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(Onze heures douze minutes)
Le Président (M. Richard): Alors, mesdames et messieurs,
je déclare donc la séance ouverte. Je vous rappelle à
nouveau le mandat de la commission, qui est de tenir une consultation
générale dans le cadre de l'étude du projet de loi 15, Loi
sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et
modifiant d'autres dispositions législatives. M. le secrétaire,
M. Comeau, est-ce que nous avons des remplacements, ce matin?
Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): Je donne donc l'horaire de la
journée. Il y a eu une inversion, ce matin - n'y voyez pas un
caractère négatif. C'est que le premier groupe que nous allons
recevoir, et qui est en place actuellement, ce sont les représentants de
l'Alliance des pêcheurs commerciaux du Québec. Ce groupe sera
suivi de la Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec, et après les affaires courantes, en
après-midi, ce sera au tour de l'Association québécoise de
l'industrie de la pêche. Sur ce, immédiatement, messieurs, vous
connaissez notre méthode de fonctionnement: vous avez 20 minutes,
maximum, pour la présentation de votre opinion ou de votre
mémoire. La personne qui intervient en premier se présente
d'abord et présente ses collègues par la suite. Vous avez la
parole.
Alliance des pêcheurs commerciaux du
Québec
M. Poirier (Clovis): Bonjour, M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs. Je vais d'abord
me présenter, comme vous le dites. Mon nom, c'est Clovis Poirier,
président de l'Alliance des pêcheurs commerciaux du Québec.
À ma droite, M. Alain Dugas, président du Regroupement des
associations de pêcheurs côtiers de la Gaspésie; M.
Léonard Poirier, représentant des pêcheurs des
Îles-de-la-Madeleine; M. François Poulin, directeur
général de l'Alliance des pêcheurs commerciaux du
Québec.
Le Président (M. Richard): M. Poirier.
M. Poirier (Clovis): Merci. Premièrement, je dois vous
dire que pour nous, pêcheurs commerciaux du Québec, c'est une
grande journée. C'est une journée... On attend cette
journée depuis au moins trois ans. Il ne faut pas se le cacher, depuis
les premières minutes où l'Alliance des pêcheurs
commerciaux du Québec a vu le jour, on rêvait de cette
journée. Cette journée étant arrivée, je pense
qu'on a des choses à vous dire. On veut s'inscrire sur la loi des
marchés, on veut faire partie d'un système qui existe.
Présentement, au niveau des pêches, on n'a aucun système,
c'est l'anarchie complète, on ne sait pas où on va; on sait
d'où on vient, mais on ne sait pas où on va. Ça fait
que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Poirier (Clovis): C'est déjà ça. On a
entrepris une consultation à travers tous les ports de pêche du
Québec, y compris la Basse-Côte-Nord, les îles, la
Gaspésie. Tous les ports, les petits ports et les grands ports, ont
été visités. On a entrepris une consultation de tous les
pêcheurs du Québec. L'accueil a été favorable et
unanime - on peut dire presque unanime - partout. Les pêcheurs veulent
une structure. On veut être structurés. On veut avoir des outils
pour pouvoir travailler. On veut une stabilisation. On veut une
rationalisation. On veut faire partie d'un système qui, je pense, a fait
ses preuves et qui fonctionne, présentement.
Je pense que je n'irai pas beaucoup plus loin sur ce sujet. On a
préparé un document. Le résultat de notre consultation est
ici, on va vous le déposer tout à l'heure. Il y a 50 associations
de pêcheurs à travers le Québec qui ont signé.
C'est-à-dire, les 50 présidents. La majorité des
pêcheurs commerciaux, des pêcheurs actifs, ont
adhéré. Les signatures font partie du document. Je pense que
c'est beaucoup pour une première consultation qu'on a faite
auprès des pêcheurs. On a fait ça l'automne passé.
Avant la rencontre qu'on a eue avec M. le ministre, à Gaspé, on
avait débuté. Ça s'est terminé par après. Je
pense que c'est bien positif. C'est bien encourageant.
Je voudrais peut-être vous faire un peu état de la
situation qu'on vit présentement, pourquoi on veut se donner des
mécanismes, des outils de travail. Présentement, l'ensemble des
crevettiers du Québec sont attachés au quai. La pêche a
débuté. Elle a duré deux ou trois jours, maximum. Les
crevettiers sont attachés au quai à cause d'une baisse des prix.
Les usines offrent une baisse de prix, au niveau de la crevette. L'ensemble des
crevettiers ont fait des calculs, et ils sont mieux de rester attachés
au quai que d'aller en mer et accumuler des déficits de jour en jour. On
n'a aucun pouvoir de négociation. On n'a aucun mécanisme de
négociation. Quand est-
ce que ça va finir? On sait que ça a commencé. Mais
quand ça va finir et comment ça va finir, on ne le sait pas. Les
gens ne se partent pas, ou presque pas. Il n'y a personne qui peut parler au
nom de quelqu'un. On n'est pas structurés pour le faire. C'est la
situation qu'on vit, au niveau des crevettiers.
La pêche au crabe, en Côte-Nord, va débuter vendredi
prochain, vendredi qui s'en vient. Les bateaux partent pour la pêche sans
aucun prix, aucun prix fixé à l'avance. On va pêcher deux
jours? On va pêcher deux semaines? On ne le sait pas. Si les prix au
débarquement ne couvrent pas les frais, c'est inutile de continuer.
J'espère que les prix vont au moins couvrir les frais. On n'a pas de
mécanisme, on n'a pas douta qui nous dit qu'on est payés
justement pour les produits qu'on débarque. Ce sont toutes ces
choses-là qui font qu'en réalité on se retrouve ici, ce
matin.
C'est un peu ce que j'avais à vous dire. Je pense qu'on va vous
déposer le document, ou François va continuer...
Le Président (M. Richard): Alors, votre document nous
le... M. Comeau, le secrétaire de la commission, va en prendre
connaissance. Vous en avez quelques copies, et on en fera des copies
additionnelles pour les membres de la commission.
M. Poirier (Clovis): Ce sont tes originaux.
Le Président (M. Richard): Ce sont les originaux?
M. Poirier (Clovis): Oui.
Le Président (M. Richard): Parfait. Nous recevons le
dépôt du document et nous allons en faire une distribution
à l'ensemble des membres de la commission. Continuez, monsieur.
M. Poirier (Clovis): Maintenant, je vais passer la parole
à M. François Poulin, notre directeur général.
Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M.
Poulin.
M. Poulin (François): M. le ministre, M. le
Président, j'aimerais résumer rapidement le mémoire que
l'Alliance vous a déposé; je pense que vous avez eu l'occasion de
le lire. Essentiellement, c'est que dans ce mémoire on fait état
de l'importance de la pêche dans le développement
économique des régions maritimes du Québec. On sait que
les îles, la Basse-Côte-Nord, plusieurs zones de la
Gaspésie, s'il n'y avait pas de pêche, seraient, à toutes
fins pratiques, fermés. La pêche représente, pour une
région comme la Gaspésie - qui a le record canadien de taux de
chômage, 26 % - une source d'emplois permanente et stable, qui a des
effets multiplicateurs importants. Pour les pêcheurs, cette
réalité-là est très importante. Les pêcheurs
ont de plus en plus conscience qu'ils représentent un actif majeur,
important dans le développement économique des
régions.
Grosso modo, la pêche représente, depuis quatre ou cinq
ans, environ 100 000 000 $ de débarquements par année. Ça
varie beaucoup selon les prix et les captures. Ça peut aller de 57 000
000 $, en 1984, à 126 000 000 $, en 1987, pour retomber à
à peu près 80 000 000 $ l'année dernière. Donc, des
fluctuations considérables. C'est un secteur qui est instable, parce
qu'il dépend beaucoup de l'exportation. Environ 80 % de la production
est exportée, donc nos prix sont souvent déterminés de
l'extérieur. Il faut donc s'ajuster aux prix extérieurs.
Comme le disait tout à l'heure notre président, nous
n'avons pas de système qui gère l'interface entre le
pêcheur qui vend son poisson et les usines qui achètent le poisson
pour le transformer. Il n'y a absolument aucun système qui existe, sinon
le système traditionnel où chaque propriétaire d'usine
essaie de s'attacher un certain nombre de pêcheurs qui vont venir livrer
leurs produits chez eux. Cette situation fait que le pêcheur doit,
à toutes fins pratiques, prendre le prix qui est fixé par
l'usine. Il n'a, à toutes fins pratiques, aucun pouvoir de
négociation. Dans ce système-là, le pêcheur se
trouve à avoir un prix résiduel, c'est-à-dire que tous les
intervenants dans la chaîne se paient et, en bout de course, le
pêcheur reçoit ce qu'il reste. Ce qui explique les grandes
variations de prix que le pêcheur va recevoir d'une année à
l'autre. Un petit exemple, le turbot, en 1987, se vendait... Le turbot, en
1987?
Une voix: Jusqu'à 0, 82 $.
M. Poulin (François): Jusqu'à 0, 82 $; et, l'an
dernier, il était à 0, 35 $. Donc, le pêcheur doit faire
face à des fluctuations considérables. On n'a aucun
mécanisme pour tenter de gérer cette question-là.
Le système actuel crée beaucoup d'insatisfaction chez le
pêcheur. Il crée de l'incertitude au niveau des usines. Les usines
ne peuvent pas avoir de garantie véritable d'approvisionnement,
c'est-à-dire que les pêcheurs peuvent changer d'usine en cours
d'année, s'ils peuvent avoir 0, 01 $ ou 0, 02 $ la livre à
l'usine d'à côté. De sorte que ça crée une
instabilité profonde dans le secteur de la transformation, ce qui rend
la planification difficile pour les usines.
Ce que l'on propose, en définitive, c'est un modèle
d'organisation plus semblable à celui qui existe en agriculture et en
forêt, c'est-à-dire que, d'un côté, on a des PME de
production - des petites entreprises de pêche - et, de l'autre
côté, on a des usines de transformation. On veut une table
où les deux intervenants
peuvent discuter et s'entendre sur les prix, sur la qualité des
produits et sur les exigences. Et s'entendre, aussi, pour s'attaquer à
des commercialisations à l'étranger. On sait que les prix sont
fixés à l'étranger mais, à l'étranger, il
existe plusieurs prix différents. Il y a un prix dominant sur le
marché de Boston, évidemment, mais il y a aussi des
marchés en Europe et au Japon; par une action dynamique au niveau de la
commercialisation, il y a possibilité d'aller chercher des prix parfois
plus intéressants que ceux qui sont obtenus actuellement.
Ce qui a amené les pêcheurs à se dire: Nous sommes
dans une situation assez semblable à nos confrères les
agriculteurs et les forestiers, nous vivons d'un secteur de ressources
naturelles, nous sommes une multiplicité de petites entreprises face
à un petit nombre d'acheteurs et nous vivons de la nature. Donc, il nous
apparaît qu'il serait juste et correct que les mécanismes qui ont
été mis en place au Québec depuis 15 ou 20 ans - entre
autres, la loi des lois, comme disait le président de l'UPA, la Loi sur
la mise en marché des produits agricoles - puissent s'appliquer aux
produits de la pêche.
Si on se compare aux autres provinces maritimes, où on retrouve
beaucoup d'activités de pêche, ces provinces n'ont pas non plus ce
mécanisme-là, mais elles le recherchent éperdu-ment. Bien
qu'elles aient des associations de pêcheurs beaucoup plus vieilles que
les nôtres, elles recherchent éperdument, par des
législations spéciales, un mécanisme pour essayer de
résoudre le problème de l'interface entre les pêcheurs et
les usines. Au Québec, on en a un qui est là, disponible, qui a
une expérience accumulée depuis de nombreuses années dans
les secteurs agricole et forestier; donc, les pêcheurs aimeraient pouvoir
bénéficier de cette expertise et de cette
expérience-là. En somme, on veut pouvoir avoir accès
à l'ensemble des pouvoirs qui sont inscrits dans la loi et à
l'ensemble des mécanismes, comme les plans conjoints, les offices de
producteurs et les chambres de coordination et de développement.
Voilà, en résumé, M. le Président, la
demande de l'Alliance des pêcheurs.
Le Président (M. Richard): Merci, M. Poulin. M. le
ministre, vous avez votre premier bloc de 10 minutes de questionnement, s'il
vous plaît.
M. Pagé: M. le Président, je vous remercie. Je
voudrais souhaiter la bienvenue ici, à l'Assemblée nationale du
Québec, à mes bons amis, MM. Poirier, Clovis et Léonard;
à M. Dugas, M. Poulin, aussi, qui représentent l'Alliance des
pêcheurs commerciaux du Québec.
M. le Président, je crois que les collègues auront
été à même de prendre acte d'un témoignage
très éloquent, ce matin, de la part des représentants des
pêcheurs commerciaux, des pêcheurs côtiers
particulièrement, de l'ensemble du territoire maritime du Québec,
que ce soit autant de la Gaspésie, de la Côte-Nord que des
Îles-de-la-Madeleine. Ils sont essentiellement venus nous dire qu'ils
souhaitaient voir incluses dans la loi les dispositions auxquelles j'ai
d'ailleurs référé avec votre Alliance.
Je dois dire, M. le Président, que je peux donner une
réponse immédiate, d'emblée, tel que je vous l'avais
indiqué préalablement. Et formellement, ici en commission
parlementaire, ce matin, je vous confirme que les dispositions
législatives nécessaires seront ajoutées au projet de loi
au moment de l'étude du projet de loi article par article. D'ailleurs,
depuis nos rencontres du 9 et du 10 décembre dernier, suivies par nos
rencontres de janvier, les avocats du contentieux du ministère et de la
Régie des marchés agricoles travaillent à la
rédaction des textes nécessaires à ce que vous demandez.
On avait deux hypothèses. La première, c'était de modifier
plusieurs articles de loi pour faire en sorte que vous soyez
considérés comme l'agriculture, ça va de soi. Sauf qu'on a
choisi une autre voie: on aura une section, un chapitre d'une lecture tout
à fait nouvelle, dans la loi, qui couvrira le secteur des pêches.
Et, essentiellement, ce qu'on fait, l'intention du gouvernement - je suis
heureux de la livrer ce matin devant mes collègues, même si j'ai
eu l'opportunité de le faire en région maritime à quelques
reprises - l'intention du ministre des Pêcheries, c'est de faire en sorte
que vous ayez les outils disponibles pour regrouper l'offre du produit,
c'est-à-dire qu'une ou des associations, une association comme
l'Alliance des pêcheurs commerciaux du Québec... Ça
pourrait aussi être des associations plus spécifiques. Un exemple
concret: l'assocation des pêcheurs capitaines; ça pourrait aussi
être l'association des crabiers... Ce n'est pas au gouvernement de dire
qui doit représenter qui, sauf que la responsabilité du
gouvernement, dans un secteur aussi important que celui des pêches... Il
y a 6000 personnes soit comme employés, soit comme pêcheurs, qui
oeuvrent au Québec. Le temps est venu... D'ailleurs, ça avait
été l'une de mes grandes surprises, M. Poirier - je vous l'ai dit
à quelques reprises - de constater qu'un secteur aussi important
s'appuie sur une offre qui n'est pas nécessairement constante, soit en
raison du volume de produits, soit en raison des périodes de
pêche, soit en raison des quotas, etc. Et, de voir des entreprises qui,
elles, d'un autre côté - comme le disait tout à l'heure M.
le directeur général - se retrouvent en position de faiblesse
parce qu'elles ne peuvent pas avoir de garantie d'approvisionnement, etc. (11 h
30)
Or, les dispositions de la loi vont vous donner les outils. Ce n'est pas
le gouvernement qui va le faire à votre place, mais, enfin, vous aurez
les outils qui vous permettront de présenter... Un exemple concret: des
outils qui vont
permettre à l'Alliance des pêcheurs de présenter une
requête à la Régie des marchés agricoles et des
produits marins du Québec, dépendamment du nom final qu'on lui
donnera. Vous serez appelés à présenter une requête
vous habilitant, confirmant votre représentativité des
pêcheurs du Québec. Je vais demander la même chose à
l'AQIP cet après-midi. L'AQIP vient nous rencontrer; Je leur al
déjà fait part de se préparer. Vous serez en mesure de
négocier les prix, d'établir peut-être
éventuellement des régies de prix en fonction de la
qualité - et là je le dis comme je le pense: Ce ne sera pas
à nous de le faire, ce sera à vous - en fonction, par exemple, du
type d'équipement pour la conservation des poissons ou des
crustacés sur vos bateaux, que vous pourrez négocier chaque
année, etc. Et très probablement, dans mon esprit, si nous
avions, en termes d'échéancier... On entend conduire le
débat en deuxième lecture, probablement la semaine prochaine.
Nous amorcerions l'étude du projet de loi article par article -
après l'analyse et l'étude des crédits de chacun des
ministères - vers le 23 mai, à peu près. Je prévois
d'ailleurs déposer, au bénéfice de mes collègues
ici, tous les amendements au moins une semaine à l'avance, autant sur la
section des produits marins que sur les autres dispositions, avant
l'étude article par article. Parce que c'est assez difficile de
déposer les amendements une semaine à l'avance si on commence la
semaine prochaine...
M. Baril: Je sais bien, mais c'est pour ça que...
M. Pagé: On va le faire une semaine à l'avance,
avant l'étude article par article. L'objectif, c'est l'adoption de la
loi pour ou vers le 21 juin prochain, et la date d'entrée en vigueur que
j'entrevois serait le 1er août prochain. Ce qui veut donc dire que pour
la saison, en principe, selon les intentions du ministre et du gouvernement,
vous aurez les outils en main, à partir du 1er août prochain, pour
bâtir les structures de représentation dans l'industrie des
pêches au Québec, de façon à ce que les structures
soient mises en place, dans mon esprit, à l'automne 1990 et applicables
pour la saison de pêche 1991, tant et si bien que des situations comme
celles qu'on a vécues et comme celles qu'on vit présentement...
J'ai été informé, il y a quelques jours, de la situation
entre les crevet-tiers et les entreprises qui reçoivent les crevettes -
elles sont au nombre de sept ou huit - qu'il y avait un différend sur
les prix. C'est un exemple très éloquent comme quoi un
mécanisme comme celui que vous demandez - qu'on accepte, comme on vous
le confirme ce matin, va permettre, premièrement, d'établir un
mécanisme ouvert et public pour l'établissement des prix;
deuxièmement, c'est très certainement susceptible d'ajouter
à la solidarité entre les pêcheurs, aussi. m. le directeur
général disait tantôt que souyentefois le pêcheur
s'était engagé avec une entreprise, mais il suffisait qu'une
autre lui offre 0,01 $ ou 0,02 $ de plus la livre et hop! le bateau changeait
de cap. et ça créait des problèmes dans l'entreprise.
Les entreprises, aussi, ne pouvaient pas être
sécurisées à l'égard de la fidélité
de leurs pêcheurs pour y amener leurs produits. Je pense que c'est un
geste positif qui, ajouté à d'autres auxquels j'ai eu l'occasion
de faire référence avec vous, sera très certainement
susceptible de dynamiser et de renforcer l'industrie des pêches.
L'autre élément qui est intéressant dans la loi...
Je comprends que ce matin, le temps étant écourté... Bref,
je vous invite d'ores et déjà à réfléchir
à ce que pourraient être votre représentation et vos
objectifs dans nos chambres de coordination et de développement. Vous
savez, dans le plan de développement de l'industrie des pêches que
nous sommes en train de bâtir et qui devrait être rendu public
assez rapidement, on se réfère non seulement à la
production, mais à la recherche. On va investir des sommes importantes
dans la recherche. Nous voulons travailler au niveau de la deuxième et
de la troisième transformation. Nous devons travailler, et nous aurons
à déployer beaucoup d'efforts, au cours des prochaines
années, dans le développement des marchés. Le secteur de
la pêche au Québec est un exemple très clair. On s'est
sentis trop confortables pendant longtemps avec nos marchés
traditionnels, tant et si bien qu'aujourd'hui on perd des marchés. Et,
quand on perd des marchés, c'est l'état de panique qui
s'installe.
Merci de votre présentation. Si vous avez d'autres commentaires
à faire, profitez de l'opportunité que vous avez ce matin. Vous
êtes les bienvenus, vous êtes chez vous, ici. Vous pouvez dire
à vos membres que c'est accepté, confirmé en commission
parlementaire.
M. Poirier (Clovis): Je vous remercie. Je voudrais juste ajouter
quelque chose. Ce que vous avez dit, on l'a tous bien pris, on l'a bien compris
et on l'apprécie beaucoup. Je peux le dire au nom de mes
collègues et au nom des pêcheurs du Québec. On
l'apprécie beaucoup. Je pense qu'on a encore une année de
misère; on n'a pas le choix, organisés comme on est organises. On
n'est pas organisés et on a une année de misère, mais on
est bien optimistes sur les années à venir. Juste le fait de voir
la majorité de nos produits s'en aller à l'extérieur du
Québec, à l'extérieur du Canada, et nous revenir
transformés... Là, on parle de la deuxième et de la
troisième transformation: c'est important de le faire chez nous. Il faut
le faire, c'est très important. Ils nous reviennent transformés
avec des valeurs ajoutées. Pourquoi ne pas garder nos valeurs chez nous
et faire travailler notre monde chez nous, en région? On a des usines
qui vont fermer à cause d'un
manque d'approvisionnement. Ça pourrait être des usines, je
pense, qui pourraient se diriger vers ça. Je pense que c'est très
important, parce qu'on pourrait garder les emplois chez nous.
Je voudrais aussi vous assurer, M. le ministre... Dans vos
représentations, il y a une partie fédérale qui doit se
faire, au niveau contingent, au niveau approvisionnement. Soyez assuré
de notre entière collaboration. On va communiquer souvent avec les gens
de votre ministère, et soyez assuré de notre entière
collaboration et de nos pressions au niveau du fédéral pour aller
chercher les contingents que ça nous prend, et les approvisionnements
pour nos usines et pour nos entreprises de pêche, aussi. Merci
beaucoup.
M. Pagé: Merci, M. Poirier. On en aura besoin, parce que
dans le crabe ce n'est pas drôle, ce qu'ils viennent de nous faire. Ce
n'est pas drôle, ça commence mal les relations entre mon homologue
Valcourt et moi. On a eu des rencontres intéressantes, et le
gouvernement canadien s'est montré très favorable à une
participation appréciable dans notre programme de rationalisation. Sauf
que, quelques jours après, ils nous ont annoncé une baisse assez
subitement merci, sans consultation, sans rencontre préalable des
ministres des pêches. On peut dire que M. Valcourt amorce très mal
son mandat de ministre des Pêches au Canada.
J'étais en communication, en fin de soirée, hier, avec le
ministre des Pêches du Nouveau-Brunswick; il est du même avis que
moi. La baisse des quotas dans le crabe au Québec, sans consultation,
sans préavis, impliquera des pertes de 2 000 000 $ de revenus aux
crabiers, en moyenne 53 000 $ de moins, en revenu brut, par bateau; en usine,
l'équivalent de 100 travailleurs pendant 10 semaines, à 36 heures
par semaine de moins. Le tout s'est fait de façon cavalière, sans
aucune consultation; lorsque M. Siddon était ministre des Pêches,
au moins, il y avait des consultations avant. Ce qui est encore davantage
inacceptable, c'est que la diminution des quotas de 897 tonnes de crabe
s'applique uniquement au Québec, la province du Nouveau-Brunswick,
d'où origine le ministre, ne subissent aucune diminution de quota.
Ça donne un peu l'impression de certains jours vécus, il y a
plusieurs décennies, au Québec. On appelle ça se servir
à même l'assiette au beurre. Mon homologue, M. Valcourt, donne
l'impression de se servir à même le plat de crabe. Alors, j'ai
demandé - et ça, vous pourrez le dire à vos membres -
premièrement, que le fédéral nous indemnise pour les
pertes d'emplois et les pertes de revenus. Je dois d'ailleurs rencontrer M.
Valcourt la semaine prochaine. Normalement, il doit être ici, au
Québec. On va voir jusqu'où il est sérieux quand il parle
d'une approche rationnelle pour l'industrie des pêches. En jargon de
dualité, on va voir ce qu'il a dans le ventre. Merci, M. Poirier.
Bienvenue chez nous et soyez confiant.
M. Poirier (Clovis): M. Valcourt se propose une consultation en
région maritime...
M. Pagé: Oui, je sais.
M. Poirier (Clovis): ...dans les jours qui viennent. Mais, pour
notre part, du côté des pêcheurs, on pense que c'est un bon
côté d'aller voir les pêches, mais que ce n'est pas en
été qu'il faut faire ça, mais plutôt en hiver, pour
que lés pêcheurs ne soient pas en mer et pris avec leurs
problèmes de pêche, pour que les pêcheurs soient à
terre pour pouvoir parier. C'est ce que vous avez fait, l'hiver passé.
Vous avez rencontré tout le monde: les gens représentatifs, vous
les avez rencontrés. Mais le ministre Valcourt, en période de
pêche, c'est peut-être pour aller se promener. Peut-être
qu'il le sait très bien, mais ce n'est pas vraiment le temps de le
faire, parce que les vrais intervenants sont en mer et ils ont leurs
problèmes de survie. C'est ce que M. Valcourt se prépare à
faire, parfait, mais je pense que ce n'est pas... On aurait
préféré que ce soit en hiver. J'espère qu'il va
aussi en faire une en hiver, pour qu'on soit préparés. Je vous
remercie beaucoup.
M. Pagé: Je pense que vous allez bien lui rappeler que le
porte-à-porte auprès des pêcheurs, en période de
pêche, c'est bien dur à faire, même pour un ministre
fédéral.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Duplessis, M. Perron, vous avez la parole.
M. Perron: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
sûrement, tout comme l'a fait le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, de souhaiter la bienvenue aux
représentants de l'Alliance des pêcheurs commerciaux du
Québec.
Je profite d'une petite parenthèse aussi pour remercier Mme
Pilon, la présidente de la Fédération des associations de
consommateurs du Québec, pour avoir accepté d'intervertir les
rôles, aujourd'hui, devant cette commission parlementaire, puisque c'a
permis à l'Alliance et à son président, en particulier, de
demeurer sur place pour les activités que nous avons à cette
commission parlementaire. Alors, au nom de mes collègues, Mme Pilon, on
vous remercie. Je pense que c'a rendu un fier service au président de
l'Alliance, M. Poirier, qui est un pêcheur professionnel dans le domaine
du crabe. Comme aujourd'hui il doit avoir une heure fixe pour mettre son bateau
à l'eau pour se préparer pour la pêche de vendredi, qui
n'est pas tellement loin, à ce moment-là, je pense que ça
lui donne une chance qui est énorme.
