça peut-être différemment, parce que, d'après nous, le projet de loi comme tel est pratiquement conçu pour les centres hospitaliers. Alors, il y a un réajustement à faire par rapport à l'organigramme possible, si vous voulez, dans les différentes situations.

La Présidente (Mme Marois): D'accord Mme la ministre.

Mme Trépanier: Merci. Alors, au départ, je voudrais vous féliciter aussi pour votre présentation et la manière étoffée qu'est présenté votre mémoire. Je voudrais souligner aussi le fait que cette commission est la première de la, je ne sais pas, trente-troisième ou trente-quatrième Législature. C'est la commission sur les sages femmes ut c'est tout à fait important. Je remercie la commission d'avoir accepté ma présence dans votre enceinte.

M. Chevrette: Grâce à l'Opposition et au consentement qu'on a donné.

Mme Trépanier: Et je l'apprécie énormément.

M. Chevrette: Merci, madame. Bienvenue, bienvenue.

Mme Trépanier: Pour en venir au fait. La Présidente (Mme Marois): Bien sûr.

Mme Trépanier: Ha, ha, ha! Je ne croyais pas soulever un débat.

La Présidente (Mme Marois): On soustraira une minute, Mme la ministre.

Mme Trépanier: Vous êtes quand même positives face au projet de loi. Donc, est ce que vous considérez que des projets-pilotes sont bienvenus? Est-ce que vous croyez que nous aurions les conditions nécessaires pour légaliser immédiatement la pratique des sages-femmes? Comment voyez-vous la venue des projets-pilotes?

Mme Lavoie: Je serais peut-être tentée de répondre, mais mes compagnes rajouteront des choses. On pense que c'est une étape importante à cause de l'incrédulité, si vous voulez, du corps médical actuel, lïncrédibilité du corps médical actuel. On pense qu'il est important d'avoir des expériences de collaboration pour faire tomber le scepticisme par rapport à la pratique de sage-femme.

Dans ce sens-là, le projet-pilote est une étape Importante pour nous. Cela n'empêche pas qu'on pense, qu'avant la fin des projets-pilotes, peut-être à mi-étape ou après trois ans, ça vaudrait vraiment la peine de regarder les évaluations qui vont avoir lieu à ce moment-là pour déjà penser, si on veut, à vraiment légaliser au bout de cinq ans. Ne pas arriver et n'avoir rien de fait au bout de cinq ans, mais déjà que le terrain soit préparé pour une légalisation future.

Mme Trépanier: Dans votre mémoire, à la page 34 plus précisément, vous suggérez un programme de mise à jour des connaissances des sages-femmes. D'après vous, quels éléments devrait comporter un tel programme? Est-ce qu'il devrait prendre en compte les acquis d'expérience? Comment voyez-vous ça?

Mme Rousseau: Je vais répondre. Alors, II devrait tenir compte des acquis, à plus forte raison que les acquis sont très nombreux. On vous a donné un peu un exemple de la préparation que les trois personnes avaient ici. On a des acquis extrêmement Intéressants déjà, aussi bien dans notre association que dans l'autre association qui sera présentée demain matin. À titre de projet de mise à jour des connaissances, je pense que ces acquis sont très différents et ils sont très diversifiés. Alors, le moyen de mettre à jour les connaissances, ce serait justement de les échanger, ces acquis différents et d'aller chercher chez chaque Individu ce qu'il a à offrir et de lui offrir, entre autres... Il y a des personnes qui connaissent beaucoup le système de santé québécois, II y en a qui le connaissent moins. Il y a des personnes qui connaissent beaucoup la clientèle potentielle des sages-femmes québécoises, il en a qui la connaissent moins. Il y a des personnes qui ont une formation théorique plus poussée, il y en a d'autres qui ont une expérience plus récente. Toutes ces choses-là mises ensemble, ça pourrait faire éventuellement le lieu d'un échange de connaissances qui serait très valable pour tout le monde.

Une voix: Vous avez parlé...

La Présidente (Mme Marois): Je m'excuse, Mme la ministre, je crois que Mme Couillard voulait ajouter quelque chose.

Mme Couillard: Je voulais rajouter que la profession de sage-femme au Québec, comme elle n'est plus très vigoureuse, en tout cas au niveau légal depuis quelques années, doit trouver sa couleur par rapport aux attentes de la population, et par rapport au milieu médical ici et de la façon qu'on pense la santé actuellement. Et à cause de ça, si on regarde la profession de sage-femme en Europe actuellement, où peut-être les sages-femmes, dirait-on, se médicalisent, et où nous voulons justement démédicaliser, il faut faire un corps avec toutes ces sages-femmes disparates qui ont eu des expériences en Angleterre, qui ont fait leur cours un peu partout, et c'est très très important de développer un profil sage-femme qui nous convienne. Et l'actualisation sera le premier exercice de ça. Après, un cours de base unlaversltaire continuera de délimiter ce profil sage-femme. Vous savez qu'au Québec, il y a 20 ans, on a plus ou moins décrié l'allaitement maternel. Pendant un bon moment, les Québécoises n'allaitaient plus, on trouvait que c'était rétrograde. On est revenu à ça. On a dit: Bon, la modernité à tout prix, il faut arrêter. Les femmes ont réagi à ça, bon. Aujourd'hui, les Québécoises, devant la profession de sage-femme, veulent aussi revenir à quelque chose de naturel, mais pas moins scientifique, et on doit faire attention. La profession de sage-femme prend des Images différentes un peu partout. Qu'est-ce qu'on veut ici? Il faut se le dire, II faut écouter ce que les femmes ont a dire et ce que les médecins ont a dire, et bien se préparer à le faire.

La Présidente (Mme Marois): Merci.

Une voix: Une petite dernière, pour l'assurance.

La Présidente (Mme Marois): Certainement, il vous reste quelques minutes encore.

Mme Trépanier: L'assurance-responsabilité, vous en avez parlé à deux reprises. Est-ce que vous avez une position sur ça? Est ce que vous avez fait des études là-dessus?

Mme Couillard: Les études sont en cours et on se confronte à de grandes difficultés, parce que tout le monde sait que les assurances... assurer des gens qui font des accouchements, qui font de l'anesthésie, qui font de l'architecture, ce sont les grandes bêtes noires. Ça joue beaucoup contre nous, parce que, comme la profession n'est pas connue, comme on sait assez peu qu'on ne fait pas d'interventions et qu'on est bien formées, je pense qu'il y a une éducation à faire auprès des gens qui voudraient nous assurer. Je pense qu'il n'y a pas de limite à l'imagination. Il faut peut-être accepter de payer plus cher au début et que ça baisse après, quand on verra qu'il n'y a pas beaucoup de risques à assurer une sage femme C'est une question très sérieuse. Nous, comme association, nous faisons des recherches. Je pense que le gouvernement en fait aussi et il doit en faire. Je pense qu'il faut continuer à en faire, qu'il y a une solution. Dans d'autres pays, il y a des sages-femmes qui sont assurées. Et pour le projet-pilote, si ça doit coûter un peu plus cher, çn coûtera un peu plus cher et, après ça, on verra; ça fait partie de l'expérience.

M. Côté (Charlesbourg): pour compléter le temps, deux petites questions très rapides, mais d'importance. mme lavoie, tantôt, parlait de crédulité.

Mme Lavoie: D'incrédulité.

M. Côté (Charlesbourg): Moi, je voudrais vous parler de crédibilité. C'est extrêmement important je pense, c'est l'enjeu majeur du projet pilote Et à ce moment là, je pense qu'il serait important de vous entendre sur le mécanisme de reconnaissance des sages-femmes et de la compétence des sages-femmes. Ça m'apparaît extrêmement important. J'aimerais vous entendre là-dessus. (15 h 45)

Et ma deuxième petite question, parce que ça complétera possiblement le temps, on a tendance dans certains milieux à dire que la pratique des sages-femmes au Québec, c'est quand même marginal sur le plan du nombre d 'accouchements. Sachant que vous nous le dites dans votre mémoire - vous êtes 70 membres et qu'il y a une autre association, et qu'on parle peut-être de 150 à 200 sages-femmes au niveau du Québec, combien d'accouchements annuels se fait-il?

Mme Lavoie:... d'accouchements annuels au Québec, par des sages-femmes?

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

Mme Lavoie: L'année dernière, on avait avancé, avec l'Alliance des sages-femmes praticiennes, environ 2000 naissances par année, par les mains des sages-femmes. Mais dans les projets-pilotes, on pense qu'il peut y avoir moins de 1 % des naissances par année, à peine 1000 sur 88 000. Alors, c'est moins de 1 % dans les projets-plotes. Je pense que ce n'est pas menaçant en tant que clientèle éventuelle.

M. Côté (Charlesbourg): II ne faut pas voir une menace, ce qui est bon peut progresser facilement. C'était de voir l'importance par rapport aux 80 000 ou aux 85 000. Je ne vois pas ça comme une menace. S'il y en a qui le voient, c'est leur problème. On verra dans la pratique. Mais définitivement, à ce moment-ci, c'était pour savoir le nombre qui découle de l'expérience et, l'autre question, était la crédibilité Les mécanismes de reconnaissance m'apparaissent extrêmement importants. Je voudrais vous entendre là-dessus pour terminer.

Mme Couillard: Quand on parle de crédibilité, jo trouvo qu'il y a un élément trot» impotant, c'est quand on parle de la crédibilité que les médecins auraient. Quels médecins? C'est très différent quand on parie à beaucoup d'individus et des spécialistes et quand on s'adresse à des associations. Les réactions sont différentes. Je crois que si le corps médical pour la crédibilité doit participer à l'évaluation des compétences des sages-femmes, il est très important que le gouvernement choisisse des gens qui ne sont pas contre avant de commencer, qui sont représentatifs de leur association et qui sont sensibles à l'humanisation des soins en périnatalité. Je pense que si ces deux conditions y sont, avec le temps, la crédibilité va augmenter chez l'ensemble des médecins.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme Couillard. Je crois que le critique de l'Opposition a maintenant quelques questions à vous poser à son tour.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Bonjour mesdames, je voudrais tout simplement essayer de comprendre avec vous ce qu'il y a dans le projet do loi Vous allez peut-être me l'expliquer parce qu'à vous entendre, vous voulez

de l'autonomie parce que vous considérez que l'accouchement en soi n'est pas un acte médical. Quand ça va bien, ce n'est pas nécessairement un acte médical, c'est un acte naturel. Et vous voulez de l'autonomie de A jusqu'à Z puisque vous parlez d'assurance môme, ce qui fait de vous non pas un professionne travaillant a l'intérieur d'un centre hospitalier, mais un professionnel qui est capable de superviser l'ensemble d'un acte complet, précis. Je regarde le projet de loi et voici ce que j'y découvre. Je vous demanderai si vous avez saisi la même chose que moi. Tout d'abord, on doit vous évaluer par un comité national qui vous évalue au complet, premier point, qui fixe ses critères et qui vous évalue. Après ça, on décide d'un projet qui a lieu dans un centre hospitalier qui, lui, a un conseil d'administration et à l'intérieur d'un centre hospitalier, il y a un CMDP, conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Mais vous formez un conseil des sages-femmes et ce que vous décidez doit être entériné par le conseil d'administration de l'hôpital, mais vos pouvoirs relèvent d'un conseil exécutif créé expressément pour ça, avec un médecin, une infirmière ou une couple de médecins, une couple d'infirmières spécialistes et quelques sages-femmes, et le tout relève d'un coordonnateur nommé par le conseil d'administration. Est-ce que c'est tout ça? Et comment voyez-vous votre rôle dans tout ça?

La Présidente (Mme Marois): Oui, ça va.

Mme Couillard: Je vous ferai remarquer que toute la partie du projet, la troisième partie, qui concerne le conseil des sages-femmes et tout ça, on nous avait demandé que tout ce chapitre soit refait. qu'il ne correspond pas à ce que nous attendons du tout.

M. Chevrette: Ce que je voudrais que vous me disiez en quelques mots, madame, c'est comment vous voyez ça, vous, d'une façon hiérarchique des choses, pour qu'on puisse bien comprendre?

Mme Couillard: Le patron, c'est le gouvernement.

M. Chevrette: Parce que, ici, une chatte ne retrouverait pas ses petits dans ça.

Mme Couillard: Le premier patron c'est le gouvernement. Au nom de la population, je crois qu'il doit garder l'orchestration Je pense que s'il y a un message le plus Important à garder, II est dans notre résumé. Le gouvernement, pour nous, devrait garder le rôle d'orchestration de toute l'expérimentation. On sait très bien que si on est dans une institution comme un CH, il y a des lois là, il va falloir s'ajuster. Notre vision la plus simpliste, la plus claire, ce serait qu'une sage-femme qui va accoucher dans un hôpital, autant que possible elle n'accouche pas dans une salle d'accouchement. Cela prendrait une bonne chambre privée pour accoucher pour une sage-femme, ce serait suffisant avec l'équipement technique nécessaire pour l'accouchement. Ce qu'on voudrait, ce serait de louer, si vous voulez, un espace dans un hôpital.

Quant aux relations d'autorité, en ce qui concerne les conventions et les protocoles d'entente pour notre pratique, qui devraient être clairs avant de commencer un projet, il n'y a pas de problème. Si on fait des conventions, l'autorité de l'hôpital, que ce soit l'obstétrique, que ce soit le CMDP, devra nous dire: Les conventions, c'était ça, vous ne les suivez pas. Si, d'un côté, c'est l'hôpital, c'est le CH qui ne suit pas les conventions et que, trois mois après le début du projet, on nous dit: À partir d'aujourd'hui, tout le monde fait quatre échographles à chaque cliente, nous serons dans la position de subir ça s'il n'y a que l'autorité de l'hôpital. On est assez grandes pour discuter et s'il y avait des conventions, ce serait bien d'être appuyées par ce que nous avons proposé: un comité d'encadrement pour l'ensemble qui pourra nous aider à négocier avec le CH.

La relation d'autorité ne nous ennuie pas si les conventions sont claires. Nous croyons que ce sera una autre formule qui sera mise de l'avant quand les gens se connaîtront

M. Chevrette:... tel que stipulé dans le projet de loi, vous auriez beau être jugées compétentes au niveau national, il y a trois autres ou même quatre intervenants qui peuvent bloquer le processus. Quand je disais, ce matin, dans mon exposé Initial, qu'une histoire du genre a peu de chances d'aboutir telle que libellée, c'est parce qu'il s'en trouverait toujours en cours de route pour donner le moins de chances possible à sa réalisation. C'est un peu l'optique dans laquelle je présentais, ce matin...

On ne peut pas les blâmer, ça pourrait être très humain parce qu'il y a une question corporative dans ça. Vous êtes dérangeantes, vous autres, vous venez de prendre une partie du gâteau.

Mme Couillard: Ça dépend pour qui.

M. Chevrette: Je ne sais pas si vous le savez, mais je vais vous le dire, en tout cas. C'est évident qu'il y a des gens qui vous voient venir comme étant des gens qui viennent prendre une partie d'un gâteau qui leur est réservé J'ai hâte d'entendre le Dr Augustin Roy.

Une voix:...

M. Chevrette: C'est demain? Ça va être

suave, sûrement, la rencontre qu'on va avoir, le connaissant. Il va sûrement vous dire, d'ailleurs, que la profession médicale se féminise et qu'il y a sûrement des sages-femmes parmi les femmes médecins Cela dit, ne croyez-vous pas que quant à décider qu'il y a des sages-femmes, on doit véritablement avoir un processus fort simple dans des endroits qui sont peut-être démédicalisés, parce que vous ne voulez pas que ce soit médicalisé, mais que, par contre, parce que c'est une expérience-pilote qui se veut peut-être l'amorce de l'Introduction d'une nouvelle profession, il y ait cependant un professionnel ou deux chargés spécifiquement de faire une supervision? Ce ne serait pas plus simple, comme projet? Tout le monde y trouverait son compte. Tant qu'à limiter le nombre de projets, au moins, ce serait quelque chose que tout le monde comprendrait. Il poserait le geste délibéré d'opter pour un accouchement un peu médicalisé ou pour un accouchement qui ne l'est pas. Est-ce que ce n'est pas ça, dans le fond, que vous recherchez?

Mme Coulllard: Je vous avoue que plus les structures seront simples, légères et souples, plus on pourra démontrer des éléments qui, à la fin, nous permettront d'évaluer, c'est certain. Nous avons réfléchi en pensant que les négociations ne seraient pas simples avec les corporations, avec les associations. Nous savons que ce n'est pas très clair dans la tête de beaucoup de Québécois, ce que c'est, les sages-femmes, ce que ça fait. C'est peut-être pour ça qu'on est resté... quoique nous ayons refusé beaucoup de choses du projet de loi sans refuser l'ensemble, espérant que, dans la reformulation, les propositions que vous faites et qu'on fait à notre façon seront là. C'est certain qu'on a toujours pensé que si le gouvernement veut se donner des consultants qui connaissent le monde médical, qui connaissent bien la périnatalité, il a le droit de le faire. On a fait une distinction, à un moment donné, pour les infirmières, en pensant que nous avons, pour la périnatalité et la normalité, l'équivalent de ce que les infirmières reçoivent dans leur formation. On ne voit pas très bien ce qu'elles viendraient faire dans l'évaluation. Cela, c'est clair.

Que les obstétriciens, que les néonatalogis-tes soient impliqués, jusqu'à un certain point, ça ne nous dérange pas, mais pas au point d'avoir le contrôle. C'est pour ça que, dans nos comités, c'était toujours la prédominance des sages-femmes toujours et partout.

M. Chevrette: Concernant l'assurance, Je voudrais aussi vous poser une question - peut-être une dernière - pour permettre à ma collègue... Concernant l'assurance - je regarde ça - vous ave? dit que vous étiez en train de faire des études, mais on me dit peut-être à tort et à travers, je ne le sais pas - que les gynécologues, par exemple, paient des primes exorbitantes, et c'est un peu pourquoi ils ne sont pas nécessairement tentés de faire des accouchements et on voit de moins en moins... En tout cas, dans certains milieux, il y a des gynécologues qui ne font plus d'accouchements ou presque. Il en est de même pour certains omnipraticiens qui trouvent que les "bondage" de responsabilité ou l'assurance est rendue à un coût prohibitif. Quand vous demandez l'autonomie, cela suppose que vous demandez la responsabilité totale et entière, donc la garantie que vous pourriez être protégées au moins par voie d'assurance. Est-ce que ça vous paraît, dans le cadre d'un projet-pilote, acceptable d'avoir à payer l'ensemble d'une prime d'assurance qui depuis quelques années, à cause des jugements, en Ontario, il faut le dire, plus en Ontario et quelques jurisprudences américaines... En Ontario, si on parle du Canada, il y a eu des jugements très lourds avec des sommes extrêmement gigantesques qui ont dû être versées. Cela me paraît, dans le cadre d'un projet-pilote, audacieux de votre part d'exiger que personne ne prenne fait et cause pour vous.

Mme Couillard: Moi, je pense que c'est parce que nous avons beaucoup moins peur des gestes que nous posons, par rapport à d'autres Intervenants qui font beaucoup plus de gestes. Je pense qu'on ne peut pas comparer un gynécologue à une sage-femme. Une sage-femme, ça travaille quand ça va bien et ça réfère, et ça connaît bien sa cliente, comme dans le temps des bons vieux médecins de famille qui n'avaient pas de poursuite. Cela n'est peut-être pas évident pour les assureurs, maintenant, et peut-être qu'il va falloir leur donner le temps de comprendre et d'expliquer ces choses-là, mais il reste que pour nous, peut-être qu'on est un petit peu trop braves, mais c'est notre réalité, c'est notre profession, on connaît notre profession, on sait qu'on fait affaire avec des femmes en santé et qu'on les réfère, qu'on les respecte et qu'on écoute: avant de faire quelque chose, on leur demande si elles sont d'accord. Je pense que le problème est difficile à percevoir pour les assureurs, peut-être, mais ça aussi, c'est du cheminement à faire faire. Les sages-femmes sont habituées avec les femmes à essayer de faire faire du cheminement et peut-être qu'un jour il y aura...

La Présidente (Mme Marois): Cela va, M. le leader? Oui? Mme la députée des Chutes-de-la Chaudière?

Mme Carrier-Perreault: bonjour. disons qu'il y a plusieurs questions qui ont été posées jusqu'ici et qu'il ne m'en reste vraiment pas beaucoup. mais ii y a une chose sur laquelle je m'interroge. par rapport à la rémunération,

présentement, le travail, ce sont les gens qui paient pour ça, ce sont les femmes qui paient. est-ce que c'est très dispendieuux, pour la clientèle féminine, le genre de services que vous offrez présentement, et la rémunération que vous désirez avoir à l'avenir, ce serait combien? rémunérées à l'acte et combien?

Mme Lavoie: Je peux répondre à cette question. Actuellement, les services d'une sage-femme sont relatifs d'une sage-femme à l'autre. Cela peut varier entre 500 $ et 1000 $, comprenant le tout. Maintenant, dans les projets-pilotes, on parle de rémunération sous forme de salariat, c'est ce qui est avancé. On n'est pas allées très loin là-dedans, je dois vous dire, mais il y a quand même consensus là-dessus, parce que ce ne sera pas calculable en nombre d'heures, tout le temps qu'on peut donner à nos clientes. Alors, je pense qu'on s'entend là-dessus.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres... Oui?

M. Chevrette: II ne nous reste plus de temps?

La Présidente (Mme Marois): Oui, il nous reste du temps, M. le leader.

M. Chevrette: Va» y.

Mme Carrier-Perreault: Selon vous, les sages-femmes devront-elles être diplômées pour participer aux projets-pilotes? D'autre part, qu'est-ce qui arrive des sages-femmes qui sont non diplômées et qui ont quand même une bonne expérience dans le domaine? Comment voyez-vous ça, c'est quoi votre position?

Mme Rousseau: Les sages-femmes qui doivent participer aux projets-pilotes vont être évaluées - on a parlé d'évaluation au point de départ - les acquis seront reconnus et, s'il y a des sages-femmes non diplômées qui sont admises, ça relèvera du fait qu'elles peuvent prouver leur compétence. Évidemment, l'ensemble des sages-femmes qui vont participer et qui devraient participer aux projets-pilotes auront eu la chance de faire une mise à jour des connaissances aussi. Alors, je pense que quelqu'un qui pourrait être examinateur, si je me mets à la place d'un examinateur, par exemple, je me dis que si je rencontre... en évaluant les acquis de quelqu'un qui a beaucoup de potentiel, qui a beaucoup d'acquisitions, je pense que je peux lui prescrire à la carte les choses qui lui manquent avant que cette personne-ià commence à travailler et, potentiellement, c'est certainement réalisable d'évaluer... D'ailleurs, dans notre société, aujourd'hui, on travaille beaucoup avec la vérification des acquis. C'est évident que si quelqu'un arrive à passer à travers les démarches préliminaires, ce sera là que le verdict sera rendu. ( 16 heures)

M. Chevrette: Quant au comité de sélection lui même, est-ce que vous êtes d'accord avec sa composition?

Mme Rousseau: Qui doit comporter une sage-femme?

M. Chevrette: Vous avez là le conseil des sages-femmes...

Mme Rousseau: Oui, oui.

M. Chevrette:... doit élaborer les critères d'admissibilité applicables aux femmes qui désirent recevoir... Ce n'est pas ça, excusez. Le premier là: Le ministre de la Santé et des Services sociaux, responsable de l'application de la loi des professionnels, nomme trois sages-femmes en tenant compte notamment des critères établis par la Confédération Internationale des sages-femmes, un médecin, un infirmier ou une Infirmière aux fins suivantes. C'est dans le but, à toutes fins utiles, d'accréditer, si vous me permettez l'expression, celles qui n'auraient peut-être pas la formation académique, le premier cycle universitaire.

Mme Rousseau: En tait, quand on évalue les acquis, on vérifie que ce n'est pas simplement en termes d'expérience. Ce n'est pas quelqu'un qui vient dire: J'ai fait tant de choses, j'ai tant d'années d'expérience; ce que l'on vérifie c'est: est-ce que c'est mesurable? Et il y a de plus en plus de moyens maintenant de mesurer non seulement l'expérience, mais véritablement les acquis en termes de connaissances. À ce moment-là, ça peut être évalué de différentes façons. Donc, par exemple, ça pourrait être des sages-femmes qui sont reconnues sur le plan international qui pourraient questionner, faire une entrevue assez sérieuse. Il y a énormément de moyens maintenant. Il y a des examens écrits aussi et des examens oraux qui peuvent être passés. Ce n'est pas quelqu'un qui pourrait arriver et dire: J'ai fait 150 accouchements; ça veut donc dire que j'ai de l'expérience. J'ai peut-être de l'expérience, mais je n'ai peut-être pas les connaissances de base. Seulement, si quelqu'un me dit: Tu nous dis que tu sais faire des accouchements, tu vas nous le prouver, tu vas en faire devant nous, à ce moment-là, si ce sont des personnes qui sont jugées, qu'on a déjà accréditées pour évaluer, ces personnes-là peuvent vraiment porter des jugements de valeur sur les personnes qui présentent ces acquis-là. Il y a une étape qui est de préparer un portfolio pour s'assurer que tous ces acquis sont inscrits, mais il y a aussi une deuxième étape qui est aussi très importante: ce sont les personnes qui

vont évaluer ces acquis-là.

La Présidente (Mme Marois): D'accord? Est ce qu'il y a d'autres...

M. Chevrette: Oui, il me reste une autre question.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

M. Chevrette: À l'article 17 vous avez sans doute lu le projet de loi autant que mol - on dit que les pouvoirs du conseil des sages-femmes dans un centre hospitalier sont exercés par un comité exécutif formé de la façon suivante... Si je comprends bien... C'est là que j'en perds mon latin un peu quand on sait que dans un centre hospitalier il y a un conseil des médecins, des dentistes et des pharmaciens, puis là, il y aurait un conseil des sages-femmes de trois ou un conseil de toutes les sages-femmes qui déterminerait comment ça fonctionne, c'est entériné par le conseil d'administration et les pouvoirs de tout ce beau monde-là, c'est exercé par un comité: deux médecins, un coordonnateur, un infirmier et deux sages-femmes. Comment trouvez-vous ça?

La Prétldente (Mme Marois): Mme Coulllard.

Mme Couillard: Je vous redis que nous avons refusé toute cette partie-là d'emblée et peut-être que notre tort n'a pas été à ce moment-là - vous savez que le moment où on a présenté notre mémoire, le temps a passé très vite de ne pas proposer une autre structure concrète, mais la difficulté c'est qu'on était devant une proposition, un type unique de projet qui était en CH, alors qu'on veut proposer d'autres types. Mais on refuse cet aspect-là. Le conseil des sages-femmes est bien sympathique à le regarder, mais quand on regarde comme il faut, il n'a aucun pouvoir. Donc, en commençant... et toute cette structure-là est très complexe. Alors, on refuse ça; il faut recommencer la réflexion par rapport à cette étape-là.

La Présidente (Mme Marois): D'accord? Est-ce que ça va?

M. Chevrette: II faut que j'aille de l'autre côté.

La Présidente (Mme Marois): On me dit que c'est la reprise des travaux à l'Assemblée nationale. Il ne faut pas s'inquiéter, ce n'est pas un appel à autre chose.

S'il n'y a pas d'autres questions, comme il reste un peu de temps, le député de Fabre et vice-président, d'ailleurs, de la commission, vous auriez un commentaire ou une question, une petite question.

M. Joly: Oui, j'aurais peut-être une question, une toute petite question qui reviendrait surtout au niveau de l'assurance. Quand on parle d'assurances, on parle statistiques, normalement Tantôt, dans votre énoncé, vous avez soumis des chiffres, à savoir que sur les 88 000 accouchements qui se faisaient au Québec, il y en avait environ 1000 qui avaient été, en fait, accomplis par les sages-femmes.

Est-ce que, d'après vous, c'est une statistque assez Importante, pour en arriver à con vaincre l'assureur que si l'expérience a été bonne, il n'y a pas tellement de danger et on pourrait en arriver à négocier des primes raisonnables? Et l'autre volet de ma question, c'est que, dans votre mémoire, vous soulignez que la prime d'assurance devrait être répartie tant par les budgets votés au niveau du projet-pilote et tant par les sages-femmes elles-mêmes.

Mais je me pose la question, parce que sur la quantité d'accouchements qui se fait, si ça implique 200 sages-femmes, ça, ça veut dire que la moyenne des salaires ou des revenus de ces sages-femmes se situe entre 5000 $ et 10 000 $ par année. Comment en arriver à assumer, dès le départ, une prime qui, à ce qu'on dit, est toujours exorbitante au niveau de cette responsabilité professionnelle, compte tenu surtout que les salaires ou les revenus des sages-femmes, actuellement, sont très bas?

Mme Couillard: Je pense qu'on le compare à une situation qui est tout à fait anormale. Je veux dire, une sage femme, aujourd'hui, qui pratique ne devient ipas riche. C'est tout juste pour changer son auto, puis, pas toujours. Ce n'est pas une situation normale. Les sages-femmes le font pour répondre aux besoins des femmes à leurs propres dépens, très souvent. Et on ne peut pas se fier à ça. Même le nombre et même les statistiques, comme c'est dans une situation pas tout à fait illégale, mais pas légalisée non plus, on ne peut rien prouver, ni les statistiques. Je vous invite à écouter très bien demain soir une intervention d'une expérimentation de sages-femmes, actuellement, dans le Grand-Nord, où il y aura probablement des statistiques vérifiées, tout ça, et qui pourrait influencer les assureurs. pour ce qui est du salaire, de ce que je comprends de votre question, pour nous autres, c'est dificile à imaginer jusqu'où pourrait aller la négociation à la hausse d'une prime d'as surance par rapport à notre salaire. mais ce qu'on sait, parce qu'on l'a fait dans une étude de projet de centre de maternité, c'est qu'un accouchement avec une sage-femme dans un centre de maternité qui couvre tous les frais du centre de maternité plus le salaire des trois ou quatre sages femmes qui seraient là, comparé au coût actuel pour un accouchement - malheureu-

sèment, on n'a pas nos chiffres - dans le système de l'hôpital coûterait beaucoup moins cher. De sorte que si une femme accouche aujourd'hui à l'hôpital et que ça coûte... On a dit que pour des étrangères qui accouchent ici, ça coûte...

Une voix: 3000 $.

Mme Couillard:... 3000 $; un accouchement avec une sage-femme, avec le suivi, avec môme dans le projet, il y avait les dépenses du centre de maternité, coûtait autour de 1600 $, quelque chose comme ça. Alors, il faut se pencher sur les problèmes des chiffres qui sont complexes, mais c'est difficile de les extrapoler à partir de l'expérience de pratique des sages-femmes actuelle, parce qu'il n'y a pas moyen, ce ne sont pas des sages-femmes salariées qui ont un salaire convenable, actuellement.

Parce que vous savez qu'une sage-femme, avec le temps de suivi qu'on veut accorder, surtout quand on s'occupera dés populations cibles défavorisées, c'est plus que le double que ce que le système donne, de sorte que, une sage-femme, pour bien faire sa profession de sage-femme, ne pourrait pas suivre plus que 50 accouchements par année. Elle peut donner jusqu'à 45 heures à chaque cliente pendant sa grossesse, ce qui est beaucoup moins dans le système. Mais même à ça, les calculs qui ont été faits par des gens préparés ont démontré que ça coûtait beaucoup moins cher. Donc, là, il faudrait accrocher ça à la prime d'assurance et à tout ce que vous voulez. Je ne suis pas en mesure de le faire maintenant, mais ce qui est certain, c'est que ça coûte beaucoup moins cher et que le salaire de la sage-femme est inclus dans ces calculs.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Je vous indique que notre temps est écoulé. J'ai une demande du député de La Prairie pour une toute petite question. Ça me prend l'accord des gens du gouvernement. Êtes-vous d'accord? Une très brève question, M. le député.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente et merci au parti gouvernemental. C'est au sujet de la rémunération, justement. La représentation de l'Assocation nous a donné une idée de la rémunération qui serait nécessaire; mais voici la question que je poserais au ministre de la Santé et des Services sociaux: Est-ce qu'on a évalué, au ministère, le montant approximatif du salaire, parce qu'on n'en parle pas? J'ai relu le projet de loi tantôt, rapidement, et puis, on ne parle pas de rémunération dans le projet de loi. A ma connaissance, on n'en parle pas. Si on n'en parle pas dans le projet de loi, est-ce que c'est parce que les études ne sont pas complétées? La question a deux volets: est-ce qu'on a l'inten- tion, au ministère, de payer les sages-femmes sous forme de salariat? Si oui, à quelle échelle de salaire va-t-on se référer?

M. Côté (Charlesbourg): Je ne ferai pas de différend en Chambre. A votre première question, c'est oui, donc, à salaire. La deuxième, évidemment, il reste des négociations à terminer pour bien s'assurer qu'on aura un projet de loi, puis qu'il y aura des expériences-pilotes et, qu'à ce moment-là, on aura des sages-femmes qu'il faudra payer. Ça va venir.

La Présidente (Mme Marois): Ça va. Merci, M. le ministre. Est-ce que vous voulez ajouter quelques mots M. le ministre à l'endroit des...

M. Côté (Charlesbourg): Je voudrais juste voua remercier pour cette présentation très originale. On sait que ce n'est pas toujours facile de se présenter devant ce genre de commission. Je vous dirai que vous l'avez bien fait, vous avez répondu à nos questions et je suis très heureux. On verra la suite des événements, souhaitant qu'on puisse effectivement y arriver avant Noël.

La Présidente (Mme Marois): Je remercie, à mon tour, l'Association de ses explications, de ses éclairages sur ses points de vue et j'espère qu'ils pourront être entendus dans les faits aussi. Merci.

J'inviterais maintenant la Fédération des CLSC du Québec à venir nous présenter son mémoire. Est-ce que les membres de la commission pourraient reprendre leur siège s'il vous plaît pour que nous puissions entendre les représentants de la Fédération? M. le président ou Mme la directrice générale?

Une voix: M. le président.

La Présidente (Mme Marois): M. le président, bonjour.

M. Payette (Maurice): Bonjour madame.

Fédération des CLSC du Québec

La Présidente (Mme Marois): J'aimerais, à l'instar des gens qui vous ont précédé, que vous présentiez les gens qui vous accompagnent. Nos règles, je pense, vous les connaissez: une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire, par la suite, une quarantaine de minutes qui se partagent entre les deux groupes parlementaires, à part égale, et, si le député indépendant veut poser une question, il a le loisir de le faire aussi.

M. Payette: Merci, Mme la Présidente. Je suis accompagné, à ma droite, de Mme Jeanne-

d'Arc Vaillant, la nouvelle directrice générale de la Fédération des CLSC et aussi de Mme Lucllle Rocheleau, une permanente de la Fédération, qui a particulièrement développé une expertise dans le dossier des sages-femmes.

Comme vous avez reçu tardivement notre mémoire, nous prendrons le temps de lire ce mémoire et nous ne croyons pas que ça dépassera les 20 minutes.

La Présidente (Mme Marois): Je voudrais m'assurer que les membres de la commission ont une copie du mémoire.

M. Payette: On a des copies supplémentaires.

La Présidente (Mme Marois): C'est parce que... Est-ce que c'est la copie révisée que vous avez? Vous n'avez pas, je crois M. le député, la copie révisée. Alors, on va s'assurer que des copies soient disponibles. Ne vous inquiétez pas, on va faire ça ici. (16 h 15)

M. Payette: D'accord. Merci. Lors du dépôt du projet de loi 156 en juin dernier, la Fédération des CLSC du Québec a fait connaître son point de vue en déposant un mémoire au secrétariat des commissions parlementaires. Les courts délais qui nous étaient alors impartis pour réagir ne nous avaient pas permis de proposer des modalités concrètes pour actualiser des alternatives proposées.

Ayant approfondi notre réflexion depuis lors, nous avons voulu bonifier notre mémoire en proposant des moyens concrets pour atteindre les objectifs visés par la loi et en suggérant des modalités organisationnelles précises pouvant assurer une expérimentation plus diversifiée, plus souple et plus concluante.

Cette bonification du mémoire nous apparaissait d'autant plus importante qu'en octobre dernier, la Fédération dos CLSC tenait son quinzième congrès sous le thème de la santé des femmes. On y relevait plusieurs défis pour les CLSC dont, entre autres choses, celui de fixer des objectifs clairs en matière de santé et de bien-être des femmes.

Or, l'humanisation des soins entourant la grossesse et la naissance est un objectif auquel souscrit la Fédération des CLSC. La reconnaissance de la pratique de la sage-femme s'Inscrit dans la poursuite de cet objectif. L'expérimentation de l'introduction des sages-femmes dans le réseau doit se faire non seulement pour les femmes dites à risque mais pour l'ensemble des femmes qui réclament ce service depuis plus de dix ans.

Nous étions heureux lors de l'annonce du dépôt du projet de loi qui permettait enfin d'expérimenter de façon officielle la pratique des sages-femmes au sein du réseau des services de santé et des services sociaux du Québec. La Fédération des CLSC, porte-parole en cette matière des 159 CLSC du Québec, a en effet toujours supporté les prises de position et les Initiatives qui allaient dans le sens d'une intégration progressive et d'une reconnaissance officielle des sages-femmes au Québec. Il est grandement temps que le Québec reconnaisse une pratique qui existe dans la plupart des autres pays et qui, en plus, se développe ici même dans une sorte de semi-clandestinité.

Notre enthousiasme a cependant rapidement fondu lorsque nous avons pris connaissance du libellé du projet de loi. Le texte est en effet inutilement restrictif en limitant l'expérimentation du rôle des sages-femmes à des pro|ets qui ne peuvent être présentés que par des centres hospitaliers. De plus, en les assujettissant à des contrôles tellement nombreux et tâtillons au sein même de ces institutions, ils rendent ces projets, à toutes fins pratiques, impossibles à réaliser.

Comme la plus grande partie de l'opposition à l'Introduction des sages-femmes vient des milieux médicaux en général et des milieux spécialisés en particulier, il nous semble un peu aberrant de réserver de façon exclusive l'expérimentation aux centres hospitaliers qui constituent justement les lieux où ce pouvoir médical s'exerce avec le plus de force. Au pire, le succès des expérimentations risque de s'en trouver compromis avant même qu'elles ne débutent, au mieux elles pourraient bien n'être que peu concluantes ou récupérées.

Mme Vaillant (Jeanne-d'Arc): Pour ma part, je vais vous présenter les mécanismes d'encadrement, les modalités organisationnelles et la façon dont ça pourrait se faire en CLSC.

Le principe de l'expérimentation quant à nous est d'abord et avant tout que ça puisse se faire en milieux diversifiés. Il y a un concensus dans le réseau depuis plusieurs années parmi les principaux intéressés à l'exception, bien sûr, des porte-parole officiels de la corporation médicale. Donc, le concensus existe pour que l'expérimentation soit envisagée de façon diversifiée et non seulement dans les centres hospitaliers. Que ce soient les avis du ministère, les avis du Conseil des affaires sociales, les prises de position au niveau de l'Association pour la santé publique, tout le monde s'entend pour dire que ça doit se faire et que ça doit déborder les seuls centres hospitaliers. Donc, quel est le champ de pratique et l'articulation avec le réseau?

Pour les fins des projets-pilotes, le projet de loi prévoit huit champs de pratique pour les sages-femmes: éducation prénatale des parents, éducation sanitaire de la famille, soins préventifs, suivis de grossesse, dépistage de conditions anormales chez la mère ou l'enfant, accouchement, planification familiale et enseignement des soins à donner au nouveau-né.

Ces champs de pratique sont suffisamment larges pour permettre une expérimentation variée. Toutefois, le lieu, comme on l'a dit tantôt, pose un problème. En effet, le ministère a toujours voulu rapprocher le plus possible la dispensatlon concrète des services du milieu naturel dans lequel les personnes vivent. C'est dans ce contexte qu'il a ainsi privilégié les CLSC pour la dispensatlon de services de première ligne et la mise en place de stratégies préventives. Évidemment, la proposition contenue dans le projet de loi aurait pour effet de rapatrier sous la Juridiction du centre hospitalier la dlspensation de toute une gamme de services qui n'ont rien à voir avec la dispensatlon de services spécialisés et qui sont actuellement rendus. Ce sont des services normaux de première ligne.

Donc, de plus, ce modèle risque d'assujettir la pratique sage-femme à la pratique médicale, reléguant au second plan le spécifique de la pratique sage-femmes soit une approche globale centrée sur la normalité. C'est un processus normal, grossesse-naissance et qui prend en compte les dynamiques du milieu de vie de la clientèle.

Selon nous, l'essentiel n'est pas de régir et de contrôler avec un appareil démesuré les quelques jours que la mère passera au centre hospitalier, mais plutôt de s'assurer que l'ensemble de la grossesse, de l'accouchement, de la période post-partum soit considérée comme un tout et vécue de façon harmonieuse et dans les meilleures conditions possible. Dans ce contexte, le fait que ce soit la sage-femme plutôt que l'obstétricien qui délivre en tout ou en partie l'enfant n'est pas la seule question fondamentale en cause. Il nous apparaît encore plus fondamental que les sages-femmes puissent agir dans un contexte qui leur permette de maintenir leur approche globale, d'assurer la continuité des services et de demeurer proche des dynamiques du milieu et des capacités de support communautaire. Or, l'approche globale et la prise en compte des dynamiques du milieu et des capacités de support communautaire font partie intégrante des programmes de périnatallté en CLSC.

Donc, pour assurer la continuité des services aux femmes enceintes et à leur famille, les projets-pilotes devront nécessairement établir des liens avec ces programmes de périnatallté. Il faut absolument éviter que la pratique sage-femme se fasse en parallèle des services périna-tals en CLSC comme c'est généralement actuellement le cas pour le suivi de grossesse par les médecins en pratique privée. Bref, ce n'est pas le champ de pratique qu'on propose de donner aux sages-femmes qui est en cause. Nous sommes d'accord avec les objectifs du projet de loi mais c'est la façon dont on veut l'articuler à l'Intérieur du réseau.

