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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 15 septembre 2020 - Vol. 45 N° 46

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi ° 35, Loi visant à moderniser certaines règles relatives à la publicité foncière et à favoriser la diffusion de l’information géospatiale


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Jonatan Julien

M. Saul Polo

Auditions

Ordre des arpenteurs‑géomètres du Québec (OAGQ)

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

Autres intervenants

M. Mathieu Lemay, président

M. Richard Campeau

Mme Agnès Grondin

M. Gilles Bélanger

M. Éric Girard

*          M. Orlando Rodriguez, OAGQ

*          M. Alain Lépine, idem

*          Mme Hélène Potvin, CNQ

*          M. Raphaël Amabili-Rivet, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures une minute)

Le Président (M. Lemay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. Je vais faire ça de même.

Alors, on est aujourd'hui réunis afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 35, la Loi visant à moderniser certaines règles relatives à la publicité foncière et à favoriser la diffusion de l'information géospatiale.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Roy (Bonaventure) est remplacé par Mme Richard (Duplessis).

Le Président (M. Lemay) : Merci. Et, Mme la secrétaire, y a-t-il aussi des droits de vote par procuration?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Campeau (Bourget) dispose d'un droit de vote par procuration au nom de M. Allaire (Maskinongé).

Le Président (M. Lemay) : Merci. Alors, ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires. Ensuite, nous entendrons l'Ordre des arpenteurs‑géomètres du Québec.

Remarques préliminaires

Alors, j'invite maintenant M. le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles à faire ses remarques préliminaires. Et, M. le ministre, vous disposez d'un temps de parole de six minutes.

M. Jonatan Julien

M. Julien : Oui, merci, M. le Président. Merci, chers collègues, d'être ici aujourd'hui. Chers messieurs, merci de venir nous rencontrer aujourd'hui.

Alors, le 19 septembre dernier, M. le Président, il y a pratiquement un an jour pour jour, j'ai présenté à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 35, qui vise à moderniser certaines règles relatives à la publicité foncière et à favoriser la diffusion de l'information géospatiale. Comme vous vous en doutez, les consultations particulières auraient dû se tenir beaucoup plus tôt. Naturellement, là, considérant la pandémie, on s'y retrouve aujourd'hui.

Le projet de loi, M. le Président, s'inscrit directement dans notre vision et notre engagement de la transformation numérique de l'État québécois. Ainsi, le projet de loi que nous proposons nous permettra d'intervenir concrètement pour certains aspects : éliminer le dédoublement administratif créé par les deux modes de transmission existant actuellement, papier et électronique, faciliter la transmission de réquisitions au Registre foncier, diminuer les délais de traitement et les coûts pour les citoyens tout en améliorant la performance de l'organisation. Ça permet aussi de mettre en place des conditions nécessaires à l'élaboration de nouveaux outils qui permettent de mieux informer les citoyens et les professionnels. Et ça permet d'officialiser les connaissances des risques d'inondations visant une propriété.

Ce qui est important pour nous et qui se concrétise, c'est la modernisation tout en maintenant la présence gouvernementale en région. Ainsi, l'ensemble des employés en région dont une partie de la tâche était liée aux bureaux des publicités des droits demeurent en poste et demeureront en poste au sein des réseaux régionaux de Services Québec.

Également, afin d'assurer une mise en oeuvre harmonieuse des nouvelles mesures, l'entrée en vigueur se fera graduellement, prévoyant une période de transition, justement, qui est déjà en place actuellement avec la pandémie, donc on est uniquement électronique et papier à un poste... ait permis d'être, justement, testé, là, pendant la période qu'on vit actuellement.

Je me permets donc de vous résumer les grandes lignes de ce projet de loi qui vise essentiellement à compléter l'informatisation du Registre foncier et améliorer les services offerts par mon ministère aux citoyens, aux professionnels en lien avec les informations foncières.

Le Registre foncier du Québec est un registre légal qui regroupe toutes les informations pertinentes sur les transactions immobilières et les droits qui affectent les immeubles situés sur le territoire québécois. Chaque année, c'est près de 15 millions de transactions qui sont effectuées au Registre foncier du Québec, dont 14 millions de consultations. Alors, c'est près de 1 million de documents légaux qui sont aussi transmis annuellement au Registre foncier, qui est un service juridique essentiel. Les ventes immobilières qui y sont publiées représentent 11,2 % de la valeur du PIB du Québec. La valeur des immeubles au Registre foncier est de 1 112 000 000 000 $.

Depuis l'informatisation du Registre foncier au début des années 2000, les actes peuvent être transmis électroniquement ou en format papier, on a les deux options. Certains actes ne peuvent pas être transmis dans l'état actuel. C'est le cas, par exemple, des jugements ou des certificats de non-appel. En 2008‑2009, c'était 43,8 % des actes qui étaient transmis de manière électronique. Aujourd'hui, en 2020, on est rendu à 93 % des actes qui sont transmis électroniquement. Donc, on voit qu'il y a eu une transition, à travers les années, qui fait en sorte que seulement 7 % des documents sont toujours transmis papier. Et, de ce nombre, 75 % à 80 % approximativement pourraient l'être de manière électronique puisqu'ils ne sont pas des limitations qu'on a nommées précédemment.

Alors, dans le contexte de la transformation numérique que notre gouvernement met de l'avant, avec l'évolution marquée de l'informatisation de la transmission, nous proposons de rendre possible et ensuite obligatoire, après une période de transition, la transmission électronique de toute demande d'inscription au Registre foncier du Québec, et ce, pour tous les types d'actes. Ce virage d'informatiser les activités du réseau du bureau de publicité des droits, qui date de près de 200 ans, est un virage nécessaire. Actuellement, il y a 73 bureaux en place qui servent uniquement à recevoir les actes transmis en format papier qui impliquent un dédoublement administratif.

Avec la méthode améliorée, le MERN, le ministère, fera ainsi des économies annuelles de 5,6 millions, comme quoi on peut faire plus et on peut faire mieux. Cette mesure se traduira notamment aussi par la diminution de 10 $ de frais qui sont exigés pour chaque inscription faite au Registre foncier, et ça, au bénéfice de tous les citoyens.

Bien que le gouvernement du Québec produit de l'information géospatiale foncière de grande qualité, M. le Président, l'accès à cette information, sa diffusion, la mise en commun des données issues du ministère et des organismes concernés sont encore à parfaire. C'est pourquoi nous proposons qu'il soit permis au MERN de diffuser certains renseignements de nature foncière prévus à la loi sur les mutations immobilières ainsi que l'information issue des divers domaines spécialisés tels que les prises de vue aérienne, la cartographie, la télédétection, l'arpentage.

Nous souhaitons également, M. le Président, faciliter l'accès pour le MERN, dans l'exercice de ses fonctions et de sa mission, à des informations provenant d'autres ministères et organismes. Alors, c'est un projet de loi qui vise à nous donner des moyens de valoriser et de rendre accessibles aux citoyens les données détenues par le gouvernement et les milieux municipaux à propos des bâtiments situés en zone inondable.

Donc, en conclusion, je vous rappelle que le projet de loi n° 35 est essentiellement élaboré afin de mieux répondre aux besoins des citoyens du Québec, de mieux répondre aux professionnels du domaine foncier. Alors, on a des objectifs : accroître l'efficacité, accroître la fluidité des services offerts par le Registre foncier, la possibilité de créer des outils pour mieux informer la population et une plus grande facilité d'accès aux données et aux connaissances détenues par le secteur public.

En terminant, M. le Président, je tiens à remercier les groupes qui viendront échanger avec nous sur ce projet de loi. J'ai hâte d'entendre leurs commentaires devant la commission. Je vous offre mon entière collaboration, ainsi que l'ensemble des membres de mon équipe, de même que je sollicite à tous mes collègues membres de la commission d'amener, en fin de compte, des bonnes discussions sur ce projet de loi là. Alors, les consultations particulières de ce projet de loi débutent aujourd'hui, je vous remercie tous d'y être.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, sur ce, je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle et député de Laval-des-Rapides. M. le député, vous avez la parole pour environ quatre minutes.

M. Saul Polo

M. Polo : Merci beaucoup, M. le Président. Je ne pense pas utiliser tout mon temps, mais, ceci dit, je vais quand même saluer le ministre, tous les collègues qui sont présents, bien sûr, les membres de l'association des arpenteurs-géomètres, si je ne me trompe pas, du Québec également.

Je vais continuer un peu dans la même veine des propos tenus par le ministre. Aujourd'hui, on est devant un projet de loi qui a été déposé, là, en septembre 2019, pour nous, un an plus tard, sans vraiment prendre de nouvelles. Je comprends que, bon, dans le contexte actuel, il y a plusieurs éléments, plusieurs choses qui se sont produites entre-temps.

C'est important de s'adresser et de s'attarder à ce projet de loi là, notamment compte tenu d'un arrêté ministériel qui a paralysé les serveurs du Bureau de la publicité des droits personnels et réels mobiliers. Et on en comprend que, le 10 septembre, tout cela a été lié à une tentative d'hameçonnage. Donc, c'est encore plus important d'adresser le contexte du projet de loi n° 35 dans ce contexte-là.

• (11 h 10) •

C'est bien sûr très important de moderniser nos infrastructures technologiques au Québec, et la modernisation du Registre foncier en fait partie. Il faut toutefois s'assurer que les modifications apportées auront les impacts positifs espérés, et c'est ce que nous tenterons de faire notamment aujourd'hui à travers les différentes présentations mais également à travers les différents échanges que nous aurons dans le cadre, là, du projet de loi n° 35.

Les consultations particulières, justement, vont nous permettre... elles vont nous aider, à travers l'expertise des personnes qui viendront nous présenter, là, leurs mémoires et... justement, à mieux identifier ces impacts positifs et nous permettront également de faire les modifications nécessaires à ce projet de loi, pour lequel nous avons, évidemment, un préjugé favorable. Comme on dit, le diable est dans les détails, et Dieu sait, là, que, dans au-delà d'une trentaine de pages dans ce projet de loi là, il y aura beaucoup de détails à analyser.

Il est essentiel pour les Québécois, même si cela peut sembler banal, d'avoir la bonne information concernant le Registre foncier pour éviter principalement, là, les contestations judiciaires. Et nous ne pouvons parler de diffusion d'information sans parler de l'importance que nous donnons à assurer la protection des renseignements personnels. Bien que des articles précisent comment fonctionnerait le processus afin de protéger l'information, il faudra s'assurer que ces processus sont étanches et respectent le cadre gouvernemental. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. Merci beaucoup, le député de Laval-des-Rapides.

