(Onze heures vingt minutes)
Le Président (M. Lemay) : Donc, à
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des agricultures, de la pêcherie, de l'énergie et des ressources
naturelles ouverte, et je demande à toutes les personnes présentes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Alors, aujourd'hui, nous sommes réunis afin de
procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le
projet de loi n° 97, la Loi modifiant la Loi sur les
normes d'efficacité énergétique et d'économie d'énergie de certains appareils
fonctionnant à l'électricité ou aux hydrocarbures.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Rousselle (Vimont)
est remplacé par M. Arcand (Mont-Royal—Outremont).
Le
Président (M. Lemay) : Merci. Alors, cet avant-midi, nous allons
débuter par les remarques préliminaires puis, ensuite, nous entendrons M. Pierre-Olivier Pineau, qui
est professeur titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie
de HEC Montréal.
Alors, avant
de débuter, est-ce qu'on a consentement pour répartir le temps des groupes qui
ne sont pas présents? Oui, consentement. Merci.
Remarques préliminaires
Donc, puisque nous débutons avec les remarques
préliminaires, j'invite d'abord le ministre
de l'Énergie et des Ressources naturelles à faire ses remarques pour une
durée maximale de six minutes.
M. Jonatan Julien
M.
Julien : Oui, merci. Merci, M. le Président. Bien, d'entrée de jeu, un grand plaisir d'être ici aujourd'hui, là, pour cette
discussion-là. Je tiens à saluer, d'ailleurs, les collègues, collègues d'opposition et les collègues qui sont ici avec nous aujourd'hui pour
cette rencontre-là. Je suis heureux, je suis heureux, là.
Premièrement, j'ai pris connaissance du mémoire
de Pierre-Olivier Pineau, toujours un plaisir d'échanger avec
M. Pineau. On le fait plusieurs fois par année. On a même eu l'occasion,
il y a quelques mois, là, d'intervenir dans un cours universitaire, là, où...
des échanges, là, lui et moi, là, sur différents concepts énergétiques. Et je
vous dirais que mon ministère, et le gouvernement, prend toujours acte des propositions
de M. Pineau, qui sont des propositions avisées — on
n'est pas toujours d'accord — mais certainement qui nous amènent à
cheminer, au point de vue énergétique, vers les meilleures pratiques. Alors,
j'ai lu avec attention le mémoire et j'ai bien hâte d'écouter M. Pineau,
là, justement, nous entretenir sur ce sujet-là.
Vous savez autant que moi que les questions
liées à l'efficacité énergétique, liées aussi à la consultation particulière
sur le projet de loi n° 87 nous interpellent grandement. Le projet de loi
n° 97 est un projet de loi... c'est une pièce législative qui revêt une
importance majeure dans l'action gouvernementale pour favoriser la transition
énergétique du Québec et l'atteinte de nos objectifs d'efficacité énergétique.
Pour vous mettre en contexte, la Loi sur les
normes d'efficacité énergétique et d'économie d'énergie de certains appareils
fonctionnant à l'électricité ou aux hydrocarbures permet au gouvernement, justement,
de fixer par règlement les normes d'efficacité énergétique applicables aux
appareils d'usage courant qu'il détermine.
Nous avons d'ailleurs, M. le Président, en
décembre 2018, modifié le règlement sur l'efficacité énergétique
d'appareils fonctionnant à l'électricité et aux hydrocarbures justement pour
harmoniser nos normes minimales de performance
énergétique de 50 catégories d'appareils avec celles du gouvernement
fédéral. Ce contexte d'harmonisation là est essentiel puisque d'avoir
des niveaux de normes qui seraient de manière... diamétralement non harmonisés,
ça serait non fonctionnel.
Cependant, notre loi ne nous permet pas
actuellement de viser un champ plus large d'appareils ou de produits à
réglementer, comme le fait la loi fédérale, comme le font également d'autres
lois provinciales. En effet, notre loi ne vise que les appareils électriques ou
fonctionnant avec des hydrocarbures, tandis qu'on pourrait couvrir un plus
large éventail d'appareils visés, comme par exemple, là, les exemples qu'on
donne, les portes et les fenêtres, alors ce n'est pas visé, les robinets de cuisine, les pommes de douche, les puits de
lumière, les pneus. Donc, on veut pouvoir élargir à ce type de produits là, justement, pour avoir plus
d'efficacité énergétique et d'avoir des normes qui les visent également.
C'est pourquoi on a déposé, à l'Assemblée
nationale, le présent projet de loi, qui propose de définir les appareils visés
par la loi comme tout dispositif ayant un effet sur la consommation d'énergie.
Cette modification va nous permettre d'accroître la
capacité potentielle du règlement à contribuer à la réduction de la
consommation énergétique et, par le fait même, des émissions de gaz à effet de
serre, en plus de poursuivre plus efficacement les démarches d'harmonisation de
coopération réglementaire en matière d'efficacité énergétique avec la
réglementation fédérale. Je le dis souvent, pour atteindre nos objectifs, ça
prend un bouquet de mesures. Ici, c'est une des mesures, ce n'est pas suffisant
en soi, mais on doit additionner des mesures pour arriver à nos objectifs
audacieux au Québec.
Je souligne, en terminant, que cette modification
répond également à la réalisation de la mesure 45 du Plan directeur en
transition, innovation et efficacité énergétique du Québec 2018-2023 et
s'inscrit dans nos actions en matière de lutte contre le changement climatique.
Il s'agit donc d'une manifestation concrète de notre volonté d'agir, d'agir
pour une économie plus verte au Québec.
Alors, encore une fois, merci, merci pour votre présence, et je suis convaincu que les
discussions d'aujourd'hui
contribueront à bonifier et améliorer l'efficacité énergétique du Québec.
Merci.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Donc, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition
officielle en matière d'énergie et de ressources naturelles et député de Mont-Royal—Outremont à faire ses
remarques préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes.
M. Pierre Arcand
M.
Arcand : Merci
infiniment, M. le Président. Encore une fois, j'ai l'impression de revivre un
peu mon passé. Je revois, derrière le ministre, des gens que... certaines
personnes que j'ai eu l'occasion de côtoyer par le passé. Et donc c'est un
grand plaisir d'aborder ces questions qui sont, évidemment, très importantes.
Je le dis tout de suite, d'entée de jeu, d'ailleurs, je ne pense pas que l'opposition
va faire un débat d'une centaine d'heures avec ce projet de loi, très
clairement.
J'en profite évidemment pour saluer le ministre,
les collègues de l'Assemblée nationale qui sont ici présents, de même que les
gens du ministère qui accompagnent le ministre à ce niveau-là. Je vous dirais
que je salue aussi, bien sûr... je suis heureux de retrouver, moi aussi, le
Pr Pineau, avec qui nous avons eu l'occasion d'échanger pendant de
nombreuses années. Et je revoyais à travers, d'ailleurs, le discours qu'il
avait, certaines des positions qui étaient les siennes depuis fort longtemps d'ailleurs.
Alors, c'est un plaisir, Pr Pineau, de vous retrouver.
Je vous dirais que, dans ce projet de loi — évidemment,
c'est un projet de loi — la
première chose qu'on s'est posée comme question : Pourquoi un projet de
loi? Est-ce que ça aurait été plus facile de le faire simplement par règlement?
Mais je comprends, là, que, sur le plan technique, ça prenait, semble-t-il, un projet
de loi pour pouvoir faire ces changements-là. Alors, nous allons étudier ce projet
de loi là plus tard.
