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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles

Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 18 septembre 2019 - Vol. 45 N° 8

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 34, Loi visant à simplifier le processus d’établissement des tarifs de distribution d’électricité


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Table des matières

Auditions (suite)

MM. Sylvain M. Audette et Pierre-Olivier Pineau

Bitfarms

Union des consommateurs (UC)

Option Consommateurs (OC)

Autres intervenants

M. Mathieu Lemay, président

M. Jonatan Julien

M. Richard Campeau

M. Saul Polo

Mme Ruba Ghazal

M. Sylvain Gaudreault

Mme Marie-Louise Tardif

M. David Birnbaum

M. François Tremblay

*          M. Pierre-Luc Quimper, Bitfarms

*          M. Pierre-Olivier Charlebois, idem

*          M. Pascal Cormier, idem

*          M. François Décary, UC

*          Mme France Latreille, idem

*          Mme Viviane de Tilly, idem

*          M. Christian Corbeil, OC

*          M. Jules Bélanger, idem

*          Mme Sylvie De Bellefeuille, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Lemay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Et la commission, aujourd'hui, est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 34, la Loi visant à simplifier le processus d'établissement des tarifs de distribution d'électricité.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Thouin (Rousseau) remplace Mme Blais (Abitibi-Ouest); Mme Ghazal (Mercier) remplace Mme Lessard-Therrien (Rouyn-Noranda—Témiscamingue); et M. Gaudreault (Jonquière) remplace M. Roy (Bonaventure).

Auditions (suite)

Le Président (M. Lemay) : Merci. Cet avant-midi, nous entendrons M. Sylvain Audette, membre associé de la Chaire de recherche en gestion du secteur de l'énergie à HEC Montréal. Je vous souhaite donc la bienvenue, M. Audette. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons avec la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

MM. Sylvain M. Audette et Pierre-Olivier Pineau

M. Audette (Sylvain M.) : Merci. Donc, bonjour. Je suis professeur à HEC Montréal, notamment responsable de formations qui sont offertes par HEC et dans le monde aussi dans les enjeux de gestion du secteur de l'énergie, notamment réglementation et tarification. Le mémoire que vous avez devant vous, c'est le résultat d'une réflexion commune avec Pierre-Olivier Pineau. Il s'excuse de ne pas être ici, il est pris à Montréal, mais sinon il aurait été assis à côté de moi, c'est certain.

Évidemment, on a fondé la chaire de recherche ça fait depuis cinq ans, pour ceux qui la connaissent plus ou moins. Notre objectif, à la chaire, on vise à développer une expertise quant au secteur de l'énergie au Québec, parmi les jeunes qui viennent chez nous, démystifier les enjeux puis contribuer activement au débat. Donc, c'est un peu ce qu'on va essayer de faire ici dans la mesure du possible.

Donc, dans le mémoire, vous avez un résumé du contexte de la loi n° 34. Je ne vais pas, évidemment, relire tout ce qu'il y a là-dedans, mais vous pouvez trouver notre interprétation détaillée du contexte particulier qui a guidé le dépôt du projet 34. Notons que la source du problème qui nous amène ici réside en grande partie par l'utilisation du terme commun, dans le jargon réglementaire, «trop-perçu», qui a peut-être été galvaudé un peu trop souvent. Je vous dirais qu'Hydro-Québec l'a plus justement nommé «écart de rendement» dans ses communiqués, un écart par rapport à un rendement qui est jugé raisonnable, habituellement dans les textes de loi en réglementation d'un monopole d'État, qui est, ici, au Québec, fixé à 8,2 % sur l'avoir propre.

Aussi, en faisant abstraction de la politique, établissons tout de suite qu'il y a trois chapeaux à porter lorsqu'on évalue un peu la portée du projet de loi. Il y a d'abord celui d'actionnaire investisseur, comme gouvernement, comme Québécois, comme actionnaire investisseur, Hydro-Québec; celui du consommateur; celui du citoyen, aussi, qui veut atteindre des objectifs plus larges au niveau de la société.

Donc, le dépôt du projet de loi n° 34 s'appuie sur des prémisses fortes, qui sont assez populaires, pour en avoir parlé durant l'été avec ma famille. Une garantie de bas tarifs, simplifier le processus qui sert à les fixer, remise accélérée de 500 millions, un gel ou des économies de près de 1 milliard, évidemment c'est alléchant.

Et puis, autour d'un barbecue, c'est plus difficile d'expliquer en détail toutes ces complexités-là. Toutefois, le dossier tarifaire prospectif est assez simple. Une des prémisses principales, c'est de dire que c'est très compliqué de fixer des tarifs. En fait, c'est important que les membres de la commission, ici, comprennent qu'en réalité les tarifs, théoriquement, c'est 6 milliards en approvisionnement plus 3 milliards en transport puis 3 milliards en distribution. Les chiffres varient un peu, mais, grosso modo, c'est ça. La dernière fois que j'ai regardé, le revenu requis d'Hydro-Québec, la décision cette année, c'était 12,2 milliards plus 97 millions, là, additionnels. Donc, le 12 milliards que je vous présente dans le mémoire est assez réaliste.

• (11 h 40) •

Là, on prend ce 12 milliards là puis on le divise par les ventes anticipées. Donc, les ventes anticipées, plus de l'ordre de 170 térawattheures, j'ai mis 200 dans le mémoire pour simplifier les calculs, parce que je ne voulais pas complexifier, ça donnerait des tarifs de 0,06 $. Donc, si on part avec 0,06 $, selon la théorie... Cette méthode-là, c'est la méthode qu'on appelle la méthode du coût de service, que vous allez voir à la section II du mémoire. C'est une méthode qui n'est pas nécessaire de refaire à chaque année lorsque l'équation fonctionne bien, c'est-à-dire le 12 milliards divisé par le 180 ou 200, au prospectif ou au réel.

Cependant, comme il est illustré dans le mémoire, à la page 8, même si les sommes des coûts en achat d'électricité, en transport et en distribution se concrétisent parfaitement à 12 milliards, mettons que c'est vraiment ça qui arrive, si, en réalité, les ventes sont plus élevées à coût constant, bien, vous allez avoir un tarif qui va avoir été fixé trop élevé. Parce que, quand on fait cette division-là, c'est comme si on a fixé 0,06 $, alors qu'on aurait dû être en bas de 0,06 $. Qu'est-ce que ça fait? Ça fait un écart de rendement par rapport au rendement jugé raisonnable, ça fait ce qu'on a qualifié de trop-perçu, qui devrait plus être... dire, bien : C'est un écart de rendement par rapport au rendement qu'on a normalement. Alternativement, si c'est le contraire, donc s'il y a moins de ventes que prévu, pour une raison x, bien là, c'est le contraire, le tarif va avoir été fixé trop bas, et là il va y avoir ce qu'on va appeler, dans le jargon, le contraire d'un trop-perçu, un manque à gagner ou un écart de rendement négatif. Il a d'ailleurs été fixé trop haut pendant les... depuis que la régie existe, parce qu'au niveau de l'inflation il y a toujours eu des écarts de rendement positifs, pas toujours, là, mais en majorité il y a eu des écarts de rendement positifs. Donc, le tarif fixé à l'inflation, dans le passé, la régie ou pas qui l'a fixé, ce n'est pas important, c'est... bien, il y a eu quand même ces écarts de rendement positifs là plus souvent que normal, disons, dans les autres juridictions.

Donc, je vais parler un peu plus... Dans le moment, on parle du tarif plafonné à l'inflation, aussi, dans la section II. Donc, même si certains pourraient être d'accord avec les quatre prémisses populaires que j'ai mentionnées tout à l'heure, qui sont très populaires autour d'un barbecue cet été mais qui sont difficiles à expliquer, en fait, ces bonnes pratiques de gestion des monopoles publics devraient se résumer dans ce que vous voyez à l'article 5 de la loi actuelle. Donc, quand on regarde les lois à travers le monde, ce qu'on voit, on voit essentiellement l'article 5 partout : «Dans l'exercice de ses fonctions, la régie assure la conciliation entre l'intérêt public — le citoyen — la protection des consommateurs — ceux qui paient les tarifs — et un traitement équitable [des investisseurs,] des distributeurs», ici, puis nous, par le fait même. Et il y a le principe d'équité aussi qui est très fort, à la fin. Donc, cet article 5 là est très important lorsqu'on revoit un texte de projet de loi.

Donc, ça veut dire que, l'article 5, quand on le met avec l'article 49, on voit qu'il faut, en fait, que l'actionnaire qui investit pour développer un service public ait un tarif... il ait un rendement raisonnable, il faut que ça résulte en des tarifs qui sont justes et raisonnables. Ça veut dire qu'il faut qu'il y ait une équité entre les catégories de clientèles. Ce sont plutôt ces prémisses décrites dans l'article 5 de la loi qu'il faut s'assurer de respecter. La simplification, c'est souhaitable, même possible, on en parle dans notre mémoire, mais ça ne doit assurément pas être au coeur de la justification du projet de loi n° 34.

Donc, je suis d'accord avec Hydro-Québec qui disait, en fait, que le projet de loi n° 34... il ne le dirait pas directement, mais il disait hier, là, qu'en fait c'est quand même un mécanisme de réglementation incitative de type tarif plafond. Par contre, il a été reconnu que d'imposer un MRI, mécanisme de règlement incitatif, de type tarif plafond, comme le projet de loi essaie de le faire, c'est de plus en plus abandonné dans le monde parce que ça cause énormément de problèmes. Donc, ce projet de loi vise des changements majeurs qui sont risqués, et surtout par le type de méthode de fixation des tarifs qui est imposé. Il y a le potentiel de créer des chocs tarifaires, on va y revenir, et puis ça risque de ne pas faciliter la transition énergétique, si on veut investir davantage dans certains moments.

Donc, tarifs plafonnés, pas l'idéal. La productivité à l'inflation, c'est comme si on dit : Bien, Hydro-Québec, dans le passé, a été aussi bonne que l'inflation, mais on voit en réalité qu'ils ont toujours eu des productivités supérieures à l'inflation. Donc, ça aussi, c'est un problème, que... je suis sûr, les groupes intervenant vont vous le souligner.

Ensuite, une des autres motivations qu'on parle dans notre... c'est la section III de notre mémoire, c'est qu'on parle des enjeux de la régie. Et ça, là-dessus, on est assez d'accord qu'il y a des choses à faire, dont 93 journées, 86 dossiers, là, vous pouvez voir les chiffres dans... Hier, on a eu des discussions sur les chiffres, je suis allé les chercher dans le rapport annuel, là, la semaine dernière. Donc, à ce sujet-là, nos conclusions générales sont claires : réduire la durée des dossiers, oui; réduire le nombre de dossiers, oui; réduire les coûts au passage, oui; permettre à la régie de tenir compte de préoccupations et de décrets du gouvernement sans que la solution finale soit imposée, oui aussi; aborder le rôle de validation et vérification de la régie, non; et politiser le processus de fixation des tarifs, non. Donc, je pense que notre position à ce niveau-là... Oui, on va connaître... il y a des problèmes avec la régie, mais il y a certaines choses qu'il ne faudrait pas passer outre lorsqu'on regarde le projet de loi.

Dans la section IV, ce que vous avez, c'est que vous avez une synthèse des problèmes de fond du projet de la loi n° 34. Donc, on l'a dit, le projet 34, c'est l'équivalent théorique d'un tarif de plafond global, c'est-à-dire qui inclut tous les coûts sur cinq ans, basés sur l'inflation, qui, à notre avis, est un peu trop rigide tel que présenté. Donc, il y a un affaiblissement des institutions nécessaire plutôt que de chercher à améliorer, il y a un manque de... il va y avoir une absence de... La connaissance va être diluée un peu, des contrecoups inévitables qui vont être liés à cette utilisation de l'inflation pour cinq ans, et ça va indigner des gens, impression de politiser davantage la gestion du secteur électrique, retirer le processus annuel du domaine public, davantage de marge de manoeuvre pour Hydro-Québec. Bref, une recette qui risque de tourner au désavantage de tous, et pas dans l'intérêt public.

Dans nos conclusions... Vous avez une série de conclusions. D'abord, la plupart des conclusions reviennent à l'idée de l'article 5 et de l'article 49, qui dit qu'il faudrait s'assurer que le rendement est jugé raisonnable au niveau d'Hydro-Québec. S'il est à l'inflation puis, demain matin, au lieu de faire un rendement de 700 millions, ils font 1,4 milliard de rendement, est-ce que vous pensez que c'est raisonnable? Donc, il faudrait ajuster cet élément-là pour dire, bien : Il y aurait des éléments déclencheurs qui feraient en sorte qu'on va déclencher ça si jamais on voit que ça devient déraisonnable. Donc, dans nos conclusions, on écrit aussi : «Il est faux de prétendre qu'il n'y aura plus d'écart de rendement — on avait entendu ça — il sera simplement caché ou invisible pendant cinq ans avec le projet de loi n° 34, mais seuls les écarts négatifs risquent de déclencher des mécanismes de réouverture de la part d'Hydro-Québec pour ses actionnaires.»

Le gel des tarifs un an semble présumer... Il va y avoir des intervenants qui vont survenir après moi qui vont dire : Bien, je pense que ça va présumer des trop-perçus. L'objectif ultime, souhaitable de simplification, oui, c'est possible en modifiant un petit peu le projet de loi.

La tenue d'audiences publiques pour le distributeur n'a pas à être obligatoire sur une base annuelle, dans la mesure où il y a une expertise indépendante de la régie pour valider les coûts et les revenus présentés au réel en fin d'année, on en a parlé hier un peu. Mais ça prendrait un rapport, là, qui serait public, qui serait rendu public.

La validation des coûts et revenus réels en fin d'année pourrait justifier automatiquement un ajustement des tarifs, sans égard à l'inflation et le projet de loi n° 34, en évitant ainsi de laisser ce jugement-là au gouvernement. Je vous lance des chiffres, je vous dis : On parle de 100 millions, 500 millions. Si on veut y aller en chiffres absolus, il faudrait que ça soit entre 100 et 500 millions. Est-ce que ça serait à 200 millions? Par exemple, le rendement actuel d'Hydro-Québec sur l'avoir propre, il est de 300 millions. Donc, si ça serait de 300 millions, ça serait qu'Hydro-Québec, pendant une année, n'aurait rien sur l'avoir propre, ce serait seulement la dette qu'il paierait. Donc, entre 100 millions et 500 millions, ça représente entre 1 % et 4 % du 12 milliards que je vous ai parlé tout à l'heure. Peut-être que ce serait ça, un élément déclencheur qu'on pourrait mettre dans la loi, et avoir une cause tarifaire qui serait obligatoire après trois ans. Donc, à ce moment-là, on pourrait quand même regarder les impacts négatifs, notamment sur l'interfinancement.

Dans le mémoire, on parle qu'il y a... l'inflation est utilisée, mais pas à 100 % pour le tarif L, donc les grands clients industriels. Ça risque de détériorer l'interfinancement, on ne sait pas trop qui va payer. On parle aussi dans le mémoire sur le fait qu'il y a des coûts qui vont être alloués ou des revenus qui vont être redistribués. À quelles catégories? Est-ce que ça va faire que l'équation que je vous ai montrée tout à l'heure, globale, quand je la regarde par catégorie tarifaire...

Le Président (M. Lemay) : M. Audette.

M. Audette (Sylvain M.) : ...c'est qui qui va avoir les 500 millions? Bien, c'est ça, une des questions qu'on a à voir.

Le Président (M. Lemay) : M. Audette, je sais qu'il vous restait juste un petit point à mentionner, mais je vais procéder quand même avec... La période de 10 minutes étant terminée, je vais procéder avec la période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous pouvez y aller, puis, si jamais M. Audette, il veut rajouter son commentaire, il pourra le faire après votre question.

M. Julien : J'aimerais ça, sur mon temps, permettre une minute de plus pour qu'il conclue.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Allez-y, M. Audette.

M. Audette (Sylvain M.) : Merci beaucoup. Donc, de manière plus spécifique, un peu ce que je voudrais plus vous dire, c'est que, si on va vraiment dans l'étude du projet de loi de manière constructive, on a recommandé cinq recommandations et suggestions spécifiques, qui sont à la fin. Donc, la première, ce serait : Amender le projet de loi n° 34 pour demander à Hydro-Québec Distribution de déposer systématiquement à la régie les chiffres réels en fin d'année au plus tard le 1er janvier et validés — donc, hier, on a dit qu'on le ferait, mais il faudrait que ça soit validé; amender le projet de loi... de déposer à la régie des chiffres prospectifs allégés au plus tard le 1er décembre — donc, on ne parle pas de cause tarifaire ici, on parle juste de déposer des chiffres allégés, ils pourraient le faire même cette année, au 1er décembre; et amender le projet de loi pour obliger Hydro-Québec à déposer automatiquement un dossier tarifaire complet après trois ans, et non pas cinq ans, comme le projet l'exige... ça se peut qu'on reste sous le tarif plafond, là, mais seulement cinq ans; et conserver l'esprit de la loi, 48.1...

Le Président (M. Lemay) : Merci...

M. Audette (Sylvain M.) : ...parce que je pense qu'on n'a pas besoin vraiment de l'éliminer si on considère que c'est un tarif plafond indexé à l'inflation. Merci.

Le Président (M. Lemay) : C'est bon. Alors, merci, M. Audette, pour votre exposé. M. le ministre, la parole est à vous.

• (11 h 50) •

M. Julien : Oui. Oui, merci, M. Audette, et grand plaisir de vous rencontrer aujourd'hui pour avoir ces discussions-là. Vous avez dit plusieurs choses, je vais ramener... je veux connaître un peu votre point de vue. Alors, vous parlez que l'inflation n'est probablement pas la bonne mesure. Bon, je réitère, là, puis je le réitère sur base historique, tarification 15 ans, supérieure à l'inflation, un écart qui s'est créé, écart supérieur à la somme des écarts de rendement observés, là, avec le mécanisme d'écart de rendement. Alors, ça, c'est une chose.

On retourne 50 ans derrière, la même chose. Naturellement, si on prend du «cherry picking», juste les deux, trois dernières années, ça ne révèle pas ça, mais, sur une longue période, la tarification par cause tarifaire a été supérieure à l'inflation. Le gel, en fin de compte, de la première année, là, qui est proposé au p.l. n° 34, vise justement une correction de ce que... également, qu'on l'a réfléchi. On a regardé les écarts de rendement, le mécanisme d'écart de rendement, qui disait : 2018, 182 millions; 2017, 90 millions; 2016, 37 millions; 2015, 77 millions; 2014, 160 millions. Ça, c'est les cinq dernières années.

Puis on vient dire : Nous, là, si on faisait un gel tarifaire l'an prochain, là, qui représente 195 millions, selon l'évaluation la plus probable, c'est supérieur, ce gel-là, en termes d'effet tarifaire, à chacune des années qu'on a observées dans les cinq dernières années. Donc, c'est pour dire : On voit à répétition un écart de rendement, qui est basé, comme vous l'avez mentionné, sur un rendement attendu de 8,2 %. On dit : On gèle, on vient clarifier ça, puis après ça on s'en va à l'inflation. Historiquement, on a facturé plus qu'à l'inflation. Ça donne de la prévisibilité à la clientèle. Mais, naturellement, on vient dire : Dans 60 mois, là, on retourne en processus de cause tarifaire pour valider si on ne s'est pas écartés, en réalité, d'une nouvelle réalité qui ne serait pas similaire à celle historiquement. Mais on donne plus d'imputabilité à Hydro-Québec, on donne de la prévisibilité aux citoyens.

Alors, j'aimerais comprendre, vous, au-delà des éléments que vous avez mentionnés, la répercussion négative que vous voyez, là, de manière tangible, qui pourrait se produire dans cette période.

M. Audette (Sylvain M.) : Bon, quand on regarde la croissance des tarifs sur 10 ans... 50 ans, je pense, on en convient, c'est une période un peu longue, là. Habituellement, on a tendance à utiliser 10 ans. Donc, on voit que, dans cette période de 10 ans là, il y a eu souvent des trop-perçus, alors que la hausse des tarifs était très proche de l'inflation dans ce 10 ans là. Elle n'était pas exactement, elle était très proche. Donc, ce que je dis, c'est qu'il y a un risque qu'il est inutile de prendre. Si on constate, à un moment donné... Et ce qu'on recommande ici, ce n'est pas de faire des causes tarifaires à chaque année, évidemment. On dit de faire un suivi, de regarder les coûts détaillés, regarder les questions d'interfinancement entre les tarifs aussi et puis de regarder si, oui ou non, il y aurait lieu de revoir ce taux de croissance là des tarifs à la hausse ou à la baisse.

L'idée, ici, c'est de protéger autant le chapeau investisseur, gouvernement, moi-même comme investisseur, en tant que citoyen québécois, mais aussi les clients. Parce que, moi, le jour où, pour raisons x, il y a moins de ventes, il y a plus de ventes, les tarifs ne seront pas corrects. Ils vont être trop bas ou trop élevés, et là je vais avoir moins de rendement que je devrais m'attendre. Donc, c'est pour ça que ce qu'on recommande, c'est de dire : Écoutez, c'est un tarif plafond. C'est plus risqué. Ça a été abandonné partout dans le monde. O.K., on peut l'essayer. Mais, au lieu de faire une cause tarifaire complète seulement après cinq ans, pourquoi ne pas le faire après trois ans, et puis, à ce moment-là, on aurait des garde-fous, et même, d'ici trois ans, mettre un chiffre concret, pour ne pas que ce soit vous, M. le ministre, qui ait à dire : Bien, quand on commence à avoir un rendement réel autour de 11,3 %, on devrait refaire une cause tarifaire? Ou c'est Hydro-Québec qui vous appelle, qui dit : Bien là, je pense qu'on commence... quand on regarde nos chiffres réels, on commence à être un petit peu trop loin d'un rendement raisonnable, donc ce n'est plus ça, notre recommandation. On ne dit pas qu'on est contre l'utilisation d'un tarif à l'inflation. On dit : Il faut mettre des garde-fous.

M. Julien : Je vais faire du pouce sur ce que vous mentionnez, «rendement raisonnable». Parce qu'on l'a regardé dans cette perspective-là également, là. Bon, alors, il a été fixé à 8,2 %. On a regardé des comparables, des 9,5 %, des 9,8 %. Le 8,2 % n'était pas très, très audacieux dans la base de comparaison. Mais ce serait quoi, pour vous, un rendement raisonnable du distributeur?

M. Audette (Sylvain M.) : Bien, écoutez, vous savez que, lorsqu'on fixe un rendement raisonnable chez des distributeurs, en général, pour moi-même avoir été impliqué dans plusieurs de ces dossiers-là, c'est très long, c'est des longues causes tarifaires. Il y a beaucoup d'experts qui viennent et puis qui plaident, par exemple. Après ça, on regarde le taux de risque, on regarde les taux sans risque, on ajoute un bêta en fonction du risque, puis on fixe un taux.

Énergir, au Québec, à 9 virgule quelques pour cent, Hydro-Québec à 8,2 %, il y a un écart de 1 % parce qu'on considère qu'Hydro a un peu moins de risques qu'Énergir. Donc, le 8,2 % est le résultat déjà d'un dossier tarifaire, il y a quelques années, et je pense que ce chiffre-là est valable.

M. Julien : Donc, pour vous, le 8,2 % est valable. Pourtant, ici, j'ai une annexe, là, de comparaison, là : mission Hydro, 11,8 %, une autre ici, NStar Electric Co. existe... J'en ai 17 comme ça. Dans le bas de la fourchette, c'est 8,2 %. Donc, on a fait une cause tarifaire pour fixer un rendement qui était, en fin de compte, selon les analyses savantes de risque, etc., puis Hydro-Québec, il se trouve à être en bas de la fourchette. Énergir, nous autres, on avait 8,9 %. Ici, vous me dites, c'est plus neuf point quelque. Mais alors ça serait de refaire une analyse qui arriverait à d'autres conclusions? Ou bien, pour vous, le 8,2 %, c'est le rendement raisonnable, à tout égard?