Auditions

Donc, sur ce, je souhaite maintenant officiellement la bienvenue aux membres de l'Ordre des arpenteurs-géomètres. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons ensuite avec une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, MM. Rodriguez et Lépine, j'invite à vous nommer avec votre titre, puis vous pouvez procéder avec votre exposé.

Ordre des arpenteurs‑géomètres du Québec (OAGQ)

M. Rodriguez (Orlando) : Bonjour. Orlando Rodriguez, président de l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec.

M. Lépine (Alain) : Alain Lépine, vice-président de l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec.

Le Président (M. Lemay) : Très bien, allez-y.

M. Rodriguez (Orlando) : Alors, M. le Président, je vous remercie beaucoup de nous avoir invités pour partager un peu nos préoccupations par rapport au projet de loi, que nous saluons de façon très favorable. Il y a certains éléments qui nous préoccupent, mais c'est des éléments sur lesquels on est prêts à discuter avec le gouvernement. Puis je suis convaincu que le projet de loi va nous permettre d'améliorer certainement l'accès à l'information géospatiale tout en nous assurant de la protection du public.

Alors, sur ce, je voudrais vous rappeler que l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, M. le député de l'opposition, on est l'ordre professionnel, on n'est pas l'association. Alors, notre mission est celle de la protection du public. Nous sommes là pour assurer et garantir à la population la sécurité juridique du territoire pour l'exactitude des stades de limitation et sa représentation cartographique. On est environ 800 membres au Québec qui, pour exercer la profession d'arpenteur-géomètre, doivent être membres de l'ordre.

Alors, nous avons pris connaissance du projet de loi n° 35 avec ses deux volets principaux, le premier étant la modernisation des règles relatives à la publicité foncière et le deuxième, le volet qui entend favoriser la diffusion de l'information géospatiale.

Par rapport au premier volet, nous avons comme deux sous-chapitres, le premier étant la transmission des réquisitions d'inscription par moyen technologique. À cet égard, on a juste à saluer le fait que le Registre foncier avance vers cette avenue numérique à 100 %, mais, de notre côté, il n'y a pas d'enjeu, parce que, d'ores et déjà, les arpenteurs-géomètres transmettent 99 % de nos documents par moyens électroniques et moyens technologiques. Alors, pour cela, ça ne représente pas un enjeu.

Si on passe sur le volet qui entend les mesures de protection sur les renseignements personnels, je voudrais juste vous rappeler que, dans le cadre de ses devoirs, l'arpenteur-géomètre collecte des informations personnelles, des informations sensibles juste dans le cadre des processus de bornage. Alors, pour l'élaboration d'un procès-verbal d'abornement, on doit certainement faire l'inscription du document au Registre foncier, mais les informations qui sont collectées par l'arpenteur-géomètre sur le terrain pour s'assurer de l'identité des parties sont conservées de façon confidentielle dans le greffe de l'arpenteur-géomètre. Alors, ces informations-là ne sont pas transmises au Registre foncier. Puis, à ce niveau-là, il n'y aurait pas d'enjeu particulier non plus par rapport à la nécessité de ne plus avoir de documents qui contiennent de l'information sensible.

Nous voulons tout de même souligner que, si jamais il y avait des modifications, ça pourrait être dans notre loi, la Loi sur le cadastre, peu importe, qui nous obligent à inscrire des informations sensibles, bien, nous serions d'avis qu'il faudrait déposer un document original au Registre foncier puis que, si jamais il y avait lieu pour faire le caviardage de ces informations-là, ça serait à l'officier du Registre foncier de le faire. Alors, nous souhaitons que... bien, dans le contexte actuel, ça ne nous touche pas, mais, si jamais il y a des modifications, que les documents qui sont déposés soient toujours des documents originaux, sans caviardage ou sans censure, si vous me permettez le mot, M. le Président.

Deuxième volet, il nous concerne beaucoup plus parce que ça touche l'essence même de notre mission de protection du public par rapport à la délimitation de la propriété foncière. On est tout à fait d'accord que le Québec doit aller dans cette direction-là de diffuser l'information géospatiale du gouvernement et des organismes du gouvernement. Ça fait des années... En tout cas, à mon souhait personnel... j'ai fait mon doctorat il y a 20 ans, puis on parlait d'infrastructures de données géospatiales, puis on parlait justement d'un paradigme que j'ai appelé, là, à cette époque-là, la valeur sociale d'usage de l'information géospatiale. Alors, l'information géospatiale a une valeur, une immense valeur, mais elle n'est pas... atteinte que si cette information-là est utilisée de façon large par la société. Alors, cette perspective de diffuser l'information du gouvernement, bien, ça va rencontrer cette philosophie première de donner aux citoyens une accessibilité à la donnée qui est disponible.

Il y a toutefois certaines préoccupations par rapport aux jeux de données qui vont être diffusées puis par rapport au format qui serait disponible pour le public. Et il faut comprendre que, si des données qui font référence à la limite de la propriété foncière sont diffusées au public, il y a quand même un risque de dérapage dans le sens que les citoyens ou d'autres professionnels qui n'ont pas nécessairement la formation ou la capacité technique pour interpréter la donnée puissent penser à une certaine affectation... de la propriété.

J'ai pris, dans notre mémoire, un exemple qui développe beaucoup par rapport à la cartographie des zones inondables juste pour illustrer la problématique parce que c'est un sujet d'intérêt qui est sur la table présentement. Alors, il faut comprendre que le cadastre du Québec, qui serait un peu le fond de carte pour la diffusion des données, est un projet d'envergure qui a permis d'obtenir une image complète du morcellement foncier du Québec. Ceci étant dit, ce projet-là n'a pas eu comme objectif de définir de façon précise les limites des propriétés.

Alors, si nous pensons que des jeux de données peuvent être superposés avec le cadastre du Québec, il y aurait risque à de mauvaises interprétations de la part des... bon, je mentionnais tantôt, du citoyen lui-même qui pourrait, en principe, avoir, par exemple, accès à un portail qui lui permettrait de savoir si une propriété est incluse ou pas dans une zone inondable. Nous pensons qu'effectivement le citoyen doit connaître des informations générales à cet égard mais sommes d'avis que, de toute manière, l'arpenteur-géomètre a un rôle essentiel pour s'assurer que l'information qui est véhiculée est bien comprise par les différents utilisateurs.

Alors, nous proposons une démarche que nous avons identifiée comme processus de qualification préalable de l'information qui va être diffusée. On ne peut pas imaginer que tous les jeux de données vont être diffusés avec la même précision, avec la même étendue. Nous pensons que les arpenteurs-géomètres, connaissant l'essence même du fond de carte qui sera le cadastre du Québec, devront évaluer jusqu'à quel point un jeu de données peut être diffusé au public puis avec quelle précision puis feraient en sorte de... si vous me permettez, des catalogues dans lesquels on peut exprimer les niveaux de risque par rapport à une diffusion d'un jeu de données en particulier.

Ceci étant dit, une fois les jeux de données qualifiés, il serait souhaitable d'identifier, selon les types de données, bien, ils seraient accessibles à quels types d'utilisateurs et pour quelles fins. Alors, on peut comprendre qu'on avance dans cette direction puis on est tout à fait ouverts à discuter avec le gouvernement là-dessus.

• (11 h 20) •

De la même façon, par rapport à l'obtention des informations d'autres ministères puis d'autres organismes du gouvernement, bien, nous sommes du même avis. Nous sommes tout à fait favorables à la démarche, mais il faut quand même discuter par rapport à la particularité de la qualification de la donnée pour s'assurer que le public n'est pas à risque de dérapage par rapport à une mauvaise interprétation des limites de la propriété foncière ou des différentes contraintes qui peuvent l'affecter.

Juste prendre une petite gorgée. Alors, si on... Je vous propose rapidement quelques-unes de nos recommandations là-dessus. Nous avons, à la recommandation 4, formulé la suivante : «Définir les privilèges d'accès aux jeux de données selon [les types d'utilisateurs] et la finalité de l'usage.» Alors, oui, on peut envisager que toutes les données qui sont en possession du gouvernement, les données géospatiales, soient diffusées, mais, je le répète encore parce que c'est très important, en identifiant c'est qui, l'utilisateur, et à quel usage il pourrait utiliser ces données-là.

Recommandation 5 sur le mémoire : «Prévoir la qualification préalable de l'information géospatiale en matière cadastrale, foncière et d'arpentage qui sera diffusée.»

Puis je me permettrai de mentionner la recommandation 7, qui viserait à modifier la Loi sur les arpenteurs-géomètres afin de prévoir la certification préalable, par les membres de l'OAGQ, des jeux de données officiels ayant un impact sur la propriété foncière avant toute diffusion par le gouvernement.

Alors, à titre de conclusion, bien, nous saluons encore ce projet de loi. Nous sommes favorables, nous sommes là pour accompagner les travaux. Puis je me permettrai, en toute fin de conclusion... vous rappeler qu'en avril 2017 nous avons soumis un rapport au ministère de l'Énergie et Ressources naturelles intitulé Vers un système foncier performant!, qui vise justement à favoriser l'obtention de nouvelles informations qui ne sont pas nécessairement disponibles aujourd'hui.

Nous avons parlé, dans ce rapport, du cadastre de servitude, mais, dans mes commentaires, quelque part dans le mémoire, nous avons parlé, en fait, de quelque chose de plus large, qui serait le cadastre de contrainte, en nous permettant d'identifier les contraintes naturelles, comme les zones inondables, les risques de glissement de terrain, les bandes riveraines, et les contraintes anthropiques qui tombent carrément sur l'identification nécessaire et la localisation de l'assiette des servitudes qui, comme des millions de servitudes, ne sont pas identifiées présentement dans le cadastre du Québec ni dans le Registre foncier.

Je pense, ça fait le tour de nos commentaires là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. Merci beaucoup, M. Rodriguez. Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange avec les membres de la commission. Et, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Julien : Oui, merci. Merci beaucoup pour votre mémoire et l'ensemble des éléments que vous apportez aujourd'hui. Ça va être de grande valeur pour nous actuellement et pour la suite de nos travaux.

Vous l'avez mentionné, mais j'aimerais vous entendre, malgré certaines préoccupations que vous énoncez, là, sur l'intérêt de votre ordre puis qu'est-ce que ça représente, pour vos membres, la mesure de diffusion de l'information géospatiale et foncière contenue dans le projet de loi n° 35, là, qui est accentuée. C'est quoi, le bénéfice pour vos membres et votre ordre?