Aujourd'hui, j'aurai certainement des questions
à poser au Pr Pineau parce qu'évidemment la question des enjeux reliés aux
économies d'énergie sont des questions fondamentales pour l'avenir du Québec.
Et une des questions, puis je le dis tout de suite au ministre, que j'aurai
l'occasion de lui poser lorsqu'on sera rendus... La seule chose qui me fait un
petit peu tiquer, si vous me permettez l'expression, c'est toute la question
des inspecteurs. Pourquoi? Est-ce qu'il va y avoir des normes différentes au
niveau des inspecteurs? Qui va être appelé à inspecter? Je comprends que ce ne
seront pas seulement les gens du ministère, on veut aller ailleurs, mais encore
faut-il préciser un petit peu qu'est-ce qu'on veut dire par «gens qui auront la
capacité d'inspecter». Alors, ce sont... c'est un des éléments sur lesquels,
évidemment, je vais certainement avoir l'occasion de poser des questions.
Je dois vous dire également que ce projet de
loi, évidemment, si ça permet d'améliorer la situation sur le plan des
économies d'énergie, ça permet de nous donner un Québec plus vert. Évidemment,
nous en sommes de façon importante. Notre formation politique avait déposé, en
2016, la Politique énergétique. Il y avait à la fois des mesures de réduction
des hydrocarbures, il y avait des mesures pour, évidemment, qu'on soit de plus
en plus verts, et évidemment nous avions à l'époque créé TEQ, qui
malheureusement a été aboli par la suite.
Et donc on aura l'occasion de revenir plus tard
en commission parlementaire, mais je peux assurer le gouvernement de notre
collaboration au niveau de ce projet de loi pour qu'on puisse probablement
l'adopter assez rapidement lors de la reprise de la session. Alors, voilà,
c'étaient quelques-uns de mes commentaires, mais j'aurai certainement des
questions pour le Pr Pineau tout à l'heure. Merci infiniment, M. le
Président.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Lemay) : Merci à
vous, M. le député de Mont-Royal—Outremont.
Auditions
Donc, nous
allons maintenant débuter les auditions. Alors, je souhaite maintenant la
bienvenue à M. Pierre-Olivier Pineau, qui est professeur
titulaire à la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal, et je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la
suite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Donc,
la parole est à vous.
M. Pierre-Olivier Pineau
M. Pineau (Pierre-Olivier) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup pour l'invitation. Je tiens, donc, à vous remercier de... pour cette invitation, et peut-être
à m'excuser d'être le seul qui a maintenu son audition. J'ai l'impression
que j'ai des collègues qui avaient été sollicités et qui se sont désistés, mais
donc peut-être que c'est à cause de moi que vous vous
réunissez aujourd'hui. Mais je pense que ça vaut la peine, quand même, de
prendre ce temps-là pour parler d'efficacité énergétique, parce que c'est un
sujet, comme vous le savez, extrêmement important.
Comme M. Julien l'a mentionné, le projet de loi n° 97
est un petit projet de loi qui apporte des modifications qui auront un impact,
mais qui sont, somme toute, mineures dans l'ensemble du dossier de l'efficacité
énergétique. Moi, j'accueille avec beaucoup d'aspects positifs les deux
principales modifications qui sont suggérées par le projet de loi, c'est-à-dire, donc, de passer
d'équipements plus spécifiques à un terme plus générique et plus large, plus
englobant de «produits qui peuvent consommer directement ou avoir un
impact sur la consommation d'énergie». Je pense que c'est important d'avoir des
normes pour, effectivement, cet éventail plus large de produits.
Et je pense aussi que c'est important de pouvoir
donner de la flexibilité dans le choix des inspecteurs au ministère, et donc sortir de la... du cadre
d'avoir seulement des inspecteurs qui sont des employés du ministère est une
bonne chose. Mais évidemment... et, dans mon
mémoire, je ne me suis pas vraiment attardé sur les aspects plus techniques ou des qualifications que ces inspecteurs-là, les
personnes qui vont être nommées, devront avoir et de leur impartialité,
mais c'est évidemment des éléments extrêmement importants que le ministère
devra s'assurer de mettre de l'avant pour que les inspecteurs soient
véritablement des gens neutres, et qualifiés, et compétents, choses qui
n'étaient pas non plus garanties en ayant un
employé du ministère. Mais donc les deux changements sont accueillis, de
ma part, avec... sont très bien accueillis de ma part.
Mais... Et c'est la raison... La principale
raison pour laquelle j'ai accepté de venir parler et que j'ai écrit un mémoire, c'est parce qu'autant ces changements
sont nécessaires, autant le dossier de l'efficacité énergétique demande
d'agir de façon beaucoup plus agressive et large, et on n'a pas encore, dans
l'encadrement législatif québécois, les éléments
qui sont propices, le contexte qui est propice à des véritables avancées
significatives en efficacité énergétique. Les équipements, les produits
énergétiques, oui, consomment de l'énergie, mais, quand on regarde... et je me
suis attardé sur le secteur des bâtiments dans mon mémoire, quand on regarde
dans le secteur des bâtiments, les maisons unifamiliales, c'est 70 % de
l'énergie qui est consommée pour le chauffage. Dans les appartements, c'est
60 %. Dans les bâtiments institutionnels commerciaux, c'est un petit peu
moins, c'est 45 %. Mais, dans tous les cas, dans tous les bâtiments, ce ne
sont pas les équipements ou les produits connexes qui consomment de l'énergie.
C'est de l'énergie dont on a besoin pour le
chauffage, et donc, si on veut vraiment faire des avancées majeures, au Québec,
en efficacité énergétique dans les
bâtiments, il va falloir s'attaquer aux enveloppes thermiques de nos bâtiments
de manière essentielle et centrale.
Et donc, dans le mémoire, je documente les
améliorations qu'on a, au fil des ans, dans les normes techniques, et donc, selon l'âge de construction du bâtiment,
comme vous pouvez le constater, on a des très grandes améliorations. Les
bâtiments construits avant les années 50, plus de 250 kilowattheures
de consommation par mètre carré par an. Des
bâtiments beaucoup plus récents, on est autour de 60 kilowattheures de
consommation, kilowattheure par mètre carré, par an. Donc, c'est énorme,
c'est de l'ordre de 75 % de réduction. Mais même les bâtiments récents
consomment beaucoup plus que ce qu'on sait qu'on peut faire avec des bâtiments
qu'on appelle des bâtiments passifs ou des bâtiments extrêmement performants,
qui... En fait, on les appelle les bâtiments passifs parce qu'ils n'ont pas
besoin de chauffage actif. On arrive à
15 kilowattheures d'apport énergétique par mètre carré, par an, pour le
chauffage uniquement. Donc, de
60 kilowattheures, qui est la norme, la moyenne actuelle des bâtiments
récents, on peut passer à 15 kilowattheures. Donc, vous pouvez... c'est des pas de géant qu'on
peut réaliser, et là le... ce que, souvent... donc là les normes, aujourd'hui,
du Québec en termes de construction de bâtiments ne sont pas encore à ces
normes-là de bâtiments passifs.
