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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 11 février 2004 - Vol. 38 N° 9

Consultation générale sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente minutes)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. Je rappelle notre mandat: nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Non, Mme la Présidente, il n'y a aucun remplacement.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le secrétaire. Alors, je donne lecture de l'ordre du jour: aujourd'hui, mercredi 11 février 2004, à 9 h 30, nous allons entendre les représentants de Danone; à 10 h 30, Les Aliments de la Terre du Québec et Les Aliments de la Terre de l'Estrie, les deux groupes réunis ensemble; à 11 h 30, La Filière biologique du Québec; nous allons suspendre nos travaux à 12 h 30; à 14 heures, ferme Réal Marien; à 14 h 45, la Coalition citoyenne santé et environnement; à 15 h 30, M. François Beaulne; à 16 h 15, Association de biodynamie du Québec; à 17 heures, ENvironnement JEUnesse; à 17 h 45, l'Association des abattoirs inspectés du Québec; et nous ajournerons nos travaux à 18 h 30. Je propose l'adoption de l'ordre du jour.

Des voix: Adopté.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Alors, j'invite les représentants du Groupe Danone à se présenter devant nous, s'il vous plaît. M. Stanislas de Gramont, président, Danone Canada, si vous voulez, s'il vous plaît, vous asseoir et nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et 20 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire, incluant les questions et les réponses. Vous avez la parole.

Danone Canada inc.

M. de Gramont (Stanislas): Merci. Bonjour, Mme la Présidente, MM. les députés, Mme la députée. Je vous présente M. Jorge Naquit, qui est directeur de l'assurance qualité et de la sécurité alimentaire chez Danone inc. au Canada, et M. Yves Barsalou, qui est responsable des achats de lait et des investissements industriels chez Danone Canada. Donc, mes deux collègues m'aideront, m'assisteront dans la séance des questions en particulier. Bien.

Nous vous avons fait parvenir un mémoire. Mon propos aujourd'hui est de commenter autour de ce mémoire, d'insister sur un point qui nous semble particulièrement important, qui vise à partager une expérience réussie dans plus de 20 pays autour de la traçabilité du lait. Il est entendu que nous traiterons les questions que vous pourriez avoir concernant le mémoire dans la séance qui suit.

Je voudrais commencer par présenter le Groupe Danone. Le Groupe Danone est un des leaders mondiaux de l'industrie alimentaire et, depuis 1973, le premier groupe alimentaire français. La culture de ce groupe s'appuie sur sa déclaration de mission: partout dans le monde, faire grandir, mieux vivre et s'épanouir les hommes et les femmes en leur apportant chaque jour une alimentation meilleure, des goûts plus variés, des plaisirs plus sains.

Au Canada, Danone est le numéro un de ce que nous appelons les produits laitiers frais, les produits type yogourt, depuis 1967, opérant ses activités à l'origine sous la marque Delisle. C'est à partir de 1997 que l'entreprise Delisle est devenue Danone inc. La culture du Groupe Danone puise ses racines dans la conviction que la performance économique et l'attention aux hommes et aux femmes sont intimement liées. Il reste porteur de ce double projet économique et social qui a servi de fondement à son développement et a toujours été au coeur de ses décisions. Qu'il s'agisse de la gestion des ressources humaines, de la qualité des produits ou de la gestion de l'environnement, les entreprises doivent apprendre aujourd'hui à intégrer de nouvelles attentes. Le Groupe Danone le fait à sa manière, en cherchant à progresser, sans pour autant perdre de vue les objectifs économiques de l'entreprise. En ce sens, la qualité et la sécurité alimentaires sont un enjeu stratégique majeur pour le Groupe Danone et donc pour sa filiale Danone inc. au Canada.

Nous plaçons en priorité absolue les principes et les procédures de qualité et de sécurité alimentaires, lesquels sont constamment améliorés depuis maintenant plus de 10 ans. Assurer la sécurité du consommateur est une obligation pour Danone, tout comme l'est sa volonté de fournir des produits qui correspondent pleinement aux attentes du consommateur. À cette fin, au Canada, nous avons demandé et obtenu la reconnaissance HACCP en 2003 auprès de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

L'augmentation des risques de sécurité alimentaire pendant les dernières années, tels que l'ESB ou le bioterrorisme, parmi d'autres, impose d'abord des mesures de prévision, la connaissance et la prévention des risques, pouvoir assurer la traçabilité des matières premières utilisées, dont le lait, et être capable de tracer les conditions de production, dont la traite, le transport et la conservation du lait, et, en amont, bien sûr, l'origine de l'alimentation, la nature des traitements vétérinaires ou la santé des animaux. Les questions: Nos produits sont-ils sûrs? et: Répondons-nous aux demandes et aux besoins des consommateurs? gouvernent nos actions et nos systèmes afin de protéger véritablement les consommateurs et conséquemment nos affaires.

Les consommateurs au Québec comme ailleurs souhaitent naturellement disposer de plus de garanties et de plus d'information sur l'origine des matières premières. Parallèlement, et vous le savez, la réglementation évolue régulièrement pour élever le niveau de sécurité. Pour Danone, il est indispensable d'assurer la maîtrise, la traçabilité et le contrôle de sa principale matière première qui est le lait. C'est pour atteindre cet objectif qu'un projet ambitieux, le programme Danone Qualité Sécurité Lait, a été mis en place. Loin du discours théorique, ce programme DQS Lait s'est attaché à mettre en place des actions concrètes de maîtrise au niveau de chaque point à risque identifié. Ce programme concerne une variété de pays où Danone opère: en Europe centrale ? donc, tous les pays qui vont de l'Est de l'Allemagne jusqu'à la Russie ? en Europe de l'Ouest et aussi en Amérique du Sud. Partout, les mêmes contrôles sont réalisés, les mêmes exigences sont transmises aux éleveurs, la même traçabilité est assurée.

Il est intéressant de comparer la situation du lait au Québec par rapport à différents éléments d'analyse pour la qualité et la sécurité alimentaires selon le programme DQS de Danone. Et voilà quelques points de comparaison. En général, les résultats de la qualité du lait sont exceptionnellement bons: très basse teneur de germes totaux, de cellules somatiques. La situation sanitaire est très convenable. Il y a absence de tuberculose, de brucellose, de fièvre aphteuse. Les élevages sont sains, propres et gérés avec responsabilité.

Au Québec, il existe une structure réglementaire efficace: hygiène, identification nationale électronique, gestion très encadrée des médicaments vétérinaires. Par contre, il est regrettable qu'il n'existe pas d'accès des entreprises comme la nôtre aux producteurs ? je vais y revenir. Il existe aussi une bonne démarche théorique HACCP applicable aux élevages, mais celle-ci n'est pas encore mise en oeuvre.

Si ces éléments mentionnés peuvent être considérés comme des forces, il faut aussi noter certaines opportunités d'amélioration qui devront être prises en compte et résolues pour obtenir une gestion réellement efficace en matière de sécurité alimentaire. Les inspections des services officiels sont, à notre connaissance, limitées. Par exemple, les inspections des élevages ne sont pas systématiques mais plutôt effectuées en réaction à des problèmes de qualité. Les instances gouvernementales pourraient envisager de développer des inspections plus systématiques des élevages. Il n'existe pas d'autre système d'audit ou de pratique afin d'accompagner et mieux aider les éleveurs. Les transformateurs comme Danone Canada doivent pouvoir connaître précisément la liste de leurs fournisseurs et avoir la possibilité de les auditer. Les entreprises autres que certaines coopératives ne peuvent pas avoir un accès direct aux éleveurs, ce qui pourrait ajouter un autre élément de formation, de contrôle et de support ? tel que le programme DQS ? sans mettre en cause le système actuel sous contrôle de la Fédération des producteurs de lait du Québec. L'analyse initiale des risques déterminera bien entendu la pertinence des mesures prises.

La plupart des exploitations produisent le fourrage, part importante de l'alimentation des animaux. Par contre, nous estimons insuffisantes les normes d'étiquetage sur les produits d'alimentation du bétail fabriqués à l'extérieur. Les cas d'ESB au Canada et aux États-Unis en 2003 peuvent avoir changé un peu la perception de sécurité, mais a-t-on aujourd'hui les garanties nécessaires? Un étiquetage insuffisant ne permettra pas la traçabilité nécessaire en cas d'apparition de problèmes de santé liés à ces aliments.

n (9 h 40) n

Enfin, la traçabilité existe, mais elle est imparfaite. N'ayant pas de zone de collecte de lait définie, les entreprises comme la nôtre n'ont pas de relations directes avec les producteurs. Nous souhaitons connaître les éleveurs qui nous livrent leur lait, nous souhaitons que ceux-ci soient stables dans le temps afin de pouvoir mettre en place des actions concertées en collaboration avec la Fédération des producteurs de lait du Québec.

Danone affirme que tout le système de sécurité alimentaire repose sur une traçabilité infaillible. Il ne fait aucun doute que, pour être réellement efficaces et répondre aux objectifs de sécurité et de santé publiques, toute démarche, technique, norme, règlement qui pourront être mis en application risquent de connaître l'échec si la pierre angulaire de tout le système, soit la traçabilité, n'est pas totalement fiable. En d'autres termes, si un maillon de la chaîne de la traçabilité est faible ou manquant, tous les efforts accomplis pour mettre en place un système adéquat deviendraient caducs.

Le programme DQS, Danone Qualité et Sécurité du lait, repose sur cinq éléments: un plan d'analyse renforcé pour s'assurer de l'efficacité du programme; un contrôle systématique de tous les élevages; une traçabilité sans faille à chaque étape de la filière; un appui aux élevages pour progresser et assurer une meilleure maîtrise; et une organisation et des équipes au service de la qualité et de la sécurité. Au bilan, c'est un engagement financier important que Danone consacre chaque année, dans les pays concernés, non seulement à prévenir des dangers connus, mais aussi à analyser, pour les prévenir, les risques émergents.

Si l'on rentre un peu dans le détail, un plan d'analyse pour mesurer l'efficacité du programme. Nous réalisons des analyses systématiques à trois niveaux. Au niveau de chaque élevage, des échantillons sont prélevés à chaque collecte et de deux à cinq échantillons sont analysés chaque mois pour traquer la présence de résidus, comme des traitements vétérinaires, ou évaluer la qualité microbiologique et chimique. Chaque année, 150 à 300 analyses sont réalisées pour chaque élevage, soit près de 3 millions d'analyses par an en Europe.

Au niveau de chaque camion de collecte, des analyses sont réalisées systématiquement, là encore pour la recherche d'éventuels résidus d'antibiotiques ou des dénombrements microbiologiques. Avant d'utiliser le lait, chaque tank de stockage est analysé avec des tests très sensibles pour garantir de manière absolue le respect des limites maximums de résidus garantes de la santé du consommateur. Nous recherchons des dizaines de contaminants comme le plomb, le cadmium deux à quatre fois par an sur chaque zone. Nous consacrons chaque année des centaines de milliers d'euros pour traquer la présence d'éventuels contaminants dans le lait. Danone a étendu son plan de contrôle très en amont et réalise chaque année des analyses d'aliments provenant des fabricants qui travaillent avec des éleveurs fournisseurs de Danone. Ces analyses permettent de vérifier l'absence de traces de farine de viande ou de divers contaminants chimiques, des dioxines, des PCV, des aflatoxines, etc.

Deuxième élément du programme: un contrôle systématique de tous les élevages. Chaque année, plus de 10 000 exploitations laitières, le plus souvent familiales, approvisionnent les usines de Danone en Europe. Tous ces élevages se doivent de respecter un même cahier des charges. Celui-ci comprend principalement trois volets: des pratiques d'élevage que doit respecter l'éleveur, parmi lesquelles la connaissance de l'origine des animaux et le respect des règles sanitaires, des garanties concernant l'alimentation animale, une bonne utilisation des traitements vétérinaires, les conditions de traite garantissant l'absence de contamination, un stockage du lait permettant de conserver toutes les propriétés du lait, et le respect de l'environnement et la garantie du bien-être animal. Le cahier des charges comprend aussi un engagement réel de transparence. L'éleveur doit appeler Danone dès qu'il a un problème de maladie des animaux, d'aliment anormal. Une quelconque anomalie doit être signalée.

Troisième élément, bien sûr: des résultats qualité satisfaisants au vu des réglementations en vigueur. Chaque élevage fait l'objet d'un audit annuel au cours duquel ses pratiques sont passées en revue. Près de 100 auditeurs de Danone analysent ainsi la situation de 10 000 exploitations tous les ans. Ceux-ci bénéficient d'une formation spécifique et s'appuient sur un guide de l'auditeur qui assure la rigueur de leurs prestations.

Troisième dimension de ce programme DQS: des enregistrements pour une traçabilité assurée à toutes les étapes. Pour Danone, la traçabilité doit être assurée à chaque étape de la filière. Au niveau de ses usines, Danone dispose systématiquement des informations essentielles: pour chaque camion de lait, la liste des éleveurs visités est connue; pour chaque éleveur, Danone connaît le fabricant d'aliments, les produits de nettoyage ou même les principales pathologies survenues dans l'élevage. Chaque producteur de lait travaillant avec Danone s'engage à conserver l'ensemble des informations permettant d'assurer la sécurité et de réagir en cas de problème. Chaque traitement vétérinaire est enregistré et l'ordonnance conservée. Les éléments achetés sont enregistrés et les étiquettes conservées, le passeport de chaque animal est conservé: date et lieu de naissance, etc., ainsi que son carnet de santé, résultats des contrôles sanitaires, etc. Grâce à une gestion informatisée des principales informations, en cas de problème Danone peut réagir rapidement et efficacement.

À plusieurs occasions, les enregistrements en place ont permis d'analyser rapidement un problème émergent et, dans quelques cas, en application du principe de précaution, de suspendre la collecte dans des élevages où un risque potentiel avait été identifié.

Quatrième élément: un appui aux élevages pour une meilleure maîtrise. Parce que les élevages laitiers ne sont pas des entreprises comme les autres, Danone ne se contente pas de contrôler les exploitations ou d'analyser le lait, mais cherche aussi à inscrire ces élevages dans une démarche de progrès les conduisant vers une agriculture raisonnée. Ceci est d'autant plus important que les demandes concernant l'agriculture durable deviennent de plus en plus des obligations pour les éleveurs qui souhaitent pérenniser leurs exploitations. Les techniciens de Danone interviennent régulièrement dans les élevages pour les conseiller. Le moindre problème de qualité d'un élevage est détecté grâce à un système d'information dédié et se traduit par une intervention ciblée d'un technicien.

Pour aller plus loin, Danone est parfois amenée à proposer aux éleveurs des outils pour mieux travailler. Ces outils peuvent aller jusqu'à la fourniture d'une pharmacie d'élevage, et, bien entendu, le kit de base comprend des documents de formation et de bonnes pratiques d'élevage. Aujourd'hui, dans plusieurs pays, Danone propose même aux éleveurs un service Internet qui leur permet de se former ou de visualiser leurs propres résultats qualité. L'objectif de toutes ces actions est unique: assurer, grâce à un réel partenariat entre Danone et les producteurs de lait, la qualité et la transparence tout au long de la filière.

Le dernier point: une organisation qui fait la différence. Nous avons mobilisé des moyens, des équipes de spécialistes. Nous avons développé des logiciels qui nous permettent de faire face à nos engagements vis-à-vis nos éleveurs. Depuis 1998, des millions de résultats d'analyse et des milliers de résultats d'audit ont ainsi été mémorisés et permettent à Danone de disposer d'une base de données unique dans le secteur laitier. Ce programme fait ses preuves au quotidien.

Nous avons démarré un premier programme de maîtrise de la qualité du lait en France, en 1992. Le programme DQS Lait a été développé en 1998, renforcé et étendu d'abord à tous les pays européens puis à l'ensemble des pays du pôle Produits Laitiers Frais du Groupe Danone. Ce programme a permis une progression de l'ensemble des élevages et la mise en place d'une organisation efficace.

Si on regarde les résultats qualité obtenus en Europe de l'Ouest, la qualité bactériologique du lait se situe en dessous de 50 000 germes par millilitre, quand la réglementation impose seulement moins de 100 000 germes par millilitre. La teneur en cellules, qui est un témoin de la santé des mamelles des vaches, est inférieure à 300 000 cellules par millilitre, contre 400 000 cellules par millilitre demandées par la réglementation. Sur les centaines d'analyses réalisées tous les ans, aucune n'a révélé la présence de métaux lourds ou d'aflatoxines à des valeurs anormales. En ce qui concerne la dioxine, la teneur des prélèvements réalisés sur lait de mélange a été inférieure au seuil prévu par la réglementation.

Concernant les pratiques des éleveurs ? c'est intéressant de regarder comment les éleveurs accueillent ce programme ? pour chaque critère, le taux de respect des bonnes pratiques par les éleveurs... sont connues et se situent généralement entre 95 % et 100 %. Et, en ce qui concerne les enregistrements dans les élevages, le programme DQS a permis de passer en quelques années de moins de 10 % d'élevages respectant toutes les règles d'enregistrement à près de 80 % d'entre eux. Des résultats qualité maîtrisée, l'absence de contaminants, des élevages toujours plus respectueux du cahier des charges Danone, la capacité effective et régulièrement contrôlée à réagir en cas de problème, tous les indicateurs montrent aujourd'hui que le programme DQS Lait de Danone est bien en place et peut continuer à prouver son efficacité.

n (9 h 50) n

En conclusion, Danone Canada réitère son intérêt à participer aux travaux de réflexion et aux actions concrètes qui découleront des résultats de cette commission. Nous insistons encore sur le fait que cet exercice, qui peut et doit être considéré comme vital pour la santé publique, ne sera efficace qu'à l'intérieur d'une démarche concertée entre tous les acteurs impliqués. Nous affirmons que la réussite des mesures qui seront retenues et appliquées sera conditionnelle à l'intérêt et à l'implication des provinces et États concernés. Nous affirmons que garantir la sécurité alimentaire est non seulement primordial pour la santé des consommateurs québécois, mais aussi pour la préservation des intérêts et du patrimoine de l'ensemble des acteurs de la filière. Ce n'est pas un sujet antagonique. En tout état de cause, Danone Canada est fière de proposer son expérience qui en bout de ligne ne pourra que profiter au bien-être et à la santé des consommateurs québécois. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Alors, merci beaucoup, M. Gramont. C'était une présentation fort éloquente et fort éclairante de la façon dont Danone procède.

Je voudrais échanger avec vous sur la pratique des emballages alimentaires, puisque vous êtes dans la transformation et qu'on mange Danone dans des petits contenants de plastique. Alors, les emballages alimentaires qu'on dit actifs ou intelligents ? et surtout que vous êtes aussi basés en Europe, et c'est un débat qui est pas mal encadré là-bas ? on parle ici de matériaux d'emballage et autres matériaux tels que les bouteilles, comme les contenants de plastique, qui entrent en contact avec les aliments, et ce contact peut se faire tout le long de la chaîne alimentaire. D'ailleurs, je vais vous demander de nous expliquer comment ça marche pour vous. C'est évidemment des emballages intelligents qui sont issus des progrès technologiques, qui ont pour faculté de maintenir la qualité des aliments, d'en allonger la durée de conservation. Et le fait qu'ils soient en interaction directe avec les aliments évidemment pose un certain nombre de questions quand il s'agit, par exemple, de réduire les niveaux d'oxygène ou pour ajouter des arômes ou des agents de conservation de toutes sortes.

Alors, je voudrais savoir de vous quels sont les emballages actifs ou intelligents qui entrent dans le processus de production de transformation de Danone. Et, deuxièmement, sachant que la communauté européenne a interdit sur son territoire les matériaux en contact avec les denrées alimentaires, qui peuvent entraîner des réactions chimiques susceptibles de modifier le goût, l'apparence, la texture ou l'arôme de l'aliment ou en altérer sa composition chimique, quelle est votre position par rapport à ça et comment fonctionne votre processus de production par rapport au système des emballages actifs et intelligents?

M. de Gramont (Stanislas): Merci, Mme la Présidente. Je vais couper la réponse en deux morceaux. Je vais donner une première réponse qui est une réponse de principe et je vais demander à M. Naquit de vous expliquer le détail du processus de sélection des emballages et de définition des emballages.

Il y a un principe de base chez Danone, c'est la sécurité du consommateur, et notre capacité à préserver l'intégrité de l'aliment qui se rend chez le consommateur est la première priorité de développement. Donc, en fonction de ce principe de base, nous sommes sans doute conservateurs et nous nous assurons avant toute chose, pour un emballage... Avant de regarder ses vertus d'amélioration du goût du produit, de préservation de la qualité dans le temps, etc., la première préoccupation, c'est: Est-ce que le produit est sain durant toute la durée de vie du produit? Ça, c'est un point de base du développement chez Danone, c'est la première préoccupation, qui passe bien avant tout le reste. Maintenant, je vais laisser M. Naquit élaborer un peu plus sur les emballages intelligents.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Naquit.

M. Naquit (Jorge): Oui. Merci, Mme la Présidente, pour la question. Donc, en temps général, on peut dire que le traitement qu'on fait avec les emballages qui vont contenir le produit pour les consommateurs, c'est aussi le même traitement qu'on fait ou la même démarche qu'on fait pour absolument toutes les matières premières qui rentrent dans la composition de notre produit. Ce qu'on fait avec les emballages ou avec les fournisseurs des emballages d'abord, c'est établir ce sont quoi, les conditions de sécurité alimentaire que le fournisseur a dans son usine, dans son site de production. À ce titre-là, on essaie de faire des audits. On fait des audits sur les sites industriels de fournisseurs avant de commencer toute démarche ou toute négociation même pour l'avoir comme fournisseur avec Danone. On fait des audits, on fait un cahier de charges. On établit c'est quoi, les risques qu'on veut envisager, tout en suivant les dernières informations sur la sécurité alimentaire qu'on peut disposer.

Une fois qu'on a vraiment établi les conditions de sécurité de la production, on peut aller à l'étape de la matière de l'emballage même, et, dans ces cas-là, on fait une étape de conception, de développement de l'emballage avec l'aliment ou on fait une homologation. Pendant l'étape de l'homologation, on ne fait pas seulement la partie technologique de si c'est vraiment faisable d'utiliser le matériau dans nos usines pour produire l'aliment, mais aussi on fait une étape d'homologation en termes de sécurité alimentaire. Ça veut dire: on demande au fournisseur... On fait ensemble des essais de, par exemple, migration des monomères, des migrations de, on peut dire, atomes aux particules de l'emballage, à l'aliment.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Naquit. J'apprécie l'explication du processus. Dites-moi donc, est-ce que vous utilisez des emballages actifs et intelligents au Canada ou au Québec, considérant qu'en Europe c'est interdit? Est-ce que vous les utilisez, ici?

M. Naquit (Jorge): On suit... Le Groupe Danone, c'est un groupe mondial. Donc, en général, on suit aussi les normes européennes. Ce qui est interdit en Europe, on essaie de suivre le même principe ici.

M. de Gramont (Stanislas): La réponse, c'est non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup. C'est ce que je voulais entendre. Je vous remercie, vous avez répondu à ma question. M. le député d'Iberville.

M. Rioux: Merci, Mme la Présidente. Je vous souhaite la bienvenue, et c'est très agréable de vous recevoir, d'avoir une multinationale qui peut faire des comparatifs dans son pays et dans d'autres pays et ce qui se passe, la situation ici, donc d'avoir des bons comparatifs.

Moi, ce que je veux... J'ai quelques questions au niveau de l'étiquetage. Vous nous dites, dans votre document, en page 7: «Par contre, nous estimons insuffisantes les normes d'étiquetage sur les produits d'alimentation du bétail fabriqués à l'extérieur», et ça, c'est une surprise parce que je pense qu'on se fie que c'est déjà fait, cet élément-là, sur les... Parce qu'on parle de la surveillance, l'inspection ante production. Donc, cette partie-là, je pense que les consommateurs s'attendent que cette partie-là est faite. Je ne sais pas si vous pouvez me faire des comparatifs avec ce qui se vit ailleurs et qu'est-ce qu'on devrait s'attendre à avoir ici, au Québec.

Une deuxième question sur l'étiquetage, c'est: Au niveau des produits manufacturés, qu'est-ce qu'on doit retrouver? Si je comprends, dans votre texte... C'est qu'on est quand même en Amérique du Nord. Le Québec, je pense qu'on est avant-gardistes, mais, par rapport à d'autres pays, principalement l'Europe, qu'est-ce que vous attendriez à ce qu'on retrouve de plus? Je pense qu'il y a peut-être une partie de la réponse en page 12 que j'aimerais que vous commentiez. Donc, vous dites: «Sur ces questions d'étiquetage, Danone Canada ne peut que souligner l'importance que les matières premières utilisées pour la fabrication des aliments pour animaux figurent clairement sur la liste des ingrédients.» Il me semble que c'est très exigeant, on est presque rendu, là, à fournir presque une fiche technique au consommateur. Et, si je reviens à la première question, est-ce qu'on ne serait pas mieux de mettre l'emphase qu'effectivement les producteurs de base connaissent effectivement les produits qui vont faire partie de leurs exploitations?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député. M. Gramont.

M. de Gramont (Stanislas): Merci. Je vais répondre à la question. Les normes d'étiquetage sont un élément du système de sécurité alimentaire. Il est clair qu'aujourd'hui, quand vous avez des aliments pour animaux qui sont incriminés dans la propagation de certaines maladies, la réaction à ça doit être un étiquetage beaucoup plus rigoureux des aliments qui rentrent dans... des ingrédients qui rentrent dans l'alimentation du bétail. Aujourd'hui, nous n'avons pas d'évidence que cet étiquetage reprend l'ensemble des ingrédients qui rentrent dans l'alimentation du bétail. Et, vous, vous mentionniez l'expérience en Europe. Je pense qu'en Europe on a beaucoup appris, ces 10 dernières années, sur la nécessité de bien contrôler non seulement les traitements vétérinaires du bétail, mais aussi ce qu'il mange et d'où provient l'alimentation du bétail.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

M. de Gramont (Stanislas): Encore... Excusez-moi. Si je peux rajouter quelque chose...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, bien sûr.

n (10 heures) n

M. de Gramont (Stanislas): ...encore une fois, la sécurité alimentaire est un sujet où le niveau d'exigences n'est pas fixe... est fixe à un moment donné, mais va toujours aller vers plus d'exigences de la part des consommateurs, et c'est correct, les consommateurs souhaitent être toujours plus informés, plus rassurés sur la qualité et la sécurité de ce qu'ils mangent. Donc, effectivement, il y a des demandes qui voient le jour aujourd'hui, qui n'avaient pas lieu d'être il y a même cinq ou 10 ans.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie beaucoup, M. de Gramont. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présentation. Bienvenue devant la commission. J'ai une question à vous poser à propos de... À plusieurs occasions dans votre mémoire et dans votre présentation, vous avez insisté sur le fait que, au niveau de la traçabilité, la traçabilité du lait, là, ne permet pas d'établir un contact direct avec les producteurs. Vous aimeriez ça, comme entreprise, avoir des relations directes avec vos producteurs, avec vos fournisseurs. Première question: Pourquoi? Deuxième question: Est-ce que dans les autres pays ça se fait?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. de Gramont.

M. de Gramont (Stanislas): Merci. Merci, M. le député. La réponse est oui à la deuxième question, ça se fait dans les autres pays. Dans tous les pays que j'ai cités, c'est-à-dire l'Europe centrale, l'Europe de l'Ouest, l'Argentine, le Brésil, le Mexique, nous avons nos propres zones de collecte, nous avons des éleveurs qui travaillent exclusivement avec Danone et nous avons un contact direct et rapproché avec ces éleveurs à travers le programme Danone Qualité Sécurité du lait. Pourquoi est-ce que nous pensons que c'est souhaitable? Nous pensons que c'est souhaitable parce qu'il y a un partenariat de nature très importante entre le producteur de lait, le transformateur et le consommateur. C'est une filière. Et nous pensons que les deux parties en présence, le producteur et le transformateur, peuvent s'enrichir mutuellement, peuvent se former mutuellement, peuvent améliorer mutuellement leur maîtrise de la qualité mais aussi leur maîtrise des risques alimentaires. Et donc le fait d'avoir un contact direct nous permettrait sans doute d'être plus efficaces dans la réponse aux questions que se pose en particulier cette commission, qui est: Comment améliorer la sécurité alimentaire au Québec?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ce qui veut dire que, si ça ne se pratique pas actuellement dans notre système, il y a un intermédiaire qui s'appelle la Fédération des producteurs de lait. Et, du fait que ça passe par un intermédiaire comme eux, est-ce que vous iriez jusqu'à dire que, si cet intermédiaire-là n'était pas là, le contact avec votre producteur serait plus efficace, plus efficient et plus sécuritaire?

M. de Gramont (Stanislas): Absolument pas. Je pense que la Fédération des producteurs de lait du Québec a un rôle très important à jouer. Danone Canada souhaite intervenir sur le marché laitier, comme dans tous les pays, en suivant les réglementations et l'organisation du marché définies dans les pays où nous opérons. Nous avons une expérience très vaste de mode de gestion du lait, très différente en Europe centrale, dans l'Union européenne. Il y a plein de cas différents. La Fédération des producteurs de lait du Québec poursuit les mêmes objectifs que Danone et que les producteurs de lait, c'est-à-dire s'assurer que la filière laitière se développe et se développe en assurant un maximum de sécurité alimentaire pour les consommateurs. Il n'y a pas du tout d'antagonisme. Ce que nous disons, c'est: nous proposons notre aide pour peut-être gagner en efficacité et assurer que la sécurité alimentaire et la traçabilité du lait en particulier fassent des progrès par rapport aux points d'amélioration que nous avons soulignés, et nous souhaitons le faire avec l'ensemble des acteurs de la filière concernée.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Un autre sujet. Au niveau de l'inspection, vous dites dans votre mémoire: «Le système d'inspection québécois des élevages laitiers est très inférieur, en termes de fréquence, à celui des États-Unis, qui prévoit au moins deux inspections de chaque élevage par année.» La recommandation que vous faites ou que vous feriez, c'est qu'il y ait plus d'inspections ici, et j'aimerais savoir, premièrement, pourquoi. Puis, deuxièmement, est-ce qu'il y a des coûts qui sont rattachés à ça? Comment ça pourrait s'effectuer, plusieurs inspections par année, entre autres?

M. de Gramont (Stanislas): Je vais laisser M. Barsalou répondre à cette question.

M. Barsalou (Yves): Oui. Aujourd'hui...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Barsalou, s'il vous plaît.

M. Barsalou (Yves): Merci, Mme la Présidente. Aux États-Unis, aujourd'hui, chaque ferme est inspectée régulièrement annuellement par des inspecteurs fédéraux qui vont dans les fermes et qui regardent la pratique au niveau de la ferme. Moi, j'ai eu l'occasion de visiter quelques fermes au Québec. Les fermes sont très bien gérées. Ce qu'il manque dans le système, c'est vraiment un système d'audit pour aller vérifier que tout est bien en place et tout... enfin que toutes les réglementations sont respectées et tout ce qu'on met en place est respecté par tous. L'accessibilité à la ferme nous permettrait aussi de travailler avec eux pour améliorer l'efficacité de ces fermes. Mais tout ça passe par une ouverture, une ouverture des fermes aux producteurs et une ouverture au système d'inspection aussi. À ma connaissance, ici, les fermes ne sont pas inspectées à tous les ans. Donc, aujourd'hui, on n'est pas en mesure de dire: Chaque éleveur, chaque producteur laitier respecte les normes. Donc, c'est un peu ça qui est déficient aujourd'hui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Moi, je comprends bien votre réponse, mais, à partir du moment où souvent on entend dire, soit par les producteurs laitiers, soit par d'autres corps de métiers, etc., ou d'autres professions: On ne veut pas nécessairement que l'État soit présent partout dans notre vie, soit présent partout à la ferme...

Imaginons-nous qu'il y a deux, trois inspections par année. Tant mieux pour la sécurité. Mais en même temps on nous rassure et on nous confirme que les produits que nous consommons, les produits qui sont transformés soit par les médecins vétérinaires qui sont venus ici soit par les transformateurs... Ils nous ont dit que la qualité de nos produits laitiers était exceptionnellement bonne. Je ne vous dis pas que c'est parfait, mais qu'elle était excellente. Bien, je suis sûr qu'il y a place à amélioration, sauf qu'on peut déjà, à partir de l'inspection ou une prise d'échantillonnage quand on va chez le producteur, vérifier la qualité. Comment on pourrait faire plus que ça? Peut-être que vous allez me répondre: On pourrait aller vérifier les intrants, l'alimentation, etc. Est-ce que ça irait jusque-là?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. de Gramont.

M. de Gramont (Stanislas): Oui, je vais répondre. Il y a deux dimensions qui sont importantes. La qualité du lait est très bonne. Simplement, l'exigence de sécurité alimentaire ne repose pas sur la qualité du lait 99,8 % des jours de l'année; l'exigence de sécurité alimentaire, elle repose sur notre capacité à traiter, à gérer et à contenir l'accident qui va se produire une fois tous les cinq ans. Je pense qu'il faut qu'on comprenne bien ça. La qualité du lait au Québec est excellente. Les règles d'hygiène, d'exploitation des élevages sont de très, très haut niveau, un très, très haut standard. Les systèmes d'inspection, d'autoinspection, d'enregistrement des données par les éleveurs ou par l'ensemble de la filière, d'ailleurs, sont de très, très haute qualité. Le problème, c'est que 80 % et zéro, c'est la même chose quand on parle de traçabilité. Et c'est pour ça que je dis qu'il n'y a pas d'antagonisme entre les transformateurs, la Fédération des producteurs de lait ou les éleveurs, on a tous le même intérêt, qui est de préserver la filière, de préserver son patrimoine en quelque sorte en faisant en sorte que, si un accident arrive, celui-ci soit tout de suite contenu, on en connaisse les causes, on puisse les expliquer, on puisse rassurer les consommateurs sur le fait que c'est un accident. La pire des choses quand un pépin arrive, c'est de ne pas être capable de dire si c'est une fois, 10 fois, 100 fois ou si ça peut se reproduire tous les jours.

Donc, pour répondre à votre question indirectement sur les inspections, une, deux, trois, zéro inspection, ce n'est pas à nous de nous prononcer sur le bon rythme et le bon niveau et comment on organise ces inspections, nous sommes là pour témoigner et dire... Peut-être que notre rôle, notre responsabilité est de nous assurer ensemble que l'ensemble des mesures prises pour la sécurité alimentaire sont, dans notre bon entendement et bonne intelligence de la situation, suffisantes pour donner un bon niveau de garantie aux consommateurs.

n (10 h 10) n

Les inspections seront une dimension, l'étiquetage des ingrédients sera une autre dimension, et c'est à l'ensemble de ces groupes de travail de faire la part des choses, de dire qu'est-ce qui est excessif, qu'est-ce qui est nécessaire, en sachant que ce qui paraît excessif aujourd'hui pourra être demain totalement nécessaire. Je répondais à M. le député que l'étiquetage des ingrédients d'aliments pour animaux il y a 15 ans aurait fait rire tout le monde. Aujourd'hui, c'est une réalité en Europe, et on sait pourquoi.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci, M. le député. Je vous reviendrai tantôt, M. le député de Saint-Hyacinthe. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie. À la page 10 de votre mémoire, vous nous informez, ou informez la commission, que, compte tenu de votre expérience internationale, vous êtes prêts à participer, dans un comité de travail, à l'élaboration des plans de surveillance. Quand je vous écoutais, je me disais: Dans le fond, vous avez, si j'ai bien compris, en Europe, des contrats d'exclusivité avec les producteurs et vous avez mis en place un système d'audit pour gérer le risque.

Comment votre participation à un comité de travail, compte tenu que vous n'avez pas de contrat d'exclusivité de fourniture de lait, peut s'adapter à la méthode québécoise?

M. de Gramont (Stanislas): Ce n'est pas une condition. Notre volonté est d'assurer une meilleure traçabilité pour améliorer la sécurité alimentaire des consommateurs québécois. Il n'y a absolument aucune condition liée à une participation de Danone à ce type de travaux. Notre intérêt est de faire en sorte que la sécurité alimentaire des consommateurs québécois soit assurée. Nous pensons que ça passe par une meilleure traçabilité du lait et nous sommes prêts à collaborer pour améliorer la traçabilité du lait.

Mme L'Écuyer: Petite question très courte.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Rapidement, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que votre système d'audit, que vous avez en place en Europe, permet une traçabilité sans faille au niveau de ce qui se passe actuellement?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. de Gramont.

M. de Gramont (Stanislas): Merci, Mme la Présidente. Je serais très prétentieux de répondre oui. Ce que je peux garantir, c'est que, chaque fois que nous détectons une faille potentielle, nous y travaillons, nous la traitons. Mais c'est un peu comme le rocher de Sisyphe.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bonne réponse.

Mme L'Écuyer: Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je pense que ça traduit l'ensemble de la philosophie. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, Mme la Présidente. Bonjour et merci pour la présentation de votre mémoire. Je constatais, à la page 3, que vous êtes concentrés dans plusieurs secteurs d'activité: les produits laitiers, les boissons, les biscuits, etc. Je connais Danone parce que j'ai oeuvré dans le monde de l'eau de source, et c'était le compétiteur à l'époque, et je sais que maintenant ça fait partie tout d'une grande famille. Alors, j'aimerais vous amener un petit peu sur le domaine de l'eau de source. J'aimerais vous interroger. Est-ce que vous avez adopté les méthodes HACCP, le système de traçabilité dans le monde de l'eau de source au Québec, sur l'eau de source embouteillée, évidemment? Et est-ce que vous croyez que vos expériences pourraient contribuer à étendre ces méthodes aux autres embouteilleurs au Québec, les petits embouteilleurs, finalement, parce qu'il reste que c'est des petits embouteilleurs? Alors, est-ce que vous pensez que votre contribution pourrait facilement faire en sorte que les autres embouteilleurs pourraient adopter les méthodes similaires et faire en sorte qu'on ait une traçabilité fiable au niveau du domaine de l'eau de source, les méthodes HACCP utilisées généralement dans le monde de l'eau de source?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme la députée. M. de Gramont.

M. de Gramont (Stanislas): Je vais vous faire part de mon ignorance. Je suis président de la filiale Produits Laitiers Frais de Danone au Canada, je ne m'occupe pas de cette activité. Je peux vous répondre sur la méthode HACCP d'une manière générale dans l'industrie alimentaire. C'est une méthode de prévention des risques qui est un pilier majeur de la sécurité alimentaire, et je pense que l'ensemble des filières alimentaires devraient regarder la méthode HACCP comme un levier de progression et un outil d'amélioration de la sécurité alimentaire. Est-ce que c'est plus pertinent dans l'eau de source que dans les élevages laitiers? Je ne peux pas vous dire, je suis incompétent sur cette question-là.

Mme Charlebois: Je vous dirais que c'est aussi pertinent, à mon avis, là, mon avis personnel. On sait que, dans le monde de l'eau de source, il peut y avoir toutes sortes de choses qui peuvent arriver, là. Il y a des...

M. de Gramont (Stanislas): Bien, je ne connais pas ce domaine-là, ce métier-là, donc je ne peux pas vous répondre de manière qualifiée.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. de Gramont. Vous avez répondu à la question honnêtement. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. Alors, deux courtes questions. Une première question, j'aimerais ça que vous nous fassiez le parallèle entre votre système de sécurité, je vous dirais, maison, qui s'appelle Danone Qualité Sécurité, et la méthode HACCP, parce que vous nous proposez de l'introduire mais de façon adaptée. Alors, moi, ce que je décode, c'est que la méthode actuelle HACCP qu'on propose ne satisfait pas vos exigences. J'aimerais ça que vous me fassiez le parallèle entre les deux.

Puis ma deuxième question, ce serait: Pourquoi avoir été silencieux sur les OGM dans votre rapport?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. de Gramont, s'il vous plaît.

M. de Gramont (Stanislas): Je vous remercie. Je vais laisser M. Naquit répondre à la question sur... aux deux questions, d'ailleurs.

M. Naquit (Jorge): O.K.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Naquit.

M. Naquit (Jorge): Merci beaucoup. Si on fait un parallèle, la première question sur la méthode DQS, Danone Qualité Sécurité, et la méthode HACCP, je peux vous dire que c'est pareil, c'est à peu près la même chose. En fait, la méthode DQS en Europe est sortie un peu après les demandes de la Communauté européenne, mais on l'a enrichie un peu plus avec l'expérience de Danone dans les différents pays, dans les différents élevages. Et, si on fait le parallèle exactement, ce n'est pas exactement la même chose, mais les principes, ce sont les mêmes. Donc, c'est pareil.

Et la deuxième question c'était sur les OGM. En fait, si on prend la situation de Danone dans tous les pays au monde, les législations varient d'un pays à l'autre. Donc, ce qu'on fait, c'est s'adapter, selon les demandes de la loi, à chaque pays.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Alors, vous avez fini, M. le député de Portneuf?

M. Soucy: Oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. J'aimerais vous ramener à la question de la traçabilité. Il y a des groupes qui sont venus nous dire que la traçabilité, c'est un peu un maillon dans la chaîne, c'est un processus. Tout ce que ça dit, quand on dit que notre système de traçabilité est très bon, c'est une sorte de certification de processus, mais ça ne donne pas une garantie de la qualité des aliments, sachant que, en amont, notamment à la ferme et au niveau de l'alimentation, etc., il y a déjà des problèmes qui se posent.

Nous avons entendu les représentants de la Fédération de lait qui sont venus nous dire: On ne peut pas, nous, vous garantir que notre lait est sans OGM parce qu'on ne peut pas le retracer d'une manière ou d'une autre. Alors, à votre avis, vous qui êtes vraiment au coeur de la chaîne alimentaire, qu'est-ce qu'on doit faire pour réellement assurer un mécanisme sécuritaire de la ferme à la table, à partir de votre expérience de production, notamment de yogourt, etc.?

M. de Gramont (Stanislas): Merci, Mme la Présidente. Cette question, c'est une question de fond. Je l'ai dit, il n'y a pas de garantie absolue. Ce qui est important, c'est deux choses, à mon sens: d'une part, la transparence vis-à-vis des consommateurs et, d'autre part, le contrôle et la maîtrise de nos opérations autant que faire se peut. Il y a des maladies qui n'existent pas... qui ne sont pas connues aujourd'hui, qui un jour seront des épidémies. On a eu le SRAS l'année passée au Canada. Personne ne connaissait le SRAS. C'est devenu une épidémie mondiale. Donc, ce serait très prétentieux de dire qu'on peut avoir un contrôle et une maîtrise parfaits de l'ensemble de la chaîne. Par contre, je pense que ce qu'on peut s'engager à faire, c'est, au mieux de notre connaissance, au mieux de la connaissance de la science, au mieux de notre analyse de risques ou de risques potentiels sur chacun des maillons de la chaîne, s'assurer qu'on prend toutes les précautions possibles pour pouvoir rassurer le consommateur.

Puis la deuxième chose, c'est la transparence vis-à-vis du consommateur. Le consommateur sait que le lait est fait à partir d'une vache qui se nourrit. Le consommateur comprend la production des aliments. Les industriels, les ensembles des filières alimentaires doivent expliquer au consommateur ce qu'ils font pour assurer la meilleure traçabilité, donc la meilleure sécurité alimentaire. Je suis désolé de ne pas avoir de...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): De réponse plus précise.

M. de Gramont (Stanislas): Bien oui, parce que c'est difficile, et je pense que c'est l'objet de cette commission, de...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. C'est correct. M. le député d'Iberville.

n (10 h 20) n

M. Rioux: Dans votre document, en page 9, vous nous dites: «Nous sommes sûrs que nous pouvons collaborer à la mise en place du programme HACCP aux exploitations d'ici.» Est-ce que vous voyez que ce programme-là devrait toucher tout exploitant? Je pense aux fermes à dimension humaine, l'hôtellerie, les petits détaillants. Est-ce que tous ces gens-là devraient être touchés? Parce que, jusqu'ici, il y a beaucoup de groupes qui sont venus et nous ont dit: On n'a pas cette capacité financière d'adapter ça, et aussi ils croient à leurs systèmes internes qui donnent une alimentation sécuritaire et saine à l'ensemble de la population. Et ça, je voulais savoir: Est-ce que vous voyez ça dans une dimension que ça devrait être toute la chaîne alimentaire ou se limiter à la grande entreprise?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Une courte réponse, s'il vous plaît.

M. de Gramont (Stanislas): Merci, Mme la Présidente. Merci, M. le député. C'est difficile de répondre non à cette question. Encore une fois, qui dit sécurité alimentaire, qui dit traçabilité dit: En dessous de 100 %, le résultat équivaut à zéro. La question qu'on peut se poser ? et je suis prêt à réfléchir avec les intervenants des filières sur cette question-là ? c'est: Comment est-ce qu'on adapte, comment est-ce qu'on ajuste les contraintes de l'HACCP aux petites exploitations ou à des exploitations qui n'ont pas forcément les moyens de Danone ou autre pour l'implanter? Petite réflexion, quand même.

HACCP, qu'est-ce que c'est? La philosophie de l'HACCP, c'est: je dis ce que je vais faire, je fais ce que j'ai dit que j'allais faire, je contrôle que j'ai fait ce que j'avais dit. Il n'y a rien d'extrêmement coûteux potentiellement là-dedans. Ce qui peut être coûteux, c'est effectivement d'essayer d'adapter une HACCP d'une grosse société industrielle à une petite exploitation sans comprendre la philosophie d'HACCP. Mais, a priori, je ne vois pas de problème à adapter cette philosophie. Et, un dernier point, je pense que, au-delà de... On parle beaucoup des coûts des systèmes de qualité. Moi, je regarde les systèmes de qualité comme des éléments de préservation du patrimoine de l'exploitation.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Bien dit, M. de Gramont. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Votre exposé, de même que votre document, est extrêmement intéressant, et instructif, et intelligent, hein, n'est-ce pas, Mme la Présidente, qui s'intéresse beaucoup aux emballages intelligents?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: Moi, j'avoue que... Sauf que je comprends que cet emballage-là est très intelligent. Mais, pour le reste, quand il s'agit d'emballer des aliments, je ne sais pas qu'est-ce que ça veut dire, un emballage intelligent. Alors, j'aimerais, avant de commencer les vraies questions, que vous m'expliquiez un peu qu'est-ce que c'est, cette chose-là.

M. de Gramont (Stanislas): Mme la Présidente, vous voulez répondre à cette question?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y. Allez-y, M. de Gramont. C'est vous, l'expert.

M. de Gramont (Stanislas): M. Naquit, est-ce que je peux vous laisser répondre à cette question sur ce qu'est un emballage intelligent?

M. Naquit (Jorge): Bon, je vais essayer de répondre. En fait, un emballage intelligent, ça doit être un emballage qui offre la garantie pour le produit qu'il n'offre pas un problème éventuel de sécurité au consommateur qui va manger ce produit, qui est en train de le manger. Donc, on essaie d'établir c'est quoi, les conditions, sur les matières premières, sur la production de l'emballage, qui vont absolument garantir les conditions de sécurité pour le consommateur.

M. Dion: Merci beaucoup. Matière à réflexion.

Maintenant, à la page 13 de votre document, le dernier paragraphe est extrêmement intéressant, où vous affirmez l'importance que vous accordez à la perception publique par rapport aux OGM. Et vous terminez cependant en disant: «Dans ce contexte, nous ne pourrions pas acquiescer à une obligation d'étiquetage "garanti sans OGM".» Évidemment, on comprend votre raisonnement, c'est de dire: Si on ne contrôle pas la chaîne de production sans OGM, on ne peut pas affirmer que le produit fini est sans OGM. Je pense qu'on est bien d'accord là-dessus. Mais, de la même façon, vous auriez pu affirmer: Nous sommes tout à fait d'accord pour l'obligation étiquetage «garanti sans OGM», à la condition que la chaîne de production nous garantisse sans OGM. Pourquoi vous avez choisi la première affirmation plutôt que la deuxième?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. de Gramont.

M. de Gramont (Stanislas): Je laisse la parole à M. Naquit.

M. Naquit (Jorge): En fait, on part du principe que le consommateur a le droit de savoir ce qu'il mange. Étant donné la situation nord-américaine par rapport aux OGM et avec la situation qu'on vient de décrire sur la traçabilité, ce n'est pas garanti à 100 % qu'on peut dire: Un produit, c'est sans OGM. C'est ce qu'on a établi dans le mémoire. Avec les conditions de traçabilité actuelles, on ne peut pas garantir 100 % «OGM free», si on peut dire.

M. Dion: Donc, vous dites: Étiqueter sans OGM, que ce soit à la première phase de la production ou à la deuxième, c'est mensonger.

M. de Gramont (Stanislas): Le premier point... Excusez-moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y, allez-y.

M. de Gramont (Stanislas): Le premier point qui est important, c'est: notre produit, c'est du lait, des fruits. Donc, on n'est pas au coeur du débat sur les OGM. Je vais redire ce qu'a dit M. Naquit: c'est difficile aujourd'hui de garantir sans OGM, et le législateur doit décider s'il va aller dans la direction européenne, où on impose certaines normes d'étiquetage, ou il va aller dans la position actuelle nord-américaine. En tant que consommateur, cette fois-ci, et pas en tant que président de Danone, je pense que le débat est en train de se développer, et le débat public aujourd'hui n'a pas donné d'indication claire de la volonté du consommateur dans un sens ou dans un autre.

M. Dion: Donc, Danone n'a pas choisi la position d'être un leader dans ce domaine-là.

M. de Gramont (Stanislas): Non.

M. Dion: Je vous remercie.

Tout à l'heure, vous avez beaucoup insisté sur le fait que vous souhaiteriez beaucoup, au Québec en particulier, pouvoir inspecter les fermes vous-mêmes et avoir des contacts personnels avec les fermes. Actuellement, il semblerait que d'une part c'est le gouvernement qui fait l'inspection générale par rapport à la production des aliments et c'est la fédération qui s'assure des ententes avec vous. J'imagine que c'est à peu près ça, le système, si je comprends bien.

Est-ce qu'il n'y a pas un intérêt à pouvoir vous servir des services d'un organisme qui regroupe l'ensemble des producteurs pour vous permettre de toucher cette question-là dans son ensemble et n'avoir pas à y toucher ou à assurer la relation avec chacun des producteurs en particulier?

