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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le vendredi 28 avril 1995 - Vol. 34 N° 8

Interpellation : Les politiques du gouvernement du Québec en matière agricole


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Dion): Je déclare la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. Le mandat de la commission, pour cette séance, est de procéder à l'interpellation adressée au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation par le député de Richmond sur le sujet suivant: les politiques du gouvernement du Québec en matière agricole.

Je me permets de vous rappeler brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation. Dans un premier temps, le député de Richmond, qui a demandé l'interpellation, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi du ministre pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées dans l'ordre suivant: un député de l'opposition, le ministre, un député du groupe ministériel. Vingt minutes avant la fin de la séance, j'accorderai une période de 10 minutes de conclusion au ministre et un temps équivalent au député de Richmond. Sur ce, M. le député de Richmond, vous avez la parole pour 10 minutes.

M. Paradis: Oui, M. le Président, strictement sur la répartition du temps, vous avez bien interprété les dispositions de notre règlement. Toutefois, la coutume veut, lorsqu'il y a entente entre les deux formations politiques, que, tout en préservant les blocs du ministre et en préservant les blocs de la personne qui demande l'interpellation – en l'occurrence, le député de Richmond – lorsqu'on tombe aux cinq minutes comme tels, de façon à ce qu'on n'endorme pas les auditeurs en faisant des cinq minutes pour faire des cinq minutes, en conservant nos règles d'alternance et de partage du temps, on puisse avoir un débat qui soit plus direct avec les députés de l'opposition, les députés ministériels et le ministre concerné, si ça va au ministre. Sinon, vous n'avez d'autre choix que d'appliquer le règlement.

Le Président (M. Dion): Justement, je pense que, dans la mesure où ça va bien, où ça marche rondement, on peut faire preuve de plus de souplesse, et puis, si jamais il y a des problèmes, on se repliera sur nos dernières défenses. Merci.

Alors, M. le député de Richmond, pour 10 minutes.


Exposé du sujet


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui. Alors, je vous remercie, M. le Président. D'abord, je voudrais saluer la présence de mes collègues qui m'accompagneront tout au long de cette interpellation avec le ministre: le député de Brome-Missisquoi et le député de Shefford. Et, M. le Président, je suis très honoré qu'on puisse, ce matin, discuter avec le ministre, l'interpeller, en fait, pour échanger sur les politiques du gouvernement du Québec en matière agricole. Nous tenterons, de ce côté-ci de la Chambre, d'en faire un exercice utile. Là, ce qu'on aimerait, c'est que, finalement, ces débats auxquels nous sommes conviés donnent des résultats.

Alors, vous me permettrez, en premier lieu, de revenir sur un sujet que j'ai déjà soulevé auprès du ministre lors des crédits de son ministère, soit l'avènement du budget fermé. Le ministre a admis, en commission parlementaire, que ce genre de budget, où il doit s'autofinancer, autofinancer les programmes à l'intérieur de son ministère, une fois son enveloppe fixée, lui donne très peu de marge de manoeuvre. En effet, n'ayant pas ou peu de contrôle sur certains éléments – dont l'augmentation des coûts, la température, les taux d'intérêt – le budget fermé, dans le cas du ministère de l'Agriculture, va le priver de certaines initiatives où la marge de manoeuvre pour du développement est quasiment inexistante. Il l'a d'ailleurs admis en commission parlementaire. Et d'autant plus – et ça, je n'ai pas eu de réponse du ministre sur cet aspect en commission – que l'enveloppe de base dont il dispose comporte une réduction du niveau de support de l'ordre de 34 000 000 $ par rapport à ce qui a été dépensé l'année dernière. Et là-dessus, juste au niveau de l'aide à la production agricole, c'est une réduction de plus de 5 500 000 $ qui viendra affecter directement les producteurs et les productrices agricoles.

Alors, le ministre devra vivre, M. le Président, avec ses choix. Mais il semble bien mal parti et nous allons tenter de vous le démontrer à l'aide de quelques dossiers qui dénotent parfois le manque de volonté politique, parfois qu'il s'agit de mauvais choix. Mais une constante se dégage, c'est l'absence de vision globale de la part du ministre de l'Agriculture. Nous l'avons vu agir, récemment, dans le dossier du remboursement des taxes municipales. Pourquoi pareil comportement, pareille intransigeance? Le ministre a repoussé du revers de la main toutes les propositions en provenance du milieu. Ça aura pris le premier ministre pour comprendre, pour ramener le ministre à la raison. Mais qui le ministre de l'Agriculture écoute-t-il? Il devrait bien savoir, M. le Président, que, lorsqu'il s'agit d'une mesure qui vise à reconnaître qui peut se déclarer producteur, qui peut bénéficier des programmes d'aide de son ministère, il s'agit d'une question fondamentale et que ça ne peut pas se faire sans un minimum de consensus dans le champ, dans le monde agricole. Et, pour ajouter l'insulte à l'injure, le ministre a fait adopter ou faisait adopter un règlement qui s'appliquait de façon rétroactive. Il me semble que ça sautait aux yeux que ça ne pourrait pas passer comme ça. Alors, le premier ministre est devenu, pour un temps, le ministre de l'Agriculture et a obligé son ministre à reculer. C'est un dangereux précédent, M. le Président, c'est un dur coup à la crédibilité du ministre. Mais le ministre n'a laissé le choix à personne, tout entêté qu'il était. Et je vais reposer ma question au ministre: Qui écoute-t-il?

On peut lire, ce matin, dans le journal, que l'UPA semble satisfaite des ajustements. Certainement pas, en tout cas, du comportement du ministre, M. le Président. C'est grâce au travail de l'opposition officielle et du monde agricole, qui s'est occupé largement de faire les pressions requises pour amener le ministre à changer la décision pour laquelle il s'entêtait.

Je lui faisais mention récemment, M. le Président, de quelques éditoriaux – je pense que c'est important qu'on le mentionne à nouveau – qui témoignent du haut niveau d'insatisfaction des clientèles du ministre, qui s'interrogent sur le mode de fonctionnement du ministre.

Je veux vous citer, entre autres, un personnage bien connu dans le monde agricole, qui est M. Claude Lafleur, qui essaie de comprendre, qui tente d'expliquer comment le ministre prend ses décisions. «Pour expliquer cette attitude – et je le cite – tout de même surprenante de la part du ministre Landry, plusieurs hypothèses ont été avancées. Certains disent que le personnel qui entoure le ministre manque de contenu sur la question agricole et d'expérience politique. D'autres par contre croient que le ministre et ses gens, portés par le pouvoir, ont vu sans doute l'occasion de mettre enfin au pas les dirigeants et les leaders de l'UPA, trop intransigeants et inflexibles à leur goût. Certains enfin avancent une explication toute simple, mais fort inquiétante: le ministre n'a pas vu venir; il aurait mal évalué les conséquences politiques de sa décision [...] La décision ou la réponse se trouve sans doute quelque part dans ces trois explications.» M. le Président, comment le ministre, face à de pareilles déclarations, va-t-il se réhabiliter? Comment pourra-t-il se redonner de la crédibilité? Tout le monde le dit, c'est un ministre honnête. Mais comment devenir crédible et efficace?

(10 h 10)

D'autres personnes se questionnent carrément sur le manque de vision du ministre. Qu'il suffise de citer le président de l'UPA, Laurent Pellerin, qui, dans un éditorial de La Terre de chez nous , mentionne ce qui suit: «La classe agricole dans son ensemble misait beaucoup sur le nouveau ministre de l'Agriculture en raison de ses appartenances passées. On a pu lui reprocher à certains moments une certaine discrétion sur la scène nationale, mais on ne lui demande pas d'attirer sur lui tous les feux de la rampe, seulement d'être efficace. Mais le ministre accumule prise sur prise contre lui: le manque de leadership dans les dossiers de suivi (sommet de Trois-Rivières, Forum de l'agriculture durable), le nouveau règlement bâclé sur le financement agricole et maintenant cette hérésie, passée en force, qui touche au fondement de notre agriculture et de son syndicalisme. Y a-t-il encore une vraie vision de l'agriculture au Québec? Poser la question, c'est y répondre.»

M. le Président, ce n'est pas celui qui vous parle qui dit ça. C'est le président de l'Union des producteurs agricoles du Québec. Ces propos sont tenus par une personne crédible et représentative de tout le secteur agricole québécois; tellement représentative que le premier ministre a préféré, récemment, sa version à celle que son ministre lui proposait et qu'il l'a fait reculer sur le seuil de remboursement des taxes et l'admissibilité au programme d'aide.

Alors, quoi! Le ministre va nous répondre par des déclarations pour nous dire qu'il veut semer le Québec à travers le monde? Mais à quand un langage qui va correspondre aux gestes que vous posez? Le ministre parle dans le vide, il s'isole plutôt que de consulter pour prendre ses décisions. Nous ne pouvons établir de lien entre ce que vous dites et ce que vous faites, et la classe agricole non plus. Pourriez-vous nous aider à comprendre, ce matin?

Je veux vous citer, et c'est la dernière citation que je vais faire – mais c'est pour vous démontrer, M. le Président, à quel point ce n'est pas seulement l'opposition officielle qui s'en aperçoit, mais c'est tout le monde agricole – un éditorialiste. Il ne fait pas de politique, ce monsieur-là, il analyse, il constate, il parle en toute objectivité. Il a titré, dans Le Bulletin des agriculteurs , M. Marc-Alain Soucy: «Agriculture cherche un leader». Je l'ai déjà mentionné, lors des crédits, au ministre, mais je n'ai pas eu de réaction, alors, je le répète ce matin. Alors, M. Soucy nous dit: «Le défi majeur de l'agriculture et de la transformation est de s'adapter à un espace économique qui s'est élargi à la suite des récents accords commerciaux. Voilà une idée des orientations que le nouveau ministre de l'Agriculture, Marcel Landry, a présentées à plus de 150 décideurs du milieu agroalimentaire, en décembre dernier, à Québec. À vrai dire, la présentation du ministre a déçu à cause de son manque d'idées nouvelles et, surtout, du peu de positions claires et franches qu'il a prises sur les dossiers qui préoccupent le monde agroalimentaire. On aurait souhaité que le ministre dise ce qu'il pense, qu'il stimule la discussion et les échanges en s'impliquant plutôt qu'en annonçant des lieux communs. Pourtant, c'est lui-même qui précise, dans le document "Semer le Québec à l'échelle du monde", qu'il a l'intention de transmettre les bons signaux, même lorsque ceux-ci ne plaisent pas, d'alimenter les débats publics et de favoriser les consensus. Parfois, il y a loin du geste à la parole. M. Landry a plutôt donné l'impression, au cours de cette rencontre, de noyer des poissons et de marcher sur des oeufs avec la plupart des dossiers. Ceux qui attendaient une bouffée d'air frais en agriculture devront patienter.»

M. le Président, je pourrais continuer de la même façon. Les journaux sont remplis – M. le Président, si le temps me le permet, tantôt je vous en montrerai quelques-uns – de gens qui se plaignent de l'attitude du ministre, de son manque de leadership et de son manque de vision.

M. le Président, comment un ministre le moindrement éclairé aurait-il accepté que, depuis son entrée en fonction, aucune réunion du comité de suivi du Sommet de l'agriculture n'ait été tenue à ce jour? Il l'a confirmé récemment en commission parlementaire, il nous a dit qu'il va en faire une prochainement. Mais c'est inconcevable, après sept mois, c'est de l'inconscience ou encore de la négligence. M. le Président, le Sommet de l'agriculture est une des meilleures idées de la décennie en agriculture. Alors, pourquoi le ministre se traîne-t-il les pieds dans le dossier de suivi du Sommet, lui qui, d'ailleurs, a changé littéralement la thématique...

Le Président (M. Dion): En conclusion, M. le député.

M. Vallières: Oui, en conclusion. La thématique, M. le Président, de ce Sommet de l'agriculture portait sur la conquête des marchés et le ministre a voulu lui donner un habit péquiste, un habit un peu plus coloré, un peu plus politique en disant: On va appeler ça, dorénavant, semer le Québec à travers le monde. Alors, le ministre a décidé ça chez lui, dans son bureau ou dans son salon, que, dorénavant, ce serait semer le Québec à travers le monde, remplaçant la formule qui avait fait le consensus de tout le monde agricole. Peut-être me trompai-je. Ce n'est peut-être pas le ministre, c'est peut-être son ancien attaché de presse, qu'il a congédié récemment, qui avait pensé de lui souffler ça à l'oreille, de modifier ce consensus national qui avait été tenu.