M. Audette (Sylvain M.) : Lorsqu'on assiste à des dossiers sur la fixation des taux de rendement à travers le Canada ou aux États-Unis, on voit qu'un des gros débats, c'est l'embauche des experts. Donc, par exemple, les experts d'Hydro-Québec vont toujours embaucher des experts qui sont prodistributeurs, qui vont avoir tendance à trouver des comparables comme la liste de comparables que vous avez, qui sont favorables et qui ne sont pas nécessairement... Et vous allez avoir de l'autre côté des groupes d'intervenants qui vont embaucher leurs propres experts ou la régie, puis là les deux... Je vous dirais que, le groupe de l'autre côté, là, je pourrais vous fournir des chiffres avec le même comparable qui dirait : Bien, Hydro-Québec devrait descendre, ne devrait pas être à 8,2 %. D'ailleurs, le dossier qui a été déposé à la régie il y a quelques années, vous pouvez voir un peu le raisonnement que la régie a eu pour dire : Écoutez, Hydro-Québec, ce n'est pas raisonnable, ce qu'ils demandent, les intervenants, ce n'est pas raisonnable, on le fixe à 8,2 %, puis ils trouvent avec le milieu des vrais comparables réalistes et valides.

M. Julien : Je pense qu'un de mes collègues a une question.

Le Président (M. Lemay) : Juste avant ça, M. le ministre, j'avais une question de l'opposition officielle, savoir si, votre document des 17, vous seriez disposé à le déposer pour les membres de la commission.

(Consultation)

M. Julien : On va regarder ça, puis on verra par la suite.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Vous me donnerez une réponse tout à l'heure. M. le député de Bourget, la parole est à vous.

M. Campeau : Merci, M. le Président. On veut aussi simplifier le processus par rapport à ça. Puis ce que vous nous décrivez, c'est complexe. La façon de le regarder un peu partout... J'imagine que, quand un citoyen regarde ça, là, il se demande d'où ça vient, à quoi sert la régie. Ce n'est pas clair, ça. Puis vous le décrivez bien, là, mais en même temps c'est un processus complexe pour la plupart des gens.

Moi, c'est drôle, mais, bien avant la venue de la CAQ, je me disais toujours : Pourquoi faire une analyse aussi compliquée pour se ramasser avec le taux d'inflation de toute façon? Puis je m'étais toujours demandé : Mais est-ce qu'on ne s'amuse pas un peu à faire des tas de rencontres pour en revenir au même? Je sais qu'il y a des bémols à ça, là, mais en même temps, autour d'un barbecue, comme vous mentionniez, c'est pas mal plus populaire comme commentaire, ça, ce genre de chose là.

Vous avez mentionné aussi le mot «trop-perçu». Moi aussi, ça m'a toujours mis mal à l'aise, parce qu'un trop-perçu, ça sous-entend un peu comme si on a voulu en prendre, et ce n'est pas le cas. Deuxièmement, comment faire pour ne pas en avoir, ne pas être en haut, ne pas être en bas? Dans tous les budgets que j'ai faits dans l'industrie, je n'ai jamais été sur le piton.

Mais j'aimerais vous demander une première question : Voyez-vous un avantage au niveau de la prévisibilité? Exemple, je suis un investisseur... Puis ça, j'ai vécu ça assez souvent, des gens qui nous arrivent avec un projet puis qui nous disent : Je veux venir investir ici, ça va être quoi, mes coûts? Moi, ce que je connais, c'est les pâtes et papiers. À ce moment-là, ils vont dire : Le bois va nous coûter combien? On a-tu de la prévisibilité là-dedans? Si on va faire... On utilise beaucoup d'énergie, on va au moins, pour une période de cinq ans, savoir ce qui arrive avec les tarifs d'électricité. Ne croyez-vous pas qu'il y a un énorme avantage à avoir cette prévisibilité-là pour le développement économique?

Le Président (M. Lemay) : M. Audette.

• (12 heures) •

M. Audette (Sylvain M.) : Les mécanismes de réglementation incitative, qu'ils soient comme celui de la loi n° 34, le tarif plafond, ou celui qui avait été décidé par la régie, de revenu plafond, permettent d'assurer une certaine prévisibilité sur une longue période. Donc, on fixe soit les revenus, les coûts, là, le 12 milliards, on dit : Regarde, ton 12 milliards, là, il va falloir que tu vives avec comme ça. Et, sinon, le tarif. Donc, c'est deux méthodes différentes.

Ce que je vous dis, c'est que la méthode du tarif a été reconnue comme étant plus risquée, surtout du côté de l'investisseur ou du payeur. Parce que là, c'est comme si tu fixes le tarif, bien, ça se peut, pour une raison x, quelque chose qui est hors de notre contrôle, ça n'arrive pas. Donc, la prévisibilité, c'est quelque chose qui était déjà là avec l'ancien régime. C'est quelque chose...

Ce qui est plus important en réglementation, c'est s'assurer que les tarifs sont justes et raisonnables pour chacun des clients. Vous étiez dans les pâtes et papiers, vous étiez probablement au tarif L. Donc, le tarif L, est-ce qu'il est juste et raisonnable à 0,035 $ et que... Le résidentiel, eux, ils paient 0,08 $. On accepte un peu d'interfinancement, parfait. Et, quand on fait une cause tarifaire complète, c'est ça qu'on regarde. On regarde si... Puis, dans le projet de loi n° 34, vous voyez la complexité des tarifs, il va y avoir quand même un élément de complexité qui va subsister, en ce moment. Quand les gens ont dit : Ah! Comment ils vont me rembourser ça? Hier, on a dit que c'était pour être sur la consommation... bien, il y a une partie fixe dans les tarifs. Donc, est-ce qu'on va le donner vraiment, au résidentiel, de la bonne façon? Est-ce que, le fait qu'ils sont interfinancés, on va tenir compte de ça? C'est des choses qu'il faut faire de temps en temps. Trois ans, ce n'est pas déraisonnable de le faire.

Donc, je pense que c'est un monopole public, l'objectif, c'est de contrôler le prix, s'assurer qu'il y a un rendement raisonnable. Est-ce que, rendu à 11 %, ça commence à être déraisonnable? Ça peut être la fourchette que l'expert d'Hydro-Québec a donnée. Il dit : Bien, si ça dépasse le 11 %, là, il va falloir qu'on déclenche automatiquement une cause tarifaire. Mais, surtout, il faut aussi que la résultante soit des tarifs justes et raisonnables. Les intervenants après moi, je suis sûr qu'ils vont venir vous en parler davantage, ils vont dire : Écoutez, il y a un risque d'injustice et de déraisonnabilité dans les tarifs si ont utilise l'inflation, et ils vont faire les analyses pour prouver, bien : Regardez, les coûts, ils n'augmentent pas de telle façon, des choses comme ça. Donc, c'est plus «juste et raisonnable» que «prévisibilité».

Le Président (M. Lemay) : M. Audette, M. le ministre avait une nouvelle question.

M. Julien : Oui. Bien, j'entends ce que vous dites, il y a deux choses, là, qui m'interpellent dans ce que vous mentionnez, là, où je veux être certain de bien comprendre. Vous dites : L'ancienne façon de faire était déjà prévisible. Mais c'est-à-dire qu'il y a des années que c'est trois fois l'inflation puis il y a des années que ce n'est presque rien. Tandis qu'ici, là, quand vous dites, là... J'essaie de comprendre l'effet que vous mentionnez, là, l'effet pervers... vous n'avez pas dit ça... le plafond, le plafond, là, le tarif, ici, vous l'avez... Où ce qu'il est, le plafond? À tarif plafond.

Une voix : ...projet de loi.

M. Julien : Alors, expliquez-moi, là, la notion de tarif plafond pour que je la comprenne bien.

Le Président (M. Lemay) : M. Audette, en vous rappelant qu'il vous reste une minute.

M. Audette (Sylvain M.) : C'est exactement le projet de loi que vous avez déposé. Ça, c'est un tarif plafond.

M. Julien : Alors, qu'est-ce que... Alors, quand vous dites «plafond», c'est un tarif fixe, pour moi. Alors, plafond...

M. Audette (Sylvain M.) : Non, un tarif plafond, c'est un tarif qui est plafonné en fonction d'un indicateur. Ici, vous avez utilisé l'inflation après un gel d'un an.

M. Julien : C'est-à-dire que, pour moi, plafond, je l'interpréterais comme : ça peut aller jusqu'à. Mais, nous autres, c'est un tarif fixe. C'est à l'inflation. Ce n'est pas «peut-être». Non, c'est l'inflation. Ce n'est pas un plafond, c'est un tarif fixe.

M. Audette (Sylvain M.) : Je ne vais pas m'ostiner au niveau des termes, mais, dans les «textbooks», on appelle ça un tarif plafond. Mais c'est exactement ce que...

M. Julien : Mais c'est quoi, un tarif plancher? C'est le contraire du plafond. Ici, c'est un tarif fixe, c'est ni plafond ni plancher, c'est fixe.

M. Audette (Sylvain M.) : Bien, voyez, ça serait une option. C'est-à-dire, vous pourriez dire : O.K., on va avoir un tarif plancher puis un tarif plafond.

M. Julien : Non, c'est un tarif fixe. Ce n'est pas : ça peut aller jusqu'à ou ça peut aller jusqu'à, c'est ça.

M. Audette (Sylvain M.) : Un tarif plafond, c'est un tarif qui est plafonné en fonction d'un indicateur.

M. Julien : O.K. Un tarif plafonné.

M. Audette (Sylvain M.) : Ici, c'est l'inflation.

M. Julien : O.K. Merci.

Le Président (M. Lemay) : Merci pour cet échange. Donc, sur ce, je passe la parole au député de l'opposition officielle, le député de Laval-des-Rapides. La parole est à vous.

M. Polo : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. En effet, vous avez mentionné... je vais prendre la même phrase sur laquelle a accroché le ministre, vous avez mentionné : La prévisibilité, c'est quelque chose qui était déjà là avec l'ancien régime. Je vous cite, là. Expliquez-vous... De quelle façon l'ancien régime amenait quand même ou utilisait quand même un aspect de prévisibilité? Parce que l'argument du ministre, à travers ce projet de loi là, c'est que le projet de loi n° 34, nécessairement, est basé sur une prévisibilité, de coller ça à l'inflation sur une base annuelle.

M. Audette (Sylvain M.) : Bon, les soubresauts tarifaires qu'il y a eu de manière exceptionnelle, on sait la raison, c'est en raison des appels d'offres éoliens qu'il y a eu, qui fait que les coûts d'approvisionnement... Le premier 6 milliards que je vous ai dit, le 6 plus 3, plus 3, là, bien, c'est celui-là qui a explosé en raison... Bon, je pense que c'est fini, ça, je pense que la CAQ... Je ne veux pas me prononcer là-dessus, mais je pense que la CAQ a dit : Bien, on va remettre ça en bémol pour le moment. Donc, il n'y a plus ce risque-là de créer cette pression à la hausse là.

Si on enlève cet élément-là, bien, on était toujours à l'inflation ou sous l'inflation quand on regardait l'historique 10 ans. Donc, le processus actuel permettait de s'assurer que les tarifs étaient justes et raisonnables, que le distributeur avait un rendement raisonnable et donc qu'ils étaient relativement prévisibles. Sans être complètement stables à 100 %, sans être un tarif plafond, c'étaient des revenus qui étaient plafonnés en fonction de discussions qu'il y avait sur une base annuelle, qui ne sont pas nécessaires sur une base annuelle, je le répète.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Merci. Vous avez également parlé du risque d'appliquer le modèle présenté, là, à travers le projet de loi n° 34. Pouvez-vous élaborer sur quels sont les risques associés à l'application du modèle du projet de loi n° 34?

M. Audette (Sylvain M.) : Un risque que les tarifs fixés ou plafonnés à l'inflation soient trop bas ou trop élevés, en tout cas deux choses : c'est que les clients vont se trouver à payer un tarif qui est trop bas parce que l'actionnaire a besoin de plus de revenus, et puis, à ce moment-là, ça serait un problème pour l'actionnaire, ou le contraire. Donc, le risque est autant pour l'investisseur que pour les clients.

Et comment on fait augmenter les tarifs? Bien, on investit davantage, on a un rendement plus élevé sur une plus grande base de tarification. S'il n'y a pas de ventes qui suivent puis qu'on fait de l'investissement, ça augmente les tarifs. Donc, ce risque-là, moi, ici...

Comprenez-moi bien, je ne veux pas dire qu'il ne faut pas aller de l'avant avec le projet de loi n° 34, ce n'est pas du tout ce que je recommande, je dis : Ce projet n° 34 là, c'est un tarif plafond. C'est une solution qui a déjà été essayée ailleurs. Pourquoi ne pas l'essayer au Québec? Mais mettons-nous des balises pour s'assurer qu'on va rester... on va respecter l'esprit de l'article 5 de la loi, qui dit qu'en bout de ligne il ne faudrait pas que ça dépasse, mettons, 11 % de rendement ou 10 %, et «dépolicer» ce débat-là pour dire : Bien, voici, dans ce temps-là ça va être automatique.

M. Polo : Parfait. Merci. Vous dites : Ça a déjà été essayé ailleurs, pourquoi ne pas l'essayer au Québec? Pouvez-vous identifier d'autres juridictions où ça a été essayé et peut-être élaborer sur l'applicabilité de ce processus-là?

M. Audette (Sylvain M.) : Bon. En ce moment, c'est appliqué en Alberta, notamment. Ce type de tarif plafond là a été essayé en premier... La réglementation, c'est né en Grande-Bretagne dans les années 50, là, et puis ils ont commencé à dire : Bien là, il y a du monde... il y a des monopoles qui abusent, puis on veut avoir le service public. Il faut se rappeler, c'est un service public, tout le monde paie indirectement cet élément-là. Donc, c'est là que ça a commencé.

Puis, à un moment donné, ils ont eu le même débat qu'on a ici, dans les années 60. Ils ont commencé à dire : Écoutez, ça n'a pas de bon sens, là, ça fait ça, il y a des causes tarifaires — ce n'était même pas à chaque année — puis là, aux trois ans, ça n'a pas de bon sens. Ça fait qu'ils ont dit : Il faut trouver une solution qui va alléger le processus réglementaire. Le premier réflexe qu'ils ont eu, c'est le réflexe de la loi n° 34 qu'on a ici, c'est de dire : On va plafonner les tarifs, parce que, politiquement, c'est bien, ça se vend bien.

Mais là, à l'usage, ils se sont rendu compte que ça peut créer un incitatif pas recommandable pour un service public. Parce qu'on se rappelle, l'idée d'un service public, c'est d'offrir le service public lorsqu'un client le demande, favoriser l'investissement. En échange, on garantit un certain rendement à l'investisseur. 8,2 %, c'est quand même bien — moi, je ne suis pas capable d'avoir ça — et c'est pour ça que ça attire les capitaux, puis c'est ça, le principe. Mais là, le tarif plafond, ils n'ont pas aimé ça. Ça fait que, là, ils ont inventé une autre technique, qui est plus complexe mais qui permet davantage de flexibilité et d'ajustements, qui était le revenu plafond, mais ils ont quand même utilisé une technique qui a fait un allègement réglementaire, qui était dans la loi avant mais qui a été retiré avec le projet de loi, ici.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Vous parlez de balises, vous faites référence à certaines balises, là, qu'on pourrait peut-être appliquer, ou ajouter, ou amender... amener sous forme d'amendement au niveau du projet de loi. Selon vous, quelle lecture vous faites de l'impact du décret de préoccupation du gouvernement face à l'indépendance de la Régie de l'énergie?

M. Audette (Sylvain M.) : Je vais vous demander de préciser la question, le...

M. Polo : C'est que, si Hydro-Québec, à l'intérieur d'une période...

M. Audette (Sylvain M.) : Ah! O.K.

M. Polo : Vous avez compris, là.

M. Audette (Sylvain M.) : N'importe quel décret de préoccupation, pas un spécifiquement?

M. Polo : Parfait. Oui.

• (12 h 10) •

M. Audette (Sylvain M.) : O.K. Un décret de préoccupation, bien, c'est écrit dans l'article 5 aussi : «En tenant compte des intérêts», tout ça. Bien, évidemment, c'est très bien, un décret de préoccupation, ça dirige le débat. Mais, en même temps, il y a un organisme externe qui regarde, dit : Bien, O.K., on prend le décret de préoccupation, mais il ne faut pas que ce soit rédigé de manière rigide pour qu'on balance toutes les bonnes pratiques ou les saines pratiques en réglementation tarification. Donc, un décret de... je pense que c'en prend, des décrets de préoccupation, je pense que le gouvernement devrait en faire davantage et je pense aussi que la régie devrait les écouter davantage. Bon, est-ce que le projet de loi peut s'assurer de ça? J'espère. Et je vous le répète, il y a des problèmes à la régie, là, mais il ne faut pas... il y en a qui utilisaient le terme «jeter l'eau avec le...

Des voix : Le bébé avec l'eau du bain.

M. Audette (Sylvain M.) : ...le bébé, du bain». Moi, j'ai appelé ça «tuer des moustiques qui achalent un peu Hydro-Québec avec un bazooka». Non, je pense qu'on peut avoir d'autres techniques.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : M. Audette, une des lectures qu'on fait au niveau de la problématique des trop-perçus au cours des dernières années, c'est que la problématique a été créée elle-même par Hydro-Québec, par la surévaluation de la croissance de ses coûts. Est-ce que vous faites la même lecture?

M. Audette (Sylvain M.) : Non, je n'irais pas jusque-là. Je dirais qu'Hydro-Québec se présente à chaque année et déposait ses coûts. En coûts de service, c'est... Le problème du coût de service, c'est que les distributeurs ont tendance à se présenter là en surestimant leurs coûts puis en sous-estimant leurs ventes pour essayer que la résultante de la division que je vous ai expliquée tantôt soit la plus élevée possible. Puis là ils savent très bien que, quand ils se présentent là, ce n'est pas ça que la régie va décider. Ça fait que, là, il y a ce jeu-là qui fait que c'est pour ça qu'on avait abandonné ces méthodes de coût de service là. Puis de faire une méthode de coût de service à chaque année, ça n'a pas de bon sens, là, tu sais, on s'entend. Mais c'est ça qu'il faut regarder, à ce moment-là.

M. Polo : J'ai une question pour vous, très précise : Est-ce que vous croyez que, comme expert en réglementation, la façon dont s'y prend le gouvernement pourrait entacher sa réputation auprès des marchés internationaux, notamment New York, et que certains opposants se servent de cela pour taxer le gouvernement d'ingérence dans la société d'État?

M. Audette (Sylvain M.) : Ma réponse est claire : Non. Je pense que c'est un distributeur qui a un droit exclusif dans un territoire donné au Québec, en Ontario. Je veux dire, les tarifs sont pour le territoire du Québec. Bon, est-ce que la loi de la concurrence, bien là, ça crée des tarifs trop bas puis quelqu'un pourrait s'en aller... Non, je pense... Difficilement, disons. Ça serait vraiment par la bande, mais, légalement, je vois mal...

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Dans ce cas-là, comment vous expliquez le fait que, si la société d'État, à l'intérieur de la période de cinq ans, pour un événement exceptionnel ou autre, doit passer par le gouvernement pour justifier une demande soit de hausse ou de rehaussement, là, du tarif... Comment vous interprétez ça, le fait que le gouvernement se place... que la société d'État doit demander, disons, permission de revenir voir le gouvernement pour lui demander permission?

M. Audette (Sylvain M.) : C'est le distributeur, hein, puis, je pense, le projet de loi ne touche pas au transporteur. Hier, il y a eu des débats. Bon, la FERC, elle se mêle plus du dossier de transporteur que de distributeur. Le distributeur, il s'en va à la régie, il dit : Écoute, voici mes coûts d'approvisionnement, 6 milliards. Voici la facture que je refile à... que HQT me refile, 3 milliards, puis le 3 milliards qui reste, c'est, là-dedans, avec ça qu'on travaille. Ça fait que le tarif qui sort de là, mettons qu'il y a des coûts de FERC... Non, ça, je ne vois pas pourquoi ça pourrait affecter. À ce moment-là, le bloc patrimonial... C'est ce qui se passe en ce moment. On a fixé, on n'a pas laissé le marché libre. Mais c'est peut-être plus ça...

Bien, écoutez, si vous voulez complètement déréglementer le marché, parce qu'on trouve que, là, Hydro-Québec a une position de force, tout ça, puis il utilise sa division non réglementée par la régie pour... Ça, on l'a vu qu'il y a eu des accusations là-dessus, mais là on est ici pour fixer un tarif chez le distributeur. Je vois difficilement pourquoi ça crée un problème.

M. Polo : Et vous avez parlé, peut-être, que la période de cinq ans était peut-être un peu trop longue. Vous êtes la deuxième personne à l'évoquer ici. Hier soir, le Conseil du patronat a également fait mention de cela. Peut-être élaborer sur, justement, pourquoi, selon vous, elle serait trop longue... d'Hydro-Québec, de retourner auprès de la régie et peut-être voir une période de trois ans.

Le Président (M. Lemay) : M. Audette, en vous rappelant qu'il reste environ 40 secondes.

M. Audette (Sylvain M.) : Bien, je ne sais pas... — vous m'avez coupé le sifflet, comme on dit. Cinq ans... C'est que le risque de dérapage est plus élevé plus la période est longue. Donc, si on fixe pour trois ans pour l'essayer puis s'assurer que ça fonctionne après trois ans, ça serait quand même quelque chose d'acceptable pour l'ensemble, puis qu'on l'essaie, on regarde ce que ça donne. Surtout, avec le trois ans, c'est de s'assurer qu'il y a un mécanisme de déraillement, qu'on appelle dans le jargon, qui nous dit : Bien, si jamais ça va trop haut, le rendement qu'Hydro-Québec donne, ou s'il est trop bas, automatiquement on arrête après un an ou deux ans.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Ceci complète ce bloc d'échange avec l'opposition officielle. Je cède maintenant la parole à la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup. J'ai 2 min 45 s, donc je vais aller rapidement. Merci, parce que vous avez réussi à simplifier quelque chose de complexe. C'est vrai, ça, c'est une meilleure simplification que le projet de loi parce que, dans le fond... Et vous reconnaissez dans votre mémoire que c'est légitime de vouloir simplifier la vie, si on veut, à Hydro-Québec, et vous amenez aussi des suggestions, mais que de jeter le bébé avec l'eau du bain, comme on a dit tantôt, ce n'est peut-être pas la solution, parce que l'objectif le plus important, c'est que, oui, Hydro-Québec ait des rendements raisonnables mais que les clients aussi paient le juste prix pour ce bien commun.

Et j'aurais aimé ça vous parler plus du risque de politiser le processus, mais je vais aller sur un aspect qui n'a pas encore été abordé, toute la question de la transition énergétique. Vous dites dans votre mémoire que le projet de loi n° 34 irait à l'encontre de cette transition, et on sait qu'actuellement le gouvernement est en train de faire des consultations pour l'électrification, justement. Donc, je voulais vous entendre plus là-dessus.

M. Audette (Sylvain M.) : Je ne sais pas si on dit exactement qu'on va à l'encontre d'une transition, on dit que ça risque de ralentir certaines décisions d'Hydro-Québec, donc combien ça coûte installer des bornes de recharge, par exemple, quelque chose de très, très... Mais ça, c'est des coûts. Donc, s'il y a des clients qu'eux autres, ils ont fait des analyses puis ils ont regardé s'il va y avoir des revenus, mais s'ils mettent plein de bornes de recharge, mais il n'y a pas de revenu, qu'est-ce qui arrive? Moi, comme actionnaire, je ne serai pas content. Aïe! je n'aurai pas les revenus, puis les tarifs vont être fixés, donc je vais perdre. Je ne ferai pas 8,2 %, je vais faire 7 %. Je ne sais pas ce que je vais faire.