Si on pense arriver à la carboneutralité pour
2050, c'est essentiel d'arriver à des bâtiments qui sont extrêmement sobres en
énergie, au-delà des normes actuelles. Et notre parc de bâtiments, comme vous
le savez, est un parc qui ne se renouvellera pas complètement d'ici 2050, donc
il est, encore une fois, impératif de penser à des rénovations profondes des
enveloppes thermiques de nos bâtiments et d'avoir un cadre complet, un cadre
législatif, réglementaire, et d'incitatifs, et d'accompagnement des
consommateurs et des entreprises qui gèrent les bâtiments, qui nous amène à ces
niveaux de très faible consommation énergétique.
Il y a différents avantages quand on a des très
faibles niveaux de consommation énergétique. Certains pensent qu'au Québec,
comme on chauffe à l'hydroélectricité, ça ne pollue pas, eh bien qu'on peut...
on n'a pas d'économies d'électricité à réaliser dans l'efficacité énergétique,
mais, quand on voit le plan du gouvernement qui pense à électrifier énormément
de secteurs, eh bien, il va falloir de l'électricité, et chaque kilowattheure
qu'on pourra économiser dans nos bâtiments, c'est de l'électricité qu'on pourra
utiliser ailleurs, pour faire de l'hydrogène, pour exporter, pour électrifier
les transports, pour électrifier des industries. Et donc, dans le secteur des
bâtiments, il va... on a un gisement
d'efficacité énergétique qui est énorme et qu'il faut pouvoir réaliser dans les
30 prochaines années pour arriver, en 2050, avec un parc de
bâtiments qui soit extrêmement performant et qui... au lieu d'être un fardeau supplémentaire pour l'approvisionnement en
électricité auprès d'Hydro-Québec, eh bien, qu'on soit passés à d'autres
choses.
La beauté de l'amélioration de l'efficacité énergétique
dans les bâtiments, c'est que ça génère de l'activité économique dans les
régions québécoises, ça nous rend plus performants et, d'un point de vue de la
transition équitable et juste, eh bien, ça
nous amène à avoir des ménages, souvent, à faibles revenus qui ne sont plus
vulnérables à des hausses des frais de l'énergie, parce que, justement,
ils sont dans des logements à... ils seront, ultimement, on le souhaite, dans
des logements à très faible consommation énergétique. À 15 kilowattheures
par an, par année, par mètre carré, eh bien, la facture énergétique n'est plus
un enjeu pour les ménages à faibles revenus. Et donc, à travers ce type de
programmes, on aurait une manière de protéger les ménages à faibles revenus et
de pouvoir avoir une politique énergétique, tarifaire qui est beaucoup plus
enlignée avec nos objectifs d'efficacité énergétique.
Pour arriver à ça, donc, pour arriver à réduire
notre consommation d'énergie, il faut, à la fois, des mesures sur la
productivité énergétique... J'en parle dans mon mémoire, on est des cancres de
la productivité énergétique parmi les pays de l'OCDE, au
Canada et au Québec. Qu'est-ce que c'est, la productivité énergétique? C'est la
richesse qu'on génère avec une unité d'énergie. Le Danemark génère, par exemple,
deux fois plus de richesse avec la même unité d'énergie que nous, au Canada,
nous générons, et le Québec se situe dans la moyenne canadienne. Donc, nous
sommes les cancres de la productivité énergétique.
La productivité,
c'est un indicateur que nous devrions tous voir comme étant essentiel. On doit
faire plus avec nos ressources naturelles, plus avec notre énergie, et donc
c'est un indicateur qu'il faudrait davantage suivre, se donner des objectifs,
comme l'Allemagne l'a fait, par exemple, comme d'autres pays le font. Et le
Québec devrait se donner des indicateurs de productivité énergétique et,
évidemment, des incitatifs pour y arriver.
En termes
d'incitatifs, il faut revenir sur le contexte économique, les incitatifs
économiques. C'est un joyau au Québec, le fait qu'on ait de l'hydroélectricité
à faible prix, à faible coût de production et à faible prix. Historiquement, on
a toujours basé notre prix sur le coût de production. Ça nous a beaucoup servi,
mais, à long terme, c'est une erreur que nous faisons parce que nous dilapidons
un capital, une richesse. On s'entend tous pour dire que l'hydroélectricité,
c'est l'électricité qui a la plus grande valeur, et c'est celle qu'on vend au
plus petit prix. Les meilleurs, souvent, on les paie le prix... un prix élevé,
et non pas ce que ça leur coûte pour se loger, se nourrir et s'habiller. Alors,
notre électricité, qui a tant de valeur, il faudrait que son prix reflète cette
valeur-là. On n'a pas ça au Québec. Il va falloir accepter, un jour, pour
favoriser l'efficacité énergétique, qu'on mette le prix sur les choses qui ont
de la valeur. Et, quand on pollue, il faut aussi mettre un prix beaucoup plus
clair, beaucoup plus net, et ce prix-là va
être extrêmement important pour nous amener à faire les efforts d'efficacité
énergétique, de productivité énergétique qui sont mentionnés.
• (11 h 40) •
Je terminerais en
disant simplement que la transition énergétique que nous voulons tous ici ne
pourra pas être une légère promenade champêtre où le gouvernement distribue des
petites subventions ou des grosses subventions aux consommateurs. Ce serait
agréable que tout se fasse dans la joie et l'allégresse, et je le souhaite, que
ça se fasse dans la joie et l'allégresse, mais il faut avoir un discours
honnête envers la population et les consommateurs et envoyer le message que ça
doit, ça va forcément coûter plus cher. Il va y avoir des contraintes à
l'avenir si on veut atteindre notre objectif de carboneutralité d'ici 2050. Les
changements à réaliser sont tels qu'on ne pourra pas simplement compter sur le
bon vouloir volontaire, étalé dans le temps, comme on l'a fait ces
20 dernières années, parce que ça ne
donne pas les résultats que nous devrions avoir. Nos émissions de gaz à effet
de serre, dans les deux derniers inventaires, ont augmenté, et ce n'est
pas le genre de tendance que nous pouvons accepter.
Et pourquoi on en est
là? Parce qu'on n'agit pas de manière assez musclée, avec des contraintes.
Malheureusement, il va falloir des contraintes, pas seulement des contraintes,
aussi un accompagnement des Québécois et des Québécoises. Et surtout la
perspective est assez palpitante parce que ça va nous amener dans un monde bien
plus équilibré, d'un point de vue environnemental, et aussi plus riche, plus
prospère pour le Québec. Parce que — je vais terminer là-dessus — comme
je le disais, on est des piètres consommateurs. Et donc tous les efforts que nous allons faire vont nous amener
dans un monde où, en fait, on sera plus productifs, plus riches et plus verts,
et c'est ça que nous voulons. Merci beaucoup, et je suis évidemment disponible
pour la suite de la commission.
Le Président (M.
Lemay) : Alors, merci, M. Pineau, pour votre exposé. Et nous
allons maintenant débuter avec la période d'échange. M. le ministre, la parole
est à vous, vous disposez d'un temps de 19 min 15 s.
M. Julien :
Oui, merci, M. le Président. M. Pineau, je vais essayer d'être succinct
dans mes questions pour laisser plus de place à vos réponses, puis qui sont
nettement plus intéressantes que... avec toutes vos connaissances.
