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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 1 décembre 1983 - Vol. 27 N° 174

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 48 - Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Onze heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunit pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres dispositions législatives.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Nicolet), M. LeMay (Gaspé), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Blouin (Rousseau), M. Garon (Lévis), M. Houde (Berthier) remplacé par M. Maltais (Saguenay), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Lincoln (Nelligan), M. Ciaccia (Mont-Royal) et M. Côté (Charlesbourg).

Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dubois (Huntingdon), Mme Juneau (Johnson), M. Lachance (Bellechasse), M. Laplante (Bourassa), M. Middlemiss (Pontiac) et M. Picotte (Maskinongé).

Hier, nous en étions à l'article 1 et à l'étude d'un amendement proposé par le ministre, qui se lit ainsi: "L'article 1 est modifié par le remplacement, à la deuxième ligne du paragraphe 3, du chiffre "2" par le chiffre "3"." Alors, je pense que le député de Nelligan avait d'autres interventions là-dessus.

Pêcheries commerciales (suite)

M. Lincoln: Oui. J'avais commencé à demander au ministre... D'abord, il y avait une question posée par mon collègue de Mont-Royal que le ministre devait prendre en considération. Je me demande s'il peut nous donner une réponse sur la question des droits des autochtones par rapport à la convention de la Baie James.

M. Garon: II n'y a rien de touché là-dedans, cela reste exactement comme auparavant. Il s'agit des eaux sans marée. Vous remarquerez que le plan des pêches -on parle du plan de gestion des pêches en vertu de la Loi sur la conservation de la faune - va comprendre quatre parties: premièrement, l'aspect de la reproduction; deuxièmement, la pêche de subsistance, qui est essentiellement la pêche des autochtones; troisièmement, la pêche sportive et, quatrièmement, la pêche commerciale. Alors, il a été de façon très claire établi que la pêche concernant les Indiens autochtones était une pêche de subsistance et qu'elle ne relèverait pas de la loi 48. Elle va relever, comme auparavant, de la Loi sur le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Lincoln: Mais mon collègue avait soulevé le fait que les autochtones ont un certain droit de pêche commerciale. D'après ce que je comprends - j'ai lu les interventions qui ont lieu maintenant dans le cadre du changement de la Loi sur la conservation de la faune - j'ai une note qui dit que le ministre confirme que tout ce qui a trait aux pêches commerciales, ce sont les permis, mais qu'arrive-t-il s'il y a des pêches commerciales dont les droits sont possédés par les autochtones? C'est le point qui avait été soulevé par le député de Mont-Royal.

M. Garon: Ce n'est pas traité comme une pêche commerciale. La pêche des autochtones est traitée comme une pêche de subsistance.

M. Lincoln: Quant aux questions...

M. Garon: II est arrivé que, dans le Nord, nous ayons fait des travaux de recherche avec les Inuits; nous en avons présentement sur le potentiel de pêche qu'il y a dans le Nord. On n'en a pas fait avec les Indiens de la baie James. C'est à la demande même de la société Makivik que nous avons un projet de recherche conjoint, les gens du ministère et les Inuits, pour évaluer le potentiel de la région. Dans le passé, j'ai rencontré le maire de Povungnituk et nous avons travaillé avec lui pour développer les techniques de fumage de l'omble de l'Arctique. Non seulement cela, j'ai dit à ces gens, s'ils avaient des problèmes, de communiquer directement avec mon bureau, de sorte que, quand il y a eu des questions de pêche avec les Inuits, ils ont pu communiquer directement avec mon cabinet et les problèmes se sont réglés rapidement.

M. Lincoln: Vous insistez, à l'article 1 de la loi, pour justement tenir compte de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, parce qu'il y a des problèmes de juridiction qui se touchent dans l'une et

l'autre des lois. C'est ce que mon collègue suggérait, d'inscrire que c'est en tenant aussi compte de la convention de la Baie James.

M. Garon: Oui, on n'a pas besoin de l'inscrire, on en tient compte. La loi ne peut pas aller contre la convention. On ne va pas contre la convention. Quand on a fait des ententes avec Makivik, ce furent des ententes contractuelles de développement et de recherche.

M. Lincoln: Pour en revenir à la Loi sur la conservation de la faune, elle est maintenant en train d'être amendée. On ne sait même pas comment cela va se terminer, car la loi est maintenant à l'étude. Ce soir, on commence l'étude article par article et on ne sait pas comment cela va finir. Est-ce que cela n'aurait pas été plus sage d'attendre tous les changements qui vont avoir lieu dans la Loi sur la conservation de la faune avant de présenter votre projet de loi? Dès l'article 1, il y a des problèmes comme l'aquaculture, la pisciculture, etc., qui sont des problèmes de juridiction double entre votre ministère et celui du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Est-ce que cela n'aurait pas été plus sage d'attendre que cette loi soit adoptée avant d'aller de l'avant avec la vôtre? On ne sait même pas comment cela va se terminer. Les deux sont en procès en même temps.

M. Garon: Elles doivent se lire l'une par rapport à l'autre. Il faut commencer par une et on commence par la nôtre actuellement, et ensuite, ce sera la Loi sur la conservation de la faune. D'ici à l'ajournement de décembre, c'est-à-dire dans quinze jours ou trois semaines, les deux seront adoptées. On ne peut fonctionner plus simultanément que cela.

M. Lincoln: C'est votre loi qui est sujette à celle de la conservation de la faune puisque vous dites que la gestion de la pêche est établie en vertu de la Loi sur la conservation de la faune. C'est cette loi-là qui prime sûrement la vôtre ici, pour cet article des eaux sans marée et c'est clair. Ce n'est pas le contraire qui se passe.

M. Garon: Oui, c'est parce que, dans les eaux sans marée... Quand on a établi les quatre types de pêche, c'est, un peu sans le dire, un ordre de priorités: Dans les eaux sans marée, la pêche pour aider à la reproduction, pour favoriser la reproduction des espèces; deuxièmement, la pêche de subsistance, et on entend par pêche de subsistance, la pêche des autochtones; troisièmement, la pêche sportive; quatrièmement, la pêche commerciale. Tout cela est très courant. Nous allons essayer de mettre en place des politiques de développement pour qu'en faisant le développement de la ressource, il y ait une partie commerciale plus importante et essayer de proposer de faire une pêche commerciale dans les plans d'eau qui ne sont pas exploités de façon optimale. Autrement, si les sportifs ne pèchent pas les poissons, les poissons vont mourir de toute façon; aussi bien les pêcher commercialement en fonction du potentiel génétique des plans d'eau.

M. Lincoln: En tout cas, M. le ministre, on va aller de l'avant avec l'article 1. Tout ce qu'on veut faire, c'est une mise en garde encore une fois, sur la question provinciale-fédérale qui, selon nous, n'a pas été expliquée très clairement dans la discussion d'hier; c'est tout à fait flou. Deuxièmement, nous pensons que l'article 1 ne vous donne aucun pouvoir additionnel. Au contraire, vous-même avez dit que c'était - je cite vos mots - "restreindre votre marge de manoeuvre", quand on vous a interrogé, à l'alinéa 1, sur les espèces de poissons, etc. Pour bien situer le cadre, vous avez même parlé de "restreindre votre marge de manoeuvre".

Tout ce que cela donne, c'est d'élaborer à chaque année un programme favorisant le développement de la pêche commerciale que vous auriez de toute façon, parce que vous avez le droit de faire tous les programmes que vous voulez. Alors, on ne comprend pas trop bien ce que tout cela vient faire. Il semble que ce soit quelque chose qui ne devrait pas se placer dans une loi, qui aurait pu se faire entre le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le vôtre, d'après une entente qui situerait exactement les juridictions. Vous en avez de part et d'autre, de toute façon.

Pour cette raison, on met une mise en garde sur toute la question constitutionnelle qui semble très floue. C'est la suite d'un article qui semble ne vous donner aucun autre pouvoir que celui de faire un programme, qui ne situe pas réellement toutes les possibilités conflictuelles entre deux ministères que vous-même avez admises sans un projet d'entente qui aurait pu se faire en dehors de la loi. Cela ne fait qu'établir les grandes lignes. Si vous voulez aller de l'avant, nous voterons l'article sur division. On ne peut l'accepter.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'amendement lui-même...

M. Lincoln: Si vous voulez présenter votre amendement, nous allons voter sur division, et sur l'amendement et sur l'article.

Le Président (M. Desbiens): Alors, amendement adopté sur division. L'article 1 est adopté sur division, tel qu'amendé.

J'appelle l'article 2. Est-ce que l'article 2 est adopté?

M. Lincoln: À l'article 2, c'est sûr que nous sommes contents de voir que le programme doit subir l'approbation du gouvernement. Cela met une restriction possible dans l'attitude du ministre de faire ce qu'il veut de façon unilatérale. D'un côté, c'est une soupape de sûreté. En même temps, on se demande si le ministre a besoin d'une loi pour lui donner - comme l'a souligné plusieurs fois mon collègue hier - le droit d'élaborer un programme et le soumettre. Il fait des programmes tous les jours. Il n'a pas besoin d'une loi pour lui dire qu'il a besoin de faire un programme. J'espère qu'il fait des programmes sur le développement de la pêche commerciale et autres sans avoir une loi qui lui dise qu'il faut qu'il fasse un programme. Pour nous, tout cela se tient. L'article 1 ne semble lui donner aucun pouvoir qu'il n'a pas maintenant de faire un programme. L'article 2 se rallie à l'article 1. Voilà les remarques que nous voulions faire. Nous pensons que tout cela est redondant, que cela n'a...

Le Président (M. Desbiens): L'article 2 est adopté?

M. Lincoln: Sur division.

Le Président (M. Desbiens): Sur division. Adopté sur division. Section II: Concessions. J'appelle l'article 3. Est-ce que l'article 3 est adopté?

Concessions

M. Lincoln: N'y a-t-il pas une proposition fédérale maintenant de mettre sous forme de convention formelle, de légitimer la juridiction du Québec dans les eaux sans marée, partant de Trois-Rivières à la pointe est de l'île d'Orléans, là où commencent les eaux salées? N'y a-t-il pas une proposition formelle pour situer exactement cette juridiction et étendre la définition des eaux sans marée de Trois-Rivières à la pointe est de l'île d'Orléans jusqu'aux eaux salées? Cette proposition n'a-t-elle pas été faite et n'est-ce pas par là qu'on devrait commencer?

M. Garon: Pouvez-vous répéter votre question encore une fois?

M. Lincoln: Est-ce que le gouvernement fédéral n'a pas fait une proposition pour que la juridiction du Québec soit légitimée formellement dans une convention qui situerait, par exemple, la définition des eaux sans marée, surtout dans le cas de la partie allant de Trois-Rivières jusqu'aux eaux salées?

M. Garon: M. le Président, on me dit qu'il y aurait eu des discussions à ce sujet cet été entre les gens du gouvernement fédéral et ceux du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. À toutes fins utiles, si on regarde la définition du règlement fédéral concernant la pêche dans la province de Québec, les eaux à marée comprennent le golfe Saint-Laurent, la baie des Chaleurs à l'est du pont de Campbellton, le fleuve Saint-Laurent en aval du pont Laviolette de Trois-Rivières, la rivière Saguenay en aval du pont de Chicoutimi. C'est la définition des eaux à marée selon le règlement fédéral de la pêche dans la province de Québec.

M. Lincoln: Les eaux à marée? Sans marée?

M. Garon: Les eaux sans marée. C'est-à-dire que c'est l'un ou l'autre. Quand on dit les eaux à marée, c'est en aval du pont Laviolette, qui est le pont de Trois-Rivières.

M. Lincoln: Oui, oui.

M. Garon: Alors, en amont, ce sont les eaux sans marée. C'est la définition du règlement fédéral. Quand on parle d'eaux à marée ou d'eaux sans marée, la démarcation, c'est le pont de Trois-Rivières. C'est indiqué dans le règlement fédéral.

M. Lincoln: Oui, je suis d'accord avec vous, M. le ministre. Je comprends très bien. Du reste, je fais référence à l'intervention faite hier par le député... Je m'excuse, j'ai oublié le nom de son comté.

Le Président (M. Desbiens): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. LeMay: Le député de Nicolet.

M. Lincoln: Pardon? Le député de Nicolet a parlé du lac Saint-Pierre. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait clarifier la question de la juridiction des eaux sans marée. En fait, cela aurait été en faveur du Québec de redéfinir cela pour aller au-delà de Trois-Rivières, pour aller jusqu'aux eaux salées. On a eu l'information qu'il y a eu une proposition du gouvernement fédéral de passer une convention formelle avec le Québec et légitimer cela par une entente qui situerait toutes les eaux sans marée allant précisément au-delà du pont de Trois-Rivières jusqu'aux eaux salées. C'est de cela que je vous parle. Alors, vous me dites qu'il y a eu des discussions entre le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le gouvernement fédérai là-dessus.

M. Garon: Non, on me dit que cela a été discuté cet été, mais je n'ai pas entendu dire qu'on parlait d'eaux salées... J'ai

entendu dire déjà qu'on a parlé du pont de Québec ou de l'île d'Orléans comme démarcation. Quand on parle d'eaux salées, on tombe dans des zones grises, parce que l'eau salée...

M. Lincoln: Non, non, on parle de la pointe est.

M. Garon: II y a un grand débat là-dessus. Si vous rencontrez les gens de Kamouraska, il y en a qui disent que cela commence à la Rivière-Ouelle; d'autres disent que c'est en bas de Montmagny. Alors là, on va chercher l'eau salée avec des éprouvettes.

M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous, M. le ministre.

M. Garon: II y a une démarcation nette avec le pont de Trois-Rivières. Si, à un moment donné, c'est changé pour le pont de Québec, ce sera le pont de Québec.

M. Lincoln: Mais ne pensez-vous pas que c'est important, si on peut changer cette définition pour aller de Trois-Rivières... Eux proposent la pointe est de l'île d'Orléans, ce qui est un bon bout de chemin jusqu'à Trois-Rivières. Est-ce qu'on ne devrait pas formellement ratifier cette convention que le gouvernement fédéral est prêt à accepter?

M. Garon: Si le gouvernement fédéral accepte, il va mettre cela dans son règlement. Il ne fera pas de convention, il va mettre cela dans son règlement. Il n'a qu'à redéfinir les eaux à marée et, à ce moment-là, dire que c'est à la pointe est de l'île d'Orléans. (11 h 45)

M. Lincoln: Ce que je veux vous mentionner, c'est quand on dit: "Le ministre peut, dans les eaux sans marée du domaine public... D'accord?

M. Garon: Le fédéral ne fonctionne pas comme cela. Écoutez ne nous contons pas...

M. Lincoln: Je ne suis pas au fédéral, alors je ne sais pas...

M. Garon: Au fédéral, qu'est-ce qui est défini? Je ne veux pas vous faire un cours de droit. Lisez la définition de "ministre". Dans le règlement fédéral, vous allez voir ce qu'on y dit: Le ministre désigne, dans ce règlement-là: a) en ce qui a trait à la pêche commerciale et sportive dans les eaux à marée, sauf la pêche des espèces anadromes et catadromes, le ministre des Pêches et des Océans du Canada; b) dans tous les autres cas, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du Québec ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, selon le cas. Il ne détermine pas si cela va être le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il ne s'occupe pas de cela. Il dit dans les eaux à marée. C'est lui qui le définit ici. Et quand vous allez dans les eaux à marée, il vous dit quelles sont les eaux à marée. Alors, si le fédéral décide, à un moment donné, que les eaux à marée arrêtent à l'île d'Orléans, bien elles arrêteront à l'île d'Orléans. Sauf que ce ne sera pas complètement exact, parce qu'il y a de la marée. À Saint-Nicolas - je reste dans mon comté - il y a de la marée et pas mal à part cela. Alors, s'il veut étendre sa juridiction totale au Québec jusqu'à l'est de l'île d'Orléans, qu'il le dise, sauf qu'il ne pourra pas dire qu'il n'y a pas de marée au pont de Québec. C'est une question de fait, qu'il y ait de la marée ou qu'il n'y ait pas de marée. Les gens se sont entendus pour dire le pont de Trois-Rivières. Cela peut être plus bas que cela. Mais, actuellement, c'est le pont de Trois-Rivières.

Alors, si le gouvernement fédéral veut déléguer entièrement les pêches au Québec jusqu'à l'est de l'île d'Orléans et, à partir de l'est de l'île d'Orléans, dire que cela va être un autre régime, c'est à lui de le dire dans son règlement. Mais là, je ne veux pas m'embarquer dans un débat inutile.

M. Lincoln: Je ne pense pas... Excusez-moi, M. le ministre. Si cela est un débat inutile... On parle ici justement des pouvoirs du Québec dans le domaine de la pêche commerciale. On parle de l'article 3 qui dit très clairement: Le ministre peut, dans les eaux sans marée du domaine public, concéder, etc. Plus large est la définition des eaux sans marée le mieux c'est pour le Québec. Alors, pour moi, c'est une question très importante, ce n'est pas une discussion inutile. Je vous ai posé la question. Selon nos informations, il y a une proposition fédérale. Vous-même m'avez dit hier que, lorsque le ministre fédéral a parlé de la question de la rétrocession de 1922, le 11 juillet, il a dit, apparemment, d'après ce que vous avez dit, que les eaux sans marée, cela ne l'intéresse pas; ce sont les eaux à marée qui l'intéressent.

Alors, plus la définition des eaux sans marée est large, mieux c'est pour le Québec. Alors, je vous ai demandé: Est-ce qu'il y a une proposition fédérale qui a été faite, à vous ou bien au ministre? Je sais qu'il peut faire cela par règlement, mais peut-être qu'il voudrait situer cette question-là pour que ce soit plus clair, pour qu'il n'y ait pas toute cette discussion infernale maintenant qui a lieu, de situer dans une...

M. Garon: Ce n'est pas infernal, sauf qu'on ne pourra pas mettre dans un

règlement qu'à un endroit, il n'y a pas de marée alors qu'il y en a. Voyons donc. Alors, s'il veut, par son règlement, transférer la juridiction complète jusqu'à l'est de l'île d'Orléans, qu'il le dise. Sauf qu'il ne pourra pas dire qu'entre le pont de Trois-Rivières et l'est de l'île d'Orléans, il n'y a pas de marée, car il y a de la marée. Je ne peux pas être plus clair que cela. Alors, il va falloir qu'il procède différemment, mais il n'y a pas d'objection à ce qu'il dise qu'il voudrait que le régime des eaux sans marée soit appliqué dans la portion du fleuve Saint-Laurent comprise entre le pont de Trois-Rivières et l'est de l'île d'Orléans.

M. Lincoln: D'accord.

M. Garon: Alors, il va dire, à ce moment-là, que ce sera le régime des eaux sans marée qui s'appliquerait dans ce territoire-là, même s'il y a marée.

M. Lincoln: Je vais refaire ma phrase pour que... Je comprends que c'est une redéfinition des eaux sans marée. C'est une redéfinition. Tout ce que je vais vous demander maintenant est ceci: Ne pensez-vous pas, comme ministre de l'Agriculture qui est en charge des pêches commerciales pour le Québec, qu'il serait à l'avantage du Québec de négocier vous-même avec le gouvernement fédéral pour que ce règlement soit étendu le plus loin possible et, si possible, jusqu'à l'est de l'île d'Orléans? Allons demander cela de cette façon. Ne pensez-vous pas que cela vaut la peine au moins de négocier pour qu'il le fasse?

M. Garon: Je peux peut-être être plus clair. L'étendue de la marée telle que définie par le gouvernement fédéral ne change rien aux droits du Québec de concéder des droits de pêche. Cela ne change rien. Qu'on soit à Trois-Rivières, à Québec ou à l'île d'Orléans, le fond du lit appartient au Québec partout à ces endroits. Cela ne change rien à la base, sauf si le gouvernement fédéral veut qu'on applique son règlement en même temps que le nôtre jusqu'à l'est de l'île d'Orléans. On n'a pas d'objection. Il n'a qu'à le dire.

M. Lincoln: M. le ministre, vous savez très bien...

M. Garon: On n'a pas d'objection à cela, sauf qu'il n'a qu'à le dire. Mais cela ne changera pas les juridictions sur les pêches sauf qu'il y aura une délégation administrative du règlement fédéral pour une portion plus grande du territoire.

M. Lincoln: M. le ministre, vous savez très bien qu'il y a une distinction. Il y a une distinction très importante, parce que tout cela a trait aux eaux à marée. On parle des engins fixes et vous avez ajouté les engins déposés. Par exemple, il y aura une discussion à savoir ce qu'il adviendra des filets attachés à des bateaux dans les rivières à saumon.

M. Garon: Oui, sauf qu'en réalité, entre le pont de Trois-Rivières et l'est de l'île d'Orléans, il n'y a pas d'agrès de pêche mobiles qui sont utilisés. C'est un débat... On peut discuter du sexe des anges, on discuterait de la même chose. On fait la même chose pour les pêches actuellement. Entre l'est de l'île d'Orléans et le pont de Trois-Rivières, ce n'est pas un problème ce que vous mentionnez, parce que les engins utilisés sont des engins fixes. S'il fallait commencer le chalutage dans le lac Saint-Pierre, je vous dis qu'on le viderait vite.

M. Lincoln: Non, non. Je pense qu'il ne faut pas exagérer. Votre collègue lui-même a dit qu'au lac Saint-Pierre, cette question pose un problème. Il a mentionné cela lui-même hier, que cela causait tout un problème de savoir ce qui dépendait de votre ministère, du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, que toute cette question se pose au lac Saint-Pierre.

M. Garon: Sur le plan administratif.

M. Lincoln: Oui, d'accord, mais tout cela est relié.

M. Garon: Oui. Ce que vous dites est évident. C'est pour cela que l'entente de 1922 est importante. Il y a deux choses à propos de l'entente de 1922: ou bien on dit que le gouvernement fédéral a dit, en passant l'entente de 1922: Le Québec s'écrase et dit: Moi, dans les pêches, je ne joue plus aucun rôle, ou bien il dit: J'exerce mes droits. Et là, on revient avant 1922, ce que je dis depuis le mois de juillet. Depuis la déclaration de M. De Bané, j'ai dit ceci: M. De Bané a annoncé que le règlement fédéral des pêches au Québec fonctionnerait de telle façon et qu'il n'y aurait plus d'entente. C'est lui qui administrerait le règlement fédéral des pêches. Il n'y a pas de problème, c'est possible. Sauf qu'on se retrouve avant 1922, avec autant de juridiction qu'avant 1922. C'est parce que le Québec a une juridiction dans le secteur des pêches qu'on a eu l'entente de 1922, à la suite de décisions des tribunaux antérieures à 1922, principalement en 1920, qui ont déterminé que le gouvernement fédéral n'avait pas un droit exclusif, que le droit sur les pêches du gouvernement fédéral devait se comprendre dans le cadre constitutionnel où le Québec avait juridiction sur la propriété et les droits civils. Alors, il faut être conscient que le gouvernement fédéral, en

passant l'entente de 1922, a décidé d'administrer lui-même sa juridiction. Mais il ne pouvait pas faire le postulat que nous, on abandonnerait notre juridiction. Alors, on en revient à administrer nous-mêmes notre juridiction. Idéalement, ce qui serait le plus intelligent serait qu'on en revienne à une entente - peut-être pas celle de 1922 - mais qui pourrait être une nouvelle entente. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? C'est le gouvernement fédéral qui a décidé de briser l'entente de 1922, de façon unilatérale. Je l'ai appris par des journalistes qui m'ont appelé un lundi matin. Ils m'ont réveillé - parce que j'étais en vacances -pour me dire que M. De Bané faisait une conférence de presse à 11 heures et qu'il enlèverait sans doute les droits du Québec dans les pêches...

M. Lincoln: Oui, mais M. le ministre...

M. Garon: ...et ils m'ont dit qu'ils me téléphoneraient de nouveau après sa déclaration pour connaître mes impressions.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Garon: C'est cela qui est arrivé.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Une très courte question d'information. Vous avez parlé, M. le ministre, des eaux sans marée qui partent du pont Laviolette vers Montréal et les eaux à marée... C'est cela, le terme? Les eaux avec marée, en tout cas...

M. Garon: C'est ce qui est défini dans le règlement fédéral sur les pêches.

M. Gagnon: C'est du pont de Trois-Rivières?

M. Garon: Le pont Laviolette. Les eaux à marée sont en aval du pont Laviolette, c'est-à-dire en bas du pont de Trois-Rivières, tandis qu'en amont, ce sont les eaux sans marée.

M. Gagnon: C'est uniquement sur le fleuve.

M. Garon: Oui.

M. Gagnon: Je veux dire que, dès qu'on touche aux rivières, parce que les rivières ont aussi des marées...

M. Garon: Non, c'est défini dans le règlement.

M. Gagnon: D'accord!

M. Garon: Eaux à marée, ça comprend le golfe Saint-Laurent, la baie des Chaleurs à l'est du pont de Campbellton, c'est-à-dire le pont qu'on enjambe pour aller au Nouveau-Brunswick à Campbellton, ce sont des eaux à marée; le fleuve Saint-Laurent, en aval du pont Laviolette, à Trois-Rivières, c'est-à-dire à l'est du pont Laviolette, on dit que ce sont des eaux à marée; la rivière Saguenay, en aval du pont de Chicoutimi...