Le point important, ce sont les modalités organisationnelles et le contrôle de la qualité.

Les modalités organisationnelles proposées, la création d'un service de maternité, conseil des sages-femmes et exécutif sont, quant à nous, lourdes et complexes et elles ne conviennent pas à un contexte expérimental qui, par définition, doit permettre l'expression d'une plus grande liberté et d'une plus grande Imagination créatrice. De plus, compte tenu que seul le centre hospitalier peut être promoteur d'un projet-pilote, le projet de loi actuel limite de façon importante l'envergure des expérimentations envisagées et réduit sensiblement la possibilité de généralisation par la suite.

Nous sommes tout à fait en accord avec la nécessité de mettre sur pied un mécanisme qui assurera la qualité des actes posés. C'est là une responsabilité fondamentale à laquelle l'État ne peut se soustraire. Nous voudrions vous proposer ici des modalités organisationnelles beaucoup plus souples. Celles-ci, tout en assurant un contrôle de la qualité non seulement pour l'acte d'accoucher, mais pour l'ensemble des actes qu'une sage-femme doit poser, permettraient une expérimentation suffisamment diversifiée pour pouvoir apporter des conclusions intéressantes.

Nous proposons trois scénarios: un projet qui serait présenté par un centre hospitalier en collaboration avec le CLSC pour le prénatal et le postnatal, un projet présenté par un CLSC qui serait promoteur en collaboration avec un centre hospitalier et un projet présenté par un CLSC et une maison des naissances.

Pour assurer une expérimentation diversifiée, il serait souhaitable que les huit projets-pilotes qui seraient choisis couvrent, quant à nous, ces trois scénarios. Actuellement, deux CLSC ont déjà élaboré et présenté des projets d'expérimentation du rôle des sages-femmes dans le cadre de leurs activités de périnatallté. Déjà des modalités organisationnelles ont été prévues entre le CLSC promoteur et le centre hospitalier collaborateur. Il nous apparaît donc possible de mener à terme des expériences fructueuses en milieu de CLSC qui garantissent la qualité des services. Pour que de telles expériences soient possibles, certaines conditions préalables sont cependant nécessaires. Ainsi, de façon générale, nous sommes d'accord avec le fait que les accouchements aient lieu, dans la mesure du possible, en milieu hospitalier. Nous ne sommes pas contre l'expérimentation en maison des naissances mais cela requiert, d'après nous, un encadrement particulier sur lequel nous reviendrons un petit peu plus loin.

Dans le cas où le CLSC serait promoteur du projet-pilote, un protocole d'entente entre le CLSC et le centre hospitalier concerné définira à la fois la procédure d'admission en centre hospitalier lors de l'accouchement et des différentes procédures que devra suivre la sage-femme lorsqu'elle oeuvrera dans le centre hospitalier, notamment dans quelles circonstances

elle devra faire appel aux différentes ressources du centre hospitalier, y compris les ressources spécialisées. Le centre hospitalier devra, quant à lui, rendre ses ressources disponibles. Dans le cas d'un centre hospitalier promoteur, un protocole d'entente entre ce CH et le ou les CLSC impliqués garantira la cohérence et la continuité des services pour les périodes pré et postnatales.

L'encadrement professionnel des expériences en CLSC. Des protocoles régiront ce qui se passera lorsque la sage femme oeuvrera au centre hospitalier. Il reste cependant à s'assurer d'un encadrement professionnel adéquat pour l'ensemble de l'intervention de la sage-femme qui s'étend tout au long du processus de la grossesse, de l'accouchement et de la période postnatale. Cet encadrement professionnel est d'autant plus nécessaire qu'il n'y a pas actuellement d'ordre professionnel qui puisse assumer cette responsabilité dans le cas des sages-femmes. Or, dans le cadre des projets expérimentaux, nous proposons un encadrement professionnel qui serait assuré par un comité multidisciplinaire. Certains principes doivent être respectés quand on parie d'encadrement professionnel de la sage-femme. L'encadrement doit se faire par des pairs, l'encadrement doit être partagé avec des membres d'autres professions dont des médecins, les mécanismes d'encadrement doivent permettre le partage de connaissances entre professionnels des différentes disciplines, les mécanismes d'encadrement doivent garantir à la clientèle et à l'Institution la qualité des actes posés, en tenant compte du fait que ces actes dépassent l'aspect strictement médical. Ils doivent également favoriser l'établissement de liens entre les professionnels et les institutions Impliquées en périnatalité afin de maintenir la continuité des services.

Pour ce faire, nous proposons la formation d'un comité multidisciplinaire relevant du conseil d'administration du CLSC promoteur. Les responsabilités du comité seraient les suivantes: contrôle et appréciation des actes posés par les sages-femmes qui exercent leur fonction dans le CLSC, l'élaboration de règles de soins - et de règles d'utilisation des ressources applicables aux sages-femmes qui exercent en CLSC, la formulation des recommandations au conseil d'administration du CLSC sur l'organisation scientifique et technique applicable aux sages-femmes, l'élaboration du protocole d'entente qui sera soumis au centre hospitalier.

Donc, les règles de soins dont on a parlé précédemment devraient être soumises pour consultation à un représentant de chacune des disciplines concernées par le suivi en périnatalité, obstétricien, infirmière, pédiatre, travailleuse sociale, et devraient être approuvées par le conseil d'administration.

Le comité multidisciplinaire devrait aussi élaborer les critères d'admissibilité applicables aux femmes qui désirent recevoir les services d'une sage-femme dans le cadre du projet-pilote. Les deux derniers alinéas de l'article 15 du présent projet de loi continuent, quant à nous, de s'appliquer. Nous sommes en accord. Chacun des comités multidisciplinaires devrait être composé minimalement des personnes suivantes: donc, l'ensemble des sages-femmes. Ce que nous connaissons des projets expérimentaux, il n'y a pas un très grand nombre de sages-femmes dans chacun des pro|et8, donc l'ensemble des sages femmes devrait faire partie du comité multidisciplinaire, un membre du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du CLSC ou, à défaut du CMDP, un médecin du CLSC, le coordonnateur ou la coordonnatrice du programme, une représentante des usagères désignée par le conseil d'administration du CLSC. (16 h 30)

Ce comité, quant à nous, remplacerait les différents paliers prévus au présent projet de loi. à savoir le conseil des sages-femmes et le conseil exécutif. Donc, ce modèle, quant à nous, serait beaucoup plus souple, beaucoup plus léger et nous pensons que ce modèle de comité multidisciplinaire pourrait s'appliquer également quand c'est le centre hospitalier qui est le promoteur.

La Présidente (Mme Marois): Je vous informe qu'il vous reste peu de temps mais je suis persuadée que les membres de cette commission sont d'accord pour vous donner quelques minutes de plus pour que vous alliez...

Mme Vaillant: Bon, je vois...

La Présidente (Mme Marois): Mais allez à la fin du mémoire, Je pense qu'il faut...

Mme Vaillant: Oui, d'accord.

La Présidente (Mme Marois):... c'est-à-dire allez jusqu'au bout du mémoire, s'il vous plaît.

Mme Vaillant: Je vais essayer d'accélérer, Mme la Présidente. Nous proposons également que des expériences soient faites en maison des naissances. Pour les expériences en maison des naissances, il devrait y avoir, quant à nous, une entente avec le CLSC pour le pré et le postnatal et également une entente avec le centre hospitalier pour assurer les services en cas de complications Imprévues. Et, à l'intérieur de la maison des naissances, pour assurer le contrôle de la qualité de l'acte, un comité devrait être mis sur pied. Dans le cas où le CLSC est promoteur conjointement avec une maison des naissances, l'encadrement par un comité multidisciplinaire devrait, quant à nous, s'appliquer.

Pour la sélection et l'évaluation des projets-pilotes, il faut bien s'entendre sur ce que nous devons évaluer et nous proposons la

création d'un comité provincial d'évaluation qui va préciser les conditions d'acceptation, recevoir et évaluer les projets d'expérimentation. Donc, ce comité va déterminer les critères de sélection, le suivi des projets, en coordonner l'évaluation. Il serait multlpartite: le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, les conseils régionaux, l'Association des hôpitaux, la Fédération des CLSC, des sages-femmes, le Conseil des affaires sociales et de la famille, la Corporation des médecins, le Conseil des universités. Ce comité devrait procéder à l'évaluation et le déposer auprès des ministres responsables qui devraient le rendre public dans les trois mois suivant le dépôt du rapport par le comité.

Pour l'accréditation des sages-femmes, nous sommes d'accord avec les mécanismes qui ont été prévus aux articles 5 et 6 du projet de loi. Je laisse le président de la Fédération conclure.

M. Payette: En conclusion, notre objectif premier est do répondre aux besoins des femmes durant la période périnatale.

La Présidente (Mme Marois): Cela va? Merci, M. le président. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Je veux remercier M. Payette, Mme Vaillant et Mme Rocheleau. Je pense qu'ils ont compris le message - comme première remarque - que j'ai lancé à quelques occasions, qu'il y aurait un projet de loi et qu'il y aurait des expériences-pilotes, que Je souhaitais que la commission parlementaire nous serve de tremplin pour expérimenter autre chose que ce qu'il y avait dans le projet de loi, des choses qui pourraient être un peu plus viables. En tout cas, à tout le moins, le nouveau texte, Je l'ai parcouru en même temps que vous. Sur le plan de la présentation, il fait cette démonstration de la capacité d'aller au-delà du projet de loi et de voir ce qui peut être davantage viable que ce qu'on a connu dans le projet de loi. Je pense, à tout le moins, que je dois vous rendre hommage à ce niveau-là. Vous répondez très bien, à la dernière phrase de votre deuxième paragraphe, en disant: "... pouvant assurer une expérimentation plus diversifiée, plus souple et plus concluante. "

Evidemment, après cela, on tombe dans la mécanique. D'abord, après, je dirais presque l'Insulte de ne pas avoir été Intégrés dans le projet de loi, que c'étaient uniquement les centres hospitaliers, que ce n'étalent pas des CLSC, je comprends que ce que vous souhaitez et ce que les sages-femmes souhaitent aussi, c'est qu'on aille au-delà des centres hospitaliers et qu'on reconnaisse le neuvième champ d'application, qu'au niveau des CLSC on puisse vous introduire dans tout cela par un nouveau projet de loi, si jamais c'était le cas.

Sur ce, les messages sont très bien capté, et II y en avait tout au long de votre discours. J'irais peut-être à la page 3 de votre mémoire, où vous soulevez, à la fin du premier paragraphe, à la dernière phrase, et je vais vous la lire: "II est grandement temps que le Québec reconnaisse une pratique qui existe dans la plupart des autres pays - jusque là, ce n'est pas si mal - et qui, en plus, se développe ici même dans une sorte de semi-clandestinité. ''

C'est une affirmation, J'imagine, que vous pouvez étayer et qui est du vécu. J'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus avant d'arriver à certaines modalités.

Une voix:...

M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Vaillant.

M. Côté (Charlesbourg): Alors, Je ne cherche pas à savoir des choses extraordinaires, mais c'est quand même là, dans le texte.

Mme Vaillant: En fait, ce que nous disons, M. le ministre, c'est qu'il faut que cette pratique-là se fasse au Québec. Sur 210 pays de l'OMS, II y en a huit qui ne reconnaissent pas les sages-femmes, dont le Canada, et ici, le Québec. Quand on parle de semi-clandestinité, c'est que finalement il y a une certaine pratique qui se passe, mais qui n'est pas reconnue comme telle. Le réseau public doit, quant à nous, au niveau de la santé et des services sociaux, avoir droit de cité, cela doit s'insérer dans une approche globale, cela doit être reconnu. On sait que c'est une longue lutte, que ce sont des revendications que les femmes font depuis dix ans, et c'est une chose qui doit être officiellement reconnue par voie législative au Québec et par les modifications qui s'imposent aux différentes lois, dont la Loi médicale.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. C'est donc une pratique qui existe en semi-clandestinité et je comprends ce que vous nous dites. Cela veut dire qu'il y a peut-être des choses qui se passent qui ne devraient pas se passer, dans la mesure...

M. Chevrette: Qui devraient être généralisées.

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je pense qu'on se comprend bien. Dans la mesure où on a un projet de loi, qu'il y a des expériences-pilotes, est-ce que pour vous, nous devrons être tolérants sur ce qui se passe au-delà des expériences-pilotes ou si, à partir de ce moment-là, la loi s'applique?

Mme Vaillant: Là-dessus, M. le ministre, deux choses. D'une part, nous sommes convaincus que les expériences-pilotes doivent se faire dans les meilleures conditions possible, l'objectif visé étant subséquemment une généralisation, c'est-à-dire la possibilité de l'étendre, et c'est un choix que les femmes feront.

Pour le reste de la question, je vous dirais qu'H y a une question de santé publique et de responsabilité que le ministre de la Santé et des Services sociaux a et je ne peux aller plus loin, vous me comprendrez.

M. Côté (Charlesbourg): A la responsabilité de.., mais, comme vous êtes des partenaires privilégiés du ministre et du ministère...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: c'est pourquoi, m. le ministre, nous sommes prêts à nous embarquer à plein...

M. Coté (Charlesbourg): D'accord. Mme Vaillant:... dans les projets-pilotes.

M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Donc, si je comprends votre présentation, je pourrais peut-être dire que le projet de loi, tel qu'il est actuellement, n'offre pas suffisamment ou offre trop d'encadrement pour permettre l'expérimentation et, quand on parle d'une expérience, on ne veut pas conclure, avant môme qu'on la fasse, qu'elle est bonne ou mauvaise. Donc, si je comprends votre présentation, le projet 4, tel qu'il est actuellement, encadre trop d'expériences et vous souhaitez qu'on l'encadre beaucoup moins. Donc, beaucoup plus d'autonomie à ce niveau-là, et ça m'amène à vous dire: Où se partage la responsabilité locale si, par exemple, on reconnaissait cette pratique au niveau des CLSC, par rapport à celle qui est provinciale?

Mme Vaillant: Là-dessus, M. le ministre, l'encadrement est beaucoup plus souple: II faut garantir la qualité de l'acte. Donc, le comité multidisciplinaire, avec les fonctions qui lui sont imparties, garantit ce contrôle de la qualité de l'acte.

Au niveau provincial, avec notre comité provincial d'évaluation, à ce moment-là, les grands critères sont établis et on assure un encadrement général au niveau provincial. On parle du projet de loi et nous sommes en accord avec l'article 7 qui parle des mécanismes prévus pour assurer la supervision, l'identification des actes médicaux que les sages-femmes seront autorisées à poser, l'avis du conseil des médecins et dentistes et les différents critères pour l'approbation du projet-pilote... Donc, c'est déjà là un élément. En plus, nous ajoutons le suivi des projets-pilotes et l'évaluation/ Donc, le comité provincial assure un encadrement général des projets et, au niveau local, c'est dans la quotidienneté des actes que le comité multidisciplinaire, qui est là, qui est léger, assure cette responsabilité.

M. Côté (Charlesbourg): On continue notre mémoire. Évidemment, il faut toujours faire vite dans ces circonstances-là. Le mémoire est assez complet, mais je m'étonne de manière positive à certaines occasions et de manière négative, à d'autres.

Un des principaux reproches à votre mémoire, c'est de vous avoir oublié dans le projet de loi au niveau des projets-pilotes. À la page 7, lorsque vous faites la nomenclature des possibilités du mémoire, vous dites: Centre hospitalier, en collaboration avec CLSC; deuxième alternative: CLSC, en collaboration avec le centre hospitalier et troisième alternative. CLSC, avec maisons de maternité Là on oublie centre hospitalier seul. Est-ce que vous avez des objections?

Mme Vaillant: Nous ne l'avons pas mis volontairement, délibérément, pour une seule raison: parce que nous pensons qu'à cause de la continuité des services, si le centre hospitalier est promoteur, nous sommes tout à fait d'accord qu'il y ait des projets en ce sens-là. Il faut assurer la continuité. Donc, il y a le prénatal et le postnatal. Il y a la période de grossesse et c'est ce pourquoi nous retenons, nous vous proposons trois hypothèses. C'est l'objectif de continuité des services.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, ce que je comprends, c'est l'avant, le pendant et l'après sur toute la ligne.

Mme Vaillant: C'est ça.

La Présidente (Mme Marois): Oui, s'il vous plaît, madame.

Mme Rocheleau (Lucille): Je voudrais juste préciser, pour compléter la pensée là-dessus, qu'il n'est pas Ici au niveau de l'hypothèse, parce que quand on parle d'accouchement normal - ce dont il est question dans les projets ici - si vous regardez dans notre mémoire, on parle quand môme d'ententes avec les centres hospitaliers, dans le cas de maisons des naissances et de CLSC, pour les cas qui n'auraient pas été prévus, c'est-à-dire pour des complications imprévues. C'est évident qu'il faut faire une entente avec les centres hospitaliers, sauf que si on s'en tient à la grossesse, à la naissance et au postnatal normal, on peut présenter des projets CLSC et maisons des naissances.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je continue toujours dans ma recherche: page 12, paragraphe en haut: "Dans un tel contexte, les sages-femmes deviendraient employés du CLSC, lequel devrait donc signer un protocole d'entente avec l'organisme sans but lucratif promoteur du projet de maison des naissances. " Alors, vous allez m'expliquer ça; vous commencez à me faire peur un peu. (16 h 45)

Mme Vaillant: Concernant la maison des naissances, il y a deux hypothèses: il y a l'hypothèse où le CLSC est promoteur, auquel cas la sage femme est employée du CLSC, et Je pourrai vous parler de la responsabilité médicale, de la responsabilité civile. J'ai quelque chose là-dessus. Donc, dans ce cas-là, la sage-femme est employée du CLSC, et c'est le comité multldisciplinaire qui s'applique. L'autre hypothèse, et ça nous savons qu'il y a au moins un projet au Québec de maison des naissances dans l'Outaouais. Dans le cas où la sage-femme serait employée de la maison des naissances, à ce moment, il faudrait qu'il y ait - c'est un organisme sans but lucratif - une entente avec le CLSC pour assurer la continuité des services et pour assurer un certain suivi. C'est pour ça que, dans cette partie, vous voyez, on parle d'un encadrement nécessaire, mais dans l'hypothèse où c'est la maison des naissances qui serait promoteur avec entente avec le CLSC, à ce moment, la modalité organisationnelle, la sage-femme pourrait être employée de la maison des naissances, mais ça va nécessiter une entente avec le CLSC

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Juste pour dire qu'on va éliminer une possibilité tout de suite - ce qu'on peut éliminer, pour ne pas se créer de problème - celle de l'organisme sans but lucratif, si la maison des naissances... Ça sera rattaché au CLSC, si jamais on devait aller là. Ça ne me paraît pas, en tout cas pour moi, à ce moment-ci, je pense qu'il faut...

La Présidente (Mme Marois): Si je comprends bien, le ministre nous donne un avis clair sur l'orientation qu'il souhaite donner à cet égard.

M. Côté (Charlesbourg): Écoutez, je suis là pour entendre. On fait des propositions. Quand on pourra régler des choses des maintenant, dans mon esprit à moi, il s'agira de le faire adopter après, à tout le moins pour que ce soit clair, c'est un peu comme ça que je fonctionne, quand je peux le faire, évidemment.

Ça m'amène à la question suivante qui est: A partir du moment où la maison des naissances est rattachée au CLSC, si on acceptait, il y a donc une responsabilité qui doit être couverte sur le plan des assurances. On a entendu toutes sortes d'horreurs sur le plan des assurances: 10 000 $, 5000 $, 1000 $; on a entendu toutes sortes de choses. Les sages-femmes nous ont dit, dans le mémoire précédent, qu'elles étaient prêtes à aller de l'avant et qu'elles y croyaient suffisamment pour être capables d'assumer un certain risque. J'imagine que si vous êtes allées aussi loin dans la présentation, c'est que vous y croyez; y croire tellement... J'imagine que vous avez dû vérifier cet aspect des assurances. Si vous l'avez vérifié, j'aimerais vous entendre là dessus.

Mme Vaillant: Pour y croire, nous y croyons. Oui, nous avons vérifié. Au niveau de l'assurance-responsabilité civile et professionnelle, nous avons vérifié avec nos assureurs. Pour nous, ça ne poserait pas de problème de couvrir les sages-femmes à l'intérieur de notre couverture actuelle d'assurance-responsabilité civile et professionnelle. J'ai une lettre officielle de notre assureur que je peux déposer auprès de la commission parlementaire, si vous le désirez, qui donne les coûts approximatifs par sage-femme, ce que ça nous coûterait en CLSC pour le faire. Je peux vous donner cette information, si vous le désirez.

La Présidente (Mme Marois): Nous aimerions l'obtenir, Mme Vaillant.

Mme Vaillant: Je vais vous la donner. Les coûts approximatifs selon les options, 500 $ par sage femme, lorsque les accouchements ont lieu dans un centre hospitalier; 750 $ par sage-femme lorsque les accouchements ont lieu dans un centre aménagé à cet effet ayant des services d'urgence disponibles en centre hospitalier. Pour ce qui est de l'assurance-responsabilité excédentaire, un coût additionnel d'environ 35 % des primes plus haut mentionnées pourrait être exigé. Ça veut dire que l'assurance-responsabilité excédentaire s'ajoute à notre couverture de base. Donc, pour avoir une couverture maximale, on augmenterait de 35 %; donc, par sage-femme, ça ferait 650 $ en CLSC. Nous avons une lettre de nos assureurs à cet effet.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'il y a une franchise maximum?

Mme Vaillant: Actuellement, nous sommes restés à l'Intérieur de notre couverture actuelle; elle pourrait être majorée. La responsabilité professionnelle est de 4 000 000 $ couvrant le primaire et l'excédentaire; au niveau de la responsabilité civile, nous n'avons pas de maximum.

M. Côté (Charlesbourg): Pas de franchise?

Mme Vaillant: C'est...

Un» voix: Pour aider Ia oommission.

Mme Vaillant: Je peux vous déposer ces documents.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Marois): Oui, s'il vous plaît. Mme la secrétaire va prendre votre document.

M. Côté (Charlesbourg): Je passe la parole à mon collègue de Verdun qui avait quelques questions.

La Présidente (Mme Marois): II vous reste quatre minutes, M. le député.

M. Gautrin: Brièvement, Mme la Présidente J'ai une question sur la page 9 de votre document, c'est-à-dire sur l'encadrement professionnel. Est-ce que, pour vous, les sages-femmes sont toutes d'abord des infirmières, ou non? Deuxième question, si vous me répondez non, parce que j'ai cru que c'était implicite dans votre document. Est-ce que chaque conseil d'administration de CLSC va pouvoir décider qui est sage-femme et qui n'est pas sage-femme?

Mme Rocheleau: Je peux répondre là-dessus.

La Présidente (Mme Marois): Très certainement.

Mme Rocheleau: C'est que pour nous, pour être sage-femme, il ne faut pas nécessairement être une infirmière. Une infirmière peut devenir sage-femme ou peut être sage-femme. Ça, c'est notre position.

M. Gautrin: II faut d'abord être infirmière avant d'être sage-femme.

Des voix: Non

Mme Rocheleau: Non, ce n'est pas nécessaire.

M. Gautrin: Non. Ce n'est pas ça que vous dites.

Mme Rocheleau: Ce n'est pas nécessaire.

M. Gautrin: N'importe qui peut être sage-femme.

Mme Rocheleau: En autant qu'elles ont la formation nécessaire. Là-dessus, pour nous, la question de la compétence de la sage-femme, elle se décide non pas au niveau de chaque conseil d'administration, mais au niveau d'un comité provincial qui est proposé déjà au projet de loi, à l'article 5 et à l'article 6, avec lequel on est d'accord.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? M. Gautrin: O. K. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le député? Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté gouvernemental? Alors, je passe la parole à M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

La Présidente (Mme Marois): Mme la Présidente.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je suis tellement habitué...

La Présidente (Mme Marois): On va s'y habituer.

M. Chevrette: Je suis tellement habitué de plaider de l'autre bord et on a...

La Présidente (Mme Marois):... masculinisé la présidence.

M. Chevrette:... masculinisé la présidence de l'autre côté. Donc, c'est pour ça. D'autant plus que je voulais m'adresser à mon ancien sous-ministre adjoint. Je vous salue tout d'abord et je voudrais vous dire, dans un premier temps, que je partage entièrement l'analyse que vous faites du projet de loi.

Je demeure convaincu, tout comme vous, que le meilleur moyen de tuer le projet, c'est d'adopter intégralement le projet de loi 4 qui est sur la table. Je suis convaincu de ça. Je vous reconnais aussi, bien sûr, habilement la compétence de présenter une alternative théorique que |e partage en partie, mais pas sur toute la ligne, d'autre part.

Il m'apparaît que vous créez beaucoup de paperasses juridiques vous aussi, sans doute par déformation. Vous voulez clarifier par protocole à peu près tout ce qui bouge. Mais tout en réclamant beaucoup de souplesse, vous ne trouvez pas que vous y allez beaucoup dans le juridique, vous aussi? Ah! Lâchez-vous! Je vous ouvre la porte.

La Présidente (Mme Marois): Mme Vaillant.

Mme Vaillant: Écoutez, là-dessus nous pensons, parce qu'il n'y a pas d'ordre profession-

nel et qu'il y a une obligation de garantir le contrôle de la qualité des actes; c'est une question aussi de crédibilité pour la clientèle, mais aussi pour les sages-femmes, Je pense que la pratique comme telle doit être encadrée ou doit être balisée. On propose un comité multidis-ciplinaire, oui. Il est quand même beaucoup plus léger que le projet de loi.

Maintenant, quand vous parlez de juridisme, moi, je pense que c'est important, comme les sage-femmes l'ont souligné précédemment, que ça soit clair. Qui va être admis en centre hospitalier? Quel type de grossesse? SI c'est une grossesse à risque, il faut, dès l'admission en centre hospitalier, qu'il y ait des ententes. Il faut que la sage-femme puisse, quand elle va accoucher en centre hospitalier... que les règles du jeu soient claires. Or, la seule façon de le faire, c'est par un protocole d'entente et ce protocole d'entente va définir qui, va définir quand; il va définir comment la sage-femme peut faire appel aux ressources. A notre point de vue, connaissant le réseau, il faut absolument - je dirais plus que c'est par une déformation de connaissance du réseau - que ce soit clair avant de commencer et ce, pour s'assurer que l'expérimentation soit concluante.

C'est pourquoi nous prévoyons un protocole d'entente avec le centre hospitalier. Avant de partir, quand la sage-femme va Intervenir en milieu hospitalier, elle n'aura aucun problème. Les portes vont lui être ouvertes et elle va pouvoir exercer dans des conditions favorables. Notre conviction, c'est que ça doit être défini avant de partir. C'est pourquoi nous proposons un protocole d'entente qui va être élaboré par le comité multldisclpllnalre, auquel comité siège l'ensemble des sages-femmes. Donc, elles vont être partie prenante à l'élaboration du protocole et à ce dont elles ont besoin pour exercer leur pratique en milieu hospitalier. C'est dans ce sens-là. Eu égard à la situation actuelle et compte tenu des objectifs, nous ne voyons pas d'autres façons de faire.

M. Chevrette: Oui, merci. Pour ce qui est de la responsabilité civile, ce n'est pas par protocole que vous allez établir une responsabilité civile. C'est donc par législation que vous allez donner une assise pour rendre responsable quelqu'un de A à Z dans le processus normal d'un accouchement, par exemple. Dans l'article 15 de la présente loi, II est clairement identifié qu'une grossesse à risque relève d'un médecin ou d'un professionnel de la santé. Mais dans le reste du projet de loi, je ne vois rien qui établisse clairement une responsabilité claire et précise à une sage-femme, d'autant plus que ce n'est pas un ordre professionnel, comme vous dites. Comment voyez-vous l'Inclusion de ça à l'intérieur d'un projet de loi? Est-ce que vous avez des Idées claires? Vous connaissez bien le milieu, vous connaissez bien le ministère. Comment vous verriez ça, vous, dans un projet de loi, l'Identification d'une responsabilité précise pour une sage-femme?

Mme Vaillant: notre position là-dessus est la suivante. à partir du moment où le clsc est promoteur et que la sage-femme est rattachée au clsc, à ce moment-là, c'est le clsc qui va assumer la responsabilité dans le cadre de sa responsabilité globale, la responsabilité que l'établissement a pour l'exercice de l'ensemble de ses employés. Donc...

M. Chevrette: Vous êtes en train de me répondre... Je vous arrête.

Mme Vaillant: Oui.

M. Chevrette: Vous êtes en train de me répondre que dorénavant - là, ça serait vraiment du droit nouveau en santé - ce sera une institution et non l'individu qui sera responsable du geste qui est posé par un individu. Est-ce qu'on se comprend bien? Ordinairement, c'est conjointement et solidairement que l'individu a une responsabilité. Par exemple, dans les cas de poursuite, on poursuit M. le docteur X conjointement et solidairement avec l'hôpital ou le centre hospitalier X. Dans les circonstances, vous dites: Parce que c'est un salarié - parce que j'ai bien compris que vous préconisiez le fait que les sages-femmes deviennent des salariés... En réponse à... À moins que je n'aie mal compris une de vos réponses à M le ministre.

Mme Vaillant: C'est exact.

M. Chevrette: Vous favorisiez le salariat pour la sage-femme à un CLSC. Et vous me dites qu'à ce moment-là, c'est l'institution qui deviendrait, sur le plan de la responsabilité civile, le seul et unique responsable, même en cas de faute lourde? C'est peut-être pour ça que ça ne vous coûte pas cher d'assurance.

Mme Vaillant: Non. Si vous intervenez au niveau de la responsabilité civile - 1053 du Code civil - pour nous, le CLSC étant l'employeur, il a une police d'assurance et il a une responsabilité. Pour le reste, au niveau de la responsabilité délictuelle ou de la responsabilité s'il y a faute lourde et autres, normalement, les gens sont poursuivis conjointement et solidairement. Cela veut dire que le professionnel est poursuivi... Habituellement, les avocats poursuivent de façon conjointe ou en...

M. Chevrette: Si j'ai posé la question, Mme Vaillant, c'est que, tantôt, |e me souviens de l'écart que vous avez présenté quand vous avez soumis le coût des polices d'assurance.

La Présidente (Mme Marois): Que vous avez d'ailleurs, M. le leader, devant vous, là.

M. Chevrette: Oui. Mais quand elle a soumis ça tantôt, ma surprise était grande parce que, dans l'espace d'un an dans le domaine de la santé... Par exemple, assurer les hôpitaux au Québec, ça a augmenté de 400 % d'un coup sec. De 2 000 000 $, c'est passé à 8 000 000 $. Je me disais: Comment il se fait que l'inclusion d'une nouvelle profession sans ordre professionnel peut avoir une tarification aussi basse, quand on sait comment c'est élevé dans le système que je connais? Je me disais: C'est sûrement parce que la question a été posée différemment qu'on peut arriver à une tarification aussi basse, sinon on va conseiller à tous les hôpitaux du Québec et à tous lus professionnels de la santé d'aller voir votre compagnie, elle n'est pas chère Mais là |e viens de comprendre pourquoi elle est moins chère, c'est que la responsabilité... Vous prenez fait et cause comme institution pour les professionnels qui y oeuvrent. C'est ça que je voulais souligner.

Mme Vaillant: C'était notre hypothèse. Pour le reste, je n'ai pas fait faire d'avis juridique, vous le comprendrez bien.

M. Chevrette: D'accord.

Mme Vaillant: Mais auprès de notre compagnie d'assurances, c'est sûr que la couverture implique que la sage-femme est employée du CLSC. C'est ça, notre hypothèse.

M. Chevrette: Quand on parle d'autonomie pour la profession des sages-femmes, ne croyez-vous pas - je vous pose la question - que les projets-pilotes pourraient être précisément des femmes non salariées d'une institution, mais qui se regroupent pour vivre une expérience-pilote où elles sont véritablement autonomes et indépendantes de toute institution traditionnelle, y compris le CLSC.

Mme Vaillant: Moi, là-dessus, M. Chevrette, je vous dirais ceci: Nous favorisons des expérimentations diversifiées; il n'y a pas d'exclusivité. On se comprend bien. Ce que nous disons, c'est qu'en suggérant, par exemple, une maison des naissances qui... Ce que vous proposez pourrait être dans le cadre d'une maison des naissances, mais dans un tel cas il faudrait s'assurer d'ententes avec un centre hospitalier ou un CLSC afin que ça ne se développe pas de façon totalement indépendante et parallèle. Il y a quand même des services pré et postnatals qui sont disponibles. Mais nous ne nous opposons absolument pas à ce qu'il y ait différentes expériences. Ce que nous disons, c'est que les CLSC peuvent être promoteurs. C'est le réseau public en première ligne. Donc, quand nous mettons de l'avant la maison des naissances, ça rejoint un peu ce que vous suggérez.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

M. Chevrette: Maintenant, vous préconisez... Le ministre a réussi à vous faire dire que vous ne préconisiez pas la formule d'hôpital seul. Dans l'hypothèse où un centre... Prenons un exemple où un centre hospitalier est à peu près la seule institution un peu régionale et que le CLSC, c'est minime, ce sont des sous-postes de CLSC qui existent et c'est loin. Est-ce que ce n'est pas possible d'envisager dans un centre hospitalier où l'approche médicale, par exemple, de ce centre hospitalier serait extrêmement favorable à un tel projet pilote et qu'il y ait une très grande collaboration, dans ce cas là, est ce que vous réviseriez votre option quant à la possibilité, par exemple, d'utiliser un projet-pilote en centre hospitalier?

Mme Vaillant: Là-dessus, je reviens à l'objectif que nous avons qui est la continuité des services. Donc, ce n'est pas juste l'accouchement. C'est le pré et le postnatal. Donc, dans ce sens-là, je vous dirais qu'en régions éloignées, ce sont des centres de santé qui ont une vocation de CLSC, mais qui ont également une vocation de centre hospitalier. Si un tel cas existait, encore là, il n'y a pas, quant à nous, d'exclusivité. Ce que nous visons, c'est la continuité des services, que le pré et le postnatal soient couverts. Or, le réseau des CLSC est parachevé actuellement au Québec et, à ma connaissance, il y a des services surtout en périnatalité qui sont disponibles dans les 159 CLSC, y compris en centres de santé qui ont une vocation de CLSC. Mais il n'y a pas d'exclusivité dans ce que nous proposons. L'expérimentation doit être diversifiée et ce que nous disons, c'est que nous sommes favorables au projet de loi, nous sommes prêts â nous embarquer nous, comme fédération, et à faire en sorte qu'il y ait des projets-pilotes.

M. Chevrette: Comme vous écartez, en tout cas, de toute façon vous l'avez écarté des centres hospitaliers, est-ce que vous préconisez des expériences... Il y a huit projets. Est-ce que vous voulez voir une expérimentation un peu diversifiée dans tout le Québec ou centralisée dans certaines villes?

Mme Vaillant: Là-dessus...

M. Chevrette: Comme Fédération des CLSC, je dis bien.

Mme Vaillant: Comme Fédération des CLSC...

M. Chevrette: Je m'essaie. C'est parce que je ne veux pas avoir l'air... Vous savez ce que |e veux dire.

Mme Vaillant: actuellement, les projets que les clsc ont sont à la fois en milieux ruraux (le clsc des chenaux) et en milieu urbain, à montréal (le clsc du plateau). donc, quant à nous, on doit tenir compte de ces dimensions parce que c'est différent. il faut tenir compte de la diversité. comme fédération des clsc, ça se reflète aussi dans les projets-pilotes.

La Présidente (Mme Marois): Ça va?

M. Chevrette: Oui. Est-ce qu'il y en a d'autres qui...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Une toute petite question, parce que l'avale d'abord commencé par lire votre mémoire qui avait été déposé au mois d'août et, comme il y a des morceaux qui sont partis, je voudrais savoir s'il y a eu des changements d'idées. En particulier, vous parliez au mois d'août de la question d'accessibilité. Est-ce que, très carrément, cela suppose que tous ces services seraient accessibles gratuitement à tous, qu'il n'y aurait pas de "priorisation", que ce serait vraiment accessible à toute femme qui souhaiterait être avec ce service du CLSC? C'est parce qu'il y avait dans votre mémoire du mois d'août une question non pas de "priorisation", mais vous posiez la question à savoir s'il devait y avoir une "priorisation", alors j'imagine qu'il y avait un questionnement quelque part.

Mme Rocheleau: Je peux répondre là-dessus. Pour nous, c'est toujours le même principe, dans le fond, qu'on a développé davantage qui est la question de faire des projets différents pour être capable de conclure des choses intéressantes par la suite. Alors, je pense que, par rapport à ce qu'on avait écrit au mois d'août, on l'a tout simplement élargi dans le sens qu'il dit que ce qui serait Intéressant d'avoir au Québec comme projets-pilotes, ce sont des projets qui s'adressent à des populations à risque pour voir ce que ça donne et des projets qui s'adressent à l'ensemble des femmes qui sont Intéressées à avoir les services d'une sage-femme, pour voir aussi ce que ça donne comme résultats et être capable d'avoir des conclusions intéressantes à la fin des projets-pilotes pour dire si, oui ou non, c'est intéressant pour le Québec que la sage-femme soit intégrée au système de santé québécois

La Présidente (Mme Marois): Oui, ça va.

M. Trudel: Une autre toute petite. Dans le comité, les membres du comité de sélection des projets, vous prévoyez - on comprend facilement pourquoi - un membre du Conseil des universités; c'est probablement quant à l'évaluation de la compétence ou de la qualification des membres, en particulier les sages-femmes qui feraient partie du projet. Là-dessus, est-ce que vous seriez d'accord qu'on parle peut-être plus largement, au lieu d'un membre du Conseil des universités qui n'a pas toujours les ressources nécessaires pour évaluer de tels types de programmes de formation ou d'évaluation de compétence, que ce soit un représentant universitaire reconnu par les parties, par le ministère, par le responsable des corporations professionnelles, parce qu'on peut retrouver dans une université, généralement dans la faculté ou dans le département concerné, probablement une bien meilleure connaissance d'évaluation de la compétence que dans un organisme de coordination? Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

Mme Vaillant: Nous n'avons pas de problème avec...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Payette.

M. Payette: Certainement qu'on serait d'accord. D'ailleurs, on parle d'un représentant mais ce qu'on voulait dire, c'est du monde universitaire qui serait reconnu, crédible et compétent pour faire partie d'un tel comité.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je ne peux pas m'empêcher de relever la balle qui vient d'être lancée par notre ami, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, compte tenu de ses antécédents...

M. Trudel: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg):... sur le plan universitaire. Ce n'est pas méchant.

Je veux remercier les représentants de la Fédération des CLSC du Québec pour leur contribution. C'est vraiment une contribution très ouverte à un débat qui doit être ouvert, si on veut que ça porte fruit, et il y aura très certainement des choses à l'intérieur du mémoire qui vont nous inspirer pour la rédaction du projet de loi final. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie à mon tour, comme présidente de la commission. Je vous félicite aussi pour votre nomination, Mme Vaillant, puisque ça semble très nouveau. Merci pour, effectivement, la contribution que vous apportez qui est tout à fait de

fond et Intéressante à cet égard.

J'appelle maintenant la Fédération des Infirmières et Infirmiers du Québec.

On peut suspendre les travaux une ou deux minutes, le temps de faire le changement.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

(Reprise 17 h 14)

La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la commission veulent bien reprendre leur fauteuil... sauf qu'on n'a personne à auditionner. Ha, ha, ha!

Est-ce que les personnes représentant la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec peuvent prendre place, s'il vous plaît? Est-ce qu'elles sont là?

M. Chevrette: Où sont les Infirmières?

La Présidente (Mme Marois): La Fédération était représentée par Mmes Fortier et Dufresne; est-ce que ces personnes sont là? Est-ce que le Regroupement de professionnels en santé communautaire... On arrive? D'accord.

Bienvenue à la commission. Nous aimerions, comme je l'ai mentionné à ceux et à celles qui vous ont précédés, que vous vous présentiez aux membres de la commission. Vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire et, ensuite, nous avons environ 40 minutes pour soulever des questions. Merci.

Fédération des infirmières et Infirmiers du Québec

Mme Fortier (Lucie): Bonjour. Je suis Lucie Fortier, première vice-présidente à la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.

Mme Dufresne (Danielle): Danielle Dufresne, conseillère en santé pour la Fédération des Infirmières et infirmiers du Québec. Bonjour.

La Présidente (Mme Marois): Bonjour et bienvenue.

Mme Fortier: Mme la Présidente de la commission, mesdames et messieurs les députés, il me fait plaisir de vous rencontrer cet après-midi afin de vous présenter le mémoire de la FIIQ sur le projet de loi 4. La FIIQ est une nouvelle fédération dans le secteur de la santé. Née en décembre 1987, elle regroupe 40 000 infirmières. C'est comme infirmières, professionnelles en santé, que nous jugeons pertinent d'apporter notre point de vue face à ce projet de loi. C'est aussi en fonction de notre rôle, comme groupe organisé, intéressé au maintien et au développement de la santé publique, que nous voulons apporter notre contribution. Enfin, c'est comme femmes et usagères, souvent confrontées à des maternités hautement médicalisées, que nous voulons faire entendre notre voix.

