(Seize heures treize minutes)
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec intitulé Donner le goût du Québec.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Ouellet (Vachon) est remplacée par M. Pelletier (Saint-Hyacinthe); M. Trottier (Roberval) est remplacé par M. Villeneuve (Berthier).
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Cet après-midi, nous recevons La Fédération de l'UPA de l'Abitibi-Témiscamingue, la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval et la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent.
Mais nous débuterons sans plus tarder avec les remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de 7 min 30 s. À vous la parole.
Remarques préliminaires
M. Pierre Corbeil
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. Mmes et MM. les députés, membres de la commission, je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui pour lancer la consultation et les auditions publiques sur le livre vert pour une première politique bioalimentaire.
**(16 h 20)** L'industrie bioalimentaire est un secteur stratégique de la plus haute importance pour la société québécoise en raison de son rôle de premier plan au regard de l'alimentation et de la santé des Québécois, de son apport au développement économique du Québec et de ses régions ainsi que de sa contribution à la protection et à la mise en valeur des ressources et du territoire. Je ne le répéterai jamais assez, il s'agit de 475 000 personnes qui travaillent de la terre ou de la mer à la table afin de produire 24 millions de repas, en moyenne, par jour au Québec. C'est le garde-manger des Québécois, et, à cet égard, c'est un devoir collectif d'en prendre le plus grand soin.
Le secteur bioalimentaire québécois détient une performance pour le moins enviable. Il faut savoir que le revenu net agricole a dépassé le cap du milliard de dollars en 2010, une croissance de plus de 50 % depuis 2005. Les revenus agricoles tirés du marché ont également connu une croissance remarquable, reflétant ainsi le dynamisme des entreprises agricoles et du secteur en général. De plus, l'industrie de la transformation alimentaire est considérée comme le premier employeur du secteur manufacturier au Québec: près de 170 000 emplois directs et indirects. C'est plus de 2 000 entreprises réparties dans toutes les régions du Québec. Près de 70 % de la production agricole du Québec compte sur cette industrie, celle de la transformation, comme principal débouché commercial.
La qualité de nos aliments du Québec ne cesse d'être de plus en plus reconnue. Avec près de 13 000 produits identifiés avec le logo Aliments du Québec, les Québécois font un geste d'achat plus responsable en se les procurant, puisque les Aliments du Québec, c'est toujours le bon choix.
Certes, comme dans l'ensemble de l'économie, il y a des entreprises qui peuvent connaître des difficultés particulières, et nous leur venons en aide. Mais, dans l'ensemble, il faut reconnaître la force et la vigueur du secteur bioalimentaire québécois, et il faut être capable de voir à long terme. La bonne performance du passé n'est pas acquise pour le futur, sachant que de nouveaux défis se pointent à l'horizon. L'environnement d'affaires de l'industrie bioalimentaire se resserre de plus en plus avec l'ouverture des marchés et le rehaussement des exigences pour y accéder.
Les attentes de la société québécoise sont aussi plus manifestes qu'elles ne l'étaient. Un récent sondage du MAPAQ confirme que, pour la majorité de la population québécoise, les deux principales priorités concernant le secteur sont la salubrité et la qualité des aliments ainsi que la protection de l'environnement. D'autres attentes prennent également du relief, que ce soit la contribution des aliments à la santé, l'apport du secteur à la vitalité des régions et des communautés rurales ou bien encore du bien-être animal. Il y a aussi la nécessité d'améliorer sans relâche la capacité concurrentielle des entreprises d'ici pour relever le défi de la compétitivité et saisir les occasions d'affaires.
Face à tous ces enjeux, on ne saurait perdre de vue l'intervention très importante du gouvernement québécois. L'appui financier qu'il lui accorde, soit 1 milliard de dollars annuellement, est près de trois fois supérieur à l'aide accordée aux producteurs agricoles ontariens. Cette aide majeure ainsi que l'encadrement législatif élaboré dont ils bénéficient ont, sans contredit, une forte incidence sur l'organisation et la performance du secteur dans plusieurs domaines. Compte tenu de l'ampleur de cette intervention, il y a lieu de s'assurer de l'utilisation efficace des ressources de l'État et de rechercher la plus grande cohésion d'ensemble possible dans une perspective de développement durable.
Voilà pourquoi il nous faut une politique bioalimentaire qui nous permettra, à partir d'une vision d'ensemble, d'arrimer de façon optimale tous les leviers mis à la disposition du secteur, aux orientations et aux priorités de développement que nous conviendrons ensemble pour l'avenir. Le 7 juin dernier, c'est avec fierté que j'ai déposé à l'Assemblée nationale le livre vert. J'ai alors mentionné qu'il s'agissait d'une étape importante dans le processus qui nous conduira à l'adoption d'une première politique bioalimentaire. Je le rappelle ici parce que c'est important: le livre vert est une proposition du gouvernement pour orienter notre intervention à long terme dans le secteur. Il s'agit donc avant tout d'un document d'orientation et non d'un recueil de moyens. Prenons d'abord le temps de nous entendre sur une vision commune et sur les priorités de développement, et ensuite nous conviendrons des moyens à mettre en place.
Un des grands défis de la politique est de convenir d'un cadre de développement du secteur qui reçoive l'adhésion de la société québécoise tout en mobilisant les intervenants du milieu bioalimentaire dans un contexte où les consensus sont souvent difficiles à établir. Le but de cette politique est donc de définir les orientations qui guideront les interventions gouvernementales sur un horizon à long terme. Le livre vert fait appel à un véritable changement de culture. En faisant du produit alimentaire la pierre angulaire de la vision et de l'ensemble du projet, nous reconnaissons que les valeurs, les besoins et les attentes du consommateur d'ici et d'ailleurs importent plus que jamais, mais ce, sans oublier le producteur. Il s'agit là d'un virage majeur dans nos façons de penser qui porte le germe de changements à opérer dans nos interventions.
Les audiences de cette commission constituent un moment crucial dans l'élaboration de la politique. Les intervenants concernés par le bioalimentaire l'ont compris: près de 200 mémoires ont été transmis à la commission. Je tiens à remercier sincèrement tous ces gens qui ont pris de leur temps pour commenter le livre vert pour la première politique bioalimentaire. J'aborde les travaux de cette commission dans une attitude d'écoute et d'ouverture. C'est une occasion unique qui nous est donnée de rechercher la plus grande cohésion possible. C'est une occasion d'établir une adéquation optimale des interventions publiques avec les nouvelles priorités de développement du secteur. Je lance un appel aux échanges. Je demande aux membres de cette commission, aux intervenants du secteur, aux partenaires de se tourner résolument vers l'avenir et de travailler à faire émerger un projet mobilisateur pour créer encore plus de richesse et de fierté, un projet qui créera de l'enthousiasme chez les producteurs, les pêcheurs, les transformateurs alimentaires, les distributeurs, les restaurateurs, un projet qui allumera les jeunes et la relève en ouvrant de nouveaux horizons, en définitive un projet qui saura donner le goût du Québec. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 7 min 30 s. À vous la parole.
M. André Simard
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais saluer M. le ministre, les collègues députés du parti ministériel, mes collègues, ici, députés qui sont avec moi. Écoutez, je suis très heureux, comme nouveau porte-parole en agriculture et en alimentation de l'opposition officielle, de pouvoir participer à cet exercice, que je salue. Mon premier mot serait de dire: «Enfin!» Enfin, nous pouvons passer à une nouvelle étape, à une étape qui est attendue, je pense, depuis plusieurs années dans le monde agroalimentaire de façon générale mais aussi dans la population. Alors, je suis heureux.
M. le ministre a fait une présentation fort éloquente et intéressante qui brosse un tableau à saveur économique, mais je veux, d'entrée de jeu, souligner le nom de la politique... pas de la politique, le nom du livre vert, on parle... on dit bien, là: Donner le goût du Québec. Alors, ça dit beaucoup de choses. Parce qu'on sait que s'alimenter, manger, c'est beaucoup plus qu'un acte économique et de santé, c'est un acte de plaisir. Alors, il y a un sens, on fait appel à l'émotion. Et l'agriculture et l'agroalimentaire, c'est encore plus qu'une économie, c'est plus qu'une fonction nourricière, c'est une fonction aussi d'identité, d'identité d'un peuple, qui a d'ailleurs été très bien relatée dans le rapport Pronovost. Alors, j'ose espérer que le nouveau titulaire depuis février au ministère de l'Agriculture saura mener à terme cet exercice, puisqu'il est le quatrième titulaire, suite au rapport Pronovost, à porter cette recommandation, cette idée d'aller de l'avant.
On me dit qu'il y a presque 200 mémoires qui ont été déposés par des gens, des organismes de partout au Québec dans le cadre de cette consultation. Je pense qu'on doit... Je salue et je salue les personnes et les groupes qui, à nouveau, se sont remis au travail, à l'invitation du ministre, pour exprimer leurs points de vue sur la proposition du plan vert, bien sûr. Et, pour moi, ça ne doit pas occulter le rapport qu'on appelle «Pronovost» mais qui porte le nom Agriculture et agroalimentaire: assurer et bâtir l'avenir. C'est, à mon sens, une référence qui va marquer l'histoire. On se rappelle qu'il y a eu plus de 800 mémoires, 800 mémoires qui ont été déposés, une commission itinérante, de nombreuses études. C'est costaud. On pourra s'y référer longtemps, et, à mon point de vue, ça va faire étalon de référence, comme d'autres grandes études dans les années soixante-dix ou soixante ont fait aussi référence pour marquer la trajectoire de l'agriculture et de l'agroalimentaire au Québec. Alors, je tiens quand même à ce qu'on ait toujours à l'esprit cette pièce maîtresse qui a été amorcée en 2006, complétée et remise en début janvier -- janvier ou février -- 2008. Et maintenant, bien, nous sommes trois ans et plus plus tard, et c'est l'heure maintenant de passer à l'action.
Je n'irai pas plus loin, Mme la Présidente, si ce n'est que de souligner les collègues de l'opposition officielle qui seront présents, et le député de Saint-Hyacinthe qui est dans une circonscription où on parle fièrement du coeur ou de la technologie agroalimentaire au Québec. Alors, ce n'est pas anodin. Alors, je suis très heureux qu'il soit avec moi. Il y a le député de Berthier qui est porte-parole sur le plan des régions, et on le sait... porte-parole en matière de régions, et on sait toute l'importance, au fond, de la place de l'occupation du territoire dans cet avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire. J'aime souligner aussi la présence du député d'Abitibi-Ouest, qui est bien sûr concerné par les régions, qui a une vision vraiment intéressante.
Alors, je nous souhaite... Et soyez assuré, M. le ministre, de notre entière collaboration. Nous prendrons le temps et le soin d'écouter, d'échanger, d'être aussi à l'affût de tout ce qui pourrait faire en sorte que soit bonifiée, bien sûr, la future politique agricole qu'entend déposer éventuellement, dans l'avenir, le ministre sous forme de loi-cadre, puisque ça déterminera grandement, là, les prochaines années.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Maintenant, je demanderais aux représentants de la Fédération de l'UPA d'Abitibi-Témiscamingue de bien vouloir vous présenter et de présenter votre exposé. Alors -- pour vous identifier, c'est aux fins de l'enregistrement -- veuillez vous identifier. Et vous avez la parole pour un maximum de 10 minutes.
Auditions
La Fédération de l'Union des producteurs
agricoles d'Abitibi-Témiscamingue
M. Comeau (Réjean): Bonjour. Réjean Comeau, président de la fédération d'Abitibi-Témiscamingue, président de la fédération régionale de l'UPA.
Tout d'abord, j'aimerais vous saluer et puis aussi vous partager certains éléments que l'on vit actuellement en Abitibi-Témiscamingue.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): ...vos collègues, s'il vous plaît?
M. Comeau (Réjean): O.K. À ma gauche, Simon Simard, qui est premier vice-président de la fédération de l'UPA, et, à ma droite, Michel Saucier, qui est directeur général... directeur régional par intérim.
Ça fait que, pour continuer, justement, chez nous, en Abitibi-Témiscamingue, on vit quand même des périodes difficiles à l'heure actuelle, je pense qu'il faut le souligner. On est ici aujourd'hui pour parler de l'avenir, mais je pense aussi que le présent révèle certaines choses. Nos producteurs sont en difficultés financières, on a perdu 20 % de nos entreprises dans les cinq dernières années. Par contre, aussi, puis ça, il ne faut pas l'oublier, il y a 85 % de nos entreprises qui sont sous régime ASRA, qui sont justement les productions bovines, ovines, céréalières. Puis il y a 34 % des revenus de nos entreprises qui aussi, justement, proviennent de l'ASRA, versus alentour de 12 % ailleurs au Québec. Ça fait que, ça, je pense que c'est une particularité qu'on a chez nous.
Et puis, dans le contexte, bon, ce que l'on demande à la commission, c'est de trouver des solutions rapides parce que le manque de liquidités de nos producteurs, c'est présent, c'est là, c'est très préoccupant. Puis je pense que mon collègue a rencontré des producteurs dernièrement qui lui ont fait justement part de certains éléments là puis je vais le laisser vous les partager.
M. Simard (Simon): Lors de notre première réunion d'automne -- là, la pause de l'été -- j'ai réuni mon conseil d'administration du secteur Centre Abitibi, qui couvre la région d'Amos, et puis, à l'intérieur de mon conseil d'administration, je vous dirais que, bien, au niveau des discussions, c'en était une des plus difficiles que j'ai eues à faire parce que, sur une dizaine de producteurs, il y en avait trois que... les yeux rouges, le motton dans la gorge lorsqu'ils parlaient parce qu'ils sont rendus au bout. Ils sentent qu'ils ne passeront pas au travers, ils sont rendus vraiment désespérés, là, de ce qui se passe actuellement.
Et c'est des producteurs... entre autres un producteur de bovins de boucherie, un autre producteur qui fait la production laitière et bovins de boucherie, écoute, c'est une relève, ça fait moins de cinq ans qu'il est établi, et un producteur de lait qui est en processus de transfert. Ça fait qu'on remarque que c'est quand même des jeunes entreprises qui ne voient pas comment qu'ils vont faire pour réussir à passer au travers de cette crise-là.
**(16 h 30)**M. Saucier (Michel): Alors, je vais prendre la relève et vous donner, à l'intérieur du temps qui nous est alloué, un résumé du mémoire. Je n'ai aucune idée si, parmi vous, vous avez eu le temps de zieuter notre mémoire, mais, à tout hasard, je vais vous en faire une synthèse.
Alors, c'est avec plaisir que la fédération veut vous part de ses réflexions. Et on a l'honneur d'être les premiers, alors il faut briser la glace. Alors, ce n'est pas parce qu'en Abitibi on est dans la glace, mais il faut la briser. Alors, à la première page du document que vous avez, vous allez retrouver un peu qui nous sommes. Alors, vous avez une série de statistiques.
L'Abitibi regroupe 636 entreprises agricoles. C'est près de 1 500 emplois en région, des revenus bruts générés de 126 millions de dollars. Et une des caractéristiques de la région, c'est qu'on retrouve plus de 300 fermes bovines, qui est la principale production en Abitibi-Témiscamingue, avec 12 % des vaches de boucherie du Québec. La production laitière vient au second rang pour l'importance des revenus, suivie de ce qu'on appelle des productions non dominantes, céréalières, production ovine, production agricole, caprine. Et on retrouve aussi d'autres productions, acéricoles, maraîchères, fruitières, cultures abritées et quelques autres productions. La superficie moyenne des entreprises est la plus grande au Québec. La production extensive et le coût des terres l'expliquent. L'Abitibi-Témiscamingue dispose également d'une grande réserve de terres argileuses, une des plus grandes en Amérique du Nord. Alors, on va revenir tantôt sur ce qu'il serait important d'avoir: un projet de drainage en région. Et la production de fourrage est importante, ainsi que la culture de céréales.
Alors, au niveau du secteur agroalimentaire, c'est le troisième secteur d'importance pour l'économie régionale, après les mines et la forêt, un produit intérieur brut de 220 millions de dollars et 9 400 emplois, soit 15 % des emplois de la région.
Il se peut aussi que je sois interrompu dans ma présentation, s'il y avait des commentaires du président, du vice-président. Allez-y.
M. Comeau (Réjean): Bien, moi, je pense qu'il y a deux éléments bien importants là-dedans: la production bovine qui est présente chez nous; c'est une des régions les plus importantes au Québec dans la production vaches, veaux. Et puis, si cette production-là s'est si développée, moi, je pense que c'est parce qu'on avait aussi des programmes de sécurité du revenu qui étaient corrects, qui étaient en place puis qui ont fait en sorte que la production bovine s'est développée. Puis un autre élément aussi qui est important chez nous, c'est la production des céréales. Mais la production des céréales chez nous, c'est la production... c'est les petites céréales. C'est sûr que ce n'est pas les productions les plus payantes, donc c'est des productions aussi qui ont besoin de soutien dans les années difficiles, dans les années où on ne va pas chercher l'argent dans le marché ou les années aussi que la température n'est pas là.
M. Saucier (Michel): Dans les autres éléments, vous avez, au bas de la page 3, un peu le mémoire en quelques lignes. Alors, je vais surtout m'attarder à vous le résumer à partir de ce texte.
Bien, d'abord, au niveau de la nouvelle politique qui est sur la table, un des éléments qu'on constate, c'est que le produit agricole est positionné au coeur du livre vert. On veut tout simplement rappeler que, derrière la production, derrière le produit agricole, il y a une activité humaine et, la plupart du temps, il y a aussi la présence d'une famille agricole dans chacune des différentes entreprises.
De toutes les activités du secteur primaire, les investissements en agriculture figurent parmi ceux qui engendrent le plus de retombées économiques. Pour l'Abitibi-Témiscamingue, l'impact économique des productions agricoles moins dominantes, petites céréales, agneaux et bovins, est aussi important que puisse l'être le port de Montréal pour la région du Grand Montréal. Cette affirmation est faite à partir d'une étude qui s'appelle... le groupe ÉcoRessources. Ce sont des consultants qui ont analysé l'importance économique des productions non dominantes au Québec pour constater, toutes proportions gardées, que les petites productions non dominantes dans l'Abitibi peuvent créer 1 500 emplois, et, en termes d'importance, ça se compare exactement au même impact que le port de Montréal, à titre de comparaison. Alors, proportionnellement, en termes d'importance pour la région, un emploi créé en région correspond à 30 emplois à Montréal. Donc, le choc économique causé par la baisse du soutien à l'agriculture peut dégrader rapidement le tissu social et l'activité économique.
À la page suivante, les transformateurs, les distributeurs de ces produits agricoles sont tous membres de ce qu'on pourrait appeler la filière de l'alimentation. Nous observons d'ailleurs que, dans le livre vert, nous retrouvons peu d'éléments, dans le projet, touchant le secteur de la distribution des aliments, secteur pourtant fort important, occupé par un nombre restreint d'intervenants qui occupent une place assez importante au niveau du marché de la distribution.
Également, de placer le produit alimentaire au coeur du projet ne doit pas avoir pour effet de restreindre la vision globale de l'activité agricole dans son sens large. Nous sommes d'avis que tout effort de diversification de l'agriculture mérite d'être reconnu à l'intérieur de la nouvelle politique. Alors, si on a des plantes décoratives, on pense que, même si c'est non comestible, ça doit se retrouver dans une vision plus large de l'agriculture et de ses différentes activités.
Nous croyons que les lois actuelles ne sont pas si désuètes ni périmées. Certes, il y a toujours place pour des améliorations, mais elles ont permis d'édifier un modèle unique dont nous devrions tous être fiers. Notre modèle, qui s'appuie sur des fermes à dimension humaine, présentes dans toutes les régions du Québec, rejoint les valeurs de la société québécoise et reflète une vision largement partagée par nos citoyens.
Alors, ça résume un peu, en guise de préambule. Je vous dirais également, à l'intérieur des différentes orientations à la page 4, que, la région de l'Abitibi-Témiscamingue, en termes de la première orientation, de distinguer nos produits alimentaires, il y a un projet qui nous tient à coeur...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il vous reste une minute.
M. Saucier (Michel): Merci. Alors, ce projet, c'est: L'Abitibi-Témiscamingue dans notre assiette, un projet fort important qui a pour but d'aller de la ferme directement dans l'assiette. Alors, c'est un bel exemple de circuit court, c'est un bel exemple de traçabilité également. Alors, vous retrouvez dans le document ce dont... Le projet, il nous tient très à coeur.
Vous avez aussi dans le document -- alors je termine là-dessus -- un projet de drainage qui est en cours. On considère que, vu le potentiel de productivité en termes d'occupation du territoire... et d'envoyer un message important à la relève agricole que ce projet-là puisse se réaliser.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci pour la présentation de votre mémoire. Nous allons maintenant entamer les échanges pour une durée de 35 minutes en débutant par le groupe parlementaire formant le gouvernement. M. le ministre, à vous la parole.
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. Avant d'aller plus loin, est-ce qu'on pourrait connaître la mécanique des échanges, là? Est-ce qu'il y a un temps imparti, après ça ça va à l'opposition? Le 35 minutes, ça fonctionne comment?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): C'est 17 min 30 s pour vous.
M. Corbeil: Ah! O.K. C'est top chrono. Bonjour, M. Comeau, M. Simard et M. Saucier. Ça me fait plaisir de vous rencontrer cet après-midi. Et le hasard a voulu qu'on commence par l'Abitibi-Témiscamingue, j'espère que les gens n'interpréteront pas ça comme étant du favoritisme envers le ministre. Et ça a amené les trois députés de la région à être présents autour de la table. Alors, on pourrait faire un caucus régional à côté.
Je suis conscient, ici, qu'on est dans une dynamique de perspectives, de voir les choses sur le moyen et le long terme. Et je suis très conscient aussi qu'il y a une conjoncture particulière au moment où on se parle, qu'on travaille ou qu'on s'emploie ensemble à surmonter grâce à la mise en oeuvre du programme régional d'adaptation et de développement de l'agriculture de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec, qu'on a élaboré conjointement et qui a été annoncé en février 2010. Donc, il a commencé un peu plus tôt que la Stratégie de soutien à l'adaptation des entreprises agricoles.
Je ne ferai pas de statistiques là-dessus, mais ma question, en fonction du livre vert, m'amène à la page 4, de votre première orientation, et j'aimerais vous entendre un peu plus sur le projet que vous... mais qui est toujours vivant, L'Abitibi-Témiscamingue dans votre assiette, et vous entendre aussi sur le fait qu'il repose sur des alliances stratégiques avec plusieurs partenaires. Là, vous donnez un exemple que ça va donner bientôt un nouveau produit, la disponibilité d'un boeuf avec des caractéristiques spécifiques, mais j'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus puis voir comment vous vous reconnaissez dans l'orientation du livre vert puis dans le geste que vous posez ou que vous avez structuré.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): À vous la parole.
M. Comeau (Réjean): Bon, le projet Abitibi-Témiscamingue dans notre assiette est venu au monde ça fait trois ans. L'idée de ça, c'était finalement que le producteur retire un meilleur revenu de son produit en s'impliquant dans la commercialisation. L'idée aussi, c'est que... Aller chercher l'argent dans le marché et dépendre moins des programmes de soutien, c'est ça qui était l'idée, et puis d'avoir en même temps un produit qui nous ressemble, un produit qui est fait avec du boeuf de chez nous, avec un cahier de charges avec certains éléments dedans qui va faire en sorte qu'il est reconnu chez nous. Ça fait que c'étaient ces éléments-là.
Mais, le principal élément, il faut toujours se le rappeler: aller chercher l'argent dans le marché pour que le producteur, il puisse en vivre mieux puis dépendre moins des soutiens de l'État. Puis par contre il faut toujours se rappeler que, les soutiens de l'État, on y tient parce qu'à travers tout ça on travaille avec du capital qui est vivant, on travaille avec du matériel qui, à un moment donné, pour toutes sortes de raisons, la température, fait en sorte qu'on a des pertes. Ça fait qu'on tient à nos outils de programmes de sécurité du revenu, mais par contre on veut aller chercher l'argent dans le marché, puis je pense que c'est... on le démontre très bien en ayant mis ce projet au monde là puis en... Finalement, là, on arrive à peu près, tu sais, au bout du projet où c'est qu'on est à la veille d'embarquer dans le marché.
**(16 h 40)**M. Corbeil: Dans le marché régional.
M. Comeau (Réjean): Dans le marché régional, à l'automne.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. Je ne voudrais pas monopoliser toute la période. Alors, je vais laisser à mes collègues le soin peut-être de poser des questions, et je reviendrai en complément, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, M. le député de Rouyn-Noranda--Témiscamingue. C'est exact?
M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Comeau, M. Saucier puis M. Simard. Merci d'être ici. J'ai une petite pensée pour Mme Nicole Langlais, qui a été votre directrice pendant longtemps, et peut-être même qu'elle nous regarde ici à ce moment-ci, parce qu'on sait comment Danielle a fait avec vous puis... le travail et l'énergie qu'elle a mis à coeur pour tous vos dossiers. Je salue le dynamisme des agriculteurs dans notre région. On a parlé justement de... M. Comeau a parlé du programme L'Abitibi-Témiscamingue dans son assiette, mais je tiens à rappeler aux gens, aussi, que le programme d'adaptation a été un projet pilote qui a été porté en région par l'Union des producteurs agricoles, notre conférence régionale des élus, et autres, donc des gens très dynamiques.
Dans le rapport, je regarde un volet qui est important, c'est celui, entre autres, pour... la deuxième orientation: «renforcer notre capacité concurrentielle», puis l'objectif 1 qui est: «miser sur des entreprises rentables et efficaces». Puis vous avez porté des... justement l'accès au marché. Les circuits courts touchent un peu à ça. Moi, quand je regarde pour les gens de notre région, quand on sait, par exemple, que, oui, les circuits courts, il y a des... ça peut être bénéfique, mais en même temps nos entreprises sont loin des grands marchés.
Si on veut faire une politique bioalimentaire viable et rentable pour que nos entreprises puissent survivre à long terme, quels seraient les outils qui manquent puis que le gouvernement devrait mettre en place pas simplement pour l'Abitibi-Témiscamingue? Puis il faut rappeler aux gens qu'on est à six heures de route de Montréal puis des autres marchés, on est vraiment isolés. Donc, si on veut faire quelque chose de viable... l'accès aux tablettes, c'en est un, vous avez parlé des circuits courts, mais en même temps quelles devraient être les avenues pour s'assurer que non seulement le marché de l'Abitibi-Témiscamingue va vous faire vivre, mais l'ensemble des marchés du Québec? Vous avez parlé de commercialisation, distribution. Quels sont les gestes concrets que vous pensez que le gouvernement devrait faire pour vous supporter mieux dans tous vos volets de distribution, commercialisation?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Comeau, à vous la parole. Ou M. Saucier, à vous la parole.
M. Saucier (Michel): Bien, écoutez, c'est sûr que, comme vous le soulignez, les circuits courts peuvent prendre leur valeur lorsqu'un producteur est situé à proximité d'un bassin de population, qu'il y a une masse critique de gens qui pourraient bénéficier d'une différenciation de son produit. Je vous dirai, on oublie souvent qu'à l'exemple des producteurs de lait, où on retrouve, de la part des producteurs, un effort important pour que le transport... On parle d'un pool de transport où, peu importe où... une entreprise soit à 1 kilomètre de son usine de transformation ou soit située au fin fond du Québec, les producteurs ont donné un outil qui fait en sorte qu'ils ne soient pas pénalisés par le transport pour commercialiser leurs produits. C'est peut-être de rappeler que finalement de pooler le transport est une mesure de circuit court, parce que ça offre la possibilité aux gens de ne pas être pénalisés par la distance.
Alors, je vous dirais, de susciter des initiatives similaires dans d'autres secteurs de production favoriserait probablement, pour les régions un petit peu moins choyées en termes de population, de bassin de population, la possibilité d'avoir accès à des marchés de circuit court sans être pénalisés par la distance.
M. Bernard: Parfait. Je vais laisser, oui...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, je laisse la parole à Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Bonsoir ou bonjour, messieurs; on arrive à la fin de l'après-midi. Quand je vous entendais parler tantôt des circuits courts et essayer d'être une région plus autonome, pouvoir desservir votre région, ça m'impressionne toujours quand j'entends un groupe qui veut se prendre en main.
Vous êtes favorables au livre vert, et j'avais une question parce que, dans... Vous êtes un peu inquiets, dans votre mémoire vous êtes un peu inquiets au niveau des exigences réglementaires. Et je me suis demandée comment vous pouvez concilier... Parce qu'on sait qu'il y en a beaucoup, d'exigences réglementaires. Et là on parle de circuit court, ça veut dire qu'on doit porter quasiment du jardin à la maison le plus tôt possible, quand on parle d'un circuit court, il faut que les produits passent rapidement. Et comment vous voyez ça, la réglementation en court, et celles peut-être qu'on devrait changer pour faciliter justement le transfert des produits très rapidement dans une région qui veut s'assurer que les gens ont accès à ce qui vient d'être cueilli le matin -- moi, je parle... -- que ce soient les contrôles de qualité ou ces choses-là? J'aimerais ça vous entendre parler de ça un peu.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Saucier, à vous la parole.
M. Saucier (Michel): Bien, d'abord, si on se met dans un contexte global, l'approche circuit court, bien qu'intéressante, ne pourra pas à elle seule régler les difficultés ou les objectifs de mise en marché. Je pense que ça pourrait représenter 5 %, 10 %, 15 %, à tout le moins. C'est un créneau de marché, c'est une diversification, ça vient en complémentarité avec un système de mise en marché. Mais 80 % des gens ne feront peut-être pas 50 kilomètres pour acheter un panier de tomates fraîches, mais ils vont continuer à aller au supermarché. Donc, les exigences, les normes vont continuer d'être de mise.
Je pense que ce par quoi on est préoccupés davantage, c'est que l'ensemble des normes auxquelles sont assujetties les entreprises du Québec, au niveau environnemental, au niveau social même, au niveau de l'étiquetage, etc., alors entraînent des coûts qui font en sorte que souvent ces mêmes produits là, lorsqu'ils sont importés de l'extérieur, d'entreprises qui n'ont pas à être soumises à des exigences similaires... Alors, c'est, en termes de concurrence, d'amener peut-être plus une concurrence moins déloyale en faveur des entreprises. Mais, à l'intérieur des circuits courts, je pense que les normes de salubrité qui existent au Québec font en sorte que les circuits courts ne posent pas, à mon avis, de problème majeur en termes d'accessibilité de consommation pour les consommateurs.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Vous venez de parler qu'on a des normes. Moi, je regarde la traçabilité, pour avoir fait partie de la commission sur la sécurité alimentaire pendant un an, et ce qui revenait toujours, c'étaient les produits qu'ils nous rentrent. On a eu des exemples bien concrets d'avoir deux poids, deux mesures. Nos produits québécois ont certaines normes de traçabilité, et de sécurité, et d'hygiène, mais, quand ça nous arrive d'ailleurs, on n'est plus certains qu'est-ce qu'on a. On peut penser au porc, on peut penser à plusieurs produits. Avez-vous des idées qui peuvent aider notre ministre? Parce qu'il y a souvent une table des ministres de l'Agriculture canadienne qui se rencontrent où on pourrait réellement continuer à marteler ces inconvénients-là pour qu'il y ait des normes qui puissent changer pour que finalement on soit à pied... qu'on soit sur le même niveau, là, de négociation.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Comeau, à vous la parole.
M. Comeau (Réjean): Bien, je pense qu'il faut exiger des autres produits qui viennent de l'extérieur la même chose, les mêmes exigences qu'on a ici, nous autres aussi. On ne peut pas se permettre, moi, je pense, de demander moins des produits extérieurs que des nôtres. Je pense que c'est fondamental.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Oui, est-ce que M. Saucier veut ajouter de quoi?
