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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles

Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 24 mars 2016 - Vol. 44 N° 73

Consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l’étude du Livre vert intitulé Orientations du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles en matière d'acceptabilité sociale


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Pierre Batellier

Association canadienne de l'industrie de la chimie (ACIC)

Autres intervenants

M. Alexandre Iracà, vice-président

M. Pierre Arcand

M. Germain Chevarie

M. Alain Therrien

Mme Chantal Soucy

M. Norbert Morin

M. Guy Bourgeois

M. Pierre Giguère

Mme Manon Massé

*          M. Richard Lehoux, FQM

*          M. Patrick Émond, idem

*          M. Marcel Groleau, UPA

*          Mme Isabelle Bouffard, idem

*          M. Yves Hamelin, ACIC

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures deux minutes)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l'étude du livre vert intitulé Orientations du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles en matière d'acceptabilité sociale.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements aujourd'hui?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme D'Amours (Mirabel) est remplacée par M. Surprenant (Groulx).

Auditions (suite)

Le Président (M. Iracà) : Il va peut-être arriver plus tard, c'est ça? Excellent, il n'y a pas de problème. Alors, nous entendrons cet après-midi la Fédération québécoise des municipalités, l'Union des producteurs agricoles, M. Pierre Batellier et l'Association canadienne de l'industrie de la chimie.

Alors, je souhaite, bien évidemment, bienvenue à nos premiers invités. Merci de vous être déplacés à l'Assemblée nationale. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderai de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, messieurs, la parole est à vous.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Lehoux (Richard) : Merci. Richard Lehoux, président de la Fédération québécoise des municipalités. M'accompagnent M. Patrick Émond, directeur des politiques à la FQM, ainsi que M. Farid Harouni, conseiller politique.

Alors, M. le Président, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, les distingués membres de la Commission sur l'agriculture, les pêcheries, l'énergie et les ressources naturelles, je remercie la commission d'avoir invité la FQM à partager le point de vue de ses membres sur le livre vert intitulé Orientations du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles en matière d'acceptabilité sociale.

La Fédération québécoise des municipalités représente les intérêts de quelque 1 000 municipalités locales et régionales dans toutes les régions du Québec. Notre mission est de soutenir les municipalités dans leurs champs de compétence actuels et futurs et de conjuguer les forces des territoires pour assurer le développement durable de toutes les régions du Québec.

D'entrée de jeu, nous tenons à rappeler l'importance que les élus accordent à l'acceptabilité sociale. Le développement des ressources naturelles tient une place très importante dans l'économie de plusieurs MRC et municipalités membres de la FQM. Le processus d'information et de consultation des communautés touchées par ces projets est essentiel pour en assurer le succès. À ce titre, nous saluons la volonté du gouvernement d'échanger avec les communautés locales des projets de développement énergétique et minier.

Les secteurs énergétique et minier constituent un extraordinaire moteur de développement pour toutes les régions du Québec. Dans ce domaine, la FQM attend du gouvernement que le milieu municipal — et en particulier les MRC — soit impliqué activement dans la gestion et la planification des activités énergétiques et minières et dans l'élaboration des conditions d'implantation de leur activité. Fortes de l'expérience acquise dans l'aménagement du territoire depuis plus de 35 ans, les MRC ont démontré qu'elles sont en mesure de planifier leur territoire dans une optique de développement durable. Les compétences en matière de développement local et régional ont d'ailleurs été rapatriées à l'échelle de la MRC l'année dernière. Le gouvernement ne doit pas faire l'erreur de travailler en vase clos. Il est impératif que tout projet soit, en premier lieu, cohérent avec la planification et le schéma d'aménagement des MRC.

Un facteur clé de l'acceptabilité sociale est la consultation publique. Nous, les élus municipaux, consultons nos populations et connaissons notre monde et nos territoires. Nous avons les deux pieds sur le terrain tous les jours avec eux. Encore aujourd'hui, les élus municipaux sont parfois les derniers informés d'un projet sur leur territoire. Trop souvent encore, nous devons modifier nos schémas pour nous conformer aux intentions du gouvernement. Tel qu'exposé dans notre livre bleu pour une gouvernance de proximité, la planification et l'aménagement du territoire, c'est notre responsabilité, elle doit être respectée.

J'ajouterais également qu'un effort devrait être fait en matière de partage de l'information entre les ministères. Souvent, nous fournissons les mêmes données à trois ministères différents alors que toute l'information est déjà disponible au ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire. La mise en oeuvre des recommandations du rapport Perrault permettrait de réduire les charges pour les municipalités et faciliter l'action gouvernementale.

Ceci étant dit, en matière de gestion et développement de territoire, le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles a un rôle de premier plan à jouer. L'information est un élément crucial lorsqu'il est question d'acceptabilité sociale pour les projets de toute nature. Évidemment, cette réalité est encore plus importante lorsqu'il s'agit du développement de nos ressources naturelles. À ce titre, la FQM est d'avis que le ministère doit faciliter l'accès à l'information sur les différents projets pour les élus municipaux. Cet accès est un élément clé d'acceptabilité à chacune des étapes de développement des projets énergétiques ou miniers. La FQM recommande au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles de transmettre aux MRC et aux municipalités toute l'information sur les projets énergétiques ou miniers afin de planifier et d'harmoniser l'ensemble des usages sur leur territoire.

En conséquence, la Fédération québécoise des municipalités demande au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles d'arrimer les planifications des secteurs énergétique ou minier aux objectifs du schéma d'aménagement et de développement de chaque MRC concernée. En s'assurant de mettre en place les outils de communication et d'accompagnement performants, le ministère des Ressources naturelles marquerait des points cruciaux lors du déploiement de nouveaux projets de développement.

La FQM adhère à la proposition du livre vert visant à rendre plus transparents et participatifs les mécanismes de planification et de consultation des usages dans les plans d'affectation du territoire public. Toutefois, la FQM considère important d'impliquer les MRC et les municipalités concernées en amont du processus d'élaboration des PATP afin de prendre en compte les enjeux de développement des milieux touchés et les préoccupations des citoyens et de limiter les conflits d'usage potentiels. Les MRC ainsi que les municipalités locales appliquent déjà ces mécanismes de planification participative dans le cadre de l'élaboration de leurs schémas d'aménagement et de développement autant que pour la mise en place des plans d'urbanisme.

Impliquer davantage les municipalités et MRC concernées lors du processus d'élaboration de ces plans d'affectation du territoire public permettrait de faciliter la prise en compte des craintes de citoyens et ainsi limiter les conflits qui pourraient voir le jour pendant le déploiement du projet. La FQM recommande également d'élargir la portée des plans d'affectation des territoires publics en intégrant les activités énergétiques et minières afin de mieux prendre en compte les préoccupations des MRC et des municipalités en amont d'éventuels projets... de développement de projets miniers et énergétiques.

Bien que les consultations tenues avant le début d'un projet soient essentielles, il ne faut pas oublier la diffusion d'information et la cueillette de rétroaction pendant la mise en chantier du projet. Un processus constant de communication avec les MRC et les municipalités permettrait d'assurer de manière continue l'acceptabilité sociale d'un projet de développement. De plus, la FQM croit que le ministère devrait financer et rendre disponibles des études scientifiques visant à outiller les collectivités et les citoyens. La FQM se questionne d'ailleurs sur la pertinence de mettre en place par le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles un bureau indépendant d'analyse des retombées économiques et financières des projets majeurs.

• (15 h 10) •

Selon nous, la multiplication des structures pourrait alourdir le processus d'analyse quant aux impacts, aux retombées économiques et aux répercussions des projets énergétiques et miniers. À cet égard, nous croyons que le ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation pourrait, en collaboration avec le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, produire ces analyses de retombées économiques et financières des projets majeurs. De plus, le ministère de l'Économie pourrait identifier les retombées socioéconomiques spécifiques au niveau régional afin d'améliorer la transparence et la prise en compte des facteurs d'acceptabilité sociale dans l'analyse de ces projets.

En terminant, un partage équitable des bénéfices avec les communautés touchées est un facteur déterminant de l'acceptabilité sociale. Nous constatons que le ministère de l'Énergie et Ressources naturelles inclut déjà cette réflexion sur le partage des bénéfices dans son livre vert. Nous appuyons cette réflexion et croyons que le ministère doit prendre les moyens nécessaires afin de mettre en place des mécanismes de partage des bénéfices avantageant les communautés locales. D'une part, le gouvernement doit agir en cohérence avec l'accord de partenariat Québec-municipalités signé l'automne dernier concernant le partage des revenus. Cependant, il ne doit pas exclure un mécanisme de compensation pour les municipalités et les MRC touchées directement par les nuisances d'un projet. Nous appuyons en cette matière le principe de pollueur-payeur visant à atténuer l'impact sur les communautés d'accueil.

Alors, nous offrons à M. le ministre toute notre pleine collaboration pour la poursuite de la réflexion. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci beaucoup, M. Lehoux. Nous allons débuter maintenant la période d'échange avec la partie gouvernementale. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Arcand : Merci, M. le Président. M. Lehoux, bienvenue parmi nous, de même que M. Harouni et M. Émond. Je dois vous dire au départ que la Fédération québécoise des municipalités est un joueur très important, évidemment, pour nous parce que très souvent, lorsqu'il y a des projets, ce n'est pas nécessairement dans les grandes villes, c'est souvent dans des endroits où plusieurs de vos membres s'y retrouvent.

Je peux vous rassurer dès le départ, j'ai entendu vos commentaires sur toute la question du bureau de projets que nous voulons créer, votre inquiétude en disant : Est-ce qu'on va créer une structure supplémentaire? Et je peux vous rassurer en vous disant au départ que ça va se faire, évidemment, avec les autres ministères. Pour calculer les bénéfices économiques d'un projet, ça va se faire avec les Finances, avec le ministère de l'Économie, etc. Donc, ce n'est pas, je dirais, un seul ministère, il va y avoir une espèce de bureau de projets dans lequel, évidemment, les Affaires municipales seraient également impliquées à l'intérieur de ça. Donc, je peux simplement vous rassurer sur cette question.

Maintenant, comme vous le savez, il y a des plans d'action pour les schémas d'aménagement des MRC et le plan pour les territoires publics également. Comment cette interaction entre les MRC et nous peut être bonifiée quand il s'agit de ce que j'appellerais la conciliation des usages comme telle?

Le Président (M. Iracà) : Alors, un de vous trois, M. Lehoux, M. Harouni ou M. Émond.

M. Émond (Patrick) : En lien avec la conciliation...

Le Président (M. Iracà) : M. Émond.

M. Émond (Patrick) : ...des usages, je pense que, oui, M. le ministre, c'est très important. Nous, je crois que, comme vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, il y a tout l'arrimage que l'on doit avoir en amont des différents projets avec les schémas d'aménagement. Je pense que les MRC depuis, comme je le mentionnais, au-delà de 35 ans, font un exercice important de planification et avec une vision globale du territoire. Pas nécessairement juste en regardant les projets particuliers en lien avec que ce soit l'exploitation des ressources naturelles ou autres, mais avec une vision beaucoup plus globale de l'ensemble du territoire.

Sur la question de comment est-ce qu'on pourrait concilier les usages, je pense que, si on prend le temps, en amont de projets, de s'asseoir ensemble avec le milieu, avec les municipalités et les MRC concernées, il y a sûrement là une façon de faire, là, qui pourrait être établie en partenariat parce que, vous savez, M. le ministre, c'est un mot que j'aime beaucoup utiliser parce qu'on a, dans notre nouvelle entente, utilisé ce mot-là abondamment, et j'espère qu'on va le voir de plus en plus, là, se mettre en place, qu'on travaille en réel partenariat avec les élus locaux via leurs MRC respectives. Je pense qu'on pourra établir lorsque le temps sera venu... On est tout à fait, là, ouverts à regarder, là, comment est-ce qu'on peut établir cette relation-là pour cette conciliation des usages là. Je pense qu'en s'assoyant autour d'une même table on va sûrement être capables de trouver une solution. Parce qu'en impliquant aussi toutes les directions régionales, là, entre autres, là, du ministère des Ressources naturelles, mais aussi d'autres ministères... Parce que je pense que, ce genre de projets là, il faut les travailler vraiment, là, avec une plus grande ouverture possible, là, et ne pas tomber, là, si vous me permettez l'expression, dans le panneau de travailler en silo.

M. Arcand : Je dois vous dire que j'ai été surpris. Tout à l'heure, vous avez dit : Encore aujourd'hui, il y a des entreprises qui viennent avec des projets puis qui ne rencontrent pas les maires. Il me semble que...

M. Lehoux (Richard) : Ils les rencontrent, mais après, M. le ministre.

M. Arcand : Ah! ils les rencontrent après. Avez-vous des cas à nous citer?

M. Lehoux (Richard) : Ils vont rencontrer les citoyens et puis, après ça, ils interpellent les élus. Et puis, entre-temps, bien, souvent, le citoyen a eu le temps de parler à l'élu, puis là l'élu, il dit : Bien, de quoi vous me parlez? Je ne suis pas au courant, là.

M. Arcand : Est-ce que vous avez une idée, pour vous, quel serait le meilleur processus de départ lorsque quelqu'un arrive avec un projet? Est-ce qu'il le dépose aux maires? Comment vous voyez ce scénario-là?

M. Lehoux (Richard) : Bien, de un, il y a une autorisation qui doit être demandée au ministère. Moi, je pense que ça pourrait être le ministère qui fasse ce lien-là avec les élus, les municipalités locales, les MRC pour déjà, là, mettre en amont des rencontres qu'il y aura sur le terrain avec les différents propriétaires de... Là, je vais parler, là, de projets, là, qui sont en secteur privé. Là, c'est sûr que, lorsqu'on est en terres publiques, bien, je pense que c'est vous qui êtes directement concernés, mais le ministère, à notre point de vue, pourrait jouer ce rôle-là, d'être, là, la transmission de l'information entre le promoteur du projet et la municipalité, la MRC.

M. Arcand : M. Lehoux, vous avez une certaine expérience comme maire et au sein de la Fédération québécoise des municipalités, et, je dirais, depuis les cinq ou 10 dernières années, inutile de vous dire jusqu'à quel point l'acceptabilité sociale, ça a été débattu de façon importante. À travers l'expérience qui est la vôtre, quels sont les moyens, d'après vous, les plus constructifs pour favoriser, justement, ce dialogue? Est-ce qu'il y a vraiment des façons... Quand vous regardez ce que j'appelle les histoires à succès — parce qu'on va essayer d'être positifs aujourd'hui — des projets qui ont fonctionné, est-ce qu'il y a eu une façon de faire qui semblait plus évidente qu'une autre?

M. Lehoux (Richard) : M. le ministre, moi, je pense que la première des conditions, c'est la transparence, la transparence, là, de la part des promoteurs de projets. Lorsqu'ils ont une idée, un projet pour un territoire x, cette transparence-là avec le milieu. Je pense que, comme je le mentionnais, vous pourriez être, là, l'interlocuteur entre les parties, mais on a eu... des histoires à succès, oui, il y en a eu, puis je pense que la transmission de l'information la plus complète et la plus précise possible fait que le projet va aller chercher cette acceptabilité sociale. Parce que, quand on parle d'acceptabilité sociale, c'est tout, c'est question de développement durable, question des retombées économiques qu'il peut y avoir d'un certain projet. Et, lorsqu'on est capables d'avoir le maximum d'information, nous, comme élus municipaux... Parce que, je le mentionnais tout à l'heure, on est les plus près du citoyen. Et, quand on a cette information-là, bien, on peut aussi sécuriser nos citoyens, là, dans cette orientation d'acceptabilité sociale.

Parce que moi, je ne suis pas le genre d'individu à dire non à tous les projets, mais je veux bien les comprendre pour être capable de bien les expliquer par la suite aux gens, là, qui auraient certaines craintes, certaines oppositions. Moi, je pense qu'il y a un élément important, là, qui est incontournable, c'est la divulgation de toute l'information possible, là, qui est disponible, et en toute transparence, et le plus rapidement disponible pour les élus locaux. Parce que, souvent, on l'a vu, lorsque ça accroche, c'est parce qu'on est arrivé avec de l'information qui est arrivée par la suite ou elle est arrivée par la bande. Ça, je pense que, si on oriente notre acceptabilité sociale vers maximiser l'information qui arrive, là, dans le milieu, on est convaincus qu'on va être en mesure, les élus municipaux... parce que je reste toujours convaincu qu'on est, au premier chef, les premiers interpelés, quand ça brasse, ça brasse au conseil municipal le premier lundi du mois.

• (15 h 20) •

M. Arcand : Quand il y a eu l'entente Québec-Municipalités, et tout ça, évidemment, on a augmenté, je pense, les redevances, ça faisait partie de l'entente. Vous avez donc parlé, évidemment, du partage des bénéfices, vous avez parlé que, lors du pacte fiscal également, il y avait également question d'un mécanisme de compensation pour les communautés d'accueil éventuellement pour... Est-ce que vous pourriez me dire un peu ce que vous avez en tête quand on parle de mécanisme de compensation? Ça, c'est ce que je dirais si vous me permettez l'expression, c'est en sus, évidemment, des ententes déjà...

M. Lehoux (Richard) : Des redevances qui sont prévues dans l'entente actuelle de partenariat avec les municipalités, oui. Un exemple concret, les chemins à double vocation, parce que c'est souvent une problématique, là, qui intervient lorsqu'un projet s'implante. Les gens, là, vont exploiter la ressource, puis peu importe de quel type elle est. À ce moment-là, les chemins à double vocation seraient un élément essentiel à ajouter, en fin de compte, là, quand on parle d'amener, là, des sommes additionnelles pour compenser. Je pense que c'est... on a un exemple qui est concret, là, actuellement puis qui se vit dans plusieurs régions du Québec, là.

M. Arcand : Est-ce que vous diriez, de façon générale, que les entreprises se comportent mieux maintenant qu'il y a cinq ans ou 10 ans? Est-ce qu'elles ont compris, en général, le message ou si, encore, elles ont besoin d'un accompagnement extrêmement serré au moment où on se parle?

M. Lehoux (Richard) : C'est sûr, M. le ministre, qu'il y a eu, je pense, une nette amélioration dans les dernières années. On a vu des projets se réaliser, et puis avec une nette amélioration au niveau de l'acceptabilité sociale en lien avec ce que je mentionnais tout à l'heure, toute la question de la transparence au niveau de l'information, mais il y a encore, là, des fois, là, quelques récalcitrants, là, qu'il faudrait peut-être qu'on encadrerait encore de façon un petit peu plus précise, pointue, si je peux me permettre, certains éléments.

Entre autres, là, quand on pense aux chemins à double vocation, c'est clair que, lorsque les municipalités locales sont aux prises à être obligées de faire la réfection de ces chemins-là et qu'elles ont peu ou zéro aide, c'est clair qu'à un moment donné ce n'est pas nécessairement juste au milieu où est-ce que la ressource est exploitée à assumer ces frais-là, là, au niveau de cet entretien additionnel qui est demandé par l'utilisation plus fréquente, là, du réseau routier local, et tout ça, là. Ça fait que, ça, je pense que c'est un exemple. Oui, il y a eu une nette amélioration, mais je pense qu'il y a toujours place, là, à continuer à bonifier, là, cette approche-là par de la plus grande transparence au niveau de l'information.