M. Gagnon: D'accord!

M. Garon: ...à l'embouchure, on dit que ce sont des eaux à marée. L'estuaire de la rivière York, en aval du pont de Gaspé, cela aussi ce sont des eaux à marée. En aval, cela veut dire en allant vers la mer, à partir du pont de Gaspé. Cela définit ce que l'on entend par eaux à marée.

M. Gagnon: D'accord!

M. Garon: Or, a contrario, en droit, pour l'interprétation, on veut dire que ce qui est en amont de ces cours d'eau, il s'agit d'eaux sans marée, ou ailleurs on assume que c'est le régime des eaux sans marée.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan, M. le député de Saguenay.

M. Lincoln: Je vous laisse la parole.

M. Maltais: M. le ministre, parmi les affluents du Saint-Laurent, sur la Côte-Nord, est-ce qu'il y a des rivières, à l'exception du Saguenay, - la rivière Bersimis, par exemple - des rivières à saumon principalement... Vous savez qu'il y a une partie de ces rivières où il y a marée...

M. Garon: Oui.

M. Maltais: Les considérez-vous également là-dedans?

M. Garon: J'estime que toutes ces rivières font partie des eaux sans marée.

M. Maltais: Mais on sait très bien qu'il y a une marée sur la rivière Bersimis jusqu'à huit ou neuf milles.

M. Garon: Oui.

M. Maltais: II y a aussi la Manicouagan.

M. Garon: Pour les fins du règlement fédéral qui considère et qui s'applique dans les eaux à marée. Il le dit: Mon règlement s'applique dans les eaux à marée. Voici ce que j'appelle eaux à marée dans ses définitions du début. Le ministre fédéral des Pêches et des Océans désigne, en ce qui a

trait à la pêche commerciale et sportive dans les eaux à marée, sauf la pêche des espèces anadromes et catadromes... Le saumon est un anadrome. Cela veut dire que le ministre des Pêches et des Océans du Canada s'occupe de la pêche commerciale et sportive dans les eaux à marée, sauf, même dans les eaux à marée, quand il s'agit des espèces anadromes et catadromes. Or les espèces anadromes et catadromes, à toutes fins utiles, sont le saumon, l'éperlan, le poulamon, l'anguille et l'esturgeon. Il y en a trois qui sont vraiment touchées, parce qu'il y a une interdiction par le gouvernement fédéral concernant le poulamon et l'éperlan où on dit qu'on n'a pas besoin de permis pour pêcher le poulamon et l'éperlan. De sorte que le régime qu'on peut considérer administrer touche principalement l'esturgeon, l'anguille et le saumon. Traditionnellement, comme le saumon est essentiellement une pêche sportive, aujourd'hui, parce que la ressource est beaucoup moins considérable qu'auparavant, on a traité le saumon plus comme une espèce sportive, sauf sur la Côte-Nord où on pêche le saumon de façon commerciale parce que c'est moins accessible aux sportifs. Traditionnellement, c'est la pêche commerciale qui se faisait sur la Côte-Nord. Il se fait aussi de la pêche sportive, mais il y a une pêche commerciale plus importante sur la Côte-Nord.

M. Maltais: Dans le fleuve, pas dans les rivières.

M. Garon: Non, non. Dans le fleuve. Pour l'anguille et l'esturgeon, on considère que c'est une pêche commerciale. Alors, traditionnellement, l'anguille et l'esturgeon ont toujours été administrés par ceux qui s'occupaient des pêches maritimes, c'est-à-dire des pêches commerciales.

M. Maltais: On pourrait peut-être enlever l'esturgeon de la définition parce qu'il n'y en a plus depuis plusieurs années.

M. Garon: Non, non, actuellement il revient.

M. Maltais: On parle de l'esturgeon de mer, on ne parle pas de l'esturgeon d'intérieur.

M. LeMay: II parle de l'esturgeon de mer.

M. Garon: On parle de l'esturgeon en tant que catadrome.

M. LeMay: Mais on en pêche de plus en plus dans la rivière Saguenay.

M. Garon: L'esturgeon et l'anguille sont des catadromes.

M. LeMay: II revient dans la rivière Saguenay.

M. Maltais: Dans la rivière Saguenay?

M. Garon: II y a de plus en plus d'esturgeons dans la rivière Saguenay.

M. Maltais: Le dernier esturgeon capturé dans la rivière Saguenay remonte à 1978.

M. LeMay: Je m'excuse, mais, cet été, à Saint-Fulgence, il s'en est pris plusieurs.

M. Garon: La pêche à l'esturgeon revient. Vous remarquerez par exemple, que cet été, à Montmagny, plusieurs personnes annonçaient qu'elles vendaient de l'esturgeon frais ou fumé. L'esturgeon remonte le fleuve. (12 heures)

M. LeMay: L'esturgeon fumé...

M. Maltais: II revient. Il a quand même presque disparu de la carte à un moment donné, il n'y en avait plus.

M. LeMay: Effectivement.

M. Garon: On faisait un lancement récemment, avec M. Gingras de Saint-Nicolas, d'une façon d'apprêter l'esturgeon, du fumage de l'esturgeon d'une façon particulière. Je suis persuadé que l'esturgeon va connaître un développement au cours des prochaines années, parce qu'il revient. Comme c'est un poisson qui vit longtemps, qui vit vieux, s'il est bien protégé...

M. Maltais: On ne fera pas de caviar avec, s'il n'est pas à la bonne...

M. Garon: Oui, on en fait du caviar. M. Maltais: Oui?

M. Garon: Oui. C'est parce que cela n'a jamais été beaucoup fait. Il y a deux ans, j'ai acheté du caviar d'esturgeon du lac Témiscamingue, qui est aussi bon que le caviar russe. C'est parce qu'au Québec, traditionnellement, on a considéré que la pêche dans les eaux douces était de la pêche sportive, alors que ce n'est pas exact. Il y a une partie qui est sportive. La truite est une espèce sportive, le saumon est une espèce qui pourrait être aussi commerciale que sportive, mais on n'a pas le volume. Les espèces comme l'esturgeon ou l'anguille sont des espèces commerciales et, quand un sportif pêche une anguille, les trois quarts du temps il est mal pris, il ne sait pas quoi en faire. Il coupe sa ligne souvent.

Une voix: Plutôt que de la décrocher.

M. Garon: Plutôt que de la décrocher, parce que prendre une anguille, c'est quelque chose. Je me souviens du premier esturgeon quej'ai pêché et que j'ai voulu faire cuire. Je vous dis qu'on... J'étais justement avec le député de Louis-Hébert, dans sa maison. Demandez-lui l'expérience qu'on a faite la première fois qu'on a essayé de faire cuire un esturgeon ensemble. On ne savait pas comment faire cuire cela. On a passé la soirée sur l'esturgeon. Finalement, on ne savait pas quoi en faire.

M. Maltais: ...le "pleumer" aussi. Vous avez dû avoir du plaisir.

M. Garon: II a une carapace. L'esturgeon est quasiment un poisson dinosaure. On était étudiant à ce moment. On était à la pêche aux poissons des cheneaux et on avait acheté l'esturgeon. On ne l'avait pas pêché, on l'avait acheté. On n'avait pas vraiment réussi à le faire cuire parce qu'on n'avait pas la méthode.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Lincoln: Non. Une...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le ministre, je reviens à l'entente de 1922. Si je lis cette entente, on y parle d'une décision du conseil, en date du 13 avril 1921, en vertu de laquelle le ministre de la Marine et des Pêcheries était autorisé à prendre charge de l'administration des pêcheries dans les eaux du Québec sujettes à la marée, navigables et accessibles de la mer par voie de navigation. On dit que, d'après le jugement du Conseil privé de novembre, le gouvernement de la province seul a le pouvoir d'accorder des permis, de se servir d'engins fixés au sol où le dit sol appartient à la couronne représentée par l'autorité provinciale.

C'est sûr qu'il y a une grande distinction dans l'entente de 1922 par rapport aux eaux à marée et aux eaux sans marée. D'après l'entente de 1922, la compétence fédérale est beaucoup plus étendue dans les eaux à marée que dans les eaux sans marée. Nous reconnaissons cela.

Tout ce qu'on vous demande depuis le début, c'est: Avons-nous quelque chose à perdre en essayant d'étendre la définition des eaux sans marée, même quand c'est dans des régions où il y a de la marée? Nous sommes tout à fait d'accord. Ce qu'on veut, c'est que les eaux visées qui font partie de ce règlement - l'étendue du règlement s'est élargie - soient soumises au régime des eaux sans marée, même quand ce sont des eaux à marée, en fait, physiquement. Nous sommes d'accord avec cela.

M. Garon: À ce moment, le gouvernement fédéral confierait l'administration de son règlement pour une portion plus étendue du fleuve Saint-Laurent tout simplement.

M. Lincoln: Tout simplement, mais n'est-ce pas important pour nous d'aller chercher cela et d'essayer de...

M. Garon: Je serais d'accord. Il s'agit simplement de l'indiquer dans le règlement. Jusqu'à maintenant, pour nous confier l'administration, pour changer le règlement au mois de juillet, M. De Bané n'a pas fait beaucoup de consultations. Je vous dis tout de suite que, s'il veut nous confier l'administration de son règlement pour une portion plus large du fleuve Saint-Laurent, on est d'accord.

M. Lincoln: Mais vous nous avez vous-même dit hier qu'il vous a dit, quand il a annoncé en juillet sa décision de reprendre le reste de la juridiction, que le plus gros avait été repris le 5 janvier 1982 et non le 11 juillet 1983. On n'a rien fait pendant un an et demi. C'est bien important de souligner que cela n'a pas commencé le 11 juillet, mais le 5 janvier 1982 avec M. LeBlanc, et non M. De Bané.

M. Garon: Ce n'est pas exact de dire que rien n'a été fait.

M. Lincoln: Qu'est-ce que vous avez fait?

M. Garon: M. LeBlanc, le 5 janvier, n'a pas repris la juridiction. Il m'a écrit une lettre disant qu'il songeait à le faire.

M. Lincoln: Mais, tout de suite, cela a été appliqué.

M. Garon: Non, attendez un peu. Je lui ai téléphoné le lendemain ou le surlendemain, après avoir reçu la lettre. Si ma mémoire est bonne, la lettre était datée de décembre. Je l'ai reçue le 5 janvier. Aussitôt que j'ai eu la lettre, j'ai téléphoné immédiatement à M. LeBlanc pour lui demander ce qui n'allait pas et pourquoi il voulait faire cela. Au début, il ne se rappelait pas m'avoir écrit la lettre. Après avoir réfléchi un bout de temps, il a dit: Oui, apparemment, il y a une question de statistiques. J'ai dit: Qu'est-ce qu'il y a dans les statistiques? II a dit: Mes fonctionnaires auraient des problèmes à recevoir les statistiques. Je lui ai dit que je n'avais jamais entendu parler de cela. Je lui ai demandé quels étaient les problèmes. Apparemment, ils n'auraient pas les statistiques aussi rapidement qu'ils le voudraient. Il me disait cela tout bonnement,

comme cela.

Je n'avais jamais entendu parler de cela, alors je lui ai demandé: Est-ce parce qu'on les a et qu'on ne vous les donne pas ou parce que nos fonctionnaires ne sont pas plus rapides que les vôtres? On a parlé de cela tout bonnement. Je lui ai demandé s'il ne croyait pas que sa menace était un peu forte, en parlant de rapatrier une partie des pêches parce qu'il n'avait pas certaines statistiques assez vite. Je n'ai jamais entendu parler de cela. Si le problème est là, lui ai-je dit, dites-moi exactement ce que vous voulez et on va régler cela. Ce n'est pas un gros problème à régler, les statistiques. Il m'a dit: De toute façon, il faudrait se reparler. Il n'avait pas l'air trop au courant de la lettre qu'il avait signée. D'abord, il ne s'en souvenait pas. Je n'ai pas compris cela, car cela ne faisait pas des mois qu'il l'avait signée, à moins qu'elle n'ait été signée des mois auparavant et envoyée à ce moment. C'était une lettre qui datait de quelques jours auparavant, du temps des fêtes. On sait que le service postal est moins vite.

Immédiatement après sa réception, je lui ai téléphoné. On devait, se contacter dans les dix jours. Il m'a dit qu'il partait pour quelques jours de vacances et qu'à son retour, il me contacterait. Je lui ai dit que c'était parfait. Il n'y a pas eu de contact de sa part depuis. On a essayé de le rappeler à son bureau. J'ai eu le sentiment qu'il ne voulait pas qu'on se parle de nouveau. Je voyais bien qu'on ne pouvait le contacter.

Je lui ai écrit une lettre - c'est un hasard que ce soit arrivé comme cela - et elle est partie la veille de la publication de son règlement dans la Gazette officielle. Je lui disais qu'il y avait deux mois qu'on essayait de le rejoindre et qu'on n'était toujours pas capable d'entrer en communication avec lui. Elle était un peu plus dure. Le lendemain, il n'avait pas reçu la lettre, mais la publication de son règlement dans la Gazette officielle avait eu lieu. J'ai bien compris, à ce moment-là, que l'affaire des statistiques était un prétexte. Il ne voulait pas régler le problème des statistiques, mais bien prendre une partie de la juridiction des pêches.

Une fois le règlement adopté, j'ai parlé avec M. LeBlanc et là, ce que je ne savais pas, c'est que c'était une position de négociations, c'était définitif dans son esprit. Quand j'ai parlé avec lui, il m'a laissé entendre que c'était une position de négociations. Il était réceptif à revenir à l'entente initiale. Je n'ai pas voulu faire de l'esclandre nulle part. J'aurais pu faire des tollés. Je n'en ai pas fait parce que, naïvement sans doute, j'ai cru qu'il était sincère dans ce qu'il disait. J'ai essayé de dire: On va se rencontrer, on va essayer de voir ce qui vous accommoderait, les problèmes que vous avez par rapport à ce que vous nous dites pour que l'entente fonctionne, qu'on revienne à l'entente et qu'on négocie tout cela. Le tout est resté comme cela jusqu'à la nomination de M. De Bané, au mois de septembre.

D'ailleurs, cela vous donne un peu la preuve que, quand vous dites que je cherche la confrontation avec le fédéral, ce n'est pas vrai. J'aurais eu une excellente occasion de confrontation. J'aurais pu sauter là-dessus à pieds joints pour faire de la confrontation, mais je ne l'ai pas fait. Encore là, j'ai rencontré M. De Bané, ici à Québec, on a mangé ensemble au restaurant Continental et on a passé l'après-midi là à jaser. Je lui ai dit: Lorsque tu arrives au ministère, ta première préoccupation n'est peut-être pas celle-là. Tu as passablement de problèmes. Je sais ce que sont les pêches au Québec et j'imagine qu'avec les cinq provinces maritimes, tu dois avoir des problèmes. Maintenant, j'aimerais être sensibilisé à l'affaire de l'entente. J'ai été en pourparlers avec M. LeBlanc et, à la première occasion, on peut revoir tout cela. Il n'avait pas l'air au courant. On a parlé de la façon dont on voyait les choses et il m'a dit: Écoute, j'arrive. On a convenu d'en parler plus tard. Lui-même, à ce moment-là, ne savait pas ce qui arriverait au rapport Kirby; il n'était pas publié. Il a été annoncé au mois de novembre de cet automne-là et a été publié au mois de février. Je n'ai fait aucune escarmouche, si vous le remarquez. Si vous regardez les journaux, vous ne verrez jamais de déclaration offensive ou agressive parce que moi je suis porté à une entente. Je suis certain que, dans le secteur des pêches dans l'Est du Canada, quel que soit le statut politique du Québec, il devra y avoir des ententes, parce que c'est une eau qui est un peu commune. J'ai l'impression que le gouvernement fédéral en avait décidé autrement et que la déclaration de M. Trudeau, c'était la fin du fédéralisme coopératif et que cela s'appliquait de cette façon dans les pêches. C'est ce que j'en ai déduit, mais ce n'est pas ce que je souhaitais.

M. Lincoln: M. le ministre, très brièvement, avant de passer la parole à mon collègue de Saguenay, je voudrais revenir à l'article 3 qui m'intéresse, les eaux sans marée. Je vais vous demander, à cette commission parlementaire, de tirer avantage de cette ouverture qui vous a été faite le 11 juillet, selon laquelle - c'est ce que vous avez vous-même déclaré hier - le fédéral n'est pas intéressé par les eaux sans marée, et vous inviter à faire une proposition formelle et pratique d'étendre la définition des eaux sans marée pour que ce soit le plus large possible. Il est clair que, dans les eaux sans marée, vous avez beaucoup plus de

flexibilité de juridiction que dans les eaux à marée et que plus cette définition sera large dans les règlements fédéraux, le mieux ce sera pour le Québec.

On vous demande de tirer avantage de toutes les ouvertures possibles. Si vous ne faites rien et si M. De Bané ne fait rien, rien ne sera fait. On vous demande à vous de prendre les devants et de demander au gouvernement fédéral d'élargir la définition des eaux sans marée, malgré que ce soit physiquement des eaux à marée; si la définition peut être étendue le plus loin possible, le mieux ce sera pour le Québec et le moins de conflits cela posera.

M. Garon: Ce que le gouvernement fédéral peut faire, c'est de spécifier ce que sont les eaux à marée, parce que ce ne sont pas toutes les eaux à marée qui sont indiquées là. Il n'a qu'à dire qu'il s'occupe des eaux à partir du pont de Québec ou à l'est de l'île d'Orléans, parce qu'il dit que, dans les autres cas qui ne sont pas relatifs aux eaux à marée, c'est le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du Québec ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries ou de l'Alimentation, selon le cas. Le gouvernement déterminera après cela qui s'en occupe.

M. Lincoln: Si on se parle de cela seulement entre nous, rien ne se fera. Même si on dit qu'il serait bon que cela soit inclus, il faudra que quelque chose se fasse.

M. Garon: Si le gouvernement fédéral veut nous confier l'administration de cette portion excédentaire, il n'y a pas de problème, on est disposé à en assumer l'administration au complet. La négociation est terminée, s'il veut nous le concéder, il n'a qu'à changer son règlement. Aucun problème. On est bien disposé, on veut faire l'administration de toutes les pêches.

M. Lincoln: Vous faites cela par une loi qui va faire une confrontation, c'est cela que nous vous disons tout le temps. Vous dites que les journaux n'en parlent pas; moi, je peux vous citer quatre, cinq ou six journaux qui, eux, observent la scène...

M. Garon: Ce n'est pas une confrontation.

M. Lincoln: Pas nous, pas le fédéral...

M. Garon: Les deux niveaux de gouvernement ont une juridiction dans ce secteur-là. Tout simplement, si le gouvernement fédéral, pour éviter la double administration, nous confie l'administration de son règlement, il peut le faire. C'est cela qu'il a fait en 1922. M. De Bané peut, demain matin, en confier plus qu'il n'en confie là en changeant le règlement fédéral.

M. Lincoln: La question est bien simple. Il me semble qu'on est en train de tourner en rond. Est-ce que vous, vous êtes prêt ou non à contacter M. De Bané, ou son ministère, ou les fonctionnaires de ce ministère? Sans doute que M. De Bané serait réceptif...

M. Garon: Je ne demanderai certes pas à M. De Bané de nous donner jusqu'à l'île d'Orléans quand on veut faire une entente qui comprend tout le territoire. Voyons donc!

M. Lincoln: Si vous voulez faire une entente...

M. Garon: S'il veut nous confier une portion de plus, il peut le faire, mais je n'irai pas lui demander cela. Ce n'est pas cela qu'on demande, c'est l'ensemble du territoire.

Une voix: Ah bon!

M. Garon: On veut revenir à l'entente de 1922. (12 h 15)

M. Lincoln: L'ensemble du...

M. Garon: Ou l'équivalent, si l'on veut.

M. Gagnon: En fait, vous ne voulez pas négocier à la baisse.

M. Garon: C'est un peu comme si, à un moment donné, je veux avoir 5 $ et qu'on me dit de demander 10 cents...

M. Lincoln: Là vous êtes en train de changer toute la question. Tout ce dont on parle, pour le moment, c'est de la définition des eaux sans marée. On n'est pas là pour parler de l'entente de 1922, la délégation administrative et tout. Ce n'est pas de cela qu'on parle.

On parle de l'article 3 qui parle de la définition des eaux sans marée. C'est de cela qu'on veut parler. Vous pouvez aller négocier tout ce que vous voulez et n'importe quand, et lui peut aller négocier n'importe quand des choses beaucoup plus globales, mais là, spécifiquement, on parle de l'article 3 qui définit les eaux sans marée.

Nous, nous vous proposons de suggérer, parce que cela nous donnera beaucoup plus de flexibilité dans l'application de nos droits et de nos mesures d'exécution, qu'il y ait une définition plus large des eaux sans marée. C'est tout ce qu'on vous demande. Ce n'est pas incompatible avec tout le reste que vous voulez faire. C'est cela qu'on vous demande. Alors, je présume que votre réponse est non, comme d'habitude.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Y a-t-il une définition - je vais attendre que le ministre... - des eaux sans marée?

M. Garon: Non.

M. Ciaccia: Ne croyez-vous pas que, pour clarifier et réduire autant que possible les ambiguïtés, il devrait y avoir, comme dans tout autre projet de loi, quand vous utilisez certains termes, habituellement au début...

M. Garon: Ce n'est pas nécessaire.

M. Ciaccia: ...dans l'article, une définition...

M. Garon: Ce n'est pas nécessaire.

M. Ciaccia: ...des eaux sans marée? Autrement, il pourrait y avoir des chicanes et des ambiguïtés.

M. Garon: Pas vraiment. Dans le fond, il y a deux juridictions sur les pêches: la juridiction fédérale et la juridiction du Québec, par le biais du droit de propriété sur le fond. Alors, nous, la réglementation québécoise s'applique sur tout ce qui nous touche, ce sur quoi on se raccroche, au droit de propriété. Alors, pour notre question, il n'y a pas de problème.

Comme le gouvernement fédéral a juridiction, en vertu de la constitution, sur les pêches, il a adopté une loi et un règlement et il confie l'administration de son règlement sur une partie du territoire. On n'a pas vraiment besoin de définition d'eaux à marée ou d'eaux sans marée, mais le gouvernement fédéral a défini l'aspect des pêches qu'il voulait confier à la province, en définissant les eaux à marée et les eaux sans marée. C'est de cette façon-là qu'on a fonctionné dans le passé.

M. Ciaccia: Est-elle acceptée, cette définition du gouvernement fédéral?

M. Garon: C'est une façon de faire. Je pense que ce n'est pas mauvais en soi.

M. Ciaccia: Ne serait-il pas mieux de clarifier dans la loi quelle...

M. Garon: C'est pour cela que je disais tout à l'heure, je pense, avant que vous arriviez, que, si le gouvernement fédéral voulait nous confier une administration un peu plus grande, dans la définition des eaux à marée, il ne définit pas toutes les eaux à marée ici... Il y a d'autres endroits où il y a des marées.

Il pourrait dire quant au fleuve Saint-Laurent, dans le règlement: Plutôt qu'en aval du pont Laviolette ou du pont de Trois-Rivières, c'est en aval du pont de Québec ou de l'est de l'île d'Orléans.

M. Ciaccia: Je présume que vous lisez les règlements du gouvernement fédéral. Il y a au moins une définition, vous dites que cela peut être...

M. Garon: Pas vraiment parce que... M. Ciaccia: ...un genre de définition...

M. Garon: ...il ne dit pas que toutes les eaux à marée sont ces eaux-là. Il parle des eaux à marée dont il s'occupe. Dans la définition de "ministre", il dit: "Le ministre désigne: a) en ce qui a trait à la pêche commerciale et sportive, dans les eaux à marée, sauf la pêche d'espèces anadromes et catadromes, le ministre des Pêches et des Océans du Canada." C'est lui qui s'occupe de la pêche dans les eaux à marée, à la fois sur le plan sportif et commercial.

Ensuite, il définit les eaux à marée, pour les fins de son règlement. Il n'est pas obligé de définir toutes les eaux à marée. Il en définit un certain nombre. Il dit: "Dans tous les autres cas, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du Québec ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, selon le cas."

Dans les autres cas, qui sont les eaux sans marée ou à marée, mais qui ne sont pas définies dans les eaux à marée du règlement, il s'agit à ce moment-là d'une délégation administrative de l'application de son règlement.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: En tout cas, je vais laisser à mes deux collègues la chicane fédérale-provinciale là-dessus. Ils n'ont pas l'air de vouloir s'entendre.

M. Garon: II n'y a pas de chicane entre nous autres. C'est une question de...

M. Maltais: Vous n'avez pas peur d'en créer une avec votre collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, en plaçant vos installations commerciales, par exemple, dans l'estuaire des rivières? On ne connaît pas la réglementation, malheureusement, ce n'est pas facile pour nous autres. Mais vous savez très bien par exemple que vous émettez des permis de pêche à fascine dans l'estuaire des rivières à pêche commerciale, à pêche sportive au saumon.

Vous savez pertinemment, M. le ministre, que cela a fait l'objet de

différentes colères, de différentes saisies; bref, la chicane est autant entre les deux ministères qu'entre le fédéral et le provincial. Est-ce que, dans la réglementation que vous allez nous soumettre, vous allez tenir compte aussi des pratiques courantes du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche?