M. le Président, je veux rappeler, en terminant, que le ministre avait indiqué, au congrès de l'UPA, que ce qui est bon mérite d'être maintenu et même d'être bonifié. Ainsi, a-t-il dit, j'ai décidé d'élargir avec d'autres partenaires le comité de suivi du Sommet et de m'y impliquer directement afin d'en faire une véritable table de décideurs. Voilà pour les paroles, M. le Président. Quant aux actes, aucune réunion de suivi à ce jour après sept mois de gouvernement péquiste.

Alors, M. le Président, je m'attends à ce que le ministre réponde à ces questions, nous indique véritablement quel est le processus décisionnel dont il s'inspire, pour, en si peu de temps, avoir réussi à soulever, contre les politiques du MAPAQ, finalement, l'ensemble du monde agricole québécois.

Le Président (M. Dion): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


Réponse du ministre


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, d'abord, je veux souligner la présence de mes collègues de Bellechasse et de Maskinongé, saluer aussi les collègues de l'autre côté de la Chambre. La question sur laquelle on m'interpelle aujourd'hui est celle des politiques que notre gouvernement entend mettre de l'avant. Je prendrai quelques minutes pour répondre à certaines assertions du député de Richmond. Mais, tout d'abord, il y a certaines remarques que je voulais vous proposer. Ça m'est d'autant plus agréable de répondre à cette interpellation que j'ai fait connaître, déjà, le 1er décembre dernier, des orientations que le ministère entend mettre de l'avant.

Avant de vous les exposer, j'aimerais d'abord vous dire d'où elles originent. Depuis mon entrée en fonction, j'ai tenu à rencontrer les intervenants du secteur bioalimentaire, tant sur une base sectorielle que régionale. Et, pour avoir parcouru une grande partie du Québec depuis l'automne, j'ai pu me rendre compte que c'est un exercice auquel le secteur de l'agriculture et des pêcheries n'avait pas été habitué au cours des 10 dernières années. Alors, c'était d'autant plus agréable de pouvoir rencontrer les intervenants sectoriels et, aussi, les tables régionales du secteur bioalimentaire. Ils m'ont fait part de leurs besoins et de leurs attentes, de l'ensemble de ces réflexions, aussi, et des projets dont le personnel du ministère et des organismes liés au secteur et au ministère m'ont fait part. J'ai retenu trois enjeux majeurs.

D'abord, l'enjeu de l'adaptation du secteur bioalimentaire aux signaux du marché, tant le marché québécois que les marchés internationaux et le marché canadien. L'ouverture des marchés et l'évolution des habitudes de consommation ne laissent plus le choix. Il y a là un défi majeur sur lequel tout le monde s'entend. Il faudra redoubler d'efforts. On constate, dans tous les secteurs, que l'heure est au changement, et le marché alimentaire est en profonde mutation.

Deuxièmement, il y a l'enjeu de la pratique de l'agriculture, des pêches et de l'aquiculture en conformité avec des paramètres du développement durable. La mise en valeur des ressources, la protection de l'environnement, l'implication des populations locales dans les choix de développement, voilà autant d'enjeux qui nous interpellent. Dans ce domaine, il y a des changements importants à faire. Le développement durable, la pérennité des ressources, l'adaptation, voilà autant de défis.

Troisièmement, le renforcement de la structure régionale de l'industrie bioalimentaire. Au cours des dernières années, les activités, tant de production que de transformation, ont eu tendance à se concentrer près des marchés, si bien qu'aujourd'hui environ 50 % de la production agricole et 60 % de la transformation se font dans la région du Grand Montréal. Le potentiel de plusieurs régions est de plus en plus sous-utilisé.

De plus, les problèmes environnementaux et les problèmes de cohabitation entre ruraux et urbains s'accentuent. Une meilleure répartition de l'activité économique sur l'ensemble du territoire est devenue un impératif.

(10 h 20)

Notre stratégie d'intervention va accorder la priorité à des programmes plus structurants. Je pense à la recherche, aux services-conseils, à la formation, aux transferts technologiques et, aussi, à l'information stratégique.

Notre choix est de miser d'abord sur les hommes et les femmes qui oeuvrent dans le secteur et sur leur capacité de travail et de créativité. Tous les analystes nous le disent, ce qui fait la différence entre les économies performantes et celles qui végètent, ce sont les personnes et, en fait, tout le capital humain, tout ce qu'on investit au niveau du développement des ressources humaines. Par le passé, cette forme d'investissement a été trop souvent oubliée. Il y a, là-dessus, des négligences à corriger. Des correctifs ont déjà été apportés et j'entends en apporter d'autres au cours des prochains mois.

Le dossier de la relève, entre autres, constitue un bon exemple de négligence que j'ai eu à corriger. En effet, lorsque j'ai été nommé au ministère, on avait plus de 1 000 jeunes en attente d'établissement. Alors, à l'automne, nous avons dégelé un montant de 12 000 000 $ pour permettre le rattrapage au niveau de l'établissement des jeunes en agriculture.

Le projet de modification à la politique de financement agricole, aussi, va continuer de privilégier la formation agricole et le transfert des exploitations en minimisant l'endettement. Il s'agit là, M. le Président, d'un exemple d'une politique agricole d'avenir.

L'autre axe prioritaire de nos interventions vise à assurer la stabilité du secteur contre les fluctuations trop fortes. On parle des mesures de sécurité du revenu agroalimentaire. L'économie agricole se caractérise en une instabilité des revenus. Comme mon collègue, tout à l'heure, de l'opposition le soulevait, il y a un certain nombre de paramètres sur lesquels les humains n'ont pas nécessairement le contrôle, les facteurs climatiques, entre autres. Alors, ces variations-là... Il y a des variations sur les marchés aussi, nécessairement, et on est obligés d'en tenir compte.

Les phénomènes conjoncturels, dans le fond, on est obligés d'arriver à les temporiser par des mesures de soutien. Les variations de taux d'intérêt, aussi, constituent une autre source d'instabilité dont l'impact peut être négatif. Les programmes d'assurance et de financement qui constituent, à juste titre, des piliers de notre politique agricole ont pour objectif d'assurer une plus grande stabilité et d'éviter le cycle investissement des investissements qui devient si coûteux au niveau agricole.

L'approche québécoise, en ce sens-là, a permis d'obtenir des résultats intéressants. Cependant, quand on parle d'adaptation, ça ne signifie surtout pas que ces programmes doivent être maintenus dans toutes leurs modalités actuelles. Ils doivent être adaptés aux besoins, ils doivent être adaptés à la conjoncture, aussi. Le financement agricole, en ce sens-là, a été revu. Les nouveaux programmes de financement permettront de contribuer davantage au développement régional en donnant un accès à un plus grand nombre d'entreprises engagées dans les activités agricoles, dont celles à temps partiel, qui n'étaient pas supportées auparavant par la Société de financement agricole. Les regroupements pour l'achat en commun d'équipements, aussi, ou de machinerie, le développement des nouvelles productions, la transformation des produits agricoles à la ferme seront aussi mieux supportés. Même certains projets à caractère agrotouristique sur les fermes pourront être pris en considération au niveau du financement agricole. Des modalités précises seront annoncées, d'ailleurs, très prochainement.

En ce qui concerne les programmes de sécurité du revenu, il est essentiel qu'ils donnent les signaux les plus justes possible. Les niveaux de soutien sont de puissants indicateurs qui orientent les producteurs dans leurs choix de production. Il est donc essentiel que ces modèles de coûts de production reflètent la réalité des différents secteurs, et, cette réalité-là, elle évolue de façon constante. Alors, l'actualisation des modèles, c'est une activité essentielle dans l'application de bons programmes de sécurité du revenu. Et, quand on ne le fait pas, quand on les laisse flotter au jeu des humeurs, on induit les entreprises agricoles en erreur. Encore là, il y a des négligences passées à corriger. Quelques éléments...

Mais je pourrai revenir, tout à l'heure, sur certaines assertions du député de Richmond. Sur la question du budget fermé. Au cours de l'année 1995-1996, nous aurons un budget de transfert de 457 000 000 $, comparativement à 443 500 000 $ en 1994-1995. Alors, c'est 13 500 000 $ de plus qui est injecté et non pas 34 000 000 $ de moins, tel que le prétend le député de Richmond. Un autre élément, M. le Président...

Le Président (M. Dion): En conclusion, M. le ministre.

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, oui. Sur la question des taxes. J'aimerais ça qu'on en reparle parce que le précédent gouvernement nous avait laissé un certain nombre de croustilles qui ont été soulevées par le dernier rapport du Vérificateur général.

Enfin, sur les questions de modes de fonctionnement, lorsque le député de Richmond parle de noyer le poisson ou qu'il cite – en fait, on nous a repris, ce matin, ses propos de la commission parlementaire – je pense qu'il a eu une certaine expérience là-dedans parce qu'il fut, un jour, ministre délégué aux Pêcheries. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dion): Merci. M. le député de Shefford.

M. Vallières: M. le Président. Oui, ça sera le député de Richmond.

Le Président (M. Dion): M. le député de Richmond, oui.


Argumentation


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Alors, M. le Président, je constate que le ministre n'a pas répondu à la question sur le processus décisionnel qu'il utilise à part de consulter mais surtout de ne pas écouter, si on tient compte des beaux principes. À part les principes qu'il met sur la table, rien ne se fait dans le champ.

Et, M. le Président, le sujet suivant que je vais aborder, dans les cinq prochaines minutes, c'est celui des casinos forains. Je veux demander au ministre, très directement, qu'il s'explique, ce matin, sur la raison officielle de l'abandon de cette subvention de compensation aux casinos forains. Alors, le ministre pourrait peut-être nous expliquer sur quelle base de calcul il s'est appuyé pour éliminer ce programme et s'assurer que tout le monde a bien compris.

Je vérifiais des chiffres qui proviennent de ses propres engagements financiers d'octobre 1994, qui nous indiquaient que, par exemple, pour l'exposition agricole de Missisquoi, on avait connu des pertes par rapport à l'année 1992. Des revenus nets qui se chiffraient à 46 000 $ ont descendu à 14 000 $ en 1994. Dans l'exposition de Victoriaville, 44 000 $ de profits nets sont devenus 10 000 $ de déficit; celle de Drummond, 80 000 $ de profits nets sont devenus 7 000 $ de déficit; celle de Mégantic, 28 000 $ de profits nets sont devenus 26 000 $ de déficit.

Et le ministre nous parle, lui, dans sa réponse, d'impacts négligeables et de profits. Mais il faudrait atterrir, M. le ministre, et ça presse. Est-ce que le ministre en a contre les profits réalisés par les casinos forains? Est-ce qu'il en a contre les profits réalisés par les sociétés d'agriculture? Pour l'information du ministre, les sociétés d'agriculture – je suis sûr qu'il sait ça – ont des infrastructures à payer, elles ont des dettes à long terme, elles ont des objectifs de promotion et de développement d'agriculture régional auxquels sont associés les profits de ces organismes.

Alors, M. le Président, pourquoi avoir mis la hache dans ce travail exceptionnel fait par des centaines, voire des milliers de bénévoles sur le territoire québécois, qui ont de l'intéret à l'avancement de la promotion de l'agriculture et de l'amélioration des races? Alors, pourquoi, M. le Président, le ministre s'est-il attaqué, de façon aussi directe et sans aucune consultation, à tout un secteur de cette activité du monde agricole?

M. le Président, je veux également ramener le ministre... Parce qu'il m'a donné une réponse en cette Chambre, il m'a donné une réponse en cette Chambre le 12 avril. Puis il nous disait, concernant le personnel de son ministère: «Nous les avons d'ailleurs assurés – il parle, à ce moment-là, des gens des expositions agricoles – d'une participation de nos équipes professionnelles dans la réalisation de leurs activités.»

(10 h 30)

Surprise, M. le Président. Je lisais dans La Terre de chez nous , la semaine du 13 avril, enfin, une semaine plus tard... Une semaine plus tard, M. le Président, je lis ce qui suit dans La Terre de chez nous : «À compter de l'été prochain, les agronomes et techniciens du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec cesseront d'être au service de l'administration des expositions agricoles. C'est ce qu'a confirmé à La Terre de chez nous Hélène Alarie, sous-ministre adjointe aux Productions et Affaires régionales du MAPAQ.»

M. le Président, j'aimerais que le ministre nous explique de quel genre de concertation il s'agit ici. Est-ce que ce que le ministre m'a dit en Chambre est erroné? Ou bien qui est-ce qu'on va croire, sa sous-ministre adjointe ou le ministre lui-même? Et, M. le Président, est-ce que, dans ce dossier comme dans bien d'autres, le ministre va accepter d'être finalement à la remorque de ce que d'autres ont décidé de faire à l'intérieur de son ministère?

M. le Président, peut-être pour résumer ce que pense le monde agricole, finalement, dans ce secteur d'activité, dans toutes les régions du Québec, que le ministre fasse un petit survol et il va s'en apercevoir rapidement.

