(Quinze heures quarante minutes)Le Président (M. Vallières): Alors, je déclare la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. L'objet de cette séance est de rencontrer le Vérificateur général, d'une part, sur le document intitulé «Déficiences toujours présentes et signalées dans les rapports du Vérificateur général des années 1989 à 1993, concernant les organismes publics qui relèvent de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation», et, d'autre part, sur les aspects de son rapport 1993-1994 qui concernent le secteur agricole.
Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.
Le Président (M. Vallières): Alors, vous me permettrez, à ce moment-ci, d'introduire un peu nos travaux en souhaitant, d'une façon particulière, la bienvenue à nos collègues de même qu'au Vérificateur et aux gens qui l'accompagnent.
On se souviendra que, le 17 janvier dernier, le Vérificateur général faisait parvenir, par l'entremise du secrétaire de la commission, à tous les membres de la commission, un document faisant état de déficiences administratives signalées dans ses rapports de 1989 à 1993 et pour lesquelles aucun correctif n'a été apporté jusqu'à maintenant. Cette initiative est, je crois le Vérificateur général pourra me corriger tantôt une première depuis, à tout le moins, 1984, date de la réforme parlementaire.
Alors, les fautes administratives qui ont été soulevées par le Vérificateur général dans son document concernent les secteurs de la compétence de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation; en tout, un ministère et six organismes publics dont un, SOQUIA, qui possède cinq filiales. Dans la lettre qui accompagnait le document ainsi que dans le texte de présentation du document, le Vérificateur général se montrait disposé à rencontrer les membres de la commission pour répondre à toute demande d'information supplémentaire. Après en avoir discuté avec le vice-président de la commission, le député de Borduas, nous avons convenu d'inviter le Vérificateur général à nous présenter son document. Nous avons également convenu de profiter de cette rencontre pour permettre au Vérificateur général de présenter à la commission les parties de son rapport 1993-1994 qui concernent le secteur de l'agriculture.
Alors, l'objectif que nous poursuivons par cette rencontre, il est triple, en fait: d'abord, de permettre au Vérificateur de nous présenter à la fois le document faisant état des erreurs administratives qui se sont perpétuées entre 1989 et 1993 et son dernier rapport, celui couvrant l'année 1993-1994; en deuxième lieu, de permettre aux membres de la commission d'échanger avec le Vérificateur général pour obtenir des informations supplémentaires et, en troisième lieu, la commission ayant, à chaque année, à choisir un organisme pour scruter ses orientations, ses activités et sa gestion, la présente rencontre peut permettre aux membres de la commission de choisir de façon plus éclairée l'organisme qui sera ainsi soumis à son pouvoir de surveillance. De plus, la loi 198 nous oblige à entendre annuellement le sous-ministre de l'Agriculture ainsi que les dirigeants d'organismes qui relèvent du ministère de l'Agriculture. Sans doute que la rencontre avec le Vérificateur général alimentera les échanges que nous aurons avec ces hauts fonctionnaires. Enfin, dans approximativement deux semaines, nous amorcerons l'étude des crédits budgétaires, et l'information que nous recueillerons aujourd'hui sera sans doute utile pour cet exercice d'étude des crédits.
Alors, M. le Vérificateur général, c'est avec beaucoup de plaisir que nous vous recevons. C'est certainement, là, une première pour les fins que nous poursuivons. Je veux d'ores et déjà vous indiquer, de façon publique, parce que je l'ai déjà fait privément, mon intention de faire en sorte que les membres de cette commission, dans toute la mesure du possible, soient associés à ces démarches que vous faites afin d'identifier certains problèmes, au plan administratif, au plan de la gestion, qui sont rencontrés. Et, comme je le disais souvent aussi, je pense qu'il faut un jour ou l'autre être en mesure de se décrocher de cette vieille culture que nous avons de prendre les représentations ou les rapports du Vérificateur général comme étant exclusivement de la critique à l'endroit d'un gouvernement ou d'un autre, de les voir de façon positive et de voir comment on peut, collectivement, là, améliorer la façon dont nous gérons la chose publique. Alors, c'est avec beaucoup d'ouverture que nous vous recevons en espérant que la commission pourra s'inscrire en soutien, en appui aux différentes recommandations que vous faites, afin, une fois de plus, d'améliorer le système dans lequel nous oeuvrons.
Remarques préliminaires
Alors, à ce moment-ci, s'il y a des remarques préliminaires de part et d'autre, je pourrais peut-être entendre un intervenant de chaque côté et, ensuite, passer la parole à M. le Vérificateur général.
M. Charbonneau (Borduas): Bon, peut-être, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le député de Borduas.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau (Borduas): Bon, à titre de vice-président, vous avez indiqué que j'avais accepté, moi aussi, la proposition que vous faisiez, d'entendre le Vérificateur général. Vous venez de signaler qu'on devrait peut-être modifier l'approche parlementaire classique, là, de voir les rapports du Vérificateur général comme des blâmes à l'endroit d'un gouvernement en particulier. C'est peut-être d'autant plus pertinent, cette remarque, que, finalement, les commentaires du Vérificateur général portent sur l'administration gouvernementale précédente et non pas sur celle qui est en place depuis six mois. Et j'ai apprécié que, venant de l'ancien ministre délégué à l'Agriculture qui aurait pu se sentir visé par les commentaires ou les remarques qui ont pu être faites par le Vérificateur général, néanmoins, cette proposition vienne du président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.
Effectivement, les élections sont terminées et le gouvernement du Québec qui est en place a une responsabilité, pour les prochaines années, de faire en sorte que la gestion du ministère se fasse le plus adéquatement possible, et que les failles qui ont été signalées, qui ne sont pas toujours de la responsabilité du niveau politique mais des instances administratives qui relèvent du ministère, puissent être bien identifiées, et que l'appareil politique, autant au niveau ministériel qu'au niveau de l'Assemblée nationale, donc des membres de la commission en particulier, puisse faire un travail qui nous permette d'identifier les problèmes et de s'assurer peut-être qu'au niveau gouvernemental les choses bougent dans la bonne direction.
Ce qui est clair, aussi, c'est que les députés qui sont membres de cette commission sont généralement des députés qui ont la réalité rurale à représenter dans leurs comtés. D'ailleurs, s'ils sont membres de cette commission, c'est parce qu'ils ont à représenter des agriculteurs ou des gens qui ont à vivre avec les décisions qui sont prises, souvent, par les administrations ou les appareils administratifs qui sont traités dans le rapport du Vérificateur. Je pense simplement, par exemple, à la Commission de protection du territoire agricole. Il y a combien de dossiers qui finissent par aboutir dans les bureaux de comté des députés, de plaintes et de représentations qui sont faites? Et, au moment où, au ministère de la Justice, on étudie une réforme des tribunaux administratifs, il y a un certain nombre de ces organismes-là qui sont des tribunaux administratifs. Je pense, entre autres, à la Commission de protection du territoire agricole.
Ça va peut-être être intéressant de faire cet exercice, cet après-midi, de voir dans quelle mesure un certain nombre de failles, ou de lacunes, ou de faiblesses qui ont été identifiées ne pourraient pas être corrigées, de quelle façon, à quel rythme et à quels coûts, également, compte tenu qu'on n'est pas dans un contexte particulièrement facile pour le gouvernement en place, comme pour n'importe qui qui aurait à diriger l'État québécois, actuellement, et qu'on devra aussi tenir compte de ce contexte-là et de ces réalités-là.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Borduas. M. le député de Shefford.
M. Bernard Brodeur
M. Brodeur: Merci, M. le Président. Très brièvement, pour naturellement laisser le temps au Vérificateur général d'exposer son rapport. Tout d'abord, au nom de l'opposition officielle, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue en cette commission de même qu'à vos partenaires.
J'ai été étonné de regarder le rapport. De toute façon, on en remercie le système d'avoir un Vérificateur général afin de mettre les points sur les «i» et de voir à ce qu'on corrige les iniquités de ce genre et les non-vérifications que vous allez nous expliquer, sûrement, dans quelques instants. J'en profite également pour vous remercier, parce qu'à partir de telles déclarations il est possible à un gouvernement, justement, d'apporter des modifications, des ajustements, là, qui s'imposent dans des cas comme celui-ci.
(15 h 50)
Naturellement, à l'ère où les gouvernements, qu'ils soient provinciaux ou fédéraux, sont acculés à des choix budgétaires importants, y compris le ministère de l'Agriculture et comprenant le ministère de l'Agriculture du Québec... Et, curieusement ou d'une coïncidence énorme, justement, le ministre de l'Agriculture prenait, il y a quelque temps, une décision d'augmenter le revenu minimum brut des agriculteurs de 3 000 $ à 10 000 $, j'imagine dans le but de contrer en partie, là, ce genre de choses. C'est certain que, politiquement, permettez-moi de juste dire que, peut-être, cette mesure ne sera pas efficace, ce que l'on pense. Parce qu'il élimine 8 600 agriculteurs du système. Est-ce que ces agriculteurs-là sont tous des gentlemen-farmers? Nous ne le croyons pas. D'ailleurs, le ministre, dans sa réponse, cet après-midi, disait que sa mesure affecterait tout près de 4 000 agriculteurs.
Donc, on n'est pas ici, aujourd'hui, pour critiquer la réponse du ministre tantôt, mais, à partir de vos remarques, pour apporter au moins une piste de solution aux problèmes qui sont énoncés dans votre rapport. Donc, sans plus tarder, là, je recède la parole au président.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Shefford. Alors, M. le Vérificateur général, nous disposons, finalement, de très peu de temps, environ 2 h 10 min. J'aimerais qu'on ait le temps de couvrir l'ensemble des sujets. Alors, on vous proposerait peut-être, à ce moment-ci, tout en essayant de se discipliner, de vous permettre de présenter ça par blocs, qu'on questionne ce bloc et qu'on passe ensuite au bloc suivant. Mais prenez en considération que, ce qu'on souhaiterait, c'est de pouvoir voir l'ensemble du plan de travail qu'on s'est donné pour ces deux heures. Alors, M. le Vérificateur.
Exposé du Vérificateur général
M. Guy Breton
M. Breton (Guy): Alors, M. le Président, M. le vice-président, madame et messieurs, d'abord, permettez-moi de vous présenter M. Gilles Bédard, le vérificateur général adjoint, et M. Ghislain Cayer, le directeur de la vérification dans le domaine de l'agriculture, qui m'accompagnent pour répondre à vos questions. Ma présentation dure à peu près 18 minutes et je fais le tour complet du dossier, à la fois ceux des années antérieures et celui de cette année, de sorte que ça vous permettra de retenir les sujets qui vous intéressent et, ensuite, on pourra y répondre.
Alors, c'est avec un grand plaisir que je réponds à l'invitation de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation de venir vous entretenir, d'une part, des déficiences toujours présentes et signalées dans les rapports des années 1989 à 1993 concernant les organismes publics relevant de la commission, et, d'autre part, des éléments de mon dernier rapport sur le domaine agricole.
Cette séance de travail est pour nous un grand événement, car elle répond à un voeu exprimé depuis plusieurs années, à savoir être invité à comparaître en commission parlementaire devant chacune des commissions spécialisées dans un domaine particulier, afin de pouvoir commenter les résultats de ses travaux et de répondre aux différentes questions des parlementaires. Permettez-moi donc, en débutant, de vous présenter mes remerciements les plus sincères pour avoir accédé à ce désir que nous exprimons depuis plusieurs années.
Je ne peux vous faire part de mes résultats de vérification à l'égard des entités qui relèvent de votre commission sans me référer à des principes importants de gestion qui me servent constamment de référence: la reddition de comptes accompagnée, évidemment, d'une responsabilisation accrue des gestionnaires; des informations de gestion objectives, pertinentes et complètes; des contrôles de gestion donnant l'assurance que les événements désirés se produisent et que les résultats souhaités se concrétisent. Dans mes propos, j'essaierai de mettre en évidence ces principes de gestion en décrivant plusieurs situations où il aurait été avantageux de s'inspirer de ces principes.
Commençons par le dernier rapport, celui de 1993-1994. Dans ce rapport, j'ai examiné, entre autres, le programme Contribution aux taxes municipales et scolaires sur les fermes du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation; j'ai examiné les activités de la Commission de protection du territoire agricole. Pour ces deux travaux, c'était le résultat d'une vérification d'optimisation des ressources. Par ailleurs, lors de notre vérification d'attestation financière de la Société de financement agricole du Québec, je me suis arrêté à un dossier qui a attiré mon attention à cause de l'ampleur de la perte.
Revenons au ministère. Depuis sa création, soit près de 30 ans, le programme Contribution aux taxes municipales et scolaires sur les fermes a coûté une somme totale de 675 300 000 $. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation rembourse environ 32 000 exploitants agricoles et rembourse au moins 70 % de leurs taxes municipales et scolaires. Or, nous avons constaté que le ministère ne s'assure pas et ne sait pas si les exploitations agricoles satisfont aux exigences d'admissibilité du programme quant aux revenus tirés de la terre et qu'il n'obtient pas non plus d'assurance sur l'utilisation agricole de la superficie en question.
Depuis la réforme de 1991, le ministère impose une pénalité pour sols improductifs. Il y aurait, selon les fiches d'enregistrement, 238 exploitants agricoles qui laissent en friche plus de 25 % de la superficie qui leur appartient. Nous avons examiné 23 de ces dossiers et, dans la majorité des cas, nous avons constaté que les exploitants ne déclaraient pas leurs terres en friche dans leur demande de remboursement. Il en résulte que le ministère, qui ne se fie qu'à la déclaration de l'exploitant et qui ne réfère pas à la fiche d'enregistrement, n'impose que rarement les pénalités prévues, puisque la même information n'est pas aux deux endroits.
Nous avons constaté aussi qu'un exploitant agricole peut, en toute légalité, réclamer le coût des taxes sur les terres qu'il loue en zone agricole. Et, à ce titre, le ministère a versé plus de 4 700 000 $ en 1993. Cependant, comme il n'y a pas de contrôle sur les terres louées, certains propriétaires louent leurs terres situées en zone agricole à des agriculteurs pour éviter le paiement de leurs taxes. Ces derniers exigent le remboursement des taxes sans que le ministère ne demande systématiquement certaines preuves telles que contrat de location, preuve de revenus et attestation que la terre louée a été cultivée.
Par ailleurs, le ministère n'a pas de mécanisme qui lui permettrait de vérifier systématiquement les réclamations qu'il pourrait juger abusives ou injustifiées. Enfin, rien n'incite les exploitants agricoles à contester l'évaluation municipale. En effet, les taxes relatives aux terrains sont totalement remboursées au-delà de 475 $ l'hectare. Comme 70 % des terres agricoles ont une valeur à l'hectare qui excède ce seuil et que la valeur des terres s'est accrue au fil des ans, les sommes versées par le ministère ont augmenté considérablement. Dans les rares cas où il y a contestation de l'évaluation foncière par les agriculteurs, le ministère n'en est pas toujours informé et ne peut donc réclamer le retour du trop-versé.
Sur un autre plan, le ministère a adopté une mesure destinée à protéger ses investissements dans les terres situées en zone agricole. Ainsi, lorsqu'une terre est exclue de la zone agricole et qu'elle est utilisée à des fins de développement résidentiel, commercial et industriel, le demandeur est tenu de retourner au ministère le remboursement des taxes reçues au cours des cinq années précédentes.
Depuis sa création et jusqu'au 31 mars 1993, la Commission de protection du territoire agricole a reçu 87 570 demandes d'autorisation de toute nature. Les informations disponibles ne permettent pas, à moins d'un travail fastidieux, de déterminer quelles demandes portent sur des terres ayant procuré un remboursement de taxes. Et, par ailleurs, la prescription de trois ans prévue à la loi abolit le droit de réclamation du ministère pour une grande partie de ces autorisations.
Enfin, l'évaluation du programme faite en 1986 recommandait des modifications importantes. Depuis, le ministère n'a pas recommencé cet exercice de faire une évaluation de programme. Une telle démarche lui aurait permis de se questionner sur la pertinence de ne pas plafonner le remboursement, sur la pertinence de le réduire en fonction du revenu de l'exploitation ou non. En 1992, 108 exploitations ont reçu un remboursement de taxes supérieur au revenu brut qu'elles ont enregistré, pour une somme totale de 1 200 000 $. Plus de remboursement de taxes que de revenu brut d'agriculture pour 108 exploitations.
(16 heures)
Un autre texte important de mon rapport 1994 traite des activités de la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Cette Commission a comme principale fonction de régir l'utilisation de la zone agricole qui couvre 62 000 km² dont près de 26 000 km² ne sont pas utilisés par des exploitants agricoles. 62 000 km², c'est deux fois la surface de la Belgique.
Depuis sa création, en 1978, la Commission a reçu plus de 210 000 déclarations de droits acquis ou demandes d'autorisation et de permis. Nous avons constaté que la Commission peut difficilement expliquer sa position dans certaines décisions parce qu'elle semble n'avoir aucune vision du développement de l'agriculture
ni le portrait global de l'état et de l'usage des sols de la zone agricole. Elle ne peut donc ni convaincre le demandeur du bien-fondé du refus ni justifier la perte de bonnes terres agricoles.
Il est juste de présumer que les décisions qu'elle prend puissent avoir des conséquences financières considérables. La Commission, toutefois, ne s'est pas donné de ligne directrice. Elle analyse à la pièce, sans vision globale, et il en résulte que des demandes similaires ne sont pas traitées de façon cohérente.
Par ailleurs, des autorisations subséquentes à la révision de la zone agricole ne font pas montre d'une volonté de maintenir le caractère de permanence et de crédibilité de la zone. La spéculation sur les terres agricoles des zones périurbaines existe toujours. Le zonage n'est pas perçu comme une barrière incontournable.