M. Rodriguez (Orlando) : Alors, M. le ministre, il faut comprendre que les arpenteurs-géomètres, dans son exercice de la profession, sont appelés à délimiter la propriété foncière. Alors, en créant le cadastre du Québec, le cadastre rénové, nous avons créé les morcellements d'ensemble du territoire du Québec, mais il reste quand même que, pour mettre en valeur ces données-là, il est nécessaire de compter sur d'autres informations supplémentaires qui nous permettraient de faire une analyse plus poussée lorsque l'arpenteur-géomètre va produire des documents comme le certificat de localisation.

Aujourd'hui, on le sait, l'arpenteur-géomètre doit faire un peu, si vous me permettez, le parcours du combattant pour chercher des informations à gauche et à droite dans les ministères, dans les municipalités. Alors, elle devient compliquée, cette recherche d'information là, dans les différents paliers du gouvernement, au niveau des municipalités.

Alors, nous pensons que, si, demain matin ou dans quelques mois, on a un portail qui permettrait d'avoir un accès centralisé, simplifié à ces données-là, des données officielles qui ont été qualifiées préalablement, l'arpenteur-géomètre pourrait se concentrer davantage dans son rôle d'analyse, dans son rôle de conseil, plutôt que de courir à gauche et à droite à la recherche de la donnée. La centralisation de l'information à un seul endroit où on peut nous garantir que l'information est officielle va simplifier la tâche de recherche de l'information. Puis les produits qui sont élaborés par l'arpenteur-géomètre seraient davantage favorisés dans le sens que l'analyse serait concentrée sur des documents officiels qui seraient faciles d'accès.

M. Julien : Durant votre intervention, vous avez mentionné, là, l'enjeu, là, du caviardage, là, de certaines informations. Naturellement, là, je tiens à vous rassurer qu'il est prévu, en réalité, que les documents soient transmis de manière intègre et que, par la suite, en fin de compte, soient détenus de manière intègre et qu'ils soient publiés, caviardés par l'officier sur les éléments sensibles. On a quand même regardé, là, parce qu'on a quand même 70 millions de documents, alors, au Registre foncier, on a fait des sondages, là, qui nous révèlent que ce n'est même pas 1 % des documents qui pourraient contenir de l'information sensible, bien qu'il est prévu que celle-ci ne devrait pas être soumise. Puis là on vient mettre un contrôle supplémentaire qu'on va attraper au fur et à mesure, mais le fait qu'on les détienne de manière intègre mais qu'on publie, en fin de compte, l'information en enlevant certaines données sensibles, c'est à votre satisfaction?

M. Rodriguez (Orlando) : C'est entièrement à notre satisfaction, M. le ministre.

M. Julien : C'est bien. Je comprenais aussi, là, vous avez mentionné... Je ne sais pas où vous avez pris ces données-là, mais je comprends que, déjà, les membres de votre ordre transmettent 99 % des informations de manière électronique.

M. Rodriguez (Orlando) : Oui.

M. Julien : Cette information-là, vous la tenez... vous avez fait une... Je serais curieux.

M. Rodriguez (Orlando) : Bien, je vais permettre à mon vice-président, qui est beaucoup plus proche de la pratique terrain, de développer un peu là-dessus.

M. Lépine (Alain) : Merci. Je vous dirais que les principaux échanges qu'on a sont au niveau des opérations dans le plan cadastral, le plan de cadastre du Québec. Avec toutes les mises à jour, les corrections, les interventions de l'arpenteur-géomètre avec le ministère des Ressources naturelles, c'est avec des voies électroniques que ça s'échange, qu'il y a des contrôles de qualité et d'intégration des opérations.

M. Julien : Mais, juste pour me rassurer, expliquez-moi le 1 % et en quoi ce 1 % là... Pourquoi ce n'est pas 100 %? Et est-ce que l'adoption de la loi, le cas échéant, amène des enjeux pour le 1 % ou c'est juste parce que ces gens-là le font?

M. Rodriguez (Orlando) : Si vous me permettez, M. le ministre, par rapport à ce 1 %, par rapport à l'information cadastrale, la mise à jour du plan cadastral, c'est 100 % qui est fait de façon électronique. Il y a juste des fois... On parlait tantôt de l'inscription des procès-verbaux d'abornement, des fois il y a des membres en région qui n'ont pas nécessairement un accès poussé à l'Internet, alors ils sont tentés d'aller déposer le document au Bureau de la publicité foncière, mais je pense qu'avec les différentes initiatives du gouvernement aussi de fournir une connexion Internet de qualité même dans les régions éloignées, cette problématique ne sera plus un enjeu pour les quelques membres. Ça pourrait être même moins que 1 % qui font encore l'inscription de certains documents par voie papier.

M. Julien : Parfait. Je voyais également, là, qu'on a annoncé, là, le Plan de protection du territoire face aux inondations, là, que le gouvernement souhaite adopter, là, d'ici 2021, avec une méthodologie standardisée qui est cohérente avec la cartographie des aléas d'inondations. Et le plan prévoit, là, que les aléas d'inondations seront cartographiés à l'échelle des bassins versants d'ici 2023.

Vous amenez certaines préoccupations. Je me demandais : Seriez-vous intéressé à contribuer aux travaux du comité, là, consultatif qui a été constitué justement pour la mise en oeuvre de ce plan-là?

• (11 h 30) •

M. Rodriguez (Orlando) : Oui. M. le ministre, je vais vous faire une petite publicité. Moi, je travaillais à la ville de Gatineau, je viens de quitter il n'y a pas longtemps. Alors, j'étais impliqué de façon directe dans la préparation de la nouvelle cartographie des zones inondables pour l'Outaouais, qui est l'un des huit projets conventionnés. Comme président de l'ordre, je suis tout à fait ouvert à participer dans ces travaux-là. Il serait dans notre intérêt de donner notre participation dans ces échanges-là techniques.

Je voudrais vous rassurer dans le sens que l'arpenteur-géomètre participe déjà, en bonne partie, dans les différents projets, dans les huit projets conventionnés, dans l'acquisition et, dans une certaine mesure, dans la certification de la donnée géoréférencée.

Pour produire la cartographie des zones inondables, il y a carrément deux professionnels qui travaillent... qui doivent travailler ensemble, qui sont l'ingénieur et l'arpenteur-géomètre. Alors, d'un côté, l'ingénieur doit faire la collecte, l'analyse, l'interprétation des données hydrodynamiques qui vont nous permettre d'analyser les comportements hydriques des différentes rivières, mais, à côté, pour arriver là, l'arpenteur-géomètre doit jouer un rôle essentiel pour s'assurer que les différentes mesures qui sont prises par l'ingénieur sur le terrain sont placées de façon convenable. Et, pour cela, en tout cas dans les dossiers qu'on a réalisés en Outaouais, on a exigé la participation d'un arpenteur-géomètre dans chaque mandat où les ingénieurs devaient faire les relevés.

Alors, l'ingénieur, il a son rôle à jouer dans ce relevé hydrométrique où l'arpenteur-géomètre n'a pas l'expertise complète, mais l'arpenteur-géomètre est à côté pour s'assurer que les points d'attachement, si vous voulez, de ces relevés sont connus, sont précis, puis que ces points vont suivre dans les différentes étapes du projet d'élaboration de la cartographie.

Alors, nous avons fait environ sept différents mandats de relevés de terrain qui nous ont fourni les données pour alimenter un modèle hydrodynamique qui est, bien entendu, produit par des ingénieurs, mais, dans chacun de ces mandats, l'arpenteur-géomètre s'est assuré de la position géospatiale précise des différents relevés. Alors, nous, à la dernière étape, ce qui nous... ce qui est souhaitable, c'est que le produit cartographique final qui est fondé sur les différents relevés, bien, soit certifié aussi par l'arpenteur-géomètre en prenant les données que ses confrères auront certifiées dans chacune des étapes préalables.

Alors, c'est une approche qui, je dirais, s'est pas mal généralisée parmi les huit projets conventionnés, mais il faut comprendre que ce n'est pas toutes les municipalités, les MRC qui ont la capacité pour avoir un bureau de projets comme celui-là. Alors, si, dans ces démarches, on parle de la cartographie des zones inondables, on est capables d'appuyer la participation de l'arpenteur-géomètre et même de l'exiger, bien, ça serait déjà très payant pour obtenir un produit qui serait facilement certifiable pour être publié.

Ceci étant dit, une fois la cartographie des zones inondables finalisée et publiée sur une interface, il faut quand même informer le public du fait que l'interface, c'est un outil référentiel, mais que, pour s'assurer de la bonne géolocalisation de la limite des zones inondables sur le terrain, il est toujours nécessaire de faire appel à l'arpenteur-géomètre pour qu'il puisse matérialiser ces limites sur son terrain.

Je parlais tantôt du cadastre du Québec qui fournit une vue d'ensemble du morcellement foncier, mais il n'est pas nécessairement précis au millimètre près pour s'assurer que la cartographie des zones inondables va tomber à la bonne place. Ça ne veut pas dire que le cadastre du Québec a été mal fait, ça veut dire qu'il a répondu à des objectifs différents avec des technologiques différentes, avec des précisions différentes.

Aujourd'hui, pour le projet de cartographie des zones inondables, avec les technologies qu'on dispose, on est capables d'aller chercher une précision de cinq centimètres, par exemple, dans l'élaboration des cartes, tandis que, dans les projets pour l'élaboration du cadastre rénové du Québec, bien, il y a des précisions variables, mais, si on prenait, par exemple, les cartes cadastrales à l'échelle cinq millièmes, on pourrait parler de précision d'environ deux mètres. Alors, vous comprendrez que superposer un jeu de données où la précision, en partant, est de deux mètres avec un jeu de données dont la précision peut atteindre cinq centimètres, bien, ça représente un enjeu d'analyse supplémentaire.

Mais, pour répondre à votre question de départ, oui, nous sommes là, disponibles pour discuter avec vous et accompagner la démarche.

M. Julien : Super. Je crois que mon collègue de Lac-Saint-Jean aurait une question.

Le Président (M. Lemay) : Oui. Puis je sais que j'avais aussi un autre collègue qui avait une question.

Une voix : ...

Le Président (M. Lemay) : Ah! bien, parfait. Bien, si vous voulez, le député de Bourget aurait une question. Donc, M. le député de Bourget, la parole est à vous.

M. Campeau : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. C'est drôle, mais cette discussion-là, aujourd'hui, qu'on a, ça me rappelle la signature électronique avec l'Ordre des ingénieurs. Étant ingénieur moi-même, pendant longtemps, on a entendu des gens nous dire : Mais voyons donc! C'est épouvantable! Ça ne se fait pas. Ça prend un sceau. Maintenant, on n'en parle même plus puis on se pose comment ça se fait qu'on s'est posé seulement cette question-là. Alors, j'ai l'impression, on est rendus là, tout simplement.