M. Saucier (Michel): En complément. Il existe un organisme canadien responsable de s'assurer que les normes soient respectées, mais, à notre avis, il manque d'effectif, il manque de ressources pour s'assurer que le travail soit probablement à la hauteur des attentes. Mais déjà les infrastructures sont là, il s'agirait probablement de bonifier la capacité de cet organisme canadien de surveillance des normes, de faire un meilleur travail, parce que l'organisme existe actuellement.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Madame... M. le ministre, à vous la parole.
M. Corbeil: Concernant le marché, l'accès au marché, j'aimerais vous entendre. Parce qu'on est une région limitrophe de l'Ontario, il y a le marché régional qui peut être pourvu, il y a le marché québécois aussi qui peut être visé, mais comment vous jugez des difficultés ou des facilités, là -- je n'ai pas d'opinion préconçue -- sur le marché voisin qui, en termes de distance... North Bay, même Toronto, pour les gens qui sont au Témiscamingue, c'est plus proche que Montréal. Alors, comment vous pensez que ça devrait être abordé, cette question-là, dans une perspective où on veut donner le goût du Québec ici et ailleurs, aux consommateurs d'ici mais aussi aux consommateurs d'ailleurs?
**(16 h 50)**La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Comeau.
M. Comeau (Réjean): Bien, écoutez un petit peu, si on prend l'exemple de la production laitière où c'est qu'on a une usine chez nous, une usine de transformation, il y a du lait qui s'en va à cette usine-là, puis la fédération, notre organisation qui justement gère la mise en marché de notre produit, fait en sorte... font des ententes avec les transformateurs de la province d'à côté pour que justement, tu sais, finalement, le produit soit mis en évidence, c'est-à-dire qu'il soit vendu, que ça soit le meilleur produit qui soit vendu au meilleur prix, pour qu'il en revienne finalement le plus dans les poches des producteurs. Je pense que c'est un petit peu dans ce sens-là qu'il faut l'enligner. Je ne sais pas si je suis assez clair ou si mes collègues veulent revenir là-dessus, là.
M. Corbeil: Mais, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre, à vous la parole.
M. Corbeil: ...tout simplement, vous abordez la question de la production laitière, qui est sur une base assez bien réglementée, si on veut, etc., moi, je parlais des viandes, les viandes bovines, ovines, etc. Il y a des producteurs qui disent: C'est peut-être plus facile pour nous autres de vendre un agneau sur le marché de Toronto que sur le marché du Québec. Alors, est-ce que, de ce côté-là, il y a des choses qui devraient être améliorées pour leur faciliter la vie? Parce qu'une des dimensions du livre vert, c'est l'occupation dynamique du territoire. Alors, si on veut avoir des producteurs qui ont des entreprises rentables, puis prospères, puis qui se développent au Témiscamingue, est-ce qu'on doit regarder d'ouvrir le marché de l'Ontario, ou de rendre plus accessible le marché de l'Ontario?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Simard, à vous la parole.
M. Simard (Simon): Oui. Dedans le projet agneaux, je crois qu'actuellement la Fédération des producteurs d'agneaux du Québec, via ses organismes de mise en marché, permet aux agriculteurs, dans les périodes où ce que les prix sont moins importants, où la demande est moins importante au Québec, d'aller vers l'Ontario. Je pense que, déjà là, c'est un pas qui est assez... qui est important, là, tu sais. Puis il y a du travail quand même, même, qui se fait à ce niveau-là.
Puis peut-être aussi -- pour peut-être en complément, là -- sur le questionnement de comment on travaille, on pourrait travailler avec les gens de l'Ontario. Bon, mais on sait que, nous autres, en Abitibi-Témiscamingue, les abattoirs, on n'en a pas. Et, sur le côté Ontario, bon, bien, il y a quand même une certaine proximité. En tout cas, moi, je pense que, si on pourrait avoir des ententes avec l'Ontario pour, bien, développer le marché de l'abattage, qui serait, là, beaucoup plus près, ça serait... puis ramener cette viande-là au Québec, parce qu'actuellement je pense que la réglementation l'empêche, ça serait probablement, là, un plus pour la production en Abitibi-Témiscamingue, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre, il vous reste une minute.
M. Corbeil: Je vais laisser la question à mon collègue de Gaspé.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Gaspé.
M. Mamelonet: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. Dans votre mémoire, vous abordez évidemment, dans les objectifs, numéro 2, la promotion des produits québécois sur les marchés. Alors, moi, j'aimerais vous entendre parce que, dans... Vous avez une petite phrase qui semble anodine: «car les grandes chaînes jouent un rôle majeur sur l'accès aux tablettes des produits agricoles du Québec». Ayant été président d'une association de coopération qui était affiliée avec un groupe, comme le groupe Metro, par exemple, on a été... on est essentiellement bloqués par la quantité de produits qu'on doit acheter à la chaîne mère versus la liberté qu'on a, comme épicier, par exemple en Abitibi-Témiscamingue, d'acheter des produits locaux, qui est normalement de l'ordre de 10 %.
Est-ce que vous avez des idées? Parce que, dans la préparation du livre vert, dans les réflexions qu'on s'est faites, j'avais essayé de chercher un petit peu partout dans le monde, savoir comment est-ce que les produits étaient mis en marché, par exemple en Europe, les produits de circuit court, les produits locaux, comment ils étaient mis en marché dans les grandes chaînes, dans les...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): ...de Gaspé, c'est terminé.
M. Mamelonet: D'accord. Merci.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Et puis vous pourrez répondre à la question lors de d'autres questions. Alors, je laisse la parole au député de Kamouraska-Témiscouata pour 17 min 30 s. À vous la parole.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour et merci d'être avec nous. Merci d'avoir apporté cette réflexion. Moi aussi, je veux saluer Mme Langlais, que j'ai eu l'occasion de connaître, si elle m'écoute.
Écoutez, moi, je vais aller plus directement. Vous êtes des gens de terrain, hein, des producteurs qui représentez des producteurs, des productrices. Dites-moi: Comment vous recevez cette vision qui est proposée, d'avenir? Et je fais référence un peu... D'entrée de jeu, dans votre mémoire, vous mettez tout de suite un bémol en disant: Il ne faut jamais oublier que l'aliment, le produit agricole, là, il est produit par des gens, il est produit par des fermes, il est produit par des familles. Et ça m'a frappé, puisque... Je comprends qu'il y a des... J'ai eu l'occasion bien sûr de le lire, mais comment vous le recevez ou comment vous pensez que... non seulement vous pensez, mais comment les producteurs, les productrices reçoivent ce projet de vision, hein? Parce qu'une vision, c'est censé être emballant puis nous porter vers l'avenir. Est-ce que ça vient vous chercher?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Saucier? Non? M. Comeau ou M. Saucier?
M. Comeau (Réjean): Bien, regardez...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Comeau.
M. Comeau (Réjean): ...la future politique agricole, on la voit... on voit le producteur au centre parce que c'est lui qui la fait, la production. Puis aussi je pense qu'il y a des éléments importants, on vous l'a mentionné en début qu'il y a des difficultés à l'heure actuelle en production agricole. Moi, je pense que, le producteur, il faut qu'il soit rémunéré en fonction de ce qu'il fait. Tu sais, le partage des marges est un bel exemple, le partage des marges dans la filière, c'est un bel exemple. Abitibi-Témiscamingue dans notre assiette en est un autre. Tu sais, on veut s'en aller vers là, nous autres, on veut récupérer l'argent dans le marché pour que nos producteurs en vivent convenablement. C'est ça, la future politique agricole. Puis, quand on est... on dit: On veut mettre le producteur au début de la politique, bien, c'est ça, tu sais, que nos producteurs vivent convenablement. Je ne sais pas s'il y avait de quoi à rajouter.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Voulez-vous rajouter, M. Saucier? Une réponse, oui.
M. Saucier (Michel): Peut-être un très bref commentaire, peut-être aussi en réponse rapide à la dernière question. Ça va être par des alliances stratégiques qu'on va réussir à occuper une place plus importante sur les espaces des magasins de distribution. Alors, il va falloir que les... Parce qu'actuellement c'est environ le tiers des produits qui s'écoulent sur ces marchés-là.
En réponse à M. Simard, au niveau de la préoccupation qu'il y a une activité humaine sur les entreprises, je pense qu'aussi on fait référence à l'importance du modèle d'agriculture qui s'est développé au Québec, qui est présent partout dans les régions. À la limite, il pourrait n'y avoir qu'un seul producteur par région. Mais, avec un seul producteur, on n'aurait peut-être pas la masse critique pour maintenir en région un certain nombre de services professionnels, vétérinaires, inséminateurs, et qui actuellement, dans des régions comme l'Abitibi-Témiscamingue, je vous dirais, commencent à se faire sentir... de plus en plus de difficultés à maintenir une masse critique pour que des services soient solvables et réussissent à se maintenir et à... Et c'est un message qu'on envoie aussi pour les jeunes de la relève, à susciter un intérêt pour prendre la relève de l'entreprise. Alors, je vous dirais que, quand on parle d'activité humaine, c'est parce qu'on veut maintenir un tissu social, un tissu économique et non simplement une activité de production.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Kamouraska-Témiscouata, à vous la parole.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Mme la Présidente, comme le temps est imparti, je vais céder la parole à mon collègue d'Abitibi-Ouest.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, à vous la parole.
M. Gendron: ...très gentil. Oui, merci beaucoup. Je remercie les membres, merci d'être là. Je veux dire, je ne ferai pas toutes les discussions qu'on a faites à moult reprises, mais, moi en tout cas, je suis fier de votre présence, je suis fier de ce que vous êtes en Abitibi-Témiscamingue.
Et, pour les collègues, c'est peut-être bon de rappeler que... Ce n'est pas évident pour des collègues d'ailleurs de savoir que l'Abitibi a toujours, l'Abitibi-Témiscamingue bien sûr, a toujours été beaucoup plus significative qu'on ne le sait dans le reste du Québec, de ce que nous sommes, concrètement, en Abitibi. Il y a d'extraordinaires belles fermes de qualité, les agriculteurs sont audacieux. Puis on pourrait faire de longs bouts là-dessus. Et ça, c'est clair que c'est toujours méconnu. C'est ce qui me chagrine le plus après moult années dans cette noble Assemblée, de penser encore... des gens qui croient qu'en Abitibi-Témiscamingue on ne fait pas d'agriculture grand V. Puis on en fait de qualité, puis ainsi de suite. Mais ce n'est pas le moment, puis je ne peux pas... Il y aura d'autres occasions, j'espère, pour en parler.
**(17 heures)** Mais, moi, il y a deux choses, parce que j'aime bien les choses concrètes -- on se voit assez souvent pour échanger -- moi, le futur, je n'ai rien contre ça, n'importe quelle réflexion pour le futur est majeure, mais, moi, j'ai senti -- et je vous connais bien, là, les personnes qui sont ici, mais je connais surtout l'ensemble des producteurs d'Abitibi-Témiscamingue -- qu'il y a une profonde inquiétude sur... Je n'ai pas la conviction, moi, que, dans le modèle proposé... Et je ne suis pas assez compétent pour porter un jugement si ça va être bien bon ou pas bon, là, ce n'est pas ça, mon point. Mais je reviens chez vous puis je vous pose la question, vous dites: 85 % des gens chez nous, là, ils vivent parce qu'il y a eu l'ASRA, en gros, là, tu sais, on peut arrondir mais... Puis là l'ASRA, elle réduit énormément, puis elle va réduire davantage, puis là je sens un glissement grave des productions, quelles qu'elles soient. Il y a un glissement grave de toutes les productions en Abitibi, et on ne peut pas dire que nous sommes en progrès.
Une des raisons, moi, selon moi, c'est l'absence de support, et vous le dites bien, dès votre début, là, vous le dites bien, là. Et comment tu veux intéresser de la relève quand il y a autant d'inquiétudes, puis des yeux rouges, puis des gens qui pètent à... On en a perdu combien, là, juste dans la dernière année? Au-dessus de 40 producteurs dans une seule année. On a-tu les moyens de perdre 40 productions? Mais c'est ça qui est arrivé, là.
Ça fait que, là, on peut bien discuter longtemps sur le futur, mais, moi, la question... Parce que j'ai toujours été un adepte des programmes régionaux, j'ai toujours été un adepte à mort des programmes régionaux. Dans votre mémoire, vous dites: Ça prendrait, par exemple, un programme pour ce qui est de... de drainage des sols. Ça fait longtemps que je dis ça, ça fait longtemps que vous dites ça. Il n'y en a pas assez de drainés. J'arrête là.
Est-ce que cette perspective d'avoir de l'adaptation régionale pour des besoins urgents, pour ne pas que le gap soit trop grand entre ceux qui vont rester pour apprécier le futur versus ceux qui sont là puis qui envisagent tous de partir, est-ce que vous avez vu ça dans le rapport qu'on discute, cette perspective, cette préoccupation que... On aura beau avoir les mesures les plus nationales, intéressantes possibles, s'il n'y a pas du temps, pour certains, pour rattraper ce qui est requis puis s'il n'y a pas cette capacité de voir un accompagnement pour se rendre là où le mémoire veut aller... Est-ce que vous avez vu ça dans le mémoire? Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Une voix: ...
M. Gendron: ...perspective-là, là, qui pourrait vous donner un peu d'«esperanza», là. Mais, moi, je veux avoir votre version, là, pas ce que j'ai lu, pas ce que j'ai vu, puis tout ça, mais votre version, là. Est-ce que vous voyez ça dans ce qui est sur la table?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Comeau, à vous la parole.
M. Comeau (Réjean): Je pense qu'on a un très bel exemple du présent par rapport à l'avenir. Nous autres, dans notre projet Abitibi-Témiscamingue dans notre assiette, ça fait trois ans qu'on travaille là-dessus pour le mettre au monde, pour aller chercher l'argent dans le marché. Puis on va commencer prochainement, là, à petite échelle parce qu'on veut être sûrs... à petite échelle, on veut être sûrs que ce projet-là, il ne foire pas en quelque part. Tu sais, on veut être sûrs que nos producteurs aient des gains là-dedans.
Puis ce que La Financière a fait depuis quelques années, là, ça s'est fait très, très, très vite. Ça fait que, tu sais, dans trois ans, nous autres, on a fait un petit bout, là, puis on s'en va de façon sûre pour aller chercher l'argent dans le marché pour que nos producteurs en bénéficient. Puis, d'un autre côté, on a eu des mesures drastiques qui ont fait en sorte qu'on met nos producteurs un petit peu en péril. Ça fait que, tu sais, en quelque part, dans la future politique agricole, moi, quand on parle que le producteur est là, là, qu'on veut que le producteur soit là, bien, je pense qu'il faut l'amener dans ce sens-là aussi.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci, Mme la Présidente. Bonjours, messieurs. Ça fait plaisir d'être ici et de poser la question, participer à, justement, l'audition sur le livre vert.
Et, moi, ma question, ça va être assez simple. Je sais que vous avez... Et vous parlez de 636 entreprises agricole en Abitibi-Témiscamingue. Maintenant, je veux savoir: Au niveau de la formation des producteurs, au niveau de la recherche et développement qui se fait dans votre région en termes de produits agricoles, est-ce que vous avez tous les outils en région, suffisants, pour permettre à la relève justement de prendre la relève des fermes et d'avoir la formation en région dans vos domaines respectifs?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Simard, à vous la parole.
M. Simard (Simon): Bon, au niveau de la formation, je pense que ça a toujours été un problème, en Abitibi-Témiscamingue, d'avoir des jeunes qui se forment en région, par manque de volume. Les commissions scolaires, à ce moment-là, ne développent pas les budgets suffisants. Puis il reste qu'aussi au niveau de la qualité d'enseignement, on a entendu ça souvent aussi... se fait au sud de la province.
Concernant la partie de recherche, bon, dernièrement, il y a eu une station de recherche qui a été ouverte à Notre-Dame-du-Nord. Bon, bien, tant mieux, on l'applaudit. Mais il faudrait voir aussi à ce que cette station de recherche là ait des chercheurs suffisants, des chercheurs intéressés à faire de la recherche en Abitibi-Témiscamingue. Puis je pense que, dans les prochaines années, ça va être le défi; parce que, lorsqu'on regarde, là, l'âge de nos chercheurs, la retraite s'en vient, là. Et il faut voir aussi que... Puis c'est un problème que j'entrevois au niveau de la recherche. Puis le problème aussi est là à cause du volume... du nombre de producteurs en région, de tous les, comment je pourrais dire... bon, d'agronomes qui...
Une voix: Les professionnels.
M. Simard (Simon): Bien, en fin de compte, les services professionnels qu'on a extrêmement de misère à faire venir en région pour justement, là, développer des nouvelles techniques pour être plus productifs, ces choses-là. Ça fait que je pense que, dans le futur, il va falloir, là, se pencher sérieusement sur toute la question de professionnels qui viennent en région, tu sais. Puis on le voit, là, actuellement, on a juste effleuré, tantôt, le projet de drainage... Bon, c'est vrai que c'est vraiment embryonnaire, mais là, actuellement, on est à la recherche de spécialistes en drainage, et, en région, il n'y en a pas. Il faut vraiment, là, aller voir ailleurs en province pour continuer à faire avancer ce projet-là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): J'ai regardé le livre, moi aussi, le livre vert qui donne le goût du Québec, Donner le goût du Québec, oui, mais je me penchais sur la question... tout ce qui est question formation, question aussi recherche et développement, je n'ai pas vu beaucoup d'applications dans ça. Peut-être que ce n'est pas le but non plus du document, mais, pour pouvoir vivre de l'agriculture, si on regarde une vision à long terme, ça va prendre des jeunes qui vont être formés, qui vont prendre la relève, qui vont pouvoir aussi être capables de faire de la recherche et être capables de vivre aussi avec les gens du milieu.
On nous parlait aussi qu'il y avait une pénurie de certains spécialistes en Abitibi-Témiscamingue. Pas la seule région. Moi, je suis natif du Bas-Saint-Laurent, dans certaines régions, il y a des problématiques. Ces pénuries-là, vous, est-ce que ça vous... C'est des pénuries qui sont dans l'immédiat, ce n'est pas pour demain, là. Comment vous arrivez à pouvoir suggérer au ministre, peut-être, ou ici, en commission... C'est-à-dire que, pour régler ce problème-là, de pénurie de main-d'oeuvre spécialisée, comment on peut... Qu'est-ce que vous voyez pour l'avenir dans votre domaine?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Simard, à vous la parole.
M. Simard (Simon): Oui. Je verrais... Probablement, c'est des incitatifs, là, à venir pratiquer en région au niveau médical. Des médecins, bon, ont des programmes pour attirer les jeunes médecins à venir pratiquer en région, au niveau de médecine vétérinaire, même si on est, là, à la limite au niveau de qualité... bien, pas de qualité, mais de services, il y a des incitatifs aux vétérinaires à venir s'installer en région. Bon, je pense qu'au niveau des autres projets il va falloir aller vers ce type-là pour intéresser les gens, là, à venir pratiquer en région, là, c'est, tu sais... Puis peut-être, aussi, bien, on entend parler, mais là il reste à voir, là, toute la question de peut-être inciter aussi les jeunes qui sont en région, là, à la formation, probablement, aussi, encore là, avec des aides. Puis on sait très bien -- lorsqu'un jeune est attaché à sa région, il va avoir plus de chances de revenir en région -- que de prendre quelqu'un qui est dans la région de Montréal ou Saint-Hyacinthe, de venir travailler en région, là, parce qu'en fin de compte son monde n'est pas là, c'est plus difficile, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Kamouraska-Témiscouata, à vous la parole.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, Mme la Présidente. Alors, vous parliez des services, hein, comment c'est important d'avoir des services d'appui, des services-conseils. Bon, je prends l'exemple, tout à l'heure, du drainage, qui est quand même de base, là, dans l'exploitation agricole. Il y a une direction régionale au ministère de l'Agriculture, dans votre région, je présume. Est-ce que vous voyez l'importance d'appuyer, d'amener davantage... de revenir, au fond, à une certaine époque où il y avait davantage de services? Parce que la vision parle de saisir un environnement d'affaires, et, pour faire ça, je vous ai bien entendu, vous avez besoin d'un appui. On parle de conseils, de gens, d'experts, et tout ça. Est-ce que vraiment ça, c'est quelque chose que vous voyez qu'il faudrait faire?
Là, je ne fais pas de jugement sur le passé, là, on sait qu'il y a eu une diminution un petit peu partout au fil des années, et non seulement dans le secteur agricole. Mais, en ce qui vous concerne, parce qu'on parle de formation, on parle de services, de conseils, et tout ça, si vous me dites que vous n'avez pas d'expert pour vous conseiller, on part de loin, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Saucier, à vous la parole.
**(17 h 10)**M. Saucier (Michel): Bien, la réponse est positive. C'est sûr que le ministère pourrait jouer un rôle plus important en termes de conseils aux producteurs, au niveau du champ. On sait qu'il y a eu une diminution fort importante des employés, des fonctionnaires au niveau du ministère, c'est vrai aussi au niveau des chercheurs. Mais, au-delà des services-conseils que le jeune pourrait aller chercher dans un projet d'établissement, pour s'établir, ça prend de l'argent. Alors, la prime à l'établissement n'a pas été indexée depuis quasiment sa création. Le coût des capitaux que ça implique pour acquérir une entreprise agricole, je pense au fonds de terre, je pense aux bâtiments, je pense à la machinerie agricole, puis des intrants, a connu des hausses exponentielles. Et on sait qu'une famille qui veut faire un transfert, le cédant, les parents doivent souvent diminuer le prix d'une façon fort importante, pour des raisons fiscales. Il faut qu'il donne, entre guillemets, l'entreprise à ses jeunes, en ne sachant pas trop comment sa retraite va se vivre et, pour le jeune, s'il va avoir les capitaux suffisants pour rentabiliser cette entreprise-là. Alors, oui aux services-conseils, mais, oui, ça va prendre des programmes financiers beaucoup plus importants qu'ils ne le sont. Parce qu'aujourd'hui, malheureusement, une entreprise qui démantèle va aller recevoir quasiment le double du prix que si elle la transfère à ses enfants, pour des motifs fiscaux.
Alors, il faudrait améliorer l'ensemble des conditions économiques. Et, si ça, c'est là, les jeunes vont aller se former, ils vont aller chercher les services qui vont suivre par la suite. Mais ça va prendre des sous pour aider la relève à s'établir.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste à peine une minute. À vous la parole, monsieur.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Mais est-ce qu'à la lecture puis à la réflexion sur ce qui est proposé vous le ressentez? Est-ce que vous l'avez perçu, cet aspect-là, là, dont vous parlez, de réels besoins? Rapidement.
M. Saucier (Michel): Bien, rapidement, on parle d'une politique jeunesse, mais on sait que ce sont des intentions. Alors, c'est peut-être plus dans l'application, dans les modalités des différents programmes qui, je présume, vont suivre le livre vert qu'on va avoir un petit peu plus d'information. Mais on le mentionne pour être bien certains que ça soit inclus dans cette politique-là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. On va suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 12)
(Reprise à 17 h 15)
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Avant de poursuivre, puisque nous avons débuté nos travaux à 16 h 13, y a-t-il consentement pour poursuivre au delà de l'heure prévue, soit vers 18 h 30?
Des voix: Consentement.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Consentement de part et d'autre? D'accord.
Nous allons maintenant poursuivre avec la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval. Veuillez vous identifier aux fins de l'enregistrement et présenter les personnes... Alors, je présume que vous êtes seul, M. Dufour?
Faculté des sciences de l'agriculture et de
l'alimentation de l'Université Laval (FSAA)
M. Dufour (Jean-Claude): Oui.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): C'est exact? Alors, vous disposez d'un maximum de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire.
M. Dufour (Jean-Claude): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Jean-Claude Dufour. Je suis le doyen de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval.
Alors, comme je suis un prof, je ne prendrai pas grand... je ne lirai pas mon texte parce que vous en avez pour la soirée, je vais trop élaguer. Alors, je vais me concentrer directement sur le message que je veux vous adresser, qui est un message très simple, que la faculté est un partenaire majeur qui peut avoir un intérêt dans une future politique bioalimentaire. Et, pour le démontrer, je vais prendre quatre éléments du livre vert. Je ne prendrai pas tous les éléments parce qu'ils ne nous concernent pas tous, mais je vais en prendre quatre, entre autres le positionnement des produits et des consommateurs au centre du développement, l'importance de l'innovation, la nécessité de favoriser les entreprises rentables et efficaces et la valorisation de l'information et de la formation.
Juste avant de débuter, je suis heureux d'avoir assisté à la présentation des gens de l'Abitibi-Témiscamingue, que je connais bien parce qu'on intervient pour le développement de produits extrêmement intéressants -- et je suis surpris qu'on n'en ait pas parlé tantôt -- dont le boeuf Alléchamps et autres choses qui sont à l'honneur de cette région, un très beau développement au centre, et qui va dans le livre vert en passant, et qui va nettement dans le sens de la future politique bioalimentaire, et je leur en donne tout le crédit.
Alors, oui, mettre le produit et le consommateur au centre de tout le secteur et comme focus, c'est une orientation qui est excellente. C'est un modèle qui va certainement aller dans le sens où on cherche à être plus concurrentiel et plus compétitif sur le marché final. Mais c'est aussi un modèle qui a des implications dans la chaîne d'approvisionnement, qui va probablement amener un certain nombre de changements, que je ne prendrai pas ici, puisque ça peut faire des débats assez émotifs et très longs. J'entends évidemment l'approvisionnement des magasins, la structure de commercialisation qui... ça remet en cause beaucoup d'éléments de notre structure de commercialisation. Mais je crois que nous avons en main, à la faculté, un historique de recherches, un historique d'interventions qui permettraient que tant le MAPAQ, que tant les intervenants du milieu, de tout gabarit, puissent profiter de notre expertise avec plaisir, et les changements que cette orientation ou ce modèle impose peuvent être extrêmement profitables pour tous, nous le croyons.
Je dis bien «tous les partenaires» parce que nous avons, à la faculté, je le souligne, 200 partenaires privés qui travaillent avec nous annuellement, en plus, évidemment, des gouvernements qui viennent sur une base de recherche, soit par subvention ou par contrat, qui, eux aussi, sont des partenaires privilégiés qui peuvent profiter de notre expertise, et qu'on peut développer ensemble.
**(17 h 20)** Ce point étant dit, l'importance de l'innovation. L'innovation sans base de recherche sérieuse et sans base de recherche développée, l'innovation, on le constate, et on l'a dit devant la commission Pronovost, l'innovation, au Québec, traîne de la patte un peu par rapport à nos compétiteurs comme l'Ontario, où le taux de réussite des nouveaux produits sur le marché est nettement meilleur que le nôtre.
Cette innovation, je vous propose un modèle. Je vous propose de la faire sur la base de ce que fait l'Europe, sur la base des réseaux. On sait actuellement que l'innovation ouverte et par réseaux est le modèle qui est le plus profitable à toute l'industrie agroalimentaire dans le monde. Je ne vous mets que le modèle du Food Valley aux Pays-Bas, du FINE en Europe, qui est un modèle qui va très bien. Et, si vous regardez l'Europe, dans le secteur agroalimentaire, par rapport à nous, par rapport à l'Amérique du Nord, vous constatez que l'Europe va beaucoup plus rapidement que nous présentement, en termes innovation.
À cet égard, je vous dis, la faculté est également un partenaire qui peut être extrêmement intéressant. Nous avons des facilités que nos partageons déjà avec des partenaires industriels, ou privés, ou gouvernementaux. Nous avons un bloc de 100 chercheurs-professeurs, à la faculté, qui sont presque tous subventionnés et qui, eux aussi, nous procurent un certain nombre de transferts de connaissances intéressants. Et je vous dis que, sous cet aspect, le moyen des chaires est devenu un moyen extrêmement intéressant et peu coûteux pour établir des partenariats avec les universités, que ce soient des chaires de leadership, qu'on appelle, parce que tous les secteurs ont besoin d'innovation R&D pure, il y a des secteurs qui ont besoin de transferts de connaissances, il y a des secteurs qui ont besoin de formation. Et nous avons maintenant des moyens mis à votre disposition, comme les chaires de leadership, on a les chaires de recherche, on utilise également les chaires de recherche du Canada et on utilise le CRSNG avec les RDC, etc. Donc, je vous dis que, là, on pourrait être un partenaire extrêmement important; nous le sommes déjà.
Et on peut être très significatifs autant dans des secteurs de pointe que dans des secteurs comme la consommation durable, qui, aujourd'hui, est devenue un impératif. On parle d'agriculture durable, mais je pense que, si on veut se rendre au modèle et mettre le produit au centre et le consommateur autour du produit, on est obligé de se rendre à la consommation durable. Je vous dis simplement que le seul programme qui existe dans la province de Québec, il est à l'Université Laval, dans la faculté, actuellement, au niveau de la consommation. Et nous sommes en démarche actuellement pour créer ce genre de chaire et aussi participer à cette éducation à la consommation qu'auront besoin les consommateurs et les consommatrices pour devenir... pour se mettre en mode consommation durable.
Je poursuis avec la nécessité de favoriser des entreprises rentables et efficaces. Évidemment, nous y croyons. Maintenant, je vous dirais ceci: Nous avons un moyen qui est peu utilisé, malheureusement, c'est celui de la formation à distance et de la formation continue. Oui, nous avons énormément de formation régulière, nous avons une panoplie de programmes et nous vous proposons deux programmes qui peuvent aider à réduire le risque au niveau de l'agriculture comme telle et au niveau de l'agroalimentaire. Et nous vous les proposons sous l'angle d'un programme de formation en entrepreneuriat agricole et d'un programme de formation en entrepreneuriat agroalimentaire pour transformation, distribution et compagnie. Et nous avons déjà les ressources en place, ce sont deux activités que nous sommes en train de mettre en place, l'idée étant que l'entrepreneuriat rentable a quand même besoin de support, de formation et d'innovation s'il veut réussir et performer pour être compétitif. Alors, l'idée est sur la table.
Nous avons déjà amorcé cette façon de travailler avec plusieurs collèges. Et, comme nous sommes en D.E.C.-bac avec plusieurs collèges à travers la province de Québec, c'est une façon extrêmement profitable et peu coûteuse d'aller chercher et de supporter -- et de réduire le risque -- donc d'aller chercher les entrepreneurs, de les mettre en place, de les développer. Ça peut se faire avec les gens qui sont actuellement en opération. Je vous dis simplement qu'on a plus de 350 cours à distance offerts maintenant. Donc, les gens n'ont plus besoin de se déplacer à Québec, on rejoint toutes les régions du Québec. Nous avons la chaire Gaspésie-Laval, qui est déjà là depuis plusieurs années, par laquelle on donne de la formation en Gaspésie régulièrement, ou on peut le développer avec toutes les régions sans aucun problème. Et on peut faire cette formation-là autant du côté de transfert de connaissance que du côté fondamental, que du côté entrepreneuriat, donc gestion.
Et enfin la valorisation de l'information et de la formation. Mais, cette valorisation, je vous dis, on est prêts, on fait déjà un transfert de connaissances assez imposant au Québec, on l'a fait sur une base mondiale également. On est membres du CRAAQ, on y donne des conférences énormément. Presque 50 % des profs sont en permanence actuellement à donner des conférences un peu partout, interventions.
On a fait, comme on dit, la chasse aux sorcières chez nous depuis quelques années; on a passé à travers les bureaux, on a vérifié auprès de tout le monde qui avait des choses transférables. Donc, vous pouvez être sûrs qu'il ne reste pas de squelette dans le placard, au contraire de ce que les gens ont pu en penser. Alors, on n'est plus dans la tour d'ivoire, on est près du milieu. Et d'ailleurs ça s'est fait il y a quelques années, lorsque le ministère de l'Éducation avait commencé une certaine rationalisation des programmes, à travers les universités, et en même temps de nos interventions. Alors, je vais arrêter là, Mme la Présidente, si vous permettez, et je vais attendre vos questions avec plaisir. Merci.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, M. Dufour. Alors, nous allons maintenant entamer les échanges pour une durée de 35 minutes, en débutant par le groupe parlementaire formant le gouvernement. M. le ministre, à vous la parole pour 17 min 30 s.