M. de Gramont (Stanislas): Merci, M. le député. C'est une possibilité. Nous, ce qu'on dit, c'est: on est prêts à aider, et on est prêts à aider dans le respect de l'organisation et des différents intervenants qui sont là aujourd'hui. On témoigne aujourd'hui d'une manière de faire et d'une manière d'aborder le problème qui nous a permis d'atteindre des résultats très significatifs en un peu plus de cinq ans. On met ce système à disposition. C'est à nos interlocuteurs de nous proposer une manière de contribuer, de collaborer avec eux.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. C'est sûr que le résultat est assez bon, si on considère le goût du yogourt, parce que j'aime beaucoup votre yogourt. Mais, quand même...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: ...quand même, à la page 10, vous parlez des systèmes d'inspection, vous avez déjà dit que vous souhaitiez une inspection plus régulière. Il reste que, actuellement, il y a déjà en place tout le processus de traçabilité qui est déjà là. Mais vous dites ? ça ne semble pas en tout cas vous satisfaire: «Des systèmes d'inspection devraient être mis en place pour vérifier l'application des différentes réglementations concernant principalement les éléments suivants: identification des animaux», et tout ça. Est-ce que ce n'est pas déjà en place, cet aspect-là?

M. de Gramont (Stanislas): Ce n'est pas ce que nous comprenons. Ce que je comprends... ce que nous avons compris, et je pense que ça a été relevé par la Fédération des producteurs laitiers du Québec hier, c'est que les inspections ne sont pas régulières, ne sont pas systématiques et sont plus faites dans des cas de problèmes de qualité. Donc, c'est notre compréhension. Si c'est le cas, nous pensons qu'une inspection doit être systématique pour garantir une certaine équité et un contrôle sur l'ensemble des contribuants à la filière. Si c'est le cas, nous retirons ce commentaire.

M. Dion: Évidemment, vous parlez d'une inspection moins... vous vous êtes référés tout à l'heure à une inspection bisannuelle, quelque chose comme ça, mais vous avez aussi affirmé que certaines maladies apparaissent de façon inopinée, hein? Elles peuvent apparaître... un problème accidentel, parce qu'il s'agit de prévenir les accidents. Un accident n'avertit pas généralement à l'avance qu'il va arriver. Il peut se produire trois semaines, un mois après l'inspection, donc au tout début de la... tout de suite après l'inspection.

Est-ce que la méthode HACCP, qui, elle, essaie de prévenir les accidents, n'est pas plus sécuritaire, de prendre cette orientation-là, que l'orientation des inspections périodiques? Parce que j'ai de la difficulté à voir comment une inspection périodique prévient vraiment. Vous avez sans doute des détails à nous communiquer pour nous démontrer que c'est vraiment là qu'est la solution.

M. de Gramont (Stanislas): Merci, M. le député. La méthode HACCP elle-même comporte des inspections et des audits. Ça peut être des audits autoadministrés, ça peut être des audits administrés par des personnes extérieures. Je crois que ce qui est important, c'est de s'assurer que l'ensemble des intervenants connaissent les règles, les appliquent, les respectent, et l'autorité s'assure que les règles sont respectées. Au-delà de ça, la fréquence des inspections n'est pas une garantie. Effectivement, si vous en faites deux par an et que le problème se produit le lendemain de l'inspection, il vous reste six mois jusqu'à la prochaine inspection. C'est pour ça que le système d'EQS comporte, dans son quatrième volet, la transparence. Il est important qu'un acteur de la chaîne alimentaire... qu'un acteur de la chaîne de transformation des aliments lève la main et le signale, quand il a un problème, parce que personne ne peut être derrière chaque vache, chaque camion, chaque veau, chaque botte de foin pour dire si ça va poser un problème ou pas. La transparence et la capacité de dialogue entre les différents intervenants, c'est une dimension clé de la même manière que, dans une usine, si un opérateur voit un problème sur la ligne, il faut qu'il lève la main.

n (10 h 30) n

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Dion: Merci beaucoup. Je vous remercie. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. le député. Merci, M. de Gramont, pour votre mémoire, votre présentation. M. Niquit, M. Barsalou, vous nous avez réellement instruits. Vous avez délicatement parlé des opportunités d'amélioration de notre système d'inspection des aliments. Je note, à la page 6 et 7 de votre mémoire, qu'il y a des améliorations à corriger et les faiblesses que nous avons. Merci beaucoup d'être venus. Merci pour votre contribution.

J'invite le groupe Les AmiEs de la Terre du Québec et Les AmiEs de la Terre de l'Estrie à se présenter devant la commission.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, j'invite M. Patrick Bacon, des AmiEs de la Terre de Québec, à nous présenter les membres de votre groupe qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et 20 minutes pour l'échange avec chaque groupe parlementaire. Vous avez la parole.

Les AmiEs de la Terre de Québec
et Les AmiEs de la Terre de l'Estrie

M. Bacon (Patrick): Bonjour, Mme la Présidente. C'est Anne-Marie qui va faire la présentation. C'est ce que nous avions prévu.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Anne-Marie Turmel?

Mme Turmel (Anne-Marie): Oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y, madame. Vous allez devoir présenter vos collègues, par exemple.

Mme Turmel (Anne-Marie): Oui. Alors, bonjour, Mme la Présidente et les députés. Bien, nous voulons tout d'abord vous remercier de nous avoir invités à présenter notre vision des choses sur la sécurité alimentaire et de nous accueillir aujourd'hui. Nous sommes trois personnes des AmiEs de la Terre de Québec: il y a Patrick Bacon, ici, Martin Breton, juste à côté, et moi-même, Anne-Marie Turmel, des AmiEs de la Terre de Québec.

Donc, Les AmiEs de la Terre de Québec, c'est un groupe communautaire d'écologie sociale qui est pacifiste... Oui?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous pourriez, s'il vous plaît, attendre qu'on présente les gens qui vous accompagnent?

Mme Turmel (Anne-Marie): Oui, oui, oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Parce qu'on a regroupé deux groupes. Les gens de l'Estrie, s'il vous plaît, voulez-vous vous présenter?

M. Nault (André): André Nault, Les AmiEs de la Terre de l'Estrie.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. S'il vous plaît.

M. Nault (André): Et Michel Bégin, des AmiEs de la Terre de l'Estrie aussi.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci.

Mme Turmel (Anne-Marie): Excusez-moi. Donc, voilà. Ce que je disais, c'est que Les AmiEs de la Terre de Québec, c'est un groupe communautaire d'écologie sociale, pacifiste, qui existe depuis maintenant 25 ans. Il s'agit d'un organisme de base de Québec qui compte au-dessus de 350 membres.

Aux AmiEs de la Terre de Québec, nous, nous fonctionnons par des comités de citoyens et citoyennes de manière démocratique. Les comités sont formés selon les différentes thématiques, tels l'eau, la forêt, la santé, les OGM, l'éthique, l'énergie et la promotion des alternatives viables et écologiques. Ils sont composés, comme je le disais tout à l'heure, de citoyens et citoyennes qui sont soucieux de l'état de santé de notre environnement. Ces bénévoles actifs, qu'on appelle aussi militants, militantes, s'impliquent parce qu'ils ont des convictions profondes et un désir d'être des acteurs actifs dans la transformation d'une société qui soit plus écologique.

Donc, le mémoire que nous allons présenter aujourd'hui a été rédigé par le Comité écologie, environnement et santé. C'est un comité qui se prononce contre les OGM et pour une agriculture écologique.

Les raisons pour lesquelles nous nous positionnons contre les OGM, sont que ceux-ci présentent de nombreux risques environnementaux et des risques potentiels sur la santé humaine, soulèvent également plusieurs enjeux socioéconomiques et éthiques qui sont loin d'être négligeables. Pour nous, lorsque nous abordons la notions de la sécurité alimentaire, nous le faisons dans une approche qui est holistique, qui ne s'arrête pas simplement aux considérations d'ordre sanitaire et de qualité des aliments. Il s'agit pour nous d'analyser la sécurité alimentaire dans une perspective à long terme, en considérant des éléments essentiels tels que la diversité biologique, l'accès équitable à tous et toutes à des aliments de qualité et l'avancement vers une plus grande souveraineté alimentaire qui est selon nous garante d'une meilleure sécurité alimentaire.

Donc, nous allons vous présenter les différentes raisons qui font en sorte que nous nous positionnons contre les OGM, et nous croyons avec conviction que ces éléments-là devraient être au coeur du débat sur la sécurité alimentaire.

Premièrement, nous somme d'avis qu'il est primordial de mettre en oeuvre le plus rapidement possible le principe de précaution. Cette approche-là consiste à imposer des mesures de restriction visant à prévenir la réalisation d'un risque potentiel identifié lorsque nous nous retrouvons dans une situation où il n'y a pas de certitude ou de consensus scientifique quant aux conséquences de l'utilisation d'un nouveau produit. Tel est le cas, là, présentement, aujourd'hui, avec les OGM, puis on peut dire que nous naviguons carrément dans l'incertitude.

Actuellement, l'équivalence substantielle, qui est la méthode utilisée pour évaluer un nouvel OGM... c'est la méthode utilisée, pardon, pour évaluer un nouvel OGM, puis, selon plusieurs spécialistes tels que le Groupe d'experts sur l'avenir de la biotechnologie, de la Société royale du Canada, ainsi que l'Association des biologistes du Québec, cette méthode-là est tout à fait inappropriée, donc.

De plus, nous constatons qu'il y a un manque flagrant de transparence associé à l'introduction massive de cultures et d'animaux transgéniques. En effet, dans le processus d'homologation d'un nouvel OGM, tout nous laisse croire que les secrets commerciaux prévalent sur le droit du public à l'accès à l'information. Il n'est pas possible pour nous de connaître, par exemple, les éléments des ententes entre les compagnies biotechnologiques et les différents gouvernements ni les endroits où se trouvent les champs d'essai qui ont lieu, là, en plein air, comme ça, ouvertement.

Notons aussi qu'il n'existe pratiquement aucune étude indépendante sur les risques sanitaires, environnementaux et sociaux des OGM à long terme, d'autant plus que les tests qui conduisent à l'homologation sont effectués souvent par les compagnies qui produisent les OGM. Donc, on peut dire qu'il y a quand même aussi un manque flagrant de neutralité dans ce dossier-là.

Nous croyons également que les consommateurs ont le droit de savoir ce qu'ils mangent. Ils ont le droit de savoir l'information qui les conduit à faire un choix qui est éclairé. On peut aujourd'hui constater que l'étiquetage volontaire s'avère être un échec, hein, puis c'est loin d'être une méthode qui respecte les consommateurs. Donc, nous, nous recommandons un système d'étiquetage qui soit obligatoire des OGM puis on pense aussi qu'il est essentiel qu'il y ait un système de traçabilité qui soit instauré pour retracer la provenance des aliments en cas de crise.

De plus, nous remarquons qu'il y a de plus en plus d'agriculteurs qui s'interrogent sur les bénéfices réels des semences transgéniques, aussi sur la véracité de l'information qui leur est divulguée. Il est désormais évident que l'agro-industrie est la principale bénéficiaire de cette technologie. De plus, un retour en arrière pourrait être impossible si les risques appréhendés devaient s'avérer fondés et entraîner une perte de choix pour les agriculteurs et les éleveurs. C'est ce qui se produit avec le canola actuellement, où est-ce qu'il n'existe pratiquement plus de l'autre semence sans trace d'OGM.

Les risques environnementaux reliés à l'utilisation des OGM en agriculture sont notamment la pollution génétique, la contamination des cultures biologiques, la perte de la biodiversité et l'appauvrissement des réseaux génétiques, l'apparition de résistance chez les espèces nuisibles, la pollution de l'eau et une utilisation accrue des pesticides. Malgré ces risques-là, il n'y a encore aucune norme environnementale, là, qui régit l'utilisation des OGM. Quant aux risques pour la santé, il sont encore très peu connus. Comme je le disais tout à l'heure, il n'y a pas d'études qui ont eu lieu à court, moyen ou long terme sur les impacts des OGM sur la santé. Les risques appréhendés sont notamment la résistance aux antibiotiques et les risques d'allergie.

n (10 h 40) n

La meilleure comparaison, dans cette situation-là, qu'on pourrait faire, c'est l'utilisation des farines carnées, par exemple. Tant qu'on n'avait pas la preuve de leur danger sur la santé humaine, bien elles ont été utilisées, puis aujourd'hui on constate qu'il y a probablement un lien à faire entre l'utilisation des farines carnées puis la vache folle. Donc, c'est pour ça que, nous autres, on croit qu'il est primordial de mettre de l'avant le principe de précaution.

Puis, bien, enfin, il existe de nombreux risques socioéconomiques et éthiques reliés aux OGM. Les semences ont toujours été des produits issus de la nature et du savoir des paysans. Mais, plus le temps avance, plus ce sont des objets qui sont créés par des laboratoires. Puis notre inquiétude à cet effet-là réside dans le fait que les semences sont maintenant brevetées puis elles appartiennent à quelques compagnies biotechnologiques qui exproprient l'humanité d'un bien commun. Ces compagnies-là sont littéralement en train de privatiser le garde-manger mondial.

Dans le brevetage des semences, nous observons un véritable retour aux relations de servage ? ça, on pourra en parler un peu plus tard. Le meilleur exemple qu'on ne peut pas citer à ce sujet-là, c'est sans doute l'exemple de M. Percy Schmeiser, en Saskatchewan. Donc, en fait, pour nous, aux AmiEs de la Terre de Québec, la question à se poser, c'est de savoir à qui profitent réellement les OGM. Oui?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Sur cette question fort intéressante, Mme Turmel, est-ce que vous avez prévu laisser peut-être un cinq minutes pour les gens de l'Estrie?

Mme Turmel (Anne-Marie): Oui. J'ai dépassé le temps?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous y arrivez.

Mme Turmel (Anne-Marie): J'arrive? O.K.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous indique peut-être de laisser cinq minutes pour... parce que vous êtes deux groupes en même temps.

Mme Turmel (Anne-Marie): Oui, oui. O.K.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, madame.

Mme Turmel (Anne-Marie): Je vais me dépêcher. Donc, suite à ces considérations-là, nous, on a demandé plusieurs choses au gouvernement. Je ne vais pas toutes les énumérer parce que vous les avez dans notre dossier. Entre autres, on avait l'étiquetage obligatoire pour les OGM puis un système de traçabilité qui soit fiable. On avait aussi d'imposer un moratoire interdisant toute nouvelle plante transgénique ou animaux transgéniques tant et aussi longtemps qu'il n'y avait pas des études qui soient faites à long terme qui prouvent leur innocuité sur la santé puis qui prouvent qu'il n'y a pas de risque pour l'environnement ? donc, c'est ça ? de faire des études aussi d'impact environnemental et social sur l'introduction des plantes, des animaux transgéniques dans les écosystèmes. Puis il y a d'autres points, là, mais on pourra y revenir plus tard. Je vais laisser la parole à M. André Nault, des AmiEs de la Terre de l'Estrie.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Nault (André): Deux petits paragraphes. Le 11 décembre 2003, ma petite-fille, Marie-Soleil, goûtait pour la première fois, à l'âge de six mois, au lait maternisé. Des réactions s'ensuivirent. Une visite à l'urgence à l'hôpital Montréal Children's Hospital s'imposa. En quelques minutes, quatre médecins entouraient Marie-Soleil, et le verdict ne tardait pas à se faire: allergie au lait. Les médecins dirent donc: Vous avez été chanceux ? en s'adressant à mon fils ? votre fille a enflé de l'extérieur plutôt que de l'intérieur.

Les pédiatres vous le confirmeront, la présence des allergies au lait est en nette augmentation, ainsi que d'autres déficiences du système immunitaire chez l'enfant. L'enfant serait-il devenu le canari de la mine qui, par sa mort, sauvait la vie des mineurs? Au lieu de crier «sauvons-nous», il semble qu'on est en train de former un comité afin d'analyser et de décider la raison de la mort du canari.

Je tiens à féliciter les membres de cette commission de s'être penchés sur la salubrité de nos aliments et, j'ajouterais aussi, leur innocuité.

Avant de répondre à certaines de vos questions, permettez-moi de faire un retour en arrière, soit en 1986, année où l'on commençait à réglementer la biotechnologie. Monsanto rencontra le vice-président des États-Unis à l'époque, M. George Bush père, afin de l'inciter à réglementer l'industrie. Étant dans un processus de déréglementation à l'intérieur du gouvernement, la demande, à prime abord, ne fut pas bien reçue. Mais, quand l'industrie des biotechnologies, Monsanto en tête, signifia que les règlements étaient déjà prêts et que seulement une approbation de la FDA suffirait, M. Bush accepta. C'est le coeur de la science des biotechnologies.

L'argumentation américaine concernant les OGM en est une dite scientifique, mais nous allons voir que ce n'est pas nécessairement bien fondé. Elle est supplantée par des intérêts corporatifs. Par intérêt, des promoteurs des OGM nous donnent l'impression que les bénéfices des OGM sont et doivent être fondés sur des preuves scientifiques plutôt que sur la volonté populaire. En fait, lorsqu'on y regarde de près, la science dont il est question dans les cas des OGM n'est pas vraiment scientifique parce qu'elle est limitée et orientée par des pressions commerciales. Le support que nos gouvernements ont donné aux promoteurs d'OGM semble basé sur l'idée que l'alimentation devrait être considérée d'abord comme un objet commercial, ensuite comme un objet scientifique et seulement en troisième lieu comme une question de société, de santé, et de culture, et de choix personnel. Visiblement, la culture des OGM pose de graves questions de société et de santé qui ont été sacrifiées pour des intérêts strictement commerciaux.

J'aimerais attirer votre attention sur deux nouvelles choses qui viennent... trois nouvelles situations qu'on vient de vivre ou qu'on vivra prochainement ici, au Canada, et je parlerais de l'irradiation de la viande hachée et du poulet, l'avance, dans la chaîne alimentaire, des animaux clonés et le problème de la vache folle.

Selon l'ALENA, nous avons l'obligation de s'harmoniser aux réglementations américaines. Cette obligation est très inquiétante et alarmante. Aux États-Unis, on a accepté l'irradiation de la viande hachée et du poulet pour se débarrasser des bactéries à risque, et aucune étude ne démontre l'innocuité de la méthode de l'irradiation. Beaucoup d'études indépendantes démontrent que l'irradiation des aliments présente des aspects dangereux pour la santé, mais les législateurs n'ont retenu que des études faites par les auteurs liés à l'industrie atomique, ceux-ci faisant allusion qu'il est prématuré de s'inquiéter sur les effets négatifs de l'irradiation sur la santé humaine. Souvent, les résultats sont résumés de manière inexacte et avec toujours le même biais, à savoir favoriser les nouvelles technologies.

Le deuxième point: les animaux clonés. Déjà, on peut voir la position de la FDA américaine qui considère l'équivalence substantielle des animaux clonés avec les animaux ordinaires. Donc, si c'est équivalent, pas nécessaire d'avoir d'études et d'étiquetage. Aucun sens du principe de précaution. La filière alimentaire américaine et canadienne est menée par l'industrie, qui souhaite une harmonisation mondiale de la réglementation alimentaire. Moins on a à se soucier de la santé des consommateurs, plus les profits de l'industrie augmentent.

Question de la vache folle. Les méthodes d'élevage des animaux ne sont pas très différentes chez nos voisins du Sud et nous, Canadiens. Nous avons les mêmes systèmes d'élevage, les mêmes hormones de croissance, les mêmes antibiotiques ainsi que les mêmes moulées. Où est donc la différence? On a trouvé une vache folle au Canada et une aux États-Unis qui provenait du Canada. Permettez-moi de douter de la preuve de l'existence d'un si petit nombre de vaches atteintes aux États-Unis, vu la similitude de nos méthodes d'élevage, d'autant plus qu'ils exercent moins de contrôles que nous ne pouvons en exercer. Je m'inquiète aussi des suites de cette crise.

Je vais m'arrêter parce que je veux qu'on échange un peu.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Très bien. Est-ce que vous voulez conclure, Mme Turmel, s'il vous plaît, sur votre présentation?

Mme Turmel (Anne-Marie): Oui. Bien, en fait, ce que j'étais en train de faire, c'est d'énumérer nos demandes au gouvernement.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Il vous reste à peu près sept minutes pour compléter.

Mme Turmel (Anne-Marie): O.K. Bien, comme je l'avais dit tout à l'heure, nous, on demande d'imposer un moratoire interdisant l'introduction de toute nouvelle plante ou tout nouvel animal transgénique en fonction du principe de précaution. Donc, on demande aussi de fonctionner en fonction du principe de précaution, d'adopter ce principe-là.

Aussi, bien, on a dit d'instaurer un système de traçabilité pour tous les animaux et plantes transgéniques ainsi que d'imposer l'étiquetage obligatoire des OGM. Je pense que c'est quelque chose qui a été demandé par plusieurs groupes ici puis que c'est un élément qui est assez considérable, là, compte tenu de l'incertitude qui tourne autour des OGM.

Ensuite, on avait demandé aussi... on demande au gouvernement du Québec de faire pression sur le gouvernement fédéral afin de corriger les lacunes liées au manque de recherches indépendantes, à l'évaluation des risques, jugée inadéquate, et à l'absence de transparence. Par là on parle de tout ce qui entoure Santé Canada, l'équivalence substantielle qui est utilisée, là, pour accepter ou non un nouvel OGM, ainsi que l'Agence canadienne d'inspection des aliments, où est-ce qu'on considère, là, que... on a remarqué qu'il y avait un manque de transparence assez flagrant à ce niveau-là.

Ensuite, on demande aussi au gouvernement du Québec de légiférer en matière de responsabilité face au risque. Selon nous, les concepteurs d'OGM devraient être les premiers responsables en cas de dommages potentiels sur la santé et l'environnement. La charge devrait être faite aux frais des compagnies et non pas aux frais des contribuables.

Aussi, on demande de promouvoir et financer des alternatives agroalimentaires sécuritaires en privilégiant une agriculture écologique comme l'agriculture biologique.

Puis, on demande aussi au gouvernement de faire pression sur le gouvernement fédéral afin qu'il ratifie le Protocole de Carthagène dont le gouvernement du Québec a appuyé, là, dernièrement... Voilà.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, Mme Turmel, merci beaucoup. Merci aux représentants des AmiEs de la Terre de l'Estrie. J'ai une demande spéciale de mon collègue de Nicolet-Yamaska qui doit s'absenter pour quelques minutes. Alors, il demande à prendre la parole le premier. Allez-y, M. le député.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Merci de votre collaboration, chers collègues aussi.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ça fait plaisir.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Madame, messieurs, bonjour. Bienvenue devant la commission. J'ai beaucoup apprécié votre présentation et j'ai regardé en premier, comme un historien que je suis, votre bibliographie, qui est riche et très bien... Finalement, bon, c'était une belle présentation.

n (10 h 50) n

J'y vais tout de suite avec une des dernières pages où vous demandez la ratification du Protocole de Carthagène par le Canada. J'aimerais, pour le bénéfice de ceux et celles qui nous écoutent, que vous nous définissiez en gros c'est quoi, le Protocole de Carthagène, et en quoi, nous, au Québec, ici, ça pourrait nous être bénéfique.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Donc, Mme Turmel, vous pouvez mandater quelqu'un de votre groupe à répondre à la question.

Mme Turmel (Anne-Marie): O.K. Bien, moi, je peux répondre à quelques... commencer par ça puis peut-être inviter les gens à rajouter... s'ils veulent bien.

Donc, le Protocole de Carthagène, ça se trouve en fait à être un protocole international pour, en fait... qui vient ? comment dire? ? appuyer le principe de précaution. En fait, c'est de permettre aux États qui sont signataires, qui l'adoptent, de pouvoir empêcher l'importation dans leur pays de plantes transgéniques, en fin de compte. C'est comme une façon de se protéger au niveau du pays. Donc, le Protocole de Carthagène, je ne sais pas si tu peux rajouter un peu plus d'éléments à ce niveau-là, comme tu disais tout à l'heure.

M. Bacon (Patrick): Bien, essentiellement, c'est ça, ça concerne l'importation de variétés de plantes transgéniques dans un pays donné, comme Anne-Marie, elle disait. Mais, contrairement à l'Organisation mondiale du commerce, le Protocole de Carthagène a très peu de pouvoirs au niveau décisionnel, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un tribunal international qui pourrait forcer un État à... forcer un État, genre, à accepter la décision que le protocole prendrait dans le cas d'un litige entre deux États au sujet de l'importation d'un produit alimentaire.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup pour la réponse. M. le député.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais vous ne trouvez pas que c'est un peu un voeu pieu? Parce que ceux et celles qui vous ont précédés depuis une semaine ici... beaucoup nous ont dit que, au niveau des OGM, entre autres, des plantes transgéniques ou modifiées génétiquement, il y en avait partout, on était presque inondés. Donc, comment pourrait-on faire pour arrêter cette transmission-là ou ce progrès-là, entre guillemets, s'il y a progrès, dans une future entente de ZLEA, entre autres, la zone du libre-échange?

M. Bacon (Patrick): Bien, juridiquement...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous identifier?

M. Bacon (Patrick): Oui. Patrick Bacon.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Bacon (Patrick): Juridiquement, lorsqu'il y a deux ententes internationales qui entrent en conflit, l'instance juridique qui va avoir réglé le conflit va définir quelle entente a préséance sur l'autre. Au niveau commercial, si on tient compte de la ZLEA, pour que le Protocole de Carthagène soit applicable, c'est-à-dire qu'il ait force de loi, il faudrait qu'il y ait une clause dans la ZLEA qui permette, qui définisse, dans le cas d'un litige, que... Concernant l'importation de semences transgéniques, il faudrait que la ZLEA spécifie que, dans le cas d'un litige entre deux États membres de la ZLEA, c'est le Protocole de Carthagène qui va avoir préséance sur les règles commerciales qui sont incluses dans la ZLEA. Donc, si, dans l'accord-cadre sur la ZLEA, il n'y a pas une norme environnementale qui prévoit la préséance du Protocole de Carthagène, le Protocole de Carthagène n'a aucun pouvoir au plan juridique.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup, M. le député. Alors, à mon tour, je voudrais vous saluer et saluer en tout cas votre détermination à venir partager avec nous votre réflexion, vos orientations, vos recommandations. Je salue également les gens de l'Estrie qui ont été parmi les premiers à manifester leur intérêt à la commission pour être là, M. Nault. Et j'ai été très touchée par votre commentaire quand vous avez parlé de votre petite-fille.

Maintenant, vous nous demandez, entre autres recommandations, Mme Turmel, de légiférer en matière de responsabilité face aux risques. On parle, ici, entre autres, des risques liés aux OGM. Moi, j'ai appris, comme législatrice, qu'on a recours à la législation lorsqu'on veut régler un problème d'ordre général dont les impacts sont connus, dont on connaît en fin de compte la nature de la problématique, et la législation vient apporter une solution. Légiférer en matière de responsabilité face à des risques qu'on ne connaît pas...

Parce que, actuellement, dans l'état actuel de la recherche scientifique, nous avons des avis très partagés concernant les impacts des OGM sur la santé. Ce n'est pas qu'il n'y a pas des points de vue, ils sont là. Mais la difficulté, c'est de prouver scientifiquement que tel et tel effet découle directement des OGM. Alors, vous nous interpellez, comme parlementaires, pour nous dire: Légiférez sur la responsabilité d'un risque qu'on ne connaît pas. Comment est-ce qu'on peut faire ça?

Mme Turmel (Anne-Marie): Bien, justement, je pense que vous avez un élément de la réponse dans ce que vous venez juste de dire, c'est-à-dire que, les risques, on ne les connaît pas. Donc, d'abord et avant tout, je pense que ce qu'il est important de faire, c'est d'effectuer les études d'impact environnemental et sur la santé humaine des OGM. Parce que, là, comme on le disait tout à l'heure, on navigue un peu dans l'inconnu, il y a des choses qui sont dites des deux côtés, mais on ne le sait pas, puis les OGM, je veux dire, sont quand même tout partout autour de nous: on en a dans nos assiettes, on en a dans nos champs. Donc, je pense que ce point-là...

Ce qu'on voulait, en fait, dire, c'est que, advenant... C'est en fait de considérer le fait que, s'il advient un litige ou quoi que ce soit par rapport à ça, ce ne soient pas les consommateurs qui soient pris pour payer, en fin de compte, que ce ne soient pas en fin de compte les compagnies biotechnologiques, qui ont tous les gains de la recherche... En fait, c'est, comme je pourrais dire, une privatisation des gains puis une collectivisation des coûts. Pour nous, ça, c'est un peu... Je veux dire, ce ne serait pas à nous, comme citoyens et citoyennes, de payer et d'avoir à payer en cas de crise ou en cas de... c'est ça, en cas de risque sur la santé humaine et sur l'environnement.

Par rapport à ça, je sais qu'il y a l'ACEF de Québec qui avait amené une proposition de modification au Code civil, là. Moi, je ne suis pas avocate, rien, donc je ne peux pas vraiment... Je sais que ça, ça a été, bon, un truc qui a été amené. Ça peut être quelque chose dans ce genre-là. Nous, en fait, ce qu'on disait par là, c'est juste qu'on manifeste notre inquiétude par rapport à ça, par rapport au fait que ce soient les citoyens et citoyennes qui aient à payer les frais d'une éventuelle crise, parce que, tu sais, ça peut arriver, là, étant donné qu'on ne connaît aucunement les risques qu'il peut y avoir à long terme. Donc, c'était dans ce sens-là. Je ne sais pas si je réponds bien à la question.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous donnez votre point de vue. Peut-être, M. Nault, que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Nault (André): Si vous me permettez un point au niveau du législateur, où le législateur pourrait avoir un impact, c'est au niveau de la vérification des études qui sont données par rapport à l'évaluation des OGM. On nous cache actuellement un paquet de choses qu'on ne veut pas donner, par secret industriel, alors que ces mêmes compagnies vont mettre un produit pharmaceutique sur le marché et elles vont se fendre en quatre pour donner ces études-là à tout le monde qui veulent en avoir ? aux médecins, à tout le monde ? pour qu'ils puissent effectivement évaluer correctement les bienfaits de la médication, alors que, dans les OGM, ce n'est pas ça qu'on vit. Alors, le législateur pourrait définitivement avoir un impact sur l'évaluation correcte des présentés scientifiques.

n (11 heures) n

La seule présentation scientifique qui a eu à être corrigée, ça été lors de la somatotrophine bovine qui a été présentée à Ottawa, et les scientifiques canadiens ont rejeté les normes scientifiques américaines, et on ne s'est pas inquiété du tout par la suite concernant les OGM. Ceci est aberrant, et le législateur pourrait définitivement intervenir là-dedans.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie beaucoup, M. Nault, pour le complément d'information. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Ma question s'adresse à M. Nault. Dans le mémoire que vous avez présenté au nom des AmiEs de la Terre de l'Estrie, vous parlez des équivalences substantielles, que le principe des équivalences a été accepté sans qu'il y ait eu les tests nécessaires. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu qu'est-ce que vous entendez par équivalences substantielles?

M. Nault (André): En 1986, lorsque Monsanto s'est présenté pour la réglementation des aliments OGM, il a présenté le principe d'équivalence substantielle. Donc, si ça ressemble à une patate, il y a des éléments chimiques comparables dans une patate, donc c'est équivalent substantiellement. Donc, on n'a pas d'étude à faire. Et on n'a pas regardé les différences. Ce qui m'inquiète, ce n'est pas les ressemblances, ce sont les différences, et on n'a pas, aucunement, évalué les différences. Donc, en prenant un maïs qui produit un insecticide, on a évalué le maïs comme maïs, mais on ne l'a pas évalué comme insecticide, alors que les études exigées pour présenter un insecticide sont beaucoup plus grandes qu'on va demander pour un OGM. O.K.?

L'Agence canadienne d'inspection des aliments reçoit la demande, et on a une équivalence substantielle. Donc, oh! je n'ai pas à évaluer tellement plus profondément qu'est-ce que c'en est. Mais, si le maïs produit un insecticide, je ne peux plus le laver, il est dedans. Donc, est-ce que dans mon équivalence substantielle...

J'ai mon maïs ordinaire, j'ai mon maïs Bt qui produit un insecticide. Est-ce que, pour moi qui ai une maladie du système immunitaire, puis qui ai rongé mes reins, puis qui suis obligé de me dialyser, il y a une équivalence substantielle? Non, il n'y a pas une équivalence substantielle. Et le législateur, à ce moment-là, aurait un rôle à jouer sur cette équivalence substantielle là. On a joué avec les mots pour ne pas faire d'études plus approfondies et on a embarqué sur cette science qu'on pense absolue et qui n'est, pour moi, définitivement pas absolue.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Nault. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie pour votre présentation très intéressante. Évidemment, vous illustrez bien toute cette espèce de crainte lancinante, là, au sujet de quelque chose qu'on connaît mal et qu'on voit se répandre, et on ne sait pas quelles seront les conséquences. Et je comprends très bien vos craintes, et il m'arrive de les partager, d'ailleurs. Mais j'ai quand même une difficulté avec votre première demande. Vous demandez d'imposer un moratoire interdisant l'introduction de tout nouvel animal ou toute nouvelle plante transgénique en fonction du principe de précaution. À première vue, ça semble bien logique. Cependant, j'ai connu, à un moment donné, l'existence d'un élevage d'animaux qui produisent un lait particulier. L'animal est modifié génétiquement. Le lait qui est produit peut être pris par un enfant qui est allergique au lait ordinaire. Il ne peut pas prendre un lait ordinaire, mais il peut prendre ce genre de lait là qui semblerait être supérieur à tout lait fabriqué artificiellement. Bon. Alors, évidemment, toutes ces choses-là peuvent être vérifiées. Mais, si, admettons ? il est possible théoriquement ? on arrivait à la conclusion, par exemple, que tel produit carné ou végétal permet d'enrayer tel type de cancer, par exemple, mais on ne peut pas l'importer parce qu'il y a un moratoire... Pourquoi vous avez choisi le moratoire plutôt que de recommander un encadrement strict de la recherche, et de l'importation, et de tout ça dans ce domaine-là? Pourquoi vous avez choisi le moratoire?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Turmel?

Mme Turmel (Anne-Marie): Bien, nous, comme il est écrit, on a choisi le moratoire à partir du principe de précaution, ce qui veut dire... Si vous me permettez, je vais juste lire un petit... La définition du «principe de précaution», c'est: «En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement.» Donc, à partir de ce moment-là, c'est pour ça... nous, on demande, à partir de ce principe-là, c'est-à-dire, un moratoire parce que, comme je le disais tout à l'heure, on ne connaît pas les risques. Puis, même par rapport à ce que vous dites, l'exemple du lait enrichi, ou du lait à valeur ajoutée, ou du lait transgénique, bref on ne sait pas ce que ça peut faire à long terme non plus. Peut-être qu'à court terme ça peut avoir, oui, des effets bénéfiques, mais, à long terme, est-ce qu'on le sait? Parce que, je veux dire, il n'y a pas d'étude qui prouve leur innocuité à long terme, même à moyen terme. J'entends que c'est tellement une science qui est récente qu'on ne peut pas le savoir. Donc, l'idée du moratoire, c'est de se dire: Bien, tant et aussi longtemps qu'on n'est pas certain, parce qu'on veut que le monde ici soit en santé puis on ne veut pas non plus laisser se dégrader l'environnement, bien on va attendre, on va faire nos études. Puis, tu sais, ce serait...

En fait, ce qui se passe présentement, c'est que, jusqu'à preuve... Tu sais, c'est: jusqu'à preuve du contraire, jusqu'à ce qu'on se rende compte que ça peut être nocif, on laisse ça aller, tandis qu'il me semble que... En tout cas, à mon idée à moi, ça devrait être l'inverse, là. C'est: on devrait prouver que c'est fiable pour la santé, que ce n'est pas risqué pour l'environnement, qu'il n'y en a pas, de problème, et là, O.K., c'est bon, tu sais. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire, là?

M. Nault (André): Et, si vous me permettez...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, M. Nault. Vous voulez ajouter quelque chose? Allez-y.

M. Nault (André): Merci, Mme la Présidente. Si vous permettez une correction, c'est qu'il y a beaucoup de voeux pieux dans les allégations des biotechnologies. Le Golden Rice, par exemple, il faut que la personne en mange environ deux kilos par jour. Mais, si la personne en mange deux kilos par jour, elle n'est pas en état de détresse au niveau de la faim. Donc, pour avoir sa concentration de vitamine A dans le Golden Rice, elle est obligée d'en manger une quantité phénoménale, O.K.? On pourrait juste lui fournir un petit peu de carottes pour avoir sa quantité de vitamine A puis on pourrait avoir un correctif, à ce moment-là, qui serait beaucoup moins dispendieux et beaucoup plus autonome. Alors, c'est quoi qu'on veut: asservir ou les rendre autonomes?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Peut-être juste expliquer, pour les gens qui nous entendent, qu'est-ce que vous entendez par Golden Rice, c'est-à-dire...

M. Nault (André): Le Golden Rice, c'est le riz d'or qu'on est en train de mettre au point actuellement, avec un surplus de vitamine A, un surplus de complexe de vitamines B et un surplus... parce que la vitamine A est dans l'écorce du riz, et, par un transfert génétique, ils veulent la rendre directement présente dans le grain du riz. Donc, les personnes qui seraient à manger de ce riz, pour la question de les rendre aveugles... Parce qu'il y a environ 300 000 personnes par année en Asie qui sont aveugles à cause d'un manque de vitamine A.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Nault (André): Et c'est un riz génétiquement modifié, là. O.K.?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Tout à fait. C'est exactement ce que je voulais vous entendre dire pour que tout le monde vous suive.

M. Nault (André): Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. On va revenir. M. le député.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Je comprends très bien votre intérêt pour le principe de précaution. Évidemment, on en a beaucoup entendu parler ici, et ça s'entend. Sauf que vous comprendrez que, quand on met la barre haute au point que l'on parle de certitude scientifique absolue... Je ne sais pas si dans l'alimentation ça existe, la certitude scientifique absolue, mais enfin la barre est haute. Allez-y.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Nault.

M. Nault (André): On ne demande pas une certitude scientifique absolue, là. Arrêtez! On ne charrie pas, là. On a arrêté de pelleter des nuages ça fait une secousse, là, nous autres. O.K.? Ce n'est pas une certitude scientifique absolue, c'est une certitude scientifique... c'est des études scientifiques valables. Ce qu'on nous présente, c'est des études scientifiques bidon faites par les biotechnologies. Il n'y a pas d'étude scientifique, qui est présentée actuellement, strictement indépendante. Le gouvernement n'a pas fait sa job. Il s'est infiltré par les biotechnologies, et, quand on a à accepter un produit, on se fie à l'agence. Effectivement, vous avez à vous fier à une agence que vous avez vous-même mise sur pied pour vous conseiller. Mais cette agence-là a peut-être été infiltrée par les biotechnologies, et c'est là qu'il y a le danger et c'est là que je vous dis qu'en tant que législateur vous avez un rôle à jouer à cet effet-là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Nault. Il vous reste trois minutes, M. le député.

M. Dion: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, en fait, vous vous référez beaucoup plus à une certitude scientifique que l'on dirait indépendante qu'à une certitude scientifique absolue, et ça, je comprends ça.

n (11 h 10) n

M. Nault (André): Moi, je prends un médicament qui s'appelle Eprex. C'est un médicament de la biotechnologie. Combien d'études ont été faites sur l'Eprex pour les insuffisants rénaux? C'est extraordinaire, vous avez au moins une cinquantaine d'études disponibles au clic du doigt, sur Internet, sur l'Eprex. On les a évaluées. Les médecins, le milieu médical l'a évalué l'Eprex. Pourquoi? Ça présentait un avantage. Je peux avoir une aplasie de mes globules rouges avec l'Eprex, mais je prends le risque. O.K.? Je sais qu'il y en a qui l'ont. Je prends le risque parce qu'il y a eu des études qui ont été apportées. Mais, quand on me présente un maïs Bt, il n'y a pas une maudite étude qui a été présentée, indépendante. C'est là que le bât blesse. C'est là que les environnementalistes disent: Écoutez, vous n'avez pas fait vos devoirs. Il faut que quelqu'un les fasse, ces devoirs-là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Nault.

M. Bacon (Patrick): J'aimerais ajouter quelque chose.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, bien sûr. Allez-y, s'il vous plaît, rapidement.

M. Bacon (Patrick): On parle de questions qui touchent à la santé en général, mais selon moi on ne peut pas parler de la santé de façon unidimensionnelle. Si on se réfère aux biotechnologies, il y a une étude récemment qui a été publiée en Angleterre, qui fait état du risque environnemental posé par les semences... par les variétés de colza transgénique et de betterave à sucre. Ils se sont rendu compte que le développement de ces cultures-là entraînait des problèmes notamment pour les populations de papillons.

La terre, c'est une totalité. Je veux dire, tous les éléments vivant sur terre ont des liens entre eux autres. Lorsqu'il y a une espèce qui disparaît à cause d'une intervention humaine, ça affecte d'autres espèces, et ça, c'est un cycle. Et là on est en train d'entrer dans ce cycle-là. Maintenant, on n'a pas de certitude que les OGM représentent un danger pour la santé humaine ? ça, c'est strictement pour la santé humaine ? mais on commence à avoir des preuves que les OGM menacent des aspects de la vie, puis ça, à moyen et long terme, on ne sait pas quelles vont être les répercussions de ça au niveau de la santé globale.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Je vous remercie infiniment. M. le député d'Iberville.

M. Rioux: Oui. Merci, Mme la Présidente. Donc, merci de votre présentation. Vous nous dites dans votre document que, selon l'ALENA, nous avons l'obligation de s'harmoniser aux réglementations américaines. Là-dessus, vous avez donné quelques objections, mais, si on prenait plus spécifiquement les normes qu'on retrouve au Québec, est-ce que vous les trouvez, dans leur ensemble, adéquates?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Turmel?

M. Nault (André): Bien, c'est...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Nault.

M. Nault (André): Merci, Mme la Présidente. M. le député, les normes au Québec, on pourrait avoir un leadership en agriculture en Amérique du Nord actuellement en mettant de l'avant une agriculture écologique et un peu plus familiale. Les régions se ferment, les fermes se vendent, les agriculteurs sont au maximum. En s'harmonisant avec tout ce qui est en Amérique du Nord, les États-Unis ont dit: On va irradier le poulet et irradier la viande hachée. Mme McLellan, quelques semaines plus tard, a dit: On va faire la même chose. Ça, pour moi, c'est ne pas démontrer un leadership mais une capacité de suivre. Si on veut démontrer notre différence, il ne faut pas suivre mais avoir un leadership. Si tout le monde s'en va dans une direction, il serait peut-être important de regarder dans l'autre direction pour savoir si on ne se trompe pas peut-être, O.K.? Plutôt que de toujours regarder celui qui est en avant, il faudrait peut-être regarder sur les côtés puis des fois regarder en arrière, parce qu'on va peut-être avoir une bonne réponse en arrière aussi.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Nault. On va vous donner la chance de répondre, si vous permettez, avec la question du député de Portneuf.

M. Soucy: Ah, bien là je ne sais...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous êtes sur la liste. S'il vous plaît.

M. Soucy: Oui, oui, je comprends, c'est parce que je ne suis pas sûr que mes questions vont être en lien avec ce qui se disait précédemment, là. Dans le mémoire des AmiEs de la Terre de Québec, on dit, à la page 7, qu'il appartient aux promoteurs des organismes transgéniques de défrayer le coût des études afin de démontrer scientifiquement que les risques environnementaux et sanitaires reliés à l'utilisation de leurs produits... Alors, à ce moment-là, si ce sont eux qui paient les études, moi, j'ai peur que ça peut influencer peut-être les réponses. Alors, disons, j'ai de la difficulté avec cette recommandation-là que vous nous faites.

Une autre question que j'ai, vous nous avez parlé aussi précédemment de l'autosuffisance alimentaire. On sait que, contrairement à il y a 50 ans, 80 % de notre population habite en ville puis que nos régions agricoles sont désertiques. Si on applique des méthodes d'agriculture plus traditionnelles, est-ce qu'on sera capables de se nourrir? Est-ce que vous avez fait des études là-dessus? Êtes-vous en mesure de nous démontrer que, si on revenait à une agriculture plus traditionnelle ou biologique, on serait capables de passer au travers?

Puis, ma dernière question, dans le rapport des AmiEs de la Terre, celui-là de l'Estrie, on parle de produits biologiques, mais par contre on ajoute aussi «écologiques». Autrement dit, si, exemple, ma soeur qui est en Colombie-Britannique veut manger du fromage de Charlevoix, je ne peux pas lui en envoyer parce que, rendu là-bas, il ne sera plus écologique, selon votre principe. Alors, j'aimerais ça avoir des explications sur vraiment ce que vous pensez de notre agriculture. Puis est-ce qu'on peut l'exporter ou pas?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, c'est Mme Turmel qui prend la question?

Mme Turmel (Anne-Marie): Oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y, madame.

Mme Turmel (Anne-Marie): Je vais commencer par répondre à votre deuxième intervention. Bon, vous parlez de l'agriculture. Vous avez parlé d'autosuffisance au niveau de l'agriculture, puis tout ça. Moi, je pense qu'il existe, ici, au Québec, des systèmes qui sont implantés, qui s'appellent, entre autres, les paniers, ou l'agriculture soutenue par la communauté, un système qui fait de plus en plus d'adeptes. C'est de plus en plus... Je pense qu'il y a Équiterre qui est passé ici, qui vous en a parlé. La raison, je pense, pour laquelle les gens adhèrent de plus en plus à ce genre de méthode là, c'est justement pour pouvoir avoir un contact direct avec le producteur, de relier un peu les contacts entre la campagne et la ville, parce que, comme vous l'avez dit, c'est vrai que, tu sais, il y a de plus en plus d'écart entre les deux. Donc, ça, ça peut être... Ça, je trouve que c'est un élément de la réponse qui est intéressant.

Vous parlez aussi de l'agriculture biologique. Bien, l'agriculture biologique est en expansion, je pense que vous en êtes conscients, conscientes aussi, parce que, comme j'ai pu le voir, vous avez... Bon, tous les produits et aliments qui sont fabriqués et vendus au Québec doivent être certifiés par un organisme qui est accrédité par le Centre d'accréditation du Québec, puis ça, d'ailleurs ? je voulais le rajouter tout à l'heure ? je trouve que c'est une belle initiative de la part du Québec, parce que le Québec et la Colombie-Britannique ont ce genre de certification là qui assure au consommateur de consommer des produits qui sont biologiques. Alors, tout ça pour dire que l'agriculture biologique est une agriculture qui monte en flèche, qui est de plus en plus justement dans le contexte de la sécurité alimentaire actuel, qui est de plus en plus en demande. Donc, je pense que oui, ça pourrait être axé un peu plus là-dessus, les subventions.

On a pu voir qu'il y a 118 millions qui a été accordé à l'agriculture dite plus industrielle, traditionnelle, comparativement à 1 million en agriculture biologique. Donc, moi, je trouve que, en tout cas, la différence est assez majeure, est assez marquante quand on sait que l'agriculture biologique est une agriculture qui est écologique, qui répond beaucoup plus aux critères de santé humaine, santé animale puis santé de la terre aussi. Parce que c'est important que la terre reste en santé. Je veux dire, c'est de là que provient notre nourriture. Donc, je pense que, par rapport à ça, il faudrait peut-être plus subventionner au niveau... non pas au niveau du volume de production mais au niveau de la qualité de la production, surtout lorsque vous vous penchez, dans les temps qui courent, sur une notion de sécurité alimentaire. Puis c'est de plus en plus une préoccupation, je pense, au niveau des Québécois puis Québécoises. Donc, agriculture soutenue par la communauté, agriculture locale, agriculture écologique, c'est aussi ça, l'agriculture de proximité, là. C'est de savoir s'approvisionner, tu sais, de façon locale. Voilà. Je pense que c'est ça.

Après, vous avez parlé de... Y avait-u des choses que vous vouliez ajouter là-dessus?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous voulez peut-être rajouter quelque chose, monsieur?

M. Breton (Martin): Juste pour rajouter, oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, s'il vous plaît.

M. Breton (Martin): Martin Breton. À propos de l'agriculture biologique, comme Anne-Marie disait, on est à l'avant-garde, au Québec, là, pour mettre les normes puis les règlements au niveau de l'agriculture biologique. Puis l'équivalence se fait aussi en Colombie-Britannique et aussi aux États-Unis. Je crois que c'était un exemple où on a pu montrer: au Québec, on y va avec une sécurité ou peut-être une norme qui fait que c'est exportable.

n (11 h 20) n

Puis l'exemple de principe de précaution contre les OGM, ça peut être un autre exemple qu'on pourrait mettre de l'avant pour être encore aussi attirants pour les États-Unis ou ailleurs au Canada.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup. Oui?

M. Bacon (Patrick): J'aimerais ajouter: si on parle de la sécurité des approvisionnements, le leitmotiv des agro-industriels en ce qui concerne les biotechnologies, c'est que les biotechnologies vont accroître le rendement. Mais actuellement il n'y a rien qui prouve la présomption des agro-industriels. Dans certaines cultures, le développement des biotechnologies a donné moins de rendement que les variétés conventionnelles qui étaient cultivées avant. Donc, d'une certaine façon, c'est un mensonge que les multinationales font à la population et au gouvernement lorsqu'elles disent que les biotechnologies vont accroître les rendements, vont permettre d'éliminer la faim et la pauvreté dans les communautés rurales.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup. Merci. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci.

M. Nault (André): Je voudrais répondre à la question du député concernant le fromage envoyé à Vancouver.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y. Écologie et biologie.

M. Nault (André): Écologie et biologie. Chaque aliment qu'on a dans notre assiette actuellement a 2 500 kilos dans le corps, O.K., alors qu'on pourrait peut-être se nourrir à proximité. Envoyer un fromage à Vancouver, c'est un plaisir qu'on peut faire à la personne à qui on l'envoie, mais ce n'est sûrement pas une nourriture substantielle qu'on va lui faire parvenir à tous les jours. Si on avait à lui faire parvenir une nourriture substantielle à tous les jours, il faudrait lui faire parcourir ce millage-là. Ça ne devient pas écologique. Il aura beau être biologique, mais il n'est pas trop, trop écologique.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Nault. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Juste pour faire suite aux propos de M. Bacon, quand vous nous dites qu'il n'y a pas d'étude qui prouve, qui peut soutenir que l'arrivée des OGM a fait augmenter les rendements de culture ? vous étiez en train de nous entretenir de ça ? où vous avez pris... sur quelle base les données vous arrivent pour dire qu'il n'y a pas plus de production?

M. Breton (Martin): Je vais répondre. Martin Breton, agronome.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui.

M. Breton (Martin): Je sais qu'au niveau du CEROM, juste pour accepter les OGM dans le soya, ils ont baissé les critères de performance pour permettre aux OGM de rentrer dans les catalogues, finalement, les grilles qui sont conseillées au niveau du CRAAQ, le Centre de recherche dans les grains, qui recommande aux agriculteurs... Ça fait que les rendements étaient moindres puis ils ont baissé leurs critères justement pour pouvoir accepter les OGM dans leurs essais puis dans leurs recommandations.

Mme Charlebois: Les critères avant la vente sont moindres?