D'entrée de jeu,
merci pour votre présence, toujours très éclairant. Vous avez abordé des
notions, là, qu'on a l'occasion... Puis, à chaque année, quand vous déposez
l'état de l'énergie, là, on se rappelle de certains résultats qui sont...
disons qu'on ne va pas assez vite pour certains résultats. Pour ma part, j'ai
toujours l'occasion aussi de mentionner qu'on est dans une courbe
exponentielle, quand même, et peut-être que les résultats d'aujourd'hui ne sont pas ceux qu'on aura dans cinq ans et dans
10 ans, mais vous nous rappelez à l'ordre par rapport à la productivité,
naturellement, par rapport à ce qu'est le Québec. C'est sûr qu'à 0,07 $,
0,08 $ le kilowattheure on n'a pas les mêmes tendances qu'ailleurs quand
c'est 0,21 $ 0,30 $ le kilowattheure, en termes de perspective
d'économie d'énergie et d'efficacité énergétique.
On a fait une annonce
la semaine dernière, vendredi dernier, là, avec la mairesse de Montréal, Mme
Plante, par rapport à la cotation énergétique pour les bâtiments
institutionnels et commerciaux, où on vient dire : On va commencer par
être transparents sur la consommation, parce qu'on parlait de bâtiments, là,
naturellement, c'est institutionnel et commercial, on va commencer par être
transparents sur la donnée, à la fois, la consommation énergétique et le type de consommation, et, éventuellement, on va venir
sur des mesures de performance, là, 2023‑2024. Et à la fin on vise deux choses,
c'est, oui, de venir mesurer cette performance-là... Je pense qu'on va amener une
pression, puisque l'information va être
transparente, par rapport aux consommateurs, par rapport aux locataires, par
rapport aux individus, à la population.
C'est quoi, les
enjeux que vous voyez dans cette approche-là? Parce que, tu sais, on
disait : Si on réduisait, juste dans le commercial et l'institutionnel, de
10 % de la consommation d'énergies fossiles, ça représente à peu près
480 000 tonnes de GES, là, l'équivalent de
130 000 véhicules électriques... ça va être quoi, l'enjeu qui nous
guette par rapport à cette approche-là, là, dans les étapes subséquentes, et
quels gestes le gouvernement devrait poser pour aller plus loin à cet effet-là?
M.
Pineau (Pierre-Olivier) : Bien, disons, c'est une très bonne annonce,
je pense que ça fait très longtemps que le
gouvernement devrait imposer une cotation des audits obligatoires, au moins à
la vente d'un bâtiment commercial ou résidentiel. Je pense que... En
fait, je m'étonne toujours qu'on n'ait pas ça plus tôt et je m'étonne qu'on ne
soit pas directement allés pour tous les bâtiments, en disant : Il faut
les faire coter, ne serait-ce qu'à la vente, pour que les vendeurs... ou un
acheteur sache s'il achète un citron ou il achète une star immobilière, en
termes d'efficacité énergétique. On vit dans le manque de transparence, dans la
noirceur sur la consommation énergétique. Si vous avez acheté une demeure ou
vous devez... récemment, là, vous devez vous plonger dans des factures
d'Hydro-Québec, de Gaz Métro, qui ne sont pas faciles à vérifier, qui ne sont
pas faciles à comprendre, ce n'est pas standardisé, alors qu'on a des
programmes... Le gouvernement finance aujourd'hui des programmes en rénovation
domiciliaire pour, justement, faire des audits. Je parle régulièrement avec des
gens qui sont sur le terrain et qui ont du financement, là, du Fonds
d'électrification et de changements climatiques pour ces audits-là, je pense
que c'est Rénoclimat ou RénoVert. Il y a des audits, mais ils ne peuvent pas
faire de publicité pour, justement, faire connaître leurs services, et ils ont
des limites sur les budgets qui sont donnés, et ce n'est pas obligatoire, c'est
sur la bonne volonté des gens.
Donc,
même les choses qui sont non contraignantes... comme un simple audit n'est
même pas... est fait de manière volontaire, alors qu'il faudrait
commencer, le plus rapidement possible, à donner à tout le monde une connaissance
de la conservation énergétique des bâtiments et, aussi, une perspective sur
comment l'améliorer. Parce que, quand on fait ces cotations-là, eh bien, ça
nous dit où notre bâtiment se situe un petit peu dans le spectre des consommations
énergétiques possibles, et, en général, ça vient avec des recommandations assez
génériques, assez générales sur qu'est-ce
qu'on peut faire. Mais, au moins, ça met dans la tête des consommateurs
qu'est-ce qu'il va falloir faire dans les cinq, 10 prochaines
années. Et ça ne va pas se faire du jour au lendemain, mais il faut commencer
le plus rapidement possible.
Donc, bravo pour
votre annonce avec Mme Plante, mais il faut aller... surtout sur des
mesures comme ça, qui ne sont pas
contraignantes à court terme, il faut les généraliser à l'ensemble du parc de
bâtiments et, rapidement, rendre ces audits-là obligatoires de
manière... en débutant par la vente ou dans une perspective des cinq prochaines
années. Et on pourrait imaginer, après, de faire une sorte d'écofiscalité, où
on dit à ceux qui sont retardataires et qui, après cinq ans de leur audit,
n'ont pas fait les améliorations qui étaient possibles, bien... on leur
dit : En termes de taxation, vous allez avoir, par exemple, une
augmentation de votre fiscalité municipale si vous ne faites pas des efforts et
si vous ne participez pas à des programmes qui sont disponibles. Parce que le
gouvernement met à la disposition des consommateurs
beaucoup de programmes, mais, comme il n'y a pas de petit bâton pour amener les
consommateurs vers ces programmes-là, bien, souvent, ces programmes-là
ne sont pas entièrement performants ou ne livrent pas toute la marchandise.
M. Julien :
Pour faire du pouce sur ce que vous mentionnez, Pr Pineau, parce que vous
parlez de bâton, vous en avez parlé dans le
mémoire, puis, à un moment donné, c'est beaucoup, en réalité, un élément que
vous apportez, donc, selon vous, cette transparence-là, cette
divulgation-là des indices de performance, où les immeubles vont être cotés, vous ne pensez pas que ça va être suffisant pour
que la clientèle, c'est-à-dire un locataire ou un acheteur, vienne mettre
une pression suffisante pour obliger l'amélioration, par le fait même, dans une
perspective de marché?
Moi, je me dis, bien,
il faut qu'on ait l'information, qu'elle est transparente. Si quelqu'un est
mauvais joueur, bien, il va y avoir un impact sur, à la fois, son revenu de
location ou son prix de disposition, qui devrait faire en sorte qu'il se
comporte autrement dans l'amélioration de son efficacité énergétique. Pour
vous, ce ne sera pas suffisant?
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Non, ça ne peut pas être suffisant. C'est
nécessaire mais non suffisant. Pensez au tabac. Ce n'est pas parce qu'on a
simplement mis sur les paquets de cigarettes des poumons encrassés de nicotine que les gens ont cessé de fumer. Il a fallu aussi
des taxes et aussi de la réglementation. Pensons aussi aux sacs de chips et aux
cannettes de boisson gazeuse, là. Les informations nutritionnelles, elles sont
inscrites sur ces produits-là. On ne peut pas dire que les gens ne savent pas qu'ils mangent du gras, et du sel,
et du sucre. Ils le savent, personne
n'est imbécile. Tout le monde sait qu'un paquet de chips, c'est rempli de gras
et de sel. On en mange quand même et on a des problèmes d'obésité au Québec, au Canada, en Occident. Les
tendances ne sont pas à l'amélioration.