M. le Président, je suis particulièrement heureux de voir
l'ouverture du ministre, qui
l'avait d'ailleurs annoncé, en quelque sorte, lors de la
septième table de concertation qui a eu lieu à Sept-îles
tout dernièrement. Ce qui m'intéresse, c'est de voir cette
ouverture se concrétiser à l'intérieur d'un projet de loi,
soit en parallèle... Mais, comme le ministre l'a annoncé, je
crois que ça va être des amendements qui vont être
apportés au projet de loi actuel et qui vont être
déposés incessamment. Ce dont on peut assurer l'Alliance, en tant
que membres de l'Opposition, c'est que nous allons étudier le
libellé des amendements que le ministre va apporter, pour s'assurer que
le projet de loi va être conforme à l'annonce que vient de faire
le ministre et aux voeux de l'Alliance des pêcheurs commerciaux du
Québec.
Si on regarde, par exemple, pour en faire état, c'est qu'à
l'article 3, lorsqu'on parle des produits agricoles, moi j'ai bien compris le
sens que... Comme les produits marins ne sont pas inclus dans cet article,
à ce moment-là, il y aura un amendement qui sera apporté
pour inclure les produits marins, et ainsi de suite dans l'ensemble du projet
de loi. Ça, je pense que c'est nettement une chose importante pour les
pêcheurs commerciaux du Québec et, en particulier, pour l'Alliance
qui, elle, a défendu l'ensemble de ce dossier depuis maintenant au moins
trois ans. Je me rappelle très bien, M. Poirier, puisque vous restez
dans le comté de Duplessis, qu'on a discuté de plusieurs
problèmes des pêcheurs commerciaux au cours des dernières
années. On peut se rendre compte que, dans l'article 3, le produit des
pêches commerciales est présentement exclu du projet de loi 15.
Bien sûr que dans un avenir très rapproché on va pouvoir
discuter ensemble, à nouveau, pour s'assurer, je dis bien pour
s'assurer, que les voeux exprimés par l'Alliance seront
concrétisés article par article dans le projet de loi. Tout le
monde sait qu'au cours des prochaines semaines nous aurons l'occasion de
revenir avec un projet de loi modifié. Nous aurons l'occasion, en tant
que membres de l'Opposition officielle et membres du gouvernement, de discuter
ensemble, article par article, pour que ce projet de loi soit le plus potable
possible pour l'ensemble des opérations, non seulement agricoles,
aquicoles ou autres du Québec, mais aussi pour les opérations de
pêche. (11 h 45)
L'Alliance des pêcheurs souhaite que le modèle
d'organisation dans les secteurs agricole et forestier soit adapté et
appliqué au domaine des pêcheries. Et vous le mentionnez
d'ailleurs aux pages 9 et 10 de votre document: "II faut donc une structure
organisationnelle qui permette l'implantation de ce modèle,
c'est-à-dire un regroupement de la majorité des pêcheurs et
un regroupement des principaux acheteurs."
Ça me fait un peu penser à ce vous dites par rapport
à ce qui existe actuellement en Islande, avec la Corporation de mise en
marché qui est formée depuis maintenant plus de 40 ans.
On voit un petit pays de 230 000 habitants, 240 000 habitants, avoir un
contrôle presque exclusif sur le marché international, lorsqu'on
sait que 80 % des prises de l'Islande sont vendues sur le marché
international et 60 % des prises globales sont vendues sur le marché
américain. Et pour expliquer un peu la situation, c'est que cette
Corporation - et ça, c'est pour le bénéfice des
ministériels et aussi pour le bénéfice des personnes qui
nous écoutent - elle est formée par les producteurs, par les
transformateurs ainsi que par le milieu gouvernemental, qui agit à titre
d'observateur. Tout ce qui sort de l'Islande porte une marque commune qui
s'appelle Icelandic. Et tout ce qui reste en Islande, c'est de la
responsabilité des transformateurs de le mettre en marché,
à sa façon, comme elle le veut. Donc, par exemple, on n'a pas le
droit de jouer avec les prix des produits qui s'en vont sur le marché
international. C'est pour ça qu'ils sont si forts sur le marché,
de toute façon, et j'espère que, dans un avenir assez proche, on
va voir ce système ou un système presque identique établi
au Québec pour justement aider, non seulement les pêcheurs, mais
aussi les transformateurs. Et les travailleurs, travailleuses en usine,
à ce moment-là, vont pouvoir se permettre beaucoup plus de
sécurité dans le domaine des emplois.
J'aurais quelques questions à poser, puisque le ministre a
démontré une ouverture assez large, en ce qui a trait aux
modifications à la loi. Est-ce que quelqu'un de l'Alliance pourrait nous
dire de quelle façon elle entrevoit l'application de la Loi sur la mise
en marché des produits agricoles au secteur des pêches
commerciales? C'est-à-dire, est-ce par la création d'un office
des producteurs qui s'appliquerait à tous les pêcheurs sans
exception, ou seulement aux pêcheurs qui sont membres de l'Alliance ou
membres d'une association étant membre de l'Alliance? Est-ce qu'on
devrait, à ce moment-là, s'occuper de la réglementation,
de l'application des quotas et de la négociation des prix des produits
de la pêche? En gros, c'est ça, la question. C'est une question
assez large, mais qui va aussi vous permettre de donner un ensemble de
plusieurs réponses qui pourraient se concrétiser
éventuellement dans un projet de loi.
M. Poulin (François): Je dois vous dire que nous sommes
encore en état de réflexion sur la formule précise qu'on
pourrait adopter pour les mécanismes de mises en marché tels que
prévu par la loi. Une des hypothèses qui sont analysées
actuellement, c'est qu'il y ait un plan commun pour chaque espèce
principale: homards, crevettes, crabes, poissons de fond. Pour les poissons de
fond, c'est moins clair, il y a différentes hypothèses possibles.
Une autre formule possible, ce serait d'avoir des plans conjoints par
région avec des comités par espèce; c'est une autre
formule possible, compte tenu que les acheteurs
des régions sont quand même assez éloignés,
et qu'il y a des acheteurs différents. On n'a pas encore d'idées
prédéterminées, exactement. Il y a encore un cheminement,
à faire au niveau de la réflexion là-dessus, et il va se
faire dans les prochaines semaines.
Essentiellement, on arriverait à des offices de producteurs, soit
au niveau de l'espèce, au niveau de régions, qui viseraient,
comme objectif principal, à s'asseoir avec les acheteurs pour
déterminer les conditions d'approvisionnement, les qualités, les
prix; donc, la fourniture du poisson aux acheteurs. Essentiellement, ce serait
l'objectif... Dans un premier temps, au moins durant les premières
années, ce serait la priorité principale. Ensuite, au niveau de
la commercialisation, nous on croit que les pêcheurs doivent s'impliquer,
sont intéressés à s'impliquer dans la commercialisation.
On voit la crise du homard, qu'on vit actuellement, où à cause du
boycottage américain l'ensemble de l'Atlantique va être
collé avec 25 000 000 de livres de homards, qui autrefois étaient
vendues aux États-Unis. Alors qu'est-ce qui va arriver à ce
moment-là? Sur quel marché va-t-il aller? Une chambre de
coordination et de développement aurait été très
intéressante dans un contexte comme ça, où pêcheurs
et transformateurs auraient pu s'asseoir et développer une
stratégie pour aller, par exemple, récupérer des
marchés que les Américains vont abandonner en Europe, ou pour
développer de façon spécifique notre marché
québécois, par rapport à des mesures spéciales. Il
y a un projet de promotion, mais il y a toutes sortes de difficultés
à le mettre en oeuvre, parce que le secteur n'est pas
organisé.
M. Perron: Donc, si je comprends bien, au niveau des offices
concernés, c'est que vous n'avez pas de recommandations à faire
encore pour qu'on puisse s'orienter sur ce type d'office. Est-ce que ça
va être par type de produit, de permis ou par espèce ou sans
subdivision? Vous n'avez pas encore d'idée fixe là-dessus? Parce
que, si vous avez une idée fixe là-dessus, ça serait
peut-être bon de la faire connaître immédiatement, comme le
ministre s'en vient avec des amendements à la loi.
M. Poulin (François): Je pense que l'idée la plus
réaliste, l'idée qui domine actuellement c'est d'avoir des plans
conjoints par espèce. C'est ce qui est vécu en agriculture, c'est
par type de production qu'on a des plans conjoints. Donc on retrouve une
homogénéité qui rend plus facile l'adhésion du
groupe et on a un produit qui est relativement homogène qu'on peut
mettre sur le marché, qu'on peut donc négocier. Par exemple, on
sait très bien que la pêche principale aux îles c'est le
homard. Il y a 325 pêcheurs de homards qui sortent à peu
près 5 000 000 de livres qui donnent une valeur de 15 000 000 $ au
débarquement, au quai. Ces pêcheurs-là font
déjà partie de l'Association des
pêcheurs-propriétaires des îles, à 99 %, ils sont
tous membres. Ils payent déjà une cotisation de 175 $ à
leur association. Cette association-là a déjà un permanent
professionnel compétent. Donc, il y a là tous les
mécanismes qui sont prêts pour appliquer les outils que la loi
rendrait disponibles.
M. Perron: Une autre question qui est extrêmement
importante. C'est toujours face à l'ouverture qui a été
faite par le ministre et par rapport aux voeux que vous avez en tant
qu'Alliance qui représente en fait la grande majorité des
pêcheurs commerciaux du Québec, peu importent les espèces.
Est-ce que vous voyez un office strictement créé pour les
espèces concernées par les pêcheurs ou si vous voyez
plutôt une inclusion du secteur des pêches dans un autre
office?
M. Poulin (François): Je comprends mal votre question.
M. Perron: Bon. Actuellement vous avez plusieurs offices qui sont
sous une certaine juridiction de la Régie des marchés agricoles;
est-ce que vous voulez que les pêcheurs commerciaux du Québec
aient leur propre office ou si vous seriez d'accord à ce que la section
des produits de la pêche soit incluse à l'intérieur d'un
office déjà existant? C'est important.
M. Poulin (François): Un office déjà
existant dans le secteur agricole?
M. Perron: Oui. Ce que je veux savoir c'est est-ce que vous
voudriez votre propre office pour la mise en marché des produits de la
pêche ou si vous avez une objection à être indus dans un
autre office déjà existant? C'est ça que je veux dire.
M. Poulin (François): Je ne nous vois pas dans l'Office
des producteurs de lait ou des producteurs de boeuf. Ce sont des offices
très spécialisés, de la façon que je comprends le
secteur agricole. Dans cette optique, dans notre esprit, il faut des offices au
niveau des pêches pour les différentes spécialités,
les différentes espèces.
M. Perron: O.K. Là, si je comprends bien c'est un office
qui appartient à vous autres.
M. Poulin (François): Oui.
M. Perron: C'est là-dessus qu'il fallait... Je voulais
avoir une réponse claire. Je pense que vous venez de la donner.
Une autre question que je voudrais vous poser. Vous connaissez
très bien les réticences de l'Association
québécoise de l'industrie de la pêche face à la
création d'un tel office. Compte
tenu de la contrainte exercée par les prix qui sont fixés
sur les marchés internationaux, ce qui entraîne que tous les gains
qui peuvent être faits par les pécheurs ne peuvent l'être
qu'au détriment des transformateurs - ça, ce sont les dires de
l'AQIP - est-ce que je peux connaître votre opinion par rapport justement
à l'opinion de l'AQIP? Parce que là on va rencontrer l'AQIP, je
crois, cet après-midi et il est assuré qu'on va savoir exactement
quels sont les voeux de l'Association québécoise de l'industrie
de la pêche par rapport à cette ouverture que vient de faire le
ministre, face aux demandes répétées que vous faites
depuis plusieurs années.
M. Poulin (François): Nous croyons que le fait que les
produits de transformation, les produits transformés du poisson soient
exportés n'est pas un facteur limitatif qui interdirait l'application de
plans conjoints, c'est-à-dire la négociation de prix. Si on
regarde dans le secteur forestier, les produits de transformation du bois -
c'est le papier, essentiellement - sont exportés en grande partie, sinon
presque totalement, hors du Québec et hors du pays. Donc, on se trouve
un peu dans la même situation que les producteurs de bois qui exploitent
une ressource qui est transformée en produit exporté. C'est la
situation.
Les prix qui sont obtenus sur les marchés... On comprend
très bien qu'un petit producteur ne peut pas influencer le prix qu'il
obtient pour son produit à Boston. Il est obligé de prendre le
prix qu'il y a à Boston. Par ailleurs, on pourra lui suggérer
d'aller voir sur d'autres marchés, ce que certains transformateurs
commencent à faire. Mais ce qu'on veut, c'est d'obtenir par
négociation un juste prix. C'est-à-dire que le
différentiel entre le prix obtenu sur le marché d'exportation
pour les produits du poisson, une fois qu'on a enlevé les
différents coûts de transport, de courtage, de transformation, ce
qui reste au pêcheur, on veut que ce soit un juste prix. On veut qu'il
soit en position d'aller chercher sa juste part là-dedans. Donc,
même si le prix est fixé à l'extérieur, il reste de
la place pour une négociation, pour la valeur ajoutée, si on peut
dire, entre le poisson qui sort de l'eau et le produit qui traverse la
frontière. Il y a une discussion entre les intervenants pour que chacun
ait sa juste part. Essentiellement, c'est ça. Pour nous, ce n'est
d'aucune façon une objection que le produit soit exporté.
M. Perron: Si je vous ai posé la question, c'est justement
dû au fait que dans votre document, à la page 11, le dernier
paragraphe de votre document, c'est écrit ceci et je pense que ça
vaut la peine de le dire textuellement: "Cette mesure - en parlant de l'Office
- aurait de nombreux effets bénéfiques pour les pêcheurs.
De plus, les effets seraient avantageux pour les transformateurs car elle
permettrait une régula- rité des approvisionnements et une
réduction des coûts de transaction. Pour le gouvernement, une
telle mesure réduit son intervention au minimum; son rôle
principal devient un rôle de contrôle et de surveillance. "
Ça, c'est frappant. Mais ce que je voulais, c'est que vous l'expliquiez
pourquoi vous écriviez un tel paragraphe, face à votre demande et
à la position de l'AQIP qu'on va rencontrer cet après-midi.
M. Poirier (Clovis): On peut prendre un exemple concret, le
rôle de surveillance, quand on parle de rôle de surveillance.
Justement les prix du crabe, on va commencer à pêcher.
L'année passée, le prix moyen du crabe payé au
pêcheur était 1, 50 $ la livre. Cette année, nos
transformateurs nous arrivent avec des prix de 0, 75 $. On a dit: Où
avez-vous pris 0, 75 $? C'est ridicule, c'est la moitié de l'an
passé. On nous a dit: Le yen a perdu 20 %. Le yen a eu une baisse, au
niveau de l'argent américain, de 20 %. Mais 20 %, ce n'est pas 100 %. 0,
75 $ vis-à-vis 1, 50 $, ce n'est pas 20 %. On n'a aucun mécanisme
de surveillance, de négociation avec ces choses-là. C'est pour
ça que le dernier paragraphe le dit bien clairement.
M. Poulin (François): Je pourrais aussi là-dessus
vous donner un exemple. C'est qu'à Terre-Neuve les pêcheurs sont
organisés dans un syndicat, genre syndicat ouvrier, et négocient
un prix pour le homard. Tout le homard de Terre-Neuve, à toutes fins
pratiques, est exporté aux États-Unis. Ils s'entendent sur une
formule de prix qui donne au pêcheur un pourcentage du prix obtenu sur le
marché américain. Si tu obtiens 3 $ sur le marché
américain, ou 4 $, le pêcheur a 70 %, ou 72 %, ou 73 % de la
valeur obtenue sur le marché américain, dans le cas du homard
vivant. (12 heures)
M. Perron: D'accord. Maintenant, M. le Président, si vous
permettez... Ça ne concerne pas directement le projet de loi, mais il
est possible qu'éventuellement ça puisse toucher un autre projet
de loi, dépendamment des vues du gouvernement. Lors de la
septième table de concertation qu'il y a eu sur la Côte-Nord, il a
été question d'une assurance-stabilisation qui est
demandée actuellement par les pêcheurs ou par l'Alliance. Puisque
vous n'avez pas l'occasion de vous présenter régulièrement
devant une commission parlementaire, est-ce qu'on pourrait connaître, sur
le fond, votre opinion face à une telle assurance-stabilisation qui
existe actuellement dans d'autres marchés?
M. Poulin (François): Dans la consultation qu'on a faite
dans tous les havres de pêche, on a rencontré une majorité
de pêcheurs, on a discuté avec eux de cette idée
d'assurance-stabilisation. Et unanimement, ils sont d'accord pour qu'une forme
d'assurance-stabilisation soit
implantée. Évidemment, reste à déterminer
les modalités d'une assurance comme ça. Ils sont conscients
qu'ils doivent payer une partie de prime et que l'autre partie, selon le
modèle qui existe en agriculture, serait payée par l'État,
soit provincial, soit fédéral-provincial, selon les formules.
Alors, actuellement, on étudie, grâce à l'appui du
ministre, qui nous a dit, à Sept-îles, qu'il était d'accord
pour étudier la question, mais qu'il n'était pas d'accord pour
donner son accord tout de suite. Grâce à son appui, on a pu
établir des contacts avec la Régie des assurances agricoles
où on retrouve des spécialistes en la matière pour
examiner les différentes formules. Actuellement, on sait qu'à
cause du libre-échange les formules existantes sont remises en question.
Alors, c'est dans un contexte à ce niveau-là qu'il faut examiner
la question. On travaille là-dessus intensément.
M. Perron: D'ailleurs, si vous me permettez, M. le
Président... Là-dessus, ce que je peux vous dire, c'est que je
suis critique en matière de pêcheries depuis un certain nombre
d'années et il y a une chose qui est remarquable, c'est de voir que, du
côté ministériel, le ministre qui a été le
plus ouvert à date, ça a été, justement, le
ministre qui est en place au niveau des pêcheries, actuellement. Et j'en
suis très heureux parce que ça démontre,
premièrement, qu'il a de l'intérêt pour le domaine des
pêches, deuxièmement, qu'il veut régler certains
problèmes et, troisièmement, ça démontre aussi,
puisque je suis d'accord avec lui, que l'Opposition a l'intention de suivre ce
dossier de très près, pour s'assurer, justement, que les
engagements qui sont pris par le gouvernement, par le ministre vont être
respectés. Jusqu'à date, dans le domaine des pêcheries, je
n'ai pas eu trop de problème avec le ministre qui est là. On peut
s'entendre là-dessus.
Le Président (M. Richard): C'est quasiment trop beau pour
être vrai.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Richard): N'empêche que c'est
ça, il arrive des miracles, vous savez.
M. Perron: M. le Président, vous qui me connaissez depuis
quelques années, vous savez très bien que, lorsque j'ai quelque
chose à dire...
Le Président (M. Richard): Oui, tout à fait. M.
Perron: ...je le dis, quand même que...
Le Président (M. Richard): Tout à fait, et je vous
en félicite, d'ailleurs.
M. Perron: Quand je ne suis pas d'accord, je ne suis pas
d'accord, mais, quand je suis d'accord, je suis d'accord.
Le Président (M. Richard): Oui, c'est ça.
M. Perron: Comme le ministre fait bien son travail, je ne suis
pas pour dire qu'il le fait mal.
Le Président (M. Richard): Oui, vous avez raison.
M. Perron: Mais, s'il peut aller plus loin encore, j'aimerais
encore mieux ça pour le bénéfice des pêcheurs.
M. Pagé: Je pense que ce que vient de dire le
député de Duplessis, je suis trop modeste pour me prononcer sur
le fond, ça va de soi, dire s'il a raison ou non.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: Sauf qu'on constatera qu'il fait passer les
intérêts de ses pêcheurs, de son industrie, dans sa
région, dans son comté, avant tout intérêt partisan,
et c'est ce qui, je pense, constitue la meilleure garantie du maintien d'un
niveau de rapports très étroits entre l'ensemble des
députés, dont les députés de l'Opposition qui
seront intimement associés à notre démarche de
rationalisation. Et je retiens de plus que le député a
semblé surpris. En dedans d'une semaine après ma visite à
Sept-îles, déjà, les contacts étaient établis
avec la Régie des assurances agricoles.
M. Perron: Justement, c'est ce que je disais. Je ne voulais pas
tout dire, ne pas en mettre trop, écoutez.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: J'ai noté, pour votre
bénéfice, alors que vous vous adressiez aux pêcheurs et que
vous les regardiez, que votre collègue semblait vouloir tirer les
cordeaux.
M. Morin: Simplement parce que je commençais à me
sentir mal entre vos propos.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Morin: J'ai dit: Si on les dérange, on va s'abstenir,
on va s'en aller.
M. Perron: Écoutez, je me suis déjà fait
dire par un député du Parti libéral que j'étais
tellement d'accord avec lui qu'il fallait que je change de bord. Ne vous
attendez pas à ça, il n'en est pas question.
Le Président (M. Richard): Ce n'est pas encore rendu
là.
M. Perron: Non, ce n'est pas encore rendu là. Ce n'est pas
rendu là. Une autre question que j'aimerais poser aux
représentants de l'Alliance et ça a rapport à une question
de marché, aussi. On sait qu'actuellement... Parce que moi j'ai toujours
dit que le fédéralisme était rentable pour ceux qui le
pratiquaient, c'est-à-dire les gens d'Ottawa, que ce n'était pas
rentable pour le secteur des pêches en particulier à cause de
certaines provinces de l'Est qui viennent gruger régulièrement
sur les quotas qui devraient appartenir à des pêcheurs
québécois. On voit ce qui se passe actuellement avec la question
du crabe. On voit ce qui s'est passé par rapport à la zone de 200
milles où il n'y a pas un maudit permis québécois qui est
émis dans la zone de 200 milles, pendant qu'il y a une surpêche
qui est faite par la CEE, quatre fois ce qu'ils ont le droit de pêcher
selon les ententes internationales. C'est complètement fou raide, en
passant. Parce qu'à ce moment-là c'est que ça ne rentre
pas dans le golfe, ça ne rentre pas dans le fleuve. Et on sait ce que
c'est, ce que ça donne.
Il y a quelque chose qui se passe au niveau du homard. D'ailleurs, les
pêcheurs et les industriels des Îles-de-la-Madeleine ont
demandé au ministre de l'Agriculture, il n'y a pas tellement longtemps,
de faire des pressions auprès du fédérai pour uniformiser
la longueur du homard qui est sorti de l'eau. Il y a des endroits c'est 3
pouces 3/16. À d'autres endroits c'est 3 pouces 1/2. D'autres endroits
que c'est 3 pouces 1/8. Est-ce qu'il ne serait pas possible... Votre position,
là-dessus, elle est quoi? Est-ce que vous voulez avoir
l'uniformité de cette longueur, peu importe la province de l'Est? Ou si
vous vous accotez seulement sur la proposition des pêcheurs des
Îles-de-la-Madeleine qui disent: 3 pouces en ce qui nous concerne? Mais,
à ce moment-là, c'est que ça ne changerait rien à
Terre-Neuve où on dit 3 pouces 3/16. Ça tire à la va comme
je te pousse là-dedans. Une province a une longueur. Une autre province
a une autre longueur. Une autre province... C'est rendu qu'il y a quatre
longueurs de homard actuellement, trois ou quatre. Donc ça arrive sur le
marché américain, ça fait quoi?
Le Président (M. Richard): M. Poirier, vous vouliez
répondre sur la longueur, vous?
M. Poirier (Léonard): Je vais tenter de répondre.
Je ne suis pas un expert dans la question des homards sauf que je
représente quand même les homardiers des îles. La question a
deux volets. Il y a la taille légale, c'est-à-dire le point de
vue biologique, et il y a la taille commerciale. Il y a deux volets à
cette question-là. La taille biologique c'est une chose.
Là-dessus on ne peut pas jouer, c'est-à-dire qu'on ne peut pas
uniformiser à travers le golfe à cause des différentes
températures qu'il y a dans le golfe et, à ce moment-là,
le homard ne vient pas à maturité au même lieu. Ça
c'est une question qu'il faut dissocier.
La question réfère plutôt à la pratique
commerciale. En tout cas, suite à la décision des
États-Unis d'imposer une taille commerciale, une taille limite
commerciale, qu'eux autres mêmes justifiaient sur la base biologique
mais, nous autres, on n'y croit pas... D'après nous, c'est contraire
à l'esprit du libre-échange. Donc, suite aux États-Unis,
Terre-Neuve a demandé, comme le mentionne M. le député, un
amendement, finalement, à la loi fédérale dans le
même sens. Effectivement, nous avons demandé aussi au gouvernement
fédéral les mêmes avantages. Ce que je peux en savoir de
nos démarches à nous autres... En tout cas, je laisse finalement
peut-être le ministre répondre du point de vue de la position
provinciale. Mais ce que j'en sais, tout dernièrement, c'est que le
fédéral ne semblait pas chaud, finalement, à cette
idée-là, en tout cas, de donner suite à notre demande
même s'il s'était déjà avancé avec
Terre-Neuve.
On justifie ça par le fait qu'on est actuellement en arbitrage.
On est en processus d'arbitrage avec les Etats-Unis et on ne voudrait pas leur
donner d'arguments pour démonter justement notre position du
côté de l'arbitrage. Sauf qu'il y a quand même un
précédent, comme vous dites, qui a été
créé avec Terre-Neuve. Je pense que là-dessus il va
falloir... Je pense que ça sera probablement l'occasion, lors de la
visite de M. Valcourt, puisqu'il y a eu un changement de ministre entre-temps,
ça sera probablement l'occasion de revenir à la charge, en tout
cas, et de faire préciser cette position-là.
M. Pagé:... M. le Président, pour le
bénéfice du député et des collègues, ce
matin. Le problème est à la fois simple et complexe. Les normes
de commercialisation du homard ne sont pas les mêmes d'une province
à l'autre. Quand on réfère à 3 pouces 1/8 ou 3
pouces 3/8, ça c'est entre la tête et la queue. Ce que les
États-Unis ont fait, comme vous l'indiquez, M. Poirier, les
États-Unis ont établi, en vertu de l'amendement Mitchell à
leur loi, une règle d'application générale sur le homard
consommé chez eux, comme quoi ce homard qui, traditionnellement, entrait
en deçà de la norme, ne pourra plus entrer à l'avenir.
L'impact de ça dans l'immédiat pour le Québec est le
suivant: On n'en commercialisait pas de cette taille-là, nous,
là-bas, sauf que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, qui
en commercialisaient beaucoup là-bas, aux États-Unis, sont
susceptibles, maintenant que ce marché est fermé, de
pénétrer et de tenter d'envahir le marché de
Montréal et le marché de Québec où, par exemple, on
pourrait facilement, dans la restauration, servir deux petits homards de trois
pouces 1/8 plutôt qu'un beau gros homard du Québec et des
îles. C'est le problème.