M. Breton (Martin): Les critères de rendement ont été baissés. Avant, c'était 98 %, 95 %. Ils ont baissé à 90 % pour que les OGM puissent rentrer au niveau du soya, parce qu'ils ne rentraient pas, ils ne donnaient jamais les rendements équivalents au soya traditionnel.

Mme Charlebois: O.K. Merci. Juste rapidement...

M. Breton (Martin): Comme référence, il y avait Pierre Turcotte, du CEROM.

Mme Charlebois: O.K. Merci. Juste pour m'éclairer, on parle qu'il appartient aux promoteurs des organismes transgéniques de défrayer les coûts des études qui démontrent scientifiquement les risques environnementaux, à la page 7 de votre mémoire. À la page 8, on nous dit qu'on estime que le gouvernement fédéral manque de transparence et de neutralité dans le dossier des biotechnologies. Pour vous, ça ne devrait pas être une instance gouvernementale qui devrait s'occuper des dossiers des biotechnologies. Vous me parlez d'études indépendantes, mais, par rapport aux organismes génétiquement modifiés, vous nous suggérez que ce soient les entreprises... C'est un peu à la suite de la question. Mais pour moi ce n'est pas clair, que pour les OGM ça devrait être des compagnies qui les produisent, finalement. Puis, quand on parle de biotech... Je n'arrive pas à suivre, là. Pouvez-vous m'éclairer un petit peu?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très rapidement, M. Bacon, parce qu'on a épuisé le temps.

M. Bacon (Patrick): De deux choses l'une. Dans les études, il y a la question du financement, mais il y a aussi la question de la conduite des études. Ce n'est pas parce que les multinationales auraient à défrayer les coûts des études que les études leur seraient confiées. Elles pourraient financer un comité scientifique indépendant qui serait sous la supervision d'un gouvernement. D'une certaine façon, ce serait de réduire la pression financière sur la société, sur l'ensemble de la société, et d'imposer une partie de ces coûts-là de recherche qui sont nécessaires à ceux qui développent la technologie. Mais ça n'implique pas que c'est eux qui vont nécessairement effectuer ces recherches-là. Les recherches pourraient tout de même être confiées à des organismes indépendants, sous la responsabilité d'un gouvernement, par différents mécanismes que l'Assemblée nationale aurait à décider, par exemple.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): O.K. Je vais vous... M. le député de Drummond, le vice-président de la commission.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Non, je sais. Il vous reste cinq minutes de votre côté. J'ai une demande de mon collègue qui voudrait prendre la parole. Me permettriez-vous, s'il vous plaît...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Huntingdon.

M. Chenail: Merci. J'aime le langage que vous parlez parce que vous nous amenez à faire des réflexions que, moi, comme agriculteur et puis comme député, je fais depuis longtemps, quand vous parlez du maïs, que vous parlez du soya, et puis que toutes ces cultures-là qui sont faites au Québec... et puis tout ce qui est mis là-dedans pour très peu de rentabilité, quand on sait très bien que c'est des cultures qui sont subventionnées avec l'argent des Québécois. Et puis, souvent, quand j'entends crier l'UPA qui crie à tour de bras par rapport à tout ça...

Quand on regarde le lisier de porc et puis qu'on voit ce qui se fait avec, je pense qu'il serait comme temps qu'on traite ce lisier-là pour en faire des engrais naturels, un peu comme dans le boeuf. On en a parlé hier. On a tellement de territoires, on a tellement de régions au Québec qui ne servent à rien, parce que les territoires ne sont pas utilisés puis que le Québec, c'est un grand territoire qui est peu peuplé et puis que c'est une richesse extraordinaire, mais que, au niveau agricole, on a toujours fait dans la continuité des choses plutôt que d'innover... Et puis, moi aussi, je pense qu'au Québec, si on prend le boeuf, on pourrait très bien innover, parce qu'on a des grands territoires. On pourrait élever le boeuf en pâturage ? on n'est même pas autosuffisants dans le boeuf au Québec ? et puis avoir un boeuf de qualité, tu sais. On parle de plus en plus d'oméga-3, ainsi de suite.

Et puis j'ai aimé votre langage quand vous parliez tout à l'heure à propos de vos reins, puis tout ça. Je pense qu'il est temps, au Québec, qu'on fasse un grand virage au niveau agricole. On s'est comme...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député, si vous voulez poser votre question, s'il vous plaît.

M. Chenail: Mme la Présidente, je ne prends pas la parole souvent, puis c'est mon ami d'en face qui m'a donné son cinq minutes. Je peux-tu...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, c'est ça, mais il faut laisser le temps aux gens de répondre.

M. Chenail: Écoutez, Mme la Présidente, je suis...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît, juste poser votre question.

M. Chenail: Oui, mais, Mme la Présidente, il faudrait que vous teniez compte un peu que j'ai un peu d'expérience en agriculture...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, tout à fait.

M. Chenail: ...et que je suis quand même député depuis 15 ans. Ça fait que, si on me donne, en face, un cinq minutes pour parler, laissez-moi parler, s'il vous plaît. Sinon, bien, je vais me lever puis je vais m'en aller. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, posez-la, votre question, M. le député.

M. Chenail: Je n'ai pas vraiment de question, mais j'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez, au niveau du boeuf au Québec, au niveau du porc, du fumier de porc, ce qu'on en fait. Je pense qu'on est en train de polluer le Québec avec ça. Et puis finalement la façon serait très simple de le traiter et puis d'en faire des engrais naturels. À ce moment-là, on en manquerait, de fumier de porc.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): C'est M. Nault qui répond? Allez-y.

M. Nault (André): Vous avez eu, au Manitoba, des compagnies qui se sont installées pour faire du porc puis qui ont dit: Ah! non, non, non, on ne fera pas la même chose qu'en Virginie puis qu'en Caroline du Nord. Ils ont fait pire. Ils n'ont pas fait la même chose, ils ont fait pire. Si on continue, ici, au Québec, on va faire encore pire. J'aime l'idée que, si on peuple un peu les campagnes d'animaux, il y a peut-être du monde qui vont les suivre.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Nault (André): Puis on va peupler nos campagnes, finalement.

n (11 h 30) n

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Nault. Alors, Mme Turmel, M. Nault, M. Bacon et tous les membres des AmiEs de la Terre du Québec et de l'Estrie, la commission vous remercie pour votre contribution, et puis on va s'inspirer des recommandations que vous nous avez soumises. Merci beaucoup.

Et j'appelle les représentants de La Filière biologique du Québec, M. Robert Beauchemin, président, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. Robert Beauchemin, président de La Filière biologique du Québec, vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous prie de nous présenter la personne qui vous accompagne, et votre présentation sera suivie d'un échange des deux côtés de la commission pour 20 minutes à chaque fois. Alors, vous avez la parole, M. Beauchemin.

La Filière biologique du Québec

M. Beauchemin (Robert): Merci, Mme la Présidente. Je me présente, Robert Beauchemin. Je suis président d'une entreprise, la Meunerie Milanaise. Nous sommes transformateurs de produits biologiques depuis 25 ans. Je suis ici pour représenter la table Filière biologique et je suis accompagné par Mme France Gravel, qui siège à la table Filière biologique à titre de représentante des organismes de certification biologique. Mme Gravel s'occupe d'un organisme, je crois qu'elle est présidente d'un organisme qui s'appelle GarantieBio-Ecocert et qui sont établis ici, à Lévis, et qui opèrent à travers le Québec.

Je voudrais d'abord vous remercier et juste vous dire: Filière biologique... Je trouve le nom de l'organisme précédent... Les AmiEs de la Terre, je trouvais ça tellement plus beau que Filière biologique. C'est un petit peu plus sympathique, comme acronyme.

Je voudrais remercier la commission de nous avoir invités à présenter notre mémoire. On a pu voir, depuis, quoi, une dizaine de jours maintenant que vous êtes en audiences... Je me suis payé le luxe de faire quelque chose que je n'avais jamais fait, j'ai suivi les débats à la télévision. Et je peux vous dire que le peu de dose de cynisme que je peux avoir par rapport à la politique s'est amenuisé grandement. L'exercice que vous avez ici est incroyablement important. J'aurais dit, en début d'exercice, qu'on se lançait dans un agroalimentaire 101. Maintenant, 10 jours plus tard, je peux quasiment dire que c'est 601 plus que 101. Je vois la profondeur des débats, et des débats qui viennent de l'ensemble des secteurs. Que ce soient les vétérinaires, les consommateurs, Les AmiEs de la Terre, c'est d'une ouverture et d'une profondeur qui me touchent.

On a vu aussi que le débat comme tel portait sur la traçabilité, la sécurité et les OGM. C'est surprenant, on a entendu le mot «biologique» plus que jamais on ne l'a entendu depuis 15 ans. Il aurait peut-être fallu avoir un quatrième thème, l'agriculture biologique, mais je pense que ça se fait de soi. On voit ça dans les médias depuis 10 jours, on en parle beaucoup. On voyait même, dans Le Soleil, ce matin, qu'il y avait des pourfendeurs qui sortaient du placard. Alors, ça, on est prêt à vivre avec.

Dans la présentation, le mémoire qui a été déposé le 23, il y a eu une modification à ce mémoire-là, on a présenté au secrétaire un mémoire modifié, daté du 7 février. Je voulais juste m'assurer que c'était le mémoire que vous aviez en main.

Bon, La Filière biologique, tout d'abord, juste pour vous présenter un petit peu qu'est-ce que c'est, c'est un organisme de concertation qui a été mis en place en 1994. Dans la foulée, là, du Sommet de 1992, il y a eu beaucoup de tables filières qui se sont développées. La Filière biologique, ça comprend l'ensemble des intérêts qui sont concernés par la production des produits issus de l'agriculture biologique. Donc, on représente les intérêts des producteurs. Vous avez rencontré hier les gens de la FABQ, la Fédération d'agriculture biologique. Il y a environ, quoi, 800 producteurs qui sont certifiés cette année. C'est en croissance de 25 %, 30 % à chaque année. On représente aussi les intérêts des 150 transformateurs biologiques qui sont établis ici, au Québec, et qui sont sous supervision, sous contrôle de certification en conformité avec la loi.

On représente aussi... Et là je dois avouer que les gens du secteur de la distribution et du détail, le CCDA, nous ont indiqué qu'ils souhaitaient se dissocier du mémoire qu'on a déposé. Il faut voir que les intérêts du secteur de la distribution sont, je dirais, strictement financiers, dans le sens qu'ils profitent d'une opportunité de développement des marchés du produit biologique. Ils n'en sont peut-être pas au même niveau que nous par rapport à l'esprit pionnier dans le développement d'un secteur. La table Filière a aussi les organismes qui s'occupent du contrôle, donc le Conseil d'accréditation, le Conseil des appellations agroalimentaires du Québec et les certificateurs, le secteur de la formation, avec les cégeps et les universités, parce que, oui, on enseigne les principes et les techniques. Le secteur des services, vous avez rencontré Équiterre la semaine dernière, donc c'est un organisme qui représentait la Filière. Et aussi on a comme observateur et comme maître de jeu important le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et aussi Agriculture Canada qui siège à la Filière à titre d'observateur.

On a développé, comme Filière, un premier plan stratégique, en 1994, qui avait incité tout le monde à voir que la première priorité pour développer le secteur, ça prenait une réglementation pour contrôler l'appellation. On est en fin de course, on a adopté une mise à jour de ce plan stratégique là en décembre dernier, donc un plan stratégique qui va couvrir la période de 2004 à 2009 et dans lequel on prenait acte de ce qui s'est passé depuis le dernier plan stratégique.

Avant d'aborder directement les questions de production et de mise en marché, je voudrais juste faire quelques commentaires. On a parlé de bio, là, depuis une dizaine de jours. Il y a des mots qui me sonnaient constamment aux oreilles quand on en entendait parler. On a eu plusieurs gens qui sont venus nous dire constamment, ici, à la commission, que le consommateur voulait payer moins cher pour ses aliments. On est conscients de ce fait-là parce que, qu'on demande à n'importe qui ici, en sortant, dans la porte: Veux-tu payer moins cher pour tes aliments?, on peut s'attendre à ce qu'il dise: Bien oui, c'est sûr, je veux payer moins cher. Mais on peut voir, dans le secteur de production biologique, quand on commercialise des produits et que le produit est à information un petit peu plus large... Donc, le produit intègre à la fois l'amont et l'aval. Donc, si on pose à M. Consommateur, M. Tout-le-monde: Est-ce que vous voulez toujours continuer à payer moins cher pour vos aliments, en tenant compte qu'il y a des risques à l'environnement et qu'il y a des risques à la santé?, bien je pense que, là, on peut voir qu'il y a tranquillement un secteur qui se dirige vers des produits bio, et ça, je pense que, toutes les fois qu'on pose cette prémisse-là, que les gens veulent payer moins cher, il s'agit de bien encadrer qu'est-ce qu'on veut dire.

On paie déjà, quoi, ici, on parle de 14 % des revenus qui sont associés aux dépenses en alimentation. C'est à peu près ce qu'il y a de plus bas au monde. Probablement que les États-Unis viennent aussi bas que nous, mais ça, déjà c'est inquiétant, si on tient compte du coût strictement de l'aliment qu'on achète, tant au restaurant qu'à l'épicerie.

Il y a une utopie dans cette vision-là de l'offre et la demande. Je pense à Adam Smith avec son concept que tout ça allait s'équilibrer un bon jour. Il y a une utopie de voir qu'on arrive à une question d'équilibre entre l'offre et la demande dans des... Et je pense que M. Smith n'avait peut-être pas considéré l'agroalimentaire ici, au Québec, quand on considère qu'il y a, quoi, dépendant de qui on parle, 82 % ou 74 % des produits alimentaires qui sont commercialisés via trois chaînes et qui s'arrogent finalement une grande majorité du marché.

M. Smith avait peut-être aussi la réflexion que, dans un système qui est basé sur une concurrence extrêmement vive, on ne fait pas d'argent quand on vend. Si on fait de l'argent, c'est quand on achète. C'est simple. Tout le monde vend au même prix, donc, si je fais de l'argent, c'est parce que j'ai payé moins cher. Et qu'est-ce qui arrive dans une chaîne de distribution alimentaire quand on transfère constamment nos coûts vers l'amont? Bien, on met de la pression sur le système, on met de la pression sur les fournisseurs, les transformateurs, on leur arrache toujours un petit peu plus de ristournes, et les transformateurs se retournent, eux, vers les producteurs et mettent encore plus de pression. Et c'est ce qui se passe présentement, le système de production agricole est sous une extrême pression de prix parce que supposément les consommateurs veulent payer moins cher.

Je ne connais aucun agriculteur, moi, ici, au Québec, ou au Canada, qui se lève tous les matins en disant: Je vais aller polluer, ou: Je vais aller donner plus de vitamines ou plus d'antibiotiques parce que c'est bon pour la planète. Je pense que tout le monde le fait simplement parce qu'on a une pression de marché, et ça, je pense que c'est à la base de beaucoup de problèmes qu'on a en agroalimentaire.

n (11 h 40) n

La production biologique comme telle, c'est basé sur un certain nombre de principes. Ces principes-là ont été définis par le Codex alimentaire ? c'est un organisme international; il y a 91 pays qui siègent au Codex, dont le Canada est signataire ? et les grands principes qui se rattachent à la définition d'«agriculture biologique», ça ne relève pas de la science atomique, c'est des choses... Vous allez voir, c'est très simple. Un premier principe: d'augmenter la diversité biologique dans l'ensemble du système. Bien, mon Dieu, on a vu ce que ça donnait, des monocultures ou bien donc des élevages extrêmement concentrés: c'est des foyers de risques de maladies ou d'attaques d'insectes.

Un deuxième principe: d'accroître l'activité biologique des sols. Bien là c'est là où ça se démarque entre le bio et le conventionnel. Le sol, c'est beaucoup plus qu'un support physique pour les plantes, c'est un milieu vivant qui a toutes les capacités de nourrir les plantes.

Le troisième principe: de maintenir la fertilité des sols à long terme. Il faut voir, en agriculture, il y a quatre éléments qui font vivre l'agriculture: il y a la chaleur, la lumière, l'humidité et la fertilité. Comme par hasard, c'est sur la fertilité que les humains... avoir un impact. Donc, c'est important de maintenir un principe... de maintenir et de développer à long terme la fertilité.

Un quatrième principe: de recycler les résidus de cultures et les déjections animales. Bien là je pense qu'on peut voir, quand on ne s'occupe pas de gérer les déjections, et tout ça, comment un principe écologique... Que finalement les déchets de l'un soient la nourriture de l'autre, si on ne respecte pas ce principe-là, bien ça s'en va quelque part dans la nature et on en assume les frais.

Un cinquième principe: d'appuyer le système de production sur les ressources renouvelables de la région. Si on fait un petit bilan énergétique de ce qu'on consomme, on en est rendus, quoi... Je pense que ça prend quelque chose comme neuf calories pour en produire une, calorie alimentaire. On parle de durable, là. Mes cours à l'université m'ont appris que neuf contre un, ce n'est pas tellement durable.

Un sixième principe, c'est de promouvoir le bon usage des sols, de l'eau et de l'air et de réduire le plus possible toutes les formes de pollution. Et là je pense qu'on parle... C'est une vision holistique de la gestion des ressources. On ne peut pas intervenir sur la production si on ne tient pas compte de l'amont et de l'aval.

Le septième principe, c'est de manipuler et de transformer les produits agricoles en étant notamment attentif aux méthodes de transformation afin de maintenir l'intégrité biologique et les qualités essentielles. Ça veut dire, ça, que, en transformation de produits biologiques, le Codex nous dit qu'on n'utilisera pas des substances de synthèse qui ne sont pas nécessaires à la transformation des aliments, qu'on a bien souvent introduites simplement parce que ça pouvait être plus rentable, offrir plus de vie de tablette. Donc, si on intègre le coût réel dans le coût des aliments, ce qu'on a fait dans le produit biologique, c'est sûr qu'on se retrouve avec un produit qui est plus cher.

L'autre pendant, le prix du produit conventionnel, ce qu'on fait, c'est qu'on paie notre 14 % du revenu familial et on laisse l'ensemble des contribuables assumer les dépenses en amont et en aval. Dépolluer les rivières, mettre des normes, assurer qu'il y a des médecins pour s'occuper de santé publique, bref on transfère les coûts internes du système au reste de la société, et là, après ça, on peut dire: Oui, mais le consommateur veut payer encore moins cher et il ne veut surtout pas payer de taxes, en plus.

Les outils de mise en marché des produits biologiques ont été développés à l'invitation de la Filière. Suite au premier plan stratégique, je vous avais indiqué tantôt que c'était une... La priorité qui avait été retenue, c'était de s'assurer qu'on contrôle l'appellation «biologique», ici. Et, à cet effet-là, la Filière s'était inspirée de ce qui s'était passé aux États-Unis: dans le cadre du Farm Bill, en 1990, le USDA avait fait adopter une loi, le National Organic Program, qui encadrait la définition d'un produit biologique. Et, de la même façon, en 1992, l'Union européenne prévoyait la définition de ce qu'était un produit biologique. Donc, avec les pressions qu'on pouvait mettre ici en 1995, le secteur demandait à ce qu'on réserve... qu'on puisse protéger l'appellation «biologique», ce qui a été fait par la Loi sur les appellations en 1996. Mais, à notre surprise, nous qui étions en demande d'une loi de contrôle, plutôt que d'avoir une loi spécifique au biologique, le législateur a ouvert ça en faisant une loi plus... une loi-cadre, une loi sur les appellations. Et ce qu'on nous disait dans les corridors, c'est: si ça avait été une loi sur le bio, pensez-y pas, vous ne l'auriez jamais eue. On a fait ça sous le vocable d'une loi d'appellation parce qu'on voyait qu'il y avait un potentiel pour beaucoup d'appellations.

Donc, après l'adoption de la loi et le règlement en 1997, l'appellation «biologique» a été réservée en 2000, et, nous, de la Filière, après maintenant quatre ans d'exercice de contrôle d'appellations en partenariat ? c'était déjà un mot qui était utilisé à ce moment-là ? après quatre ans d'utilisation, on fait un certain nombre de constats par rapport à cette loi-là, d'abord par rapport au rôle de l'État avec cette loi-là, et ce qu'on peut constater, c'est qu'il y a eu, tout au long, après la réservation, un manque de soutien à la loi et au secteur biologique. Depuis le début, on a reçu du milieu, du ministère de l'Agriculture, des signaux qui sont extrêmement ambigus, et je vais vous en donner des exemples.

Tout d'abord, la loi a été adoptée en 1997. Ce qu'on a pu constater, c'est qu'il n'y a eu aucune promotion de cette loi-là, tant à l'interne qu'à l'externe. À l'interne, on a constaté assez rapidement, comme utilisateurs du système, que la main gauche ignorait souvent ce que la main droite fait. Pour juste paraphraser, à la première rencontre qu'on a eue avec le ministre de l'Agriculture de l'époque, M. Trudel, au printemps 2001, M. Trudel nous avait avoué candidement qu'il avait appris en lisant les journaux qu'il avait signé la réservation de l'appellation «biologique», ce qui était évidemment un petit peu gênant dans la situation, mais que les fonctionnaires qui lui avaient présenté le document avaient dit: Vous pouvez signer ça, ce n'est pas tellement important.

Promotion à l'externe. Je pense que, si ça n'avait pas été de l'effort comme tel du secteur biologique de faire connaître la loi, personne ne saurait qu'il y a une loi qui existe, parce que le ministère ne fait rien pour la faire connaître. Un bon exemple de ça, c'est que la loi prévoit, avec une réservation «biologique», qu'on ne peut utiliser le mot «bio», «bioalimentaire», «biologique», «écologique» sans que ce soit un produit certifié. On voit partout dans la documentation du ministère... On parle du bioalimentaire. Donc, est-ce que le ministère serait en contravention même avec sa propre Loi sur les appellations?

Au niveau du soutien financier de l'État par rapport au secteur biologique, les deux premières années qui ont marqué la fondation du Conseil d'accréditation, le conseil a survécu grâce à des fonds bien souvent discrétionnaires et a réussi quand même à mettre en place le programme. En 2003, le gouvernement précédent avait annoncé et mis en place un programme d'aide au développement du secteur biologique, un programme de 1 million, et c'est à partir de cette enveloppe-là que le Conseil d'accréditation, donc l'organisme qui était mandaté pour assurer le contrôle de la loi, devait vivre. Donc, depuis 2000, des fonds discrétionnaires, et, finalement, en 2003, un programme, mais un programme non récurrent.

En 2003, et même avec l'arrivée des élections, le Parti libéral avait annoncé, lui, de son côté, des investissements de 5 millions par année dans le secteur biologique. Le programme de développement de 1 million a été reconduit, mais on ne sait pas encore s'il y a une récurrence dans ce programme-là. Et l'appareil de contrôle, l'appareil qui joue le rôle finalement d'autorité compétente au niveau de l'appellation, vit encore à même des budgets non récurrents. On nous dit: Bien, ça coûte cher, l'État investit beaucoup. Je veux juste vous rappeler qu'en 2003, donc l'an passé, l'État a investi 310 000 $ dans le système de contrôle alors que les producteurs et les transformateurs ont investi 1,1 million dans le respect de la loi, dans l'assurance de certification et d'accréditation.

Au niveau de la défense de la loi comme telle, quand il y a eu un certain nombre de dossiers qui ont été portés à l'attention du ministère, ce qu'on a pu constater, c'est que, encore là, il y avait beaucoup d'ambiguïtés dans le message, les services d'inspection des aliments disant que, eux, ils s'occupaient de salubrité et de sécurité alimentaires comme telles. Les normes qualité, ça ne les préoccupait pas. Par contre, dans la P-29 dont ils sont responsables, il y a quand même, à l'article 4 ? je pense que c'est 3.3.7 ? un article qui dit clairement qu'on ne peut pas faire de fausses allégations sur des étiquetages, et ça, lorsqu'on les met devant cette situation-là, on voit bien, là, qu'il y a un malaise, parce qu'on ne voudrait pas, au niveau de l'inspection des aliments, commencer à s'occuper des normes qualité.

Il y a eu, enfin, dans le total des ambiguïtés, toute la question du groupe de travail sur les appellations. Dans le cadre de la consultation qu'il y a eu sur la politique alimentaire, il y a eu la formation d'un groupe de travail sur le potentiel de développement des appellations et des produits de niche et du terroir, auquel La Filière biologique a été invitée à participer. Le constat qui est sorti de ce rapport-là, c'est que, par rapport à la Loi sur les appellations, il y avait beaucoup de choses à aller chercher là-dedans, mais que le ministère n'avait peut-être pas pris toutes les mesures qui s'imposaient pour rendre cette loi-là fortement connue. Bon.

n (11 h 50) n

Suite au dépôt de ce rapport-là, il y a eu la formation d'un groupe de travail qui a déposé ? je vais aller vite ? un groupe de travail qui a déposé une recommandation sur laquelle s'appuie maintenant Mme la ministre pour lancer de nouvelles appellations, mais en disant qu'il fallait sans doute réouvrir la loi parce que c'était trop compliqué ou c'était... bien, d'une complexité qui dépassait la capacité des gens qui ont participé à ce comité-là. Je veux juste rappeler au comité que, si c'est trop compliqué, c'est quand même surprenant. Il y a 1 000 opérateurs ? des producteurs, des transformateurs ? qui se sont mis en conformité à la loi. Donc, ou bien donc on est des génies ou bien donc il y a des gens qui ne lisent pas les règlements ou qui n'essaient pas de comprendre.

On se questionne, là-dedans, quand la ministre annonce qu'elle veut confier un mandat au BNQ pour assurer le développement de nouvelles appellations. Pourquoi, vu qu'on est dans une période de consolidation des outils de l'État? Le secteur biologique avait mis en place un conseil d'accréditation avec la volonté de le rendre le plus générique possible. Pourquoi maintenant est-ce qu'on laisse de côté ce CAQ là et qu'on commence à ouvrir la porte à toutes sortes d'avenues, tels le BNQ ou d'autres mécanismes d'enregistrement douteux?

Pour conclure ? on va sûrement avoir l'occasion de revenir dans la période de questions ? ce qu'on demande à la commission, comme tel... Bien, d'abord, vous allez probablement consulter à un moment donné, s'il est question de réouvrir la loi. Nous, on ne souhaite pas que la Loi sur les appellations soit réouverte. On souhaite aussi qu'il y ait un effort substantiel d'éduquer le personnel du ministère de l'Agriculture et l'ensemble de l'appareil gouvernemental sur les outils de la Loi sur les appellations. On souhaite qu'il y ait évidemment une promotion à cette loi, à l'interne comme à l'externe, et que, dans la question de réglementation, de contrôle des appellations, que ce soit le bio ou toute autre appellation, ce soit clairement identifié, qui va s'occuper des contrôles. Et on n'a pas de problème si les gens de la qualité des aliments ne veulent pas s'en occuper, sauf qu'il faudrait le dire et mandater un organisme qui va s'occuper de ça.

Enfin, on est disponibles à partager notre expertise et en matière de traçabilité et aussi en matière de gestion des appellations. Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Beauchemin, pour votre présentation. Vous êtes un ardent défenseur de La Filière biologique, même si vous n'en aimez pas le titre, et votre mémoire est assez dense en termes d'information. Vous avez des demandes très précises. Je vous avoue que...

D'abord, je voudrais vous remercier pour les fleurs que vous nous avez envoyées en commençant, en saluant l'initiative de la commission. Vous avez raison, un des objectifs qu'on a à la commission, c'est d'informer le public sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire. Et, le fait que vous soyez satisfait de cette démarche, je dois vous dire qu'on reçoit des échos aussi dans la population qui nous indiquent que cet objectif-là, au moins celui-là, il est atteint. Et, venant de quelqu'un qui est dans le domaine, je suis très touchée par votre commentaire, et c'est à l'honneur de l'ensemble des membres de la commission.

Pour revenir à votre mémoire, je voudrais vous remercier d'abord d'avoir pris la peine de répondre aux questions qu'on a posées. Ça, pour nous, c'est important d'avoir votre input, votre intrant. Pour ce qui est des aliments biologiques, évidemment, il y a beaucoup de perceptions, parfois positives, parfois négatives, puis on profite de votre présence pour essayer de clarifier ça. Dans l'opinion publique, lorsqu'on dit «bio», «biologique», l'équation, c'est qu'un élément biologique, c'est un élément santé. Or, on a des gens qui nous disent: Ce n'est pas parce que vous mangez bio que nécessairement vous mangez un aliment exempt de sucre ou de gras, de sel, etc., et même d'OGM. Alors ça, c'est encore assez sérieux.

On nous a également sensibilisés à la problématique reliée aux logos lorsqu'on affiche «bio». Greenpeace, entre autres, ou un autre groupe nous a montré une liste de logos qui indiquent qu'un élément est bio, mais finalement ce n'est pas tout à fait bio. Je voulais vous entendre parce que nous avons l'occasion d'avoir avec nous Mme France Gravel, qui est, je crois, présidente de GarantieBio, qui est l'organisme de certification.

Ma question est très précise, puis je vais vous demander, s'il vous plaît, d'y répondre précisément: Comment fonctionne le processus de certification d'un aliment bio? Mme Gravel.

Mme Gravel (France): Oui. Alors, au niveau de la certification ? nous ne sommes pas le seul organisme, je tenais à le préciser, il y a d'autres organismes au Québec ? tous les organismes fonctionnent de la même façon. Donc, il y a un cahier des normes à rencontrer qui est fourni au demandeur. C'est la responsabilité de l'agriculteur ou du transformateur de s'assurer qu'il rencontre ces normes-là. Nous, on ne fait pas de consultation, on fait du contrôle. Donc, il y a des documents à fournir, des registres à tenir, et il y a des contrôles annuels, des contrôles annoncés et des contrôles inopinés, où on n'avertit pas l'entreprise qu'on va vérifier chez eux. Les inspecteurs sont envoyés pour valider le travail, les informations que les entrepreneurs nous ont données. C'est-à-dire, ils nous déclarent qu'ils utilisent tel type de rotation. Nous, on va s'assurer, sur le terrain, qu'effectivement c'est de cette façon-là qu'ils travaillent. Il y a des rapports d'inspection qui sont faits et ensuite un comité de certification qui rend les décisions, qui détermine si, oui ou non, l'entreprise rencontre les normes de l'agriculture biologique. Les normes de l'agriculture biologique ont été élaborées, au niveau du Québec, en collaboration avec la Filière, par le Conseil d'accréditation du Québec, qui désormais, là, s'appelle le Conseil des appellations agroalimentaires du Québec. Est-ce que ça répond à votre question?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Quand vous parlez des documents, on doit remplir des documents, vous faites référence à quoi? Un cahier de charges? Comment se présentent les documents? Et, deuxièmement, les inspecteurs bios, est-ce que c'est des inspecteurs qui sont accrédités par le Conseil d'accréditation ou... Qui accrédite les inspecteurs qui finalement donnent leur O.K. que cet aliment-là est un aliment bio et qu'il est sain?

Mme Gravel (France): Dans la première partie de votre question concernant la documentation, c'est ce qu'on appelle le devis de production. Donc, l'entreprise a une liste de documents à fournir, un registre de soins de santé animale, lorsqu'on parle d'une production animale, un registre de champ où on détaille toutes les activités qu'on a tenues au champ. Il y a la comptabilité, il y a les registres d'entretien, des registres de récolte, d'entreposage, etc. Donc, c'est le suivi administratif de l'entreprise. Ça, c'est en termes de documentations qui doivent être disponibles pour le certificateur pour effectuer son contrôle.

Quand on parle des inspecteurs, les inspecteurs sont des inspecteurs indépendants qui sont formés par... généralement formés par un organisme international qui s'appelle IOIA, Independent Organic Inspectors Association, basé aux États-Unis, et cet organisme-là s'assure de former adéquatement les inspecteurs. Mais il n'y a pas, au moment où on se parle, d'accréditation des inspecteurs. Chaque organisme de certification embauche des inspecteurs, les forme aux particularités, parce que les normes ne sont pas toujours exactement pareilles, aux particularités de sa norme et à ses besoins en termes de gabarit d'inspection, de temps de travail, etc.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, madame, pour ces éclairages.

M. Beauchemin (Robert): Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous voulez ajouter quelque chose?

M. Beauchemin (Robert): Mme la Présidente, si je peux rajouter, je pense que c'est de l'intérêt de la commission. Il y a un parallèle à faire entre les modes de contrôle dans le biologique et tout le système HACCP. Donc, on doit dire ce qu'on fait, on doit faire ce qu'on dit et ensuite on se fait auditer. C'est aussi simple que ça. Il y a une documentation, et on suit le processus et non pas le produit.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): Je voulais aussi juste... votre commentaire d'ouverture où on associait le produit biologique à produit santé, produit exempt d'OGM, ou tout ça. Il faut voir que la norme prévoit comment on mène le produit, comment on produit au niveau agricole. Ça ne dit pas, dans la définition, qu'un produit biologique est exempt d'OGM ou exempt de pesticides, on n'est pas assez fous pour se tirer dans le pied. Et on en a eu l'exemple dans la série d'articles de septembre dernier dans Le Devoir: les produits qui ont été prélevés de mon entreprise ont été présentés avec des traces d'OGM. Mais la beauté du système, c'est qu'on avait la traçabilité en place. On a retrouvé l'origine de contamination. Mais ce qu'on a pu voir, c'est que les traces étaient très faibles, mais qu'elles étaient persistantes dans le système.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Je vous remercie beaucoup, M. Beauchemin. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. En lisant votre mémoire, vous nous notez à peu près les mêmes préoccupations que tous les autres mémoires: la traçabilité, on n'a fait que l'inspection de l'innocuité, mais on ne parle pas de la qualité.

n (12 heures) n

À la page 4 de votre mémoire, ce qui ressort, c'est que les lois actuelles en place pourraient répondre aux défis mais sont mal utilisées ou mal interprétées ou il y a un volet qui n'est pas appliqué, si j'ai bien compris.

Vous avez aussi, à la page 5, une recommandation assez surprenante où on dit que l'inspection sanitaire des aliments devrait relever du ministère de la Santé pour que le MAPAQ, ou bien le ministère de l'Agriculture, puisse jouer correctement son rôle. J'aimerais ça que vous me parliez un peu de... Quel cheminement a fait que vous arriviez avec cette proposition-là?

M. Beauchemin (Robert): On n'est pas les seuls à faire cette suggestion-là, je pense qu'il y a des ACEF qui ont commenté dans le même sens, que le ministère de l'Agriculture, étant un ministère à vocation économique, donc de développement, est peut-être mal placé pour faire des contrôles de qualité et d'innocuité, c'est dans un autre vocable. Qualité peut-être, parce que, là, on parle de comment mieux positionner le produit. Mais, quand on parle d'innocuité et de salubrité, je pense que ça relève pratiquement plus de la Santé. Il y aurait peut-être lieu de questionner le lien organique un petit peu trop fort entre le ministère de l'Agriculture et l'Inspection des aliments.

Mme L'Écuyer: Pour une question complémentaire, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très rapidement, Mme la députée.

Mme L'Écuyer: Vous dites aussi, à la page 5, que «l'harmonisation des systèmes d'inspection selon les normes internationales reste un défi». Je pense que, ça, tout le monde aussi en a parlé. Est-ce que vous avez des solutions ou des pistes qu'on pourrait suivre?

M. Beauchemin (Robert): Bien, dans le cas spécifique du biologique, on voit ce qui se passe dans d'autres juridictions, où il y a un mandat de l'autorité compétente de s'assurer de la conformité. Et là on fait abstraction de si c'est qualité ou salubrité. USDA, quand ils vérifient la validité biologique, ils ne se questionnent pas: Est-ce que c'est une norme de salubrité? Non. Il y a une loi, il y a un règlement, on est là pour l'appliquer. En Europe, c'est la même chose, il y a des autorités compétentes qui s'assurent que les lois sont respectées.

Ici, tant au fédéral qu'au provincial... Le fédéral, c'est encore pire parce que c'est volontaire. Mais, au niveau provincial, quand on a une loi d'appellation, on a aussi la P-29 qui fait référence à l'étiquetage. Quand on s'en va à l'Inspection des aliments avec des dossiers de poursuite, hé! que c'est long! On a des dossiers, là, que ça fait au-dessus de deux ans... Il y a des inspections inopinées qui démontrent que les gens sont en non-conformité et qu'ils nous font des sourires en disant: Venez nous chercher, et qu'à l'Inspection des aliments ils disent: Essayez donc de trouver un moyen de vous entendre avec ces gens-là. Bien, ça fait perdre confiance au consommateur dans les systèmes qualité.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. C'est extrêmement intéressant de vous entendre. Vous avez déjà, malgré le jeune âge de toute La Filière biologique, vous avez déjà accumulé passablement d'expérience, et je voudrais vous interroger sur le sujet que vous venez d'aborder, c'est-à-dire toute la relation entre les deux ordres de gouvernement par rapport à l'inspection. Est-ce que ça sert la qualité de l'inspection? Est-ce que ça établit plus de clarté dans les processus ou plus de confusion, je ne sais pas trop quoi? J'aimerais avoir votre expérience là-dessus.

M. Beauchemin (Robert): Depuis 1995, au moment où on faisait des représentations auprès du ministère de l'Agriculture ici, évidemment, là, on est tous convaincus, l'agriculture, c'est de juridiction partagée: la production relève du provincial, et le commerce interprovincial relève du fédéral. La production biologique, bien, oui, il y en a du fromage qui s'en va en Colombie-Britannique, et il y a aussi beaucoup de produits de l'extérieur qui rentrent ici. Donc, on demandait au fédéral qu'il y ait une réglementation de contrôle.

Mais, il faut se rappeler, fin des années quatre-vingt-dix, tout l'appareil fédéral était dans un modus de déréglementation. Donc, il fallait trouver toutes les façons imaginables, sauf réglementer, ce qui nous amenait vers des normes volontaires, avec un encadrement quelconque ? on le voit dans le cas de l'étiquetage des OGM ? mais une norme volontaire définie et contrôlée par l'agence. Pour moi, une norme volontaire, ça veut dire: tu peux passer à la lumière rouge si ça te tente, puis, si ça ne te tente pas, bien tu n'as pas besoin de passer.

Et, malgré toutes les pressions du secteur là-dedans, le fédéral s'entêtait dans son système, au point tel où, dernièrement, face à des pressions économiques ? le Canada produit quand même 1,4 milliard de dollars de produits biologiques qui sont en majorité exportés ? bien les importateurs, les pays importateurs commençaient à fermer leurs frontières. Le Japon avait avisé le Canada, l'Europe avisait qu'à partir de juillet 2005 il n'y aurait plus de passe-droit, et les États-Unis n'avaient pas reconnu le système canadien parce que son approche était volontaire.

Heureusement, ici, au Québec, le modèle qui a été développé par le secteur et le CAQ a été un des premiers organismes à être reconnus par USDA, venant de l'extérieur des États-Unis. Donc, il y a finalement un signal qui est envoyé depuis environ six mois par le fédéral, qui souhaite, justement à cause des pressions des pays importateurs, qui souhaite développer une réglementation. Et, ce qu'on peut voir, à suivre ce dossier-là de près, on nous dit que le modèle qui a été développé ici, au CAQ, ce serait un modèle parfait à implanter dans le reste du Canada.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Beauchemin. Vous avez une autre question, M. le député?

M. Dion: S'il vous plaît.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Allez-y, monsieur.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Dans le même sens, ici, au Québec, on a instauré un système de traçabilité. Tout à l'heure, on s'est fait dire par les représentants d'une compagnie ? Danone, pour ne pas la nommer ? qu'eux ils ne pouvaient pas évidemment être favorables à l'étiquetage OMG parce que, évidemment, ils ne contrôlaient pas la chaîne de production. Vous, vous êtes favorables à l'étiquetage des OMG, je pense. Vous contrôlez la chaîne de production de A à Z? Ça se fait, ça? C'est possible de le faire?

Mme Gravel (France): Nous, on est...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Gravel.

Mme Gravel (France): Oui. Pardon. On est effectivement en faveur d'un étiquetage obligatoire. Et, quand on parle de contrôle, on est réalistes et on pense que, actuellement, il est impossible de garantir à 100 % un produit sans OGM. Par contre, il y a des seuils qu'on peut assurer. Donc, c'est plutôt dans ce sens-là que l'étiquetage obligatoire de produits contenant des OGM... Mais il y aurait lieu d'établir un seuil. Parce qu'on contrôle effectivement d'une bonne façon la chaîne, mais la contamination, elle est présente. Alors, c'est vraiment des éléments traces, mais c'est là. Donc, effectivement, on a quand même un assez bon contrôle actuellement, là, on est capables de déterminer le degré de contamination des produits biologiques lorsqu'il y a contamination. Mais c'est vraiment minime. Et, un étiquetage obligatoire, l'Europe, entre autres, a établi des seuils. En bas de ces seuils-là, on étiquette, et il n'y a pas de problème.

M. Dion: Donc, vous avez obtempéré pour les normes européennes et non pas les normes américaines ou ces choses-là.

Mme Gravel (France): Actuellement, la Filière ne s'est pas prononcée pour l'une ou l'autre des options, là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui. M. Beauchemin, vous avez soulevé un problème, là, qui a été soulevé à quelques occasions dans la présente commission, vous nous avez dit que le panier d'épicerie chez nous, au Québec, bon, il est le moins cher. Moi, je pense qu'il y a lieu de se réjouir de ça, ce n'est pas nécessaire que ce soit toujours chez nous qu'il y ait les pires résultats. Mais il s'agit de voir par contre si ça, c'est heureux, là, sur toute la ligne. Puis vous nous avez dit que finalement, bon, les prix même n'augmentent pas ou augmentent peu, puis que le rattrapage se fait en quelque sorte comme en amont, et que c'est ceux qui sont dans la ligne de production qui écopent pour cette non-augmentation des prix. Mais, avant d'augmenter les prix... Puis peut-être qu'effectivement, si on augmentait les prix, on pourrait faire une meilleure inspection et s'assurer de la qualité des produits. Mais finalement ce que vous disiez, ça rejoint un peu aussi ce que nous a dit M. Pellerin, à l'effet que, bon, le pot de cornichons, il a augmenté, mais le producteur de cornichons, lui, il n'a pas eu plus d'argent dans ses poches. Même, au contraire, là, c'est à se demander s'il n'en a pas moins, en raison de l'augmentation des coûts.

Mais, avant de penser à l'augmentation des prix, c'est-à-dire que le consommateur paie plus cher, pour qu'il y ait un meilleur équilibre, si on veut, dans cette chaîne-là, qu'est-ce que vous nous suggérez? Parce que, vous le disiez, vous le dites dans votre mémoire à la page 4, là, que l'activité agricole est de moins en moins rentable pour la ferme familiale, puis je pense qu'on en convient tous, là. Mais qu'est-ce que vous nous suggérez? Parce qu'on voit que certains tirent mieux leur épingle du jeu. C'est certain que les producteurs tirent leur épingle du jeu. Alors donc, pour assurer un meilleur équilibre dans cette chaîne-là, qu'est-ce que vous suggérez?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): Écoutez, c'est une question à saveur macroéconomique, ça, et différent de...

M. Jutras: Oui. J'en conviens.

M. Beauchemin (Robert): Il y a bien des endroits qui l'ont prise de différentes façons. En Europe, en France, où on subventionne l'agriculture, on a fait un choix: que c'était à l'ensemble de la société de s'assurer que les agriculteurs puissent mener une activité correcte et professionnelle sur leur territoire. C'est un choix. Ici, en Amérique du Nord, on dit: Non, non, non, il faut rattacher ça au coût du produit. Sauf que ça ressemble un petit peu à Hydro-Québec, ça, qui nous dit qu'il n'y a pas d'argent à faire dans la distribution, puis ils nous disent ça le sourire fendu jusqu'aux oreilles parce qu'il y a quand même beaucoup de milliards de générés dans le système.

n (12 h 10) n

De dire que les produits alimentaires... Si on regarde autant les producteurs, M. Pellerin, et tout ça, on le voit: quand une profession ne se régénérait pas, c'est parce que ou bien donc ce n'est pas payant ou bien donc il y a des problèmes. Si on ne décide pas de soutenir l'agriculture, il va falloir que ça se reflète dans les coûts. Mais dans quels coûts? Ce que je vous disais tantôt, quand on va commencer à imputer les charges de dépollution et quand on va commencer à induire tout le coût en aval du système, bien là peut-être que nos coûts ne seront pas ceux de la moyenne nord-américaine, ils vont peut-être se rapprocher de ceux du bio.

Le système bio s'est développé en parallèle parce que... Prenez l'exemple de traçabilité. Il y a eu combien de millions de l'État investis dans Traçabilité Québec? Bien, le système bio, depuis 1985, mène une traçabilité, et les certificateurs nous auditent pour s'assurer que, si j'ai une farine de maïs, je puisse retracer le champ qui a été cultivé. Il n'y a pas une cenne de subvention pour assurer cette traçabilité-là. On l'a menée à l'interne et on l'a induite dans le prix du produit. Et là tout le monde dit: Ah! ça coûte cher!

Mais il faut voir où est-ce qu'il va, l'argent, aussi. Vous achetez une baguette de 1,49 $; il y a, quoi, il y a 0,06 $ qui va à l'agriculteur. Vous achetez une baguette bio de 2,99 $; le producteur touche 0,07 $, 0,08 $. C'est tout... en termes de pourcentage, qui se multiplie tout au long de ça. Mais le système a assuré ses propres contrôles. On le voyait tantôt, je vous disais: 1,1 million qui sont assumés par un millier de producteurs et transformateurs, contre 300 000 $ de l'État. On fait vivre quand même des jobs, on assure du développement dans le territoire à la grandeur du Québec, et ça, on est obligés, nous autres, de l'inclure dans nos prix, alors que, pour l'ensemble du secteur conventionnel, ce n'est pas fait.

Il y a eu des modèles où, par exemple en Suède, on a, à un moment donné, décidé de taxer les pesticides et de créer, à partir de ce fonds-là, une façon d'assurer les contrôles pour le secteur biologique. Parce qu'on peut toujours se questionner: Comment ça se fait que c'est les producteurs biologiques qui sont obligés de payer pour démontrer qu'ils n'en utilisent pas, alors que tous les secteurs qui utilisent des intrants qui ont un impact sur le système, eux, non, n'ont pas besoin de payer, ils achètent les produits, un point c'est tout? C'est se tenir un petit peu sur la tête, des fois, quand on regarde la question de pollueur-payeur.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Jutras: Mais...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Rapidement, M. le député.

M. Jutras: Rapidement, si vous le permettez, de ce que vous nous dites par contre pour le producteur bio, la situation n'est guère mieux.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): La situation présentement est meilleure que les producteurs conventionnels. Je dis bien «présentement», parce que, si on fait les mêmes erreurs que le système conventionnel, de se diriger vers un canal de commercialisation qui est très étroit, on va se retrouver avec des multinationales qui vont, elles aussi, arriver avec une politique de bas prix et essayer de refiler la facture et les coûts aux producteurs. Donc, oui, il y a un danger, mais, présentement, dans les systèmes bios, ça va beaucoup mieux. On le voit, quand c'est sec, quand c'est humide, en termes de qualité de production, ça va beaucoup mieux.

Au niveau de la production bovine, présentement, tous les producteurs bios dans le bovin, ils manquent de boeuf. Il y a des expériences, dans les autres élevages, qui sont extrêmement positives. Le système va bien présentement. Mais on est au début du système, en termes de commercialisation. Il va falloir être extrêmement vigilant pour être créatif dans la façon de transférer ces coûts-là et s'assurer qu'on ne se fasse pas dire par un acheteur de catégorie qui ne connaît rien, qui était au papier de toilette avant mais qui est maintenant rendu au secteur bio, que...

Vous vous souvenez, il y a quelques... à l'automne, là? Moi, je voyais cette annonce-là de Métro, du gars qui était assis devant ses terminaux, qui était au téléphone et qui disait: Trop cher, trop cher. Je voyais cette annonce-là, moi, ça me faisait mal. J'avais l'impression que c'était moi qui étais au bout de la ligne, à me faire dire constamment: C'est trop cher. Il y a des limites, comment le système peut se développer.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Beauchemin. M. le député d'Iberville.

M. Rioux: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je reviens à un aspect. En page 18 de votre mémoire, vous dites: «Suite au dépôt du rapport Desjardins sur les produits du terroir et d'appellation, l'intention du MAPAQ de vouloir modifier la Loi sur les appellations réservées pour répondre à toutes ces demandes nous rend très perplexes quant à sa compréhension de ces systèmes et, par le fait même, de la loi dont il a la responsabilité.» Cette modification-là, si on regarde, je pense que, le MAPAQ, ce qu'il désire faire, c'est de permettre qu'il y ait davantage de promotion des produits du terroir. Et, dans ce domaine-là, on retrouve beaucoup de petits producteurs, et ces gens-là trouvent le processus, là, long et dispendieux pour avoir la protection d'une appellation.

Est-ce qu'il pourrait y avoir comme deux mesures pour les petites entreprises, qu'on pourrait appeler artisanales, et l'entreprise... la grande entreprise?

M. Beauchemin (Robert): Écoutez, quand on voit qui il y a dans les 1 000 producteurs biologiques, là, il n'y a pas de Danone là-dedans. Il y a des gens qui font des paniers ? on nous en a parlé tantôt, aux AmiEs de la Terre ? qui font quelques acres de jardinage, il y a des petits manufacturiers, il y a des très petites entreprises qui réussissent à vivre dans un système comme ça; non seulement vivre, mais en faire la promotion. Parce que, finalement, ce qui te différencie, toi, ton produit, par rapport à l'autre, ça tient à un contenu d'information, et, si tu n'es pas prêt à le défendre, ce contenu d'information là, ton produit, il ne se vendra pas plus que l'autre.

Quand on regarde la question des appellations, de dire: C'est bien compliqué, c'est sûr, si on ne lit pas la loi. Mais il faut voir. La loi, ici, au Québec, elle tient sur une page. Le règlement tient sur une page. La loi américaine, savez-vous combien de pages, le règlement? 650. On a réussi à faire ça quand même pas mal simple, et c'est un système qui est reconnu internationalement. La preuve: USDA l'a reconnu rapidement. On serait reconnus en Europe si ça n'avait pas été une question de juridiction.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de d'Iberville?

M. Rioux: Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ça va? Très bien. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Oui. Merci, Mme la Présidente. J'ai lu dans votre mémoire que vous nous mentionnez: Il est maintenant impossible de produire du canola non génétiquement modifié au Québec, et il semble que ça va être le cas pour d'autres semences sous peu. Et j'ai déjà posé la question à d'autres intervenants qui sont venus avant vous. On m'a dit qu'il y avait seulement environ, si ma mémoire est bonne, 7 % de production de génétiquement modifiée au Québec. Là, ce que je lis, c'est tout autre chose, dans votre mémoire. Pouvez-vous m'éclairer un petit peu?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, Mme Gravel.