Donc, vous voyez, ça, on l'essaie, on y va, puis, si jamais ça dérape, bien, on revient. Ou le contraire, on en installe, c'est plus qu'on pensait. Aïe! écoute, ça part, ça, après deux, trois ans, il y a plein de revenus qui arrivent. Bien, ça aussi, ça pourrait être un élément qui fait en sorte que ça peut détériorer tout le processus d'interfinancement entre les catégories de clients. Ces revenus-là vont aller où, des bornes de recharge? Dans la catégorie des clients résidentiels? Les clients commerciaux? Qui va utiliser ces bornes de recharge là? Ce débat-là doit avoir lieu quand même.

Mme Ghazal : Puis là, en ce moment, moi, ce que je comprends, dans le projet de loi, c'est qu'après cinq ans, si les clients sont perdants, bien là, c'est là que ça va se faire. C'est après cinq, ça va prendre cinq ans. Mais, par exemple, si Hydro-Québec... je vais l'amener comme ça au lieu de dire positif ou négatif, si Hydro-Québec ne fait pas assez d'argent, j'avais vu... dans une des recommandations, vous dites qu'il va y avoir un mécanisme pour qu'ils puissent... «déclencher [un mécanisme] de réouverture de la part d'Hydro-Québec pour ses actionnaires», et ça, ça ne se fera pas après cinq ans, si je comprends bien.

M. Audette (Sylvain M.) : Le problème qu'il y a dans ce projet de loi, c'est que c'est un mécanisme qui est seulement... c'est Hydro-Québec qui prend la décision d'écrire un rapport puis de l'envoyer au ministre. Tu sais, je veux dire, si Hydro-Québec voit que ça va bien, son affaire, puis que les revenus sont au rendez-vous, il ne va pas faire le rapport. Le problème, c'est qu'après cinq ans, si on veut voir les chiffres, on veut voir qu'est-ce qui se passe vraiment, bien, c'est que, là, il faudrait avoir un autre mécanisme qui ferait en sorte qu'on pourrait regarder cet élément-là. Et c'est là le risque politique. Je ne sais pas qui va être au pouvoir dans cinq ans, mais...

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Audet, c'est tout le temps qu'on avait avec la deuxième opposition. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Vous finissez sur une belle question, mais on n'embarquera pas là-dedans. Moi, je voudrais plus vous entendre sur... davantage sur votre évaluation, sur les 10 dernières années, quant à l'évolution des tarifs versus la courbe de l'inflation. Donc, est-ce que, si on recule il y a 10 ans... on sait que le monde de l'énergie change très rapidement et très fortement, surtout présentement, mais, sur 10 ans, si on regarde la courbe de l'inflation versus la courbe des tarifs par rapport à l'ensemble des clients, par rapport à l'ensemble des consommateurs, industriels, résidentiels, etc.

M. Audette (Sylvain M.) : Bien, on l'a dit, sauf quelques années exceptionnelles, on a toujours respecté l'inflation légèrement en bas, ce qui a occasionné des trop-perçus. Les années exceptionnelles ont été causées par des décisions politiques, c'est-à-dire qu'il y a eu... des équipements d'appel d'offres, souvent il y a de l'investissement qui se font. Donc, je pense que le processus actuel a quand même fait un travail qui était raisonnable, puis, quand on regarde les résultats, on voit que les tarifs bougent selon l'inflation. C'est sûr que c'est difficile...

M. Gaudreault : Est plus bas, est plus bas que l'inflation, c'est ce que vous avez dit.

M. Audette (Sylvain M.) : Pardon?

M. Gaudreault : Depuis les 10 dernières années, toujours un peu plus bas que l'inflation.

M. Audette (Sylvain M.) : Les tarifs?

M. Gaudreault : Oui.

M. Audette (Sylvain M.) : Les 10 dernières années, oui, parce que, lorsque... Bon, c'est sûr que la complexité, c'est, là... Si vous enlevez l'approvisionnement, donc si on regarde juste la distribution puis le transport, ça, ça a été plus pas que l'inflation. Donc, le 6 milliards a été plus bas que l'inflation, et l'autre 6 milliards, l'approvisionnement, a été plus haut que l'inflation à cause des décisions gouvernementales. Pourquoi ces deux éléments-là ont été plus bas que l'inflation? Parce qu'ils ont réussi à faire de la productivité et de l'efficience, et c'est ce qui a créé les trop-perçus.

M. Gaudreault : Donc, si on avait été collés à l'inflation, ça aurait été plus élevé, les tarifs auraient été plus élevés.

M. Audette (Sylvain M.) : Oui.

• (12 h 20) •

M. Gaudreault : Et est-ce que vous admettez que le projet de loi n° 34 retire, au fond, le processus de remboursement des trop-perçus en étant... C'est comme paradoxal, en étant collé à l'inflation, comme veut le faire le ministre, il n'y aura plus de procédé, comme il existe à l'heure actuelle, pour dire : Ah! là, il y a eu des écarts de rendement qu'on va réajuster après les plaidoiries d'Hydro-Québec devant la Régie de l'énergie. Donc, on vient retirer ce qui est le prétexte, soi-disant, de ce projet de loi, qui était de rembourser les trop-perçus.

M. Audette (Sylvain M.) : Oui, ce n'est pas en faisant... en fixant les tarifs avec un tarif plafond qu'on va éliminer le concept de trop-perçu, que je n'aime pas, je vous l'ai répété, c'est plus un écart par rapport à un rendement raisonnable, qu'on juge à 8,2 %, ou un autre. Donc, je vous dirais que, si on a une fourchette, je ne sais pas, moi, je suggère des chiffres dans le mémoire, entre 7 % et 10 %, puis qu'on laisse Hydro-Québec là-dedans sans faire de cause tarifaire, et, la population, on peut lui dire...

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Audette...

M. Audette (Sylvain M.) : ...que c'est raisonnable, on reste là-dedans.

Le Président (M. Lemay) : ...c'est ceci qui complète la période d'échange avec le troisième groupe d'opposition. M. Audette, je vous remercie pour votre contribution.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Lemay) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Et cet après-midi nous entendrons Bitfarms, l'Union des consommateurs ainsi qu'Option Consommateurs.

Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de Bitfarms ici présents. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Vous avez donc à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, ainsi que vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Bitfarms

M. Quimper (Pierre-Luc) : Donc, tout d'abord, je voudrais vous remercier de nous donner la chance de donner notre opinion sur le projet de loi. Donc, moi, mon nom, c'est Pierre-Luc Quimper. Je suis fondateur et président de Bitfarms. Je suis aussi fondateur et président de GloboTech, une compagnie qui était au tout début d'Internet, une compagnie qui faisait des centres de données, qui est toujours en activité aujourd'hui.

Donc, on est ici aujourd'hui pour parler de Bitfarms.

Le Président (M. Lemay) : ...présenter les membres qui sont avec vous.

M. Quimper (Pierre-Luc) : Pascal Cormier, qui est notre expert en énergie, puis Pierre-Olivier Charbonneau, qui...

M. Charlebois (Pierre-Olivier) : Charlebois.

M. Quimper (Pierre-Luc) : Charlebois, qui est notre avocat.

Donc, c'est ça, je vais présenter Bitfarms. Ça fait à peine deux ans qu'on existe au Québec. On a une croissance assez fulgurante, là, qu'on pourrait dire. On a investi, au Québec, 57 millions de dollars en même pas deux ans dans nos infrastructures. En ce moment, on utilise environ 41 mégawatts, qui est à peu près un tiers de notre projet qu'on voit pour le Québec. On donne environ 1,2 million par mois à Hydro-Québec, à Hydro-Sherbrooke, Hydro-Magog et en... On donne 1,2 million en énergie. Ça, comme je vous dis, c'est seulement un tiers de notre projet. Aussi, on a réussi à financer une étude avec l'ETS, une étude de recherche pour créer des applications qui... reliées à la chaîne de blocs, pour 1 million de dollars, qui est financée à 500 000 $ par Bitfarms et aussi 500 000 $ par le gouvernement fédéral.

Donc, quand on a décidé d'installer Bitfarms au Québec, quand on a fait l'exploration... Parce que notre industrie, c'est une industrie émergente, c'est une nouvelle industrie, donc il faut préparer bien le terrain. Donc, nous, ce qui est une de nos ressources essentielles pour notre entreprise, c'est l'énergie, comme tous les centres de données au Québec, comme Amazon et Google ont besoin d'énergie. Donc, Bitfarms, c'est la même réalité que tous les centres de données. Donc, quand on a fait l'exploration à travers le Canada, à travers les États-Unis, le Québec, on avait tous les ingrédients nécessaires pour développer cette entreprise-là, puis un des gros critères qu'on avait de besoin aussi, c'était la stabilité sur le tarif énergétique. Puis, ce tarif-là, nous, on avait spécifié... Puis on avait vu que la Régie de l'énergie était implantée, était déjà là pour, justement, être le régulateur en cause, où ce que justement on est dans une situation de monopole au Québec. Donc, nous, on était confiants que la Régie de l'énergie était là pour régulariser les prix et faire ses devoirs de régulateur.

Donc, après ce moment-là, quand on a décidé de s'installer au Québec, on a eu la chance de s'asseoir avec la haute direction d'Hydro-Québec dès le départ. Parce qu'à ce moment-là notre industrie n'était pas connue, donc on était plus en mode éducationnel. Hydro-Québec voulait savoir exactement pourquoi on avait besoin d'énergie. Donc, on leur a expliqué exactement que nous, on n'est pas plus différents qu'un centre de données. On est des centres de calcul, que nous, on dit, un peu comme des centres... C'est la même chose que des centres de données, là, c'est que...

Avec Hydro-Québec, nous, on voulait de l'énergie. Donc, Hydro-Québec nous ont mentionné des endroits stratégiques, au Québec, où ce qu'il y avait déjà des infrastructures existantes puis qu'ils allaient pouvoir nous desservir nos consommations d'énergie qu'on aurait besoin pour notre expansion au Québec. Donc, à ce moment-là, on a choisi certaines régions.

Tout allait bien avec Hydro-Québec, tout... Dans ces circonstances-là, ils étaient contents de nous vendre de l'énergie. Ils nous voyaient... Il y avait même un propre département qui était consacré aux «data centers» pour justement approcher les Amazon puis les Google de ce monde. Puis, à ce moment-là, il y avait des personnes, exactement, qui étaient dans le même département pour parler de la «blockchain».

Donc, il y a eu une ouverture. On leur a expliqué c'était quoi, notre modèle d'affaires. Ils ont compris qu'on était une compagnie canadienne, qu'on est cotés en bourse, qu'on est sérieux, qu'on fait nos devoirs, qu'on fait nos démarches, comme n'importe quelle entreprise qui s'installe dans une région.

Après ça, on a installé nos premières installations. Ça a bien été. Puis, l'année dernière, là, une de nos craintes, bien, qu'on avait envisagées, justement, pourquoi on avait le Québec... Hydro-Québec a fait une demande à la Régie de l'énergie pour essayer d'augmenter le tarif de 20 % seulement, spécifiquement pour notre industrie. Donc, c'est là qu'on a eu la chance d'aller à la Régie de l'énergie, faire des représentations pour, justement, lors... C'était plus un mode éducationnel à ce moment-là, parce que, comme je vous dis, personne ne comprenait c'était quoi, l'industrie. Donc, on a passé quelques jours à la régie à défendre nos points puis à leur expliquer que c'est une technologie émergente, c'est une technologie du futur, qu'il y a plein de banques, qu'il y a plein d'industries... plein d'autres compagnies qui sont en train de faire de la recherche puis de développer cette technologie-là qui va être utilisée au quotidien dans le futur. Donc, la régie nous a donné raison sur nos arguments. Donc, à partir de là, on s'est dit : O.K. On a le statu quo sur le tarif.

Donc, c'est pour ça aujourd'hui, un peu... En tant que président de Bitfarms, je suis un peu inquiet, parce que, si un problème comme ça est arrivé l'année dernière, puis avec le projet de loi actuel, je ne pense pas que ça se serait passé comme ça.

Donc, je crois que c'est vraiment important qu'un régulateur externe puisse justement vérifier les demandes qu'Hydro-Québec peut faire ou les demandes que nous, on peut faire. Donc, je crois que c'est vraiment important que la régie reste comme que c'est en ce moment.

Puis, comme je vous dis, Bitfarms, on a décidé de s'installer au Québec. Notre compagnie est cotée en bourse, toutes nos opérations sont au Québec. On a seulement le tiers de notre installation d'installé. On utilise 41 mégawatts, on donne 1,2 million à Hydro-Québec par mois. Tu sais, en même pas deux ans, je trouve qu'on a démontré qu'on est capables de faire beaucoup. Donc, c'est pour ça qu'on veut... Notre intention, c'est de rester au Québec. On veut développer au Québec, sauf qu'on ne veut pas vivre avec une incertitude comme qu'on vit en ce moment. Puis, comme on est une compagnie cotée en bourse, ce n'est pas bon pour... L'incertitude sur les marchés publics, ce n'est pas bon. Donc, c'est un peu ça que je voulais dire aujourd'hui.

Le Président (M. Lemay) : ...c'est très bien...

M. Charlebois (Pierre-Olivier) : Alors, je veux juste compléter...

Le Président (M. Lemay) : Oui, allez-y.

• (15 h 10) •

M. Charlebois (Pierre-Olivier) : Quelques points, de mon côté, au niveau du projet de loi n° 34 comme tel.

Alors, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, merci beaucoup de nous donner l'opportunité de se présenter aujourd'hui. Alors, je veux juste revenir sur quelques points en particulier, là, sur le projet de loi n° 34 comme tel.

Évidemment, il y a des modifications majeures qui sont proposées, dans ce projet de loi là, qui, comme M. Quimper l'a dit, inquiètent énormément l'entreprise. Du point de vue des consommateurs, on n'y voit essentiellement aucun avantage. Au contraire, il met en péril plus de 20 ans d'expérience de la Régie de l'énergie dans la régulation économique du secteur de l'énergie, de l'électricité plus en particulier.

Dans un premier temps, il existe un risque non négligeable que le gel tarifaire proposé jumelé à une baisse unitaire de distribution ferait en sorte d'augmenter les trop-perçus, ce qui serait contraire, justement, à la justification présentée par le gouvernement pour le projet de loi n° 34. À ce titre, la demande déposée par certains groupes de consommateurs dans le dossier 4100-2019 est très révélatrice. Ce seul aspect devrait être suffisant pour justifier le maintien du statu quo tant et aussi longtemps que le dossier sera étudié par la régie. D'ailleurs, la régie a reconvoqué les parties à une conférence préparatoire le 23 septembre 2019 à ce sujet-là.

Ensuite, l'indexation des tarifs d'électricité souffre d'une absence de lien causal entre l'indice de prix à la consommation et les principaux éléments du coût du distributeur. Ce manque de relation causale est contraire au principe réglementaire généralement appliqué dans la régulation de monopoles naturels dans le secteur énergétique. L'absence de contrôle par la régie sur plusieurs items composant le revenu requis du distributeur pendant des périodes de quatre ans redonne au distributeur l'avantage que lui procure sa situation monopolistique pour augmenter les tarifs à un niveau qui pourrait ne pas être juste et raisonnable, pour reprendre l'expression prévue à la loi sur la régie. Cette augmentation injustifiée pourrait affecter directement la compétitivité des entreprises québécoises et nuire au développement des secteurs émergents comme celui de la chaîne de blocs.

Par ailleurs, en retirant à la juridiction de la régie l'approbation des programmes commerciaux, le projet de loi n° 34 introduit un risque que le distributeur mette en place et adopte de nouveaux programmes commerciaux qui seront non rentables et auront nécessairement un impact à la hausse sur les tarifs. Et là-dessus un exemple assez évident est celui du programme commercial pour le mazout, qui a été refusé, qui a été rejeté par la régie. Et je trouve important de juste mentionner deux ou trois paragraphes de la décision rejetant le programme en question, qui disait : «En effet, lorsque les coûts d'un programme commercial sont supérieurs aux revenus qu'il génère, ce déficit se répercute par une hausse [sur les] tarifs d'électricité, supportés par l'ensemble des consommateurs, sans que ceux-ci bénéficient d'un avantage en retour.»

Le Président (M. Lemay) : M. Charlebois?

M. Charlebois (Pierre-Olivier) : Oui.

Le Président (M. Lemay) : On serait rendus à la partie d'échange avec les membres du gouvernement. Je vais céder la parole au ministre. Assurément que, dans ses questions, vous pourrez sûrement continuer à répondre. Mais, bref, la parole est maintenant rendue à M. le ministre.

M. Julien : Oui, merci, M. le Président. M. Quimper, grand plaisir de vous rencontrer ici aujourd'hui avec les personnes qui vous accompagnent.

Petite question très rapide : M. Charlebois, M. Cormier, vous avez déjà participé à la cause tarifaire à la Régie de l'énergie?

M. Charlebois (Pierre-Olivier) : Depuis les 15 dernières années, en ce qui me concerne.

M. Julien : Merci.

M. Cormier (Pascal) : Moi également, transporteur et distributeur.

M. Julien : Merci. M. Quimper, premièrement, merci, merci de vous présenter aujourd'hui, là, comme représentant, là, de Bitfarms. Très impressionné de voir ce que vous faites au Québec, là, avec vos implantations à Farnham, Saint-Hyacinthe, Cowansville, Sherbrooke, Magog, Bromont, Saint-Jean-sur-le-Richelieu. Donc, effectivement, là, une implantation au Québec, donc, on est très heureux de savoir ça. Puis probablement que cette implantation-là découle, naturellement, également d'un avantage concurrentiel par rapport à l'énergie renouvelable d'Hydro-Québec.

Une petite question rapide. Vous avez mentionné tantôt que vous craignez une modification des tarifs. Mais, quand même, ce que prévoit le p.l. n° 34, c'est qu'Hydro-Québec ne peut pas modifier les tarifs. Hydro-Québec peut demander au gouvernement l'autorisation d'aller à la régie pour... alors, le même processus, mais, en plus, il faut qu'il ait l'autorisation préalable, pour modifier un tarif. C'est-à-dire que, par rapport à la situation actuelle, qui prévaut, et celle préconisée dans le p.l. n° 34, je ne vois pas le risque que vous avez énoncé. Pouvez-vous m'expliquer en quoi vous observez ce qui est prévu dans le p.l. n° 34, vous, M. Quimper... Est-ce que ce risque-là est accentué?

Le Président (M. Lemay) : M. Quimper.

M. Quimper (Pierre-Luc) : La meilleure personne pour répondre, par exemple, ça va être M. Cormier.

M. Julien : O.K. M. Cormier.

M. Cormier (Pascal) : À notre compréhension, le projet de loi n° 34 inclut une modification de l'article 5 qui n'oblige pas la régie à avoir le même type d'examen tarifaire qui est fait présentement, avec une audience publique. Donc, la situation, selon notre compréhension, est différente de ce qui a eu lieu lors de l'étude du dossier 4045, là, pour le tarif spécifique à la cryptographie.

M. Charlebois (Pierre-Olivier) : Et donc, si je peux juste compléter, effectivement, lorsqu'on regarde le projet de loi n° 34, aux articles 48.3 et 48.4, le processus que vous expliquez est effectivement présent, donc le distributeur doit se présenter et demander la permission. Par ailleurs, à l'article 5, il n'y a rien qui prévoit que, dans ce cas-là, la régie doit tenir une audience publique, alors que le régime actuel prévoit qu'effectivement, lorsqu'on fixe ou modifie des tarifs, une audience publique doit être tenue.

M. Julien : Parfait. Je reviendrai sur M. Quimper, pour la prochaine question, encore. Comme dirigeant d'entreprise, un gel tarifaire pour l'an prochain avec une hausse à l'inflation pour les quatre prochaines années, qui est quelque chose de prévisible... D'aucuns diront : Oui, mais l'inflation peut être plus ou moins prévisible. Mais, à tout le moins, habituellement, la structure de coûts, il y a une logique puis, comme je le réitère, là, dans la hausse tarifaire des 15 dernières années, c'est reflété. Et après ça on a un «rebasing», on a un équilibrage qui se fait sur la même méthode que la cause tarifaire qu'on vit actuellement, aux 12 mois. Vous, comme entrepreneur, c'est quoi, le risque que vous voyez par rapport à cette prévisibilité-là?

M. Quimper (Pierre-Luc) : Bien, moi, le risque que je vois, c'est que, pendant quatre ans, la régie n'a pas eu un oeil sur les dépenses d'Hydro-Québec, donc peut-être que... Ou peut-être que, les quatre prochaines années, oui, on va être à un gel tarifaire, mais ça va être quoi dans la cinquième année? Donc, nous, c'est ça, notre grande inquiétude.

M. Julien : Parfait. Naturellement, il faut bien comprendre, M. Quimper, que le p.l. n° 34 prévoit, en réalité, un gel dans la première année, à l'inflation les quatre années suivantes. Donc, si l'inflation était constante sur la période de cinq ans, ce serait à peu près 80 % de l'inflation, la période, en inflation constante, là. Et après ça on retourne à la régie avec une cause tarifaire, avec le même processus, pour s'assurer qu'on ne s'est pas écarté de ce qu'aurait dû être autrement une tarification basée sur cause tarifaire.

Mais, quand vous dites, en réalité : On observe... comme je réitère, là, il y a une corrélation presque parfaite dans le passé, dans les 15 dernières années, par rapport à l'inflation, sauf qu'il y a des soubresauts, là, ça a déjà été trois fois, à peu près, l'inflation ou la moitié de l'inflation. Vous, là, comme entrepreneur, là, est-ce que c'est mieux, en fin de compte, d'avoir quelque chose qui est lissé ou quelque chose qui fluctue de manière momentanée par rapport à vos prévisions par rapport à vos coûts?

M. Quimper (Pierre-Luc) : Bien, moi, je serais plus à l'aise si c'était justement mes experts qui répondent à ça, c'est eux autres qui sont...

M. Julien : ...vos préoccupations qui nous intéressent ici, hein?

Le Président (M. Lemay) : M. Cormier, peut-être?

M. Cormier (Pascal) : Oui, juste pour répondre, étant... avoir rédigé le mémoire de Bitfarms, il est important de comprendre qu'est-ce qui détermine les tarifs. Les tarifs, c'est les coûts de service au distributeur. Ces coûts de service là sont 50 % des approvisionnements, 25 % des coûts de transport qui sont motivés, par exemple, par la mise en place de la ligne Chamouchouane—Bout-de-l'Île. Au moment de sa mise en place, sa mise en service, il y a un choc tarifaire, il y a un ajout, à la base de tarification, qui a un impact sur les tarifs. Ça, ça n'a rien à voir avec l'inflation, ça n'a rien à voir avec l'évolution des biens qui composent l'indice des prix à la consommation, comme qu'il y a dans le projet de loi.

Selon nous, selon l'information qui a été déposée à la régie pour l'année 2020, pour le 1er avril 2020, ce n'est pas un gel tarifaire qu'on devrait avoir, s'il y a un examen complet à la régie, mais bien une baisse tarifaire. Donc, pour Bitfarms, il y a définitivement un avantage à avoir une baisse tarifaire versus un gel.

Puis, pour ce qui est de l'avenir, vous avez parlé de la corrélation entre l'inflation passée puis les coûts de distribution qu'il y a, effectivement, depuis 15 ans, il faut avoir en tête que, malgré l'ajout de 1,8 milliard de frais liés aux approvisionnements postpatrimoniaux dans les dernières années, la régie a réussi à maintenir les augmentations au taux d'inflation.