Tout d'abord, il est important de mentionner ici que la FIIQ accueille très favorablement la reconnaissance de la pratique des sages-femmes. Cette reconnaissance par le gouvernement du Québec va dans le sens des préoccupations et des prises de position de la FIIQ. La FIIQ, en se basant sur la philosophie professionnelle de ses membres, s'est montrée clairement en faveur d'une approche globale en santé, privilégiant la prévention et s'opposant au morcellement des soins. La médicalisation à outrance et la fragmentation de nos tâches dans la stricte hiérarchie des soins et des traitements nous semblent manifestement contradictoires avec une approche de soins, approche davantage bénéfique de bien-être physique et psychologique des bénéficiaires. C'est une approche qui vise, entre autres, à redonner aux femmes le contrôle de leur corps, le vécu de leur grossesse et de leur accouchement par un suivi attentif d'accompagnement et d'aide, et non d'Intervention autoritaire. la pratique des sages-femmes se situe dans le droit fil de la problématique de la fiiq. nous souscrivons au principe de la reconnaissance de la pratique des sages-femmes tel qu'édicté dans le projet de loi 4. notre approbation est toute-fois mitigée, face à l'aspect limitatif du projet de loi qui reporte ultérieurement la véritable reconnaissance légale du travail de la sage-femme. nous estimons trop restrictive la perspective gouvernementale de la reconnaissance du travail de la sage-femme. à ce stade-ci. nous aurions préféré une reconnaissance légale immédlate de la pratique des sages-femmes à l'intérieur d'un projet de loi qui tienne davantage compte de la philosophie de cette intervenante.

L'histoire nous enseigne qu'en santé l'évolution de la division du travail selon les sexes a été profonde. Aux hommes a été dévolu tout ce qui, du sorcier au prêtre, en passant par le médecin, a permis de faire reculer l'ennemi, qui est la souffrance et la mort. Aux femmes a été dévolu tout ce qui, de la sage-femme à l'esthéticienne, en passant par l'infirmière, a permis l'entretien, le maintien et la qualité de la vie. Avec rétablissement d'une médecine en profession, de son organisation en corporation, s'est développée et a triomphé une pratique médicale très interventionniste, axée fortement sur l'aspect curatif et le traitement de la maladie. Elle a aussi pour effet de morceler l'individu en portions à traiter. La maternité n'a pas échappé à ce processus et l'accouchement devient un acte médical, la plupart du temps soustrait de la maternité dans sa globalité.

Nous savons cependant que toute femme, pour l'avoir vécu ou pour être appelée à le

vivre, sait que c'est un acte hautement humain et naturel que de porter et de mettre au monde un enfant. Les sages-femmes, dont la conception va dans ce sens, n'ont pas le droit de pratique au Québec. Par ailleurs, à l'échelle mondiale, les trois quarts des bébés naissent des mains des sages-femmes. Elles pratiquent sur toute la planète, notamment dans l'ensemble des pays industrialisés, sauf en Afrique du Sud et au Canada, où la profession est encore illégale. Une telle similitude, dans le contexte politique mondial actuel, est susceptible d'être remise en question.

Notre intervention, ici, en audience publique, s'articulera à partir de trois principes qui nous semblent fondamentaux dans ce dossier: l'accessibilité des services de la sage-femme pour toutes les femmes de toutes les régions du Québec, l'autonomie nécessaire de la sage-femme dans le champ de sa pratique et les moyens qui lui permettent de l'exercer et, enfin, l'importance d'un partenariat entre la sage-femme et les divers intervenants, en particulier l'infirmière, pour assurer une collaboration fructueuse et efficace.

D'autres points, telles la formation de la sage femme et sa rémunération, ont aussi retenu notre attention dans ce mémoire. C'est dans cette perspective que la Fédération souhaite que ces propositions de modifications à apporter au projet de loi soient prises en considération. Nous considérons qu'elles sont primordiales pour permettre une reconnaissance réelle de la pratique de la sage-femme, introduisant ainsi un plus pour la santé et le bien-être de l'ensemble des femmes et de la population du Québec.

Les principes. L'accessibilité des services. Cette accessibilité des services s'articule, pour nous, en trois points. Premièrement, la possibilité pour l'usagère de vivre une grossesse et un accouchement qui respectent son rythme par le recours aux services d'une sage-femme. La femme, usagère des services de santé au Québec, doit pouvoir avoir le choix de recourir, soit aux services d'une sage-femme ou d'un médecin ou, encore, des deux intervenants, concurremment.

Dans un deuxième temps, ce principe d'accessibilité s'incarne aussi dans la possibilité d'implanter les projets-pilotes dans divers lieux autres que le centre hospitalier actuellement privilégié dans le projet de loi 4.

Enfin, l'accessibilité des services concerne aussi la répartition régionale. L'universalité des services sociaux et de la santé posée comme principe par l'État et la population du Québec depuis quelque deux décennies comprend aussi le droit à l'égalité des services pour les différentes régions de la province et l'ensemble de la province.

Ces trois points, importants pour nous, constituent le principe d'accessibilité des services et nous semblent avoir été limités par les modalités d'application du projet de loi. C'est la FIIQ qui salué le premier geste concret du gouvernement dans ce dossier. Elle déplore toutefois la précarité d'une législation définie dans le temps par le nombre et sujette à une réévaluation permanente. En effet, nombre d'études de faisabilité et une opinion largement favorable auraient dû décider le gouvernement à procéder à une reconnaissance légale et immédiate de la pratique des sages-femmes pour l'ensemble du territoire québécois.

Le gouvernement, par le biais du projet de loi en débat présentement, semble y répondre timidement. À la FIIQ, nous serions davantage favorables à préciser ces projets-pilotes et que ces projets-pilotes s'établissent là où la demande le justifie. C'est pourquoi nous recommandons une reconnaissance légale Immédiate de la pratique des sages-femmes et que ce service soit accessible sur l'ensemble du territoire du Québec.

En ce qui a trait au lieu d'implantation, la fédération ne s'oppose pas à l'existence d'un projet-pilote en centre hospitalier, mais aurait préféré qu'on considère ce lieu comme un choix parmi d'autres pour reconnaître la pratique des sages-femmes D'autre part, la restriction des projets pilotes au seul centre hospitalier ne peut que desservir ou, à tout le moins, rendre plus difficile l'accessibilité aux services d'une sage-femme pour les femmes demeurant, entre autres, à l'extérieur des centres urbains. Cependant, dans l'optique de l'implantation d'un projet-pilote en centre hospitalier, la création d'une maternité autonome, distincte des unités d'obstétrique traditionnelles, pourrait permettre une approche moins interventionniste et une meilleure intégration de la sage-femme, tout en rassurant plusieurs femmes sur la sécurité des lieux.

D'autres lieux, telles les maisons de naissances plus petites et flexibles face aux besoins des femmes, pourraient être envisagés. Le CLSC aussi nous semble être un lieu très favorable pour l'exercice de la pratique des sages-femmes. La mission même du CLSC, orientée vers le préventif, l'approche globale et communautaire, est davantage proche de la pratique et de la philosophie des sages-femmes.

En définitive, la Fédération favorise, comme lieux d'implantation du travail de la sage-femme, ceux offrant le plus de correspondance avec le champ de pratique de la sage-femme. Dans ce cadre, la Fédération recommande de privilégier les CLSC, les maisons de naissances, les départements de maternité autonomes en centres hospitaliers comme lieux de réalisation du travail de la sage-femme.

La FIIQ recommande aussi qu'un privilège hospitalier soit octroyé à la sage-femme exerçant en CLSC, maison de naissances, dans une maternité autonome ou à domicile et qu'enfin, si l'accouchement à domicile est choisi, il puisse s'exercer en toute liberté pour la femme, dans

les meilleures conditions de sécurité et de salubrité. Ainsi, le centre hospitalier pourrait se réserver les accouchements à risque exigeant un potentiel élevé d'Intervention médicale et un grand déploiement de technologie utilisé à bon escient. C'est ainsi, croyons-nous, que pourront s'exercer concurremment la liberté de choix pour l'usagère, la diversification des lieux d'implantation des projets-pilotes et l'égalité de toutes les régions du Québec dans le cadre d'une plus grande accessibilité des services pour l'ensemble des usagères.

Le deuxième principe: l'autonomie de la sage-femme. Ce principe d'autonomie concerne celle de l'usagère sur sa grossesse et son accouchement, mais surtout, en premier chef, celle de la sage-femme sur son champ de pratique. La Fédération souhaite étendre au maximum cette autonomie et les conditions de cet élargissement, de sorte que la philosophie davantage médicalisée propre à la sage femme et appuyée par les infirmières puisse prendre davantage son essor. Dans le projet de loi actuel, le conseil des sages-femmes n'a qu'un pouvoir de recommandation face au conseil d'administration d'un centre hospitalier. Dans ce cadre, la Fédération suggère donc que le pouvoir du conseil local des sages-femmes soit décisionnel concernant l'organisation scientifique et technique de son travail. L'extension d'un pouvoir décisionnel au conseil local des sages-femmes nous semble une condition importante au développement de l'autonomie de la sage-femme dans son travail.

L'aspect légal et réglementaire entourant la définition et l'exercice de la profession de la sage-femme nous semble aussi fort important. Ainsi, l'article 3 du projet de loi 4 fait référence à certains articles de la Loi médicale pour y soustraire les sages-femmes. Mais ce retrait d'application de la Loi médicale aux sages-femmes n'est pas complet et la Loi médicale continuerait donc de s'appliquer pour les sages-femmes dans d'autres articles. Dans un tel cas, II nous faut envisager la possibilité d'un conflit d'interprétation entre les articles du projet de loi 4 et les articles non soustraits de la Loi médicale qui concernent les sages-femmes. De plus, la profession de sage-femme reste actuellement assujettie, tant pour l'examen des connaissances que pour l'émission d'un permis de pratique, a la Corporation des médecins dont on connaît, malheureusement, l'opposition farouche à la venue des sages-femmes.

Nous croyons donc Important de bien délimiter le champ de pratique de la sage-femme comme spécialiste du processus normal de la maternité. La définition de son rôle nous est fournie par l'énoncé de la Conférence internationale des sages-femmes en 1972. Cette même définition est aussi reprise par la Fédération internationale des gynécologues et obstétriciens. Cette définition du rôle de la sage-femme reconnue et diplômée devrait, sans être restrictive par rapport aux sages-femmes praticiennes, nous guider dans la définition et la délimitation de son champ de pratique, tant en période pré, péri que postnatale. (17 h 30)

C'est ainsi qu'à la lumière des expériences à l'étranger nous recommandons que, si besoin est, la sage-femme puisse poser, dans le cadre de son travail, des actes actuellement définis comme exclusivement médicaux, même si le propre de la sage-femme est de laisser le processus normal de l'accouchement s'accomplir et de privilégier les techniques douces aux méthodes interventionnistes.

Plus globalement, par rapport au champ de pratique dévolu à la sage-femme, se pose aussi le problème de la définition même du processus de la grossesse et de l'accouchement, processus normal et naturel dans la majorité des cas pour la sage femme, processus plus ou moins porteur de risques pour le médecin Cette définition a pourtant son Importance car une grossesse à risque est susceptible d'entraîner un accouchement de type médicalisé. Ainsi, la pratique médicale, de plus en plus interventionniste, a fait en sorte que certains actes posés par mesure préventive face aux grossesses à risque sont devenus monnaie courante pour les accouchements normaux.

Enfin, concernant les grossesses à risque, la fédération s'interroge sur les critères déterminant une telle appellation. C'est pourquoi, en ce cas, la FIIQ recommande que si tel est le désir de la parturiente, la sage-femme puisse être présente lors d'un accouchement à risque et que la définition d'une grossesse à risque soit du ressort d'une collaboration de la sage-femme et du médecin traitant.

D'autre part, concernant le rôle de la sage-femme dans la dispensation des soins prénatals et postnatals, un processus de clarification s'avère nécessaire afin de départager les responsabilités des sages-femmes et des infirmières pour qu'il existe une réelle collaboration entre ces deux intervenantes.

Le troisième principe: le partenariat avec l'infirmière. La collaboration des infirmières à toutes les étapes d'implantation de la pratique des sages-femmes est primordiale pour nous. C'est dans ce contexte que la présence infirmière aux niveaux provincial et local, mentionnée dans le projet de loi, correspond à nos revendications. La collaboration des infirmières à ces deux niveaux permettra d'orienter prioritairement lu pratique des sages-femmes et des infirmières vers une approche globale et démédicalisée de la maternité.

Les choix politiques et administratifs du gouvernement en matière de santé qui lui font privilégier, souvent, le curatif et de coûteux investissements technologiques au détriment d'une

approche préventive de la santé publique encadrent étroitement une pratique infirmière de plus en plus morcelée. Ce choix du curatif a l'avantage, pour le gouvernement, d'être rentable politiquement à court terme, mais il accentue la dégradation de la santé générale des citoyens dont la société aura, un jour ou l'autre, à en payer le prix.

La mission principale de l'infirmière, celle d'assurer des soins continus à la personne, est de plus en plus érodée, faute de temps. Cependant, lorsque l'infirmière peut exercer son rôle avec une certaine autonomie, elle est en mesure d'élargir ce rôle face au support et au suivi des femmes qui accouchent. Ainsi apparaissent d'autres alternatives proposées par les infirmières. Certaines, à l'instar des sages-femmes, soutiennent des approches douces et orientent de plus en plus les classes prénatales selon des programmes qui correspondent mieux aux besoins des femmes et du couple. Par leur action collective, elles sont et peuvent devenir des instigatrices de changement dans le milieu comme elles l'ont été pour la mise en place de chambres de naissances, de cohabitation mère-enfant et de promotion pour l'allaitement maternel.

Les infirmières, de concert avec les sages-femmes, doivent continuer, par leur initiative, à changer les attitudes afin que l'approche face à la naissance soit souple et mieux adaptée à la famille. Cette collaboration infirmières et sages-femmes en obstétrique ou en périnatalité pourra être harmonieuse et respectueuse de la part de chacune des intervenantes, devra s'exercer sous la forme d'un partenariat et non d'une division de plus en plus poussée des tâches de chacune. Pour avoir ce réel cadre d'exercice autonome, la sage-femme et l'infirmière devront pouvoir déterminer elles-mêmes les conditions, les normes entourant leur intervention et leur formation.

Nous abordons maintenant les deux autres points que nous avons tenu à préciser dans notre mémoire: la formation des sages-femmes...

La Présidente (Mme Marois): Je voudrais juste vous prévenir que votre temps est presque terminé. Alors, essayez de vous ramasser un peu...

Mme Fortier: Parfait.

La Présidente (Mme Marois): Allez quand même... Parce que je pense que c'est important pour éclairer les membres de la commission, alors présentez-nous les points sur lesquels vous souhaitiez encore intervenir.

Mme Fortier: Parfait.

La Présidente (Mme Marois): Essayez de les ramasser un petit peu.

Mme Fortier: Parfait.

M. Côté (Charlesbourg): Mme la Présidente, je n'ai pas d'objection à ce qu'on empiète un peu sur notre temps. C'est une présentation majeure.

La Présidente (Mme Marois): Je pense que oui, effectivement.

M. Côté (Charlesbourg): II faut prendre le temps de la présenter. S'il nous reste dix minutes pour les questions, on prendra dix minutes. Prenez le temps de faire votre présentation.

Mme Fortier: II reste, en fin de compte, à peu près cinq minutes de présentation.

La Présidente (Mme Marois): Alors, prenez vos cinq minutes.

Mme Fortier: Je vous remercie. Formation de la sage-femme. La formation donnée aux sages-femmes doit correspondre à leur champ de pratique, à leur exercice autonome et à leurs responsabilités. La formation actuellement donnée aux sages-femmes varie d'un pays à l'autre. La formation d'infirmière accélère généralement l'accès à cette profession. C'est ainsi que, compte tenu de la complémentarité des rôles de la sage-femme et de l'infirmière, de la formation de cette dernière, compte tenu aussi des principes mis de l'avant par la Fédération en faveur d'une démédicalisation et d'une humanisation des soins dans le processus de la naissance, compte tenu, entre autres, de la prise en charge par certaines infirmières de techniques douces dans les dépar-tements d'obstétrlque, la Fédération recommande la reconnaissance, par des mécanismes d'équivalence, de la formation et de l'expérience de l'infirmière dans l'accession à la fonction de sage-femme. Elle recommande aussi que ces mécanismes d'équivalence s'appliquent de façon plus rapide, afin de reconnaître l'expérience de l'infirmière travaillant en obstétrique et en périnatalité. La FIIQ est aussi favorable à la reconnaissance des acquis des sages-femmes praticiennes. C'est en vertu de l'expérience qu'elles ont accumulée dans leur travail. Elles souhaitent que ces acquis soient reconnus selon des critères uniformes.

La rémunération de la sage-femme. Même si le projet de loi est muet sur cet aspect, ce point n'en demeure pas moins fort important. Dans l'optique d'une reconnaissance de la pratique et du travail de la sage-femme, la rémunération de cette sage-femme doit refléter la nature et la responsabilité inhérente à sa tâche. Toutefois, nous devons éviter de reproduire le modèle de rémunération à l'acte des médecins. Ce type de rémunération, souvent dénoncé, entraîne trop fréquemment une surfacturation due à l'accom-

plissement d'actes quelquefois inutiles. Comme fédération, nous privilégions surtout que la sage-femme rattachée à un établissement centre hospitalier, CLSC, maison de naissances, maternité - soit rémunérée par le salariat. D'autre part, dans le cadre des principes d'universalité et de gratuité des services de santé du Québec, la FIIQ recommande que la sage-femme exerçant de façon autonome soit rémunérée au cas. Cette rémunération doit être basée sur un nombre optimal d'accouchements par mois.

En conclusion, c'est en vertu de l'ensemble de ces raisons que la FIIQ, comme organisation syndicale d'infirmières et de femmes exerçant un rôle primordial dans le domaine de la santé, souhaite que le gouvernement procède avec célérité. La FIIQ inscrit donc sa volonté de contribuer activement à ce dossier, afin qu'une collaboration des infirmières, des sages-femmes et des usagères soit non seulement souhaitable, mais réelle et bénéfique pour toutes les femmes et la population du Québec. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme Fortier. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Je veux aussi remercier Mme Fortier et Mme Dufresne. C'est effectivement un texte assez substantiel et, si je ne m'abuse, de par les informations - ce sera ma première question - que l'on m'a transmises, ça semble être un changement de cap sur le plan de la position en termes de mémoire par rapport à 1984, semble-t-il. Je n'étais pas là, mol, à l'époque. J'aimerais peut-être, à ce moment-ci, savoir quelles sont les raisons qui motivent cela, s'il y a changement de cap. Comme je n'étais pas là, expliquez-moi s'il y en a eu un ou pas. Si jamais il y a eu un changement de cap, qu'est-ce qui motive aujourd'hui ce changement de cap, parce que c'est le mémoire, de tous les mémoires que l'on a reçus, qui va certainement le plus loin? Ne le prenez pas comme un blâme, je pense que c'est une très bonne contribution. Ce sera à nous de faire nos gestes après. Mais c'est une contribution très substantielle, qui va beaucoup plus loin que ce que nous attendions, en tout cas, moi personnellement. Alors, si c'est un changement de cap par rapport à 1984, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Fortier: Par rapport à 1984, le seul changement de cap qui pourrait laisser supposer qu'on en ait eu un, c'est sur l'accès au statut des sages-femmes. En 1984, les ex-fédérations, entre autres celles des SPIIQ et FIIQ, s'étaient prononcées ouvertement pour la pratique de sage-femme. À cette époque, notre délégué avait demandé que se soient admisesà la prratique de sage-femme que des infirmières, comme préalable.

L'élargissement de notre pensée va à l'ensemble des femmes qui veulent aller dans cette pratique et on demanda, an plus, un accès plus rapide à la profession, compte tenu de la formation Initiale que nous possédons déjà.

M. Côté (Charlesbourg): C'est donc sur le fait qu'il y a un élargissement de la base même sur le plan... Parlons peut-être, d'entrée de jeu, puisqu'on y est, de l'accréditation. Il y aurait un comité provincial sur lequel il y aurait des sages-femmes, des médecins et des infirmières. Sur le plan de l'accréditation, comment voyez-vous ça?

Mme Fortier: Est-ce que vous pourriez préciser? Sur le plan de l'accréditation syndicale?

M. Côté (Charlesbourg): De l'accréditation, de la reconnaissance puisqu'on aura un comité qui devra, éventuellement, reconnaître qui est autorisé...

La Présidente (Mme Marois): Oui, qui a droit de pratique.

M. Côté (Charlesbourg):... qui a le droit de pratique puisque, évidemment, II n'y a personne qui, aujourd'hui, est reconnu légalement comme sage-femme au Québec. On devra donc faire affaire avec quelqu'un de l'extérieur pour les trois sages-femmes du comité. Vous êtes ou vous serez éventuellement invitées à participer à ce comité. Alors, comment voyez-vous votre participation à l'intérieur d'un comité comme celui-là, compte tenu qu'à l'époque vous souhaitiez que ce soit uniquement des infirmières et qu'aujourd'hui vous dites: On est un peu plus ouvert que nous ne l'étions à cette période?

Mme Fortier: Je pense que, dans un premier temps, ce que la Fédération envisage, à tout le moins pour la reconnaissance actuelle des infirmières qui sont déjà en pratique, c'est que soient reconnues comme sages-femmes celles détenant déjà un diplôme, reconnu ailleurs ou dans un autre pays, de pratique sage-femme, suivant des critères que le comité aura pu préalablement définir. Compte tenu de la différence entre les différents diplômes qui se donnent à l'intérieur des pays européens ou américains - il y a quand même souvent des différences qui sont assez grandes - il faudra que le comité, préalablement, statue sur une idée et un portrait de ce que devrait être initialement les sages-femmes. Par la suite, les formations ou les reconnaissances d'équivalence se feront suivant ce qui sera préalablement établi par le comité.

M. Côté (Charlesbourg): Dans la mémoire, je pense que l'une des critiques les plus soutenues

est sur le fait que l'on reporte à une période ultérieure la reconnaissance ou la légalisation de la pratique des sages-femmes, au-delà des projets-pilotes, dans cinq ans. Ma question est la suivante Est ce que vous croyez que nous avons.. Parce que c'est là le principal reproche que font les gens vis-à-vis de notre pratique connue au Québec, c'est qu'on n'a pas suffisamment d'expérience au Québec, que ce qui se fait en Europe ou aux États-Unis n'est pas nécessairement exportable chez nous, au Québec, et que, par conséquent, on n'a pas suffisamment d'expérience québécoise de la pratique sage-femme pour la reconnaître de manière plus large. Mais, d'après votre expérience, puisque vous demandez une reconnaissance et une légalisation immédiates, vous devez conclure que nous avons suffisamment d'expérience au Québec. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Fortier: Je pense qu'il y a une chose fondamentale. Pour nous, la pratique sage femme est une pratique qui doit être reconnue immédiatement parce que jamais la Fédération ne pourrait la remettre en doute, compte tenu de sa philosophie d'approche démédicalisée de l'accouchement. Dans un deuxième temps, la Fédération, dans son mémoire, ne demande pas, demain matin, d'accorder à tout le monde des droits de pratique sage-femme, ni d'implanter simultanément, à l'ensemble du Québec, des projets-pilotes ou ça peut être une façon d'implanter la pratique, mais que soit légalisée la pratique sage-femme et qu'ensuite, par le biais de projets-pilotes petit à petit et à la suite d'expériences qui seront prises à l'intérieur de ces mêmes projets-pilotes, que soit étendue à l'ensemble du Québec la pratique sage-femme. Mme Couture pourrait...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Mme Dufresne. (17 h 45)

Mme Dufresne: II y a aussi le fait qu'il y a le fameux comité d'experts qui est nommé par le ministère auquel vont siéger des sages-femmes, des médecins et des infirmières. Cela va être à ce comité d'établir les critères d'admissibilité des sages-femmes aux projets-pilotes. Nous, ce qu'on demande, par exemple, c'est de reconnaître que les sages-femmes autodidactes, du fait qu'elles ont une expérience, peuvent y avoir droit elles aussi, mais selon des critères uniformes, c'est-à-dire des critères pour tout le monde. Dans le cas des sages-femmes qui sont reconnues et diplômées à l'étranger, soit aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Europe, là aussi on demande que le comité se penche sur leurs cas et il y a aussi le cas des infirmières dont certaines ont des formations de sage-femme à l'étranger généralement. Ça aussi, c'est un autre cas. Alors ce qu'on demande, c'est que le comité d'experts se penche sur les cas de ces différentes pratiques de sage-femme qui existent à l'heure actuelle parce que. même s'il n'y a pas de pratique sage-femme qui existe légalement, il y a une pratique qui se fait depuis plusieurs années et il y a des gens qui sont qualifiés, diplômés qui peuvent le faire, soit des infirmières ou des sages-femmes.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends maintenant très bien la différence. Ce n'est pas nécessairement en reconnaissant sur le plan légal la pratique sage-femme qu'on va l'étendre immédiatement à tout le Québec. Qu'on le fasse d'abord dans le cadre des projets-pilotes, mais reconnaissance légale d'abord.

Mme Dufresne: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends iI y a une distinction très nette que je n'avais pas perçue dès le départ. Est-ce que vous considérez le support médical comme essentiel? Si oui, comment est-ce que ce support médical va être assuré si la sage-femme a une complète autonomie?

Mme Fortier: Je pense que notre document est quand même assez explicite sur la façon d'aborder le processus de maternité. Nous ne croyons pas qu'initialement, dans le cas de grossesses et d'accouchements normaux, le support médical soit essentiel. Lorsque, par contre, intervient, lors du processus de la grossesse ou préalablement à la grossesse, un état de santé ou un état de grossesse plus à risque, à ce moment-là, la sage-femme pourra se référer au médecin et, de façon conjointe, ils décideront des interventions à établir pour la continuité des soins de cette personne.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, cela amène toute une série de questions parce que vous avez parlé de complémentarité entre l'infirmière et la sage-femme. Je n'ai pas eu l'occasion de passer à travers le mémoire parce que vous en avez fait une lecture qui est un petit peu différente et je ne l'avais pas eu ce midi. Je n'ai pas compris dans votre présentation qu'il y avait une explication poussée de la complémentarité sage-femme et infirmière et j'aimerais peut-être vous entendre davantage là-dessus.

Mme Fortier: II va de soi, pour nous, que la complémentarité, pas dans le sens d'une soumission à un autre thérapeute mais dans le sens d'un partenariat entre infirmière et sage-femme, soit définie et puisse s'exercer en toute équité pour le bien et des deux intervenantes et de la

patiente, surtout, qui a à vivre tout son processus de maternité soutenue par ces intervenantes. Le partenariat doit s'exercer au niveau du champ de pratique, soit à l'intérieur des départements d'obstétrique, soit en CLSC, soit en péri ou en postnatalité. Présentement, le suivi assuré, les cours prénatals, les visites, l'enseignement, c'est assumé par l'infirmière. C'est une portion qu'on devra partager avec la sage-femme et en collaboration avec elle. C'est pour ça qu'on était très heureux de voir qu'on était présent aux différents paliers pour être capable d'établir notre champ de pratlque respectif, ne pas se nuire et, au contraire, se compléter l'un et l'autre.

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez parlé de répartition régionale puisque ça devrait éventuellement... Dans la mesure où l'expérience-pilote sera positive, ça s'étendra au Québec, bien sûr, et dans la mesure où ça ne le sera pas, il s'agira de réévaluer à l'époque. Mais vous avez parlé d'une répartition régionale. Je vous pose la question puisque le projet de loi parle d'expériences-pilotes, de huit. Est-ce que votre intervention parlait de répartition régionale dans le cadre des huit expériences-pilotes, à savoir de l'urbain et du rural? Vous avez, si j'ai bien compris, évoqué la possibilité que ça puisse être dans les CLSC aussi, donc CLSC et centres hospitaliers. Donc, une répartition rurale, urbaine sur le territoire du Québec en CLSC et en centres hospitaliers, c'est ce que vous vouliez dire par répartition régionale?

La Présidente (Mme Marois): Mme Dufresne.

Mme Dufresne: Oui, d'accord. Dans notre projet de mémoire, ce qu'on avait dit, c'est qu'en ce qui concerne la répartition régionale - et ça on l'a exprimé aussi dans le texte - on veut que ce soit là où la demande le justifie. On trouve que mettre un nombre, comme un maximum de huit, ce n'est pas assez précis. Ce qu'on voudrait, c'est que... Le Québec, depuis une vingtaine d'années, a reconnu l'universalité des soins sociaux et de santé, alors on voudrait que ce soit là où la demande le justifie, parce qu'il y a déjà des demandes au niveau, soit des maisons de naissances, des centres hospitaliers ou des chambres de naissances, de pouvoir mettre en exercice des projets-pilotes. Il n'y a rien dans le projet de loi qui précise ça. On voudrait que ce soit un principe, que ce soit étendu au niveau régional parce que, quand ce n'est pas marqué, ça peut favoriser les centres urbains ou encore seulement les régions éloignées. On ne voulait pas que ce soit... Par exemple, dans les régions éloignées, ça agit en palliatif du fait qu'il n'y a pas de médecin disponible. Alors, on voulait que ce soit érigé comme principe pour que ce soit là où la demande le justifie pour toute la population du Québec.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce matin, dans l'Introduction, j'avais évoqué le fait qu'on visait des objectifs avec ces projets-pilotes, bébés de petit poids, jeunes adolescentes, femmes en milieux défavorisés, alors, inévitablement, dans le choix des huit projets, on devra tenir compte de ces phénomènes et tenter de combler certaines lacunes qu'on a actuellement.

Vous avez évoqué tantôt, dans votre présentation, vous avez dit: Oui. possible on centre hospitalier, possible dans les CLSC avec maison de naissances, donc, il y a une certaine ouverture, alors que la Fédération des CLSC nous a dit: Centres hospitaliers, pensez-y deux fois avant d'y aller, et sur la base d'à peu près les mêmes arguments. La Fédération des CLSC nous a dit: Ce qui est très important c'est avant, pendant et après. Vous avez exactement la même base: il ne faut pas s'en occuper uniquement pendant, il faut s'en occuper avant et il faut s'en occuper après. La Fédération des CLSC nous disait: Dans un centre hospitalier, on va s'en occuper uniquement pendant, alors que vous venez nous dire qu'il est quand même possible dans un centre hospitalier de s'en occuper avant, pendant et après Je voudrais comprendre.

Mme Fortier: Dans une présentation, on oublie parfois des parties. Elle était longue aussi parce que je voulais dire quand même l'essence du mémoire. Il va de soi que la Fédération privilégie, en premier, les CLSC, les maisons de naissances et non les centres hospitaliers. On dit, dans notre mémoire: Si on implante dans les centres hospitaliers, on voudrait, à tout le moins, que ce soit dans une maternité autonome, différente de l'obstrétique qu'on connaît actuellement qui est de type interventionniste. Entre autres - et là je réinclus toute la notion de partenariat avec l'infirmière - c'est en péri, en pré et en postnatalité que l'infirmière a le plus d'action chez la femme qui vit un processus de maternité. En obstrétique, leur rôle est aussi très morcelé. Ils la voient durant l'accouchement. C'est en CLSC, entre autres, que se joue toute l'approche d'enseignement et de partenariat qui devra s'installer avec la sage-femme qui, elle, va assumer le suivi pré, péri et postnatal.

La Présidente (Mme Marois): Est ce que c'est terminé pour les questions?

M. Côté (Charlesbourg): Pour le moment.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. le leader?

M. Chevrette: Oui, très peu de questions puisque le ministre en a touché une partie et que

ça ressemble étrangement, comme approche, au mémoire de la Fédération des CLSC qui est passée avant vous. Sur le plan des principes, je trouve que ça se ressemble assez étrangement merci. Peut-être que c'est une mauvaise évaluation qu'on fait, mais je trouve que ça se ressemble.

Je voudrais cependant vous poser une question. Vous n'êtes pas aussi radicale que la Fédération des CLSC en ce qui regarde le rôle des médecins. Vous n'allez pas jusqu'à la signature de protocoles cherchant à délimiter les fonctions. Comment voyez-vous ça?

Mme Fortier: Dans la présentation, j'ai peut-être moins insisté sur la délimitation des actes médicaux et des actes qui devront non seulement être délégués, mais transférés à la pratique sage-femme. Dans le mémoire, c'est plus substantiel. Je pense qu'il faudra, au niveau du mémoire et au niveau de sa conception, de sa réglementation, au niveau du projet de loi, c'est-à-dire, bien définir le champ de pratique et les possibilités d'intervention de ces deux intervenants parce qu'il risque d'y avoir des courts-circuits entre les deux; on les voit déjà qui commencent.

M. Chevrette: Ce qui me plaît beaucoup dans votre mémoire, c'est que vous dites: Commencez donc par définir ce que pourrait être une profession de sage-femme et, après ça, mettez-la à l'épreuve dans des projets-pilotes plutôt que de faire des projets-pilotes pour essayer de bâtir ce que pourrait être une profession. Moi, je pense que sur le plan de la logique, tu reconnais une profession, tu la limites quant à l'accès et tu bonifies avant de l'ouvrir "at large", comme on dit. Ça me paraît très logique, surtout comme processus, comme travail Intellectuel, ça m'apparaît plus logique.

J'avais le goût de vous faire une boutade, à un moment donné, en lisant votre mémoire. C'était marqué: "reconnaître l'expérience des infirmières en obstétrique"; je pensais que vous vouliez marquer dans votre mémoire "reconnaître l'ancienneté des infirmières en obstétrique".

Une voix: Ha. ha, ha!

M. Chevrette: Je n'ai pas...

Mme Fortier: Le mémoire a été écrit préalablement à ce qui nous est tombé sur la tête.

M. Chevrette: Pardon?

Mme Fortier: Le mémoire a été écrit préalablement à ce qui nous arrive présentement.

M. Chevrette: Donc, ça n'aurait pas été une boutade, c'est l'esprit que vous aviez quand vous l'avez écrit. Ha, ha, ha! Je vous remercie beaucoup de votre mémoire. Il est clair, très substantiel, et sans doute que lors de l'étude article par article, si jamais le ministre - il a ouvert une porte tantôt - no réécrit pas un mémoire plus complet, un projet de loi peut-être neuf même, j'aurai sans doute des amendements qui partiront de votre texte pour bonifier le projet.

Mme Fortier: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Disons que j'ai aussi trouvé le mémoire très bien fait et que je vous félicite, c'est clair. Il y a un petit point que j'ai trouvé intéressant aussi, dans les recommandations, à la page 50 du mémoire, soit que la sage-femme puisse aussi pratiquer à domicile. On parle un peu de ça quelque part, à la mi-page. C'est un milieu pourtant naturel qui n'était pas recommandé par le comité de travail, qui semble écarté d'ailleurs par plusieurs intervenants, en tout cas, on n'a pas vu ça beaucoup dans les différents mémoires. J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu votre point de vue, ce que vous voulez dire exactement par là.

Mme Fortier: le principe de base qu'on a détendu en amenant cette recommandation, c'est qu'il y a des femmes qui, par choix et parce qu'elles ont vécu un processus de maternité normal, ne se sentent bien que chez elles, avec leur famille, dans leur intimité et c'est dans cette intimité qu'elles veulent vivre le processus de l'accouchement. Si elles décident de le choisir, que l'exercice puisse être non seulement légal, mais fait avec le support nécessaire. Que l'accès ne soit pas fermé à un accouchement à domicile. On n'affirme pas, par ça, que demain matin, parce qu'on légalisera la pratique des sages-femmes, toutes les femmes et majoritairement les femmes vont choisir l'accouchement à domicile. Ça va peut-être venir à plus longue échéance. Donc, demain matin, on ne pense pas que ce soit le choix des femmes, de façon très majoritaire, d'accoucher à domicile, mais on veut quand même leur permettre de le faire ot leur laisser la liberté et le choix de le faire.

Une voix: Et la responsabilité.

La Présidente (Mme Marois): Cela va?

Mme Fortier: Et la responsabilité.

M. Joly: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le

député de Fabre.

M. Joly: Le groupe venu nous rencontrer avant vous avait avec lui un document qui parlait de coût possible d'assurance-responsabilité. Dans ce document, on mentionnait que le coût de la couverture de l'assurance-responsabilité dans un centre hospitalier était de 500 $ et ailleurs que dans un centre hospitalier, dans un centre spécialement aménagé, le coût était de 750 $, ce qui laisse supposer qu'il y a un assureur potentiel qui évalue le risque comme étaient 50 % plus élevé dans un centre autre qu'hospitalier. Maintenant, si vous transposez ce que vous venez de dire et que vous souhaitez que la maternité ou que nécessairement la délivrance, que le petit bébé nous soit livré dans ce qu'il y a de plus naturel, chez lui, comment l'assureur peut-il évaluer le risque à ce niveau? Je pense que, quand vous nous dites que vous êtes prêtes à laisser la responsabilité à la personne qui accouche, II faudrait justement qu'elle soit sensible à cet élément ou à cette possibilité, même si ce n'est pas monnaie courante, parce qu'on sait que dans la majorité des accouchements il n'y a pas énormément de complications, mais ce ne sont pas ceux qui réussissent bien qui font éclat dans les journaux, mais ceux où ça ne fonctionne pas et où il y a des complications. Alors, quand vous souhaitez - vous en faites un voeu qui semble quand même assez sérieux - que ça arrive dans le foyer, je m'inquiète un peu.

Mme Fortier: Étant moi-même une infirmière, pour avoir travaillé en obstrétique et en milieu hospitalier, pour avoir vu nombre d'accouchements et assisté à plusieurs accouchements, les risques de potentiel dont vous parlez et malheureusement, les morts d'enfants à la naissance sont aussi le lot des salles d'obstréti-que. Ce n'est pas le lot des accouchements à domicile uniquement et ce qui est dommageable, c'est que présentement la publicité fait en sorte qu'un enfant qui est mis au monde à la maison et qui meurt, c'est épouvantable: la femme n'est pas responsable; la femme est complètement farfelue d'avoir risqué la vie d'un l'enfant. Mais, lorsqu'un enfant meurt en salle d'accouchement, en plein milieu d'un gros centre hospitalier, que ce soit le CHUL ou à Saint-François où c'est super spécialisé, là, l'enfant n'était pas viable et ce n'est pas dramatique aux yeux de la population. Il faudrait peut-être à un moment donné démystifier ce fait-là aussi.

M. Joly: On va se fier sur les journaux pour le faire.

La Présidente (Mme Marois): II y a une meilleire couverture des événements. si vous me le permettez, M. le député, lorsque ces événements se passent, qu'une sage-femme est concernée et que ça arrive à la maison. Je vais me permettre un dernier commentaire, puisque le temps de ma formation politique n'a pas été utilisé au complet. Une minute. Il y a consentement, j'imagine, et à la suite on suspendra nos travaux jusqu'au début de la soirée.

J'ai lu effectivement votre document avec beaucoup d'attention et je vous ai écoutée le présenter. Il y a manifestement, tout au long du document, un parti pris très clair au refus de la remédicalisation, de la surspécialisation, de la "morcellisation" et. donc, de la pratique en milieu hospitalier traditionnel. Je ne me trompe pas?

Une voix: Non.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Même pour dire que si c'est dans un centre hospitalier, ce que l'on souhaite, c'est que ce soit mis à part l'appareillage que l'on utilise habituellement. C'est bien ça?

Mme Fortier: C'est exactement ça.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Vous le craignez à ce point?

Mme Fortier: Je pense que, comme infirmières, on est à même de constater les bienfaits de la médicalisation. Ce qui est dommageable, c'est le fait que la surspécialisation et le morcellement, y compris de la tâche médicale en portions, ont fait oublier la globalité de la personne humaine dans son entité et qu'elle ne peut pas se soigner par un orteil ou par un foie, mais par l'ensemble de sa vie et de ce qu'elle ressent et de ce qu'elle est. L'accouchement, on le veut comme ça, nous, comme femmes et infirmières.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Je vous remercie.

M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier pour cette participation qui va très certainement influencer ce que sera le nouveau projet de loi.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présence parmi nous. Nous suspendons nos travaux pour les reprendre à 20 heures avec le Regroupement de professionnels en santé communautaire, la Fédération des médecins omnipraticiens, la Fédération des médecins spécialistes du Québec et l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 4 )

(Reprise à 20 h 8)

La Présidente (Mme Marois): Que les membres de la commission veuillent bien prendre place à leur fauteuil, nous allons reprendre nos travaux. Comme le rythme a été bon tout l'après-midi, l'espère qu'il continuera ainsi pour la soirée.

M. Côté (Charlesbourg): Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg):... je ne sais pas si je pourrais me permettre de vous proposer, quitte à ce que vous décidiez ou que la commission décide... j'ai entendu des bruits, à 18 heures, qui ne m'ont pas plu du tout, en particulier sur le fait qu'on reçoive des gens à 23 heures ce soir, à une heure qui n'est quand même pas très convenable, j'en conviens, en particulier des obstétriciens et des gynécologues; '23 heures ça me paraît effectivement une heure qui n'est pas très à propos pour une présentation aussi importante que celle-là. ce que j'allais vous proposer, compte tenu de l'obligation que nous aurons d'avoir une autre réunion lundi, c'était de leur permettre d'intervenir en dernier lieu, si cela leur sied, de façon à être capables d'entendre tout ce qui se passe, et qu'ils nous donnent leur élément de réponse et de situation les derniers, de façon qu'il y ait une équité sur le plan de la qualité de l'information. moi, je n'aurais pas d'objection à ça du tout.

La Présidente (Mme Marois): M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: mme la présidente, on pourrait peut-être demander immédiatement à ces gens de s'identifier dans la salle et de nous dire si ça leur convient.

La Présidente (Mme Marois): Oui, c'était un peu ce que je voulais soulever parce que...