Mme Gravel (France): Oui. Alors, ce qu'on peut dire par rapport à la... Il y a uniquement quelques variétés de produits qui sont OGM. Peut-être que la production de variétés à OGM est restreinte. Par contre, il y a pollinisation croisée, il y a contamination. Donc, en ce moment, ce à quoi on assiste: le canola étant une crucifère, le canola génétiquement modifié a la capacité, de par son mode de fécondation, de transmettre le gène à d'autres variétés de crucifères. Donc, il y a contamination par le pollen, ce qui fait que, étant donné qu'il y a du canola modifié génétiquement sur le territoire québécois, si vous produisez du canola et que votre voisin a un canola OGM, vous êtes assuré d'être contaminé.

Mme Charlebois: Juste dans la même veine, rapidement...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Très rapidement, madame.

Mme Charlebois: ...ce que j'ai aussi lu ? je pense que c'est dans votre mémoire ? c'est que c'est les gens qui font la culture biologique finalement qui sont pénalisés, parce qu'ils doivent laisser un certain nombre de bandes de terre disponibles pour ne pas être contaminés, justement.

Mme Gravel (France): Effectivement, les normes de l'agriculture biologique demandent une bande tampon lorsqu'il y a un risque, par le voisinage, de contamination par le voisinage. Donc, l'odieux, il est donné au producteur biologique, qui doit prendre des précautions pour ne pas être contaminé par son voisin. Et, quand on parle de contamination par les pesticides, une distance de 25 pi, de 8 m, que recommandent les normes, c'est tout à fait adéquat. Mais, quand on parle d'OGM, là on devrait parler de 10, 20, 30 km, et là c'est impossible. Il y a des régions au Québec, le Coeur-du-Québec, le Centre-du-Québec, où on ne peut pas faire de maïs ou de canola bio facilement parce qu'on est dans une mer de production conventionnelle et on n'a pas de distance aussi grande, là, pour espérer se sauver de la contamination.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très rapidement, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voulais remercier nos présentateurs du moment parce qu'on a entendu plusieurs groupes qui nous ont parlé de bio, là ? je pense que vous êtes sixième ou septième à en parler ? mais c'est la première fois qu'on a une vision, je vous dirais, très macro de La Filière biologique, et puis vous faites en tout cas une démonstration que ce que vous faites, ça a une portée qui déborde pas mal plus l'agriculture, là, que ce qu'on a vu avant.

Tantôt, vous avez parlé d'accréditation, puis là c'est comme si vous m'aviez... En tout cas, vous avez suscité chez moi une inquiétude, à savoir qu'il y a plusieurs organismes qui s'occupent d'accréditation. Expliquez-moi comment ça fonctionne. Est-ce qu'il n'y en a qu'un qui s'assure que vraiment on respecte l'ensemble des engagements puis des cahiers des charges ou s'il y a plusieurs organismes différents qui vont dire: Bien, regarde, toi, tu es bio, toi, tu es bio? Moi, j'aimerais ça être éclairé là-dessus.

n (12 h 20) n

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Gravel.

Mme Gravel (France): Oui. Il y a beaucoup de confusion dans les termes. On parle d'accréditation et de certification. Il y a un organisme d'accréditation. Le mandat de cet organisme-là, c'est de vérifier que les certificateurs font leur travail avec exactitude, qu'ils ont les capacités organisationnelles, financières qui respectent les normes. Donc, au Québec, il y a un organisme d'accréditation qui contrôle le travail des certificateurs, et les certificateurs, eux, contrôlent les producteurs, les transformateurs, distributeurs, détaillants. Donc, il y a cinq... il y a six, présentement, organismes de certification qui sont accrédités, qui ont été contrôlés par le Conseil d'accréditation du Québec.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Beauchemin (Robert): Si je peux juste rajouter, au-delà des six certificateurs du Québec, il faut voir qu'on est dans une économie ouverte où il y a des produits biologiques qui arrivent d'Australie, d'Amérique centrale, d'un peu partout, et c'est le mandat du Conseil d'accréditation, ici, au Québec, de s'assurer de l'équivalence, dans la conformité, des systèmes de contrôle à l'extérieur. Donc, vu qu'il n'y a pas de cadre fédéral, le CAQ provincial, ici, doit s'occuper de reconnaître l'homologation des produits qui viennent de l'extérieur.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Je reviens sur une question que vous avez déjà abordée ? et d'ailleurs on en a parlé un peu ensemble tout à l'heure ? c'est toute la question d'exportation par rapport aux normes d'accréditation. Ce que j'ai compris que vous avez dit, c'est que nos normes ici et notre système d'accréditation font que nous pourrions très bien exporter sur le marché européen. En pratique, nous exportons sur le marché européen?

M. Beauchemin (Robert): Oui, beaucoup de sirop d'érable, évidemment biologique, qui est exporté. Mais il faut voir les contraintes de la loi européenne par rapport à l'importation biologique. Il y a trois avenues d'importation. Soit que le système comme tel est reconnu comme équivalent; à ce moment-là, c'est beaucoup plus simple, on a une reconnaissance d'État à État. Le deuxième, c'est qu'on reconnaît l'équivalence du système d'inspection. Et le troisième, c'est produit par produit. Bien souvent, c'est par le troisième canal, produit par produit, qu'il y a une reconnaissance du produit, et ce processus-là va être terminé à partir du 1er juillet 2005. Mais il faut voir aussi ce que ça signifie, reconnaissance produit par produit. Si je veux faire une blague mauvaise par rapport aux Européens, ça veut dire: pour un conteneur de produits, il y aurait probablement un conteneur de papier.

M. Dion: Mais, si...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y, M. le député.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Mais, le Québec ayant un système complet en lui-même, il ne pourrait pas avoir une accréditation telle quelle? Est-ce qu'il faut absolument...

M. Beauchemin (Robert): Nous avions demandé, via la Délégation du Québec à Bruxelles, via le ministère de l'Agriculture, qui avait pris cet engagement-là, de faire reconnaître le système. À Bruxelles, on nous a dit que finalement ils auraient été prêts à reconnaître l'équivalence du système québécois, dans la mesure où l'autorité supérieure qui a le mandat et la juridiction des exportations acquiesçait à l'équivalence. Mais, le Canada étant dans une situation ambiguë où il n'avait pas de normes, il n'avait pas de système autre qu'un système volontaire...

Et aussi, dans la correspondance qu'on a eue avec le fédéral, à ce moment-là le fédéral a clairement indiqué sur papier qu'il l'aurait fait, sauf qu'on ne voulait pas donner au Québec un avantage indu par rapport aux autres provinces.

M. Dion: Donc, c'est un avantage indu que de reconnaître la qualité qui était objectivement démontrée?

M. Beauchemin (Robert): C'est ce qu'on nous a écrit.

M. Dion: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. le député d'Iberville, il nous reste deux minutes.

M. Rioux: Merci beaucoup. Dans votre mémoire, vous semblez nous dire qu'il y a un problème pour les produits bioalimentaires qui viennent de l'extérieur... biologiques, je veux dire, qui viennent de l'extérieur, qu'il y en a qui rentreraient avec une certaine certification, mais que dans les faits ce n'en serait pas, et finalement ça a une conséquence, pour le consommateur, mais aussi au niveau économique, d'une fausse concurrence.

Est-ce qu'il y a des moyens qu'on pourrait se servir pour pouvoir contrôler le marché extérieur?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Gravel.

Mme Gravel (France): Bien, en fait, moi, je pense que... Ce qu'on dit dans le mémoire, c'est qu'il y a effectivement une problématique, mais le CAQ est un bon outil pour régler ce problème-là. C'est-à-dire que le CAQ actuellement vérifie la validité de la certification des produits qui rentrent au Québec. Donc, il y a déjà un outil. Par contre, il faudrait que cet outil-là ait les moyens de faire son travail.

M. Rioux: Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, Mme Gravel, M. Beauchemin, de La Filière biologique du Québec. Je vous remercie pour votre contribution à la commission. Et, la commission ayant terminé ses travaux pour cet avant-midi, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures. Merci pour votre collaboration, chers collègues.

Une voix: Merci. Bon appétit!

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

 

(Reprise à 14 h 3)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je déclare la commission ouverte. Cet après-midi, on va commencer par la ferme Réal Marien. M. Marien, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire et 15 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire. Alors, je vous prie de nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous avez la parole. Merci.

Ferme Réal Marien

M. Marien (Réal): Bon, O.K. Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés, bonjour. Je me présente, Réal Marien, producteur agricole de la région de Lanaudière. Je vous présente aussi Mme Mélodie Juteau, agronome, à qui j'ai demandé de m'accompagner pour répondre à des questions plus techniques qui pourraient être soulevées à la fin de ma présentation.

J'aimerais tout d'abord remercier la commission de me donner le privilège de participer à cette consultation. Je trouve rassurant que la commission permette à de simples citoyens de s'exprimer sur un sujet tout aussi important que la sécurité alimentaire.

Étant donné que je ne représente aucun organisme officiellement, j'aimerais brièvement vous décrire mon entreprise ainsi que le parcours qui m'a mené jusqu'ici. Je suis la cinquième génération d'agriculteurs de la famille. J'exploite une ferme laitière avec ma conjointe depuis 1982. Nous cultivons nos terres de manière conventionnelle, c'est-à-dire que nous appliquons le principe d'agriculture durable. Je suis membre de l'UPA, membre d'un club agroenvironnemental depuis trois ans. Mon désir le plus cher est d'offrir à une sixième génération la possibilité de vivre la passion qui m'anime: l'agriculture.

Le mémoire qui vous a été déposé est une suite logique d'une consultation sur les OGM qui a eu lieu dans ma région en 2002, suivie d'un colloque, en 2003, où producteurs, consommateurs et différents organismes se sont rencontrés pour en discuter. L'idée d'une résolution sur les cultures OGM en fonction du principe de précaution a alors germé. J'aimerais ici vous faire la lecture de cette résolution:

«Considérant que les agriculteurs s'interrogent sur les avantages réels qu'ils peuvent tirer des cultures OGM alors qu'il semble évident que les compagnies qui les produisent en retirent beaucoup;

«Considérant l'interrogation des producteurs agricoles sur la véracité de l'information qui leur est divulguée sur les OGM ? principalement par les vendeurs de la technologie;

«Considérant le manque de transparence associé à l'introduction massive de cultures d'OGM;

«Considérant l'insuffisance d'études indépendantes ou gouvernementales concernant les risques possibles au niveau agricole, environnemental, sanitaire, social de l'utilisation d'OGM;

«Considérant le fait qu'un retour en arrière puisse être impossible si des risques devaient s'avérer fondés, donc la perte de choix pour les agriculteurs ? ici, on donne l'exemple pour le canola, qu'il n'existe pratiquement plus de lots de semences sans trace d'OGM;

«Considérant la très forte réticence des consommateurs face à l'introduction des OGM sans étiquetage, donc l'impact négatif que cela peut avoir sur l'image qu'on a des agriculteurs ? encore là, les sondages démontrent que plus de 90 % des Québécois sont pour l'étiquetage obligatoire;

«Considérant les risques d'augmenter la résistance aux antibiotiques chez les animaux de ferme et les humains, puisqu'ils sont utilisés comme marqueurs dans la réalisation de végétaux OGM;

«Considérant le manque d'encadrement pour l'utilisation de la technologie ? on s'en remet à la bonne volonté des producteurs pour établir des zones refuges pour éviter le développement de résistance;

«Considérant les risques socioéthiques et économiques reliés au brevetage du vivant par les quelques multinationales qui produisent les OGM;

«Considérant que la technologie n'est pas aussi précise et à point que les compagnies qui la produisent le prétendent, à preuve le fait que les variétés de maïs Bt contiennent jusqu'à 40 % plus de lignine que les variétés traditionnelles ? alors qu'on prétend n'avoir introduit que le gène Bt;

«Pour ces raisons, nous demandons au ministère de l'Environnement la tenue d'audiences publiques concernant l'utilisation des OGM dans le but de préciser une politique qui puisse sécuriser les consommateurs et les agriculteurs; au MAPAQ et à Agriculture et Agroalimentaire Canada d'imposer l'étiquetage obligatoire des produits contenant des OGM et de corriger les lacunes liées au manque de recherche indépendante ainsi qu'à l'évaluation des risques jugée inadéquate; et à l'UPA de convaincre les autorités [...] de tenir des audiences du BAPE sur les OGM afin d'éventuellement pouvoir clarifier sa propre position sur les OGM, en tenant compte du principe de précaution.»

Bon, par la suite, cette résolution, elle a circulé à travers le milieu agricole de la région de Lanaudière, pour être adoptée par la Fédération UPA Lanaudière. Ensuite, ma fédération l'a emmenée jusqu'au congrès de l'UPA, qui a eu lieu en décembre dernier, où elle a été adoptée avec des modifications. D'ailleurs, vous en avez une copie en annexe de mon mémoire. Pour ne pas trop prendre de temps sur ma présentation, je pourrais vous expliquer tantôt le cheminement que... la résolution qu'on a produite, le cheminement qu'elle a fait.

Enfin, je suis ici aujourd'hui pour vous exposer ma vision sur l'agriculture versus la culture OGM. Ce mémoire ne veut pas interdire la culture OGM, mais, plutôt, l'introduction massive des cultures OGM dans les champs, sans suivi et recherche neutre, sans considération agronomique, économique, sociale, est sérieusement inquiétante. Les producteurs et productrices agricoles ont avantage à connaître tous les tenants et aboutissants liés à ces cultures puisqu'en cas de litige ils seront les premiers au banc des accusés.

Voici les termes qui seront abordés dans ce mémoire: l'agriculture productiviste, l'agriculture durable, biologique, la génétique des cultures, le manque de choix, le marketing et l'absence de recherche neutre.

L'agriculture productiviste le dit, elle a apporté beaucoup de progrès à l'agriculture. C'est elle qui nous a permis d'augmenter nos rendements, nos revenus et notre qualité de vie. Mais c'est elle aussi qui nous amène à une réalité incontournable: nos terres ne sont pas une ressource inépuisable. Dans l'enthousiasme de produire davantage, le tout bien supporté par les compagnies, nous avons atteint un seuil limite, ce qui fait que les gouvernements doivent intervenir pour freiner la grosse machine productiviste. Ils imposent donc aux producteurs des PAEF, c'est-à-dire les plans agroenvironnementaux de fertilisation, des bilans phosphore, des plans d'accompagnement, des moratoires, des normes, des règles pour tenter de rétablir l'équilibre, et c'est nous seuls qui en payons la facture. Alors, ce progrès gagné au fil des ans s'effrite avec les normes imposées, et, je le répète, c'est nous seuls qui en payons la facture.

n(14 h 10)n

Un parallèle ici s'établit facilement avec les compagnies de semences OGM. On nous pousse à en cultiver sans se soucier des conséquences mais aussi sans se soucier des besoins réels du producteur. Les compagnies nous disent: Casse-toi pas la tête, ce n'est pas compliqué, fie-toi sur moi. Le concept de la facilité véhiculé est un bon attrait pour le producteur, mais jusqu'à quel point doit-on se laisser envahir? Selon moi, les cultures OGM font partie de l'ensemble des outils disponibles au producteur agricole pour cultiver de façon optimale ses champs, non uniquement la solution ou tout simplement le choix imposé ou mis à l'avant-scène. Il est déplorable de voir l'agressivité avec laquelle les cultures OGM sont vendues au producteur agricole.

Autre question que je me pose: Les compagnies développent-elles davantage les hybrides OGM au détriment des hybrides conventionnels? J'aborderai ce thème un peu plus tard dans mon exposé.

Maintenant, l'agriculture durable. L'agriculture durable, c'est celle qui permet de conserver la terre, l'eau, les ressources végétales, animales, celle qui est respectueuse de l'environnement, techniquement convenable, économiquement viable et socialement acceptable. La façon que les cultures OGM sont introduites dans le milieu ne respecte pas le principe d'agriculture durable parce qu'elles sont commercialisées et introduites sans aucune préoccupation à long terme de la biodiversité et de la conservation des ressources naturelles. L'introduction des OGM se fait aussi sans aucune autre considération agronomique que le rendement. L'agriculture, ça se passe dans la nature, dans l'environnement, où une multitude de facteurs sont incontournables, et non dans un laboratoire où chaque paramètre est contrôlé.

Maintenant, je vais parler de l'agriculture biologique. En ce qui concerne cette dernière, les cultures d'OGM peuvent aussi causer de sérieux problèmes au producteur en termes de contamination des grains au niveau de la pollinisation, des récoltes, du transport et de la distribution. Est-il acceptable que les producteurs biologiques subissent les conséquences des cultures OGM alors que, eux, ils l'ont fait, leur choix? Étant donné que je ne suis pas producteur biologique, je ne développerai pas plus sur ce sujet, mais vous en conviendrez avec moi qu'il est évident que la biotechnologie leur cause préjudice.

Autre chose sur laquelle je m'interroge, c'est au niveau de l'orientation de la recherche de l'amélioration génétique depuis l'arrivée des cultures OGM sur le marché. Il me semble évident que les compagnies mettent les efforts principalement sur l'amélioration des cultures OGM. Qu'en est-il de l'amélioration génétique conventionnelle des plantes? Va-t-on se retrouver avec une seule option?

C'est ce qui m'amène au prochain thème: le manque de choix. En annexe à mon mémoire, vous trouverez des catalogues de quelques compagnies de semences. À partir de ces pamphlets, j'ai dressé un tableau comparant le nombre d'hybrides total de chaque compagnie versus le nombre d'hybrides OGM et non OGM. Je constate qu'environ 80 % des nouveaux hybrides de maïs sont OGM. Alors, qu'adviendra-t-il du producteur qui veut faire des cultures non OGM s'il n'y a plus d'hybrides performants conventionnels disponibles? Devant quels choix se retrouvera-t-il?

Là-dessus, si je peux ouvrir une petite parenthèse, ce qui m'a amené à cette réflexion-là, c'est parce que, dans mon coin, quand il arrive, j'appelle ça la saison des représentants... Ça, pour ceux qui ne sont pas familiers avec le milieu, là, c'est qu'à partir du moment... Quand les récoltes sont finies, de maïs, là les résultats de parcelles sortent, puis là les représentants font la tournée des agriculteurs pour voir aux besoins futurs, pour les années suivantes, de semences, puis là, bien, ils apportent leurs nouveaux produits. Puis, à partir de là, j'ai remarqué que la tendance est uniquement vers les plantes de semence OGM. Ça fait que c'est à partir de ce point-là que je me suis dit: Ce serait peut-être intéressant. Puis, effectivement, quand on arrive avec un chiffre comme 80 %, ça confirme ce que je pensais.

Suite à cette expérience, je me suis rendu compte à quel point les compagnies poussent les représentants à vendre les cultures OGM. Les retombées économiques des cultures OGM sont très intéressantes pour les compagnies grâce aux redevances que le producteur doit payer pour la biotechnologie. Marketing, vente agressive, parts du marché sont des concepts qui sont venus remplacer besoins réels du producteur, choix objectifs, recommandations agronomiques tenant compte de l'ensemble des composantes de la ferme. Ceci étant dit, la production des semences OGM est devenue un marché très lucratif, oubliant même l'essence même de l'agriculture: nourrir les gens de façon sécuritaire.

Autre chose dérangeante: le manque de recherche neutre. Les seules références que nous avons, ce sont les données des compagnies qui fabriquent et qui vendent les semences. Pourrait-on avoir l'avis de sources un peu plus neutres? Les gouvernements devraient investir davantage dans la recherche afin de nous transmettre des résultats sur les réels avantages et les risques potentiels de ces biotechnologies. De plus, cela permettrait d'établir un cadre de réglementation afin de sécuriser les producteurs et les consommateurs. Encore une fois, ce n'est pas aux producteurs à absorber la facture de cette nouvelle réglementation. C'est pourquoi la résolution Les cultures OGM en fonction du principe de précaution demande au ministère de l'Environnement la tenue d'audiences publiques concernant l'utilisation d'OGM dans le but de préciser une politique qui puisse sécuriser l'agriculteur et le consommateur; au MAPAQ et à Agriculture et Agroalimentaire Canada d'imposer l'étiquetage obligatoire des produits contenant des OGM, de corriger les lacunes liées au manque de recherche indépendante ainsi qu'aux risques d'évaluation jugés inadéquats; et à l'UPA de convaincre les autorités de tenir des audiences du BAPE sur les OGM afin d'éventuellement pouvoir clarifier sa propre position sur les OGM, en tenant compte du principe de précaution.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Fort intéressant. Fort intéressant, M. Marien. Et je voudrais que vous sachiez que le fait que vous ne représentez pas un organisme n'enlève absolument rien à la crédibilité de votre témoignage et de votre mémoire, d'autant plus que vous êtes vous-même un producteur agricole, donc vous savez de quoi vous parlez, et vous êtes accompagné d'une jeune agronome.

En fin de compte, ce que vous êtes en train de nous dire, M. Marien... Et nous avons entendu des gens qui nous parlaient de l'étiquetage, qui plaidaient aussi pour la liberté de choix. Les gens veulent savoir ce qu'ils mangent et ils réclament qu'au niveau de l'étiquetage des aliments contenant des OGM soient indiqués pour qu'ils puissent choisir. Dans l'état actuel de la recherche et du développement scientifiques, on n'est pas capable d'évaluer, d'analyser les impacts sur la santé en ce qui a trait des OGM. Donc, les gens nous disent: Dites-nous que ça contient des OGM et laissez-nous la liberté de choisir si on veut manger ou pas OGM.

Mais là le message que vous nous dites, vous, aujourd'hui, là, c'est qu'au niveau de la production même la tendance fait en sorte que vous n'avez plus le choix de produire autrement qu'avec des OGM ou avec des traces d'OGM. Vous nous parlez des hybrides avec OGM. Ça, je trouve ça très préoccupant parce qu'on s'attaque à l'origine même de la chaîne alimentaire. Et on a eu des groupes qui nous ont dit que les OGM au Québec, ce n'était pas si préoccupant que ça, au niveau des superficies cultivées, au niveau des productions agricoles. Mais, avec le tableau que vous nous donnez ici et l'information que vous nous communiquez, ça semble être préoccupant.

Alors, ma première question, M. Marien, c'est de vous demander: Quelle est l'ampleur du phénomène OGM au niveau de la production au Québec?

M. Marien (Réal): Comme je vous dis, le fait que je ne représente aucun organisme, je peux parler en mon nom, mais, selon moi, moi, ce que je vois sur le terrain, c'est qu'on s'en va inévitablement vers quelque chose qui va nous... Ça peut juste se répandre plus parce qu'à quelque part la palette de choix, si vous voulez, elle va se rétrécir de plus en plus, parce que... C'est ça. Moi, je constate que, quand il vient le temps d'acheter ma semence, moi, pour l'année suivante, c'est sûr que, à quelque part, je veux rester dans la course du marché puis avoir quelque chose qui est performant, sauf que, si la compagnie, elle développe juste les hybrides qui sont génétiquement modifiés, qui sont plus performants, puis que les autres lots de semences, elle les laisse, c'est sûr qu'à un moment donné il va se créer comme deux... Il va y avoir deux tendances, là, puis à un moment donné ça va être une tendance. Parce que, si je veux rester producteur puis être viable, je n'aurai comme plus le choix, là. C'est à ce niveau-là que je me dis: Oui, c'est inquiétant. Mais, de là à dire quel est le pourcentage des superficies, je n'ai pas la qualification pour ça, là.

n(14 h 20)n

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, oui. Les productions, si vous ne pouvez pas y aller par superficies, quelles sont les productions qui sont menacées par cette tendance OGM au Québec?

M. Marien (Réal): Bien, au Québec, surtout on parle du maïs qui est cultivé majoritairement. Il y a aussi le soya. Mais là on entend récemment parler du blé, que, là encore, je trouve... Là, on parle de blé consommation humaine. Ça nous touche encore plus de près, la population en général.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord.

M. Marien (Réal): Il y a le canola aussi.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien, M. Marien. M. le député d'Iberville.

M. Rioux: Merci de votre présentation. Ce fut clair. Et je vais reprendre un peu la teneur des propos de Mme la présidente. L'ex-professeur d'économie va vous parler de marché. Votre prémisse, puis je trouve ça intéressant, au niveau des OGM, là, ce n'est quand même pas un cri alarmiste, mais sauf que vous nous dites: Advenant qu'il y ait eu un risque, qu'on ne l'ait pas décelé, il faut quand même donner le choix au consommateur. Est-ce que vous pensez que, si les produits devaient être étiquetés OGM, ça aurait un effet sur le marché, autant sur le marché du consommateur, qui pourrait à ce moment-là faire un choix... Pensez-vous... Et on nous dit, ce matin, dans un article, qu'il semble que le consommateur est prêt à payer 4,5 % de plus, 4 % de plus pour l'achat de produits s'il y a une plus-value. Et, de l'autre côté, si le consommateur fait la demande, probablement qu'il pourrait y avoir aussi, au niveau de la production, vous nous dites, des hybrides. À ce moment-là, est-ce qu'il pourrait y avoir un effet? Pensez-vous que, par l'effet de l'étiquetage, on pourrait changer le marché et qu'il pourrait y avoir une réorientation vers des produits sans OGM et aussi des produits qui seraient bioalimentaires?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Marien.

M. Marien (Réal): Oui. Bien, moi, au départ, mon raisonnement, sans être économiste, là, ça a toujours été, je me dis: mon rôle à moi, c'est de produire ce que le consommateur veut. Ça fait qu'à un moment donné le consommateur, lui, s'il est conscient qu'il y a un danger, puis qu'il se pose des questions, puis qu'il est insécure face à ça, mon option, là, c'est... Oui, on a toujours le choix, mais, à quelque part, quand tu veux rester en production... Puis ce n'est pas juste le fait non plus de vouloir rester en production, c'est d'être convaincu aussi de qu'est-ce qu'on fait. Parce que, comme je disais tantôt, l'agriculture, c'est plus qu'un métier, il y a une passion. La relation entre l'agriculteur puis la terre, je trouve que c'est... En tout cas, selon moi, c'est parce que je suis passionné de ça, là, mais je ne pense pas qu'il y ait d'autres métiers qu'on peut comparer à ça.

M. Rioux: La politique. On est passionnés, nous autres aussi.

M. Marien (Réal): Ah oui?

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre éloquente présentation, ça nous ramène directement, comme vous le disiez, à la passion agriculteur et terre. On sent très bien ce que vous vivez.

Moi, je vais vous amener sur la rotation des cultures. J'avais comme l'impression que les rotations de cultures se faisaient automatiquement, parce que j'ai rencontré des agriculteurs de mon comté qui me disaient, avec un plan fait par un agronome, qu'ils faisaient une rotation automatique. Est-ce qu'il y a moins de rotation de cultures, depuis la venue des transgéniques, qu'il y en avait avant?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Marien.

M. Marien (Réal): Je vous dirais: C'est comme le fait... Il n'y en a pas plus, il n'y en a pas moins, sauf que ça peut amener la tendance à ce qu'il y en ait moins. Mettons un producteur qui produit du maïs conventionnel depuis... Mettons qu'il ne fait pas de rotation de cultures, là. Ça fait 10 ans qu'il cultive du maïs dans le même champ. À un moment donné, il va se retrouver face à un problème, là, qu'il y a de la maladie puis tout. Il n'a pas le choix, s'il ne fait pas de rotation, il passe au bout du pont. Mais, par contre, s'il y a une plante transgénique qui arrive puis qui a le gène Bt, tu sais, qui élimine ce problème-là, ça peut juste faire perdurer...

Dans le fond, moi, j'appelle ça pelleter par en avant. C'est que tu repousses ton problème, là, mais à un moment donné tu vas arriver face à... Le mur, tu vas le rencontrer quand même, là. Ça fait que, dans ce sens-là, moi, je dirais que, oui, l'agriculture durable est comme mise de côté avec le concept OGM. Parce que ce qui est véhiculé, là, c'est ce que je disais tantôt, c'est la facilité: il n'y en a pas, de problème, puis, s'il y a un problème, on va t'arranger ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, Mme la Présidente. Justement, en parlant de terme de facilité, pourquoi croyez-vous que les compagnies poussent les vendeurs et développent seulement les hybrides avec OGM plutôt que de développer les hybrides naturels? Je ne sais pas si on peut appeler ça comme ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Conventionnels.

Mme Charlebois: Conventionnels. Merci. Pourquoi on pousse davantage ça? Pourquoi vous n'avez pas plus de choix? Pourquoi les compagnies insistent à vous... Est-ce qu'il y a une redevance? Est-ce qu'il y a quelque chose qui les stimule?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Marien.

M. Marien (Réal): Pour répondre à la question le plus simplement, là, le signe, c'est ça, c'est tout... Moi, bien, en tout cas, ma perception à moi, là, c'est au niveau... Les actionnaires des compagnies, qu'est-ce qu'ils veulent? Ils veulent des retombées, ils veulent... Si le chiffre d'affaires a été de x millions cette année, l'année suivante ils veulent que ça augmente de 2 %, 3 %, 4 %. Ça fait que, dans le fond, c'est là que la pression est donnée au départ, selon ma perception à moi.

Mme Charlebois: Puis s'ils développaient hybrides conventionnels à la même vitesse?

M. Marien (Réal): Bien là c'est sûr qu'en vendant, eux autres... Ça coûte cher, là, ça, qu'est-ce qu'ils font, j'imagine, la nouvelle technologie. Puis, à ce niveau-là...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Marien. Tantôt, quand vous avez fait le signe, pour le Journal des débats, vous vouliez dire que c'est l'argent.

M. Marien (Réal): Oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: J'ai deux questions rapides, M. Marien. Je vous remercie de vous être présenté puis d'avoir consacré du temps à la question qu'on se pose aujourd'hui. Dans votre exposé, vous avez fait référence au fait que vous absorbiez l'ensemble des coûts. Je veux juste vous dire qu'il y a des gens avant vous qui nous ont dit: Bien non, nous autres, on ramasse les contrecoups parce qu'on paie pour dépolluer les rivières, on paie pour les comités de bassin, en tout cas on paie un paquet d'affaires, là. Alors, je veux juste mettre ça pour vous en réflexion.

Mais ma question, c'est: vous vous êtes décrit tantôt comme un agriculteur traditionnel. J'aimerais ça que vous nous compariez ça avec un agriculteur biologique puis un agriculteur productiviste, là. Alors, comment vous vous situez par rapport à ces deux options-là? Qu'est-ce qui vous caractérise?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Marien.

M. Marien (Réal): Bien, le biologique, là, j'imagine ? j'étais ici, à la fin de la session cet avant-midi ? qu'il y avait... Le biologique, selon moi, c'est l'agriculteur qui... Puis je le respecte beaucoup, celui qui fait ça. Il s'impose des normes, là, que... En tout cas, il faut vraiment être convaincu, puis, moi, je lève mon chapeau aux gens qui font ça, là. C'est une conviction. Ils ont des contraintes, ces gens-là, comme ce n'est pas possible. Puis, moi, pour ma part en tout cas, je trouverais ça compliqué, appliquer ça chez nous. Mais j'admire cette façon de cultiver.

Mais, moi, je vois ça plus, l'agriculture... Quand je parle d'agriculture durable, selon moi ça rime avec agriculture raisonnée, puis ça va un peu à l'encontre, là, du principe qui est véhiculé: on va t'arranger ça ou, tu sais... Tantôt, vous parliez des cours d'eau, puis tout ça, qu'on disait que c'était refilé au... C'est parce qu'à quelque part, là, le productivisme, c'est ça que ça a amené. L'agriculteur ne s'en posait pas de questions. Mais, moi, je regarde... En tout cas, je peux parler pour chez nous. Oui, j'ai planté des brise-vent. J'en ai posé, des gestes, parce qu'à un moment donné la situation fait qu'on est amené à s'en poser, des questions, puis à un moment donné il faut réagir. Mais la différence, là, moi, je dirais, entre le productivisme puis l'agriculture durable, c'est qu'il y en a un qui se pose des questions, puis l'autre, bien, il se fait donner des réponses.

M. Soucy: Êtes-vous sur fumier liquide?

M. Marien (Réal): Pardon?

M. Soucy: Est-ce que vous êtes sur fumier liquide?

M. Marien (Réal): Non, je suis sur fumier solide.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Marien. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. M. Marien, en début de votre mémoire, vous parlez de l'étiquetage obligatoire, et ça revient continuellement, là, depuis le début de la semaine. On parle... presque tout le monde parlait d'étiquetage obligatoire. J'aimerais vous entendre. L'impact, advenant qu'il y ait une décision d'étiquetage obligatoire, est-ce que vous pensez que les OGM disparaîtront ou bien... Quel est l'impact de ça? Tout le monde désire l'étiquetage. C'est quoi, vos raisons à vous?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Marien.

M. Marien (Réal): C'est sûr que c'est une belle vertu, là, de voir que tout va être... En tout cas, je ne pense pas d'être assez naïf au point de penser que ça va se régler en claquant des doigts, là. Mais, moi, mon raisonnement, c'est que...

Quand je parlais des coûts à apporter, c'est que, là, je me rends compte que c'est... De la façon que le tableau se présente, si je peux dire, là, c'est que je vois que ce n'est pas juste au niveau des producteurs agricoles qu'il y a un questionnement, c'est la société en général. Puis, à partir de ce moment-là, moi, je me dis: Si la société se questionne, c'est là qu'il peut y avoir des pistes de solution. Il ne faut pas que...

n(14 h 30)n

Quand je parle de facture, là, c'est qu'à un moment donné, oui, il y a eu de l'exagération du côté... Il y a des questions qui auraient dû se poser bien avant aujourd'hui puis qui ne se posaient pas, puis là on est rendu face, au niveau des cours d'eau ou... En tout cas. Ce n'est pas juste, si je peux me permettre l'expression, mettre un pansement, là. Tu sais, il ne faut pas attendre d'être rendu confronté au fait. Puis, à ce niveau-là, l'étiquetage, bien là, si la société est prête... Parce que les coûts de production ne peuvent pas être absorbés uniquement par les producteurs. Moi, c'est dans ce sens-là, ma conception. Je ne sais pas si je réponds clairement à votre question, là, ou...

Mme L'Écuyer: L'autre chose, dans votre résolution, vous demandez, ou vous en parlez, des études indépendantes pour connaître les impacts. Vous l'avez dit tantôt, on sait qu'est-ce qui se passe au niveau des cours d'eau, on ne sait pas... Est-ce que ça provient... la contamination vient des OGM? Il y a toutes sortes de phénomènes qu'on vit actuellement sur les fermes qui avant étaient dites plus traditionnelles, et on n'en connaît pas l'impact parce que les études sont faites. Si on fait le lien avec l'étiquetage, une étude indépendante et l'étiquetage, en disant que ces aliments-là ont des OGM, est-ce que vous pensez qu'on peut retourner à une forme plus traditionnelle de culture et d'agriculture?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Marien.

M. Marien (Réal): Bien, selon moi, c'est souhaitable, là. Puis, au niveau des recherches, il y en a des recherches qui se font au niveau des ministères. Dans mon mémoire, à un endroit, là, je parle... Il y a des études qui ont été faites puis... en tout cas au niveau du MAPAQ aussi, sauf que ces études-là ne sont pas portées aux producteurs. Puis, tu sais, à un moment donné, c'est parce que la seule promotion qui est faite, elle vient des vendeurs de la technologie. Mais, si les gens du MAPAQ nous disaient... Parce qu'on dit que, dans la Montérégie, il y a eu une étude de faite sur l'impact de la pyrale, puis on arrive à des conclusions que, oui, le maïs Bt, ça contrôle, sauf que ce qui n'est pas publicisé, c'est que les... C'est le niveau d'infestation à un moment donné qui fait que tu peux soit en appliquer ou ne pas en appliquer, là, tu sais. Mais, quand tu ne te poses pas la question, c'est: on en met puis on ne se casse pas la tête.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Marien. M. le député de Nicolet-Yamaska, pour le prochain 15 minutes.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. M. Marien, madame, bienvenue. Je veux vous remercier pour la présentation de votre mémoire et en même temps vous féliciter, M. Marien, de venir nous faire partager vos connaissances, parce que ce n'est pas évident de venir tout seul ici faire un mémoire. Je vous félicite. Je vous félicite, c'est admirable, ça.

Je vous réfère tout de suite, dans votre mémoire, à la page 12. Vous qui êtes probablement un producteur de maïs, il y a une page complète où on parle de destruction des cultures OGM, puis les noms que je vois là, les noms de compagnies de maïs... Moi, je suis député d'un comté agricole, Nicolet-Yamaska, puis, quand je me promène dans nos belles campagnes, les noms que je vois ici, là, Pioneer, Dekalb, Pride, Co-op, je vois ça, moi, régulièrement partout. Même qu'il y a un journaliste de La Presse qui faisait des randonnées, il y a une couple d'années, en faisant le tour du Québec. Pour ne pas le nommer, c'était Pierre Foglia. Quand il avait passé dans notre région puis dans la région de Saint-Hyacinthe, il avait appelé ça le Québec soviétique, à force qu'il y avait du maïs.

Ce que j'entends de vous, là, c'est qu'on est infesté d'OGM; autrement dit, ça prolifère. Puis, quand vous me dites que votre récolte est terminée puis que les vendeurs vont vous voir puis ils vous font de la pression...

Une voix: Agressivement.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...presque agressivement, oui, bon bien, à ce moment-là, ce que j'en comprends, c'est que ceux qui n'ont pas d'OGM, vous n'avez pas de visite bien, bien souvent de ces vendeurs-là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Marien.

M. Marien (Réal): Bien, c'est parce que c'est les mêmes vendeurs, là, parce que la compagnie... En tout cas, vous en avez nommé plusieurs, mais ils ont des hybrides, ils en ont, des hybrides conventionnels, là. Sauf que ce que je me rends compte par ce tableau-là, c'est que, si, une année, ils en sortent 10, bien là, des conventionnels, il n'y en a plus beaucoup. C'est dans ce sens-là qu'à un moment donné le choix de celui... Celui qui a fait le choix d'y aller dans le traditionnel, dans le conventionnel, à un moment donné ses choix, ils se limitent, là. Puis c'est ça, il faut drôlement être convaincu pour persister.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Moi, je ne suis vraiment pas un expert du domaine, mais j'apprends, là, à mesure qu'on écoute, ici. Est-ce que c'est possible que, si on continue comme ça, dans 10 ans d'ici la souche originale d'un bon maïs sans OGM, sans trace aucune, ait disparu complètement?

M. Marien (Réal): Bien, j'espère qu'il va y avoir quelqu'un d'assez brillant pour en isoler à quelque part, là. Mais il reste que... En tout cas, je n'aime pas être catégorique puis dire: Moi, je trouve...

Comment je vous dirais? Oui, c'est alarmant, mais en tout cas ma perception, moi... Je ne veux pas croire que ça va être ça, là. Pour moi, c'est un non-sens, là, parce que... Puis, en plus, ce que je ne veux pas là-dedans, c'est comme créer deux clans au niveau des agriculteurs, là, tu sais, parce qu'il y en a qui se voient menacés de rentabilité s'ils ne peuvent pas produire des OGM, parce que c'est relié aux revenus, puis ça, c'est un danger qui guette. Puis c'est pour ça que je suis mal à l'aise de dire que la tendance est uniquement vers ça. Tu sais, ça a de l'air d'être trop pessimiste, dans le sens qu'il ne faut pas qu'il y ait deux clans, en voulant dire: Ah! bien, il y en a un qui est venu puis qui a défendu ça, les OGM, puis là, bien là, nous autres, on en fait, des OGM, puis on va se battre pour ça, puis, tu sais, on va se chamailler entre nous autres, là. Ça, il ne faudrait pas que ça se présente, il ne faut pas que ce soit présenté de cette façon-là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Parce que, la semaine dernière, on a reçu ici les gens de la Commission de l'éthique de la science et de la technologie, puis un monsieur dont je ne me souviens pas le nom...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Pothier.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): M. Pothier. On lui a demandé: Vous, là, monsieur, si vous aviez une étiquette où c'était écrit le nom de... il y avait des traces d'OGM ou on est sûr qu'il y en a, est-ce que ça vous effraierait? Il a dit: Pas du tout, pas du tout, moi ? il a dit ? je n'ai pas peur de ça, pas du tout. Peut-être qu'il n'a pas dit non plus qu'il ne pourrait pas laisser le choix à d'autres personnes. Vous, ce que vous nous dites, c'est que vous ne voulez pas être alarmiste non plus. Par contre, vous dites: On manque d'information et on aimerait ça éventuellement peut-être s'il y avait, dans ces domaines-là ou dans ce domaine-là, des recherches neutres. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Marien (Réal): Oui, bien, c'est évident. À quelque part, on dit «représentant», là, mais, tu sais, le gars, il vient chez vous puis il a de quoi à vendre, là. Ça fait que, s'il dit: C'est ça qui est bon, moi, je pense qu'il a un intérêt à quelque part, là. Je suis...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Habituellement, oui.

M. Marien (Réal): Bien, en tout cas, moi, c'est...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): C'est comme les députés qui font leur campagne électorale, ça.

M. Marien (Réal): Non, non, ce n'est pas la même chose, c'est bien mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morin (Nicolet-Yamaska): C'est mieux ou c'est pire?

M. Marien (Réal): Oui, oui, c'est mieux.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Nicolet-Yamaska, vous vous éloignez du sujet.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais on dit que je suis un député de terrain, ça fait que...

M. Marien (Réal): À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Mais soyez assuré, M. Marien, que d'habitude on dit qu'on sait lire entre les lignes, mais on comprend ce que vous dites entre les lèvres. M. le député.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va. Mon ami...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Vraiment, après de telles performances, je me sens tout petit. M. Marien, vous êtes un homme très connu dans le domaine de l'agriculture. Je pense qu'il y a pas mal de monde qui connaissent M. Marien. J'aime beaucoup votre présentation. Qu'est-ce qui me frappe dans votre présentation, c'est qu'à la fois vous dites: Je ne veux pas être extrémiste, ni d'un côté ni de l'autre, mais vous présentez les choses comme elles sont, avec les contraintes, les avantages, les inconvénients, tels qu'ils se présentent sur le terrain, et, entre autres inconvénients, les inconvénients d'ordre environnemental, qui ne sont pas les moindres.

J'aimerais reprendre l'échange là où l'a laissé mon collègue, au niveau des OGM et du prix des OGM. Il a été question de ça tout à l'heure. Quand le vendeur arrive chez vous ? je ne le connais pas; vous pouvez m'en parler, je ne le connais pas; je ne sais pas qui c'est ? alors il arrive chez vous, il vous offre des semences conventionnelles, deux, trois, quatre cultivars, et vous offre des OGM, des... c'est ça, aussi certaines variétés de cultivars. Les cultivars OGM sont plus chers ou moins chers?

M. Marien (Réal): Plus chers.

M. Dion: Ils sont plus chers. Donc, vous prenez les conventionnels?

M. Marien (Réal): Bien, dans le sens... Vous voulez dire y aller pour le plus économique ou... C'est parce que, moi, de la façon que ça m'est présenté, ce n'est pas comme ça.

M. Dion: Je ne serais pas un bon vendeur.

M. Marien (Réal): Non. En tout cas, en tout cas, vous ne me le vendriez pas. Ce qui est miroité, c'est que, oui, ça coûte un petit peu plus cher, il y a une redevance que tu dois donner à la compagnie, mais par contre tu vas aller chercher des revenus que tu n'aurais pas si tu y allais avec du conventionnel. Ça fait que dans...

M. Dion: En termes de volume.

M. Marien (Réal): Bien là, si c'est relié au...

n(14 h 40)n

M. Dion: Parce que ce que j'essaie de comprendre, c'est: Est-ce que l'OGM est choisi parce qu'il donne un plus grand volume de production ou parce que, en prenant l'OGM, vous économisez sur les insecticides, les pesticides ou d'autres choses? C'est ça que j'essaie de comprendre.

M. Marien (Réal): Bien, ça, de toute façon, c'est bien personnel à chaque producteur. Moi, chez moi, si je n'ai pas de problème ? exemple, on parle de pyrale ? que, moi, je fais de la rotation de cultures, bien, même à ça, si je prend un maïs Bt, le représentant va me dire: Tu n'auras pas de perte de rendement, encore moins, parce que tu es sûr que tu n'en auras pas, de pyrale, parce que c'est comme si tu saupoudrais du... Tu sais, on dit que c'est sans insecticide, mais c'est comme si tu en saupoudrais un peu partout, là, alors que, quand tu y vas selon le principe d'agriculture durable, si tu as un problème, tu réagis. Mais là ce qu'on fait, c'est qu'on réagit sans savoir si on va avoir des problèmes. C'est dans ce sens-là que ce n'est pas...

M. Dion: Mais, autrement dit, vous appliquez le principe de précaution. Vous prenez tout de suite le plus cher, mais celui qui vous présente les meilleurs...

M. Marien (Réal): Bien là on va jouer sur les mots, là. Moi, je ne pense pas que l'OGM, c'est le principe de précaution.

M. Dion: O.K. Mais en fait vous y allez de façon préventive.

M. Marien (Réal): Bien, c'est véhiculé comme ça, mais c'est un point de vue. C'est comme un parti politique. À un moment donné, on peut dire la même chose mais différemment.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: Vous avez de l'avenir, vous êtes...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous rappelle à la pertinence, M. Marien.

M. Marien (Réal): Non, c'est parce que je fais un petit peu de politique aussi dans mon coin.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ah!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: Alors, je peux poser une autre question?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, M. le député.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Dans votre résolution, vous demandez au ministère de l'Environnement de faire des études par rapport... Enfin, je n'ai pas le texte exactement, mais vous confiez au ministère de l'Environnement toute une panoplie de responsabilités par rapport aux OGM. J'aurais été porté à croire que vous l'aurez... Il me semble que ce que vous proposez se réfère plus à la Santé qu'à l'Environnement. Vous n'avez pas pensé de demander au ministère de la Santé plutôt de faire cette étude-là? J'aimerais retrouver le passage exact de la résolution, là.

Une voix: À la fin.

M. Dion: À la fin. «Au ministère de l'Environnement: tenue d'audiences publiques concernant l'utilisation des OGM dans le but de préciser une politique qui puisse sécuriser les agriculteurs et les consommateurs.» Est-ce qu'on se réfère à la sécurité par rapport à la crainte qu'ont l'ensemble des consommateurs quant aux effets secondaires des OGM à long terme?

M. Marien (Réal): Bien, selon moi, quand on parle d'audiences publiques, là, c'est qu'on ne va pas cibler juste un domaine. Tu sais, on s'en réfère à la santé, à l'environnement, là. Tu sais, c'est... Dans le fond, moi, c'est ça. Une audience publique, là, c'est qu'on y va plus en profondeur puis... étudier le sujet à fond, pas y aller juste superficiellement puis dire: Bien, ou avec les OGM tu as ça de plus, ou tu as ça de moins, ou... C'est comme aller en profondeur puis que ce soit fait indépendamment des compagnies qui vendent la technologie, là. C'est dans ce sens-là que, l'éclairage, il faut qu'il soit... Il faut que ce soit clair.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci.

M. Dion: Je vous remercie beaucoup. Je pense que votre témoignage est assez clair.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Est-ce que c'est possible d'envisager, comme vous le soumettez dans votre mémoire, qu'éventuellement une agriculture biologique pourrait être assez productive pour être concurrentielle à un certain moment donné? Est-ce que c'est possible d'envisager ça? C'est sûr qu'actuellement c'est plus difficile, là, mais dans les années à venir. Puis avec quels moyens?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Marien.

M. Marien (Réal): Les moyens, ça, c'est que... J'en connais, des agriculteurs dans mon coin qui sont transférés biologiques, là. Mais, quand je disais que c'était quelque chose que, moi, j'admirais, c'est qu'il faut être bien convaincu de ça. C'est parce que ceux qui ont transféré dans le biologique, là, ça les amène à cultiver plus grand de terre. Il faut qu'ils s'achètent de la terre parce qu'à un moment donné, oui, les rendements sont moindres. Puis ce que j'entendais dire ici cet avant-midi, c'est que, si tu as un voisin qui cultive conventionnellement, bien là il faut que tu aies une bande pour éviter la contamination. Donc, tu as des pertes de terrain, là. Ça fait qu'être concurrentiel, c'est concurrentiel à partir du moment où est-ce que le consommateur est prêt à payer un petit peu plus pour compenser pour les pertes puis...

Tu sais, j'ai déjà entendu la réflexion d'un consommateur qui disait: On va acheter du biologique, c'est bien moins cher; le producteur, il ne met pas d'herbicides, ça lui coûte bien moins cher. Mais, sur le terrain, ce n'est pas ça, là. Si vous saviez la charge d'ouvrage que ça apporte de plus à un producteur que d'être biologique, là, c'est... Moi, en tout cas, chapeau à ceux qui cultivent le biologique, là, qui...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Et le produit fini...

M. Marien (Réal): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Excusez-moi. Le produit fini ne rapporte pas nécessairement plus par rapport, exemple, au tracteur qu'il est obligé d'acheter, parce que le tracteur, lui, il coûte le même prix, là.

M. Marien (Réal): Oui, oui. C'est ça. Il n'est pas, tu sais...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): L'investissement est le même, là, sur la ferme biologique ou non biologique.

M. Marien (Réal): Oui, oui, c'est ça. Oui, oui, l'investissement est le même, puis même... En tout cas, j'imagine qu'au niveau... Là, je parle peut-être à travers mon chapeau, mais j'imagine qu'au niveau de l'achat des semences... Tu sais, là, ça s'en vient de plus en plus compliqué, avoir une certification. Probablement que la semence est peut-être même plus chère que le génétiquement modifié. Là, ce que j'avance, c'est sous toutes réserves, mais ça pourrait être ça aussi. Mais là, comme je vous dis, ça, je ne peux pas vous l'affirmer, là. Mais ça ne me surprendrait pas que ce soit ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bien, merci, puis je vous souhaite une bonne récolte.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Marien et madame qui accompagne M. Marien. Vous nous avez vraiment éclairés. Merci pour votre contribution à la commission.

J'invite les représentants de la Coalition citoyenne santé et environnement à prendre place.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, j'invite Mme Catherine Gorreta, présidente de la Coalition citoyenne santé et environnement, à prendre la parole et à nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et 15 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire.

Coalition citoyenne santé et environnement

Mme Gorreta (Catherine): Je vous remercie, madame. Je pense qu'ils vont se présenter tout seuls.

M. Tardif (Gilles): Mon nom est Gilles Tardif. Je suis un ex-agriculteur et retraité de La Financière agricole et un grand-père qui se soucie beaucoup de l'avenir de ses petits-enfants.