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. le doyen, de votre présentation, de votre présentation qui, à certains égards, prend le... donne une impression d'offre de service ou d'offre de partenariat, et j'aime mieux la deuxième interprétation, là, c'est une offre de partenariat, parce que je pense que, personnellement... Et l'institution que vous représentez est un observateur privilégié, privilégié de la question bioalimentaire au Québec, vous-même, personnellement, par votre formation et votre carrière. J'aurais envie de vous poser la question: Quels changements seraient prioritaires? Vous avez présenté rapidement quatre aspects, innovation, formation, etc., mais c'est ces quatre-là au complet ou...Par où on devrait commencer, d'après vous?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Dufour, à vous la parole.
M. Dufour (Jean-Claude): Merci, Mme la Présidente. Juste pour être bien sûrs qu'on se comprend, c'est une offre de partenariat, on s'entend? On n'a rien à vendre, mais on peut partager des choses. Je ne voudrais pas vendre mes chercheurs ici, ils ne m'aimeraient pas demain matin.
Votre question, elle est importante, mais elle est un peu embêtante, O.K.? Parce que ça dépend du point de vue où je me place. Si je me place d'un point de vue d'observateur neutre, je vous dirais que le premier changement que je trouve qui doit transparaître en quelque part, c'est un changement de culture, et c'est aussi simple que ça. Plus on va développer la culture entrepreneuriale, plus on va aider nos entreprises à s'en sortir sans avoir recours toujours à l'aide gouvernementale ou encore à des programmes de soutien. Cet esprit-là, il doit se développer autant chez les producteurs agricoles que chez les transformateurs. J'entends bien, là, l'ensemble du système, là. Et malheureusement, je vous dirais, on a vraiment tarder à comprendre et à embarquer dans cette approche. C'est une approche, évidemment, qui amène énormément de changements dans nos infrastructures, je dirais, qui régissent le système. Mais je pense que, là, c'est le premier changement.
Puis je vous dis que c'est le premier changement parce qu'on est sur les marchés. Ce n'est pas qu'on n'est pas sur les marchés, on est sur les marchés, hein? Peu importe le chiffre qu'on sortira, là, on va s'entendre que les produits du Québec sont sur les marchés. Bon, ils ont besoin d'appui, les produits du Québec. Parce que dites-vous bien, M. le ministre, qu'à partir du moment où vous mettez le produit au centre du système ça veut dire que vous devez vous assurer que les moyens et les supports du produit sont là. On ne les a pas. On ne les a pas parce que, là, un produit seul sur une tablette, que ce soit en réseau court... J'écoutais tantôt les échanges sur les réseaux courts, que ce soit en réseau court ou en réseau long, un produit seul ne se vend pas. Et là, lorsqu'on parle de développer la culture de l'entrepreneuriat, ça veut dire qu'on va devoir donner et procurer à nos producteurs agricoles, aussi, les capacités de traverser la barrière du marché, de vendre, de négocier, de supporter leurs produits, de développer des marques, de parler aux consommateurs et aux consommatrices.
**(17 h 30)** L'exemple de la France est flagrant. Pourquoi, en France, ils ont développé le réseau des magasins de détail propriétaires des producteurs agricoles? Regardez les conditions. Chaque producteur agricole propriétaire doit aller passer un certain nombre d'heures dans le magasin, au contact du consommateur final, à toutes les semaines. Et c'est une discipline qu'ils s'imposent eux-mêmes. Et ils ont réussi le modèle, on le cite partout, hein? Ils ont bien réussi. Mais là on a un changement d'approche complètement différent, complètement différent. Alors, ce qui veut dire qu'il va falloir former ces gens-là, et ce n'est pas juste nous, là, il y a les cégeps dans toutes les régions, etc., qui interviennent déjà avec des programmes de formation, et il va falloir leur donner des outils. Quand je dis «donner des outils», je vais vous donner un exemple très simple. Aliments Québec, c'est merveilleux, M. le ministre. Mais, pour qu'on réussisse bien avec Aliments Québec -- et vous le savez, regardez l'exemple de l'Ontario avec Foodland -- il va falloir qu'on y mette beaucoup de sous et longtemps. Modifier une génération de consommateurs, c'est 25 ans, c'est une génération complète; une génération de consommation ou de consommateurs, généralement on associe ça à peu près à 25 ans, c'est-à-dire que les parents, à ce moment-là, traduisent avec leurs enfants de nouveaux modèles, de nouvelles approches.
Donc, c'est une approche long terme dans laquelle on s'embarque présentement avec notre nouvelle politique. La façon de la voir, c'est une approche long terme. Il ne faut pas se décourager. Ça veut dire que la politique que vous allez créer quelque part est une politique dont on ne verra pas nécessairement les résultats dans un an, mais on va bâtir une graine, et, un jour, il faut y arriver. Et c'est un bon début, parce que nous sommes dans une mondialisation où est-ce que, là, présentement, il y a... Tout change, et c'est un bon début pour mettre en place cette nouvelle culture. Je ne sais pas si c'est la réponse que vous attendiez. Elle est plus difficile que celle que vous attendiez peut-être, mais je pense que... Si vous me demandez ça d'un point de vue neutre, je pense qu'il faut commencer là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. Je n'ai pas de misère avec la réponse, ne soyez pas inquiet là-dessus. Juste pour avoir une précision, la politique est... propose un modèle, comme vous l'avez dit -- et vous le qualifiez que c'est gagnant, le consommateur et le produit, que c'est un gage de succès -- c'est un modèle de chaîne avec une interdépendance et une interrelation de chacun des maillons de la chaîne de la terre ou de la mer à la table, si je résume ça. Et tantôt les gens qui vous ont précédé avaient une préoccupation par rapport à leur rôle. Et, moi, j'aimerais vous entendre sur la place relative justement du producteur, du transformateur, du consommateur, du distributeur. Comment, vous, vous pensez que ça doit s'articuler?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Dufour.
M. Corbeil: Êtes-vous d'accord avec ce qu'il y a dans le livre vert ou bien si vous voyez ça différemment?
M. Dufour (Jean-Claude): Par déformation professionnelle et par position neutre que je suis, je vous dirais: en bout de ligne, celui qui mange notre produit, c'est le consommateur. Celui ou celle qui paie notre produit, c'est le consommateur et la consommatrice. Il ne faut pas l'oublier. Il faut ne jamais l'oublier parce que, ça, si on l'oublie, on devient non compétitifs. Ça, c'est la clé, là.
Il faut que, le consommateur et la consommatrice aussi, dans une consommation durable, on lui fasse comprendre que le produit québécois, il est source de sécurité alimentaire par la traçabilité, par le rapprochement avec le marché, par nos techniques de production agricole qui sont sécures pour lui et elle. Il faut aussi qu'il comprenne que tout ça... et c'est peut-être là où est-ce que le modèle est le plus faible, il faut aussi qu'il comprenne que tout cela, à l'autre bout, peut avoir un certain prix, un certain prix qui des fois a de la misère à passer. Mais là, quand je vous parle d'éducation à la consommation durable, je pense que, là, il y a des partenariats intéressants à bâtir pour franchir cette petite étape. Elle est toute petite mais combien difficile à franchir des fois. Et elle est toute petite mais combien importante. C'est le goulot d'étranglement qui est là.
Et, à côté de cela, évidemment il faut s'assurer que le producteur, que le transformateur comprennent bien la dynamique du marché. Et là on manque d'information. Le producteur manque d'information. Le transformateur, à des égards, aussi manque d'information, au contraire de nos distributeurs et de nos détaillants qui vivent, eux, quotidiennement la présence du consommateur et de la consommatrice dans le magasin, qui ont accès aux données de lecteur optique, qui sont la base même de la dynamique quotidienne du marché. Imaginez que, si le producteur avait ça, si le transformateur avait accès à ce genre d'information là sur une base continue -- ils ne sont pas plus ou moins intelligents que moi -- ils comprendraient tout de suite où vendre, et comment le vendre, et qui l'achète, et dans quelles conditions.
Alors, il va falloir que ce modèle... Ce modèle impose donc, à quelque part, certains ajustements, dont celui, par exemple, de l'accès à de l'information stratégique décisionnelle de marché. C'est vraiment important. Et ça, ça peut se faire... Regardez, je me souviens bien avoir été dans une journée CTAQ-UPA où est-ce qu'on parlait de ce genre de choses là. Et c'est déjà des choses qui sont sur la table, on n'invente rien, là. Mais je pense qu'en quelque part, là, il faut prendre le leadership pour dire: Bien, écoutez, c'est des choses qu'on est prêts à mettre en place, ça, là, ici, là. Un institut, peu importe, ça peut se créer, et ce genre d'information là peut être mis à la disposition des producteurs et des transformateurs sur une base quotidienne.
Déjà, les producteurs travaillent beaucoup avec les données sur les marchés à terme, assez facilement, c'est surprenant, assez facilement. Je rencontre quotidiennement, moi, des gens qui me montrent -- et, les producteurs, je les rencontre régulièrement aussi -- qui me montrent qu'ils travaillent avec ces données-là, surtout, bien, avec le blé pour la consommation humaine ou autres choses. Donc, on a déjà des assises solides. Mais il va manquer un petit bout d'information stratégique décisionnelle à quelque part, si vous voulez que le modèle fonctionne bien. Parce que, là, le modèle, même si on le lit ensemble, au niveau des intervenants, ça ne veut pas dire que tous les outils sont là. Et là il va en manquer.
M. Corbeil: Je vais laisser la...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rouyn-Noranda--Témiscamingue, à vous la parole.
M. Bernard: Bien, merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Dufour. Écoutez, vos propos viennent me chercher beaucoup parce que c'est un sujet de conversation qu'on a souvent. Puis, moi, en tant qu'élu mais en tant que consommateur aussi, je me pose de nombreuses questions. Vous parlez beaucoup de distribution, commercialisation, entre autres, puis comment nos produits québécois peuvent se distinguer sur les tablettes. Parce que vous dites, dans votre mémoire, entre autres avec la mondialisation, et autres: Il faut être plus compétitifs, être plus productifs. Maintenant, moi, je veux savoir: Jusqu'où un consommateur québécois va être prêt, selon vous, avec les études peut-être -- vous devez en avoir, et j'espère qu'il y en a, sans ça, il faudra aller les chercher... Quelle marge un consommateur est prêt à payer pour un produit québécois versus un autre produit, quand on sait, entre autres, qu'au Québec le panier d'épicerie est le moins cher puis que le consommateur du Québec a tendance à aller chercher les produits les moins chers, parce que, comparativement peut-être à l'Ontario ou à d'autres cultures, le Québécois met l'épicerie plus loin dans sa liste de priorités?
Puis, ce que je regarde comme exemple -- peut-être vous pouvez me répondre -- moi, je regarde la campagne fantastique que nos producteurs de porc ont faite avec... Je trouvais que c'était une belle campagne publicitaire, et autres, pour promouvoir les produits québécois. Puis, suite à ces campagnes-là qui ont été très présentes, par exemple, est-ce que la consommation de porc québécois a augmenté sa part dans le marché québécois, ou encore une fois c'est plus les produits comme des États-Unis qu'ils vont prendre? Alors, en tout cas, moi, c'est le nerf de la guerre. Est-ce que vraiment les consommateurs ont l'éducation à faire? Puis, c'est quelle marge qu'ils vont représenter pour que ça soit significatif dans notre consommation?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Dufour.
M. Dufour (Jean-Claude): Je ne répondrai pas en prof, je vous donnerais trois heures de cours sur la différence entre l'attitude et l'intention d'achat. Je vais reprendre d'abord la première partie de votre intro. Je ne veux pas juste parler de distribution ou de consommateurs, je veux aussi parler de producteurs. Parce que, vous savez, les producteurs, ils ne sont pas bêtes, là, ils ont compris des choses. Par exemple, ça fait un an qu'on cherche, avec la Fédération des producteurs de porcs, un partenaire financier -- ils mettent des sous, là, on ne cherche pas un partenaire financier, là, à zéro, là -- pour, par exemple, travailler sur une chaire pour revoir le coût de production et trouver le moyen de le baisser, le coût de production, ils sont conscients qu'il y a des choses à faire là. Et on ne trouve pas de partenaire, parce que ça fait un bout que cette chaire-là existerait, monsieur, et ça fait un bout qu'on aurait travaillé sur des éléments du coût de production. Et là c'est clair et net qu'en regardant le... Et tous les producteurs sont sur ce même pied là. Ils savent très bien qu'en quelque part l'efficacité doit y passer aussi.
**(17 h 40)** Parlant de prix, d'abord entendons-nous bien, un produit qui n'a pas d'acheteur, il n'a pas de prix. Les études et les recherches nous montrent -- et là je vais citer quelques chiffres, O.K., je vais essayer de ne pas trop en mettre, là -- qu'un différentiel... À l'intérieur d'un différentiel de prix de 10 %, généralement un marché ne fait pas de différence, c'est-à-dire qu'il est prêt à l'accepter. Les études aussi nous montrent que les consommateurs et les consommatrices québécois, dans une proportion de plus de 70 % ou de près de 70 % -- je ne me souviens plus si c'est 74 % ou 72 %, peu importe, là, on ne se battra pas au niveau de la précision -- sont en faveur d'un achat de produits locaux. Par contre, les études nous montrent aussi qu'à peine 25 % de ces gens-là vont dépenser plus cher que le 10 % de différentiel lorsqu'il s'agit de choisir un produit local versus un autre produit.
Donc, juste pour exprimer le lien du modèle AIDA, ça veut dire que les gens ont une attitude très favorable envers les produits locaux et les producteurs, et etc., mais, quand arrive le moment de décision, ils reçoivent de l'influence. Et il faut aussi mentionner que 70 % des achats en produits alimentaires québécois sont décidés en magasin, donc c'est un achat impulsif. Et là, lorsqu'ils reçoivent cette information au moment d'achat, au moment de décision, il y a d'autres facteurs qui interviennent: les groupes de référence, leurs pairs, donc leurs voisins, leurs cousines, leurs cousins, peu importe, il y a des groupes de référence qui interviennent, leurs amis, et qui, là, vont affecter ce choix-là. D'où l'importance que je vous disais tout à l'heure et que je disais à M. le ministre: Si vous optez pour un modèle et une politique bioalimentaires comme vous prenez présentement, comme vous regardez présentement, il va falloir donner les moyens. Ça veut dire, en magasin, il va falloir être beaucoup plus présents pour que le processus décisionnel du consommateur et de la consommatrice soit, à ce moment-là, affecté pour que la décision se prenne dans le bon sens.
Mais, dans l'ensemble des études que nous avons en main, et il y en a plusieurs, c'est un fait, on a un marché favorable, on a un marché favorable. Il ne faut pas avoir peur de ça. Mais, comme je disais tantôt, le petit bout, le dernier bout qui nous manque, c'est peut-être le petit bout le plus court à dire, mais c'est le plus long à traverser.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste une minute.
M. Dufour (Jean-Claude): C'est la différence entre l'attitude et l'intention.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Une minute seulement. Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: J'écoutais ce que vous disiez -- puis ça va être très rapide, là -- je regarde un peu au printemps, là, quand les fraises du Québec sortent, on les trouve partout, et là, comme... Parce que ça m'a frappée quand vous dites: Quand on va à l'épicerie, on achète sur l'impulsion; il va y avoir quelque chose en vente ou on n'a pas de menu d'établi, ou quoi que ce soit, on part puis on achète, on pense... Mais je regardais un peu la campagne des fraises du Québec, c'est un bon exemple, parce que, là, il en pousse partout, puis on en trouve partout, sur le bord des routes, dans toutes les épiceries. Est-ce que ça, d'après vous, c'est une bonne stratégie de marketing? Parce que, là, quand on parle de vente, quand on parle d'avoir des endroits, c'en est une, ça, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Brièvement.
M. Dufour (Jean-Claude): Je vais essayer, parce que la question... la question...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste une seconde. M. Dufour, merci pour la présentation de votre mémoire. On va laisser la parole au député de Kamouraska-Témiscouata, et vous pourrez répondre.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, Mme la Présidente. Vous aurez sûrement l'occasion de vous reprendre, je suis certain. Merci, M. Dufour, d'être avec nous. Je trouve ça intéressant, bien sûr, depuis le début, de vous entendre, puisque vous avez un parcours, hein, d'un univers universitaire de recherche mais aussi très près en même temps du terrain, et beaucoup, vous m'excuserez, mais en aval, donc plus près d'où ça se consomme, on l'entend puis on le perçoit.
J'ai bien reçu votre offre de partenariat que vous faites, c'est... de service, puis, je pense, c'est très correct. Mais ce que j'aime beaucoup entendre, c'est ce que vous n'avez pas écrit. Et, M. Dufour, vous avez pris connaissance de... le projet, bien sûr, qu'est-ce qu'il n'y a pas là-dedans puis que vous auriez aimé voir apparaître, ou encore qui est là-dedans mais qu'on n'insiste pas?
M. Dufour (Jean-Claude): C'est une fichue de bonne question, M. Simard.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Ce n'est pas un piège, là, c'est juste...
M. Dufour (Jean-Claude): Non, non, c'est une fichue de bonne question.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Vous comprenez, hein? Loin de mon idée...
M. Dufour (Jean-Claude): Je ne me suis pas arrêté à penser qu'est-ce qui n'y est pas parce que, la politique comme telle, je crois que les éléments de base sont là, O.K.? Les éléments stratégiques de base sont là. Bon. Qu'est-ce qui n'y est pas, je pense... Et vous avez raison de dire que, quand on prend ça par en arrière, des fois on voit plus clair. Mais, dans ce cas-ci, je pense qu'on part à zéro, c'est la première, je pense qu'on ne doit pas se poser la question: Qu'est-ce qui n'y est pas? On doit plutôt se dire: Fonçons, c'est le temps. On a trop tardé. Et là l'idée de cette politique, le concept de cette politique fait en sorte que je pense qu'on ne doit pas peser sur le break avant de partir, mais on doit peser sur l'accélérateur, et ça, je... C'est pour ça que je ne vous dirai pas qu'est-ce qui n'est pas là. On va le voir à l'usure également; il y a des choses qu'évidemment on va découvrir en cours de route.
Ce qui est intéressant dans l'approche qui a été mise en place, c'est l'approche de partenariat; c'est pour ça que je suis venu vous en offrir un. C'est l'approche de partenariat, c'est l'approche d'ouverture pour dire: Si on veut réaliser la politique qui est là, on a besoin de tous les morceaux qui sont là. C'est pour ça que je suis revenu avec l'entrepreneuriat, parce que c'est un morceau, à mon avis, qui est important là-dedans, dans l'axe que vous proposez, le concept, l'orientation, la vision.
Et qu'est-ce qui n'est pas là, c'est ce qu'on ne saura jamais, parce que nous sommes aujourd'hui dans la mondialisation, notre compétiteur demain, on ne sait pas qui il va être, on ne sait pas d'où il vient. On connaît les grands enjeux. On sait que le Brésil, on sait que, bon, mais ce sont des grands enjeux. Notre vrai compétiteur de demain, on ne sait même pas aujourd'hui où il est, on va l'apprendre le jour où il va se présenter pour faire accréditer ou référencer une catégorie, un produit d'une catégorie, c'est là qu'on va l'apprendre.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): ...c'est intéressant ce que vous parlez, puis vous nous dites des choses qui ne sont pas là-dedans.
M. Dufour (Jean-Claude): Mais on ne peut pas les mettre.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Oui, oui. Cela dit, je comprends très bien. Vous avez parlé aussi, tout à l'heure, de culture, hein, que c'était un changement de culture. D'ailleurs, le rapport dit Pronovost parlait beaucoup de l'importance qu'est une approche concertée mais de voir les choses nouvelles à tous les paliers, tous les groupes.
Êtes-vous surpris un peu du terme «bioalimentaire», en termes de sens, si on se rapproche de M., Mme Tout-le-monde? Est-ce qu'en termes de spécialiste du marketing, et tout ça, là, est-ce que ça vous étonne un petit peu que le ministère ait choisi ce qualificatif, qu'on connaît beaucoup à l'interne? Mais, en termes de réalité, d'une part, et, d'autre part, en termes de rassembleur entre ceux et celles qui travaillent tous les jours, sept jours sur sept, à produire les denrées de base, qui nous permettent d'innover par la suite, et tout ça, là, comment vous voyez ça? Est-ce que c'est une vision qui va aider à un changement de culture, comme vous parlez?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Dufour.
M. Dufour (Jean-Claude): Certainement, je suis très heureux qu'on ait pris le terme «bioalimentaire», enfin. «Bio», c'est la vie; «alimentaire», on la mange. Ça regroupe toute l'idée du vivant qu'on retrouve sur les terres, dans les mers. C'est le temps. On faisait... Le ministère, c'est un ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, il regroupe les trois. C'est le temps qu'on y mette un indicatif, une image qui ramasse l'ensemble de l'agricole, de l'alimentaire et du bioalimentaire. Je pense que c'est tout à fait approprié, et c'est très visionnaire. Et je pense qu'il faut le faire, ça presse qu'on le fasse.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci, Mme la Présidente. M. Dufour, merci. Bonjour. Ça me fait plaisir d'être ici.
Avant de parler, tout à l'heure j'ai entendu... Bien, vous avez parlé de mondialisation, bien sûr, mais ça touche un peu tout ce qui touche un petit peu l'alimentation, parce que vous savez que la concurrence est très forte au niveau de l'alimentation quand on est sur nos tablettes, dans nos épiceries, un peu partout.
Vous parliez... Oui, les gens sont portés, je pense... Vous avez parlé qu'il y avait peut-être, au niveau de la formation qui est donnée à l'Université Laval pour... Ça peut prendre jusqu'à 25 ans avant de changer la culture, là, la culture... notre culture de consommation. C'est très long, en passant, mais c'est que les gens achètent des prix, ils n'achètent pas nécessairement la qualité.
Mais on est tenus par des normes quand même, des normes gouvernementales. Donc, c'est politique, c'est les politiciens qui décident des normes gouvernementales, avec des experts qui peuvent suggérer. Mais il y a certaines normes gouvernementales qui peuvent mettre un frein justement à la consommation d'un produit d'ici, vu que, quand on met des pourcentages... Exemple, je vais vous donner un exemple, dernièrement... Je prends les pourcentages de sucre, là, qu'on peut mettre dans des produits, alors, pour être reconnu canadien, il faut qu'il soit à 98 %. Mais, au niveau de la consommation comme telle, tu ne peux pas dire... Le consommateur qui est placé devant des produits de même qui ne sont pas identifiés canadiens parce qu'ils ne rencontrent pas le 98 %, parce qu'on a été mettre une norme sur le sucre qui est importé de l'extérieur mais qu'on doit mettre... Alors, à ce moment-là, c'est difficile d'avoir des produits.
Comment vous voyez, vous, qu'on pourrait régler cette problématique-là, au niveau de la consommation, au niveau de l'étiquetage, au niveau de l'affichage, pour que nos produits d'ici -- puis ça rejoint un petit peu ce que Mme L'Écuyer disait tantôt -- pour que nos produits d'ici, qui sont faits au Québec... C'est des produits du Québec, on veut les consommer ici, mais des fois il y a un pourcentage qui nous empêche de l'identifier, là, ce produit-là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Dufour.
**(17 h 50)**M. Dufour (Jean-Claude): Mme la Présidente, merci. Je n'ai pas toutes les réponses, là, mais, il y a une chose qui est sûre, le consommateur et la consommatrice que nous sommes tous ont besoin d'être guidés dans leurs choix -- ça, c'est la première directive normalement qu'on doit comprendre -- et guidés dans leurs choix jusqu'à l'étape finale. Et c'est là qu'on a une intervention à faire pour l'éduquer, pour l'amener à raisonner en termes de consommation durable. Le consommateur et la consommatrice, au contraire des experts qu'on retrouve dans le secteur, n'ont pas les connaissances pour être capables de juger, souvent, les contenus des produits, que ce soit 98 % ou encore en termes de portion, etc. Vous savez, il y a peu de gens qui comprennent le portionnement. Alors donc, quand on leur parle de bilan lipidique, les gens ne sont pas capables de faire ce lien-là. Par la recherche, on est capables maintenant, on serait capables de le faire puis d'arriver à avoir des cartes qui permettraient qu'à mesure qu'une personne met quelque chose dans son panier son bilan lipidique se trace en même temps. Mais, bon, on est rendus là. Mais là on a d'autres problèmes qu'on vit.
Le consommateur et la consommatrice doivent garder le choix. Ce sont les décideurs, O.K.? On se doit de leur procurer la diversité et le choix. Par contre, on se doit aussi de les amener à prendre les meilleures décisions possible par les cues les plus percutants possible. Et ce n'est pas en ajoutant nécessairement de l'information qu'on va... Parce que, là, on ajoute des données, hein? Quand on ajoute 98 % ci... on ajoute des données. Mais une donnée, ce n'est pas une information, ça ne lui indique pas une bonne décision nécessairement. Il faut que, cette information-là, on puisse lui faire comprendre qu'est-ce qu'elle veut dire. Regardez, les dates de péremption, je trouve encore un paquet de monde qui me disent que le produit n'est plus bon. Ce n'est pas ça que ça veut dire. Ça veut dire qu'après cette date-là le produit peut... le contenu peut commencer à se détériorer. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'est plus bon. Probablement 90 % des gens dans la rue, la date de péremption, ils vont l'associer au fait qu'il ne faut plus consommer le produit. Alors, il faut travailler l'éducation à la consommation durable, on a du travail à faire. Et je pense qu'on va y arriver en scrutant parfaitement bien comment le consommateur et la consommatrice décident. On connaît déjà passablement de modèles, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Mme la Présidente. M. Dufour, vous mentionnez à la page... On en a parlé, vous en avez parlé tantôt, mais vous mentionnez que, pour créer une chaire au niveau des producteurs de porc... On sait que cette production-là connaît des difficultés énormes au Québec actuellement. Vous mentionnez: Le MAPAQ pourrait très bien devenir un partenaire financier de choix avec la Fédération des producteurs pour... et la FSAA, dans la création d'une chaire en gestion. Mais est-ce que ça veut dire... Actuellement, si je lis ça, ça veut dire que vous n'avez pas la collaboration du MAPAQ ou c'est... Comment ça peut fonctionner?
M. Dufour (Jean-Claude): Ah, ce que je disais, je le prenais...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Dufour.
M. Dufour (Jean-Claude): ...je le prenais comme exemple...
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Un exemple.
M. Dufour (Jean-Claude): ...pour vous dire que présentement ce modèle s'applique très bien autant aux producteurs qu'il peut s'appliquer à des entreprises privées de transformation. Et ce modèle fait en sorte que souvent on a de la misère à trouver des partenaires, à les mettre ensemble pour créer quelque chose. Et là on a une vraie problématique, je pense que je n'ai pas besoin d'en étayer plus grand que ça, on a une vraie problématique dans le secteur porcin. Et on sait tous qu'on vise une chose, on vise aussi à mieux comprendre le coût de production, on vise à l'abaisser, le coût de production, aussi, pour être plus compétitifs et avoir une industrie qui va se développer. Et c'est un des moyens que, nous, on a à notre disposition pour être capables d'y arriver rapidement.
Et c'est un exemple que je vous cite. Je pourrais prendre d'autres exemples où est-ce qu'on est partenaires avec le MAPAQ. Un des plus beaux partenariats avec le MAPAQ, c'est le CRSAD, le Centre de recherche en sciences animales de Deschambault, qui dure depuis 2000, je crois, autour de 2000 -- j'étais doyen de la faculté à l'époque, encore -- et c'est une plus belles réussites présentement qu'on est en train de retravailler en partenariat avec le MAPAQ.
On pourrait prendre ce modèle-là, le refaire aussi avec le MAPAQ en phytoprotection, avec les centres de confinement. Parce que la mondialisation, ce qu'elle nous apporte présentement, c'est toutes sortes de nouvelles bibittes, toutes sortes de nouvelles plantes qu'on ne contrôle pas et qu'on ne connaît pas l'impact sur l'agriculture. Et on pourrait le faire, le MAPAQ a déjà, avec la recherche, un certain nombre d'infrastructures. On pourrait rebâtir le CRSAD, mais du côté des plantes, en phytoprotection, puis avec le réseau SEVE, à travers la province et le Canada, qui nous permettrait d'avoir un des pays les plus en avant du monde dans le mécanisme de phytoprotection. On pourrait le bâtir...
Vous savez, je pourrais vous en sortir, des exemples, tant que vous voulez, c'est un... J'ai pris tantôt l'exemple de la chaire Gaspésie-Laval. La chaire Gaspésie-Laval, elle existe au moins depuis 12 ans, 10, 12 ans, aussi, et c'est un bel exemple où vous voyez qu'une université est avec une région, et une région... Et ça a débuté par l'agriculture, la chaire Gaspésie-Laval, à la base. On se rappellera des 1 000 hectares de sirop d'érable en Gaspésie. Ça a débuté par l'entremise de dossiers comme ça où est-ce qu'on s'est rendu compte qu'on pouvait très bien travailler en réseautage et associer universités et régions. On pourrait le faire avec différentes régions.
Je vous donnerai un autre exemple où est-ce qu'en 2001, je crois, ou 2002, nous avons transféré une chaire de recherche de Canada junior à la faculté... à l'Université du Québec à Rouyn pour développer le porc... le boeuf à partir des pâturages pour l'alimentation du boeuf. Aujourd'hui, vous avez la gamme de boeuf Alléchamps qui vient de sortir sur le marché. Écoutez, on est peut-être 12 ans plus tard, mais ça a donné le résultat, la finalité qu'on visait, par exemple. La région est en train de se mettre sur la mappe avec une gamme de produits de boeuf de boucherie extraordinaires, qui vont répondre à toutes les attentes de tous les segments de marché, autant du plus exigeant que de ceux qui cherchent un boeuf tout à fait régulier, qu'on peut acheter sur une base régulière à prix compétitifs.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Kamouraska-Témiscouata, à vous la parole.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci. M. Dufour, vous avez parlé au début d'investir ou de mettre beaucoup plus sur Aliments Québec, ou Aliments du Québec. Comment vous voyez ça, là, concrètement? Quel genre d'appui, quel genre de renouveau on... Quel genre d'élan qui pourrait être fait, là, pas au niveau de la structure mais au niveau de la finalité puis de la différence que ça pourrait faire?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Dufour.
M. Dufour (Jean-Claude): O.K. Alors, si on regarde Aliments Québec, c'est une marque collective. Tout comme une marque de produit, Aliments Québec, c'est une marque collective. Et, une marque collective, pour qu'elle prenne, je dirais, de la force, il faut la faire connaître et il faut l'appuyer. Ça prend des sous, d'abord. On l'a, la marque, Aliments Québec, on l'a, il n'y a pas de problème. Elle a une visibilité, mais il lui en manque.
Par ailleurs, si on prend l'exemple de Foodland Ontario ou encore de Buy American, qui sont deux autres marques collectives, l'une est américaine et l'autre est ontarienne, deux marques collectives où est-ce que... Êtes-vous capables d'imaginer que les États-Unis mettent 350 millions de dollars derrière Buy American? Je crois qu'on met 1 million de dollars à peu près, au Québec, derrière Aliments Québec. L'Ontario a ajouté à Foodland, en Ontario depuis maintenant... C'est presque 25 ans que Foodland existe, et ils ont un budget qui est nettement plus sérieux que nous. D'autre part, ils ont ajouté aussi d'autres volets, par exemple le volet reconnaissance des détaillants qui offrent les produits locaux sur une base régulière, sont identifiés sur le site, et le consommateur, et la consommatrice, peut savoir si un détaillant offre les produits locaux ou pas. Il a la décision d'y aller ou de ne pas y aller.