M. Arcand : J'ai une dernière question en ce qui me concerne. Le député de Sanguinet est un économiste, et, vous savez, toute la question des bénéfices économiques, parfois il y a des discussions. Il y a des projets actuellement, par exemple, comme... Énergie Est, à un moment donné, on entend l'entreprise dire : Écoutez, vous avez des bénéfices de plusieurs milliards de dollars dans ce projet-là. Puis il y a d'autres qui font des analyses et qui disent : Écoutez, c'est 30 emplois. Il y a vraiment un décalage très important parfois lorsqu'on regarde la façon dont les choses nous sont amenées. Et ma question, c'est : Pour vous, quels sont les éléments importants? Quand on fait une analyse d'impact économique, pour vous, quels sont les éléments importants? Pour une municipalité, est-ce que c'est de savoir le nombre d'emplois? Qu'est-ce qui, pour vous, vous apparaît majeur là-dessus?

M. Lehoux (Richard) : C'est sûr que toute la question de l'emploi, c'est un facteur qui très important. Mais aussi c'est la raison pour laquelle on va dire : Il faut le regarder sous un angle, là, beaucoup plus large que juste la... Oui, les retombées économiques directes, mais aussi, là, celles qui peuvent, de façon plus indirecte, arriver aussi dans les milieux parce que ça crée une activité, l'implantation, là, de façon permanente, là, de l'exploitation de certaines ressources naturelles. Pour ma part, là, au niveau de la fédération, je pense que... À moins que Patrick, tu aurais un petit mot à ajouter?

M. Émond (Patrick) : Bien, je pense, ce qui est important pour les municipalités quand on parle de retombées économiques, c'est aussi pas juste les retombées positives, mais aussi celles négatives. Pour une municipalité, il faut qu'elle sache, le projet, ça implique quoi aussi au niveau de charges additionnelles. Si on regarde un projet comme Énergie Est, au niveau sécurité, est-ce qu'il y a des ressources supplémentaires que ça va engager pour la municipalité? Donc, comme ça, à ce moment-là, on se trouve à avoir un portrait qui est complet des retombées. Parce que ce n'est pas juste, seulement, des retombées positives. Il faut faire le décompte entre le positif et le négatif, et, à ce moment-là, la collectivité a une idée juste du projet. Et ça soulève moins de doutes parce que, quand on a juste un portrait positif du projet, on se dit : Bien, ce n'est pas vraiment le portrait réel des choses.

M. Arcand : Il faut, en fait, mesurer un peu ce que j'appelle l'impact, là, des infrastructures locales. On a eu la mairesse de Port-Cartier qui est venue et qui nous a expliqué qu'il y avait une rue qu'ils ont faite à un moment donné parce qu'il y avait certains projets d'expansion, et, aujourd'hui, cette rue-là n'est pas vraiment utilisée, il y a des maisons à vendre un peu partout, et les coûts ont été importants en termes d'aqueduc, d'égout et, enfin, tout ça. Donc, je comprends très bien ce que vous voulez dire, mais tout ça doit entrer en ligne de compte. C'est ça?

M. Lehoux (Richard) : Exact.

M. Arcand : Très bien. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais céder la parole pour un temps restant de 3 min 30 s au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie : Merci, M. le Président. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour vos réflexions. Par rapport à l'acceptabilité sociale, lors de votre présentation, vous avez mentionné que les consultations publiques étaient un facteur clé. Et, à cet effet-là, est-ce que votre regroupement, association — la fédération, en fait — a des exigences particulières par rapport aux promoteurs qui viennent dans les communautés de vos municipalités qui sont membres de la fédération? Est-ce que vous avez des exigences particulières? Est-ce que vous faites des recommandations par rapport à ces exigences-là à vos municipalités?

M. Lehoux (Richard) : C'est sûr que la base, c'est... il y a certaines exigences qui sont déjà prévues, là, dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Puis, par la suite, les municipalités et les MRC, par le biais des consultations, établissent eux-mêmes certaines règles, certaines normes qu'elles doivent appliquer. Ça relève vraiment de chacun des territoires, là, à définir, là, au niveau de l'acceptabilité de certains projets, quels paramètres ils vont mettre. Je vous donne un exemple. Chez nous, quand il y a une douzaine d'années, quand les premiers projets de développement éolien sont arrivés, c'est sûr que la MRC s'est positionnée avec l'ensemble de ses municipalités locales pour dire : Bien, chez nous, la norme va être, je ne sais pas, moi, 500 mètres d'une résidence et 1 500 mètres d'un périmètre urbain, ce qui a été appliqué sur l'ensemble du territoire. À partir de cette base-là, bien, le promoteur, lorsqu'il déposait un projet, bien, il était au fait qu'il avait cette exigence-là au départ à respecter avant de nous déposer le projet. Ça fait qu'il arrivait avec une information. C'est pour ça qu'on dit : On doit être en amont, là, de la présentation publique au niveau des projets pour que les promoteurs soient bien au fait, là, des particularités que, là, on s'est données par territoire, puis elles peuvent être différentes, là, d'une MRC à l'autre au Québec.

M. Chevarie : Je comprends vos exigences au niveau des municipalités sur le plan réglementaire, tout ça, mais, je dirais, de façon plus pointue, par rapport aux promoteurs versus les consultations publiques qu'il fait avec l'ensemble des citoyens ou des groupes représentatifs de la municipalité, est-ce que vous avez des conditions comme telles que vous soumettez à un promoteur?

M. Lehoux (Richard) : Pas au niveau de la fédération. La fédération ne s'ingère pas jusqu'à ce niveau-là. Je pense que c'est laissé, là, à la discrétion de chaque milieu de décider, là, comment eux veulent travailler avec les promoteurs dans différents projets. Nous, il n'y a pas de ligne directrice qui est donnée par la fédération, là, à nos membres, qu'ils soient municipalité locale ou MRC, là.

M. Chevarie : O.K. Une question peut-être plus générale.

Le Président (M. Iracà) : 25 secondes, M. le député.

M. Chevarie : Oui. Bon, je vais changer de question. Sur le plan de la consultation, est-ce qu'on donne priorité au niveau local, ou au régional, ou au national?

M. Lehoux (Richard) : Je pense que le niveau local et régional, pour nous, étant la MRC, ces deux-là, je pense qu'ils vont de pair. Ils vont se concerter entre eux pour, vraiment, donner l'orientation qu'ils doivent apporter aux promoteurs des différents projets.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Lehoux. Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder avec la période d'échange avec l'opposition officielle, et je cède immédiatement la parole au député de Sanguinet.

• (15 h 30) •

M. Therrien : Merci, M. le Président. Je vous salue, M. le Président. Je salue les membres de la commission, le ministre et ses collaborateurs. Je vous salue. Merci d'être ici, c'est très intéressant.

Vous avez parlé, en tout cas, au début... même, en tout cas, un bout de temps, là, de l'accès à l'information, vous disiez que c'est extrêmement important. Là, j'imagine — puis je veux vous entendre là-dessus — que c'est, à quelque part, pour mieux identifier les problèmes qui sont liés avec l'arrivée éventuelle d'un projet et ses impacts collatéraux que ça pourrait avoir. J'imagine que c'est ça, le lien entre l'accès à l'information et, justement, d'être capable d'identifier les coûts qui sont liés aux municipalités qui vont devoir...

Une voix : Qui accueillent.

M. Therrien : ... — oui, c'est ça — accueillir les projets comme tels. Je voudrais vous entendre là-dessus, là. Parce que, si vous le demandez, c'est peut-être parce qu'avant vous ne l'aviez pas nécessairement, j'imagine.

M. Lehoux (Richard) : Effectivement. Comme je mentionnais à M. le ministre tout à l'heure, il y a eu quand même une amélioration dans les dernières années, puis on a vu aussi dans plusieurs projets des succès par le fait, là, qu'on avait amélioré cet aspect-là de la divulgation de l'information, et une information la plus précise possible et en lien avec éventuellement des coûts. Parce que c'est sûr qu'on va exploiter une ressource, il y a un projet qui se met en place, et, oui, on disait : Il y a des bénéfices, mais il y a des coûts aussi rattachés à ça pour que les gens puissent bien mesurer l'impact, là, des coûts-bénéfices par rapport aux projets qui sont présentés. Pour nous, c'est une des préoccupations. Il y a eu une amélioration dans les dernières années, mais on est convaincus qu'on peut aller encore un petit peu plus loin pour faciliter encore de façon plus importante cette acceptabilité-là.

M. Therrien : O.K. Vous le mentionniez aussi quand on parlait des impacts économiques, vous nous avez fait une certaine litanie de ce que vous entendiez par impacts économiques et vous aviez insisté, justement, sur les problèmes liés, là, justement, à l'utilisation excessive de certaines routes ou, bon... Hier après-midi, il y a des gens qui sont venus nous voir et qui parlaient d'impacts économiques, mais des retombées négatives, comme vous l'avez fait, dans le sens que vous l'avez présenté tantôt, sauf qu'eux rajoutaient aussi l'aspect, là, qu'on appelle en économie coûts d'opportunité. C'est de dire, par exemple, si on utilise un terrain pour, justement, faire en sorte d'exploiter la mine, ce terrain-là ne sera plus disponible pour faire autre chose, donc plus disponible pour l'agriculture, par exemple, ou pour autre chose.

Est-ce que vous, dans les impacts économiques, vous allez inclure, vous aimeriez inclure ce genre de coûts là aussi qui ne sont pas nécessairement des conséquences négatives directement reliées à l'utilisation de la mine, mais qui seraient, tout simplement, liés avec l'opportunité perdue d'utiliser cette ressource à d'autres objectifs, tout simplement?

M. Lehoux (Richard) : C'est sûr qu'on voudrait recevoir, en fin de compte, là, ces informations-là parce que je pense que ça met aussi, là, en perspective l'ensemble, là, de l'apport économique qu'un projet peut apporter. C'est certain que nous, si on peut avoir cette information-là, ça va être un élément additionnel à prendre en compte, là, dans l'implantation de ces futurs projets là. Je pense que oui, il y a un intérêt, là, significatif.

M. Therrien : O.K. Donc, vous seriez donc, en tout cas, intéressés à ce qu'on fasse éventuellement une analyse qui irait dans ce sens-là. Je ne sais pas si... Il faudrait qu'on en parle plus tard avec le ministre, voir si ça se fait déjà. Je ne suis pas au courant, là, si ces coûts sont évalués dans la création d'une activité minière ou énergétique dans une ville comme telle, je ne sais pas si c'est déjà inclus.

M. Lehoux (Richard) : Dans certains projets, oui, ça peut avoir été tenu en compte, mais ce n'est pas majoritaire, là. C'est pour ça que peut-être, là, comme je le mentionnais à M. le ministre tout à l'heure, avoir un petit peu plus d'encadrement dans cet objectif-là, je pense que ça serait un élément positif.

M. Therrien : O.K. Donc, ce n'est pas une règle, mais c'est fait dans quelques cas, et vous aimeriez peut-être que ça soit fait plus systématiquement. C'est ce que je comprends.

M. Lehoux (Richard) : Plus systématiquement, parce qu'on a eu des promoteurs qui, oui, l'ont fait, ils l'ont fait d'entrée de jeu, de mettre ces éléments-là de coût là dans l'ensemble de la présentation de leur projet, mais ce n'est pas toujours le cas.

M. Therrien : O.K. Parfait. Je voudrais faire du pouce avec ce que vous avez mentionné auparavant. Quand vous parliez d'analyse économique, vous disiez qu'il y aurait un organisme indépendant qui découle, si on veut, du MERN pour faire l'analyse économique, puis vous avez suggéré, tout simplement afin d'éviter, là, une surabondance, là, d'étapes à franchir ou, en tout cas, de ministères à toucher, dire : Bien, pourquoi on ne ferait pas directement ça à l'intérieur du ministère de l'Économie?

Moi, je vais essayer d'expliquer en quoi, moi, ça me dérangerait en quelque sorte, que ce soit fait par le ministère de l'Économie. Mais il ne faut pas prendre ça négativement, là, mais c'est une réflexion que j'ai, je me dis : De faire une analyse avantage-coût sur les produits ou les projets miniers, ça demande une expertise particulière en économie que la plupart des économistes n'ont pas. Et puis, en économie, c'est une science qui est extrêmement large et qui fait en sorte qu'il y a des économistes qui ne pourraient pas effectuer ce genre de travail. Alors, moi, quand je pense à ça, je me questionne à voix haute, je me dis : Est-ce que le ministère de l'Économie est déjà pourvu de ce genre d'économistes qui seraient capables de faire cette analyse très pointue de la science économique? Entre autres, d'internaliser les externalités négatives qu'on peut avoir d'un projet, entre autres, ce n'est pas donné à tous les économistes de faire ça.

Alors, ma question serait, tout simplement, de dire : Est-ce que cet organisme indépendant deviendrait plutôt un expert dans le genre d'évaluation de projets qui pourraient vous toucher éventuellement et qui permettrait d'avoir une analyse plus fine, plus efficace, peut-être, à la limite, moins coûteuse, dû à la répétition de ces projets-là? Est-ce que vous trouveriez, peut-être, que ce serait une opportunité intéressante? Puis même, à la limite, cet organisme-là ou ce département-là pourrait tellement être fort en internalisation... j'ai trop de la misère avec ce mot-là, d'internaliser les externalités économiques à un point tel que l'acceptabilité sociale s'en trouverait davantage précisée.

M. Lehoux (Richard) : Oui, on pourrait être ouverts à cette possibilité-là, certainement. Nous, on l'amenait beaucoup plus sur l'angle, là, d'avoir une certaine cohérence entre les actions des différents ministères aussi. M. le ministre nous a rassurés en début d'intervention sur cet angle-là, mais la création de... pour nous, on ne veut pas non plus alourdir, là, de façon plus importante, là, un projet parce que, souvent, des fois, là, c'est ce qui va faire que ça peut mettre fin, en fin de compte, là, à la possibilité d'un projet de voir le jour. Ça fait que, oui, sur cet angle-là, je pense que ça pourrait être pensable parce que c'est certain qu'au niveau économique ça prend, des fois, des spécialistes de façon un petit peu plus pointue, si je peux me permettre, là.

M. Therrien : Oui. Bien, non, mais c'est parce que votre critique est très sensée, elle est aussi reprise par beaucoup d'intervenants qui sont ici, qui sont venus ici, et donc moi, je me dis, bien, à la limite, je pense que vous avez raison, mais il y aurait peut-être une façon de construire ce genre de département là qui permettrait, justement, d'éliminer certains dédoublements ou des choses du genre.

Par rapport au schéma d'aménagement, est-ce qu'on pourrait s'en servir pour assurer une meilleure harmonisation des usages pour favoriser l'acceptabilité sociale?

M. Lehoux (Richard) : Oui. Oui, parce que, dans le fond, c'est vraiment l'outil qui est là depuis au-delà d'une trentaine d'années, qui sert vraiment, là... et puis qui est révisé, là, de façon assez systématique pour plusieurs MRC au Québec. Je pense qu'il y a un outil là qui devrait être utilisé encore de façon plus significative pour, vraiment, arrimer les usages, là, qui peuvent être permis sur les territoires, quand on arrive avec l'implantation d'un projet x, bien, qu'on s'assoie puis qu'on regarde à l'intérieur du schéma d'aménagement actuel est-ce qu'il pourrait être bonifié, modifié. Je pense que le milieu est toujours ouvert à regarder ça en lien avec tout l'arrimage qui vient avec les plans d'urbanisme des municipalités. Puis, lorsqu'il y a des modifications à nos schémas d'aménagement, bien, tout le monde est interpelé, des consultations publiques sont faites. Je pense que c'est fait, là, avec toute la transparence, là, qu'on veut qui soit.

M. Therrien : Oui, oui, oui. Donc, ça met un peu dans le sens, là, de la transparence que vous soulevez à l'intérieur de la démarche. Est-ce que le livre vert... Dites-moi-le, là, je suis peut-être un peu naïf, là, je n'ai pas vu nécessairement dans le livre vert... Est-ce que le livre vert ouvre la porte à ça, la porte à dire : Bien, on va utiliser davantage le schéma d'aménagement ou vous pourriez, à travers les démarches utilisées dans le livre vert, dire : On pourrait l'insérer, alors tout simplement... Je ne sais pas si vous comprenez ma question, je ne suis peut-être pas clair, là.

M. Lehoux (Richard) : Oui, oui, je comprends. C'est sûr que je crois qu'il y a une place pour l'insérer, et c'est la raison pour laquelle on insistait beaucoup dans notre mémoire sur cet angle-là, là, de vraiment, là, faire jouer le rôle que le schéma d'aménagement doit jouer dans chacun de nos territoires. Oui, ça serait pertinent, là, qu'on puisse, là, l'insérer dans toute la démarche actuellement de toute la question sur l'acceptabilité sociale. Je pense que ça devrait, là, faire partie intégrante. C'est la raison pour laquelle on l'amenait de façon régulière dans notre mémoire.

M. Therrien : O.K. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste 40 secondes, M. le député.

M. Therrien : O.K. Bien, écoutez, moi, ce que j'ai trouvé, au départ, votre présentation, je pense qu'elle était importante dans plusieurs sens, mais dans le sens où vous disiez : Les municipalités sont des incontournables pour l'acceptabilité sociale. Et, quand je lis le livre vert, j'ai espoir qu'on vous laisse davantage de place, justement, dans l'accès à cette acceptabilité sociale. Je voudrais peut-être vous laisser là-dessus, là.

M. Lehoux (Richard) : Subsidiarité et puis imputabilité, je pense qu'on espère aller encore un peu plus loin. Je pense, ça fait partie de nous, notre livre bleu qu'on a déposé pour donner vraiment, là, tout le sens, là, à la responsabilité que les élus ont et la proximité qu'ils ont avec leur population, leurs citoyens.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Lehoux. Merci, M. le député de Sanguinet. Alors, nous allons débuter la période d'échange avec la deuxième opposition, je cède immédiatement la parole à la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois.

Une voix : Bonjour.

• (15 h 40) •

Mme Soucy : Dans vos recommandations, la première recommandation que vous faites, je ne la citerai pas, là, mais est-ce que vous parlez d'avoir une étape pour chaque type de projet, une étape pour le projet en énergie, un projet... Est-ce que c'est de ça que vous parlez? Ou précisez-le si ce n'est pas...

M. Lehoux (Richard) : Pour nous, en fin de compte, quand on parle d'arrimer les plans sectoriels, parce qu'on a beaucoup de planifications, là, qui se font, là, à gauche et à droite, et il y a nécessairement, là, souvent peu d'arrimage entre ces planifications-là. Nous, on le mettait comme première recommandation pour avoir la préoccupation que l'ensemble de ces planifications-là soient vraiment arrimées avec les schémas d'aménagement des MRC.

Mme Soucy : Ici, j'ai la liste des documents qui sont consultés par secteur. C'est ce qu'il y a sur le site présentement. Comment vous faites, les municipalités? Est-ce que vous arrivez à faire le tri là-dedans? Est-ce que vous naviguez là-dedans, puis c'est très clair? Parce qu'il me semble, de l'extérieur, c'est très lourd. Je me pose la question si c'est utile pour vous comme secteur de territoire. Je ne sais pas si vous le consultez, si, pour vous, c'est clair. C'est un outil que vous vous servez ou pas?