M. Laterrière (Pierre): Alors, Mme la Présidente, bonjour. Mon nom, c'est Pierre Laterrière. Je suis consultant en zonage agricole et je suis également producteur forestier vivant en milieu rural.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, vous avez la parole, madame.

Mme Gorreta (Catherine): Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames et messieurs. Et bonjour à toutes les citoyennes et citoyens de ce si beau pays.

Brève entrée en matière. La Coalition citoyenne a été fondée en fin juin 2002, les comités oeuvrant bien avant, suite au nouveau règlement agricole pernicieux, devrais-je dire, du 12 juin 2002, et représente à l'heure actuelle plus de 30 comités provenant de toutes les régions du Québec.

Notre mémoire se veut simple, les termes employés sont des mots, m-o-t-s, et des maux, m-a-u-x, de tous les jours de citoyens exaspérés de se faire expliquer ce qui est bon pour eux, du manque de transparence et d'être considérés comme étant incapables de comprendre ce qu'ils mangent. Il a même été dit que 50 % de l'intoxication alimentaire était de la faute des consommateurs, parce que nous ne savions pas conserver les aliments à notre domicile.

Les comités de citoyens vivant en ruralité ont la réalité dans la face chaque jour par la proximité des élevages intensifs les entourant, par la quasi-permanence dans les médias de l'UPA qui se lamente pour les producteurs à l'agonie. Pourquoi sont-ils à l'agonie? Ils sont endettés principalement par l'achat de terres à prix exorbitant pour grossir sans cesse, et tout cela encouragé au nom de la mondialisation. Je reprends ici une phrase du président de l'UPA sur RDI la semaine dernière: «Chaque matin, lorsque le producteur se lève, son principal souci est sa sécurité financière.» Comment le consommateur peut-il être rassuré en entendant de tels propos? Experts de tout genre payés par les gros consortiums alimentaires, semenciers, intégrateurs, etc., nous disent... que dis-je? nous imposent ce qui est bon pour nous mais surtout pour leur portefeuille. La phrase magique «des normes les plus sévères au monde», employée d'ailleurs dans pratiquement tous les pays, n'a comme seul principe que leurs procédés de fabrication soient la référence.

Alors, notre mémoire se veut uniquement sur la base parce que, que ce soient les fondations d'une maison ou l'éducation d'un enfant, la base est le pilier de sa pérennité et de sa solidité. Il en va de même pour la production alimentaire. Commençons par élever les animaux convenablement et cultiver sur des terres non polluées ? également l'eau, qui est polluée ? et on aura déjà fait un pas de géant sur la salubrité alimentaire.

n(14 h 50)n

Nous voulons une sécurité alimentaire pour nous tous au Québec. Santé publique et sécurité alimentaire vont de pair, et nous ne pouvons pas ignorer les liens avec les maladies occasionnées par les intrants utilisés en masse en production et transformation des aliments et reconnus comme transmissibles et dangereux pour l'humain, ici comme ailleurs. Lisiers, engrais chimiques, herbicides, fongicides, hormones de croissance, antibiotiques, farines carnées et résidus de toutes sortes, OGM, agents de conservation, saveurs artificielles, colorants et substances modifiées font partie de notre alimentation quotidienne.

Nous tenons à vous préciser que, contrairement à ce qui est véhiculé par l'industrie agroalimentaire, le monde agricole et les ministères concernés, il ne s'agit pas de perceptions mais bien de constats de la part du citoyen. Le spectre des maladies à prion, les encéphalopathies comme celles de la vache folle et de la grippe aviaire planent sur toutes les régions d'élevage intensif comme ici, au Québec.

M. Tardif (Gilles): Êtes-vous capables d'imaginer l'Asie refusant le porc québécois en apprenant qu'on les alimente avec des farines carnées de ruminants? Êtes-vous capables d'imaginer que la découverte d'un seul cochon débile entraîne un embargo américain et nous laisse avec nos 10 millions de cochons sur les bras? Nous ne pouvons pas non plus passer outre la protection de l'environnement. Eau, air, sol, ces éléments de base étant contaminés, comment pouvons-nous produire des aliments sécuritaires pour la santé? Il existe plusieurs fermes maraîchères aujourd'hui au Québec qui ne peuvent utiliser l'eau disponible pour irriguer leurs cultures, car elle est trop contaminée. Des centaines d'avis de faire bouillir l'eau sont émis chaque année au Québec, et, dans deux cas sur trois, cela se produit dans des villages de moins de 2 000 habitants, donc en ruralité. Conséquence: 1,5 million d'habitants boivent de l'eau du robinet à leurs risques et périls par manque d'équipement et de personnel pour traiter l'eau.

Mme Gorreta (Catherine): À l'heure actuelle, vu la course insensée au productivisme par le moyen d'usines à viande nuisibles à l'environnement, au consommateur et en définitive au producteur lui-même, dont elles aliènent l'autonomie au profit de leurs groupements et des producteurs d'aliments... n'est nullement rassurant pour la sécurité alimentaire. La puissance du lobby agroalimentaire productiviste est telle qu'il serait vain d'espérer une évolution spontanée vers des méthodes raisonnables de production de qualité si le gouvernement n'applique pas des mesures immédiates et sans dérogation aucune afin que les consommateurs puissent bénéficier d'aliments sains produits dans le respect de l'environnement et du bien-être animal.

M. Tardif (Gilles): Nous demandons de stopper la gestion liquide des fumiers et de transformer celle déjà existante en fumier solide parce que le lisier, c'est la pire saloperie inventée par nos voisins du Sud, pire encore que les armes de destruction massive. Des gens en meurent chaque année au Québec, dois-je vous préciser. Ce n'est surtout pas un engrais naturel, encore bien moins de la matière organique. Il s'agit plutôt ici d'un contaminant où se développent et se concentrent des centaines d'agents chimiques et gazeux. Et ceux qui croient remplacer les engrais chimiques par le lisier font fausse route.

Nous demandons également de stopper le développement et de réduire la production industrielle vouée principalement à l'exportation et extrêmement coûteuse pour les contribuables, polluante, dévastatrice pour le territoire et néfaste pour la santé, porcs et veaux de lait en particulier. Cela fait plus de 30 ans que les citoyens disent que ça suffit, et les médecins de la Santé publique nous le répètent. Et, malgré la protestation des citoyens, on a dépassé, en 1980, le 1,5 million de porcs, pour s'amener à 6,7 millions en 2001. Et, malgré le moratoire de 2002, on y ajoute à ce jour 800 000 porcs de plus.

J'ai passé de nombreuses années à visiter les porcheries et les ateliers de veaux de lait. Plusieurs éleveurs de porcs font un élevage différent pour leur propre consommation et, pour ce qui est du veau de lait, ils ne veulent tout simplement pas en consommer.

Il est impératif d'interdire les hormones de croissance, les antibiotiques comme stimulants de croissance, les farines carnées de tout genre et les résidus de toutes sortes, litières de poulets comprises, dans l'alimentation animale et humaine. Les farines carnées sont produites à partir d'animaux morts, malades et bourrés d'antibiotiques malicieusement appelés protéines animales. Et, au niveau de la transparence, on nous laisse croire que les farines carnées sont interdites, ce qui est faux. La seule interdiction, c'est de ne pas donner des farines de ruminants aux ruminants, et encore là en partie, mais elles peuvent être servies aux porcs et aux poulets et celles des porcs et poulets servies aux ruminants.

Nous demandons de mettre en place un système sévère de contrôle sur l'utilisation des médicaments vétérinaires et de s'assurer qu'aucun animal malade ou drogué ne soit abattu ou mis en marché. Que serait-il advenu de la vache abattue par son propriétaire au Saguenay et qualifiée par un représentant de l'UPA, et je cite, «une vieille crisse de picouille finie qui allait mourir dans les heures suivantes», n'eût été de la crise de la vache folle? Se serait-elle retrouvée dans le hamburger d'un de nos enfants ou dans le pâté chinois d'une famille de Rouyn-Noranda, faute de rigueur?

Nous demandons de mettre en place un contrôle sévère sur la nécessité de l'utilisation d'agents de conservation, de saveurs artificielles, des colorants et des substances modifiées, de les remplacer par des produits naturels et d'appliquer le principe de précaution en retirant les OGM des cultures et de l'alimentation.

Mme Gorreta (Catherine): Nous avons tendance, de façon générale, à mettre l'emphase sur tout ce qui entoure la production, la transformation, l'emballage et la mise en marché du produit au nom de la salubrité plutôt que ce qu'il contient réellement et de quelle façon il est produit. Nous demandons de mettre en place des conditions d'élevage minimums pour la santé et le bien-être de tous les animaux, animaux, rappelons-le, que nous consommons.

La sécurité alimentaire passe logiquement par l'autosuffisance alimentaire de proximité, équitable pour les contribuables consommateurs, les producteurs indépendants tout en étant respectueuse des animaux et de l'environnement, par une production, une transformation et une libre mise en marché locales, régionales et nationales tout en favorisant les petites productions et leur diversité, en leur octroyant l'argent nécessaire, un droit de produire sans contingentement ni plan conjoint et le libre accès au territoire pour tous dans une approche d'occupation et de développement économique de la ruralité. Curieusement, dans la crise de la vache folle, ce sont les petits producteurs de boeuf qui font leur propre mise en marché qui s'en sortent le mieux. Et comment se fait-il que, dans la production laitière si bien organisée, les fermes soient en difficultés financières, que l'on jette du lait à l'égout et que l'on importe des substances laitières? C'est sûrement à cause d'«un verre de lait, c'est bien, mais que deux, c'est mieux».

M. Laterrière (Pierre): Or, nous demandons que soit modifiée la Loi sur la protection du territoire agricole. Présentement, la LPTA, loi de protection agricole, non seulement ne favorise pas la sécurité alimentaire dans les aliments que nous consommons, mais encourage une industrie agricole polluante dans tous les sens du mot. La Loi de protection du territoire agricole, ainsi que la CPTAQ qui a la charge de l'administrer, ne favorise aucunement la petite agriculture paysanne et artisanale, voire biologique, et l'article 26 de la loi considère que cette sorte d'agriculture ne peut se pratiquer sans autorisation.

La CPTAQ questionne la rentabilité de l'agriculture paysanne et refuse aux citoyens et citoyennes le droit de s'établir sur un lopin de terre et avoir leur résidence. On considère les citoyens comme des intrus en milieu rural. La CPTAQ ne joue pas son rôle et ne protège pas le territoire agricole. Pour cette commission, les résidences en milieu rural sont des nuisances. Pourtant, la protection du territoire agricole, c'est protéger la ruralité contre les assauts envahissants de toute nature en matière de pollution, de destruction des forêts, des sols et des eaux et d'en conserver son intégralité dans le respect des droits des citoyens. Ces fléaux compromettent sérieusement notre sécurité alimentaire, et la CPTAQ doit voir son rôle modifié en profondeur, de même que la loi, qui est muette dans ces domaines. Et elle ne parle pas fort, son rôle étant plutôt de protéger les intérêts de l'agriculture industrielle sous le lobby protecteur de son association patronale qui est l'UPA.

Les meilleurs gardiens d'une sécurité alimentaire efficace ne sont-ils pas les citoyens qui occuperaient notre territoire, au lieu de la laisser aux mains sans scrupules de cette agriculture industrielle? Il y a trop d'intervenants gouvernementaux présentement qui se disent protecteurs du territoire, à savoir le MAPAQ, la CPTAQ, le ministère de l'Environnement, les Affaires municipales, les MRC, les municipalités, les diverses régies et organismes gouvernementaux. Tout le monde veut protéger, si bien qu'on ne protège plus rien.

Le BAPE, sur la commission porcine, fait le constat de l'inefficacité du ministère de l'Environnement pour la protection du territoire en matière de pollution. À ce même BAPE c'est le MAPAQ qui répondait pour la CPTAQ, qui, elle, disait que ce n'était pas son rôle. Un beau fouillis administratif. Une truie en perd ses porcelets. Et, pendant ce temps, ceux qu'un ministre a appelés les barons du cochon continuent à polluer, compromettant notre sécurité alimentaire, tout en étant subventionnés pour vendre du jambon aux Japonais.

n(15 heures)n

Ce que nous proposons, c'est une réforme en profondeur de cette commission, réforme qui commencerait par changer son nom en la Commission pour l'occupation et la protection du territoire rural québécois.

Le programme politique du Parti libéral, dans son volet Des aliments sains de la terre à la table, considère que c'est une priorité politique pour le secteur bioalimentaire québécois. Or, comment considérer le secteur bioalimentaire comme prioritaire sans amender en profondeur la LPTA et sans réformer l'administration de la commission, CPTAQ, qui considère ce genre d'agriculture paysanne comme une nuisance à l'agriculture industrielle? Le journal du Devoir de samedi dernier annonce un début de changement de mentalité de la part des agriculteurs traditionnels, changement provoqué non pas par conviction écologique mais bien par des convictions économiques.

Il est temps que la CPTAQ soit un outil collectif qui doit jouer son rôle de protection du territoire rural, un bien collectif. La CPTAQ devrait prendre part activement à la protection des forêts, des rivières et de l'eau que les humains et les animaux dont nous nous nourrissons boivent. Au lieu de chasser les citoyens du territoire, la CPTAQ devrait constituer des moyens de pression sur les agriculteurs pour qu'ils adoptent des comportements et des pratiques responsables. Un pays, ça se construit par l'occupation du territoire et non pas en l'abandonnant à une industrie agricole polluante et dévastatrice pour l'environnement, les animaux et ses habitants.

M. Tardif (Gilles): Nous demandons: de mettre en place un programme de développement de l'agriculture biologique; de favoriser la production et la transformation alimentaires locales et régionales; de réserver l'aide financière et les programmes de sécurité du revenu agricole aux fermes ou productions agricoles et alimentaires indépendantes, à dimension humaine, non polluantes, sans risque pour la santé et destinées à l'alimentation du Québec.

Le Québec se doit d'innover afin d'ouvrir de nouveaux marchés et de devenir un chef de file dans la production d'aliments biologiques. La crise de la vache folle nous démontre bien la défaillance de notre façon de faire ? à titre d'exemple, l'absurdité de notre production de boeuf. Les quelque 150 000 bouvillons subventionnés que nous produisons chaque année ne sont pas consommés par les Québécois mais bien vendus et abattus en Ontario, en ayant bien pris soin de les identifier avec des boucles d'oreilles au nom de la traçabilité, qui est nulle et sans effet chez nos voisins comme chez nous. Et cette viande ne revient pas sur nos marchés. Nous importons plutôt de l'Ouest canadien, des États-Unis et d'ailleurs le boeuf que nous consommons, avec les risques alimentaires que cela comporte, et à quels coûts pour les contribuables consommateurs? D'ailleurs, nous importons beaucoup plus de boeuf que nous en exportons.

Pour qu'un produit alimentaire soit sécuritaire...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Merci. Merci. Je vais devoir vous arrêter, M. Tardif, pour la présentation du mémoire parce que vous avez épuisé votre temps, et vous allez pouvoir y revenir durant la période des échanges. Je vais vous donner l'opportunité tout de suite.

Ce que je dénote, Mme Gorreta, M. Tardif et M. Laterrière, c'est que vous êtes des gens très engagés dans ce que vous nous dites. Ça paraît parce que, émotivement, vous avez investi beaucoup dans l'engagement que vous venez partager avec nous, et je vous en remercie.

Vous avez soulevé un tas de problèmes et de questions aussi qui nous interpellent. Lorsque vous faites l'état de la question, l'état de la question relativement aux problèmes de l'agriculture industrielle, individualiste, etc., vous avez parlé des problèmes des additifs, des farines carnées, de la pollution de l'eau, de l'environnement. C'est gros, c'est majeur.

Si je vous demandais de peut-être relativiser, ou de documenter, pour nous permettre de mieux cerner le problème, ce serait quoi, le problème majeur, de votre point de vue à vous? Tantôt, vous avez dit que les fermes maraîchères hésitent à utiliser l'eau pour l'irrigation, tellement elle est polluée. Vous pouvez situer ça? Géographiquement, ça se trouve où? Dans quelle région? Ça présente quoi exactement comme problème, localement ou régionalement? Parce que c'est quand même assez important comme constat que vous faites.

Mme Gorreta (Catherine): Oui, Mme la Présidente, vous avez raison de souligner que c'est très important comme constat. Comme vous pouvez le voir à la fin de notre mémoire, nous avons une liste de 30 comités qui partent de Chapais en passant ? en allant au Saguenay ? par la Mauricie. Il y en a un dans chaque comté. Nous avons tellement rencontré de gens. Nous avons suivi le BAPE, nous nous sommes déplacés en dehors de notre travail à nos frais. Nous avons tellement constaté un affolement, un affolement de la part des gens, des petits producteurs, des ouvriers, des potiers, de petits garagistes, de tout le monde qui se sentent pris en otages dans une ruralité où ils ont envie de vivre. Je vis en ruralité, et puis on est tous quelque part fils et petits-fils d'agriculteur. Donc, on n'a rien contre l'agriculture, bien au contraire. Mais, quand elle devient dévastatrice, le gros problème ? vous voulez le gros problème ? le gros problème, ce sont les élevages intensifs, Mme la Présidente. C'est ça, notre problème, au Québec. Nous sommes en train de faire du Québec une poubelle géante.

Ça fait huit ans que je suis au Québec et, comme j'ai dit au début, c'est un beau pays, où les Français, d'où je viens, qui sont pourtant des râleurs-nés, l'apprécient pour sa grandeur de nature. On peut faire des tas de choses au Québec. Je n'ai jamais entendu un Français critiquer le Québec. Mais il va tellement être poubelle, rempli de lisier dans les cours d'eau, sur les champs, qu'il n'y aura plus personne qui viendra ici. C'est ça, le cri d'alarme. Et on ne peut pas construire une ruralité avec des porcheries de 15 000 bestioles. Vous savez, 500 truies, les déjections animales de 500 truies représentent les déjections de 25 000 habitants. Où on va? Où on va? On fait du Québec une piscine de lisier, de purin, et ce lisier, c'est la catastrophe, et c'est la seule catastrophe à l'heure actuelle qui pollue l'eau.

Vous vous penchez au-dessus de Saint-Hyacinthe, vous regardez la couleur de l'eau, qui est verte, qui est due aux cyanobactéries. Les cyanobactéries, qu'est-ce que c'est? C'est l'excès de phosphore. Et l'excès de phosphore, il est où, s'il n'est pas dans le lisier de porc? Et puis, les gens qui font les valets, là, les valets de l'industrie, qui ne sont pas des agriculteurs, qui élèvent des animaux dans des camps de concentration, il faut bien qu'ils s'en débarrassent, de ce lisier-là. Et tous nos cours d'eau sont empoisonnés.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, Mme Gorreta.

Mme Gorreta (Catherine): Et c'est émotif.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je vous comprends d'être émotive. Je pense que c'est un cri d'alarme qui va être écouté par plusieurs. C'est vrai que tout le monde s'interroge. Je pense que tout le monde est inquiet. Je pense que le moratoire aussi sur les entreprises porcines y est pour quelque chose, hein? Je pense qu'on a commencé à...

Je vais juste faire un commentaire. À la page 9, on dit qu'on doit devenir un chef de file de la production d'aliments biologiques. Vous n'êtes pas les seuls, il y a plusieurs des mémoires qu'on a reçus qui nous ont dit: C'est le temps, on peut faire un virage et on peut arriver à quelque chose de très intéressant au niveau du biologique. Je veux cependant vous poser une question. À la page 7 de votre mémoire, vous dites qu'il y a trop d'intervenants au niveau de la protection du territoire: le MAPAQ, la CPTAQ. Bon, il y a plein de monde. Mais, en même temps que tout le monde protège, personne ne fait rien. Ce serait quoi, votre solution au problème de la multitude d'intervenants au niveau du territoire agricole?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Gorreta?

Mme Gorreta (Catherine): Je vais demander à M. Laterrière...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Laterrière? M. Laterrière.

M. Laterrière (Pierre): Là aussi, on a constaté, en suivant le BAPE, là, que le ministère de l'Environnement ne joue pas son rôle, que le ministère de l'Agriculture ne joue pas son rôle. Il n'y a personne qui joue son rôle puis il n'y a pas de volonté d'appliquer... Tout le monde se passe le «bucket» de l'un à l'autre. Alors, la solution, on le préconise, c'est que la vocation de la Commission de protection du territoire agricole soit changée, que ça s'appelle la Commission pour l'occupation et la protection du territoire rural, parce qu'il n'y a pas seulement que la zone agricole, là ? 80 % dans le centre d'une campagne ? qui peut être protégée, c'est tout le territoire qui doit être protégé, mais protégé intelligemment. Par exemple, si on regarde les PAEF, là, en matière porcine, bien la commission en exige, l'autre n'en exige pas. Le MENVIQ, personne ne vérifie. Alors, c'est un «free-for-all» là-dedans. Alors, il faut qu'il y ait seulement qu'une commission qui contrôle tout ça.

Moi, je ne comprends pas pourquoi que l'Environnement a un volet agricole puis l'autre n'en a pas, puis la commission donne l'immunité, puis le MAPAQ est là-dedans, puis il n'y a plus personne qui se comprend. Ça fait que c'est une commission de protection qui protège réellement le territoire.

Mme L'Écuyer: Avec un mandat revu.

M. Laterrière (Pierre): Bien sûr!

Mme L'Écuyer: Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme la députée de Pontiac. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'ai bien compris que votre présentation, c'était vraiment un cri du coeur, parce qu'on n'a pas beaucoup abordé l'inspection, l'étiquetage. En fait, on en a parlé un petit peu en gros, de la problématique.

n(15 h 10)n

Et puis là je ferais juste un petit commentaire par rapport à l'association patronale qu'est l'UPA. J'espère que M. Pellerin va lire nos débats puis les résumés de nos débats, parce que je pense que c'est la première fois que je l'entends sous cette forme-là, puis ça faisait plaisir à entendre. Alors, j'espère que ça vous a fait du bien. Moi, ça me rassure de savoir qu'il y a des gens aussi qui sont préoccupés par l'agriculture à ce point-là.

Dans mon vécu antérieur, je travaillais dans une MRC, et puis on avait beaucoup de demandes de modification au zonage agricole, puis, pour éviter les conflits d'usage, pour éviter que les citoyens viennent trop habiter nos villages, la CPTAQ refusait, la plupart du temps, les demandes de dézonage. Et là ce que je comprends de votre part, c'est le contraire. Vous voudriez qu'on ait un arrivage de gens des villes qui viennent s'installer en campagne. Vous ne croyez pas que ça peut occasionner des conflits d'usage, d'une part?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Une courte réponse à cette question, d'abord.

M. Laterrière (Pierre): Bien, écoutez, actuellement, les gens, là, de l'UPA puis tout le monde, ils souffrent du syndrome de Mirabel. Tout ce qu'on entend parler, c'est que la Loi de protection du territoire agricole, c'est une bonne affaire parce que ça va éliminer les producteurs, ça va éliminer les histoires comme la route 30, ça va éliminer, bon, tous ces gros envahissements là. Ce n'est pas ça. La Protection du territoire agricole actuellement est aux prises avec 85 % de citoyens qui veulent s'établir en territoire agricole, qui veulent faire de la petite agriculture, de la petite agriculture artisanale, tenter leur chance. Mais la commission leur dit: Non, il faut que tu sois là à plein temps puis que tu gagnes ta vie à plein temps. On préfère voir les terres en friche, les terres abandonnées, puis on préfère que le territoire se vide. Puis qui remplit le territoire? C'est les cochons puis l'agriculture industrielle. Alors, c'est à peu près mes commentaires.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: J'allais justement vous poser une question dans le sens où mon collègue vient de vous demander parce que j'ai un citoyen qui veut s'établir, justement, et faire de la vigne, mais, parce qu'il n'a pas une production industrielle, il ne peut pas actuellement.

Vous nous parlez de traçabilité qui est nulle et sans effet, chez nous comme chez nos voisins. Est-ce que vous nous parlez de traçabilité qui est nulle parce que vous considérez les méthodes de production intenses? Et j'aimerais aussi vous entendre sur ce dont le producteur avant vous, M. Marien, nous a fait mention, que tous les hybrides qui leur sont offerts sont bourrés d'OGM, bref que 80 % des nouveaux hybrides sont avec OGM.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, c'est M. Tardif. S'il vous plaît.

M. Tardif (Gilles): Oui. Je ne suis pas vraiment un spécialiste au niveau des semences et des hybrides qu'il y a à l'intérieur, sauf que je peux peut-être répondre à une question, tantôt, qui a été demandée: Pourquoi qu'on pousse tellement sur les OGM? C'est parce qu'on veut prendre le contrôle de la semence où on n'aurait plus... Les souches de ces semences-là sont appelées à disparaître. Il va y avoir une ou deux immenses compagnies multinationales qui vont les contrôler, et, nous, on sera à leur merci, à ce moment-là. Voilà.

Puis, pour votre question au niveau des traçabilités, je parle des boucles d'oreilles qu'on met aux bouvillons qui sont abattus en Ontario puis qui se ramassent dans la poubelle. Cette traçabilité-là nous a coûté 32 point quelques millions à mettre en place. Les producteurs, il y en a une partie qui doivent payer pour ces boucles d'oreilles là qu'ils mettent après. Identifier les veaux, identifier les bouvillons, c'est abattu à l'extérieur du Québec, ça ne revient pas sur nos marchés. Alors, c'est un petit peu nul, là, cette partie-là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. M. le député d'Iberville.

M. Rioux: Merci. Vous avez un plaidoyer pour la défense des régions, donc que notre territoire soit occupé. Je veux changer un petit peu de sujet, mais qui va dans le sens de l'occupation du territoire. Est-ce que vous pensez que, de développer davantage les appellations contrôlées, donc des produits du terroir, on est sur une bonne piste pour occuper davantage nos territoires et ramener les gens, les petites productions, là, comme vous faisiez écho tout à l'heure?

M. Tardif (Gilles): Absolument. Je veux dire, c'est une très, très bonne piste. Mais l'emphase principale, c'est la Loi de la protection du territoire agricole, l'application de cette loi-là. J'ai un de mes voisins qui est un producteur de sirop d'érable, qui est aussi policier. Lui, il rêvait de s'installer dans son érablière et installer sa maison là. Impossible de le faire, hein? J'ai des gens qui voulaient s'installer pour produire du lait de chèvre, et s'installer, et ainsi de suite. Ces gens-là avaient quelques dollars à investir. On les refuse. Comment voulez-vous qu'on développe une ruralité, et que les gens ne puissent pas s'installer sur des terres qui leur appartiennent, et que d'autre part ces gens-là paient des taxes sur toutes les terres agricoles? Vous savez qu'il y a des remboursements jusqu'à 70 % sur les taxes agricoles. Bien, ça, ce sont tous les citoyens qui les paient. Le territoire agricole n'appartient pas qu'à une seule classe de la société, et nul ne peut s'en accaparer pour lui-même. Alors, tous les gens du Québec ont droit à la ruralité. C'est ça qui empêche le développement de nos régions en grande, grande partie. Et, oui, il est important de laisser tous ces gens-là, qui ont des idées, qui ont du vouloir, qui ont des sous à investir, de les laisser aller s'installer dans les campagnes et de produire des aliments sains pour leur entourage.

M. Rioux: Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Je voudrais revenir sur cette idée de la protection des territoires. Vous stigmatisez beaucoup la Commission de protection du territoire agricole et vous dites: Il est temps que cette commission change quasiment de philosophie, d'orientation, et qu'elle s'oriente vers une occupation des territoires. En soi, l'idée est très intéressante, parce qu'au Québec on a un problème de dépeuplement des régions, particulièrement les régions qui sont un peu loin des grands centres urbains. Est-ce que vous pensez que c'est la Commission de la protection du territoire agricole qui doit se charger de ça ou est-ce que ça devrait se décider à une autre instance? Autrement dit, pourquoi c'est la commission que vous visez?

M. Tardif (Gilles): Bien, écoutez, c'est sûr qu'il faut changer la mentalité de la commission. Actuellement, là, vous avez les commissaires de la commission qui en majorité proviennent de l'UPA. Alors, leur but, eux autres, c'est de vider le territoire pour faire de la place à l'agriculture industrielle. Et c'est prouvé. Moi, j'ai deux villages que je connais dans Charlevoix: Sainte-Agnès et Notre-Dame-des-Monts. Sainte-Agnès est zoné agricole à 15 %; Notre-Dame-des-Monts, qui est le village voisin, est zoné agricole à 85 %. Or, la population de Saint-Aimé-des-Lacs a augmenté de 5 % à 6 %, tandis que la population de Notre-Dame-des-Monts a diminué de 5 % à 10 %. Pourquoi? Parce que les gens ne sont plus capables de s'établir en territoire agricole.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bonjour. Madame, messieurs, bonjour. Merci de votre présentation qui venait du coeur. Je fais suite aussi à la question de Mme la présidente à propos de la protection du territoire agricole. Effectivement, je pense que, pour une bonne part, vous avez raison. Et ce qu'on a entendu dire l'autre jour aussi, dernièrement, c'est que la ministre de l'Agriculture actuellement s'apprêtait, après 25 ans de protection du territoire agricole, de la loi, de rafraîchir cette loi-là. Et ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est qu'effectivement elle aurait besoin d'être rafraîchie, cette loi-là, et vous nous donnez des conseils à ce niveau-là aussi. Mais j'aimerais ça vous entendre aussi, là. Comment la ministre pourrait envisager le fait que, dans certaines municipalités ? j'en ai dans mon comté ? où on avait 150 agriculteurs voilà 40 ans, on se retrouve désormais avec 20 agriculteurs? Tu sais? Bon. On veut retourner à l'agriculture familiale, à la terre ou la ferme de type familial, mais en même temps il y a tout un engrenage dans ça pour retourner en arrière. Ce ne sera pas évident de repartir un système pour revenir sur des fermes à dimension humaine quand on a actuellement un rang complet qui est la propriété d'un agriculteur. O.K.? Qu'est-ce que vous auriez à suggérer à la ministre de l'Agriculture pour rafraîchir sa Loi sur la protection du territoire agricole?

M. Tardif (Gilles): Bien, écoutez, c'est simplement l'occupation du territoire qui est importante. Moi, je vais vous donner une suggestion. Ça va être une hérésie, ça, si l'UPA m'entend. C'est que, chaque côté d'un chemin public, on devrait permettre les constructions de résidences; chaque côté d'un chemin public au Québec, sauf en milieu agricole très intensif ou dense. Mais là, écoutez, ça, là, c'est... Allez dire ça à la commission, vous allez ressortir sur les bretelles. Alors, il faut occuper le territoire. Occupez le territoire, la petite agriculture va revenir tranquillement, parce qu'il n'y a personne qui va être propriétaire d'un lopin de terre de 25, 30 hectares qui va le laisser à l'abandon. Tout le monde va s'essayer, tout le monde va faire de la sylviculture. Évidemment, ce ne sera pas un succès dans 100 % des cas, mais, s'il y a 60 %, 70 % des gens qui réussissent tranquillement à augmenter, à avoir de l'agriculture biologique, avoir ça, avoir toutes sortes de choses de ce genre-là... Donc, il faut permettre l'occupation du territoire.

n(15 h 20)n

Puis, l'occupation du territoire, évidemment, ça prend des petits commerces pour soutenir ça. Là, ce qui se passe, c'est que les agriculteurs vont se ramasser... Ils vont être tout seuls dans le territoire puis ils vont être obligés de sortir de là.

Je regarde des villages, là. Tu vas à des funérailles, c'est seulement que des têtes blanches. Tu dis: Dans 10 ans, le village est vide. Bon. Alors, c'est ça qui se produit. On est en train de vider notre pays, puis il faut l'occuper, puis l'agriculture va prendre tranquillement sa place. Alors, comment est-ce que ça peut se traduire, ça, au point de vue lois puis articles de loi? Je ne le sais pas, mais il faut favoriser l'occupation du territoire.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais vous savez comme moi, monsieur, qu'une des récriminations que fait l'UPA, ou les défenseurs de la CPTAQ, c'est le fait de dire: Si on ouvre ? comme vous dites ? à chacun des rangs, chacun pourrait posséder son bout de lopin de terre, venir s'y établir. Une des raisons qu'on dit: il faut être prudent parce que les personnes qui viennent de milieux urbains ? puis tant mieux s'ils reviennent à la campagne ? sont les premières à se plaindre des odeurs, entre autres. Vous parliez tantôt, là, du lisier et compagnie, et les agriculteurs et agricultrices du Québec actuellement sont un peu, je vous dirais, tannés d'entendre ça. Il y aurait sûrement, selon moi... de faire une cohabitation harmonieuse entre les agriculteurs et agricultrices qui y habitent, qui possèdent le territoire, et ceux qui viennent y habiter.

M. Laterrière (Pierre): Bien, écoutez, si l'agriculteur fait une agriculture conforme aux normes, il n'y en aura pas, de problème. Mais actuellement on assiste à des choses épouvantables en agriculture. Moi, j'ai vu des camions de lisier... la personne stationner son camion-citerne, puis rouvrir la champlure, puis même pas se promener dans le champ. Ça, j'ai vu ça. Alors, que l'agriculteur fasse son agriculture de façon à suivre les normes, puis il n'y en aura pas, de problème. Moi, si je vais habiter à la campagne, c'est normal que j'aie des odeurs. Mais ce n'est pas normal que j'aie 42 jours d'odeurs comme j'en ai eu cet été, par exemple. 42 jours de temps à sentir la... ouais, ce n'est pas trop, trop agréable. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de règlement. L'un épand le lendemain, puis l'autre, le lendemain, puis l'autre, le surlendemain, puis c'est un épandage continuel. Donc, suivons les normes, donnons-nous des règlements, faisons de l'agriculture qui se pratique, puis on n'aura pas de trouble, puis il y a moyen de cohabiter.

M. Tardif (Gilles): Ce que je voudrais ajouter, c'est que le lisier, par rapport à un fumier solide, les émanations, les gaz, c'est doublé par deux. J'ai passé ma vie en campagne, j'ai eu des animaux, j'ai pelleté... c'est-à-dire j'ai broqueté du fumier. Je n'ai jamais été malade, jamais eu de nausée, jamais chialé. Mais le lisier, c'est insupportable, ça nous rend malade. Il est là, le problème des odeurs, des contaminants de l'atmosphère. C'est cette technique, qui n'est pas normale, qu'on utilise. Ce n'est pas une pratique normale. C'est ça qu'il faut changer.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, allez-y, M. le député.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Vous l'avez souligné tantôt, qu'il y a un moratoire sur la production de porc au Québec, et on a entendu...

Des voix: ...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bien, il y a un moratoire actuellement, là. O.K.? Puis la levée du moratoire n'est pas faite encore. Le rapport du BAPE est sorti. Bon, je pense qu'on a prolongé le moratoire jusqu'au mois de décembre 2004. O.K.? Qu'est-ce que vous conseilleriez à la ministre de faire ou de nous dire pour commencer à travailler sur quelque chose de solide pour qu'éventuellement, quand on lèvera le moratoire, pour ne pas que les endroits où on n'a pas eu de surplus de lisier... Prenons certaines régions du Québec actuellement qui ne sont heureusement pas en surplus. Mais, si on a attendu pendant deux, trois ans durant le moratoire, vous savez comme moi qu'est-ce qui va arriver: quand le moratoire va être levé, tout le monde va s'en aller s'établir dans ces régions-là. Qu'est-ce qu'on pourrait conseiller à la ministre de faire pour empêcher d'être envahi par les producteurs de porc et compagnie?

Mme Gorreta (Catherine): Ce qu'on peut conseiller à la ministre, en toute modestie, c'est que, quand il y a quelque chose qui ne va pas, on stoppe tout. On est drastiques. Fin décembre 2004, ce n'est même pas suffisant. On ne connaît pas, à l'heure actuelle, à longue échéance, ce que ça va faire. On a des exemples de la France, en Bretagne, où il n'y aura plus d'eau potable pour quatre générations. Donc, on voit pourquoi. On nettoie la cochonnerie qu'on a laissé mettre en place, et après on verra une autre façon de faire. Ce qu'on ne veut pas ici? On ne veut pas que nos petits copains de l'Abitibi, ils en aient. Les gens qui sont en Chaudière-Appalaches, les gens qui sont en Montérégie, les gens qui sont dans le Centre-du-Québec, c'est trois régions qui sont saturées, qui sont saturées.

Oui, M. Morin, vous êtes, hein... Baie-du-Febvre, et toute la clique qui est là-bas, puis tout Saint-Hyacinthe. Quand vous sortez de Montréal puis que, à partir de Sainte-Madeleine, sur l'autoroute 20, vous faites 100 kilomètres dans la puanteur et dans la charogne, que vous prenez la sortie 147, Saint-Liboire, Acton, Upton... J'invite n'importe lequel des députés à le promener dans ma voiture gratuitement, parce qu'une image vaut mille mots. Ça suffit, il y en a trop. Et on ne va pas dire: Il n'y en a pas en Abitibi, alors on va mettre... Ils n'en ont pas à Murdochville, ils ont perdu leur usine, allons leur mettre ? excusez-moi, je vais être malpolie ? de la marde.

Il faut arrêter d'en faire. Il y en a suffisamment. 10 millions de porcs dont plus de 60 % s'en vont au Japon, en Australie et aux États-Unis, on n'en veut pas. Et n'oubliez pas que les précurseurs de ce système, de Caroline en Iowa, et tout ça, eux, ils ont un moratoire depuis quatre ans. C'est eux qui ont commencé à faire ces élevages intensifs, et ils n'en veulent plus. Mais par contre ils viennent acheter le nôtre. Alors, comme ça a été saccagé ailleurs en Europe, ça a été saccagé aux États-Unis, que vous le voyez, que vous l'entendez, je ne sais pas, moi, le bon sens: ne refaites pas la même erreur.

Mais qui c'est qui mène? Eh bien, c'est les gros, c'est la Coopérative fédérée, c'est tous ces gens-là, qui disent: L'agriculteur, il n'est plus agriculteur. Vous êtes un valet de l'industrie. On vous amène les porcs, engraissez-les. On vous prête pour acheter la bâtisse, qui, entre nous, soit dit... Vous connaissez beaucoup de gens, vous, de 25 ans qui sont capables d'emprunter à la banque pour 1 million pour construire une bâtisse pour faire un camp de concentration d'animaux? C'est ça, l'agriculture de demain? Non. Alors, on arrête tout et on n'en refait pas, même à la fin de l'année.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): En peu de temps, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Vous n'êtes pas en train de nous dire, madame, que, dans ce domaine-là, ce serait tolérance zéro? Ce serait: augmentons les normes puis essayons de vivre en harmonie.

Mme Gorreta (Catherine): Il n'y a personne pour les faire appliquer, les normes, et je plains le ministère de l'Environnement.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Gorreta, si vous me permettez, laissez le député terminer sa question. Merci beaucoup. Allez-y, M. le député.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, bien, elle était pas mal terminée.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): O.K. D'accord. Ça va. Très bien, très bien.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je vous laisse aller.

Mme Gorreta (Catherine): Non, ce que je voulais vous dire, ce que je voulais vous dire sincèrement, sincèrement et sans aucune méchanceté: le ministère de l'Environnement est le parent pauvre du gouvernement. Moi, ça me fait mal au coeur de voir que ça a toujours été. Ce ministère n'a pas les moyens de... Et puis on ne va pas faire un pays de flics et de police. Il y a plein de normes qui sont géniales; mettons-les en application. Qu'est-ce que vous faites avec six personnes pour inspecter tout le Québec? Jusqu'à présent, avant le BAPE, il y avait six inspecteurs pour inspecter. Quand je suis allée voir le ministère de l'Environnement au mois de décembre, entre Lefebvre et Wickham, au mois de décembre, un gars en train de ? beurrer, on dit, en québécois? ? beurrer à la grandeur de lisier... Vous allez me dire: Eh bien, lui, encore, il avait une dérogation. On n'a plus le droit à partir du 1er octobre. Ils ont tous des dérogations. Il faut arrêter.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez été interpellé beaucoup, hein? Il se passe des choses, à Saint-Hyacinthe. Ha, ha, ha!

M. Dion: Je vous remercie, Mme la Présidente, de me donner la parole. Premièrement, moi, je ne me suis pas tellement senti interpellé personnellement, parce que je trouve très intéressant votre mémoire et je pense que vous avez un langage très clair. Sauf que je suis resté sur ma faim parce que M. Laterrière n'a pas eu le temps de terminer son exposé au début. Je ne sais pas s'il l'a déjà... s'il a eu l'occasion de le passer, sinon j'aimerais d'abord l'entendre. Au début, M. Laterrière, on vous a coupé...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il ne restait pas de temps, c'était terminé.

M. Dion: ...parce que nécessairement votre temps d'exposé était terminé, et j'aimerais ça l'entendre, si vous n'avez pas eu le temps de terminer votre exposé.

M. Tardif (Gilles): Vous voulez qu'on termine notre exposé? Bien, on va le terminer.

M. Dion: Bien, si c'est possible. Il y a au moins deux ou trois minutes, là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, très bien. Il reste exactement trois minutes.

M. Tardif (Gilles): Bon, bien, on va le terminer.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y, monsieur.

M. Tardif (Gilles): Pour qu'un produit alimentaire soit sécuritaire, la connaissance de sa provenance ainsi que les intrants utilisés, la façon et les conditions dans lesquelles il a été produit, transformé et conservé doivent obligatoirement être indiqués clairement, complètement, simplement et sans ambiguïté, ainsi que tous les ajouts, afin que le consommateur ait le libre choix en toute connaissance de cause. Et cela vaut aussi pour les OGM et tous les aliments que nous importons.

Étant donné qu'un aliment biologique est plus sécuritaire, est-ce à dire que tous les autres sont à risque? Une attention particulière devrait être portée à l'identification de tous les aliments produits au Québec. Et pourquoi pas la rendre obligatoire? J'irais plus loin, j'imposerais un certain nombre d'aliments minimum produits au Québec dans les comptoirs d'alimentation.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, avez-vous une question, M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Tardif (Gilles): On n'a pas terminé.

M. Dion: Non, Mme la Présidente, je trouve que le langage était très clair.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ça va? Alors, avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur?

Mme Gorreta (Catherine): Bien, je voulais simplement...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ou madame?

n(15 h 30)n

Mme Gorreta (Catherine): Je voulais simplement vous relire un tout petit paragraphe qui est dans notre mémoire mais que j'aimerais que les citoyens entendent. Combien faudra-t-il encore de commissions parlementaires, de BAPE et de créations de comités d'étude, de conseils pour étudier chacune des problématiques qui sont toutes liées les unes aux autres, autant en alimentation qu'en agriculture?

Notre conclusion: jusqu'ici, on vous laisse le bénéfice du doute, étant débutants dans ce nouveau gouvernement. Les gouvernements et les industriels n'ont que faire de la santé des citoyens, font fi des mises en garde répétées des médecins et des vétérinaires et font fi aussi des études scientifiques qui ne sont pas de leur avis. Les citoyens consommateurs contribuables que nous sommes ont perdu toute confiance dans les actions et les promesses des instances décisionnelles, car le langage constant de l'argent au détriment de la santé ne peut en aucun cas être rassurant et surtout pas convaincant.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Il nous reste une minute, et M. le député...

M. Chenail: Mme la Présidente, j'aimerais ça avoir la parole. Je comprends mal qu'à chaque fois que je vous demande la parole ça devient compliqué. C'est quoi, votre problème, là?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Non. M. le...

M. Chenail: À chaque fois, c'est la même chose: vous me passez le dernier puis vous me suggérez de m'appliquer... Avez-vous un problème à ce que je siège sur la Commission de l'agriculture?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Non. M. le député, vous avez... Le temps de parole de ce côté-là est épuisé. J'ai pris l'ordre des demandes telles qu'elles ont été formulées. Vous êtes arrivé en retard, après que vos collègues aient presque terminé, donc je ne pouvais pas deviner que vous vouliez prendre la parole.

M. Chenail: Non, non! Depuis que ces gens-là sont assis là, je suis assis ici, Mme la Présidente, là, moi aussi. Et, à un moment donné, il faudrait mettre ça clair. J'ai le droit...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mais le temps de parole est terminé, du côté du gouvernement. Si vous voulez prendre la minute qu'il reste, je vous l'accorde.

M. Chenail: O.K., je vais la prendre.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

M. Chenail: Merci.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): On donne notre consentement.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien sûr!

M. Chenail: Vous donnez votre consentement?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Allez-y.

M. Chenail: Voilà. Moi, je tiens à vous féliciter parce que je pense que vous avez entièrement raison. Ce qu'on pourrait dire au Québec, c'est qu'on devrait établir un programme qui s'appellerait Égalité pour tous en zone verte. Ce serait le point de départ.

Quant aux porcheries, je pense que les porcheries, ce n'est pas de l'agriculture. Donc, ça devrait être dans des parcs industriels de porcheries, avec une usine d'épuration sur un côté puis un abattoir de l'autre côté. Bon. Ça fait rire du monde, ces choses-là, mais on se rappellera, voilà 25 ans, quand on parlait des parcs industriels dans les municipalités. Tout le monde trouvait ça épouvantable. Aujourd'hui, c'est devenu normal. C'est la seule façon de régler le problème au Québec.

Vous parlez du boeuf. Je suis entièrement d'accord avec vous autres aussi, c'est que, le boeuf qu'on fait, on pourrait faire un boeuf libre, avoir des abattoirs régionaux, permettre au monde agricole qui veut s'établir sur les fermes... On le voit dans nos comtés. Moi, mon comté est zoné agricole à 97 %. J'ai des bassins versants qui rentrent dans mon comté aussi. Donc, c'est le comté à peu près le plus important au Québec au niveau agriculture et c'est le comté où on a le plus de problèmes à régler les polluants parce qu'on est zoné agricole et puis l'agriculture, comme vous le dites si bien, est contrôlée, et ça fait en sorte que les subventions, le budget de l'agriculture va à 20 % des agriculteurs puis il y en a 80 % qui n'en ont pas.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député. Merci beaucoup, Mme Gorreta, M. Tardif, M. Laperrière, pour votre contribution à la commission.

J'invite M. François Beaulne à se présenter devant la commission, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. François Beaulne, bienvenue à la commission de l'agriculture. Jusqu'à tout récemment, vous étiez aussi un de nos collègues. Alors, je vous souhaite la bienvenue, et vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire et 15 minutes d'échange avec chacun des groupes parlementaires.

M. François Beaulne

M. Beaulne (François): Merci, Mme la Présidente. Pour les fins de la transcription, là, François Beaulne, ancien député de Marguerite-D'Youville.

D'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à participer à vos discussions, à vos échanges. Et ça fait toujours... c'est un peu spécial, comme ancien député de l'Assemblée nationale, de se retrouver de ce côté-ci de la barre des témoins, pour ainsi dire, autour de ces tables d'échange. Et je vous félicite également de vous être donné un mandat pour examiner la problématique de la sécurité alimentaire. Cette initiative s'avère d'autant plus pertinente qu'elle survient dans un contexte où diverses études nous apprennent que les Québécois mangent mieux et plus québécois, mais qu'en même temps ils sont de plus en plus préoccupés par leur santé et par la part qu'y joue l'alimentation.

Cette préoccupation a été alimentée, au fil des derniers mois, par une succession d'incidents tels que la maladie de la vache folle, la tremblante du mouton, les mises en garde concernant la cuisson de viandes hachées, la présence d'OGM dans les produits en magasin et, dernièrement, la transmission potentielle aux humains de la grippe du poulet. Même ceux qui se sont tournés vers l'alimentation biologique pour ne pas s'exposer aux OGM ont vu leur confiance en ces produits ébranlée par la publication de résultats de tests en laboratoire indiquant que, contrairement au discours officiel des certificateurs et promoteurs de ce type d'aliments, ils n'étaient pas exempts de substances transgéniques.

De plus, il n'y a pas si longtemps, en décembre dernier, la Commission de l'éthique, de la science et de la technologie du Québec mettait en garde le gouvernement au sujet des OGM. Et finalement la publication occasionnelle d'articles à première vue contradictoires ne fait qu'ajouter à la confusion du consommateur, qui en vient à ne plus savoir qui et quoi croire.

C'est un peu ma position. Je me présente ici surtout et avant tout comme un simple citoyen du Québec, consommateur, qui suit avec intérêt les discussions et les débats concernant la sécurité alimentaire, les questions d'étiquetage. Et, pour tout vous dire, une des raisons qui m'a motivé à me présenter ici devant vous, c'est un peu l'incertitude, le flou dans lequel on se trouve comme consommateurs.

Je viens de vous citer, entre autres, des informations contradictoires qui nous proviennent. Bien, je vous en ai apporté ici un exemple qui est survenu il n'y a pas tellement longtemps. Dans l'édition de La Presse du vendredi 9 janvier ? ça ne fait quand même pas tellement longtemps ? on lisait l'article suivant: Les experts divisés sur les bienfaits du saumon d'élevage. Deux jours plus tard, le 11 janvier, à peu près dans la même section et dans le même journal, on lisait l'article suivant, avec le titre Mangez plus de saumon, dit la FDA ? Federal and Drug Administration des États-Unis. Alors, vous comprendrez que le brave citoyen qui est soucieux de sa santé, de ce qu'il mange, est un peu perdu quand il lit des informations contradictoires qui lui proviennent de sources soi-disant crédibles et scientifiques. Voilà pourquoi il me semble que votre initiative de permettre aux personnes et groupes concernés de s'exprimer sur les différents aspects du vaste secteur de la sécurité alimentaire m'apparaît des plus louables.

Et je désire également souligner la qualité du texte. Je ne sais pas si d'autres l'ont fait avant moi, mais je désire souligner la qualité du texte de réflexion que la commission a produit pour alimenter nos échanges sur ce thème et je vous prierais de transmettre mes félicitations à leurs auteurs. Je tiens ici à le souligner parce que bien souvent l'opinion publique, le public en général ne sait pas que les commissions parlementaires, quand elles se donnent ces mandats d'initiative, quand elles se donnent des mandats de surveillance, sont loin, à mon avis, pour avoir vécu dans le système pendant 14 ans, sont loin de disposer des ressources nécessaires pour accomplir leur travail en profondeur. Et c'est la raison pour laquelle, quand une commission réussit, avec les moyens du bord, à produire un texte d'une telle qualité, ça mérite des félicitations, et je m'en fais le porte-parole au nom de ceux et de celles qui ont pu y trouver des sources d'inspiration pour présenter leurs mémoires.

n(15 h 40)n

L'objet de mon mémoire n'est pas d'entrer dans la problématique technique reliée à la production, à la traçabilité ou à l'étiquetage des produits alimentaires. Je ne suis pas un expert dans ces domaines-là et je pense qu'il y a d'autres groupes que j'ai vus enlignés pour se présenter à la commission qui sont beaucoup plus qualifiés que moi pour le faire. Je préfère laisser ces aspects aux groupes spécialisés qui participent aux travaux de la commission.