C'est une belle façon, je pense, de récompenser et d'amener le bout de la chaîne vers la finalité qu'on veut, c'est-à-dire l'offre de produits locaux en disponibilité régulière et sur une base correcte en magasin pour les consommateurs et les consommatrices du Québec. Ils ajoutent à cela, évidemment, d'autres moyens de publicité, d'information, où est-ce que, là, on voit très bien qu'il y a une panoplie de moyens autour d'Ontario Foodland qu'on aurait intérêt à regarder, à mettre en place ici également, et qui aideraient beaucoup, beaucoup à ajouter de la force à la marque collective et de la visibilité aussi à la marque collective. Et dites-vous bien que, si vous y mettez de la force et de la fréquence, c'est la recette gagnante pour que le consommateur et la consommatrice la passent dans sa mémoire à long terme. Il a besoin des deux.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste environ une minute. À vous la parole, M. le député.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci. Rapidement. Et les appellations contrôlées -- on ne peut pas dire que ça lève beaucoup depuis quelques années -- c'est-u une voie à encourager ou pas vraiment?
**(18 heures)**M. Dufour (Jean-Claude): Ça dépend de quel point de vue on est. Dans les appellations contrôlées, il peut y avoir des produits tout à fait uniques. Vous savez, l'appellation contrôlée, elle fait appel à ce qu'on pourrait appeler mettre de la force sur un produit qui est unique. Il faut que le produit soit unique, c'est la condition de départ. Et là, évidemment, à partir du moment où on crée le point d'ancrage et que le produit est unique, il n'y a pas de problème, il prend sa place.
Les appellations, il faut faire attention parce qu'évidemment plus on va ajouter, sur un même produit, des marques, des identifications, des logos, on vient d'enlever, à ce moment-là, de l'effet sur la finalité totale, parce que, là, on vient de prendre ou d'ajouter des critères de comparaison, de choix qui ne sont souvent pas compris ou mécompris. On sait très bien qu'un consommateur ou qu'une consommatrice peut retenir à peu près cinq marques dans sa mémoire à long terme. Le nombre de cues qu'un consommateur ou une consommatrice reçoit présentement au Québec par jour, M. Simard, c'est 4 000, 4 000. Ce soir, quand vous allez vous coucher, vous allez en avoir cinq dans votre mémoire à long terme, de la journée d'aujourd'hui. J'espère en être un.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, M. Dufour, pour la présentation de votre mémoire. Alors, je vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 18 h 3)
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant poursuivre avec la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent. Veuillez vous identifier aux fins d'enregistrement et présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez d'un maximum de 10 minutes afin de présenter votre mémoire.
Fédération de l'Union des producteurs
agricoles du Bas-Saint-Laurent
M. Rioux (Jean-François): Bonjour à tous et à toutes. Jean-François Rioux, premier vice-président de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent et aussi premier vice-président de l'Association de la relève agricole du Bas-Saint-Laurent. Je suis producteur agricole en production laitière et grande culture à Saint-Simon, cinquième génération en agriculture. Vous avez avec moi Gilbert Marquis, deuxième vice-président de l'UPA du Bas-Saint-Laurent, et ses enfants seront la cinquième génération à exploiter la ferme en production laitière, ainsi que Gaston Pepin, directeur régional, et M. Jean-Claude Parenteau, directeur adjoint.
Ça fait que, pour commencer, bien, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour venir vous parler d'agriculture. Je suis une personne qui mange de l'agriculture, ça fait que, d'être ici pour vous en jaser, je suis très heureux. Avant de commencer à vous parler du livre vert, il faut qu'on parle un petit peu du court terme. La politique agricole, le livre vert, c'est des belles mesures pour moyen et long terme, sauf qu'actuellement, à court terme, avec tout ce qui se passe avec La Financière agricole, la situation dans le champ est très morose, très difficile. Si on n'est pas capables de garder nos producteurs en place, à quoi servira une politique agroalimentaire, si nous n'avons pas les gens pour faire de l'agriculture?
Vite, vite. Dans le secteur porcin, au Bas-Saint-Laurent, de 2005 à 2009, c'est 17 % des entreprises qui ont cessé de faire production. En bovin, de 2008 à 2010, c'est tout près de 15 % des entreprises qui ont cessé d'exploiter. Dans le secteur ovin, de 2005 à 2009, c'est 20 % des entreprises qui n'y sont plus. Seulement avec des mesures de resserrement à La Financière agricole, nous avons obtenu ces pertes-là. Qu'est-ce que ce sera lorsque le 25 % sera réellement effectif? Je n'ose pas imaginer le portrait. Une politique agricole, un produit bien en valeur, bien à sa place, bien sous les projecteurs, sauf que, si on n'a plus de producteurs agricoles pour le tenir si haut, si dans la lumière, bien, il sera à terre puis il n'aura aucune valeur.
Le Bas-Saint-Laurent -- pour ce qui est du livre vert, bien, vous avez, au cours du mémoire, vu un peu ce que c'était -- c'est des retombées de 409 millions par année. C'est 355 000 hectares cultivés. C'est principalement la production laitière avec 50 % des revenus grâce à la mise en marché collective, à son transport poolé qui permet aux régions de pouvoir faire de la production agricole, entre autres de la production laitière, la production ovine aussi qui est très importante, donc le tiers de la production provinciale qui se fait au Bas-Saint-Laurent, et l'acériculture, qui est, au Québec, la deuxième... qui est la deuxième région en importance et une des régions où est-ce que la moyenne de la grosseur des entreprises en acériculture est la plus grande. L'agriculture et la forêt au Bas-Saint-Laurent, ce sont des moteurs économiques pour notre région. C'est ce qui fait que nos villages sont vivants et vivent réellement.
Ce qu'on attend d'une politique agricole? Bon, on va essayer de tracer peut-être trois points qui sont vraiment importants pour nous autres, pour la future politique agricole. C'est sûr qu'il y a bien d'autres choses, mais ce qui est vraiment important pour nous autres, c'est, de un, des revenus agricoles adéquats pour la famille, deux, l'accès au marché et, trois, des programmes et des mesures adaptés pour les régions périphériques.
Premier élément, des revenus adéquats, des revenus agricoles adéquats incluent d'abord un revenu provenant du marché agricole, un prix juste et équitable pour les produits. Présentement, la part du producteur sur le prix de vente représente souvent une faible partie, quand on parle de l'assiette, ce que le consommateur paie pour son produit agricole. On veut que le producteur puisse aller chercher une plus grande part de cette assiette-là pour que ça soit mieux réparti à travers les chaînons de la distribution alimentaire.
Un revenu net comparable aux autres professions et comparable au reste de la société. On veut pouvoir vivre comme les autres gens de la société. On veut aussi que la relève agricole puisse s'établir. Pour que la relève puisse s'établir, pour mettre des jeunes sur les bancs de formation dans les institutions de formation en agriculture, eh bien, il faut les accrocher, il faut leur donner la possibilité de pouvoir... vouloir aller en agriculture, alors qu'actuellement, avec le climat de morosité que l'on a actuellement... Qui voudrait faire de l'agriculture si nous avons de la misère actuellement, avec les entreprises que nous avons actuellement, à les garder en production?
Pour ce qui est de l'accès au marché, réciprocité des normes. Nous avons, au Québec, des produits agricoles de très haute qualité. Ce n'est pas pour rien que les Japonais sont très souvent chez nous pour venir importer des produits, ce sont des personnes qui ont des critères très élevés, et ils viennent au Québec et retrouvent ce qu'ils veulent avoir. Qui dit réciprocité des normes dit que, lorsque d'autres produits rentrent au Québec, bien, elles devraient au moins avoir les mêmes normes de production que nous autres.
Nous avons, au courant des dernières années, évolué beaucoup au niveau de l'environnement, au niveau du respect de l'environnement. Mais il faudrait que les autres produits qui rentrent puissent avoir les mêmes critères. Ce qui est l'idéal, c'est d'aller chercher le revenu directement à la vente. Pour ça, de simples moyens comme... la réciprocité des normes en est un. L'accès au marché au niveau de la distribution alimentaire est aussi important, d'obliger les distributeurs, qui sont actuellement trois, à avoir sur leurs tablettes, principalement et premièrement, avant, des produits agricoles du Québec, et de faciliter les petits producteurs à pouvoir rentrer dans ces chaînes-là. Parce qu'actuellement une des grosses problématiques, c'est qu'ils se font dire: Bien, tu n'as pas assez de volume, mon cher, je vais avoir de la misère à prendre tes produits.
Puis je donnerais la parole à Gilbert pour ce qui est des programmes agricoles adaptés régions périphériques.
**(18 h 10)**M. Marquis (Gilbert): Troisième élément, des programmes agricoles adaptés aux régions périphériques. C'est l'adoption d'une politique agricole, c'est une bonne occasion de passer en revue les programmes agricoles. Les programmes agricoles équitables doivent tenir compte des caractères particuliers de l'agriculture des régions périphériques. Comme on l'a mentionné, les contraintes climatiques, de fertilité et aussi d'éloignement des fournisseurs des marchés et des services ont un coût que doivent absorber les entreprises agricoles en régions éloignées des grands centres.
De plus, à l'époque où l'agriculture s'est mécanisée, elle est devenue plus performante. Des programmes de drainage, travaux mécanisés ou autres ont eu davantage d'impact dans les régions centrales, qui étaient mieux préparées à accueillir. Parce qu'il y a eu les programmes de chaulage aussi pour les terres. Nous, c'était un programme qui avait été établi longuement, c'est-à-dire une secousse ils étaient établis, ces programmes-là, mais, nous, régionalement, on a peut-être tardé à les mettre... c'est-à-dire à en profiter. Et puis je pense que ces programmes-là devraient être remis en place pour aider nos producteurs. Il y avait de l'épierrement, il y avait un peu toutes sortes de choses, puis c'étaient des bons programmes.
Le climat de nos régions ne permet pas de choisir n'importe quel type d'agriculture. Des productions sous ASRA telles que les vaches, veaux, l'agneau, les petites céréales et les pommes de terre s'y prêtent bien. L'agriculture dans notre région, c'est l'occupation du territoire, la vitalité économique et sociale des communautés rurales, les paysages nécessaires à l'industrie touristique. Il ne faut pas oublier une chose, je l'ai dit à quelques reprises, ça, puis j'aime bien ça, parce que c'est l'agriculture qui façonne notre paysage: Pas d'agriculture, bien, on se ramasse avec du bois.
Il me reste une minute, je vais terminer. Nous avons fait le choix de limiter notre intervention, aujourd'hui, à ces points qui représentent, nous le croyons, des éléments fondamentaux à inclure dans une future politique agricole. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci. Nous allons maintenant entamer les échanges pour une durée de 35 minutes, en débutant par le groupe parlementaire formant le gouvernement. Avant de poursuivre, y a-t-il consentement pour poursuivre au-delà de l'heure prévue? On avait dit 18 h 30, et il s'agirait de 18 h 45. Est-ce qu'il y a consentement? Oui. Alors, à vous la parole, M. le ministre.
M. Corbeil: Bien, très rapidement, Mme la Présidente. J'aimerais que vous élaboriez davantage sur les programmes adaptés régions périphériques, et en particulier vous entendre sur du soutien à drainage, chaulage, etc.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux, à vous la parole.
M. Rioux (Jean-François): Oui. Bon, c'est certain qu'en région faire du foin... On a deux coupes de foin. Dans les régions centrales, c'est quatre coupes de foin, trois, sinon quatre. Ce qui veut dire que, pour alimenter un troupeau animal, quel que soit, pour le soigner, ça va prendre beaucoup plus de terres pour les nourrir. Ça, c'est des conditions ou c'est des choses qui nous enfargent pour faire de l'agriculture en région. En régions autres que les régions périphériques, quand tu as la possibilité de faire du maïs qui... en étant, là, assez pessimiste, où tu es capable d'aller chercher une fois et demie le rendement des petites céréales et qu'au niveau des marchés, du prix du marché, tu es capable d'aller chercher une fois et demie le prix des petites céréales, c'est certain que tu as une longueur d'avance pour arrondir tes fins de mois, pour avoir un petit peu plus d'argent.
C'est certain qu'en région aussi on est loin de tout. On est loin des marchés. Le transport, c'est quelque chose qui nous ampute beaucoup dans nos coûts de production. D'avoir des mesures pour nous donner un coup de main pour diluer ça, c'est certain que ça aurait un impact majeur.
Après ça, en régions périphériques, l'autre chose qui arrive aussi, c'est que le nombre de producteurs au pied carré n'est pas élevé. Ça fait que, lorsqu'on parle d'un service de vétérinaire, d'un service de centre d'insémination, les gens qui donnent ce service-là doivent courir... couvrir beaucoup plus de kilomètres pour offrir un service. On l'a vécu dans la région de Rivière-du-Loup il y a de ça quelques années, un désengagement des vétérinaires à aller servir le Témiscouata. Qu'est-ce que tu fais, du jour au lendemain, quand tu n'as plus de vétérinaire pour venir soigner ta bête qui est presque en train de mourir? En plus, lorsque tu es en production bovine puis que c'est ton revenu, ta bête qui... qu'est-ce qu'on fait? Ça fait que je pense qu'on a une série de pistes de solution qui pourraient être envisageables en lien avec ça.
M. Corbeil: Bien, rapidement...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. À l'heure actuelle, si je regarde les statistiques de votre région, les cinq premières productions, les deux premières sont: vache laitière et acériculture pour 70 %. Comment on peut envisager le scénario de la grande noirceur, le scénario de l'apocalypse, de la disparition de l'agriculture quand on est dans une production qui est sous gestion de l'offre et une production qui a le vent dans les voiles, là, l'acériculture? 70 % du Bas-Saint-Laurent, c'est ça. Alors, pourquoi on dit: Ah! il faut faire quelque chose vite, c'est urgent, ça tombe, ça ferme, sans faire de... Pourquoi on envisage ce scénario-là? Puis je suis d'autant plus surpris que vous l'évoquiez, vous qui êtes de la relève et qui vous définissez comme étant une quatrième ou cinquième génération.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux.
M. Rioux (Jean-François): Oui. Comme je disais auparavant, actuellement, pour des services en agriculture, le niveau kilométrage est assez élevé. Si, demain matin... pour ce qui est d'avoir les services, là, vétérinaire, etc., là. Puis on a de la misère actuellement à les garder en place. Si, demain matin, on perd 30 % des agriculteurs qui nous restent dans les autres productions que celles qui vont bien, comment on va faire pour garder des services dans ces choses-là? À un moment donné, oui, tu as des productions qui rayonnent beaucoup, qui ont un impact pour celles qui sont autour, mais celles qui sont autour ont aussi un impact sur celles qui rayonnent. Si tu enlèves 30 % de ces productions-là demain matin, où c'est qu'on va s'en aller? Il y a des municipalités qui vont fermer, il y a des municipalités que ça n'ira pas bien.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Bien, dans la région, en 2010-2011 -- ce n'est pas des vieux chiffres, là -- juste pour le MAPAQ, appui financier à la région, total: 13 836 000 $. Ça, c'est indépendamment de La Financière agricole du Québec. Et c'est ventilé, là, le service-conseil, appui à la relève, essais innovation, stratégies phytosanitaires, soutien, amélioration de la santé animale. On pourrait décliner ça, là, ligne par ligne comme ça, il y en a 13 836 000 $ pour la seule région du Bas-Saint-Laurent.
Est-ce qu'il y a des choses qu'on fait qu'on ne devrait plus faire et des choses qu'on ne fait pas qu'on devrait faire justement pour utiliser d'une façon optimale ce 13 836 000 $ du seul ministère dont je suis responsable envers votre région?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Pepin.
M. Pepin (Gaston): Bien, regardez, les budgets, à ma connaissance, n'ont pas augmenté beaucoup dans les dernières années au MAPAQ. On a de moins en moins de budget, puis en plus on a de moins en moins de ressources humaines au MAPAQ; les départs à la retraite ne sont même pas remplacés. Ça devient de plus en plus difficile dans le temps d'opérer. 13,8 millions, ça peut représenter une somme importante, mais, si vous regardez dans l'aspect global de l'agriculture au Québec, les chiffres du rapport d'ÉcoRessources que mon collègue emmenait tantôt, on dit que ça rapporte 3,9 milliards, net au gouvernement ça rapporte 3 milliards. Ça fait qu'on peut bien parler d'un 13 millions, mais, si on veut vraiment supporter l'agriculture, avancer au niveau de l'agriculture, effectivement, idéalement, il faut probablement s'asseoir ensemble, en discuter, des politiques, que ce ne soit pas décidé unilatéralement. On le fait quand même passablement au Bas-Saint-Laurent, on discute beaucoup avec nos gens du MAPAQ. Mais ça prend de l'argent, c'est bien sûr, ça prend de... L'aspect financier est important.
M. Corbeil: ...laisser de la place à mes collègues.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rivière-du-Loup, à vous la parole.
**(18 h 20)**M. D'Amour: Merci. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Quelques commentaires d'abord. Bas-Saint-Laurent, c'est là où on retrouve le comté de Rivière-du-Loup. La semaine dernière, j'avais l'occasion de me rendre en Gaspésie, j'ai traversé le Bas-Saint-Laurent, et, de part et d'autre de la route 132, ce que j'ai vu, moi, c'est des fermes, de belles fermes, de belles grandes propriétés dont la région, dont l'UPA se doit d'être fière.
Vous me permettrez un commentaire, puis je le fais en tout respect -- puis vous me voyez venir, hein, M. Rioux? Je vous vois sourire, M. Pepin, M. Marquis -- je rêve du jour où l'Union des producteurs agricoles va baser son discours aussi sur ce qui va bien. Vous avez vécu récemment, il y a quelques jours, la journée portes ouvertes. Je me suis retrouvé le dimanche matin, à 11 heures, dans une ferme, une ferme laitière, un joyau régional -- vous étiez là, M. Rioux -- un joyau régional dont on peut être fier. Malheureusement... Puis je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de problème en agriculture, là. On sort de commissions parlementaires au sujet de La Financière, il y a un problème dans le porc, que tout le monde a admis, puis c'est vrai. Mais, quand j'entends ça, moi, ça me déprime.
Moi, je suis député. Dans mon autre vie, je suis copropriétaire d'une ferme laitière, avec mon fils, qu'a bâtie mon père, et mon grand-père, puis on est fiers de ça. Et je pense qu'on gagnerait beaucoup, comme industrie, à parler de nous positivement partout. Vous savez, pour intéresser les consommateurs à acheter nos produits, il y a ce discours de fierté là, puis qu'on doit développer. Tantôt, j'ai bien aimé le commentaire de M. Rioux qui dit: On produit de la qualité. Vous avez totalement raison et vous méritez la considération du Québec, les félicitations du gouvernement, puis on est derrière vous. Il y a beaucoup d'argent qui s'investit en agriculture, il faut en être conscients.
Maintenant, ça, c'était mon commentaire. Il fallait que je le fasse. Je ressentais le besoin de le faire. Et vous pouvez, en ce sens, être assurés de notre appui, mais, hein, l'industrie agricole a besoin de nous, puis on est là et on répond présents.
L'industrie de la transformation agricole en région, dans le Bas-Saint-Laurent, si on se projette dans le temps, là, selon vous, ça devrait être quoi? Ce qu'on fait présentement... Parce qu'on en fait beaucoup, notamment dans le domaine du porc, on a... je l'ai souligné en commission hier, c'est plus de 1 000 emplois directs, là, strictement dans mon comté, dans ma circonscription et, à la limite, aussi à Saint-Alexandre, dans la circonscription de Kamouraska-Témiscouata. Il s'en fait, de la transformation. Ça devrait être quoi, là, pour aller chercher le maximum de retombées dans le Bas-Saint-Laurent en matière d'agriculture, la transformation? Quelle est l'image que vous avez pour les prochaines années, les cinq, 10 ou 15 prochaines années?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Pepin.
M. Pepin (Gaston): Oui. Bien, je vais revenir quand même sur la première partie. Effectivement, on n'est pas toujours négatifs, là. Quand le gouvernement a annoncé le 650 millions, à La Financière, rappelez-vous, M. D'Amour, qu'on a été très positifs envers ça. Quand on vous a rencontré là-dessus, on a été très positifs.
On a un discours, au Bas-Saint-Laurent, de concertation. On est probablement une des régions qui discute le plus avec nos intervenants socioéconomiques et nos députés. On est peut-être tannants des fois, là, mais on va vous voir régulièrement. C'est parce qu'on vous aime.
Une voix: ...
M. Pepin (Gaston): Oui, puis d'ailleurs vous venez nous voir, puis ça, on l'apprécie beaucoup.
Au niveau de la transformation, effectivement ça nous apparaît un maillon... quand on parle de produits locaux, ça nous apparaît un maillon essentiel. Si on veut amener des produits, puis il faut aller les faire transformer à Montréal... Vous vous imaginez, la pomme de terre qui part du Bas-Saint-Laurent, qui vient se faire emballer à Québec, puis qui revient au Bas-Saint-Laurent, puis qui se vend 5 $ du 10 livres, comment il peut en rester au producteur? Ça n'a pas de bon sens.
M. D'Amour: Une parenthèse là-dessus, au niveau laitier, hein...
M. Pepin (Gaston): Au niveau laitier...
M. D'Amour: ...les coopératives ont centralisé, parce qu'on avait Rivière-Trois-Pistoles qui transformait du lait, on avait Saint-Alexandre qui transformait du lait.
M. Pepin (Gaston): C'est les compagnies qui ont centralisé, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Pepin.
M. Pepin (Gaston): Oui. C'est les compagnies qui ont centralisé. Effectivement, ça prend un minimum de transformation en région. On y travaille beaucoup. On n'a pas toujours eu des réussites, mais quand même il y a certaines réussites qu'on a eues. On a parlé de projets communs à développer, c'est sûr que c'est des choses que les producteurs sont fiers puis qu'ils vont travailler à développer dans la région, au niveau de la transformation, mais ça prend un minimum.
M. D'Amour: Qu'est-ce qu'il faudrait pour qu'on puisse aller plus loin?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rivière-du-Loup, à vous la parole.
M. D'Amour: Excusez-moi. Qu'est-ce qu'il faudrait demain pour qu'on puisse aller plus loin?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux.
M. Rioux (Jean-François): Oui. Une concertation avec les gens de la région. C'est sûr qu'un projet ne peut pas se faire sans argent, sans de quoi pour le soutenir. Il faut aussi, pour qu'un projet de transformation marche, qu'il y ait des débouchés pour ces produits-là. Si tu n'as pas de débouché pour des produits, c'est sûr que ton projet de transformation, il tombe à zéro. Puis ça prend un approvisionnement pour ces entreprises de transformation là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rivière-du-Loup, c'est terminé?
M. D'Amour: Oui.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Marquis, à vous la parole.
M. Marquis (Gilbert): Pour répondre un peu à M. D'amour, c'est sûr qu'on a des gens qui veulent fonder ou bâtir des grosses affaires, et puis il n'y a pas de soutien. Je veux dire, c'est l'argent qui manque toujours au bout. Ils arrivent pour se faire financer, et puis c'est terminé, là, tu ne passes pas au financement. Ça fait que c'est là... Un de mes chums me disait, avant-hier, qu'il a tout monté un beau projet dans l'ovin, parce qu'ils étaient tous en location, et puis là il dit: Il faut que je loge des bâtisses, puis il est arrivé au MAPAQ puis à La Financière, puis ils ont dit: Non, tu ne passes pas. Ça fait que ça l'a découragé; puis c'est un jeune, là, à peu près une vingtaine d'années. Son projet ne passait pas.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rivière-du-Loup.
M. D'Amour: Projet d'élevage, M. Marquis?
M. Marquis (Gilbert): Oui, de l'agneau.
M. D'Amour: Je voudrais... Oui, M. Rioux veut intervenir.
M. Rioux (Jean-François): Oui. Ce qu'il ne faut pas oublier, là, c'est qu'en agriculture, versus n'importe quel autre secteur économique, nous sommes un des secteurs économiques qui demande le plus de dollars d'investissement pour des dollars générés. Puis on peut parler très facilement, là, de 5 $ d'investissement pour 1 $ généré. Ça fait que c'est sûr que l'investissement pour mettre en place des entreprises agricoles et qui génère un revenu, et de finir par rentabiliser ces investissements-là, n'est pas le même qu'une entreprise qui est capable de faire du un pour un. On est dans un marché, on est dans une classe à part, en agriculture, puis c'est comme si on était toujours en train de tirer un boulet en arrière de nous autres, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rivière-du-Loup.
M. D'Amour: ...revenir -- Mme la Présidente, merci -- revenir rapidement sur les mesures adaptées aux régions dites périphériques. Quand vous parlez, par exemple, de chaux, de drainage, de la pierre... Juste la chaux, est-ce qu'il y a des régions plus problématiques au niveau des terres, plus que d'autres? Parce qu'on me l'a raconté, dans Les Basques, à un moment donné on a dit: Il faudrait un programme particulier. Je voudrais vous entendre sur les mesures adaptées. Est-ce que ça touche l'ASRA aussi? Parce que, ça aussi, on l'a entendu.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Pepin.
M. Pepin (Gaston): Mais, effectivement, quand il y a eu ces mesures-là -- dans le passé, il y a eu de très bonnes mesures au MAPAQ pour la mise à niveau des sols, le drainage, le chaulage des sols -- nos régions n'étaient peut-être pas aussi prêtes que les régions centrales. Ces programmes-là ont été abandonnés dans le temps. Puis, nous autres, dans notre région, on n'en a pas vraiment profité. Puis, quand on parle d'efficacité d'entreprises, c'est des éléments essentiels. Donc, d'avoir... Quand on dit «des programmes adaptés à nos régions», c'est des choses qui pourraient être adaptées, c'est des choses qui manquent dans nos régions. Donc, d'avoir des programmes de chaulage, drainage, même au niveau des digues de roches qu'il y a eu antérieurement... Je ne dis pas que ce n'est pas personne qui en a profité au Bas-Saint-Laurent, mais la grande partie n'était pas rendue là dans leur étape d'entreprise. Donc, c'est de quoi qui devrait être remis en place.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste deux minutes, M. le ministre. À vous la parole.
M. Corbeil: Rapidement. On parle souvent de diversification et commercialisation en circuit court en région. Je sais que le ministère supporte financièrement sept marchés publics. Est-ce que vous suivez l'expérience et observez une amélioration de la situation, développement de la clientèle, engouement de la clientèle, toujours dans la perspective où... M. Dufour tantôt parlait que les gens sont prêts, les gens peuvent accepter une certaine différence dans le coût des produits pour avoir de la qualité, de la fraîcheur, de la proximité, etc. Est-ce que vous voyez ça? Est-ce que vous avez... vous pouvez mesurer ça chez vous?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Pepin.
**(18 h 30)**M. Pepin (Gaston): Effectivement, on a une grande préoccupation à ce niveau-là. On a travaillé à l'implantation de presque tous ces marchés publics là. Dans nos partenariats, on travaille beaucoup avec les organismes socioéconomiques et le MAPAQ. On rencontre les conseils d'administration, on discute avec eux. Présentement, on discute de stratégies de mise en marché des kiosques, bon, pour rendre le produit plus attrayant, ainsi de suite. C'est des choses qu'on discute avec nos gens. Puis ça évolue dans le temps. Mais je vous dirais que, présentement, l'engouement, il est très intéressant pour les marchés publics dans notre région. C'est très fréquenté, c'est très apprécié de la clientèle. Puis les gens qui sont là comme exposants, qui vendent leurs produits apprécient énormément de pouvoir vendre leurs produits directement, parce qu'en quelques heures ils peuvent vendre une bonne partie de leurs revenus de la semaine, là. Ils se déplacent au profit de la clientèle. La clientèle s'est déplacée pour s'en aller directement...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, M. Pepin. Je dois vous interrompre. Je laisse la parole au député de Kamouraska-Témiscouata. À vous la parole.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous quatre, les gens du Bas-Saint-Laurent. Ça fait toujours plaisir à un député dont la circonscription est dans la région de vous voir. Et je veux saluer particulièrement, bien, un diplômé de l'Institut de technologie agroalimentaire à La Pocatière, qui occupe maintenant une responsabilité de leadership au sein de l'organisation syndicale qu'est l'UPA.
Bien, d'entrée de jeu, lors de votre présentation, puis aussi après que j'ai lu votre mémoire, il y a quand même beaucoup d'éléments, il y a plusieurs picots où, vous dites, la politique... pas la politique, mais le livre vert ou la future politique devrait prendre en compte. Je comprends par rapport à ça qu'à la lecture du livre vert il y a beaucoup d'éléments que vous souhaitez qui y apparaissent et qui n'y apparaissent pas. C'est ce que je comprends, là.
Et ce que je ressentais -- parce qu'on est ici pour vous écouter et pour comprendre -- c'est que vous voyez beaucoup plus qu'une activité de produits à valeur économique, de commercialisation et d'affaires, qu'on retrouve beaucoup dans le livre vert. Quand on fait de l'agriculture ou quand on a... quand vous êtes dans votre milieu, bien sûr, là, à la base, autrement dit... Et vous le dites, la vision, c'est que c'est plus qu'une production agricole, c'est un mode de vie, c'est une occupation du territoire, c'est une occupation dynamique, c'est une façon de faire, un mode de vie qui fait en sorte qu'on va plus... Ça embrasse beaucoup plus largement qu'un consommateur, en bout de piste, malgré qu'on comprend très bien qu'il faut que ça se consomme. Est-ce que vous avez un malaise par rapport à... Je dis un malaise, pas un malaise, mais est-ce que vous, au fond, trouvez que le livre vert n'est pas assez englobant pour aller vraiment répondre à vos préoccupations d'avenir?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux, à vous la parole.
M. Rioux (Jean-François): C'est certain que le produit agricole en premier plan, en premier lieu, c'est correct, c'est excellent, puis le lien avec le consommateur, c'est excellent. Sauf, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, pour que, comme je le disais tantôt, là, le produit soit là, pour le tenir dans les airs, là, ça prend un producteur agricole pour qu'il soit là. Si le producteur agricole n'est pas là, le produit agricole, on ne l'aura pas.
Puis justement c'est une des choses qu'on reproche au livre vert, de ne pas être, comme vous dites, assez englobant dans son ensemble. Parce qu'être agriculteur, comme vous le dites si bien, c'est un mode de vie, c'est une passion, parce que les gens qui y sont actuellement le sont parce qu'ils sont passionnés de l'agriculture. Ceux qui ne le sont pas, passionnés, bien, ils ne restent pas longtemps. Puis c'est actuellement, probablement, une des grosses problématiques pour ceux et celles qui vivent des difficultés, étant donné que c'est leur passion, que c'est leur raison de vivre. Si, demain matin, tu leur enlèves l'agriculture, il ne leur reste peut-être plus grand-chose.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Parenteau, à vous la parole.