M. Lehoux (Richard) : Moi, je pense...

Mme Soucy : Non?

M. Lehoux (Richard) : Non.

Mme Soucy : O.K.

M. Lehoux (Richard) : Quand vous me parliez de lourdeur, je pense que vous avez un exemple concret, là. Et puis d'harmoniser, d'arrimer les planifications, je pense qu'il y a un travail qui pourrait être fait, là, de façon significative.

Mme Soucy : Et j'y vais avec votre recommandation 6. Vous dites... bon, vous recommandez, en fait, au MERN de financer les études scientifiques afin que les MRC et les municipalités concernées puissent mieux évaluer les impacts environnementaux, socioéconomiques. Précisez quel type d'étude devrait se faire, mais qui ne se fait pas actuellement.

M. Lehoux (Richard) : C'est parce que c'est plus dans le sens où il y a des études qui se font actuellement, mais elles sont souvent faites par le promoteur. Et, nous, la demande va dans le sens plus que ça devrait être plus au ministère d'assumer pour avoir la plus grande objectivité parce que, lorsqu'une étude est apportée par un promoteur, pour le citoyen, c'est sûr que ça laisse toujours une interrogation.

Mme Soucy : C'est juste par crédibilité. Parce que, dans le fond, que ça soit le promoteur qui fasse faire l'étude ou le MERN qui paie l'étude, pour vous, ça fait une différence?

M. Lehoux (Richard) : Bien, c'est une question de crédibilité, effectivement.

Mme Soucy : O.K. Recommandation 8. D'après votre expérience, là, sur le terrain, quelles sont les nuisances qui reviennent constamment? Puis pourquoi qu'on n'arrive pas à les contenir?

M. Lehoux (Richard) : Je vais revenir avec celle que j'ai mentionnée tout à l'heure, toute la question, là, des chemins à double vocation, c'est clair que c'est quand même une nuisance. On peut lui donner le nom que l'on veut, mais il y a une compensation, là, qui devrait suivre parce qu'il y a une utilisation qui est faite de façon plus intensive...

Mme Soucy : Des infrastructures.

M. Lehoux (Richard) : ...au niveau des infrastructures. Je pense que c'est beaucoup, beaucoup à cet endroit-là.

Mme Soucy : Bien, c'est plus pour les infrastructures. O.K. O.K. Merci, monsieur...

M. Lehoux (Richard) : Ça me fait plaisir...

Mme Soucy : ...messieurs.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci beaucoup, Mme la députée de Saint-Hyacinthe. Je vous remercie, messieurs, beaucoup de votre présentation.

Je vais suspendre les travaux quelques instants et j'invite le prochain groupe à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 44)

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Iracà) : Alors, je déclare la séance ouverte. À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vais vous demander de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Madame et messieurs, la parole est à vous.

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Groleau (Marcel) : Alors, merci beaucoup, M. le Président de la commission, M. le ministre, MM. et Mme les députés. Il nous fait plaisir d'être avec vous. Mon nom est Marcel Groleau, président de l'Union des producteurs agricoles. Et je suis accompagné de Mme Isabelle Bouffard — oui, c'est ça, Bouffard — qui, sur des questions plus techniques, là, pourra m'être d'une précieuse aide.

Alors, rapidement, pour résumer notre mémoire... Alors, on tient à vous remercier de nous recevoir pour pouvoir transmettre nos appréciations et commentaires sur la question de l'acceptabilité sociale. Alors, l'acceptabilité sociale constitue désormais un passage obligé pour l'implantation de tout nouveau projet dans une communauté. Toutefois, comme l'indique dans le livre vert... le thème «acceptabilité sociale» ne fait pas l'objet d'une définition consensuelle. «De plus, l'acceptabilité sociale ne signifie pas unanimité.» Alors, il faut définir à brève échéance le terme «acceptabilité sociale», surtout dans le contexte d'un éventuel encadrement législatif. En ce sens, même nous, on ne s'est pas arrêtés à tenter de trouver une définition dans ce contexte-là, ce sera sans doute difficile d'arriver à un consensus.

Rendre plus transparents et plus participatifs les mécanismes de planification et de conciliation des usages dans les plans d'affectation du territoire public, communément appelés PATP, et les actualiser. Comme l'indique dans le livre vert... le ministère des Ressources naturelles est responsable du processus d'élaboration des plans d'affectation, qui consistent à définir pour chaque région des orientations relatives à l'utilisation du territoire public, qui intègrent les vocations et les préoccupations des différents acteurs tout en limitant les conflits d'usage entre les activités existantes et les projets. L'union comprend qu'avec cette orientation le ministère souhaite élargir la portée des plans d'affectation afin d'y inclure les activités minières et énergétiques.

L'union demande au ministère d'être vigilant dans sa recherche d'optimisation des revenus et de protéger les superficies des terres publiques qui pourraient être propices à l'exploitation de production alimentaire, alors, par exemple, érablières, bleuetières ou autres fruits nordiques et même champignons, ce qu'on appelle les produits forestiers non ligneux. Alors, il faut, lorsqu'on aura à évaluer l'optimisation de ces territoires-là, ne pas oublier que la fonction nourricière de la terre demeure essentielle. Simplement au niveau acéricole au Québec, on parle de retombées de 610 millions et, au niveau du bleuet, de 90 millions, et il y a un grand potentiel de développement sur les terres publiques dans ces deux secteurs-là.

Assurer la mise en place de processus prévisibles d'information et de consultation à toutes les étapes du projet. Alors, l'union est sensible à cette orientation, qui privilégie une consultation des parties prenantes le plus possible en amont d'un projet. De cette façon, le promoteur sera en mesure de prendre davantage en compte les préoccupations des personnes directement touchées et celles des communautés dans son projet. Bien que l'union soit favorable à l'établissement de guides, d'indications et de matériel d'information, elle reste perplexe à l'égard de la réalisation par le ministère de matériel servant à présenter et à expliquer le projet. Selon nous, il s'agit d'une responsabilité qui incombe au promoteur.

• (15 h 50) •

Favoriser un partage des bénéfices. Alors, cette orientation propose de favoriser la maximisation des retombées économiques des projets dans les communautés d'accueil. Au cours des dernières années, une tendance a été constatée. Lorsque les projets ont des effets contraignants, l'une des façons d'en minimiser les impacts est de les repousser vers les territoires moins densément peuplés. C'est pourquoi les projets miniers et de production d'énergie — éolien, hydrocarbures — ou de transport d'énergie — lignes de transport d'électricité et pipelines — sont très souvent localisés en secteur agricole et forestier. Pour ces raisons, l'union est d'avis que ces propriétaires qui voient leur droit de propriété compromis devraient aussi obtenir une part des retombées, et non uniquement les communautés. Sans ces propriétaires, le reste de la communauté serait privé des retombées économiques associées à la venue d'un projet énergétique ou minier.

Renforcer la capacité d'analyse du ministère sur les impacts, les retombées économiques et les répercussions des projets en assurant la prise en compte des facteurs d'acceptabilité sociale. Alors, concernant cette cinquième orientation, le livre vert propose la mise en place d'un bureau indépendant pour analyser les retombées économiques et financières des projets majeurs, retombées qui seraient rendues disponibles par la suite. Relativement à ce dernier élément, l'union est favorable à ce que le ministère réalise certaines analyses économiques et qu'il coordonne le projet dans les différents ministères intervenant dans les processus d'autorisation. Toutefois, contrairement au constat auquel arrive le consultant embauché par le ministère, l'union est d'avis que le processus d'autorisation environnementale doit rester indépendant et éviter de donner l'impression d'être biaisé, notamment par la perspective des retombées économiques. Le MDDELCC et le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE, doivent pouvoir évaluer les impacts environnementaux en toute impartialité.

En ce qui a trait à la mise en place du bureau indépendant d'analyse des retombées économiques et financières des projets majeurs, l'union souhaite sensibiliser le ministère. Avant d'aller de l'avant avec un projet ou le développement d'une filière, tous les risques doivent être analysés. De plus, il faut s'assurer à la base que cela se traduira par des retombées économiques réelles non négligeables pour le Québec, qui surpasseront l'ensemble des risques et des coûts, notamment sur le plan environnemental.

L'union estime qu'il est indispensable de tenir compte de l'importance économique de l'agriculture et de la foresterie dans le cadre de développement de tout projet minier ou énergétique soumis à l'acceptabilité sociale. Les producteurs agricoles et forestiers du Québec refuseront de subir les contraintes associées au développement de cette industrie, surtout s'il n'est pas clairement démontré qu'elle sera bénéfique à long terme, en fin de compte, pour la société québécoise.

L'autorisation de la Commission de protection du territoire agricole, alors c'est un point qu'on ajoute. La commission doit toujours pouvoir intervenir au sujet de tout projet non agricole en zone agricole qui nécessite une autorisation préalable de la commission pour se réaliser. Le livre vert du ministère ne suggère pas qu'il pourrait en être autrement, mais l'union tient à préciser qu'une pareille éventualité serait inacceptable. L'union s'oppose à toute diminution de la compétence de la Commission de protection du territoire agricole, car cette dernière dispose de l'entière compétence pour autoriser un projet non agricole en zone agricole et d'en juger les impacts sur le territoire agricole.

Autres éléments qui amélioreront l'acceptabilité sociale, alors on parle des retraits des droits d'expropriation. Nous souhaitons rappeler l'importance du principe de la propriété privée dans notre société. Le droit d'expropriation doit davantage être associé à un privilège pouvant être exercé par une minorité d'organisations tels gouvernement, sociétés d'État, municipalités. L'union demande, par souci de transparence, que le droit d'exproprier un propriétaire foncier pour le développement minier, pétrolier, gazier soit déterminé par l'Assemblée nationale du Québec dans une loi particulière à chaque cas, et non plus par le gouvernement siégeant en conseil, suivant les articles 235 de la Loi sur les mines et 36 de la Loi sur l'expropriation.

Développement d'ententes-cadres. La plupart des projets miniers d'énergie développés en terres privées se retrouvent en secteur agricole et forestier. L'expérience des dernières années démontre que le développement d'une entente-cadre entre le promoteur et l'union est nécessaire afin d'en arriver à une acceptabilité du projet auprès des producteurs. Rappelons que l'union a une grande expérience dans ce domaine. L'union demande au ministère d'ajouter dans son livre vert un point qui contraindrait les producteurs qui déploient des projets qui pourraient toucher plusieurs producteurs agricoles et forestiers à conclure une entente-cadre avec l'association accréditée qui représente les producteurs agricoles.

Responsabilité en cas de contamination. Alors, en cas de contamination — et je terminerai là-dessus — par une entreprise minière ou énergétique, un propriétaire aura le fardeau de la preuve et il devra intenter des recours contre la compagnie, qui dispose souvent de moyens financiers beaucoup plus importants que lui.

Afin d'améliorer l'acceptabilité sociale, le ministère doit s'assurer que les producteurs agricoles et forestiers qui devront vivre avec une installation minière ou énergétique sur leurs terres ne soient pas tenus responsables de ces activités ou ces infrastructures. L'union salue les dispositions prévues à la Loi sur les mines qui prévoient que le ministère devra veiller à ce que les entreprises déposent 100 % des sommes nécessaires à la restauration du site au cours des deux premières années d'exploitation. Toutefois, l'union recommande que le ministère aille plus loin en prévoyant la mise sur pied d'un fonds afin de pallier tout problème qui pourrait survenir après la fermeture d'un site pour les dossiers miniers ou ceux liés à l'énergie. L'union invite le gouvernement à s'inspirer de l'une des décisions de l'Office national de l'énergie qui oblige les compagnies pipelinières à amasser suffisamment de fonds pour faire face à leurs obligations lors de la cessation de leurs activités et aussi pour couvrir tout dommage qui pourrait survenir après celles-ci.

Alors, en conclusion, selon nous, l'acceptabilité sociale constitue désormais un passage obligé pour l'implantation de tout projet dans une communauté. Cependant, ce terme mérite d'être clairement défini avant toute chose. L'exercice que le ministère réalise au travers de son livre vert définit cinq grandes orientations. L'union rappelle que plusieurs projets miniers ou énergétiques sont localisés en terres privées, agricoles ou forestières. Ainsi, les demandes que l'union formule auprès du ministère prennent tout leur sens. Merci beaucoup.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Groleau. Vous vous êtes pratiqué. Vous êtes à 19 secondes avant la fin, donc vous avez fait ça dans les temps. Bravo!

Alors, nous allons débuter immédiatement la période d'échange avec la partie gouvernementale. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. M. Groleau et Mme Bouffard, bienvenue parmi nous aujourd'hui. Comme vous le savez, je pense que c'est très majeur comme organisme. Je pense que l'organisation, l'UPA, est vraiment un joueur incontournable dans plusieurs des projets que nous avons au Québec.

Et ma première question... ou, en fait, mon premier commentaire, je devrais dire, c'est que je peux vous sécuriser en commençant, il n'est pas question de se substituer, sur le plan environnemental, à ce qui existe déjà, que ce soient des BAPE, ou tout ça. Alors, je voulais simplement, d'entrée de jeu, vous dire que ce n'est pas l'objectif. Nous, on pense que, lorsqu'un projet est devant nous, on a un rôle à jouer comme ministère, et il est très important que la transparence règne, que l'information soit connue du public le plus possible en amont, on l'a répété à plusieurs reprises, et c'est en ce sens-là que nous voulons agir.

Maintenant, j'aimerais vous poser une question sur ce qui m'a intéressé beaucoup dans ce que vous avez dit jusqu'ici, c'est que vous parlez d'ententes-cadres. Est-ce que vous pourriez m'en parler un peu plus? Est-ce que vous en faites, des ententes-cadres, au moment où on se parle? Comment ça se déroule actuellement avec les producteurs agricoles lorsqu'il y a un projet qui arrive sur une terre agricole, par exemple? Est-ce que les agriculteurs doivent venir vous voir? Est-ce qu'ils peuvent faire des ententes personnelles? Est-ce qu'ils doivent passer par l'UPA? Qu'est-ce qui se passe actuellement?

M. Groleau (Marcel) : Bien, actuellement, on commence, lorsqu'un projet arrive... Prenons un projet de ligne de transport d'électricité, la région sur laquelle le projet va se déployer, nos fédérations régionales sont consultées sur le tracé de moindre impact. Donc, déjà là, il y a un travail qui commence par nos gens de donner leur opinion sur le tracé de moindre impact en fonction, bon, du projet lui-même. Naturellement, on ne peut pas déplacer toujours le projet, mais nos producteurs sont donc consultés par des rencontres publiques qu'on fait avec eux. On leur présente le projet, puis on discute avec eux d'où tel ou tel pylône pourrait être situé, bon, etc.

Par la suite, une fois que le tracé est déterminé, on rencontre encore une fois les producteurs et, à ce moment-là, on va chercher d'eux l'autorisation de négocier en leur nom. Alors, c'est sûr que nous, on ne peut s'imposer comme leur négociateur. Ce sont eux qui nous confient ce mandat-là, on essaie d'obtenir pour eux la meilleure entente en fonction des conséquences que ça peut créer pour l'un ou pour l'autre, et, par la suite, bien, le promoteur, avec cette entente-cadre-là, va rencontrer les producteurs et convenir avec eux d'une entente sur la base de cette entente-là. Mais un producteur pourrait demander plus ou pourrait ne pas être satisfait de cette entente-cadre-là. Ça ne lie pas nécessairement tous les producteurs, mais ça crée un contexte de négociation transparente, plusieurs consultations.

Par exemple, actuellement, dans le projet Énergie Est, on a commencé à discuter avec les gens de TransCanada, mais vraiment pour voir, là... Parce qu'ils nous ont expliqué la profondeur du pipeline. Pour nous, elle n'est pas suffisante. Les risques encourus par les producteurs lors de bris ne sont pas suffisants pour nous, donc on a des discussions avec eux. Ça ne veut pas dire qu'on est déjà d'accord avec le projet, mais on a commencé à analyser les conséquences. Voilà, c'est un peu comme ça qu'on travaille.

Puis aussi ce qu'on a d'intéressant, c'est que, dans ces ententes-cadres-là, nous, on négocie la présence d'un RUPAC. C'est un représentant de l'UPA sur le chantier. Alors, cette personne-là s'assure que les conditions qu'on a négociées... Profondeur du pipeline, nettoyage des sites, respect du territoire, minimiser les impacts sur les terres, lui, il est là pour surveiller ça. Donc, ça donne aussi confiance aux producteurs, qui, individuellement, ne pourraient pas s'offrir ce genre de service là ou le négocier. Alors, c'est un peu comme ça qu'on agit avec les producteurs.

Isabelle est sur le comité de liaison avec Hydro-Québec, alors peut-être qu'elle peut ajouter quelques informations, mais c'est...

• (16 heures) •

Mme Bouffard (Isabelle) : Bien, en gros, comme le disait M. Groleau, bon, on a l'exemple d'Hydro-Québec. Hydro-Québec, on a une entente provinciale, donc, pour les lignes. La façon dont ça se déroule, c'est circonscrit dans cette entente-là. Mais cette démarche-là, à chaque nouveau projet, Hydro-Québec, on a cette entente-là générale. Mais, par exemple, un pipeline, s'il y avait un nouveau pipeline, donc, à chaque fois, il y a, dans le fond, une nouvelle entente qui est négociée de la façon dont M. Groleau vous disait quand on a le mandat de nos producteurs, et ça couvre plusieurs éléments. Ça couvre les mesures d'atténuation des impacts, donc, pour s'assurer que les terres reviennent dans leurs états le plus rapidement possible. Ça couvre les compensations, mais ça couvre aussi les documents juridiques. Donc, comme le mentionnait M. Groleau, on veut s'assurer que nos producteurs, à long terme, soient le plus couverts possible. Et, dans le fond, ces compagnies-là, vous le savez tous, ont des contentieux importants, donc on ne peut pas demander individuellement à un producteur agricole de se payer un contentieux à la hauteur des contentieux des compagnies. Donc, ça permet d'avoir, dans le fond, des forces comparables pour, dans le fond, s'assurer que les producteurs signent des documents qui ne seront pas à leur désavantage.

M. Arcand : Et, en général, cette formule que vous avez employée, est-ce qu'il y a eu des ratés à un moment donné? Est-ce qu'il y a toujours eu du succès? Est-ce qu'il y a eu des problématiques qui sont survenues par rapport à ça?

M. Groleau (Marcel) : De façon générale, ça fonctionne bien parce que les producteurs ont confiance dans l'organisation, puis ils sont sûrs qu'on va négocier la meilleure entente possible pour chacune des circonstances. Mais, naturellement, dans le cas, par exemple, du pipeline qu'a fait Valero Montréal, bon, il y a quand même eu des producteurs qui n'en voulaient pas du tout. Donc, c'est sûr qu'on rencontre ça aussi, là, donc. Mais je pense que d'avoir une entente générale avec l'Union des producteurs agricoles, dans la plupart des cas, a facilité beaucoup l'acceptabilité sociale de ces projets-là.