Au point de vue administratif, le nombre de commissaires est au maximum permis par la loi malgré une diminution de leur tâche au fil des ans. Présentement, 15 commissaires rendent des décisions pour 4 000 demandes par année, alors qu'au cours de la première année complète d'existence de la Commission, quatre commissaires se sont partagé plus de 8 000 demandes. De plus, il faut compter neuf nouveaux commissaires au Tribunal d'appel, tribunal qui a remplacé le processus de révision des demandes suivi jusque-là par la Commission et les commissaires.
De plus, le processus de traitement des demandes n'est pas efficient. Qu'elles soient simples ou complexes, les demandes suivent le même cheminement et nécessitent le même temps. Le délai moyen pour l'ensemble des demandes reçues en 1992-1993 a été de 129 jours, et il est en progression depuis 1989. Au point de vue de l'application de la loi, la Commission s'est donné peu de moyens pour prévenir et détecter les infractions, et s'assurer qu'aucune activité ne s'exerce illégalement en zone agricole. Elle n'est donc pas en mesure d'intervenir en temps opportun pour éviter la dégradation du territoire. Bien que la Commission puisse intenter des poursuites pénales, elle le fait rarement, ce qui n'est guère dissuasif pour le contrevenant.
Enfin, l'information contenue dans le rapport annuel de la Commission n'est pas suffisant pour que l'Assemblée nationale et la population puissent évaluer son efficacité.
Le dernier sujet sur lequel nous attirons votre attention dans le rapport annuel de l'année courante concerne la Société de financement agricole du Québec dont le rôle est de favoriser l'agriculture en facilitant l'accès des entreprises à l'aide financière. Et, dans ce but, la Société garantit des prêts à court terme, à moyen et à long terme ainsi que l'ouverture de crédits. De plus, elle assume une partie des intérêts pour les prêts à long terme. Dans le cas cité, il s'agit de grandes déficiences dans l'octroi et le suivi d'un prêt qui entraîneront probablement une perte de 836 500 $ pour la Société. Or, la Société ne peut garantir plus de 800 000 $ de base ou à peu près.
Une voix: 850 000 $.
M. Breton (Guy): 850 000 $, pardon. En somme, nous avons constaté dans ce cas et, bien sûr, uniquement dans ce cas parce qu'il a attiré notre attention que la Société n'avait pas respecté ses propres critères d'admissibilité lors de l'identification et de l'évaluation des actifs donnés en garantie, qu'elle n'avait pas estimé les risques liés aux prêts et à l'ouverture de crédits qu'elle garantit d'une façon suffisante et, enfin, qu'elle n'avait pas exercé un suivi assez rigoureux des prêts à risque de façon à intervenir promptement pour minimiser ses pertes.
Voyons maintenant le document: Déficiences signalées dans mes rapports de 1989 à 1993 et non encore corrigées. Au ministère de l'Agriculture, la synthèse des recommandations formulées au cours des cinq dernières années et qui correspondent à des déficiences toujours présentes a été préparée sans avoir pu procéder à un véritable suivi de tous les cas. En d'autres mots, nous n'avons pas fait un nouveau travail de vérification. Je me suis enquis auprès de chaque entité de l'état d'avancement des travaux faisant suite à mes recommandations. Ces travaux m'ont conduit, entre autres, dans deux organismes: le ministère lui-même, la Société de financement agricole.
Au ministère, l'organisation du travail. Depuis 1987, le ministère a procédé à diverses études sur la répartition de l'effectif en région, sur le regroupement des services offerts ainsi que sur l'emplacement de ses bureaux en région. Ces études ont cependant été conduites sans que le service à la clientèle et les ressources humaines requises nécessaires aient été définies au préalable.
Le ministère a entrepris une large réflexion qui l'a amené à définir, en collaboration avec les intervenants du milieu, ses orientations en ce qui concerne les services-conseils. La régionalisation de ses orientations est en cours.
Le contrôle et le suivi des activités. Bien que les conseillers affirment répondre à toutes les demandes des producteurs agricoles et y consacrer de 50 % à 85 % de leur temps, le ministère possède peu d'informations de gestion à jour sur le nombre, la nature et l'envergure des demandes de services-conseils, sur le délai de réponse, le profil des demandeurs et les plaintes.
La qualité des aliments. La normalisation. Le ministère a adopté des normes sur les établissements qui recouvrent principalement les conditions d'hygiène des équipements, des lieux et des opérations qui s'y déroulent. Cependant, ces normes sont incomplètes pour les établissements de produits végétaux et pour ceux du secteur tertiaire. Le ministère nous a avisés qu'il a entrepris une réforme de la réglementation qui devait assujettir l'ensemble des établissements et des procédés de transformation à des normes adaptées.
La planification et la gestion des risques. Le ministère n'a pas évalué l'importance du risque que présente chacun des types d'aliments et d'établissements. Il n'est donc pas en mesure de mobiliser ses efforts en fonction de l'analyse des denrées et de l'inspection des établissements qui représentent le plus de risques.
Le contrôle de la qualité et le suivi des inspections. Le ministère n'a pas mis en place de mécanisme structuré pour s'assurer de la qualité des inspections dans tous les secteurs, ce qui favoriserait une approche et une compréhension uniformes des exigences de la réglementation. Par ailleurs, le ministère conserve peu d'informations descriptives synthétisées pour faciliter le suivi des inspections par établissement.
La Société de financement agricole. La Société devrait effectuer un suivi de l'aide financière accordée en vertu de 48 300 prêts pour un coût total de 2 000 000 000 $. Malheureusement, elle ne possède pas toute l'information pour réaliser efficacement un tel suivi. Toutefois, un projet-pilote concernant l'échange de données informatiques avec les établissements financiers est en élaboration pour corriger ce problème.
M. le Président, on nous a fait souvent le reproche de ne rapporter, dans notre rapport annuel, que les faiblesses que nous trouvons dans le cours de nos vérifications. C'est un fait que nous nous arrêtons aux éléments qui méritent d'être corrigés et que nous ne nous étendons pas à faire la louange des bons gestes administratifs posés par ailleurs.
Par contre, nous analysons les rapports annuels des entités pour s'assurer que l'information permet à l'Assemblée nationale de mesurer et de constater par elle-même l'efficacité, l'efficience et le succès de ces entités dans leur gestion. Malheureusement, les rapports annuels ne sont pas transparents, ne donnent pas cette information. Curieusement, on blâme le Vérificateur général de ne pas mettre à profit la parution de son rapport annuel pour combler cette lacune dans les rapports annuels des entités. Je dirais: Chacun son métier!
Que les gestionnaires soient transparents dans leurs rapports annuels, que le Vérificateur général soit attentif aux faiblesses, c'est d'ailleurs le mandat que m'a donné l'Assemblée nationale.
(16 h 10)
J'aimerais, en terminant, ajouter quelques commentaires sur les commentaires d'ouverture qui ont été donnés, à savoir que vous vous proposez d'inviter, éventuellement, le sous-ministre du ministère ou peut-être quelques autres organismes vous avez évoqué la loi 198. J'aimerais vous signaler que nous apprécierions être présents à titre de conseillers pour vous, au moment de l'audition du ministère ou des autres entités que vous inviterez, de sorte que, si nécessaire, nous pourrions soit compléter, soit expliciter plus en détail le contenu de nos rapports, lorsque vous en débattez avec celui qui doit, nécessairement, vous faire mention de ses intentions de corriger la situation. Je voulais vous passer ce message.
Par ailleurs, je voudrais également signaler que nous ne sommes pas en position de suggérer des solutions aux problèmes que nous soulevons. Nous laissons les solutions aux dirigeants. Nous identifions les faiblesses, principalement, et j'ai cru comprendre, tout à l'heure, qu'il y avait peut-être cette attente. Donc, je voulais ne pas décevoir plus tard et prévenir au début. Merci, encore une fois, pour m'avoir permis d'être ici, aujourd'hui.
Le Président (M. Vallières): Oui. Merci, M. le Vérificateur général. Alors, avant de passer la parole à mes collègues, peut-être simplement vous dire que je prends, pour un, bonne note de votre suggestion de contribuer à la poursuite de nos travaux quand nous recevrons des gens d'organismes de même que le sous-ministre du ministère de l'Agriculture. J'aurai l'occasion d'en parler avec mes collègues, et, compte tenu, j'imagine, que c'est une offre qui est complètement bénévole, alors nous pourrons certainement en discuter et possiblement profiter de votre bonne connaissance de ce qui a été souligné dans vos rapports.
Discussion générale
Alors, il serait, M. le Vérificateur, intéressant maintenant qu'on regarde, parce que je voudrais éviter qu'on fasse, là, du slalom de l'un à l'autre, et peut-être qu'on s'attarde à certains volets qui ont été présentés. Et, comme l'indiquait le Vérificateur, je pense que notre questionnement ne doit pas porter sur les solutions à apporter, mais bien sur l'approfondissement, comme tel, de ce qu'on retrouve dans ses notes. Alors, à partir de ce moment-ci, je vais recueillir vos questions, par ordre. M. le député de Borduas.
Suites données aux recommandations du Vérificateur général
M. Charbonneau (Borduas): Juste avant d'aborder, comme le président vient de l'indiquer, bloc par bloc les sujets, juste sur un aspect plus général, parce que je veux qu'on se comprenne bien. Dans votre commentaire de départ, vous indiquiez que vous étiez relativement très satisfait de cette première parce qu'il s'agit d'une première. Donc, ce qu'on fait aujourd'hui, jusqu'à maintenant, jamais le Vérificateur général n'a eu l'occasion de se retrouver en commission parlementaire spécialisée pour décortiquer une partie de ses commentaires sur l'administration publique. Donc, un, il y a un élément de première, si je comprends bien, qui intervient ici, d'une part.
Deuxièmement, moi, ce que je voudrais préciser, c'est: Jusqu'à maintenant, outre cet exercice qu'on va faire aujourd'hui, comment ça fonctionnait, pour le Vérificateur général? Vous remettez un rapport à l'Assemblée nationale. Est-ce que les ministères, par la loi ou par la pratique, avaient l'habitude, ou ont l'habitude de rétroagir? Est-ce qu'il y a un dialogue qui s'établit à la suite de la présentation du rapport du Vérificateur général, pour que, finalement, votre point de vue ou votre perception des choses, vos observations soient réévaluées à la lumière de l'éclairage ou du point de vue des gens qui sont dans l'administration et que, de l'espèce de choc des idées ou de choc des points de vue, jaillissent des nouveaux comportements ou des correctifs qui, nécessairement, devraient être apportés?
Ou si, finalement, on a développé, au Québec, une pratique qui est: Bon, le Vérificateur a un mandat; il présente son rapport à l'Assemblée nationale; tout le monde l'ignore, et on se retrouve avec un organisme qui n'est pas très utile, c'est-à-dire qu'on a un Vérificateur général qui fait son travail, mais il n'y a pas grand monde qui tient compte de ses observations et de ses commentaires, avec le résultat que ça nous coûte, là aussi, assez cher de maintenir un organisme qui s'appelle le Vérificateur général avec ses employés et son appareil, et qu'il y a peu de gens, peu de gestionnaires publics, peu de dirigeants politiques, peu de sous-ministres et de hauts fonctionnaires qui se donnent la peine de faire l'exercice d'analyse, de décortication et d'échange, d'une certaine façon, pour confronter le résultat, pour que, au bout du compte, l'administration et les citoyens en aient pour leur argent? C'est-à-dire que, si on vous paie avec les fonds publics pour identifier un certain nombre de lacunes, et que le résultat, c'est que personne n'analyse les commentaires que vous faites, personne ne tient compte des observations que vous faites, et qu'il n'y a pas de mécanisme de rétroaction efficace qui est mis en place par l'appareil gouvernemental, on se retrouve avec un sacré problème, là.
M. Lachance: M. le Président, avant de permettre au Vérificateur général...
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le député de Bellechasse.
M. Lachance: ...est-ce qu'il serait possible d'avoir le texte de l'exposé de M. le Vérificateur, qui est fort intéressant, pour chacun des parlementaires?
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Lachance: Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le Vérificateur.
M. Breton (Guy): Alors, pour abonder dans votre sens, c'est, effectivement, la première fois que nous rencontrons une commission parlementaire spécialisée à l'extérieur de la CBA, la commission du budget et de l'administration, qui, chaque année, avait le mandat de recevoir le rapport annuel et d'en prendre connaissance. Mais j'attire votre attention sur le fait que la CBA nous a invités, dans un contexte d'un mandat d'initiative, à participer à la commission qu'elle a tenue avec la Société des loteries du Québec, pendant deux jours, où nous avons agi comme conseillers auprès des membres de la commission, et, la semaine dernière, strictement dans le contexte de la loi 198, auprès de la CARRA qui, également, passait devant la CBA. Donc, la 198 est en fonction depuis au moins une fois, strictement, plus une autre fois à l'extérieur de 198, mais c'est la première fois qu'on sort à l'extérieur de la CBA.
En ce qui concerne la relation avec les ministères, dans notre processus de travail, et vous le constatez par les réponses que les ministères donnent à notre rapport, à nos remarques, nous tenons à obtenir les commentaires du ministère ou de l'entité. Donc, il y a une épuration du texte, il y a une négociation, jusqu'à un certain point, du texte. Autrement dit, au niveau du directeur de la vérification, il y a une discussion avec la plupart des gestionnaires, mais, en fin de compte, il arrive quelquefois que le sous-ministre va s'impliquer personnellement pour débattre de la pertinence de ce qu'on dit ou encore s'implique certainement dans la préparation des commentaires que le ministère a donnés.
M. Charbonneau (Borduas): Ça, c'est avant la présentation finale.
M. Breton (Guy): C'est avant la présentation. Donc, ce que vous recherchez après la présentation se produit, dans les faits, avant la présentation du rapport. Il faut savoir qu'on termine les travaux courants, finalement, au courant de l'été, et, entre l'été et le mois de novembre ou décembre, quand on dépose le rapport, durant l'automne, il y a, je dirais, l'endossement par le ministère de ce qu'on a dit et la préparation d'une réponse que, quelquefois, on n'accepte pas, qu'on oblige à modifier. Soit qu'on change notre texte, soit qu'eux changent leur texte, mais il y a consensus, finalement, à ce qu'on a dit et à ce qu'eux s'engagent à faire. Donc, cette négociation, elle a eu lieu et elle est déjà littéralement imprimée dans le rapport. Donc, ça a eu lieu avant. Quand vous le recevez, il y a déjà une étape de faite à l'occasion. Les propositions de correction sont déjà pratiquement mises en place, parce que, lorsque c'était urgent, ça a eu lieu, lorsque c'est à long terme.
Vous avez, par ailleurs, en page 15, aux paragraphes 1.3 et 1.4 du rapport de l'an dernier, une réponse à une question qui m'avait été posée dans un autre forum au Bureau de l'Assemblée nationale, à savoir: Mais qu'est-ce que ça donne quand vous faites un rapport? Bien, ça donne que 70 % des remarques que nous avons faites sont prises en considération par les ministères et, dans un processus de suivi des remarques qu'on a faites d'ailleurs, vous avez un exemplaire de ce que ça donne quand on fait des suivis on constate que 70 % des erreurs flagrantes sont corrigées. Le 30 % qui n'est pas corrigé, c'est lorsqu'il faut modifier le système avec beaucoup d'ampleur. Autrement dit, quand il faut repenser, bien, là, évidemment, on ne peut pas s'attendre à ce que, nécessairement, la réponse soit là en dedans d'un an ou deux. Il faut que l'appareil se retourne de bord. Mais 70 % est couvert, et on l'a expérimenté.
À l'origine, on constatait qu'il s'était produit quelque chose. De plus en plus, on prend le temps d'aller voir si c'est la bonne chose qui s'est produite. Et, dans les derniers travaux, je pense qu'on peut conserver ce même résultat de 70 %.
M. Charbonneau (Borduas): Si je comprends bien, en fait, le souhait que vous avez manifesté, c'est que ce processus-là soit amélioré par l'utilisation, par les commissions parlementaires, du rôle de conseil qu'on pourrait avoir du Vérificateur. Parce que, comme vous êtes mandaté par l'Assemblée nationale et pas par l'exécutif, dans le fond les députés qui ont cette responsabilité de surveiller l'exécutif et de vérifier à ce que l'appareil administratif fonctionne selon un certain nombre de normes et de critères, vous dites: Bon, bien, les commissions parlementaires devraient utiliser le Vérificateur général plus qu'elles ne le font pour, justement, exercer leur mandat de surveillance et de vérification.
(16 h 20)
M. Breton (Guy): Je suis à votre service, effectivement. Je suis, si vous me permettez l'expression, vos yeux.
Le Président (M. Vallières): M. le Vérificateur, quand, dans les remarques des ministères ou des organismes qui réagissent comme suite à votre rapport et qui sont écrites dans le rapport dont vous avez pris connaissance, on vous parle de règlements éventuels, de projets de loi éventuels, ça, vous considérez ça comme étant des suites données à vos remarques. Mais est-ce que vous avez un moyen de vérifier si, effectivement, les ministères concernés ont, après un an, ou huit mois, ou 18 mois, donné suite, par voie réglementaire ou législative, à ce qu'ils avaient dit, à ce à quoi ils s'étaient littéralement engagés?
M. Breton (Guy): Je dirais qu'on laisse s'écouler au moins 18 mois entre l'instant où on est arrivé à une conclusion ou à un état de fait et le moment où on retourne s'assurer du nouvel état de la situation, ce qui nous permet, à ce moment-là, de constater ce qui s'est fait.