M. Garon: Ce que vous dites là est complètement inexact. Au contraire, il y a eu une entente entre les deux ministères pour faire des représentations au gouvernement fédéral pour changer les lieux de pêche au saumon. Là-dessus, il y a eu des changements qui ont été faits dans le règlement fédéral pour déterminer à quel endroit la pêche au saumon se fait dans les rivières du Québec. Et c'est décrit: à l'embouchure de telle rivière, dans telle zone, on ne peut pas poser de filet. Tout cela est décrit dans le règlement.

Au contraire, il y a eu une entente entre les deux ministères. Il n'y a pas de chicane entre les deux ministères là-dessus.

M. Maltais: Vous en avez eu des drôles avec les Indiens.

M. Garon: Ah, les Indiens, je n'ai pas affaire aux Indiens.

M. Maltais: Non, non...

M. Garon: II s'agit d'une discussion entre le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et les Indiens alors qu'il n'y a pas eu entente complète entre les Indiens... Il y a des ententes à des endroits et, à d'autres endroits, il n'y a pas d'entente. 3e peux vous dire que, pour la pêche au saumon, au point de vue de protéger la ressource et de changer le règlement pour faire en sorte que, dans les embouchures de rivières, dans l'estuaire des rivières, on prévoie exactement à quel endroit peuvent se poser les...

M. Maltais: Les filets à saumon.

M. Garon: ...filets à saumon qui sont piqués dans le sol, il y a eu entente là-dessus et ensuite le règlement a été modifié. C'est cela qu'on administre conjointement actuellement. Il y a même plus que cela, il y a une surveillance conjointe pour la pêche au saumon depuis deux ans entre le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour faire une surveillance combinée; ces gens surveillent la rivière, nous surveillons en plus la mer et, dans l'hélicoptère qui fait la surveillance, se trouve un agent de chaque ministère.

M. Maltais: Mais vous êtes aussi au courant, M. le ministre, que vous avez reçu, pas vous mais votre collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, a reçu de nombreuses plaintes de la part des administrateurs des ZEC et des rivières à saumon, concernant ces pêches-là, concernant la pêche au saumon particulièrement, qui est...

M. Garon: Oui, mais c'était avant qu'il y ait les changements dans ces règlements-là. Depuis les nouveaux changements, je n'ai pas entendu parler qu'il y avait eu des plaintes cette année, véritablement. Je n'ai pas entendu parler qu'il y avait eu des plaintes cette année. Le règlement a été changé l'an dernier, mais cela a été plus connu, véritablement, cette année. On a délimité les embouchures de protection dans chacune des rivières pour la pêche au saumon.

Une voix: Est-ce que vous avez une juridiction...

Le Président (M. Desbiens): Le député de Gaspé a demandé la parole.

M. Garon: Je n'ai pas une juridiction sur le saumon. Mais comme...

M. Ciaccia: Vous ne l'excluez pas dans l'article 3?

M. Garon: Non, c'est parce que, dans le règlement fédéral sur le saumon, on dit qu'il peut y avoir des prises accidentelles de saumon et que la surveillance en mer est faite par notre ministère alors que la surveillance dans les rivières est faite par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche; et on disait aussi que les pêcheurs commerciaux, lorsqu'ils pêchaient d'autres espèces, pouvaient faire des prises accidentelles.

M. Maltais: Ils sont obligés de les remettre à l'eau.

M. Garon: Pardon?

M. Maltais: Ils sont obligés de les remettre à l'eau.

M. Garon: Non, ils ne sont pas obligés de les remettre à l'eau.

M. Maltais: Oui, oui, oui. M. Garon: Ils les gardent. Une voix: Mais là, la façon...

M. Garon: Sauf que la critique qu'il y avait au point de vue de la surveillance, c'est qu'il y avait des pêches accidentelles

qui n'étaient pas des pêches accidentelles, parce qu'on disait que les filets avaient été placés de telle façon qu'on était certain de prendre du poisson, du saumon, parce qu'il n'y avait pas d'autre espèce qui passait à cet endroit-là.

M. Maltais: M. le ministre...

M. Garon: Alors, ce qu'on nous a demandé on a fait des surveillances conjointes - c'est de faire en sorte de surveiller les filets, de la façon qu'ils sont placés, parce qu'il est évident que, si l'on pêche la morue et qu'on a un filet qui est sur le dessus de l'eau, la morue ne passe pas sur le dessus de l'eau, c'est le saumon qui passe là. Alors, avec un filet à morue bien dans le fond de l'eau, ils ne pouvaient pas faire une prise accidentelle; ce n'est pas une prise accidentelle si on met le filet dans les 20 pieds supérieurs de l'eau quand il y a 80 pieds d'eau, alors que la morue passe dans le fond de l'eau.

M. Ciaccia: Mais la...

M. Garon: C'est pour cela que, lorsqu'on parle de filets maillants à morue, ils sont ancrés au fond de l'eau; c'est pour cela qu'on dit "attaché au sol". Alors que, lorsqu'on pêche le saumon, c'est une espèce qui nage plutôt près de la surface de l'eau.

M. Ciaccia: Dans l'article 3, tel qu'il est rédigé maintenant, cela donne le droit au ministre, au gouvernement, de concéder des droits de pêche pour le saumon...

M. Garon: Non, parce que...

M. Ciaccia: ...à des fins commerciales. Oui, mais vous dites que le ministre peut, dans des eaux sans marée...

M. Garon: Sans marée. Le saumon ne vient pas véritablement dans les eaux sans marée.

M. Ciaccia: Si vous...

M. Garon: II n'y a pas de concession de pêche au saumon dans les eaux sans marée, je n'en connais pas. Le ministre peut, dans les eaux sans marée du domaine public... Le saumon, essentiellement, est pêché dans les eaux à marée.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Gaspé.

M. LeMay: Pour compléter l'information faisant suite à l'intervention du député de Saguenay, il y a eu effectivement des plaintes l'an passé. Mais ces plaintes venaient de pêcheurs commerciaux qui pêchaient le saumon contre les pêcheurs côtiers qui mettaient leurs filets trop près. C'est à la suite de cela qu'il y a eu des saisies de filets et des saisies de saumon. Il y en a eu cette année comme il n'y en a à peu près jamais eu parce qu'il y a eu une entente entre le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour surveiller davantage. À la suite de cela, il y a eu énormément de saisies de filets, principalement dans le secteur où je suis.

M. Maltais: Je regrette, mais on n'a pas la même interprétation ni les mêmes renseignements, parce que les pêcheurs côtiers à fascines prennent accidentellement et régulièrement du saumon, particulièrement dans la rivière Saguenay. Cette année, les gens du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ont passé l'été assis sur le coin des pêches pour remettre les saumons à l'eau. Alors, ne venez pas me dire qu'on ne remet pas les saumons à l'eau; on le fait. C'est obligatoire, c'est exclu du permis; ce sont des pêches accidentelles. Mais les saumons qui entrent par mégarde sont remis à l'eau. On en a des exemples frappants. C'est peut-être particulier au cas des pêches à fascines, mais ne venez pas me dire qu'ils ne les remettent pas à l'eau; ils les remettent à l'eau.

M. LeMay: Dans le cas des pêches à filets maillants, où souvent le saumon est mort quand ils vont lever leurs filets, ils ont des prises accidentelles. Il s'agit de savoir ce qu'est une prise accidentelle. Est-ce que c'est prendre 25 saumons un matin comparativement à 1 ou 2?

M. Maltais: Non, mais vous changez de sorte de pêche. Moi, je vous parle des pêches à fascines.

M. LeMay: Oui, mais moi, je vous parle de la pêche commerciale au saumon en Gaspésie.

M. Maltais: Premièrement, il n'y a pas de pêche au saumon en Gaspésie. Est-ce qu'il y en a?

M. LeMay: De la pêche commerciale?

M. Maltais: Oui.

M. LeMay: Ah oui, il y en a.

M. Maltais: II y en a combien?

M. LeMay: II y en a dans les deux secteurs. Cette année, on en avait 39 dans un secteur et...

Le Président (M. Desbiens): Je pense qu'on s'éloigne un peu du sujet. On n'est pas à l'étude des crédits. On est à l'étude du projet de loi 48. Alors, l'article 3 est-il adopté?

M. Lincoln: Moi, je veux poser une dernière question au ministre avant de...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le ministre, vous avez parlé des espèces anadromes et catadromes qui devraient être exclues pour certaines raisons. Est-ce qu'il n'aurait pas dû y avoir une référence à ces espèces dans l'article 3?

M. Garon: Non, c'est comme dans les eaux sans marée, cela comprend toutes les espèces incluant les espèces anadromes et catadromes quand elles sont dans les eaux sans marée. On peut pêcher l'esturgeon dans les eaux à marée ou dans les eaux sans marée. L'anguille, on peut la trouver dans les eaux à marée ou dans les eaux sans marée. On peut aussi trouver de l'éperlan, du poulamon dans les eaux à marée et les eaux sans marée, je pense. Mais on ne trouvera pas beaucoup de saumon, aujourd'hui, ou exceptionnellement, dans les eaux sans marée; on ne trouvera pas beaucoup de saumon aujourd'hui. Ils commencent à remonter le fleuve un peu, mais... Les espèces anadromes et catadromes, théoriquement, vont dans les eaux à marée ou dans les eaux sans marée et c'est d'ailleurs pour cela que le gouvernement fédéral a... Attendez un peu, je parlais du fleuve Saint-Laurent; ils remontent la rivière aussi. Actuellement, pour le gouvernement fédéral, cela devient compliqué à administrer parce que c'est une espèce pêchée... Ce ne serait pas possible que le gouvernement fédéral nous confie l'administration de son règlement là-dessus parce que les espèces anadromes et catadromes...

M. Maltais: Alors, vous allez avoir un problème pour le frai, par exemple. Il va frayer chez vous et il s'en retourne vivre au fédéral, comme cela se passe actuellement.

M. Garon: C'est cela.

M. Maltais: Cela va lui prendre un drapeau de chaque bord.

M. LeMay: C'est le Labrador qui le pêche. (12 h 30)

M. Garon: C'est pour cela que le gouvernement fédéral, s'il voulait vraiment protéger le saumon du Québec, devrait faire une chose, retarder la pêche à Terre-Neuve de 15 jours. À ce moment-là, 80% du saumon, qui vient de nos rivières, reviendrait dans nos rivières. Il aurait seulement à l'arrêter à l'endroit où il est principalement pris, je pense que c'est à Port aux Basques...

M. LeMay: Entre l'île d'Anticosti et...

M. Garon: Non, c'est plus bas que cela. Il y a une passe à un endroit et c'est là que le saumon québécois, qui vient des rivières du Québec, est pris. On dit que, si le gouvernement fédéral retardait la pêche seulement de 15 jours, 80% du saumon reviendrait dans nos rivières. On aurait intérêt à développer davantage l'espèce. Avec le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, je suis allé rencontré le ministre des pêches commerciales et le ministre des pêches sportives du Nouveau-Brunswick - les deux ministres - pour justement faire front commun et demander au gouvernement fédéral de retarder de 15 jours la pêche à Terre-Neuve. J'en ai même parlé personnellement au ministre des pêches commerciales - et je sais que M. Chevrette de son côté en a parlé au ministre des pêches sportives - afin qu'il puisse retarder de 15 jours la pêche au saumon à Terre-Neuve. Il y aurait autour de 75% à 80% du saumon qui reviendrait dans nos rivières. Actuellement, dans son périple, le saumon fait le tour de Terre-Neuve et est pris à un endroit bien déterminé. Il y a eu des recherches dans le passé qui disent que le saumon passe à des dates précises. Si on retardait la pêche de 15 jours, 75% à 80% du saumon qui vient de nos rivières y reviendrait et, à ce moment-là, il y aurait un intérêt...

J'ai même expliqué au ministre des Pêches de Terre-Neuve que, sur une période de quatre ou cinq ans, en développant la ressource dans nos rivières au moyen de pouponnières à saumons, si on veut, le nombre de saumoneaux serait tellement plus grand que, même si la pêche était retardée de 15 jours, après quelques années, en développant la ressource dans nos rivières, on en prendrait autant, mais cela prendrait quatre ou cinq ans.

M. LeMay: On aurait besoin d'ensemencer nos rivières.

M. Garon: Bien non... C'est là qu'on les ensemençait le plus.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je voudrais poser une question au ministre. Est-ce que vous nous dites...

M. Garon: Pour la pêche des espèces anadromes et catadromes, pour répondre plus

directement à votre question, vous allez trouver cela dans le plan de pêche des eaux sans marée.

M. Ciaccia: Voulez-vous dire que le gouvernement fédéral n'a aucune juridiction, par exemple, sur le saumon s'il est dans les eaux sans marée?

M. Garon: Je n'ai pas dit cela. Il a une juridiction sur le saumon pour sa part et on a une juridiction pour notre part, sauf que, comme ce serait difficile à administrer pour lui, il a délégué cela au Québec. On administre le règlement fédéral pour les anadromes et les catadromes.

M. Ciaccia: D'accord. En dehors de l'administration qu'il vous a confiée, à des fins commerciales, même si le saumon est dans les eaux sans marée, qui en a la juridiction? Est-ce le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial?

M. Maltais: À l'heure actuelle, c'est le provincial.

M. Ciaccia: Non, vous l'administrez. M. Garon: Dans les eaux sans marée?

M. Ciaccia: Dans les eaux sans marée, à des fins commerciales, qui a la juridiction du saumon?

M. Garon: Le Québec. M. Ciaccia: Par...

M. Garon: En vertu de la délégation administrative.

M. Ciaccia: Administrative, mais pas en vertu de la constitution.

M. Garon: Dans les eaux sans marée, nous sommes propriétaires du fond et propriétaires de ce qu'il y a dans ces eaux.

M. Ciaccia: Alors, le saumon dans les eaux sans marée est entièrement sous la juridiction du Québec.

M. Garon: Du Québec.

M. Ciaccia: II n'y a pas des discussions là-dessus?

M. Garon: II y a une compétence législative du fédéral sur la manière de pêcher. C'est pour cela qu'on retrouve ces choses-là dans le règlement.

M. Ciaccia: S'il y a une compétence législative fédérale sur la manière de pêcher, votre article 3 ne le reflète pas. S'il y a une compétence fédérale législative sur la manière de pêcher...

M. Garon: On ne parle pas de la compétence législative fédérale là-dedans.

M. Ciaccia: Vous vous donnez tous les droits à des fins...

M. Garon: Non, non.

M. Ciaccia: Bien oui! Quand je lis l'article 3, je dis que vous pouvez concéder le droit de pêcher à des fins commerciales, et cela n'exclut pas les anadromes. Il n'y a aucune référence qu'il y a une autre compétence législative d'un autre niveau de gouvernement.

M. Garon: Où est le problème? Le droit de pêche ici, dans les eaux sans marée, est un accessoire du droit de propriété du fond.

M. Maltais: M. le ministre, dans la pratique...

M. Garon: Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas respecter la réglementation fédérale sur la pêche, à condition qu'elle soit ultra vires, pour les saisons de pêche, etc.

M. Maltais: Quels sont les permis de pêche que vous allez émettre dans les...

M. Garon: Cela ressemble un peu aux oiseaux migrateurs.

M. Maltais: II y a des ambiguïtés dans cela. La pêche au saumon est sous juridiction provinciale à l'heure actuelle et on n'a pas de permis de pêche commerciale pour cela.

M. Garon: Pardon?

M. Maltais: La pêche au saumon, à l'heure actuelle, lorsqu'elle tombe sous la juridiction provinciale dans les eaux sans marée...

M. Garon: Non. C'est parce qu'il n'y en a pas.

M. Maltais: ...il n'y a pas de permis de pêche.

M. Garon: Ce sont des affaires théoriques. Il n'y a pas vraiment de saumon dans les eaux sans marée du Québec. Il y en avait dans le temps de Jacques Cartier, mais il n'y en a plus aujourd'hui.

M. Maltais: Bien, il y en a dans les rivières. M. le ministre, le saumon s'en va frayer dans les rivières. Il fraie dans les eaux sans marée.

M. Garon: II est réservé à la pêche sportive. On ne le pêche pas commercialement.

M. Maltais: Non, non. C'est cela.

M. Garon: C'est cela. Je ne fais pas de règlement pour des poissons qu'on ne pêche pas, au cas où on en pêcherait un jour.

Le Président (M. Desbiens): L'article 3 est adopté? Sur division?

M. Maltais: Oui.

Le Président (M. Desbiens): L'article 3 est adopté sur division. J'appelle l'article 4. Est-ce que l'article 4 est adopté? M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le ministre, je pense que l'article 4 est l'article clé du projet de loi, de même que l'article 6. C'est l'article qui nous oppose le plus, qui pose le plus grand nombre de problèmes parce qu'on y parle de donner des pouvoirs au ministre dans les eaux à marée.

M. Garon: C'est cela. Dans les eaux à marée.

M. Lincoln: Dans les eaux à marée. À ce moment, cela lui donne la possibilité de concéder le droit d'utiliser la portion de la rive ou du lit qui fait partie du domaine public - sans aucune définition de ce que sont les eaux à marée, sans aucune définition de ce qu'est le domaine public - pour y fixer ou y déposer des engins ou des installations -sans aucune définition de ce que sont ces installations - destinés à la pêche commerciale.

Or, tout cela vise ceux qui ont les droits sur les eaux à marée et sur la situation dans le golfe du Saint-Laurent. C'est clair que cela va être une question constitutionnelle qui va aller en cour. Tous les précédents semblent dire que le fédéral a juridiction sur les eaux du golfe. Avant, on parlait d'engins fixes; là, vous parlez aussi des engins déposés. Est-ce qu'un engin déposé est un engin fixe? Je vous réfère à un passage de l'étude du professeur Henri Brun qui a été cité hier par le chef de l'Opposition en Chambre: "II nous faut donc conclure que le territoire du Québec continue d'être dans le golfe du Saint-Laurent celui qu'il était en 1867."

Le professeur Brun délimite très clairement que l'état actuel du droit canadien nous oblige donc à conclure que le territoire québécois dans le golfe Saint-Laurent s'est terminé en 1867 à la côte. Le territoire se rendait au moins à la ligne des basses eaux. Le Québec ne serait pas entré dans la Confédération nanti d'une mer territoriale.

En fait, c'est consédé par votre ministre Jacques-Yvan Morin qui n'accepte pas en principe le fait que cela existe comme cela. Lui-même, dans son étude, Rapport de la commission d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec, rapport Dorion, en mai 1970, fait état de l'avis consultatif de la Cour suprême sur les droits miniers sous-marins de 1967. Il cite le jugement de la Cour suprême: La Cour suprême s'est également prononcée dans le même avis sur la compétence législative à l'égard du lit et du sous-sol de la mer s'étendant au-delà des eaux territoriales, le plateau continental.

Le professeur Brun dit que les eaux territoriales s'arrêtent certainement à la côte et qu'elles ne vont pas au-delà dans le golfe. M. Jacques-Yvan Morin dit: La Cour suprême s'est également prononcée dans le même avis sur la compétence législative à l'égard du lit et du sous-sol de la mer s'étendant au-delà des eaux territoriales, le plateau continental.

Après avoir longuement cité in extenso la convention de 1958 et divers documents américains et britanniques intéressant le plateau sans que le lien entre ces citations et la question constitutionnelle à l'étude apparaisse clairement, la cour tranche la question en quelques lignes, comme suit. Nous allons le citer pour les fins du dossier, car je pense que c'est très important. Je cite un extrait de l'étude de M. Jacques-Yvan Morin qui cite la décision même du tribunal: "As with the territorial sea, so with the continental shelf. The two reasons why British Columbia lacks right to explore and exploit and lacks legislative jurisdiction: First, the continental shelf is outside the boundaries of British Columbia; second, Canada is a sovereign State which will be recognized in international law as having the rights stated in the convention of 1958. It is Canada, not the province of British Columbia, that would have to answer the claims of other members in the international community for breach of the obligations and responsibilities imposed by the convention. There is no historical, legal or constitional basis upon which the province of British Columbia could claim the right to explore and exploit or claim legislative jurisdiction over the ressources of the continental shelf."

M. Jacques-Yvan Morin va plus loin: "II ne convient pas de nous étonner davantage sur l'aspect de la question qui a déjà été traitée par G. Brossard. Du point de vue du statut des eaux du golfe Saint-Laurent, compte tenu de la jurisprudence qui nie aux provinces le droit de propriété sur le lit et la mer territoriale, l'avis de la Cour suprême constitue un précédent redoutable qui ne manquera pas d'être invoqué dans toute discussion ou négociation sur le plateau

continental."

Nous sommes d'accord avec lui que, de son point de vue philosophique, il n'accepte pas de bon gré cette décision. Le fait qu'il cite la décision semble confirmer l'étude du professeur Brun.

Aujourd'hui, avec l'article 4, sans négociation pour essayer d'établir une entente quelconque sur ce sujet, le ministre se donne des droits dans les eaux à marée qui vont en fait plus loin du point de vue des engins. Il va encore plus loin et il dit que ce n'est pas seulement des engins fixes, ce sont des engins déposés. Il parle d'installation. Qu'est-ce que sont les installations? Il parle des eaux à marée. Que sont les eaux à marée? On ne sait rien de tout cela. Il n'y a pas de délimitation des eaux à marée dans le projet de loi. Il n'y a pas de définition de ce que sont des engins fixes ou déposés. Est-ce que des engins déposés sont des engins fixes? On se pose beaucoup de questions là-dessus. Qu'est-ce que sont les installations dans son projet de loi? Rien n'est défini.

Est-ce que l'article 4 donne le pouvoir au ministre de fixer des quotas, de fixer des contingentements, de faire respecter ces contingentements, de contrôler le processus de la pêche? Installation se réfère à la mise en place de quelque chose. Est-ce que cela lui donne des droits de faire des installations destinées à la pêche commerciale? Prenons l'exemple d'un port de mer en eau profonde. À l'article 4, est-ce que le ministre va avoir un droit de veto sur les installations portuaires en eau profonde? Pourrait-il par l'article 4 dire: J'ai maintenant le droit de faire des installations destinées à la pêche commerciale? Ce sont des installations portuaires. Installation, selon Larousse: "La mise en place de quelque chose. La mise en place d'un objet quelconque." Est-ce que le ministre se donne des pouvoirs dans les eaux à marée? Où se terminent les eaux à marée, selon lui? Où est-ce que ces eaux à marée se délimitent?

Prenons la baie des Chaleurs. Tire-t-il un trait dans le milieu de la baie des Chaleurs pour dire que les eaux à marée qu'il contrôle sont la moitié de la baie des Chaleurs et l'autre moitié, c'est le Nouveau-Brunswick? Jusqu'où va cette affaire? Où est-ce que vous définissez maintenant votre territoire? D'après vous, le territoire est-il tout le golfe Saint-Laurent, la moitié de la baie des Chaleurs? À priori, est-ce que cela vous donne tous les droits que maintenant le fédéral a dans les eaux à marée par rapport au lit? Comment conciliez-vous cela avec la décision dans l'affaire de la Colombie britannique en 1967? Cela parlait très bien de cela. J'ai cité l'étude de M. Jacques-Yvan Morin qui est très claire. Je vais y référer encore une fois, car lui croit que cela en parle. Il dit, par exemple: II ne convient pas de nous étendre davantage sur cet aspect de la question qui a déjà été traitée par Gilles Brossard. Du point de vue du statut des eaux du golfe Saint-Laurent, compte tenu de la jurisprudence qui nie aux provinces le droit de propriété sur le lit de la mer territoriale - c'est ce qu'il dit - l'avis de la Cour suprême constitue un précédent redoutable. (12 h 45)

M. Garon: On ne parle pas de cela à l'article 4.

M. Lincoln: Le fait est que le ministre parle des eaux à marée.

M. Garon: Bon.

M. Lincoln: M. le sous-ministre, je ne crois pas que les eaux de la rivière Saguenay soient des eaux à marée. À ce moment, définissez ce que sont les eaux à marée, selon vous. Vous ne le dites pas. Est-ce que le golfe Saint-Laurent est une eau à marée ou non? Où s'arrête votre...

M. Garon: L'article est très bien fait. Regardez, c'est écrit: "Le ministre peut, dans les eaux à marée, concéder le droit d'utiliser la portion de la rive ou du lit qui fait partie du domaine public." Il y a des eaux à marée qui font partie du domaine public dans le territoire québécois. C'est ce dont il est question là.

Je comprends que vous parliez...

M. Lincoln: Mais où? Comment? Quoi?

M. Garon: Attendez un peu. Vous dites qu'il y a des parties contestées; vous parlez du plateau continental. C'est une partie qui est contestée, mais il y a des parties qui ne sont pas contestées. Pourquoi partez-vous un débat qui n'est pas indiqué? On dit tout simplement ceci: "Le ministre peut, dans les eaux à marée, concéder le droit d'utiliser la portion de la rive ou du lit qui fait partie du domaine public." Il y a des grandes parties du territoire québécois où il n'y a aucune contestation.

M. Lincoln: M. le ministre, c'est ce que vous nous dites. On parle d'un projet de loi. Vous dites, sans le définir: "Le ministre peut, dans les eaux à marée"... Les eaux à marée dont vous parlez maintenant, cela peut être la rivière Saguenay. Cela peut inclure aussi les eaux de la baie des Chaleurs, les eaux du golfe. Cela peut être n'importe où.

