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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 21 mars 2000 - Vol. 36 N° 10

Mandat d'initiative sur l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Jean-Guy Paré
M. Yvon Vallières
M. Léandre Dion
M. Benoît Laprise
*M. Florian Saint-Onge, FQM
*Mme Isabelle Chouinard, idem
*M. Michel Fernet, idem
*M. Mario Laframboise, UMQ
*M. Jacques Laberge, idem
*M. Jean Bissonnette, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
    Note de l'éditeur: La première séance de ce mandat d'initiative a eu lieu le mercredi 19 janvier 2000.

Journal des débats


(Neuf heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, bonjour, tout le monde. Nous allons recommencer immédiatement nos travaux. Je déclare la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte et je vous rappelle le mandat de la commission. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à l'audition de la Fédération québécoise des municipalités et de l'Union des municipalités du Québec concernant l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon) est remplacé par M. Vallières (Richmond).


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Alors, nous commençons immédiatement et nous recevons les représentants de la Fédération québécoise des municipalités. Je vous souligne que vous avez 30 minutes de présentation et il y aura 30 minutes en alternance, par intervention et non par groupe, au niveau des députés des deux formations.

Alors, M. le président, vous pouvez y aller, tout en nous présentant d'abord les gens qui vous accompagnent, pour fins d'enregistrement.


Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Saint-Onge (Florian): Merci, M. le Président. Mme, MM. les députés, à ma droite, nous avons notre avocate qui s'occupe particulièrement du dossier, Mme Isabelle Chouinard, et, à ma gauche, le directeur général, M. Michel Fernet.

Alors, M. le Président, je viens d'apprendre que vous venez de recevoir le mémoire. Nous l'avions envoyé hier matin. Je dois vous dire que nous avons formé une commission, à l'intérieur de notre Fédération, d'une quinzaine d'élus municipaux et d'aménagistes, et nous avons eu des corrections jusqu'à la dernière minute. Alors, nous nous en excusons. Cependant, je vais vous en faire un résumé pour cadrer aussi dans la demi-heure que vous nous allouez. Mais je vous réfère au mémoire, je vous invite à le lire parce que nous avons travaillé beaucoup sur ce mémoire. Mais, aux pages 35, 36 et 37, vous allez avoir l'essentiel de notre résumé.

Alors, la Fédération québécoise des municipalités locales et régionales vous remercie pour nous permettre de présenter ce mémoire sur les problèmes d'application du projet de loi n° 23. Pour illustrer notre intérêt, mentionnons que, des 1 117 municipalités locales qui ont une zone agricole, la Fédération en représente 927, de même que 90 MRC qui sont concernées. Permettez-nous d'abord de mentionner que notre Fédération adhère toujours à l'entente du 24 mai 1995 sur la protection et le développement durable des activités agricoles en zone agricole ainsi qu'aux objectifs de la loi.

Les deux principaux problèmes liés à la mise en oeuvre du projet de loi n° 23 sont: premièrement, la lenteur de sa mise en application et, deuxièmement, des distances séparatrices non adaptées aux particularités locales. Nous proposons, dans notre mémoire, des solutions pour régler ces problèmes.

Parlons des délais de mise en oeuvre. Il est trop tôt pour tirer dès à présent des conclusions sur l'efficacité du projet de loi n° 23 pour assurer la cohabitation harmonieuse des usages en zone agricole. Les objectifs de cette loi ne seront réalisés qu'une fois les schémas d'aménagement révisés en vigueur. D'ailleurs, les quelques schémas d'aménagement révisés en vigueur depuis le projet de loi n° 23 répondent aux objectifs de la loi. Le gouvernement s'en est d'ailleurs assuré. Vous trouverez, à l'annexe 1 de notre mémoire, un tableau qui illustre brièvement – et c'est celui dont je viens de vous parler – le cadre d'aménagement en zone agricole dans les schémas d'aménagement révisés en vigueur.

Les motifs qui expliquent la lenteur de la révision des schémas sont nombreux et ne concernent pas, pour la plupart, la zone agricole. Les problèmes ont été identifiés par la commission permanente de notre Fédération sur l'aménagement du territoire, et le ministère des Affaires municipales et de la Métropole a entrepris plusieurs chantiers de travail visant à solutionner ces difficultés. Néanmoins, nous ne pouvons nier que l'UPA a raison de s'inquiéter des délais de mise en oeuvre du projet de loi n° 23. C'est pourquoi nous proposons une solution qui pourrait permettre d'accélérer son application.

Alors, voici ce que nous proposons. Il s'agit de donner la possibilité aux MRC d'appliquer dès à présent, sur leur territoire respectif, un règlement de contrôle intérimaire, un RCI – je vais l'employer souvent – qui régirait l'aménagement de la zone agricole. De cette façon, le gouvernement serait assuré d'un cadre d'aménagement convenable d'ici à l'entrée en vigueur du schéma révisé, puisque le RCI requiert l'aval de la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Ce moyen permettrait aux MRC d'adapter les paramètres de distances séparatrices en fonction de leurs particularités locales. Une modification législative serait cependant requise, puisque, selon la loi actuelle, le RCI de la MRC est impuissant en zone agricole.

Parlons des distances séparatrices. Le régime de protection du territoire agricole comporte de nombreux problèmes d'application qui découlent, pour la plupart, des paramètres de distances séparatrices contenus dans les orientations gouvernementales et la directive. Nous en traitons spécifiquement à la section II de notre mémoire et nous vous y référons pour plus de précisions.

En confiant aux MRC et aux municipalités locales certains pouvoirs spécifiques visant la cohabitation harmonieuse des usages agricoles et autres qu'agricoles, la loi permettait d'envisager un aménagement adapté aux particularités locales de chaque municipalité, bien qu'il soit encadré par certains paramètres. Malheureusement, le gouvernement a utilisé, à notre avis, son pouvoir de formuler des orientations pour modifier la philosophie à la base du régime en édictant des normes mur à mur, centralisées.

On a, de plus, instauré, en période transitoire, un système de dérogation par voie de servitude conventionnelle. Cette façon de fonctionner rend la réglementation difficilement gérable à terme par les municipalités. Dans plusieurs municipalités, les distances imposées sont à certains endroits trop contraignantes. En cela, nous rejoignons les préoccupations de l'UPA. C'est pourquoi plusieurs MRC souhaitent assouplir les distances, particulièrement pour permettre l'agrandissement des établissements existants.

(9 h 50)

Alors, voici ce que nous proposons. La seule solution viable, à notre avis, pour la question des distances séparatrices, est de permettre aux MRC d'élaborer leurs propres paramètres de distances séparatrices dans le schéma d'aménagement révisé et dans le RCI. Le gouvernement pourrait prévoir certains objectifs dans ses orientations de façon à pouvoir en contrôler la conformité préalablement à son entrée en vigueur. Selon les indications obtenues, plusieurs MRC choisiraient sans doute de ne protéger que les périmètres d'urbanisation et certains immeubles protégés.

Il faut retenir également que, depuis décembre 1999, les municipalités ont le pouvoir de régir les droits acquis par zone, ce qui leur permet d'offrir de nouvelles possibilités pour l'agrandissement des exploitations agricoles existantes. L'adaptation des distances aux particularités locales est une solution – il faut le préciser – qui permettrait de régler la très large majorité des problèmes d'application de la loi, comme vous pourrez le constater à la section II du mémoire.

On passe au contrôle des usages, maintenant. Pour assurer une cohabitation harmonieuse des usages en zone agricole, les municipalités peuvent compter sur l'établissement de distances séparatrices, mais il arrive que ce processus ne soit pas suffisant. La MRC et les municipalités locales, par le jeu de la conformité, doivent se préoccuper de développement durable dans l'élaboration des règlements d'aménagement et d'urbanisme. Rappelons que le développement durable de l'agriculture implique non seulement la préservation des ressources, mais également un développement socialement acceptable. La Fédération québécoise des municipalités souscrit entièrement à ce principe, et c'est dans cet esprit que nous avons adhéré au projet de loi n° 23.

Nous faisons ici un nota bene. L'agriculture et l'agroalimentaire constituent le moteur économique du milieu rural, mais elles n'y représentent néanmoins que 10 % des emplois. Il est donc important de développer, en plus des activités agricoles, d'autres activités économiques compatibles avec l'agriculture en zone agricole et plus diversifiées à l'intérieur des périmètres d'urbanisation, surtout dans les régions qui luttent contre la... dévitalisation.

Une voix: ...difficile.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saint-Onge (Florian): Excusez-moi. Pour y arriver, les municipalités doivent, à certains endroits, disposer des outils leur permettant de mettre en valeur le potentiel économique, touristique et culturel de leur territoire et, à cette fin, prévoir des zones spécifiques où pourront être exercées certaines activités agricoles comportant des inconvénients plus importants. Ce pouvoir est essentiel et doit être maintenu.

Nous passons aux règlements maintenant qui sont dénoncés par l'UPA. Il est intéressant de lire les résultats de l'analyse produite par les spécialistes du ministère des Affaires municipales et de la Métropole sur les 28 règlements soi-disant abusifs adoptés depuis l'entrée en vigueur du projet de loi n° 23.

Alors, parmi ces 28 règlements, 12 sont des règlements antérieurs au projet de loi n° 23 – donc aucun rapport – 11 limitent de façon très variable les activités agricoles, et dans six cas avec l'assentiment du CCA, qui est le comité consultatif agricole, trois traitent des vents dominants, dont la MRC de Coaticook qui a reçu un avis favorable du ministère des Affaires municipales et de la Métropole, un autre accorde un traitement très favorable aux entreprises agricoles, soit celle de la municipalité de Sainte-Sophie-de-Lévrard qui favorise le développement des entreprises agricoles jusqu'à 600 unités animales, et deux traitent enfin d'objets autres que des limitations.

Cela dit, en admettant qu'il y ait en marge certains abus, on constate, dans ces règlements, une préoccupation environnementale qui pallie en quelque sorte la lenteur de la mise en oeuvre du règlement provincial sur la réduction de la pollution d'origine agricole. On constate également que ces règlements visent, pour la plupart, les élevages sur fumier liquide, principalement les porcheries, ce qui peut nous amener à réfléchir à plus long terme sur une réglementation à l'échelle provinciale des régies d'élevage.

Alors, nous faisons ici une proposition à ce sujet. Il faut laisser la loi faire son oeuvre. Un zonage non justifié serait jugé non conforme au schéma d'aménagement révisé et aux orientations gouvernementales. Entre-temps, le fait de permettre aux MRC d'adopter un RCI pour l'aménagement de la zone agricole permettrait d'établir des règles provisoires en concertation avec les CCA.

Alors, parlons de ces CCA, disons, les comités consultatifs agricoles. Le fonctionnement des CCA est prometteur. Les résultats d'un sondage mené par le ministère des Affaires municipales – donc, ce n'est pas le nôtre – révèle que, sur 485 règlements soumis aux CCA, 97,5 % des recommandations des CCA ont été entérinées par les conseils des MRC.

De plus, le fonctionnement du CCA est positif pour 90 % des répondantes. Le travail réalisé dans le cadre de la révision des schémas est positif pour 77 % des MRC, et, pour 71 % d'entre elles, la collaboration entre les CCA et le conseil est positive. Alors, c'est donc la raison pour laquelle on vous demande de faire confiance aux MRC. Néanmoins, il importe de préciser que quelques MRC se plaignent de l'esprit de fermeture de certains producteurs agricoles qui siègent aux CCA et surtout du contrôle exercé sur eux par l'UPA.

Pour ce qui est de rémunérer les représentants de l'UPA au sein des CCA, il est important de souligner que nos membres sont fermement opposés à une modification législative en ce sens, et les préfets l'ont clairement exprimé dans une résolution adoptée en décembre 1997 lors de leur assemblée semestrielle à Québec.

Les MRC ont établi leur propre politique interne de remboursement de dépenses des comités. Donc, je parle ici de tous les comités que nous avons dans les MRC. À notre avis, il est beaucoup plus équitable que tous les comités au sein d'une MRC bénéficient d'une même politique de remboursement des dépenses plutôt que d'établir une politique nationale particulière pour les CCA, qui ne bénéficierait pas aux autres comités de la MRC.

Alors, parlons maintenant de la gestion de la zone agricole par les conseils métropolitains. En terminant, nous souhaitons aborder un sujet préoccupant pour l'avenir du projet de loi n° 23, soit la réforme municipale annoncée par la ministre Louise Harel. Celle-ci a clairement annoncé son intention de retirer aux MRC comprises dans les régions métropolitaines de recensement de Montréal, Québec et Hull la responsabilité de l'aménagement du territoire et de la confier au conseil métropolitain dès le 1er janvier 2001. Elle a également annoncé son intention d'établir une fiscalité d'agglomération pour ces trois RMR et elle souhaite fermement procéder à des fusions pour renforcer les quelque 28 autres agglomérations urbaines au Québec.

Notre Fédération est très inquiète de ces décisions gouvernementales, et ce, pour plusieurs raisons. Dans la RMR de Montréal, par exemple, où la cohabitation des usages agricoles et autres qu'agricoles est particulièrement problématique, 102 municipalités seront représentées par 30 conseillers, dont 10 qui proviendront de la ville de Montréal et les autres répartis au prorata de la population. J'ajoute ici que 30 % du territoire est agricole.

Le schéma d'aménagement sera ainsi contrôlé par les urbains et l'on peut s'inquiéter de la place qu'il fera aux préoccupations de l'aménagement du territoire agricole. De plus, la majorité des municipalités rurales ne seront pas représentées au conseil métropolitain et se verront imposer des décisions sans avoir eu l'occasion de se prononcer sur le sujet. Les citoyens de ces municipalités, donc les producteurs agricoles, n'auront aucun contrôle démocratique sur les décideurs.

Autres conséquences appréhendées de ces réformes. La fiscalité d'agglomération et les fusions occasionneront inévitablement un nivellement à la hausse des taux de taxation. Cette augmentation des taxes municipales dans les agglomérations urbaines créera sans aucun doute, à court terme, une pression sur l'urbanisation de la zone agricole dans la troisième couronne pour Montréal et à l'extérieur des autres agglomérations urbaines.

(10 heures)

Enfin et surtout, on peut s'interroger sur le délai de révision des schémas à l'échelle métropolitaine, ce qui veut dire 15 MRC et la Communauté urbaine de Montréal, alors que l'exercice est déjà laborieux à l'échelle d'une seule MRC. Alors, cette problématique retardera d'autant la mise en oeuvre du projet de loi n° 23 dans ces régions.

Alors, nous faisons la proposition suivante. Nous croyons que la commission doit se pencher très sérieusement sur ce projet de réforme afin d'évaluer ses impacts potentiels sur la zone agricole, sur le retard qu'il y aura sur la révision des schémas, donc sur la mise en oeuvre du projet de loi n° 23 et sur le pouvoir décisionnel des élus ruraux concernant l'aménagement de la zone agricole.

En conclusion, M. le Président, le monde agricole serait gagnant si le gouvernement faisait confiance aux MRC et aux municipalités pour gérer l'aménagement de la zone agricole. Les cas d'abus réglementaires sont marginaux et les producteurs disposent de tous les moyens pour les faire casser devant les tribunaux. Peu de municipalités imposaient des distances avant le projet de loi n° 23 – il n'y en avait pas – et ce sera sans doute le cas si on leur laisse le choix encore aujourd'hui. Il faut à tout prix simplifier le système et éviter d'imposer des normes mur à mur sur l'ensemble du territoire québécois. Il faut également faire confiance au système d'aménagement mis en place en 1996 et lui donner simplement les moyens de se mettre en place plus rapidement.

À plus long terme, nous suggérons que le gouvernement amorce une réflexion sur les régies d'élevage autorisées au Québec. La gestion sur fumier liquide est difficilement acceptable socialement en raison des inconvénients indéniables qu'elle génère et elle est la raison principale des conflits de voisinage en zone agricole. La solution réside peut-être en une réglementation provinciale sur le sujet.

Enfin, il ne faut pas prendre pour acquis que la ministre Louise Harel a évalué tous les impacts de la réforme des structures municipales. Le milieu rural doit être vigilant. À notre avis, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation devrait se saisir du dossier afin de bien évaluer les entraves que pourrait avoir le transfert de la responsabilité de l'aménagement du territoire aux communautés métropolitaines sur la mise en oeuvre de la loi n° 23. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est moi qui vous remercie, M. Saint-Onge. Je rappelle aux membres de la commission que je vais adopter le principe de l'alternance par intervention et non par bloc de 30 minutes. Et je cède la parole immédiatement au député de Lotbinière pour commercer l'échange, suivi du député de Richmond.

M. Paré: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Saint-Onge. Ça nous a fait plaisir d'accepter votre invitation à venir nous rencontrer pour nous soumettre votre vision.

Le premier problème à résoudre que vous nous avez pointé, c'est l'opération de révision des schémas d'aménagement, dont vous dites qu'elle tarde à être complétée. Disons qu'on ne parlera pas des raisons parce qu'il y en a plusieurs, dépendamment des cas. C'est vrai que ça retarde aussi la mise en oeuvre de la loi n° 23. On est d'accord avec vous là-dessus.

Dans votre proposition, c'est-à-dire de modifier la loi de façon à permettre aux MRC d'adopter un règlement de contrôle intérimaire, et vous dites, dans votre solution, «combiné à une latitude significative», qu'est-ce que vous voulez dire par «latitude significative»? Parce que les distances séparatrices de 200 m... Présentement, on voit, dans certains règlements que vous avez cités, là, les cas, d'une façon... un à un. Il y en a plusieurs qui sont dans mon comté là-dedans. Lorsque vous parlez de «latitude significative», j'aimerais que vous développiez ce... Vous voulez dire quoi? De 200 m à quoi, et ainsi de suite, puis dans quels cas?

M. Saint-Onge (Florian): J'aimerais souligner... Tout d'abord, je pense qu'on vous a souligné que, au-delà de 97 %, les gens, ça se passe bien, et on fait confiance aux gens du milieu qui sont là, et ça comprend justement les producteurs agricoles.

M. Paré: Exact.

M. Saint-Onge (Florian): Ce qui arrive, quand on parle de laisser une certaine latitude, c'est qu'actuellement il faut pratiquement avoir un accord de l'UPA pour justement avancer. Et il est là, le problème, c'est qu'on bloque tout le temps. Et ça, je pense que c'est un élément important. Je vais demander à Mme Chouinard si elle veut compléter aussi.

Mme Chouinard (Isabelle): Oui. Je vous remercie. Alors, on a évidemment travaillé beaucoup avec les aménagistes sur le sujet pour essayer de voir c'est quoi, la tendance dans les MRC au niveau des schémas d'aménagement révisés. Et on constate que, par exemple, au niveau de la protection des maisons d'habitation en zone agricole dynamique, beaucoup de MRC souhaiteraient ne pas prévoir de distances séparatrices pour ne protéger, par exemple, que les périmètres d'urbanisation et certains immeubles protégés qui mettent en valeur leur potentiel socioéconomique.

De telle sorte qu'on pense que les distances pourraient être modulées fort différemment qu'elles ne le sont présentement en fonction de la réalité terrain si on laissait les MRC établir des paramètres de distances séparatrices. Ça pourrait être, par exemple, plus permissif pour l'agrandissement des exploitations agricoles existantes. Par exemple, pour la production laitière, en bordure des périmètres d'urbanisation, présentement les distances séparatrices, parfois, bloquent le développement de ces entreprises-là, alors que les municipalités ne seraient pas du tout contre le fait de permettre leur expansion, surtout que c'est souvent sur fumier solide et que ça comporte moins d'inconvénients.