Le rôle que vous pouvez jouer ici, lorsque vous invitez un dirigeant d'entreprise à commenter ses réactions, c'est de lui poser la question directement: Où en êtes-vous rendu? Quels sont vos plans de travail? Qu'avez-vous l'intention de faire? Vous commettez-vous à le faire? Et, à ce moment-là, quand on arrivera dans deux ans, on aura, je dirais, un deuxième engagement ou un engagement directement devant vous, pas seulement via nous, pour avoir cette promesse de modification.
C'est là, je pense, qu'il y a quelque chose à gagner, parce que, moi, je ne peux pas débattre de la qualité de la solution qu'il propose. Je prends note, puis je rapporte qu'il se propose d'avoir une solution. Ici, vous pourriez débattre de la solution. Je prends, par exemple, pour la Commission de protection du territoire, si on regarde à la page 53, on nous dit: On n'a pas les moyens de faire ce que vous voudriez faire. Bien, moi, je ne peux pas contester qu'ils aient les moyens ou pas, modestie des moyens, mais je pense que, si le dirigeant était devant vous, vous pourriez lui demander qu'il vous explique en quoi peut-il juger qu'il n'a pas les moyens, puis a-t-il raison d'utiliser cette excuse pour ne pas le faire? Ou vous pouvez débattre avec lui des façons de faire autrement. Moi, il m'est difficile, une fois qu'il me l'a dit, de le talonner sur le sujet.
Le Président (M. Vallières): D'accord, merci. Alors, à ce moment-ci, si vous voulez bien, on va procéder aux différentes étapes, aux questionnements du Vérificateur général. On pourrait débuter avec la première partie de la présentation dans l'ordre dans lequel vous les avez présentés, si vous n'avez pas d'objection.
Rapport du Vérificateur général
Contribution aux taxes municipales et scolaires sur les fermes
Alors, je pense que le premier organisme dont vous nous avez parlé, c'est le MAPAQ lui-même, dans le rapport 1993-1994. Peut-être procéder avec l'examen de la partie relative au programme Contribution aux taxes municipales et scolaires sur les fermes, puisque c'est d'actualité, et peut-être commencer immédiatement en donnant la parole à mes collègues autour de la table.
J'aurais peut-être, pour débuter, M. le Vérificateur, une première question. Quand vous choisissez d'aller dans des dossiers dont vous faites la vérification... Je regarde, par exemple, à la page 54 de votre rapport, là, à 2.80, 2.81, 2.82 où vous nous dites, à un moment donné: «Dans les dossiers analysés dont les remboursements totalisent 78 903 $, une économie de 22 213 $, dont 17 000 $ pour un seul cas de boisé non exploité de 10 ha, aurait pu être ainsi réalisée si le ministère avait respecté sa définition de superficie productive et appliqué une pénalité pour les boisés non exploités.» Dans les dossiers que vous choisissez, comme à 2.8l, vous avez choisi 21 dossiers, est-ce que c'est un échantillonnage représentatif de l'ensemble des dossiers qui seraient concernés par cette question ou si c'est les pires dossiers, dans le fond, que vous avez pu recruter puis que vous donnez en exemple?
M. Breton (Guy): Si vous permettez, je pourrais vous donner la réponse, mais je vais laisser le plaisir à mon directeur qui a fait le travail de vous expliquer comment il s'y prend.
M. Cayer (Ghislain): Dans un premier temps, on a ciblé, en ce sens qu'on est allé identifier les 3 518. Autrement dit, les remboursements de taxes, il y en a pour 32 000 personnes, ça fait qu'on est allé dans les fiches d'enregistrement, puis on a dit: Combien il y en a, dans ceux-là, qui déclarent avoir plus de 25 % de boisés non exploités dans leur fiche? On extrait une population de gens qui nous disent, dans leur fiche, qu'ils en ont plus de 25 %. À l'intérieur de ces 3 518 là, on en prend 21 ou 23 au hasard, dépendamment, là, des résultats. Lorsque ça devient concluant, on arrête de prendre des dossiers. Mais c'est au hasard; on ne cherche pas à trouver les 21 pires, là. C'est vraiment au hasard, dans la population, mais ciblé.
Le Président (M. Vallières): O.K., parce que, si l'échantillonnage était bon, ça nous permettrait, de notre côté, de faire des chiffres. Et, dans l'exemple que vous donnez ici, si on faisait la même proportion de ce que vous nous donnez, là, à 2.82, et si c'était appliqué à la lettre... Bon, vous parlez de 22 sur un total de 78. Si on l'appliquait, c'est 6 200 000 $ qui est dépensé dans ce secteur-là, ça veut dire que ça fait une économie de 1 700 000 $.
M. Cayer (Ghislain): Oui, mais c'est impossible parce que, dans le cas du remboursement des taxes, c'est fait par région. Si, dans votre échantillonnage, vous prenez quelqu'un qui est dans la région de Montréal et qui a un boisé non exploité près de la ville, lui, le montant de taxes pour cette partie de terre là est énorme. Si vous prenez plus loin en Gaspésie, bien, lui aussi, il dépasse la norme de 25 %, mais les taxes qu'il paie ne sont pas du même ordre que Montréal. C'est pour ça que c'est très difficile d'extrapoler. C'est du cas par cas.
Le Président (M. Vallières): O.K. Et ces données-là qu'on retrouve, sur lesquelles vous vous basez, c'est inscrit sur une fiche d'enregistrement, là, au MAPAQ.
M. Cayer (Ghislain): C'est ça.
Le Président (M. Vallières): Vous sembliez avoir une critique assez serrée sur, non pas la pertinence, mais la valeur comme telle des informations qu'on retrouve là-dedans, parce qu'il y aurait très peu de vérification. Ce sont des renseignements qui sont donnés comme ça, par le producteur agricole, mais qui semblent ne pas être vérifiés par le ministère. Est-ce que vous maintenez ça?
M. Cayer (Ghislain): C'est ça. Oui. La fiche d'enregistrement, c'est un document très important pour le ministère, car c'est à partir de cette fiche-là qu'on compile une foule de données statistiques pour le ministère. C'est à partir de cette fiche qu'on va élaborer les programmes du ministère. On va savoir, là-dessus, combien est-ce qu'il y a de porcs, combien il y a d'éleveurs de porc, combien il y a de gens qui sont dans le maïs. On va savoir une foule de données. D'ailleurs, les tableaux qu'on a dans les taxes, où on donne pour les céréales, ça vient des fiches d'enregistrement où on dit: dans le maïs grain, il y a tant d'exploitations; il y a tant d'exploitations dans le porc. Ça vient tout de là. Ces fiches-là sont complétées aux deux ans, et, au ministère, on nous a dit qu'on validait en région les informations qu'il y avait là-dessus.
C'est vrai que le représentant régional du ministère signe la formule, mais c'est aux deux ans. Par la suite, c'est une fiche qui est recomplétée par le producteur, et expédiée au ministère, et compilée informatiquement.
Au niveau de la validité des informations qu'il y a là-dessus, effectivement, on peut avoir un doute à savoir: Est-ce que le producteur s'est trompé? Par exemple, un producteur agricole peut déclarer avoir 3 000 $ de revenus et dire, dans sa fiche d'enregistrement, qu'il a 4 000 porcs. C'est impensable. Il n'y a pas de validation au niveau de la fiche. Donc, il y a des informations là-dessus qu'on peut mettre en doute, là, mais c'est ça.
Le Président (M. Vallières): Parce que l'argument du ministère, là-dessus, ils vous disent que, finalement, le système est fondé sur la présomption que, dans l'ensemble, les citoyens sont honnêtes.
M. Cayer (Ghislain): Oui, c'est...
Le Président (M. Vallières): Alors, est-ce que c'est quelque chose sur lequel on peut vraiment se fier, compte tenu qu'il s'agit ici, quand même, de documents qui servent, dans bien des cas, au ministère à s'appuyer sur des sommes qui vont être versées, des remboursements qui, dans certains cas, sont très importants? M. le Vérificateur.
M. Breton (Guy): Bien, je dirais, sans vouloir être méchant que, si c'était vrai, le ministère du Revenu s'abstiendrait de valider les rapports d'impôts parce qu'on est dans un contexte d'autocotisation en impôt. Même si tous les citoyens sont honnêtes, le ministère du Revenu valide très profondément l'information qui est là pour s'assurer que chaque champ a une relation, qu'il y a une logique dans toute l'information. Le ministère semble dire qu'il n'est pas requis d'aller aussi loin que ça parce que les gens sont honnêtes. Je n'achète pas ce principe.
M. Cayer (Ghislain): Si je pouvais ajouter, une des bases du système, c'est la déclaration du revenu agricole de 3 000 $. Or, c'est une déclaration du producteur. Il n'y a aucune validation à savoir est-ce que c'est 3 000 $, 5 000 $, 10 000 $. On n'a pas d'états financiers, on n'a pas de factures, on n'a pas de preuves. C'est une déclaration.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. Bédard.
(16 h 30)
M. Bédard (Gilles): Si vous me permettez, M. le Président, pour revenir à ce que vous mentionniez tantôt, vous parliez des 3 518 demandes qui, justement, déclaraient qu'il y avait 25 % de leur superficie non exploitée. Ça, c'était à partir de la liste lors de l'enregistrement. Et jamais on n'a validé ou vérifié pour s'assurer s'il ne devait pas y en avoir plus. Par la suite, il y a eu des demandes qui ont été faites. Et, parmi les dossiers qu'on a vérifiés, 21 de ces demandes-là déclaraient, à ce moment-là, qu'il n'y avait pas de terres en friche. Dans ce contexte-là, on a définitivement un souci que devrait avoir le ministère pour aller vérifier davantage la justesse des déclarations autant au niveau de l'enregistrement qu'au niveau de la demande.
Le Président (M. Vallières): D'accord. M. le député de Shefford. Ensuite, M. le député de Borduas.
M. Brodeur: Merci, M. le Président. Tout d'abord, juste une question qui s'adresse au président. Habituellement, à ce genre de commission, est-ce que le ministre est présent ou c'est exceptionnel que...
Le Président (M. Vallières): C'est la première fois, là. Je pense que c'est bon qu'on puisse... Le but de la rencontre, c'est vraiment d'entendre le Vérificateur, et je pense que c'est normal que le ministre ne soit pas présent avec nous cet après-midi.
M. Brodeur: Bon. Parce que, moi, en entendant le Vérificateur, j'aurais souhaité que le ministre soit là pour bénéficier de la conversation qui se tient ici, dans cette salle, aujourd'hui.
M. Charbonneau (Borduas): L'avantage de ne pas avoir le ministre, c'est que la commission, à ce moment-là... Souvent, quand la commission siège sur une base traditionnelle et que le ministre est là, ça finit par être la chose du ministre, alors que, là, finalement, les parlementaires sont tenus à faire leur travail de surveillance de l'exécutif sans que l'exécutif soit là nécessairement. Et c'est une bonne chose.
M. Brodeur: Oui, mais connaissant la sagesse du ministre de l'Agriculture, sûrement qu'il nous aurait laissé la parole.
Le Président (M. Vallières): M. le Vérificateur général avait quelque chose à dire là-dessus.
M. Breton (Guy): J'allais dire que la présence du ministre pourrait avoir lieu en même temps que celle du sous-ministre, quand c'est le ministère qui est interrogé par la commission parlementaire, et je vous offrais d'être présent pour, à l'occasion, permettre le dialogue.
M. Brodeur: Je vous remercie, M. le Président. Je vous félicite pour votre rapport. Concernant toujours le même domaine de remboursement de taxes municipales et scolaires, j'ai fait plusieurs annotations intéressantes. On voit là que les exigences d'admissibilité semblent peu vérifiées, tant sur le côté du revenu tiré de la terre que de l'utilisation de la superficie. Il n'y a pas souvent des pénalités qui sont prévues pour les terres en friche.
Votre rapport relate aussi que, lorsque les terres sont louées et il y a des remboursements de 4 700 000 $ lorsque les terres sont louées on fournit peu ou pas de données, comme les contrats de location, les preuves, attestations, etc. Est-ce que vous avez constaté que ces preuves-là ne sont pas demandées soit parce que les fonctionnaires qui administrent le programme ne les demandent pas ou parce que les formulaires sont excessivement inadéquats? Sur quelle base pensez-vous que ces gens-là ne puissent pas faire les vérifications requises sur les déclarations qui sont faites?
M. Breton (Guy): Je vais demander à M. Cayer de vous expliquer la question du formulaire, entre autres.
M. Cayer (Ghislain): Le formulaire de demande de remboursement de taxes est effectivement extrêmement simple. C'est une formule qu'on complète, où on a l'identification du producteur agricole, son numéro de producteur agricole, où on lui pose des questions, qui nous dit: Avez-vous plus de 150 $ l'hectare, oui ou non? Répondez oui ou non. Il coche oui. Grosso modo, ce n'est pas plus que ça, le formulaire.
Dans le cas des terres louées, on va demander au producteur: Avez-vous des terres louées? Oui. De qui? Le nom. C'est fini. Le producteur nous envoie son formulaire, avec les comptes de taxes correspondant aux terres, qu'on rembourse au producteur agricole. Il n'y a pas d'exigence du ministère, aucune, en ce qui concerne les contrats de location, aller vérifier si la terre est cultivée ou pas, à quel prix ça s'est fait. On n'a aucune preuve de rien. Ça fait que, sous la foi d'une déclaration qu'il y a eu des terres louées et avec une copie du compte de taxes, on paie.
M. Brodeur: O.K. Oui?
Le Président (M. Vallières): M. Bédard.
M. Bédard (Gilles): Et ça, ça se passe aux deux étapes, autant au niveau de l'enregistrement qu'au niveau de la demande. On ne fait aucune validation lors de l'enregistrement et lorsqu'on le fait à tous les deux ans; on ne fait pas non plus aucune validation lorsqu'on reçoit la demande. Et on ne fait, non plus, aucune corroboration entre l'information qui est présentée lors de l'inscription et l'information qui est présentée lors de la demande. Si on faisait cette coordination ou cette corroboration-là entre les deux documents, souvent on trouverait des pistes qui donneraient au ministère suffisamment d'information pour aller plus loin et exiger davantage pour être en mesure de voir s'il y a véracité dans l'information qui est transmise.
M. Charbonneau (Borduas): Si on comprend bien votre réponse, ça veut dire qu'il n'y a pas de vérification quand les gens s'inscrivent au programme parce que, dans le fond, il y a un programme, ils sont admissibles ou pas admissibles. On ne vérifie pas, dans les faits, si vraiment ils sont admissibles. Et, quand ils sont considérés admissibles, on ne vérifie pas, finalement, la véracité de leur déclaration.
M. Bédard (Gilles): Exactement.
Le Président (M. Vallières): M. le député de Shefford.
M. Brodeur: Si je comprends bien, il n'y a aucun fonctionnaire chargé de ce programme qui s'est posé des questions quand on voit, dans votre rapport, que 1 881 exploitations déclarent des revenus entre 3 000 $ et 4 999 $ et que 1 333 exploitations ont moins de 5 ha donc, c'est environ 500 000 pi² puis on a vu aussi qu'il y a des exploitations de moins de 1 ha ça, c'est 100 000 pi² qui ont moins de 5 000 $ de revenus et dont les résidences occupent 85 % de l'exploitation. Donc, vous me dites qu'il n'y a jamais même sur ces points-là, je ne sais pas ce que ça représente, combien de millions de dollars personne qui a pensé aller vérifier ces choses-là.
M. Breton (Guy): C'est justement une des remarques qu'on faisait quand on disait que la dernière évaluation de programme remontait à 1986. Et c'est justement le genre de question qu'une évaluation de programme devrait permettre de solutionner. Est-il encore pertinent de faire ce qu'on fait? Est-ce qu'on rencontre les objectifs qu'on avait? Avons-nous besoin d'avoir les mêmes objectifs? Y a-t-il encore un problème à solutionner ou le problème a-t-il changé de nature, de sorte qu'on devrait avoir des objectifs différents, de sorte qu'on devrait avoir des solutions différentes?
La remise en question, l'évaluation de programme, c'est ça, et c'est dans ce sens qu'on dit fréquemment, dans nos messages: L'évaluation de programme est un outil que l'administration devrait se donner, puis qu'elle devrait suivre, pour remettre en cause ce qu'elle fait et sans doute trouver des sources d'économies.
Le Président (M. Vallières): M. Bédard.
M. Bédard (Gilles): Si vous me permettez, je ne voudrais pas non plus laisser l'impression, dans le commentaire sur les 1 881 exploitations qui déclarent des revenus bruts entre 3 000 $ et 4 999 $, que ce n'est pas adéquat. Ce qu'on dit, c'est que c'est à la limite du minimum permis. Donc, dans ce contexte, c'est une piste de vérification pour le ministère, compte tenu qu'ils sont à la limite du maximum de 3 000 $. À ce moment-là, ça devrait être une piste de vérification pour le ministère, pour bien s'assurer que, dans les faits, ces gens-là rencontrent, à tout le moins, le minimum exigé par le ministère.
M. Brodeur: Avez-vous chiffré, juste à titre d'information, le total des remboursements à cette catégorie-là de 1 881 personnes et 1 333 personnes qui semblent sujettes à caution? Est-ce que le montant a été vérifié, des remises seulement à ces gens-là?
M. Cayer (Ghislain): Ça va être au 100 000 $ près, mais, du 3 000 $ au 5 000 $, c'est 2 000 000 $.
M. Brodeur: 2 000 000 $.
M. Cayer (Ghislain): Oui. Ça, c'est en 1992, du 3 000 $ au 5 000 $. Si vous allez de 5 000 $ à 10 000 $, vous rajoutez un autre 3 000 000 $, ce qui donne environ 4 500 producteurs pour 5 000 000 $.