Donc, si on regarde dans le futur, maintenant, on n'anticipe pas avoir des approvisionnements postpatrimoniaux au même titre... On est en surplus, tout le monde le sait. Donc, dans cette situation-là, on anticipe que la hausse des tarifs, si elle est régie dans le système statu quo actuel, va être inférieure à ce qu'on a vécu dans le passé, donc inférieure à l'inflation.

M. Julien : Donc, M. Cormier, je comprends que c'est une éventualité qui est plausible pour vous, et vous qui avez, en fin de compte, dans les 15 dernières années, participé aux causes tarifaires à la régie. Je reviens quand même sur des préoccupations spécifiques, parce qu'aujourd'hui on reçoit Bitfarms qui, en réalité, est une entreprise avec un besoin en énergie important. Là, je vois que vous avez, en fin de compte, bénéficié d'un tarif TDE. Est-ce que les tarifs d'hydroélectricité, au Québec, sont concurrentiels pour votre milieu d'affaires?

• (15 h 20) •

M. Quimper (Pierre-Luc) : Bien, ils sont concurrentiels, oui, mais, vous avez mentionné le TDE, le TDE, on ne l'a pas eu dans toutes nos installations. Comme je vous dis, on s'était assis avec la haute direction Hydro-Québec. Au début, c'est comme si on avait le tapis rouge, ils nous donnaient... on avait eu le TDE pour certaines installations, on avait eu... tout allait bien dans ce temps-là, à ce moment-là. Nos nouvelles installations ne sont plus au TDE. Oui, les tarifs, au Québec, sont concurrentiels, mais, le mot le dit, c'est concurrentiel : il y a d'autres provinces ou il y a d'autres places, en Amérique du Nord, que les tarifs sont beaucoup moins chers que le Québec. Mais, oui, c'est avantageux pour nous, mais on n'est pas le seul endroit qu'on aurait pu aller s'installer. Une des grosses raisons pourquoi je vous dis qu'on s'est installés ici, c'est que justement il y avait un régulateur qui vérifiait les prix.

M. Julien : Donc, quand vous dîtes : Une des bonnes raisons... puis ce ne sera pas long, après ça mon collègue va poser une question, mais une des bonnes raisons qui a fait que vous vous êtes installés au Québec, pour vous, c'est à cause de la présence du régulateur qui faisait, pour vous... Vous, là, qu'est-ce qu'il vous a permis, le régulateur, au cours des dernières années pour vous assurer, là, que c'était une bonne place au Québec?

M. Quimper (Pierre-Luc) : Bien, nous autres, on a vérifié l'historique, on a vérifié les augmentations que la régie avait accordées à Hydro-Québec. Dans la plupart des cas, c'est en bas de l'inflation, donc, pour nous, c'était un bon endroit pour s'installer. Donc, oui, c'était favorable.

M. Julien : Nous sommes très heureux que vous soyez installés au Québec. Mon collègue a une question.

Le Président (M. Lemay) : O.K., parfait, M. le député de Bourget, la parole est à vous.

M. Campeau : La première des choses, j'ai de la difficulté à comprendre, vous semblez avoir peur que le prix se mette à monter dans cinq ans. J'ai de la difficulté à voir ça, je veux juste voir si je comprends mal. Hydro-Québec, là, ce n'est pas comme si on ne les surveillait plus. Je suis sûr que M. Martel se sent surveillé à tous les jours par... de toutes sortes de façons. Puis l'idée, c'est que, par rapport au gouvernement, annuellement on leur demande d'être efficaces pour redonner au gouvernement un certain montant. Alors, ils sont surveillés, encadrés. Ils ont avantage à faire attention à leurs schémas de prix, et on vient de leur mettre un max en disant : Tu n'iras pas plus haut que ça, puis même, l'an prochain, un gel.

J'ai de la misère à voir, dans ces conditions-là, comment ça pourrait déraper. Que ça ne puisse pas baisser, je comprends, mais, peut-être, dans cinq ans, on va trouver qu'on a trop monté à peine, puis on va vouloir le baisser légèrement. Mais l'idée que ce soit prévisible, mon expérience comme... Dans des industries, normalement pour les entrepreneurs, c'est encore plus important, des fois, que le prix, la prévisibilité. Je veux juste vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

M. Cormier (Pascal) : Pour répondre à votre question, évidemment on y a beaucoup réfléchi dans les dernières semaines, malgré le temps imparti qui était assez court, avec la commission qui a été annoncée dernièrement. Premièrement, il faut comprendre la logique du projet de loi : c'est à l'inflation pour toutes les années où les revenus requis, nécessaires nécessitent des tarifs qui sont avec une hausse égale ou inférieure à l'inflation. Si, toutefois, pour une raison x, là, je ne sais pas, une crise du verglas, on a besoin d'investir davantage, un jugement qui dit que la ligne qui s'en va aux États-Unis doit être souterraine, par exemple, comme il y a eu au New Hampshire, ça, c'est un choc qui peut arriver, puis uniquement une captation au coût de service peut le capter.

Puis il faut comprendre que l'article 48.3 permet à Hydro-Québec... Parce qu'Hydro-Québec doit respecter l'article 24 de la Loi sur Hydro-Québec, c'est-à-dire de couvrir ses coûts. Donc, s'il y a une année que l'augmentation au taux d'inflation n'est pas suffisante pour couvrir les coûts, il va y avoir une hausse qui est supérieure à l'inflation. Donc, comme client, on n'est pas... ce n'est pas capé à l'inflation, si je peux m'exprimer en anglais, désolé, ce n'est pas plafonné à l'inflation, mais c'est plafonné à l'inflation à toutes les fois que le revenu requis est inférieur à ce qu'on a de besoin pour l'inflation, si je me fais bien comprendre. À chaque fois que le revenu requis, pour une raison qu'on ne contrôle pas, augmente, nécessairement il va y avoir une hausse tarifaire qui va passer par l'intermédiaire de l'article 48.3.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le ministre, allez-y.

M. Julien : Oui, mais j'entends ce que vous me dîtes, mais je ne suis pas du tout d'accord avec votre interprétation. C'est-à-dire qu'on réitère, là, notre volonté, nous, ici, dans le p.l. n° 34, c'est de donner de l'imputabilité à la société d'État en lui transférant le risque et sa performance. C'est-à-dire, dorénavant, là, ça va ressembler à ça, en réalité, là, vos revenus, c'est : gel, inflation, puis vous performez, contrairement à l'ancien système, il était 8,2 % de rendement attendu, puis, quand on se dégage, mais on... un écart de rendement positif ou négatif, le cas échéant. Mais ce que vous dîtes, là, c'est : À toutes les fois qu'il serait... que le besoin serait au-dessus de l'inflation, on va venir rétroagir pour donner une augmentation. Ce n'est pas du tout ça, la volonté. La volonté, c'est : dans des cas, en fin de compte — quand vous avez mentionné la crise du verglas — où on conviendrait tous qu'il y a une situation qui nécessite un geste, on veut quand même se donner la possibilité de le faire. Mais de prétendre que ce serait fait... quand ce serait bon, on n'en dirait pas un mot puis, aussitôt que ça serait un peu mauvais, on interviendrait... bien non, bien non, vous le savez aussi bien que moi.

M. Cormier (Pascal) : La mécanique, elle est là. S'il y a une possibilité...

M. Julien : La possibilité de...

M. Cormier (Pascal) : ...de demander au gouvernement...

M. Julien : Mais ce n'est pas l'esprit qu'on en a, et ici, publiquement, je le dis, là, ce n'est pas l'esprit qu'on en a. Ça, c'est faire accroire aux gens, là, des craintes qui n'existent pas. Puis j'aime bien M. Quimper, parce qu'il est ici, en fin de compte, pour nous donner des doléances par rapport à son industrie. Les doléances que j'entends, moi personnellement, là, c'est qu'Hydro-Québec ne lui a pas donné certains tarifs puis qu'il aurait bien aimé les avoir. Puis j'entends bien ça. Pour moi, c'est une préoccupation que, comme entrepreneur chez Bitfarms, je dis : Bien oui, tabarnouche! Parce qu'il amène, en fin de compte, du développement économique.

Mais, aussitôt qu'on rentre dans les détails techniques, c'est vous, et votre acolyte, qui, en fin de compte, nous dites un peu ce qu'on a déjà entendu par d'autres groupes hyperspécialisés, mais qui ne sont pas du tout entrés dans les préoccupations de M. Quimper. Je trouve ça particulier.

M. Cormier (Pascal) : Je vous répondrais rapidement par le fait que les interventions passées, les demandes, généralement, qui ont été faites à la régie par Hydro-Québec... La régie joue un rôle d'arbitrage. Il y a la position d'Hydro-Québec, il y a la position des intervenants, les clients qui paient, Hydro-Québec qui offre un service à un prix x. La régie arbitre entre les deux. Généralement, la hausse tarifaire est inférieure à ce qui est demandé, parce que c'est basé sur une étude qui a été complexe, basé sur le coût de service, qui n'est pas si simple que l'inflation. Je vais vous donner un exemple : il y a une sécheresse en Californie, l'indice des prix à l'inflation monte, il n'y a aucun contrôle, aucune causalité avec l'évolution du coût d'Hydro-Québec.

M. Julien : Je comprends bien ce que vous me dites, mais vous faites encore un parallèle qui n'est pas le parallèle qu'on veut, en fin de compte, démontrer ici. La courbe supérieure, qui est l'augmentation des tarifs sur 15 ans, qui donne 132,6 sur une période de 15 ans, pour 100 $ en 2003, versus l'inflation à 128,4, augmentation tarifaire, inflation, ça, ce n'est pas la demande qui a été faite par le distributeur. Ça, c'est le tarif qui a été accordé par le processus de la régie.

Alors, quand vous me dites : Le distributeur demande toujours plus, oui, mais ici on compare, puis on dit que c'est supérieur à l'inflation, historiquement, puis on dit que la régie, aux cinq ans, va revenir faire la cause tarifaire. Encore là, vous nous parlez des demandes du distributeur. Ça, ici, ce n'est pas les demandes du distributeur, c'est ce qui a été effectivement accordé par la régie suite à vos doléances continues, année après année, au processus de cause tarifaire. Ça a été plus fort que l'inflation.

M. Cormier (Pascal) : Comme j'ai expliqué, c'est un historique, donc ça représente l'évolution du coût de service effectif, réel pour desservir la population, la sécurisation du réseau, ce qu'Hydro-Québec appelle la fiabilité. C'est des événements passés.

Là, nous, si on regarde par en avant, on se rend compte qu'il n'y aura pas de choc tarifaire à la hausse lié aux approvisionnements, on se rend compte que les investissements, par exemple, pour intégrer la Romaine... Trois centrales sur quatre ont déjà été intégrées. Donc, il y a beaucoup des gros investissements qui ont eu des impacts à la hausse sur les tarifs, et, malgré ces gros impacts là, la régie a su maintenir et même aller en deçà des demandes d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Lemay) : Bon, merci beaucoup, M. le ministre...

M. Julien : ...

Le Président (M. Lemay) : M. le ministre, désolé, on est arrivés au temps pour la partie gouvernementale. Je cède maintenant la parole à l'opposition officielle. M. le député de Laval-des-Rapides, la parole est à vous.

M. Polo : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Je vais le dire ouvertement, ici, là : On reçoit des invités, M. le ministre... Non, on reçoit des invités et on peut, on peut... on va se parler correctement, là, on peut ne pas être d'accord, ou pas, avec ce que nos invités... J'ai eu hier la même réaction que vous face à un autre groupe, O.K., et vous avez été témoin. Mais, dans ce cas-là, je me suis adressé à la présidence. On a des invités, il faut avoir un minimum de respect, il ne s'agit pas ici d'un tribunal.

M. Julien : M. le Président, je ne pense pas avoir manqué de respect envers personne ici aujourd'hui.

Des voix : ...

Le Président (M. Lemay) : Excusez-moi. Merci à tous. Le député de Laval-des-Rapides, je comprends votre point. Effectivement, on s'adresse à la présidence lorsqu'on discute dans les travaux, et c'est comme ça qu'on va avoir des échanges respectueux envers toutes les personnes qui sont ici, incluant nos témoins. Et c'est les attentes que j'ai envers cette commission.

M. le député de Laval-des-Rapides, si vous voulez poursuivre avec une question envers nos témoins, il n'y a pas de problème.

• (15 h 30) •

M. Polo : Merci. Merci beaucoup. Merci, MM. Quimper, Charlebois et Cormier, merci pour vous être déplacés et de nous avoir soumis votre mémoire. J'aimerais commencer par vous relancer sur certains des sujets qui ont été évoqués par le ministre, là, dans son temps de parole, notamment au début de la page 17, juste avant la conclusion, la dernière phrase, où vous mentionnez que, «sans le processus d'audiences publiques et sans l'intervention de la régie dans la fixation [des prix] des tarifs d'électricité, il existe un risque sérieux que les tarifs soient établis à un niveau supérieur à celui du coût de service, introduisant ainsi une distorsion dans le marché au détriment de l'ensemble des consommateurs». Vous parlez de risques. Quels sont les risques que vous anticipez? Là, on le comprend, là, que ça soit supérieur, mais de quelle façon ça pourrait affecter, bien sûr, votre entreprise, votre secteur, votre industrie, notamment? Et je commencerais par là.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Quimper.

M. Quimper (Pierre-Luc) : Bien, nous, comme je vous dis, je suis un entrepreneur, donc c'est carrément ma rentabilité. Ma rentabilité, comme qu'on est dans une industrie qui est dans l'émergence, c'est beaucoup d'investissements pour la recherche et développement, comme qu'on a fait avec l'ETS, c'est beaucoup d'investissements. On est une start-up, donc, tous les profits qu'on génère, on les réinvestit. Donc, s'il y a à gruger dans cette partie-là, ça va être moins d'investissements, ça va être moins d'installations au Québec puis ça va être moins d'emplois qu'on va créer ici.

M. Charlebois (Pierre-Olivier) : Et, peut-être, si je peux compléter, je pense qu'un des bons exemples de risque pour cette industrie-là est certainement le dossier R-4045-2018, dans lequel nous sommes toujours actuellement, d'ailleurs, et dans lequel nous sommes depuis les 18 derniers mois, où, essentiellement, le distributeur s'est attaqué de front à ce secteur-là, au secteur de la chaîne de blocs, qui a tenté de lui imposer une majoration, un encan tarifaire avec une majoration de 0,01 $ le kilowattheure au-delà du tarif LG. Et donc on s'est attaqué directement à cette industrie-là, on a tenté de maximiser des revenus du distributeur en utilisant des outils tarifaires. On s'est présentés devant la Régie de l'énergie, et la régie, après la tenue d'une audience publique complète, lors de laquelle il y a eu plusieurs intervenants qui se sont présentés, dont nous, évidemment, la régie est arrivée à la conclusion, a conclu que ce que demandait le distributeur était discriminatoire, était à l'extérieur du cadre réglementaire, ne respectait pas les principes réglementaires généralement reconnus et a donc rejeté la proposition du distributeur.

Donc, si on se retrouve dans un contexte où on se laisse aller au bon vouloir du distributeur et on retire la compétence, la juridiction de la régie sur ce type de demande tarifaire là, on va se retrouver devant un risque très, très important. Parce que, si la régie n'avait pas eu ce contrôle-là, bien, essentiellement, l'industrie de la chaîne de blocs se serait retrouvée à payer 20 % de plus qu'un consommateur industriel ayant exactement le même profil de consommation.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Charlebois. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Ce que vous dites, c'est que vous n'auriez eu aucune forme d'appel suite à la décision du distributeur, à ce moment-là?

M. Charlebois (Pierre-Olivier) : En fait... Non, exactement, parce que nous n'aurions pas eu accès à la régie dans ce contexte-là.

M. Cormier (Pascal) : Et je dois ajouter que la régie a appliqué des règles qui sont appliquées dans toutes les régies en Amérique du Nord, que ça soit la tarification des pipelines à Calgary ou dans les autres provinces voisines. C'est-à-dire, c'est au coût de service. Ils ont déterminé que la hausse tarifaire n'était pas justifiée par rapport au coût de desservir ces clients particuliers là. Donc, c'est des principes de base qui ont été appliqués malgré un décret gouvernemental. Donc, il y avait une loi, ils ont respecté la loi, puis ça a démontré l'importance d'avoir un organe indépendant pour pouvoir répondre aux besoins des entreprises. Puis ça, ça envoie un bon signal aux investisseurs partout dans le monde pour dire : Au Québec, c'est indépendant et c'est stable. Et c'est particulièrement vrai dans le cas où l'actionnaire principal du distributeur est le gouvernement.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Cormier. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Depuis combien d'années, Bitfarms, vous êtes installés au Québec? En quelle année?

M. Quimper (Pierre-Luc) : En 2017.

M. Polo : 2017, O.K.

M. Quimper (Pierre-Luc) : 2017, puis, pendant tout le processus de la Régie de l'énergie, là, on avait mis le bouton sur pause puis on ne développait plus rien au Québec. On attendait de voir c'était quoi qui allait sortir de tout ça. Ça fait que, si on avait eu ce moment-là, à mon avis, on aurait plus gros aujourd'hui.

M. Polo : Lors d'une des questions du ministre, il vous présentait son tableau, là, de la corrélation entre l'inflation et l'augmentation des tarifs, là, au cours de 15 dernières années, là. Ceci dit, si le projet de loi n° 34 avait été mis en place il y a quatre ans, disons, O.K., est-ce que Bitfarms aurait pris la décision de s'installer au Québec?

M. Quimper (Pierre-Luc) : Comme je vous dis, c'était un des gros critères de venir s'installer ici, à cause qu'il y avait le régulateur qui vérifiait ça. Mais je ne peux pas répondre, mais, probablement, ça aurait été un gros facteur qu'on n'aurait peut-être pas installé au Québec. On avait d'autres options, puis ça, comme je vous dis, c'était un des gros facteurs, parce qu'on se disait que c'est un régulateur externe qui va justement être le «watchdog» pour nos industries, pour les industriels au Québec. Donc, oui, c'était un des critères importants.

M. Polo : C'est drôle parce qu'hier, effectivement, il y avait une association qui représente de la transformation alimentaire qui mentionnait, justement, le fait que l'instabilité ou, si on peut dire, le manque de régulation générait, justement, peut-être une insécurité ou repoussait des investissements étrangers. Et, notamment, un des exposants donnait l'exemple d'une entreprise qui a considéré longtemps le Québec, puis finalement a décidé d'aller en Ontario, compte tenu qu'il y avait cet élément-là qui était, notamment, un facteur. Et donc voilà.

Plus loin, au début de votre conclusion, vous dites... vous reparlez du risque, vous reparlez du R-4100-2019, mais vous faites aussi, au paragraphe suivant, une référence au manque de relation causale entre l'indice des prix de la consommation et les principaux éléments du coût du distributeur. Peut-être élaborer sur ça, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lemay) : M. Cormier.

M. Cormier (Pascal) : Ce qu'on voulait exprimer par ça, c'est que, comme je l'ai expliqué tantôt, ce qui compose l'indice des prix à la consommation, c'est un panier de biens, que ce soit le pétrole... Là, il y a une crise en Arabie saoudite, là, qui commence à se développer, on perçoit qu'il y a un petit peu d'instabilité, ça peut avoir un impact à la hausse sur les prix du pétrole. Ça n'a rien à voir avec les approvisionnements qui rentrent dans les livres d'Hydro-Québec. Donc, c'est à ce niveau-là qu'on disait qu'il n'y avait pas de lien causal.

Tandis qu'une étude qui est faite devant une régie indépendante, c'est basé sur le coût de service, qui est un principe de base qui existe depuis... J'ai regardé, là, j'ai été faire une formation en Afrique, le gaz naturel est réglementé de cette façon-là depuis les années 30. C'est un monopole qui a l'avantage de ne pas avoir de compétiteurs, mais le coût, c'est d'être réglementé, pour essayer de répliquer, protéger les consommateurs de cet avantage monopolistique là. Donc, c'est pour ça que, d'aller à l'inflation, on déroge de la logique du coût de service. Ça se peut qu'il y ait des baisses de tarifs, ce n'est pas nécessairement des hausses à l'inflation, là. Donc, c'est dans ce...

M. Polo : Allons plus loin dans votre argument. Quels sont, selon vous, là, les dangers ou les dérapages possibles de ne plus assujettir un monopole à un contrôle comme la régie, tel qu'on le constate actuellement, tel qu'on le vit depuis des années, ça veut dire une révision annuelle? Quels seraient, selon vous, certains dérapages, soit pour vous, votre client ou votre industrie?

M. Cormier (Pascal) : Je vais vous donner un exemple. Dans le mémoire, il y a un graphique avec les prix industriels dans différentes juridictions historiques, puis on voit que le tarif L a monté avec un taux de croissance similaire à ce qu'il y a au Manitoba, qui était plus bas, en passant, que le Québec. Ce n'est pas juste le Québec qui a des tarifs industriels bas. Il y a l'État de New York qu'on voit une baisse importante.

Ça fait que, toutes choses étant égales par ailleurs, si on anticipe qu'aller à l'inflation... Compte tenu de ce que je vous ai dit plus tôt, à l'effet qu'il n'y a pas de nouvel approvisionnement qui s'en vient, on anticipe des hausses tarifaires régulées qui seraient moins importantes que dans le passé, compte tenu de ce fait-là, nous, on pense que la situation concurrentielle des tarifs au Québec va être affectée négativement. Parce que, toutes choses étant égales par ailleurs, les autres vont continuer à réglementer leurs tarifs de distribution à l'inflation... pas à l'inflation, excusez-moi, au coût de service, comme c'est fait dans toutes les régies en Occident, donc c'est un risque important d'avoir... puis ça incite les... ça donne aussi un mauvais signal aux entreprises de savoir qu'au Québec l'électricité est réglementée à l'inflation. Les gens disent : Hum! C'est bizarre, c'est la seule place que je vois que c'est comme ça.

M. Charlebois (Pierre-Olivier) : Si je peux juste compléter sur ce sujet-là, un autre dérapage potentiel, on a peu parlé des programmes commerciaux et des investissements, aussi, donc on retire de la juridiction de la régie l'adoption et l'approbation de ces programmes-là. Et je voulais juste revenir sur la décision, tantôt, que je vous citais, et le paragraphe 40 est intéressant, cette décision-là où la régie rejetait le programme de conversion, disait : «Le législateur se soucie du risque qu'un distributeur en situation de monopole profite de cette situation dans son marché, et ce, à l'encontre des intérêts de ses consommateurs. Il est d'ailleurs explicite à cet égard : en vertu de l'article 74 de la loi, la régie doit tenir compte de la rentabilité de ces programmes en considérant leurs impacts sur les tarifs.» Et donc, si, littéralement, on retire...

Le Président (M. Lemay) : M. Charlebois... M. Charlebois, simplement, il reste 30 secondes. M. le député de Laval-des-Rapides, allez-y.

M. Polo : Ce matin, le premier ministre disait en point de presse que, pour un homme d'affaires, c'est important qu'il y ait un facteur de prévisibilité. Est-ce que vous, pour... En tant qu'entrepreneurs, le facteur de prévisibilité, tel que présenté dans le projet de loi n° 34, est-ce que c'est un avantage ou est-ce que c'est un risque?

M. Quimper (Pierre-Luc) : Si on le prend globalement, pour nous, c'est un risque, comme j'ai expliqué.

M. Cormier (Pascal) : Juste pour clarifier : selon nous, la prévisibilité du revenu requis est pas mal plus facile à établir, compte tenu de l'information disponible à la régie, que la prévisibilité du taux d'inflation.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Cormier. Donc, ceci complète la partie avec l'opposition officielle. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Alors, je demande le consentement pour obtenir le temps laissé...