M. Garon: Cela peut être...

M. Lincoln: Alors, est-ce que cela n'est pas...

M. Garon: Je n'émettrai pas de droit de permis en France. On pourrait se dire que

je vais en émettre dans l'océan Atlantique, dans l'océan Pacifique.

M. Lincoln: Mais, justement...

M. Garon: Vous pourriez parler des eaux autour de la terre de Baffin. Qu'est-ce qu'on dit ici? "Le ministre peut, dans les eaux à marée, concéder le droit d'utiliser la portion de la rive ou du lit qui fait partie du domaine public."

M. Lincoln: Mais c'est justement ce qu'on vous demande. Vous n'irez pas émettre des permis en France, vous n'irez pas en émettre dans...

M. Garon: Non.

M. Lincoln: Mais peut-être irez-vous, selon votre perception des choses, émettre des permis à des gens qui vont pêcher dans le golfe du Saint-Laurent ou dans la baie des Chaleurs. Considérez-vous que cela fait partie des eaux à marée? Personne ne sait ce que vous avez en tête. Personne ne le sait.

M. Garon: ...

M. Lincoln: Personne ne sait ce que vous avez en tête par rapport au domaine public. Qu'est-ce, selon vous, que le domaine public? Qu'est-ce, selon vous, que le territoire du Québec? Rien n'est défini. Personne ne sait ce que sont des installations. Laissez-moi vous poser une question.

M. Garon: Là n'est pas le débat. M. Lincoln: C'est là le débat.

M. Garon: Ce n'est pas là le débat. C'est comme si je préparais une loi et qu'on disait, par exemple, que les avions de Quebecair voleraient là où ils n'ont pas le droit de voler. Pourquoi prétendez-vous qu'on va donner des permis à des endroits où on n'a pas le droit d'en donner? Si on donne des permis à des endroits où on n'a pas le droit de le faire, cela va être contesté et déclaré illégal. Pensez-vous que j'ai intérêt à faire déclarer des choses illégales? J'ai intérêt à ce que le règlement et la loi fonctionnent. Pensez-vous que je vais donner le plaisir à M. De Bané de faire sauter mon règlement?

M. Lincoln: Monsieur, est-ce que vous concédez aujourd'hui...

M. Garon: Pensez-y un instant. Pensez-vous que je vais donner le plaisir à M. De Bané de dire: Je fais sauter son règlement?

M. Lincoln: Monsieur...

M. Garon: Je peux vous dire que M. De Bané n'aura pas ce plaisir en 1984.

M. Lincoln: M. le ministre, on ne parle pas de M. De Bané, on ne parle pas de M. le ministre Jean Garon, on ne parle pas de personnalités, d'individus. On parle d'une loi qui va exister pendant - je sais que c'est amusant - des années. On parle d'une loi. Vous allez passer, M. De Bané va passer. Les humains changent, mais les lois restent. On parle d'une loi.

M. Garon: ...

M. Lincoln: On parle de quelque chose.

M. Garon: C'est parce que vous ne croyez pas à la réincarnation.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, à l'ordre! M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: C'est le sérieux avec lequel vous faites rire vos amis. C'est très amusant. On parle d'une question beaucoup plus importante que vous traitez avec beaucoup de désinvolture. La question est la suivante: Vous donnez le pouvoir, dans les eaux à marée, de concéder des droits d'utiliser la portion de la rive ou du lit. Vous donnez le droit de fixer des engins. Nous sommes d'accord que le Québec avait des droits sur les engins fixes, mais, là, vous donnez aussi le droit de déposer des engins. On se pose beaucoup de questions du point de vue constitutionnel. Vous donnez des droits pour faire des installations destinées à la pêche commerciale, sans rien définir. Si on lit le projet de loi, vous avez beau me dire: Je ne vais pas le faire sans... Naturellement. Est-ce que vous voulez dire que vous donnerez des droits et que cela ne va pas être contesté, si vous allez prendre des droits que vous, vous percevez comme légitimes? Ils le sont pour vous, mais que feriez-vous si quelqu'un d'autre dans ce cas, le fédéral ou le Nouveau-Brunswick, décide que ce n'est pas légitime pour vous?

Prenons des exemples pratiques. Vous avez un pêcheur du Nouveau-Brunswick qui vient pêcher dans la baie des Chaleurs, qui dépose des cages à crabe, ou bien...

M. Garon: II viendra demander un permis du Québec...

M. Lincoln: Attendez un instant, je vais finir.

M. Garon: ...pour mettre ses cages sur notre fond.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît! C'est au député de Nelligan à parler.

M. Lincoln: Un instant. Vous avez des pêcheurs de Terre-Neuve qui pèchent au large de Blanc-Sablon avec les pêcheurs québécois, de façon historique, la morue, etc. Qu'est-ce qui arrive à ces pêcheurs-là? Ils entrent dans les eaux. Est-ce que vous allez dire: Un pêcheur de Terre-Neuve est obligé d'avoir un permis du Québec pour pêcher? Vous allez dire au pêcheur du Nouveau-Brunswick: Vous êtes obligé d'avoir un permis du Québec pour pêcher? Est-ce que ce permis-là, ça se situe juste quand le pêcheur du Nouveau-Brunswick traverse une ligne quelconque, que vous avez décidée dans votre tête, dans la baie des Chaleurs? Est-ce que c'est à un mille du rivage, est-ce que c'est à deux milles, est-ce que c'est à trois milles? Il n'y a rien pour nous permettre de savoir cela. C'est une affaire tout à fait louche, tout à fait floue je veux dire, tout à fait floue, tout à fait flexible. On n'a aucune définition de ce que vous entendez, vous, par les eaux à marée.

Quand vous dites les eaux à marée, dites-nous ce que c'est. Vous dites que ce sont les eaux dans lesquelles vous avez des droits maintenant. Mais, selon vous, vous avez des droits partout parce que vous, vous voyez le territoire du Québec comme étant beaucoup plus grand peut-être que ne le voit, par exemple, le gouvernement fédéral.

M. Garon: Vous, vous voulez le rapetisser.

M. Lincoln: M. le ministre, c'est parce que moi, ce que j'ai envie de faire valoir, ce que j'ai voulu dire, c'est que, d'après vos interventions en Chambre, vous nous avez expliqué que vous vouliez des droits... Prenons un exemple, celui des pêcheurs de crabe. Il y a des pêcheurs de crabe... Je sais que le député de Gaspé a rigolé à mon sujet, quand j'ai parlé des homards en pleine mer, moi, je vais lui dire que je sais que ce n'est pas le cas dans le Québec, mais dans le cas de la Nouvelle-Écosse, on pêche le homard à 50 milles du rivage.

Oui, vous avez parlé de cela, vous avez dit que je ne connaissais pas mon affaire. Mais je vais vous dire...

M. Garon: Vous m'avez mal compris.

M. Lincoln: D'accord, excusez-moi, si je vous ai mal compris. J'ai mal compris. D'accord. Mais seulement...

M. Garon: On ne parle pas de la Nouvelle-Ecosse.

M. Lincoln: ...dans le cas des crabes, par exemple, il n'y a pas d'argument possible, parce que les crabes, cela se pêche à plusieurs milles du rivage, parfois 20, 25 milles, etc., entre le Nouveau-Brunswick, où on va le pêcher, et le Québec. Qu'est-ce qui arrive si vous avez un pêcheur qui va pêcher là et que vous, vous décidez qu'il a besoin d'un permis du Québec? Est-ce que le pêcheur québécois va aller maintenant dans des eaux où les pêcheurs des autres provinces pêchent couramment, l'un et l'autre? Est-ce qu'un pêcheur d'une province va avoir un permis et celui du Québec va-t-il être obligé d'avoir deux permis, ou l'inverse va-t-il se produire? Comment allez-vous réglementer tout cela? Dans votre tête, où s'arrête ce pouvoir que vous avez sur les eaux sans marée? Dites-nous où vous voyez cela. Parce que vous ne nous le dites pas, on est obligé de prendre votre parole que vous allez... Est-ce que c'est à un mille du rivage, deux milles, quatre milles? Où cela va-t-il? Cela va dans la baie des Chaleurs, cela va dans le golfe, où cela va-t-il s'arrêter?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Garon: Je souhaiterais qu'il y ait une histoire du Parti libéral qui soit rédigée, parce que le problème du golfe est une question que les gouvernements du Québec, depuis M. Lesage, ont toujours voulu éviter de faire trancher de façon définitive par les tribunaux. Vous voudriez actuellement que je tranche la question du golfe dans l'esprit de la loi alors que les gouvernements libéraux précédents, tant celui de M. Lesage que celui de M. Bourassa, n'ont pas voulu trancher cette question-là par voie de législation. Aujourd'hui, vous me demandez de faire ce que vous n'avez jamais fait et n'avez jamais voulu faire. Pourquoi voudriez-vous que l'on mette dans la loi ces questions-là alors que les gouvernements libéraux antérieurs n'ont jamais voulu le faire?

M. Lincoln: Mais c'est exactement ce qu'on vous souligne. C'est que les gouvernements libéraux antérieurs ont eu assez de sagesse pour dire: On ne va pas aller faire des lois qui vont identifier les eaux à marée qui peuvent inclure le golfe, des lois qui vont finir devant les tribunaux parce que le fédéral va dire: Là, il y a une atteinte possible à une juridiction. Cela va finir. C'est ça que les gouvernements libéraux ont essayé d'éviter. Parce que, si l'on va en cour et que vous perdez, vous jouez quitte ou double.

M. Garon: Alors, qui vous fait présumer que nous voulons jouer quitte ou double?

M. Ciaccia: Eh bien, le fait de faire une loi qui porte à ambiguïté, qui ne définit pas, quelqu'un va pouvoir la contester. Ce n'est pas seulement vous. Une fois qu'une loi

est déposée et adoptée, dans l'application de votre loi, un individu va pouvoir contester...

M. Garon: Théoriquement, si un règlement...

M. Ciaccia: La situation que vous venez de décrire, à savoir que le gouvernement de M. Lesage et le gouvernement libéral n'ont pas voulu définir parce qu'ils n'ont pas voulu trancher, vous...

M. Garon: Dans les lois.

M. Ciaccia: ...ouvrez la porte à cela avec cet article-là.

M. Garon: Pas du tout. M. Ciaccia: Mais oui.

M. Garon: C'est parce que vous pensez, vous assumez que... Vous voyez que la loi ne donne pas d'ouverture à cela. La loi est correcte. Vous l'avez dit vous-même, M. Marx l'a dit et les intervenants libéraux l'ont dit. Vous présumez maintenant que je vais faire faire cela par règlement et que ce ne sera pas dans la loi. Mais là, vous présumez une chose. Ce n'est écrit nulle part.

M. Ciaccia: Non, mais cela vous donne des pouvoirs...

M. Garon: Pas à moi. Cela donne des pouvoirs au gouvernement.

M. Ciaccia: Au ministre, oui. Le ministre peut, par exemple, fixer des quotas, faire respecter les contingentements...

M. Garon: Non.

M. Ciaccia: C'est inclus là-dedans.

M. Garon: Où cela? Cela n'est pas marqué à l'article 4.

M. Lincoln: C'est marqué à l'article 6. M. Ciaccia: C'est inclus.

M. Lincoln: À l'article 6. Oui, oui, lisez l'article 6.

M. Garon: Pardon? Non, non, non.

M. Ciaccia: C'est inclus dans l'article 4.

M. Garon: II faut que vous sachiez lire un article.

M. Ciaccia: C'est inclus dans l'article 4. Quand vous donnez...

M. Garon: Remarquez que, dans le programme approuvé par le gouvernement et quand on se réfère à l'article 1, dans le programme, on dit "dans les eaux sans marée".

M. Ciaccia: C'est dans l'article 4.

M. Garon: Non, non, non. Cela ne va pas plus loin. L'article 6... Il faut lire les articles 3 à 11 inclusivement pour comprendre l'article 1. Et à l'article 6...

M. Ciaccia: Non, non.

M. Garon: ...il est question des eaux sans marée.

M. Ciaccia: Oublions l'article 6 et parlons de l'article 4.

Une voix: Parlons de l'article 4. M. Garon: D'accord.

M. Ciaccia: On arrivera à l'article 6 après. Dans l'article 4, vous concédez le droit d'utiliser le domaine public pour y fixer ou y déposer des installations, etc. Concéder un droit, cela inclut le pouvoir de fixer des quotas, de faire respecter des contingentements et de contrôler l'effort de pêche. C'est inclus. C'est dans l'article 4 et c'est cela qu'on dit, c'est-à-dire que vous vous donnez des pouvoirs qui sont sujets certainement à contestation. Peut-être que vous ne l'exercerez pas, mais, dans l'article 4, vous avez ce pouvoir-là.

M. Maltais: C'est clair. Quand tu concèdes des droits, tu...

M. Ciaccia: Maintenant, vous nous dites que vous ne l'exercerez pas. Ah! C'est une autre affaire. Mais le droit, vous l'avez.

M. Garon: Je n'ai pas dit qu'on fixait des quotas. Où voyez-vous cela, des quotas?

M. Ciaccia: C'est inclus dans le droit d'utiliser.

Une voix: Non, ce n'est pas inclus. M. Garon: Non, non, non. M. Maltais: Voyons donc! M. Garon: Non, non, non. M. Ciaccia: Bien, voyons!

M. Maltais: Tout le monde a le droit de s'acheter une auto, mais on sait que cela prend des plaques d'immatriculation.

M. Garon: Non, non, non.

M. Maltais: C'est aussi simple que cela.

M. Garon: Le règlement des quotas se réfère à la pêche plus qu'au droit de propriété. Le nombre d'engins se réfère au droit de propriété. Dans telle baie, il y aura 100 cages à crabes. On ne donne pas la permission de mettre des cages à crabes, à homards, pour plus que telle quantité. Mais, je ne peux pas dire combien tu vas prendre de homards.

M. Ciaccia: Mais le droit d'utiliser, vous pouvez le dire. Vous nous dites...

M. Garon: C'est pour cela...

M. Ciaccia: Le droit d'utiliser l'inclut. Voyons!

M. Garon: ...qu'il faut interpréter maintenant qu'on n'est plus dans le cadre de l'entente de 1922. Alors, il faut voir la réglementation fédérale et la réglementation québécoise ensemble. Elles vont se compléter. Le gouvernement fédéral va dire: Vous pouvez prendre tant de homards. Il peut établir des quotas. Nous n'établirons pas de quotas dans les eaux à marée, mais nous pouvons dire combien de concessions nous donnons. On peut donner 10, 50, 100, 200 concessions. On peut en donner deux fois plus que de permis fédéraux, on peut en donner deux fois moins, mais on ne fixera pas de quotas.

M. Lincoln: M. le ministre, est-ce qu'on peut vous poser une question pratique?

M. Garon: Et celui qui aura besoin des deux permis pour pêcher, si on lui donne un permis du Québec, on n'assumera pas qu'il aura automatiquement un permis fédéral. Mais le gouvernement fédéral ne pourra pas assumer que, lorsqu'il donne un permis, l'individu aura automatiquement un permis du Québec.

M. Lincoln: D'accord. Disons que nous avons un pêcheur de Matane. M. le ministre?

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: Nous avons un pêcheur de Matane. Il pêche dans le fleuve, il ne va pas dans le golfe. C'est un pêcheur côtier qui reste dans...

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: II a un permis du Québec. Qu'arrive-t-il du pêcheur des Îles-de-la-Madeleine? Lui, il est dans le golfe, en plein milieu de l'océan. Il va pêcher là. Est-ce qu'il a besoin d'un permis du Québec et d'un permis fédéral? Est-ce qu'un pêcheur québécois aura deux permis et qu'un autre pêcheur québécois n'aura qu'un permis?

M. Garon: C'est possible.

M. Lincoln: Ah bon, c'est possible. Alors, c'est possible qu'il y ait deux catégories de permis.

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: II est possible que vous ayez des pêcheurs québécois qui vont avoir deux permis.

M. Garon: Oui. C'est même souhaitable.

M. Lincoln: Ah, c'est souhaitable? (13 heures)

M. Garon: Je vais vous dire une chose. Depuis que notre loi est déposée, il y a déjà des pêcheurs qui sont venus me voir et qui sont intéressés à des espèces qui sont sédentaires. Ils sont intéressés à développer tel type de pêche à condition d'avoir une portion du territoire qui leur est réservée.

M. Lincoln: Ah bon, vous allez la réserver.

M. Garon: Avec notre loi, cela va être possible.

M. Lincoln: Cela devient plus flou que jamais. Nous allons avoir des pêcheurs qui vont avoir des portions de territoire. Il y aura deux qualités de pêcheurs, une avec un permis et l'autre avec deux permis. Des Québécois vont avoir des permis différents. C'est l'égalité, la démocratie.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous avez l'intention d'adopter l'article 4?

M. Garon: C'est très important.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: C'est très important.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! Il est 13 heures. Est-ce que vous avez l'intention d'adopter l'article 4 immédiatement?

M. Lincoln: Non.

Le Président (M. Desbiens): La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 01)

(Reprise de la séance à 16 h 01)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Nous en étions à l'étude de l'article 4. Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Lincoln: Non, on veut revenir à l'article 4. À l'article 4, M. le ministre vous avez dit, ce matin, qu'il y avait possibilité de deux catégories de permis. Peut-être qu'il y aurait des pêcheurs québécois qui auraient un seul permis et d'autres qui en auraient deux. Je lisais récemment deux articles de journaux à la suite de la loi 48. L'éditorial de Raymond Giroux. On a discuté, par exemple, de la question du golfe Saint-Laurent. Vous avez dit: Nous, nous n'irons pas plus loin que ce que la loi nous permet. Je vois dans l'éditorial de Raymond Giroux, dans le Soleil du 19 novembre... Ce n'est pas nous qui inventons cela, c'est un observateur de la scène qui dit: "Sous le couvert de son interminable querelle verbale sur le dos des pêcheurs québécois avec son froid partenaire Pierre De Bané, le ministre Jean Garon vient de proclamer unilatéralement le droit de propriété du Québec sur les deux tiers des eaux du golfe Saint-Laurent. "De question bassement partisane, électoraliste, le débat vient ainsi de sauter au plus haut niveau politique à la grande joie des constitutionnalistes de toute option. À moins d'une ligne, le projet de loi 48 déposé cette semaine bouleverse toutes les données." Ce n'est pas une constation partisane de l'Opposition, c'est un journaliste qui parle de l'article 4 en disant: "Le ministre peut, dans les eaux à marée concéder...", lit-on à l'article 4 du projet gouvernemental inspiré de nombreuses études, à partir d'analyses jadis préparées par l'actuel ministre Jacques-Yvan Morin pour la Commission Doyon sur l'intégrité du territoire québécois dans les années soixante, jusqu'à la récente somme de "Droit constitutionnel" du professeur François Chevrette et du député libéral Herbert Marx,"

Plus loin il dit: "II ne faudrait toutefois pas que le suivi donné au dossier 13 ans plus tard retombe une journée de plus sur le dos des pêcheurs et des travailleurs et travailleuses des pêcheries, qui ne liront jamais les 143 pages écrites sur les eaux du golfe par Jacques-Yvan Morin."

Il y a Florent Plante qui écrit dans le Soleil du 17 novembre: "...Québec a décidé de faire de même et mettra sur pied son propre système de délivrance de permis pour tous les pêcheurs commerciaux qui utiliseront des engins fixes ou déposés au fond de l'eau dans le territoire immergé du Québec. ... Son ministère revendique le droit de délivrer des permis pour exploiter ses ressources et cela touchera les pêcheurs des autres provinces qui viendront pêcher dans les eaux québécoises à l'aide d'engins fixes. ... Le ministre Garon n'a pas déposé en annexe la carte qui trace les limites territoriales immergées du Québec. À cause des Îles-de-la-Madeleine, le Québec pourrait prétendre que ces eaux englobent environ les deux tiers du golfe du Saint-Laurent."

Il y a deux journalistes qui arrivent à la conclusion que, selon votre article 4, vous pourriez aller revendiquer les deux tiers du golfe du Saint-Laurent. C'est pour vous dire qu'il y a d'autres gens qui se posent beaucoup de questions et qui soulignent même - comme M. Plante - qu'il n'y a aucun cadre qui nous dise ce que vous entendez par les eaux à marée.

On se pose beaucoup de questions. Par exemple, celle-ci: Que se passe-t-il si un pêcheur d'une autre province veut venir pêcher dans des eaux que vous considérez être de votre juridiction d'y concéder des droits? Qu'arrive-t-il s'il n'a pas de permis du Québec? Est-ce que votre appareil de surveillance a le droit de saisir les bateaux des pêcheurs d'une autre province?

Inversement, qu'arrive-t-il si un pêcheur du Québec décide de ne pas prendre de permis? S'il refuse de prendre un permis parce que, par exemple, il va voir son avocat ou il consulte les gens du fédéral qui lui disent: Ah non! Vous n'avez pas besoin de permis, notre permis couvre la situation complètement, et le pêcheur ne prend pas de permis du Québec. Qu'arrive-t-il à ce moment? Est-ce que vous saisissez son bateau?

Qu'arrive-t-il de vos inspections? Par exemple, pour prouver que votre service d'inspection a l'autorité nécessaire, il faut naturellement que vous puissiez prouver que la pêche a été faite à l'aide d'engins ou d'installations fixes déposées sur le lit. Vous devez presque prendre le pêcheur sur le fait. Qu'arrive-t-il si un pêcheur n'a pas le permis du Québec, qu'il est allé déposer sa cage à crabes, etc., que vous savez qu'il va pêcher là, mais que vous ne le prenez pas sur le fait? À ce moment-là, comment prouvez-vous qu'il est en délit par rapport au permis du Québec qu'il n'aurait pas?

Ne pensez-vous pas que tout cela va causer une espèce de confusion totale dans ce milieu, que vous allez avoir des pêcheurs qui vont refuser de prendre le permis du Québec sous prétexte que vous n'avez pas l'autorité de le donner? Ne pensez-vous pas qu'il y aura toutes sortes de problèmes avec les pêcheurs d'outre-province, comme les pêcheurs de Terre-Neuve ou de la Nouvelle-Écosse qui vont venir pêcher sans permis du Québec?

Si votre service d'inspection va faire une saisie, ne pensez-vous pas que cela va provoquer fatalement, un jour ou l'autre,

demain, après-demain, le jour d'après, une confrontation quelconque et que ces gens vont aller se défendre en cour? À ce moment, on va arriver à ce sur quoi nous vous mettons en garde, c'est-à-dire une question de conflit constitutionnel qui va aller à la cour et qui va être jugé à un moment donné. Qu'arrive-t-il si cela se tourne contre le Québec? Vous allez presque provoquer les mêmes situations qu'avant, que vous décriviez sous les gouvernements de M. Lesage, de M. Bourassa, de M. Bertrand et tous les autres qui nous ont précédés, qui ont justement évité d'aller chercher cette espèce de définition de ce qu'est la juridiction du Québec dans le golfe du Saint-Laurent. N'est-ce pas là le grand danger? Pouvez-vous nous dire comment s'applique votre service de surveillance dans toute cette affaire de l'article 4 du projet de loi?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, le projet de loi 48 énumère les pouvoirs du gouvernement ou du ministre par règlement. Il est prévu un peu plus loin quelles sont les sanctions administratives, les genres d'inspection, les saisies et les confiscations possibles comme pénalité pour ceux qui ne respecteront pas la loi. Il y a aussi des dispositions pénales au chapitre VI du projet de loi que nous aurons l'occasion d'étudier. À ce moment, ces dispositions vont s'appliquer.

Le projet de loi 48 - et vous pouvez vérifier auprès des avocats - est tout à fait constitutionnel et légitime. Ce n'est pas une loi pour Noël. Elle va s'appliquer autant que la loi fédérale. Nous allons l'appliquer nous-mêmes. Nous ne demanderons pas aux agents fédéraux de l'appliquer, nous allons appliquer nous-mêmes notre loi et nos règlements et les agents fédéraux vont appliquer leur loi et leurs règlements.

Comme il s'agit du domaine public québécois, de la même façon que, lorsqu'ils viennent en automobile au Québec, ils respectent notre code de la route, lorsque les gens du Nouveau-Brunswick voudront venir pêcher sur le territoire québécois, ils seront soumis aux lois québécoises. Maintenant, tant qu'il n'y a pas de loi au Nouveau-Brunswick, les gens ne peuvent pas appliquer un règlement ou une loi qu'ils n'ont pas. Et si le Nouveau-Brunswick fait une loi et un règlement au même effet que le nôtre, nos pêcheurs devront le respecter.

M. Lincoln: M. le ministre, là vous rentrez justement dans le cadre même de ce que nous soulevons. Vous faites une analogie, par exemple, avec une auto qui saute la frontière du Nouveau-Brunswick pour arriver au Québec ou qui va du Québec pour aller en Ontario. Mais cela est tout à fait clair.

Par exemple, les frontières sont délimitées, c'est clair, l'endroit où la terre du Québec s'arrête et où celle du Nouveau-Brunswick ou de l'Ontario commence. Alors là, il n'y a aucun problème. C'est sûr qu'il n'y a aucun problème. On sait très très clairement où l'on se tient, dans les frontières terrestres.