M. Brodeur: Est-ce qu'il a été vu, dans votre rapport des remises, que c'était régulier de voir des remises excessivement importantes à des exploitations qui semblent ne pas l'être, sauf la résidence principale de l'agriculteur potentiel qui exploite ces entreprises-là? Est-ce que c'est fréquent?
M. Breton (Guy): Non. Dans le cas présent, je pense qu'on a essayé d'illustrer des cas non pas extrêmes, mais des cas... Dans les très gros cas, c'est ce que vous retrouvez à la page 45. Maintenant, le nombre exact de dossiers comme celui-là, je ne pourrais pas dire.
M. Cayer (Ghislain): Par rapport aux maisons, non.
M. Breton (Guy): Non, on n'a pas fait cet inventaire. On n'a pas reprogrammé notre ordinateur pour aller voir ces situations où la valeur de la résidence excède, disons, 85 % du capital.
M. Bédard (Gilles): Mais, encore une fois, c'est des pistes de vérification. Ce qu'on essaie de démontrer ici, c'est que, compte tenu que le ministère ne fait aucune vérification, autant au niveau de l'admissibilité lors de l'enregistrement que lors de la demande, il y a de l'information qui est suffisamment importante pour donner des pistes de vérification. Comme les exemples qu'on vient de donner, où 90 %, 95 %, 98 % de l'évaluation globale représentent la résidence, il me semble que c'est des pistes intéressantes pour le ministère, pour bien s'assurer que cet agriculteur-là rencontre les objectifs du programme et a droit à son remboursement.
M. Breton (Guy): Si vous permettez, en d'autres mots, on ne cherche pas à porter un jugement de valeur ou à condamner ces situations. Elles nous apparaissent curieuses, et on s'est dit que, normalement, le ministère aurait dû les examiner de plus près parce qu'elles nous apparaissent curieuses. Mais elles sont peut-être totalement légitimes, totalement justifiées et totalement honnêtes. Alors, on ne se pose pas la question. On dit, quand on voit des choses semblables: Pourquoi le ministère ne réagit-il pas?
(16 h 40)
M. Bédard (Gilles): Ce qui est important aussi... Si la vérification était complétée, et que ça s'avérait exact, et que ces réclamations-là sont justifiées, une bonne évaluation de programme, avec toute l'information pertinente, viendrait, par la suite, donner de l'information suffisante aux gestionnaires et aux parlementaires pour savoir si l'objectif de programme est bien atteint avec ce genre de transaction là.
Une voix: Oui, on va...
Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, il y a d'autres collègues qui ont demandé la parole. On pourra revenir. Peut-être terminer sur le sujet, une dernière...
M. Brodeur: Oui, je peux terminer là-dessus, parce que j'ai pris quelques notes lorsque vous avez discuté de ça. On a parlé aussi, tantôt, ou j'ai constaté, à la lecture du rapport, qu'il y a des problèmes de surévaluation municipale. J'aimerais savoir si ces problèmes de surévaluation municipale, probablement de municipalités, de grandes ou de petites municipalités, en fin de compte, qui comptent probablement sur les agriculteurs pour financer leurs municipalités, en envoyant des comptes de taxes probablement exagérés, sachant qu'ils vont être remboursés par le MAPAQ, c'est une pratique qui est répandue, au Québec. Et est-ce que ça occasionnerait, ça, très souvent, par exemple, des remboursements de taxes qui sont plus élevés ou énormément plus élevés que le revenu brut de l'agriculteur?
M. Breton (Guy): Je ne crois pas qu'on puisse uniformiser ou généraliser. Il demeure que la préparation du rôle de taxes dans les municipalités est assujettie à une gymnastique très précise et que les agriculteurs se retrouvent, à l'occasion, dans des situations difficiles à expliquer, parce que les montants sont énormes. Il faut croire que ce sont ces règles de calcul qui ne tiennent pas compte du contexte agricole suffisamment et que les agriculteurs en sont lésés.
Maintenant, le ministère devrait, normalement, encore une fois se pencher devant des situations extrêmes et voir s'il y a abus ou, tout au moins, s'il n'y a pas lieu de renégocier, soit avec le ministère des Affaires municipales, au départ, la façon de traiter des situations semblables. Mais on ne peut pas prévoir, ou on ne présumerait pas, pour l'instant, de notre part, que c'est volontaire. C'est la mécanique qui génère des situations semblables. Compte tenu que, dans certains lieux, on est dans le périurbain, les terres qui ont été achetées pour des fins de spéculation ont fait sauter à la hausse l'évaluation municipale, et le voisin se retrouve à avoir une terre très élevée. Si, en plus de ça, on a commencé à développer, à amener des services qui passent au bout de sa terre et que, par définition, il est obligé de payer même s'il ne s'en servira jamais... Il y a peut-être beaucoup d'excuses pour être exclu, mais ces excuses, pour l'instant, ne sont pas codifiées, ne sont pas reconnues, ne font pas partie du processus. Et il y a beaucoup de discussions, je pense, à y avoir.
Encore une fois, le ministère, s'il paie les yeux fermés, ça n'améliorera pas la situation. Mais, si le ministère contestait, si le ministère analysait les situations extrêmes et en débattait avec le ministère des Affaires municipales, ensuite avec les municipalités, on arriverait peut-être à une solution plus raisonnable. Elle n'est... Est-ce que... Oui, M. Cayer.
M. Cayer (Ghislain): Oui, si vous permettez. Il faut comprendre aussi que, de la façon dont le programme est fait, le producteur agricole reçoit un remboursement de taxes de 70 % jusqu'à 475 $ et de 100 % de l'excédent, ce qui fait en sorte que, même si le compte de taxes augmente, lorsque sa terre est évaluée en haut de 475 $, le producteur agricole n'a aucun incitatif à contester son compte de taxes. C'est le ministère qui prend tout. C'est un argument de plus où il faut que le ministère soit vigilant, étant donné la façon de faire.
Le Président (M. Vallières): Est-ce qu'on a l'évaluation moyenne quelque part dans le document que vous nous avez fourni?
M. Breton (Guy): Non, on n'a pas l'évaluation moyenne.
M. Brodeur: Avez-vous constaté, dans un cas où, par exemple... On sait que, lorsqu'une ferme ou une exploitation agricole est autorisée à d'autres fins que l'agriculture, la loi prévoit qu'une municipalité ou, j'imagine, le gouvernement aussi peuvent réclamer jusqu'à quatre ans en arrière de taxes. Quatre ou cinq ans?
Une voix: Cinq ans.
M. Brodeur: Cinq ans. Ils peuvent réclamer du propriétaire, à cette époque-là, des sommes qui ont été remboursées. Est-ce que c'est arrivé dans au moins un cas où le gouvernement du Québec a réclamé ces sommes-là?
M. Cayer (Ghislain): Non.
M. Brodeur: Jamais?
M. Cayer (Ghislain): Non.
M. Bédard (Gilles): D'ailleurs, dans sa réponse, le ministère a fait certaines recherches là-dessus. Si on regarde, à un moment donné si je peux le retrouver il vient dire que...
M. Breton (Guy): En haut de la page 60, je pense.
M. Bédard (Gilles): Alors, il vient dire justement, à partir du bas, donc, suite à nos commentaires, il a fait certaines recherches et il dit: «Parmi ces cas, seulement 31 demandes concernaient des exploitations agricoles ayant fait l'objet de remboursement. Les récupérations de taxes établies pour ces demandes ont été estimées à 6 093,83 $ pour les cinq années visées, soit 3 103 $ pour les exclusions et 2 990 $ pour les autorisations émises.» Donc, il a vérifié une certaine période, puis il s'est rendu compte, effectivement, qu'il ne l'avait jamais fait, qu'il aurait pu récupérer.
Maintenant, est-ce qu'on peut extrapoler à partir des résultats qu'il nous donne? Nous ne le savons pas. Ce que nous commentons, c'est qu'il ne l'avait jamais fait. Suite à notre vérification et à nos commentaires, il en a fait pour une partie, il en a découvert, effectivement, qu'il aurait dû récupérer puis il ne l'a pas fait.
M. Breton (Guy): Mais j'attire votre attention sur la fin du paragraphe suivant. Il recommande d'abandonner cette disposition.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Vallières): Est-ce qu'on peut vous demander ce que vous pensez de ça?
M. Cayer (Ghislain): Pour les...
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Cayer (Ghislain): Pour les autorisations... Le problème au niveau des autorisations, souvent, c'est que c'est une parcelle de terre. Pour les exclusions, le ministère dit: On va récupérer, on va laisser ça là, les exclusions. Mais, pour les autorisations, souvent, le problème, c'est une parcelle de terre qui fait en sorte que le remboursement de taxes qui devrait être récupéré, c'est des sommes tout à fait minimes c'est un arpent sur 100 arpents, par exemple ce qui fait en sorte qu'on récupère 4,27 $; puis, pour faire le travail, pour aller chercher ces cas-là, c'est extrêmement laborieux. C'est dans ce sens-là que le ministère dit: Bien, pour les autorisations, ça va nous coûter plus cher administrativement que d'aller chercher l'argent; on va demander que ça soit abrogé.
M. Breton (Guy): Mais, pour les exclusions, il continue à y aller.
M. Cayer (Ghislain): Ça reste là.
M. Breton (Guy): Ou il continue... il le fera un jour.
M. Cayer (Ghislain): C'est ça.
Le Président (M. Vallières): Sur la deuxième partie, sur l'argumentation, ce que je décode, là, c'est qu'il n'a pas complètement tort, c'est-à-dire que les coûts de récupération seraient plus élevés que ce qu'il va récupérer.
M. Breton (Guy): Oui.
M. Cayer (Ghislain): C'est ça.
Le Président (M. Vallières): O.K. Peut-être qu'il y a une question, là, moi. Bien, je pense que Mme la députée de Matapédia aussi a demandé la parole. Concernant le remboursement des taxes pour les terres louées, c'est un phénomène sur lequel vous attirez notre attention, où vous dites qu'il y a 4 700 000 $ de remboursement qui est donné, et, là encore, vous nous indiquez que, l'absence de contrôle sur ces terres-là, ça semble généralisé sur l'ensemble du territoire concerné. Est-ce que, à votre avis, les mesures qui pourraient être prises pour contrôler ça davantage permettraient de limiter considérablement le remboursement de cette partie-là de la taxation?
M. Breton (Guy): Vous parlez du remboursement lorsque ces terres sont finalement converties à autre chose que de l'agriculture?
Le Président (M. Vallières): Oui, c'est ça.
M. Breton (Guy): Sans doute que, s'il y avait un contrôle plus serré sur le dézonage comme tel, à ce moment-là, ce sont des terres qui valent déjà très cher, sur lesquelles il y a des montants déjà très élevés de taxes qui ont été remboursés, il y aurait un retour intéressant, il n'y a aucun doute.
Le Président (M. Vallières): Parce que vous avez des exemples en 2.41, 2.42, 2,43, là, c'est assez terrible.
M. Breton (Guy): Oui.
Le Président (M. Vallières): En tout cas, je ne sais pas si c'est un échantillonnage représentatif, là, mais vous avez des exemples qui donnent... qui sont pour le moins... Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça attire beaucoup l'attention. Quand vous dites: «Par exemple, nous avons relevé le cas d'un exploitant agricole qui loue 180,8 ha, soit 77,9 % de sa superficie totale, de huit personnes ou compagnies, dont plusieurs sont spécialisées dans le développement immobilier. Cet exploitant reçoit un remboursement de 57 000 $ pour un revenu brut déclaré se situant entre 50 000 $ et 99 000 $», c'est sérieux.
M. Breton (Guy): Nous avons un cas, que nous n'avons pas cité ici, où une personne réclame son remboursement de taxes à l'aide de...
M. Cayer (Ghislain): C'est qu'il y a...
M. Breton (Guy): ...lots de, disons, 100 pi². Toute sa terre, autrement dit, est déjà lotie et elle a déjà une taxe pour chacun des lots. Alors, elle prend la somme des lots et elle envoie sa réclamation. Bien sûr que, si elle fait de la culture sur ces lots-là... Parce que, même s'ils sont lotis, si c'est encore un pâturage ou un champ de culture , elle a totalement le droit de le faire, mais ça illustre qu'il y a un potentiel derrière cette terre-là.
Le Président (M. Vallières): De plus, là, vous nous dites que dans... Je lis la dernière phrase: «Le ministère n'a aucune preuve que les 180 ha loués ont été cultivés.»
M. Breton (Guy): Oui, parce que, dans le processus pour le remboursement, il s'agit d'envoyer la demande de remboursement avec le compte de taxes municipales et puis la signature du réclamant comme telle; c'est suffisant. Au hasard, on peut aller en voir quelques-uns, mais, si on passe chez le voisin, c'est bon.
(16 h 50)
Le Président (M. Vallières): Oui, M. Bédard.
M. Bédard (Gilles): Encore là, le programme permet les terres louées. Ce que nous disons au ministère, dans 2.39, c'est qu'il ne s'est pas préalablement assuré que ces terres étaient bel et bien utilisées à des fins agricoles et dans le but de rapporter des revenus supplémentaires. Et, à partir d'informations que nous vous donnons, il y avait, encore là, suffisamment de pistes pour permettre au ministère de se poser des questions, et d'aller valider cette information, et de bien s'assurer que les taxes qui étaient demandées étaient justifiées, le remboursement des taxes.
Le Président (M. Vallières): Mme la députée de Matapédia.
Mme Doyer: Oui. Moi, c'est une question, en tout cas, à titre d'information, puisque je vous ai, là, à ma disposition. J'aimerais savoir si vous vous êtes penché ou si vous avez l'intention de vous pencher sur toutes les règles d'attribution des lots qui sont détenus par le MAPAQ? Parce que, chez nous, j'ai des agriculteurs qui viennent me voir, qui sont un peu frustrés de la façon dont les ventes se font et qui disent que, par exemple, les règles du marché ne tiennent pas, c'est certains critères qui font en sorte que tu peux les acheter ou non. On me dit qu'il y a toutes sortes de tours de passe-passe justement pour aller sauver des taxes, pour que les gens aient des remboursements de taxes. Dans le fond, si les personnes pouvaient les acheter, offrir, on serait peut-être regagnant, quitte à, bien sûr, préserver la vocation agricole de ces lots-là.
M. Breton (Guy): On prend...
M. Bédard (Gilles): On en prend bonne note.
M. Breton (Guy): ...bonne note de votre remarque...
Mme Doyer: Oui, il y aurait peut-être quelque chose d'intéressant...
M. Breton (Guy): ...et on va voir...
Mme Doyer: ...à aller fouiller de ce côté-là.
M. Breton (Guy): ...ce qu'on peut regarder à l'avenir.
Le Président (M. Vallières): M. le député de Borduas, suivi du député de Shefford.
M. Charbonneau (Borduas): Est-ce que, dans vos discussions avec le ministère, vous avez abordé le problème des coûts de contrôle? Parce que, dans le fond, ce qu'on constate, c'est qu'il n'y a pas de vérification ni pour l'admission au programme ni, par la suite, sur les déclarations qui sont faites. Si le ministère voulait s'équiper correctement et efficacement au niveau des coûts de contrôle, est-ce que, dans les discussions préliminaires parce que vous avez eu, avec lui, des discussions, comme vous nous expliquiez tantôt, avant la rédaction du rapport on vous a fait part qu'il y a eu des analyses ou des questionnements sur le coût que ça susciterait au ministère d'établir des mécanismes de contrôle qui soient efficaces et qui nous permettraient de corriger les lacunes que vous avez identifiées ou si cette question-là n'a jamais été abordée?
M. Cayer (Ghislain): Premièrement, il faut comprendre qu'au remboursement de taxes il n'y a qu'une quantité de gens, là. C'est quand même surprenant, il y a neuf personnes qui travaillent sur ce programme-là, pour un programme de 56 000 000 $. C'est un programme quand même assez important pour le ministère, pour le nombre de personnes qu'il y a là. Et je sais qu'actuellement le ministère va travailler beaucoup plus avec l'informatique, un peu comme, nous, on fait, c'est-à-dire aller faire des liens, coupler des fichiers. Il y a les fiches d'enregistrement pour l'aider à aller faire des vérifications. Mais il faut comprendre qu'avec neuf personnes, quand vous recevez 32 000 comptes de taxes par année et qu'il y a quand même des choses qui peuvent prendre passablement de temps à aller vérifier là-dedans, là, c'est qu'ils font de leur mieux. Mais c'est sûr qu'avec l'avènement de l'informatique puis avec le couplage des fichiers, ça va les aider. Ça n'amènera pas nécessairement beaucoup de coûts supplémentaires, car l'informatique va travailler puis va donner des pistes aux gens qui sont là.
M. Charbonneau (Borduas): Comme vous vérifiez, ce n'est pas juste le ministère de l'Agriculture mais tous les autres, est-ce qu'il pourrait y avoir un joint venture avec le ministère du Revenu pour que, justement, les vérifications se fassent? Comme le ministère du Revenu est, en principe, mieux équipé que le ministère de l'Agriculture pour vérifier ce type de déclaration, est-ce qu'ils ne seraient pas en mesure, eux, d'offrir un service au ministère de l'Agriculture qui ferait qu'on pourrait efficacement avoir un contrôle et des vérifications qui soient plus efficaces?