M. Parenteau (Jean-Claude): Oui, peut-être un petit élément additionnel, en lien avec ce que vous apportez, qui est, je crois, très important, d'ailleurs le ministère l'a reconnu ces dernières années, notamment en mettant un programme de multifonctionnalité en place, là, je pense que ça dénote que, dans l'agriculture, il n'y a pas uniquement la production, la fonction production qui est importante, mais il y a d'autres fonctions aussi, je fais un petit lien un peu avec le 30 % dont on parlait, dont M. le ministre faisait référence au début, de revenus autres que laitiers et acéricoles. C'est sûr que ça peut globalement ne pas représenter beaucoup, 30 %, mais, en termes d'entreprises et en termes d'occupation de territoire, ce 30 % là est très important. Ce sont des petites entreprises, et elles occupent un territoire, et elles le valorisent, et elles ont une implication dans bien des aspects de leur communauté. Alors, à cet effet-là, c'est important.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci. Tout à l'heure, mon collègue de Rivière-du-Loup -- puis je trouvais ça intéressant -- on a parlé de transformation du lait, hein, notamment parce que le Bas-Saint-Laurent, c'est une région fortement à prédominance laitière, qui a fait une réussite, puis dont on en est fiers. Moi, j'ai toujours été un peu surpris, en voyageant Saint-Hyacinthe--La Pocatière, dans mon ancienne vie, de suivre ou de dépasser des transporteurs de lait parfois vides, parfois pleins, mais je savais très bien que la matière première vient de très loin. On peut comprendre qu'il y a eu une réorganisation dans la transformation, mais vous êtes partie prenante des producteurs agricoles, puisque c'est votre lait, par la Fédération des producteurs de lait. On parle environnement, on parle d'empreinte, d'empreinte, bon, environnementale, et tout, puis on parle d'emplois, on parle de proximité. Est-ce qu'on n'est pas rendu à penser que ce modèle-là, efficace possiblement parce qu'on concentre, ne mesure pas nécessairement toutes les externalités puis qu'au change on y perd un peu? Mais je pourrais vous dire que je n'ai jamais entendu de telles revendications par ceux et celles qui travaillent sept jours sur sept à produire ce lait. J'aimerais vous entendre à cet égard.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux.
M. Rioux (Jean-François): Bien, pour ce qui est de la production laitière au Bas-Saint-Laurent, pour ce qui est du lait qui est consommé, là, au niveau des besoins du Bas-Saint-Laurent, si on prend la production qui est faite de Mont-Joli en descendant vers l'est, ça représente sensiblement, au niveau des entreprises agricoles, sensiblement le lait qui est consommé au Bas-Saint-Laurent. Donc, il y a une bonne partie de cette matière-là qui est consommée en dehors de la région. Donc, c'est certain qu'on n'a pas le choix d'en sortir de la région, pour ce qui est de la consommation, là. Oui, on est une région importante en production laitière, mais les quotas ne sont pas distribués, au Bas-Saint-Laurent, en fonction de la consommation du Bas-Saint-Laurent. Ça fait que c'est... S'il y a de quoi au Bas-Saint-Laurent par rapport à la production laitière, on est assez gagnants sur ce point de vue là.
Puis le fait, comme je disais tantôt, d'un prix poolé, pour ce qui est du transport, fait en sorte que, peu importe où tu te trouves au Québec, que tu sois à côté de l'usine ou dans le fin fond de la Gaspésie, ton coût de transport est le même, et tout le monde y trouve son compte. Et, pour ce qui est d'une occupation du territoire agricole, c'est une production qui nous donne une énorme chance, au Bas-Saint-Laurent, pour ça.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs du Bas-Saint-Laurent, une belle région, parce que je viens du Bas-Saint-Laurent, je viens du Témiscouata, Rivière-Bleue.
Et, en passant, au niveau de l'agriculture, vous mentionniez tantôt, à la page de votre document... On a parlé tantôt avec un doyen d'une faculté de l'Université Laval, M. Dufour, il mentionnait... est axé sur le produit, la consommation, et puis, après ça, bien, c'est sûr, il faut tenir compte de tout ce qui touche la production, ce qui n'apparaît pas beaucoup dans le livre.
Comme vous pouvez le constater, notre vision de l'avenir de l'agriculture dépasse la notion de produit pour englober un modèle d'agriculture basé sur des entreprises agricoles familiales. J'aimerais vous entendre un peu plus, d'élaborer là-dessus. C'est quoi vous voulez dire par ça? Et puis comment on peut, par la nouvelle politique agricole, arriver à conserver, on peut dire, nos entreprises familiales tout en vivant, là, honorablement de l'agriculture?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux.
M. Rioux (Jean-François): Une agriculture familiale, une agriculture qui vit de façon rentable pour être capable de faire des produits... Tantôt, lorsqu'il était question de produits de niche, produits de créneaux, produits de proximité, c'est certain que ça correspond à certaines parts du marché, là. Puis, selon ce que monsieur disait tantôt, oui, on a des bonnes intentions, mais, lorsque vient le temps d'acheter le produit en question, tu sais, on se fait souvent aller plus les babines que ce qu'on... qu'on agit réellement.
Il faut donner la possibilité au consommateur... Il faut faire en sorte que, le consommateur, lorsqu'il se pose la question, le déclic pour dire «j'achète québécois» se fasse plus rapidement. Est-ce que ça devra être par un prix qui est moindre ou équivalent au produit compétitif? C'est peut-être une piste de solution. Il y en a peut-être d'autres aussi qui doivent être... d'autres solutions qui devront être étudiées par rapport à ce point-là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Dans la même veine, M. le ministre l'a mentionné tantôt, mais juste pour poursuivre, les circuits courts de consommation, vous en avez dans votre région, est-ce qu'ils fonctionnent assez bien ou qu'est-ce qu'on pourrait faire... qu'est-ce que la politique pourrait faire de plus pour essayer... supporter ces circuits-là et puis faire en sorte que nos consommateurs soient plus attirés par les produits qui sont offerts en circuit court?
M. Marquis (Gilbert): C'est l'accès au marché, les marchés...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Marquis.
**(18 h 40)**M. Marquis (Gilbert): Oui, merci. Je veux dire, la personne qui... Quand tu as l'accès au marché, il n'y a pas de problème, tu arrives dans une épicerie... Je pense que nos politiciens devraient se pencher un peu sur cette question-là. Les marchés, c'est à eux autres... Nous autres, on ne peut pas rien faire bien, bien sur ça. C'est la clientèle qui va arriver à l'épicerie puis, si les marchés... Si nos produits ne sont pas là, parce qu'on n'est pas capables de rentrer là, ça va être difficile. Je pense que nos gouvernements devraient mettre la main à la pâte un peu pour ça, pour qu'on ait plus de visibilité puis moins de problèmes. Parce que la petite famille qui arrive à l'épicerie, eux autres, puis qui voit «produit du Québec», puis c'est affiché, puis les produits sont là, bien, ça commence. Parce qu'on parlait tout à l'heure... Nous, on a fait des portes ouvertes, et puis le monde en veulent puis en redemandent de ça, des produits, des produits frais de qualité. Ça fait que, s'ils sont à l'épicerie puis si le monde, nos producteurs peuvent rentrer là aisément, il n'y en aura pas, de problème.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux.
M. Rioux (Jean-François): Puis même, je dirais, encore plus loin que ça, dans nos institutions, de pouvoir retrouver des produits du Québec dans les assiettes, peut-être que ça pourrait être un bon moyen d'inciter, de créer une vague à ce qu'on puisse retrouver plus facilement les produits du Québec dans l'épicerie. Et d'ailleurs, Aliments Québec, de plus en plus l'organisme commence à faire des petits, et ça commence à être intéressant. Mais il faut que ça continue, il faut que ça aille encore plus loin. Et c'est actuellement un bon départ, mais il y a encore place à amélioration.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Oui. À la page... à l'item 7 de la page 13, vous mentionnez que «la population urbaine s'est progressivement éloignée de l'agriculture», ça, c'est vrai en partie. Et on dit: «Il faudrait prévoir à l'intérieur des programmes scolaires des éléments pour rapprocher les jeunes de l'agriculture, des produits alimentaires et de l'achat responsable.» Qu'est-ce qui pourrait être fait, selon vous, pour améliorer ce genre de problème là?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux.
M. Rioux (Jean-François): Il faut être dans les écoles, il faut voir, il faut aller voir les jeunes. Monsieur, tantôt, disait: C'est sur 25 ans, changer des mentalités, etc. Eh bien, si on commence dès aujourd'hui avec des jeunes de cinq, six, sept, huit ans, lorsqu'ils vont devenir sur le marché du travail, lorsqu'ils vont devenir acheteurs potentiels de ces produits-là, si on a déjà commencé à faire l'ouvrage, à les instruire, on va avoir fait une grosse part de l'ouvrage qu'il y a à faire par rapport à ça.
Vous savez, auparavant ce n'était pas rare, dans une famille, d'avoir un oncle, un cousin, un grand-parent qui avait une ferme agricole. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Ce n'est plus le cas, et c'est là qu'on a une grosse ouvrage à faire, montrer que l'agriculture d'aujourd'hui, ce n'est plus juste traire des vaches à la main -- j'ironise un petit peu en y allant à l'extrême un peu -- mais que ça a évolué beaucoup; les technologies y sont de plus en plus, ça évolue très rapidement. Et, pour faire un lien avec la formation, tu ne peux presque plus être agriculteur sans être formé techniquement, financièrement, gestionnairement.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Est-ce que vous êtes d'accord, avec votre consentement, pour continuer jusqu'à 17 h 49? C'est quatre minutes. Est-ce qu'il y a consentement? Quatre minutes, d'accord? D'accord. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, à vous la parole.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci. J'aimerais vous entendre sur... Sans l'avoir dit tel quel, mais je pense que vous évoquez le concept, vous adhérez au concept de souveraineté alimentaire, avec, bon, toutes les crises alimentaires qu'on a pu voir, et tout ça, et vous dites: Bien, en attendant qu'on arrive à cela... Puis il faudra voir parce que c'est un concept qui fait l'objet de bien des discussions puis de points de vue. Vous dites: Bien là, il faudrait, dans un premier temps, faire en sorte que nos partenaires commerciaux respectent les règles qui sont appliquées ici, à tout le moins le même niveau. Mais je me questionne toujours un peu: Concrètement, une fois qu'on a dit ça, avez-vous une petite idée comment, au fond, le Québec pourrait faire une telle... Vous allez dire: Bien, par voie réglementaire. Mais tout de même, vous savez, le Québec, ici, on ne contrôle pas les entrées à nos frontières, c'est de juridiction fédérale. Est-ce que vous avez soit une idée sur ça... Avez-vous fait déjà des interventions? Il y a-tu des pressions qui se font? Parce que, nous, le produit, là, c'est une fois qu'il est rentré qu'on est, entre guillemets, pris avec, au sens que ce n'est pas si évident. Avez-vous une réflexion à cet égard ou avez-vous... J'aimerais vous entendre.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux.
M. Rioux (Jean-François): Mais, comme vous l'avez dit, c'est une question qui est de juridiction fédérale. Bon, à moins qu'on devienne éventuellement un pays comme certains le souhaitent, pour l'instant on n'en est pas là. Mais, non, c'est de pousser au niveau fédéral pour qu'au niveau de tout ce qui est animal ça se fasse dans les mêmes conditions qu'ici, avec les mêmes... parce qu'on ne se le cachera pas, il y a des fois des médicaments qui sont utilisés, mais que les mêmes normes soient appliquées, au niveau de l'environnement aussi, qu'on le fait de façon respectueuse de l'environnement, que les autres gens soient aussi respectueux de l'environnement.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, M. Simard... Attendez. C'était monsieur...
M. Pepin (Gaston): Ah, c'est moi, ça?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Oui. Alors, c'est M. Pepin, excusez-moi.
M. Pepin (Gaston): Oui. Effectivement, c'est du domaine fédéral. Mais la partie provinciale qui peut être faite, l'affichage, la bonne identification des produits puis une bonne sensibilisation par une publicité -- M. Dufour en a parlé, c'est du long terme -- bien, je pense que ça peut être un élément intéressant, là, à moyen et à long terme.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Rioux.
M. Rioux (Jean-François): Ça fait que tantôt l'exemple, là, du sucre, là, dans les produits, là, une solution facile et simple, bien, je pense, ça pourrait être de mettre du sirop d'érable dans les produits. On aurait notre sucre, puis notre produit serait beaucoup plus québécois, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Dans la même veine, est-ce que l'accord de commerce intérieur entre les provinces respecte cette préoccupation de réciprocité des normes appliquées?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Pepin.
M. Pepin (Gaston): Bien... Oui. Je ne voudrais pas trop embarquer parce que je ne suis pas assez ferré là-dedans. Mais, à ma connaissance, non, André, à ma connaissance, non.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Marquis? Non? C'est tout? Alors, merci... Ah! M. Rioux.
M. Rioux (Jean-François): J'aimerais... Il reste encore une minute, d'après moi, là?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Oui, il vous reste une minute.
M. Rioux (Jean-François): J'aimerais finir par une citation qui me vient d'un syndicaliste agricole français. Puis je l'aime bien parce que c'est valable à plusieurs sauces, c'est valable à nous, les agriculteurs, à vous, le MAPAQ, à La Financière agricole, à nous, les producteurs, au sein de notre regroupement, ça va aussi à notre mise en marché collective. Et le dicton dit: «Seul, on va bien plus vite, mais ensemble on va bien plus loin.» Ça fait que, si la prochaine politique bioalimentaire s'en va avec ce dicton-là, je pense qu'on va être capables de faire des belles choses ensemble pour que notre agriculture au Québec rayonne et soit un modèle.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci. Merci pour la présentation de votre mémoire. La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 48)
(Reprise à 19 h 32)
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec intitulé Donner le goût du Québec. Ce soir, nous recevons la Coalition québécoise sur la problématique du poids, l'Association des aménagistes régionaux du Québec ainsi que Mme Nicole Varin.
Sans plus tarder, je demanderais aux représentants de la Coalition québécoise sur la problématique de poids de bien vouloir nous présenter leur exposé. À vous la parole pour un maximum de 10 minutes.
Coalition québécoise sur la problématique
du poids (Coalition Poids)
Mme Pellerin (Suzie): Eh bien, bonsoir tout le monde. Je suis Suzie Pellerin. Je dirige la Coalition québécoise sur la problématique du poids.
La Coalition Poids réunit près de 150 partenaires issus du monde municipal, de la santé, de l'environnement et de l'éducation qui sont tous préoccupés par l'épidémie actuelle d'obésité et qui voudraient voir finalement la mise en place d'environnements qui sont... d'environnements qui sont favorables à la santé, c'est-à-dire où il est plus facile de bien manger et de bouger davantage.
Alors, au nom des partenaires de la Coalition Poids, merci de nous donner l'opportunité de vous présenter les actions que nous proposons. En fait, après avoir suivi les travaux et les réflexions, les discussions dans le cadre des travaux de la commission Pronovost, la coalition est impatiente de voir le gouvernement passer à l'action.
Pour m'appuyer aujourd'hui, permettez-moi de vous présenter Mme Marion Saucet, qui est analyste-recherchiste à la Coalition Poids.
Au Québec, près de un enfant sur quatre souffre d'embonpoint ou d'obésité. La problématique de l'obésité est complexe et influencée par différents facteurs individuels mais également environnementaux. Bien que les choix d'habitudes de vie relèvent de l'individu, ils sont conditionnés par l'environnement dans lequel on évolue. Au cours des années, les campagnes de sensibilisation et d'information sur la saine alimentation ont démontré leurs limites. Malgré des investissements massifs en campagne de publicité et de sensibilisation, l'obésité a continué d'augmenter. Par exemple, la majorité des gens savent qu'il faut manger cinq à 10 portions de fruits et légumes par jour, mais encore faut-il y avoir accès. En mettant en place des environnements favorisant la saine alimentation, nous contribuerons à réduire l'obésité ainsi que les maladies associées comme le diabète de type 2, différents cancers mais également les maladies cardiovasculaires, qui nous coûtent collectivement, au Canada, 30 milliards de dollars par année.
L'environnement alimentaire est un facteur ayant contribué à l'épidémie actuelle d'obésité. On entend par environnement alimentaire d'abord la qualité de l'offre alimentaire mais également l'accès physique ou économique aux aliments sains de même que tous les renseignements qui sont transmis aux consommateurs sur l'emballage, l'étiquetage ou encore via le marketing alimentaire.
De même, Santé Canada mentionne que les intervenants du système alimentaire, notamment les transformateurs, les détaillants, les restaurateurs, ont une influence indéniable sur les choix alimentaires et les habitudes de consommation. Ceci implique qu'il est impératif d'agir au sein de la transformation et de la distribution alimentaires pour offrir des produits sains qui répondent aux besoins réels des consommateurs.
Rappelons que le MAPAQ est lié au Plan d'action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes de poids 2006-2012 -- Investir pour l'avenir, communément appelé le PAG, un vaste projet interministériel qui vise à soutenir des actions facilitant l'adoption et le maintien à long terme de saines habitudes alimentaires et d'un mode de vie physiquement actif, tout ça afin de réduire la prévalence de l'obésité et les maladies associées chez les Québécois de tous âges. D'ailleurs, la politique bioalimentaire constitue une formidable opportunité d'honorer les engagements du MAPAQ envers le PAG.
Au-delà des mots et en cohérence avec ce plan d'action gouvernemental, le MAPAQ doit impérativement intégrer une réelle reconnaissance de la contribution de l'alimentation à la santé publique dans sa politique. Les gestes qui suivront la publication de ce livre vert seront déterminants pour la santé des Québécois.
C'est pourquoi nous recommandons d'abord de reconnaître, dans les orientations gouvernementales, que l'alimentation et le secteur agroalimentaire ont un impact sur la santé publique et peuvent contribuer à l'adoption de saines habitudes alimentaires. Également, il faut spécifier les rôles et les responsabilités de chacun des intermédiaires de la filière alimentaire à l'égard de la saine alimentation des Québécois.
De manière plus spécifique, parlons d'une façon reconnue et efficace, pour plusieurs gouvernements, d'améliorer la qualité et l'accès à des aliments sains, soit celle d'instaurer des politiques alimentaires dans les institutions publiques. Reconnaissant l'importance des habitudes alimentaires acquises au plus jeune âge, le gouvernement du Québec annonçait, en 2007, la politique-cadre pour un virage santé à l'école, qui propose une politique alimentaire aux écoles du Québec. En 2009, c'était au tour des établissements de santé d'emboîter le pas. Et, tout récemment, des municipalités ont également fait de même dans leurs arénas. Bien que ces politiques soient fort intéressantes sur papier, les ressources dont disposent nos écoles, nos hôpitaux, nos municipalités pour atteindre les objectifs fixés sont insuffisantes. Il importe alors de faire preuve de créativité pour créer de la richesse et des moyens concrets afin d'assurer le succès des politiques alimentaires.
Afin de soutenir les politiques alimentaires institutionnelles, selon nous, le MAPAQ devrait d'abord prévoir des mesures d'approvisionnement particulières pour les établissements publics, ensuite encourager le développement de produits santé et en favoriser la distribution, également supporter la recherche et le développement orientés vers la santé, et ce, dans l'ensemble de la filière agroalimentaire. Il faut aussi offrir de la formation au personnel des services alimentaires et également appuyer un projet de redevance sur les boissons gazeuses et énergisantes, dont les revenus perçus chez les embouteilleurs permettraient de nourrir les enfants du Québec. Comment? En améliorant la qualité et l'accès aux repas scolaires. En somme, mettre en place une politique alimentaire ne signifie pas uniquement retirer les frites du menu. Le MAPAQ devrait donc mieux soutenir les milieux engagés dans le virage santé.
**(19 h 40)** Également, nous croyons que la politique bioalimentaire doit affirmer sa volonté de réduire le sel, le sucre et les gras, notamment les gras trans, dans les produits transformés au Québec ou offerts dans nos restaurants. Voilà, à notre avis, une belle façon de distinguer nos produits locaux tout en répondant à un réel besoin des consommateurs et à un enjeu criant de santé publique.
Certains d'entre vous ont peut-être suivi les débats au sommet des Nations unies hier et aujourd'hui. À cette occasion-là, le chef de l'ONU, Ban Ki-moon, a accusé les compagnies agroalimentaires de placer la santé publique en situation de risque afin de protéger leurs profits. Selon lui, il existe une histoire honteuse et bien connue concernant certains acteurs de l'industrie qui ignorent la science, parfois même leurs propres recherches. Selon lui, ils placent la santé publique en situation de risque afin de protéger leurs projets.
La directrice générale de l'OMS poursuivait hier en disant que «les aliments transformés, très riches en sel, en acides gras trans et en sucre, sont devenus la nouvelle alimentation de base pratiquement partout dans le monde. Ils sont facilement disponibles et portés par de puissants moyens [marketing].» Si l'on veut réellement mettre le consommateur au coeur de cette politique, on doit aussi s'attarder au marketing alimentaire ciblant les enfants et à l'utilisation de faux logos santé sur certains produits. Ainsi, le consommateur a accès à de vrais repères, ce qui aiderait à la crédibilité du système alimentaire et également permettrait de donner confiance au consommateur envers ceux qui le nourrissent. Conformément à la volonté exprimée lors de la présentation des orientations en juin dernier, le MAPAQ doit aider les consommateurs à faire des choix éclairés en évitant de l'induire en erreur ou en évitant d'inciter les jeunes consommateurs à réclamer des aliments camelotes.
Dernière préoccupation, depuis quelques décennies, on observe, dans la population, une perte des notions et des habiletés culinaires, une tendance qui pourrait avoir un impact important sur la saine alimentation et la santé. En effet, les consommateurs ou le personnel, même, des services alimentaires ayant peu de compétences culinaires sont plus dépendants des mets préparés, emballés et du prêt à servir. À ce propos, le MAPAQ avait manifesté une sensibilité dans le cadre du PAG en s'engageant à mettre sur pied des cours de cuisine à partir d'aliments de base et d'aliments locaux. Il s'est aussi engagé à former le personnel des services alimentaires. Ce projet semble toujours en attente mais pourrait constituer un élément de la politique bioalimentaire, considérant que les habiletés culinaires sont la clé pour permettre aux consommateurs de faire des choix avisés.
En terminant, le gouvernement du Québec a fait un grand pas avec l'adoption du plan d'action gouvernemental. Dans cette optique, la politique bioalimentaire constitue une formidable opportunité d'honorer les engagements du MAPAQ envers le PAG et d'intégrer avec cohérence les différentes initiatives gouvernementales en matière de saine alimentation. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci. Alors, nous allons maintenant entamer les échanges pour une durée de 35 minutes, en débutant par le groupe parlementaire formant le gouvernement. M. le ministre, à vous la parole pour 17 min 30 s.
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Pellerin. Bonjour, madame. J'aurais envie de vous poser la question suivante, en ce sens: Comment, sur le plan pratique, vous verriez une mesure qui viserait à encourager la réduction du sodium alimentaire, des gras trans, du sucre dans les produits transformés et les mets préparés au restaurant, de même qu'une offre de portions alimentaires modérées au restaurant? Comment vous pensez qu'on peut envisager instaurer ça, ou surveiller ça, ou actualiser ça?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): En fait, il y a différents États ou des décideurs politiques qui ont emboîté le pas, qui ont donné des objectifs, par exemple, pour bannir le gras trans sur leur territoire ou encore de... Il y a eu des objectifs qui ont été fixés, là, par le gouvernement canadien en ce qui a trait au sodium. Il y a des provinces aussi qui envisagent, là, de mettre des cibles de réduction de sodium. Il faut savoir que le Québec est le champion consommateur de sodium et que ça nous coûte extrêmement cher en frais de santé.
Et ça pourrait être une cible intéressante et prioritaire aussi, là, pour le Québec tout particulièrement, sachant que la composition des produits diffère d'un endroit à l'autre. Par exemple, une boîte de céréales qui est vendue ici, au Canada, contient beaucoup plus de sodium que dans un autre pays. Alors, c'est clair que l'industrie agroalimentaire est en mesure d'adapter ses recettes pour répondre aux besoins locaux. Alors, en établissant des cibles, à ce moment-là, au moins, on définit très clairement l'objectif, et l'ensemble de l'industrie, là, peut emboîter le pas et mettre en place, là, les mesures.
M. Corbeil: Vous voyez...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. Vous voyez ces cibles-là par entreprises, par produits, par catégories? J'essaie d'être...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): Ça pourrait être, en fait, des cibles de réduction en pourcentage, donc des pourcentages à atteindre. Il faudrait voir, là, ce qui se fait ailleurs comme objectifs très précis, ce qui a été donné. On pourrait vous revenir avec des propositions, ça nous ferait bien plaisir.
M. Corbeil: Est-ce qu'à votre connaissance il y a des juridictions canadiennes qui ont déjà emboîté le pas dans ce genre d'action là... provinciales, je parle.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): Bien, pour les gras trans, c'est le cas. À ce moment-là, oui, il y en a.
M. Corbeil: Le sucre, le sel.
Mme Pellerin (Suzie): Le sucre et le sel, ce qui a été fait, c'est que, bon, plusieurs attendaient le gouvernement canadien, qui n'a pas agi. En fait, on a donné des objectifs, mais on n'a pas réglementé. Et, bon, ça va faire l'objet, je crois, même, des prochains échanges, là, des ministres de la Santé. Je crois que c'est en novembre, il y a la conférence des ministres de la Santé. Il en sera question à ce moment-là, alors sans doute qu'il y aura des discussions, et des cibles seront peut-être identifiées, là, puisque, l'année dernière, ils ont parlé de la prévention de l'obésité et qu'au terme de l'exercice de la conférence des ministres, bien, il sont sortis avec des actions très concrètes, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Concernant l'instauration d'une taxe sur les boissons gazeuses, à quelles fins vous pensez qu'on pourrait utiliser le revenu de cette taxe-là? Est-ce que ça pourrait être utilisé pour financer la recherche visant l'amélioration de la qualité nutritive de nos produits alimentaires?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): Alors, en fait, ce qu'on propose au gouvernement du Québec, c'est d'instaurer une redevance, donc une taxe qui serait payée par les embouteilleurs et par les importateurs en fonction du nombre de litres produits. Par exemple, 0,01 $ par litre permettrait d'amasser 8 millions de dollars, soit l'équivalent de ce qui a été investi dans les politiques alimentaires dans les écoles du Québec. Et, bon, ensuite, on multiplie, par exemple 0,10 $ par litre nous permettrait d'amasser 80 millions.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin, je dois vous interrompre parce qu'il y a un vote. Alors, vous allez pouvoir continuer après le vote. On suspend.
(Suspension de la séance à 19 h 47)
(Reprise à 20 h 5)
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin, la réponse à la question.
Mme Pellerin (Suzie): Alors, lorsqu'on parlait d'une redevance sur les boissons gazeuses et énergisantes dont les revenus... La question du ministre, c'était où ça devrait être réinvesti. Alors, la littérature scientifique nous démontre que ça doit améliorer l'accès aux aliments sains. Et, nous, on a mené un sondage auprès de la population québécoise et également nos partenaires pour voir où ces revenus-là devraient être investis, et la majorité a indiqué qu'ils aimeraient que ça soit investi dans l'amélioration de la qualité et de l'accès aux repas scolaires. Il faut savoir que, lorsqu'on a entrepris le virage santé à l'école en 2007, seulement 8 millions de dollars a été investi pour sortir les friteuses, former le personnel, gérer le changement. Ces ressources... Cet argent-là est nettement insuffisant, et c'est la raison pour laquelle on a choisi, là... on propose au gouvernement du Québec d'investir pour l'amélioration des repas scolaires.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre, ou... Oui?
M. Corbeil: Je peux laisser d'autres collègues poser des questions, aussi.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Montmagny-L'Islet, à vous la parole.
M. Morin: Oui. Oui. Bonjour, Mme Pellerin. Comme je vous ai parlé tout à l'heure, dans mon temps c'était l'enseignement ménager qui était au niveau des commissions scolaires. Et maintenant on n'a plus ça. Puis là on parle, au MAPAQ... Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a...
Mme Pellerin (Suzie): Bien, d'abord, il y a des engagements du MAPAQ en matière de formation du personnel des services alimentaires dans le plan d'action gouvernemental et également un engagement à former la population sur la préparation, la transformation de produits locaux. Nous, ce qu'on aimerait, bien sûr, c'est que le MAPAQ s'engage dans cette voie-là, soit plus présent. Ils ont des compétences, une expertise aussi qui peut être profitable pour l'ensemble des institutions publiques, là, qui choisissent d'entreprendre le virage santé, que l'on pense aux écoles, aux hôpitaux également. Bon, les arénas, il y a des enjeux actuellement dans certaines municipalités du Québec où, finalement, sans doute que le support, des outils produits par le MAPAQ, là, seraient bienvenus.
En ce qui a trait aux écoles, effectivement les cours d'éducation familiale n'existent plus. On a bon espoir de les revoir revenir sous une autre forme, espérons-le. Je sais qu'il y a des consultations qui ont cours actuellement en ce sens-là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rouyn-Noranda--Témiscamingue, à vous la parole.
M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Pellerin et Mme Saucet. J'ai lu votre mémoire puis, à la lecture de votre mémoire -- puis je regarde effectivement l'objectif 2 de la première orientation, «soutenir une offre de produits sains et sécuritaires» -- je me rends compte, effectivement tout le volet de saine alimentation proprement dit, suite à la lecture de votre mémoire, il est vraiment entrefilet puis il n'est pas vraiment explicite. Alors, je vous remercie, là-dessus, de votre contribution, parce que c'est un point majeur; parce qu'on en a parlé brièvement avant que les travaux commencent. Puis il y a deux choses, des produits sains, mais, la saine alimentation, je pense que, dans la politique bioalimentaire, c'est un incontournable.
Faire un point avec mon collègue de Montmagny qui vient de parler, j'ai des amis qui travaillent à l'agence de santé, qui s'occupent beaucoup de santé et de saine alimentation, et un des problèmes, souvent, qu'on m'a rapportés, c'est qu'il y a beaucoup de personnes qui, dans la vie, ne font même pas leur épicerie dans un marché d'alimentation, puis ils vont au dépanneur, alors, surtout dans des milieux moins scolarisés, dans des milieux souvent sous l'aide sociale, et autres. Donc, on se rend compte qu'il y a beaucoup de travail à faire à cet égard-là.
Parce que vous mettez un point, effectivement, votre point 6, À la recherche des habiletés culinaires perdues, mais on part probablement de beaucoup plus loin pour inciter les gens à être capables de dire: Il faut apprendre à cuisiner, à reconnaître les aliments puis à les faire... Et ça, je ne le sais pas, mon collègue parlait des cours à l'époque qui se donnaient au secondaire, mais est-ce qu'il y a d'autres avenues que vous pensez qui peuvent aller chercher ces clientèles-là, d'une part? Parce que, ça, il faut pratiquement aller les chercher sur le terrain. Et, l'autre point que je regardais, pensez-vous que la politique, sur ce point de vue là, n'est pas assez horizontale? C'est-à-dire, oui, les voeux sont soulignés avec les politiques du gouvernement antérieur, tu as le ministère de la Santé, mais est-ce que les liens devraient être renforcés puis avoir une politique plus intégrée au niveau horizontal, entre les différents ministères?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
**(20 h 10)**Mme Pellerin (Suzie): Bien, merci pour cette question-là. Ça me permet de souligner justement au niveau horizontal, commençons par ça... Justement hier, au sommet des Nations unies, il y a eu un élément qui est sorti très, très fort, c'est le fait que la santé ne peut pas à elle seule -- donc le ministre de la Santé ne peut pas à lui seul -- régler ce fléau aussi préoccupant et cette crise de santé publique qu'est l'épidémie actuelle d'obésité. Donc, il faut, à ce moment-là, amener à la table les gens des transports, de l'agriculture, donc les différents secteurs impliqués, parce que l'obésité, c'est multifactoriel, donc c'est causé... Pourquoi qu'on a tous grossi collectivement au cours des 25 dernières années? Bien, c'est une combinaison de facteurs qui a fait qu'on a grossi. D'une part, on a plus recours à des mets transformés, prépréparés, on mange plus au restaurant.
Et aussi ça m'amène à répondre à votre seconde question, en ce qui a trait au désert alimentaire. Effectivement, on observe que, dans certains quartiers plus défavorisés, la seule source d'approvisionnement en alimentation, bien, c'est souvent le dépanneur du coin. Donc, il y a des grands commerces qui n'ont pas choisi... donc, les grandes chaînes d'épicerie qui n'ont pas choisi de s'installer là. Et donc c'est la seule source d'approvisionnement.
C'est la raison pour laquelle, dans le plan d'action gouvernemental, on a prévu d'encourager les marchés publics. Les marchés publics, c'est une belle façon finalement de rendre accessibles, dans des quartiers, des fruits et légumes frais. Et ça fait partie d'un des engagements du MAPAQ de soutenir, là, d'autres... Je crois que le MAMROT également est impliqué dans cette mesure-là.