Je veux vous citer M. Valère Audy, dans le journal de La Voix de l'Est du mois d'avril dernier, qui nous dit, et je le cite: «En même temps qu'on coupe les vivres aux petites expositions et qu'on en compromet l'existence, c'est la motivation de ceux qui s'y consacrent qu'on tue. Des gens qui, bien souvent, s'y affairent bénévolement, parce qu'il aiment ça, parce que ça se passe chez eux, parce qu'ils ont, avec le temps, pris ça à coeur, comme chez eux, comme s'il s'agissait de leur propre affaire. Ah! la belle campagne et ses manifestations qu'on tue à petit feu de la main droite alors qu'on en fait la promotion du côté gauche de la bouche.»

M. le Président, comment les gens peuvent-ils comprendre ça, au même moment où le gouvernement réussit à trouver 10 000 000 $ pour la parade péquiste des commissions itinérantes sur la consultation constitutionnelle?

M. le Président, est-ce que le ministre va accepter, va accepter, compte tenu que c'est lui qui met fin à ce programme de compensation, de maintenir certains revenus en provenance des casinos forains? Est-ce que le ministre va être ouvert à des propositions du genre de celle que lui soumettra prochainement l'Association des administrateurs des expositions agricoles, si ce n'est déjà fait, soit d'autoriser la tenue de casinos à Montréal de 40 à 50 jours additionnels? Les profits seraient ainsi redistribués aux expositions locales selon une formule qui serait à être déterminée.

Oui, en conclusion. Le ministre, qui a mis la hache dans ce programme, est-il prêt à faire faire un bout de chemin dans le sens au moins d'une amélioration ou de supporter les initiatives qui lui seront soumises par le milieu dans ce secteur d'activité qui est crucial pour certaines petites expositions agricoles qu'on retrouve sur l'ensemble du territoire agricole québécois?

Le Président (M. Dion): M. le ministre.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): Tout d'abord, M. le Président, concernant la tenue d'un casino, j'ai dit en cette Chambre, et je le répète: Au cours de la dernière année, l'année 1994, le calcul final de la tenue des casinos nous révèle des profits de 4 500 000 $, assimilés... Casinos tenus lors d'expositions ou casinos spécialisés. Or, quand on regarde le nombre de sociétés d'agriculture qui tiennent des casinos, il y en a 16 qui en ont tenu, au cours de la dernière année, sur 71 sociétés d'agriculture. On est actuellement en discussion avec l'Association et on va effectivement regarder certains ajustements qui pourraient être faits, certains supports. Et, ça, c'était déjà prévu avant que le député de Richmond y pense, parce que, lorsqu'on a fait nos exercices budgétaires, on a pris en considération cet aspect-là pour la tenue des expositions agricoles. Alors, on est en discussion avec l'Association, et on va regarder ensemble les moyens d'en ajuster ou d'en supporter, le cas échéant, un certain nombre.

Alors, le deuxième élément sur lequel le député de Richmond me questionne, c'est le personnel du ministère. Ce qu'on a signifié, c'est que le personnel du ministère va continuer à participer aux expositions agricoles, à ces événements, ces foires, sur une base technique et professionnelle. Mais le travail strictement administratif ou logistique, dans lequel on investissait beaucoup d'énergie, ça, ça repose sur ces organismes-là. Et notre personnel va être là pour, justement, travailler, dans leur rôle de support technique, de vulgarisation aussi, auprès des clientèles qui participent à ces foires et expositions.

Je dois souligner que, pour une société d'agriculture, l'aide financière en région couvre jusqu'à 100 % des dépenses admissibles, pour un maximum de 3 000 $ de subventions. Alors, ce programme-là est déjà accessible, aussi. On a déjà... Et ça, c'est l'ensemble des sociétés d'agriculture, au Québec, qui bénéficient déjà de ce programme-là. Alors, il y a déjà une intervention.

Maintenant, du côté des casinos spécialisés, à date, les revenus qui sont générés là révèlent des profits importants, très importants. Quand on parle des chiffres de l'année 1994 et qu'on parle de 4 500 000 $ pour l'ensemble, soit 3 900 000 $ dans les expositions spécialisées, il y a des profits importants. Et on parle quand même de 600 000 $ de profits au niveau des expositions agricoles foraines.

Le Président (M. Dion): Merci. M. le député de Maskinongé.


M. Rémy Désilets

M. Désilets: Oui. M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Marcel Landry. M. le ministre, ma question sera relative au secteur de la recherche et du développement en agroalimentaire. D'abord, dans une économie telle que celle du Québec, le secteur bioalimentaire occupe une place stratégique. Par sa contribution à l'activité économique, 12 % de l'emploi, le territoire immense qu'elle occupe, 7,2 % des exportations, mais, également, par la nature même de son activité qui vise à satisfaire les besoins alimentaires, besoins premiers de tout individu, cela lui confère une stabilité dans le temps à condition de s'adapter aux nouvelles exigences des consommateurs et consommatrices.

Ce secteur vital doit s'adapter à de nouvelles conditions qui sont liées, notamment, à la mondialisation et à la libéralisation des marchés d'échanges. Avec les réductions progressives des programmes d'aide directe, le secteur bioalimentaire québécois devra se positionner, sur les marchés qu'il veut occuper, au niveau de sa spécificité, et devra être compétitif au niveau de son efficacité. Autant d'atouts et de défis qui obligent le Québec à s'assurer que le développement technologique est au coeur de l'action, à en faire un levier majeur d'intervention.

La recherche et le développement constituent probablement la pierre angulaire sur laquelle doit s'appuyer le Québec, le secteur agroalimentaire québécois, afin de relever les défis des prochaines années, qu'ils soient associés à la technologie, à l'environnement, à la mondialisation des marchés ou au développement durable. L'analyse de cette activité stratégique nous amène à divers constats qui démontrent l'urgence d'une intervention stratégique et concertée en recherche. Signalons, premièrement, le manque de structures d'accueil technologiques dans les petites entreprises, ce qui ne leur permet pas d'aller chercher leur juste part des grands programmes gouvernementaux. Ceux-ci demeurent peu adaptés aux petites entreprises du secteur agroalimentaire. Ainsi, la recherche est encore l'apanage d'un groupe limité d'industriels.

(10 h 40)

Deuxièmement, l'utilisation des activités et des résultats de la recherche et du développement agroalimentaire demeure insuffisante comme levier de mobilisation et de développement régional. Les leaders industriels et agricoles n'ont pas suffisamment accès à une expertise de pointe ainsi qu'à tous les outils technologiques nécessaires à leurs besoins.

Troisièmement, l'avantage concurrentiel des spécificités régionales du Québec, tant au niveau de la ressource que des technologies, est sous-exploité.

Nous pouvons, cependant, dénombrer plusieurs points positifs qui pourraient servir de base, de points d'appui pour la mise en place de stratégies visant à faire de la recherche et développement technologique une activité de développement durable, tant pour l'industrie agroalimentaire que pour la relance économique des communautés régionales. En effet, on peut identifier une expertise importante, tant au niveau des universités que du gouvernement, un réseau de laboratoires et des centres de recherche de qualité dans le domaine agroalimentaire, une prise de conscience récente mais croissante de l'importance du développement technologique chez les divers intervenants du secteur, une émergence de politiques ministérielles adaptées aux préoccupations du milieu, tels le développement régional et l'agriculture durable.

Ma question est en deux volets: D'abord, dans ce contexte, M. le ministre, comment entendez-vous intervenir en matière de recherche afin d'axer davantage les interventions du ministère sur le développement des connaissances, du savoir-faire et des technologies? Puis, dans l'approche de recherches que vous proposerez, comment entendez-vous tirer davantage profit des spécificités et des opportunités régionales, tout en mettant à contribution les instances locales?

Le Président (M. Dion): Merci, M. le député. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Je remercie le... Oui, M. le Président.

M. Landry (Bonaventure): ...possibilité de...

Le Président (M. Dion): Bien, le temps ayant déjà été largement dépassé...

Une voix: Non, mais brièvement, autrement...

Le Président (M. Dion): Oui, bon parfait...

Une voix: ...brièvement, autrement personne ne va comprendre ce qu'on se dit ici.

Le Président (M. Dion): Très bien, avec le consentement de l'opposition, certainement. M. le ministre.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): Merci, M. le Président. Bien, rapidement, les axes d'intervention qu'on entend privilégier pour faire de la recherche et développement une activité de développement durable. Pour moi, il y a trois axes fondamentaux. D'abord, privilégier les recherches permettant d'exploiter les spécificités régionales en tant qu'assises du développement de nos avantages concurrentiels. On a de quoi à faire au niveau des régions.

Accélérer aussi l'implantation d'une culture technologique en entreprise. Au cours des dernières années, j'ai eu le temps, j'ai eu l'occasion, comme intervenant dans le secteur agroalimentaire, de voir les progrès que pouvaient faire, par exemple, les entreprises agricoles par des projets d'essais et expérimentations, du transfert technique, mais encadrées aussi par des ressources de recherche, des conseillers scientifiques. Ça permet d'introduire et d'accélérer l'implantation de nouvelles technologies, de nouvelles façons de faire, aussi, en agriculture. Et c'est vrai aussi dans le secteur bioalimentaire. On regarde l'émergence de nouveaux produits et tout ça. Mais il y a un aspect culturel là-dedans, il y a une mentalité qu'on crée à l'innovation.

Un troisième axe important, pour moi, c'est d'améliorer la synergie qu'il doit y avoir entre les chercheurs, les partenaires, les usagers dans le développement des connaissances, dans les activités, aussi, de veille et de transfert technologique. Dans le fond, tout le secteur en bénéficie. Alors, dans un contexte, aussi, de restriction des dépenses publiques, il faut, dans le fond, amener tous les intervenants privés du secteur à mieux tirer profit des mesures gouvernementales et à les inciter à investir davantage en recherche et développement. Il faut aussi regrouper les ressources vives régionales autour de projets de recherche qui vont mobiliser les gens, justement pour mettre en valeur les avantages concurrentielles des régions. Troisièmement, il faut investir aussi dans les compétences scientifiques et techniques disponibles, tout en assurant une gestion concertée des idées et des initiatives qui émergent dans les milieux.

Alors, des pistes sur lesquelles on peut travailler, c'est des centres de recherche agroalimentaire à vocation régionale, entre autres, qui pourraient être mis en place, et ça, bien, sur la base de partenariat entre les universités, les collèges, certaines entreprises qui poussent là-dedans et aussi les équipes de recherche de notre ministère, évidemment. Alors, il y a un rayonnement, au niveau des régions, de nos stations de recherche, qui peut, selon moi, être mieux articulé autour de peut-être cinq ou six grandes ères de rayonnement, pour couvrir, dans le fond, l'ensemble des régions en même temps. Et il y a des éléments, dans le mandat du Conseil des recherches en pêche et en agroalimentaire du Québec, communément appelé le CORPAQ aussi, qui doivent être pris en considération, entre autres un rôle d'élaboration au niveau des stratégies de développement du secteur agroalimentaire, le travail de concertation, le travail au niveau du développement d'une culture technologique en entreprise, un rôle, aussi, au niveau du maintien du potentiel technologique et la capacité de l'expertise en agroalimentaire.

Maintenant, comme je l'ai mentionné en début, cette recherche-là, M. le Président, ça repose nécessairement sur du partenariat. Mon collègue de Richmond, tout à l'heure, faisait allusion au travail ou aux retombées du Sommet de l'agriculture. Eh bien, je pense que cette notion-là de partenariat, elle est aussi vraie dans la recherche et développement que dans tous les autres secteurs.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. M. le député de... Oui?

M. Vallières: Dans ce secteur-là, il y a des réunions.

Le Président (M. Dion): M. le député de Shefford.

M. Landry (Bonaventure): J'y reviendrai, si vous voulez, M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Tout d'abord, avant de débuter mon exposé sur le financement agricole, je déplore le fait que le parti ministériel essaie de faire dévier le débat. On vient de perdre une dizaine de minutes sur une question. Évidemment, pour les auditeurs qui nous écoutent, on sait ce que c'est, une question plantée. On s'aperçoit que, par ses astuces, le ministre essaie de faire dévier tout simplement le débat sur les vrais problèmes agricoles actuels. On parlait tout récemment des expositions agricoles. Le ministre n'est pas conscient... Et semble-t-il que les expositions agricoles font partie du patrimoine du Québec. Et, quand on dit patrimoine, on dit culture, et j'espère que le ministre de la Culture pourra faire en sorte de lui donner les mêmes conseils qu'il lui a donnés dans l'affaire du 3 000 $ à 10 000 $.