M. Arcand : Qu'est-ce que vous faisiez dans le cas où vous aviez des producteurs qui étaient... Est-ce que vous changiez, vous suggériez... Vous parliez du pipeline Saint-Laurent probablement, là?

M. Groleau (Marcel) : Oui.

M. Arcand : Est-ce que vous suggériez de changer le tracé? Vous essayiez de convaincre le producteur? Le promoteur mettait plus d'argent? Comment est-ce que ça...

M. Groleau (Marcel) : En fait, quand le tracé est défini, on ne peut pas toujours changer le tracé. Alors, c'est sûr qu'on prend acte des récriminations des producteurs. Et c'est sûr aussi que des producteurs en veulent quelquefois... certains producteurs peuvent en vouloir à l'organisation parce qu'ils estiment qu'on aurait plutôt dû s'opposer que de convenir d'une entente. Mais on pense que notre responsabilité de citoyens responsables, d'organisation responsable, c'est aussi de protéger au mieux l'ensemble des producteurs que de les laisser négocier chacun individuellement avec l'entreprise. Alors, de façon générale, c'est bien compris, mais c'est comme ça qu'on travaille.

M. Arcand : Et toutes ces ententes-cadres-là que vous faites, ça se fait à quel moment, je dirais, de la procédure? Parce que vous me dites : On réunit les producteurs, on essaie d'avoir leur autorisation dans une deuxième rencontre, mais, dans certains cas, ça se fait avant même le... que ce soit le BAPE ou d'autres organismes et d'autres permis soient faits, ça se fait en même temps. Comment ça fonctionne?

Mme Bouffard (Isabelle) : Je vous dirais, de façon générale, si on regarde le dossier Énergie Est, là, pour ne pas le nommer, bien, parce qu'il y a eu un BAPE dernièrement, vous savez, certaines personnes ont dit que l'entente était terminée. C'est loin d'être le cas, là. Donc, je vous dirais, les ententes, c'est quelque chose qui dure sur une très longue période, il y a souvent des allers-retours. Donc, de façon générale, les ententes sont, je vous dirais... Comme, dans ce cas-ci, les ententes ne sont pas terminées. Je ne me rappelle pas dans Ultramar, il aurait fallu que je refouille le dossier, voir si on avait terminé la négociation avant. Mais ça n'empêche pas qu'il y a eu des demandes de faites au BAPE, il y a eu des demandes de faites à la CPTAQ, ce qui fait qu'à terme l'entente a été encore améliorée.

Donc, ces ententes-là, aussi, il faut se rappeler qu'un des éléments particuliers, c'est qu'elles sont développées aussi parce qu'on donne la possibilité à ces compagnies-là d'exproprier. Donc, nos producteurs, là, il faut se rappeler qu'ils font face à des entreprises qui, à terme, peuvent aller chercher ce droit d'expropriation là s'il y en a quelques-uns d'entre eux qui décident de ne pas signer. Donc, nous, on dit : Bien, regardez, il faut les protéger puis, dans le fond, dans la mesure du possible, avoir les meilleures conditions, advenant que le projet aille de l'avant. Donc, c'est le point de vue de l'union relativement à ça.

M. Arcand : Ce que je comprends, c'est que vous n'êtes pas défavorables à notre approche. Vous avez les craintes que vous avez exprimées sur un certain nombre de choses, mais l'idée qu'on ait une espèce d'analyse économique le plus près possible du début d'un projet, est-ce que vous pensez que ça peut aider à l'acceptabilité sociale? Ou enfin, je dirais, ce n'est même pas une question d'aide à l'acceptabilité sociale, c'est une question qu'on puisse avoir une idée assez rapide, de savoir si ce projet-là, finalement, est un projet qui peut faire du sens économiquement. Est-ce que cette approche-là vous semble la bonne?

M. Groleau (Marcel) : Bien, moi, je crois que c'est important d'avoir une bonne idée des retombées économiques d'un projet avant qu'il ne soit lancé. C'est sûr que ça va contribuer à le faire bien accepter ou, au contraire, à le faire rejeter. Parce que, je veux dire, si les preuves ne sont pas démontrées que le projet est économiquement et environnementalement, tout compte fait, acceptable, les citoyens ne l'accepteront pas.

Donc, si ça peut faire aussi tomber certains préjugés sur les retombées pour le gouvernement de tel ou tel projet et qu'on est capable de démontrer les retours pour les communautés touchées, mais aussi, comme nous, on l'expliquait, idéalement les producteurs ou les propriétaires directement touchés également, c'est sûr que ça va améliorer la réalisation et l'acceptabilité, selon nous, de ces projets-là.

M. Arcand : Et, selon votre expérience, est-ce qu'il y a des formules de partage des bénéfices pour les communautés que vous avez déjà vues ou sur lesquelles vous vous dites que c'est quelque chose qui devrait faire partie, si on veut, de notre guide, éventuellement, des bonnes pratiques et d'avoir un processus qui va dans cette direction-là?

M. Groleau (Marcel) : Bien, en fait, actuellement, dans les expropriations auxquelles font face éventuellement les producteurs, il y a l'obligation pour l'entreprise de compenser pour les dommages et les contretemps subis pendant l'installation de la ligne électrique, ou du pipeline en question, ou d'un autre projet, mais il n'y a aucune obligation de verser des redevances.

On tente, nous, l'union, de négocier des redevances. On n'a jamais réussi directement à obtenir des redevances dans un projet, par exemple, avec Hydro-Québec ou avec les compagnies pipelinières, mais c'est sûr que ça, pour les producteurs, c'est le bout qui est difficile à accepter. Les municipalités vont toucher des taxes sur ces installations-là qui sont des immobilisations taxables, mais les producteurs chez qui ça passe — et ce sont eux qui vivent avec cette installation-là à tous les jours — eux n'ont pas de retour directement après l'installation de ces... ils ne sont que compensés actuellement, ils ne sont pas rémunérés.

M. Arcand : O.K. Très bien.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre. Je vais céder la parole, à ce moment-ci, au député de Côte-du-Sud.

M. Morin : Oui, merci. Mme Bouffard, M. Groleau, je vais parler d'acceptabilité sociale. Ça va dans les deux sens. Je lis que l'union s'oppose à toute diminution de la compétence de la CPTAQ, car cette dernière... Bon, vous savez qu'il y a eu un rapport au niveau de cette commission-ci. Quand vous dites ça au niveau d'un grand projet comme Énergie Est, ça me va, mais est-ce que, comme acceptabilité sociale, on ne peut pas, certains irritants qui font qu'on est obligé de demander la permission de la CPTAQ pour différents petits projets qui pourraient peut-être simplifier...

M. Groleau (Marcel) : Là, on parle de projets, quand même... lorsqu'on parle dans ce livre vert là, de projets assez importants, là, et...

M. Morin : Oui, oui. Ça va. Ça, ça...

• (16 h 10) •

M. Groleau (Marcel) : Donc, je vais m'en tenir au livre vert, en fait, que vous avez présenté. Moi, la CAPERN a un rôle de... ce n'est pas la CAPERN, la Commission de protection du territoire agricole, d'assurer l'harmonie des usages sur le territoire agricole. Alors, c'est sûr que, pour un producteur agricole, par exemple, biologique qui verrait ses sols à risque d'être contaminés par une exploitation minière, il faut que la CAPERN puisse se prononcer. C'est elle qui a la... pardon, la CPTAQ puisse se prononcer, c'est elle qui a l'autorité, la seule qui a l'autorité actuellement pour dire : Non, regarde... Ou, à ce moment-là, il y aura des décisions qui devront être prises, mais nous, on croit que la CAPERN doit... la commission... C'est parce que, dans une autre CAPERN, la CAPERN voulait faire la job de la commission, c'est pour ça que ça m'a...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Groleau (Marcel) : Mais la commission, elle doit conserver son rôle, selon nous.

Le Président (M. Iracà) : Ça va, M. le député?

M. Morin : Oui.

Le Président (M. Iracà) : Alors, j'avais le député d'Abitibi-Est. Est-ce qu'il y a un autre député qui veut prendre la parole?

M. Bourgeois : Combien de temps il nous reste?

Le Président (M. Iracà) : Il nous reste deux minutes.

M. Bourgeois : Moi, ça va être très court. Je fais ça à l'inverse. On a vécu, en Abitibi-Témiscamingue récemment, des situations assez particulières, des projets d'implantation de porcheries. Le livre vert, en lien avec des projets de ce type-là, ce qui est dedans par rapport à comment on fait, dans un cas qui touche plus directement l'industrie de l'agriculture, vous voyez ça comment?

M. Groleau (Marcel) : Bien, en fait, le promoteur, le fédéré, en l'occurrence, a fait beaucoup de consultations auprès des municipalités, puis tout ça, puis il a respecté les distances séparatrices prévues à la loi, puis il a mis le projet dans une zone relativement peu peuplée comme... et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'il allait dans ce volet-là. Aujourd'hui, en faisant une bonne promotion de leur projet, ils ont expliqué aussi les retombées possibles pour les producteurs de céréales, qui pourront disposer, profiter de lisier, et tout, pour améliorer la fertilité des sols.

Moi, j'entends beaucoup moins de critiques maintenant qu'au départ, avant même que la construction commence. Donc là, je pense qu'on a un exemple d'un citoyen qui s'est comporté de façon responsable par rapport à la communauté puis qui est en train de démontrer que ce qu'il avait dit se réalise. Alors, ça fait partie... je pense que le promoteur a une responsabilité, une fois qu'il a l'autorisation, d'aller de l'avant avec son projet.

Le Président (M. Iracà) : M. le député de Saint-Maurice, en 40 secondes.

M. Giguère : 40 secondes? Ça va prendre 40 secondes. Moi, je veux revenir — vous en avez discuté un petit peu tantôt, là — pour la responsabilité en cas de contamination parce qu'on sait que, sur les terres agricoles, c'est un petit peu spécial. Souvent, c'est de génération en génération qu'ils sont là, donc ils ont cette préoccupation-là de savoir, s'il arrive de quoi, qui qui est responsable, puis même quand ça va être fermé, exemple, ce puits-là. Donc, vu que c'est de génération en génération, j'aimerais ça...

Le Président (M. Iracà) : En quelques secondes, M. Groleau.

M. Groleau (Marcel) : Bien, c'est sûr que la responsabilité... Comme Isabelle l'a dit, là, les dommages peuvent être tellement importants que, si les compagnies ne sont pas responsables, après l'installation de l'ouvrage, des dégâts qu'ils peuvent causer, ou même après que l'ouvrage ne serve plus, c'est sûr que les producteurs ne sont pas en mesure de faire face à ces coûts-là.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Groleau. Alors, ça met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période d'échange avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Je dois vous avouer que la partie gouvernementale m'a volé quelques questions, alors donc...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Therrien : C'est la première fois que... Non, ça arrive quelquefois, mais là disons qu'ils se sont ligués contre moi, alors donc...

Une voix : ...

M. Therrien : Oui, c'est ça. Alors, je ne vais peut-être pas, tout à fait, prendre tout mon temps. Au départ, je voudrais vous poser une question très simple. Moi, je suis sur la Rive-Sud de Montréal. La différence entre dézoner pour une maison puis dézoner pour une mine?

M. Groleau (Marcel) : Ah! bien, c'est que, lorsque c'est pour une maison, souvent c'est une municipalité qui fait la demande, puis elle dépose à la commission de protection les justifications pour élargir son périmètre urbain. Dans le cas d'une mine, bien, c'est un projet qui a beaucoup plus d'impact sur l'environnement, et, à long terme, aussi c'est... Tu sais, à chaque fois qu'on modifie la vocation agricole ou forestière d'une terre, c'est irrécupérable. Alors, c'est pour ça que tous les projets doivent faire l'objet d'une analyse très précise et que ce soit justifié. Autant les municipalités doivent justifier l'étalement ou l'expansion de leur périmètre urbain, autant le gouvernement ou ces entreprises-là devraient justifier économiquement, environnementalement parlant et à long terme ce déploiement-là.

M. Therrien : Je vous pose la question parce qu'on sait tous... Puis je pense que vous avez raison de dire qu'on doit protéger le grenier québécois, et puis, souvent, c'est ce qu'on se fait dire. Moi, je suis... on est en banlieue, puis, tu sais, de plus en plus, les villes essaient de pousser, là, pour le développement économique, le développement urbain, là, vers les terres. Dans mon coin, c'est les plus belles terres au Québec, il faut l'avouer. Donc, c'est...

Une voix : ...

M. Therrien : Non, mais c'est les terres de Saint-Constant, Saint-Rémi, des terres noires, là. Puis disons que vous défendez, et vous défendez très bien ce territoire-là, je vous en félicite, mais moi, quand je vois ça, là, je dis : Bon, bien, écoutez, il y a des mines qui vont... ou il y a de l'activité minière ou éolienne qui va s'installer. Bien, en quelque part, j'imagine que votre sentiment de défense doit être aussi fort dans ce cas-là que dans le cas de l'expansion urbaine. J'imagine que, chez vous, vous devez tenir bec et ongles à cette zone-là, qui est une zone d'avenir pour le Québec, évidemment. Comme vous dites, on ne peut pas récupérer ça par la suite, là.

M. Groleau (Marcel) : Je crois que la commission a un rôle essentiel à jouer. Parce que, nous, on va déposer nos arguments devant la commission, le promoteur également, le gouvernement aussi ou la municipalité, et là la commission, avec les critères prévus à la loi, va analyser le projet et donner ou non l'autorisation ou limiter les autorisations d'usage ou de conversion du territoire agricole. Donc, c'est une tierce partie qui agit. Et la commission n'est pas là pour empêcher le développement économique du Québec, elle est là pour, tout en assurant le développement économique du Québec, protéger les terres agricoles.

M. Therrien : Absolument. Regardez, là, si on dit, par exemple, que ça soit pour le projet Énergie Est, ou une mine, ou peu importe, là, une éolienne ou... si on arrive puis on dit : On prend tant d'hectares, tu sais, c'est facile à évaluer. Vous savez, là, tu sais, d'évaluer des hectares qu'on va, tout simplement, laisser, léguer à cette activité-là, c'est facile à faire, tu sais. Le prix d'une terre, ça se définit quand même assez bien. Mais, quand il s'agit d'une terre que tu vends à un autre agriculteur, il n'y a pas de problème parce que, tu sais, sa destinée agricole ne sera pas mise en doute. Mais est-ce qu'on ne devrait pas, justement, évaluer à la hausse la perte d'un territoire agricole parce qu'en plus de la valeur du territoire qu'on perd via la production qu'on perd on perd également pour toujours, tu sais, une production agricole qui sert à nourrir des Québécois? Je ne sais pas si vous me suivez. Y a-tu une bonification qu'on doit faire, étant donné que c'est une perte qui est pour toujours ou à peu près?

M. Groleau (Marcel) : Moi, je pense que bonifier une perte perpétuelle ou la calculer, c'est difficile, là, chacun va avoir la... Mais je crois qu'il faut s'assurer que, lorsqu'on le fait, c'est pour les bonnes raisons. Moi, je dirais — puis c'est de mieux en mieux documenté, là — la production agricole au Québec, là, c'est le premier secteur primaire, donc c'est 56 000 emplois. Et la transformation, c'est le premier secteur manufacturier. Alors, c'est sûr que je pense que ça, c'est de plus en plus considéré et important dans l'esprit des Québécois et de nos gouvernements, donc, et on a de plus en plus d'alliés aussi.

Le territoire agricole, c'est le poumon également au niveau environnemental, là, et c'est... Et, en décembre dernier, à la COP21, on disait que, sans la participation de l'agriculture, on n'arrivera pas à limiter le réchauffement climatique à 1,5°. Si on ne faisait qu'augmenter la matière organique dans nos sols, on ralentirait l'augmentation du réchauffement climatique par le captage du carbone. Et ça, c'est là, là, c'est une possibilité. Donc, je pense que tout ça donne beaucoup d'arguments pour protéger au maximum le territoire agricole.

M. Therrien : C'est intéressant, ce que vous me dites, là. Par rapport aux matières non ligneuses, là, bleuets, champignons, entre autres, là, comment on fait pour évaluer ça, la perte? Parce que, par exemple, quand vous parlez du bleuet sauvage, ce n'est pas nécessairement des bleuetières, c'est tout simplement du bleuet forestier, là, qu'on retrouve un peu partout au Québec, là.

M. Groleau (Marcel) : Il y a les deux. On peut convertir des territoires où il y a du bleuet sauvage, mais en faire des bleuetières. Mais ça reste que c'est un bleuet sauvage, mais cultivé, si je peux... Ce n'est pas comme les bleuets de corymbe, là, c'est...

M. Therrien : Non, non. Ce n'est pas comparable.

• (16 h 20) •

M. Groleau (Marcel) : Donc, ça, on peut faire ça. Mais il y a aussi la cueillette de bleuets en milieu sauvage, et ça, notre approvisionnement au Québec en bleuets biologiques provient de ces territoires-là. Alors, tout ce que vous voyez qu'on exporte, qu'on voit sur nos tablettes en bleuets biologiques provient des territoires où on cueille le bleuet naturel. Voilà.

M. Therrien : Oui. Mais, ma question c'était que... Oui, je connais la différence entre le bleuet sauvage qui est cultivé dans une bleuetière et le bleuet sauvage, je pourrais vous en parler longtemps — oui, dans mon autre vie, j'ai fait ça — mais c'est juste savoir comment on fait pour évaluer... Parce que je me suis toujours dit que la cueillette du bleuet en forêt n'est pas nécessairement limitée par la ressource, mais limitée par les cueilleurs.

M. Groleau (Marcel) : Bien, au Lac-Saint-Jean, actuellement, c'est un défi, effectivement, de renouveler les générations de cueilleurs qui quittent, hein, parce que c'est... Mais le Syndicat des producteurs de bleuets y travaille actuellement, on est en train de leur donner des outils aussi pour mieux cultiver, mieux se repérer. On développe aussi, bon... Ça devient aussi du tourisme. C'est devenu une activité aussi qu'on veut intégrer au tourisme européen, et autre, tu sais, amener les touristes se faire piquer en forêt pendant qu'ils ramassent du bleuet.

M. Therrien : Les mouches font un très bon travail, en effet.

M. Groleau (Marcel) : Alors, il y a plein de choses. Mais ça vous dit à quel point on peut faire beaucoup avec le territoire agricole et forestier. Donc, il faut intégrer tout ça. Avant de prendre la décision d'un projet minier ou autre, il faut intégrer tout ça dans l'analyse. Et ce que M. Arcand disait, les préanalyses doivent tenir compte de tous ces facteurs-là avant de dire : Le projet, c'est le bon projet sur ce territoire.

M. Therrien : Bien, c'est juste qu'honnêtement, tu sais, par rapport au champignon sauvage, qui n'est pas assez exploité au Québec, là, il y a beaucoup de possibilités, on l'ignore, là. Mais c'est juste que je vois un petit peu difficilement comment on peut évaluer ça monétairement quand vient le temps d'arriver avec des retombées économiques, là, sur un territoire forestier. C'est juste ça que... Ma question était plus là-dessus.

M. Groleau (Marcel) : On peut l'évaluer.

M. Therrien : Tu sais, mettons, dans une bleuetière, c'est 2 500 $ l'acre, à peu près, là. On s'entend à peu près tous là-dessus.