Donc, oui, malheureusement, dans certains quartiers plus défavorisés, on n'a pas accès à des aliments frais et sains, et en plus, bien, il y a une perte de connaissance culinaire. C'est sûr que, lorsqu'on a l'habitude de s'approvisionner au dépanneur du coin, bien, peut-être que la boîte de Kraft Dinner, c'est la seule chose qui est cuisinée à la maison ou presque, malheureusement, oui.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rouyn-Noranda--Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Effectivement, vous l'appelez le désert alimentaire, mais, nonobstant ça, quand je revenais dans l'exemple que je donnais, c'est que les gens non plus n'étaient pas... Puis Rouyn-Noranda, dans l'exemple que j'ai, ce n'est pas très grand, donc on a quand même des épiceries, des marchés qui sont localisés, puis tous les gens ont accès. Sauf, sauf que les gens n'ont pas la culture d'y aller. Et c'est là qu'à ce moment-là ça prendrait, soit par le CLSC ou d'autres, un organisme pour indirectement détecter ces gens-là, pour leur faire cette culture alimentaire là, aussi, qui est manquante. Puis c'est là peut-être qu'il faudrait essayer de rajouter quelque chose; certaines personnes, des fois, vont dans des banques alimentaires pour d'autres raisons. Mais est-ce qu'il y aurait moyen d'une autre part d'essayer de faire une éducation là-dessus? Puis c'est là que je me questionne là-dessus, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): Il y a déjà des programmes qui existent, qui sont fort intéressants. Parlons simplement des jeunes qui ont été élevés en centre jeunesse. Ces jeunes-là ont vécu avec des plateaux, ont été nourris sur plateau toute leur vie, n'ont pas nécessairement... ou se sont promenés de maison d'accueil en maison d'accueil où, finalement, on n'a pas nécessairement beaucoup cuisiné avec... dans la famille d'accueil. Et, bon, c'est La Tablée des chefs qui offre un programme dans les centres jeunesse. Donc, à l'âge de 17 ans, les jeunes reçoivent un petit coffret avec des outils de cuisine et ils sont formés justement pour leur permettre d'avoir une autonomie alimentaire dès l'âge de 18 ans. Alors, ça, c'est vraiment une belle initiative. Mais je sais qu'il y en a d'autres ailleurs aussi en région, mais c'est certain que, si on pouvait encourager ça, ce serait drôlement intéressant.
Il y a la commission scolaire de Montréal aussi qui a reconnu l'alimentation comme étant malheureusement un frein à la réussite, là, la mauvaise alimentation de ses jeunes, et ils demandent, ils aimeraient avoir des cours de cuisine pour les enfants mais également pour les parents. Parce qu'eux ils soutiennent les jeunes avec une mesure alimentaire, ça coûte 0,50 $ le midi, et ils offrent le repas à des jeunes. Ils répondent seulement à 18 % des besoins. En fait, ce serait 48 % des jeunes de la commission scolaire de Montréal qui devraient bénéficier d'un support alimentaire. Puis c'est la raison pour laquelle on propose d'investir les revenus de la taxe pour améliorer, là, les repas scolaires, parce que clairement ces enfants-là ont besoin d'aide, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rouyn-Noranda--Témiscamingue, à vous la parole.
M. Bernard: Oui, merci, Mme la Présidente. Bien, sur ce dernier point là, j'ai une question, parce que j'aimerais comprendre parce qu'à un moment donné, quand on parlait beaucoup des organismes qui font des repas, entre autres, pour les enfants à problèmes d'alimentation, plusieurs me soulevaient qu'un des problèmes n'était pas... et ceux qui bénéficiaient de ces déjeuners-là, c'étaient des jeunes, puis plusieurs des cas venaient d'un milieu favorisé, et là ce n'était pas une question d'un manque d'argent, et autres, mais c'était une question autre à l'intérieur de la famille proprement dite. Puis on me disait même que ceux qui y allaient, ceux qui étaient vraiment démunis souvent étaient trop gênés pour y aller, pour ne pas être étiquetés. Je ne sais pas si ça vous a déjà été rapporté.
Mme Pellerin (Suzie): Oui, effectivement, mais c'est deux programmes très différents. Il faut savoir... Il y a le programme des petits-déjeuners, qui nourrit quand même... je pense, c'est 1 million d'enfants par jour; il doit y en avoir là-dedans qui ont un besoin, c'est certain. Et l'autre mesure qui a été mise en place par la commission scolaire de Montréal, c'est en fonction de l'indice de défavorisation, et donc ça tient compte du revenu de la famille et du besoin réel de l'enfant.
Par contre, c'est extrêmement triste à voir, je vous invite à aller dans une école, lorsque la cloche sonne à l'heure du lunch, il y a deux groupes qui se séparent, soit ceux qui bénéficient de la mesure alimentaire et les autres. Donc, ceux qui bénéficient de la mesure alimentaire dînent à la cafétéria, et les autres dînent en classe. Imaginez, commencer sa vie de cette façon-là, en étant stigmatisés.
C'est la raison pour laquelle on aimerait voir instaurée une mesure alimentaire qui serait universelle, qu'on... réduire le prix des aliments sains pour l'ensemble. Ou encore, aux États-Unis, ce qu'ils font, c'est qu'ils ont des cartes où finalement c'est une carte magnétique qui permet au jeune d'avoir son repas, mais, dans certains cas, ils peuvent payer 0,50 $, dans d'autres cas, c'est peut-être 1 $, mais au moins tous les jeunes sont sur le même pied d'égalité. Et, à ce moment-là, on pense que c'est un meilleur départ dans la vie que d'être dans le groupe qui dîne dans la cafétéria... dans le gymnase, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste environ une minute.
M. Bernard: O.K. Une dernière petite question à ce moment-là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Oui, M. le député.
M. Bernard: Vous avez ciblé les boissons gazeuses pour la taxe, pourquoi pas les croustilles et tous ces autres objets de consommation là?
Mme Pellerin (Suzie): En fait, ce qu'on cible, c'est les boissons gazeuses et énergisantes. Pourquoi? Parce que la consommation de boissons sucrées est la seule pratique alimentaire qui est constamment associée au surpoids chez les enfants. Donc, si on consomme plus de boissons sucrées, on a plus de risques de souffrir d'obésité à l'âge adulte, puis c'est la même chose bien sûr pour les adultes. Donc, c'est clairement défini, c'est supporté par la science, il y a un consensus scientifique sur la question. Et c'est aussi une mesure qui est étudiée, et même a été mise en place en Hongrie le 1er septembre dernier; et ce qui est visé, là, en France, c'est janvier 2012.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste cinq secondes. Merci. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata, à vous la parole.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme Pellerin, Mme Saucet. Bienvenue d'être... Bienvenue, et je suis content de vous entendre. On a eu l'occasion, il y a quelques jours, d'avoir un échange téléphonique sur le sujet.
Bien, moi, c'est de la musique à mes oreilles, ce que j'entends et ce que je lis. Je comprends que vous êtes une coalition orientée sur le poids, hein, la problématique du poids, qui est une dimension importante dans l'approche d'une santé globale. Et j'essaie de voir comment on peut articuler, au fond, vos préoccupations à l'intérieur d'une démarche du livre vert qui se veut aussi... qui se veut des grandes orientations d'avenir de tout un secteur d'activité économique et aussi sociétale. Puisque le ministère porte le nom d'Alimentation dans son titre, ce que vous apportez -- bien que le ministère, à ma connaissance, puis vous le notez là, participe à un plan d'action gouvernemental touchant toute cette dimension de la santé -- c'est que, même sans le livre vert, en principe on a ce qu'il faut pour travailler, et j'imagine qu'on y travaille dans ce que vous proposez. Il faudra voir comment ça peut orienter une politique bioalimentaire.
Mais ce que vous apportez à ma compréhension, c'est drôlement important. Et tout l'aspect éducation m'apparaît fondamental, pour l'avoir vécu dans le monde de l'enseignement. Et j'informe sans doute le ministre qu'il a, à son institut au campus de Saint-Hyacinthe, une cafétéria qui, je l'espère à tout le moins, tout de même, offre aux étudiants et aux étudiantes un menu gastronomique santé. Et c'est vraiment intéressant, puisque l'institut a travaillé avec l'ITHQ pour introduire un menu, un menu santé mais gastronomique, alors, qui est servi au quotidien, avec le navet, le chou, les pommes de terre, avec les aliments, mais qui éduque à une santé.
Cela dit, j'aimerais voir comment... J'imagine que vous avez regardé ce qui se passe aussi ailleurs. Est-ce qu'il y a des modèles inspirants qui vont dans le sens que vous souhaitez, qui s'est fait, qui se distingue? Puis j'aimerais avoir cette information, là.
**(20 h 20)**La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): Merci. Effectivement, il ne faut pas mettre de côté l'éducation, on en parlait tout à l'heure, là, d'avoir des cours de cuisine à l'école, c'est intéressant. Par contre, éduquer, ce que ça nous démontré -- parce que, bon, tout le monde sait qu'on doit consommer des légumes, qu'on doit faire de l'exercice, puis malheureusement on n'atteint pas les cibles recommandées -- c'est une modification de notre environnement alimentaire, comme vous l'avez fait à Saint-Hyacinthe, donc de revoir la politique alimentaire, permettre finalement aux gens d'avoir accès facilement et à prix abordable aussi à des aliments sains. Alors, tant mieux si ça a réussi là-bas. Par contre, vous l'avez mentionné, vous avez eu le soutien de l'ITHQ pour entreprendre ce virage santé là.
Ça n'a pas été le cas des écoles du Québec, ça n'a pas été le cas non plus, nécessairement, des établissements de santé, qui entreprendront le virage santé. C'est la raison pour laquelle, pour plusieurs, bien, ils craignent de ne pas avoir suffisamment de ressources pour réussir le virage santé. Parce que, bon, c'est bien beau, là, de sortir la friteuse, mais il ne faut pas non plus passer à côté de la cible, et, si on sert des brocolis trop cuits ou trop mous, il n'y aura pas grand monde qui va en manger, ça fait que ça risque de sortir à l'heure du lunch, peut-être, dans les commerces avoisinants.
Alors, ce qui a été fait ailleurs dans le monde, bien, il y a des belles réussites, bon, tout à l'heure je mentionnais avec... Aussi, l'objectif, c'est de réduire du même coup le pouvoir d'attraction de la malbouffe, hein? Ça, il ne faut pas se le cacher. Alors, c'est sûr que, bon, une façon de réduire le pouvoir d'attraction, je le mentionnais tout à l'heure, des boissons gazeuses et énergisantes, c'est d'instaurer une taxe. Ensuite, bien, c'est d'agir sur le marketing alimentaire.
Il faut savoir que le marketing alimentaire destiné aux enfants a été identifié comme étant la priorité de l'Organisation mondiale de la santé dans sa prévention des maladies chroniques. Le Québec a la chance... et est observé et envié à travers le monde parce qu'il y a déjà 30 ans on a interdit, au Québec, la publicité destinée aux enfants. Par contre, la première reconnaissance de culpabilité est tombée en 2009, donc près de 30 ans après l'adoption de la loi, et c'était suite à une plainte déposée par la Coalition Poids. Donc, c'est sûr que, si on allait un peu plus loin en matière de marketing alimentaire, ça pourrait être drôlement efficace. Parce qu'actuellement il y a des failles, il n'y a pas de surveillance, finalement. L'Office de la protection du consommateur compte sur des organismes comme nous pour leur rapporter des plaintes.
Et puis aussi il y a des... Les étalages qui sont sous la responsabilité du MAPAQ ou encore les restaurants ne sont pas régis par l'interdiction de faire de la pub aux enfants. Donc, on peut offrir des petits cadeaux, là, aux enfants avec les repas, les menus pour enfants, ce qui est interdit en Californie actuellement, là. Ils ont donc légiféré là-dessus, les étalages, là, lorsque tu arrives à l'épicerie puis qu'il y a des présentoirs sur les lieux de vente qui sont drôlement attirants pour les enfants, ou encore les fameuses céréales sucrées qui sont juste au bon niveau, ou encore la petite conserve avec le personnage fort sympathique, animé, là, que les jeunes regardent à la télé la fin de semaine. Bien, à ce moment-là, c'est une façon aussi de réduire le pouvoir d'attraction, là, de la malbouffe.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Oui. Alors, je comprends bien vos propos, mais, vous savez, donner le goût du Québec... On peut avoir des aliments bien sûr sains et très bons, très palatables, si on prend le fromage, avec leur taux de gras... Vous savez, ce n'est pas le fromage en soi qui est le problème, c'est la quantité qu'on absorbe, d'où... Je reviens encore à l'éducation, comme on l'a fait et on doit le faire en environnement un peu partout au fil du temps, mais je reviens: Est-ce que vous ne pensez pas que ça soit davantage axé sur des mesures vraiment importantes en termes d'éducation dans les premiers cycles scolaires, et faire en sorte aussi que non seulement c'est une éducation théorique, mais on le vit? Les écoles comme les hôpitaux ou bien les ministères, les organismes, ce sont des organisations à financement public, d'où il pourrait peut-être y avoir, j'imagine, une politique publique beaucoup plus ferme à l'endroit de ce qui peut se consommer à ces... Je ne sais pas, je veux vous entendre, en termes de politique... Parce que c'est une politique quand même gouvernementale de ce dont il va s'agir, ce n'est pas une politique du ministère de l'Agriculture, ça s'inscrit à l'intérieur, en tout cas à ma compréhension, d'une politique plus large.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): Vous parliez d'éducation, il faut savoir qu'il y a énormément d'initiatives actuellement qui sont financées par Québec en forme et qui sont drôlement intéressantes. Le gouvernement du Québec a choisi d'investir, avec la fondation Chagnon, 400 millions sur 10 ans pour justement la promotion des saines habitudes de vie. Et là, dans ce cadre-là, bien, il y a des projets qui sont subventionnés à travers tout le Québec. Sans doute que, dans chacune de vos régions, là, il y a des initiatives drôlement intéressantes qui ont cours et qui visent, dans certains cas, l'éducation, essayer de rendre plus... ou encore tout simplement d'éduquer, développer le sens critique des jeunes face au marketing. Il y a une initiative du Réseau sport étudiant du Québec qui vise ça. Donc, on incite les jeunes à utiliser les mêmes techniques que l'industrie des boissons énergisantes, et, à ce moment-là, ils comprennent la manipulation dont ils sont victimes, je dirais. Ça fait que, donc, ça, c'est plus au niveau des mesures éducatives.
Mais ce que la littérature nous démontre, puis ce qui est optimal, puis ce qui est dit aussi... Ce qui a été dit hier et aujourd'hui au sommet des Nations unies, c'est qu'on doit réglementer, et donc on doit mieux encadrer les pratiques de l'industrie agroalimentaire, et ce, dans toute la chaîne, et on doit les inciter à contribuer à la santé. Parce qu'ultimement c'est vrai que l'industrie agroalimentaire contribue au développement économique du Québec, mais, si elle est mal orientée et si elle encourage, par exemple, le développement de produits qui ne sont pas nécessairement sains... Est-ce qu'on ne pourrait pas finalement encourager l'industrie agroalimentaire qui développe une offre santé, qui la distribue, qui la transforme? Et, à ce moment-là, bien, on aura des bénéfices beaucoup plus grands. Parce que, si on encourage le développement économique peu importe la nature du produit, eh bien, ça risque... on risque de payer collectivement beaucoup, là, parce que, bon, l'obésité, les maladies associées nous coûtent 30 milliards par année.
Et puis, aussi, il faut savoir que c'est David contre Goliath, hein, et l'OMS investit 1 $ en prévention ou en communication pendant que l'industrie agroalimentaire en investit 500. Alors, c'est vraiment David contre Goliath. On a bien beau, là, faire toutes sortes de steppettes puis investir en éducation puis en promotion, jamais on ne sera en mesure d'investir autant que les grands de l'industrie agroalimentaire, qui nous incitent à consommer davantage, et souvent ce sont des produits trop gras, trop salés, trop sucrés.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Moi, ma question va être assez simple. Vous parliez tantôt... Vous venez de mentionner un chiffre, là, de 30 milliards, j'avais une question dans ce sens-là, mais je veux savoir par rapport à quelle proportion de la population, là. C'est-u 30 milliards juste Québec, Canada, mondial? Je n'ai pas...
Mme Pellerin (Suzie): Oui, c'est 30...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): En fait, c'est l'association américaine des actuaires qui, en début d'année 2011, a évalué le coût des... associé à l'obésité, donc c'est-à-dire le traitement, les pertes de productivité, et bien sûr pour les maladies, là, les plus couramment associées au surpoids, c'est-à-dire cancer, diabète de type 2, qui a fait son apparition chez les enfants, qui était inexistant avant, aussi maladies cardiovasculaires. Donc, le 30 milliards de dollars qui est évalué, c'est pour le Canada et c'est un montant annuel. Donc, à chaque année, il nous coûte 30 milliards annuellement au Canada.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le...
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): ...réponse. Imaginez-vous... Imaginez 30 milliards de dollars qu'on pourrait investir en éducation au lieu de l'investir dans les soins de santé. Je trouve que votre association, votre groupe est quand même important. Puis je pense que c'est une question de sensibilisation de la population vis-à-vis notre consommation, nos habitudes de consommation.
Maintenant, moi, j'ai toujours une hésitation -- puis je vais vous la poser, la question, si vous l'avez faite, la recherche ou comment... de quoi vous en pensez -- c'est quand on impose quelque chose à une partie de la population puis qu'on ne l'impose pas à l'autre partie de la population, je trouve ça un petit peu injuste. Exemple, je vais vous donner l'exemple, on a imposé, dans les arénas, les lieux publics, les arénas, les piscines, tout ce qu'il y a un petit peu de lieux publics, des saines habitudes de consommation, mais ça n'a pas été adopté partout, parce que c'est les municipalités qui ont la responsabilité, je pense, d'établir, de gérer ce genre de... Ils donnent ça en concession. Mais par contre tu sors de l'aréna, puis, à côté, c'est McDonald, c'est toutes les autres chaînes alimentaires qui en bénéficient.
Je me demandais: Est-ce que vous avez réfléchi au fait que, si on laisse le choix à des personnes adultes ou à des familles, quand il y a un choix, un choix disponible, ce n'est pas préférable... Moi, si je décide de manger... je ne sais pas, moi, manger quelque chose de sain, une salade au lieu de manger une frite, est-ce que ce n'est pas préférable au niveau de l'éducation de la population en général, pour être responsable? Si on a des choix, on choisit le meilleur. Je veux savoir, vous entendre là-dessus.
**(20 h 30)**La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): Bien, c'est certain que, lorsqu'on réglemente, ça touche tout le monde, hein? C'est équitable en ce sens que tout le monde a... puis autant pour l'industrie agroalimentaire, à ce moment-là ils sont au même niveau en fait de compétitivité, là. Si on dit: On bannit les gras trans dans les restaurants au Québec, bien, à ce moment-là tout le monde qui va aller au restaurant ne consommera plus de gras trans, et puis ils vont s'approvisionner auprès d'entreprises qui n'offriront pas de produit contenant des gras trans. Ça fait que ça, c'est une chose.
L'autre, par rapport aux arénas, il en a été énormément question dans l'actualité récemment. Et il faut savoir que ce n'est pas imposé, les municipalités -- puis il y en a plusieurs qui sont partenaires de la coalition -- qui ont décidé d'entreprendre un virage santé à l'aréna, c'est parce que ça répondait à une demande, les parents voulaient avoir autre chose qu'un hot-dog à offrir à leurs enfants le samedi matin au hockey. Alors donc, les arénas, les municipalités ont entrepris ce virage santé là pour répondre à la demande.
Le problème, c'est qu'il n'y a personne pour les approvisionner, c'est que le distributeur ou encore le service alimentaire ne répond pas à l'appel d'offres. On n'est pas en mesure d'offrir des aliments qui sont intéressants à prix abordable, finalement. Ça fait que...
Puis aussi ce n'est pas non plus d'imposer, il ne faut pas bannir la poutine, là, de notre société, là, loin de là, ce n'est pas ça, mais minimalement d'offrir une alternative. Surtout dans des lieux récréatifs comme ceux-là qui sont fréquentés par les enfants, il faudrait avoir le choix. Puis, les arénas où on a instauré une politique alimentaire, bien, le smoothie, là, il est drôlement vendeur. Et donc il y a un goût, les jeunes aiment ça bien manger aussi, puis quand c'est bien mis en marché. Parce que c'est sûr que, si on affiche la poutine grosse comme ça, puis le petit panini santé gros de même, ce n'est pas très attirant.
Mais il y a eu des histoires à succès. Puis il ne faudrait pas non plus que ce qui est sorti dans les médias décourage les municipalités de continuer dans cette veine-là, parce que c'est clairement une demande de leurs citoyens.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Dans un autre ordre d'idées, au niveau de la saine alimentation, vous mentionnez, dans votre mémoire... je pense, c'est taxer les boissons gazeuses au niveau du sucre. On sait qu'au Québec ou un peu partout en Amérique on est déjà pas mal taxés, là. Pour la population, ce n'est déjà pas un message qui est positif là, de taxer davantage. Mais pourquoi ça... Pourquoi juste les boissons gazeuses, parce qu'il y a quand même du sucre dans beaucoup d'autres produits alimentaires? Et puis on se demande c'est quoi. Le sel pourrait être aussi taxé dans certains produits. En tout cas, je veux savoir votre vision des choses à ce niveau-là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste environ une minute.
Mme Pellerin (Suzie): Alors donc, oui, on propose une taxe. Il faut savoir... Précisons que ceux qui vont payer la taxe, c'est une redevance, c'est comme l'alcool, dans le fond, O.K.? Donc, c'est le producteur qui la paie, c'est donc Pepsi ou Coca-Cola qui paierait une redevance au Québec en fonction du nombre de litres produits.
Pourquoi boissons gazeuses et énergisantes? La science nous indique que c'est les boissons sucrées qui sont dommageables pour la santé puis intimement liées à l'obésité. Le gouvernement canadien en a fait d'ailleurs une campagne publicitaire, là, l'hiver dernier, où on associait la consommation de boissons sucrées à l'obésité.
Pourquoi les boissons gazeuses et énergisantes? Parce que ce sont les plus vendues et les plus populaires et qui font image. Lorsque je parle de boissons gazeuses, tout le monde voit le deux litres de coke sur la table, puis de boissons énergisantes, on voit tous le Red Bull. Quand je parle de boissons sucrées, à ce moment-là c'est moins net. Alors, c'est plutôt dans un souci de compréhension et pour que ce soit clair pour tout le monde.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, c'est presque terminé. Merci pour la présentation de votre mémoire.
On va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 20 h 35)
(Reprise à 20 h 36)
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'inviterais maintenant l'Association des aménagistes régionaux à prendre place. Je vous demanderais de vous identifier, aux fins d'enregistrement, et de présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez d'un maximum de 10 minutes afin de présenter votre mémoire.
Association des aménagistes régionaux du Québec (AARQ)
Mme Vallée (Véronique): Je suis Véronique Vallée, directrice de l'Association des aménagistes, et je suis accompagnée de François Lestage, le président de l'association et coordonnateur à l'aménagement à la MRC de Marguerite-D'Youville.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): À vous la parole.
Mme Vallée (Véronique): Donc, nous vous remercions de nous accueillir afin d'échanger avec vous sur le contenu de notre mémoire déposé le 23 août dernier.
Depuis sa création en 1984, l'Association des aménagistes régionaux du Québec a pour mission de regrouper les professionnels de l'aménagement du territoire oeuvrant à l'échelle supralocale, soit au sein des MRC, des villes-MRC et des communautés métropolitaines. Un des objectifs de l'organisation est de représenter les objectifs et les opinions de ces professionnels auprès des instances décisionnelles telles que le gouvernement.
Ainsi, en ce qui a trait à cette démarche de réformer le cadre législatif et politique de notre agriculture et de notre agroalimentaire, l'AARQ en est à sa troisième réaction publique. En 2007, nous avons émis nos recommandations dans le cadre de la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois, et, en 2009, nous avons exprimé nos commentaires sur le rapport d'étape de M. Bernard Ouimet. Aujourd'hui, l'Association des aménagistes régionaux du Québec est heureuse que son opinion soit encore une fois entendue et souhaite que son implication participe à la réalisation de votre vision d'avenir, qui est de faire du bioalimentaire un secteur reconnu pour ses produits alimentaires distinctifs et de qualité ainsi que pour sa contribution à l'essor économique du Québec et à la vitalité de ses régions dans une perspective de développement durable.
Notre mémoire déposé le mois dernier témoigne de l'attachement des aménagistes régionaux envers les principes énoncés dans votre livre vert et, nous croyons, il contient des recommandations incontournables pour l'atteinte de votre objectif, qui est de valoriser l'occupation dynamique du territoire. Après plus de 25 ans de pratique, les aménagistes régionaux, qui oeuvrent dans des régions composées d'un vaste territoire agricole, ont développé une fine connaissance et une solide expérience en matière de conciliation entre gestion du territoire agricole et aspiration politique. Je cède maintenant la parole au président de l'association, M. François Lestage.
M. Lestage (François): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, les membres de la commission, bonsoir. Merci de nous entendre ce soir.
Alors, quelques petites présentations, si vous permettez. Avant d'être un président d'une association, je suis aussi un aménagiste. Alors, j'ai oeuvré plus de 15 ans dans la MRC des Maskoutains, à Saint-Hyacinthe -- je suis natif de Saint-Hyacinthe et résident de Saint-Hyacinthe -- et je suis maintenant, depuis le mois de mars 2011, coordonnateur à l'aménagement à la MRC de Marguerite-D'Youville. Marguerite-D'Youville, c'est le nouveau nom de la MRC Lajemmerais, donc, dans la Communauté métropolitaine de Montréal, dans la rive sud, donc Verchères, Varennes, etc.
Je suis président, aussi, d'un conseil d'administration qui est composé de 12 membres, des membres qui représentent l'ensemble des régions du Québec au sein même du conseil d'administration. Nous sommes à même d'être au fait des différentes réalités et préoccupations des régions. On n'a qu'à penser à des membres qui sont... J'ai un membre aux Îles-de-la-Madeleine, Haute-Côte-Nord, Fjord-du-Saguenay, Coaticook, pour ne nommer que ceux-là, qui sont autour de la table de notre conseil d'administration.
**(20 h 40)** Rapidement, comme Mme Vallée vous l'a mentionné, l'aménagiste, c'est un professionnel où sa pratique a beaucoup évolué. Tout d'abord, les aménagistes sont apparus avec la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour compléter ou établir, si on veut, les premiers schémas d'aménagement des MRC au Québec. S'en est suivi plusieurs orientations, 94, avec des orientations plus générales, et aussi la refonte à quelques reprises -- et on en fait mention dans notre mémoire -- de la Loi sur la protection du territoire agricole.
Ces temps-ci, je vous dirais que la plupart des aménagistes travaillent sur une deuxième génération des schémas, qui ne sont pas terminés pour la plupart, mais sont aussi au fait de l'avant-projet de loi sur l'aménagement durable du territoire et de l'urbanisme. Et on est, c'est sûr, soucieux de ces changements ou de ces... de tous ces changements-là qui ont cours présentement.
L'aménagiste régional se trouve aussi à faire le pont entre les exigences gouvernementales formulées dans ces orientations et ces projets et aussi les aspirations légitimes des élus municipaux. L'aménagiste régional d'aujourd'hui est un professionnel polyvalent, s'adaptant aux nouvelles préoccupations du monde municipal. Il est important d'impliquer, selon nous, l'aménagiste régional et de reconnaître sa position stratégique entre le gouvernement et le monde municipal.
Si on regarde un peu plus le mémoire, si vous me permettez de l'aborder avec vous dans les minutes qui me sont permises, le mémoire comme tel s'attarde strictement sur le troisième objectif de la troisième orientation du livre vert. Nous avons tenu, à la fin juin, une journée de réflexion entre les membres -- c'était ouvert aux membres -- et plus d'une quinzaine de membres se sont réunis, pour toute une journée, pour réfléchir ensemble sur ce troisième objectif.
Essentiellement, le mémoire, ce qu'il vous présente -- puis j'en parlais avant de m'asseoir et de vous parler, j'en parlais avec les membres du ministère de l'Agriculture -- c'est une espèce de table d'hôte, qu'on vous présente. Au centre, c'est le schéma d'aménagement, schéma d'aménagement qui, éventuellement, pourrait être bonifié puis, nourri d'une réflexion produite par le plan de développement de la zone agricole -- plan de développement de la zone agricole, dans nos mots à nous, avec l'acronyme PDZA, probablement que certains d'entre vous l'entendent à l'occasion -- nous permettrait d'avoir une vue d'ensemble et aussi de sceller une espèce de contrat collectif à travers le territoire qu'est la MRC pour la production de ce plan.
Suite à cela pourrait s'exercer un ajustement, dans notre mémoire, on parle de révision, le mot peut être fort, parce qu'il peut faire allusion à la révision de la zone agricole de l'époque suite au premier décret, mais à des ajustements de limites de périmètre d'urbanisation. Et, selon nous, et c'est ce que nous proposons, cet exercice-là devrait avant tout... Il pourrait y avoir d'autres façons de faire, mais, avant tout, il devrait être un exercice gouvernemental.
Pourrait se conclure, à la fin de l'ensemble de ces exercices ou de ces planification-là, une demande à portée collective bonifiée. On parle de l'article 59 de la Loi sur la protection du territoire agricole qui a cours présentement mais pour, je dirais, des items ou des objets très spécifiques. Ce qu'on vous présente dans le mémoire, c'est une demande à portée collective mais bonifiée pour sceller certaines particularités des territoires.
Donc, essentiellement un schéma d'aménagement, avec le contexte que je vous parlais tantôt, l'avant-projet de loi sur la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
On a aussi, dans les communautés métropolitaines, dans le moment, des projets de plan métropolitain d'aménagement et un schéma d'aménagement, dans un contexte où... Au niveau de la Commission de protection du territoire agricole, trop souvent il nous apparaît que les documents de planification et les documents qui sont soumis à un argumentaire devant la CPTAQ sont malheureusement écartés dans les décisions ou, à notre point de vue, effleurés dans les justifications de la commission, dans ses décisions. Bon, moi qui viens de la région de Saint-Hyacinthe, une terre agricole très fertile avec une zone agricole dynamique, il y a eu quelques exercices où on a dû se présenter devant la CPTAQ avec des argumentaires très étoffés. C'était justifié à notre point de vue, c'est bien évident. C'est sûr que, quand on arrive devant la commission, il peut y avoir, des fois, des divergences d'opinions, mais trop souvent il nous apparaît qu'à la suite de l'exercice qui nous mène devant la CPTAQ les fins... Les fins ne justifient pas nécessairement les moyens.
Dans le schéma d'aménagement, effectivement, là, on est dans une prochaine révision de schéma où... Bon, au niveau de l'avant-projet de loi, on ne parle plus nécessairement de révision. Et il est essentiel que... les prochains défis au niveau de la zone agricole, selon les aménagistes, seront de mettre en place un plan de développement de la zone agricole. Il faut absolument travailler sur des plans de développement de la zone agricole. Huit MRC ont fait l'objet de projets pilotes. L'Association des aménagistes a suivi ces travaux-là. Il y a des gens du ministère qui vont venir présenter un guide, on sait qu'il y a un guide qui va être présenté à notre colloque régional. Donc, on suit ça de près et on est convaincus que c'est un incontournable pour, je vous dirais, préciser un bon diagnostic, avoir un bon diagnostic de nos zones agricoles et pour être en mesure de bien planifier ce territoire-là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il vous reste quelques secondes.