M. Chevrette: Je dirais oui, moi.

La Présidente (Mme Marois):... je suis d'accord. On en avait discuté un petit peu, M. le ministre et moi, avant que l'on commence la séance. Cependant, évidemment, ceci impliquerait... Pour qu'on soit bien compris, il est prévu, ce soir, que le dernier groupe d'intervenants soit l'Association des obstétriciens et gynécoloques. Ceci amènerait leur présentation à 23 heures à peu près ce soir, ce qui est tard, bien sûr - on est comme un petit peu fatigués à la fin de la journée - ce qui est trop tard. Alors, on leur propose de se présenter lundi soir - puisque nous aurons à travailler lundi toute la jour- née - à la fin de la séance, autour de 18 heures. S'ils préfèrent intervenir ce soir, ils sont déjà à l'agenda; on les retiendra. Sinon, on les entendra lundi soir autour de 18 heures. Mme la secrétaire peut peut-être... Oui?

Une voix: Nous préférons passer ce soir.

La Présidente (Mme Marois): Parfait, je vous remercie. On vous entendra.

M. Chevrette: Donc, vous allez passer ce soir.

La Présidente (Mme Marois): Cela vous va, M. le ministre? D'accord. Nous entendons maintenant... L'ordre sera le suivant: - j'aimerais le rappeler pour le dire en même temps aux groupes - d'abord, le Regroupement de professionnels en santé communautaire; par la suite, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, la Fédération des médecins spécialistes du Québec et l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. J'aimerais que la commission entende maintenant le Regroupement de professionnels en santé communautaire qui est représenté par le Dr Michel Vézina et le Dr Gilles Julien. Si d'autres personnes vous accompagnaient, ce qui semble être le cas, j'aimerais que vous les présentiez aux membres de la commission.

Regroupement de professionnels en santé communautaire

M. Julien (Gilles): Merci. Bonsoir et merci de nous avoir invités à la commission. Je voudrais vous présenter, effectivement, des professionnels parmi ceux qui sont signataires et qui ont accepté de venir assister à la commission. D'abord, Mme Geneviève Tremblay, médecin de Québec; Mme Jocelyne Gagné, consultante en périnatalité au DSC du CHUL. À mon extrême droite, Mme Nicole April. médecin aussi à Québec; Mme Christiane Brunelle, coordonnatrice d'un projet "Enfance famille-jeunesse"; M. Michel Vézina, médecin à Québec et moi-même, Gilles Julien, pédiatre et médecin à Québec et à Montmagny.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Je rappelle peut-être - je m'excuse, je ne l'ai pas fait au début de la séance - rapidement qu'une vingtaine de minutes sont allouées pour la présentation de votre intervention. Nous avons ensuite environ 40 minutes partagées entre les membres de la commission pour soulever des questions sur votre présentation. Merci.

M. Julien: Merci. Je voudrais préciser que nous n'avons pas présenté un mémoire détaillé. Il s'agit d'une lettre d'intention qui manifeste bien notre témoignage par rapport à la problématique

dont vous discutez. Nous verrons, à la période des questions, à préciser certaines choses de la lettre et je vous en fais part immédiatement. Je vais la lire et essayer un peu de la commenter pendant la lecture, si vous le permettez.

Alors, on est un groupe de professionnels de la santé qui est hautement concerné par les soins périnatals au Québec et leurs impacts sur la santé et le bien-être des femmes et de la famille. Nous Insistons sur la notion de famille, bien sûr, parce que, pour nous, il s'agit d'un événement clé dans l'évolution d'une famille qui regroupe un groupe de personnes qui vit un événement important et qui supporte un événement important, du début à la fin.

Dans ce contexte, bien sûr, la pratique sage-femme n'est pas notre seule préoccupation, mais elle en est une d'importance, compte tenu de l'importance accordée au champ de la périnatalité par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Je fais référence aux objectifs de santé, récemment, du document d'orientation, à l'énoncé de politique familiale, au plan d'action sur la politique familiale, à la commandite des cinq avis en périnatalité et au projet de loi actuel. à ce titre, nous aimerions vous soumettre, et soumettre à l'attention de la commission, les considérations suivantes. nous souhaitions être entendus, ce qui est le cas, et nous vous en remercions. parmi les faits qui méritent d'être pris en considération, selon nous, c'est qu'il existe actuellement au québec une pratique sage-femme qui est isolée, qui est illicite mais qui. d'après nous, correspond à un besoin réel et à une demande des femmes, des parents et des familles. ce n'est un secret pour personne de reconnaître que cette pratique existe et qu'il y a beaucoup de femmes qui la demandent. on peut se référer à divers colloques, à des expériences personnelles de pratique où des femmes souhaitent et obtiennent souvent de pouvoir accoucher avec l'aide d'une sage-femme. certaines autres souhaitent pouvoir accoucher avec l'aide d'une sage-femme et ne peuvent pas l'obtenir et ça cause, je dois vous le dire, des frustrations parfois importantes et une inadéquation des besoins et des attentes de ces familles.

Chez plusieurs médecins aussi - un autre fait qui mérite d'être signalé - on observe un abandon de la pratique obstétricale et une perte d'intérêt concernant le suivi complet avant, pendant et après l'accouchement. Ce n'est pas un secret non plus de dire que la formation médicale ne s'oriente pas nécessairement dans un suivi de ce type-là à cause de plusieurs facteurs, dont le temps passé en formation périnatale. Je peux vous faire remarquer aussi, à ce sujet, qu'une étude qui date de 1985 montrait qu'il y avait à pou près 00 % dos médecins qui ne faisaient pas d'accouchement et qu'il y en avait à peu près 6 % qui en faisaient 30 et plus par année. Ce sont des chiffres qui sont quand même assez éloquents et qui viennent d'une étude sérieuse. Plus récemment, il y a des données qui ne sont pas encore publiées mais qui relatent que, parmi les médecins accoucheurs généralistes au Québec, il y a à peu près 20 % de ces médecins qui sont d'accord avec la participation des sages-femmes au processus de périnatalité.

Autre point important en rapport avec ce fait, c'est qu'il est reconnu dans plusieurs milieux, dans plusieurs autres pays, que les médecins qui connaissent bien la façon de procéder, qui ont la formation et qui peuvent avoir connaissance de l'expérience des sages-femmes sont assez unanimes à dire que c'est un atout important dans le processus et souhaitent pouvoir participer, avec les sages-femmes, au processus de périnatalité.

Un autre fait d'Importance: les statistiques de plusieurs pays où la pratique des sages-femmes est légale, est supportée, démontrent une baisse de la surutilisation d'interventions telles les césariennes, les éplsiotomles et certaines manoeuvres d'extraction. Ces taux correspondent plus à ce qui est recommandé par l'Organisation mondiale de la santé et, en conséquence, la diminution d'interventions exagérées peut avoir une relation avantageuse avec la morbidité, la mortalité et avec, éventuellement, les coûts. Vous savez sûrement qu'un des objectifs importants mentionnés dans le document d'orientation du ministère, l'objectif 5, concernait justement la diminution de la mortalité et de la morbidité périnatales s'exprimant par la diminution des bébés de petit poids, des prématurés et des malformés congénitaux. On a des taux, au Québec, qui sont intéressants, si on se compare à d'autres pays, mais on note sûrement qu'il y a place à amélioration. L'objectif qu'on s'est donné, de réduire à 4 %, est sûrement intéressant et nous partageons entièrement cet objectif.

Le projet de loi actuel constitue un enjeu majeur, selon nous, soit la reconnaissance de la pratique des sages-femmes, avec laquelle nous sommes totalement en accord. Toutefois, nous pensons qu'il y aurait lieu de réajuster certaines dispositions mineures du projet de loi qui, selon nous, peuvent en réduire la portée. Nous souscrivons à la légalisation de la pratique des sages-femmes dans le cadre des projets-pilotes comme étape préliminaire et à la condition qu'elle réflète et donne le ton à un cadre de politique ultérieure sous une forme plus généralisée. En clair, on signifie que les projets-pilotes sont très intéressants, vont permettre d'évaluer une pratique, ses modalités et, peut-être, ses impacts. Nous souhaitons que ces projets-pilotes soient le début de recommandations beaucoup plus générales et que, selon l'évaluation, on puisse avoir certaines garanties de continuité de processus. Nous notons aussi que les projets-pilotes, dans leur forme actuelle, sont un peu

restrictifs et ne représentent qu'une partie du champ de pratique des sages-femmes en se limitant particulièrement à l'événement accouchement. On voudrait éviter que le projet de loi ne confine les sages-femmes à un rôle de technicienne de l'accouchement, qu'il limite leur lieu de pratique au seul milieu hospitalier et qu'il contribue à les isoler potentiellement sans faciliter leur intégration à des équipes multidisciplinaires qui sont pourtant nécessaires au soutien de la femme en période de grossesse et au soutien de la famille.

On sait pertinemment que... D'ailleurs, encore une fois, dans l'objectif 5 qui a été travaillé récemment par le CRSSS et les DSC, on mentionne l'importance d'un suivi périnatal global ayant comme conséquence le bien-être et la santé de l'enfant et de la famille.

En conséquence, on aurait des recommandations par rapport au projet de loi et qui concerneraient particulièrement l'assurance que les sages-femmes soient considérées comme des intervenantes à part entière dans tout le processus de la périnatalité, que les sages-femmes soient membres à part entière d'équipes multidisciplinaires en périnatalité, que ce soit à la période prénatale, à l'accouchement ou en période postnatale et ce, si possible, dans tous les milieux, c'est-à-dire les milieux privés, les CLSC, les centres hospitaliers et les maternités. On voudrait aussi s'assurer que les projets-pilotes permettent l'expérimentation de la pratique des sages-femmes selon différents modèles et dans des lieux autres que le seul milieu hospitalier.

Bien sûr, des nuances s'Imposent dans ces recommandations et l'objectif des projets-pilotes, pour nous, serait de s'assurer et de faciliter la faisabilité et les modalités d'établissement d'un partenariat entre les différents Intervenants en périnatalité. Dans plusieurs enquêtes et lors de plusieurs colloques et rencontres de familles, on reproche continuellement au réseau d'offrir des services fragmentés, de perdre de vue la continuité, l'approche globale, le soutien à la famille, la prise en charge aussi des familles et des femmes du processus d'accouchement et de tout le processus de la périnatalité. On souhaiterait que les projets-pilotes puissent permettre d'évaluer la faisabilité de ces grands objectifs de santé.

On vous remercie de l'attention que vous portez à nos commentaires bien humbles qui viennent d'un élan presque du coeur, je dirais. On espère aussi que nos recommandations seront prises en considération.

Je vais vous nommer les signataires, si vous le permettez. Françoise Bouchard, médecin à Hull; Christiane Brunelle, que j'ai déjà mentionnée, qui est présente; Christine Colin, médecin de Montréal; Richard Côté, médecin de Valleyfield; Louise Denhez, médecin de Trois-Riviè- res; Pierre Duplessis, médecin de Montréal; France Filiatrault, de Laval; Pierre Gosselin, médecin de Québec; Gilles Julien, de Québec; Mireille Lajoie, médecin de Trois-Rivières; Odette Laplante, médecin de Lévis; Francine Leduc, médecin de Valleyfield; Réjean Paradis, médecin de Québec; Michel Vézina, médecin de Québec; Jocelyne Gagné, qui est présente aussi; Nicole April, médecin de Québec; Geneviève Tremblay, médecin de Québec.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie beaucoup et, sur ce cri du coeur, je vais demander au ministre s'il a des questions à poser.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. Julien. Dans le dernier paragraphe de votre lettre, il est dit: "Chez plusieurs médecins, on observe un abandon de la pratique obstétricale et une perte d'Intérêt concernant le suivi complet avant, pendant et après l'accouchement. " C'est, bien sûr, assez conséquentiel sur le plan de l'affirmation, je pense, et nous aurons l'occasion, avec ceux qui vous suivront, de l'aborder aussi. Et vous dites, si j'ai bien compris, bien entendu, que 25 % des médecins favorisent, sont d'accord avec les sages-femmes. Ça me paraît un petit peu étonnant, là; ça me paraît moins étonnant en en voyant autant qui signent un document. Ça me paraît un petit peu étonnant sur le plan des pourcentages, 25 %. Vous tenez ça de quelle source, ce pourcentage-là? D'un sondage maison, Léger, pas Léger ou autre, mais d'un sondage qui pourrait donner un peu de crédibilité à cela.

M. Julien: Je parle - je ne sais pas si je l'ai bien précisé - des médecins accoucheurs généralistes qui représentent, finalement, peu de médecins, si on tient compte du nombre de médecins qui font des accouchements. Si on se fie à la statistique qui nous donne 80 % de médecins au Québec qui ne font plus d'accouchement, les médecins généralistes, il reste à peu près 20 %, puis probablement moins, de ces médecins-là qui sont des médecins accoucheurs. Parmi ceux-là, il y en a 20 % qui sont d'accord avec l'implication des sages-femmes. Ça, c'est un sondage maison qui n'est pas encore publié à l'intérieur du groupe de médecins accoucheurs et qu'on pourra vous fournir éventuellement.

M. Côté (Charlesbourg): C'est une première, à ce que je comprends, avant.

M. Julien: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Je reviens au paragraphe que je viens de citer. On disait qu'il y avait un manque d'intérêt à avoir un suivi avant, pendant et après; on a entendu ça tout l'après-midi. D'après vous, qu'est-ce qui

permettrait d'avoir ce suivi-là, parce qu'il semble bien que tout le monde s'entend qu'il y a une obligation ou même une nécessité pour la santé des bénéficiaires qu'il y ait ce suivi avant, pendant et après?

Ce que je comprends, c'est que vous mettez le doigt sur un bobo à peu près comme tout le monde. Qu'est-ce qui nous permettrait d'avoir ce suM-là tout au long de la durée non seulement de l'accouchement, mais avant, pendant et après?

M. Julien: Je pense que peut-être le meilleur exemple que je pourrais donner, c'est un peu un retour en arrière au moment où II y avait les médecins de famille, visiteurs à domicile, qui prenaient en considération l'ensemble de la famille dans leur approche. En prenant en considération l'ensemble de la famille, bien sûr, on ne peut distinguer les périodes, on ne peut fragmenter ces périodes là. Ce qui se passe avant, ce qui se passe pendant l'accouchement et ce qui se passe après, ça a des liens, ça ne peut pas être séparé. Je parle d'une approche globale de santé avec un objectif qui vise non seulement à une Issue de grossesse, à un accouchement, mais bien à un processus complet où la participation et le support de l'ensemble de la famille sont essentiels.

À ma connaissance, les sages-femmes sont des intervenantes formées avec approche globale en périnatalité. Ce sont des spécialistes de la périnatalité globale qui ne font pas de distinction entre l'avant, le pendant et l'après. Il s'agit là d'un tout. On a la chance d'avoir accès à ces ressources qui sont formées comme telles. En médecine, on s'est malheureusement un peu éloigné de ce type d'approche pour toutes sortes de raisons qui seraient longues à discuter, mais c'est un constat et c'est une évidence. Cette fois-ci, on a la chance de pouvoir avoir comme partenaires des intervenants formés à cette approche-là, qui considèrent l'ensemble du processus comme un tout indissociable.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je tiens toujours à mon paragraphe parce qu'il est, d'après moi, extrêmement important. J'ajoute même l'autre phrase qui était: "D'ailleurs la formation médicale oriente peu en ce sens. " Est-ce que je comprends qu'on aurait, à ce moment là une carence sur le plan de la formation? On forme pour pendant, mais on ne forme pas pour avant, ni après. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?

M. Julien: Ce que je veux dire, c'est qu'on a une formation qui est limitée dans le temps et qui est fragmentée. Il n'y a pas, à ma connaissance - et s'il y en a, j'aimerais qu'on me le dise, je ne suis pas un expert pour l'ensemble de la province - de formation intégrée, où les gens vont suivre un processus du début à la fin. C'est compliqué; cela Impliquerait des séjours dans les milieux de CLSC avant et après coordonnés avec des séjours hospitaliers. À ma connaissance, ça n'existe pas, et la formation est forcément spécialisée et fragmentée. C'est une des raisons, probablement, de cette fragmentation, c'est la surspécialisation.

Le temps aussi, la durée d'exposition des étudiants en médecine en périnatalité est assez brève. À ma connaissance, ça ne s'est pas beaucoup modifié depuis les années antérieures où, moi, j'ai été formé. Je peux vous dire que quand je suis sorti de mon cours de médecine, j'étais loin d'etre prêt à faire des accouchements. Je n'avais absolument pas la compétence et je n'en ai pas fait non plus. L'exposition est extrêmement importante dans le développement de ces habiletés-là, l'exposition constante et continue. Et ce n'est pas le cas dans la formation médicale. (20 h 30)

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que vous...

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous voulez poser une sous-question sur cette question?

M. Gautrin: Une sous-question. Moi, j'ai... Vous parlez de la formation des médecins, mais qu'est-ce que ça devrait être la formation des sages-femmes ou qu'est-ce que c'est que la formation des sages-femmes ici au Québec?

Mme Gagné (Jocelyne): Ce qui est recommandé pour la formation des sages-femmes, c'est une formation au niveau universitaire de trois années, qui inclut des notions... c'est sûr qu'actuellement, elles sont dans le curriculum des médecins, qui sont aussi dans le curriculum des Infirmières mais avec une approche, une concentration suivi de grossesse et accouchement normaux et, évidemment, des notions sur la pathologie de la grossesse. Parce que les sages-femmes doivent être préparées à identifier des déviances à la normale et à les référer au moment voulu. C'est pour ça qu'on dit qu'elles doivent aussi travailler en équipe et non pas travailler isolées.

Maintenant, juste une mention. Je pense que la SMOQ, dans un comité de travail sur lu périnatalité, les personnes qui faisaient partie de ce comité ont reconnu des lacunes au niveau de la formation. Je pense que c'est vraiment à leur crédit de le reconnaître et de dire aussi qu'elles n'étaient pas suffisamment formées pour accompagner des femmes qui présentent des grossesses normales. Je pense qu'on peut apporter des nuances. Je pense qu'il y a des choses qui devraient se rétablir, en tout cas, s'ajuster de ce côté-là.

La formation des sages-femmes, pour revenir à votre question, habiliterait des femmes

ou des hommes - parce qu'en France, il y a des sages-hommes aussi, même en Hollande - une personne à faire un suivi complet d'une femme du début de la grossesse jusqu'à l'accouchement et dans les premières semaines suivant l'accouchement. Maintenant, évidemment, les soins au nouveau-né. C'est une formation qui est beaucoup axée sur l'approche communautaire, sur une approche préventive aussi, dépister suffisamment tot durant la grossesse des complications qui risquent de survenir pour ne pas qu'on se ramasse, au moment de l'accouchement, avec des problèmes et ce qui peut s'ensuivre. Mais c'est un travail en équipe multidisciplinaire aussi.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Dr Julien, est-ce que vous considérez le support médical comme essentiel?

M. Julien: Je pense que le support médical est complémentaire. Il faut mettre des nuances. Parlez-vous de support médical dans tous les cas, dans les cas d'exception, dans les cas de complications ou dans les cas de processus tout à fait normal? Pouvez-vous préciser?

M. Côté (Charlesbourg): Ma question vise, évidemment, à tenter d'en arriver à un compromis qui sera éventuellement acceptable par tout le monde et viable par tout le monde. Évidemment, la crainte de bien des gens, c'est que dans la mesure où il y a une problématique qu'on ne puisse pas avoir recours, sur-le-champ, à un médecin, donc un support médical qui, à ce moment-là, serait nécessaire. De notre point de vue à nous, on a à garantir la sécurité et la santé des bénéficiaires. Il est clair que tout le monde s'entend sur le fait que dans les accouchements normaux, il n'y a pas de problème. L'encadrement médical n'est probablement pas nécessaire. C'est à partir du moment où il y a des grossesses à risques où il y aurait transfert simplement à des médecins ou, évidemment, accompagnement d'un médecin. Quand on dit dans le cas normal, ça me paraît tomber sous le sens. Dans le cas des accouchements normaux, est-ce que, dans ce cas-ci, vous croyez qu'on a besoin d'un support médical? Le croyez-vous essentiel?

M. Julien: Je pense, personnellement, je vais m'exprimer aussi personnellement parce qu'il y a le texte qui correspond à l'ensemble des gens qui ont signé, mais je voudrais bien préciser que dans les réponses, il peut y avoir des connotations personnelles. C'est pour moi assez évident qu'une grossesse normale ne nécessite pas l'intervention d'un intervenant médical. Une grossesse normale, ça se fait dans des conditions normales et ça ne demande qu'un accompagnement, à mon sens, empathique et parfois techni- que léger ou doux. Dans ce sens-là, je ne pense pas que les médecins aient nécessairement à être impliqués.

Je pense... Cependant, on a parlé de la notion d'équipe multidisciplinaire qui, pour moi, est très importante. Il doit y avoir des mécanismes de concertation pour pallier les craintes, les dangers et les risques potentiels. Je dois quand même préciser que le suivi d'une grossesse, un suivi global, un suivi bien fait sur le plan médical, sur le plan psychosocial, en surveillant l'environnement, avec quelqu'un de confiance, permet de déceler la majorité des grossesses à risques et de les orienter rapidement vers des milieux aptes à en prendre charge. À ce moment-là, l'interrelation qu'il peut y avoir, la complémentarité entre un groupe de professionnels comme les sages-femmes et le milieu médical spécialisé est sûrement essentielle.

Il s'agit d'articuler les différentes ressources pour que chacun y aille de son meilleur et qu'il y ait complémentarité éventuellement. Actuellement, on assiste à un braquage de deux mondes qui, dans le fond, devraient être tout à fait complémentaires en ayant comme objectif principal, justement, la famille qui est en train de se former ou se confirmer dans une certaine mesure.

La Présidente (Mme Marois): Mme Gagné, vous vouliez ajouter quelque chose.

Mme Gagné: II n'est absolument pas question d'avoir une professionnelle qui travaille Isolée. On insiste vraiment sur la notion d'équipe, on insiste sur le fait aussi qu'une grossesse normale peut présenter certaines complications. Il doit y avoir une ligne directe de communication et de collaboration entre médecins et sages-femmes ou d'autres professionnels, comme les infirmières aussi, ou d'autres - travailleuses sociales, psychologues, je ne sais pas - le temps venu, si besoin est. Il ne faut pas vraiment perdre du terrain. Il ne faut pas perdre des acquis. C'est absolument essentiel de toujours garder présente la notion de travail en équipe. Ce n'est pas les sages-femmes d'un bord, les médecins de l'autre, c'est vraiment en collaboration. Je pense que c'est à ce prix-là qui semble un peu dur à payer par les temps qui courent, mais je pense que c'est absolument essentiel que médecins et sages-femmes travaillent en collaboration et non en compétition.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Peut-être M. Julien qui est docteur en...

La Présidente (Mme Marois): Voulez-vous rajouter quelque chose?

M. Julien: Oui, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Marois): Non, ça va?

M. Julien: Je voulais juste préciser que j'ai eu dans ma pratique connaissance d'événements fâcheux, effectivement imprévisibles, et qui auraient pu être prévenus facilement et être réglés facilement si cette concertation-là avait existé. Elle n'existe pas et elle empêche effectivement les choses de se passer comme elles devraient se passer avec compétence et avec souci de maintien de santé, si on veut, des personnes en cause.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Oui?

M. Côté (Charlesbourg): Dernière question pour le moment. Au bas de la page 2, vous dites: "que les sages-femmes soient membres à part entière d'équipes multidisciplinaires en périnatalité... " Est-ce que ça signifie pour vous que les sages-femmes devraient faire partie du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens des hôpitaux ou dans le cas des CLSC où il y a plus de cinq médecins?

M. Julien: J'ai un peu de difficulté dans la structure, je dois vous avouer. Moi, je pense qu'on est en présence d'une situation où il s'agit de professionnels qu'on voudrait autonomes, au même titre que n'importe quel autre professionnel, qui devraient être intégrés dans une équipe, c'est-à-dire qu'à part entière on travaille en équipe. Vous êtes sûrement habitué à travailler en équipe. En santé, c'est la même chose. Si on travaille auprès... Je vais donner un exemple qui est différent pour bien illustrer... Si je travaille avec un enfant handicapé et sa famille, il y a un psychologue, un ergothérapeute, un physiothérapeute, un médecin, un pédiatre, etc., chacun est un professionnel autonome qui vient apporter sa collaboration. Et les parents eux-mêmes sont à ce moment-là des intervenants et des collaborateurs. Si on fait la somme de tout ça, on arrive à un résultat, c'est-à-dire une intervention appropriée. Si on ne fait pas la somme de tout ça et qu'il y a juste un médecin qui intervient - ça, on en a des preuves quotidiennement - ou juste un physiothérapeute, ou juste un psychologue et que les parents sont exclus, ça ne marche pas. Les résultats sont toujours nuls ou décevants. Mais l'équipe qui se constitue et qui travaille d'un commun accord avec respect mutuel, c'est la façon de faire.

Je pense que ça s'applique aussi par rapport à la grossesse, l'accouchement et le suivi postnatal; II s'agit d'équipes. Comment on va les intégrer dans les milieux hospitaliers, dans les CLSC? Quel genre d'autonomie vont-ils avoir? Est-ce qu'ils vont être reliés au CMD? Est-ce qu'ils vont avoir une organisation autonome? J'ai un peu de difficulté. Je pense qu'on doit respecter... Ce qui m'importe, en fait, c'est l'aspect du rôle, l'intégration du rôle dans un processus d'ensemble. La structure qui favorisera ça sera la meilleure. Ça ne vous aide pas plus que ça, mais...

M. Côté (Charlesbourg): Vous ne la connaissez pas, cette structure-là?

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que quelqu'un du groupe veut... Mme Brunelle ou Dr Vézina?

M. Vézina (Michel): Moi, je pense que la structure, c'est... Il n'y a pas une structure unique et, qu'on appelle ça un conseil des médecins, dentistes, pharmaciens et sages-femmes ou qu'on appelle ça le conseil des sages-femmes tout court, l'objectif est le même. L'objectif de ces conseils-là, c'est de s'assurer du respect des critères de compétence, du respect de la qualité de l'acte professionnel en cause et de l'élaboration de normes de pratique professionnelle et de leur suivi de sorte que... et c'est toujours fait, c'est comme ça que ça se fait avec les médecins, par des pairs. Si on dit que, comme on le dit ici, "les sages-femmes sont membres à part entière de l'équipe multidisciplinaire", qu'elles sont des professionnelles autonomes, c'est à elles de déterminer, en fonction, on l'a dit, des critères qui existent sur le plan international, des critères de qualité et de compétence. Ce conseil des sages-femmes ou conseil des médecins et dentistes élargi devrait avoir ça comme mandat, s'assurer que les personnes qui ont recours à ces professionnels-là aient recours à des professionnels qui ont une bonne formation et qui donnent des services de qualité.

La Présidente (Mme Marois): Est ce que vous voulez ajouter quelque chose, Mme Brunelle? Ça va? Merci. Ça va, M. le ministre? Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: J'avais quelques questions, Mme la Présidente, mais je vais faire d'abord un commentaire. Ce qui me frappe dans votre approche, Dr Julien, et même dans l'approche de celui qui est à votre droite, M. Vézina, c'est que j'ai remarqué que c'était toujours des médecins salariés qui étaient ouverts à des mesures nouvelles; ça me frappe. Deuxième chose qui me frappe: Comment ça se fait que vous ayez attendu aussi longtemps pour lancer un tel cri du coeur? Comment ça se lait que vous ayez attendu aussi longtemps pour lancer un appel à la compréhension dans un secteur aussi - Louise, s'il vous plaît! - important? Cela me surprend.

M. Julien: La question est bonne et receva-ble.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Vous la jugez recevable, vous y répondrez donc. Ha, ha, ha!

M. Julien: Vous avez probablement raison en termes de retard d'intervention. Je pense que... Enfin, il faut connaître un peu... Il y a plusieurs aspects à votre question. D'abord, effectivement, plusieurs des signataires sont des médecins salariés.

M. Chevrette: Y en a-t-il qui ne le sont pas?

M. Julien: Moi, je le suis aussi à demi et je suis à l'acte à demi, à peu près. Je suis pédiatre, donc, je ne fais pas d'accouchement, mais je fais quand môme du suivi postnatal, de l'accompagnement de familles qui ont des difficultés et du counseling. Je dois vous dire que si je limitais mes heures aux heures payées par le salaire, je ne dépasserais probablement pas ie cadre des interventions habituelles. Je parle pour moi. En dehors des 35 heures... Les 35 heures me sont bien payées, je dois dire, et ça me permet de dépasser les 35 heures pour pouvoir faire des interventions auprès de familles, qui durent deux et trois heures, sans avoir à demander un salaire. C'est très facilitant.

M. Chevrette: Est-ce que ça fait longtemps que vous avez observé que la profession médicale s'est autant éloignée sur le plan humain de sa responsabilité vis-à-vis de l'accouchement? (20 h 45)

M. Julien: Je pense qu'il y a encore beaucoup de médecins qui, au plan humain, sont extrêmement compétents. Je ne pense pas qu'on doive généraliser de cette façon. Je pense que chaque médecin garde probablement une volonté d'établir des relations humaines - entre guillemets - avec les gens, les patients, les familles. Le système, malheureusement, ne nous facilite pas la tâche, effectivement. La complexité aussi des spécialisations, de la tâche... Pour un omnipratlcien, être compétent dans différents champs, ce n'est pas facile, ça demande beaucoup d'énergie, une formation continue. C'est la même chose pour les spécialistes. Ça a pu permettre... C'est très différent depuis... On nous disait, dans le temps, en formation: Vous allez voir, dans cinq ans, vous allez être dépassés si vous ne vous tenez pas à date Je dois dire qu'aujourd'hui, probablement, al on no se tient pas à date, dans un an, on est dépassé. Ça, ça demande énormément, qu'on le veuille ou pas, et ça peut contribuer à diminuer notre temps d'écoute. Je ne sais pas qui en est responsable - la science en est responsable, le système, etc. - mais ça a pu contribuer à nous enlever en tout cas cette partie-là.

M. Chevrette: Les groupes qui vous ont précédé ont exclu à peu près unanimement le lieu que représente le centre hospitalier comme milieu d'expérimentation. Vous qui lancez un tel cri du coeur, comment se fait-il que vous mainteniez le milieu hospitalier comme lieu d'expérimentation?

M. Julien: Pour plusieurs raisons, dont une en particulier, c'est qu'il y a encore beaucoup de femmes qui veulent accoucher en milieu hospitalier, qui se sentent plus en sécurité. Notre approche est une approche dite globale qui se doit de respecter les gens dans les lieux où ils veulent accoucher. C'est vrai pour l'hôpital, c'est vrai pour d'autres milieux en dehors de l'hôpital, ça pourrait éventuellement être vrai pour les accouchements hors établissement reconnu. L'argumentation la plus fondamentale, c'est le respect des gens dans cette approche. À celles qui veulent accoucher à l'hôpital, je pense qu'on doit offrir des services globaux. Le fait d'aller accoucher à l'hôpital, ça n'exclut pas ce droit à des services intégrés, incluant une sage-femme.

La Présidente (Mme Marois): Moi. je vais nuancer un petit peu. Dans le fond, on disait: Oui, en centre hospitalier, avec bien des réserves, mais si on le fait en centre hospitalier, on voudrait que ce soit un lieu distinct de là où ça se fait d'une façon un peu plus médicalisée, habituellement. Est-ce que c'est aussi votre point de vue à cet égard? C'était celui, entre autres, de la Fédération des infirmiers et infirmières, cet après-midi. Eux disaient: Oui, dans les centres hospitaliers, mais, à ce moment-là, ce sera un lieu qu'on consacrera essentiellement à la naissance, au suivi des grossesses, etc., et qui sera donc un peu particulier à la pratique des sages-femmes. Oui, madame...

Mme Gagné: Je pense que ça aurait l'avantage d'être un lieu distinct, une aile distincte ou une unité, si vous voulez, un centre de maternité à l'intérieur d'un centre hospitalier, parce que l'approche est très différente, la clientèle est très différente, aussi, les besoins sont très différents, les horaires sont très différents. Mais je pense qu'il ne faut pas que ce soit un ghetto à l'intérieur de l'hôpital. Il faudrait vraiment que ce soit accepté d'emblée par le conseil d'administration, par les équipes d'autres professionnels qui sont là. Mais je crois essentiel - je pense que tout le monde est d'accord avec ça - qu'il y ait des projets-pilotes à l'intérieur d'un milieu hospitalier parce que c'est là où la majorité des femmes vont continuer à aller accoucher de toute façon et elles ne devraient

pas être privées pour autant d'avoir accès à ce type de service. La démonstration ne serait pas complète s'il n'y avait pas une démonstration en milieu hospitalier, comme elle ne serait pas complète s'il n'y en avait pas dans d'autres lieux alternatifs.

La Présidente (Mme Marois): Dans d'autres lieux de pratique.

Mme Gagné: Tout à fait.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais continuer mes questions. Compte tenu de...

La Présidente (Mme Marois): Rien ne vous en empêche, cher ami et collègue.

M. Chevrette: C'est ce que je vous souligne comme v?u.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'on peut vous réconcilier?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Je peux m'offrir comme conciliateur, si vous voulez.

Mme Harel: On va proposer le ministre pour arbitrer.

M. Chevrette: Pardon?

La Présidente (Mme Marois): Allez-y, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le ministre, vous seriez peut-être mieux d'en engager un juste pour régler la question de I'ancienneté des infirmières. vous.

Ma question est la suivante. Vous êtes des médecins oeuvrant au niveau d'un DSC, la majorité, à ce moment-là, dans un centre hospitalier. Vous savez comment est structuré un centre hospitalier avec un conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Il y a un conseil d'administration dans un centre hospitalier. Vous avez lu le projet de loi. Quant à la structure, vous ne dites pas un mot. Ça me surprend que vous ne disiez pas un mot sur la structure qui est proposée dans le projet de loi 4 alors que la structure propose un comité de sélection national qui se réfère à un comité de sages-femmes au niveau des centres hospitaliers, qui se réfère à une autorité dépendante, c'est-à-dire que ce conseil dépend d'un autre conseil qui est le conseil d'administration; il y a un conseil exécutif. Comment voyez-vous ça, d'une façon fonctionnelle, une expérience dans un centre hospitalier, parce que vous avez l'air d'y tenir plus que tous les autres groupes jusqu'à date. J'aimerais que vous me disiez comment vous pensez que ça va fonctionner correctement. Est-ce que ce sont les DSC qui devront remplacer tout ça?

Une voix: C'est une bonne idée. Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Vous êtes d'accord?

M. Chevrette: Vous avez eu un réflexe corporatif.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vézlna: On n'excluait pas la pratique, dans notre position à l'extérieur de l'hôpital. On a maintenu, on a mentionné que ça pouvait être à l'hôpital comme dans une maternité. Dans ce sens-là, on est d'accord...

M. Chevrette: Non, mais prenons à l'hôpital, ça fonctionnerait comment?

M. Vézina:... avec le projet de loi qui propose un conseil des sages-femmes qui est responsable, comme je le disais tantôt, du contrôle de l'appréciation de la qualité des actes et qui en réfère au conseil d'administration parce que, ultimement, dans un hôpital, le conseil d'administration est responsable de tout ce qui se passe dans la boîte de sorte qu'à ce moment-là, l'important, comme je le disais tantôt, c'est de trouver un conseil qui garantisse la qualité, qui garantisse à toute personne qui vient accoucher à l'hôpital qu'elle est en droit d'attendre des services de qualité et qu'on puisse se référer à une structure si jamais.

M. Chevrette: Docteur, ne faites pas votre politicien. Question indirecte: Quelle structure vous voyez?

M. Vézina: Conseil des sages-femmes.

M. Chevrette: Je ne vous demande pas de me dire qu'il s'en réfère à une structure, je vous demande quel type de structure à laquelle il devrait se référer.

M. Vézina: C'est celle qui est là, le conseil des sages-femmes qui serait à côté des conseils des médecins et dentistes, à côté du conseil consultatif du personnel clinique et qui relève...

M. Chevrette: Et qui relèverait de qui?

M. Vézina: Qui relève du conseil d'administration. Actuellement, le conseil des médecins et dentistes, le conseil consultatif du personnel clinique, c'est un nouveau conseil. Ce que j'ai compris, c'est un troisième conseil qui vient au monde à l'hôpital; les deux autres marchent bien, pourquoi ce troisième marcherait-il mal?

M. Chevrette: vous êtes d'accord avec la structure proposée dans le projet de loi 4, y compris le conseil exécutif de qui relève le conseil des sages-femmes? est-ce qu'on a lu le même projet de loi?

M. Vézina: Le conseil exécutif, le comité...

M. Chevrette: On va prendre le projet de loi et on va vous le dire. Ce ne sera pas long. Vous savez que, dans un centre hospitalier, le conseil des sages-femmes établit son mode de fonctionnement. D'accord?

M. Vézina: Oui.

M. Chevrette: II relève de qui, le conseil des sages-femmes?

M. Vézina: Le conseil des sages-femmes relève... Il peut se donner un conseil exécutif...

M. Chevrette: II relève du conseil d'administration.

M. Vézina: Du conseil d'administration, comme le conseil des médecins et dentistes, comme le conseil...

M. Chevrette: Les pouvoirs des sages-femmes relèvent de qui à l'intérieur d'un hôpital?

M. Vézina: On dit un comité exécutif comme II y a un comité éxécutif du conseil des médecins et dentistes, comme le comité exécutif du conseil consultatif du personnel clinique. Un conseil regroupe tous les professionnels. Il y a des décisions qui ne peuvent pas se prendre... Il y a des hôpitaux où II y a plus de cent médecins, les décisions ne peuvent pas toujours se prendre à l'assemblée générale. Les gens, pour être plus fonctionnels, conviennent de se donner un exécutif. Ce que je vois là-dedans, c'est que l'ensemble du conseil des sages-femmes, pour être plus efficace, plus fonctionnel, se donne un exécutif qui règle plus les choses courantes, qui s'occupe plus...

M. Chevrette: Avez-vous remarqué, M. le médecin, à l'article 17 du projet de loi que le conseil exécutif n'est pas le conseil exécutif des sages-femmes? C'est un conseil exécutif expressément nommé, dont la composition figure à l'article 17 et non pas ce que vous venez de m'expllquer, à savoir que le conseil exécutif relèverait du conseil exécutif des sages-femmes. Le conseil exécutif, quand vous vous référez à l'article 17, c'est un conseil exécutif spécifique pour contrôler le pouvoir des sages-femmes. Que je sache, ce sont deux sages-femmes, deux médecins, le coordonnateur qui est nommé par le conseil d'administration de l'hôpital...

M. Vézina: Puis un infirmier ou une infirmière.

M. Chevrette:... un infirmier ou une infirmière.

M. Vézina: On a parlé de la nécessité de ne pas marginaliser la pratique des sages -femmes en centre hospitalier. Je trouve que, dans cet article, c'est une mécanique supplémentaire qu'on impose au conseil des sages-femmes, à l'exécutif du conseil des sages-femmes et qu'on n'impose pas aux autres exécutifs.

M. Chevrette: Donc, vous êtes en désaccord avec l'article 17.

M. Vézina: Non, je suis d'accord avec l'article pour favoriser l'intégration des sages-femmes aux autres professionnels dans l'hôpital.

La Présidente (Mme Marois): Pour éviter ce que madame mentionnait tout à l'heure, à savoir que ça se ghettoïse et se marginalise à ce niveau-là aussi. Oui?

M. Chevrette: Une autre question, Mme la Présidente. Êtes-vous en faveur de l'autonomie des sages-femmes?

M. Julien: Dans notre document, c'est assez clair.

M. Chevrette: Comment pouvez-vous soutenir que vous êtes en accord avec l'autonomie des sages-femmes, puis accepter la structure du projet de loi numéro 4?

M. Julien: Je pense que ce dont on parle, c'est une autonomie professionnelle. À partir du moment où elle s'exerce dans un établissement où il y a des règles, il faut que les règles s'appliquent pour tout le monde: les sages-femmes, les médecins, etc. Ça n'empêche pas...

M. Chevrette: je vais vous poser ma question autrement. considérez-vous que le projet de loi numéro 4 assure l'autonomie aux sages-femmes?

M. Julien: Je pense qu'on parle actuellement d'un projet-pilote qui va, éventuellement, définir

la pratique sage-femme dans le milieu. Le type d'autonomie, je pense que c'est difficile de répondre à cette question-là. On est en expérimentation de l'ajout d'une nouvelle ressource qu'on veut autonome. On pense qu'on a besoin d'une étape d'évaluation qui s'appelle, en l'ocurrence. pour les besoins de la cause, un projet pilote ou des projets pilotes. L'évaluation va nous donner beaucoup plus de renseignements sur la faisabilité, quel mode va être le meilleur, comment ça va pouvoir procéder, quel type d'autonomie, etc. Je pense que le projet est, volontairement, un projet d'expérimentation. L'autonomie n'est peut-être pas complète dans la structure, mais comme c'est un projet d'expérimentation, il va nous aider, justement, à préciser avec une évaluation appropriée. Mais je pense que l'évaluation appropriée est extrêmement importante.

M. Chevrette: moi, mme la présidente, je ferais un commentaire pour terminer mon droit de parole. personnellement, je respecte beaucoup plus le point de vue des sages-femmes, en ce sens qu'on doit d'abord créer la corporation ou la vocation ou la profession. ensuite, par des projets-pilotes, on met à l'épreuve cette nouvelle profession. mais ce n'est surtout pas - je suis d'accord avec elles - en lançant des projets-pilotes sans créer cette profession, surtout dans un centre hospitalier, avec ce paquet de structures qui risquent de la faire mourir dans l'oeuf, parce qu'on dira que ça n'a pas été fonctionnel, que ça a provoqué des chicanes, que ça a fait ci, que ça a fait ça. je crois beaucoup plus à l'approche des sages-femmes qu'à l'approche des dsc.