Mme Bouffard (Isabelle) : Bien, peut-être juste vous dire, durant la rédaction de ce mémoire-là, il y a quand même eu des communications avec le Syndicat des producteurs de bleuets, puis ce qu'ils me disaient, c'est : Bon, on connaît les bleuetières en place, on sait, à certains endroits — en terres publiques, là, je vous parle — que c'est propice. Mais ils disaient : Il y a une cartographie qu'il reste à faire de certains endroits où il y a peut-être eu des feux de forêt, où, ils disaient, il y a vraiment un travail qui pourrait être fait pour dire : Voilà tout ce qui est arrivé dans ce secteur-là, ce qui devrait amener, dans le fond, le secteur à être propice, dans le fond, aux bleuets. Donc, il pourrait y avoir une cartographie, là, ou un travail de fait pour dire : Dans ces places-là, tout est là pour, dans le fond... tout a été là pour avoir des bleuets. Donc, c'est quelque chose qui pourrait être fait, puis, dans le fond, le syndicat est intéressé à développer cet élément-là.

M. Therrien : O.K. C'est intéressant. Comment qu'il reste de temps, M. le Président?

Le Président (M. Iracà) : Il reste une minute, M. Therrien.

M. Therrien : En terminant, par rapport à ce que je vous disais tantôt — merci pour la réponse, c'est très intéressant — bien, par rapport à la perte de terres agricoles, là, dans le secteur où est-ce que je demeure, pas loin de chez nous, là, il y a Napierville, là, ils ont un projet d'éoliennes, puis on a entendu beaucoup, justement, la perte de territoires agricoles, même si elle est limitée. Mais c'est pour montrer à quel point votre travail est important pour conserver, justement, chaque parcelle de terre le plus possible. Peut-être, vous entendre 30 secondes là-dessus, là, sur l'évaluation qui peut être presque surdimensionnée.

M. Groleau (Marcel) : En fait, au Québec, il y a une particularité également, c'est que, dans 600 municipalités, les superficies en culture sont bloquées, sont limitées aux superficies actuelles. Il y a un moratoire sur l'agrandissement des superficies cultivées. Alors, c'est sûr que chaque mètre qu'on perd ou chaque... devient une perte nette. À chaque fois qu'une municipalité s'agrandit, c'est une perte nette. À chaque fois qu'on fait une route, c'est une perte nette. On ne peut pas agrandir les superficies en culture, et ça, c'est un gros, gros, gros problème.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Groleau. Ceci met fin à la période d'échange. En fin de compte, M. le député de Sanguinet, vous avez pris tout votre temps. Alors, vous aviez des questions intéressantes, oui. Alors, la deuxième opposition, je vais céder immédiatement la parole à la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Groleau, bonjour, madame. Vous parlez des propriétaires fonciers dans votre mémoire. Bon, vous craignez... bien, en fait, vous dites : Bon, il faudrait négocier. Puis vous avez parlé d'Énergie Est qui était un bon exemple, mais il existe déjà les taxes foncières pour dédommager, en fait... qui est la loi sur les fiscalités municipales. Ne serait-il pas moins compliqué de modifier cette loi-là que de négocier pour chaque propriétaire avec les compagnies qui passent sur les terrains?

M. Groleau (Marcel) : Bien, la loi sur le remboursement des taxes foncières et agricoles...

Mme Soucy : Non, en fait...

M. Groleau (Marcel) : Non, ce n'est pas de ça qu'on... C'est parce que, là, je...

Mme Soucy : Non. Bien, pour les municipalités, en fait, il y a déjà des taxes foncières qui existent pour des municipalités. Là, vous dites : Bien, on va négocier avec Énergie Est. Comment ça se produit, vos négociations, actuellement? Parce qu'en fait, pour les villes, c'est plus facile de dire : On va modifier une loi, mais, pour l'agriculteur, bien, ce n'est pas comme ça que ça se passe, chaque agriculteur doit négocier. Comment ça va dans ces négociations-là avec une grosse compagnie comme Énergie Est?

M. Groleau (Marcel) : Bien, en fait, pour chaque agriculteur, c'est très difficile parce que... C'est pour ça, d'ailleurs, qu'ils nous confient le mandat de faire des ententes-cadres ou qu'ils acceptent qu'on fasse des ententes-cadres qui peuvent leur servir par la suite, là, de référence. La plupart sont très heureux de ça. Mais l'enjeu pour les producteurs et même pour nous maintenant, c'est qu'on n'arrive pas à négocier des redevances pour les producteurs sur les projets qui passent sur leurs terres.

Mme Soucy : Jusqu'à présent il n'y a pas eu...

M. Groleau (Marcel) : Non, parce qu'on négocie...

Mme Soucy : Ce n'est pas un succès.

M. Groleau (Marcel) : La compensation pour les impacts et les effets négatifs, c'est un paiement. Après ça, on vit avec. Alors que la communauté ou la province va bénéficier largement de ce projet-là, nous, ceux qui vivent avec le projet, qui doivent appeler s'ils veulent faire des travaux d'excavation, en plus, on leur dit : S'il y a une faute lourde, vous êtes responsables, puis ça peut les entraîner à la faillite. C'est sûr que moi, je trouve que la responsabilité qu'on incombe aux producteurs, aux propriétaires...

Mme Soucy : Elle ne vaut pas la compensation.

M. Groleau (Marcel) : ...elle dépasse largement ce qu'ils reçoivent.

Mme Soucy : Puis, comme les agriculteurs sont les plus visés habituellement, vous avez raison que c'est essentiel de les protéger de ce genre de choses là puis de mettre des mécanismes pour qu'ils soient protégés.

Craignez-vous que la Commission de protection du territoire agricole du Québec perde son pouvoir d'analyse et d'autorisation quant à l'implantation des projets? Je pense que le ministre vous a un peu rassurés tantôt, mais est-ce qu'il y avait des indices qui allaient dans ce sens que vous avez vus ou certaines déclarations du gouvernement pour que vous arriviez à avoir ce...

M. Groleau (Marcel) : C'est ça. Bien, c'est sûr que, pour nous, là, la défense du territoire agricole, c'est un enjeu, puis on en a fait un enjeu important puis une responsabilité pour l'organisation. La commission n'a pas un rôle facile à jouer parce qu'elle a des décisions difficiles à rendre. Puis nous, on connaît cette problématique-là, on la connaît bien, donc on souhaite que la commission ne soit pas réduite à étamper des projets. On veut être certain qu'elle aura l'opportunité de les analyser et de donner son opinion.

Mme Soucy : Comme, madame, vous avez dit tantôt que vous négociez beaucoup avec Hydro-Québec pour des compensations pour les agriculteurs. Mais, à moins que je me trompe, mais Hydro-Québec Distribution ont déjà un mécanisme qui est établi lorsqu'ils prennent une emprise sur une terre agricole versus un terrain en milieu urbain. Il y a déjà un mécanisme qui existe chez Hydro-Québec pour calculer la compensation. Alors, vous allez au-delà de ça? Vous êtes capables d'aller au-delà de ça avec Hydro-Québec, d'aller obtenir une compensation supérieure aux mécanismes qui sont déjà en place?

Mme Bouffard (Isabelle) : Bien, notre entente est pour le transport, et pas pour la distribution, là.

Mme Soucy : Ah! O.K. Avec TransÉnergie. O.K.

Mme Bouffard (Isabelle) : Oui. Puis, je vous dirais, elle est disponible sur Internet. Donc, si vous êtes intéressée à la regarder...

Mme Soucy : Non, mais je la...

Mme Bouffard (Isabelle) : Non, non, non.

Mme Soucy : ...distribution...

Mme Bouffard (Isabelle) : Mais ce n'est pas distribution, c'est transport, là.

Mme Soucy : O.K. O.K. Alors, votre rôle là-dedans, c'est quoi exactement? Parce que vous dites que vous négociez pour les agriculteurs, c'est ce que vous avez dit. Si c'est déjà établi, vous négociez quoi, là?

M. Groleau (Marcel) : En fait, cette entente-là, elle est convenue parce qu'on l'a négociée, puis elle sert de référence maintenant.

Mme Soucy : Ah! O.K.

M. Groleau (Marcel) : Mais Hydro-Québec l'a négociée avec l'UPA.

• (16 h 30) •

Mme Soucy : O.K. O.K. Parfait. J'avais une petite question par rapport à... Vous dites : Bon, l'union demande au ministère d'ajouter dans son livre vert un point qui contraindrait les promoteurs qui déploient des projets qui pourraient toucher plusieurs producteurs agricoles et forestiers à conclure une entente-cadre, comme vous l'avez mentionné. Vous voulez, dans le fond, que ça soit inclus dans le livre vert, mais, s'il y a un producteur qui ne veut pas, vous faites quoi? C'est qu'on le suggérerait dans le livre vert, mais le mandat ne vous serait pas automatiquement donné.

M. Groleau (Marcel) : En fait, lorsqu'on parle d'entente-cadre, chaque producteur doit lui-même quand même... C'est une entente-cadre, donc c'est une référence pour le producteur. C'est comme je l'expliquais, le producteur, lui, après ça, ça lui donne au moins... Cette référence-là a été acceptée par le promoteur, donc la profondeur du pipeline, la façon dont les travaux vont être exécutés, la largeur qu'ils vont pouvoir creuser, de remettre la terre arable sur le dessus, tout ça, et il y a des compensations de négociées en fonction... donc, d'avance. Mais, si le producteur dit : Moi, ça ne me suffit pas, bien, à ce moment-là, comme Isabelle le disait, la compagnie a le pouvoir d'expropriation. Puis, avant d'utiliser le pouvoir d'expropriation, bien, ils vont peut-être essayer de négocier autre chose avec lui ou la compagnie va s'en tenir à l'entente-cadre puis elle va dire : Regarde, nous, c'est ça ou on exproprie. Mais, au moins, avant d'être exproprié, le producteur est sûr d'avoir minimalement un règlement raisonnable.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Merci beaucoup, M. Groleau, Mme Bouffard, de vous être présentés. Merci de votre présentation. Alors, ceci met fin aux échanges.

Je vais suspendre les travaux quelques instants et j'invite le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 33)

Le Président (M. Iracà) : Alors, je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur. Pour les fins d'enregistrement, je vais vous demander de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, monsieur, la parole est à vous.

M. Pierre Batellier

M. Batellier (Pierre) : Oui. Bonjour, M. le Président, M. le ministre, mesdames messieurs les membres de la commission. Alors, Pierre Batellier, je suis enseignant-chercheur à HEC Montréal sur les questions de responsabilité sociale de l'entreprise et étudiant au doctorat depuis trois ans sur la question du rôle de l'État au regard de l'acceptabilité sociale. Et j'ai aussi fait un examen de synthèse sur la question des fonctions de l'analyse coût-avantage parce que j'étais interpelé par, évidemment, le livre vert. J'ai aussi été impliqué beaucoup à titre citoyen dans le dossier et les débats sur le gaz de schiste, le dossier minier et la consigne sur les contenants de boissons aussi. Alors, je veux partager, donc, ces commentaires-là au regard, un peu, de cette observation participante puis de cette expérience-là, apporter peut-être une perspective un peu académique, mais aussi une perspective citoyenne qui, j'espère, trouvera aussi un écho ici, dans cette commission, au travers d'autres participants.

Alors, tout d'abord, je félicite le ministère pour tenir cet exercice-là, avoir cette discussion sur l'acceptabilité sociale, mais aussi sur le rôle des institutions publiques par rapport à cette question, un rôle qui est majeur. Je salue l'ouverture, la volonté de transparence aussi qu'on a eue au niveau, par exemple, du chantier, de mettre sur la table tous les rôles et responsabilités du ministère et de les ouvrir à la discussion. Je déplore peut-être un petit peu, par contre, la relative confidentialité et la publicité peut-être un peu limitée de cet exercice tant pour le chantier que pour la commission. Je pense que d'autres acteurs pas forcément invités auraient aimé peut-être avoir la chance de venir participer. Et les délais ont été un petit peu courts, mais je vais essayer de faire de mon mieux, partager mes commentaires et fournir quelques suggestions, pistes d'amélioration.

L'appréciation générale, c'est que c'est un progrès significatif en termes de modernisation des outils et des pratiques du ministère, notamment en termes de prévisibilité, stabilité, de simplification. Tant pour les promoteurs, mais aussi pour les citoyens, c'est aussi des enjeux importants. On reconnaît des principes essentiels comme l'importance de prendre en compte les attentes, les intérêts des populations locales, leurs valeurs, on reconnaît la possibilité d'un refus. Ça, c'est vraiment des principes fondamentaux. Et aussi un certain nombre de gestes concrets qui sont présentés dans les orientations, mais pour lesquels j'ai certaines nuances et pistes d'amélioration que je vais présenter.

Alors, très rapidement, avant d'arriver à ces orientations, quelques éléments sur la forme. Tout d'abord, précision des termes clés. J'invite le ministère, peut-être, à ajouter un glossaire à l'ensemble de ce travail sur le livre vert. On mobilise beaucoup de termes, peut-être avoir la définition. On sait, au niveau académique, l'importance du sens qu'on donne aux grands termes. Donc, des termes à définir, des termes, lorsqu'ils sont différenciés, à nuancer, expliquer c'est quoi, la nuance entre ces différents éléments.

Concernant la définition de la notion d'acceptabilité sociale du ministère, je pense que c'est bien qu'on n'enferme pas tout de suite la notion dans une définition très précise. Il se tient actuellement un débat très intéressant. Le fait que ce soit très malléable, très flexible, ça fait que chacun des acteurs essaie de construire sa vision de ce qu'est l'acceptabilité sociale. Par contre, ça n'empêche pas qu'il faut y aller quand même par balises, donc... D'ailleurs, c'est ce que fait le ministère. Parmi ces balises-là, on dit que l'acceptabilité sociale n'est pas l'unanimité. Je pense que c'est un élément à souligner, c'est vrai. Par contre, c'est peut-être une finalité qu'il faut garder. Le danger, c'est que, si on cherche juste une majorité ou un large consensus, un des réflexes, c'est qu'on va essayer, plutôt, de contrer plutôt que de comprendre souvent les oppositions ou les groupes minoritaires qui peuvent avoir des revendications parfois très légitimes.

Ensuite, l'acceptabilité sociale est beaucoup formulée comme processus de bonnes pratiques des promoteurs. Je vous invite à partager le fait que, dans la littérature académique, mais aussi beaucoup sur le terrain, les gens le perçoivent comme c'est non pas le promoteur qui fait accepter son projet, mais le public qui accepte. Donc, on voit ça beaucoup comme la réponse que donne le public à un projet. Puis, lorsqu'on parle de processus, la limitation qui est faite ici, il y a un processus d'information et de consultation, on invite le ministère à l'élargir à un processus de décision beaucoup plus large et global.

Concernant la définition du social de l'acceptabilité sociale, on sent qu'on essaie de limiter, finalement, le social à la communauté d'accueil. Je pense que c'est important de reconnaître l'importance des communautés locales, qui ont parfois été négligées dans le passé. Par contre, peut-être que, pour certains grands projets, par leur ampleur, leur portée symbolique ou identitaire, par leur effet systémique sur l'économie et sur les territoires du Québec, il est parfois nécessaire d'avoir une acceptabilité sociale à des échelles supérieures, régionales ou nationales, et pas seulement une acceptabilité sociale au niveau local.

Enfin, vous aurez l'acceptabilité sociale à mesurer comme résultat aussi comme ministère, peut-être quelques suggestions de balises. L'acceptabilité sociale n'est pas le simple fait de ne pas s'opposer. Ne pas s'opposer, c'est de l'acceptation sociale. Puis «acceptation», je vous ferai noter aussi que c'est de la résignation, c'est de la soumission. C'est d'ailleurs la définition qu'on donne aussi au verbe «accepter». Toute réponse du public est potentiellement légitime, rationnelle et informée, hein? S'opposer n'est pas une déviance sociale. Qui ne dit mot ne consent pas forcément, hein? La majorité silencieuse n'est pas forcément favorable au projet, comme elle n'est pas forcément défavorable non plus. Et je vous invite aussi à considérer le fait qu'il existe quand même plusieurs visions du monde du développement et perspectives éthiques et que tout le monde n'est pas toujours a priori favorable au développement et à la technologie.

Enfin, oui, aussi peut-être souligner, en lien avec la majorité, que la majorité seule ne devrait pas forcément justifier un projet. Parfois, vous pouvez avoir l'appui de 90 % de la population, mais, si un 2 % de la population subit une violation de ses droits ou un transfert de richesse inacceptable, ce n'est pas pour autant l'acceptabilité sociale.

• (16 h 40) •

Rapidement, quelques constats ensuite qui sont faits par le ministère au début de son analyse. Le ministre, dans son mot d'introduction, souligne que les Québécois souhaitent collaborer au déploiement des projets. Oui, c'est vrai, les citoyens souhaitent collaborer au comment on met en oeuvre les projets, mais ils veulent aussi collaborer au pourquoi on fait les projets, à la définition des justifications, des critères d'évaluation et au processus de décision.

On part aussi, semble-t-il, d'un postulat, un petit peu, d'une crise envers les promoteurs. Je tiens à souligner aussi qu'on a quand même un passif de 10 ans de tension, parfois — malheureusement, je le déplore — de perception négative de l'action du ministère, et il y a une situation, peut-être, de crise de confiance à l'égard des décideurs publics qui doit être prise en compte et à considérer dans les signaux qu'on va envoyer dans ce livre vert là pour restaurer la confiance du public. Et d'ailleurs, oui, la confiance des investisseurs, c'est important pour l'économie du Québec, mais la confiance du public est aussi fondamentale. Et, à ce titre-là, disons, le positionnement comme accompagnateur étroit des promoteurs du ministère pourrait nuire peut-être à la perception du rôle de régulateur puis d'arbitre du ministère, et ça peut nuire à la confiance du public. Ça peut être des éléments, finalement, dommageables et même contre-productifs pour l'environnement d'affaires au Québec.

Enfin, vous parlez de quatre grands facteurs d'acceptabilité sociale. Je vous souligne juste que la littérature académique — ça, c'est des hypothèses, ces quatre facteurs — va bien au-delà. Et d'ailleurs c'est beaucoup d'évaluations qui ont été commandées par le ministère des Ressources naturelles qui documentent ces facteurs d'influence, je vous invite à aller les considérer.

Le Président (M. Iracà) : Simplement pour vous aviser, M. Batellier, il vous reste à peu près deux minutes.

M. Batellier (Pierre) : Deux minutes? Mon Dieu! Oui. Concernant la portée des actions, je m'interroge sur ce que devient la mission de conservation et de fiduciaire des ressources naturelles. C'est deux termes qu'on ne retrouve pas sur les gestes qui sont couverts. On parle beaucoup de ressources énergiques, minérales. Peut-être que, tout de suite, on pourrait aussi associer le ministère de la Faune, des Parcs et des Forêts. Que ce soit l'exploitation forestière ou la création de parcs et aires protégées, c'est aussi des projets qui ont des enjeux d'acceptabilité sociale. Je vous invite aussi à intégrer la planification stratégique — et non pas seulement territoriale — des projets dans le livre vert justement en lien avec la question du pourquoi.