Vous avez parlé de l'importance d'avoir Internet à la grandeur du territoire. Alors, je pense que ça, c'est un enjeu qui vous préoccupe actuellement.

M. Rodriguez (Orlando) : Ce n'est pas un enjeu comme tel pour nous, parce que, comme je dis, c'est vraiment un nombre minimal de membres qui auraient peut-être nécessité de déposer quelques... de façon papier. Mais mettons qu'avec une couverture moyennement bonne pour les régions vraiment éloignées je pense que le dépôt électronique à 100 % serait facilement atteignable.

M. Campeau : Bien, on travaille actuellement là-dessus. Évidemment, l'entrée en vigueur qui se fera graduellement devrait permettre d'arriver à peu près à ce moment-là en même temps.

Quand vous parlez de données centralisées, vous avez parlé d'accélérer... excusez, d'augmenter votre efficacité et de baisser vos coûts. J'imagine que ça va avoir un effet. Est-ce que, pour le citoyen... Le fait que ces données centralisées là existeraient, qu'est-ce que ça va faire pour la personne qui demande vos services? Est-ce que ça va avoir un effet sur les coûts, l'efficacité, la vitesse d'exécution? Voulez-vous expliciter un peu plus, s'il vous plaît?

M. Rodriguez (Orlando) : Oui. Merci pour votre question. C'est très pertinent, parce qu'en fait, comme je l'expliquais tantôt, nous voyons deux niveaux différents d'accès à l'information. Je parlais de la qualification de l'information et les différents degrés d'accès selon l'utilité et l'usage escomptés. Alors, pour nous, c'est clair que le citoyen, il a en main un outil comme... Si on reprend l'exemple de la cartographie des zones inondables, il pourrait, de façon simple, connaître, dans un contexte référentiel, si la propriété qu'il envisage d'acheter, par exemple, est incluse dans une zone inondable ou pas. Ça ne veut pas dire que l'information est précise au millimètre près, puis il devrait quand même faire des vérifications auprès de son arpenteur-géomètre, sauf que son idée d'acheter une propriété, il pourrait la documenter de façon beaucoup plus simple en ayant ces informations-là. Il pourrait être tenté de conclure lui-même que la propriété est, en effet, exclue d'une zone inondable, mais ça, ça pourrait entamer un niveau de risque.

Alors, nous sommes convaincus que le citoyen, il peut prendre des décisions ou, en tout cas, dans une première étape d'une démarche décisionnelle, avoir davantage d'information qu'il aurait tout intérêt à faire vérifier par la suite par son arpenteur-géomètre, comme c'est le cas. Nous avons eu certaines discussions déjà avec les équipes de travail du ministère des Ressources naturelles puis nous sommes convaincus que le certificat de localisation demeure le véhicule privilégié pour faire une diffusion précise de la cartographie des zones inondables et, en général, de toutes les contraintes qui peuvent affecter les droits sur la propriété foncière.

Mais, pour résumer la réponse par rapport à votre préoccupation, oui, je pense que le citoyen a davantage... il peut être rassuré du fait de savoir qu'il y a des informations qui sont disponibles. Puis, en ayant des messages clairs à l'effet que, pour préciser ces informations, il peut compter sur l'arpenteur-géomètre, je pense que les deux parties, le citoyen et le professionnel, sont gagnantes.

Le Président (M. Lemay) : M. le ministre.

M. Julien : Juste pour rebondir là-dessus, parce que vous l'avez mentionné beaucoup, en réalité, dans la présentation de votre mémoire, cet enjeu-là que vous venez de discuter, je comprends qu'effectivement, là, bon, premièrement, il y a plusieurs données, puis après ça on va venir superposer les zones inondables, et, bon, c'est 70 millions de documents qui viennent référencer. Puis, à la fin, bien, comme utilisateur, comme citoyen, je vais être en mesure de faire un constat, d'aller chercher de l'information qui peut-être serait perfectible, mais, au moins, en termes d'utilisation, c'est pertinent à la fois pour le propriétaire ou pour l'éventuel propriétaire. Puis, naturellement, est-ce que vous craignez réellement qu'on ne fasse pas appel aux arpenteurs pour préciser ces éléments-là quand l'enjeu va devenir réel?

• (11 h 40) •

M. Rodriguez (Orlando) : C'est une excellente question, M. le ministre. On ne l'avait pas planifié, mais je vous remercie, parce qu'en fait aujourd'hui on fait déjà face à des problématiques où... on pourrait les qualifier comme des non-experts, s'attribuent des rôles réservés à l'arpenteur-géomètre en profitant de la facilité d'accès aux technologies de l'information. Il ne faut pas se cacher que nos téléphones cellulaires ont déjà des GPS qui sont très précis. Puis, avec l'arrivée d'un nouveau système de géoréférence nord-américain qui va nous permettre, en 2022, d'avoir une précision de cinq centimètres dans les GPS des téléphones, bien, il y a un risque de dérapage à l'effet que d'autres professionnels pourraient proposer aux citoyens des applications simples qui permettraient d'identifier les limites des propriétés.

Alors, nous sommes d'avis que la diffusion de l'information, il y a un niveau de risque à ce niveau-là. Mais, en même temps, ça nous allume sur le fait que le citoyen va être informé sur les différentes contraintes, par exemple. Puis, sachant qu'il y a une possibilité de limitation au droit de propriété, nous sommes persuadés qu'il va aller chercher l'arpenteur-géomètre pour s'assurer que tout est conforme ou pour bien placer, dans sa propriété, c'est quoi, ces contraintes-là qui limitent son droit de propriété. Mais effectivement il y a des professionnels dans d'autres domaines qui sont tentés à offrir nos services.

M. Julien : Mais je comprends bien que, si, en réalité, l'information... qu'on avise bien l'utilisateur de l'information, de certaines de leurs limites, ça permettrait, là, en réalité, d'atténuer ces enjeux-là.

M. Rodriguez (Orlando) : Je vous dirais que, si je prends l'exemple du cadastre du Québec, on est déjà capables d'obtenir certaines données. Il y a des mises en garde. Mais je vous dirais, en même temps, que les gens qui veulent fait un mauvais usage, bien, la page de mise en garde, ils vont la passer vite puis ils vont aller tout droit sur la donnée. Alors, les mises en garde, elles sont là, c'est le point de départ, mais je pense qu'on doit faire davantage.

Le Président (M. Lemay) : Donc, très bien. Donc, merci. Ah!, M. Lépine, vous voulez rajouter quelque chose. Allez-y.

      M. Lépine (Alain) : Si vous me permettez, mon président a bien répondu à la question, mais j'aimerais ajouter une petite précision, surtout concernant le certificat de localisation. On parle de données ouvertes, de données disponibles pour le public. C'est vraiment un ajout, une modernisation qui est souhaitable au Registre foncier. Mais je vous rappelle que le rôle de l'arpenteur-géomètre sur la production du certificat de localisation, c'est la collecte de données, mais il y a la visite terrain, la constatation des occupations, de l'analyse foncière, de l'analyse des lois et règlements en vigueur avec les municipalités pour émettre une opinion sur la propriété. Ce n'est pas juste la collecte d'information, mais il faut l'apprécier, il faut la vulgariser avec le propriétaire, et c'est ce qui nous démarque par rapport à l'assurance titre, par exemple. Les gens, ils aiment ça, avoir une appréciation sur le terrain et d'avoir une rencontre avec le professionnel.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Lépine. Donc, sur ce, je cède maintenant la parole au député de Laval-des-Rapides. La parole est à vous.

M. Polo : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre exposé puis vos explications. À la page 5 de votre mémoire, vous mentionnez, au premier paragraphe, la deuxième section, là, que «le projet de loi n° 35 entend assurer la protection des citoyens en limitant l'accès à certains renseignements personnels dans les documents publiés au Registre foncier du Québec, de même qu'aux informations pouvant porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'une personne». Et, dans votre mémoire, donc, à la recommandation numéro... dans une de vos recommandations, là, à la page 6, là, vous demandez une définition, une définition à ce niveau-là. Vous n'êtes pas juriste, mais dites-nous sur quoi on devrait se baser, justement, pour parler de définition.

      M. Rodriguez (Orlando) : M. le député, si vous me permettez, je pense que vous n'avez pas la bonne... dernière version de notre mémoire, parce que, suite à quelques discussions supplémentaires que nous avons eues avec notre direction des affaires juridiques, avec le Registre foncier, nous avons modifié la portée de cette partie-là du mémoire, puis, dans le mémoire que nous avons déposé comme définitif, cette recommandation n'est plus présente.

M. Polo : Ah! O.K., O.K. Parfait. Donc...

M. Julien : ...

Le Président (M. Lemay) : Oui. Juste un instant. Mme la secrétaire, vous nous dites que vous êtes en train de faire parvenir la nouvelle version qu'on a reçue sous peu, c'est ça? Très bien. Donc, désolé. Nous avons reçu une nouvelle version et nous la transmettons aux membres de la commission.

M. Polo : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. Par la suite, donc, à la page 6, parmi vos recommandations, notamment, vous parlez, dans le premier paragraphe, et vous soulignez qu'il apparaît que le Registre foncier ne disposerait plus d'un document authentique complet. Vous parlez également d'altérer, donc, un acte authentique, O.K.? Donc, selon vous... dans un contexte où il y aurait un problème ou advenant une cause judiciarisée, expliquez-nous le niveau de la preuve qui en suivrait, compte tenu des modifications présentées ou apportées, là.

M. Rodriguez (Orlando) : M. le député, je suis encore désolé de vous donner la même réponse, mais cette partie-là a été enlevée de notre mémoire aussi parce qu'ayant produit des analyses plus poussées avec notre direction des affaires juridiques, bien, nous nous sommes rendu compte que cette problématique-là ne concerne pas la pratique de l'arpenteur-géomètre. Je m'excuse.

Puis, juste pour vous mettre en contexte, parce que vous semblez ne pas avoir la bonne version, nous avons juste repris l'article 52 de la Loi sur les arpenteurs-géomètres en précisant que les seuls documents dans lesquels l'arpenteur-géomètre est censé de collecter ces informations sensibles, c'est lors d'un bornage. Alors, pour l'élaboration de son procès-verbal d'abornement, l'arpenteur-géomètre doit qualifier, s'assurer de l'identité des différentes parties. Et, pour ce faire, il va effectivement collecter certaines informations comme la date de naissance, prendre une copie du permis de conduire, d'un passeport, mais ces informations-là ne sont pas incluses dans le procès-verbal d'abornement. C'est là où on avait fait un peu fausse route dans notre mémoire, mais, dans la version corrigée, on précise que cette information-là demeure confidentielle dans le greffe de l'arpenteur-géomètre.