Là, on parle de la mer. Mais vous ne nous dites pas... Vous parlez du territoire du Québec, sans le définir, sans cadre, comme le souligne M. Giroux ou M. Florent Plante, sans aucune délimitation, sans annexe, sans quelque chose dans votre projet de loi qui indique ce que vous avez en vue. Alors, est-ce que les pêcheurs qui vont venir pêcher ici, du Nouveau-Brunswick ou d'ailleurs, ou de Terre-Neuve, vont arriver à une certaine ligne dans la baie des Chaleurs, par exemple, où ils diront: Ah bien là, peut-être que nous sommes dans le territoire du Québec, d'après le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Ou, ne le sommes-nous pas? Est-ce que vous publiez quelque chose pour le démontrer, que c'est ou ce n'est pas cela? Et, qu'est-ce qui arrive s'ils n'acceptent pas votre définition de ce que c'est, le territoire québécois? C'est cela qu'on vous souligne.

À un moment donné, si quelqu'un met une cage à crabe ou une trappe à un endroit quelconque que vous considérez comme une partie du territoire du Québec et que la province voisine n'accepte pas cette définition, ou que le fédéral conteste la définition, ce qui est tout à fait probable puisqu'il l'a fait dans le cas de la Colombie britannique déjà pour un autre cas minier... Alors, est-ce que, fatalement, on ne cherche pas justement à aller régler cette affaire-là en cour? Parce que c'est impossible pour des pêcheurs qui viennent d'ailleurs, qui historiquement ont toujours pêché, pendant des années et des années, ou bien du côté de Blanc-Sablon ou bien dans la baie des Chaleurs, etc., de savoir ce que vous avez en vue, parce que vous-même ne pouvez pas nous dire aujourd'hui ce que cela implique, le territoire du Québec. Est-ce que cela s'arrête à l'entrée du golfe? Est-ce que cela inclut ou non la baie des Chaleurs? Est-ce que cela inclut une zone de tant de milles autour des îles-de-la-Madeleine? Qu'est-ce que vous avez en vue vous-même? Qu'est-ce que c'est que le territoire du Québec? Vous ne pouvez pas nous le dire ou vous ne voulez pas nous le dire. Mais, comment est-ce qu'un pêcheur va le savoir? Et qu'est-ce que vous avez réellement en vue? Ce n'est pas comme une route où on saute et on a là la frontière de l'Ontario, la frontière du Nouveau-Brunswick; on le sait exactement, ce n'est pas la même chose du tout.

M. Garon: Quand les pêcheurs pêchent à l'est, dans le banc George...

M. Lincoln: Oui.

M. Garon: Vous connaissez le banc George?

M. Lincoln: Oui.

M. Garon: Bon. Là, vous pouvez passer du Canada aux États-Unis et il n'y a pas de feu rouge dans l'eau pour indiquer que vous traversez la frontière! Mais les pêcheurs doivent savoir où arrêtent les États-Unis et où commence le Canada. Alors ici, ce sera la même chose. Quand on donnera un permis d'utiliser des agrès sur le fond, on va dire sur quel fond; cela ne sera pas un permis général utilisé sur tous les fonds québécois. On va dire: Vous pouvez poser vos cages dans tel espace, à tel endroit. Et comme tous les pêcheurs ont des boussoles sur leur bateau et qu'ils ont des gréements qui peuvent situer leur position, ils vont pouvoir déterminer où ils se trouvent. (16 h 15)

M. Lincoln: Vous m'estomaquez de plus en plus. Quand vous parlez de la limite entre les États-Unis et le Canada, tout cela est couvert par les traités internationaux. Cela fait l'objet de conférences internationales. Par exemple, les États-Unis n'ont pas accepté la zone de 200 milles. Des discussions ont été amorcées avec le Canada pendant quelque temps. Il y a aussi la cartographie qui démontre où commence le territoire marin des États-Unis et où commence celui du Canada. Il y a des concessions historiques qui ont été faites; il y a des traités, il y a des coutumes depuis plusieurs années. Depuis que le Canada et les États-Unis existent, il y a eu une évolution. On sait exactement quand un pêcheur des États-Unis ou, inversement, un pêcheur de la Nouvelle-Écosse pêchera sur le banc George. On peut même voir sur les cartes - j'ai celle de la Nouvelle-Écosse devant moi - ce qu'est exactement le territoire canadien et ce qu'est exactement le territoire américain. C'est une tout autre affaire. On parle, ici, d'un territoire qui n'a pas été défini. Toute cette question est tout à fait floue. La seule décision qui a été prise par la cour, est celle concernant la Colombie britannique. Les seules études que nous avons du professeur Brun semblent démontrer que le territoire québécois est celui qui était en place en 1867 quand la confédération canadienne s'est faite. Cela s'arrête aux basses marées et tout le reste est d'appartenance fédérale. On va plus loin en disant: Le gouvernement fédéral possède l'eau, mais nous possédons le lit de la mer. Vous allez encore plus loin et, en plus de parler d'engins fixes, vous parlez d'engins déposés, vous parlez d'installation pour la pêche commerciale. Si, par exemple, dans votre définition future, une installation pouvait être une installation portuaire, si vous construisez un port en eaux profondes, est-ce que le gouvernement fédéral sera obligé de venir vous demander un permis avant de construire une installation portuaire?

M. Garon: II le fait déjà.

M. Lincoln: II le fait purement à cause de la question des basses marées, c'est cela.

M. Garon: II le fait.

M. Lincoln: II le fait maintenant à cause de la question des basses marées. En fait, si c'était une installation en eaux profondes dans le milieu de la mer, il ne serait pas obligé de venir vous demander de faire une installation ou de planter une foreuse, par exemple, au milieu du golfe Saint-Laurent ou au milieu de la baie des Chaleurs, tandis que, là, vous introduisez une nouvelle notion de territoire, le territoire du Québec, sans nous dire où cela s'arrête. Vous dites que le pêcheur du Nouveau-Brunswick devrait savoir seul à quel moment il pénètre sur le territoire du Québec.

On vous donne des exemples typiques des pêcheurs terre-neuviens qui viennent pêcher au large du Québec, à Blanc-Sablon ou des pêcheurs du Nouveau-Brunswick qui viennent pêcher dans la baie des Chaleurs. Comment sauront-ils à quel point ils ont besoin d'un permis du Québec? Est-ce qu'ils doivent diviser la baie en deux? Comment? Par magie? Qu'est-ce qui arrive si, n'ayant pas de permis du Québec, selon votre propre conception, ils sont passés sur votre territoire? Qu'est-ce que vous faites à ce moment-là? Vous saisissez leur bateau, vous les punissez, vous allez en cour? Qu'est-ce qui arrive s'ils vont en cour, aidés du fédéral, pour aller contester cela et qu'on reconnaît que vous n'avez pas de droits là-dessus? Est-ce que vous ne perdrez pas les droits politiques que vous avez maintenant, des droits de négociation ou la marge de manoeuvre que vous avez maintenant? C'est cela la question fondamentale. Il semble, selon les journalistes comme M. Giroux, que c'est ce qui saute aux yeux quand il dit que le ministre peut, dans les eaux à marée, concéder les droits dans l'article 4 du projet de loi inspiré de nombreuses études; il dit: "Québec s'empare des deux tiers du golfe." M. Florent Plante a fait aussi la constatation que, d'après cet article, vous pourriez réclamer les deux tiers du golfe par le fait même que les Îles-de-la-Madeleine sont au milieu de l'océan. Il faut se poser des questions là-dessus; c'est ce qu'on veut savoir. Qu'est-ce que vous attendez? Vous n'avez pas de carte, vous n'avez pas d'annexe, vous n'avez pas de définition et vous voulez laisser cela flou, sur dessin,

parce que vous ne voulez pas vous situer afin de vous garder une espèce de marge de manoeuvre; il en résultera tout le contraire.

Qu'est-ce qui arrive, par exemple, si un pêcheur refuse d'accepter votre permis du Québec? S'il dit: J'ai un permis du gouvernement fédéral et je vais aller pêcher là. Vous dites alors que les pénalités mentionnées au chapitre 6 vont s'appliquer. Est-ce que vous croyez qu'il va accepter les pénalités si, par exemple, on en vient à la saisie de son bateau? Est-ce qu'il va accepter cela? C'est sûr que la province à laquelle il appartient, si c'est le cas d'un pêcheur d'une autre province ou si c'est un pêcheur québécois, et le gouvernement fédéral vont l'appuyer pour qu'il aille en cour trancher l'affaire. Qu'est-ce qui arrivera si vous perdez? C'est cela qu'on essaie de vous dire parce qu'il n'y a aucune définition d'eau à marée, il n'y a aucune définition de domaine public et de territoire, il n'y a aucune définition de ce que c'est que de déposer des engins, il n'y a aucune définition d'engin, il n'y a aucune définition d'installation. C'est tellement flou que vous avez sans doute fait cela à dessein, mais il me semble que cela ne dit rien. Cela laisse toutes les inquiétudes et toutes les questions que tous les gens se posent. Pour nous, ce n'est pas une question partisane parce que je vous ai cité des gens qui ne sont pas de notre parti et qui, eux aussi, en arrivent à la même constatation sur l'article 4.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 4 est adopté? M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Je pense qu'il y a encore des points... Ce matin, à l'article 3, le ministre reprochait à la loi fédérale de réglementer, au niveau des eaux, les basses marées et de les délimiter, de dire des points spécifiques. Je ne comprends pas, il persiste, à l'article 4, à dire qu'il ne veut pas délimiter. Si lui ne le fait pas, cela va être un autre qui va le faire. Je comprends que le ministre n'est pas intéressé à ce qu'on dit, mais, quand même, ce n'est pas nous qui avons convoqué la commission parlementaire pour l'étude article par article. S'il n'y a personne qui va faire la délimitation, si vous ne la faites pas dans le projet de loi, c'est une cour qui va la faire. Et une cour, cela entraîne des chicanes. Qui va payer la note? Ce sont les pêcheurs. Voyons donc! C'est toujours de même que cela se termine. Cela fait quatre ans que vous vous chicanez avec les pêcheurs. Pourquoi ne pas le faire tout de suite pour éviter cela?

M. Garon: Ne parlez pas, vous! Dans votre territoire, chez vous, vous preniez 3 000 000 de livres de poisson, quand on est arrivé au gouvernement, et aujourd'hui vous êtes rendus à 30 000 000 de livres. On prend dix fois plus de poisson aujourd'hui sur la Côte-Nord qu'on en prenait du temps des libéraux.

M. Maltais: Ce n'est pas la faute du ministre.

M. Garon: Restez dans les "sex bars", vous êtes meilleur là.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Maltais: II y a bien des poissons.

Le Président (M. Desbiens): Sur l'article 4.

M. Lincoln: C'est inacceptable, à l'article 4.

Le Président (M. Desbiens): L'article est-il adopté?

Des voix: Sur division.

Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division. Article 5.

M. Garon: L'article 5 dit...

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre

M. Garon: "Lorsqu'une portion de la rive ou du lit des eaux avec ou sans marée ne fait pas partie du domaine public, le ministre peut, après s'être entendu avec le propriétaire de cette portion, concéder le droit de l'utiliser pour y fixer ou y déposer des engins ou des installations destinés à la pêche commerciale." Cet article s'applique à toutes les eaux du Québec et il s'agit de concéder le droit d'utiliser le fond pour y fixer ou y déposer des engins, quand il s'agit de portions de rive ou de lit des eaux qui ne sont pas dans le domaine public. C'est le régime que nous appliquons actuellement aux fins de pêche à l'anguille et à l'esturgeon.

M. Lincoln: Est-ce que le fédéral ne maintient pas certaines juridictions - par exemple, on a parlé ce matin du saumon, etc. - même dans des territoires qui ne sont pas du domaine public?

M. Garon: Le fédéral, lui, dans les eaux à marée parle des types d'engins. Il n'y a pas de problème sur les engins. On s'entend sur les différents types d'engins. Je peux vous dire, par exemple, et cela peut vous intéresser, que, quand on parle du règlement fédéral concernant la pêche dans la province de Québec, quand on parle d'engin fixe, c'est

défini. On dit: L'engin fixe a le même sens que dans le règlement de pêche de l'Atlantique, "fixed gear". Alors, quand vous lisez le règlement de pêche de l'Atlantique, qu'est-ce qu'on dit à engin fixe? Vous voyez que ces notions sont très larges: Engin fixe désigne un engin de pêche qui est placé dans la mer de manière que: a) une extrémité de l'engin soit fixé à la rive et l'autre extrémité, ancrée dans la mer; b) Que chaque extrémité de l'engin soit ancrée dans la mer comme une palanque ou un filet; c) Que chaque extrémité de l'engin soit fixée à la rive; d) Qu'une extrémité de l'engin soit ancrée dans la mer et l'autre, fixée à un bâtiment; e) Qu'une extrémité de l'engin soit laissée à la dérive dans la mer et l'autre, fixée à un bâtiment; f) Qu'une extrémité de l'engin soit ancrée dans la mer et l'autre, laissée à la dérive dans la mer ou g) Qu'une extrémité de l'engin, fréquemment désignée par l'expression "ligne à main" ou turlutte, soit à bord du bâtiment et que l'autre extrémité soit remontée et descendue dans la mer à la main ou au moyen d'un dispositif mécanique. C'est ce qu'on appelle des "fixed gears".

M. Lincoln: Est-ce que...

M. Garon: Quand on parle d'engin mobile, on dit qu'on prend les chaluts à panneaux, les seines à poche et les dragues à pétoncles. À ce moment, on dit qu'il s'agit de "mobile gears".

M. Lincoln: Est-ce que vous souscrivez à cette définition d'engin?

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: Pourquoi n'indiquez-vous pas cela ici?

M. Garon: Ce n'est pas nécessaire. M. Lincoln: Pourquoi?

M. Garon: Parce que tout cela n'est pas nécessaire; le législateur ne doit pas parler pour ne rien dire.

M. Ciaccia: D'abord, enlevez l'article 1.

M. Garon: Que dit le législateur ici? Il dit: Concéder des droits d'utiliser la portion de la rive ou du lit des eaux lorsqu'une portion de la rive ou du lit des eaux, avec ou sans marée, ne fait pas partie du domaine public.

C'est évident que, lorsqu'on parle d'utiliser la rive ou le lit des eaux, on parle d'utiliser des engins comme ceux-là.

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner quelques exemples de portion de la rive ou du lit des eaux avec marée qui ne fasse pas partie du domaine public? Pouvez-vous nous décrire des eaux avec marée qui ne fassent pas partie du domaine public? De quoi parlez-vous? Pouvez-vous nous le décrire un peu?

M. Garon: Certainement. M. Lincoln: Oui. D'accord.

M. Garon: Dans des droits seigneuriaux les patentes, les grèves patentées étaient accordées, on disait, jusqu'à la marée basse, aussi loin que peut aller un cheval blanc sans nager. On disait que, lorsqu'un cheval blanc pouvait aller... Une fois la marée baissée, le cheval blanc entrait dans l'eau et, quand l'eau lui touchait le poitrail, on était rendu à la limite de la concession. Voyez-vous il peut y avoir des concessions de grèves.

Je sais que, lorsque je demeurais à Saint-Michel de Bellechasse, mon père avait un terrain dont la grève était patentée, c'est-à-dire qu'on était propriétaires de la grève jusqu'à la marée basse. Lui n'avait pas un cheval blanc. Si ma mémoire est bonne, on n'avait pas le cheval blanc. À Beaumont...

M. Maltais: Cela dépendait de la couleur du cheval.

M. Garon: Cela donnait un peu plus loin quand le cheval blanc pouvait aller dans l'eau.

M. Lincoln: C'est...

M. Garon: Je ne sais pas pourquoi les gens disaient un cheval blanc. C'était la façon de concéder des grèves patentées dans ce temps-là. Alors, il y a des grèves qui sont patentées au Québec et d'autres qui ne le sont pas. Quand on parle de pêche à l'anguille, à l'esturgeon, par exemple, c'est très important parce qu'on peut concéder des droits d'utiliser des rives ou le lit des eaux pour ces fins quand ils ne sont pas dans le domaine public. C'est cet article qui va permettre de le faire.

M. Maltais: Cela inclut la loi des trois chaînes aussi.

M. Garon: Non, cela n'a rien à voir avec les trois chaînes. Les trois chaînes, c'est plutôt à terre.

M. Maltais: Non, mais ils mesuraient quand même la limite des marées.

M. Garon: Les trois chaînes, c'est sur le bord des lacs.

M. Ciaccia: Non, non. Mais les trois chaînes allaient de l'autre côté. C'était pour

mesurer...

M. Maltais: L'autre côté. M. Garon: C'étaient des bois.

M. Ciaccia: ...le terrain. C'était plutôt pour mesurer...

M. Garon: Je n'ai jamais beaucoup étudié la loi sur les trois chaînes.

M. Ciaccia: C'était une distance de l'eau. Ce n'était pas...

M. Garon: À partir de l'eau.

M. Ciaccia: Le cheval blanc dont vous me parlez, c'est dans l'eau.

M. Garon: C'est dans l'eau.

M. Ciaccia: Les trois chaînes, c'est de l'autre côté, dans l'autre direction.

M. Lincoln: M. le ministre, si ces droits sont déjà reconnus historiquement, pourquoi allez-vous chercher maintenant à régler et contrôler cela encore plus? Qu'allez-vous chercher dans votre loi à concéder le droit d'utiliser etc.? Pourquoi en avez-vous besoin, si ces droits existent? Comme votre père avait des droits jusqu'à la basse marée, que l'autre avait des droits jusqu'au principe du cheval blanc... Qu'avez-vous besoin de contrôler si ce n'est pas dans le domaine public? Pourquoi allez-vous mettre votre nez là? (16 h 30)

M. Garon: Ce ne sont pas des concessions pour des fins de pêche. Pour aller déposer des engins de pêche destinés à la pêche commerciale, cela a toujours été une concession publique. Même sur des territoires privés, cela a toujours été la coutume. C'est de cette façon que cela se fait.

M. Lincoln: Si c'est de cette façon et que cela reste du domaine public malgré tout parce que c'est la pêche, le fédéral a toujours son mot à dire, il a toujours la juridiction, passé la ligne des basses marées.

M. Garon: Non, écoutez, ce n'est pas cela qu'on dit. À l'article 5, on dit: "Lorsqu'une portion de la rive ou du lit des eaux avec ou sans marée ne fait pas partie du domaine public..." Dépassé le cheval blanc ou dépassé la ligne basse des eaux, on est dans le domaine public. Quand il y avait des concessions de grève qu'on appelle les grèves patentées, les grèves étaient privées. Au Québec, il y a des grèves qui sont privées parce que, historiquement, il y a eu des concessions et elles ont été transférées. On n'est pas dans le domaine public mais privé. M. Lincoln: C'est cela que...

M. Garon: Quand les grèves n'étaient pas patentées, elles étaient publiques.

M. Lincoln: D'accord. On revient au même point de départ. Quelle était la situation avant votre loi? Quelle est la situation de la personne qui a un droit de grève privée? Elle n'a pas besoin de permis de vous? Pourquoi voulez-vous encore amener la bureaucratie, un autre permis, un autre pouvoir de votre part? Qu'est-ce qui arrive maintenant? A-t-il besoin d'un droit de permis de vous?

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: Pourquoi allez-vous vous ingérer là-dedans pour contrôler? C'est sûrement restreint, ces droits privés.

M. Garon: Attendez un peu.

M. Lincoln: Pourquoi avez-vous besoin de vous ingérer là-dedans?

M. Garon: C'est comme cela que cela s'est toujours fait. On n'invente rien, on consacre légalement ce qui se fait actuellement. Dans l'ancienne loi des pêches qui a été abrogée... Quand Elizabeth est-elle arrivée? Soit 11, 12, Elizabeth II. Ce n'est pas dans mon temps 11 ou 12 Elizabeth II, article 5 c'est dans le temps de Jean Lesage. Cette loi a été faite par Jean Lesage. On reproduit un article. Vous voulez condamner Jean Lesage, au fond.

M. Lincoln: S'il est déjà là, pourquoi devrait-on le faire?

M. Garon: Ici, on dit: Terre concédée. Du consentement du propriétaire et dans un but d'administration seulement, le ministre peut prendre le contrôle des droits de pêche appartenant à des terres concédées situées le long de quelqu'une des eaux de la province pour leur donner plus de valeur ou pour les louer ou émettre des permis s'y rapportant, selon le cas, conjointement avec ceux appartenant à des terres non concédées le long de ces eaux.

M. Ciaccia: II faut que vous vous entendiez avec le propriétaire.

M. Garon: Oui, il faut s'entendre avec le propriétaire.

M. Ciaccia: Si vous ne vous entendez pas?

M. Garon: Quoi?

M. Ciaccia: Si vous ne vous entendez pas.

M. Garon: II n'arrive rien.

Le Président (M. Desbiens): L'article 5 est-il adopté?

M. Garon: II faut toujours dire que tout cela doit se lire conjointement avec la loi québécoise et la loi fédérale. Quand le fédéral dit, sur les anadromes et catadromes... Ce sera des catadromes qu'on va prendre. Ce genre d'agrès de pêche...

M. Ciaccia: Le président...

M. Garon: Ceci est pour les catadromes, essentiellement pour les anguilles et l'esturgeon... Quand j'étais petit gars, on prenait aussi des bars; maintenant, il y a moins de bars à cause de l'exposition de 1967; ils sont morts. Il s'agit de catadromes dont l'administration est confiée au Québec qui va administrer à la fois le règlement fédéral et la loi québécoise. Il faut lire tout cela ensemble. C'est le régime qui va s'appliquer.

M. Lincoln: C'est exactement cela. Vous avez admis, en fait, que même sur cette question de domaines privés...

M. Garon: ...les eaux à marée...

M. Lincoln: Oui, je sais, je vous ai demandé cela sur les eaux à marée. Il y a une implication du gouvernement fédéral. Qu'est-ce qui va arriver si vous contrôlez et que vous émettez des permis, qui sont des permis conflictuels avec le gouvernement fédéral? Est-ce que le propriétaire pourrait exiger un dédommagement de votre part ou du gouvernement fédéral si ses droits sont affectés parce qu'il y a un conflit de juridiction entre vous et le fédéral?

On parle de domaines privés à marée. Est-ce que cela n'introduit pas encore une espèce de situation floue...

M. Garon: Non.

M. Lincoln: ...dans laquelle il y a toutes sortes de conflits ou de positions conflictuelles.

M. Garon: II n'y a pas de conflit là-dedans. Cela va très bien marcher. Ce ne sera pas compliqué.

M. Lincoln: II n'y a rien de compliqué pour vous, même l'article 4. Tous les autres disent que c'est compliqué, mais enfin...

M. Garon: Pardon? Non, ce n'est pas compliqué. L'article 4 est compliqué parce que vous faisiez des hypothèses compliquées, mais nous n'en faisons pas.

M. Lincoln: C'est cela le problème.

M. Ciaccia: Si le propriétaire refuse, vous dites qu'il pourra - je présume que vous vous êtes entendu avec lui - exiger un dédommagement, une entente avec vous. Supposons qu'il refuse, qui contrôlera la pêche quand les captures ne proviendront pas du domaine public, s'il n'y a pas d'entente?

M. Garon: S'il n'y a pas d'entente, quoi? S'il n'y a pas d'entente, il n'y aura pas de pêche.

M. Ciaccia: Qui contrôlera la pêche quand les captures ne proviendront pas du domaine public?

M. Garon: II faut dire qu'on administre les deux. Quand on va émettre un permis de pêche pour tel territoire, il faudra que l'individu puisse le faire parce que nous avons une entente ou que, lui, si on n'a pas d'entente, s'entende. C'est nous qui donnons le permis de pêche.

M. Lincoln: Ce que veut vous dire mon collègue, c'est que vous dites que s'il n'y a pas d'entente, il n'y aura pas de pêche. Si quelqu'un a un terrain privé et qu'il décide que, passé la marée basse, il va fixer son engin au sol ou faire quoi que ce soit, ce n'est pas à vous qu'il va demander la permission, il va aller pêcher. Qu'est-ce que vous faites alors? Est-ce que vous pouvez l'en empêcher? S'il pêche maintenant, qu'il a un permis fédéral qui lui donne une permission de pêcher, il va aller pêcher.

M. Garon: II ne pourra pas.

M. Lincoln: Qu'est-ce que vous allez faire?

M. Ciaccia: Pourquoi?

M. Garon: Parce qu'il sera sur notre terrain.

M. Ciaccia: Non. Vous dites qu'il est le propriétaire de cette portion, ce n'est pas votre terrain. C'est le terrain du propriétaire. Vous dites: "Le ministre peut, après s'être entendu avec le propriétaire de cette portion..." Ce n'est pas votre terrain; c'est le terrain du propriétaire. C'est à lui.

M. Garon: C'est cela. S'il est propriétaire, il sera soumis aux règlements. Il n'aura pas plus le droit de pêcher parce qu'il est propriétaire. Ce n'est pas lui qui donne les droits de pêche.

M. Ciaccia: Si c'est sous juridiction fédérale et qu'il ne vous le demande pas à vous, il a sa propriété.

M. Garon: Cela ne fait rien.

M. Ciaccia: Vous dites qu'après vous être entendu avec le propriétaire, vous pouvez concéder le droit d'utiliser etc. Si le propriétaire l'a fait parce que c'est sa propre propriété...