Et
l'information seule est nécessaire mais n'est certainement pas suffisante. Il va falloir aussi faire des contraintes, on le sait
quand on regarde l'alimentation et le tabac. C'est la même chose pour l'efficacité
énergétique. Les gens vont le savoir,
mais ils vont s'en accommoder, à moins qu'ils aient, par ailleurs,
des incitatifs et un contexte économique qui les amènent à faire plus proactivement
ces changements-là.
M. Julien :
Et donc j'aime les comparaisons. D'un autre côté, je me dis juste : Si
j'ai une tour à bureaux à Montréal et, après ça, j'ai des locataires, disons, institutionnels ou, peu importe, moi, j'ai l'impression qu'il va
y avoir une pression de plus en plus importante pour s'assurer qu'on loge nos locaux à l'intérieur d'un bâtiment qui est responsable. Mais vous avez raison, peut-être
que ça prend un et l'autre, et vous semblez en être convaincu.
Si je vous amène sur
une autre question... On a amené la notion, qui pouvait être contre-intuitive,
mais qui, à mon avis, est la bonne en termes d'efficience, là, la biénergie, c'est-à-dire
l'utilisation, en fin de compte, avec Hydro-Québec et Énergir, ça a été déposé
à la Régie de l'énergie, dans une perspective de venir dire : On pense que
ce maillage-là, c'est un peu la loi de Pareto, on va obtenir 80 % des
résultats attendus, en termes de réduction, pour 40 % de l'effort financier, en termes d'efficience. C'est la bonne
approche. C'est sûr qu'on vise la carboneutralité. On a du gaz naturel renouvelable. Mais comment vous
voyez cette approche-là dans la tendance actuelle? Est-ce que c'est la
bonne approche pour le Québec?
• (11 h 50) •
M. Pineau (Pierre-Olivier) : Oui, je pense que c'est la bonne approche. Moi,
j'accueille avec joie... et je suis très
positif par rapport à cette combinaison-là. C'est quelque chose qui a l'avantage
de pouvoir se faire, potentiellement, très rapidement et de donner des
résultats, mais ça ne doit pas nous éloigner, malgré tout, de nos efforts sur
les enveloppes thermiques. Il faut... On a trop souvent tendance à
penser qu'au Québec, comme on a de l'hydroélectricité propre, on va pouvoir
chauffer nos bâtiments sans faire des efforts, mais ce que je dis ne pourra pas
se faire du jour au lendemain. Donc, il y a de la place à la fois pour de la
biénergie, pour gérer la pointe... mais il faut garder à l'esprit que la
tendance pour 2050, ça doit être la réduction de la consommation d'énergie du
parc de bâtiments au complet et que ça, on n'y arrivera pas avec la biénergie.
La biénergie va être utile, parce qu'on ne va pas changer tout le monde tout de
suite, mais, que... si, d'ici 2050, on a renouvelé le parc de bâtiments puis on
a baissé de l'ordre de 80 % notre consommation énergétique dans le parc de
bâtiments, on aura vraiment atteint notre objectif. La biénergie aura joué son
rôle pendant les 10, 20 premières années et, probablement, va continuer à
jouer un petit rôle pour assurer la pointe des jours froids qu'il va continuer
à y avoir en 2050, mais on aura libéré des kilowattheures et des mètres cubes
de gaz naturel, qu'on n'aura pas à substituer par du gaz naturel renouvelable.
Donc, les deux sont
complémentaires, mais, oui, l'approche de biénergie est une excellente
approche. C'est très important qu'il y ait un meilleur dialogue et une
meilleure intégration de toutes les formes d'énergie.
M. Julien :
Une dernière question, pour ma part, puis je ne sais pas si les collègues
auront des questions, mais on est dans une course, puis je ne veux pas faire de
la politique pour dire... mais on a les objectifs de 2030, là, assez audacieux,
puis on est dans une course, puis, à toutes les fois que je discute avec mes
collègues, je cherche la mesure la plus efficiente, dans une perspective de
délai. C'est-à-dire, on a des sommes gouvernementales qui sont limitées, bien qu'on a mis 6 milliards et
quelques, puis on dit... J'essaie d'avoir la mesure la plus efficiente,
c'est-à-dire transformer mes ressources financières au maximum de
résultats.
Avez-vous fait une
évaluation, M. Pineau, là, de ce que vous mentionnez, là, c'est-à-dire
que, si on devait accompagner, dans une
structure où on vient... On peut le faire légalement, c'est-à-dire à
l'intérieur d'un cadre législatif, puis
après ça ça prend un accompagnement, naturellement, pour venir aider
financièrement ou supporter financièrement ces rénovations dans une
perspective énergétique. Avez-vous fait des évaluations de l'efficience de
cette approche-là par rapport aux résultats obtenus?
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Alors, oui, on a un article, que je cite, qui est
déjà publié dans le mémoire, qui montre
qu'en fait, sur... On a fait l'étude sur une maison unifamiliale typique du
Québec et on trouve que c'est rentable, à moins de 0,09 $ le kilowattheure, de faire... d'amener la maison au
Novoclimat et de la faire passer à la thermopompe. Puis ça, donc, on
sait.
Et là, plus
récemment... Puis ça, c'est un rapport qu'on va sortir d'ici quelques semaines,
avec un étudiant de la chaire qui a travaillé de manière très précise, beaucoup
plus précise qu'auparavant, sur, justement, les différents types de bâtiments québécois et où est-ce qu'on
a... quelles mesures sont les plus profitables, et on en a. Et, en fait, il y a
deux grandes zones climatiques au Québec, il y a la zone 7 et la
zone 6. La zone 7, c'est un petit peu Trois-Rivières et au
nord. Mais c'est sûr que là où il fait plus froid, c'est là où il faut aller
travailler sur ces maisons-là, plutôt que sur des nouvelles maisons.
Donner des
subventions aux Montréalais qui achètent des maisons neuves, c'était une
erreur. Il ne faut pas donner des subventions à des Montréalais qui ont des
maisons neuves. Donc, déjà, il devrait y avoir des critères discriminants, dans
les programmes du gouvernement, où on donne priorité à ceux qui habitent dans
des régions plus froides, plus nordiques, qui chauffent plus, dans des plus
vieux logements, pour leur permettre de faire des rénovations. Et ça, c'est des
critères qui ne sont pas, aujourd'hui, utilisés.
Évidemment, ils ne
sont pas utilisés parce qu'on ne veut pas donner l'impression que certains
Québécois sont favorisés par rapport à d'autres. On veut avoir des programmes
universels. Mais ce n'est pas forcément plus efficace, parce qu'on a beaucoup
d'opportunistes qui vont venir changer leurs fenêtres dans leur bâtiment qui a
été construit en 2005, puis là on est en 2021. Ils veulent des nouvelles
fenêtres, mais là le gouvernement va donner un 2 000 $, mais c'est un
2 000 $ inefficace par rapport à un 2 000 $ qui aurait été
investi pour quelqu'un de Sept-Îles qui a une plus vieille maison, qui aurait
pu faire beaucoup plus. Et là-dessus, je crois que, dans nos programmes, on
pourrait être beaucoup plus discriminants pour aller cibler les consommateurs
qui en ont le plus besoin.
M. Julien :
C'est bien. Je ne sais pas s'il y a des collègues qui avaient une question,
sinon j'en aurais eu d'autres, mais... Parfait. Vous êtes bien aimables.