La Présidente (Mme Marois): merci, m. le leader. est-ce qu'il y a d'autres questions? il reste encore quelques minutes au temps de l'autre formation politique. est-ce qu'il y a d'autres questions? non? moi, j'en aurais une, si vous me le permettez. vous parliez tout à l'heure de la formation. évidemment, on a devant nous des gens qui ont été formés en médecine et des gens qui ont pratiqué comme sages-femmes et qui ont une formation de sage-femme. quand on fait sa médecine, combien de temps. à peu près, consacre t on à ce qui concerne le suivi d'une grossesse, avant, pendant et après, et non pas, bien sûr, seulement à l'acte d'accoucher, parce qu'on sait que c'est une approche plus globalisante. je ne veux pas avoir une réponse: on passe 50 heures ou... mais, globalement, est-ce que c'est 10 %, 15 %, 20 % de toute la formation qui est accordée à cette réalité en particulier? et j'aurai une sous-question par la suite.

M. Julien: Personnellement, je pense qu'on ne passe pas de temps au suivi global de la grossesse et de la période périnatale. On passe du temps dans le suivi médical prénatal, le suivi postnatal des bébés à la salle d'accouchement - peu de temps, d'ailleurs, mais on fragmente, comme je l'ai dit tantôt. À votre question, à savoir combien de temps passe-t-on au suivi périnatal global, à mon sens, c'est zéro.

La Présidente (Mme Marois): D'accord Maintenant, Mme Gagné, avez-vous eu une formation de sage-femme?

Mme Gagné: oui. j'ai eu une formation de sage-femme dans le temps où ça se donnait ici à l'hôpital saint-sacrement, pour aller travailler en pays en développement.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Combien de temps passiez-vous... Évidemment, j'imagine que vous abordez d'autres matières ou d'autres éléments de formation que ce qui concerne spécifiquement le suivi d'une grossesse, mais combien de temps passez-vous, à peu près, dans la formation que vous avez eue, à étudier toute cette réalité là. à voir un peu comment devait se faire ce suivi là et tout le reste?

Mme Gagné: Le suivi prénatal?

La Présidente (Mme Marois): Oui, prénatal.

Mme Gagné: L'ensemble?

La Présidente (Mme Marois): C'est ça, dans l'ensemble.

Mme Gagné: L'ensemble. La formation que j'ai reçue avait une forte concentration en pathologie de la grossesse.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. (21 heures)

Mme Gagné: À ce moment-là, il faut se reporter en 1972, au Québec, où, de toute façon, l'accouchement en Cadillac, c'était épldurale, épisiotomie et forceps. Donc, il ne fallait pas que ça détonne trop trop. Puis, j'ai eu une formation d'infirmière. La base d'infirmière, on ne la répétait pas. J'ai eu une formation de neuf mois avec, bien sûr, un stage pratique.

Combien de temps en tout? C'étaient neuf mois qui étaient répartis entre les pathologies de la grossesse, la grossesse normale, pédiatrie, urgence, anesthésie...

La Présidente (Mme Marois): Ce qui est périphérique donc. Ce qui concerne proprement la grossesse, son suivi et ce qui lui est périphérique, à peu près neuf mois.

Mme Gagné: C'est ça, oui.

La Présidente (Mme Marois): Maintenant...

Mme Gagné: Je vous arrête tout de suite, parce qu'une formation spécifique aux sages-femmes, avec entrée directe et sans nécessairement avoir une formation d'infirmière, c'est trois ans. Ce qui est recommandé, c'est d'avoir aussi une période d'internat d'une année. Je pourrais être sous observation, si vous voulez, pendant une année. Donc, c'est beaucoup plus complet que ce qu'on a vu.

La Présidente (Mme Marois): Je pense que le ministre va sûrement me voir venir. Je vais me permettre maintenant un commentaire, si vous me le permettez, particulièrement, madame. Je pense au temps que l'on accorde à cette réalité-là dans une formation de généraliste, versus le temps qu'on lui accorderait, si on prenait pour acquis que la formation sera de trois ans à l'université. Évidemment, on aborderait sûrement d'autres réalités. J'imagine que la formation préparerait particulièrement bien à assumer la fonction.

Oui, voulez-vous commenter cela?

M. Julien: Oui. Après discussion, je voudrais dire que, quand j'ai dit zéro, ça concernait un suivi périnatal global. Je voudrais bien spécifier qu'il y a une formation médicale obstétricale en milieu hospitalier d'autour de trois mois en général. Ce que je mentionne, c'est ce qu'on appelle le suivi périnatal global.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Je vous remercie.

M. le ministre, avez-vous des choses à ajouter? Il vous resterait deux minutes.

M. Côté (Charlesbourg): En terminant, juste pour remercier le Dr Julien, ainsi que les personnes qui l'accompagnent, d'avoir bien voulu se déplacer. Le député de Joliette disait tantôt: C'est un cri du coeur. Moi, j'appelle ça du courage de venir exprimer son opinion et de signer un document. Dans le contexte que vous connaissez, on peut partager ou ne pas partager vos opinions. Je pense que c'est une situation qui est normale. A tout le moins, vous avez le mérite d'être venus l'exprimer devant une commission parlementaire. Vous auriez pu faire comme bien des gens: penser comme vous mais rester à la maison, en laissant à la corporation le soin de défendre les intérêts collectifs. Alors, je vous remercie et vous avez très certainement compris que le projet de loi lui-même, dans sa forme actuelle, n'est pas un projet de loi qui sera proposé à l'Assemblée nationale pour adoption et, nécessairement, des aménagements substantiels qui seront apportés grâce à l'éclairage que tout le monde voudra bien nous donner en commission parlementaire. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie particulièrement de votre présentation. J'aimerais maintenant que nous entendions...

M. Chevrette: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Oui, monsieur.

M. Chevrette: Je voudrais souligner que les travaux de la Chambre seront peut-être ajournés dans quelques minutes. Un massacre, inexplicable, se produit présentement à l'École polytechnique de Montréal. Il y aurait douze morts à date.

La Présidente (Mme Marois): Qu'est-ce que vous racontez?

M. Chevrette: Un "crackpot" a tiré sur une douzaine de personnes: douze morts et une dizaine de blessés. La Chambre ajournera dans quelques minutes. Cependant, on nous demande de continuer les travaux des commissions, compte tenu des groupes qui se sont déplacés. C'est un peu cette raison qui m'a fait sortir.

M. Ryan et M. Gendron vont souligner ce fait à la télé de l'Assemblée nationale. Ici, on nous demande de continuer. Les deux chefs de parti auront un message spécial à l'ouverture de la séance demain. C'est une catastrophe plus grande que celle de l'Assemblée nationale en 1984. Douze décès à date au moins ont été constatés.

La Présidente (Mme Marois): C'est le genre de chose qu'on ne souhaite pas qu'il arrive. Nous allons continuer l'audition des personnes présentes.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, s'il vous plaît! Est-ce que les membres de la commission sont à leur siège? Oui? Quelques secondes. Alors, je répète les règles: 20 minutes pour la présentation, 40 minutes de questions et d'échanges de vues avec vous. Vous nous présentez les gens qui vont défendre votre point de vue, s'il vous plaît.

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec

M. Richer (Clément): Très bien, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, dans la délégation qui m'accompagne, il y a le Dr Marie Girard, qui est présidente de l'Association des médecins omnipraticiens de Québec et qui est deuxième vice-présidente à la Fédération; le Dr Boileau, à l'extrême droite, qui est un médecin omnipraticien, directeur des communications; le Dr Georges-Henri Gagnon, à ma gauche, qui est médecin omnipraticien, directeur des affaires professionnelles.

On a la qualité de médecins omnipraticiens. De toute évidence, on n'est pas une corporation, M. le ministre, mais on va essayer de défendre

nos intérêts quand môme. Je dois vous dire qu'à nous quatre dans notre carrière, on représente quand même 3000 accouchements et peut-être un peu plus que ça. On est assez vieux, le Dr Gagnon et moi, pour avoir fait une centaine d'accouchements à domicile, lui en périphérie de Rimouski et, moi, à Montréal, dans un quartier tout à fait résidentiel, tout près de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Donc, on a une certaine expérience dans les accouchements et on va essayer d'en parler un petit peu.

Une voix:...

M. Richer: Le Dr Boileau aussi. On a le même âge, ce qui fait qu'il a eu le temps d'en faire à domicile aussi.

Tout d'abord, je vous dépose la demande, Mme la Présidente, d'inscrire notre mémoire au Journal des débats. Je ne lirai pas notre mémoire, je pense que c'est déjà fait.

La Présidente (Mme Marois): Ceci se fait automatiquement.

M. Richer: Parfait. Je vais faire quelques remarques générales et, par la suite, quelques remarques sur le projet de loi 4 pour terminer avec certaines interrogations. Le tout sera suffisamment court pour nous permettre d'avoir le temps d'échanger un peu par la suite.

Vous savez que le concept d'obstétrique a évolué énormément depuis les 30 ans que je suis médecin. Auparavant, l'obstétrique, c'est vrai, c'était la notion qui se rapportait à la grossesse et à l'accouchement. On faisait d'ailleurs un cours, un stage en obstétrique, et c'était surtout relié à la grossesse et à l'accouchement. Maintenant, on évolue graduellement depuis quelques années vers le concept beaucoup plus large de périnatalité. Cela consiste à s'occuper des soins médicaux qui sont requis avant la naissance, à la naissance, après la naissance et à s'occuper aussi de cette espèce d'ensemble, l'agglomérat parents enfants. C'est ça la périnatalité.

Nous, on pense que le médecin omnipraticien est le professionnel dont la formation est probablement la plus appropriée pour pratiquer en périnatalité, surtout maintenant qu'après des longs débats on a obtenu une formation complémentaire en omnipratique. Cela nous a pris quinze ans à convaincre les autorités gouvernementales d'allonger notre cours de médecine et de faire deux années de résidence plutôt qu'une, justement pour acquérir une meilleure formation et, entre autres choses, en obstétrique. Il y avait l'urgence, la gériatrie qui étaient importantes, mais il y avait également pour l'omnipraticien, le médecin de famille, le fait de devoir présider au début de la formation de la famille. Pour nous, c'était Important.

Vous savez, on n'en fait peut-être plus beaucoup d'accouchements et il y a une diminution des médecins omnipraticiens, mais plus ou moins 50 % des accouchements par voie vaginale sont faits par des médecins omnipraticiens au Québec. On n'en parle nulle part, mais c'est un fait. Il y a une augmentation des femmes omnipraticiens en périnatalité. On est passé de 8, 3 % en 1981 à 13. 9 % de femmes qui font de l'obstétrique chez les médecins omnipraticiens.

La Présidente (Mme Marois): Je m'excuse, je n'ai pas entendu.

M. Richer: 8, 3 %. Ce sont des études que je peux vous fournir, ce ne sont pas des études à venir, j'en al des copies. Si cela vous agrée, ces études-là sont toutes ici.

La Présidente (Mme Marois): de 8, 3 % à 13, 9 %, est-ce bien ça?

M. Richer: De 8, 3 % à 13, 9 % sur une période de cinq ans, de 1981 à 1986. Les omnipraticiens sont évidemment les professionnels de la santé les plus répartis sur le territoire du Québec. Je vous ferai remarquer qu'il y a encore 38 % des omnipraticiens qui pratiquent l'obstétrique en milieu urbain. Je devrais dire périnatalité, mais l'un ou l'autre, peu importe. C'est donc qu'il y en a 62 % qui pratiquent en milieu non urbain. C'est à considérer pour un territoire aussi vaste que le nôtre, avec une population aussi peu dense.

Il y a une diminution de l'âge moyen. Il n'y a plus d'omnipraticiens qui veulent faire de l'obstétrique. Cependant, ce sont des études sérieuses, elles sont faites même par un département de santé communautaire. Ça doit être sérieux. Il y a une diminution de l'âge moyen des médecins omnipraticiens accoucheurs au Québec. Cet âge est passé de 43, 5 ans à 40, 1 ans. C'est donc un apport nouveau de médecins. Je pense quo le médecin omnipraticien a participé également à l'augmentation de l'humanisation des soins. C'est vrai qu'il y avait peut-être Intérêt à humaniser davantage les soins et on a essayé de le faire. Les omnipraticiens ont été peut-être les premiers à s'impliquer sérieusement dans ce domaine. Pensez à l'hôpital Fleury à Montréal, pensez à l'hôpital Pierre-Boucher, à la Cité de la santé où il se fait beaucoup trop d'accouchements d'ailleurs, à l'hôpital Christ-Roi ici à Québec. Je pense qu'on a tenté de participer à cet effort et on est prêt à continuer.

Quant au projet de loi 4, la Fédération est opposée à ce projet-là, totalement. Pourquoi? Pour nous autres, il n'y a eu aucune démonstration valable du besoin d'un nouvel intervenant en périnatalité. Il y a le taux de mortalité maternelle jo n'y reviendrai pas, ce sont dos chiffres que vous vous êtes fait sans doute

répéter - le taux de mortalité infantile... Le Québec est la province où ce taux est le meilleur au Canada. On a un championnat pour une fois et c'en est un bon celui-là, on le souhaite. Notre taux de mortalité infantile est parmi les plus bas au monde des pays industrialisés et cela, avec l'équipe actuelle. De la sorte, on dit qu'il n'y a pas un besoin évident qui a été démontré, à notre satisfaction en tout cas.

On trouve que la loi a beaucoup de caractères d'exception. D'abord, la loi repose sur des clauses "nonobstant", c'est populaire de ce temps-là: Nonobstant la Loi médicale, nonobstant la Loi sur les infirmières et les infirmiers. On fait abstraction de certaines lois. On crée une deuxième structure dans un hôpital - on pourra en parler de structures tout à l'heure - une deuxième structure hospitalière pour un même service rendu à la population. On crée un service de maternité à côté d'un service d'obstétrique ou de périnatalogie, un service de maternité pour les sages-femmes, un service d'obstétrique et de périnatalogie pour les médecins, et ce, dans la même boîte complexe d'opération. Ça m'apparaît un peu utopique.

On crée un nouveau conseil, une nouvelle sorte de choses, un conseil des sages-femmes parallèle au CMDP. On peut faire le CMDPSF probablement, mais on a créé un conseil des sages-femmes et on a nommé au préalable un exécutif. Cet exécutif, qui est censé représenter la communauté des sages-femmes, si vous voulez, comprend également deux médecins. Je trouve ça un petit peu paradoxal. Entre autres choses, ce conseil de sages-femmes aura la responsabilité d'élaborer des règles de soins. Comme vous le savez, ces règles font l'objet de plusieurs discussions dans un hôpital et on se demande si cette nouvelle structure va élaborer des règles do soins qui vont être conformes, ou parallèles, ou quoi, aux règles de soins qui sont élaborées dans les départements médicaux.

Il y a certaines interrogations aussi pour lesquelles je ne trouve pas de réponse. Je les pose tout simplement. Peut-être j'ai mal lu le projet de loi, mais est-ce qu'il y aura vraiment une différence sur le plan juridique entre une sage-femme et un médecin en termes d'exercice professionnel? Par quels mécanismes les projets-pilotes seront-ils approuvés? Est-ce que la sage-femme va être autonome, semi-autonome? Sous quelle autorité va-t-elle agir? Comment partage-ra-t-on la responsabilité professionnelle? Quelle partie du budget cela prendra, qui pourrait être employée, bien sûr, à corriger certains problèmes dans le réseau? Quelle partie du budget pourra être affectée à cette solution qu'on appelle, nous autres, une solution à la recherche d'un problème, parce qu'on ne voit pas le problème encore? Pourquoi fragmenter l'exercice de la médecine au Québec?

On pense qu'il serait peut-être plus logique de continuer à favoriser la globalité, l'omniprati-que dans la foulée des ententes qu'on négocie avec le ministère depuis plusieurs années. C'est pour ça qu'en conclusion, Mme la Présidente, la Fédération s'oppose au projet de loi 4. Cependant, la Fédération serait ouverte à ce qu'une politique cohérente de périnatalité soit développée par le ministère. La Fédération collaborerait très certainement à travailler à l'élaboration de cette politique.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le président. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Quelque chose me parait important à ce moment-ci, puisque je pense qu'on est dans une deuxième phase de cette commission parlementaire. Nous en avons connu une première et vous avez l'avantage d'être de la deuxième. À la fois, il y a des avantages et des désavantages à pouvoir exprimer votre point de vue ayant entendu l'autre point de vue, je serais même porté à dire l'autre côté de la médaille. (21 h 15)

II me semble extrêmement important de prendre quelques minutes pour au moins exprimer très clairement un certain nombre de choses, à ce moment-ci, avant de passer à la période de questions. Je veux rappeler ce qu'est le projet de loi, peu importe si c'est le projet de loi 4, peu importe si c'est un projet de loi modifié. D'ailleurs, ce n'est un secret pour personne maintenant. Dans toutes les rencontres que j'ai eues avec des fédérations ou des corporations, j'ai toujours dit: II y aura un projet de loi. Je ne l'ai jamais caché et il y aura des projets-pilotes. Donc, à partir de ce moment-là, je le répète, c'est très clair pour moi.

Le projet de loi, celui qui est devant nous ou celui à venir, n'a pas eu et n'aura pas pour conséquence de limiter, premièrement, la responsabilité des médecins en regard de la pathologie et du caractère anormal des grossesses et des accouchements; deuxièmement, la possibilité pour les médecins de suivre et d'effectuer des accouchements normaux. Il ne fait et il ne fera qu'offrir une alternative aux femmes. Troisièmement, ce n'est pas l'État ni l'établissement, mais la femme elle-même qui choisira le mode d'intervention qu'elle préférera. Quatrièmement, il n'est pas question d'obliger quelque établissement que ce soit à démarrer un projet-pilote; un tel projet sera librement soumis par les établissements qui le désirent.

Pour la réalisation des projets-pilotes, il me semble que deux conditions sont essentielles: premièrement, offrir une autonomie certaine aux sages-femmes et, deuxièmement, assurer le support médical lorsque requis. Pour moi, le deuxième point est tout aussi important que le premier. Je sais, à la lecture...

M. Chevrette: SI M. le ministre me le permettait.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Chevrette: Tout en comptant ça sur mon temps.

La Présidente (Mme Marois): Comme c'est Mme la Présidente, Je vais vous le permettre quand même. On va finir par s'y habituer, enfin.

M. Chevrette: On en a déjà eu, madame. C'est juste parce qu'on se trompe.

La Présidente (Mme Marois): Oui, ça arrive comme ça à l'occasion. Ha, ha, ha! Vous avez remarqué que ce n'est pas mon cas.

M. Chevrette: Est-ce que le ministre me permet sur sa question...

M. Côté (Charlesbourg): Je n'avais pas fini. M. Chevrette: C'est sur un point précis. M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Chevrette: Ça compterait sur mon temps, parce que vous venez d'affirmer des choses qui ne font pas partie du projet de loi comme tel.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais je...

M. Chevrette: Étant donné que ce sont des consultations sur le projet de loi, II faut comprendre que les gens se sont préparés en fonction de ce projet de loi.

M. Côté (Charlesbourg): J'y arrive. Si vous voulez me le permettre, j'y arrive.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre, si vous êtes d'accord?

M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, il a toujours été clair dans mon esprit qu'il fallait avoir cet exercice. Si on a un exercice qui ne débouche pas sur autre chose que le projet de loi, bien, n'ayons pas cet exercice. Si on pensait que, dans le projet de loi 4, on avait la vérité et qu'elle était absolue, ne tenons pas de commission parlementaire et allons de l'autre côté dans le grand salon finir le travail. Je pense que c'est pour le bonifier qu'on est ici et pour tenir compte des expériences de chacun.

Je terminerai en disant qu'il est évident que plusieurs points de ce projet de loi sont des irritants pour les médecins. C'est pour ça qu'on est dans la deuxième phase et je tenais à le dire à ce moment-ci. Premièrement, il y a le champ de pratique des sages-femmes et, deuxièmement, les structures d'encadrement de la pratique des sages-femmes en centres hospitaliers pour le moment et les privilèges d'admission des sages-femmes dans les centres hospitaliers. Je le fais très ouvertement et très volontairement. Comme on a dit qu'il y aurait un projet de loi, qu'il y aurait des expériences et qu'on connaît une bonne partie des propos de chacun, moi, j'aimerais connaître, ce sera ma première question, de vous qui avez une vaste expérience - à quatre, 2000 accouchements, c'est autant que des sages-femmes nous disaient avoir fait aujourd'hui et Je constate qu'il y a au moins des "sages-hommes* là-dedans - comment on peut faire pour corriger ces irritants tout en respectant les deux conditions que j'ai évoquées tantôt et qui me paraissent essentielles. Est-ce impossible ou est-ce possible? Est-ce que vous avez la volonté de le faire ou n'avez-vous pas la volonté de le faire?

M. Richer: Ça ne se pose pas tellement pour nous autres, M. le ministre, en termes d'irritants ou non. En fait, on ne croit pas aux sages-femmes, littéralement. On n'a pas la preuve qu'il y a un besoin pour des sages-femmes au Québec, avec les statistiques auxquelles on est parvenu maintenant. On pense que le médecin omnipraticien a une formation. Indépendamment de ce que nos prédécesseurs peuvent avoir dit, on pense que les médecins omnipratlciens ont une formation qui leur permet d'agir en périnata-lité. S'il faut l'améliorer, la formation, on est d'accord. En fait, on l'a demandé et obtenu, d'allonger le temps de la résidence. Mais ce n'est pas en termes véritables.

Il ne faut pas penser que les omnipratlciens craignent que les accouchements ne soient dorénavant le champ exclusif de pratique des sages-femmes. Il y a un danger bien plus grand que ça qui existe pour les omnipraticiens; en fait, c'est la baisse du taux de la natalité au Québec. Les sages-femmes, aux États-Unis, c'est légal depuis plusieurs années. Elles font moins de 4 % des accouchements aux États-Unis. Donc, ce n'est pas parce que les sages-femmes feraient 4 % de 80 000 accouchements, c'est-à-dire 3200 accouchements, que ça va changer grand-chose dans notre affaire. Il ne faut pas entendre uniquement ce point-là quand on parie de ça. Comme médecins, on a été formés à l'université, peut-être à tort, à être les avocats de nos patients et on pense... On a appris ça. Or, peut-être qu'on a mal appris des choses. On a appris que les actes médicaux devaient être posés par des médecins; comme les ponts, c'est peut-être mieux qu'ils soient construits par des ingénieurs. C'est dans ce sens-là. C'est pour ça que ce ne sont pas des irritants, c'est le projet de loi en soi qui, pour nous autres, n'est pas utile.

M. Côté (Charlesbourg): C'est très Intéres-

sant de vous entendre parce que vous dites: On ne croit pas aux sages-femmes, on n'en a pas besoin. Est-ce qu'on n'en a pas besoin ou si on n'y croit pas, tout simplement? Et comment est-ce qu'on peut expliquer qu'au Québec on n'y croie pas, alors qu'à travers le monde on y croit?

M. Richer: Oui, ça, c'est vrai. Il y a 208 pays qui en ont. Il y a juste nous autres et d'autres pays...

M. Côté (Charlesbourg): II y en avait huit, là...

La Présidente (Mme Marois): II semble, huit pays, et nous sommes parmi les exceptions.

M. Richer: C'est ça. Mais ce qu'on oublie de regarder aussi, c'est que, dans la plupart des pays, en particulier en Europe... Ça aussi, il y a une étude que j'ai ici, si vous voulez, une étude qui a été faite sur la pratique des sages-femmes... En Europe, ça régresse partout, les sages-femmes; en France, en particulier. Bien sûr, il y a 300 ans, il y avait beaucoup de sages-femmes, il y avait presque rien que ça. Il n'y avait pas d'hôpitaux, il n'y avait pas de cliniques, il n'y avait pas de médecins. Maintenant qu'il y a des hôpitaux, des cliniques et des médecins, il y a un retour de la femme enceinte vers la clinique. L'accouchement clinique prend une popularité; c'est en voie ascendante. En République fédérale allemande, il y a une diminution de l'utilisation de la sage-femme. Môme en Angleterre, il y a une diminution de l'utilisation de la sage-femme. De sorte que, c'est comme si on partait, nous autres, pour se doter d'une structure... Dans les autres pays qui en ont eu besoin - parce qu'il faut admettre qu'au Xllle siècle, ici, il n'y avait probablement pas beaucoup de Canadiens, pas beaucoup d'entre nous, en tout cas - il fallait qu'il y ait un autre mécanisme, II n'y en avait pas, de médecins. Mais depuis que ça existe, cette affaire-là, de moins en moins de pays européens ont recours aux sages-femmes.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, dans ce genre de discussion, on prend toujours les exemples qui satisfont notre cause, de part et d'autre. Tout ce qu'on a entendu depuis le matin, et j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est qu'on doit davantage aller maintenant, en présupposant que ça n'a pas nécessairement été le cas auparavant, vers la globalité: l'avant, le pendant et l'après. Et des conclusions que je tire de ce que j'ai entendu cet après-midi, ce n'est pas tellement vos préoccupations, l'avant et l'après. Le pendant, c'est votre préoccupation. L'avant et l'après, vous laissez ça à d'autres. C'est vrai ou ce n'est pas vrai?

M. Richer: Non, je suis complètement en désaccord. Vous avez entendu parler un pédiatre et un médecin en santé communautaire pour lesquels j'ai beaucoup de respect. Sauf que, M. le ministre...

M. Côté (Charlesbourg): Pas seulement eux autres...

La Présidente (Mme Marois): Parce que, cet après-midi, d'autres...

M. Richer: Peut-être. Mais, moi, je les ai entendus, ceux-là, et je vois leurs arguments.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

M. Richer: Mais, moi, j'en al fait un cours de médecine. Et quand j'étais en résidence, je le savais que je m'en allais en omnipratique. Si mon collègue qui était à côté de moi s'en allait en neurochirurgie, II me disait: Clément, si tu veux faire des accouchements dans le département, dans le service, fais-les; moi, je n'en ferai jamais, je m'en vais en neurochirurgie. Alors, lui, peut-être que, parce qu'il s'en allait en pédiatrie, il a laissé son collègue à lui faire des accouchements. De sorte que, moi, je calcule avoir eu une bonne préparation en obstétrique et ça se fait encore. Ça se fait encore, une bonne préparation en obstétrique. On a voulu l'améliorer, mais il y a encore une bonne préparation. Je pense qu'on ne peut pas nier le fait que le cours de médecine, au Québec, est un cours de médecine adéquat. Il peut sans doute être amélioré. C'est perfectible. Tout est perfectible. Mais quand on dit qu'on passe un certain nombre d'heures... Par rapport à trois ans pour la sage-femme en formation, il faut dire qu'on passe cinq ans à apprendre la médecine. Le cours est rendu à sept ans, maintenant. Bon! Bien, pendant ces sept ans-là, même si ce n'est pas uniquement de l'obstétrique ou le système gynéco-obstétrical qu'on apprend, on apprend la physiologie en générai; on n'impute pas ça à l'apprentissage de l'obstétrique. On apprend de la neurologie; on n'impute pas ça à l'apprentissage de l'obstétrique, mais tout est relié là-dedans, dans le corps humain. De sorte qu'il faut quand même répartir les choses et voir que notre formation est beaucoup plus grande que le nombre d'heures mis spécifiquement à l'obstétrique.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je ne sais pas si j'ai vu ça dans le mémoire. Corrigez-moi si j'ai tort ou si je fais une affirmation saugrenue par rapport à ce qu'il y a dans votre document. Je suis habitué de me faire corriger, donc...

M. Richer: Pas de problème.

M. Côté (Charlesbourg):... tout ce qui peut m'arriver, c'est de rougir.

La Président» (Mme Marois): II ne hait pas ça, des fois.

M. Côté (Charlesbourg): Je ne hais pas ça, je l'ai toujours dit, j'étais rouge partout. Est-ce que j'ai vu quelque part, dans un document, sur le plan d'une affirmation, que l'intégration des sages-femmes serait préjudiciable à la santé des mères et des enfants?

M. Richer: Quoi? À la santé? M. Côté (Charlesbourg): Oui. Une voix: Serait préjudiciable.

M. Côté (Charlesbourg): Préjudiciable à la santé des mères et des enfants.

M. Richer: Vous l'avez peut-être vu, mais pas dans notre document. Je ne pense pas qu'on ait écrit un document à cet effet-là.

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je l'ai vu ailleurs. Ce sera les prochains qui vous suivent. Alors, c'est peut-être là que je l'ai...

La Présidente (Mme Marois): Prenez avis de la question.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. C'est peut-être là où je l'ai vu, mais je vous pose la question. Est-ce que ce serait préjudiciable?

M. Richer: Moi, avec la façon dont j'ai été formé, je serais porté à croire que oui, éventuellement, on va avoir des problèmes. Je me demande, moi, si on pense... Parce qu'on ne vit pas dans un monde utopique et on ne peut pas créer de toutes pièces une structure, l'imposer et dire aux médecins: Vous allez collaborer. Nous, on est très peu touchés là-dedans, on fait des accouchements normaux, comme des sages-femmes. On va continuer à en faire, comme vous nous l'avez assuré, et la pratique va continuer. On a très peu à offrir de collaboration aux sages-femmes puisqu'on fait exactement la même chose qu'elles. Quand on a un accouchement anormal, évidemment, on se réfère à un confrère spécialiste, nous. Alors, on n'est pas... Je ne sais pas comment on pourrait les aider.

Dans l'enseignement? Non, parce qu'on a beaucoup de difficultés, nous autres mêmes, à s'auto-enseigner, actuellement. On essaie de prendre de plus en plus de place pour former d'autres médecins omnipraticiens, de sorte que nos énergies sont dévouées à l'enseignement pour les médecins omnipraticiens.

M. Côté (Charlesbourg): O. K. Dr Richer, tantôt, vous avez évoqué des expériences européennes où peut-être qu'au Xllle siècle II y avait une pratique plus Intense, compte tenu de la rareté des médecins, j'imagine, à l'époque, et peut-être aussi des territoires moins peuplés, plus isolés un peu et qu'on n'avait pas cette expérience-là au niveau du Canada et du Québec. par contre, en lisant un peu de "littérature" sur ce qui s'est passé aux états-unis, où ils sont arrivés à peu près en même temps que nous autres, il y a des expériences un petit peu partout qui se sont produites dans différents états et qui semblent donner des résultats pas si mauvais que ça. vous avez vous-même cité que 4 % des accouchements aux états-unis étaient faits par des sages-femmes et qu'au bout de la ligne il n'y aurait à peu près rien là s'il y avait 4 % des accouchements au québec qui étaient faits par des sages-femmes. alors, si ç'a été bon aux etats-unis et que ça n'a pas créé de catastrophe, qu'est ce qui fait que ce ne serait pas bon chez nous de le faire, compte tenu du fait...

M. Richer: Oui.

M. Côté (Charlesbourg):... il faut bien l'admettre, qu'il y a une volonté aussi de la part des femmes que les sages-femmes puissent pratiquer leur métier légalement?

M. Richer: oui, oui, ça... remarquez que je respecte la volonté des autres. je viens ici pour vous donner mon opinion, mais dans le respect de la volonté des autres, sauf que si c'est demandé ici... pour, disons, prendre votre question en miroir, si les femmes d'ici demandent tellement de sages-femmes, ça devait être la même chose aux états-unis et ils en ont eu, aux états-unis. mais on se rend compte que c'est 4 % qui les utilise. alors, c'est une grosse structure... ce sont plusieurs millions de dollars, m. le ministre, à mettre en marche pour 4 % de la population. je ne dis pas qu'on ne doit pas le faire, si on a les sous, si on peut se payer ce luxe là. mais je pense qu'il y a des priorités qu'on devrait peut-être regarder. aux états-unis, vous savez, m. le ministre, les visites prénatales qui sont faites par les sages-femmes ont une durée de quinze minutes, la première étant généralement de trente minutes. et selon les sages-femmes elles-mêmes, interviewées, toujours dans la même étude que je pourrai vous passer, il y a trop peu de temps alloué aux échanges entre les patientes et les sages-femmes. peut-être que c'est une amélioration, mais on constate qu'il y a une tendance, également, à l'augmentation de la technologie et à l'augmentation des interventions. les sages-femmes deviennent de plus en plus proches de la technologie, c'est normal. tout le monde médical devient... la

technologie, l'évolution de la science fait que la technologie nous aide, si vous voulez, jusqu'à un certain point. Les sages-femmes qui sont dans cet environnement-là aux États-Unis se servent davantage de la technologie et, de ce fait, elles ressemblent énormément, dans le type de leur pratique, à ce que fait un médecin omnipraticien avec une patiente enceinte. Elle n'offre que très peu de suivi. Il y a des quarts de travail. À 4 heures de l'après-midi, un peu comme une infirmière, c'est normal aussi, ça se comprend, la sage-femme a fini son quart de travail; c'est une autre sage-femme qui accouche. La continuité des soins est assurée comme si c'était un groupe de trois ou quatre médecins qui donneraient des services obstétricaux à des patientes.

On ne crée pas un monde Idéal parce qu'il y a des sages-femmes, en termes de continuité, de globalité des soins. (21 h 30)

La Présidente (Mme Marois): Je crois que le docteur Boileau veut intervenir. C'est ça?

M. Boileau (Georges): Voici, Mme la Présidente, il faut être prudent quand on parle des États-Unis. On a l'Impression que, parce qu'on a les mêmes télévisions et les mêmes autos, la situation est la même dans tous les domaines. Dans le domaine de la santé aux États-Unis, les médecins omnipraticiens ne représentent qu'environ 15 % de la population médicale. Donc, II y a très peu de médecins omnlpraticiens disponibles pour faire des accouchements aux États-Unis. Ici, au Québec, c'est autour de 50 %, d'ailleurs comme dans toutes les autres provinces. Mais c'est très difficile de faire une comparaison globale entre le Canada et les États-Unis en termes d'effectifs médicaux. Quand on parle des "primary care physiciens" aux États-Unis, ça représente 40 % de la population, mais dans l'ensemble de la population médicale, il n'y a que 15 % de médecins omnlpratlciens.

M. Côté (Charlesbourg): Dr Richer, tout à l'heure je vous ai entendu dire que si on avait de l'argent à investir, vous présupposez que ça coûterait, avec les expériences-pilotes, plus cher que ça ne coûte aujourd'hui, alors que, très certainement, les sages-femmes seraient rémunérées de manière moins importante sur le plan financier que le sont les médecins. J'aimerais peut-être vous entendre un petit peu plus là-dessus parce que, évidemment, je le prends avec beaucoup... Parce que les études, on se l'est dit tantôt... La vôtre, j'aimerais l'avoir au cas où je ne l'aurais pas. L'expérience ontarienne nous dit qu'il y a 270 $ d'économie par accouchement si c'est une sage-femme. Je le donne comme ça pour fins de discussion. Je ne voudrais pas, demain matin, être cité comme ayant dit la vérité si ce n'est pas la vérité.

M. Richer: Je n'ai pas les chiffres dont vous me parlez. II est possible qu'il y ait une économie sur un nombre d'accouchements si on le prend au prorata de l'accouchement. Mais je pense qu'au Québec la médecine à honoraires fixes est possible presque uniquement parce qu'il y a des médecins à l'acte et vice versa, si vous voulez, parce qu'on a un choix entre les deux. Parce que si on n'était, tous les médecins, que rémunérés à honoraires fixes, II y a quelques ministres avant vous qui ont fait le décompte de ça et il paraît que ça ne serait pas très très rentable pour le Trésor du ministère. Il y a bien des ministres... Depuis M. Castonguay qu'on se fait dire ça. Mais mettre tous les médecins à honoraires fixes... On n'est pas plus vertueux que les autres; probablement qu'on va travailler 35 heures par semaine et, après ça, ça va être du temps supplémentaire et on va demander d'être payés à temps et demi et à temps double, je ne sais quoi. On négociera ensemble à ce moment-là. On n'est pas plus vertueux que personne et la médecine a honoraires fixes au Québec, elle est Intégrée dans le système parce qu'il y a des médecins à l'acte et vice versa. C'est facile parce qu'on a les deux sortes. Même si un CLSC ferme a cinq heures à côté de chez nous, ce n'est pas grave parce qu'il y a une clinique où il y a sûrement un médecin qui reste ouverte. Et à l'hôpital en face, II y a des médecins aussi qui travaillent à l'urgence. Mais si tout le monde est à honoraires fixes, peut-être que tout le monde va vouloir fermer à cinq heures. Évidemment, la loi va faire que les hôpitaux vont être ouverts quand même et, donc, il va falloir qu'on paie du temps supplémentaire. C'est 168 heures, le problème, la semaine en médecine, pas partout mais dans tous les hôpitaux du Québec. Vous le savez, on a assez de misère à en trouver pour combler tous les services d'urgence.

M. Côté (Charlesbourg): II y a mon collègue de Verdun qui avait une question. Comme il reste peu de temps...

M. Gautrin: Brièvement, Mme la Présidente, moi, j'aimerais revenir sur une question qui me préoccupe et qui est la formation des sages-femmes. Je pense que le ministre l'a dit, on va probablement aller de l'avant avec une expérience-pilote pour les sages-femmes. Pour vous qui êtes des spécialistes qui, quand même, êtes des médecins, quelle serait la formation que vous verriez ou qui, disons, assurerait la sécurité? Quelle formation souhaiteriez-vous que les sages-femmes aient?

M. Richer: La formation d'un médecin omnipraticien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Oui, je comprends. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): II y a au moins une chose dont on va convenir, c'est que votre position est très claire. N'est-ce pas? Alors, ça va, M. le député de Verdun? M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Mol, ]e voudrais d'abord demander au Dr Richer, si c'est des pinottes, 4 %, comment se fait-il que vous y teniez tant? Si ce sont des plnottes pour vous, 4 % seulement qui serait fait par les sages-femmes, comment se fait-il que vous y teniez tant?

M. Richer: Ah! non, non! Ce n'est pas ça que je dis, M. Chevrette. Je dis, comprenez-moi bien, que ce qui menace les médecins, si on le prend comme ça - on parlait des Irritants tout à l'heure avec M. Côté - s'il y a quelque chose qui menace le volume d'accouchements faits par les médecins, ça n'est pas les sages-femmes en sol, c'est la baisse de la natalité. Regardez comment cela a baissé. Cela a baissé de beaucoup plus que 4 % dans les quinze dernières années et ça, c'est un phénomène auquel on doit probablement s'attaquer comme société pour essayer, si vous voulez, de restaurer un petit peu le niveau de natalité au Québec. Alors, cela, en soi, c'est un problème qui est plus menaçant. Ce n'est pas le fait que je ne considère pas comme importants ces 4 % d'accouchements-là, pas du tout. Je constate les deux phénomènes et je compare l'un par rapport à l'autre et je dis que l'autre est beaucoup plus important que ces 4 %.

M. Chevrette: Comment expliquez-vous qu'autant de gynécologues et même d'omnls abandonnent l'obstétrique comme telle?

M. Richer: Comme Je vous disais iI y peut-être des omnis - c'est vrai, on fait un gros plat de cela - qui abandonnent l'obstétrique. Il y en plusieurs qui commencent à faire de l'obstétrique qui... C'est un cycle qui s'établit. Vous savez, on est 7000 omnipraticiens au Québec. SI on faisait tous de l'obstétrique, on ferait dix accouchements par année chacun. Il y a 75 000 accouchements. Là, je ne compte pas les 400 obstétriciens-gynécologues. De sorte que la médecine aujourd'hui, c'est sectorisé. C'est peut-être une... Il y a des avantages certainement pour la qualité en général, et la qualité de vie du médecin et la qualité de la pratique, mais il y a quand même au-delà de 700... Encore là, ce sont des chiffres d'aujourd'hui, il y a 798 médecins omnipraticlens qui font de l'obstétrique et qui font une moyenne de 38 accouchements par médecin. Ce n'est pas six ou sept, on les exclut ceux-là, ce sont des accoucheurs occasionnels. C'est quand même un nombre important. Il y a 400 obstétriciens-gynécologues en plus, dont la majorité fait des accouchements, de toute évidence.

On a une petite population au Québec. À ce nombre d'accoucheurs bien répartis sur le territoire, je pense qu'on ne manque pas d'effectifs pour accoucher. Qu'il y ait des gens qui quittent, c'est vrai, mais il y a un renouvellement, si vous voulez, du personnel médical.

M. Chevrette: Mais s'il y a un désir aussi fort, Dr Richer, de la part de l'élément féminin qui, me dit-on, au dernier sondage, à 60%, désirait la venue des sages-femmes, en particulier en raison de la façon humanitaire avec laquelle se ferait l'accouchement, qu'est-ce que vous avez à répondre à ça?

M. Richer: Je pense que si on veut avoir des accouchements qui sont plus humanitaires, il va falloir qu'on ait une formation qui nous permette de le faire à l'université, qui nous incite à faire cela. Je pense que le médecin peut être aussi humanitaire qu'une sage-femme. Je ne connais pas les tarifs chargés. On me dit que c'est entre 500 $ et 700 $. Si le ministre veut nous payer entre 500 $ et 700 $, peut-être qu'il va y avoir de l'humanité pour 500 $ à 700 $, je ne le sais pas. Probablement que toutes ces choses-là peuvent être reconsidérées. Vous savez que le tarif de rémunération d'un accouchement pour un médecin omnipraticien, c'est 225 $. Je ne dis pas ça parce que c'est mauvais en soi, mais je dis qu'il faut placer les choses dans leur juste perspective. Je pense que les actes médicaux qui sont faits par les médecins, autant obstétriciens qu'omnipraticiens, ne sont pas dénués d'humanité parce qu'ils sont faits par les médecins. Je ne me suis jamais considéré comme étant moins humain ou plus humain dans mon approche avec un patient parce que Je tape plus ou moins longtemps dans le dos. Il y a des gens qui demandent beaucoup plus de temps que d'autres pour avoir une compréhension de leur problème, je pense que cela leur est accordé en général, et il y en a que c'est moins de temps. On ne peut pas donner du temps juste pour en donner non plus.