Évidemment, il faut quand même que les municipalités puissent restreindre un peu l'expansion, à certains endroits, des porcheries, par exemple, sur fumier liquide au-delà d'un certain nombre d'unités animales, même si c'est des entreprises existantes, si c'est collé sur l'école ou l'église, où évidemment les périmètres d'urbanisation ne sont pas tous configurés de la même façon.

Donc, ce qu'on nous dit, ce que le milieu nous dit, c'est: Les distances, à certains endroits, sont beaucoup trop contraignantes; à d'autres endroits, on voudrait pouvoir permettre certaines mesures. Mais, de toute façon, en permettant aux MRC de les moduler, le gouvernement a un droit de regard parce que, que ce soit dans le schéma d'aménagement révisé ou dans un règlement de contrôle intérimaire, le gouvernement va devoir signer pour que ça entre en vigueur. Ça prend l'approbation du gouvernement.

Alors, on dit: Laissez-nous les adapter. Vous serez à même de juger si on abuse, au niveau des schémas d'aménagement. Et puis, par la suite, bien, on aura des distances qui seront si bien adaptées aux particularités locales qu'on n'aura plus besoin d'instaurer des systèmes de dérogation par servitude, les règlements vont déjà être adaptés en fonction de ce qui devrait être permis pour les agrandissements des exploitations agricoles existantes.

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est tout?

M. Paré: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va. Juste avant de passer la parole au député de Richmond, je n'ai rien vu sur les signatures. Est-ce que, dans la proposition que vous faites, vous ne touchez pas du tout aux signatures nécessaires? Ça semblait être une problématique...

Mme Chouinard (Isabelle): Vous parlez de la question des servitudes?

Une voix: ...servitudes.

Mme Chouinard (Isabelle): Bien, c'est-à-dire que, nous, ce qu'on dit, c'est que, plutôt que d'y aller... Parce que vous savez que les règlements qui sont en place, c'est au sujet des odeurs. C'est pour contraindre, un peu, c'est pour restreindre ou atténuer les odeurs qui sont émises par les exploitations agricoles. Alors là ce qu'on fait, c'est qu'on dit aux producteurs agricoles: Vous pouvez y déroger en vous entendant avec votre voisin. Évidemment, quand on parle d'un règlement municipal, c'est à peu près ingérable, de travailler de cette façon-là, pour les municipalités.

Alors, ce qui serait plus simple, c'est plutôt d'adapter les règlements pour, justement, permettre ces agrandissements-là où ce doit être souhaitable, plutôt que de dire: Voici les normes, puis maintenant il faut y déroger par servitude. Donc, on n'aurait plus besoin de ça puis on pourrait aussi y aller avec le système de dérogation mineure si jamais il y avait des agrandissements qui voulaient être autorisés. Mais, moi, je pense que les municipalités, en tout cas, la tendance, c'est quand même celle-là. Puis il faut quand même le rappeler, là, le pouvoir d'établir des distances séparatrices est exactement le même avant qu'après l'entrée en vigueur du projet de loi n° 23.

La seule chose qu'on a faite depuis l'entrée en vigueur du projet de loi n° 23, c'est qu'on a dit: Toutes les municipalités vont adopter ces distances séparatrices là. Mais, avant le projet de loi n° 23, il y avait à peu près une cinquantaine de municipalités qui avaient adopté des règlements sur 1 119 qui avaient une zone agricole. Alors, ce n'était pas répandu, les distances séparatrices. Les municipalités n'ont pas tendance à vouloir gérer l'aménagement du territoire en fonction de ce mécanisme-là. Et je pense que, si on leur laisse le choix, elles ne vont pas contraindre abusivement. Plusieurs jugent que les distances sont déjà trop sévères.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Fernet...

Mme Chouinard (Isabelle): Mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, excuse. Avez-vous fini?

Mme Chouinard (Isabelle): Mais, pour la signature, donc, on n'aurait plus ce système de dérogation par servitude.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Fernet.

(10 h 10)

M. Fernet (Michel): Donc, de gestion à la pièce, là. Et ça, vous allez retrouver ça dans le mémoire, parce que ce n'était pas dans le résumé, mais c'était dans... Vous avez bien raison de le souligner, c'est un phénomène extrêmement important qu'on veut éventuellement enrayer.

Je voulais vous dire dès le départ: Vous touchez, évidemment, la question des distances séparatrices qui fait partie de, peut-être, 50 % de tous les problèmes qu'on a vécus dans l'ensemble de l'application de la loi n° 23. Ce qu'on vous dit aujourd'hui: On trouve ça un petit peu dommage, ce n'est pas grave, on gagne tout le monde de l'expérience et de l'expertise dans la gestion des affaires publiques au Québec.

On l'a dit de façon majeure dans l'élaboration et l'étude du projet de loi n° 23, on vous l'a dit, on l'a dit à tout le monde: Ça ne sert à rien de forcer tout le monde à rentrer dans un carcan national pour avoir les mêmes distances séparatrices à la grandeur du Québec. C'est comme de nier qu'il n'y a à peu près rien de plus local, dans l'expertise humaine, que l'aménagement, l'aménagement des maisons, l'aménagement des quartiers, l'aménagement de prévoir l'industrie, de prévoir les zones agricoles et l'implantation de tout le domaine bâti à travers ça et les conséquences, la convivialité d'un ensemble des usages dans une société.

On vous avait dit, après avoir étudié avec le ministère de l'Environnement et de l'Agriculture des tonnes de propositions sur les distances séparatrices puis sur la longueur de ci puis la longueur de ça: Ça ne marchera pas. Faisons un acte de confiance aux agriculteurs qui sont sur le CCA, parce qu'on leur a fait une place majeure et prépondérante dans toute la société québécoise, unique. On les a obligés, on a obligé les élus à aménager un comité de concertation strictement pour leur industrie. Il fallait le faire, là. Et ces comités-là marchent bien. On dit: 97 % de leurs décisions sont entérinées par les élus.

Donc, la machine locale, on avait raison de le dire: Faisons confiance à nos gens, ils vont essayer de s'aménager des choses ensemble. Sauf que le législateur et l'UPA ont dit: Non, non, non, les élus vont faire n'importe quoi, en bas, et ils vont contraindre l'agriculture en imposant des distances séparatrices trop grandes, ça va prendre un règlement national. Ça ne marche pas. Le vent, il va par là ou il va par là, et puis la disposition des lieux est toujours différente. Donc, on revient aujourd'hui, quelques années après.

Puis on avait parlé de ça, écoutez, dans le temps que M. Pagé était ministre de l'Agriculture, également, et tout le monde voulait nous forcer à faire un carcan absent de jugements locaux. On vous dit aujourd'hui, pour clore peut-être ce premier sujet là – peut-être des gens vont vouloir en parler: Faites confiance aux agriculteurs et aux élus locaux pour régler ensemble le problème. Ça a l'air de bien aller. Ça n'a pas pris son envol encore, puis déjà qu'on veut stopper... Les schémas d'aménagement ne sont même pas en vigueur et puis on propose un moyen pour alterner, puis déjà les gens se posent des questions puis ils ne veulent pas laisser vivre l'expérience locale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Compte tenu de l'importance du sujet, ça me surprendrait que votre intervention close cette partie-là. Mais je passe la parole au député de Richmond.

M. Vallières: Oui, merci, M. le Président. Peut-être quelques questions rapides, pour ensuite passer à quelque chose de plus philosophique, un peu. D'abord, j'aimerais que vous nous indiquiez est-ce que Me Brière vous a rencontrés. On sait qu'il est porteur d'un dossier particulier. Est-ce que l'Union a été rencontrée par Me Brière?

M. Saint-Onge (Florian): Nous avons rencontré Me Brière, oui, une fois.

M. Vallières: Et les représentations que vous nous faites ici sont relativement les mêmes que celles qui ont été soumises à Me Brière?

M. Saint-Onge (Florian): Oui, oui, effectivement.

M. Vallières: Bien. Peut-être également vous indiquer que, en tout cas, nous autres, on aurait bien aimé avoir votre mémoire un peu d'avance, compte tenu d'abord du travail que vous avez effectué, et peut-être procéder à un questionnement en fonction d'un certain mûrissement de votre document. Parce que là on ne l'a que de façon très partielle. Et vous savez que, dans le fond, ce qu'on recherche ici, autour de cette table, c'est de s'assurer qu'on puisse trouver une façon de cohabiter de façon harmonieuse sur l'ensemble du territoire québécois. Et, pour ce faire, il faut que les parties qui sont concernées partagent minimalement la crédibilité, s'entendent sur la crédibilité du processus, sans quoi, peu importe ce qui sera présenté, il y aura toujours une partie ou l'autre qui sera en contestation parce qu'elle n'aura pas cru au départ à la capacité qu'on s'est donnée collectivement de solutionner ces problèmes-là.

Quand vous nous faites, à la page 5 de votre mémoire, la proposition que «la seule solution viable pour la question des distances séparatistes est à notre avis de permettre aux MRC d'élaborer leurs propres paramètres de distances séparatrices dans un schéma d'aménagement révisé et dans un RCI», est-ce que vous pensez honnêtement que l'autre partie qui a à gérer tout ça, que ce soient les producteurs ou encore les représentants des producteurs à l'UPA, pensez-vous un seul instant que, si on appliquait ça, si on décidait de donner suite à cette proposition-là, ces gens-là partageraient minimalement votre proposition? Vous les connaissez suffisamment, là. Pensez-vous que cette proposition-là, passez-moi l'expression, va faire du millage, du côté de l'UPA?

M. Saint-Onge (Florian): Bien, écoutez, M. le Président, la question de M. Vallières est pertinente. Remarquez bien qu'on le souhaite, mais, par contre, savoir quel est leur point de vue... On peut quand même reconnaître que chacun a son point de vue. Ils l'ont, comme producteurs. Nous l'avons, comme gestion de l'ensemble du territoire. Alors, quand vous parlez, disons, du fait que les parties s'entendent, en principe c'est ce que nous souhaitons. Parce que, de toute façon, quand on vous dit qu'on est d'accord avec ce qui avait été dans la loi et qu'on reconnaît que l'apport économique de l'agriculture au Québec, c'est important, alors nous le voulons.

Écoutez, quand on regarde certaines régions actuellement de nos membres, ils vivent avec les agriculteurs, c'est ça, la municipalité. Alors, il va sans dire que nous voulons aussi favoriser... Le principal problème que nous avons eu avec ces distances, c'était du mur-à-mur. Vous le savez fort bien. Vous êtes dans vos comtés et vous êtes en mesure de comparer également, comme siégeants à l'Assemblée nationale, que les régions, les comtés sont différents, et donc que les problèmes sont différents parfois.

La raison pour laquelle nous pensons aussi... Quand on regarde la médiation, c'est en vertu de ce que vous venez de dire, M. Vallières, c'est que les gens doivent s'entendre. Mais ça suppose qu'il y a de la bonne foi des deux côtés et qu'à un moment donné la médiation arrive. Mais, quand il n'y a pas moyen de faire ça... À un moment donné, il y a quelqu'un à qui vous avez dit: Il y a une responsabilité de l'utilisation du territoire et également la responsabilité que nous avons de préparer des schémas à l'aménagement.

Alors, ce qui veut donc dire que, si les élus l'ont, il faut quand même qu'ils l'assument mais pas tout seuls. Et c'est la raison pour laquelle, en travaillant avec les agriculteurs, il faut quand même leur faire confiance, à ces gens-là. Ils sont dans le milieu. Ils les vivent, les problèmes. Ils vont savoir, s'ils sont près du village... L'autre qui est à côté qui peut avoir un agrandissement pour sa production et également, disons, son développement et l'autre qui est collé sur le village qui n'est pas capable, il y a des ajustements à faire dans ce temps-là.

Mme Chouinard (Isabelle): Je voudrais ajouter quelque chose.

M. Saint-Onge (Florian): Oui.

Mme Chouinard (Isabelle): Peut-être pour répondre à votre question, M. Vallières, je pense qu'il faut distinguer l'entente qu'il y a au sein des MRC avec les CCA du point de vue de l'UPA. Et c'est important parce que, dans son mémoire, l'UPA liste les règlements qu'elle considère comme abusifs. Elle en a 28 qui auraient été adoptés depuis l'entrée en vigueur du projet de loi n° 23. Et, sur ces 28 là, il y en a six qui ont l'aval, qui ont l'accord du CCA, du comité consultatif agricole. Alors, nous, on fait confiance au CCA.

On s'attend aussi de l'UPA qu'elle laisse le jeu. C'est sûr que, si on veut contrôler toute la réglementation à l'échelle provinciale, en disant: On veut éviter les précédents dans certains domaines, bien là ça ne marchera pas, en fonction des particularités locales. Mais, si on laisse les gens travailler ensemble sur le terrain puis travailler aussi en fonction des particularités locales et puis des besoins des producteurs, bien ça va assez bien jusqu'à maintenant. Et je vous inviterais peut-être... Parce que là les résultats du sondage sont partiels. Il y avait 81 MRC qui avaient répondu dans un temps assez court. Mais le ministère des Affaires municipales devrait vous transmettre les résultats de son sondage sur le fonctionnement des CCA. C'est assez prometteur, je dois vous dire.

M. Vallières: M. le Président, quant au processus de médiation, vous autres, vous éliminez la possibilité que ce soit la Commissaire aux plaintes. C'est clair, vous dites: Non, il n'est pas question de ça. Vous vous rabattez sur la possibilité d'un projet qui a été présenté par le Barreau du Québec, qu'on va recevoir dans quelques jours, dans quelques semaines, la semaine prochaine. Alors, est-ce que ce processus – nous, on va en prendre connaissance – vous croyez que ça va être une avenue véritablement productive? Et, pour ce qui est de... Supposons qu'il y a 20 % des cas qui ne trouvent pas solution avec cette médiation, c'est quoi, le processus ultime, là, pour règlement?

M. Saint-Onge (Florian): Il y a peut-être un correctif...

(10 h 20)

Mme Chouinard (Isabelle): Oui. En fait, ce n'est pas un projet que le Barreau a mis en place. Le Barreau, et la Cour supérieure, et l'ensemble des tribunaux ont lancé une espèce de vaste offensive pour inviter les gens à aller en médiation. Et, pour ce faire, ils ont mis en place une formation de médiation et ils accréditent des gens qui ont suivi une formation puis qui sont capables de donner une médiation. Mais la médiation, ça implique, au départ, des conditions pour que ça fonctionne. Et les conditions pour que ça fonctionne, c'est, d'une part, la volonté des deux parties de s'engager dans un processus de médiation. S'il y en a une des deux qui y va contre son gré puis qu'elle n'est pas obligée de suivre les recommandations, bien, c'est bien évident qu'il y a moins de chance de succès. Donc, il y a cet aspect-là qui est important dans une médiation.

L'autre aspect, c'est le choix commun d'une personne pour procéder à une médiation. Ce qu'on a dans la loi présentement, c'est une médiation imposée et ça n'a pas beaucoup de chances de succès. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est: Quant à avoir ça, abolissons ça puis incitons plutôt les gens à procéder par médiation lorsqu'il y a un conflit sur le territoire et, dans ces cas-là, il y a 80 % de chances de succès.

Pour ce qui est de donner un pouvoir décisionnel au Commissaire aux plaintes ou au médiateur, évidemment, les municipalités ne souhaitent pas qu'il y ait un tiers qui s'installe au-dessus de la démocratie locale pour venir juger de l'opportunité des règlements. Alors, c'est un refus à ce niveau-là.

M. Vallières: Vous savez, on entend souvent, quand on parle de protection du territoire agricole, de sujets comme celui qu'on soulève ce matin, qu'il y a comme deux philosophies, là, qui s'affrontent continuellement. Et souvent, quand on est rendu dans le fond de l'entonnoir puis qu'on vient pour prendre la décision, il y a des gens qui nous disent: Ah! finalement, là, le milieu local puis régional, pour protéger le territoire agricole puis s'assurer qu'on va faire de l'agriculture en zone agricole, on ne fait pas trop confiance à ces gens-là.

Dans le fond, on aimerait bien que ce soit Dieu le Père en haut, en bout de piste, quand il n'y a pas de solution de médiation. C'est que, dans le fond, on nous dit que c'est à l'État de le faire parce que cette responsabilité globale de s'assurer du développement du territoire, c'est comme si les gens disaient: Bien, ultimement, ce serait l'État qui devrait faire ça.

C'est ce qui fait que, dans le fond – vous parliez tantôt du mur-à-mur, une espèce de carcan qu'on donne à tout le monde – c'est comme si collectivement on n'était pas rendu au point de dire: On va se faire confiance, tous ensemble, pour que, au niveau local puis régional, on soit capable de gérer ces choses-là. Et ça rejoint un des arguments qui ont été présentés au ministre de l'Agriculture en février dernier par votre organisme. J'avais posé la question en commission, moi, dernièrement, parce que vous sembliez dire, à ce moment-là – puis c'est là-dessus ma question – qu'on n'avait pas compris les mêmes affaires quand la loi n° 23 a été adoptée.

Je vais vous citer, dans le mémoire que vous aviez présenté au ministre de l'époque, qui est devenu ministre de l'Agriculture, qui probablement va être tout ouïe maintenant qu'il occupe une autre responsabilité comme responsable du dossier, porteur du dossier de la loi n° 23, je vous cite, on parle des producteurs agricoles: «On ne peut les en blâmer. Cette expression "droit de produire" a été abondamment utilisée en lieu et place du véritable objectif de la loi – et c'est là qu'il faut s'entendre – qui était d'accorder une protection plus globale aux activités agricoles dans une perspective de développement durable. Cette incompréhension du projet de loi n° 23 est à l'origine des tiraillements perpétuels entre le monde municipal et le monde agricole. Le gouvernement du Québec, nous le déplorons, a entretenu ces visions parallèles du dossier.»

C'est fondamental, là, à partir du moment où on n'a pas compris les mêmes affaires, au niveau des objectifs de la loi – et là on se propose peut-être d'intervenir à nouveau dans ce secteur-là – est-ce qu'on va encourager à nouveau cette façon de faire? Ou est-ce que, un jour ou l'autre, on va dire: Bien, on va s'en parler ouvertement puis on va trouver une façon d'agir qui va peut-être créer les conditions dont Mme Chouinard parlait tantôt? Puis aussi, M. le Président, c'est que ça prend un minimum d'acceptation de partage du processus puis de foi dans le processus qu'on met en route pour que ça fonctionne finalement. Qu'en pensez-vous?

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, je pense qu'on vous a déjà dit que nous étions d'accord, comme l'UPA d'ailleurs, avec la loi. Partant de ce principe-là, on a quand même, tout en reconnaissant le point de vue... Je vous ai parlé de point de vue tantôt. C'est sûr que l'UPA peut avoir son point de vue – on a le nôtre – en vertu de la responsabilité réciproque qu'on a: eux, pour protéger leurs membres; nous, pour protéger justement nos membres qui ont la responsabilité.

Mais vous avez tout un élément nouveau en ce qui nous concerne: c'est toute la question de gérer socialement toute cette question-là. Sur le principe de la loi, puis de la protection de territoire, puis de faire de l'agriculture, je pense qu'on vous reconnaît ça, sur le principe, mais, quand on arrive avec tout l'aspect social, là, les individus, les citoyens et les autres... Pour le producteur, je ne lui demande pas d'avoir ce souci-là, parce qu'il n'est pas élu par la population pour avoir le point de vue d'ensemble. Mais, en ce qui nous concerne, quand on dit qu'on veut travailler avec eux dans le comité consultatif mais qu'il y ait quelqu'un qui doit prendre la responsabilité, c'est en vertu de cet autre aspect aussi. Je pense que Mme Chouinard peut compléter.