M. Breton (Guy): Vous invoquez la solution ultime de tout gestionnaire qui est: Ayons un seul ordinateur, un seul fichier et toute l'information de tout le monde, de sorte qu'on pourra savoir ce qui se passe partout. Ce serait idéal au point de vue gestion, mais je comprends qu'au point de vue société on n'est pas prêt à se donner cet outil pour l'instant, face au risque qu'on court de mettre trop d'information à un seul endroit...
M. Charbonneau (Borduas): Oui, je comprends, mais...
M. Breton (Guy): ...et trop de puissance.
M. Charbonneau (Borduas): ...je veux dire, là, on parle, de toute façon, de déclarations d'impôts, de revenus. Je veux bien croire qu'on ne veut pas avoir un seul fichier informatisé pour l'ensemble des informations, mais là on parle, dans le fond, d'une mission gouvernementale qui est de collecter des recettes. Et, dans le fond, ce n'est pas la mission du ministère de l'Agriculture a priori. Pourquoi cette fonction-là n'est pas donnée au ministère du Revenu ou encore n'y a-t-il pas une entente entre les deux ministères pour que ce type d'opération, qui est vraiment une opération du ministère du Revenu et non pas du ministère de l'Agriculture qui gère une ressource et qui a à développer une intervention dans une activité économique... Pourquoi on ne ferait pas ça avec le ministère du Revenu?
M. Breton (Guy): Je pense que le protecteur de la Commission d'accès à l'information aimerait vous entendre et vous présenter son contre-argument. Mais vous avez raison, la pente est vers là. Éventuellement, dans je ne sais pas combien d'années, on aura regroupé de plus en plus tous ces fichiers justement pour valider l'information avec les points de référence qui existent déjà ailleurs. Il n'y a aucun doute là-dessus. Mais...
M. Charbonneau (Borduas): Je comprends, mais, moi, ce que je voulais, pas nécessairement vous faire dire... Mais c'est parce que, là, c'est un programme de contribution aux taxes municipales et scolaires, donc un programme de taxation. Les gens déclarent des revenus et ont des remboursements. Ce que je me demande, c'est: Est-ce que c'est vraiment relié à la mission du ministère de l'Agriculture ou si ça ne serait pas plutôt relié à la mission du ministère du Revenu, et, à la limite, si le ministère de l'Agriculture décide de donner un avantage à ses clients, aux agriculteurs, que la gestion du programme soit faite par le ministère qui a la compétence et les services ou l'expertise pour savoir si les gens, finalement, n'en profitent pas pour en passer des petites vites ou des grosses vites à l'État, aux frais de tout le monde?
M. Breton (Guy): Bien, je dirais que, mécaniquement ou sur la base purement, strictement administrative, vous avez raison. La mise en commun d'informations entre les fichiers ou entre les ministères permettrait de porter le processus de validation à un nouveau niveau. Mais prendre la décision d'y aller, c'est hautement politique parce qu'il y a beaucoup d'autres impondérables.
Et je dois faire une distinction. Bien sûr que, techniquement, oui, c'est faisable; techniquement, ça améliore, en pratique, à cause des impondérables sur la situation, sur la population. C'est une décision politique de dire: On met en commun ou pas, que ce soit pour ça seulement, par rapport à ça. Mais, quand on fait le tour des ministères, partout où il y a perception, il y a intérêt. D'ailleurs, il y a déjà une mise en place d'un processus de perception lorsque les comptes à recevoir commencent à vieillir. Il y a déjà un système qui est en train de se mettre en place pour percevoir, je dirais, les comptes à recevoir qui ont légèrement vieilli. Bien, ça va dans le même esprit. Ça s'implante lentement, mais avec beaucoup de précautions.
Le Président (M. Vallières): M. le député de Shefford, en vous rappelant qu'on est près de 17 heures. Il nous resterait une heure, puis il nous reste deux autres blocs à voir au moins. Alors, peut-être rapidement conclure sur ce secteur-là.
M. Brodeur: Juste quelques petites phrases, entre guillemets, pour éclairer notre collègue de Borduas, concernant la possible insertion du ministère du Revenu pour la collecte de certaines sommes. On doit considérer aussi que, dans le système de remboursement de taxes, ce n'est pas des déclarations nettes. Donc, c'est des revenus bruts. Et probablement, là, sans être devin, à regarder le grand nombre de réclamations, de milliers, peut-être tout près de dizaines de milliers de déclarations de revenus, là, en bas de 5 000 $, en bas de 10 000 $, j'imagine qu'au bout de la ligne c'est plutôt des pertes qu'il y a que des revenus. Donc, considérant que c'est un revenu brut, j'imagine que le ministère du Revenu aurait beaucoup de difficultés à travailler à partir de ces données-là. Donc, ce serait excessivement compliqué à vérifier. Fermer les guillemets.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, l'objectif, ce n'est pas de vider complètement la question parce qu'on aurait eu besoin de toute la période juste pour ce secteur-là. On pourrait peut-être passer au suivant.
M. Brodeur: J'ai une question excessivement importante, je crois.
Le Président (M. Vallières): Qui ne durera pas longtemps.
M. Brodeur: Qui ne durera pas longtemps. Étant donné que, naturellement, nos gouvernements sont face à des choix budgétaires inévitables et qu'on a discuté tantôt... D'ailleurs, le député de Borduas disait qu'il faudrait s'en tenir... L'essence de son intervention disait qu'il faudrait s'en tenir à quel était le but du ministère de l'Agriculture, quelle était sa mission. C'est pour ça que vous aviez discuté tantôt, vous aviez émis l'hypothèse d'une intervention du ministère du Revenu. Je ne sais pas si vous avez opéré un calcul, tout simplement à titre d'information, à savoir: Quelle est la proportion de remboursement de taxes qui a trait simplement à la résidence?
C'est à se demander si le but du ministère de l'Agriculture est de subventionner l'habitation. C'est pour ça que j'aimerais avoir peut-être, si vous êtes capable, un portrait, là, de ce que ça représente comme remboursement, le fait de rembourser, là, des taxes attribuables à la résidence principale.
(17 heures)
M. Breton (Guy): Non, encore une fois, on n'a pas fait ce calcul. On a fait une recherche avec notre ordinateur pour trouver des situations où le pourcentage de la résidence était très élevé sur la valeur totale de l'investissement. Ça nous a permis de sortir les cas qu'on vous a cités. Mais on n'a pas fait une recherche globale pour totaliser, faire cette moyenne.
M. Brodeur: Vous dites: Très élevé. La proportion moyenne est laquelle? Environ.
M. Breton (Guy): On n'a fait aucun calcul.
M. Cayer (Ghislain): Nous, on regardait les cas à risque qui méritaient un contrôle. Donc, les producteurs qui avaient une petite surface avec une propriété de grande valeur, à notre avis, méritaient un contrôle. C'est prévu dans le programme que, les maisons, on paie; ça fait qu'on n'a pas... Tout le monde en a une. On n'a pas commencé à essayer de voir c'est quoi la proportion de la valeur des maisons par producteur. Ça fait qu'on ne s'est pas intéressé dans ce sens-là.
M. Brodeur: Vous dites quand même que la proportion est importante. Donc...
M. Cayer (Ghislain): Ça va dépendre des régions, ça va dépendre...
M. Breton (Guy): Mais on a cherché spécifiquement les situations où la proportion de la maison était importante, parce qu'on se disait: Le ministère devrait se poser la question sur ces dossiers-là. Autrement dit, on a plus ou moins essayé toutes sortes de techniques de vérification pour valider l'information, puis, à chaque fois qu'on utilisait une technique, on découvrait des situations qui, effectivement, nous prouvaient qu'il y avait des sujets intéressants à étudier un peu plus en détail.
M. Brodeur: Donc, ça pourrait être une source pour les gouvernements d'opérer des compressions budgétaires sans réellement affecter l'agriculture québécoise.
Le Président (M. Vallières): M. Bédard.
M. Bédard (Gilles): Encore une fois, M. le Président, je pense que M. le député a tout à fait raison, c'est de l'information tout à fait pertinente qu'il devrait avoir pour prendre une décision. Le Vérificateur général revient souvent avec une notion d'évaluation de programme qui n'est pas faite dans les organisations. Un dossier, encore une fois, démontre que, depuis 1986, pas d'évaluation de programme qui vous permettrait, à partir de cette information-là, de conclure. Vous auriez exactement toute l'information dont vous avez besoin pour conclure si une bonne évaluation de programme avait été faite.
Ça semble théorique, lorsqu'on exige ça, mais, lorsqu'on se met à discuter de dossiers comme nous le faisons aujourd'hui, on se rend bien compte qu'il y a de l'information importante qui devrait être distribuée aux parlementaires, aux gestionnaires, pour être capables de savoir si ça répond bien à l'objectif de programme. Une évaluation de programme le permettrait, et, l'information que vous demandez, nous ne l'avons pas, malheureusement. S'il y avait eu évaluation de programme, ce genre d'information là, vous l'auriez aujourd'hui. Vous pourriez conclure.
Le Président (M. Vallières): M. le Vérificateur.
M. Breton (Guy): Vous me permettrez de rajouter, de frapper une dernière fois sur le clou de l'évaluation de programme. Je rappellerai vous, sans doute que vous vous en rappelez lorsqu'on avait soulevé la pertinence de distribuer des berlingots de lait dans les écoles. Le ministère s'est éventuellement penché à nouveau sur ce programme pour conclure que distribuer des berlingots de lait n'ajoutait rien à l'industrie laitière. En conséquence, le ministère a cessé de subventionner les berlingots de lait.
Le ministère de l'Éducation a découvert que, dans certaines écoles où les enfants n'avaient pas les moyens de déjeuner le matin, s'ils n'avaient pas le berlingot de lait, ils étaient moins attentifs et ils étaient moins réceptifs à l'enseignement. Donc, le ministère de l'Éducation s'est mis à distribuer des berlingots de lait là où c'était nécessaire. Le programme a changé, l'objectif a changé, mais il y avait eu évaluation de programme au ministère après qu'on eut soulevé que ça faisait déjà plusieurs années que ça existait sans qu'on se pose la question: Est-ce encore pertinent? C'est un exemple flagrant de l'utilité d'une évaluation de programme.
Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Oui, s'il n'était pas trop tôt, moi, je passerais à la deuxième étape qui touche la Commission de protection du territoire agricole.
Commission de protection du territoire agricole
Le Président (M. Vallières): Oui, on peut y aller sur la Commission, oui, la CPTAQ. Alors, on y va. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Bon. Alors, M. le Vérificateur, j'ai lu évidement vous comprenez maintenant pourquoi avec beaucoup d'intérêt toutes vos observations. Je pense que c'est une somme absolument intéressante et je peux vous dire que les recommandations, en général, me paraissent particulièrement positives. Mais c'est surtout sur celles sur lesquelles je me pose des questions, évidemment, que je vais intervenir, et j'aurais peut-être des questions et des commentaires à faire.
À la page 67, par exemple, vous dites: «Nous avons recommandé à la Commission de se donner les moyens de colliger toutes les informations relatives à la zone agricole et établir les liens avec la politique agricole du gouvernement, afin d'être mieux en mesure de gérer la zone.» Je me suis beaucoup interrogé sur cette approche-là, parce que je me demande s'il n'y a pas une déviation par rapport à la mission de la Commission de protection du territoire agricole. Ma perception, c'est que c'est un tribunal administratif et que sa fonction très précise, c'est de répondre, par oui ou par non, à des demandes ponctuelles. Je pense qu'en tant que tribunal administratif c'est sa fonction.
Il me semble que ça serait lui donner une fonction qu'elle n'a pas et un rôle qu'elle n'a pas, dans la société, que de lui donner un rôle d'établir des liens avec les politiques du gouvernement et de gérer une zone. Ma conception, ma perception, ma compréhension de la loi, c'est qu'elle est faite pour décider, dans chaque cas, si une demande peut être accordée, eu égard à l'objectif de la loi, qui est de protéger, premièrement, le territoire et, deuxièmement, l'agriculture qui s'y pratique ou qui peut s'y pratiquer, et eu égard aux critères qui sont fournis dans la loi pour savoir comment évaluer ça. C'est pour ça que j'ai un peu de misère avec l'expression «gérer la zone» pour faire correspondre la zone aux politiques gouvernementales.
Je vais essayer d'expliquer un peu plus. Il me semble que la vision de la loi, c'est de protéger un héritage pour les générations futures. L'horizon second, c'est de ne pas faire tort à ce qui existe présentement ou à ce qui pourrait exister en termes de pratiques agricoles. C'est pour ça que j'ai de la misère avec la question de l'approche qui a été prise.
M. Breton (Guy): Nous avons pris cette approche ou ce vocabulaire parce qu'il nous semble que, lorsqu'on fait le bilan de toutes ces décisions ponctuelles, la tendance ou le résultat global semble être à côté des objectifs poursuivis, et, à ce moment-là, on s'est dit: Le processus fait défaut. Qu'est-ce que ça vaut d'avoir un objectif, d'avoir l'intention d'atteindre une certaine fin et puis d'avoir des gens qui, au moment de prendre une décision, en toute conscience, sont très honnêtes, mais, quand on fait la somme de toutes leurs décisions, on n'a pas atteint ce qu'on voulait?
Et on se dit: Ces gens-là devraient avoir au minimum, dans leur schème de pensée, une excellente connaissance des objectifs poursuivis, une excellente connaissance du milieu. Ils devraient respirer les objectifs poursuivis de sorte que, tout en étant très honnêtes, très consciencieux, s'il y a le moindre doute entre deux positions, ils vont préférer celle du plus grand bien commun et puis aller dans ce sens-là, plutôt que le bien immédiat qui leur est présenté.
Et ce qu'on a constaté, c'est que, si, d'une part, le bien économique immédiat, qui est souvent le moteur de la demande, est très bien documenté par celui qui fait la demande évidemment, il veut prouver sa demande le contrepoids ne semble pas être là. On n'a pas d'inventaire des terres. On n'a pas d'inventaire de ce qui a été donné jusqu'à maintenant. Il n'y a pas de bilan de ce qu'on a perdu depuis le début. Il n'y a pas de bilan vraiment de la nouvelle zone. Il n'y a pas de conception de ce qui se passe, de la façon que le processus est en train de glisser en dehors des objectifs que tout le monde s'est donnés.
À ce moment-là, le décideur se retrouve avec une argumentation très bien préparée pour lui, de dire: Mais il faut faire avancer la société. Et, d'autre part, il n'y a rien qui lui permet de se raccrocher pour dire: Je le sais, mais le plus grand bien veut que je conserve cette terre, parce que c'est encore plus grand. Il ne l'a pas, l'information.
Alors, je ne doute pas de son rôle, mais je dis: Ils ne sont pas équipés, on ne leur a pas donné les outils. On ne leur permet pas quand bien même ce serait simplement de faire la réflexion sur le sujet fréquemment ou au cours de colloques. On ne leur donne pas les outils parce qu'on n'a pas l'information. Alors, qu'ont-ils contre une pression commerciale qui leur est présentée? Ils n'ont rien. Donc, on constate, après le fait, que, dans l'ensemble, ils succombent, et je dirais qu'ils succombent face à l'absence d'un contrepoids. Et c'est ce qu'on regrette. On dit: Bien, ça permettrait de mieux gérer la zone, c'est-à-dire de gérer dans le sens que, globalement, on a tous besoin de la conserver, cette zone. Si c'était vrai à l'origine, quand on l'a créée, je pense que c'est encore vrai, et ce n'est pas parce qu'elle s'effiloche dossier par dossier que le besoin de base est disparu.
(17 h 10)
M. Cayer (Ghislain): Pour donner un exemple, les terres sont classées par catégorie de 1 à 7, 1 étant la meilleure. Les terres 1, 2, 3, on n'a pas le droit de les exclure de la zone, ce n'est pas permis par la loi. Actuellement, dans notre zone, on ne sait pas combien il nous en reste, de terres 1, 2, 3. Lorsqu'il vous arrive une demande de dézoner une terre des meilleures catégories, est-ce que c'est un drame de dézoner ou si ce n'est pas un drame? On ne sait pas. Et les commissaires de la Commission n'ont aucun outil pour leur dire: Non, tu ne peux pas, c'est un drame, on en a besoin pour quelque chose. Ça n'existe pas, ça. Tout ce qu'ils ont, c'est des critères dans la loi et leur bon jugement. On ne leur dira pas: Les terres 1, 2, 3, là, c'est intouchable, on en a besoin, c'est une nécessité pour les 20 prochaines années; ils n'ont rien. Ça fait qu'ils sont laissés à eux-mêmes.
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Dion: Oui. Si je comprends bien votre perception, ce à quoi vous faites référence quand vous parlez de mieux gérer la zone, c'est d'avoir une perception plus réaliste de sa valeur réelle et de l'impact d'une autorisation éventuelle par rapport à la mission générale. Vous voyez qu'il y a une distorsion entre l'objectif visé et la réalité de la décision, et je suis bien d'accord avec vous sur la perception. Ce qui m'apparaît plus difficile... Je trouve ça très intéressant, ce que vous avez identifié, mais il faudrait peut-être chercher encore un petit peu plus loin pour identifier d'autres causes qui mériteraient peut-être des bonnes solutions.
Mais je voudrais passer, un peu plus loin dans votre document, à la page 72, à l'article 2.154. Vous avez deux recommandations, en tout cas: «Nous avons recommandé à la Commission de se doter de lignes directrices quant à l'utilisation des critères de décision et à leurs [...] priorités.» Je trouve ça très intéressant. «Afin de préserver le caractère de permanence de la zone, nous l'avons incitée à toujours examiner d'abord si les projets peuvent être réalisés ailleurs qu'en zone agricole.» Là, j'ai un peu de problème, et j'ai même un problème assez grand.