Le Président (M. Lemay) : Si vous regardez vos courriels, vous devriez l'avoir reçu. Ça a été fait il y a quelques secondes. M. le député, la parole est à vous.

M. Polo : Merci. Je vais essayer... Peut-être la troisième fois va être la bonne, M. le Président. O.K. Un peu plus loin dans votre mémoire, vous parlez de l'importance du caractère... de conservation du caractère papier, qui est essentiel, O.K.? Et, selon vous, est-ce qu'il y a moyen... est-ce qu'il y a une solution mitoyenne, O.K., tout en préservant, disons, ce caractère de papier qui est essentiel versus le contenu même du projet de loi n° 35, de l'informatisation?

M. Rodriguez (Orlando) : La troisième n'est pas la bonne non plus. Cette partie-là a été modifiée, retirée également de notre mémoire. Mais je vous dirais qu'aujourd'hui nos membres travaillent beaucoup pour avoir un greffe qui est 100 % numérique. Ce n'est pas encore le cas partout, mais les informations qui sont collectées, qui demeurent confidentielles dans le greffe de l'arpenteur-géomètre, il y a encore une partie qui est papier, mais il y a des projets qui avancent dans les différents bureaux pour cheminer vers un greffe numérique.

Alors, les documents, ils demeurent quand même confidentiels au greffe, soit un greffe papier, un greffe numérique. Puis, à ce niveau-là, je vous confirme encore qu'il n'y a pas d'enjeu par rapport à la transmission des documents authentiques par l'arpenteur-géomètre.

M. Polo : Bien, donc, je vais aller dans la partie des procès-verbaux, O.K.? Devrait-on créer des exclusions pour les procès-verbaux, justement, afin d'assurer que les données confidentielles recueillies soient préservées, disons, par les arpenteurs-géomètres?

M. Rodriguez (Orlando) : Bien, aujourd'hui, c'est en fonction de ce qui est prévu dans la Loi sur les arpenteurs-géomètres et à l'article 470 du Code de procédure civile, l'arpenteur-géomètre, dans son procès-verbal, il peut en mettre une copie, du rapport qu'il a préparé, suivant, bien, l'article 470 du Code de procédure civile, et y référer. Cela veut dire qu'il peut tout de même collecter ces informations-là, ces documents-là, qui, dans certains rapports qu'il produit, bien, il a, justement, à ne pas faire mention aux informations sensibles qu'il va quand même détenir en confidentialité dans son greffe.

M. Polo : O.K. Un peu plus loin, M. le Président, là, à la recommandation n° 10... Avant de poser ma question, est-ce qu'elle a été modifiée? Est-ce qu'elle apparaît encore dans votre version?

M. Rodriguez (Orlando) : Elle ne s'appelle plus la 10, mais, oui, elle est bonne, elle est bonne.

M. Polo : O.K. Vous parlez, là, de qualification de la donnée foncière, O.K.? Et est-ce que le projet de loi n° 35 pourrait créer une disparité dans l'exactitude des données, selon vous, en fonction de ce terme-là, de cette qualification de la donnée foncière?

• (11 h 50) •

M. Rodriguez (Orlando) : En fait, il faut comprendre que le gouvernement du Québec, dans les différents ministères, dans les différents organismes, il y a une panoplie, je ne sais pas combien de millions, de données qui sont produites dans les différents ministères. Il y a certaines qui sont déjà qualifiées, dans le sens qu'il y a des métadonnées qui sont produites, mais nous pensons qu'un élément, au point de départ... puis on le mentionne à la recommandation 6, qui, dans votre mémoire, est la recommandation 9, nous recommandons de prescrire la procédure pour harmoniser la création des métadonnées de l'information géospatiale à diffuser.

Alors, en créant une procédure harmonisée pour créer les métadonnées, les métadonnées étant les données qui nous décrivent la donnée, bien, nous pourrions nous assurer de différents éléments qui sont essentiels à l'analyse, bien, on peut dire, par l'arpenteur-géomètre pour la publication de la donnée. Cette métadonnée-là nous permettrait de connaître, entre autres, la date de création de la donnée, la finalité pour laquelle elle a été créée, la procédure qui a été utilisée, la précision et l'exactitude positionnelle des données. Puis, en fonction de ces métadonnées, on serait capables de cheminer vers quelque chose qui nous permettrait d'harmoniser la connaissance des jeux de données. Alors, aujourd'hui, je ne pense pas qu'on pourrait qualifier toutes les données, mais, si on est capable d'harmoniser cette procédure pour créer les métadonnées, je pense qu'on pourrait y arriver dans quelques mois.

M. Polo : Merci. Et, justement, en parlant de données ou de métadonnées, comme vous le mentionnez, comment créer une plateforme de données centralisées via le projet de loi n° 35? Et, comme vous le savez, au niveau du partage des données entre les ministères, ce n'est pas toujours évident, on s'entend, et c'est un travail en continu. Comment peut-on aider le ministre ou, en fait, le ministère à travers le projet de loi n° 35 pour s'assurer, justement, de la mise sur pied d'une plateforme de données qui serait efficace, disons-le comme ça?

M. Rodriguez (Orlando) : Bien, il y a comme deux volets dans votre question. Je pense que d'avoir le projet de loi n° 35, dans son libellé, par rapport à l'obtention d'autres informations géospatiales, il y a déjà des prévisions là-dessus. Le projet de loi, il parle de la modification des rôles et compétences du ministère des Ressources naturelles qui permettrait l'obtention par le ministre des informations détenues par les divers ministères et organismes du gouvernement du Québec. Alors, je pense que l'adoption du projet de loi n° 35 donnerait, si vous me permettez, un pouvoir accru au MERN pour s'assurer de pouvoir centraliser ces informations-là pour pouvoir les diffuser.

Par rapport au deuxième volet de votre question, c'est sûr qu'une plateforme centralisée, comme outil technologique, c'est assez simple à mettre en place. Il faut juste s'assurer que les mises en garde que nous avons soulignées seront présentes. Mais, au niveau de la technologie, puis il y a des bonnes technologies au Québec pour le faire, je pense qu'il n'y aurait pas d'enjeu majeur là-dessus. Je pense que, pour l'obtention de l'information, vous avez tout à fait raison, c'est aujourd'hui un enjeu, mais la... qui est faite dans le projet de loi n° 35, je pense qu'elle permettrait au ministre des Ressources naturelles d'être assuré que la donnée va être disponible pour que, pour la suite, elle soit diffusée dans cette plateforme.

M. Polo : Merci.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Rodriguez, M. le député de Laval-des-Rapides. Est-ce que... J'avais quelqu'un qui avait une question supplémentaire et qui n'a pas pris la parole encore. On est corrects avec ça? D'accord. Donc, je sais que ça ne fait pas partie de la procédure habituelle, mais, puisqu'il nous reste quelques minutes, Mme la députée d'Argenteuil, allez-y avec votre question.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. Bonjour. En fait, on a répondu beaucoup, dont les questions du ministre et du député de Bourget. Par contre, je voulais juste bien saisir. Concernant toute l'information, vous avez donné l'exemple de la zone inondable, mais l'enjeu est le même quand il s'agit de délimiter les milieux humides ou tout ce qui est bande riveraine, cours d'eau, ligne des hautes eaux?

M. Rodriguez (Orlando) : Oui. En fait, l'enjeu, je pourrais dire, il est semblable parce que, dans les deux cas, puis j'ai glissé un mot, on parle des contraintes, «contrainte étant une restriction au droit de propriété. Alors, si on parle d'une propriété qui est affectée par une zone inondable, bien, il faut comprendre que les règlements municipaux, en agissant dans le cadre réglementaire qui est formulé par le gouvernement du Québec, vont interdire certaines actuations. Comme, par exemple, tu ne peux pas construire une nouvelle bâtisse qui est dans la partie du terrain qui est incluse dans une zone inondable 0-20 ans. Il en est de même pour une bande riveraine, mettons, soit 15 mètres, 30 mètres. Si la propriété est touchée par la bande riveraine, bien, tout ouvrage est interdit dans la portion de la propriété qui est touchée par la bande riveraine.

Alors, je pense qu'en utilisant un concept large des contraintes, bien, on vient dire qu'il y a d'abord la délimitation de la propriété foncière qui est faite par l'arpenteur-géomètre en s'assurant de la bonne géolocalisation des limites et, par la suite, on vient superposer ces différentes contraintes qui vont nous donner une vue d'ensemble. Comme mon vice-président l'a souligné, bien, l'arpenteur-géomètre aurait par la suite un rôle d'analyse à faire pour s'assurer que ces informations-là sont superposées de façon convenable pour donner un avis au propriétaire par rapport à l'usage qui est possible de sa propriété.

Mme Grondin : ...

Le Président (M. Lemay) : Rapidement, allez-y.

Mme Grondin : Donc, ce que je peux comprendre, c'est que, dans le fond, dans tous les cas, que ce soit pour des contraintes, moi, j'appelle ça des richesses, l'arpenteur-géomètre doit intervenir. Il n'a pas la capacité de délimiter précisément une ligne des hautes eaux ou une bande riveraine. Donc, à toutes les fois, ils doivent quand même, de toute façon, aller sur le terrain et avoir d'autres professionnels qui les soutiennent.

M. Rodriguez (Orlando) : C'est ça. Alors, si on prenait l'exemple de la ligne des hautes eaux — excuse-moi, c'est un peu... — mais, pour la ligne des hautes eaux, on travaille toujours de concert avec les biologistes. Il y a des procédures qui vont permettre aux biologistes de déterminer jusqu'où la végétation est fluviale, et où la végétation terrestre commence, et la première délimitation. Alors, le biologiste, il est en mesure de déterminer ces composantes de la délimitation. C'est une capacité que l'arpenteur-géomètre n'a pas nécessairement, mais, en travaillant ensemble, lorsque le biologiste a déterminé c'est où que la végétation aquatique termine et où que la végétation terrestre commence, bien, il peut délimiter puis géoréférencer ces limites.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. Donc, merci beaucoup. Donc, ceci complète la période d'échange avec les membres de la commission. Et je vous remercie à tous de votre contribution aux travaux.

Et, compte tenu de l'heure, nous allons suspendre les travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 58)

(Reprise à 15 h 50)

Le Président (M. Lemay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Et je demande donc à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Cet après-midi, nous allons poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 35, la Loi visant à moderniser certaines règles relatives à la publicité foncière et à favoriser la diffusion de l'information géospatiale.

Cet après-midi, nous entendrons la Chambre des notaires du Québec, mais, avant de commencer, j'aimerais savoir s'il y avait consentement de poursuivre une durée d'environ 15 minutes au-delà de l'heure prévue. Consentement. Merci.