Le Président (M. Lemay) : ...par l'opposition?

Des voix : Consentement.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Lemay) : Consentement. Allez-y, M. le député de Jonquière, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Donc, si je résume votre pensée... D'abord, bonjour. Merci. Merci d'être ici. Si je résume votre pensée, vous dites : Hydro-Québec a toujours de la difficulté ou plaide toujours difficilement devant la régie. Souvent, elle perd dans ses demandes tarifaires ou... pour vous permettre d'avoir des tarifs qui permettent d'établir votre industrie. On pense à la cause R-4045-2018, vous citez aussi la cause R-4100-2019. Donc, ils ont trouvé le moyen de by-passer la régie par le projet de loi n° 34.

M. Cormier (Pascal) : Les exemples que vous venez de mentionner sont des exemples du fonctionnement d'une bonne régie. Il y a un monopole. Lui, son travail, c'est d'amener des revenus à son actionnaire, donc, avec le moins de soucis possible, avec le moins de difficultés. Et la régie, comme je l'ai mentionné, est là pour répliquer à un marché, s'assurer que les prix se rapprochent d'un prix un petit peu plus compétitif qu'un monopole qui peut décider d'emblée quels tarifs imposer.

M. Gaudreault : Mais vous dites quand même, en haut de la page 17 : «Sans le processus d'audiences publiques et sans l'intervention de la régie dans la fixation des tarifs, il existe un risque sérieux que les tarifs soient établis à un niveau supérieur à celui du coût de service...» Donc, Hydro-Québec va avoir davantage champ libre, avec une adoption du projet de loi n° 34, pour justement établir des niveaux supérieurs qui pourraient nuire à votre industrie.

M. Cormier (Pascal) : Effectivement. C'est particulièrement vrai dans une situation où on anticipe que le revenu requis va croître de façon moins importante que dans le passé, tandis que, l'inflation, on n'a aucune raison de penser que ça va être, en moyenne, différent. Et c'est très difficile à prévoir. Donc, on peut imaginer que ça ressemble aux taux d'inflation qu'on a eus dans le passé.

M. Gaudreault : Votre industrie est très présente, impliquée au niveau international. Ça doit être assez féroce comme compétition. Selon votre expérience... c'est peut-être M. Quimper qui peut nous renseigner là-dessus, ou d'autres, est-ce que, selon votre expérience, selon votre connaissance, il y a des systèmes comparables à ce que veut implanter le ministre, avec le projet de loi n° 34, ailleurs dans le monde?

M. Quimper (Pierre-Luc) : Pas à ma connaissance, non.

M. Gaudreault : Il y a toujours un régulateur à quelque part ou un système semblable à la Régie de l'énergie.

M. Cormier (Pascal) : Je vais vous donner un exemple. En Ontario, les causes tarifaires d'Hydro One sont aux deux ans. Elles ne sont pas aux années comme au Québec. Toutefois, c'est aux deux ans au coût de service. C'est une prévision du coût de service sur les deux prochaines années. C'est la même logique, la même mécanique qui se fait présentement au Québec, mais sur deux ans. Donc, oui, il y a des différences, mais cinq ans...

M. Gaudreault : ...sur le principe, il y a un régulateur.

M. Cormier (Pascal) : Non, je n'ai jamais vu de... Avec les recherches que j'ai faites, je n'ai jamais vu de détermination de tarifs, actuellement, là, dans ce qui se passe en ce moment, qui est basée sur autre chose que le coût de service.

M. Gaudreault : Écoutez, je lance une perche, vous me direz si je suis dans le champ. Concernant les relations, par exemple, sur les marchés, avec les Américains, entre autres, on sait que la FERC, du côté des États-Unis, est très puissante, a signé des ententes avec le Québec, avec le Canada, entre autres sur la fiabilité du système. Il y a eu des causes historiques, dans le passé, là, sur la question de la fiabilité du système, entre autres après... j'allais dire le déluge, là, mais le verglas de 1998, bon, et ainsi de suite, les grandes... il y avait une mégapanne, là, de l'ensemble du Québec, je ne me souviens plus en quelle année. Parce qu'on sait qu'en même temps Hydro-Québec TransÉnergie est exclue du projet de loi n° 34, on pense à Hydro-Québec Distribution. Est-ce que néanmoins on peut penser que... ou anticiper des interventions de la FERC du côté des États-Unis à la suite de l'adoption d'un projet de loi n° 34, sur la base du libre marché, par exemple, ou des règles?

M. Cormier (Pascal) : Il faut remettre en contexte. En 1996, dans la politique énergétique du gouvernement, il était mention que le gouvernement avait l'intention de demander à Hydro-Québec de demander un permis pour transiger aux États-Unis, puis effectivement une des obligations, entre autres, c'est que son réseau de transport soit accessible à tous, on appelle ça un «open access» en anglais, et aussi qu'il y ait un marché de gros pour que les producteurs américains puissent également vendre à des clients au Canada, donc ce qu'on appelle la réciprocité. Et ces conditions de réciprocité là doivent être... Et la FERC a reconnu le rôle de la régie, a mentionné les changements législatifs qui avaient eu lieu en 1996, de mémoire, là, 1996 ou 1997, puis ils ont reconnu l'indépendance de la régie, qui, selon la FERC, avait pratiquement le même pouvoir que la FERC elle-même.

Donc, à notre avis, le projet de loi n° 34 fait en sorte que, par exemple, les approvisionnements du distributeur... En ce moment, à chaque année, les approvisionnements du distributeur sont évalués à la régie. C'est public, tous les... on peut savoir quel fournisseur a fourni quel contrat. Puis il y a une dispense d'aller en appel d'offres, puis cette dispense-là de la régie était particulièrement intéressée à savoir est-ce que ça va tout à l'affilié, parce qu'on sait qu'Hydro-Québec, c'est un des fournisseurs d'Hydro-Québec Distribution, Hydro-Québec Production.

Donc, là, il va y avoir un quatre ans de boîte noire où on ne saura pas qu'est-ce qui se passe là-dedans.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Cormier, M. Quimper, M. Charlebois, merci de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends maintenant les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Union des consommateurs de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 46)

(Reprise à 15 h 48)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Union des consommateurs, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et ensuite procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Union des consommateurs (UC)

M. Décary (François) : M. le Président de la commission, M. le ministre, MM., Mmes les députés, mon nom est François Décary, je suis président de l'Union des consommateurs. J'ai à ma droite Mme France Latreille, directrice de l'Union des consommateurs, et Mme Viviane de Tilly, analyste en énergie à l'Union des consommateurs. C'est vraiment un plaisir d'être ici, puis merci de nous avoir invités.

L'UC est un regroupement d'associations de consommateurs partout au Québec. On a 11 membres, qui couvrent des régions comme Laval, Chaudière-Appalaches, Bas-Saint-Laurent. En fait, nos associations de consommateurs rencontrent des centaines de familles et d'individus aux prises avec des problématiques de paiement, notamment avec Hydro-Québec, puis on conclut des milliers d'ententes par année pour eux et avec eux.

L'UC porte un très grand intérêt, l'Union des consommateurs porte un très grand intérêt aux enjeux énergétiques, notamment la fixation des prix, à l'interfinancement, au traitement des plaintes et aux ententes de paiement. Évidemment, l'Union des consommateurs travaille beaucoup avec des ménages qui ont des faibles revenus puis qui ont des situations d'endettement préoccupantes.

• (15 h 50) •

L'Union des consommateurs a de sérieuses réserves par rapport au p.l. n° 34, le projet de loi n° 34. On note aussi que l'ensemble des associations de consommateurs émettent des réserves puis sont craintives, que ce soit Option Consommateurs, qui va présenter après nous, puis la Coalition des associations de consommateurs également.

L'Union des consommateurs croit fondamentalement que les mécanismes qui favorisent l'indépendance et la transparence sont garants d'une meilleure gouvernance et de choix plus réfléchis. On va en faire des exemples plus précis. D'ailleurs, c'est ce qu'on voit partout, aussi, quand on parle de bonnes pratiques de gouvernance, que ce soit la responsabilité sociale des entreprises, on invite les entreprises à mieux divulguer, à plus divulguer, puis à mettre en place des mécanismes qui vont permettre une plus grande transparence, avec des indicateurs qui sont normés.

L'Union des consommateurs n'est pas convaincue que le projet de loi n° 34 sera plus avantageux pour les consommateurs résidentiels que le statu quo.

Puis enfin l'union des... C'est facile de dire que l'Union des consommateurs a des grandes réserves puis est craintive par rapport au projet de loi n° 34, mais on souhaite aussi vous proposer des mesures alternatives. Ça fait qu'on va faire preuve de pragmatisme aussi, puis je pense que le gouvernement actuel aussi a fait preuve de pragmatisme dans sa façon de gouverner depuis son élection, ça fait que nous aussi, on voulait vous proposer des mesures qui pourraient atténuer certains des défauts qu'on a notés par rapport au projet de loi n° 34.

Ça fait que merci de nous recevoir, je vais laisser la parole à Mme France Latreille.

Mme Latreille (France) : Bonjour. La Régie de l'énergie a été instaurée en 1996 par l'adoption du projet de loi n° 50. Ce projet de loi répondait aux attentes des participants du débat public sur l'énergie en donnant à la régie plein pouvoir pour réglementer la production, le transport et la distribution d'électricité dans une perspective de développement durable.

Le vaste débat d'idées de l'époque avait permis de poser un regard très critique et très sain sur le conflit d'intérêts dans lequel se trouvait le gouvernement dans son rôle d'actionnaire d'Hydro-Québec. On peut lire dans le rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie au Québec que l'on reprochait au processus qui était en place de ne pas permettre un véritable examen des demandes de modification tarifaire déposées par Hydro-Québec, de ne pas autoriser une authentique participation du public, et surtout de placer le gouvernement en conflit d'intérêts potentiel, puisque l'État défenseur de la collectivité peut être tenté, dans ses décisions, de privilégier les intérêts de l'État actionnaire ou même d'y introduire des considérations purement politiques.

Or, depuis 1996, les gouvernements qui se sont succédé à l'Assemblée nationale, tous partis confondus, ont lentement mais sûrement érodé les compétences et champs d'action de la régie et introduit des considérations purement politiques. La régie n'est désormais plus qu'un pâle reflet de ce qu'elle était auparavant. À la page 7 de notre mémoire, vous pouvez voir les six lois qui, au fil des années, ont réduit les pouvoirs de la régie, traduisant des interventions directes du gouvernement ou contrecarrant l'opposition d'intervenants qui soutenaient les intérêts des consommateurs québécois.

Force est de constater que la régie de 2019 n'a déjà plus rien à voir avec celle de 1996. Avec le projet de loi n° 34 qui soustrait à l'analyse, par la régie, les projets d'investissement, les programmes commerciaux et les hausses tarifaires, le gouvernement met non seulement toute sa confiance en Hydro-Québec, mais renonce à un exercice de validation des propositions d'Hydro-Québec alimenté d'une variété de points de vue reflétant l'intérêt public.

Selon notre organisme, le projet de loi n° 34 contredit la raison d'être de la régie, qui assurait la fin des interventions du gouvernement dans la gestion d'Hydro-Québec. C'est la raison pour laquelle nous recommandons au gouvernement de ne pas adopter le projet de loi n° 34, mais plutôt de redonner à la régie les compétences que lui conférait la loi votée en 1996.

Si le projet de loi n° 34 était adopté par le gouvernement, les tarifs d'électricité de l'année 2019-2020 auront été les derniers à être fixés par la régie à la lumière d'une analyse des revenus et dépenses d'Hydro-Québec Distribution, incluant les projets d'investissement et les programmes commerciaux. En outre, le projet de loi n° 34 anéantit des années de travaux réglementaires, d'audiences, de réflexion et d'implantation de mécanismes de rendement incitatif et sonne le glas du mécanisme de traitement des écarts, alors que tous deux venaient à peine d'être implantés. En fait, le projet de loi n° 34 a toutes les apparences d'un pied de nez à la régie et aux intervenants. Ni le gouvernement ni Hydro-Québec Distribution n'auront désormais à dévoiler ni partager les surplus de rendement. Désormais...

Depuis 2017, le mécanisme de traitement des écarts de rendement s'applique aux résultats d'Hydro-Québec Distribution. Si le taux de rendement excède celui autorisé par la régie, les excédents seront partagés entre les clients et Hydro-Québec lors de l'établissement des tarifs des années subséquentes. Un écart de rendement de 36 millions a été constaté à l'issue de l'année 2017. En vertu de ce mécanisme, Hydro-Québec a remis une partie de cette somme à sa clientèle en réduisant de 18 millions les revenus requis de l'année 2019-2020. Soulignons que c'est parce qu'un tel mécanisme n'existait pas auparavant qu'Hydro-Québec Distribution a pu réaliser et conserver ses surplus.

Je vais passer à un autre sujet. Le quatrième alinéa de l'article 52.1 de la Loi sur le Régie de l'énergie stipule que la régie ne peut modifier le tarif de catégorie consommateurs afin d'atténuer l'interfinancement entre les tarifs applicables à des catégories de consommateurs.

Rappelons que ce sont les clients résidentiels qui bénéficient de l'interfinancement en générant moins de revenus qu'il n'en faut pour assurer leur coût de service de l'électricité. L'interfinancement est sous-jacent au pacte social à la source de la nationalisation de l'électricité.

En 2006, la régie établissait la balise de référence de l'interfinancement des tarifs d'électricité des clients domestiques à 81 %. Or, depuis 2006, l'interfinancement des tarifs des clients résidentiels s'amenuise graduellement et s'établit maintenant à 88 %.

L'interfinancement des tarifs d'électricité est un sujet d'intérêt public, et chaque dossier tarifaire était l'occasion unique d'en faire le suivi. Or, la disparition des dossiers tarifaires annuels d'Hydro-Québec Distribution mettra l'indice d'interfinancement à l'abri des regards intéressés, ce qui desservira l'intérêt public. Ce n'est qu'au terme des cycles de cinq ans, où les informations sur les coûts et les revenus seront rendues disponibles, que nous pourrons juger de l'érosion de l'interfinancement.

Donc, si le gouvernement devait adopter le projet de loi n° 34, ce qu'on ne recommande pas, nous lui recommandons d'en modifier préalablement l'article 17 afin d'ajouter à la liste des informations à transmettre par Hydro-Québec à la régie un suivi de l'interfinancement entre les tarifs d'électricité.

L'Union des consommateurs, comme mon collègue le disait tantôt, on est un regroupement national d'associations de consommateurs résidentiels qui intervient à la régie. L'organisme a particulièrement à coeur les intérêts des ménages les plus pauvres. Ses interventions visent à maintenir les factures d'électricité les plus basses possible mais également à ce que les conditions de service, particulièrement en matière de recouvrement, tiennent compte de la vulnérabilité des moins bien nantis.

Année après année, la régie a balayé du revers de la main et de façon presque systématique toutes nos recommandations, tant en ce qui concerne les ententes de paiement qu'en ce qui touche la stratégie tarifaire. Or, au printemps dernier, la Vérificatrice générale du Québec a déposé à l'Assemblée nationale un audit de performance sur le soutien aux ménages à faibles revenus et le service à la clientèle résidentielle d'Hydro-Québec qui reprenait nombre de nos constats.

L'Union des consommateurs a maintenant en main les informations, analyses et conclusions objectives et inestimables pour faire contrepoids aux prétentions d'Hydro-Québec Distribution et réclamer, dans le cadre des dossiers tarifaires, des mesures plus justes et efficaces pour les ménages à faibles revenus. Or, si le projet de loi n° 34 est adopté, ce n'est que dans cinq ans que les groupes de défense des droits des consommateurs pourront espérer obtenir des correctifs aux mesures de support aux ménages à faibles revenus proposées par Hydro-Québec Distribution, à moins d'initier eux-mêmes à la régie des demandes relatives aux conditions de service d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Lemay) : Mme Latreille, en conclusion, peut-être 15 secondes. Je vois que vous n'avez pas encore terminé votre mémoire, mais...

Mme Latreille (France) : Je n'ai pas encore terminé. Je vais faire le plus vite possible. Donc, ce qu'on demande, c'est... J'en ai pour deux minutes encore. Si le gouvernement devait adopter le projet de loi n° 34, nous...

Le Président (M. Lemay) : Mme Latreille, en fait, à ce stade-ci, nous allons procéder avec la période d'échange avec les membres du gouvernement. Et, si c'est possible, vous pourrez toujours revenir, mais, bref, pour le moment, la parole est au ministre. M. le ministre, la parole est à vous.

Mme Latreille (France) : Très bien.

M. Julien : Oui. Puis loin de moi de ne pas vous laisser conclure l'idée, mais c'est qu'on aura l'occasion d'échanger. Puis je vais vous laisser bien du temps pour parler, soyez-en assurée.

Je suis très heureux de vous rencontrer aujourd'hui, puisque vous représentez des consommateurs. Donc, on parle beaucoup, en fin de compte, de renseignements, là, par rapport aux pouvoirs de la régie. Bon, moi, mon impression, puis plus que mon impression, là, notre volonté, c'est oui à tout le processus de cause tarifaire, sur lequel vous m'amenez des précisions qui, effectivement, me laissent un peu songeur puis que... en fait, je vais les regarder plus avant, mais... On change la périodicité mais sur certains aspects qui n'étaient pas nécessairement la tarification, mais toute, en fin de compte, la notion... Parce que, tu sais, pour nous, le projet de loi ne vient pas jouer sur l'interfinancement. D'un autre côté, il y a la notion de connaître comment se comporte l'interfinancement, de ce que j'en conçois.

• (16 heures) •

Mais, en annexe II, sans tous les nommer quand même, annuellement, beaucoup d'informations vont continuer de passer par la régie. Puis, comme j'ai la liste de tous les responsabilités et pouvoirs de la régie, en tout cas, j'ai fait faire des colonnes, statu quo, changement, on voit que les changements, c'est beaucoup par rapport... en tout cas, notre objectif, par rapport à la cause tarifaire, sur une base annualisée.

Au-delà de tout ce que vous allez nous dire par rapport aux enjeux, moi, il y a un enjeu sur lequel je veux avoir votre réflexion, puisqu'effectivement... Ce matin il y avait quelqu'un qui parlait de quand on croise du monde au barbecue, puis moi, j'ai croisé du monde tout l'été au barbecue, puis il y a du monde qui m'en ont parlé beaucoup, spécifiquement, parce que je suis dans le dossier, puis les gens étaient contents par rapport à la prévisibilité, puis ils disaient : O.K., c'est un gel tarifaire, puis après ça à l'inflation. Les gens sont satisfaits de cette prévisibilité-là.

De l'autre côté, a contrario, quand j'entends certains groupes, ils nous disent : Oui, mais vous avez regardé l'inflation des 15 dernières années par rapport aux tarifs, mais ce n'est pas ce que ça représente dans le futur. Mais, sur cette base-là, tout ce que j'entends actuellement, c'est... Parce qu'il y en a qui vont parler du choc tarifaire dans cinq ans, mais tous les intervenants qui nous parlent de la clause à l'inflation nous disent : C'est trop élevé par rapport à ce que ça devrait être réellement, selon ce qu'on voit.

Est-ce que c'est à dire, en fin de compte, que, si les consommateurs, les gens que je croise qui me disent : Nous autres, on aime ça, un gel puis à l'inflation pour les quatre prochaines années, et si tous ceux qui mentionnent que c'est trop élevé par rapport au réel, par rapport au système, quand il y aura un «rebasing» dans cinq ans... ça veut dire que les gens sont satisfaits, puis, au pire, ça sera mieux dans cinq ans?

Alors, les consommateurs, qu'est-ce qu'ils ont à craindre par rapport à la tarification dans les cinq prochaines années, selon vous?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Latreille, ou M. Décary?

Mme de Tilly (Viviane) : Mme de Tilly.

Le Président (M. Lemay) : Comment? Mme de Tilly? Allez-y, Mme de Tilly.

Mme de Tilly (Viviane) : En fait, ce qu'ils ont à craindre, c'est que, les tarifs qu'ils vont payer...

Une voix : ...

Mme de Tilly (Viviane) : Il n'était pas ouvert. O.K. Ce que les consommateurs ont à craindre, c'est que les tarifs qu'ils vont payer au cours des cinq prochaines années soient plus élevés que ceux qu'ils auraient eus s'il y avait eu vraiment audience et examen d'un dossier tarifaire à la régie.

Alors, vous parlez de prévisibilité. Alors, je l'ai entendu beaucoup, ce mot-là depuis le mois de juin, «prévisibilité». Je vous dirais que ce n'est pas un concept de base en tarification. On parle souvent de stabilité des prix, mais pas de prévisibilité, parce qu'à quoi ça nous amène de dire : Oh! je prévois que ça va être à l'inflation ou bien je prévois que ça va être à 3 % par année? Quelle importance, si ce n'est pas le juste prix? Et le consommateur, lui, a intérêt à payer le juste prix.

Maintenant, on a parlé des risques d'un impact tarifaire dans cinq ans. Effectivement, ce risque-là existe, entre autres, Hydro-Québec, ses projets d'investissement. Hydro-Québec Distribution aura des projets d'investissement, aura des programmes commerciaux qui ne seront plus examinés par la régie. On ne pourra plus savoir si ça a été prudemment acquis, si ça ne répond pas nécessairement à des demandes du gouvernement. Bref, dans cinq ans, on pourra arriver avec des revenus requis vraiment supérieurs, qui auront connu une croissance inhabituelle parce qu'Hydro-Québec aura eu les coudées franches pour faire un peu les programmes d'investissement qu'elle voulait. Alors, oui, il y a un risque de choc tarifaire dans cinq ans.

M. Julien : O.K., mais, juste pour être certain de bien vous suivre, Mme de Tilly, puis je sais que vous avez de très bonnes connaissances par rapport à ce domaine-là, donc vous allez peut-être m'éclairer, mais, quand même, dans ce qui est déposé sur base annuelle, tout le suivi des investissements est déposé, là, sur base annuelle, c'est ce qui est prévu, en fin de compte, dans l'annexe, donc quand vous dites...Tu sais, j'essaie toujours, en réalité... A contrario d'une information, j'ai l'autre information. Alors, les gens, depuis les deux dernières journées, se pointent beaucoup ici en disant : À l'inflation, là... il y en a même qui ont pris des termes un peu hasardeux, là, mais c'est trop élevé par rapport à ce qu'on devrait s'attendre dans les prochaines années. Puis, en même temps, vous nous dites : Oui, mais il pourrait y avoir un choc tarifaire après cinq ans, parce que les besoins ne seraient pas suffisants. Mais, nous, tout ce qu'on souhaite faire, c'est allonger la périodicité. Parce qu'on trouve, en réalité, qu'aux 12 mois c'est peut-être trop rapide. Et je vous le réitère, là, vous représentez des consommateurs que je croise à tous les jours, puis eux nous disent que... si vous n'aimez pas la qualifier de prévisibilité, c'est : on aime bien savoir que, dans les prochaines années, le tarif hydroélectrique va être à l'inflation après avoir eu une période de gel d'un an.

Donc, qu'est-ce qui, dans l'information, ici, ne nous permettrait pas de capter, selon vous, comme information, qu'est-ce qui sera déposé sur base annuelle, d'Hydro-Québec, les éventualités que vous mentionnez?

Le Président (M. Lemay) : Mme de Tilly.

Mme de Tilly (Viviane) : Oui. En fait, vous avez raison, Hydro-Québec Distribution va déposer à la régie, dans son rapport annuel, le suivi de ses investissements. C'est de l'information, ce n'est pas une décision. La régie n'examinera pas la pertinence et le caractère prudemment acquis de ces investissements-là. Ça va être de l'information comme Hydro-Québec, présentement, dépose de l'information dans son rapport annuel.