La Présidente (Mme Marois). Dr Gagnon, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Gagnon (Georges-Henri): Je pourrais peut-être faire une petite intervention étant donné qu'il semble que les gens qui viennent de Rimouski ne sont pas tous de la même opinion parce que les gens qui sont passés avant moi venaient aussi de Rimouski, le Dr Vézlna et Mme Gagné. On n'est pas tous sur la même longueur d'onde.

Ce que je voulais dire, c'est que dan» ma région où j'ai pratiqué pendant 25 ans et j'ai fait près de 2000 accouchements, j'ai eu l'oc-

caslon même d'en faire à domicile et j'étais très insécure à ce moment-là. Ce que je veux dire, pour répondre à M. Chevrette, c'est que peut-être qu'on a encore quelque 800 omnlpratlclens qui font de l'obstétrique, avec une moyenne de 38. Il y a quelques années, il y en avait peut-être 1100 ou 1200 qui en faisaient, mais il y en avait plusieurs qui en faisaient 10, 15 ou 20 par année. Ces gens-là, pour des raisons de qualité de vie, ont arrêté d'en faire. Donc, les omnipraticiens sont moins nombreux, mais ceux qui en font en font plus qu'auparavant. Je pense que ce n'est pas mauvais en sol. Je pense que c'est même meilleur pour la profession. Ça explique la diminution.

M. Chevrette: Mais ce besoin ou ce sentiment qui s'exprime en tout cas assez massivement de la part des femmes, 60 %, c'est gros, comme collectivité, il me semble.

M. Gagnon: Mais là, je ne comprends pas votre question. 60 %? Voulez-vous dire que les femmes à 60 % veulent avoir des sages-femmes? Je n'ai jamais... On ne m'a jamais...

M. Chevrette: Elles ont manifesté le désir de voir naître cette profession, de voir oeuvrer cette profession.

M. Gagnon: Où avez-vous pris cela?

M. Chevrette: II y a même 80 % des Québécois qui sont en faveur d'une reconnaissance légale des sages-femmes. Ça comprend même les hommes.

M. Gagnon: On n'a pas été consultés là-dedans. Moi, je n'ai jamais répondu à cela.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Non, bien... Vous faites partie des 20 %.

M. Gagnon: Je me demande où ça a passé cette affaire-là. Moi, je ne l'ai jamais vue.

Une voix: On n'était pas là.

M. Gagnon: Je n'étais pas là certain. Ce n'est pas passé chez nous...

La Présidente (Mme Marois): Si vous me le permettez, on fait référence, Je crois, à un sondage général.

M. Chevrette: Oui, mais à écouter vos réponses, je le savais, je ne vous l'avais pas demandé, je vous avais classé dans les 20 %

M. Gagnon: Je suis dans ces 20 % certain.

La Présidente (Mme Marois): Je crois que le Dr Girard voulait...

M. Chevrette: Mais je reprends ma question.

Je voudrais reprendre ma question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

M. Chevrette:... parce qu'elle ne semble pas comprise. Comment expliquez-vous que 80 % de la population québécoise désira voir une reconnaissance légale de cette profession? Comment expliquez-vous ça, d'abord? Est-ce le fruit de la spontanéité d'un illuminé de leader en Eupope qui a réussi à convaincre le monde de s'aligner derrière ça ou est-ce que ce n'est pas un besoin quelconque, aujourd'hui, de voir l'accouchement comme un geste beaucoup plus humain, beaucoup plus encadré?

M. Richer: M. Chevrette, il y a 100 % des Québécois qui aimeraient mieux avoir des meilleurs services à l'urgence dans tous les hôpitaux du Québec. Comment expliquez-vous ça? Au fond, les gens veulent toujours avoir mieux, peut-être, que ce qu'ils espèrent, puis...

M. Chevrette: Êtes-vous en train de me dire que les sages-femmes, ce serait mieux que ce qu'il y a là?

M. Richer: Non, je ne dis pas ça, mais je dis... Vous savez, les sondages! On peut en parler longtemps à des politiciens des sondages. Vous savez ce que c'est: avant Léger ou moins Léger, comme dit le ministre, je pense qu'on peut leur faire dire à peu près n'importe quoi. Voulez-vous vous promener plutôt dans un système de transport en commun luxueux ou pas luxueux? C'est bien sûr que la réponse va venir rapidement. Voulez-vous avoir un intervenant nouveau qui pourrait peut-être vous aider? Pourquoi ne pas dire oui à une chose comme ça? Je trouve ça normal que la société réponde ça. Peut-être que c'est un sondage "at large". Il n'y a pas beaucoup de médecins qui ont été sondés là-dedans, mais en tout cas.

La Présidente (Mme Marois): Dr Girard, vous voulez intervenir? Oui.

Mme Girard: En réponse à M. Chevrette qui parlait du désir des femmes, je pense qu'on est passé à côté d'un élément; c'est la féminisation de la pratique médicale. Être accouchée par une femme, c'est quand même un élément qui est possible partout au Québec, à cause du nombre de femmes qui pratiquent la médecine actuellement, et c'est normal aussi que les femmes veuillent rapatrier leur accouchement. Il y a quand même une certaine complicité qu'on

reconnaît, qui existe entre femmes.

Quand on regarde, depuis une douzaine d'années, plus de 50 % des étudiants en médecine sont de sexe féminin et, depuis quelques années, dans le programme de médecine familiale, plus de 60 % des étudiants sont de sexe féminin. Ce programme favorise vraiment une approche globale de toute la périnatalité et on sait que, dès 1987, la gente féminine a franchi le tiers des effectifs médicaux en omnipratique. Alors, je pense que les femmes peuvent penser être accouchées par une femme qui a toute la formation d'un omnipraticien et je ne vols pas du tout en quoi la pratique des sages-femmes amènerait quelque chose de supplémentaire en termes d'humanisation des soins ou de personnalisation des soins, car elles aussi devront effectuer des gardes et se partager la tâche.

M. Chevrette: Je suis embêté de vous poser ma prochaine question. Je ne vous parlerai pas de formation, la réponse est claire; je vais vous parler, par exemple, de la pratique à l'intérieur d'un centre hospitalier. Même si vous êtes contre, si le gouvernement dit que c'est ça, vous allez devoir vous plier. Comment voyez-vous la complémentarité à l'intérieur d'un centre hospitalier?

M. Richer: Je la vois très difficilement. Il va y avoir quelques sages-femmes parmi 150, 250 ou 300 médecins dans les grands centres hospitaliers, puisque j'entends dire que ça va être fait dans les grosses boîtes. Ce ne sera pas facile pour eux autres.

Je la vois très difficilement: un conseil des sages-femmes, parallèlement au conseil des médecins, dont un des rôles sera de faire des règles de soins. Qu'est-ce que vous voulez? Les règles de soins sont faites par des médecins. Si ce n'est pas conforme aux règles de soins des médecins, lesquelles auront la priorité? Ce sera quoi, au fond, la possibilité? Comment va-ton pouvoir se comprendre, nous, les médecins, à travers cette structure à deux têtes? C'est déjà complexe le monde hospitalier, vous le savez; si on le complexifie davantage, je ne pense pas qu'on rende service à grand monde, dans mon livre à moi.

M. Chevrette: Mais si je vous disais que l'accouchement, vu par un médecin, c'est un acte médical, mais, vu par plusieurs citoyens et peut-être par plusieurs autres professions, ça peut être vu comme un geste naturel. À ce compte-là, est-ce que vous préconisez, advenant que le ministre soutienne son projet ou le projet de Mme Lavoie-Roux réécrit, est-ce que vous pensez que ça devrait être en dehors des centres hospitaliers?

M. Richer: Moi, en tout cas, comme médecin qui a fait un peu d'accouchements - puis, là, mes collègues gynécologues-obstétriciens vont probablement être plus qualifiés que mol - je ne conseillerais à personne d'accoucher à domicile, dans le contexte d'aujourd'hui. Si on parle d'en dehors de l'hôpital et que l'on veut dire domicile, la réponse d'un médecin, c'est non. C'est une consultation professionnelle, si vous voulez. Je peux avoir tort ou raison. Je pense que j'ai raison, mais j'accepte que mon opinion soit différente de celle des autres. Mais si vous parlez de maisons de naissances qui sont reliées par un corridor à l'hôpital, quant à moi, c'est l'hôpital, mais, finalement, on tourne autour du pot; c'est dans l'hôpital qu'on veut les Intégrer. Je n'ai pas grand rôle a faire pour aider les sages-femmes dans les hôpitaux, parce que les sages-femmes, semble-t-il, si elles existaient et si elles étalent mal prises - parce que ça va être des spécialistes d'accouchements normaux, ce que je suis aussi - elles vont référer les cas quand Ils vont être anormaux. Ce n'est pas à moi qu'elles vont les référer, je ne suis pas dans le décor à ce moment-là, ce sera à mes confrères obstétriciens et gynécologues. On pourrait leur poser la question: Est-ce qu'on va s'asseoir sur notre chaise pendant que les sages-femmes font les accouchements normaux, en attendant qu'elles nous renvoient celui qui ne sera pas normal? Est-ce qu'on aura un système de garde pour les accouchements anormaux, au cas où? (21 h 45)

C'est bien beau de dire qu'on est des spécialistes en accouchements normaux, mais il faut avoir fait un peu d'obstétrique, juste assez, pour savoir que, lorsqu'un accouchement est normal, on le sait après qu'on a accouché. J'ai accouché pas loin de 2000 patientes et il y en avait où j'avais toutes les raisons du monde de penser que tout serait normal, mais, malheureusement, on ne s'en rend compte qu'au moment de l'accouchement. Il faut être organisé, à ce moment-là, et c'est probablement dans le milieu hospitalier. Qu'est-ce que la sage-femme ferait? Elle ferait sans doute ce que j'ai fait: se référer au confrère spécialiste. Maintenant, est-ce qu'on va demander au confrère spécialiste d'être assis là et d'attendre qu'il y ait des cas de référence? Est-ce qu'on va faire seulement les accouchements pathologiques, pour les médecins, et pas d'accouchements normaux? Est-ce qu'on va créer un "gap" des générations? Est-ce que les médecins vont désapprendre à faire de l'obstétrique?

En Hollande, c'est bien beau, c'est bien le "fun", les médecins omnipraticiens n'ont pas le droit d'accoucher à l'hôpital. Il n'y a plus un médecin omnipraticien, en Hollande, qui sait faire des accouchements. O. K., on se repose sur les sages-femmes. Les Hollandais le font, c'est bien correct, mais je ne pense pas que ce soit conforme aux aspirations d'une société que de

créer un "gap" de connaissances dans une génération de médecins, ni en obstétrique, ni en rien d'autre. On est des médecins de famille, et un médecin de famille, pour moi, ça pivote autour de la famille. Si je n'avais pas eu le bonheur de faire de l'obstétrique dans les douze ou quinze premières années de ma pratique, je pense que je n'aurais pas fait le genre de médecine que j'ai faite. J'aspirais à faire ça parce que je trouvais que c'était une médecine intéressante. Si on enlève cet attrait à la pratique générale, à la médecine familiale, je trouve qu'indirectement on crée des techniciens de la pratique, ce qui n'est pas souhaitable, à mon sens.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Chevrette: Vous avez lu le projet de loi, qui sera sans doute réécrit, d'après ce que je viens de comprendre. S'il est réécrit, c'est qu'il va introduire de nouveaux principes et, donc, qu'il va être redéposé, d'après ce que je comprends. Mais tel que libellé, la chose qui m'intrigue le plus, c'est l'article 15. J'en ai parlé au ministre, ce matin, dans mon exposé. L'article 15 traite de responsabilité. Il y a une responsabilité qui, à mon point de vue, est clairement établie dans le projet de loi, c'est une grossesse à risque, mais le reste n'est pas défini. Je comprends que c'est difficile de vous questionner, puisque vous êtes contre, mais prenez pour acquis que ça se fait. Quel est le "départage" que vous verriez entre un projet-pilote sur les sages-femmes et la profession d'omnipraticien?

Une voix: Je n'ai pas compris la fin.

M. Chevrette: C'est compliqué?

M. Richer: Et la profession d'omnipratlcien?

M. Chevrette: Quels sont les actes qu'on devrait suspendre, qui sont faits par les omnis et qui devraient être faits par les sages-femmes?

M. Richer: Comme je vous l'ai dit, il m'apparaît que l'obstétrique, c'est un champ d'activité où, heureusement, dans la grande majorité des cas, on est dans la normalité. Il y en a qui prétendent que ce n'est pas un acte médical, que c'est un acte naturel. Moi, je trouve que c'est de la sémantique. Si c'est si peu médical que ça, il va falloir que le ministre les "désassure" parce que c'est non médicalement requis. Il y a une cohérence quelque part dans le système.

Comme je vous l'ai dit, l'obstétrique, c'est une pratique de normalité dans 85 % des cas, et peut-être un peu plus, mais cette normalité n'est constatée, dans la totalité des cas, qu'après l'événement. Maintenant, dans les cas anormaux, dans ce qu'on appelle les grossesses à risque, c'est un phénomène connu en médecine. Même un omnipraticien consulte un confrère spécialiste quand il suit une patiente qui a une grossesse à risque. Il y a des services de garde dans les hôpitaux, d'ailleurs, pour les grossesses à risque.

Je pense que le tour de la question est fait quand on le voit de cette façon.

M. Gagnon: Je veux juste ajouter un mot à ce que le Dr Richer vient de dire. Quand vous parlez d'accouchement normal, j'en ai fait pas mal et j'ai toujours eu de grandes difficultés à dire, même si la grossesse se déroulait normalement, que l'accouchement se déroulerait normalement aussi. Quand on dit qu'un accouchement est normal, ça ne veut pas dire qu'il nous tombe dans les mains comme ça et qu'on n'a qu'à le ramasser; ça, ce sont les très très normaux, les très très naturels. Mais il y en a qui sont un peu plus compliqués que ça et ça reste encore dans les limites du normal, mais il faut savoir quoi faire au bon moment. Les présentations en transverse, ça n'arrive pas à tous les cas, mais ça arrive assez souvent, et il faut faire des manoeuvres. Ce ne sont pas encore des grossesses à risque, ce sont des grossesses normales, mais un peu plus compliquées. À ce moment-là, je pense qu'il faut avoir une bonne expertise pour les faire et je ne suis pas sûr, ni convaincu que la formation que les sages-femmes vont avoir, dans le moment, va leur permettre de faire ces accouchements.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Est-ce que ça va, M. le leader? Mme la députée de Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Évidemment, j'aurais une petite question. Je ne suis pas sûre, je pense que je n'ai pas très bien compris votre dernière réponse. Vous dites qu'il n'y a pas nécessairement de besoins à ce niveau-là. Par contre, nous autres, on voit que les gens - en fait, dans un sondage, entre autres, qu'on a devant nous - la population désirerait avoir des sages-femmes. En tout cas, il y a un fort pourcentage qui le désire. Qu'est-ce que c'est qui serait acceptable pour vous comme projet de loi à ce niveau? C'est quoi? Quel compromis pourrait-on avoir?

M. Gagnon: Comme je vous le dis...

Une voix: On ne peut pas être contre et pour en môme temps.

M. Gagnon: Je ne peux pas être contre et être pour en même temps, comme le dit mon collègue. Je suis contre le projet de loi tel qu'il est présenté parce que je ne crois pas qu'on ait

besoin de sages-femmes au Québec, sans égard aux sondages. Comme je vous le dis, les sondages peuvent faire dire oui à la population sur à peu près n'Importe quoi. C'est selon ce que vous lui demandez. Quand on sait que c'est légalisé dans d'autres pays comme aux Etats-Unis, où ce sont des Nord-Américains comme nous autres, peut-être qu'il y avait 60 % des gens qui étaient en faveur là aussi mais, en réalité, 4 % vont voir les sages-femmes. Je connais beaucoup de gens qui sont pour les sages-femmes, mais qui se feraient accoucher par un médecin pareil. On est favorable pour les autres, c'est bon pour toutes les autres; ce n'est pas tout à fait bon pour nous autres. J'en ai connu plusieurs comme ça. C'est comme l'avortement. Ce n'est pas beau l'avortement, sauf que quand c'est ma fille, bien, peut-être qu'on pourrait faire une petite exception. Je connais ça. J'en ai vu, des énoncés de principe trop rigides.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci. Je vais me permettre quelques commentaires. J'ai beaucoup de respect pour ce que vous représentez, ce que vous êtes et la franchise avec laquelle, d'ailleurs, vous faites votre présentation. Vous défendez votre point de vue. Je ne le partage pas personnellement et je crois que la demande qui est faite par un certain nombre de personnes, de femmes particulièrement, et de praticiennes aussi, ce n'est pas seulement de dire: Nous voulons être de bonnes accoucheuses et nous voulons accoucher avec de bonnes accoucheuses, mais c'est de dire: Nous voulons avoir des gens qui vont être capables, d'une façon continue, en faisant de la prévention, de l'éducation, du suivi, de suivre une grossesse pendant tout son déroulement. D'une part, c'est pour prévenir, effectivement, les problèmes que l'on connaît chez les enfants qui naissent dans des conditions où II y a eu problème de nutrition, où il y a eu de mauvaises conditions de vie en général, conditions de travail, etc.

Donc, c'est une approche très globable, si on veut, qui est proposée, qui est demandée, qui, à mon point de vue, n'est pas nécessairement menaçante pour votre profession. Vous le reconnaissez vous-mêmes, vous dites: Là où c'est permis. On regarde vers les États-Unis, on parle de 4 %. Ce n'est donc pas menaçant pour vous. Ça vous permettra sûrement de continuer à exercer votre pratique, mais ça permettra... Et là, je vais citer vos propres propos. Vous dites: Je respecte la volonté des autres. Ça permettra peut-être à d'autres, qui ont une volonté différente et qui veulent vivre une réalité différemment, de le faire dans un contexte sécuritaire.

Mon dernier commentaire est le suivant. Je crois que vous avez effectivement, sûrement, une formation correcte, intéressante, bonne. Qu'elle mérite d'être améliorée, c'est probablement le cas pour beaucoup d'autres formations, mais vous allez convenir avec mol que, si on donne une formation de trois ans en milieu universitaire à des gens qui vont ensuite pratiquer - utilise/ les termes que vous voudrez, Je pense qu'on se comprend et on sait de quoi on parle - auprès de femmes qui attendent un enfant, qui vont donner naissance et qui vont en prendre soin par la suite, je pense qu'on se retrouvera devant des gens sûrement très compétents dont, je pense, la compétence pourra se comparer, particulièrement si la pratique vient sous supervision pendant un temps - parce que j'imagine qu'il y aura, au début, une supervision - et que, par la suite on pourra exercer sa profession en toute sécurité pour les gens qui se dirigeront vers cette profession. Dans ce sens-là, j'ai un peu de difficulté à accepter votre ton qui m'apparaît alarmiste.

M. Richer: Non. Si j'ai eu un ton qui vous semble alarmiste, je le regrette, c'est ma façon à moi. Ceux qui me connaissent vont savoir. Vous allez me connaître un de ces jours.

La Présidente (Mme Marois): Je vous connais un peu, mais je me permets de vous le dire quand même.

M. Richer: Sauf que, comme vous le dites, vous ne partagez pas mon opinion. Je respecte ça. Je ne peux pas empêcher le gouvernement de faire une loi, mais le gouvernement ne peut pas me forcer à être d'accord quand il me consulte. Ce serait une fausse consultation, ce serait bidon si je disais: Je suis d'accord. Ce serait être hypocrite. Je ne suis pas hypocrite, madame. Je souffre que vous ayez...

La Présidente (Mme Marois):... d'ailleurs.

M. Rlcher: Je souffre que vous ayez une opinion différente, c'est bien parfait, je peux vivre avec ça mais, si vous me demandez mon opinion sur le projet de loi 4, je vous la donne. Avec tout ça, on ne sera pas pires amis.

La Présidente (Mme Marois): Vous n'avez pas de commentaires à faire sur l'aspect de la formation?

M. Richer: Non. Je pense que, sur l'aspect de la formation, on en a parié un petit peu tout à l'heure. Je réitère que la formation des médecins omnipraticiens et, bien sûr, des médecins spécialistes, est bonne en obstétrique. Elle peut sans doute être améliorée et c'est ce qu'on tente de faire depuis l'an passé, finalement.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Je vous remercie. M. le ministre, est-ce que vous avez un mot à ajouter?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, c'est parce que, tantôt, on a commencé à parler de chiffres un petit peu et, évidemment, Dr Rlcher qui connaît la partie davantage que mol... On parlait de 500 $ à 700 $ pour une sage-femme et vous avez dit tantôt: Si on veut nous payer 500 $ à 700 $, vous aurez probablement des soins humanitaires pour 500 $à700 $.

Juste pour tenter... Je ne connais pas les chiffres, très honnêtement, ce n'est pas un domaine où... On me dit que c'est 225 $ pour l'accouchement.

M. Richer: Le jour. De jour.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, c'est davantage le soir et la nuit.

M. Richer: 300 $ la nuit.

M. Côté (Charlesbourg): Ça veut dire que de 500 $ à 700 $ pour une sage-femme, c'est avant, pendant et après. Là, on est à 225 $ pendant. C'est combien avant et après? Pour qu'on tente de trouver les chiffres que ça donne.

Une voix: On ne se rend pas à 700 $.

M. Richer: On ne se rend pas à 700 $. Il faudrait voir combien il y a de consultations prénatales parce que, des fois, ce n'est pas toujours le médecin qui ne fait pas l'avant. Des fois, la patiente vient après quelques mois de grossesse, vous savez. Mais la moyenne, c'est probablement six ou sept consultations prénatales, en général, chez l'omnipratlcien, peut-être un peu plus.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, on se retrouve à peu près dans les mêmes chiffres que les sages-femmes.

M. Richer: Possiblement, ce qui n'est pas déraisonnable, finalement.

M. Côté (Charlesbourg): Je voulais comprendre tantôt ce que vous vouliez nous dire: Si on nous payait le même prix que les sages-femmes, ce serait encore peut-être plus humanitaire.

Une voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Ça va?

M. Côté (Charlesbourg): Je vous remercie.

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup de votre présentation.

M. Chevrette: Messieurs, dames, excusez, madame.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup.

Fédération des médecins spécialistes du Québec

La Présidente (Mme Marois): J'appellerais maintenant la Fédération des médecins spécialistes du Québec, s'il vous plaît.

Les membres de la commission sont bien présents. Bienvenue. J'aimerais, M. le président, que vous nous présentiez les membres qui vous accompagnent, les personnes qui vont défendre avec vous le mémoire et, par la suite, que vous preniez le temps nécessaire, une vingtaine de minutes tout au plus, pour présenter votre point de vue, 40 minutes demeurant aux membres de la commission pour vous questionner. (22 heures)

M. Desjardins (Paul): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Paul Desjardins, je représente la Fédération des médecins spécialistes du Québec. A ma gauche, le Dr Villa, obstétricienne-gynécologue de Québec; à ma gauche, un peu plus loin, le Dr Morrie Gelfand, vice-président de la fédération; à ma droite, François Aquin, conseiller juridique de notre fédération; à côté, le Dr Pichette, médecin néonatalogiste de Québec; à côté, le Dr Rochette, président de l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec et, à mon extrême droite, le Dr Guay, président de l'Association des pédiatres de la province de Québec.

Là-dessus, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, la Fédération des médecins spécialistes du Québec est fière d'être en mesure de répondre à la consultation que vous nous avez demandée sur le projet de loi 4, même si, peut-être, nos commentaires peuvent ne pas plaire à tout le monde.

La Fédération a contribué à la réflexion sur la place que pouvaient occuper les sages-femmes dans le domaine de la périnatalité, au Québec. Prenant appui, par exemple, sur les commentaires qu'elle formulait en novembre 1987 concernant le document "La périnatalité au Québec, étude d'un moyen pour atteindre les objectifs: la pratique des sages-femmes", la fédération estime que le contexte entourant ces commentaires n'a pas changé. La convergence des opinions scientifiques exprimées par les associations de spécialistes concernés et par la profession médicale permet de poser que le dépôt du projet de loi 4 survient dans un climat trouble. Tout se passe comme si le ministre de la Santé et des Services sociaux, Incapable de résister à la pression exercée par des revendicateurs de statut professionnel dont l'activité n'a pas encore fait la preuve de sa pertinence et de son efficacité, a renoncé à l'arbitrage nécessaire des intérêts en présence et a tout concédé.

Manifestement conçu et rédigé pour satisfaire des impératifs idéologiques, le projet de loi 4 est en rupture totale avec l'économie générale

de la reconnaissance et de la réglementation des professions au Québec, de même qu'il est en rupture totale avec l'économie générale de l'organisation et de la réglementation des services de santé. On comprendra donc que la Fédération renonce à une critique du projet qui porterait sur le caractère approprié ou inadéquat de ses diverses dispositions. On comprendra également que ce n'est pas le propos de la Fédération de suggérer une rédaction alternative des dispositions d'un projet de loi dont la structure est affectée de vices aussi sérieux. La Fédération des médecins spécialistes du Québec espère plutôt convaincre le ministre que rien n'exige, dans le contexte actuel, la mise à l'écart des principes essentiels ayant guidé le législateur québécois en matière de droit professionnel et de droit de la santé depuis près de vingt ans. Le respect élémentaire de ces principes exige, au contraire, la mise à l'écart d'un projet prématuré et improvisé.

La section suivante de notre mémoire traite du projet de loi qui rompt avec les principes fondamentaux du droit professionnel québécois. Le développement scientifique, la multiplication des techniques spécialisées et la mise en place de nombreux programmes d'études collégiales et universitaires favorisaient alors l'émergence de nouveaux groupes qui revendiquaient la plus grande autonomie dans leur domaine disciplinaire. Sans reprendre ici le phénomène de la stratification des professions de la santé ou celui du difficile appariement de la formation et de l'autonomie, on peut convenir que le régime mis en place par le Code des professions et par les lois professionnelles permettait de concilier les objectifs de la progression sociale de groupes organisés et scolarisés avec ceux de la protection du public auquel de nouveaux services allaient être offerts. Ce régime, quoique critiqué et probablement perfectible, constitue l'un des jalons les plus remarquables de l'organisation professionnelle québécoise.

Le projet de loi rompt avec le régime professionnel lorsqu'il ne prévoit aucun processus indépendant de contrôle de l'activité des sages-femmes et qu'il confond l'évaluation d'un projet-pilote avec celle de la compétence ou de l'intégrité des sages-femmes qui ne seront, du reste, assujetties à aucune règle déontologique formelle et à aucune obligation professionnelle ou personnelle à l'égard de la clientèle des femmes auxquelles elles offriront leurs services.

Le projet de loi rompt encore avec le régime professionnel lorsqu'il écarte, de façon péremptoire, les dispositions de deux lois professionnelles actuellement en vigueur et applicables à d'autres secteurs pour préférer à la sagesse et à l'autorité du législateur québécois des ententes convenues entre des centres hospitaliers et deux ministres du gouvernement. Outre le peu d'égard qui est ainsi porté à la souveraineté de l'As- semblée nationale, le projet de loi propose à cette même Assemblée de renoncer à son rôle de régulation des activités professionnelles et de s'en remettre à des conventions locales pour déterminer l'étendue des actes médicaux ou des actes Infirmiers. Toute la cohérence de la prestation des soins médicaux et toute la logique inhérente à la reconnaissance de l'autonomie de l'acte médical se trouvent ainsi soumises à des considérations étrangères aux objectifs poursuivis par le régime professionnel québécois.

Dans ce seul volet, le projet de loi 4 survient comme un élément de perturbation profonde que rien ne justifie et qu'aucun intérêt n'autorise.

La section suivante traite surtout de la relation avec la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Comme pour aménager un espace qui met les sages-femmes à l'abri de celles et de ceux qu'elles identifient comme des obstacles à la pratique qu'elles souhaitent accomplir, le projet de loi 4 propose la mise en place de nouvelles structures hospitalières qui nient l'existence des structures actuelles et qui ignorent l'organisation des soins de santé pourvus par la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Faut-il rappeler que cette loi, de même que le texte que le ministre a récemment déposé pour la remplacer, reconnaît que la responsabilité de l'organisation des soins médicaux passe par des départements cliniques qui sont dirigés par des médecins. Soumis à l'autorité des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens, de même qu'à celle du directeur des services professionnels, les chefs de départements cliniques détiennent la maîtrise d'oeuvre de la prestation des soins médicaux. Ces soins, qui incluent autant les actes diagnostiques que thérapeutiques ainsi que les Indications de même nature, sont la raison d'être des centres hospitaliers.

Le rôle du médecin dans l'hôpital est central et vital. Les nombreux autres professionnels de la santé qui y oeuvrent aujourd'hui avec compétence et intégrité conçoivent fort bien la complémentarité de leur expertise avec l'expertise médicale et, de façon générale du moins, l'indication médicale demeure le pivot de la fourniture des soins de santé. L'émergence et le développement d'interventions multidisciplinaires rendent compte de l'évolution des pratiques vers un concept de soins intégrés et unifiés.

À l'inverse, le projet de loi 4 entend greffer au centre hospitalier une structure calquée sur la structure médicale jusqu'à emprunter le vocabulaire législatif de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. En prenant soin d'éviter tout maillage avec les structures existantes, le projet écarte l'interaction avec les ressources ordinaires du centre hospitalier.

L'opération qui consiste à soustraire des actes médicaux et des actes infirmiers, actes appartenant à des champs de pratique exclusive, une liste qui constitue le domaine des pratiques des sages-femmes, n'est accompagnée d'aucune des modalités de supervision et de contrôle que les pratiques ordinaires de délégation exigent. C'est au conseil des sages-femmes, dont le comité exécutif est composé de manière à assurer la prédominance de celles-ci, que reviendrait le pouvoir d'apprécier la compétence d'une sage-femme à poser un acte médical et celui de juger de sa qualité. À cette incongruité, il faut encore ajouter l'absence de disposition sur l'identité de ceux qui assumeront la responsabilité de poser des diagnostics et d'évaluer les risques d'une grossesse. L'indisponibilité de normes relatives à l'admission dans un service do maternité, aux transferts en milieu clinique et aux activités accomplies hors du milieu hospitalier, sont autant de silences qui portent à penser que les concepteurs ont naïvement cru que l'aménagement d'une structure parallèle emporterait une forme de sérénité assurant aux femmes enceintes l'accès à des soins de qualité.

Conçu pour faire échec à la législation professionnelle et pour contourner le cadre sanitaire prévu à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le projet de loi 4 cherche à imposer ses postulats au mépris des professionnels de la santé qui assument chaque jour les responsabilités liées à leur statut et qui dispensent des soins et services dans des lieux où l'intensité des contrôles garantit la qualité. Pour satisfaire les revendications d'un groupe restreint de personnes, il crée des failles qui minent la confiance que chaque citoyen doit porter au système de santé québécois.

L'argument selon lequel ces failles ne sont que des difficultés que les projets-pilotes permettront de dissiper ne saurait faire obstacle au fondement de la critique qu'énonce la Fédération des médecins spécialistes du Québec. On conçoit mal comment on pourrait démontrer la pertinence de la reconnaissance d'une nouvelle catégorie de professionnels de la santé et évaluer l'efficacité de leur pratique dans le domaine de la périnata-lité en ayant recours à des projets-pilotes qui s'écartent fondamentalement des principes auxquels II est d'ordinaire fait appel pour procéder à de telles évaluations.

L'émergence des professions de la santé ne s'est pas faite au Québec, ni ailleurs, par des essais successifs plus ou moins présentés comme réussis. Elle est le produit d'une réflexion sur la formation académique, sur l'implantation de programmes articulés et concertés et sur la reconnaissance scientifique. Sans ces assurances élémentaires, c'est la santé des femmes enceintes qui sera le lieu d'expérimentation de techniques et de méthodes aussi incertaines que disparates.

Les critères d'échec d'un projet-pilote devront-Ils être liés au décès d'une parturlente pour qu'enfin on admette que la grossesse, sans être une pathologie, est un état qui requiert la disponibilité et la proximité de soins médicaux, de médecins et de professionnels de la santé, notamment les Infirmières spécialisées du bloc obstétrical, en antepartum, en intrapartum et en postpartum - tant pour les patientes admises que pour les patientes inscrites - dont la compétence est acquise plutôt que présumée ou simplement souhaitée.

Dans ce contexte, la Fédération des médecins spécialistes du Québec réitère que le projet de loi 4 devrait simplement et rapidement être retiré de l'univers législatif.

En résumé, la Fédération des médecins spécialistes du Québec considère le projet de loi 4 totalement Irrecevable. Ce projet de loi est en rupture complète avec l'économie générale de la reconnaissance et de la réglementation des professions au Québec. Rien ne justifie cette mise en veilleuse du Code des professions ainsi que des divers mécanismes qui y sont prévus pour assurer la protection du public. Le projet de loi est également en rupture complète avec l'organisation des soins médicaux en milieu hospitalier. Le projet de loi 4 nie le rôle central et vital du médecin dans l'hôpital et instaure pour les sages-femmes une structure qui ne possède aucun lien organique avec les structures existantes. Pour satisfaire des impératifs idéologiques, on définit donc pour des personnes qui ne sont même pas des professionnels de la santé un espace indépendant à l'intérieur de l'hôpital.

Par ailleurs, la Fédération des médecins spécialistes du Québec, en conclusion, désire vous recommander: 1° que le gouvernement du Québec se dote d'une politique de périnatalité; 2° que ladite politique contienne un programme de santé spécifique à la grossesse et en prévoie la mise en application; 3° que cette politique vise les secteurs suivants: la prématurlté, les bébés de petit poids, les anomalies congénitales, les handicaps d'origine prénatale et périnatale, et l'humanisation des soins; 4° que le ministre de la Santé et des Services sociaux base sa politique sur les objectifs qui pourraient être les suivants: abaisser à 6 pour 1000 naissances vivantes d'ici 1995 le taux de mortalité périnatale, diminuer les handicaps d'origine prénatale et périnatale; humaniser les soins aux différentes périodes de la reproduction, tant prénatals, périnatals que postnatals. (22 h 15)

La Présidente (Mme Marois): Je m'excuse. Est-ce que je peux vous arrêter juste un moment? Nous n'avons pas cette partie du texte, je crois, ici.

M. Desjardins: C'est vrai, oui.

La Présidente (Mme Marois): Sans nous

faire de cachette, est-ce que vous avez des copies du document? C'est parce que c'est souvent plus facile de vous suivre et comme, en plus, vous donnez des chiffres... Vous n'en avez pas de copies?

M. Desjardins: Oui, J'en ai quelques copies.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Est-ce que c'est possible...

M. Desjardins: Je peux vous les remettre? La Présidente (Mme Marois): Oui. Madame... M. Desjardins: Est-ce que je peux terminer?

La Présidente (Mme Marois): Très certainement. Madame va les prendre, s'il vous plaît. EHe va prendre ras copies.

M. Desjardins: J'en états au quatrième...

La Présidente (Mme Marois): D'accord, je m'excuse. Allez.

M. Desjardins: ...point de mon 4°: abaisser à 6 pour 1000 naissances vivantes d'ici 1995 le taux de mortalité périnatale; diminuer les handicaps d'origine prénatale et périnatale; humaniser les soins aux différentes périodes de la reproduction tant prénatals, périnatals que postnatals; maintenir la mortalité maternelle à un taux inférieur à 5 pour 100 000 naissances vivantes; 5° que le ministre de la Santé et des Services sociaux tente de rechercher un consensus de tous les intervenants en périnatalité. À cette fin, la Fédération des médecins spécialistes du Québec suggère de mettre sur pied une table de concertation dont le mandat serait de recommander au ministre de la Santé et des Services sociaux les objectifs d'un programme de périnatalité et les moyens à prendre pour les réaliser. Cette table de concertation pourrait également, le cas échéant, seconder le ministre dans l'élaboration de programmes visant l'Implantation d'une telle politique de périnatalité, la désignation des populations cibles et la formation d'équipes pluridisciplinaires; 6° que le gouvernement du Québec adopte un programme de mesures sociales pour assurer aux femmes enceintes un niveau de vie adéquat - je pense Ici, entre autres, alimentation et médication - 7° que le gouvernement du Québec améliore et facilite l'application du droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite.

VoHà, Mme la Présidente, les commentaires de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie de votre présentation. M. le ministre.

M. Coté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Dr Desjardins, ainsi que ceux qui vous accompagnent, nous sommes très heureux de vous avoir avec nous ce soir pour un sujet qui est, à tout le moins, à la lecture du mémoire, contesté.

Comme vous l'avez dit dans votre présentation, évidemment, ce sont des opinions que vous exprimez et que votre Fédération partage ainsi que vos membres. Elles ont au moins le mérite d'être très claires sur le plan de l'expression, sans équivoque. Je vais aller mol aussi droit au but. Évidemment, comme vous n'êtes pas les premiers à passer, vous connaissez le genre d'exercice et on ne peut pas inventer les questions, non plus, chaque fois qu'on rencontre des groupes.

Je commencerai par une première question où, dans votre document, à tout le moins celui que j'avais, à la page 4, dans l'avant-dernler paragraphe, il est dit, à la dernière phrase: Toute la cohérence de la prestation des soins médicaux et toute la logique Inhérente à la reconnaissance de l'autonomie de l'acte médical se trouvent ainsi soumises à des considérations étrangères aux objectifs poursuivis par le régime professionnel québécois."

Ce matin, lorsqu'on a commencé la commission, j'ai encore fraîche à l'esprit la réaction de Mme la députée de Malsonneuve qui venait d'apprendre que l'accouchement, c'est un acte médical, alors que tout le monde était à peu près convaincu autour de cette table que c'est naturel. On parie d'acte médical Ici. Est-ce que vous croyez, vous, que la naissance est un acte naturel ou si c'est un acte médical?

M. Desjardins: La naissance, c'est un acte médical et naturel, les deux. Voici pourquoi: C'est la femme qui accouche; c'est elle qui est en travail et c'est elle qui a l'ouvrage à faire durant cette période. Cependant, dans la société dans laquelle nous vivons, avec le degré de raffinement que nous connaissons, nous avons confié aux médecins la responsabilité de faire en sorte que ce processus dit naturel soit un processus de sécurité et cette sécurité s'exprime par deux moyens de mesure. Le premier, c'est la mortalité maternelle et le deuxième, c'est la mortalité périnatale, le deuxième se divisant également en deux éléments. Donc, le médecin est là pour empêcher la femme de mourir au moment de son accouchement et la plus grande contribution qui a pu être faite dans le domaine de la médecine, c'a été l'invention des banques de sang. Avant les banques de sang, H y avait des décès causés par des hémorragies et les médecins étaient relativement impuissants. Depuis l'avènement des banques de sang dans les centres hospitaliers, le mécanisme possible de la transfusion sanguine fait en sorte, entre autres choses, que la mortalité maternelle a baissé

énormément et qu'elle est relativement stable dans le moment.

L'autre facteur, c'est le facteur de la mortalité périnatale et je disais que celui-ci se divise en deux éléments. Le premier, c'est la mort in utero avant le processus dit normal d'un accouchement, donc une femme qui accouche d'un bébé mort-né. Le deuxième élément, c'est celui de la mortalité néonatale et ça, c'est le bébé avec les différentes complications, d'où la suggestion qu'on tente de faire, d'avoir une politique de périnatalité qui, elle, va viser les différents éléments qui sont à notre disposition dans le moment, dont celui qui va porter sur la diminution de la mortalité périnatale, surtout le volet de la mortalité néonatale. C'est pour ça qu'on parle de la prématurité et qu'on parle des bébés de petit poids. C'est là que sont concentrés les problèmes les plus sérieux qui amènent des décès ou qui amènent des handicaps dans la vie future et qui font qu'un citoyen est peut-être moins productif, pour ne pas dire pas productif. Donc, c'est un acte qui se veut tant naturel que médical.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que j'aurais raison de dire, tout en soutenant que c'est un acte médical et naturel, les deux, que c'est d'abord un acte naturel avant d'être un acte médical?

M. Desjardins: C'est un acte naturel qui doit être fait sous surveillance médicale pour la sécurité de la femme.

La Présidente (Mme Marois): Môme si je ne suis pas d'accord, j'aime quand même mieux ça.

M. Desjardins: Pardon?

La Présidente (Mme Marois): J'ai dit: Je ne suis pas d'accord, mais j'aime mieux comprendre cela de votre intervention. D'accord? Excusez-moi, M. le ministre.

M. Desjardins: L'autre élément que je peux peut-être ajouter là-dessus et qui vient faire un impact dans les années actuelles, c'est que nous, au Québec, nous vivons un taux de natalité qui est moindre qu'il l'était il y a 25 ans ou 50 ans. Ce taux de natalité fait en sorte que les bébés sont plus précieux qu'ils ne l'étaient. Je n'ai peut-être pas le droit de dire ça. Ce n'est peut-être pas gentil de dire ça de même, mais au moment où une femme pouvait en avoir peut-être six, huit ou douze, chacun avait une importance évidente, mais ce n'est peut-être pas pareil aujourd'hui pour celle qui n'en a qu'un ou deux. À ce moment-là on se doit d'Injecter dans notre société des éléments de sécurité additionnels pour garantir, dans un taux de natalité qui se chiffre autour de un point quelque chose, que la mère et le père vont avoir un enfant qui, d'abord, va survivre, que la mère va survivre aussi et que l'enfant aura les meilleures chances de se développer et de devenir un citoyen productif dans la société. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que maintenant, quand on se promène dans le trafic, les autos ont des affaires jaunes, en arrière, où c'est marqué "Bébé à bord". Soyez prudent, ne le cognez pas, n'ayez pas d'accident.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, vous attendez ma question parce que je l'ai posée à la Fédération des médecins omnipraticiens et je vous avais avisé que je vous la poserais. À la page 7, vous dites, au milieu du paragraphe: "Sans ces assurances élémentaires, c'est la santé des femmes enceintes qui sera le lieu d'expérimentation de techniques et- de méthodes aussi incertaines que disparates. " Évidemment, je ne l'affirme pas et je ne me sens pas dans une position pour être capable de l'affirmer non plus... En quoi l'intégration des sages-femmes est-elle préjudiciable à la santé de la mère et des enfants au Québec alors qu'elle ne le serait pas dans des endroits comme l'Europe ou les États-Unis, où ça a été pratiqué?