Partant de là, la position du Québec est très
simple. C'est que le gouvernement canadien
adopte une mesure uniforme partout s'appliquant à l'ensemble du
Canada. C'est que les règles du jeu soient les mêmes pour la
partie dans chacune des provinces et qu'il oblige les provinces de l'Est du
Canada à respecter les mêmes normes et à se conformer,
à s'enligner avec les normes américaines, et là ce serait
un moyen certainement très utile de voir si la réglementation
américaine s'appuie sur un souci de préservation et de
conservation de la ressource ou si c'est une espèce de barrière
non tarifaire au commerce entre le Canada et les États-Unis.
Premièrement, c'est la position du Québec.
Deuxièmement, j'ai sensibilisé les ministres des autres provinces
à cette position et, troisièmement, ça va être
discuté entre M. Valcourt et moi la semaine prochaine, lorsqu'on se
verra ici, au Québec. J'ai demandé que ce soit inscrit comme
sujet prioritaire à la Conférence des ministres des Pêches
qui est prévue pour juillet. Entre-temps, je rencontre l'ambassadeur des
États-Unis lundi prochain, à Ottawa, et ça fait partie de
la liste des sujets qui sont inscrits comme devant être discutés
entre moi, au nom du gouvernement du Québec, et lui. Ça va
impliquer, par contre, une campagne de promotion, comme j'avais l'occasion de
l'indiquer aux gens de la Gaspésie. Le Québec va investir des
sommes beaucoup plus importantes au niveau de la promotion, cette année,
pour contrer cette possibilité d'envahissement par le homard de plus
faibles grosseurs provenant des provinces maritimes.
Le Président (M. Richard): Si vous le permettez, ça
prendrait la permission parce qu'il n'est pas membre de la commission, à
M. Farrah, député des Îles-de-la-Madeleine, pour poser une
question. Est-ce que vous seriez d'accord?
M. Pagé: Oui, d'autant plus que, même s'il n'est pas
membre de la commission, il vient régulièrement à nos
séances et il est membre de notre comité sur la rationalisation.
Georges, tout le monde va te...
Le Président (M. Richard): Vous êtes d'accord?
M. Perron: Je n'ai aucune objection, surtout qu'il est assis sur
notre bord.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Richard): Alors, M. Farrah,
député des Îles-de-la-Madeleine, vous avez votre
période pour la question.
M. Farrah: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
même si je suis assis à la gauche du président, ce n'est
pas que je sois membre de l'Opposition, même si l'honorable
député de Duplessis a des commentaires élogieux à
l'endroit du ministre. Non, à mon tour j'aimerais vous souhaiter la plus
cordiale des bienvenues en commission parlementaire. Ça fait toujours
plaisir de parler de pêches au niveau du gouvernement du Québec
compte tenu de la préoccupation pour nous, des comtés maritimes,
à l'égard des pêches pour le Québec. J'aimerais
souhaiter peut-être une bienvenue plus particulière à M.
Léonard Poirier qui est le directeur général de
l'Association des pêcheurs-propriétaires des
Îles-de-la-Madeleine et également aussi à l'ensemble des
intervenants.
Ma question sera très brève et toute simple. Face à
vos attentes par rapport à la Régie des marchés agricoles
et peut-être suite aux discussions ou à ce qui a été
véhiculé au niveau de l'AQIP, au niveau des producteurs, est-ce
que les attentes des deux groupes sont les mêmes face à la
Régie? Le problème dans le domaine des pêches que le
ministre a souligné à maintes reprises, c'est un problème
d'individualisme aussi, un peu de l'incohérence, un manque de
cohésion. Alors, dans ce sens-là et selon ce que vous avez
entendu, et le député de Duplessis en a parlé
brièvement tantôt, est-ce que vos attentes face à la
Régie sont les mêmes que celles des producteurs? Il y aura quand
même une complicité qui devra avoir lieu au fil des ans.
M. Poirier (Clovis): Je pense que nos attentes sont à peu
près les mêmes. Elles sont les mêmes. Chacun, de notre
côté, on se rend compte que ça ne fonctionne pas. Les
usines nous disent qu'elles accumulent des déficits. On voit qu'il y a
un manque d'organisation. Elles ne sont pas bien regroupées. La
commercialisation ne se fait pas bien. Chacun s'en va avec sa petite serviette
et son petit volume de poisson à Boston. Ils travaillent pas mal un
contre l'autre, et les Américains s'en rendent compte et les Japonais ne
sont pas fous non plus. Ça fait que, nous, en bout de ligne, on subit
les conséquences de tout ça. On les a rencontrés, on a
rencontré l'exécutif de l'AQIP; ça été un
moment historique. C'est la première fois que l'Alliance rencontrait
l'AQIP parce que... Au début, les gens nous voyaient comme deux groupes
vraiment opposés mais on s'est rendu compte qu'on est dans le même
bateau, on a les mêmes problèmes, il faut s'en sortir. Je ne sais
pas exactement les arguments de l'AQIP, en après-midi. Malheureusement,
je ne serai pas ici, mais mes collègues y seront. Je vois mal l'AQIP
voir d'un mauvais oeil ce vers quoi on s'en va.
M. Farrah: Parce que l'avenir de l'industrie est lié
nécessairement à une plus grande unité, une plus grande
complicité entre les différents intervenants dans le domaine des
pêches. Je pense que ça été un problème
majeur, dans le passé.
M. Poulin (François): J'ajouterais, là-dessus,
dans le sens dont vous venez de parier... Je pense que l'AQIP est
d'accord sur le principe qu'il faut se regrouper, s'unir, se mettre autour
d'une même table et qu'il faut discuter. C'est sur les modalités
et le type de table, la forme de la table, à toutes fins pratiques,
où il peut y avoir des désaccords. Mais, sur le principe, l'AQIP
est d'accord. Je pense que son mémoire est très clair
là-dessus, d'ailleurs.
M. Farrah: Alors, merci de votre présence, et on va
surveiller vos intérêts.
Le Président (M. Richard): Merci. Maintenant, je
céderai la parole à M. Perron, député de Duplessis,
pour son message final, s'il vous plaît.
M. Perron: M. le Président, comme il est 12 h 15, je
voudrais remercier les représentants de l'Alliance pour leurs
réponses, lors de cette commission parlementaire où nous faisons
une consultation particulière sur le projet de loi 15, et je peux vous
dire, dès aujourd'hui, et rassurer l'Alliance des pêcheurs
commerciaux du Québec qu'en ce qui me concerne j'attends avec beaucoup
d'impatience les amendements qui vont être apportés par le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour
pouvoir en étudier le libellé. Et, c'est assuré que, de ma
part, vous allez sûrement entendre parier de ce libellé et de ce
contenu pour qu'on puisse regarder ensemble les possibilités, à
savoir si vous êtes d'accord ou non, et les possibilités
d'amendement à ce qui va être présenté, article par
article, lors d'une prochaine commission parlementaire. Je suis très
heureux de votre présence ici. Quant à moi, c'est une
première de voir l'Alliance s'impliquer de façon concrète
dans le domaine de la législation et bien sûr qu'à ce
moment-là ça nous donne une ouverture qui est beaucoup plus
grande dans le domaine des pêches. Je vous souhaite toutes les chances du
monde dans cette saison de pêche 1990, tout en sachant qu'elle ne sera
pas rosé, surtout de la façon dont le fédéral
s'oriente actuellement. Il est assuré que toutes les pressions qu'on
devra faire pour protéger le secteur des pêches du Québec,
on les fera et on se servira de tous les moyens à notre disposition pour
arriver à protéger ce secteur d'activité pour l'Est du
Québec.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le ministre, votre message.
M. Pagé: M. le Président, je veux remercier nos
honorables visiteurs de ce matin. Merci d'être venus. Ça
été très positif de part et d'autre. Le tout va se
concrétiser selon les échéanciers formulés,
premièrement. Deuxièmement, on aura l'occasion d'échanger
à nouveau ensemble assez rapidement concernant le plan de dynamisation.
On va très certainement se revoir sur les quais au cours de la prochaine
saison estivale, que ce soit en Gaspésie, sur la Côte-Nord, aux
îles. Bonne saison de pêche. Que ça aille bien. Merci.
M. Poirier (Clovis): Vous permettez... Je voudrais remercier les
gens ici présents de nous avoir si bien reçus et je suis confiant
qu'avec la volonté politique et la volonté des pêcheurs
qu'on a présentement au Québec le Québec va être la
province qui va se sortir le plus vite de la crise au niveau de l'Atlantique.
Ça, j'en suis sûr. Si on peut se revoir dans quelques
années, je pense que ça va être une chose faite.
Le Président (M. Richard): Merci, monsieur, et merci
à l'Alliance des pêcheurs commerciaux du Québec. Nous
demanderions à la Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec de prendre place, s'il vous plaît, tout en
les remerciant, au nom de la commission, d'avoir cédé leur tour,
tout à l'heure, pour des fins pratiques.
Nous suspendons deux minutes et demie.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
(Reprise à 12 h 27)
Le Président (M. Richard): Nous recevons la
Fédération. nationale des associations de consommateurs du
Québec. Vous étiez là tout à l'heure, donc vous
savez la méthode de fonctionnement. Alors, vous vous identifiez d'abord;
par la suite, vous présentez vos collègues et vous avez la parole
pour la présentation de votre opinion ou de votre mémoire. Vous
avez la parole.
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec
M. Beaudoin (Roger): Bonjour, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés. Il nous fait plaisir, la
FNACQ, d'avoir été invitée à cette commission pour
discuter du projet de loi 15. Dans un premier temps, je vais vous
présenter les intervenants qui vont prendre la parole à ma suite:
à l'extrême droite, M. Richard Dagenais, recherchiste pour notre
Fédération et également membre bénévole,
depuis plusieurs années, du comité agro-alimentaire de notre
Fédération; au centre, Mme Lise Pilon, présidente de la
FNACQ et également membre bénévole du comité
agro-alimentaire de la FNACQ et aussi de l'ACEF de Québec depuis
plusieurs années; et moi je suis Roger Beaudoin, coordonnateur de l'ACEF
de Québec et responsable pour notre Fédération de la
question de la réglementation du prix du pain et de la farine et de la
réglementation du prix des aliments de base.
Dans un premier temps, une petite note technique avant de céder
la parole à notre présidente. Ici, j'ai des documents
supplémentaires... nous avons cinq copies d'une étude, qui est
l'étude dont on va parler tantôt, dont vous avez un
résumé à l'intérieur de notre mémoire, un
résumé d'une quinzaine de pages...
Le Président (M. Richard): Seulement un instant, s'il vous
plaît. Vous déposez ce document-là?
M. Beaudoin: Nous déposons ce document-là. On en a
déjà envoyé copie au ministre ainsi qu'au leader de
l'Opposition dans le même domaine, mais on s'est dit que peut-être
quelques autres copies pourraient circuler.
Le Président (M. Richard): Alors, si monsieur peut aller
chercher le document.
M. Beaudoin: D'accord, de même qu'une feuille qui est un
addendum en page 15.1, on en a des photocopies pour le mémoire en tant
que tel - il y a des photocopies mais peut-être pas assez de copies - et
une liste de nos appuis au niveau de la campagne en faveur de la
réglementation du prix du pain - celle-ci, malheureusement, on a omis
d'en faire des photocopies. Ce seront des pièces à verser en
annexe, si vous voulez.
Le Président (M. Richard): Ne vous inquiétez pas,
il y a une chose qui fonctionne ici rapidement, ce sont les photocopieuses.
M. Beaudoin: Bon, c'est bien parfait.
Le Président (M. Richard): II n'y pas d'erreur
là-dessus. Merci, on reçoit ces documents-là avec
vous.
M. Beaudoin: D'accord. J'aimerais souligner que le document, qui
est assez épais, circule depuis déjà un certain temps dans
les services de recherche un peu partout au ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Alors maintenant, je
vais céder la parole à Mme Lise Pilon, notre
présidente.
Mme Pilon (Lise): La Fédération nationale des
associations de consommateurs du Québec est une fédération
d'organismes voués à la défense et à la promotion
des intérêts des consommateurs et consommatrices, plus
particulièrement ceux à faible revenu. La FNACQ a
été fondée en 1978 et, depuis 1984, elle a élargi
son membership en intégrant d'autres groupes de consommateurs ainsi que
des groupes spécialisés sur des dossiers précis en
consommation. Aujourd'hui, la Fédération compte neuf organismes
membres qui l'amènent à se prononcer sur différents
aspects, tels: l'agro-alimentation, la téléphonie,
l'électri- cité, l'essence, l'endettement, le crédit, la
santé, les services professionnels, le libre-échange et les
pré-arrangements funéraires ainsi que différents dossiers
d'actualité qui touchent de près les intérêts des
consommateurs et consommatrices.
La FNACQ regroupe actuellement neuf associations de consommateurs du
Québec, dont vous avez la liste à la page 4 de notre
mémoire: l'Association coopérative d'économie familiale de
l'Estrie, de Granby, de Québec; l'ACEF rive sud; Auto-Psy région
de Québec; l'Association pour la protection des intérêts
des consommateurs de la Côte-Nord et de Port-Cartier de même que le
Centre de recherche et d'information en consommation de Port-Cartier et de
Sept-îles et le Mouvement pour l'agriculture biologique.
La FNACQ entretient aussi des contacts réguliers avec les autres
organisations de consommateurs du Québec. Les associations membres de la
FNACQ ont un membership individuel ou de groupe ou encore les deux à la
fois, ce qui représente au total environ 125 000 membres.
Au niveau de l'agro-alimentation, c'est un secteur important
d'intervention de la FNACQ et la majorité des groupes membres
participent aux interventions de la FNACQ.
Parmi les activités et actions de notre fédération
dans ce domaine, citons brièvement: la campagne pour la
réglementation des aliments de base; les interventions aux audiences de
la Régie des marchés agricoles du Québec; la participation
à certains comités consultatifs, tel celui du MAPAQ sur les
normes relatives au réseau de commercialisation des viandes; les
interventions sur les heures d'ouverture des magasins d'alimentation; les
études et prises de position publiques sur différents sujets
d'actualité comme l'irradiation des aliments, l'agriculture biologique,
l'inspection des viandes, la protection de l'environnement et
l'étiquetage des produits alimentaires.
Aujourd'hui, la FNACQ demande au gouvernement provincial de modifier
fortement le mandat de la Régie des marchés agricoles du
Québec pour en faire un instrument public fortement orienté vers
la défense des intérêts des consommateurs et consommatrices
dans le domaine agro-alimentaire. Depuis plus de 10 ans, notre
fédération s'intéresse à l'organisation
économique du secteur agro-alimentaire au Québec. L'une des
manifestations concrètes de cet intérêt aura
été notre présence active à la Régie des
marchés agricoles à propos des demandes d'augmentation du prix du
lait. Enfin, à partir de 1981, nous avons concentré nos
activités dans le champ de la réglementation des prix. Le point
culminant aura été, en 1984-1985, notre présence au
comité consultatif de la Régie qui avait pour but de faire le
point sur la pertinence du maintien des contrôles du prix du lait. Point
culminant puisque nous avons, à cette occasion, constaté qu'il
était maintenant dans
l'intérêt des consommateurs que le système de
contrôle des prix du lait soit maintenu.
Le marché agro-alimentaire s'est concentré depuis 30 ans
au Québec. Dans plusieurs domaines, la concurrence a été
réduite; dans d'autres, elle est inexistante et les consommateurs font
les frais, dans certains cas, d'un contrôle privé des prix.
Aujourd'hui, la loi du marché signifie la loi de l'entreprise dominante.
La Régie doit s'ajuster à cette nouvelle réalité.
Nous avons constaté, depuis un certain temps, que la Régie des
marchés agricoles avait besoin d'un rajeunissement lui permettant
d'intervenir d'une façon plus souple, efficace et économique pour
solutionner des problèmes issus de situations nouvelles qui
préoccupent grandement les consommateurs. Même si cette approche
de la réforme de la Régie peut sembler pragmatique, la FNAGQ
tient à souligner les objectifs qu'elle poursuit dans le domaine
agro-alimentaire, ce qui permettra, en fait, de mieux souligner un champ
d'intérêt contradictoire ou complémentaire.
Les consommateurs ont un besoin urgent d'un organisme comme la
Régie pour voir à la protection de l'intérêt public,
c'est-à-dire, dans notre esprit, l'intérêt des
consommateurs. Dans le cadre d'un marché agro-alimentaire tel que nous
l'avons très brièvement décrit, voici quel devrait
être le mandat de la Régie des marchés agricoles. La
Régie des marchés agricoles devrait voir au développement
de la concurrence là où elle existe encore; elle devrait avoir
aussi le pouvoir d'enquêter sur la formation des prix des aliments afin
de déterminer s'il existe une ou des manipulations possibles des prix
par quelques entreprises; la Régie des marchés agricoles devrait
aussi pouvoir fixer les prix lorsqu'elle découvre qu'il n'y a pas de
concurrence suffisante afin d'assurer aux consommateurs les meilleurs prix
possible; quatrièmement, la Régie devrait pouvoir intervenir sous
forme d'enquête et de réglementation à propos de tous les
prix des aliments à condition qu'elle respecte la juridiction du
Québec. Elle devrait privilégier, dans un premier temps,
l'étude des marchés des aliments de base et la
réglementation du prix de ceux-ci afin d'en favoriser
l'accessibilité aux personnes et familles à faible revenu;
cinquièmement, la Régie devrait pouvoir intervenir lorsqu'il y a
des pratiques déloyales ou anticoncurrentielles dans le domaine
agro-alimentaire; sixièmement, dans l'immédiat, la Régie
devrait intervenir dans le marché du pain et de la farine et fixer le
prix de sept types de pain et de farine vendus aux consommateurs. Ainsi, la
Régie des marchés agricoles verrait son rôle de protection
des intérêts des consommateurs renforcé et élargi,
tout en soutenant le développement d'une saine concurrence et en
exerçant une surveillance et/ou un contrôle des prix lorsqu'il
n'existe pas suffisamment de concurrence dans certains marchés.
Bref, l'ACEF de Québec et la FNACQ attendent du gouvernement
qu'il développe le rôle de la Régie des marchés
agricoles dans le sens des intérêts des consommateurs et
consommatrices du Québec; qu'elle joue un rôle actif dans ce sens
pour l'ensemble du secteur de l'agro-alimentation et pas seulement dans le
cadre de la réglementation du prix du lait. C'est une forme
d'élargissement de mandat que nous désirons. Je vais maintenant
passer la parole...
M. Beaudoin: Richard va nous faire un peu une explication
brève sur la situation du marché du pain et de la farine au
Québec. Il va sans doute vous référer parfois à des
tableaux ou à des données qui sont dans votre mémoire, de
la page 12 à la page 20.
M. Dagenais (Richard): Le cas du pain et de la farine au
Québec constitue un exemple qui, d'après nous, cause
problème pour les consommateurs. À partir d'une analyse de la
situation, on se pose la question: Quelles sont les solutions à apporter
pour que les consommateurs puissent avoir des prix plus justes, pour que les
biens soient abordables? Parce qu'on considère que ce sont des biens
essentiels de consommation.
D'une part, au niveau de la farine, par exemple, il y a une
concentration assez forte au niveau du Québec. Pour la production
minotière de la farine, il y a trois entreprises: Maple Leaf, Ogilvie et
Robin Hood qui contrôlent 90 % de la production de farine. Au niveau de
la fabrication du pain, il y a deux entreprises: Multimarques qui
contrôle 65 % du marché - ici, j'entends la production
industrielle de pain - et Weston qui contrôle 18 %. Alors, à deux,
ça fait 83 % du marché.
Au niveau de la distribution, il y a trois entreprises: Provigo,
Métro et Steinberg qui contrôlent dans l'ordre de 85 % la mise en
marché au détail de l'alimentation. C'est une concentration donc
à plusieurs niveaux et on se pose la question: Quel impact ça
a-t-il pour les consommateurs, ce niveau de concentration? Dans le cas du pain,
on a poursuivi une étude, en 1988-1989, qu'on a soumise au bureau de la
politique de la concurrence pour leur demander leur avis et quelle solution on
pourrait apporter dans le cas présent au Québec. On n'a pas eu de
réponse depuis un an et, personnellement, on n'anticipe pas de solution
de ce côté-là. La solution qu'on a vue, somme toute, c'est
d'établir une réglementation du pain. Depuis 1973, il y a une loi
qui vise à protéger l'industrie de la boulangerie au
Québec. On a fixé, à ce moment-là, un prix minimum
pour différents pains, les plus consommés, et on a interdit,
entre autres, la publicité en dehors des magasins. Cette loi-là,
quant à nous, a protégé l'industrie et elle a permis de
structurer l'industrie québécoise et de percer sur le
marché. Par contre, notre façon d'interpréter les choses,
c'est que le consommateur n'a pas été protégé par
une loi qui fixait
uniquement un prix minimum pour empêcher la guerre de prix qui
persistait à ce moment-là, au début des années
soixante-dix et à la fin des années soixante.
Alors, vous avez, en page 12, des données de prix: entre le
Québec et l'Ontario, par exemple, en 1986, l'écart était
de 25 % au niveau du pain qui se vendait, en moyenne, 1,87 $ le kilo, alors
qu'il se vendait en Ontario 1,50 $. En 1974, les données nous indiquent
que le prix était comparable entre le Québec et l'Ontario et,
graduellement, avec les années le prix se distend par rapport au prix
ontarien. Notre façon d'interpréter les résultats, c'est
qu'il y a eu l'impact de la loi qui a joué pour stabiliser les prix et
les faire augmenter graduellement. Il y a aussi une concentration accrue sur le
marché avec le programme, entre autres, de regroupement des entreprises
auquel le gouvernement du Québec a participé.
Vous avez un graphique, en page 13, qui montre l'évolution du
prix du pain. C'est un pain blanc de 75 grammes. Ce sont des données de
Statistique Canada de prix au détail et qui vous indiquent, finalement,
l'écart qu'il peut y avoir entre le prix du pain au Québec et en
Ontario. Donc, l'évolution s'est accrue, en termes d'écart, par
rapport à l'Ontario.
Vous avez des données sur les autres villes, alors je vous
laisserai consulter ces données-là. L'étude a tenu compte
de l'évolution des prix, a tenu compte aussi des coûts dans
l'industrie, de révolution des coûts et, effectivement, depuis
1974, on observe que les coûts ont évolué
différemment entre le Québec et l'Ontario; entre autres au niveau
du prix de gros, par exemple, les prix se sont distancés aussi entre le
Québec et l'Ontario.
L'étude a regardé aussi les marges qu'il pouvait y avoir
au niveau des entreprises de distribution, au niveau des institutions. Il nous
paraît, finalement, que le consommateur est désavantagé
dans les structures de marché actuelles.
Quelles solutions apporter à cela? Nous avons vu que du
côté de la loi sur la concurrence, par exemple, nous n'avions pas
d'attente de ce côté-là. Il nous semble que dans
l'état du marché, avec les concentrations au niveau de la
boulangerie, la façon la plus acceptable pour le consommateur
d'être protégé, c'est d'avoir une loi qui régirait
les prix au niveau du gros et du détail. L'organisme demande aussi qu'il
y ait une réglementation au niveau du prix de la farine parce qu'on
observe aussi, de ce côté-là, une différence
marquée, par exemple, entre le Québec et l'Ouest qui produit la
farine et des différences qui ne sont pas du tout justifiées par
les différences amenées par les coûts de transport. Pour
nous, c'est la concentration au niveau des minoteries qui amène ce
coût plus élevé pour les consommateurs au niveau de la
farine.
Je vais arrêter ici ma présentation.
M. Beaudoin: Dès le moment où on a
considéré qu'il y avait un problème dans le marché
du pain et de la farine et qu'il y a une trop grande concentration, c'est que
la loi de la concurrence ne permet pas d'agir efficacement là-dedans.
Dès le moment où on propose une réglementation, comment
est-ce qu'elle pourrait se faire concrètement?
M. le Président, juste au niveau technique, combien de temps nous
reste-t-il, environ, pour la présentation?
Le Président (M. Richard): II n'y a pas de problème
à ce niveau-ci, cinq minutes.
M. Beaudoin: Cinq minutes, environ? D'accord.
Le Président (M. Richard): Maximum. Mais vous n'êtes
pas obligé de les prendre, en fait...
M. Beaudoin: On va les prendre parce qu'on a beaucoup de choses
à dire.
Le Président (M. Richard): L'important, c'est
effectivement que vous nous passiez votre message.
M. Beaudoin: D'accord. Grosso modo, au fond, nous, on s'inspire
beaucoup du modèle au niveau de la réglementation du prix du
lait. Pour nous, évidemment, le blé est déjà
réglementé par la Commission canadienne du blé, donc la
réglementation de la RMAQ qu'on espère s'appliquerait d'abord aux
minoteries au niveau de deux types de farine: celle destinée aux
boulangeries et celle aux détaillants. Au niveau des boulangeries, ce
serait la réglementation des pains livrés aux détaillants
et à domicile; des détaillants, ce serait la
réglementation des pains vendus au comptoir dans les grandes
épiceries comme dans les dépanneurs.
La fixation des prix se ferait véritablement sur la basé
de fourchettes de prix miminum et maximum et ça devrait être
fixé d'après une étude critique des coûts de
production et de distribution déposée lors d'audiences publiques
prévues à cette fin auxquelles pourraient participer les
différents acteurs économiques; évidemment, les
producteurs, les intermédiaires, etc., mais également les
consommateurs et consommatrices.
Évidemment, quand on parle de réglementation, on ne parle
pas de ne pas tenir compte de l'économie et de comment elle fonctionne.
Évidemment, il y a une marge raisonnable de profit qui est
accordée aux différents intervenants sauf que, actuellement,
probablement que, dans le domaine du pain, selon nous, il y a des profits ou
des marges de profit supérieures à beaucoup d'autres produits
alimentaires, compte tenu de la concentration.
Je ne vous dirai pas tout ce qu'il y a dans
notre mémoire, vous pourrez le lire. On parle un peu de
publicité, les spéciaux seraient abolis, à ce
moment-là, mais, selon nous, les consommateurs, au fond, seraient
avantagés à moyen terme sur l'ensemble de ce qu'ils
dépensent au niveau de l'année par rapport à leur pain
mais aussi par rapport à leur épicerie en
général.
Les types de pain à réglementer, selon nous, ce sont les
pains à production industrielle les plus consommés actuellement,
ce seraient les pains blancs, les pains blancs tranchés, sandwich,
réguliers, enrichis, les pains au lait, les pains de blé entier
tranchés, à l'exception des pains fabriqués avec du
blé biologique certifié parce que, actuellement, il n'y a pas un
niveau de production industrielle assez développé pour qu'on
l'inclue pour tout de suite, ce qui ne serait pas exclu par la suite, et les
pains divers comme les pains à hamburger et les pains de sole.
D'autre part, aussi, on considère que la farine devrait
être réglementée au niveau du prix. Ce serait la farine
tout usage, la farine pâtissière et la farine de blé
entier. Encore là, l'exception, pour le moment, pour peut-être
quelques années encore, le produit fabriqué avec du blé
biologique certifié.