On a tout le volet
industriel, M. Pineau, Pr Pineau, qui nous interpelle beaucoup, avec
certaines difficultés à électrifier certaines charges, justement, là, par le
volet même, en fin de compte, de la nature de l'industrie. Quelles sont, selon
vous, les bonnes pistes pour s'attaquer à la consommation énergétique des
industries? Bien qu'on sorte un peu du cadre, là, efficacité énergétique pure,
comment vous entrevoyez ça, Pr Pineau?
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Bien, on sait qu'il y a un potentiel d'efficacité
énergétique qui est là, en industrie. Hydro-Québec est en train de faire... va
sortir bientôt l'évaluation la plus récente, là, de ce potentiel, du potentiel
technico-économique d'efficacité énergétique résidentielle, commerciale et
industrielle. Donc, il y a des pistes qui vont être établies là. Il faut lire
ces documents... ce document qui arrive très bientôt. Il faudra le lire avec
énormément d'attention parce que ce sont des gens, donc, des experts, des
consultants en efficacité énergétique, qui ont été sur le terrain, qui ont
analysé et qui peuvent dire qu'est-ce qu'on peut faire avec l'efficacité
énergétique, et il y a beaucoup de choses à faire.
Évidemment, il y a... Donc, il faut,
premièrement, faire ça, avec un accompagnement et puis certaines contraintes.
Je dis souvent le mot «contraintes», ce n'est pas parce que j'aime les
contraintes, mais c'est parce que je veux que ça fonctionne, et un jour il va
bien falloir accepter qu'on travaille... Et l'ingéniosité humaine est très
bonne, se développe beaucoup plus sous
contrainte que dans un espace entièrement libre. Et je suis, évidemment,
complètement pour la liberté, mais il y a des contraintes qu'il faut
s'auto-imposer pour être plus performants.
Donc, l'efficacité
énergétique en industrie, après, bien, vous le savez, pour l'hydrogène, on a...
dans les aciéries québécoises, pour le secteur de l'acier, on va avoir des
besoins en hydrogène, donc là ça va être très important de pouvoir cibler des
programmes pour aider, pour que les aciéries québécoises soient les premières à
faire le saut vers l'intégration de
l'hydrogène dans leurs processus. Ça, ça va être intéressant. En aluminium,
c'est complètement différent, c'est un autre défi technologique, mais il
va falloir aussi s'assurer d'accompagner.
Le défi des
industries, c'est que chaque industrie a sa spécificité, et donc il faut
vraiment y aller au cas par cas. Pour les cimenteries, ça va être aussi un
éventail un peu plus complexe de solutions. On a récemment travaillé sur les cimenteries dans le cadre d'un projet de
recherche où il faut, justement, permettre de brûler différents produits,
matières premières. Il y a de la réglementation contraignante qui empêche les
cimenteries, parfois, de brûler. Même si
elles pourraient les brûler de manière efficace, la certification est parfois
très lourde pour que ces cimenteries puissent brûler certaines matières,
qui ne pollueraient pas parce que c'est brûlé à tellement... à
1 500 degrés, donc ça n'a pas d'émanations toxiques. Mais le cadre
réglementaire en environnement est très contraignant, donc elles doivent
refuser certaines matières qui ne sont pas certifiées, même si on pourrait
avoir l'assurance que ça ne pollue pas.
Donc, il y a une
panoplie de mesures qu'il faut... sur lesquelles il faut se pencher.
M. Julien :
Parfait. M. Pineau, bien, en terminant, là, c'est toujours un plaisir, là,
premièrement, d'avoir ces discussions-là parce que vous avez l'avantage du
pragmatisme universitaire, avec une approche... Naturellement, toute la notion de contraintes, on l'entend bien.
Puis, à quelque part, au Québec, on a un peu la force de nos faiblesses,
ou les faiblesses de nos forces. Naturellement, je le réitère, là, que notre
grande richesse hydroélectrique, avec, en réalité, une énergie abordable, quand
on se compare, là... très abordable.
Je comprends la
notion de contraintes. J'espère qu'on va parvenir à atteindre nos cibles sans
cette notion-là, parce que... Naturellement, là, on a l'occasion d'en discuter.
Même mon collègue ici, de l'opposition, qui me questionnait sur l'inflation,
là, qui augmente un peu par rapport à l'an dernier, naturellement, de manière
conjoncturelle, à mon avis, mais, tu sais, on a eu un gel... une hausse en bas
de 2 %, on va voir qu'est-ce que... Et, déjà, ces hausses-là, qui sont des contraintes de
prix, qui sont peut-être sur un modèle inflationniste, on sait que c'est
très sensible pour les consommateurs au Québec. Puis c'est un peu un
avantage aussi qu'on a, puis ça nous appartient, l'hydroélectricité.
Donc, je mets ça dans
ma pipe, comme on dit. Il faut trouver un moyen d'aller plus vite, d'atteindre
nos objectifs, et, naturellement, je comprends bien cette notion de contraintes
là, qui pourrait être une avenue, mais que... j'espère qu'on va réussir plus,
en étant convaincants, sur une approche commune, comme société, de dire :
On veut aller vers là parce que c'est bon
pour tout le Québec. Mais je reçois bien vos commentaires, Pr Pineau, et
c'est toujours un plaisir. Puis j'ai hâte de vous revoir, là, en
personne pour pouvoir avoir ces discussions-là à bâtons rompus. Merci.
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Merci à vous.
• (12 heures) •
Le Président (M.
Lemay) : Merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la
parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Mont-Royal—Outremont. Vous disposez
de 13 min 45 s.
M.
Arcand :
Merci beaucoup, M. le Président. Rebonjour, Pr Pineau. Toujours un
plaisir également de vous retrouver.
Ma première question,
c'est que vous... Clairement, dans votre mémoire, vous parlez évidemment de...
vous croyez plus aux bâtons plutôt qu'aux initiatives, je dirais, positives de
la part du gouvernement. Si j'avais à vous demander
les... Vous avez une série de propositions que vous faites, si j'avais à vous
demander quelle est la principale mesure, pour vous, ou les deux
principales mesures qui permettraient justement d'améliorer la situation sur le
plan d'efficacité énergétique, qu'est-ce que ce serait?
M. Pineau (Pierre-Olivier) : On a... On connaît... Merci pour votre question,
M. Arcand. Et c'est évidemment
aussi un plaisir partagé, là, de vous retrouver, comme tous les membres du gouvernement
et de l'opposition.
Je pense qu'il faut
que l'information soit plus claire. Donc, ce qu'on a dit sur la cotation
énergétique et l'accès au financement, c'est très important. Donc, une fois...
L'accès au financement, c'est important parce qu'on s'aperçoit que le taux d'intérêt,
le taux d'actualisation auquel les initiatives d'efficacité énergétique sont
rentables a un très, très
grand rôle. Donc, si vous empruntez à 10 %, il n'y a rien qui va être
rentable dans... quasiment rentable pour votre... pour vos efforts d'efficacité
énergétique. Par contre,
si vous avez du financement à très faible coût, à 1 %, à 0 %, eh
bien, ça devient... tout de suite, la perspective de rentabilité s'améliore
grandement.
Donc, jusqu'à un
certain point... Je ne dis pas qu'il faut éliminer les subventions, mais il
faut les réduire au maximum, des subventions
directes de capital qui sont données aux consommateurs ou aux promoteurs, mais
simplement dire : On vous donne du financement à faible coût d'intérêt,
à faible taux d'intérêt pour certaines mesures qu'on a validées
auparavant.