M. Garon: II faut lire les deux lois: le règlement fédéral et la loi du Québec. S'il est propriétaire et qu'il veut pêcher, il est soumis au règlement fédéral que nous administrons. Dans ce type de pêche, il s'agit essentiellement des catadromes. Il sera soumis au règlement fédéral. Dans les catadromes, c'est nous qui administrons le règlement fédéral. Quand on parle de cela, on parle essentiellement, au fond, de l'anguille et de l'esturgeon. Pas d'autre chose.

M. Ciaccia: II me semble que, quand vous dites, dans l'article, que vous devez vous entendre avec le propriétaire pour concéder certains droits, le propriétaire, lui, peut exercer ses droits sans votre consentement. Il semble y avoir une lacune là-dedans. Il y a une lacune dans cet article. Vous pouvez faire, si vous consentez... Qu'est-ce qui arrive si le propriétaire exerce ce droit? Il faut le lire avec la loi fédérale. Quand on regarde ce projet de loi, il faut l'interpréter tel que l'article se lit. On ne fait pas référence, dans ce projet de loi, à d'autres sujets, à certains droits qui sont acquis.

M. Garon: C'est cela. Là, il est dans les eaux à marée ou dans les eaux sans marée. S'il est dans les eaux à marée, le règlement fédéral joue. Il ne peut pas commencer à pêcher comme cela. Comme nous appliquons le règlement fédéral pour ces choses, il a besoin d'un permis quand même. Quand il est dans les eaux sans marée, on administre, encore là, pour nos fins et pour les fins fédérales.

M. Ciaccia: Autrement dit, cet article ne prive pas le fédéral de sa juridiction et ne donne pas au Québec une juridiction qu'il n'a pas. Alors, pourquoi l'article?

M. Garon: De la même façon que nous, quand on veut avoir un droit...

M. Ciaccia: Que fait l'article? S'il ne vous enlève pas de juridicton et n'en donne pas...

M. Garon: On n'a jamais nié la juridiction fédérale. Il faut être bien clair.

Cette loi n'est pas une négation de la juridiction fédérale, d'aucune façon. Il n'y a pas de confrontation...

M. Ciaccia: Ce n'est pas une négociation dans le sens que vous le dites. Vous ne dites pas: Dans la loi, je nie la juridiction fédérale. C'est une négation dans le sens que peut-être, dans l'interprétation, vous ouvrez la porte à certaines interprétations qui sont en conflit avec la juridiction fédérale. Dans ce sens, cela ouvre la porte à une négation. Je suis d'accord avec vous. Je n'ai pas vu d'article dans la loi disant: Je nie la juridiction fédérale, mais il y a des articles dans la loi où, par implication, par les pouvoirs que vous exercez, l'interprétation sera qu'il y a une négation du droit fédéral. Il y a certainement un conflit. À l'article 4 et, je ne sais pas; à l'article 5. Peut-être pas à l'article 5 parce que cet article n'accorde pas de droit ou n'enlève pas de droit.

M. Garon: On n'a pas le choix, l'article 5 est nécessaire parce qu'on voit trois hypothèses. Dans l'hypothèse où on est propriétaire du fond, on peut donner un droit de pêche dans les eaux sans marée. Dans les eaux à marée où on est propriétaire, on peut donner un droit d'utiliser le sol ou la rive. Quand on n'est pas propriétaire, on peut soit donner un permis dans le cadre du règlement fédéral qu'on administre ou faire une entente avec le propriétaire, puis donner un droit de pêche à quelqu'un qui n'est pas le propriétaire de ce fond. Autrement, on ne pourrait pas le donner parce que ce n'est pas dans le domaine public et on n'est pas propriétaire.

M. Ciaccia: Voulez-vous, on va aller à l'article 6?

Le Président (M. Desbiens): L'article 5 est-il adopté? Adopté sur division. Article 6? Est-ce que l'article 6 est adopté? M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: À l'article 6, c'est la même chose qu'à l'article 4. C'est une extension de l'article 4. Vous dites: "Le ministre peut, dans les limites et pour chaque endroit indiqué dans le programme approuvé par le gouvernement..."

M. Garon: À l'article 6, il y a un amendement.

M. Lincoln: Vous avez un amendement. Peut-être que vous en êtes arrivé au bon sens. Quel est votre amendement? (16 h 45)

M. Garon: Un amendement qui demande du courage. L'amendement dit: L'article 6, première ligne, est modifié en ajoutant un

"s" à la fin du mont "indiqué".

M. Lincoln: My goodnessl C'est cela votre amendement? C'est un amendement sensationnel. C'est vraiment... C'est un amendement très dynamique. Ajouter un "s". On fait de petites plaidoiries d'orthographe.

Une voix: C'est un amendement de fond.

M. Lincoln: Oui. C'est un bel amendement de fond. "Le ministre peut, dans les limites et pour chaque endroit indiqués -vous voulez être sûr que vos pouvoirs sont indiqués au pluriel, n'est-ce pas? - dans le programme approuvé par le gouvernement, octroyer le nombre de concessions qu'il fixe et déterminer, pour chaque concession, les espèces et la quantité de produits aquatiques qui peuvent être péchés."

D'abord, vous vous donnez là des pouvoirs immenses parce que vous allez me dire que tout cela est indiqué dans le programme selon l'article 1. Mais vous pouvez faire le programme presque illimité. Vous vous donnez des limites...

M. Garon: Vous ne voudriez pas que je dérange l'Opposition pour adopter des projets de loi pour me donner des pouvoirs insignifiants?

M. Lincoln: Ce n'est pas ce qui nous tracasse. C'est seulement quand vous vous donnez des pouvoirs illimités, des pouvoirs qui sont presque illimités dans leur étendue, où vous pouvez octroyer le nombre de concessions que vous, vous fixez, que vous déterminez et, pour chaque concession, les espèces et la quantité de produits aquatiques qui peuvent être pêchés. Voulez-vous dire que vous entrez dans les quotas, que vous entrez dans les contingentements, que vous déterminez à qui vous donnez les concessions, que vous déterminez les conditions selon lesquelles vous donnez des concessions? Ne pensez-vous pas que cet article est complètement au-delà de vos juridictions, que c'est un article qui, comme l'article 4, va engendrer la confrontation presque directe? Comment voulez-vous, dans votre programme, si vous faites un programme et que vous dites: On va limiter telle espèce, on va donner tel quota à telle personne...

M. Garon: La confrontation avec qui?

M. Lincoln: La confrontation avec la juridiction fédérale. C'est tout à fait clair.

M. Garon: Bien non. On est dans les eaux... On va être dans les eaux sans marée.

M. Lincoln: Où dites-vous cela?

M. Garon: On vient de le dire. C'est...

M. Lincoln: Où dites-vous que c'est sans marée?

M. Garon: Parce qu'on dit "dans le programme approuvé par le gouvernement". Or, le programme approuvé par le gouvernement, c'est le programme de l'article 1.

M. Lincoln: Cela ne dit pas cela.

M. Garon: II faut se référer à l'article 1. Bien oui.

M. Lincoln: Qu'arrive-t-il si vous faites un programme approuvé par le gouvernement...

M. Garon: Programme approuvé à l'article 2. Le programme de l'article 1 est approuvé, selon l'article 2, par le gouvernement. Si vous vous référez à l'article 1, vous voyez qu'il s'agit des produits aquatiques pêchés dans les eaux sans marée du domaine public. Alors, il n'y a aucun conflit. Toute cette question des pêches est déléguée au Québec en vertu du règlement fédéral sur les pêches dans le Québec.

M. Ciaccia: Dans l'article 4, on parle des eaux à marée. Est-ce que le programme ne pourrait pas inclure aussi des eaux à marée, parce que l'article...

M. Garon: L'article 4 ne parle pas du programme.

M. Ciaccia: Non. L'article 4 donne certains droits pour les eaux à marée. Cela serait possible dans votre programme. C'est vrai que le programme de l'article 1... Vous n'avez pas besoin de l'article 1, mais vous l'avez...

M. Garon: II n'y a pas de programme.

M. Ciaccia: Dans l'article 1, vous soumettez un programme au gouvernement et le gouvernement...

M. Garon: Non, non.

M. Ciaccia: Vous pourriez faire une référence... Bien, l'article 4 doit vouloir dire quelque chose.

M. Garon: Je dois justement aller à Ottawa lundi prochain et on va discuter des quotas dans les eaux à marée. Les quotas sont déterminés par le gouvernement fédéral et non par le gouvernement du Québec.

M. Ciaccia: Les quotas, cela ne veut pas dire la quantité?

M. Garon: C'est cela.

M. Ciaccia: Mais, selon l'article 6, pour la quantité, c'est le ministre qui décide.

M. Garon: Oui, mais dans les eaux à marée, c'est le gouvernement fédéral. À l'article 6, on est dans les eaux sans marée. "Le ministre peut, dans les limites et pour chaque endroit indiqués dans le programme approuvé par le gouvernement..." Or, le programme, c'est l'article 1, le programme de l'article 1...

M. Ciaccia: Alors, pourquoi nous dites-vous...

M. Garon: II se réfère uniquement aux eaux sans marée.

M. Lincoln: Est-ce que, même dans les eaux sans marée, le fédéral n'a pas juridiction? On a parlé de quotas de saumon, par exemple, tout à l'heure. Vous avez vous-même admis qu'il a juridiction sur les quotas de saumon, même dans les eaux sans marée. À ce moment, est-ce que...

M. Garon: C'est théorique.

M. Lincoln: Comment, c'est théorique! Ou bien c'est légal ou ce ne l'est pas. Ce n'est pas une question de théorie. Qu'arrive-t-il...

M. Garon: II n'y a pas de pêche au saumon dans les eaux sans marée.

M. Lincoln: Vous avez dit vous-même que toute la question des eaux sans marée en est une de définition par règlement qui peut changer. En fait, vous avez reconnu vous-même que les eaux avec marée aussi bien que les eaux sans marée sont considérées dans le règlement. C'est vous-même qui avez dit cela. On peut jouer sur les mots. On peut, demain matin, étendre cette définition ou la restreindre. Cette définition est contenue dans le règlement fédéral. Ce n'est pas dit que, dans la loi... Vous-même vous n'adoptez pas une définition par règlement qui sera tout à fait différente de celle du fédéral. Il pourrait y avoir toutes sortes de juridictions. On vous a demandé, ce matin, si vous alliez négocier une entente quelconque avec le fédéral pour situer la question de juridiction partagée dans les eaux sans marée de façon tout à fait catégorique pour délimiter exactement quel est le territoire du Québec par rapport aux eaux sans marée. Vous m'avez dit qu'il n'y aurait pas de négociations, que c'était à M. De Bané qu'il incombait de procéder par règlement. S'il arrive que, dans ses règlements, il change toute l'affaire, que va-t-il arriver par rapport à votre article 6?

M. Garon: J'ai consulté des juristes à ce sujet. Disons ceci: pour les fins du droit, les eaux à marée... C'est une question de fait, il y a des eaux qui ont des marées et d'autres qui n'en ont pas. La constitution se réfère aux eaux à marée. Le gouvernement fédéral, pour des fins administratives, ne comprend pas toutes les eaux à marée pour les fins de son règlement, dans son administration. Il définit ce qu'il entend par eaux à marée pour des fins administratives: a) il définit ce qu'il entend par eaux à marée; b) dans les autres cas - il ne distingue pas s'il s'agit d'eaux sans marée ou à marée - il s'agit surtout d'eaux sans marée, mais il reste aussi des eaux à marée. Il s'agit de fins administratives. La constitution nous donne le droit de réglementer les eaux à marée, mais le gouvernement fédéral ne les réglemente pas toutes. Il donne un régime administratif à certaines eaux à marée. Il donne le même régime administratif que celui des eaux sans marée.

D'après nos experts, j'ai passé mon examen.

M. Lincoln: Mais là...

M. Ciaccia: Tant mieux pour eux.

M. Lincoln: Cela pose plus de questions que cela ne donne de résultats. Justement parce que, dans les eaux qui sont autres que les eaux à marée, vous avez et des eaux sans marée et des eaux à marée, n'est-ce pas?

M. Garon: Lorsque vous parlez d'eaux à marée, parlez-vous d'eaux à marée au sens constitutionnel du terme ou au sens administratif?

M. Lincoln: Je parle au sens administratif, celui que définit le gouvernement fédéral dans ses règlements. Il parle d'eaux à marée où il exerce sa compétence, sa juridiction incluant la juridiction administrative que, soit dit en passant, vous voulez changer.

M. Garon: Je ne veux rien changer. M. Lincoln: Oui, ensuite...

M. Garon: Non, on ne change pas l'administration. Je ne peux pas changer la constitution. Si je change la constitution, ce sera déclaré illégal. On ne fera pas cela.

M. Lincoln: Parce que vous parlez des eaux.

M. Garon: Uniquement dans un cadre légal.

M. Lincoln: Alors là, vous parlez encore de question administrative parce que, dans l'entente de 1922, cela parlait de question administrative, de délégation de pouvoirs administratifs. Vous parlez d'autres cas, c'est-à-dire le cas des eaux autres que les eaux à marée, qui peuvent inclure des eaux avec marée, mais qui sont principalement des eaux sans marée. Tout cela n'est pas défini dans votre projet de loi.

M. Garon: À marée, en deux mots?

M. Lincoln: Oui, oui, on se comprend.

On en arrive au point où il n'y a aucune définition dans votre projet de loi. Vous dépendez de la définition, en fait, du règlement fédéral.

M. Garon: De la constitution. Nous nous référons à la constitution, à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

M. Lincoln: Pourquoi ne dites-vous pas dans le projet de loi que les eaux sans marée et les eaux à marée sont selon la définition de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et non selon la définition du règlement? Là, je peux voir que votre juriste lui-même s'est trompé. Il faudrait être clair.

M. Ciaccia: II va vous donner une autre interprétation, votre juriste.

M. Lincoln: Oui, oui, je sais cela... C'est cela, le point.

M. Garon: Le point, c'est que la constitution écrite, le BNA Act, le British North America Act, comme tel, ne parle pas d'eaux à marée. Il dit: "inland fisheries".

M. Lincoln: Oui.

M. Ciaccia: C'est le Canada Act maintenant. Ce ne n'est plus le British North America Act.

M. Garon: Or, comme les gens se demandent: C'est quoi, les "inland fisheries"...

M. Ciaccia: C'est le Canada Act.

M. Garon: Non, parce qu'on se réfère à l'origine, au vrai document, au document de base.

M. Lincoln: Au document de 1867. Oui, d'accord.

M. Garon: C'est écrit: "inland fisheries".

M. Lincoln: "Inland fisheries".

M. Garon: "Inland fisheries", c'est quoi? Il a fallu que ce soit défini. Cela a été défini par les tribunaux, au Conseil privé.

M. Lincoln: D'accord, mais, en plus de cela, il y a des définitions réglementaires, par règlement...

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: ...sur la question administrative, n'est-ce pas?

M. Garon: C'est cela.

M. Lincoln: Ces définitions sont différentes de ce que les tribunaux...

M. Garon: C'est cela.

M. Lincoln: ...ont pu statuer sur la question des "inland fisheries".

M. Ciaccia: À laquelle vous...

M. Lincoln: Vous trouvez une différence. Mais à laquelle vous référez-vous? C'est cela la question. Vous ne vous référez pas... Est-ce que vous faites référence aux règlements fédéraux? Vous ne dites rien. Tout cela est tellement flou.

M. Garon: Nous faisons référence à la notion physique, au sens de "inland fisheries".

M. Lincoln: D'accord. Alors, si vous faites référence à la notion physique...

M. Garon: Telle qu'interprétée par les tribunaux.

M. Lincoln: D'accord.

M. Garon: Le terme "inland fisheries" tel qu'interprété par les tribunaux.

M. Lincoln: Si vous vous référez à la notion physique, quand nous avons parlé, à l'article 1 et à l'article 3, des eaux sans marée, si c'est la définition physique, c'est différent de ce que vous nous avez dit à l'article 3.

M. Garon: Je vais demander à Me Brière de vous donner un bref résumé...

M. Lincoln: Non, non. Si vous me donnez un cours, Me Brière, cela va être encore plus confus qu'auparavant, lorsque le ministre interprétait pour vous. Ce que j'ai envie de vous demander, Me Brière, c'est ceci: Quand on a parlé de l'article 1 et de l'article 3 ce matin, j'ai fait le point, à savoir que, quand on parlait des eaux sans marée, il y avait une proposition fédérale, selon ce qui se discute, et le gouvernement

fédéral serait réceptif à une négociation pour dire que les eaux sans marée définies dans le règlement peuvent être des eaux physiquement sans marée ou physiquement avec marée. Nous sommes d'accord. Cela pourrait être défini en allant plus loin que le pont de Trois-Rivières, en se rendant peut-être jusqu'à l'est de l'île d'Orléans. On ne parle pas de mer physique ou d'eaux physiques, on parle d'une juridiction administrative, c'est-à-dire que certaines eaux avec marée sont visées dans ce règlement et pourraient être définies comme eaux sans marée pour les questions administratives. (17 heures)

Maintenant, le ministre nous dit, quand on discute de l'article 6. Ah non, c'est la définition constitutionnelle qu'on entend par "inland fisheries" dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. C'est une question tout à fait différente parce que l'une est une chose et l'autre est une autre chose. Dans l'article 6, il ne définit pas du tout ce que c'est. Vous nous dites que c'est "terminal fisheries". Pourtant, lorsqu'on a discuté de l'article 3, je me souviens très bien qu'on a discuté de cette même question des eaux sans marée et que le ministre nous a dit que c'était la définition qui découlait des règlements fédéraux qu'il a même cités. Il m'a même dit que, si le gouvernement fédéral voulait étendre cela jusqu'à l'est de l'île d'Orléans, il n'avait qu'à le faire et que c'était à lui de le faire.

Ce n'était donc pas cela qu'il entendait par les eaux sans marée. Est-ce que sa vision des eaux sans marée à l'article 3 est différente de celle de l'article 6? Cela n'a pas de sens. Cela nous inquiète encore plus.

M. Garon: Je ne comprends pas pourquoi vous êtes inquiet.

M. Lincoln: Je suis inquiet et je ne suis pas le seul à être inquiet. Je vous ai cité des articles de journaux. Il y a beaucoup de gens qui sont inquiets.

M. Garon: Si vous me le permettez, je vais donner une information purement juridique, très brièvement, indépendamment du débat. Évidemment, la notion des eaux à marée et des eaux sans marée est une notion physique. Je pense qu'il ne peut pas en être autrement au point de vue constitutionnel et voici pourquoi: La constitution reconnaît au public un droit de pêche dans les eaux à marée. La jurisprudence a défini que seul le gouvernement fédéral était habilité constitutionnellement à réglementer ce droit de pêche reconnu au public en général. Cela vient de la coutume constitutionnelle anglaise; c'est le droit de découverte qui a conféré cela aux premiers colons et, à partir du droit de l'accès depuis la mer, on a reconnu - et les tribunaux ont tranché cela en droit anglais depuis très longtemps et la jurisprudence canadienne aussi - au public le droit de pêcher. On a dit que, dans ces eaux où le droit public de pêche existait, seul le gouvernement fédéral avait une compétence législative.

Le gouvernement fédéral, fort de cette compétence législative, peut très bien décider de faire des lignes administratives et décider que la marée part du pont de Trois-Rivières et ça s'arrête à tel endroit. Nous n'avons pas cette compétence législative. C'est hors de notre juridiction. Il nous faut donc respecter ce droit public de pêche. Or, ce droit public de pêche existe partout où il y a une marée. On ne pourrait pas prétendre donner des droits exclusifs de pêche à un endroit où il y a une marée, même si le règlement fédéral exclut cet endroit-là de la réglementation fédérale. Il y a un droit qui est supérieur à notre juridiction qui est celui du public de pêcher dans toutes les eaux à marée, entendant les eaux physiquement à marée. Cela limite notre juridiction même comme propriétaires du lit dans ces endroits-là. Par exemple, dans une rivière qui n'est pas énumérée dans le règlement fédéral, nous n'aurions pas la compétence législative pour donner à M. X un droit exclusif de pêche parce que le droit public de pêche existe. C'est la limite importante que je voulais souligner. Je ne sais pas si cela a ajouté de la confusion.

M. Lincoln: Je comprends cela, mais il y a certainement une confusion du point de vue des droits que le ministre se donne. Vous dites que la façon de voir l'article 6 est d'interpréter ce que sont les eaux avec ou sans marée de façon physique.

M. Garon: Dans tout le projet de loi, je soumets que c'est la notion physique qui est en cause. Nulle part, dans ce projet de loi, quand on parle des eaux à marée... Pour des fins d'attribution de droit, il peut s'agir d'une définition donnée dans le règlement fédéral mais je ne verrais pas comment.

M. Ciaccia: Admettons qu'on accepte, pour le moment, que c'est la notion physique. Dans l'article 1, le ministre se donne le droit de proposer un programme au gouvernement dans les eaux sans marée. Maintenant, dans l'article 2, le gouvernement peut modifier ce programme; on ne dit pas comment; on ne dit pas s'il s'agit des eaux à marée ou des eaux sans marée. On dit qu'il peut modifier ce programme.

M. Garon: Mais le programme ne porte que sur les eaux sans marée.

M. Ciaccia: Oui, mais il peut le modifier.

M. Garon: Vous voulez dire l'étendre, par exemple, aux eaux sans marée.

M. Ciaccia: Oui, le gouvernement pourrait le faire.

M. Garon: Ce serait inconstitutionnel.

M. Ciaccia: On ne l'en empêche pas par ce projet de loi. On ne limite pas le pouvoir d'approuver le programme ou non. On va même plus loin.

M. Garon: On lit la loi en présumant qu'elle est conforme à la constitution.

M. Ciaccia: Oui mais on va même plus loin. On dit qu'on doit présumer qu'elle va être conforme.

M. Garon: C'est une règle d'interprétation.

M. Ciaccia: On va dans l'article 4, puis là on fait référence aux eaux à marée. Maintenant, vous venez de nous dire que, dans les eaux à marée, c'est la juridiction fédérale, le droit public.

Mais dans l'article 4, c'est vrai que vous faites allusion à "la portion de la rive qui fait partie du domaine public". Vous vous limitez à l'endroit des eaux à marée où il y a le domaine le public qui est propriété du Québec.

M. Garon: Sur tout ce qui suit, oui.

M. Ciaccia: Oui, mais pour y fixer des installations destinées à la pêche commerciale. La porte est un peu ouverte parce que, si vous lisez l'article 4, la pêche n'est pas limitée au domaine public du Québec. Parce que si vous mettez des installations, vous ouvrez la porte, à l'article 4, à donner un permis destiné à la pêche commerciale plus loin que le domaine public. Où arrêtez-vous? Alors, la porte est ouverte pour aller un peu plus loin que X.

M. Garon: Je veux seulement attirer votre attention sur le fait qu'à la troisième ligne avant le deuxième mot, il y a un "y".

M. Ciaccia: Oui. "Ou y déposer des engins...

M. Garon: Oui.

M. Ciaccia: ...ou des installations destinés à la pêche commerciale".

M. Garon: "Y fixer ou y déposer." Le "y", c'est le domaine public.

M. Ciaccia: Oui, oui, mais vous mettez...

M. Garon: Alors, cela ne peut pas aller au-delà du domaine public.

M. Ciaccia: Les installations... M. Garon: Oui.

M. Ciaccia: ...peuvent être déposées là, mais la pêche peut être plus loin que le domaine public, dans l'article 4. C'est vrai que l'installation sera faite sur le domaine public.

M. Garon: D'accord.

M. Ciaccia: Mais la pêche n'arrêtera pas là. Le type va continuer avec son bateau et le reste. Je ne sais pas tous les détails, je ne suis pas un expert dans la pêche.

M. Garon: Seulement une précision, si vous le permettez...

M. Ciaccia: Oui.

M. Garon: ...là-dessus, parce que je pense que c'est important. La jurisprudence a reconnu un droit public de pêche, c'est sûr. La seule compétence ou la seule juridiction que la jurisprudence a reconnue aux provinces, c'est celle qui concerne les engins qui sont déposés sur le fond.

M. Ciaccia: Oui.

M. Garon: Donc, c'est l'utilisation ou c'est l'occupation, si vous voulez, de la juridiction, telle que la jurisprudence l'a reconnue aux provinces.

M. Ciaccia: Bon, très bien.

M. Garon: Donc, on peut régir les engins déposés sur le fond, mais on ne peut pas régir la pêche. Le poisson qui passe tout droit, on ne peut pas s'en occuper.

M. Ciaccia: Vous ne pouvez pas la régir, mais vous la limitez. Moi, je fais une distinction entre ce que les tribunaux ont interprété et une loi qui pourrait être interprétée par son libellé au-delà des droits qui nous ont été accordés soit par la constitution ou par les tribunaux. Ce que nous essayons de faire ici aujourd'hui, c'est nous assurer que le libellé de vos articles se conforme à la loi telle qu'elle a été interprétée par les tribunaux, par la constitution, et ne va pas plus loin pour ne pas ouvrir la porte aux conflits juridictionnels, à des contestations qui pourraient, dans ce cas-là, aller à l'encontre des intérêts du Québec parce qu'il y a certains endroits maintenant qui sont ouverts à la négociation. Si jamais il y avait des procédures qui fixaient les droits, disant:

Bon, vous n'avez pas ce droit-là, on serait beaucoup plus limités et cela nous enlèverait notre pouvoir de négociation.