(10 h 50)

Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais vous entretenir d'un point majeur pour le secteur agricole québécois. En effet, le financement agricole constitue un des quatre piliers de l'agriculture et demeure un point extrêmement sensible pour les agriculteurs qui ont besoin d'un accès avantageux au financement pour assurer leur développement. L'actuel ministre de l'Agriculture, M. le Président, vient de passer, en catimini, dirais-je, et sans consulter, un règlement modifiant le taux d'intérêt de référence de l'agriculteur, qui augmente de 4 % à 8 %. Par ce geste, le ministre s'est encore attiré les foudres de l'UPA qui déplore une telle hausse, mais, surtout, qui constate un manque flagrant de vision du ministre dans ce dossier. À cet effet, le président de l'UPA, M. Laurent Pellerin, signait un éditorial, dans La Terre de chez nous de la semaine du 30 mars au 3 avril, intitulé «Y a-t-il encore une vision de l'agriculture à Québec?». Il parlait, entre autres, du règlement bâclé dans l'affaire du financement agricole. Vous constatez, M. le Président, que ces remarques proviennent du milieu, non pas de l'opposition officielle, même si nous partageons entièrement cet avis.

Le ministre nous a indiqué, en commission parlementaire, que chaque augmentation de 1 % du taux d'intérêt implique un déboursé de 8 800 000 $ pour la Société de financement agricole. Ainsi, en augmentant le taux de base des agriculteurs de quatre points additionnels, le ministre vient transférer un fardeau de plus de 38 000 000 $ directement chez l'agriculteur, qui devra absorber cet ajustement directement de son portefeuille. Malgré qu'il y ait une ouverture pour l'agriculteur à temps partiel et pour les syndicats de machinerie, il n'y a pas d'argent neuf, et la Société de financement agricole récupérera l'augmentation du budget dans la poche des autres agriculteurs.

Le plus dramatique, M. le Président, dans ce règlement, est lié au fait qu'il vient toucher directement le développement de la relève agricole. En effet, les jeunes qui s'établissent sur les terres ont besoin de plusieurs années avant de solidifier leurs entreprises et, ainsi, se diriger vers la prospérité. Ce n'est pas en agissant de la sorte que le ministre intéressera les jeunes agriculteurs à s'établir. À cette question, probablement que le ministre nous répondra tantôt qu'il a débloqué les primes d'établissement, qu'il a fait sa part pour la relève agricole. Cependant, le ministre manque encore une fois de vision, car il leur offre d'une main en débloquant les primes à l'établissement et leur retire de l'autre en augmentant leur charge d'intérêt.

Au risque de me répéter, M. le Président, j'aimerais rappeler que les premières années d'activité sont cruciales et, dans la majorité des cas, ponctuées par des revenus très faibles et des charges financières énormes. Voilà l'importance d'avoir un accès de financement à des taux avantageux. Le ministre n'a pas encore compris ça. À quoi bon intéresser la relève agricole si on ne peut pas lui donner, par la suite, des moyens appropriés pour assurer son développement? Il faut agir avec cohérence, M. le Président, et je pense que ce n'est pas la voie qu'a choisie le ministre et le gouvernement dans son autre façon de gouverner.

M. le Président, je n'insisterai pas assez sur l'importance de la consultation. Mon collègue de Richmond a insisté aussi tantôt. Pourtant, ça ne semble pas être la première préoccupation du ministre, qui, du reste, se laisse porter. Il disait tantôt qu'il a fait le tour du Québec en auto. Il aurait fallu qu'il débarque, aussi. J'entends déjà la réplique du ministre qui me dira qu'il a consulté quand même. Alors pourquoi, chaque fois qu'il pose un geste, le monde agricole se mobilise et critique sévèrement ce dernier? J'appelle ça «l'autre façon de consulter». M. le Président, c'est toute une façon de consulter.

En terminant, j'aimerais porter à l'attention du ministre que la Fédération de la relève agricole du Québec, la FRAQ, fulmine contre ce règlement. Son président, M. Jacques Demers, est convaincu que c'est la relève agricole qui écope et qui devra absorber une facture de plus de 6 000 000 $. Pour éviter, M. le Président, toute cette insatisfaction, le ministre aurait peut-être pu s'inspirer de la formule proposée par l'UPA. Mais, encore une fois, j'ose croire qu'une bonne consultation a dirigé le ministre qui, maintenant, récolte ce qu'il a semé au détriment du développement de l'agriculture québécoise. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, sur la question du financement agricole, il y a eu des demandes maintes fois répétées par le milieu agricole. Et, si je regarde les décisions du Sommet de l'agriculture de 1992, les objectifs de la réforme, sur lesquels tout le monde convenait, étaient de rendre accessible le financement agricole à l'ensemble des entreprises agricoles, notamment les entreprises à temps partiel, la transformation à la ferme, les activités agrotouristiques, les regroupements pour l'achat de machinerie, etc.; deuxièmement, minimiser l'impact des hausses de taux d'intérêt pour les entreprises dont l'agriculture est la principale activité; troisièmement, favoriser la formation agricole, l'établissement sur les entreprises rentables et le développement des entreprises agricoles existantes. Notre programme de financement agricole repose sur ces paramètres-là. Et, même si on a eu certaines critiques par rapport à des taux, c'est de bonne guerre dans une négociation que les gens essaient d'aller en chercher la plus grosse partie.

Pour ce qui est de la relève agricole, je dois souligner que les propositions, les ajustements que nous faisons aux formules de plafonnement d'intérêt ont été convenus avec la relève agricole. Évidemment, il y a eu des rehaussements de taux, mais, en même temps, on a introduit des plafonnements aux taux d'intérêt. Et, ça, c'était une revendication importante. D'autre part, le prêt subventionné, le plafonnement du prêt subventionné est passé de 200 000 $ à 250 000 $. Et ça aussi, c'était une revendication du secteur agricole.

On cite l'UPA. Bien, je reprendrai des éléments d'un mémoire qu'on m'a fait parvenir. Même si le mémoire de l'UPA faisait référence aux règlements prépubliés, il y avait des accords dedans. L'UPA nous dit: Cela dit, l'UPA est consciente de l'état des finances publiques. Elle est prête à faire des concessions. Elle est d'accord avec le concept, avancé par la Société de financement agricole, du plafonnement du taux d'intérêt, qui permettra au gouvernement de réaliser des économies extrêmement importantes en période de baisse des taux d'intérêt. Elle est d'accord pour orienter le financement subventionné vers des types de projets visant à accroître la compétitivité des entreprises agricoles, tout en tenant compte du concept de durabilité. Elle est d'accord pour limiter à 15 ans la période où les intérêts sur un prêt sont subventionnés. Finalement, elle est d'accord pour éliminer la bonification d'intérêts sur les prêts d'établissement pour ceux qui ont une formation agricole.

Il faut rappeler que, la prime à l'établissement, elle passe de 15 000 $ à 20 000 $ pour ceux qui ont une formation de niveau collégial. Et on a convenu d'un plafond différent pour ceux qui ont une formation collégiale spécialisée en agriculture ou supérieure, un autre taux pour les gens qui ont une formation spécialisée de niveau secondaire et pour ceux qui ont une formation secondaire générale. Et cette proposition-là a été adoptée par l'assemblée générale de la Fédération de la relève agricole du Québec. Alors, je pense que c'est représentatif comme position.

Alors souvent, à force de se bâtir une argumentation politique strictement par la lecture des journaux... Et, pour moi, la revue est en retard, le député de Shefford arrive souvent avec des débats dépassés et il plante des clous déjà enfoncés. Ces problèmes-là, ils sont déjà réglés.

Maintenant, en terminant, M. le Président, lorsqu'on parle d'un impact de 30 000 000 $, c'est un peu farfelu, comme certains des chiffres qu'ils évoquent. L'impact, il est de 6 000 000 $.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. M. le député de Shefford.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: M. le Président, est-ce que, donc, le ministre, je ne sais pas s'il insulte son voisin de banquette, le président de la Société de crédit agricole du Québec, déclarant, en commission parlementaire, pas plus tard que cette semaine, que chaque augmentation du taux d'intérêt de 1 % équivalait à 8 800 000 $ directement payable par la Société de crédit agricole du Québec? Je ne sais pas s'il y a des chiffres qui diffèrent lorsque ça s'en va ailleurs. Si c'est 8 800 000 $ pour 1 %, j'imagine que c'est 8 800 000 $ pour tout le monde. Donc, c'est transféré, ça, dans le budget de l'agriculteur.

Je suis surpris de voir que le ministre nous relate le Sommet de l'agriculture du Québec, lui à qui on reproche de n'avoir fait aucun suivi, probablement. Puis on a vu, d'ailleurs, que sa réponse était déjà toute écrite d'avance. Justement, ce que le milieu lui reproche, c'est de n'avoir fait aucun suivi sur le sommet agricole.

Il nous parlait de la relève agricole, il y a quelques minutes. Il nous disait qu'il était pour établir des mesures pour aider ces gens-là. Il nous a dit aussi, en commission parlementaire, qu'il songeait à offrir à la relève agricole, qui a besoin, absolument, pour se développer, d'un taux au moins, là, ne dépassant pas 6 %... Il nous disait qu'il était prêt à offrir un 6 % aux gens, aux jeunes qui pouvaient nous démontrer qu'ils avaient un D.E.C. lors de la demande du prêt agricole. C'est 12 %, ça, M. le Président, 12 % de la relève agricole. Quand on sait qu'au Québec il y a 4 000 exploitations agricoles qui étaient en recherche de relève. Donc, là, on s'imagine facilement que c'est insuffisant comme mesure.

(11 heures)

Le Président (M. Dion): Vous avez une question supplémentaire, M. le député de Shefford?

M. Brodeur: Oui, M. le Président. Concrètement, à part le discours, qu'est-ce que le ministre entend faire pour aider la relève agricole qu'il semble vouloir aider, peut-être, à quelques pourcentages seulement? Et il doit être conscient aussi, M. le Président, que les institutions financières qui font les prêts agricoles regardent en grande partie, et en majeure partie, la capacité de remboursement, particulièrement d'un jeune agriculteur, qui est souvent plus endetté que l'agriculteur d'expérience, ayant déjà une certaine expérience de la vie. Et comment fera-t-il pour que les institutions financières aient confiance en cette relève-là? En plus que, dans certains domaines, par exemple, on diminue l'assurance-stabilisation qui est... Le chèque, souvent, de l'assurance-stabilisation est pris en garantie par l'institution financière. Comment va-t-il rassurer les institutions financières lorsqu'elles feront des prêts aux jeunes agriculteurs?

Le Président (M. Dion): M. le ministre.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, pour éclairer la lanterne du député de Shefford, lorsqu'on parle d'un impact de 6 000 000 $ et que, lui, évoque 30 000 000 $, on n'a pas à rappeler tous les anciens prêts de la Société de financement agricole. Les ajustements qu'on a faits au niveau de la référence de base sur les taux d'intérêt, c'est pour ceux qui vont être consentis, et il va y avoir un ajustement progressif avec les années pour les nouveaux prêts qui seront consentis. Lorsqu'on travaille sur des paramètres d'établissement agricole, il faut tenir compte des modes de transfert des entreprises. Or, il y a un travail important qu'on fait. Au niveau de la Société de financement agricole, au niveau du ministère de l'Agriculture, par nos conseillers régionaux et nos conseillers locaux, il y a un travail important qui se fait en collaboration, aussi, avec les représentants de l'Union des producteurs agricoles, au niveau de la vulgarisation de nouvelles façons, de nouveaux modes de transfert d'entreprises qui permettent d'éviter un endettement massif, aussi. D'autre part, quand on regarde le nombre de jeunes qui se sont établis et qui étaient retardés, c'est près de 1 000 cas, là, qui ont été dégelés, comme on dit, depuis septembre dernier. Alors, je ne vois pas en quoi nos politiques insécurisent à ce point-là les institutions financières.

D'autres part, lorsqu'on parle d'ajustements au niveau de la sécurité du revenu, le député de Shefford ne semble pas comprendre qu'une mesure de sécurité du revenu, elle joue en fonction d'une conjoncture. Ce sont des assurances qui viennent combler le manque à gagner. Mais il y a la réalité de la production, aussi, et le plan d'affaires des entreprises qui est en cause. Le député de Shefford semble oublier des réalités aussi fondamentales que ça. Alors, voilà pourquoi, actuellement, les jeunes qui ont une formation, qui ont un plan d'affaires peuvent aller en agriculture.