Mon objectif, en fait, en vous présentant ce court mémoire, est essentiellement de vous confirmer, à titre d'ex-collègue, d'ex-parlementaire ayant discuté du sujet avec nombre de mes commettants au cours des dernières années, que, oui, le thème de la sécurité alimentaire préoccupe effectivement de plus en plus de Québécois de tous les âges, de toutes origines, de toutes catégories sociales et de toutes couleurs politiques. D'ailleurs, dans les journaux locaux... de mes journaux locaux, entre autres, le groupe Nature-Action, de Boucherville, avait incité les citoyens qui s'intéressaient à cette question à présenter des mémoires ou à envoyer des mémoires à la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Mon but est également de vous proposer quelques pistes d'action que vous-mêmes, à titre de parlementaires, pourriez entreprendre dans l'exercice de vos propres fonctions.

La question de l'intérêt du public pour ces choses date d'un certain temps. Ça ne date pas simplement du débat sur la question de l'étiquetage des OGM ou de la traçabilité des animaux infectés, que ce soit de la vache folle, de la tremblante du mouton ou d'autres maladies du genre dont sont affectés les animaux de boucherie, mais également du fait que... Vous vous rappellerez que, lorsque le groupe Loblaw's s'était porté acquéreur de Provigo au Québec, ça avait suscité des préoccupations quant à la prise en possession de la chaîne de distribution... des chaînes de distribution alimentaire au Québec. À ce moment-là, le gouvernement du Québec, sous l'égide du ministère de l'Agriculture... du ministre de l'Agriculture de l'époque, Rémy Trudel, le député de Rouyn-Noranda, avait constitué une espèce de groupe de surveillance pour voir de quelle manière l'achat du groupe Provigo irait à l'encontre ou n'irait pas à l'encontre des objectifs que s'était fixés le gouvernement du Québec et que, en termes de fourniture de produits, d'empaquetage, ainsi de suite, les producteurs québécois et les consommateurs québécois ne soient pas pénalisés par l'achat d'une grande chaîne québécoise, Provigo, par un groupe de l'extérieur du Québec.

J'ai suivi les travaux de ce comité pendant un certain temps, mais je dois avouer que j'en ai un peu perdu la trace, de même que les personnes un peu éloignées du domaine. Alors, si vous voulez, je me permettrai, ici... Et peut-être que, comme commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, vous pourriez peut-être, dans un moment ultérieur, vous donner un mandat d'initiative pour examiner ce qui est advenu de ce comité-là, s'il a été efficace et de quelle manière il surveille ce qui se passe dans ce secteur au Québec.

La sécurité alimentaire, c'est un concept en évolution. D'ailleurs, j'ai retenu, des grandes lignes du texte que vous nous avez soumis et à partir d'autres discussions et d'autres lectures, les éléments suivants sur ce secteur. D'abord, la sécurité alimentaire est une responsabilité des intervenants de tous les maillons de la chaîne alimentaire, que ce soient les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les agences de réglementation, les autorités gouvernementales, et c'est au cours de l'interaction de tous ces intervenants que les denrées alimentaires peuvent subir des altérations potentiellement nocives à la santé. D'autre part, les enjeux économiques reliés à l'alimentation sont importants tant pour le Québec, le Canada que pour les autres pays du globe. Au Québec, si ma mémoire est bonne, je pense que ça représente un huitième du PIB du Québec, les activités reliées au secteur alimentaire.

L'industrie de la transformation alimentaire, quant à elle, est un secteur en pleine croissance, donc, à mon avis, propice à un encadrement adéquat, à une étude d'un encadrement adéquat. L'agriculture biologique, elle aussi, de plus en plus présentée aux consommateurs comme une alternative à l'agriculture chimique, est un secteur en émergence, d'où également, à mon avis, là aussi, un besoin d'encadrement adéquat. Et le moment est propice pour le faire puisque le secteur est en émergence.

D'autre part, il n'existe pas de définition uniforme du concept de sécurité alimentaire. La définition retenue pour les fins des échanges dans le texte que vous avez préparé s'apparente davantage à la définition qui en est donnée par la Communauté économique européenne. Et d'ailleurs je souscris à cette définition qui est beaucoup plus large et en même temps beaucoup plus précise. Il n'existe pas non plus de normes universellement appliquées en matière de production, de traçabilité et d'étiquetage des aliments. Il y a plusieurs efforts dans ce sens, il y a des mandats qui ont été donnés à des secteurs particuliers de certains ministères, tant au gouvernement fédéral qu'au gouvernement du Québec et que dans les autres provinces, mais ça demeure souvent des efforts isolés et des efforts qui sont souvent à peine à leurs premiers balbutiements.

Le niveau d'avancement et de conscientisation en matière de sécurité alimentaire diffère d'une juridiction à l'autre, au Québec, au Canada, aux États-Unis et en Europe. Et finalement les responsabilités en cette matière sont partagées, tant, au Canada, entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires qu'au plan international entre les différents organismes des Nations Unies, que ce soit la FAO, l'OMS, l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, ou l'OIE. Et la sécurité alimentaire est également un défi mondial. L'ampleur, et la diversité, du champ d'action que recouvre la sécurité alimentaire est telle et la sensibilisation de l'opinion publique si récente qu'il n'existe guère de base de référence commune autre que la loi du Code alimentaire créé en 1963 dans le cadre du programme mixte de la FAO et de l'OMS sur les normes du travail. Ce code, d'ailleurs, comme vous le précisez dans votre texte, a pour objectif de faciliter la mise en oeuvre et l'harmonisation des exigences relatives aux produits alimentaires au niveau international. Ces normes s'appliquent à tous les produits alimentaires traités, sous-traités ou bruts destinés à être livrés aux consommateurs. Ce code cependant ne couvre pas les règlements sanitaires applicables aux échanges internationaux d'animaux et de produits d'origine animale, qui, eux, relèvent d'une autre agence des Nations Unies, l'OIE, l'Office international des épizooties. De gros sous, de gros sous sont également en jeu à toutes les étapes de la chaîne alimentaire.

Bon, je vais en arriver aux recommandations parce que c'est ça qui est le plus important, là, pour la fin de nos échanges. Si je vous ai présenté le secteur comme un défi en émergence et comme un secteur à dimension internationale, c'est que, pour être efficaces dans ce secteur-là, à mon avis il nous faut proposer une harmonisation des normes s'appliquant sur le territoire canadien en matière d'inspection, de traçabilité et d'étiquetage des produits alimentaires, de la ferme à la table. Également, il me semble que le gouvernement du Québec pourrait prendre un leadership dans ce domaine et saisir le nouvellement créé Conseil de la fédération pour sensibiliser les autres partenaires du Québec dans l'espace canadien à l'importance de cet enjeu. Et vous-mêmes, comme députés de l'Assemblée nationale, pourriez utiliser les familles parlementaires auxquelles vous participez pour sensibiliser vos collègues des autres juridictions et des autres pays à l'importance que cet enjeu relève pour nous et, il me semble également, pour l'ensemble de la communauté internationale.

Deuxièmement, de proposer l'élaboration d'une convention internationale sur l'étiquetage des OGM sous l'égide des organismes pertinents des Nations Unies, probablement la FAO, l'OMS et l'Organisation mondiale du commerce. Ici également vous pourriez jouer un rôle d'ambassadeurs et de promoteurs auprès des familles parlementaires auxquelles vous participez.

n(15 h 50)n

Et finalement d'inciter le Canada à ratifier le Protocole de Carthagène, le Protocole de Carthagène que le gouvernement fédéral a signé mais qu'il n'a jamais ratifié. Il me semble que, si nous voulons être crédibles sur la scène internationale et se faire les promoteurs d'une harmonisation des règles de l'étiquetage de l'OMG, il faut commencer par faire le ménage dans notre propre maison, dans notre propre espace économique, et il nous faut lancer des messages clairs et précis, dont à mon avis la ratification de ce protocole serait un message important à la communauté internationale.

Alors, voilà, Mme la Présidente. On pourra procéder aux échanges, puisque vous avez sûrement lu le reste du mémoire.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Merci beaucoup, M. Beaulne. C'est fort intéressant. Je vois transparaître dans ce mémoire votre déformation professionnelle de parlementaire, puisque vous nous appelez aussi à utiliser les différents canaux que nous avons à notre disposition pour inscrire cette préoccupation de la sécurité alimentaire dans nos échanges dans les différentes familles parlementaires, mais aussi au niveau de la nouvelle instance qui a été créée, le Conseil de la fédération.

Moi, je voudrais revenir sur votre première recommandation, par laquelle vous nous dites: «Proposer une harmonisation des normes s'appliquant sur le territoire canadien en matière d'inspection, de traçabilité et d'étiquetage des produits alimentaires, de la ferme à la table.» Deux commentaires là-dessus. La première... c'est concernant l'harmonisation au niveau de l'ensemble de la chaîne alimentaire avec le reste du Canada. Il se trouve, par exemple, qu'au chapitre de la traçabilité ce que nous avons entendu ici, c'est que le Québec est à l'avant-garde et le Canada va probablement suivre, on ne sait pas à quel rythme, mais que ça s'en vient. Au niveau de l'inspection, on a entendu des points de vue divergents, ceux qui nous disent que l'inspection au niveau fédéral, particulièrement en ce qui a trait aux produits exportés, l'inspection est beaucoup plus rigoureuse que certaines inspections faites au Québec, où on aurait encore des améliorations à apporter.

Pour ce qui est de l'étiquetage, bon, bien, on est dans une zone fédérale-provinciale, mais on est beaucoup interpellés, dans cette commission, pour dire que le Québec peut jouer un rôle de leader là-dedans. Donc, l'harmonisation, il faut effectivement y travailler, déjà qu'au niveau du Canada les niveaux ne sont pas nécessairement à un rythme égal. Par ailleurs, d'autres nous interpellent pour nous dire: Il faut nous harmoniser, mais avec des exigences et des normes plus élevées, comme celles de l'Europe. Alors, s'il faut s'harmoniser par rapport à l'inspection, la traçabilité et l'étiquetage, quelle est la référence, pour vous: le Canada ou l'Europe?

M. Beaulne (François): Non. Moi, je vous dirais que ça devrait être les standards les plus rigoureux de manière à protéger davantage le consommateur et de manière à ce qu'il se sente effectivement protégé. Et, dans ce sens, moi, j'irais plutôt dans le sens de s'inspirer de ce qui se fait en Europe. Je sais qu'il y a des intervenants... ou des arguments qui sont faits à l'effet que, compte tenu de l'importance de notre commerce avec les États-Unis, si on se branche davantage ou on calque davantage ce qui se fait en Europe, en termes de standards, on risque d'avoir des problèmes au niveau de nos exportations avec les États-Unis, qui représentent un marché très important pour le Québec et le Canada. Et c'est une question fondamentale, mais j'y réponds de la manière affirmative parce que j'ai à l'esprit l'exemple de l'implantation du système métrique qui avait suscité un débat ici, au Canada, et même au Québec, un débat plus que technique. Ça avait soulevé un débat émotif, toute la question de l'implantation du système métrique par rapport au système britannique traditionnel. Et, dans ce sens-là, on se rappelle également des objections qui avaient été faites, à l'effet que, si on allait du côté du système métrique alors qu'une grande partie ? à l'époque, c'était, je pense, 76 % à 80 % ? des échanges du Canada étaient avec les États-Unis, ça pourrait nous poser des problèmes.

Bon, on est allés dans le sens du métrique, on a adopté le système métrique. Ça n'a pas guère contribué à réduire nos échanges aux États-Unis. Même, je vous dirais que, depuis cette période-là, les échanges se sont même intensifiés avec les États-Unis, au point où à l'heure actuelle ça en devient presque gênant de dire qu'on a 87 % de nos échanges uniquement avec un seul marché, ce qui va d'ailleurs complètement à l'encontre de ce qu'avait tenté de faire, au début des années soixante-dix, le premier ministre Trudeau, qui, au-delà des débats constitutionnels, avait quand même certaines bonnes idées, entre autres celle de diversifier les marchés canadiens pour ne pas devenir prisonniers d'un gros marché qui pourrait nous dicter des conditions. Alors, c'est la raison pour laquelle je réponds oui, qu'il faudrait s'inspirer des mesures européennes.

On a un exemple avec l'implantation du système métrique. Ça n'a pas été la catastrophe, et puis je ne vois pas pourquoi ça le serait dans ce domaine-ci, d'autant plus, d'autant plus que l'Union européenne s'est dotée d'une harmonisation qui dans plusieurs domaines va entrer en vigueur l'an prochain, en 2005. Certains aspects sont déjà entrés en vigueur cette année, en 2004. Et l'Europe est quand même un joueur important dans le marché agroalimentaire à l'échelle mondiale. L'Europe joue un rôle important au sein des organismes internationaux qui influencent toute la section de l'agroalimentaire.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Beaulne. On va laisser la parole... parce que j'ai trois collègues qui veulent poser des questions. Donc, je vous invite à réduire un peu, synthétiser vos réponses. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Mme la Présidente, merci. M. Beaulne, à la page 4 de votre mémoire, vous parlez de l'élaboration de l'étiquetage des OGM. On a reçu plusieurs invités qui nous ont parlé pour les OGM, contre les OGM, pour le retour à une agriculture de nature biologique, pour la conservation des terres agricoles. J'aimerais ça vous entendre parler des OGM, autre que l'étiquetage, les impacts des OGM dans notre agriculture au Québec.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beaulne.

M. Beaulne (François): Au niveau des impacts sur l'agriculture au Québec, les impacts techniques, si vous voulez, là, moi, je ne les connais pas tellement, je ne suis pas un spécialiste dans le domaine purement technique. Mais, au niveau de l'étiquetage en tant que tel, ma préoccupation comme consommateur et comme citoyen, ce n'est pas... je n'ai pas une position tranchée à savoir s'il faut qu'on ait des OGM ou qu'on n'en ait pas dans la chaîne alimentaire. Je pense qu'on n'a pas encore toutes les études nécessaires pour démontrer si c'est nocif, si ça ne l'est pas, quelles sont les incidences à moyen et à long terme sur la santé humaine. Donc, sur cet aspect-là, je pense que c'est un peu prématuré de se prononcer, et je sais que plusieurs intervenants sont allés dans ce sens.

Par contre, indépendamment, indépendamment de cet aspect technique, à savoir est-ce que c'est nuisible ou pas pour la santé, puisqu'il n'y a pas encore d'études entièrement concluantes, il me semble que, par simple décence et par souci de transparence envers le consommateur, on devrait l'étiqueter, pas attendre que les démonstrations soient faites si c'est nocif ou non. C'est la même chose que dans le domaine du clonage des animaux: on ne sait pas quelles sont les incidences à long terme ou à moyen terme de ces mutations génétiques. Pourtant, ce serait intéressant. Si on commençait à nous vendre de la viande provenant d'animaux clonés, je suis sûr que les gens voudraient savoir si ça provient d'animaux clonés ou non. C'est la même chose ici.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci d'avoir déposé un mémoire à la commission. Moi, je vais faire le lien avec la question précédente de ma collègue de Pontiac. Dans votre mémoire, vous faites référence à votre, disons... vous avez un parti pris pour l'agriculture biologique, là. Ça se sent, ça se dénote. Vous nous dites en plus que c'est un créneau qui est en émergence. Est-ce que vous ne croyez pas que, si on oblige l'étiquetage des OGM, ça fasse en sorte que, là, l'industrie biologique va être plus en croissance puis que, là, pour rencontrer les besoins ou la demande, on va peut-être faire les coins ronds puis faire une production intensive au niveau biologique pour répondre à la demande? Il n'y a pas un danger, là?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beaulne.

n(16 heures)n

M. Beaulne (François): Oui. Effectivement, vous avez raison, il y a un danger, dans le sens où, si on se lance sans encadrement approprié dans le développement de l'agriculture biologique, il peut y avoir des excès. D'ailleurs, je l'ai mentionné tout à l'heure, je ne sais pas si j'ai eu le temps de le lire, mais, en tout cas, dans mon mémoire, je mentionne, entre autres, que certaines mises en garde ont été formulées par des scientifiques, par des études qui ont été faites récemment. D'ailleurs, j'en ai un article ici: Des aliments bios portent des traces d'OGM. Alors, vous voyez, ce n'est pas tranché, là, ce n'est pas clair et précis.

Et je pense que la question d'étiqueter les produits OGM ou qui contiennent des produits OGM dans la chaîne de transformation ne va pas nécessairement dissuader le consommateur d'en acheter tant et aussi longtemps qu'on peut garantir et certifier que la consommation de produits qui contiennent des OGM n'est pas nocive. Et de toute façon je pense que ce serait complètement irresponsable, de la part des autorités gouvernementales, qu'elles soient fédérales ou qu'elles soient provinciales, chacune dans ses sphères d'application, de surveillance, de permettre que des produits soient vendus pour consommation courante sans avoir la certitude ou un doute en tout cas très, très, très, très raisonnable qu'ils ne sont pas nocifs à la santé.

Alors, votre préoccupation, oui, théoriquement, elle pourrait se manifester concrètement, mais je pense que ? et c'est là également un des aspects de la discussion que vous avez ? je pense que, comme l'industrie biologique est en émergence, c'est le temps justement de l'encadrer pour éviter que des situations comme celle que vous craignez se développent.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Beaulne. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci pour la présentation de votre mémoire. Je vous amènerais sur... on va parler un petit peu hors Québec, mais avant je vais vous parler des importations ici, au Québec. Vous savez que j'ai appris en commission que les producteurs ne sont pas nécessairement soumis aux mêmes règles... les importateurs que nos producteurs ici, au Québec. Ça, ça a été une première chose qui m'a frappée. Mais je me suis demandé par la suite: Est-ce que... Selon votre expérience au sein des familles parlementaires, comment vous pouvez qualifier l'intérêt qu'ont les parlementaires à l'extérieur du Québec? Est-ce que c'est un sujet qui est discuté souvent, la sécurité alimentaire, ou si c'est discuté dans des cadres précis? Est-ce que vous voyez une ouverture d'esprit?

M. Beaulne (François): Jusqu'ici ? moi, je vous parle de l'expérience que j'ai vécue ? jusqu'ici, non, ce n'était pas un débat qui était dans le grand public, et par conséquent ce n'était pas une question qui revenait souvent au sein des discussions qu'avaient les différentes familles parlementaires. Mais les choses ont changé et elles ont changé rapidement. Je pense que ce qu'on a vécu au cours des trois, quatre dernières années, en particulier tout l'épisode relié à la vache folle, toute la question également rattachée aux effets potentiellement nocifs ou non des OGM, a suscité un intérêt et des inquiétudes d'abord de la part du public, qui les ont transmises à leurs représentants et à leurs parlementaires.

Moi, une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui, c'est parce que, du temps où j'étais député, il y a plusieurs citoyens, pas seulement de mon comté mais d'un peu partout, qui ont commencé à manifester des préoccupations à cet effet-là. Et jusqu'ici c'étaient des préoccupations qui étaient plutôt isolées, et effectivement les discussions se discutaient plutôt en vase clos, là, entre initiés, les agences spécialisées du fédéral ou du provincial, au niveau international également. Et il y a un troisième élément qui a fait que c'est devenu un sujet d'intérêt de plus en plus pressant, c'est l'importance qui... et je dirais même le leadership qu'a pris en cette matière la Communauté économique européenne. Comme la Communauté économique européenne a un poids assez lourd dans l'économie mondiale, le fait que l'Europe s'en fasse une préoccupation majeure, édicte des normes, des standards et établisse des règles a mis à l'avant-scène, il me semble, ce sujet-là de discussion. Et je pense que le temps est mûr pour le faire. Et, surtout si des parlementaires comme vous ici prennent l'initiative dans d'autres Parlements de consulter leur propre population, bien ça va faire boule de neige.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup, M. Beaulne. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. M. Beaulne...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pour 15 minutes.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bonjour, M. Beaulne. Bienvenue. C'est plaisant de vous revoir ici, à notre Assemblée, et de nous faire profiter de vos connaissances avec la présentation de votre mémoire, et de m'apercevoir aussi de votre légendaire fougue et ténacité, comme vous l'avez toujours exercée durant le temps que vous étiez député. Ça fait que merci infiniment. C'est plaisant et agréable de vous revoir ici.

M. Beaulne (François): Merci.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je vais faire suite aux dernières questions qu'on vous a posées à propos des échanges internationaux ou des familles parlementaires pour peut-être vous poser une question à propos du... Vous suggérez que le Canada ratifie le Protocole de Carthagène. Moi, je vous demanderais, parce que je ne suis pas un expert comme, vous, vous pouvez l'être... Je sais que vous avez fait des missions assez nombreuses en Amérique latine, en Amérique du Sud. Par rapport à la ZLEA, comment pourrait-on... La ZLEA, c'est la Zone de libre-échange des Amériques. Comment pourrait-on lier les deux? Autrement dit, est-ce qu'il pourrait y avoir, comme on nous l'a suggéré tantôt... Un groupe qui était avant vous nous disait: Il faudrait qu'il y ait au moins un paragraphe qui nous dirait, dans la ZLEA: Voici une exception pour ce qui a trait au Protocole de Carthagène. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beaulne.

M. Beaulne (François): Oui. Oui, je serais d'accord avec ça. Et je reviendrais... je ferais une analogie avec certains protocoles de l'Organisation mondiale du commerce. L'Organisation mondiale du commerce est un peu, je dirais, marginalement associée à la démarche de la sécurité alimentaire. Au niveau des Nations Unies, c'est surtout sous l'égide de la FAO et de l'OMS. Par contre, l'OMC s'est introduite dans ce champ d'activité là via deux protocoles qui visent avant tout... bon, bien, qui reconnaissent que les États peuvent prendre des mesures pour assurer la sécurité alimentaire, surtout la santé, de leur population. Il me semble que ça va de soi. Mais ces deux protocoles-là de l'OMC visent davantage à éviter que l'implantation de normes et de standards en matière d'étiquetage, de traçabilité, d'inspection, et ainsi de suite, se transforme en barrières non tarifaires. C'est ça, la préoccupation de l'OMC. Ce n'est pas la santé du monde, c'est que les gouvernements puissent avoir recours à l'argument santé pour empêcher l'importation de certains produits, exiger des contraintes plus sévères au niveau de l'importation de certains produits, ce que d'autres contesteraient comme étant des barrières non tarifaires.

C'est d'ailleurs ce qu'ont fait les États-Unis. Lorsque les Européens ont interdit l'importation de viande américaine suite à la découverte des incidents de la vache folle, ou de la viande canadienne, pour ainsi dire, le Canada et les États-Unis ont contesté le fait que l'Europe veuille bannir les importations, ne serait-ce que temporairement, de viande en provenance de pays où sévissaient des problèmes de santé animale. Bien, je pense qu'au sein de la Zone de libre-échange des Amériques, comme d'ailleurs au sein de toute zone économique, il doit y avoir des mesures qui font en sorte que les États peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé de leurs citoyens.

Et d'ailleurs je vous rappellerai à cet effet que la Communauté économique européenne elle-même, c'est avant tout un espace économique. Ce n'est pas un pays, là. C'est un espace économique où bien sûr il y a plusieurs convergences, mais ça demeure avant tout un espace économique. Et, si cet espace économique là a pu se doter de règles, dont la population, soit dit en passant, est supérieure à celle de la ZLEA, si cet espace économique là a pu se doter de règles qui font l'affaire de tous et qui réussissent à trouver un consensus entre des pays à développement fort inégal comme l'étaient il y a un certain temps l'Europe du Nord et l'Europe du Sud et comme le sont maintenant l'Europe du Nord, l'Europe du Sud par rapport aux nouveaux adhérents de l'Europe de l'Est, bien je pense qu'au sein de la ZLEA on peut trouver un accommodement du genre qui permettrait à la fois de concilier l'objectif de protection de la santé de la part des États nationaux tout en ne dérivant pas de manière abusive vers l'utilisation de ces normes-là comme barrières non tarifaires.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y.

n(16 h 10)n

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Une autre question dans un autre domaine, mais un des domaines que vous connaissez, parce que, si ma mémoire est fidèle, vous avez des grandes connaissances dans le domaine des institutions financières. Bon, nous avons, ici, depuis une semaine, reçu différents groupes, et on nous suggère la traçabilité, les normes HACCP, puis une des questions qu'on pose traditionnellement, c'est: Qui va payer? Qui paierait la facture?

On a eu une discussion fort intéressante la semaine dernière aussi avec les producteurs, les consommateurs, les distributeurs et les transformateurs. Tous se disaient, et surtout les producteurs et les consommateurs: Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas entre notre producteur qui reçoit, mettons, 25 $ pour une bête de 1 000 livres qu'il vend et le consommateur qui, lui, achète le boeuf à un prix exorbitant. Entre les deux, il y a des personnes qui s'accaparent... Autrement dit, les intermédiaires prennent un peu trop de profit.

Par contre, on s'aperçoit qu'une crise comme la crise de la vache folle va faire des victimes pas seulement chez les producteurs, parce que, si ma mémoire est bonne, de plus en plus de personnes... Puis on a des représentations dans nos bureaux de comté, les agriculteurs commencent à trouver le temps long, et La Financière agricole et les institutions financières aussi. Et, si cette crise-là perdure, à un moment donné il y a sûrement des agriculteurs et agricultrices qui vont aller porter leurs clés dans les institutions financières.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, selon vous, que les institutions financières prévoient des espèces de normes ou prévoient, je ne sais pas, une forme d'assurance, lorsque arrive un problème comme ça, pour pallier à une difficulté ou à des difficultés assez énormes que vivent les producteurs et les consommateurs?

M. Beaulne (François): En principe, la réponse, c'est oui. Une assurance contre ce genre d'éventualité là est, en théorie, souhaitable. Je dis bien «en théorie souhaitable». En pratique, ce n'est pas si facile que ça. En pratique, ce n'est pas si facile que ça parce que, comme il s'agit d'un problème qui est difficilement... dont la source est parfois difficilement identifiable, les compagnies d'assurance...

Quand on parle d'assurance, il faut pouvoir retracer l'origine, la cause du problème pour d'abord établir les barèmes d'assurance, non seulement les montants, mais les cotisations, les primes que les assurés vont devoir payer. Et c'est pour ça que c'est important d'établir, de souscrire à des normes internationales via un protocole, parce que, à partir de l'existence d'un protocole, d'une convention internationale qui impose des normes et qui permet d'identifier, entre guillemets, un coupable, bien à ce moment-là c'est bien plus facile d'établir une politique d'assurance et d'établir un niveau de prime, et ainsi de suite. Mais, si vous me disiez... Si j'étais, moi, le président d'une compagnie d'assurance et que vous me demandiez: Dans le contexte actuel, compte tenu de l'évolution de tout ce secteur-là, est-ce que vous trouvez que c'est une bonne idée d'établir une assurance là-dessus?, moi, je dirais oui, mais je ne suis pas capable de vous dire ni quelles vont être les primes ni comment ça va fonctionner.

Ça me rappelle ? juste pour terminer ? ça me fait penser un peu au débat qui a lieu présentement au sein de la communauté des assureurs au Canada puis aux États-Unis, toute cette question d'assurer les gens contre les désastres naturels qui surviennent de plus en plus, à une fréquence de plus en plus rapide, et qui ont des résultats dévastateurs. Que ce soient les inondations qu'on a eues chez nous, les incendies qu'il y a eu en Colombie-Britannique ou en Californie, les gens commencent à dire: On aimerait bien ça, nous autres, être assurés contre ce qu'ils appellent les actes de Dieu. Mais les compagnies d'assurance disent: Écoutez, c'est pas mal onéreux, là, si on ne balise pas ça davantage. C'est pour ça qu'il me semble que c'est important d'établir des normes, qu'il y ait un protocole puis qu'on sache à quoi s'attendre.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Juste une minute. Et les institutions financières, elles aussi, en souffrent, parce que, si, mettons, il y a, je ne sais pas, moi, 5 000 faillites ou 20 000 faillites de plus dans le domaine agricole d'ici six mois, je suis archiconvaincu que nos institutions financières, caisses populaires ou banques, vont subir des conséquences tout à fait désastreuses. Mais est-ce que ce ne serait pas propice que ces institutions financières là, qui financent puis qui font des profits, je ne vous dirai pas sur le dos des agriculteurs et agricultrices, mais avec le monde agricole, puissent avoir une participation dans des protections comme HACCP, où tout le monde se demande qui va payer la facture? Il pourrait au moins y avoir une partie de la facture qui serait payée par eux autres.

M. Beaulne (François): Bien, ce qu'il pourrait y avoir, c'est une espèce de fonds d'indemnisation temporaire, là, en attendant qu'on puisse aller jusqu'à la source du problème. La manière dont ça fonctionne, c'est que, si vous avez, mettons, une inondation sur un cours d'eau où il existe un barrage d'Hydro-Québec, bon, il y a des gens qui peuvent être assurés contre les reflux, les inondations, et ainsi de suite. Ça coûte très cher, mais il y en a qui peuvent l'être. Sauf que, une fois que la compagnie d'assurance a versé la prime, bien souvent, ce qu'elle va faire, elle va essayer de se retourner du côté de celui qu'elle pense qui est responsable de l'incident, c'est-à-dire Hydro-Québec, et éventuellement entreprendre des poursuites contre Hydro-Québec. Ici, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas de normes, qu'on n'a pas de convention internationale, on ne peut pas se retourner contre le responsable. Donc, moi, je dirais qu'un fonds d'indemnisation temporaire est beaucoup plus approprié, où les banques pourraient souscrire, les institutions financières pourraient souscrire, où les producteurs pourraient souscrire, eux aussi, et qui serait une espèce de fonds d'indemnisation.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il reste trois minutes.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Alors, ça me fait plaisir de vous voir parmi nous, M. Beaulne. On a beaucoup travaillé ensemble, on travaille encore ensemble, même si les places ont changé autour de la table.

Tout le monde connaît votre expérience et votre culture au plan des relations internationales et aussi en particulier avec l'Amérique latine. Vous avez parlé beaucoup de toute la question d'avoir des normes internationales, d'avoir une convention internationale sur l'étiquetage des OGM, et tout ça. Actuellement, on sait que les négociations pour établir la ZLEA partent... en tout cas se développent à un rythme assez accéléré. On sait comment ça fonctionne. Les États-Unis ont fait des offres, ont ouvert à peu près tous leurs marchés, au moins en théorie, et ils ont demandé, donc ils ont... Ce processus-là a provoqué donc une période limitée pour permettre aux pays éventuels qui veulent participer à la ZLEA d'ouvrir leurs marchés et de dire dans quelle mesure ils ouvrent leurs marchés. Donc, est-ce que vous pouvez nous donner les détails sur l'ouverture qui a été faite par le Canada et dans quelle mesure cette ouverture-là permettrait d'avoir des normes qui protégeraient l'agriculture québécoise contre l'envahissement des OGM?

M. Beaulne (François): Bien, ça, c'est effectivement un des points d'achoppement. D'ailleurs, à l'heure actuelle, les dernières discussions qui ont eu lieu au sein de la Zone de libre-échange des Amériques portaient, entre autres, sur le secteur agricole. On a vu ce que ça a donné, ça n'a pas progressé tellement, tellement par rapport aux discussions qui avaient eu lieu dans d'autres domaines. La raison principale, c'est que les intérêts sont divergents dans ce domaine-là. C'est aussi simple que ça. L'importation de produits de plus en plus en provenance de pays où les prix de revient, où les prix de production sont inférieurs pourrait nuire à nos propres producteurs ici. Au fond, c'est ça, le débat de fond.

Mais, à partir du moment où on exige, au Canada, où le gouvernement canadien, de concert avec les gouvernements provinciaux qui partagent l'inspection et qui partagent l'application de ces normes-là, exige un étiquetage des produits, exige des normes de salubrité comme il le fait déjà dans certains domaines, bien à ce moment-là les pays exportateurs vont devoir s'y soumettre. Je vois mal, à l'heure actuelle, les pays, mettons, des pays... Vous avez des pays comme l'Argentine qui sont des gros producteurs d'OGM. Je vois mal les pays latino-américains qui voudraient faire la promotion de leurs produits agricoles non examinés, non inspectés dans la Communauté économique européenne, avec les normes que viennent de se donner les Européens, faire une grosse percée de ce côté-là. Alors, je pense que, au-delà des enjeux strictement économiques, il y a avant tout l'enjeu de la sécurité alimentaire. C'est ça, la Commission de la sécurité ? le mot «sécurité» ? alimentaire, donc de s'assurer que ce que les gens ingurgitent est conforme aux standards les plus avancés en termes de protection de la santé.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je pense que non. Malheureusement, on m'indique qu'il ne reste plus de temps. C'était fort intéressant d'échanger avec vous, M. Beaulne. Merci pour votre contribution à la commission.

n(16 h 20)n

J'invite les représentants de l'Association de biodynamie du Québec à se présenter, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. Laurier Chabot, président de l'Association de biodynamie du Québec, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, 15 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire, et je vous prie de nous présenter la personne qui vous accompagne.

Association de biodynamie du Québec

M. Chabot (Laurier): Je suis accompagné de Mme Carole Veilleux.

Mme la Présidente, MM. les députés, chers concitoyens et concitoyennes, l'Association de biodynamie est un organisme qui cherche à promouvoir la méthode d'agriculture biodynamique au Québec. La biodynamie, c'est une agriculture répondant aux normes de l'agriculture biologique, qui tient compte du respect de la vie dans son ensemble, comprenant l'homme, l'animal et les plantes dans un écosystème. Pour les membres de l'Association de biodynamie du Québec, il est clair que nous devons prioriser la conservation de nos ressources ? le sol, l'eau, l'environnement sain ? pour nous et nos successeurs au-delà de toute autre considération.

L'instrumentalisation des formes de vie, avec la dénaturation des bases mêmes de celles-ci en insérant des morceaux ici et là au gré des possibilités et des marchés, est fondamentalement contre nos principes du respect de la vie. Nous supportons donc le mémoire de la Commission de l'éthique de la science et de la technologie qui met en garde les décideurs publics sur les risques que représente l'instrumentalisation des formes de vie, notamment l'émergence d'une certaine forme de déshumanisation. J'imagine que vous devez déjà avoir ce mémoire?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, bien sûr.

M. Chabot (Laurier): D'accord.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Tous les députés ont votre mémoire.

Une voix: On vous écoute.

M. Chabot (Laurier): Je ne parle pas de mon mémoire mais du rapport de la commission.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Non, nous avons reçu le mémoire de votre association, l'Association de biodynamie du Québec, et tous les députés ont une copie.

M. Chabot (Laurier): Est-ce que les députés ont eu connaissance du mémoire de la Commission de l'éthique de la science et de la technologie?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, bien sûr, bien sûr. Il y a deux choses, il y a l'avis de la commission et il y a le mémoire qui a été déposé, et ils se sont présentés déjà devant nous.

M. Chabot (Laurier): D'accord. Donc, nous devons, nous...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous référez à quelque chose qu'on connaît.

M. Chabot (Laurier): Très bien.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

M. Chabot (Laurier): Donc, la sécurité alimentaire passe par un environnement sain, un écosystème sain, un sol sain qui donnent des plantes et des animaux sains et aussi des êtres humains sains. À partir de ce point, le même respect de la vie doit être appliqué tout au long de la chaîne de transformation et de distribution pour arriver au consommateur. À ce titre, je crois que la nouvelle loi sur les appellations contrôlées, utilisée pour l'appellation «biologique» et «biodynamique», donne au consommateur une grande sécurité. Je parle du Conseil d'accréditation du Québec qui a été formé par le gouvernement en 1998 ou 1999, je crois. Donc, il y a toujours de la place pour l'amélioration, le système n'est pas parfait, mais c'est déjà plusieurs pas en avance de ce qu'on peut retrouver sur le marché à l'heure actuelle au niveau conventionnel.

Les problèmes actuels au niveau, entre autres, de la sécurité alimentaire ont un dénominateur commun: le manque de respect de la vie. Je m'excuse auprès des membres de la commission, j'ai préparé quelque chose à parler qui n'est pas directement à la suite par rapport au mémoire. Donc, je disais donc que le problème de sécurité alimentaire est vraiment lié au manque de respect de la vie. La manière de traiter les bovins a mené à la crise de la vache folle. Avec les poulets, nous avons la grippe aviaire. Donc, la sécurité alimentaire, ça passe par le respect de la vie. Tant que l'aliment ? et le consommateur ? sera considéré uniquement en termes de profit immédiat, nous allons être confrontés à une insécurité alimentaire et environnementale aussi.

L'implication des multinationales pharmaceutiques dans les domaines des semences et de l'alimentation n'est pas pour sécuriser le consommateur et améliorer la qualité et la sécurité alimentaires. M. Marien parlait, tout à l'heure, dans son allocution, de la disponibilité des graines. Moi, je vois que plus les compagnies pharmaceutiques vont s'accaparer des compagnies productrices de graines, il est inévitable que le choix rendu au cultivateur sera seulement pour les graines qu'elles auront réussi à trafiquer afin de pouvoir utiliser leurs herbicides ou leurs autres produits dont elles tirent en plus des redevances sur les productions.

On peut essayer de trouver toutes sortes de recettes pour sécuriser nos aliments, mais, tant que l'on ne changera pas le contexte dans lequel nous produisons et échangeons nos biens et services, nous ne retrouverons pas la sécurité. Nous pouvons maintenant manger sans que nous le sachions des aliments nouveaux où des parties instables ont été insérées sans qu'il y ait eu suffisamment de vérifications sur l'innocuité de ces aliments, mais au même moment il est illégal de boire du lait de vache cru qui a été une source très importante de nourriture pour nos ancêtres depuis des millénaires. Nos petites herboristeries qui se créent depuis une dizaine d'années ne peuvent même plus vendre des produits biologiques inspectés du champ au consommateur, ces mêmes produits qui ont accompagné l'être humain depuis toujours.

Je présente cet état de fait pour montrer qu'une réglementation déshumanisante ne viendra pas sécuriser le consommateur, au contraire. La démarche que les producteurs prennent actuellement en développant l'agriculture biologique et les produits du terroir est beaucoup plus apte à sécuriser le consommateur et les produits, parce qu'il y a la responsabilité humaine en jeu. L'être humain devient responsable de lui-même, de ses actes et de son environnement. Le gouvernement du Québec doit supporter l'agriculture biologique et aider les herboristeries dans leurs démarches auprès de Santé Canada.

La pollution de l'environnement est un facteur essentiel dans la sécurité alimentaire, et la pollution agricole y compte pour beaucoup. Il est donc impératif pour la sécurité que tous ces produits soient évalués rapidement et efficacement. Pour l'instant, le processus est trop lent, et on donne des homologations temporaires au risque de la santé et de l'environnement. De plus, la réévaluation des pesticides plus anciens se fait très lentement et tous les produits qui ont été réévalués jusqu'à date ou ont été retirés du marché ou font l'objet de restrictions et d'utilisation beaucoup plus sévères à cause des risques pour la santé et l'environnement. À ce titre, il y a le rapport du Commissaire à l'environnement. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de ce document. Si vous en avez besoin, j'en ai une copie ici. C'est donc dire qu'à l'heure actuelle nos fermiers utilisent des produits dangereux pour l'environnement et la santé, et il faudrait accélérer les processus d'homologation sécuritaire et de réévaluation. Nous recommandons donc un suivi de tous les produits potentiellement dangereux, c'est-à-dire un suivi à partir de la fabrication à aller jusqu'au consommateur.

n(16 h 30)n

En agriculture biologique et biodynamique, nous sauvegardons l'environnement en n'utilisant pas ces produits dangereux. Un exemple pour donner... en Vendée, en France, on doit analyser l'eau potable parce qu'elle est polluée par les produits phytosanitaires ? il y a plus de 900 produits qui sont utilisés ? parce que, quand on utilise un produit comme le Roundup, il y a déjà plusieurs produits qui sont associés avec, qui des fois sont plus dangereux que le glyphosate qu'il contient lui-même. Et donc le coût de l'analyse est d'à peu près 100 F par molécule. Donc, si vous voyez le problème qui peut se produire, avec 900 produits à évaluer à 100 F par molécule, on se ramasse avec des coûts catastrophiques liés à l'utilisation de ces produits phytosanitaires.

Ajouté à ça, il y a le coût de filtration qui représente 50 % du coût total de l'eau, les coûts de filtration reliés à ces problèmes phytosanitaires. Et, si on ajoute le coût à l'environnement... Et ça, je n'avais pas d'étude pour présenter, mais on parle de toutes sortes d'espèces et d'écosystèmes qui sont bouleversés, et ces choses-là sont quand même dures à évaluer, mais c'est des choses qui affectent quand même, je dirais, l'environnement et la sécurité même alimentaire. Parce qu'on ne peut pas produire un produit sain dans un environnement pollué. Donc, on doit aussi ajouter les coûts par rapport à la santé, les cancers, l'asthme, etc.

Je travaille sur une ferme en Estrie, à Compton, où il y a un très beau paysage, il y a une très belle vallée. Mais, quand vient le temps... Moi, je travaille comme horticulteur. Quand vient le temps de transplanter ou de semer, je dois parfois mettre un masque. Mais je travaille sur une entreprise biologique. Et, malgré ça, toute la vallée est baignée d'une vapeur chimique. Ça, c'est dans le temps des arrosages. Le restant de l'été, c'est le fumier de cochon.

Nous avons réussi à produire des denrées à faible coût sur les tablettes d'épicerie, en relation avec nos revenus, en tout cas, comparé à d'autres personnes sur la planète, à faible coût mais à risque. Les produits biologiques semblent bien chers en comparaison. C'est parce qu'en plus de payer pour prouver qu'ils sont des produits d'une saine agriculture par la certification il y a une partie des terres en bordure des fermes conventionnelles qui doit être utilisée comme zone tampon pour éviter les risques de contamination. Les bénéfices sur l'environnement et la santé, eux, ne sont pas comptés. Nous demandons donc qu'une taxe soit prélevée sur les produits chimiques et qu'une partie de cet argent soit utilisée pour dédommager les agriculteurs biologiques et biodynamiques pour les zones tampons, les frais de certification ainsi que pour la recherche en agriculture biologique.

Mais, comme si ce n'était pas assez avec ces produits-là, on a maintenant les OGM, soi-disant pour aider la planète, pour diminuer l'usage des herbicides. À court terme, il se peut qu'il y ait une diminution, mais dans quelques cas. Mais à long terme une étude qui a été réalisée sur huit ans montre qu'à partir de la quatrième année on dépasse l'utilisation de produits, comparativement aux cultures non OGM. Aux États-Unis, il y a eu une augmentation d'utilisation due aux OGM seulement, à cause des OGM, pas à cause des grandeurs de superficie, et tout ça, de 70 millions de livres de plus d'herbicides depuis la commercialisation des OGM, c'est-à-dire il y a à peu près huit ans. Si vous êtes intéressés, j'ai quelques pages de l'ouvrage et l'adresse où on peut trouver cet ouvrage-là aussi. Donc, quand on essaie de nous amener à utiliser ces produits-là...

On nous a souvent parlé que le Roundup ou les produits contenant du glyphosate n'étaient pas dangereux, ni pour la santé ni pour l'environnement, et que c'était biodégradable. Eh bien, plusieurs études prouvent le contraire. Sa toxicité peut affecter des plans non ciblés: les algues, les plantes aquatiques, les champignons utiles à la croissance des plantes. Ça inhibe la fixation de l'azote. Ça favorise les maladies comme le fusarium parce que ça détruit beaucoup d'autres champignons dans le sol qui sont bénéfiques pour la croissance des plantes. Par sa rémanence sur des plantes, il peut tuer des insectes auxiliaires comme les guêpes parasites, les coccinelles et change l'écologie du milieu en affectant aussi les insectes, mammifères et oiseaux qui vivent dans ces milieux.

En Colombie, on l'a utilisé pour la lutte contre la drogue. On a vu qu'il y avait des terres qui avaient été aspergées par le Roundup où il n'y avait plus rien qui poussait par après. Donc, en plus de la toxicité du glyphosate lui-même, il y a aussi le surfactant qui est utilisé dans le produit. Les gaz de Roundup tuent les rats à 100 % en 24 heures. Si vous êtes intéressés, j'ai un document, le document n° 5, sur la toxicité du glyphosate.

Document déposé

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, vous le déposez, s'il vous plaît, pour la commission.

M. Chabot (Laurier): Monsanto dit que cet herbicide ne persiste pas dans le sol, qu'il est biodégradable. Mais pourtant Monsanto a dû payer 50 000 $ à l'État de New York pour fausse allégation dans ce sens. On a retrouvé du glyphosate... Excusez.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Chabot, votre temps étant épuisé, je vous laisse terminer votre phrase, et on va revenir sur votre mémoire lors des échanges.

M. Chabot (Laurier): J'espère! On a retrouvé du glyphosate dans les eaux souterraines au Danemark. Le glyphosate s'allie aux particules du sol, puis c'est ce qui faisait dire que c'était un produit biodégradable par Monsanto, mais cette liaison peut se défaire aussi, et le glyphosate redevient à ce moment-là actif au niveau des plantes et des écosystèmes.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Alors, on va arrêter là, puis vous allez compléter avec les échanges. Merci, M. Chabot, pour la présentation de votre mémoire. Vous êtes résolument pour l'agriculture biologique, vous l'affirmez, c'est votre choix, mais en même temps vous voulez attirer l'attention de la commission sur les dangers des OGM, et vous faites un certain nombre de recommandations pour qu'on puisse les tracer, les étiqueter, etc. Considérant que les gens qui sont venus nous voir, y compris la commission à laquelle vous faites référence, sur la science et l'éthique, nous ont dit que finalement les OGM, c'est un monde presque vierge, c'est une zone grise, on n'est pas capable d'affirmer ou d'infirmer qu'il y a un danger pour la santé, vous qui avez rédigé ce mémoire, en quoi les OGM sont-ils dangereux pour la santé animale, végétale et humaine?

M. Chabot (Laurier): Les dangers des OGM. Premièrement, le tryptophane a déjà tué 37 personnes aux États-Unis et occasionné des effets permanents sur à peu près 1 500 personnes. Ce n'est pas une plante qu'on a fait pousser dans les champs, mais c'est quand même un produit qui a été... Aussitôt qu'ils ont commencé la chaîne en la modifiant génétiquement, ils ont changé d'autres choses sur la chaîne. Ce n'est pas sûr que ce soit à cause du fait que c'était modifié génétiquement, mais jusqu'à date ils ne le savent pas encore. Donc, jusqu'à date, je crois qu'on peut considérer que c'est potentiellement dangereux parce que ces particules-là ne sont pas stables. D'ailleurs, les réglementations européennes dans ce sens vont vraiment mettre au pied du mur les OGM, parce que, dans leurs nouvelles recommandations, on parle de stabilité des gènes au niveau des plantes. Et puis, à l'heure actuelle, les producteurs de ces OGM là ne sont pas capables de prouver que ces choses-là sont vraiment stables.

Ça, c'est un des... Parce que je ne suis pas de la génération des LEGO. Quand j'étais jeune, il n'y avait pas de LEGO. Mais, à l'heure actuelle, on utilise un peu la vie un peu comme si c'étaient des pièces de LEGO: on en change un blanc, on en met un noir et puis il n'y a pas de problème. Mais en fait il y en a, des problèmes, parce que, au niveau de ces composés-là, il y a différentes choses qui peuvent arriver. Au niveau des dangers, quand on change ce gène-là, c'est qu'on ne change pas seulement un gène, c'est que ce gène-là aussi est responsable pour la fabrication d'autre chose.

n(16 h 40)n

Et puis il y a toutes sortes de choses qui ne sont pas nécessairement apparentes. Un exemple, c'est qu'on a pris des pétunias, on a réussi à faire des pétunias transgéniques, et puis ils étaient de couleur rose. C'est une étude qui avait été faite en Allemagne. Ils étaient de couleur rose. On les a emmenés dans le champ, et puis ils se sont mis à se comporter complètement différemment: les fleurs étaient difformes, et puis des fois elles ne se formaient à peu près pas, et puis elles étaient... ou toutes dentelées. En tout cas, ça donnait des choses complètement différentes. Donc, au niveau de la stabilité de ces produits-là, jusqu'à date il n'y a pas d'études qui ont prouvé la stabilité. Même que c'est plutôt le contraire, ces gènes-là qu'on insère créent des choses dont on ne peut pas prévoir... Et, quand on nous dit que dans l'huile il n'y a pas de problème parce qu'il n'y a pas de trace d'OGM parce que les gènes ne se retrouvent pas au niveau de l'huile, par contre les gènes qu'on a insérés dans la plante, eux autres vont vraiment peut-être avoir un effet sur la manière dont l'huile, c'est fabriqué dans la plante. Ça, c'est un des dangers. On est...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci. Merci. Je vais laisser la chance à mes collègues de poser d'autres questions. M. le député d'Iberville.

M. Rioux: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci de votre exposé. Vous nous dites, dans le mémoire que vous nous avez déposé, que les producteurs agricoles biologiques ou biodynamiques font les frais de l'agriculture conventionnelle. Vous nous parlez en partie... vous en avez parlé tout à l'heure particulièrement, finalement, que vous subissez la dissémination des autres champs et qu'il doit y avoir finalement des bandes pour pouvoir séparer... et vous nous avez fait une suggestion en nous disant qu'il pourrait y avoir sur les différents produits chimiques qui sont vendus, et ainsi de suite, une taxe qui pourrait être perçue pour compenser. Disons qu'on est dans une période où les taxes ne sont pas... et les impôts ne sont pas les bienvenus.

Est-ce que vous avez pensé à d'autres alternatives peut-être plus innovatrices, là, que les taxes, mais qui pourraient prendre considération de cette situation?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y, M. Chabot.

M. Chabot (Laurier): Ce n'est peut-être pas une solution qui est très acceptée, mais pourtant les producteurs qui produisent des OGM n'ont aucun problème à payer des redevances à Monsanto ou à n'importe qui qui leur vend les graines. Donc, on pourra l'appeler redevance. Juste changer de nom. Au lieu de marquer «taxe», on mettra «redevance pour l'agriculture biologique».

M. Rioux: D'accord.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, Mme la Présidente. Bonjour et merci pour la présentation de votre mémoire. Je me réfère à... Un peu plus tôt, on a eu la présentation d'un agriculteur, M. Marien, qui nous parlait de trois, finalement, catégories: l'agriculture biologique, l'agriculture intermédiaire et aussi l'agriculture de grande production. Lui semblait se situer au niveau de l'agriculture intermédiaire et il nous a présenté un petit tableau qui nous indique que, les hybrides, les semences et toutes les nouvelles catégories qui rentrent, il y a 80 % des nouvelles catégories qui sont avec OGM. Alors, je me suis demandé: Au niveau du biologique, avez-vous, un, de la difficulté à trouver vos semences? Et, deux, est-ce qu'elles sont plus coûteuses pour vous qu'une semence conventionnelle sans OGM?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Chabot.