M. Desjardins: D'abord, vous avez viré la phrase de bord, ce n'est pas ce qu'elle dit. Ce qu'on essaie d'exprimer ici, c'est qu'il n'y a pas de justification, actuellement, au fait d'avoir des sages-femmes. Il y a une justification d'avoir une politique de périnatalité qui va viser, supposément, les problèmes les plus sérieux que j'ai mentionnée tantôt. SI on crée une nouvelle structure et qu'on fait des projets-pilotes, à ce moment-là, ce sont les femmes enceintes qui sont l'expérimentation. Il n'y a pas lieu de lire là-dedans que ça va leur nuire. On dit que ça va faire en sorte que ce sont elles qui seront l'expérimentation, au lieu d'avoir une politique de périnatalité. Peut-être, à l'intérieur de cette politique, qu'il y aurait un consensus si jamais vous acceptiez notre recommandation de la mise sur pied d'une table de concertation. Peut-être qu'à un moment donné il y aurait lieu de prévoir un nouvel intervenant et qu'il y aurait un consensus. Pour le moment, on ne voit pas l'utilité, la pertinence de créer un nouvel intervenant.

M. Côté (Charlesbourg): Je vais y aller directement. Je sais que vous êtes un homme direct; d'ailleurs, le mémoire le... Ce que vous me dites, c'est: II y a une certaine ouverture de notre part, dans la mesure où ça s'Inscrit dans une politique plus globale sur la périnatalité, et peut-être que, dans tout ça, on finira pas accoucher du principe des sages-femmes, mais on n'est pas sûr, il y a plusieurs conditions qui devront être respectées, et on n'est pas sûr

qu'on va y arriver. Évidemment, pour être capable de répondre à la proposition que vous faites, il faut savoir si, effectivement, il y a l'ouverture d'esprit et la volonté d'arriver à la reconnaissance de la pratique des sages-femmes. Si on fait l'ouverture pour mieux fermer la porte par un carcan sur le plan d'une table de concertation où on n'en sortira jamais, on est aussi bien de se le dire dès maintenant. C'est pour ça que, avant de répondre, c'est à cette question qu'il faudra répondre éventuellement.

M. Desjardins: Je n'ai pas de problème avec cette question, en aucune façon. D'ailleurs, je suis en présence de M. Chevrette qui, lui, lorsqu'il était ministre de la Santé et des Services sociaux, a jugé opportun la mise sur pied d'une table de concertation dans le dossier des effectifs syndicaux, dossier encore beaucoup plus difficile que le dossier des sages-femmes. L'expérience que j'en tire, c'est que ça a été une création pertinente, adéquate, fonctionnelle et qui remet au ministre, actuellement, peut-être môme aux deux ministres parce qu'il y en a un deuxième qui est responsable dans ce dossier, des opinions, des consultations qui ont été quasi unanimes et qui ont permis aux deux ministres de prendre les décisions appropriées dans ce dossier. Je ne vois pas pourquoi, si le ministre actuel décidait de créer une table de concertation sur la périnatalité et qu'on avait à débattre les quelques sujets - et II y en a peut-être d'autres, je ne dis pas que ma liste est exhaustive - que j'ai énumérés, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire progresser le dossier vers des objectifs et des moyens d'implantation et de réalisation de ces objectifs. Donc, ça se veut positif, ça se veut constructif. (22 h 30)

M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui. En tout cas, vous êtes très habile en répondant par une expérience passée et je trouve que c'est une réponse qui est très acceptable, compte tenu de ce que vous avez vécu dans le passé.

M. Desjardins: M. le ministre...

La Présidente (Mme Marois): C'est de bonne guerre, c'est très bien même.

M. Dssjardlns: Je peux sûrement vous laisser entrevoir en quelques secondes que, dans ce dossier, il y avait encore plus de tiraillements autour du ministre à cette époque et que c'est un coup de génie que d'avoir trouvé cette solution. Remarquez qu'on ne s'est pas toujours entendus si bien que ça, M. Chevrette et mol, mais sur ce dossier, c'est une réalisation concrète qui a permis à des gens qui étaient en opposition de se réunir et, finalement, de trouver un consensus, voire quasiment l'unanimité.

M. Chevrette: Vous avez l'air à avoir toujours un penchant pour l'Opposition.

La Présidente (Mme Marois): II y a un peu de mémoire dans tout ça. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ma consolation là-dedans. C'est dans la reconnaissance qu'un ministre de la Santé qui n'est pas un médecin puisse faire quelque chose.

M. Desjardins: Je me dois de dire que |e reconnais mon collègue, le Dr Lazure, qui lui aussi a été ministre avant et avec qui notre fédération a transigé des dossiers difficiles. Ce n'est pas parce qu'il est médecin que ça allait mal ou que ça allait bien. Je pense qu'un non-médecin peut faire un excellent travail comme ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Alors, on part de quelque part. Je veux revenir sur le principe parce que la FMOQ a fait le môme constat. On dit: On n'est pas dans une situation où. au Québec, on a besoin d'une profession additionnelle compte tenu du nombre de naissances et compte tenu du fait qu'on va aller dans des projets-pilotes alors qu'on se retrouve dans des expériences ailleurs, aux États-Unis. On disait tantôt: 4 % des accouchements aux États-Unis sont faits par des sages-femmes. Ce n'est pas si mauvais. Je pense que là-bas on ne s'en plaint pas plus qu'il ne le faut au niveau du résultat. Pourquoi cette expérience dans les pays européens, pourquoi cette expérience en Amérique du Nord, dans un pays voisin qui est celui des États-Unis, serait profitable, donnerait des résultats intéressants et pourquoi, chez nous, ça n'en donnerait pas?

M. Desjardins: Je n'ai pas dit ça. Je ne dis pas ça. Je prétends que cela s'inscrit à l'intérieur d'une politique de périnatalité. Malheureusement, je constate qu'on n'a pas, au Québec, de politique de périnatalité et que notre organisme, entre autres, n'a pas été consulté par le gouvernement, le ministère, pour la mise sur pied d'une politique de périnatalité. Nous avons reçu des documents en 1985, d'autres documents en 1987, mais les documents émis visaient, je dirais, uniquement, seulement ou exclusivement la reconnaissance des sages-femmes. On n'est pas prêts à dire, sans justification additionnelle, sans que le ministère puisse nous faire comprendre pourquoi il serait opportun de reconnaître les sages-femmes, on n'est pas prêts à endosser un tel projet. On pense que, d'abord, une politique de périnatalité visant des problèmes précis où le Québec a fait beaucoup d'améliorations ces dernières années et où II reste des problèmes sérieux, difficiles à attaquer comme la prématurité, comme les bébés de petit poids et que ces

sortes de dossiers-là ne sont pas des dossiers qui peuvent, à notre point de vue, être améliorés par la reconnaissance des sages-femmes. Est-ce que, après ça, il y aurait lieu de rediscuter d'un intervenant additionnel? Là, il faudrait voir la progression des travaux, de ce que nous avons tenté de suggérer: être une table de concertation sur la périnatallté.

M. Côté (Charlesbourg): Ce sera ma dernière question pour le moment. À la page 2 de votre mémoire, vous dites dans le deuxième paragraphe, à la dernière phrase: 'Tout se passe comme si le ministre de la Santé et des Services sociaux, incapable de résister à la pression exercée par des revendicateurs de statut professionnel dont l'activité n'a pas encore fait la preuve de sa pertinence et de son efficacité, a renoncé à l'arbitrage nécessaire des Intérêts en présence et a tout concédé."

La question est fort simple. Bon, on peut toujours dire que la question qui a été posée dans le sondage est une question très vertueuse et qu'on l'a libellée de manière telle qu'on voulait avoir une réponse, un taux de satisfaction très élevé au niveau de la réponse. Je l'ai dit tantôt, sur le plan des questions, vous pouvez même, à l'occasion, rédiger la réponse avant même de poser la question et de faire votre question, en termes de... C'est possible dans le cas des sondages. On l'a vu dans le passé. Il reste un fait, c'est qu'il y a quand même tout près de 80 % de la population qui veulent voir reconnaître légalement la pratique des sages-femmes. Est-ce que cela ne vous fait pas réfléchir un petit peu, à ce niveau-là, sur ce que nous devrions faire?

M. Desjardins: Non. Absolument pas. La Président* (Mme Marois): C'est clair.

M. Desjardins: Je vous répondrai là-dessus, sans dévoiler ce que d'autres mémoires peuvent contenir, parce vous les avez déjà, les mémoires, la Corporation professionnelle des médecins du Québec a, elle aussi, fait un sondage et le sondage démontre une satisfaction des femmes de se faire accoucher par des médecins dans une proportion du genre de 98,6 %. Deuxièmement, l'Association médicale canadienne a, elle aussi, fait un sondage sur le même sujet et a un taux de réponse qui est à peu près équivalent; admettons que je dise 95 % parce que je ne suis pas sûr de ce taux-là. Ce sont des taux de sondage qui peuvent paraître peut-être conflictuels et difficiles d'interprétation.

La façon dont nous autres, on voit ça, vous autres, vous êtes le gouvernement; vous avez des pressions qui sont des pressions réelles, des pressions politiques, des pressions économiques et toutes sortes d'autres pressions que je ne connais pas et que je ne comprends pas. Vous avez l'intention de reconnaître les sages-femmes. Vous nous demandez notre opinion. Nous autres, on essaie de vous dire: On ne comprend pas pourquoi il est opportun de reconnaître les sages-femmes. On vous répond: La périnatalité, ça devrait être un objectif prioritaire, primordial pour notre gouvernement; de fixer des objectifs les plus précis possible, d'essayer de les régulariser et de travailler là-dessus. À partir de là, on a émis notre opinion. C'est sûr que... Quelqu'un a dit tantôt: Vous pouvez changer de salle, vous en aller dans l'autre à côté et finir le débat. C'est évidemment le privilège qu'on vous reconnaît et devant lequel on s'incline.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

M. Côté (Charlesbourg): C'est très important ce que vous dites. Est-ce que ça signifie "devant lequel on s'incline" que, dans la mesure où il y aura cette étape-là, nous pourrions compter sur la collaboration des spécialistes pour la réalisation de l'expérience-pilote?

M. Desjardins: Ça, je crois que non, dépendant quel sera le libellé de la loi qui sera entérinée par l'Assemblée nationale et dans quelle mesure cette loi-là reconnaîtra peut-être quelques-unes des suggestions qu'on a pu vous faire, ou sera proche du texte actuel que nous rejetons complètement. Je ne crois pas que les médecins spécialistes, de quelque catégorie qu'ils soient, puissent collaborer à la mise en application d'une loi avec laquelle Ils ne sont pas d'accord.

Quand je dis qu'on s'incline, je veux dire qu'on accepte que cette responsabilité appartienne à l'ensemble des élus de notre société dans un processus démocratique.

M. Côté (Charlesbourg): Mais vous me semblez moins ferme dans votre non que ce qu'on a dans votre mémoire, si jamais le gouvernement décidait d'aller de l'avant. On verra avec le nouveau projet de loi, si on allait de l'avant.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente, je me suis habitué. Une première question. Je reconnais beaucoup de fermeté dans vos propos. Donc, je n'irai pas sur votre position vis-à-vis des sages-femmes. Je voudrais peut-être parler un peu droit avec Me Aquin.

Dans votre mémoire, vous faites allusion carrément au droit, en particulier à l'aspect de la reconnaissance d'une profession a posteriori et non a priori quant à l'exercice d'une profession. Est-ce que j'interprète bien votre mémoire sur cet aspect en disant que vous trouvez

Illogique qu'on puisse soustraire des obligations législatives qui sont conférées à un groupe pour les conférer à un autre groupe dont la profession n'est pas reconnue? Est-ce que c'est ça que vous voulez dire dans votre mémoire?

M. Aquin (François): Oui, alors voici. D'abord, quand on lit le texte de loi, c'est juste un exemple, c'est assez mystérieux de voir qu'on a toujours évité le mot "profession" pour le remplacer par le mot "pratique'1. Mais ce n'est pas parce que c'est un mystère que ça veut dire que c'est nécessairement mauvais comme tel. Cela dit, on en a parlé tout à l'heure et je pense bien que le Code des professions, dans les 20 dernières années, au Québec, a été une loi majeure. Il y a à peu près aujourd'hui 42 professions, 42 corporations professionnelles reconnues. L'objectif, c'est le bien public. Alors, le bien public est servi, parce que c'est organisé. Il y a un office, il y a des bureaux où le public peut siéger. Il y a des syndics. Il y a aussi un comité d'inspection professionnelle. Il y a un tribunal, un comité de discipline dont les séances sont maintenant publiques et ça a fait un gros changement au Québec. Au-dessus, il y a un Tribunal des professions. Les professions ont des codes de déontologie, avec le secret professionnel dans le code de déontologie et, ici, vous ne l'avez nulle part. Et aussi, il y a tout un encadrement au point de vue de la responsabilité professionnelle. Alors, j'écoute le discours ici et le discours m'apparaît un peu à double sens. Il y a une volonté de reconnaître les sages-femmes. Ce n'est pas à mol de dire si la volonté est légitime ou non, mais il y a une différence entre reconnaître les sages-femmes et adopter ce projet de loi. Ce sont deux choses qui m'apparaissent complètement différentes. S'il fallait les reconnaître, est-ce qu'il y avait une raison pour court-circuiter tout le Code des professions, toute la jurisprudence et tout l'encadrement qu'on a depuis 1973? Alors, c'est sûrement un point qui ressort du mémoire et un point qui apparaît fondamental, je pense bien, à beaucoup de juristes, en tout cas à moi.

M. Chevrette: Vous allez quasiment dans le sens où j'allais avant le souper. Je disais au ministre que ce serait peut-être mieux - et je pense que Ies sages-femmes accepteraient ça - de créer d'abord une corporation, de ne pas l'ouvrir nécessairement "at large" au début, parce qu'on y va avec des projets-pilotes, mais au moins ça correspondrait à une structure reconnue dans l'économie de nos législations. Tu crées une profession, tu lui donnes des pouvoirs et tu dis: Oui, mais je ne peux pas l'ouvrir tout de suite, parce qu'on ne crée pas ça spontanément. On va faire deux, trois, quatre, cinq, dix, quinze projets-pilotes parce qu'il y a quinze régions, par exemple, et puis, après ça on jugera. Moi, c'est ce que je crains. Je suis sûr que ce n'est pas ça que le ministre a entre les deux oreilles, mais c'est ce qui pourrait arriver. Tel que libellé présentement, faire un projet-pilote sans reconnaître une profession, ça peut être une façon fort habile... Les anglais diraient "image management", gérer l'image, c'est donner l'impression, créer l'impression que tu veux faire quelque chose pour les sages-femmes, mais que, dans le fond, tu ne fais pas grand-chose. Tu fais une expérience-pilote qui peut mourir dans l'oeuf, parce que toutes les professions ne fonctionnent pas dans le multidisciplinarisme ou le pluralisme des disciplines. Et, après une expérience négative, la profession ne se crée pas, pas du tout, parce que les projets-pilotes ont échoué. À mon point de vue, c'est là le danger qui nous guette. Je suis content de voir que même les sages-femmes, tantôt, ont compris très rapidement cette partie-là. (22 h 45)

Je voudrais vous demander maintenant - et je vais aller directement au Dr Desjardins, parce que l'avocat-conseil ne voudra pas me répondre, si on reconnaissait, si on créait une corporation dès le départ, l'accepteriez vous?

M. Desjardins: Vous me posez la question à moi?

M. Chevrette: Oui.

M. Desjardins: Non pas à Me Aquin.

M. Chevrette: Non, parce que Me Aquin va dire: Ça, ce n'est pas ma volonté politique à moi.

M. Desjardins: Oui. Ça dépend ce que vous allez faire avec la corporation après l'avoir créée.

M. Chevrette: On va suspendre normalement. Si le ministre est cohérent, il va enlever des pouvoirs aux omnipraticiens et aux médecins qui font des accouchements et il va les donner aux sages-femmes, mais pour celles qui pratiqueront d'abord dans le cadre d'un projet-pilote. Mais, au moins, ce sera une profession, il y aura un code de déontologie. Le ministre l'a dit au départ et il a pris le soin de faire une mini-déclaration ce soir. Il a dit: Elles auront une autonomie. Eh bien, II faut avoir une assise légale pour avoir une autonomie. Là, je pourrais aussi bien m'adresser à Me Aquin, mais je ne crois pas qu'on puisse créer une personne dans un projet-pilote, donner à une personne dans un projet-pilote l'autonomie de ses actes sans assise légale. Le ministère de la Santé, continuellement - je voyais Mme la directrice du contentieux tantôt - à chaque Noël comme à chaque mois de juin, nous arrive avec une série de projets de loi pour se donner des assises légales,

parce que, précisément, les règlements ne résistent plus et que, devant les tribunaux, on est débouté à tout moment.

Moi, je suis persuadé à la lecture du projet de loi 156 qu'il n'y a aucune assise légale. Je suis, encore une fois, convaincu de ça qu'on va arriver et être débouté par des médecins, ou par des omnipraticiens, ou par des spécialistes, qui vont aller en Cour et qui vont gagner. Rétroactivement, le contentieux va arriver avec un petit projet de loi et un article pour suspendre telle chose pour donner une assise légale au règlement, parce que cela n'existait pas.

M. Aquin: J'ai l'impression...

M. Chevrette: Moi, à partir du moment où on suspend des actes normalement dévolus aux médecins et qui seraient ultérieurement confiés à des sages-femmes, je voudrais savoir si ce ne serait pas préférable de créer une corporation. Si tel était le cas, est-ce que vous l'accepteriez dans le cadre d'un projet-pilote, cependant à partir du fait qu'il y ait une corporation de créée?

M. Desjardins: Je pense que la question préalable, c'est: A-t-on besoin de sages-femmes dans notre politique de périnatallté? Ça, c'est la question préalable.

M. Chevrette: Bien, il y a de la cohérence dans vos propos.

M. Desjardins: II reste ce que vous soulevez concernant l'assiette Juridique. Je n'ai pas de formation légale, vous comprendrez ça, mais notre mémoire semble indiquer ce que vous dites et la façon dont vous l'interprétez semble être correcte avec notre mémoire. On dit justement que le projet de loi va à rencontre de deux séries de lois très importantes, celle qu'on a qualifiée de l'Office des professions, le Code des professions et celle que l'on connaît peut-être mieux, la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Alors, si on est assis entre deux lois et qu'on est inconfortable, eh bien, à ce moment-là, on a les conclusions que vous tirez et je suis obligé de dire que je suis d'accord avec vous. De là à ajouter qu'il faudrait créer une corporation pour éviter ça, je ne suis pas suffisamment compétent pour répondre, mais je dis: Avant de faire ça, évaluons si on a vraiment besoin d'un nouvel intervenant dans le domaine de la périnatal ité. Oui ou non.

M. Chevrette: Oui.

La Présidente (Mme Marois): Je veux bien comprendre, dans votre mémoire, l'une de vos thèses de fond, c'est que le projet rompt avec les principes fondamentaux du droit professionnel québécois et vous vous référez au Code des professions.

M. Desjardins: C'est ça.

La Présidente (Mme Marois): Donc, la question qui est posée, c'est si le gouvernement se conformait au Code des professions, seriez-vous d'accord? À cela, vous répondez autre chose. Mais à cette question, précisément?

M. Desjardins: Nous ne reconnaissons pas la nécessité de créer une nouvelle profession. Si le gouvernement va de l'avant et la crée, cette profession-là, j'ai répondu tantôt au ministre...

La Présidente (Mme Marois): Que vous vous incliniez.

M. Desjardins: Oui, voilà.

La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci, M. le Président. Oui, M. le leader.

M. Chevrette: II s'incline, mais ne participera pas. C'est ce...

M. Desjardins: Voilà!

M. Chevrette: ...que j'ai compris. Ma question était claire à mon point de vue, dans le sens où moi, je demeure convaincu - c'est un commentaire que je veux faire - face à un projet de loi qui crée des projets-pilotes sans créer une corporation professionnelle, ou sans reconnaître explicitement une profession, qu'on ne fait pas d'essai dans ce secteur-là. Tu peux corriger des statuts professionnels à l'usage, par le fait qu'il y a une pratique, mais tu ne crées pas de projets-pilotes en leur confiant une autorité, une responsabilité, que ce soit pour un acte naturel, ou l'acte d'une mère naturelle, pas un acte médical. Je ne m'obstinerai pas là-dessus, je dis que c'est impossible qu'on accepte de créer un projet-pilote sans reconnaître, sans faire la reconnaissance juridique, légale de la profession. J'en demeure convaincu.

Ça a l'air d'être le monde à l'envers. Tu dis: Pratique donc en médecine et après ça je te dirai si je pourrai te reconnaître en tant que médecin. Ou, pratique la profession de sage-femme et peut-être que je reconnaîtrai la profession de sage-femme si jamais les sages-femmes réusissent à s'entendre avec les omnipraticiens, avec le directeur de l'hôpital, avec le coordonnateur de la maternité, avec le comité exécutif chargé des pouvoirs. Cela n'a pas d'allure. Je pense que, si on verse dans ça, il faut être clair. On reconnaît la profession des sages-femmes. On leur dit: Pour le projet-pilote, II y a tels gestes normalement dévolus au corps

médical qui seront exercés par les sages-femmes dans le cadre de tel projet-pilote et, en bout de course, après les expériences-pilotes, on étend cota plu» largement. Ça m'apparaît un processus un peu plus logique, en tout cas, que celui qui est décrit dans le projet de loi 156. À mon point de vue, le projet de loi 156, à la veille des fêtes, de même, ça a l'air d'un suçon mal enrobé. C'est un attrape-nigaud. Déchirez-vous entre vous autres et, dans cinq ans, moi j'aurai fait voir que j'ai fait quelque chose à court terme pour les sages-femmes, mais dans cinq ans, tout le monde se sera chicané, on déchirera le projet de loi 156 et il n'y aura pas de reconnaissance de la profession et il n'y aura rien.

La Présidente (Mme Marois): C'était un commentaire. À ce commentaire, est-ce que vous voulez répondre à votre tour, M. le président?

M. Desjardins: Je pense que je suis d'accord avec M. Chevrette sur les difficultés à caractère légal. Je voudrais juste ajouter qu'au-delà de ça, si jamais on les solutionne, il ne faut pas oublier l'aspect scientifique, la sécurité de la femme au moment de sa grossesse et la nécessité d'avoir des bébés avec le potentiel optimal de développement et de productivité subséquents dans notre société.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le président. Est-ce qu'il y a d'autres questions ou commentaires? M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Un seul commentaire sur ce que disait à la fin le député de Joliette, qui me paraît un peu gros, sur l'attrape-nigaud ou l'épouvantail qu'on sort juste avant Noël comme un cadeau ou juste pour faire semblant, l'image. Ça me paraît gros comme affirmation, compte tenu du fait que ce même projet de loi-là a été déposé au mois de juin et, n'eût été les élections, aurait certainement été en commission parlementaire bien avant le moment où nousy sommes. Dans ce cas là. Je dis juste au député de Joliette: Attendez, vous porterez votre jugement, vous aurez l'occasion de le faire sur le plan des principes lorsqu'on redéposera le projet de loi à l'Assemblée nationale. Je pense que c'est être un peu plus prudent dans ce sens-là.

M. Chevrette: Mme la Présidente, II reste huit minutes de mon temps. Je vais en prendre quatre certain pour répondre à ça. D'abord, le Parlement devait siéger au moins le 15 novembre pour que le projet soit accepté comme législation. Deuxièmement, ça devait être une consultation générale et le ministre a reviré ça en consultation particulière avant les fêtes. Vous ne nierez toujours pas ces faits-là. On avait annoncé une consultation générale sur ce projet et tout d'un coup ça pressait, ça urgealt. Les gens ont été obligés de venir. Même jusqu'à la dernière minute, on a téléphoné à du monde pour leur dire: Préparez-vous, ça urge. Ce n'est plus une consultation générale, c'est une consultation particulière. On n'a pas voulu que les gens soient brimés. On a dit: II y a 20 groupes, on va entendre les 20 groupes. Là-dessus, le ministre s'est montré disponible pour au moins ajouter les groupes qui voulaient s'ajouter. Mais c'est très sérieux comme législation. On ne prend pas ça à la légère un projet de loi aussi important, si important qu'à mon point de vue cela nécessite beaucoup de dialogue, beaucoup de concertation. Si le ministre, par exemple, continuait dans son idée de mettre ça dans les hôpitaux absolument, moi je ne suis pas convaincu que les projets-pilotes vont être heureux. C'est drôle! Quand un médecin comme le Dr Desjardins nous répond qu'il ne participera pas et que c'est une clarté, d'une limpidité sans équivoque, je serais Inquiet en maudit pour le projet. S'il ne faut pas le changer tout de suite, on est malade. Si ceux qui devraient participer dans des équipes multidisciplinaires nous le disent carrément, aux yeux et au su de tout le monde, au cours d'un enregistrement pour la postérité, si on ne change pas notre fusil d'épaule Immédiatement, on est des malades. On accepte des projets en fonction de quoi, si ce n'est pas de l'Image management"? C'est ça que je veux dire. J'y tiens mordicus. Si on légifère, on va légiférer dans le sens où on en a parlé. On va donner des assurances pour que les projets aient toutes les chances de réussir et rendent service à la collectivité. Ce n'est pas se donner un projet de loi pour essayer de faire plaisir à quatre ou cinq. Ce n'est pas de même que ça marche dans la législation.

C'est dans ce sens-là que je dis que ce projet de loi mérite énormément d'attention, mérite beaucoup d'études et mérite également beaucoup de concertation, d'autant plus que si on a fait notre lit pour les hôpitaux, cela change bien l'approche par rapport, par exemple, à des projets pilotes qui pourraient se tenir dans un CLSC ou dans une maison des naissances sous la responsabilité d'un CLSC. Il y a aussi toute la dépendance à l'égard des professionnels. Les sages-femmes demandent de l'autonomie, le ministre la leur a garantie, les CLSC demandent que cela dépende d'eux qu'elles soient des salariées du CLSC et qu'elles exercent dans l'équipe de médecine de première ligne, d'après ce que j'ai compris. Les omnipraticiens disent qu'ils ne veulent pas participer, les spécialistes disent qu'ils ne veulent pas participer et le ministre dit: Cela va se faire dans les hôpitaux et les sages-femmes vont avoir de l'autonomie. C'est quoi, cela? Cela prend un discours clair, simple aussi et pas 4012 structures pour contrôler tout cela, quelque chose de très simple, de très cohérent qui s'appuie sur un Code de

professions qui reconnaisse des pouvoirs, des privilèges, des prérogatives, un code de déontologie, etc. Voyons. On ne s'en va pas de môme à la va-comme-je-te-pousse, môme si Noël approche.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le leader. Je ne ferai pas de commentaires. Je pense que les gens qui présentent leur mémoire ont ontendu ceux que j'ai faits tout à l'heure, alor» Ils peuvent les extenslonner, si vous me pardonnez l'expression. M. le ministre, je vous rappelle que votre temps est écoulé. Si, de votre part, il y avait des commentaires, il y a un groupe qui suit et cela vous permettra de les faire à ce moment-là, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je les ferai définitivement à ce moment-là, parce qu'il y a des propos du député de Joliette qui...

La Présidente (Mme Marois): Vous les ferez à ce moment-là si vous le permettez, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, si vous me laissiez terminer, s'il vous plaît. Les parlementaires ont encore quelques droits autour de cette table, j'imagine.

La Présidente (Mme Marois): Très certainement et, comme vous avez pu le constater, vous n'avez pas été brimé à cet égard jusqu'à main-tonant.

M. Côté (Charlesbourg): Non, et je n'entends pas l'être non plus. Je veux remercier M. Desjardins ainsi que ceux qui l'accompagnent de leur présentation. Elle était très franche du début à la fin et fort consistante. Je pense qu'on a la position très claire de la Fédération et on va très certainement se revoir, soit sur la périnatalité, soit sur les sages-femmes.

Association des obstétriciens et gynécologues du Québec

La Présidente (Mme Marois): Je remercie aussi la Fédération. Merci, M. le ministre. J'appellerai maintenant l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec.

Si les membres de la commission veulent prendre leurs sièges, s'il vous plaît. J'imagine, M. le président, que vous allez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Nous vous remercions d'être là. Je voudrais, avant de vous laisser la parole, bien indiquer aux membres de cette commission que jusqu'à maintenant aucun de ceux-ci n'a été brimé dans son droit d'expression et qu'aucun ne le sera pour le reste du temps que nous aurons à travailler ensemble aux audiences concernant le projet de loi 4. À vous,

M. le président.

M. Rochette (Antonin): Je vous remercie, Mme la Présidente. Je voudrais aussi vous remercier tout d'abord de nous avoir offert de nous entendre lundi soir à 18 heures, mais, comme vous le savez, les obstétriciens-gynécologues avaient déjà prévu ce soir à 23 heures. Soirée pour soirée, on est habitué, comme vous d'alllourH, à travailler à ces heures peut êtro un peu Indues. (23 heures)

Mon nom est Antonin Rochette, président de l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. J'aimerais vous présenter le Or Rodolphe Maheux, obstétricien-gynécologue, à ma droite; le Dr Vita-Marya Senikas et le Dr Anne Fortin, obstétriciennes-gynécologues, ainsi que le Dr Julia Villa, obstétricienne-gynécologue et le Dr Marc Bureau, notre président du comité de périnatalogie et obstétricien-gynécologue.

J'aimerais tout d'abord, avant de lire, vous demander, s'il est possible... J'ai un autre exposé à vous présenter dont vous n'avez pas copie. Vous avez copie de notre mémoire. Maintenant, j'ai des copies Ici, si vous voulez les avoir, et j'aimerais...

La Présidente (Mme Marois): Oui, nous aimerions. C'est plus simple pour nous parce que, au fur et à mesure que vous en faites la présentation, on peut annoter, on peut se préparer, quoi.

M. Rochette: Voilà! Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, les obstétriciens-gynécologues du Québec, par la voie de leur association, sont heureux d'avoir été invités à vous donner leur opinion sur le projet de loi concernant la légalisation des sages-femmes au Québec. En effet, un lobbying important à l'intérieur même du ministère et par les divers médias a permis à une minorité "surexprimée" d'influencer les décisions ministérielles. Malheureusement, on n'a pas jugé bon de nous consulter. Nous sommes donc très heureux de pouvoir vous présenter ce soir notre point de vue sur la pertinence d'un nouvel intervenant en périnatallté au Québec.

Nous devons vous rappeler que nous avons au Québec un des meilleurs systèmes de santé au monde. En périnatalité nos statistiques sont excellentes, tant du point de vue de la mortalité périnatale que de la mortalité maternelle. Le taux de mortalité périnatale, à 8,5 pour 1000 au Québec, se compare avantageusement à celui de tous les pays développés. Très souvent, le Québec est comparé aux Pays-Bas où on retrouve des sages-femmes et, pourtant, leur taux de mortalité périnatale est de 10,4 pour 1000. Nos services de périnatalité sont donc excellents. Le pourcentage des naissances de bébés de poids inférieur à 2500

grammes est de 4 % aux Pays-Bas, alors qu'au Québec le taux est de 6, 4 %. Il est vrai que nous avons plus de bébés de petits poids mais, malgré cela, notre taux de mortalité périnatale est meilleur. Cependant, nous reconnaissons que la naissance de bébés de petit poids et la prématurité sont des phénomènes fréquents chez nous.

Dans diverses régions de la province, il existe des problèmes socio-économiques et c'est à ces endroits principalement que nous retrouvons ces phénomènes. Nous ne voyons pas ce qu'un nouvel intervenant en grossesse normale pourrait apporter à l'équipe déjà existante des médecins, des infirmières, des diététistes, des travailleuses et travailleurs sociaux pour la prévention de la prématurité, problème numéro un au Québec. C'est plutôt en utilisant à meilleur escient ce personnel déjà en place et ayant déjà identifié les problèmes que nous rejoindrons ces gens des milieux défavorisés. C'est à ces endroits qu'il faut mettre les ressources et non dans un nouvel Intervenant en grossesse normale.

La santé de la mère et du bébé a toujours été une priorité pour les infirmières, les pédiatres, les médecins de famille et les obstétriciens-gynécologues, lesquels ont tous contribué à l'humanisation des soins en obstétrique en favorisant notamment l'aménagement de chambres de naissances dans les centres hospitaliers et en réhabilitant l'allaitement maternel. Jusqu'à 70 % à 80 % des femmes allaitent leur bébé. Elles sont aidées par l'enseignement et par la participation du conjoint.

Au cours des dernières années, de grands pas ont été franchis. Les chambres de naissances sont passées de 43, en 1983, à 81, en 1986, et le mouvement continue. Les vieilles routines ont été abandonnées et remplacées par de nouvelles. Les pères assistent à l'accouchement et à la césarienne et, très souvent, les enfants et les grands-parents.

Depuis toujours, les obstétriciens-gynécologues ont été extrêmement préoccupés par la santé de la mère et de l'enfant et sans cosse à l'écoute des besoins de leur clientèle. Il y a quelques années, le comité des femmes médecins de la Corporation professionnelle des médecins du Québec a fait une étude chez plus de 1000 Québécoises ayant accouché: 98, 5 % étaient satisfaites de leur accouchement. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. En 1986, une étude de l'Association médicale canadienne montrait un taux de satisfaction de 97 %. Nous avons les meilleures statistiques et on nous reproche des interventions telles la césarienne et l'épisiotomie. Pourtant, le taux de césariennes de 17, 5 % au Québec, actuellement, se compare à ceux du Canada et des États-Unis. Quelles sont donc les principales causes des césariennes, les césariennes itératives ou répétitives, les sièges et les dystocies?

Césarienne un jour, césarienne toujours, disait-on autrefois. Grâce à nous, cette affirmation n'est plus vraie. La recherche faite par les obstétriciens-gynécologues a permis de recommander, les conditions s'y prêtant, l'accouchement vaginal après césarienne. Nous comptons sur le gouvernement pour pourvoir ces centres obstétricaux de ressources adéquates afin de favoriser cette pratique. Malheureusement, une femme sur deux ayant eu une césarienne antérieure demande encore une deuxième césarienne. Or, nous ne croyons pas qu'il soit possible, dans le contexte actuel, d'obliger une femme ayant eu une césarienne antérieure de tenter l'accouchement naturel si elle n'a pas le désir de le faire. Les obstétriciens-gynécologues tentent de convaincre par tous les moyens à leur disposition les femmes ayant eu une césarienne antérieure d'accoucher par voie vaginale.

Dans la présentation du siège, les obstétriciens-gynécologues pratiquent l'inversion par manoeuvre externe afin d'éviter les risques Inhérents à un accouchement par le siège. Avec ces méthodes, le taux de césarienne est en diminution jusqu'à 50 %, dans certains centres, et ce, grâce aux informations et à la recherche permettant de rassurer quant à la faible morbidité de cette approche. Cependant, nous devons souvent faire face au refus de la femme de courir un risque, même minime, en présence d'une présentation du siège. Lorsque nous expliquons à une femme que l'accouchement vaginal du siège peut présenter un risque aussi petit que 1 % pour son enfant, elle opte la plupart du temps pour la césarienne. Pour la femme et son conjoint, la sécurité est primordiale pour son enfant et pour elle-même.

Quant à la dystocie, il y a des projets de recherche, dont un international coordonné au Québec et qui a reçu une subvention d'un demi-million de dollars du Conseil de recherche médicale du Canada.

Au sujet des épisiotomies, l'attitude générale des obstétriciens-gynécologues est de pratiquer une épisiotomie lorsqu'il y a des tensions importantes du périnée et des possibilités de déchirure majeure des organes génitaux externes, telle une lacération para-urétrale ou clitoridienne. Il y a des indications précises à l'épisiotomie. Si l'épisiotomie est aussi décriée, pourquoi les sages-femmes veulent-elles avoir le privilège de la pratiquer?

La situation budgétaire vécue dans les hôpitaux du Québec a entraîné une augmentation des tâches des infirmières dans les départements d'obstétrique avec une diminution des postes permanents d'infirmières, ce qui a amené une diminution de la présence constante d'infirmières d'expérience auprès des femmes en travail. Il est plus Important d'augmenter le nombre de ces infirmières faisant partie de l'équipe de périnatalité dans les départements d'obstétrique que d'ajouter un nouvel intervenant consacré à une

minorité de Québécoises.

Nous serions intéressés de savoir si la population ne désirerait pas, dans le cadre d'une politique gouvernementale nataliste, une augmentation des fonds disponibles dans le retrait préventif et un système de garderies beaucoup plus adéquat, tel qu'on en retrouve en Europe et ailleurs. Nous serions intéressés de savoir également si la population n'aimerait pas plutôt voir une diminution de la prématurité en allant retrouver dans les milieux socio-économiquement défavorisés les femmes les plus à risque de prématurité et de morbidité périnatale. De plus, l'état de grossesse de la femme n'est pas toujours respecté au travail. La femme enceinte doit souvent travailler dans des conditions difficiles et le retrait préventif n'est pas toujours accordé.

Quant aux aspects médico-légaux, on pour se poser de sérieuses questions. En effet, II existe actuellement plusieurs groupes de sages-femmes et on retrouve, dans le projet de loi, un comité formé de trois sages-femmes, d'une infirmière et d'un médecin que j'appellerai le médecin de service. Les opinions de ce médecin de service seront noyées à l'intérieur de ce comité d'évaluation des critères de compétence et de formation. Aux États-Unis, les sages-femmes qui ne travaillent pas de concert avec les obstétriciens ne peuvent trouver d'assurance-responsabilité professionnelle.

Dans le contexte actuel, avec toutes les pressions médico-légales et l'intérêt croissant pour une meilleure qualité de vie, il est sans conteste que les obstétriciens-gynécologues accomplissent leur fonction avec intérêt et un souci marqué de la santé des femmes et des enfants du Québec. Les obstétriciens-gynécologues sont aussi des chirurgiens. Ils n'ont pas été formés seulement pour intervenir, tel que déjà mentionné, mais plutôt pour offrir aux femmes une qualité de soins dépassant le simple accompagnement.

Accoucher est un acte naturel, un événement normal et heureux. Cependant, II peut devenir dramatique en l'espace de quelques secondes, même avec une grossesse normale, et nécessiter des interventions qui peuvent être accomplies seulement par un médecin. Par exemple, une baisse soudaine du coeur foetal ou une hémorragie importante peut survenir à tout moment, sans aucun avertissement, et cela nécessitera une intervention immédiate afin d'éviter un manque d'oxygène au cerveau du bébé, conséquence si dramatique pour les parents et pour la société.

Les femmes désirent la sécurité pour elles et leur enfant. Pour assurer une sécurité maximale en dehors du centre hospitalier, il faudrait des maisons de naissances avec un personnel et un équipement adéquats équivalents à ceux des centres hospitaliers. Si le gouvernement a de l'argent à investir, pourquoi ne pas l'investir dans un hôpital plutôt que de dédoubler les équipements? Il est illusoire de penser qu'on pourra sélectionner, sans erreur ni conséquence dramatique, des patientes pouvant accoucher dans de telles maisons. En cas d'urgence, un transfert dans un hôpital, même très rapproché, peut faire perdre de précieuses minutes souvent essentielles à la naissance d'un enfant sain de corps et d'esprit. L'accouchement à domicile est absolument inacceptable en termes de sécurité, à partir du moment où la société s'est donné un régime d'assurance-hospitalisation et d'assurance-maladie.

Notre perception du désir des femmes du Québec est que tout doit être mis en oeuvre pour assurer le maximum de sécurité à la mère et au nouveau-né, ce qui a toujours été notre objectif. Nous pensons qu'avec les ressources actuellement disponibles au Québec, II n'est point besoin de sages-femmes. En cotte période d'austérité, telle qu'annoncée récemment par le premier ministre, si le gouvernement a encore des fonds disponibles en périnatalité, nous vous recommandons de ne pas les gaspiller en faveur de nouvelles intervenantes dans la grossesse et l'accouchement normal, mais bien plutôt de les utiliser là où la population en a réellement besoin, soit dans la prévention de la prématurité et de la naissance de bébés de petit poids.

Dans le but d'humaniser tous les accouchements au Québec, il faudrait encore donner aux centres hospitaliers des ressources pouvant assurer dans les blocs obstétricaux un personnel permanent et suffisant à la tâche. Pour consolider une politique nataliste, un support serait nécvessaire pour la femme à la maison et la femme enceinte au travail. Les politiques de garderie et le retrait préventif devraient devenir des mesures sociales. (23 h 15)

Pour conclure cet exposé, nous sommes convaincus que de forcer l'entrée d'un nouvel intervenant dans ce secteur est un danger pour la santé de la mère et de l'enfant. Les fonds disponibles devraient être investis dans les véritables priorités du Québec. Le gouvernement devrait discuter avec les membres de l'équipe de périnatalité et le projet de loi 4 devrait être retiré.