En plus, pour la question de la formation, on parle d'un taux de 6 % pendant cinq ans pour ceux qui ont une formation de niveau collégial. 6 %, M. le Président, c'est relativement petit comme taux d'intérêt à assumer et c'est un incitatif supplémentaire pour les jeunes qui veulent s'établir; une prime à l'établissement de 20 000 $. Pour ceux qui n'ont pas complété leur formation, on leur donne même un horizon de sept ans pour compléter une formation. S'ils sont déjà en exploitation, ils ont jusqu'à sept ans pour compléter leur formation. En plus, on offre même un prêt sur la prime à l'établissement pour ceux qui veulent se perfectionner sur une base plus intensive pour accéder à l'établissement complet le plus vite possible. Alors, voilà des mesures qui favorisent l'établissement, qui encouragent les jeunes, et, ça, la relève agricole l'a reconnu. Le député de Shefford ne s'est pas rendu compte de ça, mais les jeunes, eux, le reconnaissent.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. M. le député de Bellechasse.


M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Je comprends que c'est le rôle de l'opposition de s'opposer, mais, à voir ce que j'ai entendu au cours des minutes qui viennent de se dérouler, tour à tour le député de Richmond et le député de Shefford accuser le ministre de manquer de vision, je pense qu'ils devraient se regarder dans le miroir un peu, un peu beaucoup. Ces gens-là étaient au pouvoir il y a à peine sept mois, et, quand on regarde, qu'on observe ce qui se passait au ministère de l'Agriculture, comme dans beaucoup d'autres ministères du gouvernement libéral, il n'y avait pas de quoi pavoiser.

M. le député de Shefford, heureusement, vous avez des coupures de presse, parce que, avec votre collègue de Richmond, j'ai l'impression que vous n'auriez pas grand-chose à dire autrement. Je comprends, là, que ça fait partie des règles parlementaires, et puis ça se déroule bien, normalement, en présence du leader de l'opposition, le député de Brome-Missisquoi.

Mais, moi, j'aurais le goût de vous rappeler certaines petites choses à la mémoire et, en particulier, le fameux Programme d'aide à l'amélioration de la gestion des fumiers. Oui. En 1988, on annonçait en grande pompe – on joue du violon, on se promène devant une caméra de télévision – 388 000 000 $ que le gouvernement devait injecter sur une période de 10 ans. Dix ans, M. le Président. Or, qu'est-ce qui est advenu de ce programme-là? 388 000 000 $, ça veut dire une moyenne de 38 800 000 $ par année. On est rendus en 1995. Combien il y a de millions qui ont été injectés dans ce programme-là? 73 000 000 $, même pas l'équivalent de deux années, en moyenne, de ce qui avait été prévu initialement. Alors, au lieu de regarder la paille dans l'oeil du voisin, on devrait regarder la poutre dans l'oeil du voisin! Et je pense que nos amis de l'opposition devraient humblement le reconnaître.

L'autre chose qu'on a découverte aussi, c'est les nombreux cas, les centaines de cas de primes à l'établissement qui attendaient, lorsqu'on a pris le pouvoir. Et c'était la mode, à ce gouvernement, d'arriver puis de nous sortir des beaux chiffres, des chiffres ampoulés, avec des millions de dollars, mais aussi d'avance, avec des crédits périmés. Et il fallait jouer à cache-cache. On se demandait à quelle place il allait y avoir des coupures en cours d'année. Et je me souviens des beaux parleurs qu'il y avait comme ministres de l'Agriculture, l'ex-député de Portneuf, M. Pagé, superbe comme façon d'enrober, et le député de Maskinongé aussi, peut-être moins fin causeur, mais quand même grand causeur.

Une voix: À l'époque, à l'époque. Pas le nouveau. Ha, ha, ha!

M. Lachance: Oui, là. Je parle évidemment de M. Picotte. M. Picotte. Alors, je pense que ces gens-là avaient des coquilles vides à nous présenter. Puis, quand on dit aujourd'hui que le ministre actuel manque de vision, ces gens-là avaient peut-être l'air d'en avoir une, mais, en réalité, ce n'était pas extraordinaire, comme vision. Et je tenais à le souligner.

Maintenant, M. le ministre, pour revenir à l'objet de notre interpellation, il y a quand même des préoccupations majeures que nous pouvons avoir dans le contexte actuel de la concurrence mondiale. Et je fais allusion à la formation. Avec les accords du GATT, qui est devenu l'Organisation mondiale du commerce, je crois que, de plus en plus, la qualité des ressources humaines, que ce soit en agriculture ou dans d'autres domaines, ça va être un élément déterminant pour faire de la concurrence sur la scène internationale.

Certains chiffres sont assez alarmants. Par exemple, j'ai constaté que, en ce qui concerne la main-d'oeuvre dans l'industrie de la transformation bioalimentaire, il y avait quelque chose comme 50 000 personnes dans ce secteur-là et que plus de 60 % des manoeuvres étaient sans formation particulière. Inutile de vous dire que ça m'inquiète. Alors, j'aimerais savoir, de la part du ministre, si son ministère a l'intention d'entreprendre des éléments particuliers pour améliorer la formation de la main-d'oeuvre dans le secteur agroalimentaire.

Le Président (M. Dion): M. le ministre.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): Oui, M. le Président. Dans les statistiques que cite le député de Bellechasse, effectivement, on constate un problème important de formation. Je regardais les statistiques de notre formation. Au niveau des entreprises agricoles, même si, en moyenne, notre population agricole est plus jeune que la moyenne canadienne – on parle d'une moyenne de 46 ans au Québec et de 39 ans au niveau canadien – on se rend compte qu'il y a un écart en termes de formation moyenne d'un an de scolarité; 11 par rapport à 10 au Québec, et ce, malgré une population plus jeune.

(11 h 10)

Évidemment, il y a eu un rattrapage au cours des dernières années qu'il faut reconnaître. On était à neuf, on est rendu à 10, mais il faut continuer ce travail d'incitation à la formation. Au niveau des entreprises de transformation, au suivi du Sommet, justement, on nous donnait certaines statistiques à l'effet qu'il y a environ 10 000 travailleurs et travailleuses qui, en plus de ne pas avoir de formation spécialisée, ne maîtrisent pas nécessairement des compétences de base en termes de lecture, d'écriture, de calcul. Et ça, je crois qu'on a un investissement collectif à faire là-dedans. Par ailleurs, ce qu'on constate au niveau de la transformation, c'est qu'on a seulement 3 % de la main-d'oeuvre totale de ces entreprises qui représente du personnel technique et scientifique. Alors, il y a des programmes, effectivement, au niveau de nos ITA, et il y a un travail en collaboration avec les partenaires industriels au niveau du développement de programmes en technologies de l'alimentation. Il y a un travail, aussi, important de fait avec les réseaux scolaires de niveau collégial, de niveau secondaire aussi, au niveau de l'accès à de la formation technique et professionnelle dans le secteur bioalimentaire. Et, à titre d'exemple, il y a déjà des initiatives qui marchaient et qu'on va poursuivre, entre autres, les pages jaunes de la formation, qui présentent à l'ensemble des entreprises toutes les formations ou les perfectionnements disponibles ainsi que les principaux programmes gouvernementaux d'aide financière pour supporter les activités de formation. Alors, voilà un certain nombre d'outils.

Maintenant, il y a un travail de sensibilisation là-dessus qui se fait avec l'aide de revues, qui se fait par des séminaires, aussi, qui se fait par des activités régionales ou interrégionales de promotion. Et, au cours de la dernière année, les régions qui ont été touchées, particulièrement, au niveau de la formation, dans le domaine bioalimentaire, ont été le Bas-Saint-Laurent–Gaspésie, l'Abitibi, la Beauce, l'Estrie. Au cours de cette année, nous visons particulièrement la grande région de Montréal, Québec, les Bois-Francs et la Mauricie. Alors, progressivement, ces activités, ces séminaires de sensibilisation, tous les outils de promotion, dans le fond, supportent aussi cette activité-là. Pour moi, il faut que tout le monde, dans le fond, mette l'épaule à la roue là-dessus: l'État, les entreprises, les travailleurs aussi évidemment. Et, là-dessus, je regarde, au niveau des tables de suivi du Sommet, la participation des représentants des travailleurs, qui investissent beaucoup d'énergie sur cette promotion-là.

J'aimerais revenir sur un élément sur lequel, et le député de Richmond, et le député de Shefford sont venus titiller un peu. La question du suivi du Sommet. M. le Président, à deux reprises on a dû remettre la rencontre de tenue du Sommet parce qu'un de nos partenaires n'était pas disponible à cause d'un certain nombre d'autres activités. L'automne dernier, c'était la préparation du congrès général de l'UPA, et, à cause de cet événement annuel là, qui est majeur pour l'organisation, ça ne leur convenait pas. Cet hiver, après le Forum sur les pêches que nous avons tenu – le premier depuis 17 ans – eh bien, ils avaient les mêmes problèmes de disponibilité à ce moment-là. Voilà pourquoi il va se tenir en mai.

Dernier élément, M. le Président. Je tiens à souligner que le précédent ministre de l'Agriculture ne siégeait pas à la table de suivi du Sommet. Et, moi, j'ai accepté, à la demande des partenaires, d'y participer...

Une voix: Bravo!

M. Landry (Bonaventure): ...parce que je considère que c'est suffisamment important pour y être présent.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. M. le député de Brome-Missisquoi.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. L'ancien ministre de l'Agriculture n'a besoin de personne pour se porter à sa défense, son bilan est là. Il continue d'être apprécié de l'ensemble de la population qu'il a servie pendant plus de 20 ans comme député de Maskinongé. Simplement pour rappeler – ça me sert d'entrée en matière – que l'ancien ministre de l'Agriculture était également ministre responsable du développement régional et qu'il avait à coeur le développement des régions du Québec. Je pense que tous les parlementaires en cette Chambre en ont déjà convenu.

Il y a neuf mois, on se retrouvait ensemble sur le terrain en pleine campagne électorale, et chaque formation politique y allait de ses engagements formels envers la classe agricole. Le député de Richmond, le député de Shefford, d'autres députés libéraux sont intervenus quant à des bris d'engagements électoraux déjà commis par le Parti québécois. Les pêcheurs ont été abandonnés, les travailleurs forestiers ont dû manifester en Gaspésie.

Moi, je vais revenir sur un engagement très précis sur lequel au moins six députés péquistes ont fait campagne et ont été élus. Ils ont été crus, il y a neuf mois, par la population, M. le Président. Engagement du Parti québécois «Des idées pour mon pays». Je ne sais pas si le ministre de l'Agriculture en a déjà pris connaissance, mais on retrouve, à l'intérieur de ce document, l'engagement formel suivant: Le Parti québécois s'engage à favoriser la transformation et la distribution locale et régionale des produits agricoles. Qu'en est-il neuf mois plus tard pour les six, la demi-douzaine de députés péquistes de la région de Lanaudière? M. le Président, on n'est pas surpris, là, de constater qu'il n'y en a aucun parmi nous, ici, ce matin, parce que ces gens-là doivent être drôlement gênés de la situation qui prévaut dans leur région. Ces gens-là ont promis à la population des comtés de Berthier, de Joliette, le ministre responsable du développement régional, de L'Assomption, le premier ministre du Québec, de Masson, de Rousseau et de Terrebonne qu'on rouvrirait l'abattoir de Saint-Esprit.

La situation n'est pas complexe, elle n'est pas compliquée. Vous avez, dans cette région de Lanaudière, des producteurs de porcs qui produisent à peu près 500 000 porcs sur une base annuelle. L'abattoir a fait faillite au début des années quatre-vingt-dix. L'abattoir a été racheté en 1993 par un groupe de producteurs agricoles, une coopérative qui s'est associée à une industrie québécoise de fine pointe dans le domaine, le Groupe Brochu Lafleur, pour ne pas les mentionner. Et cette usine rencontre toutes les normes environnementales, tout est prêt à fonctionner, sauf que le Parti québécois, le ministre de l'Agriculture ne donne pas suite à un engagement formel.

Cette région est située à proximité du marché de Montréal, peut facilement écouler ses produits. Présentement, on prend la matière première de cette région, on la – vous me passerez l'expression, M. le Président – charrie à travers la province de Québec. Des frais de transport additionnels, des coûts additionnels, pour les producteurs, en perte de poids: plus longtemps l'animal est charrié ainsi, plus il perd de poids. Le ministre se cache derrière des comités de conciliation, le ministre se cache derrière la Régie des marchés agricoles, il n'y a pas d'élément nouveau au dossier.

Lorsque les engagements ont été pris par le Parti québécois il y a neuf mois, le dossier était connu. Il y a des députés libéraux qui ont même subi les foudres de la population parce qu'ils n'avaient pas donné suite à ce dossier. Même, il se crée une unanimité chez les intervenants, M. le Président. L'actualité s'est emparée de ce débat-là, parce que, quand on ferme une usine de ce type-là dans une région, on vide la région. C'est ce qu'on appelle le Québec divisé en deux, ce qu'on appelle l'exode rural. Dans Le Bulletin des agriculteurs du mois de mai, M. le Président, vous retrouvez: «L'abattoir de Saint-Esprit est devenu un symbole de lutte contre l'exode de nos régions. Quand les usines disparaissent, c'est souvent toute la production qui disparaît.» Dans La Terre de chez nous , M. le Président, l'évêque d'Amos, Mgr Gérard Drainville, s'exprime ainsi, et je le cite: «Il me semble si évident qu'il faille transformer les produits près des lieux de production que tous les obstacles techniques qui peuvent s'y opposer doivent être levés, tellement les intérêts du producteur et du milieu rural y gagneront à long terme.»