Cela dit, ces choix-là sont basés sur ce qu'on sait des
habitudes alimentaires, actuellement, et de la production industrielle, elles
pourraient être réévaluées après quelques
années. Pour nous, la Régie des marchés agricoles du
Québec serait la meilleure institution qui pourrait vraiment faire
ça de façon efficace, compte tenu de son expérience dans
le domaine du lait. D'autre part, selon nous, la réglementation en
termes de coûts serait tout à fait raisonnable par rapport
à l'ensemble du marché, par rapport au chiffre d'affaires, par
exemple. Donc, nous, on parle de réglementation. On n'est
peut-être pas à la mode en parlant de réglementation, mais
on pense qu'il y a certaines réglementations qui doivent
disparaître possiblement. Il y a des réglementations, par contre,
qui doivent être maintenues et, dans certains cas, dans certains types de
problèmes, on ne doit pas hésiter à aller de l'avant dans
le sens d'une réglementation publique. (12 h 45)
On ne voudrait pas que... Quand on parie beaucoup du pain et de la
farine, on voudrait revenir à dire: Oui, pour le moment, c'est ça
qu'on voudrait que la RMAQ fasse, mais on voudrait aussi que la RMAQ, comme on
le dit au début de notre présentation, ait un rôle plus
large que ça et qu'elle-même fasse des études, des
recherches, des enquêtes, etc., surtout sur les marchés des
aliments de base, parce que c'est ça qui nous intéresse d'abord
et avant tout et surtout.
Une dernière chose, parce que je pense que mon temps est presque
écoulé. En page 27, sur l'article 7, nous, on souhaiterait qu'au
niveau de la composition de la Régie ce soit précisé de
quels milieux doivent provenir les régisseurs et nous tenons à ce
qu'un régisseur, sinon deux régisseurs proviennent du milieu des
associations de consommateurs ou, encore, soient proposés par eux sur
une liste. Parce que, évidemment, selon nous, les intérêts
des consommateurs et des consommatrices seraient mieux défendus s'il y
avait des représentants au niveau de la Régie et si ces
gens-là n'étaient pas des gens péchés un peu
partout, un peu nulle part. Ce sont des gens qui ont un lien quelconque avec
une pratique de défense des consommateurs sans, nécessairement,
représenter une association particulièrement.
Il y a d'autres suggestions ou critiques par rapport à des points
plus techniques, dans notre mémoire, mais nous avons vraiment voulu
concentrer notre présentation sur ce qu'on estime être les
intérêts des consommateurs, c'est-à-dire vraiment une RMAAQ
pour les consommateurs et consommatrices. On n'a aucune objection à
rajouter "alimentaires" après "agricoles". Alors, je vous remercie de
votre attention. Évidemment, on est prêts à répondre
à vos questions.
Le Président (M. Richard): Merci, madame et messieurs. M.
le ministre, vous avez la parole.
M. Pagé: Merci, M. le Président. D'abord, je tiens
à remercier la Fédération nationale des associations de
consommateurs d'être avec nous, ce matin, et la remercier aussi du mandat
qu'elle remplit pleinement sur une perspective de défense des
intérêts des consommateurs du Québec,
particulièrement, aussi, d'information, de sensibilisation, etc.
Nous recevons votre mémoire avec beaucoup d'intérêt.
D'ailleurs, je ne sais pas si vos représentants étaient ici au
moment de l'ouverture de nos travaux, mardi de la semaine dernière. J'ai
très clairement indiqué, à ce moment-là, que la
volonté du gouvernement qui présente cette loi pour adoption
à l'Assemblée, c'est d'actualiser la loi et, actualiser la loi,
ça veut dire aussi que le mandat de la Régie aille au-delà
du caractère discipline, policier ou respect des règles du jeu
dans la commercialisation des produits, comme elle l'a fait, mais que ça
déborde et que ça puisse être davantage une action
orientée vers la commercialisation, la mise en marché du
produit.
À cet égard, des chambres de coordination et de
développement seront très certainement mises en place. Leur
objectif, ce n'est pas d'ajouter un élément additionnel à
la structure, c'est que les gens se parient, que les gens échangent en
fonction de l'évolution des marchés, des besoins des
consommateurs, notamment, parce que, l'obligation que nous avons dans
l'alimentation, si on veut continuer à être performants, à
maintenir nos acquis, à maintenir cette stabilité des revenus en
amont de la consommation, s'adressant plus particulièrement
aux producteurs et aux productrices, on se doit d'être très
évolutifs dans nos produits mis en marché.
Vous référiez, tout à l'heure, aux produits
biologiques. C'est définitif qu'on se dirige vers une commercialisation
beaucoup plus grande de produits biologiques, de produits naturels. On a
rencontré des problèmes et le problème initial,
c'était toute la question de la certification de ces produits parce que,
comme association représentant les consommateurs, vous êtes
certainement d'accord avec moi que l'absence de normes ne constitue pas la
meilleure garantie pour le consommateur comme quoi il achète,
effectivement, un produit qui est biologique, d'une part, et, d'autre part,
souventefois, le produit commercialisé comme biologique se vend plus
cher que le produit dit commercial de même nature ou comparable. Alors,
c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on reçoit le
mémoire.
Vous vous référez à l'article 7 et vous nous dites:
On aimerait avoir un ou des représentants ou deux représentants
à la Régie, etc. J'ai indiqué que, traditionnellement, la
Régie était composée de personnes de bonne foi, de gens
compétents qui respectent la loi, mais qu'il y avait une relative
identification de ces gens en fonction de leur passé, à savoir
s'ils avaient évolué au niveau du syndicalisme agricole, au
niveau de la coopération agricole, etc. J'ai très clairement
indiqué la volonté du gouvernement de faire en sorte que, dans le
renouvellement des mandats des membres de la Régie, on soit moins, entre
guillemets, critiquables ou vulnérables, en termes de perception,
à cet égard, c'est-à-dire qu'on cesse de penser que telle
personne représente tel secteur ou est en quelque sorte un
délégué du secteur. Il ne faudrait pas que ce soit
perçu comme ça. J'entends faire en sorte que la composition des
membres de la Régie puisse tenir compte davantage de ceux et celles qui
consomment nos produits. Comment ça pourra se traduire? On va le voir
à l'exercice, à l'expérience. Mais je crois que vous devez
faire confiance au gouvernement dans sa volonté d'agir en semblable
matière, animé par les objectifs auxquels je viens de me
référer.
Comme le temps court, le temps fuit, je voudrais aborder avec vous le
dossier très spécifique du pain. Vous nous demandez de
réglementer le pain, le prix du pain, un peu comme on le fait dans le
lait. On a eu des échanges sur le sujet. D'ailleurs, à ma
demande, vous avez rencontré - si ma mémoire est fidèle,
c'était le 6 ou le 13 décembre dernier - les différents
intervenants dans le dossier du pain. Ça s'est fait ici, au Concorde,
à Québec, je crois.' Vous avez rencontré les
représentants des minoteries, des boulangeries. Essentiellement, le
message qu'on vous avait dit, à ce moment-là, ce qu'on vous avait
dit, c'était: Tenter de voir ensemble ce qui peut être fait,
à quelles conditions, comment ça pourrait se faire et quelle
serait la portée de ce que vous pourriez faire.
Je crois comprendre qu'il y a eu des échanges d'information, mais
qu'il n'y a pas eu d'autres rencontres depuis. J'aimerais connaître votre
réaction face à ces échanges et ce que vous attendez des
échanges ultérieurs. Ensuite, je reviendrai, M. le
Président, pour indiquer à ces bonnes gens que j'aimerais... Vous
savez, nous, en politique, et ce, quel que soit notre parti, je pense que c'est
intrinsèque aux politiciens, on préfère dire oui que dire
non et je présume que vous auriez apprécié que je vous
dise oui avec autant d'emblée que j'ai dit oui à nos bons amis
les pêcheurs tantôt. Mais je vais vous dire pourquoi on ne peut pas
dire oui, immédiatement, tout au moins, à la lumière des
données que j'ai. Vous savez, le pain et le lait, je comprends que ce
sont des produits de base tous les deux, mais ce ne sont pas les mêmes
coûts, ce ne sont pas les mêmes intrants.
Je vous pose ma première question et je reviendrai, après
ça, sur la problématique de réglementer le pain au
Québec.
M. Beaudoin: Si je comprends bien, la première question,
c'est surtout nos réactions par rapport aux rencontres avec les...
M. Pagé: Oui, non seulement vos réactions, mais
surtout vos intentions.
M. Beaudoin: Bon, d'accord. Je ne sais pas, Richard, si tu... ou
t'aimerais mieux moi?
M. Dagenais: Nos réactions étaient d'abord de
répondre à la réponse des minoteries et des boulangeries
sur le dossier qu'on avait soumis au ministère et le
rapport-synthèse qu'on avait produit. Quant à nous, la position,
finalement, que défendaient les minoteries et les boulangeries
n'était pas toujours bien fondée et ne répondait pas
vraiment à nos interrogations, n'expliquait pas, dans toute la mesure du
possible, la différence de prix qui pouvait exister entre le
Québec et l'Ontario, par exemple. En tout cas, nous, on n'a pas
été satisfaits, somme toute, des réponses qu'ils nous ont
apportées à ce chapitre-là.
Quant à l'avenir, je peux difficilement croire, somme toute, que
les entreprises vont vraiment tenir compte de l'intérêt des
consommateurs au point, par exemple, que Multi-Mar-ques se scinde en deux,
comme avant 1985, ou des choses du genre. Je n'anticipe pas, honnêtement,
de solutions...
M. Pagé: L'objectif, est-ce que c'est que Multi-Marques se
scinde en deux ou que le consommateur paie un prix acceptable?
M. Dagenais: C'est-à-dire que, pour nous, le
problème du maintien du prix plus élevé, de l'écart
de prix plus élevé est en relation avec la
concentration. Je disais: Est-ce qu'une solution, ce serait, par
exemple, la scission de Multimarques? Bon, pour nous, ce n'est pas possible. Le
fait est que le marché est là, concentré,
présentement, et qu'on est pris avec une situation qui est, de fait,
là pour perdurer, quant à nous. Si je demande, par exemple, aux
entreprises de baisser leur marge de profit et tout ça, ça serait
reconnaître, quant à elles, qu'il y a des profits
supérieurs pour l'instant, ce qu'elles ne veulent pas nous
démontrer de façon claire. Je pense que c'est difficile pour nous
de demander aux entreprises de régler les problèmes, alors que,
pour nous, c'est plutôt le rôle de l'État de voir à
ce qu'il n'y ait pas une concentration trop forte, qui donne trop de pouvoir
à certaines entreprises sur le marché. Mais l'objectif de
l'entreprise, c'est de gagner du marché et on ne peut pas les
empêcher, somme toute, de poursuivre cet objectif. Dans ce sens, je pense
que le rôle du gouvernement, pour nous, c'est plus de voir à
maintenir un équlibre entre les forces de la production, de la
transformation, de la distribution et de la consommation. Et je ne crois pas
que les discussions qu'on a eues et qu'on pourrait avoir dans l'avenir
pourraient régler le problème à cet effet. Je ne le crois
pas, honnêtement, et ce n'est pas juste par déformation,
être biaisé en faveur des consommateurs, mais je pense qu'en
termes de réalisme on ne peut pas demander aux entreprises de modifier
la situation sur le marché par elles-mêmes. C'est ma position,
personnellement.
M. Beaudoin: Peut-être juste un dernier détail,
c'est que le cadre de la rencontre qu'on a eue avec les industriels
n'était pas toujours très clair, parce que c'était une
démarche un peu particulière qui était à la fois
officielle et officieuse, qui se passait, évidemment, dans des bureaux
ou avec des fonctionnaires du ministre. Les règles du jeu
n'étaient pas très claires, si vous voulez, mais, même si
les règles du jeu avaient été plus claires, si les
objectifs, de part et d'autre, avaient été plus clairs, ça
n'aurait peut-être pas changé grand-chose. Disons qu'on a eu
certaines surprises, des surprises très simples comme, par exemple,
d'arriver dans un local où on nous avait parié d'une
délégation de l'industrie. Nous, on s'est dit: Bon, une
délégation, on va aller là pour présenter notre
point de vue, pour répondre a ce qui est sorti de l'industrie.
Finalement, on s'est retrouvés avec environ une douzaine de personnes de
l'industrie et, nous, on était deux. Je vous dirai que c'est
peut-être nous qui avons fait une erreur - c'est juste un petit
détail technique - mais on ne pensait pas qu'à cette
rencontre-là c'était le temps...
M. Pagé: C'est parce qu'ils devaient être nombreux
à vouloir vous rencontrer, je suppose?
M. Beaudoin: Bof! Écoutez, oui, j'imagine, sauf que
ça ressemble à une espèce de petite guéguerre,
cette affaire-là. Deuxièmement, il ne faut pas être
naïfs, je pense. Effectivement, l'industrie ne veut pas
véritablement entrer dans une réglementation, mais, en même
temps, elle ne propose rien non plus. Le gouvernement, pour le moment, est un
peu en observation: Comment l'industrie va-t-elle réagir? Est-ce que la
FNACQ réussit à prouver scientifiquement qu'effectivement il y a
un problème, etc. ? Effectivement, pour nous, l'État doit prendre
ses responsabilités, le gouvernement doit prendre ses
responsabilités par rapport à ça. Sauf exception
rarissime, ça serait très rare que des industries
apprécient une réglementation. Ça serait être
naïfs de penser ça.
M. Dagenait: Enfin, la rencontre qu'on a eue consistait, quant
à nous, à clarifier, en tout cas, certaines données et
certaines positions et non pas à voir les solutions que l'industrie
voudrait vraiment avoir; ils n'en ont pas présenté comme tel.
Eux, ils soutenaient qu'il n'y avait pas de problème sur le
marché, que la situation était normale, que le marché
était peut-être plus stable au Québec, mais qu'il n'y avait
pas de problème pour les consommateurs. Alors que nous, selon notre
interprétation, à partir des faits qu'on a relevés des
statistiques officielles, tout cela nous indique qu'il y a quand même des
différences importantes par rapport au reste du Canada.
M. Pagé: II y a des différences importantes, aussi,
entre Québec et Montréal, mais, si on compare Montréal
à Ottawa et Toronto, l'écart est moins grand qu'entre Ottawa,
Toronto et Québec.
M. Dagenais: Effectivement, dans la région de
Montréal, la concentration est moins grande. Il y a Multimarques qui se
partage à peu près le marché avec Weston. Par contre, dans
le reste du Québec, nos chiffres nous indiquent qu'en dehors de la
région de Québec, Montréal et Sherbrooke la concentration
est à peu près de 88 % de la part de marché pour
Multimarques. Là, l'impact redistributif, somme toute, de la
concentration est beaucoup plus important pour les autres régions du
Québec, et je pense qu'il faut en tenir compte aussi.
M. Pagé: Je regarde ici, dans le Québec
métropolitain, selon nos analyses, outre les magasins d'alimentation,
comme Steinberg, Métro, Hudon & Daudelin et Provigo, on compte 40
boulangeries détaillantes et vous allez très certainement
accepter ou convenir avec moi qu'on assiste à un
phénomène, dans la spécialisation par boutique, de
croissance assez importante de la fabrication de pain à partir de
pâte congelée ou surgelée ou de la fabrication sur place au
niveau des petites boutiques.
Donc, l'autre élément, la question que je voulais vous
poser, c'est: Êtes-vous bien au fait qu'en demandant de régir le
prix du pain, dans sept types de pain, le pain blanc, le pain brun, de
blé entier, au lait, etc., vous nous demandez de régir les
niveaux de rémunération dans les boulangeries du Québec,
soit par décret, soit par une loi spéciale qui viendrait mettre
de côté les conventions collectives? Parce que la concentration
à laquelle vous vous référez - et vous allez en convenir -
est accompagnée d'une démarche de syndicalisation très
élevée des travailleurs et des travailleuses, dans ces
entreprises. Et ce que vous nous demandez ce matin - et c'est un
élément, aussi, qui doit être pris en compte dans toute
analyse de comparabilité ou de comparaison entre le Québec et
l'Ontario - c'est de venir régir les salaires. Quand on dépense 1
$ pour acheter du pain, il faut bien avoir à l'esprit que c'est entre 10
% et 15 %, le coût du blé ou de la farine, au maximum, et que
l'ensemble des intrants, c'est au maximum 0, 20 $ dans le dollar
dépensé, alors que, dans le lait, c'est une situation
complètement différente. Par exemple, dans le lait de
consommation, le pool 1 est à 54 $ l'hectolitre, environ. Le lait se
vend 1, 05 $, 1, 08 $. Donc, c'est environ 50 % du produit de la matière
première, alors que, dans le pain, c'est au maximum 20 %. Et quand on
regarde le pain, Cintrant qui va chercher le plus haut pourcentage, c'est la
main-d'oeuvre et la fabrication. Donc, il faudrait qu'on réglemente les
salaires. (13 heures)
M. Dagenais: C'est-à-dire que c'est la distribution, dans
le cas du pain, qui absorbe...
M. Pagé: La distribution aussi, mais la fabrication. Il
faudrait...
M. Dagenais: Dans le cas de la fabrication, oui, c'est la
main-d'oeuvre.
M. Pagé: Écoutez, réglementer le prix du
pain, c'est venir régir ou contrôler, si on veut être
conséquent avec la démarche, la main-d'oeuvre dans les
entreprises qui fabriquent le pain, donc le boulanger, un, et, deux,
contrôler les coûts de la distribution. Moi, à la
résidence, chez nous, c'est encore un monsieur qui passe et qui livre le
pain. Mais il faudrait que je lui contrôle son coût. Il
représente quoi dans le pain que j'achète à tel prix?
M. Dagenais: Sur ce, les données des statistiques des
boulangeries nous indiquent que les salaires, au Québec, sont un peu
plus faibles qu'en Ontario. Et si on se réfère aux statistiques
officielles, à ce moment-là, je pense que cet argument ne tient
pas directement, quant à moi.
M. Pagé: Oui, mais peu importe le niveau,
réglementer le lait... La Régie vient établir le prix
payé au producteur, payé à l'entreprise qui transforme et
impose un prix au niveau de la distribution. Et la référence, ce
qui habilite, finalement, la Régie à pouvoir décider,
à juger et à partager, c'est le fait que 50 %, au moins, du
coût du lait, c'est le lait, c'est le produit de base, c'est le produit
bioalimentaire. Ce ne sont pas les salaires et ce n'est pas la distribution,
etc.
M. Beaudoin: Mais, M. le ministre, vous êtes en train de
nous dire que c'est beaucoup plus complexe... Il y a peut-être deux
choses.
M. Pagé: C'est beaucoup complexe, je vous le confirme,
dans mon livre à moi, comme ministre. Et on regarde ça chez nous,
je ne suis pas tout seul à regarder ça au ministère; c'est
beaucoup plus complexe de donner un cadre de réglementation et de
contrôle de prix dans le pain que dans le lait. Autre
élément, c'est qu'on a toute une gamme d'intrànts dont on
ne contrôle pas les prix au Québec. Le plus bel exemple, si on
regarde les variantes dans les prix, en 1989, la farine a diminué de 1,
3 %, le sucre plus 22, 6 %, l'emballage plus 0, 6 %,
l'électricité plus 3, 9 %, les salaires plus 5, 5 %, carburant et
énergie plus 7, 9 %, alors que l'IPC global était de 4, 5 %. Et
si on se réfère aux analyses qui nous ont été
fournies, les. hausses du pain auraient varié entre 2, 8 % et 4 %, ce
qui est en deçà de l'indice global des prix à la
consommation.
M. Dagenais: Par exemple, quand vous fixez le prix au producteur,
vous revenez, finalement, fixer un taux horaire aussi au producteur de lait et
la question se pose aussi pour eux, somme toute. Alors, ce que vous faites,
finalement, c'est que vous fixez aussi un taux horaire dans l'industrie de la
transformation du lait et...
M. Pagé: C'est parce qu'on tient compte d'un coût de
production qui est revu régulièrement en fonction de la
performance globale des secteurs.
M. Dagenais: Oui, mais, dans le cas de la transformation du lait,
somme toute, c'est que l'industrie doit s'adapter au prix qui lui est
donné. Vous ne fixez pas directement le tarif, mais vous imposez, somme
toute, à l'entreprise, de fonctionner à l'intérieur de
barèmes spécifiques. Et elle doit, à ce moment-là,
s'adapter et...
M. Pagé: Sauf que nous produisons seulement 135 000 tonnes
de blé panifiable au Québec. On en produisait 15 000, 18 000
tonnes en 1985. On a augmenté de façon très importante
notre degré d'autosuffisance. On l'a augmenté, mais on n'est pas
rendu à terme, ça va de soi. On est à peu près
à 145 000 tonnes. C'est bien peu
comparativement à la consommation globale.
Et, deux, c'est un Intrant qui représente environ quoi? 10 %
à 15 % du produit. Donc la marge, la référence, si on veut
réglementer, est infime, très mince. Et je comprends que c'est
bien important. Je comprends que c'est un dossier qui a été
priviligié par l'association, par les associations de consommateurs.
Cependant, autre élément aussi, les ménages
québécois dépensaient en moyenne 34 859 $, en 1989. Le
pain représente 0, 4 % des dépenses des ménages
québécois, soit environ 2, 97 $ par semaine pour des achats de
71, 11 $ par semaine, en moyenne, selon les données que j'ai ici. Je me
réfère à 1986, cependant. Mais, sur des dépenses en
alimentation de 71, 11 $ dans une semaine, c'était 2, 97 $ qui allaient
au pain. Si on ramène cette dépense en référence au
pourcentage que ça représente sur les dépenses globales de
la famille, c'est 0, 4 %.
Et vous me direz que le lait ce n'est certainement pas beaucoup plus.
C'est peut-être un peu plus. Ce sont des pourcentages infimes. On le
réglemente. Mais, comme je vous l'ai indiqué, ce n'est pas du
tout le même tableau, le même parterre d'intervention, si on veut,
15 % des intrants.
Deuxièmement, l'autre élément, c'est toute la
difficulté, vous parlez des sept catégories de pain que vous
voudriez voir réglementer. Mais, si on réglemente le pain, on le
réglemente ou on ne le réglemente pas, donc, il faudrait
réglementer les croissants. Pourquoi est-ce qu'on réglementerait
le pain et qu'on n'aurait pas de règlement pour les croissants ou pour
les muffins, les muffins au son, etc. ?
M. Dagenais: Dans le cas du lait, vous ne réglementez pas
le lait au chocolat ou la crème et tout ça. Écoutez, vous
avez défini, finalement, certains produits.
M. Pagé: On a des pools. Il y a des négociations.
Il y a des prix qui sont établis.
M. Dagenais: Mais, pour le lait de transformation, ce n'est pas
réglementé au niveau du Québec.
M. Pagé: Pardon?
M. Dagenais: C'est le lait de consommation qui est
réglementé...
M. Pagé: Oui...
M. Dagenais:... par...
M. Pagé:... mais l'établissement des prix dans le
lait de transformation se fait au niveau national avec des prix...
M. Dagenais: Au niveau fédéral, oui. D'ac-
cord.
M. Beaudoin: Si vous me permettez, M. Dagenais, M. le ministre,
disons que, premièrement, il y a deux ou trois arguments principaux,
finalement, qui sont plutôt contre la réglementation là.
Vous dites...
M. Pagé: Pas contre. C'est que j'identifie le
caractère...
M. Beaudoin: Oui.
M. Pagé:... difficile de mettre en oeuvre une structure de
réglementation du pain à partir de ces
éléments-là.
M. Beaudoin: Disons qu'effectivement on est d'accord pour dire
que c'est plus complexe que dans le domaine du lait, mais on n'est pas d'accord
pour dire que c'est impossible, si on estime que ça doit être fait
et si on estime que c'est important, la situation actuelle, où il y a un
problème. À moins que vous ne nous disiez qu'il y a une autre
solution qui pourrait très bien convenir et que vous ne nous
précisiez ce qui pourrait être fait, nous on pense
qu'effectivement la réglementation c'est la chose qui doit se faire.
Qu'elle soit plus complexe, oui, on peut vous dire qu'effectivement elle
pourrait être plus complexe. Cela dit, ça peut certainement se
faire et sans nécessairement que ça soit des coûts immenses
non plus.
D'autre part, l'idée que ça soit de 15 % à 20 %
seulement du prix qui soit au niveau des intrants de base, on pourrait dire, au
niveau agricole, oui, effectivement, là aussi il y a une raison. Mais
nous on pense plus à l'intérêt des consommateurs, eux
autres, dans leur panier de provisions, effectivement, ce que ça donne.
Et, d'autre part, on est en train de changer le nom de la Régie des
marchés agricoles du Québec pour Régie des marchés
agricoles et alimentaires du Québec. On pense que la Régie
devrait regarder plus l'ensemble de l'alimentation de base des
Québécois et des Québécoises.
Troisièmement, vous dites que ça ne représente pas
beaucoup sur le panier alimentaire des familles. Ça représente
quand même un montant appréciable pour la majorité des
gens, surtout pour les gens à faible et moyen revenus,
particulièrement les gens à faible revenu, finalement, à
modeste revenu. N'oublions pas que c'est un aliment essentiel. C'est un aliment
de base que tout le monde ou à peu près consomme. Et n'oublions
pas non plus qu'on ne parle pas seulement d'allocation du prix du pain et de la
farine, quoique, évidemment, ça serait quelque chose qui
prendrait du temps. Mais on pense que d'autres produits pourraient être
réglementés et, au bout du compte, on rejoindrait une grande part
des aliments de base de la population.
Mais cela dit, s'il y avait d'autres moyens
précis pour régler la situation, on serait prêt
à vous écouter et on serait prêt à les
évaluer. C'est juste qu'il n'y a rien d'autre qui nous a
été dit. Il n'y a rien de possible. La loi de la concurrence
fédérale a des limites très très grandes. Donc, on
aimerait savoir, nous aussi, à part la question de la complexité
de la chose, etc., si vous considérez qu'il y a un problème dans
le marché du pain. Est-ce qu'il y a un problème? Est-ce que vous
pensez qu'il y a un problème?
M. Pagé: Si vous ne pensiez pas, vous, qu'il n'y en a pas,
vous ne seriez pas ici.
M. Beaudoin: On aimerait savoir si vous, vous pensez qu'il y a un
problème.
M. Pagé: Je m'excuse, mais moi, je suis ici pour vous
écouter.
M. Beaudoin: Ah! D'accord. Alors nous, on pense qu'il y a un
problème. On vous l'a expliqué, je pense.