Et
tous les potentiels technicoéconomiques qu'Hydro-Québec et Énergir font
réaliser par des gens extrêmement connaissants sur le terrain... Parce que
moi, je suis professeur à HEC Montréal. Je ne suis pas sur le terrain. Je ne
suis pas dans les
bâtiments. Je ne suis pas un technicien de l'efficacité énergétique. J'ai
connaissance des grandes mesures, mais il y a des gens qui vont plus sur
le terrain et qui en font, ces potentiels technicoéconomiques, qui identifie
qu'est-ce qui est rentable. Et là, si le gouvernement dit : Voici le
programme des éléments qui sont rentables, voici, dans les 6 milliards de
dollars que nous avons actuellement dans le Plan d'électrification et de
changements climatiques, on met 1 ou 2 milliards de financement en prêts à
taux d'intérêt très favorables, et bien là... et qu'après on contraint les gens
sur un échéancier raisonnable, mais on leur dit : Dans les
10 prochaines années, vous avez le devoir d'améliorer la performance de
votre bâtiment de tel niveau à tel niveau... On sait que c'est possible, vous
avez le financement pour le faire, maintenant vous vous devez de le réaliser à
travers un ensemble de maîtres d'oeuvre, qui sont connus sur le marché, les
acteurs de la rénovation et de l'efficacité énergétique. On a, au Québec, des
très grandes firmes d'efficacité énergétique qui savent le mettre en place mais
qui attendent d'avoir, justement, certaines contraintes ou certaines obligations
de performance, un échéancier. On dit aux entreprises, aux gestionnaires de
parc immobilier : Vous avez 10 ou 15 ans pour améliorer la
performance de vos bâtiments, on vous met du financement à très faible coût sur
la table, et vous y avez accès. Et,+ si, après 10 ou 15 ans, vous n'avez
pas atteint ces cibles, bien là, vous avez des pénalités, parce qu'on vous a
donné les outils pour le faire. Donc, c'est une contrainte, mais ce n'est pas
que des bâtons, c'est qu'il y a des carottes qui sont accompagnées, mais on
dit : Ultimement, si vous ne le faites pas, il y aura des pénalités.
M.
Arcand :
D'accord. Une des questions qui m'apparaît aussi importante dans ce domaine-là,
au-delà du financement à faible taux, il y avait, à un moment donné, un
programme qui s'appelait RénoVert. Lorsqu'il y a eu le dernier budget du
gouvernement, RénoVert ne faisait plus partie des priorités du gouvernement.
Entre autres, l'APCHQ avait dénoncé cet état de choses. Est-ce que, pour vous,
c'était un programme qui était valable?
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : D'une manière générale, dans... les programmes des
dernières années n'ont pas livré la marchandise, en général. Donc, moi, je suis
très critique sur l'ensemble des programmes que votre gouvernement avait mis en
place, le Conseil de gestion du Fonds vert, justement pour permettre de mieux
analyser ces éléments-là de performance. On a perdu le Conseil de gestion du
Fonds vert, qui, de façon très, très, très tardive, avait commencé à se
pencher, de manière plus systématique, sur la performance des programmes.
Malheureusement, on
souffre, au Québec, là, d'un manque de rigueur dans l'évaluation des
programmes. Je ne veux pas me prononcer personnellement sur un programme
spécifique, mais, de manière globale, c'est certain qu'on n'a pas livré la
marchandise de manière globale dans ces programmes-là et que, surtout, on n'a
pas fait d'évaluation rigoureuse de chacun des programmes pour pouvoir prendre
des décisions les plus éclairées possible. Alors, il faudrait se donner les
moyens d'évaluer ce qui a fonctionné et avoir la sagesse de reconnaître ce qui
n'a pas fonctionné, pas pour donner des blâmes et pas pour blâmer qui que ce
soit, mais simplement pour ne pas réitérer les écueils du passé. Et
malheureusement de l'argent dépensé dans des programmes qui n'ont pas vraiment
livré la marchandise... et on en a beaucoup d'exemples, parce qu'il y a
beaucoup d'opportunisme. Je vais redonner l'exemple de changement de fenêtres.
Il y a beaucoup de gens qui changent leurs fenêtres parce qu'ils reçoivent un
chèque du gouvernement, puis ils trouvent ça le fun. C'est bien. Mais ce n'est
pas forcément les programmes les plus efficaces en termes de réduction de
consommation par rapport au dollar investi. Et on manque de données pour
vraiment évaluer ça de manière rigoureuse et transparente.
M.
Arcand :
Donc, si je vous comprends bien, depuis le début de cette discussion, ce que
vous suggérez, c'est littéralement une banque du climat, c'est une espèce de
banque du climat qui pourrait prêter aux gens, avec... évidemment, ça, ça
serait la carotte, mais avec un bâton au bout qui serait assez serré si les
résultats ne sont pas au rendez-vous. C'est un peu ça que vous dites.
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Mais on a, au Québec... c'est ce type
d'instruments... on a au Québec, je le cite dans mon mémoire, la SOFIAC, qui
est une nouvelle société qui a été créée avec Econoler, une participation du
gouvernement du Québec, justement pour avoir... offrir du financement et des
actions en efficacité énergétique, mais c'est ce genre d'institution, que ça
soit centralisé ou qu'il y en ait plusieurs. Il peut y avoir des gains à en
avoir plusieurs. Il peut y avoir des gains à en avoir une, banque centrale ou
un organisme central qui le fait. Mais il faut que ça soit un organisme très
terre à terre, qui peut analyser, allouer des sommes pour les programmes plus
efficaces et qui est tenu d'obtenir des résultats. Parce que, jusqu'à
aujourd'hui, malheureusement, on a des programmes, on n'atteint pas les
résultats, ça s'oublie.
On n'atteint pas nos
cibles. Les électeurs l'oublient. On ne parle plus des cibles de 2020, mais,
les cibles de 2020 en termes de réduction des émissions de gaz à effet de
serre, on ne va pas les atteindre. Mais ça ne va pas être un enjeu sur la place
publique parce qu'on ne parle plus des cibles de 2020, malgré l'échec fort
probable que le Québec connaîtra par rapport à ces cibles.
M. Arcand :
Pr Pineau, lors de l'étude du projet de loi n° 44, Hydro-Québec
disait que, d'ici 2030, il y aurait probablement un déficit énergétique au
Québec, et peu importent les efforts d'efficacité énergétique. C'est ce
qu'Hydro-Québec disait lors de l'étude. Alors, moi, je vous pose la question de
façon générale : Est-ce que vous pensez qu'il est possible d'atteindre une
efficacité, une productivité sur le plan énergétique pour ne pas avoir à augmenter
la capacité d'Hydro-Québec? Parce que, quand on écoute Hydro-Québec, ils nous
disent : Écoutez, on n'aura pas le choix, on va devoir augmenter, on va
devoir trouver des façons d'augmenter cette production. Je voulais juste
comprendre où vous vous situez par rapport à ça.