J'irais rapidement sur les orientations en faisant le lien aussi avec des discussions qui ont eu lieu sur le livre vert, sur la modernisation de la loi québécoise sur l'environnement. Oui, c'est important de clarifier les rôles et responsabilités du ministère. Je vous invite, d'ailleurs, à le faire directement dans le livre vert, de préciser aux citoyens c'est quoi, les rôles et les fondements, est-ce qu'ils sont légaux ou normatifs dans une stratégie récente de chacun des rôles du ministère.

Concernant l'orientation 2, sur la participation publique, je vous félicite, c'est des points extrêmement positifs. J'amène quand même le point qu'on a supprimé aussi beaucoup d'organismes de concertation locale qui faisaient déjà une partie de ce travail-là, donc essayer — notamment les CRE, les CLD — de voir quel héritage on peut aller chercher.

Sur la mise en place de processus prévisibles d'information et de consultation, des pistes très intéressantes, les comités de liaison, les processus proposés. Je vous invite, par contre, à les rendre, un minimum, contraignants, j'ai cru comprendre qu'on souhaitait qu'ils soient purement volontaires. C'est vrai qu'il faut une flexibilité, mais je pense que le principe devrait être qu'ils soient obligatoires. Et éventuellement peut-être avoir certaines exemptions justifiées, là, mais ça, ça serait un signal important au public.

Informer, consulter en amont de l'étude d'impact. Là aussi, c'est important, là, si on veut justement...Il faut que les citoyens soient consultés sur les enjeux qu'on va évaluer, sur les préoccupations qu'ils ont parce que, sinon, c'est contre-productif, puis on a des retours en arrière qui sont négatifs.

Enfin, information vulgarisée, oui, mais aussi accès à l'information et disposition d'information indépendante, crédible. Vous parlez de rétro-information, c'est essentiel. Merci d'amener ces points, de clarifier les prises... les grandes décisions publiques. Par contre, ce que demandaient les citoyens, ce qui était ressorti dans le chantier, on parlait beaucoup de rétroaction sur la participation du public...

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Batellier. Vous allez avoir l'occasion, peut-être, de revenir sur certains points dans les périodes d'échange. Je vais céder la parole immédiatement à M. le ministre pour un temps approximatif de 9 min 30 s.

M. Arcand : Merci, M. le Président. M. Batellier, bonjour. Bienvenue à cette audition que nous avons ici, en commission parlementaire, sur cet enjeu extrêmement important.

Moi, ma question au départ, c'est de savoir, essentiellement, selon votre expérience, depuis le temps que vous étudiez ces notions-là, quels sont les principaux enjeux qui touchent véritablement l'acceptabilité sociale, particulièrement au Québec. On a dit aujourd'hui que les promoteurs s'étaient améliorés. On a dit qu'il y avait des règlements qui étaient plus serrés qu'ils étaient auparavant. On a dit que, de façon générale, il y avait un meilleur équilibre entre le côté économique et la protection de l'environnement, que les lois avaient été modifiées depuis plusieurs années, etc. Pour vous, qu'est-ce qui demeure encore le plus préoccupant au niveau de l'acceptabilité sociale?

M. Batellier (Pierre) : Oui. Puis je pense que, oui, il y a des progrès extrêmement importants aussi de la part des promoteurs qu'il faut souligner. On est dans une dynamique d'apprentissage extrêmement importante. Je vais souligner un facteur, je pense que c'est aussi le rôle, justement, des décideurs publics. Dans le dossier gaz de schiste, dans le dossier minier, dans les contestations sociales qu'on a eues, les gens ne sont pas fondamentalement contre ces activités-là, et beaucoup des préoccupations venaient au processus de décision qui encadrait, à l'encadrement de ces filières-là. Donc, c'est toute l'importance, justement, de l'exercice qu'on fait.

Et, dans les suggestions que j'amène aussi dans le mémoire, c'est vraiment de bonifier, disons, cette prise en compte, cette amélioration du processus de décision. Et j'insiste sur l'importance aussi du rôle d'arbitre, de régulateur, et attention avec le rôle d'accompagnement. On peut comprendre ça, les promoteurs ont été échaudés. Je comprends qu'on veut être à leurs côtés, les accompagner dans le développement, mais attention au signal qu'on envoie au public. L'accompagnement du public apparaît un petit peu comme secondaire parfois, et il peut y avoir une forme d'incohérence, et cette incohérence peut vraiment être difficile. Puis n'oubliez pas qu'on est quand même 10 ans... on est dans un débat sur la... bien, dans les suites d'un débat sur la collusion, sur des tensions aussi autour des projets. Donc, ça, ce serait un aspect important.

Et peut-être juste un exemple pour illustrer ça — c'était mon point sur lequel j'arrivais dans ma présentation — c'est dans les actions propres du ministère. Quand on parle de processus d'information et de consultation, je pense qu'on parle de guide bonnes pratiques pour le citoyen, pour le promoteur, peut-être que ça prendrait un guide de bonnes pratiques pour les fonctionnaires gouvernementaux, comment on agit dans les projets, des devoirs de réserve dans la gestion, dans les conflits, avoir une cohérence d'action, une obligation d'évaluer a posteriori les gestes qui ont été posés, et encore une fois la participation aussi au niveau de la planification stratégique. On parle d'EES, de stratégie énergétique, on n'a pas de politique qui est envisagée pour ces grands exercices de planification, de politique de consultation publique. Vous parlez d'une politique de consultation publique avec les communautés locales, on ne voit aucune consultation publique pour les grands exercices de planification stratégique. Or, justement, c'est souvent pourquoi les projets, que se posent les citoyens. Donc, c'est vraiment, je pense, un élément sur lequel il faut absolument agir.

M. Arcand : Merci. C'est intéressant parce que mon sous-ministre a pris des notes sur le code d'éthique ou enfin...

Une voix : De bonnes pratiques.

M. Arcand : ...les bonnes pratiques que devrait avoir le ministère dans ses évaluations de ce côté-là.

M. Batellier (Pierre) : Incluant les...

M. Arcand : Écoutez, je n'ai pas beaucoup de temps, alors je vais juste vous poser une dernière question avant que mes collègues puissent poser leurs questions.

Vous avez l'air à dire que le BAPE doit continuer à mesurer certaines questions économiques, j'ai vu ça dans votre mémoire. Alors, à partir du moment où on accepte le principe qu'on a un bureau des grands projets, sur le plan économique, qui va mesurer les effets économiques de plusieurs façons, comment vous voyez le rôle du BAPE sur le plan économique à partir du moment où on fait ça? En vous disant en plus au départ que notre ministère peut être accompagnateur, mais être accompagnateur ne veut pas dire être promoteur, on s'entend là-dessus.

M. Batellier (Pierre) : Non, mais après il y a des symboles, il y a... En tout cas, il y a des messages qu'on envoie, indirects, qui sont aussi importants parfois que le fond du message lui-même. En tout cas, je pense que, oui, ce bureau est d'ailleurs important — pour revenir là-dessus, là, sur l'importance de ce bureau-là — pour faire des analyses de coût-avantage et peut-être dépasser l'analyse de retombées économiques, qui sont deux outils qui n'ont rien à voir. Et souvent on les confond, puis ça explique le fait qu'on n'ait pas du tout les mêmes résultats en bout de ligne. L'émergence de ce bureau, selon moi, ne doit en rien justifier un quelconque retrait de l'analyse économique du BAPE. Mais déjà, là, le rôle du BAPE, c'est d'éclairer la prise de décision gouvernementale dans une perspective de développement durable, puis vous l'amenez, lui-même, qu'il doit englober les trois dimensions. Le rôle que je vois, l'ancrage avec le BAPE, c'est que, pour moi, ce bureau-là devrait éclairer les paramètres économiques, comme, par exemple, l'Institut national de santé publique vient éclairer les enjeux de santé publique pour les commissaires du BAPE par ses études, par les prises de position comme expert de ces questions-là. Donc, je le verrais comme ça, le rôle du bureau d'analyse des... Je ne mettrais pas des impacts économiques, en tout cas.

M. Arcand : Merci.

Le Président (M. Iracà) : Donc, merci beaucoup. Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Maurice.

• (16 h 50) •

M. Giguère : Oui, monsieur. Une petite question ou deux. Vous dites que ce serait important qu'il y ait rétroaction, donc, concernant, là, la participation du public aux projets. Donc, j'aimerais ça que vous nous expliquiez comment vous voyez ça, ce mécanisme-là, parce que c'est pas mal en amont, ça, là.

M. Batellier (Pierre) : En fait, un des enjeux, c'est que souvent... Puis j'en ai fait l'expérience en participant à beaucoup de consultations publiques, que ce soit dans le cadre d'évaluations environnementales stratégiques, de projets particuliers où, en tant que citoyen, en tant que groupe, on amène un certain nombre d'éléments dans la discussion, sauf qu'une fois, ensuite, le promoteur arrive, et, finalement, il n'y a pas forcément eu une synthèse des éléments qui ont été apportés dans le cadre des discussions, et on ne nous explique pas, finalement, qu'est-ce qui a été retenu, pas retenu, on ne justifie pas... Quand il y a, par exemple, un point dominant qui vient dans les consultations publiques puis que, finalement, il est complètement évacué ensuite dans la prise en compte, dans le rapport final, c'est des éléments qui sont souvent un petit peu frustrants. Donc, on a l'impression d'être écouté, mais pas forcément d'être entendu.

Donc, c'est un petit peu ça, c'est comment on fait en sorte qu'on fait comprendre aux citoyens qu'on les entend. C'est qu'il faut trouver un moyen de leur faire part de : Voici la rétroaction qu'on donne sur votre participation. Parce que les gens se découragent à participer, puis ça a l'air parfois d'exercices, un peu, de façade, hein? On a participé, c'est fait, on peut passer à autre chose. Donc, c'est ça. Ça se fait, il y a des pratiques, il y a une littérature large sur les processus de rétroaction sur la participation. Ce n'est pas un exercice évident, mais ça prend un certain courage de dire : On a retenu ces éléments, on n'a pas retenu ces autres éléments, mais on peut le faire, on est capable.

M. Giguère : O.K. Vous dites aussi que les Québécois, dans l'ensemble, là, bon, se sont impliqués si c'est pertinent qu'ils soient dans le projet. Moi, je ressens qu'on est loin, un petit peu, du citoyen local puis de celui qui a de l'impact chez lui. On a vu l'UPA tantôt qui a passé, donc il y a les agriculteurs que ça a un impact directement sur leur terre, il ne faut pas... Quand je regarde ça, à moins que je me trompe, mais il me semble qu'on est un petit peu loin de ça, là, on a des groupes plus éloignés du...

M. Batellier (Pierre) : Bien, je pense qu'il faut redescendre jusqu'aux propriétaires, jusqu'à ceux qui sont impactés le plus directement, puis c'est peut-être quelque chose qu'on n'a pas suffisamment fait dans le passé. Mais le point que je veux amener, c'est qu'il y a quand même peut-être des projets qui devraient être évalués puis dont on regarde l'acceptabilité sociale à un niveau beaucoup plus large. Donc, oui, ça prend une acceptabilité sociale au niveau local, mais peut-être aussi parfois, sur certains grands projets, sur certains grands plans stratégiques qu'on fait, aussi une acceptabilité sociale beaucoup plus large dans l'opinion publique. Et ça prendrait les deux pour peut-être... pour aller de l'avant. Je ne sais pas si c'est le point.

Puis un autre élément que j'aimerais amener, c'est que souvent on dit : Il faut restreindre, il faut limiter à la communauté d'accueil. Par contre, ça ne veut pas dire que l'éclairage d'acteurs nationaux, régionaux, d'autres expériences en dehors de la communauté d'accueil ne soit pas pertinent. Donc, ça, c'est aussi à faire attention à ne pas enfermer ça en une discussion locale en disant : Vous n'êtes pas légitimes, vous n'êtes pas représentatifs. Il y a beaucoup aussi d'apprentissage puis d'expériences qui peuvent être... et de compétences qui existent parfois pas au niveau local puis qui peuvent éclairer des situations locales.

Mais juste un point, peut-être ne pas diluer le local dans le national. Ce n'est pas vrai qu'on va dire : Ah! bien, finalement, on regarde le projet à très large échelle, ça fait que la petite communauté locale va être noyée dans des centaines de milliers de personnes. Je pense qu'il faut différencier les deux, et décider, et évaluer les deux niveaux d'échelle.

Le Président (M. Iracà) : Malheureusement, il ne reste plus de temps pour la partie gouvernementale, pour les échanges. Alors, il y a peut-être des bouts de réponse qui vont se retrouver dans d'autres échanges. Je sais qu'il y avait d'autres députés qui avaient des questions. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à l'opposition officielle, le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue. C'était vraiment très intéressant. Vous avez une maîtrise, c'est ça qui est écrit.

M. Batellier (Pierre) : Oui, en sciences politiques et économie de l'environnement, puis j'ai un D.E.S.S. en gestion. J'ai deux maîtrises.

M. Therrien : O.K. Vous avez été aux HEC?

M. Batellier (Pierre) : Oui. D.E.S.S. en gestion aux HEC puis, en France, sciences po Paris, à la Sorbonne, en économie et en sciences politiques.

M. Therrien : O.K. Je suis peut-être indiscret, mais c'est parce que je veux enligner mes questions en fonction de la formation que vous avez parce que vous avez parlé d'analyse économique tantôt, puis vous étiez en arrière des collègues, donc, que j'ai questionnés, puis je voyais que vous sembliez intéressé, puis j'ai comme l'impression que vous me tendiez une perche virtuellement. Alors, je vais en profiter...

Une voix : ...

M. Therrien : Oui, oui, j'ai beaucoup d'imagination, M. le député. Alors donc, je vais vous tendre une perche, mais vous m'arrêtez si vous n'avez pas de réponse ou si vous voulez passer à autre chose, là. Par rapport à l'analyse économique, vous dites qu'il y a une différence entre l'analyse de retombées économiques puis l'analyse avantage-coût. Je suis parfaitement d'accord avec à ce niveau-là. L'analyse avantage-coût, est-ce que vous avez un peu d'expérience là-dedans? Je ne le sais pas, avez-vous un peu travaillé dans ce domaine-là?

M. Batellier (Pierre) : Oui, mais surtout sur ce que ça peut apporter, les limites, les différences avec les autres outils. J'ai fait mon examen de synthèse doctoral sur la question, donc je pourrais...

M. Therrien : O.K. Parfait. Parce que je vais vous dire franchement, je n'ai pas souvent touché à ça. J'y ai touché un peu dans le passé, là, mais pas au niveau environnemental, puis j'aurais aimé ça, vous entendre là-dessus, par rapport à l'acceptabilité sociale, l'utilité que ça peut avoir, l'analyse économique, si on fait une analyse avantage-coût puis on inclut les externalités, à quel point on peut aider à l'acceptabilité sociale. O.K. Je vais vous laisser là-dessus. Bon.

M. Batellier (Pierre) : Oui. Bien, je pense que c'est un des points importants, puis un des postulats, malheureusement, qui est fait, un peu implicite dans le livre vert, c'est qu'un des problèmes liés aux réactions parfois négatives du public, c'est qu'on ne leur vendrait pas assez bien ou il n'y aura pas une bonne compréhension, une bonne mise en valeur des retombées économiques. Je pense qu'il y a aussi d'autres préoccupations, notamment quant à la prise en compte des externalités négatives. Je pense, c'est important de mieux mesurer les retombées économiques. Je pense qu'il y a une amélioration à faire de ce point de vue là. Souvent, on les sous-estime, et je vous dirais que, souvent, aussi on les surestime. Et puis je vous dirais qu'il y a aujourd'hui quelques recherches rétroactives qui évaluent la différence entre ce qui a été annoncé puis ce qui a été concrètement réalisé. Donc, ça, ça pourrait être un bilan qui pourrait être fait. Il y a beaucoup de nuances qui peuvent être amenées aussi dans les emplois qu'on amène, qu'on crée pour, justement, essayer d'avoir un bon regard sur ce que ce sont des retombées positives.

Je vais prendre un exemple tout de suite pour différencier, peut-être, pour le public, ce que c'est, une analyse de retombées économiques, par rapport à une analyse coût-avantage. Une analyse de retombées économiques, par exemple, en termes d'emploi, va vous dire : Telle filière, tel projet va créer 2 000 nouveaux emplois. Donc, ça, ça va être la perspective de l'analyse, disons, de manière brute. Ce que va faire l'analyse coût-avantage, c'est qu'elle va regarder la mobilité de la main-d'oeuvre. O.K.? On crée 2 000 emplois. De ces 2 000 emplois, est-ce qu'il y en a qui sont substitués? Est-ce que c'est un transfert de main-d'oeuvre?

Dans le coeur, par exemple, du gaz de schiste, il y avait justement les deux points de vue qui s'affrontaient, donc une perspective de 2 000 emplois bruts, mais Jean-Thomas Bernard, qui amenait, justement, une analyse coût-avantage, disait : Oui, mais il s'agit essentiellement d'un transfert de main-d'oeuvre. Pour lui, le gain en termes d'emplois était nul, voire peut-être négatif, parce qu'on venait déstructurer d'autres secteurs économiques existants. L'analyse coût-avantage vient amener ce côté dynamique et vient aussi prendre en compte toutes les externalités négatives que ne prend pas en compte l'analyse de retombées économiques. L'analyse de retombées économiques, c'est essentiellement les éléments positifs, fiscalité, emplois. Il y a des normes, donc il y a... En tout cas, on pourrait faire un état... je l'ai fait sur ce qui s'est fait au Québec. Et, de l'autre côté, les externalités négatives, il y a beaucoup de choses qui ont été amenées par le bureau du Vérificateur général sur toutes les externalités à prendre en compte dans le cadre de ces exercices.

Vous parliez des conflits d'usage tantôt, on est capable de chiffrer quel est l'impact d'une perte de territoire agricole, d'un ralentissement du trafic routier, une dépréciation de la valeur des maisons, les coûts en termes d'infrastructures, les coûts sur les activités touristiques, les coûts sur la santé et l'environnement. Il y a toute une littérature qui permet aujourd'hui de faire cet exercice, de monétariser aussi ces externalités négatives.

M. Therrien : Bien, écoutez...

M. Batellier (Pierre) : Et les coûts d'opportunité aussi. On parlait de coûts d'opportunité aussi, ces...

M. Therrien : Bien oui. Bien, c'est ça, tu sais, en économie, on dit toujours que d'évaluer un projet, ce n'est pas d'évaluer les retombées économiques, c'est d'évaluer le coût d'opportunité. Le deuxième choix de ce qu'aurait été notre choix si ce projet-là n'était plus présent, c'est l'idée du coût d'opportunité puis c'est comme ça, vraiment, que tu évalues un projet. Les retombées économiques, c'est, en tout cas, une façon non adéquate d'évaluer un projet économique.

M. Batellier (Pierre) : Bien, c'est une façon adéquate, mais c'est un aspect de l'évaluation. Donc, juste savoir puis être... Je peux juste amener, peut-être, une nuance...