Alors, je souhaite donc la bienvenue aux représentants de la Chambre des notaires du Québec et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons, par la suite, avec une période d'échange avec les membres de la commission. Avant de débuter, je vous invite donc à vous présenter ainsi que votre titre, et puis la parole sera à vous.

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

Mme Potvin (Hélène) : Alors, bonjour, tout le monde. Hélène Potvin, notaire. Je suis présidente de la Chambre des notaires depuis juin dernier.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bonjour. Raphaël Amabili, notaire, responsable des relations institutionnelles. Puis c'est moi également qui a piloté le dossier pour la chambre.

Mme Potvin (Hélène) : Alors, M. le Président, Mmes, MM. les députés, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie de votre invitation à cette consultation particulière portant sur le projet de loi n° 35. Ce dernier vise notamment à compléter le processus d'informatisation du système de publicité foncière entrepris il y a près de deux décennies. La chambre se doit de saluer toute initiative visant à moderniser et actualiser les règles actuelles à la nouvelle réalité technologique. La chambre appuie et accueille donc favorablement cette pièce législative.

Bonification des services en ligne, amélioration des délais d'inscription et transmission des réquisitions d'inscription uniquement via un moyen technologique, il ne s'agit là que quelques-unes des mesures qui sont avantageusement proposées par le p.l. n° 35. Comme vous le constaterez à la lecture de notre mémoire, l'intervention de la chambre est basée sur l'expérience des notaires en matière immobilière. Les notaires s'assurent au quotidien que les titres publiés au Registre foncier sont exempts d'erreur ou de vice. Ils garantissent la sécurité des titres fonciers notamment par l'examen des actes et des informations publiées à ce registre. Les commentaires qui se trouvent dans notre mémoire ont donc été écrits suivant cette perspective.

Avant de présenter les grands axes de notre mémoire et nos principales recommandations, vous me permettrez de débuter cet exposé en ouvrant une parenthèse pour vous dire que les notaires ont toujours été prêts à répondre aux besoins de la population et de l'État, notamment en matière technologique. L'informatisation complète du Registre foncier, telle que proposée par le p.l. n° 35, ne fait pas exception à la règle. Plus de 90 % des notaires utilisent déjà la technologie pour publier électroniquement les actes au Registre foncier. La mesure proposée par le projet de loi visant à rendre obligatoire la présentation de réquisitions d'inscription sur un support technologique s'inscrit donc dans cette lignée, d'autant plus que la profession notariale est elle-même en train d'entreprendre son propre virage numérique au bénéfice du citoyen.

Depuis le début de l'état d'urgence sanitaire, une mesure temporaire et exceptionnelle est venue autoriser les notaires à recevoir les actes notariés sur un support technologique. Nous travaillons activement à proposer une solution permanente à cette mesure. À cet égard, on peut dire qu'informatisation du Registre foncier et informatisation de la profession notariale vont de pair.

Cela dit, revenons à notre mémoire. La majeure partie porte sur le moyen proposé par le p.l. n° 35 pour préserver les renseignements personnels et sensibles qui se retrouvent au Registre foncier. On parle ici du caviardage, une mesure qui est proposée par le projet de loi. Donc, de façon plus précise, il s'agit de la possibilité pour l'officier de la publicité des droits de caviarder toute mention à un acte du Registre foncier pouvant porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'une personne.

Évidemment, nous reconnaissons et saluons l'importance que le p.l. n° 35 accorde à la protection de ces renseignements à l'ère où la technologie est omniprésente au sein de notre société. Cependant, le caviardage d'information présuppose à l'apposition de marques permanentes sur un document afin de rendre certaines informations illisibles. On s'interroge, dans notre mémoire, sur les conséquences qu'aura ce geste à certains égards.

D'abord, on se questionne sur les impacts de cette mesure sur la valeur des documents publiés au Registre foncier. Caviarder un document porte nécessairement atteinte à son intégrité. On sait pourtant que l'intégrité d'un document doit être assurée afin qu'il conserve une certaine valeur, notamment pour que son contenu fasse foi auprès des personnes qui consultent le registre. Il s'agit là de la mission principale du Registre foncier.

Ensuite, on s'interroge sur les répercussions que cette mesure entraînera sur le notaire examinateur de titres et sur les services qu'il offre au public. Ce dernier, rappelons-le, doit consulter l'ensemble des actes et des transactions qui concernent un immeuble afin d'assurer la sécurité juridique de la transaction et le respect de l'ensemble des règles de droit. Comment pourra-t-il réaliser un tel exercice si certains renseignements ne lui sont plus accessibles?

Enfin, le Registre foncier est généralement reconnu comme étant un registre public. À ce titre, le Code civil du Québec prévoit l'obligation pour le vendeur d'un immeuble de remettre à l'acheteur les titres de propriété qu'il possède. Puisqu'ils sont publiés au Registre foncier, ces titres sont donc, à l'heure actuelle, reconnus comme étant de nature publique. On se demande si le fait de caviarder certains renseignements au Registre foncier changera le statut public de ces titres et des renseignements qui y apparaissent. Le cas échéant, il est fort à parier que cela modulera l'obligation de remise des titres de propriété du vendeur à l'acquéreur. Cela aura peut-être également une incidence sur la pratique du notaire qui émet des copies certifiées conformes de certains titres de propriétés immobilières.

Il faut comprendre ici que ces interrogations ne se veulent pas être une critique du projet de loi. Il s'agit plutôt des principaux éléments qui ont animé la réflexion, guidé la rédaction de notre mémoire et mené à proposer ces quelques bonifications issues de notre mémoire que je vous présente brièvement.

D'abord, nous croyons que le législateur devrait privilégier une autre mesure que le caviardage, qui se veut être plus mécanique que technologique. Il aurait en effet semblé plus approprié que le p.l. n° 35 propose un moyen ou un procédé technologique destiné à limiter la diffusion de renseignements sensibles au Registre foncier sans pour autant altérer de façon définitive les documents et porter atteinte à leur intégrité.

Ensuite, nous croyons qu'une telle mesure devrait être vue en harmonie avec les autres registres et banques de données publiques de l'État. En effet, la réalité de la protection des renseignements personnels à laquelle le Registre foncier est confronté en est une qui concerne tout autant les autres registres et banques de données publiques du gouvernement. Au nom des utilisateurs de ces registres, nous croyons qu'il y aurait lieu d'assurer une uniformité dans les divers moyens retenus afin d'assurer la protection des renseignements sensibles.

Comme je le mentionnais, le p.l. n° 35 prévoit que toute mention pouvant porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'une personne pourra être caviardée par l'Officier de la publicité foncière sur demande écrite d'une personne. Selon nous, ces critères apparaissent relativement subjectifs. Le p.l. n° 35 reste en effet muet sur la façon dont on pourra déterminer s'il y a effectivement atteinte à cette intégrité. Quelqu'un pourrait-il prétendre que la divulgation du montant de son prêt dans l'acte d'hypothèque porte atteinte à son intégrité psychique?

La chambre considère essentiel d'objectiver et de circonscrire dans le Règlement sur la publicité foncière quels sont les critères permettant d'accueillir une demande de caviardage. Il pourrait également être déterminé, dans ce règlement, que les demandes de caviardage sont limitées à une série de renseignements qu'il identifie. À l'inverse, le règlement pourrait également prévoir quels sont les renseignements qui ne peuvent pas être caviardés, soit ceux qui sont utiles et nécessaires au bon fonctionnement du Registre foncier. Il ne faudrait effectivement pas que les notaires et les autres professionnels qui procèdent régulièrement à l'examen des titres immobiliers aient des difficultés à réaliser l'exercice. Il en va de la fiabilité des titres, de la sécurité juridique des transactions et de la protection du public. L'élaboration d'un tel règlement favoriserait la concertation de l'ensemble des acteurs du milieu. À défaut, peut-être faudrait-il envisager un moyen qui permettrait à ces professionnels d'avoir accès aux renseignements visés.

• (16 heures) •

Nous croyons également que certaines règles qui sont actuellement en vigueur auraient mérité d'être vues en conformité avec l'objectif de protection des renseignements. Notre mémoire comporte quelques exemples, alors permettez-moi d'illustrer mon propos de façon concrète avec cet exemple. Le Code civil prévoit qu'un avis du changement de nom doit être publié au Registre foncier afin d'établir la concordance entre l'ancien et le nouveau nom. On sait pourtant que le changement de nom d'une personne physique peut bien souvent être associé à un changement au niveau de son identité de genre. Cette exigence du Code civil apparaît porter une atteinte directe à l'intégrité psychique de cette personne, et plusieurs mentions de cet avis risquent d'être caviardées. Nous croyons qu'il serait opportun de revoir les règles de ce type dans leur application. On superpose plutôt cette nouvelle mesure générale de caviardage qui risque de créer des problématiques d'application.

Nous en conviendrons tous, la publicité des droits et la protection des renseignements sont des conceptions qui, par leur nature même, s'opposent. L'exercice auquel s'est prêté le législateur n'en était pas un facile. Nous espérons que les recommandations de notre mémoire pourront servir à bonifier le projet de loi n° 35 et à alimenter la réflexion. Nous demeurons disponibles à travailler étroitement avec tous les acteurs dans ce dossier, et soyez assurés de toute notre collaboration pour la suite du dossier. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Potvin. Alors, sur ce, nous allons débuter la période d'échange avec les membres de la commission. Et, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Julien : Oui, merci. Merci beaucoup pour votre mémoire puis votre présence ici aujourd'hui. C'est très apprécié dans la perspective où on veut adopter un projet de loi qui est accueilli favorablement par la Chambre des notaires, avec certains éléments, là, à discuter. Puis on conçoit très bien, là, le caractère essentiel de la Chambre des notaires et des notaires dans la qualité de l'information et de la publication du registre.

Juste pour l'aspect caviardage d'information, puis on a eu la discussion ce matin avec les arpenteurs-géomètres, qui avaient certaines préoccupations également, donc, vous avez certaines préoccupations également. Naturellement, là, la volonté puis... Alors, ça va prendre peut-être des explications supplémentaires, mais des renseignements, là, qui seront caviardés ne sont nullement nécessaires à la publicité, là. C'est-à-dire que, pour nous, on a fait, dans le passé... En réalité, c'est des informations qui ne devraient pas se retrouver au Registre foncier, qui ne sont pas pertinentes. Puis là j'ai dit : Bien, on veut avoir un outil qui permet de caviarder, mais on garde toujours l'original, en réalité, là, de l'information à l'intérieur des systèmes du MERN, mais ce qui va être publicisé...