(11 h 20)

Je sais que le ministre a probablement, comme il a répondu à mes collègues, une fiche technique, qu'il va me répondre qu'il ne peut pas. Qu'il vérifie donc sa Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, il a tous les pouvoirs. Quand allez-vous prendre la décision en faveur des producteurs et de l'économie de cette région, avant que cette région ne se vide et que les producteurs ne fassent faillite?

Le Président (M. Dion): Merci. M. le ministre.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, sur un ton beaucoup plus modéré que le député de Brome-Missisquoi qui, j'imagine, regrette le laxisme qu'il a eu par rapport au moratoire sur la production porcine dans la région de Lanaudière, il aurait eu le temps, même à l'époque où cette entreprise de transformation là a fait faillite, il aurait eu le temps de le lever, le moratoire. Et c'est ce que mon collègue s'apprête à faire, ce qui va permettre, justement, le développement de cette production-là.

J'ai eu l'occasion de rencontrer, l'automne dernier, des intervenants de Lanaudière, de constater l'intérêt très grand des gens de Lanaudière à la réouverture, et je les ai rencontrés, d'ailleurs, avec mes confrères et consoeurs députés de la région. J'ai eu l'occasion, aussi, de rencontrer le groupe qui s'est associé à un groupe de producteurs pour la relance de cette usine-là. Il y a, en même temps, à prendre en considération... Et ça, le député de Brome-Missisquoi devrait le savoir. Il y a des levées de moratoire nécessaires pour permettre un certain développement de la production, compte tenu que la capacité de transformation installée au Québec est plus grande que l'approvisionnement dont on dispose. Et, ça, c'est une des données importantes. Lorsqu'on a discuté avec les gens de Lanaudière, l'automne dernier, évidemment, on disait: L'ouverture, elle va, en partie, dépendre aussi de la levée de ce moratoire-là pour assurer un approvisionnement de base à cette usine-là.

D'autre part, il y a un élément du dossier qui est devant la Cour supérieure, et, ça, je suis obligé de respecter cet aspect-là. Je dois aussi vous dire qu'il y avait une démarche de conciliation qui se terminait hier. Je n'ai pas encore reçu le rapport de conciliation, mais les parties au litige, à savoir le groupe Les Salaisons Brochu ou la Fédération, pourront demander à la Régie des marchés agricoles, compte tenu que la conciliation n'a pas fonctionné, d'arbitrer le litige.

Évidemment, je suis aussi intéressé que le député de Brome-Missisquoi à des activités de développement régional. Je viens d'une région qui a été vidée de ses outils de transformation au niveau bioalimentaire, et je ne souhaite à aucune région de vivre les mêmes situations. Mais, au lieu de miser strictement sur une centralisation, nous travaillons actuellement à l'émergence de projets. D'ailleurs, dans le mandat aussi de SOQUIA, cet aspect d'un partenariat à des projets régionaux est réaffirmé. C'est vrai aussi lorsqu'on parle de transformation, pas seulement les grandes unités de transformation – parce que ce fut un jour un rêve de n'avoir que des grosses, grosses unités de transformation – nous misons même sur la transformation à la ferme, sur le développement d'un réseau de commercialisation, aussi. Et, ça, au niveau du développement rural et du développement régional, ce sont des leviers importants, aussi.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. M. le député de Maskinongé. Pour une brève question, M. le député?

M. Paradis: Pour tenter de vider le sujet.

Le Président (M. Dion): Bon, pour une brève question.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Moi, je m'excuse du ton que j'ai emprunté auprès du ministre, mais, lorsque vous constatez la colère qui anime les gens du milieu, vous ne pouvez faire autrement que de tenter de transmettre à l'Assemblée nationale la colère qui anime ces gens. Je vais référer le ministre à un article paru dans La Presse , le 11 avril dernier – ça ne fait pas tellement longtemps. On décrivait la situation suivante: «Saint-Esprit, 2 125 habitants, au coeur d'un secteur au zonage totalement agricole, dans la région de Lanaudière, a été le théâtre, hier après-midi, de ce qui passera sans doute à l'histoire comme la "Bataille de l'abattoir". Tous les commerces de détail de la bourgade – un restaurant, une auberge, une épicerie – ne servaient plus personne. Les enfants des écoles avaient congé. Et la caisse populaire, le plus gros employeur de la municipalité, était fermée, ses 18 employés mêlés aux éleveurs de porcs et à toute la population qui manifestait dans la rue. Le tout Saint-Esprit, au volant des tracteurs de ses cultivateurs et éleveurs de porcs, de tous ses camions, de ses voitures, roulait au ralenti sur la rue principale, et sur les deux grandes routes voisines», etc.

Quand ces gens-là ressentent ce type de colère parce qu'ils se sentent trahis... Ces gens-là avaient lu l'engagement électoral du Parti québécois. Ils avaient entendu six députés de la région de Lanaudière se commettre quant à l'ouverture de cet abattoir. Ils avaient entendu et ils comptaient sur le ministre responsable du développement régional. Ils avaient entendu et ils comptaient sur le premier ministre. Et, neuf mois après, le ministre vient me répondre, et c'est ce que je n'osais pas avoir comme réponse: Il y a un comité de conciliation qui a fini avant-hier. La cause est devant la Cour supérieure mais n'a pas encore été entendue. Adressez-vous donc à la Régie des marchés agricoles, peut-être que vous allez avoir des renseignements.

Mais ce n'est pas ça que les politiciens ont promis à la dernière campagne électorale. Ils ont promis la réouverture. S'il y avait réouverture, il n'y aurait pas besoin de comité de conciliation. S'il y avait réouverture, il n'y aurait pas de cause devant la Cour supérieure. S'il y avait réouverture, les gens ne s'adresseraient pas, pour des renseignements, à la Régie, ils demanderaient au ministre. La Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche vous permet de prendre une décision. Tout le monde va supporter cette décision-là dans cette région. Votre premier ministre va être fier de vous. Je pense que ça pourrait peut-être, dans le contexte qu'on a connu dernièrement, ajouter une fleur à votre boutonnière.

Tout ce qui nous intéresse, de ce côté-ci, c'est de s'assurer que cet engagement qui a été pris – et on y croit à cet engagement-là, ce n'est pas parce que c'est un engagement péquiste qu'on n'y croit pas – soit respecté, que ces gens-là puissent cesser d'exporter leurs produits naturels à l'extérieur pour être transformés ailleurs au Québec. Si on peut... Ils le produisent déjà là, c'est déjà là. Les producteurs sont embarqués sous forme de coopérative. La technologie est là. Les marchés sont à proximité. Et présentement on gaspille de l'argent à charrier les cochons à travers la province. Est-ce que c'est ça, la politique du PQ? Changez votre programme si vous ne voulez pas l'appliquer. Les gens comprendront et voteront autrement la prochaine fois.

Le Président (M. Dion): M. le ministre.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): Est-ce que c'est pour ça, d'ailleurs, qu'ils ont changé de gouvernement le 12 septembre, M. le Président?

M. Paradis: ...dans ces comtés-là le 12 septembre. Livrez la marchandise, maintenant.

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, dans le dossier de relance de l'abattoir de Saint-Esprit, oui, je pense que c'est important qu'il puisse réouvrir. Mais ça ne peut pas se réouvrir en désorganisant, quand même, un secteur. Et le député de Brome-Missisquoi devra reconnaître quand même qu'il y a un certain nombre de règles de mise en marché des produits. Et je ne l'ai pas inventé en arrivant au pouvoir, c'est une tradition d'organisation collective de la mise en marché qu'on a au Québec et qui doit se faire selon certaines règles qui doivent être respectées. Il y a des principes de négociation de conventions entre abattoirs, entre fédérations de producteurs, et, ça, on doit aussi prendre acte de ce processus-là. Alors, en même temps, il y a l'intérêt d'une activité régionale importante en termes de transformation.

Maintenant, on peut décider d'intervenir de n'importe quelle façon, mais ce n'est pas comme ça qu'on règle les problèmes à long terme. Si ça avait été si simple, pourquoi, il y a trois ans, lorsque nos prédécesseurs l'ont fermé, n'ont-ils pas pris le temps de... et ne se sont-ils pas donné la peine de créer les conditions, justement, pour qu'il rouvre? Ils auraient dû le faire à ce moment-là. La levée du moratoire. Il y avait déjà une concertation importante dans Lanaudière et ça aussi les gens étaient là-dessus. Et, cet hiver, on a pu constater que les gens de Lanaudière sont prêts aussi à la levée de ce moratoire-là, et on nous a rappelé qu'ils l'ont déjà demandée auparavant et qu'ils n'ont pas été écoutés. Alors, il y a la levée du moratoire qui est une condition essentielle, selon moi, au niveau du développement, compte tenu qu'on est dans une situation de surcapacité de transformation par rapport à la production qu'on fait actuellement.

Il y a eu des investissements, l'an passé, dans le secteur porcin. On en prévoit, des investissements importants, cette année aussi. Mais, en même temps, il y a des levées de moratoire nécessaires, là-dessus, en termes d'approvisionnement. Et je ne pense pas que notre tâche, comme politiciens, ce soit d'en ouvrir un sur des conditions qui vont peut-être en faire fermer d'autres. Il faut s'assurer qu'ils puissent tous fonctionner sur une base rentable. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. Étant donné que le temps court et qu'on s'approche de l'heure où il faudra réorganiser nos débats... Et je constate qu'on n'a pas beaucoup, beaucoup donné de temps aux députés ministériels, même pas le minimum. Alors, je vais au moins leur donner un cinq minutes pour qu'ils puissent s'exprimer. Après, peut-être qu'on pourra donner quelques minutes, aussi, avant de passer à l'étape finale.

(11 h 30)

M. Vallières: Est-ce qu'on peut convenir que le ministre répondra au prochain intervenant ministériel et à la prochaine intervention de l'opposition à la même occasion? Ce qui va nous permettre d'économiser un peu de temps.

Le Président (M. Dion): Parfait. Alors, environ cinq minutes chacun. M. le député de Maskinongé.


M. Rémy Désilets

M. Désilets: Merci, M. le Président. D'abord, une mise au point concernant le député de l'opposition, tantôt, de Shefford qui disait que les questions étaient plantées. Je voudrais lui rappeler que, dans le comté chez nous, dans le comté de Maskinongé, la recherche et le développement en agroalimentaire, qui fut ma première question, c'est primordial, et connaître les orientations du ministre, c'est aussi important.

Concernant le député de Brome-Missisquoi, qui parlait tantôt de l'ancien député et ministre de Maskinongé, c'est chez nous. Et puis, les orientations du programme du Parti québécois... Je mentionne, concernant le programme du Parti québécois, que les assises sont sur l'équité, la justice et la démocratie sociale. Ça, c'est fondamental pour nous autres, et puis on s'en va là-dessus. Concernant l'ancien député et ministre de Maskinongé, je ne m'embarquerai pas sur ses bons coups et ses mauvais coups, mais je peux vous dire que le comté de Maskinongé, c'est un des pires comtés au Québec, présentement, sur la démobilisation, sur la précarité. À tous les niveaux, il y a des zones défavorisées. Ce qui fait qu'avant de dire d'amasser des choses il a sûrement fait des bons coups, mais aussi des mauvais coups, ce qui fait que la population paie pour les coups, maintenant.

Ma deuxième question, M. le Président, elle est tout aussi importante pour le monde de chez nous et elle porte sur le développement des exportations. La mondialisation est maintenant une réalité dans tous les secteurs de l'économie. Aussi bien en aérospatiale qu'en agriculture ou qu'en communications, nous devons faire face à des concurrences qui, autrefois, étaient restreintes à oeuvrer sur leurs marchés naturels.

La mondialisation des marchés, les accords de libre-échange, autant avec les États-Unis qu'avec le Mexique, et les conclusions des négociations de l'Uruguay ont accru le commerce mondial des produits bioalimentaires. En 1992, le commerce international des produits bioalimentaires atteignait 352 000 000 000 $ de dollars américains. Cette situation, M. le ministre, occasionne une réelle concurrence sur les divers marchés qui offrent un potentiel de croissance pour nos produits bioalimentaires.