M. Lestage (François): Oh! bien, je vais aller un petit peu plus vite, d'abord.
Donc, essentiellement, plans de développement de la zone agricole qui vont, comme je vous disais d'entrée de jeu, probablement guider et encadrer des modifications.
Mais, si vous me permettez, pour ces quelques secondes là, je viendrais peut-être exprimer davantage mon propos sur la question des demandes à portée collective. Donc, à la fin de l'exercice, nous croyons... Et, dans certains rapports, que ce soit Pronovost, que ce soit Ouimet, il était souvent question soit d'une...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage...
M. Lestage (François): Oui?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): ...je dois vous interrompre. Vous pouvez continuer tantôt, lors de la période de questions. Merci.
Nous allons maintenant entamer les échanges pour une durée de 35 minutes, en débutant par le groupe parlementaire formant le gouvernement. M. le ministre, à vous la parole pour 17 min 30 s.
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme Vallée et M. Lestage. Puisque vous avez abordé assez longuement la question des PDZA, est-ce que vous considérez que ça devrait être obligatoire dans toutes les MRC, ou fortement encouragé, ou incité à, avec des moyens qui soutiendraient l'incitatif en question? Quelle est votre position là-dessus?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Oui. Si je fais le tour un peu des membres ou des différentes régions, il y a des membres qui n'ont pas nécessairement de zones agricoles décrétées ou si peu. Alors, c'est sûr que je vous répondrais à cette question-là que l'obligation n'est peut-être pas souhaitable. Mais je vous dirais que c'est un exercice qui deviendra essentiellement... Dépendamment d'où on se trouve dans la planification de ces territoires-là, c'est un exercice qui deviendra un incontournable. Et le guide, les incitatifs, les expériences, c'est un peu comme, je vous dirais, pour faire un comparable, avec les fameux articles 59, au tout début ce n'était pas nécessairement très populaire, si vous me permettez l'expression, mais, avec les différentes expériences heureuses, certaines MRC ont emboîté le pas pour arriver... Mais l'article 59, tel qu'on le connaît, n'est pas nécessairement non plus l'exercice idéal pour les MRC, dépendamment des problématiques. Donc, pour répondre à votre question, M. le ministre, obligatoire, je vous dirais que ce n'est pas souhaitable.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Merci. Sur la base de l'expérience acquise par les aménagistes depuis l'adoption de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, avez-vous des propositions pour des usages publics qui pourraient être possibles en zone agricole sans autorisation de la CPTAQ?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Bien, c'est sûr que ça peut faire l'objet de particularités de territoire. Je vous dirais que c'est difficile, ce soir, de vous dire: Tel et tel usage pourrait peut-être être, d'entrée de jeu, autorisé à des fins d'utilité publique. Mais je pense, des fois, à des sites de dépôt de neiges usées qui sont en zone blanche mais qui pourraient être en partie en zone verte, donc pas une majorité de la portion. J'ai des exemples en tête -- puis probablement que M. le député Pelletier aussi a des images, pour résider à Saint-Hyacinthe -- il y a un site de dépôt de neiges usées qui est vraiment limitrophe à la zone agricole. Si on avait à l'agrandir, par exemple, il faudrait avoir un empiètement. Ça peut être un... Des fois, ça peut être des surpresseurs au niveau de l'aqueduc. Au niveau des égouts, ça peut être des conduites qui vont avoir des petits empiètements et qui nécessitent justement ce genre d'autorisation là. Et ce genre d'autorisation là, à des fins publiques, devrait trouver certains allégements dans la future loi.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
**(20 h 50)**M. Corbeil: Dans votre mémoire, à la page 15, vous suggérez que «le gouvernement devrait prévoir, à l'intérieur de la LPTAA, l'élimination du statut particulier à "l'association agricole accréditée" à l'égard de toutes demandes à portée collective». Pourquoi? Et est-ce que vous avez envisagé les conséquences?
M. Lestage (François): Bien, écoutez... Excusez, Mme la...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage -- ça va -- à vous la parole.
M. Lestage (François): Merci. Écoutez, dans le moment, pour avoir discuté puis avoir eu des présentations au niveau des projets pilotes des PDZA... Parce qu'il faut comprendre que, dans le mémoire, il y a cette logique-là, il y a un exercice de PDZA qui se fait avant -- en tout cas dans ce qu'on propose -- un exercice de demande à portée collective. Donc, il y a un exercice collectif, une réflexion collective qui relie, qui rallie, si on veut, l'ensemble des acteurs du territoire agricole.
On acquiesce aussi un peu à ce que la... au niveau du rapport Pronovost, ce qu'on sortait. Et, dans ce qu'on propose, comme aménagistes, éventuellement, avec un plan de développement de la zone agricole, l'UPA, l'association accréditée serait représentée de par ses membres élus mais aussi par la base, la base qui participerait à la réflexion du plan de développement de la zone agricole. Et ce résultat-là s'ensuivrait avec une demande à portée collective. Donc, il y aurait cette légitimité-là, si on veut, de la consultation qui aurait été en amont.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: C'est peut-être un petit peu plus technique, là, mais quel est exactement le rôle que vous voulez voir jouer par le MAPAQ et le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire dans le cadre du traitement des demandes à portée collective?
M. Lestage (François): C'est toujours, je vous dis... Excusez, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Ça va. À vous la parole.
M. Lestage (François): C'est toujours dans la même... Comme je vous disais, c'est toujours dans la même logique, si on veut, la suite logique des choses. Alors, dans un exercice de planification... Et je vous disais que le schéma, pour nous, le schéma devrait avoir une place centrale, le schéma d'aménagement, schéma d'aménagement qui se travaille avec les différents ministères et qui s'ensuit à la fin avec une acceptation par le ministère des Affaires municipales, mais autour gravitent l'ensemble des ministères, le MAMROT, MAPAQ. Il pourrait même y avoir... Éventuellement, je vous dirais que le ministère de l'Environnement sera peut-être un acteur qui pourrait se greffer, avec les arbitrages qu'on devra faire sur le territoire, avec toute la question zones inondables, milieux humides, etc., protection du couvert forestier. Ce sont tous des enjeux qui viennent guider, par la suite, les choix de développement de la zone agricole, que ce soit au niveau agricole ou autre qu'agricole.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Bien, je suis prêt à partager du temps avec mes collègues, s'il y en a qui ont des questions à poser.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Oui. Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet, à vous la parole.
M. Morin: Oui, merci, Mme la Présidente. Au niveau de la MRC, il y a le comité consultatif agricole. Est-ce que la relation avec les aménagistes est un plus? Parce que souvent, dans nos régions, le comité consultatif agricole est d'accord, et, quand ça se rend à Longueuil, bien là, il y en a...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Bien, je vous dirais que, présentement, il y a des comités consultatifs agricoles qui vont très, très bien. Il y en a d'autres qui sont, je vous dirais, plus officiels, mais il y a des comités qui se sont faits en parallèle, des comités mixtes. Le comité consultatif agricole existe toujours. Par contre, il y a un autre couloir, si on veut, de consultation qui se fait entre le CLD -- il y a des membres nommés -- MRC, UPA, et les discussions sont souvent très différentes qu'au comité consultatif agricole comme tel.
Moi, je vous dirais que, dans la future facture -- c'est sûr que les comités consultatifs agricoles sont aussi nommés par... ou encadrés, si on veut, par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme -- il y aurait cette intégration-là -- on en fait mention dans le mémoire, à la fin du mémoire -- ou il faudrait qu'il y ait une bonne intégration dans les futurs changements législatifs entre la LAU et la LPTAA. Mais est-ce qu'il y aurait une obligation? Je ne pense pas que le comité consultatif agricole soit obligatoire.
Il faut comprendre que, quand ils ont été mis en place, c'était toute la question du droit de produire, de la loi n° 23. Il y avait une nécessité, à mon point de vue, de créer des ponts, de tisser des liens entre le monde municipal et le monde agricole. Avec les plans de développement de la zone agricole, vous avez aussi des comités agroalimentaires, dans certaines régions, où le travail se fait de pair entre le monde agricole et le monde municipal. Et ces deux mondes-là, je vous dirais, depuis la loi n° 23, depuis la loi n° 184, avec l'obligation et le moratoire, c'est des mondes qui se parlent de plus en plus. Ils n'ont plus le choix de travailler de pair.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rivière-du-Loup, à vous la parole.
M. D'Amour: Merci. J'ai été maire de ma ville pendant un certain nombre d'années, lorsqu'on parle des comités consultatifs agricoles, c'est une instance qui est vraiment respectée. Quand vous mettez, entre guillemets, en doute son utilité pour les prochaines années ou qu'on peut revoir la formule, je vais vous dire qu'au sein de certaines MRC ça créerait sans doute un certain nombre de soubresauts. Est-ce que vous êtes conscients de ça? Parce que l'élément politique que j'aborde à l'instant, il est là. Je veux dire, les comités consultatifs agricoles ont défini comme leur place au cours des dernières années, et c'est comme un incontournable très sérieux. Premier élément.
Puis, deuxième élément, tant qu'à y être -- puis j'aurai sans doute l'occasion de vous entendre dans un moment là-dessus, M. Lestage -- sur le fameux article 59, vous dites que, dans le fond -- et j'emploie vos mots, là -- c'est un peu plus populaire que ça ne l'était. Dans quelle mesure vous l'avez évalué, c'est utilisé de plus en plus? Puis souvent, lorsqu'on parle de toucher à la Loi sur la protection du territoire agricole, l'Union des producteurs agricoles revient fréquemment avec l'article 59 en disant: Écoutez, vous avez l'outil, pas nécessaire d'aller plus loin. Alors, les deux éléments que je voulais vous soumettre.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Donc, au niveau des CCA, au niveau des comités consultatifs agricoles, je comprends aussi que, dans certains territoires, c'est des comités qui sont bien rodés, qui roulent bien, il y a une confiance, il y a une confiance qui est établie. Moi, je peux vous dire que j'ai eu des expériences qui sont tout autres, c'est-à-dire que c'est un comité qui est un peu plus formel, pour la forme, et souvent le monde agricole ou les représentants de l'UPA vont dire: On dit oui ici, mais on va bloquer le projet plus tard. Alors, ça fait des réalités qui sont très différentes et très, très disparates au niveau du Québec. Donc, il y a des comités qui font très bien, il y a des comités qui roulent pour la forme.
Alors, je vous dis, parallèlement à ça, dépendamment de ce qu'on vous propose en termes de démarche, qui est vraiment plus un contrat social pour le territoire agricole, au-delà d'un CCA, je vous dirais qu'on travaille... on pourrait travailler un projet de planification qui va venir souder ces relations-là de confiance, parce qu'on va mieux se comprendre, on va mieux se parler que de se parler sur une forme ou une plateforme plus officielle que la loi nous demande ou nous oblige. Je vous dirais, ce n'est pas la même ambiance, ce n'est pas le même contexte de travailler sur un projet avec des plans dessinés, etc., que de s'asseoir autour d'une table puis de... c'est-u conforme, ce n'est pas conforme, on l'appuie-tu, on ne l'appuie-tu pas, le projet, etc.
Et, l'article 59 plus populaire, moi, je vous dirais que j'arrive d'une MRC où je ne voyais vraiment pas l'utilité... pour la MRC des Maskoutains, je ne voyais vraiment pas l'utilité d'un article 59 comme tel, parce qu'au niveau du schéma d'aménagement, avec les outils qui me sont donnés dans la loi actuelle, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on arrivait quand même à nos fins dans la zone agricole, pour la question des morcellements ou des îlots déstructurés; le travail en était assez bien au niveau des îlots déstructurés. Et je vous dirais qu'on est une des premières MRC à avoir pris un autre pouvoir de la LAU pour permettre même la résidence en zone agricole dynamique. Alors, on a quand même joué, si on veut, si vous me permettez l'expression, avec la loi et tous ses aspects, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, pour arriver à permettre l'insertion de résidences.
Quand je vous dis que c'est de plus en plus populaire, c'est que, pour certaines MRC -- il faut comprendre le contexte -- pour certaines MRC, les périmètres d'urbanisation sont rendus à pleine capacité, et là, maintenant, il faut se retourner dans la zone agricole et voir quel... comment peut-on nuancer la fonction résidentielle. Est-ce qu'on la concentre dans les périmètres urbains? On n'a plus d'endroit ou de superficie disponible pour construire. Alors, il y a certaines MRC qui ont regardé, dans certaines portions de territoire, que ce soit agroforestier, etc., où on peut permettre des résidences dans des morcellements qui ne viendraient pas nuire à l'agriculture ou nuire à l'agriculture intensive comme on la connaît en termes de culture, pas nécessairement au niveau forestier. Mais, dans d'autres MRC, c'est tout le contraire.
Souvent, aussi, il y a un exercice qui se fait afin de rechercher ces îlots-là où on pourrait permettre quelques résidences. Et ce qu'on amène dans notre mémoire, c'est: il faut aller au-delà de ça. Il ne faut pas voir 59 juste pour des questions d'îlots ou des questions de morcellements, il faut aller au-delà de ça. Et le morcellement, je vous dirais, juste pour prendre cet exemple-là, si vous me permettez, le morcellement pourrait même aller à permettre des morcellements pas pour des fins résidentielles, mais pour des fins de relève agricole où, à certains endroits, il n'est pas possible de se... il n'est pas possible de morceler, de morceler pour la relève. Et, je vous dirais, au-delà de ça, le 59 bonifié pourrait permettre aussi, à certains égards, avec des conditions, la construction d'une résidence pour une relève agricole qui n'a pas encore le fameux revenu nécessaire pour être reconnue comme agriculteur. Il y a tous ces... C'est là où on rentre dans les très, très fines technicalités, mais il y a des choses qui pourraient être très intéressantes. Et il faut, selon moi, être prudent dans les changements législatifs pour éviter le mur-à-mur. Ce n'est pas vrai qu'au niveau d'une loi on va permettre l'ensemble de ces particularités-là mur à mur. Il faut... Et je crois que, le plan de développement de la zone agricole, avec le résultat d'une demande de portée collective, avec un échange avec la CPTAQ -- et c'est pour ça qu'on voit les ministères collaborer dans cette planification-là, pour avoir tout le temps cet examen-là aux orientations gouvernementales -- qu'on pourrait arriver, dans des régions, à des solutions gagnant-gagnant dans la planification des usages agricoles et autres qu'agricoles.
**(21 heures)**La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rivière-du-Loup.
M. D'Amour: On va s'entendre sur le fait qu'il y a tout un cheminement à faire, à opérer. Il y a loin de la coupe aux lèvres encore.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Je suis d'accord avec vous, mais la question justement, d'après moi, du plan de développement que j'ai vu... Des plans de développement de la zone agricole, de ce que j'ai vu jusqu'à présent dans les expériences pilotes, il s'est fait, je vous dirais... Dans les huit MRC où on a eu des plans, il s'est fait des prises de conscience entre les deux mondes, ou, si on veut, les deux rivalités, et on arrive à la fin avec des actions concrètes qui sont partagées.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député.
M. D'Amour: Ça fait que -- sans jeu de mots, là -- il y a tout un champ d'intérêt, sans... il faut comprendre. Et les auditions ont commencé aujourd'hui, là, et, à plusieurs reprises, on nous a parlé de relève agricole aujourd'hui. Il y a des gens qui se sont présentés devant nous en disant: Nous sommes la relève agricole. On a parlé de l'importance de la relève agricole. Moi, je reçois très bien votre message là-dessus. Il y a une possibilité de voir à ce qu'on aille plus loin dans le meilleur sens possible.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Si je peux compléter, c'est sûr que, dans certaines régions, la relève agricole peut avoir une problématique bien précise et qui va se solder par des gestes, des actions concrètes, précises, qui ne sont pas nécessairement exportables d'un territoire à un autre. Alors, dans certains territoires, ça s'appelle de la transformation à la ferme, qui va être un plus mais qui n'est pas nécessairement permis dans une réglementation en termes d'usage complémentaire, d'usage secondaire à l'élevage.
Et, souvent, bien là, il y a toute la question de la CPTAQ, la loi qui dit: Un nouvel usage, il faut aller à l'autorisation, est-ce qu'on autorise, est-ce qu'on n'autorise pas? Est-ce que ça sera un comité consultatif ou, suite au plan de développement de la zone agricole, il y aurait un comité pilote? On est disponibles pour en discuter avec vous pour la suite des choses.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il reste environ une minute, M. le député. Ça va? Alors, je cède la parole au député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir, M. Lestage, bonsoir, madame. Alors, merci d'être ici.
Ce n'est pas un dossier simple. Moi, personnellement, je ne suis pas un expert. Je ne sais pas si, avec l'heure tardive... mais il faut vous suivre vraiment attentivement. D'entrée de jeu, je peux vous dire que, moi, j'ai une circonscription vraiment rurale avec 36 municipalités, puis, ce que vous dites, je l'entends aussi, même presque textuellement. Alors, ce n'est pas simple, il y a beaucoup de points de vue à réconcilier.
Moi, j'aurais des questions de clarification et surtout de compréhension. Vous parlez que le plan de développement de la zone agricole devrait contenir des éléments obligatoires en termes de recommandations, mais tout en demeurant un outil adaptable par la MRC. Moi, j'aimerais un peu comprendre, parce qu'à la fois, qu'on dit, c'est obligatoire -- quand c'est obligatoire, ce n'est sûrement pas ambigu -- et que ça soit adaptable. Pouvez-vous m'expliquer ça? Puis, même, si vous aviez un exemple, ça m'aiderait.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Bien, écoutez, dans le mémoire, à l'intérieur du mémoire, on parle de normes minimales, si on veut, ou d'un cadre minimal. C'est-à-dire que, si on veut faire un exercice de plan de développement de la zone agricole, pour qu'il soit valable ou qu'il soit légitime, il faudrait qu'il y ait au moins un minimum de certaines notions, que le plan aborde certains éléments.
Quand on parle d'obligation, c'est sûr que c'est... à la fin, on y va avec un mot qui est un petit peu plus fort. Que ça soit obligatoire, je pense que ça sera à évaluer, avec les prochains mois, dans la rédaction. Mais, si on veut faire un plan... Parce qu'on pourrait dire: On fait un contenu minimal, mais, dans le fond, c'est un pseudoplan qu'on fait. Comprenez-vous? Il faut vraiment qu'il y ait, je vous dirais, bon, contenu minimal avec un portrait, un portrait du territoire, des statistiques. Il faudrait qu'on soit capable d'avoir quand même une certaine uniformité dans les plans, lui donner quand même une base pour être en mesure de comparer aussi d'une région à une autre pour qu'on ait quand même les mêmes variables, qu'on puisse se comparer puis, au niveau du gouvernement, au niveau de la province, être en mesure de pouvoir les distinguer des particularités aussi d'un territoire à un autre.
On parle aussi, c'est bien évident, de mesures financières. Si on veut aller vers un plan de développement de la zone agricole, sans nécessairement l'obliger, mais l'encourager, il faudrait qu'il y ait un levier. Je ne vous dis pas qu'il faudrait qu'il y ait un financement à 100 %, mais qu'il y ait quand même un levier. On peut même penser à des exemples comme la Loi sur la sécurité incendie où le ministère de la Sécurité publique, au niveau incendie, donnait une portion pour la réalisation des schémas de couverture de risque en sécurité incendie. Ça pourrait être, je vous donne un exemple comme ça, là, un exemple de financement.
Mais, au niveau de l'obligation, il faudrait qu'il y ait un -- en bon français -- «bottom line» pour être en mesure de pouvoir avoir un plan qui tient la route, si on veut.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci. Alors, merci de la précision, ça m'éclaire. Vous avez utilisé l'expression, à quelques reprises, «pour des demandes à portée collective». Pourriez-vous me parler un peu plus de ce que ça veut dire, puis des exemples aussi concrets?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Présentement, la demande à portée collective, c'est l'article 59 de la loi qui vous permet, après une longue démarche, démarche aussi avec un assentiment de l'association accréditée, qui est l'UPA, de présenter à la CPTAQ un portrait de votre territoire agricole pour y permettre l'insertion de résidences dans des îlots bien structurés. Donc, souvent, avant l'avènement de la Loi de protection du territoire agricole, donc avant 1978, il n'était pas rare qu'un producteur agricole morcelle une de ses terres, ouvre une rue et permette la construction de certaines résidences. Alors, ces rues-là, c'est des héritages du passé, et souvent il reste un ou deux terrains ou il reste... Il y a juste un ou deux terrains de construits, on veut ceinturer, sceller ce petit développement là pour arrêter sa croissance mais venir figer dans le temps l'ensemble de cette rue-là, si vous me permettez, et, de cette façon-là, on fait une demande collective, à portée collective, avec la CPTAQ. Et la CPTAQ, dans sa décision, vient décrire l'ensemble de ces lots autour de la rue pour permettre la résidence.
Qu'est-ce que ça a comme incidence? C'est que l'inspecteur municipal qui a une demande pour la construction d'un de ces terrains-là a seulement qu'à faire une déclaration à la CPTAQ. Alors, vous évitez, si vous voulez, tout le processus de demande d'autorisation pour des fins autres qu'agricoles. Et là c'est plus rapide, c'est plus instantané, si on veut, comme permission pour la construction.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci, Mme la Présidente. M. Lestage, Mme Vallée. Ça fait plaisir de voir M. Lestage, un voisin, ou presque.
Moi, ma question, c'est l'impact que ça peut avoir, une politique... je ne sais pas si... Vous avez dû l'analyser, mais la PDZA, là, que vous mentionnez, la politique de développement des zones agricoles, est-ce que l'impact que ça peut avoir sur le territoire agricole, mais je ne parle pas juste en milieu urbain, mais à la grandeur du Québec... Est-ce que vous pouvez penser... Si vous avez pensé... Mettons, vous analysez une politique qui s'établirait à la grandeur du Québec, j'imagine que vous pensez à l'adapter aussi aux réalités régionales. Parce que, dans des régions, ça peut être plus facile, dans d'autres régions, c'est beaucoup plus difficile. Je pense juste à la région où je demeure, la région de la Montérégie, les territoires agricoles sont très importants, les terres sont très riches.
Quand on parle de construire en terres agricoles ou de faire du développement sur des terres agricoles, vous savez comme moi que c'est beaucoup d'inquiétudes, de la part de nos producteurs, des agriculteurs en général, qu'on empiète sur leur territoire. Et est-ce que vous avez fait, je ne sais pas, une étude? Si vous arriviez avec une réglementation qui permet aux MRC de gérer certaines demandes sans passer par la CPTAQ, quel serait l'impact sur le territoire agricole, au niveau... Vous parlez des îlots déstructurés, des choses comme ça; il y a des bords de rivières, des fois, que tu ne peux pas construire parce qu'ils sont en zone agricole. Mais ça a quand même un impact en termes de superficie, en termes de... Au niveau du Québec, j'imagine que... Je ne sais pas si vous avez regardé ça.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
**(21 h 10)**M. Lestage (François): Bien, on peut se référer, si on veut, au projet pilote, présentement, de plan de développement de la zone agricole, il y a au nombre de huit qui se sont réalisés dans les dernières... dans les deux dernières années, je crois, où les problématiques sont très différentes. Et volontairement le ministère avait choisi des régions avec des caractères très propres, là, à eux, avec des zones agricoles très dynamiques. Vous avez eu... Bien, je vais vous donner des exemples: la MRC de Brome-Missisquoi, Cowansville. Vous avez eu Bécancour, au niveau de la MRC de Bécancour. Vous avez eu la MRC de Roussillon, qui est Châteauguay, Delson, où là on est vraiment dans du périurbain, dans un contexte métropolitain. Et ce qui ressort, c'est que chacune de ces expériences-là...
Ce qui ressort de ces expériences-là en termes de planification, ce sont des problématiques qui, somme toute, sont quand même assez différentes quand je parle d'usage autre qu'agricole. Parce qu'au niveau de l'agriculture, si on faisait un plan de développement de la zone agricole de la MRC des Maskoutains, on viendrait peut-être à regarder les entités, les entités foncières, les entreprises agricoles, quelle taille qu'elles ont. Elles ne seront pas de la même taille que dans l'Est du Québec ou dans le Nord-du-Québec. Et, dans l'exercice de plan de développement de la zone agricole -- puis c'est peut-être un élément aussi qu'il faudrait regarder -- c'est comment... avec quoi qu'on a... à quoi on a affaire en termes de production agricole, et il va ressortir, en termes de morcellement agricole, peut-être des problématiques, on parlait de relève, etc.
Quand on parle d'usage autre qu'agricole, les plans de développement de la zone agricole pourraient être aussi un lieu d'échange pour essayer de voir quelle serait une entente qui pourrait se prendre au niveau du territoire pour des fins autres qu'agricoles, à des fins d'utilité publique -- j'en ai parlé avec M. le ministre tantôt. Et on pourrait décider, et cette entente-là ou ces actions-là pourraient s'autoriser par la suite avec une demande à portée collective, avec le sérieux de l'exercice, avec l'ensemble des partenaires autour de la table, arriver à un consensus pour présenter à la CPTAQ une espèce de contrat collectif pour un territoire donné. Idéalement, il ne faudrait pas que ce contrat-là soit, comme je vous disais tantôt, du mur-à-mur. On ne peut pas s'en aller vers du mur-à-mur, pas en 2011, je ne crois pas. Il faut être capable de toujours garder une même base quand on parle des orientations gouvernementales, un travail qui se fait aussi parallèlement avec les ministères, donc cette cohérence-là, au niveau de l'aménagement du territoire, avec les orientations et des particularités qui ressortiraient au niveau des conclusions d'un plan de développement.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Berthier, à vous la parole.
M. Villeneuve: Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, madame. Bonsoir, monsieur. Écoutez, tout d'abord, je tiens à vous souligner le travail que vous avez fait. Il y a beaucoup de recommandations, hein? Et, en fait, au niveau de la loi sur la protection des activités agricoles, vous avez, je pense, vous... En tout cas, vous y allez avec au moins six recommandations, sinon plus, pour justement corriger certaines choses dans la Loi sur la protection du territoire agricole. Et je vois que vous... Même, vous allez un peu plus loin, je vous dirais même, vous dites: Le gouvernement devrait «s'assurer que la prochaine loi sur la protection du territoire et des activités agricoles -- donc on parle ici de la prochaine loi, O.K. -- s'arrime avec la future loi» -- alors là, c'est de la projection, ça, évidemment, on est rendu loin, là, et on va l'espérer, remarquez bien, hein -- et donc avec la future loi sur l'aménagement durable du territoire et l'urbanisme. Donc, vous espérez qu'il y ait un arrimage qui soit mieux fait entre ces deux futures lois là.
Est-ce à dire qu'à l'heure où on se parle les deux lois existantes sont en vigueur présentement, ne sont pas arrimées, en tout cas pas comme vous le souhaiteriez? Et, si jamais la réponse est oui, un exemple patent de cela.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Je ne pourrais pas nécessairement affirmer ce soir qu'elles ne sont pas arrimées. Par contre, dans les deux lois... C'est bien évident que, dans la Loi sur la protection du territoire agricole, la question, c'est agricole, c'est la zone agricole permanente comme telle. Dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, au cours des changements législatifs, il y a eu des ajouts, il y a eu des ajouts, et ces ajouts-là ne se sont pas nécessairement faits non plus en complémentarité, si on veut, avec la Loi sur la protection du territoire agricole comme telle. Quand on les lit, bien, on prend acte, dans le fond, des responsabilités ou des obligations qui sont dans les deux.
Quand on souhaite qu'il y ait un certain arrimage, et on parlait tantôt des comités consultatifs agricoles, si on vient qu'à faire les changements qui sont souhaités par l'association au niveau de cette logique, si on veut, de planification là, avec un schéma d'aménagement, plan de développement de la zone agricole et une demande à portée collective, est-ce que le CCA sera toujours d'usage? Et est-ce qu'il faudra toujours le prévoir dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ou on va l'intégrer dans la Loi sur la protection du territoire agricole avec une instance, un comité... Bon, ce soir, il est peut-être trop tôt pour le nommer. C'est ce qu'on parle, d'arrimage. Il faut quand même... Et les exercices se font en parallèle, donc il y a... Il me semble que le moment est opportun d'au moins, si ce n'est pas de porter un jugement qu'il n'y a pas un bon arrimage, au moins se donner cette préoccupation-là de s'assurer qu'il y ait une certaine cohérence entre... «cohérence», le mot est peut-être fort, mais cet arrimage-là entre les deux lois dans les changements qu'on veut apporter à ces lois-là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Berthier.
M. Villeneuve: Oui. Je ne veux pas vous amener sur les mines, là, c'est un terrain hautement risqué, mais en fait on pourrait peut-être même penser qu'il y aurait peut-être lieu, au Québec, maintenant, qu'on puisse s'assurer finalement qu'il y ait une plus grande cohésion de l'ensemble des différents ministères, de l'ensemble des différentes politiques, ce qui permettrait, à mon avis... Et on parlait justement... Sur l'avant-projet de loi sur l'aménagement durable du territoire, on avait même évoqué ou amené une possibilité de se donner un plan d'ensemble qui permettrait de chapeauter tout ça pour assurer finalement que... peut-être pas une fois pour toutes, parce que tout est en évolution, là, mais, à tout le moins, qu'on puisse s'assurer qu'on ait vraiment tous les éléments du puzzle pour être capables justement de prendre des décisions qui sont les bonnes, en tout cas dans la mesure où la situation se lit de cette façon-là à ce moment-là. Je ne sais pas si vous avez une opinion là-dessus.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. Lestage.
M. Lestage (François): Considérant l'heure et que vous avez tous votre journée dans le corps, je vous dirais, avec un brin d'humour -- je suis en train de perdre mon idée en faisant cette belle introduction là -- qu'on a même déjà rêvé, dans des discussions de corridor, au niveau des aménagistes, qu'il y ait un ministère de l'aménagement du territoire, avec une loi de l'aménagement du territoire, pour s'assurer de cette cohérence-là entre les orientations québécoises et l'aménagement sur le terrain au niveau municipal. Alors, ça répond peut-être à vos questions.
M. Villeneuve: Bien, écoutez, continuez à rêver, c'est porteur d'avenir, et sûrement que vous serez entendus un jour. Pour ma part, j'ai terminé.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Est-ce que vous avez d'autres questions?
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Non.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Non. Alors, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. On va suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 17)
(Reprise à 21 h 19)
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): ...est-ce que j'ai un consentement? Merci. Je vous remercie. Alors, maintenant, on va entendre Mme Nicole Varin. Vous disposez d'un maximum de 10 minutes afin de présenter votre mémoire.
Mme Nicole Varin
Mme Varin (Nicole): Parfait. Bonsoir. Je suis Nicole Varin. Mon conjoint, Harold Varin, m'accompagne.
Bonsoir, Mme la Présidente, M. le ministre et membres de le commission. J'aimerais dire au tout début que je ne suis pas ici pour détruire, bien au contraire. J'espère bien même que ça va être pareil de mon côté. Moi, je vais faire des représentations surtout au niveau acéricole. Moi, je suis productrice agricole et je suis transformatrice. Donc, même si je suis producteur de petits fruits et de pommes, ce qui me concerne aujourd'hui, c'est le côté acéricole.
**(21 h 20)** Il y a plusieurs années, lors de visites à Cuba, chez des paysans, on nous avait expliqué que, lorsque la récolte était presque à terme, un fonctionnaire venait faire une évaluation afin de calculer les redevances que ceux-ci devaient remettre. À partir de ce moment-là, les paysans ne quittaient plus leurs champs de peur de se faire voler. Puis, moi, je me disais: Bien, chez nous, au Québec, on est chanceux, on est libres, on est beaucoup plus civilisés, et les producteurs agricoles sont plus respectés.
Aujourd'hui, en 2011, je me dis qu'on n'est pas mieux que les Cubains. C'est dommage, moi, je suis rendue là. Pour avoir travaillé toute notre vie en acériculture, on nous poursuit. La liberté, en acériculture ce n'est qu'une illusion.