M. Julien : Mais juste un instant... Mais je comprends qu'on nous a beaucoup dit que le volet transparence était important, mais vous, vous nous dites : C'est le volet... pas transparent, c'est le volet contraignance.

Mme de Tilly (Viviane) : Examens, analyses, puis de reconnaître le caractère prudemment acquis. Dans le mémoire, on parle, par exemple, du programme de... du projet d'installation de bornes de recharge pour véhicules électriques. Alors, la décision n'a pas été rendue. Cependant, la plupart des intervenants réguliers à la régie mettaient en doute le caractère réaliste des hypothèses. Alors, ce genre d'exercice là ne se fera plus, et donc Hydro-Québec pourra faire... que ce soit avec un gouvernement ou un autre, mais pourra traduire les intentions d'un gouvernement dans ses projets d'investissement ou dans ses programmes commerciaux. Comme la conversion du chauffage des clients au commercial et à l'institutionnel, c'était très avantageux pour le gouvernement qu'Hydro-Québec fasse payer la conversion par ses clients...

M. Julien : Avant de passer la parole à mes collègues, qui ont des questions, Mme de Tilly, d'un autre côté, quand je vois toute l'information... Puis on s'y est bien attardés, là, quand on a développé le projet de loi. On s'est dit : Aïe! on veut qu'il y ait de l'information suffisante pour... en réalité, les intervenants puissent faire des observations et des constats et, à la limite, faire des interventions, qui ne seraient pas sur la base d'une cause tarifaire mais qui reviendraient sur une base de cinq ans.

Alors, avec les informations qui sont déposées sur base annuelle, prévue au p. l. n° 34, vous, là, comme personne qui connaissez ça, allez-vous être en mesure, au-delà du fait que vous ne pourrez pas vous asseoir dans une cause tarifaire à la régie, d'interpréter les informations qui sont déposées et de faire votre évaluation de ce qui se passe?

Le Président (M. Lemay) : Mme de Tilly.

Mme de Tilly (Viviane) : Non, je ne crois pas que c'est suffisant. Je vous dis, ces informations-là sont déjà déposées. Et il n'y a pas de questionnement par les intervenants, contrairement à Énergir. Quand Énergir dépose ses informations sur une base annuelle, il y a quand même un questionnement, il y a une procédure réglementaire. Pour l'instant, il n'y en a pas avec le rapport annuel d'Hydro-Québec Distribution.

Et je pourrais vous dire : Mais qu'est-ce que je fais, moi, avec cette information-là si j'apprends qu'Hydro-Québec a amorcé un programme d'investissement ou un programme commercial? Il est parti, là, le train est parti. Qu'est-ce que je fais, comme intervenant, si je trouve que ça n'a pas de bon sens? D'autant plus que je ne pourrai même pas, comme intervenant, l'analyser parce que je n'aurai pas l'analyse de rentabilité, parce que je n'aurai pas la justification, parce que je n'aurai rien. C'est uniquement...

M. Julien : Alors, juste un dernier petit point là-dessus, puisque je sais que mes collègues... D'un autre côté, quand... Ce qu'on trouve bien du p. l. n° 34, c'est de transférer le risque à Hydro-Québec pour qu'il gère sa performance. C'est-à-dire qu'on vient dire : Les revenus, c'est ça, puis on s'attend de vous que vous soyez performants. Quelle serait la volonté d'Hydro-Québec, justement, de ne pas démontrer cette performance-là ou faire des investissements qui seraient hasardeux en termes, en fin de compte, de rendement, on va dire ça comme ça? Vous mentionnez certains aspects, là, de programmes, etc., là.

• (16 h 10) •

Mme de Tilly (Viviane) : En fait, Hydro-Québec, lorsqu'il va se présenter dans cinq ans pour faire changer son tarif, aura déjà accumulé... il va amener son passé, là, il va amener son cinq ans d'investissement. Il va se présenter devant la régie, puis, c'est très simple, si ses revenus requis ont augmenté, il va obtenir la hausse tarifaire dont il a besoin pour rencontrer ces revenus requis là. Alors, son risque, je crois qu'il y en a peu. D'autant plus qu'encore une fois les tarifs vont augmenter à l'inflation, alors que, comme disait M. Cormier, sur le banc précédent... il dit qu'il n'y avait absolument rien qui expliquait ou qui justifiait que les dépenses augmentent à l'inflation dans les prochaines années.

Vous aviez votre graphique, là, avec les hausses tarifaires depuis 15 ans. Le contexte a beaucoup changé depuis 15 ans. Entre autres, depuis 2007, il n'y a à peu près plus de croissance de la demande. Et donc les prochains approvisionnements qui seront utilisés, ça va être vraiment du patrimonial qui ne coûte pas cher. Il n'y a pas de gros programme d'investissement pour le réseau. Alors, en principe...

M. Julien : Ce serait l'occasion quand même d'étirer la période de 12 mois. Parce que, quand même, on ne s'en va pas aux calendes grecques, là, on s'en va dans cinq ans. Mais, pour vous, tu sais... parce que, sinon... Pourquoi la période de 12 mois, pour vous, est essentielle? Pourquoi on ne peut pas augmenter la périodicité?

Mme de Tilly (Viviane) : Oui, oui. Non, mais je crois qu'il doit y avoir une logique. La période de 12 mois, c'est qu'on couvre un hiver, hein, parce qu'Hydro-Québec, ne serait-ce qu'en approvisionnement, ou en demandes, ou en revenus, c'est souvent les hivers qui déterminent... qui sont des gros facteurs explicatifs des revenus et des chances...

M. Julien : Excusez-moi. Vous voudriez laisser la période... Je comprends que, sur une base annuelle, c'est quatre saisons...

Le Président (M. Lemay) : Excellent. Donc, à ce moment-ci, je vais céder la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice. La parole est à vous.

Mme Tardif : Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci pour votre travail aussi. C'est important, dans la société, que vous soyez présents.

J'entends, par contre, avec souci et crainte ce que vous nous apportez. J'ai entendu que vous avez de sérieuses réserves, que vous aimeriez des choix plus réfléchis, plus de transparence, et c'est ce que je croyais que le gouvernement avait fait, parce que, si ce projet de loi là est sur pied, c'était justement pour être plus équitable et pour redonner de l'argent dans les poches des citoyens et citoyennes, et je n'ai pas entendu de vous ce volet-là.

Je comprends que la régie, telle qu'elle était en 1996, était l'entité qui était logiquement constituée et qui vous plaisait le plus. Il y a eu six ou sept modifications de loi depuis ce temps-là, et vous semblez dire que les consommateurs ont perdu à chaque fois que la régie a été modifiée. Et vous craignez... Là, il y a deux volets. Il y a le volet de maintenant, où nous, on se dit que l'argent va être remis dans les poches des contribuables et que l'indice du coût de la vie va être inférieur à ce qu'il a été au cours des x dernières années. Il y a ce volet-là, et il y a de volet de dans... Dans cinq ans, là, vous semblez trouver que c'est trop loin, mais vous semblez craindre aussi des choses qui pourraient se passer dans cinq ans. Donc, placez-moi un peu par rapport à la régie. Est-ce que vous voulez qu'on revienne à ce qui était en 1996, par rapport aux pouvoirs, à ce qui était...

M. Décary (François) : ...un élément de réponse...

Le Président (M. Lemay) : M. Décary, allez-y.

M. Décary (François) : Merci beaucoup, M. le Président. Juste un élément de réponse. Je suis loin d'être un spécialiste comme Mme de Tilly. Mon travail à moi, je... Nos bureaux sont à Thetford Mines, on a des points de service à Saint-Georges, Sainte-Marie, ça fait qu'on est en Beauce. On accompagne les consommateurs dans une base quotidienne. Ça fait que, cette mécanique-là, je ne la comprends pas aussi bien que les illustres présentateurs qui étaient là, puis vous certainement. Mais c'est sûr qu'on ne déplore pas tout ce qui a été fait dans ces années-là. On déplore certaines pertes à chaque processus législatif. Mais, par exemple, tu sais, le mécanisme de rendement incitatif puis les deux mécanismes qu'on nommait à la section III, c'est des corrections qui, pour nous, pouvaient corriger notamment la question des surplus qui étaient accumulés puis qui finalement s'en allaient auprès de l'actionnaire principal puis Hydro-Québec. C'était quasiment un incitatif de cacher les surplus, là. Puis je ne veux pas être... Ça fait qu'on voit qu'il y a eu des peaufinements qui ont été aussi positifs. Ceci étant dit, on a vu certainement un affaiblissement.

Puis, l'autre chose que je voudrais apporter aussi, les causes tarifaires sont des opportunités pour nous aussi d'avancer des enjeux qui concernent les consommateurs de tous les jours, puis, les consommateurs, notamment ceux qui ont de la misère, des difficultés de paiement. Ça fait que, pour nous, ça a tout le temps été une opportunité aussi pour poser des questions aux législateurs.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Décary. À ce moment-ci, je vais retourner la parole à M. le ministre, qui a une nouvelle question.

M. Julien : Dans vos conclusions, là, la dernière recommandation : «De limiter les risques financiers des organismes qui initient des demandes devant la régie en modifiant l'article 2 du Règlement sur les frais payables à la Régie afin que les organismes reconnus comme intervenants réguliers à la régie qui initient des demandes soient soustraits de payer des frais [d'accompagnement à] la présentation de leur demande.»

Le lien avec le p.l. n° 34, je ne comprends pas. Qu'est-ce que ça vient faire dans le p.l. n° 34, sur le débat?

Mme de Tilly (Viviane) : Oui, je vais répondre. C'est qu'à plusieurs reprises, au cours des dossiers tarifaires, nous pouvions aborder des sujets qui concernaient les conditions de service. Les conditions de service sont également régies par la régie, et le projet de loi n° 34 n'enlève pas ce pouvoir-là, n'enlève pas ces compétences-là à la régie. Enfin, c'est comme ça qu'on l'interprète. Cependant, les conditions de service sont regardées par Hydro... Je crois que les autorités... ont été regardées en 2000 et en 2016, un dossier global sur les conditions de service. De temps en temps, dans les dossiers tarifaires, on pouvait arriver avec des sujets qui touchaient des conditions de service, comme les ententes de paiement. Il n'y en aura plus, de dossiers tarifaires, ou il va y en avoir aux cinq ans. Alors, si, comme organisme, on voulait initier un dossier sur les conditions de service, ça représenterait pour nous un gros risque financier, parce qu'on doit payer. Si on veut initier, on paie.

Alors, ce qu'on recommande, c'est changer peut-être un petit peu la loi, de l'alléger...

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme de Tilly. Je dois vous arrêter à ce moment-ci. Avant de céder la parole à l'opposition officielle, j'ai une question pour M. le ministre. Tout à l'heure, nous avions Sylvain Audette, de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal, on avait eu une demande si vous acceptiez de faire un dépôt d'un document que vous aviez présenté. J'aimerais vous poser la question : Est-ce que vous avez la réponse?

M. Julien : Oui, j'ai la réponse, c'est non. C'est des notes, en fin de compte, internes. Mais je pense que les tarifications sont connues, en fin de compte, dans l'ensemble. Donc, une petite recherche permettrait, en réalité, de voir les tarifications et les taux de rendement exigés par les entreprises.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de D'Arcy-McGee pour cette période d'échange.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. M. Décary, Mmes Latreille et de Tilly, merci beaucoup de votre exposé et de votre présence. Évidemment, vous parlez au nom d'un site de messieurs, mesdames québécois, québécoises touchés par cette loi, ce projet de loi. Alors, évidemment, vos interventions sont très pertinentes et assez détaillées.

Nous sommes devant un projet de loi, et je trouve que des fois on oublie de se rappeler qu'à ce point-ci il y a plusieurs options, dont l'option de ne pas légiférer sur un sujet spécifique comme tel. J'imagine que, dans votre rôle, vous aurez eu à témoigner devant la régie ponctuellement au nom des consommateurs. Alors, je vous invite de nous parler un petit peu... Je comprends, vous avez bien énuméré quelques changements, au fil des années, qui, de votre lecture, auraient limité la marge de manoeuvre, les pouvoirs de la régie. Mais en même temps vous êtes en train de dire, et c'est la lecture de plusieurs devant nous, qu'on parle de compromettre le rôle de la régie davantage et de façon sérieuse avec le projet de loi devant nous

 Alors, j'aimerais vous inviter à parler un petit peu de l'état actuel, et peut-être pouvez-vous nous parler un petit peu de comment ça marche, au nom des consommateurs et consommatrices, actuellement, avec l'échéancier annuel, avec toute la transparence qui est exigée d'Hydro-Québec dans le régime actuel et qu'est-ce qu'on est à risque de perdre avec le projet de loi devant nous.

Le Président (M. Lemay) : M. Décary.

M. Décary (François) : Je vais laisser vraiment la parole à Mme de Tilly, c'est vraiment elle qui porte ces dossiers-là à la régie.

Le Président (M. Lemay) : Mme de Tilly.

Mme de Tilly (Viviane) : Si je comprends bien, vous voulez savoir comment l'Union des consommateurs intervient à la régie. O.K. L'Union des consommateurs, comme disait M. Décary, c'est un regroupement d'associations, et nous avons un comité énergie. Et, au comité énergie, on discute des enjeux des dossiers tarifaires. Lorsque la demande d'Hydro-Québec arrive, en général au mois d'août, on analyse le tout, puis on choisit des sujets sur lesquels on va intervenir. Évidemment, ça touche beaucoup les conditions de service et, comme on le disait, les ententes de paiement ou les structures tarifaires et leur impact sur les ménages à faibles revenus. On pose des questions à Hydro-Québec, qui répond assez bien, oui, il y a tout un processus de demandes de renseignements, et on rédige nos mémoires, et ensuite on témoigne. Et, lorsque nous témoignons à la régie, l'Union des consommateurs est souvent représentée par moi, mais souvent par un intervenant sur le terrain, un conseiller budgétaire qui vient témoigner des réalités des ménages à faibles revenus.

Alors, c'est un peu comme ça que ça se passe. Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais...

• (16 h 20) •

M. Birnbaum : Mais j'essaie de vraiment avoir vos précisions sur ce qui était à risque spécifiquement dans le processus qu'on propose de changer de façon radicale.

Mme de Tilly (Viviane) : Oui, ce qui est le plus à risque, c'est notre perte de parole et de ne plus pouvoir exprimer les difficultés des ménages à faibles revenus, je parle au-delà, au-delà des hausses tarifaires sur lesquelles on ne pourra plus intervenir et qu'on ne pourra plus remettre en question. Le travail à la régie, dans une cause tarifaire pour un intervenant, c'est de soulever les pierres une par une et de chercher, et de chercher comment on peut réduire les coûts, de chercher si Hydro-Québec est efficace, de chercher si les prévisions sont bonnes, et autant au niveau des revenus que des coûts, et tout ça faisant que les hausses tarifaires seront les plus basses possible.

Alors, maintenant, ça ne se passera plus comme ça, hein? On devra prendre, on devra accepter une hausse, qui est celle à l'inflation, sans savoir si elle représente vraiment la hausse nécessaire pour donner un rendement suffisant à Hydro-Québec. Alors, ça, c'est vraiment un risque.

Le Président (M. Lemay) : M. Décary, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Décary (François) : Oui, brève intervention, si je peux me permettre. En fait, la régie questionne Hydro-Québec puis aussi lui soumet des recommandations qui vont favoriser une certaine innovation sociale, qu'on constate. Puis justement plusieurs des ententes de paiement, tu sais, des mécanismes qui ont été mis en place, c'est les régisseurs qui ont demandé à Hydro-Québec d'évaluer une façon de formuler des ententes pour les ménages à faibles revenus. Donc, il y a comme un... Cet aller-retour-là est intéressant, aussi, puis crée des opportunités d'innovation sociale qu'on trouve intéressantes puis qu'on a un petit peu peur de perdre, là.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Laval-des-Rapides... excusez-moi, D'Arcy-McGee, allez-y.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Évidemment, nous avons un intérêt collectif, une responsabilité d'État fiduciaire de retourner les trop-perçus, et c'est une promesse du gouvernement actuel. Selon vous, est-ce que ce projet de loi répond de façon adéquate à cet engagement?

Le Président (M. Lemay) : M. Décary.

M. Décary (François) : Bien en fait, je ne suis pas économiste, puis évidemment c'est éminemment complexe, puis vous avez une équipe... Donc, c'est difficile, mais on n'a pas été convaincus au complet qu'en fait le projet de loi n° 34 permettait de retourner les trop-perçus d'Hydro-Québec dans les dernières années, là, puis on déplorait la situation des trop-perçus à l'origine, mais on n'est pas convaincus absolument. Mais évidemment, là-dedans, on peut nous sortir presque tous les chiffres, mais Viviane... Mme de Tilly...

Mme de Tilly (Viviane) : On n'est pas convaincus que les trop-perçus sont retournés aux clients. Et, en fait, si le projet de loi n° 34 s'était contenté d'aborder... si on pouvait le saucissonner puis s'il s'était contenté d'aborder cette question du retour des trop-perçus, ça aurait peut-être été plus supportable comme situation, mais là c'est vraiment d'enlever des pouvoirs à la régie et ça, c'est... Je crois que ce n'était pas nécessaire d'aller si loin...

Le Président (M. Lemay) : Parfait, merci, Mme de Tilly. Donc, maintenant, le député de Laval-des-Rapides, pour votre question.

M. Polo : Merci. Donc, écoutez, là, depuis hier, le ministre... ou, enfin, vous avez dit... Depuis le mois de juin, le terme «prévisibilité», vous l'entendez en récurrence, mais moi, j'utilise le terme «illusion», hier, parce qu'effectivement ce projet de loi là donne l'illusion aux consommateurs que les trop-perçus vont leur être remboursés, et vous venez de dire que, selon vous, ce n'est pas clair que les trop-perçus vont leur être remboursés. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Décary (François) : Vous avez bien compris.

M. Polo : Parfait. Selon vous, est-ce qu'un chèque en bonne et due forme auprès de tous les consommateurs aurait été un meilleur mécanisme pour rembourser les trop-perçus auprès de la population?

M. Décary (François) : Je ne pense pas que l'Union des consommateurs a à s'immiscer dans les mécanismes de redistribution des trop-perçus. Nous, c'est sûr qu'on va toujours favoriser les mesures qui vont favoriser la justice sociale. Ça fait qu'en fait des mesures qui... Puis évidemment qu'on lutte contre les hausses de tarifs, on lutte contre des mesures qui sont régressives, là, tu sais. Par chez nous, à Thetford-Mines, je m'excuse de parler de chez nous, mais l'état du logement est en piètre état. Tu sais, c'est une ville qui a été minière, qui est en dévitalisation, puis on a des... Nous, on rencontre des familles qui paient des 200 $ d'électricité, 300 $ d'électricité pour des très, très, très petits appartements. On appelle ça des passoires, désolé.

Ça fait que, pour nous, diminuer au maximum les tarifs d'électricité, c'est des mesures de justice sociale puis, en fait, c'est pour ça aussi qu'on s'oppose à l'utilisation d'Hydro-Québec comme levier de développement économique. Comme, tu sais, la politisation d'Hydro-Québec, pour nous, c'est quelque chose qui nous fait peur parce qu'en fait on côtoie des familles, à tous les jours, qui peinent à payer leur électricité. Puis, dans la vie de quelqu'un... C'est des catastrophes, là, humaines, là.

Ça fait qu'on n'a pas à se prononcer tant que ça, mais c'est sûr que minimiser la hausse des tarifs, pour nous, c'est un mécanisme qui est intéressant.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Non, non, allez-y, allez-y, madame.

Le Président (M. Lemay) : Ah! Mme de Tilly, allez-y.

Mme de Tilly (Viviane) : Oui. J'ajouterais brièvement que, bon, les surplus, on ne s'est jamais prononcés, on n'a jamais demandé à ce qu'ils soient retournés aux consommateurs. Ce qu'on a demandé surtout, c'est qu'on ait une régie efficace et que des surplus, il n'y en ait plus. Et on regardait plus vers l'avant que vers l'arrière.

Et là, quelle tristesse, il y avait un mécanisme de redistribution des écarts de rendement qui commençait, là, à être utilisé et, oups! oups! il n'y en a plus. Alors, les surplus, s'il y en a, ils vont être séquestrés par Hydro-Québec, et on ne saura même pas à combien ils s'élèvent, ces surplus-là.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Polo : Et c'est exactement ma dernière question. Ce que vous êtes en train de dire, c'est que vous trouvez qu'avec le nouveau mécanisme présenté au niveau du projet de loi n° 34 il sera très difficile, pour ne pas dire impossible de déterminer quels seront les écarts de rendement, quels seront les trop-perçus. Est-ce que c'est ce que vous dites?

Mme de Tilly (Viviane) : Oui, tout à fait.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, est-ce qu'il y a consentement pour que le temps non utilisé par la deuxième opposition soit distribué au groupe de troisième opposition? Parfait. M. le député de Jonquière, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Ça va me coûter cher, M. le Président. J'ai l'impression que je vais avoir des trop-perçus à rembourser...

Une voix : Des écarts de rendement.

M. Gaudreault : ...à QS, en tout cas, oui. Des écarts de rendement, oui. Tant que je ne suis pas mal perçu, ça, c'est... c'est ça qui est le plus important.

Merci. Merci d'être ici. Je vous écoute, puis je lis votre mémoire, puis j'ai l'impression que vous avez une relation d'amour-haine avec la Régie de l'énergie, parce que vous dites, à la page 15, que «la régie a balayé du revers de la main [...] de façon presque systématique toutes nos recommandations», mais là, en même temps, vous dites : Oups! Le projet de loi n° 34 est en train de réduire nos plus grands espoirs d'avoir une régie réellement efficace.

C'est comme si vous étiez critiques envers la régie, vous auriez espéré un projet de loi qui le réforme dans le sens d'avoir un juste prix, mais là finalement on recule dans les côtes, là.

Mme de Tilly (Viviane) : Oui, tout à fait, tout à fait. Une relation, oui, amour-haine parce que la régie est nécessaire, mais on n'a pas l'impression d'être écoutés souvent par la régie. Puis on l'a dit, hein? On parle du rapport de la Vérificatrice générale qui nous donne raison et...

Parce qu'on s'entend, il y a une asymétrie dans la possession de l'information. Hydro-Québec se présente et fait des affirmations, puis la régie ne peut que croire Hydro-Québec. Elle ne peut pas remettre en question ce qu'Hydro-Québec dit. Alors que nous, on arrive sans preuve, sinon notre expérience terrain, et, entre les deux lots de témoignages, la régie va croire Hydro avant nous parce qu'Hydro, en principe, ne ment pas.

Nous, tout ce qu'on souhaitait, c'était une régie de plus en plus performante, de plus en plus humaniste, évidemment, c'est des... mais qui réponde vraiment aux objectifs initiaux que le gouvernement avait fixés en 1996.

Alors, bon, je disais : Il vaut mieux une mauvaise régie que pas de régie, puis on m'a dit de ne jamais écrire ça, qu'il fallait une bonne régie, point. Et c'est ça.

M. Gaudreault : Mais là ce que je comprends, c'est qu'on ne s'en va pas vers ça. C'est assez fascinant de voir que, dans un projet de loi, d'un côté, par exemple les grands industriels, pour qui j'ai énormément de respect puis... je veux dire, dans les régions, c'est des créateurs d'emplois, mais ils sont davantage du côté du monde des affaires. Même le Conseil du patronat, hier, était très mitigé. Puis, de l'autre bord, il y a... et vous êtes des alliés objectifs, parce que les défenseurs des consommateurs, les défenseurs des gens les plus démunis, vous dites aussi que ça n'a pas de bon sens.

Donc, on a là un projet de loi qui fait quasiment l'unanimité de tous bords tous côtés de la clôture contre lui. Alors, moi, c'est ce que je sens.