M. Pagé: Oui, oui. Ce qu'on a fait au ministère...
Écoutez, je vais être bien clair avec vous. Premièrement,
dans tous les rapports qu'on m'a déposés, la conclusion,
c'était l'impossibilité ou le caractère inopportun de la
réglementation du prix du pain et c'est moi, personnellement, comme
ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation plus particulièrement,
qui ai demandé à mon monde de provoquer ces rencontres et ces
échanges, et c'est ce pour quoi je suis ici aujourd'hui, pour vous
écouter. N'allez pas croire qu'on est contre le fait de
réglementer le pain, sauf que c'est de savoir comment le faire et
comment faire oeuvre utile. Ce n'est pas la responsabilité, je pense, de
la Régie des marchés agricoles et alimentaires, peu importe son
nom, la Régie des marchés agricoles, sous la juridiction du
ministre de l'Agriculture, de réglementer le prix des emballages, de
réglementer le prix du pétrole et le coût de la
main-d'oeuvre dans les boulangeries au Québec. Je vais être
très clair avec vous, ce n'est pas le mandat de la Régie des
marchés agricoles et ce n'est pas dans l'intention du ministre de
l'Agriculture que je suis de faire en sorte d'étendre le mandat de ma
régie et d'aller réglementer les salaires par des décrets,
premièrement.
Notre mandat, c'est de travailler sur les produits bioalimentaires.
Notre mandat, c'est de travailler sur une mise en marché ordonnée
protégeant à la fois le consommateur, nos entreprises qui
transforment, qui conditionnent et nos entreprises de production:
stabilité, prix référant à différents
indices, etc. On peut le faire quand on réglemente le lait. Le lait
représente au minimum 50 % du coût du produit fini. Partant de
là, je vous ai expliqué le problème que j'avais, avec une
farine et un blé que je ne produis pas, premièrement, qu'on ne
produit pas au Québec, il faut bien l'avoir à l'esprit. On a
quoi? 150 000 tonnes, seulement, de blé panrfia-ble cette année,
sur une consommation, un besoin total de je ne sais pas combien de millions de
tonnes, mais je pourrai vous y référer tout à l'heure.
L'autre élément - je vous indique la problématique
qu'on a - j'ai tenté de faire en sorte que vous puissiez échanger
avec les bonnes gens de l'industrie. Vous me dites que ce n'est pas utile.
Pariait, on va oublier ça. Quelle formule pouvez-vous nous proposer pour
faire face à ces difficultés-là? On est ici pour vous
écouter.
M. Dagenais: Je soutiens que la réglementation, dans le
cas du prix du lait, par exemple, est déterminée en fonction d'un
ensemble de coûts, que ce soient des coûts de produits
importés, d'intrants dans le cas de la ferme, par exemple, de la
nourriture d'animaux, etc., qui ne sont pas toujours nécessairement
produits ici, au Québec, quoique, en bonne partie, je pense, ils sont
produits ici, au Québec.
M. Pagé: 90 % d'autosuffisance.
M. Dagenais: Mais il y a un ensemble d'intrants dans lesquels on
se trouve à déterminer des limites et, dans le cas du salaire du
producteur agricole, c'est une composante importante de la production du lait:
c'est à peu près, si je me trompe pas, le tiers, si je me
souviens bien.
M. Pagé: C'est basé sur le salaire moyen de
l'ouvrier spécialisé.
M. Dagenais: C'est ça. Ce qu'on dit, dans ce
cas-là, somme toute, c'est qu'on impose des contraintes, finalement,
à des gens dans le secteur de la production. Pourquoi ne pas en imposer
dans le cas de l'industrie de la boulangerie? C'est notre industrie. Pourquoi
faudrait-il imposer des contraintes aux producteurs de lait et non pas aux
industries? On en impose dans le cas des transformateurs de lait et dans le cas
des détaillants et ils ont une bonne composante de salaires dans leurs
coûts de production. Pour moi, c'est un argument qui peut quand
même être critiqué aussi.
Vous avez parlé tantôt du fait que le pain, par exemple,
est une composante très faible dans les dépenses des
ménages. Je pense qu'on se réfère ici à des
dépenses moyennes. Si on se réfère aux classes de revenus
qui sont inférieures, il est clair que la composante de dépenses
d'épicerie est beaucoup plus importante. Elle peut aller jusqu'à
30 %. Dans le cas du pain, à ce moment-là... (13 h 15)
M. Pagé: Je suis d'accord avec vous là-
dessus.
M. Dagenais: ...ça devient un pourcentage quand même
important. L'autre aspect, c'est que le pain est une production à base
de blé. Donc, Cintrant est moins cher à ce moment-là. On
ne peut pas le comparer directement à du steak. Pourtant, en termes de
quantité, c'est quand même très consommé. C'est
consommé régulièrement par les consommateurs. Je pense que
ce n'est pas juste l'aspect de valeur économique qui est important, mais
aussi de valeur pour le consommateur et considérer
l'élément essentiel aussi du pain.
Le Président (M. Richard): Maintenant, M. le ministre, si
vous permettez, je vais transférer la...
M. Pagé: Oui, j'ai terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): ...section des questions
à M. le député d'Arthabaska.
M. Pagé: Juste une petite question, si vous permettez. Le
ministre de l'Alimentation...
M. Baril: Je me méfie des petites questions. Des fois,
ça prend une demi-heure.
M. Pagé: ...est très préoccupé par
les consommateurs. Vous ne pensez peut-être pas ça, mais il est
très préoccupé par tes consommateurs: qualité des
produits, innocuité, bon, etc. D'ailleurs, on va mettre en oeuvre,
à compter de cette année, des normes beaucoup plus rigoureuses au
niveau des informations données aux consommateurs et aux consommatrices,
la façon dont l'aliment a été conditionné,
préparé, etc.
Aujourd'hui, vous insistez plus particulièrement sur un point, le
prix du pain. Pourquoi, par exemple, ne faites-vous pas des
représentations sur le problème du pompage dans le porc?
Ça, c'est le ministre de l'Alimentation du Québec qui est
obligé de sensibiliser les ministres des autres provinces parce qu'ils
ne sont pas au courant de ce problème.
M. Dagenais: Quel problème?
M. Pagé: Le pompage dans le porc que vous achetez et que
vos consommateurs achètent. On ne vous a jamais entendu parler
là-dessus.
M. Dagenais: Non. C'est quoi, le pompage? Je veux le savoir.
M. Pagé: On vous expliquera ça. Ça, c'est le
ministre de l'Alimentation du Québec qui est en train d'influencer les
ministres des autres provinces et ce sera un des premiers sujets à la
Conférence des ministres de l'Agriculture et de l'Alimentation du Canada
qui va se tenir à
Moncton au mois d'août.
M. Beaudoin: Ce que je peux vous dire, c'est qu'on est ouverts
aux suggestions, M. le ministre.
M. Pagé: Regardez donc ça, je ne serai pas tout
seul à regarder ça. Regardez donc ça, le pompage dans le
porc. On pompe de l'eau dans le bacon pour augmenter son volume et dans les
jambons.
M. Beaudoin: On en prend bonne note.
M. Dagenais: Ça se produit ausi dans le poulet.
M. Pagé: "Checkez" donc ça.
M. Beaudoin: On en prend bonne note, M. le ministre.
M. Pagé: Parfait!
M. Beaudoin: mais je vous dirai une chose, pour répondre
à votre question, à savoir pourquoi on ne s'occupe pas de
ça, c'est qu'on s'occupe aussi de beaucoup de choses et qu'on a
même collaboré, dernièrement, avec le ministère,
justement, sur tout le réseau de la commercialisation des viandes.
M. Pagé: Oui et je l'apprécie. Ça s'en
vient.
M. Beaudoin: Donc, attention. On ne fait pas une fixation
prolongée sur la question spécifique du prix du pain.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beaudoin: On s'occupe de ça. On trouve que c'est
important, comme, d'ailleurs, beaucoup d'organismes sociaux, beaucoup de
groupes de toutes sortes, des groupes sociaux, même la Corporation des
diététistes, pour prendre un exemple. On a 179 organismes locaux,
régionaux et même nationaux qui ont appuyé cette
démarche. 655 organismes sociaux de toutes sortes, comprenant des
syndicats, des CLSC, etc., qui ont appuyé aussi la campagne pour la
réglementation du prix des aliments de base. On n'est pas les seuls non
plus à trouver ça important.
Je vous dirai que l'innocuité des aliments, l'inspection des
aliments, etc., on a toujours été actifs dans ce
dossier-là et on l'est encore. On participe, dans la mesure de nos
possibilités, à des rencontres, par exemple, nationales,
pan-canadiennes sur des questions de cet ordre. Mais on prend bonne note de
votre suggestion.
M. Pagé: Ça marche, on se revoit.
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: Merci, M. le Président. Une chance que le
ministre a affaire à un député qui est très
patient, parce qu'on est supposé avoir un bloc de 10 minutes chacun et
ça doit faire à peu près 30 minutes que le ministre parle
ou tout près, en tous les cas. Vous comprendrez qu'après 30
minutes d'échanges, souvent, les questions qu'on avait l'intention de
poser à nos intervenants ont été posées par la
même personne, qui est le ministre. C'est pour ça que je me dis
que, même si la commission parlementaire achève, de toute
façon, il ne faudrait pas que le ministre en prenne l'habitude et abuse
du temps qui est alloué aux deux partis.
M. Pagé: Je n'ai pas l'intention d'abuser de
l'Opposition.
M. Baril: De toute façon, je félicite la
Fédération nationale des associations de consommateurs
d'être venue présenter leur mémoire et d'avoir fourni
spécifiquement des données, de nous avoir davantage
sensibilisés sur des points bien précis sur lesquels, depuis
déjà plusieurs années, l'association fait des
revendications entre autres, sur le pain, dont le ministre a parlé
durant une longue période. Je ne dis pas que c'était inutile,
mais... Le problème est là. C'est vrai qu'il est là, il
existe. Tous les gens en sont conscients mais, de là à trouver
les solutions, ça c'est autre chose. Mais, quand on est conscients d'un
problème, je pense que c'est déjà une étape de
franchie pour essayer de trouver des solutions, d'abord.
Vous nous avez parlé aussi de représentation de vos
membres, de vos délégués à la Régie des
marchés agricoles et alimentaires. Moi, j'endosse cette
position-là, d'autant plus qu'avec la création des chambres de
coordination, comme on le démontre dans ce projet de loi là, on
veut faire une place à tous les intervenants, les asseoir à la
même table pour essayer de discuter des problèmes et trouver des
solutions avant que certaines situations éclatent, bien des fois. On
veut, dans le projet de loi, faire un rapprochement avec tous les intervenants.
Dans le contexte qu'on vit présentement, il faut aussi absolument
sensibiliser davantage le consommateur face aux problèmes que les
agriculteurs et l'industrie vivent présentement et vont vivre dans les
années à venir avec la libéralisation et la mondialisation
des marchés. Aussi, avec l'ère de l'agriculture biologique, les
consommateurs devront être sensibilisés davantage sur l'importance
de la qualité du produit. Quand on a une qualité
supérieure à l'importation, il faut sensibiliser le consommateur
à payer pour cette qualité-là.
Trop souvent, aujourd'hui, il nous rentre, malheureusement, des produits
des États-Unis, entre autres, qui sont cultivés avec des engrais
ou des herbicides, des pesticides qui sont homologués, ici, depuis
déjà plusieurs années, et pour les agriculteurs, les
producteurs, leur coût de production est beaucoup plus
élevé. En tout cas, importance de sensibiliser le consommateur
à tous ces événements-là qui s'en viennent chez
nous.
J'aimerais juste avoir une explication. À la page 28, vous faites
mention, entre autres, à deux types de plan conjoint: "II nous semble
curieux qu'existent deux types de plans conjoints." J'aimerais ça que
vous puissiez m'éclair-cir un peu sur les deux types que vous voyez.
À la page 28, les plans conjoints, chapitre IV, commentaires
généraux.
Mme Pilon: C'est suite à une analyse qu'on a faite du
projet de loi comme tel. Il est dit, à l'article 24, que. 10 producteurs
peuvent former un plan conjoint, de sorte que, nous, on a vu que, finalement,
dans la loi, il y avait deux sortes de plans conjoints, il y aurait eu des
plans conjoints qui seraient formés par 10 producteurs et plus et il y
aurait eu des plans conjoints qui seraient formés par des
fédérations de producteurs. Ça, ça nous semblait
étonnant parce que c'est une nouveauté dans la loi; disons que ce
n'était pas là dans l'ancienne loi.
Ce qu'on voit aussi, c'est qu'il y a un traitement dans la loi qui est
différent pour les deux groupes, c'est qu'il y a un groupe qui est
obligé de faire un référendum aux deux tiers pour faire un
plan conjoint et il y a un autre groupe qui n'a pas besoin de cette
règle des deux tiers.
M. Baril: Je pense que c'est arrivé une fois, dans le
porc, que le gouvernement avait autorisé la mise en place d'un plan
conjoint sans obtenir les deux tiers. Je ne sais pas s'il y a d'autres exemples
que vous avez... C'est un cas bien précis, si je ne me trompe pas. Je ne
suis pas sûr, même si c'était mon gouvernement, je l'ai
déjà dit en cette commission, je ne suis pas sûr que le
gouvernement avait fait une bonne chose. Le temps l'a prouvé,
d'ailleurs, ils n'ont pas été capables de le mettre en
application.
M. Pagé: Le gouvernement...
M. Baril: Longtemps après, par exemple.
Mme Pilon: Nous, ce qu'on considère, c'est que la
définition du plan conjoint est beaucoup trop imprécise dans
cette loi-là. On assouplit visiblement la règle pour former des
plans conjoints, mais on ne dit pas la différence entre un plan conjoint
et un regroupement de producteurs. On ne dit pas quelles sont les fonctions
spécifiques d'un plan conjoint. Donc, il y a une sorte de flou, et on se
demande si ce flou-là, dans la loi, est un flou volontaire ou si c'est
un flou involontaire, mais, nous autres, c'est ça
qu'on veut préciser. On dit: II y a un flou, on observe, on
constate qu'il y a un flou dans la loi et ce flou-là, nous autres, on
considère qu'il ne devrait pas exister. La loi, sur d'autres points, est
ultraprécise. Elle va même à dire quelles sont les
convocations des ordres du jour des offices de producteurs. Donc, c'est
ultraprécis sur certains points et, sur d'autres points, c'est
très flou. Alors, nous autres, c'est ça, c'est un peu ce
déséquilibre entre le fait que, sur certains points, c'est flou
et, sur d'autres points, c'est presque trop précis.
M. Baril: Un autre point, vous parlez de la situation d'oligopole
que vous décrivez au Québec. Cette même situation
existe-t-elle en Ontario? Et comment se fait-il que le pain, en Ontario, est
beaucoup moins cher que... Puis c'est ma dernière question parce que je
ne veux pas prendre une demi-heure moi non plus pour parler du prix du pain,
mais là, sur cette question précise...
M. Oagenais: Alors, au Québec, pour nous il y a un
déséquilibre structurel. Le premier, qui est Multimarques, a 65 %
et le deuxième a 18 %. En Ontario, le premier a environ 25 % et le
second 22 %. Et après ça, en Ontario, il y a beaucoup
d'entreprises moyennes, finalement, qui peuvent assurer au niveau
régional une distribution de pain à un prix raisonnable.
M. Baril: là, je n'ai pas les chiffres du ministre, mais
il a nommé tout à l'heure une quarantaine si ce n'est pas 60
fabricants de boulangerie, je ne sais pas quoi...
M. Pagé: Québec seulement, je n'ai pas
compté Montréal.
M. Baril: Bon, il y en avait une quarantaine, vous avez dit tout
à l'heure, là. Ça n'équilibre pas avec ce qui se
passe en Ontario?
M. Dagenais: Non, il reste que leur volume de ventes global est
quand même une fraction du volume industriel à ce
moment-là. Disons qu'il peut y avoir plusieurs points de distribution
qui peuvent desservir au niveau local, mais ils n'ont pas un volume important
global.
M. Baril: O. K.
M. Beaudoin: Encore aujourd'hui, la majorité des
consommateurs et des consommatrices, et même particulièrement les
gens à revenu faible et modeste, ce sont des gens qui achètent
à l'épicerie, au dépanneur ou au supermarché des
pains de marques chaînes ou de marques privées et qui sont
produits à une échelle industrielle même s'il se
développe depuis quelques années des petites boulangeries, soit
dans les supermarchés, soit ailleurs pour des produits un petit peu plus
peut-être sophistiqués ou plus frais. Encore aujourd'hui, c'est la
réalité de la majorité des gens.
M. Baril: ça veut dire que la plupart du pain est produit
par le même fabricant mais distribué sur un autre nom, c'est
ça que vous voulez dire?
M. Beaudoin: Ah bien, c'est évident que Multimarques,
ça s'appelle Multimarques ce n'est pas pour rien, je veux dire, c'est
clair. Il y a énormément de marques suite à des fusions,
à des acquisitions etc.. Et d'ailleurs, si on a bien compris, la
compagnie Multimarques, semble-t-il, a l'intention de. poursuivre cette
politique-là pendant un bon bout de temps, ce qui fait qu'il y a
beaucoup de consommateurs et de consommatrices au Québec qui ne savent
pas concrètement, parce que ce n'est pas tout le monde qui lit le
détail sur l'emballage, qui ne savent pas nécessairement que le
pain qu'ils mangent sous différentes marques, ça vient du
même producteur.
M. Baril: Vous avez dit, tout à l'heure, que vous
n'attendez pas grand-chose de la loi sur la coalition. Est-ce parce que vous
avez déjà essayé de faire quelque chose avec cette
loi-là, ou bien ça rien donné ou quoi? Vous avez
parié tout à l'heure que c'était vague, là.
M. Dagenais: La loi sur la politique de la concurrence, c'est que
la loi, somme toute, a été modifiée en 1986 et un de ses
mandats, finalement, c'est de favoriser l'adaptation des marchés
à la concurrence extérieure. Donc, elle admet la
possibilité d'une plus forte concentration au pays. Dans le cas de
Multimarques, la fusion a été réalisée en 1985 et
la loi ne peut plus s'appliquer. Après trois ans, la loi ne peut pas
s'appliquer à des entreprises dans la mesure où ces
entreprises-là ne commettent pas des fautes importantes relativement
à la loi, au complot, etc.
M. Beaudoin: Cependant, on a demandé au bureau de la
concurrence d'examiner les dernières acquisitions de Multimarques, comme
par exemple POM dans la région de Montréal, sauf que le bureau de
la concurrence a l'air de penser que c'est... Bien c'est justement, ce n'est
pas des grosses affaires, ce n'est pas aussi gros que Texaco ou Esso, par
exemple. Alors pour eux autres, ce n'est pas quelque chose de très
urgent ou de très prioritaire et ils avaient déjà, au
préalable, examiné cette dernière acquisition ou cette
avant-dernière acquisition de Multimarques avec POM et ils
considéraient que ce n'était pas nécessairement
problématique, justement suite à la nouvelle philosophie,
effectivement, de se dire, au fond: oui, ce n'est pas trop grave qu'il y ait
une augmentation de la concentration dans
certains secteurs. Dans certains cas, comme Texaco et Esso, on va
obliger la fermeture de certains lieux de distribution là, mais pour des
choses qui ne sont pas des milliards de dollars, le Bureau de la concurrence
n'a pas l'air à vouloir bouger énormément et, d'ailleurs,
tout dépendant des cas, mais, il y a beaucoup d'intervenants qui
considèrent que le Bureau de la concurrence actuellement, en tout cas,
n'utilise pas beaucoup ses dents mais plutôt ses lèvres, mais
enfin bref, ce n'est pas très très fort en
général.
M. Dagenais: En clair, c'est la continuité de la politique
économique conservatrice, je pense. C'est clairement ça.
Ça été vraiment modifié pour répondre aux
besoins...
M. Beaudoin: ...leurs dents de scie ces temps-ci.
M. Baril: On a déjà vu que, quand c'était
trop gros aussi, ils laissaient faire pareil parce qu'ils disaient que
c'était trop gros, que ça ne nuisait pas plus, hein!
Moi, je vous remercie de la présentation et j'espère que
le ministre tiendra compte, je ne veux pas dire de toutes vos propositions ou
suggestions, en tous les cas, qu'il en retiendra quelques-unes pour
améliorer le projet de loi parce que ce projet de loi, ça fait
plusieurs années qu'il existe. Il a été amendé en
1973, je crois, en 1974, ça fait qu'on s'en va sur 20 ans. Si on
établit un projet de loi encore pour les 20 prochaines années, il
faut essayer de voir, planifier et penser, réfléchir pour les 20
prochaines années et ce n'est pas facile parce que dans
l'évolution, tant de l'agriculture que de tout le secteur
agro-alimentaire, ce n'est pas facile de planifier et prévoir pour les
20 prochaines années. Je vous remercie.
M. Pagé: Merci, messieurs dames.
Le Président (M. Richard): Merci beaucoup. Sur ce,
puisqu'on vient de discuter du pain, ça aiguise notre appétit,
alors nous suspendons les travaux. La commission reprendra ses travaux à
16 heures ou vers 16 heures, 16 h 15 cet après-midi. Bon appétit,
mesdames et messieurs. Merci d'avoir été là.
Une voix: Merci de votre attention.
Le Président (M. Richard): Vous êtes bien
aimables.
(Suspension de la séance à 13 h 31)
(Reprise à 16 h 26)
Le Président (M. Richard): Mesdames, messieurs, la
commission reprend donc ses travaux. Nous recevons l'Association
québécoise de l'industrie de la pêche. Vous vous
identifiez, le premier qui prend la parole, et vous présentez votre
collègue. Par la suite, vous avez 20 minutes maximum pour
présenter votre opinion ou votre mémoire. À la suite de
ça, nous aurons le questionnement de part et d'autre. Vous avez la
parole, monsieur.
M. Grenier (Donald): Donald Grenier.
Le Président (M. Richard): Excusez, M. Grenier. M. le
député d'Arthabaska, porte-parole officiel, avait l'intention,
peut-être, de poser quelques questions à M. le ministre,
auparavant. Est-ce que ça vous conviendrait?
M. Pagé: Immédiatement après.
M. Baril: Immédiatement après? C'est comme vous
voudrez. C'est parce que tout à l'heure vous m'avez signalé que
peut-être vous seriez obligé de vous absenter rapidement.
M. Pagé: Oui, mais immédiatement après quand
même; immédiatement avant que je quitte.
M. Baril: C'est bien. Je suis patient.
Le Président (M. Richard): c'est de la régie
interne, là. vous voyez que les deux partis sont très bien
disposés. alors, vous avez la parole, monsieur.
Association québécoise de l'industrie de
la pêche
M. Grenier: Donald Grenier, président de l'AQIP. Je vous
présente Me Joli-Coeur, mandaté pour représenter les
industriels de la pêche. M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés et M mes les députées, mesdames et
messieurs, l'association québécoise des industriels de la
pêche que nous représentons aujourd'hui regroupe les principales
entreprises du domaine de la transformation des produits de la pêche au
Québec. Notre Association a choisi d'intervenir dans cette commission
parlementaire qui étudie le projet de loi sur la mise en marché
des produits agricoles et alimentaires à l'invitation du ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Michel Pagé,
à l'occasion de notre congrès de janvier dernier. Cette
invitation nous a suggéré que le ministre songeait
peut-être à étendre le projet de loi aux pêches
commerciales.
Aussi, avons-nous tenté d'examiner ce projet de loi comme s'il
s'appliquait au domaine des pêches commerciales. Par exemple, nous
lirions d'entrée de jeu l'article 3 en ajoutant l'expression "produits
bioaquatiques" à "produit agricole". Plus loin, dans le même
article, nous
ferons comme si l'on ajoutait à la définition
de "produit agricole" l'expression "pêches commerciales". La
définition se lirait ainsi: tout produit de l'agriculture, de
l'horticulture, de l'aquiculture, des pêches commerciales, de
l'aviculture, etc."
L'exercice n'est pas inutile. À l'instar du secteur
agricole, le milieu des pêches commerciales gagnerait à une
concertation entre les producteurs, transformateurs et divers autres
intermédiaires. Si nous sommes d'accord sur ce principe
général de concertation, les modalités de son application
auront à être étudiées de très
près.
C'est que le secteur des pêches commerciales, vous en conviendrez,
manque encore d'organisation. Il ne sera pas nécessairement facile de
structurer des mécanismes de concertation. Depuis des années,
voire des siècles, il a fallu à ceux qui vivaient de cette
industrie un fort sentiment d'individualisme pour survivre, même si
aujourd'hui, en vertu des changements intervenus dans la structure
économique du Québec et du monde, la situation commande au
contraire de se concerter pour non seulement survivre mais
prospérer.
L'industrie de la pêche se trouve depuis longtemps
dans une situation dominée par deux problèmes essentiels:
l'approvisionnement en amont et la mise en marché en aval. Ces
problèmes de mise en marché sont rendus d'autant plus complexes
que 80 % de la production québécoise est exportée. Si les
médias font abondamment état de la situation dans les provinces
maritimes, la situation n'en est pas moins préoccupante au
Québec. Bien au contraire. L'industrie de la transformation vit une
situation beaucoup plus grave que celle des Maritimes. Elle ne peut compter,
elle, sur aucun accès à la zone de 200 milles. Cette situation
profondément injuste vient du fait qu'encore une fois le gouvernement
fédéral a refusé aux pêcheurs du Québec cet
accès à la zone de 200 milles en dépit des pressions
multiples exercées par le gouvernement du Québec. Compte tenu du
nombre des usines au Québec et de la rareté de la ressource, nous
sommes d'accord avec la volonté du Québec d'aller de l'avant avec
un projet d'approvisionnement à partir de la zone de 200 milles ou par
le moyen de participation de "joint venture" avec des flottes
étrangères.
Les entreprises de transformation des produits de la
pêche sont engagées dans une course contre la croissance des frais
fixes et variables. Blés se battent contre l'irrégularité
et la "saisonnalité" des approvisionnements. La précarité
des usines entraîne celle de l'emploi et celle des conditions de travail.
Les fortes variations internationales des prix de vente, de même que la
rareté des espèces entravent toute planification. Il est
difficile, dans ce contexte, d'investir dans la recherche-développement
qui n'en demeure pas moins essentielle dans un contexte de concurrence qui
s'internationalise.
Nous convenons qu'il faut une rationalisation de
l'industrie de la pêche. Dans ce contexte, nous croyons que le
modèle de l'agriculture pourrait s'appliquer. Ce modèle a
l'avantage d'avoir plus de 30 ans; 30 années au cours desquelles on l'a
mis en place, rodé et ajusté aux différentes
réalités. Il a aussi le désavantage d'avoir 30 ans;
voilà pourquoi on veut le modifier par ce projet de loi, notamment en ce
qui a trait aux chambres de coordination et de développement qu'en
d'autres pays on nomme à bon escient "chambres interprofessionnelles".
Ce modèle, donc, pourrait, a priori, s'appliquer, avec toutefois
plusieurs réserves. Voilà pourquoi nous souhaitons avoir
l'occasion d'une réflexion nouvelle sur le même projet de loi qui
serait modifié de manière à tenir compte du domaine des
pêches. Il faudrait une nouvelle commission parlementaire qui se penche
sur la production et la mise en marché des produits de pêche
commerciale.