Mme Chouinard (Isabelle): Bien, je vous dirais, moi, que ce qu'on constate peut-être aussi comme vision parallèle du dossier, c'est que les producteurs agricoles, à cause justement de cette expression-là, «droit de produire», entendent qu'ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent, partout dans la zone verte provinciale, en termes d'agrandissement. Puis ce qu'ils veulent, c'est pouvoir convertir, par exemple, leur exploitation laitière en exploitation porcine ou pouvoir agrandir selon leurs besoins parce qu'ils sont en zone verte. Alors, ça, c'est la compréhension qu'en ont les producteurs agricoles.

La compréhension qu'en a plutôt le monde municipal et qu'on pense qui est reflétée dans le projet de loi n° 23 – et l'environnement aussi – c'est qu'on doit permettre, autant que possible... D'abord, réserver la zone agricole aux activités agricoles. La priorité à l'agriculture en zone agricole, ça veut dire restreindre les utilisations autres qu'agricoles en zone agricole. Ça veut aussi dire qu'on doit permettre, autant que possible, dans la mesure où c'est socialement acceptable et que ça respecte l'environnement, le développement des entreprises agricoles. Sauf que ça ne veut pas dire que quiconque peut faire ce qu'il veut comme exploitation agricole en zone agricole.

La zone verte, elle a été pensée, à l'origine, pour la protection d'un maximum de territoire réservé à l'agriculture pour des générations futures. Mais elle n'a pas été pensée en fonction d'une cohabitation harmonieuse des usages, et ça, c'est le travail des municipalités.

Alors, c'est peut-être simplement cette nuance-là qui devrait être clarifiée, c'est-à-dire, ça implique un développement qui est géré d'une façon optimale pour l'agriculture mais dans le respect aussi de ce qui se fait, par ailleurs, d'important sur le territoire comme autres activités socioéconomiques.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Merci. Pour être sûr que les gens qui nous entendent ou lisent nos délibérations... J'aimerais ça que vous expliquiez, le CCA, qui le compose.

Mme Chouinard (Isabelle): O.K. Le CCA est composé au moins pour moitié de producteurs agricoles. Évidemment, il n'est pas rare que ce soit plus que simplement la moitié parce que souvent les élus municipaux, eux-mêmes, qui siègent sur le CCA sont aussi producteurs agricoles. Mais on a au moins la moitié des membres qui sont producteurs. Ce qui veut dire que, quand le CCA donne son accord, il y a une majorité qui est d'accord, dont les producteurs agricoles.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et les autres?

Mme Chouinard (Isabelle): Les autres, c'est des élus et au moins un citoyen autre qu'agriculteur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'aimerais ça aussi vous entendre, avant de passer la parole à mon collègue de Saint-Hyacinthe, sur la fameuse question du Commissaire aux plaintes. J'aimerais ça que vous soyez peut-être un peu plus... Vous vous êtes sûrement posé la question: Qu'est-ce qu'on en fait? Avez-vous des recommandations à faire? Est-ce qu'on laisse le poste tel qu'il est? Est-ce qu'on donne la responsabilité à quelqu'un d'autres? Parce que, nous, on doit absolument, dans le cadre de nos recommandations et dans ces prochains jours ci, dire quelque chose là-dessus.

M. Saint-Onge (Florian): Pour être bref et répondre à votre question, M. le Président, on dit: Faites-le disparaître.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Totalement?

M. Saint-Onge (Florian): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Qui va assumer la responsabilité?

Mme Chouinard (Isabelle): On pense qu'un processus de médiation conforme...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ce dont vous avez parlé tout à l'heure?

Mme Chouinard (Isabelle): ... – c'est ça – ...serait plus efficace, puis inciter les gens à procéder par voie de médiation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Question claire, réponse précise. Oui.

M. Dion: Merci, M. le Président. D'abord, je veux saluer les représentants de la Fédération québécoise des municipalités. On vérifie toujours sur le papier parce qu'on n'est pas encore habitué à l'appellation qui est toute nouvelle, qui est heureuse, je pense. En tout cas, moi, ça me plaît.

Je dois vous dire que vous avez un rapport qui est très substantiel. Vous avez fouillé beaucoup de choses, et, si je vous dis que je regrette de ne pas l'avoir lu avant, ce n'est pas pour vous importuner. C'est parce qu'on risque, en ne le comprenant pas bien, pas suffisamment, de ne pas en tirer tout le profit que vous souhaiteriez qu'on en tire.

(10 h 30)

J'ai plusieurs questions à poser, mais je vais faire ce que je peux dans le temps qu'on me donne. D'abord, probablement que j'ai mal compris votre lecture, mais il y a des choses qui ne m'ont pas paru particulièrement claires. Vers la fin, vous parlez des MRC, de la situation qui existait sur le terrain avant, où il n'y avait pas de règlement de distance, dans les MRC, au Québec, et vous semblez mentionner qu'il y avait un problème là-dedans. Vous dites, par la suite, que, maintenant, si on donne le contrôle aux MRC, bien, il n'y en aura pas plus dans l'avenir, mais il faudrait donc donner le contrôle aux MRC. Ça me semble confus. Probablement que j'ai mal compris, et ça vient du fait que je n'ai pas eu le temps de lire votre document de fond en comble. J'aimerais que vous m'expliquiez ça clairement.

M. Saint-Onge (Florian): Bon. Tout d'abord, c'est qu'avant la loi n° 23 il n'y en avait pas, de distance, et effectivement on peut dire qu'une cinquantaine de municipalités avaient fait un règlement. Mais, sur l'ensemble d'au-delà de 1 100 municipalités, on voyait justement que ce n'était pas la problématique du jour, à ce moment-là. Mais, évidemment, avec la loi n° 23 où on a mis des normes à la grandeur de la province alors que les situations vécues sont différentes d'un lieu à l'autre, c'est là qu'ont commencé les problèmes. Et c'est pour ça que M. Fernet faisait allusion tantôt au fait que, quand ça a été présenté, ce projet de loi n° 23, nous, on voyait venir ces problèmes-là et on l'avait dit aux gens qui siégeaient à ce moment-là. Alors, oui, Michel, vas-y.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Fernet.

M. Fernet (Michel): Vous avez raison de souligner quelque chose qui, en apparence, est relativement cocasse, mais je vais vous dire, de façon cocasse aussi, comment on l'a vécu.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous l'avez écrit et vous avez avantage à préciser, j'imagine.

M. Fernet (Michel): Ha, ha, ha! M. le Président, je vous dirais que la loi n° 23 a réveillé la capacité des municipalités à réglementer. Ce qu'on s'évertuait à dire: Avant la loi n° 23, il y avait très peu de municipalités qui voulaient réglementer, donc restreindre l'usage d'activités agricoles en zones agricoles. Ça, c'était la situation, mais il n'y a personne qui nous croyait. Mais on disait: Faites des recherches, faites des enquêtes.

L'UPA disait: Nous, on veut arrêter un certain nombre de municipalités qui ont réglementé de façon abusive. Et, à ce moment-là, on parlait non pas du nombre d'aujourd'hui, on disait qu'il y avait 70 ou 75 règlements qui étaient abusifs au Québec, et le ministère des Affaires municipales disait: Ça n'a pas de bon sens. Il n'y en a même pas quelques-uns. Alors, à ce moment-là, il y avait très peu de municipalités qui avaient réglementé, mais l'UPA, pour s'assurer qu'il n'y en ait jamais une, comme si quelqu'un, on pouvait empêcher les automobilistes de dépasser, sur la route 20, 120 km/h, tu sais...

Alors, nous autres, on disait: Laissez faire deux, trois municipalités au Québec sur 1 300 qui ont une zone agricole, 1 250 qui ont une zone agricole, puis les tribunaux vont travailler là-dedans. La Cour supérieure est faite pour ça. Non, non, non. Il fallait réglementer sur le plan national, il fallait imposer des choses, il fallait mettre une problématique ensemble et créer la MRC, les règlements locaux, créer une mécanique pour tout faire ça.

Bien là on est dans la mécanique, puis là il y a un paquet de municipalités qui ont dit: Coudon, on peut réglementer. On ne le savait pas trop avant, bien là on le sait, puis là la CCA fait bouger les affaires. Ça fait que là toutes les municipalités du Québec vont dire: Bien, je vais faire ma job, puis je vais réglementer, puis je vais restreindre, puis je vais faire ci, puis je vais faire ça. On est dans cette mécanique-là.

Je m'excuse infiniment. On avait tout dit ça également il y a deux, trois, quatre ans, que les municipalités, quand c'est zoné, un village, à 98,5 % agricole, il me semble que ça vit en agriculture, puis il me semble que ça ne veut pas freiner l'agriculture, puis il me semble que ça ne veut pas se mettre – excusez l'expression – à taponner sur les odeurs et tout. Tout le monde est dans un environnement agricole. Bien là les gens ne croyaient pas et ça prenait une intervention du législateur. Bien, on l'a eue.

M. Dion: Évidemment, ce que vous nous apportez va nous faire réfléchir beaucoup, c'est sûr, ça. Vous vous attendez bien que l'UPA va venir dire le contraire, hein. J'ai, ici, à la page 37: «La plupart des règlements dénoncés par l'UPA ne peuvent être considérés comme abusifs, selon une étude du MAMM.» Alors, eux autres, ils vont dire: Selon notre étude à nous, c'est le contraire. Alors, vous comprendrez qu'il va falloir gérer ça. C'est pour ça qu'on a besoin de bien comprendre votre point de vue.

M. Saint-Onge (Florian): Vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y, M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Florian): Au moins, ce n'est pas notre point de vue, là. C'est le point de vue du MAMM. Ce sont eux qui ont regardé et qui ont examiné. Et, à ce moment-là, j'espère que l'UPA va aussi laisser des gens neutres examiner la situation.

M. Dion: Prenez, par exemple, un autre problème qu'il va falloir gérer. L'UPA nous dit: Bien, les comités consultatifs, bon, O.K., on les a acceptés, ça va, mais, dans la pratique, dans une MRC, quand on a un producteur agricole qui est un peu trop embêtant, comme c'est la MRC qui nomme qui est sur le comité consultatif, celui qui est embêtant, ce n'est pas long qu'il saute, on en met un autre. Alors, ça, c'est des choses qu'il va falloir gérer aussi. Alors, est-ce qu'il faut dire: Bien, peut-être que le comité est de trop ou peut-être qu'il faut attacher les mains de la MRC? Je ne le sais pas. Qu'est-ce que vous en dites?

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, je ne pense pas que le comité soit de trop. Premièrement, juste une nuance à ce que vous avez souligné, M. le député. C'est l'UPA qui a demandé le comité consultatif et nous étions d'accord parce que, de toute façon, dans tout le développement dans les MRC, les élus municipaux ne veulent pas travailler tout seuls, et c'est vrai dans d'autres secteurs. Donc, à ce moment-là, on se dit: Il faut avoir des partenaires, et les partenaires agricoles sont importants quand vous arrivez avec toute la production agricole et le territoire agricole. Alors, dans ce sens-là, je pense que, nous, on ne veut pas les faire disparaître. Au contraire, on veut travailler avec eux autres comme on travaille avec les autres secteurs.

M. Dion: Une autre chose. Vous recommandez évidemment de permettre aux MRC d'élaborer les paramètres de distance. Bon. Alors, il y a à peu près 100 MRC au Québec, 100 paramètres de distance qui s'élaborent. Comment voyez-vous la possibilité de cohérence et de continuité entre celui qui a la terre n° 259 à tel endroit, puis, de l'autre côté du cadastre, c'est la terre n° 1, et deux MRC différentes, deux paramètres de distance différents, quoique les maisons soient relativement rapprochées? Qu'est-ce qu'on fait avec ça, la cohérence entre les différents paramètres entre les MRC, si c'est les MRC qui élaborent ces paramètres-là?

M. Saint-Onge (Florian): Remarquez que, s'il y a un certain cadre de la part du gouvernement, le schéma d'aménagement, c'est une chose de laisser la latitude d'abord aux gens du milieu pour le préparer, mais le schéma d'aménagement, il faut qu'il revienne en haut et qu'il soit approuvé par le gouvernement ou par le ministre. Alors, ça veut donc dire que le gouvernement a toujours un contrôle là-dessus. Et, s'il nous donne ses orientations et le cadre, à ce moment-là il pourra dire à la MRC qui dévie de ces orientations ou de ces obligations: Écoutez, votre schéma, vous allez le modifier parce qu'on ne l'approuve pas. Je pense qu'il y a un contrôle. Nous, on veut bien qu'il y ait – c'est M. Vallières, tantôt, qui y faisait allusion – un contrôle en quelque part, mais le gouvernement ne le perd pas, ce contrôle-là, jamais.

M. Fernet (Michel): Si vous le permettez...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Fernet (Michel): Écoutez, il n'y a pas beaucoup de façons, là, de gérer l'histoire du développement local. Ou... par le grand terme propagé à l'époque par Robert Bourassa, la hiérarchie des pouvoirs, là. Quand on donne ou on ne donne pas un pouvoir au niveau local, ou on veut se délivrer ou on ne veut pas se délivrer du mur-à-mur. Si vous dites: Je veux le mur-à-mur, allez-y, tous les gens sont plus intelligents que nous autres au niveau local pour inventer des normes nationales, ça ne marche pas. Il y a des choses, dans la vie, qui ne se font pas au niveau local. L'armée ne se gère pas au niveau local, elle se gère au niveau national.

Mais il y a des affaires, à l'inverse, qui ne se gèrent pas au niveau national, et l'aménagement a fait la preuve, de tout le Xxe siècle, de l'incapacité absolument totale gouvernementale au Québec, au Canada, au États-Unis et partout dans le monde. Faisons-nous une raison que la perfection n'existera pas, si on donne des choses au niveau local. Alors, c'est sûr que, si l'UPA se met à travailler comme ils travaillent depuis 10 ans pour ramasser une petite municipalité qui a fait un petit règlement abusif dans une année, on n'a pas fini parce que, je vous préviens, il va toujours y en avoir. C'est des êtres humains qui gèrent ça.

Mais, par ailleurs, dans les autres secteurs d'activité, vous avez dit: Si une terre finit là puis il y a une certaine norme à respecter sur les distances puis l'autre terre à côté... ça là, écoutez, c'est juste si ça ne nous fait pas violence quand vous dites une chose comme ça. À l'intérieur de la ville de Montréal, il y a des règlements différents dans les propres quartiers de la ville de Montréal. Vous allez avoir une marge de recul, dans un quartier, de sept pieds, vous ne pouvez pas vous bâtir en marge du trottoir, et, de l'autre bord de la rue, ça va être neuf pieds et il s'agit que tout le monde le sache. Quand tu as ton permis de construction, tu construis à sept pieds par là et à neuf pieds de l'autre côté. C'est comme ça dans tout l'exercice de l'aménagement municipal au Québec. Ce n'est jamais pareil d'une place à l'autre, pas plus que la grandeur de la porte d'un magasin d'en face n'est de la même grandeur que le magasin d'à côté, et ça ne dérange personne.

M. Dion: Au début, dans votre argumentation... Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

(10 h 40)

M. Dion: Dans votre argumentation, une des choses que vous dites, en gros, c'est qu'on a seulement 10 schémas d'aménagement adoptés actuellement, et la solution à ça, ça serait de permettre aux MRC d'adopter elles-mêmes leurs distances séparatrices. Ça irait plus vite pour adopter les schémas. Mais là vous venez de dire: Le schéma, si le gouvernement n'est pas content des distances séparatrices, il n'a qu'à nous le renvoyer puis dire: On n'est pas content. Alors là on va augmenter le temps avant d'adopter le schéma, non pas le raccourcir. Non? J'essaie...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Florian): Remarquez bien là qu'on parle d'abord de règlement de contrôle intérimaire, dans un premier temps, et je pense qu'à ce moment-là... Parce que nous sommes d'accord avec l'UPA, hein! L'UPA déplore la lenteur de tout ce processus-là, et nous aussi. Alors, on a au moins ça, là, où on partage le même point de vue. Et je pense que là-dessus on se disait: Il faut absolument que ça débloque, ça. Et une façon de débloquer, c'était le contrôle intérimaire. Maintenant, veux-tu...

Une voix: La mécanique.

Mme Chouinard (Isabelle): Au niveau de la mécanique, ce qui est intéressant, c'est qu'il y a un règlement de contrôle intérimaire qui permet dès à présent de faire entrer en vigueur un cadre d'aménagement sur le territoire, qui peut concerner à la fois les distances séparatrices mais aussi les zonages, dans une certaine mesure. Si une municipalité, par exemple...

Prenons l'exemple délicat de la MRC de Nicolet-Yamaska et de la municipalité de Saint-Thomas-de-Pierreville. Saint-Thomas-de-Pierreville a adopté un règlement avec lequel la MRC était plutôt en désaccord. Avec la procédure actuelle des orientations gouvernementales, ce n'est pas assez étanche à son goût. Bien, la MRC aurait le pouvoir – si on le lui donnait évidemment dans la loi – d'adopter un règlement de contrôle intérimaire pour régir, avant l'entrée en vigueur de son schéma révisé, l'aménagement de la zone agricole et, si on le précise bien, d'avoir préséance sur la réglementation locale.

Puis l'avantage de ça, c'est que ça entre en vigueur tout de suite, que ça reste en vigueur jusqu'à ce que le schéma d'aménagement révisé soit en vigueur et que les règlements d'urbanisme locaux s'y soient conformés, donc jusqu'à temps que tout soit en place. Et puis ça permet à la fois d'adapter les distances, donc de régler tout de suite les problèmes qu'on connaît à cause de la directive, si évidemment les orientations gouvernementales sont modifiées pour nous en laisser la latitude. Mais c'est un instrument qui permet à la fois de contrôler ce qui pourrait être abusif puis en même temps de faire rentrer la réforme tout de suite en vigueur. Mais évidemment ça implique quand même de faire confiance aux MRC pour qu'elles puissent aussi gérer intelligemment la zone agricole.

Une voix: ...

Mme Chouinard (Isabelle): C'est ça, c'est comme un schéma temporaire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député?

M. Dion: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Richmond.

M. Vallières: Merci. On parle des fois... Souvent, on fait référence à des cas d'abus, qui sont exceptionnels, dit-on. J'aimerais connaître votre point de vue par rapport à l'exigence qui est faite à certains producteurs, en vertu de la loi actuelle, d'aller cueillir jusqu'à 20, voire 30 servitudes auprès de ses voisins en zone un peu plus urbanisée évidemment et que là on est rendu même à monnayer maintenant ces servitudes-là. Comment c'est que vous voyez ça? Et est-ce que vous trouvez que c'est un processus normal, qu'on exige ça des producteurs? Est-ce que ce n'est pas un irritant majeur qu'on rencontre actuellement?

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, je pense qu'avec des exemples comme... Madame notre avocate, elle va répondre à la question de M. Vallières.

Mme Chouinard (Isabelle): Ça n'a pas de bon sens, M. Vallières, ce système-là. Ça n'a pas de bon sens parce qu'ils sont obligés de faire ça parce que les municipalités ne peuvent pas adapter les distances. Si les municipalités le pouvaient, elles les adapteraient. Les démonstrations qui sont faites... Notamment, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est a fait la démonstration – et ça va nous faire plaisir de vous envoyer les cartes, on devait les recevoir, mais on ne les a pas reçues à temps – que les distances séparatrices bloquent le développement des entreprises agricoles. Alors, c'est parce que les distances sont mal adaptées, ce n'est pas parce que le système de dérogation est mal adapté. On n'aurait plus besoin de dérogation si on permettait d'adapter les distances, en tout cas c'est notre prétention. On prétend que ce serait beaucoup moins pire, en tout cas.