Nous sommes les plus grands producteurs de sirop d'érable au monde -- wow! -- ce n'est pas n'importe quoi. Le sirop d'érable, c'est la fierté du peuple québécois. C'est quand même quelque chose, surtout quand on pense que le sirop d'érable, ce n'est pas essentiel à l'alimentation mais plutôt considéré comme un produit de luxe. Pourtant, même si nous avons contribué à développer la production du sirop, même si on a contribué à offrir un produit de plus grande qualité avec des normes de salubrité et d'hygiène, même si on a contribué à redonner au sirop d'érable ses lettres de noblesse en le présentant différemment que dans la canne, même si les entreprises manufacturières d'équipement acéricole sont en majorité québécoises, aujourd'hui, au Québec, nous avons perdu notre liberté d'entrepreneur. Même si on vit à l'année de notre production acéricole, on a des contingents. Même si on a développé notre propre mise en marché, on a des comptes à rendre pour la collectivité. Bref, on en déshabille certains pour en habiller d'autres.
Pendant ce temps-là, le soleil brille en Ontario, au Nouveau-Brunswick et dans certains États américains. Eux, en toute liberté, augmentent leur production et profitent, par le fait même, de la chicane interne du Québec. Pour ceux qui doutent de la situation, ils ont juste à regarder les principaux manufacturiers d'équipement acéricole, ils ont tous un point à l'extérieur du Québec, donc ça veut dire que ça se développe à l'extérieur aussi. Donc, les acheteurs ont maintenant le choix d'acheter «Québec» ou d'acheter ailleurs, acheter au Québec avec un paquet de problèmes ou acheter ailleurs en paix. Moi, personnellement, mon choix, il ne serait pas long à faire.
Moi, je me demande pourquoi qu'au Québec il faut toujours attendre que la pérennité de nos entreprises soit en danger avant que le gouvernement réagisse. Moi, personnellement, j'ai sonné l'alarme à Mme la ministre Françoise Gauthier. Plusieurs personnes ont changé de siège depuis ce temps-là, autant du côté du ministère que du côté des instigateurs de cette loi. Moi, par contre, je suis encore là, en agriculture, et je travaille toujours dans la même entreprise, la mienne.
Vous dites que vous vous apprêtez à mettre la table pour demain. Alors, moi, je vous dis: Dépêchez-vous parce qu'avec toutes les poursuites qu'on a dans le sirop d'érable, bien, bientôt, il n'y aura plus de saveur du terroir puis plus de saveur caractéristique. Ils auront atteint leur objectif, c'est-à-dire prendre le sirop d'érable de toutes les régions, le mélanger et l'offrir aux consommateurs. Ceux que vous voulez tant protéger auront comme sirop à déguster des mélanges qui goûteront tout puis qui ne goûteront rien. Ce sera la fin des appellations, on n'en parlera plus.
Vous parlez aussi d'héritage culturel. Bien, les Varin sont en agriculture depuis trois générations; la quatrième attend le dénouement de, trois petits points. Je pense que nous aurions eu une belle histoire à raconter à nos petits-enfants, qui, eux, auraient peut-être été la cinquième génération. Mais, si le gouvernement ne met pas ses culottes et que le ministère ne reprend pas son rôle en agriculture, notre histoire sera: comment vos grands-parents, des pionniers dans le monde acéricole, se sont fait ravir leur entreprise.
Maintenant, à savoir si le Québec, avec ses programmes, aide les agriculteurs, je ne peux pas répondre parce que, moi, je suis exclue de ces programmes. Eh oui! Je suis exclue pour non-conformité dans le sirop d'érable. Avant d'être jugée, je suis exclue, donc pas question de mettre mon dollar dans les programmes pour en recevoir un autre. Cela signifie que mes framboises, mes pommes, poires, prunes et bientôt ma nouvelle production ne sont pas éligibles à des programmes gouvernementaux parce que je n'ai pas attendu l'aide de Pierre, Jean, Jacques et que j'ai développé ma propre mise en marché et ma distribution. Parce qu'au Québec, en acériculture, il n'y a pas de place pour la différence, je suis pénalisée. Parce que je vis d'agriculture à temps plein, je suis pénalisée. J'aurais pu être policier, électricien, fonctionnaire du MAPAQ, ex-régisseur, politicien, ancien de la GM, retraité qui font du sirop d'érable pour le plaisir ou pour avoir un revenu d'appoint. Mais, moi, j'ai choisi d'être entrepreneur- transformateur en acériculture, c'est-à-dire que j'ai pris les moyens qu'il fallait pour rester en affaires et me démarquer dans le créneau que nous avions choisi. Alors, selon moi, puisque je ne suis pas considérée comme un agriculteur, je ne sais pas si j'ai à répondre à cette question.
Vous parlez d'entreprises rentables et efficaces. Pour cela, il faut avoir la liberté de gérer les dépenses et les revenus. Si nous avons une récolte extraordinaire et que le sirop se retrouve en quantité industrielle sur le marché, aura-t-il la même valeur que si nous sommes en pénurie? Si mon entreprise a besoin de liquidités, ai-je le droit de vendre ma production à qui je veux et à un prix qui me satisfait? Ces questions sont les décisions d'entrepreneurs. Donc, redonnez-moi le fruit de mon labeur, et je serai rentable et efficace. Innover en acériculture, développer de nouveaux produits, comme je le fais actuellement, c'est aussi faire profiter la collectivité agricole des argents que j'aurai dépensés, moi, personnellement. Est-ce que c'est normal?
Modification de la Loi de mise en marché. Le projet de loi n° 21 que M. Lessard avait promis et que M. Corbeil a déposé en fin de session, c'est une manière de bâillonner à tout jamais les producteurs agricoles. Déjà, des projets de loi étaient présentés à la régie et adoptés, bien naturellement, puisque les seuls autorisés à parler étaient ceux qui les présentaient. Maintenant, avec cette modification de loi n° 21, nous serons tous coupables sans avoir l'opportunité de nous défendre, puisque vous donneriez plein pouvoir à ces régisseurs -- d'ailleurs, qui sont-ils? Allez donc voir sur le site de la régie pour vous rendre compte du nombre d'agriculteurs comme moi qui ait dû rajouter une colonne dans sa comptabilité pour les frais d'avocats. Certains ont décidé de se battre, pendant que d'autres ont décidé d'acheter la paix. Si vous passez cette loi contre, justement, le jugement Bourgoin, dans le sirop d'érable, les seuls avocats qui vont avoir le droit de parler d'agriculture, ce seront ceux qui auront fait les projets de loi. Belle démocratie!
Un représentant du MAPAQ m'a confirmé par écrit que malheureusement il ne pouvait rien faire pour la loi. Alors, je trouve quand même cela très contradictoire avec cette modification de loi. Encore une fois, que voulez-vous! Quand ce sont les bonnes personnes qui demandent, on obtient.
Devrait-on offrir l'occasion aux producteurs agricoles de s'exprimer sur le maintien de l'accréditation unique pour représenter leurs intérêts professionnels? Je trouve que de demander à la population de nous donner le droit de parole, c'est, à la limite, de l'indécence. Je me demande si les dentistes acceptent que les médecins généralistes décident de leur droit de parole. Sommes-nous des entrepreneurs, oui ou non? Je pense qu'il est temps que les agriculteurs aient la liberté d'association ou du syndicat qui veillera sur ses intérêts professionnels. De toute façon, en affaires, la concurrence est toujours bonne. En ce moment, les intérêts, à mon avis, sont plus du côté du syndicat et des acheteurs.
En politique, il y a plusieurs partis. Dans la constitution...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Il vous reste une minute, madame.
Mme Varin (Nicole): Oui, O.K. O.K., bon, bien, je vais vous la dire, celle-là, quand même -- si j'ai du temps après, je vous rajouterai d'autre chose que j'ai entendu hier. En politique, il y a plusieurs partis. Dans la construction, on a plusieurs syndicats. Dans les soins de santé, il y en a plusieurs. Même dans les gangs de rue, là, il y en a plusieurs. Mais, en agriculture, bien, on a le droit juste à un. Habituellement, nous devrions être protégés par notre représentant, mais nous sommes poursuivis, puis on le paie en plus. Bon, O.K.
Ah oui! L'agriculture, pour moi, c'est une passion, je cultive la terre puis je cultive la vie. La situation actuelle en acériculture, plus précisément, c'est un cancer qui nous poursuit avec comme seul but de nous détruire. Moi, je pense qu'il y a encore de l'espoir. Nous avons déjà perdu trop de temps et gaspillé trop d'énergie. Depuis des années, nous vivons avec ces menaces. Mettez un terme à toute cette mascarade dans le monde acéricole, vous le pouvez, si vous le voulez. Mais le voulez-vous vraiment? Moi, je veux...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci, madame. Vous pourrez continuer tantôt...
Mme Varin (Nicole): C'est bon. Parfait.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): ...lors de la période des questions. Alors, nous allons maintenant entamer les échanges pour une durée de 20 minutes, en débutant par le groupe parlementaire formant le gouvernement. M. le ministre, à vous la parole pour 10 minutes.
**(21 h 30)**M. Corbeil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme Varin, bonsoir, monsieur. Puisque vous parlez de production acéricole, on observe que, depuis cinq ans, les revenus en acériculture ont crû de 40 % au Québec, alors que vous semblez dire que la mise en marché collective limite le développement de votre entreprise. Pouvez-vous nous expliquez ces limites et suggérer des voies d'amélioration pour favoriser encore davantage le développement du secteur?
Mme Varin (Nicole): Moi, quand je parle de mon entreprise, c'est que, moi, je suis producteur-transformateur, O.K.? C'est sûr que, du sirop en vrac, il s'en fait, c'est sûr qu'il s'en fait de plus en plus, mais, moi, au niveau de la transformation, je suis brimée dans mon droit de transformateur. C'est-à-dire que, moi, en tant que producteur-transformateur, je dois payer le même prélevé qu'un producteur qui fait du vrac.
Ça fait que, là, on va s'entendre tout de suite que, moi, je n'ai rien contre les personnes qui font du vrac, sauf que de passer le sirop dans la presse puis le mettre dans le baril, c'est tout à fait différent que de faire du sirop d'érable puis de le mettre dans des jolies bouteilles, de faire du beurre, du sucre granulé et du bonbon. Moi, ma vie, c'est ça, c'est de... Moi, j'ai choisi de présenter le sirop d'érable différemment.
Alors, moi, pour moi, quand je dis que je suis brimée, c'est que je ne suis pas d'accord de payer pour la collectivité, O.K., qui souvent, en plus, viennent faire du sirop pendant le temps des sucres, et après ils retournent à un autre emploi. Ça fait que, là, c'est pour ça que, moi, je considère que je suis brimée. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Merci, Mme la Présidente. Quand vous parlez de transformation, là vous avez donné quelques exemples, est-ce que vous allez au-delà de ça dans la transformation ou...
Mme Varin (Nicole): Bien...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Varin.
Mme Varin (Nicole): Excusez. Bien là, si je vais au-delà de ça, c'est sûr que, bon, j'ai des vinaigrettes, j'ai tous les produits. Je suis en train de faire développer des produits qui n'existent pas au Québec, il n'y en a pas, mais pas du tout. Il n'y en a pas aux États-Unis non plus. Et, même ces produits-là, M. le ministre, je vais être obligée de payer une redevance à la Fédération des producteurs acéricoles, parce que, moi, je vais avoir travaillé à développer, à payer de la recherche. Ça fait que... Mais je ne vous dirai pas mes produits parce que... C'est ça.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Je voudrais juste revenir sur votre position concernant l'accréditation syndicale. Quels sont les avantages que vous voyez à la liberté de choisir l'association ou le syndicat de votre choix pour défendre vos intérêts? Et, secondairement à ça, pensez-vous que le principe de cotisation obligatoire doit être maintenu?
Mme Varin (Nicole): Ah! moi, avec les..
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Varin.
Mme Varin (Nicole): Excusez. Avec les contributions, je n'ai pas de... Ma cotisation, je n'ai pas de problème. Moi, ce que j'aimerais, c'est d'avoir un syndicat qui me représente, donc avoir le choix. Avoir quelqu'un qui parle de la même chose que moi, ça, moi, je n'ai pas de problème du tout avec ça, ce qui n'est pas le cas actuellement avec le syndicat qu'on a, qu'on nous a forcés, en fin de compte, à intégrer.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Tantôt, vous dites que vous êtes exclue des programmes d'aide, pourtant vous mentionnez dans votre mémoire que vous faites des pommes, des framboises, des poires, des prunes, et vous ne seriez pas éligibles à ces programmes-là. Avez-vous une explication, une raison à...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Varin.
Mme Varin (Nicole): Oui, c'est vrai. Parce que, bon, c'est sûr qu'au début j'avais l'assurance récolte, j'avais l'assurance stabilisation au niveau des pommes, parce qu'on était pomiculteurs, puis, à un moment donné, la fédération a dit que j'étais non conforme, parce que je m'objecte à payer mes prélevés, le fameux 0,10 $ la livre qui... en tout cas. Ça fait que, là, ils m'ont exclue de ces programmes-là.
M. Corbeil: Pour les pommes?
Mme Varin (Nicole): Pour tout.
M. Corbeil: Même les framboises et les autres?
Mme Varin (Nicole): Oui, oui, oui. Oui, oui, oui, c'est ça. Je pense que ça, c'est arrivé justement quand la fédération était... l'UPA siégeait en grande majorité à La Financière agricole. Ils avaient voté un règlement qui disait que les gens qui ne respectaient pas leur loi, bien, on était comme exclus de ces programmes. Ça fait que c'est ce qui est arrivé.
Moi, personnellement, ça représente, je vais vous le dire... Parce que j'ai eu justement quelqu'un de La Financière avec qui j'ai parlé récemment qui me disait: Mme Varin, ça représente 50 000 $ pour vous, là, que vous perdez. Ça fait que... Puis là, hier, j'écoutais la commission justement, quand je suis rentrée du champ, j'ai dit: Tiens! je vais regarder, puis on parlait de La Financière agricole, puis on parlait de différentes productions, puis on parlait de millions. Peut-être que 50 000 $, ce n'est pas grand-chose, mais, pour une entreprise, c'est quelque chose. Puis là, à un moment donné, là, je vous entendais, les gens qui étaient assis là, qui disaient: Bien, c'est difficile de donner à un puis de ne pas donner à l'autre. Mais, faites-vous-en pas, ça se fait déjà, là. Ça fait que... Puis le pire, c'est qu'on dit que c'est La Financière qui est comme le personnage non grata dans cette situation-là, mais ce n'est pas vrai, ce n'est pas toujours eux autres, puis pourtant on n'en entend pas parler, là. Et voilà.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le ministre.
M. Corbeil: Je vais laisser mes collègues peut-être poser des questions à Mme Varin.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rivière-du-Loup, à vous la parole.
M. D'Amour: Disons, je me fais un peu l'avocat du diable, en matière de sirop d'érable, il y a quelques années -- moi, je suis un député du Bas-Saint-Laurent, Rivière-du-Loup, il y a à proximité de chez nous, dans le comté puis haut Témiscouata, il y a beaucoup de fermes acéricoles -- on était aux prises avec des surplus. J'ai même entendu, jadis, naguère, il y a très longtemps, un ministre de l'Agriculture dire: Je prie quasiment pour ne pas que ça coule ce printemps. On ne savait plus où mettre le sirop, on manquait d'entrepôts. Aujourd'hui, cette situation-là, on ne la vit pratiquement pas, là, pratiquement plus. Il me semble qu'il y a là des avantages.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Varin.
Mme Varin (Nicole): Il y a probablement des avantages pour ceux qui font du vrac. Moi aussi... En 1984, les taux d'intérêt étaient à 22 %, on avait fait une récolte épouvantable, et, tu sais, dans ce temps-là, on appelait du AA. On avait tout vendu notre sirop à Toronto. Ça fait que, là, on a descendu avec notre camion à Toronto pour vendre notre sirop, puis, quand la grosse compagnie... C'était comme presque aussi beau qu'ici quand on a rentré dans leurs bureaux. Puis là ils ont regardé notre sirop, c'était du AA, ils ont dit: Non, non, nous autres, on n'achète pas ça, du AA. Nous autres, on achète du médium. Ça fait qu'on est revenus avec notre petit bonheur. Puis là, on s'est dit: Oui, qu'est-ce qu'on fait? Premièrement, si on reste comme ça, bien, on ne restera pas en affaires bien, bien longtemps. Ça fait que, là, on a décidé de suivre des cours de transformation. Puis là, bien, on a réussi à écouler notre sirop. Ça fait que, ça, il n'y en a pas de problème. Mais ça, c'est des décisions d'entrepreneur. Vous savez, au début, on avait 5 000 entailles. On a grossi mais graduellement. Aujourd'hui, on en a 30 000, entailles. Mais on a du volume pour qu'est-ce qu'on est capables de vendre. Mais pourquoi qu'on aurait des obligations envers la collectivité, vous comprenez?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Oui, M. le député.
M. D'Amour: Je veux bien comprendre. Le fait, bon, qu'il existe une fédération, en quoi ça vous brime dans votre droit de transformer? Vous pouvez encore transformer et vendre.
Mme Varin (Nicole): Oui, je peux.
M. D'Amour: Il y a l'entre-deux. Dans le fond, ce que vous nous dites, ce avec quoi vous vivez très mal, c'est la cotisation entre les deux.
Mme Varin (Nicole): Oui. Moi, ce que...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Une minute pour répondre.
Mme Varin (Nicole): O.K. Moi, je vis mal, effectivement, avec la cotisation parce que, moi, quand j'ai décidé de faire ma mise en marché, O.K., c'est moi, moi-même, de ma personne, qui a parti, puis qui est allée dans les magasins, puis qui est allée faire déguster sur mon bras, en fin de compte, là, sur mon temps. Puis ça, c'était gratuit, puis c'est moi qui ai fait ça, là. Puis là, aujourd'hui, là, bien, il faut que j'encourage les autres. J'ai un peu de misère avec ça.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Est-ce qu'il y a consentement pour une question?
M. D'Amour: Tout simplement pour dire que...
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Oui.
M. D'Amour: ...je comprends votre position, là. Je veux tout simplement voir clair dans tout ça. Je vous remercie, Mme Varin.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Merci. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata, à vous la parole.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme Varin. Bonsoir, monsieur. Merci d'être venus. Vous êtes quand même d'Oka, d'après ce que je peux voir, donc ça fait une bonne distance.
Je sens bien sûr dans... Je sens, j'ai compris, dans vos propos, dans votre mémoire, dans votre présentation, que vous vivez un irritant ou, pour ne pas dire, une frustration assez importante, que je peux comprendre ou que j'essaie de comprendre. Vous parlez: On m'exclut à cause de ma non-conformité, à mon sirop ou à mes fruits. Pouvez-vous me préciser, là, puis pour ceux qui vont vous entendre, quand on parle de non-conformité, qu'est-ce que ça signifie exactement?
**(21 h 40)**Mme Varin (Nicole): Quand on parle de non-conformité, qu'on m'exclut pour non-conformité, ce n'est pas parce que je n'ai pas un bon sirop d'érable, ce n'est pas parce que je ne conviens pas aux normes du ministère de l'Agriculture, de l'inspection des aliments provinciale, ce n'est pas parce que je ne conviens pas aux normes d'inspection fédérales -- parce que j'ai une licence fédérale. C'est que je ne rentre pas dans le moule que la fédération a institué. Je ne fais pas dans le carcan, O.K.? Et la fédération avait, comme j'ai dit un peu précédemment, quand ils étaient majoritaires à La Financière agricole, mis un règlement comme quoi que les gens qui n'étaient pas... -- puis qui n'étaient pas conformes parce qu'ils ne voulaient pas rentrer dans le moule -- bien, on les coupait de ces programmes-là. Et c'est la raison pourquoi je dis que je suis non conforme. D'ailleurs, la lettre de La Financière agricole me dit que je suis exclue d'Agri-stabilité, Agri-investissement, Agri-Québec pour non- conformité avec la Fédération des producteurs acéricoles. Et voilà, c'est ça.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Bien, merci pour cette précision. Vous parliez tout à l'heure de cotisation exigée. Pouvez-vous nous donner un aperçu qu'est-ce que ça signifie, la cotisation, en termes de montants?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Varin.
Mme Varin (Nicole): O.K. Bien, la cotisation, là, je vais vous dire, honnêtement, j'ai reçu une poursuite il y a trois ans, O.K.? Ma poursuite doit être rendue à tout près de 1 million de dollars, O.K., en dommages, intérêts, pénalités, cotisations, frais non payés, ta, ta, ta. Ça ne représente pas grand-chose. Ça représente 0,14 $... 0,12 $, 0,14 $ la livre, je pense. Je ne vais même pas fouiller, parce qu'en tout cas, dans ma tête à moi, ce n'est comme pas logique, je ne vais même pas fouiller à savoir c'est quoi, le montant exact de ça.
Moi, je fais 30 000 lb. C'est sûr que, moi, dans le temps des fêtes, cherchez-moi pas, moi, je suis dans les centres commerciaux du 9 à 9, O.K.? Moi, je vends des emballages de produits de l'érable. Moi, j'ai une passion, c'est l'érable. Ça fait que, moi, là, que ça soit 0,10 $, 0,12 $, je ne le sais pas, je n'ai pas regardé. Mais je ne sais pas -- combien qu'on peut faire de livres dans une année? On en fait beaucoup, 30 000 entailles, on va dire, à deux livres et demie l'entaille, bon, ça fait 75 000 lb. On va dire que j'en ai peut-être 30 000 lb qu'il faudrait... C'est ridicule comme somme, là.
Mais, de toute façon, ce n'est pas... Le but de l'exercice, ce n'est pas ça. Le principe, c'est: s'il se fait 85 millions de livres de sirop d'érable au Québec, multipliez-le par 0,12 $, 0,14 $ la livre, O.K., ça va nous donner un montant proche de 100 millions qui va retourner dans la banque de la Fédération des producteurs acéricoles. On peut bien ne pas avoir trop de misère, là, hein? Ça fait que c'est ça. Bon. Peut-être que je n'ai pas été claire, là, c'était plutôt 10 millions, là.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci. Et qui vous poursuit pour 1 million?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Mme Varin.
Mme Varin (Nicole): Bien, la fédération des producteurs de sirop d'érable accompagnée des régisseurs. Bien, c'est l'UPA, en fin de compte. C'est ça, c'est tout pareil, hein?
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole. Ou M. le député de Berthier.
M. Villeneuve: Peut-être juste... J'avoue que votre témoignage est assez particulier, hein? Et, quand vous dites que vous êtes poursuivis pour 1 million, je vous trouve assez sereins ce soir. C'est peut-être l'heure tardive, mais vous semblez bien accuser le coup. Mais, moi, je l'accuse difficilement, je vous dirais, 1 million de dollars, et c'est quand même sur une longue période. C'est ça que je comprends, là.
Mme Varin (Nicole): Ah, oui, ça doit être à peu près sur quatre, cinq ans. Je vais vous dire que, quand j'ai reçu cette brique-là, je n'étais pas sereine comme ça, O.K.? Mais la vie m'a appris que d'avoir peur d'une fédération, non. La vie m'a appris c'était quoi, la peur, O.K., puis, moi, je sais c'est quoi, la peur. Puis probablement qu'il y en a bien dans vous autres qui ne le savent pas c'est quoi, la peur, mais, moi, je le sais. Ça fait que... Mais là je considère ça comme de l'intimidation puis je me suis dit: Ce n'est pas vrai que je vais me coucher à plat ventre.
Parce que, vous savez, quand on a monté ça -- je pense que c'est important que je vous le dise, parce que c'est vrai -- quand on a monté cette business-là, moi, j'avais deux filles, O.K., puis je travaillais, puis je travaillais, puis je travaillais, puis j'aimais ça. Puis là, un jour, les filles sont venues me voir le soir à l'usine de transformation, puis là elles ont dit: Maman, on est tannées. Vous êtes tannées? Vous êtes tannées de quoi? Maman, on va l'haïr, ta business. Ça fait que j'ai dit: Bien, voyons donc! Pourquoi? Mais oui, mais là, maman, tu es toujours là. Mais j'ai dit: Oui, mais, un jour, là, vous allez être fières de moi.
Quand je suis arrivée à la maison, j'ai dit à lui, en se couchant, j'ai dit: Oui, les filles m'en ont servi toute une à soir. Ça fait qu'il dit: Oui, quoi? Puis là je lui ai dit ça. Puis là, lui, il m'a répondu -- puis écoutez-la, celle-là, peut-être, ça va vous faire penser à des vieux professeurs: Que sert à la femme de gagner l'univers si elle en vient à perdre son homme? Là, je l'ai regardé, j'ai dit: Quoi? Qu'est-ce que c'est que tu dis là? Bien, il dit: Je dis la même chose que les filles. Mais là j'ai dit: Non, non, non, écoutez, tout à l'heure, là, vous allez être contents.
Ça fait que, là, moi, là, je suis encore fière de ma business, hein? Ça fait qu'abdiquer, pour moi, là, ça serait de renier tout le travail que j'ai fait avant. Ça fait que c'est pour ça, moi, je suis rendue là; ça fait que, si je vous semble sereine, bien, tant mieux, parce qu'en réalité j'ai les «shakes». Et voilà.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Kamouraska-Témiscouata, à vous la parole.
M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Oui. Alors, Mme Varin, M. Varin, simplement un mot pour vous dire que je vous félicite pour le courage que vous avez de défendre votre cause. Que vous ayez tort ou raison, là, ce n'est pas la question, mais ça prend du courage, de la détermination pour faire ce que vous faites, et, moi, je trouve ça impressionnant. Et j'espère que vous en arriverez à trouver une place acceptable comme entrepreneurs pour poursuivre votre projet.
Mme Varin (Nicole): Bien, j'ai justement, à ce sujet-là... C'est drôle, je vais juste en rajouter un petit peu. Premièrement, on n'est pas les seuls dans cette situation-là, mais ce n'est pas tout le monde qui est capable de s'exprimer puis de le dire. Puis, même si je bégaie, regarde, ce n'est pas grave. Mais je vais vous dire que j'ai pris des contacts à... Je suis allée voir ailleurs. J'ai dit: Bien, coudon, en Ontario... Moi, j'ai toujours vendu tout en Ontario. D'ailleurs, ça ne fait pas longtemps que je vends au Québec. Moi, j'ai toujours vendu mes pommes en Ontario, mes framboises en Ontario, mes fraises en Ontario, mon sirop d'érable en Ontario. Puis, à un moment donné, bien, c'est arrivé que, là, je me suis dit: C'est pas mal niaiseux, là, je vends tout de l'autre bord puis je ne vends rien ici. Ça fait que, là, j'ai commencé à développer une clientèle à Montréal. Si j'avais su, je ne l'aurais jamais fait, j'aurais tout renvoyé mon stock en Ontario.
Mais là, moi, l'issue que je vois, c'est de vous quitter, au Québec, et de m'en aller en Ontario. Mais je vais vous le rapporter, mon sirop, puis je vais vous les rapporter, mes sous-produits. Puis vous allez les acheter, vous allez payer un peu plus cher parce qu'ils vont venir de l'Ontario, ils vont être bien meilleurs, mais c'est...
Une voix: ...
Mme Varin (Nicole): Pardon?
Une voix: On va avoir le droit de le vendre.
Mme Varin (Nicole): Mais on va avoir le droit de le vendre. C'est assez spécial, hein? Je peux vendre... Si je suis en Ontario, je peux tout vous ramener ça, puis vous allez l'acheter puis vous allez tous être contents. Puis je vais avoir le droit, je vais être légale, je vais être conforme et je vais pouvoir participer aux programmes gouvernementaux qui existent en Ontario aussi. Parce qu'il y a des programmes fédéraux aussi, hein, c'est de connivence; Agri, c'est provincial-fédéral.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): M. le député de Rivière-du-Loup... Est-ce que j'ai un consentement? D'accord. À vous la parole.
M. D'Amour: Merci, Mme la Présidente. Vous produisez votre sirop en vrac, mettons, là -- je suis votre cheminement -- vous le prenez ici, vous l'amenez en Ontario; en Ontario, vous le transformez. Vous allez devoir payer sur le sirop en vrac.
M. Varin (Harold): J'ai des érablières en Ontario. Je produis en Ontario.
M. D'Amour: Ah! O.K.
M. Varin (Harold): Je peux vendre n'importe quel sirop de l'Ontario ici.
M. D'Amour: Donc, vous ne pouvez pas déménager vos érables, là.
Mme Varin (Nicole): Pardon?
M. D'Amour: Vous ne pouvez pas déménager vos érables.
Mme Varin (Nicole): Non, non, non. C'est de valeur parce que c'est quand même la troisième génération. Mais peut-être qu'ils pourriront là puis... Regarde, on verra ce qui arrivera, hein? Mais, non, là, on fait de l'ironie, là. Mais ce que je trouve quand même dommage, c'est d'avoir une si belle entreprise, d'être si bien chez nous, mais d'être comme contrôlée. C'est comme si, à un moment donné, la fédération a oublié de travailler pour nous autres. En ce moment, c'est nous qui travaillons pour elle. Ce n'est comme plus logique, là.
Puis, même aujourd'hui, le fait que je vienne faire un témoignage à la commission comme ça, peut-être que ça ne sera pas bien vu, puis peut-être que je vais avoir des représailles. Mais ce n'est pas grave, je me dois de le dire publiquement qu'à un moment donné on n'est pas tous... Tu sais, quand on regarde à la régie, il y en a plein qui passent à la régie; on n'est pas tous du méchant monde, là, on n'est pas tous des bandits. On n'est pas des voleurs, on n'est pas des contrebandiers, on n'est rien de ça. On a juste travaillé. Et voilà.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Est-ce qu'il y a un consentement pour que M. le ministre pose une brève question? D'accord.
M. Corbeil: J'ai cru comprendre, dans la présentation de Mme Varin, que vous êtes dans la région d'Oka. Combien vous avez d'employés?
Mme Varin (Nicole): Bien, durant le temps... Bien, nous autres, on a comme beaucoup d'employés... C'est très... Comment on dit?
Une voix: Saisonnier.
Mme Varin (Nicole): Saisonnier, c'est ça. O.K. Dans le temps des sucres, à la boutique, on doit être -- un, deux, trois, quatre -- cinq, environ. À la cabane, on doit être trois, quatre?
M. Varin (Harold): Oui.
**(21 h 50)**Mme Varin (Nicole): C'est ça. Dans le temps des framboises, c'est-à-dire à partir du 11 juillet à peu près jusqu'à tout récemment, là, on roule à peu près avec 40, 45. Puis c'est ça. Puis, dans le temps des... quand il va recommencer... Dans le temps des pommes, bien là, on en a coupé beaucoup, O.K.? Parce que ça, c'est encore pareil, on avait notre propre mise en marché, puis là, à un moment donné... Ça, ce n'était pas ma passion. Ça, je m'en foutais un peu. Ça fait que j'ai essayé de le convaincre de couper ça, puis j'ai dit: Regarde, on va passer à d'autre chose. Puis j'ai quelque chose de très beau dans... L'année prochaine, vous allez entendre parler de moi puis vous allez dire: Ah! c'était ça qu'elle parlait, la madame. Mais, en tout cas, c'est ça. Puis, dans le temps des fêtes, bien, on est à peu près six... oui, six. Puis, cette année, j'ai des centres commerciaux de plus, là, en vue, à les faire bénéficier de mes beaux emballages, là. Ça fait que c'est ça. On fait rouler l'économie quand même.
La Présidente (Mme Beaudoin, Mirabel): Alors, je voudrais vous remercier de façon particulière, puisque je suis votre députée, Oka fait partie de la plus belle circonscription du Québec, la circonscription de Mirabel, et je vous félicite pour votre détermination et votre courage. Alors, bon succès.
Je lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux jusqu'au 21 septembre, après les affaires courantes, où elle poursuivra ce mandat.
(Fin de la séance à 21 h 51)