À défaut d'une réflexion plus longue,
permettez-nous de suggérer quelques amendements qui seraient
souhaitables si l'on décidait d'inclure les pêches commerciales
dans ce projet de loi. Disons tout de suite que, de façon
générale, nous sommes d'accord avec l'économie
générale du projet de loi, notamment au chapitre de la
nécessité d'une concertation. Il faudrait simplement l'adapter en
fonction des réalités du monde de la pêche. plans
conjoints. nous en sommes conscients, le projet de loi est issu d'abord et
avant tout dune situation qui existe dans le monde agricole. s'agissant des
plans conjoints, il est difficile de les établir dans un domaine
où le faible poids de notre industrie nous force à subir les
fluctuations des prix sur les marchés internationaux. il est difficile
de les établir dans un domaine où la libéralisation des
échanges rend plus difficile une gestion de l'offre. la récente
décision du tribunal sur le libre-échange qui permet aux
américains, en colombie-britannique, de venir chercher à quai 25
% de la production du saumon le montre bien. nous croyons que, dans un contexte
de systèmes de prix internationaux, il est difficile de mettre en place
un système de gestion de l'offre. l'internationalisation de la
concurrence sape les fondements de ce système des plans conjoints au
rythme des accords de libéralisation des échanges comme l'accord
canado-américain ou les ententes dans le cadre des négociations
du gatt.
Tout système de gestion des approvisionnements est
menacé par les ententes qui pourraient survenir dans le cadre du GATT si
la proposition américaine visant l'abolition de toute forme de
restriction au commerce international des produits agricoles était
acceptée. Les producteurs de pêches commerciales qui se doteraient
d'un système de gestion de l'offre seraient menacés par la
disparition de l'article XI du GATT. Cet
article permet de limiter l'importation d'un bien lorsqu'on soumet sa
production intérieure à un système de quotas. Ainsi,
même si le système des plans conjoints peut être
intéressant pour le domaine des pêches, il ne devrait pas, s'il
était appliqué, engendrer une fausse sécurité qui
permettrait à l'industrie de s'assoupir.
Par ailleurs, le système des plans conjoints au Québec,
dans la mesure où il vise à contrôler l'offre de produits,
ne peut être efficace que s'il est constitué en système
clos. Il n'est efficace que si l'importation des produits est
contrôlée. Cela implique d'étendre le système
à l'échelle du pays. Les pêcheurs deviendraient
dépendants de ce qui se passe dans les autres provinces avec lesquelles
ils doivent partager le marché canadien. Ils devraient s'entendre sur
une répartition des quotas de production avec les autres provinces
où se pratique la pêche.
Le système des plans conjoints ne peut subsister à
l'échelle canadienne que si le gouvernement fédéral s'en
tient rigoureusement à une politique d'équité envers tous
les producteurs canadiens. Nous ne croyons pas qu'une telle
équité dans le domaine des pêches puisse exister, comme le
montrent les résultats des efforts du gouvernement du Québec pour
permettre un accès des pêcheurs québécois à
la zone de 200 milles.
En outre, nous l'avons dit, le modèle est emprunté au
monde agricole. Le fait que le monde agricole était déjà
structuré lors de l'adoption des plans conjoints en a grandement
facilité l'administration. Le développement du système des
plans conjoints a été grandement influencé par l'existence
de l'Union des producteurs agricoles, l'UPA. Nous poursuivons notre
réflexion sur la capacité qu'aurait le monde des pêcheries
de se structurer dans la même mesure.
Enfin, des plans conjoints qui s'appliqueraient à la pêche
ne représenteraient tout de même qu'une fraction de la
chaîne alimentaire qui sera toujours essentielle, la production, mais
dont l'importance relative s'amenuise au plan économique au profit de la
valeur ajoutée, de tout le travail de transformation et de distribution
en aval, qui prennent de plus en plus d'importance.
Par conséquent, les articles 24 à 42 du projet de loi nous
sembleraient peu applicables à notre situation puisque nous sommes
sceptiques quant à la viabilité à long terme des plans
conjoints dans le domaine des pêcheries. C'est tout le chapitre IV du
projet de loi qu'il faudrait enlever ou modifier si l'on devait un jour
appliquer ce dernier au domaine des pêcheries.
Les offices de producteurs. Même si nous estimons difficile, voire
périlleuse, l'application de plans conjoints dans le domaine des
pêches commerciales, il serait intéressant de structurer la
production en équivalents des offices de producteurs.
Indépendamment des plans conjoints, nous serions d'accord avec la
mise sur pied d'équiva- lents d'offices de producteurs qui devraient
être représentatifs à la fois du secteur de pêche et
du type de permis relatif à la nature de la pêche. Comme organisme
représentatif de transformateurs, nous ne nous opposons pas à la
création d'offices de producteurs, même s'ils n'avaient aucun plan
conjoint à administrer, puisque nous aurions des interlocuteurs
représentatifs du côté des producteurs, ce qui rendrait la
concertation plus facile.
Nous souhaiterions particulièrement que les producteurs se
regroupent selon chacun des quatre secteurs que sont les poissons de fond, les
crustacés, les ressources pélagiques et les espèces
sous-exploitées dans des offices de producteurs. Cela irait dans le sens
de la volonté globale que nous partageons avec le gouvernement de
regrouper les détenteurs de permis. Un pêcheur pourrait être
membre de plus d'un office, s'il oeuvre dans des produits variés.
Dans les pays qui ont la réputation d'être les plus
avant-gardistes, on reconnaît l'intérêt qu'il y a à
renforcer le caractère professionnel des associations de pêcheurs
pour qu'ils puissent être associés graduellement à divers
processus de prises de décision relatifs à la gestion de la
ressource, à l'administration et à la gestion des unités
de pêche, à la mise sur pied de syndicats de gestion, au
financement, etc. "L'examen des pêcheries dans les pays membres de
l'Organisation de coopération et de développement
économiques, l'OCDE, lit-on dans la proposition de plan d'action
1990-1993 pour le développement des pêches et de l'aquiculture,
démontre que les pêcheurs trouvent intérêt à
s'organiser en association professionnelle mandatée de véritables
pouvoirs de représentation et appuyée d'un personnel
compétent."
Par ailleurs, plusieurs se sont penchés sur la possibilité
de mettre en place des mécanismes pour régulariser les
fluctuations des revenus des pêcheurs liées soit à des
variations dans la disponibilité des ressources, soit à des
oscillations de prix sur les marchés internationaux. Toutefois, un tel
objectif implique l'existence d'organisations à la fois
représentatives du milieu, fortes et structurées.
Nous aimerions cependant discuter davantage des modalités de la
formation des offices de producteurs. Par exemple, l'article 24 du projet de
loi, au chapitre IV sur les plans conjoints, prévoit que 10 producteurs
intéressés ou plus peuvent transmettre à la Régie
un projet de plan conjoint pour la mise en marché d'un produit agricole
provenant d'un territoire désigné ou destiné à une
fin spécifiée ou à un acheteur déterminé.
L'article 27 précise ensuite que le projet de plan ainsi formé
doit indiquer la composition de l'office qui sera chargé d'appliquer le
plan.
Indépendamment des plans conjoints, nous sommes d'avis que les
offices de producteurs devraient représenter un nombre suffisant de
producteurs pour que leur production représente plus
de 50 % du volume total des débarquements dans leur secteur, ce qui est
essentiel à leur représentativité. Les dispositions
actuelles du projet de loi - un minimum de 10 producteurs - pourraient faire en
sorte qu'un petit groupe forme un office de producteurs dont les
décisions auraient un impact sur la majorité sans que celle-ci
ait réellement été consultée. Dans le monde
agricole, les offices de commercialisation par produit représentent tous
les producteurs sans exception.
Pour cette raison, l'article 24 devrait être
modifié. Les articles 43 à 46, de même que les articles 50,
51, 56, 59, 60 à 67, 74 à 78, 81 à 95, 99 à 110
devraient être modifiés pour rendre compte de la
possibilité qu'un office de producteurs puisse exister
indépendamment d'un plan conjoint. Toute référence au plan
devrait être tempérée en soulignant clairement cette
dernière possibilité pour le monde des pêches, ce qui
laisse sous-entendre une nouvelle formulation du projet de loi.
Les chambres de coordination et de développement.
Une fois la production plus structurée, il faudrait se pencher sur la
possibilité d'intégrer les transformateurs en ajoutant un palier
supplémentaire, un mécanisme additionnel pour impliquer tous les
acteurs d'une chaîne alimentaire qui s'est singulièrement
allongée au cours des dernières années. Aujourd'hui, les
marchés sont à l'échelle internationale, la concurrence
est mondiale et les entreprises sont de plus en plus concentrées et
intégrées. Parallèlement, les marchés sont de plus
en plus sophistiqués, les produits vendus en bout de ligne
intègrent de plus en plus de valeur ajoutée et leur mise en
marché est souvent déterminante dans leur succès
auprès des consommateurs dont les goûts sont plus
diversifiés et plus raffinés. Les transformateurs et les
distributeurs ont un rôle de plus en plus important dans cette
chaîne agro-alimentaire qui va de la mer à la table, pour
pasticher une expression qui a, un temps, été chère au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
Le développement des pêches passe aujourd'hui
par nous aussi, industriels, qui assumons la transformation. Le système
de mise en marché ne peut donc plus fonctionner en vendant au plus haut
prix possible le produit brut sans tenir compte des étapes suivantes,
notamment la mise au point d'un produit attrayant de deuxième et de
troisième transformation. Notre comportement à nous, entreprises
de transformation, sera crucial pour que les produits de la pêche
répondent aux goûts, à des prix compétitifs sur les
marchés internationaux. Nous devons donc participer pleinement au
processus de négociation visant une mise en marché efficace sur
les marchés de Tokyo, de Boston et de Barcelone. Face à la
compétitivité mondiale, nous n'avons d'autre choix que la
concertation. On ne peut s'ignorer. La qualité et les prix des produits
agricoles et alimentaires reposent sur cette concertation soutenue entre
transformateurs et ceux qui les approvisionnent. (16 h 45)
Aussi, le modèle des offices de production, s'il
devait un jour s'appliquer au domaine des pêches, serait incomplet sans
un autre forum où tous Ies échelons puissent prendre des mesures
communes. Nous serions heureux d'être associés à ce futur
travail de concertation et de discussion au sein d'une structure simple et
efficace représentant une industrie enfin vue dans sa vraie perspective,
celle d'une chaîne ininterrompue dont tous les maillons sont
interdépendants et ont un intérêt de tous les instants
à se consulter.
L'article 111 du projet de loi prévoit que "les
offices, associations ou autres personnes intéressées à la
production ou à la mise en marché d'un produit agricole peuvent
s'entendre pour demander à la Régie de former une chambre de
coordination et de développement concernant la production ou la mise en
marché de ce produit. " Nous serions d'accord avec ce concept de chambre
de coordination. De plus, nous aimerions préciser le terme "autres
personnes" pour y inclure les courtiers, les grossistes, les distributeurs et
d'autres acteurs du domaine de la commercialisation. Il importe de faire en
sorte que les membres de l'organisme reflètent les préoccupations
de toute la chaîne agro-alimentaire. Selon nous, il pourrait y avoir
autant de chambres de coordination et de développement qu'il y a de
secteurs de la pêche commerciale et qu'il y a de permis liés
à la nature de la pêche.
Le troisième alinéa de l'article 112 du
projet de loi prévoit qu'une chambre de concertation et de
développement peut notamment "préparer, financer ou administrer
des programmes de recherche, d'amélioration de qualité, de
promotion, de publicité ou de vente du produit visé. " Selon
nous, ces chambres de coordination et de développement devraient
être essentiellement consultatives. À ce titre, elles ne devraient
pas, du moins à court terme, être engagées dans des
programmes de vente de produits. Nous serions plutôt d'accord avec
l'article 122 qui prévoit qu"une chambre ne peut faire le commerce ni
s'engager dans la transformation d'un produit agricole. " Même s'il
existe des nuances entre l'idée d'administration de programmes de vente
évoquée à l'article 112 et l'action de faire du commerce
dont parle l'article 122, nous aimerions attirer votre attention sur le fait
qu'il y a apparence de contradiction.
Même si des chambres de coordination et de
développement dans le domaine des pêcheries ne devraient
être, au départ, que consultatives, il appartient par la suite
à leurs membres de décider ou non de leur ajouter au besoin un
certain nombre de pouvoirs. La concertation au sein des chambres pourrait
éventuellement
amener l'élaboration d'une véritable stratégie de
développement, tant sur la nature, la qualité de produits que sur
les normes et les modes de mise en marché. Elle pourrait favoriser
à long terme un maillage des entreprises de production, de
transformation et de distribution. La concertation au sein des chambres
pourrait déboucher sur une négociation de prix. La
négociation devrait alors se faire pour chacun des secteurs et des
permis liés à la nature de la pêche et non pas sur une base
géographique. Les prix négociés au sein des chambres
pourraient être ajustés en. fonction des prix de vente nationaux
et internationaux. En conséquence, dans la perspective d'un projet de
loi qui s'appliquerait au domaine des pêches, nous endosserions les
articles 111 à 123, avec la réserve exprimée au
troisième alinéa de l'article 112 sur l'administration de
programmes de vente du produit visé.
Certains pouvoirs de la Régie. Quelques mots sur la Régie
des marchés agricoles. Dans le cas où la législation
concernant la mise en marché de produits agricoles engloberait le
secteur des pêches et viendrait réglementer des offices de
producteurs agricoles et un système d'ententes administré par des
chambres de coordination et de développement regroupant tous les acteurs
dans la chaîne alimentaire, le rôle de la Régie des
marchés agricoles serait substantiellement élargi. Nous serions
d'accord avec le fait que les responsabilités de la Régie
s'étendent aux décisions qui pourraient être prises par les
chambres de concertation et de développement. Cela pourrait contribuer
de façon significative à élever et à standardiser
la qualité des produits apportés au marché par les
producteurs agricoles et à régulariser les prix.
Concernant certains pouvoirs de la Régie, nous aurions un
principe général à défendre: il faudrait
éviter que les structures mises en place aient un effet négatif
sur la rentabilité des entreprises. Si les interventions d'un
régime ou d'un office interféraient avec des règles de
marchés qui ne sont pas contrôlés au Québec, nos
entreprises risqueraient d'être rapidement éconduites de ces
marchés.
Conclusion. L'objectif à atteindre lorsqu'il s'agit du secteur
des pêches, c'est le développement d'un secteur économique
stable. Il faut une stabilité et une diversité des
approvisionnements, de nouveaux produits, une utilisation des résidus,
des sous-produits et des rejets, le développement de la seconde et de la
troisième transformations, de nouvelles technologies qui
réduisent le coût et augmentent la qualité et la
diversité des produits. Tout cela nécessite une mentalité
nouvelle qui s'incarne dans des structures nouvelles.
Il faut, en bout de ligne, une industrie rationalisée et
structurée pour faire face aux défis à venir. C'est
pourquoi nous sommes tout à fait heureux que le ministre se penche sur
l'industrie de la pêche. Nous le remercions de son intérêt
et nous lui offrons toute notre collaboration pour être associés
au processus d'étude et d'élaboration d'un projet de loi qui
inclurait tout le domaine des pêcheries, de la production à la
distribution. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, M. Grenier. M. le
ministre.
M. Pagé: Merci, M. Grenier, Me Joli-Coeur. M. le
Président, compte tenu que je dois reconnaître qu'à
plusieurs reprises au cours des travaux de cette commission j'ai
peut-être dépassé le temps qui m'était imparti,
compte tenu que la coutume veut que ce soit le ministre qui pose les questions
en premier, par déférence pour mes collègues de
l'Opposition, je vais leur céder la parole en premier et je reviendrai
par la suite. Ça témoigne d'une volonté de collaboration
très étroite entre la loyale Opposition de Sa Majesté et
le gouvernement.
M. Baril: Vous êtes d'une gentillesse remarquable, surtout
à la lecture de ce dernier mémoire de toute la commission. De
toute façon, nous apprécions cette marque de délicatesse
envers nous et, immédiatement, je vais passer la parole au responsable
des pêches, M. le député de Duplessis.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Duplessis, vous avez la parole.
M. Perron: Merci, M. le Président. Bien sûr, je vais
remercier le ministre pour sa grande collaboration.
M. Baril: Aïe, ne recommence pas! Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Perron: Pour ceux et celles qui m'ont entendu ce matin, mon
collègue d'Arthabaska est inquiet des paroles que je vais prononcer
à l'endroit du ministre.
M. Pagé: Est-ce que le député de Duplessis
pourrait répéter, parce qu'on a la chance d'avoir Radio-Canada de
la région maritime avec nous?
M. Perron: M. le Président, Radio-Canada ou non, je ne
répéterai pas ce que j'ai dit ce matin.
Le Président (M. Richard): Ce qui est dit reste dit, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Ce qui est dit reste dit et, s'il y en a qui veulent
le voir, ils ont juste à regarder la transcription de la commission
parlementaire.
M. le Président, je vous dis bien humblement qu'il est
extrêmement difficile de poser un ensemble de questions, que ce soit
à n'importe quel groupe qui se présente devant nous au
niveau des pêcheries, puisque nous n'avons pas encore devant nous
le libellé des articles de la loi qui vont être apportés
par le ministre de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation dans
les prochaines semaines. cependant, il reste que votre mémoire
mérite d'être commenté, d'une part. d'autre part, j'aurais
plusieurs questions à vous poser en rapport avec certains écrits
que vous avez dans votre mémoire. ce que moi, j'ai retenu - on me
corrigera si je n'ai pas raison par rapport au mémoire que vous venez de
présenter par le biais de votre association québécoise de
l'industrie de la pêche - c'est que l'aqip suppose que le gouvernement
s'apprête à intégrer les pêches commerciales aux
produits couverts par le projet de loi 15 et que l'article 3 de la loi verrait
l'expression "produits bioaquatiques" s'ajouter à celle de produits
agricoles, et que ces derniers comprennent les pêches commerciales, bien
sûr.
L'AQIP admet que "le milieu des pêches commerciales gagnerait
à une concertation entre producteurs, transformateurs et divers autres
intermédiaires." Ça, vous le mentionnez en bas de la page 1.
Cependant, l'AQIP rejette l'application de plans conjoints aux producteurs dans
la mesure où "le faible poids - et ça, c'est vous qui le
mentionnez à la page 3 - de notre industrie nous force à subir
les fluctuations des prix sur les marchés internationaux" et où
80 % de la production est exportée. L'AQIP ne s'oppose toutefois pas
à la création d'offices de producteurs regroupés par type
de produits; donc, ça veut dire par type de permis, sans plan conjoint
à administrer. Ces offices devraient cependant représenter "plus
de 50 % du volume total des débarquements" pour être
considérés comme représentatifs.
L'AQIP est fortement en faveur de la création de chambres de
coordination, comme le prévoit le nouveau projet de loi, à titre
consultatif et ce, encore une fois, afin d'améliorer la
concertation.
Dans votre mémoire vous parlez, bien sûr, à la page
2, puis je viens directement là-dessus, de la zone de 200 milles et vous
mentionnez ce qui suit: "L'industrie de la transformation vit une situation
beaucoup plus grave que celle des Maritimes", parce qu'on sait que les
Maritimes ont accès à la zone de 200 milles. "Elle ne peut
compter, elle, sur aucun accès à la zone de 200 milles. Cette
situation profondément injuste vient du fait qu'encore une fois le
gouvernement fédéral a refusé aux pêcheurs du
Québec cet accès à la zone de 200 milles en dépit
des pressions multiples exercées par le gouvernement du Québec.
Compte tenu du nombre des usines au Québec et de la rareté de la
ressource, nous sommes d'accord avec la volonté du Québec d'aller
de l'avant avec un projet d'approvisionnement à partir de la zone des
200 milles ou par le moyen de participation de "joint venture" avec des flottes
étrangères."
Se rapportant à la question de la zone de 200 milles, je
répète ce que j'ai déjà dit aux anciens ministres
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, c'est-à-dire
au secteur des pêcheries, à l'effet qu'on avait
déjà, en tant que gouvernement, accès à la zone de
200 milles par le biais de deux bateaux qu'on appelait le Kristina Logos et le
Lumaaq, tout le monde le sait. Par la vente de ces bateaux à des
industries qui sont de l'extérieur du Québec, actuellement, on a
perdu le pied, on a perdu la porte qui était ouverte dans la zone de 200
milles. Quant à la volonté du ministre actuel se rapportant
à la zone de 200 milles par rapport au gouvernement
fédéral, je ne remets pas cette volonté en question, mais
ce que je peux vous dire, c'est que je remets en question la volonté des
deux ministres qui l'ont précédé au niveau des
pêcheries, parce qu'il n'y avait vraiment pas de volonté politique
qui était exprimée, puis la bataille n'a pas été
forte; la bataille a plutôt été faite à quatre
pattes face au gouvernement fédéral, plutôt que de la faire
de façon concrète et avec des bons arguments, puis de revenir
à la charge systématiquement. Ça, ça n'a pas
été fait, puis j'espère que l'actuel ministre de
l'Agriculture va se diriger dans ce sens-là, c'est-à-dire
être ferme avec le gouvernement fédéral, comme il l'a
démontré ce matin face à la question du crabe, puis
j'espère que ça va être la même chose aussi dans le
domaine de la crevette, puis dans le domaine de la zone de 200 milles.
Être très ferme face au gouvernement fédéral, parce
que ça nous prend des permis pour approvisionner nos usines et, de plus,
pour faire travailler les pêcheurs et, de plus, pour mettre au travail
les travailleurs et les travailleuses d'usine qui sont actuellement devant une
impasse.
En conclusion sur la question des 200 milles, qu'on se rappelle tous les
efforts qui ont été faits par le consortium Nova Nord qui a
reçu, bien sûr, l'appui du gouvernement, dans le temps, mais
où ça n'a pas été beaucoup plus loin qu'un appui
très minime et très peu fort pour en arriver a des conclusions
qui étaient importantes pour alimenter nos industriels
québécois.
Quant à la concertation - je vais passer à mes questions
par la suite - il y a quelque chose que je ne comprends pas dans votre
document. Vous parlez de la concertation, je suis parfaitement d'accord avec la
concertation, mais, dans l'ensemble, vous semblez exclure toujours - je ne sais
pas si c'était voulu ou si vous l'avez oublié - la
présence des pêcheurs sur des groupes décideurs. Je
voudrais bien qu'on m'explique ça: sur des groupes décideurs.
Parce que, pour moi, le domaine des pêcheries, ça concerne le
gouvernement, ça concerne les industriels, ça concerne les
syndicats, les associations de travailleurs et de travailleuses au niveau des
usines, ça concerne les travailleurs et les travailleuses qui n'ont pas
d'association représentative syndicale et ça concerne aussi les
pê-
cheurs, que ce soit les pêcheurs côtiers ou les
pêcheurs hauturiers. Puis, il me semble que, si on fait de la
concertation, on la fait avec tout le monde, puis on ne laisse pas du monde de
côté. C'est ce que je ressens dans votre document et j'aimerais
bien avoir une réponse, d'abord, sur cette question.
M. Grenier: Je dois vous spécifier qu'en tant que
président de l'AQIP je représente l'ensemble des producteurs,
mais je suis moi-même, à l'origine, un pêcheur. Donc, dans
le dossier qui a été pondu, nous, quand on parle de concertation,
on parle de l'industrie de la pêche. On sait très bien que tous
les maillons de la chaîne doivent être rassemblés pour
fonctionner. Si les pêcheurs n'en font pas partie, les industriels de la
pêche que je représente ne pourraient pas se permettre
d'évoquer... Dans l'esprit des industriels de la pêche, lorsqu'on
parte d'approvisionnement, on parie d'entente, de concertation. Je crois,
même je suis sûr que les industriels de la pêche parlent du
premier maillon à aller jusqu'au dernier maillon. Notre "rapport" n'y
fait peut-être pas allusion très directement, mais lorsqu'on parle
de concertation de la pêche, on veut dire à l'origine
jusqu'à la mise en marché, pour la concertation des produits
marins. (17 heures)
M. Perron: M. le Président, j'en viens à une autre
question. Dans le cas des plans conjoints, vous avez mentionné, et c'est
votre droit, que vous étiez contre la mise en place de plans conjoints
au niveau des pêcheries et c'était surtout dû au fait que
tout système de gestion des approvisionnements est menacé par les
ententes qui pourraient survenir dans le cadre du GATT"; là, on se
reporte à l'article XI. Est-ce que vous pourriez élaborer
davantage sur la question de l'article XI du General Agreement on Tarifs and
Trade, le GATT, pour nous dire de quelle façon vous voyez les
problèmes qui pourraient survenir en rapport avec les plans conjoints,
s'ils sont appliqués?
M. Grenier: Je vais demander à Me Joli-Coeur de vous
répondre étant donné qu'il a très fortement
étudié le dossier avant de le transcrire. Il serait
peut-être plus opportun pour moi de lui céder la parole.
M. Joli-Coeur (André): M. le député de
Duplessis, vous dites que c'est avant tout à cause de l'article XI des
accords du GATT, alors que nous avons surtout insisté sur le fait que
c'est à cause du contrôle extérieur, effectivement, de
notre marché qu'on était contre les plans de mise en
marché.
M. Perron: L'exportation.
M. Joli-Coeur: Essentiellement, nous croyons difficilement viable
un plan de mise en marché où nos produits sont essentiellement
exportés et où ce qui est ici consommé est essentiellement
importé. Ce n'est pas dit dans notre mémoire, effectivement, que
ce qui est consommé ici est essentiellement importé, mais c'est
aussi le cas. Alors, ce sont les deux côtés de la médaille
qui font que c'est, à toutes fins pratiques, Impossible, selon nous,
d'avoir un plan conjoint efficace lorsque, d'une part, la production est
exportée et que, d'autre part, ce qui est consommé est
importé. C'est essentiellement ça.
Quant à la référence à l'article XI des
accords du GATT, je vous réfère au contenu d'un document
gouvernemental qui est la proposition de plan d'action 1990-1993 sur le
développement des pêches et de l'aquiculture, document qui vous
est sûrement disponible, document qui vient du ministère de
l'Agriculture du Québec, où on explique effectivement l'incidence
de l'article XI du GATT implicitement sur les plans conjoints.
M. Perron: Maintenant, tout le monde sait qu'actuellement
l'Alliance des pêcheurs, donc la grande majorité des
pêcheurs, s'est prononcée en faveur des plans conjoints. D'autre
part, nous savons très bien qu'un marché qui comporte
actuellement 80 % en exportations, ça peut changer de bord s'il y a des
plans conjoints qui se tiennent debout. Il y a des possibilités,
à ce moment-là, de renverser la vapeur avec les années,
avec le temps, pour que la production de nos usines puisse se faire, mettons
50-50, autant sur le marché international que sur le marché local
du Québec et dans d'autres provinces canadiennes; je pense que
ça, c'est faisable. En tout cas, c'est l'explication que je donne
à la position des pêcheurs.