M. Vallières: O.K. C'est un point important parce que, au moins là-dessus, il y a des gens qui s'entendent là pour dire que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saint-Onge (Florian): C'est très important. Nous reconnaissons qu'on nuit à certains agriculteurs actuellement justement parce qu'on est bloqué. Parce qu'on pourrait les permettre, les agrandissements, justement pour certains. Il y en a d'autres peut-être qui auraient des difficultés, mais c'est ça, on a le même problème que l'UPA de ce côté-là d'ailleurs puis on veut le favoriser. Mais c'est une belle question.

M. Fernet (Michel): C'est les distances mur à mur qui font ça.

M. Saint-Onge (Florian): Bien oui.

M. Vallières: O.K. L'autre question que j'ai pour vous, c'est la question du zonage de production. Ça, nous, quand on voit l'UPA, je vais vous dire une affaire, s'il y a bien un sujet sur lequel on se fait dire...

Une voix: ...

M. Vallières: Du tout! Il n'y a pas d'acceptation de voir que... Puis, de toute façon, dans l'exemple que vous donniez tantôt de Saint-Thomas-de-Pierreville, la commission municipale donne raison à la municipalité. Alors là il y a beaucoup d'inquiétude par rapport à cette capacité qu'ont les municipalités locales de faire du zonage de production. Votre union se situe où par rapport à cette question-là?

On vous a entendus un petit peu là-dessus, mais c'est un point qui est tellement important qu'il m'apparaît essentiel qu'on s'entende ou qu'on comprenne bien, le législateur, en tout cas, où vous logez tout le monde là-dessus, pour être capables, nous-mêmes, par la suite, de se positionner. Parce que vous comprendrez que, par rapport à cette capacité qu'ont les municipalités locales de faire du zonage présentement de cette manière-là, les représentants du monde agricole, en général, s'y opposent de façon farouche, et ce n'est pas peu dire, là. Alors, comment vous voyez qu'on puisse trouver une solution à cette problématique?

M. Saint-Onge (Florian): Partons avec le principe, d'abord, qu'on favorise la production, ça, c'est clair, en vertu de ce qu'on vous a dit au tout début. Maintenant, veux-tu y aller, Isabelle, sur les...

Mme Chouinard (Isabelle): Bien, je vous dirais que c'est les pages 6 et 7 de notre mémoire, si je peux vous y référer. C'est impossible de gérer le développement durable, avec son caractère socialement acceptable, seulement à partir des distances séparatrices qu'on connaît. Le zonage des productions, c'est un instrument que les municipalités jugent essentiel, et on s'en est assuré lors de l'adoption du projet de loi n° 23. Je pourrais vous sortir les transcripts. Le ministre de l'Agriculture nous a assurés, M. Julien à l'époque, qu'il n'était pas question de le retirer aux municipalités.

Le cadre qu'on a mis en place, c'est un jeu politique, c'est-à-dire qu'il va y avoir des comités consultatifs agricoles qui vont regarder tout ça à la loupe pour voir si ça demeure justifié. Comme je vous dis, sur les 28 règlements qui en font, là, il y en a six avec lesquels les CCA étaient d'accord. Puis vous avez l'analyse à l'annexe II du mémoire du ministère des Affaires municipales.

Bon. Si vous enlevez le pouvoir de zoner les productions agricoles, à mon avis, vous retirez la réelle possibilité qu'ont les municipalités d'assurer une cohabitation harmonieuse des usages sur leur territoire. Cela dit, elles ne le font pas partout, elles ne le faisaient pas partout, et il y a beaucoup de municipalités qui ne sentent pas le besoin d'établir un règlement qui zone les productions agricoles, mais les municipalités jugent que ce pouvoir-là doit être maintenu.

Comme je vous dis, c'est par le jeu du système qui a été mis en place par la loi n° 23 qu'on va arriver à épurer un peu tout ça. D'ici à ce que ça entre en vigueur, les règlements de contrôle intérimaire pourraient régler une partie du problème, mais c'est sûr qu'il va demeurer toujours un certain zonage des productions.

M. Vallières: Une des craintes, là, dans le système, c'est que, à la limite, quand un certain nombre de gens s'opposent à un règlement de zonage, comme prévu il y a référendum. Puis les gens disent: Quand il y a référendum, le monde rural est minorisé, c'est presque automatique. S'il y a référendum, bien, le monde du village ou de la ville voisine va défaire le référendum. En tout cas, c'est ce que les gens nous disent, là. On n'a pas beaucoup d'expérience à ce niveau-là, mais il y en aura probablement si le pouvoir est maintenu.

Alors, comment on peut enlever cette perception... Mais ce n'est pas juste une perception. Dans la réalité, ça va souvent se traduire par le fait que le règlement va être adopté parce que le référendum aurait été défait. Comment? Parce que, dans le jeu que vous nous dites, politique, est-ce que vous comprenez que le monde agricole peut se sentir presque à tout coup minorisé?

Mme Chouinard (Isabelle): Il y a deux jeux, il y a deux systèmes. Il y a le jeu du référendum qui permet de bloquer un règlement de zonage des productions. Évidemment, les producteurs agricoles ne seront pas malheureux si jamais le règlement est bloqué. Mais, si le règlement passe, mettons, au niveau du référendum, il ne passera peut-être pas au niveau de la conformité au schéma, par exemple, une fois que le schéma révisé va être en vigueur.

C'est là que va jouer le rôle du comité consultatif agricole et puis le rôle du schéma d'aménagement révisé en vigueur. Le schéma révisé en vigueur, bien, c'est le gouvernement qui a le contrôle sur ce qu'il y a dedans, en vertu de la conformité aux orientations gouvernementales. Alors, c'est ça, la mécanique qu'on est en train de mettre en place.

Je vous dirais que, sans le zonage des productions, vous n'avez plus besoin de CCA, vous n'avez plus besoin... C'est l'objectif du CCA. C'est d'arriver à s'assurer que l'aménagement est bien pensé. Tout le système est pour ça: le schéma, les orientations gouvernementales puis le comité consultatif agricole. Mais c'est bien évident que, si on ne veut plus du tout de zonage des productions, on n'a plus besoin de la loi n° 23.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saint-Onge (Florian): Il va sans dire, si vous me permettez, M. le Président, que, politiquement, dans des circonstances comme ça, il y a un rôle du maire ou du préfet – en tout cas, comme ça se passe dans chacune des municipalités – d'expliquer. Quand on vit avec les agriculteurs, puis c'est justement toute la vie de la municipalité pratiquement, je pense que le maire a un rôle d'information et d'explication avant d'arriver au référendum. Mais évidemment c'est ça aussi, la démocratie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Roberval, il vous reste quatre minutes.

(10 h 50)

M. Laprise: M. le Président, on est bien conscient que, après que la loi n° 23 a été acceptée, il y a eu quand même des municipalités qui se sont hâtées de faire des règlements assez restrictifs au niveau de la production. C'est de là qu'il y a eu la réaction de l'UPA, suite à ça. Maintenant, vous savez très bien également que, dans votre nouvelle génération des schémas d'aménagement, indépendamment des clauses de distance, si dans la nouvelle génération des schémas d'aménagement on donne des vocations nouvelles à des secteurs, de la paroisse par exemple, des secteurs de villégiature, des secteurs touristiques, à ce moment-là, vous venez mettre des contraintes supplémentaires aux agriculteurs présents dans ces secteurs-là, sur lesquels eux autres n'ont pas leur mot à dire.

Alors, dans la nouvelle génération des schémas d'aménagement, est-ce qu'on va tenir compte également de ces facteurs-là avant de se donner des vocations, là, qui servent parfois des intérêts touristiques, des intérêts de développement, c'est bien sûr, mais qui paralysent un peu le développement agricole dans certains secteurs? Au niveau de la villégiature, chez nous, on a vu des cas concrets que l'acceptation et la mise en place d'une zone de villégiature dans un secteur agricole vient limiter le développement des agriculteurs dans le coin.

M. Saint-Onge (Florian): Non, moi, M. le Président, je pense que je reconnais, dans l'intervention de M. Laprise, que nous avons un rôle à jouer là-dessus. Je pense que, quand on dit – et on le reconnaît, ça aussi – qu'on va prioriser l'agriculture quand il s'agit justement d'un territoire agricole, maintenant, on se dit aussi, en complémentarité de ça, à part l'agriculture, ce qui peut être conciliable avec l'agriculture, bien, il y a aussi d'autres activités qui peuvent être...

Là, évidemment, vous arrivez encore là au rôle que l'élu municipal a à jouer, d'abord, au niveau de la MRC pour faire concilier toute cette question de villégiature avec l'agriculture. Ça, ça suppose justement des discussions disons axées davantage avec le comité consultatif. Je pense que, là-dessus, on a ces représentants-là, ils doivent influencer les élus municipaux et, évidemment, il y en aura d'autres qui vont venir aussi. Mais on peut quand même peut-être au moins partir avec cette idée que nous voulons encourager d'abord l'agriculture.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Richmond.

M. Vallières: À quelques reprises dans votre texte, vous parlez de l'illégalité des orientations gouvernementales, qui contiendraient des indications qui sont illégales et qui sèment la confusion auprès des municipalités et des MRC. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus parce que ce n'est pas souvent qu'on se fait dire que le gouvernement procède par le biais d'orientations... ou sème l'illégalité à quelques reprises. Vous le faites aussi pour le comité consultatif, en page 16 de votre mémoire, où vous dites que le gouvernement outrepasse son pouvoir et édicte des orientations contraires à la loi, à ce qui a été négocié avec les unions municipales. Remarquez que ça ne sera pas la première fois, là, à ce niveau-là.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Vallières: Les négociations, des fois, ça n'a pas toujours la même portée. Mais, quand il s'agit d'une législation comme celle-là, est-ce que normalement on ne doit pas s'attendre à ce qu'au moins le législateur ne vienne pas donner des orientations qui incitent les gens à contrevenir à sa propre loi? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Saint-Onge (Florian): On va laisser ça à notre avocate.

Mme Chouinard (Isabelle): Écoutez, il y a déjà plusieurs juristes qui ont publié sur le sujet, justement pour dénoncer cette situation-là, on n'est pas les seuls. Mais, cela dit, nous, c'est plus au niveau des implications que ça a. Comme vous le savez, le projet de loi n° 23, ça a été l'objet de très, très longues négociations. Et je pense que Jules Brière, dans ce dossier-là, on doit lui lever notre chapeau parce qu'il a réussi à amener les gens autour d'un consensus qui est d'arriver à une certaine protection. Mais tout ça est un fragile équilibre.

Par exemple, on a convenu... Ça a été quand même assez dur de nous arracher ce consensus-là, mais on a dit: Ça nous prend des comités consultatifs agricoles. Nous, on aurait préféré une commission d'aménagement, mais on a dit: O.K., on va faire un comité consultatif agricole, sauf que ça demeure un comité consultatif. Il faut quand même reconnaître la démocratie, puis c'est le rôle des élus, de gérer la réglementation. Dans les orientations gouvernementales, il y a même une place où on exige l'accord des deux tiers des membres des comités consultatifs agricoles pour prendre une décision. Évidemment, nous, ce qu'on dit, c'est que ça ne respecte pas le consensus qui a été établi dans la loi.

Autre élément, la portée de la Loi sur la protection du territoire agricole. Ça a toujours été reconnu comme étant une loi qui gère la zone agricole uniquement. Et, dans une disposition de la loi, on prévoit une certaine réciprocité dans l'application des normes de distances séparatrices pour assurer aux producteurs agricoles qu'on ne vienne pas entraver leur immunité de poursuite. De cette façon-là, on a dit dans la loi: Toute personne qui veut s'installer à proximité d'un bâtiment agricole doit renoncer à toute poursuite qu'elle pourrait engager. Évidemment, c'est simplement pour ne pas entraver l'immunité des producteurs agricoles.

Ce qu'on est venu faire dans les orientations, c'est qu'on est venu en quelque sorte changer la nature de cette réciprocité-là, en disant aux gens qui veulent s'établir à proximité d'une exploitation agricole: Vous allez devoir respecter une distance encore plus grande que celle qui est imposée aux producteurs agricoles, ce qui est très contraire au texte même de la loi. Puis on a dit aussi: Ça va s'appliquer en zone blanche, en bordure de la zone verte, ce qui va aussi à l'encontre du texte de la loi, qui a été négocié de façon très, très serrée, virgule par virgule par un comité où étaient présentes les trois unions.

Donc, dans ce contexte-là, nous, ce qu'on demande, c'est qu'au moins le cadre de la loi, qui a mis peut-être cinq ans à être négocié au complet, soit respecté dans son entité, quitte à ce qu'on puisse faire certains aménagements pour faciliter ou accélérer sa mise en oeuvre, mais au moins, au niveau des principes, que les orientations cadrent dans ce contexte-là.

M. Vallières: Et donc la façon que vous voyez pour y arriver, c'est d'établir des orientations, de réécrire les orientations, de les revoir?

Mme Chouinard (Isabelle): C'est inévitable, parce que les problèmes originent principalement des orientations. Alors, si vous voulez régler les problèmes d'application de la loi n° 23, vous allez devoir réécrire au moins la partie... surtout, je dirais, ou presque uniquement la partie qui concerne les distances séparatrices. C'est là qu'on retrouve les principaux problèmes.

M. Vallières: Alors, c'est heureux de vous l'entendre dire, ces négociations serrées qui ont été tenues pendant la période qui a précédé l'adoption de la loi... Parce que, nous, on n'est pas là, hein! Vous êtes là en présence d'autres officiers du gouvernement, mais, comme députés en tout cas de l'opposition, sûrement pas, et peut-être ministériels non plus. Alors, c'est le genre de chose dont on est informé suite à l'application de quelques années, puis là on se rend compte que peut-être – passez-moi l'expression – il y a du lousse un peu, et puis le lousse fait en sorte que c'est du côté des orientations qu'on crée problème.

Donc, évidemment, on va être capable de vérifier, M. le Président, avec d'autres intervenants si vraiment il y a lieu d'intervenir à ce niveau-là, mais ça me paraît être une avenue que la commission pourra probablement explorer à tout le moins.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Fernet, vous avez un commentaire.

M. Fernet (Michel): Un petit commentaire. M. le député, je ne voudrais pas être trop, trop malin à l'endroit du gouvernement, faire sourire d'autres en face, mais, vous voyez, on se tue à dire que la problématique dont on discute, qui a plusieurs facettes – comme vous le voyez ce matin – qui est très technique aussi, malheureusement, on explique à certaines personnes, dans le monde agricole, comment marche la loi n° 23 – c'est parce que c'est technique, c'est rendu quasiment une histoire juridique à toutes fins pratiques, ce n'est pas drôle pour personne, là – mais on se tue à dire que ces problématiques-là sont locales, qu'il faut faire confiance aux gens, parce que tous les paramètres territoriaux qui englobent une problématique très particulière doivent normalement être regardés par l'ensemble des partenaires, alentour d'une table, qui siègent au niveau local.

Le gouvernement, lui, pour nous aider à faire cette problématique-là – puis là je parle pour d'autres qui veulent confier au gouvernement des règlements nationaux, là, pour tout régler ça comme saint Louis avec son épée, là, tu sais – avait juste une chose à faire. Il avait juste à rédiger des orientations gouvernementales correctes, compréhensives, intelligentes pour soutenir tout notre travail au niveau local. Je ne suis pas sûr que ça a été fait comme il faut, puis on est très loin d'être les seuls à penser comme ça.

Donc, rendez à César ce qui est à César, puis, en haut, occupez-vous de nous éclairer un petit peu, puis n'en prenez pas trop, parce que la plupart des choses dont on discute aujourd'hui, c'est en bas qu'elles se règlent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y a une chose qui est sûre, c'est que, comme l'UPA, vous êtes d'accord pour dire qu'on doit bouger rapidement.

M. Fernet (Michel): Très rapidement..

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça m'apparaît assez évident.

M. Fernet (Michel): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous remercie pour votre présentation, l'échange qu'on a eu. Je pense que vous devez être très conscients qu'on a une tâche très lourde, parce que, dans les prochaines journées, les prochaines semaines maximum, on doit faire des recommandations assez précises au gouvernement. Alors, je vous remercie, et j'invite les représentants de la Fédération...

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, M. Saint-Onge.

(11 heures)

M. Saint-Onge (Florian): Si vous me permettez, je vous remercie aussi. Cependant, s'il y avait des députés, en vertu du temps dont vous avez disposé... nous nous mettons à votre disposition, ça nous fera plaisir de vous rencontrer si jamais il y a des questions qui restent en suspens. Et j'ajoute... justement, j'ai vu qu'il y avait plusieurs députés qui étaient soucieux aussi concernant l'agriculture, de vous rappeler que, dans le grand métropolitain, où il y aura beaucoup d'urbains, c'est une grande inquiétude pour nous autres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'ailleurs, on se réserve toujours le droit de vous réinviter si on le juge nécessaire. Je vous remercie. J'invite l'Union des municipalités du Québec à se présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Laframboise, on vous souhaite la bienvenue. Je vous invite à présenter d'abord les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous n'avez pas besoin d'y toucher, tout est réglé.

M. Laframboise (Mario): Ah! tout fonctionne.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dans ce merveilleux monde d'aujourd'hui.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Laframboise (Mario): Donc, je voudrais vous présenter d'abord, à ma gauche, M. Jacques Laberge, qui est le conseiller aux politiques à l'Union des municipalités du Québec, et M. Jean Bissonnette, responsable du service d'aménagement à la MRC de Papineau, MRC dont je suis préfet.

Donc, M. le Président, Mmes, MM. les députés, mesdames, messieurs, je vous remercie de donner l'occasion à l'Union des municipalités du Québec de faire connaître les principales préoccupations de ses municipalités membres dans le cadre du présent mandat d'initiative de la commission. Avant de débuter, évidemment, vous faire peut-être un petit historique de la MRC de Papineau, avec... excusez-moi, de l'Union des municipalités du Québec. Avec ses 200...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça arrive quand on a plusieurs chapeaux.

M. Laframboise (Mario): ... – juste histoire de se replacer après quatre heures de route – avec ses 273 municipalités membres, comptant pour plus de 5 millions de citoyens, gérant 77 % des budgets municipaux, l'Union des municipalités du Québec est le seul regroupement à représenter le monde municipal dans toute sa diversité. Elle est aussi l'une des rares organisations dont le poids et la légitimité lui permettent d'intervenir dans le débat public au nom de 71 % de la population du Québec.

En 1997, le gouvernement a adopté le projet de loi n° 23 et a fait connaître ses orientations en matière de protection de territoires agricoles et des activités agricoles. Il a confié aux municipalités la responsabilité de minimiser les impacts sociaux et les impacts sur la santé associés aux odeurs d'origine agricole. L'adoption de ce projet de loi et de l'orientation gouvernementale faisant suite à l'entente de principe conclue en 1995 entre le gouvernement et les unions municipales et l'Union des producteurs agricoles, il a alors été convenu que le gouvernement contrôle la pollution d'origine agricole et que les MRC et les communautés urbaines assument la responsabilité d'atténuer les inconvénients reliés aux odeurs découlant de certaines activités agricoles.