Vu d'un point de vue municipal, je serais entièrement d'accord. Vu du point de vue de l'aménagement du territoire, qu'on regarde d'abord ce qu'on peut faire dans le village avant de regarder si on peut mettre une maison ou un atelier le long d'un rang, ça, là-dessus, je n'ai pas de problème. Sauf que, du point de vue de l'objectif de la loi, qui est de protéger le territoire agricole, d'une part, et de faire en sorte qu'on continue d'y pratiquer l'agriculture, est-ce que le phénomène de désertification des zones rurales en termes de population n'a pas parfois un impact plus important sur l'utilisation du territoire agricole que le fait d'y bâtir une maison? Est-ce que, le fait qu'il n'y a personne dans le rang et que, donc, il n'y a plus de jeunes intéressés à aller s'établir là, ça n'a pas un impact plus négatif que le fait de mettre une maison, parfois?
Et c'est pour ça que le fait de mettre ce critère comme un peu un critère premier, ça me semble introduire une distorsion grave dans la façon de juger des demandes. Que le critère soit important, parfois oui, s'il s'agit de décider si on peut établir un parc industriel à un endroit. Je pense que, là, il faut regarder d'abord en zone blanche, ça va de soi. Mais, dans le cas de construire une résidence, il me semble que, parfois, ça n'a rien à voir et d'autres fois oui. Et, en faire un critère premier, je suis mal à l'aise.
Un autre aspect de la question. S'il s'agit, par exemple, de savoir si, le fils de M. Untel, qui possède 500 acres de terre, une ancienne porcherie désaffectée depuis 10 ans, qui ne peut plus être utilisée, qui demande pour y pratiquer l'ébénisterie ou la soudure, le fait d'autoriser ça c'est quelque chose d'autre que l'agriculture ça a un impact négatif sur le territoire agricole ou un impact positif, ça peut avoir l'un, ça peut avoir l'autre, à mon avis, et le fait de mettre ce critère comme un critère prévalant, il me semble que ça crée une distorsion qui peut nuire autant qu'aider à l'objectif de la loi. J'aimerais avoir vos réactions.
M. Breton (Guy): Oui. Ma réaction est encore globale, si vous voulez, en ce sens que, lorsqu'on tire un bilan, on constate qu'on s'éloigne de ces grands objectifs. Ce qu'on essaie de signaler, c'est: Trouvons les moyens de respecter cet objectif, donnons-nous les outils pour se tenir le plus près possible de l'objectif. Les exemples que vous donnez sont des dossiers pour lesquels, si je devais les juger ad hoc, en tant que commissaire, j'abonderais peut-être dans votre sens. Par contre, à un moment donné, il ne faudrait pas que toutes les porcheries ou les ex-porcheries deviennent des ébénisteries.
Vous voyez qu'à un moment donné on ne peut pas, nous, dans nos recommandations, tenir compte de tous les cas d'exception à la règle générale, mais on essaie de rappeler qu'il y a eu un objectif au début à cette loi, lorsque ça a été créé, et on constate que le produit fini n'a pas donné ou ne semble pas donner ce qu'on voulait. Donc, on suggère de resserrer les liens. On suggère de remettre sur la table certains critères. On ne veut pas imposer nécessairement, on les met sur la table pour fins de discussion.
Je pense que c'est le genre de discussion, si vous me permettez, qui ferait un débat intéressant avec et le représentant de la Commission et peut-être même le ministère. C'est quasiment une question de nature politique que vous posez. Nous, on se dit: Techniquement, si vous resserrez les liens, on devrait avoir une chance de finir là où on veut. Vous dites: Oui, mais, vous savez, il y a tellement de pondération politique là-dedans, il ne faut pas avoir des liens trop serrés. On dit: Parfait, je vous suis. Mais, si on constate, après 10 ans ou 15 ans, qu'on n'est pas allé là où on voulait, peut-être qu'il faudrait mettre un petit peu moins de politique et un petit peu plus de restrictions.
M. Cayer (Ghislain): Est-ce que je peux ajouter? On a regardé un très grand nombre de dossiers à la Commission. Quand on regarde les deux recommandations, on parle de se doter de lignes directrices pour appliquer les critères. La loi donne un certain nombre de critères neufs. On s'est aperçu qu'au niveau des dossiers, des fois, c'est les trois premiers critères qui priment; des fois, c'est les trois derniers; des fois, c'en est trois autres. On ne sait jamais pourquoi c'est celui-là plutôt qu'un autre, ce qui fait que le commissaire a quand même une grande latitude.
Nous, on dit: Pourquoi, dans ce cas, dans ce dossier-là, n'a-t-il pas pris l'incompatibilité des terres avec les autres? On ne le sait pas, jamais. Il n'y a jamais aucune justification au niveau des dossiers. On disait qu'il n'y a pas de lignes directrices et qu'il n'y a pas d'orientation, il n'y a rien dans les dossiers non plus. Il a décidé ça avec ces trois critères-là. Ça, c'est de un.
Dans la deuxième recommandation, on dit qu'il faudrait qu'il justifie lorsqu'il ne prend pas un terrain ailleurs qu'en zone blanche, qu'en zone verte. Ce qui se passe, c'est que, de 1989 à 1991, il y a eu une révision de la zone par la Commission de protection du territoire agricole. Ils ont fait le tour de toutes les municipalités et, à ce moment-là, chacune des municipalités est supposée avoir dézoné suffisamment d'espace pour faire ses projets. Or, après cette révision-là, une fois qu'on dit que la zone est permanente, les demandes arrivent, mais ailleurs que là, encore, et encore dans des terres agricoles.
Ce qui se passe lorsque la demande arrive, l'analyste va dire... C'est évident que les gens veulent faire leur projet sur leur terrain...
M. Dion: Excusez-moi de vous interrompre, mais...
M. Cayer (Ghislain): ...sauf que c'est la loi qui dit qu'on a zoné agricole, qu'on a créé une zone permanente et qu'on veut la protéger. L'analyste, au niveau du dossier, va dire: Vous avez une demande en terres 1, 2, 3 et, dans mon dossier, dans votre secteur à vous, il y a de l'espace en zone blanche; allez là, c'est protégé. Le commissaire va dire: Non, je dézone pareil pour tel ou tel critère, et on ne sait pas pourquoi au niveau du dossier.
La recommandation vise à dire: Tes critères, quand tu le décides, dis-nous pourquoi. Pourquoi tu ne le prends pas et pourquoi tu n'a pas suivi l'avis du conseiller. C'est ce qu'on n'a pas dans les dossiers.
M. Dion: Je pense que je vous suis. D'abord, il ne faudrait pas être surpris si, quand les demandes arrivent, elles sont en zones agricoles, hein?
M. Cayer (Ghislain): Tout le temps.
M. Dion: Ha, ha, ha! Parce que, autrement, il n'y en aurait pas, de demandes.
M. Cayer (Ghislain): C'est ça.
M. Dion: Mais ce que je veux dire, c'est qu'avec la première partie des lignes directrices je suis vraiment d'accord avec ça. Je pense qu'il y a là... C'est le fait de mettre un critère qui, à mon sens, est d'application aléatoire, d'en faire un critère principal; c'est là que je pense qu'il y a un problème. Mais vous avez raison, l'appréciation de toute cette question-là a peut-être d'autres dimensions que simplement techniques.
Le Président (M. Vallières): Bien. Juste avant de passer au député de Shefford, il y a une remarque que vous faites à 2.106, page 62, où vous dites que «l'information contenue dans le rapport annuel de la Commission n'est pas suffisante pour que l'Assemblée nationale et la population puissent évaluer son efficacité».
Ça me paraît très important, ce que vous mentionnez là, pour quand on va recevoir la Commission. Parce que c'est assez grave si, finalement, on reconnaît qu'il n'y a pas suffisamment, là-dedans, de données nous permettant de porter une évaluation, parce que ça fait partie de nos responsabilités comme parlementaires.
Peut-être pourriez-vous nous indiquer, en gros, ce que ça comporte, ce rapport-là je n'ai pas ça frais à la mémoire et qu'est-ce qui manque là-dedans pour que les parlementaires puissent se faire une bonne idée du travail qui est là et évaluer, finalement, le travail, questionner, à l'occasion, la façon de procéder, le nombre de dossiers qui sont entendus, les critères auxquels on faisait allusion tantôt. Qu'est-ce qu'on retrouve dedans et qu'est-ce qui manque dans ce rapport?
M. Breton (Guy): Je vous invite à lire le paragraphe 2.208 où, justement, on essaie d'énumérer ce qui manque dans le rapport annuel, à 2.208. On ne retrouve pas la mission de la Commission, on ne retrouve pas ses orientations, on ne retrouve pas ses priorités d'action, on n'a pas d'information sur la zone agricole. Il ne la décrit pas, il ne la situe pas, on ne peut pas voir la proportion de la zone utilisée par les producteurs agricoles par rapport à celle qui est employée à d'autres fins.
(17 h 20)
Le rapport annuel est muet sur la quantité et la qualité des terres agricoles. Le rapport fait état de l'évolution du nombre de demandes, du nombre de déclarations reçues à 2.210 des dossiers d'enquête ouverts, mais il n'explique pas les fins pour lesquelles les demandes ont été adressées, il n'explique pas les superficies demandées, le potentiel agricole en cause, il ne parle pas des décisions rendues, il ne parle pas de leurs répercussions sur la protection du territoire agricole.
Il serait intéressant de connaître la quantité de sols qui ont été protégés et leur potentiel agricole, la quantité et le potentiel de ceux qui ne l'ont pas été. Il ne rend pas compte de la productivité de son personnel. Il ne sait pas dans quelle mesure ses recommandations sont retenues dans les décisions par les commissaires et il ne mentionne pas ses dépenses réelles. Donc, il ne vous reste plus grand-chose.
Le Président (M. Vallières): À part de ça, ça va bien.
M. Charbonneau (Borduas): Autrement dit, comme rapport annuel, on peut faire mieux.
Le Président (M. Vallières): Oui. Donc, si on compare à d'autres organismes gouvernementaux qui nous font des rapports, c'est très maigre, ce qu'on retrouve dans ce rapport de la CPTAQ.
M. Breton (Guy): Oui. Vous avez raison. En général, c'est maigre. D'ailleurs, si vous consultez d'autres parties de notre rapport annuel, nous avons relevé huit rapports annuels, dans d'autres organismes également, qui sont tous à peu près du même style. Et c'est un cheval de bataille que nous avons enfourché cette année et sur lequel on va continuer à courir, le rapport annuel.
On parle, d'une part, de créer des agences gouvernementales afin que la reddition de comptes soit plus transparente. Bien, on a déjà un rapport annuel dans lequel la reddition de comptes devrait être transparente. L'un n'ira pas sans l'autre. C'est bien de faire des agences gouvernementales pour avoir une reddition de comptes, mais il faudra que cette reddition de comptes là apparaisse éventuellement dans le rapport annuel et, en même temps, le reste de l'organisation du ministère devra être transparent.
Le Président (M. Vallières): D'accord, bien. M. le député de Shefford, suivi du député de Borduas.
M. Brodeur: Avant de poser ma question, j'aurais juste certaines courtes remarques à faire sur la discussion qui vient d'avoir lieu alentour de la table. Je crois qu'il est temps que on parle souvent de décentralisation nos schémas d'aménagement, dans chacune de nos régions, soient sévères, qu'on soit verts, qu'on soit blancs ou qu'on soit récréotouristiques, pour les fins de réaliser un projet qui ne se ferait pas ailleurs qu'en zone verte. Donc, à prime abord, on pourrait y aller de cette façon-là et, aussi, peut-être penser au problème... On parlait tantôt, avec les taxes, des gentlemen-farmers, de voir à ce qu'il y ait des tickets modérateurs ou des pénalités pour des gens qui utilisent des fermes... c'est-à-dire qui n'utilisent pas des fermes, qui achètent des grands espaces et qui les laissent aller à l'abandon.
Mise à part cette remarque, on parlait tantôt d'analystes. Et puis, pour avoir vu, dans ma profession auparavant, beaucoup de rapports d'analystes et généralement avoir vu des réponses négatives, à moins que ça soit de toute évidence que, l'exploitation ou l'étendue en question, on ne puisse l'exclure de la zone réservée ou donner une autorisation, est-ce que vous avez systématiquement regardé les rapports? Est-ce qu'ils étaient, comme je le crois, moi, négatifs à peu près à 95 %? En avez-vous trouvé des positifs? Parce que vous disiez tantôt... Tantôt ou là-dedans, je regardais dans le rapport que le rapport était négatif et la décision positive. Est-ce que vous avez pu constater que les rapports étaient, presque à 95 %, rédigés de façon négative?
M. Cayer (Ghislain): D'une façon générale, les rapports des analystes étaient bien conçus.
M. Brodeur: Oui.
M. Cayer (Ghislain): Par contre, les faiblesses qu'on reproche à la Commission, de ne pas avoir d'orientation, de lignes directrices et puis de tout ce que j'ai dit tantôt, ça s'adresse aux analystes aussi. Si les commissaires n'ont pas ces outils-là pour travailler, les analystes ne les ont pas non plus. Ça fait que les analystes partent, eux aussi, à partir des critères de la loi et vont aller pour la demande, dans l'environnement de la demande, voir d'autres dossiers de référence pour bâtir leur argumentation. Ils n'ont rien d'autre, eux non plus. Ça fait qu'à partir de ces informations-là dans le secteur ils vont faire une recommandation soit positive, soit négative; on en a vu dans les deux sens. On ne peut pas dire que c'était tout le temps à 95 % non, 95 % oui, c'était partagé. Mais, comme je vous dis, eux aussi sont pris avec l'absence d'outils pour travailler.
M. Brodeur: Donc, en fin de compte, il y a presque seulement le commissaire, lorsqu'ils auditionnent la cause, qui est en mesure de juger du bien-fondé ou du non-fondé de la demande?
M. Cayer (Ghislain): C'est un commissaire, puis à partir des informations qu'on lui donne, il décide.
M. Brodeur: On pourrait presque remettre en question le travail ou l'opportunité d'avoir un analyste dans le dossier.
M. Cayer (Ghislain): Non, parce qu'il faut absolument qu'il y ait un document de monté. Juste de sortir les dossiers de référence au niveau du dossier, il faut que quelqu'un le fasse, il faut que quelqu'un fasse l'étude du secteur pour dire au commissaire: Bien, ce lot-là, il est enclavé par toutes sortes d'autorisations qu'on a acceptées; il n'y a rien que lui que c'est non, là, il est tout seul. Ça fait que, au moins, il le dit au commissaire que, lui, il a l'image globale de cette région-là. Mais il a des outils, le travail de l'analyste est utile, dans ce sens-là.
M. Brodeur: Pour le bénéfice de la commission, est-ce que je pourrais poser la même question au député de Saint-Hyacinthe qui, lui, était commissaire, autrefois, au CPTAQ? Peut-être qu'il pourrait répondre à ma question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dion: Bien...
Le Président (M. Vallières): Oui. Bien, je pense qu'on pourra peut-être... C'est parce qu'il ne reste pas grand temps.
M. Dion: Oui, O.K., ça va, ça va.
Le Président (M. Vallières): On va avoir beaucoup d'autres occasions de discuter de ça.
M. Dion: Ça va.
Le Président (M. Vallières): Peut-être une question à M. le Vérificateur. Vous avez vu le processus de décision à la Commission. Le commissaire, lui, en bout de piste, là, quand il rédige son avis final, ça n'est donné à personne pour exercer une certaine supervision, s'assurer qu'il y a une cohésion, là, puis qu'il n'y a pas une décision qui vient en contredire une autre? Le président n'a pas son mot à dire sur le jugement qui est rendu, comme tel, par le commissaire?
M. Breton (Guy): Non, sauf quand ils sont trois commissaires sur le même dossier, il n'y a pas de supervision comme telle de la décision prise.
M. Dion: Excusez, je n'ai pas compris.
M. Breton (Guy): J'ai dit: Sauf quand il y a trois commissaires qui se penchent sur le même dossier; entre eux, évidement, ils se «contrevérifient», à trois. Mais, quand c'est un commissaire seul, c'est la fin.
M. Dion: Il me reste une seule question à poser. Je ne sais pas si... je ne crois pas l'avoir vu en tout cas. Est-ce que vous avez été satisfait des motifs qui apparaissent, qui justifient, au sens de la loi qui dit qu'on doit motiver une décision? À l'analyse, est-ce que vous avez été satisfait que les décisions sont motivées?
M. Cayer (Ghislain): Elles sont motivées, mais, comme je vous le disais, dans la loi, il y a neuf critères, puis elles sont motivées pour les trois critères que le commissaire prend pour ce dossier-là. Pourquoi il n'a pas pris les six autres critères? Je ne le sais pas. Pourquoi, lorsque l'analyste recommande, dit: Pour ce projet-là, il y a de l'espace en zone blanche, puis que le commissaire dit: Non, c'est là, ça, ce n'est pas motivé? On ne sait pas pourquoi le commissaire a décidé de dire oui, alors que l'analyste disait non. Au dossier, on n'a rien.
M. Charbonneau (Borduas): Vous soulevez le problème de la cohérence, là...
M. Cayer (Ghislain): C'est ça.
M. Charbonneau (Borduas): ...qui est fondamental, parce que, ce que, nous autres, on a comme élu politique, c'est quand les gens viennent se plaindre. Ils disent: Comment ça se fait que, lui, il l'a eu, puis, moi, je ne l'ai pas?
M. Cayer (Ghislain): C'est exact.
M. Charbonneau (Borduas): Et ça, qu'est-ce que vous voulez qu'on leur réponde? On ne peut pas intervenir, en plus, c'est un tribunal administratif, c'est-à-dire qu'on ne peut pas faire d'intervention politique.