Nous nous tenons à votre disposition pour discuter des vrais problèmes d'obstétrique et élaborer avec vous une véritable politique de périnatalité. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, M. le président. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. C'est un mémoire qui est très dur, livré de manière très dure aussi et qui fait son lot d'un certain nombre d'affirmations que, personnellement, je ne peux pas laisser passer. Ça commence dès le premier paragraphe où vous

dites: "En effet, un lobbying important à l'intérieur même du ministère et par divers médias a permis à une minorité "surexprimée" d'influencer les décisions ministérielles. Malheureusement, on n'a pas jugé bon de nous consulter". Je pense que ce sont des affirmations qui sont un petit peu grosses.

On a parlé de sondages depuis tantôt, où 80 % de la population désire qu'il y ait reconnaissance de la pratique des sages-femmes. Si 80 % est une minorité, je n'y comprends plus rien Vous dites ne |amais avoir été consultés On m'Informe - je n'étais pas là - que, dans le petit document "La périnatalité, la pratique des sages-femmes au Québec", un document qui date de 1987, vous avez été associés à cette démarche et que M. Pierre Blanchette, gynécologue-obstétricien à l'hôpital du Saint-Sacrement, était d'ailleurs un des membres... Ce que je comprends, c'est qu'il y a quand même eu une certaine forme de consultation. Est-ce qu'au moins, celle-là, vous la reconnaissez?

M. Rochette: Le Dr Pierre Blanchette? M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Rochette: C'est un obstétricien-gynécologue à Québec, c'est un excellent bonhomme, mais c'est à titre privé qu'il a été consulté.

M. Côté (Charlesbourg): À titre privé?

M. Rochette: Ce n'est pas comme membre de notre association qu'il a été consulté, mais bien à titre privé.

M. Côté (Charlesbourg): Et, en aucun temps, vous n'avez été saisis de ce document pour exprimer votre opinion comme regroupement.

M. Rochette: À ma connaissance, non, sauf pour un document que nous avons fait parvenir, il y a plusieurs années, au ministère. Je ne pourrais pas vous dire l'année.

M. Côté (Charlesbourg): En 1987. C'est à la suite de ce document, semble-t-il.

M. Rochette: c'était... je ne me rappelle pas si c'est... je ne peux pas répondre. je ne me rappelle pas, je n'étais pas président à ce moment-là.

M. Côté (Charlesbourg): On me dit...

M. Rochette: Peut-être que d'autres se rappellent. Rodolphe, est-ce que tu te...

M. Maheux (Rodolphe): Cela n'a pas été sollicité par le ministère, mais dans l'élaboration de la politique on a jugé bon, à un moment donné, de dire ce qu'on pensait et d'écrire une politique sur ce qu'on devait penser parce que jamais le ministère n'a sollicité les obstétriciens-gynécologues qui sont pourtant ceux qui, sur le plancher des vaches, ont leur opinion dans ce dossier-là; ce qui est quand même surprenant.

M. Côté (Charlesbourg): Si jamais c'est ça, c'est surprenant. Si jamais c'est ça - vous allez au moins me donner la liberté, comme je n'étais pas là, de vérifier, mais soyez sûrs qu'on va revenir, que ce soit oui ou non, avec des faits précis, des dales et des documents s'il le faut.

Comment réagissez-vous devant un sondage qui dit que 80 % de la population du Québec souhaite qu'il y ait reconnaissance de la pratique des sages-femmes? Est-ce que vous ne vous sentez pas complètement à contre-courant?

M. Rochette: Bon, est-ce que vous y croyez vraiment à ce sondage de 80 %? J'aimerais bien connaître les modalités du sondage. Parce que si, en 1986, l'Association médicale canadienne a fait un sondage et que 97 % des femmes étaient satisfaites des soins qu'elles ont obtenus... La même chose pour la Corporation il y a quelques années, si on fait des sondages et on en a fait dans nos hôpitaux ici à Québec, par exemple, je pourrais vous donner... Alors, les gens sont satisfaits à 90 %, ou en haut de 90 %, à 95 %. Si, dans votre sondage, vous parlez de 80 %, je serais curieux de savoir le nombre de personnes interrogées qui savaient qui était une sage-femme, qu'est-ce que ça faisait, une sage-femme.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je ne pense pas que l'un présume que l'autre n'est pas bon. Il est fort possible quo les femmes dénotent 97 % de satisfaction à votre endroit. Je pense que c'est normal et ce n'est peut-être pas contestable. Ça n'empêche pas pour autant les femmes, au niveau du Québec ou de la population en général, d'exprimer qu'elles veulent la reconnaissance de la pratique des sages-femmes à 80 %. Évidemment, vous savez, il y a toujours quelqu'un qui commande le sondage. En règle générale, c'est pour avoir de l'information et peut-être pour des fins précises, mais, au moins, il y a une indication. Admettons que ce n'est pas 80 %, que c'est 60 %. C'est déjà suffisamment important pour être capable d'en tenir compte. Et moi, ça me paraît une indication assez importante.

À la page 2 de votre mémoire, au premier paragraphe, vous dites: "Cependant, nous reconnaissons que la naissance de bébés de petit poids et de prématurité sont des phénomènes fréquents chez nous. " Pourriez-vous me dire qu'est-ce que vous avez fait pour contrer ces phénomènes?

M. Rochette: Est-ce que tu veux répondre, Marc? Notre périnatalogiste va... Alors, le Dr

Bureau.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le président. Oui, très certainement.

M. Bureau (Marc): Disons que c'est un problème qui concerne tous les pays, la lutte contre la prématurité. Actuellement, II y a des études qui ont été faites depuis plusieurs années, entre autres en France, par un dénommé Papler-nick, qui est très bien connu internationalement, ainsi que par d'autres médecins en Californie. Ils ont été en mesure de démontrer qu'on pouvait, avec des interventions sociales d'importance, diminuer ce taux de prématurité et qu'on pouvait le diminuer peut-être de moitié. Maintenant, l'implication que ça avait, quant à toutes les structures en place pour le réaliser, était dans le cadre de projets-pilotes qu'on pouvait augmenter difficilement à l'échelle d'un pays. Alors, ils en sont là. Justement, après avoir identifié, dans des projets-pilotes, que ça pouvait fonctionner, ils en sont justement à demander des ressources sociales pour pouvoir les réaliser, pour pouvoir atteindre les gens les plus concernés par la prématurité. Nous, ce qu'on fait, c'est que, d'abord, on a sensibilisé nos membres aux facteurs de risque de prématurité par le biais de l'éducation médicale continue. On a aidé nos membres à essayer de les rechercher et les dépister le mieux possible. Maintenant, tout le monde a fait le constat que ça prend plus que des connaissances. Ça prend tout un support, une structure sociale. On en est rendu là, à demander cette structure sociale pour pouvoir le réaliser. Alors, c'est faisable, médicalement. Ça s'est fait dans des projets-pilotes. On espérerait pouvoir le faire le plus possible et tous les médecins en sont bien conscients dans notre association.

M. Côté (Charlesbourg): Je l'ai dit ce matin et je pense que c'est probablement une vérité de La Palice, vous le dites vous-même, ce sont, en règle générale, chez des adolescentes; deuxièmement, dans des endroits où l'économie est faible et, troisièmement, dans des réglons éloignées ou isolées. Un des problèmes très importants au niveau du Québec, au moment où on se parle, c'est d'avoir des médecins dans les réglons éloignées. Donc, la troisième clientèle, qu'est-ce qu'on peut faire pour régler ce problème-là? Parce que c'est ça. Tout le monde vient ici et tout le monde nous parle de périnatalité et d'efforts qu'on doit faire pour tenter de solutionner les problèmes et d'avoir une politique de périnatalité. Ça inclut qu'on devrait tenter de solutionner les problèmes de ces trois catégories-là. Qu'est-ce qu'on peut faire pour régler le problème des régions éloignées?

M. Rochette: Oui. Écoutez, je pense que le gouvernement a déjà tenté et essaie encore de régler le problème des régions éloignées. Il faut bien se rappeler le décret, par exemple, où les jeunes médecins, où les gens qui vont travailler dans les régions éloignées sont mieux rémunérés que ceux qui travaillent dans les villes; ça crée même certains problèmes. Mais il y a certainement plus de médecins dans les régions éloignées qu'il n'y en avait, je pense. Je pense que, tout de môme, ça aide à solutionner le problème des régions éloignées. Je ne travaille pas personnellement en région éloignée, mais il semble bien que, dans plusieurs régions, ça fonctionne, tout de même.

M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire qu'on a une bonne collaboration des fédérations, je pense, pour tenter de...

M. Rochette: Je pense.

M. Côté (Charlesbourg): ...régler des problèmes ponctuels.

M. Rochette: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Reste que le problème de fond lui-même n'est pas réglé. Quand on parle de périnatalité, des couches auxquelles il faut s'adresser, c'en est une en particulier où il va falloir régler. Alors, si les sages-femmes ont une bonne expérience pour régler les problèmes à Povungnituk, peut-être que ça peut être bon ailleurs aussi pour régler la sorte de problème qu'on a. Est-ce que ça voudrait dire, dans ces cas-là, que les sages-femmes seraient bonnes pour régler les problèmes là où les médecins ne veulent pas aller?

M. Rochette: Pas nécessairement. Je ne vois pas pourquoi elles pourraient.... Les médecins y vont; il y en a des médecins, à Povungnituk, je pense, ou à ces endroits-là. Rodolphe.

M. Maheux (Rodolphe): Moi, j'ai été dans les régions éloignées; j'ai pratiquée dans le Nord du Québec deux ans; je parle par expérience, j'y ai été. Je suis revenu en spécialité et en surspécialité, mais j'ai été en région éloignée. Ici, on parle de prématurité, on ne parle pas d'accouchement normal en région éloignée parce qu'en région éloignée, quand un accouchement n'est pas normal, on l'envoie en bas et on l'accouche en bas. Alors, on n'a pas de complications, les accouchements vont tout le temps bien. Mais il y a une affaire qui est bien importante: quand on parle de prématurité et de faire de la prévention de la prématurité, ça ne prendra pas une intervenante dans l'accouchement normal, ça va prendre des gens qui seront capables d'aller la chercher, l'adolescente qui reste à Saint-Sauveur, à Saint-Roch ou dans le bas de Montréal, et lui dire: Viens consulter et, voilà, arrête de manger

des chips et de la liqueur et prends-toi une diète qui a du bon sens. Ce n'est pas en ayant une nouvelle intervenante qui, foncièrement, est spécialisée dans l'accouchement normal qu'on va régler ce problème-là et c'est notre problème chez nous, c'est là qu'est notre trouble. On perd des bébés parce qu'ils naissent avant le temps. Et notre problème, on ne le réglera pas en ayant une nouvelle intervenante dans un accouchement normal, c'est bien évident, l'accouchement n'est pas normal dans ces cas-là.

M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'on va finir par se comprendre et se rejoindre, à un moment donné, parce qu'on parle d'avant, pendant et après. Vous voyez que j'ai bien appris mes leçons. C'est un problème... Quand on s'adresse à ces problèmes spécifiques, c'est un problème d'avant et c'est un problème d'après, ce n'est pas un problème de pendant. Qu'est-ce que vous avez fait ou qu'est-ce que vous suggérez au gouvernement de faire, autrement que d'investir des sommes d'argent, pour régler ces problèmes-là?

M. Maheux: Qu'est-ce qu'on a fait au départ, dans le passé? On peut facilement dire que le comité de mortalité périnatale au Québec, c'est un gynécologue-obstétricien qui l'a fondé sans une mosus de cenne, le gars l'a fait de ses soirs et de ses fins de semaine. D'abord, simplement répertorier qui mourait au Québec et savoir dans quelle région ils mouraient et pourquoi, s'il y avait quelque chose qu'on pouvait faire. Au départ, c'était un travail de défrichage qui a été fait par un gynécologue de Québec, Dr Roger Brault qui est décédé mais qui, quand même, a défriché pas mal de terrain pour identifier quels étaient les facteurs de risque. Je pense qu'actuellement, ce qu'on peut faire... Je pense qu'un "screenlng" Important doit être fait en début de grossesse, cela veut dire Identifier si la grossesse va se dérouler de façon normale ou anormale. Il y a des facteurs de risque qui peuvent être identifiés là-desssus. Je pense que le gouvernement peut insister à partir des structures mêmes qu'il a actuellement: les départements de santé communautaire, les CLSC, toutes les structures qu'il a à sa disposition pour essayer de retrouver, d'aller chercher par les écoles, les CLSC, par des programmes dans les... Je ne sais pas, moi, elle doit avoir passé un test de grossesse quelque part, cette petite fille-là, pour savoir qu'elle est enceinte. Il s'agit de retrouver ces gens-là pour essayer de les amener à avoir, d'abord, une certaine éducation pour savoir de quelle façon la grossesse va se dérouler et les aider. II peut y avoir des grossesses qui, souvent, sont très difficiles. Ce sont souvent des grossesses plus ou moins désirées, qui peuvent être cachées, dans certains cas, et elles ont besoin d'une aide qui ne se fera pas avec une inter- venante dans un accouchement normal.

M. Côté (Charlesbourg): À l'occasion, vous feriez un bon politicien qui ne veut pas répondre à la question. Mais, évidemment, on me dit que... Dr Brault, je pense qu'il faut lui rendre un témoignage tout à fait vibrant, effectivement, c'est vrai qu'il faut le reconnaître. Alors, comme vous le soulignez, aussi bien que la commission l'admette elle-même d'emblée.

A la page 2 toujours, vous dites: "La santé de la mère et du bébé ont toujours été une priorité pour les infirmières, les pédiatres, les médecins de famille et les obstétriciens-gynécologues. " Quand j'ai entendu ça tantôt, j'ai dit: Oui, c'est vrai, tout le monde... Je pense que personne ne peut mettre ça en doute. Cependant, j'ai dit: Partait! une priorité pour les infirmières! Cela m'a rappelé que, cet après-midi, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec est venue ici déposer un mémoire de 43 pages, très étoffé, dans lequel elles disent: II est clair, nous devons reconnaître la pratique des sages-femmes et, nous aussi, on parle d'expérience parce qu'on est là, nous aussi, dans les centres hospitaliers quand ça se passe, et un peu partout. Je trouve ça... J'ai de la misère à concilier les deux parce que vous êtes deux et vous sembliez dire, tantôt: Elles sont tellement bonnes, puis il n'y en a pas assez, vous devriez en ajouter et, celles à temps partiel, les rendre permanentes et mettre de l'argent là. Elles sont tellement bonnes que vous devriez faire ça. Leur opinion à elles, c'est qu'on devrait reconnaître la pratique des sages-femmes. Qu'est-ce que vous pensez de ça? (23 h 30)

M. Rochette: C'est leur opinion. Je n'ai pas à juger leur opinion.

M. Côté (Charlesbourg): Elle est aussi valable que la vôtre, co que je comprends.

M. Rochette: Absolument.

M. Côté (Charlesbourg): Partait!

M. Rochette: Sûrement.

M. Côté (Charlesbourg): Si on continue, on arrive à la page 6 et, là, vous n'êtes pas très tendre vis-à-vis de celui qui oserait se sacrifier pour être au comité d'évaluation. Il est dit: Les opinions de ce médecin de service - on le qualifie déjà avant même qu'il accepte de faire la job - seront noyées à l'intérieur d'un comité d'évaluation des critères de compétence et de formation. Ça me tente presque de vous dire une chose: Vous, Dr Rochette, ça ne vous Intéresse pas d'être dessus?

M. Rochette: Non, certainement pas parce qu'il va y avoir trois sages-femmes qui vont tout

décider. Il n'y a aucune...

M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que si vous acceptiez, vous ne seriez pas de service.

M. Rochette: Je serais peut-être de service, mais je pense qu'on aurait de fortes discussions.

M. Côté (Charlesbourg): Pourquoi pas? M. Rochette: Pourquoi pas?

M. Côté (Charlesbourg): Donc, la proposition reste ouverte.

M. Rochette: Ça reste ouvert.

M. Côté (Charlesbourg): La proposition reste ouverte et je pense que ça pourrait être très intéressant parce que l'idée n'est pas de faire un beau petit comité paqueté d'avance qui va finir par aider ces choses-là. C'est trop sérieux pour qu'on l'envisage de cette manière. Vous serez très certainement la première personne que l'on appellera pour lui offrir la possibilité.

À la page 7, très rapidement, il est dit à la fin du dernier paragraphe, dernière phrase: Les femmes désirent la sécurité pour elles et leur enfant. Il y a un principe extrêmement important dans tout ce qu'on a dit depuis le début, c'est la liberté de choix de la femme. Est-ce qu'on ne peut pas, en disant ce beau principe, cette belle phrase, admettre qu'elle aura la liberté de choisir si elle veut se faire accoucher ou non par une sage femme? Est-ce qu'elles n'ont pas aussi cette liberté?

M. Rochette: J'espère qu'elles vont la conserver.

La Présidente (Mme Marois): Pour la conserver, ça prend un certain nombre de conditions, dont la possibilité qu'elles aient accès à des services de sages-femmes.

M. Côté (Charlesbourg): Ça va pour le moment.

M. Rochette: Je pense qu'on respecte absolument la liberté de chaque femme. Ce que l'on veut, ce que l'on dit, c'est qu'un accouchement normal peut se compliquer extrêmement rapidement. Ce n'est pas vrai de dire qu'une femme qui a eu une grossesse parfaitement normale, un travail parfaitement normal, un accouchement parfaitement normal... Dans les trois ou quatre dernières minutes, ça peut se compliquer extrêmement rapidement. Le meilleur intervenant, le meilleur obstétricien, le meilleur médecin ne peut pas nécessairement le prévoir. C'est là qu'est lé danger. Quand on volt, dans des revues, des cours de sage-femme par cor- respondance, madame, ça nous inquiète. N'est-ce pas?

La Présidente (Mme Marois): Je partage tout à fait votre point de vue.

M. Rochette: Voilà!

La Présidente (Mme Marois): S'il fallait que...

M. Rochette: Ça, c'est primordial.

La Présidente (Mme Marois):... nous allions vers des cours pour sage-femme par correspondance, je m'objecterais formellement à une telle chose. Est-ce que, M. le ministre, vous avez d'autres questions à poser?

M. Côté (Charlesbourg): Ça va pour le moment.

La Présidente (Mme Marois): Ça va. Oui, vous avez une question, M. le député de Verdun, parce que le temps est réduit. Il ne nous reste plus beaucoup...

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Quand vous êtes rentré sur la question de la formation des sages-femmes par correspondance, je voudrais revenir toujours sur cette espèce de question: Quelle serait, d'après vous, une formation adéquate d'une sage-femme? Est-ce que vous éliminez le principe...

M. Rochette: C'est un cours de médecine, c'est aussi simple que ça.

M. Gautrin: Vous ne répondez pas à ma question.

M. Rochette: Vous avez quatre ans de médecine. Ce n'est pas seulement une question de technique, il y a une question de physiologie, il y a une question de pathologie, il y a une question d'anatomie. C'est beaucoup plus complexe. Dr Bureau...

La Présidente (Mme Marois): Oui, Dr Bureau.

M. Bureau: II y aurait un commentaire à ce sujet. On parle de globalité, c'est un terme qui est revenu et qui a l'air extrêmement populaire. Je tiens à dire, d'abord, que les médecins accordent des soins globaux aux patientes. C'est très important que ce soit compris comme ça. On fait de l'antepartum, on voit les patientes pratiquement une dizaine de fois si elles se présentent tôt en grossesse avant l'accouchement. On a le temps de jaser amplement des problèmes qu'elles ont. On les voit à l'accouchement, après

l'accouchement et on s'informe des problèmes qu'il pourrait y avoir. On est entièrement disponible pour les aider en ce sens. Maintenant, il y a quelque chose de plus. A un moment donné, c'a été mentionné, c'est que l'accouchement et tout ce qui l'entoure concernent le système reproducteur chez la femme. Le médecin peut offrir, en plus de ses connaissances en obstétrique et en gynécologie, ses connaissances sur toute la personne. La globalité des connaissances sur toute la personne est importante pour déceler des problèmes. On dit, quand on fait un cours de médecine - et ça semble assez clair - qu'on va trouver ce que l'on cherche, et pour chercher des choses II faut savoir des choses. On n'a pas trop d'un cours de médecine pour apprendre tout ce qui peut être complexe et "intertriqué" dans le corps humain. C'est pour ça qu'on pense que le médecin a un avantage: en plus de faire la globalité obstétricale et gynécologique, il a la globalité médicale.

La Présidente (Mme Marois): Vous vouliez ajouter quelque chose à cette Intervention?

M. Maheux: On rit quand on dit que ça prend un cours de médecine ou quoi que ce soit, mais je vous réfère à l'article 2 de votre projet de loi déposé où on dit: "...l'exercice de la pratique des sages-femmes comprend notamment l'éducation prénatale des parents, l'éducation sanitaire de la famille, les soins préventifs, le suivi de grossesse, le dépistage de conditions anormales chez la mère ou l'enfant, l'accouchement, la planification familiale et l'enseignement des soins à donner au nouveau-né." Sacrifice! c'est un cours de médecine que ça prend pour faire ça! Je pense que, dans le cadre qui est défini, ce n'est pas tel que défini dans un projet de sages-femmes qu'on rencontre aux États-Unis, par exemple, ou dans d'autres pays.

Le député de Charlesbourg a dit que la patiente va garder la possibilité de choisir si elle veut être accouchée par un obstétricien ou par une sage-femme. C'est vrai mais, d'un autre côté, comme législateurs, vous avez le devoir de vous assurer qu'elle aura autant de sécurité dans une hypothèse que dans l'autre. Quand vous disiez tout à l'heure que les infirmières étaient peut-être d'accord avec un projet de sages-femmes et que ce ne serait peut-être pas dangereux, c'est dans le cadre d'une équipe où les gens travaillent ensemble. Actuellement, vous faites un projet de loi où les sages-femmes sont dans un ghetto, dans un petit coin de l'hôpital, à part. On ne parle pas d'équipe, on dit qu'elles ont leur conseil des sages-femmes, elles sont hors des structures qui contrôlent normalement un hôpital, dans un endroit tout à fait à part. Ce n'est pas un travail d'équipe, M. Côté.

M. Côté (Charlesbourg): Mais vous êtes prêt à participer à un travail d'équipe.

M. Maheux: Bien, on verra, d'abord, comment vous allez le définir, dans un premier temps.

M. Côté (Charlesbourg): Ah!

M. Maheux: Je pense qu'au départ, dans la définition telle que vous l'apportez actuellement, une sage-femme fait de la planification familiale. Je dois vous dire que quand on donne des pilules anticonceptionnelles a une femme et qu'elle a des migraines, il faut savoir si elle risque de faire une embolie cérébrale ou non. Et ça, ce n'est pas drôle. Quand on dit que ça prend un cours de médecine, il faut qu'elle ait ces compétences si vous lui donnez ces pouvoirs.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): C'est trop invitant, surtout quand on m'identifie comme le député de Charlesbourg. Je ne déteste pas ça, d'ailleurs. C'est simplement pour vous dire qu'il serait très intéressant que vous acceptiez ce principe d'un comité plus ouvert auquel vous pourriez participer, exactement comme ça se passe ailleurs, en Europe. Il n'y a personne, jusqu'à maintenant, qui n'en a fait la démonstration, autrement que de dire que la pratique, en Europe, est en perte de vitesse, mais qu'il y a quand même pratique, qu'elle est reconnue et, là aussi comme ailleurs, il y a des spécialistes, il y a des omnis. Cette pratique est reconnue là-bas et elle se fait, semble-t-il - en tout cas, il n'y a pas grand monde qui a réussi à prouver le contraire - dans des conditions très acceptables pour la santé et la sécurité des femmes. Je ne comprends pas la résistance qu'il y a à vivre cette expérience cho/ nous alors qu'elle est vécue aux États-Unis, qu'elle est vécue en Europe et qu'elle donne des résultats qui ne sont pas si mauvais, lorsqu'on compare les statistiques.

La Présidente (Mme Marois): Oui, une réponse...

Une voix: Dr Villa voulait intervenir.

La Présidente (Mme Marois): ...et, par la suite, je vais passer la parole aux gens de l'Opposition.

Mme Villa (Julia): Je voulais revenir sur le dépistage et sur la façon de traiter des patientes qui ont un accouchement prématuré. On tient à vous dire qu'en 1974 on a commencé à fonder des cliniques de grossesse qui sont multidis-clplinaires parce qu'il y a une infirmière, un travailleur social ou une travailleuse sociale, une

diététicienne, et tout le monde s'occupe de ces femmes enceintes pour éviter ces problèmes et pour travailler avec les personnes qui ont des problèmes surtout psychosociaux. On a fait beaucoup. On a demandé, déjà, au niveau des comités de périnatalité, d'Implanter ces cliniques de grossesse dans tous les hôpitaux du Québec, ce qui pourra aider énormément cette cause-là, mais je pense qu'ils n'ont pas d'argent pour ça.

D'autre part, quand le ministre parle des sondages, on tenait à vous dire que 50 % des femmes du Québec veulent accoucher sous péridurale. Cela ne les intéresse pas du tout, l'accouchement naturel. Alors, au départ, vous avez 80 % des patientes qui veulent une sage-femme, mais il y a 50 % qui veulent une péridurale. Alors, il y a quelque chose qui ne marche pas dans ça, certain. Nous, dans les hôpitaux, à la suite de l'accouchement, on leur fait remplir une feuille et on a 97 % qui sont contentes de l'accoucheur et du personnel de l'admission. Alors, je vois mal comment vos sondages et nos sondages peuvent tous se rencontrer à un point.

La Présidente (Mme Marois): Si vous le permettez, les sondages peuvent se rencontrer dans le sens où je ne pense pas que ce qui est remis en question, ce soit la qualité de votre pratique. C'est le fait que des personnes puissent souhaiter avoir le choix d'une autre pratique. C'est ça, dans le fond, la question qui est soulevée et à laquelle une majorité de personnes répondent oui. Ce qui ne remet pas en question les services rendus et, justement, c'est pour ça que je suis toujours un peu étonnée de vous entendre, parce que vous ave/ l'air, chaque fols, du vous sentir très menacés, alors qu'il ne m'apparaît pas, dans toute la perspective et dans tout le débat que l'on a, que vous soyez menacés, que votre pratique soit remise en cause, que la qualité de votre pratique soit remise en cause. On dit: On veut pouvoir avoir accès - et c'est ce que je comprends du résultat du sondage - à un autre type de pratique qui peut être tout aussi intéressant et se présenter dans un contexte différent.

Vous pourrez sûrement avoir l'occasion d'y revenir. Il reste quelques minutes. J'ai des choses avec lesquelles j'ai de la difficulté à être d'accord, a moins que vous ne me donniez une information différente, et que vous présentez dans votre mémoire. À la page 2 vous mentionnez que la santé de la mère et du bébé ont toujours été une priorité pour les infirmières. Je suis tout à fait d'accord avec ça, ce n'est pas là que j'en suis. On dit: ...lesquels ont tous contribué à l'humanisation des soins en obstétrique en favorisant, notamment, l'aménagement de chambres de naissances dans les centres hospitaliers et en réhabilitant l'allaitement maternel. Jusqu'à 70 % à 80 % des femmes allaitent leur bébé. Elles sont aidées par l'enseignement et la participation du conjoint.

Mon souvenir, et il est peut-être mauvais, c'est qu'il y a eu des batailles épiques - et le Dr Villa va sûrement s'en souvenir aussi - pour implanter des chambres de naissances dans les centres hospitaliers et où il y a eu une résistance épouvantable à cette implantation-là. Mes souvenirs sont peut-être mauvais - et quand je m'adresse au Dr Villa je ne pense surtout pas au Christ-Roi où elle a pratiqué; je ne sais pas si elle pratique toujours là où ça s'est implanté relativement facilement - mais j'ai en mémoire des cas un peu plus difficiles, disons. Alors, j'ai de la difficulté à accepter cette affirmation-là dans votre mémoire.

M. Rochette: Écoutez, ce n'est pas mon expérience. Chez moi, ça n'a pas été un problème pour une chambre de naissances et dans d'autres hôpitaux, je pense qu'à Montréal le Dr Senikas pourrait peut-être vous dire...

Mme Senikas: Je peux vous dire qu'à Montréal, à l'hôpital Royal-Victoria, au Jewish General, les hôpitaux qui font encore de l'obstétrique, la salle... Nous, on a de nouveaux plans selon notre budget et le problème pour avoir des chambres de naissances, c'était justement de trouver des fonds budgétaires parce que c'est cher pour faire une rénovation pour des naissances naturelles à l'hôpital. Finalement on a tiré de l'argent d'un autre centre, on a eu moins de choses là pour avoir une chambre de naissances, mais la plupart des hôpitaux, chacun à Montréal, ont des chambres de naissances sans problème, puis c'était suscité par les obstétriciens

La Présidente (Mme Marois): Maintenant. Mais je vous rappelle qu'il y a un temps où ce n'était pas le cas et qu'il y avait manifestement des objections dans le milieu.

Mme Senikas (Vita-Marya): madame, je peux vous dire, je suis en pratique depuis dix ans, résidente depuis 1974. peut-être avant ça, je ne suis pas si vieille que ça...

La Présidente (Mme Marois): Pas avant ça.

Mme Senikas: ...mais depuis les quinze dernières années les démarches qu'on a faites ont été faites avec de bonnes intentions. Nos problèmes étaient de trouver des fonds pour faire les changements. On a encore des problèmes pour trouver des fonds, même pour faire de meilleures améliorations dans nos salles d'accouchement, des améliorations qui vont bénéficier aux femmes.

(23 h 45)

La Présidente (Mme Marois): J'ai remarqué que, sur cet aspect-là, j'ai toujours trouvé aussi un peu bizarre que finalement, pour organiser une chambre des naissances qui, pour l'essentiel,

est une chambre où la couleur est un peu plus douce et où il y a des rideaux et un bon lit, ça coûtait bien plus cher qu'une autre chambre à côté. Remarquez que je peux, encore là, être dans l'erreur et je peux me tromper, mais J'ai osé croire parfois que cette objection sur les budgets cachait d'autres types d'objections.

Mme Senikas: Du tout. Un lit pour accoucher, c'est 18 000 $, un lit de type comme ça. C'est cher de faire de la rénovation; c'est cher de faire de la peinture; c'est cher de trouver des rideaux et de faire des changements. C'est cher de trouver des chambres et c'est une question de travailler dans le sens budgétaire.

La Présidente (Mme Marois): D'accord, je vais...

M. Maheux: Mme Marois.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

M. Maheux: Juste pour vous dire aussi, c'est qu'il y a... Il faut que vous tassiez le rideau pour regarder ce qu'il y a en arrière, parce que dans cette chambre de naissances, vous avez tout le "backup" donné d'un hôpital. Vous avez des entrées d'oxygène...

La Présidente (Mme Marois): Vous parlez à quelqu'un qui a eu quelques expériences à cet égard!

M. Maheux: C'est ça, exactement. Alors, c'est pour ça que ça coûte peut-être un peu cher.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Vous mentionnez à la page 5 de votre mémoire qu'on devrait aller plutôt, si on veut avoir une politique gouvernementale nataliste, vers une augmen tation des fonds disponibles dans le retrait préventif, un système de garderies, etc. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais vous semblez, par une approche comme celle-là nous dire que d'implanter des expériences-pilotes de sages-femmes va générer à ce point des coûts que ce même argent que l'on mettrait là, on devrait le virer vers d'autres activités. Or, que je sache, il ne naîtra pas... C'est vrai que des mesures comme celles-là pourraient faciliter le choix des parents de mettre au monde des enfants. Mais, que je sache, il ne naîtra pas, dans les quelques années qui viennent, beaucoup plus d'enfants que le nombre qui naît maintenant. Or, il s'agit tout simplement, si on veut implanter une nouvelle approche, de réallouer des ressources. Ça ne devrait pas - et le ministre lui-même a posé des questions à cet égard à d'autres qui sont venus avant vous - coûter substantiellement des sommes beaucoup plus importantes. Alors, j'ai de la difficulté à accepter ce point de vue, en disant: Les ressources que l'on mettra à reconnaître la pratique des sages-femmes devraient être des ressources qu'on diversifie vers d'autres types de projets.

Mme Senikas: Si je peux... Je peux juste faire le commentaire... Mol, je suis membre du comité qui fait les statistiques chaque mois au Royal Victoria au niveau du nombre d'accouchements et tout ça. Le gouvernement veut qu'on ait plus de bébés. Le gouvernement donne des bénéfices d'impôt et tout ça pour avoir des enfants. Nous, on a déjà vu une augmentation du nombre d'accouchements à notre centre hospitalier de 15 %.

Je ne peux pas vous dire qu'on a nécessairement reçu les fonds pour ces 15 % d'augmentation. La politique est... Maintenant, on a 1,2 enfants par famille. On veut que ces statistiques augmentent. Alors, on prévoit une augmentation du nombre d'accouchements dans l'avenir et il faut quand même avoir des fonds pour ça.

La Présidente (Mme Marois): Oui, je suis d'accord avec vous que ça prend des fonds pour cela. Mais je ne crois pas - vous n'avez pas répondu à ma question - que le fait que l'on permette la pratique des sages-femmes fasse en sorte que l'on augmente, d'une façon importante, toutes choses étant égales par ailleurs, les sommes allouées lors de la naissance d'enfants.

Mme Villa: Cela dépend comment vous allez l'organiser. Si vous organisez des chambres de naissances, si vous organisez des maisons à l'extérieur avec un petit laboratoire, avec tout, ça va coûter très cher.

La Présidente (Mme Marois): Ça coûtera un investissement de départ, j'imagine bien.

Mme Villa: Oui, et...

La Présidente (Mme Marois): Cependant, comme vous êtes d'accord aussi pour qu'il y ait des chambres de naissances et pour qu'il y ait d'autres types de pratique qui se développent, si je comprends bien, même si c'est vous qui les supervisez, ça coûtera aussi des investissements à ce moment-là.

Mme Villa: Oui mais, ça, c'est déjà en place. Il faut recommencer à neuf.

La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci. Mon collègue veut aussi poser une question. Je vais en poser une dernière: c'est sur la formation. Vous m'avez entendue aussi tout à l'heure, donc vous savez où je veux en venir. Il me semble que, si on va trois ans à l'université, ce qui est le cas dans les propositions que l'on

nous fait à cet égard, pour être reconnue comme sage-femme, j'imagine qu'on va nous expliquer un certain nombre de phénomènes dont, bien sûr, le système reproducteur et, évidemment, tout ce qui entoure la planification des naissances, j'imagine. Donc, on expliquera les risques qu'il y a à prendre ou non des contraceptifs, de quel type, etc.

Vous ne réussisez pas à me convaincre - j'aimerais bien que vous le fassiez - que trois ans de formation dans une université, avec des spécialistes, avec des gens qui ont des expériences, qui va concerner, pour l'essentiel, le suivi d'une grossesse, ne va pas donner les outils nécessaires aux personnes pour ensuite pratiquer, compte tenu qu'un médecin, bien sûr, il a cinq ans de formation, il a des années de supervision, mais il est un généraliste que je sache et il fait, quoi, 30 accouchements, dit-on, en moyenne - du moins ceux qui vous ont précédé - nous disait-on, par année, quand on est un généraliste. On ne remet pas en question leur pratique, et je ne la remets pas en question non plus. Alors, j'ai de la difficulté à vous suivre quand vous me dites que ce sera insuffisant.

Mme Senikas: Moi, madame, j'ai fait quatre années d'université - je suis de l'ancienne école - quatre années de médecine, une année d'internat, cinq années de résidence et une année de périnatalogie, mais je peux encore apprendre quelque chose. Trois années de formation ne sont pas assez pour tout ce que vous avez dans votre projet ici. On voit maintenant des étudiants en médecine qui, au lieu de prendre une année d'internat, doivent prendre deux années d'internat. C'est la fameuse médecine de famille. On revient maintenant à l'ancien temps de mon père où on faisait deux années d'internat. Même à la suite de ça, quand on voit des médecins qui sortent et surtout des médecins qui veulent faire de l'obstétrique, ils font des stages spéciaux supplémentaires. Chaque année, c'est nous qui prenons les appels de Povungnltuk, Fort Chlmo, Kuujjuaq où les médecins nous demandent de faire des stages de trois mois, six mois. Pourquoi? Parce qu'ils ne se sentent pas confortables et ça, c'est après quatre années de médecine, des années d'université et des années d'internat. Vous, vous parlez de trois années seulement.

La Présidente (Mme Marois): Oui, mais attention! Vous parlez, vous, d'une pratique d'obstétricienne ou de gynécologue.

Mme Senikas: Moi, je me réfère à ce qu'il y a dans le projet, le paragraphe dans le projet.

La Présidente (Mme Marois): D'accord, mais j'imagine que, lorsque vous me parlez de votre formation, c'est celle d'une obstétricienne ou d'une gynécologue. Oui ou non?

Mme Senikas: Non, je peux vous dire que ce que j'ai est conforme à ce que vous demandez dans votre projet. Quand j'y fais référence, c'est parce que je suis impliquée dans l'enseignement des étudiants. Alors, quand on prend notre livre, les étudiants, ce qu'ils doivent connaître, c'est ce qui est dans votre projet, et pour les résidents, le CROG, le Conseil des résidents, des obstétriciens et gynécologues, c'est la même chose.

La Présidente (Mme Marois): Nous pourrions débattre longuement encore, sûrement, la question, parce que je ne partage pas votre point de vue et vous n'avez pas répondu à une partie de ma question. M. le leader, vous aviez une question.

M. Chevrette: J'en avals deux. Mais je vais être obligé de n'en poser qu'une.

La Présidente (Mme Marois): Parfait, ça ne fait rien.

M. Chevrette: Si je la posais en deux volets? M. le président, comment expliquez-vous que, dans certains milieux, les gynécologues, entre autres, ne veulent plus faire d'accouchements? Comment expliquez-vous ça?

M. Rochette: Ce n'est pas la majorité, d'abord, des obstétriciens et des gynécologues. Il y a plusieurs raisons. Il y a la question de la qualité de vie, n'est-ce pas? C'est un travail extrêmement dur. Personnellement, ça fait 21 ans, je m'en vais sur 22 ans; la nuit, les fins de semaine, c'est dur. Il y a aussi l'assurance-responsabilité professionnelle. On ne peut pas le nier. Cette année... Quand j'ai commencé en pratique, M. Chevrette, ça me coûtait 25 $ pour m'assurer, en 1968. Aujourd'hui, en 1989, 1990 l'an prochain, ça va me coûter 11 950 $. Ce n'est pas cher, lorsqu'on compare avec les États-Unis. Mais II y a eu un phénomène quelque part.

Ce sont des facteurs qui font que les obstétriciens qui vieillissent, aussi, délaissent l'obstétrique pour se concentrer plus sur la gynécologie. Par contre, les jeunes obstétriciens font de l'obstétrique parce qu'il faut bien penser qu'il y aura toujours une clientèle qui choisira un obstétricien-gynécologue pour être suivie en grossesse. C'est son droit le plus strict. Une autre choisira un omnipraticien. J'étais heureux d'entendre, encore ce soir, qu'il y a une augmentation des jeunes omnipraticiens pratiquant l'obstétrique.

M. Chevrette: Dans votre mémoire...

M. Rochette: Un facteur, c'est certainement la qualité de vie, on ne peut pas le nier.

M. Bureau: D'ailleurs, ce qui nous déçoit dans les poursuites, c'est que, malgré tout l'intérêt et tous les efforts qu'on met pour assurer la sécurité de la mère et de l'enfant, quand il y a des poursuites, justement, malgré tout, les gens ont l'impression, fondée ou non - la plupart du temps, non - qu'il n'y a pas eu les normes de sécurité requises. Donc, ça veut dire que c'est une préoccupation majeure de la population qui est prête, d'ailleurs, à guetter la moindre faute ou manquement à la sécurité de la mère et de l'enfant. On est préoccupé de voir comment la population pourrait réagir vis-à-vis des sages-femmes à cet égard.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que ça va?

M. Chevrette: J'aurais une petite question. Dans votre mémoire - ça m'a frappé - vous dites que des femmes demandent des césariennes à répétition par convenance sociale. Pourriez-vous m'expliquer ça?

M. Rochette: C'est malheureux à dire, mais c'est ça, c'est un fait qu'on vit fréquemment. Une femme a eu une césarienne à cause d'une présentation du siège ou d'une dystocie, mais disons à cause d'une présentation du siège. On discute avec elle, on lui offre d'essayer d'accoucher naturellement par voie vaginale et elle nous dit: Non, je veux avoir ma césarienne tel jour, à telle heure. Cela va être cédulé et je vais entrer à l'hôpital. Si je lui dis: Madame, il faut que vous accouchiez naturellement, qu'elle accouche naturellement et qu'il arrive un accident, que l'utérus se rupture et que le bébé ait un problème neurologique Encore tout récemment, l'Association canadienne de protection médicale nous disait d'être très prudents dans les accouchements après césarienne à cause des risques de poursuite. Si, à ce moment-là, je la refuse à la patiente, elle pourrait toujours aller en voir un autre qui va lui faire sa césarienne, mais si je la lui refuse, qu'elle accouche et qu'elle a un problème, qu'est-ce qui va arriver? Ça va être ma faute parce qu'elle va dire: Si vous aviez fait ma césarienne, parce que j'avais eu une césarienne antérieurement, mon bébé serait correct. Ce sont des problèmes qu'on vit, je ne dirais pas à tous les jours, mais qu'on vit au moins quelques fois durant un mois.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier de cette présentation très sincère, j'en suis totalement convaincu, du début à la fin, qui éclaire la commission sur les suites à donner. Évidemment, possiblement qu'en bout de piste on no partagera pas certains points de vue. mais on aura des choix à faire et on va les faire. On compte sur votre collaboration. Je vous appellerai.

La Présidente (Mme Marois): Merci encore. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 59)

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