• (16 h 30) •

Mme de Tilly (Viviane) : Oui. Mais, en fait, je me souviens, au printemps, quand le premier ministre a demandé à Hydro-Québec d'être imaginative puis de trouver une façon de redonner les surplus. Je crois qu'Hydro-Québec a vu la porte ouverte et est rentrée dedans, là, puis a proposé ça, là, et c'est ça qui s'est passé.

M. Gaudreault : Bien oui! Tantôt, vous avez dit : Ah! on aimerait ça saucissonner le projet de loi. Vous savez que ça existe, hein? C'est possible. Alors, si on avait la possibilité de le saucissonner, ce que nous, on appelle dans notre jargon une scission, quel morceau vous aimeriez garder?

Mme de Tilly (Viviane) : Oh là! Bien, en fait, nous, on disait de... C'est évident qu'il pourrait y avoir une... en fait, «évident»...

M. Gaudreault : Parce qu'il y avait la question du remboursement comme tel.

Mme de Tilly (Viviane) : Oui, c'est ça. Le remboursement pourrait être fait d'une façon différente, mais on pourrait se limiter à ce volet-là.

M. Gaudreault : À ça, O.K. Il faudrait être capable de bien cibler les morceaux du projet de loi qui ne disent que ça. On pourrait peut-être faire une motion à l'Assemblée nationale juste pour le couper, le saucissonner pour... ça serait la motion de Tilly, puis on l'appellerait... On saucissonnerait le projet de loi puis on pourrait peut-être avoir juste ce bout-là.

Mme de Tilly (Viviane) : Oui. Et je ne dis pas que l'idée de geler l'an prochain et à l'inflation les quatre années suivantes est la bonne façon de saucissonner, mais de trouver une façon de régler cette histoire-là du remboursement de façon... sans risque pour la clientèle.

M. Gaudreault : O.K. Puis, si vous avez des idées d'article, là, vous pourrez nous renvoyer ça plus tard, là. Vous regarderez quels articles on pourrait mettre ensemble, juste pour le saucissonner.

Je suis sûr que l'Union des consommateurs est extrêmement préoccupée par la crise climatique, la transition énergétique. Vous êtes assez critiques sur les demandes d'Hydro-Québec concernant la transition, là, du mazout à l'énergie puis les bornes de recharge... en fait, plus critiques envers la régie, puis Hydro-Québec aussi, pour les bornes de recharge rapide. Écoutez, il reste quelques secondes, comment on pourrait s'assurer de respecter, évidemment, les personnes les plus démunies, leur donner le plus de chances possible, mais aussi soutenir cette transition énergétique pour avoir des logements à Thetford Mines qui sont beaucoup plus efficaces énergétiquement?

Le Président (M. Lemay) : En 10 secondes.

Mme de Tilly (Viviane) : Oui. C'est que le gouvernement paie et que le financement de ces mesures-là ne passe pas par les tarifs d'électricité.

Une voix : Tout simplement.

Le Président (M. Lemay) : Voilà. Bien, merci beaucoup. M. Décary, Mme Latreille, Mme de Tilly, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Option Consommateurs de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Donc, nous reprenons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants d'Option Consommateurs. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Ensuite, vous allez pouvoir procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Option Consommateurs (OC)

M. Corbeil (Christian) : M. le Président. Christian Corbeil, directeur général d'Option Consommateurs, accompagné de mon collègue Jules Bélanger, économiste, et Sylvie De Bellefeuille, avocate.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter nos observations aujourd'hui.

Depuis 1997, Option Consommateurs intervient régulièrement auprès de la Régie de l'énergie afin de défendre les intérêts des consommateurs résidentiels d'électricité du Québec. Elle intervient régulièrement auprès des distributeurs d'énergie pour faciliter la conclusion d'ententes relatives au règlement de comptes en souffrance de clients. Elle offre aussi un service d'information aux consommateurs qui désirent déposer une plainte auprès des entreprises de services publics.

Le projet de loi n° 34, tel que rédigé, viendrait restreindre de manière importante les pouvoirs et le rôle de la Régie de l'énergie, et elle priverait les consommateurs d'électricité du Québec d'un forum public et transparent d'une grande utilité. Je vais donc laisser mes collègues, les experts, continuer.

M. Bélanger (Jules) : Bon après-midi à tous. Le projet de loi n° 34 retire d'importants pouvoirs à la Régie de l'énergie, ses pouvoirs en matière de fixation des tarifs, d'approbation des projets d'investissement et de programmes commerciaux. Le projet de loi n° 34 met également fin au mécanisme de réglementation incitative et supprime la possibilité, pour toute personne intéressée, de faire une demande de modification des tarifs d'électricité, des changements majeurs qui visent à simplifier le cadre réglementaire actuel de la Régie de l'énergie.

Mais ces changements sont-ils à l'avantage des consommateurs québécois? Nous sommes d'avis que non. Nous croyons que les ménages québécois sont mieux servis par un organisme neutre et indépendant, un organisme qui concilie les intérêts publics et privés et qui fixe, à la suite d'un processus objectif et rigoureux, les tarifs du distributeur.

Voici pourquoi. D'abord, le projet de loi n° 34 créerait un précédent unique. La fixation des tarifs et conditions par un tribunal administratif, c'est la solution retenue par les législateurs des provinces canadiennes pour encadrer les monopoles. Tous les distributeurs d'électricité au Canada doivent faire approuver leurs tarifs par des commissions d'énergie indépendantes.

Au Québec, c'est la voie que nous avons choisi, collectivement, d'emprunter pour fixer les tarifs et conditions depuis un peu plus de 20 ans. Et, en se dotant d'une institution telle que la Régie de l'énergie, le gouvernement du Québec souhaitait pouvoir réaliser un examen rigoureux des demandes tarifaires d'Hydro-Québec, s'assurer de choix d'investissements qui soient prudents, pouvoir compter sur un organisme crédible et limiter les recours juridiques possibles suite à la fixation des tarifs d'électricité. Mais, surtout, le gouvernement du Québec souhaitait faire du processus de fixation des tarifs un exercice démocratique et transparent qui permette une participation du public forte.

S'il est adopté, non seulement le Québec deviendrait-il un des rares endroits en Amérique du Nord où les tarifs ne sont pas réglementés par un organisme indépendant, mais ce serait la fin d'un exercice qui permet de débattre de manière rigoureuse et en toute transparence des tarifs et des enjeux connexes. À notre avis, cela est susceptible de miner la confiance des consommateurs résidentiels et des entreprises dans le processus de fixation des tarifs d'électricité.

Ensuite, selon nous, le cadre réglementaire a montré ses preuves. Depuis 10 ans, la régie a constamment ralenti les ardeurs du distributeur en accordant des hausses moins grandes que celles demandées par Hydro-Québec, des ajustements à la baisse des tarifs qui totalisent plus de 900 millions de dollars, un montant considérable que les consommateurs d'électricité du Québec n'ont pas eu à assumer sur leurs factures. Ces ajustements n'ont été possibles qu'à la suite d'examens minutieux des demandes du distributeur et des contre-expertises offertes par les intervenants. Cet aspect est important, la rigueur du processus et la transparence des débats qui sont menés devant la Régie de l'énergie permettent d'éviter la politisation du débat tarifaire et sont une solution au cynisme de la population envers le processus de fixation des tarifs d'Hydro-Québec.

• (16 h 40) •

Au-delà des discussions entourant la fixation des tarifs d'électricité, les dossiers tarifaires annuels du distributeur constituent un forum unique pour y débattre d'enjeux importants pour la clientèle résidentielle. C'est l'occasion pour le distributeur de présenter à la Régie de l'énergie et aux intervenants les projets qu'il compte mettre en place en amont de leur déploiement à l'ensemble de la clientèle, ce qui permet au distributeur d'affiner les composantes de ses projets au bénéfice de tous. C'est important, également, puisqu'Hydro-Québec doit y rendre des comptes. Le distributeur doit, par exemple, justifier son niveau d'efficience ou encore l'évolution de la qualité de son service. Finalement, les dossiers tarifaires et le processus d'audiences publiques constituent un garde-fou crucial, puisqu'ils permettent d'éviter la mise en place de certains projets du distributeur qui ne sont pas dans l'intérêt des consommateurs québécois.

En résumé, toutes ces raisons démontrent que le processus actuel est utile et que la participation du public est au bénéfice de l'ensemble de la clientèle du distributeur.

Nous avons également des doutes à savoir si l'indexation des tarifs d'électricité au prix à la consommation est bénéfique aux consommateurs québécois. D'abord, a priori, rien ne justifie que l'évolution des tarifs d'électricité doit suivre absolument celle des prix à la consommation. Les deux baisses de tarifs accordées par la régie au distributeur au début des années 2010 en sont des exemples. Dans le domaine du gaz naturel, la Régie de... l'entreprise Énergir demande cette année à la régie une diminution des tarifs de 14 %.

Bref, la relation entre les tarifs d'électricité et les prix moyens à la consommation est loin d'être naturelle. L'évolution des tarifs d'électricité dépend plutôt de contextes d'affaires, économiques, politiques qui sont propres au distributeur. Au contraire, indexer les prix de l'électricité à l'inflation ferait en sorte de les rendre sensibles aux variations de composantes volatiles loin de la réalité du marché de l'électricité, comme les variations du prix du pétrole.

On peut avoir de longs débats sur l'historique. Est-ce que les tarifs d'électricité ont suivi l'évolution des prix à la consommation? Ça dépend des années de base qu'on retient ou des indices de prix qu'on choisit. Pour mieux évaluer l'impact du projet de loi n° 34, il faut plutôt se projeter vers le futur.

On le sait, ces dernières années, le facteur, là, de croissance le plus important des coûts d'Hydro-Québec, ce sont les approvisionnements, particulièrement l'augmentation des approvisionnements postpatrimoniaux, mais également l'indexation, depuis 2014, du bloc patrimonial. On a juste à regarder les deux derniers dossiers tarifaires d'Hydro-Québec. Sans l'augmentation du coût des approvisionnements, la régie aurait procédé à des diminutions de tarifs. Et, selon les dernières prévisions d'Hydro-Québec, de un, les approvisionnements postpatrimoniaux sont prévus stables pour les prochaines années, on va donc commencer à écouler des surplus, qui coûtent moins cher, et, deuxièmement, Hydro-Québec prévoit une croissance de ses ventes jusqu'en 2024. Bref, étant donné ces facteurs, nous estimons qu'il est loin d'être acquis qu'une indexation des tarifs d'électricité serait au bénéfice des consommateurs.

Finalement, l'allègement du processus de fixation des tarifs visé par le projet de loi n° 34 est un objectif louable. D'ailleurs, plusieurs gestes posés par la régie, ces dernières années, vont dans ce sens. Selon nous, il est préférable de privilégier cette avenue plutôt que de retirer des pouvoirs à la Régie de l'énergie.

L'évolution la plus importante du contexte réglementaire ces dernières années est sans contredit l'instauration récente d'un mécanisme de réglementation incitative, une méthode retenue pour fixer les tarifs du distributeur. Après quatre années de débat entre le distributeur et les intervenants, la régie a complété, plus tôt cette année, la fixation des principaux paramètres du mécanisme. Donc, ce type de mécanisme est vu par plusieurs experts comme une amélioration importante par rapport à la méthode traditionnelle de fixation des tarifs dite par coût de service.

Plus concrètement, en ce qui concerne la simplification du processus, ce mécanisme évite au distributeur de présenter à chaque année l'analyse complète et détaillée des coûts nécessaires à la livraison de l'électricité. Cela constitue un pas majeur vers l'allègement du fardeau réglementaire puisque cela circonscrit considérablement la portée des débats qui sont portés devant la Régie de l'énergie.

Et il y a d'autres initiatives : des commentaires des intervenants apportés avant le dépôt des preuves du distributeur, des processus de consultation avec les intervenants à l'extérieur du cadre de la régie, et l'augmentation toute récente des seuils pour faire autoriser les projets d'investissement. Donc, selon nous, ce sont tous des changements qui sont susceptibles de limiter les interventions et le nombre de demandes qui sont déposées à la Régie de l'énergie.

La Régie de l'énergie est donc un organisme qui cherche à se moderniser. Elle est engagée vers un allègement de ses procédures, sans toutefois renier le rôle qu'elle joue en matière de protection des consommateurs. Il faut permettre à la régie de poursuivre cette transformation qui, selon nous, permettra de concilier le cadre réglementaire actuel avec l'objectif qui est recherché par le projet de loi n° 34.

En conclusion, en souhaitant simplifier le processus de fixation des tarifs d'électricité, le législateur propose de dépouiller la Régie de l'énergie des pouvoirs qui sont au coeur de sa mission et qui sont au bénéfice de l'ensemble de la clientèle d'Hydro-Québec. Le projet de loi n° 34 élimine un exercice qui se démarque par sa rigueur, sa transparence et où la participation du public est assurée. Il met de côté un organisme crédible et politise inutilement le processus de fixation des tarifs d'électricité. Il créerait également un précédent au Canada, où les provinces ont généralement recours aux commissions d'énergie indépendantes pour fixer les tarifs de distribution d'énergie. Il est également loin de garantir aux consommateurs des tarifs qui seraient inférieurs aux tarifs déterminés dans le cadre actuel.

Pour toutes ces raisons, Option Consommateurs estime qu'il est préférable de conserver la juridiction de la régie en matière de fixation des tarifs, d'investissement et de programmes commerciaux. Il faut plutôt miser sur la poursuite des initiatives récentes menées par la Régie de l'énergie afin d'alléger le processus réglementaire. Option Consommateurs demande donc le rejet de l'ensemble des articles contenus au projet de loi n° 34. Merci.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Donc, nous allons procéder à la période d'échange avec la partie du gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Julien : Oui. Oui, merci, M. le Président. Merci de votre présence, c'est très apprécié. Vous participez à chaque année au processus de cause tarifaire?

M. Bélanger (Jules) : Depuis 15 ans, oui.

M. Julien : Parfait. L'objectif de votre participation, par rapport à votre clientèle, est lequel?

M. Bélanger (Jules) : De défendre les intérêts des consommateurs résidentiels.

M. Julien : Puis, pour défendre ces intérêts-là, par rapport à la tarification, qu'est-ce que vous souhaitez?

M. Bélanger (Jules) : Vous voulez dire lorsqu'on se présente à la Régie de l'énergie?

M. Julien : Oui.

M. Bélanger (Jules) : Donc, à chaque année, évidemment, on cible les enjeux qui sont pertinents. Donc, comme vous le savez, il y a la fixation des tarifs. Donc, dans ce temps-là, c'est de s'assurer que les consommateurs paient un tarif qui soit juste et raisonnable. Évidemment, ça demande une analyse des différents projets qui peuvent être mis de l'avant par le distributeur. Donc, on s'assure que les programmes soient rentables dans l'intérêt des consommateurs résidentiels. Puis il y a toute une série d'enjeux connexes, dans ces dossiers-là, qui peuvent toucher, par exemple, les conditions de service. Encore là, on s'assure que leurs droits, par exemple, sont respectés.

M. Julien : Parfait. En 2014, quand l'indice des prix à la consommation, le p.l., qu'on prend comme mesure, là, de comparaison était à 1 % et que l'augmentation des tarifs généraux a été de 4,3 %, quelle a été votre réaction lors du processus de cause tarifaire qui a amené à une augmentation quatre fois presque et demie à celle de l'inflation?

M. Bélanger (Jules) : Alors, je devrais aller relire, là, exactement quelle était notre augmentation...

M. Julien : Mais, instinctivement, vous devez vous rappeler quand même...

M. Bélanger (Jules) : Mais, instinctivement, bien, c'est un processus qui se ressemble à chaque année. Probablement que cette augmentation-là, 2014, était causée par une grande augmentation des approvisionnements postpatrimoniaux. Dans ce cas-là, les pouvoirs qu'on a comme intervenants... les pouvoirs qu'a la régie sont limités. Mais il faudrait que je revienne, mais il est fort possible qu'on a fait des représentations pour... on a scruté les dépenses d'Hydro-Québec et on a demandé des réductions de dépenses à certains endroits. On a étudié, on a analysé là où on pouvait le faire, en quelque sorte.

M. Julien : Il n'y a pas de piège dans mes questions, là...

M. Bélanger (Jules) : Non, non, mais...

M. Julien : ...je vous dis juste que, soudainement cette année-là, 4,3 % d'augmentation, l'année suivante, l'inflation est à 1,1 %, 2,9 % d'augmentation puis, après ça, bien, c'est vrai, quand on prend, en fin de compte, puis on focalise sur les années suivantes, 1,1 %, 0,7 %, un peu en dessous. La proposition qu'on fait... Parce que vous dites «déréglementer». On ne veut pas déréglementer la tarification, mais qu'est-ce qu'on vient faire, c'est : cause tarifaire annuelle... Je le réitère, là, tu sais, on veut chercher de l'efficience puis de l'allègement. Puis j'ai entendu : Jeter le bébé avec l'eau du bain. Bien non, on ne veut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, parce que l'ensemble des responsabilités de la régie sont conservées, mais on vient modifier, en réalité, une périodicité d'évaluation puis on vient dire... je le sais, là, ce n'est pas parfait, puis on ne dit pas que c'est parfait, on vient dire que le corollaire de tout ça, c'est : quand on regarde dans les 15, les 50 dernières années, bon, il y a une corrélation avec l'inflation. Donc, on vient dire : On va utiliser l'inflation puis, quand on va revenir dans cinq ans, on va refaire une cause tarifaire avec les mêmes objectifs, toujours, en réalité, de trouver le bon facteur, mais, à la place que ce soit aux 12 mois, que ce soit aux 60 mois.

Et, encore là, je le mentionne parce qu'on nous dit : Ça pourrait être mieux, puis d'autres nous disent : Ça pourrait être mieux, mais ça pourrait être pire. Ça fait qu'ils disent : Ça pourrait être mieux, puis on risque d'avoir un choc tarifaire dans cinq ans. Ça fait que, là, c'est comme : ça pourrait être mieux, risque, et ça pourrait être pire, risque, plutôt que de dire : Bien, mais ça pourrait être correct. Tu sais, ça pourrait être juste correct.

Puis l'avantage que ça a... puis là je vous le dis, là, je réitère, là, parce que vous représentez des consommateurs. Alors, moi, je croise des consommateurs dans mon quotidien, puis l'autre trouve que l'idée n'est pas bête. Ils n'ont peut-être pas capté tout ce que vous avez capté comme risques, mais, nous, ils disent : Moi, un gel l'an prochain, puis à l'inflation les quatre suivantes, là, on trouve ça pas pire. Ça, c'est le consommateur, mais peut-être qu'il est biaisé parce qu'il me parle à moi puis il veut être poli, alors... Mais j'essaie de voir le risque que ça entraîne de venir corriger aux cinq ans plutôt qu'aux 12 mois dans cette perspective-là.

M. Bélanger (Jules) : Oui, donc c'est cinq années où les consommateurs ne peuvent, possiblement, pas bénéficier de baisse de tarifs ou d'augmentation de tarifs qui serait inférieure à l'inflation. Mais, si on présente le deal aux consommateurs comme : Oui, c'est prévisible, mais, en retour, vous allez peut-être payer un petit peu plus cher, je ne suis pas certain qu'ils vont être d'accord avec ça.

• (16 h 50) •

M. Julien : Un peu plus cher ou un peu moins cher, parce que l'historique nous dit... Savez-vous, si on le présente juste sombrement... C'est sûr que, si je dis à quelqu'un : Ça va être prévisible, mais ça va être plus cher que ce que tu aurais payé... Mais ça, c'est présumé quelque chose qui, historiquement, n'est pas démontré.

M. Bélanger (Jules) : Notre présomption à cet égard... et on n'est pas devins, mais notre présomption est à l'effet que les prochaines hausses de tarifs seraient relativement basses, étant donné, comme je vous l'ai dit, par exemple, que les approvisionnements postpatrimoniaux sont prévus comme stables par Hydro-Québec pour les prochaines années. Il y a une croissance des ventes qui est prévue par Hydro-Québec. Ça, c'est des éléments qui militent vers une diminution ou une stabilité, là, dans les tarifs. Donc, c'est ça, notre opposition au projet de loi n° 34 est également en fonction de cette présomption-là.

M. Julien : Mais le groupe qui vous a précédé, c'est l'union... — là, je suis avec l'option, hein?

Une voix : Oui.

M. Julien : ... — O.K., amenait des éléments que je trouvais intéressants par rapport à on va à la cause tarifaire puis on peut faire valoir certains éléments qui n'étaient pas sur la base de la tarification, par exemple, là, toute la notion de l'évolution de l'interfinancement, toute l'évolution des mesures prises par Hydro-Québec pour, en réalité, soutenir les familles à faibles revenus dans le... Bon. Alors, ça, pour moi...

Mais, sur la base tarifaire, quand je vous écoute, le pire scénario qu'on pourrait vivre, ce serait un gel avec inflation quatre ans, puis une correction après cinq ans parce que l'inflation quatre ans a été trop élevée, je veux dire, pour le consommateur, là.

M. Bélanger (Jules) : Oui. Puis je ne suis pas là pour militer pour le pire. Moi, je veux le mieux pour les consommateurs. Puis ce qu'on pense, c'est que les mécanismes qui ont été mis récemment en place répondent aux objectifs qui sont recherchés par le gouvernement, donc de simplification, d'allègement réglementaire. Et, selon, encore là, ce qu'on prévoit, ce qu'on pense que seraient les prochaines hausses de tarifs, bien, dans le cadre réglementaire, les consommateurs résidentiels seraient gagnants.

M. Julien : M. Bélanger... C'est M. Bélanger, hein? M. Bélanger, en 2014... un an avant, en 2013, si on avait eu cette discussion, vous et moi ensemble, du p.l. n° 34, vous auriez eu probablement la même position.

M. Bélanger (Jules) : Comme organisme, là. Ce n'est pas ma position. Mais la position d'Option Consommateurs aurait été la même que celle qui est exprimée dans le mémoire qu'on a déposé.

M. Julien : Actuellement, quand on regarde les résultats, c'est supérieur à l'inflation. Alors, le discours, vous l'auriez tenu de la même façon en 2013, dans la même perspective, mais le réel a été supérieur à l'inflation depuis cette période-là.

M. Bélanger (Jules) : La différence aurait été qu'il y aurait eu un dossier tarifaire avec un examen sérieux, rigoureux des charges. Et, oui, si, au final, l'examen démontre qu'une hausse supérieure à l'inflation est requise, eh bien, ce sont les règles du jeu, ce sont des tarifs qui sont, malgré tout, justes et raisonnables parce qu'ils évoluent selon la réalité qui est propre au distributeur.

M. Julien : ...un de mes collègues qui a une question par rapport à ça.

Le Président (M. Lemay) : Bien sûr. Donc, je céderai la parole, maintenant, au député de Dubuc.

M. Tremblay : Oui, merci, M. le Président. Bonsoir. Merci pour l'engagement, bravo.

À la lecture du mémoire, on peut comprendre que vous avez décortiqué l'aspect technique du projet de loi, c'est clair. À la limite, c'est un plaidoyer en faveur — qui est louable, là — de la régie puis de sa juridiction actuelle.

Je me pose la question... En mode famille, question de famille, on travaille, on essaie de travailler, en tout cas, au niveau de la prévisibilité. Je donnerai les exemples d'hypothèques sur cinq ans fermés, peu importe, à taux variable, même au niveau d'Hydro, avec des tarifs qui peuvent être sur des versements anticipés, sur 12 versements de l'année. Il y a une perspective, aussi, globale, je dirais, de planification. On pourra me corriger, mais je pense que la stabilité implique aussi une planification plus globale au niveau du budget famille.

J'essaie de voir... peut-être, vous pourrez nous expliquer davantage dans quelle mesure vous ne voyez pas du positif, du structurant à de la prévisibilité?