L'UMQ constate aujourd'hui, avec beaucoup de déception, évidemment, que l'Union des producteurs, un des partenaires majeurs de cette entente, remet en cause certains de ses fondements. La position exprimée par l'organisation lors des travaux de cette commission, le 19 janvier dernier, constitue un net recul par rapport à la recherche d'une cohabitation harmonieuse entre les usages agricoles et non agricoles.

Mais, avant d'aborder les critiques formulées par l'UPA, il serait bon de rappeler certains faits. Depuis 50 ans, la réalité socioéconomique du Québec a changé considérablement. De 1951 à 1996, le nombre de fermes est passé de 135 000 à seulement 35 000 et la superficie totale des terres agricoles a diminué. Sur le plan technique, on a pu observer une spécialisation de la production par une utilisation accrue des engrais chimiques et des pesticides et par une mécanisation poussée des opérations. Sur le plan économique, on a assisté à une concentration des entreprises et à une intervention de l'État pour soutenir les revenus agricoles et encourager l'augmentation de la productivité de ce secteur.

La diminution constante de l'importance relative de l'agriculture au profit d'autres activités tels le tourisme, la récréation, la villégiature, le commerce et l'industrie manufacturière a généré, au fil des ans, des conflits d'usage entre les activités agricoles et les autres jugées, par les communautés rurales, essentielles à leur survie.

La mutation profonde qu'a connue l'agriculture au Québec au cours des cinq dernières décennies ont également provoqué une pression énorme sur l'environnement. La pollution d'origine agricole constitue présentement le type de pollution le plus préoccupant au Québec, particulièrement en raison de la surfertilisation des sols et de l'utilisation importante des pesticides, mais également à cause de l'augmentation importante de la charge d'odeurs. Les éléments majeurs de l'agriculture de type industriel ont non seulement affecté la qualité de l'environnement, mais ils ont également des impacts sur la santé humaine, principalement par la contamination des sources municipales et individuelles d'approvisionnement en eau potable.

Avec le développement de l'industrie porcine et de la gestion liquide des fumiers dans ce même secteur et dans le secteur de l'industrie bovine, on estime que la charge totale d'odeurs au Québec était cinq fois plus élevée en 1996 qu'en 1951, et ce, même s'il y avait 100 000 fermes de moins. La charge d'odeurs moyenne par ferme était 134 fois plus élevée pour le porc, 42 fois plus élevée pour la volaille et 10 fois plus élevée pour le bovin.

Il va sans dire que les résidents, les commerçants et même des agriculteurs se plaignent de ce genre de nuisance. Si ces odeurs ne représentent que de simples inconvénients pour certains groupes de citoyens, elles constituent un élément de détresse psychologique pour d'autres. Selon une étude américaine, les voisins de grandes porcheries souffrent davantage d'anxiété et de dépression, ressentent plus de fatigue, sont plus irritables et présentent des troubles de l'humeur de manière plus significative que le reste de la population.

Au Québec, une analyse de la fréquence de la détresse psychologique dans les municipalités où la production porcine est importante, soit 20 000 parts et plus, révèle que le niveau de détresse psychologique passe de 26 % à 34 % durant la période printemps-été, soit la période la plus intense d'épandage de lisier.

Comme l'odeur diminue avec la distance en raison de sa dilution dans l'air, la seule approche connue de gestion des odeurs est l'établissement de distances à respecter entre les usages conflictuels afin d'atténuer les inconvénients liés à la cohabitation de ces usages.

D'emblée, l'UMQ tient à rappeler son accord avec l'orientation gouvernementale en matière d'aménagement et de protection du territoire et des activités agricoles adoptée en 1997. Celle-ci permet aux instances régionales et locales d'harmoniser les objectifs de développement de l'agriculture avec ceux de la cohabitation harmonieuse des usages dans le respect des particularités du milieu et du développement économique local.

(11 h 10)

Du point de vue de la protection de l'environnement, le développement durable de l'agriculture devient un gage d'harmonie sociale, contrairement au développement conventionnel pour lequel la protection de l'environnement n'est qu'un problème technique et juridique. Alors, voici que l'UPA voudrait déjà tirer des conclusions sur l'application du projet de loi n° 23 et de l'orientation gouvernementale, et ce, seulement deux ans et demi après leur entrée en vigueur. C'est nettement prématuré et, à notre avis, c'est vouloir mettre la charrue devant les boeufs.

Les schémas d'aménagement du territoire sont en voie de révision et doivent obligatoirement se conformer aux orientations du gouvernement en la matière. Une MRC ou une communauté urbaine qui désire déterminer des distances séparatrices destinées à concilier les usages agricoles et non agricoles doit insérer des paramètres destinés à cette fin dans le document complémentaire de son schéma d'aménagement révisé que l'on appelle aussi un SAR.

Les municipalités locales concernées doivent ensuite, par obligation de conformité avec le SAR, reprendre ces normes de distances séparatrices et les inclure dans le règlement de zonage. Mais il faut laisser le temps aux municipalités d'y arriver. L'adoption d'un plan d'urbanisme avec le processus de consultations publiques qu'il comporte et l'adoption des règlements de zonage ne se font pas en criant ciseau. C'est une opération d'envergure qui prend deux ans, et ce, sans compter le temps requis pour la révision des schémas. Les distances séparatrices déterminées pas la MRC ou la communauté urbaine dans son SAR doivent découler d'une démarche consensuelle et respecter les particularités du milieu. Il va sans dire que les adaptations aux paramètres établis à la partie II de l'orientation gouvernementale sont nécessaires si on veut atteindre les objectifs fixés.

D'ailleurs, cette opportunité de déroger aux paramètres fixés par le gouvernement est confirmée au point 8 de la partie II de l'orientation. C'est pourquoi il est faux de prétendre que, sous prétexte qu'une municipalité n'adopte pas dans son intégralité les paramètres proposés dans l'orientation, elle conteste et remet en question les fondements même de ce nouveau cadre d'aménagement. Au contraire, les municipalités privilégient la recherche d'un consensus avec les acteurs concernés et tiennent compte notamment des particularités physiques, sociales et économiques de leur milieu et de son degré de sensibilité.

Ce faisant, elles contribuent à l'atteinte des objectifs de l'orientation gouvernementale et respectent le principe de développement durable de l'agriculture. Il ne saurait être question d'une application mur à mur de ces paramètres, laquelle est susceptible de conduire à des aberrations autant pour les agriculteurs que pour les autres citoyens ou entreprises. Elle ne favorise pas non plus le développement d'approches novatrices en matière de gestion des odeurs. Il est tout à fait normal qu'un règlement visant à favoriser la cohabitation entre les usages crée quelques contraintes pour l'implantation et l'évolution de ces mêmes usages. De telles contraintes ne peuvent pas non plus s'appliquer qu'aux usages non agricoles, malgré que tous s'entendent pour accorder la priorité aux activités et entreprises agricoles en zone verte.

L'évaluation de l'impact des distances séparatrices sur le développement des entreprises agricoles ne peut se faire de manière autonome. Il faut évaluer leurs possibilités réelles de développement en regard de l'application du Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole. Un grand nombre d'entreprises existantes sont déjà dérogatoires et ne peuvent, de toute façon, s'agrandir ou se modifier de manière importante. Il faut donc analyser chaque cas individuellement et tenir compte du respect des dispositions du règlement avant de prétendre que les normes municipales relatives aux distances séparatrices sont contraignantes. Vous comprendrez donc pourquoi l'UMQ ne peut que déplorer certaines allégations à l'effet que les règlements municipaux peuvent nuire aux possibilités d'expansion des établissements agricoles dérogatoires. Mais peut-être pouvons-nous faire encore mieux.

Aussi, l'UMQ suggère d'utiliser le nouveau pouvoir conféré aux municipalités lors de la modification récente de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Les municipalités peuvent dorénavant régir par zone les constructions et les usages dérogatoires protégés par droit acquis et décréter des règles qui varient selon les catégories. Ainsi, il serait possible d'accorder plus de souplesse aux établissements agricoles dérogatoires dans leur expansion.

L'UMQ propose que les municipalités puissent accorder des dérogations mineures tant pour les établissements non agricoles qu'agricoles par le même processus que pour toutes les autres dérogations mineures. Ce mécanisme présente l'avantage d'avoir de la souplesse dans l'application des règlements de zonage et de lotissement lorsque l'application stricte d'une norme cause un préjudice important à un propriétaire. La loi a aussi prévu un procédé pour le calcul des distances séparatrices relatives aux installations d'élevage qui visent à favoriser une cohabitation harmonieuse des usages en milieu rural. À ce titre, le facteur d'usage permet de prendre en compte la sensibilité du voisinage et d'établir une distinction entre les maisons d'habitation, les immeubles protégés et le périmètre d'urbanisation. Le principe est bon et mérite d'être conservé pour tout le mode de gestion des odeurs.

Cependant, la définition d'immeubles protégés donnée dans l'orientation gouvernementale pourrait être bonifiée. À notre avis, ces immeubles devraient plutôt correspondre à des usages principaux et exclure les usages accessoires comme, par exemple, un bureau à domicile ou un salon de coiffure à même la résidence. Il faut rappeler que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et la loi sur la protection du territoire et des activités agricoles prévoient des mécanismes et des outils réglementaires qui permettent aux municipalités de bien encadrer le développement. Ces lois font aussi en sorte que l'aménagement du territoire se fasse dans le respect de l'orientation gouvernementale.

La Loi sur la protection du territoire agricole vise à favoriser, dans une perspective de développement durable, la protection et le développement des activités et des entreprises agricoles. Une perspective de développement durable ne saurait par ailleurs exclure l'atténuation des inconvénients engendrés par les odeurs des productions agricoles, même si cela peut sembler créer des limitations au développement des activités et des entreprises de ce secteur. Le projet de loi n° 23 est venu confirmer le tout.

Dans un tel contexte, les agriculteurs ne peuvent plus exercer leurs activités sans aucune contrainte, et c'est ce qui les amène à critiquer toute forme d'encadrement réglementaire. Pourtant, c'est le projet de loi n° 23, fruit du consensus atteint en 1995 et endossé par l'UPA, qui est venu encadrer les pouvoirs habilitants de la MRC ou de la communauté urbaine en matière d'aménagement et d'urbanisme afin qu'ils s'arriment aux orientations gouvernementales.

Dans cet esprit, il y a aussi lieu de relativiser le message véhiculé par l'UPA à l'égard du rôle de certains acteurs et de l'aspect contraignant de la réglementation municipale. Tout d'abord, en ce qui a trait à la Commission de protection du territoire agricole, son rôle rencontre les objectifs de la loi. Nous sommes d'avis que la mission de la Commission, qui vise à protéger l'assise territoriale de l'agriculture, devrait demeurer inchangée. Après plus de 20 années d'existence, la Commission a fait la preuve qu'elle assume bien son mandat.

La loi prévoit aussi l'intervention d'un médiateur si un agriculteur considère qu'un règlement municipal d'urbanisme ou de nuisance lui cause préjudice. Lorsqu'il s'agit de la résolution de conflits de toute nature, le processus de médiation s'avère efficace et il a depuis toujours fait ses preuves. L'UMQ estime qu'il faut privilégier cette approche dans la résolution des conflits avec les agriculteurs. Toutefois, il ne faut pas confondre le rôle de médiateur avec celui d'un arbitre. Ce n'est pas au médiateur de juger et de décider qui a raison, ni de déterminer la conformité d'un schéma d'aménagement et de la réglementation municipale à l'orientation gouvernementale. Il existe d'autres mécanismes dans les lois pour ce faire.

Pour ce qui est du Commissaire aux plaintes, rappelons que son rôle en est un de transition. Il examine les plaintes dans les MRC où le schéma d'aménagement révisé n'est pas encore en vigueur. C'est un mandat de médiation qui chevauche celui des médiateurs privés, dont le mandat s'applique au territoire des MRC dont le schéma est déjà révisé. Or, il semble que le Commissaire considère plutôt son rôle comme celui d'assurer la protection et le développement des activités des entreprises agricoles, un peu au même titre que la CPTAQ assure la pérennité d'une base territoriale pour la pratique de l'agriculture.

Le Commissaire actuel, comme son prédécesseur, se voit comme un genre de Protecteur du citoyen et il déborde les limites de son mandat. Le Commissaire aux plaintes n'a pas les compétences ni les ressources pour juger si un règlement municipal est conforme ou pas à l'orientation gouvernementale ou à l'objet de la Loi sur la protection du territoire agricole. C'est pourquoi l'UMQ suggère que ce poste soit définitivement aboli dès le 20 juin 2000, soit à la fin du mandat de trois ans confié par le gouvernement, sans attendre la révision de tous les schémas.

D'autre part, le comité consultatif agricole de la MRC, composé de membres du conseil de la MRC, de producteurs agricoles et de résidents autres que les producteurs agricoles est un excellent outil de concertation et de consultation qui est en train de faire ses preuves. Dans sa forme actuelle, le comité a des pouvoirs d'étude et de recommandation suffisamment étendus. Pour l'UMQ, il ne saurait être question d'en faire un organisme décisionnel. Il ne faut pas subordonner à des tiers les décisions d'aménagement et d'urbanisme des élus municipaux dûment élus et imputables envers leurs citoyens. Il n'est pas inutile de rappeler que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit aussi un mécanisme pour assurer la conformité du schéma de la MRC aux orientations gouvernementales. La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme a également mis en place un système de gouvernance caractérisé par:

1° un partage de responsabilités entre le gouvernement du Québec et le palier municipal;

2° une reconnaissance du caractère politique de la prise de décision;

3° un processus de consultation et de participation des citoyens permettant à ceux-ci de se prononcer sur l'aménagement de leur cadre de vie.

Les schémas d'aménagement et les règlements d'urbanisme sont donc conformes aux priorités des administrations locales et à celles de la collectivité, et c'est dans ce contexte global de l'aménagement qu'il faut resituer la problématique de l'agriculture tout en lui donnant la priorité. Conformément à l'orientation gouvernementale, les administrations locales doivent tenir compte du fait que leur territoire est aussi occupé par des usages non agricoles.

Depuis quelque temps, les choix d'aménagement des MRC et des municipalités sont contestés et font l'objet de querelles et d'incompréhension. Pourtant, ces choix sont conformes à l'orientation gouvernementale. La survie de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles ne doit pas être remise en cause à la lumière des perceptions véhiculant des évaluations pessimistes et peu documentées. Les critiques s'élèvent sur les choix d'aménagement du territoire avant même que le nouveau cadre législatif ait eu le temps de faire ses preuves. Mais, de fait, ce qui est remis en question, c'est la souveraineté d'une assemblée de représentants, les élus municipaux, dont la légitimité est fondée sur leur élection au suffrage universel.

(11 h 20)

L'UPA veut devenir un nouveau centre de pouvoir en milieu rural, ce qui est inacceptable à nos yeux. L'exercice du pouvoir doit être légitimé. Si le pouvoir des conseils municipaux est affaibli au profit d'acteurs qui ne sont pas imputables devant la population, il peut s'ensuivre des conflits sociaux dans plusieurs milieux ruraux. L'UMQ n'est pas contre l'approche de la citoyenneté active mais contre le fait qu'un groupe social ou qu'un lobby, comme celui des agriculteurs, puisse avoir plus de pouvoirs et plus de droits que les autres citoyens du même milieu rural.

L'UPA est animée par l'intérêt particulier de ses membres et c'est son rôle, mais il faut voir les choses dans un cadre plus large et être animé par le souci plus général de l'intérêt de l'ensemble des non-agriculteurs vivant en milieu agricole ou en périphérie de la zone verte, d'où l'importance de conserver le pouvoir et l'autonomie des municipalités en matière d'aménagement et d'urbanisme. Les pouvoirs conférés aux municipalités pour atténuer les impacts associés aux odeurs agricoles ne font évidemment pas l'affaire d'agriculteurs mal préparés à de nouvelles façons de faire en aménagement du territoire. C'est, à notre avis, la lecture qu'il faut faire des problèmes soulevés par l'UPA. Aussi, l'UMQ propose de rétablir le dialogue puis de développer un partenariat entre les municipalités locales, les agriculteurs et les citoyens relativement à la gestion, sur leur territoire, des odeurs provenant des établissements de production animale.

Entre-temps, je le répète, il serait prématuré, deux ans et demi seulement après l'entrée en vigueur du projet de loi n° 23, de conclure, comme le fait l'UPA, à un nécessaire contrôle administratif sur les pouvoirs des municipalités en matière d'aménagement du territoire. Pour l'UMQ, il est décevant qu'un partenaire de l'entente de 1995 remette en cause son adhésion à l'approche de développement durable de l'agriculture et il serait inacceptable que le gouvernement endosse cette façon de faire.

L'UPA doit faire preuve d'un plus grand respect à l'égard des pouvoirs et des responsabilités des municipalités. Elle doit aussi donner du temps aux élus et aux professionnels chargés de réviser des schémas d'aménagement, de s'approprier le nouveau rôle qu'ils ont à jouer dans la protection du territoire et des activités agricoles de leur région.

Nous sommes aussi d'avis qu'il faut améliorer la concertation entre les divers intervenants locaux et régionaux et procéder à une plus grande décentralisation des ressources financières pour que les MRC puissent mieux assumer leur rôle en la matière. Le gouvernement doit encourager la pratique de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire par des expériences-pilotes dans les MRC: des conférences, des séminaires, l'élaboration de guides à l'intention des professionnels à l'aménagement et de la formation.

Il faut avoir à l'esprit que, pendant que les instruments d'urbanisme se raffinent, les intervenants du monde municipal doivent développer leurs expertises et bonifier leurs façons de faire. Les producteurs agricoles doivent aussi accepter de jouer le jeu de la concertation. Si ces situations de confrontation entre les agriculteurs, citoyens et municipalités perdurent, on ne pourra qu'assister à l'exacerbation des conflits dans différents milieux. D'ici un an, peut-être un peu plus, nous souhaitons pouvoir dire que tous les acteurs concernés, y compris les agriculteurs, auront fait face ensemble aux défis de l'aménagement du territoire et de la protection du territoire et des activités agricoles et que nous relèverons ces défis ensemble pour encore au moins 20 ans. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant le député de Beauce-Nord à débuter l'échange. Non? Le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Laframboise et votre groupe. À la page 15, vous nous dites que «l'UPA prétend que de nombreux établissements agricoles existant avant l'entrée en vigueur de la loi n° 23 sont bloqués dans leurs projets d'expansion par l'application des normes municipales et des distances séparatrices».

L'UPA, dans son mémoire, est venue nous dire que ça allait jusqu'à 50 %. Je cite M. Lacasse: «Le régime actuel empêche le développement de plus de 50 % des entreprises dans les rangs et même les villes et villages du Québec.» Vous dites que c'est un constat qu'ils ont fait, eux, qu'ils nous mettent en lumière. Étant un député justement de 36 municipalités dites rurales de mon comté, c'est bien sûr que... Qu'est-ce que vous faites avec un établissement qui est là depuis trois générations – vous savez que le périmètre urbain a tendance à s'agrandir et non pas à se rapetisser, donc ce n'est pas une exception dans Lotbinière – et que cette personne-là se retrouve enclavée par une vingtaine de propriétaires, et qu'il veut agrandir et qu'il doit avoir une vingtaine de servitudes à faire signer par acte notarié?