Il y a une quatrième question que je voudrais vous poser.
Ça a rapport, en quelque sorte, avec l'AQIP et aussi ça a rapport
avec SOCOMER. SOCOMER est une société qui, actuellement, est
formée, qui est subventionnée par le gouvernement du
Québec, où les industriels de la pêche s'impliquent
financièrement dans le cadre du budget administratif. Est-ce que vous
pourriez me dire quels sont les industriels qui font partie de SOCOMER,
actuellement?
M. Grenier: Actuellement, la liste des membres de SOCOMER, je ne
la possède pas. Je crois qu'il y a quand même quelques industriels
qui en font partie et peut-être dans l'avenir plusieurs autres peuvent en
faire partie. Ce sont toutes des choses dont... Dans ce que nous venons de
déposer, nous exprimons la volonté de nous asseoir et de
négocier avec le ministère pour joindre des groupes de
commercialisation comme SOCOMER. Mais définitivement, notre "rapport"
démontre que nous tenons à en discuter auparavant.
M. Perron: Maintenant, pourriez-vous me
dire, au moins, combien d'industriels font partie de SOCOMER?
M. Grenier: Je crois que c'est cinq industriels, actuellement.
Cinq ou six.
M. Perron: Cinq industriels qui en font partie et qui
détiennent combien de marché?
M. Grenier: Écoutez, c'est très difficile pour moi,
ne connaissant pas la structure entière de SOCOMER, de définir
exactement le marché que SOCOMER peut détenir dans les diverses
productions qui s'effectuent. Parce qu'il y a quand même des
diversifications de productions que le domaine des pêches regroupe
actuellement.
Une voix: Allez-y, M. Joli-Coeur, s'il vous plaît.
M. Joli-Coeur: Oui, M. le député. On
corrigera l'AQIP si on a mal compris, mais SOCOMER ne se veut pas une
entreprise exclusive de commercialisation. SOCOMER est une entreprise qui se
veut profitable et qui est en compétition directe avec d'autres
entreprises de mise en marché qui font aussi bien au Québec.
Alors, qu'il y ait cinq ou six membres chez SOCOMER, ce n'est que l'attrait de
SOCOMER vis-à-vis de ces cinq ou six membres-là qui pourrait en
attirer plusieurs autres. C'est une entreprise qui a le respect de tous les
industriels de la pêche, mais plusieurs d'entre eux
préfèrent avoir leur propre système de mise en
marché, notamment aux Îles-de-la-Madeleine et, notamment, au bout
de la péninsule gaspésienne.
M. Perron: Ou encore sur le marché de Montréal avec
Qouston et compagnie.
M. Joli-Coeur: Avec aussi des entreprises qui ne sont pas de
Montréal, des entreprises locales à la Gaspésie. Il y en a
plusieurs qui font leur propre mise en marché. Jusqu'à tout
récemment, par exemple, à moins que ça ne change cette
année, une des plus importantes, Madelipêche faisait sa propre
mise en marché sans faire partie de cette entreprise efficace où
SOQUIA a investi et où SOQUIA est partenaire. Il est évident que
SOCOMER crée de l'émulation dans le milieu de la mise en
marché et que ce n'est vu qu'avec de bons égards de la part des
autres industriels de la pêche.
M. Perron: Une dernière question sur SOCOMER versus
l'AQIP, puisque l'AQIP regroupe les industriels de la pêche dont une
partie est présente dans SOCOMER et l'autre partie n'est pas
présente dans SOCOMER. Je suis heureux de voir l'ouverture d'esprit qu'a
l'AQIP actuellement en rapport avec les autres industriels pour que ces
industriels-là puissent être incorporés à
l'intérieur de SOCOMER pour faire une force de frappe plus
élevée face au marché du Québec et aussi au
marché international. La question que je pose: Est-ce que vous avez une
idée à peu près à quel moment vous allez être
prêts, en tant qu'Association québécoise de l'industrie de
la pêche, à faire les recommandations qui s'imposent face à
SOCOMER pour inclure les autres industriels qui veulent en faire partie?
M. Grenier: Actuellement, nous, pour avoir divulgué
à l'ensemble de nos membres l'existence de SOCOMER et leur avoir
expliqué en gros le fonctionnement de SOCOMER, je crois que
l'ensemble... Actuellement, on vit un système qui vise les regroupements
et qui vise des rationalisations. Je crois que le système, de plus en
plus, pourra gagner de la popularité, mais il reste toujours, à
la base, qu'on parle de restructurer un domaine qui opère depuis
déjà 30 ans et même plus, beaucoup plus. Je crois
très difficile de précipiter les choses et peut-être
même très dangereux de précipiter les choses en un
regroupement général. On exprime quand même la
volonté de bien vouloir expliquer à nos membres ce qu'il en est
et de voir si, pour eux... Parce qu'il ne faut quand même pas oublier
que, pour certains secteurs déterminants dans le domaine des
pêches, ça peut être bénéfique de joindre
SOCOMER. Maintenant, le nombre de membres qui pourront y adhérer pour
faire une force de frappe, comme vous avez dit, j'espère que le plus
rapidement possible, il y aura de très gros résultats dans
SOCOMER et que beaucoup de gens y adhéreront.
M. Perron: Oui, M. Joli-Coeur.
M. Joli-Coeur: II ne faut pas oublier, nous le
répétons ici, que le problème majeur n'en est pas un de
mise en marché, mais en est un d'approvisionnement. Il ne faut pas
perdre ça de vue. Vous avez rarement entendu les industriels de la
pêche ou les pêcheurs se plaindre de leurs problèmes de mise
en marché. On se plaint surtout des problèmes
d'approvisionnement.
M. Perron: Oui, d'accord. Maintenant, pour bien s'approvisionner,
il faut être en bonnes relations avec les pêcheurs et les
associations de pêcheurs, tout le monde le sait, ce sont eux qui
apportent les prises à l'usine. D'autre part, plus il va y avoir de
prises à l'usine, plus la mise en marché devra se faire sur des
marchés plus ouverts et avec une compétition beaucoup plus forte
de votre part. Ça, tout le monde le sait.
Concernant la création d'offices de production, on sait, encore
une fois, que, dans le projet de loi actuel, il n'y a rien qui concerne les
pêcheries; ça concerne plutôt l'agriculture et
l'alimentation. La création d'offices de production pour les
pêcheurs n'aurait-elle pas pour effet d'améliorer la
stabilité de l'approvisionnement des usines de transformation?
M. Grenier: Actuellement, pour répondre à
votre...
M. Perron: Vous êtes contre, ça, on le sait. Mais
est-ce que ce ne serait pas un effet contraire qui serait
créé?
M. Grenier: Écoutez, le problème qu'on vit
actuellement et que l'industrie de la pêche vit, c'est la très
grosse capacité de production via la capacité de capture.
Maintenant, tout semble aller vers une direction pour régler ce
problème-là. Un office de pêcheurs, sans dire qu'on est
contre à 100 %, on est d'accord pour négocier, comme on l'a
cité au début, dans le cadre... Ce qu'on exprime, ce sont
certaines craintes, mais on garde toujours la porte ouverte pour s'asseoir
autour d'une même table, tous les gens concernés, autant les
pêcheurs que les producteurs et que la mise en marché, pour en
venir à un résultat qui ne pourra qu'être
bénéfique dans le domaine des pêches.
M. Perron: Quant à la création des chambres de
coordination, la concertation entre les différents intervenants de
l'industrie des pêches n'est-elle pas possible sans la création de
ces chambres? Je voudrais avoir votre opinion là-dessus.
M. Grenier: Je crois que, présentement, le
ministère véhicule un mode d'introduction pour l'industrie de la
pêche qui pourrait permettre de rallier tout le monde pour en venir
à des résultats positifs. Je crois qu'on se doit de
l'étudier pour se servir de ces modes de "véhicu-lation". C'est
une ouverture qu'on possède actuellement. On ne veut pas rejeter du
revers de la main cette opportunité. D'ailleurs, Me Joli-Coeur,
avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
M. Joli-Coeur: Oui.
M. Perron: Avant que Me Joli-Coeur prenne la parole, est-ce que
soit le président de l'AQIP ou Me Joli-Coeur, dans le même
contexte, pourrait nous dire ce que le mécanisme concerné
apporterait de particulier? Qu'est-ce que ça apporterait de particulier,
la création de chambres de coordination, selon vous?
M. Joli-Coeur: D'abord, il faut constater, aux pages 5 et
suivantes de notre mémoire, que les offices de producteurs, on ne s'est
jamais prononcé contre. Au contraire, on a dit qu'on aimerait avoir des
offices de producteurs pour avoir des gens représentatifs avec qui
causer. Avec qui causer où? Avec qui causer aux chambres de
coordination. On pourrait concevoir, M. le député, un tout autre
lieu pour avoir des échanges, mais le projet de loi nous en apporte un,
nous en suggère un, et c'est tout ce qu'on constate. Ça nous en
suggère un qui n'est certainement pas mauvais en soi. Au contraire, on
trouve ça intéressant de trouver enfin une place où
retrouver des producteurs regroupés en offices de producteurs, et non
seulement eux, mais les autres intervenants parce qu'il y a d'autres
intervenants qui suivent et qui sont essentiels dans le domaine des
pêches, qui ne le sont peut-être pas dans d'autres domaines, mais
qui sont essentiels dans le domaine des pêches à cause du
caractère d'exportation du domaine des pêches. On est sur les
marchés internationaux; alors, on ne peut pas être tout seuls
à discuter avec les pêcheurs sans tenir compte de ceux qui mettent
en marché, notamment la société où l'État a
des intérêts avec les industriels. Il faut les mettre en cause
dans ces chambres de concertation parce que ce sont eux qui ont le contact avec
les marchés internationaux, finalement.
M. Perron: O.K. Maintenant, puisqu'on parle de l'office, vous
venez de mentionner l'office dans votre réponse.
M. Joli-Coeur: À la page 5, oui.
M. Perron: Vous étiez d'accord avec la question de
l'office, de...
M. Joli-Coeur: C'est ce que nous exprimons.
M. Perron: O.K. vous l'exprimez. Mais je voudrais bien savoir de
votre part comment on peut faire fonctionner un office comme celui-là
sans modifier la structure actuelle d'un office ou encore changer toute
l'évolution de l'office si on n'a pas de plans conjoints.
M. Joli-Coeur: Nous y répondons à la page 6, au
dernier paragraphe, où nous vous citons une trentaine d'articles qui
devraient être amendés dans le projet de loi pour arriver à
ces fins-là. À la page 6, au dernier paragraphe.
M. Perron: O.K. D'accord.
M. Joli-Coeur: Dans la mesure où un office
présuppose que le but, c'est de faire des plans conjoints, on est
contre. Dans la mesure où un office, c'est afin de permettre
d'être représentatif et de venir à une chambre de
coordination et de développement, nous sommes pour.
M. Perron: C'est parce que le résultat de tout ça,
c'est que, si l'office éventuellement créé n'a pas de plan
conjoint, ça ne donne rien d'avoir un office pour les pêcheries
à ce moment-là. En tout cas, c'est ce que je pense.
M. Joli-Coeur: Ce n'est pas notre lecture. (17 h 15)
M. Perron: Bon, en tout cas, on peut avoir une lecture
différente, mais...
Une autre question que je voulais vous poser. Qu'est-ce qui explique les
réticences de l'AQIP quant à la possibilité que les
chambres de coordination s'engagent dans le programme de vente de produits, ce
qui aurait pour effet d'augmenter le poids de l'industrie
québécoise sur les marchés internationaux...
Le Président (M. Richard): En conclusion, M. le
député de Duplessis, s'il vous plaît.
M. Perron: ...donc possiblement les prix obtenus aussi?
M. Grenier: Excusez-moi, j'ai mal... M. Perron: Je
répète la question. M. Grenier: Oui, s'il vous
plaît.
M. Perron: Qu'est-ce qui explique les réticences de l'AQIP
quant à la possibilité que les chambres de coordination
s'engagent dans des programmes de vente de produits, ce qui aurait pour effet,
selon moi, d'augmenter le poids de l'industrie québécoise sur les
marchés internationaux, donc, possiblement, les prix aussi?
M. Grenier: écoutez, nous, comme on le dit depuis le
début, on a cerné des points où il devrait y avoir
discussion, où il devrait y avoir des ententes ultérieurement.
dire aujourd'hui que nous ne sommes pas d'accord à 100 %, c'est une
chose, en discuter, c'en est une autre, en venir à une solution, c'en
est aussi une autre.
Maintenant, lorsqu'on présente notre mémoire, on
sous-entend toujours que nous, nous sommes disposés, avec ce qui est
présenté, à discuter des modifications à ces
programmes ou à discuter de l'opportunité de
l'amélioration de ces programmes. Donc, c'est peut-être difficile,
aujourd'hui, pour l'association québécoise des pêches, de
dire: On ne veut pas en faire partie ou on veut en faire partie. Ce qu'on
semble vouloir refléter, nous, les industriels des pêches, c'est
qu'on est disposés à discuter de ces programmes qui nous sont
offerts.
Pour conclure, écoutez, tout le long, on a élaboré
des paragraphes de loi, des sujets, autant à l'exportation, à la
fabrication, aux pêcheurs, mais on est d'accord, en tant qu'industriels
des pêches, de voir à l'amélioration du secteur. Donc, on
sait que, pour améliorer ce secteur, il va falloir en discuter. Comme je
le répète, nous ne rejetons pas du revers de la main le projet de
loi. On peut voir apparaître, au moins, qu'il peut y avoir une sorte de
concertation à l'origine de tout le secteur des pêches.
Déjà, je crois que c'est un pas assez positif pour le secteur des
pêches. Nous croyons que c'est un facteur positif pour le domaine.
Le Président (M. Richard): Une dernière question,
M. le député de Duplessis.
M. Perron: Oui, ça revient à dire ce que je disais
au début, c'est extrêmement difficile de prendre une position
ferme quand on n'a pas le libellé des articles de loi qui vont nous
apparaître éventuellement dans les prochaines semaines.
Une dernière question. Est-ce que l'AQIP est actuellement
présente sur l'organisme d'exportation canadien qui s'apppelle CAFE?
M. Grenier: Non. Nous ne sommes pas présents
actuellement.
M. Perron: Est-ce que vous avez été
approchés?
M. Grenier: Non, du tout.
M. Perron: Est-ce que vous avez eu des pressions pour être
présent sur cet organisme-là?
M. Grenier: Non, on n'a pas subi de pression.
M. Perron: Non plus. M. Grenier: Non plus. M. Perron:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le ministre, vous avez des questions
à l'endroit de nos invités?
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier les représentants de l'AQIP d'être avec nous.
Effectivement, j'ai eu l'occasion de les inviter le 30 janvier, si ma
mémoire est fidèle, à venir nous rencontrer lors de leur
assemblée annuelle. Il faut bien comprendre, M. le président, Me
Joli-Coeur, ce qui inspire la démarche gouvernementale de vouloir
inclure l'ensemble du secteur des pêches commerciales sous l'égide
de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et des produits
bioaquatiques, tel que vous vous y référez. Je peux vous assurer
au départ, en termes techniques, que les modifications
nécessaires seront apportées à l'article 3 de la loi pour
habiliter le chapitre nouveau de la loi qui sera ajouté en amendement au
texte original pour prévoir une application de règles
disponibles, je dis bien disponibles, à l'industrie des pêches au
Québec.
La responsabilité du gouvernement n'est pas d'imposer des
règles de mise en marché des produits marins au Québec. La
responsabilité du gouvernement, cependant, est d'offrir et de mettre
à la disposition des représentants de cette industrie - et j'y
reviendrai parce que je
constate, à la lumière de vos propos et de vos
commentaires, qu'il y a des interrogations, je vais tenter d'y répondre
au mieux - de mettre à la disposition des pêcheurs, de mettre
à la disposition aussi des entreprises des règles permettant
d'atteindre certains objectifs communs.
Premièrement, nous partons du principe que l'industrie des
pêches est confrontée, particulièrement depuis deux ans,
à des problèmes qui se posent avec une acuité non
seulement renouvelée mais aggravée, si je peux utiliser le terme,
à chaque année. Ça, c'est ma perception, comme ministre
des Pêcheries, et j'ai eu tôt fait de me la faire, cette
perception, suite à mes visites en décembre, en janvier, en
février, durant l'hiver, qui est la période appropriée,
vous en convenez avec moi. Ma perception, c'est que jamais l'industrie n'aura
été confrontée à un tel ensemble de
problèmes conjoncturels et aussi à certains problèmes
structurels. Les problèmes conjoncturels étant, dans un premier
temps, une valeur du dollar canadien qui affecte l'industrie des pêches
au Québec, la force du dollar canadien, compte tenu qu'un pourcentage
très élevé de nos produits de première
transformation au Québec sont vendus sur le marché
américain, nous place en situation de vulnérabilité sur
des marchés traditionnels. Cet élément doit être lu
aussi avec une politique de la Banque du Canada qui maintient des taux
d'intérêt très élevés, ce qui implique des
charges importantes à être assumées par les Industriels,
les industries, les entreprises, dont vous êtes les représentants.
Le tout conjugué aussi avec une baisse très importante des
débarquements. Si on se réfère aux débarquements de
1989, ils auront été comparables à ceux de 1984. Nous
sommes bien loin du volume de débarquements de 1986 et qui était
en croissance, d'ailleurs, en 1987.
Quatrième élément, nous vivons une situation de
faiblesse des prix importante. Surcapacité d'usine. Vos entreprises, les
industries de transformation au Québec, ont les équipements
nécessaires pour transformer davantage de volumes comparativement
à ce qu'elles ont transformé en 1989. Enfin, diminution de la
ressource. Donc, surcapacité de la flotte. Tout arrive en même
temps.
On avait deux attitudes possibles. La première attitude en aurait
été une de laisser-aller, de laisser jouer les règles
économiques, avec l'impact que ça aurait pu avoir, à
savoir que les plus forts, ou ceux et celles qui ont le plus
d'équité, soit les entreprises ou les pêcheurs, s'en
sortiront. Pour ce qui est des autres, bonne chance.
Ce n'est pas la position ou l'attitude que j'ai
privilégiée comme ministre des Pêcheries, vu que, pour le
gouvernement du Québec, pour le ministre des Pêcheries, le poumon
économique, la vie économique de la région maritime
dépend en très grande partie de la vitalité de l'industrie
des pêches. Je ne connais pas encore tous les beaux villages de la
Côte-Nord, mais je suis bien conscient que, si vous enlevez les
pêches dans ces villages, vous devrez les fermer purement et simplement
ou inviter les collectivités locales à venir gagner leur pain et
leur beurre ailleurs au Québec. C'est la même chose en
Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine. L'économie des
Îles-de-la-Madeleine dépend de l'industrie des pêches et du
tourisme et de quelques autres secteurs, mais l'épine dorsale, si je
peux utiliser le terme, de l'économie, là comme dans l'ensemble
de la région maritime du Québec, ce sont les pêches. On a
décidé d'intervenir.
Nous aurions pu intervenir de différentes façons. La
première, on aurait pu convoquer un genre d'états
généraux dans le secteur des pêches, s'échanger
pendant plusieurs mois des documents de consultation, se convier à des
réflexions continues, etc. J'étais convaincu que la situation
commandait des gestes immédiats. Nous avons donc publié
dès le mois de décembre un document de réflexion,
accompagné d'une demande aux entreprises et aux pêcheurs de
réagir. D'ailleurs, à ma première rencontre avec votre
Association, M. le président, elle m'a dit: M. Pagé, on vous
demande d'intervenir avant le 23 décembre. C'est l'AQIP qui m'a dit
ça: Intervenez avant le 23 décembre, parce qu'on a une trentaine
d'entreprises qui risquent la faillite. Ce que j'ai proposé et ce que je
propose à l'industrie... Ça, c'est un premier
élément, il y en aura d'autres, je ferai des annonces la semaine
prochaine. Et je prévois, au nom du gouvernement du Québec,
annoncer un plan d'action très complet dans des délais qu'on peut
qualifier d'assez brefs si on se réfère à la coutume
voulant que, pour bâtir des programmes d'intervention comme
ceux-là, il faut quand même assez de temps.
Alors, on intervient dans un premier temps au niveau de la gestion de la
ressource. Je comprends que les dispositions dans la loi ici vont changer des
choses et la première réaction humaine face à des
changements, quel que soit le changement, c'est de s'inquiéter, parce
qu'on ne connaît pas l'état de la situation, comment ça se
fera, quel sera l'impact de ces changements. J'ai constaté qu'on avait
un problème majeur au niveau de la gestion de l'offre du produit et je
m'explique. Comment peut-on bâtir une industrie rentable et efficace...
Parce que c'est à partir de la rentabilité qu'on se donne les
moyens de faire face aux défis des technologies; c'est à partir
de la rentabilité qu'on peut développer davantage notre produit
chez nous; c'est à partir de la rentabilité qu'on peut s'associer
à des démarches de développement de marchés pour
atteindre de nouveaux marchés; c'est toujours à partir de la
rentabilité qu'on peut développer aussi de nouveaux produits;
c'est à partir de la rentabilité qu'on peut participer à
des structures de promotion et de pénétration de ces nouveaux
marchés.
Pas de rentabilité, on n'en est pas capables. (17 h 30)
Je ne peux pas accepter, moi, comme ministre des Pêcheries, des
situations où on n'a aucune fidélité ou aucune relation
bien encadrée entre les produits qui sont péchés, puis les
usines qui les reçoivent. Dans un contexte de rareté de
ressources, accompagné d'un contexte de surcapacité de
transformation, quel est le niveau qui est le plus vulnérable? Dans mon
livre à moi, cette situation rend nos entreprises de transformation
très vulnérables. Vos membres, s'ils n'ont pas l'assurance
d'avoir de l'approvisionnement, des débarquements dans leurs usines,
comment voulez-vous qu'ils investissent? Comment voulez-vous qu'ils se
développent?
Alors, à la lecture que je fais de votre mémoire
aujourd'hui, vous semblez manifester beaucoup d'inquiétude. Vous dites:
Nous sommes favorables à un office de producteurs, mais vous ne voulez
pas de plan conjoint. Somme toute, ce que vous souhaitez, c'est un office de
producteurs qui n'a pas de pouvoirs, des règles du jeu qui n'ont pas
beaucoup de dents. Un office qui n'a pas de pouvoirs, ça donne rarement
des enfants forts, ça.
J'entends, du côté de l'Opposition, que les chambres de
coordination, ça va être ça. Non, ce ne sera pas ça,
les chambres de coordination, pas du tout, mon cher ami. On va l'expliquer; je
vais vous dire pourquoi tantôt. Oui, on peut parler, puis écouter
en même temps!
Cela étant dit, il ne faut pas voir les plans conjoints comme
étant une menace aux industries. Puis, autre élément, il y
a beaucoup de positif. On va commencer par le commencement. Combien avez-vous
de membres?
M. Grenier: On était 22 membres actifs lors de la
réunion du mois de janvier.
M. Pagé: Puis, là?
M. Grenier: Nous serons une trentaine.
M. Pagé: Bon, tant mieux.
M. Grenier: Selon les réponses reçues.
M. Pagé: Donc, vous aurez un levier dans la loi qui
permettra à l'AQIP d'être accréditée comme
étant l'association représentative des entreprises de
transformation des produits marins au Québec, premièrement.
M. Perron: Au sein de l'office?
M. Pagé: Si elles en font la demande et elles vont devoir
se soumettre à des règles, démontrer leur
représentativité, etc. Et je suis persuadé que les
dispositions de la loi vont déboucher sur une solidarité beaucoup
plus grande, beaucoup plus claire de la part des entreprises.
Vous n'avez actuellement aucun pouvoir d'exiger à chacune des
entreprises de transformation, un, de contribuer financièrement à
votre Association, au départ; deux, vous devez convenir avec moi
qu'avec, grosso modo, une centaine d'entreprises de transformation au
Québec, vous avez seulement 30 membres; ça va faciliter,
évidemment, le regroupement de ceux qui achètent les produits.
Puis, vous vous donnerez les règles que vous jugerez opportun de vous
donner dans ce cadre-là.
Même chose du côté des pêcheurs. Je rencontrais
l'Alliance ce matin; on avait le plaisir de recevoir l'Alliance. Là, il
y a toute une gamme possible de dispositions dans ces plans conjoints.
Ça peut s'appliquer par production, par produit. On peut avoir un plan
conjoint pour le homard, on peut en avoir un pour le crabe, on peut en avoir un
pour la morue, etc., les poissons de fond, les pélagiques, etc. Ce sera
à l'industrie de déterminer ça. On peut même avoir
des dispositions d'un plan conjoint s'appliquant aussi sur une base
régionale. Et ce sera aux entreprises, aux producteurs, aux
pêcheurs d'établir ensemble les règles qu'ils veulent bien
se donner.
Vous semblez vous inquiéter du nombre de 10 producteurs.
Ça, c'est en quelque sorte une règle minimale qui exige qu'on ait
un nombre minimum, un strict minimum de producteurs qui doivent se
présenter devant la Régie, sauf que ça ne veut pas dire
que 10 cosignataires d'une requête pour un plan conjoint, dans un secteur
de production, reçoivent automatiquement l'autorisation de la
Régie. Il faut qu'ils démontrent leur
représentativité. La Régie est habilitée à
demander et à appeler des référendums, à faire
voter l'ensemble des intervenants. Est-ce que ces commentaires ne vous
sécurisent pas?
M. Grenier: Je crois, M. le ministre, que nous avons fait part,
d'ailleurs, d'une volonté de discussion et je crois que nous attendons
fermement les résultats qui vont être pondus du ministère
pour pouvoir en venir à une structure solide. D'ailleurs, à
plusieurs reprises, je l'ai cité, M. le député de
Duplessis: On ne veut pas aller nécessairement à l'encontre des
objectifs du ministère ni de ceux de l'industrie. Ce que nous voulons,
via tout ce dépôt de loi, ainsi que notre mémoire, c'est
avoir la possibilité de discuter et d'en venir à une concertation
qui ne peut être que favorable pour l'industrie. Est-ce que ça
répond à votre question, M. Pagé?
M. Pagé: Oui, mais si on regarde, actuellement, la
qualité de relations entre producteurs et transformateurs dans certains
secteurs des produits agricoles au Québec, on constate que c'est
à partir de ces plans conjoints, de ces habitudes de travailler ensemble
entre les transformateurs et les producteurs, qu'il s'est
développé une véritable force. Ça a
créé du dynamisme, ça a créé des situations
où, constamment, on bonifie nos interventions.
Première intervention, donc, la loi, et, à cet
égard, je peux vous assurer que l'ensemble des modifications que je vais
déposer, j'entends les faire parvenir à l'Opposition
parlementaire officielle, évidemment, avant de les déposer en
commission parlementaire avec un délai pour qu'elle ait le temps de
juger et d'apprécier. J'entends aussi rendre disponibles ces
modifications aux entreprises, aux associations représentatives, que ce
soit l'AQIP, que ce soit l'Alliance des pêcheurs, pour qu'elles puissent,
si besoin en est, nous donner leurs réactions - parce qu'on est quand
même accessibles - avant l'étude du projet de loi article par
article en commission parlementaire.