M. Therrien : Oui, allez-y, allez-y.

M. Batellier (Pierre) : L'analyse coût-avantage, souvent, traditionnelle amène ce qu'on appelle le bien-être général, c'est-à-dire elle va agréger toute la création de richesse pour essayer de voir est-ce qu'on crée de la richesse ou est-ce qu'il s'agit d'une perte de richesse au niveau collectif. Une des limites importantes à reconnaître de ça, c'est que souvent on ne va pas regarder comment se distribue cette richesse, on va dire : Il y a un gain net de 2 milliards de richesse qui est créé au Québec, mais l'analyse coût-avantage, elle ne va pas dire est-ce que, quelque part, on fait un transfert de richesse, il y a des acteurs qui perdent énormément, puis d'autres qui gagnent beaucoup.

Donc, aujourd'hui, il se développe aussi ce qu'on appelle les analyses coût-avantage par partie prenante, donc est-ce qu'on peut le faire pour la communauté locale, pour le gouvernement et le contribuable et après, de manière globale, pour le projet, pour le promoteur, mais il faut différencier aussi par partie prenante cette analyse coût-avantage-là.

M. Therrien : Bien, écoutez, vous revenez exactement sur ce que j'avais dit voilà quelques jours. Je ne me lance pas des fleurs, là, mais c'est parce que j'avais exactement dit la même chose, c'est que, quand tu fais une analyse avantage-coût, il faut que tu distingues les récipiendaires des avantages et des coûts, et donc j'en avais classifié trois, au niveau de la région, au niveau de l'entreprise puis au niveau de l'État québécois.

Moi, je suis parfaitement d'accord avec vous puis je vous dis franchement, à travers un livre vert puis avec un responsable d'analyse économique, je ne vois pas pourquoi on n'arriverait pas avec qu'est-ce que vous proposez pour, justement, consolider l'acceptabilité sociale au niveau technique et faire en sorte que la population soit bien avisée dans ses prises de position. Moi, je trouve ça extrêmement important puis que c'est une voie de réussite assurée, ce genre de démarche là. Je veux vous entendre là-dessus rapidement, là, parce qu'il nous reste...

• (17 heures) •

M. Batellier (Pierre) : Et puis je vous dirais que l'essentiel des analyses des facteurs ayant mené, par exemple, à la mobilisation sociale sur le gaz de schiste ou même dans le dossier des hydrocarbures tient pour beaucoup, justement, à l'absence de prise en compte de ces externalités négatives. C'est un facteur très important des mobilisations sociales, et on serait capable, il existe aujourd'hui les méthodologies, des moyens de prendre en compte aussi l'incertitude, de faire en sorte de faire des analyses de sensibilité sur les grands paramètres. Donc, on a les compétences, le moyen de le faire, de sortir peut-être aussi juste d'une approche économique pour aller aussi dans une approche comptable. Ce que j'aime beaucoup dans la comptabilité, dans un bilan financier, là, c'est qu'on voit les flux de trésorerie, c'est : L'argent, il passe de où à où, de qui à qui?

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Batellier. Ceci met fin aux échanges avec l'opposition officielle. Nous allons maintenant procéder aux échanges avec la deuxième opposition. Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Je vais continuer sur analyse coûts. Ça va bien, on parle d'analyse coûts avec un économiste. Mais, quand on parle d'impacts, d'analyse coûts, devrait-on mieux le vulgariser? Parce que je me pose la question : Est-ce que les gens comprennent? Tu sais, l'information qu'on leur transmet, est-ce qu'on devrait mieux la vulgariser lors de la consultation publique et de la...

M. Batellier (Pierre) : Oui. Bien, je pense, madame, dans l'ensemble du dossier, il y a un enjeu de vulgarisation. Après, faire attention à, parfois, la simplification excessive, là, ne pas sous-estimer la capacité de compréhension, là, puis de participer du citoyen. Des fois, on a un biais, un petit peu.

Mme Soucy : ...

M. Batellier (Pierre) : Non, non, mais je pense que c'est... Mais parfois c'est très concret, là. Quand vous parlez de perte de valeur foncière des maisons, de changements... à devoir adapter les usages du territoire, de coûts d'assurance, là, quand vous devez changer votre régime d'assurance, vous avez un nouveau projet industriel à côté de chez vous, c'est une externalité négative. C'est des choses très concrètes pour le citoyen. Mais je pense qu'on est capable de clarifier tous ces éléments. C'est ça.

Puis l'analyse coût-avantage, ce n'est pas... Je suis content d'avoir aussi un peu de participation féminine dans le comité d'évaluation, là, mais un élément qui est souvent laissé de côté, c'est aussi l'analyse différenciée par genre, quel est l'impact spécifique des projets aussi sur les femmes. Quand on évalue ces grands projets de ressources naturelles, c'est aussi des impacts qui devraient être évalués et qu'une analyse coût-avantage, là, n'aborde pas. Puis il y a beaucoup de choses qu'on n'aborde pas dans une analyse coût-avantage, là. Est-ce qu'on respecte nos promesses? Est-ce qu'on respecte les valeurs locales? Est-ce qu'on respecte les droits fondamentaux, les droits humains? Donc, c'est une analyse coût-avantage, analyse différenciée, il peut y avoir un ensemble d'outils et de critères. Il y a l'analyse multicritères, qui est largement utilisée aussi, là, par des décideurs privés, qui joint une analyse coût-avantage à d'autres analyses. Donc, on pourrait enrichir ça largement. On a toutes les compétences au Québec et les moyens pour avoir vraiment des très bons outils d'analyse, mais ça prend une volonté politique et des moyens financiers aussi pour structurer ces méthodologies et ces outils-là.

Mme Soucy : Merci. Lors des consultations, il y a plusieurs personnes qui nous ont dit : Bien, on devrait tenir compte de l'opinion des gens locaux. Pourrait-on vraiment empêcher les gens de l'extérieur de venir s'opposer à un projet? Vous, en tant que chercheur, j'aimerais ça avoir votre point de vue sur ça.

M. Batellier (Pierre) : Disons que la recherche académique est aussi partagée et aussi n'arrive pas à trancher. Est-ce que le social doit toujours se limiter au local? À quel moment, on élargit ce social-là? C'est sûr que c'est problématique. Je pense qu'il faut peut-être différencier les deux, et pas forcément agréger toujours la population locale avec... au niveau de la décision, la population locale avec une échelle plus large. Malheureusement, la recherche, non, n'apporte pas forcément des pistes si éclairantes de ce point de vue là.

Après, c'est des décisions... Comme je le disais, là, des expériences externes, des acteurs au niveau national peuvent apporter des éclairages très intéressants. Puis il y a peut-être des grands projets, est-ce que... Je pense qu'à Anticosti c'est fondamental de consulter, par exemple, la population locale. Après, est-ce que ça ne nous concerne pas comme Québécois à l'échelle nationale? Je ne sais pas si, quelque part, aussi on ne devrait pas avoir un mot à dire, tous les contribuables, les citoyens québécois. Après, comment on fait ça? Il y a des enjeux d'opérationnalisation, là, mais il y a certains grands projets qui méritent, je pense, une réflexion puis une évaluation de l'acceptabilité sociale à diverses échelles. Puis ça ne veut pas dire agréger les deux, là, on ne va pas noyer la petite communauté d'Anticosti dans la masse des millions de Québécois au moment de l'évaluation.

Mme Soucy : Vous dites que le BAPE pourrait continuer à évaluer les questions économiques. Vous ne trouvez pas que le BAPE a miné le processus global d'acceptabilité sociale en se penchant sur l'économie, de toute façon, hein, sachant que ce n'est pas son rôle principal?

M. Batellier (Pierre) : Bien, je fais toujours référence à son rôle, qu'il a pour mission d'éclairer la prise de décision gouvernementale dans une perspective de développement durable, lequel englobe les aspects écologique, social et économique, et moi, je pense que c'est toujours important d'avoir aussi une perspective où on croise les trois dimensions, là. Puis opposer environnement et économie, là, je pourrais vous citer toutes sortes d'externalités négatives, d'impacts sur l'environnement qui ont un coût en termes de gestion publique, en termes de perte de valeur foncière, en termes... On peut lier très facilement environnement et économie, et je pense que ça prend aussi une entité qui fait une analyse globale, de ne pas forcément les isoler.

Et nuire à l'acceptabilité sociale, je ne le sais pas. Malheureusement, il est mal outillé. Peut-être que, s'il avait un bureau d'analyse économique et qu'il se fondait... Le BAPE fait des analyses et une enquête, mais il se base beaucoup sur les ressources que lui met à disposition le ministère... bien, en fait, les ressources qu'il va s'adjuger puis qui sont disponibles. Si de nouvelles ressources d'évaluation sont disponibles, peut-être le BAPE arrivera avec des évaluations économiques beaucoup plus solides, beaucoup plus, peut-être, légitimes aux yeux à la fois des citoyens, et des promoteurs, et des autres acteurs publics. Ce n'est pas une fatalité, loin de là. Puis je pense qu'il faut garder... N'oubliez pas aussi la perception publique du citoyen envers le BAPE, là. Puis, aujourd'hui, là, les gens valorisent beaucoup les entités indépendantes aussi dans l'analyse des projets, là. Voilà.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Batellier. Nous allons procéder à une période d'échange avec un groupe indépendant. La députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la parole est à vous.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour, chers collègues. Je suis toujours dans mon saut de puce. Oui, c'est important de rappeler que le BAPE, hein, je pense... Je ne me souviens pas le nombre de commissaires, mais il y a trois économistes qui travaillent au BAPE, ce n'est pas du monde dans le social qui porte une analyse économique sur les projets, etc.

Vous avez parlé de toute la question de l'accès à l'information, l'accès à l'information avant l'étude d'impact, après la rétroaction, etc., et est-ce que vous auriez d'autres éléments à nous apporter là-dessus?

M. Batellier (Pierre) : Oui. Bien, j'insisterais là-dessus, je pense qu'il y a un enjeu de vulgarisation, mais, comme je le dis, il faut que ce soit présent dans le livre vert. Ce n'est pas parce qu'on apporte une information vulgarisée à côté qu'il ne faut pas avoir accès à l'information. Puis la littérature montre aussi que, quand le citoyen sait qu'il a accès à l'information, ça le rassure, il n'ira peut-être pas forcément toute la fouiller ou la chercher, mais il sait. Il faut voir aussi que souvent, derrière beaucoup de demandes d'information, on me demande de l'information pour demander de l'information parce qu'on estime qu'on ne l'a pas, elle n'est pas disponible, ça inquiète le citoyen. Quand cette information est rendue disponible, vous pouvez aller voir d'autres juridictions, bien, peut-être qu'il y aura finalement moins de demandes. Puis, quand le citoyen demande de l'information, des fois, derrière, il faut voir ce qui est caché derrière, c'est qu'il s'outille lui-même. Ce que montre la recherche, c'est que, quand le citoyen n'a plus confiance dans l'évaluateur du risque, dans le générateur d'information, ce qu'il fait, c'est qu'il va s'informer lui-même, il va demander de l'information, il va faire une recherche poussée là-dessus, et c'est ça.

Et peut-être un dernier point, le citoyen, il n'a pas toujours le goût de s'informer et de participer à toutes les consultations sur les projets, il a aussi une vie et d'autres choses à faire, et il aimerait aussi parfois pouvoir s'appuyer sur une entité crédible puis qu'il juge indépendante, légitime pour faire ces exercices-là. Donc, c'est là où je refais le lien une dernière fois avec l'importance aussi de... Oui, on veut être accompagnateur des promoteurs, attention, être accompagnateur du citoyen, et puis pourquoi on ne serait pas juste régulateur et faire de l'encadrement, comme on le fait traditionnellement, là, puis trouver un juste équilibre, là?

Mme Massé : Et je trouve ça intéressant parce qu'effectivement vous avez abordé... Le ministre a tenu à préciser que, dans sa perception du rôle d'accompagnateur, ça ne voulait pas dire d'être promoteur du projet, mais vous avez parlé de, parfois, la perception que ça peut provoquer chez les gens. Donc, ce que vous proposez, c'est d'être beaucoup plus clair sur le rôle d'encadrement ou de régulation...

M. Batellier (Pierre) : La frontière est parfois étroite, là. Dans les éléments qui sont amenés, pour moi, c'est de l'encadrement. C'est qu'après on veut lancer un message au milieu des affaires et c'est... Je comprends aussi cette volonté-là, juste avoir conscience aussi de ce message-là qu'on crée, qu'on envoie, puis est-ce qu'on envoie le même message au public, dont l'accompagnement, parfois, se retrouve en annexe, dans le livre vert, où c'est toujours le citoyen en dernier? Quand on parle d'accompagnement, c'est un aspect important.

Un dernier point aussi qui, peut-être, me dérange un peu, moi, je suis citoyen, mon premier réflexe pour comprendre c'est quoi, le rôle et les fonctions des institutions publiques, j'ouvre la loi. Puis moi, quand j'ai ouvert la loi sur le ministère, ses rôles et fonctions, je n'ai pas trouvé nulle part «accompagnement», «partenaire», ces éléments-là, et on parle beaucoup de tous les autres rôles qui sont dans le livre vert. Puis j'ai découvert la stratégie, finalement, 2015-2018, où, là, on explique tout ce virage sur le ministère, mais, bon, je trouve que... est-ce que le débat a été fait aussi sur cette modification, changement, un peu, de mission fondamentale du ministère? C'est la perception qui est aussi parfois un petit peu problématique.

C'est là où l'importance de, oui, mieux spécifier les rôles et responsabilités, mais clarifier c'est quoi, les fondements, puis c'est relié à quels documents. Dans le livre vert, puisque c'est une bonne pratique, autant l'appliquer tout de suite dans le livre vert puis d'expliquer sur quoi se basent ces rôles-là. Je ne veux pas dire que ce n'est pas légitime, là, d'accompagner, là, mais il faut en faire une bonne discussion puis avoir les pour et les contre, là...

Le Président (M. Iracà) : Je vous remercie, M. Batellier, mais, malheureusement, ça met fin aux échanges. Alors, merci beaucoup de votre présentation, de vous être déplacé ici, à l'Assemblée nationale.

Je suspends les travaux quelques instants et j'invite le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

(Reprise à 17 h 12)

Le Président (M. Iracà) : Nous allons reprendre les travaux de la commission. Merci beaucoup de vous être déplacés. Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Pour des fins d'enregistrement, je vais vous demander de vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Monsieur, la parole est à vous.

Association canadienne de l'industrie de la chimie (ACIC)

M. Hamelin (Yves) : Merci de me recevoir. Mon nom est Yves Hamelin. Je suis directeur régional pour le Québec de l'Association canadienne de l'industrie de la chimie. Alors, évidemment, je vais vous présenter la position de l'association. Je vais utiliser souvent l'acronyme ACIC, ça va me permettre de respecter mon 10 minutes. Alors, évidemment, l'objectif, ce n'est pas de lire le mémoire parce que vous l'avez en main. Donc, évidemment, c'est d'en faire ressortir les éléments clés, évidemment, pour les fins de ce processus d'auditions publiques et, évidemment, de respecter le temps alloué.

La présentation va se faire en trois temps. D'abord, une brève introduction de qui nous sommes parce que ça permet de comprendre les tenants et aboutissants de notre position en tant qu'association. Évidemment, je vais m'attarder aux cinq orientations parce que, pour chacune, il y a des éléments, je pense, qui sont très positifs dans ce livre vert là, mais il y a certains éléments sur lesquels ça confirme des prises de position ou des échanges intéressants à avoir avec vous. Et, évidemment, je présenterai une très brève conclusion.

L'ACIC, c'est une association pancanadienne qui regroupe une cinquantaine de membres, dont 75 % des partenaires de l'industrie de la chimie. Évidemment, le bureau central est situé à Ottawa. Moi, je suis responsable pour le Québec, mais j'ai un collègue qui s'occupe de l'Ontario, quelqu'un qui s'occupe de l'Alberta et quelqu'un qui s'occupe de la Colombie-Britannique. Évidemment, j'assume le rôle de directeur régional au Québec. C'est une quinzaine de membres au Québec. Évidemment, c'est un membership de haut niveau, là. Ce n'est pas une carte de membre chez Costco, là, c'est des gens qui paient des cotisations importantes. Et, évidemment, on est majoritairement en région, donc on est à Valleyfield, Beauharnois, Verchères, Bécancour, Buckingham. Donc, on est, évidemment, en périphérie de la grande région métropolitaine. On génère 10 milliards de chiffre d'affaires et 5 milliards en exportations. On est quatrième en termes de rang au secteur manufacturier et on est responsable de 22 000 emplois et 110 000 emplois indirects.

La particularité de membership de l'association, c'est que nos membres doivent adhérer à l'esprit et au code de pratique de la gestion responsable. Et ça, évidemment, c'est un programme qui a été créé en 1985 au Canada, qui est reconnu par l'ONU et adopté dans 60 pays. Ça constitue une condition d'adhésion à l'association et ça permet de vérifier la performance de l'entreprise en matière de santé et sécurité, en matière d'environnement et, évidemment, en tant que citoyen responsable d'une localité. Par exemple, toutes nos usines ont un comité de citoyens. Donc, quand on parlera tantôt d'expérience de comités de liaison, de comités de citoyens, je pourrai partager des choses avec vous.

Une vérification, c'est quatre jours, 152 activités et, évidemment, des recommandations, donc, qui confirment à une population locale, évidemment, une crédibilité d'opération qui est importante. Lors de la vérification, il y a un membre qui représente les citoyens de la localité qui est là pendant quatre jours. Le rapport est public, sur le site, donc il y a une transparence dont vous faites état dans le livre vert, là, nous, qu'on vit depuis une cinquantaine d'années dans nos vérifications.

Alors, les orientations du livre vert. Alors, évidemment, de manière générale, l'association salue l'initiative du ministère dans le cadre du livre vert. Évidemment, on appuie l'objectif de moderniser les outils et les pratiques, ça, c'est évident, mais surtout une approche nouvelle qui vise à trouver un juste équilibre entre le développement économique et la protection du territoire. Évidemment, on reconnaît l'importance du leadership du ministère, qui, pour nous, est important, et, évidemment, on est convaincus que les orientations manifestées à l'intérieur du livre vert sont de nature à favoriser l'acceptabilité sociale. Nous, en 1982, on parlait de ça à l'association, mais on ne savait pas trop, on parlait de responsabilité sociale. Donc, ça vous donne une idée comment on avait intégré ça dans nos pratiques.

Maintenant, les orientations. Alors, je vais les passer une par une. L'orientation, la première, qui est rôles et responsabilités du ministère, alors, définitivement, considérant la portée potentielle des projets, le ministère suggère la mise en place de mécanismes de coordination interministériels. Si cette coordination nous semble inévitable, elle représente toutefois, selon nous, tout un défi dans la culture gouvernementale actuelle. Alors, nous souscrivons à l'intention, mais la faisabilité soulève des interrogations. Il existe un risque, selon nous, que cette coordination puisse alourdir le processus. La volonté de mieux accompagner les promoteurs permettra définitivement une meilleure compréhension de l'ensemble de la démarche et, pour nous, aussi, considérant que ces promoteurs-là sont souvent étrangers, une meilleure intégration à la culture québécoise. Et, pour nous, ça, c'est primordial. Moi, j'ai travaillé dans des unités mondiales. La perception des Québécois, des Canadiens, des Américains, des Européens, dépendamment où on est, des Asiatiques, n'est pas la même en termes d'acceptabilité sociale, et le fait de les accompagner, pour moi, ça a une valeur ajoutée qui est très importante. Évidemment, la question qu'on soulève, c'est : Est-ce que ça doit se faire pour toutes les catégories de projets? Dépendamment de la nature du projet, là, il faudrait peut-être un peu modéliser dépendamment de l'impact du projet.