Moi, je voudrais savoir. Vous avez parlé, tantôt, qu'il y a eu une augmentation considérable du nombre de commissaires par rapport à leur charge de travail. Est-ce que vous avez fait une analyse aussi des tendances des décisions? C'est-à-dire avant, quand il y avait peu de commissaires, par rapport aux objectifs de la loi dont vous parliez tantôt, est-ce qu'on avait plus tendance à être plus restrictif? Quand on a augmenté le nombre de commissaires, est-ce qu'on a eu la situation inverse, c'est-à-dire est-ce qu'on a dézoné plus avec plus de commissaires? Est-ce que vous avez fait ce type d'analyse là?
M. Cayer (Ghislain): Même si on avait voulu, on n'aurait pas été capables. Les systèmes de la Commission étant ce qu'ils sont, on ne peut pas remonter plus haut que 1991.
M. Charbonneau (Borduas): On ne peut pas.
M. Cayer (Ghislain): C'est impossible, au niveau des systèmes, d'aller rechercher de l'information fiable pour faire une étude des analyses. C'est pour ça que, dans le dossier, ici, on est parti de 1991 à janvier 1993, où on a pris 9 000 demandes, puis on a échantillonné dans ces 9 000 là seulement. Tout ce qui s'est passé avant, ni nous ni la Commission ne sommes capables de dire ce qui s'est passé; impossible.
M. Charbonneau (Borduas): Ça veut dire que le Québec, la société québécoise, à travers son appareil gouvernemental et sa Commission, qui est née d'une législation, est incapable, actuellement, de faire un bilan véritable de ce que cette loi-là, adoptée en 1977, a donné à la société?
M. Cayer (Ghislain): Bien, il y a eu une révision de la zone en 1989, où on a fait le tour de toutes les municipalités, puis on a reçu, zone par zone, ce qu'on avait. Mais, si on prend les systèmes de la Commission et qu'on essaie de savoir c'est quoi les droits acquis qu'on a eus depuis 1978, impossible!
M. Charbonneau (Borduas): Ça n'a pas de bon sens.
M. Cayer (Ghislain): Les systèmes ont été conçus comme ça.
M. Charbonneau (Borduas): Une dernière question. Vous parliez que, finalement, selon vos observations, alors qu'un objectif fondamental de la loi, c'était de mettre un frein pas nécessairement une barrière complète et étanche, mais un frein à la progression de la spéculation, ce qu'on peut dire, aujourd'hui, c'est que, à bien des égards, en tout cas depuis un certain nombre d'années, on n'arrive pas à être capables de vraiment établir qu'on a stoppé la progression de la spéculation.
(17 h 30)
M. Breton (Guy): Bon, on constate tout au moins que, sur les terrains en périurbain qui sont voués à la spéculation, le ministère, par ses règles actuelles, finance les taxes municipales de ces gens-là dès qu'il leur permet de sous-louer le terrain à quelqu'un d'autre qui fait sans doute de l'agriculture, mais sans que personne n'en ait la preuve.
M. Charbonneau (Borduas): Juste une petite question. Est-ce que vous avez pu vérifier ou est-ce que la Commission a en dossier le nombre, le pourcentage des refus venant des municipalités, ou si, en général, la tendance, c'est: On va remettre l'odieux à la Commission, puis les municipalités, elles, dans le fond, elles disent: Oui, ce n'est pas compliqué, le non, il va venir de la Commission? Parce que, dans le fond, ça prend deux oui; ça prend le oui de la municipalité et le oui de la Commission. Mais ça prend juste un non. Si la municipalité dit non, la Commission ne peut pas dire oui. Alors, j'imagine que...
M. Breton (Guy): On n'a pas fait d'analyse de ce genre-là parce qu'on n'a pas cherché vraiment à repenser la pertinence des décisions que la Commission prenait. On a plutôt analysé la mécanique elle-même, et c'est en analysant la mécanique qu'on constate qu'il manque des outils et qu'on se surprend, ou on ne se surprend pas que les décisions soient ad hoc et que le bilan final fait qu'on a glissé hors du...
M. Charbonneau (Borduas): Mais, dans l'optique de ce qu'on disait tantôt, par rapport au ministère, où on suggérait, pas juste pour le ministère de l'Agriculture mais pour les autres, un mécanisme de revue de programme, ce qu'on peut constater, d'après de ce que vous venez de nous dire, c'est qu'on n'est pas en mesure de faire une véritable revue de programme et un bilan, à savoir comment fonctionne cet organisme-là, et par rapport aux objectifs de la législation de 1977.
M. Breton (Guy): Ça pourrait se faire, mais probablement qu'il y a certains aspects qui resteraient...
M. Charbonneau (Borduas): Nébuleux.
M. Breton (Guy): ...nébuleux parce que l'information... Remarquez que toute la documentation est classée dans des boîtes quelque part.
M. Charbonneau (Borduas): Quelque part.
M. Breton (Guy): Mais retourner manipuler tout ce papier est quasi impossible.
M. Cayer (Ghislain): Informatiquement parlant, c'est très difficile d'avoir les données.
M. Charbonneau (Borduas): Merci.
Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, si vous voulez bien, on passerait à un autre bloc qui est la Société de financement agricole. Alors, j'entendrai vos questions pour ceux qui ont lu le rapport du Vérificateur.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): M. le Président...
Le Président (M. Vallières): M. le député de Nicolet-Yamaska, je m'excuse. Oui, je l'ai pris en note, d'ailleurs, et je ne vous ai pas donné la parole. Mille excuses. Sur le dernier sujet, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Vous notez dans votre rapport: La Commission peut difficilement expliquer sa position dans certaines décisions. Ensuite, vous dites aussi: Elle analyse à la pièce, sans vision globale, et que les demandes similaires ne sont pas traitées de façon cohérente. Je comprends que c'est un tribunal administratif aussi et que ce n'est pas nécessairement tous des experts, puis qu'ils doivent se fier sur leur gros bon sens pour juger, mais aussi sur la loi. Et, aussi, je ne le sais pas, je ne m'y connais pas dans ce tribunal administratif là, mais il y a sûrement une jurisprudence qui existe.
M. Breton (Guy): Justement, cette jurisprudence est difficile à consulter. Elle n'est pas codifiée de façon à être facilement utilisée. De sorte qu'il y aurait plus lieu de dire: Il n'y a pas vraiment jurisprudence, il y a seulement référence à l'environnement physique voisin de la situation.
M. Charbonneau (Borduas): À la mémoire collective des commissaires en présence.
M. Breton (Guy): Bien non, c'est-à-dire que l'analyste va chercher ce qui s'est passé dans le comté ou assez près. Mais de là à aller voir une situation identique ailleurs, un peu comme on a fait, nous, en disant: Comment se fait-il qu'à un endroit on refuse pour tel argument un camp de pêche, alors que l'autre argument qui devrait être utilisé... Et, justement, ce recoupement n'existe pas, il n'est pas possible parce que les décisions ne sont pas codifiées de façon à faciliter une recherche. Il n'y a pas un inventaire central de tout ce qui s'est fait et il n'y a pas une facilité d'utiliser les décisions antérieures.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ce n'est pas normal.
M. Breton (Guy): Ce n'est pas pratique.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ce n'est pas normal non plus, à mon humble avis, parce que, avant de prendre une décision, il me semble que ce serait la moindre des choses d'aller vérifier la cohérence, parce que si... Vous notez qu'il n'y a pas de cohérence, il n'y en aura jamais.
M. Cayer (Ghislain): Au niveau du système, ils ne seraient pas capables, de toute façon. Ils n'ont pas un système de recherche en vertu de la cause ou du critère qui a été décidé. Ils ne peuvent pas dire: Tel critère, donne-moi les cas qu'on a rendu une décision dessus. Ça n'existe pas.
M. Breton (Guy): Si vous me permettez, c'est encore un sujet qui serait intéressant à débattre avec le gestionnaire sur place, où il pourrait vous donner toutes les limites techniques et puis, peut-être, les options aussi qu'il a dans sa manche, parce qu'il en a peut-être, des options, sauf que ça prend un prix, puis, là, bien, question de budget.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Une dernière intervention sur le... Je n'ai pas vu aussi de critiques ou de points d'interrogation que vous vous demandez à propos de la façon de nommer les commissaires.
M. Breton (Guy): Non, ce n'était pas... Je pense que...
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Est-ce que ça entrait dans votre mandat?
M. Breton (Guy): Non. Habituellement, notre mandat évite tous les aspects politiques de la chose, et on sait que, dans certaines nominations, il y a peut-être un aspect politique proportionnel. On cherche toujours à s'assurer que les mécaniques ou les mécanismes pour bien gérer sont en place et que les gestionnaires les utilisent. S'ils n'ont pas de mécanismes, bien, ils sont en défaut, quasiment, par là, automatiquement.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.
Société de financement agricole
Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, on revient à la section sur le financement, la Société de financement agricole. Alors, le rapport est un peu moins volumineux sur cette partie-là. Il comporte quand même des recommandations. Si on pouvait y aller un peu plus vite, ça nous permettrait de faire, après ça, l'autre section qui concerne les années 1989 à 1993, les déficiences. Alors, une demande d'intervention, M. le député de Shefford.
M. Brodeur: Merci, M. le Président. Très rapidement sur le dossier du financement agricole. Vous avez relaté en début de séance un cas, que j'espère particulier, où vous estimez que la Société de financement agricole va subir une perte de plus de 800 000 $, ce qui me laisse à supposer que, si le suivi dans un dossier tel que celui-là, où on est censé prendre des garanties du moins suffisantes, du moins près de la réalité du montant du déboursé du prêt... Ce n'est pas rassurant de penser que le même suivi pourrait être donné concernant tous les dossiers de financement agricole. Donc, est-ce que, votre vérification, elle a été sur le cas isolé ou vous avez vérifié ailleurs voir s'il y avait au moins une apparence de suivi dans chacun des dossiers qui pourraient sembler litigieux?
M. Breton (Guy): Il y a déjà trois ou quatre ans, nous avons fait une vérification d'optimisation des ressources à cet endroit et, règle générale, on avait trouvé, bien sûr, comme toujours, des faiblesses, mais pas une faiblesse spécifique sur cet aspect-là. Et, dans l'ensemble, nous prévoyons, d'ailleurs, aller faire un suivi sur cette vérification d'optimisation très prochainement. Ce dossier qu'on a trouvé, c'est un dossier qui est exceptionnel par l'ampleur du montant et c'est un dossier qui, je dirais, a été échappé quasiment à toutes les étapes du processus, c'est-à-dire qu'il est toujours à la limite extrême ou à l'extérieur de la limite des règles de gestion que la Société s'est données.
On a constaté, il y a quelques années, que ces règles de gestion étaient suivies en général et que, lorsqu'il y avait des manquements, on les avait signalés, mais on n'était jamais arrivé à faire la conclusion que toutes les règles sur un dossier avaient manqué systématiquement l'une après l'autre, tel qu'on le voit dans ce dossier-là. Alors, c'est un dossier qui est vraiment particulier parce que, partout, toutes les barrières de contrôle n'ont pas été suivies, l'une après l'autre, jusqu'à la fin. Et le montant était important, puis la nature des erreurs cumulatives touche à tout, alors que, dans l'ensemble, c'est un endroit où ça allait bien, on était satisfait. Puis on n'a pas raison de penser que ce dossier illustre ce qui se passe en général. C'est vraiment un cas d'exception.
M. Brodeur: Serait-il indiscret de vous demander dans quel domaine de l'industrie agricole, l'industrie laitière, porcine ou autres, vous avez ressorti ce cas-là? Est-ce qu'on avait dilapidé les biens de l'exploitation agricole de façon frauduleuse ou peut-on vraiment attribuer de façon non équivoque la faute à l'administration de la Société de financement agricole?
(17 h 40)
M. Breton (Guy): C'est le domaine, d'abord, des chevaux de course, avec un marché qui a tombé immédiatement après que le prêt a été approuvé ou au moment où le prêt a été approuvé. Remarquez qu'on a constaté que, dans le plan d'affaires, il était prévu que les chevaux valaient 14 000 $ l'unité et que, dans la pratique et déjà depuis quelque temps, ils en valaient la moitié. Mais c'était quand même au-dessus d'un critère qui dit que, quand un animal ou un actif vaut au-dessus de 3 000 $, c'est déjà assez bien. Mais il y avait quand même 50 % comme valeur sur le marché, alors que, dans le plan, il était prévu le double. C'est un exemple. Mais c'était le domaine des chevaux de course qui s'était littéralement effondré. En ce qui concerne le principal investisseur, il avait mis beaucoup d'argent dans l'immobilier, puis l'immobilier s'est effondré en même temps. Donc, sa base de support s'est également effondrée. On peut trouver toutes sortes d'explications pour dire que, commercialement, ça a tombé. Ce qu'on ne trouve pas, c'est pourquoi ça a pris tellement de temps avant que la Société réagisse et pourquoi, dès le départ, quand a été déposé un plan d'affaires, elle n'a pas été plus exigeante ou n'a pas cherché à appliquer plus ses règles normales d'administration.
M. Brodeur: Était-ce un investisseur à titre privé ou était-ce une société en commandite?
M. Breton (Guy): C'était un investisseur à titre privé.
M. Brodeur: Parfait. Merci. Autre question...
M. Breton (Guy): Il y a M. Bédard qui voudrait peut-être ajouter.
M. Brodeur: Oui.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. Bédard.
M. Bédard (Gilles): Ce qu'on dit dans ce dossier-là, c'est: La Société autant au niveau de l'octroi n'a pas respecté ses propres critères et autant au niveau du suivi n'a pas non plus respecté ses propres critères qu'elle se donnait habituellement. Je ne peux pas vous dire, si ces critères-là avaient été suivis, si la perte aurait été la même, parce que, dans sa réponse, la Société dit bien que excusez-moi les institutions financières ont perdu beaucoup d'argent: 20 000 000 $ dans l'ensemble de ce dossier-là, selon la réponse de la Société. Mais il n'en demeure pas moins que les critères, autant au niveau de l'octroi qu'au niveau du suivi, n'ont pas été respectés, des critères que la Société s'était elle-même donnés pour les autres dossiers. Donc, ce que nous croyons, c'est qu'elle n'a pas minimisé le risque de perdre ces 856 000 $ là.
Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres questions sur cette partie-là du rapport, on pourrait passer... Oui, M. le député de Shefford.
M. Brodeur: De mémoire, est-ce que, pour avoir un prêt de la Société de financement agricole du Québec, il faut que la principale occupation du demandeur soit l'agriculture?
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Breton (Guy): Oui, monsieur.
M. Brodeur: Cette personne-là était un agriculteur?
Des voix: Non.
M. Brodeur: Non.
Une voix: Elle allait le devenir.
M. Breton (Guy): Elle allait le devenir par ce plan-là.
M. Cayer (Ghislain): Elle allait le devenir par ce plan.
M. Brodeur: Elle allait le devenir.
M. Cayer (Ghislain): L'élevage des chevaux de course, c'est de l'agriculture.
M. Bédard (Gilles): Si vous me permettez, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. Bédard.
M. Bédard (Gilles): Au point 5.202, on fait, au niveau de l'octroi, un sommaire de ce que vous venez de dire: «Ainsi, malgré des revenus agricoles établis sur des estimations non validées, des actifs donnés en garantie non identifiés et non évalués par des experts indépendants, des revenus qui ne proviennent pas en majeure partie de l'agriculture, la Société a pris le risque de quand même garantir ce prêt.»
Le Président (M. Vallières): La loi lui permet?
M. Bédard (Gilles): Pardon?
Le Président (M. Vallières): La loi lui permet?
M. Breton (Guy): Elle a l'autorité de le faire, mais elle est sortie en dehors de ses critères habituels.
M. Charbonneau (Borduas): Oui, mais, quand vous dites: Elle a l'autorité, ça veut dire que la loi le lui permet. Si...
M. Cayer (Ghislain): Tous les critères ont été étirés au maximum, sans exception. Ce n'est pas juste un critère. Par exemple, de prendre un nantissement commercial sur des chevaux sans les identifier, ce n'est pas pratique courante. C'est des choses qui ne se font pas. Dans ce dossier-là, ça a été comme ça.
M. Brodeur: Est-ce qu'il y a au dossier une demande d'enquête spéciale, par la direction de la Société de financement agricole, qui a été demandée sur ce dossier-là?
M. Cayer (Ghislain): Non.
M. Brodeur: Merci.
Déficiences signalées et toujours présentes au MAPAQ
Inspection des établissements du secteur tertiaire
Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, on pourrait passer maintenant, si vous le voulez, à l'autre partie, qui est le plus petit fascicule, qui parle des déficiences toujours présentes, pour les années 1989 à 1993, nous restant quelque 15 minutes de travail pour aujourd'hui.
Peut-être débuter, M. le Vérificateur, avec la question de l'inspection des établissements du secteur tertiaire. Vous semblez nous indiquer que, ce qui se passe dans les municipalités comme suite à des mandats, finalement, ou à des ententes qui sont intervenues entre le MAPAQ et certaines municipalités, on semble être beaucoup plus exigeant à l'endroit de ces municipalités que là où le ministère lui-même fait sa propre inspection. Est-ce que, selon l'évaluation que vous faites, ça peut venir compromettre, ça peut aller jusqu'à compromettre, la non-fréquence, si on veut, des visites, l'assurance de la qualité comme telle des produits qui pourraient être livrés à la consommation? Ou c'est simplement le fait que vous venez nous dire que c'est un peu surprenant qu'un ministère exige davantage de gens à qui il donne des mandats que ce qu'il fait lui-même dans sa propre cour?