De plus, nous devons mentionner que les produits bioalimentaires qui profitent de la plus grande croissance actuellement sur tous les marchés sont les produits de valeur ajoutée. Ce phénomène s'explique par de nouvelles tendances de consommation sur les divers marchés mondiaux, et celles-ci sont caractérisées par le vieillissement de la population en Amérique du Nord et en Europe, par une préoccupation d'aliments plus sains, ayant des caractéristiques nutritionnelles conformes aux besoins d'une population plus consciente de sa santé, par des produits avec une plus grande convivialité de préparation, par la création d'une classe moyenne dans un certain nombre de pays asiatiques, par l'adoption de protéines d'origine animale par les pays nouvellement industrialisés.

Toujours dans ce contexte de mondialisation des marchés, il est nécessaire, M. le Président, de mentionner que nos grandes entreprises à capitaux québécois sont en réalité des petites et moyennes entreprises à l'échelle continentale et mondiale. Sachant que nos entreprises, grandes ou petites, sont en concurrence avec les plus grandes firmes mondiales du bioalimentaire, sachant aussi que nous avons à relever plusieurs défis pour se tailler une place sur les marchés mondiaux, est-ce que le ministre peut nous informer sur quels sont les marchés d'exportation prioritaires en 1995-1996? Comment entend-il soutenir les efforts de nos compagnies québécoises dans le développement de marchés étrangers?

Le Président (M. Dion): Peut-être que M. le ministre pourrait répondre par la suite.

M. Landry (Bonaventure): Oui, très bien.

Le président (M. Dion): Alors, je vais donner la parole immédiatement à M. le député de Richmond, et après on fera le point.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Je vous remercie, M. le Président. Avant d'entreprendre la prochaine séance, j'aimerais inviter le député de Maskinongé, qui pose, ce matin, les questions au ministre de l'Agriculture, de bien vouloir s'enquérir auprès de son collègue, le ministre de l'Agriculture, du dossier de Saputo dans son propre comté, qui doit quitter son comté prochainement, s'installer dans la région montréalaise, afin de voir si ces emplois-là ne pourraient pas être conservés dans son comté. Ça pourrait contribuer davantage au développement régional et aux intérêts des gens dans son propre comté. La même chose au niveau du député de Bellechasse, qui a, je pense, un abattoir qui vient de fermer dans son comté, dans le secteur du boeuf, qui attend toujours une prise de position de la part du ministre. À part les comités qui ont été mis sur pied, il n'y a pas grand-chose qui bouge, et on sait que même le maire de la place, le maire de Saint-Charles, a fait des propositions au ministre. Je serais heureux de l'entendre là-dessus, sur ce qu'il en pense, des propositions du milieu.

Mais, M. le Président, les cinq prochaines minutes, je veux les attribuer à la question très importante du droit de produire ou encore de la protection des activités agricoles en zone agricole. On s'est rendu compte que, de façon générale, un peu partout, le milieu est prêt. L'UPA, lors de son dernier congrès, parlait de l'environnement au premier rang, c'était sa thématique, et il semblerait que seul le gouvernement péquiste n'est pas prêt à prendre le virage vert. Pourtant, un gouvernement qui est spécialiste des virages par les temps qui courent, on se demande ce qu'il attend. Et, s'il faut demander à leur ami Lucien d'en parler, on va lui demander de le demander, on est peut-être plus sûr que le gouvernement va s'adapter à cette position de M. Lucien Bouchard.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, ce que le ministre nous dit actuellement, c'est que, en collaboration avec ses collègues des Affaires municipales, de l'Environnement et des Ressources naturelles, il entend proposer diverses mesures. N'est-ce pas là une partie du problème de l'indécision? Qui fait quoi dans le dossier, qui mène dans le dossier, le ministre des Affaires municipales, le ministre de l'Environnement ou le ministre de l'Agriculture? Le problème du ministre de l'Agriculture, c'est qu'il travaille aux côtés ou plutôt derrière des poids lourds, et qu'il est carrément à leur remorque. N'est-il pas vrai que, dans ce dossier sur le droit de produire, le ministre ajuste son agenda sur celui de ses collègues du Conseil des ministres? Il y a toute une différence, M. le Président – et je vais imager ici l'attitude du ministre, parce qu'il n'a pas répondu aux questions qu'on lui a posées là-dessus – entre jouer le rôle de conducteur de tracteur ou être encore assis dans la remorque que tire ce tracteur. Quand tu es dans la remorque, tu suis; quand tu conduis le tracteur, tu mènes. Le ministre de l'Environnement actuel mène; le ministre de l'Agriculture pour sa part, est dans la remorque, il est dans la waguine, comme on dirait à la campagne, M. le Président.

(11 h 40)

Au cours du congrès de l'UPA du 7 décembre, il annonçait qu'il était grand temps de passer à l'action, de bouger. Il a annoncé toute une série de mesures ministérielles, pour 1995, que nous attendons toujours. Rien de concret à ce jour. Il nous promettait un budget additionnel dans le PAAGF, le Programme d'aide à l'amélioration de la gestion des fumiers. Puisque vous en avez parlé, je vais vous en reparler, moi. Qu'en est-il aujourd'hui? Le ministre nous répondait, récemment, lundi de cette semaine: Il faut attendre que mon collègue des Affaires municipales libère le budget sur son Programme d'assainissement des eaux. Si ce n'est pas ça, vous le direz tantôt. Encore une fois, le voici à la remorque de son collègue des Affaires municipales, parce qu'il n'a pas prévu de crédits additionnels dans son propre ministère. C'est en train de devenir une habitude de ce ministre de laisser prendre les décisions par les autres dans des dossiers qui relèvent de sa compétence. C'est 10 000 000 $ de plus par année que vous avez promis, tant en campagne électorale que lors du congrès de l'UPA, et ce que vous nous répondez maintenant: Ça va dépendre si mon collègue a de l'argent.

Alors, comment vous surprendre, M. le Président, que les clientèles du ministre veulent maintenant s'adresser au premier ministre pour faire avancer leurs dossiers? Même le premier ministre, qui renverse vos décisions, semble douter ou mettre en cause votre capacité à prendre les bonnes décisions. À ce rythme-là, il ne faudrait pas vous surprendre de voir les gens se poser maintenant la question: Y a-t-il encore un ministre de l'Agriculture au Québec? C'est là qu'on est rendus, M. le Président, et c'est dommage, c'est triste, parce que c'est dommageable pour le monde agricole québécois, qui a le droit d'avoir un interlocuteur crédible, un ministre capable de se faire écouter, capable, s'il le faut, de donner un coup de poing sur la table au Conseil des ministres de temps en temps. C'est une table qui est capable d'en prendre, et plusieurs des ministres qui l'ont précédé l'ont largement mise à l'épreuve, dont l'ex-député de Portneuf, M. Pagé, et l'ex-député de Maskinongé, M. Picotte. Ils l'ont mise à l'épreuve, et la table est solide. De temps en temps, il peut donner un coup de poing sur la table et exiger des choses pour le monde agricole. Quand le ministre, M. le Président, va-t-il se rendre compte que sa remorque risque bientôt de basculer, de se détacher du tracteur? Et, je le rappelle, M. le Président, ce n'est pas normal que ce soit le ministre de l'Agriculture qui soit continuellement à ajuster son agenda en fonction de ceux de ses collègues.

Alors, la question, M. le Président, est la suivante. Le gouvernement a pris des engagements précis dans le secteur du droit de produire. Il a également scrapé littéralement le règlement sur la pollution d'origine agricole, qui a été prépublié en 1994. Je demande au ministre de l'Agriculture: Comment prévoit-il ou croit-il pouvoir obtenir un arrangement sur la protection des activités agricoles en milieu rural si le gouvernement n'a pas fait son lit sur un règlement eau, air, sol? En d'autres mots, est-ce que le ministre va attendre les décisions de ses autres collègues et accepter de jouer le rôle de la remorque, dans ce dossier, et pénaliser des régions complètes qui sont en attente de développement au niveau de certaines productions et qui ne peuvent le faire à cause de l'absence de réglementation adéquate et à cause, également, du manque de leadership du ministre dans ce dossier?

Le Président (M. Dion): Merci, M. le député. Nous en sommes arrivés à l'étape finale, au cours de laquelle, M. le ministre, vous avez d'abord 10 minutes pour répondre et, ensuite, M. le député de Richmond aura 10 minutes pour terminer. M. le ministre.


Conclusions


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): Alors, aux questions relatives aux marchés extérieurs que nous visons en priorité en 1995-1996, il y a d'abord les marchés de l'Amérique latine, les Antilles, mais principalement le Brésil, le Chili et l'Argentine. Ce sont des marchés en forte croissance, ce sont des économies en forte croissance actuellement, et on regarde l'ouverture manifeste de ces pays-là pour des produits, des services techniques, des échanges scientifiques aussi. Et nous planifions, dans la région de l'Amérique latine, quatre missions commerciales et la participation à une foire, en plus d'accueillir ici aussi des acheteurs de ces pays-là. Deuxième marché-cible au cours de la présente année, c'est le marché de l'Asie, mais particulièrement des activités de soutien prévues à des expositions à Hong-kong, et à Tokyo et à Osaka, au Japon. Il y a aussi un travail sur le réseau de distribution dans la ville de Shanghai. On prévoit aussi, en Corée, une mission commerciale à Séoul. Maintenant, il y a aussi un travail qui vise les marchés de l'Est européen, particulièrement la Pologne, la Hongrie et la Russie. Enfin, il y a toujours un travail important sur le marché américain. Alors, voilà en gros les cibles particulièrement visées en termes de marchés extérieurs.

Maintenant, pour les questions du député de Richmond. Sur le droit de produire, je tiens à lui souligner que nous travaillons de concert avec les trois unions concernées: l'Union des producteurs agricoles, l'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, l'UMRCQ, et trois autres ministères concernés. Et, n'en déplaise au député de Richmond, c'est le ministre de l'Agriculture qui a la responsabilité et le leadership du dossier.

Nous avons convenu de déposer, ce printemps, un projet législatif relatif à la protection des activités agricoles en territoire agricole. Mon prédécesseur avait d'ailleurs fait des efforts importants en ce sens-là, sauf que ça ne s'est pas traduit dans son projet de loi, et voilà pourquoi son projet de loi n'a pas reçu, finalement, l'aval des gens concernés. Mais il y avait eu effectivement un travail. On a repris la démarche et, actuellement, les consultations achèvent auprès de ces partenaires-là.

Ça peut paraître lourd à nos amis d'en face, ces processus de consultation là, mais c'est la façon d'associer concrètement des populations et des organismes concernés à la préparation d'un cadre législatif qui va assurer cette protection-là. C'est un engagement auquel je tiens profondément, et on va livrer la marchandise à cet effet-là.

Lorsqu'il parle des virages, moi, je lui rappellerai leur statu quo évolutif dans ce dossier-là, leur statu quo évolutif ou... Je comprends que, dans ce dossier-là, ils ont fait longtemps, comme disait, il y a deux semaines, le jeune député de Rivière-du-Loup, de la bicyclette stationnaire. Alors, ils ne risquaient pas d'avoir de réaction. Ils ne bougeaient pas dans le dossier. Malheureusement. Et même lorsque mon prédécesseur a tenté de faire certaines... Je ne sais pas s'il n'était pas appuyé par ses confrères et consoeurs du Conseil des ministres, mais, finalement, ça n'a jamais abouti.

Et, en termes de leadership, je rappellerai au député de Richmond qu'il fut un jour sur la banquette ministérielle, puis, à un moment donné, il a été reculé. Alors, il n'a pas nécessairement à faire les gorges chaudes sur ces aspects-là.

Je regarde, à date, les dossiers sur lesquels nous travaillons, la question de la réglementation eau, air, sol à laquelle il faisait allusion tout à l'heure. Eh bien! nous avons fait des représentations auprès du ministère de l'Environnement qui est le porteur. Et l'ancien député de Brome-Missisquoi devrait s'en rappeler parce que c'est justement leur projet de règlement qui n'a pas passé la rampe. Alors, suite à ce règlement-là, qui était en prépublication, qui a été en consultation, on a eu les réactions d'à peu près tout le monde là-dessus, et elles ont été introduites et prises en considération dans la nouvelle version.

Maintenant, M. le Président, il y a quand même certains éléments que j'aimerais rappeler à l'occasion de cette interpellation. Le développement régional, dans le fond, c'est une des cibles importantes sur lesquelles nous allons devoir investir. Et, comme je reconnaissais à mon prédécesseur aussi d'avoir initié la concertation bioalimentaire québécoise par le Sommet et par l'implantation de tables filières provinciales... Parce que ça m'apparaît des outils importants qui, à date, ont eu des résultats inégaux, dépendamment du niveau de concertation à atteindre, de la réalisation de projets concrets. Elles ne sont pas toutes au même rythme, mais il y a là une formule d'avenir. Mais, en même temps, les filières régionales, la concertation régionale de l'ensemble des intervenants bioalimentaires, le développement d'approches, l'occupation des marchés locaux et régionaux, le développement des créneaux, aussi, vont être tout aussi importants pour l'avenir et pour l'amélioration de la situation économique des milieux ruraux.