Puis je voulais voir l'ampleur de la situation, a priori, par rapport à ce qu'on veut amener comme démarche. On a fait un échantillonnage de 400 dossiers, quatre cas qu'on a retracés du genre numéro de marge de crédit. Est-ce que c'est pertinent qu'on retrouve cette information-là? Je ne le crois pas. Date et lieu de naissance... On voit le genre. Et alors quatre cas de figure sur 400 tests, puis on regarde toujours en...

Alors, c'est comme de dire : Ce qui n'est pas supposé s'y retrouver, on a 70 millions de documents actuellement, on souhaiterait ne pas les retrouver, on pense... Alors, l'échantillonnage visait à dire : On n'en retrouve pas tant, donc c'est... mais, dorénavant, s'il y en avait, bien, le numéro de marge de crédit serait caviardé, le document original serait maintenu, et le document déposé pour fin de publication serait vu sans le numéro de marge de crédit.

Si on le regarde de cette façon-là, qu'est-ce que vous pensez de la notion de caviardage dans cette perspective-là? Après ça, on pourrait voir, peut-être qu'on va gagner à venir préciser cette notion-là, puisque vous avez cette interprétation-là à première lecture.

Mme Potvin (Hélène) : Alors, merci pour la question. Je vais laisser mon collègue répondre.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Merci à vous pour les informations complémentaires. Ce que vous semblez dire nous ramène dans le projet de loi, à l'article 104, où on vient énumérer tout ce qui est lieu de naissance, numéro de permis de conduire, numéro de passeport. Puis ça, je vous dirais que c'est conforme avec la pratique notariale depuis plusieurs années où, évidemment, là, dans les actes, ce n'est pas des documents qui seraient supposés apparaître au Registre foncier. On est tout à fait confortables avec cette vision-là.

Notre préoccupation, c'est vraiment sur l'aspect du projet de loi quand on parle de «toute mention [qui peut porter] atteinte à l'intégrité physique ou psychique». Si vous dites que cette «toute mention» là réfère nécessairement à ce fameux article 104, bien là on vient délimiter la portée, mais, autrement, ces «toute mention», «intégrité psychique», bien, à quoi est-ce qu'on fait référence à ce moment-là?

Puis on... (Interruption) Excusez-moi. On a une crainte pour l'uniformité aussi parce que, pour une personne, l'intégrité psychique peut être une chose, pour une autre personne, une atteinte à l'intégrité psychique peut être autre chose. Donc, c'est pour ça que, dans notre mémoire, on vient parler de la nécessité d'objectiver cette expression-là pour venir s'assurer que ce ne soient pas d'autres renseignements qui sont plus subjectifs que des éléments comme ceux que vous mentionnez.

M. Julien : Donc, je prends bonne note de votre réponse. Naturellement, pour nous, ces éléments-là, puis on a des discussions avec l'équipe, sont quand même des concepts où il y a une certaine jurisprudence, mais je vois où vous voulez nous apporter, puis on va porter une attention toute particulière à ça. Parce que, comme on le mentionne, c'est... actuellement, on n'a pas... on n'avait pas le pouvoir, a priori de l'adoption de la loi, de venir caviarder certaines informations. C'est très à la marge. Vous le mentionnez vous-même, ce n'est pas dans les pratiques notariales de le faire, mais, on constate, sur 70 millions de documents, bien, il s'en glisse, quelques cas de figure. Et on voudrait avoir la capacité, quand ça arrive, de masquer, justement, pour protéger les citoyens du Québec.

Vous mentionniez aussi tantôt, sur un autre sujet, 90 % des notaires... ou des actes, je pense que vous avez dit des notaires, actuellement utilisent la transmission électronique. J'avais fait sortir des données par le ministère pour voir, bien, c'est quoi, à peu près. Actuellement, on est à peu près à 93 % de documents électroniques, 7 % de documents papier. Sur les 7 % de documents papier, à peu près le quart uniquement avaient une espèce d'obligation qu'ils soient papier, donc on avait encore... on aurait pu se rendre jusqu'à 97 %, à peu près, de transmission électronique, légalement, sans la modification de la loi. Là, on va le rendre obligatoire puis on va le permettre.

Mais le 10 % chez vous, pourquoi? Pourquoi ils le font, actuellement?

Mme Potvin (Hélène) : Grande question. Bien, écoutez, des fois, c'est des habitudes. Des fois, les notaires ne sont pas... sont habitués d'une certaine façon, donc c'est plus commode pour eux de déposer des papiers, mais on suit ces notaires-là, donc on les accompagne dans la formation. Donc, si jamais ça devenait obligatoire, on pourrait tout à fait les accompagner, là, pour ce virage-là. Donc, on comprend que c'est une minorité, là, à ce moment-ci.

M. Julien : Parfait. Donc, la période de transition qu'on vient mettre vous apparaît cohérente et suffisante, justement, pour que ces habitudes-là rendent... ils soient confortables, en fin de compte, à faire cette transition-là vers l'obligation que la documentation soit transmise de manière électronique?

Mme Potvin (Hélène) : Bien, dans un premier temps, on se questionnait justement sur la mise en vigueur de la loi. On se demandait si ça allait être reporté compte tenu, là, de la période de la COVID, là. On se demandait si les délais étaient maintenus, mais c'est relativement court pour nous, là.

M. Julien : Donc, le délai prévu, c'était un an suite à l'adoption. Donc, mettons qu'on l'adopte, je ne sais pas quand, je ne présume de rien, 12 mois a posteriori de ça pour permettre à l'ensemble, en fin de compte, des intervenants au registre de se conformer à transmettre électroniquement, est-ce que ça... Parce que, pour moi, peu importe quand ça arrive, ça sera plus 12. C'est cohérent pour vous?

Mme Potvin (Hélène) : C'était la date qu'on avait parlé, oui, ça va. Merci.

M. Julien : C'est bien, merci. Vous avez mentionné également, là, la Chambre des notaires, que la transmission électronique des actes au Registre foncier va dans le sens du virage numérique de la pratique notariale. Pouvez-vous m'exprimer un peu, la pratique notariale, là, avec ce virage numérique là, quand vous dites que ça va dans le même sens, la pratique évolue comment, là, dans les dernières années puis vers quoi qu'elle s'en va?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, la Chambre des notaires a travaillé depuis plusieurs années sur l'acte dématérialisé, donc l'acte technologique. La pandémie a bousculé un peu la mise en oeuvre et l'a devancée. Donc, depuis le 1er avril, donc, les notaires sont autorisés à recevoir des actes technologiques, donc, à distance pour préserver, donc, la sécurité de leurs clients. Donc, cette mesure-là, elle était temporaire avec le décret sur la loi sur la santé, et donc a été prolongée pour une durée d'un an avec le nouveau décret qui est entré en vigueur. Donc, c'est quelque chose que la Chambre des notaires souhaite maintenir dans l'avenir. Donc, nous travaillons sur une solution pérenne.

Donc, c'est pour ça que nous trouvions que nous sommes dans la même lignée, puisque la technologie, là, va faire... va être dans une grande... va avoir une grande place, là, dans la pratique notariale, là, pour les prochaines années.

• (16 h 10) •

M. Julien : Puis je comprends que c'est venu au mois d'avril dans la perspective de ce qu'on vit puis qui est prolongé. Est-ce qu'il y a eu des écueils par rapport à ce virage-là qui n'était pas, a priori, là, accepté? Est-ce que c'est juste du bon?

Mme Potvin (Hélène) : Bien, ce n'est pas tous les notaires qui étaient... qui pouvaient... qui devaient recevoir les actes. Donc, certains notaires ont décidé de maintenir leur façon de procéder avec d'autres mesures de sécurité. Sinon, il y a des... C'est sûr qu'il y a des... C'est ça, comme je vous dis, il y a certains notaires qui n'ont pas adhéré à cette façon-là. Est-ce que, Raphaël, tu voudrais ajouter des choses?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bien, en fait, c'est sûr qu'on était dans une situation d'urgence, donc il a fallu agir de façon urgente également, aussi un élément perfectible, il y a des... autant au niveau de la solution technologique que le cadre, mais c'est pour ça que la présidente, aussi, parle de la nécessité de mettre en place une solution permanente et pérenne avec un cadre plus rigide, je dirais, également, là, pour... cadre juridique et cadre technologique, là. Donc, voilà.

M. Julien : Si l'Assemblée nationale, éventuellement, là, prenait la décision d'adopter le projet de loi n° 35, qui est quand même, en réalité, là, assez précis sur ses objectifs, là, qui... mais je voyais, dans votre mémoire, que vous mentionnez peut-être des éléments plus larges que le p.l. n° 35 auxquels on peut réfléchir ensemble éventuellement, là. Puis, si on aimerait éventuellement s'associer les principaux partenaires qui sont liés, naturellement, là, à l'évolution du Registre foncier, est-ce que vous seriez intéressés à participer avec nous, justement, dans cette évolution-là? Et quels seraient les principaux éléments que vous souhaiteriez amener?

Mme Potvin (Hélène) : Bien, la Chambre des notaires serait vraiment heureuse, je pense, de contribuer, de collaborer, là, pour la suite de l'évolution du Registre foncier. Notre ouverture, dans le mémoire, nous, était à l'effet de centraliser ou de faire que le Registre foncier soit le point d'entrée de toutes les restrictions relatives à un immeuble. Donc, dès qu'on travaille sur un immeuble, on rentre au Registre foncier et on voit, là, les différentes restrictions, donc, qu'on parle du zonage agricole, qu'on parle des biens culturels. Donc, on pourrait avoir un guichet unique. Donc, nous, on serait toujours, bien entendu, disponibles, là, pour travailler à l'évolution du Registre foncier.

M. Julien : C'est très bien, c'est très bien. Moi, ça fait le tour de mes questionnements. Je ne sais pas s'il y a des collègues qui ont des questions.

Le Président (M. Lemay) : Bien, à ce stade-ci, je vais céder la parole au député de Bourget.

M. Campeau : Merci, M. le Président. La plupart de mes questions ont déjà été posées, mais il m'en reste une quand même. Je m'attendrais à ce que le p.l. n° 35 joue un rôle sur les délais de traitement, que ça accélère les... Est-ce que vous pensez que ça va accélérer le travail que vous aurez à faire comme notaires? Et de quel ordre? Est-ce que c'est cosmétique? Est-ce que c'est un détail ou est-ce que c'est majeur? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Potvin (Hélène) : Donc, le délai de traitement au niveau du Registre foncier?