Ce que je vous suggère, c'est que le libellé de l'article 6, qui n'est pas limitatif, sauf de dire "programme approuvé par le gouvernement", ne limite aucunement l'octroi des concessions aux eaux à marée si on le lit avec les articles 1, 2, 4 et 5. Vous ouvrez la porte complètement. Peut-être que ce n'est pas l'intention du ministre actuel de le faire, mais on ne légifère pas seulement pour le ministre actuel, il peut changer de ministère. C'est cela que la loi dit. Cela ouvre la porte à ce conflit, cela ouvre la porte à une interprétation qui pourrait être déclarée légale et cela ouvre la porte à ce genre d'interprétation qui n'est pas conforme aux décisions des tribunaux ou à la constitution.

M. Garon: Si vous me le permettez, techniquement encore, si un gouvernement ou un ministre donnait une interprétation disons ultra vires de l'une ou l'autre de ces dispositions en prétendant l'appliquer à un cas où elle n'est pas applicable constitutionnellement, ce que je vous suggère, c'est que la loi serait alors déclarée invalide, quant à son applicabilité à ce cas; elle ne serait pas nécessairement déclarée invalide elle-même, n'est-ce pas?

M. Ciaccia: Non.

M. Garon: Elle serait déclarée inapplicable pour des raisons constitutionnelles.

M. Ciaccia: Elle serait inapplicable à ce cas. Selon le cas, cela pourrait établir un principe non seulement pour ce cas, mais pour la situation que ce cas représente qui serait exactement ce qu'on ne veut pas. C'est cela qu'on recherche. Lorsque vous dites que c'est l'intention de l'appliquer en tenant compte de la constitution, il peut y avoir des différences d'opinions.

M. Garon: Je n'ai pas exprimé d'intentions puisque je n'en ai pas.

M. Ciaccia: Je comprends, vous parlez comme juriste.

M. Garon: Ce que je veux vous souligner, c'est cela.

M. Ciaccia: Nous parlons comme politico-juristes, politico-juridiquement. Il faut tenir compte de l'application de l'aspect juridique par les politiciens; on ne peut pas faire autrement. On essaie de limiter cela et de le rendre aussi clair, aussi peu ambigu et peu ouvert à des interprétations conflictuelles que possible. On dit que, selon la façon dont c'est libellé maintenant, c'est plus que possible de l'interpréter facilement d'une façon qui serait conflictuelle avec la juridiction fédérale.

M. Garon: Je vais donner un exemple. Le Code du travail tel que libellé, on pourrait prétendre l'appliquer à une société qui exerce des activités dans une aire de juridiction fédérale, comme Bell Canada ou un poste de radio ou de télévision, et on se ferait dire par les tribunaux que cela n'est pas applicable. Par analogie, c'est un peu la même chose ici.

M. Ciaccia: Excepté que votre exemple n'est pas bon; on n'a pas ces problèmes avec le Code du travail. À ma connaissance, personne n'a soulevé de questions de juridiction récemment.

M. Garon: Ah oui, très souvent!

M. Ciaccia: Très souvent, mais non pas de la façon...

M. Garon: Ah, peut-être.

M. Ciaccia: Nous ne sommes pas dans les mêmes problèmes pratico-pratiques, comme dans les pêcheries, où nous avons un véritable problème conflictuel.

M. Garon: C'est concurrent, bien sûr.

M. Ciaccia: On sait qu'il y a un conflit, qu'il y a des problèmes des différences d'opinions. Nous ne pouvons pas faire autrement qu'interpréter la loi en tenant compte...

M. Garon: Oui, avec cela en arrière-plan.

M. Ciaccia: ...de ce qui se passe dans le champ entre les différents ministres.

M. Garon: On peut toujours regarder cela aussi comme des lois, des juridictions complémentaires qui fonctionnent ensemble. Nous sommes toujours prêts à administrer une entente équivalente à l'entente de 1922, ce n'est pas notre faute s'il n'y en a plus.

M. Ciaccia: Je viens d'entendre le député de Beauharnois dire qu'on serait mieux souverains. C'est exactement cette idée qui nous porte à être beaucoup plus prudents dans l'interprétation des articles. On sait l'intention exprimée par le député de Beauharnois.

M. Garon: II ne faut pas oublier que c'est Jean Lesage qui a adopté la Loi de la pêche, chapitre 203 des statuts refondus de l'époque, ou 11-12 Elizabeth II, chapitre 39.

C'est tout de même lui qui, à ce moment, a fait une loi sur la pêche au Québec, qui, par inadvertance, complaisance ou ignorance, a été abrogée par le chef de l'Union Nationale c'est-à-dire qu'il n'était pas chef de l'Union Nationale à ce moment; il était ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche - M. Loubier. Cela a été sanctionné par la suite par le gouvernement Bourassa, comme nous a dit M. Gérard D. Levesque l'autre après-midi. On ne fait pas école, au fond. Si cette loi était demeurée en vigueur, nous n'aurions pas eu besoin d'en adopter une autre sans doute.

M. Ciaccia: Je ne sais pas si cette loi était identique à la loi que vous proposez aujourd'hui. Là, c'est complètement une autre affaire.

M. Garon: Nous avons été plus succincts parce que cette loi était longue.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à l'article 6 est adopté?

M. Ciaccia: Un instant. Le porte-parole de l'Opposition, mon collègue va venir...

M. Lincoln: Je veux demander au ministre si M. Brière a le texte de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je veux voir quelque chose.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Ciaccia: Avec le "s".

M. Lincoln: Avec le "s", il n'y a pas de problème.

M. Garon: Nous vous remercions de votre audace. (17 h 15)

M. Ciaccia: On ne peut être trop prudent.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 6 est adopté?

M. Lincoln: Sur division.

Le Président (M. Desbiens): Tel qu'amendé sur division.

L'article 7? Est-ce que l'article 7 est adopté? Y a-t-il des amendements à l'article 7?

M. Garon: Non.

M. Lincoln: Non, il n'y a pas d'amendement à l'article 7. Il n'y a pas de "s" ou de "t" à ajouter. "Le ministre choisit les concessionnaires selon des critères et une procédure qu'il détermine. Ces critères et cette procédure sont rendus publics de la manière que fixe le ministre."

Est-ce que vous incluez les concessions selon l'article 4?

M. Garon: Pardon?

M. Lincoln: Est-ce que vous incluez les concessions selon l'article 4?

M. Garon: Toutes les concessions.

M. Lincoln: Cela inclut les concessions dans les territoires à marée?

M. Garon: Qui.

M. Lincoln: Alors, vous choisissez les concessionnaires selon des critères et une procédure que vous déterminez et ils sont rendus publics de la manière que fixe le ministre.

M. Ciaccia: Vous n'êtes pas gêné.

M. Lincoln: Vous ne vous gênez pas du tout. Il y a une discrétion presque ouverte. Vous pouvez choisir les concessionnaires. Quels sont les critères? Comment les déterminez-vous. Faites-vous cela par lettre de cachet, comme les grands seigneurs d'antan, les monarques? Comment cela se produit-il? Vous donnez même des concessions, selon l'article 4, dans les eaux à marée. Comme travaillent-elles, vos fameuses concessions dans les eaux à marée, parce que, dans les eaux à marée, vous dites que vous avez des droits sur tout ce qui est déposé sur le lit de la mer. Qu'arrive-t-il? Vous donnez des concessions ou quoi? Quelles sont ces concessions? Pouvez-vous dire, par exemple, qu'un groupe de pêcheurs, une organisation, une coopérative ou un pêcheur a droit à une concession territoriale sur un coin quelconque où lui ou un groupe ou une coopérative pourrait aller pêcher de façon exclusive? Est-ce le droit dont vous vous prévalez?

M. Garon: Je pense qu'il faut lire tous les articles. Il ne faut pas en lire seulement un. L'article 7 dit: "Le ministre choisit les concessionnaires selon des critères et une procédure qu'il détermine." C'est pour le choix, pour choisir les concessionnaires. "Ces critères et cette procédure sont rendus publics de la manière que fixe le ministre."

Il ne faut oublier l'article 8, où l'on dit: "Lors de l'octroi d'une concession, le ministre peut prescrire toute condition, restriction ou interdiction qu'il juge à propos. Le concessionnaire est en outre assujetti à toute condition, restriction ou interdiction que le gouvernement peut fixer par règlement."

M. Ciaccia: C'est encore pire.

M. Lincoln: C'est encore pire. On ne sait pas du tout ce que cela va être.

M. Garon: Mais non, il va y avoir des concessions. Par règlement, il peut y avoir des conditions particulières fixées par le ministre. D'une façon générale, les conditions qu'il va y avoir seront fixées par le règlement. On dit: "Le ministre choisit les concessionnaires selon des critères et une procédure qu'il détermine." Au fond, on avait déjà une procédure et la nouvelle procédure va lui ressembler.

M. Lincoln: Pour revenir à ces concessionnaires, parce que ce qui nous tracasse surtout, c'est l'article 4 où vous donnez des droits dans les eaux à marée qui sont clairement du domaine fédéral, où c'est sûr qu'on va aller dans une situation de confrontation. Vous dites - "concéder le droit d'utiliser la portion de la rive ou du lit", à l'article 4. Là, vous vous donnez le droit de concéder des droits d'utilisation. Vous régissez comment cela va se passer quand vous allez donner ces concessions. On vous demande: Est-ce que vous pouvez me donner un exemple? Est-ce que vous allez dire, par exemple, à quelqu'un: Écoutez, nous, on va vous donner une concession au large, je ne sais pas, de la Côte-Nord, de la Gaspésie, ou au large de Matane; on donne une concession à X coopératives ou groupes de pêcheurs, etc. Est-ce que c'est cela, le genre de concessions que vous allez donner? Qu'est-ce que c'est que ces concessions? Comment cela va-t-il se donner? Est-ce que ce sont des concessions de droits de pêche que vous allez peut-être donner à un groupe d'un certain endroit, à un autre d'un autre endroit, un droit de pêche pour certains types d'espèces? Comment cela va-t-il se pratiquer exactement? Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples?

M. Garon: Oui. On va déterminer de quelle façon on va faire le choix des concessionnaires.

M. Lincoln: Je parle de la pêche dans les eaux à marée, là.

M. Garon: Oui. C'est cela.

M. Lincoln: Alors, qu'allez-vous dire? Vous allez dire: Dans certaines limites territoriales, il n'y a, par exemple, qu'un groupe de pêcheurs de X qui pourra aller pêcher là. Les pêcheurs, disons, du Nouveau-Brunswick ne vont pas être admis dans cette concession. C'est ce genre de chose que vous allez faire?

M. Garon: Je n'ai pas dit cela.

M. Lincoln: Non, mais je vous le demande.

M. Garon: II va falloir faire une demande. Il y aura des comités de sélection des concessionnaires avec des gens du ministère et j'ai l'intention de demander aussi à des gens, des pêcheurs de participer localement à l'émission des permis. Cela se fera publiquement et non pas clandestinement. Maintenant, il va falloir cartographier davantage le sous-sol - on l'a fait dans le passé - pour déterminer des endroits plus précis. Si des gens, par exemple, veulent utiliser le fond marin pour faire une pêche de telle espèce, on va permettre aux pêcheurs de poser leurs agrès ou leurs engins fixes, si c'est au sol, selon telle ou telle modalité, de fixer tant d'agrès.

M. Lincoln: Dans un territoire précis, d'après ce que vous dites.

M. Garon: Cela va dépendre du type de pêche. Selon certains types de pêche, cela va être plus précis et, pour d'autres types de pêche, cela va être moins précis.

M. Lincoln: Là, vous allez avoir le pouvoir de déterminer des concessions territoriales, le droit de fixer les limites, les critères, tout ce qui va avoir trait à ces concessions, par des règlements qu'on ne connaît même pas. Vous, vous nous dites: Voilà, c'est dans la loi. Il faut accepter cela selon votre bonne foi. Si vous étiez de très bonne foi, d'accord. Qu'est-ce qui arrive...

M. Garon: Vous pensez que je ne suis pas de bonne foi?

M. Lincoln: Non, admettons que vous soyez de bonne foi. Là, on parle d'une loi. Vous vous donnez des pouvoirs presque immenses de décider qui va avoir une concession, comment vous allez délimiter ces concessions par des règlements, qui peuvent être changés. On s'en souvient, les règlements peuvent être changés d'un jour à l'autre. Vous n'avez pas besoin de changer la loi pour changer les règlements. D'un jour à l'autre, vous pouvez peut-être décider, vous, qui sont les gens que vous allez favoriser avec les concessions, qui sont les gens que vous n'allez pas favoriser avec les concessions. Est-ce que vous croyez que là on n'entre pas, avec l'article 4, l'article 7, dans un système qui doit obligatoirement aboutir à une confrontation quelconque, à une contestation? Disons que vous donnez une concession à quelqu'un dans un territoire limité pour aller déposer ses agrès, comme vous dites, ou fixer ses agrès, et qu'un pêcheur d'outre-province, ou un pêcheur qui décide après avoir parlé avec son avocat qu'il n'a pas besoin d'avoir votre permis

comme concessionnaire, va pêcher dans cette concession. Qu'est-ce que vous faites à ce moment? Vous saisissez, vous appliquez les pénalités? Est-ce que vous êtes sûr de ne pas aller en cour, tester cela encore? On va adopter une loi sans savoir du tout, parce que vous ne voulez même pas nous le dire, quels sont les critères dont vous allez vous servir. Vous dites que c'est la même chose qu'à présent. Mais tout cela est nouveau. Avant, vous ne donniez pas de concessions dans les eaux à marée. Tout cela est nouveau.

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: Quand les avez-vous données? Quelles concessions avez-vous données avant aujourd'hui?

M. Garon: On les donnait avant. Quand on donnait des permis de pêche, les deux choses étaient incluses dans le même processus. La seule chose, actuellement, c'est qu'on ne donnera pas de contingents, on ne donnera pas de permis de pêche. On va donner un droit, un permis d'utiliser des fonds marins avec un certain nombre d'agrès, en spécifiant les agrès. On va pouvoir spécifier aussi, selon le type de pêche et avec plus ou moins de précision, dans quelle partie du territoire marin le pêcheur pourra poser ses agrès au sol.

M. Lincoln: Alors, quelqu'un aura une concession de fond marin comme s'il avait une ferme. Il aura ses frontières, ses limites, sa concession sur le fond marin, sur le sol marin. Il va avoir une concession. Qu'est-ce qui arrive - c'est cela qu'on vous demande -si un pêcheur d'ailleurs - même un pêcheur québécois - venait déposer des agrès à côté, un pêcheur qui a un permis fédéral ou un pêcheur qui a un permis de Terre-Neuve, etc?

M. Garon: S'il est dans le territoire québécois, cela va lui prendre un permis québécois.

M. Lincoln: Mais aujourd'hui? M. Garon: Une concession.

M. Lincoln: Aujourd'hui, aujourd'hui? Ce même pêcheur qui vient pêcher ici n'a jamais eu besoin de permis québécois, n'est-ce pas? Qu'est-ce qui arrive aux pêcheurs du Québec qui vont pêcher de l'autre côté de cette ligne de démarcation invisible? Est-ce que vous croyez que les pêcheurs des autres provinces qui viennent pêcher chez nous sans permis du Québec depuis des générations, parce que vous allez donner des concessions selon vos critères à vous, d'après des règlements qu'on ne connaît même pas, vont accepter de laisser des pêcheurs québécois aller pêcher? Est-ce qu'eux aussi vont faire leurs petites barrières invisibles? C'est sûr que cela va finir par une affaire juridique. Est-ce que c'est cela que vous cherchez?

M. Garon: Non, non.

M. Lincoln: Mais comment pouvez-vous éviter cela?

M. Garon: Quelle est la différence? Quand on donnait des permis de pêche au homard, on donnait le permis de poser tant de cages à homard dans telle baie. C'est cela qu'on faisait. Là, le gouvernement fédéral va pouvoir seulement donner des permis de pêche au homard et ne pourra pas donner le permis de poser des cages à homard sur notre fond. C'est à nous qu'il faudra demander le permis de pouvoir utiliser le fond marin.

M. Lincoln: II y a toute une différence. Avant, on a eu une rétrocession - en 1922 -de la question administrative qui était purement donnée au Québec, à 100%. Après, cela a été retiré. En 1982, 1983, enfin, cela a été retiré. Le gouvernement fédéral a repris sa juridiction et, selon son intention sans doute et selon sa vision des choses, il contrôle les permis. Là, vous dites: Ah non, il ne contrôle plus les permis, comme, en fait, il le fait dans toutes les autres provinces, en Nouvelle-Écosse, etc. Il a retiré sa délégation de pouvoir administratif. Il l'a retirée et il la reprend. À tort ou à raison, on va laisser cela de côté. Son job a été fait comme cela. Peut-être que cela aurait dû être fait tout à fait différemment ou ne pas être fait du tout, mais, enfin, cela a été fait. Là, il la retire.

La différence, c'est que vous, vous dites: On va maintenant émettre des permis pour le fond marin, parce que c'est nous qui le contrôlons si, par exemple, il y a des agrès, des engins ou des installations qui y sont déposés. C'est une chose tout à fait différente. À ce moment-là, il faut que le fédéral accepte le fait que le fond marin appartient au Québec et que les autres provinces acceptent que le fond marin de baies contiguës, par exemple, la baie des Chaleurs, appartient au Québec. Mais ce n'est pas...

M. Garon: Ils n'ont pas à accepter. C'est une question de fait, de droit. Le fond marin appartient au Québec et on n'a pas de permission à demander à personne. C'est du domaine public québécois. (17 h 30)

M. Lincoln: M. le ministre, je vous ai cité les études du professeur Brun. Je vous ai cité les déclarations qu'a faites M. Jacques-Yvan Morin.

M. Garon: Lui, il trace une limite. Il dit: Le domaine public québécois ne va pas plus loin que tel endroit.

M. Lincoln: Exactement. M. Garon: Oui, oui.

M. Lincoln: Exactement, c'est là toute la question, mais vous, vous ne tracez pas de limite. Dans votre tête, vous avez une limite que vous avez sûrement tracée avec vos fonctionnaires. Vous avez dû tracer de petites limites et je suis sûr que votre limite ne va pas être restrictive. Cela va être une limite dans le domaine du possible. Dans votre tête, vous avez des limites que vous allez peut-être établir dans vos règlements qu'on ne connaît pas. Là, vous avez des limites sûrement à vous qui vont beaucoup plus loin que les limites qui sont, par exemple, concédées dans l'étude du professeur Brun ou même dans celle de M. Jacques-Yvan Morin, des limites qui vont peut-être aller au-delà des Îles-de-la-Madeleine, au milieu de la baie des Chaleurs, etc. Qu'est-ce qui se passe, à ce moment-là, si vous avez des concessions dans des limites qui n'ont jamais été considérées comme une partie du territoire marin du Québec?

Vous dites: Non, ce fond-là nous appartient. Ne pensez-vous pas qu'automatiquement cela finit par une bagarre juridique qui va se régler en cour? Pouvez-vous éviter cela d'une façon ou d'une autre, parce que cela va se passer presque tout de suite aussitôt que la loi sera adoptée? Ou bien, à ce moment-là, définissez ce que vous entendez. Ou bien un ou bien l'autre. Si, réellement, vous êtes tellement sûr que le fond marin vous appartient, qu'il est du domaine public du Québec et que vous voyez le domaine public du Québec comme beaucoup plus grand que les experts constitutionnels, comme le professeur Brun, l'ont vu, à ce moment-là, dites-le dans votre loi. Mais non, vous ne voulez pas dire cela dans votre loi de peur que, justement, ce soit testé en cour. C'est l'un ou l'autre.

Là, on ne sait pas de quoi on parle. Pas du tout. Vous voulez qu'on accepte un projet de loi qui dit: Bon! Vous allez donner des concessions. Vous allez limiter le nombre de concessions. Vous allez décider quelles espèces, etc., pourvu que cela touche le fond marin, mais on ne sait même pas où, quand ni comment. Le règlement va arriver après. Cela n'a pas de sens. Là, on est obligé d'accepter cela sur votre bonne foi personnelle.

M. Garon: Ce n'est pas cet article-là qui détermine cela. L'article 7 dit ceci...

M. Lincoln: C'est l'article 4.

M. Garon: ..."Le ministre choisit les concessionnaires selon des critères et une procédure qu'il détermine." On dit qui va être concessionnaire. "Ces critères et cette procédure sont rendus publics de la manière que fixe le ministre." C'est tout. Là, on parle seulement du choix des concessionnaires. Les autres conditions, cela vient aux articles 8, 9, 10 et 11, mais, à l'article 7 qu'on étudie actuellement, il s'agit seulement du choix des concessionnaires et de la procédure pour choisir les concessionnaires.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'interprétation du ministre. L'article 8...

M. Garon: On est à l'article 7.

M. Ciaccia: On est à l'article 7, mais vous avez dit que les autres conditions viennent à l'article 8. L'article 8 ne restreint pas le pouvoir arbitraire du ministre. Vous dites que le concessionnaire va être assujetti à toute autre condition, restriction ou interdiction que le gouvernement peut fixer par règlement. Ce n'est pas une obligation. Peut-être que le gouvernement va les fixer ou peut-être pas. Mais les articles 7 et 8, même si vous les lisez tous les deux ensemble, donnent un pouvoir arbitraire complet au ministre. J'ai rarement vu cela. Je ne peux pas penser à une autre loi où le pouvoir du ministre est si arbitaire et si discrétionnaire que cela. Vous n'avez pas d'obligation que ce soit fait publiquement. Je ne doute pas du tout de votre bonne foi, mais seulement le processus normal de donner ce genre de pouvoir - vous allez fixer les procédures, fixer les critères, vous allez déterminer - c'est un précédent dangereux, même pour...

M. Garon: La loi fédérale.

M. Ciaccia: Je ne parle pas de la loi fédérale.

M. Garon: Non, non, mais on est dans le même domaine.

M. Ciaccia: Non, non, je veux vous parler de la loi du Québec.

M. Garon: Je vais vous lire la loi fédérale pour vous donner une idée de ce qui est discrétionnaire ou non.

M. Ciaccia: Peut-être qu'eux aussi devraient l'amender. Je ne le sais pas.

M. Garon: La loi fédérale dit quoi? "Le ministre peut, à sa discrétion absolue, lorsque le droit exclusif de pêche n'existe pas déjà en vertu de la loi, émettre des

baux de pêche, des permis pour l'exploitation des pêcheries et des permis de pêche ou il peut en autoriser l'émission à quelque endroit que ces pêcheries soient situées ou que les pêches doivent se pratiquer." Vous voyez? Il peut, à sa discrétion absolue.

M. Ciaccia: Oui, mais vous avez le même pouvoir discrétionnaire. Je ne comprends pas que vous citiez cette loi. Je pense qu'une partie de votre problème, c'est que vous vous plaignez de la façon dont le gouvernement fédéral agit dans ce dossier. J'espère que vous ne prenez pas comme exemple la loi fédérale contre laquelle vous vous plaigniez déjà. Cela ne sert à rien de répéter les erreurs des autres. Je trouve que c'est dangereux, même comme précédent, dans une loi au Québec de donner ce genre de discrétion au ministre. Ce n'est pas comme si vous étiez le président d'une société privée. On peut inclure cela dans les règlements. Le président peut donner des concessions et faire ce qu'il veut. Nous sommes dans le domaine des fonds publics.

M. Garon: Quand je suis arrivé dans le domaine des pêches, on tirait les permis de pêche dans un chapeau. J'ai été le premier à établir une procédure écrite au Québec discutée avec les pêcheurs et rendue publique. J'ai inclus dans cette loi le même critère. "Le ministre choisit les concessionnaires selon des critères et une procédure qu'il détermine."

M. Ciaccia: Vous ne dites même pas qu'il doit la rendre publique.

M. Garon: Oui, oui.

M. Ciaccia: Où le dites-vous?

M. Garon: "Ces critères et cette procédure sont rendus publics de la manière que fixe le ministre."

M. Ciaccia: Oui, de la manière que vous le fixez.

M. Garon: Oui, de la manière que je le fixe!

M. Ciaccia: Vous pouvez fixer que vous allez...

M. Garon: Je peux le faire paraître dans les journaux.

M. Ciaccia: Supposons que ce n'est pas vous le ministre, pour un instant. Pensez-vous que donner des pouvoirs aussi larges que cela à un ministre peut ouvrir la porte à toutes sortes d'abus? On veut vous protéger contre vous-même.

M. Garon: Oui. C'est émis de cette façon. Je vais vous dire pourquoi. On dit: "Ces critères et cette procédure seront rendus publics,"; si on n'avait pas marqué "de la manière que fixe le ministre", automatiquement c'était la Gazette officielle. Sur la Côte-Nord, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, la Gazette officielle n'est peut-être pas la lecture la plus courante.