Ça, je peux vous donner cette assurance parce que l'étude
du projet de loi article par article ne pourrait pas commencer avant la fin de
mai. Alors, vous aurez le temps de bien voir le libellé exact parce que,
comme je vous le dis, Me Joli-Coeur, ce sera un chapitre particulier à
l'industrie. Donc, on n'aura pas à modifier toute la série
d'articles auxquels je me suis référé, 49, 50, etc.
Vous dites, à la page 4: "Le fait que le monde agricole
était déjà structuré lors de l'adoption des plans
conjoints en a grandement facilité l'administration. Le
développement du système des plans conjoints a été
grandement influencé par l'existence de l'Union des producteurs
agricoles, etc." Je comprends qu'on n'a pas de traditions dans l'industrie des
pêches au Québec aussi grandes que dans le secteur agricole.
Cependant, le caractère délicat et difficile de la situation
vécue par l'ensemble de l'industrie commandera, j'en suis
persuadé, moi, un degré de solidarité assez grand à
l'égard de mécanismes susceptibles de mettre un meilleur ordre,
plus d'ordre dans la mise en marché des produits marins.
À la page 5, vous parlez des offices de producteurs. J'y ai
répondu tantôt. Vous souhaitez que les producteurs se regroupent
selon chacun des quatre secteurs: poissons de fond, crustacés,
ressources pélagiques, espèces sous-exploitées. Ce sera
possible. Ce sera aux producteurs et aux gens de l'industrie de
l'établir, de le déterminer. Vous semblez mettre en cause le fait
qu'on se donne, dans la loi, les moyens d'établissement de plans
conjoints alors qu'on exporte une grande quantité de nos produits, que
l'établissement des prix se fait au niveau international, bien
souvent.
Le contexte est particulier dans le secteur des pêches. Le plan
conjoint ne vise pas à discipliner la cueillette de la ressource dans le
sens qu'on ne veut pas limiter la production. On est confrontés à
un problème exactement contraire, on manque de ressources. Donc, le plan
conjoint pourrait déboucher sur une politi- que - ça, d'ailleurs,
je l'ai évoqué - au bénéfice des pêcheurs,
parce qu'on se doit de rationaliser la flotte aussi. On a trop de
pêcheurs au Québec et les pêcheurs qui y sont ont de la
difficulté à vivre. Le plan de rationalisation que je vais
annoncer va prévoir des interventions concrètes pour diminuer la
flotte du Québec de façon que les pêcheurs qui vont
demeurer dans l'industrie aient la capacité de pêcher des poissons
en quantité pour pouvoir vivre honorablement et convenablement, et
réinvestir, surtout.
L'autre élément, il ne faut pas penser que tout ça
va venir imposer davantage de limites que nous en avons actuellement pour les
entreprises de recevoir des produits. On n'est pas dans le lait, on est dans un
secteur où on veut stabiliser les prises, augmenter le volume par
pêcheur et garantir nos entreprises de transformation, créer ce
lien entre les débarquements et l'approvisionnement aux usines. Si je
comprends bien - je vous invite à commenter - ça a
été une des grandes préoccupations des industries depuis
un certain nombre d'années de ne pas avoir cette fidélité,
cette garantie d'approvisionnement aux usines.
M. Joli-Coeur: Effectivement, M. le ministre, le nombre de permis
d'usine est directement en cause, compte tenu de la ressource qui est
là. Plus que jamais, à l'heure actuelle, nous favorisons le fait
que le ministère s'en tienne aux permis d'usine actuels, vérifie,
avant d'émettre de nouveaux permis d'usine, l'intérêt
commun...
M. Pagé: Le comité sur l'intérêt
public, oui.
M. Joli-Coeur: ...révise ses dossiers actuels afin de bien
s'assurer que ceux qui n'ont pas de permis ne produisent pas et que ceux qui en
ont produisent, dans la situation actuelle. Les deux sont liés ensemble,
évidemment.
M. Pagé: D'ailleurs, c'est ce pourquoi nous aurons un
programme d'intervention pour la rationalisation des usines. On va annoncer, la
semaine prochaine, certains dossiers au niveau de la rationalisation. Cela va
impliquer des sommes importantes de la part du gouvernement du Québec,
mais c'est ce qu'on doit investir pour maintenir des entreprises qui vont
être rentables, efficaces et qui vont pouvoir usiner au maximum de leur
capacité.
M. Joli-Coeur: Un bon début de rationalisation est
justement le respect des permis émis versus ceux non émis.
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Richard): Je vous demanderai de conclure,
M. le ministre, puisque le temps est écoulé.
M. Pagé: Le président me demande de conclure.
D'abord, je veux vous remercier de votre mémoire. Je comprends les
interrogations que vous avez. Nous allons apporter, tel qu'indiqué, des
modifications importantes, avec un objectif très clair: fournir les
outils - ça, c'est un des premiers éléments de
l'intervention - nécessaires à l'industrie pour qu'elle puisse
mieux gérer et sa ressource et la mise en marché de son produit
et le développement des marchés. Ça, c'est très
important. On aura l'occasion de se rencontrer à nouveau, très
certainement, peut-être dans un cadre moins formel qu'une commission
parlementaire, mais nous voulons véritablement faire route avec
l'industrie des pêches au Québec dans son ensemble.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Arthabaska et porte-parole officiel, est-ce que vous
avez un commentaire final ou une question?
M. Baril: Juste un commentaire final. D'abord, je veux remercier
les représentants de l'AQIP d'être venus présenter leur
mémoire, en mon nom et au nom du responsable des pêches, le
député de Duplessls.
Je voudrais, puisqu'on est à l'heure, éclair-cir quelques
interrogations qu'on se pose. Cet avant-midi, le ministre nous a fait part de
la démarche qu'il entend suivre pour présenter ce projet de loi
et H nous a parlé de la semaine prochaine pour l'adoption en Chambre de
la deuxième lecture. (17 h 45)
Nature des amendements envisagés
J'aimerais savoir, dans un premier temps, si le ministre entend amener
des modifications et des amendements majeurs au projet de loi ou si c'est
mineur. Il parie d'ajouter un chapitre complet qui touche le secteur des
pêches. En tout cas, il me semble que c'est un peu difficile pour nous de
parler sur le principe de la loi sans connaître l'intention du ministre,
s'il veut la modifier de fond en comble. Est-ce qu'il va réécrire
le projet de loi ou si ce sont des amendements...
M. Pagé: Tel que je l'ai indiqué, il y aura des
modifications à la loi comme suite des représentations qui nous
ont été faites, ça, c'est certain, j'annonce que des
amendements vont être apportés à la loi. Cependant, les
grands principes de la loi que nous étudions actuellement se
réfèrent à la mise en marché de nos produits, aux
plans conjoints, aux pouvoirs de la régie, aux règles
régissant la mise en oeuvre de plans conjoints, la mise en oeuvre des
chambres de coordination et de développement, etc. L'ensemble de ces
principes est contenu dans le projet de loi. Je conviens avec vous, cependant,
que le chapitre auquel nous nous référons portera sur la mise en
marché des produits marins au Québec. On l'a discuté
abondamment. On l'a discuté. Je pense que c'est public et le
porte-parole peut en témoigner.
Nous pouvons faire le débat de deuxième lecture sans aucun
problème et je déposerai les amendements non pas le matin de la
commission parlementaire tel que ça se fait d'habitude, mais je
prévois les rendre disponibles au moins une semaine, sinon deux semaines
avant. Vous serez en mesure de les étudier et là on s'attellera
au travail très méthodique de l'étude article par article
et des amendements qui peuvent y être déposés.
M. Baril: Je comprends que, pour le ministre, c'est facile
d'entreprendre le débat en deuxième lecture parce que dans sa
tête c'est clair, - du moins, je l'espère, - il sait où il
veut s'en aller avec son projet de loi, mais vous comprendrez que nous...
M. Pagé: Vous ne le savez pas?
M. Baril: Bien, on ne le sait pas justement...
M. Pagé: Bon.
M. Baril: ...et vous nous demandez de prendre position sur un
projet de loi sans connaître les amendements. Dans l'ensemble des
mémoires qui nous ont été présentés, les 25
ou la trentaine d'organismes qui sont venus nous les présenter, il y a
des demandes majeures. C'est pour ça que nous, on aimerait ça si
le ministre pouvait nous dire au moins une orientation des amendements, les
déposer ou nous les faire connaître avant la deuxième
lecture. Moi, je peux lui assurer notre collaboration. Ce n'est pas parce qu'on
veut bloquer ou retarder le projet de loi, mais...
M. Pagé: Écoutez, il y a deux possibilités.
On n'étudie pas le projet de loi en deuxième lecture la semaine
prochaine, c'est-à-dire avant l'ajournement pascal; auquel cas,
l'étude à l'Assemblée nationale ne pourrait pas s'amorcer
avant la fin de mai, à cause de l'étude des crédits qui va
immobiliser les travaux parlementaires pendant quoi? cinq semaines.
M. Baril: Oui, mais l'étude...
M. Pagé: Ça, ça veut dire quoi
concrètement? Si on se convie à un débat à
l'Assemblée en deuxième lecture à la fin de mai, ça
veut dire pas de commission parlementaire qui peut siéger avant le
début du mois de juin et là, on se réfère à
la session intensive. Il faut bien avoir à l'esprit qu'on a le projet de
loi 15. On a aussi le projet de loi 6. On a les projets de loi 21 et 23.
Je prévois aussi déposer d'autres pièces
législatives avant le 15 mai. Moi, je ne veux pas passer au bout du
pont.
M. Baril: Oui, mais vous conviendrez que...
M. Pagé: L'industrie des pêches, pour moi, c'est
important. Mon objectif, c'est que la loi s'applique le 1er août parce
que, si on va à l'automne 1990 pour l'adoption de cette loi, on risque
de manquer la saison de pêche 1991.
M. Baril: Ça, je considère ça.
M. Pagé: Je ne veux pas vous bousculer dans le temps, sauf
que vous avez suffisamment analysé et étudié le projet de
loi. Il est déposé, le projet de loi. On ne parle pas d'un projet
de loi qu'on va déposer dans le temps.
M. Baril: Regardez, monsieur...
M. Pagé: On a mené des consultations entre la
première et la deuxième lecture. Vous avez suffisamment
d'éléments et, d'ailleurs, c'est le leader qui vous l'assure.
C'est non seulement le ministre, mais, comme leader du gouvernement, je peux
vous dire qu'on est totalement habilités à amorcer l'étude
du projet de loi en deuxième lecture à ce moment-ci et c'est ce
que je vous propose.
M. Baril: Regardez, M. le ministre, comme je vous le dis, je ne
veux pas retarder l'adoption de ce projet de loi là, mais ce qui est le
plus long dans un projet de loi, ce n'est pas l'adoption en deuxième
lecture, c'est l'adoption, souvent, en troisième lecture. L'adoption en
deuxième lecture, moi, je peux vous assurer qu'on fait ça dans...
On ne fera pas...
M. Pagé: Bien là, on va être à la fin
de mai.
M. Baril: Bien oui, mais ça prend une journée
là.
M. Pagé: Un instant, un instant. Si la stratégie
parlementaire de votre groupe, à ce moment-là, est de bloquer un
projet de loi, de parler plus longtemps sur un projet de loi pour en bloquer un
autre qui s'en vient et qui ne fait pas votre affaire, c'est moi qui vais payer
pour et c'est l'industrie des pêches qui va payer pour. Vous
comprenez...
M. Baril: Vous nous demandez...
M. Pagé: ...à la lumière des
expériences que j'ai vécues dans le passé, je ne veux pas
me placer devant une situation de vulnérabilité dans mes lois.
J'ai assez d'expérience pour ça. Combien de fois j'ai vu des lois
bloquées ici au
Parlement, pas parce que l'Opposition voulait les bloquer, elles, mais
voulait bloquer la machine pour que d'autres lois qui s'en viennent ne passent
pas.
M. Baril: Pourquoi, nous, faudrait-il vous faire confiance alors
que vous, vous n'êtes pas capable de nous faire confiance?
M. Pagé: Comment?
M. Baril: Bien, vous dites: Faites-moi confiance. Je suis le
leader et vous allez voir qu'il n'y aura rien là.
M. Pagé: Écoutez, on est en session
régulière, on n'est pas en session intensive. Et mardi, à
ce que je sache, on siège. Demain, je vais ajourner à mardi
matin. Puis, moi, mardi, je vais appeler des lois et j'ai l'intention d'appeler
ma loi.
M. Baril: Mais vous comprendrez quand même...
M. Pagé: Qu'est-ce que vous me proposez en alternative?
Qu'on étudie ça au mois de juin?
M. Baril: Moi, je ne vous parle pas du mois de juin, mais il me
semble que c'est légitime de notre part de vous demander de
connaître les amendements que vous allez apporter à cette loi
avant qu'on en discute le principe. Ces amendements-là, ça ne
prend pas trois mois à les faire. Vous allez appeler la commission
parlementaire au mois de mai, vous me dites, je pense.
M. Pagé: Bien oui, mais je ne peux pas l'appeler
avant.
M. Baril: Je comprends.
M. Pagé: Les quatre commissions parlementaires
habilitées à siéger lorsque la Chambre ne siège
pas, ce sont quatre commissions parlementaires qui vont siéger pour
étudier les crédits de chacun des ministères.
M. Baril: Oui, je le sais. Mais c'est que le débat de
deuxième lecture en Chambre, ça ne prendra pas une semaine. C'est
ça que je veux vous dire. Faites-nous confiance là-dessus.
M. Pagé: J'avais prévu, moi, une journée:
mardi en après-midi, mardi en soirée, avec une possibilité
de terminer le débat mercredi matin.
M. Baril: C'est ça, mais discuter sur un projet de loi
dont on ne connaît pas les amendements, c'est ça que je vous dis,
en une journée. Vous la retardez une journée avant la commission
parlementaire.
M. Pagé: Oui, sauf que vous savez pertinemment que, dans
le processus d'adoption de nos lois, les amendements sont toujours
amenés au moment de l'étude du projet de loi article par article,
c'est-à-dire après la deuxième lecture.
M. Baril: Ça dépend des amendements que vous voulez
apporter. Là, on sort d'une consultation. On a écouté 30
organismes...
M. Pagé: 30 organismes.
M. Baril:... qui sont venus nous faire part de leurs demandes, de
leur volonté de voir modifier la loi.
M. Pagé: Ouais.
M. Baril: Allez-vous en tenir compte ou si vous n'en tiendrez pas
compte, de cette consultation?
M. Pagé: On va en tenir compte, certain.
M. Baril: Bon, c'est ça que nous, on aimerait savoir.
M. Pagé: Je vais vous le dire en deuxième
lecture.
M. Baril: Ha, ha, ha! Ouais, en tout cas, je vous remercie de
votre collaboration, M. le ministre.
M. Pagé: Vous allez être là mardi?
M. Baril: Tout ce que je veux vous dire, nous, ce qu'on souhaite,
ce qu'on demande, c'est d'avoir ces amendements avant le débat de
deuxième lecture.
M. Pagé: quelle garantie pouvez-vous me donner sur le
nombre d'interventions en deuxième lecture au mois de mai, par la voix
de votre leader, par vous ou par la voix de votre chef? je ne veux pas me
retrouver, moi, dans une situation, au mois de mai, où vous allez
présenter une motion d'ajournement à six mois pour pouvoir faire
pérorer la chambre pendant deux jours de façon à retarder
le projet de loi sur les taxes municipales ou je ne sais trop quoi.
M. Baril: Écoutez, M. le ministre, on est conscients de
l'importance de cette loi. Je l'ai dit et je l'ai répété
à plusieurs reprises dans cette commission. Ce n'est pas à notre
avantage de retarder l'adoption de cette loi. Ce n'est pas là qu'est la
question.
M. Pagé: Je présume.
M. Baril: Maintenant, au niveau des inter- venants que nous
aurons pour discuter de la loi, on serait bien plus en mesure de vous dire le
nombre d'intervenants qu'on va avoir si on connaissait au moins ce que va
être le projet de loi.
(M. Pagé: Vous l'avez le projet de loi devant vous.
M. Baril: Bien oui, mais vous allez peut-être le modifier
de fond en comble. On ne le sait pas.
M. Pagé: O. K. Je vais parler à votre leader.
Ça va me prendre des garanties parce que je ne me placerai pas, comme
ministre responsable de l'industrie des pêches, dans une situation de
vulnérabilité en raison de techniques parlementaires ou de
filibusters" sur d'autres lois. Ça, là...
M. Baril: Non et je vous dis... M. Perron: M. le
Président...
Le Président (M. Richard): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. le Président, je m'excuse, mais là,
il faudrait se comprendre. Moi, je ne suis aucunement d'accord à rendre
une réponse au ministre aujourd'hui par rapport aux actions de
l'Opposition quand je ne connais pas le contenu de tout un chapitre qui s'en
vient dans un projet de loi. On n'a même pas le libellé.
M. Pagé: Ouais.
M. Perron: Je m'excuse, mais on n'est pas pour donner des
garanties au ministre aujourd'hui à l'effet qu'on va être d'accord
avec le chapitre complet.
M. Pagé: Bon, vous voyez. Raison de plus pour que je doive
être prudent, vous ne voulez même pas me donner de garanties comme
quoi vous...
M. Perron: Non, non. Il n'en est pas question non plus.
M. Pagé:... ne ferez pas de "f ilibuster"
M. Perron: Non, il n'y a pas de question de "filibuster"
aujourd'hui. Les "filibusters", ça vient au mois de juin, vous le savez.
Vous en avez fait quand vous étiez dans l'Opposition.
M. Pagé: Oui, mais si on ne la passe mardi, on va
l'étudier quand, la loi?
M. Perron: M. le Président, le ministre est en train de
nous demander quelque chose que lui n'a jamais fait lorsqu'il était dans
l'Opposition.
M. Pagé: Quoi ça?
M. Perron: Quelque chose qu'il n'a jamais fait quand il
était dans l'Opposition. C'est la personne qui a la plus grande
expérience des "filibusters" qu'il a faits pendant neuf ans lorsqu'on
était du côté ministériel. Et il avait toute la
stratégie dans sa poche d'en arrière avant d'arriver en
commission parlementaire. Wo, wo, minute, là!
M. Pagé: C'est vrai que j'ai de l'expérience et
c'est vrai que, dans l'Opposition, je faisais une bonne job aussi, comme j'en
fais une au pouvoir. Sauf que, quand je donnais ma parole, moi, à Pierre
Marc Johnson, qui était ministre du Travail à l'époque, je
disais: Pierre Marc, ta loi, tu as ma parole, elle va passer à telle
date; quelles que soient les volontés de mes collègues membres de
l'Opposition pour bloquer les lois et les "filibusters", ta loi, tu vas l'avoir
telle date... Appelez Pierre Marc Johnson et demandez-lui si M. Pagé a
toujours respecté sa parole, la parole donnée sur les projets de
loi.
M. Perron: M. le Président, je vais conclure
là-dessus.
M. Pagé: J'en demande autant de votre part.
M. Perron: On pourrait en parler longtemps. Mais je
répète au ministre que moi, comme porte-parole en matière
de pêcheries, je ne suis pas d'accord à donner une garantie au
ministre à l'effet que la loi va être adoptée à
telle date, tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas déposé le
chapitre et les amendements concernés, surtout en rapport avec les
pêcheries. Moi, je ne veux pas donner des garanties au ministre sans
savoir le contenu. Il n'en est pas question.
M. Pagé: Je ne veux pas que...
M. Perron: Parce que le contenu, justement, je veux le discuter
avec des personnes concernées qui sont dans le domaine des
pêcheries. Je ne veux pas discuter juste avec le ministre.
M. Pagé: Ouais. Puis, ça change quoi?
M. Perron: Ça change beaucoup de choses.
M. Pagé: Vous n'êtes pas correct.
M. Perron: Si je ne suis pas d'accord avec le contenu, à
cause de...
M. Pagé: Vous n'êtes pas correct.
M. Perron: II n'est pas question qu'on n'est pas correct.
M. Pagé: Écoutez, M. Perron, vous risquez de placer
cette industrie, qui attend depuis des années une législation
comme celle-là ce matin, dans une situation où elle n'aura pas sa
loi pour l'année prochaine. Ça se peut-y?
Le Président (M. Richard): Je m'excuse, si vous...
M. Perron: Ce n'est pas ça qu'on a dit, M. le
Président. Le ministre extrapole sur des choses qui ne sont même
pas arrivées.
Le Président (M. Richard): Si vous le permettez, j'ai
l'impression de me retrouver à la période de questions de
l'Assemblée nationale. Je comprends bien vos interrogations de part et
d'autre, mais est-ce que ça doit être discuté ici, à
ce moment-ci? Je ne le pense pas.
M. Baril: Moi, je tenais, en tout cas, à faire
connaître publiquement mon intention à moi, qui représente
l'Opposition, ma volonté ferme d'avoir ces amendements avant d'en
discuter. J'ai donné mon consentement, ma parole au ministre...
M. Pagé: Vous allez avoir l'opportunité de les
avoir avant d'en discuter.
M. Baril: Avant la deuxième lecture.
M. Pagé: Oui, mais en deuxième lecture on
n'étudie pas chacun des articles.
M. Baril: Non.
M. Pagé: On étudie les grands principes. Les grands
principes sont connus, un. Le contenu des articles, ça, c'est
étudié en commission parlementaire.
M. Baril: Je sais tout ça, monsieur.
M. Pagé: La coutume veut que le ministre peut faire sa
deuxième lecture, convoquer la commission parlementaire. La commission
commence le matin à 10 heures et les articles, je vous les donne un
après l'autre.
M. Baril: Ça, je connais ça.
M. Pagé: Les modifications à l'article 51 peuvent
venir trois jours après. Vous en prenez connaissance trois jours
après.
M. Baril: Mais là, on vient d'entendre 30 organismes. Ce
n'est pas une loi que vous avez faite tout seul.
M. Pagé: Je n'ai pas terminé, M. le
député. M. Baril: O.K.
M. Pagé: Là, je vous offre de faire le débat
de deuxième lecture, de discuter des principes, parce que c'est
ça qu'on doit discuter. Et je vais vous déposer les modifications
aux articles une semaine et, je vais même le tenter, deux semaines avant.
Vous allez avoir le temps de vous préparer. Vous allez avoir le temps de
préparer des amendements si vous croyez qu'il faut en faire de
façon beaucoup plus utile qu'à une commission parlementaire qui
commence à 10 heures et où j'arrive avec mon premier amendement,
par exemple, à l'article 2, à 10 h 15. Là, vous allez me
demander d'ajourner, vous allez vouloir parier à l'UPA. Vous allez
vouloir parler aux coopératives. Vous allez vouloir demander les
réactions à je ne sais trop qui et là vous allez dire:
Ça n'a pas de bon sens. On vient juste d'avoir cet amendement-là.
Je vous offre de vous les donner deux semaines avant.
M. Baril: Est-ce tout là? Est-ce qu'on peut parier?
M. Pagé: On va passer notre principe mardi.
M. Baril: C'est parce que tout à l'heure...
M. Pagé: Ça, c'est "fair", loyal, c'est normal.
M. Baril: Parce que je ne veux pas vous couper. Tout à
l'heure...
M. Pagé: Donnez-moi ma deuxième lecture, puis je
serai en mesure de vous fournir les amendements beaucoup plus rapidement. Si
vous dites: On ne veut pas collaborer avec vous, on veut avoir les amendements
avant, on va se braquer de part et d'autre. Ce n'est pas bon.
M. Baril: Vous comprendrez...
M. Pagé: Demandez aux pêcheurs s'ils aiment les
ministres qui se braquent. Ils ont vécu des situations d'affrontements
entre le fédéral et le provincial.
M. Baril: II ne faut pas revenir sur le passé, M. le
ministre.
M. Pagé: C'est correct, c'est correct.
M. Baril: Je vous demande simplement votre collaboration et le
projet de loi dont on discute présentement n'est pas un projet de loi
que vous avez fait seul avec vos fonctionnaires. Ce bout-là, oui, vous
l'avez fait seul, mais, par contre, vous avez pris la peine de consulter 30
organismes qui sont venus ici nous faire un rapport de leur approbation ou de
leur désap- probation de ce projet de loi. Vous allez sans doute tenir
compte de ce qu'ils ont dit.
M. Pagé: Oui.
M. Baril: Ça ne se peut pas qu'ils soient venus ici une
trentaine pour rien. Bon. Ce n'est pas comme si c'était un projet de loi
qui avait été bâti et construit sans acune consultation.
Là, vous auriez raison de dire: Attendez les amendements, on va les
déposer à l'étude article par article. Ce n'est pas
ça là. Vous nous demandez de prendre position sur un projet de
loi que vous allez peut-être modifier de fond en comble. Je ne sais pas
comment moi. On ne le sait pas. Est-ce que ce sont des virgules que vous allez
changer de place ou si vous allez changer des articles au complet? C'est
uniquement ça que je vous demande. Il me semble que ce n'est pas une
terre en bois debout. C'est ça, la collaboration. Je vous ai
assuré tout à l'heure que, quand je donne ma parole, je la donne,
je ne reviens pas dessus. Je vous ai offert ma collaboration...
M. Pagé: Pour?
M. Baril: Je me fie à la vôtre.
Le Président (M. Richard): Je m'excuse...
M. Baril: Je vous dis que je ne boycotterai pas ce projet de loi
avant qu'il soit adopté au mois de juin. Ça ne nous donne rien.
On sait que c'est d'une importance capitale, ce projet de loi-là.
Ça fait 20 ans qu'il n'a pas été amendé. Je l'ai
dit.
M. Pagé: Parfait.
M. Baril: Bon. Voulez-vous que j'aille plus loin?
M. Pagé: Dites ça à votre leader, puis je
vais parier à votre leader ce soir ou demain matin.
M. Perron: Les deux leaders vont régler ça.
Le Président (M. Richard): On est chanceux. La Chambre
nous avait donné un mandat jusqu'à 18 heures. Il est 18 heures.
On vous remercie sincèrement. Normalement, on aurait dû faire
ça juste avant, de ma part, là.
M. Pagé: Messieurs, vous avez été
témoins d'un genre de débat de procédure sur les
problèmes auxquels nous sommes confrontés. Merci beaucoup
d'être venus. On l'apprécie.
Le Président (M. Richard): Merci. Avant d'ajourner, je
vous rappelle les engagements financiers le 10 avril, de 9 heures à 13
heures.
M. Pagé: Mardi.
Le Président (M. Richard): Mardi matin, effectivement.
J'ajourne donc sine die les travaux, puisque la commission a accompli son
mandat. Merci, mesdames, messieurs et, merci aux membres de la commission.
(Fin de la séance à 18 h 1)