M. Chabot (Laurier): Oui. À l'heure actuelle, avec les normes biologiques qu'on a, on demandait que la graine soit, pour commencer, au moins non traitée chimiquement. Les normes se sont resserrées. En Europe, on demande une graine biologique. Et puis c'est sûr que le coût est un peu plus cher, de la graine biologique, parfois moyennement plus cher, parfois pas tellement plus cher. Mais il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là parce que, si on veut vraiment travailler en biologie et puis en biodynamie, éventuellement ça va nous prendre des variétés qui ont été développées à partir de ce mode de culture là. Parce qu'à l'heure actuelle les variétés à pollinisation ouverte ? parce que c'est ça qu'on utilise ? ce n'est pas des choses où il y a eu beaucoup de travail de mis dessus. On les a laissées de côté.

Et puis, si vous regardez un catalogue de semences, Johnny's, aux États-Unis, qui nous disait d'utiliser des pollinisations ouvertes il y a 10 ans, tu rouvres son catalogue de semences, il s'est conformé aux jardiniers, au «market garden», aux gros jardiniers, et puis c'est beaucoup, beaucoup d'hybrides qu'ils vendent. Donc, il y a beaucoup de travail à faire sur les pollinisations ouvertes, et puis, dans ce sens-là, l'aide du gouvernement serait bienvenue parce que ce n'est pas les petits agriculteurs qui vont pouvoir vraiment soutenir ça.

Mme Charlebois: Mais vous ne souffrez pas actuellement d'un manque de ressources à ce niveau-là?

M. Chabot (Laurier): Absolument.

Mme Charlebois: Vous avez déjà des problèmes à vous approvisionner?

M. Chabot (Laurier): C'est dur de s'approvisionner en semences biologiques. On n'a pas encore assez de semences biologiques, on est obligés d'utiliser des semences non traitées dans certains cas. Mais éventuellement ça nous prendrait des semences biologiques adaptées. Et puis, au lieu d'utiliser nos centres de recherche pour la production d'OGM, on devrait les utiliser pour de la production de plantes qui poussent dans le milieu et qui peuvent être réutilisées par les agriculteurs.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'ai trois petites questions courtes. Ce matin, on a rencontré un groupe qui s'appelait La Filière biologique, puis il nous proposait, lui... C'est-à-dire, ce groupe-là nous proposait, entre autres, par rapport aux OGM, d'avoir des études qui soient faites, mais il ne voulait pas que ce soit fait par le bureau... le BNQ, là, le Bureau de normalisation.

Ma première question: Pourquoi vous orienter vers là? Première question. Parce qu'on n'a pas d'expertise dans le domaine à ce jour, là.

Le même groupe nous disait aussi: Il faut faire attention à l'utilisation du mot «bio». Ça sert à peu près à tout, maintenant. Puis là j'apprenais un nouveau mot. Quand j'ai reçu votre mémoire, là, biodynamie, pour moi, je ne savais pas ce que c'était, là. C'est comme si on ajoutait un complément supplémentaire.

Ma troisième question... mon troisième commentaire ou question, là, c'est: vous nous avez dit tantôt, vous, que vous étiez dans le monde de l'horticulture, puis, s'il y a un domaine où il y a beaucoup de mutations génétiques, c'est bien dans ce domaine-là. Comment être d'accord, d'un côté, quand c'est dans votre domaine de compétence ? je ne vous ai pas entendu dire que vous étiez contre les modifications génétiques ? puis, quand ça touche aux autres domaines... Bien, j'aimerais ça que vous m'expliquiez ça.

M. Chabot (Laurier): Pour le BNQ, je ne peux pas vous répondre parce que je n'ai pas eu le mémoire de la Filière.

M. Soucy: Mais vous le recommandez?

M. Chabot (Laurier): Bien, moi, je recommande une étude du BAPE au niveau des OGM. Je suis contre l'utilisation des OGM jusqu'à ce qu'on ne soit pas... complètement sûrs de ce qui se passe. Mais, à la base, ce n'est pas tellement dans notre philosophie d'aller jouer dans le vivant. Oui, je suis pour les biotechnologies, dans le sens où on va découvrir la vie et puis essayer d'utiliser ça au bon escient, pour le bien du monde. Mais, d'aller insérer des choses dans la vie pour essayer de rendre une dépendance envers des populations, ça, je trouve que c'est inadmissible.

Pour ce qui est du... Parce qu'il y avait trois questions. J'ai déjà oublié un peu la deuxième et la troisième.

M. Soucy: Bien, c'était: Pourquoi en horticulture on accepte les modifications génétiques?

M. Chabot (Laurier): Je ne sais pas qu'est-ce que vous voulez dire par «les modifications génétiques». Il y a les manipulations génétiques. Toutes les plantes qui sont acceptées en manipulation génétique doivent être approuvées par le Canada. Et puis je ne suis pas au courant qu'il y en ait tant que ça en horticulture. Moi, je travaille en horticulture, dans le sens que je travaille sur une ferme maraîchère. Donc, c'est dans ce sens-là que je travaille en horticulture. Et je suis contre le développement des OGM à l'heure actuelle, dans le contexte qu'on a, parce que c'est un problème pour les producteurs biologiques, c'est un problème pour l'environnement, c'est un problème pour la santé.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Très courte question. À la page 2 de votre mémoire, vous dites qu'aucune culture d'OGM ne devrait être tolérée tant que les études nécessaires n'ont pas été faites. L'ensemble des intervenants qu'on a rencontrés nous disent que c'est quasiment impossible aujourd'hui d'avoir des semences où il n'y a pas ou de l'OGM ou des traces d'OGM. Quand on regarde votre proposition, ça veut dire qu'au Québec on arrêterait à peu près tout ce qui est culture.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Chabot.

n(16 h 50)n

M. Chabot (Laurier): Non, je pense qu'il n'y a pas plus que 30 %, 40 % des cultures qui sont faites avec des OGM. Les OGM ne sont pas dans tout. On a des OGM au niveau du maïs, au niveau du soya et puis au niveau du canola, mais on n'a pas encore d'OGM dans le blé, et puis on voudrait ne pas en avoir, puis on voudrait ne pas en avoir dans toutes les autres choses. Et puis, si on laisse aller les choses, c'est certain que, là, la pollution va se faire sur à peu près tout et puis là ça va être vraiment impossible, tandis que, si on arrête maintenant... C'est encore le temps d'arrêter la machine et puis d'évaluer si c'est vraiment une machine qui va nous mener à bon port ou si c'est une machine qui va nous emmener dans un précipice.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Il reste deux minutes. M. le député d'Iberville.

M. Rioux: Oui. Petite question qui est technique, là, pour ma compréhension. Vous nous parlez du Bt qui supposément devait se dégrader facilement, et ce n'est plus le cas aujourd'hui. Pouvez-vous nous parler un petit peu de c'est quoi, ça, le Bt, davantage, un petit peu l'historique, comment c'est venu? Puis ce que je comprends de votre mémoire, c'est que c'était sécuritaire puis que, là, on commence à avoir des doutes.

M. Chabot (Laurier): Le Bt, c'est un bacille qui se retrouvait naturellement chez certains insectes quand ils étaient malades. C'est un bacille qui attaque des insectes, spécialement des vers de papillon. Et puis on a utilisé ce bacille-là en agriculture biologique, et puis ça a été très efficace en tout cas pour combattre la piéride du chou. Et puis dans d'autres cas on a développé des souches aussi, d'autres bacilles, d'autres Bt, pour lutter contre le doryphore de la pomme de terre, ces choses-là, et puis c'est un produit qu'on pouvait appliquer en dedans de 24 heures. Avant de mettre un produit sur le marché, on arrosait. Le lendemain, on pouvait prendre le produit, aller le porter, et puis il n'y avait pas de problème parce qu'il n'y avait plus de trace de ces ingrédients-là, excepté dans les chenilles qui en avaient mangé et puis qui... En fait, ça ne les tue pas, ça détruit leur système digestif et ça les fait mourir.

Tandis que, quand on prend ça et on met ça dans le maïs, à ce moment-là on a un problème parce que ça reste. Il y a des études qui ont été faites ? je pourrais vous laisser les papiers à ce sujet-là ? où ça reste plus d'un an dans les résidus de maïs, et puis ça affecte les vers de terre, ça affecte toute la vie du sol et puis ça se ramasse dans les résidus aussi. Il y en a, des résidus de ça, qui ont été trouvés dans le fleuve Saint-Laurent. Donc, on en retrouve partout. En plus, le pollen en amène un peu partout.

Et puis, comme j'ai dit au début, c'est des molécules qui ne sont pas si stables que ça, ces OGM là. Et puis donc c'est une forte probabilité qu'il y ait des transferts qui se fassent, pas seulement sur le maïs, mais sur d'autres plantes, éventuellement. Et puis en plus c'est utilisé beaucoup par le producteur conventionnel parce qu'il sauve beaucoup de temps. S'il n'a pas besoin d'arroser son maïs pour la pyrale, bien il sauve du temps. Parce que, là, ils sont rendus avec des surfaces extrêmement grandes. Mais ce qu'ils sont supposés faire, et ce qui est recommandé, et ce qu'ils ne font pas dans la plupart des cas, c'est d'en planter une partie conventionnelle pour justement éviter un problème de résistance au Bt.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Le document auquel vous faites référence, vous allez le déposer, il y a quelqu'un qui va venir le chercher. M. le député de Nicolet-Yamaska, pour 15 minutes.

Document déposé

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Madame, monsieur, je veux vous remercier, vous remercier de votre présentation, et je vais enchaîner avec la question du Bt. Vous avez commencé l'explication au député d'Iberville en lui disant que le Bt, ce n'était pas nécessairement transgénique, si j'ai bien compris.

M. Chabot (Laurier): Le Bt n'est pas transgénique, mais le plan de maïs avec le gène de Bt dedans, c'est une plante transgénique. Parce que, nous autres, on utilise, en vaporisation, le liquide. On le dilue dans l'eau et on pulvérise les choux ou les autres plantes sur lesquelles on l'utilise. Et puis, à ce moment-là, le lendemain ce n'est déjà à peu près plus effectif, là, et puis ça ne reste pas.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais avec le maïs ça devient beaucoup plus problématique, là.

M. Chabot (Laurier): Effectivement, parce qu'il peut se développer des problèmes de résistance, parce que, là, vu que ce n'est pas longtemps dans l'environnement, les insectes ne peuvent pas développer de résistance. Ils n'avaient pas développé encore de résistance au Bt jusqu'à date, mais ce ne sera pas long que, là, il y a beaucoup d'insectes qui vont développer une résistance au Bt, parce qu'ils en mangent tout le temps. Le fait d'en manger tout le temps, ça fait qu'éventuellement il y en a un qui va être assez fort pour passer au travers, puis là ça va se multiplier.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Puis ça pourrait être quoi, les conséquences plus ou moins désastreuses que vous envisagez?

M. Chabot (Laurier): Bien, la conséquence, c'est que le producteur biologique va perdre un des rares produits qu'il pouvait utiliser. Donc, on ne pourra plus retrouver ça. Mais la conséquence pour les fabricants de produits chimiques: ils vont en trouver d'autres puis ils vont juste en arroser plus. Ce n'est pas un problème.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Vous dites aussi dans votre mémoire que votre association souhaite la création d'un réseau public chargé d'accréditer les laboratoires qui offrent des services de détection des OGM. J'aimerais ça vous entendre sur c'est quoi, un réseau public, pour vous.

M. Chabot (Laurier): Un réseau public, c'est un réseau qui a été supporté par le gouvernement. Ça pourrait être supporté à l'aide de redevances justement sur les produits chimiques, ou les plantations, ou les importations de produits étiquetés qu'on pourrait bien avoir ici si on n'en produit plus.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Donc, le réseau public, c'est gouvernemental, ça, pour vous, là.

M. Chabot (Laurier): Effectivement.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Et ça pourrait relever de... Mettons que c'est le gouvernement du Québec. Ça pourrait relever de quel ministère? Comment vous voyez ça? Le MAPAQ?

M. Chabot (Laurier): Soit le MAPAQ ou l'Environnement, mais il faudrait que ce soit entouré d'un certain milieu, mais le bon milieu, effectivement. Parce qu'à l'heure actuelle je trouve que... Pour ce qui est du Conseil d'accréditation du Québec, j'ai l'impression qu'il se fait un très bon travail là. Mais il faut que ce soit entouré par des gens de conscience, pas des gens qui ont un intérêt à ce que ça ne fonctionne pas.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je reviens aussi sur les OGM, là. Vous parlez de consultation publique éventuellement pour connaître les grandes conséquences des OGM ou de l'utilisation des OGM puis vous recommandez que ce soit le BAPE qui chapeaute une consultation comme celle-là. Pourquoi vous recommandez que ce soit le BAPE? Parce que déjà ils ont les expertises, ils ont les spécialistes?

M. Chabot (Laurier): Bien, on pensait à partir des organismes qui existent déjà plutôt que de créer complètement de nouveaux organismes, et puis de nouvelles fonctions, et plein de toutes sortes de choses. Si on a un outil qui est déjà là...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Et tantôt vous avez parlé aussi... Une des questions que mon collègue a suggérées, c'est d'émettre une taxe. O.K.? Mais vous avez dit: Ça pourrait être...

Une voix: Une redevance.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...une redevance. O.K. Comment ça pourrait s'appliquer, selon vous? Parce que, nous, un des objectifs de la commission, c'est de faire un rapport après, un rapport au gouvernement pour lui dire: Voici les personnes que nous avons entendues depuis 10 jours, les 80 groupes qui sont venus nous faire des suggestions, et une des suggestions qui nous ont été faites, c'est d'émettre une redevance. Comment ça pourrait être applicable?

M. Chabot (Laurier): Si la redevance n'est pas faite au niveau du détail, la redevance pourrait être faite au niveau de l'importation et au niveau de la production. C'est-à-dire que c'est le producteur ou le fournisseur qui paie la redevance quand ça rentre dans le pays ou quand c'est produit au pays, plutôt qu'au détail. Parce qu'une taxe au détail, c'est toujours plus compliqué, parce qu'il faut que ce soit perçu à un certain niveau, tandis que, si c'est le producteur ou l'importateur qui paie la taxe, ça fait beaucoup moins de manutention, beaucoup moins de complications.

Et puis à ce moment-là on pourrait aussi essayer de trouver un système de suivi administratif du produit, à partir du moment où on l'importe et à partir du moment où on le produit, pour savoir où ce produit-là est rendu, parce que jusqu'à date il y a beaucoup de produits qui doivent être évalués, on prend énormément de temps à les réévaluer, mais ils sont ou retirés du marché ou avec d'autres normes, et puis on ne sait pas où ils sont, où c'est rendu vraiment, tous ces produits-là, tandis qu'à ce moment-là on pourrait suivre les produits et puis prendre la redevance en même temps.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie de votre rapport et de votre présentation ici, devant la commission. On a vu, par votre présentation et votre rapport, que vous avez beaucoup fouillé toute cette question-là. Vous insistez beaucoup sur toute la question des OGM, comme beaucoup de gens avant vous l'ont fait aussi, et j'ai compris, en lisant votre rapport, que vous considérez comme très important qu'on ait au Québec un centre d'expertise exceptionnel dans tout le domaine des OGM afin de pouvoir vérifier ce qui est affirmé par les compagnies et vérifier les conséquences sur le terrain de l'utilisation volontaire ou accidentelle des OGM. Est-ce que j'ai bien compris?

n(17 heures)n

M. Chabot (Laurier): Effectivement. Dans le processus d'évaluation, pendant qu'on a le moratoire.

M. Dion: Que vous financeriez avec les taxes et redevances dont vous avez parlé tout à l'heure?

M. Chabot (Laurier): Oui, effectivement.

M. Dion: Je vous remercie beaucoup. Je pense que votre rapport est très clair. Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon, bien, alors cela termine la présentation. M. Chabot, Mme Veilleux, je vous...

M. Chabot (Laurier): Est-ce que je pourrais rajouter une minute?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Si vous avez une conclusion, on vous donne une petite minute, oui.

M. Chabot (Laurier): J'aurais aimé présenter une annexe. Parce que les problèmes qu'on retrouve à l'heure actuelle au niveau de la sécurité alimentaire, ce n'est pas tellement compliqué, c'est le signe que le monsieur faisait, c'est que, quand le monde travaille pour l'argent, eh bien, si c'est seulement le profit qui compte, la santé, ça passe de côté, et la sécurité aussi. Et puis je demanderais au gouvernement de créer une loi rendant les investisseurs responsables des activités et des biens créés par leurs investissements, donc, si j'ai des parts dans une compagnie, que je sois tenu responsable de ce que cette compagnie fait là. Comme ça, le monde penseront peut-être à investir leur argent à des places qui valent la peine et non pas à des choses qui sont potentiellement dangereuses pour la santé et la sécurité humaines.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup. Cela termine bien votre présentation, M. Chabot. Encore une fois...

Une voix: ...

Document déposé

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, bien sûr, le dépôt va se faire, et ça va être distribué aux députés.

Je voulais vous remercier pour votre contribution et encore une fois d'avoir partagé avec nous votre expérience, parce que vous êtes dans le domaine de l'horticulture. Merci, Mme Veilleux, pour votre présence et votre participation.

Nous allons prendre une petite pause de 10 minutes, 10 minutes, pas une minute de plus, et on revient pour accueillir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

 

(Reprise à 17 h 15)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. J'invite M. Robert Ménard, président d'ENvironnement JEUnesse, à prendre la parole. Vous n'aurez pas besoin de présenter vos collègues, puisque vous êtes seul. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et 15 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire. Soyez le bienvenu.

ENvironnement JEUnesse inc. (ENJEU)

M. Ménard (Robert): Merci beaucoup. Bonjour, Mme la Présidente, Mmes les députées, M. le député ? jusqu'à présent. Alors, bien merci de nous avoir invités à partager notre mémoire. Comme vous l'avez dit, mon nom est Robert Ménard, président d'ENvironnement JEUnesse.

ENvironnement JEUnesse, c'est un organisme d'éducation relative à l'environnement et de loisir scientifique qui existe depuis 1979. Nous regroupons plus de 130 institutions scolaires de niveau secondaire, collégial, universitaire ainsi que des maisons de jeunes et des groupes de jeunes, en plus de plusieurs centaines de membres individuels à travers la province. Alors, on a des activités d'éducation, de formation et d'intervention en environnement, principalement dans les milieux scolaires, et puis aussi on a comme mandat de faire entendre les préoccupations des jeunes sur les grands enjeux environnementaux en participant à des consultations publiques, des commissions parlementaires, ou à des actions plus directes comme des manifestations et des choses de cet acabit.

Alors, tout d'abord, Mme la Présidente, il est assez évident de mentionner que l'intérêt de la jeunesse québécoise n'est pas de subir les contrecoups d'une agriculture industrielle qui a de nombreux impacts environnementaux et sociaux; l'intérêt des jeunes est de préserver l'environnement pour les générations présentes et futures, ce qui passe inévitablement par une politique écologique et socialement responsable en matière de sécurité alimentaire au Québec. À cet égard, ENvironnement JEUnesse est engagé depuis plusieurs années dans le dossier des enjeux alimentaires par ses activités d'éducation auprès des jeunes, par la réalisation de plusieurs outils pédagogiques et par la mise en place de projets, auprès d'institutions scolaires, qui visent à promouvoir une alimentation écologique et socialement responsable.

Nous avons réalisé, de 2001 à 2003, une tournée intitulée L'EnVert de l'assiette auprès de 52 écoles secondaires, cégeps et universités afin de sensibiliser les jeunes sur les enjeux alimentaires. Au terme de cette tournée, nous avons conçu une trousse pédagogique afin d'aider les enseignants et les jeunes à agir en tant que consommateurs responsables en matière alimentaire.

En avril 2002, nous avons organisé une action nationale sur deux jours, intitulée Jeûner pour mieux manger, au cours de laquelle près de 400 jeunes de différentes régions du Québec ont jeûné pendant une journée entière afin de faire valoir leurs préoccupations sur les enjeux alimentaires. Lors de la deuxième journée, les jeunes participants ont consacré leurs efforts à la promotion, dans leurs communautés locales, des alternatives écologiques et socialement responsables en matière alimentaire.

Nous avons également publié dernièrement une nouvelle édition du livre L'envers de l'assiette, de Laure Waridel, en collaboration avec les Éditions Écosociété, qui porte aussi sur ce sujet. Finalement, comme les enjeux alimentaires et agricoles sont inséparables, nous avons présenté un mémoire lors des audiences du BAPE sur la production porcine.

Maintenant, je vais poursuivre avec une petite citation, Mme la Présidente: «La nourriture n'est plus considérée avant tout comme un moyen d'entretenir la vie. En effet, pour ceux qui cherchent à contrôler notre approvisionnement alimentaire, elle est devenue plutôt une importante source de profit, un levier économique, une forme de monnaie, un outil de politique internationale, un instrument de pouvoir ? une arme!» Au cours du dernier siècle, les industries de l'alimentation et de l'agriculture ont adopté des pratiques productivistes où le profit a pris le dessus sur la nécessité de nourrir la population. L'industrialisation, la mécanisation et la marchandisation du secteur agroalimentaire, soutenues par des politiques gouvernementales, ont eu de nombreuses conséquences environnementales et sociales négatives. Les quelques faits suivants sont assez révélateurs de la situation mondiale qui prévaut actuellement: 40 millions de personnes meurent de malnutrition chaque année, 20 000 ouvriers agricoles par année sont tués par des pesticides et 80 % des terres arables mondiales subissent une érosion suffisante pour réduire le rendement agricole.

n(17 h 20)n

Ainsi, Mme la Présidente, comme le note pertinemment Laure Waridel, les pratiques productivistes du secteur agroalimentaire font en sorte que l'on retrouve dans les campagnes moins de fermes et plus d'industries agricoles, moins de paysans et plus d'entrepreneurs, moins de diversité animale et végétale et plus d'uniformité, moins d'animaux dehors et plus de bâtiments sans fenêtre, moins de variétés d'espèces et plus de machines, d'OGM, de pesticides et d'engrais chimiques, moins d'air pur et plus de productivité, moins d'eau saine et plus de technologies, moins de petits magasins et plus de voitures, alors que dans les épiceries on retrouve plus de marques et moins d'entreprises indépendantes, plus d'aliments préparés et davantage d'additifs alimentaires et d'emballages, moins de produits locaux et plus de gaz à effet de serre, plus de nourriture standardisée et davantage d'OGM, de résidus de pesticides, d'antibiotiques, d'hormones, etc. Bref, l'alimentation est devenue une marchandise comme une autre, complètement déconnectée des réalités environnementales et sociales qui la sous-tendent, et ce, au détriment des communautés locales.

Cette situation est seulement bénéfique pour les 10 compagnies qui accaparent jusqu'à 60 % de la chaîne alimentaire internationale en contrôlant à la fois les graines, les engrais, les pesticides, la transformation et le transport des aliments. Parmi ces compagnies, notons, par exemple, Cargill, la septième entreprise alimentaire mondiale, qui possédait, en 2002, un chiffre d'affaires de 50 826 000 000 $. Considérant que la part totale du PIB de l'industrie alimentaire québécoise représente 14 milliards de dollars, il y a lieu de tenir compte des pratiques de ce type d'entreprise dans l'élaboration d'une politique de sécurité alimentaire, afin de ne pas devenir totalement dépendant de compagnies étrangères et de perpétuer cette situation problématique sur le plan environnemental et social.

Mme la Présidente, nous avons mentionné précédemment que nous sommes en faveur d'une politique écologique et socialement responsable en matière de sécurité alimentaire au Québec. Il convient donc de préciser ce que nous entendons par cette expression. Notre approche s'articule autour du concept des 3N-J ? nu, non loin, naturel et juste ? qui vise justement à contrecarrer les déséquilibres environnementaux et sociaux engendrés par l'approche productiviste du secteur agroalimentaire.

Le «nu» vise à réduire les emballages alimentaires superflus et la surconsommation qui contribuent à accroître la grande quantité de déchets produits chaque jour. En effet, près du tiers des déchets domestiques sont liés à l'alimentation, alors que nous fabriquons 80 % plus d'emballages qu'en 1960.

Le «non loin» vise à encourager l'économie locale et les produits locaux afin de protéger l'environnement en réduisant le transport des aliments dans tout le processus de la chaîne alimentaire. Dans une économie mondialisée, la distance parcourue par les aliments est démesurée, alors qu'entre le champ et la table un produit alimentaire parcourt en moyenne 2 500 km. Cela n'est pas sans conséquence au niveau environnemental alors que les émissions de gaz à effet de serre tendent à augmenter à mesure que la nourriture qui parvient à nos assiettes est produite de plus en plus loin. Considérant que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat prévoit que la température moyenne mondiale va augmenter de 1,4 °C à 5,8 °C entre 1990 et 2100 suite aux changements climatiques, il y a lieu de réduire les émissions de GES reliées au secteur agroalimentaire.

Le «naturel» vise à éviter les agents chimiques ainsi que les pesticides, les engrais chimiques et les OGM utilisés dans la production et la transformation des aliments, qui ont des conséquences négatives à la fois au niveau de la santé des ouvriers agricoles et des consommateurs ? par exemple, entre 3,5 et 5 millions d'intoxications graves par année résultent de l'utilisation de pesticides ? en plus des dommages environnementaux. Le «naturel» privilégie donc les aliments certifiés biologiques.

Le «juste» prend en compte le fait que l'économie de marché actuelle ne permet pas la redistribution équitable des ressources et entraîne trop souvent l'exploitation des plus démunis. En conséquence, la distribution d'aliments n'est pas abordable pour plusieurs individus qui n'ont pas les moyens financiers leur permettant d'avoir accès aux denrées alimentaires. Le «juste» prend aussi en compte le fait que, dans plusieurs pays, notamment du Sud, l'agriculture d'exportation est encouragée au prix de la sécurité alimentaire des populations locales. Effectivement, la production lucrative d'aliments de luxe tels que le cacao, la vanille et le café, destinée pour les marchés des pays industrialisés, monopolise parfois la totalité des terres des pays du Sud, les rendant par le fait même tributaires des prix mondiaux pour leurs revenus, alors que ces terres pourraient être utilisées à meilleur escient afin de subvenir en cultures céréalières pour les besoins des populations locales. Le «juste» favorise notamment le développement du commerce équitable afin d'empêcher les pratiques de domination des pays du Nord, colportés par les multinationales de l'agroalimentaire, par rapport au Sud, dans une optique d'équité sociale.

Ce sont donc ces quatre principes qui guident notre approche en matière de sécurité alimentaire au Québec. Conséquemment, nous ne répondons pas directement aux questions formulées dans le document, mais nous formulons des recommandations qui traduisent nos préoccupations s'inscrivant dans le contexte des enjeux de la sécurité alimentaire.

Avant de passer à nos recommandations, Mme la Présidente, nous voulons souligner le manque de questionnement de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation par rapport aux OGM. À part l'étiquetage, on ne retrouve aucun questionnement critique sur l'utilisation même des OGM. Pourtant, les OGM représentent une menace potentielle pour la sécurité alimentaire. Certains risques reliés à l'utilisation des OGM sont à considérer à l'égard de la santé humaine, tels que la création de nouvelles toxines, la multiplication des allergies alimentaires ainsi que la croissance de l'inefficacité des antibiotiques pour le traitement des maladies humaines.

En ce qui concerne l'environnement, plusieurs risques par rapport aux OGM sont également envisageables, tels que le transfert des gènes de résistance aux herbicides chez les mauvaises herbes et l'avènement de superinsectes également résistants aux insecticides, entraînant dans les deux cas une escalade chimique relative au recours de plus grandes quantités de pesticides. De plus, l'uniformisation du patrimoine génétique chez nombre d'espèces végétales pourrait diminuer la biodiversité planétaire.

Finalement, la mainmise de quelques multinationales sur les brevets de semences génétiquement modifiées pourrait donner lieu à un monopole mondial au sein du marché des semences. À cet égard, Monsanto est l'entreprise la plus importante alors qu'elle est, au niveau mondial, le premier vendeur d'herbicides, le premier vendeur de semences de maïs, le deuxième fournisseur de semences de soya et le producteur de 91 % de tous les OGM. Une situation de monopole mondial s'avérerait fort dommageable pour de nombreux agriculteurs d'ici et d'ailleurs, ce qui pourrait également accroître l'inégalité de la répartition des ressources alimentaires mondiales. Ainsi, nous sommes grandement déçus que cette consultation sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire n'ait pas été l'occasion d'étudier davantage la question des OGM qui pourraient devenir une source de pollution supplémentaire, la pollution génétique, au détriment de la sécurité alimentaire des générations futures.

Mme la Présidente, ENvironnement JEUnesse est d'avis que les enjeux de la sécurité alimentaire au Québec doivent s'inscrire dans une optique écologique et socialement responsable. Conséquemment, ENvironnement JEUnesse recommande à la commission et au gouvernement du Québec les actions suivantes: adopter un système d'étiquetage obligatoire des aliments issus partiellement ou totalement des OGM, comme celui de l'Union européenne; maintenir la certification obligatoire de tous les produits biologiques produits localement ou importés au Québec; uniformiser l'utilisation des mots «biologique», «organique» et «écologique» sur les emballages en choisissant un seul terme pour désigner les produits biologiques; réglementer l'utilisation des mots «naturel» et «pur» afin d'éviter la confusion ou l'utilisation trompeuse de ces termes sur les emballages par rapport à la mention «biologique»; réglementer l'utilisation de la mention «commerce équitable» sur les emballages; identifier sur les emballages le nom et l'adresse, avec le pays d'origine, du fabricant, de l'importateur et du distributeur de l'aliment; mettre sur pied une commission d'enquête sur les OGM afin d'évaluer les risques environnementaux, sociaux et économiques de cette nouvelle pratique.

Par ailleurs, Mme la Présidente, ENvironnement JEUnesse profite également de cette tribune afin de réitérer de manière primordiale les recommandations émises lors de notre Action nationale de 2002, où nous avions demandé, et exigeons toujours, au gouvernement du Québec les actions suivantes, à savoir appuyer financièrement l'agriculture biologique, promouvoir et soutenir le commerce équitable, soutenir financièrement l'économie sociale, écologique et locale ainsi que réglementer l'emballage des aliments pour une réduction des déchets. Si nous avons fait ces 11 recommandations et si près de 400 jeunes Québécois ont jeûné une journée entière en avril 2002, c'est pour démontrer que les enjeux alimentaires sont majeurs pour les générations actuelles et futures et qu'il est grand temps que la nourriture redevienne un moyen d'entretenir la vie et non la détruire. Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Merci, M. Ménard. Je voudrais d'abord, au nom de la commission, vous féliciter pour la démarche que vous avez effectuée, de venir vous présenter devant nous. C'est très rafraîchissant d'avoir un jeune qui se présente devant la commission avec une perspective très, très intéressante qui nous rallie, parce que c'est quelque chose qui touche à l'environnement, et vous faites le lien entre l'environnement et la sécurité alimentaire.

Je suis... j'ai été très intéressée de lire votre mémoire et surtout les actions concrètes que vous posez dans votre organisme, ENvironnement JEUnesse. Quand vous avez parlé de votre tournée dans les écoles... Et ça a duré quand même de 2001 à 2003, la tournée l'EnVert de l'assiette. C'est très intéressant de savoir que c'est quelque chose qui a été fait et qui peut être fait.

n(17 h 30)n

Vous avez développé aussi une trousse pédagogique. Premièrement, est-ce qu'il est possible d'avoir cette trousse pédagogique pour que la commission s'informe de ce que ça contient? Et je vais vous dire pourquoi. Parce qu'on a, nous, reçu des recommandations. L'une d'elles consisterait à introduire un programme de formation, dès le primaire et dès la petite enfance, dans les écoles, les écoles-CPE, les garderies, le secondaire, qui porterait, ce programme d'information et de formation, sur évidemment la sécurité alimentaire au sens large ? l'innocuité et la qualité des aliments, l'hygiène, les bonnes pratiques alimentaires ? aussi préparer les jeunes à exercer une certaine vigilance par rapport à ce qu'ils ont dans leurs assiettes et devenir des consommateurs avertis, ce qui rejoint parfaitement ce que vous faites à travers cette démarche de L'EnVert de l'assiette.

Je crois que notre système de sécurité alimentaire sera ce que les consommateurs en feront, et plus les consommateurs seront avertis, plus ils seront informés, plus ils vont être exigeants et plus ils vont modeler le système de production, dans l'ensemble de la chaîne alimentaire, en fonction de leurs exigences. Le travail que vous faites dans ENvironnement JEUnesse concourt à cet objectif certainement.

Alors, je voudrais donc vous demander s'il est possible de nous envoyer une trousse pédagogique L'EnVert de l'assiette. Et, deuxièmement, qu'est-ce que vous pensez, comme jeune qui est déjà dans l'éducation pédagogique, qui est déjà présent dans les institutions, qu'est-ce que vous pensez d'un programme de formation dès la petite enfance, les garderies, les CPE, le primaire, le secondaire, pour inculquer les valeurs d'une saine alimentation?

M. Ménard (Robert): Bien, tout d'abord, pour la question de la trousse, on va se faire un plaisir de vous la fournir. Et on pourrait vous fournir aussi une copie du livre, même, L'envers de l'assiette, il n'y a aucun problème à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

M. Ménard (Robert): Au niveau d'un programme dont vous faites mention, nous, on serait totalement en faveur d'un programme du genre. Sur une même tribune, de toute façon, on prône qu'il doit y avoir institutionnalisation de l'éducation relative à l'environnement, c'est-à-dire que les enjeux comme ça, comme la sécurité alimentaire, ou que ce soit la gestion des déchets, etc., soient abordés dans les programmes des institutions scolaires dès le niveau primaire en montant pour que, dans le fond, tous les citoyens qui passent par le réseau public d'éducation puissent avoir accès à ces notions-là et pas que ce soit juste sur les épaules souvent bénévoles de groupes communautaires comme le nôtre. Alors, on ne peut que recommander également qu'il y ait un programme du genre qui soit mis en place.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: J'allais vous demander... Bonjour et merci de votre présentation. J'allais vous demander: Est-ce que vous considérez... Parce que je ne vous vois pas beaucoup parler d'étiquetage et de méthodes d'inspection dans votre mémoire. Est-ce que vous considérez que, si nous avons plus d'agriculture à dimension humaine ou moins de grandes productions de masse, l'étiquetage et les méthodes d'inspection pourront être moins rigoureux?

M. Ménard (Robert): Bien, pas nécessairement. D'abord, bien, on parle quand même de l'étiquetage des OGM.

Mme Charlebois: Oui, des OGM.

M. Ménard (Robert): Au niveau, bon, de l'inspection, là, tout ça, on n'a pas nécessairement une expertise à ce niveau-là, alors on ne voyait pas l'intérêt de se prononcer à ce niveau-là. Mais c'est sûr que, dans une optique où il y aurait une agriculture plus, justement, écologique et socialement responsable, notre avis est qu'il y aurait moins de problèmes, qui sont en fait des causes de l'industrialisation de l'agriculture, que ce soit la vache folle ou des choses comme ça. Alors, il y aurait certainement une baisse à ce niveau-là. Mais on ne s'était pas prononcés sur les techniques en tant que telles d'inspection ou quoi que ce soit.

Mme Charlebois: Est-ce que ça vous inquiète? Je ne sais pas si vous avez pu voir les mémoires précédemment déposés, entre autres d'un agriculteur, cet après-midi, qui nous a présenté un tableau. Ça fait deux fois que j'y reviens. C'est parce que ça m'a un petit peu étonnée de voir que 80 % des nouveaux hybrides sont avec OGM. Est-ce que vous étiez au courant de ça? Et comment vous entrevoyez ça?

M. Ménard (Robert): Bien, on entrevoit ça, disons, de façon un peu pessimiste parce que ça reconduit la logique justement productiviste du système agroalimentaire puis ça tend à concentrer davantage encore tout le contrôle de la chaîne alimentaire au sein de quelques compagnies qui ont les capitaux nécessaires pour faire des investissements du genre. Puis aussi le gouvernement a une grande part là-dedans, là. Il investit beaucoup, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, dans les biotechnologies, les OGM, alors que le support, par exemple, pour l'agriculture biologique est très minime par rapport à tous les deniers publics qui sont investis dans les OGM.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Ménard. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'ai parcouru évidemment votre mémoire, là, du début à la fin. Oui, on adhère évidemment à la philosophie qui sous-tend vos propos. C'est sûr qu'on ne peut pas... C'est un peu vertueux, ça fait qu'on ne peut pas être contre, nécessairement. Alors, on adhère évidemment aux principes qui sont sous-tendus.

Par contre, quand on regarde le contenu du texte, vous avez des préoccupations par rapport aux OGM. Dans le mémoire, à sept endroits différents vous aviez l'occasion de vous exprimer là-dessus, puis vous nous dites qu'on ne répond pas aux questions, puis après ça vous nous dites que ça manque de questionnement. Alors, moi, je pense qu'il y avait l'opportunité pour vous de vous exprimer sur les OGM de façon très claire. Puis je vous dirais qu'à chaque fois qu'on rencontre un groupe on questionne sur les OGM, parce qu'à certains endroits les gens sont restés muets sur le sujet. Alors, nous, on intervient justement parce qu'ils sont restés muets. Alors, pour nous autres, ça nous interpellait. Alors, je n'ai pas trop saisi, là, les commentaires que j'ai pu lire là-dedans.

D'autre part, on nous dit ? ça, c'est les présentations antérieures ? on nous dit que la production bio est moins productive. Ça a été répété à quelques reprises. Alors, pour nous, on est inquiets aussi. Il y en a qui nous suggèrent, des groupes qui partagent les mêmes philosophies que vous, l'autosuffisance alimentaire. Puis, savoir que c'est moins productif, comment on peut adresser cette problématique-là? Ça, c'est la première question.

La deuxième question, dans une de vos recommandations, vous dites que vous êtes favorables à l'étiquetage des OGM quand il y en a partiellement ou totalement. Est-ce qu'il y a un taux, un pourcentage du contenu en OGM qui représente un seuil pour vous où il faut absolument l'indiquer ou si c'est catégorique, s'il y a une trace à 1/1 000 de 1 %, alors...

L'autre question que j'ai, c'est: donnez-moi donc votre définition du commerce équitable. Parce que, dans mes notions d'économie, là... plusieurs, puis celle-là est nouvelle pour moi.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous avez fini, M. le député?

M. Soucy: Bien, je vais m'arrêter là pour les questions.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ah! C'est des questions à 10 000 $, M. Ménard. Alors, allez-y, s'il vous plaît, dans l'ordre.

M. Ménard (Robert): Oui. Bien, même si la première n'était pas une question, je vais y répondre aussi. Par rapport au questionnement sur les OGM, à quoi on fait référence, c'est au document de consultation, où les seules préoccupations, par rapport aux OGM, qui sont soulevées, c'est à savoir la traçabilité ou l'étiquetage. Alors, c'est comme si on disait que les OGM, c'est une pratique qui va de soi, qu'on ne questionne pas cette pratique même là. C'est à ce niveau-là qu'on voulait dire qu'il n'y avait pas de questionnement critique à la pratique même et à l'endossage des OGM, mais qu'on y allait juste avec les questions d'étiquetage ou de traçabilité.

M. Soucy: Pour répliquer là-dessus, le document de consultation se voulait une aide pour les gens qui nous présentent des mémoires. Il y en a qui n'ont pas du tout répondu aux questions mais qui en ont traité dans les rapports... dans les mémoires. Alors, c'était simplement pour aider les gens à... les orienter, ceux qui avaient beaucoup d'idées mais qui n'étaient pas capables peut-être de les schématiser. Alors, c'était une aide, simplement, ça.

M. Ménard (Robert): Parfait. Bien, O.K. Deuxième question, production biologique, à savoir: Est-ce que c'est plus, c'est moins ou... productif que la production conventionnelle?, je pourrais vous dire que, selon certains, ça l'est moins. Alors, moi, j'ai déjà vu d'autres études qui disent que c'est le contraire. Puis nous croyons aussi que peut-être qu'à court terme la productivité n'est pas la même, mais, si à long terme on continue dans la veine industrialisée de l'agriculture et puis que la qualité du sol, à cause des intrants chimiques et tout... en vient que la qualité du sol n'est même plus propice à la production d'aliments, à long terme ça va être ça qui va être moins productif, parce qu'on va arriver à un stade critique où ça va chuter drastiquement. Alors, c'est ça un peu que je pourrais vous répondre à ce niveau-là.

Au niveau de l'étiquetage, à savoir s'il y a un seuil, nous, 0,00001, on étiquette, c'est clair.

Une voix: ...

n(17 h 40)n

M. Ménard (Robert): Non. Et puis, commerce équitable, je ne vous donnerai pas ma définition, mais en fait le commerce équitable renvoie à des pratiques. C'est-à-dire c'est de solidarité avec les producteurs du Sud. Au lieu que ça passe par des grandes multinationales, le transfert des aliments ou toutes les pratiques reliées à la chaîne alimentaire, c'est qu'il y ait un lien direct entre le producteur du Nord et le... entre le consommateur du Nord et le producteur du Sud, pour que dans le fond les sommes que le consommateur dépense pour les produits alimentaires s'en aillent au producteur du Sud plutôt que ça passe par une série interminable d'intermédiaires puis qu'aussi ce soit balisé selon des pratiques qui respectent les droits des travailleurs et puis une approche éthique, en fait, en termes de travail agricole.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Merci, M. le député. Je vais céder la parole à Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je veux d'abord vous féliciter, et en même temps ENvironnement JEUnesse, pour vos programmes et cette sensibilité de retransmettre vos savoirs aux jeunes au niveau des écoles. Je pense que c'est à votre honneur que vous ayez cette implication-là dans le milieu. Vous avez une analyse quand même assez étoffée, et je pense que c'est intéressant de voir que ceux qui vont prendre la relève dans quelques années ont déjà cette conscience sociale là très élaborée.

J'ai été frappée par votre concept des 3N-J, le nu, le non loin, le naturel et le juste. Par contre, quand j'ai commencé à relire vos recommandations, je me suis sentie un peu perdue, parce que je disais: Dans le fond, au niveau des recommandations, si on regarde les sept ou huit premières, là ? trois, six, les sept premières ? c'est des recommandations qu'on a retrouvées dans tous les autres mémoires, et je ne reconnaissais plus les jeunes là-dedans. Quand j'arrive aux dernières, appuyer financièrement... on retrouve, à l'intérieur, à la page 8, là, de votre mémoire, on retrouve, dans le fond, le concept des 3N-J.

Je trouve un peu dommage qu'à la fin vous n'ayez pas mis plus d'emphase, dans vos recommandations, au niveau de l'éducation ? ce que vous faites beaucoup, et vous en parlez dans votre mémoire ? et en même temps ne pas avoir mis plus d'emphase sur les quatre dernières, qui dans le fond représentent ce que vous êtes, en fait. Les premières résolutions, on les a à peu près eues de tout le monde: étiqueter, identifier, s'assurer de bien connaître, identifier les emballages et la commission d'enquête. La commission d'enquête revient de plus en plus, qu'il y ait une commission d'enquête au niveau des OMG.

Ma question est: Est-ce que, le mémoire que vous nous avez déposé, l'ensemble des jeunes se le sont approprié ou bien ? je sais que le temps était court, là ? ou c'est le groupe... Je ne sais pas si vous avez un exécutif ou... Bien, ça, c'est plus nous autres qui parle comme ça. Les jeunes, souvent, n'ont pas tendance à s'appeler de cette façon-là. J'aimerais ça savoir qui se l'est approprié, ce mémoire-là.

M. Ménard (Robert): Bien, juste répondre en fait à votre première question aussi. Les recommandations, même si elles ne sont pas explicitement en rapport avec les 3N-J, pour nous, elles le sont. C'est-à-dire, par exemple, le fait d'identifier c'est qui, d'où... la provenance du fabricant et tout, c'est en lien avec le concept de «juste» et d'avoir une meilleure information sur la production des aliments. Et puis je pourrais vous faire une démonstration pour chacune de celles-ci.

Maintenant, peut-être qu'on n'a pas mis assez l'emphase dans la deuxième partie. Quand on dit «de manière primordiale», c'est donc dire que ces quatre recommandations-là, c'est la priorité.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Merci, M. Ménard. Alors, je cède la parole à M. le député de Nicolet-Yamaska pour les prochaines 15 minutes.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. M. Ménard, bienvenue. Merci de votre présentation. C'était fort intéressant, fort agréable de vous entendre aussi. Et je vais juste faire suite aux questions de ma collègue à propos de votre formulation du concept des 3N-J. Moi, j'aimerais avoir peut-être un peu plus de détails. Qu'est-ce que vous entendez par 3N-J? Un exemple de chacun, pour le bénéfice de ceux et celles aussi qui nous écoutent, parce que, bon, nous, on est devant des textes, on a ça devant nous, là, mais ce n'est pas tout le monde qui comprennent bien, puis je pense que ça vaut la peine de bien détailler puis de faire un peu de pédagogie de ce que vous voulez faire avec nos jeunes, entre autres.

M. Ménard (Robert): Parfait. Alors, avec plaisir je vais vous dire ça.

Les 3N... le «nu», en fait, ça renvoie principalement au fait qu'on doit choisir des aliments le moins emballés possible. C'est donc dire... Admettons que je me retrouve à l'épicerie. J'ai le choix entre des pommes en vrac ou j'ai le choix entre des pommes qui sont emballées dans un contenant de styromousse, avec en plus de l'emballage en plastique, puis on va me mettre ça, après, dans un sac en plastique. Alors, c'est de choisir celui qui est en vrac puis, si possible, d'amener mes propres sacs en tissu, quand je fais l'épicerie, pour réduire tous les emballages qui sont alentour des aliments.

Le «non loin», en fait, c'est de choisir, si je prends le même exemple de la pomme, entre une pomme qui vient de la Nouvelle-Zélande puis une pomme qui est produite au Québec. C'est de choisir la pomme qui est produite au Québec afin d'encourager l'économie locale, mais aussi, à long terme, c'est de ne pas encourager les aliments qui parcourent des milliers et des milliers de kilomètres pour se rendre jusqu'à notre assiette parce que ce transport-là, ça se traduit par plus d'émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

Au niveau du «naturel», si je prends toujours l'exemple de la pomme, eh bien, ce serait de choisir une pomme biologique au lieu d'une pomme produite de façon conventionnelle, avec tout le lot de pesticides et de choses du genre.

Et puis, au niveau du «juste», malheureusement il n'y a encore de pommes certifiées commerce équitable, ça c'est surtout développé au niveau du café. Aussi, c'est beaucoup au niveau du chocolat; bien, ça commence pas mal à se développer au niveau du chocolat. C'est de choisir des aliments qui sont certifiés commerce équitable, étant donné que le «juste» renvoie plus à la relation entre le consommateur du Nord et le producteur du Sud. Je ne sais pas si c'est assez explicite.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Comment vous verriez ça, vous, l'application d'un tel système? Parce que, pour ce qui est du commerce équitable, bon, je pense que ça fonctionne tant bien que mal, actuellement, mais l'État n'intervient pas nécessairement dans ce processus-là. Mais est-ce qu'il pourrait éventuellement intervenir dans le processus de vos 3-N et du J en question? Exemple, bon, le «nu», le «nouveau», le...

M. Ménard (Robert): Il pourrait certainement intervenir dans les quatre sphères des 3N-J. Si on prend juste au niveau du «nu», bon, bien, il peut... je pense qu'il peut légiférer au niveau de l'emballage qu'on peut retrouver dans les épiceries. Ça pourrait être aussi au niveau, des fois, de... Tu sais, il y a des emballages qui sont faits avec plusieurs matières qui font en sorte que par la suite on ne peut pas les recycler. Ça fait que je pense qu'il peut intervenir beaucoup par la voie réglementaire pour adopter certaines normes au niveau des produits. Puis, au niveau du «naturel», bien il peut intervenir en investissant davantage dans l'agriculture biologique plutôt que dans la voie des OGM.

Au niveau du... Bien, je pourrais vous donner des exemples pour chaque, mais...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, ça va. Peut-être toujours au niveau des OGM, dans votre mémoire, vous dites que les OGM représentent, comme on l'a dit tantôt, une menace potentielle pour la sécurité alimentaire. On a entendu beaucoup de monde depuis un certain nombre de jours, et certains nous disent: Bon, bien, ce n'est pas si pire que ça, ce n'est pas si alarmant que ça. Même que d'autres nous ont dit: Moi, si je voyais qu'il y a des OGM sur un emballage ou un étiquetage, même que je pourrais les manger facilement, je n'aurais pas nécessairement peur de ça. Pour faire une telle affirmation, «une menace potentielle», est-ce que vous avez des preuves?

M. Ménard (Robert): Bien, pour répondre à cette question-là, je vous dirais que, quand on lance cette affirmation-là, ce n'est pas... Bien, il y a différentes études. C'est sûr que, là, il y a tout un débat à savoir au niveau soit des impacts sur la santé ou de l'environnement. Ça en a, mais... On a vu plusieurs études qui prouvent qu'il y en a. Mais l'impact, la menace potentielle, à notre avis aussi, est très importante au niveau de l'aspect économique de la chose.

n(17 h 50)n

On entend aussi par sécurité alimentaire un approvisionnement alimentaire, c'est-à-dire d'avoir quand même une certaine souveraineté sur la provenance de nos aliments et la production de ceux-ci, puis le développement des OGM à notre avis perpétue encore, disons, la situation monopolistique presque des compagnies multinationales qui fait en sorte que dans le fond le pouvoir des citoyens et même des gouvernements tend à s'amenuiser de plus en plus par rapport à ces compagnies-là. C'est pour ça qu'on fait référence notamment à la compagnie Cargill, qui a cinq fois le terme de revenus par rapport au PIB agricole québécois. Alors, c'est beaucoup cet aspect-là quand on avance que c'est une menace potentielle, dans le fond, au niveau de l'approvisionnement alimentaire.

Est-ce qu'on veut encore donner de plus en plus de pouvoir à des compagnies qui décident seulement en fonction de leurs intérêts particuliers ou est-ce qu'on veut une agriculture dans le fond qui est faite en fonction du bien commun? C'est un peu ça, notre...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Puis, suite à l'autre question, l'autre question précédente, toujours au niveau des dangers potentiels, dans votre mémoire, à la page 7, vous reliez les OGM à certains dangers: «Certains risques reliés à l'utilisation des OGM sont à considérer à l'égard de la santé humaine, tels que la création de nouvelles toxines, la multiplication des allergies alimentaires ainsi que la croissance de l'inefficacité des antibiotiques pour le traitement des maladies.» C'est assez gros aussi comme affirmation.