M. Ciaccia: Même à Montréal et à Québec.

M. Garon: Oui, nulle part. Alors...

M. Ciaccia: Cela n'a pas la même cote qu'Allo-Police.

M. Garon: ...on dit: "de la manière que fixe le ministre" parce que ce sera une manière plus accessible au public que la Gazette officielle. Ce sera sans doute dans notre revue.

M. Ciaccia: On vous souligne les dangers. On a le même problème aux articles 7 et 8. Il doit y avoir d'autres moyens de choisir les concessionnaires sans vous atribuer ces pouvoirs artitraires, discrétionnaires que vous avez.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 7 est adopté?

M. Ciaccia: Non.

Le Président (M. Desbiens): Sur division?

M. Ciaccia: Absolument.

Le Président (M. Desbiens): L'article 7 est adopté sur division. J'appelle l'article 8.

M. Lincoln: À l'article 8, c'est exactement la même chose. Vous vous donnez un droit presque illimité, arbitraire et vous ne faites aucune distinction entre les eaux à marée et les eaux qui ne le sont pas.

M. Ciaccia: J'ai l'impresssion qu'avec ce projet de loi vous vous préparez pour faire une vraie guerre au fédéral. Vous direz ensuite: La loi me donne ce droit; le fédéral dit non et là, cela va éclater. On verra.

M. Garon: Je suis un homme pacifique.

Une voix: Le ministre des Affaires intergouvernementales l'a dit tantôt.

M. Ciaccia: Vous allez mener une guerre pacifique. Cela ne sera pas violent.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que

l'article 8 est aussi adopté sur division?

M. Lincoln: Non. Cela vaut la peine d'en parler au ministre. Ce qui nous tracasse avec ces histoires, c'est tout ce qu'il y a autour de cela. Cela tracasse sans doute des gens comme Raymond Giroux et M. Fessou du Soleil, qui parlent de la même chose. Vous avez dit en Chambre que le ministre de l'Éducation, M. Laurin, n'avait pas dit ou qu'il ne s'était pas expliqué... Pourtant, il parle de ce projet de loi 48 comme de la première étape du conflit constitutionnel que le comité sur la question nationale a décidé de mettre en marche. Il dit que c'est la première étape. Vous dites: Non, ce n'est pas cela. Mais, en fait, c'est lui qui l'a déclaré à la Presse et c'est ce qui nous rend bien craintifs. C'est justement une façon de faire une bataille constitutionnelle et de chercher la bagarre. Est-ce que vous niez que le ministre de l'Éducation, M. Laurin, ait dit cela?

M. Garon: Pardon?

M. Lincoln: M. le ministre de l'Éducation a dit que la loi 48 faisait partie des discussions de votre comité.

M. Garon: Tout ce que j'ai dit, c'est que je n'étais pas à l'entrevue qui a eu lieu entre le journaliste et M. Laurin. Je peux vous dire une chose, c'est que ce que j'ai lu dans le journal La Presse n'est pas exact. Cette loi a été faite au ministère avec les juristes, quelques conseillers du ministère qui connaissent les pêches et moi. Je peux vous dire que le comité sur la question nationale, tel que vous le mentionnez, n'a aucunement participé à l'élaboration de cette loi.

M. Lincoln: On n'a pas dit qu'il a participé à l'élaboration de la loi. Mais il dit: "C'est aussi de lui, ajoute-t-il, que vient la loi Garon pour contrer le plan De Bané." Il parle de l'idée de la chose. Il en a sûrement parlé; sinon, comment se fait-il que le ministre qu'on a tous cité en Chambre quand on a fait le débat n'ait pas nié cette déclaration?

M. Garon: L'idée de la chose s'est faite la journée même de la déclaration de M. De Bané, le 11 juillet. À la suite de sa déclaration, j'ai donné une conférence de presse au téléphone aux journalistes qui m'appelaient là-bas. Je n'ai pas voulu donner d'entrevue à la télévision parce je prenais une semaine de vacances; je n'avais pas envie de donner une entrevue en shorts ou en costume de bain. La même journée, en après-midi, j'ai téléphoné au bureau pour parler à M. Boudreau qui était ici tout à l'heure et à des gens de mon cabinet pour que les travaux commencent immédiatement concernant un projet de loi où le Québec occuperait les juridictions qui étaient siennes et qu'il aurait occupées en 1922 s'il n'y avait pas eu d'entente.

À ce moment, j'ai parlé des différents points de droit parce que j'avais déjà eu l'occasion d'étudier ces questions. Un comité de travail s'est mis à l'ouvrage qui, d'ailleurs, s'est réuni avant mon retour de l'Île-du-Prince-Édouard où il y avait une conférence fédérale-provinciale sur l'agriculture. Ensuite, je peux même vous dire que j'ai téléphoné directement de l'Île-du-Prince-Édouard à Me Brière. Il n'y avait pas de comité sur la question nationale. Le comité sur la question nationale a été formé après Pointe-au-Pic...

M. LeMay: Après Gatineau.

M. Garon: Non. Après Pointe-au-Pic.

M. Lincoln: Vous avez tellement de conférences au sommet que vous ne vous souvenez même plus si c'est Gatineau, si c'est Pointe-au-Pic, si c'est Compton.

M. Garon: C'était un caucus à Gatineau. Non, non, c'était à Pointe-au-Pic. Je peux vous dire que le comité sur la question nationale n'a jamais étudié cette question sauf que les gens, quand j'ai présenté ce projet de loi au Conseil des ministres... Il y a beaucoup de travail là-dedans; ne nous trompons pas, il y a beaucoup d'ouvrage dans les deux projets de loi 48 et 49.

M. Ciaccia: Quand vous avez fait référence à l'article 8 - parce qu'on disait que vous aviez trop de pouvoirs à l'article 7 - vous avez dit: Bien non, il faut lire l'article 7 avec l'article 8. Dans l'article 7, vous dites que vous allez choisir les concessionnaires selon des critères et une procédure que vous déterminerez. Et, dans l'article 8, vous dites: Même quand j'aurai déterminé, je peux prescrire les conditions, les restrictions, les interdictions que je juge à propos. Ce n'est pas vraiment limitatif à votre discrétion. Dans l'article 7, vous dites: J'ai la discrétion; dans l'article 8, vous dites: Je peux exercer cette discrétion de la façon que je veux, de la manière que je veux. Ce n'est pas encourageant. C'est en plus des pouvoirs qui peuvent créer des difficultés constitutionnelles.

M. Garon: Non. C'est la coutume, dans le secteur des pêches, de donner des pouvoirs assez importants au ministre.

M. Ciaccia: Dit le ministre des Pêcheries.

M. Garon: Par ailleurs, nous avons

assorti ces pouvoirs de toutes sortes de restrictions, de procédures publiques, pour les rendre le moins discrétionnaires possible.

M. Lincoln: Où dit-on cela?

M. Garon: Un peu partout dans la loi.

M. Lincoln: Un peu partout dans la loi?

M. Garon: Oui. À l'article 7, on dit que la procédure et les critères doivent être rendus publics, alors qu'au fédéral, essayez de savoir les critères.

M. Lincoln: Écoutez, M. le ministre, nous sommes au provincial.

M. Garon: Vous n'en trouverez pas. (17 h 45)

M. Lincoln: Pour ce qui est du fédéral, vous pourrez demander à M. Léger d'aller poser la question s'il se fait élire. Mais là "le concessionnaire est assujetti à toute restriction que le gouvernement peut fixer par règlement". Vous pouvez faire des règlements n'importe quel jour, vous pouvez les changer n'importe quel jour, c'est-à-dire que vous avez une discrétion presque illimitée.

M. Garon: Non. C'est écrit ici à l'article 8: "Lors de l'octroi d'une concession, le ministre peut prescrire toute condition, restriction ou interdiction qu'il juge à propos." Il faut aussi lire le paragraphe deuxième qui dit...

M. Ciaccia: On le lira ensemble avec vous. On va vous écouter le lire. Vous le lirez sans rire, par exemple.

M. Garon: "Le concessionnaire est en outre assujetti...

M. Ciaccia: Non seulement assujetti à votre caprice, en plus de cela il va être assujetti aux caprices du gouvernement si le gouvernement désire être capricieux. C'est cela que le tout dit.

M. Garon: ...à toute condition, restriction ou interdiction que le gouvernement peut fixer par règlement." C'est évident que le gros des conditions va être dans le règlement du gouvernement. S'il y en a d'autres qui peuvent être nécessaires en dehors des conditions du gouvernement, il s'agira de les mettre dans les conditions faites par le ministre en émettant le permis. Mais je peux vous dire une chose: Je n'en ai jamais émis dans le passé. Quand j'ai administré des règlements dans le passé... À toutes fins utiles, il faut être réaliste, de la manière que cela se fait il s'agit sans doute de milliers de permis. Premièrement, ce n'est pas moi qui les émets.

M. Ciaccia: Lisez donc l'article 9, en plus.

M. Garon: Vous savez bien que concrètement je ne pourrais pas émettre des permis à tout le monde. Les permis sont émis par des comités. Les comités vont essentiellement mettre des conditions qui sont fixées par le gouvernement. Il peut arriver d'une façon exceptionnelle qu'il y ait une condition particulière pour des raisons exceptionnelles. Ce n'est pas moi qui vais émettre les permis. Je n'ai pas le temps de faire cela. Il va y avoir des comités qui vont appliquer la réglementation et qui vont émettre les permis.

M. Ciaccia: C'est pire parce que vous nous dites que ce seront les fonctionnaires qui vont pouvoir exercer toute la discrétion.

M. Garon: II va y avoir un droit d'appel.

M. Ciaccia: Lisez donc l'article 9 sans rire. Juste pour en ajouter un peu, mais sans rire.

M. Garon: Article 9. "La durée d'une concession est de 12 mois."

M. Ciaccia: Mais "Le ministre peut toutefois fixer une durée moindre".

M. Garon: "Le ministre peut toutefois fixer une durée moindre". Je vais vous donner un exemple. C'est très utile. Notamment, le député de Saguenay, qui est ici, peut apprécier. Quand j'administrais les permis de pêche de la Côte-Nord dans le cadre du règlement fédéral, on a découvert du crabe sur la Côte-Nord. C'est évident que le crabe est plus payant que la morue. Il aurait pu être dangereux pour les pêcheurs de la Côte-Nord d'avoir un permis avec 150 cages par permis. On les a consultés et ils ont demandé d'avoir 40 cages par permis, si ma mémoire est bonne, d'émettre un permis de crabe à chaque pêcheur, mais seulement avec 40 cages. Comme la pêche à la morue sur la Côte-Nord est une pêche très délimitée dans le temps et de courte durée, c'est-à-dire moins de deux mois, si on donne le permis de crabe concurremment au permis de morue, comme le crabe est plus payant que la morue, les gens vont laisser passer la morue et vont aller pêcher le crabe au cas où d'autres le pêcheraient avant eux et qu'à cause des quotas la pêche arrête à un moment donné.

Ce qu'on a fait, on a dit: La pêche au crabe commence à telle date. On a fixé une date où la pêche intensive à la morue était terminée de sorte qu'on pouvait faire une

saison de pêche normale, sur la Côte-Nord, beaucoup plus longue et plus équitable pour tout le monde. Les autres savaient que, dans cette période, ils pêchaient la morue. Quand cette période serait passée, ils pourraient aller à la pêche au crabe sans craindre qu'avant cette période les autres soient à la pêche au crabe. Cela a été le bonheur de tous les gens de la Côte-Nord. Il y avait un régime équitable pour tout le monde et sans danger que les gens s'enlèvent le crabe les uns les autres. C'est une condition particulière à cause d'une ressource qui agit d'une façon particulière dans ce territoire. Je vais vous dire que c'est à la satisfaction de tous les gens.

Ailleurs, on m'a demandé d'appliquer le régime qu'on avait appliqué sur la Côte-Nord. Comme sur la Côte-Nord c'était un crabe local auquel les autres provinces n'avaient pas accès, on pouvait faire cela et on l'a fait. Dans le bout des Îles-de-la-Madeleine, j'ai eu beaucoup de demandes. Au lieu d'avoir sept personnes qui ont un permis de pêche au crabe avec 150 casiers chacune et qui vont devenir millionnaires dans l'espace de trois ou quatre ans, les gens auraient voulu qu'on baisse le nombre de permis pour en donner à plus de monde. J'ai été rencontré M. De Bané et je lui ai dit que nos gens souhaitaient que, pour la pêche au crabe, au lieu d'avoir 150 casiers qu'ils n'ont pas le temps de lever tous les jours, ce soit 75 ou 100 casiers; le nombre n'est pas encore déterminé. Je lui ai demandé. Es-tu ouvert - quand on se parle, M. De Bané et moi, on se tutoie parce qu'on se connaît depuis le temps de l'université - à ce que nos permis pour la pêche au crabe soient pour un nombre de cages moins considérable, de sorte qu'on puisse permettre à un plus grand nombre de pêcheurs de gagner un bon revenu avec le crabe, mais sans que cela fasse en sorte qu'on ne pêche plus de crabe? Il a parlé à un de ses fonctionnaires, un dénommé, M. Parsons, qui est sous-ministre adjoint, qui a dit qu'il n'était pas capable de surveiller le nombre de cages pour la pêche au crabe et qu'il avait peur que, si les gens avaient des permis avec 100 cages de crabe, ils auraient 150 cages quand même.

Je trouvais cela un drôle de raisonnement. Pourquoi, alors, mettre 150 s'il n'est pas capable de les surveiller? Cela peut-être 200 quand ils ont 150. C'est la raison qu'il a donnée. Je trouvais que cela n'avait pas de bon sens. Idéalement, je crois qu'il aurait été mieux que les gens aient droit à peut-être 75 ou 100 casiers et qu'on établisse le nombre parce qu'il y a des places où il n'y pas de pêche alternative. À ce moment, au lieu d'avoir sept pêcheurs aux Îles-de-la-Madeleine, il y en a peut-être une douzaine ou une quinzaine.

M. Lincoln: On ne parlait pas du nombre; on parlait du temps. On parle d'une durée à l'article 9.

M. Garon: Cela peut être cela. La ressource n'est pas encore parfaitement connue dans le golfe. Les gens parlent beaucoup de l'état la ressource, mais la ressource n'est pas encore tellement connue. Il y a encore beaucoup de recherche à faire dans ce domaine. Il y a des espèces qu'on commence à pêcher. Par exemple, à Rimouski, on commence à pêcher les oursins et il y a un bon marché pour cette pêche. D'après moi, nous avons des oursins d'excellente qualité et pour lesquels nous obtenons un bon prix. On ne pêchait pas l'oursin. Au Québec, on pêche le crabe depuis 1968. Je me rappelle qu'avant ce temps on m'avait raconté qu'au début des années soixante un Français était allé sur un quai en Gaspésie et il avait vu un pêcheur qui avait une poche de crabes sur le bout du quai. Le Français avait dit au pêcheur: Qu'avez-vous là dedans? Il a dit: J'ai des crabes. Sont-ils à vendre? Le pêcheur l'a regardé surpris parce que le crabe ne se vendait pas en Gaspésie avant 1968. Il a dit: Oui. L'autre a dit: Combien? Il a dit 1 $ pour la poche. Le Français a donné 1 $ et il est parti avec la poche de crabes. Quand le Français a été rendu assez loin pour ne pas qu'il l'entende, le pêcheur dit: Est-ce que je l'ai eu à votre goût, le Français? Il considérait qu'il avait fait un marché extraordinaire d'avoir vendu une poche de crabes 1 $ à un Français. Dans le fond, le Français était très content. C'était deux personnes heureuses parce qu'une poche de crabes pour 1 $, c'était pour rien. Mais c'était une ressource qui n'était pas exploitée. Actuellement, on commence à exploiter les oursins en Gaspésie. Les ressources du fleuve Saint-Laurent ne sont pas connues véritablement.

L'autre jour, je parlais avec un restaurateur au concours du Mérite de la restauration, qui me disait qu'il avait fait un plat d'écrevisses extraordinaire avec des écrevisses du lac Saint-Pierre. On me parlait, par exemple, d'un problème que j'aurais réglé d'une autre façon. Vous êtes d'origine italienne, j'ai une bonne histoire pour vous. On avait des problèmes avec des oiseaux le long du canal Beauharnois. Les cultivateurs trouvent qu'il y a trop d'oiseaux.

M. Lincoln: On est rendu dans les oiseaux!

M. Garon: C'est pour vous donner des exemples qu'on n'utilise pas les ressources véritablement. Il y a des carouges et les cultivateurs n'aiment pas ces oiseaux puisqu'ils mangent les grains. À un moment donné, on a essayé de trouver un moyen pour en diminuer le nombre. On m'a dit que les

Italiens aimaient beaucoup ces oiseaux, qu'ils allaient en faire la chasse et qu'ils les consommaient. J'ai dit: Le mieux serait de laisser la chasse plus libre aux Italiens parce que, s'ils aiment cette sorte d'oiseaux, pourquoi ne pas leur permettre de les chasser? Cela ferait l'affaire des Italiens et des cultivateurs. Les gens qui habitent dans ce territoire ne mangent pas ces oiseaux.

M. Lavigne: Les étourneaux à épaulettes rouges.

M. Maciocia: Est-ce que vous en avez parlé au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche?

M. Garon: Quand on a parlé d'une réserve faunique sur le bord du canal Beauharnois, j'ai dit: J'aimerais cela qu'on règle ce problème. On parlait des oiseaux migrateurs, eux, ils parlaient de les exterminer. J'ai dit: Non, n'exterminons pas ces oiseaux. Si les Italiens trouvent qu'ils sont bons à manger, laissons-les chasser. Cela ne nous coûtera pas une "cenne" et on n'aura rien à dépenser.

Une voix: On va attirer au moins les Italiens! On va nourrir les Italiens!

M. Maciocia: Cela fait le bonheur des autres!

M. Garon: Non, mais je veux dire que ces ressources-là sont peu connues au Québec. Je suis estomaqué de voir à quel point il y a des ressources qui sont peu connues. Il y a un potentiel considérable, mais il faut qu'il soit exploité de façon prudente pour ne pas le dilapider.

M. Lincoln: M. le ministre, est-ce que l'on peut revenir aux articles 8 et 9 et laisser un peu les plats d'écrevisses, d'oiseaux, etc? Tout cela semble succulent, mais là, on parlait des pouvoirs extraordinaires que vous vous donnez aux articles 8 et 9. Nous disons que ces pouvoirs semblent presque illimités. Vous-même admettez qu'ils sont très grands. Cela vous a fait rire quand vous l'avez réalisé. Cela vous a donné une joie de penser que vous avez des pouvoirs presque sans fin. Alors, on vous demande: Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait une façon de décrire ces pouvoirs, de nous laisser voir le règlement que vous préparez, pour nous laisser savoir à quel point vous allez essayer de contrôler ces pouvoirs immenses que vous vous donnez aux articles 8 et 9? C'est ça le point.

M. Garon: Ce qui est mentionné dans le projet de loi, ce sont beaucoup plus des pouvoirs si le besoin survient. Il ne s'agit pas de poser un tas de restrictions dans les permis de la part du ministre. Cela va être prévu dans le règlement qui va être public.

M. Lincoln: Le chef de l'Opposition, M. Levesque, vous avait demandé si vous pourriez nous laisser voir les règlements.

M. Garon: Ils ne sont pas faits, les règlements. Ils sont en train de travailler aux règlements. On est dans des choses nouvelles actuellement, pour nous. Alors, on n'a pas le règlement. Ce que je peux faire, je pourrais vous montrer de quelle façon on émettait les permis avant, jusqu'à maintenant. Et on va essayer de prendre ce modèle-là d'émettre des permis. Mais on va les émettre en vertu du fond plutôt qu'en vertu de la pêche.

M. Lincoln: Alors, on parle d'une tout autre affaire. On parle d'une concession, presque territoriale, sur le fond de la mer, dans des territoires dont vous ne savez même pas s'ils sont à vous. Alors, cela va être intéressant avec les pouvoirs immenses que vous avez.

M. Garon: Non, mais il faut faire attention. Vous vous rappelez la loi 116? Non, vous n'étiez pas au Parlement dans le temps de la loi 116.

M. Lincoln: Non, je me rappelle les lois 101 et 111.

M. Garon: La bataille avait été menée par l'Union Nationale parce que le Parti libéral était d'accord avec nous sur cette loi-là, qui était pour amender la loi sur la Régie des marchés agricoles. À sa face même, c'était épouvantable, les pouvoirs que le ministre se donnait, si on lisait cela littéralement. Mais, dans les faits, ce n'était pas exact. Je me rappelle, entre autres, les gens qu'on appelait des dissidents et leurs procureurs - dont votre député actuel de Brome-Missisquoi - qui disaient, par exemple: Le ministre va vous dire quand semer, quand récolter, à quelle heure, etc. Lorsque vous lisiez la loi, il y avait un pouvoir comme celui-là, sauf que ce pouvoir s'applique essentiellement pour les fins des conserveries, parce qu'entre le moment où on récolte les pois et le moment où les pois doivent être dans la boîte de conserve il ne faut pas qu'il se passe plus de quatre heures, autrement le pois commence à faire...

Une voix: II chauffe.

M. Garon: ...de l'amidon il chauffe et il change de goût. S'il n'y a aucune réglementation sur les livraisons, tout le monde va arriver en même temps les journées de beau temps. Alors, il y a des horaires de livraison pour ce genre de

légume, mais pas ailleurs. Alors, on faisait peur aux gens. On leur disait: On va vous dire quand récolter votre foin. Voyons donc, qu'est-ce que cela nous donnerait de dire aux gens quand récolter leur foin ou des choses comme cela?

Là-dedans, c'est la même chose. C'est des pouvoirs qui sont prévus pour les cas où c'est nécessaire, d'une façon générale. Il n'y a pas d'ensemble de conditions comme celles-là de posées.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 8 est adopté?

Est-ce que l'article 9 est adopté? Vous les avez discutés en même temps.

M. Lincoln: Les articles 8 et 9, sur division.

Le Président (M. Desbiens): Les articles 8 et 9, sur division.

Est-ce que l'article 10 est adopté?

M. Garon: L'article 10 n'est pas difficile: "Le concessionnaire doit payer au ministre la redevance fixée par règlement. Il doit, dans l'exercice de ses fonctions, utiliser et fournir au ministre les livres, registres et autres documents déterminés par règlement."

M. Ciaccia: Tracasseries!

M. Lincoln: Vous avez un double coût pour les pêcheurs.

M. Garon: Cela se fait actuellement.

M. Lincoln: Non, non. Actuellement il n'y a pas deux permis. Maintenant, vous lui imposez un double permis, n'est-ce pas?

M. Garon: Sauf, qu'actuellement tout cela est fait pour des fins de fiches statistiques et pour d'autres fins. Comme le gouvernement du Québec est celui qui subventionne la construction ou les réparations des bateaux et les prêts aux pêcheurs pour l'achat de leur bateau, les paiements de remboursement sont faits en payant à l'entreprise qui fait la transformation du poisson un montant à même les paiements que cette entreprise fait au pêcheur sur le poisson qu'il lui vend.

Ces statistiques sont, de toute façon, nécessaires pour le financement. On les a mises là parce que cela nous permet, en même temps, de faire une compilation statistique, et celui qui obtient son permis s'engage aussi à fournir des statistiques. C'est cela au niveau fédéral ou québécois et je suis autorisé aussi à conclure des ententes avec le gouvernement fédéral - et cela fait partie de la décision du Conseil des ministres - pour négocier les questions statistiques.

M. Lincoln: Laissons l'affaire des statistiques de côté. Vous donnez un permis sur une partie du fond marin à un pêcheur. Il a déjà un permis pour son bateau qu'il détient du gouvernement fédéral. Cet article 10 ne dit-il pas, en fait, que vous avez le droit d'imposer ce second permis et qu'il y aura une double redevance pour le pêcheur? Et on ne sait même pas combien vous allez exiger à ce pêcheur pour le droit que vous lui donnez sur le fond marin. Pouvez-nous nous indiquer combien il aura à payer en plus de son permis fédéral qu'il détient déjà quitte à laisser les statistiques pour le moment? Les pêcheurs s'en fichent des statistiques.

M. Garon: Quel montant?

M. Lincoln: Quel est le montant, oui, de ce dont vous parlez.

M. Garon: Cela ne sera pas plus que le montant fédéral.

M. Lincoln: C'est en plus de ce que paye le pêcheur maintenant. Déjà, il doit payer un permis. Déjà, il a toutes sortes d'embêtements de la bureaucratie, la paperasserie. Vous lui imposez un autre permis.

M. Garon: Mais, en retour, on lui paye la moitié de ses assurances sur son bateau, et le gouvernement fédéral ne lui en paye pas un sou. On le subventionne à 35% pour la construction de son bateau et le gouvernement fédéral ne dépasse jamais 100 000 $. On lui consent des prêts pour la construction de son bateau...

M. Ciaccia: M. le Président, il est 18 heures.

M. Garon: ...et le gouvernement fédéral ne débourse pas un sou. On fait du financement pour la réparation et le gouvernement fédéral ne débourse par un sou.

M. Ciaccia: II est 18 heures, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'on adopte l'article 10 avant de partir?

Des voix: Non.

M. Ciaccia: Je ne voudrais pas qu'il nous donne une indigestion pour le souper.

Le Président (M. Desbiens): II est 18 heures. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 03)

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