M. Breton (Guy): Je pense que M. Bédard a une réponse à votre question.
M. Bédard (Gilles): Je pense que ce dont on parlait tantôt, on parlait de cohérence, et là on a exactement un problème identique, on parle de cohérence. Lorsqu'on parle des 31 000 établissements qui étaient sous la responsabilité du ministère, lorsqu'on a fait ce mandat de vérification, on en était arrivé à la conclusion que 6 500 de ces établissements-là n'avaient pas été visités au cours de la dernière année, 2 000 de ces établissements n'avaient pas été visités au cours des deux dernières années et 600 au cours des trois dernières années. Donc, on disait qu'il y avait une disproportion, il n'y avait pas de cohérence entre la façon d'aborder la vérification au niveau des municipalités et le ministère, et on disait qu'à ce moment-là on devrait, bien sûr, voir si, dans l'ensemble, on ne devrait pas modifier.
Bien sûr, je ne dis pas qu'il n'en faisait pas suffisamment. Compte tenu qu'il y a disproportion, le ministère devait s'arrêter pour voir quelle était la position qu'on devrait prendre et de quelle façon on devrait l'aborder. Ce serait qu'il y ait uniformité et de rencontrer les objectifs, à ce moment-là.
Le Président (M. Vallières): D'accord. Mais c'est assez particulier de voir que, pour les municipalités, ça prend un minimum de visites annuelles. J'imagine que ces critères-là, ces exigences-là sont fixées en fonction de l'assurance qu'on doit donner de produits propres à la consommation et que le ministère lui-même est là beaucoup moins fréquemment, et c'est ses propres critères.
M. Bédard (Gilles): Oui, et vous avez tout à fait raison, mais il n'en demeure pas moins, aussi, que le ministère contribue à assumer une partie de ces coûts-là, et donc, lorsqu'on avait fait cette vérification-là à l'époque, on se rendait compte que le coût pour faire ces vérifications-là dans les municipalités, qui était absorbé par le ministère, était de beaucoup supérieur au coût qui était encouru par le ministère. Donc, l'objectif, dans un premier temps, c'est de bien s'assurer que la stratégie de vérification était appropriée, et laquelle qui était appropriée rencontrait les objectifs, et, par la suite, de bien s'assurer qu'il y avait cohérence entre les critères que le ministère donne pour les municipalités, de visite, et ceux qu'il applique lui-même chez-lui.
Le Président (M. Vallières): Et, à votre connaissance, il n'y a pas eu de changement depuis les rapports que vous avez produits?
M. Bédard (Gilles): Bien, selon les données du ministère... Parce que, encore une fois, comme le Vérificateur général vous le disait en introduction dans ses commentaires, nous n'avons pas fait de suivi systématique. Nous avons demandé au ministère où il en était avec ça, et, dans sa réponse, il nous dit qu'il négocie présentement avec les municipalités.
Le Président (M. Vallières): Et il n'y a rien dans le mandat que vous avez qui obligerait les ministères, eux autres, à vous donner signe de vie sur une base régulière face aux recommandations que vous avez faites dans vos rapports?
M. Breton (Guy): Non, jamais. Le ministère attend que nous revenions à la charge quelques années plus tard pour s'assurer, voir par nous-mêmes quelles sont les actions qu'il a prises face aux recommandations qu'on a faites. Mais ce n'est pas dans les habitudes, pour l'instant, que les ministères nous fassent rapport année après année sur chacune. Nous savons qu'il y a quelques ministères qui mettent en place une équipe spécialement pour à la fois trouver les solutions aux problèmes qu'on a soulevés et faire son propre suivi, de sorte que, lorsqu'on se représente l'année d'après soit pour les états financiers, ils nous tiennent au courant de ce qu'ils ont fait. Mais ils sont très peu nombreux, les ministères qui font ça.
Le Président (M. Vallières): Sauf que, si, à chaque année, la commission parlementaire fait l'exercice de suivi des organismes sur lesquels vous avez donné des points de vue, peut-être que les parlementaires pourront largement contribuer à ce qu'il y ait un peu plus d'action comme suite à ce que vous recommandez.
Alors, j'ai une demande d'intervention du député de...
M. Gagnon: Saguenay.
(17 h 50)
Le Président (M. Vallières): ...Saguenay.
Contrôle de la qualité des aliments
M. Gagnon: Au niveau de la qualité des aliments, dans la section que vous avez soumise, dans le document ici, je voulais savoir... Le contrôle de la qualité des produits qui sont utilisés, est-ce que le ministère est outillé pour vérifier cette qualité-là?
Ce que j'ai à l'idée quand je demande ça, on a vu, un peu à la même époque où le rapport a été déposé, des résumés qui étaient publiés dans les journaux indiquant que les ventes de pesticides augmentaient rapidement. Un peu plus tard, on a lu des informations à l'effet que des études sont conduites indiquant que l'utilisation de pesticides peut amener des cancers. Je me disais: Est-ce que le ministère est outillé pour mesurer la qualité de ce qui est utilisé au niveau des diverses productions?
M. Bédard (Gilles): Là, il faut bien se rappeler qu'on a fait une vérification qui date de 1991 dans ce dossier-là et, à l'époque, le ministère n'était pas structuré pour s'assurer de la qualité des inspections dans tous les secteurs. Là-dessus, on a fait un suivi dernièrement, et, dans sa réponse, il nous dit: Un système informatique devrait permettre de faciliter le travail des inspecteurs, d'appuyer la gestion des risques par une connaissance appropriée de la clientèle et de fournir des outils d'aide pour mesurer l'efficacité et l'efficience des interventions en voie d'élaboration. Une partie de ce système est présentement développée; une autre devrait être implantée d'ici avril 1995.
M. Gagnon: O.K.
Le Président (M. Vallières): Merci. Ça complète la réponse?
M. Gagnon: Je comprends que le ministère n'est pas outillé pour vérifier les effets des produits qui sont utilisés.
M. Bédard (Gilles): Exactement. Mais, encore une fois, je le répète, c'est une vérification qui date de 1991 et, suite à l'information qu'il nous donne aujourd'hui, il n'est pas encore complètement opérationnel pour assurer la qualité que vous évoquez.
M. Cayer (Ghislain): Il y a un point également, c'est que, lorsqu'on a fait la vérification, au niveau des inspections, le ministère fonctionnait d'une certaine façon. Il y avait des gens spécialisés dans des domaines qui s'occupaient de ce domaine-là au complet. Suite à notre passage, il y a eu une refonte majeure au ministère où chacun des inspecteurs est devenu un spécialiste d'une région et de tous les produits. On n'a pas refait les vérifications, ça fait qu'on n'est pas en mesure de vous dire aujourd'hui si la transformation qu'ils ont faite a amélioré ou détérioré la situation. Ce qu'on sait, c'est qu'il y a eu un changement important suite à notre passage, qui fait en sorte qu'aujourd'hui on aurait de la difficulté à vous affirmer que c'est mieux ou que c'est pire. On n'a pas fait les vérifications.
M. Gagnon: Merci.
M. Breton (Guy): Je pense qu'on peut dire qu'il y avait déjà un minimum de qualité qui était surveillé, qui était constaté sur l'alimentation et tout ce domaine. Le contrôle de cette qualité s'est-il amélioré d'une façon très grande? Ça, on n'a pas fait de travaux qui nous permettent de le dire. Entre la façon qu'ils mesuraient la qualité de l'alimentation dans le temps et la façon qu'ils la mesurent aujourd'hui, on ne peut pas vous dire est-ce qu'ils la mesurent mieux ou pas.
Ce qu'on dit, c'est qu'ils sont en train de se donner des outils pour mieux suivre leurs inspecteurs qui font ces travaux-là. Mais le travail de l'inspecteur lui-même, jusqu'à quel point s'est-il amélioré depuis 1991? Ça, on ne l'a pas mesuré et on n'a pas eu la réponse, non plus, dans ce sens-là. Mais il y avait déjà un minimum qui était quand même raisonnable à ce moment-là. On n'était pas en péril.
M. Gagnon: Merci.
Le Président (M. Vallières): Bien. M. le député de Saint-Jean, suivi du député de Shefford.
M. Paquin: Moi, j'avais deux questions. Vous avez, en grande partie, répondu à ma première. Ça portait effectivement sur la partie du système informatique qui a été mise en place. Donc, vous n'avez pas de données précises là-dessus à ce moment-ci. Alors, je vais plutôt passer à l'autre question que j'avais.
Vous avez mentionné aussi qu'en comparant des résultats d'une étude publiée en 1991 sur les types d'aliments à l'origine des intoxications alimentaires au Canada et les démarches qui avaient été faites par le ministère à ce moment-là, vous constatiez qu'il y avait des écarts importants qui étaient notés, notamment pour les produits carnés et laitiers c'est précisé dans votre texte et que, finalement, vous dégagiez de ça que le ministère n'avait pas évalué l'importance du risque que présente chacun des types d'aliments et d'établissements. Donc, en plus de la méthodologie ou du niveau de cohérence des inspecteurs, est-ce que vous avez des raisons de croire que... Parce qu'on nous disait aussi qu'à partir d'avril 1995 une action basée sur l'analyse du risque allait être implantée. Mais est-ce que vous avez des données à ce sujet-là?
M. Bédard (Gilles): Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'on ne peut pas s'attendre à ce que le ministère vérifie tout. Donc, puisqu'il n'est raisonnablement pas possible de contrôler toutes les denrées alimentaires, il est important qu'il classifie les dangers potentiels qui leur sont propres et d'organiser le contrôle de l'innocuité des aliments en fonction du risque.
Présentement, ce qu'on avait remarqué, c'est que, pour les produits carnés, il n'en faisait pas assez, si on comparait ça avec les statistiques, puis, pour les produits laitiers, il en faisait trop. Alors, il est supposé, à partir d'une réponse qu'il nous donne, se structurer maintenant en fonction de l'analyse du risque, ce qui devrait répondre à la recommandation qu'on avait faite à l'époque, puisqu'il n'était pas structuré en fonction des risques que ça pouvait apporter.
M. Breton (Guy): Et il faut que vous remarquiez que les réponses ici ou les gestes, les annonces de gestes qui vont être posés proviennent habituellement du dirigeant de l'entreprise, ou de l'organisation, ou du sous-ministre qui nous dit: Voici, par rapport à tout ce que vous nous aviez dit, il reste ces dossiers, mais, dans ces dossiers, je suis à la veille de faire quelque chose. Et il nous l'annonce. Enfin, d'ici six mois ou un an, on pourra toujours aller voir et dire: Bien, l'annonce, elle ne l'est pas. Ou encore, en commission parlementaire, vous pourriez lui demander: Où en êtes-vous? Quelle forme ça prend? etc., etc.
Le Président (M. Vallières): M. Bédard.
M. Bédard (Gilles): Et, d'ailleurs, dans ce dossier, c'est un dossier où nous devrions faire un suivi prochainement sur cette vérification-là, un suivi sur lequel nous pourrons, par la suite, conclure et vous le rapporter en conséquence.
Le Président (M. Vallières): Bien. M. le député de Shefford.
Remarques finales
M. Bernard Brodeur
M. Brodeur: Oui, M. le Président. Voyant l'heure, le temps s'écouler, il ne reste que quelques minutes à la commission, j'aimerais tout simplement, de la part de notre formation politique, vous remercier pour les si précieuses informations que vous nous avez fournies aujourd'hui.
En conclusion, de notre côté, la première partie, spécialement, de votre intervention, concernant les remboursements de taxes municipales et scolaires, a frappé davantage mon attention, surtout à l'ère où on est, à l'époque de compressions budgétaires. Et ça donne quand même une piste au gouvernement, une piste de travail ou une direction à apporter où peut-être il y aurait des compressions possibles à faire sans que ça affecte le milieu agricole du Québec. Donc, vous avez démontré clairement que, souvent, les méthodes d'évaluation de remboursement de taxes n'étaient pas adéquates aux besoins budgétaires du gouvernement. On n'a qu'à penser que, souvent, les remboursements de taxes, vous avez émis que les remboursements de taxes excèdent souvent le montant du revenu brut de l'agriculteur, que les méthodes d'évaluation qui sont faites du mode de production... c'est-à-dire qu'il n'y a aucune méthode d'évaluation.
J'ai aussi essayé d'établir tantôt, par la question si vous aviez fait le rapport entre la proportion des taxes dues en vertu de l'espace réservé à la résidence par rapport à l'espace de la balance de l'exploitation agricole, donc, qu'il y a probablement un peu de chemin à faire là. Donc, à partir de ça, moi, c'est malheureux, comme je disais tantôt, que le ministre ne soit pas ici, mais je me ferai quand même un devoir de lui rappeler que, selon les recommandations et les vérifications du Vérificateur général, il y a des endroits qu'on peut viser pour faire quelques compressions dans le ministère de l'Agriculture autres que sur des cibles, quant à moi, qui ne sont pas recommandables. Et pour faire...
Le Président (M. Vallières): M. le député de Shefford, je suis obligé de vous arrêter. C'est qu'il y a un caucus qui se tient dans la Chambre à 18 heures. Alors, très, très rapidement, en conclusion, parce que je veux entendre rapidement le député de Borduas et conclure par la suite.
M. Brodeur: Très rapidement, M. le Président. Donc, je me réjouis du rapport du Vérificateur et puis je m'insurge devant et je me retiens depuis trois heures pour le dire parce que le ministre n'était pas là la réponse qu'il m'a donnée cet après-midi quand je lui ai fait savoir qu'il y avait 8 600 gagne-petit qui avaient été coupés par sa dernière mesure. Il m'a répondu: Non, ce n'est pas 8 600, c'est juste 3 865 qu'on a coupés. Donc, j'espère que quelqu'un de vous va lui faire le message, ou on va lui transmettre les galées, qu'on a prouvé nettement cet après-midi qu'on pouvait aller chercher l'argent ailleurs que dans les poches des petits épargnants ou des gens ayant un petit revenu agricole. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Borduas.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau (Borduas): Juste une petite remarque à notre collègue de Shefford, qui n'est pas un vétéran comme la plupart des membres de la commission, sauf que, le président et moi, on est un peu plus vétérans, il y a un avantage à ce que les ministres ne soient pas toujours en commission parlementaire. Il y a des places dans le Parlement pour le débat contradictoire puis la confrontation, pour que l'opposition exerce son rôle de surveillance, mais il y a aussi des endroits où les députés, quelle que soit leur allégeance, peuvent faire un travail de surveillance, et c'est ce qu'on a fait après-midi. Et, moi, au contraire, je me réjouis de ne pas avoir vu le ministre ici parce que je suis sûr que ça aurait été une séance d'explications puis de justifications de la part du ministère par rapport au Vérificateur général. On va avoir d'autres occasions pour que le ministre donne ses explications, puis ses hauts fonctionnaires également.
(18 heures)
Dans le fond, c'est ça, l'idée de la réforme parlementaire d'il y a quelques années. C'était de faire en sorte que les commissions aient un certain sens. Autrement, finalement, je veux dire, on est dans un ordre de contemplation, et les députés, autant ministériels que de l'opposition, ce serait peut-être plus intéressant pour vous autres, mais les députés ministériels, finalement, ils sont là juste pour faire le temps puis le quorum, et ce n'est pas particulièrement valorisant.
Ceci étant dit, moi, je suis très content qu'on ait participé, et à l'initiative du président, je dois le reconnaître, qui est toujours intéressé puisqu'il a été ministre délégué dans ce dossier-là, à cette première-là. Moi, j'aime bien, finalement, participer à des exercices de première et que notre commission ouvre la voie à ce qui, j'espère, se fera dans les autres commissions, c'est-à-dire faire en sorte que le Vérificateur général vienne expliquer ses recommandations et que les parlementaires s'en saisissent et utilisent ces informations-là pour faire leur travail de contrôle de l'exécutif, en espérant un jour puis là on verra, ça, ce sera une conclusion d'un débat qui va se faire à un autre niveau... Mais, si jamais on avait un régime présidentiel, peut-être que le Parlement du Québec aurait peut-être une latitude qu'on pourrait envier aux parlementaires américains en particulier.
M. Yvon Vallières, président
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Borduas. Alors, vous me permettrez de conclure en indiquant que la commission va évidemment examiner la proposition que vous nous faisiez de nous accompagner, M. le Vérificateur général, lors de nos travaux, parce que notre intention serait bel et bien de rencontrer et le sous-ministre et, également, tous les organismes qui relèvent de nous, comme la loi 198 le prévoit. Nous pourrons voir quelle pourrait être la contribution que vous pourriez apporter à notre niveau de préparation pour ces travaux-là.
Pour ce qui est du travail fait aujourd'hui, j'ai l'intention, à moins que les membres soient contre cette initiative, de faire parvenir aux intéressés copie de l'état de nos discussions, on est très ouverts là-dessus, en les informant que, dans un avenir que la commission déterminera en séance de travail, nous les rencontrerons afin d'échanger sur les échanges qu'on a eus ici aujourd'hui, mais aussi sur l'ensemble du travail qu'ils effectuent.
Et on vous remercie, M. le Vérificateur, du temps et de la disponibilité, parce que ce n'est pas toujours facile d'arranger nos agendas pour que ça adonne, et ça a été très rapide, cette volonté de nous rencontrer. Et comme l'expliquaient mes autres collègues, je souhaite que notre travail va être axé sur l'atteinte de résultats. Je pense que c'est ça qu'on recherche tout le monde. Et, quand arrivera le temps du débat, bien, tout le monde fera ce qu'il y a à faire également. On vous remercie beaucoup de votre contribution à nos travaux.
M. Breton (Guy): Merci.
Le Président (M. Vallières): La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 3)