Vous dites, dans le deuxième paragraphe, à la fin: «Cependant, l'orientation gouvernementale permet une expansion pour les entreprises agricoles existantes ainsi que la possibilité de remplacement du type d'élevage.» Vous savez bien qu'une ferme laitière de troisième génération ou de quatrième génération, ils veulent faire encore... Là, vous leur proposez de dire: Bon, changez d'élevage. Faites du boeuf, vous n'aurez pas de problème. Mais ces gens-là veulent s'agrandir pour faire de la production laitière. Donc, c'est quoi, la solution que vous proposez? Parce que je regardais, contrairement à l'autre mémoire, vous déclarez des choses, mais vous n'avez pas de proposition. Quelle serait votre proposition en ce sens-là?

M. Laframboise (Mario): Bien, loin de dire qu'on n'a pas de proposition, ce qu'on vous soulève, par dérogation mineure: les nouvelles modifications à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme nous permettraient de protéger des droits acquis par dérogation mineure. Donc, ça permettrait à des municipalités, avec le consentement du milieu, d'en arriver à une situation de concertation.

M. Paré: Qu'est-ce que vous voulez dire par «consentement du milieu»?

M. Laframboise (Mario): Bien, la procédure de dérogation mineure, vous y allez par comité consultatif en urbanisme, la demande est adressée, puis le Conseil statue, donc il n'y a pas de processus de référendum ou autre, on fait la modification, c'est autorisé, puis ça passe au Conseil, puis c'est fini. Mais tout ça se fait avec la concertation du milieu. Si vous me dites: Quelqu'un qui a des droits acquis va pouvoir et devra de façon éternelle avoir la possibilité de transformer une ferme familiale en industrie, il y a un problème qui ne se réglera pas, puis j'espère que ce n'est pas vous qui allez le régler.

C'est-à-dire que, à quelque part, il faut comprendre que les fermes ont tendance à devenir des industries. Et, même dans nos parcs industriels, nous-mêmes, on interdit, dans des secteurs, les industries de s'agrandir. Ils changent de terrain, ils changent de parc industriel. Donc, il y a une réalité, là. Face à la croissance de l'agriculture, une croissance normale d'une ferme familiale, ça va, mais, quand on veut transformer des fermes familiales en industries, bien, il y a des secteurs pour ça puis il faudra le voir, là. Et, quand on en a discuté, parce que j'étais membre de la commission Ouimet, on en a parlé, de tout ça, avec les agriculteurs, aujourd'hui ce qu'on veut, c'est justement avoir un droit acquis pour des usines agricoles de s'installer partout. Ça ne marchera pas, là.

Pour le reste, les lois qui sont là présentement peuvent permettre les agrandissements, et tout ça, puis on peut y aller par dérogation mineure. Mais il faut comprendre puis il faut s'entendre sur qu'est-ce qu'est l'agrandissement qui est proposé.

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. M. Laframboise, je vais poursuivre un peu dans ce que vous venez d'aborder, avant de passer à mes autres questions, parce que ça me paraît être majeur, comme questionnement.

Entre autres choses, on se souviendra que, lors du Forum des décideurs en agriculture – je pense que vous étiez aussi à la table, si je ne me trompe pas – il y a des objectifs de développement que l'ensemble du monde agricole s'est donnés, et on retrouvait un petit peu partout la volonté de doubler la production agricole au cours des prochaines années. Il y a des gens qui commencent à se questionner sur ces objectifs de développement qui sont majeurs, et la capacité qu'on aura de gérer ce développement de la production. Vous parliez de la ferme familiale, qui est en train de devenir une ferme de nature plus industrialisée. Et donc ça soulève un point qui n'a pas été souvent abordé sur comment on va gérer cette croissance-là sur le territoire pris dans son ensemble, et qui dans le fond va être le maître d'oeuvre, qui va le faire.

On commence à retrouver d'ailleurs des articles. Je voyais Louis-Gilles Francoeur, dans Le Devoir , dernièrement, qui questionnait une étude qui a été faite à M. Georges Gangbazo, ingénieur, sur les écosystèmes, qui pose certaines questions sur lesquelles ça vaut la peine de s'arrêter. Et celle que vous posez m'apparaît aussi être très importante. Et ma question à votre endroit, ça va être de savoir, de votre côté, en tant qu'union municipale: Est-ce que l'État, le gouvernement du Québec, d'une façon ou d'une autre, a déjà abordé ouvertement cette question de la gestion de l'ensemble du territoire par rapport aux objectifs maintenant avoués, et du gouvernement et des principaux acteurs du secteur agricole, de provoquer une véritable explosion du secteur agricole?

Tout ce qui sous-tend ça, en termes de gestion du territoire, est-ce que ça a été l'objet de bons débats, de choses qui auraient pu conduire le gouvernement à se pencher sur comment il compte arriver à s'assurer d'une gestion qui va tenir compte d'un développement durable puis qui va tenir compte également de tout l'aspect social de ce développement-là? Est-ce que c'est des choses qui sont discutées avec vos unions municipales, avec la vôtre en particulier?

(11 h 30)

M. Laframboise (Mario): Bien, écoutez, on pensait que oui, on pensait que tout le débat sur le projet de loi n° 23 et tout avait donné lieu à une grande discussion sur les ouvertures et les contraintes et le droit aux agriculteurs de produire. On a introduit le droit de produire, ce qui nous enlevait finalement, à nous, ce qui nous enlève beaucoup de possibilités quant au zonage de production.

Je vous écoutais, tantôt, parce que je suis arrivé un petit peu... Vous allez probablement revenir là-dessus, mais l'objectif de la loi n° 23, c'est justement d'être capable, dans un cadre réglementaire, de permettre aux agriculteurs de produire, oui, en zone agricole, en imposant certaines restrictions. Mais là aujourd'hui ce dont on s'aperçoit, c'est... Et, nous, en imposant des restrictions, ça enlève d'autant plus aux municipalités le droit d'intervenir de façon réglementaire. Quand le gouvernement, lui, établit des normes, ça nous enlève, à nous, le pouvoir d'en établir d'autres.

Donc, on a accepté de jouer le jeu. Le problème, c'est qu'il y a des règlements puis il y a des normes, et ça, ça a des contraintes. Et, vous, votre question, vous nous dites: Est-ce qu'on adopte tout de suite? Parce que finalement le Sommet de l'agriculture est arrivé après la modification de la loi, et là, évidemment, on s'aperçoit que les demandes ou les exigences gouvernementales sont grandes, on veut supporter de façon plus importante l'agriculture. Mais est-ce qu'on a pensé aux inconvénients que sont l'environnement et la pollution que peuvent occasionner ces fermes-là qui sont les plus grands pollueurs au Québec présentement?

Donc, nous, on a cette contrainte-là, on se doit, nous, d'intervenir dans le respect des intérêts de tout un chacun. Et là-dessus, on nous pose des questions: Est-ce que vous êtes en train de nous dire, les municipalités, qu'on ne peut pas agrandir une ferme? Non, on veut permettre aux gens d'avoir un agrandissement harmonieux. Mais notre problème, c'est où on n'a jamais tiré la ligne, c'est quand une ferme devient une industrie. Et, quand une ferme devient une industrie, bien, écoutez, avec toutes les normes qu'on a imposées, nous, les municipalités, avec l'aide du gouvernement, aux industries au Québec, j'espère qu'on va ensemble essayer, pour l'industrie de l'agriculture, d'avoir des normes qui sont tolérables pour le voisinage. Et tout est là, et ça, je pense qu'il y a lieu d'avoir des débats de façon plus importante là-dessus, où on peut tirer la ligne.

La dérogation mineure que, nous, on voit puis qu'on peut permettre dans les municipalités, bien, probablement qu'il y a quelques grands projets qui vont avoir des problèmes avec le règlement sur les dérogations mineures. En tout cas, oui, je voyais la Fédération québécoise qui proposait tantôt des modifications aux orientations – on est d'accord d'ailleurs dans notre mémoire – vous allez comprendre qu'on est d'accord, il devrait y avoir de nouvelles orientations.

On a considéré les distances par rapport aux types d'immeubles protégés, on est prêt à revoir les définitions pour permettre une meilleure intégration en immeubles protégés. On est conscient qu'un vendeur d'équipement agricole, ce n'est pas le même type qu'une résidence. On est prêt à avoir une ouverture sur une définition plus importante ou plus spécifique des immeubles protégés. On est prêt, on est conscient que cette directive-là amène des contraintes puis on est prêt à les regarder, mais, par contre, si l'objectif, c'est de permettre aux industries agricoles de s'installer n'importe où sans contrainte, on a un problème.

M. Vallières: Quand vous faites référence à l'étude américaine sur les odeurs, où on dit que les voisins des grandes porcheries souffrent plus d'anxiété, de dépression, ressentent plus de fatigue, sont plus irritables, manifestent plus de confusion, ont moins de vigueur et présentent des troubles de l'humeur de manière plus significative que le reste de la population, on parle de détresse psychologique, à ce moment-là, est-ce que vous faites allusion à des mégaporcheries? On parle de production de plus de 20 000 porcs. Est-ce que vous avez recensé le nombre d'industries de cette nature-là, combien il pourrait y en avoir au Québec et les entreprises de cette dimension-là?

M. Laberge (Jacques): D'abord, on parle dans l'étude québécoise, celle-ci, de 20 000 porcs, mais dans une municipalité, pas par établissement.

M. Vallières: Bon. O.K. Puis est-ce que vous croyez vraiment à ça, quand vous dites ça, que les gens subissent une détresse psychologique? Parce que ça fait sourire, dans les milieux ruraux, quand vous utilisez ça. Je vais vous le dire, ça peut être quelque chose auquel vous référez avec beaucoup, vous autres, de sérieux, mais, quand on l'utilise à la campagne, je vais vous dire une affaire, ça ne passe pas l'examen, là.

M. Laframboise (Mario): Non, non, non, mais écoutez, de toute façon, c'est des données qui ont été fournies par le ministère de l'Environnement, hein, c'est ça?

M. Laberge (Jacques): Bien, ce que je pourrais vous dire là-dessus, c'est qu'il faut comprendre que c'est souvent une question de perception, on n'a pas tous la même sensibilité aux odeurs. Pour certains groupes de la population, c'est un inconvénient normal, puis, pour d'autres, ça signifie quelque chose de très problématique au point de vue de la santé psychologique. On n'est pas tous pareils, on ne réagit pas tous de la même manière si on est exposé à des mêmes stimuli. Alors, il faut comprendre qu'il y a une portion de la population qui souffre effectivement – puis ça, ce sont des études à caractère épidémiologique qui sont statistiquement significatives – et je comprends que pour certains ça puisse faire sourire, mais les faits sont là.

M. Vallières: Bien, moi, je peux vous dire que ce n'est pas un élément qui va me convaincre, en autant que je suis concerné, ça peut être un des éléments qu'on apporte. On a déjà eu d'autres commissions parlementaires où ça a été apporté, sauf qu'en campagne il faut s'attendre à ce que, à un moment donné, il y ait des odeurs. Il y a le niveau de sensibilité qu'on vous a indiqué, là, mais je pense qu'il faut être prudent. Le message que je veux vous dire, c'est qu'il faut être prudent par rapport à ce véhicule-là, d'indiquer qu'il y a de la détresse psychologique. En tout cas, moi, je n'ai pas souvent des gens qui se sont présentés à mon bureau de comté puis qui ont dit qu'ils étaient en détresse à cause des odeurs. Les gens, évidemment, s'en plaignent. Mais, pour un, ce n'est certainement pas un argument que j'utiliserais, en autant que je suis concerné.

Il y a aussi dans votre mémoire quelque chose qui est important, parce que vous parlez de la gouvernance, à un moment donné. Ça, je pense que ça vaut le coup de le soulever. En page 29 de votre mémoire, en particulier, vous parlez de la souveraineté des élus municipaux. Moi, ça m'intéresse de vous entendre parler de ça, comme beaucoup, parce qu'on a un peu d'ambivalence, quand on est élu puis qu'on parle de ça puis qu'on veut représenter l'ensemble des gens, par rapport à ce qu'on entend du côté du milieu agricole puis par rapport à des élus municipaux qui détiennent un mandat de la population, en bonne et due forme, puis sont des élus puis sont là pour prendre des décisions pour l'ensemble de la population. Alors, à la page 29, il y a deux paragraphes, moi aussi, que... Dans le fond, vous dites: C'est aux élus à prendre ces décisions-là, ils ont une légitimité qui est fondée sur une élection au suffrage universel.

Mais, en même temps, c'est comme si... Ce n'est pas comme si, vous dites que c'est vraiment une guerre qui est entreprise de la part de l'UPA pour occuper plus de territoire, plus d'influence, vous les taxez comme étant un puissant lobby. C'est un puissant lobby qui fait valoir d'abord les intérêts des producteurs. Donc, ça sous-tend que l'UPA, finalement, dans les représentations qu'elle fait, que cette Union-là fait au nom de l'ensemble de ses producteurs, ne tient pas compte de l'ensemble de la population. Ça me paraît être une charge importante au niveau de la crédibilité de l'UPA.

Quand ils viennent en commission, en tout cas, nous autres, c'est des gens qu'on écoute comme beaucoup, c'est des gens qui représentent le monde agricole. Et puis, là, il y a une union municipale qui est loin d'être négligeable, qui est la vôtre, qui vient nous dire... C'est comme si vous nous disiez: Mais faites attention parce que ces gens-là, quand ils vous parlent, ne parlent pas au nom de l'ensemble, véritablement pas, puis ils sont carrément biaisés par rapport aux intérêts qu'ils représentent. J'aimerais un petit peu vous entendre.

Il y a un paragraphe, en tout cas, que j'ai trouvé très agressif, où on dit que l'UMQ n'est pas contre l'approche de la citoyenneté active mais contre le fait qu'un groupe social ou qu'un lobby comme celui des agriculteurs puisse avoir plus de pouvoir et plus de droits que les autres citoyens du milieu rural: «L'UPA est animée par l'intérêt particulier de ses membres et non par le souci plus général de l'intérêt de l'ensemble de nos agriculteurs vivant en milieu agricole ou en périphérie de la zone verte, d'où l'importance de conserver le pouvoir et l'autonomie des municipalités en matière d'aménagement et d'urbanisme, le tout dans le respect des orientations gouvernementales.»

Je vais vous dire une affaire, là: Ici, on n'est pas des arbitres, mais on va avoir des décisions à prendre. C'est parce que ça s'oppose diamétralement par rapport à ce qu'on entend ailleurs, et puis le législateur devra, puisqu'il va intervenir dans les orientations gouvernementales, possiblement à l'intérieur de la loi n° 23 révisée... C'est comme si on... Il me semble, moi, là, qu'on vient de creuser un fossé très large entre les parties, quand j'entends des choses comme celles-là. Alors, j'aimerais peut-être que vous articuliez un petit peu votre position là-dessus pour qu'on voie si ça correspond bien à ce que j'ai compris.

M. Laframboise (Mario): Oui, je vais répondre à... D'abord, vous aviez deux questions. Face au stress de la pollution par les odeurs, je me dois de vous dire que je le vis personnellement. D'abord, je suis maire d'un petit village, Notre-Dame-de-la-Paix, qui est le territoire avec la plus forte concentration de producteurs de pommes de terre en Outaouais, dans l'ouest du Québec.

Donc, nous vivons depuis trois ans le stress de l'épandage des matières exogènes à la ferme, c'est-à-dire les boues d'usines, qui ont envahi les champs. Ça, si vous pensez que ce n'est pas un stress, vous viendrez voir, vous allez comprendre: des citoyens qui n'ont jamais senti aucune odeur de leur vie qui se ramassent, depuis trois ans, avec des problèmes de matières exogènes à la ferme qui ont des odeurs aussi importantes que les productions porcines.

(11 h 40)

Donc, si vous pensez que ce n'est pas un stress, nous, on vit en milieu agricole, puis je peux vous dire que c'est un stress pour ceux qui apprennent ça du jour au lendemain, qu'ils vont passer leur vie avec des odeurs comme ça. Et nous avons considéré, dans la MRC de Papineau, les matières exogènes à la ferme de la même façon que les fumiers et les lisiers. Donc, notre réglementation de MRC considère ces matières-là de la même façon que les fumiers et les lisiers. Et on a une réglementation en conséquence et on ne fait pas de zonages de production.

On les permet, mais il y a des distances séparatrices, et, je peux vous le dire, elles vont être maintenues tant que j'aurai un souffle de vie. Parce que, moi, je le sens puis je le sais que ma population est stressée depuis trois ans. Et ça, là, pour quelqu'un qui les a toujours sentis, peut-être que vous allez me dire ça, mais pour ceux qui ne les sente pas... Et le «sentage», je ne suis pas sûr que ça ne s'en va pas... surtout avec la concentration, de la façon dont ils traitent maintenant la concentration et tout ça, je ne suis pas sûr qu'on s'en va en s'améliorant avec les nouvelles technologies. Je pense que, face à l'intensité des odeurs dans certains secteurs de l'année, il y a un petit plus de stress. Pour la...

M. Vallières: Excusez-moi une minute, M. Laframboise. Ces boues d'usines là dont vous parlez, est-ce que c'est quelque chose auquel on risque d'assister à la généralisation sur le territoire québécois?

M. Laframboise (Mario): Ah! moi, j'ai l'impression, là. D'ailleurs, il y avait un colloque qui s'est tenu au Château Montebello, justement cette semaine, qui était provincial. Vous allez avoir évidemment toute une pression de la part de l'industrie qui veut essayer de se débarrasser de ses résidus de boues d'usines puis ça lui permet... Écoutez, je ne suis pas convaincu de...

Il y a tout un suivi à faire là-dessus, mais je peux vous dire que, sur notre territoire, ça occasionne des problèmes d'odeurs très importants puis c'est comparable au lisier de porc au point de vue intensité de senteur, et tout ça, et c'est d'ailleurs pourquoi on les a réglementés de la même façon. En tout cas, c'est pour ça que je vous dis que le stress, ce n'est pas évident qu'il n'y en a pas. En tout cas, moi, je vous le dis, et j'en suis un, puis... Ça me stresse moins que le gouvernement par les temps qui courent, mais ça me stresse quand même.

M. Vallières: Dans ce cas-ci, ce n'est pas de la récupération de boues occasionnées par des producteurs agricoles, c'est un autre type d'usine?

M. Laframboise (Mario): Des usines et des papetières.

M. Vallières: Des papetières. O.K.

M. Laframboise (Mario): Oui. Excusez, là, des usines et des papetières.

Face à votre deuxième question concernant la gouvernance, bien, écoutez, ce qui est décevant pour une organisation municipale qui a participé très activement aux modifications à la loi n° 23, qui a participé très activement au Sommet de l'agriculture, à tous les comités depuis 1995, où on avait une entente avec le milieu agricole, c'est ça qui est décevant, là, c'est que la gouvernance, ce dont on s'aperçoit, c'est que les agriculteurs nous ont amenés dans un entonnoir avec la complicité du gouvernement. Puis c'est ça qui est frustrant pour le monde municipal.

Nous avions notre privilège de réglementer ce qui s'appelait, pour plusieurs dans le milieu de l'agriculture, le «zonage de production». Et, peu importe ce que vous en pensez, cette procédure-là a été torpillée, et de façon volontaire, par le milieu municipal. On a accepté que la loi n° 23, par le zonage de production, que la réglementation et les orientations gouvernementales, les règlements sur les nuisances, et tout ça, soient modifiés de façon concertée pour qu'on puisse essayer d'avoir une certaine structure de conciliation sur le terrain, comme la création des comités consultatifs agricoles, et tout ça.