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Mais je comprends qu'Hydro-Québec dise cela parce
qu'Hydro-Québec vit dans le carcan tarifaire
qu'on lui impose, que la Régie de l'énergie, le gouvernement québécois imposent
à Hydro-Québec. Donc, dans le cadre de ces contraintes réglementaires
là, c'est très difficile pour Hydro-Québec de déployer et de réaliser le
potentiel d'efficacité énergétique. Maintenant, si on... même sans une
augmentation tarifaire, en ayant des programmes ciblés, en étant très agressifs
et en obligeant un petit peu à... comme un peu on vient de le dire, là, avec
des prêts à faible taux, et en ayant des programmes mieux ciblés, je pense
qu'en 10 ans on pourrait réaliser beaucoup plus que ce qu'on réalise en
termes d'efficacité énergétique. Hydro-Québec l'a elle-même dit qu'elle
allait... elle avait doublé récemment ses ambitions en termes d'efficacité
énergétique, mais là on parle encore de très petits pourcentages.
• (12 h 10) •
Quand on
regarde le potentiel technicoéconomique qu'Hydro-Québec, a elle-même évalué à
30 térawattheures il y a quelques années... et là on va avoir, dans
les études plus récentes qui vont être probablement rendues publiques cet
automne, on va probablement avoir un autre 30 térawattheures
de potentiel technicoéconomique d'efficacité énergétique réalisable sur un
horizon de cinq à 10 ans. Donc, c'est énorme, 30 térawattheures. Ça
permettrait, dans une grande partie, d'éviter de construire, mais ça demande un
engagement, une mobilisation autant d'Hydro-Québec que de la part des
consommateurs, que de la part du gouvernement, un contexte qui favorise cette
mobilisation-là pour réaliser ce potentiel d'efficacité énergétique.
Et ça, ça demande un contexte favorable, qui
demande des efforts qui ne sont, en général, pas le genre d'efforts que la
classe politique se sent prête à demander aux citoyens québécois, parce qu'on
ne se fait pas élire en demandant des efforts, on se fait plutôt élire,
malheureusement, en distribuant des bonbons. Et ça, c'est un problème qu'on a dans notre démocratie, c'est de ne pas
avoir un contexte qui permet de dire les vraies choses aux consommateurs,
pour le bien de tous, le bien de la collectivité. Ça demande des efforts pour
arriver à atteindre des résultats.
M.
Arcand : Il y a un
des efforts... parmi les efforts qu'on demandait aux gens, une des choses qui
avait été intéressante puis qui n'a jamais décollé... puis je voulais juste
avoir votre opinion là-dessus, parce qu'aujourd'hui on parle très peu du
solaire, actuellement, comme étant... Et, à un moment donné, on disait même...
il y avait un programme d'Hydro-Québec qui disait que, si vous aviez... vous
investissiez un montant d'argent pour le solaire, eh bien, vous pouviez même
fabriquer de l'énergie puis vous auriez un crédit sur votre facture
d'Hydro-Québec. Ces programmes-là n'ont jamais vraiment décollé, et est-ce que
vous voyez un avenir en ce sens-là, ou le solaire est comme, pour l'instant,
relégué aux oubliettes, on dirait, au moment où on se parle?
M. Pineau (Pierre-Olivier) : Bien,
si on croit à l'efficacité énergétique comme j'y crois personnellement et comme
votre question précédente semblait montrer que vous y croyez aussi, on a davantage
à réaliser en réduisant notre consommation qu'en ajoutant des équipements. Et
donc ajouter des équipements solaires, ça fait partie du même concept que
d'ajouter de la production. Et donc, je dirais, dans le contexte actuel, ça
coûte moins cher faire de l'efficacité énergétique.
On a aussi un ensoleillement, au Québec, mais
qui n'est pas le plus favorable sur la planète. On a des ressources éoliennes qui sont bien... (panne de
son) ...de nos ressources hydroélectriques. Donc, il y a d'abord d'autres
avenues à explorer. Le solaire va être intéressant, et on... parce que les
coûts de production du solaire sont en diminution puis les coûts du stockage le
sont aussi. Donc, il y a des combinaisons intéressantes, mais ça va être plutôt
du cas par cas et décentralisé, mais pas... et, au Québec, ça va être assez
tardif. Donc, ce n'est pas une priorité pour
le Québec de se lancer. Ce n'est pas à exclure, aucune filière ne doit être
exclue, mais c'est loin d'être une priorité dans nos préoccupations.
M.
Arcand : Et si
j'avais à vous demander d'évaluer l'efficacité de la bourse du carbone
jusqu'ici? Depuis nombre d'années maintenant, le Québec et la Californie sont
les deux seuls qui sont dans ça. La bourse du carbone a l'avantage, quand même,
de forcer les entreprises à être plus efficaces sur le plan énergétique, à
réduire les GES. Comment vous voyez l'avenir de ce côté-là?
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Bien,
moi, je suis un très grand fan de la bourse du carbone. Je remercie Jean
Charest, à chaque fois que j'ai la
possibilité, d'avoir mis en place... de s'être battu pour le mettre en place,
ce marché du carbone, avec la Californie. C'est, à mon avis, une grande
réalisation du Québec, qui fonctionne jusqu'à maintenant dans sa mécanique,
mais malheureusement pas encore dans la réduction des émissions.
Et le grand problème qu'on a avec le marché du
carbone, c'est que le gouvernement, depuis longtemps, n'est pas assez
transparent dans la baisse des plafonds d'émissions, et donc on n'indique pas
assez aux émetteurs que les plafonds d'émissions, il y a des règlements qui
sont très, très clairs sur la baisse des plafonds d'émissions jusqu'en 2030, et
ça, ça va être une vraie contrainte qui va nous amener... parce que c'est un
marché à une pénurie de droits d'émissions, qui va nous amener à un choc
tarifaire, parce qu'aux enchères, à un moment donné, il n'y aura plus assez de
droit d'émissions. Il y aura des enchérisseurs, parce que les émetteurs vont
aux enchères, et on va avoir une poussée des prix subite d'ici quelques années,
d'ici 2024, 2025, 2026, ce n'est pas clair encore parce qu'il y a de
l'incertitude, mais c'est certain que... d'ici 2030, à moins qu'on renverse la
tendance et que nos émissions chutent drastiquement
pour une raison que j'ignore et qui est imprévisible. Mais on ne communique pas
assez le choc tarifaire à venir.
Donc,
M. Julien voulait éviter des contraintes qui vont peser sur la population
d'ici 2030, mais, chose certaine, la
contrainte, elle est déjà là, les plafonds d'émissions sont déjà là, et les
prix vont monter. Et, vous le savez, le gouvernement fédéral
a annoncé un prix de 170 $ la tonne pour 2030. Au Québec, il va falloir qu'on
soit là en 2030. Aujourd'hui, on est à 23 $, 24 $ la tonne. Au niveau
fédéral, on a 40 $ la tonne. On n'annonce pas assez aux Québécois le choc
tarifaire à venir dans le marché du carbone. Et, si on l'annonçait, notre
myopie collective serait un petit peu corrigée, et là ça nous inciterait à
faire les efforts d'efficacité énergétique qu'on ne fait pas encore. Et le
problème, c'est que...
Le Président (M. Lemay) : Alors,
M. Pineau, ceci complète l'intervention, le temps que nous avions. Mais
merci beaucoup, M. le député de Mont-Royal—Outremont, pour vos questions, M. le ministre, chers collègues,
pour votre participation aux travaux. En
fait, c'était bref mais très enrichissant, mais, pour aujourd'hui, ça conclut nos travaux.
Et nous
allons ajourner nos travaux à mercredi le 25 août, à 9 h 30,
afin de débuter un nouveau mandat. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 16)