M. Bélanger (Jules) : Oui. Je vais dire quelques mots, puis je vais laisser, en fait, l'experte en conseil budgétaire parler après moi.

Il y a deux choses. D'abord, il existe un mode de versements égaux chez Hydro-Québec. Donc, déjà en place, il y a un moyen pour lisser la facture des consommateurs d'électricité.

La deuxième chose que je dirais, c'est que la régie est très sensible à cet aspect-là de stabilité des tarifs. C'est pour ça que, par exemple, lorsqu'il y a des hivers très, très froids et qu'Hydro-Québec doit peut-être augmenter de manière conséquente ses tarifs, elle va créer des comptes d'écart qui sont étalés sur plusieurs années. Donc il y a déjà, dans la structure réglementaire, des mécanismes en place pour stabiliser les facteurs de croissance ou de diminution des tarifs. Je vais laisser ma collègue...

Le Président (M. Lemay) : Mme De Bellefeuille, la parole est à vous.

Mme De Bellefeuille (Sylvie) : Je vous remercie. Merci pour votre question. Je fais régulièrement des budgets avec des gens, souvent aussi avec des ménages à faibles revenus, donc des gens pour qui le budget, c'est serré, et la facture d'électricité représente un poids important. La question de la prévisibilité, ce n'est pas uniquement lié aux tarifs, c'est un des éléments. Mais souvent un des gros aléas qui va aussi modifier la facture d'électricité, c'est le climat. C'est le climat. Quand on a un hiver qui est très froid et que les gens ont des logements comme des passoires, comme l'a indiqué M. Décary, c'est sûr que ça a un impact sur le budget. Et qu'importe si le tarif a augmenté de 1 % ou 2 %, ce n'est pas l'élément qui va être le plus marquant pour les consommateurs. Ce sera vraiment les aléas qui sont dus au climat, je vous dirais.

Le Président (M. Lemay) : M. le ministre, la parole est à vous.

M. Julien : Juste pour faire du pouce là-dessus, juste pour faire du pouce là-dessus, puis après ça j'avais une autre question, mais, de l'autre côté, j'entends que les aléas, naturellement, de la température, on le sait tous, là, par rapport à notre facturation, il y a un lien, en fin de compte. Mais, au-delà de ça, on comprend bien que... Oui, c'est considéré dans le budget, mais on s'entend également que, si demain matin on disait : On augmente de 10 % le tarif... Les deux sont quand même importants.

Mme De Bellefeuille (Sylvie) : Absolument, M. le ministre, mais, je vous dirais, je doute que, du jour au lendemain, la régie va augmenter les tarifs de 10 % sans raison, là. Et par ailleurs il y a toujours aussi, dans les clauses tarifaires... c'est une des raisons pour laquelle j'y participe aussi, toujours la préoccupation de voir quels sont les effets des hausses de tarifs sur les ménages à faibles revenus.

Pour les gens qui ont de la difficulté de payer, il y a, auprès d'Hydro-Québec, différents modes, des ententes de paiement qui peuvent être prises, qui sont sans frais, qui sont disponibles pour aider ces ménages-là, justement pour les plus démunis, pour pouvoir pallier à ça. Et le mode de versements égaux est une autre façon qui permet aussi de pallier ça. Si jamais il y a un écart, on peut, à ce moment-là, l'étaler l'année suivante aussi, là.

Le Président (M. Lemay) : Donc, je vais céder la parole au député de Bourget pour environ une durée de 3 min 30 s.

M. Campeau : Merci. Je suis très sensible au... ce que vous dîtes par rapport aux consommateurs à faibles revenus. On en voit souvent au bureau de comté. J'ai vu aussi bien un cas qui était un peu olé olé, quelqu'un qui avait fait faillite sept fois qui voulait qu'on l'aide dans ses tarifs d'électricité, je pense qu'on est un petit peu moins sympathique dans ce cas-là, mais j'ai vu, la grande majorité du temps, des gens vraiment mal pris. Et, Hydro-Québec, je les ai vus vraiment extrêmement... Je ne sais pas si on peut parler d'une société d'État empathique, là, mais on a eu du support de leur part, et ça marche vraiment.

Mais je me pose juste la question... On parle du consommateur puis on veut minimiser, minimiser, minimiser. C'est bien. Un des endroits où on utilise beaucoup d'énergie et où nos maisons ne sont pas très bien isolées, c'est bien ici. Puis, quand le coût d'énergie est bas, bien, c'est dans ce temps-là que les gens n'isolent pas. Est-ce que la réaction à tout ça, pour aider les consommateurs, c'est d'avoir quelque chose de prévisible, comme dit le ministre, et un programme d'isolation, à la place? Est-ce qu'on ne vise pas au mauvais endroit pour aider les consommateurs?

• (17 heures) •

M. Bélanger (Jules) : On vient de terminer un dossier de Transition énergétique Québec et, dans le cadre de ce dossier-là... bon, on ne sait pas ce qui va arriver avec l'organisme, mais il y a des programmes que nous, on pense qu'ils doivent être bonifiés. Il y a le programme Éconologis, qu'on a déjà mené dans le passé chez Option Consommateurs, mais qui vise particulièrement les ménages à faibles revenus pour leur livrer des conseils en efficacité énergétique mais également des mesures... donc, par exemple, à l'époque c'étaient des remplacements de thermostat, donc des mesures concrètes qui permettent d'alléger à long terme leurs factures d'électricité.

Et il y aurait certainement... et je pense que le gouvernement du Québec est engagé dans cette voie-là avec la politique énergétique, mais de, oui, mener des programmes de grande envergure au niveau de l'efficacité énergétique, pour nous c'est une avenue absolument à considérer.

M. Campeau : Est-ce que ce n'est pas une meilleure avenue que de vouloir à chaque année contrôler le prix? C'est un peu ça, ma question en arrière. On dirait que je vous avais ouvert la porte pour vendre un projet, là, mais ce n'était même pas arrangé, hein?

M. Bélanger (Jules) : Bien, ce que je comprends des intentions du gouvernement, c'est vraiment la simplification du processus. Puis, comme je l'ai dit, la simplification du processus, pour nous, elle est déjà entamée à la régie, elle porte ses fruits. Il faut la continuer.

Oui, des prix élevés, théoriquement, des prix plus élevés, on va faire plus attention à... on va faire fermer les lumières, on va bien isoler nos fenêtres, nos portes. La réalité est qu'il y a beaucoup de ménages qui sont, par exemple, locataires, qui on très peu de contrôle sur les mesures qu'ils pourraient mettre en place. On a, donc, un parc locatif qui est très, très important.

Donc, ça prend des mesures, oui, à mettre en place. Par contre, même si leurs factures augmenteraient, ces ménages-là seraient pris, ne pourraient pas... ou, en tout cas, seraient limités dans les mesures en efficacité énergétique qu'ils pourraient mettre de l'avant.

M. Campeau : En fait, vous représentez surtout ou presque uniquement des gens qui sont locataires, fort probablement. J'ai raison de dire ça?

M. Bélanger (Jules) : Je n'ai pas les statistiques avec moi, récentes, là. Je ne sais pas si, Sylvie...

Le Président (M. Lemay) : Désolé, la période d'échange avec les membres du gouvernement étant maintenant terminée, je vais céder la parole au député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Et merci de votre présentation. J'aimerais vous donner le temps de répondre à la dernière petite question, de façon très vite, si possible.

Mme De Bellefeuille (Sylvie) : Oui, je vous remercie, M. le député. En fait, on représente l'ensemble des consommateurs. Alors, il y a, là-dedans, des propriétaires et il y a des locataires. Donc, on vise l'ensemble de la clientèle.

M. Birnbaum : Merci. Bon, de toute évidence, une des choses qui fait en sorte que nous sommes ici, c'est pour qu'on décharge le gouvernement collectivement de notre responsabilité morale, légale, fiduciaire de retourner l'ensemble des trop-perçus. Est-ce qu'il y aurait d'autres façons d'aborder cette problématique? La question se pose, et s'est posée durant les deux jours, et va continuer à se poser.

Mais je veux vous poser la question : Selon vous, est-ce que la proposition devant nous répond à la promesse du gouvernement actuel de rembourser l'ensemble des trop-perçus ou y aurait-il eu d'autres façons plus efficaces, plus humaines, plus structurantes de le faire?

Le Président (M. Lemay) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Jules) : Oui. Pour nous, la solution aux trop-perçus, elle existait déjà depuis 2014. La régie, en fait dès 2010, hein, elle évoquait, dans ses décisions, des préoccupations par rapport aux trop-perçus, par rapport aux écarts de rendement, elle a mis en place en 2013 un mécanisme qui traite... qui partage avec la clientèle, en fait, ces écarts de rendement là, qui a été suspendu pour favoriser l'atteinte de l'équilibre budgétaire du gouvernement du Québec. Pour nous, c'est cette solution-là qui était la bonne et qu'il faut maintenir.

 Et donc, pour nous, la question des trop-perçus, c'est quelque chose de passé. Maintenant, ce qu'on veut s'assurer, c'est que les tarifs soient fixés encore par un organisme indépendant et qu'ils soient justes et raisonnables.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Le projet devant nous, on en a parlé un petit peu, mais j'aimerais vous inviter à en élaborer, propose la défense... présentation, par Hydro-Québec, d'un dossier tarifaire une fois par cinq ans. Je crois comprendre que vous auriez identifié plusieurs risques dans cette proposition-là, et vous avez parlé un petit peu de l'état actuel et de vos interventions devant la régie actuellement. Je veux vous inviter de nous offrir un exemple concret, peut-être un portrait d'une de ces 15 années, vous avez dit que ce n'est pas nouveau pour vous, où, au nom de vos membres, les gens qui nous touchent tous, dans nos circonscriptions, en région, partout, de nous parler en... un petit plus de comment ça s'est passé, avec un oeil sur ce qui risque d'être perdu avec la proposition devant nous.

Le Président (M. Lemay) : Mme de De Bellefeuille, allez-y.

Mme De Bellefeuille (Sylvie) : Oui. Bien, en fait, on intervient à différents niveaux. Dans le cadre des demandes tarifaires, il y a également, souvent des demandes, aussi, qui peuvent toucher les conditions de service. Il y a quelques années, je pense que c'était en 2013, entre autres, Hydro-Québec voulait inscrire tous les mauvais payeurs... en fait, tous les clients d'Hydro-Québec, sans même leur consentement, auprès des agences de vérification de crédit, les Equifax, les TransUnion de ce monde. On a, par notre intervention, réussi à convaincre la Régie de l'énergie que ce n'était pas à l'avantage de tout le monde et que ça allait, par ailleurs, même nuire davantage aux ménages qui sont moins bien nantis.

Il y a, donc, vraiment des questions qui sont vraiment importantes, qui doivent être entendues par la régie. Et, quand on regarde le projet de loi tel que déposé, il y a des modifications qui sont faites aux articles 25 et 48 de la Loi sur la Régie de l'énergie qui va même faire en sorte que, lorsqu'il y a des demandes qui sont faites pour modifier que ce soient les tarifs ou les conditions de service du distributeur, la régie ne sera même pas tenue d'avoir une audience publique. Donc, théoriquement, elle peut le faire à huis clos, sur dossier, sans même qu'il y ait d'interventions, il y a, à ce niveau-là, vraiment un problème de transparence, et qui va faire en sorte que même les intervenants ne pourront pas faire valoir leurs points de vue devant la régie.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci. Maintenant, actuellement, aujourd'hui, on est devant le régime qui est en place, avec les présentations des dossiers tarifaires annuellement, et tout ça, et nous nous trouvons devant un projet de loi qui propose de changer tout ça, suite aux discussions normales, j'imagine, entre le gouvernement et Hydro-Québec, qui était ici, ça ne vous surprendrait pas, en notant son approbation, son appui pour le projet de loi devant nous.

Maintenant, comme je dis aujourd'hui, la situation est telle qu'elle est, et il y a une proposition devant nous. Dans ce contexte, croyez-vous qu'Hydro-Québec devrait déposer un dossier tarifaire pour l'année 2020‑2021?

Le Président (M. Lemay) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Jules) : Nous avons, donc, déposé, avec les représentants des industriels et des petites entreprises, une requête à cet effet. Elle est actuellement déposée devant le Régie de l'énergie et poursuivra son petit bout de chemin dans les prochaines semaines. Mais donc c'est déjà fait. Je ne sais pas si c'était votre question... Oui, donc, il y a une requête qui est déposée.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Donc, M. le député de Laval-des-Rapides, la parole est à vous.

M. Polo : Merci. Merci beaucoup. Merci à vous tous. Dans le contexte du projet de loi n° 34, ce dépôt auquel vous faites référence ne serait pas possible.

M. Bélanger (Jules) : Exact. L'article...

Mme De Bellefeuille (Sylvie) : Effectivement, l'article 25 fait en sorte qu'il y a seulement Hydro-Québec qui va pouvoir faire des demandes de tarifs, et les intervenants ne pourront plus le faire.

M. Polo : Donc, si vous ou l'Union des consommateurs, ou peu importe, tout autre organisme, vous jugez qu'à l'an 3... à l'année 3 de cette période de cinq ans, vous considérez que l'augmentation des coûts, en fait, en fonction de... vous considérez que l'augmentation est beaucoup trop élevée, vous n'avez aucun recours. Donc, ici, c'est la dictature d'Hydro-Québec, qui décide quand elle veut faire une demande d'augmenter ou de laisser la croissance des coûts suivre l'inflation.

M. Bélanger (Jules) : Bon, peut-être pour reprendre un peu les discussions qu'il y avait avec l'Union des consommateurs préalablement, si on constatait, dans les informations qui seraient fournies annuellement, prévues au projet de loi n° 34, qu'il y a des surplus particuliers, qu'il y a quelque chose qui se passe qui est inacceptable et qu'on souhaitait faire une demande, eh bien, selon les modifications législatives qui sont dans le projet de loi n° 34, on ne pourrait plus effectuer cette démarche-là.

Puis ce que je comprends également, c'est qu'Hydro-Québec devra demander au gouvernement au préalable, hein, avant le dépôt d'une modification de tarifs, également.

• (17 h 10) •

M. Polo : Mais je vous invite à aller au fond de votre réflexion, au fond de votre... enfin, au bout de votre argument. En quoi le fait que le projet de loi n° 34 retire cette possibilité-là... comment ça vous affecte, vous et vos membres, les gens que vous représentez? Allez plus loin, là, dans votre raisonnement.

M. Bélanger (Jules) : On le voit concrètement, cette année, Hydro-Québec n'a pas déposé de requête, parce qu'elle veut geler, hein, les tarifs. Évidemment, de notre côté, on a analysé les données, c'est un exercice, par ailleurs, qui est difficile du point de vue de l'intervenant, on n'a pas toutes les données en main, mais, selon nous, les tarifs devraient diminuer et non pas être gelés, et c'est une occasion qu'on perdrait certainement si le projet de loi n° 34 était adopté.

M. Polo : Donc, vous dites : Déjà, actuellement, c'est difficile d'obtenir de l'information. Si on se projette dans le futur avec le projet de loi n° 34, il sera impossible, pour vous ou d'autres associations, d'autres organismes, de demander une révision de toute hausse des tarifs. Je ne veux pas mettre des mots dans votre bouche, mais, moi, l'interprétation que j'en fais, c'est un manque de transparence.

Mme De Bellefeuille (Sylvie) : Oui. Je pense qu'on peut effectivement dire ça, d'une certaine façon. Puis il y a un problème d'équité procédurale aussi, là, à travers tout ça. C'est que les parties ne pourront plus intervenir sur certains sujets qui sont d'importance pour l'ensemble de la clientèle d'Hydro-Québec. On ne pourra intervenir qu'aux cinq ans avec les chiffres qui seront publiés au moment de la cause tarifaire. Mais jusqu'à quel point est-ce qu'on va avoir les données précises qui vont nous permettre, à ce moment-là, de faire l'analyse pour voir, sur la période de cinq ans, est-ce que les chiffres sont corrects? Est-ce que le prix sera juste? On ne peut pas le savoir. Et, quand on regarde le projet de loi, techniquement la régie n'est même pas obligée de tenir une audience publique.

M. Polo : Pour un monopole.

Mme De Bellefeuille (Sylvie) : Effectivement.

M. Polo : Quand on met dans la même phrase «monopole» et «manque de transparence», à la fin de la ligne, c'est ça, c'est le consommateur qui sort perdant.

M. Bélanger (Jules) : C'est un risque aussi.

M. Polo : C'est un risque, un risque important.

Mme De Bellefeuille (Sylvie) : Oui, absolument. Oui.

M. Polo : Parfait. Il reste à peu près 30 secondes. D'autant plus, le nouveau mécanisme proposé par le projet de loi n° 34, en fait, il serait hypercompliqué, sinon impossible de déterminer quels seraient ces écarts de rendement futurs, donc de déterminer quels sont les trop-perçus de la société d'État.

Le Président (M. Lemay) : M. le député, sur ces paroles-là, je vais céder la parole au député de Jonquière, et j'imagine qu'il veut demander consentement pour utiliser le temps non utilisé par la deuxième opposition.

M. Gaudreault : Vous imaginez bien.

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Lemay) : Consentement. Allez-y, M. le député de Jonquière, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Vous avez un tableau très intéressant à la page 9, qui est l'évolution des tarifs d'électricité et des prix à la consommation, et je veux le comparer avec le fameux tableau que le ministre brandit à plusieurs occasions et dont j'ai une copie ici, en 8,5 X 11, parce que le ministre a des plus grosses imprimantes que les miennes. Je veux juste comprendre, parce qu'il y indique complètement le contraire. Alors, je comprends que le... Est-ce que je comprends bien que le tableau que vous avez, votre graphique 2 à la page 9, c'est... vous faites figurer si le projet de loi n° 34 était appliqué. Est-ce que c'est ça?

M. Bélanger (Jules) : Bien, il y a, donc, deux choses qui diffèrent : il y a l'indice des prix à la consommation qui est utilisé, moi, j'ai repris exactement ce qui est proposé dans le projet de loi n° 34, mais il y a également, c'est important, la période de base. Parce que, si vous prenez... Hydro-Québec le fait à chaque année, dans ses dossiers, hein, elle montre ce graphique-là, hausses de tarifs, inflation, mais elle prend comme année de base la date de création de la régie, et c'est un autre portrait qui survient. Moi, ce que j'ai... Donc, j'ai pris une période de 10 ans, je pense que c'est...

M. Gaudreault : À partir de 2009.

M. Bélanger (Jules) : C'est ça, donc année de base 2009, les 10 prochaines hausses tarifaires par après. Pour moi, c'est important de prendre une période plus contemporaine, donc qui est plus proche du contexte actuel d'affaires et économique d'Hydro-Québec.

M. Gaudreault : Oui, mais, même si je prends le tableau du ministre à partir de 2009, les hausses autorisées par la régie, selon ce qu'il dit, sont plus élevées que l'inflation. Mais, vous, à partir de 2009, c'est complètement l'inverse, là.

M. Bélanger (Jules) : Je n'ai pas le tableau du ministre en main, là, mais...

M. Gaudreault : Bien, je peux vous le prêter pour les fins de la discussion, là, si vous voulez.

Le Président (M. Lemay) : M. Bélanger, vous l'avez, le tableau, vous l'avez mis à la page 9 de votre mémoire, le tableau...

Une voix : ...pas pareil.

M. Gaudreault : ...mais le tableau du ministre.

Le Président (M. Lemay) : Ah? Bon.

M. Gaudreault : Mais est-ce que je comprends bien? Parce que vous dites : «Hydro-Québec illustre, par exemple, dans ses dossiers tarifaires que la croissance de ses tarifs [était] inférieure à l'évolution de l'indice des prix à la consommation pour l'ensemble du Canada», alors que... Et ce que je comprends, c'est que vous prenez l'indice des prix à la consommation proposé dans le projet de loi n° 34. Je veux juste être sûr de bien comprendre, parce que c'est très, très important.

M. Bélanger (Jules) : Oui. Ben, juste vous donner un exemple, bien, l'indice des prix à la consommation, dans le projet de loi n° 34, exclut les dépenses de boissons alcoolisées, par exemple, le tabac, le cannabis récréatif. C'est un indice québécois également. Ça, c'est important. Lorsqu'on prend un indice qui est canadien, c'est tout le temps supérieur à l'indice québécois. Donc, c'est des détails mais qui sont...

M. Gaudreault : Non, non, non, mais c'est superimportant. Donc, ça, c'est l'indice canadien.

M. Bélanger (Jules) : C'est l'indice québécois. C'est ça, je n'ai pas de source d'information non plus sur le tableau, là. J'ai pris celui qui était, selon ma compréhension, dans le projet de loi n° 34.

Mais je pense que, pour répondre peut-être à votre interrogation, la période de base est évidemment très importante puis détermine le portrait qu'on a, c'est sûr, de l'évolution des tarifs versus l'évolution de l'inflation. C'est peut-être là, la différence. Évidemment, eux retiennent l'année 2003.

M. Gaudreault : Vous, vous prétendez que l'année 2009 est plus réaliste par rapport au contexte actuel en matière d'énergie, là où on s'en va, sur la question des marchés, même la réglementation interne de la Régie de l'énergie.

M. Bélanger (Jules) : Exact, oui. C'est ce qu'on fait régulièrement dans les dossiers tarifaires, d'ailleurs, où, quand Hydro-Québec veut se comparer, elle regarde non pas une période de 20 ans, hein, mais une période peut-être de cinq à 10 années, environ.

M. Gaudreault : Donc, Hydro-Québec elle-même utilise des graphiques ou des... une période historique de 2009, mettons, à aujourd'hui.

M. Bélanger (Jules) : Pour certains projets, c'est ça. Ça va dépendre des discussions.

M. Gaudreault : Donc, si on veut comparer des pommes avec des pommes, il faut prendre des graphiques ou des données qu'utilise Hydro-Québec pour bien justifier les choses. Puis là ce que vous nous démontrez, c'est que, finalement, c'est l'inverse, c'est que les hausses autorisées par la régie sont en bas de l'IPC.

M. Bélanger (Jules) : Ce que je dirais, c'est que les hausses suivent une trajectoire qui est similaire à celle de l'inflation, mais, en général, c'est inférieur, effectivement.

Mais ce que je dirais devant vous tous, c'est que, plutôt que d'avoir ce débat-là, c'est plus sur qu'est-ce qui s'en vient, qu'est-ce qui est prévu vers le futur, parce que c'est ça, dans le fond, peut-être, ce qui est le...

M. Gaudreault : Oui, je suis entièrement d'accord avec vous, puis c'est ça qu'il faut regarder. Nous, comme législateurs, on ne fait pas des lois pour le passé, on fait des lois pour le futur, donc il faut essayer de faire un peu de prospective. Mais c'est parce que le ministre nous revient toujours avec le fameux tableau que vous avez là pour asseoir son argumentaire. Donc, c'est absolument important de bien faire la part des choses. Alors, c'est là-dessus que je voulais vous amener, là. O.K.

Écoutez, il me reste 30... même pas, 25 secondes. Politiser, vous avez nommé ça dans votre présentation. Vous avez vraiment peur de la politisation de la régie ou de la fixation des tarifs.

M. Bélanger (Jules) : Pour nous, c'est un problème, c'est sûr, et un problème qui est survenu. Donc, l'exemple de la suspension du mécanisme de traitement des écarts de rendement en est un. Nous ne serions pas là peut-être, tous, aujourd'hui si le mécanisme avait été en application. Pour nous, c'est important d'avoir... de pouvoir compter sur un organisme qui est indépendant et neutre dans la fixation des tarifs.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Bélanger, M. Corbeil, Mme De Bellefeuille. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'au jeudi 19 septembre, après les affaires courantes, où elle poursuivra son mandat.

(Fin de la séance à 17 h 19)

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