La deuxième orientation, qui touche, évidemment, les mécanismes, le PATP, de le rendre plus transparent et participatif, évidemment, on appuie fortement cette approche-là. Nous, évidemment, on vit avec des comités de citoyens depuis toujours, et c'est une approche qui est gagnante, définitivement, de procéder de cette façon-là. Évidemment, comme les plans d'affectation ont une portée qui va au-delà des communautés locales, parce qu'évidemment il peut y avoir une décision d'implantation énergétique ou d'un site d'exploitation, évidemment, il faudrait s'assurer qu'il y a peut-être un lien. En tout cas, pour nous, là, de l'expérience des comités de citoyens, un comité de citoyens permanent au niveau provincial pour amener un contrepoids sur la portée des projets nous apparaîtrait peut-être une notion intéressante à explorer.

L'orientation 3, la mise en place de processus prévisibles en termes d'information et de consultation, encore là, évidemment, nous sommes tout à fait d'accord. Plus ça va se faire rapidement, et plus ça va être accessible. La clé, c'est toujours les communications. Donc, évidemment, c'est important. Et on dénote dans le livre vert l'importance du comité de suivi parce qu'un processus d'acceptabilité sociale, ça a un début, mais c'est aussi évolutif, et, en cours de route, il faut trouver un moyen de maintenir la qualité de l'information dans tout le processus. Évidemment, ça pourrait être intéressant de définir un cadre de référence. J'entendais tantôt des choses, je suis arrivé un peu à l'avance, là, le danger d'un cadre de référence, c'est que ça limite la flexibilité et l'innovation. Mais ça a aussi l'avantage de définir certains paramètres, alors il faudrait trouver le juste équilibre entre définir un cadre de référence et laisser place à certaines initiatives. Mais je miserais davantage pour un certain cadre de référence où on essaie de trouver une forme d'équilibre.

• (17 h 20) •

L'orientation 4, favoriser un partage des bénéfices avec la communauté d'accueil, je pense que ça doit prendre la forme de quelqu'un qui s'intègre dans une communauté. Embauche locale, achats locaux, donations, participation à des oeuvres, je pense que ça, c'est une façon de s'imprégner, et ça devrait aller de soi dans une communauté où on décide de s'établir.

L'orientation 5, renforcer la capacité d'analyse des impacts, évidemment, on parle de retombées économiques et d'acceptabilité sociale. Selon nous, cette orientation-là est majeure. Il est primordial que les retombées économiques soient davantage au rendez-vous. Aux trois paliers du développement durable, l'environnement et l'acceptabilité sociale ont écarté, selon nous, dans les dernières années, le volet économique lors des derniers grands projets au Québec. Nous encourageons fortement la mise sur pied d'un bureau indépendant pour donner de la crédibilité à l'analyse des retombées économiques.

En conclusion, vous, vous le livrez en introduction, mais, définitivement, l'acceptabilité sociale ne peut pas signifier «unanimité», parce qu'on n'arrivera jamais, particulièrement avec le niveau de sensibilité et de perception de la notion d'acceptabilité sociale, surtout au Québec. Comme le risque zéro n'existe pas en matière de développement et de changement, ce livre vert présente des avenues intéressantes pour favoriser une notion d'acceptabilité sociale plus rationnelle et plus transparente, basée sur une meilleure compréhension des rôles, définitivement. Parce que, pour tout promoteur, c'est la prévisibilité qui est gagnante dans un projet, une volonté d'accompagnement des promoteurs, définitivement, une meilleure intégration...

Le Président (M. Iracà) : ...pour vous aviser, M. Hamelin, il vous reste une minute.

M. Hamelin (Yves) : Ah! j'en ai pour 30 secondes. Une meilleure intégration interministérielle des projets, des mécanismes de consultation mieux organisés et plus transparents, une volonté d'une meilleure intégration des promoteurs à la communauté locale et une meilleure prise en compte des retombées économiques par la mise sur pied d'un bureau indépendant. Merci de votre écoute. Et je suis disponible pour les échanges.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Hamelin. Nous allons débuter les échanges avec la partie gouvernementale, et je cède immédiatement la parole à M. le ministre.

M. Arcand : Merci infiniment, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Votre temps est d'à peu près 17 min 30 s.

M. Arcand : Très bien, merci. M. Hamelin, d'abord, bienvenue parmi nous en ce jeudi après-midi. Peut-être, d'entrée de jeu, j'aimerais un peu comprendre ce que l'association fait exactement, l'association canadienne. Elle est quand même peu connue comme association au Québec. Je vois qu'il y a des entreprises comme Dupont, CN, CP, Dow, Shell, Honeywell, pour ne mentionner que ceux-là, qui sont des membres chez vous, qui sont les grandes entreprises qui... quelles sont les entreprises au Québec qui opèrent et qui ont le potentiel d'avoir ce genre de projets que l'on discute aujourd'hui et dans lequel ça demande une implication, une consultation citoyenne, etc.? Est-ce que vous pourriez nous donner quelques exemples?

M. Hamelin (Yves) : Oui. Alors, si on parle pour le Québec, si vous parlez de Bécancour, bien, il y a Olin, qui est un producteur de chlore, Arkema, producteur de peroxyde d'hydrogène. Donc, il y a les Erco de ce monde à Buckingham au niveau du chlorate. On va avoir des Dow et des Kronos au niveau du pigment de titane, National Silicates au niveau des polymères. Donc, c'est le type de membres en région, fortement, qui peuvent vivre de retombées indirectes des dommages collatéraux très positifs de projets énergétiques, ou de projets d'implantation miniers, ou peu importe, parce que la molécule chimique, dans la dynamique de transformation, c'est un agent qui vient aider, évidemment, toute l'industrie de la construction, de la foresterie, des plastiques, du pharmaceutique, de l'aérospatiale.

Tout ce qu'on touche, c'est chimique, là, fondamentalement, là. Donc, pour nous, d'aller recadrer cette perception-là d'acceptabilité sociale... En tout cas, moi, j'ai participé à des BAPE, là, les derniers, là, IFFCO, Stolt LNGaz, je suis sur le C.A. de la société du parc à Bécancour, je suis sur le conseil d'administration du Centre patronal de l'environnement du Québec, alors, de l'acceptabilité sociale, on en a entendu, évidemment, beaucoup dans les dernières années. Donc, pour nous, c'est important de recadrer cette perception-là où, actuellement, à peu près tout ce qui est «c'est dans ma cour» n'est pas acceptable dans une dynamique où il faut aussi développer le Québec. Donc, on est des moteurs de l'économie, on participe à la chaîne avec nos organisations, et, si on veut, évidemment, demeurer prospères, croître et donner l'occasion à d'autres de venir s'établir, c'est là que notre lien est important pour l'association.

Le Président (M. Iracà) : Merci.

M. Arcand : Merci infiniment. Vous avez dit quelque chose que je trouvais très intéressant, votre code de gestion... juste avoir quelques détails, là, de codes de gestion responsable pour vos entreprises. Pouvez-vous juste me dire quels sont les éléments principaux de ce code-là?

M. Hamelin (Yves) : Alors, tout d'abord, c'est une éthique et l'esprit de la gestion responsable, et c'est un programme qui a été développé suite aux incidents en Inde, là. Bhopal, tout le monde l'a dans l'imaginaire, là, se rappelle de ces instants catastrophiques, et là l'industrie a décidé de se prendre en main parce qu'on ne pouvait pas continuer à opérer une licence sociale avec ces conditions-là. Donc, développé au Canada à travers trois codes de pratiques, 151 activités, une vérification de trois jours ou quatre, dépendamment de la réalité des usines, qui s'assure que tout le volet santé et sécurité, environnement, sécurité opérationnelle et transport est pris en compte et assure que nos membres opèrent dans des conditions de gestion responsable et que les risques à la population sont le plus possible éliminés.

Donc, ça veut dire qu'on a un citoyen... Nous, on a tous des comités de citoyens représentatifs de nos communautés qui font des meetings chez nous, qui gèrent leur agenda, qui sont complètement indépendants, à qui on présente nos objectifs environnementaux, les problématiques qu'on a et qui sont des ambassadeurs dans notre milieu. Et une vérification, chez nous, c'est quatre jours, c'est un rapport transparent et rendu public sur le site de l'association, auquel est tenu responsable le dirigeant de l'entreprise en termes d'amélioration. Donc, pour nous, c'est une caution importante de nos activités.

Nous, ce qu'on souhaiterait même, c'est, pour une garantie meilleure de l'industrie de la chimie... Parce que notre membership, ce n'est pas toutes les entreprises. Pour nous, tous les fabricants de produits chimiques devraient oeuvrer dans un environnement de gestion responsable.

M. Arcand : M. Hamelin, je vous remercie, en tout cas. Parce que j'ai lu votre document, c'est un document qui est quand même pas mal positif pour ce qui nous concerne. Alors, je tiens à vous remercier parce que, vraiment, vous souscrivez passablement à l'ensemble de notre livre vert. Alors, je vous remercie infiniment pour votre présentation aujourd'hui.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci beaucoup, M. le ministre, Je vais céder la parole immédiatement pour l'échange avec l'opposition officielle avec le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Merci d'être parmi nous. Cadre de référence, vous dites : Bien, on a avantage à avoir un cadre de référence. Vous dites oui à la flexibilité, mais, quand même, il faut définir certains paramètres. J'imagine que c'est en lien avec l'idée d'amener plus rapidement l'acceptabilité sociale. C'est pour ça que vous considérez que le cadre de référence doit être quand même solide, là, parce que... Je vais juste terminer mon idée, là, parce qu'au départ, moi, je trouve que, dans le livre vert, le principe de l'acceptabilité sociale n'est pas nécessairement très bien défini au départ, mais il y a des gens qui nous ont dit : Bien, ce n'est pas grave. De toute façon, c'est dur à définir, puis, de toute façon, c'est dans l'évolution des négociations, puis de la réflexion, puis des analyses qu'on va atteindre cette acceptabilité sociale. Donc, c'est plus dans la démarche que dans la définition. Alors, le cadre de référence est important, j'imagine, pour accéder à cette acceptabilité sociale?

M. Hamelin (Yves) : Évidemment, même si on s'entendait sur une... Évidemment, nous, on a perçu le livre vert comme étant des pistes d'orientation pour construire quelque chose, là, qui est en devenir parce qu'évidemment l'environnement change et évolue, et je ne pense pas que ce serait une définition précise qui viendrait régler la dynamique d'acceptabilité sociale.

Ceci étant dit, moi, je pense qu'actuellement il y a un épiderme très sensible au Québec sur à peu près tout projet qui a un impact sur l'environnement, sur un cours d'eau ou sur une grenouille, sur une couleuvre. Bon, vous voyez un peu la... Alors, moi, je pense qu'il faut ramener ça dans un débat rationnel. Je trouve ça dommage, actuellement, de voir des débats publics où c'est les pancartes qui dominent plus que le rationnel et le débat. Alors, moi, je pense qu'en donnant un cadre de référence on va, au moins, ramener le débat dans des perspectives un peu plus rationnelles. Et je pense qu'il faut faire confiance après ça aux institutions publiques où... lesquelles, il y aura une démarche, et, à la fin, il y a quelqu'un qui doit, je pense, prendre une décision. Il y a quelqu'un qui a été élu de façon démocratique et, à un moment donné, il y a quelqu'un qui doit se positionner pour les intérêts, à la limite, finaux du Québec. Alors, on n'aura jamais l'unanimité, il y a toujours des gens à qui on va déplaire. Mais, si on rationalise la démarche avec des éléments un peu plus concrets, moi, je pense qu'à la limite ce sera plus légitimé de prendre une décision en fonction de paramètres comme ceux-là parce qu'il y aura un cadre de référence. Parce que, là, ce n'est pas toujours joli, là, ce qu'on entend, malheureusement, là.

M. Therrien : Le fait aussi que, dans une région, il y a un projet qui soit proposé puis qu'il y ait des gens qui viennent d'ailleurs, alors qu'il n'y a pas nécessairement d'impacts globaux... qui viennent s'installer avec des pancartes et viennent un peu motiver les troupes qui sont contre, éventuellement, un projet, pour vous, ça ne fait pas vraiment de sens, là, ce que vous me dites, ce que je comprends, là.

• (17 h 30) •

M. Hamelin (Yves) : Bien, moi, si le processus est démocratique et bien mené, je n'ai pas de misère avec ça du tout, là. Je trouve ça un peu dommage que, parfois, on ne laisse pas place au débat. Et c'est ça qui est couvert par l'actualité, puis c'est un peu ça qu'on en retire. Moi, je pense qu'un projet, d'abord, il y a une communauté locale qui va le vivre au quotidien. Ça, pour moi, c'est important, ça commence là. Mais ce projet-là peut avoir une portée nationale, et là ça vaut la peine, si, par exemple, c'est une filière énergétique, que d'autres personnes aient la chance de aussi... C'est pour ça que, nous, le comité de liaison, qu'il a une volonté locale, mais je pense qu'un comité de liaison permanent qui pourrait jouer un rôle par rapport au comité de liaison local puis, je dirais, remettre parfois un peu les pendules à l'heure sur les mécanismes de référence pourrait devenir utile.

M. Therrien : Moi, honnêtement, ça va faire le tour. Merci, c'est très clair. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le député de Sanguinet. Alors, je vais céder la parole à la députée de Saint-Hyacinthe pour des échanges avec le groupe du deuxième groupe de l'opposition officielle.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. En fait, vous venez de répondre à ma question, qui allait dans le sens de : Donnez-nous des détails sur votre vision au niveau du comité de liaison au niveau provincial. Vous venez de le faire, alors, écoutez, je voudrais juste vous entendre sur... Croyez-vous que, par son rôle de promoteur, le MERN soit l'entité, en fait, la mieux placée pour évaluer objectivement tous les aspects d'un projet?

M. Hamelin (Yves) : Moi, ce que j'ai senti, dans le livre vert, je pense qu'il est, de par son titre et de par ses responsabilités... je pense que c'est une entité qui devient responsable de cette réalité-là. Moi, je pense que ça lui appartient. Ça ne veut pas dire que c'est un pouvoir unique et sur lequel il n'y a pas des éléments de partage, et c'est pour ça qu'on parle de comité interministériel. Moi, je pense que, dans de grands projets, c'est tout à fait sain de partager des portées qui sont un peu plus du domaine de l'environnement, un peu plus du domaine économique, un peu plus du domaine du transport, du niveau... Je pense que ça, c'est une dynamique qui est saine, mais, à la limite, évidemment, un pouvoir complètement partagé, on n'y arrivera pas non plus à la fin, là. Moi, je pense qu'on doit s'imprégner, évidemment, de l'expertise d'un ensemble de ressources, comme un comité de citoyens, une communauté locale, mais à la fin, moi, qu'il y ait quelqu'un qui assume un leadership, ça me va aussi, là. Les gens seront imputables de leurs décisions. À un moment donné, il faut que le Québec avance aussi. Moi, je pense qu'on a pris une pause qui, malheureusement, risque de nous faire mal pour beaucoup d'années. Actuellement, le secteur manufacturier, là, il a passé de 23 % à 13 %. Nous, on va disparaître. Dans 10 ans, on ne sera pas ici pour présenter des mémoires, là, on va avoir disparu, l'industrie de la chimie, là. Je vous le dis, là, ce n'est pas une menace, c'est une réalité, on ne sera plus au rendez-vous.

Mme Soucy : Qu'est-ce que pensent vos membres du processus d'approbation québécois du BAPE? Est-ce que c'est trop long, c'est trop contraignant? Qu'est-ce que vous entendez?

M. Hamelin (Yves) : Il y a une perception très négative parce que c'est lourd. Et il y a toute une dynamique autour de ce processus-là. Moi, je suis allé présenter des mémoires, là — je suis allé pour IFFCO, je suis allé pour Stolt LNGaz — des mémoires, évidemment, qui étaient positifs parce qu'évidemment il y avait un équilibre économique à mettre dans ces mémoires-là. Mais, de façon générale, l'environnement est actuellement un peu le casseux de party des promoteurs au Québec, actuellement. Et nous, là, gestion responsable, là, le produit, c'est du berceau à la tombe, là. On est pour ça, là, toutes les vertus, protection de l'eau... mais je pense qu'il y a moyen de rendre un processus pour lequel... où le rôle de leadership qu'on assume... Actuellement, je pense qu'il nous fait un peu mal en termes de perception. Alors, si la perception, c'est : Je ne vais pas m'établir au Québec parce que c'est rendu la terre la plus hostile d'accueil en environnement, bien là il faut mettre le balancier un peu plus... Et je pense... nous, on a soumis un mémoire dans le cadre du livre vert sur les autorisations gouvernementales. Il y avait dans ce livre vert là de belles intentions, on les a manifestées, on a soumis des recommandations, mais il faut rendre le processus un peu plus dynamique.

Et moi, je vous entendais parler tantôt d'une dynamique économique du BAPE, on ne l'a jamais sentie. Ça ne veut pas dire que quelqu'un qui a une portée économique dans le BAPE... Moi, je pense, quand on parlait de réviser la nomination des commissaires du BAPE, moi, j'aurais aimé ça, voir un commissaire avec une perspective économique qui gère ce dossier-là. Donc, il y a un certain équilibre à rétablir. Je ne pense pas que c'est un processus inutile, je pense qu'il est sain de par sa notion, mais je pense qu'il faut, un petit peu, le recadrer puis accélérer ce processus-là parce que, là, les délais qui sont véhiculés comme étant longs, mais qu'on veut raccourcir par le livre vert, bien, l'expérience nous montre qu'il y a eu des processus très, très longs où nos concurrents, Memphis, Tennessee, la Californie, la Louisiane, le promoteur retourne après un mois, puis le terrain est prêt, là. C'est ça, la concurrence. Ce n'est peut-être pas tout à fait ce qu'il faut avoir, là, il faut retrouver un juste équilibre, je pense que les extrêmes, c'est toujours dangereux dans n'importe quoi, mais je pense qu'il faut améliorer le processus.

Mme Soucy : Avez-vous ou vos membres ont-ils l'impression qu'au BAPE ils donnent plutôt un jugement défavorable, côté économique, ce qui donne des munitions à ceux qui sont contre les projets?

M. Hamelin (Yves) : Non. Moi, je n'ai pas cette perception-là, mais j'ai l'impression que, dans le triangle du développement durable, on n'y a pas donné le poids, je pense, qu'il fallait. Dès qu'un projet a un niveau de risque environnemental, on a l'impression que la rationnelle du projet n'est pas tout à fait au rendez-vous. Donc, je pense, là, il y a un équilibre à rétablir.

Mme Soucy : Merci, monsieur.

M. Hamelin (Yves) : Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Iracà) : Merci, la députée de Saint-Hyacinthe. Bon congé de Pâques. Faites attention sur les routes. Merci beaucoup, M. Hamelin, pour votre présentation.

Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux jusqu'au 5 avril, 15 h 15. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 36)

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