On s'aperçoit aujourd'hui que, finalement, tout ce que voulait l'Union des producteurs agricoles, c'est enlever le pouvoir de réglementer aux municipalités, puis c'est ça qu'ils vont continuer à faire, ils vont toujours vous demander d'enlever aux municipalités le pouvoir de réglementer pour que ça vienne de façon provinciale, de façon à nous neutraliser complètement. Et ça, là, c'est la pire des solutions qui pourrait arriver au milieu agricole à long terme. Ça va les aider à court terme, mais ce n'est pas vrai que la population va se laisser faire, ce n'est pas vrai que vous allez installer des usines agricoles près des périmètres urbains sans qu'il y ait une norme pour contrôler la pollution d'origine agricole qui soit efficace.

Je vous le dis, ça n'a pas fonctionné avec la grande industrie. Vous avez dû, le gouvernement, imposer des normes tellement sévères que vous avez même perdu des industries. Et vous allez faire la même chose avec l'agriculture? C'est impensable, là. Laissez donc les gens sur le terrain. Modifions. Puis on vous le dit: Les orientations sont probablement... Puis la FQM, on est d'accord avec elle. On devrait être capable de modifier les orientations pour qu'il y ait une meilleure adaptation puis que ce soit plus conciliant, mais laissez les discussions se passer sur le terrain.

Ce n'est pas vrai, là... Quand on a la pollution en jeu, c'est faux de dire que vous allez être capable de contraindre une partie des citoyens à faire imposer leurs odeurs aux autres citoyens. C'est faux, ça. Vous allez avoir le problème, puis c'est un faux débat, puis ça va revenir ici.

Donc, nous, on pensait, en 1995, avoir une entente, et là, pour toutes sortes de raisons, c'est encore une demande de l'Union des producteurs à ce que ça se règle par le gouvernement, sans discussion avec le milieu. Même la commission parlementaire, ce n'est pas nous qui vous l'avons demandée. On vient parce que vous nous invitez, mais ce n'est pas à notre demande, là.

C'est vrai que les schémas d'aménagement, on a de la difficulté à les faire adopter, mais ça, c'est la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Quand on vient pour adopter un schéma, il y a tellement de ministères qui ont de commandes à passer qu'on passe notre temps à essayer de s'entendre avec les ministères et c'est eux qui retardent. Parce que, face aux orientations en matière agricole, dites-vous bien qu'on les aurait adoptées. S'il y a demande de la FQM face au règlement de contrôle intérimaire, nous, s'il y a une demande, on est d'accord avec ça, qu'on puisse adopter un règlement de contrôle intérimaire.

Nous, on pensait sérieusement qu'on pouvait même le faire dans le cadre de la loi actuelle. Je vous le dis, là. On pensait sérieusement qu'on pouvait le faire. S'il y a une contrainte à ne pas le faire, on est d'accord avec la FQM qu'on devrait permettre des règlements de contrôle intérimaire qui seraient d'application beaucoup plus facile, spécifiquement pour le volet agricole. Allons-y, mais allons-y avec une discussion sur le terrain. Arrêtez d'imposer. Vous ne serez pas gagnants à long terme. Ce n'est pas vrai que vous allez imposer des odeurs aux citoyens. Oubliez ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je pourrais peut-être vous donner un point d'éclaircissement, si M. le député de Richmond me le permet. Comme commission, lorsqu'on a décidé au printemps dernier de se donner un mandat d'initiative qui était de visiter le Québec, d'aller voir des fermes, d'aller voir ce qui se passait, sur une quinzaine – et mes collègues me corrigeront – qu'on a faites en trois jours, ça a été à l'unanimité ou presque qu'on s'est fait dire par des producteurs et non par l'UPA, par des producteurs, qu'il y avait des problèmes majeurs. Et, lorsqu'on est revenus, c'est à partir de là qu'on s'est dit – la loi a trois ans, je pense, de faits: À l'intérieur de notre mandat, on va étudier cette question-là parce que ça nous apparaît avoir des urgences. Et là je parle de l'ensemble de la loi n° 23. Alors, c'est comme ça qu'est arrivé ce travail-là qu'on fait actuellement.

Vous êtes quand même à peu près les premiers à dire qu'il y a des problèmes. On aurait pu laisser tout ça faire parce que tous ceux et celles qu'on a rencontrés jusqu'à maintenant... Parce que, nous, notre travail est beaucoup plus élargi que ça aussi, on analyse en même temps les cinq sociétés de l'État, la protection du territoire, etc. Et, moi, pour avoir entendu tout le monde jusqu'à maintenant, je peux juste vous dire que les membres de la commission prennent ça très, très au sérieux. Et, quand j'entends ce matin le premier groupe municipal dire quelque chose et vous autres dire autre chose, on va avoir une grande réflexion à faire parce qu'on les reçoit, nous autres aussi, les citoyens, chez nous, et les problématiques sont vraiment très, très sérieuses.

Continuez, M. le député. Je voulais juste vous expliquer comment on en est arrivé là. Et là, actuellement, on ne sait plus quand on va arrêter parce que les groupes nous appellent pour nous rencontrer, dont le Barreau qui attend notre réponse et un groupe du Bas-Saint-Laurent. Alors, il y a sûrement un très, très sérieux problème qui est urgent.

M. Vallières: Oui. M. Laframboise, est-ce que l'UMQ a été rencontrée par Me Brière?

M. Laframboise (Mario): Les fonctionnaires ont été rencontrés, et je devrais dîner ce midi avec Me Brière.

M. Vallières: Bien. À l'intérieur du mémoire qui nous a été présenté par la Fédération québécoise des municipalités, tantôt, il a été question de la gestion de la zone agricole par les conseils métropolitains. La ministre, Mme Harel, a annoncé son intention de retirer aux municipalités régionales de comté comprises dans les régions métropolitaines de recensement de Montréal, de Québec et de Hull la responsabilité de l'aménagement du territoire et de la confier aux conseils métropolitains dès le 1er janvier 2001.

J'aimerais savoir comment... D'abord, est-ce que vous êtes d'accord avec ce que Mme Harel vous demande? Et est-ce que vous partagez le point de vue de la Fédération des municipalités du Québec qui dit que: Le schéma d'aménagement sera ainsi contrôlé par les urbains, et l'on peut s'inquiéter de la place qu'il fera aux préoccupations d'aménagement du territoire agricole, et surtout de la compréhension qu'auront les décideurs de cette problématique? Comment est-ce que vous vous situez par rapport à cette réaction, si on veut, de la FQM par rapport à l'intention annoncée de Mme la ministre?

(11 h 50)

M. Laframboise (Mario): Nous étions d'accord avec le pouvoir d'aménagement transféré aux conseils métropolitains, mais j'avoue que, face au volet agricole, il y aura lieu de se questionner. D'abord, les MRC vont demeurer, donc il n'y a pas de disparition des MRC, là. Il faudra apporter une attention bien spécifique face à ce volet-là parce que la discussion qu'on avait à l'époque face aux conseils métropolitains, c'était via l'intégration de l'aménagement du territoire, puis ça, toujours dans l'expectative de l'étalement urbain. Donc, il n'y a jamais eu de questionnement face au volet de l'agriculture et de la primauté du conseil métropolitain face à la MRC dans le cadre de l'agriculture.

Ce qui était l'orientation du conseil métropolitain, c'était surtout le volet étalement urbain qui faisait que, étant donné que les schémas d'aménagement des MRC ou communautés urbaines du Grand Montréal n'étaient pas intégrés ou discutés, à ce moment-là ça occasionnait un problème face à l'étalement urbain.

Donc, je me dois d'être d'accord avec la FQM face au volet agricole parce que, vraiment, dans les discussions qu'on avait, face à la structure de conseil métropolitain, on ne s'était jamais arrêté sur le problème relié à l'agriculture. Et je n'ai pas l'impression que le conseil métropolitain devrait avoir cette responsabilité-là.

La responsabilité du conseil métropolitain, c'est plutôt l'aménagement avec une concentration d'efforts sur l'étalement urbain qui peut avoir des implications sur la zone agricole. Vous allez comprendre que, si on freine l'étalement urbain, on discute des répercussions sur la zone agricole. Mais, face à l'utilisation en zone agricole, je n'ai pas l'impression que ce pouvoir-là devrait être transféré au conseil métropolitain; on devrait carrément le laisser à la MRC, quant à moi.

M. Vallières: Je vous remercie de ces précisions. Ça pourra certainement être utile pour la commission.

Ce que j'ai cru décoder dans une partie de votre mémoire, c'est que vous disiez que, finalement, les critiques se lèvent, on dit, sur les choix de l'aménagement du territoire avant même que le nouveau cadre législatif ait fait ses preuves. C'est comme si vous nous disiez, après deux ans d'application: Laissez donc la chance à la loi, au cadre législatif réglementaire de faire ses preuves. C'est comme si vous nous disiez: Bien, ce délai-là d'application, ce n'est pas une période assez longue pour porter un jugement de valeur sur son niveau d'efficacité. Un peu comme le président l'indiquait par ailleurs.

Nous, quand on va sur le territoire, on a l'impression, en tout cas, que c'est un problème qui est majeur puis qu'il faut vraiment que le législateur fasse quelque chose pour le solutionner. Mais, en même temps, c'est comme si vous nous disiez... Je décodais là-dedans que vous nous disiez que c'est le statu quo pour vous autres, pour l'instant. Ce que vous aimeriez, c'est qu'on laisse faire la loi puis que, un peu plus tard, on y revienne. Est-ce que je me trompe?

M. Laframboise (Mario): Écoutez, on a décidé de jouer le jeu de la loi actuelle. Notre problème, c'est que, tant que les MRC n'ont pas adopté leur nouveau schéma d'aménagement, on est toujours sur les anciens. L'orientation n'est pas intégrée aux anciens schémas d'aménagement.

Donc, vous avez présentement seulement 10 MRC qui ont adopté des nouveaux schémas, donc qui ont les nouvelles orientations dans leur réglementation, et il y en a 86 qui ne les ont pas. Donc, notre problème, c'est... On vit avec ces modifications qui vont tomber probablement d'ici quelques années et, en attendant, c'est pour ça que la proposition de la FQM de dire: Adoptons les règlements de contrôle intérimaire pour les MRC qui n'ont pas adopté leur nouveau schéma, c'est une solution.

Moi, je vous le dis, je pensais personnellement qu'on pouvait le faire, puis on va vérifier ça au point de vue juridique. Parce que t'as toujours la possibilité, en attendant l'adoption d'un nouveau schéma, d'adopter un contrôle intérimaire qui pourrait s'appliquer. Mais tout est là.

C'est pour ça que, nous, on dit: Attendez. Quand les nouveaux règlements seront adoptés par les MRC, moi, je pense qu'il va y avoir beaucoup d'atténuation de tout ce dont on se parle aujourd'hui. Le problème, c'est que les communautés et les municipalités, qui ne sont pas obligées de modifier leurs règlements avant les modifications au schéma, vivent sur leurs anciens règlements puis font toujours du zonage de production en attendant. C'est ça, la réalité du Québec. On a un processus de Loi sur l'aménagement et l'urbanisme qui fait des modifications importantes, mais ça prend du temps, et ça, je ne peux qu'être comme mon collègue de la FQM. Ça prend du temps, puis ce n'est pas de notre faute.

Si vous saviez les demandes de modifications que chacun des ministères intègre puis qu'est-ce que ça a comme impacts sur les travaux. C'est ça, le problème. Le problème, c'est que chacun des ministères a toutes ses commandes à passer au monde municipal, puis Dieu sait qu'ils veulent se décharger par les temps qui courent! Donc, on les a tous, un par un, puis on vit avec, puis on essaie d'adapter, puis on propose des contre-propositions, puis ça fait que les schémas ne sont pas adoptés.

M. Vallières: Mais les règlements de contrôle intérimaire, les municipalités peuvent. Donc, il y en a qui sont en latence présentement, qui disent, bon... Il y en a qui ne se pressent pas face à ça. Est-ce que vous verriez que ça soit rendu vraiment obligatoire, par voie de directive, que ces règlements de contrôle intérimaire, et ça devrait s'opérer sur quelle période de temps, selon vous, pour que l'ensemble soit fait, pour que ce soit efficace?

Une voix: Jean.

M. Bissonnette (Jean): Oui. Il faut dire que ça n'a pas été habituel, dans les orientations gouvernementales, à d'autres niveaux, par le gouvernement, par les années passées. Comme M. le président disait, effectivement, quand le gouvernement décide de certaines orientations, le temps que ça soit intégré au schéma d'aménagement, ça prend plusieurs années pour qu'elles soient révisées, les deux ans qui suivent pour les intégrer au règlement d'urbanisme des municipalité locales. Donc, avant qu'une orientation gouvernementale soit applicable au citoyen lorsqu'il demande un permis de construction, on parle de plusieurs années, là, facilement entre cinq et 10 années. Si le gouvernement veut faire plus vite pour certaines orientations gouvernementales, il aura d'autres moyens pour ce faire.

Mais, dans le cadre actuel, comme M. le président le disait, il y a 10 schémas d'aménagement révisés en vigueur. La plupart des municipalités de ces 10 MRC là n'ont même pas encore révisé à leur tour leur règlement d'urbanisme. Donc, on parle aujourd'hui d'à peine 1 % des municipalités locales du Québec qui ont intégré dans leur règlement d'urbanisme les orientations gouvernementales en matière agricole. C'est sûr que certaines parties ont été adoptées par décret, là, au niveau des normes, mais il faut le temps que ça prend.

Et le temps qu'on puisse l'appliquer, que des MRC proposent au gouvernement certaines adaptations, selon leur milieu, des orientations gouvernementales... Parce que l'intégration dans les schémas d'aménagement peut se faire de façon différente – dans Papineau, face à la MRC voisine, Argenteuil – et, à ce moment-là, c'est le gouvernement qui accepte ou qui refuse cette intégration-là au schéma d'aménagement. Et, par la suite, dans les règlements d'urbanisme, ça peut différer aussi.

Donc, le temps que tout le monde travaille, que ça soit intégré, laissons le temps au milieu de travailler, d'essayer, de se tromper, de recommencer. Mais, grâce à cette application-là, grâce au travail qui sera fait, là, on sera en mesure de bien juger des modifications à faire.

M. Laframboise (Mario): À la question: Est-ce qu'on pourrait forcer les MRC à adopter des règlements de contrôle intérimaire? Le gouvernement peut tout faire. Espérons qu'il va le négocier avec le milieu municipal, cette fois-ci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y a une question que j'ai de la misère à comprendre. Êtes-vous en train de nous dire que – je ne veux pas revenir sur votre dernière allusion, là, on commence à être habitué à ça, ces petites allusions-là – un pourcentage très élevé des municipalités et des MRC ne peuvent pas finaliser à cause des différentes directives des différents ministères? C'est ça que vous êtes en train de dire?

M. Laframboise (Mario): C'est clair, parce que, nous...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quel est le pourcentage que vous mettriez là-dessus?

M. Laframboise (Mario): Bien...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ils parlent d'à peu près 100 % ou presque, là?

M. Bissonnette (Jean): Bien, il y a 10 schémas d'aménagement sur une centaine ou près, là, qui sont en vigueur. Donc, il y a plusieurs MRC où on se rend compte, mes confrères et mes consoeurs, qu'elles sont prêtes, sauf que... Effectivement, les orientations au niveau agricole sont relativement claires, certaines adaptations sont possibles. Donc, ce n'est pas à ce niveau-là que souvent les schémas d'aménagement révisés retardent, mais il y a d'autres demandes au niveau sécurité publique, d'autres demandes au niveau du transport, d'autres demandes... La liste d'épicerie, comme M. le président parlait, est importante.

Donc, quand les autres ministères font des demandes, il faut le temps que ça soit intégré, le temps que ça soit négocié, et ça retarde de façon importante l'adoption et l'entrée en vigueur des schémas d'aménagement et par le fait même les autres orientations qui sont peut-être plus claires et mieux définies par le gouvernement. Tout est adopté en bloc, donc il faut attendre que le schéma d'aménagement révisé soit en vigueur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et, selon vous autres, comme l'autre union qui vous a précédés, ça justifierait qu'on encourage un règlement de contrôle intérimaire.

M. Laframboise (Mario): Qu'il y ait un règlement de contrôle intérimaire spécifique pour l'agriculture. Parce que ça, là-dessus, face aux orientations, on était d'accord. Donc, si on modifie certaines directives incluses, c'est-à-dire que la FQM vous demandait de modifier peut-être certaines directives pour être capable, ne serait-ce que par les immeubles protégés, de faire une meilleure définition, à ce moment-là, si on s'entend, oui, on peut souscrire à ce qu'il y ait un règlement de contrôle intérimaire seulement pour le volet agriculture.

Je sais présentement qu'en sécurité publique, ne serait-ce que, exemple, l'établissement des zones inondables, c'est un problème à la grandeur du Québec, la nouvelle révision des zones inondables. Je ne sais pas si vous avez eu des téléphones dans vos bureaux de comté, mais, si vous n'en avez pas eu, vous allez en avoir. C'est-à-dire que juste la nouvelle...

(12 heures)

Donc, ça, c'est encore une fois quelque chose qu'on doit intégrer dans le schéma d'aménagement. Mais, si, dans un secteur, vous venez d'empêcher la construction sur la moitié de la zone urbanisée bâtissable, vous avez un problème, là. Il faut essayer de voir qu'est-ce qu'on peut... de séparer l'ivraie du bon grain, en tout cas dans ces dossiers-là. Donc, ce n'est pas facile, là, l'adoption des schémas d'aménagement, puis ce n'est pas nécessairement, dans ce cas-ci, à cause de l'agriculture, parce qu'on s'était entendu sur l'agriculture. C'est à cause des autres ministères qui ont des orientations...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça bonifierait la demande des deux unions, si je comprends bien. M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Concernant les schémas d'aménagement, la nouvelle orientation que ça va prendre face aux nouvelles exigences du gouvernement, pensez-vous qu'il y aura une remise en question de certains zonages sur le plan, par exemple, des zonages de villégiatures ou encore des zonages touristiques? Pensez-vous qu'il va y avoir des remises en question de ça face aux nouvelles normes?

M. Laframboise (Mario): Bien, évidemment, vous avez toujours, le gouvernement... Chacun des ministères peut intervenir face aux orientations qui sont prises par le schéma, donc vous avez raison, mais c'est par le ministère. Nous, le milieu, on va travailler. Vous, ce qui vous inquiète, quoi, c'est le touristique qui est avec l'agricole, et tout ça?

M. Laprise: Exactement.

M. Laframboise (Mario): Bon. Si c'est une préoccupation du ministère de l'Agriculture de votre région, il y aura remise en question de ça. Parce que le schéma, lui, doit obtenir l'aval de chacun des ministères, donc si le ministère de l'Agriculture trouve que, dans votre secteur, il y a un problème, il y a un conflit territorial entre le tourisme et puis l'agriculture, bien, à ce moment-là, ils vont l'inclure, puis la MRC devra... Sinon son schéma ne sera jamais adopté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui, merci, M. le Président. Les questions qui nous sont soumises aujourd'hui ne sont pas des questions faciles et je pense que les deux exposés qu'on a eus ce matin qui sont des exposés faits par des gens qui vivent au jour le jour tout le problème de coexistence pacifique dans le milieu ne sont pas nécessairement concordants, puis c'est normal aussi qu'ils ne soient pas concordants, ces deux organismes, donc vous avez chacun votre perception de la réalité. Et je sais que l'UPA nous avait parlé d'un certain nombre de difficultés qu'elle voyait par rapport à ça.