Et les initiatives qui naissent, ce n'est pas l'État qui les fait, ces initiatives-là. Ce qu'il faut reconnaître, c'est que ce sont des gens dans les milieux, des promoteurs, des promotrices, qui initient ces activités-là. Et notre rôle, c'est justement de les appuyer. C'est de les aider aussi à développer des réseaux de commercialisation. C'est de leur fournir certains outils techniques, des outils de connaissance, aussi, qui leur permettent d'améliorer leur sort là-dedans.

Voilà, M. le Président, le sens des orientations dans lesquelles nous travaillons.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. M. le député de Richmond.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui, M. le Président. Alors j'entendais le ministre nous parler, là, du règlement eau, air, sol. Je veux rappeler au ministre et à son gouvernement qu'en arrivant au gouvernement ils ont littéralement scrapé ce règlement-là. Il vous appartient, maintenant, c'est votre devoir, votre responsabilité d'agir et rapidement. Et rapidement parce qu'il y a des gens qui vous attendent sur le terrain.

Pour ce qui est du droit de produire, c'est un engagement majeur qui a été pris en campagne électorale. Et, de ce côté-ci de la Chambre, nous l'avons indiqué, on y tient à cette pièce. C'est une pièce maîtresse. J'ai hâte de voir ce que le ministre nous réserve dans le dépôt de son projet de loi. Et je veux lui rappeler que, en vertu de nos règles, il nous parle d'un dépôt pour le printemps, ça signifie que, dans la semaine du 11 mai, le ministre, on va devoir voir apparaître, au feuilleton, son projet de loi. Ce qui signifie que, dès la semaine prochaine, il devrait être au Conseil des ministres, M. le Président, avec son projet de loi.

Peut-être, en terminant, M. le ministre... On pourra «expandre» un petit peu pour vous permettre de compléter. Je veux rappeler au ministre également, on parlait des problèmes d'abattoirs, tantôt, entre autres dans le secteur du porc, que, vu de façon un peu plus globale... Un des arguments que le ministre nous apporte, qu'il fait valoir, c'est le manque de volume dans certains abattoirs existants. Mais pour l'augmenter et consolider les activités de ceux qui existent et, possiblement, ouvrir des abattoirs, ne faudrait-il pas penser à un plan d'ensemble, voir le problème de façon plus globale pour en arriver à pouvoir produire plus de porcs, ouvrir des porcheries et augmenter le nombre de porcs produits, et ça, dans le respect des règles environnementales – ça, c'est eau, air, sol – puis le droit de produire, également.

(11 h 50)

Et, quand je dis au ministre qu'il y a des pans complets de notre activité économique en région qui sont mis au ralenti à cause de ça, je pense qu'il doit en être conscient, conscient de l'urgence d'une intervention. Et, s'il y a urgence, on comprend mal que vous n'ayez pas réussi encore à lever le moratoire dans L'Assomption, comme vous l'aviez annoncé. Alors, à quand les actions promises, M. le Président, qui vont permettre aux producteurs d'opérer dans des conditions acceptables pour les municipalités, et ce, en conformité avec les règles environnementales qui sont en attente? C'est ça qu'on vous demande, M. le ministre.

Et, tantôt, il y a un de vos collègues qui disait: Pourquoi vous vous servez des articles de journaux? Pourquoi on se sert des articles de journaux? Je regarde La Terre de chez nous , là, la plus récente. M. le Président: «Manifestation spectaculaire à Saint-Esprit». Deuxième page, M. le Président: «L'UPA rencontre Jacques Parizeau». Troisième page: «Expositions agricoles. Fin du programme de compensation de revenu». Quatrième page, éditorial: «Pour sortir de l'impasse» créée par le ministre. Et ça continue, M. le Président: «En Abitibi-Témiscamingue, on entend livrer une dure bataille au ministre Landry». M. le Président, il est de notre devoir de le faire, de l'indiquer. Il est de notre devoir d'indiquer au ministre... Vous savez, en politique, M. le ministre, il y a une vérité: Quand on n'est pas cru, on est cuit.

On veut vous donner, ce matin, la chance, M. le ministre, de redevenir un ministre crédible. C'est par ce genre de débat que vous pouvez y arriver en nous donnant les réponses aux questions qu'on vous pose. Et le ministre, dans plusieurs dossiers, nous a démontré, ce matin, que, carrément, il refuse de prendre des décisions. Il remet à plus tard et il crée des comités pour ne pas dire qu'il ne se cache pas derrière des comités. Et le ministre est obsédé par la remorque, toujours à la remorque de ses autres collègues dans les décisions.

Et, si, dans le niveau du droit de produire, le ministre, comme il l'indiquait, est vraiment le leader du dossier, bien, qu'il livre la marchandise comme il a été promis aux producteurs agricoles en campagne électorale et comme il a été promis au dernier congrès de l'UPA.

Et, M. le Président, il faudrait aussi aviser le premier ministre de faire attention aux gestes qu'il pose, quand il y a des dossiers qui ne marchent pas tout à fait à son goût – où le ministre de l'Agriculture a, des fois, des difficultés à solutionner certains problèmes – d'avoir tendance à les régler lui-même, comme premier ministre. Il n'y a rien de pire pour la crédibilité d'un ministre que ces choses-là. Alors, on peut se servir de ces tribunes-là pour mettre en garde le gouvernement qui pourrait être porté à court-circuiter les décisions prises par son ministre de l'Agriculture.

Et, M. le Président, il est surprenant de voir que, ce matin, le ministre, malgré les questions précises qu'on lui pose, n'ait pas de réponse à nous donner à part que de reporter, de reporter – c'est devenu une habitude – presqu'éternellement les problèmes qu'on lui soumet. Et, M. le Président, je l'invite à être prudent vis-à-vis des conseillers qui l'entourent. Je vous ai dit tantôt – il y a des éditorialistes qui commencent à le dire – qu'il faudrait peut-être que le ministre se fie un peu plus à son sens populaire naturel pour solutionner les problèmes. Alors, j'espère, M. le Président, que le ministre va sortir des sentiers qu'on lui bat d'avance et qu'il va donner sa véritable mesure au cours des prochains mois. C'est ce qu'on souhaite de ce côté-ci de la chambre. Et, ce genre de débat, on ne veut pas qu'il soit tenu pour rien puis on veut que ça donne des résultats. On veut que le ministre de l'Agriculture passe, M. le Président, de la parole aux actes. Beaucoup de choses ont été dites à ce jour par le ministre, beaucoup de choses. On a l'impression que le ministre est en train de vouloir endormir ses clientèles à discourir. Mais ce que veulent les gens, c'est des gestes concrets, de l'action dans le milieu.

Vous me dites que vous circulez actuellement dans les régions du Québec. Il doit y avoir quelqu'un qui vous en parle, quelque part, que ça ne marche pas. Je vous ai lu le journal tantôt. C'est partout comme ça. Et le ministre a utilisé la méthode du compte-gouttes: goutte à goutte il étend ses mauvaises décisions, évitant d'annoncer de façon globale ses politiques, évitant d'annoncer de façon globale ses intentions, pour éviter une levée de boucliers globale du monde agricole. Mais, M. le Président, le milieu agricole a besoin et mérite plus de transparence de la part de son ministre, et je pense que le ministre qui nous a dit à maintes reprises qu'il voulait jouer livre ouvert devrait le faire davantage avec les milieux agricoles.

Il nous parlait, tantôt – mon collègue de Shefford en a parlé amplement – du financement agricole. M. le Président, qu'on ne prenne pas les gens pour des matelas, en milieu rural. Qu'on ne leur dise pas qu'on leur donne plus, alors qu'on leur retire de la main gauche ce qu'on leur a donné de la main droite. Il nous dit qu'il veut aider la relève agricole, alors qu'on sait très bien qu'il est intervenu au niveau du financement avec une mesure qui pénalise le monde agricole, qui pénalise les gens qui empruntent, qui pénalise les gens qui vont s'établir en agriculture, et, donc, conséquemment, la relève.

On lui a parlé amplement de l'abattoir de Saint-Esprit. Bien, le ministre n'a pas pris de décision, même si le député de Rousseau, de même que la déléguée régionale sont favorables. De façon publique, ils ont dit qu'ils étaient d'accord. Indécision dans ce dossier. Et mon collègue de Brome-Missisquoi l'a indiqué, le ministre a le pouvoir de prendre des décisions.

M. le Président, quand on prend des engagements électoraux, en campagne électorale, vous allez vous rendre compte que, de ce côté-ci, on a peut-être perdu l'élection, mais on n'a pas perdu la mémoire. Vous allez livrer vos engagements, autrement, autrement, toutes les occasions seront bonnes, en cette Chambre, pour vous rappeler ces engagements, pas parce que nous y tenons nécessairement, mais à cause des gens qui vous ont crus et qui, dans bien des cas, ont supporté le Parti québécois. Alors, M. le Président, on ne peut pas, comme ça, jouer indéfiniment à la cachette avec l'électorat. Le ministre, après sept mois, a très peu livré. Il devra, au cours des prochaines semaines, des prochains mois, se mettre véritablement à la tâche.

Et, M. le Président, quand je lui parlais, tantôt, de la tenue du Sommet et de son suivi... Quand je lui dis de se mettre à la tâche, ça veut dire de travailler aux tables filières. Ça veut dire de travailler à la table du suivi. Je suis heureux qu'il accepte de prendre la responsabilité, lui-même, de l'idée de la table, littéralement, du suivi. Mais, entre-temps, si le ministre ne peut pas assister, des fois, à certaines rencontres, il peut déléguer son sous-ministre, comme on le faisait auparavant, afin qu'il y ait un suivi exhaustif de ce qui se passe aux tables. C'est là un outil extraordinaire dont dispose le ministre. Mais qu'il s'en serve! C'est un outil que le Parti libéral du Québec lui a donné quand il a tenu son sommet sur le monde agricole. Qu'il ne rejette pas ça d'emblée, parce que c'est une créature du Parti libéral du Québec. Qu'il change la thématique pour dire que ça s'appelle semer le Québec à travers le monde, qui peut être un bien beau slogan... Mais conquérir les marchés, qui a été établi de façon consensuelle, ça aurait dû être, pour le ministre, continuer dans la lignée de ce qui est bon. Il y a des choses dont vous nous aviez dit qu'elles étaient bonnes que vous voulez garder, bien, bon sens, tentez de les conserver!

Alors, dans le domaine, M. le Président – et je terminerai avec ça – de l'environnement agricole, il faut que le ministre développe les crédits requis. On a nous tellement parlé du PAAGF en campagne électorale. Ça se «peut-u» qu'on nous ait promis, encore... En décembre dernier, le ministre, au congrès de l'UPA, noir sur blanc, disait aux gens: 10 000 000 $ de plus. Il n'a pas dit: Ça va dépendre du budget, ça va dépendre s'il y a des coupures, ça va dépendre si mes collègues ont de l'argent, ça va dépendre si le gouvernement a de l'argent; il a dit: On va le faire. On va le faire. Il s'est fait applaudir. Nous autres aussi, on veut que ça se fasse.

Alors, de grâce, donnez un coup de poing sur la table au prochain Conseil des ministres et puis que le «cash» sonne de temps en temps. Le «cash» sonne, là, mais c'est toujours de l'autre bord. Les producteurs agricoles, toutes vos clientèles, ah, le «cash» sonne, mais ce n'est pas du bon côté, M. le ministre. Alors, tout le monde est conscient que le monde agricole, il est prêt à faire un effort dans le cadre des finances publiques actuelles pour rééquilibrer tout ça. Mais le «cash» ne peut pas sonner toujours du même bord. Puis, en plus, bien, il faut que vous ayez une vision globale du monde agricole, une vision qui va permettre aux gens de croire ce que vous dites.

M. le Président, il ne faut pas prendre les interventions qu'on fait ici ce matin dans le but de vouloir harceler le ministre. Non, ce n'est pas ça. C'est que le sain débat débouche normalement sur l'action. Et, si le gouvernement peut se rendre compte qu'il devra donner les chances dont il a besoin au ministre de l'Agriculture, bien, nous serons heureux d'avoir pu y contribuer par nos débats et par les choses qu'on propose au ministre.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le député de Richmond. Alors, avec cette intervention se termine l'interpellation de ce matin. Je remercie beaucoup les membres de la députation de l'opposition, MM. les députés ministériels, M. le ministre, l'équipe de vos collaborateurs les plus étroits.

Je pense que la commission a atteint ses objectifs. Alors, la séance est levée sine die. Merci.

(Fin de la séance à 11 h 59)


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