M. Campeau : Oui.

Mme Potvin (Hélène) : Alors, c'est sûr que la publication en ligne fait que les délais sont beaucoup plus courts. Alors donc, on avait toujours le petit pourcentage, là, de notaires qui vont devoir adhérer à la publication électronique, mais donc le traitement est quand même très bien présentement. Alors donc, je pense que c'est simplement pour l'autre partie des notaires qui n'utilisent pas encore la partie technologique, là, du Registre foncier.

M. Campeau : Donc, ça va avoir un effet simplement sur le 10 % qui... Donc, ça devrait faciliter et accélérer le délai de traitement, mais simplement pour ce 10 % de personnes là qui ne l'utilisaient pas actuellement.

Mme Potvin (Hélène) : Essentiellement.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Oui, puis également je pense que le projet de loi n° 35 permet des actes dont la publication était requise aujourd'hui de façon uniquement papier. Donc, le projet de loi n° 35 a une ouverture pour que des documents soient publiés de façon électronique. C'est sûr, c'est un changement au niveau de la pratique, mais il faut croire également qu'au niveau des délais ça va avoir un impact positif.

M. Campeau : J'imagine que ça va vouloir dire plus de télétravail aussi.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Selon aussi qu'est-ce qui se passe avec la vision 100 % technologique de la profession notariale aussi, je pense, comme la présidente l'a dit, c'est des éléments qui vont de pair, mais effectivement.

M. Campeau : O.K. Merci.

Le Président (M. Lemay) : Alors, maintenant, je vais céder la parole au député d'Orford.

M. Bélanger : Merci, merci, M. le Président. En suite à mon collègue de Bourget, moi, je peux confirmer qu'il y a eu un gain d'efficacité de mon côté, parce que j'étais habitué à me promener puis à aller chez les notaires pour signer les documents, et, avec la venue de DocuSign, ça m'a permis de sauver beaucoup de temps. Donc, je pense que ça peut être réciproque aussi.

Mais j'avais une question au niveau de la chambre, c'est... Il y a diverses chambres, à travers le monde, qui sont en train de tester la technologie des chaînes de blocs de façon à gérer les documents, puis là on parle de différentes versions, qu'une nouvelle version pourrait venir écraser une version existante. Je voudrais savoir quelle est votre position, à ce niveau-là, en termes d'utilisation de cette technologie-là, qui est le «blockchain», mais aussi au niveau de la technologie d'archivage de ces documents-là et l'intelligence artificielle. Parce qu'on parlait tantôt d'être capable d'identifier certaines informations. Bon, il y a des outils de plus en plus, puis Montréal est un peu la capitale au niveau de l'intelligence artificielle. Ça fait que c'est l'utilisation de ces outils-là pour faciliter, justement, le repérage, que ça soit marge de crédit, date de naissance ou adresse.

Mme Potvin (Hélène) : Merci. Je vais laisser...

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Oui, bien, écoutez, vous parlez de la chaîne de blocs, c'est une technologie parmi tant d'autres. C'est sûr que, depuis plusieurs années, on avait mis en place un programme de transformation numérique pour réfléchir à la question. La COVID, les fuites de données de certaines entreprises ont fait en sorte qu'on a replanché sur la réflexion, puis c'est ce qu'on est en cours.

Donc, pour répondre directement à votre question, il n'y a pas de position officielle comme telle sur la chaîne de blocs. Ça fait partie des technologies qui sont évaluées dans le cadre de la solution pérenne et permanente qui sera éventuellement, là, proposée par l'ordre. Donc, intelligence artificielle, chaîne de blocs, c'est tous des éléments qui peuvent être mis à notre disposition. On travaille avec les partenaires, là, pour être en mesure d'avoir l'heure juste sur ces éléments-là, mais il n'y a pas de position officielle sur cet enjeu-là, là, sur... Voilà.

Le Président (M. Lemay) : M. le député d'Orford, c'est correct avec vous?

M. Bélanger : Oui. Je constate qu'ils sont ouverts à cette technologie-là puis à cette approche-là, c'est... Merci.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. Alors, il reste une minute à ce bloc d'échange. M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui, bien, moi, je veux revenir un petit peu, là, sur l'utilisation, on parle de 90 %, un peu, tout à l'heure, ce que M. le ministre mentionnait, 93 %-7 %. Puis, tu sais, moi, j'aimerais ça savoir si vous avez fait vraiment... Parce que, tout à l'heure, on avait la chambre...

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Lac-Saint-Jean, est-ce que vous pouvez vous rapprocher de votre micro, s'il vous plaît?

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Excusez-moi.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : On avait les personnes... les arpenteurs, et ils mentionnaient, entre autres, dans certaines régions, que c'était plus difficile. Je ne sais pas si vous, vous avez fait un peu ce constat-là aussi, le pourquoi qu'il reste encore 7 %, là, qui utilisent encore le papier. Puis on sait très bien que ça n'a pas d'avantage d'un point de vue administratif, au niveau de l'efficacité, tout ça. Puis je sais que vous travaillez déjà aussi, la Chambre des notaires, sur un projet, là, de transmission au niveau électronique. Donc, j'aimerais ça un peu, si vous avez fait... pousser un petit peu plus, là, cette observation-là, un petit peu plus loin.

Le Président (M. Lemay) : ...secondes, très rapidement.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Il y a un sondage qui a été fait auprès des notaires qui regroupe soit par nombre d'âge, par nombre d'années d'expérience au tableau de l'ordre ou par région administrative. C'est en cours. Ça nous permettra de déterminer, là, de façon plus précise quelles sont l'influence de chacune de ces catégories-là sur le pourcentage dont vous parlez.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Donc, ceci complète ce bloc d'échange. Et je cède maintenant la parole au député de Laval-des-Rapides, porte-parole de l'opposition officielle. La parole est à vous.

M. Polo : Merci beaucoup, M. le Président. D'entrée de jeu, je dois mentionner, tel que mon collègue de Bourget, que le ministre effectivement a déjà élaboré sur certaines des questions qu'on voulait aborder.

Ceci dit, je vais revenir quand même à votre sommaire de recommandations, notamment le point n° 2. Vous mentionnez que certaines règles de publicité actuellement prévues au Code civil soient revues en conformité avec l'objectif de protection des renseignements personnels défendu par le législateur. J'ai remarqué que vous mentionnez qu'à la base même la protection des données et la publication ou l'accès à l'information sont deux phénomènes qui se contredisent comme tel, mais j'aimerais ça peut-être que vous puissiez élaborer un peu plus, justement, sur ce que vous mentionnez ici, votre proposition de revoir peut-être ces éléments-là afin de les renforcer un peu plus.

• (16 h 20) •

Mme Potvin (Hélène) : Bien, essentiellement, donc, je reviens sur mon exemple où relativement... dans mon allocution. Ou sinon, il est... Des fois, c'est ça, donc, c'est deux phénomènes qui s'opposent. Alors, c'est certain que, si on voit dans un acte... ou on voit l'état civil de la personne et la personne souhaite faire disparaître certaines informations avec... relativement son ex-conjoint, alors c'est sûr qu'il se retrouve avec des obligations où on doit divulguer cette information-là dans le contrat et, par la suite, une demande de caviardage, donc le notaire n'aura pas accès à ces informations-là et devra essayer de les obtenir pour confirmer si l'ex-conjoint avait des droits ou non au moment de la transaction. Alors, c'est un autre exemple. Donc, est-ce que ça répond à la question?

M. Polo : Oui, oui.

Mme Potvin (Hélène) : Parfait.

M. Polo : J'avais également un commentaire, parce que, bon, vous mentionnez comme quoi le principe même d'utiliser la technologie... je pense que, de façon générale, on est en faveur, mais l'utilisation du caviardage est un moyen mécanique, et donc non technologique. Vous faites référence également, à la page 9, à la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, et notamment : «...la chambre estime que le p.l. n° 35 devrait considérer davantage l'application de [cette loi-là] dans le choix d'un moyen destiné à préserver des renseignements pouvant porter atteinte à l'intégrité d'une personne...» Peut-être élaborer un peu plus de quelle façon, justement, on pourrait contourner l'aspect un peu mécanique du caviardage pour améliorer la chose.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Vous me permettrez ici de faire écho à une étude qui a été réalisée par le professeur Vincent Gautrais au cours de l'année 2019, dont les résultats se font encore attendre, qui est venu adresser certains enjeux à cet égard-là, et on en fait mention dans le mémoire. Au niveau des registres des données publiques, c'est tout à fait la vision qu'on ne veut pas, que des renseignements qui soient publiés à des registres publics aient un effet attentatoire sur la personne. Donc, c'est pour ça qu'on mentionne bien que l'enjeu du Registre foncier est un enjeu qui concerne tout autant les autres registres publics.

Et, quand on fait référence à la loi concernant le cadre juridique de l'information, bien, c'est un peu cet élément-là de voir comment est-ce qu'on peut avoir une uniformité dans son application au sein de l'ensemble des registres publics de l'État.

M. Polo : O.K., O.K. Parfait. À votre recommandation n° 4, vous mentionnez que les renseignements qui ne peuvent être caviardés soient prévus au terme du Règlement sur la publicité foncière plutôt qu'au Code civil et qu'ils soient bonifiés. Bonifiés, bon, peut-on mettre sur base, dans le Code civil du Québec... Et bonifiés de quelle façon, selon vous, selon votre recommandation?

Mme Potvin (Hélène) : En fait, on voudrait vraiment venir établir de façon plus précise les documents qui devront... qui ne pourront pas être caviardés. Et puis on souhaite que ce soit dans le règlement puisque c'est plus facile de le modifier, de le faire évoluer selon les moeurs, selon l'usage qui va être fait et selon l'expérience qu'on va vivre au Registre foncier. Donc, ça serait plus simple de le mettre dans le règlement que dans le Code civil, où, là, ça serait plus formel, plus rigide. Donc, c'est pour ça qu'on souhaitait, là, donc, émettre cette recommandation-là.

M. Polo : O.K., je comprends. Écoutez, de façon générale, M. le Président, on est... on soutient les propos autant du ministre que les collègues ici. Donc, je ne sais pas si d'autres collègues auraient d'autres questions, là, à ce moment-ci, pour nos invités.

Le Président (M. Lemay) : J'ai compris, M. le député de Laval-des-Rapides. S'il n'y a pas d'autre intervenant, est-ce que vous avez un mot de conclusion, Mme Potvin ou M. Amabili?

Mme Potvin (Hélène) : Pas pour nous.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bien, simplement vous remercier pour votre temps, aussi l'ouverture du ministre, là, et des députés pour les recommandations qu'on a faites. Puis on vous remercie.

Mme Potvin (Hélène) : Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. Donc, c'est moi qui vous remercie à mon tour pour votre contribution à nos travaux.

Et, compte tenu de l'heure, la commission ajourne maintenant ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 25)

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