Puis encore là, bien, je vais vous demander la même question. C'est sûr que c'est difficile pour vous, là, de dire: Bon, bien, oui, nous avons des preuves. Mais, pour faire une affirmation comme ça, il faut que ce soit fondé sur quelque chose de quand même assez solide. Parce que la semaine dernière il y a un spécialiste ici qui est venu devant nous, puis peut-être que des fois les spécialistes sont peut-être, dans ce domaine-là, comme les économistes: ils arrivent toujours à une conclusion, puis personne n'a raison, mais tout le monde s'entend qu'il y a une crise. Mais est-ce que c'est la même chose pour les OGM? Bon, je ne le sais pas. Sauf que, vous, vous nous affirmez qu'il y a des dangers potentiels puis des allergies, des toxines puis l'inefficacité des antibiotiques. Ça va assez loin, là.

M. Ménard (Robert): Bien, quand on affirme qu'il y a des dangers potentiels, ça ne veut pas dire que les dangers sont présents. Mais, nous, quand on affirme ça, c'est, dans le fond, qu'on a vu différentes littératures qui font référence à des choses comme ça. Par exemple, l'inefficacité des... ou plutôt la croissance des allergies, ça fait référence à l'introduction d'un gène dans des aliments qui pose un risque allergène qui fait en sorte... Bien, il y a une littérature qui existe, par exemple, par rapport à... Je ne me rappelle plus c'était dans quel type d'aliment qu'on avait inséré ça, mais on avait inséré un gène de noix pour avoir certaines de ses caractéristiques, et, avec les tests, l'aliment en question avait ce potentiel allergène là que la noix avait. Alors, c'est par rapport à ça qu'on fait référence... On pourrait déposer la documentation sur ces énoncés-là, si la commission le désire.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous voulez intervenir?

M. Dion: Oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il reste six minutes.

M. Dion: Ah! six minutes. C'est bien. Je vous remercie, Mme la Présidente. Je veux d'abord vous féliciter, parce que c'est important qu'on entende ce que les jeunes de votre âge ont appris. L'avenir, vous allez l'occuper peut-être plus longtemps que d'autres qui sont passés devant vous, et les décisions qu'on prend aujourd'hui risquent d'avoir un impact pendant bien des années.

Un bon nombre de mémoires qui ont été présentés devant la commission, moi, à ma perception... J'ai dû malheureusement manquer une journée ou deux de consultations pour des raisons professionnelles, mais la majorité des gens qui se sont présentés devant la commission avec des mémoires ont eu tendance à questionner très fortement l'industrie de la production agroalimentaire qui vise toujours une productivité toujours plus grande, donc qui a un impact sur l'environnement.

La majorité aussi se sont opposés aux OGM, bien que toujours généralement sur la base de la crainte d'événements que l'on connaît peu ou mal ou que l'on ne connaît pas du tout mais qui pourraient peut-être survenir. Mais c'est quand même quelque chose d'assez important comme manifestation.

D'autres ont recommandé... beaucoup ont recommandé d'orienter les actions gouvernementales vers le fait d'encourager l'agriculture biologique plutôt que le conventionnel. C'est un virage extrêmement important. Si jamais une décision comme ça se prenait, vous comprendrez que ça implique énormément de choses: ça implique des coûts, ça implique de la connaissance, ça implique toutes sortes d'insécurités par rapport au marché à l'import, à l'export, et tout ça. Est-ce que vraiment vous pensez qu'il faudrait aller dans ce sens-là?

M. Ménard (Robert): Si on affirme ça dans le mémoire, c'est qu'on pense ça. Pourquoi qu'on affirme ça? C'est que, à notre avis, avec toute la multiplication des problématiques environnementales, il y en a plusieurs de celles-ci qui viennent justement d'une approche productiviste où c'est juste des considérations financières qui sont prises en compte, et puis qu'il doit y avoir un tournant à ce niveau-là parce que présentement plusieurs des pratiques, soit au niveau agricole ou... ? on pourrait l'expliciter dans plein d'autres domaines ? ne tiennent pas compte, très souvent, des impacts environnementaux ou des impacts sur les populations, que ce soient les travailleurs ou, par exemple, les paysans dans les pays du Sud.

Tu sais, on parle souvent du problème de la faim mondiale comme quoi que c'est parce qu'on ne produit pas assez de nourriture. Mais ce n'est pas parce qu'on ne produit pas assez de nourriture, c'est parce que les gens qui ont faim n'ont pas les moyens financiers pour se procurer cette alimentation-là et puis que les pratiques de dumping qui se font entre pays, qui font effondrer les prix et qui font en sorte que les paysans dans ces pays-là ont de la difficulté à subvenir à leurs besoins, étant donné que toute leur agriculture est concentrée vers des marchés d'exportation... Alors, quand tu es dépendant du cours des prix puis que d'autres pays vont abaisser les prix en faisant les pratiques de dumping pour se débarrasser de leur surproduction... Il y a tous ces ensembles de phénomènes là qui font en sorte qu'on questionne beaucoup la façon de faire actuelle.

Puis, au niveau des craintes, par exemple, que vous avez mentionnées au niveau des OGM, c'est vrai qu'au niveau de la santé puis l'environnement on ne sait pas encore, tu sais, qu'est-ce qu'il en est ou pas. Mais, si on regarde au niveau économique, on peut constater présentement que ça a certains effets sur le contrôle des semences, puis surtout quand on introduit des choses comme le brevetage. Si une compagnie fait modifier un gène, soit de maïs, brevète cette chose-là et puis qu'après, par pollinisation, ça contamine les autres champs...

On a cet exemple-là avec Monsanto, là, qui poursuit un... qui a poursuivi un agriculteur, en Saskatchewan, parce que celui-ci, dans ses champs, avait des graines modifiées transgéniquement qui se sont retrouvées là par pollinisation, puis là la compagnie, étant donné qu'elle a breveté ça, elle le poursuit en justice. Alors, est-ce que c'est avec des pratiques comme ça qu'on va assurer la sécurité alimentaire et l'approvisionnement pour tous? C'est ça qu'on remet en cause, dans ce mémoire.

M. Dion: C'est très intéressant de vous entendre. Maintenant, qu'on aime ça ou pas, ça peut prendre encore... ce n'est peut-être pas aujourd'hui, le moment où Monsanto ou n'importe quelle autre compagnie va continuer de développer des semences transgéniques, que des recherches vont se faire par différentes entreprises afin d'homologuer des produits spécifiques, afin de satisfaire à leurs marchés et donc de pouvoir contrôler ces parts de marché là. Alors, croyez-vous que, si le Québec abandonne simplement... s'orientait vers la proscription, proscrit tout ce qui est de l'OGM, il ne sera pas, par le fait même, protégé contre ce qui arrive de l'extérieur?

M. Ménard (Robert): C'est sûr que, si c'est juste le Québec qui va dans ce sens-là... Tu sais, c'est la même chose pour toutes les problématiques environnementales: si c'est juste un pays qui fait des efforts, au niveau global, ça n'aura pas les effets escomptés. Mais, nous, présentement, on ne s'adresse pas aux Nations Unies, on s'adresse au Québec puis on propose qu'est-ce que le Québec pourrait faire. Ça ne veut pas nécessairement dire aussi d'abandonner complètement la filière des OGM, si c'est ça qui fait gronder plusieurs personnes. Mais, ne serait-ce que le gouvernement investisse davantage dans l'agriculture biologique, ça, c'est des choses qu'il peut décider, nonobstant que... Si Monsanto continue dans l'optique des OGM, c'est des décisions que le gouvernement peut prendre, que d'investir dans l'agriculture biologique.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, cela termine, M. le député...

M. Dion: ...30 secondes.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ah! bien, 30 secondes, allez-y donc.

M. Dion: Oui. Alors, 30 secondes pour vous demander: Croyez-vous que le gouvernement devrait intensifier ses recherches en biotechnologie afin de pouvoir mieux contrôler ses interventions dans ce domaine-là?

M. Ménard (Robert): On croit qu'il devrait plutôt intensifier ses recherches en agriculture biologique plutôt qu'en biotechnologie.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, cela termine bien votre présentation, M. Ménard. Merci beaucoup de nous avoir instruit de ce que vous faites à ENvironnement JEUnesse. Et on va attendre de lire la trousse que vous allez nous envoyer, ainsi que le livre. Merci pour votre contribution.

n(18 heures)n

Et j'invite les représentants de l'Association des abattoirs inspectés du Québec à se présenter, s'il vous plaît, devant la commission.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): J'invite les membres de l'Association des abattoirs inspectés du Québec à prendre la parole. Vous avez... nous avons avec vous une période de 45 minutes. Vous présenterez pendant 15 minutes, et on aura un échange, de part et d'autre, de 15 minutes pour chaque groupe parlementaire. Merci de vous être déplacés, on sait que vous venez de différentes régions du Québec.

Association des abattoirs inspectés du Québec

M. Morrissette (René): Merci beaucoup de nous avoir invités. Mme la Présidente, bonjour. MM. les députés, Mmes les députées, nous sommes ici sérieusement pour la sécurité alimentaire dans tout le Québec.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Auriez-vous la gentillesse de vous identifier et identifier les membres qui vous accompagnent?

M. Morrissette (René): Certainement. Moi, c'est René Morrissette, je suis de Bécancour; à ma droite, Roger Giroux, d'East Angus, qui a un abattoir sous inspection fédérale; à ma gauche, c'est M. Carol Bernier, de Luceville, qui a un abattoir sous inspection fédérale, lui aussi. Moi, j'ai un abattoir sous inspection provinciale.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Vous avez la parole.

M. Morrissette (René): Nous croyons que la seule façon d'améliorer le niveau de sécurité serait que les viandes qui se mangent au Québec soient toutes inspectées, ce qui signifie que toute viande abattue le soit dans un établissement sous inspection, pour garantir des produits de qualité à la population. Un produit de qualité, c'est un produit de bonne qualité microbiologique, sans antibiotique, sans bactérie pathogène, parasite et maladie, qui se conserve dans un délai raisonnable, qui est sain et bon.

Comment arriver à un produit de qualité? Avec des locaux propres, des équipements propres, des animaux en bonne santé, une technique de travail hygiénique et efficace, un entreposage sous de bonnes conditions, un bon nettoyage et un assainissement lors de la fin des opérations. Comment garantir à la population que les produits sont de qualité? Qu'ils soient, lors de l'abattage, vérifiés par un vétérinaire ou un inspecteur ? la plupart de nous, on a les deux, il y a un inspecteur puis un vétérinaire dans nos établissements ? et une bonne technique de travail, et l'entretien des lieux.

L'importance de l'inspection. Le rôle de l'inspecteur: l'inspection ante mortem et post mortem des animaux ? ça doit être fait ? vérification de la salubrité des lieux et des techniques de travail, communication de l'information, une action immédiate lors de l'apparition d'un problème ? comme la crise de la vache folle qu'on vit présentement ? assurer le respect du bien-être de l'animal aussi. Un inspecteur, c'est une personne qui est formée pour vérifier la production d'un produit de qualité.

Un exemple de vérification: il faut savoir s'il y a une présence d'antibiotiques ? le plus souvent, c'est dans les porcs que ça arrive, ça ? que l'animal soit étourdi, avant la saignée, comme il faut, l'inspection de la bonne santé des animaux vivants puis les vérifications des parasites, des maladies, la salubrité des lieux et des équipements, le respect des températures de refroidissement. Presque l'item le plus important, c'est celui-là. Comment assurer le suivi avec un produit toujours de qualité et assurer la poursuite de la salubrité vers les distributeurs? Présentement, les abattoirs sous inspection, on refuse les bêtes à risque et évite la contamination croisée. Le meilleur moyen pour garantir la bonne qualité des produits? En évitant à la source les problèmes. Ça veut dire que ça commencerait à la ferme, ça, selon nous. Ça fait que ça prend le vétérinaire... Pour la traçabilité, ça va en venir là pareil, là. Ça veut dire le vétérinaire à la ferme ? il y en a un à l'abattoir ? et la qualité du refroidissement lors de la livraison, quand c'est entreposé puis quand ça arrive au lieu où il va finir par se manger. C'est à peu près ça qu'on vit, là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup.

M. Morrissette (René): Mais ce serait bien que ce soit à travers le Québec, cette façon-là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, les autres membres de l'association?

M. Bernier (Carol): Nous, chez nous, on est sous inspection fédérale.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Auriez-vous la gentillesse de vous identifier? Vous êtes M. Bernier?

M. Bernier (Carol): Bernier. Carol Bernier, abattoir de Luceville.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

M. Bernier (Carol): Nous, on est sous inspection fédérale, puis, avec la crise de la vache folle, ça nous crée des problèmes. Ils mettent des choses en place, des normes plus strictes puis plein de contrôles, ce qui fait qu'à un moment donné tu n'as pas le choix: tu fais soit des bêtes de 30 mois et moins ou tu fais des 30 mois et plus, mais tu ne peux pas faire les deux. Ça fait que, chez nous, on n'a comme pas eu le choix de prendre les 30 mois et moins. Tous ceux qui ont des bêtes à faire abattre, de 30 mois et plus, bien on les refuse. Ça fait que toutes ces bêtes-là qui sont refusées, sans doute qu'elles sont abattues quand même, soit à la ferme où il y a des gens qui mangent de cette viande-là, puis qui la consomment, puis... Aucune inspection, il n'y a aucune norme... Là, on est rendus avec... On crée un autre problème en mettant plus de normes sévères.

Comme chez M. Giroux, lui, c'est l'inverse: il fait des 30 mois et plus. Toutes les autres bêtes de 30 mois et moins, bien elles sont abattues ailleurs. Puis où est-ce qu'elles sont abattues? Bien, on ne le sait pas tout le temps. Ça fait que, eux autres, ils n'en ont pas, d'inspection.

Je pense que c'est bien important de démystifier ça tout de suite en partant, là. C'est O.K. d'en remettre, puis d'en remettre, puis de mettre ça plus sévère ? ça, oui, c'est correct, ça ? mais que ce soit pareil pour tout le monde. Les «plants» B, ils devraient se conformer puis devenir des «plants» A. Si ça prend plus d'abattoirs, qu'ils se transforment puis qu'ils investissent, eux autres aussi, comme, nous autres, on a fait pour assurer la salubrité.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Est-ce que, M. Giroux, vous avez quelque chose à ajouter?

M. Giroux (Roger): Oui. Mon nom est Roger Giroux, propriétaire d'un abattoir exploitant depuis environ 55 ans. Auparavant, ça appartenait à mon oncle. Ça a été incendié en 1997. J'ai reparti, depuis cette année-là, avec une reconstruction complètement neuve, avec les nouvelles réglementations au niveau du bâtiment, de l'hygiène, en considérant le processus HACCP qu'on est en train d'implanter chez nous. Viandes Giroux est un abattoir qui a passé parmi tous les processus: abattoir de type B, avec un petit peu d'inspections à l'occasion, devenu par la suite un abattoir provincial, et ensuite, durant les années quatre-vingt-deux, passé à l'étape de type fédéral. Aujourd'hui, où est-ce qu'on en est rendus, c'est avec les abattoirs fédéraux. En ce qui nous concerne, spécifiquement depuis les cas de vache folle, ce qu'on subit présentement, c'est des pressions aussi pour mettre en place un niveau très élevé au niveau de la salubrité, aussi au niveau des dangers qui peuvent s'y rattacher.

Suite à tout ça, il y a des règlements qui sont demandés, ce qui fait en sorte qu'on met la barre bien haute. Moi, en ce qui me concerne, parce qu'on est un établissement qui fait affaire avec des gens qui exportent vers les États-Unis, la Russie et d'autres endroits, la barre est très haute. De par ce fait, que la barre est très haute, ça nous demande des exigences qui par le fait même font que, oui, on peut avancer, mais d'une façon aussi... On progresse, mais, sur l'autre bord, on régresse.

Ce que je veux expliquer par le mot, je veux dire, qu'on régresse dans l'industrie, c'est que, les animaux qu'on ne peut plus rentrer chez nous, ça veut dire quoi, ça? Ils se retrouvent où, ensuite, ces animaux-là? Ils se retrouvent-u abattus à la ferme, abattus dans un abattoir de type B sous aucune inspection ante mortem, post mortem, qui n'a aucune inspection au niveau de la chaîne de froid, absolument rien au niveau de la ségrégation dans les frigidaires? Parce que ce n'est pas nécessairement qu'ils vont faire seulement, comme moi, du boeuf, de l'agneau ou du porc. Nous, on a une ségrégation à faire dans nos frigidaires. Au niveau de la chaîne d'abattage, la même chose, on ne mélangera pas les espèces l'une à l'autre. On va commencer soit par le boeuf, on va commencer par le porc, on fait seulement des journées de porc.

n(18 h 10)n

Nous, ce que ça nous a demandé depuis les dernières réglementations au niveau de la vache folle... Moi, je faisais du boeuf et du porc. Je faisais aussi des bovins d'abattage de 30 mois et moins, on faisait des animaux de 30 mois et plus. Là, ce qu'on est obligés de faire, c'est de mettre de côté les animaux de 30 mois et moins parce que mon volume, il était plus axé vers les vaches de réforme de 30 mois et plus. Ça fait que, les 30 mois et moins, on les a enlevés complètement de notre ligne d'abattage parce qu'on avait des restrictions: il fallait avoir une deuxième ligne d'abattage, des outils en double. Ça fait que, de par ce fait, vu qu'on n'en fait plus, de ça, ça s'en va où? C'est certain qu'à ce niveau-là, nous, ça nous enlève du commerce. Mais, par la suite, si ce commerce-là, il est enlevé... Juste au niveau des animaux de 30 mois et plus, s'ils se retrouvent à terre ou quoi que ce soit...

Ce matin, il est rentré encore une nouvelle réglementation qui avait été mise provisoirement. Là, ça a été relâché. Mais, auparavant, s'il y a des animaux qui rentraient dans le «trailer», mettons, du producteur, qui étaient à terre, ce qu'on appelle un animal non ambulatoire, on ne pouvait pas le rentrer chez nous. Mais, s'il ne peut pas rentrer chez nous, il s'en va où, après? Ça s'en va-tu dans un abattoir non inspecté, puis par la suite ça n'ira pas vraiment pour le propriétaire lui-même pour dire: Il va faire de la viande hachée pour moi?

Ce qu'il faut aussi, c'est peut-être sensibiliser à tous les niveaux les producteurs, en partant de la ferme. Moi, je me souviens d'un cas typique, un lundi matin, qu'un propriétaire, il avait une vache qui était... En tout cas, pour faire une histoire courte, il a été obligé de l'abattre chez lui le dimanche. Le lundi matin, il arrive à l'abattoir puis il voulait me la vendre. Il dit: Elle était bien bonne, mais j'ai été obligé de l'abattre. Mais elle serait bonne pour faire de la charcuterie. Bien, j'ai dit: Si elle est bonne, j'ai dit, nous, on est un établissement fédéral, on ne peut pas le faire, on ne fera pas ça. Tous les animaux qui sont abattus chez nous, qui rentrent ici, il faut qu'ils soient vus avant de rentrer puis durant l'inspection. Ça fait que, ce vous pouvez faire, vous pouvez peut-être, si vous dites qu'elle est bonne, aller chez quelqu'un qui a une boucherie, qui peut faire de la viande sauvage, puis il va la faire pour vous-même. Ah, non, je n'ai pas vraiment... Mon congélateur, il est plein. Mais ce qu'il voulait dire, là, la réponse, c'est qu'elle n'était pas bonne pour lui, mais il aurait voulu la faire manger aux autres dans la charcuterie. Ça fait que, tu sais, on parle de sensibilisation. La sensibilisation, ça part à la ferme puis jusqu'au consommateur.

Puis ce qu'il faut faire attention aussi, c'est peut-être de dire les vraies choses, de dire: Bien, regarde, si ce n'est pas bon pour telle chose... Mais ça fait des années... On a passé la crise de la CECO, qui était aux alentours des années soixante-dix. À un moment donné, il y a eu des réglementations, il y a eu des abattoirs de type B qui ont fermé, il y a eu des subventions qui ont été données pour passer aux actes... de devenir un abattoir de type provincial ou fédéral puis il y a beaucoup de ces gens-là ? j'en ai deux ici ? qui ont passé au travers de ça. Mon oncle, qui était un abattoir type B, il a eu une subvention pour devenir provincial; il l'a fait. Puis ce qui nous avait été dit, c'est qu'il n'y en aurait plus d'abattoir sous aucune inspection, puis je pense qu'on en retrouve encore au-dessus de 100 aujourd'hui. Ça fait que, tu sais, à un moment donné...

On est rendus en l'an 2000, il ne faut pas commencer à régresser. Ça fait que c'est là-dessus... C'était mon point de vue, puis je vous remercie de m'avoir laissé le temps pour faire ma démarche.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. C'est très intéressant de vous entendre parce que vous êtes des gens qui êtes directement dans l'action, et puis votre expertise est très importante pour la commission, je tiens à le souligner. Je sais que vous vous êtes déplacés de loin, mais pour nous c'était important de vous accueillir dans cette commission et d'entendre votre point de vue. Vous êtes aussi un maillon extrêmement important dans la chaîne alimentaire parce que souvent, lorsqu'on parle de sécurité alimentaire, on pointe, à tort ou à raison, les abattoirs. Et c'est un peu une boîte noire, on ne sait pas ce qui se passe. Et, vous, vous venez nous dire comment vous travaillez puis comment vous prenez les précautions et les exigences qui vous sont imposées notamment par le gouvernement fédéral. Lui-même aussi doit respecter les exigences du commerce international pour qu'on puisse exporter à l'étranger. Alors, votre présence pour nous est extrêmement importante.

Vous avez parlé tantôt que vous avez des chaînes distinctes lorsqu'il s'agit des abattoirs multiespèces, là, lorsque vous abattez les poules, les cochons et puis les boeufs, et tout ça en même temps. Mais qu'en est-il des outils? Parce que beaucoup de problèmes, dans la littérature, visent les équipements, justement. Alors, si on monte une chaîne pour le poulet et qu'on utilise les mêmes outils pour abattre et pour dépecer le boeuf, par exemple, il y a des risques de transmission de la salmonellose, à titre d'exemple. Mais il y a aussi d'autres problèmes liés à l'innocuité des aliments. Comment est-ce que vous gérez ça, ce risque-là?

M. Giroux (Roger): Nous, depuis l'arrivée de la vache folle, bien il y a plein de documentation, de réglementation qui a été sortie. Au niveau des outils, si on regarde... Comme, nous, on fait des animaux de 30 mois et plus avec des 30 mois et moins. Je parle au niveau du boeuf. Lorsqu'on faisait des 30 mois, dépendamment, il y a certains endroits, comme au niveau de l'étourdissement, où la personne qui travaillait à l'étourdissement puis la personne qui enlevait la tête, la personne qui enlève la moelle épinière, eux travaillaient avec des couteaux avec des manches de couleur jaune. Les autres travaillaient avec des couteaux de manche noir. La personne qui travaille avec un couteau de manche jaune, elle ne peut pas aller faire, exemple, du parage ou quoi que ce soit avec son couteau. Ça fait que ces personnes-là sont assignées seulement à ces endroits-là puis elles ont le droit de travailler seulement avec des couteaux à manche jaune ainsi que ce qu'on appelle, nous autres, pour affûter le couteau, une queue-de-rat avec un manche jaune. Les autres travaillent avec des manches noirs.

Là, il y a de quoi qui est sorti encore. On est rendus avec une autre sorte de couteaux. Ceux-là, c'est des manches bleus, justement pour parer la réglementation qui dit, bon, qu'on peut travailler avec des... Parce que, nous, chez nous, on fait du porc, de l'agneau et du boeuf. Les manches noirs, c'est seulement pour faire le porc, les manches bleus, c'est pour faire le boeuf, avec les manches jaunes pour les endroits où... les matières à risque.

Ensuite, au niveau des autres outils, l'assainissement des outils, vu qu'on a délaissé les 30 mois et moins, à ce moment-là... Parce que ça nous aurait pris une autre scie à carcasse, qui est quand même assez dispendieuse. Vu que le volume, il n'était pas assez énorme pour justifier une dépense de la sorte, ça fait qu'on l'a éliminé. Parce que aussi il fallait commencer... On commence par les 30 mois et moins, on fait un préassainissement... changer les sarraus, ainsi de suite. Ça fait que, nous, on a mis ça de côté. Puis ce que je tenais à souligner aussi, c'est que toutes ces exigences-là, ça nous amène des investissements qui sont très, très, très élevés à tous les points de vue, que ce soit durant le travail à l'abattage, à la salle de découpe ainsi qu'au niveau de la réfrigération, justement pour maintenir les exigences.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous avez, dans votre présentation, laissé entendre que les abattoirs qui sont sous inspection fédérale ou provinciale doivent respecter des exigences, les exigences sont toujours élevées, c'est coûteux en termes d'investissement, mais que les abattoirs qui sont exempts de permis, eux, bon, il n'y a pas d'inspection permanente et ils se la coulent douce un peu, là. C'est ça que vous nous dites. Sauf qu'il y en a à peu près 95 au Québec qui opèrent sans permis.

D'abord, je veux vérifier avec vous si ce chiffre est exact. Ou est-ce qu'il y en a plus que ça?

M. Giroux (Roger): Si on est rendus à 95, c'est peut-être parce qu'il y en a peut-être une vingtaine, depuis deux ans, qui auraient délaissé le métier. Mais, les dernières fois qu'on est venus ici, à Québec, justement en discussion, il y en avait 114.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): 114 depuis deux ans, et on est retombé à 95?

M. Giroux (Roger): Oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon. Alors, quoi qu'il en soit, peut-être que ceux-là, ils sont tombés dans la catégorie avec permis, peut-être qu'ils ont obtenu leur permis. Mais peu importe. Je voulais valider le chiffre avec vous. Là n'est pas la question.

n(18 h 20)n

Ma préoccupation par rapport à ça, c'est que les gens nous disent que les petits abattoirs qui sont en région, qui maintiennent des emplois en région, ces abattoirs-là, lorsqu'une vache entre dans cet abattoir, ça devient une carcasse. Ils savent d'où ça vient, ils savent comment elle a été nourrie, ils vendent ça dans un milieu où le propriétaire de l'abattoir est connu. Il ne peut pas se permettre, lui, de vendre n'importe quoi à sa clientèle, sinon demain matin la boutique va fermer, alors que, dans les abattoirs qui sont inspectés, qui sont sous permis fédéral ou provincial, à cause du volume, à cause de la multifonctionnalité, les multiespèces, le risque est plus grand. Et donc la gestion du risque dans l'abattoir, elle est beaucoup plus problématique pour les abattoirs à gros volume et qui sont avec permis et inspectés que dans les abattoirs qui sont près des gens, qui sont dans leur milieu, où tout le monde se connaît et où la carcasse, elle est là, on sait d'où ça vient, alors que, dans les abattoirs de type, entre guillemets, industriel, lorsque la carcasse rentre, il y a des mélanges de viande. Donc, lorsque vous faites, je ne sais pas, moi, de la saucisse ou vous faites de la viande hachée ou de la viande en cubes, ce n'est pas la même vache, là, c'est plusieurs morceaux qui viennent de différentes carcasses, et on pense que le risque pourrait être là, alors que, dans les abattoirs qui sont plus petits, eux autres, ils ont une carcasse, ils s'en occupent, ils la vident, puis après ils entreprennent un autre morceau.

Qu'est-ce que vous dites par rapport à ça? Oui, allez-y, M. Morrissette.

M. Morrissette (René): Il faut penser qu'on commence par l'abattage. Avant de faire des cubes, il faut que la viande mûrisse un peu. Dans un abattoir... Pourquoi, nous autres, ils nous demandent une salle de ressuage? Tu ne peux pas mettre d'autres choses là. Tu abats ta journée, elle est dans ta salle de ressuage. Le lendemain, il faut que tu sortes ça de là si tu veux en abattre d'autres. Tu ne peux pas mêler chaud et froid. C'est pour ça que je vous disais tout à l'heure: La température, c'est important.

Je l'ai déjà été, B, moi, puis on n'a jamais confisqué de vache quand on était B. Depuis qu'on est A, vous pouvez vérifier, ça arrive de temps en temps. Disons qu'elles étaient toutes belles, là. Ce n'est jamais arrivé, qu'ils en ont... nous autres, parce qu'on n'avait pas d'inspection. Qu'on en ait confisqué une de nous-mêmes, ce n'est jamais arrivé.

On avait un frigidaire. Bien, le lendemain, si on voulait en tuer d'autres, là... Celle-là, la température était correcte. Le lendemain, on voulait en tuer une autre. Là, il fallait l'ôter de là, mais on n'en avait pas d'autre, frigidaire, on en avait un. On la rentrait là pareil. Ça faisait déjà une variation de température, entrer du chaud. Une vache, là, c'est 100 ° de température. Il faut que tu la descendes à 40 ° dans 12 heures. Bien, l'autre, elle restait là. Puis le lendemain c'était encore pareil, si tu en avais encore une autre à tuer. Bien, c'était là, le danger. Ce n'était pas, après ça, faire des cubes. Le problème, il est là. Il n'est pas rendu aux cubes, là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup, M. Morrissette. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Je dînais justement aujourd'hui avec un producteur de vache laitière, qui se demande quoi faire de ses vaches de réforme, et un producteur de boeuf. On sait que, au Québec, on a un gros abattoir à Drummondville qui a quasiment le monopole, hein ? est-ce que je suis correcte quand je dis ça? ? et qui est en lien aussi avec celui qui fait la transformation. Ça fait qu'on est dans un quasi-monopole quant à l'abattage, et à la transformation, et à la fixation des prix. Pour ce qui est des autres abattoirs, quand on parle d'inspection, que ce soit au niveau fédéral ou québécois, c'est du boeuf qui s'en va à l'exportation. Est-ce que, ça, vous êtes d'accord avec ça?

Une voix: Non.

M. Giroux (Roger): Vous voulez dire du boeuf, là, qui est abattu...

Mme L'Écuyer: Mais la plupart s'en va soit... On l'envoie... Comme vous disiez tantôt, il y a des normes fédérales parce que ça s'en va en Russie et ces places-là. Parce que vous savez que 80 % du boeuf qui est consommé au Québec arrive d'ailleurs. Quand on parle de boeuf haché ou ces choses-là, c'est un mélange soit du boeuf qui arrive du Brésil ou ces choses-là. On ne consomme que 20 % de notre boeuf, au Québec, le reste s'en va à l'exportation.

M. Giroux (Roger): Le gros abattoir que vous parlez... On ne le nommera pas, là.

Mme L'Écuyer: Non, on ne le nommera pas.

M. Giroux (Roger): Mais peu importe. C'est certain, le marché qu'il a, il l'a développé. Il l'a développé justement avec l'exportation parce que peut-être le Québec, il ne consommait pas assez pour pouvoir le prendre. Mais peu importe. Nous, chez nous, tout le boeuf qui est abattu chez nous, ça ne s'en va pas à l'exportation, ça s'en va au niveau de l'institutionnel. Moi, je vends dans les grossistes à Montréal, etc.

Mme L'Écuyer: ...au-dessus de 30 mois, hein, le boeuf que vous abattez? C'est ça? C'est la vache de réforme.

M. Giroux (Roger): Oui. Oui, c'est bien ça. Mais, pour arriver puis dire... Bien, les autres, à un moment donné, c'est quoi qui a fait qu'il y a un monopole? Je ne sais pas. Pas parce que les abattoirs, ils font de l'argent. Parce que, si les abattoirs font de l'argent, il y en aurait beaucoup plus encore sur les lieux aujourd'hui.

Pour revenir peut-être un petit peu tantôt aussi... ceux qui disent qu'ils sont en région, puis qu'ils font abattre leurs boeufs là, puis que ça crée de l'emploi, ils n'ont peut-être pas la chance d'aller faire abattre dans un abattoir provincial ou fédéral, parce que soit que l'abattoir, il runne à plein régime ou quoi que ce soit. À un moment donné, un abattoir, pour que ce soit viable, il faut qu'il ait du volume.

Moi, regardez, je vais vous donner juste un exemple. Chez nous, là, on est un abattoir multifonctionnel. Moi, j'ai abattu, depuis 1998, du boeuf, du veau, de l'agneau, de l'autruche, de l'émeu, du cervidé, du bison puis du porc. Là, à un moment donné, avec toutes les exigences, il y a une ségrégation qui a dû être faite. Puis là, à un moment donné, l'autruche puis l'émeu, ça, on a mis ça de côté parce que ça, c'est une affaire... Eux autres, ils ont fait faillite puis, nous, on a perdu de l'argent avec ça. Le cervidé, j'ai de la demande encore, mais je n'en fais plus parce que ce n'est jamais régulier. Woup! une semaine, il y en a. Après ça, ça va à un mois, un mois et demi. Il n'y en a pas, il n'y en a pas, il y en a... Le gars t'appelle à la dernière minute. À un moment donné, moi, pour que ce soit viable, là, il faut que ça runne à plein régime, cinq jours par semaine, pour donner de l'emploi 40 heures par semaine.

Mais par contre il y a des abattoirs autour de nous, et c'est des abattoirs de type B, sans inspection. Eux autres, ils abattent certains animaux, un peu d'animaux, un peu d'animaux, un peu d'animaux. Bien, ça, ça fait que ces animaux-là ne sont pas abattus dans un abattoir inspecté. Au niveau de la salubrité, on n'est pas certain de rien. Ça fait que, moi, c'est du volume que j'ai de moins. Dans leur entourage, c'est du volume qu'ils n'ont pas. Ça fait que, là, à un moment donné, c'est certain que, si quelqu'un cogne à la porte chez nous ou téléphone: Bien, j'ai des animaux à faire abattre, bien c'est bien de valeur, là, il faut qu'on runne à plein régime, nous, pour être capables d'être viables puis d'être conformes aux nouvelles exigences, de faire des investissements ? parce qu'il y a des exigences qui nous sont imposées ? pour être capables de dire: Bien, regarde, la salubrité, on n'a pas le choix, il faut passer par là.

Si on regarde seulement... quand on parlait tantôt des abattoirs de type B, chez nous, quand on fait de la sanitation, là, ce n'est pas du lavage. S'il y en a qui n'ont jamais visité des abattoirs de type B, peut-être d'aller faire un tour dans un type B puis d'aller voir, après ça, dans un autre abattoir, qu'il soit provincial ou fédéral... Lorsqu'on fait, nous autres, un assainissement, c'est un assainissement complet avec les trois étapes. Mais par contre les autres, là, c'est... Oui?

Mme L'Écuyer: Rapidement, une dernière question. Je veux juste comprendre. L'abattoir qui n'a pas de permis de type B est interdit de vente au détail, sauf à la personne qui amène son boeuf pour le faire tuer.

M. Giroux (Roger): C'est interdit.

Mme L'Écuyer: Cependant, vos abattoirs vendent en gros soit à des chaînes alimentaires ou des choses comme ça, si je comprends bien.

M. Giroux (Roger): Oui, on peut vendre à des chaînes alimentaires. La même affaire aux consommateurs ou quoi que ce soit. Mais c'est certain que... pour dire que le type B, il ne peut pas vendre. Il ne peut pas, mais...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, on va revenir... Oui?

M. Morrissette (René): Ça n'assure pas la sécurité alimentaire, celui qui a fait tuer dans le B au lieu d'avoir fait tuer dans un A, dans un A, même s'il la garde pour lui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord.

M. Bernier (Carol): En fait, un A puis un B, une des différences qu'il y a, c'est: il y a un vétérinaire dans un «plant» A qui est en permanence là. Chaque animal, que ce soit dans l'agneau, que ce soit dans le caprin, que ce soit dans le boeuf, dans le veau ou dans le porc, il est vu à l'entrée, il est vu vivant, tandis que, dans un abattoir «plant» B, il n'est pas vu vivant. Tout ce que tu peux voir, c'est la carcasse.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. On vous entendrait pendant des heures de temps. C'est fort intéressant, mais le temps coule. M. le député de Nicolet-Yamaska, pour 15 minutes.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci de votre présentation. Je voudrais saluer particulièrement M. Morrissette, que je connais bien, qui est propriétaire d'un abattoir dans la belle municipalité de Saint-Grégoire. Il me fait plaisir de vous accueillir ici, M. Morrissette.

M. Morrissette (René): Ça me fait plaisir de vous voir.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je vais vous poser des questions assez en rafale puis je vous demanderais des réponses assez courtes.

M. Morrissette (René): ...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, un peu, pour essayer de vulgariser ça le plus possible pour le bénéfice de ceux et celles qui nous écoutent aussi. Premièrement, vous, M. Morrissette, dans votre abattoir, vous abattez quelles sortes d'animaux?

M. Morrissette (René): De l'agneau, du veau, du boeuf puis du porc.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Du veau, du porc puis de l'agneau?

M. Morrissette (René): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Combien à peu près par jour?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Morrissette.

M. Morrissette (René): Oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y.

M. Morrissette (René): Si c'est des agneaux, je suis capable jusqu'à 350 par jour. Si c'est du boeuf, 35. Si c'est des veaux, ça dépend comment ils sont sales. On peut aller jusqu'à 80 à 100. Puis du porc, 150.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bon. Vous avez dit tantôt que vous étiez un abattoir provincial. Ça veut dire qu'il y a une inspection provinciale. Qu'est-ce que ça comprend, une inspection provinciale, chez vous?

n(18 h 30)n

M. Morrissette (René): On a un inspecteur puis un vétérinaire. Au provincial, ça dépend du volume que tu as. Moi, j'ai les deux parce que j'ai un assez gros volume. C'est pour ça que j'ai les deux. Mais il y en a, dans les abattoirs provinciaux, qui abattent seulement une journée. Ça arrive qu'il y a seulement un inspecteur. S'il y a un problème, l'inspecteur, il a été formé pour voir ça. S'il pense qu'il y a un problème, il y a un vétérinaire qui y va, régler le problème.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bon. Vos inspecteurs et vos vétérinaires qui sont là... Quand vous recevez les animaux, exemple ? prenons un exemple ? du boeuf, O.K., est-ce que... On dit «ante», «une inspection ante». Comment ça se fait, cette inspection-là?

M. Morrissette (René): C'est le matin. En arrivant, c'est là qu'ils vont. Ils vont voir qu'est-ce qu'il y a dans l'étable. Les animaux en difficulté, ils sont mis à part. C'est ceux-là qu'on abat les derniers, parce que, s'il fallait abattre ça les premiers puis qu'il arrive, je ne sais pas, moi, des abcès, ça revolerait partout puis tu serais obligé d'arrêter tout, de te relaver puis de recommencer après. Ça fait que c'est pour ça que tu les fais en dernier, ceux-là.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): L'inspecteur, lui, qui est chez vous, il examine de visu, ou il prend des prises de sang, ou quoi? Non?

M. Morrissette (René): Non, non, non. Visuel.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Visuel? C'est une inspection visuelle?

M. Morrissette (René): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bon. Ensuite, il y a l'abattage?

M. Morrissette (René): Oui. Il est là aussi. Là, il surveille les viscères.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Et le débitage et tout?

M. Morrissette (René): Oui, c'est ça, après, oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Après?

M. Morrissette (René): Oui. Mais, pour aller au débitage, il faut que la viande soit raffermie, qu'elle soit descendue. Moi, je la descends à 32 °, 33 °. C'est 1 °, ça, Celsius?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, oui. O.K.

M. Morrissette (René): Bon. C'est ça. Il faut qu'elle soit là. Tu n'as pas le droit de la livrer si elle n'est pas à 4 °. C'est un règlement, ça.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Puis là vous l'organisez en morceaux, en quartiers ou en...

M. Morrissette (René): Oui. Bien, ça dépend. Je livre beaucoup à Montréal; ça, c'est en quartiers. Je fais de la découpe pour des congélateurs aussi; ça, on la garde chez nous.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ce qui veut dire que, moi, comme consommateur, je peux aller directement acheter chez vous...

M. Morrissette (René): Oui. Oui, oui, c'est ça.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...pour emplir mon congélateur.

M. Morrissette (René): C'est ça.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Est-ce qu'un abattoir de type B peut faire la même chose aussi?

M. Morrissette (René): Je pense que oui.

M. Giroux (Roger): Il n'est pas supposé. Il n'est pas supposé de le faire.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ce que je veux savoir, c'est: Normalement, mettons, à la loi, il ne devrait pas?

M. Morrissette (René): Non.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K.

M. Morrissette (René): La loi, là, le B... Premièrement, il va à l'abattoir B. Il n'est pas inspecté quand il est abattu. Le gars, il ne peut pas la vendre, sa viande. Il ne faut pas qu'il la vende, il faut qu'il la garde pour lui. Mais même lui, là, on est sur la sécurité, ça ne l'assure pas....

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Quand vous dites «le gars», c'est le propriétaire de l'animal?

M. Morrissette (René): Oui. Il faut qu'il la garde pour lui. Le règlement, c'est ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'autres questions, M. le député?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Puis, mettons, quand vous avez terminé l'abattage, etc., votre journée, dans les dernières heures ? je ne sais pas combien ça peut en prendre ? vous faites un nettoyage complet de l'abattoir pour vous préparer pour le lendemain et, comme Mme la présidente vous l'a demandé tantôt, une inspection et un lavage de vos outillages et de vos outils, complets?

M. Morrissette (René): Oui, oui. Et de temps à autre ils prennent des tests pour savoir si tu l'as lavée comme il faut, tu sais, ta table de dépeçage ou la table que... l'équipement.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Quand vous dites «ils prennent des tests», c'est l'inspecteur?

M. Morrissette (René): L'inspecteur, oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Le médecin vétérinaire, lui, c'est pour l'animal?

M. Morrissette (René): Oui, la santé de l'animal.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): La santé de l'animal. Et l'inspecteur, lui, c'est pour le local: la température, la salubrité des lieux, la propreté des lieux, et tout, et tout?

M. Morrissette (René): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Vous avez déjà pas mal donné de détails sur la façon dont vous procédez. Ça nous éclaire beaucoup, c'est très intéressant. Mais je vais revenir quand même sur certaines choses. Bon, l'animal arrive chez vous, bon, il y a un certain nombre d'opérations. Vous avez un registre... Quand un animal arrive, il est enregistré, chez vous? Vous avez un registre des animaux qui rentrent chez vous?

M. Morrissette (René): Oui.

M. Dion: À quel moment ils sont enregistrés, chez vous?

M. Morrissette (René): L'animal arrive, il a déjà un numéro dans l'oreille. Avec la traçabilité, présentement, là, les bovins, ils ont tous une puce. S'ils ne l'ont pas, le vétérinaire va dire: Retourne avec tes affaires, va mettre ta puce puis tu reviendras. Ils ont un numéro...

M. Dion: Ça arrive, ça?

M. Morrissette (René): Bien oui! C'est comme ça, là. Ce n'est pas...

M. Dion: Non, mais ça arrive qu'ils n'ont pas leur puce actuellement, là?

M. Morrissette (René): Bien, ça peut arriver. Quelqu'un, là, qui s'élève un... J'en ai par chez nous. Il s'est élevé un veau tout l'été, là, puis, un, il n'en a pas, de puce. Au début, ils les ont pris, ils toléraient. Mais là on l'avertissait: Si tu reviens avec un autre animal, ça va prendre le tag dans l'oreille. Ils l'ont tous.

M. Dion: Donc, là, vous enregistrez l'animal. Alors, s'il y a 300 moutons ou 300 porcs, ils sont tous enregistrés au moment où ils rentrent...

M. Morrissette (René): Ils ont tous un numéro.

M. Dion: ...ou la journée où ils sont abattus?

M. Morrissette (René): Ils ont tous un numéro. Quand ils passent sur la balance, on pèse avec le numéro de l'agneau. L'agneau...

M. Dion: Ça, c'est au moment où il arrive?

M. Morrissette (René): Non. Il arrive, il est dans l'étable.

M. Dion: Il n'est pas enregistré, là?

M. Morrissette (René): Bien, le numéro... Celui qui l'apporte, le transporteur qui l'apporte, là, lui, il a donné un numéro au producteur, tu sais, le numéro de... Il y a une facture, là, de faite.

Supposons Michel Morin. Il a envoyé deux agneaux, le numéro 10 puis le numéro 11. Bon. Bien, le transporteur, il lui donne un «bill» 10 et 11. Qu'est-ce qu'il fait avec? Il me le vend ou il le garde pour lui. Là, le transporteur arrive chez nous, il amène la facture qu'il a donnée à lui puis il nous dit: Ça, c'est à Michel Morin. Le numéro 10 et le numéro 11, il le fait tout pour lui.

M. Dion: Est-ce qu'il y a une correspondance entre le numéro 10 puis le numéro 11 puis le numéro qu'il a dans l'oreille, que l'animal a dans l'oreille?

M. Morrissette (René): C'est le numéro qu'il a dans l'oreille que je vous dis, là.

M. Dion: Ah! O.K. Ça va.

M. Morrissette (René): J'aurais pu vous dire n'importe quel numéro, là, 10 et 11, pour l'identifier. Puis là on l'abat. Là, le vétérinaire...

M. Dion: O.K. Vous, vous marquez... Mettons que ça rentre le mardi puis que vous l'abattez le vendredi. C'est marqué, qu'il a été abattu le vendredi?

M. Morrissette (René): Non. On ne peut pas faire ça. C'est l'UPA, on a un règlement avec eux autres, là. C'est arrivé le lundi. S'il est arrivé dans l'après-midi, tu peux le tuer le mardi matin. Mais, s'il est arrivé le matin, tu le tues dans la journée. Mais, tu sais, tu ne peux pas le laisser souffrir. Il faut que tu aies aussi de l'eau pour le faire boire dans ton étable si tu ne le tues pas dans la même journée. Tu peux attendre au lendemain, mais il faut que tu sois équipé pour en avoir soin. On l'est tous, équipés pour ça.

M. Dion: Donc, du point de vue de la traçabilité, il n'y a presque plus de problèmes, là, jusqu'à vous?

M. Morrissette (René): Jusque chez nous. Jusqu'à l'abattoir.

M. Dion: Jusqu'à l'abattoir. Passé l'abattoir, est-ce que vous transférez vos informations sur les numéros, et tout ça, au grossiste?

Une voix: À l'ATQ, oui.

M. Morrissette (René): À l'ATQ.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Agriculture-traçabilité.

M. Morrissette (René): Oui. On est rendus là. Tu sais, c'est pour finir jusque dans l'assiette. La ferme, pour les bovins, c'est fait. Nous autres, on sait quoi faire avec. Dépassé ça, là, il n'y a rien.

M. Dion: Combien de temps la carcasse reste chez vous?

M. Morrissette (René): Ça dépend. Moi, à la minute qu'elle est à 4 °, si elle est vendue, elle est partie, Si c'est un congélateur que je fais, un boeuf, je m'entends avec le producteur qui l'a fait tuer pour lui: Quand est-ce que tu la veux? On peut la garder une semaine, on peut la garder 10 jours aussi, là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Dion: Donc, l'animal peut être livré la journée d'après qu'il a été abattu?

M. Morrissette (René): Oui. Si elle est à 4 °, oui.

M. Giroux (Roger): En autant que la température...

M. Morrissette (René): La température est bonne.

M. Dion: O.K. Et, dans les abattoirs de type B, est-ce qu'ils ont des registres des animaux qui passent chez eux?

M. Morrissette (René): Je ne le sais pas.

M. Dion: Vous ne le savez pas.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pourtant, vous avez déjà été avec...

M. Morrissette (René): On n'en avait pas, dans ce temps-là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ah, vous n'en aviez pas? D'accord.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, une dernière petite question pour mon collègue le député de Portneuf, s'il vous plaît. Courte question, M. le député.

M. Soucy: Une question... Bien, un commentaire ou une question. Mais disons que vous ne m'avez pas vraiment donné le goût de manger de la viande ce soir, là. Parce que vous nous avez fait état de bêtes qui arrivent chez vous en mauvais état, puis là vous les relancez ailleurs, mais on ne sait pas où est-ce qu'elles aboutissent. Puis après ça vous nous dites que vous les gardez à quelque part, puis, celles qui semblent malades, on va les faire après. Ce que je comprends, c'est que vous les faites pareil. Ça fait que... En tout cas.

Disons que ma question va porter particulièrement sur un point précis, là. C'est que je viens de parler à quelqu'un qui est en boucherie, quand le téléphone a sonné ? je m'en excuse ? puis il me dit que, lui, il a un abattoir de type B puis il a le droit de faire de la vente au comptoir.

Des voix: Oui.

M. Bernier (Carol): Mais il ne faut pas que son repas soit revendu une deuxième fois.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pardon? Aidez-moi.

M. Bernier (Carol): Il ne peut pas vendre à une institution, il ne peut pas vendre à un restaurant. Il peut vendre directement au consommateur.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord.

M. Soucy: Non, non. Ça, j'ai bien compris. Les animaux que vous gardez plus qu'une journée, vous leur donnez de l'eau?

Une voix: Oui.

M. Soucy: Et d'autre chose ou...

M. Giroux (Roger): Du foin.

M. Soucy: Du foin? O.K. Je pensais que c'était pour avoir une viande plus...

M. Giroux (Roger): Bien, ça dépend. Si c'est du boeuf puis si c'est plus que tant de temps, on peut leur donner de l'eau, du foin. Si c'est des porcs, exemple, chez nous, si c'est des porcs qui n'ont pas à être abattus la journée même, on va leur donner de la moulée.

M. Soucy: Est-ce que vous faites passer un test aux gens qui travaillent chez vous pour savoir s'ils décodent bien les couleurs? Parce que votre histoire de couteaux bleus, toutes sortes de couleurs, là...

M. Giroux (Roger): Bien, justement, on a eu une rencontre avec l'inspection justement voilà deux semaines. C'est pour ça qu'on leur a... Quand ils nous ont dit: Bien là ça prendrait... encore là on a fait la réplique: Bien, lorsqu'on va les engager, on va leur demander voir s'ils sont «color-blind».

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Morrissette, allez-y.

M. Morrissette (René): Oui. Je voudrais répondre à monsieur.

Une voix: Des animaux malades.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

n(18 h 40)n

M. Morrissette (René): Le téléphone du gars qui avait un abattoir B, il vous a-tu dit, quand il avait un doute, c'est quoi qu'il faisait?

M. Soucy: Oui. Il appelait le vétérinaire.

Une voix: Oui. C'est ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Bon. Alors, là-dessus...

M. Soucy: C'est un bon gars.

M. Morrissette (René): Oui. Il faut qu'il soit bon, hein?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il a un bon réflexe, hein?

M. Morrissette (René): Oui, c'est ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il a un bon réflexe.

Écoutez, je voudrais, M. Morrissette, M. Giroux et M. Bernier, au nom de la commission, vous remercier infiniment de vous être déplacés de si loin pour venir témoigner de votre expérience. Nous ne sommes pas dans les abattoirs, mais vous nous avez édifiés. Merci de votre contribution à la commission. Sur ce, j'ajourne nos travaux à demain, 12 février, à 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 41)

 


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