J'ai parlé tout à l'heure, j'ai posé une question à la Fédération des municipalités du Québec concernant la composition des comités consultatifs agricoles, vous étiez dans la salle, je pense. Alors, vous êtes conscients de la difficulté dont se plaint l'UPA, vous êtes conscients que l'UPA trouve que la réciprocité des distances n'est pas toujours appliquée réciproquement, vous êtes conscients aussi sans doute que l'UPA voudrait qu'on puisse agrandir les fermes d'élevage sans nouvelles contraintes, à la condition qu'on les agrandisse en direction opposée des résidences les plus rapprochées.

Alors, il y a des demandes qui sont faites par le milieu agricole, c'est-à-dire par les représentants de la production agricole, et il y a des demandes qui sont faites aussi par les résidents du milieu qui disent: Bon, là, ça n'a pas de bon sens, on exagère avec les odeurs, et tout ça. Sur la question de la pollution, tout le monde s'entend pour dire: S'il y a de la pollution, c'est intolérable! Mais, dans la pratique, ce n'est pas si facile à gérer.

La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme a mis en place une mécanique pour régler ces questions-là du point de vue de l'aménagement de l'ensemble du territoire. Il y avait déjà en place la Loi de protection du territoire agricole, qui n'est pas une loi d'aménagement, qui ne vise qu'à protéger un territoire pour les générations futures. Arrive la loi n° 23, on dit: On va essayer d'arranger ça parce que ça se chicane et puis on n'arrive pas à s'entendre.

Donc, on va modifier, on va adopter la loi n° 23, qui, elle, va introduire dans la Loi de protection du territoire agricole le concept de protéger aussi les activités agricoles. Donc, en protégeant les activités agricoles, en même temps, on va s'entendre sur des contraintes qu'on va mettre pour éviter que les activités agricoles, en se développant sans aucune contrainte, affectent trop gravement les résidents.

On a essayé de trouver des mécanismes qui encourageraient à la fois les municipalités à tenir compte davantage du potentiel économique agricole et, en même temps, qui encourageraient les producteurs agricoles à tenir compte qu'il existe des moyens techniques de diminuer les nuisances. Mais évidemment c'est une question d'argent et puis les producteurs nous disent: D'accord, payez la différence. Alors, que ce soit le gouvernement qui la paie ou que ce soit le consommateur par le biais des prix à la consommation, de toute façon, c'est le même monde qui paie, c'est tout le monde. Bon.

Alors, face à ça, la Fédération des municipalités du Québec dit: Bien, la loi que vous avez adoptée, il faudrait changer des choses, entre autres nous permettre d'adopter un règlement de contrôle intérimaire et nous permettre de régler nous-mêmes la question des distances séparatrices, chacun dans nos MRC, en fonction de nos particularités locales.

Vous autres, vous dites, si j'ai bien compris... Parce que remarquez bien que je n'ai peut-être pas bien compris, c'est deux volumineux rapports et ce n'est pas facile à interpréter correctement en respectant votre point de vue. Mais ce que j'ai compris que vous dites: Bien, la loi est là, ça fait seulement deux ans qu'on l'a adoptée, laissez-la telle qu'elle. On va l'essayer comme il faut puis laissez-nous travailler avec, puis après, on reviendra, et on sait que l'UPA se plaint puis elle demande de rendre plus sévère certains aspects, mais attendez. Modifiez-la pas, laissez-la telle quelle. Est-ce que je comprends mal?

M. Laframboise (Mario): Non, vous ne comprenez pas mal. Considérant que, s'il y avait des modifications... Puis là c'est pour ça que je vous dis qu'on n'est pas contre a priori ce que dit la Fédération québécoise des municipalités, pour la simple et bonne raison que je crois sincèrement qu'on peut, par éléments de contrôle intérimaire, faire nous-mêmes nos modifications si on le souhaite. Mais c'est pour ça que, ouverts à discuter tout en prenant bien conscience que la loi qu'on a adoptée avec les orientations puis les directives, on n'a pas eu la chance de l'appliquer, c'est à ça qu'on veut que vous soyez conscientisés.

Tout le monde a pesé sur le bouton panique, puis ce n'est pas terminé. Puis notre problème, c'est que ça prend ce temps-là dans le milieu municipal pour être capable d'arriver à nos objectifs. Quand on émet des orientations, peu importent les ministères, avec la Loi de l'aménagement et de l'urbanisme telle qu'elle est présentement, la modification des schémas, ça prend un certain temps. Donc, on vous dit: Écoutez, on n'a pas pu appliquer puis se donner une juste raison de: Est-ce qu'on avait eu tort ou raison d'adopter les directives? On n'a pas pu l'appliquer comme il faut.

S'il y a des modifications à apporter dans le sens où on pourrait, dans le secteur de l'agriculture, par l'obligation d'adopter des règlements de contrôle intérimaire, devancer l'application des schémas d'aménagement, nous, on est ouverts. On n'a pas consulté la FQM. Sinon, laissons la loi telle qu'elle est présentement puis, dans quelques années, vous allez voir l'application. Puis, quant à nous, on pense que ça va donner de bons résultats, Mais, en attendant, si c'est d'une extrême urgence, il y a des solutions, puis peut-être que la solution qui est évoquée par la Fédération québécoise des municipalités est intéressante. On n'est pas contre ça, là.

M. Dion: Dans ce contexte-là, là, je n'ai pas avec moi la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, mais, si je ne fais pas erreur, c'est dans cette loi-là qu'a été introduit le comité consultatif agricole.

M. Laframboise (Mario): Oui, c'est ça.

M. Dion: Et ce comité consultatif agricole, de mémoire, peut s'entendre – je pense que la majorité des deux tiers est requise, là, je crois que c'est ça – pour faire en sorte que le schéma ou enfin le règlement municipal aille au-delà des prescriptions de l'ensemble du Québec pour ce qui est des distances séparatrices.

M. Laframboise (Mario): Oui, oui.

M. Dion: Donc, est-ce qu'on n'a pas là la latitude qu'il faut pour que, dans les cas où vraiment une particularité locale ne serait vraiment pas gérable avec les normes nationales, bien, on puisse les régler grâce à ces deux tiers? Est-ce qu'on n'a pas là la latitude qu'il faut?

M. Laframboise (Mario): C'est parce que le comité consultatif agricole n'est qu'un comité consultatif. Il n'a aucun pouvoir. Tout ce qu'il peut faire, c'est recommander aux élus, et là la MRC peut décider autrement. Présentement, tel qu'il est constitué, le comité consultatif n'a aucun pouvoir de décision.

M. Dion: Mais, si je comprends bien, c'est que, à partir du moment où le comité consultatif, à la majorité des deux tiers, recommande à la MRC d'aller au-delà des distances séparatrices, il confère à la MRC le droit de le faire?

M. Laframboise (Mario): Oui, c'est ça.

M. Dion: Est-ce que c'est vrai?

M. Laframboise (Mario): Oui, oui.

M. Dion: Donc, il modifie un peu les règlements. C'est-à-dire que sa consultation a un effet de conférer un droit à la MRC d'aller au-delà des normes nationales.

M. Laframboise (Mario): Oui.

(12 h 10)

M. Laberge (Jacques): Sur une base intérimaire, avant que le schéma soit révisé, le CCA peut se prononcer sur des modifications de municipalités locales qui voudraient faire des normes sur les distances séparatrices. Bon. Bien là il y a une disposition intérimaire qui permet aux comités consultatifs d'urbanisme de faire une recommandation positive en la matière, qui pourra déroger des normes inscrites, les fameux paramètres à l'orientation gouvernementale. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que les municipalités qui ont adopté même avec des schémas révisés n'ont pas à faire une application intégrale des paramètres contenus dans l'orientation gouvernementale.

Le point 8 de cette partie-là donne le pouvoir de déroger à ces normes-là et, dans les faits, selon les études faites par le ministère des Affaires municipales, il n'y a pas d'application mur à mur de ces normes-là dans les municipalités. Puis ça serait un peu un non-sens parce qu'une application mur à mur n'irait pas dans le sens de la définition et des orientations de l'orientation gouvernementale qui prescrit qu'il faut que ça se fasse de façon consensuelle et que ça tienne compte des particularités du milieu.

Donc, une approche mur à mur va littéralement à l'encontre même de l'orientation gouvernementale. Alors, ce qui est indiqué dans cette partie-là de l'orientation, c'est qu'on considère que ces paramètres-là sont de nature à respecter l'orientation, mais ça ne veut pas dire qu'il faut que ça soit appliqué intégralement partout.

M. Laframboise (Mario): La réponse à votre question, c'est oui. C'est ça. Face à la question que vous posez, oui, le comité consultatif pourrait orienter puis la MRC pourrait décider.

M. Dion: Et c'est une des raisons pour lesquelles vous dites: Bien, donnez-nous encore un peu de temps pour essayer.

M. Laframboise (Mario): C'est ça.

M. Dion: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Petite problématique. Qu'est-ce que vous répondez à un producteur – puis c'est ce qu'on s'est fait dire particulièrement dans nos visites – qui veut agrandir, qui est soumis à des signatures, puis qu'on est rendu qu'on nous demande même de l'argent dans certains cas pour donner notre signature, et qui nous dit: Nos voisins, eux, ont le droit de venir prendre tout le terrain voulu à côté de nous autres, il n'y a personne qui les en empêche, et, nous, par contre, on ne peut pas agrandir, on ne peut pas développer? Là, je ne vais pas jusqu'à ce que vous avez dit tout à l'heure, que ça devient une industrie. Je parle d'entreprises normales. Si on ne modifie pas rapidement quelque chose, il y a quand même là beaucoup de citoyens producteurs...

Est-ce que vous savez que – vous devez savoir ça, dans tous vos milieux – l'exode au Québec, c'est dans le milieu agricole à l'heure actuelle qu'il semble le moins se faire? C'est-à-dire que les gens restent le plus dans les entreprises et veulent développer. En tout cas, c'est assez impressionnant. Moi, je l'ai dans mon comté de façon assez impressionnante. Alors, on ne peut pas, nous, être insensibles à ça. À ce moment-là, est-ce que ça peut être un cas d'exemple assez important pour dire: Il faut, au moins sur cette partie-là de la loi, apporter quelque chose tout de suite? On ne peut pas permettre à ces gens-là d'attendre des années et des années, avec la rapidité avec laquelle l'agriculture se développe actuellement.

M. Laframboise (Mario): Ça, là-dessus, là, c'est pourquoi on vous disait que la dérogation mineure, c'est un principe qui éviterait tout ce que vous dites face aux signatures, et tout ça. La dérogation mineure, c'est couramment accepté. Avec le comité consultatif en urbanisme de la municipalité, on peut faire une recommandation au conseil, le conseil modifie sa réglementation, puis on n'a pas besoin, en autorisant des droits acquis avec ce qui se passe dans les droits acquis, qui est appliqué avec la nouvelle modification à la Loi sur l'aménagement pour les droits acquis, y aller par dérogation mineure, on pourrait éviter tout ça. Mais la dérogation mineure, ça demeure une dérogation mineure. Vous allez toujours avoir le problème de celui qui veut installer une industrie, qui, lui, devra obtenir la signature de ses voisins.

Ça, là, moi, sur notre territoire de la MRC de Papineau, qui a beaucoup... Nous, on a un comité consultatif agricole qui fonctionne très bien. La pression vient du central. C'est l'UPA qui fait tout pour essayer de mettre de la pression sur les agriculteurs qui sont au comité consultatif pour qu'on n'aille pas trop vite, puis qu'on n'accepte pas tout, puis qu'on impose des normes. Nous, on n'a pas de problème chez nous, là. On en a depuis que le central met des pressions puis qu'il attend les modifications pour lesquelles on aimerait ça qu'on modifie. Ce qu'on dit: Écoutez, il n'y a pas de problème, les villes...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pour vous, quand une entreprise devient une industrie dans le sens où vous l'entendez, c'est à quel moment dans sa grosseur?

M. Laframboise (Mario): Bien là il n'y en a pas, de normes. Puis, moi, je vous dirais: Faites donc confiance au conseil municipal en force. Quand la demande va arriver au conseil... Une municipalité rurale comme la mienne, j'ai quatre agriculteurs sur mon conseil, donc, à quelque part, ces agriculteurs-là, je vous le dis là, eux autres aussi, ils en ont, des pressions. Moi, je n'ai pas de problème chez nous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais j'aimerais ça savoir, dans vos termes, à quel moment une entreprise devient une industrie, l'entreprise qui veut grossir, un producteur, je parle. Parce que ça fait plusieurs fois que vous mentionnez ça. Y a-tu des critères à quelque part? C'est-u par bête, par tête? C'est par quoi?

M. Laframboise (Mario): Bien, écoutez, probablement, là, que l'industrie elle-même devrait avoir ses propres critères. Mais, nous, quand...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, mais, vous autres, vous l'employez souvent. Alors, vous autres, dans vos termes, c'est quand qu'une entreprise devient une industrie?

M. Laframboise (Mario): Je ne peux pas vous dire le nombre de têtes, je pourrais me tromper. C'est comme n'importe quelle entreprise qui devient tellement grosse...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais vous devez avoir des critères pour dire ça.

M. Laframboise (Mario): ...que finalement elle occasionne des problèmes à ses voisines.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, mais, pour faire une affirmation aussi forte que ça, vous devez avoir des critères. Non?

M. Laframboise (Mario): Non, mais je n'ai pas de critères personnels. Je fais juste vous dire que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est l'interprétation puis la perception.

M. Laframboise (Mario): On pourrait aller... Le nombre de lisiers qui... Tu sais, on pourrait les compter puis regarder comment est-ce qu'ils en produisent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça dépend de chacun, dans le fond.

M. Laframboise (Mario): Non, ça ne dépend pas de chacun, on peut s'entendre là-dessus. Je fais juste vous dire qu'à quelque part, quand une entreprise agricole est acceptée de son milieu, par ses voisins, puis que demain matin elle décide de doubler la superficie, il y a quand même des limites. Et puis les agriculteurs, là-dedans, il y en a sûrement un qui les a vendus, les terrains des maisons qui sont à côté puis qui a empoché l'argent, entre moi puis vous, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Commentaire additionnel. Le député de Richmond terminera, parce que de ce côté-ci je pense qu'il n'y a pas d'autres questions. Il nous reste quoi? Trois, quatres minutes? O.K. Alors, un commentaire additionnel. M. le député, vous aurez cinq minutes.

M. Laberge (Jacques): Ce qu'il est important de comprendre, c'est que, même un établissement agricole dérogatoire, même s'il n'y avait pas de réglementation municipale, il ne peut pas s'agrandir comme ça parce qu'il existe, le Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole. Et combien de petites entreprises agricoles qui sont près de milieux urbanisés sont déjà dérogatoires face à ce règlement-là, règlement provincial d'application du ministère de l'Environnement...

Donc, il faut comprendre aussi que ces entreprises-là, parce qu'elles sont trop près de leurs voisins, elles n'ont pas les superficies pour l'épandage de leur propre fumier, dans des régions il y a des municipalités qui sont très largement en surplus de production de fumier, et qu'il n'y a pas d'avenir de grande expansion dans ces bassins versants là, que ça soit à la Yamaska, L'Assomption, la Chaudière. Alors, il faut comprendre que, dans ces régions-là, on a atteint et dépassé la capacité physique du milieu.

Donc, il est faux de prétendre que, parce que les municipalités veulent réglementer la saine cohabitation entre les agriculteurs et les non-agriculteurs, ça vient empêcher toute forme d'expansion. Et, de toute façon, dans les règlements, il y a moyen de donner de la souplesse, particulièrement avec la modification récente à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme qui permet de réglementer les usages dérogatoires par types et par zones. Donc, ça, c'est des outils additionnels pour le monde municipal, pour donner de la souplesse à ces projets d'expansion là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Richmond, vous avez le dernier cinq minutes.

M. Vallières: Oui. Peut-être une question d'opinion auprès de M. Laframboise et des gens qui l'accompagnent. Face à l'exercice qu'on vous demande de faire ce matin, avez-vous l'impression que vous allez répéter l'exercice quand vous allez rencontrer Me Brière? Avez-vous l'impression qu'on vous demande de faire deux fois la même affaire?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Bonne question.

M. Laframboise (Mario): Oui, probablement.

M. Vallières: Bon, O.K. Vous avez la même que moi. O.K. À la page 23 de votre rapport, de votre mémoire, vraiment, vous dites: Un arbitrage obligatoire, il n'y en est pas question; nous là, l'UMQ ne veut pas qu'on attribue de pouvoir d'arbitrage obligatoire au Commissaire aux plaintes, en particulier, auquel vous faisiez référence.

Là, il y a un point de divergence qui est assez majeur parce que, pour ce qui est des représentants du monde agricole, eux autres, ils veulent voir renforcer. Non seulement ils maintiennent le Commissaire aux plaintes en place, mais ils disent: On va lui donner un pouvoir d'arbitre. Vous autres, les deux unions qu'on a vues, dans le fond, vous nous dites: Même plus de Commissaire aux plaintes, élimination, puis on ne renouvelle pas le mandat. C'est très, très divergent.

Comment est-ce que vous expliquez cette demande, finalement, de l'UPA, de voir confier à un arbitre ou à une tierce personne le pouvoir de juger, finalement, et d'apprécier les litiges puis de porter un jugement? Qu'est-ce qui porte, à votre avis, l'UPA à nous faire ce type de représentation?

(12 h 20)

M. Laframboise (Mario): Ça doit être l'histoire du Québec probablement, qui fait que les unions demandent toujours l'arbitrage. Et les municipalités, en situation d'arbitrage, vous savez comment est-ce qu'on est traité. Donc, l'arbitrage, dans le milieu municipal, ça ne fait plus partie des demandes. Si ça l'a déjà fait, ça fait quelques décennies qu'en arbitrage on est toujours les perdants. Et d'ailleurs le gouvernement du Québec, qui a eu la même demande par les infirmières, a dit non, il ne voulait pas confier à un tiers les coffres de l'État. Donc, nous, c'est la même chose.

C'est-à-dire qu'on croyait beaucoup à la médiation parce que le rapport du médiateur peut servir toujours devant les tribunaux de droit commun. Puis étant donné que les juges de la Cour supérieure ne sont pas nécessairement des grands spécialistes... Puis, dans les faits, quand les litiges ont eu à aller devant les tribunaux, je ne suis pas sûr que les municipalités sortent grandes gagnantes non plus. Quand il y a un rapport de médiation qui est en faveur de l'agriculteur, la sagesse nous porte à croire que, comme dans tout litige, les tribunaux de droit commun sont toujours l'endroit où on va régler les différends, quand on se rend jusque-là.

Donc, la médiation, on y croyait, on y croit encore, on croit qu'elle oriente... Les directives vont permettre.... Si on modifiait la procédure pour obliger les communautés ou les MRC à avoir un règlement de contrôle intérimaire qui introduirait les orientations, moi, je pense que vous allez déjà sauver beaucoup de problèmes, il va y avoir toutes ces normes-là. Il restera les différends entre ceux qui ne voudront pas puis ceux qui n'auront pas bien fait leur travail puis qui se ramasseront devant les tribunaux. Plus on aura une uniformité de réglementation à travers le Québec, moins ceux qui seront divergents vont pouvoir avoir gain de cause. Donc, nous, on fait confiance à ça. Mais un tiers arbitre décisionnel, on ne croit pas à ça, honnêtement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va. Avant de terminer, je rappelle aux membres de la commission que nous aurons une réunion informelle à la salle RC.171 après la période des questions, vers 15 heures, et, justement, c'est une rencontre avec Me Brière que nous avons nous aussi.

Alors, je vous remercie beaucoup d'avoir été là. J'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 22)


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